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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, June 9, 2020 - Vol. 45 N° 68

Special consultations and public hearings on Bill 61, An Act to restart Québec’s economy and to mitigate the consequences of the public health emergency declared on 13 March 2020 because of the COVID-19 pandemic


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Table des matières

Auditions (suite)

Autorité des marchés publics (AMP)

Fondation David-Suzuki

Équiterre

Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador (APNQL)

Bureau de l'inspecteur général de la ville de Montréal

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Bureau de l'intégrité professionnelle et administrative de la ville de Saint-Jérôme (BIPA
de la ville de Saint-Jérôme)

Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE)

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et Alliance du personnel
professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)

Protecteur du citoyen

Comité public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau

Intervenants

M. Jean-François Simard, président

M. Christian Dubé

M. Gaétan Barrette

M. Vincent Marissal

M. Martin Ouellet

M. Guy Ouellette

M. Sylvain Gaudreault

M. David Birnbaum

M. Youri Chassin

*          Mme Nathaly Marcoux, AMP

*          M. Sylvain Perron, Fondation David-Suzuki

*          M. Diego Creimer, idem

*          M. Marc-André Viau, Équiterre

*          Mme Caroline Brouillette, idem

*          M. Ghislain Picard, APNQL

*          Mme Brigitte Bishop, Bureau de l'inspecteur général de la ville de Montréal

*          Mme Geneviève Paul, CQDE

*          Mme Stéphanie Roy, idem

*          M. Jacques Duchesneau, BIPA de la ville de Saint-Jérôme

*          M. Philippe Bourke, BAPE

*          M. René Beaudet, idem

*          Mme Andrée Poirier, APTS

*          Mme Nancy Bédard, FIQ

*          Mme Marie Rinfret, Protectrice du citoyen

*          M. Pierre-Olivier Brodeur, Comité public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau

*          M. Luc Bégin, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Simard) : Bien. À l'ordre! Je constate que nous avons le quorum.

Comme vous le savez, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19.

Bonjour, Mme la secrétaire. Y a-t-il des remplacements ce matin?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Alors, M. Derraji (Nelligan) est remplacé par Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel).

Le Président (M. Simard) : Très bien. Et je crois comprendre qu'il y a consentement afin que, cet avant-midi, le député de Jonquière puisse ponctuellement remplacer, si tant est qu'on puisse le remplacer, le député de René-Lévesque. Il y a consentement? Et, possiblement, la secrétaire m'informe que ce serait aussi le cas pour cet après-midi et possiblement ce soir, parce que, comme vous le savez, la journée sera longue; courte en votre compagnie, mais néanmoins chargée en termes de visites. Voilà.

Auditions (suite)

Donc, cet avant-midi, nous aurons... nous recevons l'Autorité des marchés publics, la Fondation David-Suzuki, Équiterre ainsi que l'Assemblée des premières nations Québec-Labrador. Nous commençons immédiatement nos auditions. M. le député de La Pinière.

M. Barrette : Oui. M. le Président, vous présidez la commission, j'aimerais avoir une information de votre part.

 (9 h 20)

Le Président (M. Simard) : Je vous en prie.

M. Barrette : Il est de connaissance assez commune, aujourd'hui, que nous, les oppositions, avons souhaité pouvoir entendre Mme la Vérificatrice générale et le Barreau du Québec. À cette heure-ci, nous n'avons toujours pas de confirmation que la commission acceptera de les entendre, et j'aimerais savoir, certainement, au moins de la bouche du président du Conseil du trésor, s'il est d'accord avec ce que nous puissions, dépendamment de l'horaire qui sera rendu disponible, entendre la Vérificatrice générale et le Barreau du Québec.

Le Président (M. Simard) : Bon, député de La Pinière, vous avez beaucoup d'expérience — je reçois votre message — vous savez que, généralement, les participants aux consultations publiques sont arrêtés via un conciliabule préalable qui se fait entre les différents bureaux du leader. Donc, je laisserai... nous laisserons aux autorités compétentes le soin de faire ce genre de dialogue.

M. Barrette : Je vous soumettrais, M. le Président, qu'il serait quand même intéressant pour tant le public... en fait, surtout le public, mais certainement nous aussi, les parlementaires, avoir l'opinion du président du Conseil du trésor. Ne trouve-t-il pas qu'on devrait faire... Est-il d'accord à ce qu'on fasse un aménagement?

Le Président (M. Simard) : Alors, bon, merci beaucoup, M. le député de La Pinière. Disons que le suivi sera fait, résumons les choses ainsi. Je vous remercie beaucoup.

M. Barrette : Je comprends que vous souhaitez que le président du Conseil du trésor ne se prononce pas sur ça.

Le Président (M. Simard) : En fait, ce n'est pas le lieu pour faire ça. On est en consultations et nous avons devant nous des invités qui s'impatientent, qui s'impatientent. Voilà, voilà.

Alors, nous sommes en présence de Mme Nathaly Marcoux, qui est présidente-directrice générale par intérim de l'Autorité des marchés publics, ainsi que de M. Yves Trudel. Mme Marcoux qui est une finissante de l'école François-Bourrin du beau comté de Montmorency, que je salue. Madame, monsieur, vous disposez de 10 minutes.

Autorité des marchés publics (AMP)

Mme Marcoux (Nathaly) : Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui, au nom de l'Autorité des marchés publics, dans le cadre des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 61, la Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19. Je suis accompagnée de M. Yves Trudel, directeur principal à la surveillance des marchés publics.

D'entrée de jeu, il est important, M. le Président, de prendre quelques secondes pour rappeler la mission de l'AMP et son mandat en matière de surveillance des marchés publics. Première recommandation de la commission Charbonneau, l'AMP a été constituée en décembre 2017 avec l'adoption de la Loi sur l'Autorité des marchés publics. Elle a pour mission de surveiller l'ensemble des contrats publics.

Elle a débuté ses fonctions, en partie, le 25 janvier 2019 par l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la délivrance des autorisations de contracter avec l'État ainsi que d'administrer le Registre des entreprises autorisées et le Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics, on parle ici du REA et du RENA, des mandats autrefois sous la responsabilité de l'Autorité des marchés financiers et du Conseil du trésor et qui sont dorénavant regroupés à l'AMP, ce qui assure une gestion plus efficiente de ces registres et permet de s'assurer de l'intégrité des entreprises qui obtiennent des contrats publics au-delà des seuils établis par décret par le gouvernement.

Ses pouvoirs de vérification également lui ont été octroyés le 25 janvier 2019, lui permettant de vérifier si les processus d'adjudication ou d'attribution d'un contrat public s'effectuent conformément au cadre normatif auquel l'organisme public est soumis.

L'examen de la gestion contractuelle est également un mandat qui lui a été confié le 25 janvier 2019, donc, l'examen de la gestion contractuelle d'un organisme public désigné par le gouvernement. Actuellement, l'AMP réalise l'examen de la gestion contractuelle du MTQ suivant le décret pris par le gouvernement à cette fin le 13 novembre dernier. L'AMP a aussi le pouvoir, depuis janvier 2019, d'initier un tel examen de la gestion contractuelle d'un organisme public si, dans l'exercice de ses fonctions, elle constate des manquements répétés au cadre normatif démontrant des lacunes importantes en matière de gestion contractuelle.

Le 25 mai 2019, ce sont les articles relatifs aux pouvoirs de vérification suivant une plainte formulée auprès de l'AMP ou une communication de renseignements qui entraient en vigueur. Nous recevons ainsi les plaintes de personnes ou d'entreprises concernant des processus d'appel d'offres ou d'attribution de contrats qui ne seraient pas conformes au cadre normatif.

Aussi, nous recevons et traitons de façon confidentielle toute communication de renseignements ou divulgation d'actes répréhensibles portant sur les marchés publics. Ces renseignements peuvent concerner autant la gestion contractuelle d'un organisme public que le fait que certaines entreprises, dirigeants ou administrateurs n'auraient pas l'intégrité pour obtenir des contrats publics. Elle est ainsi chargée de la surveillance des contrats publics octroyés par les ministères ou organismes du gouvernement du Québec, des municipalités, des réseaux de la santé et de l'éducation ou de nos sociétés d'État.

Nos commentaires porteront donc sur trois aspects bien précis du projet de loi, à savoir le décret d'urgence sanitaire, la prolongation d'un an de l'autorisation de contracter et l'application de la Loi sur les contrats des organismes publics.

Depuis le décret d'urgence sanitaire pris par le gouvernement le 13 mars dernier, l'AMP a continué d'exercer son rôle de surveillance des marchés publics en exerçant les fonctions énoncées précédemment et aussi en poursuivant sa vigie quotidienne des marchés publics sous sa juridiction malgré la COVID-19.

L'AMP agit de manière concrète. La preuve, nous plaçons toutes les semaines de nouvelles entreprises sur le Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics parce qu'elles n'ont pas l'intégrité nécessaire pour en obtenir. Depuis le déclenchement de l'état d'urgence sanitaire, 135 entreprises ont été placées sur ce registre. De plus, cinq appels d'offres ont été suspendus à la suite de plaintes ou de communication de renseignements, le temps que nous procédions à l'analyse. Enfin, trois décisions ont été rendues à l'égard de ministères, organismes ou municipalités qui n'ont pas respecté le cadre normatif. Malgré la COVID-19, nous exerçons donc nos responsabilités de façon pleine et entière.

Contracter avec l'État ne constitue pas un droit, mais bien un privilège. Et, pour bénéficier de ce privilège, les entreprises doivent démontrer qu'elles ont l'intégrité nécessaire pour obtenir des contrats publics.

Équité, transparence et saine concurrence sont les principes de la LCOP. Ce sont aussi les principes directeurs de l'AMP, et nous y accordons toute notre attention pour le bien des marchés publics. Son travail, l'AMP peut continuer de l'exercer parce que, malgré le déclenchement de l'état d'urgence au Québec, les lois telles que la Loi sur les contrats des organismes publics et la Loi sur l'Autorité des marchés publics ont continué de s'appliquer. Cela nous permet donc d'agir auprès des ministères ou organismes qui souhaiteraient utiliser le décret sans en respecter le cadre.

L'AMP a évidemment pris connaissance de ce projet de loi, qui vise à relancer l'économie pour la réalisation de projets gouvernementaux et l'attribution de contrats publics. Nos commentaires concernent des amendements qui pourraient amener des modifications à la LCOP et à ses règlements, lesquels assurent l'encadrement normatif applicable aux marchés publics.

Au Québec, nous avons, depuis les dernières années, resserré l'étau en matière de surveillance des marchés publics, notamment grâce à l'application de la LCOP. Nous aurions tort de relâcher la garde en cette période où nous devons, au contraire, être encore plus vigilants. Le gouvernement doit maintenir le cadre normatif en vigueur en matière de contrats publics et surtout éviter d'en suspendre l'application. C'est de cette façon que l'AMP peut exercer sa mission et ses responsabilités de manière à ce qu'elle puisse intervenir si elle constate des manquements de la part des ministères et des organismes, mais aussi des entreprises qui veulent profiter de la situation pour déjouer les règles.

Le gouvernement aurait tout intérêt à clarifier l'article 50 de façon à ce qu'il n'y ait pas de doute sur le maintien des lois en vigueur et, par extension, sur la capacité qu'aurait l'AMP de jouer son rôle de surveillance. De plus, malgré le fait que l'état d'urgence sanitaire permet au ministère de la Santé et des Services sociaux ou aux établissements de ce réseau de conclure des contrats sans autre formalité, nous devons continuer de pouvoir exercer notre vigie, de recevoir des plaintes et d'interpeller ce réseau si l'on estime que le recours à cette clause n'est pas justifié, n'est pas conforme aux conditions du décret d'urgence sanitaire ou qu'elle sert plutôt de prétexte à l'attribution d'un contrat.

À cet effet, le gouvernement doit nous laisser toute la latitude pour que nous puissions investir ce secteur selon la nature des plaintes ou des renseignements que nous pourrions obtenir, malgré la grande marge de manoeuvre que leur confère le décret d'urgence sanitaire. Nous formulons aussi ces commentaires à la lumière de nos constats depuis le début de l'exercice de nos fonctions.

• (9 h 30) •

Nous avons également pris connaissance de l'annexe I du projet de loi n° 61 et constatons qu'un nombre important de projets priorisés concernent le secteur de la santé. Il doit donc être clairement compris par les organismes des secteurs de la santé et, bien entendu, de tous les autres secteurs que l'encadrement des marchés publics continue de s'appliquer, de même que le décret d'urgence sanitaire, aux conditions qui y sont prévues. Il doit aussi être compris que l'AMP continue d'exercer l'ensemble des fonctions et pouvoirs qui lui sont dévolus par la LAMP. Nous disposons du pouvoir d'initier un examen de la gestion contractuelle si on constate des manquements graves ou répétés au cadre normatif, incluant le décret.

En ce qui concerne l'article 33 visant la prolongation d'un an des autorisations de contracter, nous sommes entièrement d'accord avec cette orientation, une orientation que nous avons d'ailleurs partagée au gouvernement. Cette suggestion découle de notre constat de la difficulté des entreprises à s'acquitter de leurs obligations administratives dans le contexte de la COVID-19 alors que les entreprises se sont retrouvées parfois privées de leur main-d'oeuvre ou avec des difficultés de fonctionnement du fait du confinement auquel elles ont dû s'astreindre.

Dans les faits, il s'agit d'entreprises qui possèdent déjà leur autorisation de contracter et qui ont passé le test de l'intégrité pour obtenir des contrats publics. Leur autorisation venant à échéance, elles devaient donc procéder à leur renouvellement, ce qui pose beaucoup de problèmes, actuellement. Ces dernières ne sont pas en mesure de nous fournir toutes les informations nécessaires à leur renouvellement.

Nous croyons que cet allègement législatif pour une période d'un an leur permettra de diminuer leurs préoccupations administratives et ainsi se consacrer à la relance de leur entreprise. Cette suggestion formulée au Conseil du trésor, avec lequel nous travaillons actuellement, est l'une des pistes de solution envisagées qui permettraient d'améliorer l'efficience de l'encadrement de la LCOP. Nous poursuivons ces travaux déjà amorcés de façon à contribuer à la bonification des lois en vigueur et qui méritent d'être mises à jour.

Par ailleurs, nous constatons que certaines entreprises qui veulent obtenir des contrats publics ne détiennent pas leur autorisation de contracter. Dans un contexte de relance et avant de conclure un contrat, l'AMP tient à rappeler d'abord aux organismes publics qu'il est de leur responsabilité de s'assurer que les entreprises avec lesquelles ils concluent des contrats au-delà des seuils établis par le gouvernement ont obtenu leur autorisation de contracter et qu'elles maintiennent cette autorisation tout au long de la réalisation du contrat, que, lorsqu'un ministère ou organisme conclut un contrat public en dessous des seuils, ces derniers doivent être encore plus vigilants en s'assurant de vérifier que l'entreprise n'est pas sur le RENA.

Quant aux entreprises, il est de leur responsabilité de faire les démarches en temps utile afin de formuler leur demande d'autorisation sans attendre la publication d'un appel d'offres duquel découle une telle obligation. Il est également de leur responsabilité de s'assurer du maintien de cette autorisation pendant toute la durée d'un contrat public soumis à cette obligation et du maintien de l'intégrité de tous ses dirigeants pouvant affecter le maintien de cette autorisation.

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

Mme Marcoux (Nathaly) : En conclusion, M. le Président, dans l'optique de tous les chantiers gouvernementaux identifiés dans le projet de loi et de la relance économique anticipée, nous sommes d'avis que la surveillance des marchés publics sera au coeur des enjeux et que nous devons tout mettre en oeuvre pour exercer cette vigilance avec tous les pouvoirs que cela implique. À titre d'instance neutre et indépendante...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci.

Mme Marcoux (Nathaly) : Oui, merci.

Le Président (M. Simard) : Merci, madame. Vous pourrez, bien sûr, compléter par la suite dans le cadre de nos échanges. M. le ministre, votre formation politique dispose de 14 minutes. À vous la parole.

M. Dubé : Très bien, très bien. Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous deux. Et je tiens à vous remercier pour l'excellent travail que vous faites depuis que vous êtes en poste, tous les deux. Je pense que l'AMP est un organisme qui est quand même relativement jeune. Vous l'avez expliqué, c'est quand même suite à la commission Charbonneau que cet organisme-là a été mis en place, puis je sais que vous faites un travail très, très important.

Je me concentrerais sur quelques éléments très précis de vos commentaires. Vous avez donné, tout à l'heure, des exemples où vous avez dû intervenir. Sans nommer les entreprises, je voudrais comprendre le type d'intervention que vous avez fait pour aller soit vérifier un contrat ou... Mais, encore une fois, là, je ne suis pas dans la nomination de... mais je veux juste que les gens comprennent le type d'intervention que vous avez fait, quand vous avez donné quelques exemples, pour que les gens comprennent bien le sens de votre travail.

Mme Marcoux (Nathaly) : Alors, par nos pouvoirs de vérification, à la suite de plaintes ou de communication de renseignements que nous recevons, on fait des vérifications, une analyse des faits qui nous sont soumis, et on communique avec l'organisme public en cause, et on lui adresse différentes questions pour lesquelles on reçoit des observations.

M. Dubé : ...c'est dans le cas... Mme Marcoux, là, ça, c'est dans le cas d'un contrat qui a déjà été donné.

Mme Marcoux (Nathaly) : Non. C'est un... Alors, on est en contexte d'appel d'offres...

M. Dubé : O.K. Très bien. C'est ça que je veux comprendre.

Mme Marcoux (Nathaly) : ...ou encore suivant un avis d'intention de conclure un contrat de gré à gré tel que prévu à la LCOP. Alors, ce sont les interventions que nous avons faites. Par ailleurs, nous avons le mandat de l'examen de la gestion contractuelle, dont j'ai parlé tout à l'heure...

M. Dubé : Sur cet exemple-là, si vous me permettez, l'AMP a le droit de faire ça, donc, d'aller faire cette... mais c'est suite, je dirais, à une demande soit d'un autre fournisseur qui verrait un problème de la façon dont l'appel d'offres s'est déroulé. C'est ça que j'essaie de comprendre, là, parce qu'on a parlé beaucoup, depuis quelques jours, de notre projet de loi, de l'importance de respecter les institutions qui sont en place et du travail de contrôle qu'ils peuvent faire, alors c'est pour ça que je veux que les gens qui nous écoutent, là, comprennent bien le sens du travail que vous faites.

Donc, il y aurait quelqu'un qui aurait dit : Moi, je ne suis pas satisfait du processus d'appel d'offres, qui appelle l'AMP puis dit : Pouvez-vous aller voir si l'appel d'offres s'est bien déroulé? Est-ce que...

Mme Marcoux (Nathaly) : ...dans le cas d'une plainte, une personne intéressée, donc un concurrent, une entreprise qui pourrait soumissionner sur l'appel d'offres publié n'est pas satisfaite ou conclut que le cadre normatif n'a pas été respecté par l'organisme public qui a publié l'appel d'offres, auquel cas il peut formuler une plainte auprès de l'organisme public qui va rendre une décision. Et, si l'organisme public n'est pas satisfait, il peut alors référer sa plainte à l'Autorité des marchés publics, qui alors va en évaluer la recevabilité. Il y a différentes conditions dans la LCOP.

M. Dubé : Très bien.

Mme Marcoux (Nathaly) : Et, si la plainte est recevable, là on va procéder à l'analyse, au fond. Et, si on conclut qu'effectivement il y a eu un manquement au cadre normatif, alors l'autorité pourra rendre une décision selon les possibilités prévues à la loi, qui est de formuler une recommandation, de demander une modification à l'appel d'offres ou carrément annuler l'appel d'offres. Ça, c'est dans le cas de la plainte.

M. Dubé : Est-ce que, dans certains cas, vous êtes allés jusqu'à annuler l'appel d'offres?

Mme Marcoux (Nathaly) : Absolument. Nous avons 10 décisions rendues jusqu'à maintenant.

M. Dubé : 10 décisions comme celle-là.

Mme Marcoux (Nathaly) : Oui.

M. Dubé : Très bien. Je vais essayer d'être assez précis dans mes questions, justement, pour donner... Donc, vous parlez des mesures sanitaires, vous dites, au niveau de la santé, vous voulez garder vos droits par rapport à ce qui se fait en santé au niveau des achats. Parce que, on le sait, il y a eu beaucoup d'achats de gré à gré durant cette... Qu'est-ce que vous ne pouvez pas faire en ce moment, lorsqu'il y a les mesures sanitaires, par rapport au processus actuel?

Mme Marcoux (Nathaly) : Nous conservons tous nos pouvoirs et nous tenons compte qu'il y a un décret d'urgence sanitaire, lequel prévoit des conditions, hein? Ce doit être utilisé aux fins d'acquisitions ou de contrats conclus, là, pour la santé. On peut reprendre le libellé du décret...

M. Dubé : Non, mais parce que je veux juste comprendre, Mme Marcoux, le sens de ce que vous avez dit dans votre présentation, parce que vous avez dit : Il faut s'assurer que l'AMP ne perde pas ses pouvoirs pendant la crise sanitaire. Alors, moi, ma question est simple : Est-ce que vous en avez perdu, jusqu'à...

Mme Marcoux (Nathaly) : Non, non.

M. Dubé : O.K. Donc, je voulais juste bien comprendre le sens de votre intervention. Alors, je reviens à mon autre exemple que vous avez donné, si, en ce moment, un fournisseur pouvait être insatisfait par rapport à un processus d'adjudication qui est fait dans un contrat, il aurait le droit de vous contacter puis de vous dire : Écoutez, il y a quelque chose qui ne marche pas dans ce contrat-là, puis je voudrais que vous agissiez.

Mme Marcoux (Nathaly) : Oui, M. le ministre.

• (9 h 40) •

M. Dubé : O.K. Bon, je voulais juste comprendre, parce que, dans le sens de l'intervention, là, je me demandais s'il y avait un enjeu.

Bon, je vais revenir sur l'article 50, qui est l'objet de plusieurs discussions en ce moment, et je veux juste clarifier, puis je pense que... Et, encore une fois, si je vais trop dans le détail, vous m'arrêterez, et on pourra peut-être intervenir d'une autre façon. Notre objectif, dans l'article 50, on l'a entendu de plusieurs groupes, puis vous avez sûrement écouté les consultations que nous avons eues hier, les entreprises, en particulier en période sanitaire, dans la crise qu'on vit, ont des enjeux de liquidités, puis ce qu'ils nous demandent, c'est de les payer plus rapidement parce que... Ils nous le demandaient avant, au gouvernement, qui est des fois vu comme un mauvais payeur en termes de respecter ses échéances de paiement, ils nous demandent encore plus d'avoir besoin de régler les liquidités. Il y a des statistiques, là, qu'on serait en retard de 7, 8 milliards sur les paiements qui sont dus, bon.

Je vous demande la question parce que vous êtes au courant du projet pilote qui a été conduit dans l'industrie de la construction. Le gouvernement précédent a modifié la LCOP, a modifié la loi pour être capable de faire ce projet pilote là. Est-ce que... Et c'est notre objectif, c'est d'être capables d'avoir la flexibilité. Je vous donne cet exemple-là. En quoi augmenter des liquidités aux entreprises, pour vous, vient en contradiction avec une saine gestion? Parce que je veux juste bien comprendre, quand vous dites que vous voulez clarifier l'objectif de l'article 50. Si je vous dis qu'un de ces objectifs-là, pour moi, c'est d'avoir une meilleure liquidité et de respecter nos engagements... Parce qu'en ce moment, vous le savez, ce qu'on a noté dans le projet pilote, c'est que le gouvernement disait : Payez vos fournisseurs en temps, mais on avait des organismes qui ne respectaient pas ça. Je pense, vous connaissez très bien le dossier, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur l'importance de faire ce changement-là, en ce moment, qui est demandé par l'article 50.

Mme Marcoux (Nathaly) : Alors, l'article 50, nos commentaires visent simplement à dire que, compte tenu du libellé de l'article 50, il y aurait plusieurs possibilités, par le biais de l'article 50, pour apporter des modifications au cadre normatif. Notre propos est de partager que ce qui est important de préserver, c'est les grands principes de la LCOP, à savoir la transparence, la saine concurrence, et l'équité dans les contrats publics, et ce processus d'examen de l'intégrité des entreprises.

M. Dubé : Alors donc, je veux juste... pour être plus précis dans ma question, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, quand on entend sur la place publique que toucher à l'article 50, c'est vouloir retourner avant la commission Charbonneau, alors que... dans un projet pilote qui a été fait par le précédent gouvernement, qui était la bonne chose, mais qu'en ce moment n'est qu'un projet pilote, on n'est pas en train de toucher à l'intégrité des marchés, là.

Mme Marcoux (Nathaly) : Nous en convenons.

M. Dubé : Très bien.

Mme Marcoux (Nathaly) : Et, cet article-là, j'ajoute qu'il pourrait très bien être très utile à l'amélioration du cadre normatif.

M. Dubé : Bon. Alors, exemple, donnez-moi... quand vous dites qu'il pourrait être utile, vous voulez dire quoi?

Mme Marcoux (Nathaly) : Bien, à supposer que nous n'ayons pas eu la disposition de l'article 33, qui fait partie du projet de loi, actuellement, ça aurait pu être une amélioration au cadre normatif... et se servir de ce véhicule-là pour l'améliorer, le cadre normatif.

Alors, l'article 50, pour nous, il peut avoir des objectifs très louables, il peut être tout à fait utile, et ce n'est pas chaque fois qu'on va amender la LCOP ou le cadre normatif qu'on va porter atteinte à ses principes. Ce n'est pas ça, notre propos, et c'est pour ça que, dans notre introduction, on disait : On aurait intérêt à préciser nos intentions à cet égard-là. Puis on vous a entendu le dire, que ce n'était pas l'objectif, hein, en ce qui a trait aux règles d'intégrité...

M. Dubé : Non, j'ai été très clair.

Mme Marcoux (Nathaly) : ...de transparence, équité, saine concurrence. On veut préserver cela. Notre propos est simplement de dire que de la façon qu'il est rédigé, il est large, et notre souhait est de réitérer qu'il est important de préserver ces principes fondamentaux.

M. Dubé : Mais c'est pour ça que j'apprécie votre commentaire, parce que... c'est d'ailleurs l'objectif, de vous écouter en consultations particulières. Après ça, on va tomber en article par article, et je pense que votre commentaire, pour moi, nous éclaire beaucoup sur... s'il y a un besoin de précision, le faire en respect de ce que vous suggérez pour...

J'aimerais revenir aussi sur l'évolution de l'AMP. Bon, vous êtes là, vous avez... On a eu une première présidence, il y a eu une équipe, là, qui s'est formée, qui est assez solide, depuis quelques années maintenant. Si je vous demandais de se projeter dans quelques années puis de regarder... On a dit qu'il y aurait des amendements possibles ou des modifications à la loi de l'AMP, parce que c'est tout à fait normal qu'après deux ans, maintenant, on a eu un vécu, on... Quelles sont les grandes composantes que vous aimeriez voir s'ajouter à votre mandat ou des ajustements qui vous permettraient d'être encore plus performants dans votre rôle de contrôle? Parce que je pense que les gens comprennent que vous avez commencé avec la construction. Vous l'avez bien expliqué tout à l'heure, là, je ne veux pas vous faire répéter, mais moi, je veux regarder, en disant non seulement... puis je veux que les gens comprennent bien, notre objectif, ce n'est pas d'enlever des contrôles, c'est d'en ajouter dans la mesure où ils sont déficients. Alors, vous le vivez depuis quelques années, donnez-moi des exemples de choses qu'on pourrait faire au niveau de l'AMP, qui est d'ailleurs notre objectif de procéder dans la prochaine année.

Mme Marcoux (Nathaly) : Alors, la Loi sur l'Autorité des marchés publics prévoit essentiellement deux pouvoirs. Le grand pouvoir est un pouvoir de vérification, et il y a un pouvoir d'enquête strictement dans le cadre d'un examen de la gestion contractuelle alors qu'on est désignés par le gouvernement ou parce qu'on a vu des manquements répétés et importants et qu'on initie un tel mandat.

Le pouvoir de vérification, il est encadré par les articles 22 à 24 de notre loi et qui s'adresse principalement aux organismes publics. De l'expérience que nous avons, actuellement, et de ce que nous avons vécu jusqu'à maintenant... Et je pense que c'est important de souligner qu'elle est très jeune, la loi. Vous parlez de deux ans, mais, dans les faits, les pouvoirs, compte tenu de l'entrée en vigueur des articles, c'est 18 mois et même un peu plus de 12 mois, actuellement. Alors, il faut vivre avec cette loi-là puis il faut la voir évoluer. Mais, de ce que nous avons déjà vécu, actuellement, ce serait ce pouvoir de pouvoir s'adresser aux entreprises, aux sous-contractants, aux témoins pour leur demander de répondre à nos questions.

M. Dubé : Pas seulement aux organismes.

Mme Marcoux (Nathaly) : Et pas seulement aux organismes publics, exactement.

M. Dubé : O.K., je comprends. Puis est-ce que vous avez... Puis il me reste combien de temps?

Le Président (M. Simard) : Une minute.

M. Dubé : Est-ce que vous avez les ressources, en ce moment, pour aller là, ou ça justifierait une addition de ressources?

Mme Marcoux (Nathaly) : L'Autorité des marchés publics dispose actuellement des ressources dont elle a besoin pour s'acquitter du mandat tel qu'elle a. Évidemment, quand on ajoute des pouvoirs ou quand on ajoute des mandats, c'est à revoir.

M. Dubé : En cas de crise, là, dans la crise qu'on vit en ce moment avec... Parce qu'au début c'en était un, enjeu, je me souviens, on en avait parlé, vous et moi. Mais là, maintenant, en ce moment, il n'y a pas d'enjeu de ressources.

Mme Marcoux (Nathaly) : Avec le mandat tel que défini par la loi, nous disposons de suffisamment de ressources, oui.

M. Dubé : Très bien. Alors, écoutez, moi, je pense que ça... Puis, M. Trudel, j'espère que les autres poseront des questions, parce que vous avez vraiment... tous les deux, vous faites une équipe incroyable. Alors, je vais passer la parole à l'opposition. Merci.

Le Président (M. Simard) : Je vous remercie, M. le ministre. Je cède la parole au député de La Pinière pour une période de 9 min 20 s.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Me Marcoux, M. Trudel, bienvenue à cette commission. Vous êtes attendus. Très content de vous avoir ici aujourd'hui.

On a moins de temps que le gouvernement, on va aller directement aux faits, et je vais continuer ce que vous étiez en train de dire. Personnellement, vous l'avez dit d'une façon très claire, la loi n° 50 est large, vous souhaitez qu'elle ne vous touche pas... l'article, pardon, 50 est large, l'article ne vous touche pas trop, on va dire, là. Bon, vous voulez que ça soit préservé, mais vous voyez, vous aussi, que l'article 50 est large. Je ne vous demande pas de commenter sur la largesse, mais on comprend que vous-même, l'AMP, voyez la possibilité d'une grande largesse d'intervention dans 50. Je ne vais pas plus loin que ça.

Je vais commencer par vous poser une question très claire : Vous, l'AMP, en pouvoirs d'enquête, d'inspection, et ainsi de suite, là, avez-vous plus ou moins de pouvoirs, d'autonomie que le bureau d'inspection générale de Montréal?

Mme Marcoux (Nathaly) : Alors, la grande différence, ce qui nous distingue dans nos pouvoirs, principalement, avec le Bureau de l'inspecteur général, c'est ce que j'ai exprimé tout à l'heure, dans la Charte de la Ville de Montréal, dans les pouvoirs définis pour le Bureau de l'inspecteur général, il y a ce pouvoir de s'adresser aux entrepreneurs, aux sous-entrepreneurs, et de leur poser des questions, et surtout d'obtenir des renseignements et la documentation nécessaire à leur analyse et à leur vérification. C'est la grande distinction avec les pouvoirs de l'AMP, actuellement.

M. Barrette : Dans les faits, là, c'est extrêmement significatif, cette différence-là, là. Dans son champ d'exercice, le BIG, pour simplifier la prononciation, a plus de pouvoirs que vous. Je considère que c'est anormal. Est-ce que vous êtes d'accord?

Mme Marcoux (Nathaly) : Bien, en fait, je peux vous... En fait, c'est fonction de nos besoins aux fins de nos vérifications. Et, si vous me permettez, je vais vous donner deux exemples que nous avons vécus depuis que nous avons nos pouvoirs...

M. Barrette : Brièvement, s'il vous plaît.

Mme Marcoux (Nathaly) : ...où deux organismes publics nous ont alertés sur des situations qu'ils vivaient.

M. Barrette : Me Marcoux, je vous arrête. Permettez-moi de vous arrêter. Je comprends ce que vous allez me dire, puis vous venez de toucher le point que je veux toucher. Ce qui déclenche votre intervention est une plainte, alors que le BIG peut débarquer quand il veut.

Mme Marcoux (Nathaly) : Notre loi prévoit que nous pouvons initier une vérification de notre propre initiative. Ça, notre loi le permet.

M. Barrette : Il faut qu'on vous alerte de la chose.

Mme Marcoux (Nathaly) : Non, on peut le constater dans les journaux, par exemple.

M. Barrette : Oui, d'accord.

Mme Marcoux (Nathaly) : Et c'est arrivé que, de ce que nous avons lu dans les journaux, nous avons initié une vérification. Il y a d'ailleurs eu une décision qui a été rendue à cet effet.

M. Barrette : Écoutez, moi, je ne conteste pas la qualité de votre travail, hein? Croyez-moi, là, ne prenez pas ça comme étant une critique, là.

Mme Marcoux (Nathaly) : Pas du tout.

M. Barrette : Moi, ce qui m'importe ici, là, c'est que je considère que vous n'avez pas une étendue de pouvoirs suffisamment grande, qui est inférieure à Montréal, et ça, ce n'est pas normal. Et en plus vous avez un champ d'intervention, vous l'avez dit vous-même, il est dans votre mémoire, désigné MTQ. Ça, vous êtes tributaire de l'État, qui vous dit : Vous allez aller jouer là, mais pas ailleurs. Vous devez... Il y a des territoires qui sont désignés. En ce qui me concerne, vous êtes un garde-fou, là — je ne veux pas utiliser d'autres mots qui ne seraient pas parlementaires — vous êtes le garde-fou absolu. Vous devez avoir des pouvoirs qui sont à l'intérieur de nos chartes, de nos lois, et ainsi de suite, mais vous devez pouvoir aller le plus loin possible dans tous les secteurs. N'êtes-vous pas d'accord?

• (9 h 50) •

Mme Marcoux (Nathaly) : Bien, en fait, exactement comme on le disait tout à l'heure, avec ce pouvoir supplémentaire, là, sur lequel on nous sollicite, là, de... Vous nous demandez ce qui nous serait plus utile et qui nous rendrait plus efficients, c'est effectivement ce pouvoir de pouvoir s'adresser aux entrepreneurs, sous-contractants et témoins, comme le Bureau de l'inspecteur général a ce pouvoir.

M. Barrette : Voilà, et dans tous les secteurs.

Mme Marcoux (Nathaly) : Dans tous les secteurs.

M. Barrette : Publics.

Mme Marcoux (Nathaly) : Publics.

M. Barrette : Et privés?

Mme Marcoux (Nathaly) : Publics.

M. Barrette : Oui, mais, dans les secteurs publics, il faut que vous ayez le pouvoir, évidemment — je pense qu'on comprend la même chose — de creuser dans la partie privée qui est générée ou entraînée par un contrat public.

Mme Marcoux (Nathaly) : Oui, dans mon esprit, il est entendu qu'il fait partie du marché public. Lorsqu'un entrepreneur, une entreprise privée participe à un marché public, là, on est dans cette sphère-là.

M. Barrette : Alors donc, ça, ça demande des amendements significatifs à la LCOP.

Mme Marcoux (Nathaly) : C'est un amendement à la Loi sur l'Autorité des marchés publics, à l'article...

M. Barrette : D'accord. Et ça demande un amendement dans une autre loi.

Mme Marcoux (Nathaly) : Oui.

M. Barrette : Ça, c'est clair?

Mme Marcoux (Nathaly) : Oui.

M. Barrette : Alors, pour que ce soit bien fait, il faut qu'on le prévoie dans l'étude de ce projet de loi ci.

Mme Marcoux (Nathaly) : C'est-à-dire... Vous savez, actuellement, là, on exploite cette loi-là. Elle est nouvelle. On en... Il faut vivre avec ces pouvoirs-là, il faut exploiter toutes les limites de cette loi-là.

M. Barrette : C'est ce qu'on souhaite.

Mme Marcoux (Nathaly) : Bon. Que ce soit dans le présent projet de loi ou dans un éventuel projet de loi, puisqu'on nous invite à formuler nos souhaits, on partage que ce pouvoir-là nous rendrait plus efficients et nous permettrait de mieux protéger les marchés publics.

M. Barrette : On s'entend probablement sur le fait que ce dont on parle ne devrait pas être limité à la période de l'urgence sanitaire, mais bien être permanent.

Mme Marcoux (Nathaly) : Nous en convenons.

M. Barrette : On en convient. Ça, c'est déjà ça, parce qu'ici on est dans un débat de période d'urgence sanitaire. Le sujet dont on discute à l'instant est un sujet qui, pour moi, doit être permanent. Pas sûr que c'est ça qui est envisagé, mais ce n'est pas grave — peut-être que c'est le cas, tant mieux — mais moi, je le vois comme ça, vous le voyez comme ça.

Mme Marcoux (Nathaly) : Oui, c'est... Il est certain que l'efficience recherchée, là, on recherche aussi la pérennité de cette efficience-là.

M. Barrette : O.K. Vous êtes le commando de la vertu contractuelle. C'est joli comme expression, et je l'utilise à dessein. Vous avez dit vous-même que vous avez assez de ressources pour faire votre job maintenant. Par définition, si on fait ce que je suggère, vous n'aurez pas assez de ressources. Combien de ressources additionnelles vous pensez que ça vous prend? C'est beau, faire la guerre à la corruption, si vous n'avez pas de soldats dans votre commando, vous n'allez pas gagner beaucoup de batailles.

Mme Marcoux (Nathaly) : Je vais me permettre de préciser que le pouvoir qui est demandé, c'est un outil supplémentaire dans le coffre à outils, si je peux faire une image. Ce n'est pas un mandat supplémentaire, c'est un moyen supplémentaire d'obtenir de l'information, des renseignements, des documents.

M. Barrette : Mais, Me Marcoux, un outil est toujours utilisé par un individu.

Mme Marcoux (Nathaly) : Oui.

M. Barrette : Alors, vous allez utiliser l'outil si vous avez assez de ressources, actuellement, pour utiliser les outils que vous avez. Et qu'on vous en donne de nouveaux qui vous permettent d'aller plus loin et à plus d'endroits, il va vous manquer de ressources. Si vous me dites aujourd'hui, là, qu'on vous donne des pouvoirs additionnels que vous voulez utiliser et que vous pensez ne pas avoir besoin de ressources, écoutez, vous êtes admirables d'efficacité.

Mme Marcoux (Nathaly) : Bien, nous sommes très efficaces, je tiens à vous rassurer à ce sujet.

M. Barrette : J'en suis convaincu.

Mme Marcoux (Nathaly) : Mais ce dont il est question, vous savez, c'est pour l'ensemble de nos enquêteurs, vérificateurs. À chaque fois qu'ils ont une action à prendre, c'est de se demander : Par quel moyen je vais aller chercher l'information dont j'ai besoin? Alors, ce n'est pas une charge de travail supplémentaire. Si le gouvernement nous confiait un autre mandat d'examen de la gestion contractuelle, ce serait autre chose, là on aurait besoin d'une autre équipe. Nous avons actuellement notre équipe...

M. Barrette : Mais ce qui m'intéresse, moi, c'est justement ça, la gestion contractuelle en continu. Moi, c'est ce qui m'intéresse, la gestion contractuelle en continu, ce qui devrait être la chose que vous devriez avoir la possibilité de faire sans restriction dans le cadre actuel et dans le futur.

Mme Marcoux (Nathaly) : Alors, je n'avais pas bien compris votre question. Vous avez raison que, s'il y avait un amendement à la loi qui nous permettait une plus grande latitude dans le choix des mandats d'examen de la gestion contractuelle... Actuellement, c'est encadré.

M. Barrette : Le souhaitez-vous? Vous le dites vous-même, c'est encadré, donc c'est limité. Nous, on souhaite que vous ayez le pouvoir de faire plus de gestion contractuelle dans plus de secteurs.

Mme Marcoux (Nathaly) : Écoutez, la loi est jeune encore pour pouvoir conclure à cet égard. Si la situation se présentait...

M. Barrette : Il me reste quelques secondes. Ne serait-il pas bon pour la société québécoise que vous puissiez faire plus de gestion contractuelle dans plus de secteurs?

Mme Marcoux (Nathaly) : Avec plus de ressources, on va en faire plus, puis évidemment que ça va mieux protéger les marchés publics.

M. Barrette : Exactement.

Le Président (M. Simard) : Très bien, merci beaucoup. Merci à vous tous. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Merci d'être là. Il y a beaucoup de passages dans votre mémoire, en particulier pages 8 et 9, où c'est joliment écrit, c'est diplomatiquement dit, mais ça sent l'inquiétude. Je pense que vous n'avez pas écrit ça pour la beauté de la prose, quand vous dites, par exemple : «Nous aurions tort de relâcher la garde en cette période où nous devons au contraire être encore plus vigilants.»

Puis je vous amène aux deux premiers paragraphes de la page 9, que je ne lirai pas au complet parce que je vais brûler tout mon temps, mais vous dites essentiellement qu'il y a péril en la demeure de baisser la garde en ce moment. Et vous qui appliquez les règles telles qu'elles le sont et la loi, notamment, sur les marchés publics, tel que c'est connu maintenant, si on change ces règles-là, vous aurez plus de difficultés à faire votre travail, c'est bien ça?

Mme Marcoux (Nathaly) : Oui. Je peux juste répéter ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire que ce qu'on veut dire, ici, c'est qu'il est important de préserver les principes fondateurs et directeurs de la Loi sur les contrats des organismes publics : transparence, équité, saine concurrence et le processus d'examen de l'intégrité, là, des entreprises. C'est de ça dont on parle. Et j'ajoute que l'article... c'est en raison de la façon qu'il est rédigé. Ceci étant dit, j'ai noté un exemple, tout à l'heure, où l'article 50 pourrait être utile à l'amélioration du cadre normatif. Le libellé le permettrait également.

Ce qui est important pour nous de partager, là, l'Autorité des marchés publics, compte tenu de notre mandat de surveillance des marchés publics, c'est que ces principes-là doivent être préservés pour assurer la protection des marchés publics.

M. Marissal : Mais, si d'aventure, là, Me Marcoux, on multiplie les contrats de gré à gré, vous perdez votre poigne, vous perdez votre poigne sur ce genre de contrats. Et, si on les multiplie — puis là il y en a 200 qui pourraient théoriquement se faire tous comme ça, là — vous perdez non pas votre sens et votre utilité, au contraire, là, mais vous perdez le peu de poigne que vous avez.

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

Mme Marcoux (Nathaly) : Alors, comme je l'expliquais tout à l'heure, cette situation-là vient modifier le cadre normatif, et on doit en tenir compte.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

Mme Marcoux (Nathaly) : Alors, dans notre analyse, on tient compte de ces nouvelles conditions...

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup, Me Marcoux. Merci beaucoup. Alors, je dois céder la parole au député de René-Lévesque. Cher collègue, à vous la parole.

M. Ouellet : Merci. Donc, à mon tour de vous saluer. Merci d'être là. Vous étiez effectivement très attendus. J'aurai quelques questions très brèves. Est-ce que le gouvernement peut contourner la loi n° 50 et donner des contrats de gré à gré, oui ou non?

Mme Marcoux (Nathaly) : Je veux être certaine de bien comprendre votre question.

M. Ouellet : En suspendant... avec l'article 50, on vous a entendu tout à l'heure, j'ai entendu le ministre, il nous dit qu'il ne fera pas ça. Est-ce qu'il peut le faire, oui ou non?

Mme Marcoux (Nathaly) : Avec l'article tel que libellé, et c'est ce que nous disons, il y a peut-être là la possibilité de modifier le cadre normatif et de toucher à ces principes fondateurs. Moi, j'ai entendu que ce n'était pas l'intention. Et de là, ce que nous disons...

M. Ouellet : Est-ce qu'il peut le faire, oui ou non?

Mme Marcoux (Nathaly) : Bien, c'est difficile pour moi de vous donner une interprétation juridique.

M. Ouellet : Est-ce que c'est possible de le faire?

Mme Marcoux (Nathaly) : Écoutez, il y aurait une analyse juridique à faire, là. Nous, dans notre évaluation, on dit : Attention, ne touchons pas aux principes fondateurs et principes directeurs de la LCOP.

• (10 heures) •

M. Ouellet : Je comprends, vous dites : Ne le faites pas, mais est-ce qu'il peut le faire? C'est clair, la loi n° 50 permet de contourner toutes les dispositions. Et, pour faire un contrat, ça prend des appels d'offres, mais on peut aussi donner des contrats de gré à gré en haut d'un certain seuil, on peut contourner la loi. Est-ce qu'en contournant cette loi cette possibilité-là existe?

Mme Marcoux (Nathaly) : La LCOP prévoit déjà des situations où on peut octroyer des contrats de gré à gré, les conditions dans lesquelles on peut le faire. C'est ça, le cadre normatif. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est : Attention, quand on vient pour modifier le cadre normatif, à ne pas affecter les principes directeurs de transparence, d'équité, de saine concurrence, donc de garder une certaine ouverture.

M. Ouellet : Je comprends, vous nous dites : Faites attention. Moi, ce que je comprends, ce que je décode, c'est : cette possibilité-là existe, et vous nous demandez d'avoir une attention particulière pour ne pas que ça se passe. J'ai compris, dans votre mémoire, tout à l'heure, que le décret vous permet de faire des enquêtes au ministère des Transports, et après ça vous pouvez faire des enquêtes sur plainte ou si vous constatez des informations dans les médias. Est-ce que vous aimeriez être capables d'enquêter sur les 202 projets qui sont dans la liste? Est-ce qu'on devrait vous permettre de le faire avec un décret?

Mme Marcoux (Nathaly) : ...nous conservons nos pouvoirs de vérification sur l'ensemble de ces contrats-là.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup, Me Marcoux, M. Trudel, merci infiniment pour cette belle présentation. Oh! oui, non, mais, M. le député de Chomedey, j'allais vous oublier, puis vous avez une belle minute 50 pour vous tout seul. Excusez-moi, ce n'est pas totalement terminé parce qu'on a la présence d'un député indépendant, que nous saluons.

M. Ouellette : Oui, ça arrive souvent, M. le Président, mais vous êtes pardonné, compte tenu de votre âge.

J'ai juste 1 min 50 s, trois questions en rafale. À la page 6 de votre mémoire, vous avez dit qu'il y a trois décisions qui ont été rendues à l'égard de ministères, organismes, municipalités. Quels sont ces trois ministères? Ma deuxième question... Parce que j'ai vu une décision contre le CSPQ qui est récente, hein, la semaine dernière, le 5 juin, donc on est le 8, le 5, c'est jeudi, donc le lendemain qu'on a déposé le 61. Ça, c'est la première des choses.

L'autre chose, le gouvernement vous a demandé de faire un audit sur la gestion contractuelle du MTQ en même temps que le Vérificateur général était au MTQ puis qu'il a rendu son rapport la semaine passée.

Et ma troisième question : Vous avez demandé au gouvernement que les renouvellements soient extensionnés d'un an, vous êtes en retard de combien? Parce que ce qu'on entend sur le terrain pour les renouvellements, on nous dit que ça refoule dans le coude et que ce n'est pas juste parce que les gens n'ont pas toutes les informations, mais c'est parce que vous n'êtes pas capables de délivrer les renouvellements. Confirmez-moi ou infirmez-moi ce que je viens de vous dire.

Mme Marcoux (Nathaly) : Je vais débuter par votre première question. Les trois décisions, dans mon souvenir, on en a rendu une à l'égard du CSPQ effectivement, la municipalité de Châteauguay, si je me souviens bien, et j'oublie la troisième, et je pourrai trouver l'information, là, rapidement comme ça et vous revenir.

Je m'excuse, je n'ai pas bien saisi votre deuxième question.

M. Ouellette : ...la gestion contractuelle du MTQ en même temps que le Vérificateur général était au MTQ.

Mme Marcoux (Nathaly) : Oui, bien, le Vérificateur général a fait sa vérification il y a plusieurs années puis il est actuellement en suivi de ses recommandations...

Le Président (M. Simard) : Merci. Désolé, maître, de vous couper si sèchement, mais c'est...

Une voix : ...

Le Président (M. Simard) : Non, malheureusement pas, ce n'est pas éthique. Alors, nous vous disons à nouveau merci, cette fois-ci c'est bien la fin de votre présentation, et au plaisir de vous retrouver.

Nous allons suspendre momentanément, le temps de faire place à nos prochains invités.

(Suspension de la séance à 10 h 04)

(Reprise à 10 h 07)

Le Président (M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président (M. Simard) : À l'ordre! Alors, nous allons poursuivre nos travaux. Nous avons la chance d'être en ondes par visioconférence avec la Fondation David-Suzuki. Nous sommes en présence de M. Sylvain Perron, analyste des politiques publiques, ainsi que M. Diego Creimer, responsable, affaires publiques et communications. Messieurs, bienvenue parmi nous. Vous avez... vous disposez de 10 minutes.

Fondation David-Suzuki

(Visioconférence)

M. Perron (Sylvain) : Merci beaucoup. Merci, d'abord, de l'invitation. Dans le fond, on est très contents de pouvoir participer à la commission parlementaire.

La Fondation David-Suzuki. Établie en 1990, la fondation a pour mission de protéger l'environnement et notre qualité de vie maintenant et pour l'avenir. À travers la science, la sensibilisation et l'engagement du public et des partenariats avec les entreprises, les gouvernements et les acteurs de la société civile, la fondation oeuvre à définir et à mettre en oeuvre des solutions permettant de vivre en équilibre avec la nature. Pour vous donner une idée, la fondation compte sur l'appui de 300 000 sympathisants à travers le Canada, dont près de 100 000 au Québec.

M. Creimer (Diego) : Merci, Sylvain. Merci, M. le Président et les membres de la commission. Je vais aller au vif du sujet, on a peu de temps. Écoutez, nul ne doute que la relance économique à la sortie de cette pandémie doit être ambitieuse et inclusive d'un grand nombre de secteurs. Personne ne doute non plus qu'il s'agit d'une opportunité de faire d'une pierre deux coups en s'attaquant aux crises économique et environnementale en même temps. Nous considérons que l'erreur, ici, serait de s'attaquer à une crise au détriment de l'autre ou, pire encore, en aggravant l'autre.

Comme plusieurs acteurs sociaux et parties prenantes l'ont déjà dit et vont le dire dans les heures qui viennent à cette commission, nous avons été surpris par l'ampleur des mesures contemplées dans le projet de loi n° 61 et nous souhaitons partager avec la Commission des finances publiques nos préoccupations principales. Notre équipe n'a pas de juriste, il faut le dire, mais, en nous basant sur l'analyse du Centre québécois du droit de l'environnement et notre expérience en protection des écosystèmes à risque, nous avons identifié, dans ce projet de loi, des éléments qui devraient susciter l'inquiétude de l'ensemble de la population et des législateurs. Et, Sylvain, je te passe la parole.

• (10 h 10) •

M. Perron (Sylvain) : En fait, on va commencer par... bien, concernant les milieux humides, un petit rappel : en 2017, la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques a été votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Elle citait à peu près ça, donc :

«Considérant l'apport fondamental des milieux associés à la ressource en eau, notamment quant à la qualité et [...] la quantité de l'eau, la conservation de la biodiversité et la lutte contre les changements climatiques;

«Considérant qu'il y a lieu d'assurer la conservation de tels milieux que ce soit pour les préserver, [pour] les protéger, les utiliser de manière durable [et] les restaurer ou en créer de nouveaux;

«Considérant qu'il y a lieu de fixer un objectif d'aucune perte nette de tels milieux», et j'aimerais vraiment... «aucune perte nette», je mets l'accent là-dessus.

Le Québec a déployé beaucoup d'efforts pour assurer la protection des milieux humides. Pourtant, le projet de loi n° 61, tel qu'il est, dans ses articles 21 à 24, viendrait amenuiser les efforts en escamotant les principes d'éviter et de minimiser établis dans la loi, donc, vraiment pour aller directement vers des mécanismes de compensation.

Il faut voir, là, les milieux humides et hydriques, là, c'est vraiment des infrastructures naturelles et ils sont vraiment nécessaires dans nos efforts d'adaptation aux changements climatiques. Les villes, par exemple, gagnent énormément à les protéger pour bénéficier des multiples services écosystémiques qu'ils peuvent donner. Ils contribuent également à améliorer la qualité de l'eau potable, à gérer l'eau pluviale sur les territoires et aussi à diminuer les effets des risques des inondations ou des impacts potentiels liés à ça. Et la possibilité que la relance économique du Québec souhaitée par tout le monde puisse accélérer la destruction des milieux humides, ça nous préoccupe vraiment au plus haut point.

Il est aussi permis de croire que, les villes qui disposent de terrains disponibles qui ne sont pas des milieux humides ni un habitat d'espèces menacées, comme on va en parler tantôt, en fait, on peut vraiment leur dire, là, demander aux villes : Aïe! C'est quoi, vos sites abandonnés qui n'ont pas de milieu humide, qui n'ont pas d'espèces menacées?, et proposer à ces... des sites abandonnés pour les villes, là, au lieu d'aller directement dans les milieux humides, dans les habitats d'espèces menacées. Donc, c'est vraiment, là, une grande préoccupation pour ces milieux humides, encore là.

M. Creimer (Diego) : Et, justement, si je peux ajouter, dans cette flexibilisation des exigences environnementales, si on peut l'appeler ainsi, il y a deux articles qui ont attiré notre attention, c'est l'article 15 et 16 du projet de loi n° 61. Et là nous constatons un risque additionnel et nous nous demandons comment les articles 15 et 16 du p.l. n° 61 et les articles 22 et 30 de la Loi sur la qualité de l'environnement pourraient être renforcés, justement, quand des catégories des projets énumérés dans le p.l. n° 61 peuvent concorder, de par leur nature, avec des projets qui seraient exemptés de suivi d'une évaluation et d'obtenir une autorisation du ministère de l'Environnement en vertu de la flexibilisation des normes prévues dans le Règlement sur l'encadrement des activités en fonction de leur impact sur l'environnement — c'est ce qu'on appelle le REAFIE — et que nous avons commentées il y a quelques jours dans sa version actuelle. Ces articles, combinés à la version du REAFIE soumise à commentaires, créent une sorte d'incertitude pour plusieurs types de projets devant obtenir une autorisation du ministère de l'Environnement.

Autrement dit, à la possibilité qu'aurait le ministre d'exempter certains projets d'une évaluation environnementale en vertu du projet de loi n° 61 s'ajoute la possibilité que ces mêmes projets puissent bénéficier d'une simple déclaration de conformité de la part des administrés ou qu'ils soient exemptés de l'obligation d'obtenir une autorisation sous le Règlement sur l'encadrement des activités en fonction de leur impact sur l'environnement. Encore une fois, je fais référence à la version actuelle. La fragilisation des évaluations et des exigences environnementales devient ainsi multiple et cumulative.

M. Perron (Sylvain) : Un autre élément qu'on avait regardé dans le projet de loi, donc, c'est l'article 20 sur les mesures d'accélération relatives à la flore. En 1989, le Québec s'est doté de la Loi sur les espèces menacées et vulnérables. Qu'est-ce que ça dit? Un des articles, l'article 8, plus précisément, de la loi : «Le ministre peut également, aux fins de la protection et de la gestion des espèces floristiques menacées ou vulnérables désignées, prendre toutes les mesures nécessaires afin de réparer ou atténuer un dommage subi par une espèce floristique menacée ou vulnérable désignée ou par son habitat et, en la manière de toute dette due au gouvernement, réclamer de l'auteur du dommage les frais entraînés par ces mesures.»

En gros, c'est qu'en monnayant, en fait, la destruction de l'habitat des espèces menacées on vient contrecarrer 30 ans d'efforts que le ministère de l'Environnement tente pour protéger la biodiversité, et le fait que le ministre... que le projet de loi ouvre la porte à la destruction de l'habitat par une simple compensation financière, c'est vraiment un recul qui est majeur et inquiétant pour la résilience des écosystèmes et autant aussi pour la société québécoise, c'est inquiétant.

Un autre élément, dans le projet de loi, qui nous inquiète, on parle des contrôles intérimaires des villes. Dans une des mesures, ils parlent spécifiquement de déroger à toute mesure de contrôle intérimaire d'une municipalité régionale de comté ou d'une communauté métropolitaine. Les villes, là, connaissent vraiment leur milieu, ont vraiment une connaissance du terrain très fine, et ça doit être respecté. Les RCI, les règlements de contrôle intérimaire, c'est un de leurs outils fondamentaux. Et je vais prendre la citation du MAMH, là, du ministère des Affaires municipales et de l'Habitation : «[Les RCI servent à] agir immédiatement dans l'aménagement et le développement du territoire afin d'empêcher l'amplification de certains problèmes.» Et, en faisant fi de tous les règlements de contrôle intérimaire des villes...

Je prends un exemple : la ville de Laval, O.K.? Voilà quelques semaines, ils ont décidé, avec un RCI, de protéger 1 000 hectares de milieux humides d'un coup. Et donc ça dit : C'est un leadership, il y avait un manque de milieux humides, la ville a décidé d'aller de l'avant avec ça et de protéger 1 000 hectares d'un coup. C'est superintéressant. Et là, dans le projet de loi, j'ai l'impression qu'avec les projets qui sont dans la région administrative de Laval, dans les 202 projets, il y a des écoles, des maisons des aînés... La ville fait tellement d'efforts pour protéger ses milieux humides, et une de nos craintes qu'on a, c'est que, bien, tout simplement, le respect de ce RCI là, spécifiquement les 2 000 hectares, soit simplement bafoué, là.

Un autre élément qui est à prendre en considération, c'est les parcs. L'importance des parcs prend tout son sens pour le tourisme québécois pendant la pandémie. Les Québécois, dans les prochains mois, ils vont vouloir aller dans les parcs pour profiter, malgré toutes les contraintes, des vacances, de la nature, et tout ça. Dans les articles 25 et 26, le p.l. n° 61 vient réduire les limites des parcs provinciaux en faveur des projets d'autoroutes et des projets d'infrastructures routières. À l'heure actuelle, le Québec aurait vraiment de la misère à atteindre ses objectifs de la protéger de 17 %. Et la possibilité que des projets comme ça viennent détruire, en fait, certaines parties des parcs, bien, ça soulève encore des inquiétudes, puis on va devoir encore travailler plus fort pour avoir une conservation des milieux naturels qui est adéquate, là.

M. Creimer (Diego) : Excellent. Je pense que le chrono, probablement, il est près de la fin, donc je vais aller directement...

Le Président (M. Simard) : ...secondes, cher monsieur, 45 secondes.

M. Creimer (Diego) : Écoutez, bon, on a clairement expliqué les risques que nous identifions dans le projet de loi. On veut insister sur le principe qui est : les écosystèmes qu'on met à risque devraient être, en fait, nos alliés, ils nous rendent des services qui sont très, très chers et qui sont très importants pour nos indicateurs de santé, pas seulement pour les indicateurs environnementaux. Comme nous l'avons avancé dans un communiqué conjoint émis avec le Centre québécois du droit de l'environnement, à côté de 110 autres organisations, on pense qu'on doit favoriser l'accélération des succès, oui, l'accélération des procédures d'évaluation, mais en...

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup.

M. Creimer (Diego) : ...davantage, en fait. On veut donner au ministère les moyens...

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup, M. Creimer. Désolé de vous couper ainsi, et je sais que la communication est plus difficile à établir à distance. Merci de votre compréhension. Je cède maintenant la parole au gouvernement, qui dispose d'une période de 13 min 30 s. M. le ministre.

M. Dubé : Alors, M. le Président, merci beaucoup. Alors, M. Perron, M. Creimer, merci pour votre présentation. Puis votre présence à cette commission-là est très appréciée. Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui viennent d'être dites puis je peux vous assurer que, durant l'étude d'article par article que nous ferons un peu plus tard, on va tenir compte de vos commentaires.

Et je vais commencer par un, pour moi, qui est très important, parce qu'on connaît tout l'enjeu des milieux humides, puis je veux bien, peut-être, avoir une précision. Parce que c'est difficile de faire cette interaction-là, là, par vidéo, mais je pense qu'on peut s'en accommoder. Sur la question de... Vous avez parlé des articles 15 et 16, parce que l'article 15 envoie un principe. Et, comme vous l'avez si bien dit, il ne faut pas oublier de lire 16. 16 dit ce qu'on ne peut pas faire dans 15. Et, moi, de la façon dont je le lis, puis c'est là que j'aurais besoin de vos lumières, lorsqu'on aura les légistes puis le ministère de l'Environnement qui pourra nous supporter dans les modifications à faire, moi, je lis, écoutez, là, que l'article 16 dit qu'il restreint la portée de 15, puis j'y vais rapidement, pour «tout travail, toute construction ou toute intervention susceptible de porter atteinte de façon permanente à des milieux humides et hydriques».

Alors, moi, quand je lis 16 puis que j'entends votre préoccupation, je me dis : Est-ce que c'est parce que vous trouvez que 16 n'est pas suffisant pour protéger les milieux humides? Parce que l'objectif de 16, c'est ça. Alors, je veux juste vous entendre rapidement pour... Est-ce que c'est dans le libellé? Est-ce que c'est nos juristes qui doivent travailler sur le libellé? Parce qu'on a voulu faire ce que vous dites, mais, si on ne le dit pas correctement, aidez-vous. Vous me suivez? Puis je vais essayer d'aller... Parce que vous avez fait tellement de points que je vais essayer de les couvrir, là, mais commençons par celui-là.

• (10 h 20) •

M. Creimer (Diego) : Bien, Sylvain, si tu me permets, l'inquiétude qu'on voulait soulever là, c'est que certaines catégories de projets tombaient aussi sur le régime des exceptions contemplées par le REAFIE. Je vous donne un exemple, dans la proposition de règlement, les points 315 à 317 parlent des travaux dévoilés pour des routes existantes qui seraient exemptés d'une autorisation ministérielle. Sans être un expert dans la matière, là je vois un voyant rouge.

M. Dubé : Bien, je comprends bien, je comprends mieux votre point. Vous dites : L'exception de 16 ne couvrait pas certains projets, notamment au niveau des routes. C'est ça que vous me dites?

M. Creimer (Diego) : Oui, par exemple, oui.

M. Dubé : O.K. Alors là, les légistes, les gens du ministère de l'Environnement ont entendu votre commentaire, puis on pourra en prendre acte dans les discussions qu'on a. O.K., je vous entends très bien.

Maintenant, au niveau de la faune, je ne me souviens pas lequel des deux l'a dit, je pense que c'est peut-être M. Perron, il y a, en ce moment, des compensations financières qui existent, notamment, au niveau de l'environnement. Et, je dirais, un des principes du projet, c'est de dire ce qui fonctionne avec l'environnement puis d'avoir des compensations financières. Vous dites : On ne veut pas le faire avec la faune? Je veux juste comprendre votre objectif ou votre commentaire. Parce que ça se fait déjà en environnement. Vous dites, vous ne voulez pas que ça arrive en faune.

M. Perron (Sylvain) : Mon point ici, là, c'est que la... il faut arrêter de simplement toujours compenser pour la destruction de l'habitat. Et, un peu dans le même principe, il faut vraiment éviter... Quand il y a une espèce à statut dans un boisé...

(Panne de son)

M. Dubé : ...parce que, souvent, dans la compensation... Puis vous me direz, là, parce qu'encore une fois, là, les légistes, ils nous écoutent puis ils vont penser à des méthodes alternatives pour essayer d'arranger tout le monde dans ça. Quand il y a des compensations financières, les compensations financières peuvent servir à replacer dans un état équivalent ailleurs. Vous me suivez? Alors, moi, ce que je veux savoir, c'est, si, dans le cas de la faune, on prenait nos animaux qui sont là puis on les mettait dans un autre endroit, est-ce que ça, pour vous, c'est quelque chose de suffisant? Parce que ça se fait déjà dans certains secteurs.

M. Perron (Sylvain) : Mais c'est... Là, vous allez parler à vos légistes; moi, je parle peut-être... je m'adresse peut-être au niveau politique. Cet élément-là...

M. Dubé : J'essaie de faire le lien entre les deux, là.

M. Perron (Sylvain) : Ah! exact. Oui, oui, mais il faut arrêter de penser qu'il faut toujours compenser. Il faut arrêter de penser qu'il faut toujours déplacer des espèces. Peut-être que, maintenant, on est peut-être rendus à penser qu'il faut peut-être contourner l'habitat des espèces à statut, des espèces menacées. C'est dans cette mentalité-là. Il y a toujours... parler de la compensation, alors qu'on peut simplement... Je parle d'un projet autoroutier, parce qu'il y en a quelques-uns, bien, pourquoi on ne passe pas à côté? Moi, là, c'est plus une question politique qu'une question légiste, vous comprenez?

M. Dubé : Écoutez, c'est pour ça que je veux vous entendre, parce que, comme je vous dis, du côté de l'environnement, ça fonctionne très bien, c'est déjà là, puis de voir comment on pourrait le faire du côté faunique.

Mais c'est parce que... Puis là je ne veux pas aller trop dans le détail, là. Moi, j'ai été dans une entreprise où on a fait du développement durable pendant des années, pendant des années, qui continue, ça fait 50 ans que cette entreprise-là fait du développement durable. Donc, je suis très sensible à ce que vous dites, mais en même temps le développement durable, il y a trois points d'appui, hein, il y a le social, il y a l'environnement puis il y a l'économie. Alors, à un moment donné, il faut trouver les arrangements nécessaires pour que ce triangle-là permette à la société d'avancer. Bon.

Moi, il y a un autre principe que j'entends souvent ces temps-ci, qui est d'éviter, minimiser puis compenser. J'aimerais vous entendre sur ce principe-là. Parce que, si vous me dites : On ne peut pas rien faire, je comprends, mais j'aimerais vous entendre sur le principe... Vous dites : Si on peut éviter de passer à côté de la route ou à côté de l'endroit, c'est ça que vous me dites, comment on peut le minimiser puis compenser? Mais est-ce que c'est ça, le principe qui vous guide? Je veux juste bien comprendre parce qu'après ça va être plus facile de trouver la bonne façon de faire la... ou l'accommodement raisonnable, si je peux utiliser cette expression.

M. Perron (Sylvain) : En fait, je mettrais vraiment beaucoup l'accent sur le «éviter», on va parler en termes comme ça. Puis je trouve ça intéressant, vous avez parlé, bon, du développement durable, et tout ça. Quand on regarde l'article 29, par exemple, là, qui regarde les... à savoir si le projet de loi favorise la relance économique, bien, j'ajouterais à ça : favorise également les indicateurs comme l'environnement et le côté social également. Donc, à l'article 29, on parle de la relance économique, bien, peut-être qu'il serait temps... on pourrait peut-être rajouter l'environnement et les mesures sociales également.

M. Dubé : Bien, écoutez, juste... C'est un bon point. Puis je vais vous lire l'article 15, puis vous... avec ce qu'on vient d'entendre, quand je dis «lesquelles doivent permettre d'assurer une protection adéquate de l'environnement, de la santé, de la sécurité [et] du bien-être ou du confort de l'être humain [et] ainsi que la protection des autres espèces vivantes et des biens», qu'est-ce qui manque dans ça, avec ce que vous venez de me dire?

M. Perron (Sylvain) : Je vous dirais que...

M. Creimer (Diego) : Si je peux me...

M. Perron (Sylvain) : Oui, vas-y, vas-y.

M. Creimer (Diego) : Oui, bien, c'est ce que je pense qu'il manque dans le libellé, c'est d'énoncer clairement le principe d'évitement qui était mentionné dans la loi sur les milieux hydriques. Je pense que le gouvernement peut facilement changer le libellé pour inclure comme priorité le principe d'évitement. Tout comme dans l'efficacité énergétique, la meilleure énergie est celle qu'on n'a pas besoin de produire, bien, dans la question de gestion des écosystèmes sensibles, bien, la meilleure gestion des écosystèmes, c'est quand on peut laisser l'écosystème intact, ce n'est pas la compensation. La compensation devrait être en dernier recours. Donc, il faudrait que le projet de loi contienne ce concept-là d'une façon plus claire.

M. Dubé : Je comprends. C'est une excellente précision, puis je pense que les gens vous ont entendu.

Je vous amène sur un autre sujet, parce que vos points sont excellents, sur la question du contrôle des municipalités. Bon, est-ce que... Bon, je pense qu'un des objectifs de présenter les 200 projets, c'était donner de la prévisibilité. Bon, il y a des aménagements. On a entendu la fédération des municipalités, hier, dire que ces processus sont très lourds puis qu'on voudrait être capables de faire ces projets-là tout en respectant, ils l'ont bien dit, l'environnement. Ils ont même demandé d'avoir des inspecteurs supplémentaires qui seraient en région pour l'environnement, donc vous avez des gens qui vous appuient.

Qu'est-ce qu'on devrait changer dans nos articles pour s'assurer que ce que vous appelez le contrôle municipal reste correct tout en étant plus agile? Dites-moi spécifiquement ce qu'on devrait prendre en compte dans votre commentaire.

M. Perron (Sylvain) : L'article concernant la dérogation des RCI, c'est exactement ça, là. Les municipalités, quand qu'ils adoptent un RCI, là, c'est parce qu'il y a vraiment un problème puis il faut que ce problème-là soit réglé immédiatement, donc ils adoptent un RCI. Donc, spécifiquement, le règlement sur les RCI, c'est celui-là qu'il ne faut pas enlever.

M. Dubé : C'est le délai d'approbation du RCI, c'est ça que j'entends?

M. Perron (Sylvain) : Non, non, non, un RCI, c'est un conseil municipal qui décide de voter pour protéger quelque chose.

M. Dubé : ...délai d'approbation qui vient du RCI.

M. Perron (Sylvain) : Non, c'est de le respecter.

M. Dubé : Alors, en ce moment, il est de 12 mois, 18 mois?

M. Perron (Sylvain) : En ce moment, dans le projet de loi tel que... puis je pourrais essayer de vous le trouver immédiatement même, ils indiquent... Dans le projet de loi, vous indiquez que, dans... Je vais essayer de vous le trouver, même directement. Vous demandez de pouvoir déroger... Ah! excusez-moi.

M. Dubé : O.K. Je pense que c'est clair, je vais trouver.

M. Perron (Sylvain) : «Déroger à toute mesure de contrôle intérimaire d'une municipalité régionale de comté ou d'une communauté métropolitaine.» Donc, vous demandez, à l'article 27, alinéa 2°, de déroger à toute mesure de contrôle intérimaire d'une municipalité.

M. Dubé : Il y avait un délai, de ce que je comprenais, mais je vais le vérifier avec nos gens, parce que... O.K., c'est bon.

M. Perron (Sylvain) : À l'article 27, vraiment, c'est directement là.

M. Dubé : Non, mais écoutez, c'est très clair. Je vais m'assurer qu'on ait une discussion là-dessus.

L'article 29, sur la reddition de comptes, ça, c'est un sujet qui est très important pour moi. On a entendu de très bons commentaires, hier, de Vivre en ville, peut-être que vous avez écouté la consultation avec eux. Selon vous, quelles sont les informations importantes qu'on a besoin d'avoir au niveau environnemental pour la reddition de comptes? Parce qu'on s'était entendus, là, sur l'ensemble des articles, on va tenir compte de ce qui est discuté, là, depuis quelques jours, puis qu'on arrive à s'entendre. Quelle est la reddition de comptes... Quels sont les éléments dont on devrait tenir compte pour l'environnement?

• (10 h 30) •

M. Perron (Sylvain) : La destruction des milieux naturels, vraiment, c'est... Dans les indicateurs, à savoir si c'est une maison des aînés, à savoir si c'est une école, ou tout ça, l'important, ici, c'est la destruction des milieux naturels, c'est que cet indicateur-là soit le plus proche de zéro possible. Dans les villes, je connais...

M. Dubé : M. Perron, on revient aux principes, vous avez dit, là, d'éviter, minimiser puis compenser. Donc, vous, dans les indicateurs, ce qui serait important, c'est comment on peut prouver ou rapporter qu'on a évité le plus possible. C'est ça que je comprends de votre point.

M. Perron (Sylvain) : Exactement. Il y a un autre élément, également, qui serait à prendre en considération, c'est à savoir si les projets sont cohérents avec le plan de lutte aux changements climatiques et le plan d'adaptation aux changements climatiques. Ce sont également... Il faut que les mesures prises par le... les projets par le gouvernement soient en lien avec ces plans-là et en lien avec le plan de mobilité durable, également, du Québec. Donc, on demande, ici, l'exemplarité de l'État, même dans les processus de ralentissement et dans les processus rapides. L'exemplarité de l'État est vraiment très, très, très importante.

M. Dubé : Pour un vrai développement durable. Alors, M. Perron, M. Creimer, merci beaucoup. Vos commentaires sont très appréciés. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de La Pinière. Cher collègue, vous disposez de neuf minutes.

M. Barrette : Neuf minutes?

Le Président (M. Simard) : Oui.

M. Barrette : Très bien. Merci, M. le Président. Alors, M. Creimer, M. Perron, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue dans cette commission-ci.

J'ai bien pris connaissance de votre mémoire et bien écouté, écouté attentivement les échanges que vous avez eus avec le ministre. Je vais être bien, bien candide avec vous, là, bien franc, je vais vous avouer que, quand on arrive sur le sujet de l'environnement, on arrive dans un sujet qui est important et, aussi important soit-il, on termine toujours nos échanges dans un certain flou. Et ce n'est pas une critique, là, ce n'est pas ça du tout, là, de votre intervention, ce n'est pas ça que je veux dire. Ce que je veux dire, c'est qu'à la suite de l'échange que l'on vient d'avoir il est difficile de circonscrire les aménagements que l'on doit apporter à la loi pour que tout le monde soit satisfait. Et évidemment, dans cette loi-là, on souhaite que tout le monde soit satisfait.

Moi, j'ai une certaine... longue expérience de négociation, puis je me suis toujours plu à dire qu'une négociation réussie était une négociation où, à la fin, tout le monde était malheureux égal. C'est rare que les gens, à la fin, sont tous heureux, dans une négociation. Tout le monde ont eu à laisser un peu des choses sur la table et tout le monde doit sortir avec l'impression d'avoir fait un gain raisonnable.

Le problème du projet de loi, on l'a vu dans un autre sujet avec le groupe précédent, c'est que c'est un projet extrêmement ouvert. Vous avez entendu le ministre nous dire que les légistes étaient ici présents, et qu'ils vous écoutaient, et qu'ils allaient peut-être faire des modifications.

Alors, après ce préambule-là que je vous fais, là, j'ai envie de vous poser une question à laquelle vous ne pouvez peut-être pas répondre aujourd'hui, mais peut-être y aurait-il lieu de répondre ultérieurement, après la fin de cette commission-ci : Quels sont les aménagements, les amendements, les éléments spécifiques du projet de loi qui devraient être inclus pour qu'il soit, pour vous, acceptable? Ce que j'entends, là, de vous, là, c'est très large, puis je ne veux pas dire ça négativement, c'est très large.

Alors, je fais un peu exprès pour vous mettre dans la situation suivante. Ils sont majoritaires, ils ont dit qu'ils ne feraient pas de bâillon, le premier ministre l'a dit. Ça ne veut pas dire que ça n'arrivera pas, mais, pour le moment, il n'y en aura pas, mais ils sont majoritaires, donc ça peut passer. Et la question de l'environnement est vaste. D'ailleurs, elle est tellement vaste qu'on touche, dans ce secteur-là, à plusieurs éléments, on découpe le sujet de l'environnement en faune, parcs, et ainsi de suite, alors ça demeure large.

Alors, est-ce que vous pensez être capables d'arriver et de dire : Écoutez, nous, on comprend — vous l'avez dit, M. Creimer, je pense, c'est vous qui l'avez dit au début — on comprend l'importance du relancement ou, du moins, de l'activité économique, son augmentation... Est-ce que vos êtes capables d'identifier des conditions écrites qui feraient en sorte que vous pourriez dire : C'est un moindre mal, à défaut de pouvoir dire : Bravo! C'est une avancée pour l'environnement?

M. Perron (Sylvain) : Si je peux commencer à répondre...

M. Barrette : La deuxième chose, par exemple, là.

M. Perron (Sylvain) : Je vais commencer à répondre. Si on avait des... Moi, j'irais dans les indicateurs des 202, plus, projets. L'important ici, c'est que chacun des projets soit cohérent avec le plan de lutte aux changements climatiques du Québec, soit cohérent avec le plan d'adaptation aux changements climatiques du Québec, soit cohérent avec le plan de mobilité durable du Québec. Donc, si on accepte des projets, il faut que ça soit cohérent avec les stratégies qui ont déjà été établies par l'État. Est-ce que ça répond à votre question? Est-ce que ça peut être un article qui peut être ajouté à la loi, selon vous?

M. Barrette : Donc, honnêtement, là, vous me posez une question aussi à brûle-pourpoint que la question que je vous pose. Vous faites bien. La réponse spontanée, c'est non. C'est assez difficile, dans une loi, de dire : Le gouvernement doit être cohérent. Si c'était le cas, ça aurait déjà été écrit et appliqué. De mémoire d'homme et de femme, probablement, ce n'est pas encore arrivé, alors... Mais je comprends l'intention, là, on s'entend, là. Je ne pense pas que ce soit faisable. C'est faisable, d'écrire un texte qui amène la cohérence. Ça, c'est faisable, d'écrire un texte qui amène la cohérence. Pour écrire un texte législatif qui amène la cohérence, ça signifie d'identifier l'élément que l'on souhaite être cohérent avec le reste et d'écrire un texte qui le fait, qui le permet ou qui l'ordonne.

M. Creimer (Diego) : M. Barrette, si je peux me permettre, je vous entends quand vous dites : Quelle proposition concrète vous voulez faire pour le projet de loi? Nous, nous sommes une organisation qui fait de la recherche scientifique, de la vulgarisation scientifique et nous apportons devant la commission des inquiétudes qu'on a. On n'est pas des rédacteurs techniques de projets de loi, mais je pense qu'il se dégage de notre présentation des recommandations claires.

Ce n'est pas le moment d'enlever des pouvoirs au ministère de l'Environnement, c'est le moment de lui donner plus de pouvoirs pour qu'il puisse exécuter ses obligations d'exemplarité de respect des lois et des règlements environnementaux existants de façon plus rapide. On a insisté beaucoup sur l'exemplarité de l'État dans les dernières années. Le gouvernement en fait le nord de sa boussole dans plusieurs interventions pour l'exemplarité de l'État. Mais je pense que cette exemplarité de l'État peut s'étendre aussi au respect des lois de protection de l'environnement qu'on a forgées à travers des débats démocratiques dans les derniers 20 ans, 30 ans d'histoire du Québec. Donc, on a des bons outils, c'est le moment de les faire respecter.

M. Barrette : Très bien. Alors, je vais le prendre sous l'angle que vous venez d'exprimer, M. Creimer, vous faites de la recherche et de l'analyse. Le gouvernement, actuellement, n'est pas du tout dans une démarche d'accentuation des règles de protection de l'environnement, là. On n'est pas là-dedans, là. On est essentiellement dans : On va le faire plus vite, hein? C'est là-dedans qu'on est, on est dans le : On va le faire plus vite parce qu'actuellement ça prend trop de temps, et ce temps-là est considéré comme étant un frein au développement économique ou du moins à la relance économique. Vous, dans vos recherches et analyses, avez-vous déjà vu bien des pays qui étaient capables de faire plus vite, vraiment, vraiment, vraiment plus vite, l'exercice d'appréciation réglementaire de tout ce qui est environnemental pour n'importe quel projet?

M. Perron (Sylvain) : En engageant des employés, oui.

M. Barrette : C'est très intéressant, ce que vous dites. C'est ce que j'ai dit en point de presse ce matin, j'ai dit que tout le monde avait décrit, essentiellement, que le gouvernement était, en matière d'environnement, dysfonctionnel et il était dysfonctionnel par sa faute, sa propre faute et sa très sainte faute. Il n'embauche pas, il n'a pas assez de personnel, puis parfois peut-être que tout le monde n'a pas la compétence. Mais ça prend du temps pour rien parce que les règles sont claires. Est-ce que vous pouvez conclure, aujourd'hui, que les règles que l'on a, actuellement, en environnement sont claires et, si appliquées correctement, efficaces? Je n'ai pas dit «parfaites», là.

M. Creimer (Diego) : Bien, écoutez, je peux vous dire que ce n'est pas, probablement, le moment de rouvrir la Loi sur la qualité de l'environnement, mais on a une loi qui a été largement consensuelle et qui est très forte, qui établit des balises, donc c'est le moment de la faire respecter.

M. Barrette : Bien. Est-ce que ça, ça peut se faire vite ou il y a un temps minimal requis pour faire ça, d'après vous? Vous êtes un analyste et un théoricien de la chose, que vous avez dit, là.

M. Perron (Sylvain) : Il manque des employés. Je vais dire ça direct, en gros, là, en bon québécois, il faut du staff pour analyser la quantité de projets qui vont être admis, et ils ont besoin de ressources, ça, c'est sûr et certain. Donc, si j'étais...

• (10 h 40) •

M. Barrette : Je peux-tu conclure que, dans vos mots, en bon québécois, comme vous dites, là, ça prend du staff qui a une compétence et qu'on laisse travailler, et, oui, ça peut se faire dans un délai raccourci, mais il y a une limite à tout, il y a un minimum de temps que ça doit prendre?

M. Perron (Sylvain) : Exact.

M. Barrette : Est-ce qu'il me reste juste 15 secondes, M. le Président?

Le Président (M. Simard) : 20 secondes, cher collègue.

M. Barrette : 20 secondes. Avez-vous quelque chose à rajouter sur cette question-là ou ça se résume à ça : Soyez fonctionnel puis faites votre job?

M. Creimer (Diego) : Moi, je dirais qu'on vient de sortir... on est en train de sortir d'une crise sanitaire majeure puis on a été capables, bien que mal, de déployer des efforts, comme société, là où ils étaient le plus urgent.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup, M. Creimer.

M. Creimer (Diego) : C'est peut-être maintenant le moment de donner assez de ressources à cette question environnementale là dans le plan de la relance.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. Creimer. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont. Cher collègue, vous disposez de 2 min 15 s.

M. Marissal : Merci. Merci, MM. Perron et Creimer, d'être là. Je partage, je pense, un peu le sentiment du député de La Pinière, à savoir que votre point de vue sur 61 est très large, et ce n'est pas un reproche parce que le p.l. n° 61, lui-même, ratisse super large, et vous avez eu très peu de temps pour pondre ce que vous nous avez pondu. Alors, je ne vous en fais pas le reproche, je vous remercie, plutôt.

Mais, pour question de précision, par souci de précision, vous dites que le plan de relance économique devrait être en cohérence avec le plan de lutte aux changements climatiques et développement durable — on va s'entendre, on ne s'obstinera pas longtemps là-dessus — est-ce que vous en faites une recommandation formelle? Voulez-vous amender le projet de loi? Devrait-on inclure, dans le projet de loi, par exemple, l'article-chapeau, qui revient dans à peu près dans toutes les lois du Québec, qui dit que le gouvernement du Québec doit respecter son propre Plan de développement durable? Ça ne veut pas dire qu'il le fait, mais au moins on le met dans un article de loi. Autrement dit, comment précisez-vous vos intentions dans le cadre d'un projet de loi? Merci.

M. Perron (Sylvain) : Si je peux répondre, en tant que tel, dans un projet de loi, il y a un certain contexte, et ce contexte-là, dans le but d'accélérer, hein, d'accélérer la relance, je crois qu'il serait très, très, très important de se dire que le gouvernement a un paquet de plans de planification, et, autant que ce soit un plan de lutte aux changements climatiques, plan de mobilité durable, un plan d'adaptation aux changements climatiques, bien, on devrait prendre ces plans-là puis appliquer, dans la sélection des projets... ou l'appliquer de la manière qu'il faut pour, bref, là, être cohérents avec l'État. C'est difficile à savoir à quel point, des fois, le gouvernement, il n'est juste pas cohérent avec ses propres décisions. Autant en environnement, avec les infrastructures, tout ça, c'est quand même très difficile. Je prends des exemples avec... La gare de train, à Mirabel, qui est dans un champ agricole, je veux dire, ça n'a pas de bon sens. Et là on voit dans le projet de loi que, bien, il va être possible de tasser un parc ou de simplement rayer un parc pour dire : Bien, on va passer un projet d'infrastructure routière, ou peu importe...

Le Président (M. Simard) : Merci, M. Perron. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière. Cher collègue, vous disposez de 2 min 15 s.

M. Gaudreault : Oui. Alors, bonjour. J'ai peu de temps. J'ai vu que la Fondation David-Suzuki a signé une déclaration conjointe avec plusieurs groupes, qui a été rendue publique hier, notamment avec Équiterre. Moi, j'aimerais vous entendre, venant de votre coeur : Est-ce que le gouvernement est en train de rater une occasion unique, une opportunité unique de faire quelque chose de différent quant à la relance économique du Québec face à la situation dans laquelle on est? Si oui, qu'est-ce que le gouvernement devrait faire de différent?

M. Creimer (Diego) : Ah! bien, je vais être très, très, très honnête, votre question est très bonne, il y a une opportunité historique, ici, de faire des choses bien, puis on présume à la bienveillance du gouvernement dans son intention de faire une relance économique inclusive. Cela dit, ce projet de loi enlève plusieurs balises de protection de l'environnement, ça veut dire de protection des indicateurs de santé publique à long terme. On vient de sortir d'une crise sanitaire, on veut éviter toutes les prochaines crises, et ce n'est pas banal. Dans le canevas, dans l'annexe, ce n'est pas juste des maisons de retraite, des hôpitaux, des garderies qu'on construit, il y a plusieurs projets du ministère des Transports du Québec qui sont des infrastructures majeures qui, dans des temps normaux, auraient suscité des semaines, sinon des mois de débat. Le prolongement de l'autoroute 25, 19, 55, on parle de projets majeurs qui ont un impact majeur sur l'environnement. Donc, on doit jumeler des critères environnementaux stricts, on doit laisser en place les systèmes des lois et règlements pour protéger l'environnement pour que la relance se fasse de manière à ce que la santé de la population soit assurée maintenant et dans l'avenir.

M. Gaudreault : Oui, puis on pourrait ajouter à cette liste beaucoup de projets qui seraient bénéfiques pour l'environnement, comme des programmes d'assainissement des eaux, par exemple, dans les municipalités, qui sont en attente, puis là ils ne sont pas dans la liste des 200 programmes. Est-ce que vous jugez que, dans les principes, éviter, minimiser, compenser, le gouvernement ne comprend pas que c'est hiérarchique et non pas sur le même pied d'égalité, alors la première valeur, c'est d'éviter?

M. Perron (Sylvain) : Il faut toujours éviter pour...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Désolé, M. Perron.

M. Perron (Sylvain) : Oui, il faut toujours éviter.

Le Président (M. Simard) : Désolé. Je cède maintenant la parole au député de Chomedey. Cette fois-ci, je ne vous oublie pas, cher collègue. Vous disposez de 1 min 50 s.

M. Ouellette : Tant que j'ai le même temps que la fois d'avant, il n'y a aucun problème, M. le Président.

Bonjour à vous deux. J'ai lu votre mémoire, et j'essaie de comprendre. Vous voulez participer aussi au débat en nous mentionnant : Bien, regardez, il y a 202 projets, mais vous en avez oublié deux, puis vous en parlez dans votre mémoire. Puis j'aimerais aussi vous entendre, dans mon 1 min 50 s, 1 min 30 s peut-être, là, qui reste, là, vous nous rajoutez deux lignes en disant qu'il n'y a rien pour la relance économique qui touche les Premières Nations puis les Inuits. Pourquoi?

M. Perron (Sylvain) : Bien, c'est une bonne question. On peut poser la question au gouvernement. Je veux dire, il y a 202 projets et plus; moi, dans le groupe qui va passer à 11 h 30, je serais curieux de savoir qu'est-ce qui est réservé aux Premières Nations et aux Inuits. Ce serait intéressant d'entendre le gouvernement là-dessus, oui.

M. Ouellette : Et, pour les deux projets que vous nous avez mentionnés, qui, pour vous, étaient manquants — la ligne orange, moi, ça fait 13 ans que j'en parle, là, étant député de Chomedey, mais elle va se faire dans un autre contexte — pourquoi avoir privilégié ces deux-là et avoir senti le besoin de nous les mentionner dans votre mémoire?

M. Perron (Sylvain) : Dans la ligne orange, par exemple, on suggère de prolonger de Côte-Vertu jusqu'à la station du REM de Bois-Franc. C'est superimportant. Il y a beaucoup de problèmes de congestion sur la ligne orange dans l'est, le côté est de la ligne orange, et, dans l'objectif que Montréal... (panne de son) ...la métropole de la mobilité, et tout ça, bien, ça serait un projet qui fait l'unanimité avec tout le monde. Tout le monde est d'accord, il faut juste le faire.

L'autre projet, en fait, c'est sur le projet de dalle-parc qui a été retiré par le ministère du Transport en lien avec la réfection de Turcot. Mais on peut aisément ajouter, là, la dalle-parc qui était déjà là et qui a été enlevée. Le projet de dalle-parc va vraiment faciliter la mobilité active, et tout ça. Et il n'y a pas non plus de projet de piste cyclable.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Alors, M. Perron, M. Creimer, merci vraiment pour votre présence parmi nous, malgré la distance. Ce n'est jamais évident de communiquer comme ça, par visioconférence, mais je pense que ça s'est très bien déroulé. Merci encore à vous.

Nous allons maintenant suspendre momentanément nos travaux pour recevoir nos prochains invités.

(Suspension de la séance à 10 h 48)

(Reprise à 10 h 50)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous allons reprendre nos travaux. Nous recevons les représentants du groupe Équiterre par visioconférence. Nous avons en ligne avec nous, en ce moment, le directeur des relations gouvernementales, M. Marc-André Viau, accompagné de Mme Caroline Brouillette, analyste des politiques. Alors, bienvenue à vous deux. Vous disposez d'une période de 10 minutes, nous vous écoutons.

Équiterre

(Visioconférence)

M. Viau (Marc-André): Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, distingués membres de la Commission des finances publiques, merci de nous recevoir et de nous donner l'opportunité de nous exprimer sur ce projet de loi qui aura une incidence importante sur le développement de la société québécoise.

D'entrée de jeu, nous saluons la volonté du Québec de rebâtir le Québec, un Québec qu'Équiterre souhaite être plus résilient aux crises du futur. Au-delà de l'impact qu'il aura sur ce qui sera visible dans les diverses collectivités québécoises avec ces nouvelles écoles, ces nouvelles maisons des aînés, ces nouveaux trains électriques, nous devons également nous attarder aux conséquences de la construction d'une panoplie d'infrastructures sur l'environnement parce que, même si la majorité des projets de loi sont vertueux et, pour plusieurs, nécessaires, avec le projet de loi n° 61, le gouvernement se donne énormément de marge de manoeuvre pour agir vite.

J'ai parlé de projets d'infrastructure vertueux, mais il y a aussi des projets d'infrastructure beaucoup moins vertueux, tels que la construction de l'autoroute 19 entre Laval et Boisbriand, qui, malgré une voie d'autobus réservée, va engendrer des problèmes de congestion et de pollution dans le nord de la ville de Montréal, avec les problèmes respiratoires et de pollution atmosphérique qui y sont associés, en plus de favoriser l'étalement urbain et de ralentir nos efforts de transfert modal déjà perturbés par la pandémie. Ce n'est donc pas que l'environnement qui est central dans ce projet de loi, mais également les enjeux d'aménagement du territoire. Le sous-ministre le sait d'ailleurs très bien, il était lui-même à l'Occupation du territoire avant, mais je m'égare.

Je viens de faire référence à l'étalement urbain, mais on peut aussi penser aux mesures d'accélération relatives à l'habitat de certains poissons contenues dans ce projet de loi. L'habitat du poisson, c'est aussi des plaines inondables, tel que défini dans le Règlement sur les habitats fauniques, et, après les épisodes de 2017 et 2019, on ne devrait pas viser des compensations ou des plans de mitigation, mais plutôt un aménagement du territoire cohérent avec la réalité climatique actuelle et future.

Mmes et MM. les députés, comme nous l'écrivions à la veille de la pandémie, le plan climat du gouvernement du Québec, dont le dévoilement a été retardé par l'urgence sanitaire, doit répondre à un objectif fondamental, soit d'assurer la sécurité de tous les citoyens. C'est d'ailleurs ce que fait le gouvernement au jour le jour depuis le début de la pandémie. La reconstruction est donc l'occasion d'arrimer les objectifs de développement des infrastructures avec les objectifs climatiques pour éviter que les populations que nous venons de protéger de la pandémie se retrouvent vulnérabilisées par une crise climatique. La sécurité et le bien-être de la population nécessitent des investissements et des choix politiques pour bâtir la résilience des collectivités touchées tant par la pandémie que par les changements climatiques. Or, nous sommes d'avis que ce projet de loi ne va pas pleinement dans ce sens.

Il nous semble également pertinent de remettre en contexte les discussions sur la relance. Partout dans le monde, les décideurs réfléchissent à comment faire de ce moment de l'histoire une opportunité de construire des économies et des sociétés plus résilientes aux chocs du futur. Pour emprunter les mots du secrétaire général des Nations unies, «nous devons agir de façon décisive pour protéger la planète autant du coronavirus que de la menace existentielle des changements climatiques. La crise actuelle est un "wake-up call" sans précédent. Nous devons transformer la relance en une vraie opportunité de bien faire les choses pour l'avenir.» Fermez les guillemets.

C'est avec cela en tête que nous mettons en garde le gouvernement face à une relance rapide qui tourne les coins ronds, qui crée davantage de problèmes environnementaux et qui réduit l'imputabilité parlementaire. L'environnement n'est pas un obstacle à la reconstruction, il en est le moteur.

Plus spécifiquement, nous sommes très préoccupés par les mesures d'accélération détaillées à l'article 3 du projet de loi ainsi que par la suspension de certaines dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement, tel qu'indiqué à l'article 15.

Nous sommes également préoccupés par le pouvoir du gouvernement d'autoriser la modification des processus écologiques en place : la diversité biologique présente et les composantes chimiques ou physiques propres à un habitat floristique, la modification d'un élément biologique, physique ou chimique propre à l'habitat du poisson ou à un habitat faunique ou encore la dérogation à toute mesure de contrôle intérimaire d'une municipalité régionale de comté ou d'une communauté métropolitaine, qui lui permet normalement d'assurer une planification urbaine plus cohérente.

Nous croyons que le gouvernement n'a pas fait la démonstration nécessaire de la nécessité de suspendre l'application de certaines dispositions de la LQE pour relancer l'économie du Québec. Les balises contenues dans la LQE sont nécessaires en temps de crise ou en temps normal, car elles préviennent l'émergence de problèmes environnementaux. Il serait contre-productif de créer de nouveaux problèmes environnementaux en tentant de faire vite.

Si le processus d'évaluation environnementale est trop lent, nous invitons le Conseil du trésor, dont la mission est, par ailleurs, de faire des recommandations sur la façon dont le gouvernement investit dans les programmes et les services, à bonifier le budget d'opération du ministère de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques. Les effectifs et les budgets de ce ministère, dont la mission a pris de l'ampleur au cours des dernières années, ont souvent été identifiés comme étant insuffisants.

Par ailleurs, l'empressement du gouvernement à identifier les dérogations environnementales possibles contraste grandement avec l'absence de conditions applicables en matière de contrats et de sous-contrats publics. Certes, le gouvernement se donne la possibilité de déterminer ces conditions à l'article 50, mais il aurait dû agir avec autant de célérité pour s'assurer que les projets d'infrastructure répondent aux plus hauts standards environnementaux et d'approvisionnement local qu'il a agi pour déterminer comment soustraire des projets d'infrastructure à certaines dispositions de la LQE.

Je passe maintenant la parole à ma collègue Caroline Brouillette.

Mme Brouillette (Caroline) : Merci, Marc-André. Merci de nous recevoir. En temps de crise, l'histoire nous démontre que les gouvernements ont tendance à se doter de pouvoirs d'exception, à affaiblir leur imputabilité parlementaire et démocratique. Malheureusement, c'est un petit peu ce qu'on constate avec la loi n° 61, qui prolonge l'état d'urgence sanitaire.

Aussi, les décrets qui visent les projets d'infrastructure à l'annexe... les projets d'infrastructure non visés à l'annexe font l'objet d'une étude d'une durée maximale d'une heure par la commission compétente de l'Assemblée nationale, et le ministre doit présenter un rapport annuel seulement à l'Assemblée sur les projets bénéficiaires de mesures d'accélération. Nous sommes d'avis que, si des mesures extraordinaires d'accélération sont prises, elles devraient aussi s'accompagner d'une imputabilité tout aussi extraordinaire.

De plus, la loi n° 61, une fois adoptée, devrait s'arrimer avec les autres lois et projets de loi à l'étude. En ce moment même, vos collègues de la Commission des transports et de l'environnement font l'étude détaillée du projet de loi n° 44 sur la gouvernance climatique. On le mentionne parce que c'est pertinent, ici. Effectivement, dans plusieurs juridictions, les comités d'experts climatiques créés par l'entreprise d'une loi climat étudient et analysent les propositions de leur gouvernement pour la relance. Étant donné qu'on est sur le point de se doter d'une telle loi ici, au Québec, c'est à garder en tête.

Une des principales recommandations formulées par Équiterre dans le cadre du projet de loi n° 44 était qu'une éventuelle loi sur la gouvernance climatique devrait doter le gouvernement d'outils permettant d'évaluer l'impact climatique de toutes ses décisions. M. le ministre Dubé, d'ailleurs, on vous entendait, hier soir, décrire votre appréciation des grilles d'analyse, donc ce n'est évidemment pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Un cadre de gouvernance climatique appuyé d'une bonne analyse climat devrait mieux outiller le gouvernement pour évaluer la pertinence de projets de développement d'infrastructures de transport en commun, d'infrastructures routières et d'infrastructures de soins comme celles de la liste qui nous intéresse aujourd'hui. Nous recommandons donc d'arrimer l'adoption de ce projet de loi à celle du projet de loi n° 44. Ça serait dommage que l'ensemble des projets proposés ici, qui auront tous des impacts positifs ou négatifs sur le climat, soient épargnés d'un nouvel outil, un outil important dont on est en train de se doter.

Donc, pour conclure, les infrastructures que nous allons construire au cours des prochaines années vont transformer le visage du Québec. Elles doivent répondre non seulement aux aspirations des Québécois et Québécoises en matière de mobilité, d'éducation et de santé, mais également leurs préoccupations et leurs aspirations environnementales, qui sont fortes ici. Les processus d'évaluation et de protection environnementale contenus dans la loi québécoise ont tous une raison d'être bien précise. Affaiblir ces processus, comme c'est justifié, dans le projet de loi présent, par l'état de crise sanitaire, aura des conséquences à long terme pour la population. Ce que nous devons accélérer, c'est les projets et les mesures qui visent à combattre une autre crise, la crise climatique.

Donc, en résumé, nous encourageons le gouvernement à modifier substantiellement son projet de loi pour inclure des spécifications obligatoires de performance environnementale dans les appels d'offres publics, à assurer la cohérence de ce projet de loi avec le projet de loi n° 44 sur la gouvernance climatique, à remplacer les mesures d'accélération relatives à la qualité de l'environnement par une bonification des ressources au sein du ministère de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques et, finalement, à accroître la transparence et renforcer les mécanismes de reddition de comptes parlementaires.

M. le Président, M. le ministre et Mmes et MM. les députés, nous espérons que vous saisirez l'opportunité unique que vous avez présentement entre les mains de rebâtir notre économie, mais en mieux. Sur ce, merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous écouter. Nous sommes maintenant prêts à prendre vos questions.

• (11 heures) •

Le Président (M. Simard) : Bien, merci à vous, Mme Brouillette. Vous êtes en plein dans votre temps, 10 minutes très précisément. Bravo! Je cède maintenant la parole au président du Conseil du trésor. M. le ministre, vous disposez de 13 min 30 s.

M. Dubé : Alors, merci beaucoup, M. le Président. Et, Mme Brouillette et M. Viau, merci pour votre excellente présentation. On voit que vous maîtrisez très, très bien votre sujet.

Je voudrais peut-être faire juste... Il y a plusieurs points que je vais soulever, là, notamment, vous savez, je vais revenir sur la reddition de comptes, c'est entendu, mais j'aimerais peut-être faire un point assez précis, là, que j'ai entendu. Vous êtes le deuxième groupe d'environnement à faire une référence sur les besoins en effectifs. Vous l'avez... vous avez terminé, Mme Brouillette, votre présentation... J'aimerais rappeler à ceux qui nous écoutent que le précédent gouvernement a coupé dans les effectifs en environnement, il a coupé. Dans les années 2015, 2016, 2017, c'est le gouvernement libéral qui coupait dans les effectifs en environnement. Alors, j'aimerais ça qu'on prenne juste acte que j'entends avec beaucoup d'intérêt le député de La Pinière qui dit qu'il faut augmenter les effectifs en environnement, mais il faisait exactement le contraire lorsqu'il était au gouvernement. Je voulais juste apporter cette précision-là.

Et nous, depuis qu'on est là, nous avons non seulement augmenté les effectifs en environnement, mais le dernier budget que nous avons déposé... nous avons augmenté notre budget en environnement de 30 %, de plus de 30 %. Alors, je veux juste vous dire qu'on est très sensibles à ce que vous demandez. Et je pense qu'il est très facile pour l'opposition, aujourd'hui, de dire, exactement comme j'entendais pour l'AMP ce matin... Vous me permettrez de faire une diversion. C'est intéressant, de dire : Écoutez, vous devriez faire ça, ça, qui l'a faite, la loi sur l'AMP? C'est le gouvernement libéral, qui dit aujourd'hui : Elle devrait être renforcée. Alors, je veux juste qu'on remette les choses en perspective puis que les gens comprennent que... Et je souscris totalement à des points que vous avez amenés aujourd'hui, Mme Brouillette et M. Viau, mais, vous l'avez bien dit, on est en situation de crise. Je pense que notre gouvernement a démontré, dans les trois derniers mois, qu'on était capables d'agir rapidement sur des décisions très difficiles.

Là, on est en train de discuter, puis, avec votre collaboration, je suis certain qu'on va trouver ce qu'on appelle des voies de passage. Je ne sais pas si c'est un bon mot, parce que je ne voudrais pas que ça réfère à une autoroute, j'aimerais mieux vous parler de transport collectif, mais je suis certain qu'on va trouver des voies de passage. Mais j'aimerais que vous preniez acte qu'il y a vraiment une volonté de notre gouvernement de faire les choses correctement. Et je pense que j'ai senti de votre ton, Mme Brouillette, qu'il y avait ce respect-là de la part d'Équiterre, que notre gouvernement veut faire les bonnes choses, mais on est quand même dans une situation de crise.

Alors, mon premier point, c'est le projet de loi n° 44. En même temps qu'on est dans une salle... puis je suis content que vous y faites référence, parce que ce n'est pas tout le monde qui nous écoute qui est conscient que nous, on est en train de regarder la relance par les infrastructures, on est dans une salle, ici, là, la salle Pauline-Marois, mais, dans une autre salle du parlement, il y a des gens qui travaillent sur un autre projet de loi, qui s'appelle le projet de loi n° 44, qui vise à donner, justement, au ministre de l'Environnement plus de pouvoirs pour assurer la cohérence avec notre programme. Bon, vous l'avez dit, mais je le répète parce que c'est important que les gens qui nous regardent — puis il y a pas mal de gens qui nous regardent — ils comprennent qu'on essaie de trouver cet équilibre-là entre l'environnement puis ce qu'il faut faire pour la relance. Alors, notre ministre de l'Environnement, M. Charette, travaille justement à essayer de développer des moyens pour qu'il ait plus de pouvoirs sur certains aspects pour qu'un jour on en arrive à notre politique. Bon, est-ce qu'on aurait aimé la faire ce printemps? La réponse est oui, parce qu'on aurait aimé ça la déposer, on s'y était engagés, mais vous voyez qu'avec la crise qu'on a vécue on a été obligés de la reporter, mais ça ne nous empêche pas d'avancer dans le projet de loi. Ça, c'était mon deuxième commentaire, bon.

J'aimerais mieux qu'on focusse aujourd'hui, si vous me permettez, pas sur les places où on s'entend moins mais sur les places où on s'entend plus, par exemple dans le transport collectif. Et j'aimerais vous entendre un peu, parce que, écoutez, c'est quand même un engagement important que notre gouvernement a pris, qui est de développer pas moins de six projets de transport collectif à l'échelle du Québec. Et c'est certain, c'est certain, pour réaliser ces projets-là dans des délais raisonnables... Et, à chaque fois qu'on va gagner du temps, ces projets-là vont être implantés plus rapidement, avec tous les bénéfices que l'on peut comprendre.

Alors, moi, j'aimerais vous demander, dans ces différents projets de transport collectif, est-ce que vous croyez que, dans le cas du REM, qui est un bel exemple de comment on a pu avancer plus rapidement dans la réalisation d'un projet aussi structurant, dont une grande partie de la population de Montréal et des environs vont pouvoir bénéficier... Comment on pourrait faire des aménagements corrects? Et c'est ça qu'on propose ici, là, et c'est là que je veux que vous nous aidiez à modifier, à améliorer comment on peut réaliser ces projets de transport collectif. Là, je ne vous parle pas d'autoroutes, je ne vous parle pas de maisons des aînés, je veux me concentrer sur le transport collectif et vous demander : Mettez vos commentaires que vous nous faites sur les aménagements demandés en fonction d'accélérer le développement de transport collectif. J'aimerais vous entendre là-dessus, spécifiquement sur le transport collectif.

M. Viau (Marc-André) : Merci, M. le ministre, pour votre question et vos commentaires, aussi, très, très pertinents.

Juste pour revenir peut-être sur un ou deux points que vous avez mentionnés ultérieurement, donc, concernant les effectifs, effectivement, nous l'avions souligné lors du dépôt du dernier budget, la croissance des budgets qui étaient donnés au ministère de l'Environnement, qui devrait se matérialiser en termes d'effectifs, de ressources au ministère... tout en espérant que, dans une version mise à jour de ce budget-là et d'un nouveau budget qui sera éventuellement présenté... les rumeurs disent à l'automne, peut-être que c'est le cas, peut-être que non, mais tout en espérant que ces mesures-là soient toujours présentes dans le prochain budget.

En ce qui a trait aux effectifs... en ce qui a trait aux ressources, par exemple sur la question des achats responsables, là, peut-être qu'il y aurait peut-être une évaluation à faire, à savoir est-ce qu'il y a assez de ressources dans le domaine des achats responsables pour s'assurer qu'on puisse arriver à nos fins.

En ce qui a trait au transport collectif, vous avez raison, le REM est un des exemples qui a été souvent utilisé pour parler de ce projet de loi là, pour montrer l'exemple de ce projet de loi là. Il y a des enjeux, quand même, de gouvernance, avec REM, qu'il ne faut pas négliger. Ceci étant dit, on reconnaît aussi que, selon ce qui est identifié dans la liste du projet de loi, je pense, c'est 80 %, si je ne m'abuse, des investissements MTQ qui seraient dédiés au transport collectif. Et donc, pour cela, on doit lever notre chapeau pour dire : On reconnaît l'importance du transport collectif dans le développement des différentes collectivités québécoises et on a besoin d'envoyer ce signal-là pour que les sociétés de transport, qui ont été énormément affectées par la pandémie, puissent recevoir le mot d'encouragement dont ils ont besoin.

Donc, comment on fait pour s'assurer d'accélérer ces projets-là tout en respectant l'environnement? Je pense que l'important, c'est qu'il ne faut pas non plus... Ce n'est pas parce que c'est un projet de transport collectif qu'on doit tourner les coins ronds et qu'on... On doit vraiment s'assurer qu'il y ait... d'avoir exploré toutes les options qui... ou d'explorer les options qui sont le moins nuisibles possible à l'environnement pour arriver à construire un projet d'infrastructure de transport collectif et de prendre en considération toutes les conséquences que la construction de cette infrastructure-là aura sur l'environnement ainsi que les retombées économiques qu'elles auront.

• (11 h 10) •

M. Dubé : Mais, M. Viau, juste pour vous aider, là, pour préciser votre pensée, pourquoi je fais le parallèle avec le REM, bien, c'est parce que j'ai entendu beaucoup d'informations, que j'aimerais clarifier, comme de quoi le gouvernement, par le projet n° 61, veut modifier les règles du BAPE. On va entendre le BAPE aujourd'hui, là. Ce n'est pas du tout notre intention, de modifier et de raccourcir les délais du BAPE, là, aucunement.

Alors, dans le cas qui nous concerne, avec le REM, le BAPE a eu lieu, le BAPE a demandé des modifications au projet, puis ça a eu lieu. Alors, je veux juste qu'on... Alors, quand on parle d'aménagement, ce sont souvent des aménagements qui viennent en amont du processus d'autorisation, qui est le BAPE. Vous êtes d'accord avec ça, là? Je voulais juste avoir cette précision-là pour...

M. Viau (Marc-André) : Bien, vous aurez noté que, dans notre présentation, il n'y avait pas de référence au BAPE. J'aurais pu en inclure une, parce qu'il y a quand même, à l'article 28, si je ne m'abuse... c'est l'article qui traite sur les parcs, où il y a une référence au BAPE, où on parle de possibilité d'amalgamer certains mandats. Et donc, ça, on a une certaine préoccupation par rapport à l'intention du législateur dans ce contexte spécifique là qui est lié aux limites de parcs. Je ne sais pas s'il y a un projet qui est spécifique à ça...

M. Dubé : Mais ma question, M. Viau, était plus... puis, je sais, on manque de temps, là, puis la conversation est vraiment intéressante, je vous demande : Est-ce que vous êtes quand même réalistes qu'il va falloir trouver des aménagements si on veut faire ces projets-là dans des délais raisonnables mais ne pas prendre, comme avant, dans l'ancien temps, 15, 20, 40 ans, comme la ligne bleue, pour arriver à des projets de transport collectif qui n'arrivent pas, qui n'arrivaient jamais?

Il y a eu des aménagements qui ont été demandés par l'ancien gouvernement, donc le gouvernement libéral, qui a donné un mandat à la caisse de travailler d'une certaine façon, qui fait qu'aujourd'hui on travaille avec un REM qui est en train de se réaliser. Et ce qu'on propose à la population du Québec, c'est six projets de transport collectif à l'échelle du Québec. Et, nous, ce qu'on cherche, en ce moment, c'est des aménagements pour être capables de réaliser ces projets-là de qualité, en respect avec l'environnement, mais de façon agile, comme il s'est fait dans ce projet-là. Ça ne s'est pas fait ailleurs, à Singapour, ça s'est fait à Montréal, et ça se fait présentement. Et, moi, ce que je vous demande, c'est : Êtes-vous confortables à ce qu'on trouve les aménagements nécessaires pour que ces projets-là arrivent?

M. Viau (Marc-André) : Bien, je voudrais juste peut-être préciser que ce n'est pas uniquement des règles environnementales qui ont ralenti la construction de la ligne bleue, par exemple, il y a les questions de financement. On a été, pendant plusieurs années, dans du sous-financement structurel des infrastructures de transport collectif, de l'ensemble des infrastructures municipales.

M. Dubé : Vous avez raison, M. Viau, mais je vous demande, vous, en termes d'environnement... Parce qu'il y a quatre types de mesures. L'environnement, c'est une des quatre mesures que l'on demande. Moi, je vous demande, en termes d'environnement, est-ce que vous êtes confortable à nous appuyer dans certaines mesures qui nous permettraient d'être plus agiles dans la réalisation de projets de transport collectif?

M. Viau (Marc-André) : Bien, ça dépend quelle est votre définition de «plus agile». Si on est capables de faire un processus rigoureux, accéléré parce qu'on aura mis plus de ressources et qu'on en vient à la conclusion que c'est le meilleur projet, dans le meilleur respect de l'environnement, qui va rapporter le plus de bénéfices à la population, qui va rapporter des bénéfices économiques, si on a toutes ces conditions-là qui sont réunies, bien oui, on va vous appuyer. Mais on ne vous donnera pas non plus un chèque en blanc pour vous dire... Agilité, que veut dire «agilité»? Je pense que la rigueur des processus est importante et qu'il ne faut pas tourner les coins ronds, que ce soit en transport collectif ou en d'autres projets d'infrastructure.

Le Président (M. Simard) : Alors, en conclusion.

M. Dubé : Et c'est pour ça que je pense qu'en termes de reddition de comptes... Malheureusement, je n'ai pas eu le temps d'en parler avec Mme Brouillette, mais on pourra y revenir dans une autre conversation. Merci. Merci beaucoup.

M. Viau (Marc-André) : Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle, le député de La Pinière.

M. Barrette : Pour 9 min 20 s?

Le Président (M. Simard) : Pour 9 min 40 s.

M. Barrette : Parfait. Alors, Mme Brouillette, M. Viau... D'abord, M. Viau, je dois vous féliciter d'avoir évité de tomber dans le piège que le président du Conseil du trésor vous a tendu sur le plan politique, évidemment, en termes d'appui, puisque ce que le président du Conseil du trésor a dit n'était pas exact, je vais y revenir dans quelques instants, mais je voulais quand même prendre quelques instants pour corriger certains éléments. Je voyais, dans l'entourage du ministre, des gens béats de satisfaction lorsque le ministre faisait référence à ce qui s'est passé sous notre mandat précédent. Je tiens à rappeler à tout le monde, évidemment, que nous avons eu le devoir et réussi à ramener de l'ordre dans les finances publiques, lesquelles ont permis de pourvoir ce gouvernement-ci, qui n'avait absolument aucun engagement de nature environnementale dans son programme électoral, de disposer de surplus extraordinaires. Et on peut certainement, aujourd'hui, en rétrospective, particulièrement dans la crise actuelle, questionner l'utilisation de ces surplus-là pour ce gouvernement-là. Je pense que tout le monde va être d'accord que, si on prend, par exemple, la question du personnel, les préposés, on aurait pu les payer un petit peu plus en 2018, comme nous avions prévu le faire, comme nous aurions pu les engager en plus grand nombre, comme nous avions prévu le faire. Sur le plan de l'environnement, le gouvernement aurait pu agir bien avant, ce qu'il a fait tardivement pour des raisons essentiellement politiques.

Le gouvernement nous dit qu'il cherche un équilibre, là. Je ne suis pas sûr que vous voyez le même équilibre. Alors, quand on regarde, évidemment, le comportement du gouvernement avec les surplus dont il a disposé, et particulièrement dans le secteur de l'environnement, par rapport à ses engagements, bon, je pense que le gouvernement actuel n'a pas vraiment de raison de se vanter. Par contre, il peut faire de la politique. C'est ce qu'on fait en politique, de la politique. Je voulais rectifier les choses à cet égard-là.

Maintenant, il y a un certain nombre de choses qui ont été dites. Je suis très heureux de voir qu'à chaque occasion — on ne la rate jamais — de prendre l'exemple du REM en exemple, qui est, comme par hasard, un projet mis de l'avant et lancé par le Parti libéral... c'est assez drôle de voir que, quand ça fait notre affaire, ils nous critiquent, et puis, quand c'est des bonnes choses, on ne nous donne pas le crédit. Bien, c'est l'essence de la politique, évidemment.

Alors, arrive ici un certain nombre d'éléments qui, pour moi, sont importants par rapport aux commentaires que vous avez fait l'un et l'autre, chez vous, à Équiterre. Quand vous nous dites que vous souhaitez puis que vous voulez vraiment qu'on ne tourne pas les coins ronds, vous avez raison. Je ne vois aucune, aucune protection en ce sens dans le projet de loi n° 61 et je ne vois pas d'engagement en ce sens. À la fin, M. Viau, vous avez été très clair, puis je vais traduire, je pense, correctement vos propos, en disant : Les règles, là, du BAPE et de tout ce qui touche l'environnement, elles sont bien établies, elles sont claires, elles sont précises, qu'on les applique, tout simplement, et tourner les coins ronds, ce serait tout simplement de le faire plus vite.

Le ministre nous a dit, lui, là, que son objectif, ce n'était pas de raccourcir le BAPE. Bien, c'est malheureux, là, mais, même hier soir, mon collègue de Rosemont relevait une conversation qui avait eu lieu dans un briefing où le président du Conseil du trésor a dit exactement le contraire. Il ne s'en rappelait pas, parce qu'il a dit au député de Rosemont que ce n'est pas ça qu'il avait dit, mais moi, j'étais dans le même briefing puis j'ai entendu la même affaire que le député de Rosemont : Un BAPE, ça peut prendre neuf mois, on pourrait le faire en un mois. Alors là, le président du Conseil du trésor n'était pas content de cette citation-là, mais moi, j'ai entendu plusieurs affirmations selon lesquelles — et ça, c'est dans le projet de loi et ça a été exprimé — tout ce qui touche BAPE, environnement, analyses, et ainsi de suite, ça ne se fait pas assez vite, il faudrait que ça se fasse plus vite.

Bon, moi, je réponds à ça comme vous l'avez fait : Bien, staffez-vous comme du monde... vous ne l'avez pas dit comme ça, là, mais ça revenait à ça : Staffez-vous comme du monde puis vous allez pouvoir être efficaces dans vos analyses, appréciations, procédures environnementales qui relèvent de la responsabilité de l'État. Alors, on ne peut pas faire une chose et son contraire, là. On ne peut pas demander à des gens sous-staffés d'aller plus vite sans tourner les coins ronds puis avoir le même résultat. Ça, c'est la charrue avant les boeufs, là. Si vraiment le gouvernement a une intention claire de respecter formellement ce qui est dans nos lois, la première chose qu'il doit faire dans cette situation d'exception, qui, elle, entraîne, engendre une multitude de projets faits en même temps, qu'il se staffe et qu'ils appliquent nos lois de façon pleine et entière. Êtes-vous d'accord avec cette approche-là?

• (11 h 20) •

M. Viau (Marc-André) : Une vaste question ouverte. Oui, bien, écoutez, ce que je dirais, c'est que, que le gouvernement soit bleu, jaune, vert, orange, rouge, couleur arc-en-ciel, l'importance des ressources au ministère de l'Environnement, on l'a toujours mentionné puis on le ramènera toujours. Si on veut accélérer des processus, si on veut accélérer des façons... des évaluations environnementales, ça prend les ressources nécessaires.

Maintenant, il y a certaines choses qui ne peuvent pas être accélérées. Si on veut faire une étude d'impact, il faut savoir quel est le milieu ou à quel moment de l'année, il faut savoir est-ce qu'il y a de la nidification à un certain moment de l'année, est-ce que les poissons sont là à ce moment-là ou à ce moment-là, on ne peut pas construire là, et tout, il faut avoir un portrait complet. Et donc il y a des processus qu'on ne peut pas raccourcir, mais il y a possiblement...

Et puis là, encore là, je pense que c'est important de le rappeler, il faut... le gouvernement a la prérogative de revoir ses processus. C'est sa prérogative. S'il veut le faire, qu'il le fasse, mais cette révision-là des processus ne devrait pas se faire dans l'urgence ou avec un sentiment d'urgence en temps de crise et justifié par une crise. Donc, si on revoit des processus, ça devrait être des processus qui s'inscrivent dans... et qu'on fait une révision de ces processus-là, ils devraient s'inscrire dans la durée. Donc, est-ce que c'est une porte ouverte? Est-ce qu'en ce moment on est en train d'ouvrir une porte à inscrire cette révision-là dans la durée? On nous dit que non, mais on verra.

M. Barrette : Bien, écoutez, je pense que, si vous avez suivi les travaux parlementaires, vous avez probablement entendu le ministre évoquer la possibilité que ça soit dans la durée, donc permanent, et vous avez entendu au moins un groupe hier qui a souhaité ça, que ça soit permanent. Et ce que vous nous dites, là, hein, entendons-nous sur une chose : Revoir les processus, c'est un processus pour nous amener à une analyse qui soit correcte et une décision qui soit correcte. Aller plus vite parce qu'on est mieux staffé n'enlève rien à l'essence de ce qui est visé par nos lois. Et ce qui n'est pas compressible n'est pas compressible, alors qu'actuellement c'est la vitesse qui est le primum movens, là, qui est la chose la plus recherchée. Alors, moi, je vous pose une question bien simple : Est-ce qu'à un moment donné il y a une limite à aller vite sans que ce soit tourner les coins ronds?

M. Viau (Marc-André) : Oui. À partir du moment où est-ce qu'on sacrifie des milieux environnementaux, à partir du moment où est-ce qu'on ne respecte plus la Loi sur la qualité de l'environnement dans une optique d'aller plus vite et qu'on n'a pas pris les mesures pour s'assurer qu'on peut faire la même chose autrement, oui. Je pense que le gouvernement doit aussi démontrer que c'est la seule façon de procéder quand il procède de telle façon.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup, M. Viau. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont pour une période de 2 min 15 s.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Merci à vous deux d'être là. Juste une petite précision en partant, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, ça fait deux ou trois fois, depuis ce matin, que le président du Conseil du trésor fait référence au projet du REM comme le modèle à suivre, comme la façon de fonctionner pour aller plus vite. Je voudrais quand même rappeler, là, pour mémoire, ici, là, que le BAPE s'est fait bulldozer dans le dossier du REM. Le gouvernement, la caisse, la ville de Montréal, tout le monde prenait des tours pour taper sur le REM... sur le BAPE, pardon. Rappelez-vous de Denis Coderre, maire de Montréal, qui avait dit : Le BAPE, ce n'est pas le pape. Ça s'était réglé comme ça. Et puis, malgré des avis très défavorables, nous étions allés de l'avant. Alors, voici, je pense, un contre-exemple. Pour moi, c'est l'exemple qu'il ne faut pas suivre parce que, justement, le REM, on l'a fait très vite, au mépris de certains travaux qui avaient été faits par le BAPE.

Cela dit, ma question pour les représentants d'Équiterre. Vous dites qu'on manque, ici, une belle occasion de faire une vraie relance à l'aune, là, du développement durable et pas seulement du béton. Ma question : Devant ce projet de loi lourd, est-ce qu'il est réformable pour arriver à ce que vous demandez?

Le Président (M. Simard) : M. Viau ou Mme Brouillette, c'est selon.

M. Viau (Marc-André) : Bien, je vais commencer, puis je laisserai la parole à ma collègue Caroline Brouillette pour la suite. Est-ce qu'il est réformable? Ça dépend de la bonne volonté de tous les membres de cette commission et de l'ensemble des élus de l'Assemblée nationale. Il y a des choses qui sont demandées à propos de la Loi sur la qualité de l'environnement, à notre avis, qui ne sont pas acceptables. Il y a des moyens de bonifier ce projet de loi là, nous en convenons, on peut le bonifier, on a mentionné notamment la question des marchés publics, mais il y a des éléments qui ne peuvent pas être sacrifiés.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. Viau. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci beaucoup pour votre présentation. Phrase très inspirante à la fin de la page 4 de votre mémoire : «L'environnement n'est pas un obstacle à la reconstruction, il en est le moteur.» Alors, je partage ça entièrement.

Maintenant, vous avez fait un lien tout à fait intéressant avec le projet de loi n° 44, sur lequel je siège également, alors j'ai le don d'ubiquité aujourd'hui. Si on amène quatre éléments, que je vous nomme tout de suite, dans le projet de loi n° 44, est-ce que ce serait de nature à vous rassurer davantage sur la gestion des projets d'infrastructure telle que présentée par le projet de loi n° 61? Donc : amener, dans le projet de loi n° 44, un budget carbone; deux, un comité scientifique clairement indépendant; trois, clarifier le rôle du ministre comme aviseur auprès de ses collègues; et, quatre, faire en sorte que le ministre siège sur le comité de reconstruction annoncé par le gouvernement, le ministre de l'Environnement. Ça, on n'a pas besoin du projet de loi n° 44 pour ça, là, mais c'est un quatrième élément que je vous soumets.

Mme Brouillette (Caroline) : Merci, M. Gaudreault, pour la question. En fait, je vous dirais qu'il y a deux éléments particuliers qu'on a identifiés, en regard du projet de loi n° 44, qu'on trouve pertinents pour faire l'analyse des projets qui sont proposés dans le projet de loi n° 61. Donc, le premier élément, vous l'avez mentionné, c'est l'idée d'un comité consultatif scientifique sur les changements climatiques, ce qui est dans le projet de loi. Ce comité d'experts là, on l'a vu dans d'autres juridictions, comme en Nouvelle-Zélande, peut se prononcer pour faire l'évaluation, là, des projets de relance proposés par le gouvernement.

Dans un second temps, c'est aussi quelque chose qu'on a mentionné dans notre discours et qui était une de nos recommandations, là, lorsqu'on a présenté devant votre commission sur le projet de loi n° 44, et c'est celle d'une analyse climat, donc de faire l'évaluation de chacun des projets. Et, dans le cas qui nous concerne, on parle des projets d'infrastructure, de leur impact sur...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

Mme Brouillette (Caroline) : En conclusion, ce sont ces deux éléments-là sur lesquels on mettrait l'emphase pour s'assurer... pour rassurer la population, finalement, que les projets d'infrastructure du projet de loi n° 61 sont compatibles avec nos objectifs climatiques.

Le Président (M. Simard) : Merci, Mme Brouillette. Je cède maintenant la parole au député de Chomedey pour une période de 1 min 50 s.

M. Ouellette : Vous voyez que ça passe vite, hein, 2 min 15 s puis 1 min 50 s ? Ma question va être pour vous, Mme Brouillette. L'article 51 du projet de loi donne une immunité à tout ministre, gouvernement, organisme qui va prendre quelque décision par rapport à 61. Vous avez parlé d'imputabilité tantôt, et j'aurais aimé vous entendre un peu plus sur l'imputabilité que vous aviez en tête, Mme Brouillette.

Mme Brouillette (Caroline) : Oui, excusez-moi, bien, je vais passer la parole à mon collègue, M. Viau, là, après, mais je pense que, pour nous, ce qui ressortait de notre lecture du projet de loi n° 61, c'est peut-être qu'on avait besoin davantage d'imputabilité parlementaire par rapport aux projets qui étaient approuvés dans le cadre de la loi n° 61, de s'assurer, là, qu'on ne fait pas seulement juste un petit rapport annuel, ça nous semble peu. Et les projets, là, qui sont adoptés, qui ne sont pas à l'annexe, on parlait, là, d'un débat parlementaire de seulement une heure, ça nous semble également peu. Donc, on pense, là, que la présentation puis la reddition de comptes devant le Parlement devraient être plus soutenues.

• (11 h 30) •

M. Viau (Marc-André) : Quant à l'article 51, là, plus spécifiquement, auquel vous faites référence, je vais vous référer à mes collègues du CQDE, centre québécois pour la défense de l'environnement, qui seront présents un peu plus tard aujourd'hui, qui en ont fait une analyse, avec qui j'ai discuté, qui s'interrogeaient sur la pertinence d'avoir cet article-là alors qu'il y a des mécanismes qui couvrent les décideurs dans d'autres éléments de loi, donc ils ne voyaient pas nécessairement la nécessité d'avoir cet article-là.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, Mme Brouillette, M. Viau, merci beaucoup de votre présence.

Nous allons maintenant suspendre nos travaux, le temps de faire place à nos prochains...

M. Viau (Marc-André) : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Donc, merci à vous. Au plaisir.

( Suspension de la séance à 11 h 31)

(Reprise à 11 h 36)

Le Président (M. Simard) : Alors, nous reprenons nos travaux. Nous sommes en compagnie du chef Ghislain Picard, chef de l'Assemblée des premières nations Québec-Labrador. Chef, bienvenue parmi nous, c'est un honneur que de vous savoir ici. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre présentation.

Assemblée des premières nations du
Québec et du Labrador (APNQL)

M. Picard (Ghislain) : D'accord, merci beaucoup. (S'exprime dans une langue autochtone). M. le Président, membres de la commission qui passent à l'étude du projet de loi n° 61... extrêmement plaisir d'avoir cette opportunité, ce privilège, je dirais même, de vous entretenir sur la position de l'Assemblée des premières nations, que je représente, au Québec-Labrador, et sans doute aussi insister que... D'abord, je vais me permettre une parenthèse et vous poser une première question — j'en aurais plusieurs : Êtes-vous au courant que le mois de juin est le mois désigné comme étant le mois de l'histoire autochtone? Et c'est ainsi depuis 2009. J'en parle parce que j'aimerais y revenir tout à l'heure, en guise de conclusion. Donc, ça va être, j'espère, une présentation très, très succincte, là, de notre position et qui va relever sans doute des éléments que nous considérons incontournables de vous partager.

L'Assemblée des premières nations Québec-Labrador est le lieu politique de concertation et de liaison où les chefs des Premières Nations au Québec et au Labrador se réunissent afin de convenir de positions communes. Je m'adresse à vous à titre de porte-parole des chefs des Premières Nations au Québec pour déposer une déclaration à l'égard du projet de loi n° 61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19.

Depuis le début de la pandémie, les gouvernements des Premières Nations ont accueilli favorablement les recommandations des autorités provinciales en santé publique. Malgré certains écueils dans les relations entre les services de santé provinciaux et ceux des Premières Nations, une relation positive a généralement été maintenue entre les autorités des Premières Nations et celles de la province, au bénéfice de nos populations respectives.

Les Premières Nations, par leurs conditions de vie généralement inférieures à celles de l'ensemble de la population, sont plus exposées aux conséquences néfastes de la pandémie de la COVID-19 et elles sont très préoccupées de ses impacts négatifs sur les plans tant humanitaire et sanitaire qu'économique. Tout comme les gouvernements fédéral et provincial, les gouvernements des Premières Nations ont le devoir de consacrer tous les efforts possibles au bien-être des populations envers lesquelles ils sont imputables.

Aujourd'hui, le gouvernement du Québec propose à l'Assemblée nationale des mesures pour favoriser la relance de l'économie, durement affectée par la pandémie de la COVID-19. Dans un contexte aussi crucial qui sévit depuis la mi-mars 2020 et dont les enjeux sont majeurs, les relations des gouvernements des Premières Nations avec les autres gouvernements jouent un rôle déterminant.

L'APNQL ne commentera pas les dispositions d'un projet de loi qui ne nous considère pas dès le départ. L'APNQL tient à exprimer fermement que sa participation aux auditions de la Commission des finances publiques sur le projet de loi n° 61 ne peut être interprétée comme une forme de consultation et aussi comme une renonciation par les gouvernements des Premières Nations à leurs champs de compétence pour lesquels ils continueront d'exercer pleinement leur droit à l'autodétermination.

L'établissement et le maintien de relations de gouvernement à gouvernement entre les Premières Nations au Québec et les autorités politiques de la province doivent demeurer sur la base de toute considération. L'APNQL, comme organisation, est le vecteur d'un collectif composé de gouvernements et présente une déclaration en vertu d'un ensemble de principes qui y font consensus.

• (11 h 40) •

La présente déclaration contient une série d'appels au respect que l'APNQL met de l'avant pour servir de base pour assurer une relance économique respectant les valeurs des Premières Nations et qui les impliquent réellement sur leurs territoires non cédés afin d'avoir une relation d'égal à égal avec le gouvernement du Québec.

L'APNQL a aujourd'hui le devoir de s'adresser aux membres de la Commission des finances publiques dans le cadre de la relance économique et dépose, par cette démarche, des appels au respect : respect des principes, respect des lois, respect des intérêts, respect des valeurs promulguées par les gouvernements légitimes des Premières Nations qui composent sa table.

Un, l'APNQL réclame que le gouvernement du Québec ainsi que tout autre ordre de gouvernement respectent le principe selon lequel les gouvernements des Premières Nations affirment et exercent leur autorité et leur capacité de se gouverner eux-mêmes dans le respect de leurs titres et droits ancestraux ou issus d'un traité.

Deux, l'APNQL réclame que le gouvernement du Québec donne les suites nécessaires à la motion du 8 octobre 2019 adoptée par l'Assemblée nationale afin d'élaborer, en collaboration et en coélaboration avec les Premières Nations, une loi garantissant la prise en compte des dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et son adoption par l'Assemblée nationale du Québec afin que la législation et des politiques gouvernementales respectent les droits qui y sont énoncés.

Le dépôt d'un projet de loi omnibus dans un contexte de session parlementaire à toutes fins pratiques achevée soulève de sérieuses questions. D'entrée de jeu, le projet de loi n° 61 propose des mesures exceptionnelles et expéditives d'approbation et de réalisation de divers projets. Il y a d'importants enjeux à considérer à l'égard de la santé, de l'environnement et des droits ancestraux et issus de traités des Premières Nations au Québec.

Le contexte exceptionnel d'une pandémie ne dispense en aucun cas les gouvernements fédéral et provincial de respecter leurs obligations envers les droits ancestraux et issus de traités des Premières Nations et de se conformer aux engagements prévus, entre autres, par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et plus particulièrement de son article 3, et je cite : «Les peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.» Fin de la citation.

Le projet de loi n° 61 met en péril le respect des droits ancestraux des Premières Nations en ce qu'il permet la possibilité d'entreprendre des projets avant l'obtention des droits requis sur les territoires non cédés des Premières Nations au Québec.

Nos communautés sont déjà sursollicitées et manquent de temps et de ressources pour bien répondre aux consultations. Le projet de loi propose d'accélérer des processus pour autoriser les projets visés, ce qui laisse présager des délais encore plus courts et davantage de pression sur les Premières Nations. Une telle situation engendrerait des lacunes importantes dans l'obligation de consulter et d'accommoder les Premières Nations, situation déjà hautement préoccupante en temps normal.

Appel au respect n° 3, l'APNQL réclame que le gouvernement du Québec respecte ses obligations constitutionnelles envers les Premières Nations, et ce, en accordant des délais raisonnables aux communautés concernées pour répondre à toute consultation, ce qui n'est pas le cas avec le projet de loi n° 61.

À 4, l'APNQL réclame que le gouvernement du Québec s'engage à respecter les codes, les normes et les protocoles de consultation tels que définis par les Premières Nations et consulter celles-ci pour tous les projets de loi ou modifications législatives qui pourraient affecter les Premières Nations.

La flambée de 202 annonces gouvernementales regroupées sous l'annexe I du projet de loi n° 61 entraîne de profonds questionnements sur l'intention qui se cache derrière la construction d'infrastructures. Les nombreux projets initialement annoncés en lien avec la relance de l'économie, bien qu'ils puissent être légitimes, ne peuvent être le théâtre des largesses dont le gouvernement du Québec tente de se doter sur le plan législatif pour expédier ses obligations de consultation envers les Premières Nations et pour réduire au plus simple l'application de normes environnementales déjà minimalistes.

Dans le contexte actuel d'une crise pandémique pouvant avoir des impacts funestes dans nos communautés considérées comme les plus vulnérables en raison de la prévalence de facteurs de risques sociosanitaires plus élevés, le mot d'ordre de nos dirigeants est de prioriser la santé et la sécurité de nos membres par-dessus tout, bien avant l'économie.

Afin de permettre aux autorités des gouvernements des Premières Nations de se concentrer sur les mesures pour faire face à la crise, l'APNQL a demandé, par voie de lettre au premier ministre Legault, la suspension temporaire de toute consultation et analyse des demandes, permis et autorisations liés aux projets d'exploitation des ressources ayant des impacts sur les droits et intérêts des Premières Nations jusqu'à ce que la situation se rétablisse.

L'autorité que confère le décret des mesures d'urgence prolongées jusqu'à une date indéterminée en raison de la crise pandémique de la COVID-19 ne peut permettre au gouvernement du Québec de s'arroger à la fois le droit de relancer son économie et celui de reculer sur les avancées en matière de protection environnementale. Il ne peut surtout pas profiter d'une étendue de ses pouvoirs pouvant affecter, voire même violer ou ignorer les droits ancestraux issus de traités des Premières Nations en plus de multiplier les impacts des effets cumulatifs de projets sur l'environnement qui, eux, ont des impacts importants sur la pratique, la santé et la culture des Premières Nations. Un territoire et ses ressources en santé sont à la source de l'identité culturelle des Premières Nations, et de donner le pouvoir de faire abstraction de règles ayant pour but de protéger ces ressources est une source d'inquiétude majeure et légitime pour la santé et l'environnement des Premières Nations.

Celles-ci se mobilisent depuis toujours à préserver les espèces, particulièrement celles qui sont menacées ou culturellement importantes. Ces espèces déjà fragilisées par la destruction d'habitats ne peuvent se rétablir avec des mesures financières et de compensations d'habitats. Or, la monétisation de la destruction des habitats, même si celle-ci est affectée à leur restauration, n'est pas réaliste et ne permet pas de les protéger de dommages souvent irréversibles.

Appel au respect n° 5, APNQL avise formellement le gouvernement du Québec qu'en aucun cas des compensations financières entre ministères du gouvernement du Québec ne sauraient suffire ou pallier à aucune circonstance ou remplacement de certaines normes et mesures environnementales en place...

Le Président (M. Simard) : O.K. Excusez-moi, chef.

M. Picard (Ghislain) : ...dans le cadre de tout projet de développement sur les territoires non cédés.

Le Président (M. Simard) : Chef, excusez-moi, un seul instant. Y aurait-il consentement afin que chef Picard puisse terminer son intervention? Consentement. Allez-y, chef, et désolé de vous avoir...

M. Picard (Ghislain) : Merci. Écoutez, j'en ai pour 1 min 30 s. Merci beaucoup, c'est apprécié.

La volonté exprimée par le premier ministre d'impliquer les Premières Nations dans la relance économique représente une opportunité pour le gouvernement du Québec de passer de la parole aux gestes et être à l'écoute des Premières Nations, qui recherchent l'équilibre entre leur propre relance économique et la protection de leur territoire.

Comme Premières Nations, nous cumulons des décennies d'expérience à nous retrouver en marge des décisions qui affectent nos communautés. Pourtant, nous persévérons et nous continuerons jusqu'à ce que nos gouvernements aient voix au chapitre lorsqu'il s'agit du développement de nos ressources non cédées et... de nos territoires non cédés et des ressources.

Mettre les Premières Nations au pied du mur dans l'exercice de leurs droits fondamentaux n'est ni signe de réconciliation ni signe d'une garantie, comme l'exprimait le premier ministre, à impliquer les Premières Nations dans la relance de l'économie. Nous avons plutôt devant nous un projet de loi précipité, comportant de sévères écarts dans l'équilibre entre les pouvoirs et les devoirs et avec des mesures d'imputabilité quasi absentes représentant un danger inquiétant pour les droits et intérêts des Premières Nations.

Le dépôt du projet de loi n° 61 nous amène malheureusement à questionner la capacité du gouvernement du Québec de faire preuve de réalisme quant à la participation réelle des Premières Nations à l'économie et au partage de la richesse.

Conclusion : En parlant d'histoire, il est important d'informer les membres de la commission sur l'historique d'une relation qui a pris forme avec la mise en place d'une institution, le SAGMAI, qui est le secrétariat... qui était le Secrétariat des activités gouvernementales en milieu amérindien et inuit, lequel a précédé l'actuel Secrétariat aux affaires autochtones. Le SAGMAI a été institué en 1978 par le gouvernement du Québec sous René Lévesque. Le SAGMAI était chargé d'entretenir des relations avec les Premières Nations. De plus, comment passer sous silence la résolution de 1985, reconnaissance des nations autochtones et de leurs droits, qui se disait alors avant-gardiste. Depuis, malgré que tous les gouvernements successifs se targuent de cette résolution, on se retrouve 30 ans plus tard avec un projet de loi qui évacue encore une fois complètement notre réalité, notre identité et notre culture. «Tshinashkumitinau». Merci beaucoup.

Le Président (M. Simard) : Je vous remercie, chef Picard, pour votre présentation. Je vais maintenant céder la parole au gouvernement. M. le ministre, vous disposez de 10 minutes.

• (11 h 50) •

M. Dubé : Alors, chef Picard, merci. Merci, premièrement, de prendre le temps d'être avec nous aujourd'hui. La crise qu'on vit, vous la vivez, vous aussi, depuis le début, et pas toujours dans des conditions faciles. Alors, je veux vous souligner, avant de commencer à discuter du projet de loi n° 61, comment je sais que vous avez fait des efforts avec tout le monde pour qu'on puisse se sortir de cette crise-là, puis je sais que ça n'a pas été facile. Alors, que vous preniez le temps non seulement d'être ici aujourd'hui puis de nous accompagner dans cette présentation-là, je l'apprécie beaucoup, alors merci. Puis je vous connais un peu de réputation, je pense que votre présentation, aujourd'hui, elle a le mérite d'être très claire. Vous avez la réputation de dire les choses comme vous le pensez, puis je pense que je ne suis pas surpris du tout de ce que vous dites aujourd'hui.

Ce serait trop facile de vous dire qu'une situation de crise fait qu'on se rend compte... puis on s'en est rendu compte, depuis quelques mois, que cette crise-là a amené, de la part de notre gouvernement, à agir de façon très rapide, souvent. Et je pense que, notre premier ministre l'a dit fréquemment, lorsqu'on prend des décisions, on a le choix, des fois, de se tromper... mais de penser qu'on prend la bonne décision puis qu'on se réajuste au besoin. Ce que j'aimerais vous dire aujourd'hui... puis là je fais une comparaison un peu boiteuse, mais vous avez vu le nombre de décisions que notre gouvernement a prises depuis le 13 mars, dans toutes sortes de cas et toujours pour le bien-être de la population. Ce que je vois dans votre mémoire, que j'ai lu rapidement, mais je vous ai écouté, vous amenez une perspective de dire, maintenant, comment on peut, dans un plan de relance qui inclut les infrastructures, tenir compte de cette relation qui est développée avec les Premières Nations depuis des années. Est-ce que ça le reflète à votre goût? La réponse, c'est non. Je n'ai pas besoin d'essayer de vous convaincre, de vous dire que tel article... on ne perdra pas de temps, c'est non. De la même façon... Puis d'ailleurs c'est un petit peu... Si vous me permettez, là, je vais prendre quelques minutes, c'est pour ça que je voulais vous laisser terminer, je vais prendre quelques minutes pour vous dire que, si à chaque fois qu'on a pris des décisions au cours des trois derniers mois, on avait pris tout le temps nécessaire, bien, peut-être que la situation, elle serait encore plus grave qu'aujourd'hui.

Alors, aujourd'hui, lorsqu'on nous dit : Bien, écoutez, je comprends, mais j'ai entendu ça de quelques partis politiques hier, on va prendre le temps qu'il faut, puis etc., oui, on va prendre le temps qu'il faut, mais on va aussi avoir les conséquences de prendre le temps qu'il faut, autant positives que négatives. Et alors ce que vous me dites aujourd'hui... ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est : Est-ce qu'on a pris le temps nécessaire de consulter les Premières Nations dans un contexte de plan de relance spécifiquement sur les infrastructures? La réponse, c'est non, je vous l'accorde, je vous l'accorde, un peu comme on l'a fait... puis je vais faire une comparaison peut-être un peu boiteuse, mais pourquoi, moi, je me plie à l'exercice, non seulement parce qu'il faut le faire, mais d'entendre les groupes environnementaux — vous en avez entendu quelques-uns — qui viennent nous dire : Bien, vous n'avez pas vraiment tenu compte de nous? Bien, je pense que la consultation qu'on commence ici en tient compte. Vous allez me dire que ce n'est pas une consultation de gouvernement à gouvernement, puis je respecte votre point, mais je pense que de vous avoir ici aujourd'hui pour entendre vos commentaires, pour moi, c'est fondamental.

Alors donc, je veux juste vous dire que, même si ce n'est pas le processus auquel vous vous attendez de façon globale, je respecte ça, mais aujourd'hui, ce qu'on voulait faire, c'est être capables d'au moins avoir de votre part les commentaires. Moi, il n'y a rien de mieux que, d'une situation difficile... puis de me faire dire aussi clairement ce que vous m'avez dit aujourd'hui, puis de dire : Bon, maintenant, qu'est-ce qu'on ce qu'on fait? On se comprend? Parce qu'il y a des projets — puis là je vais être très pratique — dans la liste qui ne doivent pas tellement vous déranger, hein, si... puis je donne l'exemple, pour nous, qui est important, d'aller chercher tel ou tel édifice, construction d'une école ou... je sais qu'on en discute souvent avec vos gens, parce qu'on en fait, de la construction d'écoles pour les Premières Nations, c'est... mais on n'est pas là, je pense que ce n'est pas là que vous nous dites... c'est dans des grands projets, comment on va faire pour tenir compte de tout ça. Moi, je suis très ouvert à ça.

Mais aujourd'hui, je vais vous dire, là, je pense qu'on prend acte de vos commentaires. Je pense que c'est à un niveau qui est encore plus élevé que le Conseil du trésor, si vous me permettez, parce que, là, on est en train de discuter d'engagements gouvernementaux entre le gouvernement et les Premières Nations. Donc, je vous dirais, là, après avoir pris connaissance de votre mémoire, que j'en prends acte et qu'il y aura des suivis à ça. Ça, je peux vous le garantir parce qu'il y a des gens à qui on pourra parler, dans les prochains jours, de cette situation-là.

Ceci étant dit, ce que j'aimerais vous demander, ce que j'aimerais vous demander, comme en situation de crise : Comment on peut avoir cette discussion-là avec vous pour les projets spécifiques qui vous préoccupent? Vous me suivez? Parce que je ne voudrais pas qu'on perde l'opportunité de faire des projets, mais à l'intérieur de balises qui vous seraient acceptables. Un peu comme on a eu la discussion avec les gens d'environnement, ce que leur ai dit, j'ai dit : Écoutez — puis je pense que vous étiez là, mais je me permets de le répéter — on peut bien prendre toute la critique sur le côté environnemental, mais en même temps on essaie de faire des projets structurants de trains électriques, puis de trains électriques, de tramways, de transport collectif qui vont aider l'environnement. Alors, moi, ce que je demande aux gens d'environnement, c'est... Je comprends, là, qu'il y a une foule de sujets qu'on peut peut-être dire : Ça, ça ne fonctionne pas, mais ce n'est pas ça que je demande. Je demande aux gens d'environnement de nous aider à trouver la bonne façon de faire plus rapidement nos projets de transport collectif parce qu'ils vont avoir un impact positif sur l'environnement. Vous me suivez?

Alors, moi, je me retourne vers vous, chef Picard, puis je dis : Qu'est-ce qu'on peut faire avec vous, avec les gens que vous représentez, avec l'Assemblée des premières nations pour que, spécifiquement... Si vous pouvez m'en donner, des exemples de projets spécifiques de relance qui passeraient par des projets... puis vous l'aviez bien mentionné, que ça soit... il faut des terres ou des terres qui ne sont pas encore... je n'ai pas la bonne expression, là, mais vous avez donné deux types de territoire, j'aimerais vous entendre spécifiquement, comment on pourrait établir ce contact-là rapidement pour être capables de mieux fonctionner avec vous dans ce contexte de crise là. Parce que, pas besoin de vous le dire, là, on n'est pas dans le quotidien en ce moment, on est en train d'essayer de passer à travers une crise sanitaire qui a un impact économique dont tout le monde reconnaît, c'est la pire crise économique qu'on a. Et j'aimerais au moins vous demander de nous donner des indications comment on pourrait faire cette discussion-là, discussion sur certains projets spécifiques.

M. Picard (Ghislain) : Écoutez, M. le Président, membres de la commission et M. le ministre, merci pour votre intervention. Et d'abord, je ferai très certainement écho à la reconnaissance que vous portez à nos dirigeants et à leur façon de répondre à la pandémie depuis les trois derniers mois, et, on l'a dit souvent, là, en dépit des limites extrêmement... de contraintes... en dépit des contraintes auxquelles ils ont fait face. Ça, c'est important de le souligner.

M. Dubé : Merci.

M. Picard (Ghislain) : Maintenant, si on parle d'économie, je pense que les Premières Nations sont extrêmement bien placées pour comprendre ce que ça prend comme coup de barre. On est nettement à plusieurs années-lumière, là, de ce que nos voisins connaissent comme situation, donc on a énormément de rattrapage à faire. Et la raison pour laquelle je suis ici, c'est que notre organisation, au même titre que plusieurs autres entités qui ne sont pas nécessairement Premières Nations, a été prise de cours par le processus. Donc, c'est davantage le cas pour les communautés que nous représentons.

D'ailleurs votre intervention me permet de compléter la mienne. Et je dépose, pour les fins de vos travaux, une série de lettres, de commentaires qu'un grand nombre de communautés nous ont acheminés et qui relèvent exactement les mêmes arguments, là, que je faisais... que je vous partageais un peu plus tôt dans la déclaration, et ça m'amène aussi à préciser davantage, peut-être essayer de trouver une réponse à votre question, parce que ces communautés-là réfèrent, justement, à leur réalité particulière, qui peut, dans certains cas, se traduire par des projets qui leur sont propres et où elles souhaiteraient avoir peut-être des intérêts, tant au niveau de la participation qu'au niveau des bénéfices, et ça, je pense que je trouverais ça extrêmement important. Mais, à la base, ce qu'il faut reconnaître, et j'entends votre commentaire sur les limites, il y a, à la base, de la consultation aussi.

M. Dubé : ...consentement, juste... si vous permettez...

M. Picard (Ghislain) : Oui.

M. Dubé : M. le Président, est-ce que je peux vous demander le consentement juste pour le laisser terminer? J'ai donné un consentement tout à l'heure, si les autres députés... je pense, ce serait bon de le laisser terminer, que... s'il vous plaît.

Le Président (M. Simard) : Oui, alors, conséquemment, il faudrait que nous puissions terminer nos travaux un peu plus tard que prévu afin de laisser le temps, également, aux députés de l'opposition de faire leur intervention.

• (12 heures) •

M. Dubé : Bien, c'est parce que, je pense, sa réponse est importante...

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez...

Le Président (M. Simard) : Excusez-moi, chef, d'abord on va régler l'intendance. Il y a consentement pour poursuivre plus tard que l'heure initialement prévue de quelques minutes? Très bien.

Et puis, chef, soit dit en passant, on accepte le dépôt de votre document avec grand plaisir, que nous allons mettre sur le site de la commission le plus rapidement possible.

M. Picard (Ghislain) : Évidemment, j'ajoute à mes attentes en disant qu'en raison des contraintes de temps — puis je ne vous apprends rien, comme membres de cette commission — il y aura des documents qui vont suivre, ceux que j'ai en ma possession ce matin, là, dans le courant de la journée.

Donc, pour revenir à votre question, j'ai ici la preuve qu'il y a des projets qui pourraient intéresser soit des regroupements de communautés ou même des communautés sur une base plus individuelle. Et je pense qu'évidemment le temps nous est compté, on le sait tous, mais, si on peut peut-être faire les approches nécessaires... Écoutez, les communautés, on nous a souvent accusé de complaisance à l'endroit des gouvernements autour de nous, mais c'est vraiment une décision qui appartient aux communautés.

Si je suis ici, c'est que je viens vous partager un message qui est fondé sur un certain nombre de principes qui font consensus chez nous, et c'est ce que j'avance ici. Mais c'est clair que l'assemblée que je représente n'est pas un gouvernement, ne sera jamais un gouvernement. C'est vraiment une autorité qui appartient au niveau des communautés, respectivement, à travers les structures qu'elles se sont données.

L'exemple que je peux vous donner, c'est le Conseil de la nation atikamekw, trois communautés, la population élit un grand chef. Et, il y a quelques jours à peine, on parlait de projet sur leur territoire traditionnel, qui fait l'objet de préoccupations sérieuses, parce qu'on comprend que c'est peut-être un exemple, ici, d'un projet accéléré au détriment des droits que fait valoir la nation attikamek depuis les 40 dernières années.

Le Président (M. Simard) : Merci, chef. Merci. Alors, je cède maintenant la parole au député de La Pinière, mais, avant de ce faire, je voulais officialiser la présence parmi nous du député de D'Arcy-McGee et demander votre consentement afin qu'il puisse participer à la poursuite de nos travaux. Il y a consentement? Très bien.

M. Barrette : Qui prendra d'ailleurs la parole maintenant, si vous le permettez.

Le Président (M. Simard) : Bien, avec grand plaisir. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, à vous la parole, et votre groupe dispose de 8 min 40 s.

M. Birnbaum : Merci beaucoup, M. le Président. Collègues de toutes formations, M. le grand chef, j'ai l'honneur d'être le porte-parole de l'opposition pour les affaires autochtones et j'ose espérer d'avoir l'opportunité d'être, en quelque part, un porte-voix pour pas juste les revendications, mais les réalisations de ces communautés avec qui on a l'honneur de partager le territoire du Québec.

Je tiens aussi à souligner que, dans toute sa diversité, le peuple des Premières Nations et le peuple inuit s'est trouvé et se trouve des façons de protéger ses peuples à sa façon, avec son expérience, son expertise devant cette pandémie, et je trouve, à juste titre, que nous avons à reconnaître ça.

Je me permets de dire que j'ai l'impression que les peuples autochtones, dans toute leur diversité, ont toujours à répliquer à une réponse des fois, en bonne foi, qui se résume par «oui, mais». Le grand chef, vous avez parlé de la déclaration des Nations unies, qui faisait sujet d'une motion adoptée à l'unanimité. Vous auriez pu faire allusion à la suite du rapport Viens, du rapport du gouvernement fédéral et les excuses solennellement offertes par le premier ministre du Québec et chacun des leaders des formations de l'opposition.

Nous parlons donc, en quelque part, de deux exemples — vous avez fait référence à un primordial — qui nous interpellent, à savoir comment se comporter sur le plan quotidien et, pour moi, qu'est-ce qui est plus important dans le plan quotidien, de notre réponse en situation de crise. Le «oui, mais» n'est pas une réponse totale en situation de crise. Comme résidents du Québec, dans chacune de nos façons de l'être, nous avons à se réconcilier avec les circonstances exceptionnelles devant nous.

Mais, si je vous ai bien entendu, et je vous invite à élaborer, M. le grand chef, moi, j'ai compris que vous êtes en train de répéter : Dans ces circonstances uniques comme dans les circonstances quotidiennes, il y a un prisme par lequel on se gouverne, et en état de crise on ne dit pas «oui, mais», on trouve des façons, ensemble, de s'assurer qu'on fasse... qu'on passe à travers cette crise sanitaire, qu'on relance l'économie. Bon, il faut se rappeler, c'est des projets, il n'y a pas de garantie qu'ils vont être complétés, et c'est fait en pleine participation et pas aux dépens d'une communauté ou une autre. Alors, j'ai tendance à vouloir vous inviter, M. le grand chef, à nous expliquer comment ça peut se dérouler, compte tenu d'un constat collectif de cette Assemblée, solennel, pas en termes de projet de loi qui devrait être assujetti à une consultation et à une coécriture avec les Premières Nations et les communautés inuites, mais un constat solennel que notre façon de faire dorénavant est en respectant les messages fondamentaux de cette déclaration. Et je prends pour acquis en constatant, avec chaque geste, les excuses qui promettent une suite aux recommandations de deux rapports qui répétaient, en quelque part, les injustices quotidiennes et les problèmes quotidiens à travers notre histoire.

Je me permets de vous inviter, M. le grand chef, de nous dire comment ça peut se dérouler, ce processus d'implantation, à l'urgence, j'en conviens, d'un projet de loi en respectant les constats solennels faits en ces deux occasions que je mentionne, de cette Assemblée devant nous.

Le Président (M. Simard) : Chef Picard.

• (12 h 10) •

M. Picard (Ghislain) : Oui. Merci beaucoup pour votre commentaire et la question qu'il soulève, extrêmement important puis... Écoutez, je pense qu'il y a une multitude de réponses à votre question, mais je vais y aller de cette façon-ci. Sans diminuer l'importance de la crise que nous traversons tous de la même façon aujourd'hui avec, évidemment, des moyens limités pour nos communautés — ça, je me permets d'insister là-dessus — c'est sans doute une des premières fois où nous nous retrouvons devant le même défi. Donc, je pense qu'on a finalement une opportunité de se comprendre mutuellement sur les moyens que ça va prendre pour se relever de ce... ou faire face à ce défi-là.

Si j'ai soulevé, en conclusion, la résolution de 1985... je pourrais parler de la grande rencontre qui a eu lieu avec l'ensemble des chefs au Québec et qui a été un peu le préalable à cette résolution-là qui remonte à 1978, sous René Lévesque, c'est qu'on est partis de loin et... Mais 1985, je m'excuse, là, est en train de devenir un vestige, parce qu'il y a eu tellement d'évolution au niveau international, en termes de droits, sur la question du droit autochtone, qu'on n'a pas pris le temps de se mettre à jour au Québec, à tel point que la résolution de 1985 est en train de tomber en ruines, parce que le droit évolue ailleurs.

L'exemple que je me permets de prendre, parce qu'on a comme réflexe des fois de se comparer au voisin, l'année dernière, mon collègue de la Colombie-Britannique me partageait les difficultés rencontrées avec le gouvernement de M. Horgan, et malgré tout il y a un projet de loi, au niveau de la législature provinciale en Colombie-Britannique, qui a été proposé, adopté par la législature, projet de loi n° 41, qui est maintenant une loi et qui, exactement, donne le résultat auquel vous faites référence. Et, si je me compare, si je nous compare à ce que nous avons ici, si ce n'était pas de la mince fenêtre, en octobre dernier, qui nous a donné une motion qui maintenant devrait, en principe, mettre la table pour qu'on en parle, qu'on en discute et qu'on la négocie, on n'est pas rendus où nos collègues de la côte Ouest sont rendus.

Et donc c'est important, je pense, de se rappeler aussi que... écoutez, à côté de nous, le gouvernement de M. Ford, hein, vos voisins, un gouvernement qu'on dit très, très à droite sur les questions sociales, donc les Premières Nations aussi, le gouvernement de M. Ford rencontre régulièrement les Premières Nations non seulement dans le contexte de la pandémie, actuellement, mais sur des éléments comme ceux que vous soulevez.

Et, pour moi, là, c'est des exemples qui me font dire aujourd'hui : À quelle place qu'on est au Québec? Et je pense que... Je pose la question puis je vais me permettre de la poser en votre nom. Et je pense que c'est là qu'on... Souvent, là, on se retrouve devant une obligation de rappel, constamment. Et finalement l'enseignement que je vous partage est, à la base, très élémentaire. Et moi, j'ai comme responsabilité, là... Et, encore une fois, ce n'est pas moi qui va être à la table de négociation, là, c'est les signataires des lettres que je vous dépose aujourd'hui. Et, pour moi, là, c'est important qu'on puisse situer de façon très, très claire, là, le défi qui se présente à nous pour la suite des choses.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, grand chef. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont. Cher collègue, vous disposez de 2 min 15 s.

M. Marissal : Merci. Merci, grand chef, d'être là. On apprécie, évidemment, vos lumières. Je vais être bref sur vos constats d'exclusion et d'indifférence, que vous nous avez rappelés à notre triste honte, vous avez exprimé assez clairement.

J'ai une question très technique pour vous. Auriez-vous objection, dans votre lot de dépôts, de déposer la lettre que vous avez adressée avec vos collègues à M. Legault concernant, justement, la reprise économique? C'est une simple question. Vous êtes évidemment tout à fait libre, pour des raisons qui sont les vôtres, de ne pas le faire, mais ça pourrait nous être utile et nous éclairer.

Par ailleurs, une question un peu plus philosophique, là, quant à la monétisation des ressources, d'espèces, de territoires ou des ressources. Qu'est-ce que ça dit, ça, de notre regard et de nos relations que de faire un chèque en échange d'une espèce ou d'un territoire? C'est une question très sincère, parce que, personnellement, moi, ça me dérange profondément comme concept, mais qu'est-ce que ça dit de nos relations entre peuples?

M. Picard (Ghislain) : Bien, la première partie de votre commentaire, votre question, je dirais, ça va me faire plaisir d'ajouter tous les documents que je considère pertinents aux fins de vos travaux.

Votre autre question m'amène, finalement, à vous partager... Sans doute que certains d'entre vous en avez pris connaissance, le gouvernement fédéral, il y a à peine quelques jours, annonçait à plusieurs dirigeants à travers le pays qu'il effaçait la dette. On parle d'une dette qui est là depuis les 40 dernières années pour certaines nations. Le gouvernement fédéral prêtait de l'argent aux nations autochtones afin que ces nations-là s'assoient à une table de négociation. C'est vraiment, là... on est dans le surréalisme, là. Pour moi, là, ça, c'est du surréalisme. Les nations autochtones reçoivent des prêts du gouvernement fédéral pour négocier des territoires qu'ils considèrent comme étant les leurs, parce que le Québec actuel est déjà le théâtre de plusieurs projets de développement. Écoutez, toute la Manic, les complexes Manic et Outardes, je veux dire, on fournit l'électricité au Québec, là, pendant je ne sais pas combien d'années, là, les premiers développements, et aujourd'hui les nations qui sont directement touchées essaient toujours d'en négocier des mesures compensatoires. Et, pour moi, c'est très important, là, à la lumière de ce que vous dites, là, qu'on puisse peut-être mettre en évidence qu'il y a des processus qui devraient engager les signataires des lettres que je vous apporte pour les fins de vos travaux, mais qui devraient également comporter, là, des bénéfices. Quand on parle de partage de la richesse, c'est aussi à ça que nous faisons référence.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup, chef. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Alors, bonjour, chef. Votre mémoire et votre présentation, tout à l'heure, envoient un message très, très puissant, très, très fort. J'ai l'impression qu'on est tellement loin de l'esprit qui avait présidé à la reconnaissance des nations en 1985 avec René Lévesque. Et là on est à des années-lumière, avec le projet de loi n° 61, de consultations, de travail avec vous. Le message que j'entends, c'est : vous voulez participer au développement, à la reconstruction économique du Québec dans le contexte postpandémie. Est-ce que ce non-respect des obligations envers les droits ancestraux et de la consultation disqualifie entièrement le projet de loi n° 61 à vos yeux?

M. Picard (Ghislain) : Merci pour votre question. Et je dirais que tout le monde essaie de faire du rattrapage, hein, je veux dire, avec la conscience qui devrait... la bonne conscience qui devrait l'accompagner. Les communautés jugeront, et je suis convaincu qu'elles vous partageront leur position. Mais c'est clair qu'on pourrait dire la même chose pour des projets de loi qui précèdent 61, qui ont été sans doute soumis dans des circonstances moins exceptionnelles, en temps normal, et ce qu'on dirait, à ce moment-là, c'est que ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas acceptable parce qu'elle ne tient pas compte d'un contexte, à notre avis, qui est incontournable. L'obligation et le devoir de consultation a été paramétré plus d'une fois par diverses instances au niveau des tribunaux et par la Cour suprême du Canada, et il y a cette obligation-là qui est déjà, je veux dire, jurisprudentielle, là, sur plusieurs fronts. Donc, pour moi, à la base, si cette obligation-là n'est pas respectée, donc, pour moi, la pièce législative n'est pas acceptable, n'est pas recevable. Ça, c'est évidemment ce que je vous partage aujourd'hui, à la lumière des positions que j'ai maintes fois entendues de la part de nos chefs.

Mais ça me ramène un peu aux commentaires du ministre un peu plus tôt. Je parlais des Attikameks un peu plus tôt, je sais qu'il y a des préoccupations profondes de la part de la nation mohawk, comme il y en a de la part de la nation huronne-wendat, comme il y en a de la part de toutes les nations au Québec par rapport au projet de loi.

Dans le cas de la communauté mohawk de Kahnawake, il devrait y avoir un document, normalement, de reconnaissance mutuelle entre la nation mohawk de Kahnawake et le gouvernement du Québec. Et le gouvernement dit... c'est-à-dire la communauté mohawk dit : Le gouvernement du Québec, avec 61, faillit à l'esprit de cette entente-là, donc il reviendra à elle, à la communauté de Kahnawake, à la communauté mohawk de déterminer la suite des choses.

Le Président (M. Simard) : Merci, chef.

M. Picard (Ghislain) : Mais on est complètement, là... Je pense, il faut recommencer à zéro.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Chomedey pour 1 min 50 s.

• (12 h 20) •

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Chef Picard, bonjour. Merci d'être venu déposer en commission. C'est toujours très important qu'on entende les choses que vous avez à dire. J'espère que, dans les lettres que vous avez... parce qu'au début de l'année 2020, 13 députés — pas ministres, là, mais 13 députés — sont allés dans la nation anishnabe et... partager, justement, les préoccupations économiques de la nation, j'espère qu'ils sont dans les lettres. Et, s'ils n'y sont pas, bien, j'espère que vous ferez le message pour que les projets qu'ils nous ont partagés, les projets économiques qu'ils nous ont partagés puissent l'être pour que les députés de toutes les formations politiques puissent en parler lors d'étapes ultérieures du projet de loi n° 61.

Vous avez raison de mentionner que le gouvernement doit avoir une reconnaissance avec la nation mohawk de Kahnawake, parce que j'ai vu, dans les 202 projets... je me suis dit : Ils n'ont pas parlé aux Premières Nations? Le pont Mercier? Pour avoir été dans ce film-là auparavant, au cours des dernières années, et avoir vu notre ancien collègue Geof Kelley déployer énormément d'efforts, je me suis dit : Il y a eu une décision unilatérale de refaire le pont Mercier? Oubliez ça, là. S'il n'y a pas une discussion entre le gouvernement et la nation mohawk de Kahnawake, il n'y aura pas de projet sur le pont Mercier. Pourtant, l'expérience, l'expertise et l'histoire est là, là, le gouvernement ne peut pas dire qu'il ne sait pas comment ça fonctionne, mais ils ont décidé de le mettre sans consultation. Je veux vous entendre là-dessus, si vous auriez un commentaire. Je pense que vous avez mentionné que ça va prendre une reconnaissance avec la nation mohawk.

M. Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, très certainement, encore une fois, là, puis devant des délais, là, qui... devant lesquels nous nous retrouvons, je vais... je pense, c'est l'intention, d'ailleurs, de vous partager les commentaires des différentes nations, de leurs grands chefs et de leurs chefs, c'est de vous permettre d'un peu plus vous imprégner, là, des particularités. Et il y a sans doute des projets, là, qui sont un peu plus positifs pour certaines nations après des années, là, de travail et d'engagement qui, finalement, peuvent être concluants pour nos communautés.

En ce qui concerne la nation mohawk, je sais que la question de la reconstruction du pont Mercier est chère à l'esprit du leadership mohawk. Je sais que c'est un projet, aussi, qui est considéré... je m'étais dit que je n'entrerais pas dans les détails du projet de loi et de son annexe, mais je sais pertinemment que c'est un projet, là, qui... auquel on réfère. Mais il y a tellement d'éléments dans l'esprit de l'entente ou du protocole d'entente qui lie votre gouvernement et la nation mohawk que je ne veux surtout pas m'aventurer là-dedans. C'est quelque chose que je vais laisser au gouvernement. Mais sachez que le message, à moins qu'il n'ait pas été transmis encore, va l'être sous peu, directement au premier ministre, si je comprends, ou à M. le ministre, peut-être, mais les éléments sont tous là. J'en ai pris connaissance en diagonale, là, devant le calendrier que nous avons.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup à vous, chef. Et je crois me faire le porte-parole, ici, de tous les membres de cette commission en vous disant à quel point votre présence ici constitue un grand moment, non seulement nos consultations, mais un grand moment pour notre parlementarisme. Merci beaucoup.

On se retrouve à 15 h 30 au salon rouge. À plus tard.

Ah oui, et, chef, il faudrait rester en lien avec le... avec notre secrétariat afin de transmettre les documents dont on parlait tout à l'heure. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

(Reprise à 15 h 31)

Le Président (M. Simard) : Chers collègues, bienvenue. Je constate que nous avons quorum, nous pouvons donc reprendre nos travaux.

Comme vous le savez, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la COVID 2019... non, 2019?

Une voix : ...

Le Président (M. Simard) : Non, non, oui, de la COVID-19 tout court. La soirée est encore jeune.

Alors, cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : le Bureau de l'inspecteur général de la ville de Montréal, le Centre québécois du droit de l'environnement ainsi que le Bureau de l'intégrité professionnelle et administrative de Saint-Jérôme.

Alors, Mme Bishop, soyez la bienvenue parmi nous. Auriez-vous l'amabilité, pour les fins de nos travaux, de vous présenter?

Bureau de l'inspecteur général de la ville de Montréal

Mme Bishop (Brigitte) : Donc, bonjour, je suis Me Brigitte Bishop, je suis l'inspectrice générale de la ville de Montréal, et je suis accompagnée de Me Simon Laliberté, qui est avocat au Bureau de l'inspecteur général de la ville de Montréal.

Le Président (M. Simard) : Bienvenue, maître. Alors, madame, vous disposez d'une période de 10 minutes.

Mme Bishop (Brigitte) : Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, à nouveau, je me présente, Me Brigitte Bishop, inspectrice générale de la ville de Montréal depuis décembre 2018. Je suis accompagnée d'un des avocats qui oeuvre au sein de mon bureau depuis 2016, Me Simon Laliberté, ainsi que de l'inspecteur adjoint aux enquêtes, M. Michel Forget, qui a contribué et a participé grandement à la réflexion aujourd'hui. Nous vous remercions de votre invitation à participer aux travaux de la commission sur un sujet aussi important pour l'ensemble du Québec.

D'entrée de jeu, permettez-moi de dire que le Bureau de l'inspecteur général de Montréal soutient entièrement la volonté d'entamer la relance économique du Québec, notamment par le biais d'investissements en infrastructures. Nous croyons également qu'il est possible et nécessaire d'allier cet objectif avec le maintien des plus hauts standards en matière d'intégrité dans l'octroi et l'exécution des contrats publics acquis chèrement au fil des années.

Atténuer les risques engendrés par la mise en oeuvre massive et rapide des contrats et des chantiers est un grand défi. Pour ce faire, certaines conditions doivent, à mon avis, être réunies. Notre présentation en abordera sommairement quelques-unes en les regroupant en trois thèmes précis, soit le maintien des règles d'intégrité préalables à l'accès aux marchés publics, dont le REA, la mise en oeuvre d'une surveillance rigoureuse et accrue de l'exécution des contrats ainsi qu'une protection soutenue et bonifiée des lanceurs d'alerte. Pour chacun de ces points, nous visons à partager avec les membres de la commission les leçons concrètes et pratiques apprises depuis la mise sur pied du bureau à l'issue des travaux de la commission Charbonneau.

Premièrement, il est primordial, dans le contexte actuel, de maintenir les standards d'intégrité préalables à l'accès aux marchés publics, le tout pour s'assurer que la relance économique profite aux entrepreneurs qui ont réussi, au cours des dernières années, à se faire un chemin en respectant les règles mises en place. Passer outre à celles-ci expose le donneur d'ouvrage au risque que des acteurs occultes, dont le crime organisé, en profitent pour infiltrer l'économie légale. Le blanchiment d'argent existe depuis de nombreuses années, et j'ai consacré une bonne partie de ma carrière comme procureure de la couronne à lutter contre celui-ci. À cet égard, deux facteurs clés sont préoccupants : plusieurs entreprises risquent d'être à court de liquidités et pourraient donc être à la recherche d'un financement rapide; également, les sommes importantes que le gouvernement s'apprête à investir rapidement dans des infrastructures sont susceptibles l'allécher le crime organisé afin qu'il puisse s'introduire dans l'économie légale. Le crime organisé est bien à l'affût de ces opportunités et n'hésitera pas à les saisir. Il ne s'agit pas là d'un risque théorique. Les enquêtes de notre bureau démontrent notamment la présence du crime organisé dans le domaine du remorquage, par exemple, de même que des tentatives d'infiltration dans l'industrie de la gestion des sols contaminés. Nous avons également pu constater que certains individus aux moeurs contractuelles douteuses ont recours à des prête-noms pour pouvoir profiter, conséquemment, des contrats publics.

Cependant, il ne faut pas croire que la situation soit sans possibilité de contrôle. En effet, depuis son instauration, le régime des... le Registre des entreprises, le REA, vise justement à assainir le marché en s'assurant de la probité des entreprises appelées à conclure des contrats publics d'importance. Cet outil reste encore perfectible, certes, mais il demeure un bon premier jalon pour l'intégrité contractuelle. Tout comme il a été souligné à bon droit depuis le dépôt du projet de loi, nous sommes aussi d'avis que le Registre des entreprises et le RENA doivent être maintenus dans le cadre de la relance. Afin de lancer un message fort et non équivoque, il pourrait être avantageux de le préciser dans le projet de loi. De plus, notre expérience démontre qu'on doit redoubler de vigilance dans la mise en oeuvre du REA en de pareilles circonstances, notamment en vérifiant rigoureusement les sources de financement et l'identité des véritables dirigeants de ces entreprises.

En second lieu, alors qu'elle est d'ordinaire déjà très importante, la surveillance de l'exécution contractuelle deviendra vitale dans un contexte d'octroi accéléré des contrats publics. Défenseurs de première ligne, les donneurs d'ouvrage ont en premier lieu la responsabilité que la qualité des ouvrages soit à la hauteur de ce qui est attendu du public. Dans un contexte d'accroissement du rythme d'octroi des contrats, la surcharge de travail et le manque d'effectifs demeurent des sources d'inquiétude. Conséquemment, les ressources nécessaires devraient y être consacrées.

Mais au-delà du rôle des donneurs d'ouvrage eux-mêmes doit s'ajouter celui des organismes d'intégrité tels que notre bureau ou l'AMP. Grâce à une capacité d'intervention lors de la phase de l'exécution contractuelle, les entrepreneurs auront davantage tendance à demeurer intègres dans l'appréhension d'opérations ponctuelles et aléatoires de surveillance dans la réalisation des travaux publics. Autrement dit, les représentants des organismes de surveillance doivent créer le contrepoids nécessaire à l'intégrité contractuelle en étant présents directement sur les chantiers et lors de l'exécution des contrats. D'expérience, c'est souvent à cette étape que les enquêtes doivent être menées pour déceler des manquements contractuels, des manoeuvres dolosives, de la fraude, et même de la collusion. Les stratagèmes que nous avons découverts à ces occasions sont variés et touchent à tous les types d'industries, qu'il s'agisse de déneigement, de la collecte des déchets ou bien même, évidemment, de la construction. En résumé, nos enseignements nous démontrent l'importance du contrôle, tant en amont qu'en aval, de la part des organismes de surveillance, et ce, d'autant plus si l'octroi de contrats publics doit se faire en forme accélérée.

Troisièmement, je ne saurai assez insister sur la protection des individus sans qui il ne serait pas possible de mener à bien notre mandat, soit les lanceurs d'alerte. Au fil des six années qui ont suivi sa fondation, notre bureau a reçu environ 300 dénonciations par année. Leur profil est varié. Outre les fonctionnaires municipaux, on peut avoir des entrepreneurs ou des sous-traitants qui cherchent à dénoncer des illégalités dans l'attribution des contrats publics de même que des manoeuvres répréhensibles commises par d'autres acteurs de l'industrie. Il faut donc valoriser ces réflexes d'intégrité. En effet, la capacité d'action d'un organisme d'intégrité repose sur son aptitude à développer et maintenir un lien de confiance avec les dénonciateurs. Cela passe à la fois par l'assurance d'une capacité d'intervention prompte et efficace que par la certitude d'être protégé contre les représailles. Dans un contexte où on accélère la mise en oeuvre de projets publics, il est d'autant plus important de protéger contre les représailles ceux qui détiennent l'information pertinente permettant une action des organismes d'intégrité. Malgré les grandes avancées en matière de protection des lanceurs d'alerte, quelques ajustements au régime actuel demeurent souhaitables. À titre d'exemple, la Protectrice du citoyen a récemment déposé un rapport sur l'application de la Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles à l'égard des organismes publics. Plusieurs de ces constats et des préoccupations qui y sont énoncés rejoignent les expériences vécues par notre bureau, et nous partageons les recommandations mises de l'avant à cet effet.

En conclusion, le chemin parcouru par le Québec depuis la commission Charbonneau est très important. Cette progression trouve sa source dans les mécanismes d'intégrité adoptés et les organismes de surveillance dont nous nous sommes dotés. Il ne faudrait pas oublier que l'intégrité participe d'un effort collectif. À ce titre, il faut souligner, pour Montréal, l'adhésion de l'administration municipale, des élus et des employés ainsi que la très grande majorité des entrepreneurs. La valorisation de l'intégrité contractuelle et le respect de son cadre normatif profitent à tous en rendant la vie plus difficile aux malveillants et en les marginalisant au profit de la nécessaire relance de l'économie. Il ne faudrait pas, cependant, se priver des outils dont le Québec s'est doté après les révélations de la commission Charbonneau pour encadrer ses marchés publics.

• (15 h 40) •

Le Président (M. Simard) : Merci, maître, pour cette présentation. Je cède maintenant la parole au président du Conseil du trésor. M. le ministre, vous disposez de 15 minutes.

M. Dubé : Écoutez, premièrement, vous souhaiter la bienvenue, et à votre collègue aussi, pour une présentation qui était très attendue. Au Conseil du trésor, comme vous savez, j'ai la responsabilité de l'AMP, notamment, et des marchés publics, et je pense qu'on peut beaucoup profiter non seulement de votre intervention, mais, je dirais, de l'expérience plus grande que vous avez. Parce que, quand même, chez nous, l'AMP, l'Autorité des marchés publics, est quand même beaucoup plus jeune, hein? Alors, je pense que non seulement votre présentation était attendue, mais j'écoutais probablement chaque mot de ce que vous disiez aujourd'hui. J'ai plusieurs, peut-être, petites questions, là, sur vos trois points. C'est drôle, parce qu'on était à l'Assemblée nationale il y a quelques minutes, puis le député de Chomedey parlait, justement, des lanceurs d'alerte. Alors, on est vraiment là-dedans, vos points sont très à propos.

J'aimerais vous entendre, premièrement, sur la... je ne sais pas comment vous pouvez me le... nous le dire, là, pour ceux qui nous écoutent, quelle est la collaboration, dans un contexte continu, entre votre bureau et l'AMP. Est-ce que c'est quelque chose dont vous pouvez nous parler? Parce que moi, j'ai cette responsabilité, là, mais je n'interviens pas dans la... Vous comprenez très bien, là, la façon dont l'AMP fonctionne, mais, étant donné l'expérience que vous avez, étant donné, je pense, la qualité des personnes qu'on a maintenant — là, on est en attente d'une nomination d'un nouveau président ou d'une présidente, comme vous savez — bien, j'aimerais vous entendre sur la collaboration que vous avez entre votre bureau puis l'AMP. Parce qu'habituellement c'est un peu comme des sources policières, si les gens travaillent bien ensemble, ils sont plus capables d'identifier certains... Auriez-vous une objection à partager ça un peu?

Mme Bishop (Brigitte) : C'est une excellente collaboration. Premièrement, je dois vous dire qu'à Montréal on... je suis aussi... j'ai le chapeau de l'AMP. Alors, l'article 68 de la Loi sur l'Autorité des marchés publics confère au Bureau de l'inspecteur général ces pouvoirs-là, donc c'est clair qu'on a une collaboration encore plus étroite à ce niveau-là. Avec l'AMP, on a une collaboration qui est excellente, mais il y a également tous les autres bureaux d'intégrité. On parle du bureau de... du BIPA de Saint-Jérôme, le bureau de Laval et Terrebonne, le bureau de Longueuil, le Protecteur du citoyen, que j'ai mentionné, de la CMQ. Tous les bureaux d'intégrité, on a créé une table de coordination, donc on se rencontre, on se parle, on a même des sous-divisions. Donc, l'aspect juridique discute ensemble des décisions judiciaires pour un peu baliser nos pouvoirs, alors, vraiment, il y a... la collaboration est très grande entre ces bureaux-là.

M. Dubé : Donc, il n'y a aucun enjeu de partager de l'information, si vous aviez connaissance, par exemple, de gens qui sont... qui ne seraient pas des personnes qu'on veut avoir dans nos contrats, il n'y a aucun enjeu de partager cette information-là parce que vous faites partie intégrante du processus.

Mme Bishop (Brigitte) : L'enjeu est toujours... C'est sûr qu'il n'y a pas d'enjeu dans la mesure où on peut le partager en vertu de la loi sur l'accès à l'information. C'est sûr qu'il y a certaines informations qu'on ne peut pas... Nous, au Bureau de l'inspecteur général... j'ai une immunité, donc j'ai certaines informations que je ne peux pas partager non plus. J'ai également... Il y a certaines... Par exemple, vous connaissez l'arrêt Jarvis, il y a certaines murailles, là, qu'on doit avoir aussi avec d'autres entités qui ont peut-être un pouvoir pénal un peu plus important que le nôtre. Nous, on demeure dans le contractuel.

M. Dubé : Je voudrais passer à quelques suggestions, je ne sais pas si c'est le mot que je peux utiliser, que... Vous avez parlé, entre autres, de ce qu'on pourrait avoir comme information, là. Je vous en donne un, là, d'être capable de demander... non seulement d'indiquer clairement, dans le projet de loi, que le REA et le RENA seraient... Et pourquoi vous pensez que c'est... Qu'est-ce que ça vient amener? Parce que c'est comme évident, mais je veux vous entendre, parce que, si vous le suggérez, ça ne doit pas être pour rien, là.

Mme Bishop (Brigitte) : ...c'est le registre des entreprises admissibles. Je butais, tantôt, par nervosité, mais, bon, je sais le mot.

M. Dubé : C'est correct. Bien, je pense que tout le monde ici, alentour, là... Vous faites bien de le dire, mais...

Mme Bishop (Brigitte) : Mais ce que je voulais dire, c'est que la raison pour laquelle je précise ce souci-là, c'est que, si on... dans le projet de loi n° 61, je ne le vois pas. Dans le... Je regardais même le préambule, je me disais : Est-ce qu'il y aurait peut-être intérêt... Parce que c'est perfectible, le projet de loi n° 61, on est ici pour en discuter. Je pense qu'on devrait peut-être offrir ces garanties-là, peut-être, dans le préambule, assurer les principes d'intégrité et de confiance qui se retrouvent dans la LCOP, et donc... et peut-être de réitérer, à l'article 50, que le REA et le RENA sont toujours d'application. Ce que je comprends de 50, c'est qu'on veut éliminer les délais pour pouvoir relancer l'économie plus rapidement. Est-ce qu'il y aurait lieu, à ce moment-là, de mentionner les articles qui visent... qui pourraient être soustraits pour avancer les délais, mais tout en maintenant puis en rassurant le public que la LCOP s'applique, que l'ensemble de tous les autres articles vont s'appliquer?

M. Dubé : Je vois que le député de René-Lévesque a l'air à être d'accord avec votre recommandation, alors vous allez voir qu'on va s'entendre. Alors donc, je vous entendais, mais je trouve que c'est intéressant de le mettre peut-être à l'intérieur d'un 50 modifié, je vais l'appeler comme ça.

Vous avez fait aussi la suggestion de s'assurer des sources de financement des propriétaires ou de ceux qui sont à l'intérieur de... Est-ce que... Comment vous faites ça? Parce que je le sais, que ce n'est pas toujours facile, puis on l'a vu dans les premiers mois de l'AMP, qu'on a eu des gens qui se servaient d'une fiducie pour être capables de déjouer la dénomination, vous savez de quoi je parle. Comment vous... Si je peux vous demander, comment... Sans faire des secrets d'État, si vous nous suggérez ça, c'est parce que vous le faites pour vérifier une deuxième source de financement. Je voudrais vous entendre là-dedans.

Mme Bishop (Brigitte) : C'est sûr que c'est une préoccupation. C'est clair que, dans un contexte, surtout présentement, économique qui peut être fragile, c'est là que je pense que c'est... l'opportunité, elle est là. Donc, je pense que, dans les vérifications, il y a nécessairement des entreprises qui, soudainement, ont des états financiers absolument incroyables alors que, normalement, elles étaient sur le bord, presque, de la faillite, et soudainement des entreprises plutôt fragiles deviennent des grosses entreprises et peuvent faire des... remplir des... être... faire des soumissions importantes qui, normalement, ne sont pas dans leurs capacités économiques.

M. Dubé : Si vous... Parce que je n'ai pas beaucoup de temps puis je veux être certain que... mais est-ce que vous avez, particulièrement depuis la crise, continué à donner des contrats à la ville, etc.? Est-ce que vous avez noté cette augmentation-là, de gens, là, comme vous dites, qui n'avaient peut-être pas le financement nécessaire? Parce que je veux faire le lien avec le crime organisé, que vous avez parlé tout à l'heure. Est-ce que vous le sentez, ça?

Mme Bishop (Brigitte) : Présentement, non, parce que, comme il y a beaucoup de mesures pour soutenir les entreprises, donc les entreprises ont... tu sais, il y a encore les... les loyers ont... il y a encore des congés de paiement de loyer, il y a beaucoup de congés de paiement, les salaires ne sont pas payés, il y a des mesures sociales qui ont été mises, donc, présentement, on ne le voit pas. Sauf que je peux vous dire que, l'an passé, dans certains dossiers, on l'a vu. On n'était pas en pandémie, mais on a vu des tentatives et, soudainement, des entreprises qui avaient un train de vie ou un revenu assez important. Et ce...

M. Dubé : Donc, ce n'est pas tellement lié à la pandémie, mais c'est lié peut-être à l'activité économique, parce qu'il peut y avoir un lien avec ça aussi, là.

Mme Bishop (Brigitte) : O.K. Je pense que ce n'est pas relié à la... oui, ça peut être relié à... parce que, là, présentement, il va y avoir des problèmes d'approvisionnement, il y a certaines entreprises qui vont avoir des difficultés financières, donc, ça, c'est sûr que c'est propice à l'infiltration du crime organisé pour pouvoir, justement, prendre l'entreprise, subventionner... payer l'entreprise et, à ce moment-là, prendre le contrôle ou, à tout le moins, être un... utiliser des prête-noms. C'est sûr que c'est propice à ça. Et également, l'augmentation des contrats, c'est sûr que, pour le crime organisé, c'est une manne. On sait qu'il va y avoir beaucoup de contrats qui vont être donnés, ça peut être tentant d'aller, justement, cogner à la porte de certaines entreprises puis offrir un financement. C'est clair que c'est possible.

M. Dubé : Je vois que ma collègue Mme Noël, qui est au Trésor, prend beaucoup de notes, en ce moment, sur tous les commentaires que vous faites, alors on vous écoute.

Je vais revenir sur la liquidité, parce qu'on l'a entendu énormément des entrepreneurs. Je ne veux pas rentrer dans le débat de l'article 50, là, parce que nous, on l'a mis... l'article 50, qui était, notamment, un objectif d'aller chercher... trouver la flexibilité pour donner le financement nécessaire. Puis, quand je dis «du financement», je parle beaucoup des liquidités qui sont liées à des entreprises qui ont arrêté ou qui n'ont été peut-être pas payées exactement comme elles auraient dû être payées par le gouvernement. Comment vous vous assurez de ça, que la liquidité correcte est mise dans vos... dans les gens qui travaillent, qui collaborent avec la ville de Montréal? Cette notion de liquidités là, là... Est-ce que vous avez, par exemple, des paramètres très clairs de délai de paiement? Est-ce que vous allez jusque-là dans la façon de procéder avec vos fournisseurs?

• (15 h 50) •

Mme Bishop (Brigitte) : Montréal s'est dotée de politiques, effectivement, pour diminuer les délais de paiement parce que ça, c'était une problématique, on l'a vu, on a fait un rapport...

M. Dubé : Et qui était soulevée par la commission Charbonneau, d'ailleurs.

Mme Bishop (Brigitte) : Oui, puis on a fait... et, malgré la commission Charbonneau, ça existe toujours, là. On a fait un rapport public... j'ai fait... j'ai déposé un rapport public l'an dernier, en janvier, où, encore une fois, l'entrepreneur avait des pourcentages, prenait des «kickbacks» sur les paiements que le sous-entrepreneur devait avoir, et donc les délais de paiement faisaient en sorte que le sous-entrepreneur se pliait à ces espèces de cotes là et de taxes.

M. Dubé : L'argent ne se rendait pas au sous-traitant, là. O.K.

Mme Bishop (Brigitte) : Bien, effectivement, donc on a ça aussi. On a eu des cas, également... Ça, c'est sûr que la rigueur du délai de paiement est une clé pour éviter...

M. Dubé : Mais ma question est, si vous me permettez : Est-ce que vous allez dans des balises très claires de comment les paiements doivent se faire avec le fournisseur principal, avec les sous-traitants, dans la façon dont c'est administré ou c'est une gestion plus générale que vous faites avec vos fournisseurs? À la ville de Montréal, je parle, là.

Mme Bishop (Brigitte) : C'est une gestion qui me semble être plus générale qui se fait à la ville de Montréal. Mais, comme je vous dis, nous, ce qu'on va regarder, c'est surtout... la façon qu'on va le voir c'est souvent avec l'exécution contractuelle. On va aller sur les chantiers puis on va se rendre compte, à un certain moment, qu'il y a beaucoup, beaucoup d'employés pour très peu de revenus, donc forcément qu'il y a du travail au noir, il doit y avoir peut-être de l'argent comptant qui se présente là. Donc, c'est vraiment par des observations terrain qu'on va pouvoir, des fois, déceler ces indices, ces indicateurs-là.

M. Dubé : Donc, ça, ça fait le lien, si vous me permettez, encore une fois, avec votre suggestion d'avoir des gens sur le terrain pour être capable de voir la réalité des choses et d'être capable... Et comment les fournisseurs réagissent à ça, qu'il y ait des inspecteurs du BIG qui soient sur le terrain?

Mme Bishop (Brigitte) : Ils finissent par nous respecter. Non, mais sérieusement, ça serait... C'est surprenant, le nombre... Souvent, sur les chantiers, ça va aussi nous permettre de développer des liens de confiance, d'avoir des dénonciations que, normalement, on n'aurait pas. Les gens nous font confiance. C'est évident qu'une entreprise qui ne fait pas... qui ne respecte pas les termes du contrat n'aimera pas notre présence, mais plus on est là... puis ils ne savent jamais quand on va être là. Quand je disais, tantôt, l'aspect de surprise, l'idée qu'il y a toujours quelqu'un qui va venir inspecter peut... Parce que les conséquences sont graves, là. Ces gens-là peuvent se voir interdire tout contrat pour cinq ans à la ville de Montréal, là, donc les conséquences économiques sont graves, si on les prend.

M. Dubé : ...parce qu'on en a parlé beaucoup, là, dans nos derniers jours, de contrepoids. Donc, vous le voyez très bien comme un contrepoids, avoir des inspecteurs sur les sites?

Mme Bishop (Brigitte) : Moi, je pense que plus on va aller vite, plus il faut avoir des contrepoids pour pouvoir se permettre de vérifier puis d'aller encore plus valider ce qui se passe sur le terrain, définitivement.

M. Dubé : Alors, on a parlé de RENA, là, ou de REA, on a parlé de l'évolution des contrats, donc, notamment, aller sur le site. Je veux revenir sur les lanceurs d'alerte, juste parce qu'on en a parlé un petit peu aujourd'hui. Avec votre expérience, là, puis vous avez sûrement lu les recommandations que l'on a faites, parce que, nous aussi, la... notre loi sur les lanceurs d'alerte est quand même jeune, au gouvernement du Québec, là, puis on avait promis qu'on ferait une mise au point après 18 mois, ce que l'on a fait. Là, la Protectrice du citoyen, avec ce qui est arrivé dans le dossier de l'agriculture, a été impliquée, on va combiner nos... Est-ce que vous trouvez que vous en faites assez, à la ville de Montréal, maintenant, pour... Si je prenais une copie de votre... La façon dont vous procédez avec les lanceurs d'alerte, est-ce que vous trouvez que vous en faites assez puis que vous protégez suffisamment vos lanceurs d'alerte? Puis là je pense à ce qui s'en vient comme contrats, etc., là, j'essaie de mettre ça ensemble.

Mme Bishop (Brigitte) : Bien, c'est sûr que nous, on a un système interne, là, où on les protège quand même énormément. On a également tout l'aspect d'immunité. Donc, pour aller témoigner, ça prend une ordonnance de cour, donc, déjà, il y a des mécanismes de protection.

Il y a également des mesures pénales. Donc, nous, dans notre loi, si le lanceur d'alerte, le dénonciateur était victime de représailles, on a des mesures pénales, on peut... Et ça, je pense que ça, c'est déjà... c'est très dissuasif, ce qu'on ne voit pas dans la loi. Donc, je pense que ça, c'est des mesures importantes. Et, encore une fois, comme on vous dit, c'est la confiance, c'est toujours le...

M. Dubé : On pourra... Je vais manquer de temps, alors, mon dernier commentaire, si vous me permettez... Puis, encore une fois, j'apprécie. Moi, j'avais dit, et on va le faire dans les prochains mois, que... on l'a fait pour les lanceurs d'alerte, puis là on veut passer à une deuxième étape avec l'AMP. Je le dis, c'est une loi qui est jeune, chez nous, qui avait des mandats spécifiques, mais qui n'a pas les mêmes pouvoirs que vous avez, au bureau à Montréal. Moi, j'aimerais vous inviter, au cours des prochains mois, quand vous aurez le temps puis quand on aura passé à travers, un petit peu, cette crise-là, à s'asseoir avec nous puis à venir nous dire quels sont les autres pouvoirs qu'on pourrait passer. Parce que notre président était très vocal là-dessus, qu'on pouvait avoir d'autres pouvoirs, que moi, je suis prêt à considérer. Mais j'aimerais vous entendre sur comment ces pouvoirs-là additionnels que vous avez peuvent être...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Dubé : ...en parallèle avec ce qui se fait déjà comme travail. Ça fait que je vous inviterais à nous rencontrer au cours des prochains mois pour nous en parler parce que, pour moi, c'est très important. Merci beaucoup.

Mme Bishop (Brigitte) : Avec plaisir.

Le Président (M. Simard) : Merci. Merci, M. le ministre.

M. Dubé : Merci.

Le Président (M. Simard) : Je cède maintenant la parole au député de La Pinière.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, Me Bishop, Me Laliberté, bienvenue à cette commission. Très heureux, très heureux de vous rencontrer. Je ne sais pas si, à date, vous avez suivi un peu nos travaux. Si vous les avez suivis, vous comprenez à quel point on est contents de vous voir.

Ceci dit, j'ai bien apprécié les commentaires introductifs que vous avez faits dans votre présentation sur la situation devant laquelle vous étiez. Et vous comprenez des questions qu'on pose et des interventions que l'on fait, notamment au salon bleu cet après-midi, que nous, on a un intérêt à ce que vous ayez tous les pouvoirs nécessaires pour exercer votre influence, dans le bon sens du terme, poser les gestes que vous avez à poser. J'ai bien compris et j'ai bien retenu un certain nombre de choses de votre proposition. Répondez-moi pas tout de suite, mais j'espère que... j'ai une horloge, là, ici, je peux vous dire que je vais revenir à la fin pour être sûr que je puisse avoir la réponse à la question que je vous pose à l'instant, mais je ne veux pas vous... à laquelle je ne veux pas que vous répondiez tout de suite, là. Vous êtes ici pour nous dire tout ce que vous auriez besoin que vous n'avez pas, faire des recommandations dans ce sens-là. C'est vraiment ça, là, vous avez une opportunité, là, actuellement, de régler des problèmes, s'il y a des problèmes à régler, parce que nous, on est de votre bord. Et je ne pense pas que tout est parfait, il n'y a rien de parfait, par définition. S'il y a des choses à améliorer chez vous, et par chez vous, améliorer l'AMP, bien, on est là pour ça, on va se battre assez fort pour aller là. Pourquoi? Parce que moi, je vous ai écoutée, là, attentivement, Me Bishop, et ce que vous avez exprimé dans votre présentation et en réponse aux questions du ministre... je n'ai rien vu, entendu qui nécessitait le projet de loi n° 61. Est-ce qu'il y a vraiment quelque chose, là, que vous allez traiter, qui a besoin de 61 pour être réglé?

Mme Bishop (Brigitte) : Premièrement, mes propos, quand je parle qu'il faut mettre l'emphase sur des remparts, c'est en fonction de 61. 61 veut relancer l'économie, donc accélérer le processus, et ce que je dis, c'est : Plus on accélère le processus, plus il faut mettre des remparts importants pour s'assurer que nos critères d'intégrité soient maintenus, donc, et je pense que... par la surveillance, effectivement, définitivement. Plus on met des chantiers, il faut avoir les pieds sur l'asphalte puis aller le voir, le chantier. Ça, c'est inévitable.

M. Barrette : Alors, quand vous parlez, justement, de cet aspect-là, de surveillance — parce que je l'ai même écrit, moi, en majuscules, «la surveillance contractuelle», parce que vous l'avez dit avec tellement d'insistance que ça m'a amené à l'écrire en majuscules — et ça, on est dans les ressources, là, on est dans les ressources de personnel, en termes de moyens, pour faire cette surveillance-là, est-ce que je me trompe?

Mme Bishop (Brigitte) : Écoutez, moi, je parle de mon... puis je peux juste parler de mon bureau, là.

M. Barrette : Oui, oui, oui, je parle de votre bureau, là.

Mme Bishop (Brigitte) : Moi, à mon bureau... nous, on les a. Fort heureusement, comme vous parlez de mes pouvoirs, nous, on a... C'est que le pouvoir du BIG part de la conception du contrat, la rédaction du contrat, l'octroi du contrat et l'exécution du contrat. On a vraiment toute la facette du contrat de A à Z. Nos ressources, on en a à tous les niveaux. Au niveau de l'octroi de contrats, on a des analystes, on regarde les appels d'offres, on a des gens qui les examinent, et c'est là, effectivement, qu'on peut voir, on peut déceler aussi des problèmes, les devis dirigés, on a le... on a les... c'est ça, les devis dirigés, on a également les appels d'offres, là, qui favoriseraient quelqu'un, etc. Dans l'exécution, bien là, évidemment, on a toute, toute, toute la... les manquements contractuels. Donc, nous, ce qu'on fait, c'est... écoutez, on va sur le terrain, on le fait. On s'inspire généralement du PTI, du programme, et Montréal investit quand même... son PTI est d'à peu près 6 milliards, donc on va choisir des secteurs et on va y aller. Mais, à date, comme je vous dis, on a, je pense, une certaine efficacité, oui.

M. Barrette : Je ne mets pas ça en cause. Est-ce qu'il vous manque des ressources? C'est ça, ma question. Est-ce que vous souhaiteriez en avoir plus?

• (16 heures) •

Mme Bishop (Brigitte) : Bien, pour l'instant, je vais vous dire qu'on fonctionne très bien. Je ne m'attendais pas à cette réponse-là. Moi, je m'attendais à ce qu'on me demande ce que je pensais par rapport aux remparts à mettre sur le projet de loi n° 61, mais, le Bureau de l'inspecteur général, ce que je peux vous dire, c'est que...

M. Barrette : Bien, je vais vous la poser, la question — je vous l'ai dit tantôt, allez-y : Est-ce qu'il y a des remparts qui ne sont pas bien exprimés à date dans 61?

Mme Bishop (Brigitte) : Non, ce que je vous dis, c'est plus : On nous demande notre opinion comme experts, en fait, sur qu'est-ce qu'on pense par rapport au fait de relancer l'économie et donc de faire des chantiers plus rapidement. Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, mon opinion n'est pas sur l'opportunité de faire la loi, ma crainte, c'est de dire : Si on fait ça, il faut se donner les moyens, aussi, de surveiller. C'est ce que je dis.

Au niveau du BIG, si vous me demandez mon... Écoutez, je peux vous dire, le bureau fonctionne très bien, je laisse même des surplus budgétaires à chaque année à la ville de Montréal. Donc, quand j'ai besoin... si j'ai besoin de personnel additionnel, je vais le faire. Ce qui est la beauté de mon bureau, c'est le fait qu'on est... c'est malléable. Donc, à un certain moment, s'il y a une grosse partie d'un budget, par exemple, qui s'en allait sur la réfection de certaines infrastructures, bien, à ce moment-là, je vais aller là, je vais aller chercher des contrats, je vais aller me chercher des gens, des experts pour aller enquêter, aller vérifier ces aspects-là. Donc, j'ai une certaine latitude dans mon bureau par rapport au budget que j'ai.

M. Barrette : Votre force, elle vient de quoi? Est-ce qu'elle vient du fait que, légalement, vous avez le pouvoir d'enquête, vous avez le pouvoir d'entrer dans la gestion contractuelle dans n'importe quelle entreprise, dans n'importe quel contrat pour aller faire des vérifications?

Mme Bishop (Brigitte) : La force vient aussi du fait qu'on a également le support, aussi, pour ça. Je m'explique. On a la loi, mais on a aussi le règlement de gestion contractuelle qui est adopté par le conseil de ville. Dans ce règlement-là, on nous donne aussi des pouvoirs. Par exemple, dans le règlement de la gestion contractuelle, les cocontractants, dont les adjudicateurs, doivent se soumettre aux demandes de rencontres et d'entrevues du BIG. C'est dans le règlement de la gestion contractuelle, et la ville de Montréal a ajouté cette obligation-là, l'a vraiment mise dans les devis. Donc, une personne qui fait... qui contracte la ville de Montréal, quand il va chercher l'appel d'offres, il y a une clause qui dit : N'oubliez pas, si vous appliquez à Montréal, vous devez vous soumettre au BIG; si le BIG s'en vient vous voir, si le BIG veut vous rencontrer, vous devez obtempérer. Donc, ça, c'est des... Je pense que, dans le gage du succès du bureau, on a la loi qui nous donne des pouvoirs, mais on a également la volonté de la municipalité, aussi, de renforcer ces pouvoirs-là et de soumettre que les cocontractants le savent, qu'ils n'ont pas le choix de nous voir si on veut les voir, là.

M. Barrette : Donc, vous avez beaucoup de pouvoirs en termes de gestion contractuelle?

Mme Bishop (Brigitte) : Beaucoup de pouvoirs. On a beaucoup d'opportunités, oui, oui, on pourrait le dire comme ça, si... oui. Toujours dans les cadres légaux, là, par exemple, mais oui. J'ai un pouvoir... on a un pouvoir d'inspection, on a un pouvoir d'obtenir des documents, on a un pouvoir d'enquêter, effectivement. Le fait de contracter avec un gouvernement, qu'il soit municipal, provincial ou fédéral, c'est un privilège, et donc c'est ce qui est compris par notre loi, c'est ce qui est compris.

M. Barrette : ...puis je suis d'accord avec vous. Et vous avez un pouvoir d'initiative, je dirais, là, vous pouvez, vous, décider d'aller enquêter, vous n'avez pas besoin d'un déclencheur comme une plainte ou un article de journal, là.

Mme Bishop (Brigitte) : Bien, à ce titre-là, effectivement on fait des enquêtes, ce qu'on appelle, souvent, des enquêtes de fond. Dans le rapport de mi-année qu'on a déposé, on a fait une enquête de fond sur la disposition des sols, on voulait... on s'intéressait à ce phénomène-là. On a fait des enquêtes de fond sur l'infiltration du crime organisé, par exemple, dans le remorquage il y a quelques années. C'est mon prédécesseur qui avait fait... qui avait initié cette enquête-là. Effectivement, on peut faire ça, mais je dois vous avouer qu'à près de 300 dénonciations par année, souvent, c'est vraiment le... on va répondre aussi aux dénonciations, là, donc.

M. Barrette : Je comprends.

Mme Bishop (Brigitte) : Ce qui est intéressant, aussi, dans nos pouvoirs, c'est qu'on a un pouvoir, aussi, de recommander de résilier un contrat ou même de suspendre un contrat si quelque chose est très grave.

M. Barrette : O.K., je comprends bien. Le président du Conseil du trésor, souvent, lie l'action ou le déclencheur, en tout cas, bref, les choses à faire dans le cadre de l'activité, de vos fonctions, là, au problème de liquidités des entreprises. Ça, c'est une chose qui peut se régler différemment. Vous, les malversations, la corruption, la collusion, la pénétration du crime organisé, est-ce que ça n'est lié qu'à des problèmes de liquidités ou il y a bien d'autres choses, par ailleurs?

Mme Bishop (Brigitte) : Écoutez, j'ai rarement vu le crime organisé travailler pas pour faire de l'argent, là, donc c'est généralement lié.

M. Barrette : On s'entend, là.

Mme Bishop (Brigitte) : Excusez, là, mais c'est généralement lié. C'est sûr que c'est une façon pour eux autres de blanchir de l'argent, là, sinon ils ne s'infiltreraient pas, ils n'auraient aucun intérêt à...

M. Barrette : Je vous pose la question parce que ce que j'entends de la partie gouvernementale, c'est : Si on règle les liquidités, on va tout régler. Ce n'est pas nécessairement le cas, là. Vous, vous trouvez des cas de malversation qui ne sont pas nécessairement déclenchés, originellement, par un problème de liquidités de l'entrepreneur, qui était correct, qui est devenu véreux.

Mme Bishop (Brigitte) : O.K. Non, bien, c'est une possibilité, mais il y en a d'autres, définitivement, oui, mais, comme je vous dis, souvent c'est l'idée... On a vu, dans certains dossiers, dans mon ancienne vie de procureure de la couronne, des groupes criminalisés qui, carrément, prenaient le contrôle d'une entreprise. Donc, ils voulaient la coquille, donc ils laissaient tout le conseil d'administration, mais finançaient l'entreprise et prenaient... Pour eux, c'est les principes du blanchiment d'argent, là. Premièrement, il y a le placement, l'étalement pour, ensuite, l'intégration. Donc, c'est dans les étapes du blanchiment, définitivement.

M. Barrette : Je n'aurai pas la chance de vous demander : Est-ce qu'il vous manque un élément législatif additionnel pour être heureuse, professionnellement?

Le Président (M. Simard) : Non, en effet. Je cède la parole au député de Rosemont.

M. Marissal : Merci. Merci d'être là à vous deux. C'est un témoignage éclairant que vous nous faites là. Effectivement, c'était attendu.

Me Bishop, vous dites que, malgré Charbonneau, puis tout ce qu'on a entendu, tout ce qu'on a fait, je dirais, malgré le traumatisme que ça nous a causé, collectivement, il y a encore des tentatives de malversation ou de fraude, il y a encore des dénonciations en masse chez vous, apparemment, encore des «kickbacks», pour prendre votre terme, encore le crime organisé qui essaie de s'infiltrer. On n'est pas naïfs, on le sait, que ça existe, mais ça semble exister encore quand même à vaste échelle, et ce que vous nous dites, c'est que, le fait de baisser la garder et d'ouvrir les vannes, surtout quand on dégage plein, plein d'argent, bien, nécessairement, on n'attire pas les mouches avec du vinaigre, ça se pourrait que ça attire du monde. C'est ce que vous nous dites, si j'ai bien compris. Est-ce que vous faites un lien direct entre cette assertion et le projet de loi n° 61?

Mme Bishop (Brigitte) : Pas nécessairement. Ce que je dis, c'est que... comme je disais, c'est qu'on me demande mon opinion sur un projet de loi qui est perfectible. Donc, comment le perfectionner? Comment tenter d'améliorer un projet de loi qui vise à relancer l'économie. Moi, ce que je fais, c'est que je vous dis l'expérience que j'ai au BIG avec les dossiers.

Oui, on est à plusieurs années de Charbonneau. On voit encore ces choses-là. On voit encore des gens qui exécutent tout croche les contrats. On voit encore des «kickbacks». On voit encore des devis dirigés, j'en ai encore. J'ai encore des ingénieurs qui vont planter des produits, ça existe encore. J'ai fait un rapport en... on a déposé un rapport, en décembre dernier, sur la genèse, pratiquement, de l'avant-Charbonneau et l'après-Charbonneau dans le contrat de l'ozonation, ça existe encore.

Donc, ce que je dis, c'est que plus on veut aller vite, plus il faut renforcir les remparts d'intégrité pour s'assurer... Parce qu'effectivement un vide se remplit...

M. Marissal : Me Bishop, je m'excuse, je n'ai tellement pas de temps. Est-ce que ce n'est pas précisément ce qu'on veut faire, ici, là, d'aller très vite avec beaucoup d'argent public?

Mme Bishop (Brigitte) : Bien, moi, je pense qu'il y a moyen d'aller vite et de mettre des remparts, justement, pour assurer l'intégrité. Il y a moyen de le faire.

M. Marissal : Les voyez-vous, ces remparts-là, dans le projet de loi tel quel ou s'il en manque de sérieux?

Mme Bishop (Brigitte) : Ce que j'ai dit, ce qui m'embêtait, c'était l'article 50, je l'ai dit. J'ai fait ma suggestion tantôt et dans le préambule. Ce qui m'a surpris dans le projet de loi n° 61, c'est... je cherchais ce qu'on retrouve dans la LCOP sur l'engagement social, de maintenir l'intégrité...

Le Président (M. Simard) : Merci, cher maître.

Mme Bishop (Brigitte) : Excusez-moi.

Le Président (M. Simard) : C'est moi qui s'excuse. Je laisse maintenant la parole à notre collègue de René-Lévesque.

M. Ouellet : Bonjour. Merci d'être là. J'aimerais faire du pouce sur ce que vous avez dit, parce que vous avez une certaine expérience à l'intérieur du BIG, sur les choses qui peuvent se passer. Et, dans les médias, à quelques reprises, le président du Conseil du trésor, et même au salon bleu, m'a entendu exprimer mes préoccupations quant à l'article 50. Et souvent, et le président du Conseil du trésor me corrigera si j'ai tort, il nous a dit ou il a dit dans les médias : Bien, écoutez, on comprend, mais nous, on ne fera pas ça, je veux dire, on ne contournera pas les lois puis les lois sont existantes, mais le projet de loi n° 50 permet de le faire.

J'aimerais que vous me dites... Ce n'est pas parce que le gouvernement ne le fait pas qu'il n'y a pas des personnes, sur le terrain, mal intentionnées qui voudraient y arriver. Est-ce que ça, c'est possible? C'est-à-dire que, même si le président du Conseil du trésor nous dit : Écoutez, nous, là, on est bons joueurs, on n'a pas de mauvaise foi, on va s'assurer que tout est légitime et tout est mis en place, mais, en contournant des lois, il y a des gens qui vont peut-être vouloir en profiter et faire de la pression induite sur certains individus pour tirer bénéfice malicieux dans certains cas. Est-ce que ça, c'est possible?

• (16 h 10) •

Mme Bishop (Brigitte) : Bien, tout est possible, là. C'est sûr qu'à ce moment... Comme je vous dis, ça, ça dépend également... Là, vous parlez de vouloir influencer les fonctionnaires, ou quoi que ce soit, le risque zéro n'existera jamais. Ça, je pense qu'il faut s'entendre là-dessus, ça, c'est clair, là. Je pense que le projet de loi... Comme je vous dis, moi, le commentaire que j'ai par rapport au projet de loi, c'est l'engagement. On a pris un engagement social avec la LCOP, on a pris un engagement, comme société, de dire : On veut se doter de critères d'intégrité, on les a. Ce que je veux, c'est... En fait, c'est ce que je suggère. Je ne veux pas... Ce que je suggère, c'est qu'on réitère tout simplement cet engagement-là pour rassurer les gens. C'est tout simplement ça que je demande.

Et, comme je vous dis, c'est qu'aller vite, oui, c'est une chose, comme je vous dis, il n'y a rien qui est à zéro risque, mais, à ce moment-là, de s'arranger pour avoir des protections pour être... pour pouvoir surveiller le terrain puis se donner les moyens, comme protéger les lanceurs d'alerte. Je parle même... Je pensais même, à un certain moment, dans les contrats qui sont visés par le projet de loi, si on regarde les 202, peut-être de faire une ligne de dénonciation précise pour ces projets-là pour nous permettre rapidement d'intercepter la dénonciation et d'agir sur cette dénonciation-là. Il y a des mécanismes, je pense, qu'on peut mettre pour renforcir les remparts et pour pouvoir permettre l'accélération des...

Le Président (M. Simard) : Conclusion.

Mme Bishop (Brigitte) : Voilà.

M. Ouellet : C'est sa conclusion ou la mienne?

Le Président (M. Simard) : Là, c'est celle des deux, c'est un combo. M. le député de Chomedey, à vous la parole.

M. Ouellette : J'ai juste 1 min 30 s. Bienvenue à vous deux. La plus grande capacité du crime organisé, c'est de s'ajuster. Ce n'est pas à vous que je vais apprendre ça, ayant travaillé ensemble dans une ancienne vie. Ils ont déjà commencé, d'ailleurs. Avez-vous remarqué, à Montréal... Parce que, bien, j'ai plusieurs informations, déjà, qui rentrent, que le crime organisé utilise, sollicite des entrepreneurs pour faire baisser leurs soumissions en leur disant : Bien, profite de ce qui va te manquer par la subvention salariale fédérale, par les programmes en place, et tu vas avoir le contrat. Ça fait que, déjà, ils sont là, là. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. Est-ce que c'est des choses que vous avez remarquées à Montréal?

Ma deuxième question. Puisque le président du Conseil du trésor a mentionné... et on a parlé des lanceurs d'alerte tantôt au salon bleu, et il a parlé qu'il va y avoir une consultation cet automne, je vous recommande très fortement... Je comprends que vous êtes d'accord avec ce que la Protectrice du citoyen a mentionné, mais, à 300 dénonciations par année, vos commentaires, on veut les avoir, on veut les avoir, voir s'il n'y a pas de l'amélioration qui peut en mener. Parce que, très souvent, quand les gens vont aller soit chez vous ou à la protectrice, au niveau des représailles, c'est déjà fait, ils sont déjà... Internationalement, les lanceurs d'alerte, là, c'est eux autres, les plus grands perdants dans tout, puis je pense que vous notez sûrement cet état de fait chez vous, à Montréal, dans vos opérations quotidiennes. C'est mes deux questions.

Mme Bishop (Brigitte) : Bien, en tout cas, ce qu'on essaie le plus possible, c'est de les protéger.

Bien, à votre question sur le fait que vous avez de l'information qui vous dit que le crime organisé est là, on a une ligne de dénonciation, M. Ouellette, je vous invite à nous faire part de vos informations, mais également, ce que je peux vous dire, c'est que c'est sûr. Comme je vous dis, c'est une généralité pour moi. On n'a pas encore de faits précis, mais c'est évident que c'est une... La situation économique est un foyer à crime organisé.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup, chère maître. C'est là tout le temps que nous avions.

M. Ouellette : ...les gens qui, personnellement, en ont parlé à mon bureau de comté ont été référés chez vous, soyez-en assurée.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. le député de Chomedey. Me Bishop, Me Forget, merci de votre présence parmi nous. Ce fut fort enrichissant.

Nous allons maintenant suspendre nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 14)

(Reprise à 16 h 19)

Le Président (M. Simard) : ...nous recevons Me Geneviève Paul ainsi que Me Stéphanie Roy. Mesdames, soyez les bienvenues. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes.

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Mme Paul (Geneviève) : Merci. Bonjour, M. le ministre, distingués membres de la commission. Donc, Geneviève Paul, directrice du CQDE. Je suis accompagnée de Stéphanie Roy, administratrice du CQDE et candidate au doctorat en droit administratif et droit de l'environnement à l'Université Laval. Au nom du CQDE, je vous remercie pour l'opportunité de m'adresser à vous sur ce chantier colossal qu'est la nécessaire relance économique du Québec.

D'emblée, on reconnaît, bien sûr, hein, le caractère exceptionnel de la crise sanitaire actuelle, les impacts majeurs que ça a eus sur l'ensemble de la population, en particulier pour les groupes plus vulnérables, et la nécessité d'effectuer une relance qui soit à la fois efficace et cohérente. On reconnaît, bien sûr, aussi que c'est une tâche colossale. Nous sommes toutefois profondément inquiets, inquiètes de constater que ce qui est sous-entendu avec ce projet de loi là, c'est que relance économique et environnement sont en opposition, alors qu'il est non seulement possible, mais vraiment impératif, selon nous, de concilier les deux.

On considère par ailleurs que les mesures qui sont contenues dans le projet de loi sont contraires aux obligations et aux engagements du gouvernement du Québec en matière de protection environnementale et de respect des droits. Je pense que c'est important de rappeler que la perte de la biodiversité augmente les risques de pandémie et qu'il est donc essentiel de la protéger, cette biodiversité, pour éviter qu'on crée les conditions pour favoriser l'émergence de d'autres crises sanitaires comme la COVID. Je pense évidemment que personne ne souhaite ça.

On va concentrer nos remarques sur trois aspects : l'importance d'assurer le respect des principes de base d'un État de droit, l'importance de ne pas assouplir les exigences environnementales et de consultation du public et l'importance d'inclure des mécanismes de reddition de comptes pour baliser les pouvoirs de l'Exécutif. Je passe ma parole à ma collègue pour le premier point.

• (16 h 20) •

Mme Roy (Stéphanie) : Bonjour à tous. Donc, premièrement, on a certains commentaires en ce qui concerne des mesures qui touchent aux principes démocratiques et à l'État de droit dans le projet de loi n° 61. On a certaines inquiétudes en raison de leur durée, de leur portée, mais aussi parce qu'elles altèrent, en quelque sorte, le principe d'imputabilité de l'État, notamment parce qu'elles confèrent de larges pouvoirs discrétionnaires au pouvoir exécutif et qu'on retire ces pouvoirs-là à l'Assemblée nationale, ce qui a pour effet de les soustraire au contrôle des tribunaux, des citoyens et des parlementaires.

Donc, à titre d'exemple, l'article 31 retire le pouvoir à l'Assemblée nationale de déterminer la fin de l'état d'urgence, qui, normalement... décision qui est prise en vertu de la Loi sur la santé publique. Ici, on remet ce pouvoir-là entre les mains de l'Exécutif, qui a le pouvoir d'y mettre fin. Et, à notre avis, l'Assemblée nationale devrait continuer de fournir son assentiment pour cette décision-là, et on ne voit pas comment cette dérogation-là se justifie d'un point de vue principe de nécessité ou de proportionnalité.

L'article 3, par exemple, a pour effet de remettre la discrétion au pouvoir exécutif de déterminer quels autres projets pourraient faire l'objet de mesures d'accélération en vertu du projet de loi, donc compléter l'annexe I. Or, à notre avis, cette décision-là, une fois de plus, devrait faire l'objet de débats devant l'Assemblée nationale. Et de plus ces débats-là devraient excéder une heure, puisque le projet de loi a, à l'article 4, pour effet de limiter les débats sur les décrets qui ajouteraient des projets à une heure, ce qui est une durée un peu courte, à notre avis.

Également, les articles 15 et 36 du projet de loi ont pour effet de donner de larges pouvoirs réglementaires et discrétionnaires à l'Exécutif. Or, pour nous, ça équivaut un peu à un chèque en blanc pour suspendre l'application du régime d'autorisation environnementale et aussi pour modifier toute loi ou règlement qui aurait pour effet d'atténuer une conséquence découlant de la pandémie pour un projet. Donc, à notre avis, ça vient un peu modifier la normalité constitutionnelle puisqu'ici, c'est le... par règlement, on vient modifier les lois, alors que, normalement, les règlements doivent être subordonnés à la loi et la compléter.

Enfin, l'article 51 prévoit une immunité pour les poursuites pour le gouvernement, les organismes publics et également pour toute personne qui exercerait un pouvoir en vertu de la loi, de ce projet de loi là ou encore une mesure d'exécution. Par contre, en vertu du droit actuel, c'est déjà prévu que toute décision de nature politique... Donc, le gouvernement va détenir une immunité pour toutes les décisions de nature politique, sauf s'il y a mauvaise foi. Et, pour toutes les décisions d'exécution du gouvernement, il y a possibilité de poursuivre seulement en matière... si on est capable de démontrer une faute. Et, à notre avis, notre régime de responsabilité actuel va... en fait... détient, en fait, la flexibilité nécessaire pour tenir compte des circonstances exceptionnelles actuelles de la crise, et donc cette immunité-là n'a pas lieu d'être, d'autant plus qu'elle est étendue à toute personne, ce qui rend sa portée très exorbitante.

Mme Paul (Geneviève) : Donc, à ces éléments qu'on trouve, évidemment, profondément inquiétants, là, vient s'ajouter la question de l'assouplissement des exigences environnementales. Avec respect et contrairement aux déclarations publiques, là, du premier ministre ou qu'on a entendues, M. le ministre, de votre part, ce qui ressort de notre analyse du projet de loi, c'est que c'est clairement une intention d'amoindrir les exigences environnementales, d'aller plus vite dans l'autorisation des projets. Vous en avez... vous l'avez déjà entendu en commission, que ce soit la réduction des exigences environnementales en ce qui concerne les milieux humides ou hydriques, les espèces floristiques, certains habitats de poissons, des habitats fauniques, voire même la possibilité de faire fi des schémas d'aménagement et d'urbanisme alors même qu'on doit, en fait, être en mesure de mieux contrôler l'étalement urbain, ces dispositions-là nous inquiètent vivement parce que ce qui prévaut ici, c'est une logique davantage dans une optique d'achat d'un droit de polluer, voire de marchandisation de la nature, et ça, pour une liste potentiellement très longue... bien, potentiellement longue, là, de projets.

Ce qu'on tient à rappeler, ici, c'est que tous les régimes d'autorisation qui visent à protéger l'environnement, dans ces régimes-là, la compensation financière ne doit être envisagée qu'en dernier recours, quand le projet a été dûment analysé, que son utilité a été questionnée et qu'on a pu regarder des... lui imposer des conditions, à ce projet-là. Donc, l'objectif premier, ça doit demeurer d'éviter de modifier les processus écologiques en place, et donc en maintenant l'intégrité du régime d'autorisation environnementale.

Le projet prévoit aussi la possibilité, donc, pour le ministre de l'Environnement de décider, par règlement, de suspendre, hein, certaines dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement. Donc, ça ouvre la porte, là, cette fois-ci, à une dénaturation du régime d'autorisation, qui est fondé, pour de bonnes raisons, sur les risques environnementaux. On veut vraiment être clairs ici, on n'est pas opposés à une relance, bien entendu, ou à la construction d'écoles, ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut pas confondre le moyen avec le besoin. Le besoin, c'est de relancer les activités. Il faut qu'on le fasse de manière juste, équitable, verte. On ne peut pas fermer les yeux sur la science à travers le... avec le moyen et ni sur les exigences environnementales.

En plus, le régime d'autorisation environnementale du Québec vient juste d'être réformé. On en sort à peine, là, de la réforme. Il reste une des pièces maîtresses, hein, le Règlement sur l'encadrement des activités en fonction de leur impact sur l'environnement, le REAFIE, qui doit encore être adopté, mais les acteurs, notamment les promoteurs, les demandeurs, ont été largement impliqués dans cette réforme-là. Et un des objectifs de la réforme, c'est d'optimiser les procédures pour faciliter notamment, entre autres, la vie des promoteurs. On entendait, là, la question des allers-retours, cette réforme-là vise à alléger, à optimiser, standardiser ces allers-retours-là.

Donc, nous, ce qu'on propose, plutôt que d'alléger les exigences environnementales, c'est de mettre les effectifs pour se concentrer sur la mise en oeuvre de cette réforme-là — il y a eu tellement d'efforts d'investis là-dedans — et cette idée-là est soutenue par de nombreux acteurs. Vous l'aurez vu, hein, le CQDE a réussi à mobiliser, en très peu de temps, plus de 115 organisations environnementales, de défense des droits, syndicats, mouvements sociaux, firmes-conseils, ordres professionnels, acteurs de la finance responsable, de l'enseignement, etc., qui s'unissent derrière nous pour demander à ce qu'on investisse plutôt dans les effectifs.

Donc, selon nous, ce qu'il faut faire, c'est de revoir profondément l'approche préconisée par le projet de loi pour qu'on puisse, parce que ce n'est pas incompatible, garantir la protection des droits démocratiques, éviter l'assouplissement des exigences environnementales, arrimer ce projet de loi là n° 61, et on reconnaît que c'est une tâche colossale, avec une gouvernance climatique — et vous êtes par ailleurs en train de le discuter, évidemment, avec le projet de loi n° 44 — et en renforçant, donc, dans le projet de loi n° 61, les mécanismes de reddition de comptes pour qu'on s'assure que tout ça soit cohérent, et notamment en balisant, donc, les pouvoirs de l'Exécutif.

Vous avez répété ce matin, je crois, M. le ministre Dubé, que votre gouvernement veut bien faire les choses. On a, là, le projet de loi n° 44 en cours, le REAFIE à deux pas d'être adopté, une mobilisation sans précédent dans la société québécoise de tous les acteurs de tous les horizons qui tendent la main avec des propositions corroborées par des experts pour nous aider dans cette transition-là, qui est grande, grosse, difficile mais qui doit être faite. Donc, les mains sont tendues, les pièces, disons, sont là pour une relance cohérente et réussie, et, selon nous, une gestion responsable, y compris économique, mais évidemment aussi d'un point de vue de santé, exige qu'on ne précipite pas les choses et qu'on remanie le projet de loi à la hauteur de nos obligations pour nos générations, évidemment, actuelles mais aussi futures. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous. Je cède maintenant la parole au président du Conseil du trésor. Vous disposez de 14 minutes.

M. Dubé : Ah! c'est sûr que 14 minutes, je n'en aurai pas assez, mais je vais essayer de bien les concentrer. Parce que, je le dis, mais, dans votre cas encore plus, là, j'apprécie beaucoup la présentation que vous avez faite, toutes les deux. Et, je dirais, on sent la conviction et la compétence en environnement, et ça se sent de votre présentation à toutes les deux.

Je veux aller sur le principe dont vous avez... Vous avez deux principes auxquels vous avez référé. J'aimerais que vous nous reparliez un peu... parce que j'ai déjà posé la question, mais d'enchâsser dans la loi le principe de, je dirais, éliminer, minimiser et éventuellement compenser... Quand vous discutez ce principe-là, est-ce que vous êtes quand même d'accord que, si on a fait les efforts nécessaires pour éliminer toute attaque à l'environnement et la minimiser, on peut compenser?

• (16 h 30) •

Mme Paul (Geneviève) : Effectivement, la partie compensation — merci pour votre question — vient à la fin de la séquence, vous avez raison de le rappeler, je pense que c'est important de le rappeler. Et c'est ce qui est absent du projet de loi à l'heure actuelle, c'est-à-dire qu'on va directement... on contemple la possibilité de compenser avant même de considérer comment est-ce qu'on pourrait éviter l'altération, hein, des milieux potentiellement affectés par les projets.

Et, en ce sens-là, c'est pour ça que je mentionnais que la séquence, c'est une chose, mais elle ne peut être véritablement efficace que quand elle est appliquée dans le cadre d'une analyse d'une demande d'autorisation, hein? La Loi sur la qualité de l'environnement, le régime, c'est un tout, il y a une logique derrière. Et c'est justement quand on analyse une demande d'autorisation qu'on regarde un bon nombre d'éléments, d'ailleurs, pour voir, justement, est-ce que ça peut être évité, parce que c'est vraiment ça, l'objectif principal.

M. Dubé : Tout à fait. Non, je comprends, mais je fais juste vous dire... parce que ce que vous suggérez et que je trouve très intéressant, c'est... puis on l'a entendu ce matin d'autres intervenants, c'est comme les 3R en développement durable, là, bon, bien, c'est la même chose ici qu'on parle. On aime mieux être capable d'éliminer ou d'éviter et de minimiser, mais si on n'a pas le choix... Alors, vous dites : Est-ce qu'on pourrait faire une discussion, en tout cas, d'avoir, dans notre projet de loi, ce principe-là? Est-ce que ça vous aiderait? Moi, en tout cas, je comprends que là, il n'est pas là, puis peut-être qu'il y a une façon d'y arriver, mais je voudrais y réfléchir. Mais vous m'avez sensibilisé, vous n'êtes pas le...

Le deuxième point que vous avez soulevé, que je trouve intéressant, vous avez dit, à quelque part dans votre présentation... puis là je vous écoutais, ça fait que je ne lisais pas, là, mais vous avez parlé du risque, vous avez dit «en fonction du risque environnemental». Est-ce qu'on pourrait reconnaître que, dans certains cas, le risque environnemental peut être caractérisé, ou quantifié, ou défini, qui fait qu'il n'est pas toujours le même, hein? Parce qu'un risque environnemental sur un projet x est peut-être, des fois... je veux faire attention à mes mots pour ne pas être mal cité, là, je ne veux pas être dans le club des mal-cités, mais le risque n'est pas toujours à très haut niveau, il peut y avoir des... Est-ce que vous avez... Puis je serais intéressé de vous entendre parce que vous avez parlé, tantôt, de REAFIE, puis etc. Donc, comment, pour vous, on pourrait trouver des fois des aménagements en fonction de ce niveau de risque là?

Mme Paul (Geneviève) : Oui, alors, c'est... Merci pour votre question. Effectivement, il y a différents degrés, hein, niveaux de risque, faible, modéré, et c'est ce qui guide, notamment, le régime d'autorisation environnementale. Un des problèmes, actuellement, avec le projet de loi n° 61 — et c'est pour ça qu'on demande de ne prévoir aucune exception à l'application de la LQE, parce que, justement, la LQE a cette approche-là fondée sur les risques — c'est que, par exemple, l'article 15, à l'alinéa trois, fait en sorte qu'on pourrait se retrouver avec des projets qui ont des impacts modérés et donc qui devraient suivre une procédure x en vertu du régime d'autorisation environnementale, mais qui là, tout d'un coup, grâce à 61, seraient exemptés d'obtenir une autorisation. Ça, ça nous inquiète parce que, si on veut prévenir, il faut savoir ce qui se passe sur le territoire.

M. Dubé : Sans la protection de 16, parce que, hein, vous l'avez... je vois que vous l'avez bien lu, il y a 15» a qui définit ce qu'on pourrait faire, mais tout de suite 16 suit en disant : Non, par contre, vous ne pouvez pas aller pour telle chose dans les milieux humides, etc. Mais vous dites que, malgré ça... Qu'est-ce que vous suggérez pour un risque modéré, là? Ce n'est pas moi qui dis «risque modéré», c'est vous qui le dites, là.

Mme Paul (Geneviève) : C'est deux choses différentes, mais je pense que votre question illustre un problème, notamment de tenter de peut-être prendre des... certains articles, mais, finalement, sans considérer le régime d'autorisation environnementale dans son entièreté, dans son intégrité. Ça concerne différents aspects, mais avec 16, même s'il y a une mention des articles 22 et 30 par rapport à certains projets qui pourraient avoir des dommages permanents, notamment, et par rapport, donc, aux demandes d'autorisation ou quand on veut changer une autorisation qu'on a obtenue, il manque quand même une partie importante, parce que la manière dont la Loi sur la qualité de l'environnement est construite, c'est que, quand on arrive à 22, avec une liste, là, de beaucoup de choses à considérer, ça nous renvoie à chaque fois, par contre, à une autre partie de la loi qui est beaucoup plus détaillée et qui concerne, par exemple, les milieux humides et hydriques ou d'autres habitats. Donc, c'est pour ça, quand je parle de l'importance de préserver l'intégrité, c'est que c'est un tout cohérent, et donc c'est difficile de... tu sais, d'en découper des morceaux. Je ne sais pas si tu veux...

Mme Roy (Stéphanie) : Oui, donc juste pour compléter, si on voulait, par exemple, s'assurer de la protection des milieux humides à l'article 16, seulement les articles 22 et 30 sont insuffisants, il faut ajouter, par exemple, la section V.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui réfère aux articles 46.0.1 et suivants qui, eux, contiennent la séquence d'éviter, minimiser, compenser. Donc, on ne peut pas détacher 22 de 46.0.1 et suivants.

M. Dubé : Très, très bien. Bien, c'est pour ça que je voulais le clarifier, parce que, comme je le disais, on a des légistes qui sont aux alentours, là, en raison des limitations de distanciation, ils sont à quelque part, ils nous écoutent, là, puis je pense qu'ils comprennent très bien les précisions que vous dites en ce moment, puis on pourra s'y adresser dans les prochains jours. Merci pour... C'est pour ça que je veux avoir des exemples concrets qu'on peut être capables de dire comment on peut — j'ai toujours dit «perfectible» — améliorer certains éléments, puis je vous entends. Puis merci d'être entrées dans la notion de risque parce que, pour moi, il y a un élément de solution là-dedans.

Vous avez parlé... Je ne sais pas comment il me reste de temps.

Le Président (M. Simard) : Sept minutes.

M. Dubé : Je me concentre sur ce que vous dites, vous avez parlé des effectifs. Bon, j'ai entendu toutes sortes de recommandations, je ne ferai pas de politique aujourd'hui, on en a ajouté depuis deux ans, des effectifs en environnement, on a augmenté les budgets pour l'environnement. Où est-ce que les effectifs, si effectifs additionnels, devraient aller? J'ai entendu toutes sortes de commentaires sur... Est-ce que c'est dans les inspections? Est-ce que... Mais je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, je veux vous entendre. Est-ce que, quand vous parlez d'augmentation d'effectifs, vous avez des idées spécifiques à ce que vous avez en tête pour l'ajout d'effectifs, pour respecter... Je nous mets dans le cadre de 61, là, c'est de dire : Oui, on veut accélérer la relance, on sait qu'on va avoir des projets, mais, si on voulait le faire correctement pour l'environnement, où est-ce que vous voyez l'ajout d'effectifs?

Mme Paul (Geneviève) : Merci pour votre question. En effet, on est... Bon, il y a le CQDE, on est nombreux, hein, je pense, à avoir... à soutenir l'idée de miser sur l'augmentation des effectifs si on veut accélérer la considération des projets. Il y a différentes manières de le faire, évidemment. Ce qu'on propose, nous, c'est de renforcer les effectifs au sein des ministères qui sont concernés. Donc, il y a le ministère de l'Environnement, mais évidemment aussi Faune, Forêts, Parcs et Pêches, etc., qui sont concernés.

Vous avez parlé des inspections. Ça, c'est certain qu'on ne sera jamais contre l'augmentation d'effectifs pour les inspections, c'est très important de savoir ce qui se passe sur le territoire. Mais, si on revient, bon, à la relance, oui, effectivement, on peut augmenter les effectifs pour soutenir les analystes dans l'analyse des demandes pour prioriser ce que je mentionnais tout à l'heure, la mise en oeuvre du REAFIE, la mise en oeuvre de la réforme. Ça, ça donnerait un bon coup de pouce pour, justement, accélérer sans sacrifier, finalement, les efforts qui ont été faits pour assurer que la réforme soit cohérente.

Des effectifs pour... Ce qu'on propose, entre autres, c'est de créer une équipe dédiée aux chantiers de la relance. Il y a de nombreux acteurs dans la société, aussi, qui ont suggéré cette idée-là de soutenir, dans le fond, le fait qu'il y ait une équipe dédiée. Et ce qu'on propose, nous, c'est que cette équipe-là travaille de concert avec — et là aussi ça va prendre des ressources — un comité consultatif, tel qu'on l'a recommandé dans le projet de loi n° 44 sur la gouvernance climatique, donc qui se fonde sur la recommandation de scientifiques pour analyser, dans un angle climatique, là, notamment, les projets, pour ensuite qu'on puisse avancer tout en étant rassurés sur le fait qu'on avance, mais ça ne va pas nous faire reculer et nous coûter très cher derrière parce qu'on n'a pas été cohérents face aux crises climatiques et écologiques auxquelles on fait face.

M. Dubé : O.K. J'aurais encore beaucoup de questions là-dessus parce qu'on sait qu'on est dans une situation où il y a le p.l. n° 44, là, qui se discute en ce moment, puis nous, on parle de ça, là, je comprends que des fois l'équilibre... Je sais que mon collègue, ici, est sur les deux, donc il pourra peut-être en parler un petit peu plus. Donc, je vais lui réserver, peut-être, la question que j'aimerais vous poser, comment on peut faire pour arrimer le tout, là, mais je vais le laisser... pour ne pas prendre de son temps non plus.

Parlez-moi de la reddition de comptes. Parlez-moi de la reddition de comptes, parce qu'on en a parlé, vous l'avez mentionné comme étant un élément important. Qu'est-ce que vous... On en a fait un peu, on en a suggéré, quelques éléments, dans le p.l. n° 61. Qu'est-ce que vous trouvez qu'il manque en termes de reddition de comptes?

Mme Paul (Geneviève) : J'irais sur deux volets en matière de reddition de comptes. Je pense que ma collègue, Me Roy, a bien abordé tout l'aspect balises au niveau du pouvoir de l'Exécutif qui, dans toute société démocratique, est très important, y compris surtout en temps de crise, je dirais, et avec l'ampleur, hein, des chantiers devant nous. Donc, ça, d'une part, c'est quelque chose qui nous semble très important.

M. Dubé : ...ce qu'elle parlait, c'était la durée des mesures d'urgence.

Mme Paul (Geneviève) : Exactement, modification à l'article 4.

• (16 h 40) •

M. Dubé : O.K. Bon, ça, je l'ai bien compris puis je pense qu'on a compris le message.

Mme Paul (Geneviève) : Parfait. Permettre à l'Assemblée nationale, par exemple, d'avoir droit de regard sur les projets. Donc là, on fait référence à l'article 3, si je ne me trompe pas, d'une part.

D'autre part, on recommande, par exemple, évidemment, de renforcer l'article 29, hein, qui est sur la reddition de comptes, dans le projet de loi, entre autres pour qu'on s'assure qu'il y ait une reddition de comptes qui ne soit pas seulement sur les aspects économiques — on parlait de cohérence — donc qui regarde, évidemment, les impacts sociaux, environnementaux et économiques des projets de relance.

Ce qu'on recommande, c'est qu'en fait il y ait aussi, dans... Je vous parlais, tout à l'heure, du Comité consultatif sur les changements climatiques. Donc, ça, c'est l'arrimage qu'on recommande, et ce comité-là pourrait assurer le suivi du cheminement des projets en se fondant sur une grille d'analyse climatique. Mais, dans l'intérim, on recommande par ailleurs aussi d'octroyer, dans C-61, des pouvoirs au Commissaire au développement durable de même qu'à la Vérificatrice générale pour recevoir le mandat de faire le suivi des projets visés par les mesures d'accélération, en prévoyant, évidemment, qu'ils aient les ressources nécessaires pour le faire.

Mme Roy (Stéphanie) : ...que l'article 29 prévoit que la reddition de comptes se fait annuellement, mais elle pourrait être faite... plus fréquente, de façon plus fréquente également. En vertu de la Loi sur les mesures d'urgence au fédéral, la reddition de comptes est prévue aux 60 jours, en vertu de l'article 62.6 de la loi. Donc, dans un contexte où il y a beaucoup, beaucoup de projets qui vont être entrepris, annuellement semble insuffisant.

Le Président (M. Simard) : M. le ministre, il vous resterait 1 min 17 s.

M. Dubé : Écoutez, je vais juste vous rappeler mon commentaire initial que j'ai fait sur non seulement la qualité de la présentation, mais sur votre expertise. Et je pense que c'est très rassurant pour les gens qui nous écoutent que vous arrivez avec des recommandations aussi concrètes. Alors, non, je n'ai pas d'autre question pour le moment, mais je vais écouter mes collègues faire la même chose. Merci beaucoup à toutes les deux.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de La Pinière.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Me Paul, Me Roy, bienvenue. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue ici, en commission parlementaire. Je vais prendre à mon compte aussi les félicitations du président du Conseil du trésor pour vos interventions très pertinentes, très structurées, très précises. Je souhaite que le président du Conseil du trésor vous écoute et ne fasse pas juste qu'apprécier la qualité de vos propos. J'espère qu'il va vous écouter, ça serait encore mieux.

Moi, je regarde ça et puis... Bon, vous êtes toutes les deux légistes, vous regardez le projet de loi, vous regardez le contexte dans lequel il se déroule, il survient, il se déroule. En quoi ce qu'on a discuté aujourd'hui, là, est nécessaire pour... d'après vous, là, quand vous regardez ça de l'extérieur, pour faire avancer ces projets-là? Moi, je vous donne ma réponse, là : Rien. Les projets, on peut les lancer puis on peut les lancer rapidement. Je veux juste faire une ligne éditoriale, là, quand on décide de lancer un projet, c'est parce qu'on a le budget, et, quand on a le budget et qu'on le lance, ça avance très, très rapidement.

Vous êtes une association de droit. Dans les projets qui avancent rapidement, à part certains projets, là, très particuliers, notamment pour les milieux humides, ce genre de choses là, c'est rare que... ce n'est pas si fréquent que ça que, juridiquement, il y a une problématique pour que le projet se réalise. Est-ce que, de votre expérience, ça se confirme ou c'est différent? Parce que vous êtes vus, là... pas vous comme association, là, mais tous ceux qui traitent de l'environnement, vous êtes vus et décrits comme étant des gens qui empêchent la progression des projets. Moi, je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense que, oui, il y a des délais, je n'ai pas de doute là-dessus, je pense que les délais viennent parce que le système fonctionne mal. Il fonctionne mal, sans aucun doute, parce qu'il n'est pas suffisamment équipé en ressources. Peut-être aussi qu'il n'est pas parfaitement dirigé, peut-être, mais le problème, il est plus dans le fonctionnement que dans le fond, qui, lui, est celui de nos lois sur l'environnement. Est-ce que ça, vous seriez d'accord avec une affirmation comme celle-là?

Mme Paul (Geneviève) : Merci pour vos questions. Plusieurs éléments de réponse. Oui, les mentalités ont changé, pas seulement les mentalités, les données qu'on a, donc je pense qu'il y a une large reconnaissance par de nombreux acteurs de tous horizons, non seulement les acteurs, évidemment, de défense, là, de... dans le cas du droit de l'environnement ou de l'environnement en général... On a trop longtemps externalisé les coûts, y compris les coûts économiques, hein, de ce que ça fait que de détruire les habitats fauniques, les milieux naturels, etc. On reconnaît aujourd'hui... en tout cas, il y a beaucoup de gens au sein de la population, de la société qui reconnaissent aujourd'hui l'importance, justement, si on veut vraiment avancer, comme vous le disiez, de ne pas escamoter, justement, les exigences environnementales, parce que sinon on va se retrouver en reculant.

La réforme, comme je le mentionnais, visait justement à adresser certains problèmes soulevés notamment par les demandeurs en matière de délai. Un des problèmes qu'on rencontrait notamment, c'est que les demandes par les promoteurs, entre autres, étaient incomplètes, et donc ça exigeait des allers-retours avec les analystes des ministères concernés. Ce que vient faire la réforme, c'est qu'elle aide justement à augmenter ce que les demandeurs demandent souvent, de la prévisibilité, être plus clairs sur ce qui va être attendu, et donc ça va accélérer forcément les processus, les demandes d'autorisation.

Selon nous, p.l. n° 61 n'offre pas cette prévisibilité-là à plusieurs égards, y compris, notamment, dans le langage, donc, juridique qui est utilisé à plusieurs articles, qui rend difficile pour nous... et ce n'est pas seulement le fait qu'il y a eu très peu de temps pour le faire, mais, de manière générale, ça rend difficile aussi de cerner les contours et les impacts potentiels de la loi parce qu'il y a plusieurs portes ouvertes, disons, dans certains articles, ce que ne fait pas le régime d'autorisation, là, qui a renforcé la prévisibilité et l'optimisation des processus.

Donc, en ce sens-là, c'est pour ça qu'on réaffirme l'importance de miser sur une mise en oeuvre rapide, efficace de la réforme qui va tenir compte des objectifs. Pourquoi on l'a réformée, la LQE? Elle avait grand besoin de l'être, entre autres pour s'adapter, s'ajuster et prendre en compte les enjeux, là, auxquels on fait face, y compris le fait qu'on n'a pas tenu assez compte des impacts cumulatifs sur notre territoire et des impacts climatiques, deux aspects très importants que le REAFIE doit tenir en compte.

M. Barrette : Pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, vous parliez de 44, là.

Mme Paul (Geneviève) : Non.

M. Barrette : Pas juste de ça? O.K.

Mme Paul (Geneviève) : Oui, je parle du régime d'autorisation environnementale en général.

M. Barrette : O.K., au complet. O.K., parfait.

Mme Paul (Geneviève) : Oui, pardon. Mais vous avez raison, c'est aussi pertinent avec 44, là, mais...

M. Barrette : D'accord. Mais c'est important pour ceux qui nous suivent, parce que la réponse recherchée au problème des délais, pour le gouvernement, pour lequel il dit : 61, c'est pour ça, est ailleurs, n'est pas dans 61. Si ce qui est, comme vous l'avez expliqué il y a un instant, mis en application rapidement... on vient de régler, probablement, les problèmes, là, de délai.

Mme Paul (Geneviève) : On va éviter beaucoup de problèmes, surtout si on n'allège pas les exigences environnementales, parce que sinon on s'en crée.

M. Barrette : Ça, on s'entend. J'ai bien apprécié vos propos conjoints, là, Me Roy, quand vous avez... Là, vous parlez à un laïc des lois environnementales, là. J'ai bien compris, par contre, votre exemple, quand vous êtes passée de 15 à 16, à 22, à 5, et ainsi de suite, là. Ça ne faisait que montrer que, dans le projet de loi n° 61, on prend deux, trois éléments qui sont, entre guillemets, populaires, là, les milieux humides, mais vous l'avez bien dit, puis je vous en remercie, c'est l'ensemble de l'oeuvre que vous voulez protéger et non ne prendre qu'un seul aspect qui est bien dans les médias puis qui va bien passer, on a répondu aux critiques, mais, en réalité, sur le fond, les problèmes ne sont pas résolus. Ils vont se résoudre si on maintient les objectifs de nos lois et qu'on les exerce dans un environnement qui va être réformé, comme vous avez dit il y a un instant. C'est à peu près ça?

Mme Roy (Stéphanie) : Oui. En fait, on a déjà eu un consensus démocratique sur la réforme de la LQE. On est en train d'essayer d'en avoir un sur le p.l. n° 44, sur le REAFIE. Donc, pourquoi ne pas miser sur les efforts qui sont déjà faits pour cette relance-là?

M. Barrette : C'est bien important, ce que vous dites. L'autre chose qui est importante, là, je ne sais pas si vous avez suivi tous nos travaux, là, à date, là, peut-être vous n'avez pas eu le temps, là, mais vous avez prononcé des mots qui ont été prononcés souvent vis-à-vis l'État en termes de protection de l'environnement, «effectifs». Puis j'étais content que vous le prononciez, parce qu'essentiellement c'est toujours la même chose, on reproche à l'État des délais, mais ils sont dus à quoi, les délais? Est-ce qu'ils sont dus à des mauvais règlements? Est-ce qu'ils sont dus à des mauvaises approches, à des mauvaises lois? Non, ils ne sont pas dus au problème de fond, ils sont dus sans doute à l'organisation, d'où une réforme, mais le fonctionnement demande des effectifs, et là vous, vous constatez qu'il manque d'effectifs.

Je voudrais aborder le point des effectifs sur le terrain. Pouvez-vous élaborer là-dessus? Je pense, vous en avez parlé un petit peu, hier, il y a un groupe qui est venu puis qui nous a dit : Écoutez, les villes — c'étaient les municipalités, là, qui parlaient — nous autres, sur le terrain, on aimerait ça avoir des gens qui ont l'expertise en permanence sur le terrain pour faire les évaluations a, b, c, d. Est-ce que ça, pour vous, c'est un élément majeur? En termes d'autorisation, là, il y a toujours quelqu'un quelque part qui doit faire des vérifications, là, et ainsi de suite, là.

• (16 h 50) •

Mme Paul (Geneviève) : Je pense qu'il y a eu de nombreuses recommandations des acteurs concernés. Souvent, les acteurs sur le terrain sont les mieux placés, hein, pour cerner les besoins. Il y a eu de nombreuses recommandations qui ont été faites en ce sens-là. Une des choses qu'on a constaté, entre autres, c'est que c'est certain qu'il faut qu'il y ait des effectifs pour accompagner, justement, quand on a une réforme, quand on change des objectifs. Par exemple, en ce qui concerne les milieux humides et hydriques, oui, on a entendu beaucoup d'acteurs locaux, y compris de municipalités de région, la nécessité d'avoir de l'expertise pour aider, justement, à faire la planification territoriale, les nouvelles exigences à suivre, les nouvelles exigences de la loi sur les milieux humides et hydriques, entre autres. Donc, c'est certain que les effectifs... pas seulement à Québec, bien sûr. Donc, on est d'accord, les acteurs du terrain sont bien placés pour connaître leurs besoins, et ça ne peut que nous aider, finalement, dans cette relance, là, nécessaire à laquelle on doit procéder.

M. Barrette : O.K. Je veux juste qu'on... de la théorie, puis je ne dis pas que vous faites de la théorie, là, je ne dis pas ça négativement, cette phrase-là, là, mais en pratique, là, en pratique, nous, on voit le gouvernement comme tentant de simplifier les règles et même aller vite. Je comprends l'aller-vite, mais il y a deux manières d'aller vite. On peut aller vite parce qu'on a restructuré notre façon de faire et bien faire tout ce qui est prévu dans nos lois et règlements...

Le Président (M. Simard) : Très bien.

M. Barrette : Ah! j'ai... Déjà?

Le Président (M. Simard) : Bien oui.

M. Barrette : Il ne me restait pas...

Le Président (M. Simard) : Ça passe si vite en votre compagnie, M. le député de La Pinière.

M. Barrette : Non, c'est parce que, moi, il me restait 30 secondes.

Le Président (M. Simard) : Ah oui? Eh bien, ma secrétaire m'en est témoin, vous savez.

M. Barrette : ...le temps.

Le Président (M. Simard) : Malheureusement.

M. Barrette : Bon, vous voyez, je suis un dommage collatéral.

Le Président (M. Simard) : Je vous ai joué... Ce n'est pas 9 min 20 s, j'aurais dû vous le dire, c'est mon erreur. J'aurais dû vous dire d'entrée de jeu que vous disposiez de neuf minutes, je m'en excuse. J'espère que vous ne m'en voudrez pas trop.

M. Barrette : Non, vous êtes tellement aimable, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Merci. M. le député de Rosemont...

Une voix : ...

Le Président (M. Simard) : M. le député de... Écoutez, je ne referai pas deux fois la même erreur, cher collègue, vous avez 2 min 20 s.

M. Marissal : ...éviter d'engager le dialogue avec vous avant que vous me coupiez mon temps. Merci, Mes Roy et Paul, d'être là. C'est vraiment très éclairant. Et je vais aller vite parce que j'ai quelques questions, puis, comme vous connaissez le projet de loi sur le bout de vos doigts, ça va aller mieux. Il y a comme un dialogue de sourds, dans cette salle puis les autres qu'on fréquente pour cette commission, depuis quelques jours, sur les faits réels, quant à 61, sur le BAPE. Puis le gouvernement, ici, ou l'autre bord dans le salon bleu, ou dans les autres salles, fait juste nous dire : Non, non, on fait juste raccourcir les délais. Est-ce que c'est votre lecture? Je vous signale que j'ai 2 min 30 s.

Mme Paul (Geneviève) : Oui, on va faire ça vite. Donc, selon nous, oui, il y a une... notamment, je cherchais l'article, là, 15 et l'article 17.2, si je ne me trompe pas, prévoient, donc... donnent une certaine latitude pour que certains projets soient assujettis à des procédures accélérées, y compris en ce qui concerne le BAPE. C'est difficile à voir, là, sans description détaillée des projets, y compris dans l'annexe ou même avec l'article 3, mais il y a certains projets qui pourraient certainement... qui auraient normalement, sans 61, dû être soumis à un BAPE, qui pourraient faire l'objet d'une procédure accélérée.

M. Marissal : Donc, est-ce que ça ne fait que diminuer les délais ou s'il peut y avoir d'autres effets, par exemple, sur des espèces menacées ou des terrains humides?

Mme Paul (Geneviève) : Ça peut effectivement avoir d'autres impacts que seulement la question des délais, bien entendu.

M. Marissal : Très bien. De ma compréhension — et je ne suis pas expert comme vous, là — tous les délais en amont, là, du BAPE sont déjà prescrits par règlement. Aurions-nous donc besoin de 61 pour raccourcir les délais, si d'aventure le gouvernement peut déjà le faire par règlement?

Mme Roy (Stéphanie) : Non, en fait, dans le sens que c'est un pouvoir réglementaire, donc l'Exécutif le possède déjà. Maintenant, on peut comprendre qu'ici il y avait un contexte particulier, donc ils ont utilisé cette voie-là, mais ça reste le pouvoir réglementaire de l'Exécutif.

Le Président (M. Simard) : Très bien. En conclusion?

Une voix : ...

Le Président (M. Simard) : Désolé. La parole est maintenant au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, alors, merci. Merci beaucoup pour votre présence toujours extrêmement pertinente. On a, depuis le dépôt du projet de loi n° 61, un gouvernement qui dit : Non, non, non, l'environnement va être protégé comme jamais, on fait juste raccourcir les délais. Même le ministre Charette... le ministre de l'Environnement, qui est supposé être le gardien de l'environnement, nous a dit en Chambre : Je vous confirme être parfaitement à l'aise et cautionner l'entièreté du projet de loi en question, je cautionne le projet de loi sans aucune hésitation, alors il l'a dit deux fois plutôt qu'une, alors que vous, vous nous faites une démonstration fine : articles 15 et 36, chèque en blanc; le principe hiérarchisé «éviter, minimiser, compenser», il est écarté complètement; l'idée, avec l'article 15, alinéa trois, que le risque modéré pourrait être écarté également pour aller plus vite. Donc, il est faux de prétendre que, sur le plan du respect de l'environnement, de la qualité de l'environnement, de la cohérence avec les objectifs de réduire les gaz à effet de serre également, le projet de loi n° 61 ne change rien à ça.

Mme Paul (Geneviève) : En effet, on a plusieurs inquiétudes sur le projet de loi n° 61 par rapport à la capacité, par la suite, d'assurer la protection de notre territoire, de l'environnement, de nos écosystèmes.

M. Gaudreault : Et notamment sur le travail du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, comme mon collègue de Rosemont vient de le dire, même chose également. Et ce que vous dites, c'est : On n'a pas besoin du bulldozer du projet de loi n° 61, les processus réglementaires qui sont déjà en cours puis qui se font même attendre depuis l'adoption du projet de loi n° 102 sur la vaste réforme de la Loi sur la qualité de l'environnement, si on mettait la machine là-dedans, si on embauchait du monde, on serait capables de répondre à ce qui était de toute façon demandé par le milieu économique, qui était d'avoir de la prévisibilité et de savoir où on s'en va.

Mme Paul (Geneviève) : Exactement. Ça a fait trois ans en mars, là, que la Loi sur la qualité de l'environnement est entrée en vigueur. Il y a eu, bon, une première mouture, là on en est à la deuxième mouture du règlement, je pense qu'il est grand temps de le mettre en oeuvre, de l'adopter en incluant les aspects dont je vous parlais tout à l'heure sur l'impact climatique et impact cumulatif, et là on a tous les outils qu'il faut pour une relance juste et verte.

Le Président (M. Simard) : Merci, Mme Paul. Je cède maintenant la parole au député de Chomedey pour deux minutes.

M. Ouellette : Merci. J'ai rarement vu un mémoire aussi fouillé. Je pense, vous connaissez la loi plus que la majorité de nous autres, là. Et j'ai accroché sur six lignes qui sont pour moi les plus importantes, et qu'il m'a fait énormément plaisir de voir, et qui traduit... Les six lignes, là, c'est : «Conserver l'intégrité des principes de l'État de droit.» Ça, là... Tout le reste, là, vous nous apportez des solutions, vous apportez vos commentaires, mais c'est les six lignes les plus importantes. Vous dites que c'est extrêmement préoccupant : prolongation de l'état d'urgence pour une journée infinie, limitation des débats. Ça...

Vous avez parlé de transition, il ne faut pas que ça se fasse au détriment de l'État de droit, et c'est l'impression que tout le monde a, là. Puis, quand on parle de participation citoyenne, on est rendus à 75 000 qui sont contre le projet de loi n° 61, là, qui ont signé la pétition citoyenne, mais je pense que le prochain objectif, c'est 150 000, peut-être demain soir ou peut-être tout de suite après le Barreau demain. Je pense que les citoyens veulent se faire entendre, puis il va falloir que le président du Conseil du trésor et que le gouvernement soient sensibles à ça.

Avez-vous pris connaissance des amendements que le ministre a déposés dans les heures après le projet de loi? Il a décidé que la ministre de la Justice, à l'article 53, elle n'était plus importante. Il a décidé que le pouvoir de la ministre de la Justice... vous regarderez l'amendement à l'article 53, sixième alinéa, bon, il l'a rayé de l'article 53, il a gardé le pouvoir pour lui. On a entendu, à la période des questions, tantôt, que la ministre de la Justice était d'accord avec toute, toute, toute la position...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Ouellette : Ah oui? J'ai juste 1 min 50 s, c'est vrai. Bien, je m'excuse.

Le Président (M. Simard) : Voilà.

M. Ouellette : Il n'y aura pas de réponse. C'était un commentaire éditorial.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. le député de Chomedey. Alors, Mmes Paul et Roy, merci infiniment pour votre présence toujours très instructive. Au plaisir de vous revoir.

Nous allons suspendre temporairement nos travaux.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

(Reprise à 17 h 03)

Le Président (M. Simard) : Heureux de reprendre nos travaux. Nous recevons le Bureau de l'intégrité professionnelle et administrative de Saint-Jérôme. Nous sommes en compagnie de M. Jacques Duchesneau, l'ancien membre de l'Assemblée nationale, que nous sommes très heureux de retrouver parmi nous aujourd'hui — bienvenue, cher collègue — et Mme Annie-Clara Gravel. Vous savez que vous disposez de 10 minutes.

Bureau de l'intégrité professionnelle et administrative de la
ville de Saint-Jérôme (BIPA de la ville de Saint-Jérôme)

M. Duchesneau (Jacques) : Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je vous remercie beaucoup de me permettre de m'exprimer sur le projet de loi n° 61, qui vise la relance économique à travers des projets d'infrastructure. Tout comme ceux qui ont pris la parole avant moi, il me fait plaisir d'y apporter mon regard dans l'intérêt de l'économie et des citoyens du Québec.

Le projet de loi n° 61 poursuit des objectifs très louables avec lesquels je suis entièrement d'accord. La relance de l'économie et l'atténuation des conséquences des mesures d'urgence de la COVID nous forcent à agir. On ne peut être contre un processus accéléré pour la relance économique. Mais, comme vous savez, je suis inspecteur général pour la ville de Saint-Jérôme, et notre mission est d'assurer une vigie des contrats, des chantiers et des projets d'envergure, donc c'est dans cette optique que je vais m'adresser à vous aujourd'hui, M. le Président.

Le BIPA, c'est un organisme qui existe depuis trois ans à la ville de Saint-Jérôme. On a été créés suite à un scandale et on est partis d'une feuille blanche où tout était à faire, tout était à penser, et c'était en l'an 2017. Aujourd'hui, sans dire que la délinquance contractuelle n'existe plus ou est en veilleuse à Saint-Jérôme, on peut quand même avancer que les mauvaises années de collusion et de corruption sont vraiment derrière nous. Rien n'est gagné à long terme toutefois, nous continuons à exercer une vigilance continuelle. Je me souviens que la raison d'être du BIPA a été rappelée maintes fois, elle est beaucoup plus qualitative avant d'être quantitative. Ce n'est pas combien d'argent on récupère, mais comment on empêche, justement, des dérapages. C'est plutôt de dire : Ce n'est pas combien coûte un bureau comme le nôtre, le BIPA, mais combien ça coûterait si ce bureau n'existait pas.

D'autres bureaux ont été créés après des crises. Vous avez entendu Mme Bishop tantôt, donc le BIG de Montréal, mais il y a aussi le BIEL à Laval, qui est le Bureau de l'intégrité et de l'éthique de Laval mais aussi de Terrebonne, qui s'est rajoutée au BIEL, et l'Autorité des marchés publics. Il y a aussi le BIC, le bureau de l'intégrité contractuelle, qui a été créé non pas à la suite d'une crise mais en mesure préventive par la ville de Longueuil.

Aujourd'hui, la COVID nous force à affronter une autre situation de crise, et, bien sûr, les tentations seront nombreuses pour les entrepreneurs de renouer avec les vieilles tricheries. Il s'agira donc pour nous de couper l'herbe sous le pied à ceux qui pourraient se livrer à des actes dérogatoires. Très rapidement, il sera important de mettre en place des mécanismes de contrôle qui atténueront les risques entourant les projets d'infrastructure choisis.

J'ai quatre points à suggérer aujourd'hui. Le premier, c'est qu'il faut se doter d'un coffre d'outils. Je ne remets pas, je le répète, en question le pourquoi du p.l. n° 61, mais il est important qu'on réfléchisse sur le comment. Voici quelques idées : d'abord, travailler beaucoup en amont, c'est-à-dire en prévention et en dissuasion — la dissuasion, pour nous, c'est vraiment la certitude d'être pris si vous commettez un acte dérogatoire relié à l'octroi de contrats; et il y a aussi la formation qui va être importante de faire, parce que nos meilleurs alliés, on l'a vu à Saint-Jérôme, ce sont les employés qui travaillent sur le terrain et qui sont en mesure de voir quand qu'il y a des failles dans le système; aussi, mettre en place des procédures pour identifier les risques, mais aussi augmenter la résilience au risque — on ne peut pas s'attendre à un risque zéro, mais on peut sûrement être un empêcheur de tourner en rond; et enfin mettre en place des mécanismes de vérification de l'efficacité des conditions extraordinaires qui vont s'appliquer.

Le deuxième point touche le juste prix. Qui dit mesure d'assouplissement d'octroi de contrats dit également possible augmentation des prix dans l'octroi de contrats. Si les projets d'envergure sont mal estimés, on va gaspiller des millions de dollars tout à fait inutilement. On le voit même à un niveau moins élevé, dans les villes, si on identifie mal notre besoin, les soumissions qui nous arrivent amènent après ça toutes sortes de difficultés, notamment avec des extras. Même en période d'accélération, nous devrons et nous devons prendre le temps d'effectuer des estimations basées sur des coûts réels, des coûts justes. Comment est-ce possible de construire une infrastructure dans une ville puis construire la même infrastructure ailleurs puis de voir des écarts de prix? C'est le problème qu'on a, notamment au niveau des municipalités. Combien coûte un kilomètre de route dans une ville? Combien coûte un autre kilomètre de route dans une autre ville? Pourtant, on prend les mêmes méthodes, mais c'est souvent des prix hors normes. Actuellement, plusieurs villes et ministères font des estimations en se fiant sur des historiques de coûts de soumissions antérieures, mais souvent ces coûts étaient gonflés suite à des actions de corruption.

Oui, on peut aller vite, mais il y a deux endroits où on ne peut pas se faire prendre pour excès de vitesse, c'est vraiment dans la planification des projets et dans la surveillance des chantiers, et c'est mon troisième point. On a besoin d'un Québec en chantier, mais on a aussi également besoin d'un Québec sous observation pour s'assurer que les projets d'infrastructure soient des ouvrages de qualité, des ouvrages sécuritaires et des ouvrages conformes aux attentes des autorités. Il serait important de ne pas oublier que les critères de qualité exigés par le donneur d'ouvrage doivent aussi être élevés même en mode «fast track».

Le quatrième point, c'est la proposition de créer un bureau d'inspecteur général national qui, comme les BIG actuellement, sont indépendants du pouvoir politique et qui ont comme objectif de veiller à ce que les mesures ici, dans le cas qui nous concerne, les mesures prises par le projet de loi n° 61, ne puissent conduire à des actes de collusion ou de corruption, d'abus, de malversation, ou de gaspillage, ou de fraude. Ce BIG national serait en sorte une police d'assurance qui empêcherait qu'il y ait des dérives.

On vous l'a dit, les villes font aussi face aux mêmes problèmes que ceux que vous vivez actuellement dans l'optique du projet de loi n° 61, faire du développement économique. Mais aussi il est important, dans un cadre comme celui-là, de prendre des mesures ou un train de mesures qui ne vont pas empêcher, justement, les projets de se réaliser, comme souvent on le voit dans des municipalités.

• (17 h 10) •

Alors, concrètement, pour monter un BIG national rapidement, parce qu'on dit, là, peut-être une nouvelle structure, il n'est peut-être pas nécessaire d'y aller avec une nouvelle structure mais d'y aller avec des BIG existants ou peut-être même d'en identifier à quelques autres endroits. C'est que, dans le moment, il y a vraiment un chaînon manquant dans la lutte contre la corruption ou la délinquance contractuelle. On a une AMP, qui a témoigné ce matin, qui s'occupe principalement... puis je résume en un mot, c'est beaucoup plus large, mais qui s'occupe principalement de conformité. On a une UPAC qui s'occupe d'application de la loi et de répression. Entre les deux, dans l'exécution du contrat, il y a peu de bureaux qui sont présents, actuellement, donc on donne un contrat, on dit : Ramène-nous une route, puis on se revoit. Puis, s'il y a eu des malversations quelconques, là on donne le travail à l'UPAC, alors qu'un BIG national serait là pour faire de la détection en temps réel, c'est-à-dire qu'au moment où on s'en va... il n'est pas question d'arrêter des contrats, mais notre seule présence... et on l'a vu, au BIPA à Saint-Jérôme, notre seule présence sur des chantiers, disons, donne une certaine retenue à des gens qui pourraient peut-être faire autrement.

L'élément clé d'un travail comme celui-là, c'est naturellement de créer une communauté de renseignements, faire en sorte que les différentes agences se parlent. Je peux vous dire que, dans le cas des BIG, on a des rencontres régulières avec l'UPAC, la Commission de la construction, la Régie du bâtiment, et on s'échange de l'information. Mais souvent, à cause de textes législatifs, il est difficile de pouvoir transmettre de l'information. C'est donc quelque chose qu'il faudrait peut-être regarder au niveau de la loi de l'accès à l'information, parce que, nous, c'est vraiment notre oxygène, d'avoir du renseignement, pour être capables de fonctionner, faire en sorte qu'un entrepreneur qui fait affaire avec une ville, d'une certaine façon... puis, s'il fait des actes dérogatoires, au moins que les autres villes soient au courant que c'est peut-être quelqu'un à garder sous la loupe.

Donc, le BIG national serait un gardien de l'éthique, un point de chute pour la coordination des différents projets que vous allez mettre en place, point de chute parce que les surveillants de chantier pourraient appeler à leur 9‑1‑1, où on pourrait dire : Dans tel projet, ça ne tourne pas rond; ah! regarde donc ça, moi, ailleurs, j'ai un autre projet, et on a le même problème, puis comment on serait en mesure de s'adapter et ne pas attendre à la toute fin. Mais pour qu'un BIG national fonctionne, naturellement, il faut qu'il soit doté de pouvoirs comme d'imposer des sanctions ou d'annuler des contrats, comme c'est fait dans la loi pour le BIG à Montréal, où il peut faire des mesures qui vont permettre de résoudre des problèmes.

Donc, par mes propositions, tout ce que j'espère, c'est de contribuer à l'amélioration du plan de relance du gouvernement pour remettre l'industrie de la construction sur ses pieds et de bâtir un avenir sur des fondations qui vont être saines et durables. Je répète, je suis convaincu qu'un BIG national est une solution, vraiment, à exploiter, et on ne peut jamais prendre l'intégrité pour acquise, et on ne doit jamais négliger l'intégrité pour des raisons de rapidité, sauf quand on est capable de travailler pour joindre les deux objectifs sans aucun problème. C'était ma présentation, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. Duchesneau. Je cède maintenant la parole au président du Conseil du trésor. M. le ministre, vous disposez de 14 minutes.

M. Dubé : Merci beaucoup. Alors, M. Duchesneau, en tant qu'ancien député de Saint-Jérôme, j'aimerais en profiter pour vous saluer dans cette enceinte. Ça fait plaisir de vous revoir. Je me souviens qu'on s'est assis souvent ensemble sur les mêmes banquettes, pendant qu'on était ensemble en 2012. Alors, je suis contente de vous revoir ici, dans ces lieux, puis merci de prendre le temps de venir nous rencontrer.

Je vais laisser la première question au député de Saint-Jérôme actuel, parce que je pense que c'est une réciprocité intéressante de laisser à mon collègue de Saint-Jérôme le droit de vous poser la première question.

Le Président (M. Simard) : M. le ministre, vous êtes presque romantique cet après-midi.

M. Dubé : C'est incroyable, incroyable.

Le Président (M. Simard) : Je vous laisse la parole, cher collègue.

M. Chassin : Merci. En fait, je vais peut-être me permettre, M. le ministre, deux questions, mais il y a une question, en fait, dans le troisième point que vous avez soulevé... Évidemment, permettez-moi de vous saluer tous les deux aussi, ça me fait plaisir de vous voir. Mais il y a quelque chose qui m'a comme fait réagir, juste parce que j'ai une question soudaine. Quand vous parlez de planification des projets et de surveillance des chantiers, juste pour être certain... parce que vous donnez un bon portrait de ce qu'il faut faire, mais dans, par exemple, l'accélération de projets en amont, finalement, dans le projet de loi n° 61, les mécanismes qui concernent essentiellement l'accélération des projets avant la pelletée de terre, là, mais une fois que le projet se réalise, il n'y a pas d'empêchement, à votre avis, dans le projet de loi n° 61, sur la surveillance des chantiers?

M. Duchesneau (Jacques) : Au contraire, au contraire, on a besoin de surveillance de chantiers. Je pourrais faire une analogie. Vous vous faites construire une maison, vous donnez le contrat à un entrepreneur, puis tu dis : Bien, rappelle-moi quand la maison sera construite, tu me donneras les clés. Il faut voir comment on fait, parce que la surveillance de chantier, c'est principalement au niveau de la qualité du produit. Si on n'est pas présents sur les lieux, on va sûrement couper les coins ronds pour être bien sûr d'empocher plus d'argent, là.

M. Chassin : Avant... non, actuellement ou après l'adoption du projet de loi n° 61, il n'y a pas de différence sur ce plan-là, on a des besoins dans les deux cas, puis il n'y a pas d'empêchement des surveillances.

M. Duchesneau (Jacques) : Non, sauf que je vous dis, actuellement, c'est un chaînon manquant.

M. Chassin : Parfait.

M. Duchesneau (Jacques) : Si ce n'est dans les villes, il n'y a pas d'organisme qui fait vraiment de la surveillance de chantiers puis il y a des spécialistes de surveillance de chantiers. Mais la présence d'un BIPA... Par exemple, quand nos surveillants de chantier ont des difficultés avec un entrepreneur, la seule présence du BIPA vient souvent calmer les esprits, et c'est à l'avantage de tout le monde, c'est même l'avantage des entrepreneurs. Puis ce qu'on entend souvent, c'est que des entrepreneurs disent qu'on n'applique pas les règles de façon équitable. Il y a des gens, on sait, qui sont des concurrents, qui ne donnent pas le produit, mais ils ne se font jamais prendre, alors c'est vraiment le problème.

M. Chassin : Puis la question que j'avais préparée pour vous, parce qu'on a eu des interventions, hier, notamment par rapport aux retards de paiement, donc il y a une coalition contre les retards de paiement qui a fait des présentations, qui a été appuyée assez largement, et en même temps on comprend que, pour certains, c'est un enjeu pour participer à, par exemple, des appels d'offres. De ne pas avoir les paiements ou d'avoir des cautionnements très longs, bien, on se retrouve à avoir, finalement, une moindre prise de risque peut-être, là, donc on participe moins à certains appels d'offres. Pour vous, est-ce que c'est une problématique?

M. Duchesneau (Jacques) : Oui, puis ça nous est dit continuellement, c'est... Nous, on ne fait pas seulement surveiller l'octroi du contrat, quand, disons, 10 entreprises viennent chercher les cahiers de charges, et qu'il y en a seulement deux qui soumissionnent, on appelle les huit autres, on leur demande : Pourquoi vous n'avez pas soumissionné? Et c'est souvent un enjeu de dire : La ville, vous payez mal; au gouvernement, vous payez mal.

Et c'est aussi une manoeuvre pour ceux qui sont des entrepreneurs avec les poches pleines, qui sont capables, eux autres, d'attendre le paiement parce qu'ils ont les poches pleines, mais on enlève une saine concurrence avec des plus petites entreprises, et ça, c'est un enjeu majeur. Puis les petites entreprises qui n'ont pas de contrats ne sont jamais capables de se qualifier par la suite parce qu'ils n'ont pas eu de contrats gouvernementaux, donc c'est comme... on tourne en rond tout le temps. Et, je vous dis, on a fait affaire, nous, avec des petites entreprises, et il y a souvent des merveilles. J'ai entendu le ministre parler qu'il fallait être innovateur, bien, c'est peut-être souvent au niveau des petites entreprises qu'on peut avoir de belles surprises.

M. Chassin : Intéressant. Merci beaucoup.

M. Dubé : Merci. Si vous me permettez, je peux continuer, puis, au besoin, vous reviendrez, M. le député de Saint-Jérôme. Moi, je voudrais juste que les gens comprennent, puis moi le premier inclus, s'il y avait cette structure-là ou cette façon de procéder que vous suggérez là qui viendrait s'ajouter dans ce que vous appelez l'exécution du contrat, en quoi c'est différent du travail qui est fait par ceux qui sont responsables de la gestion du contrat qui seraient, par exemple, du MTQ ou de la Santé dans la construction d'un hôpital? Vous me suivez? Parce qu'on a quand même... une fois que le contrat est donné, on a un gestionnaire de contrat qui est soit, des fois, du ministère directement... Je sais qu'on utilise beaucoup des gens externes en ce moment, puis ce n'est pas l'objectif, là, on veut ramener de l'expertise interne à faire de la gestion de contrats, mais elle est où, dans cette chaîne de commandement là, ce que vous suggérez? Parce que, là, on n'est pas dans la gestion lui-même du contrat. Faites-moi la différence avec la personne qui serait du MTQ, par exemple, sur le contrat.

• (17 h 20) •

M. Duchesneau (Jacques) : On a la même chose dans une ville, on a une direction de l'ingénierie, une direction des travaux publics qui font la surveillance de chantiers avec des contractuels, souvent. La différence, c'est que nous, on est un bureau indépendant, on n'est jamais en contact avec les entrepreneurs, sauf quand on va les voir sur les lieux, et on est en mesure de voir, quand qu'il y a plusieurs chantiers en opération dans une même ville, qu'il y a souvent des dénominateurs communs dans les dérives — sauf un surveillant de son chantier, lui, va s'occuper de son chantier seulement.

L'autre chose, être surveillant de chantier, aujourd'hui, quand tu es seul face à des gens qui sont habitués, c'est assez intimidant. Une présence additionnelle... Puis comme, nous, le BIPA est associé au Service de police de Saint-Jérôme, nous travaillons tous au Service de police, donc c'est une bonne façon, je pense, de faire de la prévention. Je dis toujours : Un chef de police dans une ville pourrait faire une addition de toutes les pertes qu'on a eues avec toutes sortes de vols, mais souvent, dans l'octroi de contrats, puis c'est un aspect qui est peu touché par les services de police, mais on se fait voler énormément dans des contrats, l'expérience nous l'a montré.

M. Dubé : Puis donc cette présence-là sur les chantiers que vous recommandez, elle est physique, là, c'est des personnes terrain.

M. Duchesneau (Jacques) : Oh, oui, oui.

M. Dubé : Puis, dans votre cas, à Saint-Jérôme, puis juste me donner un ordre de grandeur, vous avez combien de personnes qui font ça sur le terrain?

M. Duchesneau (Jacques) : On était 12, on est rendus sept, mais on travaille mieux pour une ville. Et ce que je suggérais... exemple Saint-Jérôme...

M. Dubé : Puis, M. Duchesneau, donnez-moi un ordre de grandeur, là, de combien de contrats vous regardez sur... ou que vous surveillez sur une base annuelle, là. C'est-tu une dizaine de contrats, une vingtaine de contrats?

M. Duchesneau (Jacques) : 50...

M. Dubé : Une cinquantaine de contrats.

M. Duchesneau (Jacques) : ...50 et plus. Il y a beaucoup de contrats, parce qu'on travaille aussi en amont, exemple on va surveiller les procès-verbaux ou même les ordres du jour des conseils municipaux et des comités exécutifs, donc, quand ils acceptent un contrat, on va aller voir si les choses se sont faites comme il faut. Parce qu'on fait les trois, on ne fait pas juste de l'exécution, on regarde l'octroi de contrats, on regarde l'exécution, et après ça on regarde aussi s'il y a eu des extras par la suite, alors donc, on suit le contrat en tout temps.

M. Dubé : Et je vais vous redemander de faire un parallèle avec... Bon, on a parlé de l'aspect terrain, c'est ce que vous venez d'expliquer. Au Conseil du trésor, on a, entre autres, les marchés publics qui sont là pour s'assurer que les grandes règles générales sont là. Comment vous interviendrez en complémentarité avec ce qui se fait au niveau des marchés publics?

M. Duchesneau (Jacques) : Je le disais, une ligne de signalement, les surveillants de chantiers pourrait appeler à un endroit, n'importe où en province, et, s'ils ont des problèmes, là, ils pourraient le signaler. Et les surveillants de chantiers pourraient être, à ce moment-là, accompagnés par des gens d'un BIG pour faire une autre intervention. Ce qui est important, puis ce qu'on s'aperçoit beaucoup, c'est que, dans une région comme les Laurentides, nous, on a mis de l'emphase sur la gestion et l'exécution des contrats, mais on n'a pas de données quant aux autres municipalités, et ça, c'est vraiment un problème. Je reviens à mon exemple, combien coûte un kilomètre de route dans les villes environnantes? Puis ce n'est pas vrai qu'un entrepreneur qui fait affaire de façon collusionnaire dans une ville ne le fera pas dans une autre ville. Alors, ce qui nous manque, c'est cette banque de données qui nous permettrait d'arriver un jour à trouver le juste prix. Et ça, on ne le sait pas encore, c'est...

M. Dubé : Puis je ne veux pas critiquer votre suggestion, là, c'est une question que je pose, que ce rôle-là, que vous dites, là, qui pourrait être des fois en amont du contrat, pendant la qualification, jusque sur le terrain, vous le voyez dans un organisme totalement indépendant ou ça pourrait être une fonction additionnelle de l'AMP, par exemple...

M. Duchesneau (Jacques) : Mais comme on est, les quatre bureaux d'inspecteurs généraux, complètement indépendants, ça prend un organisme comme celui-là. L'AMP fait de l'excellent travail dans la conformité mais ne font pas de surveillance de terrain. L'UPAC fait un excellent travail quand il vient le temps...

M. Dubé : ...BIG dans vos quatre, là.

M. Duchesneau (Jacques) : Oui, oui, oui.

M. Dubé : O.K., O.K., je comprends.

M. Duchesneau (Jacques) : En fait, le seul BIG qui a les pouvoirs de l'AMP, c'est le BIG de Montréal. Les autres, on n'a pas ces pouvoirs-là, les pouvoirs, exemple, d'arrêter un contrat ou de prendre des mesures. Nous, c'est vraiment, dans le quotidien, dans la relation un à un avec les entrepreneurs sur le terrain qu'on fait la différence.

M. Dubé : O.K., O.K. En tout cas, je vous laisserai en parler, mais je trouve ça intéressant, il y a des éléments dans ça...

Vous avez parlé, tout à l'heure, je viens sur un autre sujet, sur le phénomène de dissuasion. Vous avez dit comment c'était important d'avoir de la... Comment vous pensez qu'on pourrait insérer ça dans le p.l. n° 61?

M. Duchesneau (Jacques) : Par une mesure législative, bien sûr, mais en donnant des pouvoirs à des bureaux d'inspecteurs généraux qui seraient capables d'aller vraiment voir sur le terrain. Et la proposition, ce n'est pas de construire un gros organisme, puis la proposition qu'on vous fait, c'est : Allons-y avec un BIG national mais pour la période du projet de loi. Ce n'est pas nécessaire de créer une nouvelle fonction. Ou encore, même, la proposition que je vous faisais : Utilisez les BIG que vous avez actuellement puis étendez leur champ d'action, comme Saint-Jérôme pourrait s'occuper des Laurentides, le BIEL de Laval pourrait s'occuper de Lanaudière, le BIC de Longueuil pourrait s'occuper de l'Estrie, et etc. Montréal a déjà son territoire.

M. Dubé : Non, mais j'aimerais pousser ça un peu parce qu'on va manquer de temps aujourd'hui, là. Je ne sais pas comment qu'il me reste de temps.

Le Président (M. Simard) : ...

M. Dubé : Deux minutes. Mais je l'ai fait ce matin, à la présidente de BIG, de l'inviter à venir nous rencontrer pour qu'on regarde quels mécanismes qu'on pourrait faire à l'intérieur de l'AMP. Là, vous me suggérez autre chose, moi, je pense qu'on a une réflexion nécessaire sur cette procédure-là. Je pense que votre suggestion, elle est très intéressante, là, je veux voir comment on pourrait mettre ça en pratique. Mais, étant donné que vous le liez aux contrats, je trouve intéressant, parce que notre principe de p.l. n° 61, c'est pour deux ans, hein, on... Il y a quelqu'un, cette semaine, à la fédération des municipalités, qui a dit : C'est une espèce de laboratoire qu'on veut faire, pendant deux ans, avec ces contrats-là, pour voir comment on peut devenir plus agiles, comment on peut mieux travailler pour faire arriver... Vous, vous dites... Ce que vous suggérez comme approche pourrait se faire dans cette période-là de deux ans pour voir comment on travaille mieux entre les différentes régions du Québec pour être capables d'avoir plus d'information et une approche terrain plus grande. Est-ce que je peux résumer ça comme ça?

M. Duchesneau (Jacques) : C'est ça. M. le Président, est-ce que je peux juste rajouter...

Le Président (M. Simard) : Il vous reste 40 secondes, cher collègue.

M. Duchesneau (Jacques) : Ah! bien, je vais le faire en 40 secondes. Le BIPA a été créé de façon temporaire, et, après trois ans, la ville s'est aperçue qu'il y avait des bénéfices au-delà de l'aspect monétaire, parce qu'au début on est allés chercher de l'argent qui nous avait été volé puis... Comme tout le monde, on est allés chercher une partie l'argent qui nous a été volé, là ce qu'on veut, c'est prévenir qu'on se fasse voler. Et là on vient de renouveler... on vient... excusez, de créer le BIPA de façon permanente et de renouveler mon contrat pour cinq ans. Ça fait qu'on y croit, c'est payant pour une ville.

M. Dubé : C'est beau. Merci beaucoup, M. Duchesneau, merci, très apprécié.

Le Président (M. Simard) : Merci. Je cède la parole au député de La Pinière pour 9 min 20 s

M. Barrette : Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Duchesneau, très, très heureux de vous voir ici aujourd'hui, pour toutes sortes de raisons, mais certainement celle qui traite de votre intervention que vous venez de faire, qui était très éloquente.

Je veux juste faire deux, trois commentaires introductifs, là, que, honnêtement, là, moi, je pense qu'on ne doit pas être dans un laboratoire, on doit être dans le permanent. Je suis heureux de constater que vous êtes maintenant permanent. Ça devient une question de culture, ça.

M. Duchesneau (Jacques) : Absolument.

M. Barrette : Et puis la permanence, c'est ça que ça fait, ça crée une culture. Vous êtes réputés, on vous craint, je dis ça positivement. Comme vous dites, là, quand quelqu'un apparaît, mettons que les gens marchent plus droit puis ils essaient de... autrement, bon. Alors, moi, ça m'apparaît très clair, là. Je n'ai aucune espèce d'idée... d'hésitation à dire que ça ne doit pas être temporaire, ça ne doit pas être pour la crise sanitaire, ça doit être permanent.

Là, je vais vous poser une question assez simple, là. Vous avez dit quelque chose qui m'a vraiment chicoté... surpris, en fait, vous avez dit qu'il y a juste Montréal qui avait... et dans le BIG, il y avait certains pouvoirs puis que vous ne les aviez pas. Les souhaitez-vous?

M. Duchesneau (Jacques) : Oui, bien oui, mais une ville ne peut pas donner ces pouvoirs-là, il faut que ça vienne du gouvernement. Et, dans le cas de Montréal, c'est dans sa charte, qui a été adoptée ici par l'Assemblée.

M. Barrette : ...évidemment, du pouvoir d'enquête?

M. Duchesneau (Jacques) : On a des pouvoirs d'enquête, mais on n'a pas de pouvoirs de saisie de documents, on n'a pas de pouvoirs de stopper un contrat et une série d'autres mesures, là, que le BIG a et que nous n'avons pas.

M. Barrette : Oui, et le BIG peut aller partout, mais pas l'AMP, parce que l'AMP va là où c'est désigné.

M. Duchesneau (Jacques) : Parce que?

M. Barrette : Là où c'est désigné par le gouvernement.

M. Duchesneau (Jacques) : Oui.

M. Barrette : Voilà.

M. Duchesneau (Jacques) : Oui, nous, on est désignés par une ville.

M. Barrette : C'est ça. Bon, écoutez, est-ce que vous avez des pouvoirs additionnels? Madame... pas madame, Me Bishop, tantôt, lorsqu'elle est venue devant nous, elle nous a dit qu'elle avait... On n'a pas eu le temps d'élaborer parce que, là, j'avais... j'ai eu un problème avec mon chronomètre moi-même, là, elle nous a dit qu'elle avait des pouvoirs additionnels qui lui étaient conférés par la ville. Avez-vous une idée de quoi elle parlait, et les voulez-vous, si vous le savez?

M. Duchesneau (Jacques) : Oui, c'est particulier, la Charte de la Ville de Montréal, c'est particulier, puis c'est pour ça que c'est adopté par l'Assemblée nationale. Nous, on travaille avec un règlement municipal, donc c'est très limité. La ville pourrait et voudrait me donner plus de pouvoirs, mais on n'a pas...

M. Barrette : Elle ne peut pas.

M. Duchesneau (Jacques) : ...elle ne peut pas.

M. Barrette : Mais vous n'avez pas d'idée de ce type de pouvoirs là que vous souhaiteriez avoir, comme ça? Je vais à la pêche, là.

• (17 h 30) •

M. Duchesneau (Jacques) : Bien, les pouvoirs de saisie de documents. Quand on sait, là, parce qu'on a fait notre enquête, qu'on est en train de se faire voler, on n'a pas le pouvoir d'aller saisir les documents, alors qu'eux ont ces pouvoirs-là, puis donc ils bâtissent la preuve. Vous parliez de dissuasion tantôt, moi, je dis : La peur, c'est le début de la sagesse.

M. Barrette : Ah! ça arrive souvent.

M. Duchesneau (Jacques) : Oui, ça arrive souvent. Puis l'autre point que vous avez fait, le premier point que vous avez abordé, c'est la culture. Tout est là, «tone at the top». Ça, c'est ce qu'on entend partout, là, dans le domaine de l'anticorruption et c'est vraiment... Puis c'est pour ça qu'une ville comme Saint-Jérôme... c'est sûr qu'au début c'est un coût important, mais ils ont eu le courage de créer cette entité-là, et je peux vous dire que les citoyens l'ont apprécié beaucoup, parce qu'après des crises comme celle qu'on avait vécue les gens veulent savoir si leur argent est bien dépensé. Je pense que, depuis trois ans, on a prouvé que c'était le cas.

M. Barrette : Par curiosité, quel genre de reddition de comptes que vous faites à la ville? Faites-vous une reddition de comptes publique et détaillée ou vous faites simplement une énumération de ce que vous avez fait?

M. Duchesneau (Jacques) : Non, je fais deux choses. D'abord, un rapport bimestriel de gestion en deux volets : un volet administratif qui va au directeur général de la ville et, parce que je suis membre du service de police comme directeur adjoint, je fais un rapport bimestriel de gestion dans lequel, parce que c'est un moyen de contrôle, je nomme les personnes qui sont sous enquête. Le directeur général n'est pas au courant de ça. Quand je dis «un bureau indépendant», là, je devrais le souligner trois fois, je pense que c'est la qualité première d'un bureau comme le nôtre. Et, une fois par année, on a un rapport annuel. Et j'avais fait des copies, que j'ai oubliées parce qu'on est partis vite, mais pour vous montrer, 2017, 2018 et 2019, et c'est sur notre site Web, le progrès qu'on a fait. Et je peux... sans vouloir me péter les bretelles, parce que c'est madame qui écrit les rapports annuels, on a de quoi être fiers.

M. Barrette : Bravo, madame! Puis, excusez-nous encore, on est un petit peu responsables du fait que vous êtes partis bien vite, à la dernière minute.

M. Duchesneau (Jacques) : On a été convoqués à la dernière minute, mais...

M. Barrette : Oui, je le sais, parce qu'on a insisté un petit peu, puis on est bien contents de vous avoir.

Là, là, je vais aborder le point que vous attendez que j'aborde, j'en suis convaincu. Moi, j'ai fait... Vous avez suivi nos travaux, vous avez entendu les questions que j'ai posées aujourd'hui, par exemple. Vous parlez d'un BIG national; moi, je parle d'une AMP à qui on donnerait un rôle de BIG national. Alors là, ce n'est pas que les deux... dans mon esprit, ce dont vous parlez, ça ne s'oppose pas, ça va dans la même direction. Moi, pour moi, légalement, l'AMP a son indépendance mais n'a pas des pouvoirs puis elle n'a pas de terrain de jeu suffisamment grand. Alors, faire en sorte que l'AMP s'expande en pouvoirs et devienne un BIG national, moi, honnêtement, là, votre concept, c'est ça que je cherche. Est-ce que vous voyez une opposition entre vos deux... entre les deux?

M. Duchesneau (Jacques) : Étant donné que le p.l. n° 61 est une mesure temporaire, est-ce que ça serait bon de redonner plus de pouvoirs à l'AMP et de l'enlever ou d'y aller, comme je vous dis, avec des unités temporaires pour régler le projet et de voir, après analyse, si vous aimez le concept ou pas?

M. Barrette : Juste sur le concept, M. Duchesneau, là, pour que ce soit bien clair, moi, mon intervention, là, elle est... plus clair que ça, c'est impossible. Je l'ai dit, là, au début de mon intervention avec vous, de mon échange, moi, je ne cherche pas quelque chose de temporaire, je cherche quelque chose de permanent, parce que je sais très bien, parce que ça a été évoqué à plusieurs reprises, soit par des intervenants, soit par le président du Conseil du trésor, même le premier ministre, on souhaite que ça reste après. On n'a pas dit, là : On fait ça pour que ça reste, on souhaite que ça reste. Vous avez suffisamment d'expérience politique que, quand on dit : On souhaite que ça reste, c'est que ça va rester. Alors, si c'est pour rester, moi, je suis bien d'accord, mais encore faut-il que ça soit construit de la bonne façon. Alors, sur ça, sur la question du concept d'avoir un BIG qui pourrait être une AMP habillée correctement, sur le plan des pouvoirs, vous ne voyez pas d'opposition avec ce que vous souhaitez?

M. Duchesneau (Jacques) : Non, puis la façon que j'ai présenté mon projet, c'est que je ne veux pas que les gens voient une immense structure, parce que ce qui a fait notre force, c'est qu'on a été malléables. La première année, on est allés récupérer l'argent qui nous avait été volé, la deuxième année, on a commencé à regarder l'exécution des contrats, et là on est vraiment dans la qualité, surtout dans les relations avec les gens de terrain. Le vrai travail se fait à Saint-Jérôme par la direction d'ingénierie, par la direction des travaux publics. Nous autres, on est à vol d'oiseau au-dessus puis on leur donne un coup de main quand ils ont besoin. Il ne faut pas arriver avec une structure tellement lourde qu'elle nous immobilise.

M. Barrette : Ça, je suis d'accord. La force de la chose, pour utiliser l'expression que j'ai utilisée avec Me Bishop, ce sont vos pouvoirs de débarquer puis d'aller chercher les documents et le pouvoir d'avoir les ressources pour vous mettre sur le terrain. Votre force, c'est la gestion contractuelle avec les effectifs et les pouvoirs appropriés.

M. Duchesneau (Jacques) : Notre force, c'est vraiment la détection.

M. Barrette : Oui, oui, on s'entend, on s'entend.

M. Duchesneau (Jacques) : Et pour ça, vient, avec la détection, le renseignement. On ne surveille pas tous les chantiers 24 heures par jour, sept jours par semaine, mais on y va en fonction de l'information qu'on reçoit.

M. Barrette : Vous avez abordé une affaire à laquelle je n'avais pas pensé mais que je comprends très bien parce que je l'ai vécue dans mon portefeuille précédent, là. Vous avez raison, là, ça marche en santé, là, vous allez voir un hôpital, ils vous font une prothèse de hanche à x prix, vous allez à l'autre, c'est trois fois plus cher. Mais, quand vous débarquez, là, si vous connaissez ça, là, ce n'est pas long que vous savez pourquoi ça coûte trois fois plus cher à telle place, et on réajuste le tir. Ça, là, c'est la question du partage de l'information. Je comprends de votre propos que vous aimeriez que les BIG... en tout cas, toutes ces structures-là puissent échanger de l'information, et là vous me dites que c'est la loi sur... c'est la CAI qui l'empêche? Est-ce que je comprends bien votre propos?

M. Duchesneau (Jacques) : Oui, en partie, M. le député de La Pinière.

M. Barrette : Quel bout?

M. Duchesneau (Jacques) : Vraiment, il y a plusieurs lois qui entrent en ligne de compte. Comme avec l'UPAC, on est limités avec l'échange d'information. On se donne l'information, mais c'est vraiment circonscrit par les conseils juridiques qu'on reçoit. Mais, si on pouvait vraiment échanger l'information entre nous, parce qu'on atteint... on cherche à atteindre le même but, tout le monde, on serait beaucoup plus efficaces qu'on l'est.

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Barrette : S'il y a des lois qui l'empêchent, dans sa... mettons, la totalité de la circulation de l'information, il y a au moins un pas à franchir dans le partage d'information, on s'entend là-dessus.

M. Duchesneau (Jacques) : Oui, M. le Président.

M. Barrette : Merci, M. Duchesneau.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, cher collègue. Nous avons convenu qu'en l'absence du député de Rosemont — c'est exceptionnel que je souligne l'absence du collègue — bien, il y a eu un consensus à l'effet que son temps soit réparti de manière égale entre le député de René-Lévesque et le député de Chomedey. Donc, je comprends qu'il y avait consentement en ce sens. Alors, M. le député de René-Lévesque, vous disposez donc, conséquemment, de 3 min 30 s.

M. Ouellet : Eh, Seigneur! Merci beaucoup, M. le Président. Wow! Bonjour, M. Duchesneau. Bienvenue avec nous aujourd'hui. J'aimerais revenir un peu sur la présentation du BIG juste avant vous. Ils ont mentionné leur préoccupation dans le projet de loi d'avoir des mesures aussi pour protéger les lanceurs d'alerte. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

M. Duchesneau (Jacques) : Oui, c'est une règle cardinale, la protection des lanceurs d'alerte. Même quand on transmet de l'information à des autorités, on protège les lanceurs d'alerte. Pour nous, c'est notre pain et notre beurre. On a été mis sur des pistes qu'on ignorait totalement parce qu'il y a quelqu'un qui a eu le courage de nous appeler. La moindre des choses qu'on puisse faire, c'est de protéger ces lanceurs d'alerte là.

Pour vous donner une idée, notre système informatique est complètement indépendant de celui de la ville pour être sûrs qu'il n'y a personne d'autre que les membres de notre organisation... puisse avoir accès à cette information-là. Quand quelqu'un nous donne une information, il est codé, son nom n'est plus jamais mentionné, on a un numéro puis on est l'enquêteur et moi qui savons qui est l'informateur. Donc, ça, je pense que c'est une règle cardinale, que de protéger les lanceurs d'alerte, sans ça on ne va pas nulle part.

M. Ouellet : Avez-vous eu l'opportunité de mettre la main sur le dernier rapport de la Protectrice du citoyen, justement, sur ses recommandations pour la protection des lanceurs d'alerte? Est-ce que vous avez eu l'opportunité?

M. Duchesneau (Jacques) : Je l'ai lu rapidement, mais je ne pourrais pas vous en dire plus.

M. Ouellet : O.K. Elle fait mention de dispositions qu'on devrait ajouter pour mieux les protéger, donc éviter de congédier quelqu'un qui rapporterait de l'information. Mais aussi, et c'est là que c'est la partie la plus intéressante, dans le cas de l'AMP, qu'on a vue ce matin, ils nous ont dit : Écoutez, si on a le mandat, on peut aller enquêter, s'il y a dénonciation, on peut aller enquêter, mais, si c'est dans les médias, on peut se présenter puis aller enquêter. Ma crainte, c'est que les lanceurs d'alerte qui voudront dire aux médias qu'il y a quelque chose, ils ne sont pas protégés par la Protectrice du citoyen, et l'AMP utilise les médias pour être pistée un peu sur la... Vous comprenez, là?

M. Duchesneau (Jacques) : Absolument.

M. Ouellet : On se fait dire que ça serait important de protéger les gens qui dénonceraient une situation de malversation. L'AMP nous dit : On utilise parfois les médias pour... parce que leur pouvoir d'enquête, d'initier part de là, et donc c'est comme si on tournait en rond sans se donner les bonnes structures. Ça fait que j'aimerais vous entendre là-dessus, de quelle façon on devrait s'assurer que les personnes qui sont au courant et sont témoins d'une situation puissent, un, la dénoncer, deux, être protégées lorsqu'elles la dénoncent et, trois, puissent garder leur job.

• (17 h 40) •

M. Duchesneau (Jacques) : Oui, moi, je suis pour toutes les protections qu'on peut accorder aux lanceurs d'alerte. On va même aussi loin que... exemple, quelqu'un nous donne une information, et, par la loi, si ça touche une infraction ou un acte criminel, on doit faire un signalement à l'UPAC, mais, avant de transmettre l'information à l'UPAC, on appelle le lanceur d'alerte pour lui demander s'il est d'accord à ce qu'on transmette son nom. Il faut donner ces protections-là parce que, sans ça, la ligne ne sonnera plus. Puis au début, on avait une ligne qui sonnait beaucoup, là on s'aperçoit que les gens appellent moins, et donc on a... Quand je disais qu'il faut être malléables et agiles, c'est que, si la ligne ne sonne plus, c'est nous qui appelons, comme je l'expliquais tantôt, les entrepreneurs qui ont décidé de ne pas soumettre une offre, là, lorsqu'on avait un appel d'offres.

Le Président (M. Simard) : Très bien, merci beaucoup.

M. Duchesneau (Jacques) : J'ai été, M. le Président, dans le trois minutes, moi aussi, je sais que c'est frustrant.

Le Président (M. Simard) : C'est super, c'est super. M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Moi, ça me rajoute une minute, puis je ne sais pas... je veux dire, il va falloir que je l'utilise à bon escient, effectivement. C'est une surprise, M. le Président, merci.

M. Duchesneau, bonjour. Bonjour, madame. Je suis un peu en accord avec mon collègue de La Pinière, parce qu'on a créé la structure de l'Autorité des marchés publics et, effectivement, puis je vous ramènerai 20 ans en arrière, à un moment donné, quand on a créé... on avait une escouade contre le crime organisé puis qu'on a décentralisée dans diverses régions. Est-ce qu'on pourrait, effectivement, que ce soit dans une optique temporaire ou permanente, pas décentraliser mais donner ces pouvoirs-là et faire en sorte que l'AMP puisse intervenir, que ça soit dans les Laurentides ou que ça soit en Montérégie? Parce qu'ils sont dans quatre régions, effectivement, là, Saint-Jérôme, Terrebonne, Laval et Longueuil. Est-ce que ça pourrait être fait régionalement dans le mandat de l'AMP? Ça, ce sera ma première question.

M. Duchesneau (Jacques) : M. le Président, oui, je pense qu'une coordination peut se faire à partir de l'AMP, mais il faut vraiment avoir des gens de terrain. C'est ce qui fait la différence.

M. Ouellette : La deuxième question, vous avez parlé de la surveillance des chantiers. M. le président du Conseil du trésor a probablement pris le plus mauvais exemple qu'il ne pouvait pas prendre avec le MTQ, la surveillance des chantiers. La Vérificatrice générale est venue mercredi passé nous dire que la surveillance des chantiers n'était pas là, qu'on était au privé puis qu'il ne s'en faisait pas. On aura l'opportunité de lui en parler demain. C'est une préoccupation qui est majeure, je pense, des citoyens puis des parlementaires, de s'assurer qu'en voulant aller vite, vite... C'est sûr que, déjà, je pense qu'il y a plusieurs personnes du crime organisé qui nous écoutent depuis deux jours...

M. Duchesneau (Jacques) : Je les salue.

M. Ouellette : ...et qui sont déjà en train, eux autres, de s'organiser pour nous organiser, disons ça comme ça. Et je pense que c'est quelque chose de très important, la surveillance des chantiers, puis il va falloir s'y pencher quand on sera en étude détaillée dans les différents articles.

J'aurais le goût de vous poser une question aussi, M. Duchesneau, dans le rôle du BIPA. Puis vous avez lu le projet de loi n° 61, il y a certains articles... je pense entre autres à l'article 50, qui fait que le gouvernement voudrait édicter les conditions pour les appels d'offres et les différents contrats. Il y a-tu des commentaires, des suggestions, ou voyez-vous une certaine problématique que ça soit décidé unilatéralement par le gouvernement?

M. Duchesneau (Jacques) : Ça, c'est la partie politique. Assis dans votre siège, avant, j'aurais eu une opinion. Là, je veux vraiment offrir à l'Assemblée des suggestions concrètes. Moi, je n'ai pas d'objection... puis vous parliez de crime organisé, je disais toujours, avec mon ancien chapeau de chef de police : Est-ce qu'on parle de crime organisé ou de police désorganisée? Il y avait un peu des deux. Ne faisons pas la même chose dans ce cas ici.

Le Président (M. Simard) : Alors, M. Duchesneau, chère madame, merci beaucoup d'être venus.

Sur ce, nous allons clore nos travaux... nous allons les suspendre, en fait, jusqu'à 19 h 30. Alors, bon repas à toutes et à tous.

(Suspension de la séance à 17 h 45)

(Reprise à 19 h 34)

Le Président (M. Simard) : Bien. À l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, nous recommençons nos travaux.

Comme vous le savez, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19.

Ce soir, nous entendrons les organismes suivants : le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec conjointement avec l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, la Protectrice du citoyen et enfin le Comité public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau. Voilà.

Alors, nous sommes en ondes avec les représentants du BAPE. M. Bourke, M. Beaudet, soyez les bienvenus. Vous disposez de 10 minutes pour votre présentation.

Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE)

(Visioconférence)

M. Bourke (Philippe) : Merci beaucoup, M. le Président. Mme, MM. les députés, bonsoir. Il me... (panne de son) ...plaisir ce soir d'être avec vous. Je suis en direct de Windigo, un magnifique territoire du Québec qui est situé à environ 1 h 30 min de chemins forestiers au nord de La Tuque, en Mauricie. Donc, merci à la technologie de nous rendre cette séance possible. Vous savez... Je vous remercie aussi de nous donner l'occasion, donc, au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, de nous exprimer, de partager notre rôle, notre mission et surtout de la pertinence de notre veille d'analyse sur les grands projets de développement du Québec. Je suis accompagné ce soir de M. René Beaudet, qui est secrétaire et directeur général de l'administration et des communications au BAPE.

Donc, le BAPE a maintenant 40 ans, il a été fondé en 1978, et c'est aujourd'hui une institution reconnue par sa rigueur, sa pertinence et aussi son indépendance. En créant le BAPE en 1978, les parlementaires de l'Assemblée nationale, dont vous êtes, ont affirmé le droit des citoyens à l'information et à la consultation et surtout l'importance de leur rôle dans le processus décisionnel parce qu'ils ont une grande connaissance, une connaissance concrète du milieu dans lequel ils habitent et, souvent, les premières personnes qui sont impactées par l'arrivée d'un projet dans ce milieu.

Le BAPE a pour mission de transmettre au ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques des analyses et des avis qui prennent en compte les 16 principes de la Loi sur le développement durable afin d'éclairer la prise de décision gouvernementale. La réalisation de cette mission s'articule autour de quatre rôles : informer, consulter, enquêter, aviser.

Lorsque le BAPE analyse un projet, il le fait par l'entremise d'une commission d'enquête que j'ai la responsabilité de constituer. Elle est composée d'un ou plusieurs commissaires, selon la complexité du dossier. Les travaux de la commission sont de deux ordres. La première étape ou la première partie fondamentale, c'est celle de l'information et de la consultation. C'est dans cette période que le BAPE... à partir de l'étude d'impact qui a été constituée par l'initiateur et aussi les documents qui ont été fournis par les ministères et organismes qui sont concernés par le projet, le BAPE va constituer de... (panne de son) ...et la diffuser aux citoyens et prendre en compte leurs préoccupations à l'égard de ces éléments. La deuxième partie, le deuxième fondement, le BAPE va convoquer l'initiateur et les personnes-ressources ou toutes autres personnes qui sont... dont la contribution pourrait être jugée pertinente à l'exercice de leur mandat pour qu'ils puissent répondre aux questions de la commission. Pour les fins de l'enquête, c'est important de le dire, les commissaires ont l'immunité et les pouvoirs prévus à la loi sur la commission d'enquête.

Donc, ces deux aspects sont des piliers sur lesquels s'appuie la crédibilité de l'institution et aussi l'indépendance des commissions. Le rapport du BAPE est donc le fruit d'une analyse et d'une enquête rigoureuses qui intègrent les enjeux écologiques, sociaux et économiques. La commission y expose ses... (panne de son) ...des avis et propose, le cas échéant, des pistes de solution qui seraient susceptibles de favoriser une meilleure insertion du projet dans la communauté d'accueil. Donc, la commission brosse un portrait qui est fiable, qui est basé sur les faits et sur la science et aussi, donc, sur les réalités locales qui sont chères aux citoyens.

Contrairement à ce que plusieurs pensent, le BAPE ne prend pas de décision sur le fait d'autoriser ou non un projet. C'est le ministre, en s'appuyant sur le rapport du BAPE et sur l'analyse de son propre ministère, qui formule des recommandations au Conseil des ministres. Donc, au final, c'est le Conseil des ministres à qui revient la responsabilité de prendre une décision sur le projet.

• (19 h 40) •

En ce qui concerne, donc, le projet de loi n° 61, dont vous faites l'examen en ce moment, le BAPE se trouve interpelé de deux façons. Premièrement, il y a toute la question du remplacement par règlement de certaines dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement par des mesures qui permettraient d'alléger ou d'accélérer le processus. L'autre façon... ou l'autre disposition qui concerne le BAPE, c'est la possibilité de désigner le BAPE pour tenir l'audience publique requise, en vertu de la Loi sur les parcs, lorsque le gouvernement envisage de modifier les limites d'un parc national.

Sur ce dernier point, donc, ce deuxième élément qui concerne le BAPE, je vous soumets que nous accueillons très favorablement cette mesure, qui prévoit, d'ailleurs, aussi l'application des articles 6.3 à 6.7 de la Loi sur la qualité de l'environnement. À notre point de vue, cette mesure va permettre d'assurer l'efficience et la cohérence du processus d'évaluation lorsque des projets assujettis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement sont susceptibles, en même temps, de déclencher aussi le mécanisme de consultation de la Loi sur les parcs. Cela évite donc le dédoublement des procédures. C'est à la fois profitable, évidemment, pour l'administration mais aussi pour le public qu'on évite de soumettre à des procédures à deux reprises. Le projet d'interconnexion Maine-Appalaches d'Hydro-Québec, pour lequel le BAPE doit débuter ses travaux vers le 20 juillet, si je me rappelle bien, serait bénéficiaire, donc, de cette disposition-là, puisqu'il est inscrit, d'ailleurs, à l'annexe I du projet de loi n° 61.

Pour ce qui est des pouvoirs réglementaires, donc, le premier point que j'ai soulevé qui nous interpelle, c'est difficile pour nous, évidemment, de commenter sans avoir pris connaissance dudit projet de règlement qui va venir mettre en oeuvre ces dispositions-là. Par contre, j'attire votre attention sur deux éléments qui, pour nous, nous interpellent. Premièrement... (panne de son) ...l'impact potentiel direct du nouveau règlement sur les travaux de nos commissions. Il faut savoir qu'au deuxième alinéa de l'article 17 nous prenons acte que nos règles de procédure — ce sont des règles que nous avons adoptées, conformément à l'article... 6.6, pardon, de la Loi sur la qualité de l'environnement, lesquelles règles ont été adoptées ou approuvées par le gouvernement du Québec — vont continuer de s'appliquer. Donc, pour nous, c'est une excellente chose, de constater que ces règles sont maintenues.

Et d'ailleurs nous sommes confiants que les autres articles de la Loi sur la qualité de l'environnement qui concernent le BAPE ne seront pas retirés ou modifiés par ce règlement-là, notamment l'article... (panne de son) ...qui prévoit justement ce dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire que les membres sont... à qui on octroie, donc, les pouvoirs et l'immunité de la Loi sur les commissions d'enquête et aussi l'article 6.4, qui, lui, prévoit que c'est le président du BAPE qui a la responsabilité de nommer les commissaires sur les commissions. Pour nous, toute soustraction à ces références porterait atteinte directe à notre raison d'être, à la crédibilité de nos travaux et à l'indépendance de nos commissions. Nous faisons confiance, aussi, au gouvernement pour assurer le maintien du mandat d'audiences publiques pour les projets qui le requièrent et aussi pour assurer le maintien des délais réglementaires pour la réalisation de ces mandats.

En deuxième lieu, et en terminant, le dernier point que je voudrais soulever, c'est peut-être des enjeux qui concernent la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Comme vous le savez maintenant, puisque vous avez étudié ce projet de loi là, cette procédure inclut plusieurs étapes qui sont préalables à nos travaux et, effectivement, qui peuvent affecter la qualité de nos analyses. Donc, d'une part, on pourrait nommer, par exemple les consultations publiques, qui ont été introduites par... récemment dans la dernière réforme de la Loi sur la qualité de l'environnement et qui permettent aux citoyens, dès le départ, de soulever... (panne de son) ...qui, selon eux, doivent être pris en compte dans les études d'impact.

L'autre élément, c'est la recevabilité de l'étude d'impact, qui assure que l'information qui est présentée par l'initiateur du projet est pertinente, complète et de qualité... (panne de son) ...incomplète et de mauvaise qualité pourrait accentuer les préoccupations et la méfiance des citoyens envers le projet. Ça complexifie notre analyse et, au final, plus que tout, ça ne permet pas aux décideurs d'être bien éclairés pour prendre la décision.

Donc, en conclusion, M. le Président, depuis ma nomination comme président du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, je suis en mesure d'apprécier combien, au Québec, nous avons toutes les raisons d'être fiers du BAPE. C'est un outil de démocratie participative où chacun a la possibilité de faire la différence, au bénéfice d'une vision de développement qui est structurante et durable pour le Québec. Le BAPE donne l'heure juste sur un projet, présente une vision globale des impacts et joue un rôle constructif à la fois pour les citoyens et pour les décideurs.

Je termine en citant des belles paroles du ministre Marcel Léger, qui a été le ministre qui était présent à la fondation du BAPE : «Nous voulons [...] que désormais le citoyen soit un agent actif et responsable de l'environnement et deviennent un partenaire indispensable [du] processus de prise de décisions susceptibles de déboucher sur [des] modifications de la qualité du milieu.» Je vous remercie.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. Bourke. Je cède maintenant la parole au président du Conseil du trésor pour une période de 14 min 30 s.

M. Dubé : Merci, M. le Président. Et, M. Bourke, bonjour. Je suis content de savoir que nos lignes puissent se connecter, même à une aussi grande distance. Alors, merci de nous prouver que le télétravail peut fonctionner, même dans des conditions éloignées comme ça. Alors, merci de le faire de cette façon-là.

J'aimerais peut-être reprendre, essentiellement, ce que vous avez dit, là, lors de votre présentation, qui était très claire. Puis ce n'est pas mon objectif de vous mettre des mots dans la bouche, au contraire, parce que, dans la première partie, vous avez, je pense, assez clairement expliqué qu'il n'y a pas de modification au BAPE comme tel dans son mandat. Je pense que vous avez été très, très clair là-dessus. Puis, malgré plusieurs informations qui ont circulé sur ça au cours des derniers jours, je pense que c'est important, pour les gens qui nous écoutent ce soir, de bien comprendre que, malgré tout ce qui a pu se dire, il n'y a pas de... le projet de loi n° 61 ne demande pas de changement au mandat du BAPE et à sa façon de travailler et non seulement dans... mais dans son mandat. Tout ce que vous venez de dire... puis je le reconnais, là, comment c'est important, toute cette question de s'assurer de... qu'il y ait un organisme qui s'occupe de s'assurer que, si on veut travailler sur l'environnement... qui est fait correctement... Puis votre rôle de protecteur du citoyen, si je peux dire, en matière d'environnement, vous l'accomplissez, vous l'accomplissez depuis une quarantaine d'années, et le p.l. n° 61 ne vient pas changer ça.

Bon, la deuxième partie, puis j'aimerais vous entendre, là, vous... Puis d'ailleurs nous, on le dit, alors, on ne s'en est pas cachés, qu'une des raisons pour lesquelles on a fait le p.l. n° 61, dans le contexte d'un plan de relance qui porte sur les infrastructures — parce que c'est ça, principalement, qu'est 61 — qu'on veut travailler sur la partie en amont du BAPE, hein? Ce qu'on a dit, c'est que... puis vous l'avez bien dit, et c'est là que je voudrais vous entendre, parce que vous l'avez dit assez délicatement et... pour dire : Il y a des délais qui sont raccourcis, puis il faut faire attention que ces délais-là, dans la préparation de certains documents qui vont être essentiels au BAPE lui-même dans son analyse, ne viennent pas nuire à la qualité de la documentation ou des analyses qui sont faites.

Est-ce que je me... C'est ça que vous avez... si je résume, là, vos deux grandes composantes. Ça fait que la première, elle ne m'inquiète pas parce qu'on n'y touche pas. La deuxième, je voudrais vous entendre... Pour que je sois très clair, parce que je le dis, là, depuis plusieurs jours, ce projet de loi là est perfectible, on a... mais je suis très clair, aussi, qu'une des raisons pour lesquelles on veut travailler sur les délais en amont, c'est qu'on trouve que des fois... Puis surtout dans un plan de relance, surtout pour une période intérimaire où on veut apprendre à faire les choses autrement sans changer les objectifs puis de respecter ce qu'on veut faire en matière d'environnement, est-ce qu'il y a des délais... je ne sais pas si on peut raccourcir des délais, mais sur lesquels on pourrait travailler? Je ne sais pas si on dit «raccourcir des délais», mais est-ce qu'on pourrait travailler sur certains délais sans nuire au travail que vous faites si bien?

Alors, ma question... si vous en avez des exemples, moi, j'aimerais que vous me fassiez part de vos préoccupations spécifiques pour être certain que, si on a des aménagements à faire au cours des prochains jours, lorsqu'on ira article par article, qu'on tienne compte de votre expérience, quitte à ajuster ces délais-là, parce qu'entre zéro jour et 180 jours, peu importe, il y a souvent un compromis qu'on peut faire. On a mis un endroit où on mettait la ligne dans le sable. Moi, je vous demande, aujourd'hui, de me donner quelques exemples qui vous préoccupent, qui pourraient nous aider, si vous voulez bien, à faire des ajustements avec nos collègues de l'opposition dans les prochains jours.

• (19 h 50) •

Le Président (M. Simard) : M. Bourke.

M. Bourke (Philippe) : Bien, oui, en fait, je n'irais pas dans des exemples concrets, mais je pense que vous avez très bien saisi mon propos, c'est-à-dire que, de notre point de vue, en ce qui concerne nos travaux comme tels, on ne voit effectivement pas d'impact.

Par contre, je pense, c'est plus de l'ordre d'une mise en garde dans l'exercice qui sera fait en amont, donc, et ça appartient surtout au ministère de l'Environnement, à tous les ministères, parce qu'il faut comprendre que cette étape-là de préparation du dossier, avant qu'il arrive au BAPE, il est beaucoup dans les mains du ministère, mais souvent de beaucoup d'autres ministères concernés et de l'initiateur. Donc, tous ces gens-là auront une responsabilité de s'assurer que l'information... une fois qu'on va arriver à l'étape du BAPE, tout sera mis en oeuvre pour que l'information complète soit de qualité, etc.

Donc, je ne peux pas me... moi, je ne peux pas... (panne de son) ...sur les moyens, je fais confiance aux gens. Je dirais même que, dans ce qui nous concerne, il y a beaucoup de projets qui vont être portés par le MTQ, c'est un ministère qui a de l'expérience dans la procédure d'évaluation environnementale. Je pense que ce ministère-là peut faire la démonstration lui-même de s'assurer que, lorsqu'il va présenter son dossier au ministère de l'Environnement et au BAPE, l'information soit complète, le dossier soit prêt, etc. Donc, c'est de cet ordre-là, mais je pense... je fais confiance aux ministères et aux organismes qui vont avoir à s'occuper de cette procédure-là en amont du BAPE. On voulait simplement dire : N'oubliez pas, ne faites pas de compromis sur la qualité. C'est un peu ça, le message.

M. Dubé : O.K. Donc, encore une fois, là, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais vous ne voyez pas, en ce moment, dans p.l. n° 61, dans ce qui est suggéré ici, d'éléments qui vous préoccupent par rapport à ce qui est demandé pour être capables de faire votre travail correctement.

M. Bourke (Philippe) : Non, c'est ça. Pour nous, ce qu'on voit, évidemment, c'est seulement le projet de loi, comme je... expliquais tantôt, on n'a pas vu le projet de règlement, mais on fait confiance aux autorités qui... et notre idée, ici, c'est simplement de rappeler que, si notre travail, il est maintenu, les paramètres sont... (panne de son). Il y a quand même des conditions préalables, et on veut juste s'assurer que, dans ces conditions-là, il y ait un souci de s'assurer que les dossiers soient prêts lorsqu'ils vont arriver au bureau et qu'on puisse, donc, dans ces moyens-là, faire un bon travail et surtout rendre service, à la fin, au décideur, qui aura à prendre des décisions, et au citoyen, qui aura à vivre avec ces nouveaux projets-là.

M. Dubé : Très bien. J'aimerais en profiter, parce qu'on a l'occasion de parler des différents projets... puis, vous savez, toute l'emphase qu'on va mettre, notamment, à travers ces projets-là, surtout le développement de projets de transport électrique, les fameux six projets, là, incluant celui de... celui de Québec n'est pas dans la liste parce qu'il est déjà pas mal avancé, mais pour les autres qu'on veut accélérer, est-ce que vous avez une crainte... puis là profitez-en, là, parce que j'ai le chapeau du Trésor en même temps, est-ce que vous avez une crainte que vous avez les ressources nécessaires, les effectifs nécessaires? Parce qu'il y a 200 projets, mais il y a quand même de très, très grands projets, qui vont demander du travail intense du BAPE au cours des prochains mois, des prochaines années. Est-ce que vous avez une préoccupation d'être capables de faire les analyses appropriées avec les effectifs que vous avez en ce moment?

M. Bourke (Philippe) : Avec les effectifs que j'ai en ce moment, je dirais que j'ai une crainte, mais ce n'est pas une vraie crainte parce qu'en réalité nos effectifs, historiquement, puis M. Beaudet pourrait le confirmer... Là, présentement, on est 45, on a déjà été jusqu'à 60 personnes, et on s'ajuste en fonction, justement, des échéanciers, de l'ampleur des projets qu'on peut anticiper, de quelle date qu'ils arrivent, etc. Donc, on s'est toujours adaptés, au cours de ces 40 dernières années là, avec, si nécessaire, des demandes, justement, au Conseil du trésor ou au ministère de l'Environnement pour s'assurer d'avoir les ressources humaines et financières suffisantes. Et je dirais que, s'il y a un avantage avec ce projet de loi là, c'est... on pourrait dire qu'il y a une certaine possibilité d'anticipation plus grande, c'est-à-dire que, sur cinq ans, on est capables de voir déjà un niveau de charge de travail qui nous permet de mieux planifier nos besoins en termes de ressources financières et humaines puis, à ce moment-là, d'entrer rapidement en dialogue avec les autorités...

(Panne de son)

M. Dubé : Je n'aurais pas dû faire un commentaire sur la qualité de la connexion parce qu'on semble vous avoir...

M. Bourke (Philippe) : ...

M. Dubé : O.K., on vous a rattrapé. Mais je pense que... mais je crois avoir saisi l'essentiel...

Une voix : ...

M. Dubé : Est-ce que vous m'entendez toujours, M. Bourke?

Des voix : ...

Le Président (M. Simard) : Alors, nous allons faire une courte pause.

(Suspension de la séance à 19 h 57)

(Reprise à 19 h 58)

Le Président (M. Simard) : Alors, M. Bourke, heureux de vous retrouver, vous nous manquiez déjà.

M. Bourke (Philippe) : Oui.

Le Président (M. Simard) : M. le ministre, à vous la parole.

M. Dubé : Je pense que vous aviez répondu à ma question au niveau des effectifs, alors j'apprécie ça, parce que... ce qui va m'amener à, je pense, je dirais, ma dernière question, parce que j'ai entendu beaucoup, dans les deniers jours, dernières semaines, là, les 10 derniers jours, depuis qu'on a déposé le projet de loi, qu'il y a des gens qui pensaient que les gens... que la population était lésée par rapport à l'ensemble des projets. Moi, ce que j'aimerais... Pour s'assurer que ces projets-là étaient bien analysés, je reviens toujours sur un côté environnemental, juste pour nous illustrer, là, pour que les gens voient bien l'importance de votre travail, quel est le seuil... puis je vais l'appeler «monétaire», le seuil quantitatif monétaire qui fait que des projets doivent passer au BAPE? Il y a des seuils monétaires, mais il y a d'autres justifications, parce que, là, on parle de 200 projets, ce n'est pas 200 projets qui vont devoir passer au BAPE. Je pense qu'il y avait une inquiétude de dire : Comment on va faire pour analyser tous ces projets-là? J'aimerais que vous nous expliquiez rapidement... mais il me reste combien de temps juste pour...

Le Président (M. Simard) : 3 min 40 s.

M. Dubé : Il me reste à peu près trois minutes, puis je vais vous laisser le plein trois minutes pour expliquer comment se fait la sélection, pour vous, de ce qui est important qui doit passer au BAPE... puis vous voyez un peu... Vous nous avez félicités pour la prévisibilité des projets. Maintenant, je voudrais être certain que les gens comprennent que les projets qui doivent passer chez vous vont passer chez vous, alors j'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

• (20 heures) •

M. Bourke (Philippe) : La réponse à votre question, c'est la Loi sur la qualité de l'environnement qui détermine ce que vous pouvez appeler les seuils, là, mais il y a une annexe qui prévoit quels sont les projets qui sont assujettis à la procédure et donc qui pourraient éventuellement faire l'objet d'une analyse du BAPE. Tous les projets immobiliers, donc — il y en a beaucoup dans votre liste de projets, là — que ce soient les hôpitaux, les écoles, tout ça, c'est des projets qui ne sont pas assujettis à la procédure. Donc, c'est des projets industriels, les projets miniers, les projets... donc beaucoup de projets privés. Dans le cas des projets publics, c'est beaucoup des projets qui touchent le transport, transport routier, transport collectif. Donc, dans la liste, là... Les projets d'énergie aussi, donc — j'ai parlé, tantôt, du projet d'interconnexion avec Hydro-Québec — ces grands projets-là, les projets en général qui touchent à l'eau aussi, c'est des projets qui sont assujettis à la procédure. Mais donc, dans la liste, là, c'est essentiellement des projets de transport collectif et routier et un projet d'énergie, là, qui se retrouvent là, donc ce n'est pas la majorité, là. On n'a pas fait de calcul exact encore à savoir, là, mais on parle entre 50 et 60 projets, peut-être, dans cette liste-là, là, qui pourraient être assujettis.

M. Dubé : Qui seraient assujettis au BAPE, 50 à 60 projets. Puis, encore une fois, je vais vous le demander, parce que je pense qu'il me reste juste quelques secondes : Le projet de loi n° 61 n'affecte en rien le nombre de projets que vous auriez eu à analyser avant p.l. n° 61 et après p.l. n° 61?

M. Bourke (Philippe) : Non. Par contre, il va les rapprocher, probablement, mais avec une prévisibilité. Comme je disais, l'impact de la précipitation va être compensé par une meilleure prévisibilité.

M. Dubé : Très bien. Alors, M. le Président, ça complète pour moi. Merci beaucoup. Merci, M. Bourke. Merci.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Il reste à votre formation politique 1 min 20 s. Non, ça va? Très bien. Alors, M. le député de La Pinière, à vous la parole.

M. Barrette : Merci, M. le Président. M. Bourke, M. Beaudet. M. Bourke, je suis arrivé une minute en retard, j'ai raté l'endroit où vous êtes. Parce que moi, je viens de La Tuque. Vous êtes où?

M. Bourke (Philippe) : À Windigo, à la Pourvoirie Windigo.

M. Barrette : Ah! vous êtes à Windigo. O.K., bon, bien, je vois où est-ce que vous êtes. Très bien, bonne place pour aller à la pêche.

Bon, écoutez, j'ai trouvé ça vraiment, là, intéressant, et sans doute vous aussi avez-vous trouvé les échanges, à date, intéressants. Quand je dis «échanges à date», je ne parle pas de celui que vous venez d'avoir, mais bien les consultations publiques, parce qu'évidemment dans les... Vous avez la couenne dure, parce qu'en général vous êtes la personne qui est la source de tous les maux des projets au Québec, et, quand j'écoute le président du Conseil du trésor, bien, il n'y a pas de problème avec vous. Je ne pense pas qu'il y a un problème avec vous spécifiquement, là, personnellement, mais tous les gens qui viennent ici nous disent : Les délais sont indus, c'est de la faute au BAPE, là. Vous êtes habitués à ce genre de discours là. Et là j'écoute le président du Conseil du trésor, puis : Bien non, voyons donc, tout le monde va bien. Alors, je trouve ça assez particulier, bon.

Alors, quand j'entends le ministre nous dire, là, qu'il ne va pas changer rien du BAPE, et ainsi de suite, moi, je retiens une chose, M. Bourke, vous avez quand même dit que vous réserviez vos commentaires parce que vous n'aviez pas vu la teneur du règlement. Je ne veux pas que vous me le répétiez, là, je vais juste vous dire que vous avez bien raison, là, parce qu'on ne peut pas commenter ce qu'on ne sait pas, puis le projet de loi, il est plein de choses qu'on ne sait pas. Ça fait que c'est un projet de loi qui écrit : Voici, tout peut arriver. Alors, de vous demander de commenter ce que vous ne connaissez pas, c'est assez étonnant.

Maintenant, le ministre nous dit... le président du Conseil du trésor nous dit aussi que tout ce qui est dans le BAPE va être respecté. Bien là, écoutez, on va avoir un échange là-dessus. Écoutez, le ministre, là, il l'a dit, là, lui, là, pour lui, là, tout va se passer comme d'habitude. Bien, moi, c'est juste que je ne comprends pas ça, parce que le ministre nous a bien dit à plusieurs reprises, publiquement et en briefing, qu'il voulait raccourcir les travaux du BAPE. Là, aujourd'hui, il vous dit : Non, non, non, c'est en amont de vous qu'on veut qu'il y ait des accélérations, mais, vous, ça va être comme avant, c'est fort — je vois votre sourire, parce que, comme vous, je trouve ça fort — alors que partout, sur toutes les tribunes, ça vous prend trop de temps. Et le ministre a dit à plusieurs reprises : Un BAPE qui prend des mois, une fois ça a été 18, 12, neuf, là, on les a entendus, les trois chiffres, on va ramener ça à six, trois, un mois, voire des jours. Dites-moi, M. Bourke, est-ce que vous êtes capables de faire un travail de la même qualité si on vous force à le faire d'une façon très accélérée?

Le Président (M. Simard) : M. Bourke.

M. Bourke (Philippe) : Alors, je souriais parce que, la question que vous soulevez, j'essaie de... j'en parle depuis que j'ai été nommé, puis c'est une histoire qui date depuis longtemps. Il y a une énorme confusion, au Québec, pour toutes sortes de raisons culturelles, entre le BAPE et l'ensemble de la procédure d'évaluation environnementale. Un BAPE, ça dure maximum quatre mois. Donc, ce n'est pas plus long que quatre mois. Des fois, même, ça peut être trois, puis des fois deux, quand c'est une médiation. Qu'est-ce qui prend 12, 18 mois? C'est la procédure d'évaluation environnementale, c'est justement l'étape préalable, la période avant le BAPE et c'est, de ce j'en comprends, la période sur laquelle le gouvernement souhaite faire des économies de temps.

Donc, en ce qui nous concerne, je reviens là-dessus, le projet de loi, nous, ce qui nous rassure, c'est qu'en maintenant nos règles de procédure — et c'est dans nos règles de procédure qu'ils sont inscrits, ces délais de quatre mois — bien, ça nous préserve de faire des raccourcis. Nous, on a besoin... Déjà, ce quatre mois-là, c'est déjà, je vous le dirais, un championnat du monde à chaque fois, d'analyser un projet en quatre mois, de l'ampleur dont on connaît. Donc, s'il fallait faire un raccourci dans ça, là, par exemple, ça serait une difficulté.

M. Barrette : Très bien. On a établi ça, et c'est bien qu'on ait établi ça. Vous ne pouvez pas le voir, actuellement, parce que la caméra est sur moi, mais, en face, les gens sont heureux.

Alors là, à la prochaine question, ils vont être moins heureux. Vous n'avez pas d'autorité sur la portion préalable, n'est-ce pas? Vous pouvez le dire dans le micro, là.

M. Bourke (Philippe) : Non, désolé, je n'ai aucune autorité sur la période préalable.

M. Barrette : Parfait. La période...

M. Bourke (Philippe) : Moi, je reçois les mandats...

M. Barrette : Allez-y, allez-y.

M. Bourke (Philippe) : Nous, le BAPE, on reçoit les mandats du ministre, on ne peut pas s'automandater. Donc, une fois qu'on reçoit une lettre du ministre qui nous dit : Penchez-vous sur ce dossier-là, on commence notre travail. On n'a pas d'autorité sur ce qui se passe avant ni après, d'ailleurs.

M. Barrette : Non, mais on est contents d'entendre ça, parce que, là, on comprend que le discours du ministre vient de changer aujourd'hui, ce soir, là. Parce que de parler du BAPE avant, là, faites-vous-en pas, on les a toutes entendues, ces phrases-là, et là on vient de scinder l'argument en deux. Alors, il y a le bout du BAPE, qui est bien correct, là, d'après les sourires que je vois en face de moi, ce quatre mois-là ne semble pas un problème pour l'accélération des projets. On comprend maintenant que la portion préalable n'est pas sous votre responsabilité, elle est donc sous la responsabilité du gouvernement, et vous n'avez pas d'autorité là-dedans. Donc, c'est le gouvernement qui, lui-même, a de la misère à faire sa job.

Une voix : ...

M. Barrette : Est-ce qu'il y a un problème de communication?

M. Bourke (Philippe) : Oui, je ne vous entends plus.

Des voix : ...

M. Barrette : On a compris votre réponse. Alors, juste de même, là, si vous étiez vous-même un gouvernement et que vous étiez responsable de vos actions, auriez-vous besoin d'un projet de loi pour changer vos actions ou vous le feriez vous-même, comme dirigeant? Le plus probable.

M. Bourke (Philippe) : Si j'avais le pouvoir de changer nos règles?

M. Barrette : Si vous aviez, vous, dans votre organisation, vous...

M. Bourke (Philippe) : Bien, déjà, comme je vous dis... Tantôt, j'ai mentionné... mais c'est intéressant que vous me donniez cette occasion-là. Il y a une disposition dans le projet de loi... J'ai l'impression... Est-ce que ça a coupé?

M. Barrette : Ça va très bien. On aime vous parler.

M. Bourke (Philippe) : Il y a une disposition dans le projet de loi... c'est ça, on a une disposition qui nous permet de simplifier des processus, et ça, c'est quelque chose que, si j'avais pu le modifier moi-même, je l'aurais fait. Et je suis content de voir qu'on a introduit cette chose-là parce que, pour moi, ça devenait un peu incohérent, qu'il y ait deux lois en même temps qui consultent les citoyens sur le même projet. Donc, je trouve que c'est une belle occasion de simplifier des processus, de rendre ça plus efficient et plus cohérent.

M. Barrette : Mais, sur votre autorité, là, si vous constatiez que vos employés, entre guillemets, les gens sous votre responsabilité ne sont pas performants, vous géreriez votre affaire correctement pour qu'ils le soient, n'est-ce pas?

M. Bourke (Philippe) : Oui, ça fait partie de mes responsabilités.

• (20 h 10) •

M. Barrette : C'est ce que je pensais. Alors, bien, merci pour la réponse. Alors là, on vient d'établir que... Pourquoi... Je veux dire, le bout à ralentir est sous la responsabilité de l'État, est-ce qu'on a besoin d'un projet de loi pour que l'État soit fonctionnel... un projet de loi, pardon, pour que l'État soit fonctionnel? Vous n'avez pas besoin de répondre à cette question-là, M. Bourke, je ne l'adresse pas à vous, je l'adresse, évidemment, à l'univers qui nous écoute.

Bon, je comprends votre argument sur la prévisibilité, c'est une évidence. Je comprends... puis je ne vous dis pas que c'est une évidence pour minimiser votre argument, là, pas du tout, au contraire, là, mais je comprends aussi que... Puis là je vais vous poser cette question-là. Vous l'avez dit vous-même, là, il y a à peu près le quart des projets qui nécessiteraient un BAPE, le quart, là, 50 % à 60 %, là, 50 %, 55 %, là. Est-ce qu'il est raisonnable de penser que tous les BAPE ne sont pas égaux en termes de durée? Il doit y avoir des BAPE qui sont même plus courts que quatre mois.

M. Bourke (Philippe) : Effectivement, comme je vous disais, il arrive que certains projets, parce qu'ils ne suscitent pas, dans... ils ne soulèvent pas de préoccupations majeures dans le milieu, parce que les citoyens n'en font pas la demande, bien, à ce moment-là... Souvent, il peut arriver que, s'il y a un seul citoyen qui demande une audience publique, on propose, à ce moment-là, un mécanisme de médiation qui, lui, dure seulement deux mois au maximum.

M. Barrette : Est-ce que c'est normal que, dans le projet de loi...

M. Bourke (Philippe) : Et, selon la...

M. Barrette : M. Bourke, il me reste juste 15 secondes. Est-ce que c'est normal, pour vous, que, dans le projet de loi, ce soit le ministre de l'Environnement qui décide de la longueur, de la durée du BAPE?

M. Bourke (Philippe) : ...

M. Barrette : On ne vous entend pas.

M. Bourke (Philippe) : Ce que j'ai compris du projet de loi, c'est qu'il n'y avait pas de modification à nos délais, que ce soit par le ministre ou qui que ce soit d'autre.

M. Barrette : Le ministre s'est exprimé en ce sens-là, là. Je vous le dis pour votre information.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont. Cher collègue, vous disposez de 2 min 25 s.

M. Marissal : Oh boy! Merci. M. Bourke, je vais rapidement, j'abrège les salutations. Vous dites que nous n'avez pas d'inquiétude parce que votre partie, elle ne change pas, mais la partie avant, elle, change, l'étape préliminaire, qui est entre les mains du ministère de l'Environnement. Ce que vous faites dans une étude de projet, là, ce n'est pas morcelé, c'est un continuum. Il y a un projet qui «poppe» dans l'air, il est saisi par le ministère de l'Environnement, la population aussi s'en saisit. L'opinion publique, les médias, ça spinne. Si cette partie-là est raccourcie au minimum, ça passe vite dans la gorge de la population, vous vous ramassez avec un projet qui, apparemment, est O.K., mais votre exercice de démocratie participative, là, elle vient d'en prendre un méchant coup, non?

M. Bourke (Philippe) : Bien, nous, notre exercice n'est pas basé sur la... comment dire, il prend en compte le contexte dans lequel le projet s'insère. Puis ce n'est pas parce que ça fait 10 ans qu'on parle de ce projet-là, tout à coup arrive au BAPE... ou que ça fait un an et demi que ça change réellement quoi que ce soit à notre exercice à nous. Nous, on s'appuie sur l'information qui est disponible à ce moment-là, et c'est grâce à ça qu'on base notre analyse et on soumet nos préoccupations. Par contre, le décideur, lui, probablement que son écran de vision va être différent.

M. Marissal : Est-ce que j'ai raison de dire : Ce que vous faites, là, c'est un continuum? Vous êtes une des parties importantes du continuum à partir du moment où un projet «poppe», «poppe» dans l'air, là, j'entends, là. Mais là le projet de loi, ce qu'il nous dit, c'est que n'importe quel ministre, à n'importe quel moment, peut arriver avec n'importe quel projet qui va être décidé par décret, puis tout ce qu'il va y avoir comme reddition de comptes, c'est une heure en commission parlementaire, après ça, ça s'en va chez vous. Avouez que l'opinion publique puis le débat sur le projet qui est intrinsèque à ce que vous faites, ça ne sera pas du tout la même game.

M. Bourke (Philippe) : Bien, comme je vous dis, pour nous, cette période-là en amont, elle appartient au gouvernement, puis, nous, notre rôle, c'est d'analyser le projet une fois qu'il nous est soumis. Donc, l'important, comme je l'ai mentionné tantôt, notre préoccupation, c'est de s'assurer que, lorsque ça nous arrive, ça soit un projet qui est bien documenté, que l'information est de qualité, elle est crédible et elle est toute présente.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. Bourke. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui, merci, M. Bourke, de votre présence, et les gens qui vous accompagnent au BAPE. Moi, je veux savoir, le règlement qui reste à être adopté, pour lequel vous dites que vous avez une confiance envers le gouvernement, sur quelles matières vous concernant il pourrait intervenir?

M. Bourke (Philippe) : Sur quelles matières? Écoutez, je n'ai pas le libellé exact du projet de loi. Je ne sais pas si monsieur...

M. Gaudreault : Bien, sur les délais, sur les... oui.

M. Bourke (Philippe) : Peut-être M. Beaudet pourrait compléter cette information-là, parce que je n'ai pas avec moi le document.

M. Beaudet (René) : Bonsoir. René Beaudet, secrétaire et directeur général du BAPE.

Alors, bien, pour répondre à votre question, je vous dirais que le projet de règlement, on ne l'a pas vu. Donc, M. Bourke... sûrement qu'il fera mention, justement, des étapes préalables, là, à... Et donc c'est pour ça qu'on a... des éléments qui...

M. Gaudreault : Il faut compléter, tu sais, c'est «fill in the blank».

Le Président (M. Simard) : On va stopper le temps, on va stopper le temps d'intervention.

M. Gaudreault : On ne vous comprend pas, monsieur.

Le Président (M. Simard) : M. Beaudet, nous allons suspendre momentanément.

(Suspension de la séance à 20 h 16)

(Reprise à 20 h 17)

Le Président (M. Simard) : Alors, nous sommes de retour. M. Beaudet, m'entendez-vous?

M. Beaudet (René) : Oui, je vous entends très bien.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Si d'aventure la ligne devait recouper, nous repasserons à M. Bourke, qui pourra compléter la réponse. Alors, M. Beaudet, nous vous écoutons.

M. Beaudet (René) : Parfait. Donc, comme on disait tout à l'heure, on n'a pas le projet de règlement devant nous, donc il est difficile de commenter quelque chose qu'on n'a pas vu.

Par contre, on a attiré l'attention des parlementaires sur deux éléments pour lesquels on souhaite qu'il y ait une attention particulière pour être sûrs que l'information va être de qualité, donc, dans les étapes préalables avant que les documents nous arrivent, avant le mandat. Donc, on a parlé de la consultation sur la directive, qui était très importante pour prendre en compte les enjeux des citoyens pour la réaliser, l'étude d'impact.

Un élément qu'on a mentionné aussi, c'est toute l'importance que prend, dans le fond, l'initiateur du projet pour bien documenter son projet, bien documenter son étude d'impact et bien répondre à la directive que le ministre émet. Donc, ça, c'est un élément qui est très important et qui est sous la responsabilité de l'initiateur de projet. Donc, ça, c'est vraiment une plus grande responsabilisation de l'initiateur du projet dans la réalisation de son étude d'impact. C'est d'ailleurs des enjeux qui ont été soulevés lorsque le projet de modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement a été mis en place et adopté en 2017.

L'autre élément, c'est toute l'étape de la recevabilité de l'étude d'impact. Encore là, c'est des étapes qui vont être... dont les délais vont être prévus dans le projet de règlement. Ce qu'on dit, dans le fond, c'est que... devra être de bon niveau pour s'assurer que l'étude d'impact est de qualité, qu'on puisse faire le travail adéquatement.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, M. Beaudet. Je cède maintenant la parole au député de Chomedey.

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Bonsoir à vous deux. C'est toujours agréable de voir qu'effectivement notre Internet, au Québec, peut fonctionner en région aussi.

J'ai une préoccupation, M. Bourke. Vous semblez être très confiant qu'il n'y a rien qui va changer, mais on veut travailler en amont des projets avant que ça arrive chez vous. Et on écoutait le premier ministre, ce matin, qui nous disait qu'il y a urgence que les travaux se fassent à l'été 2020, 2021 et 2022, que, si ça ne commençait pas cette année, ce serait à l'été 2023.

Je comprends que vous n'avez pas de préoccupation, mais j'ai comme... je n'ai pas la connaissance du BAPE comme mes collègues de Jonquière et mes autres collègues peuvent avoir, mais j'ai comme l'impression que toutes vos audiences vont être à l'hiver et qu'on va effectivement bousculer votre indépendance en vous obligeant à travailler en dehors des... à la saison froide, parce que, là, c'est froid puis c'est chaud, dans le temps de la COVID. Donc, à la saison froide, on va vous obliger à travailler pour que tout soit prêt pour qu'à la saison chaude on puisse avoir tout le monde au travail. Donc, moi, c'est une préoccupation, comme citoyen ordinaire, que j'ai. Je ne sais pas si vous la partagez ou si c'est quelque chose qui pourrait bousculer votre indépendance, au BAPE.

• (20 h 20) •

M. Bourke (Philippe) : Je ne dirais pas qu'elle bousculerait notre indépendance, mais clairement notre capacité à fonctionner. Nous, c'est clair, puis on est constamment en dialogue avec le ministère lorsqu'il vient le temps de planifier nos mandats, bien, c'est une préoccupation qu'on a de s'assurer que le calendrier qu'on convient pour l'arrivée des projets l'un après l'autre soit respectueux de notre capacité à assurer une qualité de service. J'ai parlé, tantôt, des effectifs. S'il le faut, on en rajoute, mais il y a quand même des limites à bousculer toutes les choses en même temps, et on s'attend à avoir une coopération au niveau du calendrier avec le gouvernement.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, M. Bourke, c'est le temps dont nous disposions. Merci beaucoup pour votre participation. Je remercie également M. Beaudet.

Sur ce, je vais suspendre nos travaux momentanément.

(Suspension de la séance à 20 h 21)

(Reprise à 20 h 25)

Le Président (M. Simard) : Chers collègues, nous reprenons nos travaux, cette fois-ci en présentiel, donc il n'y aura pas de rupture de communication. Nous avons l'honneur de recevoir la représentante... la présidente, à vrai dire, de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Mme Bédard — soyez la bienvenue, bonsoir — ainsi que la présidente de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux — Mme Poirier, soyez la bienvenue. Alors, vous savez que vous disposez conjointement d'une période de 10 minutes pour votre présentation, nous vous écoutons.

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
et Alliance du personnel professionnel et technique
de la santé et des services sociaux (APTS)

Mme Poirier (Andrée) : Alors, est-ce qu'on peut nous arrêter après le premier cinq minutes pour pouvoir se...

Le Président (M. Simard) : Je m'y engage.

Mme Poirier (Andrée) : Merci. Mmes, MM. les députés, je vous remercie d'avoir invité l'APTS à faire entendre son point de vue sur le projet de loi n° 61.

Je tiens par contre à faire savoir d'entrée de jeu notre profond mécontentement vis-à-vis du processus de consultation. La volonté gouvernementale de faire adopter à toute vitesse une loi qui suspend les mécanismes normaux d'analyse et de contrôle des différents projets d'infrastructure n'est aucunement justifiée. Le projet de loi ne doit pas être adopté avec empressement, et cela nous préoccupe au plus haut point. Ni la crise sanitaire ni les impacts économiques qui en découlent ne peuvent expliquer un tel empressement. Sous prétexte de vouloir relancer l'économie, le projet de loi met en place un état d'exception permanent allant à l'encontre des règles devant régir un état de droit. L'APTS appréhende que les évaluations bâclées et les projets d'infrastructure qui en découleront risquent de mener tout droit à une nouvelle commission Charbonneau.

Nous comprenons que l'heure est à la reprise économique... a sonné pour le gouvernement. La crise sanitaire est pourtant loin d'être réglée. Et, avant d'injecter des milliards de dollars en infrastructures, il faut nous assurer que le réseau de la santé et des services sociaux soit capable de faire face à la deuxième vague annoncée de COVID-19, et rien n'est moins sûr pour le moment. La relance économique ne sert à rien si nous sommes incapables de contrôler cette dernière. Il est donc primordial d'investir en amont, d'agir en prévention.

Il faut offrir des conditions de travail décentes à l'ensemble des travailleuses pour régler la pénurie de main-d'oeuvre qui afflige actuellement le réseau de la santé et des services sociaux. Cela implique entre autres de permettre aux salariés que nous représentons de pouvoir se reposer afin d'éviter un épuisement professionnel généralisé en pleine deuxième vague. Pour ce faire, il faudra assurer une meilleure attraction et rétention de la main-d'oeuvre. Les conditions d'exercice et de travail doivent être améliorées substantiellement pour maintenir nos membres en emploi et pour redonner envie aux jeunes de s'orienter vers des professions dans le réseau. La priorité de l'heure ne devrait donc pas être à la construction de nouvelles maisons des aînés mais plutôt l'organisation du travail dans les CHSLD. Il faut investir en prévention ainsi que dans le soutien à domicile.

Avec le projet de loi n° 61, le gouvernement ne se contente pas de cibler les mauvaises priorités, il privilégie encore et toujours les métiers traditionnellement masculins. En limitant son plan de relance aux infrastructures, le gouvernement récupère une vieille recette qui limite la stimulation économique au seul secteur de la construction. On a déjà dû jouer dans ce film-là, il s'agissait du plan de relance mis en place par le gouvernement Charest lors de la crise économique en 2008. On se souvient que le gouvernement avait alors misé sur les secteurs d'activité à prédominance masculine comme la construction, tout en imposant ses politiques d'austérité aux secteurs à prédominance féminine, en santé, dans les services sociaux et en éducation. Tout indique que le gouvernement veut nous imposer cette recette à nouveau. Alors que le président du Conseil du trésor mise sur une relance axée sur les métiers majoritairement masculins, le ministre des Finances nous prévient déjà que l'austérité sera de retour au nom de la saine gestion de la dette publique.

Nous constatons que le gouvernement ne voit pas de problème à augmenter cette dette au nom de l'économie masculine. Les dépenses d'infrastructures seront financées par des emprunts sans qu'on ne soit prêts à faire de même pour l'économie féminine. C'est inacceptable. Comment s'étonner alors que l'équipe de relance économique n'inclut aucune femme? Les services publics sont encore une fois rabaissés au statut de dépenses d'épicerie, mis en opposition avec des investissements jugés structurants en infrastructures. Le processus décisionnel se doit d'être paritaire. Les professions de foi féministes ne sont qu'un faire-valoir politique si l'on exclut les femmes du processus décisionnel et même des consultations.

• (20 h 30) •

On n'a pas hésité à entendre séparément les syndicats de la construction, mais on impose aux représentantes des salariés de la santé et des services sociaux, 80 % de femmes, de présenter leurs analyses conjointement en leur accordant que cinq minutes chacune. Reconnaissons qu'il y a un examen de conscience à faire. La voix des femmes ne porte pas bien loin. Le gouvernement a décidément la mémoire courte. C'est tout de même un réseau constitué à grande majorité par des femmes qui tient actuellement le Québec à bout de bras depuis le mois de mars.

On ne peut parler de relancer l'économie sans parler d'environnement. La pandémie est une crise de santé publique, mais c'est aussi un avertissement qu'une autre crise beaucoup plus importante nous guette, c'est-à-dire l'urgence climatique. Le réchauffement planétaire sera également une crise de santé publique. Il surchargera le réseau de la santé. Les dégâts économiques seront importants. Il sera alors beaucoup plus difficile d'aplatir la fameuse courbe.

Comme pour toute crise de santé publique, c'est en prévention que les investissements sont les plus rentables. Nous avons aujourd'hui l'opportunité de transformer notre économie. Pour éviter le pire, le Québec doit faire sa part et réduire ses émissions de gaz à effet de serre de moitié d'ici 10 ans pour les éliminer complètement d'ici 25 ans.

Le Président (M. Simard) : Mme Poirier...

Mme Poirier (Andrée) : Il ne suffit pas d'investir dans le transport en commun, il faut aussi le faire dans l'électrification du transport, encourager la production locale et mettre fin à notre dépendance au pétrole.

Nous voulons, finalement, aborder la prolongation inacceptable de l'état d'urgence prévu à l'article 31 du projet de loi. La crise sanitaire ne peut servir de prétexte pour suspendre indéfiniment les droits des salariés, et ce, en pleine période de négociation des conventions collectives. Le projet de loi laisse le champ libre au président du Conseil du trésor pour imposer d'autres décrets, niant ainsi le fondement même du droit d'association. Les arrêtés ministériels qui octroient les pleins pouvoirs aux centres intégrés ne peuvent demeurer en vigueur indéfiniment, particulièrement l'arrêté 20-07. Il est intolérable de prolonger cet état d'exception qui limite les demandes de congé pour les salariés, entrave la prise des journées fériées et des vacances, en plus de réassigner les membres de l'APTS à des tâches hors de leur champ d'expertise, privant ainsi une partie de la population des services.

En conclusion, l'APTS souhaite rappeler au gouvernement que l'adoption à toute vitesse d'un projet de loi limitant l'encadrement réglementaire lié à des dépenses d'infrastructures structurantes est carrément inacceptable et ne laisse rien présager de bon. Limiter la surveillance encadrant la distribution des contrats publics n'est pas la réponse ni pour relancer l'économie ni pour s'adapter au contexte d'urgence sanitaire. Les professionnelles et les techniciennes de l'APTS luttent depuis des moins pour endiguer une pandémie. Il est temps que le gouvernement comprenne qu'elles méritent traitement équitable. C'est vital pour sortir de la crise et pour voir arriver la prochaine.

Le Président (M. Simard) : Merci. Mme Bédard.

Mme Bédard (Nancy) : Donc, merci de nous accueillir ce soir.

Le Président : En théorie, il vous reste trois minutes.

Mme Bédard (Nancy) : Oh là là!

Le Président (M. Simard) : C'est en théorie, mais, ceci étant dit...

Mme Bédard (Nancy) : Merci.

Le Président (M. Simard) : Mme Bédard, juste 10 secondes, parce qu'il y avait une proposition à l'effet que vous puissiez dépasser un peu. Je pense qu'il y a consentement autour de la table. Alors, prenez le temps requis, madame, et on retravaillera avec le secrétariat pour répartir le temps. Allez-y, Mme Bédard. C'est que j'avais besoin du consentement avant. Merci.

Mme Bédard (Nancy) : Merci. Alors, M. le Président, M. Dubé, MM., Mmes les parlementaires, merci de nous accueillir à cette commission parlementaire, mais dans ces circonstances particulières qui m'amènent à vous livrer en cinq minutes ce que nous pensons, au niveau de la FIQ et ses 76 000 professionnels en soins, de ce projet de loi.

Donc, dans ce cadre-là, l'intervention de la FIQ sera donc axée sur l'état d'urgence sanitaire et les articles 31, 32 de ce projet de loi, ce projet de loi, soi-disant, qui cherche à atténuer les conséquences, mais pourtant les articles 31 et 32 du projet de loi visent plutôt, pour nous, à maintenir ces effets en le prolongeant de manière arbitraire et sans aucun garde-fou. Pour les professionnels en soins que nous représentons fièrement, l'état d'urgence sanitaire décrété par le gouvernement le 13 mars pouvait peut-être être justifié jusqu'à un certain point par la situation de crise qui était vécue à ce moment. Mais, depuis plusieurs semaines, pour nous, il nous apparaissait plutôt évident qu'il devait y avoir un terme, mais non. L'impact de sa prolongation sur une longue durée touche de nombreux secteurs de la société, mais elle est particulièrement critique pour l'ensemble des employés de la santé, ces femmes, notamment, qui sont au front de la pandémie et que le gouvernement ignore et qu'il malmène via ce décret, sans égard réel à la pandémie.

Les énormes pouvoirs qui découlent de l'état d'urgence sanitaire, notamment la gestion par arrêtés ministériels, sont des pouvoirs exceptionnels qui doivent être encadrés. Et, si l'expérience des trois derniers mois est garante du futur, bien, laissez-moi, ici, vous alerter sur l'abus de pouvoir que cet état d'urgence a permis d'installer sur le terrain. Si la Loi sur la santé publique vient baliser l'utilisation de l'état d'urgence et force celui qui le réclame à devoir le justifier régulièrement par des mécanismes démocratiques, c'est parce qu'il s'agit, justement, de pouvoirs extraordinaires et que leur utilisation doit reposer sur des critères, des critères exceptionnels puis des critères scientifiques.

Dans le contexte où le Québec se déconfine, actuellement, en se basant sur la science, bien, étonnamment, il semble que la science, elle ne s'applique plus au moment où on se trouve à l'entrée d'un établissement de santé, à moins que la science de la gestion ait préséance sur la santé publique lorsqu'il s'agit des travailleuses du réseau de la santé. Mais ça ne devrait pas être ça, puis tout le monde le sait.

Pour nous, rien n'empêche le gouvernement de réagir à nouveau puis de mettre en place les bons leviers, avec les apprentissages des derniers mois, s'il y a une deuxième vague et si elle avait le malheur de s'abattre sur le Québec. Mais, de toute évidence, avec ce projet de loi, le gouvernement fait plutôt le choix de se soustraire à ses propres lois, à l'obligation d'être remis en question puis à ses obligations en vertu des conventions collectives dûment négociées.

Pour nous, la gestion par arrêtés ministériels bafoue les droits des travailleuses, vient accentuer l'épuisement et le désespoir qui étaient déjà ancrés bien avant la pandémie. En prolongeant à sa guise un état d'urgence sanitaire, qui ne correspond ni aux critères scientifiques ni à la réalité du terrain, le prétexte de la pandémie risque de servir à toutes les sauces pour justifier une gestion de conditions de travail absolument inacceptable. Le gouvernement va créer une démobilisation massive des professionnelles en soins, puis je vais le dire comme ça, qui en ont vraiment ras le bol qu'on les tienne pour acquises. Le réseau de la santé et les patients en feront largement les frais, et ce n'est certainement pas ce que l'on souhaite, ce que vous souhaitez et ce que la population souhaite.

Quelques mots sur la vision économique de ce gouvernement telle qu'elle transparaît dans le projet de loi n° 61. Bien, comme ses prédécesseurs, la réponse du gouvernement est, bien sûr, d'investir dans les infrastructures, le secteur privé et la construction en évitant, dans ce projet de loi, de rendre des comptes. Pourtant, il y a une chose à retenir de cette crise, c'est l'urgence d'investir aussi dans les services à la population, et l'État dispose de tous les leviers pour entreprendre une relance économique basée sur la stimulation de l'emploi et un rehaussement significatif des services à la population. Même si le gouvernement cherche à les cantonner dans leur rôle d'anges gardiennes, les femmes sont aussi des agentes économiques, et investir dans leur bien-être contribue à stimuler, aussi, l'économie en assurant des services à la population. Ce n'est pas le choix qui semble être fait dans ce projet de loi.

Alors, ne serait-ce que pour les articles 31 et 32, mais aussi parce qu'il autorise le gouvernement à passer outre tellement de critères, parce qu'il est une atteinte au fonctionnement démocratique de notre société et parce qu'il constitue une grave atteinte aux femmes du réseau de la santé, il est impératif pour nous que ce projet de loi soit abandonné. Merci.

Le Président (M. Simard) : Bien, Mme Bédard, ça fait... on est 10 minutes, dans les temps. Vous êtes vraiment une pro. Je, donc, cède la parole à M. le ministre. Vous disposez de... pardon, de 8 min 20 s... non, de 13 minutes. Bien oui, c'est ça, il me semblait bien. Je cherchais ma ligne, je l'ai trouvée. On s'est retrouvés. Merci, M. le ministre.

• (20 h 40) •

M. Dubé : Alors, merci, M. le Président. Alors, Mme Poirier, Mme Bédard, encore une fois, comme je l'ai dit tout à l'heure, merci d'être là. Je comprends très bien, et on en a parlé quelques fois au cours des derniers mois, la difficulté et la sévérité de la situation que l'on vit depuis plusieurs mois ensemble.

Je peux vous dire que, bon, je vous ai écouté toutes les deux, et je pense qu'il n'y a pas personne qui s'attendait — puis je me souviens très bien quand on s'est rencontrés, un dimanche après-midi, avec le premier ministre, au Conseil du trésor — à cette crise-là de cette ampleur-là. Puis je me souviens, à ce moment-là, qu'on était ensemble et qu'on vous a demandé... je ne ferai pas référence aux anges gardiens... à votre professionnalisme pour essayer de passer ensemble à travers cette crise-là. Puis tout le monde est bien conscient qu'on est dans à peu près le pire moment pour négocier une convention collective, et on vous a demandé de passer par-dessus ce fait-là. Et je dois vous remercier pour le fait que vous l'avez fait, parce que ce n'est pas facile de faire le travail que vous avez fait dans des conditions qui sont vraiment difficiles. Et je pense que... Je ne fais pas ça pour être aimable, gentil, je le pense vraiment.

On a tous des cas qu'on a vécus dans nos familles, très, très, très difficiles, et je dois dire que le travail que vous avez fait dans ces conditions-là est admirable. Alors, je peux comprendre, aujourd'hui, certains des commentaires que vous faites, et je les respecte, et je les entends.

Bon, maintenant, j'aimerais peut-être en prendre quelques-uns, si vous permettez, parce que ces occasions-là, dans ces temps difficiles là, pour moi, doivent nous servir à nous rassembler et non nous diviser, parce que c'est ensemble qu'on vit cette crise-là. Vous avez un rôle excessivement important dans ce que vous faites, mais on est tous des patients de la crise COVID en ce moment. Bon, moi, j'ai plus une lunette économique, mais je reste quand même un patient potentiel avec le risque dont on parle.

Trois choses. Quand vous dites... Puis je veux juste, peut-être, m'inscrire sur quelques-uns de ces commentaires-là, puis je m'adresse à vous deux parce que vous avez des propos qui sont semblables sur certains éléments. Quand vous dites que le plan de relance, ce n'est pas seulement les infrastructures, je suis d'accord avec vous. Le projet de loi qu'on discute aujourd'hui, c'est un plan de relance qui porte sur les infrastructures, mais le plan de relance, que l'on discute avec tous les partenaires depuis plusieurs semaines, porte sur bien d'autres choses. Alors, aujourd'hui, c'est vrai qu'on est dans une discussion sur les infrastructures, mais le plan est beaucoup plus large que ça.

Quand vous dites, puis je suis dans la même voie, qu'il faut que le plan de relance tienne compte de nos ressources, de comment on investit dans nos employés, je vous ferai remarquer qu'au départ on a été très clairs qu'il fallait investir dans nos ressources, parce qu'on avait des gens dans l'écosystème de la santé qui étaient mal payés. Alors, lorsqu'on parle d'un plan de relance, lorsqu'on parle d'investissements qu'on va faire — vous avez vu, au cours des dernières semaines, des ajustements que l'on a faits depuis les offres qu'on a déposées — dans nos ressources... puis je vais juste donner, à titre d'exemple, ce qu'on a fait au niveau non seulement de nos préposés aux bénéficiaires ou de nos infirmières auxiliaires, mais ce qu'on a été en mesure de faire pour suivre dans tout le reste de l'écosystème, c'est-à-dire dans les ressources privées, dans les ressources intermédiaires, parce que cette crise-là nous a questionnés, nous a challengés à toutes les semaines. Je le répète, nous n'avions aucune idée de l'ampleur qui allait nous... de l'ampleur de cette crise-là. Alors, j'aimerais juste vous dire... puis on n'a pas besoin d'être d'accord sur tout, puis ça, je comprends ça, je pense qu'on travaille dans des conditions difficiles, mais j'aimerais vous dire que notre plan de relance, il est beaucoup plus large que ça, mais il inclut, notamment, la question des ressources.

La deuxième partie de ce plan de relance là, toujours en rapport avec la santé, et c'est pour ça qu'on n'a pas eu peur d'y investir, c'est qu'on va y mettre un volet très important au niveau de la santé. Alors, quand on parle de maisons des aînés, de rénover nos CHSLD, oui, c'est la partie infrastructures, mais je tiens à faire remarquer combien d'argent on est en train de mettre autant dans les ressources humaines que dans les ressources infrastructures, par rapport à la santé.

Bon, la deuxième vague — ça, c'est votre deuxième commentaire — la deuxième vague, selon moi, doit effectivement nous apporter des apprentissages. Puis là-dessus vous avez 100 % raison, hein? Si on était capables de se retrouver, aujourd'hui, avec l'apprentissage des trois derniers mois, puis on se retrouvait ensemble le 13 mars, le fameux dimanche après-midi, je pense qu'on ferait les choses différemment, on est tous convaincus de ça, hein? Ce qu'on a vécu dans les CHSLD, l'apprentissage qu'on a eu, les facteurs de distanciation, les facteurs de... tout ce qu'on a appris qui a pu causer... je suis 100 % d'accord avec vous qu'il faut tenir compte de ce qu'on a appris pour que la deuxième vague... et on ne la souhaite pas, mais tous s'entendent qu'il y en aura probablement une, il faut être capables d'en tenir compte. Alors, quand vous me parlez de qu'est-ce que ça nous apprend...

Et je suis d'accord avec vous quand vous me parlez de vacances, ou ces choses-là. Je pense qu'il va falloir avoir de bonnes discussions avec vous dans les prochaines semaines pour en tenir compte, parce qu'on ne peut pas rentrer dans la deuxième vague avec des ressources qu'on a aujourd'hui, avec la fatigue que vous avez et tout l'effort qui vous a été demandé. On en est très conscients, on en est très conscients. Puis, si vous profitez de ce forum-là, aujourd'hui, pour le faire, vous avez tout à fait raison, puis je le salue, parce que, chaque fois que vous avez la chance de démontrer ce que vous avez fait, je pense qu'on est très sensibles à ça.

Mais il y a une chose, par exemple, que je voudrais vous dire, puis je vais vous laisser commenter, jamais, jamais la situation de la crise sanitaire n'a été prise par nous pour se soustraire aux lois ou vous forcer à vous soustraire aux lois, jamais. La crise sanitaire, elle a été, je dirais, dictée par des conditions de la Santé publique. Et, je vais vous dire, je ne pense pas qu'il y a une personne au cabinet des ministres qui n'a pas hâte d'enlever les conditions de la crise sanitaire. Soyons clairs, là, ce n'est pas quelque chose qu'on veut garder, on n'est pas heureux de cette situation-là. Comme disait un de mes bons amis, en français : «I did not sign for this, I did not sign for this.» On se comprend bien, là, il n'y a pas personne qui est au cabinet qui est heureux de vivre cette situation-là aujourd'hui.

Le point que je veux vous faire : Est-ce que les apprentissages vont nous rendre meilleurs la prochaine fois? J'aimerais mieux qu'il n'y ait pas de prochaine fois, mais je veux être aussi... qu'on soit tous conscients qu'on ne tiendra rien pour acquis, mais qu'on va le faire, mais on va le faire avec vous. Alors, si aujourd'hui, toutes les deux, qui représentez quand même une portion très importante de notre système de santé puis que vous venez nous dire qu'on pourrait s'améliorer pour la prochaine fois, je suis parfaitement d'accord avec vous, parfaitement d'accord avec vous, mais j'aimerais qu'on le fasse dans un climat... qui n'est pas toujours facile, parce que vous êtes au front, je comprends que ce n'est pas facile, mais je veux vous dire qu'on est ouverts à pouvoir continuer d'en discuter.

Puis, sur un dernier mot, le p.l. n° 61, ce n'est pas une panacée, ce n'est pas ça qui va régler tous les problèmes. On va se concentrer sur les infrastructures, mais on va continuer d'avancer dans les autres éléments du plan de relance. Alors, je terminerais là-dessus. Je veux vous donner la chance de réagir à quelques-uns des propos que j'ai faits, mais, pour les trois points que je viens de développer, dont, notamment, qu'il est important qu'on travaille ensemble pour la prochaine étape, pour moi, c'est majeur. Alors, je vous laisse commenter, aux deux, dépendamment du temps que vous voulez vous impartir.

Mme Bédard (Nancy) : Bon, premier élément, pour tout ce que vous venez de dire, à mon avis, ça ne vous prend pas un projet de loi pour le faire et certainement pas, au niveau de l'urgence sanitaire, de permettre encore des arrêtés, selon 31, 32. Alors, si on a des apprentissages et que vous êtes en phase avec ce qu'on dit, bien, 31, 32, c'est l'apprentissage de la pire des choses à faire. Et ce n'est certainement pas la Santé publique qui doit dicter comment on doit valoriser, comment on doit mobiliser les gens sur le terrain. Et les arrêtés qui ont été faits et permis pendant l'urgence sanitaire, ça a fait tout le contraire. Donc, ces apprentissages-là font en sorte que, pour moi, si on se comprend bien puis si vous êtes vraiment honnête dans ce que vous dites, on ne devrait certainement plus retrouver ces articles-là dans un projet.

M. Dubé : ...honnête, là, je vais prendre votre commentaire. J'ai été très transparent, 31 et 32, c'est une partie du projet de loi. Alors, quand vous dites qu'on n'a pas besoin de ce projet-là, vous voulez dire pour les infrastructures?

Mme Bédard (Nancy) : Pour les articles dans ce projet, les articles sur lesquels je commentais.

M. Dubé : O.K., pour ces deux articles.

Mme Bédard (Nancy) : Oui. En tout cas, certainement, parce que c'est surtout là-dessus que les professionnels en soins voulaient qu'aujourd'hui je puisse avoir une discussion.

M. Dubé : Parce que je pensais que vous disiez qu'on n'avait pas besoin du tout du projet de loi.

• (20 h 50) •

Mme Bédard (Nancy) : Non, mais je vais me permettre, potentiellement, certains éléments dans la rapidité de vouloir bâtir des maisons pour les aînés. Puis vous le savez qu'en 2014, du congrès FIQ, les petites maisons pour aînés, là, je vais vous amener tout ce qu'on a fait, parce que c'était une idée FIQ, des petites maisons pour les aînés. Alors, ça me fait bien plaisir de voir écho au gouvernement, maintenant, d'en parler. Ceci étant dit, faire les choses rapidement en faisant fi de certains éléments, pour avoir été plus de 20 ans dans un établissement où parfois on a fait les choses vite, je peux juste vous dire que, quand on ne prend pas le temps de bien regarder avec les professionnels qui vont y travailler comment on va mettre le personnel dans ces bâtisses-là, de pouvoir s'assurer de donner des soins de qualité et sécuritaires... et d'ajouter des lits, au Québec, dans une façon très rapide, dans les deux dernières années, ça peut avoir l'air super bien, là, mais de faire les choses... il faut les faire correctement avec tous les éléments qu'il faut mettre en place. Alors, je vous mets quand même en garde d'un projet de loi qui vous permet de le faire plus rapidement, peut-être, en étant... en vous dispensant de certains éléments. Mais il faut faire attention, parce qu'on a vu plus souvent des ratés et on a dû recommencer beaucoup d'éléments. Que ce soient des agrandissements d'urgences, de blocs opératoires, j'en ai vu un puis un autre, puis, quand on a voulu les faire trop vite, ça ne correspondait pas aux standards. Alors, faisons très, très attention aussi.

Je me permettrais aussi d'aller plus largement dans ce que le projet de loi pourrait précipiter ou... Puis encore faut-il... Pourquoi besoin d'un projet de loi pour vouloir les précipiter? La question reste entière. Donc, pour nous, ça, c'est extrêmement important.

Et, la deuxième vague, effectivement, les apprentissages doivent être là. Mais, je vous le répète, quand vous parlez que vous n'avez pas voulu faire des choses puis que vous étiez très, très conscient de ce que ça demandait, bien, dans les arrêtés qui ont été émis, il y a eu beaucoup plus de difficultés, que ce soit 035, sur l'application de mobilisation... de rémunération additionnelle, ça a divisé énormément les gens. Donc, il y a beaucoup, beaucoup d'éléments à poursuivre dans la façon dont les choses ont été faites qui ne sont pas une valeur ajoutée.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

Mme Bédard (Nancy) : Alors, là-dessus...

Le Président (M. Simard) : Merci, Mme Bédard. Je cède maintenant la parole au député de La Pinière. Monsieur, vous disposez d'une période de 8 min 20 s.

M. Barrette : Je sens, Mme Bédard, que vous aimeriez continuer. Allez-y.

Mme Poirier (Andrée) : Et moi, j'aurais bien aimé compléter aussi.

M. Barrette : Allez-y, allez-y, j'ai du temps et j'ai le pouvoir de le distribuer, il m'appartient. Je vous le donne.

Mme Poirier (Andrée) : Merci. J'apprécie énormément. D'emblée, vous dites de travailler ensemble, on a des apprentissages à faire, qu'on devrait, dans ces moments-là, être unis plutôt que se diviser. Je vais faire du pouce sur ce que ma collègue disait, des primes, des traitements qui n'ont eu pour effet que de démobiliser des grands oubliés de toute cette crise-là. Vous parlez du réseau de la santé, on entend rarement parler «et des services sociaux». Il y a plein de titres d'emploi. À l'APTS, on représente 106 titres d'emploi. Et, dans toute la gestion de cette crise-là, il y a ces grands oubliés. Il y a tout le personnel de laboratoire qui a fait jusqu'à 15 000 tests par jour pour la population du Québec et pour lesquels un simple 4 % a été donné parce qu'ils ne sont pas à risque. C'est du personnel qui travaille jour et nuit, ils travaillent... ils sont oubliés. Les technologues en imagerie médicale qui font les scans, qui n'ont pas eu...

Et on doit... Depuis le début de cette crise-là, s'il y a quelque chose qu'on doit apprendre et faire autrement, c'est que, quand arrive une crise, on ne devrait pas avoir, comme représentantes syndicales... Ma collègue et moi, les premiers mois, tout ce qu'on a fait, c'est se battre pour que nos membres puissent avoir de l'équipement de protection individuelle. C'est inacceptable. Je ne pensais pas... parce que vous ne le savez peut-être pas, mais j'ai été élue en novembre, dernièrement, novembre 2019, je suis rentrée dans cette crise-là, et, comme premier mandat, me battre pour que notre personnel, nos membres, nos soignants du Québec aient l'équipement pour affronter une crise, c'est odieux. C'est odieux de ne pas avoir plus de préparation que ça et de ne pas avoir cet équipement-là. On a été un mois et demi... Et c'est encore à la ration qu'on donne du Purell, qu'on donne des masques à nos gens qui s'en vont sur le terrain. Ça fait que, quand on parle d'apprentissage, je pense que, là, on en a un beau à faire.

Première chose, se battre pour ça, ensuite répondre à la grogne des gens que vous souhaitez mobiliser, que vous souhaitez tous et toutes, comme parlementaires, puis comme citoyens, et comme membres de la population, garder dans leur poste. On doit se battre pour qu'il y ait un traitement juste et équitable. Voyons! On doit vraiment se dire : Dans un établissement, les TIM, technologues en imagerie médicale, qui reçoivent la prime de 8 %... et on doit se battre corps et âme à faire reconnaître le 8 % dans un autre établissement parce les arrêtés que vous faites, l'application des primes, ce n'est pas assez clair. Ça fait qu'on a des gens qui l'ont, d'autres qui ne l'ont pas. Il y a des grands oubliés.

Le jour où on n'aura pas nos technologues en radio-oncologie pour traiter vos enfants, vos parents, votre femme ou vous-même, on va se rendre compte qu'il y en a beaucoup, d'oubliés dans le réseau de la santé et des services sociaux. Et tous ceux qu'on a délestés, qu'on a réaffectés, que ce soit dans les résidences pour personnes âgées du secteur privé ou dans les CHSLD, ces gens-là vont travailler avec la peur au ventre, mais surtout en sachant qu'un grand pan de la population n'a actuellement pas de service. Et là je parle d'une audiologiste avec une clientèle 0-6 ans qui ne peut pas soigner ces enfants, pour lesquels il va avoir des retards, je parle du personnel de réadaptation, physio, ergo, nommez-les toutes, qui savent très bien que les gens qui viennent de subir un AVC risquent d'avoir des séquelles permanentes ou une récupération beaucoup plus lente parce qu'ils n'ont pas ces services-là. Ça fait que je pense qu'on a de beaux apprentissages à faire. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci, Mme Poirier. M. le député de La Pinière, vous pouvez poursuivre.

M. Barrette : Je veux simplement dire que j'ai beaucoup pensé à vous, à un moment donné, pendant cette crise-là, parce que l'histoire racontée par le ministre n'est pas exacte. Lorsqu'il commence son histoire par, essentiellement, «il était une fois une crise dont personne ne s'attendait», aujourd'hui on sait quoi? On sait que, devant la même maladie, devant le même calendrier, devant les mêmes informations, il y a des provinces canadiennes qui l'ont bien gérée, et ces provinces canadiennes là l'ont bien gérée, parce que, pour une maladie qui est apparue en Chine, qui a été déclarée dangereuse par l'OMS, pour laquelle le directeur de santé publique a dit, le 12 janvier, et c'est rapporté dans un article de Claude... Alec Castonguay : Si ça sort de Chine, on est dans le trouble, et que, le lendemain, le 13, elle est sortie de Chine, en Thaïlande, et que, 18 jours plus tard, au 31 janvier, il y en avait dans 18 pays, dont le Canada et les États-Unis, et, quelques jours plus tard, à Seattle et Vancouver, il y a des gens qui ont commandé des EPI, il y en a qui n'en ont pas commandé, et le Québec n'en a pas commandé.

M. Dubé : S'il y a bien quelqu'un qui n'a pas le droit de dire ça aujourd'hui, c'est le Dr Barrette, qui a mis votre système à sang. C'est...

M. Barrette : M. le Président...

Le Président (M. Simard) : Bon, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président (M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon, à l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président (M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le ministre! S'il vous plaît! Bon...

M. Barrette : Je parle, évidemment, du mois de janvier, je ne parle pas de la fin février, ce qui a fait que vous êtes allés au combat alors qu'on vous disait qu'il y avait assez d'équipements, et il n'y en avait pas assez.

M. Dubé : Qu'est-ce que vous êtes en train de faire, monsieur, là-bas?

Le Président (M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon, je vais suspendre momentanément.

(Suspension de la séance à 20 h 58)

(Reprise à 21 heures)

Le Président (M. Simard) : ...nos travaux. M. le député de La Pinière, la parole est à vous.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, je continue sur la même lancée. Je comprends votre sentiment, Mme Poirier. Vous, Mme Bédard, c'est sûr que tout aurait été différent si les ratios auraient été appliqués, n'est-ce pas? Nous serions partis de plus haut, peut-être, pour arriver plus bas, en quantité de personnel, mais on est partis de bas à arriver à moins bas.

Je vais vous poser une question, comme ça, parce que vous venez ici vous exprimer à propos du projet de loi n° 61 : À votre avis, là, à quoi ça sert une clause pour reconduire indéfiniment l'urgence sanitaire? Comment vous voyez ça, vous, cette manoeuvre-là?

Mme Bédard (Nancy) : Pour nous, c'est de l'abus de pouvoir, c'est très autoritaire puis ça n'a pas lieu d'être, clairement. Puis, je vais le répéter, deux éléments que vous avez dits, notamment les ratios, c'est sûr que, tant qu'à en parler, je ne peux pas passer outre le fait de ça, ça fait plus de deux ans qu'on demande une loi sur les ratios, qu'on demande qu'on puisse commencer à le déployer suite au projet, et, si ça avait été fait l'année dernière, suite au projet, on aurait vraiment eu une valorisation puis on aurait été capables d'avoir des professionnels en soins de façon très importante, notamment en CHSLD, parce que c'est l'endroit où on aurait pu le commencer. Et c'est avec ça qu'on était partis avec la ministre, l'année passée, pour lui dire : On devrait... lancez-le, partez-le... une campagne de valorisation, les choses doivent changer. Les postes à temps complet auraient été déjà beaucoup plus... aurait beaucoup plus pris preneur. Donc, clairement, on a manqué d'offensive, on a manqué le bateau, à cette époque-là, mais il n'est jamais trop tard. Alors, j'ai encore espoir qu'on va faire cette annonce-là.

Et j'ajouterais, à cet effet-là, que le premier ministre était déçu, le 19 mai dernier, quand on a dû se présenter devant son bureau pour lui parler, justement, des arrêtés qui se retrouvent encore, là, dans le décret d'urgence sanitaire puis dans la loi que vous présentez, dans le projet de loi, encore potentiellement en vigueur pendant un an ou deux ans, pour lui dire qu'on voulait avoir des vacances et un temps de repos. Et on est obligés de manifester toutes les semaines, parce que les arrêtés puis le pouvoir que vous avez donné aux gestionnaires puis aux établissements sont appliqués de façon abusive. Puis on a réussi à faire arrêter un arrêté qui allait... qui venait dire «une semaine ou deux semaines maximum». Puis, à chaque semaine, on est obligés de faire des manifestations pour pouvoir avoir des vacances, et là il reste deux établissements, mais qu'est-ce qu'on est en train de faire? On est en train de se mobiliser puis être obligés de brasser le Québec pour quelque chose qui d'office aurait dû être donné aux professionnels et dire : Vous aurez vos vacances.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, Mme Bédard. Malheureusement, je dois vous arrêter ici parce qu'on a des temps à respecter pour chacune des formations politiques, comme vous le savez, et c'est maintenant le tour du député de Rosemont. M. le député, vous disposez de 2 min 20 s.

M. Marissal : Merci, M. le Président. Mesdames, bonsoir. Merci d'être là. Merci de ce que vous faites, aussi. Mais je n'ai pas beaucoup de temps pour vous congratuler, mais sachez que c'est sincère, et pour me désoler du sort des gens que vous représentez aussi, ça, ça va de soi.

D'ailleurs, à ce sujet, je me suis laissé dire, récemment, par une source généralement bien informée, que, depuis le début de la pandémie, depuis le 13 mars, juste dans l'est de Montréal, il y a plus de 110 infirmières qui ont démissionné. Est-ce que c'est un phénomène que vous confirmez? Sans confirmer les chiffres nécessairement, est-ce que c'est quelque chose que vous avez noté, effectivement, que le découragement, le désespoir est à ce point que les gens quittent carrément, lancent la serviette? Et je les comprends, il n'y a aucun jugement là-dedans.

Mme Poirier (Andrée) : Je ne pourrais pas donner de réponse sur les infirmières, mais je peux vous dire que, dans des secteurs d'activité, notamment la DPJ, on assiste à des changements. 77 personnes sur 108, en Abitibi-Témiscamingue, qui ont quitté la profession à la DPJ. Ça fait qu'il y a des pans complets de nos travailleuses et travailleurs qui quittent. Nous, au niveau psychosocial, il y en a beaucoup et, au niveau des travailleurs sociaux, il y en a plusieurs qui s'en vont au privé. Il y en a aussi qui quittent et qui s'en vont carrément vers d'autres professions à cause de ce qui se passe, actuellement.

Et d'avoir à se faire gérer par des arrêtés, donc changer tes horaires de travail, travailler le soir, les fins de semaine, devoir aménager toute la conciliation famille-travail, changer de gardienne, se trouver des moyens, il y a des gens qui sont absolument découragés. Et cet état-là, actuellement, nourrit la démobilisation des gens à rester dans le réseau de la santé, mais elle a un impact très positif sur la mobilisation parce que, vous pouvez voir, il y a des manifestations à tous les jours pour faire reconnaître... Mais c'est incroyable, parce qu'on leur demande de tenir le Québec à bout de bras, mais en même temps on leur dit : Bien, allez dehors revendiquer pour avoir un salaire décent, des conditions décentes, avoir moins de surcharge de travail ou avoir des vacances. C'est...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, Mme Poirier. Je cède maintenant...

Mme Bédard (Nancy) : Je vais me permettre de répondre. On parlait des infirmières, et, oui, c'est vrai, c'est à coups de dizaines, là, par jour, que, moi, on m'écrit qu'on démissionne, ou on change de cap, ou on s'en va vers d'autres professions. Alors, votre source, elle est bonne. Puis ça, c'est en plus des cas d'invalidité qui montent, actuellement. Alors, c'est vraiment... il faut changer, vraiment, le cours des choses. Et ce projet de loi là ne répond pas, en tout cas, à changer le cours des choses pour les professionnels en soins que je représente. Au contraire, il leur fait très peur.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez également de 2 min 20 s.

M. Ouellet : Merci beaucoup, mesdames, de ce vibrant plaidoyer à 9 heures le soir. Vous nous avez gardés éveillés. Merci.

Je veux revenir... Au départ, vous avez fait mention, et vous avez raison de le faire... On a eu plusieurs groupes qui sont venus nous voir, souvent des groupes seuls, syndicats de la construction, la CSN, FTQ. Et, dans ce projet de loi là, on parle d'un projet de relance mais aussi de l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence. Et, lorsqu'on parle des conséquences de l'état d'urgence, vous en avez fait mention, mais vous avez dû partager votre temps... donc, effectivement, je le déplore tout autant, considérant que vous représentez, à vous deux, combien de membres, s'il vous plaît?

Mme Poirier (Andrée) : 131 000.

M. Ouellet : Qui sont présentement au front en train de soigner le Québec et d'aider le Québec. Mesdames, je vais être très court. La deuxième partie du projet de loi parle d'un projet de loi qui veut atténuer les conséquences de l'état d'urgence. Est-ce que vos organisations considèrent que le prolongement de l'état d'urgence sanitaire pourrait avoir un impact sur la santé mentale de vos membres?

Mme Poirier (Andrée) : Tout à fait.

Mme Bédard (Nancy) : Absolument. Et, pour le réseau de la santé, hein, parce qu'il va en rester moins qu'il en restait avant, malheureusement, et on ne les a pas mobilisés du tout. Et, si ce projet de loi est adopté tel quel, bien, ça ne sera pas bon pour tout le monde, et pour la population et pour les patients du Québec. Je ne sais pas qui qui va les soigner à la deuxième vague, mais on ne se rendra pas là si ce projet de loi là est adopté tel quel.

M. Ouellet : Donc, si je comprends bien, vous nous demandez d'enlever l'article 31 et 32 et, à votre suggestion, d'y mettre, pour atténuer les conséquences, l'obligation au gouvernement du Québec de fournir tout équipement de protection individuelle, lorsque demandé, lorsque requis, en nombre, en qualité, et ce, partout au Québec, c'est ce que je comprends.

Mme Bédard (Nancy) : Selon les plus hauts standards.

M. Ouellet : Selon les plus hauts standards.

Mme Poirier (Andrée) : On n'envoie pas des soldats au combat pas d'armes, pas de munitions, alors on n'enverra plus nos membres sur le terrain pas d'équipement de protection. Il n'en est pas question.

M. Ouellet : Combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Simard) : Il vous reste 30 secondes, cher collègue.

M. Ouellet : Merci d'avoir pris le temps de nous sensibiliser, pas juste au projet de loi, mais à la situation que les femmes vivent, présentement. On vous a qualifiées d'anges gardiens, j'aimerais plutôt vous qualifier de déesses, c'est-à-dire qu'au-dessus de tout il y a quelqu'un qui veille sur nous, et ce n'est pas des gens... des anges, pardon, qui le font, présentement, ce sont des gens qui se dévouent corps et âme. Donc, sans tomber dans la spiritualité, je pense que vous inspirez beaucoup plus que vous aidez. Merci.

Mme Poirier (Andrée) : Merci.

Mme Bédard (Nancy) : Merci. Et c'est vous, les parlementaires, qui vont faire une différence pour le Québec.

Mme Poirier (Andrée) : Exactement.

Mme Bédard (Nancy) : Alors, on se fie sur vous, on a besoin de vous, puis vous devez être là pour vous en assurer.

Mme Poirier (Andrée) : Parce que nous, on sera là quand vous serez malades.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, je cède maintenant la parole au député de Chomedey. Vous disposez de deux minutes, cher collègue.

M. Ouellette : J'avais comme l'impression que c'était votre mot de la fin puis c'était votre mot de conclusion. Mais je pense que vous nous avez sensibilisés, et on avait besoin de se le faire dire, là, et on avait besoin de se faire réveiller pour que... L'urgence sanitaire a amené des effets pervers, a amené des arrêtés ministériels, qui a créé des inégalités dans notre société, qui va avoir des conséquences à long terme parce que, là, il y a des démissions, il y a des gens de malades, il y a toutes sortes de gens qui se reclassifient ou qui vont aller travailler ailleurs.

C'est-tu... Y a-tu quelque chose qu'on peut faire ou est-ce qu'on peut rétablir un équilibre à quelque part? Il peut-tu y avoir un arrêté ministériel à quelque part qui rétablirait l'équilibre du réseau, là, qu'on a mis à mal? On a bien beau leur dire que vous êtes nos anges gardiens puis... Ce qui me préoccupe un peu, c'est que la deuxième vague, peut-être qu'il va en rester moins, des anges gardiens, pour s'occuper de la deuxième vague. Il n'est peut-être pas trop tard pour rétablir un certain équilibre dans les inégalités que le gouvernement a créées avec ses arrêtés ministériels.

• (21 h 10) •

Mme Poirier (Andrée) : Actuellement, en maintenant des arrêtés, ce qu'on fait, on est en train d'essayer de pallier à ce qui existait, à la crise qui existait avant la pandémie. Là, on a commencé à déconfiner, il est temps de reprendre les droits et de les redonner à nos professionnels et à nos techniciens, il est temps de les ramener dans leur poste. Le délestage, là... Il faut les ramener. Il faut penser que tous ces gens-là qu'on a déplacés, c'est des... Puis, je le dis, je parlais avec une... l'ordre des diététiciennes plus tôt cette semaine, un enfant, avant la crise, pouvait attendre un mois pour être évalué, et ça, c'étaient des cas d'urgence, maintenant on est rendus à huit mois pour des enfants entre zéro et six ans — avez-vous pensé les dommages que ça fait? — pour être évalués. Alors, il faut ramener nos professionnels et les ramener dans leur poste de travail pour que la population du Québec ait accès à tous les services dont ils ont besoin.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, Mme Poirier et Mme Bédard, merci beaucoup d'être venues. On vous souhaite une belle fin de soirée.

Je vais maintenant suspendre nos travaux afin de faire place à nos prochains invités. Au plaisir.

(Suspension de la séance à 21 h 11)

(Reprise à 21 h 15)

Le Président (M. Simard) : Donc, nous sommes de retour. Avant de poursuivre, j'aurais une petite question d'intendance à régler avec vous. Le secrétariat m'informait que nous avons déjà pris 15 minutes de retard. Évidemment, vous vous souvenez des problèmes de technologie, et autres. Donc, y aurait-il consentement afin que nous puissions dépasser l'heure initialement prévue, ce qui nous amènerait quelque part vers 22 h 45? Consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Simard) : Consentement. Très bien. Alors, Mme Rinfret, Mme Corneau, du Protecteur du citoyen, bienvenue parmi nous. Vous savez que vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation. Alors, nous vous écoutons.

Protecteur du citoyen

Mme Rinfret (Marie) : Merci. Je vous présente Mme Chloé Corneau, qui m'accompagne, qui est coordonnatrice en matière d'enquêtes en administration publique.

M. le Président de la Commission des finances publiques, M. le ministre, Mme, MM. les députés membres de la commission, je remercie la Commission des finances publiques d'avoir invité le Protecteur du citoyen à participer aux consultations sur le projet de loi n° 61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19.

Brièvement, je rappelle que le Protecteur du citoyen reçoit les plaintes de toute personne insatisfaite des services des ministères, des organismes ou encore des instances du réseau de la santé et des services sociaux. Il veille aussi à l'intégrité des services publics en traitant les divulgations d'actes répréhensibles qui s'y rapportent et les plaintes en cas de représailles. Ses missions et ses interventions en font un acteur majeur de démocratie. Lorsqu'il juge opportun et d'intérêt public, le Protecteur du citoyen propose des modifications à des projets de loi et de règlement. C'est à ce titre que je présente aujourd'hui à cette commission nos constats et recommandations concernant le projet de loi n° 61.

D'entrée de jeu, le Protecteur du citoyen reconnaît les efforts du gouvernement pour relancer l'économie québécoise en contexte de crise sanitaire. Toutefois, son engagement à l'égard d'un gouvernement ouvert lui commande de placer les principes de transparence, d'intégrité, de collaboration et de participation citoyenne au coeur de toutes les décisions qu'il prend pour faire face aux retombées de la COVID-19. Il en va de sa volonté de contrer les risques de corruption et de mauvaise administration.

Je débute en vous disant que je suis préoccupée par la mise en place d'un régime parallèle au cadre légal et réglementaire qui irait à l'encontre de cette essentielle transparence. C'est, à plusieurs titres, ce que fait le projet de loi n° 61. Je m'explique. Tout d'abord, le moment de la fin de l'état d'urgence tel que défini par le projet de loi. Actuellement, l'état d'urgence décrété par le gouvernement prévaut pour une période maximale de 10 jours. Il peut être renouvelé pour d'autres périodes maximales de 10 jours ou, avec l'assentiment de l'Assemblée nationale, pour des périodes maximales de 30 jours. Le projet de loi, pour sa part, prévoit que le gouvernement pourrait prolonger cet état d'urgence sanitaire le temps qu'il le jugerait nécessaire. Parallèlement, pour relancer l'économie, il disposerait d'un pouvoir additionnel pour modifier toute disposition d'une loi ou d'un règlement dans plusieurs domaines, ceci excluant le débat législatif. Le Protecteur du citoyen recommande que l'état d'urgence décrété par le gouvernement ne puisse pas dépasser six mois, période à l'expiration de laquelle il pourrait être renouvelé pour cette même durée maximale avec l'assentiment de l'Assemblée nationale.

Le projet de loi prévoit aussi des mesures importantes d'allègement en matière environnementale ou en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Pour ce faire, le gouvernement procéderait par règlement. Afin d'accélérer l'application de ces règlements, leur délai de publication passerait de 45 à 10 jours. Dans certaines situations, cette publication ne serait plus requise. De plus, l'entrée en vigueur des règlements ne devrait plus attendre les deux semaines habituelles après leur publication à la Gazette officielle. L'accélération du processus réglementaire s'accompagnerait donc d'une atteinte au droit des citoyens et des citoyennes d'être partie prenante au processus démocratique. À notre avis, le projet de loi devrait prévoir un délai de publication minimal de 30 jours et un délai d'entrée en vigueur minimal de 10 jours pour toute mesure réglementaire prise conformément au projet de loi.

• (21 h 20) •

Selon ce que prévoit le projet de loi, la reddition de comptes effectuée dans le cadre d'un projet — infrastructures ou autre — favorisant la relance attendue porterait uniquement sur ses effets économiques pour le Québec. Comme il s'agit ici de projets d'envergure assortis de mesures d'allègement et d'accélération auxquelles se grefferont des impacts sociaux et environnementaux, la reddition de compte proposée par le projet de loi n° 61 serait nécessairement incomplète.

Ainsi, en période d'urgence sanitaire, la ou le ministre responsable d'un projet bénéficiant d'une mesure d'accélération devrait avoir l'obligation de présenter à la commission parlementaire compétente, tous les six mois, un rapport qui expose ses impacts sociaux et environnementaux ainsi que le montant des compensations financières versées, le cas échéant.

En matière fiscale, le projet de loi permet la suspension de certains délais, et ce, pour la durée de l'état d'urgence, à laquelle s'ajoutent 90 jours. Ce faisant, Revenu Québec pourrait cotiser au-delà des délais normaux, actuellement de trois et quatre ans, et suspendre le délai de prescription des dettes fiscales, qui est actuellement de 10 ans. Par les mesures proposées, on veut éviter que Revenu Québec ne puisse pas cotiser ou récupérer des sommes dues en raison de l'écoulement du temps. Toutefois, plus l'état d'urgence sanitaire perdure, plus le nombre d'années pouvant faire l'objet d'une cotisation augmente. Ainsi, la ou le contribuable pourrait subir des préjudices liés à ces prolongations, par exemple avoir de la difficulté à assembler sa preuve pour répondre à une vérification fiscale. Le projet de loi devrait donc limiter aux 90 jours suivant la date du 1er décembre 2020 ou la date de la fin de l'urgence sanitaire, selon la première éventualité, la suspension des délais de prescription.

Le projet de loi prévoit que la ou le ministre responsable d'un projet d'infrastructure puisse déroger par voie réglementaire à la plupart des exigences environnementales et que cette dérogation serait réputée conforme à la Loi sur la qualité de l'environnement. À notre avis, la portée du projet de loi à cet égard est trop grande. Ainsi, afin de respecter les enjeux environnementaux et éviter de créer un régime parallèle mettant de côté les protections requises, le projet de loi devrait du moins préciser que les règlements adoptés doivent prévoir que tout manquement à l'une de ces dispositions donne lieu à une sanction administrative pécuniaire ou constitue une infraction en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Actuellement, il appartient au gouvernement d'autoriser le recours au pouvoir d'exception que constitue le droit d'exproprier un bien à des fins d'utilité publique. Le projet de loi attribuerait désormais ce pouvoir au ministre des Transports, voire, à certaines conditions, à l'organisme qui aurait élaboré un projet d'infrastructure. De plus, les citoyennes et citoyens seraient privés de leur droit de contester une expropriation. Or, les mesures d'accélération au processus d'expropriation s'appliquent pour plus de 200 projets d'infrastructure à la grandeur du Québec. Il est donc nécessaire de maintenir une procédure permettant aux citoyens et citoyennes concernés d'être entendus et faire valoir leurs droits à l'égard d'un avis d'expropriation. Le Protecteur du citoyen recommande donc que soient maintenus les recours portant sur le droit à l'expropriation, étant donné que la loi prévoit déjà un mécanisme pour que ces contestations soient instruites et jugées d'urgence.

Enfin, je porte à votre attention une situation qui pourrait être réglée par le projet de loi n° 61 et qui concerne le milieu carcéral. À la suite de nos recommandations, la responsabilité de l'offre de services en santé et services sociaux dans les établissements de détention a été transférée du ministère de la Sécurité publique au ministère de la Santé et des Services sociaux presque partout au Québec. Ce transfert tarde toutefois dans les établissements de Montréal, qu'on appelle Bordeaux, et de Québec, qui regroupent pourtant près de 40 % de la population carcérale. On nous mentionne qu'un projet de loi serait requis pour régler cette question. Par ailleurs, l'amélioration des soins dans les établissements de détention où le transfert de responsabilité a eu lieu est constatée. D'ailleurs, je peux témoigner que l'expertise du personnel infirmier venu en renfort à l'Établissement de détention de Montréal a permis de contrôler efficacement l'éclosion du virus de la COVID-19 qui s'y était propagé. En conséquence, le projet de loi n° 61 devrait permettre de régler la question du transfert des effectifs du ministère de la Sécurité publique vers le réseau de la santé et des services sociaux en vue de compléter le transfert en matière de soins de santé et de services sociaux.

Je termine en insistant sur l'importance de la confiance de la population envers les institutions qui la gouvernent, particulièrement lors d'une période comme celle-ci. Cette confiance requiert une transparence sans faille et une imputabilité complète des autorités afin d'assurer une gestion responsable dans l'intérêt public. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, madame. M. le ministre, vous disposez d'une période de 14 min 30 s.

M. Dubé : Très bien. Alors, merci, M. le Président. Alors, écoutez, je veux, premièrement, vous remercier de votre présentation et, je dirais, de la qualité et de la pertinence de vos propos. J'aimerais vous dire que, tout d'abord, la confiance du public dont vous parlez, c'est probablement la source... la chose la plus importante dans cette période de crise que l'on vit, d'avoir confiance dans ses institutions démocratiques, donc je salue vos commentaires.

J'aimerais vous dire, puis je trouve très, très pratique... il y en a quelques-unes que je vais peut-être citer, parce que je l'ai dit depuis le début que notre projet de loi, qui veut s'attaquer à une partie du plan de relance qui est basé sur les infrastructures, ce n'est pas l'ensemble du plan de relance, mais c'est une partie, doit peut-être être amélioré, je le dis depuis le début, et vous arrivez avec des suggestions, disons, très précises.

Alors, par exemple, lorsque... le moment de mettre fin à la période de la crise sanitaire, en ce moment, qui est vu comme un temps indéfini, vous avez choisi six mois. Je veux juste vous entendre là-dessus, parce qu'entre indéterminé et le 10 ou 30 jours qu'on a en ce moment comme possibilités, bien, pourquoi vous avez choisi six mois? Puis je ne dis pas... je ne le questionne pas, je suis très ouvert à trouver la période que vous jugeriez, disons, à propos, tenant compte, toujours, de la... que c'est la sécurité, c'est la Santé publique qui nous fait une recommandation par rapport à ça, mais j'aimerais vous entendre, pourquoi vous avez mis un temps maximum de six mois.

Mme Rinfret (Marie) : D'abord, un, parce que c'est un temps maximum et, je vous dirais, en termes d'efficacité, dans la mesure où ce qu'on recommande en cas d'une prolongation, c'est avec l'assentiment de l'Assemblée nationale, donc que l'Assemblée nationale siège durant cette période-là. Et également c'était aussi en lien avec la reddition de comptes qu'on demande et qu'on propose, au fond, avec l'évaluation sur les projets d'infrastructure.

M. Dubé : Vous dites : C'est un maximum de six mois, si je vous comprends bien, c'est ça?

Mme Rinfret (Marie) : Oui, exactement.

M. Dubé : Et on retournerait à la réglementation de base, à savoir, quand l'Assemblée siège, on parle du 10 jours et du 30 jours, là.

Mme Rinfret (Marie) : Non, on parle... Écoutez, pour nous, puis il faudra voir comment sera libellée la proposition, mais ce qu'on propose vraiment, c'est que l'assentiment de l'Assemblée nationale porte sur une prolongation maximale de six mois. Donc, il y aura là une évaluation à faire, compte tenu du temps de la crise, est-ce qu'on sera, également, en situation de deuxième vague. Donc, il y a là un élément, je vous dirais, essentiellement, d'efficacité pragmatique au délai de six mois en lien, comme je vous disais, avec la périodicité de reddition de comptes.

M. Dubé : Très bien. Non, mais c'est clair, puis j'apprécie la suggestion, c'est très concret, très pratique.

Vous avez donné l'exemple des changements au niveau de l'urbanisme, c'est votre deuxième recommandation. Vous avez dit... entre le 45 et le 10 jours, vous avez choisi 30 jours. Donc, vous croyez, selon votre opinion et votre analyse, qu'une période de 30 jours serait suffisante? Je veux juste être bien certain que je comprends.

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, ça nous apparaît raisonnable. Je vous dirais qu'idéalement on aime bien la période actuelle, mais on conçoit que, dans un contexte où le processus peut être accéléré, bien, ma foi, 30 jours, en tout cas, de notre côté, on croit qu'il s'agit là d'une période raisonnable en temps d'urgence sanitaire, bien sûr.

• (21 h 30) •

M. Dubé : Donc, vous comprenez, puis c'était un peu ça, l'objectif qu'on avait derrière ce changement-là dans les délais, c'est d'être capables de respecter le principe de consultation, mais d'essayer de raccourcir le délai. Puis je pense que vous suggérez 30, puis on pourra le débattre lorsqu'on fera les amendements nécessaires au projet de loi, mais je vous entends très bien.

Ce qui m'amène à votre point sur la reddition de comptes aux six mois. Il y a... Je peux penser au moins à un autre organisme qui est venu, dans les deniers jours, nous parler, justement, d'une reddition de comptes qui serait plus régulière que celle qui est proposée, en ce moment, dans le projet de loi, à savoir un an — est-ce que vous la voyez de la même façon? — à l'Assemblée nationale. Vous connaissez un peu...

Mme Rinfret (Marie) : Absolument.

M. Dubé : Est-ce que... Donc, six mois. Encore une fois, je ne peux pas présupposer des discussions que nous aurons dans les prochains jours avec l'opposition sur cette question-là, mais est-ce que vous voyez un contenu qui serait différent de ce qui est proposé, en ce moment, dans le...

Mme Rinfret (Marie) : Oui. Ce qu'on comprend de la reddition de comptes actuelle, c'est qu'elle s'en tient à l'élément... au volet économique. Pour nous, compte tenu de l'ampleur, de l'envergure des projets, il y a là des impacts sociaux, des impacts environnementaux qui font partie... qui doivent faire partie de l'analyse et pour lesquels il doit y avoir une reddition de comptes auprès des institutions démocratiques, notamment auprès de l'Assemblée nationale, auprès de la population québécoise. On voit donc cette reddition de comptes... et c'est ce qu'on décline dans notre mémoire, à la recommandation 3 : «Que la reddition de comptes à laquelle sont soumis les projets d'infrastructure [qui bénéficient] d'une mesure d'accélération [doit] se faire tous les six mois; [qu'elle] inclue la présentation des impacts économiques, sociaux et environnementaux du projet», de même, évidemment, que le volet économique, et «que le rapport soit déposé à l'Assemblée nationale par le président du Conseil du trésor dans un délai de 30 jours suivant sa réception» pour ensuite être étudié par une commission parlementaire compétente.

M. Dubé : Très bien. Je n'ai pas tout à fait saisi votre objectif avec les amendements au niveau fiscal avec Revenu Québec. Je veux juste que vous précisiez votre... parce que je ne suis pas certain d'avoir bien saisi votre objectif avec ça.

Mme Rinfret (Marie) : L'objectif en est un d'équité, en est un d'équilibre des forces entre Revenu Québec et les contribuables, donc que les contribuables sachent exactement... connaissent exactement la période où ils peuvent être cotisés ou encore faire l'objet d'une vérification fiscale et, par conséquent, que Revenu Québec n'ait pas les coudées franches à retourner des années, des mois...

M. Dubé : Mais faites-moi le lien... Si vous me permettez, je ne veux pas vous interrompre, là, mais...

Mme Rinfret (Marie) : Oui, allez-y.

M. Dubé : ...faites-moi le lien avec la fin de la période, parce que vous avez fait ce commentaire-là, dans le cadre de la période sanitaire. Je veux juste comprendre. Vous dites : Si ça se perdurait trop longtemps, est-ce qu'on est en train d'extensionner la période de cotisation? C'est-tu... Je veux juste bien comprendre où vous allez avec ça, là.

Mme Rinfret (Marie) : En fait, c'est de circonscrire la période où Revenu Québec peut exiger des contribuables certaines cotisations ou certains documents en vue d'une vérification fiscale, donc que la date soit connue, que ce soit la fin de la période d'urgence sanitaire qu'on connaît et...

M. Dubé : Ah! bon, O.K., c'est ça que je n'avais pas compris.

Mme Rinfret (Marie) : Voilà, donc, vraiment qu'on circonscrit le délai.

M. Dubé : D'où le 90 jours que vous suggérez après la période. O.K., pardon, je n'avais pas compris, là, je voulais juste vous entendre.

J'apprécie la suggestion au niveau environnemental. Vous avez discuté de la question des réglementations, mais vous pensez que les sanctions pécuniaires sont importantes, c'est ça que je vous entends dire?

Mme Rinfret (Marie) : Absolument, oui.

M. Dubé : Est-ce que vous avez... Non, allez-y.

Mme Rinfret (Marie) : Je vous dirais que c'est pour cette raison-là qu'on a intitulé la section qui porte sur l'environnement «favoriser une approche responsable». Je vous dirais qu'au moment où on se parle, pour nous, on devrait mettre... puis c'est pour ça qu'on tient absolument à ce que la période sur l'urgence sanitaire soit définie dans le temps, parce qu'il faut que ça cesse, à un moment donné, pour continuer à mettre les énergies sur les réformes qui sont entreprises. Et actuellement il y a des réformes en matière d'environnement qui sont à l'étude, et ce qu'on aimerait, c'est d'avoir... de mettre toutes nos énergies pour faire en sorte que les obligations que nous avons respectent notre devoir en matière environnementale. Et c'est pour cette raison-là qu'au paragraphe 37 — et j'attire votre attention sur le paragraphe 37 de notre mémoire — on indique : «[On attire votre] attention sur le fait que la modernisation du régime d'autorisation de la Loi sur la qualité de l'environnement est présentement en cours et qu'elle a pour objectif de réduire les délais d'autorisations environnementales. [Donc, pour nous,] les efforts devraient [...] être consacrés à la mise en oeuvre de cette réforme au lieu de créer un régime parallèle.»

Toutefois, on est bien conscients qu'étant en crise d'urgence sanitaire il y a les projets d'infrastructure à démarrer. Et, en ce sens-là, ce qu'on dit : Bien, à tout le moins, prévoyons, dans les règlements, des sanctions administratives qui sont collées à la Loi sur la qualité de l'environnement.

M. Dubé : D'accord. Je peux continuer, parce que, encore une fois, vous avez fait des propositions qu'on... on n'est peut-être pas toujours obligés d'être d'accord avec vos propositions. Vous entendre aussi sur vos commentaires sur le droit d'expropriation. Vous avez bien dit... Parce que ça, c'est un élément important du projet de loi, pour des raisons évidentes, lorsqu'un tracé est déterminé ou un terrain qui est susceptible de faire l'objet d'une école ou d'une maison des aînés, vous dites que la procédure pourrait être maintenue dans des cas jugés urgents. Est-ce que vous pouvez penser, selon votre appréciation pour la... puis je me mets dans la tête de votre rôle en tant que Protecteur... ou Protectrice du citoyen, que des cas où cette procédure-là pourrait permettre d'aller directement en négociation au niveau monétaire mais d'enlever le droit à la négociation? Il y a-tu des cas, selon vous, où ce serait possible?

Mme Rinfret (Marie) : Notre lecture du projet de loi n° 61, c'est qu'il retire, à toutes fins utiles, le droit d'un exproprié à contester l'avis d'expropriation. Il y a des gens...

M. Dubé : Oui, mais il lui laisse le droit, quand même, de procéder à la valorisation, c'est-à-dire à la discussion d'aller s'assurer qu'il a la bonne valeur.

Mme Rinfret (Marie) : Au niveau de l'indemnité devant le Tribunal administratif du Québec.

M. Dubé : Tout à fait, tout à fait.

Mme Rinfret (Marie) : Cependant, le droit à l'expropriation, il est extrêmement important dans le droit civil québécois. On le sait tous, pour beaucoup d'entre nous, la propriété, c'est le bien le plus substantiel, ce dans quoi on a investi beaucoup de nos économies. Et, en ce sens-là, de retirer le droit de contester l'avis d'expropriation vient, à notre avis, enlever aux personnes le droit d'être entendues, le droit de faire valoir que le tracé pourrait être ailleurs, par exemple. Et, en ce sens-là, ce qu'on constate, nous, dans le droit actuel, c'est qu'il y a une procédure qui prévoit que ces dossiers-là peuvent être instruits et jugés d'urgence. Donc, en termes d'équilibre, là, on ne voit pas de plus-value à retirer purement et simplement aux administrés, aux expropriés le droit de contester l'avis d'expropriation.

M. Dubé : D'accord. On peut différer de point de vue là-dessus.

Mme Rinfret (Marie) : Oui, absolument.

• (21 h 40) •

M. Dubé : Je vous entends, mais, encore une fois, je vous ai dit que, l'essentiel de vos recommandations, on les saluait parce qu'ils étaient pratiques. Et, celle-là, on pourra en reparler.

Maintenant, je termine avec la question au niveau carcéral. C'est intéressant, parce qu'on n'en a pas, de mention spécifique, dans notre projet, très intéressant. Je veux... mais je ne connais pas, je veux dire, la réalité de ce que vous me parlez pour Bordeaux et pour Québec. Vous avez fait une analyse plus poussée pour arriver à cette recommandation-là?

Mme Rinfret (Marie) : En 2011, nous avons produit un rapport spécial qui portait sur cette question...

M. Dubé : Vous pourrez peut-être continuer, si jamais... sur cette question, parce que mon temps est écoulé.

Le Président (M. Simard) : Malheureusement, votre temps est révolu, et je dois maintenant céder la parole au député de La Pinière, qui dispose de 9 min 40 s.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Me Rinfret...

Mme Rinfret (Marie) : ...notre dernier rapport annuel d'activité, vous allez comprendre.

M. Dubé : Très bien. Merci beaucoup.

M. Barrette : Alors, bienvenue et merci d'avoir déposé un mémoire, de venir ici participer à ces travaux-ci. Je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention dans votre 10 minutes, vous y avez mis, même, je dirais, de l'émotion, et on sentait de chez vous émaner une émotion qui me tendait à croire que vous trouvez que ce projet de loi est abusif. Est-ce que je perçois mal votre sentiment?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, pour ma part, ce qui m'importe, c'est qu'on y mette des délais, des échéances, les éléments qui vont permettre au gouvernement de rendre compte sur la gestion qui aura été faite dans un temps bien déterminé, dans un projet de loi bien particulier. Et, à ce titre-là, les éléments que nous proposons, à savoir mettre un délai bien précis à la période d'urgence sanitaire, faire en sorte que cette période-là, si elle est renouvelée, reçoive l'assentiment de l'Assemblée nationale, que les rapports à la suite des projets qui font l'objet de mesures d'atténuation, ou autres, puissent... qu'on doive en rendre compte auprès des parlementaires, encore une fois, ça vient respecter les principes de transparence, les principes d'imputabilité également, et vous permettre d'évaluer si, de fait, l'urgence sanitaire doit être prolongée au-delà du temps requis.

M. Barrette : Je ne veux pas reprendre tous vos propos, mais vous avez itemisé tous les éléments du projet de loi et, pour chacun d'eux, essentiellement, vous avez considéré qu'il y avait, avec une différente ampleur, là, un tort causé aux citoyens, à quelque part, dans ses droits, ce genre de choses là. Moi, je suis obligé de conclure de votre présentation que, vous, dans votre esprit, ce projet de loi ne peut pas être adopté tel quel.

Mme Rinfret (Marie) : Je vous dirais que ça fait partie de la mission première du Protecteur du citoyen, donc, la Protectrice du citoyen de venir vous présenter à vous, les parlementaires, dans un contexte de commission parlementaire, donc d'un projet de loi qui est à l'étude, qui est à parfaire, l'évaluation que nous en faisons alors que nous recevons de la part des citoyens et des citoyennes les plaintes et qu'on est en mesure de faire les constats, les préjudices déjà causés, dans certaines circonstances, par l'administration publique. Donc, à cet égard-là, il m'importait de venir vous présenter les recommandations que je vous formule pour faire en sorte que le projet de loi respecte et assure le respect des droits des personnes qui auront à faire affaire en matière de services publics. Voilà.

M. Barrette : Très bien. Je vais prendre l'exemple de l'expropriation. J'ai bien aimé le commentaire que vous avez fait parce qu'il est tellement à propos. Humainement, un bien, c'est quelque chose pour lequel on a travaillé parfois toute une vie, et, lorsqu'on s'en trouve exproprié, bon, déjà là, c'est quelque chose de fort comme geste de la part du gouvernement et pour la personne qui reçoit un avis d'expropriation, et, pour cette raison-là, vous souhaitez que la possibilité de contester soit maintenue. Est-ce que je comprends bien que vous souhaitez qu'elle soit maintenue, cette possibilité-là de contestation, pas simplement en situation d'urgence mais bien dans tous les cas de figure?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, la recommandation qu'on formule, c'est exactement celle-là. Ce qu'on demande, c'est que soient maintenus les recours actuels en matière d'expropriation. On a déjà, dans la législation, dans la Loi sur l'expropriation, la possibilité de demander à un juge d'instruire de manière urgente le dossier qu'on lui soumet. Donc, à cet égard-là, pour nous, les outils judiciaires sont déjà là pour faire en sorte d'accélérer le processus d'expropriation, le cas échéant. Donc, ce qu'on demande, à toutes fins utiles, c'est de maintenir les recours déjà prévus en cette matière-là.

M. Barrette : On a donc un article qui, potentiellement, peut léser la personne pas juste sur le plan émotif, mais certainement, mais sur le plan de ses droits personnels. Moi, je vois quelqu'un, là, qui se fait exproprier, puis admettons... puis je vous pose vraiment cette question-là, admettons que ça ne règle pas, là... il n'y a pas de règlement, la démarche ne se fait pas avec la vitesse ou le délai approprié pour la détermination de l'indemnité provisionnelle, cette personne-là se retrouve devant rien pendant un certain temps?

Mme Rinfret (Marie) : Oui. J'ajouterais un élément qui se retrouve au projet de loi, c'est qu'il y a des gens, à Montréal, pour le projet de la ligne bleue, je pense, hein, qui ont déjà contesté, qui sont en contestation, actuellement, devant la Cour supérieure pour leur droit à l'expropriation, et le projet de loi les prive de ce recours-là et donc fait en sorte que ça se termine.

M. Barrette : Me Rinfret, moi, j'ai eu vent de causes comme celle-là, au moment où on se parle, qui représentent des dizaines, sinon des centaines de millions de dollars, et la cause qui a été entendue ordonne au gouvernement de s'asseoir avec ces gens-là avant le 12 juin, et le gouvernement dépose une loi, pour le 12 juin, qui vient leur enlever le droit d'être entendus, et le gouvernement refuse de s'asseoir pour discuter de la compensation provisionnelle. C'est un enjeu de 125 millions de dollars, et là l'État arrive avec une loi qui vient d'arrêter leur recours. Alors, on comprend que cette personne-là ou ce groupe de personnes là se retrouvent lésés, là. C'est une réalité. Je ne vous demande pas de juger sur le cas en question, parce que... mais, quand on met en place une loi qui enlève un recours qui est en cours, qui a été débattu, qui a été jugé, et on vient annuler ça, bien, moi, quand j'ai entendu cette cause-là, Me Rinfret, j'ai trouvé l'explication du 12 juin. Alors, moi, je trouve ça vraiment malheureux, là, je dis ça comme ça, je comprends très bien, là.

J'ai commencé par ça puis je veux finir cette intervention-là comme ça : un bien, il y a quelque chose d'humainement fort là-dedans. Quand on l'exproprie, on doit — on doit — prévoir un contrepoids à l'avantage du citoyen, une cour pourra décider, d'où la contestation, ou peu importe, mais il doit y avoir un équilibre des pouvoirs, alors que, là, on est dans une situation où c'est littéralement Goliath contre David, et c'est Goliath qui fait la loi. Ça m'apparaît particulier.

Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de ça, je ne sais pas, là, je vais vous poser une question : En matière d'expropriation, dans les autres provinces canadiennes, les charges judiciaires, les frais judiciaires de l'exproprié, l'administré sont à la charge de l'État, avez-vous déjà entendu parler de ça?

Mme Rinfret (Marie) : Malheureusement, non.

M. Barrette : O.K. Parce que j'y voyais là une possibilité de faire en sorte que le gouvernement soit incité à participer d'une façon raisonnable, pour le moins, pour éviter des frais additionnels. Parce que, là, on constate que, dans certains cas, le gouvernement s'assoit, tout simplement.

Il me reste environ une minute, M. le Président, je pense.

Le Président (M. Simard) : Oui, 1 min 15 s, oui.

M. Barrette : Alors, il y a une chose que je n'ai pas comprise. J'ai bien compris ce que vous avez dit, mais il y a une chose que je veux préciser, Me Rinfret. Quand vous dites que la reconduction d'urgence, là, ne devrait pas excéder six mois, est-ce que vous souhaitez quand même que l'urgence sanitaire soit décrétée à tous les 10 jours ou vous souhaitez que ça soit des bonds de 30 jours, d'un mois, deux mois, six mois?

Mme Rinfret (Marie) : C'est de six mois.

M. Barrette : O.K. Donc, vous souhaitez, vous, que... Vous êtes...

Mme Rinfret (Marie) : C'est la proposition. Écoutez, ce qu'on souhaite...

M. Barrette : Non, non, mais en fait ce n'est pas un souhait, je comprends.

Mme Rinfret (Marie) : C'est ce qui nous apparaît proportionné dans le contexte actuel, là. Alors, voilà.

M. Barrette : Donc, qu'on puisse y aller de bonds, là, de sauts de six mois en six mois, mais vous considérez qu'il est exagéré d'aller au-delà de six mois.

Mme Rinfret (Marie) : Pour nous, c'est disproportionné.

M. Barrette : Parfait. Bon, il me reste 10 secondes, je vais terminer là-dessus. Merci beaucoup, Me Rinfret, de ces éclaircissements.

• (21 h 50) •

Le Président (M. Simard) : Merci. M. le député de Rosemont, vous disposez de 2 min 25 s.

M. Marissal : Merci. Merci, mesdames, d'être là, Mme Rinfret, Mme Corneau. Je pense qu'on peut comprendre assez clairement, là, d'une de vos demandes, de vos recommandations sur le droit à l'expropriation que cet article précis devrait sauter, carrément. C'est ce que je comprends?

Mme Rinfret (Marie) : Oui.

M. Marissal : Est-ce qu'il y en a d'autres pour lesquels vous réserveriez le même sort, c'est-à-dire que, devant l'ampleur des dommages potentiels aux droits des citoyens, il vaudrait mieux les gommer carrément?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, si ça avait été le cas, on l'aurait mentionné directement dans le mémoire au même titre que le droit à l'expropriation. Il y a des aménagements, il y a des modifications qui peuvent être apportées pour permettre, justement, au projet de loi d'arriver avec des remparts suffisants en termes de transparence et d'imputabilité.

M. Marissal : Merci des réponses rapides, j'apprécie. Une question de néophyte en droit d'état d'urgence — il faut dire qu'on l'est tous un peu parce que c'est un peu nouveau comme situation : Est-ce que des citoyens se croyant lésés par un état d'urgence sanitaire pourraient en référer à vos services pour se plaindre d'une situation dégradante, ou lésante, ou peu importe?

Mme Rinfret (Marie) : Absolument, oui. Toute personne, toute personne, que ce soit une personne physique ou encore une entreprise, peut faire appel à nous lorsqu'elle croit que ses droits ne sont pas respectés ou encore qu'elle n'obtient pas les services publics auxquels elle a droit, que ce soit en matière de santé et services sociaux... Bon, en cette matière-là, santé et services sociaux, on va intervenir en deuxième niveau. On demande... En fait, la loi oblige les personnes à porter plainte au commissaire aux plaintes et à la qualité des services pour ensuite faire appel à nous, le cas échéant. Mais, en toute matière, vous le voyez à l'égard des établissements de détention, les personnes incarcérées peuvent faire appel à nous également, donc oui.

M. Marissal : Donc, la bulle législative d'un état d'urgence n'empêche pas que quelqu'un se sentant lésé...

Mme Rinfret (Marie) : Peut faire appel à nous.

M. Marissal : ...pour elle ou quelqu'un de sa famille, pourrait éventuellement dire : Je n'ai pas eu le service auquel j'ai eu droit.

Mme Rinfret (Marie) : Oui. Je peux vous dire que, si je n'avais pas compétence, on vous l'aurait mentionné.

M. Marissal : O.K. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci. M. le député de René-Lévesque, vous disposez également de 2 min 25 s.

M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour, mesdames, de vous saluer. Votre mémoire est très étoffé. On a eu l'opportunité aussi, avec les différents collègues, d'approfondir certains pans de votre mémoire que je voulais voir approfondis, donc j'ai eu la réponse à ma question.

On va aller un peu plus loin, on va aller voir ce qui n'est pas écrit dans votre mémoire mais qui a déjà été écrit dans votre rapport de la Protectrice du citoyen sur le bilan de la loi de divulgation sur les actes répréhensibles. Vous nous faites mention de faire très attention de rester transparents, de maintenir les droits à nos citoyens, de s'assurer qu'il y ait un juste équilibre entre ce que l'État peut faire et ce que les citoyens ont droit. On cherche à bonifier ce projet de loi là, et la protection de nos lanceurs d'alerte pourrait être une avenue pour s'assurer qu'effectivement, dans le cas d'accélération de projets ou de contournement de règles, si ce qui est inscrit n'est pas respecté, on puisse le savoir, et ceux et celles qui le disent puissent être protégés. Donc, je présume que, si je vous propose d'inclure comme amendement que vous vouliez protéger la confidentialité d'un lanceur d'alerte pour qu'il soit sanctionné, ça serait une bonne chose?

Mme Rinfret (Marie) : Certainement.

M. Ouellet : Je présume que, si on pourrait inscrire la protection des lanceurs d'alerte dans une loi sur les normes du travail, ça serait une bonne chose aussi?

Mme Rinfret (Marie) : Certainement.

M. Ouellet : Et je présume aussi qu'il soit possible de suspendre des temporairement mesures imposées par l'employeur lors d'un traitement de recours de représailles, et ça serait une bonne chose aussi?

Mme Rinfret (Marie) : C'est sûr.

M. Ouellet : Donc, je n'ai pris que trois de vos recommandations qui n'ont pas fait partie des recommandations retenues par le gouvernement pour mieux protéger nos lanceurs d'alerte. Donc, vous êtes d'accord avec moi que, si on veut donner beaucoup plus de contre-pouvoirs et s'assurer que ces contre-pouvoirs-là soient protégés, si on s'en va dans ces indications-là que vous nous avez faites dans votre rapport, ça serait le bon genre de chose qu'on pourrait faire pour améliorer ce projet de loi là?

Mme Rinfret (Marie) : Certainement.

M. Ouellet : Certainement. Écoutez, je n'ai pas d'autre question. Je voulais juste valider ces prétentions-là qui sont encore vraies et qui le seraient dans ce projet de loi là. Merci, mesdames, d'avoir pris le temps. J'ai texté à mon recherchiste, il y a des points que je n'avais pas vus mais que vous avez approfondis, notamment sur l'expropriation mais notamment sur les décrets aussi, on n'avait pas capté de cette façon-là. Donc, merci de nous amener à réfléchir plus large sur ce projet de loi là. On va s'en inspirer, assurément, pour essayer de le bonifier. Merci, mesdames.

Mme Rinfret (Marie) : Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. le député de René-Lévesque. M. le député de Chomedey, pour deux minutes.

M. Ouellette : Deux minutes, ça passe vite. Me Rinfret, c'est... c'est ça, je veux... j'ai deux choses à vous demander. L'explication que vous aviez commencé à donner au ministre, pour les besoins de tout le monde puis surtout les gens qui ont veillé jusqu'à cette heure pour... à cette heure tardive pour nous entendre et vous entendre, j'aimerais ça que vous donniez un petit peu plus de détails.

Et, dans votre mémoire, nulle part vous ne faites mention... Vous parlez beaucoup d'imputabilité, imputabilité complète. Vous n'avez pas parlé de l'article 51, là, qui dégage les ministres de toute responsabilité par rapport à leurs décisions, ministres, organismes, gouvernement, par rapport à ça, vous n'en avez pas parlé. C'est-tu volontaire ou c'est un oubli?

Mme Rinfret (Marie) : Non — puis je commencerai par répondre à cette question-là — ce n'est pas un oubli, on s'est questionnés, en fait on a réfléchi à savoir, bon, est-ce qu'il y avait là une mesure extraordinaire, hein, qu'on pourrait penser. Et l'immunité se retrouve dans plusieurs lois au Québec. À partir du moment où un commettant, que ce soit un fonctionnaire, ou un ministre, ou, bon, toute personne, là, responsable d'appliquer une loi, agit de bonne foi, on va retrouver, dans la loi, une immunité de poursuite. Donc, à cet égard-là, on s'est dit : Bon, dans la mesure où on a les garanties, par ailleurs, qu'on soulève, ça va.

M. Ouellette : O.K.

Mme Rinfret (Marie) : Voilà. Pour ce qui est de votre première question, à savoir, le transfert de la responsabilité des soins de santé et des services sociaux...

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

Mme Rinfret (Marie) : Ah! excusez-moi. Bien, encore une fois, je vais vous référer à notre rapport annuel d'activité.

Le Président (M. Simard) : Alors, Mme Rinfret, Mme Corneau, merci beaucoup d'être venues ce soir. Votre présentation fut très éclairante.

Sur ce, nous allons suspendre nos travaux pour préparer la prochaine présentation.

(Suspension de la séance à 21 h 57)

(Reprise à 21 h 59)

Le Président (M. Simard) : Alors, chers amis, nous sommes de retour en ondes. Nous sommes avec MM. Bégin et Brodeur du Comité public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau. Messieurs, bienvenue parmi nous, malgré cette heure tardive. On est très heureux de vous recevoir. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation.

Comité public de suivi des recommandations
de la commission Charbonneau

(Visioconférence)

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Merci. Donc, notre intervention porte sur les dispositions du projet de loi n° 61 qui touchent spécifiquement à l'octroi et à la gestion des contrats publics, soit les articles 50 à 50.2, ce qui inclut l'article 28 du projet de loi initial. Nous commenterons ces dispositions à la lumière des enseignements tirés des travaux de la commission Charbonneau ainsi qu'en nous appuyant sur d'autres travaux portant sur les meilleures pratiques reconnues internationalement.

(22 heures)

Le projet de loi n° 61 accorde au gouvernement le pouvoir de modifier ou de suspendre, par simple règlement, les règles obligatoires prévues à la Loi sur les contrats des organismes publics ainsi que les conditions applicables à tout contrat d'un organisme municipal. Ceci implique toutes ou une partie des conditions imposées par la loi concernant, notamment, les processus d'appel d'offres, les exigences d'intégrité des contractants. L'autorisation à contracter et l'inadmissibilité aux contrats publics pourraient être suspendues ou modifiées à l'égard des projets visés par projet de loi n° 61. C'est donc l'ensemble de la normativité qui encadre l'octroi et la gestion des contrats publics qui pourrait être mis de côté par une intervention gouvernementale non soumise au contrôle parlementaire. Ceci pose des risques extrêmement sérieux à l'intégrité des marchés publics et ouvre la porte aux malversations de toutes sortes.

Tant les travaux de la commission Charbonneau que ceux de l'OCDE insistent sur la nécessité d'être très attentifs à l'ensemble des facteurs susceptibles de vulnérabiliser les marchés publics. Il en va du respect des principes de saine concurrence et d'équité entre les entreprises, mais aussi de la confiance des citoyens envers leurs élus et leurs administrations publiques. Et, comme le rappelle l'OCDE dans un document récent, 10 % à 30 % des investissements consacrés aux projets de construction à financement public pourraient être perdus à cause d'irrégularités, de gestes et d'actes de corruption. Ce sont des chiffres analogues et même supérieurs dans certains secteurs qui ont été documentés à la suite des travaux de la CEIC.

Pourtant, le projet de loi n° 61 crée des conditions extrêmement favorables à l'émergence de corruption, de collusion et d'autres malversations. Le projet de loi a pour effet d'augmenter la quantité de projets à réaliser, de conférer un caractère d'urgence à ces projets, de réduire, voire d'éliminer le cadre normatif de l'octroi des contrats, de multiplier les occasions d'interférence politique et de conférer un pouvoir discrétionnaire considérable à l'Exécutif. Par ces effets, il va à l'encontre de toutes les bonnes pratiques de saine gestion des marchés publics en augmentant significativement les facteurs propices aux comportements nuisibles à l'intégrité des marchés publics.

L'analyse des causes et stratagèmes que la commission Charbonneau a menée dans son rapport laisse peu de doute sur les dérives que pourrait entraîner l'application du projet de loi n° 61. En effet, la commission a indiqué, parmi les causes à l'origine de malversations qu'elle a constatées : l'abondance des projets, qui peut pousser des concurrents à s'entendre pour maintenir des prix élevés; les situations d'urgence, qui accroissent la vulnérabilité de l'État à la corruption; le pouvoir de décision du politique, puisque plus un élu dispose de pouvoir en lien avec l'octroi de contrats, plus il est vulnérable à la corruption politique; l'existence d'un pouvoir discrétionnaire important; la faiblesse de la réglementation; et la trop grande rapidité des projets, qui réduit le nombre de soumissionnaires potentiels.

L'analyse menée par la commission ne laisse aucun doute sur le fait que le projet de loi n° 61 aura pour effet de recréer un environnement favorable à la corruption, à la collusion et aux autres malversations. Je cède maintenant la parole à mon collègue Luc Bégin pour la suite.

M. Bégin (Luc) : Plus largement, les travaux académiques et institutionnels, et ce, tant au plan local qu'au plan international, qui sont menés sur l'intégrité des marchés publics et sur les grands projets d'infrastructure permettent d'établir que des risques se profilent à chacune des étapes de vie de ces projets. Cela débute avec la planification des travaux et l'évaluation des besoins. Ça se poursuit avec l'estimation des coûts, la rédaction des appels d'offres, la formation des comités d'évaluation, et ainsi de suite, jusqu'à la surveillance des travaux et à l'application des sanctions en cas de manquements avérés. À chacune de ces étapes, des interférences et des négligences peuvent se produire et mettre à risque la bonne gestion des contrats publics.

Les interférences du politique sur l'administratif n'ont pas besoin d'être mal intentionnées pour conduire à des opportunités de malversation dont pourraient s'emparer d'autres parties prenantes malveillantes. Il suffit, par exemple, de baisser la garde lors de l'estimation des coûts en exigeant des fonctionnaires attitrés à ces tâches qu'ils procèdent avec une plus grande diligence pour perdre ainsi le contrôle sur la valeur réelle des travaux à accomplir. C'est sans compter sur les interférences visant à favoriser certaines entreprises : phénomènes largement documentés de copinage, favoritisme et captation de la décision publique. Dans l'état actuel du projet de loi n° 61, rien ne protège contre de telles possibilités. Au contraire, il crée des conditions favorables à ces interférences.

Plusieurs types de facteurs de risque favorisent les pratiques de transgression. Une vaste étude de la littérature scientifique identifie notamment ceux‐ci : un environnement normatif déficient, une absence ou un manque d'effectivité des outils de surveillance et de contrôle, un manque de suivi des sanctions civiles et pénales, une centralisation accrue du pouvoir, un important pouvoir discrétionnaire des agents publics, une culture du favoritisme au sein des élites et des liens de proximité entre les acteurs politiques, administratifs et économiques. Le projet de loi n° 61 ouvre la porte à chacun d'eux.

Il faut également souligner que ce projet de loi permettra de mettre en place un nouveau cadre réglementaire qui serait contraire à certaines des recommandations de l'OCDE sur les marchés publics. Parmi celles‐ci, on notera les quatre recommandations suivantes : favoriser un traitement juste et équitable des fournisseurs potentiels; deuxième recommandation, mettre en place des outils d'ordre général visant à assurer l'intégrité au sein du secteur public et les adapter au besoin; troisième recommandation, mettre en place des cadres cohérents et stables sur le plan institutionnel, législatif et réglementaire; et, quatrième, faire appel à la concurrence et limiter le recours aux exceptions et à la sollicitation d'une source unique.

Les procédures concurrentielles devraient constituer la norme afin que la passation des marchés publics soit au service des gains d'efficience, de la lutte contre la corruption, de l'obtention de tarifs justes et raisonnables et de la concurrence. Au cas où des circonstances exceptionnelles justifieraient des limites à l'appel à la concurrence et la sollicitation d'une source unique, ces exceptions devraient être limitées, prédéfinies, dûment justifiées et elles devraient faire l'objet d'une surveillance adaptée qui tiendrait compte du risque accru de corruption, y compris de la part de fournisseurs étrangers. Le projet de loi n° 61 va donc complètement à l'encontre des meilleures pratiques identifiées par l'OCDE en matière d'intégrité des marchés publics ainsi qu'à l'encontre des recommandations de la commission Charbonneau. Le rapport de la commission recommande d'ailleurs de dépolitiser le processus d'octroi des contrats publics, d'uniformiser les lois et les règlements des donneurs d'ouvrage et de dépolitiser l'approbation des projets du MTQ.

Or, le projet de loi n° 61 fait exactement l'inverse. Le pouvoir exorbitant attribué au gouvernement par ce projet de loi en matière de modification ou de suspension des règles prévues par les lois est non seulement contraire au principe de la suprématie parlementaire, mais également à celui de la primauté du droit. Le principe de suprématie parlementaire signifie que l'Assemblée législative formée de membres élus, en l'occurrence l'Assemblée nationale, puisse contrôler l'action gouvernementale et s'assurer que celle-ci s'exerce en conformité avec les lois en vigueur. En permettant au gouvernement d'agir malgré la Loi sur les contrats des organismes publics, le projet de loi n° 61 porte atteinte de manière directe à ce principe fondateur de notre démocratie parlementaire. De plus, en permettant au gouvernement de faire exception aux règles législatives en vigueur pour certains projets particuliers, le projet de loi n° 61 enfreint le principe de la primauté du droit, qui suppose l'égalité de tous devant la loi.

À la lumière des travaux menés par la commission Charbonneau et les instances internationales les plus reconnues, il ne fait aucun doute que les articles 50 à 50.2 doivent être retirés du projet de loi n° 61. N'avons-nous rien appris de la commission Charbonneau? Nous savons que le secteur des contrats publics de construction est extrêmement vulnérable à la corruption, à la collusion et à l'infiltration du crime organisé. Le projet de loi n° 61 aura pour effet d'accroître cette vulnérabilité en en augmentant de manière significative les facteurs de risque. Nous savons que la corruption et la collusion entraînent des hausses de coûts variant de 20 % à 35 %. Le Québec a-t-il les moyens...

Le Président (M. Simard) : En conclusion, M. Bégin.

M. Bégin (Luc) : ... — oui — de perdre ces sommes? Merci.

Le Président (M. Simard) : Vous avez lu dans mes pensées.

M. Bégin (Luc) : Tout à fait.

Le Président (M. Simard) : M. Bégin, êtes-vous toujours le directeur de la revue Éthique publique?

• (22 h 10) •

M. Bégin (Luc) : Je suis toujours le directeur de la revue, effectivement.

Le Président (M. Simard) : C'est une excellente revue, monsieur. Je vous en félicite.

M. Bégin (Luc) : Merci beaucoup. C'est très apprécié.

Le Président (M. Simard) : Alors, je laisse maintenant la parole au ministre pour une période de 15 minutes.

M. Dubé : Alors, merci beaucoup, M. le Président. Et merci, M. Brodeur et M. Bégin. Écoutez, c'est une... J'ai plusieurs commentaires, je vais essayer de les diviser en trois blocs, si vous permettez.

Le premier bloc porterait sur, bien, justement, le suivi des recommandations qui ont été faites par la commission Charbonneau. Est-ce que, selon vous, l'essentiel, les plus importantes recommandations qui ont été faites suite à la commission Charbonneau ont été implantées ou mises en place depuis la commission?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Beaucoup de recommandations ont été mises en place — on a publié un rapport — beaucoup de recommandations importantes ont été mises en place et beaucoup de recommandations importantes restent à être mises en place, et je pense notamment à la création d'un poste de commissaire à l'éthique, déontologie et lobbyisme du Québec, qui était une fusion du Commissaire au lobbyisme et du Commissaire à l'éthique et à la déontologie.

M. Dubé : O.K. Est-ce qu'il y en a d'autres, recommandations comme celles-là, qui n'ont pas été mises en place depuis la commission Charbonneau?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Plusieurs, comme, par exemple, le rattrapage de l'expertise du ministère des Transports du Québec. Donc, la commission recommandait de hausser les efforts de rattrapage de cette expertise-là, ce qui n'a pas été fait, et donc aujourd'hui on se retrouve avec la même situation que ce qui était, notamment, dans le passé, à savoir un manque d'expertise en termes de génie au ministère des Transports du Québec.

M. Dubé : Et pouvez-vous en nommer d'autres?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Certes, mais peut-être que le plus simple, ce serait de... il me ferait plaisir de vous envoyer le rapport complet, le dernier rapport qu'on a produit en 2018, qui contient la liste complète.

M. Dubé : O.K. Je l'ai lu, puis c'est pour ça que je veux bien comprendre, parce qu'il y en a une que je trouve importante, c'est ce qui est le deuxième bloc de ma question. Dans celles qui n'ont pas été impliquées... appliquées, pardon, la recommandation n° 15, là, qui porte sur des mesures de liquidités qui ont conduit à un projet pilote sur la possibilité pour... de mieux payer les fournisseurs et qui a fait l'objet d'un projet pilote, est-ce que vous considérez que c'est une application de la commission qui est importante?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Comme toutes les recommandations de la commission Charbonneau, elle a son importance, tout à fait.

M. Dubé : Est-ce que vous considérez que... Ce projet pilote là, qui est en cours, en ce moment, pour mettre les paramètres de comment, par exemple, le ministère des Transports devrait payer ses fournisseurs, est-ce que vous trouvez que ça répond aux besoins de la commission?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Je n'ai pas pris connaissance des conditions actuelles dans lesquelles se déroule le projet pilote. Étant donné que l'invitation portait sur le commentaire du projet de loi n° 61, donc, l'intervention qu'on fait aujourd'hui va dans ce sens.

M. Dubé : O.K. Est-ce que vous faites un lien entre, justement, la question de la façon dont on paie les fournisseurs, au gouvernement du Québec, qui vient de ce projet pilote là et l'article 50 que, là, on propose dans le projet de loi n° 61?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Je ne vois pas comment le fait d'octroyer au gouvernement le droit de modifier par règlement les dispositions contractuelles a un lien avec cette recommandation-là.

M. Dubé : Bien, écoutez, je ne veux pas en faire un débat technique ici, ce soir, là, je pense qu'on pourra le faire au cours des... de le faire dans les prochains jours avec nos collègues de l'opposition, mais, lorsqu'a été mis le projet pilote en cours, c'était justement pour répondre à une recommandation de la commission Charbonneau qui demandait de mieux payer les fournisseurs. Et, comme cette demande-là n'avait pas pu permettre au ministère des Transports d'en arriver à un consensus et de respecter les délais de paiement, on a été obligés de modifier la loi de la LCOP pour être capables de profiter de mesures très strictes pour mieux payer les fournisseurs. Alors, c'est suite à la recommandation n° 15 de la commission Charbonneau que ce projet pilote là a été mis en place par l'ancien gouvernement, qui modifiait la LCOP, dont on parle, et ça prenait ces modifications-là à la loi pour être capables de le faire.

Aujourd'hui, lorsqu'on utilise l'article 50 du projet de loi, c'est pour être capables, par exemple, de faire exactement ce qui est misé par le projet pilote. Alors, c'est pour ça que j'essaie de voir si vous croyez que ce qui a été mis en place par le projet pilote et qu'on pourrait reconduire de façon permanente par le projet de loi n° 61, dont l'article 50, c'est la bonne approche, par le projet de loi n° 61.

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Donc, si votre objectif, c'est de modifier une condition ou un article ponctuel de la Loi sur les contrats des organismes publics, le projet de loi n° 61 devrait prévoir une modification précise et ponctuelle de l'article que vous voulez modifier. Tel que formulé actuellement, il donne au gouvernement un pouvoir beaucoup plus... beaucoup trop large et doit être encadré.

Des voix : ...

Le Président (M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît! La parole est au ministre.

M. Dubé : Merci. Alors, c'est ce que j'ai dit dans les derniers jours, pour vous demander... et c'est ça que je voudrais bien comprendre : Ce n'est pas que vous avez un problème — je veux juste être bien certain qu'on se comprend — à ce qu'on vienne changer des éléments de la loi, de la LCOP, comme on l'appelle, mais vous êtes d'accord qu'il faut le faire parce que c'est une recommandation de la commission Charbonneau. Ce que vous questionnez, c'est la largeur de la demande de l'article 50, c'est bien ça?

Parce que la raison pour laquelle je vous demande ça, puis je pense que c'est important, M. Brodeur, c'est qu'étant donné, je dirais, l'expertise que vous avez, les gens ont beaucoup associé, beaucoup par certaines désinformations, que le p.l. n° 61 remettait en cause l'intégrité, le devoir du gouvernement de vouloir suivre les recommandations de la commission Charbonneau, puis c'est justement une des recommandations de la commission Charbonneau que l'on veut adresser avec l'article 50. Est-ce que c'est de la bonne façon? On peut en discuter, et c'est ce qu'on fera lors de l'article par article, mais je voulais vous entendre sur... que c'est quand même une recommandation importante de la commission Charbonneau que l'article 50 nous permettrait d'adresser. Vous êtes d'accord avec ça?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : C'est-à-dire que... M. Bégin, je vais vous laisser prendre la...

M. Bégin (Luc) : En fait, c'est simplement que l'article en question ne nous semble absolument pas nécessaire pour vous permettre de poser le geste qui a été posé, et, très clairement, l'article 50 ouvre à des possibilités, tant dans la durée que dans l'étendue des pouvoirs, qui excèdent de beaucoup ce type d'initiative. L'idée, pour nous, n'est pas qu'on puisse... n'est pas que le gouvernement ne puisse pas adopter quelque modification à la LCOP, la question n'est pas là.

M. Dubé : Ah bon, O.K. Non, mais c'est exactement ce que j'aime entendre de ce que vous dites, parce qu'il y a une différence entre dire qu'on ne peut pas toucher à la LCOP, ce que j'ai entendu énormément au cours des derniers jours, versus de faire un acte ponctuel pour suivre les recommandations de la commission Charbonneau. Êtes-vous d'accord avec ça, M. Bégin?

M. Bégin (Luc) : Le fait que vous puissiez apporter des modifications à la LCOP relève des prérogatives du gouvernement, bien entendu. La question, encore une fois, c'est que l'adoption d'une modification, c'est une chose; adopter un article qui ouvre à la possibilité d'une adoption sans balise de quelque modification que ce soit est en soi... nous apparaît en soi très problématique.

• (22 h 20) •

M. Dubé : D'accord. Alors, je pense qu'on s'entend bien. Est-ce qu'on peut redresser l'article 50 pour les besoins que l'on a? Mais je voulais faire le lien, et je pense qu'on s'entend là-dessus, avec la recommandation n° 15 de la commission Charbonneau. Merci.

Est-ce qu'il y a d'autres recommandations — et je reviens — de la commission Charbonneau qui pourraient être mises en place pour s'assurer que le programme de relance par les infrastructures pourrait être amélioré, suite à la discussion qu'on vient d'avoir au cours des dernières minutes, et que nous pourrions bénéficier, des amendements que nous pourrions faire au cours des prochains jours?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Il existe une recommandation, la recommandation 3, qui parle de «[l'instauration d'un] comité d'experts indépendants chargé d'approuver la programmation du ministère des Transports du Québec pour les projets de conservation des chaussées, des structures et d'amélioration du réseau routier en fonction d'un budget décidé par le Conseil du trésor et par le ministre des Transports», donc la... qui était partiellement appliquée. Le fait de se doter d'un tel comité avait pour objectif, là, d'instaurer une distance entre un pouvoir politique discrétionnaire et des projets d'amélioration des infrastructures. Donc, le fait d'aller au bout de cette recommandation-là, je pense que, dans des circonstances, ça permettrait de baliser puis de réduire les risques de corruption et de collusion.

Parce que ce qu'on... le message qu'on veut vous livrer aujourd'hui, c'est qu'il existe des conditions qui sont objectivement observables qui favorisent l'émergence de collusion, de corruption et de malversation, et on les connaît. Et, puisqu'on les connaît, elles sont documentées, on les a observées, bien, on peut les identifier, on peut prévenir l'émergence de ces phénomènes-là en faisant en sorte que les conditions qui favorisent la corruption et la collusion ne soient pas réunies ensemble. Et...

M. Dubé : Pardon. Allez-y.

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Et, dans notre... oui, et notre analyse est qu'actuellement, dans sa rédaction et sa forme actuelle, le projet de loi n° 61, malheureusement, réunit ces conditions-là.

M. Dubé : Et est-ce que vous connaissez les raisons pour lesquelles cette recommandation 3 là n'a pas été appliquée depuis la publication du rapport?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Non.

M. Bégin (Luc) : Non.

M. Dubé : O.K., vous n'avez pas de commentaire à faire là-dessus. O.K.

M. Bégin (Luc) : En fait, si on a un commentaire à faire — excuse-moi, Pierre-Olivier — mais qui ramène, dans le fond, à notre présentation, c'est qu'en lien avec les recommandations de la commission Charbonneau, très clairement, la crainte, c'est... En fait, nous souhaitons nous assurer que ce qui a été mis en place soit effectif et qu'il n'y ait pas de recul par rapport non seulement à l'application des recommandations, mais également à la culture, au fond, qui entoure les milieux qui ont été aussi visés dans et par les travaux de la commission, qu'il n'y ait pas de recul, dans le fond, quant aux bonnes façons, quant aux bonnes pratiques en matière de gestion des contrats publics. Et ce qu'il nous semble, c'est qu'il y a des risques, tout simplement.

M. Dubé : Bien, écoutez... Il reste combien de temps?

Le Président (M. Simard) : Une minute.

M. Dubé : Bon, écoutez, je veux conclure cette période-là avec vous pour dire à quel point on apprécie vos commentaires, parce qu'il n'y a personne dans ce gouvernement qui veut retourner à l'époque d'avant la commission Charbonneau. Pour un projet de relance qui est si important, dans les circonstances, et qui inclut des infrastructures, des projets... nombreux projets d'infrastructure, est-ce qu'on peut trouver des arrangements qui nous permettront de faire ça dans le respect de la philosophie des recommandations de la commission Charbonneau? J'apprécie beaucoup vos commentaires, et nous allons nous en assurer dans les prochaines semaines. Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de La Pinière pour une période de 10 minutes.

M. Barrette : Alors, MM. Bégin et Brodeur, merci d'être ici. On aurait bien aimé que vous soyez ici physiquement, mais ça n'a pas été possible. Finalement, c'est peut-être mieux pour vous, comme ça vous n'avez pas assisté à d'autres émotions qu'on a exprimées pendant...

Le Président (M. Simard) : ...s'en tienne aux propos. Ça va bien.

M. Barrette : Oui, ça va bien.

Le Président (M. Simard) : Merci.

M. Barrette : ...suite à l'échange que vous avez eu. Et je peux assurer que nous serons les gardiens de la pensée que vous avez exprimée dans votre mémoire, parce que nous avons compris, clairement, qu'il y avait une différence entre proposer un article comme l'article 50, qui ferait une chose prévue dans le rapport de la commission Charbonneau, versus faire à peu près tout. On a compris la dynamique. Manifestement, vous avez vu la manoeuvre et vous avez... disons, vous êtes passés à côté de la chose avec élégance, et je vous en félicite.

Ceci étant dit, je vais revenir sur votre mémoire, parce que votre mémoire, il est d'une précision chirurgicale. Et, justement, écoutez, j'avais beaucoup de questions depuis que le projet de loi n° 61 a été déposé, j'avais beaucoup d'interrogations, et vous y apportez des réponses, mais je veux juste les confirmer, là, parce que vous êtes catégoriques, là, sur le fait que ce projet de loi là, et ce sont vos mots, réunit toutes les conditions nécessaires au retour... corruption, collusion, malversation, flambée des prix. Une des interrogations que j'avais, messieurs, c'est simplement celle-ci : Il y a bel et bien une littérature internationale du monde occidental qui en fait la démonstration, on n'est pas dans l'anecdote de la littérature, là, ça a été regardé en long, en large et en hauteur à plus d'une reprise, n'est-ce pas?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Oui, tout à fait. Et donc il y a une littérature internationale qui l'a démontré, et les travaux de la commission qui portent sur ce qui s'est passé au Québec récemment, dans les dernières années, l'ont démontré aussi. Je ne sais pas, Luc, si tu veux ajouter.

M. Bégin (Luc) : Oui... (panne de son) ...il y a une littérature qui est très vaste, très bien appuyée. On a référé, notamment, aux travaux de l'OCDE, mais il n'y a pas que les travaux de l'OCDE. Et, dans le cadre, également, d'une recherche qu'on mène avec quelques collègues sur les risques éthiques dans les projets d'infrastructure, on est en mesure de le documenter aussi, ce type de phénomène, qui ne relève pas... qui n'est pas que local, on comprend bien, hein?

M. Barrette : C'est bien important pour moi que vous disiez ça, parce que, comme je l'ai dit il y a un instant, c'est une interrogation que j'avais. Je n'ai pas votre expertise de ce domaine-là. Vous êtes des scientifiques, vous étudiez, donc vous avez une littérature, et là vous avez la réponse à la question que je me posais, et une réponse qui fait mon affaire.

En plus, je vais aller un peu plus loin, quand on parle de conditions dans un environnement donné, que ce soit en sciences, en chimie, en médecine, en n'importe quoi, on regarde l'environnement dans lequel ça se produit. C'est comme dans nos cours, au secondaire : dans une solution idéale où on met, blablabla... Bon, vous, là... On peut dire que les conditions réglementaires, sociétales, gouvernementales du Québec ne permettent pas de dire : Bien non, la littérature, ça ne s'applique pas à nous. Ça s'applique à nous, là. On n'est pas du tout en orbite, là, par rapport à la littérature scientifique, là.

M. Bégin (Luc) : Non. Effectivement, ça s'applique à nous. De toute façon, nous avons eu une expérience quand même assez douloureuse, là, avec l'épisode de la commission Charbonneau, et, très clairement, ce qu'on voit bien, c'est que, non, il n'y a pas de différence entre notre société et d'autres sociétés qui sont comparables.

Et, ce qu'il faut bien comprendre également, et je pense que c'est très important de le souligner, d'une part, il ne s'agit pas, pour nous, ici, de faire un procès d'intention, mais il s'agit, pour nous, de mettre l'emphase sur cette question, comme mon collègue le disait, des conditions qui font en sorte que nous risquons de nous mettre à nouveau en situation de vulnérabilité. Et il n'y a pas que la corruption et la collusion, qui sont, évidemment, les points les plus marquants, ceux qui sont frappants, mais il y a tout un ensemble de malversations possibles, et vous en avez nommé un aussi, qui mènent à de la surfacturation, l'augmentation des coûts, ce qui peut très bien être fait par des entrepreneurs seuls, sans être dans une structure de collusion ou de corruption. Il suffit qu'il y ait des faiblesses et des vulnérabilités de gestion dans un projet pour que ces opportunités-là soient offertes.

• (22 h 30) •

M. Barrette : C'est très intéressant, ce que vous nous dites. Alors, on est dans un environnement comparable à ce qui existe dans la littérature. Écoutez, vous allez me trouver peut-être pointilleux, là, mais j'ai bien lu votre texte, et, quand on arrive... bon, je n'ai peut-être pas le numéro de la page... oui, la page 3, en bas, vous nous dites... je vais vous citer parce que c'est bien important, vous allez voir pourquoi je veux dire ça : «L'analyse menée par la commission ne laisse aucun doute sur le fait que le projet de loi n° 61 aura pour effet de recréer un environnement favorable à la corruption, à la collusion et aux autres malversations.»

J'ai noté que vous avez conjugué le verbe au présent... au futur, mais vous êtes affirmatifs, vous n'êtes pas conditionnels, vous nous dites clairement, là : C'est ça que ça va faire. Ça m'a impressionné. Est-ce que c'est une erreur de frappe? Est-ce qu'il manque un i ou si c'est votre pensée?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Ce que le... ce qu'on dit dans notre mémoire... donc, non, ce n'est pas une erreur de frappe, ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que, tel quel, le projet de loi va créer un environnement favorable à la corruption, à la collusion et aux autres malversations. On a...Nous ne sommes pas des devins, nous ne pouvons pas prédire si, oui ou non, des phénomènes de corruption ou de collusion vont arriver, mais en nous basant sur ce qui a été observé dans le passé récent au Québec, clairement, il apparaît que l'environnement qui serait créé par ce projet de loi là, s'il est adopté tel quel, serait favorable à l'émergence de collusion et de corruption.

M. Barrette : Très bien. Corrigez-moi si je fais une affirmation éthiquement fausse, mais en politique, on est censés, même si c'est une règle non écrite, appliquer ce que l'on appelle le principe de précaution. Quand on arrive à poser le geste volontaire de faire passer une loi, ce n'est pas un hasard, c'est une loi qu'on dépose, c'est volontaire. Sachant ça, bien, disons que, là, c'est un comportement qui est pour le moins discutable, pour lequel le principe de précaution n'a pas été appliqué.

M. Bégin (Luc) : Je pense qu'il faut prendre la mesure des commentaires que nous avons... (panne de son) ...risques éventuels et quant à la nécessité d'éviter d'ouvrir, encore une fois, des portes qui feraient en sorte qu'on pourrait voir affecter l'intégrité de nos marchés publics, tout simplement. Et il est clair que, dans ce milieu, particulièrement lorsqu'on parle des marchés publics, on a tout intérêt à ce que tout soit transparent, que les règles soient claires, que nous soyons dans un contexte de prévisibilité pour permettre, justement, à l'ensemble des parties intéressées de pouvoir soumissionner au besoin, hein — et je renvoie à l'OCDE aussi, sur la fameuse question d'éviter les soumissions uniques dans la mesure du possible — et, si on le fait, qu'on soit en mesure d'exercer des contrôles accrus et que ça demeure tout à fait exceptionnel. Ce qu'on voit avec l'article 50, c'est le risque, effectivement, de ne pas rencontrer certaines de ces exigences qui sont nécessaires pour assurer l'intégrité des marchés publics.

M. Barrette : Sur la question des contrôles, parce que je suis d'accord avec vous, à la lecture du projet de loi actuel, tel que rédigé, est-ce que vous considérez que le niveau de contrôle pour cet environnement-là, volontairement... pas volontairement, mais volontairement pris sans égard aux risques, sont suffisants? Je vais répéter ma question. Le projet de loi, là, en prenant votre... de mémoire, il nous met dans le risque, compte tenu de son écriture. Est-ce qu'on a assez d'outils de contrôle dans le projet de loi, dans le projet de loi, là?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Dans le projet de... le projet de loi ne prévoit pas d'outils de contrôle additionnels pour pallier les vulnérabilités créées, à ma connaissance, à moins que j'aie raté un article.

M. Barrette : Très bien. Est-ce qu'à date... pour ce qui est de la commission Charbonneau, vous allez me dire que tout n'a pas été appliqué, avec raison, mais est-ce qu'on a eu à appliquer... est-ce qu'on a appliqué suffisamment de règles pour avoir l'effet que l'on recherchait, quoiqu'incomplet?

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Bégin (Luc) : Je pense qu'on a avancé beaucoup dans la bonne direction, il en reste encore à faire. Mais ce qu'il faut surtout retenir, je crois, c'est qu'en ces matières, en matière de vulnérabilité des marchés publics, quand on vise l'intégrité, l'idéal n'est jamais parfaitement atteint, c'est-à-dire que les risques demeurent.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Merci, M. Bégin. Je dois céder la parole, maintenant, au député de Rosemont, qui dispose de 2 min 30 s.

M. Marissal : Merci, M. le Président. MM. Brodeur et Bégin, merci d'être là. Je ne ferai pas d'«overkill» sur les conclusions évidentes de votre rapport quant à l'imminence d'une nouvelle vague de propagation du virus de la corruption, ça, c'est assez clair dans votre rapport. Par contre, quand on a des mauvaises pratiques dans une juridiction, il y a toujours un prix réputationnel à payer. Vous vous souvenez, évidemment, du Bonhomme Carnaval à la une de Maclean's. On a eu de mauvaises notes aussi chez Transparency International, ou autre. Comment vous évaluez les risques réputationnels pour le Québec si d'aventure ce que vous nous prévoyez devait arriver à cause de ce projet de loi?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Si je peux y aller, disons, on ne s'est pas penchés sur la question des risques réputationnels, donc plutôt que de vous donner une réponse qui pourrait être inexacte, ce qu'on peut vous dire, par contre, c'est qu'au niveau financier on parle de surcoûts de 10 % à 35 %, donc on parle, ici, de centaines de millions de dollars qui pourraient être déviés de leur usage légitime auquel ils sont destinés.

M. Marissal : Les 10 % à 35 %, vous les prenez de la commission Charbonneau, ce qui avait été déterminé dans les enquêtes et les rapports de la commission Charbonneau, ou c'est quelque chose que vous avez vous-même déterminé?

M. Bégin (Luc) : En fait, ce sont des chiffres qui proviennent de la commission Charbonneau mais qui proviennent aussi des calculs de l'OCDE et qui sont tout à fait publics dans leur document sur l'intégrité des marchés publics, où on indique que c'est entre 10 % et 30 %, et c'est... je pense que l'OCDE documente assez bien ces questions-là.

M. Marissal : Question rapide pour terminer, parlant de l'OCDE ou de ce que vous avez étudié ailleurs, pourriez-vous, pour le bénéfice de la commission, déposer les références que vous avez utilisées pour arriver à vos conclusions? Je pense que ça pourrait être éclairant pour quiconque s'intéresse à la chose.

Le Président (M. Simard) : En conclusion.

M. Bégin (Luc) : Tout à fait.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, sur ce, je cède la parole au député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci beaucoup. À mon tour de vous saluer, messieurs. À 22 h 37, c'est un excellent cinéma qu'on se fait, et ce n'est pas de la science-fiction, c'est de la science. Écoutez, on avait cette prétention-là, bien humblement, sans être des scientifiques et des chercheurs, sur ce risque-là. Vous mettez des mots, vous mettez un contexte, vous mettez des études, vous mettez tout votre savoir à l'intérieur même des prétentions que nous avions. Merci de les valider et de les préciser.

Cela étant dit, on va aller un petit peu plus loin ensemble ce soir. Il manque quelque chose dans le projet de loi. La commission Charbonneau a démontré qu'on manquait d'expertise, on manquait de ressources, et on se rend compte que, depuis deux ans, le ministère des Transports a plus que doublé le recours aux firmes privées. Est-ce que vous voyez une disposition, dans ce projet de loi là, qui permet d'augmenter l'expertise au sein du ministère des Transports dans la surveillance et dans le contrôle?

M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Il n'y a aucun article en ce sens. Et pour rappel, là, la recommandation de la commission Charbonneau était que le ministère des Transports du Québec devait atteindre ses cibles de recrutement de 2017 et se fixer des nouvelles cibles au-delà. Et, la dernière fois qu'on a évalué ces efforts-là, les cibles pour 2017 n'étaient pas atteintes. Nous étions en 2018, la dernière fois que nous avons fait cet exercice, et aucune cible subséquente n'avait été fixée. Donc, tout porte à croire que le déficit d'expertise s'est creusé encore davantage.

M. Ouellet : Donc, si je vous comprends bien, le gouvernement crée un contexte, le nourrit de son contenu, et, à l'intérieur du projet de loi, il n'y a absolument rien qu'on peut faire pour améliorer la situation, même en enlevant les articles 50 à 50.3, c'est bien ça?

M. Bégin (Luc) : En fait, il n'y a rien qui le prévoit, il n'y a rien qu'on peut voir dans le projet de loi, effectivement, qui irait dans ce sens.

• (22 h 40) •

M. Ouellet : Donc, vous nous dites, aux Québécois, aux Québécoises : N'adoptez pas l'article 50, et 50.1, et 50.2. C'est ce que vous dites aux Québécois, aux Québécoises, sinon on retourne en arrière.

M. Bégin (Luc) : Sinon, on risque effectivement de retourner en arrière, clairement.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, MM. Bégin et Brodeur, merci beaucoup pour votre contribution... Mais là, encore une fois, mon empressement est incorrigible. M. le député de Chomedey, vous savez qu'il vous reste deux minutes.

M. Ouellette : ...donné 15 minutes, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : MM. Bégin et Brodeur, ne partez pas tout de suite parce qu'on a encore l'intervention du député indépendant de Chomedey. Cher collègue, à vous la parole.

M. Ouellette : Merci, messieurs, de veiller avec nous ce soir. Je ne vais avoir seulement qu'une question, je n'ai pas grand temps, là. À la page 5 de votre mémoire, vous avez cru bon de surligner ou de souligner une des recommandations de l'OCDE qui touchent les firmes étrangères, les fournisseurs étrangers, puis vous nous demandez de définir les exceptions. Peut-être pour éviter... Vous avez dû esquisser un sourire, même si ce n'est pas drôle, quand vous avez vu l'appel d'offres du pont-tunnel Louis-Hippolyte, qu'il va falloir recommencer parce que, finalement, on finit juste avec un, puis il y a toutes sortes de bizarreries qui se sont passées dans cet appel d'offres là. J'aimerais ça que vous nous expliquiez un peu plus qu'est-ce qui vous a amenés à nous souligner... parce que vous voulez vraiment qu'on en tienne compte.

M. Bégin (Luc) : Très bien. En fait, oui, est souligné dans ce segment, y compris de la part de fournisseurs étrangers... mais je dois avouer que l'accent était mis sur ce qui précède, c'est-à-dire tout le caractère d'exception, c'est-à-dire l'idée, par exemple, d'augmenter le recours au gré à gré, de créer des contextes où, finalement, des règles ne sont pas connues d'avance, où les critères ne sont pas connus d'avance, et qu'en ce sens-là toute exception doit être, selon l'OCDE, limitée, prédéfinie, clairement justifiée, avec surveillance adaptée. Autrement dit, on doit être en mesure d'augmenter les mécanismes de contrôle et de surveillance lorsqu'on décide... lorsqu'on procède de manière exceptionnelle. Pour l'instant, nous ne voyons rien qui aille dans ce sens.

M. Ouellette : M. le président est très heureux que je lui redonne la parole.

Le Président (M. Simard) : Alors, à nouveau, MM. Brodeur et Bégin, merci pour votre contribution à nos travaux.

Sur ce, compte tenu de l'heure, j'ajourne nos auditions. Je vous donne rendez-vous demain, après les affaires courantes, vers 11 h 30, à la salle Kirkland. Bonne fin de soirée à toutes et à tous.

(Fin de la séance à 22 h 43)

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