(Dix heures six minutes)
Le
Président (M. Simard) :
Bien, chers collègues, à
l'ordre, s'il vous plaît! Je constate
que nous avons quorum. Je vous souhaite un bon matin et un bon début de
semaine. Heureux de vous retrouver.
Donc, nous
sommes réunis afin de poursuivre les auditions publiques sur le projet de loi n° 66, Loi
concernant l'accélération de certains projets d'infrastructure.
Mme la secrétaire, bonjour. Dites-moi, y a-t-il
des remplacements ce matin?
La Secrétaire : Alors, M. Asselin
(Vanier-Les Rivières) est remplacé par M. Lamothe (Ungava); M. Chassin
(Saint-Jérôme) est remplacé par M. Girard (Lac-Saint-Jean); Mme Melançon (Verdun)
est remplacée par M. Arcand (Mont-Royal—Outremont); et M. Ouellet
(René-Lévesque) est remplacé par M. Gaudreault (Jonquière).
Le Président (M. Simard) : Alors,
bienvenue à ces nouveaux collègues. Y a-t-il également des votes par
procuration que vous voulez nous signifier?
La Secrétaire : Oui. Alors, M.
le député... M. Thouin (Rousseau), pardon, dispose d'un droit de vote par
procuration au nom de M. Reid (Beauharnois) et M. Barrette (La
Pinière) dispose d'un droit de vote par procuration pour M. Fortin
(Pontiac).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Simard) : Très bien, merci. Alors, nous débutons nos
travaux par l'audition de la Corporation des entrepreneurs généraux du
Québec. Alors, Mme Robitaille et M. Côté, soyez les bienvenus parmi
nous. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire
votre présentation, mais auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter,
s'il vous plaît?
Corporation des entrepreneurs généraux du Québec
(Visioconférence)
Mme Robitaille (Mélissa) : Bonjour.
Mélissa Robitaille. Je suis présidente du conseil d'administration de la Corporation
des entrepreneurs généraux. Je suis aussi coprésidente et directrice générale
de l'entreprise Syscomax.
M. Côté (Eric) : Éric Côté. Je suis président-directeur
général de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec.
Le Président (M. Simard) : Alors,
nous vous écoutons.
Mme
Robitaille (Mélissa) : Donc, merci beaucoup, M. le Président. La
Corporation des entrepreneurs généraux a été fondée en 1996. Elle
représente maintenant plus de 85 % des entrepreneurs généraux du Québec.
C'est le seul organisme voué exclusivement à la promotion des intérêts
collectifs et des droits des entrepreneurs généraux oeuvrant principalement
dans le secteur ICI, institutionnel, commercial et industriel.
À la fois lieu de rencontre et d'échange pour
les entrepreneurs, la CEGQ se distingue par sa vision patronale éclairée, son
approche proactive, de même que par son discours entièrement ciblé sur les
problématiques affectant directement les intérêts... de ses membres. La mission
de la CEGQ consiste également à promouvoir activement le rôle déterminant que
joue l'entrepreneur général dans l'industrie de la construction. La CEGQ est
très près de ses membres. Elle a fait plus une vingtaine de rencontres consultatives
auprès de ces derniers au cours des six derniers mois. Ces rencontres ont
largement contribué à l'élaboration des présentes recommandations. Au total,
plus de 500 entrepreneurs généraux y ont participé.
Je laisse maintenant le soin à M. Côté de
poursuivre la présentation.
• (10 h 10) •
M. Côté (Eric) : Merci, Mme
Robitaille. M. le Président, le 10 avril dernier, la CEGQ était invitée, à
l'instar de d'autres acteurs de l'industrie de la construction, à participer au
comité interministériel pour la relance afin de partager ses observations
concernant la relance de l'économie du Québec. Nous avions alors identifié des
pistes de solution qui sont à mettre en place et qui se retrouvent dans notre
mémoire en détail.
Plusieurs de nos
propositions ont trouvé leur place dans les décrets ministériels, dans les communiqués,
les annonces gouvernementales et, enfin, très heureusement, dans le projet de
loi n° 66. La CEGQ salue les efforts du gouvernement visant à relancer l'économie du
Québec et les moyens utilisés pour y arriver. Et la corporation
accueille, donc, favorablement le projet de loi n° 66.
Toutefois, cette
reprise a apporté son lot d'incertitudes sur lesquelles le gouvernement, nous
considérons, doit s'attarder. La CEGQ souhaite aussi faire part de ses
observations à l'égard de certains éléments contenus dans le projet de loi
n° 66 qui touchent spécifiquement les entrepreneurs généraux, qui sont les
soumissionnaires en matière de contrats publics.
Le CEGQ estime que le
projet de loi n° 66 est une opportunité pour le gouvernement de terminer
la mise en application de certaines recommandations de la commission
Charbonneau, notamment la recommandation n° 15, portant sur les délais de
paiement. La CEGQ, peut-être que vous ne le saviez pas, a eu le privilège
d'accompagner les entrepreneurs généraux qui
participaient au projet pilote par l'entremise d'un comité de suivi qui s'est
réuni mensuellement depuis maintenant
22 mois. C'est plus de 15 entreprises du secteur, dans le secteur du
bâtiment, qui ont fait un rapport mensuellement de l'évolution des
projets soumis à l'arrêté ministériel.
Les commentaires
reçus des entrepreneurs aux parties... au projet pilote sont très positifs. Le
calendrier de paiement est bien respecté et fort apprécié. Au cours de la
dernière semaine, la CEGQ a même effectué un sondage à la toute dernière minute
pour vérifier cela, et la majorité d'entre eux se sont dit satisfaits du
calendrier de paiement. De plus, toujours
selon ce sondage, l'ensemble des entrepreneurs souhaite ardemment une loi
contre les retards de paiement qui serait applicable, inévitablement, à
l'ensemble des contrats publics.
Nous nous permettons
de mentionner que la CEGQ a effectué un autre sondage durant la pandémie, au
mois de mai, en pleine pandémie, donc, et, à
ce moment-là, sur l'ensemble de tous nos membres, 54 % des entrepreneurs
nous ont indiqué qu'ils avaient subi des
retards de paiement à cause de la pandémie. Toutefois, fait à noter, les
entrepreneurs qui participaient au projet pilote, eux, n'ont subi aucun retard
de paiement durant cette période. C'est donc dire que le projet pilote
fonctionne même en situation de pandémie.
La CEGQ appuie donc
sans réserve les recommandations qu'elle a contribuées directement à la
Coalition contre les retards de paiement, dont nous sommes un des membres
fondateurs.
Par ailleurs,
considérant, dans le cadre du projet de loi n° 66, que le gouvernement
octroie des pouvoirs de surveillance à
l'Autorité des marchés publics en matière de contrats publics, la CEGQ
souhaiterait que le gouvernement surveille
ces sous-contrats dans leur ensemble et, par la même occasion, termine la mise en oeuvre de la recommandation n° 1.2 de la commission Charbonneau, portant sur l'encadrement du Bureau des
soumissions déposées du Québec par l'Autorité des marchés publics.
À cet
égard, de cette recommandation, la commission Charbonneau a indiqué à la
page 98 de son rapport : «De même, en ce qui a trait aux
entrepreneurs spécialisés, la commission estime que l'AMP devrait pouvoir
imposer des règles de fonctionnement au [...] (BSDQ) et assurer une vigie
continue des échanges entre les diverses parties prenantes.» Je continue de
citer le rapport : «Un certain nombre de phénomènes de collusion ont été
effectivement constatés dans ces domaines et, sans affirmer qu'ils sont plus
importants qu'ailleurs, il importe pour la commission qu'ils puissent être
repérés et combattus.» Fin de la citation.
Ces phénomènes de
collusion sont malheureusement toujours présents en 2020, tel qu'en témoigne
une décision de la Cour d'appel, rendue le 17 mars dernier, Maçonnerie
Rocherfort c. Pomerleau, une décision qui a été rendue, donc, en mars dernier,
qui évoque une situation très claire. Je vous invite à prendre connaissance du
jugement. Le lien est dans notre mémoire.
À
l'automne 2016, et dans un contexte... Pour expliquer un peu la situation,
à l'automne 2016, le gouvernement a déposé le projet de loi
n° 108, créant l'Autorité des marchés publics. Toutefois, le parti... sur
le BSDQ avait été écarté à ce moment-là. Le gouvernement avait plutôt choisi de
confier à un comité de suivi, composé de quatre ministères, le Conseil du trésor, le ministère du Travail, le ministère
des Affaires municipales et la Société québécoise des infrastructures, de lui faire des recommandations
quant à l'encadrement du Bureau des soumissions déposées du Québec.
Quatre ans plus tard,
malheureusement, le fruit du travail de ce comité, qui s'est réuni à plus de 16
occasions, n'a toujours pas été rendu public, malgré le fait que la
problématique soulevée par la commission Charbonneau demeure en 2020. Le
rapport, dont le ministère des Affaires municipales nous a quand même remis
copie, et que vous allez... que nous avons joint à notre mémoire, que vous
puissiez en prendre connaissance, indique qu'il faut exercer un encadrement au
Bureau des soumissions déposées et qu'il faut... Je vous laisse prendre
connaissance des nombreuses... des neuf recommandations qui sont faites à cet
effet-là.
Le rapport
recommande, notamment, que les activités et la gouvernance du BSDQ doivent
faire l'objet d'une amélioration, de manière à rapprocher le système du BSDQ
des principes et des cadres normatifs des contrats publics, pour le rendre plus
équitable à l'égard de toutes les parties impliquées. Bientôt cinq ans se sont
écoulés depuis le rapport de la commission Charbonneau sans que rien n'ait eu...
de développement dans ce dossier.
Nous croyons qu'il
est indispensable d'abolir la collusion au sein de notre industrie. Et nous
avons pris la liberté de joindre le rapport. Vous pourrez en prendre
connaissance. Il y a donc une volonté, de la part du gouvernement, de légiférer
en matière de sous-contrats publics. La CEGQ souhaite que le gouvernement
saisisse l'opportunité et complète la mise en oeuvre de cette recommandation de
la commission Charbonneau en soumettant l'entièreté de l'encadrement du BSDQ à
l'AMP.
Dans une autre
perspective, plus globale, nous souhaitons que le gouvernement... Nous aurions
apprécié que le gouvernement ait une réflexion un peu plus large sur la Loi sur
les contrats des organismes publics, qui a bientôt son 12e anniversaire.
Une réflexion devrait avoir lieu sur la LCOP et ses règlements, qui ont pris,
malgré tout, beaucoup d'âge, si on peut dire ainsi. La CEGQ tient à manifester
son intérêt dans cette question.
Nous avons d'ailleurs soumis plusieurs cas à l'Autorité
des marchés publics à cet effet, des situations où, notamment, l'annexe VI du règlement, tous les changements qui
étaient apportés aux contrats... ont apporté des situations où les donneurs d'ouvrage faisaient une interprétation abusive
du règlement en défaveur des entrepreneurs, et cette situation a été clairement déposée il y a maintenant 18 mois à l'Autorité des marchés publics. Depuis, rien n'a été fait.
Nous avons
une préoccupation aussi au niveau du développement régional. La CEGQ est
favorable, évidemment, à l'accélération des investissements. Toutefois,
nous avons une certaine préoccupation quant au regroupement de plusieurs
projets. Nous avons l'impression que ce regroupement va défavoriser des
entreprises de taille moyenne qui pourraient, normalement, réaliser ces projets
s'ils n'étaient pas regroupés, et cela entre en contradiction avec la politique
de Passeport Entreprises, qui a été déposée dans le passé. Et nous souhaitons,
donc, de s'assurer que, si on fait la relance économique avec ces projets-là...
qu'elle puisse contribuer à la plus grande majorité d'entrepreneurs, pas
seulement un petit nombre.
En conclusion, la CEGQ souhaite que ses
propositions trouvent, donc, place dans le projet de loi n° 66. Et nous
espérons aussi que nous allons profiter de cette occasion pour enfin appliquer
deux dernières recommandations de la commission Charbonneau qui n'ont toujours
pas trouvé leur place au sein de la législation québécoise. Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous, M. Côté. Nous débutons par une intervention de la présidente du
Conseil du trésor. Madame, vous disposez de 16 minutes.
Mme LeBel : Merci, M. le Président.
Merci, M. Côté, pour cette présentation. C'est fort apprécié.
Il y a beaucoup de vos recommandations, je dois
dire, d'entrée de jeu, qui sont en dehors de la portée du projet de loi
n° 66, mais qui sont extrêmement intéressantes et pertinentes pour une
réflexion beaucoup plus globale, là, donc, dont celle sur la révision de la loi
sur les contrats publics, qui est... cette réflexion-là qui est en cours, je
vous le dis, et qui est très importante pour moi, là, vous vous en douterez.
Il y a... Donc, il y a... J'aurais peut-être
quelques petites questions par rapport à la question du BSDQ. Après ça, on
pourrait peut-être aborder le projet pilote sur les retards de paiement, qui
sont peut-être plus au coeur de ce qu'on
propose dans le projet de loi
n° 66, compte tenu qu'il y a une
mesure pour appliquer, là... Et je mettrais peut-être quelques faits en
place pour bien cadrer notre discussion si vous le permettez.
Au niveau du BSDQ, bon, naturellement, le Bureau
des soumissions déposées du Québec est sous la responsabilité du MAMH. Vous
l'avez souligné. Vous avez joint le rapport. Est-ce que... J'ai cherché
rapidement puis peut-être qu'il m'a échappé. Ce rapport-là a été mis en... a
été commandé par le gouvernement précédent lors de la mise en place de l'AMP.
Juste me redonner un petit peu l'historique de ce rapport-là, de ce comité-là.
M. Côté (Eric) : Oui, lors de l'étude
détaillée du projet de loi n° 108, le gouvernement,
en 2016, avait annoncé le projet de loi et il avait évité le... enlevé le BSDQ
dans le projet de loi n° 108. Et on avait déféré à un
comité, justement, qui était composé... donc, en 2016. Ce rapport-là, selon nos
estimations, aurait été déposé et remis au gouvernement à l'automne 2017,
et aurait été remis, donc, à ce moment-là, à la ministre responsable de la Régie
du bâtiment.
Et malheureusement on nous a confirmé que ce
rapport-là avait été déposé, mais ce n'est qu'au mois de janvier... au mois de
décembre dernier, donc, avec le nouveau gouvernement, qu'on a eu copie du
rapport, mais qu'on nous a promis... de sa mise en application.
Malheureusement, depuis ce temps-là, rien ne semble avoir été fait de ce côté-là. On nous a promis une place au
comité de suivi. Malheureusement, nous attendons toujours la convocation
de ce comité permanent. Donc, on voit... d'une bonne chose que le gouvernement
s'intéresse aux sous-contrats parce que c'est exactement là où le bât blesse, à
notre avis.
Mme
LeBel : Oui, effectivement, vous l'avez mentionné. Ça faisait
également l'objet d'une recommandation, là. Donc, ce que je comprends
bien, c'est que vous avez eu... Selon vos informations, ce rapport-là se
serait... aurait été, bon, déposé ou terminé en 2017. Vous en avez eu copie en
décembre 2019, si je comprends bien, et, depuis ce temps-là, est-ce que vous
savez si le comité s'est réuni? Écoutez, je m'excuse, ce n'est pas dans mes
responsabilités immédiates. Donc, je ne suis pas informée, mais vous ne savez
pas si le comité s'est réuni. Il y a eu la pandémie, depuis, là, mais...
• (10 h 20) •
M. Côté
(Eric) : Oui, bien, le comité devait débuter ses travaux en février,
et il devait y avoir des représentants du
Conseil du trésor, des Affaires municipales, de la Société québécoise des
infrastructures et du Travail. Malheureusement, ce comité-là, peut-être
à cause de la pandémie, n'a pas été convoqué. Mais on fait des demandes aux
Affaires municipales, à savoir qu'est-ce qui
arrive de ce côté-là, et on semble comprendre que les parties ne sont pas
intéressées à débuter les travaux. Ça fait
quand même bientôt un an qu'on attend que ça débute, ces travaux-là, pour qu'on
puisse voir à la chose. Le rapport
explique quand même que les entrepreneurs généraux ne sont pas bien représentés
dans les instances actuelles du BSDQ. Donc, nous, on souhaite ardemment
d'être mieux représentés et de pouvoir, à la CEGQ, participer à ces travaux-là
de cet organisme, qui est privé, mais qui a un impact important sur les
contrats publics.
Mme LeBel : Bien, merci. Je vais
faire, de mon côté, les vérifications, vu que le Trésor devrait être impliqué
dans cette démarche-là, donc, et faire le suivi approprié. Puis je vais prendre
connaissance du rapport. Je ne vous cacherai pas que je ne l'avais pas lu, là.
Donc, je vais prendre la portion du rapport par rapport au BSDQ. Donc, je vais
en prendre connaissance. Et c'est fort intéressant, vos commentaires.
Je vais peut-être
aller, peut-être, plus précisément, maintenant, sur le projet pilote, entre
autres, sur les retards de paiement, parce qu'on a effectivement, dans le cadre
du projet de loi n° 66, élargi le projet pilote,
je vais tout de suite vous rassurer. Un groupe précédent
nous a fait le même commentaire. Ce n'est pas l'intention... Je ne vois pas, dans
la rédaction de l'article 66... c'est un peu mêlant, là,
l'article 66 du projet de loi n° 66, mais le fait qu'on prolonge le
projet pilote, ce n'est pas l'objectif. Le projet pilote, c'est
52 projets, je pense, à l'origine? Je m'excuse, 52 projets à l'origine.
Ces 52 projets là se poursuivent selon le projet pilote de trois ans, qui
doit se terminer l'année prochaine, l'été prochain. Et, suite aux résultats et
conclusions de ce projet pilote là, les démarches pour la mise en oeuvre de
façon permanente, si on veut, de ces processus-là, je pense, c'est un
calendrier de paiement et un système de règlement des différends...
M. Côté
(Eric) : Exactement.
Mme LeBel :
...c'est ça, sera enclenché. Ce que fait le projet de loi, par contre, c'est
qu'il vient étendre la portée du projet pilote pour quelques projets de la
liste des 181, et c'est ces projets-là qui ont le droit... qui peuvent
l'utiliser pendant cinq ans, là. Donc, c'est simplement pour remettre... un peu
recadrer. Je comprends... et je comprenais la réaction de votre collègue
précédent qui a témoigné, disant qu'on avait l'air d'étendre, par la bande, un
projet pilote qui devait se terminer, mais ce n'est pas le cas, je vous
rassure, et on va s'assurer que, dans la rédaction de l'article... Je pense
qu'il est correct comme il est, là, mais on va quand même refaire un tour de
piste pour s'assurer que la rédaction de l'article tel que proposé ne pose pas
cette ambiguïté-là et ne vient pas affecter le projet pilote d'origine. Donc,
je voulais simplement recadrer.
Ceci étant dit, vous
faites partie de la coalition sur les retards de paiement. Vous nous l'avez
dit. D'ailleurs, c'est la coalition qui nous avait mentionné ce fait-là, pour
le cinq ans. Donc, est-ce que vous avez participé un peu... Sans participer à
l'élaboration, mais est-ce que vous avez participé à la consultation qui a mené
à la mise en place du projet pilote en 2018?
M. Côté
(Eric) : On a participé, la CEGQ, à la rédaction de l'arrêté ministériel
avec le ministre d'alors. On a rédigé ça. On
était dans... On l'avait même, nous-mêmes, recommandé
dans notre mémoire à la commission Charbonneau.
Et, la Corporation
des entrepreneurs généraux, on est aussi impliqué au niveau canadien, avec l'ensemble
des provinces, avec l'Alliance des entrepreneurs généraux du Canada. On fait
une vigie de toutes les législations sur les retards de paiement qui ont lieu à
travers le Canada. Donc, on a participé au comité du gouvernement du Canada qui
est en train d'adopter sa propre loi.
Donc, on y voit clairement
un avantage de faire cette chose-là. Notre préoccupation, c'est qu'alors que
l'Alberta a déposé une loi la semaine passée et que la Colombie-Britannique
vient d'annoncer qu'elle allait le faire... On s'inquiète que le gouvernement
du Québec soit dans la tête... pas dans la tête du peloton, mais plutôt dans la
queue du peloton par rapport à ça, et ça nous préoccupe, parce que, les gens
qui ont fait les projets pilotes, on leur a parlé à tous les mois.
Contrairement à d'autres organismes, là, nous, on a mis en place quelque chose
pour leur parler, pour vérifier avec eux la situation, et tous les gens ont
apprécié.
Donc, à notre avis,
il y a moins de conflits. La relation avec le donneur d'ouvrage est simplifiée.
Les relations avec les sous-traitants sont plus claires. Donc, il y a une
meilleure collaboration sur les chantiers. À notre avis, c'est quelque chose
qui serait souhaitable, l'ensemble de ça. Et les donneurs d'ouvrage à qui on a
parlé, qui n'ont pas de projet pilote, notamment des commissions scolaires,
pour ne pas les nommer, nous ont dit : Je pense que nous, on aimerait ça
aussi pouvoir avoir des projets pilotes.
Donc, on a incité ces
gens-là à consulter le Conseil du trésor pour ajouter des projets pilotes, parce
que ça demande très peu d'efforts, pour le Conseil du trésor, à cet effet-là,
de surveiller ça, et l'organisme qui... les intervernants
décideurs, lui aussi, je pense qu'il y a quand même des bonnes retombées, là.
Il y aurait une préoccupation, à savoir si les intervenants décideurs
étaient sollicités ou pas. Quand on regarde l'Ontario, c'est 27 interventions
qui ont été enclenchées, trois qui ont été conclues. Au Québec, on parle de
cinq ou six, mais cinq ou six pour 52 projets. Donc, ce mécanisme-là a été
utilisé au Québec en prorata par rapport à l'Ontario, où c'est des dizaines de
milliers de projets qui ont été assujettis.
Mme LeBel :
Vous parlez du mécanisme de règlement des différends?
M. Côté
(Eric) : Oui, exactement.
Mme LeBel :
Et, selon vos informations, c'est concluant comme processus? Est-ce que c'est à
la satisfaction de vos membres? Parce que ça peut être à la satisfaction de
l'autre partie, là, mais il faut que les deux soient... adhèrent au processus,
là.
M. Côté
(Eric) : Bien, les recours juridiques des entreprises et du donneur
d'ouvrage ne seront pas perdus avec cet élément-là. Donc, les gens peuvent
toujours poursuivre, s'ils veulent, par la suite ou utiliser leurs recours
juridiques, mais la plupart des gens ont été satisfaits. Puis ça a permis de ne
pas retarder l'exécution du projet puis d'avoir une décision rapide.
Donc, l'exemple en
Angleterre nous dit que les décisions qui ont été renversées dans les tribunaux
pour les questions de paiement rapide... C'est moins de 2 % des requêtes
qui ont été... qui ont renversé la décision de l'intervenant décideur. À notre
avis, c'est une nouvelle manière de travailler, de collaborer qui serait
envisageable. Ça existe depuis 20 ans en Angleterre. Pourquoi on s'en priverait
de notre côté, ici, là? Ça a même responsabilisé les professionnels dans le
processus, à notre avis.
Donc,
c'est souhaitable que ce soit en place pas juste pour les 181. Puis,
malheureusement, sur les 181, il y en a peu qui semblent être de moins
de 20 millions. Je pense qu'il faut le souhaiter pour l'ensemble des
projets. Puis le reste du Canada va le faire. Donc, c'est souhaitable qu'on le
fasse.
Mme LeBel : Bien, naturellement, je
pense que... Bien, vous avez, donc, procédé à l'élaboration du projet pilote, à
la rédaction de l'arrêté qui a été le point de départ. Donc, je pense que vous
êtes au fait qu'à la conclusion de ce projet pilote là, s'il est concluant,
naturellement, et ça semble l'être selon les conversations que j'ai, là, dans
le cadre de ce projet de loi ci, l'objectif est de l'élargir à très grande
portée, naturellement, ce projet pilote là, et d'en faire une mesure beaucoup
plus, je dirais, régulière, plutôt que d'un projet pilote.
Est-ce que vous avez... Est-ce qu'il y avait...
Est-ce qu'il y a... Est-ce qu'il est prévu... Pardon, à la fin de ce projet-là,
qui se termine, d'ailleurs, d'ici un an, c'est quand même très tôt, là, dans le
cas... et il y a deux années de faites, est-ce qu'il est prévu que vous donniez
le point de vue de vos membres sur les conclusions? Parce qu'il faut documenter
le projet pilote pour faire, par la suite, un projet de loi qui sera mieux
senti. Donc, est-ce qu'il est prévu que vous donniez vos impressions? Je
comprends que vous allez le faire de toute façon, mais est-ce que c'est prévu
dans la mécanique?
M. Côté (Eric) : C'est prévu dans la
mécanique. Et d'ailleurs, bien, dans l'arrêté ministériel, il y a un sondage
qui doit être rempli par les participants à la fin du projet. Et, en vérifiant,
en ce moment, dans le secteur du bâtiment, il n'y a aucun projet qui est
terminé. Donc, si les sondages ne sont pas rentrés, c'est tout simplement parce
que l'exécution des travaux n'est pas terminée. Mais nous, on a pris sur nous
de consulter les gens tout de suite pour leur demander, et il y a quand même
des éléments techniques qui peuvent être corrigés dans l'arrêté ministériel.
Donc, ce n'est pas parfait. Je ne peux pas vous
dire : On l'a écrit puis on est très fiers. Il y a des choses qui ne
fonctionnent pas, qu'il faut arranger, qu'il faut s'enligner... Il y a des
exemples en Ontario qu'on aurait dû prendre, peut-être qu'on aurait pu
intégrer. Mais, à notre avis, le projet est dans... a atteint une maturité qui
pourrait être réalisée... à l'étendre dès maintenant. D'ailleurs, je pense que,
même, vous avez le pouvoir ministériel d'ajouter... sur les 52 projets
d'en ajouter d'autres. Moi, je pense que ça serait souhaitable qu'on puisse
permettre à d'autres projets de se réaliser avec cette formule-là.
Mme LeBel : Est-ce que vous avez...
Je pense que c'est souhaitable aussi d'avoir toutes les informations. Vous
l'avez dit, un arrêté ministériel, c'est comme un projet de loi, c'est
perfectible. L'idée du projet pilote, c'est exactement de tester le... de faire
un «road test»... quelqu'un m'en a parlé à un moment donné, faire un «road
test» sur ces mesures-là puis voir quelles... qu'elles sont... elles sont
perfectibles. C'est sûr, dans l'application, là, souvent, c'est le cas. Est-ce
que vous avez à peu près... Je ne demande pas nécessairement des chiffres
précis, mais un ordre de grandeur sur... par rapport aux 52 projets,
naturellement, ou d'autres projets similaires qui sont à l'extérieur du projet
pilote. Combien de temps ça prend dans le projet pilote versus combien de temps
ça prend à l'extérieur du projet pilote? Je pense à la commission Charbonneau.
On parlait de retards de quatre à six mois, si je ne me trompe pas... et les
rapports, à ce moment-là. Qu'est-ce que ça donne dans le cadre du projet
pilote, selon vos informations?
M. Côté (Eric) : En termes
d'exécution du projet, vous dites?
Mme LeBel : Oui, bien, en termes de
paiement.
M. Côté (Eric) : Oui, bien, écoutez,
nous, tout le monde nous a dit qu'ils ont été payés dans les délais depuis
22 mois. Donc, c'est une chose qui n'existe pas. Il y a des gens qui,
notamment, travaillent avec la Société québécoise des infrastructures, qui ont
des projets, des projets qui sont, d'ailleurs, au coût de 20 millions, et
ces projets-là se font et sont executés selon des délais. Donc, il n'y a pas de
retard. Outre les éléments techniques auxquels un chantier de construction doit
faire face, il n'y a pas de retards qui sont observés, et tout le monde est
payé en 30 jours, les sous-traitants aussi et les sous-sous-traitants
aussi.
Mme LeBel : O.K. Peut-être,
rapidement, en terminant, j'aimerais que vous me parliez un peu de l'avantage que le gouvernement devance les investissements
dans le milieu de la construction, surtout dans le milieu
institutionnel, commercial et résidentiel... pas résidentiel, mais industriel.
Est-ce que vous voyez présentement un désengagement des fonds privés? C'est ce
qui a été noté par quelques-uns, là, qu'au niveau... que c'est peut-être une
bonne chose que le gouvernement devance...
pour la relance économique, devance des investissements en matière
d'infrastructure.
• (10 h 30) •
M. Côté (Eric) : Je laisserais la
parole à Mme Robitaille, qui évolue dans le secteur privé essentiellement,
qui pourrait vous expliquer la nature du marché dans le secteur privé, si ça se
passe bien ou pas, si elle observe des... Alors, je laisserais la parole à
Mélissa de ce côté-là.
Mme Robitaille (Mélissa) : Merci,
Eric. Donc, oui, c'est souhaitable que le gouvernement accélère ce type de projet. De mon côté, je parle entièrement pour
moi, la pandémie a mis sur la glace cinq projets, dont... plus trois
projets qui ont été reportés dans une date non définie considérant le climat
économique actuel, des projets qui, initialement,
devaient être revus pour 2021, qui seront probablement reportés en... de
comment va évoluer la situation actuelle. Donc, c'est souhaitable que le
gouvernement mette de l'avant des projets.
Mme LeBel :
Bien, merci beaucoup. Merci pour votre présentation. C'est tout pour moi, M. le
Président.
Le Président (M. Simard) : Merci,
Mme la ministre. M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Merci, M. le
Président. Madame, monsieur, merci d'être ici aujourd'hui avec nous pour nous
faire part de vos observations que je considère, évidemment, très pertinentes.
Écoutez,
d'entrée de jeu, je vais vous poser une question de curiosité qui n'est pas en
lien avec le projet de loi n° 66, mais qui est en lien avec l'actualité.
Qui a la meilleure lecture de la situation en termes de pénurie de main-d'oeuvre,
la CCQ ou les entrepreneurs? Si vous avez suivi les travaux, vous avez entendu,
la semaine dernière, des gens nous dire qu'il n'y avait pas de pénurie, puis on
a vu, dans les médias, que, selon la CCQ, il y a une pénurie de travailleurs.
Alors, quelle est votre lecture aujourd'hui, vous, entrepreneurs dans deux
différents secteurs, comme vous l'avez dit?
M. Côté (Eric) : Écoutez, je pense
que la question à savoir s'il y a une pénurie ou pas, la question n'est pas là, c'est... Il y a des manques à certains
moments. Il y a des manques ponctuels. Il y a des manques à long terme. Il y
a des manques à court terme. Il y a... Le système des relations de travail, il
est bâti d'une certaine manière que des travailleurs ne peuvent pas se déplacer
d'une région à l'autre. Il y a différentes contraintes, et ça, ça fait l'objet
de nombreuses discussions depuis de nombreuses années.
Et d'ailleurs nous avons été consultés par la
Commission de la construction du Québec à cet égard-là. Il y a des moyens de
faciliter la mobilité des personnes pour qu'on puisse ne pas vivre de situation
de pénurie. Je voudrais juste vous dire une chose. Les bassins de main-d'oeuvre
qui sont en cours en ce moment sont ouverts. Ça veut dire que, dans certaines
régions, on manque de travailleurs. Ça, c'est incontestable. S'il n'y a plus
personne de disponible pour faire les ouvrages, il y a, donc, à notre avis, une
pénurie.
Donc, il y a l'opinion des syndicats. Il y a
l'opinion des entrepreneurs. Il y a l'opinion de la CCQ. Mais je peux vous dire
que, du côté des entrepreneurs, il y a des situations où on manque de
travailleurs, où on manque de certaines spécialités. Et c'est variable selon
les projets, selon les régions, mais on sent qu'il y a une pression plus forte,
en effet.
M.
Barrette : Donc, est-ce que je suis correct, là, si j'interprète votre
réponse en disant ceci. Quand j'additionne tous les bassins, là, et
qu'on tire une ligne, là, le résultat, c'est qu'il y a une pénurie, peut-être
pas... peu importe la hauteur, là, mais vous êtes au moins un peu en pénurie de
travailleurs au Québec en moyenne.
M. Côté (Eric) : Bien, ce n'est
pas un peu ou pas de pénurie, c'est que, oui, il y a une pénurie, à notre avis.
M. Barrette : Bon, parfait, ça
me va très bien comme réponse. Bon, je postule que vous avez suivi les travaux.
Alors, vous avez constaté que je prenais votre position sur la question de l'élargissement
du projet pilote aux contrats de plus de 20 millions de dollars. Vous avez
dit, il y a quelques minutes, et ça, je l'ai vraiment retenu, que, pour vous,
il y a très peu de projets dans les 181 qui sont en bas de 20 millions.
J'ai bien compris ça?
M. Côté (Eric) : Bien, c'est
notre interprétation basée sur les rapports qui sont produits par la société
québécoise d'infrastructures. On n'a pas ces données-là. On s'attendrait à ce
que la commission, peut-être, fournisse l'information. Mais je peux vous dire
en ce moment que, dans les projets pilotes, sur les 52, il y en a quand même
plusieurs qui sont, eux, de plus de 20 millions. Donc, il est possible de
faire un projet pilote contre les retards de paiement avec un projet
d'au-dessus de 20 millions. Donc, c'est possible. On en a la preuve
vivante. Il y en a trois en ce moment qui s'exécutent dans le secteur du
bâtiment.
M. Barrette : Oui, mais ma
question, ce n'est pas le projet pilote comme tel. Ma question, c'est votre
lecture de la liste. C'est que la majorité de ces projets-là sont au-dessus de
20 millions — en
tout cas, moi, ma lecture, c'est celle-là — et que vous souhaiteriez que
le projet pilote soit étendu à plus de 20 millions. Puis vous n'y voyez pas
de problèmes, vous, administratif,
conceptuel ou autre, à faire ce pas-là. Est-ce que ma lecture est correcte de
votre position?
M. Côté (Eric) : Je vous dirais
qu'il y a certains modes de réalisation qui sont plus difficiles à concilier
avec le mode de retard... contre... les modalités contre les retards de
paiement, et on souhaiterait qu'il y en ait plus, en effet, et qu'on puisse
l'étendre au plus de projets possibles.
M. Barrette : Quel mode de
réalisation est moins apte à bénéficier du projet pilote?
M. Côté (Eric) : Bien, quand on
est en conception, construction, il y a des ententes qui sont faites, et ils
peuvent avoir des modalités qui sont faites. Mais, dans ce cas-ci, quand
l'architecte et l'entrepreneur travaillent ensemble dans un consortium, qu'ils
vont livrer un projet, et les sous-traitants sont engagés par la suite, les
modalités contractuelles font qu'elles appartiennent à l'entrepreneur, pas au
donneur d'ouvrage. Donc, il est possible, à ce moment-là, qu'il y ait des
difficultés qui soient faites, mais je pense que tout est fait en son possible
pour que les paiements se fassent le plus rapidement possible. C'est beaucoup
plus... La question des délais de paiement, on l'observe beaucoup plus de la
part du donneur d'ouvrage qui retient des paiements avec ses professionnels que
dans les modes en conception, construction, de toute façon.
M. Barrette :
O.K., parfait. De toute façon, les projets qui sont là, c'est des projets qui
sont assez circonscrits en termes de précision des devis et ainsi de suite, là.
On n'est pas dans un projet : Voici le concept et puis faites-nous ça». Là, c'est plus : Voici ce que ça va avoir de
l'air, puis vous le livrez, c'est plus comme... pour ces projets-là, là,
j'entends, là. O.K., ça va.
Là, dans
votre... Vous en avez parlé vous-même et, dans votre mémoire, vous allez dans
le sens de ce que l'on a dit, nous, en tout cas, pour notre formation
politique, à plusieurs reprises, pour ce qui est des pouvoirs de l'AMP et ainsi
de suite, aussi, comme je viens de le dire, pour les contrats. Là, vous avez
parlé assez clairement de problèmes de
collusion persistants. Vous avez entendu l'association des camionneurs qui dit
que c'est monnaie courante. Votre lecture, c'est quoi? En fait, j'ai envie de vous demander, là : Nous
glissons sur la pente glissante ou les choses sont sous contrôle?
M. Côté (Eric) : Bien, écoutez,
avant de conclure qu'il n'y a plus de collusion dans notre industrie... Je
m'attendrais à ce qu'on applique l'ensemble des recommandations de la commission
Charbonneau avant de tracer un constat, de décider... Dans le cas du Bureau des
soumissions déposées, c'est clairement indiqué. Il y a un jugement qui date de
2020. Je pense qu'il y a des choses qui font... Il y a des éléments qui sont
mis en place, qui augmentent les risques. Je pense que le comité de suivi de la
commission permanente... Le comité de suivi de la commission Charbonneau l'a
expliqué. Il y a des éléments qui sont à risque. Est-ce que veut dire que c'est
constamment un risque qui s'avère? Pas nécessairement, mais on est à risque. Et
il faut éliminer ces risques-là, à notre avis, pour faciliter l'exécution dans
les travaux dans les chantiers de construction.
Donc, il faut limiter les risques, les mitiger.
Donc, il faut un encadrement de ce côté-là. Ça inclut le BSDQ. Ça inclut aussi
d'autres systèmes où on expose, dans le fond, des donneurs d'ouvrage qui sont
mal expérimentés à mal gérer des projets. Donc, à notre avis, il faut faire quelque
chose de ce côté-là pour limiter ces risques-là, et, bien, quand la collusion...
Écoutez, il n'y a personne qui nous appelle pour dire qu'ils font de la
collusion. C'est quelque chose qui s'avère comme ça. Donc, nous, on doit, dans le fond, comme association, s'assurer que la saine concurrence puisse
être possible et... qu'on souhaite, parce qu'on ne veut pas favoriser un membre
face à un autre. Donc, on souhaite la saine concurrence pour toute l'industrie
de la construction, évidemment.
Le Président (M. Simard) : Merci.
M. Barrette : En l'absence de la
ligne 1 800 collusion, je vais passer la parole.
Le Président (M. Simard) : M. le
député de Mont-Royal—Outremont.
M.
Arcand : Merci beaucoup. La question, c'est sur les donneurs d'ouvrage. Vous avez
parlé de pratiques abusives de la
part des donneurs d'ouvrage. Bon, le retard au niveau du paiement est certainement une pratique qu'ils peuvent faire. Est-ce qu'il y a autre chose
que vous considérez être des pratiques abusives de la part des donneurs
d'ouvrage?
M. Côté (Eric) : Le grand défi dans
l'industrie de la construction, c'est d'avoir des plans et devis complets, là.
Je pense que votre collègue l'a bien illustré, là, si les plans et devis sont
incomplets, on se retrouve dans des situations où les instructions à
l'entrepreneur... où la soumission n'est pas... ne peut pas préciser son prix à
faire les travaux. Donc, souvent, on découvre ces imprécisions-là en cours
d'exécution des projets, et ça occasionne ce qu'on appelle des changements dans
les projets.
Donc, ce que les gens ont condamné, comme les
fameux extras, là, qui sont, en fait, des besoins qui changent de la part du
donneur d'ouvrage ou des imprécisions dans les plans et devis, ces éléments-là
sont des éléments qui sont très difficiles à élaborer. Puis, quand on est en
exécution de chantier, cette pression-là est immense. Donc, l'entrepreneur,
lui, doit ne pas ralentir son chantier, répondre aux besoins de changement du
donneur d'ouvrage et doit, en plus, estimer le coût de ces projets-là et se
commettre légalement pour réaliser ça. C'est là que la négociation avec le
donneur d'ouvrage devient difficile.
Donc, l'entrepreneur n'a pas demandé les extras.
C'est le projet qui n'était pas clair. Et, dans ces cas-là, le donneur
d'ouvrage abuse de sa position pour décider ou déterminer le prix d'un
changement, alors que l'entrepreneur, lui, doit l'exécuter, et doit l'exécuter
avec ses sous-traitants aussi, qui, eux, ont estimé les prix. Donc, il y a une
espèce de joute, et c'est ces situations-là qu'on appelle... Tout ça touche à
l'annexe VI du règlement des travaux de construction de la loi des
contrats des organismes publics, et c'est là qu'il y a de l'abus et qu'il y a
des choses qui ne sont pas claires, malheureusement.
M.
Arcand : Et, pour
corriger ça, ça prendrait quoi à ce moment-là? Il faut que les devis soient
mieux faits? Il faut que...
M. Côté (Eric) : On devrait avoir,
donc, des plans et devis de meilleure qualité. On devrait aussi avoir des
modalités de paiement claires. Ça faciliterait beaucoup l'exécution des
projets, parce que, souvent, si quelque chose est mal conçu, bien, quand on
vient pour l'exécuter, c'est très difficile, et il y a des imprévus qu'on doit...
que peu de gens ont pu estimer, donc, et, quand la collaboration n'est plus là,
quand vient le temps des conflits... Alors, un entrepreneur va estimer qu'un
travail additionnel va coûter 50 000 $. Pour le donneur d'ouvrage,
qui a un budget à gérer, il est possible de mettre...
• (10 h 40) •
Le Président (M.
Simard) : En conclusion.
M. Côté (Eric) : Donc, il y a un
conflit entre ces éléments-là. Et on a rapporté ces cas-là, je pourrais vous
les déposer à la commission, à l'Autorité des marchés publics, trois cas, qui
ont été anonymisés, de situations abusives des donneurs...
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci, M. Côté. Sur ce, je cède la parole au député de Rosemont.
Vous disposez, cher collègue, de 2 min 40 s.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. M. Côté, Mme Robitaille, bonjour, bienvenue, merci d'être
là. On ne vous a pas beaucoup entendus ou, en fait, pas du tout, à moins que je
n'aie zappé... des mesures d'accélération, notamment, par les analyses environnementales.
Avez-vous une position là-dessus, parce que c'est quand même un gros morceau du
projet de loi qui est devant nous?
M. Côté (Eric) : Je pourrais... Je
pense qu'on a fait part, notamment, au comité sur l'allègement réglementaire,
qu'il devenait parfois difficile d'exécuter certains projets, notamment, parce
que la municipalité, le ministère de l'Environnement se lançaient la balle,
puis ça retardait les processus. On a plaidé, notamment, pour qu'il y ait une
linéarisation plus claire, plus simple des processus. À notre avis, la solution
de rechange que propose le projet de loi n° 66 est une solution
temporaire, mais il faut avoir un processus plus clair et plus simple, pas
nécessairement plus expéditif, mais simplement qui va permettre de ne pas se
perdre dans les dédales administratifs en ce moment, comme il peut arriver.
Donc, souvent, on a des projets qui nous ont été rapportés... que la ville
attend après le ministère de l'Environnement, l'Environnement attend après la
ville. À un moment donné, on ne sait plus qui dirige, où est rendu le projet.
Donc, je pense que c'est ce qu'on essaie d'éviter avec le projet de loi
n° 66. C'est pour ça qu'on est d'accord avec cette procédure-là.
M.
Marissal : D'accord. Le
problème, c'est l'analyse environnementale ou c'est le fait que deux ou trois
joueurs jouent au ping-pong et se renvoient la balle?
M. Côté (Eric) : Bien, je pense que
l'exemple sportif que vous utilisez est le bon. Je pense qu'à un moment donné
on ne sait plus dans quel côté la balle est, et, souvent, c'est ça qui va
occasionner des problématiques. Le projet de loi n° 66 tient la bride, si
on veut, par rapport à ça, mais ça ne règle pas le problème pour l'ensemble des
projets, là, par rapport à ça.
M. Marissal : Ma question était à
l'effet qu'un règlement peut exister. Il est tout simplement mal appliqué ou il peut y avoir toutes sortes de phénomènes,
là, de bureaucratie, mais le règlement comme tel... Vous, là, de votre
côté, et votre industrie, les analyses
environnementales sont nécessaires ou on pourrait, dans certains cas, passer
par-dessus?
Mme
Robitaille (Mélissa) : Bien,
si je peux me permettre, Eric, les analyses environnementales sont
nécessaires. Le processus est nécessaire. L'enjeu est au niveau du traitement
des dossiers puis dans la mécanique du traitement des dossiers.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Marissal : Tout simplement,
améliorer ça par une meilleure communication puisqu'on doit faire les analyses
environnementales, selon ce que vous dites?
Mme Robitaille (Mélissa) : Une
meilleure communication puis plus d'effectifs aux gens attitrés à l'étude de
ces dossiers-là.
M. Marissal : Je vous remercie.
Le Président (M. Simard) : Très bien,
merci. M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui, merci.
Moi, M. le Président, je suis assez étonné de constater que c'est une
organisation sans but lucratif, qui s'appelle la Corporation des entrepreneurs
généraux du Québec, qui rend public un rapport interministériel parce que ça
traîne, et c'est pour ça qu'ils le font. Moi, c'est ainsi que je l'interprète.
On a un comité interministériel qui a été créé pour faire le suivi d'une
recommandation de la commission Charbonneau, quand même, un comité
interministériel dont le rapport, selon ce que M. Côté nous a dit, a été
déposé à l'automne 2017. Donc, ça fait
trois ans. On a eu deux gouvernements depuis ce temps-là, le gouvernement
libéral et on a un gouvernement qui est en place depuis deux ans. Et il
faut avoir une commission parlementaire sur un projet de loi qui découle de la
pandémie pour obtenir le dépôt public d'un rapport sur la réforme du Bureau des
soumissions déposées du Québec.
Alors, moi, je trouve ça assez fascinant d'être
obligé de s'en remettre à une organisation sans but lucratif, de bonne foi, que
je salue, pour obtenir un rapport de cette envergure-là, et qui... En plus, on
constate que, sur le fond des choses, ni par le gouvernement précédent ni par
le gouvernement actuel, il n'y a eu aucun suivi, aucun suivi, et c'est quand même des recommandations importantes. Alors,
moi, j'aimerais savoir de la part de nos invités s'ils trouvent ça normal
qu'ils soient obligés de faire oeuvre de transparence en lieu et place du gouvernement.
M. Côté (Eric) : Ce n'est pas de
gaieté de coeur qu'on doit rendre public un tel document, mais c'est parce que,
la dernière fois qu'on était en commission parlementaire, il y a quatre ans,
c'était exactement pour cette question-là du Bureau des soumissions déposées du
Québec. Alors, nous, on se pose la question : Qu'est-ce qui arrive dans ce
document-là? Ça fait... C'est quelque chose qui a été parlé à la commission
Charbonneau. On a eu un rapport. Il y a eu
de multiples étapes. On sent qu'il y a quelque chose à faire de ce côté-là, et
ça traîne. Et, vous savez, c'est des deniers publics qui sont... Ça
coûte de l'argent, ce qui se passe au BSDQ, au trésor public, et comment ça se
fait qu'on n'en adresse pas la question? Moi, c'est ça qui me surprend. Et
c'est pour ça qu'on a rendu public le rapport, pour que les choses avancent,
pour qu'on puisse réformer cet organisme-là, et que l'AMP s'en mêle et jette un
coup d'oeil là-dessus.
M.
Gaudreault : Bien, je veux
vous en remercier, parce que... oeuvre utile, parce que, visiblement, que ce
soit le Parti libéral ou la CAQ, c'est... même réalité à cet égard encore une
fois. Est-ce que vous êtes capable de nous...
Le Président (M. Simard) : C'est
terminé...
M. Gaudreault : C'est terminé? Bon,
c'est bon.
Le Président (M. Simard) : On a
déjà, malheureusement défoncé, le temps qui nous était imparti. Alors, merci à
tous. Mme Robitaille, M. Côté, à nouveau, merci pour votre
contribution à nos travaux.
Sur ce, nous allons suspendre momentanément, le
temps de faire place à nos prochains invités.
(Suspension de la séance à 10 h 48)
(Reprise à 10 h 52)
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à vous. Chers collègues, nous allons reprendre nos travaux. Nous sommes en compagnie de représentants de l'Ordre
des ingénieurs du Québec. Madame, monsieur, bonjour. Bienvenue
parmi nous. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?
Ordre des ingénieurs du Québec
(Visioconférence)
Mme Baig (Kathy) : Bonjour, bien sûr,
donc, Kathy Baig, présidente de l'Ordre des ingénieurs du Québec. Et je suis
accompagnée de Me François-Xavier Robert, avocat au secrétariat et affaires
juridiques de l'ordre.
Le Président (M. Simard) : Nous vous
écoutons.
Mme Baig (Kathy) : Excellent. Donc, merci,
M. le Président. Mme la ministre, membres de la commission, je représente
l'Ordre des ingénieurs du Québec. Notre mission, c'est d'assurer la protection
du public... de près de 65 000
ingénieurs et 3 600 candidats à la profession, donc, futurs ingénieurs.
L'ordre encadre l'exercice de la profession par différents moyens, soit par l'admission, l'inspection
professionnelle, la discipline et le développement professionnel.
D'entrée de jeu, je veux commencer en disant que
l'ordre comprend le besoin d'accélération des projets de construction ou de
réfection pour assurer la relance économique. Toutefois, je pense que, comme
vous le savez, la réalisation simultanée de nombreux projets peut entraîner des
risques accrus que nous avons collectivement le devoir d'atténuer. Notre
mémoire contient, donc, des recommandations à ce sujet que je vais vous résumer
ce matin.
Mais, avant, je tiens à féliciter le gouvernement
quant à l'évolution de ce projet de loi. Le gouvernement a tenu compte des
principales préoccupations exprimées en juin dernier, et je veux en souligner
deux en particulier, soit, la première, les mesures de reddition de comptes
permettront aux parlementaires et au public de bien évaluer la portée des
mesures d'accélération dont les projets d'infrastructure bénéficieront. La
deuxième, c'est ce qui touche la limitation des projets. Donc, les ouvrages
pouvant bénéficier des mesures d'accélération sont maintenant limités à la
liste qui se trouve dans le projet de loi.
Le mémoire qu'on a déposé, en fait, regroupe
deux grands volets. Le premier volet, c'est tout ce qui touche la qualité des
ouvrages et la prévention de la collusion, et le deuxième volet, c'est ce qui
touche le développement durable et la qualité de l'environnement.
Donc, je vais d'abord aborder le premier volet.
La réalisation de nombreux projets en simultané en mode accéléré pourrait
susciter des préoccupations sur la qualité et sur les éventuels risques de
collusion. Pour pallier à ces risques-là, l'ordre fait donc cinq
recommandations qui, on suggère... qui soient mises en oeuvre.
La première
recommandation, c'est ce qui touche les pouvoirs de l'AMP, donc, de les étendre
à l'ensemble des contrats et sous-contrats publics, les pouvoirs confiés à
l'Autorité des marchés publics par le projet de loi. On pense,
en effet, que les nouveaux pouvoirs de l'AMP ne devraient pas seulement
s'appliquer aux projets visés par le projet de loi.
Notre deuxième
recommandation touche les lanceurs d'alerte. En fait, on dit qu'il faut mieux
protéger adéquatement les lanceurs d'alerte, notamment ceux qui vont transmettre
de l'information à l'AMP.
Notre troisième
recommandation touche l'expertise interne. Il faut doter les organismes publics
d'une expertise interne suffisante en génie, en approvisionnement, au niveau
légal. À ce sujet, j'en profite aussi pour souligner qu'au ministère des
Transports un donneur d'ouvrage qui a la responsabilité d'environ une
cinquantaine de projets dans le projet de
loi... Il y a eu un rapport de la Vérificatrice générale, en juin dernier, qui
évaluait qu'il manquait toujours 225 ingénieurs et technologues
professionnels. Vous comprendrez que, dans un contexte d'accélération des
projets, ces lacunes sont quelque peu préoccupantes.
Maintenant, une
expertise interne formée de professionnels d'expérience permet de détecter plus
facilement des anomalies d'une soumission truquée
ou encore elle permet aussi à l'organisme public de bien cerner ses besoins
et ses exigences quant à la qualité de
l'ouvrage. Maintenant, si jamais il n'est pas possible de compter sur une
expertise interne, l'organisme public devrait retenir les services du
secteur privé, en privilégiant, évidemment, la qualité des services rendus
plutôt que des considérations de prix et de temps.
Maintenant, la
quatrième recommandation que l'on fait, c'est de revoir le mode d'adjudication
des contrats pour délaisser la règle du plus bas soumissionnaire. Je pense que
vous le savez, plusieurs intervenants ont fait la recommandation depuis le
début de cette consultation, et nous saluons également l'ouverture de la
ministre à cet effet. On recommande de fixer des critères multiples et de
s'assurer de pondérer ces critères adéquatement. En effet, l'élaboration de
critères multiples et leur pondération adéquate rendent plus difficiles les
stratagèmes de collusion. Cette façon de
faire permet également à l'organisme public de s'assurer que la conception et
la réalisation de l'ouvrage répondent aux besoins réels.
J'en
arrive à la cinquième recommandation, c'est de maximiser la participation
potentielle de soumissionnaires. Le projet pilote vise à faciliter le
paiement aux entreprises qui se sont inscrites dans cette optique. Son
application pourrait ouvrir la porte à une
plus grande participation aux appels d'offres par l'apport de d'autres
entreprises qui sont de taille plus modeste.
Par
ailleurs, les travaux de réalisation d'infrastructures publiques font
généralement l'objet d'une surveillance. Toutefois, comme une
réalisation en mode accéléré pourrait affecter la qualité des ouvrages, l'ordre
recommande aux organismes publics de
procéder à une évaluation pour déterminer si, dans un contexte d'accélération,
les ressources consacrées à la surveillance des travaux sont
suffisantes. Ceci constitue notre cinquième moyen.
De plus, dans le
contexte où des projets privés ainsi que des projets publics de moindre
envergure que ceux prévus au projet de loi contribueront également à la
relance, nous invitons les parlementaires à continuer la réflexion qui a été
entamée lors des travaux sur le projet de loi n° 29 et à considérer
sérieusement la possibilité de rendre obligatoire la surveillance des travaux.
Le contrôle de la qualité, c'est important. Nous poursuivons actuellement des
discussions avec la ministre des Affaires municipales et de l'Habitation et la
Régie du bâtiment, et on espère grandement qu'elles vont mener à des changements.
J'en arrive
maintenant à mon deuxième thème de notre mémoire, c'est ce qui touche le
développement durable et la qualité de
l'environnement. Hier, lors d'un événement, je suis fière d'avoir rendu publics
les engagements de l'ordre en matière de développement durable. C'est
important de mentionner que c'est la première fois de notre histoire que nous nous engageons de façon aussi
officielle, et on le fait sur la base du savoir-faire de nos ingénieurs.
Pour réduire l'impact de l'activité humaine sur l'environnement et pour être
collectivement plus résilients, les ingénieurs font définitivement partie de la
solution. Comme ordre professionnel, nous voudrons contribuer à faire évoluer
les lois, les règlements et les normes pertinentes.
Maintenant, si je reviens
au projet de loi n° 66, on est d'avis que c'est en privilégiant
l'amélioration de la dotation et des processus de travail au sein du ministère
de l'Environnement que nous recommandons d'accélérer la réalisation des projets. Ces améliorations devraient viser la réduction
du temps de traitement des demandes d'autorisation. En 2019, le délai
moyen était de 180 jours. Une réduction de ces délais représenterait un
gain pour les projets publics visés au projet de loi, mais également pour
l'ensemble des projets d'infrastructure, publics ou privés.
Par ailleurs, vu le
caractère sensible des milieux humides ou hydriques, nous recommandons, par
prudence, que les travaux devant se dérouler dans ces milieux continuent de
requérir une autorisation. L'article 23 du projet de loi devrait être
modifié en conséquence. De plus, nous recommandons que le ministre de
l'Environnement fasse preuve d'une grande prudence avant de limiter les consultations
publiques puisque ces consultations servent à assurer la participation citoyenne
au développement économique.
Avant de conclure, je
voudrais aborder rapidement la demande de services professionnels d'ingénierie
tant pour les activités de conception, de surveillance ou de soutien à
l'exploitation d'un ouvrage. Nous réitérons que la création d'un permis restrictif permanent, comme nos homologues en
délivrent dans d'autres provinces, pourrait permettre de bonifier
l'offre de main-d'oeuvre et contribuer à l'atteinte des objectifs du gouvernement.
Ces permis permettent à des professionnels
d'effectuer des activités spécialisées même si ces professionnels ne possèdent
pas toutes les compétences requises.
À ce sujet, je vous réfère au rapport d'analyse détaillée que nous avons
transmis à la commission en complément à notre mémoire.
Ceci conclut donc ma
présentation. Je remercie la commission d'avoir invité l'Ordre des ingénieurs
du Québec à cette consultation. Et nous sommes maintenant heureux de répondre à
vos questions.
• (11 heures) •
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous, Mme Baig. Alors, je cède maintenant la parole à la présidente du
Conseil du trésor. Vous disposez de 16 minutes, chère collègue.
Mme LeBel :
J'allais remettre mon masque, mais ce n'est pas nécessaire. Bonjour,
Mme Baig. Enchantée de vous revoir. Effectivement, on a eu des belles
discussions dans le cadre du projet n° 29 qui a été terminé par ma collègue.
Donc, on a commencé plusieurs discussions, vous avez tout à fait raison, qu'on
va poursuivre sûrement dans d'autres instances également.
J'ai peut-être quelques petits points, là...
Votre mémoire est très... est quand même assez clair, comme d'habitude. D'ailleurs,
sur vos recommandations, peut-être quelques petits points à aborder avec vous.
Quand vous parlez de discussions qui sont en cours avec le MAMH présentement,
c'est-tu par rapport à la surveillance des travaux? J'ai peut-être manqué un
bout de votre phrase.
Mme Baig (Kathy) : Oui, tout à fait,
tout à fait, donc, c'est par rapport à la surveillance des tableaux... des
travaux, je m'excuse, pour voir s'il y a une possibilité de les rendre
obligatoires, donc, évidemment, moduler en fonction de la complexité, de
l'envergure des projets, que la surveillance soit adaptée, mais que ce ne soit
plus à la discrétion des donneurs d'ouvrage, mais bien qu'il y ait un standard.
Donc, oui, on est en discussions avec la ministre à cet effet.
Mme LeBel : O.K. Donc, il y a des
conversations sur ce point précis là qui ont lieu présentement, point que vous
aviez fait valoir également dans le cadre du projet de loi n° 29, là, je
m'en souviens très bien, où, là, on était en train de vouloir modifier le Code
des professions pour plusieurs raisons, là, mais...
Donc, je vais aller dans votre conclusion, peut-être,
pour m'expliquer un de vos points. Vous avez terminé, d'ailleurs, avec ça. Bon,
vous dites : «L'Ordre des ingénieurs souscrit à la nécessité
d'investissements importants dans des projets d'infrastructure publique et, à
ce titre, est en accord avec le principe du projet de loi. Il croit que
certaines [...] mesures d'accélération, particulièrement celles qui portent sur
l'expropriation ou [...] le paiement accéléré, pourront servir de base à une
amélioration des pratiques actuelles.» Vous faites également référence aux
milieux hydriques et humides, donc, parce qu'il y a des mesures d'accélération
en matière environnementale.
Je comprends très bien votre recommandation n° 4, à la page 12, qui n'a pas besoin d'explication,
là. Quand on parle d'augmenter la dotation au sein du ministère de
l'Environnement, je pense que ça, c'est assez clair, et on peut y travailler...
Mon collègue peut y travailler, mais nous, dans le cadre du projet de loi
n° 66, on a également travaillé sur l'accélération de certains processus
qui ont besoin d'une intervention législative, disons-le comme ça. Il y a le
REAFIE, là, qui va rentrer en vigueur à sa pleine force à la fin décembre, je
crois. Il y a le p.l. n° 44 qui donne plus de
pouvoirs au ministre de l'Environnement.
Donc, il y a un ensemble de mesures au niveau de
l'environnement, mais on croit, au niveau... On croit qu'à ce stade-ci, compte tenu de la pandémie que nous
vivons, qui est... Dans votre mémoire, vous dites qu'on va peut-être en
avoir une dans un autre futur. J'espère que vous n'êtes pas... vous n'avez pas
des dons de prédiction. On espère que ce sera l'unique pandémie pour plusieurs
années à venir, mais, vous avez raison, on ne sait jamais. Ça, c'est ce qu'on
peut dire aujourd'hui.
Mme Baig (Kathy) : Tout à fait.
Mme LeBel : Mais on établit quand
même plusieurs processus environnementaux. Notre prétention est de ne pas
vouloir affecter les normes environnementales, mais plutôt venir raccourcir
certains processus. Il y a plusieurs façons de le faire, on l'a dit,
accompagner, mieux doter d'effectifs... Ça a été des conclusions qui ont été
apportées ici. Mais est-ce que vous pensez qu'on peut quand même... Les
processus qui ont été mis en place, et on parlera des milieux humides par la suite, là, sont quand même de nature à pouvoir
accélérer les processus, selon votre connaissance.
Mme Baig
(Kathy) : Nous, ce qu'on a compris... Il faut comprendre, en fait,
qu'on a aussi consulté des ingénieurs, donc, nos membres, pour établir
ce mémoire-là. J'entends que, oui, peut-être que cela peut accélérer les
processus pour certains projets qui sont présentés. Néanmoins, ce qu'on tente
d'expliquer dans le mémoire et ce que nos membres nous ont expliqué sur le
terrain, c'est que ça serait mieux d'avoir une solution qui vient aider pas
juste les projets dans le projet de loi en
tant que tel, mais qui vient aider tous les projets, autant du secteur public
et privé. Et donc, en augmentant les ressources au niveau du ministère,
ça vient répondre à tout le monde et pas juste au projet de loi.
Et donc nous, on s'est permis aussi de faire un
parallèle avec ce qu'on a vécu à l'Ordre des ingénieurs du Québec. Je pense que
vous êtes au courant. On avait eu des enjeux avec le nombre d'enquêtes, et ce
qu'on a fait, c'est qu'on a même augmenté nos standards au niveau de nos
normes, et on a optimisé nos processus, si je peux dire, et on a ajouté des
ressources supplémentaires au sein de nos organisations, ce qui a fait en sorte
qu'on a pu réduire les délais d'attente, traiter tous les dossiers qui étaient
en attente et augmenter nos standards de qualité.
Donc, j'entends ce que vous dites. Oui,
probablement que ça peut venir accélérer. Mais on aurait préféré, puis c'est aussi ce qu'on entend de nos membres,
une approche peut-être plus systémique, qui va venir régler l'ensemble
des problèmes sur le terrain, plus que juste dans le projet de loi. Je ne sais
pas si ça répond à votre question, mais c'est un peu l'angle qu'on a pris dans
le cadre de notre mémoire.
Mme
LeBel : Là, je comprends...
Oui, je comprends. Effectivement, ça répond à ma question. Effectivement, l'angle, dans le projet de loi n° 66, est
simplement pour les... bien, simplement, je ne veux pas simplifier quelque chose, mais est ciblé sur les
181 projets. D'ailleurs, on a entendu les commentaires qui avaient été
faits à l'effet que la liste devrait être fermée. On est dans une mesure et
dans un processus exceptionnel. Donc, on le fait pour 181 projets.
Effectivement, je sais que mon collègue travaille aussi pour améliorer l'efficacité du ministère de l'Environnement, disons-le
comme ça, de façon beaucoup plus globale. Je pense que c'est une remarque qui
est tout à fait pertinente parce qu'on l'entend beaucoup. Est-ce que c'est
l'ajout d'effectifs? Est-ce que c'est le REAFIE? Est-ce que c'est le p.l. n° 44? Est-ce que c'est toutes ces réponses? Probablement,
un ensemble de toutes ces réponses, mais il y a le projet de loi n° 66 qui
est particulier pour 181 projets et qui se veut exceptionnel, disons-le,
dans sa façon de faire.
Je vais revenir, d'ailleurs, donc, aux milieux
humides, parce que, là, on parle plus particulièrement de l'article 22 et
23 du projet de loi. Vous mentionnez que, pour les travaux de construction et
les interventions qui sont réalisées dans des milieux humides et hydriques, on
ne devrait pas dispenser de l'autorisation ministérielle et on ne devrait pas,
donc, prendre le chemin de la déclaration de projet qui est créée par
l'article 22, je crois, du projet de loi. Et c'est ce qu'on dit, à ma
connaissance, dans le projet de loi, dans l'article 23. Et je veux
m'assurer qu'on a la même compréhension, parce que l'objectif est de maintenir
les principes dans les milieux hydriques et humides, d'éviter, minimiser et de
compenser. Aïe! Je vais finir par l'apprendre. Je regarde toujours mon
collègue.
Mme Baig (Kathy) : Éviter, réduire
et compenser.
Mme LeBel : Et voilà, donc, et zéro
perte nette. Donc, ces principes-là ne se veulent pas, dans les objectifs, être
affectés par les processus du projet de loi n° 66. Donc, l'idée, c'est
qu'on dit, effectivement : «Toutefois, une telle...» On dit, bon :
«Un organisme public qui réalise une activité visée à l'article 22 ou
[...] 30 —
et ça, c'est l'article 22 et 30 de la Loi sur la qualité de
l'environnement, ça peut devenir mêlant, parce que c'est 22 et 23 du projet n° 66 — [...]
n'a pas à obtenir l'autorisation en application...» Donc, ça, c'est le chemin
de la déclaration de projet qu'on a créé dans le projet de loi.
«Toutefois, une telle autorisation demeure
requise pour les activités[...] :
1° les travaux, les constructions [...] toute intervention
réalisés dans des milieux humides et hydriques...»
Donc, est-ce
qu'il y a quelque chose dans cette rédaction-là qui vous fait penser qu'on
contourne les principes en matière de
milieux hydriques et humides? Quelle est la clé, pour vous, qui vous fait
penser ça, qu'on puisse y réfléchir correctement, là?
Mme Baig (Kathy) : Bon, la
compréhension que l'on en a, c'est que, pour les milieux humides, si on peut
remettre en état à l'intérieur d'un an, il n'y a pas nécessité d'aller chercher
de certificat d'autorisation. C'est ce qu'on en a compris.
Maintenant,
je ne doute pas du tout de l'intention du gouvernement de répondre à zéro perte
nette avec éviter, réduire,
compenser. Maintenant, même si l'intention est telle, en ayant consulté des
gens, une des préoccupations, et c'est ce
qu'on expose dans le mémoire, c'est que, s'il n'y a pas d'études qui sont
faites dès le départ, si on ne sait pas exactement d'où on part, on fait
des travaux, comment on peut s'assurer qu'un an après c'est revenu conforme à
ce que c'était?
Donc, dans le cadre du chantier, les mesures qui
peuvent être prises, les travaux qui peuvent être faits... On sait que ce sont
des milieux qui sont sensibles. Et donc, comment s'en assurer, c'est là où on a
des préoccupations. J'ai écouté d'autres personnes qui sont venues également à
la commission. Je pense que c'est le comité sur les droits de l'environnement
ou le groupe et d'autres. Donc, je pense qu'on est quelques-uns à partager...
Je veux réitérer, on ne doute pas des intentions
du gouvernement. C'est juste que, parfois, avec des processus comme ça, est-ce
qu'on va être capables de réellement atteindre l'objectif pendant les travaux
si on ne contrôle pas exactement ce que l'on fait, s'il n'y a pas eu de
certificat d'autorisation dès le départ? On n'est pas convaincus que ça va être
zéro perte nette à la fin du projet même si telle était l'intention. Donc, je
ne sais pas, peut-être que ce n'est pas le certificat d'autorisation, la bonne
approche, c'est peut-être une autre approche pour s'assurer qu'à la fin du
projet on a vraiment atteint le zéro perte nette. C'est vraiment ça, nous, qui
est derrière la préoccupation qui est exposée dans le mémoire.
• (11 h 10) •
Mme LeBel : O.K., donc, c'est
vraiment la particularité... Quand on dit : «...lorsque le projet ne
prévoit pas la remise en état, dans l'année suivant la fin des travaux, des
milieux affectés de sorte que ceux-ci retrouvent...» Bon, donc, c'est de
s'assurer de la remise en état, et quelle est cette remise en état là? Pour
faire une remise en état, il faut toujours bien savoir quel était l'état
préalable.
Mme Baig (Kathy) : Exactement.
Mme LeBel : O.K., donc, c'est par
rapport à... vraiment par rapport à ce qui touche les milieux hydriques et
humides, parce que, naturellement, ce processus-là de déclaration de projet est
fait aussi pour d'autres dossiers qui ne touchent pas des milieux humiques et
hydrides. Il peut y avoir d'autres enjeux environnementaux. Parfait, c'est bien
noté, puis on va y réfléchir. Merci beaucoup, Mme Baig.
Mme Baig (Kathy) : Excellent. Merci
beaucoup.
Mme LeBel : Je n'ai pas d'autre
question, pour ma part, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Merci,
Mme la présidente du Conseil du trésor. Je cède maintenant la parole au député
de La Pinière. Vous disposez de 10 min 40 s, cher collègue.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Mme Baig, bienvenue.
Mme Baig (Kathy) : Merci.
M. Barrette : Je suis content
d'entendre de votre bouche, avec des mots différemment... différents, pardon,
que, lorsque le bulldozer a écrasé la grenouille, c'est difficile de sauver la
grenouille à la fin et de la ramener après à son état initial. Merci de l'avoir
dit. Je vais reprendre vos paroles qui sont plus élégantes que les miennes,
mais qui disent la même chose.
Mme Baig (Kathy) : D'accord.
M. Barrette : Regardez, je souscris
à la quasi-totalité de votre mémoire. Et je ne veux pas le reprendre, parce
qu'à un moment donné ça fait une certaine répétition. Je veux aborder des
éléments qui n'ont pas souvent été abordés. Je veux en aborder un en
particulier en prenant un ou deux exemples, O.K.? Dans le merveilleux monde de
la santé, j'ai été personnellement, puis je l'ai déjà dit à plusieurs reprises,
témoin d'un certain nombre de choses. Je vous donne des exemples.
Je visite un chantier. Je vois, à l'oeil nu,
parce que j'ai une certaine connaissance de ça, que le gypse qui est installé, c'est du demi-pouce au lieu du trois
quarts. Le code du bâtiment dans les endroits publics, c'est du trois
quarts. Bon, on regarde derrière le gypse, c'est des tuyaux de cuivre d'un
demi-pouce, et le devis était du trois quarts de pouce. Je visite, comme ministre, un grand chantier hospitalier qu'on a
eu dans le passé, puis on a été obligés, sur une partie du bâtiment,
substantielle, genre 5 millions de dollars, de refaire tout le filage
électrique parce que le filage n'était pas de bonne... de qualité requise.
Vous avez entendu comme moi les entrepreneurs
venir ici, demander, puis vous l'entendez, là, à répétition, vous en avez parlé vous-mêmes... sur l'enjeu de
changer les critères d'adjudication. Alors, je vais vous poser une
question bien simple. Trouvez-vous qu'au Québec, au moment où on se parle, si
la qualité n'est pas au rendez-vous, c'est un problème de devis, qui ne vise
pas la qualité en étant assez précis, ou bien un problème de surveillance si le
devis a été bien fait, ou bien les deux?
Mme Baig (Kathy) : Bien, moi,
je pense que, lorsqu'on parle de qualité, ça ne peut pas être seulement une
variable. Puis, si on veut augmenter la qualité des infrastructures, des
bâtiments au Québec, il faut regarder là où on peut améliorer. Donc, pour
répondre à votre question, je vous dirais que c'est les deux. Je pense qu'au
niveau des appels d'offres il y a une opportunité d'amélioration pour s'assurer
que les soumissionnaires choisis sont ceux qui vont livrer la qualité choisie.
Je pense que ça en fait état dans notre mémoire. Et, sur le chantier, je pense
que la présence des surveillants de chantier sont une valeur ajoutée pour
augmenter la qualité. Donc, pour répondre à votre question, et je pense que
notre mémoire en fait état, ce serait, entre autres, les deux, pour augmenter
la qualité et bien d'autres paramètres également.
M. Barrette : Alors, je vais
prendre un exemple qui est un exemple... Puis je ne veux pas vous mettre sur la
sellette, là, mais je prends un exemple que tout le monde connaît, la chic
qualité des travaux d'asphalte au Québec. Je le dis de façon ironique. C'est
possible que la qualité de l'asphalte qu'on a mise dans le devis ne soit pas
suffisante. C'est possible que, sur certaines routes, on choisisse de
construire en asphalte plutôt qu'en ciment. Et c'est possible que la
surveillance de l'application de ces produits-là ne soit pas optimale. Est-ce
qu'on peut dire ça?
Mme Baig (Kathy) : Si
l'asphalte, qui est de mauvaise qualité... Ce sont tous des éléments, tout à
fait, qui peuvent être des causes à une mauvaise qualité de l'asphalte.
M. Barrette : Moi, je vous dis...
Je veux simplement l'entendre de votre bouche, là. Quand on construit quelque chose, il y a la qualité des matériaux
utilisés et il y a l'installation, l'exécution des travaux, qui est une
deuxième chose. S'il n'est pas spécifiquement identifié au devis la qualité des
travaux et que la surveillance n'est pas là, bien, ça donne des roulières dans
l'asphalte un an après, ce que l'on voit. D'ailleurs, j'ai vu ça hier, là, en
s'en venant à Québec, là, il y avait beaucoup d'aquaplaning parce que, dans les
roulières, quand il y a de la pluie, comme hier, puis un peu de la neige
mouillée, ça fait ça.
Maintenant,
vous, la solution pour ça, là... Parce que la ministre nous dit elle-même
qu'elle veut regarder ça, l'enjeu de l'adjudication des contrats. Je
suis d'accord avec vous qu'il peut y avoir et qu'il y a plusieurs critères à
mettre en place, mais, si le premier critère de tous, qui est la qualité des
produits utilisés, n'est pas au rendez-vous et que le deuxième élément est
celui de la surveillance des travaux, bien, qu'on nous ramène, là, des patentes
comme l'innovation, le côté durable, et ainsi de suite, ça ne sert à rien. Tous
ces éléments-là viennent après dans la séquence des évaluations, puis je ne dis pas qu'il ne faut pas les avoir. Je dis
que ça vient après la certitude que, dans le devis, on a demandé des
produits de qualité x, appliqués avec une surveillance y. Est-ce que,
là-dessus, là, comme ingénieure... Là, vous avez une pensée normalement
cartésienne. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi?
Mme Baig (Kathy) : Oui, je suis
d'accord avec vous. J'ajouterais peut-être deux choses.
Au niveau de la
qualité, moi, je suis d'avis que l'innovation, c'est ce qui se fait en amont...
et les recherches qui sont faites actuellement en amont pour innover ces
produits-là, pour avoir une meilleure qualité, par exemple, dans nos prochains genres de devis. Donc,
l'innovation, selon moi, peut être faite également en amont pour
développer des produits de meilleure qualité.
Et, l'autre élément
que j'ajouterais, la qualité aussi est fonction du mandat qui est donné par le
donneur d'ouvrage. Donc, l'ingénieur est tributaire du mandat qui est donné par
le donneur d'ouvrage au sens large. Donc, parfois, l'ingénieur est pris dans le
système dans lequel, puis je dis «pris», ce n'est peut-être pas le bon mot...
doit naviguer dans les paramètres qu'on lui donne pour développer le devis et
le produit demandé. Donc, la qualité, c'est vraiment la responsabilité de
plusieurs pour obtenir ce qu'on cherche.
M. Barrette :
Mais on s'entend, Mme Baig, là. Mais l'innovation et ce genre de chose là, là,
ça ne peut pas être des mots creux. Ça doit obligatoirement se traduire par
quelque chose de précis dans le devis. C'est ce que je pense. Maintenant, vu...
Mme Baig
(Kathy) : Oui.
M. Barrette :
Bien, vous dites oui, là, c'est parfait. Autre question, vous avez abordé la
question, l'enjeu, puis vous n'avez pas
élaboré... Je vous demanderais d'élaborer là-dessus. À date, là, dans la
commission, là, on parle de l'environnement,
l'environnement, l'environnement, là. Vous êtes la première à nous parler
d'expropriation. Pouvez-vous nous en parler, des enjeux que vous voyez
dans 66 et ailleurs?
Mme Baig
(Kathy) : Bien, au niveau de l'expropriation, on a été très brefs dans
notre mémoire. Ce n'est pas un des volets
qu'on a explorés dans le détail. À cet effet-là, je peux peut-être demander à
mon collègue, Me Robert, s'il a des
éléments, parce que nous, on s'est vraiment concentrés plus sur les pouvoirs de
l'AMP, la partie environnementale. Donc, je ne sais pas, Me Robert, si
je me mets sur «mute», tu as des éléments que tu veux ajouter...
M. Robert
(François-Xavier) : Oui. Je ne sais pas si vous m'entendez bien?
M. Barrette :
Très bien.
M. Robert
(François-Xavier) : M. le député, bien, en fait, sur l'expropriation,
c'est sûr que les ingénieurs ne sont pas les principales personnes... évidemment,
ce sont surtout des évaluateurs agréés, mais ils travaillent quand même sur des
projets qui nécessitent des expropriations. Donc, on a un petit peu de
familiarité. Je vous dirais que les deux éléments qu'on trouvait positifs...
Le premier, c'est le
fait que la plus-value qui est due à l'annonce du projet n'est pas considérée
pour établir la valeur, dans le fond, de l'indemnité de l'expropriation.
Souvent, c'est quelque chose qu'on a vu dans le milieu municipal, où des
promoteurs avaient, par contre, par exemple, de l'information confidentielle
qu'ils n'étaient pas supposés avoir, à l'effet qu'un projet qui allait se
réaliser. Ils achètent un terrain pour une bouchée de pain, parce que le
terrain ne vaut rien en ce moment, puis la journée après où le projet est
annoncé, bien, le terrain peut doubler de valeur. C'est un beau profit. C'est quelque
chose qui, pour nous, cause toujours, peut-être, un certain malaise, surtout par
rapport à la perception que le public peut avoir à ce moment-là des projets d'infrastructure
publique, justement.
Et l'autre élément,
ce qu'on... c'est pour des projets, je dirais, qui sont particulièrement essentiels,
voire vitaux pour la société. Le fait qu'on ne puisse pas contester l'expropriation
dans ces cas-là, je ne parle pas de tous les projets, mais je parle de ces
projets-là, par exemple le REM, on l'a vu, bien, pour nous, ça pourrait être quand
même positif, parce que c'est des projets qui, effectivement, peuvent créer des
inconvénients pour certaines personnes, mais que, pour l'ensemble de la
collectivité... ils vont grandement en bénéficier. Donc, c'est des choses, au
niveau de l'expropriation, qu'on... de façon quand même relativement positive
puis qui pourraient peut-être servir plus tard pour une éventuelle révision de
la loi.
Le Président (M.
Simard) : M. le député d'Outremont... Mont-Royal—Outremont, pardon.
• (11 h 20) •
M.
Arcand : Merci. Je suis en train de regarder un peu votre
mémoire et c'est un... Vous dites : On est d'accord avec le principe du projet de loi, c'est-à-dire l'accélération, enfin, la réalisation d'infrastructures publiques. Vous êtes d'accord avec ça. La
seule chose, c'est que, quand je lis un peu tout le reste, vous êtes... vous le
faites avec beaucoup de suspicion, si vous me permettez l'expression, dans le
sens où vous dites, par exemple : Bien, premièrement, il manque de monde
au ministère des Transports, il manque de monde au ministère de
l'Environnement. Vous dites : «La volonté d'accélérer la réalisation d'infrastructures
ne doit pas se traduire en une réduction du temps consacré à la conception de
l'ouvrage.» Puis vous dites en plus : «Bâcler la phase de conception par
désir d'aller rapidement entraîne généralement des retards de construction et
une diminution de la qualité de l'ouvrage.» On ne peut pas dire que vous
l'appuyez avec un enthousiasme très débordant. C'est le moins que je puisse
dire.
Mme
Baig (Kathy) : Donc, on
appuie le projet de loi. Je pense qu'on le mentionne clairement
qu'on comprend la nécessité de faire de l'accélération. Mais, en même
temps, on connaît la réalité sur le terrain et on est là pour appeler à la
prudence. Donc, déjà, il y a des projets qui ne sont pas en mode accéléré, et
on voit... la conception, elle se passe trop rapidement. Puis les études le
montrent, ce n'est pas juste nous qui le disons, c'est que, lorsque la partie
conception, on ne prend pas le temps de bien la faire, c'est tout le cycle de
vie de l'ouvrage par la suite qui va en payer le prix, c'est la mise en oeuvre
sur le chantier qui va être difficile.
Donc, oui à
l'accélération, mais là où on est certains qu'il n'y aura pas trop d'impacts,
et non à bâcler la conception, parce que les impacts peuvent être trop grands. Ça
fait que je ne sais pas si ça répond à votre question, mais c'est cette nuance-là qu'on vient apporter dans le mémoire, parce qu'«accélération», au sens large,
dépendamment d'où on le fait...
Le Président (M. Simard) : Merci,
Mme Baig.
Mme Baig (Kathy) : Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci.
Alors, M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour, madame, bonjour, monsieur. Merci d'être là.
Je vous lis : «L'ordre estime que le
recours à des mesures d'accélération en matière d'environnement de la nature de
celles prévues au projet de loi n'est pas nécessairement la meilleure solution
pour favoriser la réalisation rapide de projets de qualité.» Parlant de
qualité, je voudrais souligner la qualité de votre mémoire, et en particulier
de ce paragraphe, que je vais certainement imprimer en caractères 42 pour
l'afficher dans mon bureau parce que je trouve
que ça résume assez bien un problème majeur du projet de loi n° 66, qui est d'aller trop vite, en passant par-dessus certaines
évaluations environnementales.
Vous continuez en disant : «En ce sens,
l'ordre croit qu'il pourrait être plus efficace, particulièrement à long terme, d'apporter des améliorations à la
dotation...» Ça a été dit. Vous n'êtes pas la première à le dire. Vous citiez
des lacunes relevées par la Vérificatrice générale en juin dernier. Ça a été
dit et redit ici, là. Ça semble être comme une évidence dont on ne s'occupe
peu, mais que c'est une vérité de La Palice, qu'il manque plein de monde à des
postes clés, notamment en environnement et en transport.
Là où j'accroche et je veux vous entendre
là-dessus, c'est que vous dites qu'«en ce sens, l'ordre croit qu'il pourrait
être plus efficace, particulièrement à long terme...» Là, le problème, c'est
que 66, c'est du très court terme, là, c'est là, là, là, demain, là. On
commence demain. Alors, dans les circonstances, vaudrait-il mieux biffer
certains articles de loi pour éviter ça?
Mme Baig (Kathy) : Écoutez, ça, je
pense, je vais laisser vous, les élus, les parlementaires, en décider suite à
toutes ces consultations. Est-ce que ça vaut la peine de biffer certains
articles de loi? Je ne suis pas sûre que je peux vraiment répondre à la
question. Nous, ce qu'on a dit, c'est qu'on veut rajouter des ressources pour
répondre aux besoins à long terme. Maintenant, le temps d'ajouter ces
ressources-là... Est-ce que cette dotation-là va venir... être prête pour le
projet de loi n° 66, pour les projets qui sont là? Je
ne le sais pas. Je pense, ça prend une analyse plus détaillée pour voir si
c'est possible de le faire. Donc, malheureusement, je ne peux pas vous répondre
en clair qu'on devrait biffer ces articles
de loi là totalement. Nous, on dit : Il faudrait peut-être évaluer en
parallèle la dotation du ministère.
M. Marissal : Vous faites un grand
bout de chemin, là, dans votre mémoire, mais vous ne me semblez pas franchir la
dernière ligne qui est celle de dire : Dans les circonstances, avec les
pénuries de main-d'oeuvre qu'on connaît dans l'expertise à l'interne, on serait
peut-être mieux de ne pas aller là. Je ne veux pas vous mettre des mots dans la
bouche, là, mais il me semble que vous êtes à la... en termes
«footballistiques», vous êtes à la «ligne de un» puis vous ne vous étirez pas
le bras pour passer le ballon, là.
Mme Baig (Kathy) : Désolée, ma
connaissance au football... mais en fait, non, je ne pense pas que c'est ça
qu'on dit.
M. Marissal : Il s'agit de compter
un but, essentiellement.
Mme Baig
(Kathy) : J'ai compris, mais, pour de vrai, je ne pense pas que c'est
ça qu'on dit dans le mémoire, parce que, d'entrée de jeu, on reconnaît
le besoin de faire de l'accélération sur des projets d'infrastructure dans un
problème... dans une situation comme celle qui est la suivante. Je pense qu'on
l'a reconnu, là, dans le mémoire. Donc, je ne
suis pas certaine que c'est là qu'on va dans le mémoire. On dit : Oui, on
comprend, il y a peut-être des alternatives, prudence à la collusion,
aux sonneurs d'alerte. Donc, c'est plus de la prudence qu'on amène.
Le Président (M. Simard) : Merci,
Mme Baig. M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui, merci. Merci de votre mémoire. Comme ingénieurs,
vous êtes sûrement habitués à travailler avec les règlements
d'application en fonction des impacts sur l'environnement. Plusieurs groupes,
dont, entre autres, un autre ordre professionnel, celui des urbanistes, nous
ont dit : Bien, le REAFIE vient juste d'être adopté. Il va entrer en
vigueur fin décembre. Est-ce que vous êtes d'avis que ça vaudrait le coup de
tester le REAFIE avant de sortir le bulldozer en matière environnementale avec
le projet de loi n° 66, parce que le REAFIE vise
justement à réduire, entre autres, les délais?
Mme Baig (Kathy) : Donc, ça, c'est
une excellente question. Je pense qu'on en parle également un peu dans le mémoire. Effectivement, on s'est
questionnés à savoir pourquoi le gouvernement n'a pas souhaité utiliser le REAFIE au lieu d'utiliser des mesures d'accélération dans le projet
de loi n° 66. Je n'ai pas de réponse à cette
question-là. On est arrivés à la conclusion que, peut-être, que le temps que le
REAFIE soit mis en place, qu'on optimise le REAFIE, que les processus soient
mis en place, ce serait trop long pour les projets qui sont dans le projet de
loi n° 66. Mais honnêtement on n'a pas de réponse et
on s'est questionnés un peu à cet effet-là.
M.
Gaudreault : Bon, on est à
la même place. On se questionne beaucoup aussi, d'autant plus que le REAFIE, c'est quand
même entre les mains du gouvernement. On n'a pas besoin de passer par les parlementaires.
Alors, c'est bien. Maintenant,
quand vous dites, à la recommandation 6 : «Faire preuve de prudence dans le
traitement des demandes de consultation ou de médiation», «faire preuve
de prudence», c'est jusqu'où qu'on va dans la prudence?
Mme Baig (Kathy) : Bien, jusqu'où on
va? On va laisser aux décideurs le soin d'exercer cette prudence-là. Il va
falloir qu'ils regardent chacun des projets, qu'ils déterminent lesquels
nécessitent vraiment une consultation, lesquels nécessitent une médiation. Mais
on rappelle que la consultation, c'est un des processus par lesquels
l'acceptation sociale aide aux projets, c'est une participation citoyenne aussi
au développement économique. Donc, on n'a
pas de problème que, certains projets, il n'y ait pas de consultation, mais
peut-être que d'autres en nécessiteraient. Je n'ai pas fait l'analyse
des 181 projets. Je n'ai pas fait l'analyse de quels devraient le faire ou
non. Mais on invite le décideur à cet effet-là... d'une certaine prudence puis
de garder en tête le rôle du citoyen dans ces processus-là.
M. Gaudreault :
C'est bien. Donc, est-ce que vous seriez d'avis qu'au fond en matière
d'environnement, dans un contexte unique comme celui que nous vivons
présentement, avec une crise sans précédent, c'est une occasion ratée, au fond?
Le gouvernement aurait pu vraiment changer les façons de faire et aller
davantage dans des projets de relance favorables à l'environnement, comme par
exemple le traitement des eaux usées ou d'autres.
Mme Baig (Kathy) : Oui. J'ai vu
une commission où des interlocuteurs étaient venus proposer d'autres projets.
Moi, ce que j'ai compris de l'intention du gouvernement actuellement, c'est que
ça, c'est un des moyens pour la relance,
qu'ils en ont d'autres qu'ils vont proposer. Quels seront-ils? Je ne le sais
pas, mais, effectivement, dans notre optique de vision de développement
durable qu'on a prise à l'ordre, on invite le gouvernement à avoir d'autres
projets dans ce sens-là. Merci.
Le Président (M. Simard) :
Merci. Alors, merci. Merci beaucoup, Mme Baig. C'est là le temps dont nous
disposions pour votre présentation. À nouveau merci, donc, pour votre précieuse
contribution à nos travaux.
Alors, chers collègues, compte tenu de l'heure,
nous allons suspendre et on se retrouve quelque part après les affaires
courantes. Donc, n'allez pas trop loin. À bientôt.
(Suspension de la séance à 11 h 29)
(Reprise à 15 h 40)
Le
Président (M. Simard) :
Alors, chers collègues, à l'ordre! Je constate que nous avons quorum.
Nous pouvons reprendre nos travaux. Comme vous le savez, la commission
est réunie afin de poursuivre les auditions publiques sur le projet de loi n° 66, Loi concernant l'accélération de certains projets
d'infrastructure.
Et nous reprenons cet après-midi
avec des représentants de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Nous avons un petit
problème technique qui nous empêche de voir comme telle Mme Bourque,
mais qui est bien présente parmi nous, bonjour, Mme Bourque...
Mme Bourque (Gisèle) : Oui, bonjour.
Le Président (M. Simard) :
...ainsi que M. Marcoux, qui est le président du conseil d'administration.
Donc, à vous deux, merci d'être avec nous. Et, Mme Bourque, donc, nous vous
écoutons, j'allais dire, religieusement.
(Visioconférence)
Association des constructeurs de routes
et grands travaux du Québec
Mme Bourque (Gisèle) : Merci. Alors,
M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, nous vous remercions
de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui de vous présenter le point de
vue de l'Association des constructeurs... et grands travaux du Québec à l'égard
du projet de loi n° 66. Je me présente, Gisèle Bourque,
avocate, directrice générale de l'ACRGTQ. Pour cette présentation, je suis
accompagnée de M. Sébastien Marcoux, président du conseil d'administration de
l'association.
Nous nous permettons de vous rappeler que
l'ACRGTQ, incorporée en 1944, représente la majorité des principaux entrepreneurs
et fournisseurs oeuvrant dans la construction de routes, d'ouvrages de génie
civil et de grands travaux. Elle est la seule représentante attitrée du secteur
génie civil et voirie de l'industrie de la construction. À ce titre, elle représente près de 2 500 entreprises
actives au sein de l'industrie de la construction de routes, d'ouvrages de génie civil et de grands travaux, lesquelles
emploient plus de 40 000
salariés ayant travaillé 34,9 millions d'heures en 2019.
L'ACRGTQ est
en accord avec l'objectif du projet de loi, soit l'accélération de certains
projets d'infrastructure dans un but de relance économique à la suite de
la pandémie liée au virus de COVID-19. Nous croyons que cette relance
économique peut et doit se réaliser en respect des règles d'intégrité des
contrats publics. Les propositions de l'ACRGTQ au regard du projet de loi
concernent essentiellement l'accès aux liquidités pour les entreprises du
secteur de la construction, le règlement des différends en chantier, les modes
d'octroi de contrats plus collaboratifs et les nouveaux pouvoirs de l'Autorité
des marchés publics.
D'entrée de jeu, nous vous soumettons que ce
projet de loi constitue une opportunité d'introduire un mode de règlement des
différends et de mettre fin aux délais de paiement abusifs dans l'industrie de
la construction. Dans une perspective de favoriser la relance de l'économie du
Québec, le gouvernement se doit de favoriser l'accès aux liquidités pour les entrepreneurs. Des mesures
similaires à celles prévues au projet pilote du Conseil du trésor,
concernant le calendrier de paiement et l'intervenant expert, doivent
s'appliquer non seulement pour les 181 projets de l'annexe I, mais aussi à
l'ensemble des contrats publics de la construction.
Le projet de loi n° 66
est le véhicule législatif approprié pour apporter de tels changements afin de
régler définitivement les retards de paiement injustifiés des donneurs
d'ouvrage, lesquels ont un effet multiplicateur sur l'ensemble des cocontractants, petits, moyens, grands entrepreneurs et
fournisseurs. Le projet pilote est particulièrement important pour le
domaine du génie civil et de la voirie puisqu'il résout les problématiques
liées aux délais lors de l'acceptation du décompte progressif au final par le
donneur d'ouvrage. Il permet aussi de solutionner rapidement, dans le cadre de
l'exécution des travaux, les différends qui concernent notamment le paiement
des avenants, des réclamations et des retenues.
Ce faisant, l'ACRGTQ ne trouve aucune
justification valable pour limiter ces mesures aux contrats de moins de 20 millions de dollars puisque les délais
de paiement sont tout autant présents pour les projets de grande
envergure et compromettent la sécurité
financière d'une longue chaîne d'entrepreneurs. De plus, l'ACRGTQ craint que la
prolongation de cinq ans du projet pilote, tel que prévu au projet de loi,
retarde l'émission du rapport du Conseil du trésor et l'adoption d'un cadre
réglementaire ou législatif permanent, qui est grandement attendu par
l'industrie. L'Ontario a, pour sa part, intégré de telles mesures dans sa loi
sur la construction le 1er octobre 2019. Ainsi, nous recommandons de retirer
l'alinéa deux de l'article 66 du projet de loi.
En outre,
voici certaines recommandations de l'ACRGTQ visant à permettre l'accès aux liquidités aux entrepreneurs :
appliquer le projet pilote aux 181 projets d'infrastructure de l'annexe I du
projet de loi sans égard à la valeur du contrat; rendre permanentes des mesures
similaires à celles prévues au projet pilote pour tout contrat public de
construction; retirer de la formulation actuelle de l'article 66 du projet de loi
l'exception : «...à moins que le mode de réalisation du contrat ou du
sous-contrat ne permette pas l'application d'un calendrier mensuel de
paiement.»
Également, afin de contribuer à l'accélération
des chantiers, et sans remettre en doute le cadre législatif propre à l'octroi des contrats publics, nous
croyons que des changements quant aux règles d'adjudication des contrats
seraient de nature à accélérer les mises en
chantier, favoriseraient l'innovation et amélioreraient la collaboration
entre les donneurs d'ouvrage et les entrepreneurs, tout en s'assurant du juste
prix.
La règle du plus bas soumissionnaire conforme
restreint la possibilité pour les organismes publics d'avoir recours à des modes d'attribution de contrats
mieux adaptés pour les travaux à effectuer en accordant une trop grande importance au prix. Elle restreint aussi la
capacité pour les entrepreneurs, pour certains contrats, de proposer des
alternatives parfois moins coûteuses et plus durables. Le gouvernement se prive
ainsi d'une importante source d'innovation.
Tel que démontré sur de nombreux chantiers au
Québec, au Canada et dans d'autres pays, l'adoption de modes d'adjudication
adaptés à la nature des projets à réaliser, au lieu de privilégier
systématiquement le plus bas soumissionnaire en mode traditionnel, réduirait le
temps de conception et de réalisation des projets tout en réduisant le coût de
réalisation de ceux-ci sans porter atteinte à la probité des marchés publics.
Qui plus est, le recours à des modes d'adjudication qui ne priorisent pas
uniquement le prix le plus bas, mais l'offre de meilleure qualité, n'ouvre pas la porte à la corruption ou à la collusion. En
effet, le recours à ces modes permet de respecter les principes
importants que sont l'intégrité du processus, l'égalité des soumissionnaires ou
l'intérêt des contribuables.
Ainsi, l'ACRGTQ propose de permettre
l'adjudication de certains projets de l'annexe I selon des modes mieux adaptés aux projets à réaliser. Également,
l'ACRGTQ est favorable à l'adoption de mesures propres à accroître les
pouvoirs de surveillance des marchés publics de l'AMP pour les projets de
l'annexe I. Néanmoins, de tels pouvoirs incitent à la prudence puisqu'ils
visent certains documents considérés comme confidentiels par l'entrepreneur ou
le sous-traitant, notamment lorsqu'ils
visent des secrets commerciaux ou lorsqu'ils sont protégés par le secret
professionnel.
En terminant, le comité d'experts indépendants
sur la programmation 2019‑2021 du MTQ faisait toujours état d'une détérioration du réseau avec un déficit de maintien d'actifs
de 16,4 milliards de dollars en 2019. Ce faisant, nous proposons
d'ajouter plus de travaux de réfection des infrastructures routières à la liste
des projets de l'annexe I.
En somme, bien que l'ACRGTQ anticipe favorablement
les effets de ce projet de loi sur le secteur du génie civil et voirie, les
parlementaires ont aussi l'occasion d'aller beaucoup plus loin, notamment pour
favoriser l'accès à des liquidités et pour corriger plusieurs problématiques
qui ralentissent l'exécution des chantiers.
En terminant,
tout comme le gouvernement, l'ACRGTQ reconnaît que la préoccupation constante
doit demeurer le maintien de l'intégrité de l'industrie ainsi que la
protection des entrepreneurs honnêtes et respectueux des lois et des règlements
en vigueur, qui représentent majoritairement l'industrie de la construction.
Nous vous remercions de votre attention.
• (15 h 50) •
Le Président (M. Simard) : Alors, merci à vous, Mme Bourque. Avant
d'entreprendre notre période d'échange, j'aurais une toute petite question d'intendance à régler avec vous. Étant donné nos problèmes techniques de branchement
tout à l'heure, on a pris 10 minutes de retard. Je pense que nous serons en mesure de pouvoir les récupérer, comme on le fait
d'habitude. Mais, quand même, ayons la bretelle et la ceinture, y aurait-il consentement
afin, éventuellement, au besoin, d'aller légèrement au-delà du temps
prévu cet après-midi? Il y a consentement? Très
bien, merci. Mme la ministre,
conséquemment, vous disposez de 16 minutes.
Mme
LeBel : Merci, M. le Président. Merci, Mme Bourque, de votre présentation. Peut-être
quelques petits points que j'aimerais aborder avec vous, mais je vais peut-être
terminer... commencer par la fin de votre présentation.
Les pouvoirs qui ont
été élargis et attribués à l'AMP dans le cadre du projet de loi n° 66 pour
permettre une surveillance plus accrue, si on veut, des 181 projets qui
sont à l'annexe du projet de loi... Vous dites que vous êtes favorables à l'adoption
des mesures susceptibles d'accroître le pouvoir de surveillance de l'Autorité
des marchés publics, naturellement, mais vous avez un bémol par rapport au
pouvoir d'enquête qui est donné à l'AMP, pouvoir qui n'existe pas par rapport, présentement, aux contractants ou aux sous-contractants,
d'aller chercher de la documentation, justement, dans le cadre de son
pouvoir d'enquête, de surveillance non seulement de l'adjudication des
contrats, mais de la gestion du contrat.
Vous dites qu'effectivement,
dans le cadre des nouveaux pouvoirs, l'AMP pourra imposer à tout contractant ou sous-contractant et à toute autre personne
ou société de personnes la communication de renseignements
concernant un contrat public. Et vous dites que ça incite à la prudence,
considérant les documents considérés comme confidentiels par l'entrepreneur ou liés par un secret
quelconque. Dans le cadre d'une enquête, il y a quand même une
confidentialité au niveau de l'enquête, puis il faut quand même donner à l'AMP
le loisir d'aller faire les vérifications qu'elle doit faire dans les
circonstances.
Alors, vous nous...
Est-ce que vous... Comment vous nous proposez, là, par rapport à cette
prudence-là, par rapport à ça... Parce qu'il faut aller chercher la
documentation dans le cadre d'une enquête. Ça demeure confidentiel. On peut
protéger cette documentation-là, comme vous le savez, devant les tribunaux,
s'il y a lieu. On peut protéger cette documentation-là si... Elle n'est pas
nécessairement publique si l'AMP en a besoin pour son enquête. Donc, quel est
cet appel à la prudence? Puis je suis intéressée, parce qu'effectivement c'est
un nouveau pouvoir qu'on veut... On va voir
aussi comment elle va l'exercer, mais je sais que le Bureau de l'inspecteur
général a déjà un pouvoir similaire. Alors, quand vous travaillez sur
l'île de Montréal, comment ça se passe?
Mme Bourque
(Gisèle) : Bien, écoutez, ce que je veux vous dire, là-dessus... Nous,
en fait, c'était une mise en garde. C'était une préoccupation que nous avions,
que nous voulions tout simplement vous adresser. On sait que, bien sûr, ces documents-là demeurent confidentiels
ou peuvent le demeurer. Mais, lorsqu'il s'agit, bien
sûr, de secrets commerciaux ou
de secrets professionnels, on veut juste s'assurer que ces secrets-là vont bien
demeurer des secrets. C'était juste une préoccupation qu'on voulait vous
adresser, c'était en ce sens-là, puisqu'il s'agit d'un nouveau pouvoir. Alors,
c'est très important, là. On n'a rien à cacher. Les entrepreneurs n'ont rien à
cacher. Il s'agit tout simplement que ces secrets-là demeurent des secrets.
Mme LeBel :
Donc, c'est un petit drapeau que vous levez, là, en direction de l'AMP, sur
l'application de ce pouvoir-là.
Mme Bourque
(Gisèle) : Exactement.
Mme LeBel :
O.K. Beaucoup de commentaires dans votre... à bon droit, d'ailleurs, là, mais
qui dépassent peut-être la portée du projet de loi n° 66. J'ai beaucoup
d'intentions et peut-être d'ambition concernant la loi sur les contrats publics,
que je suis... je ne dirais pas avec l'entièreté, là, mais la grande majorité
de vos propos sur... de revoir les modes
d'adjudication des contrats, de donner des modes alternatifs d'adjudication et
de peut-être se détacher... compte tenu de la nature du projet, se
détacher à tout prix et en toutes circonstances de la règle du plus bas
soumissionnaire qui, quant à moi, peut donner... est appropriée quand on parle
de projets très simples, mais qui peut devenir peut-être moins pertinente quand
on a des projets avec des aspects techniques plus complexes, disons-le.
Donc, je vais lire
avec beaucoup d'attention votre impression là-dessus, mais je vous dirais que
j'en partage la grande majorité, des constats. Et effectivement je veux qu'on
entreprenne un chantier pour revoir les modes d'adjudication des contrats, les
modes d'adjudication pour les services professionnels, effectivement, puis
donner peut-être plus de souplesse. Alors, sans vous donner toute la substance,
je vous rassure à l'effet que ça fait partie... C'est sur mon écran radar. En tout cas, c'est dans la vitre d'en avant,
là, ce n'est certainement pas sur le côté de la route.
Donc, dans ce
sens-là, je vais peut-être vous amener un peu plus sur l'accélération du mode
de paiement, parce qu'il y en a une portion, effectivement, dans le projet de
loi n° 66. J'ai bien noté votre questionnement sur la limite du
20 millions de dollars. Ce que j'aimerais peut-être discuter avec vous...
On a eu, d'ailleurs, la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec, qui
est venue nous parler ce matin, qui est également membre de la coalition sur
les retards de paiement. Je comprends que l'ACRGTQ également est membre de la
coalition sur les retards de paiement. C'est exact?
Mme Bourque
(Gisèle) : Tout à fait, oui, depuis le début, oui.
Mme
LeBel : O.K., oui. Est-ce que vous avez eu l'occasion de participer à
l'élaboration du projet de loi pilote... le projet pilote, en 2018, sur
les retards de paiement?
Mme Bourque (Gisèle) : Oui, tout à
fait. On est impliqués depuis le tout début de l'existence de la coalition.
Mme LeBel : O.K., et donc, depuis le
début, quand on a mis en place, en 2018, le projet pilote, je pense, c'est pour
52 projets, si je ne me trompe pas, qu'il a été mis en place, il ne... Je
veux commencer par vous rassurer, Mme Bourque,
que le projet de loi n° 66 n'a pas pour effet... En tout cas,
l'objectif... Et je dis toujours : On va aller vérifier la rédaction de l'article en question, mais
l'objectif du projet de loi n° 66 n'a certainement pas pour
effet de prolonger le projet pilote de cinq ans, là. Il se termine et il
se terminera pour les 52 projets visés, comme convenu, en août 2021.
Ce qu'on dit
dans le projet de loi n° 66, c'est que, pour... avec la limite de
20 millions, là, mais, pour les projets concernés, sur la liste des
181, ces projets-là pourront bénéficier de mesures équivalentes au projet
pilote pendant les cinq prochaines années à partir de l'adoption du projet de
loi, s'il est adopté. Donc, je veux simplement cadrer ça. Je l'ai fait, mais on
va vérifier pour être sûrs qu'il n'y a pas d'ambiguïté, parce que vous n'êtes
pas la première qui nous soulève ce questionnement-là. Mais je le dis, là, haut
et fort, ce n'est pas l'objectif d'étendre de façon subreptice le projet pilote
de cinq années supplémentaires.
Mais ce que je voulais vous demander :
Jusqu'à présent, quels sont vos constats par rapport à vos membres sur le projet pilote actuel, sur les deux aspects,
là, soit le calendrier de paiement ou la règle de... pour le règlement
des différends, pardon, quels sont, jusqu'à présent, vos constats par
rapport... Quels constats vous donnent vos membres? Je m'excuse, je m'empêtre
dans mes propres mots.
Mme Bourque (Gisèle) : Bien,
écoutez, peut-être, M. Marcoux, vous voulez répondre à cette question?
M. Marcoux (Sébastien) : Bien
oui, Gisèle, merci beaucoup. Bien, ce qu'on constate, là, dans le domaine du
génie civil, on parle d'une vingtaine de projets sur les 52. On pense qu'il y
en a à peu près 42 qui sont comptabilisés présentement. Évidemment, les travaux
ne sont pas encore terminés. Puis ceux qui ont... ce qu'on comprend de nos informations, là, qui ont affaire à un intervenant expert, c'est à peu près
cinq. Et, dans la majorité de ces cas-là, évidemment, comme j'ai
mentionné, les travaux ne sont pas terminés, mais il y a vraiment une
satisfaction au niveau du processus de la part de tous ceux qui ont participé
dans les 23 projets et ceux aussi qui ont participé, là, dans les cinq
éléments ou les cinq moments où on a dû faire intervenir l'intervenant expert.
Mme LeBel : O.K. La Corporation
des entrepreneurs généraux du Québec nous a entretenus aussi sur cet aspect-là
ce matin. Bon, l'objectif d'un projet pilote, c'est de mettre en place des
mesures puis, naturellement, les mettre à
l'épreuve, là, pour voir, dans le quotidien, comment elles passent le test de
la réalité, si je peux le dire. Est-ce
que vous avez, à votre connaissance... Bien que je comprends que la
satisfaction générale semble être là, est-ce que vous avez connaissance de choses qui pourraient être améliorées dans le processus?
Est-ce que vous avez... Parce que, bon, la perfection,
surtout pas du premier coup, n'existe
pas, là. Donc, est-ce que vous avez des choses que vous pensez qu'on
pourrait améliorer ou des suggestions qu'à la fin du projet pilote vous pensez
être en mesure de faire, là? J'imagine que, dans le cadre du projet pilote, on
doit vous consulter à la fin de tout ça également, là?
M. Marcoux
(Sébastien) : Absolument,
il y a certaines améliorations qui pourraient être apportées. Lorsqu'on
regarde, par exemple, juste en exemple, le coût de l'intervenant expert par
rapport à la somme qui pourrait être litigieuse, hein, alors c'est peut-être
une adaptation qu'il faudrait avoir à ce moment-là. C'est juste un exemple,
mais il y en a peut-être d'autres.
Mme LeBel : O.K. Et puis je me suis peut-être
avancée tantôt, mais j'imagine que vous êtes... Vous allez certainement nous
faire part de votre opinion, le cas échéant, mais vous êtes... Est-ce que, dans
le processus officiel, là, à la fin du projet pilote, il est convenu que vous
donniez vos impressions pour qu'on puisse voir de quelle façon on peut rendre
pérennes ces mesures, par la suite, en les améliorant, mais naturellement?
M. Marcoux (Sébastien) : Bien, à ma
connaissance, la réponse, c'est oui, là.
Mme Bourque (Gisèle) : Oui, absolument,on
va donner tous nos commentaires.
Mme LeBel : Super, ça va être... Je
vais attendre ça avec beaucoup d'intérêt. Mais peut-être une dernière petite
remarque par rapport à ça. Dans le... Vous parlez, entre autres, dans votre
mémoire, sur ce qu'on a mis dans le projet de loi n° 66 pour permettre
d'étendre, si on veut, la portée du projet pilote à quelques projets, là, ceux
qui sont de 20 millions et moins, sur
la liste des 181, et vous parlez que ce serait bien de retirer la formule
actuelle de l'article 66 du projet qui dit : «...à moins que le
mode de réalisation du contrat ou du sous-contrat ne permette pas l'application
d'un calendrier mensuel de paiement.»
Alors que la CEGQ, ce matin, nous a bien dit
qu'effectivement il y avait des types de projets, entre autres, les CCF, là,
conception, construction, financement, pour lesquels un calendrier de paiement
et le projet pilote ne s'appliqueraient pas de toute façon, là, parce que ce
n'est pas... les enjeux ne sont pas les mêmes... Alors, pourquoi vous nous
proposez de retirer cette appellation-là alors que, selon la CEGQ, c'est
pertinent de le faire parce que, justement, il y a des
projets de construction pour lesquels ce n'est pas approprié, ce genre de
projet pilote? Je veux juste comprendre votre... à quoi vous faites référence,
pourquoi...
Mme Bourque (Gisèle) : Bien, nous,
dans notre secteur, génie civil, voirie, on croit que ça ne devrait pas...
cette disposition-là qui est restrictive, en fait, ne devrait pas s'appliquer,
parce qu'on n'a probablement... on n'a pas... certainement pas les mêmes
problématiques et les mêmes situations que celles de la CEGQ, par exemple, là,
alors, ou que d'autres organisations. Alors, dans notre secteur à nous, on
considère que ça ne devrait pas s'appliquer parce que ça devient une
restriction.
Mme LeBel : Juste pour bien comprendre,
Mme Bourque, vous considérez que, dans votre secteur, il n'y a aucun type de
projets pour lesquels le mode de réalisation... pour lesquels l'application
d'un calendrier mensuel de paiement ne serait pas praticable. C'est ça?
Mme Bourque (Gisèle) : Exactement.
Mme LeBel : Donc, en principe, cette
disposition-là ne devrait pas vous affecter, mais vous craignez qu'elle soit
utilisée pour restreindre.
Mme Bourque (Gisèle) : Oui, exactement.
• (16 heures) •
Mme
LeBel : O.K.,
parfait. Je veux juste être sûre de bien comprendre votre pensée, là, parce qu'il y a effectivement des modes de réalisation
pour lesquels un calendrier de paiements mensuels n'est pas applicable, mais on
pourrait voir si on ne peut pas la clarifier à ce moment-là.
Écoutez, pour moi, M. le Président, ça fait le
tour des questions que j'avais parce que le mémoire était... Merci, Mme Bourque, de votre... Je n'aurai
pas l'occasion de vous remercier à la fin, là. Merci de votre
collaboration, votre participation. Merci beaucoup.
Mme Bourque (Gisèle) : Merci.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous, Mme la ministre. M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Merci, M. le
Président. Alors, Me Bourque, M. Marcoux, bienvenue, évidemment.
Alors, je vais aller directement à mon point
préféré. Vous êtes l'association des constructeurs de routes et des grands
travaux du Québec. Je ne peux pas avoir un groupe plus mieux placé pour
répondre à ma question. Ça ne se dit pas, là, «plus mieux», là, on s'entend,
mais je vais le dire pareil. Ça fait référence à des choses plus humoristiques
qu'on ne citera pas.
Alors, dans
votre mémoire, là, que j'ai devant moi, là, vous avez beaucoup d'emphase... En
termes de partie, là, dans le
mémoire, il y a une grande partie, très significative, qui va sur la question
du projet pilote. On s'entend là-dessus. Je pense qu'il n'y a personne
qui ne s'entend pas là-dessus. On va voir ce que ça va donner au projet de loi.
Mais vous avez aussi une très grande partie sur l'adjudication des contrats.
Bon, ça, c'est un petit peu en dehors du projet de loi n° 66, mais je vous
ai. Je vais vous garder. Et vous le dites, là, dans votre mémoire : Il
faut changer ça parce qu'on aurait, selon ce que vous mettez de l'avant, la
possibilité d'avoir plus de qualité, plus de durabilité.
Alors là,
écoutez, moi, je vais vous poser la question que j'ai posée ce matin et
précédemment. Voulez-vous bien me dire comment ça se fait qu'on n'est
pas capables d'avoir ça avec le mode de fonctionnement actuel? En français, là,
clairement, là, le plus bas prix... le prix au plus bas soumissionnaire dans
l'adjudication dépend directement et totalement de ce qu'on écrit dans
le devis. Si ce qu'on écrit dans le devis n'est pas respecté à l'exécution, ça
ne marche pas.
Alors, il y a deux paramètres, là, ici, là. Il y
a, un, ce qu'on écrit dans le devis, deux, comment on exécute les travaux. Le
prix, c'est une chose, mais en quoi l'adjudication changerait les choses? Vous
nous dites : Bien là, la durabilité... Bien oui, mais qu'on prenne des
matériaux plus durables, qu'on construise nos autoroutes et nos routes en
béton, ça va durer plus longtemps. En quoi, là, le plus bas soumissionnaire, dans
le cas de la construction, pas dans les services, là, la construction, c'est
matériel, c'est un devis avec des éléments clairs, un devis qui est censé avoir
été écrit par des ingénieurs qui ont la compétence, et ainsi de suite, fait en
sorte que c'est un mauvais mode d'adjudication? Et comment ça se fait que ça
serait meilleur en qualité, en durabilité, et je ne sais quoi, de le changer?
Expliquez-moi ça.
Mme Bourque (Gisèle) : Alors,
Sébastien, est-ce que tu veux répondre?
M. Marcoux
(Sébastien) : Oui, je peux peut-être
aller... Je ne pense pas qu'on dise que le plus bas soumissionnaire,
c'est un mauvais mode. Ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas le mode le plus
approprié pour tous les types de contrats.
Maintenant, je peux vous donner un exemple. Si
on fait un devis de performance... Vous avez fait référence à des ornières. Alors, ce qu'on dit : Sur une
certaine durée, bien, on veut qu'il y ait un indice de roulement, que
l'usager soit confortable. Bien, lorsqu'on a un devis de performance, on peut
modifier les épaisseurs d'asphalte, par exemple, pour être capables de
rencontrer ce devis de performance là qui va peut-être faire en sorte que
l'entretien, au lieu de le faire dans l'année n° 5,
bien, on va le faire dans l'année n° 7.
Alors,
c'est un ensemble de coûts, pas uniquement sur les coûts de construction, mais
on prend en considération aussi les coûts d'entretien sur certains
contrats. Alors, on regarde sur une certaine période qu'est-ce qui revient le
moins cher. C'est un exemple.
M. Barrette : Alors, si je reprends
votre exemple, là, M. Marcoux, vous me dites que, si le devis était bien écrit, le devis, dans l'exemple que vous venez de
prendre, allant affecter le prix, bien, il n'y aurait pas les problèmes
qu'on a. C'est ça que vous venez de nous
dire, là. Si, dans le devis, qui comprenait la qualité de l'asphalte, et
l'entretien, et ce que vous venez... ce dont vous venez de parler, avait
été écrit dans le devis initial, on aurait moins d'ornières. C'est ça que vous
avez dit, là.
M. Marcoux
(Sébastien) : On parle, dans
ce cas-ci, d'un devis de performance. Au départ, le devis... Il faut que
le devis soit adéquat. Il faut que les
matériaux soient conformes. Il faut que les travaux soient exécutés de façon
conforme.
M. Barrette : Bon.
M. Marcoux (Sébastien) : Après ça,
c'est une question d'entretien. Alors, lorsqu'on se retrouve avec un problème
d'orniérage comme vous avez mentionné, ça peut être différentes raisons.
M. Barrette : Oui, différentes
raisons qui nous ramènent toujours à la conception du devis et à l'exécution
des travaux. J'ai bien de la misère à vous le faire dire, mais vous me le dites
par le biais de vos exemples. Si, dans le devis, les choses sont bien écrites
pour ce qui est de la spécificité de la qualité des matériaux à utiliser, de l'exécution
des travaux, de l'inclusion, dans le devis de la performance, qui amène... Tous
les éléments que je viens de dire, vous allez être d'accord, ont une influence
sur le prix, mais, si tout ça est bien écrit, bien, tout le monde va faire face
au même appel d'offres, et le plus bas prix... le prix du plus bas
soumissionnaire va être obligatoirement plus élevé que ce que l'on voit aujourd'hui,
et le citoyen va être mieux servi. Qu'en pensez-vous?
M. Marcoux (Sébastien) : Bien, écoutez,
vous l'avez dit, là, je suis d'accord avec vous, les bons matériaux, le bon
devis et la bonne exécution.
M. Barrette : Et la bonne maintenance.
M. Marcoux (Sébastien) : Pour
avoir un ouvrage qui répond aux normes, à la base, il faut les trois.
M. Barrette : Ce qui...
Parfait. Et, quand on constate, au Québec, que, deux, trois ans plus tard,
après avoir fait une réfection de cinq kilomètres, 10 kilomètres
d'autoroute, on a encore des ornières, c'est qu'il y a eu un problème, quel
genre de problème à votre avis?
M. Marcoux (Sébastien) : Ça
peut être un des trois.
M. Barrette : Parfait.
M. Marcoux (Sébastien) : Ça
peut être un problème d'entretien après sur la route.
M. Barrette : Parfait. Donc, il y a un problème
au devis. À la naissance du projet, il
y a un problème. Très bien. Je retiens ça. M. le Président,
mon collègue aurait une question.
Le
Président (M. Simard) :
Bien sûr. M. le
député de Mont-Royal—Outremont, vous disposez de 3 min 45 s.
M. Arcand :
Merci, M. le Président. Il y a quelque chose qui m'a intrigué dans un des
commentaires que vous avez faits, c'est que
vous avez dit, dans votre mémoire, entre autres, qu'une stabilité dans les
contrats publics, en étalant certains travaux, etc., encouragerait les
entrepreneurs à diminuer leurs prix. Et évidemment un projet de loi comme celui
qu'on a devant nous aujourd'hui, malgré l'intervention plus massive de
l'Autorité des marchés publics, malgré certaines modifications qui ont été
apportées à certaines lois, il n'en demeure pas moins que le fait d'accélérer
les travaux, en principe, peut faire augmenter les prix, qu'on le veuille ou
qu'on ne le veuille pas. Je voudrais juste que vous m'abordiez cette
question-là en... Qu'est-ce que vous entendez par stabilité? Vous voulez avoir
des contrats sur plusieurs années? Comment vous voyez ça?
M. Marcoux (Sébastien) : Bien,
Gisèle, je peux peut-être répondre. La première chose, c'est d'avoir une prévisibilité. Alors, lorsqu'on fait des... les
entrepreneurs font des investissements, par exemple, dans les
équipements, si on comprend ce qui s'en vient en termes d'ouvrage, c'est bien
évident que ça facilite la planification et ça facilite les investissements.
Ça, c'est une chose. Dans le projet de loi actuel, si on regarde en génie
civil, on parle de 52 projets qui sont dans toutes les régions du Québec.
Alors, on parle de quatre projets en Abitibi, deux en Mauricie, deux dans le
Bas-Saint-Laurent. Alors, on ne pense pas, dans notre cas, que le nombre de ces
projets-là, en autant que ce soit à travers
le Québec, dans les différentes régions, qui vont donner la chance aux
différents entrepreneurs de soumissionner sur les
différents projets, que ça va causer une surchauffe, mais ça va permettre de
planifier mieux les travaux à venir sur une période un petit peu plus longue.
M. Arcand : Et, si j'avais à vous demander, là, parce que
vous avez fait part de vos recommandations, de vos propositions... Si on avait à vous demander quelle
est la proposition pour améliorer ce projet de loi là, quelle
serait-elle, la première proposition, pour vous?
• (16 h 10) •
Mme Bourque (Gisèle) : Bien,
dans un premier temps, je pourrais répondre en disant... Que le projet de loi ne s'applique, là, qu'aux contrats de 20 millions et moins... D'abord, on ne comprend pas pourquoi...
limite. Ça permettrait d'aller beaucoup plus loin au niveau de la
relance économique. Alors, ce serait d'enlever cette balise du 20 millions
maximum, parce qu'on parle bien d'un projet qui va aider la relance économique.
Alors, on a beaucoup de grands projets au Québec qui devraient être faits, et
avec... qui dépassent de beaucoup ce 20 millions là.
M. Arcand : Donc,
pour vous, ça serait... l'élément premier, là, c'est la question du 20 millions.
Mme Bourque (Gisèle) : Oui, ça
serait un élément, je vous dirais, un élément qui nous frappe d'entrée de jeu, là,
qui nous a frappés. On s'est posé la question : Pourquoi 20 millions, alors, toujours dans la perspective de la relance économique,
donc, des travaux de construction qui nous concernent, notamment génie civil,
voirie. Le deuxième point en ce qui concerne génie civil, voirie, nous n'avons
que 52 projets sur 181. Alors, encore là, c'est très restrictif. Parlons
pour notre domaine à nous. Pourquoi 52 projets? Alors, c'est un deuxième
point qui devrait être aussi élargi.
Le
Président (M. Simard) :
En conclusion. Oui, je vous en prie, Mme Bourque, veuillez finir, s'il vous plaît.
Mme Bourque (Gisèle) : Bien,
voilà, alors c'étaient les deux premiers points qui attiraient notre attention.
M. Arcand : O.K.,
merci.
Le
Président (M. Simard) :
Désolé, Mme Bourque. Alors, je cède maintenant la parole au député
de Rosemont. Cher collègue, vous disposez de 2 min 40 s.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. Bonjour. Merci d'être là. Je vais vous poser une question que j'ai
posée ce matin à vos collègues, là, de la Corporation des entrepreneurs
généraux du Québec. Je comprends les plaidoyers qui sont faits, là, pour vos membres,
là. Ça, ça va de soi, notamment sur le problème de liquidités, le fait d'être
payé à temps. Tout ça est parfaitement légitime. Vous faites aussi un
plaidoyer, en fin de mémoire, pour ajouter plusieurs projets de réfection ou
d'entretien des routes. Ça correspond aussi au mandat que vous défendez. Je
comprends bien, sauf qu'on nous dit que la liste est fermée. Donc, en principe,
on fonctionnera avec les projets qui sont en annexe I. Et, de deux, il y a
beaucoup d'éléments qui touchent l'environnement, le BAPE, les évaluations
environnementales, dont vous ne parlez à peu près pas ou, en fait, très peu. Ce
matin, juste avant la pause du dîner, peut-être avez-vous entendu l'Ordre des
ingénieurs qui était ici, qui ont quand même insisté beaucoup sur l'importance
des évaluations environnementales en disant, notamment, que les consultations
publiques sont partie intégrante de l'acceptabilité sociale des grands projets.
Êtes-vous... Partagez-vous ce point de vue défendu par l'Ordre des ingénieurs
ce matin?
Mme Bourque (Gisèle) : En fait, moi,
je vous dirais que l'association pense fermement que le processus d'approbation
au niveau de l'environnement, pour les différents projets, doit demeurer. C'est
évident. Toutefois, avec le projet de loi n° 66, on parle de délais
sensiblement raccourcis, par la force des choses. Ça doit être ainsi. Alors, on
considère que nous... à partir du moment où les approbations environnementales
sont données, que le processus est suivi, de respect de l'environnement, que le
délai peut être raccourci sans affecter les problèmes environnementaux qui
pourraient s'y rattacher.
M. Marissal : Pourquoi dites-vous
que, par la force des choses, cela doit être ainsi? J'ai peut-être mal capté
votre phrase, là.
Mme Bourque (Gisèle) : Parce qu'on
parle d'un projet de... Bien, en fait, c'est qu'on parle d'un projet sur la
relance économique, donc des projets qui vont se faire plus rapidement, c'est
dans ce sens-là.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Marissal : Donc, pour vous, il
est naturel, donc, de diminuer les évaluations environnementales dans le temps
puisqu'on est devant un projet de relance.
Mme Bourque (Gisèle) : De diminuer
les délais s'y rattachant.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui. Merci de votre présence. On va rester dans les délais. À la page 12
de votre mémoire, vous faites référence au lancement des appels d'offres, et à
l'adjudication des contrats, et le fait que les donneurs d'ouvrage attendent
parfois jusqu'à la dernière journée de validité des soumissions avant de savoir
si un donneur d'ouvrage va attribuer le contrat. Donc, ça repousse l'ensemble
de la machine. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets, là, où ce type de
délai s'applique, malheureusement, selon vous?
M. Marcoux (Sébastien) : Gisèle, je
peux peut-être y aller, juste donner un exemple. Si on dépose une soumission au
mois de mars d'une certaine année, on va demander, par exemple, que le prix
soit bon pour six mois. L'entrepreneur qui soumissionne ne saura pas, dans
certains cas, et ça arrive fréquemment, par exemple, avant le mois de septembre
que le contrat va lui être octroyé, et le contrat ne sera pas signé avant deux
mois plus tard. Alors, dans certains cas, les conditions ont changé. Alors, on
se retrouve à faire exécuter des travaux beaucoup trop tard dans l'année en
conditions différentes de ce qui avait été prévu. Alors, c'est certain que,
quand les entrepreneurs sont au courant de ces pratiques-là, bien, le prix
initial est en conséquence, parce qu'il y a une incertitude pour... du moment
auquel on va débuter les travaux.
M. Gaudreault : O.K. Et est-ce que
vous trouvez que le projet de loi n° 66 vient solutionner ou régler ce
problème-là?
M. Marcoux (Sébastien) : Le projet
de loi ne l'adresse pas du tout présentement, parce que ce qu'on dit dans notre
mémoire, c'est important pour tous les projets, incluant ceux-là qui sont
listés dans l'annexe du projet de loi ici, de prendre cet élément-là en
considération parce que ça a un impact sur les prix des projets.
M. Gaudreault : O.K. Donc, on
pourrait agir là sans avoir besoin du projet de loi puis on accélérerait les
chantiers.
M. Marcoux (Sébastien) : C'est une
mesure. C'est une mesure qui devrait être appliquée à tous les projets que l'on
fait, tout simplement, c'est une mesure.
M. Gaudreault : Et ça se réglerait
par mesure de gestion interne ou par règlement.
M. Marcoux (Sébastien) : Je présume,
que ce soit à travers les contrats gouvernementaux ou même au niveau municipal
aussi. Les problématiques, aussi, sont au niveau municipal.
M. Gaudreault : O.K., merci. Ça va
aller.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Alors, Mme Bourque,
M. Marcoux, de l'Association des constructeurs de routes et grands
travaux du Québec, merci beaucoup pour la qualité de votre contribution à nos
travaux.
Sur ce, nous allons suspendre brièvement.
(Suspension de la séance à 16 h 17)
(Reprise à 16 h 20)
Le
Président (M. Simard) :
Chers collègues, nous allons reprendre nos travaux. Nous sommes maintenant en compagnie de Me Nikolas Blanchette, associé chez Fasken Martineau
DuMoulin. Maître, soyez le bienvenu parmi nous.
M. Blanchette (Nikolas) : Bonjour.
Merci.
Le Président (M. Simard) : Vous
savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre
présentation.
(Visioconférence)
M. Nikolas Blanchette
M. Blanchette (Nikolas) : Parfait.
Alors, bonjour à tous. Je tiens d'abord à remercier la commission de m'avoir
invité à participer ce jour. Je salue M. le Président, Mme la secrétaire, Mme
la ministre ainsi que tous les membres de la commission.
Je me
présente : Me Nikolas Blanchette. J'exerce comme avocat au sein du cabinet
Fasken Martineau DuMoulin à titre d'associé principal et leader du
groupe de pratiques en litige immobilier. J'ai développé une expertise dans le
domaine de l'expropriation depuis maintenant plus d'une dizaine d'années.
J'ai oeuvré dans plusieurs causes
d'expropriation et je suis présentement impliqué dans plus d'une vingtaine de
dossiers, que ce soit dans des contextes plus usuels ou dans le cadre de
projets spécifiques que nous connaissons, comme le REM ou
le prolongement de la ligne bleue. J'ai été amené à plaider devant toutes les
instances, que ce soit devant le Tribunal administratif du Québec, la Cour
supérieure, la Cour d'appel du Québec ou encore la Cour suprême du Canada. Je
publie et je donne régulièrement des conférences en droit d'expropriation. J'ai
inauguré et je préside les colloques du Barreau du Québec en droit
d'expropriation.
Ça me fait donc plaisir d'être ici avec vous cet
après-midi pour vous faire part de certains commentaires sur les dispositions
du projet de loi n° 66 qui concernent l'expropriation. Je parle ici plus
spécifiquement des articles 14 à 18 et
69 à 73 de la loi... du projet de loi. J'ai préparé un mémoire qui a été
transmis à la commission plus tôt ce jour. Tout le détail de mon propos
se trouve plus amplement décrit dans le mémoire. Je vais donc m'attarder à
quelques éléments qui me semblent particulièrement d'intérêt dans le cadre de
l'étude des dispositions du projet de loi.
Ma présentation
initiale portera donc sur quatre points que j'aimerais soumettre à l'attention
de la commission : premièrement, les dispositions visant à
interdire les recours en contestation du droit d'exproprier, alors je parle ici
de l'article 17 du projet de loi; deuxièmement, les dispositions visant à
donner un effet rétroactif à ces règles qui visent l'interdiction des recours
en contestation, je parle ici de l'article 69 du projet de loi;
troisièmement, la nécessité de favoriser un dialogue entre les parties impliquées
au projet d'expropriation pour assurer la réussite et l'accélération des
projets d'infrastructure qui sont priorisés par le gouvernement dans le projet
de loi n° 66. Enfin, je ferai un commentaire
sur la nécessité, selon moi, de moderniser la Loi sur l'expropriation et les
difficultés que posent l'adoption d'une loi spéciale comme celle qui est
présentée devant vous.
Alors,
d'abord, j'aimerais attirer votre attention sur l'article 17 du projet de
loi. On peut constater, au troisième alinéa, la mention d'une
interdiction au recours en contestation du droit d'exproprier. Je cite le
paragraphe en question : «Le droit de l'expropriant à l'expropriation ne
peut être contesté et, en conséquence, les articles 44 à 44.3 de [la Loi
sur l'expropriation] ne s'appliquent pas.»
Alors, ce
paragraphe soulève une problématique sérieuse, selon moi. L'interdiction de
contester le droit d'exproprier est rédigée en termes larges. Il est
donc susceptible d'avoir comme conséquence de priver la partie expropriée de
tout pouvoir de contestation possible, et ce, peu importe le véhicule
procédural choisi. Alors, quel est l'objectif
poursuivi par le législateur? Est-ce de retirer le droit au recours prévu à
l'article 44 de la Loi sur l'expropriation ou plutôt de limiter
plus largement tout type de contrôle judiciaire devant la Cour supérieure?
C'est une question qu'il faut se poser. Il faut se rappeler, et je pense que
c'est important de le rappeler, que la Cour supérieure a un pouvoir inhérent de
contrôler les lois et les actes publics du Québec. Ce pouvoir est
constitutionnel. Il est prévu à l'article 96 de la Loi constitutionnelle
de 1867. Vouloir empêcher tout contrôle serait alors hautement problématique,
selon moi, et susceptible d'occasionner des débats judiciaires importants.
Par ailleurs, vouloir empêcher seulement le contrôle judiciaire en vertu de l'article 44 de la Loi sur l'expropriation
n'atteindra pas la cible de vouloir accélérer les travaux d'infrastructure
nécessitant des expropriations car cela n'aura pas l'effet d'empêcher le contrôle judiciaire en vertu des pouvoirs inhérents de la Cour
supérieure. Donc, on risque
non pas d'accélérer, mais plutôt de compliquer les procédures et les recours en
contestation, ce qui aura l'effet contraire à ce
qui est recherché par le législateur. Ma recommandation, pour ce premier point, est donc de suggérer à la
commission de revoir le choix du législateur de retirer le pouvoir de contester
un droit d'expropriation dans le cadre des projets d'infrastructure identifiés
dans le projet de loi.
Dans un deuxième temps, j'attire votre attention
sur l'article 69 du projet de loi. Le deuxième alinéa de l'article 69
prévoit que l'interdiction prévue à l'article 17 que nous venons
d'examiner ensemble serait applicable aux
procédures de contestation en cours devant la Cour supérieure dans le cadre du
projet de prolongement de la ligne bleue. On comprend ici que la
problématique initiale que je viens d'expliquer demeure, mais, au surplus,
l'objectif poursuivi serait alors de vouloir
interrompre des débats qui ont présentement lieu devant la Cour supérieure, de
dessaisir la Cour supérieure de son contrôle judiciaire qu'elle exerce en vertu
de l'article 44 de la Loi sur l'expropriation. Une telle proposition est tout à fait préoccupante, selon moi, d'un point de
vue de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance du pouvoir judiciaire dans un État de droit comme
le nôtre. Cela pourrait à nouveau compliquer les débats judiciaires
plutôt qu'atteindre l'objectif par le
législateur d'accélérer les projets d'infrastructure. Ma recommandation, pour
ce deuxième point, est qu'à tout événement toute mesure touchant le
droit de contestation demeure prospective et non rétroactive.
En conséquence des deux premiers points que je
viens de vous soumettre, il importe de remarquer que le projet de loi, dans son
libellé actuel, ne prévoit pas de mécanisme qui permettrait d'accélérer et
d'améliorer la coordination des projets qui nécessitent des expropriations. Le projet
de loi semble ainsi vouloir favoriser une approche
centrée sur l'interdiction de la sanction, alors que je pense que la réussite
des projets annoncés devrait plutôt reposer
sur des efforts supplémentaires de planification et de coordination des différentes parties
impliquées, commençant par les ministères impliqués, les villes et les municipalités,
les professionnels retenus, les parties expropriées, le secteur avoisinant, les
marchands, les citoyens, etc.
Dans la pratique, il est clair qu'une gestion et
une coordination complète, incluant les parties expropriées et leurs professionnels,
favorisent souvent une meilleure gestion des dossiers d'expropriation et, à mon
avis, permettent d'éviter des contestations judiciaires qui portent sur la
légalité des procédures. C'est là que l'on pourrait constater, selon moi, une plus grande célérité des processus administratifs et judiciaires en situation
d'expropriation. En revanche, lorsque les parties expropriées sont
placées devant un fait accompli et que les planifications ou que la
planification s'avère déficiente, par exemple lorsque les effets de
l'expropriation ont été mal compris par la partie expropriante ou ses
professionnels, l'on constate alors souvent des complications et des délais. Ma
recommandation, sur ce troisième point, serait de mettre de côté les mesures
visant à empêcher et/ou arrêter les contestations judiciaires en cours et concentrer les efforts sur un dialogue ouvert et
constructif qui implique les parties prenantes d'un projet
d'infrastructure, incluant les parties expropriées.
Enfin, je me permets
d'apporter à votre attention le fait suivant. L'adoption récente de lois
spéciales comme celles du REM et du tramway
à Québec démontre clairement
la difficulté de travailler avec la Loi sur
l'expropriation. Celle-ci nécessite une
réforme complète. Il serait important que cette réforme puisse avoir lieu, ce qui
permettrait d'éviter de multiplier
les lois spéciales qui sont susceptibles de venir court-circuiter les droits
qui sont en jeu en droit d'expropriation.
Il faut se rappeler que le droit de
l'expropriation est un droit exorbitant qui affecte sérieusement le droit de propriété des parties expropriées qui sont visées
par de telles procédures. Les projets de construction et d'infrastructure
et l'annonce d'expropriations sont de plus en plus complexes et les superficies
expropriées sont de plus en plus importantes. La problématique des lois
spéciales est de ne pas faire un travail de fond avec les nuances nécessaires
pour s'assurer d'atteindre les objectifs poursuivis tout en respectant les
droits qui sont sérieusement compromis en pareilles circonstances. Ma recommandation
serait donc de prendre les présentes circonstances pour entamer une révision de
fond sur la Loi sur l'expropriation.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion, cher maître.
M. Blanchette (Nikolas) : Alors,
c'était ma conclusion. Merci beaucoup.
• (16 h 30) •
Le
Président (M. Simard) :
Merci à vous. Vous avez lu dans mes pensées. Je laisse maintenant la parole à
la présidente du Conseil du trésor. Madame, vous disposez de 16 minutes.
Mme
LeBel : Merci, M. le Président. Merci, Me Blanchette, pour ce... Je ne vous cacherai pas que je
n'ai pas eu le temps et l'occasion de
lire votre mémoire avec toute l'attention nécessaire qu'il requiert, là, pour
bien comprendre toutes les nuances juridiques. Puis ça va peut-être me
ramener à des anciennes amours qui ne sont pas si lointaines, d'ailleurs. Ça
fait que je vais le faire... je vais le lire avec beaucoup d'attention, parce
que, naturellement, l'objectif n'est pas de faire le contraire... d'avoir les
effets contraires de l'objectif visé, naturellement.
Ceci étant dit, peut-être que je vais me
permettre de vous poser deux, trois questions. Je n'entrerai pas nécessairement
dans les détails parce que votre mémoire est quand même, vous l'avez dit, très
bien étoffé, puis ça va... Il va y avoir beaucoup de choses dans... qui vont me
donner matière à réflexion, mais il y a deux, trois petits points que
j'aimerais peut-être que vous soyez capables de nous expliquer de façon un peu
plus... avec plus de détails, peut-être, ou avec des exemples concrets, parce
qu'on a parlé beaucoup de la théorie, là, puis du projet de loi.
Vous avez bien dit... Il y a deux sections dans
le projet de loi en matière d'expropriation. Puis je vais simplifier ça à sa
plus simple expression, là, naturellement, là. Il y a la section où on agit en
amont des dossiers, donc, tout ce qui
concerne les projets, les 181 projets. C'est-à-dire qu'on agit en amont
avant que le droit de contester soit exercé
ou ait commencé à être exercé, donc, avant que les expropriations aient
commencé. Vous l'avez bien mentionné, je pense, c'est l'article 17
qui le prévoit. Et il y a toute la section sur la ligne bleue où, présentement,
on agit de façon rétroactive, selon vos propos, parce qu'il y a des
contestations devant la Cour supérieure, des contestations qui sont déjà en
cours dans le cas de la ligne bleue. Donc, il y a deux choses, pour moi, là,
deux sections sur l'expropriation, si je peux le dire de cette façon-là.
La section où on agit en amont est... je ne
dirais pas calquée, mais est très fortement inspirée des projets de loi
spéciaux qui ont eu lieu, entre autres, dans le cadre du REM, vous l'avez dit.
L'objectif de tout ça est de faire en sorte que les projets ne soient pas
stoppés. Vous avez raison, là, moi, j'en suis, il faut se parler. Une bonne
entente vaut mieux qu'un mauvais jugement... un mauvais... En tout cas, peu
importe, vous connaissez le dicton autant que moi. Donc, il vaut mieux
s'entendre, des fois, qu'aller devant les tribunaux. J'en suis, mais le fait
brut... le fait est qu'il existe des situations où, quand c'est l'indemnité qui
est contestée, on conteste quand même l'expropriation à sa base et on stoppe le
projet de construction, et souvent... Je ne dis pas que c'est le cas de tout le
monde, mais ça peut servir de levier de négociation, et le projet est, à toutes
fins pratiques, stoppé.
Ce qu'on cherche à... Je n'ai pas la prétention
de vouloir réformer la Loi sur l'expropriation, là. C'est mon collègue du
ministère des Transports qui devra se pencher sur l'opportunité de le faire ou
non. Mais ce qu'on cherche à faire, donc, on
ne s'en cache pas, c'est de faire en sorte de pouvoir permettre les négociations
sur l'indemnité et, éventuellement, les contestations, qu'un tribunal,
une cour puisse trancher sur la juste valeur marchande de la propriété
expropriée, mais ne pas faire en sorte que tout ce processus-là vienne stopper
indûment et mettre un frein indûment au
projet. Donc, j'en suis, dans la première section. On pourra voir, par la
suite, pour la section de la ligne bleue.
Je comprends les mises en garde que vous nous
faites au niveau juridique, mais de quelle façon peut-on atteindre cet objectif-là?
À moins que vous me disiez qu'on est condamnés à ne jamais pouvoir le faire,
mais comment on peut atteindre l'objectif de
permettre la contestation de l'indemnité qui, quant à moi... Je n'ai pas
votre... Ce n'est pas ma spécialité, le
droit de l'expropriation, et je ne le prétendrai pas non plus. Donc, j'ai
beaucoup de respect pour votre
expertise, mais ce que j'en sais, c'est que la très grande majorité des cas,
c'est l'indemnité qui est au coeur du litige.
Donc, comment on peut faire pour continuer à
avoir cette conversation-là, disons-le, qu'elle soit à l'amiable ou judiciaire,
pour l'indemnité sans faire en sorte de stopper des projets majeurs de
construction et que ça ne devienne pas un levier de négociation ou qu'on
pervertit un peu le système d'expropriation et le droit d'exproprier pour en
faire un levier de négociation et de permettre d'avoir une surenchère sur la
valeur du terrain? C'est ces cas-là qu'on veut éviter. Comment on fait ça?
Avez-vous une suggestion? Peut-être qu'elle est dans votre mémoire, là, puis je
m'en excuse à l'avance.
Le Président (M. Simard) :
Me Blanchette.
M. Blanchette
(Nikolas) : Oui, alors, merci. Merci pour les questions posées. Je
répondrais en deux temps.
D'ailleurs, je fais un rappel. Sur la question du
droit contesté, la difficulté qu'on peut avoir ici, dans un projet de loi comme
celui-là, c'est que ce droit-là de contestation, c'est un contrôle qui est
nécessaire. On est dans une séparation des pouvoirs. Le judiciaire doit être en
mesure de vérifier, de contrôler les lois du Québec. Ça inclut les actes
publics comme un avis d'expropriation. Alors, on a cette difficulté-là, parce
que c'est un garde-fou important dans notre système de droit, et donc, de
vouloir empêcher un tel contrôle avant même de discuter des raisons pratiques,
on a un problème juridique que je dirais, même, constitutionnel.
Si vous prenez l'exemple de la loi sur le REM,
ça a été fait en amont. On avait une disposition qui permettait une certaine
limitation sur le contrôle judiciaire. Les tribunaux se sont penchés sur cette
limitation-là, et, vous l'avez dans le mémoire, on a conclu que le pouvoir, le
contrôle judiciaire qui était inhérent à la Cour supérieure était maintenu. Alors, on ne pourra pas éliminer...
Selon moi, de façon juridique, on ne peut pas empêcher la Cour
supérieure de faire un contrôle sur la légalité. Il faut se rappeler que les
cas sur la légalité sont des cas limites.
Alors, qu'est-ce qu'on peut faire pour essayer
d'accélérer ce contrôle-là? Prenez l'article 44 de la Loi sur
l'expropriation, c'est dit que les procédures doivent être prises d'urgence.
Alors, moi, ma façon de voir, comme... c'est que c'est... Dans les faits, les
procureurs doivent agir de la façon la plus... possible pour aller faire
trancher les questions, aller saisir le tribunal de façon urgente, faire
trancher de façon préliminaire les questions.
Et je vous dirais que, si les preuves sont...
Vous parlez de levier. Lorsque le droit de contestation n'est pas sérieux, les
tribunaux ont tous les pouvoirs pour casser, pour arrêter des procédures de
façon préliminaire. Ça s'est vu. Ça s'est fait. Et donc la manière, à mon avis,
c'est d'aborder la question avec les procédures judiciaires de façon la plus
accélérée possible. Il y a une façon de le faire. Les tribunaux sont sensibles
à ça. De vouloir juste arrêter le processus
me semble être une embûche supplémentaire, parce qu'on va se retrouver avec des
problèmes constitutionnels ou des problèmes sur la légalité.
Donc, pour moi, c'est de la bonne gestion, la
bonne pratique des dossiers. Ce n'est pas vrai qu'il faut attendre deux ans
avant de voir un juge de la Cour supérieure. Si c'est dit jugé d'urgence, on
peut faire des requêtes en irrecevabilité. Il y a des moyens préliminaires qui
peuvent s'étendre sur des semaines, sur quelques mois, et où, normalement, on
obtient des jugements. Et les cas les plus farfelus seront écartés par les
tribunaux, à défaut de quoi il faut aller au mérite. Et, encore là, on peut demander
une bonne gestion au juge de la Cour supérieure pour qu'il tranche le
questionnement. Ça serait ma façon, pour moi, de vous répondre.
Dans les faits, rappelez-vous que les cas de
légalité sont des cas exceptionnels. On ne peut pas soulever, par exemple, des
motifs... n'importe quel motif. Tout est balisé dans la jurisprudence. Alors,
l'objectif, c'est de s'assurer que les procureurs, les parties expropriantes
appliquent avec sévérité, et avec... en exigeant le plus possible d'agir
rapidement devant les tribunaux.
Le Président (M. Simard) : Mme la
ministre.
Mme
LeBel : Oui, bien, écoutez,
on ne fera pas un débat juridique, mais je prends bonne note de vos
commentaires. Mais effectivement il y a une nuance très forte à apporter entre
la révision ou l'évaluation de la légalité d'un geste et la pertinence du geste
en fonction des critères qui sont établis par la loi, donc, et vous l'avez bien
dit, là. À ce niveau-là, je pense, la Cour supérieure peut garder son pouvoir
inhérent sur la légalité. Mais l'objectif du projet de loi, c'est d'écarter les
contestations quand on est dans... à l'intérieur du cadre de la pertinence.
Mais, comme je vous dis, je vais prendre le temps de lire votre mémoire, parce
qu'effectivement je n'ai pas eu le temps, là, naturellement, de le lire dans
les détails.
L'autre aspect, peut-être, rapidement, qui
m'intéresse, et je vais vous dire, bien franchement, c'est une notion qui était
assez difficile à comprendre rapidement, la notion entre la rétroactivité et...
un effet rétrospectif et rétroactif. On est plus dans le cadre de la ligne
bleue, à ce moment-là, et du retrait du droit de contester, tel que vous le
mentionnez. Moi, ma pratique est en droit criminel, hein? L'effet rétroactif en
droit criminel n'est pas un effet qu'on voit très souvent, pour ne pas dire
jamais, compte tenu des conséquences, là, de l'effet punitif de nos lois puis
des conséquences majeures, là, sur la sécurité et la liberté des citoyens.
Donc, on
n'est pas en matière rétroactive, mais c'est plus facile de comprendre la
rétroactivité. Mais qu'est-ce que vous dites? Vous faites la suggestion...
Là, je vais revenir parce que je ne veux pas me tromper... Et là on est vraiment
dans la partie du projet de loi qui concerne la ligne bleue... ligne bleue, effectivement, il y a des contestations devant les tribunaux.
Donc, on a une section particulière, parce qu'il y a... On n'est pas en amont, présentement,
de potentielles contestations. Vous l'avez dit, on est en cour pour certaines
plus ou moins avancées, là, mais il y a des niveaux d'avancement différents.
Mais on est en cours de processus, si on peut le dire comme ça.
Et vous nous
dites, à la page 16 de votre mémoire, la recommandation, puis je veux vraiment avoir la
nuance, parce que c'est assez difficile à comprendre : «L'application rétroactive des dispositions du [projet de loi n° 66]
applicables au projet de prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal a pour
effet de mettre un terme à des contestations judiciaires dont la Cour
supérieure est déjà saisie — bon,
ça, c'est la partie que je comprends — et pour lesquelles aucun
jugement sur le fond n'a encore été rendu.» Et c'est cette portion-là que je
veux que vous nous expliquiez la différence, là : «Dans la mesure où le
législateur maintient son choix de retirer le droit de contestation prévu à
l'article 44 de la loi, le législateur devrait plutôt consacrer un
caractère rétrospectif à ces dispositions, si tant est qu'elles [subissent]...»
Donc, rétrospectif plutôt que rétroactif. Donc,
vous en faites la nuance. Juste peut-être m'expliquer... Comme l'effet est
d'effectivement stopper les contestations, mais surtout ne pas stopper le
projet pendant qu'on discute des contestations
d'indemnité, c'est plutôt l'effet recherché, quelle est la nuance entre un
effet rétrospectif et rétroactif dans le cadre des objectifs du projet de loi
n° 66, et particulièrement la section sur la ligne bleue?
• (16 h 40) •
M. Blanchette (Nikolas) : Bien,
en fait... Excusez-moi, je peux attendre...
Le Président (M. Simard) : Je vous
en prie.
M.
Blanchette (Nikolas) : Je peux répondre? O.K. Alors, en fait, c'est
littéralement... ce que 69 prévoit, c'est effectivement d'interrompre
des procédures en cours devant la Cour supérieure. Nous avons recensé deux
procédures de contestation. Évidemment, ce
n'est pas un exercice qui... Je n'ai pas regardé tous les plumitifs, mais,
vraisemblablement, peu de recours sont en contestation.
Alors, il faut le dire, il y a peut-être
250 procédures d'expropriation. Il y en a peut-être deux qui sont en
contestation. Alors, ce n'est pas vrai que tous les dossiers mènent à des
contestations. Alors, c'est plutôt rarissime. Or, dans ces deux dossiers-là, il
y a des dossiers qui sont sous la gestion d'une instance. Dans un certain cas,
on est rendus au mérite. Dans l'autre cas,
il y a des recours préliminaires qui ont été tranchés et le recours continue au
mérite.
Alors, ce que l'effet de... 69 aurait un effet
rétrospectif d'empêcher rétroactivement le recours ou le recours en
contestation qui est présentement devant les tribunaux. Si vous lisez comme il
faut 69, 70, l'effet recherché, c'est d'arrêter les procédures en Cour
supérieure. Donc, non seulement on veut empêcher la contestation en amont
d'éventuels projets, on vient interrompre un processus en cours. Et donc, à mon
avis, on touche encore plus à la difficulté de ne pas respecter la séparation
des pouvoirs, d'empêcher la Cour supérieure d'exercer son pouvoir de
surveillance qu'elle est en train d'exercer à travers une instance où on suit
des procédures, notamment des recours préliminaires, et tout ça, donc, qui ont
été déjà entendus par les tribunaux.
Alors, pour moi, ça devient encore plus sensible
et encore plus incompatible avec notre Constitution et les grands principes de
droit que de venir intercepter, interrompre, court-circuiter, appelez-le comme
on veut, ces procédures-là qui sont, légitimement, sous un contrôle de la Cour
supérieure. C'est en ce sens-là qu'il faudrait, à mon avis, éliminer l'effet
rétroactif, s'en venir, à tout le moins, au minimum, avec les réserves que j'ai
pour l'article 17, à regarder vers l'avant pour les prochains, les futurs
projets, où là on est en amont, où là la planification n'est peut-être pas
encore faite.
Ça touchait mon troisième point, où là on peut
peut-être mettre beaucoup d'effort sur la planification et la coordination pour
éviter que les expropriés se sentent... ou pensent que leurs droits ont été
lésés au niveau de la légalité. Alors, se concentrer sur le futur plutôt que
retourner en arrière puis interrompre des processus en cours qui sont
légitimement devant les tribunaux...
Mme LeBel : Moi, je considère
que ce n'est pas mutuellement exclusif, là. On peut mettre des mesures en
place, mais continuer de rechercher l'entente plutôt que l'application des
mesures. Mais j'avoue que je n'ai pas bien compris, Me Blanchette, puis je
m'en excuse, parce que ce n'est pas un but caché, là. Dans la section sur la
ligne bleue, le but, effectivement, de mettre fin aux contestations dans le
sens... et de pouvoir reprendre... parce que je n'ai pas le nombre exact de
contestations, mais il en suffit d'une présentement pour bloquer le projet, là,
donc, et ralentir de façon très substantielle...
Mais vous
dites : «Dans la mesure où le législateur maintient son choix de retirer
le droit de contestation — donc, si on décide
d'aller de l'avant et de retirer le droit de contestation — [...]
devrait plutôt consacrer un caractère rétrospectif...» Je comprends que vous
recommandez de ne pas le faire, mais, dans la mesure où on maintient le cap sur
cet objectif de retirer, qu'est-ce que vous voulez dire par consacrer un
caractère rétrospectif? Je veux dire...
M. Blanchette (Nikolas) : En
fait, littéralement, de soustraire l'article 69 qui, lui, vise à
interrompre des processus qui sont déjà entamés devant la Cour supérieure.
Mme LeBel : Le législateur maintient son choix d'interrompre
le processus. Il ne devrait pas le faire. C'est ça que
ça dit, dans le fond.
M. Blanchette (Nikolas) : C'est-à-dire
qu'il pourrait... Vous pourriez avoir la disposition de l'article 17. Vous
avez 181 projets d'infrastructure priorisés dans le projet...
Mme LeBel : Mais, si on parle de la
ligne bleue, là, ce que vous nous dites, c'est de ne pas le faire.
M. Blanchette (Nikolas) : La
ligne bleue, la difficulté, et c'est là que moi, j'estime que, là, on vient...
Ce qu'on vient faire, c'est, à rebours, faire un contrôle sur un projet qui a
été entamé suivant les procédures usuelles prévues
à la Loi sur l'expropriation. Les avis d'expropriation ont été émis il y a
quelques années déjà. On suit le processus normal. Et là on
viendrait court-circuiter à rebours des processus qui sont déjà entamés devant
les tribunaux, ce qui, pour moi, ajoute à une possible contradiction avec notre
Constitution et au pouvoir de surveillance de la Cour supérieure. Et c'est en
ce sens-là que, si, à tout le moins, on veut maintenir ce qu'on prévoit à 17,
69 me semble aller un pas en avant plus loin encore et risquer d'être encore
plus conflictuel, et, Mme la ministre, ça peut amener des complications
judiciaires qui vont avoir l'effet contraire de ce qui est recherché, soit
d'accélérer les processus et des projets d'infrastructure.
Mme LeBel :
Bon, peut-être pour résumer, là, votre pensée, pour être sûre que je la
comprends bien, bémol sur le fait d'agir en
amont, mais recommandation de ne pas faire... par rapport à la ligne bleue,
pour les dossiers en cours. C'est à peu près ça, là.
M. Blanchette (Nikolas) : Ça
résumerait bien, oui.
Mme
LeBel : O.K., merci. Puis je vais lire ça avec beaucoup d'attention,
je vous le promets. Merci. C'est tout pour moi, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous, Mme la ministre. M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Merci, M. le
Président. Bonjour et bienvenue à Me Blanchette. Alors, moi, je vais traduire
ça en langage commun. Ce que vous nous
annoncez, si le projet de loi est adopté, c'est une quasi-garantie de
contestations judiciaires qui vont non seulement ne pas ralentir les travaux,
mais les ralentir un peu plus pour cause juridique.
M. Blanchette (Nikolas) : Oui, en
effet, il y a quelques options qui s'offrent à l'article 17. Donc, je vous
rappelle que le langage est très large. Il faudrait voir comment le langage est
interprété, mais, de deux choses l'une, ou bien ça interdit complètement un
contrôle judiciaire, auquel cas vous avez un débat sur la constitutionnalité de
la loi où la Cour supérieure serait saisie
de la constitutionnalité possiblement, on pourrait se poser la question
sérieusement, ou bien on vient empêcher seulement le recours... le contrôle, si
vous voulez, prévu à l'article 44, auquel cas les contribuables vont pouvoir faire un contrôle judiciaire en vertu des
pouvoirs inhérents, ce qui sera aussi long ou pas plus rapide, parce qu'il
devra y avoir un contrôle judiciaire de toute manière. Et je vous dirais même
que, si on fait un contrôle judiciaire en vertu des pouvoirs inhérents, bien là
on n'a plus les mêmes balises.
Je vous donne l'exemple concret, l'article 44.
Si vous lisez l'article 44, il est marqué «urgent». Si je vais voir un juge
demain, je lui dis : Ceci est une procédure urgente, c'est écrit dans la
loi, si je suis en vertu des pouvoirs inhérents à la Cour supérieure, il n'y a
pas d'urgence. Il y a une certaine priorité pour les pourvois judiciaires, mais
le mot «urgent» n'existe pas dans le Code de procédure. Alors, je me
retrouverais peut-être, paradoxalement, à faire un pourvoi judiciaire peut-être
plus long même que celui qui est déjà aménagé en vertu de l'article 44.
M. Barrette : Est-ce qu'un
pouvoir... une urgence politique, ça existe en droit?
M. Blanchette (Nikolas) : Une
urgence politique? C'est-à-dire que le droit, à mon avis, doit respecter des
règles de base. Et j'aurais tendance à vous dire qu'on ne peut pas bafouer des
règles de droit au prétexte de... pour des prétextes politiques.
M. Barrette : Très bien. Le jour où
une partie va devant la cour pour contester la constitutionnalité,
techniquement, ça arrête tout aussi. Est-ce que je comprends bien le monde du
droit?
M. Blanchette (Nikolas) : C'est
susceptible d'être assorti avec des effets suspensifs. Cela va être déterminé
devant les tribunaux.
M. Barrette : Alors, puis là je ne
dis pas ça méchamment, je caricature, les lunettes roses de 66 pourraient
changer de couleur, s'il est adopté, pour les raisons que vous venez
d'invoquer, en termes de délai de travaux, là.
M. Blanchette (Nikolas) : Ce qui
m'amène... En effet, si on mise sur des sanctions et des interdictions, comme
je le vois à l'article 17 et 66, on risque non pas d'accélérer, mais de
compliquer les procédures judiciaires et les débats.
M. Barrette : Très bien.
M. Blanchette (Nikolas) : Alors,
pour moi, ça revient au point sur le fait de travailler sur la coordination et
la planification des travaux en amont.
M. Barrette : Je vais poser une question,
parce que, sur la rue, entre guillemets, là, on me pose souvent la
question : Oui, mais, coudon, là, est-ce qu'on peut contester après,
est-ce qu'on empêche la contestation au moment des travaux puis on contestera
après ou on ne peut plus, point final, contester, si 66 est adopté, là,
évidemment?
M. Blanchette (Nikolas) :
Normalement, en vertu de 44 de la Loi sur l'expropriation, on a 30 jours
de l'avis d'expropriation pour contester.
Alors, ce n'est pas vrai qu'on peut contester en tout temps. Il y aurait une
fin de non-recevoir si on ne conteste
pas en temps utile. Et, normalement, lorsque les travaux d'expropriation sont
en cours, on est bien après l'émission
d'avis d'expropriation. Donc, ce n'est pas vrai qu'on peut, à ce moment-là,
subitement, contester la légalité.
Évidemment, on peut
toujours débattre de l'indemnité, ce qui n'empêchera jamais d'avancer sur les
travaux d'expropriation. Il y a 252 procédures d'expropriation. Il y en a
deux en contestation qui ont un effet suspensif. Et ce n'est pas tout le
projet, mais seulement certains segments du projet qui seraient arrêtés sur
cette base-là. Le reste des dossiers... Il peut y avoir des prises de possession, des travaux
d'expropriation. Tout cela suit son cours. Et, en parallèle, on débat de
l'indemnité d'expropriation.
• (16 h 50) •
M. Barrette :
Une question... Je ne veux pas que ce soit une réponse trop longue parce que
moi, j'ai moins de temps. Mais, de façon concise, là, on nous rappelle toujours
que, bien oui, c'est la même affaire que le REM, mais, dans les faits, sur le terrain, est-ce que c'est différent du REM?
Moi, je comprends de votre présentation que 66 va plus loin que 61 sur
les sujets traitants de l'expropriation. À 61, on nous disait déjà que c'était
pareil au REM. Moi, 66 allant plus loin que 61, bien, coudon, je me pose la
question, qui est simple. Est-ce que c'est vraiment copié-collé,
circonstanciellement, juridiquement, du REM?
M. Blanchette
(Nikolas) : Non. Il y a des éléments distincts. Le REM est une loi
spéciale qui a été adoptée en amont des
procédures d'expropriation. Donc, il y a eu des consultations qui ont permis de
préciser la planification. Deuxièmement,
le texte prévu dans la loi sur le REM était plus spécifique que ce que propose
l'article 17 aujourd'hui. Et les tribunaux ont, d'ailleurs,
interprété que ça n'empêchait pas un contrôle judiciaire en vertu des pouvoirs inhérents, alors que le texte tel que
suggéré, selon moi, pourrait mener à penser qu'on veut interdire tout
recours devant la Cour supérieure, ce qui serait inconstitutionnel. Alors, pour
moi, je vois des distinctions en ce sens-là.
M.
Barrette : ...le projet de loi actuel, qui, manifestement,
va plus loin que le précédent, peut mener à des abus. Auriez-vous des
exemples concrets, potentiels, peut-être, là.
M.
Blanchette (Nikolas) : Mais il faut savoir que la légalité, le
contrôle de la légalité, il y a encore fréquemment... Les tribunaux
sanctionnent fréquemment encore... Si vous avez regardé la jurisprudence, c'est
d'actualité. Vous avez encore plusieurs jugements où des expropriations sont
jugées illégales, des fins impropres. Par exemple, j'ai une résolution, un
décret qui prévoit une fin poursuivie, mais, dans les faits, l'objectif est
autre. On voit ça encore fréquemment, malheureusement, et c'est là où la Cour
supérieure va intervenir pour casser la... pour annuler, si vous voulez, l'avis
d'expropriation. Alors, par exemple, je veux faire un projet spécifique dans
une ville, mais, finalement, j'exproprie pour une autre fin, une fin inavouée
qui, suivant les interrogatoires, apparaît, alors, à ce moment-là, je pourrais
casser le... Et, comme je vous dis, c'est encore fréquent. Ce n'est pas quelque
chose qui est exceptionnel.
M. Barrette :
Dans le cadre des 181 projets, est-ce que vous voyez des situations, sans
nommer un projet, où il pourrait y avoir un abus?
M.
Blanchette (Nikolas) : Tous les sujets... Tous les projets sont
sujets, dans certaines circonstances, à mener à des abus. On est... Il
faut toujours s'assurer d'un contrôle pour être sûrs... Par exemple, on peut
avoir la bonne fin poursuivie, mais pas la bonne assise ou exproprier beaucoup
plus grand que ce qui est prévu pour des fins autres. À chaque cas d'espèce, il
faut s'assurer que la planification et les fins poursuivies sont propres et
sont légales. C'est pour ça qu'on a la Cour supérieure qui vient assurer le
rôle de contrôle de ces actes-là.
M. Barrette :
La voie de sortie, là, parce que vous m'avez beaucoup impressionné, puis, je
pense, vous avez impressionné tout le monde, là, quand vous avez dit qu'il y a
probablement... Disons, à votre connaissance... Vous ne l'avez pas fait, vous
l'avez dit, une recension de tous les avis d'expropriation. Admettons, là, pour
la discussion, qu'il y en a juste deux, ça veut dire qu'on fait une loi, là,
essentiellement pour deux projets. Les deux projets, il y en a un qui est
évidemment celui du terminus de la STM, là. L'autre, je ne sais pas c'est
lequel, c'est probablement le boulevard, peut-être,
je ne le sais pas. Maintenant, on s'en sort comment? Est-ce qu'il y a un chemin
qu'on peut pratiquer qui va faire en sorte que la ligne bleue, là, ça va
avancer nonobstant tout ce dont on discute ici actuellement, là?
M. Blanchette
(Nikolas) : Je ne peux que réitérer... Effectivement, ce n'est que
deux contestations sur les 200 dossiers
d'expropriation de la ligne bleue seulement. Prenons l'exemple de la ligne
bleue. Je ne peux que réitérer que c'est
par un dialogue et une bonne planification avec tous les professionnels... Je
vis ça. J'ai une vingtaine de dossiers avec
le Procureur général du Québec, et, lorsqu'on collabore étroitement, les choses
s'accélèrent. C'est vraiment dans la pratique et la coordination, dans
les faits, qu'on va pouvoir s'assurer...
Alors, si on veut
prioriser ces 181 projets, il faut s'assurer d'avoir des bonnes ressources, des
bons professionnels, d'aller voir rapidement
les parties expropriées. Souvent, les parties expropriées sont prises par
surprise par les avis d'expropriation et souvent la planification est
déficiente, avec égards, mais elle n'est pas celle qu'on pourrait penser. Et là
ça amène une série de complications, notamment les contestations devant la Cour
supérieure, qui ont un effet suspensif des travaux d'expropriation.
M. Barrette :
Quand vous dites que la planification est essentiellement déficiente dans
certains cas, là, vous parlez de la planification du projet en soi, de la
partie légale qui revient au gouvernement? Vous parlez de quelle planification
exactement?
M. Blanchette
(Nikolas) : Je peux vous donner un exemple...
M. Barrette :
La raison pour laquelle je vous pose la question, c'est parce que, quand on
regarde toutes les questions environnementales, là, on sait que le gouvernement
a choisi de ne pas embaucher de professionnels. Tout le monde vient nous dire : S'il y avait des
professionnels, ça irait vite, ça ne va pas vite parce que les gens ne sont
pas suffisamment en grand nombre. Est-ce que, là, il y a un corollaire? Est-ce
que ça se traduit? C'est à quel niveau de la planification que ça ne marche
pas?
M. Blanchette
(Nikolas) : Souvent, il va y avoir des déficiences techniques sur
l'évaluation du site. Souvent, je peux voir aussi qu'on sous-estime, voire
qu'on ignore complètement, les effets de l'expropriation sur la partie
résiduelle d'un site, ce qui peut amener une hécatombe, ou la fin d'une entreprise,
ou des difficultés qui ne sont pas considérées dans la planification et qui
amènent non seulement des réclamations qui sont à la puissance 10 de ce qu'on anticipait, mais des complications sur les
commerces, sur le voisinage, sur la circulation. Ça créé des impossibilités
techniques, alors que, quand on s'assoit puis on regarde la planification avec
tout le monde, parfois, les solutions sont assez faciles à trouver ou sont
réalisables. Et c'est en ce sens-là que je vous dirais que la planification a
tout son rôle. Moi, je le vis sur le terrain. C'est dans ce sens-là que je vous
présente ma vision, c'est que ça se passe vraiment avec la coordination avec
les avocats de la partie expropriante, leurs ingénieurs, leurs agents de
planification, pour être sûrs qu'on a bien fait notre travail.
Le Président (M.
Simard) : En conclusion.
M. Barrette :
Merci beaucoup. Je regarde le président qui me regarde avec des yeux grands
comme des chronomètres. Alors, je sens que ma fin est arrivée. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Simard) : Merci à vous, très cher collègue, fort apprécié. Je laisse
maintenant la parole au député de Rosemont.
M.
Marissal : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Blanchette. Alors,
on va faire vite parce que moi, j'ai encore moins de temps que mon
collègue qui vient de parler.
Il y a des témoins
qui ont effectivement soulevé à maintes reprises le manque d'effectifs :
environnement, notamment, en transport. Ça, c'est une chose connue. On a très
brièvement entendu l'Ordre des ingénieurs ce matin aussi, puis ce n'est pas la première fois que j'entends ça, dire aussi
qu'il manque sur le terrain d'évaluateurs agréés qui travaillent pour le
compte du gouvernement. Ça, ça participe, je présume... Je ne veux pas vous
mettre les mots dans la bouche, là, mais
est-ce que ça participe aux délais déraisonnables parfois qu'on peut voir s'il
n'y a pas suffisamment de staff sur le terrain pour évaluer?
M. Blanchette
(Nikolas) : Tout à fait. En fait, je le vois, parce que les délais
sont... peuvent être occasionnés pour faire des évaluations préliminaires. Il
faut aussi avoir des experts-comptables. Vous le savez, les dossiers d'expropriation, ce n'est pas juste les valeurs
immobilières, c'est tout le préjudice causé aux commerces. Franchement,
depuis cinq, 10 ans, tout ce qui est exproprié, souvent, c'est déjà bien
occupé.Il y a des commerces. Il y a des affaires importantes qui sont... des opérations importantes. Donc, moi, je vois,
dans la pratique, malgré les bons efforts des gens qui sont en place, un
manque de ressources.
Les avocats du
Procureur général sont également à bout de souffle souvent dans les dossiers.
Je le dis avec égards, là, mais ils ont des dossiers énormes à gérer, donc
s'accumulent des délais administratifs qui, à mon avis, causent la longueur de
ce qu'on voit, là, dans la pratique. Donc, toute cette coordination-là passe
par des ressources... peut-être plus de
ressources et une mise en commun de ces ressources-là, parce que les parties
expropriées veulent aussi... moi, je
vous dirais, la plupart du temps, elles veulent très bien collaborer quand
c'est fait intelligemment, en amont, avec des discussions, une
communication.
M. Marissal :
Vous avez pris évidemment une posture académique dans votre mémoire, là, qui
est bien fait puis qui est assez convaincant. Votre plaidoyer est valable, là.
C'est vrai que se faire exproprier, ce n'est pas le fun, puis il faudrait avoir
un droit de contester. Je comprends tout ça. Par contre, vous, c'est un peu
votre pain et votre beurre aussi. Je présume que vous seriez touché par des
mesures telles que celles prévues par 66 si, par ailleurs, vos clients
n'avaient plus de recours possible? Je vous pose la question pour qu'on soit en
toute transparence, parce que c'est votre champ de pratique.
M. Blanchette
(Nikolas) : Non, mais en fait, je vais vous dire, paradoxalement, je
l'ai dit très clairement, ça peut... des procédures qu'au contraire, je pense,
ce que ça peut faire, c'est faire d'autres recours, faire d'autres débats sur
la légalité de la loi. Et là on se ramasse avec des dossiers d'avocats devant
la cour, plusieurs avocats qui débattent de la constitutionnalité de la loi.
Est-ce qu'on fait un pourvoi judiciaire en vertu des pouvoirs inhérents?
Quelles sont les règles applicables? Je vous dirais que, paradoxalement, ça
peut peut-être occuper plus que moins les avocats dans des dossiers, parce
qu'on s'éloigne de la...
Le Président (M.
Simard) : En conclusion.
M. Blanchette
(Nikolas) : ...qui est de l'exproprier et de passer... de faire les
travaux puis de s'assurer qu'on indemnise adéquatement l'exproprié.
M. Marissal : Je vous remercie.
Le Président (M. Simard) :
Merci à vous. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui, merci beaucoup
pour votre présence. Avez-vous lu les commentaires que nous a transmis le
Barreau du Québec?
M. Blanchette (Nikolas) : Non, je
n'ai malheureusement pas eu... Je n'ai pas pris connaissance... pas de ce qui
se passe présentement pour la loi n° 66, non.
• (17 heures) •
M. Gaudreault : O.K. Le Barreau nous
a envoyé un genre de minimémoire, là, sur le projet de loi n° 66. Ils
parlent beaucoup de l'expropriation. Alors, j'apprécierais beaucoup, si vous
pouvez en prendre connaissance, de peut-être faire suivre à la commission vos
commentaires, le cas échéant. Mais moi, je retiens trois choses. Je ne
suis pas un spécialiste en droit de l'expropriation, là, mais ils nous disent
qu'avec le... si la loi n° 66... si le projet de loi
devient une loi, l'application de l'article 44 de la Loi sur l'expropriation
sera quand même maintenue, entre autres, par des recours sui generis que
pourront entreprendre les justiciables. Ils nous suggèrent de maintenir le
droit de fixer les indemnités provisionnelles qui sont prévues par le
paragraphe 53.13 de la Loi sur l'expropriation. Et ils nous disent également
que ce serait préférable d'appliquer la même chose que pour le REM et le
tramway pour les délais de prise de possession, 12 mois dans les
résidences et de 18 mois dans le commercial. À première vue, comme ça,
est-ce que vous trouvez que c'est des bonnes suggestions?
M. Blanchette (Nikolas) : Sur le
premier point, le Barreau... Je suis d'avis qu'effectivement... Je vous ai
parlé de l'impasse : ou bien on empêche 44 et le pouvoir... vous l'appelez
sui generis, là, ou le pouvoir inhérent de la Cour supérieure s'applique
encore. Donc, je suis d'accord avec eux. Si on fait une lecture étroite du
texte, il y aurait encore contrôle judiciaire en vertu des pouvoirs sui generis
ou bien on empêche tout puis on a un problème constitutionnel. Alors, je pense
que, là-dessus, on est sur la même longueur d'onde.
Pour les deux, trois... les autres modalités qui
sont discutées par le Barreau, effectivement, c'est des mesures d'accélération.
Dans mon mémoire, j'ai une certaine critique à l'égard de ces mesures-là qu'on
voyait avec le REM. Je pense qu'ultimement on devrait réformer la Loi sur
l'expropriation pour être plus nuancés que ces mesures-là, mais ce sont des
mesures qui peuvent avoir un effet pratique. Effectivement, par exemple, si
c'est le ministre qui fixe une indemnité provisionnelle, c'est toujours
dangereux que la fixation soit inadéquate, mais disons que ce sont des mesures
de modalités qui sont plus discutables que celles de saisir la contestation ou
d'empêcher la contestation devant la Cour supérieure.
M. Gaudreault : Alors, si vous
voulez aller jeter un oeil sur ce mémoire, et nous faire des commentaires, et
les envoyer à la commission, je pense, ce serait très, très apprécié.
M. Blanchette (Nikolas) : Ça me fera
plaisir.
Le Président (M. Simard) : Je crois
comprendre que le mémoire n'est pas encore officiellement déposé et qu'il le
sera à la fin des auditions.
M. Gaudreault : Ah bon! O.K.,
excusez. J'ai-tu fait un outrage?
Le Président (M. Simard) : Absolument
pas, absolument pas, mais c'était simplement pour prévenir notre invité de ne
pas chercher inutilement dans nos documents...
M. Gaudreault : Je vous l'enverrai
par texto. C'est bon.
Le
Président (M. Simard) : C'est
super. Merci à vous. Alors, sur ce, chers collègues, merci beaucoup. Me Blanchette, merci pour votre précieuse contribution à nos
travaux. Cela a été fort apprécié.
Nous allons donc suspendre quelques instants
notre commission afin de faire place à nos prochains invités. À nouveau, merci,
Me Blanchette.
(Suspension de la séance à 17 h 02)
(Reprise à 17 h 05)
Le Président (M. Simard) : Alors, jamais
deux sans trois. Nous reprenons. Chers collègues, nous sommes en mesure de
reprendre nos travaux. Nous avons l'honneur cet après-midi de recevoir deux
groupes simultanément, donc l'Assemblée des premières nations du Québec et du
Labrador ainsi que l'Institut de développement durable des premières nations du Québec et du Labrador.
Mme Noémie Després Tassé, bienvenue, chef Picard, également, bienvenue. C'est vraiment un honneur
que de vous recevoir tous les deux. Merci d'avoir accepté notre invitation. Alors,
vous êtes quand même des gens habitués par nos procédures. Vous savez qu e vous disposez d'une dizaine de minutes.
Nous vous écoutons.
Assemblée des Premières Nations du Québec et du
Labrador et l'Institut de développement durable des
Premières Nations du Québec et du Labrador
M. Picard
(Ghislain) : Merci beaucoup, M. le Président. (S'exprime dans
sa langue).
Donc, M. le Président, Mme la ministre, membres
de la Commission parlementaire des finances publiques... extrêmement plaisir
d'avoir cette opportunité aujourd'hui en compagnie de l'Institut de
développement durable des premières nations
Québec-Labrador, Noémie Després Tassé, de vous présenter un peu nos
commentaires, nos observations par rapport au projet de loi n° 66,
et, en fait, une répétition presque de notre passage en juin dernier, lorsque
votre commission étudiait le projet de loi
n° 61. Donc, je désire vous remercier de l'opportunité qui nous est donnée
aujourd'hui de partager nos observations sur le contenu du projet de loi
n° 66 et comment celui-ci, comme sa première version, le projet de loi
n° 61, continue de fermer les yeux sur les principes fondamentaux qui
devraient guider les relations de nation... entre le Québec et les Premières
Nations.
D'entrée de jeu, je vais me permettre une mise
au point que je considère importante afin de bien situer le rôle et la
responsabilité de l'organisation que je représente dans le contexte de vos
travaux sur le projet de loi n° 66. En fait,
cette responsabilité s'exerce devant toutes les décisions, législatives ou
autres, de votre gouvernement qui pourraient avoir un impact sur les
intérêts et les droits des Premières Nations. Nous avons un devoir de veille
pour tout geste posé par votre gouvernement
et devons informer les dirigeants de nos communautés et autres nations
représentées à notre table, qui jugent en tout temps des réponses
appropriées.
Dans le contexte du projet de loi n° 66 sur
la relance économique du Québec et l'accélération de certains projets d'infrastructure
en période de pandémie, les principes fondamentaux auxquels je réfère plus haut
font l'objet d'un consensus très clair. Nous
avons d'ailleurs eu l'occasion de vous les partager lors de notre passage en
juin dernier aux fins des travaux sur le projet de loi n° 61. Nous
avons eu l'occasion de les réitérer dans une lettre transmise au premier
ministre le 7 août dernier.
Puisque nous sommes devant une nouvelle version
du projet législatif, je me permets de vous soumettre à nouveau que le libellé
que nous sommes appelés à commenter ne peut être appuyé puisqu'il ne tient pas
compte des droits ancestraux et issus de
traités et des manquements de votre gouvernement en matière de consultation et
d'accommodement. Je dois vous avouer un haut niveau de scepticisme quant a
l'influence que je pourrais avoir à ce stade-ci de votre démarche, sachant que
nos représentations en marge du projet de loi n° 61
en juin dernier sont, somme toute, passées inaperçues.
Pourtant, le ministre Dubé, qui était alors porteur
du projet de loi n° 61, nous avait indiqué avoir été
très clair dans nos représentations, qu'il en prenait acte et qu'il y aurait
des suivis. En juin dernier, plus d'une douzaine de communautés ont transmis
par écrit leurs commentaires sur les ratés du projet de loi n° 61.
Force est de croire que leurs commentaires pourraient facilement être réitérés
dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 66
puisque le présent libellé est presque en tous points conforme à celui que nous
avons été appelés à commenter en juin.
Je me réjouis,
et je tiens à vous en remercier, que votre commission ait accepté d'entendre au
moins deux communautés de deux nations différentes dans le cadre de vos
présents travaux. Il va de soi que nous appuyons les positions qui vous ont été
soumises par le Conseil mohawk de Kahnawake et celles qui vous seront partagées
par les Innus de Uashat mak Mani-Utenam.
Bien que ces deux mémoires reflètent des
considérations qui peuvent être particulières, selon des contextes
socioéconomiques qui leur sont propres, ils arrivent tout de même aux mêmes
conclusions quant au respect des droits
ancestraux issus de traités et aux obligations de votre gouvernement en matière
de consultation. Je n'ai pas de doute que les communautés qui ont pris
la peine de vous transmettre par écrit leurs commentaires en juin dernier en
viendraient aux mêmes conclusions encore aujourd'hui.
Donc, à ce
stade-ci, je passerais la parole à Mme Després Tassé pour la partie qui touche
plus particulièrement l'institut de développement durable. Merci
beaucoup.
• (17 h 10) •
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous.
Mme Després Tassé (Noémie) : Bonjour
à tous. Alors, pour ma part, je vais entrer tout de suite dans le vif du sujet.
Le projet de loi n° 66 laisse présager une augmentation
de la pression sur les Premières Nations, que ce soit par rapport au
resserrement des délais réservés à la consultation ou encore quant à la
multiplication des projets et de leurs impacts cumulatifs au nom de la relance
économique.
Le retrait de l'obligation d'obtenir une
autorisation environnementale dans une multitude de circonstances sème aussi
d'importantes inquiétudes quant à la protection de l'environnement, mais
également quant à l'obligation de consulter et d'accommoder les Premières Nations,
une obligation qui risque d'être érodée par ce projet de loi.
Soulignons également qu'aucune consultation n'a
eu lieu en amont de la présentation de ce projet de loi, écartant ainsi
d'emblée toute coordination avec les Premières Nations dans la relance
économique du Québec. Dans la version... du
projet de loi n° 66, tout comme dans sa version précédente, aucun projet
d'infrastructure communautaire n'est prévu dans une communauté
autochtone même si nous connaissons l'ampleur des besoins. Bien que le concept même que des projets puissent contourner les
exigences environnementales soit problématique, le fait que les Premières Nations soient
encore une fois écartées de la relance économique est d'autant plus dérangeant.
Le projet de loi est donc susceptible de faire porter les conséquences
négatives de la dégradation de l'environnement en premier plan aux Premières
Nations, tout en les écartant de la possibilité de pouvoir bénéficier de
retombées économiques.
Par ailleurs, le projet de
loi n° 66 octroie la possibilité au ministre de permettre temporairement
le début des travaux sur les terres du domaine de l'État avant que les
autorisations nécessaires n'aient été délivrées. Par rapport au projet de loi
n° 61, cette disposition a été modifiée afin de préciser une condition.
Afin de bénéficier de cette mesure d'accélération, les travaux envisagés ne
doivent pas, je cite, être «incompatibles avec un droit précédemment octroyé
[...] ou avec une autre contrainte qui s'y rattache».
Cette formulation est pour le moins ambiguë.
Nous nous questionnons ici à savoir si les droits ancestraux sont ainsi définis
comme une contrainte se rattachant aux terres du domaine de l'État. Si oui, il
aurait été fort pertinent de le mentionner explicitement. On peut également
saisir l'opportunité aujourd'hui de poser la question directement à la
ministre. Est-ce que l'obligation de consulter et d'accommoder les Premières
Nations sera respectée dans le cadre des travaux prévus sur les terres du
domaine de l'État?
Nous tenons à souligner que, par cette
disposition, le gouvernement semble perpétuer un peu le concept colonialiste de terra nullius et agir comme s'il
n'y avait personne qui occupait et qui vivait en corrélation directe
avec ces territoires. De plus, ces terres du domaine d'État sont en très grande
partie des territoires non cédés et font l'objet de revendications et de
négociations territoriales depuis de trop nombreuses années.
Alors que la reconnaissance concrète du concept
de nation à nation est, pour sa part, constamment repoussée, le gouvernement
semble maintenant s'empresser de permettre la mise en oeuvre de projets majeurs
sur ces territoires sans autorisation et sans impliquer les Premières Nations.
Nous recommandons, donc, d'insérer au minimum dans le projet de loi n° 66 la mention spécifique qu'en aucun cas un projet
visé ne peut être soustrait à l'obligation constitutionnelle de
consulter et d'accommoder les Premières Nations. Encore une fois, il s'agit
d'un minimum. Merci.
Le
Président (M. Simard) : Merci à vous, chère dame. Alors, nous pouvons,
donc, entreprendre notre période d'échange. Je cède la parole à la
présidente du Conseil du trésor.
Mme LeBel : Merci, M. le Président.
Merci, Mme Després Tassé, merci, chef Picard, pour vos présentations. Je vais poser mes questions, puis celui d'entre
vous qui pensera qui est le plus approprié d'y répondre, ou les deux,
là, ça va me faire plaisir, là. Je vais la poser de façon générale.
Les 181 projets qui sont en annexe du
projet de loi n° 66 sont des projets déjà existants. Ce sont des projets
qui sont à différents niveaux d'avancement. Ce n'est pas... Ils n'ont pas tous
le même niveau d'avancement, mais à différents
niveaux d'avancement. Et le but, là,
c'est de bien comprendre votre position, là. Donc, le projet de loi n° 66 vient agir sur des processus déjà
existants, processus qui ne s'appliquent pas nécessairement aux 181 projets... non, dans le sens où ils ne sont pas nécessairement pertinents pour les 181 projets, à titre d'exemple, le processus
d'expropriation, quand c'est nécessaire pour un projet, le domaine de l'État,
comme vous y faites référence, les autorisations en matière d'urbanisme et de... bien, d'urbanisme, et les autorisations environnementales, donc quatre processus distincts, mais qui
peuvent s'appliquer à un ou plusieurs projets de loi... projets d'infrastructure. Rien, dans le projet de loi
n° 66, à ma connaissance, selon mon point de vue, en tout respect, et je
veux comprendre le vôtre, ne vient faire autre chose qu'accélérer des processus
déjà existants. Je comprends votre bémol sur l'environnement. On pourra y
revenir.
En quoi... Donc, ma question, elle ne porte pas
sur ce processus particulier, mais sur la généralité du projet de loi n° 66. En quoi le projet de loi n° 66, dans ses objectifs d'accélération de processus
déjà existants sur des projets de construction déjà existants, vient,
selon vous, écarter cette obligation constitutionnelle que vous nous décrivez,
là, de consulter les groupes autochtones? Moi, à mon sens à moi, cette obligation
constitutionnelle là demeure applicable, le
cas échéant, et le projet de loi
n° 66 ne vient pas faire en sorte de l'écarter, en tout cas pas nommément. Mais je veux bien
comprendre, sur cet aspect-là, en quoi le projet de loi n° 66 vient
écarter cette obligation constitutionnelle là.
Le Président (M. Simard) :
Mme Després.
Mme Després Tassé (Noémie) :
Chef Picard, est-ce que...
M. Picard
(Ghislain) : Oui, bien, je peux peut-être tenter une première
réponse et Noémie pourra très certainement compléter, mais, pour moi, c'est
très clair que le projet de loi n° 66 doit être pris, je veux dire, dans
son entièreté. Je comprends qu'il y a déjà en annexe un certain nombre de
projets. D'ailleurs, si je ne me trompe pas, Kahnawake a déjà exprimé certaines
réserves par rapport à certains projets qui pourraient les affecter peut-être
de façon un peu plus précise. Et je comprends ici que, dans la liste des
projets, des 181 projets, bon, il y a peut-être des projets qui peuvent
avoir un impact direct selon certaines communautés ou certaines nations.
Donc, nous, ce qu'on avance, la position se veut
la plus générale possible, mais toujours en considération que le projet de loi
n° 66 constitue quand même un tout. Et d'ailleurs Noémie l'a précisé
davantage un peu plus tôt en disant : Bon, ce qui nous intéresse, nous,
c'est peut-être là où le projet de loi mériterait d'être un peu plus précis, notamment
sur la question des terres du domaine de l'État. Et c'est davantage là que nos
préoccupations s'affichent, parce qu'on sait très bien qu'il y a des nations
qui sont en processus de revendications territoriales, d'autres nations qui
pourraient facilement l'être aussi, au travers des 10 nations représentées
au Québec, Premières Nations.
Donc, c'est beaucoup plus là-dessus que nous en
avons par rapport au libellé du projet de loi. Quant aux projets que vous... dont vous... auxquels vous
faites référence, c'est très clair qu'il y aura sans doute des
communautés ou des nations qui seront davantage affectées par l'un ou l'autre
de ces projets qui sont parmi les 181 projets.
Mme LeBel : Peut-être vous l'avez...
M.
Picard (Ghislain) : Noémie?
Mme LeBel : Oui, je m'excuse, vous
aviez une réponse pour compléter? Je vais vous laisser aller.
Mme Després Tassé (Noémie) : Oui. En
fait, moi, j'aurais trois éléments de réponse. En fait, par rapport à
l'obligation de consultation, il y a trois aspects qui sont inquiétants.
Premièrement, c'est par rapport, bien, en fait, au début des travaux, avant
même qu'il y ait une autorisation sur les terres du domaine de l'État. Ça, ça
crée une inquiétude que, le fait que les travaux puissent commencer
directement, ça écarte l'obligation de consulter.
Ensuite, bien,
peut-être que vous pouvez répondre directement à cet aspect-là ou je peux aller
avec mes deux autres points?
Mme LeBel : Allez-y.
• (17 h 20) •
Mme
Després Tassé (Noémie) :
Oui, en fait... Puis, après ça, le deuxième point, c'est par rapport au fait
de... Il y a plusieurs groupes environnementaux qui sont venus vous dire, dans
les derniers jours, que le projet de loi avait pour effet de déclasser, hein,
certaines activités par rapport à la Loi sur la qualité de l'environnement, ce
qui fait en sorte que certaines activités ne nécessitent plus d'autorisation
comme elles devraient l'avoir, sauf que ces activités-là... Ce projet de loi là a pour effet de créer une sorte de fiction,
hein, parce que l'activité en question conserve le même niveau de risque, sauf qu'elle ne nécessite plus
l'autorisation. Dans la pratique, au moment de l'autorisation, c'est
souvent dans ce contexte-là, en fait, que la consultation a lieu. Donc, on a
peur que, si certaines activités ne nécessitent plus d'autorisation, en fait,
que l'obligation de consulter soit écartée par la bande.
Puis le troisième aspect, en fait, c'est aussi...
On comprend, là, le contexte actuel de devoir accélérer l'ensemble des projets, mais c'est sûr que ça crée une pression immense
sur, parfois, des tout petits bureaux de consultation, parfois dans des
conseils qui n'ont tout simplement pas de bureau de consultation, où
l'accélération des... les délais, c'est déjà un enjeu. Donc, l'accélération des
délais, c'est aussi un enjeu.
Mme LeBel : O.K. Je comprends très
bien votre point sur l'autorisation environnementale, là. Je l'ai dit à
plusieurs reprises avec plusieurs groupes que ma prétention à moi, c'est que l'objectif
n'est pas de rabaisser les normes, mais
d'accélérer un processus. Mais je comprends votre point sur cet aspect-là,
par rapport au risque modéré, là, qui va être traité,
selon votre interprétation, comme un risque faible, et c'est vraiment sur la
notion de consultation.
Allons-y, d'ailleurs,
sur l'article 19, sur le domaine de l'État. Comment ça se
passe dans la situation actuelle, là, si on enlève le projet de
loi n° 66 de la table, les mesures qui concernent les
terres du domaine de l'État, l'article 19 en particulier? Présentement, ça
se passe comment, là, en général? Est-ce qu'il y a une consultation, et elle se
passe à quel moment, puis par qui?
Mme Després Tassé (Noémie) : Bien,
en fait, chef Picard, est-ce que vous voulez commencer?
M. Picard (Ghislain) :
Vas-y, Noémie. Je compléterai.
Mme Després Tassé (Noémie) : En
fait, dans l'ensemble des consultations qui ont lieu en ce moment au
gouvernement... par le gouvernement du Québec, il n'y a pas, malheureusement,
de procédé, en fait, qui est tout le temps le même. Il faut dire aussi que
chaque communauté peut détenir un protocole de consultation qui lui est propre
et qui choisit un peu de quelle façon elle veut échanger avec le gouvernement,
premièrement.
Ensuite, quand il y a... Vous savez, la
jurisprudence est quand même assez claire, là, par rapport à quel moment
l'obligation de consulter doit naître. Puis on rappelle que c'est à partir du
moment où le gouvernement a connaissance de l'existence potentielle d'un droit
et qu'il envisage des mesures susceptibles d'avoir un effet préjudiciable sur
ce droit.
Donc, à partir du moment où il y a un projet qui
est envisagé, qui va être, en quelque sorte, autorisé par le gouvernement,
l'autorisation sert un peu, souvent, de déclencheur dans la pratique, puis
c'est à ce moment-là où la consultation a lieu. C'est pour ça qu'on pense que,
s'il n'y a plus ce... Si les travaux peuvent commencer avant même que le gouvernement
se soit penché sur les activités envisagées, bien, on a peur qu'il n'y ait pas
de processus de consultation et d'accommodement adéquat en amont du début des
travaux.
Mme LeBel : Je comprends très bien
votre position. Par contre, je réitère que les 181 projets sur la liste
sont des projets existants. Je pourrais comprendre... J'aurais peut-être...
Puis ce n'est pas une... Je ne suis pas... Ce n'est pas obtus de ma part, là,
ce n'est parce que je ne veux pas comprendre, mais je comprends que, si on
mettait cette mesure-là en place pour de futurs projets... Puis, si je me
remets dans le cadre du projet de loi n° 61, où on se donnait la
possibilité, par le biais de décrets et un autre mécanisme, de rajouter des
projets qui ne sont peut-être même pas encore existants, je vais le dire comme
ça, je peux comprendre, mais là, présentement, on est dans 181 projets nommés, ciblés, identifiés et existants. Le processus
d'autorisation actuel, sur le domaine de l'État
ou environnemental, à moins que je ne me trompe, n'inclut pas, de façon
formelle, un processus de consultation. Ce processus-là se fait, j'imagine, à
divers niveaux puis à diverses maturités du projet.
Est-ce que, dans les 181 projets qui sont
là présentement, le processus de consultation n'a pas été encore fait, devrait
être fait? Et, encore une fois, je réitère l'objectif du projet de loi n° 66.
Ce n'est pas d'écarter des obligations constitutionnelles
du gouvernement, mais d'accélérer des processus existants. Donc, je veux vraiment
être capable de voir... Moi, pour moi, un peut aller avec l'autre. C'est-à-dire
qu'on peut accélérer des processus tout en maintenant les objectifs de consultation.
Mais le projet de loi n° 66, à mon sens, n'a pas pour effet d'écarter
cette obligation-là, le cas échéant, là, quand elle est existante, là, pour les
projets. Donc, je voulais simplement être sûre. Bien, je vais regarder ça avec beaucoup
d'attention, effectivement.
Au niveau des normes environnementales, donc, on
l'a mentionné, là, maintenant, si on ne va pas sur le processus de consultation, mais sur votre préoccupation du fait qu'on affecte les normes environnementales, quels sont les aspects particuliers du projet de loi n° 66 sur le... d'ailleurs, sur ce qu'on appelle, nous, la déclaration
de projet, je pense, c'est l'article 22
du projet de loi n° 66, et ça joue dans les articles 22
aussi de la Loi sur la qualité de
l'environnement, là, ce qui est un hasard,
en quoi vous considérez, vous, qu'on baisse les normes environnementales par une accélération de processus,
alors que ce n'est même pas l'objectif, mais... J'aimerais avoir votre point de vue, là, on sort du domaine de la consultation, plus dans les processus
précis de protection de l'environnement, si vous aviez... pouvoir me donner un
peu votre éclairage là-dessus.
Mme Després Tassé (Noémie) : Chef
Picard?
M. Picard
(Ghislain) : Noémie?
Mme Després Tassé (Noémie) : Oui.
En fait, vous avez posé la question à pratiquement tous les groupes environnementaux
qui se sont présentés devant vous et pratiquement tous les groupes ont répondu la
même chose, c'est que, comme je l'ai dit plus tôt, le projet de loi a pour
effet... Premièrement, le projet de loi contient une multitude de dispositions environnementales
qui servent à comme remplacer un peu ce qui est déjà prévu dans le cadre législatif.
Donc, à la base, pourquoi prévoir des dispositions si, en fait, le but, ce
n'est pas de défaire un peu qu'est-ce qui
est déjà présent dans le cadre législatif?
Ensuite, l'ensemble des groupes environnementaux... Et, moi-même, je vais vous dire
que ce projet de loi là a pour effet de déclasser un peu le niveau de
risque des activités et, par la même occasion, déclasser un
peu les obligations corrélatives ou le niveau de suivi, les exigences par
rapport à une activité qui devrait être à risque modéré ou faible. Donc, c'est à
ce niveau-là que... Sans aller dans les détails, là, mais c'est par rapport au
suivi, aux informations à partager, c'est ça qui fait en sorte de déclasser...
de réduire... en fait, pas déclasser, je veux dire, réduire les exigences.
Mme LeBel : Merci beaucoup, Mme
Després Tassé. Je ne sais pas, chef Picard, si vous avez quelque chose à
ajouter. Il reste un peu de temps dans mon temps.
M. Picard
(Ghislain) : Oui, bien, je voudrais juste, oui, oui, revenir sur votre
commentaire précédent en ajoutant que c'est un peu ce qu'on était disposés à
proposer, finalement, un processus par lequel... Encore une fois, sur les 181 projets, il y a peut-être
des communautés qui ne sont aucunement affectées par aucun de
ces projets-là, mais par contre il y a des communautés qui pourraient
potentiellement l'être. Et c'est dans ce sens-là qu'on avait proposé :
Bon, est-ce qu'on peut s'asseoir, se créer un espace commun pour faire
l'analyse de tous les projets et de quelle façon ça peut impacter un certain
nombre de communautés?
Je pense au projet du pont Mercier, par exemple,
où là c'est très clair que... Et d'ailleurs ça vous a été soumis la semaine
dernière, hein, il y a une préoccupation énorme, du côté du conseil mohawk, par
rapport au projet du pont Mercier. Donc, il y a peut-être
d'autres projets, dans la liste ou dans l'annexe, là, qui pourraient avoir,
potentiellement, des impacts sur un certain nombre de communautés, d'où l'importance
d'avoir un processus qui soit ouvert, transparent, qui permettra aux communautés,
en tout cas, à certaines de celles-ci, là, de peut-être faire un peu le tri de
ces projets-là et de pouvoir les commenter si l'opportunité leur était donnée.
Mme LeBel : Merci, M. le Président.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous. M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Merci, M. le Président.
Alors, chef Picard, Mme Després Tassé, bienvenue. À mon tour de vous souhaiter
la bienvenue. Alors, je pense qu'évidemment votre intervention est plus qu'à
propos puisque vous êtes la deuxième organisation qui représente les Premières
Nations qui s'est fait dire que ce n'est pas consulté... qui n'a pas été consultée. Je dois vous avouer que,
quand chef Montour est venu nous dire ça, j'ai trouvé ça impressionnant,
d'autant plus qu'évidemment le pont Mercier atterrit exactement chez eux et
qu'à 61 ils n'avaient pas été consultés non plus. J'imagine que c'est la même
chose pour vous.
M. Picard
(Ghislain) : Tout à fait, oui.
• (17 h 30) •
M. Barrette : Alors, il y a là un
enjeu qui est très problématique puis, je dirais, douloureux, là, parce qu'en quelque part c'est un peu de la négligence, là. On néglige de vous consulter.
J'aimerais bien savoir pourquoi. J'imagine qu'on n'aura jamais de réponse
à ça. Je peux vous donner deux secondes.
M. Picard
(Ghislain) : Oui, bien...
M. LeBel :
Bien, c'est parce qu'on...
M. Barrette : ...
Mme LeBel : Bien, on devait se
rencontrer, avec le chef Picard, le 14 septembre, mais malheureusement la
rencontre a été annulée, M. Picard. Ça m'aurait fait plaisir de pouvoir
vous en parler.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, s'il vous plaît, on va poursuivre, donc, nos auditions.
M. Barrette : ...le projet n° 61, c'était au mois de juin, puis vous n'avez pas été
consultés. Alors, rien à voir avec le 14 septembre. Ça fait que c'est de
même. Ceci dit, j'aimerais ça que vous me donniez quelques précisions. Vous
n'avez pas été consultés, mais vous êtes bien placés, là, pour me donner cette
réponse-là. À part Mercier, est-ce qu'il y a beaucoup de projets qui impactent
les Premières Nations? Chef Montour nous a parlé de tous les projets de
Montérégie, là, puis on le comprend, là, pour ceux qui connaissent la
géographie de Montérégie. Ailleurs, il y en a-tu beaucoup, chef Picard?
M. Picard
(Ghislain) : Je ne sais pas si Noémie aurait des précisions à apporter
là-dessus, mais je sais que le processus qui avait été suggéré et proposé... Je
comprends le commentaire de la ministre sur la question d'une rencontre qui a
été annulée le 14 septembre. Écoutez, je n'en ferai pas une histoire, là.
C'est peut-être juste une situation où il y a eu, de part et d'autre, trop
d'intermédiaires. Je pense que les messages n'ont pas été transmis aux bonnes
personnes, mais la rencontre, finalement, avait été organisée un peu en
parallèle avec une autre rencontre qui était celle avec le premier ministre.
Mais je ne reviendrai pas là-dessus.
Ce qui est important ici, c'est qu'il y a un
processus qui avait été suggéré, et je vous ramène au 7 août dernier.
Après, un peu, le silence entre juin et août, on s'est permis d'acheminer une
missive au premier ministre en disant : Bon, voici le processus que nous
suggérons au gouvernement du Québec, qui était la mise sur pied d'une table de
discussion qui nous permettrait justement de faire ce tri-là que vous suggérez,
M. Barrette, par rapport aux projets qui étaient dans l'annexe. Et je suis
sûr que le pont Mercier, c'est, sans doute, l'exemple le plus évident, mais il
y aurait d'autres projets, comme l'a souligné, d'ailleurs, le chef Montour, la
semaine dernière.
M. Barrette : Merci. Je dois vous
avouer, là, que je suis un peu de votre bord, là, dans une certaine mesure, en
fait, dans pas mal de mesures, là, je dirais. Quand la ministre nous dit que sa
prétention est, d'abord et avant tout, en fait même exclusivement, d'accélérer
les processus et de ne pas diminuer la qualité ou la finalité des évaluations
environnementales, je ne sais pas lequel de vous deux va vouloir répondre à ça,
mais moi, j'ai de la misère à m'expliquer
comment on ne touche pas à la valeur de l'évaluation environnementale quand on fait passer...
j'aime bien votre mot, Mme Després Tassé, quand on déclasse,
j'aime ça, un projet en le faisant passer de modéré à faible. Moi, j'ai bien de
la misère... Je ne sais pas, vous, vous pouvez imaginer, là, une situation où
un projet va bénéficier de ça, de passer de modéré à faible, sans qu'il n'y ait
d'impact sur l'évaluation environnementale. J'imagine que vous avez peut-être
des exemples en tête du contraire.
M. Picard
(Ghislain) : Noémie?
Mme Després Tassé (Noémie) : Du
contraire? Vous voulez dire...
M. Barrette :
...dire que des projets qui vont être lésés dans la qualité de l'évaluation
environnementale parce que ce n'est pas la même analyse. Quand on est à
risque modéré, ce n'est pas le même niveau d'analyse qu'à risque faible.
«Faible», je n'exagère quasiment pas en disant que c'est du «rubber-stamping»,
là, alors que, modéré, il y a un petit peu
plus de substance dans l'analyse, là. Donc, il y a des projets où... qui, en
étant «faible», verraient des impacts occultés parce qu'on les a mis
dans «faible».
Mme Després Tassé (Noémie) : Exactement.
En fait, vous avez un peu répondu à votre propre question. Quand on parle d'une
activité qui est considérée... en fait, qui demeure avec un risque élevé, mais
qui, par ce projet de loi là, va être considérée comme à risque faible, on
parle de beaucoup moins de suivi, beaucoup moins d'informations
qui doivent être divulguées, alors que, pourtant, en fait, le ministère de
l'Environnement vient de faire un travail assez
monumental de classifier, en fait, chacune des activités selon son risque pour l'environnement et d'élaborer, en fait, une forme de suivi et des exigences environnementales
en fonction de ce risque-là.
Alors, le projet de loi n° 66 vient vraiment
comme écarter cette considération-là en fonction du niveau de risque avant même que le règlement,
REAFIE, comme plusieurs ont parlé, entre en vigueur. Donc, je n'ai pas
d'exemple concret de qu'est-ce que ça fait dans les activités concrètes de la
liste de projets, mais je suis certaine que l'exercice a probablement été fait
au sein du gouvernement de savoir exactement quelles activités vont pouvoir
être un peu déclassées par ce projet de loi là.
M. Barrette : J'allais vous
poser la question. Là, quand vous parlez de la classification qui est assez
exhaustive, là, vous faisiez référence au REAFIE, évidemment, là. Ce n'est pas
tout le monde qui suit ça, hein, la question de l'environnement. Le REAFIE, je
dois vous avouer que ce n'est pas mon sujet premier et je ne suis pas porte-parole de ça, mais, quand je suis allé voir ça, c'est
vrai que c'est assez exhaustif, là, comme classification d'activités humaines.
Et c'est clair que 66, j'imagine que vous allez être d'accord, c'est une
sursimplification. En fait, ça vient... C'est une tentative de remplacement du REAFIE
en sursimplifiant, et, de penser qu'en sursimplifiant ça a le même impact, du
moins, regardé sous l'angle du REAFIE, c'est assez difficile de conclure ça.
Là, je vais vous poser une question. Écoutez,
là, je vais vous demander votre compréhension, là, puis je vais le citer au
texte dans votre mémoire, là. Alors, pour les milieux humides, là, vous parlez
de la situation où on peut passer à côté des mesures d'accélération, on peut ne
pas bénéficier des mesures, «à moins que — donc, passer à côté — "le
projet ne prévoie la remise en état dans l'année suivant la fin des travaux, de
sorte que ceux-ci retrouvent leurs caractéristiques initiales ou qu'ils ne
présentent des caractéristiques s'en [approchant]"». Juste de même, là,
c'est-u vraiment faisable, ça, après des travaux, de revenir à ce point-là, à
l'état initial?
Mme Després Tassé (Noémie) : Bien, premièrement,
moi, je ne suis pas biologiste, mais je pense que c'est quand même assez
identifié dans la science que c'est très difficile, sinon impossible de revenir
aux caractéristiques initiales d'un milieu humide. Puis, en fait, ce qui est particulièrement
inquiétant dans cette disposition-là aussi, c'est le passage que vous avez
mentionné : «...ou qu'ils ne présentent des caractéristiques s'en
rapprochant.» Ça, ça ouvre la porte à un immense pouvoir discrétionnaire. Qu'est-ce
que c'est, des caractéristiques s'en rapprochant? Qui va juger de ça puis en
fonction de quels critères? C'est extrêmement inquiétant. Puis, en fait, c'est
très incertain aussi que ces dispositions-là vont permettre de se conformer à
l'objectif de zéro perte nette.
M. Barrette : Écoutez, je suis d'accord
avec vous, là. Moi, je tourne ça de tous bords, tous côtés, là, j'ai retenu ça. J'allais... C'était d'ailleurs
la question qui suivait. «S'en rapprochant», ça m'apparaît
éminemment arbitraire, non défini. «Rapprocher», ça veut dire quoi? Il y
a un principe en sciences qui fait en sorte qu'à partir du moment même qu'on
observe un système... C'est le principe d'incertitude, là, même en observant un
système, on le perturbe. Alors, c'est sûr
que des travaux, ce n'est pas de l'observation, là. Alors, c'est assez
difficile de ne pas perturber un système environnemental donné,
géographiquement, puis de penser le faire revenir à l'initial. Je ne le vois
pas, là. Ça fait qu'on est, je pense, sur la
même page là-dessus. Est-ce qu'essentiellement ce que vous souhaitez... Est-ce
que je peux conclure que, si vous aviez une baguette magique, que je
n'ai pas moi non plus, vous souhaiteriez simplement que le REAFIE soit appliqué
puis qu'on abandonne ces parties-là du... ces éléments-là du projet de loi?
Mme Després Tassé (Noémie) : Bien,
je tiens à préciser que le REAFIE n'est pas parfait non plus, parce qu'il avait aussi pour effet de possiblement avoir
un impact sur la portée de l'obligation de consultation, et c'est quelque
chose qu'on a soulevé lors des consultations sur le REAFIE. Mais, pour répondre
à votre question, oui, c'est clair que le REAFIE prévoit un cadre qui a fait
l'objet quand même de consultations approfondies puis d'une réflexion
approfondie aussi. Donc, pourquoi ne pas simplement le laisser entrer en
vigueur et... En fait, aussi, il a été adopté dans l'objectif avoué de
simplifier et d'accélérer le régime d'autorisation, là. Donc, c'est ça,
l'objectif du REAFIE.
• (17 h 40) •
M. Barrette : Parfait. Je pense que
je n'ai plus de temps.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup.
M. Barrette : Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard) : M. le
député de Rosemont.
M. Marissal : Chef Picard, bonjour,
rebienvenue. Mme Després Tassé, merci pour l'exposé. C'est toujours un grand plaisir, chef Picard, en particulier
parce que ça fait des années et des années que je vous connais, que je
vous côtoie soit comme parlementaire ou
comme journaliste. Mais il y a, néanmoins, toujours comme un embarras
croissant chez moi de constater qu'on entend toujours le même discours de votre
part, parce que nous avons, et nous, ici, étant l'Assemblée nationale, les élus... J'avais un petit peu moins de
pouvoir, quand j'étais journaliste, dans ce genre de choses, sinon que je pouvais les dénoncer, mais nous avons
toujours les mêmes comportements. C'est-à-dire qu'essentiellement «we're
idle indeed», alors que vous nous demandez d'«idle no more». Mais on continue
dans nos travers, et vous en avez fait la démonstration encore une fois de
façon claire et nette, quant aux négociations qui n'ont pas eu lieu, les consultations
qui n'ont pas eu lieu. Je crois, donc, comprendre qu'après 61 vous aviez quand
même le modeste espoir de pouvoir être entendus. Vous étiez venus ici, pour 61,
nous le dire, dans cette salle-ci, d'ailleurs. Et il y a eu, donc, des
contacts, autour du mois d'août, avec le bureau du premier ministre, mais qui
sont restés essentiellement unidirectionnels. Je comprends bien?
M. Picard (Ghislain) : Tout à fait, oui.
M. Marissal : O.K. Vous n'aviez pas
reçu non plus, pour 61, si je me souviens bien de votre témoignage, de
réception réelle et de contre-proposition à votre demande de négociation. Je
suis toujours à la bonne place?
M. Picard (Ghislain) : Tout à fait. Bien, c'est un peu ce qui m'a incité finalement à
envoyer cette missive au début du mois d'août.
M.
Marissal : O.K. Le chef Montour, du Conseil mohawk de Kahnawake, est
venu ici la semaine dernière nous dire que, selon lui, dans un geste de bonne
foi, «a good faith gesture», ce serait de retirer carrément le projet de la
réfection du pont Mercier, ce qui sera fait éventuellement de toute façon, on
ne laissera pas tomber le pont, là, mais
que, dans un geste de bonne foi, nous retirions le projet de l'annexe I pour
reprendre sur des bases plus raisonnables de négociation. Est-ce que
vous approuvez? Est-ce que vous faites vôtre aussi cette recommandation?
M.
Picard (Ghislain) : Ah! tout à fait. Comme on le disait plus
tôt, on appuie les positions tant du Conseil mohawk de Kahnawake que celles des
Innus de Uashat mak Mani-Utenam. En fait, je pense que ce qu'il faut
comprendre, c'est que je pense qu'on vit la même situation, tout le monde. La
pandémie nous affecte de la même façon, et de façon, sans doute, encore plus
marquée pour les communautés que nous représentons. Et c'était ça, un peu,
l'esprit de ce qui est de vouloir s'engager dans une discussion, trouver un
espace commun pour discuter d'un besoin évident de relancer l'économie, mais on
ne voulait pas que les Premières Nations soient, comme ça arrive trop souvent,
à la remorque d'un processus qui ne les incluait pas. Donc, c'était ça, aussi,
l'esprit de la démarche de nos
représentations, finalement, en juin dernier, en passant par les commentaires
qui vous ont été transmis, partagés sur 61.
Le Président (M.
Simard) : Merci, chef. Je cède la parole au député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui. Merci beaucoup pour votre présence. En ce qui me
concerne, j'ai la désagréable impression de me retrouver dans le jour de la
marmotte, parce que je me souviens très bien de votre présence pour le projet
de loi n° 61, et vous aviez très clairement dit : On n'a pas été
consultés. Alors, je constate, comme les autres collègues l'ont dit avant moi,
que vous n'avez pas été plus mis dans le coup en amont en vue du projet de loi
n° 66.
M.
Picard (Ghislain) : Tout à fait. Bien,
écoutez, c'est que, dans un monde idéal, là, et c'est un peu notre rôle à nous
de trouver toujours les bonnes conditions de pouvoir engager le gouvernement du
jour... c'est de pouvoir s'asseoir et de prévoir les coups plutôt que de les
subir. Et c'est toujours ce principe-là qui nous habite, nous, comme Assemblée
des Premières Nations, au nom des communautés qui siègent à notre table, c'est
de pouvoir prévoir ce qui va arriver dans
six mois, dans un an, dans trois mois, et, plutôt que de devoir réagir, comme
on le fait trop souvent, pourquoi ne
pas trouver un espace commun de discussion plutôt que d'être pris à réagir
publiquement, souvent, ce qu'on souhaite être notre dernier recours?
M.
Gaudreault : Merci. Votre
troisième recommandation : «Retirer les dispositions visant à permettre
d'alléger ou de restreindre les exigences
environnementales.», parce que je comprends qu'essentiellement, sur
l'environnement, vous êtes d'accord avec les autres groupes qui sont venus nous
voir. Notamment, sur la question du REAFIE, vous dites : On pourrait
laisser la chance au règlement de s'appliquer. Alors, ce que vous proposez, au
fond, dans votre recommandation 3, c'est carrément de faire comme deux blocs, de mettre de côté tout
ce qui concerne l'environnement dans le projet de loi n° 66 puis de
traiter le reste à part. Est-ce que je comprends bien?
Mme Després
Tassé (Noémie) : Effectivement, on est d'accord avec la plupart des
commentaires qui ont été formulés par les
autres groupes environnementaux par
rapport à la diminution des exigences
environnementales. Par
contre, je tiens à préciser que le retrait de ces aspects-là du projet de loi
ne le rendrait pas encore adéquat à nos yeux.
M. Gaudreault :
Ça ne rendrait pas plus adéquat le reste pour les raisons que vous avez
évoquées, qui sont les manques de consultation, etc., là. Mais, je veux dire,
si on fait quand même comme deux bulles, là, celle de l'environnement, pour
vous, est quand même quelque chose à part aussi?
Mme Després
Tassé (Noémie) : Oui.
M. Gaudreault :
C'est bien. Merci.
Le
Président (M. Simard) :
Merci à vous, cher collègue. Alors, Me Després Tassé, chef Picard, merci
beaucoup pour votre présentation. Merci d'avoir répondu à notre invitation.
Sur ce, nous allons
suspendre quelques instants nos travaux, et au plaisir de vous revoir.
(Suspension de la séance à
17 h 46)
(Reprise à 19 h 32)
Le Président (M.
Simard) : Alors, chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Je
constate que nous avons quorum. Nous pouvons
donc reprendre nos travaux et nous sommes en compagnie ce soir de représentants
de l'organisme Vivre en ville.
Messieurs, bienvenue parmi nous et merci d'avoir répondu à notre invitation. Je
vous laisse d'abord le soin de vous présenter, s'il vous plaît.
Vivre en ville
(Visioconférence)
M. Savard (Christian) : Bonsoir à
tous. Mon nom est Christian Savard, directeur général du Vivre en ville. Je
suis accompagné de Samuel Pagé-Plouffe, coordonnateur, affaires publiques, chez
Vivre en ville.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bonsoir.
Le Président (M. Simard) : Nous vous
écoutons.
M. Savard (Christian) : D'abord,
merci à la commission pour l'invitation pour commenter et présenter sur cet
important projet de loi là. Fait spécial. Pour vous, c'est votre quotidien, les
commissions parlementaires. Pour moi, c'est
ma deuxième aujourd'hui. Ça ne m'était jamais arrivé. J'étais au p.l. n° 67 ce matin. Il y a une certaine, d'ailleurs, continuité dans
certains aspects entre les projets de loi.
Donc, d'entrée de jeu, d'entrée de jeu,
j'aimerais souligner que Vivre en ville souscrit aux objectifs généraux du projet de loi, qui sont d'investir dans les
infrastructures québécoises afin de stimuler l'économie, mais également
de doter la population du Québec d'un
certain nombre d'infrastructures qui
vont pouvoir leur offrir des services. Je pense notamment aux maisons
des aînés.
Toutefois, à notre avis, le projet de loi va
trop loin, va inutilement trop loin sur certains de ses aspects. Il constitue
un dangereux précédent et des brèches importantes dans la protection de l'environnement,
protection du territoire, protection du droit au public à participer. Et donc
on pense qu'avec des ajustements que nous allons vous proposer le projet de loi pourrait être... justement, remplir ses objectifs
sans faire face à ces écueils-là. Les infrastructures, c'est beaucoup
plus que de l'acier et du béton. Ça s'inscrit dans nos milieux de vie, dans nos
communautés. Elles ont un impact important sur le territoire, important sur l'environnement,
important sur la vie des gens. On pense que ça vaut la peine d'investir sur la
qualité des projets et ne pas aller trop vite, investir pour investir. Et donc
c'est une de nos préoccupations.
D'abord,
en matière... sur les questions d'aménagement du territoire, il y a
des mesures contenues à l'article 53 et aux suivants qui nous inquiètent.
Dans la même ligne que l'Ordre des urbanistes, qui est venu vous présenter,
dans les... lors de séances
précédentes... on pense qu'il y a un dangereux précédent à faire en sorte que
les lois sur l'aménagement et l'urbanisme, qui viennent défendre le
public, qui viennent défendre une cohésion dans le développement de notre territoire, soient mises de côté. Je pense
particulièrement à l'article 53 qui met complètement de côté toute la
planification régionale au niveau des MRC.
Selon nous, cet article, ces aspects-là règlent
un non-problème. Dans la plupart du temps, les villes vont vous accorder les
autorisations très rapidement. On fait la suggestion de peut-être réduire
certains délais qui sont dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme
actuellement pour aller plus vite, mais on pense que, s'il y a des MRC ou des
communautés métropolitaines qui vous font des avis de non-conformité, c'est
parce qu'un projet va avoir un vrai problème et que ça ne vaut pas la peine de
l'accélérer. Donc, ces articles-là nous semblent aller trop loin inutilement et
ne constituent pas, donc, un véritable problème.
Autre aspect, pour nous, qui est important,
c'est la liste des projets. On pense que les projets d'entretien, par exemple, du réseau routier sont importants, sont
faciles à faire, ont très peu d'impacts sur le territoire ou
l'environnement. Donc, c'est correct d'aller
de l'avant. Certains projets qui ont besoin d'un coup de main au niveau des
expropriations, puis on va en parler un petit peu plus loin, parce que la loi
est désuète à certains égards.
Donc, nous, on propose de revoir la liste de
projets pour retirer notamment les projets qui ont un impact élevé sur l'environnement, qui seraient assujettis
justement à cette partie-là de la Loi
sur la qualité de l'environnement, particulièrement tous les projets
routiers, d'augmentation de la capacité routière autour des grandes villes. Ces
projets-là s'inscrivent dans les milieux naturels, parfois dans des territoires
agricoles, ont des conséquences sur l'étalement
urbain et méritent des études d'impact soignées afin de pallier à différents
enjeux et ne méritent pas d'être accélérés en raison des impacts.
D'ailleurs, de manière générale, sur l'ensemble
des projets, on fait, dans notre mémoire, une proposition d'une grille
d'analyse pour passer au tamis les projets puis voir... Bien, les projets qui
méritent d'être acceptés, bien, ils vont tous se faire cocher : Oui, c'est
correct, oui, il n'y a pas d'enjeu, oui, il n'y a pas d'impact sur les milieux
humides, pas d'impact sur les territoires agricoles, vont renforcer la
communauté, vont être localisés au bon endroit. On pense que ça vaut la peine
de prendre notre temps, peut-être faire un peu moins de projets, mais bien les
faire, en ne prenant pas de raccourcis inutiles, donc. Et on pense également
que cette grille d'analyse là pourrait servir à la reddition de comptes, c'est
des aspects intéressants du projet de loi... sur la reddition de comptes qui
est proposée, donc, qui viendrait bonifier cette reddition de comptes là.
Je passerais maintenant la parole à mon collègue.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui,
merci, Christian. À propos des normes environnementales, comme on l'avait souligné, là, pour le projet de loi n° 61, Vivre en ville partage les inquiétudes qui ont
été formulées par plusieurs intervenants. On s'inquiète notamment pour
la qualité des études d'impacts environnementaux, en particulier pour les
activités, là, à risque modéré et élevé. L'article 40 semble indiqué, là,
dans le projet de loi n° 66, que le contrôle du ministre de
l'Environnement sur les études d'impact serait réduit. Donc, il y a une
inquiétude là.
En matière de protection
des milieux humides et hydriques, j'ai écouté, là, le passage de la Vérificatrice
générale et du Commissaire au développement durable la semaine dernière. On a
noté avec intérêt l'engagement qui a été
pris par Mme la ministre à l'effet d'amender le projet de loi pour clarifier la notion d'évitement, qui doit demeurer l'étape
prioritaire. On espère, d'ailleurs, que la possibilité de tenir un BAPE plus
ciblé, qui se trouve à l'article 41, ne se traduira pas par une prise en
compte uniquement des impacts immédiats des projets. Par exemple, là, pour le
prolongement de l'autoroute 25 dont il a beaucoup été... discussion, là,
en troisième couronne de Montréal, il faudrait réfléchir aux effets de
l'étalement urbain, notamment en termes de pressions sur le territoire
agricole, la congestion, tous ces éléments-là.
Enfin, contrairement au projet de loi n° 61,
le projet de loi n° 66 prévoit la soustraction de la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement pour deux projets
routiers. Je dois dire que ces articles nous
ont un peu surpris. On comprend que le gouvernement juge ces projets prioritaires, mais il me semble
qu'il pourrait les accélérer sans toutefois, se soustraire complètement
à la procédure d'évaluation, comme il le fait en ce moment. Vivre en ville
s'intéresse en particulier au dossier de l'autoroute 30, et on aurait
certainement des recommandations à exprimer et à formuler s'il y avait un BAPE
sur le projet.
• (19 h 40) •
Par ailleurs, Vivre en ville reconnaît qu'il
existe un vrai problème au Québec en matière d'expropriation, un élément
important du projet de loi. L'UMQ vous l'a exprimé la semaine passée,
l'interprétation jurisprudentielle de cette loi cause à la fois des délais qui
sont indus et des coûts disproportionnés pour des projets qui sont d'intérêt
public. C'est une doléance, là, qu'on entend souvent à Vivre en ville, par
exemple, par les sociétés de transport, mais aussi par des élus municipaux qui
souhaitent acheter un terrain pour y construire un équipement public ou
protéger un milieu naturel. On recommande donc l'adoption des articles sur la
procédure d'expropriation accélérée et de procéder à une réforme de la Loi sur
l'expropriation d'ici la fin du mandat.
Pour les projets dans l'annexe, là, le projet de
loi n° 66 a l'effet d'un pansement,mais, si le gouvernement s'engageait à
réformer en profondeur la Loi sur l'expropriation d'ici la fin du mandat, bien,
ça, ça permettrait d'avoir une contribution importante à l'efficacité de la
réalisation des projets d'infrastructure au Québec.
Enfin, dernier élément de mon côté, puis je
pense que plusieurs intervenants l'ont souligné, concernant la durée de
l'application du projet de loi, la possibilité de commencer une mesure
d'accélération dans cinq ans nous semble assez exagérée, là. C'est quand même
l'idée de la relance économique qui a mené au projet de loi n° 66. Or, ça
nous mènerait à la fin de 2025 pour le début de l'utilisation d'une mesure
d'accélération. Comme on l'a dit dans notre mémoire, on a bon espoir que
l'économie québécoise aura pris du mieux avant 2025. On vous recommande, donc,
de réduire, là, à deux ans la date limite pour le début du recours à une
demande d'accélération de projet... à une mesure d'accélération de projet. C'est
une proposition qui, d'ailleurs, est en cohérence, là, avec l'idée de réformer
la Loi sur l'expropriation avant la fin du mandat.
Donc, voilà, Christian, je te repasse la parole.
M. Savard (Christian) : Donc,
merci, Samuel. Pour conclure, on pense que le gouvernement, à travers ce projet
de loi là, en faisant les ajustements qu'on propose, retirerait les principaux
irritants, diminuerait le niveau de méfiance
que certains peuvent avoir par rapport au projet de loi, qui, effectivement,
fait en sorte qu'il y a des raccourcis par
rapport au processus et au procédé de protection de l'environnement, de la
participation du public et de la protection du territoire. Tous ces
processus-là ont souvent comme impact d'améliorer les projets. On peut parfois
les simplifier. On peut parfois les raccourcir, mais les éliminer nous semble
ne pas aller dans la bonne direction. On pense que ce projet de loi là doit
être la première pierre d'une relance verte, juste pour le Québec, mais a
besoin des ajustements qu'on propose. Je vous remercie.
Le Président (M. Simard) :
Merci à vous, M. Savard. Je cède maintenant la parole à Mme la présidente
du Conseil du trésor.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci, messieurs, pour votre présentation. Beaucoup d'éléments, dans
votre mémoire, en matière environnementale surtout. Ce que je vais... Je vais
résumer peut-être votre position en disant que vous avez la même position
essentiellement que les autres groupes qui sont venus nous parler des mesures
environnementales, au niveau de votre prétention que les processus qui ont été
mis en place affaiblissent les normes... et non pas juste accélérer les
processus.
Donc, je pense... Ce n'est pas parce que votre
opinion ne m'intéresse pas, mais elle est... je pense qu'elle est très bien
comprise. Puis, vous l'avez dit, à toutes fins pratiques, l'essentiel, ce sont
les mêmes commentaires, là, dont on a eu à débattre avec d'autres groupes. Ça
fait que je vais y aller peut-être sur des aspects qui sont plus nouveaux de
votre part pour pouvoir vous permettre peut-être... nouveaux par rapport à
d'autres intervenants, naturellement, là, pas par rapport à vos positions plus
traditionnelles.
Donc, si je
comprends bien, si on parle, premièrement, des projets comme tels, qui sont à
la liste des 181 projets, de façon générale, là, donc, vous
reconnaissez la pertinence d'accélérer certains projets. J'imagine que vous
avez... Est-ce que vous avez des problèmes
avec cet objectif-là, par rapport aux maisons des aînés, par rapport aux
écoles, par rapport aux projets de
transport en commun, projets routiers de transport en commun? Quand on parle a
de la réfection, aussi, des routes actuelles, qui ont besoin
d'entretien, il y a plusieurs projets.
Je ne veux pas raccrocher un chiffre... Il me
semble que c'est une cinquantaine de projets, sur les 181, qui sont des projets
de type MTQ. Je vais le dire comme ça. Et il y en a là-dedans que ce sont des
projets pour favoriser le
transport en commun. Il y en a que ce sont des projets de maintien et de
réfection des structures actuelles. Et il y en a une dizaine à peu près
qui sont des nouveaux projets routiers. Donc, je fais, naturellement, un
portrait très général, là, des catégories de projets.
Est-ce que je comprends que, dans tous ces
projets-là, ce qui vous pose problème, c'est les nouveaux projets routiers?
Pour les autres, on peut... On peut moduler, là, mais, pour les autres, en
général, la pertinence d'accélérer, je pense qu'elle est quand même là, la
pertinence de se doter de ces infrastructures-là et de les entretenir pour
celles qui en ont besoin.
M. Savard (Christian) : Oui,
vous avez tout à fait raison qu'en ce qui concerne les projets d'entretien on
n'a pas de problème majeur. Donc, oui, effectivement, peut-être une dizaine, on
les avait listés dans notre mémoire, je ne m'en souviens plus par coeur, de
projets où est-ce qu'on parle d'élargissement et de prolongation de projets
routiers qui mériteraient de ne pas avoir
des voies accélérées, dans la plupart des cas, qui mériteraient qu'on garde de
manière intacte ou quasi intacte les processus actuels. Vous avez tout à fait
bien compris notre propos par rapport à ça. Donc, si on retirait ces
projets-là, le projet de loi nous semblerait aller beaucoup... On a dit...
Notre titre, c'est Va trop loin, mais il irait moins loin et il serait
davantage acceptable en matière de protection de l'environnement.
Il faut quand même faire attention aussi de ne
pas aller trop rapidement sur certains projets, par exemple, de maisons des
aînés. Il faut bien les faire. On les construit pour toujours. Parfois, pour
aller vite, on prend un terrain rapidement,
O.K., on l'installe là, puis ce n'est pas toujours le meilleur endroit, et ça
ne peut pas toujours être conforme à la planification territoriale
locale. Donc, ça, c'est quelque chose aussi à valider, mais, de manière
générale, sur l'idée, par exemple, sur les maisons des aînés, on peut être
d'accord à une accélération pas à n'importe quel prix, pas au prix justement de
faire tomber certains pans de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.
Mme LeBel : O.K., peut-être juste pour comprendre... Par
rapport aux nouveaux projets routiers ou aux projets d'élargissement,
souvent, les projets d'élargissement nous permettent d'avoir une voie réservée
ou, en tout cas, de favoriser le transport en commun sur ces projets-là. Mais
j'aimerais juste comprendre, là, juste pour bien camper votre position. Est-ce
que c'est le fait brut de faire de nouveaux projets routiers avec lequel vous
êtes en désaccord? Ça, c'est une chose. Je respecte votre point de vue, mais
c'est une chose, c'est une position, parce qu'outre les aspects
environnementaux que vous avez mentionnés... Pour ça, je vous le dis, ce n'est
pas parce que je les écarte et je les discarte de la conversation, mais je les
ai bien compris. Mais, mis à part les aspects environnementaux dont vous nous
avez fait part dans le mémoire, quel est le problème avec les nouveaux projets
routiers? Est-ce que c'est le fait brut d'avoir, de développer des nouvelles
routes? Parce que, là, à ce moment-là, les accélérer ou ne pas les accélérer,
on va les faire, ces projets routiers là, mais en mode... je vais dire en mode
régulier, disons-le comme ça, juste pour se comprendre. J'aimerais juste
comprendre votre position, là.
M. Savard (Christian) : Je vais
donner l'exemple de la 30 ou des exemples que j'ai eu dans le passé. Il y a
certains... Ça peut arriver qu'effectivement, Vivre en ville, on soit carrément
contre une nouvelle route ou une autoroute, parfois non, parfois... À titre
d'exemple, on a déjà appuyé, dans un passé... maintenant, il commence à être
lointain, la 30 parce que c'est un aspect de contournement important.
On pense toutefois que le processus
environnemental réussit souvent à améliorer des projets. Dans le passé, il y a
eu des projets autoroutiers sur lesquels je me suis opposé, je vais dire au
«je» parce que c'était dans une autre organisation, et où les débats autour...
dans le cadre du processus d'évaluation d'impact, autour du BAPE, a fait en
sorte qu'on est arrivés avec des meilleurs projets, parfois, sur la protection
de la faune, je pense à la 175, parfois avec l'ajout de voies réservées ou de
transport collectif dans certains cas, je pense à Robert-Bourassa à Québec,
même s'il y a là encore des écueils.
Donc, on croit, nous, au processus pour améliorer
les projets. Les faire trop rapidement fait en sorte qu'on ne peut pas les
améliorer. Et peut-être que, dans certains cas, oui, on va pouvoir remettre en question
la pertinence, et ça pourrait être remis en cause. Donc, je crois que ces
débats-là et ces processus-là sont importants pour des projets à impact élevé. Il
ne faut pas oublier, hein, qu'il y a la Loi sur la qualité de l'environnement
qui les identifie comme des projets à impact, à risque élevé. Donc, on pense
que ces projets-là ne devraient pas être finalement... qu'ils soient enlevés,
là, du processus habituel.
Mme LeBel : Deux projets, uniquement
deux projets... Je pense, c'est l'article 52, là, mais deux projets, uniquement,
dans le projet de loi, sont complètement enlevés du BAPE, où le BAPE a été
écarté, là, de façon très spécifique, la 117 et la 30. Je ne me souviens plus
qui est le groupe qui est venu nous en parler spécifiquement. Ma mémoire
me fait défaut, mais un groupe plus axé sur, surtout, les mesures environnementales est venu nous dire que...
Bon, de façon
générale, naturellement, je peux comprendre votre position, de dire que
ce n'est pas recommandé de soustraire
des dossiers au BAPE, là. Ça, je peux comprendre ce postulat de base là. Mais
ce groupe-là est venu nous parler de risque, de haut risque de sécurité,
en matière de sécurité, et qu'il jugeait, malgré le fait que, bon, de façon
générale, on ne peut pas nécessairement être plein d'enthousiasme quand on
prend cette démarche-là... mais qu'entre autres, pour la 117, était... pouvait
penser comprendre pourquoi on faisait ce processus-là dans le but de
l'accélérer. On pourra sauver peut-être jusqu'à deux ans, deux ans et demi, là,
dans ce processus-là, si on le fait. Est-ce que vous avez la même position ou, vous, c'est jamais qu'on devrait procéder à
ça, parce que vous parlez de retirer l'article 52?
• (19 h 50) •
M. Savard
(Christian) : Bien, vous n'aimerez pas ma réponse, Mme la ministre,
mais il y a quelque chose en dedans de moi qui me dit : Bien, on aurait pu
aussi débuter il y a deux ans les études d'impact pour faire bien les choses
puis on aurait déjà gagné des ans si on avait commencé il y a deux ans ou on
aurait commencé il y a cinq ans. Effectivement, le dossier qui nous inquiète
plus dans ce cas-ci, c'est celui de la 30. Vous aurez... On pense que les
impacts sur les milieux naturels qu'il peut y avoir dans l'emprise, et qu'est-ce
que ça veut dire aussi pour la région métropolitaine... Ça vaut la peine de
faire le processus et de faire les études d'impact.
Mme LeBel : O.K. Donc, je
comprends que, bon, vous ne m'accorderez pas cette grâce-là de me dire que ça
va aller pour la 117. Là, je le comprends puis je n'ai pas à aimer, à apprécier
votre réponse ou non. C'est la vôtre, puis on va travailler en conséquence de
ça. Mais la 30, écoutez, la 30, je ne suis pas la spécialiste du détail du
projet, mais on parle d'un élargissement sur quelques kilomètres, et l'objectif
de ça... et dans une emprise de la 30 qui est déjà connue, dont les impacts environnementaux ont été étudiés, et c'est pour des projets de... aider au
désengorgement de la 30, je pense que c'est assez connu qu'elle est engorgée,
mais, entre autres, pour des projets de transport en commun, pour permettre à
cette voie-là, réservée... peut-être réservée, là, ne lisez pas, dans mes
propos... le projet parce que ce n'est pas moi qui l'a...
Mais l'idée générale, c'est un élargissement sur
peu de kilomètres dans l'emprise de la 30, des endroits qu'on connaît bien, où
le ministère du Transport connaît les impacts environnementaux, le ministère de
l'Environnement connaît les impacts environnementaux. On est à même de
surveiller les étapes d'élargissement, et le tout, c'est pour avoir plus de transport
en commun. Je veux dire, il y a quelque chose aussi, dans le désengorgement de
nos routes actuelles... Je peux... Puis je comprends, là, vos objectifs de transport
en commun, de développement durable, et j'en suis, mais il y a quand même quelque
chose qui s'appelle l'immédiat, là, et il y a... présentement, on fait du
stationnement, à toutes fins pratiques, sur la 30, là. Donc, est-ce que ça
aussi, ça vous pose problème, cet élargissement-là? Puis on ne parle pas d'un
prolongement, là, dans d'autres endroits, là, le petit bout, là, qui est exclu,
parce qu'il y a une partie du projet très, très ciblée qui est exclue du BAPE.
M. Savard
(Christian) : De manière
générale, on défend tout de même le principe que, lorsqu'un projet, selon
la Loi sur la qualité de l'environnement et les règlements relatifs, est assujetti aux
études d'impact, on pense qu'il faut les faire. Ce n'est pas pour rien
que la législation est faite comme cela. Donc, sur le principe, on croit qu'on
ne devrait pas décider, comme ça, que, ah! bien, celui-là, on pense que c'est
correct. On n'est pas à l'aise avec cette position-là.
Et, en ce qui
concerne l'élargissement de la 30, on pense qu'il y a des débats à avoir, s'il
y a un élargissement, quel type d'élargissement, pour quel type de
véhicule. Pour le transport collectif uniquement, ce qui n'est pas encore fait,
vous l'avez dit, il y a des choses qui ne sont peut-être pas encore décidées,
on serait plus favorables, mais, même si c'était pour ça, on pense qu'il
faudrait un BAPE pour avoir ces débats-là. Sinon, il y a des enjeux qui ne
seront pas abordés, et, je répète, les BAPE
que j'ai faits sur des autoroutes, même des autoroutes qui semblaient être des
évidences, ont souvent contribué à améliorer les projets et à avoir des débats.
On ne peut pas éternellement élargir nos
autoroutes pour les désengorger. C'est une solution qui ne fonctionne pas d'un point de vue environnemental.
À chaque fois qu'on... Et, on le sait, j'ai fait Robert-Bourassa, dans
la région de Québec, à une certaine époque, et Robert-Bourassa est maintenant
bouchée, parce qu'il y a le phénomène d'étalement urbain, de demande induite amenée
avec la nouvelle autoroute. Et on pense que ces débats-là devraient avoir lieu dans une étude d'impact en bonne et due
forme, mais, à la fin, probablement que, si on fait le bon processus, on
arriverait peut-être à des solutions plus intéressantes. Et on sait que, même
autour de la 30, il y a peut-être même des enjeux sur des milieux naturels
limitrophes qui sont à étudier.
Mme LeBel : Je vous remercie. Merci
d'avoir éclairci votre position sur ces deux points-là. Comme je vous disais,
ce n'est pas parce que le reste n'est pas important ni intéressant, là, mais je
voulais voir plus... de façon plus ciblée... puis on va prendre connaissance du
reste. Alors, merci de votre participation.
M. Savard (Christian) : Merci, Mme
la ministre.
Le Président (M. Simard) : M. le
député de La Pinière.
M.
Barrette : Bon, vous n'êtes
pas seul, la personne qui est avec vous, j'ai oublié son nom, mais, bon,
bienvenue.
Une voix : Bonjour.
M. Barrette : Bonjour, excusez-moi,
Pagé. Bon, regardez, je pense que je ne vais pas vous offusquer si je vous dis
qu'en fin de consultations particulières vous venez nous dire des choses qui
sont dans le même ordre de ce que l'on a entendu à date. Ma question est
simple. Est-ce qu'il y a des éléments additionnels? Vous savez, vous vous parlez, vous autres, là, et puis vous écoutez les
travaux, là. Il y a beaucoup de recoupements des deux côtés de la
médaille et est-ce qu'il y a des choses spécifiques que vous voulez nous dire
qui sont nouvelles? Et puis, après ça, bien, je vais jaser avec vous.
M. Savard (Christian) : Bien, si je
peux me permettre, je ne crois pas qu'il y a tant de monde que ça qui ont abordé la question de l'abrogation de certains éléments de la Loi
sur l'aménagement et l'urbanisme. Il y a l'Ordre des urbanistes, je pense, qui est venu en début de consultations.
Mais, sinon, ça, c'est un aspect qui nous apparaît très important. On pense que
les articles qui vont dans ce sens, qui font en sorte que, par exemple, on n'a
pas à vérifier la conformité avec les schémas d'aménagement des MRC, vont trop
loin, et c'est quelque chose qui serait facilement... qui pourrait être
facilement amélioré dans le projet de loi en faisant, par exemple, la proposition
que les délais qui sont inclus dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme actuellement
soient réduits de moitié. Par exemple, au lieu de prendre 180 jours, pour une MRC, à revenir, elle pourrait revenir au maximum
à 90 jours. Mais, je le répète, ce que j'ai dit un petit peu tantôt, on
pense que, si les villes veulent absolument un projet, si les MRC veulent absolument
un projet, ils vont revenir très rapidement.
Donc, c'est un aspect qui nous semble peut-être
à réitérer. Sinon, Samuel, je ne sais pas s'il y avait quelque chose que tu as
pensé...
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Bien, là-dessus,
pour spécifier sur la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, pour rendre ça un
petit peu concret, des éléments qui peuvent être... dont on peut réfléchir, il
y a notamment... Il n'est plus possible... Il n'est plus probable qu'une maison
des aînés, par exemple, soit construite sur un boisé s'il n'y a pas à avoir la
conformité avec le schéma d'aménagement. Donc, ça, c'est concret, là, si on
veut donner un exemple concret. Puis ensuite, bien, peut-être un autre élément
d'originalité de nos propositions, c'est la grille d'évaluation et de suivi des
projets. M. Dubé, qui était... bon, qui était le porteur du projet de loi
n° 61, avait noté ça avec intérêt, et, là-dessus, bon, Christian en a
parlé un petit peu, mais je trouve que c'est une des originalités de notre
mémoire.
M. Barrette : Je ne dis pas que
votre mémoire n'est pas original, là. C'est juste que je veux qu'on aille
directement sur le point qui est différent de ce que l'on a entendu avant. Je
comprends votre angle sur l'urbanisme. Je n'ai pas la même inquiétude que vous,
par exemple, pour un certain nombre de raisons.
Je vais prendre l'exemple que vous venez de
prendre. Une maison des aînés près ou en partie sur un boisé, s'il y a un
projet qui arrive comme ça, il va être applaudi, puis je vais vous dire... je
vous dis ça par expérience, parce que tout ce qui est CHSLD et compagnie, la
chose dont se plaignent le plus les résidents, ceux qui peuvent encore
s'exprimer, c'est qu'ils veulent voir la nature, ce genre de chose là. Une
nouvelle construction dans un boisé pour des personnes âgées, c'est, et pour
les personnes... les résidents, et pour leur famille, le public en général...
c'est «winner», là, vous n'avez pas d'idée comment c'est «winner».
Ça fait que, là, si ce que la population veut est un enjeu, ce n'est peut-être
pas l'exemple parfait. Je vais y aller sur d'autres exemples qui, pour vous, vont
être un enjeu, là. Puis là je vais vous poser mes questions plus
directement, là. On arrive en fin de
consultations. Vous contestez ou vous êtes inconfortables, par exemple, avec le réaménagement de la 30, aux approches de la 10 puis de
la 20, pour du transport en commun. Moi, je vous soumets que ces réaménagements
sont faits principalement pour amener du monde au terminus du REM, ce qui,
normalement, est une chose que vous souhaitez.
Et là je vais vous poser une question environnementale
précise, O.K.? La 30, telle qu'elle est actuellement, incluant sa jonction avec
les deux autres autoroutes, ce sont des terres qui ont déjà été altérées. Elles
sont altérées. Vous savez, une route, là, c'est comme un chemin de fer, c'est
un gros talus de roches, une membrane géotextile, du sable, de l'asphalte ou du
ciment, dépendamment du matériel qu'on prend, et ça a déjà été tout perturbé,
là, ça, là. Alors, quand vous nous dites que, sur la 30, il y aurait des enjeux
environnementaux, là, genre biologiques, honnêtement,
là, j'aimerais bien ça que vous me donniez un éclairage plus biologique de ça
parce que je ne le vois pas.
M. Savard (Christian) : Vous avez tout
à fait raison de dire que c'est altéré et ça va altérer un peu plus loin. Donc,
il peut y avoir des enjeux d'ordre environnementaux. En ce qui concerne aussi, également,
la question du transport collectif, on pense que, justement, il y a des
questions à... Est-ce que cette voie réservée là va être juste réservée au
transport collectif? Est-ce qu'elle va être réservée au transport collectif, et
au covoiturage à deux, plus aux véhicules électriques? Du coup, ça devient une
voie un peu moins réservée et ça fait en sorte que ça élargit l'autoroute.
Donc, on pense que ces débats-là méritent d'avoir lieu sur qu'est-ce qu'on veut
comme infrastructure pour améliorer la 30 dans ce secteur-là.
Et on en revient au principe, M. le député...
sur le fait que, si un projet est assujetti, on pense qu'il mérite de continuer
à être assujetti et ne pas prendre des décisions à la pièce pour ce genre de
projet là. Ça ne doit pas devenir le nouveau régime en environnement au Québec.
C'est une de nos inquiétudes.
• (20 heures) •
M. Barrette : Là-dessus, je
dirais... Puis là on échange, là. Ce n'est pas un procès, là. Je fais juste
échanger, là. Disons que vous nous amenez à la frontière de ce qui est l'environnement
et de ce qui est la politique. C'est volontaire, je pense, puis c'est correct,
puis c'est un vrai débat, mais est-ce qu'il y a lieu, dans le cadre de 66, de
faire ce débat-là? Je ne vous demande même pas de répondre à cette question-là,
là, mais c'est une question qui est quand même légitime. On n'est plus nécessairement dans l'environnement à un
moment donné, là. Là, on est dans la réflexion philosophique de la société, là, alors, puis... prendre une image très
caricaturale, mais qui est très parlante, là, c'est comme le Réseau
express vélo à Montréal, c'est philosophique. C'est une volonté philosophique
de changer des quartiers. C'est correct si le monde accepte ça, mais on est
loin de l'environnement, là.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) :
Peut-être, à cet égard-là, M. Barrette, je vous entendais, à quelques reprises,
avec les invités, la semaine dernière, noter votre inquiétude, et, je pense,
avec raison, quant au signal qu'on envoie, parce qu'on prétend que le projet de
loi n° 66 est peut-être un laboratoire, à certains
égards.
M. Barrette :
C'est sûr que c'en est un.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Et donc
le signal que l'on envoie, si c'est effectivement un laboratoire, c'est une
possibilité d'abaisser les normes environnementales et les bonnes pratiques
d'aménagement du territoire, c'est le risque de ce laboratoire-là. Donc, il y a
une préoccupation, puis, je pense, c'est réel.
M. Barrette : Écoutez, là-dessus, on
se rejoint, là, je suis convaincu. Et je ne prête pas d'intentions, parce que,
comme je dis souvent, si une hirondelle ne fait pas le printemps, un ministre
ne fait pas un gouvernement. Alors, je ne prête pas d'intentions à la présidente
du Conseil du trésor. J'en prête au gouvernement, par exemple. Ça, j'ai le
droit de le faire, au gouvernement, parce que je pense qu'il y a ici un chemin
qu'on prend. Là, je vais vous poser une question.
Je ne sais pas si vous êtes capables de répondre à cette question-là. Je vois
que vous avez réfléchi. Évidemment, c'est normal, là, vous venez ici,
vous ne venez pas comme ça, à pied levé, nous entretenir, là. Ce n'est pas un
salon de thé. Vous avez regardé les
181 projets, là. Est-ce qu'il y en a là-dedans, particulièrement dans les
routiers, qui ne sont pas, selon vous, assujettis à un BAPE?
M. Savard (Christian) : Bien, il y
en a beaucoup, beaucoup de projets de réfection...
M. Barrette : Il y en a beaucoup.
C'est quoi, la proportion de...
M. Savard (Christian) : Bien, madame...
M. Barrette : Vous avez sûrement
fait la réflexion, là. Sur les 52 projets routiers, il en reste combien,
là, pour lesquels, dans nos règles, il faut faire un BAPE?
M. Savard (Christian) : Oui, bien,
on pense qu'on en a... Nous, on n'est pas à l'aise avec, effectivement... Et
Mme la ministre était dans une bonne proportion, et on l'a dans notre mémoire,
on n'était pas à l'aise avec une dizaine de projets qui, justement,
induisent... Et là-dessus je ne suis pas d'accord avec vous, et de
l'environnement...
M. Barrette : Ce n'est pas grave. Je
m'excuse de vous interrompre, parce qu'il me...
M. Savard (Christian) : C'est de...
Oui?
M.
Barrette : Excusez-moi, je
vous interromps, là, parce qu'il me reste juste 1 min 20 s. Moi,
c'est bien important d'avoir votre opinion, là, sur la question. Combien,
dans nos lois actuelles... ne sont pas, par définition, assujettis à un BAPE?
M. Savard (Christian) : Combien, là, les projets routiers, j'aurais...
et, même, dans certains cas, ils ne sont pas tous assujettis à un BAPE,
mais ils sont assujettis à certaines règles liées à la Loi sur la qualité de
l'environnement.
M. Barrette : Oui, ça va, ça.
M. Savard (Christian) : Ils sont
tous assujettis, mais, à un BAPE, je ne pourrais pas vous le dire comme ça.
Mais, on l'a dit, on n'est pas contre les projets d'entretien du réseau
routier. Donc, il y en a beaucoup dans le projet, et on les appuie. Donc, c'est
pour ça que ce n'est pas l'ensemble du projet de loi... qu'on est contre, mais
il y en a quelques-uns qui seraient assujettis à des mesures d'études d'impact
qui vont plus loin, et, eux, on pense qu'on ne devrait pas faire de... on ne
devrait pas, justement, faire en sorte que... être moins exigeants.
M. Barrette : Ça, c'est la... essentiellement,
c'est la dizaine, là, de prolongements d'autoroutes, si on peut résumer ça, essentiellement,
là.
M. Savard (Christian) : Exact.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Mais,
même sur la 25, rapidement, sur la 25, si on a un BAPE qui est expéditif, très
ciblé, qui n'étudie pas les questions d'étalement urbain, là, la menace sur le territoire
agricole, parce que c'est possible... Dans la formulation actuelle du projet de
loi, il y a un risque qui est important.
M. Barrette : Ah! Je peux vous dire
que toutes les manoeuvres qui ont été faites dans la dernière année pour la 25
sont des menaces aux terres agricoles par définition, et on n'est pas sortis de
ce champ-là, parce que ce n'est pas du bois.
M.
Pagé-Plouffe (Samuel) : C'est
ce que permettent les articles 40 et suivants, notamment,
d'avoir un BAPE ciblé.
M. Barrette : Oui, vous avez raison.
Mon temps est expiré. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Simard) : Merci à vous. M. le député de Rosemont.
M. Marissal :
Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Rebelote, on s'est vus il n'y a pas
si longtemps, en juin. Le projet de loi n'est pas tout à fait le même, mais il
y a des choses qui demeurent. Vous parlez notamment de l'article 53. Je ne
sais pas... on a fait combien de groupes et de témoins, là, ici, depuis la
semaine dernière. On doit approcher la quinzaine, si ce n'est pas plus. Ça fait
que je commence à avoir une assez bonne idée, là, de ce que vous dites, d'autant qu'on a fait ça déjà en
juin, mais j'aimerais quand même que vous explicitiez davantage
votre opposition à 53 et ce que ça pourrait faire, selon vous.
M. Savard
(Christian) : 53, c'est le fait que le gouvernement, lorsqu'il arrive
avec un nouveau projet, essentiellement, un équipement qui pourrait être
public, de type école, de type maison des aînés ou de ce type-là, doit faire un
avis de projet à la MRC pour lui dire : Bien, moi, je voudrais construire
une nouvelle école à cet endroit-là, et la MRC doit lui dire si c'est conforme
ou non à sa planification.
Et donc ça pourrait
arriver dans des cas, et c'est pour ça qu'on trouve que l'article 53 est
trop fort. Ça n'arrivera pas souvent, mais ça pourrait arriver qu'une MRC
dise : Bien non, c'est en dehors de notre périmètre d'urbanisation. On
pense que c'est dans un milieu naturel qui n'est pas officiellement protégé,
mais qu'on ne veut pas développer à court terme. Donc, on pense que, votre
école secondaire, il ne faut pas la mettre à tel endroit. Donc, la MRC dit au gouvernement :
Ce n'est pas conforme à notre planification. Et là, après ça, le gouvernement
peut prendre différentes choses... peut décider de changer son projet, peut
décider de demander à la MRC de changer son schéma ou peut décider, après un
certain nombre de procédures, de passer en force et faire son projet.
Donc, il existe des
manières de faire ce genre de projets là. Et nous, on pense que, justement, ça
n'arrivera tellement pas souvent que l'utilisation de ce précédent-là, de
mettre complètement de côté... Et là ce n'est pas une accélération, là, c'est
qu'on met complètement de côté la procédure de conformité au schéma d'aménagement...
nous semble vraiment, excusez-moi, je vais le dire en anglais, parce qu'on est
un peu fatigués, «overkill».
On pourrait tout
simplement réduire les délais des procédures normales qui sont comprises à la Loi
sur l'aménagement et l'urbanisme et arriver à un résultat où les projets peuvent
être accélérés en conformité avec qu'est-ce
qui se passe sur le terrain, mais ça va arriver... C'est comme utiliser...
C'est comme un article... S'il y a un problème avec une MRC, ça veut peut-être
juste dire qu'il ne faut pas faire le projet et qu'il ne mérite pas d'être
accéléré. Donc, une réduction des délais de
certaines conformités des fois que la bureaucratie se traîne les pieds peut
être intéressante, mais pas plus que ça. C'est pour ça qu'on fait...
qu'on propose de garder 53 avec un ajustement au délai de la LAU.
M. Pagé-Plouffe
(Samuel) : Peut-être un élément rapide?
Le Président (M.
Simard) : Très rapidement, très rapidement, s'il vous plaît.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : La Politique de
mobilité durable du gouvernement du Québec reconnaît que la localisation des
bâtiments publics est souvent loin d'être exemplaire. Donc, c'est effectivement
ça, c'est une question de localisation des bâtiments publics, et là on enlève
un rempart supplémentaire.
Le Président (M.
Simard) : Merci. Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Oui. Alors, merci beaucoup pour votre présence toujours
éclairante. J'aime beaucoup le début de votre mémoire avec vos propositions
pour une véritable relance verte, solidaire et durable. Je remarque, comme vous
avez dit, M. Pagé-Plouffe, que l'élément distinctif de votre mémoire, par
rapport à tous ceux qu'on a entendus jusqu'à
maintenant, c'est la grille que vous proposez, la grille d'analyse
multicritères. Alors, j'aimerais ça vous donner du temps pour vous permettre de nous l'expliquer et de convaincre
la ministre de l'inclure dans son projet de loi.
M. Pagé-Plouffe
(Samuel) : Christian, veux-tu que j'y aille ou tu veux y aller?
M. Savard
(Christian) : Tu me sembles...
M. Pagé-Plouffe
(Samuel) : Bien, à l'article 53 du projet de loi, on prévoit une
reddition de comptes semestrielle qui doit être faite par le ministre
responsable d'un projet, mais on ne parle pas, dans cette reddition de comptes
là, des impacts environnementaux, sociaux, même territoriaux, des projets. 64
touche un peu aux impacts environnementaux, mais, quand même, tous les projets
qui sont là n'ont pas passé le filtre qui vient, finalement, justifier la
pertinence de les accélérer, la plus-value qu'ils ont, ces projets-là. Et, à
notre avis, cette grille-là, qui est, d'ailleurs, proposée, on ne l'a pas
sortie de notre chapeau, là, c'est proposé un peu partout à travers le monde
par des institutions environnementales, ça ressemble un peu aussi à ce que
propose le G15+, permettrait d'avoir... garantirait, en fait, des bons projets,
tout simplement.
• (20 h 10) •
M.
Gaudreault : Ça viendrait
amoindrir un peu les contournements des lois environnementales, d'une
certaine manière. Au moins, ça nous donnerait un certain nombre de balises.
M. Savard (Christian) : Bien, si les
projets passaient à travers cette grille-là, il deviendrait très évident quel
projet cause problème et ne mériterait pas d'être accéléré et quel projet
mériterait d'être accéléré. C'est pour rentrer un petit
peu de rationnel derrière le choix des projets afin que les immenses
investissements que le Québec va faire dans les prochaines années en matière
d'infrastructures soient les meilleurs, pas juste faire de la quantité de
projets pour de la quantité de projets, mais faire les meilleurs projets
possibles et éviter les moins bons.
M. Gaudreault : J'aimerais ça vous
entendre sur le REAFIE, donc, le fameux règlement en environnement. Je comprends que, pour vous, son adoption, sa mise en vigueur, dans quelques semaines à peine, devrait faire en sorte qu'on le laisse s'appliquer et d'éviter, là,
d'avoir un genre de régime parallèle créé par le projet de loi n° 66.
Donc, vous souhaitez d'abord laisser
le REAFIE entrer en vigueur et s'appliquer pour ce qu'il est avant de procéder
à une voie parallèle.
M. Pagé-Plouffe (Samuel) : Oui,
bien, en fait, c'est de s'assurer du succès de ce nouveau règlement-là
d'application, dont un des objectifs, c'est effectivement l'efficacité de la
réalisation des projets publics. Donc, si on crée un régime parallèle, ça peut créer
de la confusion. Et on pourrait dire, à cet égard-là, si on veut vraiment
réussir à travailler sur l'efficacité des projets, bien, travaillons sur la
question de l'expropriation qui, elle, est prioritaire et qui cause
véritablement des problèmes au Québec tant en termes de délai et de coût des
projets.
Le Président (M. Simard) : Très bien.
Alors, M. Pagé-Plouffe, M. Savard, merci beaucoup pour votre présence parmi nous ce soir. M. Savard, vous
nous disiez que, plus tôt en journée, vous étiez passé devant la Commission
d'aménagement du territoire? Je suis persuadé que vous avez trouvé ça beaucoup
plus agréable d'être avec nous ce soir.
M. Savard (Christian) : Ah! tout à
fait, et c'est ce que je vais leur dire à eux aussi.
Le Président (M. Simard) : Alors,
merci à nouveau et à très bientôt, j'espère. Au revoir.
On va suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 20 h 12)
(Reprise à 20 h 16)
Le Président (M. Simard) : Alors,
chers collègues, nous sommes de retour. Et nous avons l'honneur, ce soir, c'est
un très grand honneur, de finir, donc, ces auditions publiques en recevant les
représentants du Conseil innu — alors je m'efforce de bien prononcer — Takuaikan
Uashat mak Mani-Utenam. J'espère de ne pas avoir trop mal prononcé. Donc, chef
Mike McKenzie, merci infiniment de nous faire l'honneur d'être avec nous, chef.
M. McKenzie
(Mike) : «Kwe, kwe». Bonjour, bonsoir.
Le Président (M. Simard) : Ainsi que
Me Marie-Claude André-Grégoire, merci d'être avec nous, madame. Nous vous
écoutons.
(Visioconférence)
Conseil innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam
M. McKenzie (Mike) : O.K., je vais
débuter. Merci.
(S'exprime dans une langue autochtone)
Je suis extrêmement content d'être ici ce soir
avec vous, chers... tous ceux qui travaillent pour la commission, puis
les députés qui sont là, ça fait qu'aussi les ministres qui sont autour de la
table. Je veux, premièrement, saluer les
membres de la commission. Je vous remercie pour le temps qui nous est accordé
pour vous partager notre réflexion politique quant au projet de loi
n° 66 afin que ce projet soit adopté en incluant les peuples autochtones
au Québec et en respectant leurs droits.
Également, nous souhaitons que notre réflexion permette d'amener des
perspectives nouvelles pour renouveler nos relations et reconstruire nos
alliances.
Les Innus de Uashat
mak Mani-Utenam que je représente... détenons le titre ancestral, ainsi que les
autres droits ancestraux, et des droits issus de traités sur un vaste
territoire de la péninsule Québec-Labrador, notre Nitassinan, notre territoire.
Nous n'avons jamais cédé, vendu ou abandonné ces droits. Ce territoire est la
source de notre identité millénaire, de notre langue, de notre spiritualité et
de nos traditions. Il n'est pas un territoire vierge ni des terres du domaine
de l'État. Notre Nitassinan est débordant, entre autres, de toponymes innus qui
ont chacun leur histoire, de lieux de naissance, de sépultures, de lieux de
portage, de campements, de remèdes traditionnels ainsi que d'autres ressources
naturelles d'importance pour nous. L'Innu et son territoire ne font qu'un.
Nous sommes une nation distincte, et nous
exerçons notre propre autonomie gouvernementale, et nous affirmons nos droits
en dépit de la non-reconnaissance de ceux-ci par le gouvernement à travers ses
positions historiques. Depuis plusieurs
années, le gouvernement du Québec fait des représentations auprès des nations
autochtones à l'effet qu'il souhaite créer des nouvelles relations de nation à
nation, dont avec Uashat mak Mani-Utenam. Une relation de nation à nation
sous-entend un rapport d'égalité, d'équité, de respect mutuel et de
collaboration. Ce n'est surtout pas une relation d'autorité ou de subordonné.
Or, les démarches prises
par le gouvernement du Québec à ce jour pour créer des relations de nation à
nation ne respectent pas toutes les caractéristiques qui permettraient un
rapport constructif à l'avantage de tous. D'ailleurs, la lenteur des démarches
entreprises par le gouvernement, notamment en ce qui a trait à la mise en
oeuvre des recommandations de la commission Viens ou de la Déclaration des
Nations unies sur les droits des peuples autochtones, démontre que ce discours public
du gouvernement n'est pas accompagné d'actions concrètes pour le moment. Toutefois, nous demeurons optimistes. Les
derniers changements au niveau des interlocuteurs du gouvernement du Québec doivent représenter une réelle occasion
de moderniser et reconstruire nos relations. Notre dernière avancée pour
le projet Apuiat démontre que nous pouvons faire autrement.
Toutefois, à
titre d'exemple, concernant nos relations sur les questions territoriales, les
mécanismes de consultation mis en
place consistent à l'envoi de lettres par le gouvernement et ses ministères aux
nations autochtones pour les aviser de nouveaux développements ou de
projets sur leurs territoires traditionnels. Les communautés sont ensuite
invitées à exprimer leurs préoccupations dans un délai précis, et ce, sans
aucune garantie quant à la prise en compte de ces préoccupations dans le
processus décisionnel et sans possibilité pour celles-ci de collaborer aux projets d'une quelconque façon. Nous avons l'impression que le Québec effectue le minimum
afin de pouvoir répondre à ses obligations constitutionnelles de consultation, mais sans plus. Je qualifierais
notre relation actuelle de monologue et non de dialogue.
• (20 h 20) •
Le meilleur exemple, pour les Innus de Uashat
mak Mani-Utenam, est l'avis du projet de la ligne Hydro-Québec entre le poste Arnaud
et l'Aluminerie Alouette en 2014. L'avis nous a été communiqué à peine trois
jours avant le début des travaux de
déboisement de la ligne. Nous, les Innus, nous n'avons, donc, eu d'autre choix
que d'entreprendre des procédures
judiciaires longues et coûteuses afin de faire valoir nos droits. Il s'agit
d'une démonstration claire d'une relation inégale qui n'a rien d'une
relation de nation à nation avec le gouvernement du Québec et qui a entraîné un
nouveau conflit.
Pour passer
de la méfiance actuelle vers une relation de confiance, le Québec devra être
ouvert à se renouveler dans son
attitude, ses politiques et de s'engager réellement à permettre aux Premières
Nations d'avoir toutes les opportunités nécessaires pour répondre aux
aspirations de ses populations. Vous devez le savoir. Nous avons des défis
énormes à relever pour nos enfants et nos
familles. Il faut mettre tout en oeuvre pour réduire les écarts
socioéconomiques. Lutter contre les inégalités sociales doit être un
ingrédient de la réconciliation tant recherchée.
Encore une fois, le projet de loi n° 66 a été présenté sans tenir compte des
préoccupations et recommandations déjà soulevées par ITUM, par la nation
innue, et sans prévoir l'inclusion des projets bénéficiant aux nations autochtones.
Malgré la main tendue d'ITUM et de la nation innue, le gouvernement n'a même pas pris la peine de dialoguer avec nous avant de
rédiger la seconde monture du projet de loi n° 61. Il s'agit encore une
fois d'une entorse à l'établissement d'une relation de nation à nation. Nous
sommes toujours mis devant le fait accompli et nous portons toujours l'odieux
d'être en réaction à vos positions.
En effet, malgré les besoins criants en matière d'infrastructures
et de services de santé et de services sociaux bien connus dans les nations autochtones
au Québec, il est inacceptable qu'aucun des 181 projets prévus à l'annexe
I ne bénéficie aux autochtones.
Plus particulièrement, en ce qui a trait à ITUM,
à Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam, le rapport du coroner Bernard
Lefrançois, déposé en 2017, émettait des recommandations précises et urgentes
au gouvernement du Québec afin d'améliorer les conditions de vie des Innus de Uashat
mak Mani-Utenam.
Mais il y a
plus. À plusieurs reprises, ITUM a proposé et demandé l'appui du gouvernement du Québec pour la mise en oeuvre de plusieurs
projets pour pallier aux inégalités sociales qui affligent les Innus de ma communauté.
Par exemple, le 2 juillet 2020, j'ai moi-même remis aux ministres Bonnardel et Julien un document
de synthèse résumant certains de ces projets, notamment pour la
construction d'un centre de santé à Mani-Utenam, d'un centre de crise, d'un
centre de pédiatrie sociale.
L'environnement social et économique sont des
déterminants de la santé qui doivent être pris en compte pour le bien-être individuel et communautaire de la population. L'approche du gouvernement en matière
d'amélioration des services de santé
et services sociaux devrait être globale afin d'inclure des projets à l'annexe
I qui visent à l'amélioration des conditions de vie des nations
autochtones au Québec, exclues depuis trop longtemps.
Je ne peux pas passer sous silence le fait que
c'est l'ensemble de la Côte-Nord qui semble être complètement évacué dans la
tentative de la relance économique. Si l'économie régionale de la Côte-Nord se
porte mieux, eh bien, cela favorisera aussi
nos économies locales par le développement de partenariats gagnant-gagnant avec
les industries, les entreprises et les municipalités d'une autre région.
Les récents événements et le racisme systémique
qui sévit au Québec ont également mis en lumière l'approche du développement
séparé qui ne fait qu'amplifier la dégradation et le maintien des conditions de
vie inacceptables au niveau social et communautaire au sein des nations
autochtones au Québec. Le gouvernement du Québec
devrait profiter de son plan de relance économique pour faire face à ces
problématiques et investir dans la santé globale des nations
autochtones, soit la santé mentale, la santé physique, la santé économique et
communautaire.
Investir maintenant pour le mieux-être de nos
populations représente un investissement nécessaire qui générera des économies d'échelle dans quelques années. Un dollar bien
investi aujourd'hui, c'est économiser plusieurs dollars demain. Nous
devons travailler ensemble maintenant pour un futur gagnant, pour l'ensemble de
la société, mais particulièrement celui de
nos populations plus vulnérables. Il est difficile pour nous de prétendre qu'il
faut relancer nos économies. Comment
relancer quelque chose qui n'existe pas? Commençons ensemble à bâtir cette
économie inclusive.
De plus, je vous invite à lire notre réflexion
politique. Elle contient également une analyse juridique et politique de plusieurs dispositions particulières
du projet de loi n° 66 et de nos préoccupations, notamment en matière environnementale,
dans la mesure où des projets d'envergure dans le Nitassinan, nos territoires,
sont ajoutés à la liste de l'annexe I.
Finalement,
il est temps pour le Québec de créer une véritable relation de nation à nation
avec les autochtones et de nous reconnaître comme des égaux en nous
permettant d'améliorer nos conditions de vie. Les investissements seront
bénéfiques autant pour les autochtones que pour le Québec, qui pourrait ainsi
compter sur notre participation active à la relance et au lancement d'une
économie inclusive et équitable pour tous, non seulement pour ceux qui ont
perdu des opportunités économiques avec cette pandémie qui perdure, mais pour
tous ceux qui ont été exclus depuis toujours. Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous, chef. Nous allons donc immédiatement laisser la parole à la présidente du
Conseil du trésor. Madame.
Mme LeBel : Merci, M. le Président.
Merci, chef McKenzie, pour cette présentation-là. Je vais... On a également
reçu votre mémoire, là, qui comporte beaucoup plus de détails sur ce que vous
venez de nous décrire, là, dans votre présentation de 10 minutes. Et je
comprends très bien, là, votre plaidoyer que vous venez de faire, là, sur vos
droits ancestraux et l'importance de vous consulter et de s'entendre avec vous.
Alors, votre message a été clairement énoncé, puis je vous remercie pour cette
présentation.
Si on va, peut-être, plus particulièrement sur
le projet de loi n° 66, si vous me permettez, vous
avez parlé, de façon très large et de façon
très globale, donc, sur la nécessité de vous consulter adéquatement. Et vous
avez, d'ailleurs, cité des exemples de consultations qui ne
remplissaient peut-être pas les objectifs d'une consultation de par la façon
dont ça a été fait, effectivement.
Donc,
j'aimerais peut-être que vous nous donniez... Est-ce que, dans le projet de loi
n° 66, de façon particulière, les
181 projets en annexe, il y a des projets qui vous touchent plus
particulièrement? Je comprends que, de façon générale, vos commentaires
s'appliquent, là, et je le comprends très bien. Je vais faire... Je vais donner
l'exemple de la communauté de Kahnawake, qui
est venue nous parler particulièrement du pont Mercier, où leur communauté
était... Outre leur désir, comme vous l'avez
présenté, comme l'APNQL l'a présenté également, de consultation, là, il
y avait... il y a ce projet qui les touchait plus particulièrement.
Est-ce que, dans le projet de loi n° 66, il y a des projets qui vous
touchent plus particulièrement?
M. McKenzie (Mike) : Bien, moi,
j'étais comme très surpris de ne pas voir aucun projet au niveau des Premières Nations. Tu sais, on... aussi, je
parlais, tantôt, dans mon introduction, c'est d'avoir des centres
de santé qu'on va annexer avec les aînés qui... dans le même bâtiment
pour donner des services, parce qu'évidemment, au niveau des... On a eu plein de recommandations depuis quelques années. Dans l'ensemble, au Québec, des centres
hospitaliers, on a entendu plein d'histoires au niveau des préjugés envers les
Premières Nations, mais, pour nous, aussi, on devrait avoir des centres de
santé qui sont adaptés à nos valeurs, à nos coutumes, là, en rapport avec nos
aînés puis en rapport avec nos interventions médicales.
On a des infirmières, on a des médecins qui
proviennent de ma communauté d'Uashat mak Mani-Utenam. Ça fait qu'on a un
projet actuellement qu'on est en train d'élaborer depuis quand même un an,
qu'on discute... On va présenter un nouveau projet de centre de santé ici, à Mani-Utenam...
qu'on va intégrer des aînés dans le même bâtiment
pour donner un peu plus de services, là, auprès de nos aînés,
puis les intervenants pourraient aller directement soigner nos aînés,
puis les médecins aussi. C'est un projet...
Mme LeBel : Donc, c'est plus
l'absence de certains projets, plutôt que la présence de d'autres, qui vous préoccupe, parce que je voulais savoir, par rapport... Puis là je comprends que vous déplorez l'absence... C'est un exemple
de projet dont vous déplorez l'absence sur l'annexe du projet de loi n° 66,
mais, dans ceux qui sont présentement dans le projet de loi n° 66... parce
que vous parlez de l'importance de la consultation.
Vous avez, je pense, aussi, brièvement... Peut-être
que ce n'est pas vous, mais il me semble que j'ai cru voir, en feuilletant rapidement
votre mémoire, qu'il y avait aussi des préoccupations environnementales, là,
sur les évaluations environnementales puis le processus de consultation, qui,
selon vous, allaient être escamotés, si on veut, par les projets
d'accélération. Mais est-ce qu'il y a des projets sur le projet de... sur les
181 projets qui touchent plus précisément votre communauté, pas que... Et j'ai bien compris votre intérêt
sur l'ensemble, là, et je ne veux pas dénigrer ce
positionnement-là. Ce n'est pas... Mon objectif, c'est de voir s'il y en a, de
façon plus pointue, qui touchent votre communauté, pour lesquels vous auriez
besoin d'une consultation plus élaborée, d'un mécanisme plus précis, là.
• (20 h 30) •
Mme André-Grégoire (Marie-Claude) :
...que le chef Mike McKenzie a dit. Donc, premièrement, comme il disait, c'est qu'ITUM et, en général,
les Premières Nations ont été complètement exclus de tous les projets qui sont...
autant au niveau santé, éducation, dans... ou autant les communautés
autochtones ont besoin de ce type de projet là dans leurs communautés qui ont
justement... qui sont déjà sous-financées. Mais la préoccupation qui a été
soulevée, dans notre mémoire, par rapport aux 181 projets, dans le fond,
fait écho à vos commentaires lors du 23 septembre concernant le fait que
les 181 projets... la liste n'était pas fermée avant l'adoption du projet
de loi. Vous parliez plus tôt dans la journée que, justement, ces
181 projets parlent de projets... partent de projets existants. La
préoccupation majeure des Innus d'Uashat mak Mani-Utenam, c'est justement dans
l'ajout de projets d'envergure qui seraient dans le territoire traditionnel,
qu'on appelle le Nitassinan en innu, d'Uashat mak Mani-Utenam. Donc, on parle
des projets qui auraient possiblement une plus grande envergure, qui pourraient
s'ajouter dans votre analyse du projet de loi.
Mme LeBel :
O.K. Je vais peut-être résumer ce que vous venez de me dire pour voir si j'ai
bien compris, là, c'est plus... La préoccupation, c'est plus qu'on ajoute un
projet, sur la liste, qui serait d'envergure, qui pourrait impacter votre
communauté, plutôt que les 180 projets actuels, là. Donc, est-ce que je
comprends bien?
Mme André-Grégoire (Marie-Claude) :
Exact...
Mme LeBel : O.K. Bien, je vais vous
rassurer dans un sens. Effectivement, je ne peux pas déclarer une liste fermée tant que le projet de loi n'est pas adopté.
Il y a la commission parlementaire et des consultations. Mais je pense
que j'ai eu l'occasion de dire autrement, à plusieurs reprises, que, pour moi,
il n'y avait pas d'intérêt à en ajouter, mais
je comprends votre préoccupation, donc, c'est plus le potentiel d'un ajout de
quelque chose qu'on ne connaît pas présentement que les 181 projets. Puis
la raison de ma question n'est pas de vous demander si vous approuvez les 181
projets, là, c'était plutôt de voir est-ce qu'il y en a...
Et je reviens avec l'exemple de la communauté de
Kahnawake, où le projet du pont Mercier est sur la liste des 181, et ça posait, pour eux, plusieurs enjeux
au niveau de la consultation. Ils ont déjà un protocole, un mémorandum
d'action qui a été mis en place avec le gouvernement depuis quelques années. Et
ce que la communauté de Kahnawake, en résumé, nous disait, vous le savez
probablement, vous avez suivi les travaux, c'est que, pour eux, la notion
d'accélération du projet de loi n° 66, du pont Mercier, entrait en conflit
avec les ententes qu'ils ont eues avec le gouvernement et les discussions déjà
en cours sur divers sujets touchant de près ou de loin le projet de loi du pont
Mercier. Donc, pour eux, c'était incompatible de faire marcher les deux choses
en même temps, mais il y avait un projet de loi... pas un projet de loi,
pardon, un projet d'infrastructure précis, sur la liste, qui les préoccupait.
Mais j'ai bien compris, là, vos préoccupations à ce niveau-là.
Quand vous
parlez, pour vous, d'une meilleure façon de consulter les Premières Nations,
vous avez donné des exemples de ce qu'il ne faut pas faire. Donc, j'aimerais
peut-être voir avec vous comment vous voyez cette notion-là dans le cadre de
développement des projets de consultation, mais comment on peut l'intégrer de
façon efficace aussi, parce que je suis tout à fait d'accord avec vous que,
pour consulter, c'est quand même prendre le temps d'échanger. Mais, à un moment donné, il faut qu'on avance, que
ce soit dans une direction ou dans une autre, donc, mais il faut dégager
l'espace. Donc, comment vous voyez ça, cette
consultation-là, pour qu'elle soit efficace, sur les projets, pertinente,
surtout, efficace, et qu'elle ne donne pas nécessairement... qu'elle n'ait pas
d'impact trop grand sur le délai qu'un projet peut prendre pour se réaliser ou
non, là, mais surtout se réaliser, là?
M. McKenzie (Mike) : Bien, il
ne faut peut-être pas oublier, Mme LeBel, là, on a toujours un titre
ancestral. Vous êtes avocate, je pense, de
formation. On a un titre ancestral sur les territoires de revendications qu'on
a au Québec. Puis il y a toutes sortes de modèles, là, qui existent, là,
quand on regarde la loi sur l'environnement. Je regarde les comités d'évaluation comme le COMEX. Tu sais, il
existe... Entre l'évaluation qu'on a... environnementale, là... Quand on
regarde au niveau des examens des projets qui sont situés sur les territoires
des Cris, bien, pourquoi ne pas le faire au niveau de d'autres nations quand il
y a des projets qui sont situés sur leurs territoires?
Mais c'est des exemples qu'on peut avoir. Je regardais,
récemment, aussi... Vous savez, l'Office d'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon... Il existe toutes sortes
de modèles, là, dans d'autres provinces, que, parfois... que, le Québec, il pourrait peut-être changer le modèle qu'on
discute depuis tantôt, des relations de nation à nation, ou bien, quand on a des droits un peu partout au
Québec, bien, il faut quand même que... L'obligation constitutionnelle, là, on la regarde au niveau de... le jugement de
Haïda. Le Québec devra quand même... Il y a une obligation de consulter
puis d'accommoder les Premières Nations quand il y a des projets
d'infrastructure, ou peu importe le projet de développement, qui sont situés
sur les territoires traditionnels des Premières Nations.
Mme LeBel : Merci,
M. McKenzie. Peut-être, en terminant... peut-être me donner un peu plus de
détails sur ce qui... à la page 13 de votre mémoire. Plusieurs y on fait
référence, mais je veux voir l'angle... votre angle à vous, là, et pourquoi
vous avez cette impression et cette prétention-là que le projet de loi
fragilise les milieux humides dont la protection est déjà déficiente. J'ai la
préoccupation de... Bon, on pourrait parler de la protection actuelle que vous considérez déficiente, mais j'ai, à tout le moins,
comme préoccupation de, à tout le moins, ne pas diminuer la protection actuelle, là, ce n'est pas moi qui vais
l'augmenter, mais ne pas la diminuer. Donc, peut-être prendre quelques minutes pour nous expliquer un peu
votre position puis pourquoi vous avez cette impression-là qui se dégage des
mesures qui sont dans le projet de loi n° 66.
Mme André-Grégoire (Marie-Claude) :
Bien, en fait, l'article 33, là, du projet de loi n° 66,
qui, dans le fond, vient enlever les types de caractérisation des sols et vient
remplacer, là, tout cet aspect-là, sur les modalités qui doivent être faites,
là, lorsqu'il y a un projet qui se fait dans les milieux humides, donc, effectivement,
là, il y a... Du côté des Innus de Uashat mak Mani-Utenam, le territoire
traditionnel est en haut du 49e parallèle. Donc, ça, on en fait état, à la page
14, comme quoi ça nous exclut complètement du Règlement sur la compensation
pour l'atteinte aux milieux humides et hydriques. Mais on considère que, justement,
le fait que, dans la LQE, on prévoit déjà une étude
de caractérisation des sols, ça devrait être maintenu et ne pas alléger ce processus-là,
parce qu'on sait que le milieu humide est un milieu qui est très important
pour l'ensemble du Québec et devrait être protégé coûte que coûte.
Mme LeBel : Bien, merci. Merci
beaucoup pour votre présentation puis votre mémoire. C'est tout pour moi, M. le
Président. Merci.
Le Président (M.
Simard) : Très bien. Je cède la parole au député de La Pinière.
M.
Barrette : Alors, merci, M. le Président. Alors, chef McKenzie et madame, merci d'être là, ici, aujourd'hui.
C'est très intéressant. Bon, vous êtes le troisième groupe des Premières
Nations qui n'a pas été consulté. Alors, je pense que le message est passé. Je
vais quand même vous poser la même question que j'ai posée aux deux autres.
Pour 61, vous n'aviez pas été plus consultés ou vous l'aviez été plus?
Mme André-Grégoire (Marie-Claude) :
Non, exact, puis on tient à réitérer aussi que nous avions déposé une réflexion politique, lors de l'adoption...
la présentation du projet
de loi n° 61,
faisant état justement de nos préoccupations majeures quant à ce projet
de loi. Et on avait également demandé une rencontre, là, du gouvernement avec les nations autochtones ainsi que, plus particulièrement, avec les Innus de Uashat mak Mani-Utenam pour qu'on soit inclus
dans les projets à l'annexe, dans des projets, justement, de développement économique,
pour participer, être partie prenante de la relance économique.
M. Barrette : Je pense que,
fondamentalement, là, honnêtement, vous avez un point. Vous avez... Ce qui est,
à quelque
part, quasiment vexatoire pour vous,
c'est que, un, vous n'avez pas été consultés. Évidemment, on comprend
pourquoi, là, dans le contexte historique des ententes, et tout, et tout. Mais,
en plus, vous n'êtes pas considérés comme étant du développement économique. On
n'est pas... Pardon?
M. McKenzie (Mike) : On voit, M.
Barrette, dans les 181 projets... Je regarde sur la Côte-Nord. Je pense qu'il
n'y a aucun projet qui a été visé... Moi, je regarde dans toutes les... Je
regarde le... Je parlais tantôt... Au niveau du rapport du coroner Lefrançois, par
rapport à des suicides qu'ils ont eus, en 2015, ici, à Uashat mak Mani-Utenam, il y a eu
plusieurs recommandations. Je regarde l'exemple... Le centre de crise,
pour les membres de la population qui sont
en détresse psychologique, de ma communauté... On parle de la P-38, souvent,
qui n'est pas appliquée dans le centre hospitalier
de Sept-Îles. On ramasse des personnes qui sont en détresse
puis qui sortent plus tôt... à l'hôpital. Puis, par la suite, il n'y a pas un
service qui est adapté. Puis, actuellement, un centre de crise, actuellement,
on en a un puis on est en train de l'implanter dans la communauté pour avoir,
par la suite, des services qui sont adaptés à nos membres de la communauté.
• (20 h 40) •
M. Barrette : Je comprends très bien
votre point là-dessus, là, ayant été dans ce domaine-la précédemment et ayant
été moi-même... J'ai pratiqué un petit bout de temps, là, en remplacement à Sept-Îles
et à Baie-Comeau, mais plus à Sept-Îles. Je comprends ce que vous dites.
Là, je vais vous poser une question qui va vous
apparaître bizarre, mais je vais la mettre en contexte. Vous m'avez entendu
dire, j'ai été le premier à le proposer comme ça, que ce projet de loi là
pouvait être considéré, sans prêter d'intentions, comme étant un laboratoire,
une espèce de premier... là, un essai, pour voir si ça va passer. Moi, j'imagine déjà, là, qu'on va nous dire, là, dans
deux ans, trois ans : Regardez comment que ça va bien avec ces
règles-là, il n'y a pas eu de problème.
D'ailleurs,
les sujets... Les projets qui ont été choisis sont des projets où, justement,
il risque de ne pas y avoir de grands drames. Je ne sais pas si vous
m'avez entendu avec le groupe qui vous a précédé. Moi, je ne pense pas, là,
qu'il va y avoir des grands drames environnementaux avec l'aménagement de la
bretelle à la jonction de la 30 puis de la 10, à la jonction... à l'arrivée du
terminus du REM, bon. Et là voici ma question. Si jamais j'ai raison, là, si
jamais, puis j'espère que j'ai tort, mais, si jamais j'ai raison, appliquer les
règles de 66 pour un projet chez vous, sur le plan environnemental, ça pourrait
être assez laid. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme André-Grégoire (Marie-Claude) : Effectivement,
je vais prendre les devants pour répondre. Il y a plusieurs éléments dans le
projet de loi, là, qui diminuent tous les aspects de la LQE qui... Pourtant, le
principe fondamental est de protéger l'environnement. Or, le projet de loi
n° 66 change la loi et change les règlements pour accélérer le processus,
mais au détriment de l'environnement. Un exemple est l'article 41.3, où il
enlève la période d'information publique dans l'évaluation et examen des
impacts sur l'environnement de certains projets. Donc, ça, c'est un des
exemples, mais il y en a d'autres aussi, où ça diminue vraiment tout le
principe de base.
Puis, au-delà de ça, je pense que c'est
important de soulever la question du principe de précaution. Je rappelle que ce
principe-là est le principe 15 de la Déclaration de Rio sur
l'environnement et le développement, ça a été adopté en 1992, et dont le Canada
est signataire. Et ce principe-là de précaution prévoit que, justement, il n'y
a pas de certitude scientifique concernant les impacts environnementaux d'un
projet, et c'est aux gouvernements de prévoir justement le maximum de
précaution dans leurs adoptions de lois pour permettre justement la protection
de l'environnement.
M. Barrette : Me Grégoire,
je vais vous en poser une autre, là, et je pense que vous êtes tellement bien
placée pour parler de ça, parce que vous êtes sur un territoire où il y a aussi
des mines. Puis là je ne veux pas aller dans les mines, mais sur la question des
zones humides. Vous me voyez venir, probablement, là. Est-il vraiment possible
de ramener à l'original un milieu humide altéré par une construction?
Mme André-Grégoire
(Marie-Claude) : Non, pas du
tout. Puis, pour le territoire d'Uashat mak Mani-Utenam, les milieux
humides sont vraiment cruciaux pour la communauté, leurs relations avec nous.
Mais, au-delà de ça, la faune a une relation particulière
avec nous. Si on parle juste des oiseaux migrateurs, comme l'outarde, qui
viennent justement dans les plaines de milieux humides pour se reposer
pendant leur trajectoire, s'il y a un impact minier ou un impact de développement industriel dans ce secteur-là, ça
va faire changer la trajectoire des oiseaux migrateurs comme l'outarde.
M. Barrette : Il y a quelque
chose d'un petit peu utopique ou d'irréalisable, là, de penser qu'on va pouvoir
revenir en arrière, peu importe l'ampleur du projet, là, petit ou grand, là.
Moi, peut-être parce que c'est mon héritage, qui vient d'une zone plus rurale,
là, on va dire, là, mais je ne le vois pas. Vous avez, Me Grégoire, parlé...
Puis, écoutez, je vais vous faire une petite confidence. Quand j'ai vu le
projet de loi, un des premiers articles qui m'a accroché, c'est celui que vous
avez cité, 33. Il est assez... Je vais vous demander d'élaborer là-dessus, là.
Dans votre expérience, comment penser qu'on puisse faire une évaluation
environnementale, au niveau biologique, de la faune, là, un coup que les
travaux ont commencé?
Mme André-Grégoire (Marie-Claude) :
...
M. Barrette : Me Grégoire?
On ne vous entend plus.
Mme André-Grégoire (Marie-Claude) :
Là, maintenant? O.K. Donc, oui, c'est ça, l'article 33 amène la
soustraction à l'obligation de soumettre certains documents. Et donc, par
rapport à l'article 22 et l'article 30 de la loi sur la LQE, ça a...
conséquence, dans le fond, de brimer, dans le fond, toute la protection de
l'environnement, plus particulièrement des
milieux humides, en enlevant justement l'étude de la caractérisation des sols.
Donc, ça, je pense que c'est important aussi de le contextualiser, parce
que vous avez parlé plus... précédemment avec... où vous demandiez des
contextes... des projets qui pouvaient influencer justement plus particulièrement
ces aspects-là du milieu humide. Et je voudrais vous faire référence à tous les
projets qui sont, en vertu de la MTQ, donc, des projets de prolongement de
routes, qui sont plus susceptibles justement d'impacter les milieux humides.
M.
Barrette : Et, dans l'état
actuel des choses... Bon, là, je comprends que vous avez vos raisons, qui sont
tout à fait légitimes, d'être plus ou moins, plus moins que plus, en faveur de 66.
Sur le plan des évaluations environnementales, probablement que vous
avez suivi aussi les travaux qui ont mené au REAFIE, votre lecture de REAFIE
versus 66...
Mme
André-Grégoire (Marie-Claude) : Oui. Donc, dans le fond, la lecture du REAFIE permet de
caractériser certains projets selon leur évaluation des risques environnementaux
et de donner des modalités un peu plus difficiles, par exemple, comme de donner
une... de faire un rapport, une évaluation et examen des impacts. Et le projet de loi n° 66
vient enlever tout ce que le REAFIE venait de définir en enlevant toute cette
distinction entre les séparations des projets, donc, mettons, un projet à peu de risque
à un projet avec une évaluation plus risquée. Donc, on se demande un peu
à quoi sert le REAFIE si on y va avec un processus qui est accéléré comme c'est
proposé dans le projet de loi n° 66.
M. Barrette : Donc, pour vous, votre
lecture, c'est qu'un projet modérément risqué dans le REAFIE va tomber peu
risqué dans 66.
Mme André-Grégoire (Marie-Claude) :
Exact.
M. Barrette : Je pense que je suis
au bout de mon temps, là.
Le Président (M. Simard) : Non, pas
du tout. Il vous reste 50 secondes, cher collègue.
M.
Barrette : Ah! il me reste
50 secondes. Alors, je reviens au REAFIE. Le REAFIE... Là, c'est une
question légale que... votre lecture légale, là. Vous, votre lecture, est-ce
que 66 a préséance sur le REAFIE?
Mme André-Grégoire (Marie-Claude) :
Oui, d'après moi, dans le fond, le projet de loi n° 66
se donne l'autorisation par une loi de modifier une autre loi, et donc certainement
un règlement.
M. Barrette : Là, j'ai terminé.
Le Président (M. Simard) : Merci à
vous, cher collègue.
M. Barrette : Merci beaucoup, chef
McKenzie et Me Grégoire. Ça a été très éclairant.
Le Président (M. Simard) : Alors, M.
le député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le Président.
Chef McKenzie, Me André-Grégoire, merci d'être là. On va terminer les
consultations avec vous, avec la désagréable impression qu'en ce qui concerne
nos relations, encore une fois, avec les
autochtones on boucle la boucle, mais on revient au même point de départ,
c'est-à-dire un manque de communication, un manque de consultation, une
énorme distance, entre vous et nous, pas simplement en kilomètres, mais aussi
en termes de respect et de respect aussi de nos obligations constitutionnelles.
Votre mémoire, là, il fait
84 pages. On tire dans toutes les directions. Ça va beaucoup plus loin que
juste 66, mais je comprends l'idée derrière
le mémoire. Puis vous avez assurément saisi une rare occasion de vous faire
entendre ici. C'est très bien ainsi. Il
faudra le relire dans le détail, parce
qu'effectivement ça va beaucoup plus loin que 66. Peut-être une question
rapide pour commencer. Elle est plus politique, peut-être, chef Mckenzie.
On a eu un changement de ministre à Québec,
aux affaires autochtones, dans les dernières semaines. Votre évaluation de la
relation avec ce nouveau ministre... Je comprends qu'on ne peut pas
avoir tout bouclé, là, mais on disait que c'était assez difficile avant. Sans
personnaliser la chose, comment ça va maintenant? Voyez-vous une différence?
M. McKenzie (Mike) : Bien, c'est sûr
qu'on... Comme dirigeant de la communauté d'Uashat Mani-Utenam puis comme chef,
je donne toujours la chance au coureur de discuter. Puis, souvent, dans les
rencontres, moi, j'ai eu l'occasion de voir le nouveau ministre des Affaires
autochtones dans les assemblées des Premières Nations, à l'APNQL. Ça fait qu'on a beaucoup parlé des
services policiers qui sont en manque un peu partout. Sur la Côte-Nord, je pense qu'il y a cinq communautés qui n'ont
pas de services policiers au niveau de leurs communautés. C'est la SQ
qui dessert un peu leurs communautés. Ça
fait que nous, on a beaucoup discuté de reconnaître aussi les services
essentiels des corps policiers avec lui, vu que c'est un ancien policier.
Ça fait que
nous, on préconise quand même de faire reconnaître, au même titre que la SQ,
nos services essentiels. Nos policiers sont formés au même titre que les
policiers de la SQ. Ils vont à Nicolet comme tous les autres corps policiers.
Ça fait qu'on a besoin de... Puis, je pense, dans n'importe quel gouvernement,
comme gouvernement innu, nous, la priorité
numéro un, c'est la sécurité publique de nos membres. Ça fait que ça a été des
discussions qu'on a eues avec M. Lafrenière. Ça fait qu'il était
très ouvert. Ça fait que c'est des... Moi, je... On lance un peu la... On donne
un peu la chance au coureur aussi... du ministre qui vient d'arriver. Puis je
pense qu'on devrait aussi changer un peu la vision... d'avoir des relations
avec les Premières Nations.
• (20 h 50) •
Le Président (M. Simard) : Merci,
chef. Je cède la parole au député de Jonquière.
M.
Gaudreault : Merci beaucoup. Merci de votre présence. Moi aussi, je
constate encore une fois, malheureusement, que le gouvernement a fait
défaut de consulter les Premières Nations avant la rédaction du projet de loi n° 66. Et pourtant il y avait eu un sévère avertissement
avec le projet de loi n° 61. Enfin, on va souhaiter
que ça s'améliore pour le futur.
Ce que j'aime de votre mémoire, c'est que vous
amenez quand même des alternatives, je dirais, parce que, quand on regarde la
liste fermée des 181 projets, moi, j'en vois deux, là, sur la Côte-Nord,
une construction de maison des aînés à Baie-Comeau puis une construction de
maison des aînés à Havre-Saint-Pierre. Mais j'aimerais que vous me parliez davantage de votre projet de transport en commun
entre Uashat et Mani-Utenam, et ça fait partie, ce que je comprends
bien, des projets qui ont été déposés au ministre Bonnardel le 2 juillet.
Alors, je pense qu'il y a un potentiel là de faire les choses différemment si
on veut relancer l'économie tout en préservant l'environnement et en soutenant
la qualité de vie dans vos communautés.
M. McKenzie (Mike) : Oui,
évidemment. Je pense qu'on a eu quand même un financement par rapport au
transport en commun qu'on a quand même débuté à peu près... je vous dirais,
depuis deux, trois semaines... que ça va bien aussi, là, parce qu'entre Uashat
et Mani-Utenam, il y a un 15 kilomètres, là. Les deux communautés ne sont pas ensemble. Ça fait qu'avec un transport en
commun les gens sont très satisfaits, là. Quand ils viennent à Sept-Îles,
que ce soit au centre commercial qu'on a à
Uashat... ils viennent faire leurs emplettes. Ils peuvent venir aussi au
conseil, aller... chercher des
services... des programmes à des prix modiques, quand même, pour ces personnes
qui sont quand même, là... C'est que ça ne coûte pas cher pour venir à
Sept-Îles. En moyenne, en taxi, juste Sept-Îles à Mani-Utenam, ça coûte près de
40 $. Ça fait que, ça, je pense, ce n'est pas mal... C'est un beau petit
projet qu'on a entamé depuis quelques semaines.
Ça fait que... Puis, M. Gaudreault, moi, ce
qui me préoccupe au-delà des partis politiques que j'ai vus... Ça fait quand
même ma 13e année, là, que je travaille ici, dans ma communauté. On a
plein de mémoires qu'on dépose. Ce n'est pas
juste le gouvernement caquiste qui est là, il y a eu les libéraux... Puis on
dépose des choses puis on dirait que ça... Pour nous, les Premières
Nations, on pense qu'on va toujours... Ils sont tablettés par la suite. Là, tu
regardes...
J'ai parlé tantôt du rapport Lefrançois, le
coroner. On a déclenché dans le temps... On a eu des suicides en 2015. Il y a eu une série de recommandations.
Après ça, par la suite, on a eu la commission Viens. Puis je regarde
juste l'exemple... Pourquoi, au niveau de la nation atikamekw, ils ont
200 kilomètres à parcourir pour aller à un centre hospitalier, comme à
Joliette? Puis pourquoi ne pas développer, avec les 181 projets... d'avoir
un centre de santé, comme j'ai présenté à la ministre LeBel, d'avoir nos
propres instances, vu que c'est important pour nous aussi, là? Je regarde les
dialysés. Comme, exemple, ici, à Uashat mak Mani-Utenam, dans le centre de
santé, on prévoit aussi d'avoir un service de dialysés plutôt que d'envoyer des
personnes, là, de la communauté à Québec... que c'est très dispendieux. Puis on pourrait peut-être
desservir, au niveau régional, ceux qui proviennent de Natashquan,
La Romaine... que plutôt d'aller à Québec.
Ça fait que c'est des projets qu'on a, qu'on dépose. Ça fait que c'est pourquoi on émet aussi nos recommandations. Mais
j'espère que le gouvernement caquiste vont... ouvrir un peu à ce qui se passe
un peu depuis quelque temps, là. Ça fait que nous... Ce n'est pas juste à Joliette
qu'il se passe des choses. Les centres
hospitaliers sur la Côte-Nord, on a eu des histoires, là... Vous en avez entendu parler assez
longtemps. Ça fait que nous, on veut nos propres institutions aussi à
l'intérieur de nos communautés respectives.
Le Président
(M. Simard) : Bien. Alors, Me André-Grégoire, Me McKenzie...
pardon, chef McKenzie, merci infiniment de
votre présence parmi nous. Chef, si je ne m'abuse, en regardant mon petit
dictionnaire français-innu, je crois que le mot «merci», en innu, se dit
«tshinashkumitin».
M. McKenzie (Mike) : Oui,
«tshinashkumitin».
Le Président (M. Simard) :
Alors, «tshinashkumitin» à vous deux, une belle fin de soirée. Merci encore.
M. McKenzie (Mike) : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Simard) :
Alors, sur ce, chers amis, nous terminons nos auditions. Nous allons d'abord
faire un dépôt officiel des mémoires qui nous ont été transmis des groupes que
nous n'avons pas pu recevoir ici. Et je vais
vous féliciter. N'oublions pas que nous avons auditionné 24 groupes, en
fait 26, parce que certaines présentations étaient conjointes. On a
reçu, en tout et partout, 43 mémoires. Les gens qui nous regardent doivent
savoir que moi, je vous ai vus, là, tous et toutes, avec des mémoires annotés,
soulignés. Vous avez été très studieux. Vous avez... Vous vous êtes vraiment
engagés dans cette commission durant presque 20 heures. Donc, je tenais
très sincèrement à vous lever mon chapeau, vous dire merci.
Et je ne peux même pas ajourner sine die, parce
que nous avons un autre mandat qui nous attend jeudi, oui, jeudi de cette
semaine. Alors, comme on le dit, ce n'est pas le temps de partir en vacances.
Belle fin de soirée et merci encore à nos amis innus. Bonsoir.
(Fin de la séance à 20 h 56)