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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, October 20, 2020 - Vol. 45 N° 89

Special consultations and public hearings on Bill 66, An Act respecting the acceleration of certain infrastructure projects


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Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Sonia LeBel

M. Gaétan Barrette

M. Vincent Marissal

M. Sylvain Gaudreault

M. Guy Ouellette

Auditions

Autorité des marchés publics

Fédération des chambres de commerce du Québec

Association de la construction du Québec

Coalition contre les retards de paiement dans la construction

Union des municipalités du Québec

Fédération québécoise des municipalités

Ordre des urbanistes du Québec

Autres intervenants

M. Jean-François Simard, président

M. Youri Chassin

M. Pierre Arcand

*          M. Yves Trudel, AMP

*          Mme Nathaly Marcoux, idem

*          M. Charles Milliard, FCCQ

*          M. Philippe Noël, idem

*          M. Jean-François Arbour, ACQ

*          M. Pierre Hamel, idem

*          M. Marc Bilodeau, Coalition contre les retards de paiement dans la construction

*          M. Steve Boulanger, idem

*          Mme Suzanne Roy, UMQ

*          M. Jacques Demers, FQM

*          M. Pierre Châteauvert, idem

*          M. Sylvain Gariépy, OUQ

*          Mme Florence G. Ferraris, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que nous avons quorum. Nous pouvons donc débuter nos travaux. J'aimerais vous souhaiter, à toutes et à tous, la bienvenue.

Comme vous le savez, notre commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 66, Loi concernant l'accélération de certains projets d'infrastructure.

Mme la secrétaire, bonjour. Vous êtes toute nouvelle parmi nous. Merci de nous faire l'honneur de votre présence. Y a-t-il des remplacements ce matin?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Melançon (Verdun) sera remplacée par M. Arcand (Mont-Royal—Outremont) et M. Ouellet (René-Lévesque), par M. Gaudreault (Jonquière).

Le Président (M. Simard) : Très bien. Je dois également vous demander si nous aurons éventuellement des votes par procuration.

La Secrétaire : Oui. M. Barrette (La Pinière) pourra voter pour M. Fortin (Pontiac) et M. Leitão (Robert-Baldwin).

Le Président (M. Simard) : Pour vrai? Très bien. C'est quand même pas mal. Vous votez pour deux personnes en même temps aujourd'hui, cher collègue.

M. Barrette : Trois.

Le Président (M. Simard) : Trois, même?

M. Barrette : Je vais voter pour moi aussi.

Le Président (M. Simard) : Vous allez voter pour vous? Bon, c'est déjà ça. Alors, je vous informe également qu'éventuellement, si tant est que nous en ayons besoin, les votes pour ce mandat devront se tenir par appel nominal.

Alors, ce matin, en fait toute la journée, nous serons en visioconférence. Il n'y aura pas de présentiel. Et nous allons commencer, bien sûr, par nos remarques préliminaires. Nous avons deux groupes cet avant-midi : l'Autorité des marchés publics et la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Remarques préliminaires

Alors, sans tarder, Mme la ministre, je vous cède la parole. Votre groupe parlementaire dispose d'une période de six minutes pour les remarques préliminaires.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Alors, bien, bonjour. Merci. Bonjour surtout à tous mes collègues d'être ici présents aujourd'hui pour commencer une des premières phases… une des phases les plus importantes, quant à moi, d'un projet de loi, c'est les consultations sur le projet de loi n° 66, que j'ai déposé le 23 septembre dernier. Donc, je vous salue, tout le monde, et je pense qu'on va avoir de bons travaux qui vont être constructifs.

Donc, on rappelle qu'en juin dernier le gouvernement a déposé un premier projet de loi pour accélérer la relance économique. Et on a entendu les commentaires constructifs qui se sont faits lors de la première consultation sur le projet de loi n° 61, pour ne pas le nommer, et on a procédé, naturellement, à l'intérieur du projet de loi n° 66, à certains ajustements. Maintenant, tout projet de loi n'étant pas parfait, il peut quand même être perfectible. Je pense que les travaux qu'on entame aujourd'hui et les différents groupes qu'on va entendre seront extrêmement pertinents sur la base de cette consultation et des objectifs.

Donc, je pense, c'est important de mettre quand même le projet de loi dans son contexte. Tout le monde, même si ça fait déjà une éternité, on le pense, on le vit… Le Québec, au printemps dernier, a dû faire un arrêt complet de ses activités pendant plusieurs semaines, pendant plusieurs mois. On a eu un petit répit cet été, mais la deuxième vague nous a frappés de plein fouet. Et, bien qu'on ne soit pas en confinement, comme ce fut le cas durant la première vague, on a quand même été contraints de limiter hautement nos contacts sociaux.

Et cette pause… Les effets de cette pause vont se faire ressentir pendant de nombreuses années. Mon collègue de l'Économie, je pense, a eu l'occasion d'en faire part hier dans une certaine interpellation qui a eu lieu avec lui. Donc, le gouvernement doit agir présentement sur deux fronts, combattre le virus et également relancer l'économie, la renforcer, la maintenir, certains diront, pendant les étapes qu'on vit présentement. Et je pense que c'est les deux priorités sur lesquelles il faut tourner notre attention à très court terme, même à moyen terme, je vous dirais.

La relance économique, donc, c'est un ensemble d'actions. Parmi celles-là, le projet de loi n° 66, je pense que c'est bon de le situer, il se cadre dans un ensemble d'actions. Il ne porte pas à lui seul la prétention de relancer l'économie du Québec au grand complet. Il a la prétention d'accélérer des projets d'infrastructure et des investissements dans des projets d'infrastructure pour remettre les Québécois et les chantiers au travail le plus rapidement possible.

Et, dans ce cadre-là, il est une des pièces maîtresses de la relance économique du Québec que nous allons devoir... à laquelle nous allons devoir nous attarder. Il faut être réactif. Il faut agir dès maintenant. Ça a été dit par de nombreux experts, l'investissement, et ce n'est pas juste le Québec qui le dit, le Canada également et le monde entier, dans les infrastructures est une des bonnes façons de maintenir, de relancer et de donner cet élan-là, à l'économie, dont elle a besoin.

Donc, l'objectif est clair, accélérer des projets prioritaires. Je précise, donc, ici que la liste des projets en annexe du projet de loi n° 66 ne constitue pas la liste exhaustive des priorités du gouvernement, mais ce sont… mais c'est important de le souligner, mais il s'agit de certains projets qui peuvent bénéficier de mesures d'accélération qui étaient également dans cette liste de priorités du gouvernement.

Le projet n° 66 est beaucoup plus ciblé que ne l'était son prédécesseur, son grand frère. Les mesures qui y sont incluses sont de nature temporaire. Elles concernent spécifiquement les projets de la liste en annexe. Et je pense qu'on est parvenus à trouver un juste équilibre entre accélération et contrôle rigoureux tant en matière d'intégrité qu'en matière de normes environnementales.

• (10 h 10) •

On souhaite également, donc, par ce fait-là, doter le Québec, par contre, où il y a également de belles infrastructures, d'infrastructures plus modernes. Le projet de loi a une liste fermée de 181 projets. Ce sont des écoles pour nos enfants, des maisons des aînés, je le rappelle, pour nos parents, nos grands-parents, des routes rénovées ou agrandies pour assurer une meilleure sécurité des usagers, mais également pour être capables de nous permettre d'implanter des projets de transport structurant, des projets de transport, également, en commun. Les besoins sont grands dans toutes nos régions.

Le projet de loi prévoit des mesures pour accélérer certains processus et ainsi permettre une mise en chantier plus rapide. Ces mesures visent, entre autres, quatre grands volets : l'expropriation, le domaine de l'État, les autorités... les autorisations gouvernementales, je m'excuse, l'urbanisme et l'aménagement du territoire. Le projet de loi prévoit aussi des mesures de facilitation de paiement pour les contrats et sous-contrats pour les projets de l'annexe, qui était une des recommandations de la commission Charbonneau.

D'ailleurs, je tiens à certifier que je ne ferai, moi, aucun compromis sur l'intégrité. Avec notre loi, on donne davantage de mordant à l'Autorité des marchés publics. Je suis très intéressée à les entendre. Ce sera le premier groupe ce matin, d'ailleurs. Rappelons que l'AMP a été créée en 2018 suite à la recommandation n° 1 du rapport de la commission Charbonneau, et je pense que c'est important. Le rôle qu'elle a à jouer et qu'elle aura à jouer dans le futur est extrêmement important.

Donc, elle se verra, l'AMP, confier un pouvoir de surveillance accrue. Elle aura la responsabilité d'examiner les processus d'attribution et d'exécution des contrats publics pour tous les projets de la liste. Elle pourra, au besoin, ordonner à un organisme public d'apporter des correctifs pour assurer la bonne exécution des contrats. L'autorité pourra même suspendre l'exécution ou résilier les contrats si elle constate des manquements graves. Elle pourra utiliser ses pouvoirs comme elle l'entend en toute liberté.

Du point de vue de l'environnement, à l'heure actuelle, les règles prévues par la Loi sur la qualité de l'environnement exigent des analyses avant l'impact du début des projets. Ces situations engendrent des délais. Il me reste peu de temps. Je pense que je vais affirmer et je pense qu'il est possible, au Québec, de revoir nos façons de faire, de revoir les processus environnementaux, d'accélérer lesdits processus sans mettre à mal les normes environnementales, sans mettre à mal la qualité de l'environnement. Et je pense que c'est sur ça que cette commission-là devrait se pencher, sur ces objectifs. Comment peut-on accélérer, revoir les processus, tout en assurant notre intégrité environnementale? Et le Québec doit être un véritable leader dans ces dossiers.

Donc, en résumé, c'est ce qu'on va faire, M. le Président. Merci à tous mes collègues. Et j'ai bien hâte qu'on commence à entendre les différents groupes pour ensuite poursuivre notre réflexion pour l'article par article qui viendra par la suite.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci à vous, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député de La Pinière.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : Pour une période de quatre minutes?

Le Président (M. Simard) : Quatre minutes, cher collègue, en effet.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, c'est toujours intéressant, les remarques préliminaires, parce que, parfois, ça donne une teinte aux débats que l'on va avoir, et je pense que c'est le cas actuellement.

Alors, juste comme ça, d'entrée de jeu, je tiens encore une fois à féliciter la présidente du Conseil du trésor, M. le Président, pour la rédaction du projet de loi n° 66, qui, je le répète et je le maintiens, est un désaveu du projet de loi précédent, puisque tous les éléments considérés par tout le monde comme étant abusifs dans le projet de loi n° 61 ont été retirés. Alors, c'est à l'honneur de la présidente actuelle du Conseil du trésor de l'avoir fait.

Ceci étant dit, pour en venir au corps du projet de loi, on parle ici d'infrastructures et on parle de construction. La démonstration n'est pas faite qu'au moment où on se parle la construction est ralentie. Je vais vous donner un exemple personnel, M. le Président. La semaine dernière, j'ai voulu engager un électricien pour faire des travaux mineurs dans mon panneau électrique, et il n'a pas de disponibilité avant janvier parce qu'il est submergé de contrats. J'en ai passé sept, et aucun ne pouvait venir avant janvier. Bien, ça, là, ça s'appelle de la construction qui marche à plein régime, M. le Président. Alors, je ne sais pas qu'est-ce qu'on veut accélérer et comment on va l'accélérer, mais c'est clair que l'enjeu, à mon avis, n'est pas là.

Le projet de loi est un projet de loi qui est amélioré par rapport à 66. Je le redis. Étant amélioré, il reste quand même des éléments sur lesquels il devra y avoir, pour nous, des améliorations. J'avais demandé à ce qu'il y ait des pouvoirs, à l'époque, à l'AMP. La ministre a acquiescé. Je l'en remercie. Je pense qu'il y a lieu là d'aller un peu plus loin, parce que, du discours lui-même de la bouche même de la présidente du Conseil du trésor, ce sont des mesures qui sont temporaires, limitées à l'application de ce projet de loi là, et, en ce qui me concerne, l'AMP devrait avoir des pouvoirs de façon plus permanente.

Il y a la question, évidemment, des paiements accélérés, qui est une question qui relève des recommandations de la commission Charbonneau. Je le dis à l'avance, je vais aborder le sujet sur la base de la limitation, dans le projet de loi n° 66, aux contrats de moins de 20 millions. Je vais vouloir comprendre pourquoi c'est limité à ça et je pense qu'il y a d'autres gens qui vont venir le dire également aujourd'hui.

Sur le plan des expropriations, c'est clair qu'il y a des enjeux qui sont là. On y verra... On en débattra lorsqu'on arrivera à l'étude détaillée, mais certainement que les experts viendront nous dire un certain nombre de choses. Mais il y a, pour moi, un élément qui est fondamental. Je ne comprends pas pourquoi on ne permet pas certains dialogues de se continuer avant le début des travaux, ce qui se fait dans d'autres dossiers et se sont faits dans d'autres dossiers, comme par exemple dans le REM. Dans le REM, il n'y a pas de travaux qui ont commencé avant qu'il y ait complètement du dialogue lorsqu'il y a eu litige. Et je parle évidemment ici spécifiquement de l'enjeu de Cadillac Fairview, qu'on essaie... pour lequel, actuellement, tout serait arrêté avec ce projet de loi là.

Sur le plan de l'environnement, alors, M. le Président, là, j'ai dit une chose, je le dis, d'entrée de jeu, encore aujourd'hui, là, je souhaite qu'on identifie les projets pour lesquels il y a un enjeu environnemental. Ça n'a pas été fait dans le dépôt des 181 projets, et je souhaite avoir une réponse là-dessus, mais je suis très inquiet des remarques préliminaires de la ministre à cet égard-là, parce que ses commentaires ont été à saveur permanente.

Alors, la ministre nous a dit à plusieurs reprises, sur la question de l'environnement, il y a quelques secondes, qu'au Québec on pouvait faire les choses différemment, qu'on voulait être les leaders. Alors, si on nous annonce aujourd'hui que ce qui est dans le projet de loi n° 66 était ou serait vu comme étant des éléments permanents, bien là il va falloir qu'on entende la ministre là-dessus, parce que, si c'est ça, M. le Président, je pense qu'on a des problèmes. On y reviendra.

Il me reste 10 secondes. Je termine en disant que nous sommes ici de façon constructive. On l'a été la dernière fois. On va l'être encore aujourd'hui. Le projet de loi peut être amélioré, et je pense que c'est ce qu'on va faire.

Le Président (M. Simard) : Merci, cher collègue. M. le député de Rosemont, vous disposez d'une période d'une minute.

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Merci, M. le Président. Je serai bref dans les salutations parce que je me fais bref aussi dans mes remarques préliminaires. Un peu une impression de déjà-vu, mais pas de jour de la marmotte, j'espère, parce que Le jour de la marmotte, finalement, c'est un film assez plate qui fait juste répéter une affaire plate puis ça ne finit pas. Donc, je suis heureux d'entendre la présidente du Conseil du trésor dire, d'entrée de jeu, qu'elle nous a entendus, qu'elle a entendu aussi les critiques qui ont été faites par des témoins qui sont venus ici dans le projet de loi n° 61, le défunt projet de loi n° 61.

Pour nous, il va de soi que la relance économique, oui, évidemment, nous en sommes, comme, je pense, tout le monde au Québec, mais ça ne saurait se faire au détriment de la démocratie, de l'intégrité des fonds publics. Là-dessus, on est rassurés, tout de même, par rapport à 61. Ça ne saurait se faire en pilant sur les analyses environnementales, et, moi aussi, à ce sujet, j'ai quelques craintes. Ça devrait se faire aussi pour les exclus, notamment, en logement social. Il n'y a rien là-dedans non plus pour l'économie circulaire, pour l'économie sociale, qui sont des pans importants. C'est malheureux. Et ça ne saurait se faire aussi en tournant le dos aux autochtones, qui ont, je crois, fait entendre leur voix une fois de plus, et j'espère que, cette fois-ci, ça ne sera pas dans le désert.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, cher collègue. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière, que je salue bien respectueusement.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Merci, M. le Président. Visiblement, on fait face à un gouvernement qui n'a pas compris que la relance économique doit passer par des infrastructures vertes, doit se passer sur un nouveau modèle que celui d'une opposition un peu archaïque, du XXe siècle, entre économie puis environnement. On est rendus ailleurs, M. le Président. Il faut cesser de voir l'environnement comme un empêcheur de faire du développement économique. Aujourd'hui, tenir un discours environnemental, tenir un discours écologique, c'est foncièrement tenir un discours économique. Et là on a le projet de loi n° 61 qui oppose encore, de façon, comme je le disais, archaïque, l'économie et l'environnement. Alors, on aura beaucoup de questions à poser là-dessus. On sera très attentifs sur l'enjeu de la protection de l'environnement et d'une relance économique qui est juste, qui est durable, qui est fondée sur des infrastructures vertes.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, cher collègue. Alors, y aurait-il consentement afin que le député de Chomedey puisse s'adresser à nous dans le cadre de ses remarques préliminaires? Consentement. Cher collègue, à vous la parole.

M. Guy Ouellette

M. Ouellette : Vous allez me donner 10 minutes, M. le Président?

Le Président (M. Simard) : Une, cher collègue.

M. Ouellette : Ah! O.K. Bon, bien, dans une, je ne répéterai pas tout ce qui a été dit. Je pense que le projet de loi n° 66, contrairement au projet de loi n° 61, c'est un projet de loi concernant certains projets d'infrastructure. La ministre a parlé d'une liste exhaustive. On dirait plus une liste électorale de projets de construction. Et, déjà que la machine, à tous les niveaux, environnemental, transport, dans tous les départements, ne peut pas suffire, on sera très conscients… On ne veut pas que l'AMP ait un rôle politique du gouvernement, c'est-à-dire, quand on en a besoin, on va les chercher de façon temporaire. On leur donne des pouvoirs ou on ne leur en donne pas. Et ce n'est pas vrai que, juste pour des projets électoraux, on va faire jouer un rôle politique à l'AMP. On sera là pour permanentiser ces pouvoirs-là, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. le député de Chomedey. Ceci met donc fin à nos remarques préliminaires.

Auditions

Nous allons, d'entrée de jeu, amorcer notre période d'auditions. Nous avons avec nous, en ligne, des représentants de l'Autorité des marchés publics, qui sont, en quelque sorte, un peu des habitués, hein, des invités assez réguliers à cette commission. Alors, madame, monsieur, bienvenue parmi nous. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre intervention. Auriez-vous, d'entrée de jeu, l'amabilité de vous présenter?

Autorité des marchés publics

(Visioconférence)

• (10 h 20) •

M. Trudel (Yves) : Oui, bonjour. Alors, mon nom est Yves Trudel. Je suis président-directeur général de l'Autorité des marchés publics.

Mme Marcoux (Nathaly) : Bonjour, Nathaly Marcoux, vice-présidente à la surveillance des marchés publics de l'Autorité des marchés publics également.

Le Président (M. Simard) : Nous vous écoutons.

M. Trudel (Yves) : Merci. Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, il me fait plaisir de m'adresser à vous au nom de l'Autorité des marchés publics dans le cadre du projet de loi n° 66, Loi concernant l'accélération de certains projets d'infrastructure.

Considérant que nous avons eu l'opportunité de s'adresser à vous lors des débats entourant le projet de loi n° 61, je ne répéterai pas l'ensemble des mandats et responsabilités dévolus à l'AMP. Je ne ferai que rappeler que notre travail en est un de surveillance des marchés publics et qu'il porte essentiellement sur le respect des lois encadrant les marchés publics et, bien entendu, le cadre normatif applicable, selon les organismes visés.

Il est important de préciser que, lorsque des indices de corruption, de collusion ou toute autre infraction criminelle sont identifiés dans le cours de nos vérifications ou enquêtes, nous transmettons l'information à nos partenaires ayant juridiction. Nous avons aussi à nous assurer que les entreprises qui obtiennent des contrats publics au-dessus des seuils autorisés ont l'intégrité nécessaire pour en assurer la réalisation.

C'est donc dans cet environnement que nous évoluons… et qui nous permet d'agir pour des marchés publics accessibles, intègres, équitables, et ce, en toute transparence. Bien que nos pouvoirs sont entrés en vigueur le 25 mai 2019, soit depuis à peine plus d'un an, le volume de travail est en hausse constante. Déjà, nous sommes en mesure d'affirmer que le nombre d'interventions que nous réaliserons cette année dans tous nos secteurs d'activités augmentera substantiellement.

Prenons, par exemple, le nombre de décisions rendues. En 10 mois, en 2019‑2020, nous avons rendu 10 décisions, dont neuf ordonnances et une recommandation. Depuis le 1er avril 2020, nous en avons déjà rendu huit, soit trois ordonnances et cinq recommandations, en plus de deux ordonnances de révocation, puisque les entreprises n'avaient pas l'intégrité attendue pour contracter dans les marchés publics.

Ce travail de surveillance s'effectue donc en continu. Et nous poursuivons également notre travail de vigie des marchés publics. Cette vigie nous a permis jusqu'à présent d'avoir des échanges avec de nombreux ministères et organismes qui se traduisent par des changements ou des modifications à leurs processus contractuels, et cela leur permet de corriger certaines problématiques sans que nous ayons à rendre des décisions, permettant ainsi d'éviter les plaintes et les démarches d'enquêtes qui en découlent.

L'AMP est donc sur un bel élan. Il est plus que pertinent de pouvoir... de poursuivre la consolidation de notre organisation, particulièrement dans le contexte où plus nous sommes connus, plus nous serons sollicités, et le travail que nous effectuerons prendra de l'ampleur.

D'entrée de jeu, nous soulignons que, lors de la commission parlementaire concernant le projet de loi n° 61, la principale inquiétude exprimée par l'AMP concernait l'article 50, lequel prévoyait des amendements à la loi, et donc au cadre normatif par voie réglementaire. Nous constatons que cet article ne fait pas partie du projet de loi n° 66, ni aucun autre moyen qui permettrait de modifier la LCOP, autrement que par le processus législatif établi. Nous sommes donc très heureux de constater que les lois, telles la Loi sur les contrats des organismes publics et la Loi sur l'Autorité des marchés publics, continuent de s'appliquer.

Par ailleurs, nous ne pouvons faire abstraction des échanges et des discussions avec le Secrétariat du Conseil du trésor qui ont eu cours à l'égard de nos pouvoirs prévus au projet de loi n° 66, et nos préoccupations ont été entendues et clairement prises en compte. D'emblée, l'Autorité des marchés publics est en accord avec les pouvoirs attribués dans le cadre de ce projet de loi et avec lesquels elle exercera son rôle de surveillance.

Lors de notre passage devant cette même commission, le 9 juin dernier, il avait grandement été question des pouvoirs détenus par le Bureau de l'inspecteur général de Montréal en comparaison avec ceux de l'AMP. Nous pouvons maintenant affirmer que ces pouvoirs sont avantageusement comparables à ceux du BIG puisque, entre autres, nous pourrons contraindre des personnes à répondre à nos questions.

Au final, ce n'est pas tant de savoir qui a le plus de pouvoirs, mais plutôt de s'assurer que nous disposons chacun, selon nos champs d'action respectifs, des leviers qui nous permettent de faire notre travail pour assurer l'intégrité des marchés publics et que nous puissions collaborer ensemble pour assurer le respect des règles en vigueur.

Maintenant, quelle est la grande différence entre les pouvoirs qui nous sont dévolus dans le projet de loi n° 66 en comparaison avec ceux que nous détenons actuellement? Ma réponse portera essentiellement sur trois volets.

Premier volet, le pouvoir et l'immunité des commissaires enquêteurs. À cet effet, en regard du projet de loi, des 181 projets visés par le projet de loi n° 66, nous pourrons, par exemple, contraindre un responsable d'entreprise ou des sous-contractants à nous fournir des documents ou nous donner accès aux informations nécessaires à notre enquête.

À ces pouvoirs s'ajoute la fonction de veille, qui s'appliquera autant aux sous-contrats publics qu'aux contrats publics. Ainsi, nous considérons que ces nouveaux pouvoirs nous permettraient d'obtenir tous les renseignements nécessaires afin d'apprécier la situation de manière adéquate, d'effectuer notre travail de manière plus efficiente, de réaliser des interventions plus ciblées, plus rapidement et, ultimement, de rendre les décisions qui s'imposent.

Deuxième volet, l'examen d'un processus d'octroi d'un contrat public ou son exécution. Nous pourrons enquêter un processus d'octroi ou l'exécution d'un contrat public découlant d'un des 181 projets lorsque l'organisme concerné n'apparaît pas agir en conformité avec le cadre normatif applicable. Actuellement, nous ne pouvons qu'en faire une vérification.

Troisième volet, pouvoir de résilier un contrat public. Avec le projet de loi n° 66, l'AMP obtiendrait le pouvoir de résilier un contrat suivant les résultats de notre enquête pour un processus d'adjudication ou d'attribution d'un contrat. Actuellement, ce pouvoir ne peut être exercé que pendant l'examen de la gestion contractuelle d'un organisme public.

Il y a toutefois un aspect qui est à prendre en considération. En ce qui nous concerne, ces projets dévolus dans le cadre de ce projet de loi devraient être intégrés dans notre loi constitutive de manière permanente. Il est pertinent de se demander pourquoi, pour certains projets, nous pouvons contraindre une personne ou des entreprises à nous transmettre de l'information ou résilier un contrat, mais que, pour la grande majorité des autres contrats octroyés au Québec, nos pouvoirs actuels, bien qu'importants, sont plus restreints.

Par souci de cohérence, et en toute légitimité, il ne devrait pas y avoir deux types d'examens effectués en matière de contrats publics. Pour l'AMP, que l'on soit dans les 181 projets ou dans tous les autres dossiers contractuels sur lesquels nous avons à travailler, la même rigueur, la même procédure d'analyse et les mêmes modalités de travail devraient s'appliquer. Je tiens à préciser que des discussions sont déjà en cours avec le Secrétariat du Conseil du trésor à ce sujet.

Concernant la reddition de comptes, l'AMP estime que la transparence est de mise si l'on veut pouvoir assurer à la population que la réalisation de ces projets respecte les règles et les lois établies. Ainsi, l'AMP souscrit à l'obligation de faire état de ses activités en matière de surveillance, pour les projets ciblés dans le projet de loi n° 66, dans son rapport annuel d'activité. Le fait de rendre publiques également nos décisions sur notre site Internet est aussi une bonne mesure permettant d'assurer la transparence de nos actions auprès de la population. Nos décisions sont motivées et bien expliquées, assurant ainsi autant aux divers ministères et organismes qu'aux entreprises de bien comprendre la nature des manquements au cadre normatif existant.

L'accélération de réalisation de certains projets d'infrastructures doit obéir aux mêmes règles d'intégrité et de conformité en matière de processus contractuels. Nous souhaitons que la diffusion de nos décisions, que ce soit dans le cadre de nos pouvoirs déjà existants ou par les nouveaux pouvoirs dévolus, permette à tous celles et ceux qui s'intéressent de près ou de loin aux contrats publics d'en tirer le meilleur enseignement. Vous pouvez compter sur nos équipes d'experts pour exercer nos responsabilités de surveillance des marchés publics avec toute la rigueur et le professionnalisme que cela implique. Équité, transparence, saine concurrence demeureront nos principes fondamentaux.

Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions. Merci de votre attention.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. Trudel. Nous allons donc commencer notre période d'échange. Je cède immédiatement la parole à Mme la ministre pour une période de 15 minutes.

• (10 h 30) •

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Donc, peut-être, d'entrée de jeu, je vais prendre quelques secondes pour recadrer quelque chose. Effectivement, je ne veux pas avoir donné à mon collègue l'impression qu'en matière environnementale j'étais en train de faire des réformes permanentes par le biais du projet de loi n° 66. Tout ce qui est dans le projet de loi n° 66 se veut des mesures qui sont ciblées sur 181 projets, donc temporaires, en ce qu'elles ne s'appliquent qu'à 181 projets. Elles ont une durée, dans le temps, de vie, une durée d'utilisation également dans le temps, que ce soient les mesures de renforcement pour l'AMP, que ce soient les mesures en matière d'expropriation ou en matière d'environnement.

Tout ce que je disais, c'est qu'il faut quand même aborder les mesures du projet de loi n° 66 avec une certaine ouverture d'esprit, l'enjeu n'étant pas d'opposer économie et environnement, mais de voir comment on peut faire cohabiter les deux et d'être capables de relancer notre économie en matière d'infrastructures peut-être plus traditionnelles, mais tout en s'assurant que l'intégrité et la qualité de l'environnement sont respectées. Donc, c'est le but de l'exercice, et des consultations, et des discussions qu'on aura dans ce dossier-là dans les prochains jours, les prochaines semaines, M. le Président. Donc, je pense que ça recadre un peu.

Ceci étant dit, effectivement, bonjour, M. Trudel. Effectivement, le Conseil du trésor, le secrétariat, continue les discussions avec l'AMP dans le but d'améliorer, si on veut, l'efficacité de votre organisation. Je suis contente que vous l'ayez souligné. Également, d'entrée de jeu, je pense que je peux souligner que le Conseil du trésor, le secrétariat, continue ses discussions avec vous pour s'assurer que vous avez non seulement les pouvoirs, mais les moyens de les appliquer dans le cadre des 181 projets. Donc, je tiens à rassurer mes collègues que l'enjeu des effectifs et l'enjeu des moyens pour appliquer est pris en compte. Ce n'est pas le projet de loi qui va les régler, naturellement, mais on est... on continue à faire ces discussions-là.

Donc, vous avez mentionné… Effectivement, une des préoccupations qui avait été soulevée par les collègues de l'opposition, par différents groupes et par les citoyens était le fait qu'on accélérait des projets d'infrastructure. Donc, on pouvait peut-être mettre en péril l'intégrité du marché. On avait aussi le, maintenant, fameux article 50 qui nous permettait, en théorie, d'aller modifier la loi sur les contrats publics, bien que ce n'était pas l'intention préalable du gouvernement, je le mentionne, mais il y avait un enjeu d'interprétation et de possibilités.

Donc, vous êtes à même de reconfirmer, M. Trudel, que, présentement, dans le projet de loi n° 66, il n'y a pas... On ne joue pas dans le cadre normatif de la loi sur les contrats publics. Malgré les processus d'accélération qui sont mis en place sur des phases… certaines phases des projets, qui concernent, je le répète, l'expropriation, le domaine de l'État, les autorisations municipales, gouvernementales et ainsi que les autorisations environnementales, on ne vient pas du tout jouer dans le processus des appels d'offres et tout le cadre normatif, comme la loi sur les contrats publics le prévaut. Donc, elle s'applique entièrement. Il n'y a aucune possibilité… On ne crée pas de brèche, en bon français, par le projet de loi n° 66. C'est exact?

M. Trudel (Yves) : …bon, vous avez l'intention d'accélération de certains projets. Par contre, ça ne se fera jamais au détriment de la loi sur les contrats publics et de l'intégrité des entreprises qui doivent contracter avec l'État.

Mme LeBel : Ni dans les faits ni en apparence, compte tenu qu'on ne joue pas dans la loi sur les contrats publics.

M. Trudel (Yves) : Tout à fait.

Mme LeBel : Parfait, merci. Vous avez mentionné… Je pense que c'était pendant l'étude des crédits ou peut-être pendant la première consultation du p.l. n° 61, là, des fois, les choses s'entremêlent, mais vous aviez mentionné qu'actuellement l'Autorité des marchés publics disposait de beaucoup de pouvoirs pour exercer son rôle, c'est exact, dans la loi actuelle? Je ne parlerai pas du projet de loi n° 66, là, mais dans la loi actuelle.

M. Trudel (Yves) : Dans la loi actuelle, nos pouvoirs sont importants puisqu'ils nous permettent d'ordonner… de suspendre des appels d'offres, de suspendre un contrat en gré à gré s'il y a un avis d'intérêt de publié et qu'on a des... communication de renseignements, de mener les vérifications utiles. Par contre, ce que vient amener ce projet de loi là, c'est définitivement la possibilité d'enquêter un processus, alors que, dans la loi actuelle, tout ce qu'on peut enquêter, c'est en matière d'examen de gestion contractuelle.

Donc, par exemple, votre prédécesseur nous a... le gouvernement nous a désignés pour faire l'examen de la gestion contractuelle du ministère des Transports. On peut enquêter à ce moment-là. Mais, autrement, en ce moment, avec la loi qu'on a, bien que nos pouvoirs sont importants, dans le sens où je peux suspendre un appel d'offres… Je peux faire corriger par le ministère des règles normatives dans son appel d'offres, donc, pour qu'il se conforme aux règles et pouvoir ainsi répondre au plaignant, ou aux communications, ou aux gens qui nous communiquent des renseignements, tout à fait. Donc, nos pouvoirs sont importants, mais, avec l'ajout que nous avons présentement dans le projet de loi n° 66, ils sont encore plus importants et nous permettront d'agir de façon beaucoup plus rapide également dans des...

Mme LeBel : O.K., et donc on se limite aux 181 projets. On l'a dit, le projet de loi est ciblé et cadré sur ces projets-là. Mais, avec ça, on va pouvoir… Vous allez pouvoir, donc, exercer ces nouveaux pouvoirs là puis voir, effectivement, si vous avez une plus grande portée d'action ou non, là, dans le quotidien. C'est exact?

M. Trudel (Yves) : Exactement.

Mme LeBel : O.K. Pouvez-vous donner peut-être un exemple? Parce qu'on est peut-être des gens plus initiés en matière de contrats publics et de, bon, processus de vérification, processus d'examen. Il y a une différence entre une vérification et une enquête. Peut-être, de façon pratico-pratique, M. Trudel, êtes-vous capable de nous donner, pour un projet donné, sans nommer un projet particulier des 181, là, puis on ne parlera pas du ministère du Transport, parce que vous aviez déjà un mandat accru, dans la situation actuelle, pour ces projets routiers là… peut-être nous donner qu'est-ce que ça va vous donner, peut-être, de plus comme moyens d'action à l'AMP pour que le citoyen comprenne, de façon pratico-pratique, qu'est-ce que ça veut dire, la différence entre pouvoir faire une enquête versus une vérification, etc., là, et à quel moment dans le processus vous pouvez intervenir, alors que vous ne pouvez pas maintenant, peut-être juste nous illustrer l'avant et après avec un exemple plus concret si c'est possible.

M. Trudel (Yves) : Donc, pour les 181 projets, nous aurions la possibilité, par exemple, de nous déplacer sur un chantier, de questionner les entrepreneurs eu égard à l'exécution des travaux, par exemple. Et, si on constatait que les travaux ne sont pas exécutés en fonction de ce que représentait l'appel d'offres, donc, des besoins du ministère ou de l'organisme, nous pourrions, un, ordonner au ministère d'apporter des corrections, donc, des mesures correctrices eu égard à l'exécution des travaux, et, au pire, on pourrait suspendre carrément l'exécution du contrat, ce qu'on ne peut pas faire actuellement, sauf en examen de gestion contractuelle.

Donc, on pourrait… Par exemple, la loi nous permettrait… Le projet de loi n° 66 nous permettrait d'embaucher un expert, par exemple, qui serait capable, en fonction de notre besoin d'expertise, de venir identifier des lacunes dans l'exécution et peut-être des lacunes dans la surveillance des travaux qui sont exécutés par le contractant. Donc, on pourrait intervenir immédiatement en suspendant, en annulant, voire même en résiliant, si on considérait qu'il y avait des manquements graves dans l'exécution des travaux.

Je vous donne un exemple. Un camion... Un entrepreneur qui aurait à livrer du gravier, par exemple, si, dans ses camions, il n'y a que la moitié ou le quart des bennes qui sont remplies, et qu'on avait l'information que c'était le cas, bien, on pourrait agir, un, en questionnant le ministère pour voir comment il surveille ses travaux. Deux, par nos questions et les observations que nous aurions, nous pourrions nous déplacer et observer nous-mêmes que c'est le cas et, à ce moment-là, on pourrait considérer que le manquement est tellement grave qu'on pourrait suspendre jusqu'à ce que les mesures correctrices soient apportées et/ou que l'organisme nous assure une surveillance de chantier adéquate pour ne pas que ça se reproduise.

Mme LeBel : Pourriez-vous leur donner un accompagnement de l'entrepreneur? Pourriez-vous imposer un tel accompagnement?

M. Trudel (Yves) : Oui, oui, avec la loi, le projet de loi n° 66, on pourrait effectivement l'imposer, et, par écrit, le ministère devra nous donner sa réponse et nous dire comment il va entendre faire la surveillance ou l'accompagnement.

Mme LeBel : O.K. Dans l'état actuel des choses, je comprends que vous n'avez pas de pouvoir de contrainte sur les sous-contractants. Juste, peut-être, pour illustrer un peu ce que ça veut dire pour les gens qui nous écoutent, c'est-à-dire que, maintenant, vous avez un pouvoir sur le signataire principal du premier contrat, j'imagine, avec le gouvernement, mais pas tous les contrats qui se signent par la suite. Pouvez-vous peut-être expliquer un peu la nuance, là, par rapport à ce nouveau pouvoir-là dans le p.l. n° 66?

• (10 h 40) •

M. Trudel (Yves) : Effectivement. Donc, premièrement, dans le premier projet, on n'a pas de pouvoir sur l'entrepreneur, pas plus que sur le sous-contractant, maintenant, oui. Donc, c'est un gros changement également, parce qu'il y a beaucoup de sous-entrepreneurs, également, qui communiquent avec nous pour nous donner de l'information, et on n'est pas à même d'aller vérifier toutes les informations qu'ils nous communiquent, sauf s'ils veulent bien nous parler.

Je peux vous donner un exemple. Dans un dossier, par exemple, où des élus nous ont appelés pour nous faire part d'inquiétudes qu'ils avaient dans un contrat de déneigement, entre autres, on a entendu ce que les élus avaient à nous dire. On est allés voir l'entrepreneur pour voir un peu et essayer de comprendre. Il ne veut pas nous parler, l'entrepreneur. Alors, on n'est pas à même de comprendre pourquoi il y a une situation qui prévaut dans une municipalité, par exemple.

Par contre, dans un autre dossier, où l'entrepreneur a accepté de nous parler, on a compris rapidement qu'est-ce qu'il en était des craintes des élus. On est retournés voir les élus pour leur expliquer. On a partagé l'information au ministère, au MAMH. Donc, on va être capables d'être plus proactifs lorsque la situation va se présenter, par exemple, dans le cas d'un dossier de déneigement l'automne prochain, cet automne.

Mme LeBel : O.K., puis peut-être que vous l'avez mentionné, là, mais je ne suis pas sûre que c'est très bien compris par tout le monde, quand vous dites… À la page 5 de votre présentation, concernant l'examen d'un processus d'octroi d'un contrat public ou son exécution, vous dites : «Nous pourrons enquêter un processus d'octroi ou l'exécution d'un contrat[...]. [Alors que] nous ne pouvons [maintenant] qu'en faire une vérification.» Peut-être juste expliquer la nuance entre une enquête et une vérification, parce que, pour le commun des mortels, bon, vous pouvez le vérifier, donc, vous pouvez l'enquêter, mais la nuance est extrêmement importante. Vous l'avez dit, elle se décline peut-être dans les visites de chantiers, dans les pouvoirs de contrainte puis de par les conséquences, mais peut-être en refaire une petite illustration.

M. Trudel (Yves) : En termes de vérification, actuellement, ce qu'on peut faire, c'est, bon, recevoir une plainte, la traiter, une communication de renseignements ou, par notre propre vigie, identifier un contrat dans lequel il y aurait apparence de manquement. On communique à ce moment-là avec le ministère concerné, l'organisme concerné, qui nous fait part de ses observations et va nous partager la documentation qu'on va analyser.

Donc, on va faire une vérification. Pour une vérification, on peut la faire entièrement au bureau, par exemple, si on a satisfaction aux réponses… aux questions que nous posons à l'organisme. En termes d'enquête, ça va nous permettre de nous déplacer, d'aller rencontrer des témoins qui sont autres que le ministère ou l'organisme et avoir réponse à nos questions possiblement plus rapidement, donc, d'être capables d'agir plus efficacement.

Vous savez, on a juste un an d'existence. Donc, nous sommes une jeune organisation. Par contre, ça a été facile, maintenant, pour nous, de cibler des espèces de façons de faire dans les ministères et les organismes. Elles se ressemblent à peu près toutes. Donc, quand on rentre quelque part maintenant, on est capables rapidement de voir qu'il y a soit un manque d'expertise soit que l'évaluation des besoins a été mal faite.

Donc, ça a un impact sur l'estimé des coûts, éventuellement, sur celui qui remportera l'appel d'offres, qui sera le plus bas soumissionnaire. Ça aura eu, donc, tout ça, un impact là-dessus également. Il y aura des avenants qui seront demandés par l'entrepreneur, et ça aura probablement un impact sur l'exécution des contrats, parce qu'on voit aussi un manque, un manquement, actuellement, dans la surveillance des chantiers.

Aussi, avec le projet de loi n° 66, ce qui va être une plus-value pour nous, c'est qu'on a des partenaires également. Le secteur de la construction, entre autres, est aussi encadré par d'autres ministères et organismes. Je pense à la RBQ. Je pense à la CCQ. Je pense à l'UPAC. Je pense à Revenu Québec. Dans les grands chantiers, bien, ce sont des collègues de travail avec qui nous pourrons prendre des ententes et qui pourront être nos yeux également dans les différents chantiers. On ne fera pas ça seuls. Et la surveillance des contrats, ça passe aussi par la population, les entrepreneurs qui se sentent lésés dans un appel d'offres, qui considèrent qu'ils n'ont pas la possibilité de soumissionner, par des gens qui nous communiquent des renseignements, par une vigie au SEAO et par, évidemment, l'information qui nous est transmise par nos partenaires.

Mme LeBel : Donc, pour résumer, avec une enquête, on peut aller au-delà et un peu plus loin que les réponses qui nous sont fournies dans le cadre d'une vérification puis faire des vérifications qui sont plus, je dirais, indépendantes que la seule conversation que vous avez avec votre interlocuteur principal à ce moment-là, si je comprends bien.

M. Trudel (Yves) : Tout à fait. Et, dans le nouveau projet de loi, c'est surtout le pouvoir du commissaire enquêteur qui est... parce que, dans la loi actuelle, on a la possibilité d'enquêter en examen de gestion contractuelle, pas un processus, donc, pas un contrat. Quand c'est un contrat, donc, un appel d'offres, nous ne pouvons qu'en faire une vérification. Quand c'est l'examen de gestion contractuelle, donc, l'ensemble de la gestion contractuelle d'un ministère ou d'un organisme, à ce moment-là, on peut enquêter. Évidemment, le ministère ou l'organisme a l'obligation de nous répondre, mais pas les tiers.

Mme LeBel : Mais là vous êtes sur le processus beaucoup plus large, l'ensemble de son processus contractuel, plutôt que sur un contrat donné puis une situation particulière, alors que le projet de loi n° 66 vous donne l'occasion de le faire sur 181 situations particulières, si on comprend.

M. Trudel (Yves) : Exactement, en nous permettant d'obliger un tiers à répondre à nos questions.

Mme LeBel : Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. Je cède maintenant la parole au député de La Pinière pour une période de 10 minutes.

M. Barrette : 10 minutes? Merci, M. le Président. Alors, Mme Marcoux, M. Trudel, bienvenue encore une fois à cette séance-ci.

Regardez, je vais aller évidemment dans le vif du sujet, là. Vous l'avez entendu dans mes remarques préliminaires, essentiellement, là où je veux aller. Je comprends de vos propos, surtout les derniers propos que vous venez de tenir, que vous considérez que votre situation précédente était pour le moins imparfaite, là. Il y avait un manque, là, en ce qui est de vos pouvoirs. Je peux dire ça, là?

Le Président (M. Simard) : M. Trudel.

M. Trudel (Yves) : Tout à fait. On considère que les pouvoirs qu'on a actuellement devraient être, tel que je l'ai mentionné dans mon allocution, inscrits de façon pérenne dans notre loi habilitante.

M. Barrette : Très bien. C'est la demande que l'on faisait. On aura à en discuter évidemment à l'étude détaillée. Je ne comprends pas pourquoi ça n'a pas été fait. Je comprends, de certains échanges que j'ai eus avec Mme la ministre, que peut-être que quelque chose s'en vient, mais je ne vois pas pourquoi ce texte-là, même si des changements s'en viennent, ne serait pas pérennisé, législativement parlant, même s'il était à être ajusté ultérieurement.

Maintenant, on va faire le tour, si vous me le permettez, là, de la différence entre vous et le BIG. Vous avez, d'une façon assez claire et pas mal précise, je dirais, mis l'emphase sur ce qui était similaire. Le BIG, pour ceux qui nous écoutent, là, c'est le bureau d'inspection à Montréal. On l'appelle toujours, communément, le BIG. Il y en a un à Laval. Techniquement, vous pourriez l'être pour le reste du Québec parce que, dans l'espace public, il y a d'autres projets qui méritent sans aucun doute que quelqu'un soit le chien de garde de ça. Alors là, je vous demanderais une question assez simple, qui est peut-être complexe à répondre. Je vous laisse le loisir d'aller jusqu'où vous voudriez. Qu'est-ce qui existe en termes de pouvoirs au BIG que vous n'avez pas aujourd'hui?

Le Président (M. Simard) : M. Trudel.

M. Trudel (Yves) : Avec le projet de loi n° 66, ce qui serait prévu?

M. Barrette : Oui, avec 66. Vous prenez 66 avec ce que vous avez décrit comme pouvoirs, là, et qu'est-ce qui est manquant, entre guillemets, je ne dis pas ça méchamment, par rapport aux pouvoirs que le BIG a à Montréal?

M. Trudel (Yves) : Pour nous, pour l'AMP, actuellement, avec ce qui est présenté dans le cadre du projet de loi n° 66, il n'y a pas de différence. On peut exercer… On a les mêmes pouvoirs. On considère que ce que le BIG, à Montréal, a… et nous sommes en mesure d'exercer notre travail, comme le BIG est capable de très bien le faire, par ailleurs, sur l'île de Montréal.

M. Barrette : Alors, je vais préciser ma question, là. Est-ce que vous considérez… Là, la question que je vous pose, elle est vraiment factuelle puis elle est importante pour les travaux qui vont suivre. Je comprends de votre réponse que vous êtes satisfait de ce que vous avez, mais la question que je pose, est-ce que c'est — permettez-moi le pléonasme — complètement complet? Est-ce qu'il y a des pouvoirs que le BIG a aujourd'hui que vous n'avez pas dans votre lecture? Alors, ce n'est pas la même chose que de dire que vous êtes satisfait de ce que vous avez. Moi, je vous demande simplement une analyse comparative que vous avez sûrement déjà faite, j'en suis convaincu. Qu'est-ce que le BIG a que vous n'avez pas? Puis je ne dis pas que ça serait absolument nécessaire, mais j'essaie de déterminer ce que le BIG a que vous n'avez pas.

Le Président (M. Simard) : M. Trudel.

M. Trudel (Yves) : Oui, merci. Donc, vous avez raison, on a travaillé sur le projet de loi actuel pour avoir les pouvoirs, là, comme il en avait été discuté lors des débats du projet de loi n° 61. Actuellement, avec ce que nous sommes en mesure de voir, nos pouvoirs sont comparables en tous points à ce que le BIG a actuellement. S'il y avait une différence, c'est qu'au niveau municipal… Et là on est dans les 181 projets, et, de ce que je comprends, dans les 181 projets, il n'y a pas de municipalité dans ce que moi, j'ai vu, à tout le moins. Donc, au niveau municipal, nous n'avons qu'un pouvoir de recommandation. Dans toutes les recommandations qu'on a émises, les ordonnances de recommandation qu'on a émises au niveau des municipalités, elles ont toutes suivi nos recommandations.

• (10 h 50) •

M. Barrette : Je comprends, mais, en pouvoir d'enquête, de débarquer sur le terrain, comme vous l'avez bien dit vous-même, comme, d'ailleurs, l'avait bien dit le BIG lorsqu'ils sont venus nous voir, ce pouvoir-là, il est extraordinaire et c'est le pouvoir dont l'effet dissuasif est le plus grand. Alors, ce pouvoir-là, vous ne l'avez pas au municipal.

M. Trudel (Yves) : Ce pouvoir-là, avec ma loi actuelle, je ne l'ai pas. Donc, vous avez raison puisque, dans les 181 projets, pour l'instant, à ma connaissance, il n'y a pas de projet municipal.

M. Barrette : Alors, sur le plan légal, qu'est-ce que vous considérez comme étant un projet municipal?

M. Trudel (Yves) : Un contrat qu'une municipalité va donner dans un... Par contre... Par exemple, un contrat de déneigement avec un entrepreneur dans sa municipalité, pour sa municipalité.

M. Barrette : O.K. Et est-ce que ça vaut également pour les sous-contractants, dans votre esprit?

M. Trudel (Yves) : Actuellement?

M. Barrette : Oui, oui, actuellement, là.

M. Trudel (Yves) : Actuellement, nous aurions... nous pourrions contraindre un sous-contractant et nous pouvons faire une vigie sur les sous-contrats, ce que nous ne pouvons pas faire actuellement, oui.

M. Barrette : Très bien. Alors, on va prendre un cas de figure très simple. Dans les projets, par exemple, qui sont dans les 181, là, il y a l'hôpital de Vaudreuil. Bon, l'hôpital de Vaudreuil, c'est un… Je prends cet exemple-là. Puis laissons l'hôpital de Vaudreuil, pendant un instant. On va prendre un cas hypothétique, mais vous comprenez, avec l'exemple que je viens de donner, où je veux aller.

Dans un projet qui est gouvernemental d'une infrastructure x, ça pourrait être un palais de justice, ça peut être n'importe quoi, le projet, par exemple, pourrait inclure obligatoirement des travaux connexes d'ordre municipal, par exemple des approches, des bretelles, des égouts, un paquet de choses qui sont d'ordre municipal. L'hôpital de Vaudreuil, j'ai pris cet exemple-là comme ça parce que c'est un bel exemple, parce qu'il va y avoir des approches, puis il va y avoir des égouts, puis il va y avoir de la voirie, puis il va y avoir de l'asphalte, puis il va y avoir bien des affaires municipales. Dans un tel cas, actuellement, vous ne pouvez pas aller là, n'est-ce pas?

M. Trudel (Yves) : Si vous me permettez, je demanderais à Mme Marcoux de répondre à cette question précise. L'activité de vérification est évidemment sous sa direction. M. le Président, est-ce que vous me permettez?

Le Président (M. Simard) : Très volontiers.

M. Barrette : Et peut-être, à ce moment-là, que je vais préciser ma question. Alors, vous comprenez qu'ici je ne cherche pas des bibittes, là. J'essaie de savoir où sont vos limites par rapport au BIG. Vous m'en avez exprimé une. J'y vois une application que vous n'avez peut-être pas vue initialement, mais, à quelque part, il y a un lien entre les deux, là. Il n'y aura pas, dans le cas hypothétique que je viens de donner, moyen de passer à côté de la partie municipale du projet. Et là je comprends que vous ne pouvez pas y aller. Alors donc, il y a une différence. Moi, c'est ça que je veux… C'est ce sur quoi je veux pointer la discussion, là. Il y a une différence actuellement entre le BIG et vous.

Le Président (M. Simard) : Alors, Me Marcoux, heureux de vous entendre.

Mme Marcoux (Nathaly) : Alors, dans notre lecture, le projet de loi n° 66 vise 181 projets. Évidemment que, pour chacun des ces projets-là, plusieurs contrats pourraient en découler. Et, s'il arrivait que des municipalités soient maîtres d'oeuvre ou parties à un contrat public, donc, dans la réalisation de ces projets, dans notre lecture actuelle, je vous répondrais ce matin que nous aurions juridiction, et donc que nous pourrions appliquer les pouvoirs du projet de loi n° 66 s'ils nous sont octroyés.

M. Barrette : Je suis obligé, pardonnez-moi, Mme Marcoux… Je ne sais pas si c'est Me Marcoux, là, je ne veux pas…

Le Président (M. Simard) : Oui.

M. Barrette : Me Marcoux, pardonnez-moi, je ne veux pas remettre en cause votre divergence de perception. Mais là il y a quand même un point d'interrogation qu'il va falloir clarifier avec le temps, qu'on fera dans la continuation des travaux. Maintenant, je reviens à vous, M. Trudel. Vous souhaitez, là, que ce soit bien clairement redit, dit et redit, vous souhaitez que ces pouvoirs-là soient permanents.

M. Trudel (Yves) : Oui, je souhaite que ces pouvoirs-là soient permanents, tout à fait.

M. Barrette : Et là, peut-être, je reviens à vous, Me Marcoux. Est-ce que vous voyez un obstacle qui fait en sorte que ça ne l'a pas été écrit comme tel? J'essaie de trouver la raison pour laquelle on ne l'a pas mis pérenne en partant. On sait, les lois, c'est fait pour certaines choses, selon certains juges, je ne reviendrai pas là-dessus, mais ça peut être modifié.

Le Président (M. Simard) : 10 secondes, malheureusement. Me Marcoux, très rapidement, s'il vous plaît.

Mme Marcoux (Nathaly) : Oui. C'est un choix parlementaire. Alors, c'est donc le processus démocratique qui a mené à l'adoption du projet de loi qui en a fait ce qu'il est.

M. Barrette : Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont. Vous disposez de 2 min 30 s, cher collègue.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Alors, rebonjour. À quelques mois d'intervalle, on se revoit sur un projet de loi un peu différent, quoique… Je vais aller vite, là, parce que je n'ai pas beaucoup de temps.

On comprend que le principal problème que vous soulevez, c'est, effectivement, que ça s'appliquera, donc, ces pouvoirs additionnels du projet de loi n° 66, pour les 181 projets, mais que ça ne sera pas permanent. Est-ce que je comprends, donc, par exemple, que les 181 projets du p.l. n° 66 seront soumis aux pouvoirs additionnels, mais que, concurremment, on pourrait lancer d'autres projets, par exemple le REM vers l'est ou, un jour, peut-être, l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, mais que ces projets ne seraient pas soumis aux mêmes pouvoirs dont vous disposez dans 66, concurremment, là, en même temps, là, deux projets, parfois à un kilomètre de distance, pas les mêmes pouvoirs?

M. Trudel (Yves) : Les pouvoirs qui nous sont dévolus dans le cadre du projet de loi n° 66 sont strictement pour les 181 projets identifiés au projet de loi n° 66.

M. Marissal : Bon, j'ai quasiment envie de vous demander si vous trouvez que ça a du bon sens, parce que moi, je trouve que ça n'en a pas. Alors, je vais me faire plaisir. Je vais vous poser la question. Trouvez-vous que ça a du bon sens?

M. Trudel (Yves) : Bien, comme je l'ai mentionné dans mon allocution, on considère, donc, que ces pouvoirs-là devraient être, de façon pérenne, inclus dans notre loi habilitante. Donc, on considère qu'on devrait avoir les mêmes pouvoirs prévus au projet de loi n° 66 que dans notre loi habilitante pour être en mesure d'exercer les mêmes fonctions, peu importe le contrat qu'on aurait à regarder.

M. Marissal : O.K. Vous dites «devrait», mais, pour le moment, là, ce avec quoi on travaille, c'est le projet de loi qu'on a devant nous. Ce n'est pas inclus. À la fin, là, je crois comprendre que vous, vous préféreriez que ça soit le cas.

M. Trudel (Yves) : Que ça soit inclus…

M. Marissal : Ça pourrait nous inspirer pour des amendements, M. Trudel. C'est pour ça que je vous dis ça.

M. Trudel (Yves) : …dans la Loi sur l'Autorité des marchés publics. Et, comme je l'ai dit dans mon allocution, c'est important aussi, nous avons actuellement des échanges avec le Secrétariat du Conseil du trésor à cet effet-là.

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Marissal : Très bien, c'est bon, merci.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci à vous, M. le député de Rosemont. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière pour une période de 2 min 30 s.

M. Gaudreault : Oui, merci. Merci de votre présence virtuelle. Je voudrais savoir en quoi ces nouveaux pouvoirs qui vous sont alloués de façon temporaire dans le projet de loi n° 66 contribuent à accélérer certains projets d'infrastructure.

M. Trudel (Yves) : Ces nouveaux pouvoirs là ne contribuent pas à accélérer les projets d'infrastructure, mais bien à en assurer l'intégrité. C'est donc ceux qui vont contracter avec les différents ministères, organismes qui auront, donc, des contrats avec eux. Bien, notre travail est de s'assurer, un, du respect du code normatif, deux, de l'intégrité des entreprises qui vont contracter avec…

M. Gaudreault : Ça veut dire qu'en soi, pour améliorer l'intégrité, le respect des contrats, des sous-contrats publics, la transparence, la reddition de comptes, sans même vouloir accélérer certains projets d'infrastructure, ça serait pertinent quand même de vous les accorder.

M. Trudel (Yves) : Vous voulez dire dans notre loi actuelle ou dans le projet… Dans notre loi actuelle?

M. Gaudreault : Oui, oui.

M. Trudel (Yves) : Tout à fait.

M. Gaudreault : O.K. Sur la question de la reddition de comptes, à la page 6 de votre mémoire, vous êtes heureux de voir que vous allez pouvoir rendre publiques vos décisions sur le site Internet, que c'est une bonne mesure. Et là je sais que vous faites référence à l'article 6, alinéa cinq du projet de loi. Donc, ça veut dire que vous pourriez prendre des mesures… rendre des décisions, c'est-à-dire, pour des projets de loi qui sont couverts dans l'annexe. Ça serait… Votre décision serait sur Internet, mais une même décision par rapport à un autre projet qui n'est pas dans l'annexe ne serait pas sur Internet.

M. Trudel (Yves) : Non. Donc, je vais me permettre de corriger un petit peu ce que vous amenez. C'est-à-dire que, présentement, avec la loi actuelle, nous avons l'obligation de rendre publiques toutes nos décisions. Donc, toutes les décisions, actuellement, sans le projet de loi n° 66, dans le cours de notre travail, depuis 2019, on a l'obligation et on se fait un devoir, par ailleurs… Donc, c'est une obligation qui est prévue à la loi, mais on est contents que ça soit prévu à la loi parce qu'on considère que nos décisions doivent être lues et vues par le plus grand nombre de personnes possible.

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Gaudreault : O.K. Donc, qu'est-ce qu'il y a de nouveau par rapport à ça, là?

• (11 heures) •

M. Trudel (Yves) : C'est-à-dire que, dans le projet de loi n° 66, il est prévu une reddition de comptes, et nous y souscrivons. Dans notre rapport...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, M. Trudel. Je cède maintenant la parole au député de Chomedey pour une période de deux minutes.

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Marcoux. Bonjour, M. Trudel. J'aurai deux questions pour vous. La première : Présentement, dans l'échange d'information que vous avez avec le BIG de Montréal, il n'y a aucune restriction, c'est-à-dire que... Est-ce que vos dossiers et les dossiers du BIG... Vous avez un échange qui n'a pas besoin d'être avalisé par un amendement à un projet de loi quelconque dans votre loi constitutive?

M. Trudel (Yves) : Présentement, nous avons des… différents comités, dont des comités... des gens qui se rencontrent pour échanger l'information utile au BIG… pas à Saint-Jérôme, le cas échéant, à Laval, le cas échéant, à Longueuil, le cas échéant, avec nos partenaires. Donc, on travaille en collégialité avec nos partenaires et on partage l'information utile à chacun d'eux. C'est un… Oui, allez-y, pardon.

M. Ouellette : Puis il n'y a pas de restriction. Je veux dire…

M. Trudel (Yves) : Il n'y a pas de…

M. Ouellette : O.K. Je reviens à vos discussions qui sont en cours avec le Secrétariat du Conseil du trésor sur la pérennité des pouvoirs de 66. Avez-vous juste des discussions, M. Trudel, pour qu'ils rendent ça permanent ou vous avez aussi des discussions sur d'autres articles de votre loi constitutive qui devraient être à l'attention des parlementaires ici présents lors de l'étude du projet de loi n° 66 pour, justement, amener certains amendements qui vous donneraient des pouvoirs pas juste comparables, mais égaux pour tous les contrats publics au Québec?

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Trudel (Yves) : Comme je l'ai mentionné dans mon allocution, nous avons des discussions, mais des discussions qui... ce n'est pas juste des discussions en l'air, là, c'est pris au sérieux. Il y a un comité législatif. On est en train de proposer des amendements législatifs à la fois à la LCOP, à la fois à notre loi.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, sur ce, Me Marcoux, M. Trudel, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.

Nous allons suspendre momentanément.

(Suspension de la séance à 11 h 03)

(Reprise à 11 h 14)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos auditions. Nous sommes maintenant en présence des représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Messieurs, bienvenue parmi nous. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter?

(Visioconférence)

Fédération des chambres de commerce du Québec

M. Milliard (Charles) : Avant de débuter, M. le Président, j'entends encore de la musique d'ambiance dans mon système, je ne sais pas si c'est le cas chez vous aussi.

Le Président (M. Simard) : Oui. Il y a beaucoup d'ambiance à l'Assemblée nationale. Là, on va tenter de faire un appel discret à la régie pour corriger le tout.

M. Milliard (Charles) : Voilà, voilà, voilà. Alors, l'appel a été entendu. Alors, bonjour à tous, je me… Oh! je vous entends parler.

Le Président (M. Simard) : Ce n'est pas moi qui parle, M. Milliard.

Alors, on va suspendre momentanément.

(Suspension de la séance à 11 h 15)

(Reprise à 11 h 18)

Le Président (M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues. Donc, nos problèmes techniques sont apparemment résolus. Puisque nous avons pris un petit retard, j'aurais besoin de votre consentement afin que nous puissions poursuivre au-delà de l'heure prévue. Consentement. Alors, messieurs, c'est une reprise. Nous sommes à votre écoute. Merci de votre patience.

M. Milliard (Charles) : Alors, merci à tous. Donc, bonjour. Je me présente, Charles Milliard, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné, à saine distance, de mon collègue Philippe Noël, directeur principal, Affaires publiques et économiques. Nous remercions la commission de nous permettre de comparaître à nouveau devant vous aujourd'hui afin de parler de l'important projet de loi n° 66, comme nous l'avions fait, d'ailleurs, lors du projet de loi n° 61 en juin dernier, un projet de loi qui, faut-il le rappeler, a fait couler beaucoup d'encre et suscité de nombreux débats.

Un bref rappel. La Fédération des chambres de commerce du Québec, grâce à son vaste réseau de plus de 130 chambres de commerce et de 1 100 membres corporatifs, représente plus de 50 000 entreprises, petites, moyennes et grandes, exerçant leurs activités dans tous les secteurs de l'économie et sur l'ensemble du territoire québécois.

Le texte législatif devant nous aujourd'hui s'inscrit dans un contexte, comme vous le savez, fort particulier, celui d'une pandémie mondiale qui a causé déjà le décès de plus de 1 million de personnes, dont plus de 6 000 au Québec, selon les dernières statistiques. À la crise sanitaire s'est rapidement rattachée une crise économique majeure, principalement causée par la fermeture de pans complets de notre économie pendant une période importante. Même si l'intensité a varié d'un secteur à un autre, tous ont été touchés, et les dégâts, vous le savez, sont majeurs et inquiétants. Sur tous les fronts, le Québec n'a pas été épargné, mais nos gouvernements, fédéral, provincial, ont été présents pour aider nos entrepreneurs et la population.

Après les mesures de crise, et malgré la recrudescence des cas positifs et les restrictions qui en découlent, toute la place doit être laissée désormais aux mesures de relance. C'est un devoir pour les parlementaires, les milieux économiques et les groupes environnementaux, entre autres. Malheureusement, la recette miracle n'existe pas. Sinon, comme on le dit, ça se saurait. Il faut alors que le gouvernement utilise plusieurs des leviers qu'il a à sa disposition pour envoyer un message clair sur ses intentions, soit de soutenir les secteurs d'activité en difficulté, de remettre les Québécois au travail, de continuer à stimuler et à valoriser l'entrepreneuriat, et, évidemment, tout en protégeant note environnement.

• (11 h 20) •

À la FCCQ, nous croyons que le projet de loi n° 66 contient plusieurs idées qui permettront au gouvernement de se rapprocher de son objectif et de stimuler résolument l'économie québécoise. Bien sûr, bien sûr, rien n'est parfait, et les consultations des prochains jours serviront à bonifier cette pièce législative, mais il nous apparaît important de souligner dès maintenant tout le travail accompli. Mettre en oeuvre des mesures pour accélérer la réalisation de 181 projets d'infrastructure au PQI est une volonté qui est largement partagée par la communauté d'affaires québécoise. Ceux-ci seront des projets importants, vous le savez, pour le développement économique du Québec et de ses régions.

On peut penser notamment à la construction des maisons des aînés, la rénovation des CHSLD ou à des infrastructures électriques, routières et de mobilité durable, en somme, donc, des projets pour tous, mais surtout des projets partout, bref, un coup de pouce tangible à l'industrie de la construction afin de lui permettre de bien négocier les prochains mois. Réduire le fardeau administratif imposé aux entreprises dans l'obtention des autorisations et réduire le nombre d'intermédiaires au maximum entre les entreprises et l'État québécois constituent, selon nous, des facteurs de succès.

Nous demandons, d'ailleurs, dans la mesure du possible, et pour certains des éléments dont on discutera ce matin, que les mesures visant les projets identifiés dans le projet de loi puissent devenir des mesures permanentes pour l'ensemble des projets d'infrastructure publique, incluant ceux sous juridiction municipale, et que des actions soient prises en ce sens dès que possible, dans les prochains mois.

De plus, lorsqu'applicable, encore une fois, nous recommandons que le gouvernement se penche sur des mesures législatives et réglementaires similaires pour les projets du secteur privé pour accélérer la cadence des différentes autorisations nécessaires, et ce, encore une fois, sans atténuer l'importance des processus d'autorisation en place. Cette demande de nos membres transcende les secteurs d'activité et provient de toutes les régions du Québec.

Sur le plan environnemental, nul doute que ces projets de relance économique doivent s'accompagner de mesures qui visent à préserver la qualité de notre environnement et de nos milieux de vie sociaux. Selon notre compréhension du présent texte, le ministre de l'Environnement conserve tous ses pouvoirs de sanction prévus à la Loi sur la qualité de l'environnement, et la quantité de documents exigés par le ministère demeure intacte. Ceux-ci devront, d'ailleurs… pourront, d'ailleurs, être exigés au fur et à mesure que les projets avancent.

De plus, il serait souhaitable d'intégrer ultimement des critères environnementaux précis, objectifs, mesurables et pertinents dans le processus d'attribution des marchés publics de manière à favoriser le déploiement accéléré d'une économie sobre en carbone, résiliente, locale et circulaire. Et plusieurs Québécois le demandent, par ailleurs. Nous le savons tous.

Dans l'esprit de ces consultations, nous profitons de l'occasion offerte aujourd'hui pour vous présenter évidemment des demandes de bonification en lien avec le projet de loi n° 66. Comme il s'agit d'un projet de loi sur les infrastructures, nous ne pouvons passer sous silence une demande importante, presque éternelle, incontournable pour de nombreuses entreprises en construction, mais aussi pour des fournisseurs de services de l'État, par exemple dans le secteur de la santé ou des technologies de l'information. Je parle ici, vous me voyez venir probablement, des critères d'octroi dans les contrats publics.

À ce sujet, le fruit est plus que mûr et tous les ingrédients sont en place pour que le gouvernement, selon nous, agisse à ce titre. Nous demandons au gouvernement de présenter le plus rapidement possible les projets de règlement ou toute modification nécessaire au Secrétariat du Conseil du trésor afin que l'octroi des contrats publics mise désormais principalement sur des critères de valeur, comme la qualité, l'innovation, l'expertise, la durabilité, le résultat et des bonnes pratiques en matière de développement durable, plutôt, donc, que sur le fameux choix du plus bas soumissionnaire conforme.

Également, nous demandons que ces mesures deviennent permanentes et deviennent la façon pour l'État de valoriser convenablement le savoir-faire et aussi la prise de risque. Pour nous, le prix doit être un critère, mais ne devrait pas être celui qui prédomine le choix du soumissionnaire. La méthode du plus bas soumissionnaire peut engendrer, on le sait, on en a parlé dans plusieurs commissions parlementaires, certaines dérives et amener des impacts néfastes quant aux résultats des projets puisqu'elle revient souvent à choisir les solutions les plus bas de gamme. Résultat, les entreprises se voient dans l'obligation de choisir des composantes de moindre coût afin de correspondre au critère misant sur le prix dans l'octroi des contrats publics.

Ainsi, nous demandons à la présidente du Conseil du trésor d'appliquer les principes retrouvés dans la recommandation n° 2 du rapport de la commission Charbonneau, un rapport qu'elle connaît évidemment très bien, tout comme l'ensemble des parlementaires. Nous demandons également de considérer davantage les marchés publics comme des vitrines technologiques, un terme qu'on entendra plusieurs fois cette semaine probablement, et pour faire valoir les produits québécois, et donc, conséquemment, l'achat local.

En somme, sur ce point, il faut agir dans le dossier du plus bas soumissionnaire conforme. Et, pour ceux et celles qui seraient peut-être blasés de nous entendre parler de ce point depuis plusieurs années, je vous rassure que nous aussi, on a hâte d'arrêter d'en parler le plus rapidement possible.

À l'occasion du projet de loi n° 61, nous avions demandé en commission parlementaire de s'assurer que l'Autorité des marchés publics, qui vient de comparaître devant vous, d'ailleurs, puisse disposer des ressources nécessaires pour surveiller adéquatement les processus d'octroi et la gestion contractuelle des projets retrouvés en annexe. La FCCQ tient donc à mentionner qu'elle se réjouit des nouvelles mesures amenées par le projet de loi, sans retarder pour autant les processus d'autorisation.

Dans un autre ordre d'idées, la FCCQ demande au gouvernement de profiter du projet de loi n° 66 pour déposer à nouveau les amendements proposés dans le cadre du projet de loi n° 61, entre autres, dans la modernisation de la réglementation entourant les produits alcoolisés vendus par les restaurateurs, d'autant plus que, depuis le dépôt du projet de loi, le 23 septembre dernier, la situation a évolué rapidement, à preuve d'exemple la conférence de presse du premier ministre du 28 septembre dernier, créant la fermeture, donc, de plusieurs restaurants. Donc, l'augmentation du nombre de zones rouges, qui amène la fermeture temporaire, notamment, des salles à manger et des restaurants pour favoriser les services de livraison, devrait inciter le gouvernement, selon nous, à bouger très rapidement.

En juin dernier, nous nous réjouissions de constater que les choses avanceraient rapidement en mettant en place un cadre réglementaire qui permettrait aux tiers, donc, de livrer de l'alcool, un maximum de produits pour les clients, en étant considérés, donc, comme des mandataires du permis d'alcool, idem pour la diminution du prix du permis d'alcool saisonnier et des allègements réglementaires en matière de publicité.

Au niveau des allègements réglementaires, le gouvernement a l'occasion de faire d'autres améliorations, notamment grâce à l'article 36 du projet de loi n° 66. On pourrait ainsi revoir la réglementation actuelle qui ne permet pas à un producteur de vendre son produit sur place si celui-ci est supérieur à un taux de 20 % d'alcool. Bref, il faut trouver une voie pour rassurer nos restaurateurs rapidement et répondre positivement à leurs demandes qui nous apparaissent très légitimes.

Finalement, la crainte des évictions commerciales et de la saisie de leurs biens demeure réelle plus que jamais, même, chez bon nombre de locataires commerciaux, des locataires qui étaient, par ailleurs, en règle avant le premier confinement de mars dernier et qui font face à un manque important de liquidités pour des raisons évidentes. Plusieurs restaurateurs et tenanciers de bars, donc, en zone rouge sont évidemment du nombre. Nous comprenons la volonté de la présidente du Conseil du trésor de circonscrire son texte législatif autour des infrastructures, mais le projet de loi n° 66 est une occasion trop belle pour bouger rapidement et apporter des modifications législatives nécessaires sans attendre le dépôt d'un autre projet de loi omnibus qui mettrait du temps à être adopté et continuerait d'augmenter l'anxiété que vivent les locataires commerciaux.

En terminant, permettez-nous de souhaiter que les travaux de la commission, au cours des prochains jours, réussissent à générer des consensus pour permettre au projet de loi n° 66 d'apporter une contribution concrète à notre grand chantier collectif, donc celui de permettre à l'économie québécoise de réussir sa relance. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. Milliard. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre, qui dispose de 15 minutes.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci, M. Milliard, M. Noël, de votre présence et de votre témoignage. Je dois vous dire, d'entrée de jeu, que je vous remercie de la confiance que vous mettez en le projet de loi n° 66, à l'effet qu'il pourrait être adopté de façon rapide, mais je souhaite également qu'on ait des consensus. Puis je dois vous dire que, jusqu'à présent...

D'ailleurs, je souhaite la bienvenue à mon nouveau collègue qui est maintenant le porte-parole, au niveau du Parti québécois, la — troisième, deuxième? Troisième, excusez-moi — troisième opposition, au Conseil du trésor. Alors, bienvenue, bienvenue autour de la table. On l'aurait fait ce matin, mais bienvenue autour de la table, donc. Et je pense qu'on a… Dans les conversations qu'on a eues jusqu'à présent, là, on va être capables de dégager des consensus et des voies de passage pour respecter à la fois les objectifs d'accélération des projets que vous mentionniez être si importants, et surtout le respect des normes d'intégrité et environnementales, je me permets de le préciser.

Je peux peut-être vous demander... Effectivement, le projet de loi n° 66, vous avez raison, est ciblé sur l'accélération, qui était le «core business», si je peux le dire de cette façon-là, du projet de loi n° 61, qui comportait d'autres mesures. Je l'ai dit, ce matin, dans mes remarques préliminaires, je le réitère. Le projet de loi n° 66 ne se veut pas le projet de la relance économique. Je pense que c'est important de le préciser pour tous vos membres.

Vous avez mentionné certains aspects qui étaient dans le projet de loi n° 61, que vous aviez approuvés ou, en tout cas, pour lesquels vous aviez eu des bons commentaires, qui ne sont pas repris dans le 66. Je vous juste vous rassurer. Ils ne sont pas mis de côté présentement par le gouvernement, mais on a fait le choix, dans le 66, pour toutes sortes de raisons, de resserrer et de cibler sur les mesures d'accélération et la contrepartie, c'est-à-dire d'augmenter les pouvoirs de surveillance de l'AMP.

Donc, je n'entrerai pas plus… parce que ce sont les dossiers de mes collègues, mais je veux simplement répondre à votre questionnement par un signal positif sans en dire plus, à l'effet qu'on a bien entendu votre message et que ces mesures-là font encore partie des intentions.

Ceci étant dit, on va peut-être se centrer sur les mesures du projet de loi n° 66, si vous le permettez, et peut-être répondre à une inquiétude ou un commentaire qui transparaissait dans une question de mon collègue de La Pinière tantôt. Vous dites que... Comment vous percevez, donc, l'investissement… le devancement, premièrement, parce qu'on devance 181 projets. En réduisant les délais, nécessairement, les mises en chantier vont arriver plus rapidement. On a devancé des sommes également, des investissements massifs au PQI, pour en faire plus, de projets. Comment vous percevez ces investissements-là dans les infrastructures publiques comme étant un outil de relance économique? Est-ce que vous pensez que c'est une bonne façon de faire, de devancer ou d'investir dans des infrastructures pour aider une économie… pas le seul outil, mais un des outils de la relance économique?

• (11 h 30) •

M. Milliard (Charles) : Écoutez, oui, vous vous doutez probablement de ma réponse, effectivement, on pense que nous… Les projets d'infrastructure, c'est une bonne façon d'envoyer un signal positif. J'ai toujours eu l'impression que le projet de loi n° 66 ne représentait pas l'ensemble du plan de relance du gouvernement. D'ailleurs, on a plusieurs attentes qui n'auraient pas été répondues si ça avait été l'ensemble du plan de relance du gouvernement, entre autres sur toute la question du plan d'électrification et de l'économie verte, entre autres, qu'on attend avec intérêt.

Pour ce qui est des 181 projets, ce qu'on aime bien, nous, à la fédération, c'est la diversité de ces projets-là. Alors, je comprends qu'il y a plusieurs projets qui sont de nature routière, qui peuvent déplaire à certains groupes. Je pense qu'on peut le reconnaître d'emblée. Mais il y a aussi plusieurs projets de transport collectif, des projets qui sont assez structurants pour le futur de la société québécoise, comme les maisons des aînés, les CHSLD.

Alors, pour nous, ça nous apparaît être un bon mix, si on veut, pour stimuler la relance, mais pour l'ensemble des régions aussi, parce que je vous rappelle que nous, on a un souci qui est très, très élevé sur les régions éloignées, entre autres, et il y a plusieurs projets qui se retrouvent là-dedans. Alors, globalement, ça nous apparaît être un des leviers. Je vous mentionnais tout à l'heure que la recette miracle n'existe pas. On ne fera pas des miracles avec ce projet de loi là, mais je pense qu'on passerait à côté d'une belle occasion de ne pas lui donner suite.

Mme LeBel : O.K. Vous parlez des processus environnementaux qui sont accélérés. Est-ce que vous pensez que la façon dont le projet de loi propose d'accélérer certains processus environnementaux… Donc, on agit sur certains... à certains endroits du processus d'autorisation. Vous avez parlé de la documentation qui demeure la même. Est-ce que vous pensez ou vous êtes confiants qu'on est capables quand même de respecter les normes environnementales qui sont extrêmement importantes? Là, je le dis d'entrée de jeu… Et l'objectif n'est pas de bafouer ces normes environnementales là, mais de trouver de nouvelles façons de faire qui permettent à la fois d'être plus efficaces, efficients ou d'agir avec plus de célérité dans nos projets tout en respectant les enjeux environnementaux. Qu'est-ce que vous en pensez, de votre point... de votre coup d'oeil à vous?

M. Milliard (Charles) : Je laisserais peut-être mon collègue Philippe répondre. Mais je tiens à mentionner, par contre, que, pour nous, c'est évident que le ministre de l'Environnement conserve tous ses pouvoirs. Alors, la façon d'imposer des sanctions, des amendes peut changer dans le temps et permettre justement une économie de temps entre deux et 36 mois, mais peut-être, en moyenne, six mois, comme on l'a déjà mentionné. Mais, Philippe, je te laisserais répondre.

M. Noël (Philippe) : Oui, d'abord, bonjour. En fait, on a consulté aussi des entreprises entourant le dépôt du projet de loi. On a eu le temps de le faire. Tu sais, à notre compréhension, on parle vraiment d'accélérer les processus, pas d'atténuer leur importance. On parle de réduire les délais administratifs. Donc, comme notre P.D.G. le mentionnait, à l'article 64, il est prévu que le ministre de l'Environnement fasse une reddition de comptes. Il est quand même prévu aussi dans le projet de loi qu'il y ait des dépôts de documents, et qu'il y ait des sanctions, et qu'il y ait des vérifications… des amendes, des sanctions et qu'il y ait des vérifications qui se fassent en parallèle, sans retarder indûment, si on veut, le départ de certains projets. Donc, pour nous, c'est sûr qu'on accueille ça favorablement. Et on ne voit pas ça comme étant court-circuiter des processus, mais plutôt de réduire des délais administratifs.

Mme LeBel : Est-ce que les gens que vous avez consultés, effectivement, les entrepreneurs, en tout cas, là, vos membres constatent que, dans la loi actuelle, une des difficultés, si on veut, d'obtenir des autorisations environnementales, c'est que tous les projets sont traités de la même façon au niveau des autorisations environnementales, peu importe l'impact environnemental anticipé, que ce soit un impact faible, modéré ou un enjeu plus grand? Ce que j'en comprends… Et je veux voir, de votre expérience et les discussions avec les gens que vous représentez… C'est une des difficultés du processus actuel de la Loi sur la qualité de l'environnement. C'est-à-dire que… Je vais caricaturer, naturellement, mais, que ce soit de changer un ponceau ou de construire un pont, on en est au même processus environnemental avec des délais qui sont presque équivalents sans égard aux impacts environnementaux réels.

M. Noël (Philippe) : Oui. Non, effectivement, puis les délais, ça a toujours fait partie, en fait, si on veut, historiquement, même, des préoccupations qu'on entend beaucoup de la part de nos membres sur bon nombre d'autorisations. Quand on entend que le projet de loi, pour ces 181 projets d'infrastructure là, va permettre de gagner entre deux et 36 mois, peut-être six mois en moyenne, ce que j'avais entendu, d'ailleurs, c'est sûr que c'est accueilli favorablement. Ça fait partie de nos demandes traditionnelles depuis longtemps, d'avoir un régime d'autorisation environnemental qui est clair, prévisible, optimisé, moderne.

Et puis d'ailleurs le règlement sur l'encadrement d'activités en fonction de leurs impacts environnementaux, le REAFIE, nous, on l'avait… les dernières modifications, on avait accueilli ça quand même assez favorablement. Puis on sent que le projet de loi, dans le fond, s'inscrit un peu dans cette optique-là. Et puis on avait, encore là, consulté nos membres aussi à cette occasion-là. Et puis donc c'est pour ça qu'on accueille, quand même, globalement, favorablement le projet de loi, mais on amène certaines bonifications, comme notre P.D.G. vous l'a présenté.

Mme LeBel : Dans le fond, je suis contente que vous y faites référence. Je pense, le REAFIE, là, l'acronyme auquel vous faites référence, qui a été déposé par mon collègue en environnement, je pense, en février ou début mars, et qui devrait, en principe, entrer pleinement en vigueur d'ici décembre, si je comprends bien, bien, effectivement, les processus qui sont dans le projet de loi n° 66 s'inscrivent dans la même philosophie de qualifier les risques environnementaux et d'établir des processus d'autorisation en fonction du risque environnemental plutôt que de faire, pour reprendre l'expression que… de la Molson pour tout le monde, finalement. Donc, vous voyez, là, la similitude entre le REAFIE et la philosophie derrière les processus qui sont accélérés dans le projet de loi n° 66.

M. Noël (Philippe) : Oui, effectivement. Puis il y a quand même des demandes d'autorisation aussi à fournir en cours de route, là, lorsqu'il est question de différentes catégories, là. Je n'ai plus ça en mémoire, mais, il me semble, il y avait des milieux humides et hydriques à travers ça. Il y avait des… lorsqu'on était dans un ancien lieu de matières résiduelles aussi.

Mme LeBel : Contaminé, oui.

M. Noël (Philippe) : Contaminé, exactement. Donc, nous, évidemment, ça correspond à des demandes aussi qu'on avait auparavant, là d'alléger, en fait, le fardeau administratif entourant les autorisations environnementales.

Mme LeBel : Parfait, merci. Peut-être, en terminant… Mon collègue, tantôt, a fait référence au fait qu'il avait de la misère à se trouver un électricien ou un plombier, je ne sais plus trop lequel, mais… un électricien. Donc, l'appel est lancé. Je vais mettre ça sur mon Facebook également pour l'aider, mais l'appel est lancé, son numéro de téléphone est le…

Non, mais, sans blague, moi, ce que j'en comprends, il y a une différence entre le milieu de la construction dans le secteur résidentiel, et purement privé, résidentiel, tel qu'un électricien chez mon collègue, et ce que moi, je vais appeler le milieu industriel, que ce soit privé ou public. Et je comprends que les contrats dans le milieu industriel, je vais parler, bon, de construction d'usines, de routes, de bâtiments, d'édifices à bureaux, que ce soit privé, avec de l'argent privé ou des contrats publics… je comprends que, dans le secteur privé, les investissements privés s'essoufflent présentement et que les contrats qu'on est en train d'exécuter au moment où on se parle, ce sont des contrats qui étaient, je vais le dire de… prépandémiques, si je peux le dire comme ça, et que c'est bienvenu, là, l'accélération, et le devancement, et les investissements du public dans ces secteurs-là, parce qu'au contraire de mon pauvre collègue, qui ne peut pas se trouver un électricien, dans le secteur plus large que je vais appeler, moi, industriel, ce n'est peut-être pas le bon terme, vous me corrigerez, là, on anticipe une pénurie. Donc, les investissements publics vont ne faire qu'occuper une place que les investissements privés vont délaisser un peu avec les problèmes économiques qu'on connaît. Est-ce que c'est exact?

M. Milliard (Charles) : Bien, globalement, sans entrer dans les détails des problèmes électriques, je vous dirais qu'il y a effectivement certains métiers qu'il y a des problèmes de main-d'oeuvre un peu partout au Québec, mais il ne faut pas, je pense, faire le procès de l'ensemble de l'industrie de la construction ce matin en disant que l'industrie est à pleine capacité. Ce n'est pas le cas. En région, il y a encore beaucoup de travailleurs qui attendent avec grand plaisir plusieurs des 181 projets qui sont mentionnés dans le projet de loi. Donc, l'industrie de la construction, pour être bien honnête, n'est pas celui qui va le plus mal, hein? Donc, on aimerait bien qu'il y ait des projets d'accélération du secteur touristique, du secteur culturel aussi. Ce n'est pas le propos de ce matin, mais il y a certainement de la capacité pour répondre à tous ces besoins-là.

M. Noël (Philippe) : Oui, puis peut-être rajouter rapidement… Dans notre mémoire, à la fin, dans les deux dernières pages, on parle justement de la mobilité géographique des travailleurs pour répondre aux besoins en région. On veut qu'il y ait des changements à ce niveau-là, puis ça fait longtemps qu'on le demande. Donc, c'est des propositions qu'on vous fait justement pour aider à pallier à ces enjeux-là de main-d'oeuvre.

• (11 h 40) •

M. Milliard (Charles) : Puis je compléterais en disant qu'il y a un grand chantier de requalification de la main-d'oeuvre en ce moment au ministère du Travail, avec toute la société civile, un dialogue social qui va permettre justement certaines passerelles pour pouvoir combler des manques comme ceux qu'on peut peut-être… venir de mentionner.

Mme LeBel : Donc, en parallèle au projet n° 66, qui vient accélérer certains projets d'infrastructure… Puis, vous l'avez dit, ce n'est pas parce que c'est l'industrie de la construction qui est nécessairement en péril, mais c'est parce que c'est un des secteurs qui est reconnu pour générer beaucoup de retombées économiques aussi qui sont périphériques à l'industrie, toute la chaîne de fourniture d'équipements, de magasins, de, bon, tout ce qui va autour, manufacturière. Donc, un dollar investi dans la construction a beaucoup de retombées périphériques, si on veut. C'est un peu ce qui motive le choix dans le projet de loi n° 66.

Mais, encore une fois, je le mentionne, ce n'est pas la seule relance. On travaille également dans le secteur du tourisme. On travaille également dans le secteur de l'hôtellerie, de la restauration. Je veux rassurer tout le monde, mais ce n'est pas le projet de loi n° 66 qui est l'outil pour le faire. Donc, effectivement, on travaille sur les enjeux de requalification de la main-d'oeuvre pour s'assurer qu'il n'y ait pas de pénurie, là. Donc, je suis contente que vous le mentionniez. Je pense, ce n'est pas vendredi passé, d'ailleurs, qu'il y a eu une espèce de journée, là, sur cette... une journée de consultations sur ce sujet?

M. Milliard (Charles) : Voilà.

Mme LeBel : Parfait, merci. Je ne sais pas si vous aviez quelque chose que vous vouliez ajouter. Moi, ça fait un peu le tour des questions que je voulais voir avec vous.

M. Noël (Philippe) : Oui, bien, tout à l'heure... En fait, tout à l'heure, vous avez dit, d'entrée de jeu : Pourquoi on amenait les amendements, en fait, de nouveau dans ce projet de loi là? Parce que c'est un projet de loi qui se veut, puis on comprend très bien, axé sur les infrastructures, mais le projet de loi a été déposé le 23 septembre, et, le 28 septembre, le premier ministre est arrivé avec des mesures… pour les zones rouges, ce qui a entraîné, en fait, des fermetures de salles à manger, par exemple, pour les restaurateurs.

Donc, notre proposition allait un petit peu dans le même sens que le projet de loi n° 61, où on avait profité du projet de loi n° 61 pour déposer des amendements. Et donc on croit que le projet de loi n° 66 peut être un véhicule qui pourrait faire en sorte qu'on ait ces mesures-là… qui est souhaité puis ces amendements-là qui sont souhaités par l'industrie le plus rapidement possible. Donc, c'est pour ça qu'on faisait cette proposition-là. Mais on est tout à fait conscients que c'était limité aux infrastructures dans votre intention pour le projet de loi n° 66.

Le Président (M. Simard) : Merci.

Mme LeBel : Merci. Peut-être qu'il me reste quelques secondes simplement pour vous dire que je partage, et ce n'est pas un secret, votre opinion sur le fait qu'il faut revoir les règles d'adjudication de contrats. Maintenant, comment le faire? Il faut bien le faire, parce qu'une fois qu'on touche à la loi sur les contrats publics, on le sait, c'est quelque chose de très délicat. Donc, il faut le faire tout en s'assurant de l'intégrité des processus.

Donc, je veux simplement vous rassurer sur le fait que, la réflexion, elle est non seulement entamée, mais elle est très présente et active au sein du Secrétariat du Conseil du trésor. Et ce sera une réflexion aussi qui entraînera probablement en parallèle des modifications à la Loi sur l'Autorité des marchés publics, là, pour être sûrs de bien coordonner non seulement les mesures d'intégrité et d'attribution de contrats, mais le chien de garde, qui devra le faire. Donc, c'est une des raisons pour lesquelles on veut le faire, dans un deuxième temps. Donc, merci. Merci beaucoup de votre présence et de votre témoignage.

Le Président (M. Simard) : Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Milliard. Bonjour, M. Noël. Dans le fond, je trouve drôlement intéressant et j'apprécie que, dans votre présentation, vous ayez pris quelques minutes pour parler de tout ce qui concernait l'aide par rapport aux restaurants et l'allègement réglementaire. Bien qu'évidemment ça ne soit pas dans le projet de loi n° 66, là, je tiens à vous assurer que tout ce qui concerne ces amendements-là ne sont pas perdus, mais sont pilotés par, évidemment, la Régie des alcools et le ministère de la Sécurité publique. Alors, merci d'en avoir fait mention.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, très cher collègue. Nous sommes tapant dans le temps. M. le député de La Pinière, à vous la parole. Vous disposez de 10 minutes.

M. Barrette : Bien, je vais commencer par suggérer à la présidente du Conseil du trésor de bien regarder les camions d'électriciens, parce qu'en général c'est marqué «résidentiel, commercial, industriel». Alors, il est très probable que la dizaine d'électriciens que j'ai contactés font aussi du commercial et de l'industriel. Alors, ceci étant dit... Non, mais peut-être que vous, messieurs, ne l'avez pas vu non plus.

Alors, bienvenue, MM. Milliard et Noël. Alors, à mon tour de... Je vais aller directement au point, évidemment, parce qu'on a un petit peu moins de temps, nous autres. Nommez-moi, s'il vous plaît… Vous êtes la fédération de la chambre de commerce. Nommez-moi un seul projet qui, actuellement, est ralenti.

M. Noël (Philippe) : Bien, si je peux répondre… En fait, on ne voit pas de projet ralenti. On veut juste qu'ils soient accélérés, parce qu'il y a des délais qui peuvent aller jusqu'à 36 mois. C'est beaucoup trop comparativement à ce qu'on retrouve ailleurs, dans les autres États autour de nous.

M. Barrette : Je comprends, mais, par rapport à l'annonce d'un projet… C'est-à-dire, on était 202 projets, on était 181… Au moment où on se parle, tous les projets sont à l'endroit où ils sont, on peut s'entendre là-dessus, où ils devraient être, oui?

M. Noël (Philippe) : Bien oui. Bien, en fait, oui, mais on veut qu'ils soient accélérés, donc…

M. Barrette : Bon, je comprends. Je comprends. Maintenant, je vous... Maintenant, maintenant, maintenant, pouvez-vous me nommer, sur les 181 projets, là, en quoi la majorité des projets que vous mettez vous-mêmes dans le mémoire, là… La majorité des projets n'ont besoin ni d'expropriation, ni de BAPE, ni de l'AMP, on l'espère. Ils n'ont pas besoin de ça, là. Alors, à combien estimez-vous de projets, dans les 181, qui ont besoin soit d'un BAPE soit d'une problématique d'expropriation? Combien qu'il y en a, sur les 181, à votre avis, là?

M. Milliard (Charles) : Je comprends votre question, mais ce que je veux mentionner, c'est qu'il y a très peu de projets qui vont bénéficier de l'ensemble des mesures qui sont dans le projet de loi n° 66. Il y a un peu une espèce de menu, si on veut, là-dedans où chacun des projets va pouvoir avoir certaines mesures d'accélération. Alors, répondre à votre question, c'est plutôt difficile même si elle est bonne. Puis, pour le BAPE...

M. Barrette : Elle est bonne et elle n'est pas difficile, parce que la majorité n'en ont pas besoin. Alors, vous le savez, là, que la majorité des projets n'ont aucun enjeu d'expropriation. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Rénover un bloc opératoire, ça ne demande pas une expropriation ni un BAPE, et la majorité des projets qui sont là sont en santé et en éducation. Et j'irais même jusqu'à dire que la majorité des projets de voirie sont… c'est de la réfection de l'existant. Il y en a, des projets qui ont des enjeux d'expropriation, on s'entend, ainsi que de BAPE, mais c'est une très petite minorité.

Alors, si on a à accélérer des projets pour relancer l'économie, la majorité des projets, ils sont lancés. Ils ont un budget. Ils ont des contingences et ils vont de l'avant tel que prévu, là. Au moment où on se parle, moi, je peux… Puis dites-moi le contraire si je me trompe, là, les maisons des aînés, les terrains sont tous soit acquis soit en voie d'acquisition. J'ai fait le tour, moi, là, là, ils sont quasiment tous acquis. Les écoles, les problématiques des écoles, elles ont des lois d'expropriation. Là, il y a des litiges sociaux parce que, c'est bien plate, mais, quand la commission scolaire, qui a le pouvoir d'exproprier un parc... ça se peut que la population dise : Les nerfs, Lionel! Mais ça, ça n'a rien à voir avec la loi n° 66, et le pouvoir est là, et ainsi de suite. Bon, je... oui, allez-y.

M. Noël (Philippe) : Pour le BAPE, rapidement, c'est uniquement les projets en transport, les projets énergétiques puis les projets privés qui sont touchés par ça. Donc, c'est un certain nombre de projets sur les 181. Vous avez raison là-dessus. Mais, nous, ce qu'on voit, c'est qu'il n'y a pas juste de l'expropriation qui se voit bénéficier des mesures d'accélération, il y a le domaine de l'État, il y a les évaluations environnementales, il y a toute mesure d'urbanisme et aménagement du territoire. Donc, c'est plus loin que les expropriations, donc, pour préciser.

M. Barrette : On s'entend, là, mais mon point...

M. Noël (Philippe) : Mais on n'a pas fait l'analyse exhaustive projet par projet, pour répondre précisément à votre question.

M. Barrette : Bien oui, mais… voilà, mais la réalité, là, c'est que c'est un projet de loi limité qui est présenté comme de la relance économique, puis c'est correct, mais les éléments qui sont les enjeux ne concernent qu'une minorité presque infime de projets. C'est juste ça, mon point.

Maintenant, j'aimerais ça aborder un autre sujet, là, qui est bien simple... en fait, qui n'est pas simple du tout. Vous avez évoqué à la fin de votre mémoire la question de la mobilité de la main-d'oeuvre. Là, vous allez m'expliquer ce que vous voulez dire par là, parce que j'entends au loin un certain Rambo Gauthier qui n'est probablement pas d'accord avec votre affirmation. Pouvez-vous me dire ce que vous voulez faire avec ça, là?

M. Milliard (Charles) : Veux-tu commencer, Philippe?

M. Noël (Philippe) : Bien, en fait, ça revient à une demande traditionnelle qu'on avait, là, c'est depuis longtemps… Puis je sais qu'il y a plusieurs débats ou discussions, puis on a, d'ailleurs, un collègue ici, à l'interne, qui s'occupe spécifiquement des enjeux de main-d'oeuvre là-dessus, mais on s'inquiétait, en fait, de la disponibilité en région de la main-d'oeuvre. Et une des solutions qu'on a beaucoup poussée puis qu'on entend beaucoup des employeurs en région, c'est : Amenez-nous de la main-d'oeuvre, amenez-nous des travailleurs. Et, évidemment, en ce moment, bien, la mobilité géographique et professionnelle de ces travailleurs-là, bien, c'est limité pour circuler de région en région. Donc, dans les deux dernières pages de notre mémoire, on a vraiment, vraiment élaboré là-dessus, puis on pourra vous revenir avec des éléments supplémentaires, si vous le souhaitez, mais ça fait partie longtemps d'un débat qu'on souhaite amener, c'est d'amener des travailleurs en région.

M. Barrette : On s'entendra que le débat va dans les deux sens, n'est-ce pas?

M. Noël (Philippe) : Oui, absolument.

M. Milliard (Charles) : Tout à fait.

M. Barrette : M. le Président, mon collègue a absolument une question à poser. Je vais lui passer la parole puis, s'il me reste du temps, je reviendrai.

Le Président (M. Simard) : Très volontiers. M. le député de Mont-Royal—Outremont, vous disposez de quatre minutes.

• (11 h 50) •

M. Arcand : Oui? Bon, bien, je vais faire ça rapidement. J'aimerais, d'abord, aborder la question qui sera probablement la question centrale durant cette discussion que nous aurons au cours des prochaines semaines sur le projet de loi n° 66, c'est, bien sûr, la question de l'environnement. Sur la question de l'accélération, je me rappelle très bien qu'en 2016‑2017, avec l'appui, d'ailleurs, de la Fédération des chambres de commerce, et même des groupes environnementaux, on avait adopté un projet de loi qui s'appelait le projet de loi n° 102, sur l'accélération et la modernisation du régime environnemental. Le but avoué était à ce moment-là, évidemment, de pouvoir faire les choses un peu plus rapidement de ce côté-là. La fédération l'avait approuvé. Qu'est-ce qui, à votre avis, actuellement, fait en sorte que ce n'est encore pas assez efficace à votre goût? Quels sont les problèmes que vous rencontrez le plus régulièrement par rapport à ça?

M. Milliard (Charles) : Tu commences, Philippe, ou j'y vais?

M. Noël (Philippe) : Bien, je peux répondre. En fait, c'est vraiment une observation générale qu'on entend beaucoup, même, dans les deux, trois dernières années. Le projet de loi n° 102, vous l'avez dit, je pense, ça fait trois, quatre ans, là, de ça, mais, dans les dernières années, on l'entend encore, c'est que ça prend du temps à mettre en oeuvre des projets au Québec parce qu'il y a une série d'autorisations. Et là je ne parle pas juste des projets d'infrastructures publiques, parce que je sais que c'est un projet de loi qui touche les infrastructures publiques, mais, aussi, dans le domaine privé, c'est que ça prend du temps à obtenir les autorisations, notamment, environnementales, mais toutes les autorisations de nature administrative.

Et là on a un projet de loi qui nous dit : Regardez, on fait un projet pilote — nous, c'est comme ça qu'on l'interprète — avec 181 projets. On va voir ce qui fonctionne, ce qui peut être applicable, puis, tu sais, ça va nous permettre d'analyser, au final, par rapport aux autorisations environnementales, qu'est-ce qu'on peut mettre en oeuvre pour s'assurer que les délais soient réduits autant que possible. Si on se compare avec les États autour de nous, puis là je parle des États au nord-est des États-Unis, dans d'autres provinces également, bien, les délais sont courts, là, sont courts comparativement à nous. Donc, pour attirer des investissements, notamment, privés, puis là je vais parler plus pour le secteur privé, là, pour des projets privés, ça peut représenter un obstacle.

Donc, nous, ce qu'on demande, c'est... On comprend que les projets touchent des infrastructures publiques dans ce projet de loi là. Est-ce qu'il peut être applicable, ultimement, éventuellement, aux autres projets publics, mais aussi à des projets privés, à des projets municipaux… bien, que ça puisse inspirer peut-être des modifications éventuellement, et voyons voir si ça réduit vraiment les délais. On entend de deux à 36 mois de délais qui pourraient être réduits avec ce projet de loi là. Donc, nous, c'est sûr que ça nous emballe. Les entreprises qui soumissionnent autant dans la construction, les fournisseurs, l'ingénierie, les entreprises qui vont soumissionner pour ces contrats-là, bien, c'est un incitatif supplémentaire à pouvoir soumissionner.

M. Milliard (Charles) : Puis évidemment la question environnementale va dans les deux sens. Donc, il y a une accélération de certains délais administratifs, mais il y a aussi la question d'intégrer les critères environnementaux aussi dans la sélection des entreprises qui ont des contrats publics. Donc, ça aussi, on va en parler cette semaine, entre autres, là, dans le cadre de la comparution du G15+.

M. Barrette : Il me reste 30 secondes. Ma question est d'une très grande simplicité. Elle se répond par oui ou par non. Dans votre expérience, la lenteur induite par les procédures environnementales sont-elles causées par la procédure elle-même ou la lenteur des officiers gouvernementaux à faire leur travail?

M. Noël (Philippe) : Bien, en fait, c'est dans les deux cas. Moi, j'ai entendu : Les deux côtés.

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Noël (Philippe) : Donc, les deux côtés.

M. Barrette : Alors, moi, je postule bien aimablement que le gouvernement est lent, mais la procédure est correcte, et, si le gouvernement se dotait...

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Barrette : ...d'une force de travail suffisante, on n'en serait pas à parler de ça aujourd'hui.

Le Président (M. Simard) : Merci. M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Oui, bonjour. Merci d'être là, messieurs. J'ai fait quelques petites recherches, là. Je vois qu'il y avait des articles, dès la fin mai, qui se titraient notamment Construction : la pénurie de la main-d'oeuvre reprend de plus belle. Ça, c'était dans Le Journal de Montréal. Il y avait des exemples assez patents, là, d'entrepreneurs, là, qui cherchaient, là, jusqu'à 15 personnes pour leurs chantiers, pour leurs contrats. Et il y avait là des délais qui étaient causés non pas par qui le BAPE, qui les expropriations, là, c'était clairement la pénurie de main-d'oeuvre. Le 31 mai, là, on venait juste de rouvrir. Qu'est-ce qu'il y a dans le... À supposer qu'on s'entende, là, que la pénurie de la main-d'oeuvre, c'est le problème principal en ce moment, là, surtout si on lance de très grands chantiers qui vont attirer beaucoup de main-d'oeuvre, qu'est-ce qu'il y a dans le projet de loi n° 66 qui va régler ce problème-là?

M. Milliard (Charles) : Bien, écoutez, au niveau de la pénurie de la main-d'oeuvre, c'est certain que ce n'est pas le projet de loi n° 66 qui va régler tous les enjeux de qualification, de passerelle pour combler certains enjeux dans certains corps de métier de la construction. Mais je m'étonne un peu du discours ce matin, où on veut... On dirait qu'on veut décider que l'industrie de la construction est à saturation, là, mais je pense que le milieu de la construction va répondre présent aux projets qui vont être proposés. Et ce n'est pas nécessairement à nous, ce matin, de poser un jugement sur l'ensemble de l'industrie de la construction, mais je laisserais Philippe peut-être compléter.

M. Noël (Philippe) : Rapidement, notre lecture du projet de loi, en fait, c'est simplement de réduire les délais administratifs. Donc, c'est… On ne parle pas... Je ne pense pas qu'il y ait de mesures qui soient prévues pour la main-d'oeuvre dans ce projet de loi là, là. Si vous voulez en proposer, on fait des propositions dans notre mémoire à cet effet-là, notamment la mobilité géographique, les crédits aussi pour les frais de déménagement, entre autres, là. Donc, voilà.

M. Marissal : Oui, ça, ça va, mais ce n'est pas du tout dans le 66. Vous le dites vous-mêmes, là. Mais ce qu'il y a dans le 66… Dans votre proposition, en tout cas, ce n'est pas dans le 66, je me rétracte, là, c'est dans votre proposition, c'est d'étendre ça au privé, notamment. Alors là, est-ce que le proverbial chat ne sort pas du sac? En fait, ce que vous cherchez, c'est une accélération généralisée, y compris des contrats privés?

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Noël (Philippe) : Non, en fait, c'est que ça puisse inspirer, dans un deuxième temps, des mesures qui fonctionnent puis qui sont applicables… pas l'ensemble des mesures, mais qui sont applicables au secteur privé, que ça puisse inspirer d'autres mesures éventuellement. On ne demande pas ça dans ce projet de loi là spécifiquement, juste pour être clair là-dessus.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Alors, merci beaucoup de votre présence. Vous avez fait mention à plusieurs reprises, et la ministre également, du REAFIE, là, le fameux règlement sur l'application de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui n'a été adopté officiellement que le 2 septembre. Alors, avant de procéder à des modifications législatives qui concernent les processus d'autorisation environnementale, est-ce qu'on ne pourrait pas laisser un peu le temps au fameux REAFIE, au règlement, de s'appliquer pour voir là où, réellement, il y a des soi-disant retards dus au processus d'autorisation environnementale?

M. Noël (Philippe) : Bien, en fait, l'idée, c'est… Comme c'est un… De notre perspective, c'est un projet de règlement, en fait, qui est en cohérence, en fait, avec ce qui est annoncé dans le projet de loi n° 66 pour les régimes d'autorisation environnementale. Donc, de notre perspective, c'est pour ça qu'on l'appuie puis qu'on utilise, en fait, les mêmes arguments que dans le cas du REAFIE.

M. Gaudreault : Oui, bien, en fait, ce n'est plus un projet de règlement, là. Il a été adopté. Alors, moi, je veux juste savoir : Vu qu'on a ce règlement qui est réellement en vigueur, qui est maintenant en vigueur, est-ce qu'on a réellement besoin de toutes ces procédures-là, de ces changements législatifs en matière d'environnement, ou est-ce qu'on peut juste laisser appliquer enfin le règlement qu'on attendait depuis longtemps, quand même, depuis l'adoption, effectivement, de la loi n° 102?

M. Noël (Philippe) : En fait, c'est que... Puis je sais que le règlement est maintenant en vigueur, là, mais en fait c'est que c'est de permettre aussi qu'il y ait des analyses qui soient déposées en cours de réalisation, en cours d'analyse. Quand vient le temps, notamment, de faire les plans et devis, quand vient le temps juste d'analyser un peu les terrains, de faire les relevés de terrain, en fait, c'est de ne pas attendre l'analyse… soit réalisée pour pouvoir le faire. Donc, on peut aller de l'avant sans qu'il y ait d'impact nécessairement sur l'environnement, et puis je pense qu'on fait un pas un peu plus loin pour certains projets, et puis ça correspond vraiment à un souhait des entreprises qu'on a entendues, nous, de notre côté, à la Fédération des chambres de commerce du Québec.

M. Gaudreault : Parfait. Je veux juste savoir… Vos propos à la page 4, là, sur la fuite des capitaux dans le contexte des crédits carbone, également vos recommandations à la page 11..

Le Président (M. Simard) : Rapidement, s'il vous plaît.

M. Gaudreault : …les huit recommandations, est-ce que vous en faites des propositions formelles d'amendements que vous voulez voir intégrer dans le projet de loi n° 66?

M. Noël (Philippe) : En fait, nos recommandations...

Le Président (M. Simard) : Très rapidement.

M. Noël (Philippe) : Bien, idéalement, oui, en fait, on veut que le gouvernement profite de ce projet de loi là pour mettre en place les mesures.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup. M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : M. Milliard, M. Noël, merci d'être avec nous. On prend connaissance de vos demandes traditionnelles. Effectivement, on sent un petit peu de déception dans le fait que ça touche 181 projets puis c'est des mesures d'accélération. Mon collègue de La Pinière vous l'a dit, ce n'est pas parce que les processus ne sont pas corrects, c'est la machine qui ne suit pas, c'est la main-d'oeuvre qu'on n'a pas. Et vous vous êtes un peu résignés à ce que la ministre vous a dit, que ça va être juste pour ces 181 projets-là. Si les parlementaires qui auront à étudier le projet de loi... Si vous aviez une de vos suggestions à nous recommander, qu'on devrait pousser pour... si jamais la ministre avait une ouverture d'amendement quelconque, ça serait laquelle dans tout ce que vous nous avez dit?

M. Noël (Philippe) : Bien, est-ce que vous parlez des projets, notamment?

M. Ouellette : Non, je ne parle pas des projets. Je parle de vos suggestions, là. Vous avez parlé de toutes les dispositions de la loi de la régie. Vous avez parlé d'éviction commerciale. Vous avez parlé de ça. S'il y en avait une, là-dedans, là, si on réussissait à convaincre la ministre, vous nous suggéreriez laquelle dans ceux que vous avez faits?

M. Milliard (Charles) : La question sur l'octroi des contrats publics et les critères, c'est majeur pour nous. On comprend que ça viendra dans un autre. J'ai cru comprendre ça. Je vous dirais que la question sur les restaurateurs et la vente de produits alcoolisés, c'est primordial pour plusieurs personnes, et chaque jour qu'on attend, c'est des pertes de revenus et des façons qu'on pourrait les aider… que c'est très tangible.

• (12 heures) •

M. Noël (Philippe) : Et puis, cet été, dans nos discussions avec le gouvernement, lorsqu'il était question des évictions commerciales, on nous a dit clairement, puis on a essayé de trouver des solutions avec le gouvernement, que c'étaient des modifications législatives que ça prenait, et non pas réglementaires. Donc, c'est pour ça aussi qu'on l'a mis dans nos priorités également, parce que c'est une crainte de certains locataires commerciaux, je vous dirais, qui sont membres chez nous. Merci.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, M. Noël, M. Milliard, merci beaucoup pour votre précieuse contribution à nos travaux.

Sur ce, nous allons suspendre et nous revenons cet après-midi, après les affaires courantes, vers 15 h 30. À plus tard.

(Suspension de la séance à 12 h 01)

(Reprise à 15 h 37)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers amis, à l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que nous avons quorum. Nous allons donc reprendre nos travaux.

Comme vous le savez, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 66. Alors, cet après-midi, nous entendrons trois organisations et trois fois par visioconférence. Nous allons entendre l'Association de la construction du Québec, la Coalition contre les retards de paiement dans la construction et l'Union des municipalités du Québec.

Y aurait-il consentement afin de poursuivre au-delà de l'heure prévue nos travaux puisque nous avons légèrement commencé en retard? Il y a consentement, très bien. Alors, nous sommes... Oui?

M. Barrette : Ayant un débat de fin de séance, nous finirions à quelle heure?

Le Président (M. Simard) : Je ne sais pas. Je vais valider l'information.

M. Barrette : On pourrait ne pas pauser.

Le Président (M. Simard) : Oui, je vous écoute.

M. Barrette : Ne pausons donc pas, comme ça on pourra arriver à temps…

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Barrette : C'est bon, ça? Tout le monde est d'accord? Tout le monde est d'accord. Nous ne pausons pas.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, voilà. Donc, nous recevons maintenant l'Association de la construction. Nous sommes en compagnie de messieurs… de Me Hamel et de monsieur... Ça va bien, quand on n'a pas ses lunettes, c'est toujours ça qui arrive.

Une voix : Arbour.

• (15 h 40) •

Le Président (M. Simard) : Bien oui. On s'était parlé au préalable. Alors, messieurs, bienvenue. Vous disposez de 10 minutes. Nous vous écoutons.

Association de la construction du Québec

(Visioconférence)

M. Arbour (Jean-François) : M. le Président, Mme la ministre, messieurs et madame les membres de la commission, comme vous l'avez mentionné, je suis Jean-François Arbour, ingénieur et entrepreneur depuis plus de 25 ans, et président du conseil d'administration de l'Association de la construction du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui de Me Pierre Hamel, directeur des affaires juridiques et gouvernementales de notre association.

Je voudrais d'abord remercier la commission de nous donner l'opportunité de présenter nos commentaires et recommandations visant le projet de loi n° 66, à l'égard duquel l'ACQ est, à quelques exceptions près, favorable. Le projet de loi vise la réalisation de plusieurs projets importants d'infrastructures qui sont au coeur des préoccupations quotidiennes des Québécois et Québécoises, à savoir la santé et l'éducation. L'industrie souhaite y participer pour en faire un véritable succès. Nos recommandations portent sur les moyens pour y arriver car, au-delà des enjeux reliés aux processus d'expropriation et aux impératifs environnementaux, il faudra bien les réaliser, ces projets.

En cette période des plus instables, au-delà des liquidités, nos entreprises, tout comme les donneurs d'ouvrage, ont besoin, fondamentalement, de prévisibilité. Pour obtenir cette prévisibilité, les donneurs d'ouvrage s'assurent que tous les risques sont supportés ou seront supportés contractuellement par les entrepreneurs. Nous, les entrepreneurs, devons soumissionner de tels risques, alors que nous peinons à faire reconnaître les coûts reliés à l'arrêt des travaux en mars dernier. Nous peinons à faire reconnaître les coûts supplémentaires reliés à la protection des chantiers, à la reprise des travaux et aux mesures mises en place pour protéger les travailleurs et tous les intervenants. Nous peinons à faire reconnaître les frais supplémentaires requis pour faire appliquer les consignes de la santé publique sur les chantiers. Nous devons éponger des pertes importantes sur les contrats en cours suite à la flambée fulgurante des prix de certains matériaux. Nous devons assumer les frais supplémentaires reliés aux délais de livraison, alors que la chaîne d'approvisionnement ne se remet pas encore de l'impact de la première vague. Les douanes canadiennes imposent une quarantaine à toutes les importations et le COVID fait encore des dommages chez nos voisins du Sud. Nous travaillons également pour les municipalités, qui sont aussi affectées par cette pandémie.

Bref, seule l'aide gouvernementale fédérale et provinciale obtenue jusqu'à ce jour aura permis aux entreprises de se maintenir à flot et aura limité l'impact de la pandémie sur les projets qui étaient en cours lors du premier confinement. Pour continuer, nos entreprises ont un urgent besoin de prévisibilité, prévisibilité dans les projets annoncés, prévisibilité dans les technologies adoptées par les donneurs d'ouvrage, prévisibilité à l'égard de l'ampleur des risques pour lesquels nous devons nous engager et prévisibilité dans la réception des paiements. Seul le gouvernement peut véritablement offrir ou mettre en place des mécanismes favorisant cette prévisibilité, et c'est ce que nous vous demandons aujourd'hui, pourvoir aux besoins de liquidités des entreprises en adoptant un calendrier, un processus et un cadre de règlement de différends rapide afin de limiter les délais de paiement pour tous les projets, permettre l'accès aux marchés publics au plus grand nombre d'entreprises en limitant le regroupement des projets, surtout en région, harmoniser les pratiques contractuelles de l'ensemble des donneurs d'ouvrage publics en donnant plus de pouvoirs à l'Autorité des marchés publics à cet égard et d'accompagner les entrepreneurs en matière de développement technologique en diffusant les choix des donneurs d'ouvrage publics et permettre aux entreprises du Québec d'acquérir et de maîtriser ces technologies.

C'est dans ce contexte que l'ACQ suggère aux membres de la Commission des finances publiques d'amender le projet de loi n° 66 afin de tenir compte de ces recommandations. Merci de votre attention. Et je cède maintenant la parole à Me Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Merci, M. Arbour. Alors, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, la semaine dernière, un court sondage a été effectué auprès de nos entrepreneurs membres de différents comités, tous actifs dans le secteur institutionnel, afin de connaître leurs préoccupations pour la prochaine année. Partout au Québec, les réponses sont les mêmes : délais de paiement, pénurie de main-d'oeuvre, coût des matériaux et remboursement des impacts de la COVID. Et ils ont raison d'être inquiets.

Les appels d'offres en cours actuellement illustrent comment seront traitées les demandes de paiement. Selon les termes employés dans les documents mêmes de ces appels d'offres, ils seront payés, par exemple, dans les 30 jours suivant son acceptation de la facture, alors qu'aucun délai n'est prévu pour l'acceptation de la facture, ou encore le gestionnaire de projet règle normalement toute demande de paiement de l'entrepreneur dans les 60 jours qui suivent la date de la fin de la période, ou même, après vérification, le propriétaire règle normalement les demandes de paiement de l'entrepreneur dans les 30 jours… dans les 35 jours, dis-je, qui suivent la date de la fin de la période, alors qu'aucun délai n'est prévu pour cette vérification et certaines exigences font en sorte que les retards de paiement sont inévitables.

Pour ce qui est du coût des matériaux et des impacts éventuels de la COVID, ils ont également raison d'être inquiets. Les rédacteurs de devis semblent s'entendre sur des formulations telles que les conditions climatiques, la pénurie de main-d'oeuvre ou de matériaux ne seront pas considérées comme des causes de prolongation du délai d'exécution, ou encore, un autre exemple, le prestataire de services renonce à invoquer la COVID-19 auprès de l'organisme public comme constituant un cas de force majeure. Il accepte d'assumer les coûts directs et indirects en découlant. Pour ce qui est de la pénurie de la main-d'oeuvre, bien que la situation particulière que l'on vit semble, à première vue, changer la donne, trouver de la main-d'oeuvre qualifiée demeure toujours un enjeu pour nos entrepreneurs.

Mais aujourd'hui le gouvernement a l'occasion de lancer un signal clair. Le temps des projets pilotes est terminé. Passons à l'adoption d'une loi-cadre en matière de paiements pour tous les projets de construction au Québec. L'industrie ne souhaite certainement pas un autre cinq ans de projets pilotes. Et la mise en place devrait se faire de façon relativement simple puisque plusieurs donneurs d'ouvrage apparaissant aux projets écrits à l'annexe I réalisent déjà plusieurs projets pilotes actuellement en cours. Voilà notre principale recommandation, et, selon nous, c'est de loin la plus importante.

Pour le reste, j'invite les membres de la commission à consulter notre mémoire et je vous remercie pour votre attention.

Le Président (M. Simard) : Alors, messieurs, merci à vous deux. Je cède immédiatement la parole à Mme la ministre.

Mme LeBel : Oui, merci, M. le Président. Merci, messieurs. Merci, M. Hamel. On se connaît déjà. On a eu l'occasion de travailler ensemble, là. Vous avez été… Vous avez représenté l'ACQ devant la commission d'enquête. Donc, je connais toujours le sérieux de vos démarches et de vos recommandations. Donc, elles sont prises avec beaucoup de sérieux, vous le comprendrez, mais elles ne pourront pas toutes être adressées dans le projet de loi n° 66, naturellement. Et je pense que c'est important, pour moi, de mettre la table. J'ai toujours travaillé de cette façon-là. On peut faire des améliorations aux processus qui sont prévus dans le projet de loi n° 66. Donc, on peut en discuter, naturellement, mais j'ai bien compris.

Là, peut-être… Je vais peut-être vous demander d'élaborer un peu plus, parce que vous n'avez quand même pas pris tout votre temps, mais de m'expliquer un peu plus… Même si je pense que ce n'est peut-être pas dans le projet de loi n° 66 qu'on pourra régler cette situation-là, ça m'intéresse pour la suite des travaux, parce qu'on va… Je l'ai annoncé, d'entrée de jeu, ce matin, on est en train de regarder avec beaucoup de sérieux la loi sur les contrats publics, la loi sur l'autorité des marchés de... l'autorité… l'AMP, pardon, donc, de voir comment on peut y apporter des améliorations. Vous parlez de donner plus de pouvoirs à l'AMP. Vous parlez de peut-être regarder aussi les clauses qui se font dans les appels d'offres, parce que, là, on est vraiment au niveau contractuel, de quelle façon les clauses sont rédigées.

Donc, ça m'intéresse, peut-être, que vous me donniez un peu plus d'exemples concrets. Vous avez dit : Bon, beaucoup de donneurs d'ouvrage mettent des clauses qui sont difficiles pour les entrepreneurs dans ces temps de pandémie. Peut-être me donner un exemple concret, un type d'appel d'offres, et pour quel type de construction, et quel est l'impact que ça a sur vos membres à ce moment-là, pour me permettre d'avoir peut-être une compréhension plus globale, là, de la situation.

M. Hamel (Pierre) : M. le Président, donc, essentiellement, on a donné une série d'exemples en annexe...

Mme LeBel : Dans votre mémoire.

M. Hamel (Pierre) : …à notre mémoire, là, effectivement, qui sont tous des projets qui sont du secteur institutionnel, qui ne sont manifestement pas dans l'annexe I, mais que c'est le genre de projets qui pourraient être prêtés. Et ça fait en sorte qu'essentiellement l'Autorité des marchés publics, actuellement, a un pouvoir en matière de cadre normatif. Le cadre normatif, c'est la façon dont l'appel d'offres est fait. C'est le mode d'adjudication : est-ce que les dispositions ont été adoptées? Et, un peu plus large, c'est : est-ce qu'il y a concurrence, hein? Est-ce qu'on a permis aux entrepreneurs d'être concurrentiels et que les conditions qui permettent l'appel d'offres permettent la concurrence?

Nous, on veut aller un pas plus loin, parce qu'il n'y a personne au Québec qui harmonise les conditions contractuelles, qui sont tout aussi importantes et qui peuvent avoir des... qui peuvent causer des dommages importants aux entrepreneurs ou, en tout cas, à leur… à la responsabilité qu'ils assument sans le savoir. Il y a beaucoup de clauses dans les contrats, et il y a en quelques-unes, là… On n'a pas tout sorti les clauses. On a juste pris celles relativement aux délais de paiement et celles relativement à la clause de la COVID, mais il y a toutes sortes de clauses qui déchargent l'entière responsabilité des professionnels, des donneurs d'ouvrage sur l'épaule des entrepreneurs, qui, eux autres, pour travailler, soumissionnent et s'aperçoivent, là, que les clauses sont débalancées.

Et il y avait un travail très intéressant qui avait été débuté par le Secrétariat du Conseil du trésor sur la question, O.K., le programme Passeport Entreprises, qui a été entamé en 2015, et à l'égard duquel il y a certaines balises, des exigences contractuelles, en construction, qui devraient être respectées dans les différents devis.

Donc, le fait qu'une commission scolaire, une université, le MTQ, la SQI, un hôpital ont à peu près des... ont des clauses tout à fait différentes qui varient quant aux délais de paiement, quant à la façon de payer, quant au mode d'attribution, par exemple, de choix d'équipement, ou etc., donc, ça varie énormément d'une à l'autre et, dans plusieurs cas, c'est uniquement à l'avantage du donneur d'ouvrage.

Alors, nous, on se retrouve dans la situation où on demande que tout l'ensemble des projets soit couvert par les dispositions de l'arrêté ministériel, mais, si on ne les a pas, c'est-à-dire si on n'a pas déjà la protection de l'arrêté ministériel, c'est-à-dire les clauses qui sont reliées au paiement, la façon de les demander et les règlements des différends, bien, on se retrouve dans la situation où on a juste, comme cadre contractuel, le règlement sur les contrats de construction des organismes publics. Et l'AMP peut juste intervenir dans le cadre normatif. Il ne peut pas aller dans le cadre contractuel. Nous autres, on pense que la réflexion devrait aller un peu plus loin et devrait, à tout le moins, permettre l'analyse de ces clauses-là et permettre d'intervenir si elles ne doivent pas être incluses à ces contrats-là.

• (15 h 50) •

Mme LeBel : O.K. Est-ce que vous avez... Vous n'avez pas... Est-ce que vous avez… Je suis convaincue que vous l'avez fait, là, mais les pouvoirs, présentement, additionnels qui sont attribués à l'AMP dans le cadre du projet de loi n° 66, pouvoirs qui ne sont disponibles, pour l'AMP, que pour les projets de la liste en annexe, les 181 projets, est-ce que vous considérez que ces pouvoirs-là répondent en partie à ce que vous venez de mentionner sur ce que l'AMP devrait faire? Parce que je dois avouer, Me Hamel, qu'il est difficile pour moi de comprendre comment l'AMP pourra se mêler de l'uniformisation des clauses contractuelles. On parle de contrats entre deux parties. Je peux comprendre que vous ayez des demandes et qu'il faut faire un chantier là-dessus.

D'ailleurs, dans ma sous-question, ça va être, peut-être, d'élaborer un peu plus sur ce que vous venez de dire, sur les travaux qui avaient été entrepris par le Secrétariat du Conseil du trésor, ça m'intéresse, et peut-être de m'expliquer qu'est-ce qu'il en est advenu de ces travaux-là pour voir comment on peut, effectivement, peut-être, uniformiser les clauses dans les contrats de construction pour permettre à plus d'entrepreneurs d'y répondre, de ne pas non plus toujours favoriser les mêmes joueurs. Je pense que c'est un des objectifs d'intégrité des marchés publics que je partage.

Maintenant, ça va demander, je pense, des consultations, à tout le moins, des discussions qui sont plus élargies que les objectifs du projet de loi n° 66, là, qui intervient sur quatre processus, je l'ai bien mentionné : expropriation, domaine de l'État, urbanisme, etc., et les autorisations environnementales. Mais peut-être me donner un peu plus de contexte là-dessus. Puis je reviendrai avec mon autre question sur le projet pilote sur le devancement des paiements.

M. Hamel (Pierre) : Essentiellement, les nouvelles dispositions de l'Autorité des marchés publics favorisent nécessairement l'intervention de l'Autorité des marchés publics. Elles donnent plus de mordant dans, je dirais, les éléments ou les secteurs où elle a déjà juridiction ou elle pourrait l'avoir.

Pour ce qui est des conditions contractuelles, ça ne change rien. Ça ne change strictement rien parce qu'elle est toujours limitée au cadre normatif comme tel. Ce qui pourrait changer quelque chose, par exemple, c'est… Si les délais de paiement ou le processus de délais de paiement, avec le processus de comment on demande ce paiement-là et le règlement des différends, était adopté, là, ça devient un cadre normatif.

Et, en plus, on a l'Autorité des marchés publics qui pourrait vérifier l'application de ces dispositions. Là, ça devient intéressant, mais, pour l'instant, on ne l'a pas. Ce qu'on a, c'est qu'on a essentiellement la possibilité d'avoir des délais de paiement rapides sur des projets de moins de 20 millions qu'on ne peut pas identifier actuellement dans l'annexe I. On n'est pas en mesure de le faire. Ce qu'on dit, c'est que, si on n'est pas capables… Si le gouvernement n'est pas en mesure d'adopter une disposition pour couvrir l'ensemble des projets, bien, les projets de plus de 20 millions, eux autres, au moins, on pourrait regarder la nature des exigences contractuelles qu'on leur demande pour ne pas que ça soit complètement déséquilibré et que ça permette aux entrepreneurs… ou que ça mette les entrepreneurs dans une situation qui ne devrait pas être sur le plan de l'équité contractuelle.

Le travail de Passeport Entreprises, ce qui est intéressant, c'est que les donneurs d'ouvrage… Et là je parle des donneurs d'ouvrage institutionnels. Donc, la SQI, les ministères, le ministère des Transports, les universités, les commissions scolaires, même le MAMH, étaient présents. On a eu des discussions, l'industrie, évidemment, aussi, pour tenter de développer des balises à l'égard des exigences et des critères contractuels en construction tant au niveau des contrats reliés à l'exécution, comme ceux dont on parle actuellement… et également avec les professionnels. Et ça a donné une série de balises qui sont actuellement entre les mains, là, de votre ministère et qui, déjà, parlent d'équité et d'équilibre dans le transfert de responsabilités d'une partie à l'autre dans le cadre d'un contrat.

Donc, c'est un principe de base que tout le monde adopte et il serait important, pour nous, qu'il soit mis en place. Si on nous demande, dans l'industrie de la construction, d'assumer les frais présents, passés et futurs de la COVID, si on nous demande d'accepter un tas de risques, nous, on pense sincèrement que ce serait une bonne chose que, d'un autre côté, les donneurs d'ouvrage paient aux 30 jours, de façon équitable ou de façon régulière, selon les dispositions de l'arrêté ministériel.

Mme LeBel : Je vais vous amener peut-être… Bien, peut-être, première sous-question, parce que je veux vous amener, effectivement, sur le projet pilote qui a cours actuellement puis qu'on va étendre aux projets de 20 millions et moins, là, qui se retrouvent à la liste. Mais, avant ça, comment est-ce que vos membres reçoivent les nouveaux pouvoirs de l'AMP? Parce que vous savez que, maintenant, l'AMP va avoir des pouvoirs de contraindre. Elle va pouvoir examiner également les sous-contrats qui n'étaient pas... qui n'est pas habituel dans ses pouvoirs réguliers, si je peux le dire, comme tels. Elle va avoir un pouvoir de contraindre vos entrepreneurs à fournir de la documentation, ce qui n'est pas le cas. Est-ce que... Comment ça a été reçu, ça, par vos membres, ces nouveaux pouvoirs là?

M. Hamel (Pierre) : On n'a pas eu de commentaires par rapport à ça, pour être honnête, là. L'élément fondamental de nos entrepreneurs et le message, c'est : On veut être payés. On veut être payés dans les délais. C'est important. On a de la difficulté. On est obligés d'emprunter quand on n'a pas nos paiements. On est obligés d'emprunter pour nos retenues. Il y a un entrepreneur qui nous disait : Bien là, j'ai 500 000 $, là, il faut que j'emprunte 100 000 $ puis j'attends mon 500 000 $. Ce n'est pas un énorme entrepreneur. C'est un moyen entrepreneur, comme les entrepreneurs ici. Alors, c'est ça, ils sont tellement préoccupés par ça, Mme la ministre, que l'Autorité des marchés publics… Ils commencent à maîtriser ce que c'est, avoir à faire des plaintes. Actuellement, ils maîtrisent ces éléments-là, mais, pour l'instant, ils sont plus... leur attention est vraiment focalisée sur les paiements.

Mme LeBel : O.K. Le projet pilote, particulièrement, a ce mécanisme de règlement des différends. Est-ce que c'est un mécanisme qui est utilisé beaucoup par vos gens? Parce que, moi, les échos que j'en ai, c'est qu'il n'a pas été... Il est disponible pour les dossiers du projet pilote, mais il n'a pas été tant utilisé que ça. Est-ce que c'est un mécanisme qui est satisfaisant, qui est suffisant, ou est-ce qu'il faut quand même le réfléchir? Le projet pilote se termine peut-être dans un an, un an et demi, d'après moi. On aura les résultats par la suite, et là on pourra voir comment on rend de façon plus pérenne ces mesures-là, mais est-ce que ce mécanisme-là, entre autres, que vous demandez dans vos notes et celui du projet pilote… est-ce que c'est quelque chose qui fonctionne, selon vous, qui est adéquat?

M. Hamel (Pierre) : Écoutez, effectivement, là, il y a beaucoup de sous-questions dans votre sous-question, là. Je vais vous dire, essentiellement, les entrepreneurs qui ont travaillé sur des projets pilotes adorent ça. Les règles sont claires. Les paiements arrivent de façon prévisible. Et, s'il y a une problématique, le spectre de l'intervenant décideur est au-dessus à la fois du donneur d'ouvrage et aussi à la fois de l'entrepreneur.

Alors, l'entrepreneur qui prend... qui veut... qui a un recours ou qui pense qu'il a un recours, qui a une réclamation, s'il ne la fait pas dans le cadre du projet pilote, il la perd. Donc, il doit décider, d'ores et déjà, si sa réclamation, il va la présenter devant un intervenant expert. Ça, c'est important. En d'autres termes, durant l'exécution du projet, le fait qu'on va régler les problèmes très rapidement, ça fait en sorte qu'il y en a moins, de problèmes, ou les problèmes se règlent au fur et à mesure. Ça, c'est le témoignage qu'on en a eu. Alors, cette présence-là, elle est très importante.

L'expérience ontarienne dont on parle également dans le mémoire, c'est la même chose. Ce n'est pas parti en fusée, mais il y a plusieurs... Il y a une trentaine de projets, il y a une trentaine de demandes d'intervention qui ont été faites, et il y a eu seulement trois décisions, mais l'ensemble des autres réclamations se sont réglées au moment du projet et n'ont pas... après en Cour supérieure. C'est ça, la beauté : on règle le problème là, on passe à une autre question. Et ce qui est intéressant avec ce programme-là, et je suis avocat, et je le dis, la procédure, c'est qu'elle se fait sans la présence des avocats. Alors, vous voyez, là, c'est très particulier, mais c'est très conforme à la volonté des entrepreneurs et à la façon dont ils pensent : On a un projet, on veut le réaliser, on a un problème, on le règle immédiatement et après on passe à autre chose.

• (16 heures) •

Mme LeBel : Merci, M. Hamel.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci, Me Hamel. Avant de céder la parole au député de La Pinière, je souhaite demander aux collègues dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques. M. le député de La Pinière, vous avez 10 minutes.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Bien, je ne reviendrai pas sur le dernier commentaire, presque humoristique, qui nous a fait rire quand même, mais convivialement.

Me Hamel, M. Arbour, d'abord, évidemment, bienvenue. Me Hamel et, je pense, M. Arbour, là, vous parlez d'une même voix, là. Je pense que ça ne peut pas être plus clair. Vous l'avez dit comme ça, là, votre enjeu numéro un, c'est le projet pilote que vous voulez avoir pérenne. Bon, pouvez-vous, dans votre expérience, parce que je ne peux pas vous poser la question autrement parce que je n'ai même pas un indice de réponse, puis c'est ça que je cherche… Est-ce que... Sur quoi se base, d'après vous, la limite du 20 millions? On peut poser la question différemment. Si on la fait sauter, ça pose-tu un problème? Vous, dans votre expérience, là, ou dans les choses que vous avez entendues ou les choses que vous avez discutées, peut-être, avec les fonctionnaires du gouvernement, là, sans citer personne, c'est quoi, cette limite-là? Elle sert à quoi?

Quand on met une limite, c'est parce que, quand on la dépasse, il y a un risque, un danger, un problème ou le système s'effondre, je ne sais pas. Comment vous voyez ça? Parce que moi, je suis de votre bord, là. Quand les constructeurs sont venus sur 61, ils ont été limpides. Vous avez été limpides. Les autres ont été limpides. Même les maires étaient contents de ça. Ce n'est pas rien. Les payeurs et les receveurs, tout le monde était content de cette affaire-là. Alors, c'est quoi, votre lecture de la limite du 20 millions, qu'en passant nous allons tout faire pour faire sauter, à moins qu'on nous fasse la démonstration que ça pose un problème? Vous êtes le mieux placé pour nous... de discourir là-dessus, là.

M. Hamel (Pierre) : Écoutez, sincèrement… M. le Président, si vous permettez, sincèrement, on n'a pas d'explication sur cette question-là. Nous, on travaille depuis presque sept ans, si ce n'est pas huit ans, à faire reconnaître ces principes-là. On a une belle collaboration, évidemment, du Secrétariat du Conseil du trésor. Ça va bien. Et on était certains que les projets pilotes ou, comment je dirais, donc, le...

M. Hamel (Pierre) : ...depuis presque sept ans, si ce n'est pas huit ans, à faire reconnaître ces principes-là. On a une belle collaboration évidemment du Secrétariat du Conseil du trésor. Ça va bien. Et on était certains que les projets pilotes ou, comment je dirais, donc, l'avancement des projets aurait constitué une belle rampe de lancement pour adopter une loi-cadre comme…

Évidemment, les impératifs qui ont amené le gouvernement à faire ça ne nous ont pas été soumis. Donc, je ne peux pas répondre à la place du gouvernement, mais nous, on ne s'attendait pas à ce type de limitation. 20 millions, ce n'est pas des gros projets, là, en 2020, là. 20 millions, c'est des écoles primaires, j'ai l'impression, sûrement pas des écoles... sûrement pas des polyvalentes, sûrement pas des hôpitaux, sûrement pas des... qui demandent de l'équipement spécialisé. Vous voyez un peu ce que je veux dire, là. Je ne suis pas un expert, là, dans la construction comme telle, mais… au niveau de l'estimation, mais essentiellement c'est assez limitatif.

M. Barrette : Je suis d'accord avec vous, là. Je peux… Je ne prétends pas avoir l'expertise de tout, là.Même dans la voirie, là, c'est des projets qui sont substantiels. En santé, moi, je peux vous dire, là, à 400 000 $ la chambre en CHSLD, là, vous arrivez vite aux 20 millions, évidemment. Puis les autres projets de santé sont tous au-dessus de 20 millions. Les écoles, je suis d'accord avec vous. Ça fait que la majorité des projets sont au-dessus de 20 millions. Mais, sans répondre pour le gouvernement, vous, vous ne voyez pas d'obstacle administratif, là, à… Je ne vois pas quel autre obstacle…. Je ne le vois pas, mais, vous, sur le plan… sur le terrain, là, appliquer à un projet de 30 millions, vous ne voyez pas le problème comme tel? Puis ce n'est pas une question de répondre à la place du gouvernement, c'est que, si vous, vous voyez qu'au-dessus de 20 millions ça va être trop lourd, ça va être trop ci, trop ça, vous êtes quand même plus en mesure que moi de le voir, mais vous ne voyez pas ça.

M. Hamel (Pierre) : Non, non, non. D'ailleurs, en Ontario, c'est tous les projets publics, les projets municipaux et les projets privés qui sont couverts par la loi. Ce qui est… En termes de grosseur, en termes d'importance de projets, ce qui est peut-être plus, je dirais, délicat, c'est l'accès aux marchés publics. Alors, si vous avez quelques projets qui sont mis ensemble, qui sont regroupés pour avoir un plus gros projet, bien là les entrepreneurs ont moins accès à ces projets-là, là, ce n'est pas en termes de gestion, mais c'est en termes d'accès aux marchés publics… avec les entrepreneurs plus petits, surtout en région, qui se retrouvent dans une situation plus difficile.

M. Barrette : O.K. Là, je vais y aller en rafale parce que j'approche de la moitié de mon temps puis il y a plusieurs autres sujets que je voudrais aborder à propos de vos recommandations. Vous, dans une certaine mesure, quand vous avez parlé d'harmonisation des contrats, je comprends ce que vous voulez dire. Je pense, c'est faisable. Alors, là-dessus, je serais sur la même page que vous. Dans votre documentation, vous m'avez... en fait, pas dans votre documentation, dans vos propos introductifs, là, vous avez dit une affaire, là, qui est bien importante, parce que je l'ai évoquée à plusieurs reprises, qui est la flambée des prix. Elle est là, la flambée des prix, là, puis elle est là partout au Québec, là. Est-ce qu'on s'entend là-dessus?

M. Hamel (Pierre) : Elle est là partout au Canada.

M. Barrette : Parfait.

M. Hamel (Pierre) : C'est un problème majeur.

M. Barrette : Et, en moyenne, là, les projets, là, «ballpark», là, je ne vous demande pas quelque chose sur laquelle je vais me débattre puis vous citer à la virgule, là, on est dans des augmentations de quel ordre, là?

M. Hamel (Pierre) : Ah! je ne serais pas en mesure de le déterminer parce que ça dépend de la nature...

M. Barrette : Même pas?

M. Hamel (Pierre) : Non, je ne suis pas... Sincèrement, je ne pense pas que ça avancerait terriblement le débat. On peut tenter de faire des analyses puis vous les transmettre à la commission, là.

M. Barrette : Ça avance d'autres débats, par exemple.

M. Hamel (Pierre) : Non, je comprends, mais je peux m'engager auprès de la commission, comme je l'avais fait, pour vous dire qu'on peut regarder ce qu'il en est, mais là je ne peux pas vous répondre, malheureusement.

M. Barrette : O.K., très bien. Mais c'est au moins 50 % dans la plupart des projets. Êtes-vous d'accord avec ça?

M. Hamel (Pierre) : En termes de délais, de retards à cause du manque de main-d'oeuvre, dans plusieurs projets, ça va aller à 50 %.

M. Barrette : Regardez, je vais vous... Il y a un élément avec lequel je ne suis pas d'accord dans votre mémoire, puis là j'aimerais en discuter avec vous, là. Vous mentionnez que l'allotissement des projets peut amener un coût inférieur. Bien, je vais vous citer le cas du centre mère-enfant à Sherbrooke, qui est le cas que j'adore mentionner parce que le projet a été arrêté à cause de ça, parce que, non alloti, il coûtait plus cher, et puis, lorsqu'ils l'ont alloti deux ans plus tard, ça coûte presque le double. Alors, moi, je ne suis pas convaincu d'aucune manière que l'allotissement peut générer des coûts moindres pour un projet. Il va falloir que vous me fassiez ce dessin-là. Pouvez-vous m'en faire un rapidement, comme en 30 secondes?

M. Hamel (Pierre) : Bien, le dessin que je peux vous faire, c'est que désallotir un projet qui est, en soi, uniforme, c'est une chose, mais prendre plusieurs petits projets puis les mettre ensemble pour faire un gros projet, ce n'est pas nécessairement un succès ou une garantie qu'on va payer moins. En d'autres termes, si on a un centre hospitalier à construire et qu'on le découpe en petits morceaux, peut-être que ça va coûter plus cher, mais je ne suis pas certain qu'on va faire des... on va sauver de l'argent si on prend quatre CHSLD, un à Alma, l'autre à Jonquière, l'autre à Chicoutimi, puis là — maintenant, c'est à ville Saguenay — bien, chacun des secteurs, là, on va sauver de l'argent parce qu'on les fait faire, les quatre, par la même personne. Ça, c'est...

M. Barrette : Oui. Vous n'êtes pas convaincu de ça, hein? Vous avez bien raison. Ce matin, parce que, là, le temps passe, je n'aurai pas le temps de tout aborder, la Fédération des chambres de commerce… sont venus nous parler de mobilité de personnel. Êtes-vous en faveur de ça?

M. Hamel (Pierre) : Oui.

M. Barrette : Parce que, quand on parle de mobilité de personnel, là, ça, ça veut dire... parce que ce cas de figure là, il y en a plein, là, ça veut dire que l'entrepreneur de la grande ville va débarquer dans l'entrepreneur du village ou de la petite ville, pas trop loin de la grande ville, puis il va arriver avec son monde, puis, les petits entrepreneurs locaux, Noël ne passera pas chez eux, là. Vous ne trouvez pas que, là, il y a un enjeu, là?

• (16 h 10) •

M. Hamel (Pierre) : Non. Je pense que, là, on a une espèce de... On fait un raccourci, là, parce qu'un entrepreneur qui s'en va travailler en région, il n'a pas de chambres et pensions à payer quand il utilise les employés de la région, les salariés de la région. Puis, l'autre élément, je peux vous dire qu'il y a bien des travailleurs qui ne veulent plus travailler à Montréal. On a bien plus de difficultés à trouver des employés à Montréal que de les trouver en région.

M. Barrette : O.K., intéressant. Là, c'est vraiment la dernière question. Il me reste une minute seulement, là.

Le Président (M. Simard) : Une minute, cher collègue.

M. Barrette : Alors, une question simple. Écoutez, là, elle a l'air simple, mais elle a plein de ramifications. Tout le monde qui se présente ici critique le fait que les contrats ne traitent pas d'innovation, puis de technologie, puis de qualité, et ainsi de suite. Voulez-vous bien me dire pourquoi ce n'est pas déjà dans nos appels d'offres? Il n'y a rien qui empêche le donneur d'ouvrage de dire : Je veux tel niveau de qualité, tel type de ciment, tel style de ci, tel type de ça. On ne le fait pas. Actuellement, on peut faire ça. Quand vous réclamez ça, en réalité, vous critiquez le fait que le gouvernement... Ce n'est pas que c'est le prix le plus bas, c'est qu'on écrit les devis pour ne pas dépenser trop, mais il n'y a rien qui empêche un devis de prendre en considération ce que vous souhaitez.

M. Hamel (Pierre) : Écoutez, nous, on ne fait pas cette pratique-là, au gouvernement. Ce qu'on dit au gouvernement, c'est : Faites-en, de l'innovation, mais avisez-nous de quelle façon vous voulez l'aborder pour qu'on soit prêts à la réaliser puis qu'il y ait le plus de nos membres qui puissent la réaliser.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci, Me Hamel. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont pour une période de 2 min 30 s.

M. Marissal : Merci, M. le Président. M. Arbour, Me Hamel… On sent la passion, d'ailleurs, Me Hamel, ne serait-ce que dans le mouvement, l'oscillement de votre tête. On sent la passion dans vos commentaires. Je comprends et je suis d'accord avec vous que, quand on fait un travail, on veut être payés, puis on veut être payés dans un délai raisonnable et pour ce que l'on a fait, là. C'est un principe assez simple et assez louable. Par contre, à la page 9, là, vous... pages 8 et 9, là, dans la gestion des liquidités, vous vous livrez à une règle de trois à laquelle vous... par laquelle vous concluez : «…nous devrions nous attendre à ce que les entrepreneurs soient privés de près de 7,5 milliards ([soit] 15 % des 50 milliards annoncés) de liquidité pour la réalisation des seuls 181 projets prévus…» Ça, quand on lit ça vite, là, on a l'impression que vous allez vous faire avoir de 7,5 milliards. On parle d'un délai de paiement ici, là.

M. Hamel (Pierre) : Absolument. On parle d'un délai de paiement. C'est-à-dire que, pendant une période de temps, je n'aurai pas accès à 7,5 milliards et je devrai les financer autrement parce que les banques financent juste les recevables de 90 jours et moins, parce que... Vous comprenez? Alors, moi, là, j'ai un manque à gagner de 7 milliards dans mes opérations pour l'ensemble... Bien, ça, c'est pour toute... et je parle juste pour 50 milliards. Je ne parle pas des municipalités. Je ne parle pas des organismes municipaux. Je ne parle pas de... Alors, vous comprenez, là, c'est qu'on se retrouve dans une situation où cet argent-là que je pourrais mettre dans l'innovation, dans le développement de mon entreprise, bien, je l'attends, puis, quand je ne l'ai pas, je l'emprunte.

M. Marissal : Très bien. Je pense que j'ai le temps pour une dernière, là, rapidement. Vous semblez vous plaindre de certaines directives ou normes un peu tatillonnes, là, dans les contrats, mais c'est aussi normal, pour le donneur d'ouvrage, que d'avoir des exigences envers son contracteur, là.

M. Hamel (Pierre) : Absolument.

M. Marissal : Quelles seraient ces exigences minimales?

Le Président (M. Simard) : Succinctement, s'il vous plaît.

M. Hamel (Pierre) : Bien, les exigences, c'est la qualité du travail, le travail bien fait, réalisé, réalisé dans les temps. Et il faudrait nous donner des plans et devis complets et nous payer dans les délais. Ça, ça serait un monde extraordinaire.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, Me Hamel. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, Me Hamel, M. Arbour. Bon, vous êtes beaucoup sur les délais de paiement, la prévisibilité. Je comprends ça, c'est… et je partage vos préoccupations. Vous êtes sur le terrain, là. Vous êtes des entreprises de construction. J'aimerais ça savoir comment vous pouvez nous résumer dans vos mots, selon votre expérience, les fameux délais… la longueur, là, les délais reliés aux normes ou aux procédures environnementales.

M. Hamel (Pierre) : Écoutez, à ce niveau-là, les normes environnementales sont en amont de nos projets. Dans l'institutionnel, dans le commercial, lorsque toutes ces procédures-là sont faites, lorsque l'expropriation est complétée, le projet apparaît pour nous, et là on soumissionne. On n'est pas en mesure de commenter ces aspects-là. C'est pour ça qu'on n'en parle pas dans notre mémoire parce que c'est vraiment des problématiques du donneur d'ouvrage. Et, nous, techniquement, il faut que les choses soient réglées avant que l'appel d'offres ne soit mis en branle. Alors, je ne suis pas en mesure vraiment de commenter.

M. Gaudreault : O.K. Ce que je comprends de vos recommandations, il y a beaucoup de ces recommandations-là, dans le fond, qui sont applicables sans modifier le projet de loi, parce que vous faites référence au projet pilote qui passe par le règlement 8.01. Il y a beaucoup de choses, autrement dit, qu'on peut régler pour favoriser les délais de paiement, là, dans le sens que vous le réclamez, sans passer par le projet de loi. Il y a peut-être la recommandation 5, là : élargir les pouvoirs de l'AMP, je ne sais pas, pour intervenir de façon préventive. Pouvez-vous nous en parler un peu plus de ce volet-là?

M. Hamel (Pierre) : Bien, écoutez, essentiellement, ce qu'on dit, c'est : Permettez à l'Autorité des marchés publics de pouvoir vérifier l'adjudication ou la façon dont le contrat est octroyé, la façon dont il est exécuté dans le cadre normatif et le contenu de la convention pour s'assurer qu'il n'y a pas de clause abusive. Un pas plus loin, c'est-à-dire, le contenu du contrat n'est pas juste ce qui entoure les règlements, les normes.

M. Gaudreault : C'est bon. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. le député de Jonquière. M. le député de Chomedey, pour deux minutes.

M. Ouellette : Bonjour, Me Hamel. Bonjour, M. Arbour. Toujours un plaisir de vous retrouver… faire une peu de pouce sur mon collègue de Jonquière, parce que, dans la conversation que vous avez eue avec Mme la ministre tantôt, j'avais l'impression que le projet de loi n° 66 réglait tous les problèmes de l'AMP puis donnait tous les pouvoirs d'enquête de l'AMP. Et vous nous soulevez, à la page 13 puis dans votre recommandation 5, que, bien non, il ne les a pas tous, les pouvoirs d'enquête. Il va aller chercher certaines choses, mais il y a aussi certaines choses qui manquent. Est-ce que j'ai une bonne lecture?

M. Hamel (Pierre) : Absolument, c'est exactement ça. C'est-à-dire qu'on veut aller un petit peu plus loin puis tenter d'harmoniser les pratiques contractuelles avec une autorité objective qui regarde les différents contrats pour s'assurer qu'il n'y ait pas de clause abusive.

M. Ouellette : Et je me permettrai une dernière petite question, M. le Président. Votre tableau à l'annexe I, il parle beaucoup. Mon collègue de La Pinière vous parle des 20 millions. Je vois beaucoup plus de 50, plus de 100 dans cette chose-là, dans le tableau que vous avez mentionné. Il y a beaucoup de choses en planification, beaucoup de choses à l'étude. Des fois, il faut se demander : On a-tu vraiment besoin d'un projet de loi compte tenu du fait que la machine n'est pas capable de suivre? Et, vous l'avez répété à plusieurs occasions, on a un manque de main-d'oeuvre partout. Ça fait que, je pense, c'est le plein-emploi en construction.

M. Hamel (Pierre) : Malheureusement, possiblement, mais il y a des régions qui souffrent beaucoup, là, comme la région de la Capitale-Nationale, où il y a une série importante de projets privés qui sont tombés, cinémas, hôtels, restaurants, centres commerciaux, qui font en sorte, là, que des entrepreneurs, là, cherchent du travail, alors que, dans d'autres régions, ils sont très occupés comme tels. Mais il faut vraiment mettre le gaz sur les projets. C'est important.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci, Me Hamel. Merci beaucoup. C'est le temps dont nous disposions, malheureusement. Alors, Me Hamel, M. Arbour, merci beaucoup pour votre précieuse contribution à nos travaux.

Sur ce, je suspends, mais très rapidement, nos travaux.

(Suspension de la séance à 16 h 18)

(Reprise à 16 h 20)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vous rappelle l'importance d'éteindre, s'il vous plaît, la sonnerie de vos appareils électroniques.

Ceci étant dit, nous sommes en présence de représentants de la Coalition contre les retards de paiement dans la construction. Messieurs, auriez-vous l'amabilité de vous présenter? Et vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation.

Coalition contre les retards de paiement dans la construction

(Visioconférence)

M. Bilodeau (Marc) : Alors, bonjour. Mon nom est Marc Bilodeau. Je suis le président de la Fédération québécoise des associations d'entrepreneurs spécialisés en construction et le porte-parole de la Coalition contre les retards de paiement. Je suis accompagné de Me Steve Boulanger.

Le Président (M. Simard) : Nous vous écoutons.

M. Bilodeau (Marc) : Alors, M. le Président, Mme la ministre, chers membres de la commission, merci à la Commission des finances publiques de nous donner l'opportunité de présenter nos commentaires en regard du projet de loi n° 66.

La Coalition contre les retards de paiement dans l'industrie de la construction est un regroupement d'associations d'entrepreneurs en construction qui a vu le jour à l'automne 2013 et dont l'objectif est de mettre un terme à l'augmentation injustifiée des délais de paiement dans ce secteur. Notre intervention dans le cadre du projet de loi n° 66 se limitera donc à cet unique aspect. La coalition représente l'ensemble des entrepreneurs généraux et spécialisés, lesquels sont impliqués dans toutes les étapes d'un projet de construction.

Ce sont des dizaines de milliers d'entreprises qui sont, pour la plupart, on parle d'environ 80 %, constituées de cinq salariés ou moins et qui embauchent plus de 175 000 travailleurs et travailleuses du Québec. Cette action collective est historique puisque, pour la première fois, tous les entrepreneurs généraux et spécialisés du Québec se sont regroupés ensemble pour une même cause qui transcende toutes les autres car elle menace la survie même de toute entreprise : être payée à temps.

Ayant été moi-même entrepreneur pendant plus de 30 ans, je peux en témoigner, et il me fera plaisir d'échanger avec vous à ce sujet, mais je passerais, pour l'instant, la parole à Me Steve Boulanger pour faire part de la position de notre coalition en regard du projet de loi n° 66. Merci, M. le Président.

M. Boulanger (Steve) : Merci, M. Bilodeau. Chers membres de la commission, j'ai eu le privilège de m'adresser à vous il y a quelques mois de cela dans le cadre des consultations portant sur le projet de loi n° 61, qui a pavé la voie, en quelque sorte, au projet de loi actuellement sous étude, et j'avais débuté en mentionnant : Serait-il possible d'investir et d'injecter 7,2 milliards de dollars dans l'industrie de la construction? Ça peut paraître farfelu. Ce serait possible. Ça représente le montant d'argent qui est présentement immobilisé dans les comptes recevables qui datent depuis 30 jours des entrepreneurs en construction au Québec.

Cette donnée est issue d'une étude d'impact sur les délais de paiement réalisée par Raymond Chabot Grant Thornton, en 2015, pour le compte de la coalition. Donc, dans un contexte économique difficile comme on connaît, toute réduction des délais de paiement aux entrepreneurs constitue, en quelque sorte, une aide directe qui est à coût nul pour le gouvernement et les autres intervenants et qui donne de l'oxygène aux entrepreneurs, qui leur permettrait de passer à travers la crise.

Mais j'aurais une autre donnée à vous soumettre aujourd'hui qui est tout aussi pertinente, sinon plus significative encore. Puis je ne partirai pas de la perspective des entrepreneurs. Je partirais de ma perspective, de votre perspective, de la perspective de tous les contribuables au Québec. Est-ce qu'on pourrait faire, et on fait la prétention que c'est le cas, une économie, au Québec, potentielle de 3 à 6,5 milliards de dollars dans le cadre de la réalisation des projets identifiés au projet de loi? On pourrait le faire. Comment? On pourrait y revenir plus en détail, mais essentiellement tout simplement en réduisant le délai de paiement aux entrepreneurs, donc exactement ce que proposait il y a cinq ans maintenant la commission Charbonneau par sa recommandation n° 15.

D'abord, au niveau du principe général du projet de loi, la coalition salue l'initiative et la volonté du gouvernement de pallier aux impacts économiques de la COVID-19 en accélérant des projets d'infrastructure. On est particulièrement satisfaits de l'article 66, qui impose des mesures pour faciliter le paiement de certains contrats publics. Cela constitue, à nos yeux, une véritable reconnaissance de la problématique. Et on avait senti, lors des consultations dans le cadre du projet de loi n° 61, que la reconnaissance du problème faisait consensus auprès des parlementaires. On se posait des questions sur les solutions, mais le problème était reconnu.

Donc, nous, on était favorables, rappelons-nous, aux articles 50 et 51.1 du projet de loi n° 61, qui permettaient au gouvernement de déterminer des conditions applicables pour des contrats et des sous-contrats publics. On y voyait là l'occasion d'introduire des mesures visant à faciliter le paiement et on avait espoir que ces principes-là soient intégralement reconduits dans le projet de loi actuel, et même bonifiés avec des mesures qui soient permanentes, universelles.

Or, force est de constater que le projet de loi ne répond pas à ces attentes et n'apporte pas une solution, à notre avis, adéquate au problème. En effet, les mesures proposées ne visent pas l'ensemble des contrats publics. Elles seront limitées aux contrats publics qui sont listés à l'annexe I du projet de loi. Donc, pourquoi ces projets publics et pas les autres? Qui plus est, on limite la valeur des projets couverts, qui serait de 20 millions de dollars et moins, et, même, avec le deuxième alinéa de l'article 66, on propose, en quelque sorte, de reconduire un projet pilote pour une période de cinq ans.

Or, ce qu'il faut savoir, c'est que, présentement, il y a un projet pilote qui a débuté en juillet 2018 et dont la fin est prévue légalement, en vertu de la Loi sur les contrats des organismes publics, la LCOP, en juillet 2021. Donc, on n'est pas loin de la fin du projet pilote, et là est-ce qu'on doit comprendre qu'on veut en recommencer un autre pour une période de cinq ans, ce qui nous mettrait en 2025, 10 ans après la commission Charbonneau? On espère que non parce que l'engagement du gouvernement, à l'intérieur même de la LCOP, à l'article 24.7, c'est d'établir un cadre réglementaire au terme du premier projet pilote qui se terminera en 2021.

Donc, on demande au gouvernement aujourd'hui de passer à une autre étape, d'adopter des mesures qui ont fait leurs preuves, qui sont connues puis les adopter de façon permanente, parce que le problème est récurrent et, à notre avis, exige une réponse qui soit ferme et qui soit durable. C'est ce qu'ont fait, d'ailleurs, d'autres juridictions comme l'Ontario et le gouvernement fédéral, donc, c'était d'envoyer un message clair, à notre avis. Les délais indus de paiement doivent cesser de façon définitive. Et un signal fort aurait, à notre avis... permettrait, en fait, d'assurer une prévisibilité, nos collègues en parlaient avant nous, nécessaire dans le contexte actuel pour tous les intervenants liés aux projets de construction, que ce soit les donneurs d'ouvrage, les entrepreneurs généraux et les sous-traitants.

Et on pense que ça apporterait une relance économique qui soit plus efficiente et, surtout, durable, parce que, si les retards de paiement ont un impact clair sur la viabilité même des entreprises, sur leurs liquidités, il y a également une foule d'autres conséquences à cette problématique-là, des conséquences qui nous concernent tous, comme contribuables, parce qu'on veut en avoir pour notre argent et qu'on s'apprête à investir de l'argent public à la hauteur de 50 milliards de dollars.

Donc, il est reconnu que, quand on diminue le nombre de soumissionnaires, ça a directement une influence à la hausse sur le coût du projet. Et il y a des données, qui sont citées par Raymond Chabot, dans son étude, qui le démontrent. Lorsqu'il y a moins de neuf entreprises qui soumissionnent sur un projet, chaque soumissionnaire de moins représente un coût supplémentaire variant de 1 % à 6 %. Donc, à l'extrême, si on a un seul soumissionnaire ou si on en a huit et plus, bien, ça va représenter un écart de coût de 27 %, ce qui est énorme.

Or, selon les données du SEAO, le système électronique d'appel d'offres du gouvernement, on estime qu'il y a en moyenne 3,6 soumissionnaires par appel d'offres en construction. Raymond Chabot en conclut donc que le prix des contrats publics de construction pourrait diminuer de 6 % à 13 % si le nombre de soumissionnaires augmentait. Par conséquent, si les projets d'infrastructure qui sont prévus à l'actuel projet de loi et évalués à 50 milliards de dollars, si, dans ce cadre-là, dans le cadre de leur réalisation, on augmentait le nombre de soumissionnaires, bien, on pourrait générer une économie de 3 à 6,5 milliards de dollars, ce qui est colossal.

Pour l'illustrer, si on prend le coût d'une école primaire, par exemple, qui coûte 25 millions de dollars à construire, et puis qu'on parle de la donnée la plus conservatrice, là, d'économie de 3 milliards, on parle de 120 écoles supplémentaires, ce qui est énorme. Pourquoi payer plus cher en raison des délais de paiement? On devrait en avoir plus pour notre argent.

Et donc mettre en place un cadre de paiement qui est équitable et juste pour tout le monde permettrait d'intéresser aux marchés publics certaines entreprises qui, dans les faits, n'y ont pas accès en raison des délais de paiement. Et c'est surtout les petites entreprises qui constituent, comme Marc l'a dit, le tissu de l'écosystème de la construction. Donc, amenons de nouveaux joueurs. Permettons-leur d'accéder aux marchés publics. Ça favorise la concurrence. Ça devrait diminuer les coûts et relancer l'économie à plus grande échelle. Et c'est ce que disait la commission Charbonneau dans son rapport, que les retards de paiement pénalisent davantage les PME.

Donc, ce qu'on demande aujourd'hui au gouvernement… On salue la reconnaissance de la problématique, mais on demanderait, dans l'immédiat, à tout le moins, d'appliquer non pas un projet pilote, mais des mesures inspirées, soit des mesures ciblant… à tous les projets visés à l'annexe I du projet de loi n° 66, à tout le moins, peut-être même aux projets municipaux, et de s'attaquer tout de suite à une loi d'ordre public plus large qui couvrirait l'ensemble des contrats : sociétés d'État, publics, municipalités et même privés. Le seul but des entrepreneurs, c'est d'être payés pour les travaux dûment exécutés et acceptés par les donneurs d'ouvrage dans des délais raisonnables, solution à coût nul...

• (16 h 30) •

Le Président (M. Simard) : Conclusion, M. Boulanger.

M. Boulanger (Steve) : ...solution gagnante pour tout le monde. Et on pense que le gouvernement devrait saisir l'occasion pour envoyer un signal fort de son intention de répondre à la commission Charbonneau. Merci.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci, M. Boulanger. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de 15 minutes.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci, M. Boulanger. Bon, première des choses, je pense que je vais rectifier une interprétation que vous avez, là, pour être sûre qu'on est sur la même longueur d'onde. Le projet de loi n° 66 ne vient pas prolonger le projet pilote. Le projet pilote actuel, qui couvre, je pense, 52 projets, là, plus ou moins un, si je ne me trompe pas, va se terminer, tel que prévu, l'année prochaine, et les conclusions qui en seront tirées pourront être l'objet de la base de travail pour l'adoption d'une loi sur les paiements rapides pour les entrepreneurs dans l'industrie de la construction.

Ce qu'on a fait, par contre, c'est qu'on a étendu les règles du projet pilote à des projets de 20 millions et moins qui sont sur la liste des 181. Bon, c'est sûr que ces projets-là pourront en bénéficier pour plus qu'une année, naturellement, si jamais ces projets-là ne se terminent pas dans l'année, mais ça n'a pas pour effet d'étendre le projet pilote. Le projet pilote se conclura.

On aura peut-être des données supplémentaires qui seront tirées des projets de la liste des 181 pour nous permettre d'alimenter cette conversation qui est non seulement fort intéressante, mais fort importante. Vous l'avez mentionné, la recommandation 15 de la commission Charbonneau, je pense que c'est important d'adresser cet enjeu-là. Maintenant, il faut le faire correctement. Ce n'est pas moi qui vais vous apprendre que, si c'était si simple que de claquer des doigts pour tout le monde, on le ferait. Donc, il y a des enjeux qui sont réels.

D'ailleurs, c'est un peu là-dedans que je veux entrer avec vous, peut-être plus particulièrement dans le projet pilote. Votre volonté qu'on l'étende, qu'on étende un peu plus largement la règle du 20 millions, là, du projet de loi n° 66, est bien comprise. Votre volonté également qu'on étende ces principes-là au monde municipal et aussi aux donneurs d'ouvrage, entre autres, bon, villes, municipalités, organismes municipaux, les donneurs d'ouvrage privés également, est bien comprise, mais on va peut-être parler plus des détails pour voir un peu comment fonctionne le projet pilote et qu'est-ce qui se passe à l'intérieur du projet pilote. Et moi, je vous réitère ma volonté de donner une suite à ce projet pilote là, mais est-ce que je me trompe de dire que la coalition a partagé... a quand même participé aux conversations de base, en 2018, qui ont mené à l'élaboration du projet pilote? C'est exact?

M. Boulanger (Steve) : Certainement. On a beaucoup collaboré avec le Conseil du trésor et les donneurs d'ouvrage publics pour déterminer quelles seraient les modalités... Et, essentiellement, pour éclairer la commission, les modalités du projet pilote sont inspirées de ce qui se fait ailleurs, là, vraiment. Donc, il y a deux mesures-phares dans le projet pilote.

La première, c'est un calendrier obligatoire de paiement, donc une séquence de paiements obligatoires que toutes les parties doivent… partant du donneur d'ouvrage, à l'entrepreneur général, au sous-traitant et ainsi de suite. Donc, il y a des délais de paiement qui sont prévus dans l'arrêté ministériel. Alors, ça, c'est le premier aspect.

Le second aspect, c'est des mesures de... un processus de règlement des différends qui se veut souple, efficace, rapide et exécutoire... Alors, c'est beaucoup plus simple, même, évidemment, plus simple qu'un procès devant un tribunal, et plus simple qu'un arbitrage, qui est relativement formel. Moi, j'ai toujours dit que c'est payer un juge privé et puis reproduire devant l'arbitre ce qui se fait à la cour avec des témoins, des avocats, des expertises, etc. Donc, ce qu'on veut par l'intervention, c'est un concept britannique d'adjudication qui est beaucoup plus simple, rapide et qui donne des résultats dans l'immédiat, qui est exécutoire.

Et l'expérience démontre deux choses. La première, c'est que les parties sont plus enclines à identifier les problématiques et à vouloir les régler rapidement, sachant que quelqu'un peut les régler très vite pour eux. Alors, c'est le même phénomène que régler un procès sur les marches du palais, en quelque sorte. Et, deux, bien, ce que ça permet, ça permet beaucoup plus d'échanges, là, vraiment, entre les parties pour régler le problème.

Et je suis content, en terminant, d'apprendre que, et on voulait soulever la problématique, on n'entrerait pas dans un autre projet pilote de cinq ans. Je suis persuadé que les membres de la commission sont très heureux de l'entendre aujourd'hui, mais on voulait vous le souligner, parce que, par la rédaction de l'article, c'est très technique, 66 du projet de loi, avec le libellé du dernier alinéa de 24.3 et de 24.7 de la LCOP, ça nous soulevait des craintes et des doutes.

Mme LeBel : Bien, vos craintes sont bien entendues, et ce n'est pas l'objectif, et je vais m'assurer que, par une rédaction, on n'a pas créé cet enjeu-là, alors que ce n'est pas l'objectif du tout de prolonger le projet pilote actuel. Il va se terminer au temps qui était prévu, et on pourra, par la suite, voir comment on donne suite à ça. Mais je veux justement vous entendre sur le processus de règlement des différends qui se retrouve à l'intérieur du projet pilote. On en a parlé un peu avec l'ACQ précédemment. Je veux savoir… Est-ce que ce qui se trouve à l'intérieur du projet pilote, présentement, à l'usage… Et on le verra aussi à la fin de l'année qui suit. Et je pense que c'est très important d'avoir ces données-là avant de rendre tout ça pérein dans une loi plus officielle.

Est-ce que vous considérez que le mécanisme, présentement, qui est dans le projet pilote est correct, suffisant ou est perfectible? Est-ce qu'il a été utilisé par les entrepreneurs et est-ce que vous savez à combien de reprises il a été utilisé? Avez-vous des données sur l'utilisation de ce mécanisme-là, sur les résultats et le taux de satisfaction? Parce que l'idée, c'est de l'essayer. Après ça, on verra quel mécanisme, parce qu'on appliquera, par la suite, dans une loi, là…

M. Boulanger (Steve) : On n'a pas toutes les données encore, parce qu'on les fournirait, là, à la commission. Le projet pilote prévoit l'obligation d'une reddition de comptes, à la fin de chacune des interventions, de la part à la fois du donneur d'ouvrage, et des entrepreneurs impliqués, et aussi de l'intervenant expert. Donc, l'Institut de médiation et d'arbitrage du Québec va être mis à contribution également, mais, pour l'instant, on sait qu'il y a eu quelques interventions qui ont été... mais on n'en a pas les résultats. On va travailler là-dessus.

Ce qu'on sait, par ailleurs, c'est deux choses. Puis je n'ai pas eu le bénéfice, malheureusement, d'écouter l'allocution de nos prédécesseurs puisqu'on était en attente virtuelle, mais ce qu'on entend, c'est que, comme je vous le disais tantôt, on adresse les problèmes immédiatement, et on parle de les régler, et il semble aussi y en avoir moins, de problèmes. Les entrepreneurs à qui j'ai parlé nous ont dit : Ces projets-là, ils sont comme à part, tout se passe tellement bien qu'on ne pense même pas à l'intervenant expert. Pourquoi? Parce qu'on est payés au fur et à mesure. Quand il y a des travaux supplémentaires, à ce moment-là, bien, on les fait approuver puis on continue.

Alors, est-ce que c'étaient des projets qui étaient mieux préparés en amont? Peut-être. Si c'est le cas, c'est une mesure qu'il faudrait certainement garder pour les projets identifiés au projet de loi. Est-ce que les gens ont mis les ressources suffisantes, que ce soient les entrepreneurs ou les maîtres de l'ouvrage, des ressources suffisantes pour bien suivre le dossier de près, y donner suite quand les demandes de paiement rentraient? Peut-être, mais tout ça a fait que ça fonctionne bien et qu'on n'a pas eu foule d'interventions comme ce qui s'est passé en Ontario. Le rapport vient de sortir. En moins de 10 mois, là, ils en ont eu 32, puis, là-dessus, il y en a trois qui ont procédé, les autres se sont réglés. Alors, je pense qu'on ne devrait pas s'attendre à une avalanche d'interventions. Je pense que ça force les parties à identifier les problèmes puis à trouver des solutions.

Mme LeBel : Mais je pense que vous avez raison aussi, puis ça démontre, en tout cas, de mon point de vue, naturellement, l'intérêt d'attendre la conclusion du projet pilote l'année prochaine, parce que c'est en août, je pense, qu'il se termine, 2021, si je ne me trompe pas… Il a commencé en 2018, hein?

M. Boulanger (Steve) : Oui, juillet 2021.

Mme LeBel : C'est ça, en août 2018. J'essayais de faire plus trois, puis ça ne fonctionnait pas. Ça va bien, hein, Conseil du trésor… donc, l'année prochaine, pour voir effectivement quels sont les mécanismes qui ont été mis en place, parce qu'outre des mécanismes de calendriers de paiement, ou de règlement accéléré des différends, ou de règlement des différends, je pense que c'est important de voir aussi qu'est-ce qui a fonctionné dans ces 52 projets là. Dites-moi, est-ce que vous avez, vous, en tête, les... Ces projets-là se retrouvent, dans la majorité, dans quels secteurs, et quels donneurs d'ouvrage sont impliqués?

M. Boulanger (Steve) : Les donneurs d'ouvrage impliqués jusqu'à présent sont beaucoup ceux qui sont visés à l'annexe I de l'actuel projet de loi, donc, la Société québécoise des infrastructures, la SQI, le MTQ, le ministère des Transports, qui sont impliqués. Et, sur les 52 projets, je vous dirais, et, peut-être, Marc, tu pourras me corriger, mais je vous dirais qu'il y en a peut-être une trentaine en génie civil et voirie et puis le reste dans le domaine du bâtiment.

Mme LeBel : O.K, mais je pense que, pour l'instant, le projet pilote n'applique pas ces calendriers de paiement là ni au secteur municipal ni au secteur privé, si je ne me trompe pas. Est-ce que je me trompe ou…

M. Boulanger (Steve) : Vous ne vous trompez pas, et c'est notre volonté de les appliquer également à ces secteurs d'activité.

• (16 h 40) •

Mme LeBel : O.K., absolument. Bon, pour l'instant, c'est peut-être plus difficile de forcer des tiers, là, mais on va régler les enjeux au niveau du gouvernement. Donc, ce que vous nous dites, c'est que ça fonctionne bien, pour l'instant, dans les 52 projets, le calendrier de paiement également, j'imagine. Est-ce que vous pouvez me dire quelle est la différence entre un projet qui n'est pas sur le projet pilote et un projet qui... des projets similaires, disons-le, là, parce qu'on va essayer de comparer des pommes avec des pommes, là, mais un projet d'une envergure similaire qui serait sur le projet pilote versus un qui ne l'est pas? On parle de quel écart? Là, je vais parler du calendrier de paiement. C'est quoi, les écarts ou les délais d'attente de… Tantôt, votre collègue précédent… L'ACQ nous disait que ça représentait peut-être 7,5 milliards, sur l'ensemble de la construction du Québec, qui était en retard de paiement, là, donc, mais quels sont les écarts, les différences, finalement, pour un entrepreneur… projet pilote versus pas sur le projet pilote, en termes de temps et de délais de paiement? Est-ce que vous avez une idée d'un ordre de grandeur?

M. Boulanger (Steve) : Bien, si vous permettez, moi, je peux vous répondre légalement, mais j'aimerais que Marc témoigne avec son passé d'entrepreneur.

Mme LeBel : Absolument.

M. Boulanger (Steve) : Légalement, ce qui est un peu curieux, c'est que le calendrier de paiement qui est proposé, qui est imposé, finalement, là, dans les mesures du projet pilote, ce sont des termes de paiement qui sont prévus contractuellement, de façon usuelle, dans tous les contrats. Donc, on présente, pour les sous-traitants, une demande de paiement le 25e jour du mois pour les travaux exécutés et projetés jusqu'à la fin du mois. L'entrepreneur général présente sa demande avec celles de ses sous-traitants, évidemment, le 1er du mois, au donneur d'ouvrage, qui devrait payer le 30 du mois, le dernier jour du mois, et, les sous-traitants, payés cinq jours plus tard. C'est prévu dans les contrats. Alors, on n'a rien inventé. On l'a juste mis obligatoire et on l'a précisé avec des mécanismes qui forcent les gens à l'appliquer. C'est ça qui fonctionne, mais c'est la même chose que dans à peu près tous les contrats.

M. Bilodeau (Marc) : Bien, pour faire du pouce un peu sur ce que mon collègue, Steve, vient d'affirmer, il y a également... Pardon?

Le Président (M. Simard) : Nous vous écoutons, M. Boulanger.

Mme LeBel : Bilodeau.

Le Président (M. Simard) : Bilodeau.

M. Bilodeau (Marc) : Ah! pardon. Mon passé d'entrepreneur, moi, me disait que, souvent, ces projets-là allaient jusqu'à 90 jours, entre 80, 90 jours de paiement, et ça, c'est le paiement régulier. On ne parle pas des litiges. On ne parle pas des directives de chantier. On ne parle pas des retenues contractuelles qui peuvent, elles… peuvent voir… facilement l'année calendrier au complet, là, avant d'être payées. Donc, c'est un gros choix. Beaucoup d'entrepreneurs n'auront pas accès… ne vont pas sur le marché public, sur les projets publics justement à cause des délais de paiement, parce qu'ils ne sont pas capables de supporter la main-d'oeuvre, supporter les fournisseurs pour les payer. Il faut payer tout le monde. Donc, nécessairement, c'est un frein au marché public.

Mme LeBel : D'ailleurs, je suis intéressée peut-être de vous entendre ou que vous élaboriez un petit plus sur cet aspect-là. Moi, je suis tout à fait d'accord avec le fait que la liquidité, quand même, est très importante pour nos entrepreneurs, surtout pour les petites PME. Donc, on comprend, là, qu'ils n'ont pas nécessairement les reins pour se financer ou financer des projets de construction en attendant d'être payés. Ça, je pense que c'est... Je comprends ça, mais, de votre expérience… Est-ce que vous avez des statistiques? Combien d'entrepreneurs ne soumissionnent pas aux contrats publics? Parce qu'on prétendait tantôt… des économies assez substantielles en disant qu'on aurait peut-être plus de concurrence et plus de soumissionnaires. Avez-vous des statistiques par rapport à ça? Si c'est le cas, je serais intéressée à ce que vous nous les envoyiez, parce que j'y vois peut-être une relation de cause à effet, mais je la vois de façon moins évidente que vous l'avez énoncée, là.

M. Bilodeau (Marc) : Si je peux… En fait, on n'a pas la statistique exacte. On sait que 77 % des entreprises ont, au moins, refusé de soumissionner des projets, O.K., des projets publics. Ça, c'est une donnée que… dans le rapport de Raymond Chabot Grant Thornton. Mon expérience entrepreneuriale et celle, bon, des collègues, etc, les gens ont fui, à un moment donné, le domaine public à cause du paiement. Ils sont en allés vers le domaine privé. On va aller faire des projets privés. Le projet privé s'est un peu collé, aussi, avec les mêmes délais de paiement que les projets publics, malgré que, souvent, les différends se règlent un peu plus vite. Donc, nous, ce qu'on se dit puis ce qu'on affirme, c'est qu'à partir du moment où est-ce que le domaine public devient un bon payeur, ça devient un marché alléchant pour les entrepreneurs qui… eux, la seule chose qu'ils recherchent, c'est d'être payés en dedans de 30 jours pour ne pas avoir à supporter indéfiniment l'odieux d'attendre leur paiement.

Mme LeBel : Diriez-vous que dans… Un des éléments clés du projet pilote... Je comprends qu'il y a le calendrier de paiement qui est obligatoire, mais qui est… De façon paradoxale, ce sont des clauses qui apparaissent déjà dans les contrats, les clauses de paiement. Diriez-vous que la clé ou l'enjeu majeur du projet pilote, c'est vraiment ce mode de règlement des différends là, qui permet de ne pas se retrouver devant les tribunaux ou de retarder les paiements en attendant que les différends se règlent? Pensez-vous que c'est la clé, plutôt que le calendrier, si on avait à mettre l'accent sur une des deux mesures, là?

M. Bilodeau (Marc) : Bien, écoutez, je vous demanderais de mettre l'accent sur les deux mesures, mais c'est sûr que l'intervenant expert, l'intervenant décideur, l'«adjudicator», vient substituer un problème… vient régler un problème qui est le problème des différends. J'ai vu souvent des cas qui s'en vont en justice, qu'on attend pendant six ans… Donc, l'intervenant expert vient créer puis vient prendre une décision qui est exécutoire tout de suite. Ça vient de régler un problème puis ça vient donner de l'oxygène à l'entrepreneur. Ça ne veut pas dire qu'il va tout avoir, mais ça veut dire qu'au moins, là, il va avoir un baume sur ses plaies puis il va être capable de passer à travers.

On a eu beaucoup de… Durant nos recherches, on a eu beaucoup, beaucoup de témoignages en ce sens-là. Je vous dirais que, oui, l'intervenant expert, c'est un des enjeux. Il ne faut pas oublier le calendrier de paiement, qui est hyperimportant parce que ça, c'est de l'oxygène direct, parce que l'intervenant expert va venir intervenir uniquement quand il va y avoir des litiges, quand il va y avoir des problèmes, mais, s'il n'y en a pas, il faut que le paiement soit aux 30 jours.

Mme LeBel : Merci. Ça va aller pour moi.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, Mme la ministre. Je cède la parole au député de La Pinière pour une période de 10 minutes.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Je vais continuer dans la même lignée. Je vais vous avouer que j'ai peut-être compris aujourd'hui, je ne suis pas sûr, là, une affaire que je n'avais pas comprise la dernière fois. Êtes-vous en train de nous dire, là, que, dans le privé, vous avez moins de difficultés, comme entrepreneurs, à vous faire payer que dans le public?

M. Bilodeau (Marc) : Oui, c'est ce qu'on vous dit.

M. Barrette : O.K. Je n'avais pas bien saisi ça. Ça veut dire que ce que vous nous dites, là, c'est que l'État, là, dans ses responsabilités, peu importe le gouvernement, là, n'est pas bon. Vous pouvez le dire.

M. Bilodeau (Marc) : L'État pourrait être meilleur, disons.

M. Barrette : Correct. La raison pour laquelle je dis ça, là, ce n'est pas compliqué, ça va vous faire rire, c'est parce que, quand on parle des délais que l'on veut raccourcir et pour lesquels on fait des lois, une abusive qui a été changée en une pas abusive, là, je dirais, dans la partie environnement, en amont du projet, l'État n'est pas bon parce que c'est lui qui est responsable des délais d'évaluation environnementale, puis, à l'autre bout, quand les travaux sont faits, il n'est pas bon parce qu'il ne paie pas. C'est à peu près ça. Il ne paie pas assez vite. Oui, il paie, mais il ne paie pas assez vite. C'est ça, là, la situation. Je ne vous demande pas de commenter sur la partie environnementale, mais là vous m'avez éveillé à une chose que je n'avais pas saisie. Pourtant, vous nous demandez d'étendre ça au privé pareil, ce qui est dans le projet de loi. Ça veut dire qu'au privé il y a des problèmes pareil.

M. Boulanger (Steve) : En fait, si je peux éclairer la commission à ce sujet-là, à la page 15 de notre mémoire, vous allez avoir, là, les tableaux qui sont tirés de l'étude d'impact de Raymond Chabot. Et on voit que, pour les paiements progressifs, donc, quand ça va bien, au fur et à mesure du contrat, l'État et le domaine privé est passablement au même niveau. On parle de 61 jours pour le public et 52 jours pour le privé. C'est à la page 15 du mémoire, à la figure 22. Quand on parle des avis de changement, ça commence à se gâter. L'État paie, en général, à 94 jours, et, le secteur privé, à 66. Et là, quand on s'en va à la facture pour la retenue, eh bien, là, ça se démarque encore, le secteur privé paie à 138, quand l'État est, en moyenne, à 194. Alors, ça vous donne un peu une… mais, pour autant, le secteur privé mériterait également d'être recadré pour niveler également le marché, et c'est ce qu'a décidé de faire le gouvernement de l'Ontario, pas plus tard qu'en octobre 2019.

M. Barrette : O.K., niveler, c'est-à-dire rendre tout le monde au même niveau de performance, non optimal, au moins pareil.

M. Boulanger (Steve) : Bien, ce serait optimal si on appliquait ce qui est proposé dans les mesures décrites dans le projet pilote.

M. Barrette : O.K., très bien. Juste un commentaire, là. Je ne veux pas partir un débat, là. Je ne suis pas convaincu, là, de votre histoire de... pas la vôtre, mais celle de Raymond Chabot, comme quoi il y a toujours, par le nombre de soumissionnaires, une baisse de prix. Ça, c'est débattable. Allez-y, M. Bilodeau.

M. Bilodeau (Marc) : Oui, je vais me permettre de vous… commenter là-dessus. C'est une question d'innovation. C'est une question d'entrepreneuriat. Comme entrepreneurs, lorsqu'on connaît notre compétition, on sait qu'on est plusieurs joueurs sur un projet, on fait preuve de beaucoup d'imagination pour pouvoir gagner un projet, dont des innovations en préproduction, des innovations en installation de chantier, en équipement de chantier. Donc, c'est ce qui permet, O.K., de gagner des projets et de diminuer les prix. Donc, cette innovation-là, lorsqu'il y a un, deux, trois soumissionnaires, on n'a pas nécessairement besoin de se la faire. Donc, on fait un prix puis on arrive au prix en bout de ligne. Mais, lorsqu'on a à se battre contre une compétition saine, à ce moment-là, on est obligés d'innover pour arriver à des meilleurs prix.

• (16 h 50) •

M. Barrette : Ça, je tendrais à être d'accord avec ce que vous dites, là, mais c'est toujours la même chose. Est-ce que ça va se réaliser? Ce genre de destination là, ce n'est pas toujours... Je ne veux pas partir un débat là-dessus, là. Je vais vous reposer... Vous avez écouté les précédents… Donc, c'est ce que je comprends, là, vous avez entendu notre groupe précédent, non?

M. Boulanger (Steve) : Partiellement, puisque nous étions dans l'antichambre virtuelle.

M. Barrette : Ah! d'accord. Bien, écoutez, je vais quand même vous poser la même question que j'ai posée aux gens qui vous ont précédés. La limite de 20 millions, la comprenez-vous? En fait, donc, posé différemment : Est-ce que, sur le terrain, vous voyez des embûches à faire sauter cette limite-là dans le cadre de 66?

M. Boulanger (Steve) : Au contraire, c'est ce qu'on demande, que ce soit appliqué à tous les contrats. Et on a questionné… On n'a pas compris la limite de l'évaluation du projet à 20 millions. Les mêmes problématiques sont… sur les chantiers. Que le projet soit de 19 millions ou de 24 millions, c'est la même problématique. Alors, nous, effectivement… que ce soit appliqué à l'ensemble… à tout le moins…

M. Barrette : O.K., là, vous êtes... Vous prenez comme exemple 19, 24. Est-ce que c'est le même commentaire, 10, 40?

M. Boulanger (Steve) : Certainement.

M. Barrette : O.K. Donc, ça, ce n'est pas explicable. Donc, pour vous, vous ne voyez pas d'obstacle administratif, de quelque nature, ou d'autres, là, pour ne pas aller au-dessus de 20 millions.

M. Boulanger (Steve) : Il ne devrait y avoir aucun obstacle. Est-ce que... La seule question qu'on s'est posée : D'où part cette limite de 20 millions? Et on s'est demandé : Est-ce que c'est une question de ressources au niveau du payeur, donc, du donneur d'ouvrage public? Ça, on l'ignore.

M. Barrette : Moi, je ne peux pas vous donner la réponse parce que je n'étais pas impliqué dans ces dossiers-là. Mais par contre, pour avoir été impliqué dans des dossiers gouvernementaux qui ont un point de départ, un jour zéro, il y a une espèce d'arbitraire. Les parties s'assoient puis, d'une façon pas nécessairement basée sur des critères absolus, basée sur une expérience a, b, c, d, à un moment donné, on s'entend sur ça pour des raisons qui ne sont pas toujours viables six mois plus tard.

Alors, moi, c'est comme ça que je le vois. Puis là je vous dis vraiment une opinion qui ne vaut rien d'autre que celle que je viens d'exprimer, là. Maintenant, je n'ai jamais compris pourquoi qu'on maintenait ça. Et j'aurais une raison à évoquer, là. Je ne la dirai pas, parce qu'on va l'évoquer, pendant tous les travaux, pour ne pas le faire, mais je ne le vois pas moi non plus.

O.K. Vous estimez à combien de contrats... C'est difficile, ma question que je vais poser, parce qu'elle est difficile à formuler. Il y a combien de contrats auxquels les entrepreneurs ne soumissionnent pas, là, dans leur vie quotidienne, parce qu'ils n'ont pas les liquidités parce qu'ils ne sont pas payés?

M. Bilodeau (Marc) : C'est une excellente question, et, je vous dirais… Je ne peux pas parler au nom de tous les entrepreneurs parce que je n'ai pas la statistique. Je vais vous parler, moi, comme entrepreneur qui avait quand même une ME, là. Je vous dirais, là, qu'habituellement, là, il y avait au moins un ou deux projets par mois, sur une vingtaine qu'on soumissionnait, qu'on ne cotait pas uniquement parce qu'on n'avait pas les moyens d'aller sur ce projet-là. Donc, on peut parler de... C'était quand même un bon montant, là, je vous dirais. Puis on était quand même une... J'avais une grosse entreprise, mais je vous dirais que, les plus petits entrepreneurs, c'est encore plus vrai, parce qu'eux, la ressource financière... Ils sont beaucoup plus près de leurs ressources financières. Ils ont beaucoup moins de liquidités, beaucoup moins d'accès à la liquidité. Donc, une marge de crédit, avec un fonds de roulement, avec des prêts d'équipements, une hypothèque, ce n'est pas long que notre capacité d'emprunt est arrivée au bout, là. Donc, il faut vraiment... C'est vraiment très délicat.

M. Barrette : Ça fait que, là, on peut faire le lien entre le nombre de... entre Raymond Chabot et le nombre de soumissionnaires par le fait qu'il y en a qui ne peuvent pas soumissionner par manque de liquidités. Il y a un effet, là, corollaire sur… réel.

M. Bilodeau (Marc) : Oui, il y a un effet. Il y a un effet direct.

M. Barrette : Combien de... Je ne sais pas si vous avez une statistique là-dessus, là. Je n'en ai jamais vu. Est-ce qu'on peut estimer qu'il y a des entrepreneurs qui disparaissent à cause de ça?

M. Bilodeau (Marc) : On n'a malheureusement pas la statistique exacte. Là, d'expérience, on sait qu'il y en a beaucoup que c'est une absence, un manque de cash-flow, un manque, bon, de liquidités. Il y en a beaucoup aussi que c'est… le manque de liquidités est un des problèmes parmi d'autres. Mais on n'a pas la statistique exacte sur le nombre de faillites qui sont causées par un problème de paiement, mais… On sait qu'elle existe, mais on n'a pas le montant, le chiffre exact.

M. Barrette : Parfait. O.K., c'est tout pour moi, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Je vous remercie. M. le député de Mont-Royal, il vous reste une minute, cher collègue.

M. Arcand : Une minute? Bon, alors, c'est parce que, tout à l'heure, quand je regardais les normes de Raymond Chabot Grant Thornton, là, 77 % des entreprises du secteur ont mentionné avoir refusé de déposer au moins une soumission en raison des clauses contractuelles. Ça veut dire que c'est très significatif. C'est un énorme problème.

M. Boulanger (Steve) : Certainement, et c'est ce qui a guidé, je pense, la commission Charbonneau à rendre sa recommandation n° 15, parce qu'elle a cité exactement ce passage-là de l'étude, et elle dit : «Ce manque de liquidités limite [le] nombre [des entrepreneurs] et leur croissance en restreignant leur capacité à entreprendre de nouveaux mandats. [...]les retards de paiement pénalisent davantage les PME qui n'ont pas toujours facilement...» Donc, cette donnée-là...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Boulanger (Steve) : Au moment de notre comparution, la commission a pris cette donnée-là au passage et lui a accordé toute l'importance...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci. M. le député de Rosemont, pour 2 min 30 s.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Merci, messieurs, d'être là, MM. Boulanger et Bilodeau.

La recommandation n° 15 de la commission Charbonneau, là, effectivement, à sa face même, elle fait plein de sens. Pardonnez l'anglicisme, elle est tout à fait sensée. D'après vous, est-ce qu'on vous avait dit, à l'époque, pourquoi est-ce qu'on commençait par un projet pilote? Parce que, malheureusement, souvent, les projets pilotes, c'est aussi une façon de noyer le poisson ou gagner du temps, là. Quelque chose d'évident comme ça, et vous en faites la démonstration, pourquoi est-ce qu'on... Est-ce qu'on vous avait donné une raison pour laquelle on passait par un projet pilote, d'abord?

M. Boulanger (Steve) : On était en fin de session législative. Il n'y avait pas de projet de loi sur la table, sinon que le projet de loi n° 108, en décembre 2017, qui venait créer l'AMP. Et on a réussi à convaincre le gouvernement d'introduire certaines mesures puis on nous a dit : Allons-y par un projet... Alors, on a dit : Bien, prenons ça, soyons bons joueurs, étudions les mesures et voyons… mais donnez-nous un délai. Et c'est dans ce cadre-là que le gouvernement a… C'est pour ça qu'on a crainte… parce que c'est pire encore, justement… qu'on pourra être rassurés par les propos qu'a tenus la ministre.

M. Marissal : O.K. Vous avez suivi, évidemment, la brève existence du projet de loi n° 61 puis son enterrement de première classe. Ça m'étonne un peu que vous reveniez aujourd'hui en redemandant 50 et 50.1, qui étaient... Ce n'était pas juste un caillou dans le soulier, là, c'était la chaîne qui nous empêchait d'avancer. Même la ministre, la présidente du Conseil du trésor, qui n'était pas dans ces fonctions-là à ce moment, l'avait dit elle-même, que ça avait une portée beaucoup trop large pour ce qu'on cherchait à faire. Je m'étonne de vous voir revenir avec ça aujourd'hui.

M. Boulanger (Steve) : Bien, en fait, ce n'est pas ce qu'on souhaite. Ce qu'on souhaite... On allait... On ne veut pas reconduire les articles. On voulait reconduire le principe de ces articles-là qui permettait d'instaurer des mesures visant à faciliter le paiement aux entrepreneurs… contrats publics, les sous-contrats publics, incluant ceux des municipalités. Alors, c'est vraiment plus le sens de notre intervention, c'est sur ce principe-là, uniquement, de l'article 50 et 50.1. Alors, merci…

M. Marissal : D'accord. Bien, j'ai mal compris. J'avais conclu à l'apologie de l'article défunt, 50 et 50.1.

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Boulanger (Steve) : Ce n'est pas le cas.

M. Marissal : Mais je crois comprendre, donc, que vous vous en tenez aux recommandations de la page 17, au nombre de deux.

M. Boulanger (Steve) : Tout à fait.

M. Marissal : Très bien. C'est beaucoup plus clair. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, cher collègue. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup pour votre présentation. J'aimerais vous entendre sur l'impact de l'exemplarité de l'État dans les délais de paiement par rapport au privé. Moi, je viens d'une région où, en 2016, par exemple, Rio Tinto avait annoncé la prolongation des délais de paiement, puis, après quelques représentations, entre autres, de la chambre de commerce, ils avaient pilé sur la peinture puis ils avaient reculé. Si on est plus fermes sur le respect de délais de paiement raisonnables dans le projet de loi n° 66, est-ce que vous croyez que ça va avoir un impact sur les pratiques dans le privé?

M. Boulanger (Steve) : On l'espère, effectivement, que ça fasse tache d'huile, parce qu'un donneur d'ouvrage qui veut démarrer un projet et qui n'est plus attrayant, parce que le public paie beaucoup mieux avec des mesures instaurées, va lui-même se dire : Si je veux attirer des entrepreneurs, bien, je vais aussi, moi aussi, offrir des conditions raisonnables et justes qui vont attirer… Alors, je pense qu'effectivement les deux peuvent être reliés.

M. Gaudreault : Ça envoie un signal, en fait, là.

M. Boulanger (Steve) : Oui, et c'est ce qu'on demande au gouvernement, d'envoyer un signal clair aujourd'hui.

• (17 heures) •

M. Gaudreault : O.K., surtout quand on parle de relance économique, là, quand même. Maintenant, bon, on a parlé, tout à l'heure, de statistiques. La ministre a essayé de savoir est-ce que vous avez des chiffres sur les entreprises, par exemple, qui pourraient dire : Ah bien! Moi, je n'embarque pas dans les marchés publics si on ne revoit pas les délais de paiement. J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus là-dessus. Mais, particulièrement, est-ce que vous sentez qu'il peut y avoir une différence dans la volonté des entreprises de participer au marché public dans les régions? Est-ce que vous… Selon votre expérience, par exemple, les régions ressources ou les régions périphériques peuvent faire en sorte qu'ils participeront moins au marché public, à cause des délais de paiement, que les entreprises dans les grands centres, ce qui pourrait faire en sorte que, dans le projet de loi n° 66 et dans les projets listés, les 181 projets, bien là, à ce moment-là, il y aura moins d'entreprises en région si on ne change pas la loi… le projet de loi?

Le Président (M. Simard) : Brièvement, s'il vous plaît.

M. Boulanger (Steve) : Je pense que c'est la loi du nombre des entreprises, qui répond à cette question, beaucoup plus présentes dans les centres urbains que...

M. Gaudreault : D'accord, merci.

Le Président (M. Simard) : Alors, merci. M. le député de Chomedey, pour une période de deux minutes.

M. Ouellette : Merci. Me Boulanger, M. Bilodeau, je vous écoute depuis tantôt puis je me dis : Est-ce que les citoyens du Québec doivent se résigner? Parce que c'est un projet... Le projet de loi, c'est concernant l'accélération de certains projets d'infrastructure. Il y en a 181. Si on ne change pas toutes les mesures par rapport au paiement à l'article 66, la seule chose, la conclusion, moi, à laquelle j'en arrive ou que les citoyens qui nous regardent pourraient arriver… puis se dire : Ça va nous coûter plus cher. Il faut se résigner, là, que, si le gouvernement, dans sa volonté d'accélérer les projets d'infrastructure, ne met pas des mesures, il y a 77 % des entreprises qui ne pourront pas... qui n'appliqueront pas. Ça va nous coûter plus cher parce que ça va toujours être les mêmes.

Puis l'autre problème qu'on va avoir tantôt, du monde, on n'en a pas, au Québec. Il y a une pénurie de monde partout, partout, dans tout. Puis effectivement la machine étatique, là, ce n'est pas un modèle que ça soit aux Transports ou que ça soit dans d'autres ministères. Ça fait que la conclusion à laquelle, moi, j'en arrive, je ne sais pas si c'est la même chez vous, il faut s'attendre à ce que... À cause qu'on veut accélérer, ça va nous coûter pas mal plus cher que ce que ça… ce qu'on aurait pu sauver si on avait donné plus de... par des mesures simples, si on avait donné plus d'accès à plus d'entreprises. Est-ce que j'ai une bonne lecture?

M. Boulanger (Steve) : Nous, effectivement, on se dit : Prenons le risque, qui est un beau risque, d'instaurer des mesures de paiement. Et, si on n'économise pas 6,5 milliards, on va avoir quand même économisé. Et c'est à coût nul pour l'État. On ne demande pas de payer plus et plus vite, on demande de payer dans les délais. Alors, prenons le risque. On n'a rien à perdre, tout à gagner.

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Ouellette : Non, non, c'est une très bonne conclusion, M. le Président. On va le garder là-dessus.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, MM. Boulanger et Bilodeau, de la Coalition contre les retards de paiement dans la construction, merci pour votre précieuse collaboration à nos travaux.

M. Boulanger (Steve) : Merci, ça fait plaisir.

Le Président (M. Simard) : Sur ce, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 03)

(Reprise à 17 h 05)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous sommes en mesure de reprendre nos travaux. Nous sommes en présence de représentants de l'Union des municipalités du Québec, l'UMQ. Alors, Mme Roy, M. Fortin, soyez les bienvenus parmi nous. Vous savez que vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes. Nous vous entendons, après quoi nous pourrons entamer nos échanges.

Union des municipalités du Québec

(Visioconférence)

Mme Roy (Suzanne) : Parfait. Merci beaucoup. M. le Président de la Commission des finances publiques, distingués membres de la commission, merci de recevoir les commentaires de l'Union des municipalités du Québec.

D'abord, au bénéfice des parlementaires, j'aimerais rappeler que, depuis maintenant plus de 100 ans, l'UMQ rassemble les gouvernements de proximité de toutes les régions du Québec afin de mobiliser l'expertise municipale, accompagner ses membres dans l'exercice de leurs compétences et valoriser la démocratie locale. Nos membres, qui représentent 85 % de la population et du territoire du Québec, sont regroupés en caucus d'affinités. On parle là des municipalités locales, des municipalités de centralité, des cités régionales, des grandes villes et des municipalités de la métropole. C'est en ma qualité de présidente de l'union que je prends la parole aujourd'hui. Et je veux également mentionner la présence de M. Fabrice Fortin, conseiller aux politiques de l'Union des municipalités du Québec.

D'emblée, je voudrais vous dire que l'UMQ accueille favorablement le projet de loi n° 66, Loi concernant l'accélération de certains projets d'infrastructure, puisqu'il répond au plan de relance municipale de l'UMQ. Ça fait six mois qu'on essaie d'accélérer, et, de manière évidente, plus on attend, moins on accélère. Il faut rebondir avant de s'engourdir, M. le Président.

Pour l'UMQ, il est temps de procéder parce que les gens souffrent du ralentissement économique partout au Québec, parce que la crise sanitaire va durer, et qu'il faut vivre avec le virus, et relancer tout ce qui peut être relancé de façon sécuritaire, et parce que les travaux d'infrastructure sont un moyen efficace de créer de l'activité. Chaque dollar investi dans les infrastructures génère 1,64 $ en croissance économique. Ce sont des milliers d'emplois directs, indirects, des contrats, des sous-contrats tout le long de la chaîne d'approvisionnement, avec des retombées jusque dans les commerces de quartier.

Les commentaires de l'UMQ porteront sur trois aspects : la mise en chantier des projets municipaux, la compétence des municipalités en matière d'aménagement du territoire et la réforme de la Loi sur l'expropriation.

Au printemps dernier, l'UMQ a élaboré un plan de relance municipal. Nous avons consulté, bien sûr, nos membres ainsi que plusieurs organismes. La mise en chantier des projets d'infrastructure, pilotés autant par le gouvernement du Québec que par les municipalités, venait en tête de lice. Nous sommes donc à la même place que le gouvernement, mais il nous reste deux pas à franchir.

Premièrement, l'UMQ demande un effet miroir dans le projet de loi. Nous nous réjouissons de voir le gouvernement accélérer les projets qui relèvent de son autorité, mais on voudrait pouvoir faire pareil du côté municipal. Nous nous réjouissons que le Québec veuille accélérer de gros projets structurants, mais les infrastructures, c'est aussi des projets municipaux, des parcs, des pistes cyclables, des aménagements qui améliorent la vie des citoyens et des citoyennes. Ceux-là, aussi, on voudrait bien les accélérer. Il ne s'agit pas ici de se lancer dans une foule de projets, mais des projets municipaux qui pourraient être mis sur la voie rapide sont déjà préparés, dans le collimateur, dans nos plans triennaux d'immobilisation. Ils devraient avoir franchi déjà plusieurs étapes, comme le règlement d'emprunt approuvé, les plans et devis complétés, études de sols réalisées ou encore certificat d'autorisation déjà émis lorsque nécessaire.

• (17 h 10) •

Dans un second temps, l'UMQ demande de diversifier les cibles d'investissement. Il faut élargir les critères d'admissibilité du Programme de la taxe sur l'essence et de la contribution du Québec, la TECQ. J'ai l'impression presque de radoter quand je dis ça, parce que les municipalités disposent déjà de plusieurs projets identifiés dans leurs plans triennaux d'immobilisation. On pense ici, bien sûr, à la mise aux normes des hôtels de ville, des garages municipaux, des casernes de pompiers, des équipements culturels, communautaires ou sportifs partout au Québec. Pour éviter une surchauffe dans les programmes et pour enclencher la relance dans nos municipalités partout au Québec, il devient prioritaire d'élargir les critères de la TECQ. On en parle depuis longtemps. Le pas est pourtant facile à franchir.

J'en suis à mon deuxième aspect, la compétence des municipalités dans le domaine de l'aménagement du territoire. Le gouvernement du Québec est sensible aux questions de compétence, nous aussi. La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme établit l'aménagement du territoire comme une composante fondamentale des pouvoirs des municipalités. Avec le projet de loi n° 66, le gouvernement se donne la possibilité de passer outre certains principes de cette loi, qui est une pièce maîtresse des relations Québec-municipalités, c'est-à-dire que les interventions gouvernementales n'auraient plus à être soumises à l'examen de conformité et les organismes gouvernementaux qui mènent ces projets pourraient contourner la réglementation municipale. Des allègements sont possibles à différents niveaux. On doit faire aussi notre bout de chemin et on sera présents.

Maintenant, on fait appel au gouvernement. La collaboration est aussi primordiale. Si on veut des projets bien intégrés dans leur milieu, il faut travailler ensemble. Ça ne veut pas dire qu'on rajoute des délais. Cette collaboration pourrait, au contraire, accélérer la mise en oeuvre de certains projets et, en plus, contribuer à la bonification de ceux-ci. Plusieurs projets cités en annexe du présent projet de loi sont des équipements publics qui marqueront le paysage québécois pour les prochaines générations.

En dernier lieu, je vais aborder la question de l'expropriation. Il s'agit d'un pouvoir extraordinaire que se donnent les administrations publiques pour réaliser des projets qui sont pour l'intérêt de la collectivité. Le projet de loi n° 66 comporte une procédure d'expropriation allégée comme cela a été fait pour le REM, comme ça a été pour le réseau structurant de la ville de Québec. Je vous soumets respectueusement que, si on est toujours en train d'adopter des lois qui, entre autres, ont effet de contourner la Loi sur l'expropriation, c'est peut-être le signe qu'on devrait changer la Loi sur l'expropriation, parce qu'effectivement il y a un problème.

Lorsqu'il n'y a pas d'entente avec le propriétaire d'un immeuble, la loi actuelle fait que les indemnités payées peuvent être disproportionnées par rapport à la valeur marchande. Dans notre mémoire, on cite notamment une décision du Tribunal administratif du Québec de 2013, qui fixe à 1,38 million les indemnités pour un immeuble dont la valeur marchande est de 276 000 $, et c'est sans compter les délais qui s'étirent souvent sur plusieurs années. On comprend pourquoi le gouvernement, encore, ici, se permet de changer les règles, parce que, dans le contexte de la relance, on ne peut pas attendre des années avant d'enclencher des travaux, mais les municipalités aussi sont pénalisées par cette loi.

Nous disons au gouvernement d'aller au bout de sa pensée et de réformer dès maintenant la loi québécoise sur l'expropriation afin que les indemnités soient basées sur la valeur marchande. Le régime d'indemnisation basé sur la valeur marchande permet un rééquilibrage des forces entre les parties expropriantes et les parties expropriées en favorisant un partage plus équitable des risques et assure aussi une prévisibilité budgétaire pour la partie expropriante. C'est un moyen aussi d'accélérer les projets.

Mmes, MM. les membres de la commission, nous sommes dans une crise qui affecte toutes les Québécoises, tous les Québécois dans toutes les régions du Québec, et surtout dans les régions où l'économie est basée sur un ou quelques secteurs d'activité, des régions qui dépendent de l'industrie maritime, forestière, touristique et qui voient leur principal moteur de développement mis en cause pour une période indéterminée. Nous sommes dans la deuxième vague de cette douloureuse pandémie, et il y en aura peut-être d'autres. Il faut agir en concordance avec la gravité de la situation, relancer les activités qui peuvent l'être de façon sécuritaire.

Le Président (M. Simard) : …s'il vous plaît.

Mme Roy (Suzanne) : Oui, je dépasse mon temps?

Le Président (M. Simard) : Pas encore, mais presque.

Mme Roy (Suzanne) : Ah! il me reste un petit paragraphe.

Le Président (M. Simard) : Bien, allez-y donc.

Mme Roy (Suzanne) : Alors, ce que je disais, relancer les activités qui peuvent l'être de façon sécuritaire, enclencher au plus vite les projets qui pourront rallumer l'espoir et avoir un effet structurant pour notre économie. L'UMQ offre toute sa collaboration au gouvernement, appuie l'adoption du projet de loi n° 66. Nous avons confiance que le gouvernement et ses organismes pourront mener à bien des projets qui relanceront notre économie. Merci.

Le Président (M. Simard) : Très bien, merci. Merci, Mme la présidente. Sur ce, je cède la parole à Mme la ministre, qui a été vraiment très sage aujourd'hui et qui mérite 16 minutes dans son droit de parole.

Mme LeBel : Je comprends que vous allez donner du temps supplémentaire à mon collègue d'en face également, mais je ne suis pas sûre qu'il a été aussi sage.

Le Président (M. Simard) : Bien, non, mais, lui aussi, il a été sage, lui aussi, il a été sage, il le méritera.

Mme LeBel : Bon, bien, merci, M. le Président. Je vais essayer d'en faire bon usage. Bonjour, Mme Roy.

Mme Roy (Suzanne) : Bonjour.

Mme LeBel : Contente de pouvoir discuter avec vous de ce sujet-là. Je pense que c'est important.

Donc, d'entrée de jeu, je vais juste... Quand même, vous allez me permettre de cadrer un peu la discussion. Je comprends que les mesures en matière d'expropriation, d'autorisations environnementales… Parce que vous n'en avez pas vraiment parlé. Vous avez parlé des mesures sur la loi sur l'urbanisme. On pourra peut-être en reparler un petit peu plus précisément ensemble, parce que ça m'intéresse d'avoir la position de l'Union des municipalités du Québec sur les deux mécanismes qu'on souhaite mettre en place. Et l'idée, ce n'est pas de bafouer les compétences municipales, mais c'était de trouver des moyens d'accélérer certains processus.

Donc, si on est capables d'en discuter plus avant puis de voir comment on peut obtenir le même objectif et s'il y a des ajustements à faire dans les deux mécanismes qu'on propose, je vais vous entendre avec grand plaisir. Et, si ce n'est pas aujourd'hui, mais que vous avez des suggestions à nous faire avant l'article par article, ça va également me faire grand plaisir d'avoir ces suggestions-là, en gardant en tête que, dans le domaine de l'aménagement du territoire et de la loi sur l'urbanisme, nous voulons trouver des solutions pour accélérer les processus d'autorisation, là, d'octroi de permis, là.

Donc, ceci étant dit, parlez-moi des mesures environnementales. Est-ce que vous pensez que ce sont des mesures qui sont à la fois adéquates, dans le sens qu'elles permettent l'accélération des processus, tout en respectant les principes de la Loi sur la qualité de l'environnement, loi qui continue de s'appliquer? Je ne le répéterai pas trop souvent, je pense. On intervient sur les processus et non pas sur les normes. Donc, qu'est-ce que vous en pensez? Ce n'est pas abordé dans votre mémoire, mais je suis intéressée de le savoir, parce que vous proposez de les appliquer au monde municipal. Donc, vous devez avoir une opinion.

Mme Roy (Suzanne) : Bien, effectivement, nous avons une opinion. D'ailleurs, c'est souvent une question de délais. Vous l'avez bien dit, hein, c'est une question de processus.

Puis là-dessus j'ai presque envie de vous donner un exemple qu'on a vécu chez nous à la mise en place d'une usine de biométhanisation. Alors, on parle d'un projet vert, là. On parle d'une usine de biométhanisation pour transformer les aliments putrescibles en gaz. Alors, ça nous a pris plus de deux ans, dans un parc industriel lourd, là où il n'y avait pas de problématique de milieux humides, nous n'étions pas dans une zone sensible, plus de deux ans, pour obtenir un certificat d'autorisation.

Alors, on comprend, là, par l'exemple à quel point nous, on est convaincus qu'au Québec, là, on peut être rigoureux et plus efficaces. Alors, on pense qu'il est possible de respecter les règles environnementales, mais d'être plus efficaces, de mesurer aussi les différents éléments. Bon, dans l'exemple où je donnais… on est dans un parc industriel lourd, avec des usines de pétrole à côté, et il n'y a aucune zone humide, aucune zone sensible. Alors, il faut, justement, je pense, se rendre plus efficace.

Donc, à ce niveau-là, nous croyons qu'il est possible, avec ce qu'on retrouve dans le projet de loi, de s'assurer qu'effectivement on réduira les processus sans diminuer les valeurs environnementales, qui restent les mêmes, et la protection environnementale, qui reste aussi présente. Mais évidemment il y a différents impacts, et on doit mettre les délais et l'approfondissement des mesures en fonction de la réalité des impacts. Quand il y a peu d'impacts, on peut bien passer deux ans à changer des virgules de place, mais ça reste un projet où il y a moins d'impacts.

• (17 h 20) •

Mme LeBel : O.K., ça m'intéresse, parce que vous avez quand même... Bon, vous êtes mairesse également, là. Donc, vous avez l'expérience terrain, si on veut, de la mise en place de certains projets environnementaux. Et c'est ce qu'on se propose de faire dans le projet de loi n° 66, c'est-à-dire d'établir des chemins, je dirais, des chemins différents, des chemins qui respectent les normes environnementales, mais qui permettent à l'aboutissement final, c'est-à-dire de faire un projet dans le respect de l'environnement, mais de tout de même faire un projet.

Donc, est-ce que vous pensez qu'on est capables, dans... Et je veux reprendre… J'ai oublié une partie de mon propos. Donc, les chemins sont en fonction des impacts environnementaux. Et, je pense que c'est important que je le dise, les milieux humides, les milieux hydriques, la loi s'applique. Les autorisations ministérielles demeurent. Le principe du zéro perte nette demeure. On n'y touche pas dans le projet de loi n° 66. Éviter, minimiser, restaurer, compenser, tous ces principes-là qui existent déjà dans la... par rapport aux protections des milieux humides et hydriques au Québec demeurent dans le projet de loi.

Donc, ce ne sont pas ces projets-là qui vont bénéficier de ce qu'on appelle, nous, la déclaration de projets plutôt que l'autorisation ministérielle. Donc, est-ce que vous pensez qu'on est capables, justement, vous l'avez mentionné dans votre exemple, d'identifier, à la base, le type d'impact potentiel d'un projet? Si c'est dans le milieu d'un champ, je veux dire, hein, je ne le sais pas…

Mme Roy (Suzanne) : …qu'on aurait dû le faire depuis longtemps. Le nombre d'années qui a été perdu sur des projets parce qu'on ne prend pas, à la base, le bon chemin… C'est tout le monde sur la même voie puis on congestionne la voie. C'est ça qui se passe actuellement, là, dans les études environnementales. Qu'il y ait un gros impact, qu'on soit en milieu hybride ou qu'on soit dans un milieu industriel lourd, on est sur la même route, sur la même rue, et là ça congestionne, et là, effectivement, ça crée des retards. Ça crée des problématiques, à mon sens, en termes de développement.

Alors, oui, de changer de chemin, c'est nécessaire. J'oserais même dire que c'est nécessaire pour le gouvernement du Québec et c'est nécessaire aussi pour les projets municipaux parce que, comme je vous le mentionnais, on pense aussi qu'il est important qu'il y ait un effet miroir, donc, que l'on puisse, dans le cas où il n'y a pas d'impact pour des projets ou des impacts vraiment minimes, aussi avoir ces délais. Le ping-pong qu'on peut faire avec le ministère de l'Environnement… Je peux vous dire, c'est un marathon de ping-pong, et dans des cas où, si on avait pris le bon chemin, selon la problématique réelle, environnementale qui peut exister pour ce projet-là, bien, je pense qu'on aurait gagné bien du temps. Et c'est possible d'être et rigoureux et efficace.

Mme LeBel : …contente de vous entendre parce que je pense qu'il y a plusieurs enjeux. Il y a des délais administratifs, purement administratifs. Et je pense que mon collègue en Environnement est en train de les regarder par plusieurs moyens, dont l'ajout d'effectifs, mais je pense que ce n'est pas mutuellement exclusif d'aussi intervenir sur les chemins différents qu'on peut emprunter en vertu des impacts environnementaux.

Les mesures, jusqu'à présent, en expropriation, en environnement, en accélération des paiements et d'intégrité de l'AMP semblent remporter un tel engouement que tout le monde veut que je rende tout pérein, là, dans qu'est-ce que je mets dans le projet de loi n° 66. C'est votre cas pour la Loi sur l'expropriation, qui est sous la responsabilité de mon collègue aux transports, la loi sur l'environnement de mon collègue en environnement. Il y a à peu près l'AMP, là, qui est sous ma directe responsabilité, là, dans ce projet de loi là.

Est-ce que vous avez eu des discussions avec le ministère du Transport sur le fait de rendre ce genre de mécanisme là... Parce que ce n'est pas nouveau, ce qu'on met dans le projet de loi n° 66. On l'a mis, entre autres, pour le REM. On l'a mis pour le projet de Québec aussi, qui a eu son propre projet de loi, là. N'en déplaise à ce que M. le maire de Québec a dit, là, il bénéficie de mesures d'expropriation qui sont similaires, parce qu'on n'a pas réinventé la roue dans le projet de loi n° 66. Est-ce que dans… Vous avez déjà eu cette discussion-là avec mon collègue aux Transports, parce que c'est quand même sous sa responsabilité, là.

Mme Roy (Suzanne) : Oui, définitivement, et, bien avant le dépôt du projet de loi, c'était un élément qu'on a souligné, parce que c'est un des régimes extrêmement généreux au Canada. Quand on vous donnait l'exemple, là… On parle de cinq fois le montant de la valeur marchande. On comprend qu'il doit y avoir des compensations, mais ce qui arrive, c'est que, dès le début du processus... On parlait du processus tout à l'heure. Avec une loi telle que nous avons, sur la Loi sur l'expropriation, les propriétaires terriens n'ont même pas avantage à s'entendre avec le corps public parce qu'ils vont obtenir, par des poursuites, par des contestations, deux fois, trois fois, quatre fois, cinq fois la valeur marchande.

Alors, on comprend que, dès le départ, c'est vicié, parce que ça nous amène des délais supplémentaires, des frais supplémentaires, parce qu'au-delà du coût même… où se termine l'expropriation, on s'entend qu'il y a des avocats qui ont pu, tout au long du processus, bénéficier des contestations. Alors, oui, on en a parlé. Définitivement, on en parle depuis de nombreuses années. Et je pense que, oui, il faut rendre pérein… mais il faut la modifier pas juste dans l'application telle qu'elle est faite, là, au projet de loi n° 66, mais qu'il faut la modifier dans son essence même de… sur quoi elles doivent être basées, les indemnités, lors d'une expropriation.

Mme LeBel : C'est toujours délicat quand on semble, parce que je veux dire en apparence, priver un citoyen de son droit de contester. Par contre, ce que je comprends de vos propos, en tout cas, et ce que moi, je lis dans l'expérience en matière de contestation d'expropriation, c'est que c'est rarement le fait brut d'être exproprié qui est contesté, c'est l'indemnité. Et on se sert souvent du moyen de contester l'expropriation comme telle pour geler le projet et s'en servir comme levier de négociation pour faire augmenter les indemnités. C'est ce que vous nous dites?

Mme Roy (Suzanne) : Ça fonctionne. Je vais plus loin que ça. Oui, ça fonctionne. La meilleure façon d'avoir le maximum pour un terrain, c'est : Conteste ton expropriation, même s'il était prêt à déménager, même si tu n'avais pas de projet sur le terrain, conteste, tu vas gagner le double, le triple de ce que tu pourrais avoir en discutant.

Mme LeBel : Parlons peut-être de façon plus précise, puis vous me direz si vous devez nous faire peut-être un nouvel... peut-être ajouter à votre mémoire par la suite, là. Des mesures qui sont proposées en matière de Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, il y a deux chemins. Il y a le chemin des projets gouvernementaux où, dans l'état actuel du droit, le gouvernement doit... bon, regarde la MRC, avec son schéma d'aménagement, et demande, donc, à la MRC de faire en sorte de modifier son schéma d'aménagement en fonction du projet gouvernemental qui est prévu. Souvent, c'est une route, là, puis des projets qui viennent de la SQI, là. Mais, présentement, ce qu'on propose de faire, donc, c'est de ne pas attendre la modification et d'aller de l'avant. Vous nous demandez, naturellement, de continuer de discuter en harmonie avec les MRC. Je pense que ça demeure l'intention gouvernementale. Mais l'idée, c'est de ne pas avoir de délais ou attendre, parce qu'ultimement, là, ultimement, le schéma d'aménagement est adapté au projet, si je comprends la réalité d'aujourd'hui.

Mme Roy (Suzanne) : Tout à fait. Ce qu'on mentionnait, c'était l'importance aussi de collaborer en amont. Je pense que tout le monde va y gagner. Après ça, un coup qu'on s'est entendus, puis que le projet démarre, oui, que, techniquement, ça prenne un mois, deux mois, trois mois à se faire… Si on a déjà convenu… On travaille déjà ensemble. Je pense que, là aussi, c'est une façon d'être plus efficace, là, de pouvoir travailler avec les municipalités, avec les MRC, donc, en amont des projets et de travailler à la collaboration…

Après, le côté plus technique, je dirais, du temps… où ça peut prendre… parce qu'on le sait, là, les processus sont lourds. Ils sont lourds au gouvernement, mais ils sont aussi lourds dans les municipalités. Alors, oui, le temps d'adopter un règlement, le faire modifier, le passer à la MRC, puis là je ne vous parle pas s'il faut se rendre aux changements au niveau d'une communauté métropolitaine… Alors là, vous venez de gagner des délais qui se calculent en années.

• (17 h 30) •

Mme LeBel : O.K., mais sans négliger le fait que ce qu'on fait déjà, c'est-à-dire de se parler pour s'assurer de s'entendre, et, par la suite, là où on intervient dans les deux processus, pour les projets gouvernementaux et pour les mandataires de l'État, c'est vraiment dans la mécanique qui suit, c'est-à-dire, de mise en application pour réduire les délais, et, pour ça, malgré le fait, et j'en conviens, qu'on vient intervenir dans votre compétence, je pense, vous êtes quand même à l'aise avec ce principe-là, si on continue de discuter comme on le fait présentement.

Mme Roy (Suzanne) : Eh oui, et c'est essentiel, je pense. Ça va faire des meilleurs projets en bout de ligne.

Mme LeBel : Absolument. S'ils sont acceptés par la communauté, c'est l'intérêt. Donc, peut-être, rapidement… Naturellement, vous nous demandez, là... Le projet de loi est ciblé sur 181 projets. Il y a une raison pour laquelle c'est fermé, parce que, bon, il y a des processus environnementaux qu'on vient établir. On parle de chemins différents. On veut permettre à l'Environnement de bien suivre ces projets-là et de ne pas les échapper. Malgré les processus qu'on met en place, on veut remettre encore… une garantie encore plus grande… donc, moins de projets. Il y a plus de possibilités pour le ministère de l'Environnement et le ministre de bien suivre ces dossiers-là, même chose en matière d'expropriation. On veut s'assurer de ne pas, même si c'est en apparence, et on constate que, dans la pratique, ce n'est pas la même chose, brimer le droit des citoyens, etc. C'est une raison pour laquelle c'est fermé.

Je comprends votre demande, mais avez-vous chiffré le nombre de projets que ça pourrait mettre sur la table, le nombre de projets qui bénéficieraient des différents chemins environnementaux, le nombre de projets qui pourraient bénéficier de l'exception de l'expropriation, disons-le comme ça, et les autres mesures? Parce que, là, on vient peut-être de faire en sorte que l'AMP, ou l'environnement, ou d'autres choses… Il sera peut-être plus difficile, là, de faire des contrepoids, là.

Mme Roy (Suzanne) : Oui, mais... des projets, là. On parle de projets qui sont déjà dans le collimateur. Mais on a déjà adopté des projets de règlement, par exemple, dont on a déjà les plans et devis, donc, des projets qui sont déjà travaillés par les municipalités, de pouvoir... des projets qui vont se réaliser mais, plutôt que de se réaliser dans deux ans et demi ou dans trois ans, pourraient peut-être se réaliser plus rapidement. Alors, non, actuellement, je ne suis pas capable de vous faire le portrait global, parce qu'il faudrait aller voir dans chacune des municipalités, mais on parle non pas nécessairement de projets qui pousseraient aujourd'hui, mais de projets qui sont déjà débutés ou qui sont déjà dans les processus.

Mme LeBel : Parce que l'impact est important. Donc, je comprends bien qu'aujourd'hui vous n'êtes pas capable de nous dire combien de projets municipaux pourraient potentiellement être visés, bien que je ne veux pas que vous lisiez une ouverture de ma part sur ce sujet-là, mais c'est intéressant de voir quel serait l'impact, là.

Mme Roy (Suzanne) : Ah! j'avais espoir, Mme la ministre, j'avais espoir, là…

Mme LeBel : Oui… Non, mais ce n'est pas ni ouvert ni fermé. Je veux juste que vous ne lisiez rien de ma question, mais je m'interroge, parce que même le gouvernement ne met pas tous ses projets gouvernementaux sur cette liste-là, pour de bonnes raisons. Donc, j'aurais voulu voir... J'ai mon collègue de La Pinière juste en face, ses expressions faciales, des fois, me perturbent, mais je vais me limiter à ça. Mais j'aurais aimé avoir peut-être...

Mme Roy (Suzanne) : On ne les voit pas, nous.

Mme LeBel : Oui, je le sais, vous n'avez pas cette chance-là. Mais j'aurais aimé peut-être avoir une idée de l'impact potentiel d'étendre une telle... parce que ce n'était pas le cas du projet de loi n° 61 non plus, là, donc.

Le Président (M. Simard) : Très rapidement, s'il vous plaît, Mme la Présidente.

Mme LeBel : En 10 secondes.

Mme Roy (Suzanne) : Alors, bien, je pense qu'effectivement il faut le regarder, parce que ça va nous permettre aussi d'avoir des projets différents, puis des projets dans toutes les régions du Québec, puis d'avoir des projets aussi plus petits.

Le Président (M. Simard) : Merci. M. le député de La Pinière.

Mme Roy (Suzanne) : Merci, M. le Président.

M. Barrette : Bonjour, Mme Roy.

Mme Roy (Suzanne) : Bonjour.

Le Président (M. Simard) : Vous aussi, vous avez été gentil. Donc, vous avez un supplément dans votre temps également.

M. Barrette : Merci. Alors là, vous allez voir mes mimiques et vous allez comprendre, évidemment, que... Vous savez, je vais vous dire quelque chose qui va vous intéresser. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de suivre tous nos travaux à date, mais les travaux, jusqu'à la dernière minute et demie, ont été faits sous le signe de : c'est fermé, il n'y aura pas d'ouverture. Et là j'ai été très étonné de voir la ministre poser des questions qui nous amènent à beaucoup, beaucoup d'ouverture. Puis il y a beaucoup de gens, de notre côté de la table, qui pensent que ce que nous faisons actuellement est un précurseur à un élargissement assez général, mais évidemment on est encore dans une dynamique fermée. Mais vous avez suscité, Mme Roy, un moment politiquement intéressant.

Je vais revenir… Juste par curiosité, Mme Roy, je vais prendre votre exemple d'usine de biométhanisation, à propos duquel vous avez eu à faire du ping-pong, là, pour utiliser votre expression. Que s'est-il passé exactement, là? Vous avez... Puis je vais prendre votre expression à vous, là, rigueur et efficacité. Quand vous dites «rigueur», vous croyez à l'application de ce qui est l'essence de la procédure environnementale. Et, quand vous dites «efficacité», ça veut dire qu'il y a quelqu'un qui n'est pas efficace, là, qui est lent ou il y a des embûches. Donc, vous ne contestez pas le fond, mais vous contestez la forme, que je comprends, en passant. Alors, qu'est-ce qui s'est passé, là? Est-ce que, le ralentissement, il est venu de votre bord? Il est venu du bord de l'État? Il est venu d'où, de la poste?

Mme Roy (Suzanne) : Bien, d'abord, le processus de base, on est tous dans le même… sur la même route. Qu'importent les projets, qu'importe l'impact environnemental, on est tous sur la même route. Et là on a des beaux délais. Alors, on dépose un projet, 120 jours pour obtenir une réponse. En fait, c'est 120 jours pour obtenir 120 autres questions auxquelles on répond avec un nombre de jours déterminé. Ça retourne et ça revient. Alors, évidemment... Et je vous dirais qu'on n'a pas vu… Quand il y a 120 jours, ça ne rentre pas à la 119e journée, ou à la 115e, ou la 100e journée, ça rentre à la 120e journée.

Alors, oui, je pense qu'il y a des éléments à la base… Si on avait déjà pris comme constat qu'on était dans un parc industriel lourd, pris comme constat qu'il n'y avait pas de problème au niveau de milieux humides... Ça, c'était identifié à la base, là. On ne les avait pas, ces problèmes-là de milieux humides. On n'avait pas ces problèmes de milieux sensibles non plus. Alors, à la base, le processus est extrêmement long, et, si on pouvait déjà définir en accompagnement plutôt qu'en ping-pong, déjà, on serait plus efficaces.

Et moi, j'espère, M. Barrette, que, oui, il va l'avoir, l'ouverture, parce que c'est important qu'on puisse faire des projets différents dans chaque région du Québec, puis de plus petits projets. Oui, bien sûr, ces projets-là qui sont dans l'annexe du projet de loi sont extrêmement importants pour l'ensemble du Québec, mais les projets dans nos municipalités, dans toutes les régions, sont aussi des éléments qui vont permettre d'avoir une véritable relance.

M. Barrette : O.K., mais on s'entend sur une chose, je pense, là, vous me le confirmerez ou non, c'est que, si la procédure, du côté gouvernemental, est lourde, et lente, et même, des fois, boiteuse, le problème, il est là plus que dans le fond de la procédure, à la case départ. Moi, je postule que vous, vos officiers à vous ont été efficaces. Ça veut dire que la résultante inefficace, elle vient de l'autre bord de l'équation.

Mme Roy (Suzanne) : Bien, à la base, si, déjà, les processus d'évaluation tenaient compte du rythme réel ou de l'impact réel sur l'environnement, les chemins seraient différents. Plutôt que d'être tous sur la même route, on pourrait peut-être… sur trois routes différentes, ce qui permettrait d'accélérer les processus. C'est ma vision des choses. Peut-être que je rêve en disant ça, mais je reste encore convaincue qu'au Québec on est capables d'être et rigoureux et efficaces.

M. Barrette : Très bien. Moi, je suis d'accord avec vous, Mme Roy, d'accord avec vous. C'est juste que, quand on dit ça, il faut l'appliquer sur le terrain. Et actuellement ce qui est proposé, ce n'est pas la même rigueur en termes d'évaluation que ce qui existe aujourd'hui. Alors, vous m'avez lu dans les journaux, quand la pelle mécanique a écrasé la grenouille, là, il n'y en a plus, d'évaluation environnementale de faisable. Et c'est ça qu'on nous propose actuellement en milieux humides, essentiellement. Mais je ne veux pas qu'on débatte de ça, là. Comme je vous disais, pour moi, là, je ne veux pas vous mettre sur la sellette sur cet élément-là.

Sur les expropriations, vous avez fait un commentaire, Mme Roy, qui m'a étonné. Puis je vais vous dire... Je vais vous demander votre connaissance, là. Peut-être que vous allez probablement en avoir plus que moi. Selon les informations que j'ai, là, au gouvernement, on dit souvent... Ça, ce n'est pas selon... Je vais mettre ça dans le bon ordre, là. Le gouvernement nous dit souvent, pour ce qui est de l'expropriation, c'est copié-collé au REM. Selon mes informations, les litiges dans le REM ont été réglés avant le début des travaux. La loi du REM a forcé les gens à se parler puis régler leurs problèmes avant de commencer les travaux, alors que, là, ce n'est pas exactement la même affaire. Oui, c'est le même texte de loi ou à peu près, il n'y a pas beaucoup de différences, sauf que les, disons, litiges qui existent, qui sont en cours de débat, on les arrête. Il me semble que, là, il y a un problème, vous ne trouvez pas?

Mme Roy (Suzanne) : En fait, les litiges viennent souvent... Puis on le vit dans les municipalités, là, quand c'est un corps public qui va vérifier le coût, par exemple, de l'achat potentiel d'un terrain ou d'un bâtiment dans nos milieux. Alors, aussitôt que c'est la ville qui fait la démarche, on vient d'avoir une hausse en partant, là. On ne parle plus la même langue, là. Le propriétaire terrien nous voit arriver comme la poule aux oeufs d'or.

Alors, oui, c'est un corps public. On va contester. On va pouvoir avoir plus. On n'est pas sur la base, premièrement, de la valeur marchande. Donc, ça a des impacts importants et c'est pour ça qu'on réclame que la loi soit modifiée entièrement sur la façon même dont on doit calculer les indemnités, sur la base même de calculs lors de l'expropriation. Est-ce que ça doit être la valeur marchande pure ou est-ce qu'il peut y avoir un autre type d'indemnisation qui tient compte des projets, du zonage ou de d'autres éléments? Possiblement. Mais actuellement, là, c'est vraiment la poule aux oeufs d'or quand on parle d'expropriation.

• (17 h 40) •

M. Barrette : Bien, ce n'est pas... Là, peut-être, je me suis mal exprimé, Mme Roy. J'ai déjà eu cette conversation-là avec Mme la ministre. Je considère qu'il y a des contestations qui sont frivoles. Je considère qu'il y a de l'exagération. On est sur la même page. Et je suis d'accord qu'à un moment donné il faut régler ça.

Ceci dit, le stop, l'arrêt que la loi impose sans permettre aux parties, parce qu'on les force à cause de 66, à régler leurs affaires… Il me semble qu'on devrait leur laisser le temps de régler leurs affaires. Dans le REM, ça a été ça, là. Dans le REM, ils ont réglé... On me raconte, puis peut-être que j'ai une mauvaise information, que les enjeux litigieux entre les parties se sont réglés avant la pépine. Il me semble que c'est ça qu'on devrait viser. Alors, il y a un côté exagéré du côté des contestations. Je suis d'accord avec vous.

Maintenant, il me semble que, là, actuellement, ce qu'on nous présente est exagéré dans l'autre sens. La refonte de la Loi sur l'expropriation, bon, ce n'est pas l'objet de la loi, là. Si moi, je propose ça, je sens qu'il va y avoir une opposition de la part de la ministre, et ça va être un appel au règlement, validité de la proposition. Vous êtes familière avec ça, hein? Alors... Mais je suis d'accord avec vous, mais pouvoir régler ce qui est en cours, il me semble que ça devrait être quelque chose qui devrait pouvoir se faire. Vous n'êtes pas d'accord?

Mme Roy (Suzanne) : Il faut s'assurer... Puis avec… Telle qu'elle est faite actuellement, la loi, elle n'amène pas à des règlements faciles. Au contraire, elle incite à la contestation et à la longueur...

M. Barrette : Bien, la loi actuelle, là, mais, dans le cadre de 66, il faudrait avoir quelque chose, à mon avis, mais on y reviendra à l'étude détaillée.

Vous êtes l'Union des municipalités du Québec. Vous avez des yeux partout autour de votre tête, partout, mais partout, partout, partout aussi. Vous êtes totipotente. Tant mieux pour vous, là. C'est le fun. Dites-moi une chose, là. Avez-vous des informations, vraiment, qui ont une certaine précision, sur les 181 projets, là? Moi, ma lecture des 181 projets, c'est qu'il y en a très peu qui ont besoin d'un BAPE pour ce qui est de l'environnement, les expropriations aussi. Moi, je pense que les expropriations, dans la lecture des 181 projets que je fais, il n'y en a pas tant que ça. Est-ce que vous faites la même lecture?

Mme Roy (Suzanne) : Bien, je n'ai pas fait l'étude exhaustive. Possiblement que certains projets réclament de l'expropriation, d'autres réclament des processus environnementaux plus rapides sur l'ensemble. Mais nous, nous n'avons pas fait, là, l'étude exhaustive de ce que réclamait chacun des projets pour être accéléré. On vous laisse ça à vous, parlementaires, qui avez la chance de pouvoir les traiter, alors, mais il est clair que notre souhait plus global, je vous dirais, c'est de voir se réaliser ces projets dans nos régions.

M. Barrette : On est d'accord, on est d'accord. Vous comprenez que là où je veux en venir, c'est qu'un projet qui, au moment où on se parle, n'a pas besoin ni d'étude environnementale ni d'expropriation, au moment où on se parle, il chemine. Une maison des aînés, ce n'est pas compliqué. Il y a une seule décision à prendre, c'est le nombre de places. Le reste, on donne le budget, puis les appels d'offres se font. Bien, ça, c'est 35 % des 181 projets. Les écoles, bien, vous connaissez la dynamique locale, là. Il y a une loi qui permet l'expropriation, mais il y a quelques douleurs au choix d'un espace que la population n'accepte pas nécessairement, parce qu'on prend un parc, par exemple. Ça, je prends souvent cet exemple-là, ça existe, ça, mais ce n'est pas 66 qui va accélérer ça. Moi, dans ma ville, là, moi, je suis un comté de ville...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Barrette : …oui, je termine là-dessus, il y a ça. Je veux dire, la commission scolaire a identifié un parc. La population est moins heureuse de ça. Et là, bien, on essaie de faire plaisir à tout le monde, puis le projet n'a pas encore avancé. Donc, 66, on s'entend que ça ne va pas accélérer ça, là.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci à vous, cher collègue. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont pour une période de 2 min 40 s.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Mme Roy, bonjour virtuellement.

Mme Roy (Suzanne) : Bonjour.

M. Marissal : Bonjour. Dites-moi donc, Mme Roy, dans votre ville, là, si vous décidez de construire un aréna, ça va prendre combien de temps à se faire?

Mme Roy (Suzanne) : Ça dépend où on va vouloir le mettre, évidemment, quels sont les terrains qui sont disponibles. mais il y a... Ça dépend des projets. Ça dépend des... Je ne peux pas vous donner un temps, spécifiquement, pour un aréna. Ça va dépendre du projet, et de l'endroit où il va se situer, et des programmes qui pourront nous soutenir dans la construction.

M. Marissal : O.K., mais on s'entend que ça ne sera pas fait en six mois, là? Il y a des délais normaux que vous pouvez juger anormaux, là, mais il y a quand même des délais minimaux, à toute forme de construction, qui ne sont pas dus nécessairement aux empêcheurs de tourner en rond que vous identifiez comme étant le BAPE ou autres. C'est aussi du bon vieux «red tape» dans votre municipalité ou ailleurs, mais c'est aussi parce que, par principe de précaution, des fois, on veut s'assurer qu'on construit à la bonne place.

Mme Roy (Suzanne) : Il y a des délais normaux puis il y a des délais qui font augmenter et qui, là, font qu'un projet qui, normalement, aurait dû se construire en une année ou en deux ans va en prendre quatre, va en prendre cinq. Évidemment, s'il faut exproprier un projet… par exemple, un terrain pour agrandir l'aréna, actuellement, à Sainte-Julie, je m'embarque dans un processus qui va facilement doubler le temps de l'agrandissement de l'aréna.

M. Marissal : Oui. Je ne veux pas aller sur l'expropriation. Je n'ai pas le temps, mais vous conviendrez avec moi que ce sont des mesures d'exception qui demandent des mesures d'exception pour les gens qui se font exproprier, là. En général, ce n'est pas le fun de se faire exproprier non plus, là, mais je n'irai pas là-dedans. Je n'ai pas le temps.

Moi, je veux juste vous dire, Mme Roy, que, dans mon comté, là, ça fait 25 ans qu'on parle du SRB Pie-IX, qui est enfin en train d'être construit. Puis je peux vous garantir que, pour courir là régulièrement, il n'y a pas de marécage ni de milieu humide là. C'est purement une question de volonté politique puis de niaisage avec le puck. Alors, est-ce qu'on n'est pas en train d'essayer de se servir de la relance économique, dont tout le monde souhaite la réalisation, bien sûr, pour justement couper un peu les coins ronds, justement, en mesure d'évaluations environnementales, parce que c'est trop long? Et moi, je vous le dis, je suis peut-être d'une nature plus patiente que vous, là...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Marissal : ...mais, deux ans pour votre projet de biométhanisation, ça ne m'empêche pas de dormir. Je trouve que c'est correct de prendre le temps de bien faire les choses.

Mme Roy (Suzanne) : Bien, nous, ça nous a empêchés de dormir parce que ça nous empêchait d'avancer. Puis ce n'était pas deux ans pour la construction, c'étaient deux ans pour obtenir le certificat d'autorisation dans des milieux pas sensibles, dans des…

M. Marissal : Bien oui, c'est ça, ce n'est pas un dépanneur.

Le Président (M. Simard) : D'accord. Merci, Mme Roy. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière, qui dispose d'une période de 2 min 40 s.

M. Gaudreault : Oui. Alors, merci de votre présentation. Je voulais vous entendre spécifiquement sur les articles 54 à 61, là, qui amènent quand même pour les municipalités des nouveaux délais beaucoup plus courts. Entre autres, l'article 61, là, à compter du 10e jour suivant la notification, on va considérer que c'est conforme. Alors, est-ce que vous êtes... C'est quoi, votre avis? Et êtes-vous à l'aise avec ces délais très courts entre 54 et 61?

Mme Roy (Suzanne) : En fait, je vous dirais qu'on comprend que c'est dans une situation particulière, dans la situation où on veut relancer les choses, où, effectivement, ça va nous demander, à nous aussi, plus d'efficacité. On va devoir prioriser ces projets-là, parce que c'est ça, hein, c'est aussi un choix où, quand ça va arriver, si ton délai est plus court, ton projet est priorisé. Donc, c'est une analyse qui est première sur le dessus pour s'assurer d'être plus efficace. Alors, c'est clair qu'à ce moment-là, dans le cadre d'un moment défini, d'une particularité qui est celle de cette pandémie que l'on vit actuellement... et je fais actuellement une tournée des régions et je peux vous dire que, dans toutes les régions, je sens l'anxiété augmenter, le stress augmenter. Alors, on va tous mettre l'épaule à la roue pour être plus efficaces.

M. Gaudreault : Merci. Vous avez noté au début de votre présentation plusieurs types de projets. Vous avez parlé d'arénas, de bibliothèques, des projets plus petits. Je ne vous ai pas entendu parler de mesures d'assainissement des eaux, par exemple, alors qu'on sait que, dans plusieurs municipalités, c'est quand même un enjeu important parce qu'il y a encore des déversements d'eaux usées, par exemple, dans le fleuve ou dans des rivières. Est-ce que, pour vous, ça apparaît comme des projets qui devraient se qualifier pour la relance économique?

Mme Roy (Suzanne) : Tout à fait, tout à fait.

M. Gaudreault : Êtes-vous capable...

Mme Roy (Suzanne) : Ce sont des projets...

M. Gaudreault : Pardon?

Mme Roy (Suzanne) : D'ailleurs, ce sont des projets qu'on retrouve dans certains plans triennaux d'immobilisation parce qu'ils sont priorisés. Donc, oui, ça ferait partie des projets qui peuvent être mis en chantier dans le cadre d'une relance.

M. Gaudreault : Êtes-vous capable d'évaluer à peu près les sommes que ça pourrait représenter, ceux que vous savez, là, chez vos collègues de l'UMQ, qui seraient presque prêts, là, à être lancés, là, et ça tarde, là, pour toutes sortes de raisons?

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

Mme Roy (Suzanne) : Je ne pourrais pas vous donner un chiffre comme ça parce qu'il faudrait vraiment, là, aller faire les demandes spécifiques aux municipalités pour quels sont ceux qui sont en assainissement des eaux, mais les besoins sont là.

M. Gaudreault : Merci.

Le Président (M. Simard) : Alors, Mme Roy, présidente de l'UMQ, merci de votre présence parmi nous ce soir, ainsi qu'à M. Fortin, qui vous accompagnait. Et saluez de notre part vos concitoyens de Sainte-Julie.

Mme Roy (Suzanne) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard) : Sur ce, nous allons suspendre nos travaux et on se retrouve à 7 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 49)

(Reprise à 19 h 33)

Le Président (M. Simard) : Alors, à l'ordre, chers collègues! Je constate que nous avons quorum. Nous pouvons donc reprendre nos travaux. Je vous remercie à nouveau pour votre ponctualité.

Nous recevons à l'instant les représentants de la Fédération québécoise des municipalités. Messieurs, à vous deux, bienvenue. Auriez-vous d'abord l'amabilité de vous présenter? Et vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation.

Fédération québécoise des municipalités

M. Demers (Jacques) : Je m'appelle Jacques Demers, président de la Fédération québécoise des municipalités.

M. Châteauvert (Pierre) : Et Pierre Châteauvert, directeur des politiques de la Fédération québécoise des municipalités.

Le Président (M. Simard) : Bienvenue. Nous vous écoutons.

M. Demers (Jacques) : Bien, bonjour. Merci de nous accueillir. D'abord, oui, je suis président de la Fédération québécoise des municipalités, mais je suis d'abord maire de Sainte-Catherine-de-Hatley et aussi préfet de la MRC Memphrémagog. Je suis accompagné évidemment de notre directeur des politiques à la FQM.

Depuis le début de cette pandémie, nous sommes dans l'urgence. Tous les jours, nous mettons en place des façons de faire qui divergent de nos habitudes aussi bien pour nos citoyens que pour la sécurité de nos communautés. L'urgence, ça nous oblige à innover. En crise, on est obligés de sortir des sentiers battus.

Je pense que je vais demander à Pierre de nous lire le résumé de notre mémoire, s'il vous plaît.

M. Châteauvert (Pierre) : D'accord. Donc, notre mémoire, il a différentes parties, selon le projet de loi, puis il y a des messages qu'on aimerait... principaux messages qu'on aimerait passer à la commission ce soir, donc, d'abord, sur l'achat et l'approvisionnement local.

Les régions du Québec ont grandement besoin de projets d'infrastructure qui permettront de relancer leur économie. Cette relance peut cependant aller plus loin et permettre une véritable mobilisation des ressources du milieu. Le projet de loi n° 67, qui est aussi à l'étape des consultations particulières, contient des dispositions permettant notamment aux municipalités, dans une demande de soumission publique, d'exiger la provenance canadienne.

Il serait approprié d'appliquer des dispositions similaires aux projets d'infrastructure inclus au projet de loi n° 66 de façon à ce que les entrepreneurs partout sur le territoire en tirent profit. De plus, il serait bénéfique pour les régions qu'une véritable politique d'achat et d'approvisionnement local soit mise en place pour les organisations et les établissements publics, comme les maisons des aînés, afin de favoriser les produits et fournisseurs locaux.

Au niveau de l'encadrement des mesures d'accélération relatives à l'acquisition de biens, donc, la FQM se réjouit des allègements apportés à la procédure d'acquisition de biens puisqu'ils permettront de réaliser les projets d'infrastructure plus rapidement. Considérant que l'aménagement du territoire est une compétence des MRC et des municipalités et que plusieurs projets inclus dans l'annexe I auront un impact sur celles-ci, la FQM souhaite que les MRC soient informées des modalités d'application de la procédure pour les projets qui se dérouleront sur leur territoire et soient informées le plus rapidement possible.

Auparavant, la démarche d'acquisition était suffisamment longue pour que les MRC et les municipalités concernées par un projet aient le temps de s'assurer de sa cohérence avec le schéma d'aménagement et de développement. Maintenant que la réalisation des projets se trouverait accélérée, il faudrait que les MRC et municipalités soient informées plus tôt dans le processus afin qu'elles puissent effectuer leurs analyses presque de façon concomitante.

Toujours au niveau des mesures d'accélération, au niveau de l'environnement, afin d'atteindre les objectifs souhaités par le gouvernement, il est essentiel que les municipalités et les MRC puissent également donner une impulsion à l'économie locale par l'accélération de leurs travaux, de leurs propres travaux d'infrastructure planifiés. Puisque plusieurs projets de nature environnementale sont déjà dans la planification des municipalités, il serait intéressant qu'ils soient priorisés dans le cadre de ce projet de loi.

La FQM rappelle la complexité et la lourdeur du processus d'approbation des projets et les délais administratifs indus pour l'obtention de l'autorisation ministérielle, qui entraînent des coûts et des retards importants pour les municipalités. Ainsi, la FQM propose que des travaux planifiés, comme l'alimentation en eau potable, ou le traitement des eaux usées, ou tout autre projet d'infrastructure nécessaire au respect d'une obligation liée à une loi ou à un règlement environnemental, puissent également bénéficier de mesures d'accélération, et il y en a beaucoup.

Par ailleurs, il serait souhaitable que les travaux visant la protection de territoires face aux inondations, nécessaires pour des questions de sécurité publique, puissent également faire l'objet d'un processus accéléré. D'ailleurs, c'est traité dans le projet de loi n° 67… à l'Assemblée nationale.

Malgré le caractère exceptionnel et temporaire des mesures proposées dans le projet de loi, et afin que les interventions des municipalités dans les compétences qui leur sont attribuées soient efficaces, les municipalités doivent pouvoir bénéficier des informations concernant le développement actuel ou projeté sur leur territoire et les travaux qui en découlent. Il importe de rappeler que ce sont les municipalités et les MRC qui planifient l'aménagement du territoire, et cette tâche ne peut se faire adéquatement sans l'accès aux informations pertinentes.

Le projet de loi prévoit, à l'article 27, la transmission par l'organisme public d'une copie de la déclaration de projet à la municipalité. Toutefois, ce n'est pas le cas pour plusieurs informations clés pour une planification cohérente de l'aménagement du territoire. Ainsi, l'attestation de conformité signée par un professionnel, prévue à l'article 29, est transmise uniquement au ministère de l'Environnement.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit, à l'article 30, que, lorsque des travaux de remise en état des milieux humides et hydriques sont effectués, l'organisme public concerné par la déclaration de projet doit transmettre au ministre responsable de l'Environnement un avis signifiant la fin des travaux. Aussi, le rapport de suivi par un professionnel doit être produit un an suivant la fin des travaux de remise en état. Considérant que les MRC… les responsabilités des MRC quant à la réalisation de plans régionaux de milieux humides et hydriques, il semble essentiel que ces dernières soient informées de tous les travaux effectués dont on a fait état.

Nous souhaitons également porter à votre attention l'importance de prévoir au projet de loi la transmission aux MRC de toute étude, analyse et caractérisation concernant les milieux humides et hydriques réalisée dans le cadre des projets visés afin d'améliorer leurs connaissances en matière de conservation et utilisation durable des milieux humides et hydriques.

Bien que la FQM soit d'accord avec l'esprit du projet de loi, le pouvoir des municipalités en matière d'aménagement doit être protégé dans le cadre de cette loi. C'est aussi le cas pour la question de la gestion et la protection des cours d'eau. Le projet de loi prévoit une soustraction de l'application des dispositions de la LAU, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, pour les interventions gouvernementales.

Par ailleurs, des allègements à la procédure d'obtention d'une autorisation municipale sont également prévus afin d'accélérer l'obtention de permis de construction. Ces mesures peuvent inquiéter et doivent se limiter à la période d'application de la loi.

La cohérence des interventions sur le territoire est un principe d'aménagement important qui incombe aux MRC. Nous partageons le caractère d'urgence de la situation, et il faut éviter des excès qui ont déjà été constatés dans le passé. De plus, nous demandons au gouvernement d'associer le plus tôt possible les municipalités et les MRC dans la planification d'un projet pour éviter d'éventuels problèmes.

Au niveau de la reddition de comptes, nous croyons que des mesures supplémentaires doivent être prévues, considérant les impacts importants à long terme de la majorité de ces projets sur le territoire. Et, aussi, la façon qu'on va les gérer, ça peut être très intéressant. Toute dérogation aux pouvoirs des municipalités en matière d'aménagement et d'urbanisme ou aux schémas d'aménagement des municipalités devrait, par le biais d'une reddition de comptes accrue, être centralisée dans un registre aux fins d'une consultation ultérieure.

La reddition de comptes aux municipalités, spécialement en ce qui a trait aux dispositions relatives à l'aménagement, est essentielle. Les municipalités doivent être informées et avoir accès à la liste exhaustive des demandes formulées et des dérogations permises dans le cadre du projet de loi de façon à pouvoir y référer dans le futur. L'objectif d'un tel registre serait de distinguer ou, voire, exclure les dérogations permises dans le cadre de ce projet de loi de toute autre dérogation demandée dans le futur afin qu'elles ne constituent pas un frein au développement de nouveaux projets.

Selon la FQM, ce projet de loi permettrait des retombées économiques et sociales importantes dans cette période cruciale de pandémie. À cet effet, elle lui apporte son soutien, sous réserve des commentaires et des propositions exprimés plus haut. La FQM est persuadée que ces propositions permettraient d'augmenter les bénéfices attendus du projet de loi ou de prévenir des situations inefficaces et problématiques qui pourraient en découler. Merci.

• (19 h 40) •

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. Châteauvert. Mme la ministre, je vous cède la parole. Vous disposez de 16 minutes.

Mme LeBel : Oui, merci, M. le Président. M. Demers, M. Châteauvert, merci d'être présents. Merci de venir discuter avec nous, là, de cette nouvelle mouture du projet de loi.

Il y a plusieurs choses, là, que vous avez traitées assez rapidement dans votre présentation. Peut-être qu'on pourra se permettre, là, dans les 16 minutes qui nous sont imparties, de vous permettre d'élaborer un peu plus sur certaines recommandations que vous faites, bon, plusieurs recommandations qui sont des recommandations que j'appellerais, plutôt, de bonnes pratiques, c'est-à-dire consulter les municipalités en amont, etc., et quelques recommandations qui visent plus particulièrement des ajouts au projet de loi en matière législative.

Donc, on va peut-être parler, plutôt, particulièrement, des ajouts. Mais, en premier lieu, j'aimerais vous demander peut-être votre opinion et celle de vos membres. Vous avez émis, donc, un communiqué de presse, je pense que c'est le 23 septembre, mentionnant que la FQM accueillait favorablement le projet de loi n° 66 pour limiter les délais des processus administratifs, et vous avez signifié, entre autres, particulièrement en ce qui a trait aux autorisations environnementales… J'aimerais peut-être vous entendre un peu sur votre opinion sur les processus environnementaux, les chemins. Votre prédécesseur de l'UMQ, tantôt, a parlé de créer plusieurs chemins, dépendamment du risque environnemental ou de l'impact environnemental anticipé d'un projet. C'est exactement ce que le projet de loi n° 66… dans cette philosophie-là que le projet de loi n° 66 crée quelques processus, là, quelques chemins par rapport aux impacts.

Donc, qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que vous pensez que ça va avoir un impact significatif en matière de processus environnementaux? Je sais que ça a souvent été décrié par les municipalités, la lenteur des processus, là. Donc, j'aimerais peut-être avoir un peu votre… un peu plus de jus de votre part sur ce sujet-là, si vous permettez.

Le Président (M. Simard) : M. Demers…

Mme LeBel : …ou M. Châteauvert, je ne sais pas qui…

Le Président (M. Simard) : …ou M. Châteauvert?

M. Demers (Jacques) : Je pense que, là, on a une opportunité assez unique. Je pense que vous ne m'entendez pas bien, excusez.

Mme LeBel : Ça va, il y a juste un petit trémolo, on dirait.

M. Demers (Jacques) : O.K. Je vais essayer de rapprocher… Je ne sais pas… O.K. Je pense que ce qui est important de ce côté-là, c'est qu'on a une chance unique d'innover, particulièrement au niveau environnemental. Le gouvernement avait pris un engagement électoral, a parlé de 5 000 emplois qui se retrouveraient au niveau des régions, au niveau des fonctionnaires en région. Bien là, on a l'occasion de le faire.

Particulièrement au niveau environnemental, si on veut aller plus vite, je pense que ça va prendre des fonctionnaires sur le terrain. Ça va prendre des gens en environnement qui sont présents. Si on est capables de répondre… Plutôt que de remplir des rapports qui pourraient être laborieux puis ne pas toujours correspondre exactement aux besoins du projet comme tel, ça nous prend des gens qui sont sur les lieux. Ils vont être capables de voir ce qui se passe. Ils vont être capables de faire un suivi. On va éviter des… d'être obligés de passer au régional, de ramener ça au provincial, pour avoir des acceptations.

Si on veut aller plus vite, il faut qu'il y ait des gens qui sont présents, qui s'y connaissent sur le terrain, qui puissent être présents. C'est le problème en environnement, parce que, d'aller plus vite, il faut faire attention. Si on ne rajoute pas des personnes sur le terrain, on ne pourra pas aller plus vite, parce qu'on va faire des rapports, ça va être encore très long avant d'avoir des autorisations. Si on veut protéger l'environnement, ça nous prend des gens qui vont être sur le terrain. Puis je pense qu'on a une occasion de le faire comme jamais. Puis là on va avancer, puis on va le voir, on va peut-être, par la suite, vouloir garder cette façon de faire là.

Mme LeBel : Bien, je pense, effectivement, M. Demers, qu'il faut avoir… J'en ai entendu parler beaucoup, moi, dans mes municipalités, des accompagnateurs en environnement, là, pour aider surtout les petites municipalités à naviguer à travers le processus. Mais, outre le fait d'ajouter des gens, des accompagnateurs, est-ce que vous avez constaté… parce que ce que vous écrivez, dans le fond, dans votre communiqué de presse, c'est que «la FQM a fait part de ses préoccupations quant à la complexité et la lourdeur du processus d'approbation de projets».

Donc, bon, on parlait… Bon, vous parlez de la crise sans précédent. Effectivement, dans le cadre de la COVID, il faut quand même, peut-être, être capable de repenser, sur certains aspects, et on le fait pour un nombre de projets limités, nos façons de faire tout en respectant les normes environnementales, parce que je pense que l'objectif de tout le monde est de respecter l'environnement, mais de faciliter les choses en matière d'autorisations.

Est-ce que vous avez constaté également... Je vais reprendre un exemple qu'on m'a déjà donné. Ça prenait une autorisation environnementale pour un ponceau puis un pont. C'est la même affaire, là. Donc, est-ce que vous avez constaté aussi, à l'intérieur des processus, qu'on est — je vais reprendre les paroles de quelqu'un qui a témoigné tantôt — tous sur le même chemin, peu importe l'impact environnemental, et qu'on devrait créer justement des chemins différenciés compte tenu des impacts anticipés, là, au niveau de l'environnement, là?

M. Châteauvert (Pierre) : Si vous permettez, par rapport à ça, je voudrais vous donner un exemple très concret. Lorsqu'on a un projet d'assainissement des eaux, d'aqueduc, des projets qui sont pour l'amélioration de l'environnement, il faut aller chercher des certificats. Et cette étape-là, la plupart, la très grande majorité des projets, on envoie... et le certificat qu'on reçoit à la fin, il n'y a pas de demande de modification, c'est exactement ce qu'on a fait comme demande, et, ça, des fois... Mais là c'est amplifié étant donné la problématique de main-d'oeuvre. Si on pouvait, avec une procédure… peut-être en accompagnement, si la personne, les gens de l'environnement, tu sais, pouvaient mettre... soit de réduire au minimum le temps ou carrément de faire sauter cet élément-là. Ce sont, de toute façon, des projets d'amélioration au niveau environnemental.

Il s'en vient toute la question des travaux pour contrer les inondations. Vous savez, il y a eu un immense processus suite aux inondations en 2019. Tout le monde est autour de la table, tout le monde s'entend, les groupes… Tout le monde est là : les municipalités, les groupes, les universitaires. On s'entend sur une procédure. Il faudrait qu'on fasse... bien, en fait, qu'on puisse réduire au minimum ou même qu'on aille au-delà et plus vite, vous parlez d'un chemin différent, pour ces projets-là. Il y a une question de sécurité qui vient... qui est à l'horizon, là. Si on se retrouve dans une autre situation d'inondation, il faut absolument aller plus vite pour réaliser ces projets-là. Et c'est de là notre proposition d'inclure dans le projet de loi ce qui va découler de l'ensemble de cette démarche-là puis peut-être de faire sauter des étapes.

M. Demers (Jacques) : Peut-être juste pour être sûr que je me suis bien fait comprendre, quand je parlais d'accompagnateurs, là, ce n'est pas des gens… à cause que les municipalités sont plus petites ou plus grosses. C'est au niveau du ministère de l'Environnement qu'on s'aperçoit que, sur le terrain, il manque des gens. C'est pour ça que je parle de fonctionnaires qu'on ramène au niveau des régions, qui, eux, pourraient être directement là où est-ce qu'il y a des travaux. Je pense que c'est beaucoup plus rapide si on a une personne qui est dédiée. On veut faire des gros travaux, des travaux importants, et on veut les faire rapidement. Ça prendrait quelqu'un qui est sur le terrain, c'est ce qui manque beaucoup, de ce temps-là, ce qui nous permettrait et de protéger l'environnement et d'aller plus rapidement.

Mme LeBel : Vous avez parlé... Vous avez vu, on a mis… Dans le projet de loi, il y a une section qui concerne plus particulièrement la loi sur l'urbanisme et l'aménagement du territoire, donc, le rôle des municipalités, où on se propose d'accélérer deux processus, celui du projet qui est… je vous dirais, le projet qui émane du gouvernement directement, par rapport à la conformité du schéma d'aménagement du territoire, et il y a aussi le projet de loi qui découle d'un mandataire de l'État. En général, ce sont les commissions scolaires, donc, des écoles ou les maisons des aînés, à titre d'exemple, qui sont faites par les CISSS ou les CIUSSS.

Donc, est-ce que vous avez… Bon, vous avez regardé ces processus-là. Vous comprenez, on en a parlé un peu avec vous en amont. Est-ce que c'est par rapport à ces processus-là que vous mentionnez, à la recommandation 10, qu'il serait opportun de «créer un registre afin de centraliser les dérogations aux pouvoirs [des] municipalités découlant des mesures d'accélération», c'est-u par rapport à cette section-là particulièrement, ou peut-être juste élaborer un peu plus sur cette recommandation-là pour que je la comprenne bien?

M. Châteauvert (Pierre) : En fait, nous, l'intérêt, dans toute cette démarche-là, c'est de ramasser l'information dans un seul point pour, après, tirer des conclusions, pour voir comment ça s'est déroulé, parce que, vous savez, l'information ne circule pas toujours très bien entre les différents niveaux, entre le gouvernement, les ministères et les MRC, parce que nous, on a à donner des autorisations. On comprend. On accepte. Il n'y a pas de problème. Nous, ce qu'on demande : Envoyez-nous l'information le plus tôt possible pour qu'on puisse aller plus vite de notre côté.

Mais, aussi, toute cette démarche-là, ça serait important d'observer, d'étudier c'est quoi, l'impact, comment ça s'est passé. Peut-être qu'on va pouvoir améliorer nos processus par après. C'est de la connaissance, en fait, qu'on a de besoin pour savoir comment ça s'est déroulé. Et peut-être qu'on va tirer ces conclusions intéressantes sur l'accélération des projets, justement, par après, pour que le système soit plus efficace.

C'est dans ce sens-là que, nous autres, ça nous intéresse beaucoup, cet élément-là. On est toujours dans un processus d'amélioration, parce que, nous aussi, bien, comme vous, on répond aux citoyens, puis, des fois, les gens nous disent que c'est long. Bien, peut-être qu'on pourra trouver des idées là-dedans. C'est dans ce sens-là qu'on veut... Ce registre-là est important pour… là, pour voir, constater, tirer des conclusions.

Mme LeBel : O.K., dans le sens de pouvoir, peut-être, agir par la suite et modifier les choses en conséquence, parfait.

• (19 h 50) •

M. Châteauvert (Pierre) : Bien oui, bonifier les processus.

Mme LeBel : Voilà. Donc, il y a trois... il y a quatre grands domaines, peut-être trois principaux, là, celui du domaine de l'État est beaucoup plus marginal, mais il y a le domaine en matière d'expropriation où on propose certaines mesures d'accélération. Il y a le... J'ai parlé de l'environnement, également. J'ai parlé de la loi sur l'urbanisme et l'aménagement du territoire. Est-ce que, de façon générale, ces mesures d'accélération là… Je comprends qu'on propose d'ajouter des choses et de bonifier, mais, de façon générale, est-ce que ces mesures d'accélération là sont bien accueillies par vos membres? Est-ce qu'elles sont considérées comme étant des bonnes mesures d'accélération?

M. Demers (Jacques) : Bien, on parle d'investir sur le territoire. On nous parle d'achat local, d'économie. Oui, il y a beaucoup de ces projets-là qui sont attendus depuis très, très longtemps. On peut n'y voir que du positif à voir ça arriver rapidement puis on est dans des moments qu'on en a besoin plus que jamais. On pouvait en parler il y a quelques mois, mais, maintenant, avec tout ce qu'on a vécu, je pense que tout le monde réalise plus que jamais l'importance d'accélérer puis être sûrs que l'économie puisse repartir du mieux possible.

Mme LeBel : Peut-être aller sur, peut-être, une mesure qui, à mon sens, est peut-être plus large que le projet de loi n° 66. Ça m'intéresse d'entendre votre opinion là-dessus de façon un peu plus élaborée que ce que vous avez eu l'occasion de le faire dans votre présentation de départ. L'achat local, bon, naturellement, oui, le gouvernement est en train de revoir… Bon, il y a eu le centre d'acquisitions du Québec qui a été formé. On veut favoriser également l'achat local. C'est quelque chose qui est très cher au premier ministre de ce gouvernement-ci. Ce l'était déjà, mais je pense que c'est exacerbé par le fait qu'il faut avoir une belle autosuffisance dans plusieurs domaines, une autosuffisance économique, surtout avec la pandémie qu'on vient de vivre, qu'on vit encore, d'ailleurs.

Donc, j'aimerais peut-être vous entendre un peu plus sur cet achat local là et comment vous pensez que ça pourrait se décliner. Je peux vous dire qu'on y réfléchit très sérieusement. Ça fait partie des objectifs, d'intégrer cette notion d'achat local là. Bon, il y a toujours les accords de libération du marché auxquels on est pris quelquefois et avec lesquels il faut composer, mais je pense qu'à travers ce paysage-là on est capables de trouver des moyens pour favoriser l'achat local. Donc, est-ce que vous avez peut-être des idées à nous proposer pour atteindre ces objectifs-là tout en respectant, naturellement, les lois et les accords de libération de marchés qui existent, là, que nous avons, auxquels nous sommes parties, là?

M. Demers (Jacques) : Je pense, il y a différents éléments qu'on pourrait rentrer là-dedans, particulièrement d'un point de vue environnemental. On le sait, quand on fait des achats, le voyagement, tout ça, il me semble que, dans ces ententes-là… Je ne suis pas un expert, loin de là, mais on devrait être capables d'inclure ces éléments-là, de voir les kilomètres que ces produits-là… Particulièrement quand on parle d'infrastructures importantes, où on va déplacer des tonnages de produits, il faut que ce soit plus local.

Eh oui, ça a un impact sur l'économie, mais il va y avoir un impact environnemental aussi à ça. Il faut l'inclure puis il faudrait le permettre plus, même dans les choses municipales. Trop souvent, on ne peut pas se permettre, à cause d'une soumission qui a quelques sous en bas, bien, d'acheter complètement en dehors de la région. Puis on fait parfois fermer des commerces qui resteraient dans nos milieux de vie, qui resteraient dans nos localités, qui ont besoin d'un achat de base pour pouvoir, après ça, donner des services locaux. C'est là-dessus qu'on...

Puis, si on prend l'exemple des pommes ou quoi que ce soit, où est-ce qu'on sait que, si c'est un achat gouvernemental, puis qu'on prend le Québec, puis qu'il doit être desservi complètement par une entreprise, bien, le verger du coin ne peut pas le faire. Mais, si c'est pour l'école qu'on accepte que le verger le fait, bien, il a probablement tout ce qu'il faut de ce côté-là.

Il faut être capable d'être beaucoup plus souples qu'on ne l'a été dans le passé. Je pense qu'on va avoir... Puis, à ce moment-là, ce n'est pas… Au niveau du coût, on va économiser, tout le monde, parce que ça va rester local, puis on va donner les services. Il va y avoir plus d'entreprises qui vont profiter de tout ce qui s'achète au niveau de l'institutionnel aussi, là.

Mme LeBel : Donc, c'est peut-être...

M. Châteauvert (Pierre) : Si vous permettez, Mme la ministre, j'ajouterais que le projet de loi n° 67 comprend plein d'articles qui vont favoriser l'achat local pour les municipalités, notamment...

Mme LeBel :

M. Châteauvert (Pierre) : Le 67, sur l'omnibus municipal.

Mme LeBel : O.K., merci.

M. Châteauvert (Pierre) : Notamment, l'article 46 vient modifier le code, la même chose pour la Loi sur les cités et villes, 1936, on dit : Au niveau... Même, on parle des ententes... On n'est pas des spécialistes de commerce interprovincial, mais sauf qu'on parle des travaux d'ingénierie, on parle de l'ensemble des travaux pour pousser au maximum l'appel à nos entrepreneurs, à nos entreprises puis à favoriser l'achat local. Vous allez voir, on invite les parlementaires à le regarder, ce projet de loi là, il y a... puis qui sont discutés… qui ont été discutés avec le ministère, puis on est tous d'accord, il a été déposé… de favoriser, de maximiser les achats locaux puis l'appel à nos professionnels locaux pour réaliser des projets. On pourrait peut-être regarder ça puis amener ça dans le projet de loi.

Mme LeBel : Bien, c'est un objectif que nous partageons. Maintenant, on verra de quelle façon on pourra le faire dans le futur très proche. Merci.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Je cède maintenant la parole au député de Mont-Royal—Outremont.

M. Arcand : Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Demers. Bonsoir, M. Châteauvert. C'est un plaisir de vous retrouver.

Évidemment, je pense qu'un des aspects les plus litigieux, vous en avez abondamment parlé, de ce projet de loi, c'est toute, évidemment, la question de l'environnement, qui demeure un élément extrêmement important. Et vous êtes particulièrement durs dans votre mémoire lorsque vous dites… Entre autres, vous donnez l'exemple d'une municipalité membre de la fédération qui a lancé un appel d'offres, et vous dites essentiellement qu'après avoir eu l'accord de tous les ministères le début des travaux a dû être retardé de plus d'un an, un an, en raison des délais administratifs au ministère de l'Environnement pour l'émission d'un certificat d'autorisation. Et est-ce que c'était à ce point compliqué? Quel était l'enjeu qui faisait en sorte que ça ne pouvait pas avancer à ce moment-là?

M. Châteauvert (Pierre) : C'est carrément… Et c'est un cas... On a trouvé important de le ramener, parce que c'est un cas… Dans le cadre du projet de loi n° 61, on avait amené ce problème-là. Et il y en a plusieurs comme ça, effectivement, et même... C'est parce que c'est un inspecteur… C'est arrivé la semaine... Au printemps, il y a un inspecteur qui avait donné à un hôtelier une amende parce qu'il n'avait pas mis à jour... Il ne s'était pas conformé pour son installation septique, alors que les travaux étaient commencés dans la rue pour amener l'aqueduc et l'égout pour ses installations hôtelières.

On voulait souligner l'importance de… À quelque part... C'est pour ça, tantôt, l'exemple qu'on disait, la proposition, c'est qu'il y a des travaux… Notamment, l'aqueduc, les travaux pour toutes les installations pour le traitement des eaux usées, c'est bon pour l'environnement. Il faudrait peut-être se poser la question, parce que, là, on est dans un problème de pénurie de main-d'oeuvre, est-ce que cette étape-là, de façon aussi… de toujours attendre le certificat. Et c'est difficile, parce qu'il y a un problème de ressources au ministère. Est-ce qu'il faut absolument que le ministère attende un an, un an et demi, avant d'avoir les certificats?

Et posez la question à toutes les municipalités qui ont des projets, actuellement, de ce genre-là, puis elles vont toutes vous dire la même chose : C'est extrêmement long, c'est extrêmement difficile à cause de la quantité de projets, la complexité, des fois… Mais en fait ce n'est pas si complexe, là, mais c'est à cause de ce que les gens ont à traiter, l'absence… les problèmes de ressources, alors que ce sont des projets bénéfiques pour l'environnement, qui ont été autorisés après une panoplie d'autorisations qu'ils ont été chercher. Tous les ministères ont donné le O.K. Et là il faut refaire la démarche. Il y a un problème là. Puis peut-être que ça, ce serait une mesure d'accélération fort intéressante pour des projets qui sont bons pour l'environnement.

M. Arcand : Très bien,b parce que, sans entrer dans le détail, évidemment, c'est un ministère dont on voit que les budgets n'ont pas été augmentés de façon importante au cours des derniers temps. Deuxièmement, pour avoir exercé cette fonction-là pendant quelques années, j'ai encore des bons contacts un peu partout au ministère et je dirais qu'à un moment donné il y a eu, au ministère, ce qu'on appelle le syndrome du béluga. Je ne sais pas si vous vous rappelez de ce permis qui avait été accordé à Cacouna, je pense, à Gros-Cacouna, pour un port, et évidemment le ministère s'est fait frapper par... en disant : Pourquoi vous avez donné, alors qu'il y avait des bélugas, là, il y avait un nid de bélugas, etc., ce permis-là?

M. Châteauvert (Pierre) : C'est ça.

M. Arcand : Et je crois qu'à partir de ce moment-là le ministère a décidé de dire : Bon, bien, on va jouer selon le livre. C'est l'expression souvent que plusieurs ont employée. Et je me demandais si, à travers les municipalités, les discussions que vous avez eues avec les maires, c'est un peu ce qui s'est passé.

• (20 heures) •

M. Châteauvert (Pierre) : Bien, vous comprendrez... Excusez-nous, M. le Président, mais vous comprendrez, M. le député, que nous, on parle des projets d'assainissement des eaux, et de passer des tuyaux, puis les projets qui découlent de, dans le projet de loi n° 67, toute la gestion des inondations, qui a fait l'objet de discussions, où est-ce que les universitaires, les groupes environnementaux, les municipalités, tous les ministères étaient là, puis qui aboutissent à une démarche concertée, et conçue, et tout ça.

Là, on ne parle pas d'un projet qui vient changer l'équilibre environnemental d'un secteur sensible. On parle de traiter des eaux usées d'un point de vue environnemental, mais évidemment on ne peut pas faire ce qu'on veut. Le ministère et… Les gens du ministère de l'Environnement travaillent fort. Les gens, ils font ce qu'ils peuvent dans les conditions… mais on comprend leur situation. Mais là on a un problème. On pense qu'il y a peut-être des certificats qui ne sont pas nécessaires au niveau de l'approbation, parce qu'ils ont déjà... c'est des projets qui ont déjà été approuvés par une multitude d'intervenants gouvernementaux...

M. Demers (Jacques) : Mais, sur ce point-là, je pense que vous tenez un noeud important, où est-ce que, vous avez raison, à chaque fois qu'il se passe quelque chose au Québec, qu'il y a une problématique, bien, on recrée, encore là, une double, une triple sécurité. À toutes les fois, on se dit : Woups! Il s'est passé quelque chose à un endroit. Or donc, il faut avoir des rapports supplémentaires. C'est pour ça que je ramène le fait que ce ministère-là a besoin de plus de personnes, puis des personnes sur le terrain. Si, dans le rapport, il faut expliquer ce qui se passe… aux bélugas quand on est en train de faire un fossé dans la municipalité chez nous, on a un problème.

Peut-être qu'il y a bien des pages de rapports qu'on n'a pas de besoin. Si une personne serait sur les lieux lorsque les travaux se font… vont être capables de répondre aux réels besoins, concrets, qu'on a sur le terrain. Mais, étant donné qu'il n'y en a plus, de personnes du ministère de l'Environnement dans nos régions, bien, ils ont beau essayer de sortir… Surtout, là, quand on accélère, bien, je pense qu'il faut leur donner un peu d'oxygène à eux, puis de les ramener là où est-ce qu'on a de besoin, puis qu'eux puissent directement répondre à leur rapport plutôt que de passer d'une personne à l'autre : Remplissez-nous tel, tel rapport, on vous l'envoie, vous avez 30, 40, 90 jours. Des fois, ça prend des mois avant d'avoir un retour. Ces personnes-là devraient être sur les lieux pour le remplir, le rapport, qu'elles puissent constater concrètement ce qui se passe. Là, on vient de sauter bien des étapes.

Le Président (M. Simard) : M. le député de La Pinière.

M. Barrette : Vous savez, M. Demers, vous êtes le sixième — quatrième, cinquième? — groupe, là, qui venez, là, depuis les débuts de nos travaux, puis il y a un fil conducteur, puis je trouve que vous le dites bien, M. Demers, il y a un fil conducteur qui est celui de la main-d'oeuvre au ministère de l'Environnement. Je pense... Je trouve que vous le dites bien. Puis là je vais faire une espèce de résumé de tout ce qu'on a entendu aujourd'hui, incluant vous autres. Vous ne contestez pas les étapes de la procédure. Vous critiquez le cheminent du point a au point b. Vous ne dites pas : Ce qu'on analyse, là, j'ai un projet, là, qui va commencer par l'identification d'un terrain, puis, après ça, il va y avoir… je caricature, après il va y avoir un test de sols, puis, après ça, il va y avoir un test d'eau, après ça, il va y avoir un test de courant, il faut faire ça, ça prend... Vous contestez l'éternité que ça prend, puis ce que vous constatez, c'est que ça prend du temps parce qu'il manque de monde.

Ça, c'est une autre chose. Puis là je vais vous demander votre opinion. Je vais vous demander votre opinion sur deux sujets. Vous ne contestez pas les éléments d'une étude environnementale. Vous ne remettez pas ça en question. Vous remettez en question la procédure alors que, dans le projet de loi n° 66, on change la procédure dans les milieux humides. Puis je vais très clairement le dire. L'évaluation ne se fera pas nécessairement avant le début des travaux, mais il y a une partie environnementale qui va se faire pendant les travaux. Vous, ce que vous dites, c'est qu'avant les travaux on est capables de tout faire si on est enlignés correctement, si on a le staff approprié. On s'entend-tu là-dessus?

M. Demers (Jacques) : Je pense qu'en grande partie, oui, de dire… d'avoir des personnes sur le terrain, parce que, souvent, ce qu'on demande de plus en plus aux municipalités, en particulier, c'est d'aller chercher des certificats à l'extérieur. Autrement dit... environnementales pour remplir des documents où il est certifié que c'est conforme. Nous, on...

M. Barrette : Vous êtes obligés d'aller à l'extérieur pour faire la job de l'État.

M. Demers (Jacques) : Bien oui, en grande partie.

M. Châteauvert (Pierre) : Mais, si vous permettez, M. le député, la quantité de certificats n'est peut-être pas... Il y en a peut-être un peu trop.

 Il y a des étapes, peut-être…

M. Barrette : Ça, je suis d'accord avec vous là-dessus, là.

M. Châteauvert (Pierre) : Effectivement, et, deuxième chose, vous avez fait… Vous avez insisté… les milieux humides. Nous, en fait, on revendique des changements importants sur la procédure, sur la façon que ça a été conçu, pour mieux protéger les milieux humides, et c'est ça… et l'importance de revoir... de là l'importance de cette expérience-là de… que quand… si le projet de loi… si l'Assemblée nationale l'adopte, la fin d'observer ce qui s'est passé pour voir comment on peut être plus efficaces sur la... dans les contrats, et tout ça, la façon qu'on va procéder pour la réalisation des projets.

M. Barrette : Très bien. Il me reste une minute. Je vais vous poser la question très directement. Il y a un chevauchement dans les concepts, en ce qui a trait à l'achat local, entre 67 et 66. 67 fait référence à tout projet municipal. Dans 66, on est dans un endroit limité, là. Il y a des projets x. À votre avis, dans votre lecture... Je n'ai pas la réponse, là. Ce n'est pas un examen. On n'est pas là. Mais, dans votre lecture, là, 67 a préséance sur 66 ou non? Tout simplement, là, je lance ça comme ça, là. Je vais vraiment à la pêche, je vous le dis, là.

M. Châteauvert (Pierre) : Bien, c'est ce qu'on dit… M. le député, excusez-moi, mais c'est ce qu'on dit dans le mémoire. Nous, on dit qu'il y a des choses intéressantes dans 67 pour favoriser l'achat local, l'économie locale...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Châteauvert (Pierre) : ...le recours aux professionnels locaux… regarder si on peut mettre ça dans 66 aussi.

M. Barrette : Mais 67 va plus loin que 66.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Demers (Jacques) : Exactement. C'est pourquoi que les… doivent avoir de la… la concordance, là, qu'il faut faire entre les deux… qu'on ramène souvent l'autre.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. Demers. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont, qui dispose d'une période de 2 min 40 s.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. On a entendu, tout à l'heure, votre consoeur de l'UMQ nous donner l'exemple d'un projet de biométhanisation qui avait été, selon elle, atrocement long, c'est-à-dire deux ans pour avoir un certificat. Vous, vous sortez l'exemple, là, d'un ponceau, je crois, qui a pris aussi beaucoup de temps. On y va un peu par anecdotes et contre-exemples, là, pour, finalement, dire qu'à la fin tout ce qui est mesures d'évaluation environnementale, c'est tatillon, c'est du «red tape», c'est du gossage de poils de grenouille, ça ne sert pas à grand-chose, tout ça dans le contexte de 66, qui n'est pas un processus de réévaluation des lois environnementales, qui est un projet de loi d'accélération de certains projets.

Alors, est-ce que je me trompe ou, dans le fond, ce que vous dites, c'est que beaucoup plus généralement, parce que la preuve n'a pas été faite que, pour 66, pour les projets qui sont dans 66, on a besoin de tout ce qu'il y a là-dedans, là… que, dans le fond, l'objectif beaucoup plus large, ça serait de minimiser la longueur des évaluations environnementales en toutes circonstances pour que vous puissiez aller plus vite? Parce que, franchement, ce n'est pas dans 66 que vous allez avoir plus de monde du ministère de l'Environnement sur le terrain. Je ne vois pas très bien le lien.

M. Demers (Jacques) : O.K. C'est justement quand on veut aller plus vite... Je pense que, les dossiers, si on veut les avancer plus rapidement… Là où est-ce qu'on dit que ça prend des gens sur le terrain, il faut être certain qu'à cet endroit-là c'est quoi, le besoin environnemental, les analyses qu'on a de besoin. Trop souvent, on nous met des analyses très larges. Il y a plein de choses que, si la personne serait sur le terrain… dirait : Ah! bien non, on n'a pas besoin de tel élément. Il y a des analyses qu'on fait pour rien… puis qu'on attend souvent des retours. C'est là-dessus qu'on veut être concrets puis dire : Avançons plus vite, mais avançons bien, soyons sûrs qu'on fait les bonnes étapes. Il faut faire attention, parce qu'au niveau environnemental, là, à mes yeux, du moins, ce n'est pas d'aller plus vite, mais de… peut-être, même, profondément, les dossiers sur lesquels on travaille pour être certains qu'on…

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

• (20 h 10) •

M. Demers (Jacques) : ...mais qu'on n'a pas été trop… puis à perdre du temps sur des éléments qui ne touchent même pas le dossier qu'on veut faire avancer, là. Ça arrive souvent.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, M. Demers. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup de votre présence. Ça me fait plaisir de vous revoir.

Je vais vous poser la même question que j'ai demandée à Mme Roy, tout à l'heure, de l'UMQ. Les articles 54 à 61 du projet de loi n° 66 amènent quand même beaucoup de nouvelles dispositions forçant les municipalités aussi à raccourcir leurs délais avant de pouvoir fournir des renseignements ou des autorisations, notamment l'article 61 sur… qui donne 10 jours, là, avant que le gouvernement puisse dire que c'est réputé conforme, peu importe ce que la municipalité va faire.

Alors, est-ce que, pour vous, vous êtes à l'aise aussi avec ces délais plus courts, considérant que, dans plusieurs petites municipalités, puis je le dis, évidemment, en tout respect… mais, dans plusieurs petites municipalités ou dans des MRC, parfois vous tirez le diable par la queue, là, pour avoir des ressources, tu sais, qui sont présentes, qui sont nombreuses. Ils ont plein, plein de choses à faire. Est-ce que, pour vous, ces délais-là sont vivables?

M. Châteauvert (Pierre) : Si vous permettez, nous, on pense que… oui, on pense que le jeu en vaut la chandelle. On pense que c'est possible qu'au niveau des MRC il y a des gens qui sont là pour travailler… et les délais sont courts, et c'est pour ça qu'on demande d'avoir l'information le plus rapidement possible, dès... en fait, à toutes les étapes du projet, que l'information soit transmise à la MRC pour nous permettre de faire les travaux. Et le problème, c'est quand ça arrive trop tard, puis là, bien, il ne nous reste plus de temps. Mais, oui… Et c'est pour ça qu'on demande à la fin de regrouper… qu'il y ait une espèce d'observatoire, on a appelé ça un registre, pour analyser la façon que ça s'est passé pour voir… pour tirer des conclusions, ça sera très, très profitable pour l'avenir, voir comment qu'on gère ça.

M. Demers (Jacques) : Peut-être juste pour rajouter à ça, j'espère qu'on va se donner à l'intérieur de ça une certaine souplesse si on s'aperçoit que les délais ne correspondent pas… Tu sais, on veut aller vite, mais j'espère qu'on est encore capables de se parler puis de dire… Si, à un moment donné, dans ces éléments-là, on dit : On n'y arrive pas, on a besoin d'aide ou d'accompagnement de façon supérieure pour arriver à ces délais-là… Présentement, on s'embarque à dire : Oui, on a besoin d'accélérer. On va embarquer dans le rythme. On va tout essayer de mettre en place pour que ça fonctionne, mais on veut se garder… J'espère qu'on continue à se parler. On est dans la même province, là, parlons-nous.

M. Gaudreault : Merci.

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Gaudreault : Oui, en conclusion, je constate aussi, avec la recommandation 6, que vous seriez favorables à avoir plus de projets, par exemple, sur les programmes d'assainissement des eaux ou des projets d'assainissement des eaux qui pourraient être inclus dans les grands projets de relance économique.

M. Châteauvert (Pierre) : Exactement.

M. Gaudreault : Parfait.

M. Châteauvert (Pierre) : Puis il y en a plusieurs à travers le Québec, et c'est essentiel. Et ils ont déjà tous été autorisés, ces projets-là.

Le Président (M. Simard) : Merci. Alors, messieurs, merci pour votre présence parmi nous ce soir.

Sur ce, nous allons suspendre nos travaux afin de faire place à nos prochains invités.

(Suspension de la séance à 20 h 13)

(Reprise à 20 h 18)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous allons reprendre nos travaux. Nous sommes maintenant en présence de représentants de l'Ordre des urbanistes du Québec. Madame, monsieur, bonsoir. Bienvenue parmi nous. Auriez-vous l'amabilité de vous présenter?

Ordre des urbanistes du Québec

(Visioconférence)

M. Gariépy (Sylvain) : Oui, bonsoir. Mon nom est Sylvain Gariépy. Je suis urbaniste et président de l'Ordre des urbanistes du Québec.

Mme Ferraris (Florence G.) : Et je suis Florence Ferraris, coordonnatrice des affaires publiques de l'Ordre des urbanistes du Québec.

Le Président (M. Simard) : Alors, bienvenue. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes. Nous vous écoutons.

M. Gariépy (Sylvain) : Parfait. Je vous remercie beaucoup.

Donc, un simple petit rappel aussi, en termes de présentation, donc, juste pour rappeler que l'Ordre des urbanistes du Québec est le gardien et le promoteur de la compétence professionnelle en aménagement du territoire et en urbanisme. On compte plus de 1 600 membres, dont 300 stagiaires en urbanisme également. Nos membres interviennent à tous les niveaux de planification et de contrôle de l'aménagement du territoire et auprès de tous les types d'intervenants. Le rôle de l'ordre est de défendre l'intérêt public à travers la promotion d'un aménagement intégré et durable.

Bon, tout d'abord, on tient à vous remercier, à remercier la commission de nous entendre. Nous sommes heureux de pouvoir vous transmettre nos commentaires, ce soir, à l'oral malgré les délais serrés. À ce titre, il est important, pour nous, de spécifier qu'on reconnaît justement le caractère exceptionnel de la crise sanitaire. Et l'ordre, nécessairement, est favorable à une relance économique en autant que celle-ci soit solidaire, prospère et verte.

• (20 h 20) •

À ce titre, on veut rappeler notre implication au sein de la coalition du G15+ depuis le printemps dernier. Notre intention ici est vraiment d'outiller les décideurs dans leurs prises de décision. Puis, à ce titre, mentionnons également que G15+, là, sera entendu par cette même commission au cours des prochains jours. Également, l'Ordre des urbanistes du Québec travaille pour que l'État québécois se dote d'une politique nationale d'aménagement du territoire depuis 2006, notamment, en s'impliquant au sein de l'Alliance Ariane depuis 2015.

Alors, je vais vous faire part de nos constats généraux à l'égard du projet de loi n° 66. Pour nous, le projet de loi pose un risque majeur, c'est-à-dire celui d'affaiblir de manière permanente les processus d'approbation, de planification et de mise en oeuvre des projets d'infrastructure. En fait, nous croyons qu'il s'en prend aux principes fondamentaux de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et la Loi sur la qualité de l'environnement. À cet égard, nous avons d'ailleurs été déçus de constater que nos recommandations faites lors de l'étude du projet de loi n° 61 en juin dernier n'ont pas été prises en compte. Toutefois, nous saluons la volonté énoncée par le gouvernement de limiter les mesures d'accélération aux projets d'infrastructure énumérés à l'annexe I.

Par contre, nous estimons qu'il est essentiel que cette volonté soit enchâssée dans le texte de loi pour éviter des interprétations subséquentes. Alors, nous recommandons... notre première recommandation, c'est qu'un article en ce sens devrait être ajouté au projet de loi. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, vient nourrir, entre autres, le discours et l'idée que l'environnement et la planification du territoire sont des obstacles au développement économique et, dans ce cas précis, à la relance postpandémie. Cela dit, pour cette présentation, nous nous concentrerons sur les articles de loi qui concernent la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, entre autres l'article 53, sur la création d'une troisième avenue pour accélérer la mise en branle des projets d'infrastructure. Nous pensons nécessaire de rappeler qu'il existe déjà des mécanismes liés aux interventions gouvernementales dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, ce sont les articles 149 à 157, et, entre autres, aussi, aux zones d'intervention spéciale que l'on retrouve toujours dans la LAU, aux articles 158 à 165. Dans les deux cas, ces mécanismes permettent une limitation des délais prescrits sans pour autant mettre de côté les processus d'information et de consultation des instances locales et de la population. Ces mécanismes permettent au minimum d'instaurer un dialogue entre le gouvernement, les pouvoirs locaux et la population.

Pour nous, l'article 53 pose problème parce qu'il ouvre une brèche importante dans le principe de reconnaissance des gouvernements de proximité que sont les municipalités, entre autres, des pouvoirs qu'on avait renforcés par l'adoption de la loi… du projet de loi n° 122, et aussi qu'il nie les processus de planification qui sont encadrés par les orientations gouvernementales et qui sont le fruit d'un long processus de négociation. Notre recommandation, à cet effet-là, serait d'abroger cet article et d'utiliser les mécanismes déjà existants dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme lorsque le contexte est considéré comme urgent ou grave et de faire la promotion de ces deux mécanismes auprès du ministère et des municipalités.

En ce qui concerne les articles 54 à 61, bien, ceux-ci proposent des modalités d'approbation pour les autres projets afin de réduire les délais de traitement, notamment en forçant les municipalités à revoir leurs réglementations et leurs outils de planification pour accommoder le gouvernement. Ces précisions nous apparaissent difficilement applicables dans le contexte actuel, alors que les municipalités croulent déjà sous le travail et peinent à respecter les délais impartis. Les délais mentionnés dans le projet de loi, qu'on peut voir à l'annexe I de notre mémoire, sont, à notre avis, irréalistes quand il s'agit de revoir une réglementation municipale en urbanisme.

La réduction des délais prescrits pour analyser adéquatement les projets envisagés nous apparaît peu avisée, particulièrement dans un contexte de crise climatique. Réduire ces délais à une époque où les analyses et les mesures environnementales devraient être renforcées nous semble, en effet, ouvrir la porte à un dangereux précédent, en plus de renforcer cette idée que l'environnement et la planification territoriale sont des obstacles à la mise en branle des projets d'infrastructure. Ils devraient pourtant en être la pierre d'assise.

L'Ordre des urbanistes recommande, à cet effet-là, d'abroger ces articles de loi, d'optimiser les processus administratifs, d'augmenter les ressources humaines et les budgets dédiés à l'évaluation de la conformité des projets et de travailler de manière concertée et en amont avec les pouvoirs locaux afin d'accélérer le travail une fois les projets prêts à se concrétiser. Combiner ces altérations à la LAU risque d'accroître les bris de conformité aux documents de planification en vigueur, et donc mettre à mal les efforts de planification cohérente du territoire, déjà insuffisants.

Maintenant, en ce qui concerne les projets énumérés à l'annexe I, avec réserve, étant donné l'impossibilité de connaître l'ensemble des détails de tous ces projets, nous notons que plusieurs de ceux-ci n'auraient pas besoin d'une autorisation ministérielle ou d'une procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement à moins qu'ils soient envisagés dans des milieux humides et hydriques.

Ainsi, pour la construction d'écoles ou de maisons des aînés, une autorisation ministérielle ne serait pas nécessaire dans la majorité des cas. On est inquiets de constater que ceux qui vont réellement bénéficier des allègements de procédure, c'est-à-dire les conformités environnementales et le processus d'acceptabilité sociale, sont essentiellement des projets autoroutiers, ce qui contrevient également aux impératifs imposés par la crise climatique.

En conclusion, du point de vue de l'Ordre des urbanistes du Québec, même si nous comprenons qu'il y a eu des améliorations sur d'autres sujets, le projet de loi n° 66 fait à peine mieux que le projet de loi n° 61. Nous demeurons fortement préoccupés. Pour nous, la relance devrait être exemplaire lorsqu'il y a des crises. C'est une occasion à ne pas manquer. Et, au-delà de la crise sanitaire, dont nous ne nions pas la gravité, c'est la crise climatique qui devrait sous-tendre l'ensemble des décisions gouvernementales à l'heure actuelle.

Sur ce, je remercie la commission pour son écoute et son temps.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. Mme la ministre.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci, M. Gariépy, pour votre présentation. Je vais vous avouer que votre mémoire est peut-être arrivé un petit peu plus tard, tardivement. Donc, je vais prendre connaissance avec beaucoup plus d'attention, par la suite, là, des recommandations qu'il comporte et des motifs qui sous-tendent ces recommandations-là, naturellement. Je comprends que vous n'avez pas témoigné lors du projet de loi n° 61, mais vous aviez déposé un mémoire. C'est exact?

M. Gariépy (Sylvain) : C'est exact.

Mme LeBel : O.K. Il y avait, entre autres… Vous me corrigerez si je me trompe, parce que je n'ai pas assisté aux consultations, là, mais j'en ai quand même pris connaissance. Dans votre mémoire, vous parliez de limiter les projets susceptibles de bénéficier d'une mesure d'accélération aux projets de la liste en annexe I. À l'époque, il y en avait 202. Maintenant, il y en a 181, et 181 qui découlent entièrement des 202. Il n'y a pas de nouveau projet. Il y en a moins, mais il n'y a pas de nouveau projet. C'est fait, j'ai annoncé que cette liste était fermée en donnant les motivations.

Donc, j'imagine que ça peut quand même, en partie, bien que ce n'est pas parfait, répondre à votre préoccupation dans les enjeux… des constats généraux où vous disiez que vous vouliez «qu'un message clair soit envoyé [que] le projet de loi devrait préciser que les mesures d'accélération qu'il permet pourront bénéficier uniquement aux projets identifiés à l'annexe I du projet de loi et que la méthode ne pourrait être reproduite dans d'autres circonstances».

Donc, c'est l'intention du projet de loi. Les mesures qui sont... Les mesures en expropriation, en aménagement du territoire, en urbanisme, effectivement, puis en... il y en a quatre, mais, entre autres, en environnement, sont des mesures qui sont circonscrites aux 181 projets de la liste uniquement. Je comprends votre préoccupation parce que je la partage. Pour moi, c'est quelque chose qui est une pièce unique dans le temps et dans les circonstances que l'on vit et non pas une intention de faire, avec ce projet de loi là, une réforme du secteur environnemental ou du secteur de l'urbanisme, entre autres, parce que ce sont les deux préoccupations majeures que vous soulevez.

Je vois mal en quoi rajouter… Vous voulez qu'on rajoute une couche de plus, un article supplémentaire. Je veux dire, c'est dit clairement que les mesures s'appliquent aux projets de la liste uniquement, qu'elles sont circonscrites. La période de cinq ans, c'est une période qu'on donne même… aux projets de la liste, même, ils ont cinq ans pour utiliser une mesure si elle est applicable et que, s'ils n'ont pas réussi à en bénéficier dans les cinq ans, compte tenu de l'avancement du projet… Parce qu'on peut penser que, même avec des mesures d'accélération, des projets routiers qui peuvent s'échelonner, souvent, sur sept ans, même, pourraient peut-être ne pas être mûrs pour certaines mesures, mais on voulait donner un espace-temps suffisant. On pourra en reparler. Même s'ils ne les ont pas utilisées, après cinq ans, ces mesures-là s'éteignent même pour les projets de la liste.

Donc, je comprends votre préoccupation, mais je ne vois pas comment je peux rajouter une couche supplémentaire, de ceinture, bretelles, à quelque chose qui est déjà clair… aux projets de la liste, là, parce que je pense… parce que je la comprends, votre préoccupation, là. Je ne la dénigre pas, mais je la partage. Donc, moi, ma lecture du projet de loi, c'est que c'est circonscrit aux projets de la liste uniquement. D'ailleurs, la possibilité qui existait, dans le projet de loi n° 61, d'ajouter des projets par décret — il y avait un processus, là, mais, ultimement, ce qu'on disait, c'est qu'on se gardait une possibilité d'ajouter des projets — n'existe pas dans le projet de loi actuel. Donc, est-ce que ça, ça répond au moins à une de vos préoccupations?

M. Gariépy (Sylvain) : Oui. Bien, ce que vous avancez répond à une de mes préoccupations. L'idée, c'est juste qu'il faut que la formulation dans le projet de loi ne laisse aucune ambiguïté sur le fait que la liste est fermée. Donc, il y a 181 projets et il n'y en aura pas 182 ou 200, là. Donc, c'était juste cet élément-là d'interprétation qui nous inquiète, par rapport à toute possibilité d'accroître le nombre de projets, là, sans limitation, là.

• (20 h 30) •

Mme LeBel : O.K. Et, partant toujours de la prémisse qu'on vit quand même une situation exceptionnelle présentement au Québec et, d'ailleurs, dans le reste du monde également, là, on n'est pas uniques en ce sens-là, et que ce projet de loi là se veut une des façons de faire et non pas la façon unique, peut-être élaborer un peu plus… moi, j'en suis convaincue, là, mais élaborer un peu plus sur la pertinence justement de ne pas étendre cette liste-là et de la limiter à un certain nombre de projets, en l'occurrence les 181 projets qui sont à la liste, qu'est-ce… parce que vous avez dit, bon, dans vos enjeux majeurs, là, de constats généraux… et qu'elles ne pourront pas être reproduites dans d'autres circonstances.

Donc, naturellement, de les faire sur 181 projets va nous permettre au moins de constater leur efficacité réelle. Présentement, on est dans une efficacité théorique, naturellement, parce qu'on n'a pas éprouvé les mesures dans les quatre domaines du projet de loi. Nous pensons et nous sommes… En tout cas, je suis convaincue et je pense qu'on peut accélérer certains processus. Il y a d'autres méthodes. Mon collègue de La Pinière l'a dit. On peut rajouter des effectifs. On peut aller avec des délais administratifs également. Mais je pense qu'on peut agir aussi sur certains projets de loi qui sont enchâssés… certains processus qui sont enchâssés dans la loi pour améliorer le processus. Et ça va nous permettre de bien les surveiller et de s'assurer justement que, je dirais, la prémisse de base qui… On peut accélérer, quant à moi, des processus sans déroger aux normes... soit effectivement… s'avère démontré, si on veut. Est-ce que c'est un peu la raison pour laquelle vous pensez qu'on doit fermer à 181 projets justement?

M. Gariépy (Sylvain) : Bien, honnêtement…

Mme LeBel : Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, là. Je vous donne un peu ma façon de le voir puis je veux voir… parce que c'était très ferme, là, limiter les projets susceptibles de bénéficier... Donc, c'était très clair comme orientation de votre part.

M. Gariépy (Sylvain) : Oui, puis, à la limite, même dans le mémoire, on remet, je dirais, en question le fait de… excusez-moi le terme, là, je n'en ai pas de meilleur ce soir, là, mais d'escamoter les processus de consultations. Et on est en train de créer, quand même, une voie parallèle pour certains types de projets, dont certains n'ont même pas besoin d'une voie spéciale, pour leur processus d'approbation, ou la rapidité, parce que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme prévoit déjà des mécanismes qui permettent des… qui donnent au gouvernement des pouvoirs d'aller de l'avant pour accélérer l'approbation de certains projets.

Donc, c'est juste que moi, je crois que le nombre de 181, là, c'est un nombre parmi tant d'autres. L'idée, pour nous, c'est de dire : À la limite, cette liste-là n'existerait même pas. Ce serait peut-être parfait aussi, là. On en a, des processus qui sont prévus, dans le cadre des lois applicables, à l'heure actuelle. On a vraiment l'impression qu'en créant ceci, une troisième voie parallèle, on peut aussi comme… on pourra prétendre, un jour, que nos processus de consultation, tels qu'on les connaît et qui sont éprouvés à l'heure actuelle, seront, à toutes fins inutiles, surtout dans un contexte où on veut privilégier une relance économique rapide, mais, en toile de fond, tout ça… oui, on connaît une crise sanitaire, mais nous sommes dans une crise environnementale. Donc, c'est comme si la crise sanitaire a pris le pas sur la crise environnementale. Espérons que la crise sanitaire va disparaître rapidement, mais on va rester avec cette crise environnementale.

Donc, est-ce que les plis pris dans le cadre du projet de loi actuel, on va commencer à les dupliquer par la suite dans le cadre d'une crise environnementale? La question se pose également. Donc, c'est pour ça, moi… 181, 200, 150, pour moi, c'est un chiffre. Nous, ce qui nous préoccupe beaucoup, c'est les processus de consultation, c'est l'influence des municipalités au niveau de la planification locale et les enjeux relatifs à tous ces processus-là.

Quand on regarde également, là, les délais prévus, là, de 15 jours, pour une municipalité, pour évaluer un projet gouvernemental… Comme urbaniste, je suis appelé à présenter des projets beaucoup plus simples à bien des égards, et 15 jours, c'est, des fois, grandement insuffisant, là, si ce n'est que pour obtenir l'approbation d'un projet qui... un nouveau bâtiment sur un coin de rue, là, donc, là, et penser qu'on va évaluer en 15 jours les projets d'envergure… Les municipalités n'ont pas ces ressources-là.

Donc, l'autre voie, celle qui pourrait tout autant participer à une relance économique prospère, durable, et équitable, et verte, c'est également de se donner les moyens de pouvoir évaluer les projets en y impliquant peut-être plus de ressources. Souvent, c'est des problèmes, également, dans l'évaluation des projets, ce qui va arriver, c'est qu'il n'y a pas une municipalité qui va être capable de respecter vos délais de 15 jours. Et, éventuellement, bien, on va tout passer ça sur la voie… la troisième voie, celle la plus rapide, et on va tout simplement aller de l'avant avec les projets, avec le risque d'escamoter des éléments qui peuvent être des fois très, très préoccupants, comme les risques environnementaux.

Donc, comme je dis, l'ordre n'est pas contre la reprise, la relance et les initiatives qu'on peut prendre. Il faut juste faire attention dans le comment on s'y prend. Là, peut-être, j'ai débordé un peu de l'essentiel de votre question, mais je pense que ça interpellait à quelque chose d'un petit peu plus large, là, pour... de mon côté.

Mme LeBel : ...effectivement, mais, M. Gariépy, je ne remets pas du tout en question l'expertise de l'ordre en matière d'urbanisme, au contraire, mais je suis un peu, quand même, surprise de votre réaction par rapport au processus qui est quand même, somme toute, très ciblé également. On met deux procédures d'accélération en place, une accélération pour les projets qui sont faits par des intervenants gouvernementaux et ceux qui sont faits par des intervenants non gouvernementaux, là, ou des mandataires de l'État. Je vais le dire de cette façon-là. Juste pour se parler clairement, on parle, en général, des commissions scolaires, en règle générale, et des CIUSSS que…

Donc, on est… Dans le projet de loi n° 66, ça va probablement toucher principalement les écoles ou des maisons des aînés, là, sans faire une analyse des 181 projets, là, parce que c'est clair que ce n'est pas les 181 projets qui ont besoin de ça, de cette règle en urbanisme là, comme ce n'est pas les 181 qui ont besoin d'expropriation et ce n'est pas les 181 non plus qu'il y a des enjeux environnementaux. Ce sont des outils que l'on fournit, et les projets utiliseront les outils qui sont nécessaires avec leurs réalités particulières, là.

Mais, pour revenir… je suis un peu surprise de votre réaction par rapport à l'enjeu du respect du gouvernement de proximité, alors qu'on vient d'entendre la FQM et l'UMQ, qui ne semblaient pas outre... chatouillées, outre mesure, par le fait que… On l'a admis d'entrée de jeu, là, ce n'est pas... qu'on venait quand même intervenir dans leurs compétences. On l'a fait en les consultant en amont, d'ailleurs, donc, et, même, je pense que c'est la présidente de l'UMQ, si je ne me trompe pas, qui est même venue nous dire… qu'elle est venue concéder qu'effectivement il y a des délais, des fois, qui sont, même pour eux, très lourds quand une MRC veut adapter son schéma d'aménagement à un projet gouvernemental, parce que c'est ça, la réalité, hein, si, le projet gouvernemental, il va aller de l'avant, on va avoir des discussions.

Et tout ça ne met pas de côté les bonnes pratiques et le fait qu'il faut se parler dans la vie, mais, ultimement, un projet qui est accepté par la communauté. À titre d'exemple, une maison des aînés ou une… bien là ce n'est pas la bonne... parce que ça, ce n'est pas gouvernemental, là, mais qui est accepté par la communauté, à titre d'exemple, bien, ultimement, le schéma d'aménagement de la MRC devra être adapté au projet s'il y a des... j'allais dire des différences, et c'est la même chose pour les règlements de zonage s'il y a des règlements de zonage ou d'urbanisme qui devront être, par la suite, adaptés, là, donc, pour un processus différent.

Et j'avoue que votre réaction me surprend, puis j'aimerais bien la comprendre. Vous semblez plus, j'allais dire, outré, mais ce n'est pas le bon terme, c'est trop fort, là, mais plus interpelé, si on veut, par le fait qu'on vient intervenir dans ce processus-là, alors que l'UMQ et la FQM, qui, quant à moi, sont également au premier plan de tout ça, semblaient... En tout cas, ce n'était pas un enjeu... Ce n'était pas l'enjeu principal, là.

Au contraire, on nous demandait, dans la majorité des cas, d'étendre tout ça, le projet de loi n° 66, aux projets municipaux également, alors que vous êtes probablement dans la philosophie inverse, c'est-à-dire, non seulement vous ne voulez pas qu'on l'étende à plus, mais, bon, vous préféreriez qu'on enlève tout, là, dans un monde idéal, mais, sinon, de le limiter aux 181 projets et de faire non seulement la promesse solennelle qu'on n'ira pas plus loin, mais de l'écrire dans le projet de loi. Donc, je résume un peu, là, mais vous êtes un peu à contre-courant par rapport à vos partenaires municipaux, et je suis un petit peu surprise, je dois avouer. Et là, je m'excuse, j'ai pris beaucoup de temps. Il vous reste 2 min 50 s.

M. Gariépy (Sylvain) : Ça va être suffisant, oui. Moi, je vous dirais juste que je ne suis pas au fait de l'ensemble des motivations, justement, des représentants de l'UMQ et de la FQM. C'est pour ça que j'ai rappelé, en début de mon intervention… Sur le plan de l'aménagement du territoire, l'Ordre des urbanistes est là pour faire la promotion des pratiques exemplaires en aménagement du territoire puis en développement durable. Donc, pour nous, est-ce que la position de ces deux organisations-là tient à la fiscalité municipale et au fait que l'accélération de projets fait en sorte qu'on développe plus rapidement de la réalisation de projets qui vont amener du développement économique et qui vont amener des taxations… de la taxe foncière? Je ne pourrais pas m'avancer plus loin dans leurs motivations, mais c'est rattaché à ça. C'est un élément.

• (20 h 40) •

Et l'autre élément, c'est que la mission de l'ordre n'est pas la même que celle de l'UMQ et du FQM. Donc, à la base, là, je ne peux pas parler pour eux autres, mais, nous, du côté de l'Ordre des urbanistes du Québec, si je m'en tiens à notre mission, la protection du public, la promotion des pratiques d'aménagement durable, c'est l'essence même de ce que nous sommes. C'est pour ça, à quelque part, que nous amenons peut-être un point de vue qui diffère de nos partenaires, et qu'on soit en désaccord avec eux ne fait pas en sorte qu'on est contre eux non plus, là. On prend… On peut comprendre leurs intérêts ou motivations et l'accomplissement de leur mission, là. Donc, pour nous, on n'est pas nécessairement contradictoires.

Mme LeBel : Bien, parfait. Je vous remercie. Pour ma part, ça peut aller.

Le Président (M. Simard) : D'autres interventions du côté de la partie gouvernementale, sans quoi je cède la parole au député de La Pinière.

M. Barrette : Avec le temps qui vient avec? Non?

Le Président (M. Simard) : Malheureusement pas, cher collègue.

M. Barrette : C'est dommage. Alors, M. Gariépy, je vais vous poser une question très directe, là. Je comprends un peu les commentaires de la présidente du Conseil du trésor. Dans les 181 projets, là, lequel détonne, là, dans votre lecture, à sa face même, vous regardez ça, là, puis vous dites : Ça ne devrait pas être là, là, ou ça pose problème?

M. Gariépy (Sylvain) : Moi, je trouve que les projets qui posent problème, ce sont tous les projets d'infrastructure autoroutière. Pour moi, c'est un élément, et sans mauvais jeu de mots, d'amener sur la voie rapide des projets qui vont avoir un impact sur l'étalement urbain, sur les milieux naturels. Pour l'Ordre des urbanistes du Québec, c'est ça qui… où le bât blesse également, là. Donc, on croit qu'on ne peut pas s'abstenir… C'est des projets qui sont très structurants, qui vont avoir une influence sur le visage du Québec pour les 50 ou 100 prochaines années. Donc, prolonger une autoroute, là, ça peut avoir sa raison d'être, mais dans la mesure où c'est fait dans les règles de l'art et en ayant en considération aussi les enjeux de transport collectif qui y sont associés.

M. Barrette : Est-ce que vous pourriez nous donner votre opinion sur le fait que, d'entrée de jeu, d'emblée, là, le projet de loi, on extrait l'élargissement de la 117 de toute évaluation?

M. Gariépy (Sylvain) : Pardon, excusez-moi, pouvez-vous répéter la question, s'il vous plaît?

M. Barrette : Est-ce que vous êtes étonné, est-ce que vous iriez jusqu'à critiquer le fait que, d'entrée de jeu, dans le projet de loi, on soustrait à toute évaluation environnementale deux projets, celui de l'élargissement de la 30 entre la 10 et la 20, qui, moi personnellement, m'affecte peu… mais la 117, qui est un projet fondamental, lui, théoriquement, a des enjeux environnementaux, et on l'extrait, on le soustrait à toute évaluation. Est-ce que ça vous étonne, slash, irrite, slash, déçoit, là? Je vous laisse choisir votre verbe, là.

M. Gariépy (Sylvain) : On est perplexes, en fait. Bon, des extensions de routes ou d'autoroutes devraient être assujetties, toujours, à une analyse environnementale complète. L'impact est trop important sur le développement, par la suite, urbain.

M. Barrette : Vous avez fait référence... Vous êtes un de ceux... Ce n'est pas tout le monde qui y a fait référence, vous êtes deux, en fait, groupes à date, à ma connaissance, en tout cas, où ça m'a marqué, vous avez souligné à plusieurs reprises que... souligné l'importance de la difficulté de l'atteinte à ce que sont, aujourd'hui, les schémas d'aménagement de territoire. Et, à un moment donné, je n'ai pas saisi exactement quelle était votre position. Est-ce que vous voulez que les municipalités aient le plein pouvoir de déterminer quel est leur schéma d'aménagement ou vous êtes confortables avec la situation actuelle où il y a une commission, des approbations, et ainsi de suite? C'est quoi, votre souhait là-dedans, là?

M. Gariépy (Sylvain) : Bien, nous, on pense que les processus actuels ont fait leurs preuves. On est habitués à nos processus actuels. Tout processus est… On peut les améliorer, là, mais je pense qu'il y a, en quelque part, là… Les interventions des élus locaux, des municipalités locales en fonction de leurs besoins… est essentiel. Donc, tout le monde peut s'exprimer. Pour ce qui est des MRC, ce sont des lieux justement où l'ensemble des municipalités locales peuvent se regrouper et se donner une vision commune, là, du devenir de leurs territoires. Pour nous, les processus actuels sont ce qu'ils sont, mais ils sont bons, donc, et vont en fonction également... puis là je ne sais pas si je déborde de votre question, là, mais focalisent, entre autres, sur l'acceptabilité sociale, là.

M. Barrette : Non, non, je souhaite que vous débordiez.

M. Gariépy (Sylvain) : O.K., mais non… Mais c'est... Pour nous, les processus actuels, ils ont été éprouvés. Ils ont fait leurs preuves, et on croit que ce sont de bons processus. Donc, c'est en ce sens-là, nous, qu'on est à l'aise.

M. Barrette : Bien, j'ai quasiment envie de vous demander ce que vous pensez de la situation qui est relatée dans les médias depuis hier, à savoir le changement unilatéral du schéma d'aménagement de la MRC Montcalm.

M. Gariépy (Sylvain) : C'est un sujet sur lequel je pourrais certainement avoir une prise de position, mais aujourd'hui je vais m'abstenir, parce qu'on est encore à l'étude de ce dossier-là, là, pour, justement, une prise de position éventuelle.

M. Barrette : Vous étudiez ça à l'Ordre des urbanistes?

M. Gariépy (Sylvain) : Toute thématique eu égard à l'aménagement du territoire, oui, nous regardons cela de près.

M. Barrette : Ah bon! Est-ce qu'on vous a demandé de produire une opinion?

M. Gariépy (Sylvain) : Non. Les sujets en aménagement du territoire, tout ce qui relève des bonnes pratiques en urbanisme, en aménagement du territoire, l'ordre se penche sur ces dossiers-là. Ça ne veut pas dire qu'on va se prononcer sur chacun d'entre eux, loin de là, et ça va aussi en fonction des informations qu'on réussit à aller chercher. Donc, il faut voir aussi que l'Ordre des urbanistes, depuis 18 mois, est beaucoup plus actif sur la place publique. Donc, on apprend aussi à être actifs sur cette place publique, et c'est pour ça qu'on prend le temps de bien mettre en application, là, notre propre méthodologie, prise de position, mais certainement que le dossier dont vous me parlez en ce moment a capté notre attention. Maintenant, je pense qu'on pourrait revenir ultérieurement avec une prise de position, là. Pour l'instant, on regarde le dossier cheminer.

M. Barrette : Bien là, il est pas mal arrivé à destination, là. Il y a des décisions qui ont été prises. Et, quand je vous entends, puis honnêtement je suis un peu de votre bord là-dessus, là, que le modus operandi actuel a fait ses preuves, maintenant, le modus operandi peut être battu par des décisions unilatérales gouvernementales, ce qui a été le cas. En tout cas, j'ai hâte de voir l'opinion que vous allez exprimer éventuellement.

Vous avez dit également que vous voyez… J'aimerais ça que vous quantifiiez un petit peu plus votre commentaire. Vous avez dit, à un moment donné, là, qu'il y avait de nombreux projets, dans la lecture que vous faisiez des 181 projets, qui ne nécessitaient pas de procédures particulières, là. Ils n'ont pas besoin de BAPE, de ci, de ça. Bon, pouvez-vous quantifier un petit peu plus, là? Vous dites qu'il y a de nombreux, là… En termes macroscopiques, là, c'est le tiers, deux tiers, trois quarts, 80 %, 90 %?

M. Gariépy (Sylvain) : Votre question est… Moi aussi, j'aimerais quantifier, là… En fait, quand on regarde la liste du nombre de maisons des aînés, entre autres, ou les agrandissements d'hôpitaux, ou quoi que ce soit, bref, pour nous, là-dedans, il y a certainement des dossiers qui ne nécessitent pas une voie rapide, là. C'est-à-dire qu'ils peuvent être étudiés rapidement. Il faut voir… Bien, chaque cas en urbanisme est un cas en soi, là. Donc, on peut être facilement en présence de dossiers qui sont déjà conformes ou presque conformes à la réglementation municipale, et, s'ils ne le sont pas, à l'intérieur de quatre à six mois, pourraient devenir conformes. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on... à prime abord, là. Puis on n'a pas étudié chacun des dossiers, là, loin de là. Donc, il est difficile de répondre à votre question précisément, présentement, là, mais c'est une impression.

M. Barrette : Merci.

Le Président (M. Simard) : Oui, M. le député de Mont-Royal—Outremont.

M. Arcand : Merci, M. le Président. J'avais une question qui… Je regardais les communiqués que vous avez faits lorsque le projet de loi n° 66 a été fait, et vous aviez un communiqué... votre premier communiqué, la première réaction que vous eue, ça a été de dire : «L'Ordre des urbanistes du Québec demeure préoccupé par le [projet de loi] 66.» Et là vous détaillez certaines de vos préoccupations.

Par la suite, vous avez fait un communiqué conjoint avec des groupes environnementaux, et, en l'espace d'un mois ou à peu près, là, pas tout à fait un mois, mais le ton a changé beaucoup, parce que, là, le thème du communiqué, c'est : «Projet de loi n° 66 : irresponsable [...] injustifié au regard des enjeux environnementaux, sociaux et économiques.» Et là vous avez signé tout ça avec différents groupes : Équiterre, Nature Québec, et ainsi de suite.

Est-ce qu'en l'espace d'un mois, d'un communiqué relativement soft, si vous me permettez l'expression, où on dirait qu'il y a eu une forme de radicalisation… Est-ce que vous pouvez m'expliquer ce qui s'est passé ou c'est simplement que vous vous êtes joints à des groupes comme ça?

M. Gariépy (Sylvain) : Bien, il y a les préoccupations environnementales, bien entendu. Donc, on accélère les processus où on risque d'en échapper des morceaux, entre autres sur le plan environnemental. Donc, là-dessus, oui, nous sommes fortement préoccupés, mais est-ce qu'il y a une radicalisation? Bon, l'Ordre des urbanistes ne se veut pas un mouvement radical, là. C'est un ordre professionnel qui vise la protection du public, et on ne pense pas que de… On pense qu'il y a un danger de laisser aller de côté certaines approbations environnementales sur le plan global des projets, et c'est ça qui nous préoccupe, et c'est pour ça qu'on a joint notre voix à ce dernier communiqué, là, qui est paru, si ma mémoire est bonne, aujourd'hui, ce matin même.

Donc, je ne peux pas m'avancer encore plus, là, mais ça nous préoccupe de plus en plus, là, cette tendance à mettre de côté, là, nos préoccupations environnementales. Et, comme je vous l'ai rappelé plus tôt, nous ne sommes pas seulement dans une crise sanitaire, mais nous sommes dans une crise environnementale. Donc, la sanitaire, heureusement, j'espère, on va la régler rapidement, mais, environnementale, il va falloir déployer des efforts assez importants pour composer avec parce qu'on ne va pas la régler. Puis on croit que ce n'est pas en escamotant les processus d'approbation et... Au fait de juste aller rapidement, là, on a l'impression qu'on va... On pourrait pénaliser la composante environnementale et on ne croit pas que c'est une bonne pratique en ce moment.

• (20 h 50) •

M. Arcand : Vous avez dit, parmi les choses qui n'apparaissent pas très acceptables, entre autres, les projets autoroutiers… Est-ce que vous avez des...

Le Président (M. Simard) : Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Arcand : Est-ce qu'il y a des projets autoroutiers qui peuvent être acceptables à vos yeux ou des projets du ministère des Transports?

Le Président (M. Simard) : Votre temps est écoulé. Très rapidement, s'il vous plaît, M. Gariépy, très rapidement.

M. Gariépy (Sylvain) : La réponse est : Oui, il peut y avoir des projets acceptables sur le plan autoroutier.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci. M. le député de Rosemont, à vous la parole.

M. Marissal : Bon, je ne donnerai pas de mon temps à mes amis de l'opposition officielle. Je n'en ai pas à vous donner, malheureusement. M. Gariépy, bonjour, Mme Ferraris aussi, qu'on ne voit pas à l'écran, mais je vous salue aussi.

J'ai parlé du jour de la marmotte ce matin. Effectivement, j'ai l'impression de retomber dans le jour de la marmotte, parce qu'on a déjà joué dans ce film-là au mois de juin avec 61. Il y avait une question qui revenait tout le temps, puis elle est revenue dans votre exposé, et vous dites : On passe à travers la liste des projets qui sont là, les 181, puis on ne voit pas trop pourquoi un tel projet de loi pour ces projets-là. Bon, je mettrais la ligne bleue à part, là, qui est effectivement un problème connu, récurrent, je dirais, même, la ligne bleue, mais, autrement, quel est le... On n'essaie de ne pas se prêter des intentions ici, dans cette enceinte, mais même si on le fait souvent, malheureusement, et vous, votre interprétation, pourquoi, donc, un tel projet de loi avec cette liste-là qui fonctionne, là?

M. Gariépy (Sylvain) : Bon, je vais vous avouer, je n'ai pas la réponse. Pourquoi un tel projet de loi? Nous, comme Ordre des urbanistes du Québec, pour nous, l'important, c'est, si on veut accélérer certains projets, oui, mais encore faut-il comprendre le projet dans son... et son impact sur l'environnement urbain. Et, si on accélère les processus d'approbation, bien, c'est quoi, l'objectif réel derrière ça, si ce n'est qu'une teneur économique? Nous, on n'est pas persuadés, là, que, sur le plan économique, ça va être quelque chose de plus intéressant parce que les processus d'approbation des projets, en ce moment, peuvent quand même se faire assez rapidement.

Donc, honnêtement, pour répondre... J'ai de la misère à répondre à votre question. Pour moi, ce projet de loi là est perfectible comme tous les projets de loi, puis ce qui manque, c'est les critères de sélection des projets et le pourquoi de prioriser ceux-ci au détriment de d'autres. Ça, je n'ai pas l'impression d'avoir compris ça dans la lecture du projet de loi à l'heure actuelle.

M. Marissal : D'accord. Et, rapidement, vous nous avez dit essentiellement que la loi sur l'aménagement de l'urbanisme, puis on en avait aussi parlé en juin, permet déjà une certaine flexibilité qui serait, donc, dédoublée ou même écrasée par 66.

M. Gariépy (Sylvain) : Oui, on a déjà des… On a une belle boîte à outils. La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme nous permet déjà de faire des choses. On est d'avis qu'on a déjà… La boîte à outils est déjà complète. Bref, on a les coudées franches, là, pour accélérer les projets également dans le cadre de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

M. Marissal : Très bien. Je vous remercie.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup pour votre présence qui est très, très importante. Dommage qu'à cette heure-ci les médias écoutent moins. J'ai l'impression que ce que vous nous dites, c'est que le projet de loi n° 66 est une solution à un problème qui n'existe pas. Je ne sais pas comment l'exprimer autrement, là, si je vous écoute bien, parce que vous dites : Bon, on pourrait exclure les autoroutes, maisons des aînés, écoles, ça ne cause pas vraiment de problème. Et là je voudrais rebondir sur ce que vous venez de répondre à mon collègue. Au fond, pour accélérer les choses, on n'aurait pas besoin du coup de massue du projet de loi. Il y a bien des affaires qu'on serait capables de faire par processus réglementaire, que ça soit en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement, en vertu de la loi sur l'aménagement et urbanisme, par exemple.

M. Gariépy (Sylvain) : Effectivement, oui.

M. Gaudreault : O.K. J'aime ça, des réponses courtes comme ça. Ça me déstabilise un peu, mais j'aime ça. Quand vous dites que… Vous avez commencé en disant que ça va affaiblir de façon permanente les processus d'approbation. Là, la ministre vous a rassuré plusieurs fois en disant : Non, non, non, c'est vraiment juste pour les 181 projets qui sont dans l'annexe. Est-ce que, quand vous dites «de façon permanente», c'est parce que vous voulez dire… Au fond, ça va créer un précédent et qu'il pourrait y arriver d'autres crises après, x ou y, climatiques ou d'autres crises sanitaires, qu'on ne souhaite pas, mais… et là on va dire : Bon, bien on a fait le projet de loi n° 66, on va s'en refaire un autre, projet de loi. C'est plus l'aspect précédent que l'aspect modification permanente…

M. Gariépy (Sylvain) : Bien, effectivement, on ouvre une brèche. On se donne des nouvelles habitudes. Donc, on dit : On a une crise, on sort le p.l. n° 66 ou son équivalent modernisé dans le futur. Nous sommes d'avis qu'on s'est dotés de processus d'approbation qui sont, certes, imparfaits, qui sont perfectibles, mais qui répondent quand même à la commande à l'heure actuelle, et qu'on peut, sous le couvert de l'urgence également, faire accélérer les choses, mais dans les traditions qu'on a commencé à établir en termes de processus d'acceptabilité des projets, d'acceptabilité sociale, d'acceptabilité environnementale, et c'est là... Le fondement d'une de nos grandes préoccupations, c'est surtout sur le plan… c'est sur deux plans : l'acceptabilité sociale et l'acceptabilité environnementale. Donc, si, à chaque fois qu'on arrive dans une crise, on escamote ces éléments-là, c'est comme, à quelque part, discréditer ce que l'on fait déjà.

M. Gaudreault : Exact.

M. Gariépy (Sylvain) : C'est là où nous en sommes.

M. Gaudreault : Merci.

Le Président (M. Simard) : Alors, madame, monsieur, merci à vous deux pour votre contribution à nos travaux.

Sur ce, compte tenu de l'heure, nous allons ajourner à demain avant-midi, au retour des affaires courantes. Au revoir.

(Fin de la séance à 20 h 57)

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