(Neuf
heures dix-neuf minutes)
Le Président
(M. Simard) : Bien. À l'ordre! Je constate que nous avons le
quorum.
Comme
vous le savez, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des
conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de
la pandémie de la COVID-19.
Bonjour,
Mme la secrétaire. Y a-t-il des remplacements ce matin?
La Secrétaire : Oui, M. le Président. Alors, M. Derraji (Nelligan)
est remplacé par Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel).
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Et je crois comprendre qu'il y a
consentement afin que, cet avant-midi, le
député de Jonquière puisse ponctuellement remplacer, si tant est qu'on puisse
le remplacer, le député de René-Lévesque. Il y a consentement? Et, possiblement, la secrétaire m'informe que ce serait
aussi le cas pour cet après-midi et possiblement ce soir, parce que, comme vous le savez, la journée sera longue; courte
en votre compagnie, mais néanmoins chargée en termes de visites. Voilà.
Auditions (suite)
Donc, cet avant-midi, nous aurons...
nous recevons l'Autorité des marchés publics, la Fondation David-Suzuki,
Équiterre ainsi que l'Assemblée des
premières nations Québec-Labrador. Nous commençons immédiatement nos auditions.
M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Oui. M.
le Président, vous présidez la commission, j'aimerais avoir une information de
votre part.
• (9 h 20) •
Le
Président (M. Simard) : Je vous en prie.
M. Barrette : Il est
de connaissance assez commune, aujourd'hui, que nous, les oppositions, avons
souhaité pouvoir entendre Mme la
Vérificatrice générale et le Barreau du Québec. À cette heure-ci, nous n'avons
toujours pas de confirmation que la
commission acceptera de les entendre, et j'aimerais savoir, certainement, au
moins de la bouche du président du Conseil du trésor, s'il est d'accord avec ce que nous puissions, dépendamment de l'horaire qui sera rendu disponible, entendre
la Vérificatrice générale et le Barreau du Québec.
Le Président
(M. Simard) : Bon, député de La Pinière, vous avez beaucoup
d'expérience — je
reçois votre message — vous
savez que, généralement, les participants aux consultations publiques sont arrêtés via un conciliabule préalable
qui se fait entre les différents bureaux du leader. Donc, je laisserai... nous
laisserons aux autorités compétentes le soin de faire ce genre de dialogue.
M. Barrette : Je vous soumettrais, M. le Président, qu'il serait quand même intéressant
pour tant le public... en fait, surtout le public, mais certainement
nous aussi, les parlementaires, avoir l'opinion du président du Conseil du
trésor. Ne trouve-t-il pas qu'on devrait faire... Est-il d'accord à ce qu'on
fasse un aménagement?
Le
Président (M. Simard) : Alors, bon, merci beaucoup, M. le député
de La Pinière. Disons que le suivi sera fait, résumons les choses ainsi.
Je vous remercie beaucoup.
M. Barrette :
Je comprends que vous souhaitez que le président du Conseil du trésor ne se prononce
pas sur ça.
Le
Président (M. Simard) : En fait, ce n'est pas le lieu pour faire
ça. On est en consultations et nous avons devant nous des invités qui
s'impatientent, qui s'impatientent. Voilà, voilà.
Alors,
nous sommes en présence de Mme Nathaly Marcoux, qui est
présidente-directrice générale par intérim de l'Autorité des marchés publics, ainsi que de M. Yves Trudel.
Mme Marcoux qui est une finissante de l'école François-Bourrin du
beau comté de Montmorency, que je salue. Madame, monsieur, vous disposez de
10 minutes.
Autorité des marchés publics
(AMP)
Mme Marcoux (Nathaly) : Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés,
c'est avec plaisir que je prends la
parole aujourd'hui, au nom de l'Autorité des marchés publics, dans le cadre des
consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 61, la Loi visant la relance de l'économie du
Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le
13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19. Je suis accompagnée de M. Yves
Trudel, directeur principal à la surveillance des marchés publics.
D'entrée de jeu, il est important, M. le Président, de
prendre quelques secondes pour rappeler la mission de l'AMP et son mandat en matière de surveillance des
marchés publics. Première recommandation de la commission Charbonneau, l'AMP a été constituée en décembre 2017 avec
l'adoption de la Loi sur l'Autorité des marchés publics. Elle a pour mission
de surveiller l'ensemble des contrats publics.
Elle a débuté ses fonctions, en partie, le
25 janvier 2019 par l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la
délivrance des autorisations de
contracter avec l'État ainsi que d'administrer le Registre des entreprises
autorisées et le Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics, on parle ici du REA et du RENA,
des mandats autrefois sous la responsabilité de l'Autorité des marchés financiers et du Conseil du trésor et qui sont
dorénavant regroupés à l'AMP, ce qui assure une gestion plus efficiente de ces registres et permet de
s'assurer de l'intégrité des entreprises qui obtiennent des contrats publics
au-delà des seuils établis par décret par le gouvernement.
Ses pouvoirs de vérification également lui ont été octroyés le 25 janvier 2019, lui
permettant de vérifier si les processus
d'adjudication
ou d'attribution d'un contrat public s'effectuent conformément au cadre
normatif auquel l'organisme public est soumis.
L'examen de
la gestion contractuelle est également un mandat qui lui a été confié le
25 janvier 2019, donc, l'examen de
la gestion contractuelle d'un organisme public désigné par le gouvernement.
Actuellement, l'AMP réalise l'examen de la gestion contractuelle du MTQ suivant le décret pris par le
gouvernement à cette fin le 13 novembre dernier. L'AMP a aussi le pouvoir, depuis janvier 2019, d'initier
un tel examen de la gestion contractuelle d'un organisme public si, dans
l'exercice de ses fonctions, elle constate
des manquements répétés au cadre normatif démontrant des lacunes importantes
en matière de gestion contractuelle.
Le
25 mai 2019, ce sont les articles relatifs aux pouvoirs de vérification
suivant une plainte formulée auprès de l'AMP ou une communication de
renseignements qui entraient en vigueur. Nous recevons ainsi les plaintes de
personnes ou d'entreprises concernant des
processus d'appel d'offres ou d'attribution de contrats qui ne seraient pas
conformes au cadre normatif.
Aussi, nous
recevons et traitons de façon confidentielle toute communication de
renseignements ou divulgation d'actes
répréhensibles portant sur les marchés publics. Ces renseignements peuvent
concerner autant la gestion contractuelle d'un organisme public que le fait que certaines entreprises, dirigeants
ou administrateurs n'auraient pas l'intégrité pour obtenir des contrats publics. Elle est ainsi
chargée de la surveillance des contrats publics octroyés par les ministères ou
organismes du gouvernement du Québec, des
municipalités, des réseaux de la santé et de l'éducation ou de nos sociétés
d'État.
Nos commentaires
porteront donc sur trois aspects bien précis du projet de loi, à savoir le
décret d'urgence sanitaire, la
prolongation d'un an de l'autorisation de contracter et l'application de la Loi
sur les contrats des organismes publics.
Depuis le
décret d'urgence sanitaire pris par le gouvernement le 13 mars dernier,
l'AMP a continué d'exercer son rôle de
surveillance des marchés publics en exerçant les fonctions énoncées
précédemment et aussi en poursuivant sa vigie quotidienne des marchés
publics sous sa juridiction malgré la COVID-19.
L'AMP agit de
manière concrète. La preuve, nous plaçons toutes les semaines de nouvelles
entreprises sur le Registre des
entreprises non admissibles aux contrats publics parce qu'elles n'ont pas
l'intégrité nécessaire pour en obtenir. Depuis le déclenchement de l'état d'urgence sanitaire, 135 entreprises ont
été placées sur ce registre. De plus, cinq appels d'offres ont été suspendus à la suite de plaintes ou de
communication de renseignements, le temps que nous procédions à l'analyse.
Enfin, trois décisions ont été rendues à
l'égard de ministères, organismes ou municipalités qui n'ont pas respecté le
cadre normatif. Malgré la COVID-19, nous exerçons donc nos
responsabilités de façon pleine et entière.
Contracter avec l'État ne constitue pas un
droit, mais bien un privilège. Et, pour bénéficier de ce privilège, les entreprises
doivent démontrer qu'elles ont l'intégrité nécessaire pour obtenir des contrats
publics.
Équité,
transparence et saine concurrence sont les principes de la LCOP. Ce sont aussi
les principes directeurs de l'AMP, et
nous y accordons toute notre attention
pour le bien des marchés publics. Son travail, l'AMP peut continuer de
l'exercer parce que, malgré le déclenchement de l'état d'urgence au Québec, les
lois telles que la Loi sur les contrats des
organismes publics et la Loi sur l'Autorité des marchés publics ont continué de
s'appliquer. Cela nous permet donc d'agir auprès des ministères ou
organismes qui souhaiteraient utiliser le décret sans en respecter le cadre.
L'AMP a
évidemment pris connaissance de ce projet de loi, qui vise à relancer
l'économie pour la réalisation de projets
gouvernementaux et l'attribution de contrats publics. Nos commentaires
concernent des amendements qui pourraient amener des modifications à la LCOP et à ses règlements, lesquels
assurent l'encadrement normatif applicable aux marchés publics.
Au Québec,
nous avons, depuis les dernières années, resserré l'étau en matière de
surveillance des marchés publics, notamment grâce à l'application de la
LCOP. Nous aurions tort de relâcher la garde en cette période où nous devons, au contraire, être encore plus vigilants. Le
gouvernement doit maintenir le cadre normatif en vigueur en matière de contrats
publics et surtout éviter d'en suspendre
l'application. C'est de cette façon que l'AMP peut exercer sa mission et ses
responsabilités de manière à ce
qu'elle puisse intervenir si elle constate des manquements de la part des
ministères et des organismes, mais aussi des entreprises qui veulent
profiter de la situation pour déjouer les règles.
Le gouvernement aurait tout intérêt à clarifier
l'article 50 de façon à ce qu'il n'y ait pas de doute sur le maintien
des lois en vigueur et, par extension, sur
la capacité qu'aurait l'AMP de jouer son rôle de surveillance. De plus, malgré
le fait que l'état d'urgence sanitaire
permet au ministère de la Santé et des Services sociaux ou aux établissements
de ce réseau de conclure des contrats
sans autre formalité, nous devons continuer de pouvoir exercer notre vigie, de
recevoir des plaintes et d'interpeller ce réseau si l'on estime que le recours à cette clause
n'est pas justifié, n'est pas conforme aux conditions du décret
d'urgence sanitaire ou qu'elle sert plutôt de prétexte à l'attribution d'un
contrat.
À
cet effet, le gouvernement doit nous laisser toute la latitude pour que nous
puissions investir ce secteur selon la
nature des plaintes ou des renseignements que nous pourrions obtenir, malgré la
grande marge de manoeuvre que leur confère
le décret d'urgence sanitaire. Nous formulons aussi ces commentaires à la
lumière de nos constats depuis le début de l'exercice de nos fonctions.
• (9 h 30) •
Nous avons également pris connaissance de l'annexe
I du projet de loi n° 61 et constatons qu'un nombre important de projets priorisés concernent le secteur de la
santé. Il doit donc être clairement compris par les organismes des secteurs
de la santé et, bien entendu, de tous les
autres secteurs que l'encadrement des marchés publics continue de s'appliquer,
de même que le décret d'urgence sanitaire,
aux conditions qui y sont prévues. Il doit aussi être compris que l'AMP
continue d'exercer l'ensemble des
fonctions et pouvoirs qui lui sont dévolus par la LAMP. Nous disposons du
pouvoir d'initier un examen de la
gestion contractuelle si on constate
des manquements graves ou répétés au cadre normatif, incluant le décret.
En ce qui concerne l'article 33
visant la prolongation d'un an des autorisations de contracter, nous sommes entièrement
d'accord avec cette orientation, une orientation que nous avons d'ailleurs
partagée au gouvernement. Cette suggestion
découle de notre constat de la difficulté des entreprises à s'acquitter de leurs obligations
administratives dans le contexte de
la COVID-19 alors que les entreprises se sont retrouvées parfois privées de leur main-d'oeuvre ou avec des difficultés de fonctionnement du fait du confinement
auquel elles ont dû s'astreindre.
Dans
les faits, il s'agit d'entreprises qui possèdent déjà leur autorisation de contracter et qui ont passé le test de l'intégrité pour
obtenir des contrats publics. Leur autorisation venant à échéance, elles
devaient donc procéder à leur renouvellement, ce qui pose beaucoup de problèmes, actuellement. Ces dernières ne sont pas en
mesure de nous fournir toutes
les informations nécessaires à leur renouvellement.
Nous croyons que cet allègement législatif pour
une période d'un an leur permettra de diminuer leurs préoccupations administratives et ainsi se
consacrer à la relance de leur entreprise. Cette suggestion formulée au Conseil du trésor, avec
lequel nous travaillons actuellement, est l'une des pistes de solution envisagées qui permettraient
d'améliorer l'efficience de
l'encadrement de la LCOP. Nous
poursuivons ces travaux déjà amorcés de
façon à contribuer à la bonification des lois en vigueur et qui méritent d'être mises à jour.
Par ailleurs, nous constatons que certaines entreprises qui veulent obtenir des contrats publics ne
détiennent pas leur autorisation de contracter. Dans un contexte de relance et
avant de conclure un contrat, l'AMP tient à rappeler d'abord aux
organismes publics qu'il est de leur responsabilité de s'assurer
que les entreprises avec lesquelles ils concluent des contrats
au-delà des seuils établis par le gouvernement ont obtenu leur autorisation
de contracter et qu'elles maintiennent cette autorisation tout au long
de la réalisation du contrat, que, lorsqu'un ministère ou organisme conclut un
contrat public en dessous des seuils, ces
derniers doivent être encore plus vigilants en s'assurant de vérifier que
l'entreprise n'est pas sur le RENA.
Quant aux
entreprises, il est de leur responsabilité de faire les démarches en temps
utile afin de formuler leur demande
d'autorisation sans attendre la publication d'un appel d'offres duquel découle
une telle obligation. Il est également de
leur responsabilité de s'assurer du maintien de cette autorisation pendant
toute la durée d'un contrat public soumis à cette obligation et du
maintien de l'intégrité de tous ses dirigeants pouvant affecter le maintien de
cette autorisation.
Le Président
(M. Simard) : En conclusion.
Mme Marcoux (Nathaly) : En conclusion, M. le Président, dans l'optique de
tous les chantiers gouvernementaux identifiés
dans le projet de loi et de la relance économique anticipée, nous sommes d'avis
que la surveillance des marchés publics
sera au coeur des enjeux et que nous devons tout mettre en oeuvre pour exercer
cette vigilance avec tous les pouvoirs que cela implique. À titre
d'instance neutre et indépendante...
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Merci.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Oui, merci.
Le
Président (M. Simard) : Merci, madame. Vous pourrez, bien sûr,
compléter par la suite dans le cadre de nos échanges. M. le ministre,
votre formation politique dispose de 14 minutes. À vous la parole.
M. Dubé : Très
bien, très bien. Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous deux. Et je tiens à vous remercier pour l'excellent travail que vous faites depuis
que vous êtes en poste, tous les deux. Je pense que l'AMP est un organisme qui
est quand même relativement jeune. Vous l'avez expliqué, c'est quand même
suite à la commission Charbonneau que
cet organisme-là a été mis en place, puis je sais que vous faites un travail
très, très important.
Je me concentrerais
sur quelques éléments très précis de vos commentaires. Vous avez donné, tout à
l'heure, des exemples où vous avez dû
intervenir. Sans nommer les entreprises, je voudrais comprendre le type d'intervention
que vous avez fait pour aller soit
vérifier un contrat ou... Mais, encore une fois, là, je ne suis pas dans la
nomination de... mais je veux juste
que les gens comprennent le type d'intervention que vous avez fait, quand vous
avez donné quelques exemples, pour que les gens comprennent bien le sens
de votre travail.
Mme Marcoux (Nathaly) : Alors, par nos pouvoirs de vérification, à la
suite de plaintes ou de communication de
renseignements que nous recevons, on fait des vérifications, une analyse des
faits qui nous sont soumis, et on communique avec l'organisme public en
cause, et on lui adresse différentes questions pour lesquelles on reçoit des
observations.
M. Dubé :
...c'est dans le cas... Mme Marcoux, là, ça, c'est dans le cas d'un
contrat qui a déjà été donné.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Non. C'est un... Alors, on est en contexte d'appel
d'offres...
M. Dubé :
O.K. Très bien. C'est ça que je veux comprendre.
Mme Marcoux (Nathaly) : ...ou encore suivant un avis d'intention de
conclure un contrat de gré à gré tel que prévu à la LCOP. Alors, ce sont les interventions que nous avons faites.
Par ailleurs, nous avons le mandat de l'examen de la gestion
contractuelle, dont j'ai parlé tout à l'heure...
M. Dubé :
Sur cet exemple-là, si vous me permettez, l'AMP a le droit de faire ça, donc,
d'aller faire cette... mais c'est
suite, je dirais, à une demande soit d'un autre fournisseur qui verrait un
problème de la façon dont l'appel d'offres s'est déroulé. C'est ça que j'essaie de comprendre, là, parce qu'on a
parlé beaucoup, depuis quelques jours, de notre projet de loi, de l'importance de respecter les
institutions qui sont en place et du travail de contrôle qu'ils peuvent faire,
alors c'est pour ça que je veux que les gens qui nous écoutent, là,
comprennent bien le sens du travail que vous faites.
Donc,
il y aurait quelqu'un qui aurait dit : Moi, je ne suis pas satisfait du
processus d'appel d'offres, qui appelle l'AMP puis dit :
Pouvez-vous aller voir si l'appel d'offres s'est bien déroulé? Est-ce que...
Mme Marcoux (Nathaly) : ...dans le cas d'une plainte, une personne
intéressée, donc un concurrent, une entreprise qui pourrait soumissionner sur l'appel d'offres publié n'est pas
satisfaite ou conclut que le cadre normatif n'a pas été respecté par l'organisme public qui a publié l'appel d'offres, auquel cas il peut formuler une
plainte auprès de l'organisme public qui
va rendre une décision. Et, si l'organisme public n'est pas satisfait, il peut alors référer
sa plainte à l'Autorité des marchés
publics, qui alors va en évaluer la recevabilité. Il y a différentes conditions
dans la LCOP.
M. Dubé :
Très bien.
Mme Marcoux (Nathaly) : Et, si la plainte est recevable, là on va
procéder à l'analyse, au fond. Et, si on conclut qu'effectivement il y a eu un manquement au cadre normatif, alors
l'autorité pourra rendre une décision selon les possibilités prévues à la loi, qui est de formuler une recommandation, de demander une modification à l'appel d'offres ou carrément annuler
l'appel d'offres. Ça, c'est dans le cas de la plainte.
M. Dubé :
Est-ce que, dans certains cas, vous êtes allés jusqu'à annuler l'appel
d'offres?
Mme Marcoux
(Nathaly) : Absolument. Nous avons 10 décisions rendues jusqu'à maintenant.
M. Dubé :
10 décisions comme celle-là.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Oui.
M. Dubé : Très bien. Je vais essayer d'être assez précis
dans mes questions, justement, pour donner... Donc, vous parlez des mesures sanitaires, vous dites, au
niveau de la santé, vous voulez garder vos droits par rapport à ce qui se fait
en santé au niveau des achats. Parce que, on
le sait, il y a eu beaucoup d'achats de gré à gré durant cette... Qu'est-ce
que vous ne pouvez pas faire en ce moment, lorsqu'il y a les mesures
sanitaires, par rapport au processus actuel?
Mme Marcoux (Nathaly) : Nous conservons tous nos pouvoirs et nous tenons
compte qu'il y a un décret d'urgence sanitaire,
lequel prévoit des conditions, hein? Ce doit être utilisé aux fins
d'acquisitions ou de contrats conclus, là, pour la santé. On peut
reprendre le libellé du décret...
M. Dubé : Non, mais parce que je veux juste comprendre,
Mme Marcoux, le sens de ce que vous avez dit dans votre présentation, parce que vous avez dit :
Il faut s'assurer que l'AMP ne perde pas ses pouvoirs pendant la crise
sanitaire. Alors, moi, ma question est simple : Est-ce que vous en
avez perdu, jusqu'à...
Mme Marcoux
(Nathaly) : Non, non.
M. Dubé : O.K. Donc, je voulais juste bien comprendre le sens de
votre intervention. Alors, je reviens à mon autre exemple que vous avez
donné, si, en ce moment, un fournisseur pouvait être insatisfait par rapport à
un processus d'adjudication qui est fait dans
un contrat, il aurait le droit de vous contacter puis de vous dire :
Écoutez, il y a quelque chose qui ne marche pas dans ce contrat-là, puis
je voudrais que vous agissiez.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Oui, M. le ministre.
• (9 h 40) •
M. Dubé : O.K. Bon, je voulais juste comprendre, parce que, dans
le sens de l'intervention, là, je me demandais s'il y avait un enjeu.
Bon,
je vais revenir sur l'article 50, qui est l'objet de plusieurs discussions en ce moment, et je veux juste clarifier,
puis je pense que... Et, encore une fois, si
je vais trop dans le détail, vous m'arrêterez, et on pourra peut-être
intervenir d'une
autre façon. Notre objectif, dans l'article 50, on l'a entendu de
plusieurs groupes, puis vous avez sûrement écouté les consultations que nous avons eues hier, les entreprises, en
particulier en période sanitaire,
dans la crise qu'on vit, ont des enjeux de liquidités, puis ce qu'ils
nous demandent, c'est de les payer plus rapidement parce que... Ils nous le demandaient avant, au gouvernement, qui est des fois vu comme un mauvais payeur en termes de respecter ses échéances de
paiement, ils nous demandent encore plus d'avoir besoin de régler les
liquidités. Il y a des statistiques, là, qu'on serait en retard de 7, 8 milliards
sur les paiements qui sont dus, bon.
Je
vous demande la question parce
que vous êtes au courant du projet pilote qui a été conduit dans l'industrie
de la construction. Le gouvernement
précédent a modifié la LCOP, a
modifié la loi pour être capable de faire ce projet pilote là. Est-ce
que... Et c'est notre objectif, c'est d'être capables d'avoir la flexibilité.
Je vous donne cet exemple-là. En quoi augmenter
des liquidités aux entreprises, pour vous, vient en contradiction avec une
saine gestion? Parce que je veux juste bien comprendre, quand vous dites que vous voulez clarifier l'objectif
de l'article 50. Si je vous dis qu'un de ces objectifs-là,
pour moi, c'est d'avoir une meilleure
liquidité et de respecter nos engagements... Parce
qu'en ce moment, vous le savez, ce qu'on
a noté dans le projet pilote, c'est que le gouvernement disait : Payez vos
fournisseurs en temps, mais on avait des
organismes qui ne respectaient pas ça. Je pense, vous connaissez très bien le
dossier, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur l'importance de
faire ce changement-là, en ce moment, qui est demandé par l'article 50.
Mme Marcoux (Nathaly) : Alors, l'article 50, nos commentaires visent
simplement à dire que, compte tenu du libellé de l'article 50, il y aurait plusieurs possibilités, par le biais
de l'article 50, pour apporter des modifications au cadre normatif.
Notre propos est de partager que ce qui est
important de préserver, c'est les grands principes de la LCOP, à savoir la
transparence, la saine concurrence, et l'équité dans les contrats
publics, et ce processus d'examen de l'intégrité des entreprises.
M. Dubé :
Alors donc, je veux juste... pour être plus précis dans ma question, parce
qu'on n'a pas beaucoup de temps, quand on entend sur la place publique
que toucher à l'article 50, c'est vouloir retourner avant la commission Charbonneau, alors que... dans un projet pilote
qui a été fait par le précédent gouvernement, qui était la bonne chose, mais
qu'en ce moment n'est qu'un projet pilote, on n'est pas en train de toucher à
l'intégrité des marchés, là.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Nous en convenons.
M. Dubé :
Très bien.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Et, cet article-là, j'ajoute qu'il pourrait très bien être
très utile à l'amélioration du cadre normatif.
M. Dubé :
Bon. Alors, exemple, donnez-moi... quand vous dites qu'il pourrait être utile,
vous voulez dire quoi?
Mme Marcoux (Nathaly) : Bien, à supposer que nous n'ayons pas eu la
disposition de l'article 33, qui
fait partie du projet de loi,
actuellement, ça aurait pu être une amélioration au cadre normatif... et se
servir de ce véhicule-là pour l'améliorer, le cadre normatif.
Alors,
l'article 50, pour nous, il peut avoir des objectifs très louables, il
peut être tout à fait utile, et ce n'est pas chaque fois qu'on va amender la LCOP ou le cadre normatif qu'on va
porter atteinte à ses principes. Ce n'est pas ça, notre propos, et c'est pour ça que, dans notre
introduction, on disait : On aurait intérêt à préciser nos intentions à
cet égard-là. Puis on vous a entendu le dire, que ce n'était pas
l'objectif, hein, en ce qui a trait aux règles d'intégrité...
M. Dubé :
Non, j'ai été très clair.
Mme Marcoux (Nathaly) : ...de transparence, équité, saine concurrence. On
veut préserver cela. Notre propos est simplement
de dire que de la façon qu'il est rédigé, il est large, et notre souhait est de
réitérer qu'il est important de préserver ces principes fondamentaux.
M. Dubé :
Mais c'est pour ça que j'apprécie votre commentaire, parce que... c'est
d'ailleurs l'objectif, de vous écouter
en consultations particulières. Après ça, on va tomber en article par article,
et je pense que votre commentaire, pour
moi, nous éclaire beaucoup sur... s'il y a un besoin de précision, le faire en
respect de ce que vous suggérez pour...
J'aimerais revenir
aussi sur l'évolution de l'AMP. Bon, vous êtes là, vous avez... On a eu une
première présidence, il y a eu une équipe,
là, qui s'est formée, qui est assez solide, depuis quelques années maintenant.
Si je vous demandais de se projeter
dans quelques années puis de regarder... On a dit qu'il y aurait des
amendements possibles ou des
modifications à la loi de l'AMP, parce que c'est tout à fait normal qu'après
deux ans, maintenant, on a eu un vécu, on... Quelles sont les grandes
composantes que vous aimeriez voir s'ajouter à votre mandat ou des ajustements
qui vous permettraient d'être encore plus
performants dans votre rôle de contrôle? Parce que je pense que les gens
comprennent que vous avez commencé
avec la construction. Vous l'avez bien expliqué tout à l'heure, là, je ne veux
pas vous faire répéter, mais moi, je
veux regarder, en disant non
seulement... puis je veux que les
gens comprennent bien, notre objectif, ce n'est pas d'enlever des contrôles, c'est d'en ajouter dans
la mesure où ils sont déficients. Alors, vous le vivez depuis quelques années,
donnez-moi des exemples de choses qu'on
pourrait faire au niveau de l'AMP, qui est d'ailleurs notre objectif de
procéder dans la prochaine année.
Mme Marcoux (Nathaly) : Alors, la Loi sur l'Autorité des marchés publics prévoit
essentiellement deux pouvoirs. Le
grand pouvoir est un pouvoir de vérification, et il y a un pouvoir d'enquête
strictement dans le cadre d'un examen de la gestion contractuelle alors
qu'on est désignés par le gouvernement ou parce qu'on a vu des manquements
répétés et importants et qu'on initie un tel mandat.
Le pouvoir de vérification, il est encadré par
les articles 22 à 24 de notre loi et qui s'adresse principalement aux organismes publics. De l'expérience que nous
avons, actuellement, et de ce que nous avons vécu jusqu'à maintenant... Et je pense que c'est important de souligner
qu'elle est très jeune, la loi. Vous parlez de deux ans, mais, dans les faits,
les pouvoirs, compte tenu de l'entrée en
vigueur des articles, c'est 18 mois et même un peu plus de 12 mois,
actuellement. Alors, il faut vivre
avec cette loi-là puis il faut la voir évoluer. Mais, de ce que nous avons déjà vécu, actuellement, ce serait ce pouvoir de pouvoir s'adresser aux entreprises, aux sous-contractants,
aux témoins pour leur demander de répondre à nos questions.
M. Dubé : Pas seulement aux organismes.
Mme Marcoux (Nathaly) : Et pas
seulement aux organismes publics, exactement.
M. Dubé : O.K., je comprends.
Puis est-ce que vous avez... Puis il me reste combien de temps?
Le Président (M. Simard) : Une
minute.
M. Dubé : Est-ce
que vous avez les ressources, en ce
moment, pour aller là, ou ça justifierait une addition de ressources?
Mme Marcoux
(Nathaly) : L'Autorité des
marchés publics dispose actuellement des ressources dont elle a besoin pour s'acquitter du mandat tel
qu'elle a. Évidemment, quand on ajoute des pouvoirs ou quand on ajoute des
mandats, c'est à revoir.
M. Dubé : En cas de crise, là, dans la crise qu'on vit en
ce moment avec... Parce qu'au début
c'en était un, enjeu, je me souviens, on en avait parlé, vous et moi.
Mais là, maintenant, en ce moment, il n'y a pas d'enjeu de ressources.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Avec le mandat
tel que défini par la loi, nous disposons de suffisamment de ressources,
oui.
M. Dubé : Très bien. Alors,
écoutez, moi, je pense que ça... Puis, M. Trudel, j'espère que les autres
poseront des questions, parce que vous avez
vraiment... tous les deux, vous faites une équipe incroyable. Alors, je vais
passer la parole à l'opposition. Merci.
Le
Président (M. Simard) : Je vous remercie, M. le ministre. Je cède
la parole au député de La Pinière pour une période de
9 min 20 s.
M. Barrette : Merci, M. le Président. Me Marcoux,
M. Trudel, bienvenue à cette commission. Vous êtes attendus. Très
content de vous avoir ici aujourd'hui.
On a moins de
temps que le gouvernement, on va aller directement aux faits, et je vais
continuer ce que vous étiez en train
de dire. Personnellement, vous l'avez dit d'une façon très claire, la loi n° 50 est large, vous souhaitez qu'elle ne vous touche pas... l'article, pardon, 50 est large,
l'article ne vous touche pas trop, on va dire, là. Bon, vous voulez que ça soit
préservé, mais vous voyez, vous aussi, que
l'article 50 est large. Je ne vous demande pas de commenter sur la
largesse, mais on comprend que
vous-même, l'AMP, voyez la possibilité d'une grande largesse d'intervention
dans 50. Je ne vais pas plus loin que ça.
Je vais
commencer par vous poser une question très claire : Vous, l'AMP, en
pouvoirs d'enquête, d'inspection, et ainsi
de suite, là, avez-vous plus ou moins de pouvoirs, d'autonomie que le bureau d'inspection générale de Montréal?
Mme Marcoux
(Nathaly) : Alors, la grande
différence, ce qui nous distingue dans nos pouvoirs, principalement, avec le Bureau de l'inspecteur général, c'est ce que j'ai exprimé tout à l'heure, dans la Charte de la Ville de Montréal, dans les pouvoirs
définis pour le Bureau de l'inspecteur général, il y a ce pouvoir de s'adresser
aux entrepreneurs, aux sous-entrepreneurs,
et de leur poser des questions, et surtout d'obtenir des renseignements et la
documentation nécessaire à leur analyse et à leur vérification. C'est la
grande distinction avec les pouvoirs de l'AMP, actuellement.
M. Barrette : Dans les faits, là, c'est extrêmement
significatif, cette différence-là, là. Dans son champ d'exercice, le BIG, pour simplifier la prononciation, a plus
de pouvoirs que vous. Je considère que c'est anormal. Est-ce que vous êtes
d'accord?
Mme Marcoux (Nathaly) : Bien,
en fait, je peux vous... En fait, c'est fonction de nos besoins aux fins de nos vérifications. Et, si vous me permettez, je
vais vous donner deux exemples que nous avons vécus depuis que nous avons
nos pouvoirs...
M. Barrette :
Brièvement, s'il vous plaît.
Mme Marcoux
(Nathaly) : ...où deux organismes publics nous ont alertés sur des
situations qu'ils vivaient.
M. Barrette : Me Marcoux, je vous arrête. Permettez-moi de
vous arrêter. Je comprends ce que vous allez me dire, puis vous venez de toucher le point que je veux
toucher. Ce qui déclenche votre intervention est une plainte, alors que
le BIG peut débarquer quand il veut.
Mme Marcoux (Nathaly) : Notre loi prévoit que nous pouvons initier une
vérification de notre propre initiative. Ça, notre loi le permet.
M. Barrette :
Il faut qu'on vous alerte de la chose.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Non, on peut le constater dans les journaux, par exemple.
M. Barrette :
Oui, d'accord.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Et c'est arrivé que, de ce que nous avons lu dans les
journaux, nous avons initié une vérification. Il y a d'ailleurs eu une décision
qui a été rendue à cet effet.
M. Barrette :
Écoutez, moi, je ne conteste pas la qualité de votre travail, hein? Croyez-moi,
là, ne prenez pas ça comme étant une critique, là.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Pas du tout.
M. Barrette : Moi, ce qui m'importe ici, là, c'est que je
considère que vous n'avez pas une étendue de pouvoirs suffisamment grande, qui est inférieure à
Montréal, et ça, ce n'est pas normal. Et en plus vous avez un champ
d'intervention, vous l'avez dit
vous-même, il est dans votre mémoire, désigné MTQ. Ça, vous êtes tributaire de
l'État, qui vous dit : Vous allez
aller jouer là, mais pas ailleurs. Vous devez... Il y a des territoires qui
sont désignés. En ce qui me concerne, vous êtes un garde-fou, là — je ne veux pas utiliser d'autres mots qui ne
seraient pas parlementaires — vous êtes le garde-fou absolu. Vous devez avoir des pouvoirs qui sont à
l'intérieur de nos chartes, de nos lois, et ainsi de suite, mais vous devez
pouvoir aller le plus loin possible dans tous les secteurs. N'êtes-vous
pas d'accord?
• (9 h 50) •
Mme Marcoux
(Nathaly) : Bien, en fait, exactement comme on le disait tout à l'heure,
avec ce pouvoir supplémentaire, là, sur
lequel on nous sollicite, là, de... Vous nous demandez ce qui nous serait plus utile et qui nous rendrait
plus efficients, c'est effectivement ce
pouvoir de pouvoir s'adresser aux entrepreneurs, sous-contractants et témoins,
comme le Bureau de l'inspecteur général a ce pouvoir.
M. Barrette :
Voilà, et dans tous les secteurs.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Dans tous les secteurs.
M. Barrette :
Publics.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Publics.
M. Barrette :
Et privés?
Mme Marcoux
(Nathaly) : Publics.
M. Barrette : Oui, mais, dans les secteurs publics, il faut
que vous ayez le pouvoir, évidemment — je pense qu'on comprend la même chose — de
creuser dans la partie privée qui est générée ou entraînée par un contrat
public.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Oui, dans mon esprit, il est entendu qu'il fait partie du
marché public. Lorsqu'un entrepreneur, une entreprise privée participe à un
marché public, là, on est dans cette sphère-là.
M. Barrette :
Alors donc, ça, ça demande des amendements significatifs à la LCOP.
Mme Marcoux
(Nathaly) : C'est un amendement à la Loi sur l'Autorité des marchés
publics, à l'article...
M. Barrette :
D'accord. Et ça demande un amendement dans une autre loi.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Oui.
M. Barrette :
Ça, c'est clair?
Mme Marcoux
(Nathaly) : Oui.
M. Barrette : Alors, pour que
ce soit bien fait, il faut qu'on le prévoie dans l'étude de ce projet de loi
ci.
Mme Marcoux
(Nathaly) : C'est-à-dire... Vous savez, actuellement, là, on exploite cette loi-là. Elle est nouvelle.
On en... Il faut vivre avec ces pouvoirs-là, il faut exploiter toutes les
limites de cette loi-là.
M. Barrette : C'est ce qu'on
souhaite.
Mme Marcoux (Nathaly) : Bon.
Que ce soit dans le présent projet de loi ou dans un éventuel projet de loi, puisqu'on nous invite à formuler nos souhaits, on
partage que ce pouvoir-là nous rendrait plus efficients et nous permettrait
de mieux protéger les marchés publics.
M. Barrette : On s'entend probablement sur le fait que
ce dont on parle ne devrait pas être limité à la période de l'urgence
sanitaire, mais bien être permanent.
Mme Marcoux (Nathaly) : Nous en
convenons.
M. Barrette : On en convient. Ça, c'est déjà ça,
parce qu'ici on est dans un débat de
période d'urgence sanitaire. Le sujet
dont on discute à l'instant est un sujet qui, pour moi, doit être permanent.
Pas sûr que c'est ça qui est envisagé, mais
ce n'est pas grave — peut-être
que c'est le cas, tant mieux — mais moi, je le vois comme ça, vous le voyez
comme ça.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Oui, c'est... Il
est certain que l'efficience recherchée, là, on recherche aussi la pérennité
de cette efficience-là.
M. Barrette : O.K. Vous êtes le commando de la vertu
contractuelle. C'est joli comme expression, et je l'utilise à dessein. Vous avez dit vous-même que vous avez
assez de ressources pour faire votre job maintenant. Par définition, si on
fait ce que je suggère, vous n'aurez pas
assez de ressources. Combien de ressources additionnelles vous pensez que ça
vous prend? C'est beau, faire la
guerre à la corruption, si vous
n'avez pas de soldats dans votre commando, vous n'allez pas gagner beaucoup
de batailles.
Mme Marcoux (Nathaly) : Je vais
me permettre de préciser que le pouvoir qui est demandé, c'est un outil supplémentaire dans le coffre à outils, si je peux faire une image. Ce n'est pas un
mandat supplémentaire, c'est un moyen supplémentaire d'obtenir de l'information,
des renseignements, des documents.
M. Barrette : Mais,
Me Marcoux, un outil est toujours utilisé par un individu.
Mme Marcoux (Nathaly) : Oui.
M. Barrette :
Alors, vous allez utiliser l'outil si vous avez assez de ressources,
actuellement, pour utiliser les outils que
vous avez. Et qu'on vous en donne de nouveaux qui vous permettent d'aller plus
loin et à plus d'endroits, il va vous manquer
de ressources. Si vous me dites aujourd'hui, là, qu'on vous donne des pouvoirs
additionnels que vous voulez utiliser et que vous pensez ne pas avoir
besoin de ressources, écoutez, vous êtes admirables d'efficacité.
Mme Marcoux (Nathaly) : Bien,
nous sommes très efficaces, je tiens à vous rassurer à ce sujet.
M. Barrette : J'en suis
convaincu.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Mais ce dont il
est question, vous savez, c'est pour l'ensemble de nos enquêteurs, vérificateurs. À chaque fois qu'ils ont une action
à prendre, c'est de se demander : Par quel moyen je vais aller chercher
l'information dont j'ai besoin? Alors, ce
n'est pas une charge de travail supplémentaire. Si le gouvernement nous
confiait un autre mandat d'examen de la gestion contractuelle, ce serait
autre chose, là on aurait besoin d'une autre équipe. Nous avons actuellement
notre équipe...
M. Barrette :
Mais ce qui m'intéresse, moi, c'est justement ça, la gestion contractuelle en
continu. Moi, c'est ce qui
m'intéresse, la gestion contractuelle en continu, ce qui devrait être la chose
que vous devriez avoir la possibilité de faire sans restriction dans le
cadre actuel et dans le futur.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Alors, je
n'avais pas bien compris votre question. Vous avez raison que, s'il y avait
un amendement à la loi qui nous permettait
une plus grande latitude dans le choix des mandats d'examen de la gestion
contractuelle... Actuellement, c'est encadré.
M. Barrette :
Le souhaitez-vous? Vous le dites vous-même, c'est encadré, donc c'est limité.
Nous, on souhaite que vous ayez le pouvoir de faire plus de gestion contractuelle
dans plus de secteurs.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Écoutez, la loi est jeune encore pour pouvoir conclure à
cet égard. Si la situation se présentait...
M. Barrette :
Il me reste quelques secondes. Ne serait-il pas bon pour la société québécoise
que vous puissiez faire plus de gestion contractuelle dans plus de
secteurs?
Mme Marcoux
(Nathaly) : Avec plus de ressources, on va en faire plus, puis
évidemment que ça va mieux protéger les marchés publics.
M. Barrette :
Exactement.
Le Président (M. Simard) : Très bien, merci beaucoup. Merci à vous tous. Je
cède maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, M. le Président. Merci d'être là. Il y a
beaucoup de passages dans votre mémoire, en particulier pages 8 et 9, où c'est joliment écrit, c'est
diplomatiquement dit, mais ça sent l'inquiétude. Je pense que vous n'avez pas
écrit ça pour la beauté de la prose, quand
vous dites, par exemple : «Nous aurions tort de relâcher la garde en cette
période où nous devons au contraire être encore plus vigilants.»
Puis
je vous amène aux deux premiers paragraphes de la page 9, que je ne lirai
pas au complet parce que je vais brûler
tout mon temps, mais vous dites essentiellement qu'il y a péril en la demeure
de baisser la garde en ce moment.
Et vous qui appliquez les règles telles
qu'elles le sont et la loi, notamment, sur les marchés publics, tel que c'est connu
maintenant, si on change ces règles-là, vous aurez plus de difficultés à faire
votre travail, c'est bien ça?
Mme Marcoux (Nathaly) : Oui. Je peux juste répéter ce que j'ai dit tout à
l'heure, c'est-à-dire que ce qu'on veut dire, ici, c'est qu'il est important de préserver les principes
fondateurs et directeurs de la Loi sur les contrats des organismes publics : transparence, équité, saine
concurrence et le processus d'examen de l'intégrité, là, des entreprises. C'est
de ça dont on parle. Et j'ajoute que
l'article... c'est en raison de la façon qu'il est rédigé. Ceci étant dit, j'ai
noté un exemple, tout à l'heure, où l'article 50 pourrait être
utile à l'amélioration du cadre normatif. Le libellé le permettrait également.
Ce
qui est important pour nous de partager, là, l'Autorité des marchés publics,
compte tenu de notre mandat de surveillance
des marchés publics, c'est que ces principes-là doivent être préservés pour
assurer la protection des marchés publics.
M. Marissal : Mais, si d'aventure, là, Me Marcoux, on
multiplie les contrats de gré à gré, vous perdez votre poigne, vous perdez votre poigne sur ce genre de contrats.
Et, si on les multiplie — puis là il y en a 200 qui pourraient théoriquement se faire tous comme ça, là — vous perdez non pas votre sens et votre
utilité, au contraire, là, mais vous perdez le peu de poigne que vous
avez.
Le Président
(M. Simard) : En conclusion.
Mme Marcoux (Nathaly) : Alors, comme je l'expliquais tout à l'heure,
cette situation-là vient modifier le cadre normatif, et on doit en tenir
compte.
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
Mme Marcoux
(Nathaly) : Alors, dans notre analyse, on tient compte de ces
nouvelles conditions...
Le Président
(M. Simard) : Merci beaucoup, Me Marcoux. Merci beaucoup.
Alors, je dois céder la parole au député de René-Lévesque. Cher collègue, à
vous la parole.
M. Ouellet : Merci. Donc, à mon tour de vous saluer. Merci d'être là. Vous étiez
effectivement très attendus. J'aurai quelques
questions très brèves. Est-ce que le gouvernement peut contourner la loi n° 50 et donner des contrats de gré à gré, oui ou non?
Mme Marcoux
(Nathaly) : Je veux être certaine de bien comprendre votre question.
M. Ouellet : En suspendant... avec l'article 50, on vous
a entendu tout à l'heure, j'ai entendu le ministre, il nous dit qu'il ne
fera pas ça. Est-ce qu'il peut le faire, oui ou non?
Mme Marcoux (Nathaly) : Avec l'article tel que libellé, et c'est ce que
nous disons, il y a peut-être là la possibilité de modifier le cadre normatif et de toucher à ces principes fondateurs.
Moi, j'ai entendu que ce n'était pas l'intention. Et de là, ce que nous
disons...
M. Ouellet :
Est-ce qu'il peut le faire, oui ou non?
Mme Marcoux
(Nathaly) : Bien, c'est difficile pour moi de vous donner une
interprétation juridique.
M. Ouellet :
Est-ce que c'est possible de le faire?
Mme Marcoux (Nathaly) : Écoutez, il y aurait une analyse juridique à
faire, là. Nous, dans notre évaluation, on dit : Attention, ne
touchons pas aux principes fondateurs et principes directeurs de la LCOP.
• (10 heures) •
M. Ouellet : Je comprends, vous dites : Ne le faites pas, mais est-ce qu'il
peut le faire? C'est clair, la loi n° 50 permet de contourner toutes les dispositions. Et,
pour faire un contrat, ça prend des appels d'offres, mais on peut aussi donner des contrats de gré à gré en haut d'un certain seuil, on peut contourner la
loi. Est-ce qu'en contournant cette
loi cette possibilité-là existe?
Mme Marcoux (Nathaly) : La LCOP prévoit déjà des situations où on peut
octroyer des contrats de gré à gré, les
conditions dans lesquelles on peut le faire. C'est ça, le cadre normatif.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est : Attention, quand on vient pour
modifier le cadre normatif, à ne pas affecter les principes directeurs de
transparence, d'équité, de saine concurrence, donc de garder une certaine
ouverture.
M. Ouellet : Je comprends, vous nous dites : Faites attention. Moi, ce que je
comprends, ce que je décode, c'est : cette possibilité-là existe, et vous nous demandez d'avoir une attention
particulière pour ne pas que ça se passe. J'ai compris, dans votre mémoire, tout à l'heure, que le décret
vous permet de faire des enquêtes au ministère des Transports, et après ça
vous pouvez faire des enquêtes sur plainte
ou si vous constatez des informations dans les médias. Est-ce que vous aimeriez
être capables d'enquêter sur les
202 projets qui sont dans la liste? Est-ce qu'on devrait vous permettre de
le faire avec un décret?
Mme Marcoux (Nathaly) : ...nous conservons nos pouvoirs de vérification sur
l'ensemble de ces contrats-là.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup,
Me Marcoux, M. Trudel, merci infiniment pour cette belle présentation. Oh! oui, non, mais, M. le
député de Chomedey, j'allais vous oublier, puis vous avez une belle minute 50
pour vous tout seul. Excusez-moi, ce n'est
pas totalement terminé parce qu'on a la présence d'un député indépendant,
que nous saluons.
M. Ouellette :
Oui, ça arrive souvent, M. le Président, mais vous êtes pardonné, compte tenu
de votre âge.
J'ai juste 1 min 50 s, trois
questions en rafale. À la page 6 de votre mémoire, vous avez dit qu'il y a
trois décisions qui ont été rendues à l'égard de ministères, organismes,
municipalités. Quels sont ces trois ministères? Ma deuxième question... Parce que j'ai vu une décision contre
le CSPQ qui est récente, hein, la semaine dernière, le 5 juin, donc on est
le 8, le 5, c'est jeudi, donc le lendemain qu'on a déposé le 61. Ça, c'est la
première des choses.
L'autre
chose, le gouvernement vous a demandé de faire un audit sur la gestion
contractuelle du MTQ en même temps que le Vérificateur général était au
MTQ puis qu'il a rendu son rapport la semaine passée.
Et ma troisième question : Vous avez demandé
au gouvernement que les renouvellements soient extensionnés d'un an, vous êtes en retard de combien? Parce que
ce qu'on entend sur le terrain pour les renouvellements, on nous dit que ça refoule dans le coude et que ce n'est pas
juste parce que les gens n'ont pas toutes les informations, mais c'est parce
que vous n'êtes pas capables de délivrer les renouvellements. Confirmez-moi ou
infirmez-moi ce que je viens de vous dire.
Mme Marcoux (Nathaly) : Je vais débuter par votre première question.
Les trois décisions, dans mon souvenir, on en a rendu une à l'égard du CSPQ effectivement, la municipalité de Châteauguay, si je me souviens bien, et j'oublie la
troisième, et je pourrai trouver l'information, là, rapidement comme ça et vous
revenir.
Je m'excuse, je n'ai
pas bien saisi votre deuxième question.
M. Ouellette :
...la gestion contractuelle du MTQ en même temps que le Vérificateur général
était au MTQ.
Mme Marcoux (Nathaly) : Oui, bien, le Vérificateur général a fait sa
vérification il y a plusieurs années puis il est actuellement en suivi
de ses recommandations...
Le Président
(M. Simard) : Merci. Désolé, maître, de vous couper si sèchement,
mais c'est...
Une voix :
...
Le
Président (M. Simard) :
Non, malheureusement pas, ce n'est pas éthique. Alors, nous vous
disons à nouveau merci, cette fois-ci c'est bien la fin de votre
présentation, et au plaisir de vous retrouver.
Nous allons suspendre
momentanément, le temps de faire place à nos prochains invités.
(Suspension de la séance à
10 h 04)
(Reprise
à 10 h 07)
Le Président
(M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix :
...
Le
Président (M. Simard) :
À l'ordre! Alors, nous allons poursuivre nos travaux. Nous avons la chance
d'être en ondes par visioconférence
avec la Fondation David-Suzuki. Nous sommes en présence de M. Sylvain
Perron, analyste des politiques publiques, ainsi que M. Diego
Creimer, responsable, affaires publiques et communications. Messieurs,
bienvenue parmi nous. Vous avez... vous disposez de 10 minutes.
Fondation David-Suzuki
(Visioconférence)
M. Perron (Sylvain) : Merci
beaucoup. Merci, d'abord,
de l'invitation. Dans le fond, on est très contents de pouvoir
participer à la commission parlementaire.
La Fondation David-Suzuki. Établie en 1990, la
fondation a pour mission de protéger l'environnement et notre qualité
de vie maintenant et pour l'avenir. À travers la science, la sensibilisation et l'engagement du public et des partenariats avec les entreprises, les gouvernements et les acteurs de la société
civile, la fondation oeuvre à définir et à mettre en oeuvre des solutions permettant de vivre en équilibre
avec la nature. Pour vous donner une idée, la fondation compte sur l'appui
de 300 000 sympathisants à travers le Canada, dont près de
100 000 au Québec.
M. Creimer
(Diego) : Merci, Sylvain. Merci, M. le Président et les membres de la
commission. Je vais aller au vif du sujet, on a peu de temps. Écoutez,
nul ne doute que la relance économique à la sortie de cette pandémie doit être ambitieuse et inclusive d'un grand nombre de secteurs.
Personne ne doute non plus qu'il s'agit d'une opportunité de faire d'une pierre deux coups en s'attaquant aux crises
économique et environnementale en même temps. Nous considérons que
l'erreur, ici, serait de s'attaquer à une crise au détriment de l'autre ou,
pire encore, en aggravant l'autre.
Comme plusieurs acteurs sociaux et parties
prenantes l'ont déjà dit et vont le dire dans les heures qui viennent à cette commission, nous avons été surpris par
l'ampleur des mesures contemplées dans le projet de loi n° 61 et nous
souhaitons partager avec la
Commission des finances publiques nos préoccupations principales. Notre équipe
n'a pas de juriste, il faut le dire,
mais, en nous basant sur l'analyse du Centre québécois du droit de
l'environnement et notre expérience en protection des écosystèmes à risque, nous avons identifié,
dans ce projet de loi, des éléments qui devraient susciter l'inquiétude de
l'ensemble de la population et des législateurs. Et, Sylvain, je te passe la
parole.
• (10 h 10) •
M. Perron (Sylvain) : En
fait, on va commencer par... bien, concernant les milieux humides, un petit
rappel : en 2017, la Loi
concernant la conservation des milieux humides et hydriques a été votée à
l'unanimité à l'Assemblée nationale. Elle citait à peu près ça, donc :
«Considérant
l'apport fondamental des milieux associés à la ressource en eau, notamment
quant à la qualité et [...] la quantité de l'eau, la conservation de la
biodiversité et la lutte contre les changements climatiques;
«Considérant qu'il y a lieu d'assurer la
conservation de tels milieux que ce soit pour les préserver, [pour] les
protéger, les utiliser de manière durable [et] les restaurer ou en créer
de nouveaux;
«Considérant qu'il y
a lieu de fixer un objectif d'aucune perte nette de tels milieux», et
j'aimerais vraiment... «aucune perte nette», je mets l'accent là-dessus.
Le Québec a déployé
beaucoup d'efforts pour assurer la protection des milieux humides. Pourtant, le
projet de loi n° 61, tel qu'il est,
dans ses articles 21 à 24, viendrait amenuiser les efforts en escamotant
les principes d'éviter et de minimiser établis dans la loi, donc,
vraiment pour aller directement vers des mécanismes de compensation.
Il faut voir, là, les milieux humides et
hydriques, là, c'est vraiment des infrastructures naturelles et ils sont
vraiment nécessaires dans nos efforts
d'adaptation aux changements climatiques. Les villes, par exemple, gagnent
énormément à les protéger pour
bénéficier des multiples services écosystémiques qu'ils peuvent donner. Ils
contribuent également à améliorer la
qualité de l'eau potable, à gérer l'eau pluviale sur les territoires et aussi à
diminuer les effets des risques des inondations ou des impacts potentiels liés à ça. Et la possibilité que la relance
économique du Québec souhaitée par tout le monde puisse accélérer la
destruction des milieux humides, ça nous préoccupe vraiment au plus haut point.
Il est aussi permis de croire que, les villes qui
disposent de terrains disponibles qui ne sont pas des milieux humides ni un habitat d'espèces menacées, comme on va en
parler tantôt, en fait, on peut vraiment leur dire, là, demander aux
villes : Aïe! C'est quoi, vos
sites abandonnés qui n'ont pas de milieu humide, qui n'ont pas d'espèces
menacées?, et proposer à ces... des
sites abandonnés pour les villes, là, au lieu d'aller directement dans les
milieux humides, dans les habitats d'espèces menacées. Donc, c'est
vraiment, là, une grande préoccupation pour ces milieux humides, encore là.
M. Creimer (Diego) : Et, justement, si je peux ajouter, dans cette
flexibilisation des exigences environnementales, si on peut l'appeler ainsi, il y a deux articles qui ont attiré notre
attention, c'est l'article 15 et 16 du projet de loi n° 61. Et là nous constatons un risque additionnel et
nous nous demandons comment les articles 15 et 16 du p.l. n° 61 et les articles 22 et
30 de la Loi sur la qualité de l'environnement pourraient être renforcés, justement, quand des catégories des projets
énumérés dans le p.l. n° 61 peuvent concorder, de par
leur nature, avec des projets qui seraient exemptés de suivi d'une évaluation et d'obtenir une autorisation du
ministère de l'Environnement en vertu de la flexibilisation des normes prévues dans le Règlement
sur l'encadrement des activités en fonction de leur impact sur
l'environnement — c'est ce
qu'on appelle le REAFIE — et que nous avons commentées il y a quelques
jours dans sa version actuelle. Ces articles, combinés à la version du REAFIE soumise à commentaires,
créent une sorte d'incertitude pour plusieurs types de projets devant
obtenir une autorisation du ministère de l'Environnement.
Autrement dit, à la possibilité qu'aurait le
ministre d'exempter certains projets d'une évaluation environnementale en vertu du projet de loi n° 61
s'ajoute la possibilité que ces mêmes projets puissent bénéficier d'une simple
déclaration de conformité de la part
des administrés ou qu'ils soient exemptés de l'obligation d'obtenir une
autorisation sous le Règlement sur
l'encadrement des activités en fonction de leur impact sur l'environnement.
Encore une fois, je fais référence à la version actuelle. La
fragilisation des évaluations et des exigences environnementales devient ainsi
multiple et cumulative.
M. Perron
(Sylvain) : Un autre élément qu'on avait regardé dans le projet de
loi, donc, c'est l'article 20 sur les
mesures d'accélération relatives à la flore. En 1989, le Québec s'est doté de
la Loi sur les espèces menacées et vulnérables. Qu'est-ce que ça dit? Un
des articles, l'article 8, plus précisément, de la loi : «Le ministre
peut également, aux fins de la protection et
de la gestion des espèces floristiques menacées ou vulnérables désignées,
prendre toutes les mesures nécessaires
afin de réparer ou atténuer un dommage subi par une espèce floristique menacée
ou vulnérable désignée ou par son
habitat et, en la manière de toute dette due au gouvernement, réclamer de
l'auteur du dommage les frais entraînés par ces mesures.»
En gros, c'est qu'en monnayant, en fait, la
destruction de l'habitat des espèces menacées on vient contrecarrer 30 ans
d'efforts que le ministère de
l'Environnement tente pour protéger la biodiversité, et le fait que le
ministre... que le projet de loi
ouvre la porte à la destruction de l'habitat par une simple compensation
financière, c'est vraiment un recul qui est majeur et inquiétant pour la
résilience des écosystèmes et autant aussi pour la société québécoise, c'est
inquiétant.
Un
autre élément, dans le projet de loi, qui nous inquiète, on parle des contrôles
intérimaires des villes. Dans une des
mesures, ils parlent spécifiquement de déroger à toute mesure de contrôle
intérimaire d'une municipalité régionale de comté ou d'une communauté métropolitaine. Les villes, là, connaissent
vraiment leur milieu, ont vraiment une connaissance du terrain très
fine, et ça doit être respecté. Les RCI, les règlements de contrôle
intérimaire, c'est un de leurs outils fondamentaux. Et je vais prendre la
citation du MAMH, là, du ministère des Affaires municipales et de
l'Habitation : «[Les RCI servent à] agir immédiatement dans l'aménagement
et le développement du territoire afin d'empêcher l'amplification de certains problèmes.»
Et, en faisant fi de tous les règlements de contrôle intérimaire des villes...
Je prends un exemple : la ville de Laval,
O.K.? Voilà quelques semaines, ils ont décidé, avec un RCI, de protéger 1 000 hectares de milieux humides d'un
coup. Et donc ça dit : C'est un leadership, il y avait un manque de
milieux humides, la ville a décidé
d'aller de l'avant avec ça et de protéger 1 000 hectares d'un coup.
C'est superintéressant. Et là, dans le projet
de loi, j'ai l'impression qu'avec les projets qui sont dans la région
administrative de Laval, dans les 202 projets, il y a des écoles, des maisons des aînés... La ville fait
tellement d'efforts pour protéger ses milieux humides, et une de nos craintes
qu'on a, c'est que, bien, tout simplement,
le respect de ce RCI là, spécifiquement les 2 000 hectares, soit
simplement bafoué, là.
Un
autre élément qui est à prendre en considération, c'est les parcs. L'importance
des parcs prend tout son sens pour le
tourisme québécois pendant la pandémie. Les Québécois,
dans les prochains mois, ils vont vouloir aller dans les parcs pour profiter, malgré toutes les contraintes, des
vacances, de la nature, et tout ça. Dans les articles 25 et 26, le p.l. n° 61 vient réduire les limites des parcs provinciaux en
faveur des projets d'autoroutes et des projets d'infrastructures routières.
À l'heure actuelle, le Québec
aurait vraiment de la misère à atteindre ses objectifs de la protéger de
17 %. Et la possibilité que des
projets comme ça viennent détruire, en fait, certaines parties des parcs, bien,
ça soulève encore des inquiétudes, puis on va devoir encore travailler
plus fort pour avoir une conservation des milieux naturels qui est adéquate,
là.
M. Creimer
(Diego) : Excellent. Je pense que le chrono, probablement, il est près
de la fin, donc je vais aller directement...
Le Président
(M. Simard) : ...secondes, cher monsieur, 45 secondes.
M. Creimer
(Diego) : Écoutez, bon, on a
clairement expliqué les risques que nous identifions dans le projet de loi. On veut insister sur le
principe qui est : les écosystèmes qu'on met à risque devraient être, en
fait, nos alliés, ils nous rendent des
services qui sont très, très chers et qui sont très importants pour nos
indicateurs de santé, pas seulement pour les indicateurs environnementaux. Comme nous l'avons avancé dans
un communiqué conjoint émis avec le Centre québécois du droit de
l'environnement, à côté de 110 autres organisations, on pense qu'on doit
favoriser l'accélération des succès, oui, l'accélération des procédures
d'évaluation, mais en...
Le Président
(M. Simard) : Merci beaucoup.
M. Creimer
(Diego) : ...davantage, en fait. On veut donner au ministère les
moyens...
Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup, M. Creimer. Désolé de vous couper ainsi, et
je sais que la communication est plus difficile à établir à distance. Merci de
votre compréhension. Je cède maintenant la parole au gouvernement, qui
dispose d'une période de 13 min 30 s. M. le ministre.
M. Dubé : Alors, M.
le Président, merci beaucoup.
Alors, M. Perron, M. Creimer, merci pour votre présentation. Puis votre présence à cette commission-là est très
appréciée. Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui viennent d'être dites puis je peux vous
assurer que, durant l'étude d'article par article que nous ferons un peu plus
tard, on va tenir compte de vos commentaires.
Et je vais commencer par un, pour moi, qui est
très important, parce qu'on connaît tout l'enjeu des milieux humides, puis je veux bien, peut-être, avoir une
précision. Parce que c'est difficile de faire cette interaction-là, là, par
vidéo, mais je pense qu'on peut s'en
accommoder. Sur la question de... Vous avez parlé des articles 15 et 16,
parce que l'article 15 envoie un
principe. Et, comme vous l'avez si bien dit, il ne faut pas oublier de lire 16.
16 dit ce qu'on ne peut pas faire dans
15. Et, moi, de la façon dont je le lis, puis c'est là que j'aurais besoin de
vos lumières, lorsqu'on aura les légistes puis le ministère de
l'Environnement qui pourra nous
supporter dans les modifications à faire, moi, je lis, écoutez, là, que
l'article 16 dit qu'il restreint la portée de 15, puis j'y vais rapidement,
pour «tout travail, toute construction ou toute intervention susceptible de
porter atteinte de façon permanente à des milieux humides et hydriques».
Alors,
moi, quand je lis 16 puis que j'entends votre préoccupation, je me dis :
Est-ce que c'est parce que vous trouvez
que 16 n'est pas suffisant pour protéger les milieux humides? Parce que l'objectif
de 16, c'est ça. Alors, je veux juste vous
entendre rapidement pour... Est-ce que c'est dans le libellé? Est-ce
que c'est nos juristes qui doivent travailler sur le libellé? Parce qu'on a voulu faire ce que vous
dites, mais, si on ne le dit pas correctement, aidez-vous. Vous me suivez?
Puis je vais essayer d'aller... Parce que vous avez fait tellement de points
que je vais essayer de les couvrir, là, mais commençons par celui-là.
• (10 h 20) •
M. Creimer (Diego) : Bien, Sylvain, si tu me permets, l'inquiétude
qu'on voulait soulever là, c'est que certaines catégories de projets tombaient aussi sur le régime des exceptions
contemplées par le REAFIE. Je vous donne un exemple, dans la proposition de règlement,
les points 315 à 317 parlent des travaux dévoilés pour des routes
existantes qui seraient exemptés d'une autorisation ministérielle. Sans
être un expert dans la matière, là je vois un voyant rouge.
M. Dubé : Bien, je comprends bien, je comprends mieux votre
point. Vous dites : L'exception de 16 ne couvrait pas certains
projets, notamment au niveau des routes. C'est ça que vous me dites?
M. Creimer
(Diego) : Oui, par exemple, oui.
M. Dubé : O.K. Alors là, les légistes, les gens du
ministère de l'Environnement ont entendu votre commentaire, puis on
pourra en prendre acte dans les discussions qu'on a. O.K., je vous entends très
bien.
Maintenant, au niveau de la faune, je ne me
souviens pas lequel des deux l'a dit, je pense que c'est peut-être
M. Perron, il y a, en ce moment,
des compensations financières qui existent, notamment, au niveau de
l'environnement. Et, je dirais, un
des principes du projet, c'est de dire ce qui fonctionne avec l'environnement
puis d'avoir des compensations financières. Vous dites : On ne veut pas le faire avec la faune? Je veux juste
comprendre votre objectif ou votre commentaire. Parce que ça se fait
déjà en environnement. Vous dites, vous ne voulez pas que ça arrive en faune.
M. Perron
(Sylvain) : Mon point ici, là, c'est que la... il faut arrêter de
simplement toujours compenser pour la
destruction de l'habitat. Et, un peu dans le même principe, il faut vraiment
éviter... Quand il y a une espèce à statut dans un boisé...
(Panne de son)
M. Dubé :
...parce que, souvent, dans la compensation... Puis vous me direz, là, parce
qu'encore une fois, là, les légistes, ils
nous écoutent puis ils vont penser à des méthodes alternatives pour essayer
d'arranger tout le monde dans ça. Quand
il y a des compensations financières, les compensations financières peuvent
servir à replacer dans un état équivalent ailleurs. Vous me suivez? Alors, moi, ce que je veux savoir, c'est, si,
dans le cas de la faune, on prenait nos animaux qui sont là puis on les mettait dans un autre endroit,
est-ce que ça, pour vous, c'est quelque chose de suffisant? Parce que ça se
fait déjà dans certains secteurs.
M. Perron
(Sylvain) : Mais c'est... Là, vous allez parler à vos légistes; moi,
je parle peut-être... je m'adresse peut-être au niveau politique. Cet
élément-là...
M. Dubé :
J'essaie de faire le lien entre les deux, là.
M. Perron (Sylvain) : Ah! exact. Oui, oui, mais il faut arrêter de
penser qu'il faut toujours compenser. Il faut arrêter de penser qu'il faut toujours déplacer des espèces. Peut-être
que, maintenant, on est peut-être rendus à penser qu'il faut peut-être contourner l'habitat des espèces à
statut, des espèces menacées. C'est dans cette mentalité-là. Il y a toujours...
parler de la compensation, alors qu'on peut
simplement... Je parle d'un projet autoroutier, parce qu'il y en a
quelques-uns, bien, pourquoi on ne
passe pas à côté? Moi, là, c'est plus une question politique qu'une question
légiste, vous comprenez?
M. Dubé :
Écoutez, c'est pour ça que je veux vous entendre, parce que, comme je vous dis,
du côté de l'environnement, ça fonctionne très bien, c'est déjà là, puis de
voir comment on pourrait le faire du côté faunique.
Mais
c'est parce que... Puis là je ne veux pas aller trop dans le détail, là. Moi,
j'ai été dans une entreprise où on a fait
du développement durable pendant des années, pendant des années, qui continue,
ça fait 50 ans que cette entreprise-là fait du développement durable. Donc, je suis très
sensible à ce que vous dites, mais en même temps le développement durable, il y a trois points d'appui, hein, il y a
le social, il y a l'environnement
puis il y a l'économie. Alors, à
un moment donné, il faut trouver les arrangements nécessaires pour que
ce triangle-là permette à la société d'avancer. Bon.
Moi, il y a un autre
principe que j'entends souvent ces temps-ci, qui est d'éviter, minimiser puis
compenser. J'aimerais vous entendre sur ce
principe-là. Parce que, si vous me dites : On ne peut pas rien
faire, je comprends, mais j'aimerais
vous entendre sur le principe... Vous dites : Si on peut éviter de passer
à côté de la route ou à côté de l'endroit, c'est ça que vous me dites,
comment on peut le minimiser puis compenser? Mais est-ce que
c'est ça, le principe qui vous guide? Je veux juste
bien comprendre parce qu'après ça va être plus facile de trouver la bonne façon
de faire la... ou l'accommodement raisonnable, si je peux utiliser cette
expression.
M. Perron (Sylvain) : En fait, je mettrais vraiment
beaucoup l'accent sur le «éviter», on va parler en termes comme ça. Puis je trouve ça intéressant, vous avez parlé, bon, du
développement durable, et tout ça. Quand on regarde l'article 29, par exemple, là, qui regarde les... à savoir si le
projet de loi favorise la relance économique, bien, j'ajouterais à ça :
favorise également les indicateurs
comme l'environnement et le côté social également. Donc, à l'article 29,
on parle de la relance économique,
bien, peut-être qu'il serait temps... on pourrait peut-être rajouter
l'environnement et les mesures sociales également.
M. Dubé :
Bien, écoutez, juste... C'est un bon point. Puis je vais vous lire
l'article 15, puis vous... avec ce qu'on vient d'entendre, quand je
dis «lesquelles doivent permettre d'assurer une protection adéquate de
l'environnement, de la santé, de la sécurité
[et] du bien-être ou du confort de l'être humain [et] ainsi que la protection
des autres espèces vivantes et des biens», qu'est-ce qui manque dans ça,
avec ce que vous venez de me dire?
M. Perron
(Sylvain) : Je vous dirais que...
M. Creimer
(Diego) : Si je peux me...
M. Perron
(Sylvain) : Oui, vas-y, vas-y.
M. Creimer (Diego) : Oui, bien, c'est ce que je pense qu'il manque
dans le libellé, c'est d'énoncer clairement le principe d'évitement qui
était mentionné dans la loi sur les milieux hydriques. Je pense que le
gouvernement peut facilement changer le
libellé pour inclure comme priorité le principe d'évitement. Tout comme dans
l'efficacité énergétique, la
meilleure énergie est celle qu'on n'a pas besoin de produire, bien, dans la
question de gestion des écosystèmes sensibles, bien, la meilleure gestion des écosystèmes, c'est quand on peut laisser
l'écosystème intact, ce n'est pas la compensation. La compensation devrait être en dernier recours.
Donc, il faudrait que le projet de loi contienne ce concept-là d'une façon
plus claire.
M. Dubé :
Je comprends. C'est une excellente précision, puis je pense que les gens vous
ont entendu.
Je vous amène sur un autre sujet, parce que vos points sont excellents, sur la question
du contrôle des municipalités. Bon,
est-ce que... Bon, je
pense qu'un des objectifs de présenter les 200 projets, c'était donner de
la prévisibilité. Bon, il y a des
aménagements. On a entendu la fédération des municipalités, hier, dire que ces
processus sont très lourds puis qu'on
voudrait être capables de faire ces projets-là tout en respectant, ils l'ont
bien dit, l'environnement. Ils ont même demandé d'avoir des inspecteurs supplémentaires qui seraient en région
pour l'environnement, donc vous avez des gens qui vous appuient.
Qu'est-ce qu'on devrait changer dans nos articles
pour s'assurer que ce que vous appelez le contrôle municipal reste correct tout en étant plus agile? Dites-moi
spécifiquement ce qu'on devrait prendre en compte dans votre commentaire.
M. Perron (Sylvain) : L'article concernant la dérogation des RCI, c'est
exactement ça, là. Les municipalités, quand qu'ils adoptent un RCI, là,
c'est parce qu'il y a vraiment un problème puis il faut que ce problème-là soit
réglé immédiatement, donc ils adoptent un
RCI. Donc, spécifiquement, le règlement sur les RCI, c'est celui-là qu'il ne
faut pas enlever.
M. Dubé :
C'est le délai d'approbation du RCI, c'est ça que j'entends?
M. Perron (Sylvain) : Non, non, non, un RCI, c'est un conseil municipal
qui décide de voter pour protéger quelque chose.
M. Dubé :
...délai d'approbation qui vient du RCI.
M. Perron
(Sylvain) : Non, c'est de le respecter.
M. Dubé :
Alors, en ce moment, il est de 12 mois, 18 mois?
M. Perron (Sylvain) : En ce moment, dans le projet de loi tel que...
puis je pourrais essayer de vous le trouver immédiatement même, ils indiquent... Dans le projet de loi, vous
indiquez que, dans... Je vais essayer de vous le trouver, même
directement. Vous demandez de pouvoir déroger... Ah! excusez-moi.
M. Dubé :
O.K. Je pense que c'est clair, je vais trouver.
M. Perron (Sylvain) : «Déroger à toute mesure de contrôle intérimaire
d'une municipalité régionale de comté ou d'une communauté métropolitaine.» Donc, vous demandez, à
l'article 27, alinéa 2°, de déroger à toute mesure de contrôle
intérimaire d'une municipalité.
M. Dubé :
Il y avait un délai, de ce que je comprenais, mais je vais le vérifier avec nos
gens, parce que... O.K., c'est bon.
M. Perron
(Sylvain) : À l'article 27, vraiment, c'est directement là.
M. Dubé :
Non, mais écoutez, c'est très clair. Je vais m'assurer qu'on ait une discussion
là-dessus.
L'article 29, sur la reddition de comptes,
ça, c'est un sujet qui est très important pour moi. On a entendu de très bons
commentaires, hier, de Vivre en ville, peut-être
que vous avez écouté la consultation avec eux. Selon vous, quelles sont les informations importantes qu'on a besoin
d'avoir au niveau environnemental pour la reddition de comptes? Parce qu'on
s'était entendus, là, sur l'ensemble des
articles, on va tenir compte de ce qui est discuté, là, depuis quelques jours,
puis qu'on arrive à s'entendre. Quelle est la reddition de comptes...
Quels sont les éléments dont on devrait tenir compte pour l'environnement?
• (10 h 30) •
M. Perron (Sylvain) : La destruction des milieux naturels, vraiment, c'est... Dans les indicateurs, à savoir si c'est
une maison des aînés, à savoir si c'est une
école, ou tout ça, l'important, ici, c'est la destruction des milieux naturels,
c'est que cet indicateur-là soit le plus proche de zéro possible. Dans
les villes, je connais...
M. Dubé : M. Perron, on revient aux principes, vous
avez dit, là, d'éviter, minimiser puis compenser. Donc, vous, dans les indicateurs, ce qui serait important,
c'est comment on peut prouver ou rapporter qu'on a évité le plus possible.
C'est ça que je comprends de votre point.
M. Perron (Sylvain) : Exactement. Il y a un autre élément, également, qui serait à
prendre en considération, c'est à
savoir si les projets sont cohérents avec le plan de lutte aux changements climatiques et le plan d'adaptation
aux changements climatiques. Ce sont également... Il faut que les mesures prises par le... les
projets par le gouvernement soient en lien avec ces plans-là et en lien avec le plan de mobilité
durable, également, du Québec. Donc,
on demande, ici, l'exemplarité de l'État, même dans les processus de ralentissement et
dans les processus rapides. L'exemplarité de l'État est vraiment très, très, très
importante.
M. Dubé :
Pour un vrai développement durable. Alors, M. Perron, M. Creimer,
merci beaucoup. Vos commentaires sont très appréciés. Merci.
Le
Président (M. Simard) : Merci à vous, M. le ministre. Je cède
maintenant la parole au député de La Pinière. Cher collègue, vous
disposez de neuf minutes.
M. Barrette :
Neuf minutes?
Le Président
(M. Simard) : Oui.
M. Barrette :
Très bien. Merci, M. le Président. Alors, M. Creimer, M. Perron, à
mon tour de vous souhaiter la bienvenue dans cette commission-ci.
J'ai
bien pris connaissance de votre mémoire et bien écouté, écouté attentivement
les échanges que vous avez eus avec
le ministre. Je vais être bien, bien candide avec vous, là, bien franc, je vais
vous avouer que, quand on arrive sur le sujet de l'environnement, on arrive dans un sujet qui est important et, aussi
important soit-il, on termine toujours nos échanges dans un certain flou. Et ce n'est pas une
critique, là, ce n'est pas ça du tout, là, de votre intervention, ce n'est pas
ça que je veux dire. Ce que je veux dire, c'est qu'à la suite de
l'échange que l'on vient d'avoir il est difficile de circonscrire les aménagements que l'on doit apporter à la loi
pour que tout le monde soit satisfait. Et évidemment, dans cette loi-là,
on souhaite que tout le monde soit satisfait.
Moi, j'ai une certaine... longue expérience de
négociation, puis je me suis toujours plu à dire qu'une négociation réussie était une négociation où, à la fin, tout
le monde était malheureux égal. C'est rare
que les gens, à la fin, sont tous heureux,
dans une négociation. Tout
le monde ont eu à laisser un peu des
choses sur la table et tout le monde doit sortir avec l'impression d'avoir fait
un gain raisonnable.
Le problème du projet
de loi, on l'a vu dans un autre sujet avec le groupe précédent, c'est que c'est
un projet extrêmement ouvert. Vous avez entendu le ministre
nous dire que les légistes étaient ici présents, et qu'ils vous écoutaient,
et qu'ils allaient peut-être faire des modifications.
Alors, après ce préambule-là que je vous fais, là,
j'ai envie de vous poser une question à laquelle vous ne pouvez peut-être
pas répondre aujourd'hui, mais peut-être y aurait-il lieu de répondre ultérieurement,
après la fin de cette commission-ci : Quels sont les aménagements, les amendements, les éléments
spécifiques du projet de loi qui devraient être inclus pour qu'il soit, pour vous, acceptable? Ce que j'entends, là,
de vous, là, c'est très large, puis je ne veux pas dire ça négativement,
c'est très large.
Alors, je fais un peu exprès pour vous
mettre dans la situation suivante. Ils sont majoritaires, ils ont dit qu'ils ne feraient pas de bâillon, le premier ministre l'a dit. Ça ne veut pas
dire que ça n'arrivera pas, mais, pour le moment, il n'y en aura pas, mais ils sont majoritaires, donc ça peut
passer. Et la question de l'environnement est vaste. D'ailleurs, elle est
tellement vaste qu'on touche, dans ce
secteur-là, à plusieurs éléments, on découpe le sujet de l'environnement en
faune, parcs, et ainsi de suite, alors ça demeure large.
Alors,
est-ce que vous pensez être capables d'arriver et de dire : Écoutez, nous,
on comprend — vous
l'avez dit, M. Creimer, je
pense, c'est vous qui l'avez dit au début — on comprend l'importance du relancement ou,
du moins, de l'activité économique,
son augmentation... Est-ce que vos êtes capables d'identifier des conditions
écrites qui feraient en sorte que vous pourriez dire : C'est un
moindre mal, à défaut de pouvoir dire : Bravo! C'est une avancée pour
l'environnement?
M. Perron
(Sylvain) : Si je peux commencer à répondre...
M. Barrette :
La deuxième chose, par exemple, là.
M. Perron (Sylvain) : Je vais
commencer à répondre. Si on avait des... Moi, j'irais dans les indicateurs des
202, plus, projets. L'important ici,
c'est que chacun des projets soit cohérent avec le plan de lutte aux
changements climatiques du Québec,
soit cohérent avec le plan d'adaptation aux changements climatiques du Québec,
soit cohérent avec le plan de
mobilité durable du Québec. Donc, si on accepte des projets, il faut que ça
soit cohérent avec les stratégies qui ont déjà été établies par l'État. Est-ce que ça répond à votre
question? Est-ce que ça peut être un article qui peut être ajouté à la loi,
selon vous?
M. Barrette :
Donc, honnêtement, là, vous me posez une question aussi à brûle-pourpoint que
la question que je vous pose. Vous
faites bien. La réponse spontanée, c'est non. C'est assez difficile, dans une
loi, de dire : Le gouvernement doit
être cohérent. Si c'était le cas, ça aurait déjà été écrit et appliqué. De
mémoire d'homme et de femme, probablement, ce n'est pas encore arrivé, alors... Mais je comprends l'intention, là,
on s'entend, là. Je ne pense pas que ce soit faisable. C'est faisable,
d'écrire un texte qui amène la cohérence. Ça, c'est faisable, d'écrire un texte
qui amène la cohérence. Pour écrire un texte
législatif qui amène la cohérence, ça signifie d'identifier l'élément que l'on
souhaite être cohérent avec le reste et d'écrire un texte qui le fait,
qui le permet ou qui l'ordonne.
M. Creimer (Diego) : M. Barrette, si je peux me permettre, je
vous entends quand vous dites : Quelle proposition concrète vous voulez faire pour le projet de loi?
Nous, nous sommes une organisation qui fait de la recherche scientifique,
de la vulgarisation scientifique et nous
apportons devant la commission des inquiétudes qu'on a. On n'est pas des
rédacteurs techniques de projets de loi, mais je pense qu'il se dégage
de notre présentation des recommandations claires.
Ce n'est pas le moment d'enlever des pouvoirs au
ministère de l'Environnement, c'est le moment de lui donner plus de pouvoirs pour qu'il puisse exécuter ses
obligations d'exemplarité de respect des lois et des règlements
environnementaux existants de façon
plus rapide. On a insisté beaucoup sur l'exemplarité de l'État dans les
dernières années. Le gouvernement en
fait le nord de sa boussole dans plusieurs interventions pour l'exemplarité de
l'État. Mais je pense que cette exemplarité de l'État peut s'étendre aussi au respect des lois de protection de
l'environnement qu'on a forgées à travers des débats démocratiques dans les derniers 20 ans,
30 ans d'histoire du Québec. Donc, on a des bons outils, c'est le moment
de les faire respecter.
M. Barrette :
Très bien. Alors, je vais le prendre sous l'angle que vous venez d'exprimer,
M. Creimer, vous faites de la recherche et de l'analyse. Le
gouvernement, actuellement, n'est pas du tout dans une démarche d'accentuation des règles de protection de l'environnement, là.
On n'est pas là-dedans, là. On est essentiellement dans : On va le faire
plus vite, hein? C'est là-dedans
qu'on est, on est dans le : On va le faire plus vite parce qu'actuellement
ça prend trop de temps, et ce
temps-là est considéré comme étant un frein au développement économique ou du
moins à la relance économique. Vous,
dans vos recherches et analyses, avez-vous déjà vu bien des pays qui étaient
capables de faire plus vite, vraiment, vraiment,
vraiment plus vite, l'exercice d'appréciation réglementaire de tout ce qui est
environnemental pour n'importe quel projet?
M. Perron
(Sylvain) : En engageant des employés, oui.
M. Barrette :
C'est très intéressant, ce que vous dites. C'est ce que j'ai dit en point de
presse ce matin, j'ai dit que tout le
monde avait décrit, essentiellement, que le gouvernement était, en matière
d'environnement, dysfonctionnel et il était dysfonctionnel par sa faute, sa propre faute et sa très sainte faute. Il
n'embauche pas, il n'a pas assez de personnel, puis parfois peut-être que tout le monde n'a pas la
compétence. Mais ça prend du temps pour rien parce que les règles sont claires. Est-ce
que vous pouvez conclure, aujourd'hui, que les règles que l'on a, actuellement, en environnement sont claires
et, si appliquées correctement, efficaces? Je n'ai pas dit «parfaites»,
là.
M. Creimer
(Diego) : Bien, écoutez, je
peux vous dire que ce n'est pas, probablement, le moment de rouvrir la Loi sur la qualité de l'environnement, mais
on a une loi qui a été largement consensuelle et qui est très forte, qui
établit des balises, donc c'est le moment de la faire respecter.
M. Barrette :
Bien. Est-ce que ça, ça peut se faire vite ou il y a un temps
minimal requis pour faire ça, d'après vous? Vous êtes un analyste et un
théoricien de la chose, que vous avez dit, là.
M. Perron
(Sylvain) : Il manque des employés.
Je vais dire ça direct, en gros, là, en bon québécois, il faut du staff
pour analyser la quantité de projets qui
vont être admis, et ils ont besoin de ressources, ça, c'est sûr et certain.
Donc, si j'étais...
• (10 h 40) •
M. Barrette : Je peux-tu conclure que, dans vos mots, en bon québécois,
comme vous dites, là, ça prend du staff qui a une compétence et qu'on laisse travailler, et, oui, ça peut se
faire dans un délai raccourci, mais il y a une limite à tout, il y a un
minimum de temps que ça doit prendre?
M. Perron (Sylvain) : Exact.
M. Barrette : Est-ce qu'il me
reste juste 15 secondes, M. le Président?
Le Président (M. Simard) :
20 secondes, cher collègue.
M. Barrette : 20 secondes.
Avez-vous quelque chose à rajouter sur cette question-là ou ça se résume à
ça : Soyez fonctionnel puis faites votre job?
M. Creimer
(Diego) : Moi, je dirais
qu'on vient de sortir... on est en train de sortir d'une crise sanitaire
majeure puis on a été capables, bien que mal, de déployer des efforts,
comme société, là où ils étaient le plus urgent.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci beaucoup, M. Creimer.
M. Creimer (Diego) : C'est peut-être
maintenant le moment de donner assez de ressources à cette question environnementale
là dans le plan de la relance.
Le
Président (M. Simard) :
Merci, M. Creimer. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont. Cher
collègue, vous disposez de 2 min 15 s.
M. Marissal : Merci. Merci, MM. Perron et Creimer, d'être
là. Je partage, je pense, un peu le sentiment du député de La Pinière, à savoir que votre point de vue sur 61 est très
large, et ce n'est pas un reproche parce
que le p.l. n° 61,
lui-même, ratisse super large, et
vous avez eu très peu de temps pour pondre ce que vous nous avez pondu. Alors,
je ne vous en fais pas le reproche, je vous remercie, plutôt.
Mais, pour
question de précision, par souci de précision, vous dites que le plan de
relance économique devrait être en cohérence avec le plan de lutte aux
changements climatiques et développement durable — on va s'entendre, on
ne s'obstinera pas longtemps là-dessus — est-ce que vous en faites une recommandation formelle? Voulez-vous amender le projet
de loi? Devrait-on inclure, dans le projet de loi, par exemple, l'article-chapeau, qui revient dans à peu près dans
toutes les lois du Québec,
qui dit que le gouvernement du Québec doit respecter son propre Plan de développement
durable? Ça ne veut pas dire qu'il le
fait, mais au moins on le met dans un article de loi. Autrement dit, comment
précisez-vous vos intentions dans le cadre d'un projet de loi? Merci.
M. Perron (Sylvain) : Si je
peux répondre, en tant que tel, dans un projet de loi, il y a un certain
contexte, et ce contexte-là, dans le but
d'accélérer, hein, d'accélérer la relance, je crois qu'il serait très, très,
très important de se dire que le gouvernement a un paquet de plans de planification, et, autant que ce soit un plan de lutte aux
changements climatiques, plan de
mobilité durable, un plan d'adaptation aux changements climatiques, bien, on
devrait prendre ces plans-là puis appliquer,
dans la sélection des projets... ou l'appliquer de la manière qu'il faut pour,
bref, là, être cohérents avec l'État. C'est
difficile à savoir à quel point, des fois, le gouvernement, il n'est juste
pas cohérent avec ses propres décisions. Autant en environnement, avec les infrastructures, tout ça, c'est quand même très difficile. Je
prends des exemples avec... La gare de train, à Mirabel, qui est dans un champ agricole, je veux dire, ça
n'a pas de bon sens. Et là on voit dans le projet de loi que,
bien, il va être possible de tasser un parc ou de simplement rayer un parc pour
dire : Bien, on va passer un projet d'infrastructure routière, ou peu
importe...
Le
Président (M. Simard) :
Merci, M. Perron. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.
Cher collègue, vous disposez de 2 min 15 s.
M. Gaudreault : Oui. Alors, bonjour. J'ai peu de temps. J'ai vu
que la Fondation David-Suzuki a signé une
déclaration conjointe avec plusieurs groupes, qui a été rendue publique hier, notamment
avec Équiterre. Moi, j'aimerais vous
entendre, venant de votre coeur : Est-ce que le gouvernement est en train de rater une occasion unique, une opportunité unique de faire quelque chose de différent quant à
la relance économique du Québec face à la situation dans laquelle on
est? Si oui, qu'est-ce que le gouvernement devrait faire de différent?
M. Creimer (Diego) : Ah! bien, je vais être très, très, très honnête, votre
question est très bonne, il y a une opportunité historique, ici, de faire des choses bien, puis on
présume à la bienveillance du gouvernement dans son intention de faire une relance économique
inclusive. Cela dit, ce projet de loi enlève plusieurs balises de protection de l'environnement, ça veut dire de protection
des indicateurs de santé publique à long terme. On vient de sortir d'une crise
sanitaire, on veut éviter toutes les
prochaines crises, et ce n'est pas banal. Dans le canevas, dans l'annexe, ce
n'est pas juste des maisons de retraite, des hôpitaux, des garderies
qu'on construit, il y a plusieurs projets du ministère des Transports du Québec
qui sont des infrastructures majeures qui,
dans des temps normaux, auraient suscité des semaines, sinon des mois de débat.
Le prolongement de l'autoroute 25, 19,
55, on parle de projets majeurs qui ont un impact majeur sur l'environnement. Donc, on doit jumeler des
critères environnementaux stricts, on doit laisser en place les systèmes
des lois et règlements pour protéger l'environnement pour que la
relance se fasse de manière à ce que la santé de la population soit assurée maintenant
et dans l'avenir.
M. Gaudreault :
Oui, puis on pourrait ajouter à cette liste beaucoup de projets qui seraient
bénéfiques pour l'environnement, comme des
programmes d'assainissement des eaux, par exemple, dans les municipalités, qui
sont en attente, puis là ils ne sont
pas dans la liste des 200 programmes. Est-ce que vous jugez que, dans les
principes, éviter, minimiser, compenser,
le gouvernement ne comprend pas que c'est hiérarchique et non pas sur le même
pied d'égalité, alors la première valeur, c'est d'éviter?
M. Perron
(Sylvain) : Il faut toujours éviter pour...
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Désolé, M. Perron.
M. Perron
(Sylvain) : Oui, il faut toujours éviter.
Le
Président (M. Simard) : Désolé. Je cède maintenant la parole au
député de Chomedey. Cette fois-ci, je ne vous oublie pas, cher collègue.
Vous disposez de 1 min 50 s.
M. Ouellette :
Tant que j'ai le même temps que la fois d'avant, il n'y a aucun problème, M. le
Président.
Bonjour à vous deux.
J'ai lu votre mémoire, et j'essaie de comprendre. Vous voulez participer aussi
au débat en nous mentionnant : Bien,
regardez, il y a 202 projets, mais vous en avez oublié deux, puis vous en
parlez dans votre mémoire. Puis
j'aimerais aussi vous entendre, dans mon 1 min 50 s,
1 min 30 s peut-être, là, qui reste, là, vous nous rajoutez
deux lignes en disant qu'il n'y a rien pour la relance économique qui touche
les Premières Nations puis les Inuits. Pourquoi?
M. Perron (Sylvain) : Bien, c'est une bonne question. On peut poser la
question au gouvernement. Je veux dire, il y a 202 projets et plus; moi, dans le groupe qui va passer à
11 h 30, je serais curieux de savoir qu'est-ce qui est réservé
aux Premières Nations et aux Inuits. Ce serait intéressant d'entendre le
gouvernement là-dessus, oui.
M.
Ouellette : Et, pour les deux projets que vous nous avez mentionnés,
qui, pour vous, étaient manquants — la
ligne orange, moi, ça fait 13 ans que j'en parle, là, étant député de
Chomedey, mais elle va se faire dans un autre contexte — pourquoi
avoir privilégié ces deux-là et avoir senti le besoin de nous les mentionner
dans votre mémoire?
M. Perron (Sylvain) : Dans la ligne orange, par exemple, on suggère de
prolonger de Côte-Vertu jusqu'à la station du REM de Bois-Franc. C'est superimportant. Il y a beaucoup de problèmes
de congestion sur la ligne orange dans l'est, le côté est de la ligne orange, et, dans l'objectif que Montréal...
(panne de son) ...la métropole de la mobilité, et tout ça, bien, ça
serait un projet qui fait l'unanimité avec tout le monde. Tout le monde est
d'accord, il faut juste le faire.
L'autre
projet, en fait, c'est sur le projet de dalle-parc qui a été retiré par le
ministère du Transport en lien avec la réfection de Turcot. Mais on peut
aisément ajouter, là, la dalle-parc qui était déjà là et qui a été enlevée. Le
projet de dalle-parc va vraiment faciliter la mobilité active, et tout ça. Et il
n'y a pas non plus de projet de piste cyclable.
Le Président (M. Simard) : Merci
beaucoup. Alors, M. Perron,
M. Creimer, merci vraiment pour votre présence parmi nous, malgré la distance. Ce n'est jamais
évident de communiquer comme ça, par visioconférence, mais je pense que
ça s'est très bien déroulé. Merci encore à vous.
Nous allons maintenant
suspendre momentanément nos travaux pour recevoir nos prochains invités.
(Suspension de la séance à
10 h 48)
(Reprise à 10 h 50)
Le Président (M. Simard) : Alors, chers collègues, nous allons
reprendre nos travaux. Nous recevons les représentants du groupe
Équiterre par visioconférence. Nous avons en ligne avec nous, en ce moment, le
directeur des relations gouvernementales,
M. Marc-André Viau, accompagné de Mme Caroline Brouillette, analyste
des politiques. Alors, bienvenue à vous deux. Vous
disposez d'une période de 10 minutes, nous vous écoutons.
Équiterre
(Visioconférence)
M. Viau (Marc-André): Parfait. Merci
beaucoup, M. le Président. M. le ministre, distingués membres de la Commission des finances publiques, merci
de nous recevoir et de nous donner l'opportunité de nous exprimer sur ce projet de loi qui aura une incidence importante sur le développement de la société
québécoise.
D'entrée de jeu, nous saluons la volonté du Québec de rebâtir le Québec, un Québec
qu'Équiterre souhaite être plus résilient
aux crises du futur. Au-delà de l'impact qu'il aura sur ce qui sera visible dans
les diverses collectivités québécoises avec
ces nouvelles écoles, ces nouvelles maisons des aînés, ces nouveaux trains
électriques, nous devons également nous attarder
aux conséquences de la construction d'une panoplie d'infrastructures sur l'environnement parce
que, même si la majorité des projets
de loi sont vertueux et, pour plusieurs,
nécessaires, avec le projet de loi
n° 61, le gouvernement se donne énormément de marge
de manoeuvre pour agir vite.
J'ai parlé de projets d'infrastructure vertueux, mais il y a aussi des projets d'infrastructure beaucoup
moins vertueux, tels que la
construction de l'autoroute 19 entre Laval et Boisbriand, qui, malgré une
voie d'autobus réservée, va engendrer des
problèmes de congestion et de pollution dans le nord de la
ville de Montréal, avec les problèmes respiratoires et de pollution atmosphérique qui y sont associés, en plus de
favoriser l'étalement urbain et de ralentir nos efforts de transfert modal déjà perturbés
par la pandémie. Ce n'est donc pas que l'environnement qui est central dans ce projet de loi, mais également les enjeux d'aménagement du territoire.
Le sous-ministre le sait d'ailleurs très
bien, il était lui-même
à l'Occupation du territoire avant, mais je m'égare.
Je viens de faire référence à l'étalement urbain,
mais on peut aussi penser aux mesures d'accélération relatives à l'habitat de certains poissons contenues dans ce
projet de loi. L'habitat du poisson, c'est aussi des plaines
inondables, tel que défini dans le Règlement
sur les habitats fauniques, et, après les épisodes de 2017 et 2019, on ne
devrait pas viser des compensations
ou des plans de mitigation, mais plutôt un aménagement du territoire
cohérent avec la réalité climatique actuelle et future.
Mmes et MM. les députés, comme nous l'écrivions à
la veille de la pandémie, le plan climat du gouvernement du Québec, dont le dévoilement a été retardé par
l'urgence sanitaire, doit répondre à un objectif fondamental, soit d'assurer la sécurité de tous les citoyens.
C'est d'ailleurs ce que fait le gouvernement au jour le jour depuis le début de la
pandémie. La reconstruction est donc l'occasion d'arrimer les objectifs
de développement des infrastructures avec les objectifs climatiques pour éviter que les populations
que nous venons de protéger de la pandémie se retrouvent vulnérabilisées par
une crise climatique. La sécurité et le bien-être
de la population nécessitent des investissements et des choix politiques
pour bâtir la résilience des collectivités
touchées tant par la pandémie que par les changements climatiques. Or,
nous sommes d'avis que ce projet de loi ne va pas pleinement dans ce
sens.
Il
nous semble également pertinent de remettre en contexte les discussions
sur la relance. Partout dans le monde, les
décideurs réfléchissent à comment faire de ce moment de l'histoire une
opportunité de construire des économies et des
sociétés plus résilientes aux chocs du futur. Pour emprunter les mots du secrétaire général des Nations unies, «nous
devons agir de façon décisive pour protéger
la planète autant du coronavirus que de la menace existentielle des changements
climatiques. La crise actuelle est un "wake-up call" sans précédent.
Nous devons transformer la relance en une vraie opportunité de bien faire les
choses pour l'avenir.» Fermez les guillemets.
C'est
avec cela en tête que nous mettons en garde le gouvernement face à une
relance rapide qui tourne les coins ronds,
qui crée davantage de problèmes environnementaux et qui réduit
l'imputabilité parlementaire. L'environnement n'est pas un obstacle à la
reconstruction, il en est le moteur.
Plus
spécifiquement, nous sommes très préoccupés par les mesures d'accélération
détaillées à l'article 3 du projet de loi ainsi que par la suspension de certaines
dispositions de la Loi sur la qualité
de l'environnement, tel qu'indiqué à
l'article 15.
Nous sommes également préoccupés par le
pouvoir du gouvernement d'autoriser la modification des processus écologiques en place : la diversité
biologique présente et les composantes chimiques ou physiques propres à un
habitat floristique, la modification d'un élément biologique, physique ou chimique propre à l'habitat du
poisson ou à un habitat faunique ou encore la dérogation à toute mesure
de contrôle intérimaire d'une municipalité régionale de comté ou d'une
communauté métropolitaine, qui lui permet normalement d'assurer une
planification urbaine plus cohérente.
Nous croyons que le gouvernement
n'a pas fait la démonstration nécessaire de la nécessité de suspendre l'application de certaines dispositions de la LQE
pour relancer l'économie du Québec. Les balises contenues dans la LQE sont nécessaires en temps de crise ou en temps normal, car elles
préviennent l'émergence de problèmes environnementaux. Il serait
contre-productif de créer de nouveaux problèmes environnementaux en tentant de
faire vite.
Si le processus d'évaluation environnementale est
trop lent, nous invitons le Conseil
du trésor, dont la mission est,
par ailleurs, de faire des recommandations
sur la façon dont le gouvernement investit dans les programmes et les services,
à bonifier le budget d'opération du
ministère de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques. Les
effectifs et les budgets de ce
ministère, dont la mission a pris de l'ampleur au cours des dernières années,
ont souvent été identifiés comme étant insuffisants.
Par ailleurs, l'empressement du gouvernement à
identifier les dérogations environnementales possibles contraste grandement avec l'absence de conditions
applicables en matière de contrats et de sous-contrats publics. Certes, le
gouvernement se donne la possibilité
de déterminer ces conditions à l'article 50, mais il aurait dû agir avec
autant de célérité pour s'assurer que
les projets d'infrastructure répondent aux plus hauts standards
environnementaux et d'approvisionnement local qu'il a agi pour
déterminer comment soustraire des projets d'infrastructure à certaines
dispositions de la LQE.
Je passe maintenant
la parole à ma collègue Caroline Brouillette.
Mme Brouillette (Caroline) : Merci, Marc-André. Merci de nous recevoir. En
temps de crise, l'histoire nous démontre
que les gouvernements ont tendance à se doter de pouvoirs d'exception, à
affaiblir leur imputabilité parlementaire et démocratique. Malheureusement, c'est un petit peu ce qu'on constate
avec la loi n° 61, qui prolonge l'état d'urgence
sanitaire.
Aussi, les décrets qui visent les projets
d'infrastructure à l'annexe... les projets d'infrastructure non visés à
l'annexe font l'objet d'une étude
d'une durée maximale d'une heure par la commission compétente de l'Assemblée
nationale, et le ministre doit
présenter un rapport annuel seulement à l'Assemblée sur les projets
bénéficiaires de mesures d'accélération. Nous sommes d'avis que, si des mesures extraordinaires d'accélération
sont prises, elles devraient aussi s'accompagner d'une imputabilité tout
aussi extraordinaire.
De plus, la loi n° 61,
une fois adoptée, devrait s'arrimer avec les autres lois et projets de loi à
l'étude. En ce moment même, vos
collègues de la Commission des transports et de l'environnement font l'étude
détaillée du projet de loi n° 44 sur
la gouvernance climatique. On le mentionne parce que c'est pertinent, ici.
Effectivement, dans plusieurs juridictions, les comités d'experts climatiques créés par l'entreprise d'une loi
climat étudient et analysent les propositions de leur gouvernement pour
la relance. Étant donné qu'on est sur le point de se doter d'une telle loi ici,
au Québec, c'est à garder en tête.
Une des principales
recommandations formulées par Équiterre dans le cadre du projet de loi n° 44 était qu'une
éventuelle loi sur la gouvernance climatique devrait doter le gouvernement
d'outils permettant d'évaluer l'impact climatique
de toutes ses décisions. M. le ministre Dubé, d'ailleurs, on vous entendait,
hier soir, décrire votre appréciation des
grilles d'analyse, donc ce n'est évidemment pas tombé dans l'oreille d'un
sourd. Un cadre de gouvernance climatique appuyé d'une bonne analyse
climat devrait mieux outiller le gouvernement pour évaluer la pertinence de
projets de développement d'infrastructures
de transport en commun, d'infrastructures routières et d'infrastructures de
soins comme celles de la liste qui
nous intéresse aujourd'hui. Nous recommandons donc d'arrimer l'adoption de ce
projet de loi à celle du projet de
loi n° 44. Ça serait dommage que l'ensemble des projets
proposés ici, qui auront tous des impacts positifs ou négatifs sur le
climat, soient épargnés d'un nouvel outil, un outil important dont on est en
train de se doter.
Donc, pour conclure, les infrastructures que nous
allons construire au cours des prochaines années vont transformer le visage du Québec. Elles doivent répondre non
seulement aux aspirations des Québécois et Québécoises en matière de mobilité, d'éducation et de santé, mais également
leurs préoccupations et leurs aspirations environnementales, qui sont fortes
ici. Les processus d'évaluation et de
protection environnementale contenus dans la loi québécoise ont tous une raison
d'être bien précise. Affaiblir ces
processus, comme c'est justifié, dans le projet de loi présent, par l'état de
crise sanitaire, aura des
conséquences à long terme pour la population. Ce que nous devons accélérer,
c'est les projets et les mesures qui visent à combattre une autre crise,
la crise climatique.
Donc, en résumé, nous encourageons le gouvernement
à modifier substantiellement son projet de loi pour inclure des spécifications obligatoires de performance
environnementale dans les appels d'offres publics, à assurer la cohérence
de ce projet de loi avec le projet de loi n° 44 sur la gouvernance climatique, à remplacer les
mesures d'accélération relatives à la
qualité de l'environnement par une bonification des ressources au sein du ministère de l'Environnement et de la Lutte aux changements climatiques et, finalement, à accroître la transparence et renforcer les mécanismes
de reddition de comptes parlementaires.
M. le Président, M. le ministre et Mmes et MM. les députés, nous espérons que
vous saisirez l'opportunité unique que
vous avez présentement entre les mains de rebâtir notre économie, mais
en mieux. Sur ce, merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous écouter.
Nous sommes maintenant prêts à prendre vos questions.
• (11 heures) •
Le
Président (M. Simard) :
Bien, merci à vous, Mme Brouillette. Vous êtes en plein dans votre temps,
10 minutes très précisément.
Bravo! Je cède maintenant la parole au président du Conseil du trésor.
M. le ministre, vous disposez de
13 min 30 s.
M. Dubé : Alors, merci beaucoup, M. le Président. Et, Mme Brouillette et M. Viau, merci pour votre excellente
présentation. On voit que vous maîtrisez très, très bien votre sujet.
Je
voudrais peut-être faire juste... Il y a plusieurs
points que je vais soulever, là, notamment, vous savez, je vais revenir sur la reddition de comptes, c'est
entendu, mais j'aimerais peut-être faire un point assez précis, là, que j'ai
entendu. Vous êtes le deuxième groupe
d'environnement à faire une référence sur les besoins en
effectifs. Vous l'avez... vous avez terminé,
Mme Brouillette, votre présentation...
J'aimerais rappeler à ceux qui nous écoutent que le précédent gouvernement a
coupé dans les effectifs en environnement,
il a coupé. Dans les années 2015, 2016, 2017, c'est le gouvernement
libéral qui coupait dans les
effectifs en environnement. Alors, j'aimerais ça qu'on prenne juste acte que
j'entends avec beaucoup d'intérêt le
député de La Pinière qui dit qu'il faut augmenter les effectifs en
environnement, mais il faisait exactement le contraire lorsqu'il était
au gouvernement. Je voulais juste apporter cette précision-là.
Et
nous, depuis qu'on est là, nous avons non seulement augmenté les effectifs en
environnement, mais le dernier budget
que nous avons déposé... nous avons augmenté notre budget en environnement de
30 %, de plus de 30 %. Alors, je veux juste vous dire qu'on est très sensibles à ce que vous demandez.
Et je pense qu'il est très facile pour l'opposition, aujourd'hui, de dire, exactement comme j'entendais
pour l'AMP ce matin... Vous me permettrez de faire une diversion. C'est intéressant, de dire : Écoutez, vous
devriez faire ça, ça, qui l'a faite, la loi sur l'AMP? C'est le gouvernement
libéral, qui dit aujourd'hui :
Elle devrait être renforcée. Alors, je veux juste qu'on remette les choses en
perspective puis que les gens comprennent
que... Et je souscris totalement à des points que vous avez amenés aujourd'hui,
Mme Brouillette et M. Viau, mais,
vous l'avez bien dit, on est en situation de crise. Je pense que notre
gouvernement a démontré, dans les trois derniers mois, qu'on était
capables d'agir rapidement sur des décisions très difficiles.
Là,
on est en train de discuter, puis, avec votre collaboration, je suis certain
qu'on va trouver ce qu'on appelle des
voies de passage. Je ne sais pas si c'est un bon mot, parce que
je ne voudrais pas que ça réfère à une autoroute, j'aimerais mieux vous parler de
transport collectif, mais je suis certain qu'on va trouver des voies de
passage. Mais j'aimerais que vous
preniez acte qu'il y a vraiment une volonté de notre gouvernement de faire les choses correctement. Et je pense que j'ai senti de
votre ton, Mme Brouillette, qu'il y avait ce respect-là de la part
d'Équiterre, que notre gouvernement veut faire les bonnes choses, mais on est quand
même dans une situation de crise.
Alors,
mon premier point, c'est le projet de
loi n° 44. En même temps qu'on
est dans une salle... puis je suis content que vous y faites référence, parce
que ce n'est pas tout le monde qui nous écoute qui est conscient que nous, on est en train de regarder la relance par les infrastructures, on est dans une salle, ici, là, la salle Pauline-Marois, mais,
dans une autre salle du parlement, il y a
des gens qui travaillent sur un autre projet
de loi, qui s'appelle le projet de loi n° 44, qui vise à donner, justement, au ministre
de l'Environnement plus de pouvoirs
pour assurer la cohérence avec notre programme. Bon,
vous l'avez dit, mais je le répète parce
que c'est important que les gens qui
nous regardent — puis
il y a pas mal de gens qui nous
regardent — ils
comprennent qu'on essaie de trouver cet équilibre-là entre l'environnement puis ce qu'il faut faire pour
la relance. Alors, notre ministre de
l'Environnement, M. Charette,
travaille justement à essayer de développer des moyens pour qu'il ait plus de pouvoirs sur
certains aspects pour qu'un jour on en arrive à notre politique.
Bon, est-ce qu'on
aurait aimé la faire ce printemps? La réponse est oui, parce qu'on
aurait aimé ça la déposer, on s'y était engagés, mais vous voyez qu'avec la crise qu'on a vécue on a été obligés de la
reporter, mais ça ne nous empêche pas d'avancer dans le projet de loi.
Ça, c'était mon deuxième commentaire, bon.
J'aimerais
mieux qu'on focusse aujourd'hui, si
vous me permettez, pas sur les places
où on s'entend moins mais sur les
places où on s'entend plus, par
exemple dans le transport collectif. Et j'aimerais vous entendre un
peu, parce que, écoutez, c'est quand même un engagement
important que notre gouvernement a pris, qui est de développer pas moins de six projets de transport collectif à l'échelle
du Québec. Et c'est certain, c'est certain, pour réaliser ces projets-là dans
des délais raisonnables... Et, à chaque fois
qu'on va gagner du temps, ces projets-là vont être implantés plus rapidement, avec tous les bénéfices que
l'on peut comprendre.
Alors, moi, j'aimerais vous demander, dans ces
différents projets de transport
collectif, est-ce que
vous croyez que, dans le cas du REM,
qui est un bel exemple de comment on a pu avancer plus rapidement
dans la réalisation d'un projet aussi
structurant, dont une grande partie de la population de Montréal et
des environs vont pouvoir bénéficier... Comment on pourrait faire des aménagements corrects? Et c'est ça qu'on propose
ici, là, et c'est là que je veux que vous nous aidiez à modifier, à améliorer comment on peut réaliser
ces projets de transport collectif. Là, je ne vous parle pas d'autoroutes, je
ne vous parle pas de maisons des aînés, je veux me concentrer sur le transport
collectif et vous demander : Mettez vos
commentaires que vous nous faites sur les aménagements demandés en fonction d'accélérer le développement
de transport collectif. J'aimerais vous entendre là-dessus, spécifiquement
sur le transport collectif.
M. Viau (Marc-André) : Merci,
M. le ministre, pour votre question
et vos commentaires, aussi, très, très pertinents.
Juste pour revenir peut-être sur un ou deux points
que vous avez mentionnés ultérieurement, donc, concernant les effectifs, effectivement, nous l'avions souligné lors du dépôt du dernier
budget, la croissance des budgets qui étaient donnés au ministère de
l'Environnement, qui devrait se matérialiser en termes d'effectifs, de
ressources au ministère... tout en
espérant que, dans une version mise à jour de ce budget-là et d'un nouveau
budget qui sera éventuellement présenté... les rumeurs disent à l'automne, peut-être que c'est le cas, peut-être
que non, mais tout en espérant que
ces mesures-là soient toujours présentes dans le prochain budget.
En ce qui a trait aux effectifs... en ce qui a
trait aux ressources, par exemple sur la question des achats responsables, là, peut-être qu'il y
aurait peut-être une évaluation
à faire, à savoir est-ce qu'il y a assez de ressources dans le domaine des
achats responsables pour s'assurer qu'on puisse arriver à nos fins.
En
ce qui a trait au transport collectif, vous avez raison, le REM est un des exemples qui
a été souvent utilisé pour parler de
ce projet de loi là, pour montrer l'exemple de ce projet de loi là. Il y a des enjeux, quand même, de gouvernance, avec REM, qu'il ne faut pas négliger. Ceci étant dit, on reconnaît aussi
que, selon ce qui est identifié dans la liste du projet de loi, je pense, c'est 80 %, si je ne m'abuse, des investissements MTQ qui seraient dédiés
au transport collectif. Et donc, pour
cela, on doit lever notre chapeau pour dire : On reconnaît l'importance du
transport collectif dans le développement des différentes collectivités québécoises et on a besoin d'envoyer ce
signal-là pour que les sociétés de transport, qui ont été énormément
affectées par la pandémie, puissent recevoir le mot d'encouragement dont ils
ont besoin.
Donc,
comment on fait pour s'assurer d'accélérer ces projets-là tout en respectant
l'environnement? Je pense que l'important,
c'est qu'il ne faut pas non plus... Ce n'est pas parce que c'est un projet de
transport collectif qu'on doit tourner les
coins ronds et qu'on... On doit vraiment s'assurer qu'il y ait... d'avoir
exploré toutes les options qui... ou d'explorer les options qui sont le moins nuisibles possible à l'environnement pour
arriver à construire un projet d'infrastructure de transport collectif et de prendre en considération
toutes les conséquences que la construction de cette infrastructure-là aura
sur l'environnement ainsi que les retombées économiques qu'elles auront.
• (11 h 10) •
M. Dubé :
Mais, M. Viau, juste pour vous aider, là, pour préciser votre pensée,
pourquoi je fais le parallèle avec le
REM, bien, c'est parce que j'ai entendu beaucoup d'informations, que j'aimerais
clarifier, comme de quoi le gouvernement, par le projet n° 61,
veut modifier les règles du BAPE. On va entendre le BAPE aujourd'hui, là. Ce
n'est pas du tout notre intention, de modifier et de raccourcir les délais du
BAPE, là, aucunement.
Alors, dans le cas qui nous concerne, avec le REM,
le BAPE a eu lieu, le BAPE a demandé des modifications au projet, puis ça a eu lieu. Alors, je veux juste
qu'on... Alors, quand on parle d'aménagement, ce sont souvent des aménagements
qui viennent en amont du processus
d'autorisation, qui est le BAPE. Vous êtes d'accord avec ça, là? Je voulais
juste avoir cette précision-là pour...
M. Viau
(Marc-André) : Bien, vous
aurez noté que, dans notre présentation, il n'y avait pas de référence au BAPE.
J'aurais pu en inclure une, parce qu'il y a
quand même, à l'article 28, si je ne m'abuse... c'est l'article qui traite
sur les parcs, où il y a une
référence au BAPE, où on parle de possibilité d'amalgamer certains mandats. Et
donc, ça, on a une certaine préoccupation par rapport à l'intention du
législateur dans ce contexte spécifique là qui est lié aux limites de parcs. Je
ne sais pas s'il y a un projet qui est spécifique à ça...
M. Dubé :
Mais ma question, M. Viau, était plus... puis, je sais, on manque de
temps, là, puis la conversation est vraiment
intéressante, je vous demande : Est-ce que vous êtes quand même réalistes
qu'il va falloir trouver des aménagements si on veut faire ces projets-là dans des délais raisonnables mais ne pas
prendre, comme avant, dans l'ancien temps, 15, 20, 40 ans, comme la ligne bleue, pour arriver à des projets de transport collectif qui n'arrivent pas, qui n'arrivaient jamais?
Il y a
eu des aménagements qui ont été demandés par l'ancien gouvernement, donc le gouvernement libéral, qui a donné
un mandat à la caisse de travailler d'une certaine façon, qui fait qu'aujourd'hui on travaille avec un REM qui est en train de se réaliser. Et ce
qu'on propose à la population du Québec, c'est six projets de transport collectif à l'échelle du Québec.
Et, nous, ce qu'on cherche, en ce
moment, c'est des aménagements pour être capables de réaliser ces projets-là de qualité, en respect avec l'environnement, mais de façon agile, comme il s'est fait dans ce projet-là. Ça ne s'est
pas fait ailleurs, à Singapour, ça s'est fait à Montréal,
et ça se fait présentement. Et, moi, ce que je vous demande, c'est :
Êtes-vous confortables à ce qu'on trouve les aménagements nécessaires
pour que ces projets-là arrivent?
M. Viau (Marc-André) : Bien, je
voudrais juste peut-être préciser que ce n'est pas uniquement des règles environnementales qui ont ralenti la construction de la ligne bleue, par exemple, il y a les questions de financement. On a été, pendant plusieurs années, dans du
sous-financement structurel des infrastructures de transport collectif, de l'ensemble des infrastructures
municipales.
M. Dubé : Vous avez raison, M. Viau, mais je vous
demande, vous, en termes
d'environnement... Parce qu'il y a quatre
types de mesures. L'environnement, c'est une des quatre mesures que l'on
demande. Moi, je vous demande, en termes d'environnement, est-ce que vous êtes confortable à nous appuyer dans
certaines mesures qui nous permettraient d'être plus agiles dans la
réalisation de projets de transport collectif?
M. Viau (Marc-André) : Bien, ça
dépend quelle est votre définition de «plus agile». Si on est capables de faire
un processus rigoureux, accéléré parce qu'on aura mis plus de ressources et
qu'on en vient à la conclusion que c'est le meilleur projet, dans le meilleur
respect de l'environnement, qui va rapporter le plus de bénéfices à la
population, qui va rapporter des bénéfices économiques, si on a toutes ces
conditions-là qui sont réunies, bien oui, on va vous appuyer. Mais on ne vous
donnera pas non plus un chèque en blanc pour vous dire... Agilité, que veut
dire «agilité»? Je pense que la rigueur des processus est importante et qu'il
ne faut pas tourner les coins ronds, que ce soit en transport collectif ou en
d'autres projets d'infrastructure.
Le Président (M. Simard) :
Alors, en conclusion.
M. Dubé : Et c'est pour ça que
je pense qu'en termes de reddition de comptes... Malheureusement, je n'ai pas
eu le temps d'en parler avec Mme Brouillette, mais on pourra y revenir
dans une autre conversation. Merci. Merci beaucoup.
M. Viau (Marc-André) : Merci,
M. le ministre.
Le Président (M. Simard) :
Merci beaucoup, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au porte-parole de
l'opposition officielle, le député de La Pinière.
M. Barrette : Pour
9 min 20 s?
Le Président (M. Simard) : Pour
9 min 40 s.
M. Barrette :
Parfait. Alors, Mme Brouillette, M. Viau... D'abord, M. Viau, je
dois vous féliciter d'avoir évité de
tomber dans le piège que le président du Conseil du trésor vous a tendu sur le
plan politique, évidemment, en termes
d'appui, puisque ce que le président du Conseil du trésor a dit n'était pas exact, je vais y revenir dans
quelques instants, mais je voulais quand même
prendre quelques instants pour corriger certains éléments. Je voyais, dans
l'entourage du ministre, des gens béats de satisfaction lorsque le ministre
faisait référence à ce qui s'est passé sous notre mandat précédent. Je tiens à rappeler à tout le monde, évidemment, que nous avons eu le
devoir et réussi à ramener de l'ordre dans les finances publiques, lesquelles ont permis de pourvoir ce
gouvernement-ci, qui n'avait absolument aucun engagement de nature environnementale dans son programme électoral, de
disposer de surplus extraordinaires. Et on peut certainement, aujourd'hui, en rétrospective, particulièrement dans la crise
actuelle, questionner l'utilisation de ces surplus-là pour ce gouvernement-là.
Je pense que tout le monde va être d'accord
que, si on prend, par exemple, la question du personnel, les préposés, on
aurait pu les payer un petit peu plus
en 2018, comme nous avions prévu le faire, comme nous aurions pu les engager en
plus grand nombre, comme nous avions
prévu le faire. Sur le plan de l'environnement, le gouvernement aurait pu agir
bien avant, ce qu'il a fait tardivement pour des raisons essentiellement
politiques.
Le gouvernement nous dit qu'il cherche un équilibre, là. Je ne suis pas
sûr que vous voyez le même équilibre. Alors, quand on regarde, évidemment, le comportement du gouvernement avec les
surplus dont il a disposé, et particulièrement dans le secteur de
l'environnement, par rapport à ses engagements, bon, je pense que le
gouvernement actuel n'a pas vraiment de
raison de se vanter. Par contre, il peut faire de la politique. C'est ce qu'on
fait en politique, de la politique. Je voulais rectifier les choses à
cet égard-là.
Maintenant,
il y a un certain nombre de choses qui ont été dites. Je suis très heureux de
voir qu'à chaque occasion — on ne la rate
jamais — de
prendre l'exemple du REM en exemple, qui est, comme par hasard, un projet mis
de l'avant et lancé par le Parti libéral...
c'est assez drôle de voir que, quand ça fait notre affaire, ils nous
critiquent, et puis, quand c'est des bonnes choses, on ne nous donne pas
le crédit. Bien, c'est l'essence de la politique, évidemment.
Alors, arrive
ici un certain nombre d'éléments qui, pour moi, sont importants par rapport aux
commentaires que vous avez fait l'un et l'autre, chez vous, à Équiterre.
Quand vous nous dites que vous souhaitez puis que vous voulez vraiment qu'on ne tourne pas les coins ronds, vous
avez raison. Je ne vois aucune,
aucune protection en ce sens dans le projet
de loi n° 61 et je ne vois pas d'engagement en ce sens. À la
fin, M. Viau, vous avez été très clair, puis je vais traduire, je pense, correctement vos propos, en
disant : Les règles, là, du BAPE et de tout ce qui touche l'environnement,
elles sont bien établies, elles sont
claires, elles sont précises, qu'on les applique, tout simplement, et tourner
les coins ronds, ce serait tout simplement de le faire plus vite.
Le ministre
nous a dit, lui, là, que son objectif, ce n'était pas de raccourcir le BAPE. Bien,
c'est malheureux, là, mais, même hier soir, mon collègue de Rosemont
relevait une conversation qui avait eu lieu dans un briefing où le président
du Conseil du trésor a dit exactement le
contraire. Il ne s'en rappelait pas,
parce qu'il a dit au député de Rosemont que ce n'est pas ça qu'il avait dit, mais
moi, j'étais dans le même briefing puis j'ai entendu la même affaire que le député
de
Rosemont : Un BAPE, ça peut prendre neuf mois, on pourrait
le faire en un mois. Alors là, le président
du Conseil du trésor n'était pas
content de cette citation-là, mais moi, j'ai entendu plusieurs affirmations
selon lesquelles — et ça, c'est dans le projet de loi et ça a été exprimé — tout ce qui touche BAPE, environnement,
analyses, et ainsi de suite, ça ne se fait pas assez vite, il faudrait
que ça se fasse plus vite.
Bon, moi, je
réponds à ça comme vous l'avez fait : Bien, staffez-vous comme du monde...
vous ne l'avez pas dit comme ça, là,
mais ça revenait à ça : Staffez-vous comme du monde puis vous allez
pouvoir être efficaces dans vos analyses, appréciations, procédures environnementales qui relèvent de la
responsabilité de l'État. Alors, on ne peut pas faire une chose et son contraire, là. On ne peut pas demander à
des gens sous-staffés d'aller plus vite sans tourner les coins ronds puis avoir
le même résultat. Ça, c'est la charrue avant
les boeufs, là. Si vraiment le gouvernement a une intention claire de respecter
formellement ce qui est dans nos lois, la
première chose qu'il doit faire dans cette situation d'exception, qui, elle,
entraîne, engendre une multitude de
projets faits en même temps, qu'il se staffe et qu'ils appliquent nos lois de
façon pleine et entière. Êtes-vous d'accord avec cette approche-là?
• (11 h 20) •
M. Viau
(Marc-André) : Une vaste
question ouverte. Oui, bien, écoutez, ce que je dirais, c'est que, que le
gouvernement soit bleu, jaune, vert,
orange, rouge, couleur arc-en-ciel, l'importance des ressources au ministère de
l'Environnement, on l'a toujours
mentionné puis on le ramènera toujours. Si on veut accélérer des processus, si
on veut accélérer des façons... des évaluations environnementales, ça
prend les ressources nécessaires.
Maintenant,
il y a certaines choses qui ne peuvent pas être accélérées. Si on veut faire
une étude d'impact, il faut savoir
quel est le milieu ou à quel moment de l'année, il faut savoir est-ce qu'il y a
de la nidification à un certain moment de
l'année, est-ce que les poissons sont là à ce moment-là ou à ce moment-là, on
ne peut pas construire là, et tout, il faut avoir un portrait complet.
Et donc il y a des processus qu'on ne peut pas raccourcir, mais il y a
possiblement...
Et puis là,
encore là, je pense que c'est important de le rappeler, il faut... le
gouvernement a la prérogative de revoir ses processus. C'est sa prérogative. S'il veut le faire, qu'il le fasse,
mais cette révision-là des processus ne devrait pas se faire dans
l'urgence ou avec un sentiment d'urgence en temps de crise et justifié par une
crise. Donc, si on revoit des processus, ça
devrait être des processus qui s'inscrivent dans... et qu'on fait une révision
de ces processus-là, ils devraient s'inscrire
dans la durée. Donc, est-ce que c'est une porte ouverte? Est-ce qu'en ce moment
on est en train d'ouvrir une porte à inscrire cette révision-là dans la
durée? On nous dit que non, mais on verra.
M. Barrette : Bien, écoutez, je pense que, si vous avez suivi
les travaux parlementaires, vous avez probablement entendu le ministre évoquer la possibilité que ça
soit dans la durée, donc permanent, et vous avez entendu au moins un groupe
hier qui a souhaité ça, que ça soit
permanent. Et ce que vous nous dites, là, hein, entendons-nous sur une
chose : Revoir les processus,
c'est un processus pour nous amener à une analyse qui soit correcte et une
décision qui soit correcte. Aller plus vite
parce qu'on est mieux staffé n'enlève rien à l'essence de ce qui est visé par
nos lois. Et ce qui n'est pas compressible n'est pas compressible, alors
qu'actuellement c'est la vitesse qui est le primum movens, là, qui est la chose
la plus recherchée. Alors, moi, je vous pose
une question bien simple : Est-ce qu'à un moment donné il y a une limite à
aller vite sans que ce soit tourner les coins ronds?
M. Viau
(Marc-André) : Oui. À partir
du moment où est-ce qu'on sacrifie des milieux environnementaux, à partir
du moment où est-ce qu'on ne respecte plus
la Loi sur la qualité de l'environnement dans une optique d'aller plus vite et
qu'on n'a pas pris les mesures pour
s'assurer qu'on peut faire la même chose autrement, oui. Je pense que le
gouvernement doit aussi démontrer que c'est la seule façon de procéder
quand il procède de telle façon.
Le
Président (M. Simard) :
Très bien. Merci beaucoup, M. Viau. Je cède maintenant la parole au député
de Rosemont pour une période de 2 min 15 s.
M. Marissal : Merci, M. le Président. Merci à vous deux d'être
là. Juste une petite précision en partant, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, ça fait deux ou trois fois, depuis ce
matin, que le président du Conseil du
trésor fait référence au projet du REM comme le modèle à suivre, comme
la façon de fonctionner pour aller plus vite. Je voudrais quand même rappeler, là, pour mémoire, ici, là, que le BAPE s'est fait bulldozer dans le
dossier du REM. Le gouvernement, la caisse, la ville de Montréal, tout le
monde prenait des tours pour taper sur le REM... sur le BAPE, pardon.
Rappelez-vous de Denis Coderre, maire de Montréal,
qui avait dit : Le BAPE, ce n'est pas le pape. Ça s'était réglé comme ça.
Et puis, malgré des avis très
défavorables, nous étions allés de l'avant. Alors, voici, je pense,
un contre-exemple. Pour moi, c'est l'exemple
qu'il ne faut pas suivre parce que, justement, le REM, on l'a fait très vite, au mépris de
certains travaux qui avaient été faits par le BAPE.
Cela
dit, ma question pour les représentants d'Équiterre. Vous dites qu'on manque, ici, une
belle occasion de faire une vraie
relance à l'aune, là, du développement
durable et pas seulement
du béton. Ma question : Devant ce projet
de loi lourd, est-ce qu'il est réformable pour arriver à ce que vous
demandez?
Le Président
(M. Simard) : M. Viau ou Mme Brouillette, c'est selon.
M. Viau (Marc-André) : Bien, je vais commencer, puis je laisserai la
parole à ma collègue Caroline Brouillette pour la suite. Est-ce qu'il est réformable?
Ça dépend de la bonne volonté de tous les membres de cette commission
et de l'ensemble des élus de l'Assemblée nationale. Il y a
des choses qui sont demandées à propos de la Loi sur la qualité de l'environnement,
à notre avis, qui ne sont pas
acceptables. Il y a des moyens de bonifier ce projet de loi là, nous en convenons, on peut
le bonifier, on a mentionné notamment la question des marchés publics, mais il y a des
éléments qui ne peuvent pas être sacrifiés.
Le Président
(M. Simard) : Merci, M. Viau. Je cède maintenant la parole
au député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui, merci
beaucoup pour votre présentation.
Phrase très inspirante à la fin de la page 4 de votre mémoire : «L'environnement n'est pas un
obstacle à la reconstruction, il en est le moteur.» Alors, je partage ça
entièrement.
Maintenant,
vous avez fait un lien tout à fait intéressant avec le projet
de loi n° 44, sur lequel je
siège également, alors j'ai le don d'ubiquité aujourd'hui.
Si on amène quatre éléments, que je vous nomme tout de suite, dans le projet de loi n° 44, est-ce que ce serait de nature
à vous rassurer davantage sur la gestion des projets d'infrastructure telle que
présentée par le projet de loi n° 61? Donc :
amener, dans le projet de loi n° 44, un budget carbone; deux, un comité scientifique clairement indépendant; trois,
clarifier le rôle du ministre comme aviseur auprès de ses collègues; et,
quatre, faire en sorte que le
ministre siège sur le comité de reconstruction annoncé par le gouvernement, le
ministre de l'Environnement. Ça, on n'a pas besoin du projet de loi n° 44 pour ça, là, mais c'est un quatrième élément que je
vous soumets.
Mme Brouillette (Caroline) : Merci, M. Gaudreault, pour la question. En
fait, je vous dirais qu'il y a deux éléments particuliers qu'on a identifiés, en regard du projet de loi n° 44, qu'on trouve pertinents pour faire l'analyse des projets qui sont proposés dans le projet de loi
n° 61. Donc, le premier élément, vous l'avez mentionné, c'est l'idée d'un
comité consultatif scientifique sur
les changements climatiques, ce qui est dans le projet de loi. Ce comité
d'experts là, on l'a vu dans d'autres
juridictions, comme en Nouvelle-Zélande, peut se prononcer pour faire
l'évaluation, là, des projets de relance proposés par le gouvernement.
Dans un second temps,
c'est aussi quelque chose qu'on a mentionné dans notre discours et qui était
une de nos recommandations, là, lorsqu'on a
présenté devant votre commission sur le projet de loi n° 44, et c'est
celle d'une analyse climat, donc de
faire l'évaluation de chacun des projets. Et, dans le cas qui nous concerne, on
parle des projets d'infrastructure, de leur impact sur...
Le Président
(M. Simard) : En conclusion.
Mme Brouillette (Caroline) : En conclusion, ce sont ces deux éléments-là sur
lesquels on mettrait l'emphase pour
s'assurer... pour rassurer la population, finalement, que les projets
d'infrastructure du projet de loi n° 61 sont compatibles avec nos objectifs
climatiques.
Le Président (M. Simard) : Merci,
Mme Brouillette. Je cède maintenant la parole au député de Chomedey pour une période de 1 min 50 s.
M. Ouellette : Vous voyez que ça passe vite, hein,
2 min 15 s puis 1 min 50 s ? Ma question va
être pour vous, Mme Brouillette.
L'article 51 du projet de loi donne une immunité à tout ministre, gouvernement,
organisme qui va prendre quelque
décision par rapport à 61. Vous avez parlé d'imputabilité tantôt, et j'aurais
aimé vous entendre un peu plus sur l'imputabilité que vous aviez en
tête, Mme Brouillette.
Mme Brouillette (Caroline) : Oui, excusez-moi, bien, je vais passer la
parole à mon collègue, M. Viau, là, après, mais je pense que, pour nous, ce qui ressortait de
notre lecture du projet de loi n° 61, c'est peut-être qu'on avait besoin
davantage d'imputabilité parlementaire par
rapport aux projets qui étaient approuvés dans le cadre de la loi n° 61,
de s'assurer, là, qu'on ne fait pas
seulement juste un petit rapport annuel, ça nous semble peu. Et les projets,
là, qui sont adoptés, qui ne
sont pas à l'annexe,
on parlait, là, d'un débat parlementaire de seulement une heure, ça nous semble
également peu. Donc, on pense, là, que la présentation puis la reddition
de comptes devant le Parlement devraient être plus soutenues.
• (11 h 30) •
M. Viau
(Marc-André) : Quant à
l'article 51, là, plus spécifiquement, auquel vous faites référence, je vais vous
référer à mes collègues du CQDE, centre
québécois pour la défense de l'environnement, qui seront présents un peu plus tard aujourd'hui, qui en ont fait
une analyse, avec qui j'ai discuté, qui s'interrogeaient sur la pertinence
d'avoir cet article-là alors qu'il y a des mécanismes qui
couvrent les décideurs dans d'autres éléments de loi, donc ils ne voyaient pas nécessairement
la nécessité d'avoir cet article-là.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, Mme Brouillette, M. Viau, merci beaucoup de votre
présence.
Nous allons maintenant suspendre nos travaux, le
temps de faire place à nos prochains...
M. Viau (Marc-André) : Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Simard) :
Donc, merci à vous. Au plaisir.
(
Suspension de la séance à
11 h 31)
(Reprise à 11 h 36)
Le
Président (M. Simard) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Nous sommes en compagnie du chef Ghislain
Picard, chef de l'Assemblée des
premières nations Québec-Labrador. Chef, bienvenue parmi nous, c'est un honneur
que de vous savoir ici. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour
votre présentation.
Assemblée des premières nations du
Québec et du Labrador (APNQL)
M. Picard
(Ghislain) : D'accord, merci beaucoup. (S'exprime dans une
langue autochtone). M. le Président, membres
de la commission qui passent à l'étude du projet de loi n° 61... extrêmement plaisir d'avoir cette opportunité, ce privilège, je dirais même, de vous entretenir sur la position de l'Assemblée des
premières nations, que je représente, au Québec-Labrador, et sans doute
aussi insister que... D'abord, je vais me permettre une parenthèse et vous
poser une première question — j'en
aurais plusieurs : Êtes-vous au courant que le mois de juin est le mois
désigné comme étant le mois de
l'histoire autochtone? Et c'est ainsi depuis 2009. J'en parle parce que
j'aimerais y revenir tout à l'heure, en guise de
conclusion. Donc, ça va être, j'espère, une présentation très, très succincte,
là, de notre position et qui va relever sans doute des éléments que nous
considérons incontournables de vous partager.
L'Assemblée des premières nations Québec-Labrador est le
lieu politique de concertation et de liaison où les chefs des Premières Nations au Québec et au Labrador se
réunissent afin de convenir de positions communes. Je m'adresse à vous à titre de porte-parole des chefs des Premières
Nations au Québec pour déposer une déclaration à l'égard du projet de loi n° 61, Loi visant la relance de
l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire
déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19.
Depuis le début de la pandémie, les gouvernements
des Premières Nations ont accueilli favorablement les recommandations des autorités provinciales en
santé publique. Malgré certains écueils dans les relations entre les services
de santé provinciaux et ceux des Premières
Nations, une relation positive a généralement été maintenue entre les autorités
des Premières Nations et celles de la province, au bénéfice de nos populations
respectives.
Les Premières Nations, par leurs conditions de vie
généralement inférieures à celles de l'ensemble de la population, sont plus exposées aux conséquences néfastes de la
pandémie de la COVID-19 et elles sont très préoccupées de ses impacts négatifs sur les plans tant humanitaire et
sanitaire qu'économique. Tout comme les gouvernements fédéral et provincial,
les gouvernements des Premières Nations ont
le devoir de consacrer tous les efforts possibles au bien-être des populations
envers lesquelles ils sont imputables.
Aujourd'hui,
le gouvernement du Québec propose à l'Assemblée nationale des mesures pour
favoriser la relance de l'économie, durement affectée par la pandémie de
la COVID-19. Dans un contexte aussi crucial qui sévit depuis la mi-mars 2020 et dont les enjeux sont
majeurs, les relations des gouvernements des Premières Nations avec les autres
gouvernements jouent un rôle déterminant.
L'APNQL ne
commentera pas les dispositions d'un projet de loi qui ne nous considère pas
dès le départ. L'APNQL tient à
exprimer fermement que sa participation aux auditions de la Commission des
finances publiques sur le projet de
loi n° 61 ne peut être interprétée comme une forme de
consultation et aussi comme une renonciation par les gouvernements des Premières
Nations à leurs champs de compétence pour lesquels ils continueront d'exercer
pleinement leur droit à l'autodétermination.
L'établissement
et le maintien de relations de gouvernement à gouvernement entre les Premières
Nations au Québec et les autorités
politiques de la province doivent demeurer sur la base de toute considération.
L'APNQL, comme organisation, est le
vecteur d'un collectif composé de gouvernements et présente une déclaration en
vertu d'un ensemble de principes qui y font consensus.
• (11 h 40) •
La présente déclaration contient une série
d'appels au respect que l'APNQL met de l'avant pour servir de base pour assurer une relance économique respectant les
valeurs des Premières Nations et qui les impliquent réellement sur leurs
territoires non cédés afin d'avoir une relation d'égal à égal avec le
gouvernement du Québec.
L'APNQL a aujourd'hui le devoir de s'adresser aux
membres de la Commission des finances publiques dans le cadre de la relance économique et dépose, par cette
démarche, des appels au respect : respect des principes, respect des lois,
respect des intérêts, respect des valeurs
promulguées par les gouvernements légitimes des Premières Nations qui composent
sa table.
Un, l'APNQL réclame que le gouvernement du Québec
ainsi que tout autre ordre de gouvernement respectent le principe selon lequel les gouvernements des
Premières Nations affirment et exercent leur autorité et leur capacité de
se gouverner eux-mêmes dans le respect de leurs titres et droits ancestraux ou
issus d'un traité.
Deux, l'APNQL réclame
que le gouvernement du Québec donne les suites nécessaires à la motion du 8 octobre 2019 adoptée par l'Assemblée
nationale afin d'élaborer, en collaboration et en coélaboration avec les
Premières Nations, une loi
garantissant la prise en compte des dispositions de la Déclaration des Nations
unies sur les droits des peuples autochtones
et son adoption par l'Assemblée nationale du Québec afin que la législation et
des politiques gouvernementales respectent les droits qui y sont
énoncés.
Le dépôt d'un projet de loi omnibus dans un
contexte de session parlementaire à toutes fins pratiques achevée soulève de sérieuses questions. D'entrée de jeu,
le projet de loi n° 61 propose des mesures exceptionnelles et expéditives
d'approbation et de réalisation de divers
projets. Il y a d'importants enjeux à considérer à l'égard de la santé, de
l'environnement et des droits ancestraux et issus de traités des
Premières Nations au Québec.
Le
contexte exceptionnel d'une pandémie ne dispense en aucun cas les gouvernements
fédéral et provincial de respecter leurs obligations envers les droits
ancestraux et issus de traités des Premières Nations et de se conformer aux engagements prévus, entre autres, par la
Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et plus
particulièrement de son article 3, et
je cite : «Les peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination. En
vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique,
social et culturel.» Fin de la citation.
Le projet de loi n° 61 met en péril le respect des droits ancestraux des Premières
Nations en ce qu'il permet la possibilité d'entreprendre des projets avant l'obtention des droits requis sur les territoires
non cédés des Premières Nations
au Québec.
Nos communautés sont déjà sursollicitées et manquent de temps et de ressources
pour bien répondre aux consultations. Le projet de loi propose d'accélérer des processus pour autoriser les projets visés, ce qui laisse
présager des délais encore plus
courts et davantage de pression sur les Premières Nations. Une telle situation engendrerait des lacunes importantes
dans l'obligation de consulter et
d'accommoder les Premières Nations, situation déjà hautement préoccupante en temps normal.
Appel au respect n° 3, l'APNQL réclame que le
gouvernement du Québec respecte ses obligations constitutionnelles envers les Premières Nations, et ce, en accordant des délais raisonnables aux communautés
concernées pour répondre à toute consultation, ce qui n'est pas le cas
avec le projet de loi n° 61.
À 4, l'APNQL réclame que le gouvernement du Québec s'engage à respecter les codes, les normes et les
protocoles de consultation tels que définis par les Premières
Nations et consulter celles-ci pour
tous les projets de loi ou modifications législatives qui pourraient affecter les Premières
Nations.
La flambée de
202 annonces gouvernementales regroupées sous l'annexe I du projet de
loi n° 61 entraîne de profonds questionnements sur l'intention qui se cache derrière la
construction d'infrastructures. Les nombreux projets initialement annoncés en lien avec la relance de
l'économie, bien qu'ils puissent être légitimes, ne peuvent
être le théâtre des largesses dont le
gouvernement du Québec tente de se doter sur le plan législatif
pour expédier ses obligations de consultation
envers les Premières Nations et pour
réduire au plus simple l'application de normes environnementales déjà
minimalistes.
Dans le contexte
actuel d'une crise pandémique pouvant avoir des impacts funestes dans nos communautés
considérées comme les plus vulnérables en raison de la prévalence de facteurs
de risques sociosanitaires plus élevés, le mot d'ordre de nos dirigeants est de prioriser la santé et la sécurité de
nos membres par-dessus tout, bien avant l'économie.
Afin
de permettre aux autorités des gouvernements des Premières Nations de se
concentrer sur les mesures pour faire
face à la crise, l'APNQL a demandé, par voie de lettre au premier ministre
Legault, la suspension temporaire de toute consultation et analyse des demandes, permis et autorisations liés aux
projets d'exploitation des ressources ayant des impacts sur les droits
et intérêts des Premières Nations jusqu'à ce que la situation se rétablisse.
L'autorité
que confère le décret des mesures d'urgence prolongées jusqu'à une date
indéterminée en raison de la crise
pandémique de la COVID-19 ne peut permettre au gouvernement du Québec de
s'arroger à la fois le droit de relancer son économie et celui de reculer sur les avancées en matière de
protection environnementale. Il ne peut surtout pas profiter d'une étendue de ses pouvoirs pouvant affecter,
voire même violer ou ignorer les droits ancestraux issus de traités des
Premières Nations en plus de
multiplier les impacts des effets cumulatifs de projets sur l'environnement
qui, eux, ont des impacts importants
sur la pratique, la santé et la culture des Premières Nations. Un territoire et
ses ressources en santé sont à la source de l'identité culturelle des
Premières Nations, et de donner le pouvoir de faire abstraction de règles ayant
pour but de protéger ces ressources est une
source d'inquiétude majeure et légitime pour la santé et l'environnement des
Premières Nations.
Celles-ci se mobilisent
depuis toujours à préserver les espèces, particulièrement celles qui sont
menacées ou culturellement importantes. Ces
espèces déjà fragilisées par la destruction d'habitats ne peuvent se rétablir
avec des mesures financières et de
compensations d'habitats. Or, la monétisation de la destruction des habitats,
même si celle-ci est affectée à leur restauration, n'est pas réaliste et
ne permet pas de les protéger de dommages souvent irréversibles.
Appel
au respect n° 5, APNQL avise formellement le gouvernement du Québec qu'en
aucun cas des compensations financières entre ministères du gouvernement
du Québec ne sauraient suffire ou pallier à aucune circonstance ou remplacement
de certaines normes et mesures environnementales en place...
Le Président (M. Simard) : O.K.
Excusez-moi, chef.
M. Picard
(Ghislain) : ...dans le cadre de tout
projet de développement sur les territoires non cédés.
Le
Président (M. Simard) : Chef, excusez-moi, un seul instant. Y
aurait-il consentement afin que chef Picard puisse terminer son
intervention? Consentement. Allez-y, chef, et désolé de vous avoir...
M. Picard
(Ghislain) : Merci. Écoutez, j'en ai pour
1 min 30 s. Merci beaucoup, c'est apprécié.
La volonté
exprimée par le premier ministre d'impliquer les Premières Nations dans la
relance économique représente une
opportunité pour le gouvernement du Québec de passer de la parole aux gestes et
être à l'écoute des Premières Nations, qui recherchent l'équilibre entre
leur propre relance économique et la protection de leur territoire.
Comme
Premières Nations, nous cumulons des décennies d'expérience à nous retrouver en
marge des décisions qui affectent nos
communautés. Pourtant, nous persévérons et nous continuerons jusqu'à ce que nos
gouvernements aient voix au chapitre lorsqu'il s'agit du développement
de nos ressources non cédées et... de nos territoires non cédés et des
ressources.
Mettre les Premières Nations au pied du mur dans
l'exercice de leurs droits fondamentaux n'est ni signe de réconciliation ni
signe d'une garantie, comme l'exprimait le premier ministre, à impliquer les
Premières Nations dans la relance de
l'économie. Nous avons plutôt devant nous un projet de loi précipité,
comportant de sévères écarts dans l'équilibre
entre les pouvoirs et les devoirs et avec des mesures d'imputabilité quasi
absentes représentant un danger inquiétant pour les droits et intérêts
des Premières Nations.
Le dépôt du
projet de loi n° 61 nous amène malheureusement à questionner la capacité
du gouvernement du Québec de faire
preuve de réalisme quant à la participation réelle des Premières Nations à
l'économie et au partage de la richesse.
Conclusion : En parlant d'histoire, il est
important d'informer les membres de la commission sur l'historique d'une relation qui a pris forme avec la mise en
place d'une institution, le SAGMAI, qui est le secrétariat... qui était le Secrétariat des activités gouvernementales en milieu
amérindien et inuit, lequel a précédé l'actuel Secrétariat aux affaires
autochtones. Le SAGMAI a été institué
en 1978 par le gouvernement du Québec sous René Lévesque. Le SAGMAI était
chargé d'entretenir des relations avec les Premières Nations. De plus,
comment passer sous silence la résolution de 1985, reconnaissance des nations autochtones et de leurs droits, qui se
disait alors avant-gardiste. Depuis, malgré que tous les gouvernements successifs se targuent de cette résolution, on se
retrouve 30 ans plus tard avec un projet de loi qui évacue encore une fois
complètement notre réalité, notre identité et notre culture.
«Tshinashkumitinau». Merci beaucoup.
Le Président (M. Simard) : Je
vous remercie, chef Picard, pour votre présentation. Je vais maintenant céder
la parole au gouvernement. M. le ministre, vous disposez de
10 minutes.
• (11 h 50) •
M. Dubé : Alors, chef Picard, merci. Merci, premièrement,
de prendre le temps d'être avec nous aujourd'hui. La crise qu'on vit, vous la vivez, vous aussi,
depuis le début, et pas toujours dans des conditions faciles. Alors, je veux
vous souligner, avant de commencer à discuter du projet de loi n° 61, comment je sais que vous avez fait des efforts avec tout le monde pour qu'on puisse se sortir de cette
crise-là, puis je sais que ça n'a pas été facile. Alors, que vous preniez
le temps non seulement d'être ici
aujourd'hui puis de nous accompagner dans cette présentation-là, je l'apprécie
beaucoup, alors merci. Puis je vous
connais un peu de réputation, je pense que votre présentation, aujourd'hui,
elle a le mérite d'être très claire.
Vous avez la réputation de dire les choses comme vous le pensez, puis je pense
que je ne suis pas surpris du tout de ce que vous dites aujourd'hui.
Ce serait
trop facile de vous dire qu'une situation de crise fait qu'on se rend compte...
puis on s'en est rendu compte, depuis
quelques mois, que cette crise-là a amené, de la part de notre gouvernement, à
agir de façon très rapide, souvent. Et je pense que, notre premier
ministre l'a dit fréquemment, lorsqu'on prend des décisions, on a le choix, des
fois, de se tromper... mais de penser qu'on
prend la bonne décision puis qu'on se réajuste au besoin. Ce que j'aimerais
vous dire aujourd'hui... puis là je fais une comparaison un peu
boiteuse, mais vous avez vu le nombre de décisions que notre gouvernement a prises depuis le 13 mars, dans
toutes sortes de cas et toujours pour le bien-être de la population. Ce que je
vois dans votre mémoire, que j'ai lu rapidement,
mais je vous ai écouté, vous amenez une perspective de dire, maintenant, comment on peut, dans un plan de relance qui inclut les infrastructures, tenir compte de cette relation qui est développée avec les Premières Nations depuis des années. Est-ce que
ça le reflète à votre goût? La réponse, c'est non. Je n'ai pas besoin d'essayer de vous convaincre, de vous dire que tel
article... on ne perdra pas de temps, c'est non. De la même façon... Puis
d'ailleurs c'est un petit peu... Si vous me permettez, là, je vais prendre quelques
minutes, c'est pour ça que je voulais vous laisser terminer, je vais prendre quelques minutes pour vous
dire que, si à chaque fois qu'on a pris des décisions au cours des trois derniers mois, on avait pris tout le
temps nécessaire, bien, peut-être que la situation, elle serait encore plus grave qu'aujourd'hui.
Alors, aujourd'hui, lorsqu'on nous dit :
Bien, écoutez, je comprends, mais j'ai entendu ça de quelques partis politiques
hier, on va prendre le temps qu'il faut, puis etc., oui, on va prendre le temps qu'il
faut, mais on va aussi avoir les
conséquences de prendre le temps qu'il faut, autant positives que négatives. Et alors ce
que vous me dites aujourd'hui... ce
que vous nous dites aujourd'hui, c'est : Est-ce qu'on a pris le temps nécessaire
de consulter les Premières Nations dans un contexte de plan de relance spécifiquement sur les infrastructures? La réponse, c'est non, je vous l'accorde, je
vous l'accorde, un peu comme on l'a
fait... puis je vais faire une comparaison peut-être un peu boiteuse,
mais pourquoi, moi, je me plie à
l'exercice, non seulement parce
qu'il faut le faire, mais d'entendre les groupes environnementaux — vous en avez entendu quelques-uns — qui viennent nous dire : Bien, vous
n'avez pas vraiment tenu compte de nous? Bien, je pense que la
consultation qu'on commence ici en tient compte. Vous allez me dire que ce
n'est pas une consultation de gouvernement à
gouvernement, puis je respecte votre point, mais je pense que de vous avoir ici
aujourd'hui pour entendre vos commentaires, pour moi, c'est fondamental.
Alors
donc, je veux juste vous dire que, même si ce n'est pas le processus auquel
vous vous attendez de façon globale, je
respecte ça, mais aujourd'hui, ce qu'on voulait faire, c'est être capables d'au
moins avoir de votre part les commentaires. Moi, il n'y a rien de mieux que, d'une situation difficile... puis de me
faire dire aussi clairement ce que vous m'avez dit aujourd'hui, puis de dire : Bon, maintenant,
qu'est-ce qu'on ce qu'on fait? On se comprend? Parce qu'il y a des projets — puis là je vais être très pratique — dans la liste qui ne doivent pas tellement
vous déranger, hein, si... puis je donne l'exemple, pour nous, qui est important, d'aller chercher tel
ou tel édifice, construction d'une école ou... je sais qu'on en discute souvent
avec vos gens, parce qu'on en fait, de la
construction d'écoles pour les Premières Nations, c'est... mais on n'est pas
là, je pense que ce n'est pas là que
vous nous dites... c'est dans des grands projets, comment on va faire pour
tenir compte de tout ça. Moi, je suis très ouvert à ça.
Mais
aujourd'hui, je vais vous dire, là, je pense qu'on prend acte de vos
commentaires. Je pense que c'est à un niveau qui est encore plus élevé que le Conseil du trésor, si vous me
permettez, parce que, là, on est en train de discuter d'engagements gouvernementaux entre le gouvernement et les
Premières Nations. Donc, je vous dirais, là, après avoir pris connaissance
de votre mémoire, que j'en prends acte et
qu'il y aura des suivis à ça. Ça, je peux vous le garantir parce qu'il y a des
gens à qui on pourra parler, dans les prochains jours, de cette
situation-là.
Ceci étant
dit, ce que j'aimerais vous demander, ce que j'aimerais vous demander, comme en
situation de crise : Comment on
peut avoir cette discussion-là avec vous pour les projets spécifiques qui vous
préoccupent? Vous me suivez? Parce
que je ne voudrais pas qu'on perde l'opportunité de faire des projets, mais à
l'intérieur de balises qui vous seraient acceptables. Un peu comme on a eu la discussion avec les gens
d'environnement, ce que leur ai dit, j'ai dit : Écoutez — puis je pense que vous étiez là, mais
je me permets de le répéter — on peut bien prendre toute la critique
sur le côté environnemental, mais en même temps on essaie de faire des projets
structurants de trains électriques, puis de trains électriques, de tramways, de transport collectif qui vont aider
l'environnement. Alors, moi, ce que je demande aux gens d'environnement, c'est... Je comprends, là, qu'il
y a une foule de sujets qu'on peut peut-être dire : Ça, ça ne fonctionne
pas, mais ce n'est pas ça que je
demande. Je demande aux gens d'environnement de nous aider à trouver la bonne
façon de faire plus rapidement nos
projets de transport collectif parce qu'ils vont avoir un impact positif sur
l'environnement. Vous me suivez?
Alors, moi,
je me retourne vers vous, chef Picard, puis je dis : Qu'est-ce qu'on peut
faire avec vous, avec les gens que
vous représentez, avec l'Assemblée des premières nations pour que,
spécifiquement... Si vous pouvez m'en donner, des exemples de projets spécifiques de relance qui passeraient par des
projets... puis vous l'aviez bien mentionné, que ça soit... il faut des terres ou des terres qui ne sont pas encore... je
n'ai pas la bonne expression, là, mais vous avez donné deux types de territoire, j'aimerais vous entendre
spécifiquement, comment on pourrait établir ce contact-là rapidement pour être capables de mieux fonctionner avec vous
dans ce contexte de crise là. Parce que, pas besoin de vous le dire, là,
on n'est pas dans le quotidien en ce moment,
on est en train d'essayer de passer à travers une crise sanitaire qui a un
impact économique dont tout le monde
reconnaît, c'est la pire crise économique qu'on a. Et j'aimerais au moins vous
demander de nous donner des
indications comment on pourrait faire cette discussion-là, discussion sur
certains projets spécifiques.
M. Picard
(Ghislain) : Écoutez,
M. le Président, membres de la commission et M. le ministre, merci
pour votre intervention. Et d'abord,
je ferai très certainement écho à la reconnaissance que vous portez à nos
dirigeants et à leur façon de répondre à la pandémie depuis les trois
derniers mois, et, on l'a dit souvent, là, en dépit des limites extrêmement...
de contraintes... en dépit des contraintes auxquelles ils ont fait face. Ça,
c'est important de le souligner.
M. Dubé : Merci.
M. Picard (Ghislain) : Maintenant, si on parle d'économie, je pense que
les Premières Nations sont extrêmement bien
placées pour comprendre ce que ça prend comme coup de barre. On est nettement à
plusieurs années-lumière, là, de ce
que nos voisins connaissent comme situation, donc on a énormément de rattrapage
à faire. Et la raison pour laquelle je
suis ici, c'est que notre organisation, au même titre que plusieurs autres
entités qui ne sont pas nécessairement Premières Nations, a été prise de cours par le processus. Donc, c'est davantage le
cas pour les communautés que nous représentons.
D'ailleurs
votre intervention me permet de compléter la mienne. Et je dépose, pour les
fins de vos travaux, une série de
lettres, de commentaires qu'un grand nombre de communautés nous ont acheminés
et qui relèvent exactement les mêmes arguments,
là, que je faisais... que je vous partageais un peu plus tôt dans la
déclaration, et ça m'amène aussi à préciser davantage, peut-être essayer de trouver une réponse à votre question,
parce que ces communautés-là réfèrent, justement, à leur réalité particulière, qui peut, dans certains
cas, se traduire par des projets qui leur sont propres et où elles
souhaiteraient avoir peut-être des
intérêts, tant au niveau de la participation qu'au niveau des bénéfices, et ça,
je pense que je trouverais ça
extrêmement important. Mais, à la base, ce qu'il faut reconnaître, et j'entends
votre commentaire sur les limites, il y a, à la base, de la consultation
aussi.
M. Dubé : ...consentement,
juste... si vous permettez...
M. Picard
(Ghislain) : Oui.
M. Dubé :
M. le Président, est-ce que je peux vous demander le consentement juste
pour le laisser terminer? J'ai donné un
consentement tout à l'heure, si les autres députés... je pense, ce serait bon
de le laisser terminer, que... s'il vous plaît.
Le
Président (M. Simard) : Oui, alors, conséquemment, il faudrait
que nous puissions terminer nos travaux un peu plus tard que prévu afin
de laisser le temps, également, aux députés de l'opposition de faire leur
intervention.
• (12 heures) •
M. Dubé : Bien, c'est parce
que, je pense, sa réponse est importante...
M. Picard
(Ghislain) : Bien, écoutez...
Le Président (M. Simard) :
Excusez-moi, chef, d'abord on va régler l'intendance. Il y a consentement pour
poursuivre plus tard que l'heure initialement prévue de quelques minutes? Très
bien.
Et puis,
chef, soit dit en passant, on accepte le dépôt de votre document avec grand
plaisir, que nous allons mettre sur le site de la commission le plus
rapidement possible.
M. Picard (Ghislain) : Évidemment, j'ajoute à mes attentes en disant
qu'en raison des contraintes de temps — puis
je ne vous apprends rien, comme membres de
cette commission — il
y aura des documents qui vont suivre, ceux que j'ai en ma possession ce
matin, là, dans le courant de la journée.
Donc, pour revenir à votre question, j'ai ici la
preuve qu'il y a des projets qui pourraient intéresser soit des regroupements de communautés ou même des
communautés sur une base plus individuelle. Et je pense qu'évidemment le temps nous est compté, on le sait tous, mais,
si on peut peut-être faire les approches nécessaires... Écoutez, les
communautés, on nous a souvent accusé
de complaisance à l'endroit des gouvernements autour de nous, mais c'est vraiment une décision
qui appartient aux communautés.
Si je suis
ici, c'est que je viens vous partager un message qui est fondé sur un certain
nombre de principes qui font consensus
chez nous, et c'est ce que j'avance ici. Mais c'est clair que l'assemblée que
je représente n'est pas un gouvernement, ne
sera jamais un gouvernement. C'est vraiment une autorité qui appartient au
niveau des communautés, respectivement, à travers les structures
qu'elles se sont données.
L'exemple que
je peux vous donner, c'est le Conseil de la nation atikamekw, trois
communautés, la population élit un grand chef. Et, il y a quelques jours
à peine, on parlait de projet sur leur territoire traditionnel, qui fait
l'objet de préoccupations sérieuses, parce qu'on comprend que c'est peut-être un exemple,
ici, d'un projet accéléré au détriment des droits que fait valoir la
nation attikamek depuis les 40 dernières années.
Le
Président (M. Simard) : Merci, chef. Merci. Alors, je cède
maintenant la parole au député de La Pinière, mais, avant de ce faire, je voulais officialiser la
présence parmi nous du député de D'Arcy-McGee et demander votre consentement
afin qu'il puisse participer à la poursuite de nos travaux. Il y a
consentement? Très bien.
M. Barrette : Qui prendra
d'ailleurs la parole maintenant, si vous le permettez.
Le
Président (M. Simard) : Bien, avec grand plaisir. Alors, M. le
député de D'Arcy-McGee, à vous la parole, et votre groupe dispose de
8 min 40 s.
M. Birnbaum : Merci beaucoup, M. le Président. Collègues de
toutes formations, M. le grand chef, j'ai
l'honneur d'être le porte-parole de l'opposition pour les
affaires autochtones et j'ose espérer d'avoir l'opportunité d'être, en quelque
part, un porte-voix pour pas juste les
revendications, mais les réalisations de ces communautés avec qui on a
l'honneur de partager le territoire du Québec.
Je tiens
aussi à souligner que, dans toute sa diversité, le peuple des Premières Nations
et le peuple inuit s'est trouvé et se
trouve des façons de protéger ses peuples à sa façon, avec son expérience, son
expertise devant cette pandémie, et je trouve, à juste titre, que nous
avons à reconnaître ça.
Je me permets
de dire que j'ai l'impression que les peuples autochtones, dans toute leur
diversité, ont toujours à répliquer à
une réponse des fois, en bonne foi, qui se résume par «oui, mais». Le
grand chef, vous avez parlé de la déclaration des Nations unies, qui faisait sujet d'une motion adoptée à l'unanimité.
Vous auriez pu faire allusion à la suite du rapport Viens, du rapport du gouvernement fédéral et les excuses
solennellement offertes par le premier ministre du Québec et chacun des
leaders des formations de l'opposition.
Nous parlons
donc, en quelque part, de deux exemples — vous avez fait référence à un
primordial — qui nous
interpellent, à savoir comment se comporter
sur le plan quotidien et, pour moi, qu'est-ce qui est plus important dans le
plan quotidien, de notre réponse en
situation de crise. Le «oui, mais» n'est pas une réponse totale en situation de
crise. Comme résidents du Québec,
dans chacune de nos façons de l'être, nous avons à se réconcilier avec les
circonstances exceptionnelles devant nous.
Mais,
si je vous ai bien entendu, et je vous invite à élaborer, M. le grand chef,
moi, j'ai compris que vous êtes en train
de répéter : Dans ces circonstances uniques comme dans les circonstances
quotidiennes, il y a un prisme par lequel on se gouverne, et en état de crise on ne dit pas «oui, mais», on trouve
des façons, ensemble, de s'assurer qu'on fasse... qu'on passe à travers cette crise sanitaire, qu'on
relance l'économie. Bon, il faut se rappeler, c'est des projets, il n'y a pas
de garantie
qu'ils vont être complétés, et c'est fait en pleine participation et pas aux
dépens d'une communauté ou une autre.
Alors, j'ai tendance à vouloir vous inviter,
M. le grand chef, à nous expliquer comment ça peut se dérouler, compte tenu
d'un constat collectif de cette Assemblée,
solennel, pas en termes de projet de
loi qui devrait être assujetti à une consultation et à une coécriture avec les Premières
Nations et les communautés inuites,
mais un constat solennel que notre façon de faire dorénavant
est en respectant les messages fondamentaux de cette déclaration. Et je prends
pour acquis en constatant, avec chaque
geste, les excuses qui promettent une suite aux recommandations de deux
rapports qui répétaient, en quelque part, les injustices quotidiennes et
les problèmes quotidiens à travers notre histoire.
Je me permets de vous
inviter, M. le grand chef, de nous dire comment ça peut se dérouler, ce
processus d'implantation, à l'urgence, j'en
conviens, d'un projet de loi en respectant les constats solennels faits en ces
deux occasions que je mentionne, de cette Assemblée devant nous.
Le Président
(M. Simard) : Chef Picard.
• (12 h 10) •
M. Picard (Ghislain) : Oui. Merci beaucoup pour votre
commentaire et la question qu'il soulève, extrêmement important puis...
Écoutez, je pense qu'il y a une multitude de réponses à votre question, mais je
vais y aller de cette façon-ci. Sans
diminuer l'importance de la crise que nous traversons tous de la même façon
aujourd'hui avec, évidemment, des moyens limités pour nos communautés — ça, je me permets d'insister là-dessus — c'est sans doute une des premières fois où
nous nous retrouvons devant le même
défi. Donc, je pense qu'on a finalement une opportunité de se comprendre
mutuellement sur les moyens que ça va prendre pour se relever de ce...
ou faire face à ce défi-là.
Si
j'ai soulevé, en conclusion, la résolution de 1985... je pourrais parler de la
grande rencontre qui a eu lieu avec l'ensemble
des chefs au Québec et qui a été un peu le préalable à cette résolution-là qui
remonte à 1978, sous René Lévesque, c'est
qu'on est partis de loin et... Mais 1985, je m'excuse, là, est en train de
devenir un vestige, parce qu'il y a eu tellement d'évolution au niveau international, en termes de droits, sur la
question du droit autochtone, qu'on
n'a pas pris le temps de se mettre à
jour au Québec, à tel point que la résolution de 1985 est en train de tomber en
ruines, parce que le droit évolue ailleurs.
L'exemple que je me permets de prendre, parce
qu'on a comme réflexe des fois de se comparer au voisin, l'année
dernière, mon collègue de la Colombie-Britannique me partageait les difficultés
rencontrées avec le gouvernement de
M. Horgan, et malgré tout il y a un projet de loi, au niveau de la
législature provinciale en Colombie-Britannique, qui a été proposé, adopté par la législature, projet de loi n° 41, qui
est maintenant une loi et qui, exactement, donne le résultat
auquel vous faites référence. Et, si
je me compare, si je nous compare à ce que nous avons ici, si ce n'était pas de
la mince fenêtre, en octobre dernier,
qui nous a donné une motion qui maintenant devrait, en principe, mettre la table pour qu'on
en parle, qu'on en discute et qu'on la négocie, on n'est pas rendus où
nos collègues de la côte Ouest sont rendus.
Et donc c'est important, je pense, de se rappeler
aussi que... écoutez, à côté de nous, le gouvernement de M. Ford, hein, vos voisins, un gouvernement qu'on dit
très, très à droite sur les questions sociales, donc les Premières Nations
aussi, le gouvernement de M. Ford rencontre régulièrement les Premières
Nations non seulement dans le contexte de la pandémie, actuellement, mais sur
des éléments comme ceux que vous soulevez.
Et,
pour moi, là, c'est des exemples qui me font dire aujourd'hui : À quelle
place qu'on est au Québec? Et je pense que...
Je pose la question puis je vais me permettre de la poser en votre nom. Et je
pense que c'est là qu'on... Souvent, là, on se retrouve devant une obligation de rappel, constamment. Et
finalement l'enseignement que je vous partage est, à la base, très
élémentaire. Et moi, j'ai comme responsabilité, là... Et, encore une fois, ce
n'est pas moi qui va être à la table de négociation,
là, c'est les signataires des lettres que je vous dépose aujourd'hui. Et, pour
moi, là, c'est important qu'on puisse situer de façon très, très claire,
là, le défi qui se présente à nous pour la suite des choses.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous, grand chef. Je cède maintenant la
parole au député de Rosemont. Cher collègue, vous disposez de
2 min 15 s.
M. Marissal :
Merci. Merci, grand chef, d'être là. On apprécie, évidemment, vos lumières. Je
vais être bref sur vos constats
d'exclusion et d'indifférence, que
vous nous avez rappelés à notre triste honte, vous avez exprimé assez
clairement.
J'ai
une question très technique pour vous. Auriez-vous objection,
dans votre lot de dépôts, de déposer la lettre que vous avez adressée avec vos collègues à M. Legault concernant, justement, la
reprise économique? C'est une simple question.
Vous êtes évidemment tout à
fait libre, pour des raisons qui sont
les vôtres, de ne pas le faire, mais ça pourrait nous être utile et nous
éclairer.
Par ailleurs, une question
un peu plus philosophique, là, quant à la monétisation des ressources,
d'espèces, de territoires ou des ressources.
Qu'est-ce que ça dit, ça, de notre regard et de nos relations que de faire un
chèque en échange d'une espèce ou d'un territoire? C'est une question
très sincère, parce que, personnellement, moi, ça me dérange profondément comme
concept, mais qu'est-ce que ça dit de nos relations entre peuples?
M. Picard (Ghislain) : Bien, la première partie de votre commentaire,
votre question, je dirais, ça va me faire plaisir
d'ajouter tous les documents que je considère pertinents aux fins de vos
travaux.
Votre
autre question m'amène, finalement, à vous partager... Sans
doute que certains d'entre vous en avez pris connaissance, le gouvernement
fédéral, il y a à
peine quelques jours, annonçait à plusieurs dirigeants à travers le pays qu'il effaçait la dette. On parle d'une dette qui
est là depuis les 40 dernières années pour certaines nations. Le gouvernement fédéral prêtait de l'argent
aux nations autochtones afin que ces nations-là s'assoient à une table de
négociation. C'est vraiment, là... on
est dans le surréalisme, là. Pour moi, là, ça, c'est du surréalisme. Les
nations autochtones reçoivent des prêts du gouvernement fédéral pour
négocier des territoires qu'ils considèrent comme étant les leurs, parce que
le Québec actuel est déjà le
théâtre de plusieurs projets de développement. Écoutez,
toute la Manic, les complexes Manic et Outardes, je veux dire, on fournit l'électricité au Québec, là,
pendant je ne sais pas combien d'années, là, les premiers développements, et
aujourd'hui les nations qui sont directement
touchées essaient toujours d'en négocier des mesures compensatoires. Et,
pour moi, c'est très important, là, à la lumière de ce que vous dites, là, qu'on puisse
peut-être mettre en évidence qu'il y a des
processus qui devraient engager les signataires des lettres que je vous apporte
pour les fins de vos travaux, mais qui devraient
également comporter, là, des bénéfices. Quand on parle de partage de la
richesse, c'est aussi à ça que nous faisons référence.
Le Président (M. Simard) :
Merci beaucoup, chef. Je cède maintenant la parole au député de Jonquière.
M. Gaudreault : Alors, bonjour, chef. Votre mémoire et votre
présentation, tout à l'heure, envoient un message très, très puissant, très, très fort. J'ai l'impression
qu'on est tellement loin de l'esprit qui avait présidé à la reconnaissance
des nations en 1985 avec René Lévesque. Et
là on est à des années-lumière, avec le projet de loi n° 61, de
consultations, de travail avec vous. Le message que j'entends,
c'est : vous voulez participer au développement, à la reconstruction économique du Québec dans le contexte
postpandémie. Est-ce que ce non-respect des obligations envers les droits
ancestraux et de la consultation disqualifie entièrement le projet de
loi n° 61 à vos yeux?
M. Picard (Ghislain) : Merci pour votre question. Et je dirais que tout
le monde essaie de faire du rattrapage, hein, je veux dire, avec la conscience qui devrait... la bonne conscience qui
devrait l'accompagner. Les communautés jugeront, et je suis convaincu qu'elles vous partageront leur position. Mais c'est
clair qu'on pourrait dire la même chose pour des projets de loi qui précèdent 61, qui ont été sans doute
soumis dans des circonstances moins exceptionnelles, en temps normal, et ce qu'on dirait, à ce moment-là, c'est que ce
n'est pas acceptable. Ce n'est pas acceptable parce qu'elle ne tient pas
compte d'un contexte, à notre avis, qui est
incontournable. L'obligation et le devoir de consultation a été paramétré plus
d'une fois par diverses instances au niveau
des tribunaux et par la Cour suprême du Canada, et il y a cette obligation-là
qui est déjà, je veux dire,
jurisprudentielle, là, sur plusieurs fronts. Donc, pour moi, à la base, si
cette obligation-là n'est pas respectée,
donc, pour moi, la pièce législative n'est pas acceptable, n'est pas recevable.
Ça, c'est évidemment ce que je vous partage aujourd'hui, à la lumière
des positions que j'ai maintes fois entendues de la part de nos chefs.
Mais ça me
ramène un peu aux commentaires du ministre un peu
plus tôt. Je parlais des Attikameks un peu plus tôt, je sais qu'il y a des préoccupations profondes de la part
de la nation mohawk, comme il y en a de la part de la nation huronne-wendat,
comme il y en a de la part de toutes les nations au Québec par rapport au projet
de loi.
Dans le cas de la communauté mohawk de Kahnawake,
il devrait y avoir un document, normalement, de reconnaissance mutuelle entre la nation mohawk de Kahnawake
et le gouvernement du Québec. Et le gouvernement dit... c'est-à-dire la communauté mohawk dit : Le gouvernement du Québec, avec 61, faillit à l'esprit de cette entente-là,
donc il reviendra à elle, à la communauté de Kahnawake, à la communauté
mohawk de déterminer la suite des choses.
Le Président (M. Simard) :
Merci, chef.
M. Picard (Ghislain) : Mais on
est complètement, là... Je pense, il faut recommencer à zéro.
Le
Président (M. Simard) :
Merci beaucoup. Je
cède maintenant la parole au député de
Chomedey pour 1 min 50 s.
• (12 h 20) •
M. Ouellette : Merci,
M. le Président. Chef Picard,
bonjour. Merci d'être venu déposer en commission. C'est toujours très important qu'on entende les choses que vous
avez à dire. J'espère que, dans les lettres que vous avez... parce qu'au
début de l'année 2020, 13 députés — pas ministres, là, mais
13 députés — sont
allés dans la nation anishnabe et... partager,
justement, les préoccupations économiques de la nation, j'espère qu'ils sont
dans les lettres. Et, s'ils n'y sont pas, bien, j'espère que vous ferez le message pour que les projets qu'ils
nous ont partagés, les projets économiques qu'ils nous ont partagés puissent l'être pour que les députés de
toutes les formations politiques puissent en parler lors d'étapes ultérieures
du projet de loi n° 61.
Vous avez raison de mentionner que le
gouvernement doit avoir une reconnaissance avec la nation mohawk de Kahnawake, parce que j'ai vu, dans les
202 projets... je me suis dit : Ils n'ont pas parlé aux Premières
Nations? Le pont Mercier? Pour avoir
été dans ce film-là auparavant, au cours des dernières années, et avoir vu
notre ancien collègue Geof Kelley déployer
énormément d'efforts, je me suis dit : Il y a eu une décision unilatérale
de refaire le pont Mercier? Oubliez ça, là. S'il n'y a pas une discussion
entre le gouvernement et la nation mohawk de Kahnawake, il n'y aura pas de
projet sur le pont Mercier. Pourtant,
l'expérience, l'expertise et l'histoire est là, là, le gouvernement ne peut pas
dire qu'il ne sait pas comment ça
fonctionne, mais ils ont décidé de le mettre sans consultation. Je veux vous
entendre là-dessus, si vous auriez un commentaire. Je pense que vous
avez mentionné que ça va prendre une reconnaissance avec la nation mohawk.
M.
Picard (Ghislain) : Bien,
écoutez, très certainement, encore une fois, là, puis devant des délais, là,
qui... devant lesquels nous nous retrouvons, je vais... je pense, c'est
l'intention, d'ailleurs, de vous partager les commentaires des différentes
nations, de leurs grands chefs et de leurs chefs, c'est de vous permettre d'un
peu plus vous imprégner, là, des
particularités. Et il y a sans doute des projets, là, qui sont un peu plus
positifs pour certaines nations après des années, là, de travail et
d'engagement qui, finalement, peuvent être concluants pour nos communautés.
En ce qui concerne la nation mohawk, je sais que
la question de la reconstruction du pont Mercier est chère à l'esprit du leadership mohawk. Je sais que c'est un projet,
aussi, qui est considéré... je m'étais dit que je n'entrerais pas dans les
détails du projet de loi et de son annexe, mais je
sais pertinemment que c'est un projet, là, qui... auquel on réfère. Mais il y a
tellement d'éléments dans l'esprit de
l'entente ou du protocole d'entente qui lie votre gouvernement et la nation
mohawk que je ne veux surtout pas
m'aventurer là-dedans. C'est quelque chose que je vais laisser au gouvernement.
Mais sachez que le message, à moins
qu'il n'ait pas été transmis encore, va l'être sous peu, directement au premier
ministre, si je comprends, ou à M. le
ministre, peut-être, mais les éléments sont tous là. J'en ai pris connaissance
en diagonale, là, devant le calendrier que nous avons.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup à vous, chef.
Et je crois me faire le porte-parole, ici, de tous les membres de cette commission en vous disant à
quel point votre présence ici constitue un grand moment, non seulement
nos consultations, mais un grand moment pour notre parlementarisme. Merci
beaucoup.
On se retrouve à
15 h 30 au salon rouge. À plus tard.
Ah
oui, et, chef, il faudrait rester en lien avec le... avec notre secrétariat
afin de transmettre les documents dont on parlait tout à l'heure. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
12 h 24)
(Reprise à 15 h 31)
Le
Président (M. Simard) :
Chers collègues, bienvenue. Je constate que nous avons quorum,
nous pouvons donc reprendre nos travaux.
Comme vous le savez, la commission
est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des
conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le
13 mars 2020 en raison de la COVID 2019... non, 2019?
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : Non, non, oui,
de la COVID-19 tout court. La soirée est encore jeune.
Alors, cet après-midi, nous entendrons les organismes
suivants : le Bureau de l'inspecteur général de la ville de
Montréal, le Centre québécois du droit de l'environnement ainsi que le Bureau
de l'intégrité professionnelle et administrative de Saint-Jérôme.
Alors, Mme Bishop, soyez la
bienvenue parmi nous. Auriez-vous l'amabilité, pour les fins de nos travaux, de
vous présenter?
Bureau de l'inspecteur général
de la ville de Montréal
Mme Bishop
(Brigitte) : Donc, bonjour, je suis Me Brigitte Bishop, je
suis l'inspectrice générale de la ville de
Montréal, et je suis accompagnée de Me Simon Laliberté, qui est
avocat au Bureau de l'inspecteur général de la ville de Montréal.
Le
Président (M. Simard) : Bienvenue, maître. Alors, madame, vous
disposez d'une période de 10 minutes.
Mme Bishop (Brigitte) : Merci. Alors, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, à nouveau, je me présente,
Me Brigitte Bishop, inspectrice générale de la ville de Montréal
depuis décembre 2018. Je suis accompagnée
d'un des avocats qui oeuvre au sein de mon bureau depuis 2016,
Me Simon Laliberté, ainsi que de l'inspecteur adjoint aux enquêtes, M. Michel Forget,
qui a contribué et a participé grandement à la réflexion aujourd'hui. Nous vous
remercions de votre invitation à participer
aux travaux de la commission sur un sujet aussi important pour l'ensemble du
Québec.
D'entrée de jeu, permettez-moi de dire que le
Bureau de l'inspecteur général de Montréal soutient entièrement la volonté d'entamer la relance économique du
Québec, notamment par le biais d'investissements en infrastructures. Nous
croyons également qu'il est possible et
nécessaire d'allier cet objectif avec le maintien des plus hauts standards en
matière d'intégrité dans l'octroi et l'exécution des contrats publics
acquis chèrement au fil des années.
Atténuer les risques engendrés par la mise en
oeuvre massive et rapide des contrats et des chantiers est un grand défi.
Pour ce faire, certaines conditions doivent,
à mon avis, être réunies. Notre présentation en abordera sommairement quelques-unes
en les regroupant en trois thèmes précis,
soit le maintien des règles d'intégrité préalables à l'accès aux marchés
publics, dont le REA, la mise en
oeuvre d'une surveillance rigoureuse et accrue de l'exécution des contrats
ainsi qu'une protection soutenue et
bonifiée des lanceurs d'alerte. Pour chacun de ces points, nous visons à
partager avec les membres de la commission les leçons concrètes et pratiques apprises depuis la mise sur pied du
bureau à l'issue des travaux de la commission Charbonneau.
Premièrement,
il est primordial, dans le contexte actuel, de maintenir les standards
d'intégrité préalables à l'accès aux
marchés publics, le tout pour s'assurer que la relance économique profite aux
entrepreneurs qui ont réussi, au cours des
dernières années, à se faire un chemin en respectant les règles mises en place.
Passer outre à celles-ci expose le donneur d'ouvrage au risque que des acteurs occultes, dont le crime organisé, en
profitent pour infiltrer l'économie légale. Le blanchiment d'argent
existe depuis de nombreuses années, et j'ai consacré une bonne partie de ma
carrière comme procureure de la couronne à
lutter contre celui-ci. À cet égard, deux facteurs clés sont
préoccupants : plusieurs entreprises risquent d'être à court de liquidités et pourraient donc être à la
recherche d'un financement rapide; également, les sommes importantes que le gouvernement s'apprête à investir
rapidement dans des infrastructures sont susceptibles l'allécher le crime
organisé afin
qu'il puisse s'introduire dans l'économie légale. Le crime organisé est bien à
l'affût de ces opportunités et n'hésitera pas à les saisir. Il ne s'agit pas là d'un risque théorique. Les
enquêtes de notre bureau démontrent notamment la présence du crime organisé dans le domaine du remorquage,
par exemple, de même que des tentatives d'infiltration dans l'industrie de la gestion des sols contaminés. Nous avons
également pu constater que certains individus aux moeurs contractuelles
douteuses ont recours à des prête-noms pour pouvoir profiter, conséquemment,
des contrats publics.
Cependant, il ne faut pas croire que la situation
soit sans possibilité de contrôle. En effet, depuis son instauration, le
régime des... le Registre des entreprises, le REA, vise justement à assainir le
marché en s'assurant de la probité des entreprises
appelées à conclure des contrats publics d'importance. Cet outil reste encore
perfectible, certes, mais il demeure un
bon premier jalon pour l'intégrité contractuelle. Tout comme il a été souligné
à bon droit depuis le dépôt du projet de loi, nous sommes aussi d'avis que le Registre des entreprises et le RENA
doivent être maintenus dans le cadre de la relance. Afin de lancer un message fort et non équivoque,
il pourrait être avantageux de le préciser dans le projet de loi. De plus, notre
expérience démontre qu'on doit redoubler de vigilance dans la mise en oeuvre du
REA en de pareilles circonstances, notamment
en vérifiant rigoureusement les sources de financement et l'identité des
véritables dirigeants de ces entreprises.
En second lieu, alors qu'elle est d'ordinaire déjà
très importante, la surveillance de l'exécution contractuelle deviendra vitale dans un contexte d'octroi accéléré des
contrats publics. Défenseurs de première ligne, les donneurs d'ouvrage ont
en premier lieu la responsabilité que la
qualité des ouvrages soit à la hauteur de ce qui est attendu du public. Dans un
contexte d'accroissement du rythme
d'octroi des contrats, la surcharge de travail et le manque d'effectifs
demeurent des sources
d'inquiétude. Conséquemment, les ressources nécessaires devraient y être
consacrées.
Mais
au-delà du rôle des donneurs d'ouvrage eux-mêmes doit s'ajouter celui des
organismes d'intégrité tels que notre
bureau ou l'AMP. Grâce à une capacité d'intervention lors de la phase de
l'exécution contractuelle, les entrepreneurs auront davantage tendance à demeurer intègres dans l'appréhension
d'opérations ponctuelles et aléatoires de surveillance dans la
réalisation des travaux publics. Autrement dit, les représentants des
organismes de surveillance doivent créer le
contrepoids nécessaire à l'intégrité contractuelle en étant présents directement
sur les chantiers et lors de l'exécution des contrats. D'expérience, c'est souvent à cette étape que les enquêtes
doivent être menées pour déceler des manquements contractuels, des manoeuvres dolosives, de la fraude, et même de la
collusion. Les stratagèmes que nous avons découverts à ces occasions sont variés et touchent à tous les
types d'industries, qu'il s'agisse de déneigement, de la collecte des déchets
ou bien même, évidemment, de la
construction. En résumé, nos enseignements nous démontrent l'importance du
contrôle, tant en amont qu'en aval,
de la part des organismes de surveillance, et ce, d'autant plus si l'octroi de
contrats publics doit se faire en forme accélérée.
Troisièmement, je ne saurai assez insister sur la
protection des individus sans qui il ne serait pas possible de mener à bien notre mandat, soit les lanceurs d'alerte. Au
fil des six années qui ont suivi sa fondation, notre bureau a reçu environ
300 dénonciations par année. Leur
profil est varié. Outre les fonctionnaires municipaux, on peut avoir des
entrepreneurs ou des sous-traitants qui cherchent à dénoncer des
illégalités dans l'attribution des contrats publics de même que des manoeuvres répréhensibles commises par d'autres
acteurs de l'industrie. Il faut donc valoriser ces réflexes d'intégrité.
En effet, la capacité d'action d'un organisme d'intégrité repose sur son
aptitude à développer et maintenir un lien de confiance
avec les dénonciateurs. Cela passe à la fois par l'assurance d'une capacité
d'intervention prompte et efficace que par
la certitude d'être protégé contre les représailles. Dans un contexte où on
accélère la mise en oeuvre de projets publics, il est d'autant plus important de protéger contre les représailles ceux
qui détiennent l'information pertinente permettant une action des organismes d'intégrité. Malgré les
grandes avancées en matière de protection des lanceurs d'alerte, quelques
ajustements au régime actuel demeurent
souhaitables. À titre d'exemple, la Protectrice du citoyen a récemment déposé
un rapport sur l'application de la Loi facilitant la divulgation d'actes
répréhensibles à l'égard des organismes publics. Plusieurs de ces constats et des préoccupations qui y sont énoncés
rejoignent les expériences vécues par notre bureau, et nous partageons
les recommandations mises de l'avant à cet effet.
En conclusion, le
chemin parcouru par le Québec depuis la commission Charbonneau est très
important. Cette progression trouve sa
source dans les mécanismes d'intégrité adoptés et les organismes de surveillance
dont nous nous sommes dotés. Il ne faudrait pas oublier que l'intégrité
participe d'un effort collectif. À ce titre, il faut souligner, pour Montréal,
l'adhésion de l'administration municipale, des élus et des employés ainsi que
la très grande majorité des entrepreneurs.
La valorisation de l'intégrité contractuelle et le respect de son cadre
normatif profitent à tous en rendant la
vie plus difficile aux malveillants et en les marginalisant au profit de la
nécessaire relance de l'économie. Il ne faudrait pas, cependant, se priver des outils dont le Québec s'est doté après les
révélations de la commission Charbonneau pour encadrer ses marchés
publics.
• (15 h 40) •
Le Président
(M. Simard) : Merci, maître, pour cette présentation. Je cède maintenant
la parole au président du Conseil du trésor. M. le ministre, vous disposez
de 15 minutes.
M. Dubé : Écoutez, premièrement, vous souhaiter la bienvenue, et à votre collègue
aussi, pour une présentation qui
était très attendue. Au Conseil du trésor, comme vous savez, j'ai la responsabilité de l'AMP, notamment, et des marchés publics, et je pense qu'on peut beaucoup profiter non seulement de votre intervention,
mais, je dirais, de l'expérience plus grande que vous avez. Parce que, quand
même, chez nous, l'AMP, l'Autorité des marchés publics, est quand même beaucoup
plus jeune, hein? Alors, je pense que non seulement votre présentation était attendue, mais j'écoutais
probablement chaque mot de ce que
vous disiez aujourd'hui. J'ai plusieurs, peut-être, petites questions, là, sur
vos trois points. C'est drôle, parce
qu'on était à l'Assemblée nationale il y a quelques minutes, puis le député de
Chomedey parlait, justement, des lanceurs d'alerte. Alors, on est
vraiment là-dedans, vos points sont très à propos.
J'aimerais
vous entendre, premièrement, sur la... je ne sais pas comment vous pouvez me le...
nous le dire, là, pour ceux qui nous écoutent, quelle est la
collaboration, dans un contexte continu, entre votre bureau et l'AMP. Est-ce
que c'est quelque
chose dont vous pouvez nous parler? Parce que moi, j'ai cette responsabilité,
là, mais je n'interviens pas dans la...
Vous comprenez très bien, là, la façon dont
l'AMP fonctionne, mais, étant donné l'expérience que vous avez, étant donné, je pense,
la qualité des personnes qu'on a maintenant — là,
on est en attente d'une nomination d'un nouveau président ou d'une
présidente, comme vous savez — bien, j'aimerais vous entendre sur la collaboration
que vous avez entre votre bureau puis l'AMP.
Parce qu'habituellement c'est un peu
comme des sources policières, si les gens travaillent bien ensemble, ils
sont plus capables d'identifier certains... Auriez-vous une objection à
partager ça un peu?
Mme Bishop
(Brigitte) : C'est une
excellente collaboration. Premièrement, je dois vous dire qu'à Montréal
on... je suis aussi... j'ai le
chapeau de l'AMP. Alors, l'article 68 de la Loi sur l'Autorité des marchés publics confère au Bureau
de l'inspecteur général ces pouvoirs-là, donc c'est clair qu'on a une collaboration encore plus étroite à ce
niveau-là. Avec l'AMP, on a une collaboration qui est
excellente, mais il y a également tous les autres bureaux d'intégrité. On parle du
bureau de... du BIPA de Saint-Jérôme, le bureau de Laval et Terrebonne, le bureau de Longueuil, le Protecteur du citoyen, que j'ai mentionné, de la CMQ. Tous les bureaux
d'intégrité, on a créé une table de coordination, donc on se rencontre, on
se parle, on a même des sous-divisions.
Donc, l'aspect juridique discute ensemble des décisions judiciaires pour un peu
baliser nos pouvoirs, alors, vraiment, il y a... la collaboration est très
grande entre ces bureaux-là.
M. Dubé :
Donc, il n'y a aucun enjeu de partager de l'information, si vous aviez
connaissance, par exemple, de gens qui
sont... qui ne seraient pas des personnes qu'on veut avoir dans nos contrats,
il n'y a aucun enjeu de partager cette information-là parce que vous
faites partie intégrante du processus.
Mme Bishop
(Brigitte) : L'enjeu est toujours... C'est sûr qu'il n'y a pas d'enjeu
dans la mesure où on peut le partager
en vertu de la loi sur l'accès à l'information. C'est sûr qu'il y a certaines
informations qu'on ne peut pas... Nous, au Bureau de l'inspecteur général... j'ai une immunité, donc j'ai
certaines informations que je ne peux pas partager non plus. J'ai également... Il y a certaines... Par exemple,
vous connaissez l'arrêt Jarvis, il y a certaines murailles, là, qu'on doit
avoir aussi avec d'autres entités qui ont
peut-être un pouvoir pénal un peu plus important que le nôtre. Nous, on demeure
dans le contractuel.
M. Dubé :
Je voudrais passer à quelques suggestions, je ne sais pas si c'est le mot que
je peux utiliser, que... Vous avez parlé, entre autres, de ce qu'on
pourrait avoir comme information, là. Je vous en donne un, là, d'être capable
de demander... non seulement d'indiquer
clairement, dans le projet de loi, que le REA et le RENA seraient... Et
pourquoi vous pensez que c'est...
Qu'est-ce que ça vient amener? Parce que c'est comme évident, mais je veux vous
entendre, parce que, si vous le suggérez, ça ne doit pas être pour rien,
là.
Mme Bishop
(Brigitte) : ...c'est le registre des entreprises admissibles. Je
butais, tantôt, par nervosité, mais, bon, je sais le mot.
M. Dubé :
C'est correct. Bien, je pense que tout le monde ici, alentour, là... Vous
faites bien de le dire, mais...
Mme Bishop
(Brigitte) : Mais ce que je voulais dire, c'est que la raison pour
laquelle je précise ce souci-là, c'est que,
si on... dans le projet de loi n° 61, je ne le vois pas. Dans le... Je regardais
même le préambule, je me disais : Est-ce qu'il y aurait peut-être intérêt... Parce que c'est perfectible, le
projet de loi n° 61, on est ici pour en discuter. Je pense qu'on
devrait peut-être offrir ces garanties-là,
peut-être, dans le préambule, assurer les principes d'intégrité et de confiance
qui se retrouvent dans la LCOP, et donc... et peut-être de réitérer, à
l'article 50, que le REA et le RENA sont toujours d'application. Ce que je
comprends de 50, c'est qu'on veut éliminer les délais pour pouvoir relancer
l'économie plus rapidement. Est-ce qu'il y
aurait lieu, à ce moment-là, de mentionner les articles qui visent... qui
pourraient être soustraits pour
avancer les délais, mais tout en maintenant puis en rassurant le public que la
LCOP s'applique, que l'ensemble de tous les autres articles vont
s'appliquer?
M. Dubé :
Je vois que le député de René-Lévesque a l'air à être d'accord avec votre
recommandation, alors vous allez voir
qu'on va s'entendre. Alors donc, je vous entendais, mais je trouve que c'est
intéressant de le mettre peut-être à l'intérieur d'un 50 modifié,
je vais l'appeler comme ça.
Vous avez
fait aussi la suggestion de s'assurer des sources de financement des
propriétaires ou de ceux qui sont à
l'intérieur de... Est-ce que... Comment vous faites ça? Parce que je le sais, que
ce n'est pas toujours facile, puis on l'a vu dans les premiers mois de l'AMP, qu'on a eu des gens qui se servaient
d'une fiducie pour être capables de déjouer la dénomination, vous savez de quoi je parle. Comment vous... Si je peux
vous demander, comment... Sans faire des secrets d'État, si vous nous suggérez ça, c'est parce que vous le faites pour
vérifier une deuxième source de financement. Je voudrais vous entendre
là-dedans.
Mme Bishop (Brigitte) : C'est
sûr que c'est une préoccupation. C'est clair que, dans un contexte, surtout présentement, économique qui peut être fragile,
c'est là que je pense que c'est... l'opportunité, elle est là. Donc, je pense
que, dans les vérifications, il y a nécessairement des entreprises qui,
soudainement, ont des états financiers absolument incroyables alors que, normalement, elles étaient sur le bord, presque,
de la faillite, et soudainement des entreprises plutôt fragiles deviennent des grosses entreprises et
peuvent faire des... remplir des... être... faire des soumissions importantes
qui, normalement, ne sont pas dans leurs capacités économiques.
M. Dubé : Si vous...
Parce que je n'ai pas beaucoup de temps puis je veux être certain que... mais
est-ce que vous avez, particulièrement depuis la crise, continué à
donner des contrats à la ville, etc.? Est-ce que vous avez noté cette augmentation-là, de gens, là, comme vous dites,
qui n'avaient peut-être pas le financement nécessaire? Parce que je veux
faire le lien avec le crime organisé, que vous avez parlé tout à l'heure.
Est-ce que vous le sentez, ça?
Mme Bishop (Brigitte) : Présentement, non, parce que, comme il y a
beaucoup de mesures pour soutenir les entreprises, donc les entreprises ont... tu sais, il y a encore
les... les loyers ont... il y a encore des congés de paiement de loyer, il y a beaucoup
de congés de paiement, les salaires ne sont pas payés, il y a des mesures
sociales qui ont été mises, donc, présentement, on ne le voit pas. Sauf que je peux vous dire
que, l'an passé, dans certains dossiers, on l'a vu. On n'était pas en pandémie, mais on a vu des tentatives et,
soudainement, des entreprises qui avaient un train de vie ou un revenu assez
important. Et ce...
M. Dubé : Donc, ce n'est pas tellement lié à la pandémie,
mais c'est lié peut-être à l'activité économique, parce qu'il peut y avoir un lien avec ça
aussi, là.
Mme Bishop
(Brigitte) : O.K. Je pense que ce n'est pas relié à la... oui, ça peut
être relié à... parce que, là, présentement, il va y avoir des problèmes d'approvisionnement,
il y a certaines entreprises qui vont avoir des difficultés
financières, donc, ça, c'est sûr que c'est propice à l'infiltration du crime
organisé pour pouvoir, justement, prendre l'entreprise,
subventionner... payer l'entreprise et, à ce moment-là, prendre le contrôle ou,
à tout le moins, être un... utiliser des
prête-noms. C'est sûr que c'est
propice à ça. Et également, l'augmentation des contrats, c'est sûr que, pour le
crime organisé, c'est une manne. On sait
qu'il va y avoir beaucoup de contrats qui vont être donnés, ça peut être
tentant d'aller, justement, cogner à la porte de certaines entreprises
puis offrir un financement. C'est clair que c'est possible.
M. Dubé : Je vois que ma collègue Mme Noël, qui est au
Trésor, prend beaucoup de notes, en ce moment, sur tous les commentaires
que vous faites, alors on vous écoute.
Je
vais revenir sur la liquidité, parce qu'on l'a entendu énormément des
entrepreneurs. Je ne veux pas rentrer dans le débat de l'article 50, là, parce que nous, on l'a mis...
l'article 50, qui était, notamment, un objectif d'aller chercher...
trouver la flexibilité pour donner le financement nécessaire. Puis, quand je
dis «du financement», je parle beaucoup des
liquidités qui sont liées à des entreprises qui ont arrêté ou qui n'ont été
peut-être pas payées exactement comme elles auraient dû être payées par le gouvernement. Comment vous vous assurez
de ça, que la liquidité correcte est mise dans vos... dans les gens qui travaillent, qui collaborent avec la ville de
Montréal? Cette notion de liquidités là, là... Est-ce que vous avez, par exemple, des paramètres très clairs
de délai de paiement? Est-ce que vous allez jusque-là dans la façon de
procéder avec vos fournisseurs?
• (15 h 50) •
Mme Bishop (Brigitte) : Montréal s'est dotée de politiques,
effectivement, pour diminuer les délais de paiement parce que ça,
c'était une problématique, on l'a vu, on a fait un rapport...
M. Dubé :
Et qui était soulevée par la commission Charbonneau, d'ailleurs.
Mme Bishop
(Brigitte) : Oui, puis on a fait... et, malgré la commission
Charbonneau, ça existe toujours, là. On a fait un rapport public... j'ai fait... j'ai déposé un rapport public
l'an dernier, en janvier, où, encore une fois, l'entrepreneur avait des pourcentages, prenait des «kickbacks»
sur les paiements que le sous-entrepreneur devait avoir, et donc les délais
de paiement faisaient en sorte que le sous-entrepreneur se pliait à ces espèces
de cotes là et de taxes.
M. Dubé :
L'argent ne se rendait pas au sous-traitant, là. O.K.
Mme Bishop
(Brigitte) : Bien, effectivement, donc on a ça aussi. On a eu des cas,
également... Ça, c'est sûr que la rigueur du délai de paiement est une
clé pour éviter...
M. Dubé :
Mais ma question est, si vous me permettez : Est-ce que vous allez dans
des balises très claires de comment les paiements doivent se faire avec le
fournisseur principal, avec les sous-traitants, dans la façon dont c'est administré ou c'est une gestion plus générale que
vous faites avec vos fournisseurs? À la ville de Montréal, je parle, là.
Mme Bishop (Brigitte) : C'est une gestion qui me semble être plus
générale qui se fait à la ville de Montréal. Mais, comme je vous dis, nous, ce qu'on va regarder, c'est surtout... la
façon qu'on va le voir c'est souvent avec l'exécution contractuelle. On va aller sur les chantiers puis
on va se rendre compte, à un certain moment, qu'il y a beaucoup, beaucoup
d'employés pour très peu de revenus, donc forcément qu'il y a du travail au
noir, il doit y avoir peut-être de l'argent comptant
qui se présente là. Donc, c'est vraiment par des observations terrain qu'on va
pouvoir, des fois, déceler ces indices, ces indicateurs-là.
M. Dubé :
Donc, ça, ça fait le lien, si vous me permettez, encore une fois, avec votre
suggestion d'avoir des gens sur le
terrain pour être capable de voir la réalité des choses et d'être capable... Et
comment les fournisseurs réagissent à ça, qu'il y ait des inspecteurs du
BIG qui soient sur le terrain?
Mme Bishop (Brigitte) : Ils finissent par nous respecter. Non, mais
sérieusement, ça serait... C'est surprenant, le nombre... Souvent, sur les chantiers, ça va aussi nous permettre de
développer des liens de confiance, d'avoir des dénonciations que, normalement, on n'aurait pas. Les gens nous
font confiance. C'est évident qu'une entreprise qui ne fait pas... qui ne
respecte pas les termes du contrat n'aimera
pas notre présence, mais plus on est là... puis ils ne savent jamais quand on
va être là. Quand je disais, tantôt,
l'aspect de surprise, l'idée qu'il y a toujours quelqu'un qui va venir
inspecter peut... Parce que les
conséquences sont graves, là. Ces gens-là peuvent se voir interdire tout
contrat pour cinq ans à la ville de Montréal, là, donc les
conséquences économiques sont graves, si on les prend.
M. Dubé :
...parce qu'on en a parlé beaucoup, là, dans nos derniers jours, de
contrepoids. Donc, vous le voyez très bien comme un contrepoids, avoir
des inspecteurs sur les sites?
Mme Bishop (Brigitte) : Moi, je pense que plus on va aller vite, plus il
faut avoir des contrepoids pour pouvoir se permettre de vérifier puis
d'aller encore plus valider ce qui se passe sur le terrain, définitivement.
M. Dubé : Alors, on a parlé de RENA, là, ou de REA, on a
parlé de l'évolution des contrats, donc, notamment, aller sur le site. Je veux revenir sur les lanceurs
d'alerte, juste parce qu'on en a parlé un petit peu aujourd'hui. Avec votre
expérience, là, puis vous avez
sûrement lu les recommandations que l'on a faites, parce que, nous aussi, la...
notre loi sur les lanceurs d'alerte est quand même jeune, au
gouvernement du Québec, là, puis on avait promis qu'on ferait une mise au point
après 18 mois, ce que l'on a fait. Là,
la Protectrice du citoyen, avec ce qui est arrivé dans le dossier de
l'agriculture, a été impliquée, on va
combiner nos... Est-ce que vous
trouvez que vous en faites assez, à la ville de Montréal, maintenant, pour...
Si je prenais une copie de votre... La façon
dont vous procédez avec les lanceurs d'alerte, est-ce que vous trouvez que vous
en faites assez puis que vous protégez
suffisamment vos lanceurs d'alerte? Puis là je pense à ce qui s'en vient comme
contrats, etc., là, j'essaie de mettre ça ensemble.
Mme Bishop
(Brigitte) : Bien, c'est sûr
que nous, on a un système interne, là, où on les protège quand même énormément. On a également
tout l'aspect d'immunité. Donc, pour aller témoigner, ça prend une ordonnance
de cour, donc, déjà, il y a des mécanismes de protection.
Il y a également
des mesures pénales. Donc, nous, dans notre loi, si le lanceur d'alerte, le dénonciateur était victime de
représailles, on a des mesures
pénales, on peut... Et ça, je pense que ça, c'est déjà... c'est très dissuasif,
ce qu'on ne voit pas dans la loi.
Donc, je pense que ça, c'est des mesures importantes. Et, encore une fois,
comme on vous dit, c'est la confiance, c'est toujours le...
M. Dubé :
On pourra... Je vais manquer de temps, alors, mon dernier commentaire, si vous
me permettez... Puis, encore une
fois, j'apprécie. Moi, j'avais dit, et on va le faire dans les prochains mois,
que... on l'a fait pour les lanceurs d'alerte,
puis là on veut passer à une deuxième étape avec l'AMP. Je le dis, c'est une
loi qui est jeune, chez nous, qui avait des mandats spécifiques, mais qui n'a pas les mêmes pouvoirs que vous
avez, au bureau à Montréal. Moi, j'aimerais vous inviter, au cours des
prochains mois, quand vous aurez le temps puis quand on aura passé à travers,
un petit peu, cette crise-là, à s'asseoir
avec nous puis à venir nous dire quels sont les autres pouvoirs qu'on pourrait
passer. Parce que notre président
était très vocal là-dessus, qu'on pouvait avoir d'autres pouvoirs, que moi, je
suis prêt à considérer. Mais j'aimerais vous entendre sur comment ces
pouvoirs-là additionnels que vous avez peuvent être...
Le Président
(M. Simard) : En conclusion.
M. Dubé : ...en parallèle avec ce qui se fait déjà comme
travail. Ça fait que je vous inviterais à nous rencontrer au cours des
prochains mois pour nous en parler parce que, pour moi, c'est très important.
Merci beaucoup.
Mme Bishop
(Brigitte) : Avec plaisir.
Le Président (M. Simard) :
Merci. Merci, M. le ministre.
M. Dubé :
Merci.
Le Président
(M. Simard) : Je cède maintenant la parole au député de
La Pinière.
M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors,
Me Bishop, Me Laliberté, bienvenue à cette commission. Très heureux,
très heureux de vous rencontrer. Je ne sais
pas si, à date, vous avez suivi un peu nos travaux. Si vous les avez suivis,
vous comprenez à quel point on est contents de vous voir.
Ceci dit, j'ai bien apprécié les commentaires
introductifs que vous avez faits dans votre présentation sur la situation
devant laquelle vous étiez. Et vous comprenez des questions qu'on pose et des
interventions que l'on fait, notamment au salon bleu cet après-midi, que nous,
on a un intérêt à ce que vous ayez tous les pouvoirs nécessaires pour exercer votre influence, dans le bon sens du terme, poser
les gestes que vous avez à poser. J'ai bien compris et j'ai bien retenu un certain nombre de choses de votre proposition.
Répondez-moi pas tout de suite, mais j'espère que... j'ai une horloge, là,
ici, je peux vous dire que je vais revenir à
la fin pour être sûr que je puisse avoir la réponse à la question que je vous
pose à l'instant, mais je ne veux pas
vous... à laquelle je ne veux pas que vous répondiez tout de suite, là. Vous
êtes ici pour nous dire tout ce que
vous auriez besoin que vous n'avez pas, faire des recommandations dans ce
sens-là. C'est vraiment ça, là, vous avez une opportunité, là, actuellement, de régler des
problèmes, s'il y a des problèmes à régler, parce que nous, on est de votre bord. Et je ne pense pas que tout
est parfait, il n'y a rien de parfait, par définition. S'il y a des choses à
améliorer chez vous, et par chez vous,
améliorer l'AMP, bien, on est là pour ça, on va se battre assez fort pour aller
là. Pourquoi? Parce que moi, je vous ai écoutée, là, attentivement,
Me Bishop, et ce que vous avez exprimé dans votre présentation et en réponse aux questions du ministre... je n'ai rien vu,
entendu qui nécessitait le projet de loi n° 61. Est-ce qu'il y a
vraiment quelque chose, là, que vous allez traiter, qui a besoin de 61
pour être réglé?
Mme Bishop
(Brigitte) : Premièrement,
mes propos, quand je parle qu'il faut mettre l'emphase sur des remparts,
c'est en fonction de 61. 61 veut
relancer l'économie, donc accélérer le processus, et ce que je dis,
c'est : Plus on accélère le
processus, plus il faut mettre des remparts importants pour s'assurer que nos
critères d'intégrité soient maintenus, donc, et je pense que... par la surveillance, effectivement, définitivement.
Plus on met des chantiers, il faut avoir les pieds sur l'asphalte puis
aller le voir, le chantier. Ça, c'est inévitable.
M. Barrette :
Alors, quand vous parlez, justement, de cet aspect-là, de surveillance — parce que je l'ai même écrit, moi, en majuscules, «la surveillance
contractuelle», parce que vous l'avez dit avec tellement d'insistance que ça
m'a amené à l'écrire en
majuscules — et ça,
on est dans les ressources, là, on est dans les ressources de personnel, en
termes de moyens, pour faire cette surveillance-là, est-ce que je me
trompe?
Mme Bishop (Brigitte) :
Écoutez, moi, je parle de mon... puis je peux juste parler de mon bureau, là.
M. Barrette : Oui, oui, oui, je
parle de votre bureau, là.
Mme Bishop
(Brigitte) : Moi, à mon
bureau... nous, on les a. Fort heureusement, comme vous parlez de mes pouvoirs,
nous, on a... C'est que le pouvoir du BIG
part de la conception du contrat, la rédaction du contrat, l'octroi du contrat
et l'exécution du contrat. On a vraiment toute la facette du contrat de
A à Z. Nos ressources, on en a à tous les niveaux. Au niveau de l'octroi de contrats, on a des
analystes, on regarde les appels d'offres, on a des gens qui les examinent, et
c'est là, effectivement, qu'on peut voir, on
peut déceler aussi des problèmes, les devis dirigés, on a le... on a les...
c'est ça, les devis dirigés, on a également les appels d'offres, là, qui
favoriseraient quelqu'un, etc. Dans l'exécution, bien là, évidemment, on a toute, toute, toute la... les
manquements contractuels. Donc, nous, ce qu'on fait, c'est... écoutez, on va
sur le terrain, on le fait. On s'inspire
généralement du PTI, du programme, et Montréal investit quand même... son PTI
est d'à peu près 6 milliards,
donc on va choisir des secteurs et on va y aller. Mais, à date, comme je vous
dis, on a, je pense, une certaine efficacité, oui.
M. Barrette : Je ne mets pas ça
en cause. Est-ce qu'il vous manque des ressources? C'est ça, ma question.
Est-ce que vous souhaiteriez en avoir plus?
• (16 heures) •
Mme Bishop
(Brigitte) : Bien, pour l'instant, je vais vous dire qu'on fonctionne
très bien. Je ne m'attendais pas à cette
réponse-là. Moi, je m'attendais à ce qu'on me demande ce que je pensais par
rapport aux remparts à mettre sur le projet
de loi n° 61, mais, le Bureau de l'inspecteur
général, ce que je peux vous dire, c'est que...
M. Barrette : Bien, je vais vous la poser, la question — je
vous l'ai dit tantôt, allez-y : Est-ce qu'il y a des remparts qui
ne sont pas bien exprimés à date dans 61?
Mme Bishop
(Brigitte) : Non, ce que je
vous dis, c'est plus : On nous demande notre opinion comme experts,
en fait, sur qu'est-ce qu'on pense par
rapport au fait de relancer l'économie et donc de faire des chantiers plus rapidement.
Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, mon opinion n'est pas sur l'opportunité de faire la loi, ma crainte,
c'est de dire : Si on fait ça, il faut se donner les moyens, aussi,
de surveiller. C'est ce que je dis.
Au niveau du
BIG, si vous me demandez mon... Écoutez, je peux vous dire, le bureau
fonctionne très bien, je laisse même
des surplus budgétaires à chaque année à la ville de Montréal.
Donc, quand j'ai besoin... si j'ai besoin de personnel additionnel, je vais le faire. Ce qui est la
beauté de mon bureau, c'est le fait qu'on est... c'est malléable. Donc, à un
certain moment, s'il y a une grosse
partie d'un budget, par
exemple, qui s'en allait sur la
réfection de certaines infrastructures, bien, à
ce moment-là, je vais aller là, je
vais aller chercher des contrats, je vais aller me chercher des gens, des
experts pour aller enquêter, aller
vérifier ces aspects-là. Donc, j'ai une certaine latitude dans mon bureau par
rapport au budget que j'ai.
M. Barrette : Votre force, elle vient de quoi? Est-ce qu'elle
vient du fait que, légalement, vous avez le pouvoir d'enquête, vous avez le pouvoir d'entrer dans la
gestion contractuelle dans n'importe quelle entreprise, dans n'importe
quel contrat pour aller faire des vérifications?
Mme Bishop
(Brigitte) : La force vient
aussi du fait qu'on a également le support, aussi, pour ça. Je m'explique.
On a la loi, mais on a aussi le règlement
de gestion contractuelle qui est adopté par le conseil de ville. Dans ce règlement-là,
on nous donne aussi des pouvoirs. Par exemple, dans le règlement de la gestion contractuelle, les cocontractants,
dont les adjudicateurs, doivent se
soumettre aux demandes de rencontres et d'entrevues du BIG. C'est dans le règlement
de la gestion contractuelle, et la ville de Montréal a ajouté cette
obligation-là, l'a vraiment mise dans les devis. Donc, une personne qui fait... qui contracte la ville de Montréal,
quand il va chercher l'appel d'offres, il y a une clause qui dit : N'oubliez pas, si vous
appliquez à Montréal, vous devez vous soumettre au BIG; si le BIG s'en
vient vous voir, si le BIG veut vous
rencontrer, vous devez obtempérer. Donc, ça, c'est des... Je pense que, dans le
gage du succès du bureau, on a la loi
qui nous donne des pouvoirs, mais on a également la volonté de la municipalité, aussi, de
renforcer ces pouvoirs-là et de soumettre que les cocontractants le
savent, qu'ils n'ont pas le choix de nous voir si on veut les voir, là.
M. Barrette : Donc, vous avez beaucoup
de pouvoirs en termes de gestion contractuelle?
Mme Bishop
(Brigitte) : Beaucoup
de pouvoirs. On a beaucoup d'opportunités, oui, oui, on pourrait le dire
comme ça, si... oui. Toujours
dans les cadres légaux, là, par
exemple, mais oui. J'ai un pouvoir...
on a un pouvoir d'inspection, on a un
pouvoir d'obtenir des documents, on a un pouvoir d'enquêter, effectivement. Le fait de contracter avec
un gouvernement, qu'il
soit municipal, provincial ou fédéral, c'est un privilège, et donc c'est ce qui
est compris par notre loi, c'est ce qui est compris.
M. Barrette : ...puis je suis d'accord avec vous. Et vous avez
un pouvoir d'initiative, je dirais,
là, vous pouvez, vous, décider
d'aller enquêter, vous n'avez pas besoin d'un déclencheur comme une plainte ou
un article de journal, là.
Mme Bishop
(Brigitte) : Bien, à ce titre-là, effectivement on fait des enquêtes,
ce qu'on appelle, souvent, des enquêtes de fond. Dans le rapport de mi-année qu'on a déposé, on a fait une
enquête de fond sur la disposition des sols, on voulait... on
s'intéressait à ce phénomène-là. On a fait des enquêtes de fond sur
l'infiltration du crime organisé, par exemple, dans le remorquage il y a quelques
années. C'est mon prédécesseur qui avait fait... qui avait initié cette
enquête-là. Effectivement, on peut faire ça,
mais je dois vous avouer qu'à près de 300 dénonciations par année,
souvent, c'est vraiment le... on va répondre aussi aux dénonciations,
là, donc.
M. Barrette : Je comprends.
Mme Bishop (Brigitte) : Ce qui
est intéressant, aussi, dans nos pouvoirs, c'est qu'on a un pouvoir, aussi, de
recommander de résilier un contrat ou même de suspendre un contrat si quelque
chose est très grave.
M. Barrette : O.K., je comprends bien. Le président du Conseil
du trésor, souvent, lie l'action ou le déclencheur, en tout cas, bref, les choses à faire dans le
cadre de l'activité, de vos fonctions, là, au problème de liquidités des
entreprises. Ça, c'est une chose qui
peut se régler différemment. Vous, les malversations, la corruption, la
collusion, la pénétration du crime organisé, est-ce que ça n'est lié
qu'à des problèmes de liquidités ou il y a bien d'autres choses, par ailleurs?
Mme Bishop
(Brigitte) : Écoutez, j'ai rarement vu le crime organisé travailler
pas pour faire de l'argent, là, donc c'est généralement lié.
M. Barrette : On s'entend, là.
Mme Bishop
(Brigitte) : Excusez, là,
mais c'est généralement lié. C'est sûr que c'est une façon pour eux
autres de blanchir de l'argent, là, sinon ils ne s'infiltreraient pas,
ils n'auraient aucun intérêt à...
M. Barrette : Je vous pose la question parce que
ce que j'entends de la partie gouvernementale, c'est : Si on règle les liquidités, on va tout régler. Ce n'est pas nécessairement le cas, là. Vous, vous trouvez des cas de malversation qui ne sont pas nécessairement déclenchés,
originellement, par un problème de liquidités de l'entrepreneur, qui était
correct, qui est devenu véreux.
Mme Bishop
(Brigitte) : O.K.
Non, bien, c'est une possibilité, mais il
y en a d'autres, définitivement, oui,
mais, comme je vous dis, souvent
c'est l'idée... On a vu, dans certains dossiers, dans mon ancienne vie de
procureure de la couronne, des
groupes criminalisés qui, carrément, prenaient le contrôle d'une entreprise.
Donc, ils voulaient la coquille, donc ils laissaient tout le conseil
d'administration, mais finançaient l'entreprise et prenaient... Pour eux, c'est
les principes du blanchiment d'argent,
là. Premièrement, il y a le placement, l'étalement pour, ensuite,
l'intégration. Donc, c'est dans les étapes du blanchiment,
définitivement.
M. Barrette : Je n'aurai pas la
chance de vous demander : Est-ce qu'il vous manque un élément législatif
additionnel pour être heureuse, professionnellement?
Le Président (M. Simard) : Non,
en effet. Je cède la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Merci. Merci
d'être là à vous deux. C'est un témoignage éclairant que vous nous faites là. Effectivement,
c'était attendu.
Me Bishop,
vous dites que, malgré Charbonneau, puis tout ce qu'on a entendu, tout ce qu'on
a fait, je dirais, malgré le
traumatisme que ça nous a causé, collectivement, il y a encore des tentatives
de malversation ou de fraude, il y a encore des
dénonciations en masse chez vous, apparemment, encore des «kickbacks», pour
prendre votre terme, encore le crime organisé
qui essaie de s'infiltrer. On n'est pas naïfs, on le sait, que ça existe, mais
ça semble exister encore quand même à vaste échelle, et ce que vous nous dites, c'est
que, le fait de baisser la garder et d'ouvrir les vannes, surtout quand on
dégage plein, plein d'argent, bien, nécessairement,
on n'attire pas les mouches avec du vinaigre, ça se pourrait que ça attire du
monde. C'est ce que vous nous dites,
si j'ai bien compris. Est-ce que vous faites un lien direct entre cette assertion
et le projet de loi n° 61?
Mme Bishop
(Brigitte) : Pas nécessairement.
Ce que je dis, c'est que... comme je disais, c'est qu'on me demande mon opinion sur un projet de loi qui est
perfectible. Donc, comment le perfectionner? Comment tenter d'améliorer un projet de
loi qui vise à relancer l'économie.
Moi, ce que je fais, c'est que je vous dis l'expérience que j'ai au BIG avec
les dossiers.
Oui, on est à
plusieurs années de Charbonneau. On voit encore ces
choses-là. On voit encore des gens qui exécutent tout croche les contrats. On voit encore des «kickbacks». On voit encore
des devis dirigés, j'en ai encore. J'ai encore des ingénieurs qui vont planter des produits, ça existe encore.
J'ai fait un rapport en... on a déposé un rapport, en décembre dernier, sur
la genèse, pratiquement, de
l'avant-Charbonneau et l'après-Charbonneau dans le contrat de l'ozonation, ça
existe encore.
Donc, ce que
je dis, c'est que plus on veut aller vite, plus il faut renforcir les remparts
d'intégrité pour s'assurer... Parce qu'effectivement un vide se
remplit...
M. Marissal : Me Bishop, je m'excuse, je n'ai tellement
pas de temps. Est-ce que ce n'est pas précisément ce qu'on veut faire,
ici, là, d'aller très vite avec beaucoup d'argent public?
Mme Bishop
(Brigitte) : Bien, moi, je
pense qu'il y a moyen d'aller vite et de mettre des remparts, justement,
pour assurer l'intégrité. Il y a moyen de le faire.
M. Marissal : Les voyez-vous,
ces remparts-là, dans le projet de loi tel quel ou s'il en manque de sérieux?
Mme Bishop
(Brigitte) : Ce que j'ai
dit, ce qui m'embêtait, c'était l'article 50, je l'ai dit. J'ai fait ma suggestion tantôt et dans le préambule. Ce qui m'a surpris dans le projet de loi n° 61, c'est... je cherchais ce qu'on retrouve dans
la LCOP sur l'engagement social, de maintenir l'intégrité...
Le Président (M. Simard) :
Merci, cher maître.
Mme Bishop (Brigitte) :
Excusez-moi.
Le
Président (M. Simard) :
C'est moi qui s'excuse. Je laisse maintenant la parole à notre collègue de René-Lévesque.
M. Ouellet : Bonjour. Merci d'être là. J'aimerais faire du
pouce sur ce que vous avez dit, parce
que vous avez une certaine expérience à l'intérieur du BIG, sur
les choses qui peuvent se passer. Et, dans les médias, à quelques reprises,
le président
du Conseil du trésor, et même au
salon bleu, m'a entendu exprimer mes préoccupations quant à l'article 50.
Et souvent, et le président du Conseil du trésor me corrigera si j'ai tort, il nous a dit ou il a
dit dans les médias : Bien, écoutez, on comprend, mais nous, on ne
fera pas ça, je veux dire, on ne contournera pas les lois puis les lois sont
existantes, mais le projet de loi n° 50 permet de le faire.
J'aimerais
que vous me dites... Ce n'est pas parce
que le gouvernement ne le fait pas
qu'il n'y a pas des personnes, sur le
terrain, mal intentionnées qui voudraient y arriver. Est-ce que
ça, c'est possible? C'est-à-dire que, même si le président du Conseil du trésor nous dit : Écoutez, nous, là, on est bons
joueurs, on n'a pas de mauvaise foi, on va s'assurer que tout est légitime et tout est mis en place, mais, en
contournant des lois, il y a des gens qui vont peut-être vouloir en profiter
et faire de la pression induite sur
certains individus pour tirer bénéfice malicieux dans certains cas. Est-ce que
ça, c'est possible?
• (16 h 10) •
Mme Bishop
(Brigitte) : Bien, tout est
possible, là. C'est sûr qu'à ce moment... Comme je vous dis, ça, ça dépend
également... Là, vous parlez de vouloir influencer les fonctionnaires, ou quoi que ce soit, le risque zéro n'existera jamais.
Ça, je pense qu'il faut s'entendre là-dessus, ça, c'est clair, là. Je pense que
le projet de loi... Comme je vous dis, moi, le
commentaire que j'ai par
rapport au projet de loi, c'est l'engagement. On a pris un engagement social avec la
LCOP, on a pris un engagement, comme société, de dire : On veut se doter de critères
d'intégrité, on les a. Ce que je veux, c'est... En fait, c'est ce que je suggère. Je ne veux pas... Ce que je suggère,
c'est qu'on réitère tout simplement cet engagement-là pour rassurer les
gens. C'est tout simplement ça que je demande.
Et, comme je
vous dis, c'est qu'aller vite, oui, c'est une chose, comme je vous dis, il n'y
a rien qui est à zéro risque, mais, à
ce moment-là, de s'arranger pour avoir des protections pour être... pour pouvoir
surveiller le terrain puis se donner les
moyens, comme protéger les lanceurs d'alerte. Je parle même... Je pensais même,
à un certain moment, dans les contrats qui
sont visés par le projet de loi, si on regarde les 202, peut-être
de faire une ligne de dénonciation précise pour ces projets-là pour nous permettre rapidement d'intercepter la
dénonciation et d'agir sur cette dénonciation-là. Il y a des mécanismes,
je pense, qu'on peut mettre pour renforcir les remparts et pour pouvoir
permettre l'accélération des...
Le Président (M. Simard) :
Conclusion.
Mme Bishop (Brigitte) : Voilà.
M. Ouellet : C'est sa
conclusion ou la mienne?
Le Président
(M. Simard) : Là, c'est
celle des deux, c'est un combo. M. le
député de Chomedey,
à vous la parole.
M. Ouellette : J'ai juste 1 min 30 s. Bienvenue à
vous deux. La plus grande capacité du crime organisé, c'est de s'ajuster. Ce n'est pas à vous que je vais
apprendre ça, ayant travaillé ensemble dans une ancienne vie. Ils ont déjà
commencé, d'ailleurs. Avez-vous
remarqué, à Montréal... Parce que, bien, j'ai plusieurs informations, déjà, qui
rentrent, que le crime organisé
utilise, sollicite des entrepreneurs pour faire baisser leurs soumissions en
leur disant : Bien, profite de ce qui va te manquer par la subvention salariale fédérale, par les programmes en
place, et tu vas avoir le contrat. Ça fait que, déjà, ils sont là, là. Il ne faut pas se mettre la tête
dans le sable. Est-ce que c'est des choses que vous avez remarquées à Montréal?
Ma deuxième
question. Puisque le président du Conseil du trésor a mentionné... et on a
parlé des lanceurs d'alerte tantôt au salon bleu, et il a parlé qu'il va
y avoir une consultation cet automne, je vous recommande très fortement... Je comprends que vous êtes d'accord avec ce que la
Protectrice du citoyen a mentionné, mais, à 300 dénonciations par année,
vos commentaires, on veut les avoir, on veut
les avoir, voir s'il n'y a pas de l'amélioration qui peut en mener. Parce que,
très souvent, quand les gens vont aller soit
chez vous ou à la protectrice, au niveau des représailles, c'est déjà fait, ils
sont déjà... Internationalement, les
lanceurs d'alerte, là, c'est eux autres, les plus grands perdants dans tout,
puis je pense que vous notez sûrement
cet état de fait chez vous, à Montréal, dans vos opérations quotidiennes. C'est
mes deux questions.
Mme Bishop
(Brigitte) : Bien, en tout cas, ce qu'on essaie le plus possible,
c'est de les protéger.
Bien, à votre question sur le fait que vous avez
de l'information qui vous dit que le crime organisé est là, on a une ligne
de dénonciation, M. Ouellette, je vous
invite à nous faire part de vos informations, mais également, ce que je peux
vous dire, c'est que c'est sûr. Comme
je vous dis, c'est une généralité pour moi. On n'a pas encore de faits précis,
mais c'est évident que c'est une... La situation économique est un foyer
à crime organisé.
Le Président
(M. Simard) : Merci beaucoup, chère maître. C'est là tout le
temps que nous avions.
M. Ouellette : ...les gens qui, personnellement, en ont parlé à mon bureau de comté
ont été référés chez vous, soyez-en assurée.
Le Président (M. Simard) : Merci, M. le député de Chomedey. Me Bishop,
Me Forget, merci de votre présence parmi nous. Ce fut fort
enrichissant.
Nous allons
maintenant suspendre nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à
16 h 14)
(Reprise à 16 h 19)
Le
Président (M. Simard) : ...nous recevons Me Geneviève Paul
ainsi que Me Stéphanie Roy. Mesdames, soyez les bienvenues. Vous
savez que vous disposez d'une période de 10 minutes.
Centre québécois du droit de
l'environnement (CQDE)
Mme Paul
(Geneviève) : Merci. Bonjour, M. le ministre, distingués membres de la
commission. Donc, Geneviève Paul, directrice du CQDE. Je suis accompagnée de
Stéphanie Roy, administratrice du CQDE et candidate au doctorat en droit administratif et droit de l'environnement à
l'Université Laval. Au nom du CQDE, je vous remercie pour l'opportunité
de m'adresser à vous sur ce chantier colossal qu'est la nécessaire relance
économique du Québec.
D'emblée, on reconnaît, bien sûr, hein, le
caractère exceptionnel de la crise sanitaire actuelle, les impacts majeurs
que ça a eus sur l'ensemble de la
population, en particulier pour les groupes plus vulnérables, et la nécessité
d'effectuer une relance qui soit à la
fois efficace et cohérente. On reconnaît, bien sûr, aussi que c'est une tâche
colossale. Nous sommes toutefois
profondément inquiets, inquiètes de constater que ce qui est sous-entendu avec
ce projet de loi là, c'est que relance économique
et environnement sont en opposition, alors qu'il est non seulement possible,
mais vraiment impératif, selon nous, de concilier les deux.
On considère par ailleurs que les mesures qui sont
contenues dans le projet de loi sont contraires aux obligations et aux engagements du gouvernement du Québec en
matière de protection environnementale et de respect des droits. Je pense
que c'est important de rappeler que la perte
de la biodiversité augmente les risques de pandémie et qu'il est donc essentiel
de la protéger, cette biodiversité, pour
éviter qu'on crée les conditions pour favoriser l'émergence de d'autres crises
sanitaires comme la COVID. Je pense évidemment que personne ne souhaite
ça.
On va concentrer nos remarques sur trois
aspects : l'importance d'assurer le respect des principes de base d'un
État de droit, l'importance de ne pas
assouplir les exigences environnementales et de consultation du public et
l'importance d'inclure des mécanismes
de reddition de comptes pour baliser les pouvoirs de l'Exécutif. Je passe ma
parole à ma collègue pour le premier point.
• (16 h 20) •
Mme Roy (Stéphanie) : Bonjour à tous. Donc, premièrement, on a certains
commentaires en ce qui concerne des mesures qui touchent aux principes
démocratiques et à l'État de droit dans le projet de loi n° 61.
On a certaines inquiétudes en raison de leur
durée, de leur portée, mais aussi parce qu'elles altèrent, en quelque sorte, le
principe d'imputabilité de l'État, notamment parce qu'elles confèrent de
larges pouvoirs discrétionnaires au pouvoir exécutif et qu'on retire ces pouvoirs-là à
l'Assemblée nationale, ce qui a pour effet de les soustraire au contrôle des
tribunaux, des citoyens et des parlementaires.
Donc, à titre d'exemple, l'article 31 retire
le pouvoir à l'Assemblée nationale de déterminer
la fin de l'état d'urgence, qui, normalement... décision qui est prise en vertu de la Loi sur la santé publique.
Ici, on remet ce pouvoir-là entre les mains de l'Exécutif, qui a le pouvoir d'y mettre fin. Et, à notre avis, l'Assemblée nationale devrait continuer de fournir son assentiment
pour cette décision-là, et on ne voit pas
comment cette dérogation-là se
justifie d'un point de vue principe de nécessité ou de proportionnalité.
L'article 3,
par exemple, a pour effet de remettre la discrétion au pouvoir exécutif de
déterminer quels autres projets pourraient
faire l'objet de mesures d'accélération en vertu du projet de loi, donc
compléter l'annexe I. Or, à notre avis, cette décision-là, une fois de plus, devrait faire l'objet de débats
devant l'Assemblée nationale. Et de plus ces débats-là devraient excéder
une heure, puisque le projet de loi a, à l'article 4, pour effet de
limiter les débats sur les décrets qui ajouteraient des projets à une heure, ce
qui est une durée un peu courte, à notre avis.
Également, les
articles 15 et 36 du projet de loi ont pour effet de donner de larges
pouvoirs réglementaires et discrétionnaires
à l'Exécutif. Or, pour nous, ça équivaut un peu à un chèque en blanc pour
suspendre l'application du régime d'autorisation
environnementale et aussi pour modifier toute loi ou règlement qui aurait pour
effet d'atténuer une conséquence découlant de la pandémie pour un
projet. Donc, à notre avis, ça vient un peu modifier la normalité
constitutionnelle puisqu'ici, c'est le... par règlement, on vient modifier les
lois, alors que, normalement, les règlements doivent être subordonnés à la loi
et la compléter.
Enfin, l'article 51 prévoit une immunité pour
les poursuites pour le gouvernement, les organismes publics et également
pour toute personne qui exercerait un
pouvoir en vertu de la loi, de ce projet de loi là ou encore une mesure
d'exécution. Par contre, en vertu du
droit actuel, c'est déjà prévu que toute décision de nature politique... Donc,
le gouvernement va détenir une
immunité pour toutes les décisions de nature politique, sauf s'il y a mauvaise
foi. Et, pour toutes les décisions d'exécution
du gouvernement, il y a possibilité de poursuivre seulement en matière... si on
est capable de démontrer une faute. Et,
à notre avis, notre régime de responsabilité actuel va... en fait... détient,
en fait, la flexibilité nécessaire pour tenir compte des circonstances exceptionnelles actuelles de la
crise, et donc cette immunité-là n'a pas lieu d'être, d'autant plus qu'elle
est étendue à toute personne, ce qui rend sa portée très exorbitante.
Mme Paul (Geneviève) : Donc, à ces éléments qu'on trouve, évidemment,
profondément inquiétants, là, vient s'ajouter
la question de l'assouplissement des exigences environnementales. Avec respect
et contrairement aux déclarations publiques,
là, du premier ministre ou qu'on a entendues, M. le ministre, de votre part, ce
qui ressort de notre analyse du projet de loi, c'est que c'est
clairement une intention d'amoindrir les exigences environnementales, d'aller
plus vite dans l'autorisation des projets.
Vous en avez... vous l'avez déjà entendu en commission, que ce soit la réduction des exigences environnementales en
ce qui concerne les milieux humides ou hydriques, les espèces floristiques, certains habitats de poissons,
des habitats fauniques, voire même la possibilité de faire fi des schémas
d'aménagement et d'urbanisme alors
même qu'on doit, en fait, être en
mesure de mieux contrôler l'étalement urbain, ces dispositions-là nous inquiètent vivement parce
que ce qui prévaut ici, c'est une
logique davantage dans une optique d'achat d'un droit de polluer, voire de
marchandisation de la nature, et ça, pour une liste potentiellement très
longue... bien, potentiellement longue, là, de projets.
Ce
qu'on tient à rappeler, ici, c'est que tous les régimes d'autorisation qui
visent à protéger l'environnement, dans ces
régimes-là, la compensation financière ne doit être envisagée qu'en dernier
recours, quand le projet a été dûment analysé, que son utilité a été questionnée et qu'on a pu regarder des... lui imposer des
conditions, à ce projet-là. Donc, l'objectif
premier, ça doit demeurer d'éviter de
modifier les processus écologiques en place, et donc en maintenant
l'intégrité du régime d'autorisation environnementale.
Le projet prévoit
aussi la possibilité, donc, pour le ministre de l'Environnement de décider, par
règlement, de suspendre, hein, certaines dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement. Donc, ça ouvre la porte, là, cette fois-ci,
à une dénaturation du régime d'autorisation,
qui est fondé, pour de bonnes raisons, sur les risques environnementaux. On veut vraiment
être clairs ici, on n'est pas opposés à une relance, bien entendu, ou à la construction d'écoles, ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut pas confondre le moyen avec le
besoin. Le besoin, c'est de relancer les activités. Il faut qu'on le
fasse de manière juste, équitable, verte. On ne peut pas fermer les yeux
sur la science à travers le... avec le moyen et ni sur les exigences environnementales.
En
plus, le régime d'autorisation
environnementale du Québec vient juste d'être réformé. On en sort à peine, là,
de la réforme. Il reste une des pièces
maîtresses, hein, le Règlement sur l'encadrement des activités en fonction de
leur impact sur l'environnement, le
REAFIE, qui doit encore être adopté, mais les acteurs, notamment les
promoteurs, les demandeurs, ont été
largement impliqués dans cette réforme-là. Et un des objectifs de la réforme,
c'est d'optimiser les procédures pour faciliter
notamment, entre autres, la vie des promoteurs. On entendait, là, la question
des allers-retours, cette réforme-là vise à alléger, à optimiser,
standardiser ces allers-retours-là.
Donc, nous, ce qu'on propose, plutôt que d'alléger
les exigences environnementales, c'est de mettre les effectifs pour se concentrer sur la mise en oeuvre de cette
réforme-là — il y a
eu tellement d'efforts d'investis là-dedans — et cette idée-là est soutenue par de nombreux acteurs. Vous l'aurez vu, hein, le
CQDE a réussi à mobiliser, en très peu de temps, plus de 115 organisations environnementales, de défense des droits,
syndicats, mouvements sociaux, firmes-conseils, ordres professionnels, acteurs de la finance responsable,
de l'enseignement, etc., qui s'unissent derrière nous pour demander à ce
qu'on investisse plutôt dans les effectifs.
Donc,
selon nous, ce qu'il faut faire, c'est de revoir profondément l'approche préconisée par le projet de loi pour qu'on puisse, parce que ce n'est pas
incompatible, garantir la protection des droits démocratiques, éviter
l'assouplissement des exigences environnementales, arrimer ce projet de
loi là n° 61, et on reconnaît que c'est une tâche
colossale, avec une gouvernance climatique — et
vous êtes par ailleurs en train de le
discuter, évidemment, avec le projet de loi n° 44 — et en renforçant, donc, dans le projet de loi n° 61, les mécanismes de reddition de comptes pour qu'on s'assure que tout
ça soit cohérent, et notamment en balisant, donc, les pouvoirs de
l'Exécutif.
Vous
avez répété ce matin, je crois, M. le ministre Dubé, que votre gouvernement
veut bien faire les choses. On a, là,
le projet de loi n° 44 en cours, le REAFIE à deux pas d'être adopté,
une mobilisation sans précédent dans la société québécoise de tous les acteurs de tous les horizons qui tendent la main
avec des propositions corroborées par des experts pour nous aider dans cette transition-là, qui est
grande, grosse, difficile mais qui doit être faite. Donc, les mains sont
tendues, les pièces, disons, sont là pour une relance cohérente et
réussie, et, selon nous, une gestion responsable, y compris économique, mais évidemment aussi d'un point de
vue de santé, exige qu'on ne précipite pas les choses et qu'on remanie
le projet de loi à la hauteur de nos obligations pour nos générations,
évidemment, actuelles mais aussi futures. Merci.
Le Président
(M. Simard) : Merci à vous. Je cède maintenant la parole au
président du Conseil du trésor. Vous disposez de 14 minutes.
M. Dubé :
Ah! c'est sûr que 14 minutes, je n'en aurai pas assez, mais je vais
essayer de bien les concentrer. Parce que,
je le dis, mais, dans votre cas encore plus, là, j'apprécie beaucoup la
présentation que vous avez faite, toutes les deux. Et, je dirais, on sent la conviction et la
compétence en environnement, et ça se sent de votre présentation à toutes les
deux.
Je
veux aller sur le principe dont vous avez... Vous avez deux principes auxquels
vous avez référé. J'aimerais que vous
nous reparliez un peu... parce que j'ai déjà posé la question, mais d'enchâsser
dans la loi le principe de, je dirais, éliminer,
minimiser et éventuellement compenser... Quand vous discutez ce principe-là,
est-ce que vous êtes quand même d'accord
que, si on a fait les efforts nécessaires pour éliminer toute attaque à
l'environnement et la minimiser, on peut compenser?
• (16 h 30) •
Mme Paul (Geneviève) : Effectivement, la partie compensation — merci pour votre question — vient à la fin de la séquence, vous avez raison de le rappeler,
je pense que c'est important de le rappeler. Et c'est ce qui est absent du
projet de loi à l'heure actuelle,
c'est-à-dire qu'on va directement... on contemple la possibilité de compenser
avant même de considérer comment
est-ce qu'on pourrait éviter l'altération, hein, des milieux potentiellement affectés par les projets.
Et, en ce sens-là,
c'est pour ça que je mentionnais que la séquence, c'est une chose, mais elle ne
peut être véritablement efficace que quand
elle est appliquée dans le cadre d'une analyse d'une demande d'autorisation,
hein? La Loi sur la qualité de l'environnement, le régime, c'est un tout, il y a une logique
derrière. Et c'est justement quand on analyse une demande d'autorisation qu'on regarde un bon nombre d'éléments,
d'ailleurs, pour voir, justement, est-ce que ça peut être évité, parce
que c'est vraiment ça, l'objectif principal.
M. Dubé : Tout à fait. Non, je comprends, mais je fais
juste vous dire... parce que ce que vous suggérez et que je trouve très intéressant, c'est... puis on l'a
entendu ce matin d'autres intervenants, c'est comme les 3R en développement
durable, là, bon, bien, c'est la même chose ici qu'on parle. On aime mieux être
capable d'éliminer ou d'éviter et de minimiser,
mais si on n'a pas le choix... Alors, vous dites : Est-ce qu'on pourrait
faire une discussion, en tout cas, d'avoir, dans notre projet de loi, ce principe-là? Est-ce que ça vous aiderait?
Moi, en tout cas, je comprends que là, il n'est pas là, puis peut-être qu'il y a une façon d'y arriver,
mais je voudrais y réfléchir. Mais vous m'avez sensibilisé, vous n'êtes pas
le...
Le deuxième point que
vous avez soulevé, que je trouve intéressant, vous avez dit, à quelque part
dans votre présentation... puis là je vous
écoutais, ça fait que je ne lisais pas, là, mais vous avez parlé du risque,
vous avez dit «en fonction du risque
environnemental». Est-ce qu'on pourrait reconnaître que, dans certains cas, le
risque environnemental peut être caractérisé, ou quantifié, ou défini,
qui fait qu'il n'est pas toujours le même, hein? Parce qu'un risque environnemental sur un projet x est peut-être, des
fois... je veux faire attention à mes mots pour ne pas être mal cité, là,
je ne veux pas être dans le club des
mal-cités, mais le risque n'est pas toujours à très haut niveau, il peut y
avoir des... Est-ce que vous avez...
Puis je serais intéressé de vous entendre parce que vous avez parlé, tantôt, de
REAFIE, puis etc. Donc, comment, pour vous, on pourrait trouver des fois
des aménagements en fonction de ce niveau de risque là?
Mme Paul (Geneviève) : Oui, alors, c'est... Merci pour votre question.
Effectivement, il y a différents degrés, hein, niveaux de risque,
faible, modéré, et c'est ce qui guide, notamment, le régime d'autorisation
environnementale. Un des problèmes,
actuellement, avec le projet de loi
n° 61 — et
c'est pour ça qu'on demande de ne prévoir aucune exception à l'application de la LQE, parce que, justement,
la LQE a cette approche-là fondée sur les risques — c'est que, par exemple, l'article 15, à l'alinéa trois, fait en sorte
qu'on pourrait se retrouver avec des projets qui ont des impacts modérés et
donc qui devraient suivre une
procédure x en vertu du régime d'autorisation environnementale, mais qui
là, tout d'un coup, grâce à 61,
seraient exemptés d'obtenir une autorisation. Ça, ça nous inquiète parce que,
si on veut prévenir, il faut savoir ce qui se passe sur le territoire.
M.
Dubé : Sans la protection de
16, parce que, hein, vous l'avez... je vois que vous l'avez
bien lu, il y a 15» a qui définit ce
qu'on pourrait faire, mais tout de
suite 16 suit en disant : Non,
par contre, vous ne pouvez pas aller pour telle chose dans les milieux humides, etc. Mais vous dites
que, malgré ça... Qu'est-ce que vous suggérez pour un risque modéré, là?
Ce n'est pas moi qui dis «risque modéré», c'est vous qui le dites, là.
Mme Paul (Geneviève) : C'est deux choses différentes, mais je pense que
votre question illustre un problème, notamment
de tenter de peut-être prendre des... certains articles, mais,
finalement, sans considérer le régime d'autorisation environnementale
dans son entièreté, dans son intégrité. Ça concerne différents aspects, mais
avec 16, même s'il y a une mention des
articles 22 et 30 par rapport à certains projets qui pourraient avoir des
dommages permanents, notamment, et par rapport, donc, aux demandes d'autorisation
ou quand on veut changer une autorisation qu'on a obtenue, il manque quand même
une partie importante, parce que la manière dont la Loi sur la qualité de l'environnement est construite, c'est que,
quand on arrive à 22, avec une liste, là, de beaucoup de choses à considérer,
ça nous renvoie à chaque fois, par contre, à une autre partie de la loi qui est beaucoup plus détaillée et qui
concerne, par exemple, les milieux humides et hydriques ou d'autres habitats. Donc, c'est pour ça, quand
je parle de l'importance de préserver l'intégrité, c'est que c'est un tout
cohérent, et donc c'est difficile de... tu sais, d'en découper des morceaux. Je
ne sais pas si tu veux...
Mme Roy (Stéphanie) : Oui, donc juste pour compléter, si on voulait,
par exemple, s'assurer de la protection des milieux humides à l'article 16, seulement les articles 22
et 30 sont insuffisants, il faut ajouter, par exemple, la section V.1 de la Loi
sur la qualité de l'environnement,
qui réfère aux articles 46.0.1 et suivants qui, eux, contiennent la
séquence d'éviter, minimiser, compenser. Donc, on ne peut pas détacher
22 de 46.0.1 et suivants.
M. Dubé : Très, très bien. Bien, c'est pour ça que je
voulais le clarifier, parce que, comme je le disais, on a des légistes qui sont aux alentours, là, en raison des
limitations de distanciation, ils sont à quelque part, ils nous
écoutent, là, puis je pense qu'ils
comprennent très bien les précisions que vous dites en ce moment, puis on
pourra s'y adresser dans les prochains jours.
Merci pour... C'est pour ça que je veux avoir des exemples concrets qu'on peut
être capables de dire comment on peut — j'ai toujours dit «perfectible» — améliorer certains éléments, puis je vous
entends. Puis merci d'être entrées dans la notion de risque parce que,
pour moi, il y a un élément de solution là-dedans.
Vous avez parlé... Je
ne sais pas comment il me reste de temps.
Le Président
(M. Simard) : Sept minutes.
M. Dubé :
Je me concentre sur ce que vous dites, vous avez parlé des effectifs. Bon, j'ai
entendu toutes sortes de
recommandations, je ne ferai pas de politique aujourd'hui, on en a ajouté
depuis deux ans, des effectifs en environnement, on a augmenté les budgets pour l'environnement. Où
est-ce que les effectifs, si effectifs additionnels, devraient aller? J'ai
entendu toutes sortes de commentaires sur...
Est-ce que c'est dans les inspections? Est-ce que... Mais je ne veux pas vous
mettre les mots dans la bouche, je veux vous
entendre. Est-ce que, quand vous parlez d'augmentation d'effectifs, vous avez des idées spécifiques à ce que vous avez en tête pour l'ajout
d'effectifs, pour respecter... Je nous mets dans le cadre de 61, là, c'est de dire : Oui, on veut accélérer la
relance, on sait qu'on va avoir des projets, mais, si on voulait le faire
correctement pour l'environnement, où est-ce que vous voyez l'ajout
d'effectifs?
Mme Paul (Geneviève) : Merci pour votre question. En effet, on est...
Bon, il y a le CQDE, on est nombreux, hein, je pense, à avoir... à soutenir l'idée de miser sur l'augmentation des
effectifs si on veut accélérer la considération des projets. Il y a
différentes manières de le faire, évidemment. Ce qu'on propose, nous, c'est de
renforcer les effectifs au sein des ministères
qui sont concernés. Donc, il y a le ministère
de l'Environnement, mais évidemment
aussi Faune, Forêts, Parcs et
Pêches, etc., qui sont concernés.
Vous avez parlé des
inspections. Ça, c'est certain qu'on ne sera jamais contre l'augmentation
d'effectifs pour les inspections, c'est très
important de savoir ce qui se passe sur le territoire. Mais, si on revient,
bon, à la relance, oui, effectivement,
on peut augmenter les effectifs pour soutenir les analystes dans l'analyse des
demandes pour prioriser ce que je
mentionnais tout à l'heure, la mise en oeuvre du REAFIE, la mise en oeuvre de
la réforme. Ça, ça donnerait un bon coup
de pouce pour, justement, accélérer sans sacrifier, finalement, les efforts qui
ont été faits pour assurer que la réforme soit cohérente.
Des effectifs pour... Ce qu'on propose, entre
autres, c'est de créer une équipe dédiée aux chantiers de la relance. Il y a de nombreux acteurs dans la société, aussi,
qui ont suggéré cette idée-là de soutenir, dans le fond, le fait qu'il y ait
une équipe dédiée. Et ce qu'on propose,
nous, c'est que cette équipe-là travaille de concert avec — et là aussi ça va prendre des ressources — un comité consultatif, tel qu'on l'a
recommandé dans le projet de loi n° 44 sur la gouvernance climatique,
donc qui se fonde sur la recommandation de
scientifiques pour analyser, dans un angle climatique, là, notamment, les
projets, pour ensuite qu'on puisse
avancer tout en étant rassurés sur le fait qu'on avance, mais ça ne va pas nous
faire reculer et nous coûter très
cher derrière parce qu'on n'a pas été cohérents face aux crises climatiques et
écologiques auxquelles on fait face.
M. Dubé : O.K. J'aurais encore beaucoup de questions
là-dessus parce qu'on sait qu'on est dans une situation où il y a le p.l. n° 44, là, qui se discute
en ce moment, puis nous, on parle de ça, là, je comprends que des fois
l'équilibre... Je sais que mon
collègue, ici, est sur les deux, donc il pourra peut-être en parler un petit
peu plus. Donc, je vais lui réserver, peut-être,
la question que j'aimerais vous poser, comment
on peut faire pour arrimer le tout, là, mais je vais le laisser... pour
ne pas prendre de son temps non plus.
Parlez-moi de la reddition de comptes. Parlez-moi
de la reddition de comptes, parce qu'on en a parlé, vous l'avez mentionné comme étant un élément important.
Qu'est-ce que vous... On en a fait un peu, on en a suggéré, quelques
éléments, dans le p.l. n° 61. Qu'est-ce que
vous trouvez qu'il manque en termes de reddition de comptes?
Mme Paul (Geneviève) : J'irais sur deux volets en matière de reddition de comptes. Je pense que ma collègue, Me Roy,
a bien abordé tout l'aspect balises au
niveau du pouvoir de l'Exécutif qui,
dans toute société démocratique, est très important, y
compris surtout en temps de crise, je dirais, et avec l'ampleur, hein, des
chantiers devant nous. Donc, ça, d'une part, c'est quelque chose qui nous
semble très important.
M. Dubé :
...ce qu'elle parlait, c'était la durée des mesures d'urgence.
Mme Paul
(Geneviève) : Exactement, modification à l'article 4.
• (16 h 40) •
M. Dubé :
O.K. Bon, ça, je l'ai bien compris puis je pense qu'on a compris le message.
Mme Paul (Geneviève) : Parfait. Permettre à l'Assemblée nationale, par
exemple, d'avoir droit de regard sur
les projets. Donc là, on fait référence à l'article 3, si je ne me trompe pas,
d'une part.
D'autre part, on recommande, par exemple, évidemment, de renforcer l'article 29, hein, qui est sur la reddition de comptes, dans le projet de loi,
entre autres pour qu'on s'assure qu'il y ait une reddition de comptes qui ne
soit pas seulement sur les aspects économiques — on
parlait de cohérence — donc
qui regarde, évidemment, les impacts sociaux, environnementaux et économiques
des projets de relance.
Ce qu'on recommande, c'est qu'en fait il y ait
aussi, dans... Je vous parlais, tout
à l'heure, du Comité consultatif
sur les changements climatiques. Donc,
ça, c'est l'arrimage qu'on recommande, et ce comité-là pourrait assurer le
suivi du cheminement des projets en
se fondant sur une grille d'analyse climatique. Mais, dans l'intérim, on
recommande par ailleurs
aussi d'octroyer, dans C-61, des pouvoirs au Commissaire au développement durable de même qu'à la Vérificatrice générale pour recevoir le mandat de faire le suivi des
projets visés par les mesures d'accélération, en prévoyant, évidemment, qu'ils aient les ressources nécessaires
pour le faire.
Mme Roy (Stéphanie) : ...que l'article 29 prévoit que la reddition de comptes se fait annuellement, mais elle pourrait être faite... plus fréquente, de façon plus fréquente également.
En vertu de la Loi sur les mesures d'urgence au fédéral, la reddition
de comptes est prévue aux 60 jours,
en vertu de l'article 62.6 de la loi. Donc, dans un contexte où il y a beaucoup, beaucoup de projets qui vont être
entrepris, annuellement semble insuffisant.
Le Président
(M. Simard) : M. le ministre, il vous resterait
1 min 17 s.
M. Dubé : Écoutez, je vais juste vous rappeler mon commentaire initial que j'ai fait sur non seulement la qualité de la présentation, mais sur votre expertise. Et je pense que c'est très
rassurant pour les gens qui nous écoutent que vous arrivez avec des recommandations aussi
concrètes. Alors, non, je n'ai pas d'autre question pour le moment, mais
je vais écouter mes collègues faire la même chose. Merci beaucoup à
toutes les deux.
Le
Président (M. Simard) :
Merci à vous, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de La Pinière.
M. Barrette : Merci, M.
le Président. Me Paul,
Me Roy, bienvenue. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue ici, en commission
parlementaire. Je vais prendre à mon
compte aussi les félicitations du président
du Conseil du trésor pour vos interventions très pertinentes, très structurées, très
précises. Je souhaite que le président
du Conseil du trésor vous écoute et ne fasse pas juste qu'apprécier la
qualité de vos propos. J'espère qu'il va vous écouter, ça serait encore mieux.
Moi, je regarde ça et puis... Bon, vous êtes
toutes les deux légistes, vous regardez le projet de loi, vous regardez
le contexte dans lequel il se déroule, il
survient, il se déroule. En quoi ce
qu'on a discuté aujourd'hui, là, est nécessaire pour... d'après vous, là, quand vous regardez ça de
l'extérieur, pour faire avancer ces projets-là? Moi, je vous donne ma réponse,
là : Rien. Les projets, on peut les
lancer puis on peut les lancer rapidement. Je veux juste faire une ligne
éditoriale, là, quand on décide de
lancer un projet, c'est parce qu'on a le budget, et, quand on a le budget et
qu'on le lance, ça avance très, très rapidement.
Vous êtes une
association de droit. Dans les projets qui avancent rapidement, à part certains
projets, là, très particuliers, notamment
pour les milieux humides, ce genre de choses là, c'est rare que... ce n'est pas
si fréquent que ça que, juridiquement,
il y a une problématique pour que le projet se réalise. Est-ce que, de votre
expérience, ça se confirme ou c'est
différent? Parce que vous êtes vus, là... pas vous comme association, là, mais
tous ceux qui traitent de l'environnement, vous êtes vus et décrits comme étant des gens qui empêchent la
progression des projets. Moi, je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense que, oui, il y a des délais, je n'ai pas
de doute là-dessus, je pense que les délais viennent parce que le système
fonctionne mal. Il fonctionne mal, sans
aucun doute, parce qu'il n'est pas suffisamment équipé en ressources. Peut-être
aussi qu'il n'est pas parfaitement
dirigé, peut-être, mais le problème, il est plus dans le fonctionnement que
dans le fond, qui, lui, est celui de nos lois sur l'environnement.
Est-ce que ça, vous seriez d'accord avec une affirmation comme celle-là?
Mme Paul (Geneviève) : Merci pour vos questions. Plusieurs éléments de réponse. Oui, les mentalités ont
changé, pas seulement
les mentalités, les données qu'on a, donc je pense qu'il y a une large reconnaissance par de nombreux acteurs
de tous horizons, non seulement les acteurs,
évidemment, de défense, là, de... dans le cas du droit de l'environnement ou
de l'environnement en général... On a trop
longtemps externalisé les coûts, y compris les coûts économiques, hein, de ce
que ça fait que de détruire les habitats
fauniques, les milieux naturels, etc. On reconnaît aujourd'hui... en tout cas, il y a beaucoup
de gens au sein de la population, de la société qui reconnaissent aujourd'hui l'importance, justement, si on veut vraiment avancer, comme vous
le disiez, de ne pas escamoter, justement, les exigences environnementales, parce que
sinon on va se retrouver en reculant.
La réforme, comme je le mentionnais, visait justement
à adresser certains problèmes soulevés notamment par les demandeurs en matière de délai. Un des problèmes qu'on rencontrait notamment,
c'est que les demandes par les promoteurs, entre autres, étaient incomplètes, et donc ça exigeait des allers-retours avec les
analystes des ministères concernés. Ce que vient faire la réforme, c'est qu'elle aide justement
à augmenter ce que les demandeurs demandent souvent, de la prévisibilité,
être plus clairs sur ce qui va être attendu,
et donc ça va accélérer forcément les processus,
les demandes d'autorisation.
Selon nous,
p.l. n° 61 n'offre pas
cette prévisibilité-là à plusieurs égards, y compris, notamment, dans le
langage, donc,
juridique qui est utilisé à plusieurs articles, qui rend difficile pour nous...
et ce n'est pas seulement le fait qu'il y a eu très peu de temps pour le faire, mais, de manière générale, ça rend
difficile aussi de cerner les contours et les impacts potentiels de la loi parce qu'il y a plusieurs portes
ouvertes, disons, dans certains articles, ce que ne fait pas le régime
d'autorisation, là, qui a renforcé la prévisibilité et l'optimisation
des processus.
Donc,
en ce sens-là, c'est pour ça qu'on réaffirme l'importance de miser sur une mise
en oeuvre rapide, efficace de la
réforme qui va tenir compte des objectifs. Pourquoi on l'a réformée, la LQE?
Elle avait grand besoin de l'être, entre autres pour s'adapter, s'ajuster et prendre en compte les enjeux, là,
auxquels on fait face, y compris le fait qu'on n'a pas tenu assez compte des impacts cumulatifs sur notre
territoire et des impacts climatiques, deux aspects très importants que
le REAFIE doit tenir en compte.
M. Barrette :
Pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, vous parliez de 44, là.
Mme Paul
(Geneviève) : Non.
M. Barrette : Pas juste de ça? O.K.
Mme Paul (Geneviève) : Oui, je
parle du régime d'autorisation environnementale en général.
M. Barrette : O.K., au complet.
O.K., parfait.
Mme Paul (Geneviève) : Oui,
pardon. Mais vous avez raison, c'est aussi pertinent avec 44, là, mais...
M. Barrette : D'accord. Mais
c'est important pour ceux qui nous suivent, parce que la réponse recherchée au problème des délais, pour le gouvernement, pour lequel il dit : 61, c'est pour ça, est ailleurs, n'est pas
dans 61. Si ce qui est, comme vous l'avez expliqué il y a un instant,
mis en application rapidement... on vient de régler, probablement, les problèmes,
là, de délai.
Mme Paul (Geneviève) : On va
éviter beaucoup de problèmes, surtout si on n'allège pas les exigences environnementales,
parce que sinon on s'en crée.
M. Barrette : Ça, on s'entend. J'ai bien apprécié vos propos
conjoints, là, Me Roy, quand vous avez... Là, vous parlez à un laïc des lois environnementales, là. J'ai bien compris, par contre, votre exemple, quand vous êtes
passée de 15 à 16, à 22, à 5, et
ainsi de suite, là. Ça ne faisait que montrer que, dans le projet de loi n° 61, on prend deux, trois éléments qui sont, entre guillemets, populaires, là, les milieux
humides, mais vous l'avez bien dit, puis je vous en remercie, c'est l'ensemble
de l'oeuvre que vous voulez protéger et non
ne prendre qu'un seul aspect qui est bien dans les médias puis qui va bien
passer, on a répondu aux critiques, mais, en
réalité, sur le fond, les problèmes ne sont pas résolus. Ils vont se résoudre
si on maintient les objectifs
de nos lois et qu'on les exerce dans un environnement qui va être
réformé, comme vous avez dit il y a un instant. C'est à peu près ça?
Mme Roy
(Stéphanie) : Oui. En fait,
on a déjà eu un consensus démocratique sur la réforme de la LQE. On est en train d'essayer d'en avoir un sur le p.l. n° 44, sur le REAFIE. Donc, pourquoi ne pas miser sur les efforts qui sont déjà
faits pour cette relance-là?
M. Barrette : C'est bien important, ce que vous dites. L'autre
chose qui est importante, là, je ne sais pas si vous avez suivi tous nos travaux, là, à date, là, peut-être
vous n'avez pas eu le temps, là, mais vous avez prononcé des mots qui ont été prononcés souvent vis-à-vis
l'État en termes de protection de l'environnement, «effectifs». Puis j'étais content que vous le prononciez, parce qu'essentiellement
c'est toujours la même chose, on reproche à l'État des délais,
mais ils sont dus à quoi, les délais?
Est-ce qu'ils sont dus à des mauvais règlements? Est-ce qu'ils sont dus à des mauvaises
approches, à des mauvaises lois? Non,
ils ne sont pas dus au problème de fond, ils sont dus sans doute à l'organisation, d'où une réforme, mais le fonctionnement demande des effectifs,
et là vous, vous constatez qu'il manque d'effectifs.
Je voudrais
aborder le point des effectifs sur le terrain. Pouvez-vous élaborer là-dessus?
Je pense, vous en avez parlé un petit
peu, hier, il y a un groupe qui est venu puis qui nous a dit : Écoutez,
les villes — c'étaient
les municipalités, là,
qui parlaient — nous
autres, sur le terrain, on aimerait ça avoir des gens qui ont l'expertise en
permanence sur le terrain pour faire
les évaluations a, b, c, d. Est-ce que ça, pour vous, c'est un élément majeur?
En termes d'autorisation, là, il y a toujours quelqu'un quelque part qui
doit faire des vérifications, là, et ainsi de suite, là.
• (16 h 50) •
Mme Paul (Geneviève) : Je pense qu'il y a eu de nombreuses recommandations des acteurs concernés. Souvent, les acteurs sur le terrain sont les mieux placés, hein, pour cerner les
besoins. Il y a eu de nombreuses recommandations qui ont
été faites en ce sens-là. Une des choses qu'on a constaté, entre autres, c'est
que c'est certain qu'il faut qu'il y ait des effectifs pour accompagner, justement, quand on a une réforme, quand on change des objectifs.
Par exemple, en ce qui concerne les milieux humides et hydriques, oui, on
a entendu beaucoup d'acteurs locaux, y compris de municipalités de région, la nécessité d'avoir de l'expertise pour aider,
justement, à faire la planification territoriale, les nouvelles exigences à
suivre, les nouvelles exigences de la
loi sur les milieux humides et hydriques, entre autres. Donc, c'est certain que
les effectifs... pas seulement à
Québec, bien sûr. Donc, on est d'accord, les acteurs du terrain sont bien
placés pour connaître leurs besoins,
et ça ne peut que nous aider, finalement, dans cette relance, là, nécessaire à
laquelle on doit procéder.
M. Barrette : O.K. Je veux juste qu'on... de la théorie, puis je ne
dis pas que vous faites de la théorie, là, je ne dis pas ça négativement, cette phrase-là, là, mais en
pratique, là, en pratique, nous, on voit le gouvernement comme tentant
de simplifier les règles et même aller vite.
Je comprends l'aller-vite, mais il y
a deux manières d'aller vite. On peut
aller vite parce qu'on a restructuré notre façon de faire et bien faire
tout ce qui est prévu dans nos lois et règlements...
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
M. Barrette :
Ah! j'ai... Déjà?
Le Président
(M. Simard) : Bien oui.
M. Barrette :
Il ne me restait pas...
Le Président
(M. Simard) : Ça passe si vite en votre compagnie, M. le député
de La Pinière.
M. Barrette :
Non, c'est parce que, moi, il me restait 30 secondes.
Le Président
(M. Simard) : Ah oui? Eh bien, ma secrétaire m'en est témoin,
vous savez.
M. Barrette :
...le temps.
Le Président
(M. Simard) : Malheureusement.
M. Barrette :
Bon, vous voyez, je suis un dommage collatéral.
Le
Président (M. Simard) :
Je vous ai joué... Ce n'est pas 9 min 20 s, j'aurais dû vous le
dire, c'est mon erreur. J'aurais dû
vous dire d'entrée de jeu que vous disposiez de neuf minutes, je m'en
excuse. J'espère que vous ne m'en voudrez pas trop.
M. Barrette :
Non, vous êtes tellement aimable, M. le Président.
Le Président
(M. Simard) : Merci. M. le député de Rosemont...
Une voix :
...
Le Président (M. Simard) : M. le
député de... Écoutez, je ne referai pas deux fois la même
erreur, cher collègue, vous avez 2 min 20 s.
M. Marissal :
...éviter d'engager le dialogue avec vous avant que vous me coupiez mon temps.
Merci, Mes Roy et Paul, d'être
là. C'est vraiment très éclairant. Et je vais aller vite parce que j'ai
quelques questions, puis, comme vous connaissez
le projet de loi sur le bout de vos doigts, ça va aller mieux. Il y a comme un
dialogue de sourds, dans cette salle puis
les autres qu'on fréquente pour cette commission, depuis quelques jours, sur
les faits réels, quant à 61, sur le BAPE. Puis le gouvernement, ici, ou l'autre bord dans le salon bleu, ou dans
les autres salles, fait juste nous dire : Non, non, on fait juste
raccourcir les délais. Est-ce que c'est votre lecture? Je vous signale que j'ai
2 min 30 s.
Mme Paul (Geneviève) : Oui, on va faire ça vite. Donc, selon nous, oui,
il y a une... notamment, je cherchais l'article,
là, 15 et l'article 17.2, si je ne me trompe pas, prévoient, donc...
donnent une certaine latitude pour que certains projets soient assujettis à des procédures accélérées, y compris en ce
qui concerne le BAPE. C'est difficile à voir, là, sans description détaillée des projets, y compris dans
l'annexe ou même avec l'article 3, mais il y a certains projets qui pourraient
certainement... qui auraient normalement,
sans 61, dû être soumis à un BAPE, qui pourraient faire l'objet d'une procédure
accélérée.
M. Marissal : Donc, est-ce que ça ne fait que diminuer les
délais ou s'il peut y avoir d'autres effets, par exemple, sur des
espèces menacées ou des terrains humides?
Mme Paul (Geneviève) : Ça peut effectivement avoir d'autres impacts que
seulement la question des délais, bien entendu.
M. Marissal : Très bien. De ma compréhension — et je ne suis pas expert comme vous,
là — tous les
délais en amont, là, du BAPE sont
déjà prescrits par règlement. Aurions-nous donc besoin de 61 pour raccourcir
les délais, si d'aventure le gouvernement peut déjà le faire par
règlement?
Mme Roy (Stéphanie) : Non, en fait, dans le sens que c'est un pouvoir réglementaire,
donc l'Exécutif le possède déjà.
Maintenant, on peut comprendre qu'ici il y avait un contexte particulier, donc
ils ont utilisé cette voie-là, mais ça reste le pouvoir réglementaire de
l'Exécutif.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. En conclusion?
Une voix :
...
Le Président
(M. Simard) : Désolé. La parole est maintenant au député de
Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui, alors, merci. Merci beaucoup pour votre présence toujours extrêmement
pertinente. On a, depuis le dépôt du
projet de loi n° 61, un gouvernement qui dit : Non, non, non,
l'environnement va être protégé comme jamais,
on fait juste raccourcir les délais. Même le ministre Charette... le ministre
de l'Environnement, qui est supposé être le gardien de l'environnement, nous a dit en Chambre : Je vous
confirme être parfaitement à l'aise et cautionner l'entièreté du projet de loi en question, je cautionne le
projet de loi sans aucune hésitation, alors il l'a dit deux fois plutôt qu'une,
alors que vous, vous nous faites une
démonstration fine : articles 15 et 36, chèque en blanc; le principe
hiérarchisé «éviter, minimiser,
compenser», il est écarté complètement; l'idée, avec l'article 15, alinéa
trois, que le risque modéré pourrait être écarté également pour aller
plus vite. Donc, il est faux de prétendre que, sur le plan du respect de
l'environnement, de la qualité de
l'environnement, de la cohérence avec les objectifs de réduire les gaz à effet
de serre également, le projet de loi n° 61 ne change rien à ça.
Mme Paul (Geneviève) : En effet, on a plusieurs inquiétudes sur le
projet de loi n° 61 par rapport à la capacité, par la suite,
d'assurer la protection de notre territoire, de l'environnement, de nos
écosystèmes.
M. Gaudreault :
Et notamment sur le travail du Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement, comme mon collègue de
Rosemont vient de le dire, même chose également. Et ce que vous dites,
c'est : On n'a pas besoin du bulldozer du projet de loi n° 61, les processus réglementaires qui sont déjà
en cours puis qui se font même attendre depuis l'adoption du projet de loi n° 102 sur la vaste réforme
de la Loi sur la qualité de l'environnement, si on mettait la machine
là-dedans, si on embauchait du monde,
on serait capables de répondre à ce qui était de toute façon demandé par le
milieu économique, qui était d'avoir de la prévisibilité et de savoir où
on s'en va.
Mme Paul (Geneviève) : Exactement. Ça a fait trois ans en mars, là, que
la Loi sur la qualité de l'environnement est entrée en vigueur. Il y a eu, bon, une première mouture, là on en
est à la deuxième mouture du règlement, je pense qu'il est grand temps de le mettre en oeuvre, de l'adopter en incluant
les aspects dont je vous parlais tout à l'heure sur l'impact climatique
et impact cumulatif, et là on a tous les outils qu'il faut pour une relance
juste et verte.
Le Président
(M. Simard) : Merci, Mme Paul. Je cède maintenant la parole
au député de Chomedey pour deux minutes.
M. Ouellette : Merci. J'ai rarement vu un mémoire aussi fouillé. Je pense, vous
connaissez la loi plus que la majorité de nous autres, là. Et j'ai
accroché sur six lignes qui sont pour moi les plus importantes, et qu'il m'a
fait énormément plaisir de voir, et qui traduit... Les six
lignes, là, c'est : «Conserver l'intégrité des principes de l'État de
droit.» Ça, là... Tout le reste, là,
vous nous apportez des solutions, vous apportez vos commentaires, mais c'est
les six lignes les plus importantes.
Vous dites que c'est extrêmement préoccupant : prolongation de l'état
d'urgence pour une journée infinie, limitation des débats. Ça...
Vous avez parlé de transition, il ne faut pas que
ça se fasse au détriment de l'État de droit, et c'est l'impression que tout
le monde a, là. Puis, quand on parle de participation citoyenne, on est rendus
à 75 000 qui sont contre le projet de
loi n° 61, là, qui ont signé la pétition citoyenne, mais je pense que le
prochain objectif, c'est 150 000, peut-être demain soir ou peut-être tout de suite après le Barreau demain. Je pense
que les citoyens veulent se faire entendre, puis il va falloir que le
président du Conseil du trésor et que le gouvernement soient sensibles à ça.
Avez-vous
pris connaissance des amendements que le ministre a déposés dans les heures
après le projet de loi? Il a décidé
que la ministre de la Justice, à l'article 53, elle n'était plus
importante. Il a décidé que le pouvoir de la ministre de la Justice... vous regarderez l'amendement à
l'article 53, sixième alinéa, bon, il l'a rayé de l'article 53, il a
gardé le pouvoir pour lui. On a
entendu, à la période des questions, tantôt, que la ministre de la Justice
était d'accord avec toute, toute, toute la position...
Le Président
(M. Simard) : En conclusion.
M. Ouellette :
Ah oui? J'ai juste 1 min 50 s, c'est vrai. Bien, je m'excuse.
Le
Président (M. Simard) : Voilà.
M. Ouellette :
Il n'y aura pas de réponse. C'était un commentaire éditorial.
Le Président
(M. Simard) : Merci, M. le député de Chomedey. Alors,
Mmes Paul et Roy, merci infiniment pour votre présence toujours très
instructive. Au plaisir de vous revoir.
Nous allons suspendre
temporairement nos travaux.
(Suspension de la séance à
16 h 59)
(Reprise à 17 h 03)
Le Président
(M. Simard) : Heureux de reprendre nos travaux. Nous recevons le Bureau
de l'intégrité professionnelle et administrative de Saint-Jérôme. Nous sommes
en compagnie de M. Jacques Duchesneau, l'ancien membre de l'Assemblée
nationale, que nous sommes très heureux
de retrouver parmi nous aujourd'hui — bienvenue,
cher collègue — et
Mme Annie-Clara Gravel. Vous savez que vous disposez de
10 minutes.
Bureau de l'intégrité
professionnelle et administrative de la
ville de Saint-Jérôme (BIPA de la ville de Saint-Jérôme)
M. Duchesneau (Jacques) : Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mmes
et MM. les députés, je vous remercie beaucoup de me permettre de
m'exprimer sur le projet de loi
n° 61, qui vise la relance
économique à travers des projets
d'infrastructure. Tout comme ceux qui ont pris la parole avant moi, il me fait
plaisir d'y apporter mon regard dans l'intérêt de l'économie et des
citoyens du Québec.
Le projet
de loi n° 61 poursuit des
objectifs très louables avec lesquels je suis entièrement d'accord. La relance
de l'économie et l'atténuation des
conséquences des mesures d'urgence de la COVID nous forcent à agir. On ne peut
être contre un processus accéléré
pour la relance économique. Mais, comme vous savez, je suis inspecteur général
pour la ville de Saint-Jérôme, et notre mission est d'assurer une vigie des contrats, des chantiers
et des projets d'envergure, donc c'est dans cette optique que je vais
m'adresser à vous aujourd'hui, M. le Président.
Le BIPA, c'est un organisme qui existe depuis
trois ans à la ville de Saint-Jérôme. On a été créés suite à un scandale et on est partis d'une feuille blanche où tout
était à faire, tout était à penser, et c'était en l'an 2017. Aujourd'hui, sans dire que la délinquance
contractuelle n'existe plus ou est en veilleuse à Saint-Jérôme, on peut quand même avancer que les mauvaises années de collusion et de corruption sont vraiment
derrière nous. Rien n'est gagné à long terme toutefois, nous continuons à exercer une vigilance continuelle. Je me souviens
que la raison d'être du BIPA a été rappelée maintes fois, elle est beaucoup
plus qualitative avant d'être quantitative.
Ce n'est pas combien d'argent on récupère, mais comment on empêche, justement,
des dérapages. C'est plutôt de dire :
Ce n'est pas combien coûte un bureau comme le nôtre, le BIPA, mais combien ça
coûterait si ce bureau n'existait pas.
D'autres bureaux ont été créés après des crises.
Vous avez entendu Mme Bishop tantôt, donc le BIG de Montréal,
mais il y a aussi le BIEL à Laval, qui est
le Bureau de l'intégrité et de l'éthique de Laval mais aussi de Terrebonne, qui
s'est rajoutée au BIEL, et l'Autorité des marchés publics. Il y a aussi le BIC, le bureau de l'intégrité
contractuelle, qui a été créé non pas à la suite d'une crise mais en
mesure préventive par la ville de Longueuil.
Aujourd'hui, la COVID
nous force à affronter une autre situation de crise, et, bien sûr, les
tentations seront nombreuses pour les
entrepreneurs de renouer avec les vieilles tricheries. Il s'agira donc pour nous
de couper l'herbe sous le pied à ceux qui pourraient se livrer à des
actes dérogatoires. Très rapidement, il sera important de mettre en place des
mécanismes de contrôle qui atténueront les risques entourant les projets
d'infrastructure choisis.
J'ai quatre points à suggérer aujourd'hui. Le
premier, c'est qu'il faut se doter d'un coffre d'outils. Je ne remets pas,
je le répète, en question le pourquoi du
p.l. n° 61, mais il est important qu'on réfléchisse sur le
comment. Voici quelques idées :
d'abord, travailler beaucoup en amont, c'est-à-dire en prévention et en
dissuasion — la
dissuasion, pour nous, c'est vraiment
la certitude d'être pris si vous commettez un acte dérogatoire relié à l'octroi
de contrats; et il y a aussi la formation qui va être importante de faire, parce que nos meilleurs alliés, on l'a
vu à Saint-Jérôme, ce sont les employés qui travaillent sur le terrain et qui sont en mesure de voir quand
qu'il y a des failles dans le système; aussi, mettre en place des procédures
pour identifier les risques, mais aussi
augmenter la résilience au risque — on
ne peut pas s'attendre à un risque zéro, mais on peut sûrement être un empêcheur de tourner en rond; et enfin mettre en
place des mécanismes de vérification de l'efficacité des conditions extraordinaires
qui vont s'appliquer.
Le deuxième point touche le juste prix. Qui dit
mesure d'assouplissement d'octroi de contrats dit également possible augmentation des prix dans l'octroi de contrats.
Si les projets d'envergure sont mal estimés, on va gaspiller des millions
de dollars tout à fait inutilement. On le
voit même à un niveau moins élevé, dans les villes, si on identifie mal notre
besoin, les soumissions qui nous
arrivent amènent après ça toutes sortes de difficultés, notamment avec des
extras. Même en période d'accélération,
nous devrons et nous devons prendre le temps d'effectuer des estimations basées
sur des coûts réels, des coûts justes.
Comment est-ce possible de construire une infrastructure dans une ville puis
construire la même infrastructure ailleurs puis de voir des écarts de prix? C'est le problème qu'on a, notamment au
niveau des municipalités. Combien coûte un kilomètre de route dans une ville? Combien coûte un autre
kilomètre de route dans une autre ville? Pourtant, on prend les mêmes méthodes, mais c'est
souvent des prix hors normes. Actuellement, plusieurs villes et ministères font
des estimations en se fiant sur des
historiques de coûts de soumissions antérieures, mais souvent ces coûts étaient
gonflés suite à des actions de corruption.
Oui,
on peut aller vite, mais il y a deux endroits où on ne peut pas se faire
prendre pour excès de vitesse, c'est vraiment
dans la planification des projets et dans la surveillance des chantiers, et
c'est mon troisième point. On a besoin d'un
Québec en chantier, mais on a aussi également besoin d'un Québec sous
observation pour s'assurer que les projets d'infrastructure soient des ouvrages de qualité, des ouvrages
sécuritaires et des ouvrages conformes aux attentes des autorités. Il serait important de ne pas oublier que les
critères de qualité exigés par le donneur d'ouvrage doivent aussi être élevés
même en mode «fast track».
Le quatrième point,
c'est la proposition de créer un bureau d'inspecteur général national qui,
comme les BIG actuellement, sont
indépendants du pouvoir politique et qui ont comme objectif de veiller à ce que
les mesures ici, dans le cas qui nous
concerne, les mesures prises par le projet
de loi n° 61, ne puissent
conduire à des actes de collusion ou de
corruption, d'abus, de malversation, ou de gaspillage, ou de fraude. Ce BIG
national serait en sorte une police d'assurance qui empêcherait qu'il y ait
des dérives.
On vous l'a dit, les villes font aussi face aux
mêmes problèmes que ceux que vous vivez actuellement dans l'optique
du projet
de loi n° 61, faire du développement économique. Mais aussi il est important, dans un cadre comme
celui-là, de prendre des mesures ou
un train de mesures qui ne vont pas empêcher, justement, les projets de se
réaliser, comme souvent on le voit dans des municipalités.
• (17 h 10) •
Alors, concrètement, pour monter un BIG national rapidement,
parce qu'on dit, là, peut-être une nouvelle structure, il n'est peut-être pas nécessaire d'y aller avec une nouvelle structure mais d'y
aller avec des BIG existants ou peut-être
même d'en identifier à quelques autres
endroits. C'est que, dans le moment, il y a vraiment un chaînon manquant
dans la lutte contre la corruption ou la délinquance contractuelle. On a
une AMP, qui a témoigné ce matin, qui s'occupe principalement... puis je résume en un mot, c'est beaucoup
plus large, mais qui s'occupe principalement de conformité. On a une UPAC qui s'occupe d'application de la loi
et de répression. Entre les deux, dans l'exécution du contrat, il y a peu
de bureaux qui sont présents, actuellement, donc on donne un contrat, on dit : Ramène-nous une route, puis on
se revoit. Puis, s'il y a eu des
malversations quelconques, là on donne le travail à l'UPAC, alors qu'un BIG
national serait là pour faire de la
détection en temps réel, c'est-à-dire qu'au moment où on s'en va... il n'est pas question
d'arrêter des contrats, mais notre
seule présence... et on l'a vu, au BIPA à Saint-Jérôme, notre seule
présence sur des chantiers, disons, donne une certaine retenue à des
gens qui pourraient peut-être faire autrement.
L'élément
clé d'un travail comme celui-là, c'est naturellement de créer une communauté de renseignements, faire
en sorte que les différentes agences se
parlent. Je peux vous dire que, dans le cas des BIG, on a des rencontres
régulières avec l'UPAC, la Commission
de la construction, la Régie du bâtiment, et on s'échange de l'information.
Mais souvent, à cause de textes
législatifs, il est difficile de pouvoir transmettre de l'information. C'est
donc quelque chose qu'il faudrait peut-être regarder au niveau
de la loi de l'accès à l'information, parce que, nous, c'est vraiment
notre oxygène, d'avoir du renseignement, pour être capables de
fonctionner, faire en sorte qu'un entrepreneur qui fait affaire avec une ville,
d'une certaine façon... puis, s'il fait des
actes dérogatoires, au moins que les autres villes soient au courant que c'est peut-être quelqu'un à garder sous la loupe.
Donc,
le BIG national serait un gardien de l'éthique, un point de chute pour la
coordination des différents projets que
vous allez mettre en place, point de chute parce que les surveillants de
chantier pourraient appeler à leur 9‑1‑1, où on pourrait dire : Dans tel projet, ça ne tourne pas rond; ah! regarde
donc ça, moi, ailleurs, j'ai un autre projet, et on a le même problème,
puis comment on serait en mesure de s'adapter et ne pas attendre à la toute fin.
Mais pour qu'un BIG national fonctionne,
naturellement, il faut qu'il soit doté de pouvoirs comme d'imposer des
sanctions ou d'annuler des contrats, comme
c'est fait dans la loi pour le BIG à Montréal, où il peut faire des mesures qui vont permettre
de résoudre des problèmes.
Donc, par mes propositions, tout ce que j'espère,
c'est de contribuer à l'amélioration du plan de relance du gouvernement pour remettre l'industrie de la construction sur ses pieds et de bâtir
un avenir sur des fondations qui vont être saines et durables. Je répète, je suis convaincu qu'un BIG
national est une solution, vraiment, à exploiter, et on ne peut jamais prendre
l'intégrité pour acquise, et on ne doit
jamais négliger l'intégrité pour des raisons de rapidité, sauf quand on est
capable de travailler pour joindre les deux objectifs sans aucun
problème. C'était ma présentation, M. le Président.
Le
Président (M. Simard) :
Merci à vous, M. Duchesneau. Je cède maintenant la parole au président du Conseil du trésor. M. le
ministre, vous disposez de 14 minutes.
M. Dubé : Merci beaucoup. Alors, M. Duchesneau, en
tant qu'ancien député de Saint-Jérôme, j'aimerais en profiter pour vous saluer dans cette enceinte. Ça fait
plaisir de vous revoir. Je me souviens qu'on s'est assis souvent ensemble
sur les mêmes banquettes, pendant qu'on
était ensemble en 2012. Alors, je suis contente de vous revoir ici, dans ces
lieux, puis merci de prendre le temps de venir nous rencontrer.
Je vais laisser la première question au député de Saint-Jérôme actuel, parce que je pense que c'est une réciprocité
intéressante de laisser à mon collègue de Saint-Jérôme le droit de vous poser
la première question.
Le Président
(M. Simard) : M. le ministre, vous êtes presque romantique cet
après-midi.
M. Dubé :
C'est incroyable, incroyable.
Le Président
(M. Simard) : Je vous laisse la parole, cher collègue.
M. Chassin : Merci. En fait, je vais peut-être
me permettre, M. le ministre, deux questions, mais il y a une question,
en fait, dans le troisième point que vous
avez soulevé... Évidemment, permettez-moi de vous saluer tous les deux aussi,
ça me fait plaisir de vous voir. Mais il y a
quelque chose qui m'a comme fait réagir, juste parce que
j'ai une question soudaine. Quand
vous parlez de planification des projets et de surveillance des chantiers,
juste pour être certain... parce que vous donnez
un bon portrait de ce qu'il faut faire, mais dans, par exemple, l'accélération
de projets en amont, finalement, dans le
projet de loi n° 61, les mécanismes qui concernent essentiellement
l'accélération des projets avant la pelletée de terre, là, mais une fois que le projet se réalise, il n'y a
pas d'empêchement, à votre avis, dans le projet de loi n° 61, sur
la surveillance des chantiers?
M. Duchesneau (Jacques) : Au contraire, au contraire, on a besoin de
surveillance de chantiers. Je pourrais faire une analogie. Vous vous faites construire une maison, vous donnez le
contrat à un entrepreneur, puis tu dis : Bien, rappelle-moi quand la maison sera construite, tu me donneras
les clés. Il faut voir comment on fait, parce que la surveillance de chantier,
c'est principalement au niveau
de la qualité du produit. Si on n'est pas présents sur les lieux, on va
sûrement couper les coins ronds pour être bien sûr d'empocher plus
d'argent, là.
M. Chassin : Avant... non, actuellement ou après l'adoption du projet de loi n° 61, il n'y a pas de différence sur ce
plan-là, on a des besoins dans les deux cas, puis il n'y a pas d'empêchement
des surveillances.
M. Duchesneau
(Jacques) : Non, sauf que je vous dis, actuellement, c'est un chaînon
manquant.
M. Chassin :
Parfait.
M. Duchesneau (Jacques) : Si ce n'est dans les villes, il n'y a pas
d'organisme qui fait vraiment de la surveillance de chantiers puis il y a des spécialistes de surveillance de chantiers.
Mais la présence d'un BIPA... Par
exemple, quand nos surveillants de chantier ont des difficultés
avec un entrepreneur, la seule présence du BIPA vient souvent calmer les
esprits, et c'est à l'avantage de tout le monde, c'est même l'avantage des entrepreneurs. Puis ce qu'on entend souvent,
c'est que des entrepreneurs disent
qu'on n'applique pas les règles de façon équitable. Il y a des gens, on sait,
qui sont des concurrents, qui ne donnent pas le produit, mais ils ne se
font jamais prendre, alors c'est vraiment le problème.
M. Chassin : Puis la question que j'avais préparée pour vous, parce qu'on a eu
des interventions, hier, notamment
par rapport aux retards de paiement, donc il y a une coalition contre
les retards de paiement qui a fait des présentations, qui a été appuyée assez largement, et en même temps on comprend que, pour
certains, c'est un enjeu pour participer à, par exemple, des appels d'offres. De ne pas avoir les paiements ou
d'avoir des cautionnements très longs, bien, on se retrouve à avoir, finalement, une moindre prise de risque
peut-être, là, donc on participe moins à certains appels d'offres. Pour vous,
est-ce que c'est une problématique?
M. Duchesneau
(Jacques) : Oui, puis ça nous est dit continuellement, c'est... Nous,
on ne fait pas seulement surveiller l'octroi
du contrat, quand, disons, 10 entreprises viennent chercher les cahiers de
charges, et qu'il y en a seulement deux
qui soumissionnent, on appelle les huit autres, on leur demande : Pourquoi
vous n'avez pas soumissionné? Et c'est souvent un enjeu de dire :
La ville, vous payez mal; au gouvernement, vous payez mal.
Et c'est aussi une
manoeuvre pour ceux qui sont des entrepreneurs avec les poches pleines, qui
sont capables, eux autres, d'attendre le
paiement parce qu'ils ont les poches pleines, mais on enlève une saine
concurrence avec des plus petites
entreprises, et ça, c'est un enjeu majeur. Puis les petites entreprises qui
n'ont pas de contrats ne sont jamais capables de se qualifier par la suite parce qu'ils n'ont pas eu de contrats
gouvernementaux, donc c'est comme... on tourne en rond tout le temps. Et, je vous dis, on a fait affaire,
nous, avec des petites entreprises, et il y a souvent des merveilles. J'ai
entendu le ministre parler qu'il
fallait être innovateur, bien, c'est peut-être souvent au niveau des petites entreprises qu'on peut avoir de belles
surprises.
M. Chassin :
Intéressant. Merci beaucoup.
M. Dubé :
Merci. Si vous me permettez, je peux continuer, puis, au besoin, vous
reviendrez, M. le député de Saint-Jérôme.
Moi, je voudrais juste que les gens comprennent, puis moi le premier inclus,
s'il y avait cette structure-là ou
cette façon de procéder que vous suggérez là qui viendrait s'ajouter dans ce
que vous appelez l'exécution du contrat, en quoi c'est différent du travail qui est fait par ceux qui sont
responsables de la gestion du contrat qui seraient, par exemple, du MTQ ou de la Santé dans la construction d'un
hôpital? Vous me suivez? Parce qu'on a quand même... une fois que le contrat est donné, on a un gestionnaire de
contrat qui est soit, des fois, du ministère directement... Je sais qu'on utilise beaucoup
des gens externes en ce moment, puis ce n'est pas l'objectif, là, on veut
ramener de l'expertise interne à faire de
la gestion de contrats, mais elle est où, dans cette chaîne de commandement là,
ce que vous suggérez? Parce que, là, on
n'est pas dans la gestion lui-même du contrat. Faites-moi la différence avec la
personne qui serait du MTQ, par exemple, sur le contrat.
• (17 h 20) •
M. Duchesneau (Jacques) : On a la même chose dans une ville, on a une
direction de l'ingénierie, une direction des travaux publics qui font la surveillance de chantiers avec des
contractuels, souvent. La différence, c'est que nous, on est un bureau indépendant, on
n'est jamais en contact avec les entrepreneurs, sauf quand on va les voir sur
les lieux, et on est en mesure de
voir, quand qu'il y a plusieurs chantiers en opération dans une même ville,
qu'il y a souvent des dénominateurs communs dans les dérives — sauf
un surveillant de son chantier, lui, va s'occuper de son chantier seulement.
L'autre chose, être surveillant de chantier, aujourd'hui, quand tu es seul face à des gens qui sont habitués, c'est assez intimidant. Une présence additionnelle... Puis
comme, nous, le BIPA est associé au Service de police de Saint-Jérôme, nous travaillons tous au
Service de police, donc c'est une bonne façon, je pense, de faire de la
prévention. Je dis toujours : Un
chef de police dans une ville pourrait faire une addition de toutes les pertes
qu'on a eues avec toutes sortes de vols, mais souvent, dans l'octroi de contrats, puis c'est un aspect qui est
peu touché par les services de police, mais on se fait voler énormément
dans des contrats, l'expérience nous l'a montré.
M. Dubé :
Puis donc cette présence-là sur les chantiers que vous recommandez, elle est
physique, là, c'est des personnes terrain.
M. Duchesneau
(Jacques) : Oh, oui, oui.
M. Dubé : Puis, dans votre cas, à Saint-Jérôme, puis juste me donner un ordre de grandeur, vous avez combien de
personnes qui font ça sur le terrain?
M. Duchesneau
(Jacques) : On était 12, on est rendus sept, mais on travaille mieux
pour une ville. Et ce que je suggérais... exemple Saint-Jérôme...
M. Dubé :
Puis, M. Duchesneau, donnez-moi un ordre de grandeur, là, de combien de
contrats vous regardez sur... ou que vous surveillez sur une base
annuelle, là. C'est-tu une dizaine de contrats, une vingtaine de contrats?
M. Duchesneau
(Jacques) : 50...
M. Dubé :
Une cinquantaine de contrats.
M. Duchesneau (Jacques) : ...50 et plus. Il y a beaucoup
de contrats, parce qu'on travaille aussi en amont, exemple on va surveiller les procès-verbaux ou même les ordres du jour des conseils municipaux et des comités exécutifs, donc, quand ils acceptent un contrat, on va aller voir
si les choses se sont faites comme il faut. Parce qu'on fait les trois, on ne
fait pas juste de l'exécution, on
regarde l'octroi de contrats, on regarde l'exécution, et après ça on regarde
aussi s'il y a eu des extras par la suite, alors donc, on suit le
contrat en tout temps.
M. Dubé :
Et je vais vous redemander de faire un parallèle avec... Bon, on a parlé de
l'aspect terrain, c'est ce que vous
venez d'expliquer. Au Conseil du trésor, on a, entre autres, les marchés
publics qui sont là pour s'assurer que les grandes règles générales sont là. Comment vous
interviendrez en complémentarité avec ce qui se fait au niveau des marchés
publics?
M. Duchesneau (Jacques) : Je le disais, une ligne de signalement, les
surveillants de chantiers pourrait appeler à un endroit, n'importe où en province, et, s'ils ont des problèmes, là,
ils pourraient le signaler. Et les surveillants de chantiers pourraient être, à ce moment-là, accompagnés par
des gens d'un BIG pour faire une autre intervention. Ce qui est important,
puis ce qu'on s'aperçoit beaucoup, c'est
que, dans une région comme les Laurentides, nous, on a mis de l'emphase sur
la gestion et l'exécution des contrats, mais
on n'a pas de données quant aux autres municipalités, et ça, c'est vraiment
un problème. Je reviens à mon exemple,
combien coûte un kilomètre de route dans les villes environnantes? Puis ce
n'est pas vrai qu'un entrepreneur qui
fait affaire de façon collusionnaire dans une ville ne le fera pas dans une
autre ville. Alors, ce qui nous
manque, c'est cette banque de données qui nous permettrait d'arriver un jour à
trouver le juste prix. Et ça, on ne le sait pas encore, c'est...
M. Dubé :
Puis je ne veux pas critiquer votre suggestion, là, c'est une question que je
pose, que ce rôle-là, que vous dites,
là, qui pourrait être des fois en amont du contrat, pendant la qualification,
jusque sur le terrain, vous le voyez dans un organisme totalement
indépendant ou ça pourrait être une fonction additionnelle de l'AMP, par
exemple...
M. Duchesneau
(Jacques) : Mais comme on est, les quatre bureaux d'inspecteurs
généraux, complètement indépendants, ça
prend un organisme comme celui-là. L'AMP fait de l'excellent travail dans la
conformité mais ne font pas de surveillance de terrain. L'UPAC fait un
excellent travail quand il vient le temps...
M. Dubé :
...BIG dans vos quatre, là.
M. Duchesneau
(Jacques) : Oui, oui, oui.
M. Dubé :
O.K., O.K., je comprends.
M. Duchesneau (Jacques) : En fait, le seul BIG qui a les pouvoirs de l'AMP,
c'est le BIG de Montréal. Les autres, on
n'a pas ces pouvoirs-là, les pouvoirs, exemple, d'arrêter un contrat ou de prendre des mesures. Nous, c'est vraiment,
dans le quotidien, dans la relation un à un avec les entrepreneurs sur le
terrain qu'on fait la différence.
M. Dubé : O.K., O.K. En
tout cas, je vous laisserai en parler, mais je trouve ça intéressant, il y a
des éléments dans ça...
Vous avez
parlé, tout à l'heure, je viens sur un autre sujet, sur le phénomène de
dissuasion. Vous avez dit comment c'était important d'avoir de la... Comment
vous pensez qu'on pourrait insérer ça dans le p.l. n° 61?
M. Duchesneau
(Jacques) : Par une mesure
législative, bien sûr, mais en donnant des pouvoirs à des bureaux d'inspecteurs généraux qui seraient capables
d'aller vraiment voir sur le terrain. Et la proposition, ce n'est pas de
construire un gros organisme, puis la
proposition qu'on vous fait, c'est : Allons-y avec un BIG national mais
pour la période du projet de loi.
Ce n'est pas nécessaire de créer une nouvelle fonction. Ou encore, même, la proposition
que je vous faisais : Utilisez les
BIG que vous avez actuellement puis étendez leur champ d'action, comme Saint-Jérôme pourrait s'occuper des Laurentides, le BIEL de Laval pourrait s'occuper de Lanaudière, le BIC de Longueuil
pourrait s'occuper de l'Estrie, et etc. Montréal a déjà son
territoire.
M. Dubé : Non, mais j'aimerais pousser ça un peu parce qu'on va manquer de temps aujourd'hui, là.
Je ne sais pas comment qu'il me reste de temps.
Le Président (M. Simard) : ...
M. Dubé : Deux minutes. Mais je l'ai fait ce matin, à
la présidente de BIG, de l'inviter à venir nous rencontrer pour qu'on regarde quels mécanismes qu'on pourrait
faire à l'intérieur de l'AMP. Là, vous me suggérez autre chose, moi, je pense qu'on a une réflexion nécessaire sur
cette procédure-là. Je pense que votre suggestion, elle est très intéressante,
là, je veux voir comment on pourrait
mettre ça en pratique. Mais, étant donné que vous le liez aux contrats, je
trouve intéressant, parce que notre principe de p.l. n° 61, c'est
pour deux ans, hein, on... Il y a quelqu'un, cette semaine, à la
fédération des municipalités, qui a
dit : C'est une espèce de laboratoire qu'on veut faire, pendant
deux ans, avec ces contrats-là, pour voir comment on peut devenir plus agiles, comment on peut mieux
travailler pour faire arriver... Vous, vous dites... Ce que vous suggérez comme approche pourrait se faire
dans cette période-là de deux ans pour voir comment on travaille mieux
entre les différentes régions du Québec pour
être capables d'avoir plus d'information et une approche terrain plus grande.
Est-ce que je peux résumer ça comme ça?
M. Duchesneau (Jacques) : C'est
ça. M. le Président, est-ce que je peux juste rajouter...
Le Président (M. Simard) : Il
vous reste 40 secondes, cher collègue.
M. Duchesneau
(Jacques) : Ah! bien, je
vais le faire en 40 secondes. Le BIPA a été créé de façon temporaire, et,
après trois ans, la ville s'est aperçue
qu'il y avait des bénéfices au-delà de l'aspect monétaire, parce qu'au début on
est allés chercher de l'argent qui
nous avait été volé puis... Comme tout le monde, on est allés chercher une
partie l'argent qui nous a été volé,
là ce qu'on veut, c'est prévenir qu'on se fasse voler. Et là on vient de
renouveler... on vient... excusez, de créer le BIPA de façon permanente et de renouveler mon contrat pour cinq ans.
Ça fait qu'on y croit, c'est payant pour une ville.
M. Dubé : C'est beau. Merci
beaucoup, M. Duchesneau, merci, très apprécié.
Le Président (M. Simard) :
Merci. Je cède la parole au député de La Pinière pour
9 min 20 s
M. Barrette : Merci, M. le Président. Bienvenue,
M. Duchesneau, très, très heureux de vous voir ici aujourd'hui, pour toutes sortes de raisons, mais certainement
celle qui traite de votre intervention que vous venez de faire, qui était
très éloquente.
Je veux juste
faire deux, trois commentaires introductifs, là, que, honnêtement, là, moi, je
pense qu'on ne doit pas être dans un
laboratoire, on doit être dans le permanent. Je suis heureux de constater que
vous êtes maintenant permanent. Ça devient une question de culture, ça.
M. Duchesneau (Jacques) :
Absolument.
M. Barrette :
Et puis la permanence, c'est ça que ça fait, ça crée une culture. Vous êtes réputés,
on vous craint, je dis ça
positivement. Comme vous dites, là, quand quelqu'un apparaît, mettons que les
gens marchent plus droit puis ils
essaient de... autrement, bon. Alors, moi, ça m'apparaît très clair, là. Je
n'ai aucune espèce d'idée... d'hésitation à dire que ça ne doit pas être
temporaire, ça ne doit pas être pour la crise sanitaire, ça doit être
permanent.
Là, je vais
vous poser une question assez simple, là. Vous avez dit quelque chose qui m'a
vraiment chicoté... surpris, en fait,
vous avez dit qu'il y a juste Montréal qui avait... et dans le BIG, il y avait
certains pouvoirs puis que vous ne les aviez pas. Les souhaitez-vous?
M. Duchesneau
(Jacques) : Oui, bien oui,
mais une ville ne peut pas donner ces pouvoirs-là, il faut que ça vienne
du gouvernement. Et, dans le cas de Montréal, c'est dans sa charte, qui a été
adoptée ici par l'Assemblée.
M. Barrette : ...évidemment, du
pouvoir d'enquête?
M. Duchesneau (Jacques) : On a des pouvoirs d'enquête, mais on n'a pas de pouvoirs de saisie de
documents, on n'a pas de pouvoirs de stopper un contrat et une série
d'autres mesures, là, que le BIG a et que nous n'avons pas.
M. Barrette : Oui, et le BIG
peut aller partout, mais pas l'AMP, parce que l'AMP va là où c'est désigné.
M. Duchesneau (Jacques) : Parce
que?
M. Barrette : Là où c'est
désigné par le gouvernement.
M. Duchesneau (Jacques) : Oui.
M. Barrette : Voilà.
M. Duchesneau (Jacques) : Oui,
nous, on est désignés par une ville.
M. Barrette : C'est ça. Bon, écoutez, est-ce que vous avez des
pouvoirs additionnels? Madame... pas madame, Me Bishop, tantôt, lorsqu'elle est venue devant nous, elle nous a
dit qu'elle avait... On n'a pas eu le temps d'élaborer parce que, là, j'avais... j'ai eu un problème
avec mon chronomètre moi-même, là, elle nous a dit qu'elle avait des pouvoirs additionnels qui lui étaient conférés par la
ville. Avez-vous une idée de quoi elle parlait, et les voulez-vous, si vous le
savez?
M. Duchesneau
(Jacques) : Oui, c'est particulier,
la Charte de la Ville de Montréal, c'est particulier, puis c'est pour ça que c'est adopté par l'Assemblée
nationale. Nous, on travaille avec un règlement municipal, donc c'est très
limité. La ville pourrait et voudrait me donner plus de pouvoirs, mais
on n'a pas...
M. Barrette : Elle ne peut pas.
M. Duchesneau (Jacques) :
...elle ne peut pas.
M. Barrette :
Mais vous n'avez pas d'idée de ce type de pouvoirs là que vous souhaiteriez
avoir, comme ça? Je vais à la pêche, là.
• (17 h 30) •
M. Duchesneau
(Jacques) : Bien, les
pouvoirs de saisie de documents. Quand on sait, là, parce qu'on a fait notre
enquête, qu'on est en train de se faire
voler, on n'a pas le pouvoir d'aller saisir les documents, alors qu'eux ont ces
pouvoirs-là, puis donc ils bâtissent la preuve. Vous parliez de dissuasion
tantôt, moi, je dis : La peur, c'est le début de la sagesse.
M. Barrette : Ah! ça arrive souvent.
M. Duchesneau
(Jacques) : Oui, ça arrive souvent.
Puis l'autre point que vous avez fait, le premier point que vous avez
abordé, c'est la culture. Tout est là, «tone at the top». Ça, c'est ce qu'on
entend partout, là, dans le domaine de l'anticorruption
et c'est vraiment... Puis c'est pour ça qu'une ville comme Saint-Jérôme... c'est sûr qu'au début c'est un coût important, mais ils ont eu le courage de créer cette entité-là, et je
peux vous dire que les citoyens l'ont apprécié beaucoup, parce
qu'après des crises comme celle qu'on avait vécue les gens veulent savoir si
leur argent est bien dépensé. Je pense que, depuis trois ans, on a
prouvé que c'était le cas.
M. Barrette : Par curiosité, quel genre de reddition de comptes
que vous faites à la ville? Faites-vous une reddition de comptes
publique et détaillée ou vous faites simplement une énumération de ce que vous
avez fait?
M. Duchesneau
(Jacques) : Non, je fais
deux choses. D'abord, un rapport bimestriel de gestion en deux volets :
un volet administratif qui va au directeur général de la ville et, parce que je
suis membre du service de police comme directeur
adjoint, je fais un rapport bimestriel de gestion dans lequel, parce que c'est
un moyen de contrôle, je nomme les
personnes qui sont sous enquête. Le directeur général n'est pas au courant de
ça. Quand je dis «un bureau indépendant», là, je devrais le souligner trois fois, je pense que c'est la qualité
première d'un bureau comme le nôtre. Et, une fois par année, on a un rapport annuel. Et j'avais fait des
copies, que j'ai oubliées parce qu'on est partis vite, mais pour vous montrer,
2017, 2018 et 2019, et c'est sur notre site
Web, le progrès qu'on a fait. Et je peux... sans vouloir me péter les
bretelles, parce que c'est madame qui écrit les rapports annuels, on a
de quoi être fiers.
M. Barrette :
Bravo, madame! Puis, excusez-nous encore, on est un petit peu responsables du
fait que vous êtes partis bien vite, à la dernière minute.
M. Duchesneau (Jacques) : On a
été convoqués à la dernière minute, mais...
M. Barrette : Oui, je le sais,
parce qu'on a insisté un petit peu, puis on est bien contents de vous avoir.
Là, là, je
vais aborder le point que vous attendez que j'aborde, j'en suis convaincu. Moi,
j'ai fait... Vous avez suivi nos
travaux, vous avez entendu les questions que j'ai posées aujourd'hui, par
exemple. Vous parlez d'un BIG national; moi, je parle d'une AMP à qui on donnerait un rôle de
BIG national. Alors là, ce n'est pas que les deux... dans mon esprit, ce dont
vous parlez, ça ne s'oppose pas, ça va dans
la même direction. Moi, pour moi, légalement, l'AMP a son indépendance mais n'a pas des pouvoirs puis elle n'a pas de
terrain de jeu suffisamment grand. Alors, faire en sorte que l'AMP s'expande
en pouvoirs et devienne un BIG national,
moi, honnêtement, là, votre concept, c'est ça que je cherche. Est-ce que vous
voyez une opposition entre vos deux... entre les deux?
M. Duchesneau
(Jacques) : Étant donné que
le p.l. n° 61 est une mesure temporaire, est-ce que ça serait bon de
redonner plus de pouvoirs à l'AMP et de
l'enlever ou d'y aller, comme je vous dis, avec des unités temporaires pour
régler le projet et de voir, après analyse, si vous aimez le concept ou
pas?
M. Barrette : Juste sur le concept, M. Duchesneau, là, pour que ce soit bien
clair, moi, mon intervention, là, elle est... plus clair que ça, c'est impossible. Je l'ai dit, là, au début de mon
intervention avec vous, de mon échange, moi, je ne cherche pas quelque
chose de temporaire, je cherche quelque chose de permanent, parce que je sais très bien, parce que ça a été évoqué à plusieurs reprises, soit par des
intervenants, soit par le président
du Conseil du trésor, même le premier ministre, on souhaite que ça reste après. On n'a pas dit, là : On
fait ça pour que ça reste, on souhaite que ça reste. Vous avez suffisamment d'expérience politique que, quand on
dit : On souhaite que ça reste, c'est que ça va rester. Alors, si c'est
pour rester, moi, je suis bien d'accord,
mais encore faut-il que ça soit construit de la bonne façon. Alors, sur ça, sur
la question du concept d'avoir un BIG qui pourrait être une
AMP habillée correctement, sur le plan des pouvoirs, vous ne voyez pas
d'opposition avec ce que vous souhaitez?
M. Duchesneau
(Jacques) : Non, puis la
façon que j'ai présenté mon projet, c'est que je ne veux pas que les gens
voient une immense structure, parce que ce
qui a fait notre force, c'est qu'on a été malléables. La première année, on est
allés récupérer l'argent qui nous
avait été volé, la deuxième année, on a commencé à regarder l'exécution des
contrats, et là on est vraiment
dans la qualité, surtout dans les relations avec les gens de terrain. Le vrai
travail se fait à Saint-Jérôme
par la direction d'ingénierie, par la
direction des travaux publics. Nous autres, on est à vol d'oiseau au-dessus
puis on leur donne un coup de main quand ils ont besoin. Il ne faut pas
arriver avec une structure tellement lourde qu'elle nous immobilise.
M. Barrette : Ça, je suis d'accord. La force de la chose, pour utiliser l'expression que j'ai utilisée avec Me Bishop, ce
sont vos pouvoirs de débarquer puis d'aller chercher les documents
et le pouvoir d'avoir les ressources pour vous mettre sur le terrain.
Votre force, c'est la gestion contractuelle avec les effectifs et les pouvoirs
appropriés.
M. Duchesneau (Jacques) : Notre
force, c'est vraiment la détection.
M. Barrette : Oui, oui, on
s'entend, on s'entend.
M. Duchesneau (Jacques) : Et
pour ça, vient, avec la détection, le renseignement. On ne surveille pas tous
les chantiers 24 heures par jour, sept jours par semaine, mais on y va en
fonction de l'information qu'on reçoit.
M. Barrette : Vous avez abordé une affaire à laquelle je
n'avais pas pensé mais que je comprends très bien parce que je l'ai vécue dans mon portefeuille précédent,
là. Vous avez raison, là, ça marche en santé, là, vous allez voir un hôpital,
ils vous font une prothèse de hanche à
x prix, vous allez à l'autre, c'est trois fois plus cher. Mais, quand vous
débarquez, là, si vous connaissez ça,
là, ce n'est pas long que vous savez pourquoi ça coûte trois fois plus cher à
telle place, et on réajuste
le tir. Ça, là, c'est la question du partage de l'information. Je comprends de votre propos que vous aimeriez que les BIG... en tout cas, toutes ces structures-là puissent échanger de
l'information, et là vous me dites que c'est la loi sur... c'est la CAI
qui l'empêche? Est-ce que je comprends bien votre propos?
M. Duchesneau (Jacques) : Oui,
en partie, M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Quel bout?
M. Duchesneau
(Jacques) : Vraiment, il y a
plusieurs lois qui entrent en ligne de compte. Comme avec l'UPAC, on est limités avec l'échange d'information. On se
donne l'information, mais c'est vraiment circonscrit par les conseils juridiques qu'on reçoit. Mais, si on pouvait
vraiment échanger l'information entre nous, parce qu'on atteint... on cherche à
atteindre le même but, tout le monde, on serait beaucoup plus efficaces qu'on
l'est.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M.
Barrette : S'il y a des lois
qui l'empêchent, dans sa... mettons, la totalité de la circulation de
l'information, il y a au moins un pas à franchir dans le partage
d'information, on s'entend là-dessus.
M. Duchesneau (Jacques) : Oui,
M. le Président.
M. Barrette : Merci,
M. Duchesneau.
Le
Président (M. Simard) : Merci à vous, cher collègue. Nous avons
convenu qu'en l'absence du député de Rosemont — c'est
exceptionnel que je souligne l'absence du collègue — bien, il y a eu un consensus à l'effet que son temps soit réparti de manière égale entre le député de René-Lévesque et le député de Chomedey. Donc, je comprends qu'il y avait consentement en ce sens. Alors, M. le député
de René-Lévesque, vous disposez donc, conséquemment, de
3 min 30 s.
M. Ouellet : Eh, Seigneur! Merci beaucoup, M. le
Président. Wow! Bonjour, M. Duchesneau. Bienvenue avec nous aujourd'hui. J'aimerais revenir un peu sur la
présentation du BIG juste avant vous. Ils ont mentionné leur préoccupation
dans le projet de loi d'avoir des mesures aussi pour protéger les lanceurs
d'alerte. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
M. Duchesneau (Jacques) : Oui, c'est une règle cardinale, la protection des
lanceurs d'alerte. Même quand on transmet
de l'information à des autorités, on protège les lanceurs d'alerte. Pour nous,
c'est notre pain et notre beurre. On a été
mis sur des pistes qu'on ignorait totalement parce qu'il y a quelqu'un qui a eu
le courage de nous appeler. La moindre des choses qu'on puisse faire,
c'est de protéger ces lanceurs d'alerte là.
Pour vous donner une idée, notre système informatique
est complètement indépendant de celui de la ville pour être sûrs qu'il n'y a personne d'autre que les membres
de notre organisation... puisse avoir accès à cette information-là. Quand
quelqu'un nous donne une information, il est codé, son nom n'est plus jamais
mentionné, on a un numéro puis on est l'enquêteur et moi qui savons qui est
l'informateur. Donc, ça, je pense que c'est une règle cardinale, que de
protéger les lanceurs d'alerte, sans ça on ne va pas nulle part.
M. Ouellet :
Avez-vous eu l'opportunité de mettre la main sur le dernier rapport de la Protectrice
du citoyen, justement, sur ses recommandations pour la protection des lanceurs
d'alerte? Est-ce que vous avez eu l'opportunité?
M. Duchesneau
(Jacques) : Je l'ai lu rapidement, mais je ne pourrais pas vous en
dire plus.
M. Ouellet : O.K. Elle fait mention de dispositions qu'on
devrait ajouter pour mieux les protéger, donc éviter de congédier
quelqu'un qui rapporterait de l'information. Mais aussi, et c'est là que c'est
la partie la plus intéressante, dans le cas
de l'AMP, qu'on a vue ce matin, ils nous ont dit : Écoutez, si on a le
mandat, on peut aller enquêter, s'il y a dénonciation, on peut aller enquêter, mais, si c'est dans les médias, on
peut se présenter puis aller enquêter. Ma crainte, c'est que les lanceurs d'alerte qui voudront dire
aux médias qu'il y a quelque chose, ils ne sont pas protégés par la Protectrice du citoyen, et l'AMP utilise
les médias pour être pistée un peu sur la... Vous comprenez, là?
M. Duchesneau
(Jacques) : Absolument.
M. Ouellet :
On se fait dire que ça serait important de protéger les gens qui dénonceraient
une situation de malversation. L'AMP nous
dit : On utilise parfois les médias pour... parce que leur pouvoir
d'enquête, d'initier part de là, et donc
c'est comme si on tournait en rond sans se donner les bonnes structures. Ça fait que j'aimerais vous entendre là-dessus, de
quelle façon on devrait s'assurer que les personnes qui sont au courant et sont
témoins d'une situation puissent, un, la dénoncer, deux, être
protégées lorsqu'elles la dénoncent et, trois, puissent garder leur job.
• (17 h 40) •
M. Duchesneau (Jacques) : Oui, moi, je suis pour toutes les protections
qu'on peut accorder aux lanceurs d'alerte. On va même aussi loin que... exemple, quelqu'un nous donne une
information, et, par la loi, si ça touche une infraction ou un acte criminel, on doit faire un signalement à
l'UPAC, mais, avant de transmettre l'information à l'UPAC, on appelle le lanceur d'alerte pour lui demander s'il est
d'accord à ce qu'on transmette son nom. Il faut donner ces protections-là parce
que, sans ça, la ligne ne sonnera plus. Puis
au début, on avait une ligne qui sonnait beaucoup, là on s'aperçoit que les
gens appellent moins, et donc on a...
Quand je disais qu'il faut être malléables et agiles, c'est que, si la ligne ne
sonne plus, c'est nous qui appelons,
comme je l'expliquais tantôt, les entrepreneurs qui ont décidé de ne pas
soumettre une offre, là, lorsqu'on avait un appel d'offres.
Le Président
(M. Simard) : Très bien, merci beaucoup.
M. Duchesneau (Jacques) : J'ai été, M. le Président, dans le
trois minutes, moi aussi, je sais que c'est frustrant.
Le Président
(M. Simard) : C'est super, c'est super. M. le député de
Chomedey.
M. Ouellette : Moi, ça me rajoute une minute, puis je ne sais pas... je veux dire, il
va falloir que je l'utilise à bon escient, effectivement. C'est une
surprise, M. le Président, merci.
M. Duchesneau,
bonjour. Bonjour, madame. Je suis un peu en accord avec mon collègue de La
Pinière, parce qu'on a créé la
structure de l'Autorité des marchés publics et, effectivement, puis je vous
ramènerai 20 ans en arrière, à un moment donné, quand on a créé... on avait une escouade contre le crime organisé
puis qu'on a décentralisée dans diverses régions. Est-ce qu'on pourrait, effectivement, que ce soit
dans une optique temporaire ou permanente, pas décentraliser mais donner
ces pouvoirs-là et faire en sorte que l'AMP
puisse intervenir, que ça soit dans les Laurentides ou que ça soit en
Montérégie? Parce qu'ils sont dans
quatre régions, effectivement, là, Saint-Jérôme, Terrebonne, Laval et
Longueuil. Est-ce que ça pourrait être fait régionalement dans le mandat
de l'AMP? Ça, ce sera ma première question.
M. Duchesneau (Jacques) : M. le
Président, oui, je pense
qu'une coordination peut se faire à partir de l'AMP, mais
il faut vraiment avoir des gens de terrain. C'est ce qui fait la différence.
M. Ouellette : La deuxième question, vous avez parlé de
la surveillance des chantiers. M. le président du Conseil du
trésor a probablement pris le plus mauvais exemple qu'il ne pouvait pas prendre avec le MTQ, la surveillance des chantiers. La Vérificatrice générale est venue mercredi passé nous dire que la surveillance des chantiers n'était pas là, qu'on était au privé puis qu'il ne s'en faisait pas. On aura
l'opportunité de lui en parler demain. C'est une préoccupation qui est majeure,
je pense, des citoyens puis des parlementaires, de s'assurer qu'en voulant aller vite, vite...
C'est sûr que, déjà, je
pense qu'il y a plusieurs personnes du crime organisé qui nous écoutent
depuis deux jours...
M. Duchesneau
(Jacques) : Je les salue.
M. Ouellette : ...et qui sont déjà en train, eux autres, de s'organiser pour nous
organiser, disons ça comme ça. Et je pense
que c'est quelque chose de très important, la surveillance des chantiers, puis il va falloir s'y pencher quand on sera en
étude détaillée dans les différents articles.
J'aurais
le goût de vous poser une question aussi, M. Duchesneau, dans le rôle du BIPA. Puis vous avez lu le projet de loi n° 61, il y a certains articles... je
pense entre autres à l'article 50, qui fait que le gouvernement voudrait
édicter les conditions pour les
appels d'offres et les différents contrats. Il y a-tu des commentaires, des
suggestions, ou voyez-vous une certaine problématique que ça soit décidé
unilatéralement par le gouvernement?
M. Duchesneau (Jacques) : Ça, c'est la partie politique. Assis dans votre
siège, avant, j'aurais eu une opinion. Là,
je veux vraiment offrir à l'Assemblée des suggestions concrètes. Moi, je n'ai
pas d'objection... puis vous parliez de crime organisé, je disais toujours, avec mon ancien chapeau de chef de
police : Est-ce qu'on parle de crime organisé ou de police
désorganisée? Il y avait un peu des deux. Ne faisons pas la même chose dans ce
cas ici.
Le Président
(M. Simard) : Alors, M. Duchesneau, chère madame, merci
beaucoup d'être venus.
Sur ce, nous allons clore nos travaux... nous
allons les suspendre, en fait, jusqu'à 19 h 30. Alors, bon repas à
toutes et à tous.
(Suspension de la séance à
17 h 45)
(Reprise à 19 h 34)
Le Président
(M. Simard) : Bien. À l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, nous recommençons nos travaux.
Comme vous le savez, la commission est réunie afin
de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 61, Loi visant la relance de l'économie du
Québec et l'atténuation des conséquences de l'état
d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la
COVID-19.
Ce soir, nous entendrons les organismes
suivants : le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, la
Fédération interprofessionnelle de la
santé du Québec conjointement avec l'Alliance du personnel professionnel et
technique de la santé et des services
sociaux, la Protectrice du citoyen et enfin le Comité public de suivi des
recommandations de la commission Charbonneau. Voilà.
Alors,
nous sommes en ondes avec les représentants du BAPE. M. Bourke,
M. Beaudet, soyez les bienvenus. Vous disposez de 10 minutes pour
votre présentation.
Bureau d'audiences publiques
sur l'environnement (BAPE)
(Visioconférence)
M. Bourke (Philippe) : Merci beaucoup, M. le Président. Mme, MM. les
députés, bonsoir. Il me... (panne de son) ...plaisir ce soir d'être avec vous. Je suis en direct de Windigo, un
magnifique territoire du Québec qui est situé à environ 1 h 30 min de chemins forestiers au
nord de La Tuque, en Mauricie. Donc, merci à la technologie de nous rendre
cette séance possible. Vous savez... Je vous remercie aussi de nous
donner l'occasion, donc, au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, de nous exprimer, de partager notre rôle, notre mission et surtout de
la pertinence de notre veille d'analyse sur les grands projets de développement du Québec.
Je suis accompagné ce soir de M. René Beaudet, qui est secrétaire et
directeur général de l'administration et des communications au BAPE.
Donc, le BAPE a maintenant 40 ans, il a été
fondé en 1978, et c'est aujourd'hui une institution reconnue par sa rigueur, sa pertinence et aussi son indépendance. En créant
le BAPE en 1978, les parlementaires de l'Assemblée nationale, dont
vous êtes, ont affirmé le droit des citoyens
à l'information et à la consultation et surtout l'importance de leur rôle dans
le processus décisionnel parce qu'ils ont une grande connaissance, une
connaissance concrète du milieu dans lequel ils habitent et, souvent,
les premières personnes qui sont impactées par l'arrivée d'un projet dans ce
milieu.
Le BAPE a pour mission de transmettre au ministre
de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques des analyses et des avis qui prennent
en compte les 16 principes de la Loi sur le développement durable afin
d'éclairer la prise de décision
gouvernementale. La réalisation de cette mission s'articule autour de
quatre rôles : informer, consulter, enquêter, aviser.
Lorsque le BAPE analyse un projet, il le fait par l'entremise d'une
commission d'enquête que j'ai la responsabilité de constituer. Elle est composée d'un ou plusieurs commissaires, selon
la complexité du dossier. Les travaux de la commission sont de deux ordres. La première étape ou la
première partie fondamentale, c'est celle de l'information et de la
consultation. C'est dans cette
période que le BAPE... à partir de l'étude d'impact qui a été constituée par
l'initiateur et aussi les documents qui
ont été fournis par les ministères et organismes qui sont concernés par le
projet, le BAPE va constituer de... (panne de son) ...et la diffuser aux citoyens et prendre en compte leurs
préoccupations à l'égard de ces éléments. La deuxième partie, le deuxième fondement, le BAPE va
convoquer l'initiateur et les personnes-ressources ou toutes autres personnes
qui sont... dont la contribution pourrait être jugée pertinente à l'exercice de
leur mandat pour qu'ils puissent répondre aux
questions de la commission. Pour les fins de l'enquête, c'est important de le
dire, les commissaires ont l'immunité et les pouvoirs prévus à la loi
sur la commission d'enquête.
Donc, ces
deux aspects sont des piliers sur
lesquels s'appuie la crédibilité de l'institution et aussi l'indépendance
des commissions. Le rapport du BAPE est donc
le fruit d'une analyse et d'une enquête rigoureuses qui intègrent les enjeux
écologiques, sociaux et économiques. La
commission y expose ses... (panne de
son) ...des avis et propose, le cas
échéant, des pistes de solution qui
seraient susceptibles de favoriser une meilleure insertion du projet dans la
communauté d'accueil. Donc, la commission
brosse un portrait qui est fiable, qui est basé sur les faits et sur la science
et aussi, donc, sur les réalités locales qui sont chères aux citoyens.
Contrairement
à ce que plusieurs pensent, le BAPE ne prend pas de décision sur le fait
d'autoriser ou non un projet. C'est le ministre, en s'appuyant sur le
rapport du BAPE et sur l'analyse de son propre ministère, qui formule des recommandations au Conseil des ministres. Donc,
au final, c'est le Conseil des
ministres à qui revient la
responsabilité de prendre une décision sur le projet.
• (19 h 40) •
En ce qui concerne, donc, le projet de loi
n° 61, dont vous faites l'examen en ce moment, le BAPE se trouve interpelé de deux façons. Premièrement, il y a toute la question du remplacement par règlement de certaines
dispositions de la Loi sur la qualité
de l'environnement par des mesures qui permettraient d'alléger ou d'accélérer
le processus. L'autre façon... ou
l'autre disposition qui concerne le BAPE, c'est la possibilité de désigner le
BAPE pour tenir l'audience publique requise, en vertu de la Loi sur les
parcs, lorsque le gouvernement envisage de modifier les limites d'un parc
national.
Sur ce dernier
point, donc, ce deuxième élément qui concerne le BAPE, je vous soumets que nous
accueillons très favorablement cette mesure, qui prévoit, d'ailleurs,
aussi l'application des articles 6.3 à 6.7 de la Loi sur la qualité de
l'environnement. À notre point de vue, cette mesure va permettre d'assurer
l'efficience et la cohérence du processus d'évaluation
lorsque des projets assujettis à la procédure d'évaluation et d'examen des
impacts sur l'environnement sont susceptibles,
en même temps, de déclencher aussi le mécanisme de consultation de la Loi sur
les parcs. Cela évite donc le
dédoublement des procédures. C'est à la fois profitable, évidemment,
pour l'administration mais aussi pour le public qu'on évite de soumettre à des procédures à deux
reprises. Le projet d'interconnexion Maine-Appalaches d'Hydro-Québec, pour lequel le BAPE doit
débuter ses travaux vers le 20 juillet, si je me rappelle bien, serait
bénéficiaire, donc, de cette disposition-là, puisqu'il est inscrit, d'ailleurs,
à l'annexe I du projet de loi n° 61.
Pour ce qui
est des pouvoirs réglementaires, donc, le premier point que j'ai soulevé qui
nous interpelle, c'est difficile pour
nous, évidemment, de commenter sans avoir pris connaissance dudit projet de
règlement qui va venir mettre en oeuvre ces dispositions-là. Par contre, j'attire votre attention sur deux éléments qui, pour nous, nous interpellent. Premièrement... (panne de son) ...l'impact potentiel direct du nouveau règlement
sur les travaux de nos commissions. Il faut savoir qu'au deuxième alinéa de
l'article 17 nous prenons acte que nos règles de procédure — ce sont des règles que nous avons adoptées, conformément à l'article... 6.6, pardon,
de la Loi sur la qualité de l'environnement, lesquelles règles ont été adoptées
ou approuvées par le gouvernement du
Québec — vont
continuer de s'appliquer. Donc, pour nous, c'est une excellente chose,
de constater que ces règles sont maintenues.
Et d'ailleurs
nous sommes confiants que les autres articles de la Loi sur la qualité de l'environnement qui concernent le BAPE ne seront pas retirés ou modifiés par ce règlement-là,
notamment l'article... (panne
de son) ...qui prévoit justement ce
dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire que les membres sont... à qui on octroie, donc,
les pouvoirs et l'immunité de la Loi
sur les commissions d'enquête et aussi l'article 6.4,
qui, lui, prévoit que c'est le président du BAPE qui a la responsabilité de nommer les commissaires sur les commissions. Pour nous, toute
soustraction à ces références porterait atteinte directe à notre raison d'être, à la crédibilité de nos
travaux et à l'indépendance de nos commissions. Nous faisons confiance, aussi, au gouvernement pour assurer le maintien du mandat d'audiences
publiques pour les projets qui le requièrent et aussi pour assurer le
maintien des délais réglementaires pour la réalisation de ces mandats.
En deuxième lieu, et en terminant, le dernier
point que je voudrais soulever, c'est peut-être des enjeux qui concernent la procédure d'évaluation et d'examen
des impacts sur l'environnement. Comme vous le savez maintenant, puisque vous avez étudié ce projet de loi là,
cette procédure inclut plusieurs étapes qui sont préalables à nos travaux et,
effectivement, qui peuvent affecter la
qualité de nos analyses. Donc, d'une part, on pourrait nommer, par exemple les
consultations publiques, qui ont été
introduites par... récemment dans la dernière réforme de la Loi sur la qualité
de l'environnement et qui permettent
aux citoyens, dès le départ, de soulever... (panne de son) ...qui, selon eux,
doivent être pris en compte dans les études d'impact.
L'autre élément, c'est la recevabilité de
l'étude d'impact, qui assure que l'information qui est présentée par l'initiateur du projet est pertinente, complète et
de qualité... (panne de son) ...incomplète et de mauvaise qualité pourrait accentuer les préoccupations et la méfiance des citoyens envers le
projet. Ça complexifie notre analyse et, au final, plus que tout, ça ne
permet pas aux décideurs d'être bien éclairés pour prendre la décision.
Donc, en
conclusion, M. le Président, depuis ma nomination comme président du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, je suis en mesure d'apprécier combien, au Québec, nous avons toutes
les raisons d'être fiers du BAPE. C'est un outil de démocratie participative où
chacun a la possibilité de faire la différence, au bénéfice d'une vision de
développement qui est structurante et
durable pour le Québec. Le BAPE donne l'heure juste sur un projet, présente une
vision globale des impacts et joue un rôle constructif à la fois pour
les citoyens et pour les décideurs.
Je termine en
citant des belles paroles du ministre Marcel Léger, qui a été le ministre qui était présent à la fondation du BAPE : «Nous voulons [...] que désormais
le citoyen soit un agent actif et responsable de l'environnement et deviennent
un partenaire indispensable [du] processus de prise de décisions susceptibles
de déboucher sur [des] modifications de la qualité du milieu.» Je vous
remercie.
Le Président (M. Simard) :
Merci à vous, M. Bourke. Je cède maintenant la parole au président du
Conseil du trésor pour une période de 14 min 30 s.
M. Dubé :
Merci, M. le Président. Et, M. Bourke, bonjour. Je suis content de savoir
que nos lignes puissent se connecter,
même à une aussi grande distance. Alors, merci de nous prouver que le
télétravail peut fonctionner, même dans des conditions éloignées comme
ça. Alors, merci de le faire de cette façon-là.
J'aimerais
peut-être reprendre, essentiellement, ce que vous avez dit, là, lors de votre
présentation, qui était très claire. Puis
ce n'est pas mon objectif de vous mettre des mots dans la bouche, au contraire,
parce que, dans la première partie, vous avez, je pense, assez
clairement expliqué qu'il n'y a pas de modification au BAPE comme tel dans son
mandat. Je pense que vous avez été
très, très clair là-dessus. Puis, malgré plusieurs informations qui ont circulé
sur ça au cours des derniers jours,
je pense que c'est important, pour les gens qui nous écoutent ce soir, de bien
comprendre que, malgré tout ce qui a pu se dire, il n'y a pas de... le projet de loi n° 61 ne demande pas
de changement au mandat du BAPE et à sa façon de travailler et non seulement dans... mais dans son mandat.
Tout ce que vous venez de dire... puis je le reconnais, là, comment c'est
important, toute cette question de s'assurer de... qu'il y ait un
organisme qui s'occupe de s'assurer que, si on veut travailler sur l'environnement... qui est fait correctement... Puis votre rôle de
protecteur du citoyen, si je peux dire, en matière d'environnement, vous
l'accomplissez, vous l'accomplissez depuis une quarantaine d'années, et le
p.l. n° 61 ne vient pas changer ça.
Bon, la
deuxième partie, puis j'aimerais vous entendre, là, vous... Puis d'ailleurs
nous, on le dit, alors, on ne s'en est pas
cachés, qu'une des raisons pour lesquelles on a fait le p.l. n° 61,
dans le contexte d'un plan de relance qui porte sur les infrastructures — parce que c'est ça, principalement, qu'est 61 — qu'on
veut travailler sur la partie en amont du BAPE, hein? Ce qu'on a dit, c'est que... puis vous l'avez bien dit, et c'est
là que je voudrais vous entendre, parce que vous l'avez dit assez délicatement et... pour dire : Il y
a des délais qui sont raccourcis, puis il faut faire attention que ces
délais-là, dans la préparation de
certains documents qui vont être essentiels au BAPE lui-même dans son analyse,
ne viennent pas nuire à la qualité de la documentation ou des analyses
qui sont faites.
Est-ce que je
me... C'est ça que vous avez... si je résume, là, vos deux grandes composantes.
Ça fait que la première, elle ne
m'inquiète pas parce qu'on n'y touche pas. La deuxième, je voudrais vous
entendre... Pour que je sois très clair, parce que je le dis, là, depuis plusieurs jours, ce projet de loi là est
perfectible, on a... mais je suis très clair, aussi, qu'une des raisons pour lesquelles on veut travailler sur
les délais en amont, c'est qu'on trouve que des fois... Puis surtout dans
un plan de relance, surtout pour une période
intérimaire où on veut apprendre à faire les choses autrement sans changer
les objectifs puis de respecter ce qu'on
veut faire en matière d'environnement, est-ce qu'il y a des délais... je ne
sais pas si on peut raccourcir des
délais, mais sur lesquels on pourrait travailler? Je ne sais pas si on dit
«raccourcir des délais», mais est-ce qu'on pourrait travailler sur
certains délais sans nuire au travail que vous faites si bien?
Alors, ma
question... si vous en avez des exemples, moi, j'aimerais que vous me fassiez
part de vos préoccupations spécifiques
pour être certain que, si on a des aménagements à faire au cours des prochains
jours, lorsqu'on ira article par article,
qu'on tienne compte de votre expérience, quitte à ajuster ces délais-là, parce
qu'entre zéro jour et 180 jours, peu importe, il y a souvent un compromis qu'on peut faire. On a mis un
endroit où on mettait la ligne dans le sable. Moi, je vous demande, aujourd'hui, de me donner quelques
exemples qui vous préoccupent, qui pourraient nous aider, si vous voulez
bien, à faire des ajustements avec nos collègues de l'opposition dans les
prochains jours.
• (19 h 50) •
Le Président (M. Simard) :
M. Bourke.
M. Bourke
(Philippe) : Bien, oui, en
fait, je n'irais pas dans des exemples concrets, mais je pense que vous avez
très bien saisi mon propos, c'est-à-dire que, de notre point de vue, en ce qui concerne nos travaux comme tels,
on ne voit effectivement pas d'impact.
Par contre,
je pense, c'est plus de l'ordre d'une mise en garde dans l'exercice qui sera
fait en amont, donc, et ça appartient
surtout au ministère de
l'Environnement, à tous les
ministères, parce qu'il faut
comprendre que cette étape-là de préparation
du dossier, avant qu'il arrive au BAPE, il est beaucoup dans les mains du
ministère, mais souvent de beaucoup d'autres ministères concernés et de
l'initiateur. Donc, tous ces gens-là auront une responsabilité de s'assurer que
l'information... une fois qu'on va arriver à
l'étape du BAPE, tout sera mis en oeuvre pour que l'information complète soit
de qualité, etc.
Donc, je ne peux pas me... moi, je ne peux pas...
(panne de son) ...sur les moyens, je fais confiance aux gens. Je dirais même que, dans ce qui nous concerne, il
y a beaucoup de projets qui vont être portés par le MTQ, c'est un ministère
qui a de l'expérience dans la procédure
d'évaluation environnementale. Je pense que ce ministère-là peut faire la
démonstration lui-même de s'assurer
que, lorsqu'il va présenter son dossier au ministère de l'Environnement et au
BAPE, l'information soit complète, le dossier soit prêt, etc. Donc,
c'est de cet ordre-là, mais je pense... je fais confiance aux ministères et aux organismes qui vont avoir à s'occuper de cette
procédure-là en amont du BAPE. On voulait simplement dire : N'oubliez
pas, ne faites pas de compromis sur la qualité. C'est un peu ça, le message.
M. Dubé : O.K. Donc,
encore une fois, là, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais
vous ne voyez pas, en ce moment, dans
p.l. n° 61, dans ce qui est suggéré ici, d'éléments qui vous
préoccupent par rapport à ce qui est demandé pour être capables de faire
votre travail correctement.
M. Bourke (Philippe) : Non, c'est ça. Pour nous, ce qu'on voit,
évidemment, c'est seulement le projet de loi, comme je... expliquais tantôt, on n'a pas vu le projet de règlement,
mais on fait confiance aux autorités qui... et notre idée, ici, c'est simplement de rappeler que, si notre
travail, il est maintenu, les paramètres sont... (panne de son). Il y a quand
même des conditions préalables, et on
veut juste s'assurer que, dans ces conditions-là, il y ait un souci de
s'assurer que les dossiers soient
prêts lorsqu'ils vont arriver au bureau et qu'on puisse, donc, dans ces
moyens-là, faire un bon travail et surtout rendre service, à la fin, au décideur, qui aura à prendre
des décisions, et au citoyen, qui aura à vivre avec ces nouveaux projets-là.
M. Dubé :
Très bien. J'aimerais en profiter, parce qu'on a l'occasion de parler des
différents projets... puis, vous savez,
toute l'emphase qu'on va mettre, notamment, à travers ces projets-là, surtout
le développement de projets de transport électrique, les fameux six projets, là, incluant celui de... celui de
Québec n'est pas dans la liste parce qu'il est déjà pas mal avancé, mais pour les autres qu'on veut accélérer,
est-ce que vous avez une crainte... puis là profitez-en, là, parce que j'ai
le chapeau du Trésor en même temps, est-ce
que vous avez une crainte que vous avez les ressources nécessaires, les
effectifs nécessaires? Parce qu'il y
a 200 projets, mais il y a quand même de très, très grands projets, qui
vont demander du travail intense du BAPE au cours des prochains mois,
des prochaines années. Est-ce que vous avez une préoccupation d'être capables
de faire les analyses appropriées avec les effectifs que vous avez en ce
moment?
M. Bourke (Philippe) : Avec les effectifs que j'ai en ce moment, je
dirais que j'ai une crainte, mais ce n'est pas une vraie crainte parce qu'en réalité nos effectifs, historiquement,
puis M. Beaudet pourrait le confirmer... Là, présentement, on est 45, on a déjà été jusqu'à
60 personnes, et on s'ajuste en fonction, justement, des échéanciers, de
l'ampleur des projets qu'on peut
anticiper, de quelle date qu'ils arrivent, etc. Donc, on s'est toujours
adaptés, au cours de ces 40 dernières années là, avec, si nécessaire, des demandes, justement,
au Conseil du trésor ou au ministère de l'Environnement pour s'assurer d'avoir les ressources humaines et financières
suffisantes. Et je dirais que, s'il y a un avantage avec ce projet de loi là,
c'est... on pourrait dire qu'il y a
une certaine possibilité d'anticipation plus grande, c'est-à-dire que, sur cinq
ans, on est capables de voir déjà un niveau de charge de travail qui
nous permet de mieux planifier nos besoins en termes de ressources financières
et humaines puis, à ce moment-là, d'entrer rapidement en dialogue avec les
autorités...
(Panne de son)
M. Dubé : Je n'aurais pas dû faire un commentaire sur la qualité de la connexion parce
qu'on semble vous avoir...
M. Bourke
(Philippe) : ...
M. Dubé :
O.K., on vous a rattrapé. Mais je pense que... mais je crois avoir saisi
l'essentiel...
Une voix :
...
M. Dubé :
Est-ce que vous m'entendez toujours, M. Bourke?
Des voix :
...
Le Président
(M. Simard) : Alors, nous allons faire une courte pause.
(Suspension de la séance à
19 h 57)
(Reprise à 19 h 58)
Le Président
(M. Simard) : Alors, M. Bourke, heureux de vous retrouver,
vous nous manquiez déjà.
M. Bourke
(Philippe) : Oui.
Le Président
(M. Simard) : M. le ministre, à vous la parole.
M. Dubé : Je pense que vous aviez répondu à ma question au
niveau des effectifs, alors j'apprécie ça, parce que... ce qui va m'amener à, je pense, je dirais, ma
dernière question, parce que j'ai entendu beaucoup, dans les deniers
jours, dernières semaines, là, les
10 derniers jours, depuis qu'on a déposé le projet de loi, qu'il y a des gens qui pensaient que les gens... que la population était lésée par
rapport à l'ensemble des projets. Moi, ce que j'aimerais... Pour s'assurer que
ces projets-là étaient bien analysés, je
reviens toujours sur un côté environnemental, juste pour nous illustrer, là,
pour que les gens voient bien
l'importance de votre travail, quel est le seuil... puis je vais l'appeler
«monétaire», le seuil quantitatif monétaire
qui fait que des projets doivent passer au BAPE? Il y a des seuils monétaires,
mais il y a d'autres justifications, parce que, là, on parle de
200 projets, ce n'est pas 200 projets qui vont devoir passer au BAPE.
Je pense qu'il y avait une inquiétude de dire :
Comment on va faire pour analyser tous ces projets-là? J'aimerais que vous nous
expliquiez rapidement... mais il me reste combien de temps juste pour...
Le Président
(M. Simard) : 3 min 40 s.
M. Dubé : Il me reste à peu
près trois minutes, puis je vais vous laisser le plein trois minutes
pour expliquer comment se fait la sélection,
pour vous, de ce qui est important qui doit passer au BAPE... puis vous voyez
un peu... Vous nous avez félicités
pour la prévisibilité des projets. Maintenant, je voudrais être certain que les
gens comprennent que les projets qui
doivent passer chez vous vont passer chez vous, alors j'aimerais vous entendre
là-dessus, s'il vous plaît.
• (20 heures) •
M. Bourke
(Philippe) : La réponse à
votre question, c'est la Loi sur la qualité de l'environnement qui détermine
ce que vous pouvez appeler les seuils, là, mais il y a une annexe qui prévoit
quels sont les projets qui sont assujettis à la
procédure et donc qui pourraient éventuellement faire l'objet d'une analyse du
BAPE. Tous les projets immobiliers, donc — il y en a beaucoup dans votre liste de
projets, là — que ce
soient les hôpitaux, les écoles, tout
ça, c'est des projets qui ne sont pas
assujettis à la procédure. Donc, c'est des projets industriels, les projets
miniers, les projets... donc beaucoup de
projets privés. Dans le cas des projets publics, c'est beaucoup des projets qui
touchent le transport, transport routier, transport collectif. Donc,
dans la liste, là... Les projets d'énergie aussi, donc — j'ai parlé, tantôt, du projet
d'interconnexion avec Hydro-Québec — ces grands projets-là, les projets en
général qui touchent à l'eau aussi, c'est des projets qui sont assujettis à la procédure. Mais donc, dans la
liste, là, c'est essentiellement des projets de transport collectif et routier
et un projet d'énergie, là, qui se
retrouvent là, donc ce n'est pas la majorité, là. On n'a pas fait de calcul
exact encore à savoir, là, mais on parle entre 50 et 60 projets,
peut-être, dans cette liste-là, là, qui pourraient être assujettis.
M. Dubé :
Qui seraient assujettis au BAPE, 50 à 60 projets. Puis, encore une fois,
je vais vous le demander, parce que
je pense qu'il me reste juste quelques secondes : Le projet de loi
n° 61 n'affecte en rien le nombre de projets que vous auriez eu à
analyser avant p.l. n° 61 et après p.l. n° 61?
M. Bourke
(Philippe) : Non. Par
contre, il va les rapprocher, probablement, mais avec une prévisibilité. Comme
je disais, l'impact de la précipitation va être compensé par une meilleure
prévisibilité.
M. Dubé :
Très bien. Alors, M. le Président, ça complète pour moi. Merci beaucoup. Merci,
M. Bourke. Merci.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Il reste à votre formation
politique 1 min 20 s. Non, ça va? Très bien. Alors, M. le
député de La Pinière, à vous la parole.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. M. Bourke, M. Beaudet. M. Bourke, je
suis arrivé une minute en retard, j'ai raté l'endroit où vous êtes.
Parce que moi, je viens de La Tuque. Vous êtes où?
M. Bourke (Philippe) : À
Windigo, à la Pourvoirie Windigo.
M. Barrette :
Ah! vous êtes à Windigo. O.K., bon, bien, je vois où est-ce que vous êtes. Très
bien, bonne place pour aller à la pêche.
Bon, écoutez,
j'ai trouvé ça vraiment, là, intéressant, et sans doute vous aussi avez-vous
trouvé les échanges, à date, intéressants.
Quand je dis «échanges à date», je ne parle pas de celui que vous venez
d'avoir, mais bien les consultations publiques,
parce qu'évidemment dans les... Vous avez la couenne dure, parce qu'en général
vous êtes la personne qui est la source
de tous les maux des projets au Québec, et, quand j'écoute le président du
Conseil du trésor, bien, il n'y a pas de
problème avec vous. Je ne pense pas qu'il y a un problème avec vous
spécifiquement, là, personnellement, mais tous les gens qui viennent ici nous disent : Les délais sont indus,
c'est de la faute au BAPE, là. Vous êtes habitués à ce genre de discours là. Et là j'écoute le président du
Conseil du trésor, puis : Bien non, voyons donc, tout le monde va bien.
Alors, je trouve ça assez particulier, bon.
Alors, quand
j'entends le ministre nous dire, là, qu'il ne va pas changer rien du BAPE, et
ainsi de suite, moi, je retiens une
chose, M. Bourke, vous avez quand même dit que vous réserviez vos
commentaires parce que vous n'aviez pas vu la teneur du règlement. Je ne veux pas que vous me le répétiez, là, je
vais juste vous dire que vous avez bien raison, là, parce qu'on ne peut pas commenter ce qu'on ne sait
pas, puis le projet de loi, il est plein de choses qu'on ne sait pas. Ça fait
que c'est un projet de loi qui écrit : Voici, tout peut arriver. Alors, de
vous demander de commenter ce que vous ne connaissez pas, c'est assez étonnant.
Maintenant,
le ministre nous dit... le président du Conseil du trésor nous dit aussi que tout ce qui est dans le BAPE va être respecté. Bien là, écoutez,
on va avoir un échange là-dessus. Écoutez, le ministre, là, il l'a dit, là, lui, là, pour lui, là,
tout va se passer comme d'habitude. Bien,
moi, c'est juste que je ne comprends pas ça, parce que le ministre
nous a bien dit à plusieurs reprises, publiquement et en briefing, qu'il voulait
raccourcir les travaux du BAPE. Là, aujourd'hui, il vous dit : Non, non, non, c'est en amont de vous qu'on veut
qu'il y ait des accélérations, mais, vous, ça va être comme avant, c'est
fort — je
vois votre sourire, parce que, comme vous, je trouve ça fort — alors
que partout, sur toutes les tribunes, ça vous prend trop de temps. Et le ministre a dit à
plusieurs reprises : Un BAPE qui
prend des mois, une fois ça a été 18, 12, neuf, là, on les a entendus, les trois chiffres, on va
ramener ça à six, trois, un mois, voire des jours. Dites-moi, M. Bourke, est-ce que vous êtes capables de faire un
travail de la même qualité si on vous force à le faire d'une façon très
accélérée?
Le
Président (M. Simard) : M. Bourke.
M. Bourke (Philippe) : Alors, je souriais parce que, la question
que vous soulevez, j'essaie de... j'en parle depuis que j'ai été nommé, puis c'est une histoire qui
date depuis longtemps. Il y a une énorme confusion, au Québec,
pour toutes sortes de raisons
culturelles, entre le BAPE et l'ensemble de la procédure d'évaluation environnementale. Un BAPE, ça dure maximum
quatre mois. Donc, ce n'est pas plus long que quatre mois. Des fois, même, ça peut
être trois, puis des fois deux, quand
c'est une médiation. Qu'est-ce qui prend 12, 18 mois? C'est la procédure
d'évaluation environnementale, c'est justement l'étape préalable, la période avant le BAPE et c'est, de ce
j'en comprends, la période sur laquelle le gouvernement souhaite faire des économies de temps.
Donc, en ce qui nous concerne, je reviens là-dessus,
le projet de loi, nous, ce qui nous rassure, c'est qu'en
maintenant nos règles de procédure — et c'est dans nos règles de procédure qu'ils
sont inscrits, ces délais de quatre mois — bien, ça nous préserve de faire des raccourcis. Nous, on a besoin... Déjà, ce
quatre mois-là, c'est déjà, je vous le dirais, un championnat du monde à chaque
fois, d'analyser un projet en quatre mois, de l'ampleur dont on connaît. Donc,
s'il fallait faire un raccourci dans ça, là, par exemple, ça serait une
difficulté.
M. Barrette : Très bien. On a établi ça, et c'est bien qu'on
ait établi ça. Vous ne pouvez pas le voir, actuellement, parce que la
caméra est sur moi, mais, en face, les gens sont heureux.
Alors là, à la prochaine question,
ils vont être moins heureux. Vous n'avez pas d'autorité sur la portion
préalable, n'est-ce pas? Vous pouvez le dire dans le micro, là.
M. Bourke (Philippe) :
Non, désolé, je n'ai aucune autorité sur la période préalable.
M. Barrette :
Parfait. La période...
M. Bourke
(Philippe) : Moi, je reçois les mandats...
M. Barrette :
Allez-y, allez-y.
M. Bourke (Philippe) : Nous, le BAPE, on reçoit les mandats du ministre,
on ne peut pas s'automandater. Donc, une
fois qu'on reçoit une lettre du ministre qui nous dit : Penchez-vous sur ce
dossier-là, on commence notre travail. On n'a pas d'autorité sur ce qui
se passe avant ni après, d'ailleurs.
M. Barrette : Non, mais on est contents d'entendre ça, parce
que, là, on comprend que le discours du ministre vient de changer aujourd'hui, ce soir, là.
Parce que de parler du BAPE avant, là, faites-vous-en pas, on les a toutes
entendues, ces phrases-là, et là on
vient de scinder l'argument en deux. Alors, il y a le bout du BAPE, qui est
bien correct, là, d'après les sourires que je vois en face de moi, ce
quatre mois-là ne semble pas un problème pour l'accélération des projets. On comprend maintenant que la portion
préalable n'est pas sous votre responsabilité, elle est donc sous la
responsabilité du gouvernement, et vous n'avez pas d'autorité là-dedans. Donc, c'est le gouvernement qui, lui-même, a de la misère à faire sa job.
Une voix :
...
M. Barrette :
Est-ce qu'il y a un problème de communication?
M. Bourke
(Philippe) : Oui, je ne vous entends plus.
Des voix :
...
M. Barrette : On a compris votre réponse. Alors, juste de même,
là, si vous étiez vous-même un gouvernement et que
vous étiez responsable de vos actions, auriez-vous besoin d'un projet de loi pour changer vos actions ou vous le feriez vous-même, comme
dirigeant? Le plus probable.
M. Bourke
(Philippe) : Si j'avais le pouvoir de changer nos règles?
M. Barrette :
Si vous aviez, vous, dans votre organisation, vous...
M. Bourke (Philippe) : Bien, déjà, comme je vous dis... Tantôt, j'ai
mentionné... mais c'est intéressant que vous me donniez cette
occasion-là. Il y a une disposition dans le projet de loi... J'ai
l'impression... Est-ce que ça a coupé?
M. Barrette :
Ça va très bien. On aime vous parler.
M. Bourke (Philippe) : Il y a une disposition dans le projet de loi... c'est ça, on a une disposition qui nous permet de simplifier des processus, et ça, c'est quelque chose que, si j'avais pu le modifier moi-même, je l'aurais fait. Et je suis
content de voir qu'on
a introduit cette chose-là parce que, pour moi, ça devenait un peu incohérent,
qu'il y ait deux lois en même temps
qui consultent les citoyens sur le même projet. Donc, je trouve que c'est une
belle occasion de simplifier des processus, de rendre ça plus efficient
et plus cohérent.
M. Barrette : Mais, sur votre autorité, là, si vous constatiez
que vos employés, entre guillemets, les gens sous votre responsabilité ne sont pas performants, vous
géreriez votre affaire correctement pour qu'ils le soient, n'est-ce pas?
M. Bourke
(Philippe) : Oui, ça fait partie de mes responsabilités.
• (20 h 10) •
M. Barrette :
C'est ce que je pensais. Alors, bien, merci pour la réponse. Alors là, on vient
d'établir que... Pourquoi... Je veux dire,
le bout à ralentir est sous la responsabilité de l'État, est-ce qu'on a besoin
d'un projet de loi pour que l'État
soit fonctionnel... un projet de loi, pardon, pour que l'État soit fonctionnel?
Vous n'avez pas besoin de répondre à cette question-là, M. Bourke,
je ne l'adresse pas à vous, je l'adresse, évidemment, à l'univers qui nous
écoute.
Bon,
je comprends votre argument sur la prévisibilité, c'est une évidence. Je
comprends... puis je ne vous dis pas que
c'est une évidence pour minimiser votre argument, là, pas du tout, au
contraire, là, mais je comprends aussi que... Puis là je vais vous poser
cette question-là. Vous l'avez dit vous-même, là, il y a à peu près le quart
des projets qui nécessiteraient un BAPE, le
quart, là, 50 % à 60 %, là, 50 %, 55 %, là. Est-ce qu'il
est raisonnable de penser que tous les BAPE ne sont pas égaux en termes
de durée? Il doit y avoir des BAPE qui sont même plus courts que quatre mois.
M. Bourke (Philippe) : Effectivement, comme je vous disais, il arrive
que certains projets, parce qu'ils ne suscitent pas, dans... ils ne soulèvent pas de préoccupations majeures dans le
milieu, parce que les citoyens n'en font pas la demande, bien, à ce moment-là... Souvent, il peut arriver
que, s'il y a un seul citoyen qui demande une audience publique, on propose,
à ce moment-là, un mécanisme de médiation qui, lui, dure seulement deux mois au
maximum.
M. Barrette :
Est-ce que c'est normal que, dans le projet de loi...
M. Bourke
(Philippe) : Et, selon la...
M. Barrette : M. Bourke, il me reste juste
15 secondes. Est-ce que c'est normal, pour vous, que, dans le projet
de loi, ce soit le ministre de l'Environnement qui décide de la longueur, de la
durée du BAPE?
M. Bourke
(Philippe) : ...
M. Barrette :
On ne vous entend pas.
M. Bourke (Philippe) : Ce que j'ai compris du projet de loi, c'est qu'il
n'y avait pas de modification à nos délais, que ce soit par le ministre
ou qui que ce soit d'autre.
M. Barrette :
Le ministre s'est exprimé en ce sens-là, là. Je vous le dis pour votre
information.
Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au
député de Rosemont. Cher collègue, vous disposez de
2 min 25 s.
M. Marissal : Oh boy! Merci. M. Bourke, je vais
rapidement, j'abrège les salutations. Vous dites que nous n'avez pas d'inquiétude parce que votre partie, elle ne
change pas, mais la partie avant, elle, change, l'étape préliminaire, qui est
entre les mains du ministère de l'Environnement. Ce que vous faites dans une étude de projet, là,
ce n'est pas morcelé, c'est un continuum.
Il y a un projet qui «poppe» dans l'air, il est saisi par le ministère de
l'Environnement, la population aussi
s'en saisit. L'opinion publique, les médias, ça spinne. Si cette partie-là est
raccourcie au minimum, ça passe vite dans
la gorge de la population, vous vous ramassez avec un projet qui, apparemment, est O.K., mais votre
exercice de démocratie participative, là, elle vient d'en prendre un
méchant coup, non?
M. Bourke
(Philippe) : Bien, nous, notre exercice n'est pas basé sur la...
comment dire, il prend en compte le contexte
dans lequel le projet s'insère. Puis ce n'est pas parce que ça fait 10 ans
qu'on parle de ce projet-là, tout à coup arrive au BAPE... ou que ça fait un an et demi que ça change réellement
quoi que ce soit à notre exercice à nous. Nous, on s'appuie sur l'information qui est disponible à ce moment-là, et
c'est grâce à ça qu'on base notre analyse et on soumet nos
préoccupations. Par contre, le décideur, lui, probablement que son écran de
vision va être différent.
M. Marissal :
Est-ce que j'ai raison de dire : Ce que vous faites, là, c'est un
continuum? Vous êtes une des parties importantes
du continuum à partir du moment où un projet «poppe», «poppe» dans l'air, là,
j'entends, là. Mais là le projet de
loi, ce qu'il nous dit, c'est que n'importe quel ministre, à n'importe quel
moment, peut arriver avec n'importe quel projet qui va être décidé par décret, puis tout ce qu'il va y avoir comme
reddition de comptes, c'est une heure en commission parlementaire, après ça, ça s'en va chez vous.
Avouez que l'opinion publique puis le débat sur le projet qui est intrinsèque
à ce que vous faites, ça ne sera pas du tout la même game.
M. Bourke (Philippe) : Bien, comme je vous dis, pour nous, cette
période-là en amont, elle appartient au gouvernement, puis, nous, notre rôle, c'est d'analyser le projet
une fois qu'il nous est soumis. Donc, l'important, comme je l'ai mentionné
tantôt, notre préoccupation, c'est de
s'assurer que, lorsque ça nous arrive, ça soit un projet qui est bien
documenté, que l'information est de qualité, elle est crédible et elle
est toute présente.
Le Président
(M. Simard) : Merci, M. Bourke. Je cède maintenant la parole
au député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui, merci, M. Bourke, de votre présence, et les gens qui vous
accompagnent au BAPE. Moi, je veux
savoir, le règlement qui reste à être adopté, pour lequel vous dites que vous
avez une confiance envers le gouvernement, sur quelles matières vous
concernant il pourrait intervenir?
M. Bourke (Philippe) : Sur quelles matières? Écoutez, je n'ai pas le
libellé exact du projet de loi. Je ne sais pas si monsieur...
M. Gaudreault :
Bien, sur les délais, sur les... oui.
M. Bourke (Philippe) : Peut-être M. Beaudet pourrait compléter
cette information-là, parce que je n'ai pas avec moi le document.
M. Beaudet
(René) : Bonsoir. René Beaudet, secrétaire et directeur général
du BAPE.
Alors, bien, pour
répondre à votre question, je vous dirais que le projet de règlement, on ne l'a
pas vu. Donc, M. Bourke... sûrement
qu'il fera mention, justement, des étapes préalables, là, à... Et donc c'est pour ça qu'on a... des
éléments qui...
M. Gaudreault :
Il faut compléter, tu sais, c'est «fill in the blank».
Le Président
(M. Simard) : On va stopper le temps, on va stopper le temps
d'intervention.
M. Gaudreault :
On ne vous comprend pas, monsieur.
Le Président (M. Simard) :
M. Beaudet, nous allons suspendre momentanément.
(Suspension de la séance à
20 h 16)
(Reprise à 20 h 17)
Le Président
(M. Simard) : Alors, nous sommes de retour. M. Beaudet,
m'entendez-vous?
M. Beaudet
(René) : Oui, je vous entends très bien.
Le Président (M. Simard) : Très bien. Si d'aventure la ligne devait
recouper, nous repasserons à M. Bourke, qui pourra compléter la
réponse. Alors, M. Beaudet, nous vous écoutons.
M. Beaudet (René) : Parfait. Donc,
comme on disait tout à l'heure, on n'a pas le projet de règlement
devant nous, donc il est difficile de commenter quelque chose qu'on n'a
pas vu.
Par contre, on a
attiré l'attention des parlementaires sur deux éléments pour lesquels on souhaite
qu'il y ait une attention particulière pour
être sûrs que l'information va être de qualité, donc, dans les étapes
préalables avant que les documents
nous arrivent, avant le mandat. Donc, on a parlé de la consultation sur la
directive, qui était très importante pour prendre en compte les enjeux
des citoyens pour la réaliser, l'étude d'impact.
Un élément qu'on a mentionné aussi, c'est toute
l'importance que prend, dans le fond, l'initiateur du projet pour bien documenter son projet, bien documenter son étude
d'impact et bien répondre à la directive que le ministre émet. Donc, ça,
c'est un élément qui est très important et
qui est sous la responsabilité de l'initiateur de projet. Donc, ça, c'est
vraiment une plus grande
responsabilisation de l'initiateur du projet dans la réalisation de son étude
d'impact. C'est d'ailleurs des enjeux qui ont été soulevés lorsque le projet de modernisation de la Loi sur la qualité de l'environnement a été mis en place et adopté en 2017.
L'autre
élément, c'est toute l'étape de la recevabilité de l'étude d'impact. Encore là,
c'est des étapes qui vont être... dont
les délais vont être prévus dans le projet de règlement. Ce qu'on dit, dans
le fond, c'est que... devra être de bon niveau pour s'assurer que
l'étude d'impact est de qualité, qu'on puisse faire le travail adéquatement.
Le
Président (M. Simard) :
Très bien. Merci, M. Beaudet. Je cède maintenant
la parole au député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci, M. le Président. Bonsoir à vous deux. C'est toujours
agréable de voir qu'effectivement notre Internet, au Québec, peut
fonctionner en région aussi.
J'ai une préoccupation, M. Bourke. Vous semblez être très confiant qu'il n'y a rien qui va changer, mais on veut travailler en amont des projets avant que ça arrive chez vous. Et on
écoutait le premier ministre, ce matin, qui nous disait qu'il y a
urgence que les travaux se fassent à l'été 2020, 2021 et 2022, que, si ça
ne commençait pas cette année, ce serait à l'été 2023.
Je comprends que vous
n'avez pas de préoccupation, mais j'ai comme... je n'ai pas la connaissance du
BAPE comme mes collègues de Jonquière et mes autres collègues peuvent avoir,
mais j'ai comme l'impression que toutes vos
audiences vont être à l'hiver et qu'on va effectivement bousculer votre indépendance en vous obligeant à travailler en
dehors des... à la saison froide, parce
que, là, c'est froid puis c'est
chaud, dans le temps de la COVID. Donc, à la saison froide, on va vous
obliger à travailler pour que tout soit prêt pour qu'à la saison chaude on
puisse avoir tout le monde au travail. Donc,
moi, c'est une préoccupation, comme citoyen ordinaire, que j'ai. Je ne sais pas si vous la
partagez ou si c'est quelque chose qui pourrait bousculer votre indépendance,
au BAPE.
• (20 h 20) •
M. Bourke (Philippe) : Je ne dirais pas qu'elle bousculerait notre indépendance, mais clairement notre capacité à
fonctionner. Nous, c'est clair, puis on est
constamment en dialogue avec le ministère lorsqu'il vient le temps de planifier
nos mandats, bien, c'est une préoccupation
qu'on a de s'assurer que le calendrier qu'on convient pour l'arrivée des
projets l'un après l'autre soit
respectueux de notre capacité à assurer une qualité de service. J'ai parlé,
tantôt, des effectifs. S'il le faut,
on en rajoute, mais il y a quand même des limites à bousculer toutes les choses
en même temps, et on s'attend à avoir une coopération au niveau du
calendrier avec le gouvernement.
Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, M. Bourke, c'est le temps
dont nous disposions. Merci beaucoup
pour votre participation. Je remercie également M. Beaudet.
Sur ce, je vais
suspendre nos travaux momentanément.
(Suspension de la séance à
20 h 21)
(Reprise à 20 h 25)
Le
Président (M. Simard) :
Chers collègues, nous reprenons nos travaux, cette fois-ci en présentiel, donc il n'y aura
pas de rupture de communication. Nous avons l'honneur de recevoir la représentante... la
présidente, à vrai dire, de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec,
Mme Bédard — soyez
la bienvenue, bonsoir — ainsi
que la présidente de l'Alliance du personnel
professionnel et technique de la santé et des services sociaux — Mme Poirier,
soyez la bienvenue. Alors, vous savez
que vous disposez conjointement d'une période de 10 minutes pour votre
présentation, nous vous écoutons.
Fédération
interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
et Alliance du personnel professionnel et technique
de la santé et des services sociaux (APTS)
Mme Poirier
(Andrée) : Alors, est-ce
qu'on peut nous arrêter après le premier cinq minutes pour pouvoir se...
Le Président
(M. Simard) : Je m'y engage.
Mme Poirier (Andrée) : Merci. Mmes,
MM. les députés, je vous remercie
d'avoir invité l'APTS à faire entendre son point de vue sur le projet de
loi n° 61.
Je tiens par contre à
faire savoir d'entrée de jeu notre profond mécontentement vis-à-vis du processus
de consultation. La volonté gouvernementale de faire adopter à
toute vitesse une loi qui suspend les mécanismes normaux d'analyse et de contrôle des différents projets d'infrastructure n'est aucunement justifiée.
Le projet de loi ne doit pas être adopté avec empressement, et cela nous préoccupe au plus haut point. Ni
la crise sanitaire ni les impacts économiques
qui en découlent ne peuvent expliquer un tel
empressement. Sous prétexte de vouloir relancer l'économie, le projet de loi met en place un état d'exception permanent allant à l'encontre des
règles devant régir un état de droit. L'APTS appréhende que les évaluations bâclées et les projets
d'infrastructure qui en découleront risquent de mener tout droit à une nouvelle commission
Charbonneau.
Nous
comprenons que l'heure est à la reprise économique... a sonné pour le gouvernement. La crise sanitaire est pourtant
loin d'être réglée. Et, avant d'injecter des milliards de dollars en
infrastructures, il faut nous assurer que le réseau de la
santé et des services sociaux soit
capable de faire face à la deuxième vague annoncée de COVID-19, et rien n'est
moins sûr pour le moment. La relance
économique ne sert à rien si nous sommes incapables de contrôler cette
dernière. Il est donc primordial d'investir en amont, d'agir en
prévention.
Il faut offrir des conditions de travail décentes
à l'ensemble des travailleuses pour régler la pénurie de main-d'oeuvre qui afflige actuellement le réseau de la santé et des services sociaux. Cela implique entre autres de permettre aux
salariés que nous représentons de
pouvoir se reposer afin d'éviter un épuisement professionnel généralisé en
pleine deuxième vague. Pour ce faire,
il faudra assurer une meilleure attraction et rétention de la main-d'oeuvre. Les conditions d'exercice et de
travail doivent être améliorées
substantiellement pour maintenir nos membres en emploi et pour redonner envie
aux jeunes de s'orienter vers des
professions dans le réseau. La priorité de l'heure ne devrait donc pas être à
la construction de nouvelles maisons
des aînés mais plutôt l'organisation du travail dans les CHSLD. Il faut
investir en prévention ainsi que dans le soutien à domicile.
Avec le projet de loi n° 61, le
gouvernement ne se contente pas de cibler les mauvaises priorités, il
privilégie encore et toujours les
métiers traditionnellement masculins. En limitant son plan de relance aux
infrastructures, le gouvernement récupère
une vieille recette qui limite la stimulation économique au seul secteur de la
construction. On a déjà dû jouer dans ce
film-là, il s'agissait du plan de relance mis en place par le gouvernement
Charest lors de la crise économique en 2008. On se souvient que le gouvernement avait alors misé sur les secteurs
d'activité à prédominance masculine comme la construction, tout en imposant ses politiques d'austérité aux
secteurs à prédominance féminine, en santé, dans les services sociaux et
en éducation. Tout indique que le gouvernement veut nous imposer cette recette
à nouveau. Alors que le président du Conseil
du trésor mise sur une relance axée sur les métiers majoritairement masculins,
le ministre des Finances nous prévient déjà que l'austérité sera de
retour au nom de la saine gestion de la dette publique.
Nous constatons que
le gouvernement ne voit pas de problème à augmenter cette dette au nom de
l'économie masculine. Les dépenses
d'infrastructures seront financées par des emprunts sans qu'on ne soit prêts à
faire de même pour l'économie
féminine. C'est inacceptable. Comment s'étonner alors que l'équipe de relance
économique n'inclut aucune femme? Les services publics sont encore une
fois rabaissés au statut de dépenses d'épicerie, mis en opposition avec des investissements jugés structurants en
infrastructures. Le processus décisionnel se doit d'être paritaire. Les
professions de foi féministes ne sont
qu'un faire-valoir politique si l'on exclut les femmes du processus décisionnel
et même des consultations.
• (20 h 30) •
On n'a pas hésité à
entendre séparément les syndicats de la construction, mais on impose aux
représentantes des salariés de la santé et
des services sociaux, 80 % de femmes, de présenter leurs analyses conjointement
en leur accordant que cinq minutes
chacune. Reconnaissons qu'il y a un examen de conscience à faire. La voix des
femmes ne porte pas bien loin. Le
gouvernement a décidément la mémoire courte. C'est tout de même un réseau
constitué à grande majorité par des femmes qui tient actuellement le
Québec à bout de bras depuis le mois de mars.
On ne peut parler de relancer l'économie sans
parler d'environnement. La pandémie est une crise de santé publique, mais c'est aussi un avertissement qu'une autre
crise beaucoup plus importante nous guette, c'est-à-dire l'urgence climatique.
Le réchauffement planétaire sera également
une crise de santé publique. Il surchargera le réseau de la santé. Les dégâts
économiques seront importants. Il sera alors beaucoup plus difficile d'aplatir
la fameuse courbe.
Comme pour toute crise de santé publique, c'est en
prévention que les investissements sont les plus rentables. Nous avons aujourd'hui l'opportunité de
transformer notre économie. Pour éviter le pire, le Québec doit faire sa part
et réduire ses émissions de gaz à effet de serre de moitié d'ici
10 ans pour les éliminer complètement d'ici 25 ans.
Le Président
(M. Simard) : Mme Poirier...
Mme Poirier
(Andrée) : Il ne suffit pas d'investir dans le transport en commun, il
faut aussi le faire dans l'électrification du transport, encourager la
production locale et mettre fin à notre dépendance au pétrole.
Nous
voulons, finalement, aborder la prolongation inacceptable de l'état d'urgence
prévu à l'article 31 du projet de
loi. La crise sanitaire ne peut servir de prétexte pour suspendre indéfiniment
les droits des salariés, et ce, en pleine période de négociation des conventions collectives. Le
projet de loi laisse le champ libre au président du Conseil du trésor pour
imposer d'autres décrets, niant ainsi le
fondement même du droit d'association. Les arrêtés ministériels qui octroient
les pleins pouvoirs aux centres
intégrés ne peuvent demeurer en vigueur indéfiniment, particulièrement
l'arrêté 20-07. Il est intolérable de prolonger cet état d'exception qui limite les demandes de congé pour
les salariés, entrave la prise des journées fériées et des vacances, en plus de réassigner les membres
de l'APTS à des tâches hors de leur champ d'expertise, privant ainsi une
partie de la population des services.
En conclusion, l'APTS souhaite rappeler au
gouvernement que l'adoption à toute vitesse d'un projet de loi limitant l'encadrement réglementaire lié à des dépenses
d'infrastructures structurantes est carrément inacceptable et ne laisse rien
présager de bon. Limiter la surveillance
encadrant la distribution des contrats publics n'est pas la réponse ni pour
relancer l'économie ni pour s'adapter
au contexte d'urgence sanitaire. Les professionnelles et les techniciennes de
l'APTS luttent depuis des moins pour
endiguer une pandémie. Il est temps que le gouvernement comprenne qu'elles
méritent traitement équitable. C'est vital pour sortir de la crise et
pour voir arriver la prochaine.
Le Président
(M. Simard) : Merci. Mme Bédard.
Mme Bédard
(Nancy) : Donc, merci de nous accueillir ce soir.
Le Président :
En théorie, il vous reste trois minutes.
Mme Bédard
(Nancy) : Oh là là!
Le Président
(M. Simard) : C'est en théorie, mais, ceci étant dit...
Mme Bédard
(Nancy) : Merci.
Le
Président (M. Simard) : Mme Bédard, juste 10 secondes,
parce qu'il y avait une proposition à l'effet que vous puissiez dépasser un peu. Je pense qu'il y a
consentement autour de la table. Alors, prenez le temps requis, madame, et on retravaillera avec le secrétariat pour
répartir le temps. Allez-y, Mme Bédard. C'est que j'avais besoin du
consentement avant. Merci.
Mme Bédard (Nancy) : Merci. Alors, M. le Président, M. Dubé, MM.,
Mmes les parlementaires, merci de nous accueillir à cette commission
parlementaire, mais dans ces circonstances particulières qui m'amènent à vous
livrer en cinq minutes ce que nous pensons, au niveau de la FIQ et ses
76 000 professionnels en soins, de ce projet de loi.
Donc,
dans ce cadre-là, l'intervention de la FIQ sera donc axée sur l'état d'urgence
sanitaire et les articles 31, 32 de
ce projet de loi, ce projet de loi, soi-disant, qui cherche à atténuer les
conséquences, mais pourtant les articles 31 et 32 du projet de loi
visent plutôt, pour nous, à maintenir ces effets en le prolongeant de manière
arbitraire et sans aucun garde-fou. Pour les
professionnels en soins que nous représentons fièrement, l'état d'urgence
sanitaire décrété par le gouvernement le
13 mars pouvait peut-être être justifié jusqu'à un certain point par la
situation de crise qui était vécue à ce moment. Mais, depuis plusieurs semaines, pour nous, il nous
apparaissait plutôt évident qu'il devait y avoir un terme, mais non. L'impact
de sa prolongation sur une longue durée
touche de nombreux secteurs de la société, mais elle est particulièrement
critique pour l'ensemble des employés
de la santé, ces femmes, notamment, qui sont au front de la pandémie et que le
gouvernement ignore et qu'il malmène via ce décret, sans égard réel à la
pandémie.
Les énormes pouvoirs qui découlent de l'état
d'urgence sanitaire, notamment la gestion par arrêtés ministériels, sont des pouvoirs exceptionnels qui doivent être
encadrés. Et, si l'expérience des trois derniers mois est garante du futur,
bien, laissez-moi, ici, vous alerter sur
l'abus de pouvoir que cet état d'urgence a permis d'installer sur le terrain.
Si la Loi sur la santé publique vient
baliser l'utilisation de l'état d'urgence et force celui qui le réclame à
devoir le justifier régulièrement par
des mécanismes démocratiques, c'est parce qu'il s'agit, justement, de pouvoirs
extraordinaires et que leur utilisation doit reposer sur des critères,
des critères exceptionnels puis des critères scientifiques.
Dans
le contexte où le Québec se déconfine, actuellement, en se basant sur la
science, bien, étonnamment, il semble que la science, elle ne s'applique
plus au moment où on se trouve à l'entrée d'un établissement de santé, à moins
que la science de la gestion ait préséance
sur la santé publique lorsqu'il s'agit des travailleuses du réseau de la santé.
Mais ça ne devrait pas être ça, puis tout le monde le sait.
Pour
nous, rien n'empêche le gouvernement de réagir à nouveau puis de mettre en
place les bons leviers, avec les
apprentissages des derniers mois, s'il y a une deuxième vague et si elle avait
le malheur de s'abattre sur le Québec. Mais,
de toute évidence, avec ce projet de loi, le gouvernement fait plutôt le choix de se soustraire à ses propres
lois, à l'obligation d'être remis en question puis à ses obligations en
vertu des conventions collectives dûment négociées.
Pour
nous, la gestion par arrêtés ministériels bafoue les droits des travailleuses, vient accentuer l'épuisement et
le désespoir qui étaient déjà ancrés bien
avant la pandémie. En prolongeant à sa guise un état d'urgence sanitaire, qui
ne correspond ni aux critères
scientifiques ni à la réalité du terrain, le prétexte de la pandémie risque de
servir à toutes les sauces pour
justifier une gestion de conditions de travail absolument inacceptable. Le
gouvernement va créer une démobilisation massive des professionnelles en soins, puis je vais le dire comme ça,
qui en ont vraiment ras le bol qu'on les tienne pour acquises. Le réseau de la santé et les patients en
feront largement les frais, et ce n'est certainement pas ce que l'on souhaite,
ce que vous souhaitez et ce que la population souhaite.
Quelques
mots sur la vision économique de ce gouvernement telle qu'elle transparaît dans
le projet de loi n° 61. Bien,
comme ses prédécesseurs, la réponse du gouvernement est, bien sûr, d'investir
dans les infrastructures, le secteur privé
et la construction en évitant, dans ce projet de loi, de rendre des comptes.
Pourtant, il y a une chose à retenir de cette crise, c'est l'urgence d'investir aussi dans les services
à la population, et l'État dispose de tous les leviers pour entreprendre
une relance économique basée sur la
stimulation de l'emploi et un rehaussement significatif des services à la population.
Même si le gouvernement cherche à les
cantonner dans leur rôle d'anges gardiennes, les femmes sont aussi des agentes
économiques, et investir dans leur bien-être
contribue à stimuler, aussi, l'économie en assurant des services à la
population. Ce n'est pas le choix qui semble être fait dans ce projet de
loi.
Alors,
ne serait-ce que pour les articles 31 et 32, mais aussi parce qu'il
autorise le gouvernement à passer outre tellement de critères, parce qu'il est une atteinte au fonctionnement
démocratique de notre société et parce qu'il constitue une grave atteinte aux femmes du réseau de la
santé, il est impératif pour nous que ce projet de loi soit abandonné. Merci.
Le
Président (M. Simard) : Bien, Mme Bédard, ça fait... on est
10 minutes, dans les temps. Vous êtes vraiment une pro. Je, donc, cède la parole à M. le
ministre. Vous disposez de... pardon, de 8 min 20 s... non, de
13 minutes. Bien oui, c'est ça, il me semblait bien. Je cherchais
ma ligne, je l'ai trouvée. On s'est retrouvés. Merci, M. le ministre.
• (20 h 40) •
M. Dubé :
Alors, merci, M. le Président. Alors, Mme Poirier, Mme Bédard, encore
une fois, comme je l'ai dit tout à
l'heure, merci d'être là. Je comprends très bien, et on en a parlé quelques
fois au cours des derniers mois, la difficulté et la sévérité de la
situation que l'on vit depuis plusieurs mois ensemble.
Je peux vous dire que, bon, je vous ai écouté
toutes les deux, et je pense qu'il
n'y a pas personne qui s'attendait — puis je me souviens très bien quand
on s'est rencontrés, un dimanche après-midi, avec le premier ministre, au
Conseil du trésor — à cette crise-là de cette ampleur-là. Puis
je me souviens, à ce moment-là, qu'on était ensemble et qu'on vous a demandé... je ne ferai pas référence aux anges
gardiens... à votre professionnalisme pour essayer de passer ensemble à travers
cette crise-là. Puis tout le monde est bien
conscient qu'on est dans à peu près le pire moment pour négocier une convention
collective, et on vous a demandé de passer
par-dessus ce fait-là. Et je dois vous remercier pour le fait que vous l'avez
fait, parce que ce n'est pas facile
de faire le travail que vous avez fait dans des conditions qui sont vraiment
difficiles. Et je pense que... Je ne fais pas ça pour être aimable,
gentil, je le pense vraiment.
On a tous des cas qu'on a vécus dans nos familles,
très, très, très difficiles, et je dois dire que le travail que vous avez
fait dans ces conditions-là est admirable.
Alors, je peux comprendre, aujourd'hui, certains des commentaires que vous
faites, et je les respecte, et je les entends.
Bon,
maintenant, j'aimerais peut-être en prendre quelques-uns, si vous permettez,
parce que ces occasions-là, dans ces
temps difficiles là, pour moi, doivent nous servir à nous rassembler et non nous
diviser, parce que c'est ensemble qu'on vit cette
crise-là. Vous avez un rôle excessivement important dans ce que vous faites,
mais on est tous des patients de la crise
COVID en ce moment. Bon, moi, j'ai plus une lunette économique, mais je reste
quand même un patient potentiel avec le risque dont on parle.
Trois choses.
Quand vous dites... Puis je veux juste, peut-être, m'inscrire sur quelques-uns
de ces commentaires-là, puis je
m'adresse à vous deux parce que vous avez des propos qui sont semblables sur
certains éléments. Quand vous dites que
le plan de relance, ce n'est pas seulement les infrastructures, je suis
d'accord avec vous. Le projet de loi qu'on discute aujourd'hui, c'est un plan de relance qui porte
sur les infrastructures, mais le plan de relance, que l'on discute avec tous
les partenaires depuis plusieurs semaines, porte sur bien d'autres choses.
Alors, aujourd'hui, c'est vrai qu'on est dans une discussion sur les
infrastructures, mais le plan est beaucoup plus large que ça.
Quand vous dites,
puis je suis dans la même voie, qu'il faut que le plan de relance tienne compte
de nos ressources, de comment on investit dans nos employés, je vous
ferai remarquer qu'au départ on a été très clairs qu'il fallait investir
dans nos ressources, parce qu'on avait des
gens dans l'écosystème de la santé qui étaient mal payés. Alors, lorsqu'on
parle d'un plan de relance, lorsqu'on
parle d'investissements qu'on va faire — vous
avez vu, au cours des dernières semaines, des ajustements que l'on a faits depuis les offres qu'on a déposées — dans
nos ressources... puis je vais juste donner, à titre d'exemple, ce qu'on a fait au niveau non seulement
de nos préposés aux bénéficiaires ou de nos infirmières auxiliaires, mais ce qu'on a été en mesure de faire pour suivre
dans tout le reste de l'écosystème, c'est-à-dire dans les ressources privées,
dans les ressources intermédiaires, parce
que cette crise-là nous a questionnés, nous a challengés à toutes les semaines.
Je le répète, nous n'avions aucune idée de
l'ampleur qui allait nous... de l'ampleur de cette crise-là. Alors, j'aimerais
juste vous dire... puis on n'a pas besoin d'être d'accord sur tout, puis
ça, je comprends ça, je pense qu'on travaille dans des conditions difficiles, mais j'aimerais vous dire que notre plan de
relance, il est beaucoup plus large que ça, mais il inclut, notamment,
la question des ressources.
La deuxième
partie de ce plan de relance là, toujours en rapport avec la santé, et c'est
pour ça qu'on n'a pas eu peur d'y
investir, c'est qu'on va y mettre un volet très important au niveau de la
santé. Alors, quand on parle de maisons des aînés, de rénover nos CHSLD, oui, c'est la partie
infrastructures, mais je tiens à faire remarquer combien d'argent on est en
train de mettre autant dans les ressources humaines que dans les
ressources infrastructures, par rapport à la santé.
Bon, la deuxième vague — ça,
c'est votre deuxième commentaire — la deuxième vague, selon moi, doit effectivement nous apporter des apprentissages.
Puis là-dessus vous avez 100 % raison, hein? Si on était capables de se
retrouver, aujourd'hui, avec l'apprentissage
des trois derniers mois, puis on se retrouvait ensemble le 13 mars, le
fameux dimanche après-midi, je pense
qu'on ferait les choses différemment, on est tous convaincus de ça, hein? Ce
qu'on a vécu dans les CHSLD,
l'apprentissage qu'on a eu, les facteurs de distanciation, les facteurs de...
tout ce qu'on a appris qui a pu causer...
je suis 100 % d'accord avec vous qu'il faut tenir compte de ce qu'on a
appris pour que la deuxième vague... et on ne la souhaite pas, mais tous s'entendent qu'il y en aura probablement
une, il faut être capables d'en tenir compte. Alors, quand vous me
parlez de qu'est-ce que ça nous apprend...
Et je suis
d'accord avec vous quand vous me parlez de vacances, ou ces choses-là. Je pense
qu'il va falloir avoir de bonnes
discussions avec vous dans les prochaines semaines pour en tenir compte, parce
qu'on ne peut pas rentrer dans la
deuxième vague avec des ressources qu'on a aujourd'hui, avec la fatigue que
vous avez et tout l'effort qui vous a été demandé. On en est très conscients, on en est très conscients. Puis, si
vous profitez de ce forum-là, aujourd'hui, pour le faire, vous avez tout à fait raison, puis je le salue,
parce que, chaque fois que vous avez la chance de démontrer ce que vous
avez fait, je pense qu'on est très sensibles à ça.
Mais il y a
une chose, par exemple, que je voudrais vous dire, puis je vais vous laisser
commenter, jamais, jamais la
situation de la crise sanitaire n'a été prise par nous pour se soustraire aux
lois ou vous forcer à vous soustraire aux lois, jamais. La crise sanitaire, elle a été, je dirais, dictée par des
conditions de la Santé publique. Et, je vais vous dire, je ne pense pas qu'il y a une personne au cabinet des
ministres qui n'a pas hâte d'enlever les conditions de la crise sanitaire.
Soyons clairs, là, ce n'est pas
quelque chose qu'on veut garder, on n'est pas heureux de cette situation-là.
Comme disait un de mes bons amis, en
français : «I did not sign for this, I did not sign for this.» On se
comprend bien, là, il n'y a pas personne qui est au cabinet qui est
heureux de vivre cette situation-là aujourd'hui.
Le point que je veux vous faire : Est-ce
que les apprentissages vont nous rendre meilleurs la prochaine fois? J'aimerais mieux qu'il n'y ait pas de prochaine
fois, mais je veux être aussi... qu'on soit tous conscients qu'on ne tiendra
rien pour acquis, mais qu'on va le faire,
mais on va le faire avec vous. Alors, si aujourd'hui, toutes les deux, qui représentez
quand même une portion très importante de
notre système de santé puis que vous venez nous dire qu'on pourrait s'améliorer
pour la prochaine fois, je suis parfaitement
d'accord avec vous, parfaitement d'accord avec vous, mais j'aimerais qu'on
le fasse dans un climat... qui n'est pas
toujours facile, parce que vous êtes au front, je comprends que ce n'est pas
facile, mais je veux vous dire qu'on est ouverts à pouvoir continuer
d'en discuter.
Puis, sur un
dernier mot, le p.l. n° 61, ce n'est pas une panacée, ce n'est pas ça qui
va régler tous les problèmes. On va
se concentrer sur les infrastructures, mais on va continuer d'avancer dans les
autres éléments du plan de relance. Alors,
je terminerais là-dessus. Je veux vous donner la chance de réagir à
quelques-uns des propos que j'ai faits, mais, pour les trois points que
je viens de développer, dont, notamment, qu'il est important qu'on travaille
ensemble pour la prochaine étape, pour moi, c'est majeur. Alors, je vous laisse
commenter, aux deux, dépendamment du temps que vous voulez vous
impartir.
Mme Bédard (Nancy) : Bon, premier élément, pour tout ce que vous venez
de dire, à mon avis, ça ne vous prend pas
un projet de loi pour le faire et certainement pas, au niveau de
l'urgence sanitaire, de permettre encore des arrêtés, selon 31, 32. Alors, si on a des apprentissages et
que vous êtes en phase avec ce qu'on dit, bien, 31, 32, c'est l'apprentissage
de la pire des choses à faire. Et ce n'est
certainement pas la Santé publique qui doit dicter comment on doit valoriser,
comment on doit
mobiliser les gens sur le terrain. Et les arrêtés qui ont été faits et permis
pendant l'urgence sanitaire, ça a fait tout le contraire. Donc, ces apprentissages-là font en sorte que, pour moi, si
on se comprend bien puis si vous êtes vraiment honnête dans ce que vous
dites, on ne devrait certainement plus retrouver ces articles-là dans un
projet.
M. Dubé : ...honnête, là, je vais prendre votre
commentaire. J'ai été très transparent, 31 et 32, c'est une partie du projet
de loi. Alors, quand vous dites qu'on
n'a pas besoin de ce projet-là, vous voulez dire pour les infrastructures?
Mme Bédard
(Nancy) : Pour les articles dans ce projet, les articles sur
lesquels je commentais.
M. Dubé :
O.K., pour ces deux articles.
Mme Bédard (Nancy) : Oui. En tout cas, certainement, parce que
c'est surtout là-dessus que les professionnels en soins voulaient qu'aujourd'hui
je puisse avoir une discussion.
M. Dubé :
Parce que je pensais que vous disiez qu'on n'avait pas besoin du tout du projet
de loi.
• (20 h 50) •
Mme Bédard (Nancy) : Non, mais je vais me permettre, potentiellement,
certains éléments dans la rapidité de vouloir
bâtir des maisons pour les aînés. Puis vous le savez qu'en 2014, du
congrès FIQ, les petites maisons pour aînés, là, je vais vous amener tout ce qu'on a fait, parce que c'était une idée
FIQ, des petites maisons pour les aînés. Alors, ça me fait bien plaisir de voir écho au gouvernement, maintenant, d'en parler. Ceci étant dit, faire les choses rapidement
en faisant fi de certains éléments,
pour avoir été plus de 20 ans dans un établissement où parfois on a fait
les choses vite, je peux juste vous
dire que, quand on ne prend pas le temps de bien regarder avec les
professionnels qui vont y travailler comment on va mettre le personnel dans ces bâtisses-là, de
pouvoir s'assurer de donner des soins de qualité et sécuritaires... et
d'ajouter des lits, au Québec,
dans une façon très rapide, dans les deux dernières années, ça peut avoir
l'air super bien, là, mais de faire les
choses... il faut les faire correctement avec tous les éléments qu'il faut
mettre en place. Alors, je vous mets quand
même en garde d'un projet de loi qui vous permet de le faire plus rapidement, peut-être,
en étant... en vous dispensant de certains éléments. Mais il faut faire attention, parce qu'on a vu plus souvent des ratés et on a dû recommencer beaucoup d'éléments. Que ce soient des agrandissements d'urgences, de
blocs opératoires, j'en ai vu un puis un autre, puis, quand on a voulu
les faire trop vite, ça ne correspondait pas aux standards. Alors, faisons
très, très attention aussi.
Je me permettrais aussi d'aller plus largement
dans ce que le projet de loi pourrait précipiter ou... Puis encore faut-il...
Pourquoi besoin d'un projet de loi pour vouloir les précipiter? La question
reste entière. Donc, pour nous, ça, c'est extrêmement important.
Et,
la deuxième vague, effectivement, les apprentissages doivent être là. Mais, je
vous le répète, quand vous parlez que
vous n'avez pas voulu faire des choses puis que vous étiez très, très conscient
de ce que ça demandait, bien, dans les arrêtés qui ont été émis, il y a eu beaucoup plus de difficultés, que ce soit 035, sur
l'application de mobilisation... de rémunération additionnelle, ça a divisé énormément les gens. Donc, il y a beaucoup, beaucoup d'éléments à
poursuivre dans la façon dont les choses ont été faites qui ne sont pas
une valeur ajoutée.
Le Président
(M. Simard) : Très bien.
Mme Bédard
(Nancy) : Alors, là-dessus...
Le Président (M. Simard) : Merci, Mme Bédard. Je cède maintenant la
parole au député de La Pinière. Monsieur, vous disposez d'une
période de 8 min 20 s.
M. Barrette :
Je sens, Mme Bédard, que vous aimeriez continuer. Allez-y.
Mme Poirier
(Andrée) : Et moi, j'aurais bien aimé compléter aussi.
M. Barrette :
Allez-y, allez-y, j'ai du temps et j'ai le pouvoir de le distribuer, il
m'appartient. Je vous le donne.
Mme Poirier
(Andrée) : Merci. J'apprécie énormément. D'emblée, vous dites de
travailler ensemble, on a des apprentissages
à faire, qu'on devrait, dans ces moments-là, être unis plutôt que se diviser.
Je vais faire du pouce sur ce que ma
collègue disait, des primes, des traitements qui n'ont eu pour effet que de
démobiliser des grands oubliés de toute cette crise-là. Vous parlez du réseau de la santé, on entend rarement
parler «et des services sociaux». Il y a plein de titres d'emploi. À l'APTS, on représente 106 titres
d'emploi. Et, dans toute la gestion de cette crise-là, il y a ces grands
oubliés. Il y a tout le personnel de
laboratoire qui a fait jusqu'à 15 000 tests par jour pour la population du
Québec et pour lesquels un simple
4 % a été donné parce qu'ils ne sont pas à risque. C'est du personnel qui
travaille jour et nuit, ils travaillent... ils sont oubliés. Les
technologues en imagerie médicale qui font les scans, qui n'ont pas eu...
Et
on doit... Depuis le début de cette crise-là, s'il y a quelque chose qu'on doit
apprendre et faire autrement, c'est que,
quand arrive une crise, on ne devrait pas avoir, comme représentantes
syndicales... Ma collègue et moi, les premiers mois, tout ce qu'on a fait, c'est se battre pour que nos membres
puissent avoir de l'équipement de protection individuelle. C'est
inacceptable. Je ne pensais pas... parce que vous ne le savez peut-être pas,
mais j'ai été élue en novembre, dernièrement,
novembre 2019, je suis rentrée dans cette crise-là, et, comme premier mandat,
me battre pour que notre personnel,
nos membres, nos soignants du Québec aient l'équipement pour affronter une
crise, c'est odieux. C'est odieux
de ne pas avoir plus
de préparation que ça et de ne pas avoir cet équipement-là. On a été un mois et
demi... Et c'est encore à la ration
qu'on donne du Purell, qu'on donne des masques à nos gens qui s'en vont sur le
terrain. Ça fait que, quand on parle d'apprentissage, je pense que, là,
on en a un beau à faire.
Première
chose, se battre pour ça, ensuite répondre à la grogne des gens que vous
souhaitez mobiliser, que vous souhaitez
tous et toutes, comme parlementaires, puis comme citoyens, et comme membres de
la population, garder dans leur poste. On doit se battre
pour qu'il y ait un traitement juste et équitable. Voyons! On doit vraiment se
dire : Dans un établissement, les TIM, technologues en imagerie médicale, qui reçoivent la prime de
8 %... et on doit se battre
corps et âme à faire reconnaître le
8 % dans un autre établissement parce les arrêtés que vous faites,
l'application des primes, ce n'est pas assez clair. Ça fait qu'on a des
gens qui l'ont, d'autres qui ne l'ont pas. Il y a des grands oubliés.
Le jour où on n'aura pas nos technologues en
radio-oncologie pour traiter vos enfants, vos parents, votre femme ou vous-même, on va se rendre compte qu'il y en a
beaucoup, d'oubliés dans le réseau de la santé et des services sociaux. Et tous ceux qu'on a délestés, qu'on a réaffectés,
que ce soit dans les résidences pour personnes âgées du secteur privé ou
dans les CHSLD, ces gens-là vont travailler
avec la peur au ventre, mais surtout en sachant qu'un grand pan de la
population n'a actuellement pas de service. Et là je parle d'une
audiologiste avec une clientèle 0-6 ans qui ne peut pas soigner ces enfants, pour lesquels il va avoir des
retards, je parle du personnel de réadaptation, physio, ergo, nommez-les
toutes, qui savent très bien que les
gens qui viennent de subir un AVC risquent d'avoir des séquelles permanentes ou
une récupération beaucoup plus lente
parce qu'ils n'ont pas ces services-là. Ça fait que je pense qu'on a de beaux
apprentissages à faire. Merci.
Le Président
(M. Simard) : Merci, Mme Poirier. M. le député de
La Pinière, vous pouvez poursuivre.
M. Barrette :
Je veux simplement dire que j'ai beaucoup pensé à vous, à un moment donné,
pendant cette crise-là, parce que
l'histoire racontée par le ministre n'est pas exacte. Lorsqu'il commence son
histoire par, essentiellement, «il était une fois une crise dont personne ne s'attendait», aujourd'hui on sait
quoi? On sait que, devant la même maladie, devant le même calendrier, devant les mêmes informations,
il y a des provinces canadiennes qui l'ont bien gérée, et ces provinces canadiennes là l'ont bien gérée, parce que, pour
une maladie qui est apparue en Chine, qui a été déclarée dangereuse par
l'OMS, pour laquelle le directeur de santé publique a dit, le 12 janvier,
et c'est rapporté dans un article de Claude... Alec Castonguay : Si ça
sort de Chine, on est dans le trouble, et que, le lendemain, le 13, elle est
sortie de Chine, en Thaïlande, et que, 18 jours plus tard, au
31 janvier, il y en avait dans 18 pays, dont le Canada et les
États-Unis, et, quelques jours plus tard, à Seattle et Vancouver, il y a des
gens qui ont commandé des EPI, il y en a qui n'en ont pas commandé, et le
Québec n'en a pas commandé.
M. Dubé :
S'il y a bien quelqu'un qui n'a pas le droit de dire ça aujourd'hui, c'est le
Dr Barrette, qui a mis votre système à sang. C'est...
M. Barrette :
M. le Président...
Le Président
(M. Simard) : Bon, s'il vous plaît! S'il vous plaît!
Des voix :
...
Le Président
(M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon, à l'ordre, s'il
vous plaît!
Des voix :
...
Le Président
(M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le
ministre! S'il vous plaît! Bon...
M. Barrette : Je parle, évidemment, du mois de janvier, je ne
parle pas de la fin février, ce qui a fait que vous êtes allés au combat
alors qu'on vous disait qu'il y avait assez d'équipements, et il n'y en avait
pas assez.
M. Dubé :
Qu'est-ce que vous êtes en train de faire, monsieur, là-bas?
Le Président
(M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon, je vais suspendre
momentanément.
(Suspension de la séance à
20 h 58)
(Reprise à 21 heures)
Le Président
(M. Simard) : ...nos travaux. M. le député de La Pinière, la
parole est à vous.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors, je continue sur la même lancée. Je comprends
votre sentiment, Mme Poirier. Vous,
Mme Bédard, c'est sûr que tout aurait été différent si les ratios auraient
été appliqués, n'est-ce pas? Nous
serions partis de plus haut, peut-être, pour arriver plus bas, en quantité de
personnel, mais on est partis de bas à arriver à moins bas.
Je
vais vous poser une question, comme ça, parce que vous venez ici vous exprimer
à propos du projet de loi n° 61 : À votre avis, là, à quoi ça sert une clause pour reconduire indéfiniment
l'urgence sanitaire? Comment vous voyez ça, vous, cette manoeuvre-là?
Mme Bédard
(Nancy) : Pour nous, c'est
de l'abus de pouvoir, c'est très autoritaire puis ça n'a pas lieu d'être,
clairement. Puis, je vais le répéter, deux
éléments que vous avez dits, notamment les ratios, c'est sûr que, tant qu'à en
parler, je ne peux pas passer outre
le fait de ça, ça fait plus de deux ans qu'on demande une loi sur les ratios,
qu'on demande qu'on puisse commencer
à le déployer suite au projet, et, si ça avait été fait l'année dernière, suite
au projet, on aurait vraiment eu une
valorisation puis on aurait été capables d'avoir des professionnels en soins de
façon très importante, notamment en CHSLD, parce que c'est l'endroit où on aurait pu le commencer. Et c'est avec ça
qu'on était partis avec la ministre, l'année passée, pour lui dire : On devrait... lancez-le,
partez-le... une campagne de valorisation, les choses doivent changer. Les
postes à temps complet auraient été déjà beaucoup plus... aurait
beaucoup plus pris preneur. Donc, clairement, on a manqué d'offensive, on a manqué le bateau, à cette
époque-là, mais il n'est jamais trop tard. Alors, j'ai encore espoir qu'on va
faire cette annonce-là.
Et
j'ajouterais, à cet effet-là, que le premier ministre était déçu, le
19 mai dernier, quand on a dû se présenter devant son bureau pour lui parler, justement, des arrêtés
qui se retrouvent encore, là, dans le décret d'urgence sanitaire puis dans
la loi que vous présentez, dans le projet de
loi, encore potentiellement en vigueur pendant un an ou deux ans, pour lui dire
qu'on voulait avoir des vacances et un temps
de repos. Et on est obligés de manifester toutes les semaines, parce que les
arrêtés puis le pouvoir que vous avez
donné aux gestionnaires puis aux établissements sont appliqués de façon
abusive. Puis on a réussi à faire
arrêter un arrêté qui allait... qui venait dire «une semaine ou deux semaines
maximum». Puis, à chaque semaine, on
est obligés de faire des manifestations pour pouvoir avoir des vacances, et là
il reste deux établissements, mais qu'est-ce qu'on est en train de faire? On est en train de se mobiliser puis être
obligés de brasser le Québec pour quelque chose qui d'office aurait dû
être donné aux professionnels et dire : Vous aurez vos vacances.
Le
Président (M. Simard) :
Très bien. Merci, Mme Bédard. Malheureusement, je dois vous arrêter ici
parce qu'on a des temps à respecter
pour chacune des formations politiques, comme vous le savez, et c'est
maintenant le tour du député de Rosemont. M. le député, vous disposez de
2 min 20 s.
M. Marissal : Merci, M. le Président. Mesdames, bonsoir.
Merci d'être là. Merci de ce que vous faites, aussi. Mais je n'ai pas beaucoup de temps pour vous
congratuler, mais sachez que c'est sincère, et pour me désoler du sort des gens
que vous représentez aussi, ça, ça va de soi.
D'ailleurs, à
ce sujet, je me suis laissé dire, récemment, par une source généralement bien
informée, que, depuis le début de la
pandémie, depuis le 13 mars, juste dans l'est de Montréal,
il y a plus de 110 infirmières qui ont démissionné. Est-ce que c'est un phénomène que vous confirmez?
Sans confirmer les chiffres nécessairement, est-ce que c'est quelque chose
que vous avez noté, effectivement, que le découragement, le désespoir est à ce
point que les gens quittent carrément, lancent la serviette? Et je les
comprends, il n'y a aucun jugement là-dedans.
Mme Poirier
(Andrée) : Je ne pourrais
pas donner de réponse sur les infirmières, mais je peux vous dire que, dans
des secteurs d'activité, notamment
la DPJ, on assiste à des changements. 77 personnes sur 108, en Abitibi-Témiscamingue, qui ont quitté la profession à la DPJ. Ça fait
qu'il y a des pans complets de nos travailleuses et travailleurs qui quittent.
Nous, au niveau psychosocial, il y en a
beaucoup et, au niveau des travailleurs sociaux, il y en a plusieurs qui s'en
vont au privé. Il y en a aussi qui quittent et qui s'en vont carrément
vers d'autres professions à cause de ce qui se passe, actuellement.
Et d'avoir à
se faire gérer par des arrêtés, donc changer tes horaires de travail,
travailler le soir, les fins de semaine, devoir aménager toute la conciliation famille-travail, changer de
gardienne, se trouver des moyens, il y a des gens qui sont absolument découragés. Et cet état-là,
actuellement, nourrit la démobilisation des gens à rester dans le réseau de la
santé, mais elle a un impact très
positif sur la mobilisation parce que, vous pouvez voir, il y a des
manifestations à tous les jours pour
faire reconnaître... Mais c'est incroyable, parce qu'on leur demande de tenir
le Québec à bout de bras, mais en même temps
on leur dit : Bien, allez dehors revendiquer pour avoir un salaire décent,
des conditions décentes, avoir moins de surcharge de travail ou avoir
des vacances. C'est...
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci, Mme Poirier. Je cède maintenant...
Mme Bédard
(Nancy) : Je vais me
permettre de répondre. On parlait des infirmières, et, oui, c'est vrai, c'est à
coups de dizaines, là, par jour, que, moi, on m'écrit qu'on démissionne,
ou on change de cap, ou on s'en va vers d'autres professions. Alors, votre source, elle est bonne. Puis ça, c'est en plus
des cas d'invalidité qui montent, actuellement. Alors, c'est vraiment... il faut changer,
vraiment, le cours des choses. Et ce projet de loi là ne répond pas, en tout
cas, à changer le cours des choses pour les professionnels en soins que je
représente. Au contraire, il leur fait très peur.
Le
Président (M. Simard) :
Très bien. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque. Vous disposez également de 2 min 20 s.
M. Ouellet : Merci
beaucoup, mesdames, de ce vibrant plaidoyer à 9 heures le soir. Vous nous
avez gardés éveillés. Merci.
Je veux revenir... Au départ, vous avez fait
mention, et vous avez raison de le faire... On a eu plusieurs groupes qui
sont venus nous voir, souvent des groupes
seuls, syndicats de la construction, la CSN, FTQ. Et, dans ce projet de loi là,
on parle d'un projet de relance mais aussi de l'atténuation des conséquences de
l'état d'urgence. Et, lorsqu'on parle des conséquences de l'état d'urgence,
vous en avez fait mention, mais vous avez dû partager votre temps... donc, effectivement, je le déplore tout autant, considérant que vous représentez, à vous
deux, combien de membres, s'il vous
plaît?
Mme Poirier
(Andrée) : 131 000.
M. Ouellet : Qui sont présentement au front en
train de soigner le Québec
et d'aider le Québec. Mesdames, je vais être très court. La deuxième partie du projet de loi parle d'un projet de loi qui veut atténuer les conséquences
de l'état d'urgence. Est-ce que vos
organisations considèrent que le prolongement de l'état d'urgence sanitaire
pourrait avoir un impact sur la santé mentale de vos membres?
Mme Poirier
(Andrée) : Tout à fait.
Mme Bédard (Nancy) : Absolument. Et, pour le réseau de la santé, hein,
parce qu'il va en rester moins qu'il en restait avant, malheureusement, et on ne les a pas mobilisés du tout.
Et, si ce projet de loi est adopté tel quel, bien, ça ne sera pas bon pour tout le monde, et pour la population
et pour les patients du Québec. Je ne sais pas qui qui va les soigner à
la deuxième vague, mais on ne se rendra pas là si ce projet de loi là est
adopté tel quel.
M. Ouellet : Donc, si je comprends bien, vous nous demandez
d'enlever l'article 31 et 32 et, à votre suggestion, d'y mettre, pour atténuer les conséquences,
l'obligation au gouvernement du Québec de fournir tout équipement de protection
individuelle, lorsque demandé, lorsque
requis, en nombre, en qualité, et ce, partout au Québec, c'est ce que je
comprends.
Mme Bédard
(Nancy) : Selon les plus hauts standards.
M. Ouellet :
Selon les plus hauts standards.
Mme Poirier (Andrée) : On n'envoie pas des soldats au combat pas
d'armes, pas de munitions, alors on n'enverra plus nos membres sur le
terrain pas d'équipement de protection. Il n'en est pas question.
M. Ouellet :
Combien de temps, M. le Président?
Le Président
(M. Simard) : Il vous reste 30 secondes, cher collègue.
M. Ouellet : Merci d'avoir pris le temps de nous sensibiliser, pas juste au projet
de loi, mais à la situation que les
femmes vivent, présentement. On vous a qualifiées d'anges gardiens, j'aimerais
plutôt vous qualifier de déesses, c'est-à-dire qu'au-dessus de tout il y
a quelqu'un qui veille sur nous, et ce n'est pas des gens... des anges, pardon,
qui le font, présentement, ce sont des gens
qui se dévouent corps et âme. Donc, sans tomber dans la spiritualité, je pense
que vous inspirez beaucoup plus que vous aidez. Merci.
Mme Poirier
(Andrée) : Merci.
Mme Bédard (Nancy) : Merci. Et c'est vous, les parlementaires, qui
vont faire une différence pour le Québec.
Mme Poirier
(Andrée) : Exactement.
Mme Bédard (Nancy) : Alors, on se fie sur vous, on a besoin de vous,
puis vous devez être là pour vous en assurer.
Mme Poirier
(Andrée) : Parce que nous, on sera là quand vous serez malades.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, je cède maintenant la parole au député
de Chomedey. Vous disposez
de deux minutes, cher collègue.
M. Ouellette : J'avais comme l'impression que c'était votre mot de la fin puis c'était votre mot
de conclusion. Mais je pense que vous
nous avez sensibilisés, et on avait besoin de se le faire dire, là, et on avait
besoin de se faire réveiller pour que...
L'urgence sanitaire a amené des effets pervers, a amené des arrêtés
ministériels, qui a créé des inégalités dans notre société, qui va avoir
des conséquences à long terme parce que, là, il y a des démissions, il y a des
gens de malades, il y a toutes sortes de gens qui se reclassifient ou qui vont
aller travailler ailleurs.
C'est-tu... Y a-tu quelque
chose qu'on peut faire ou est-ce qu'on peut rétablir un équilibre à quelque
part? Il peut-tu y avoir un arrêté
ministériel à quelque part qui rétablirait l'équilibre du réseau, là, qu'on a
mis à mal? On a bien beau leur dire
que vous êtes nos anges gardiens puis... Ce qui me préoccupe un peu, c'est que
la deuxième vague, peut-être qu'il va
en rester moins, des anges gardiens, pour s'occuper de la deuxième vague. Il
n'est peut-être pas trop tard pour rétablir un certain équilibre dans
les inégalités que le gouvernement a créées avec ses arrêtés ministériels.
• (21 h 10) •
Mme Poirier (Andrée) : Actuellement, en maintenant des arrêtés, ce qu'on fait, on est en train
d'essayer de pallier à ce qui
existait, à la crise qui existait avant la pandémie. Là, on a commencé à
déconfiner, il est temps de reprendre les droits et de les redonner à nos professionnels et à nos techniciens, il est
temps de les ramener dans leur poste. Le délestage, là... Il faut les ramener. Il faut penser que tous ces
gens-là qu'on a déplacés, c'est des... Puis, je le dis, je parlais avec une...
l'ordre des diététiciennes plus tôt cette
semaine, un enfant, avant la crise, pouvait attendre un mois pour être évalué,
et ça, c'étaient des cas d'urgence,
maintenant on est rendus à huit mois pour des enfants entre zéro et
six ans — avez-vous
pensé les dommages que ça fait? — pour être évalués. Alors, il faut ramener
nos professionnels et les ramener dans leur poste de travail pour que la
population du Québec ait accès à tous les services dont ils ont besoin.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Alors, Mme Poirier et Mme Bédard, merci beaucoup d'être venues.
On vous souhaite une belle fin de soirée.
Je vais maintenant suspendre nos travaux afin de
faire place à nos prochains invités. Au plaisir.
(Suspension de la séance à 21 h 11)
(Reprise à 21 h 15)
Le Président (M. Simard) :
Donc, nous sommes de retour. Avant de poursuivre, j'aurais une petite question
d'intendance à régler avec vous. Le secrétariat m'informait que nous avons déjà
pris 15 minutes de retard. Évidemment,
vous vous souvenez des problèmes de technologie, et autres. Donc, y aurait-il
consentement afin que nous puissions dépasser l'heure initialement
prévue, ce qui nous amènerait quelque part vers 22 h 45?
Consentement?
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Simard) : Consentement. Très bien. Alors,
Mme Rinfret, Mme Corneau, du Protecteur du citoyen, bienvenue parmi nous. Vous savez que vous disposez
d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation. Alors, nous
vous écoutons.
Protecteur du citoyen
Mme Rinfret
(Marie) : Merci. Je vous
présente Mme Chloé Corneau, qui m'accompagne, qui est coordonnatrice
en matière d'enquêtes en administration publique.
M. le Président de la Commission des finances publiques, M.
le ministre, Mme, MM. les députés membres de la commission, je remercie
la Commission des finances publiques d'avoir invité le Protecteur du citoyen à
participer aux consultations sur le projet
de loi n° 61, Loi visant
la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison
de la pandémie de la COVID-19.
Brièvement, je rappelle que le Protecteur du citoyen reçoit
les plaintes de toute personne insatisfaite des services des ministères, des organismes ou encore des
instances du réseau de la santé et des services sociaux. Il veille aussi à
l'intégrité des services publics en
traitant les divulgations d'actes répréhensibles qui s'y rapportent et les
plaintes en cas de représailles. Ses missions et ses interventions en
font un acteur majeur de démocratie. Lorsqu'il juge opportun et d'intérêt
public, le Protecteur du citoyen propose des
modifications à des projets de loi et de règlement. C'est à ce titre que je
présente aujourd'hui à cette commission nos constats et recommandations
concernant le projet de loi n° 61.
D'entrée de jeu, le Protecteur du citoyen
reconnaît les efforts du gouvernement pour relancer l'économie québécoise
en contexte de crise sanitaire. Toutefois,
son engagement à l'égard d'un gouvernement ouvert lui commande de placer
les principes de transparence, d'intégrité,
de collaboration et de participation citoyenne au coeur de toutes les décisions
qu'il prend pour faire face aux retombées de
la COVID-19. Il en va de sa volonté de contrer les risques de corruption et
de mauvaise administration.
Je débute en vous
disant que je suis préoccupée par la mise en place d'un régime parallèle au
cadre légal et réglementaire qui irait à
l'encontre de cette essentielle transparence. C'est, à plusieurs titres, ce que
fait le projet de loi n° 61. Je
m'explique. Tout d'abord, le moment de la fin de l'état d'urgence tel que défini par le projet de loi. Actuellement, l'état d'urgence
décrété par le gouvernement prévaut pour une période maximale de 10 jours.
Il peut être renouvelé pour d'autres périodes
maximales de 10 jours ou,
avec l'assentiment de l'Assemblée nationale, pour des périodes maximales de
30 jours. Le projet de loi, pour sa part, prévoit que le gouvernement pourrait
prolonger cet état d'urgence sanitaire le temps qu'il le jugerait nécessaire. Parallèlement, pour
relancer l'économie, il disposerait d'un pouvoir additionnel pour modifier
toute disposition d'une loi ou d'un
règlement dans plusieurs domaines, ceci excluant le débat législatif. Le Protecteur du citoyen recommande que l'état d'urgence décrété par le gouvernement ne puisse
pas dépasser six mois, période à l'expiration de laquelle il
pourrait être renouvelé pour cette même durée maximale avec l'assentiment de
l'Assemblée nationale.
Le
projet de loi prévoit aussi des mesures importantes d'allègement en matière
environnementale ou en matière d'urbanisme
et d'aménagement du territoire. Pour ce faire, le gouvernement procéderait par
règlement. Afin d'accélérer l'application
de ces règlements, leur délai de publication passerait de 45 à 10 jours.
Dans certaines situations, cette publication ne serait plus requise. De plus, l'entrée en vigueur des règlements ne
devrait plus attendre les deux semaines habituelles après leur publication à la Gazette officielle. L'accélération du processus
réglementaire s'accompagnerait donc d'une atteinte au droit des citoyens et des citoyennes d'être
partie prenante au processus démocratique. À notre avis, le projet de loi
devrait prévoir
un délai de publication minimal de 30 jours et un délai d'entrée en
vigueur minimal de 10 jours pour toute mesure réglementaire prise
conformément au projet de loi.
• (21 h 20) •
Selon
ce que prévoit le projet de loi, la reddition de comptes effectuée dans le
cadre d'un projet — infrastructures ou
autre — favorisant la relance attendue porterait uniquement sur ses effets
économiques pour le Québec. Comme il s'agit ici de projets d'envergure assortis de mesures
d'allègement et d'accélération auxquelles se grefferont des impacts sociaux
et environnementaux, la reddition de compte proposée par le projet de loi n° 61 serait nécessairement
incomplète.
Ainsi, en période d'urgence
sanitaire, la ou le ministre responsable d'un projet bénéficiant d'une mesure d'accélération devrait avoir l'obligation de
présenter à la commission parlementaire compétente, tous les six mois, un
rapport qui expose ses impacts
sociaux et environnementaux ainsi que le montant des compensations financières
versées, le cas échéant.
En
matière fiscale, le projet de loi permet la suspension de certains délais, et
ce, pour la durée de l'état d'urgence, à
laquelle s'ajoutent 90 jours. Ce faisant, Revenu Québec pourrait cotiser au-delà des délais normaux, actuellement de trois et quatre ans, et suspendre le délai de prescription des
dettes fiscales, qui est actuellement
de 10 ans. Par les mesures proposées, on
veut éviter que Revenu Québec ne puisse pas cotiser ou récupérer des sommes
dues en raison de l'écoulement du temps. Toutefois, plus l'état d'urgence sanitaire perdure, plus le nombre
d'années pouvant faire l'objet d'une cotisation augmente. Ainsi, la ou
le contribuable pourrait subir des préjudices liés à ces prolongations, par
exemple avoir de la difficulté à assembler
sa preuve pour répondre à une vérification fiscale. Le projet de loi devrait
donc limiter aux 90 jours suivant la date du 1er décembre 2020 ou
la date de la fin de l'urgence sanitaire, selon la première éventualité, la
suspension des délais de prescription.
Le projet de loi prévoit que la ou le ministre
responsable d'un projet d'infrastructure puisse déroger par voie réglementaire à la plupart des exigences
environnementales et que cette dérogation serait réputée conforme à la Loi sur
la qualité de l'environnement. À notre avis,
la portée du projet de loi à cet égard est trop grande. Ainsi, afin de
respecter les enjeux environnementaux
et éviter de créer un régime parallèle mettant de côté les protections
requises, le projet de loi devrait du
moins préciser que les règlements adoptés doivent prévoir que tout manquement à
l'une de ces dispositions donne lieu à une sanction administrative
pécuniaire ou constitue une infraction en vertu de la Loi sur la qualité de
l'environnement.
Actuellement,
il appartient au gouvernement d'autoriser le recours au pouvoir d'exception que
constitue le droit d'exproprier un
bien à des fins d'utilité publique. Le projet de loi attribuerait désormais ce
pouvoir au ministre des Transports, voire,
à certaines conditions, à l'organisme qui aurait élaboré un projet
d'infrastructure. De plus, les citoyennes et citoyens seraient privés de leur droit de contester une
expropriation. Or, les mesures d'accélération au processus d'expropriation
s'appliquent pour plus de 200 projets d'infrastructure à la grandeur du Québec.
Il est donc nécessaire de maintenir une
procédure permettant aux citoyens et citoyennes concernés d'être entendus et
faire valoir leurs droits à l'égard d'un avis d'expropriation. Le
Protecteur du citoyen recommande donc que soient maintenus les recours portant
sur le droit à l'expropriation, étant donné
que la loi prévoit déjà un mécanisme pour que ces contestations soient
instruites et jugées d'urgence.
Enfin, je porte à votre attention une situation
qui pourrait être réglée par le projet de loi n° 61 et qui concerne le milieu carcéral. À la suite de nos
recommandations, la responsabilité de l'offre de services en santé et services
sociaux dans les établissements de détention a été transférée du
ministère de la Sécurité publique au ministère de la Santé et des Services sociaux presque partout au Québec. Ce
transfert tarde toutefois dans les établissements de Montréal, qu'on appelle Bordeaux, et de Québec, qui regroupent
pourtant près de 40 % de la population carcérale. On nous mentionne qu'un projet
de loi serait requis pour régler
cette question. Par ailleurs, l'amélioration des soins dans les
établissements de détention où le
transfert de responsabilité a eu lieu est constatée. D'ailleurs, je peux
témoigner que l'expertise du personnel infirmier
venu en renfort à l'Établissement de détention de Montréal
a permis de contrôler efficacement l'éclosion du virus de la COVID-19 qui s'y
était propagé. En conséquence, le projet de loi n° 61 devrait permettre de
régler la question du transfert des
effectifs du ministère de la Sécurité
publique vers le réseau de la santé
et des services sociaux en vue de compléter le transfert en matière de
soins de santé et de services sociaux.
Je termine en
insistant sur l'importance de la confiance de la population envers les
institutions qui la gouvernent, particulièrement lors d'une période comme celle-ci. Cette confiance requiert une
transparence sans faille et une imputabilité complète des autorités afin d'assurer une gestion responsable dans
l'intérêt public. Je vous remercie de votre attention.
Le
Président (M. Simard) :
Merci à vous, madame. M. le ministre, vous disposez d'une période de
14 min 30 s.
M. Dubé : Très bien. Alors, merci, M. le Président. Alors,
écoutez, je veux, premièrement, vous remercier de votre présentation et, je dirais, de la qualité et de la
pertinence de vos propos. J'aimerais vous dire que, tout d'abord, la confiance
du public dont vous parlez, c'est probablement la source... la chose la plus importante dans cette période de crise
que l'on vit, d'avoir confiance dans ses institutions démocratiques,
donc je salue vos commentaires.
J'aimerais
vous dire, puis je trouve très, très pratique... il y en a quelques-unes que je vais peut-être citer, parce que je l'ai dit depuis le début que notre projet de loi, qui veut
s'attaquer à une partie du plan de relance qui est basé sur les infrastructures, ce n'est pas l'ensemble du
plan de relance, mais c'est une partie, doit peut-être être amélioré, je le
dis depuis le début, et vous arrivez avec des suggestions, disons, très
précises.
Alors,
par exemple, lorsque... le moment de mettre fin à la période
de la crise sanitaire, en ce moment, qui est vu comme un temps indéfini, vous avez choisi six mois. Je veux juste vous
entendre là-dessus, parce qu'entre indéterminé et le 10 ou 30 jours qu'on a en ce moment comme possibilités, bien,
pourquoi vous avez choisi six mois? Puis je ne dis pas... je ne le questionne pas, je suis très ouvert à trouver la période que vous jugeriez, disons, à
propos, tenant compte, toujours, de la... que c'est la sécurité, c'est la Santé
publique qui nous fait une recommandation par rapport à ça, mais j'aimerais
vous entendre, pourquoi vous avez mis un temps maximum de six mois.
Mme Rinfret (Marie) : D'abord,
un, parce que c'est un temps
maximum et, je vous dirais, en termes
d'efficacité, dans la mesure où ce
qu'on recommande en cas d'une prolongation, c'est avec l'assentiment de
l'Assemblée nationale, donc que
l'Assemblée nationale siège durant cette période-là. Et également c'était aussi
en lien avec la reddition de comptes qu'on demande et qu'on propose, au
fond, avec l'évaluation sur les projets d'infrastructure.
M. Dubé :
Vous dites : C'est un maximum de six mois, si je vous comprends bien,
c'est ça?
Mme Rinfret
(Marie) : Oui, exactement.
M. Dubé :
Et on retournerait à la réglementation de base, à savoir, quand l'Assemblée
siège, on parle du 10 jours et du 30 jours, là.
Mme Rinfret (Marie) : Non, on parle... Écoutez, pour nous, puis il
faudra voir comment sera libellée la proposition, mais ce qu'on propose vraiment, c'est que
l'assentiment de l'Assemblée nationale porte sur une prolongation maximale
de six mois. Donc, il y aura là une évaluation à faire, compte tenu du temps de
la crise, est-ce qu'on sera, également, en situation
de deuxième vague. Donc, il y a là un élément, je vous dirais, essentiellement, d'efficacité pragmatique au délai
de six mois en lien, comme je vous disais, avec la périodicité de reddition de
comptes.
M. Dubé :
Très bien. Non, mais c'est clair, puis j'apprécie la suggestion, c'est très
concret, très pratique.
Vous avez donné l'exemple des changements au
niveau de l'urbanisme, c'est votre deuxième recommandation. Vous avez dit... entre le 45 et le 10 jours,
vous avez choisi 30 jours. Donc, vous croyez, selon votre opinion et votre
analyse, qu'une période de 30 jours serait suffisante? Je veux juste
être bien certain que je comprends.
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, ça nous apparaît raisonnable. Je vous
dirais qu'idéalement on aime bien la période actuelle, mais on conçoit
que, dans un contexte où le processus peut être accéléré, bien, ma foi, 30
jours, en tout cas, de notre côté, on croit qu'il s'agit là d'une période
raisonnable en temps d'urgence sanitaire, bien sûr.
• (21 h 30) •
M. Dubé :
Donc, vous comprenez, puis c'était un peu ça, l'objectif qu'on avait derrière
ce changement-là dans les délais,
c'est d'être capables de respecter le
principe de consultation, mais d'essayer de raccourcir le délai. Puis je pense
que vous suggérez 30, puis on pourra le
débattre lorsqu'on fera les amendements nécessaires au projet de loi, mais je vous
entends très bien.
Ce
qui m'amène à votre point sur la reddition de comptes aux six mois. Il y a...
Je peux penser au moins à un autre organisme
qui est venu, dans les deniers jours, nous parler, justement, d'une reddition
de comptes qui serait plus régulière que
celle qui est proposée, en ce moment, dans le projet de loi, à savoir un an — est-ce que vous la voyez de la même façon? — à l'Assemblée nationale.
Vous connaissez un peu...
Mme Rinfret
(Marie) : Absolument.
M. Dubé : Est-ce
que... Donc, six mois. Encore une
fois, je ne peux pas présupposer des discussions que nous aurons dans les prochains jours avec l'opposition
sur cette question-là, mais est-ce
que vous voyez un contenu qui serait
différent de ce qui est proposé, en ce moment, dans le...
Mme Rinfret (Marie) : Oui. Ce qu'on comprend de la reddition de comptes
actuelle, c'est qu'elle s'en tient à l'élément...
au volet économique. Pour nous, compte tenu de l'ampleur, de l'envergure des
projets, il y a là des impacts sociaux,
des impacts environnementaux qui font partie... qui doivent faire partie de
l'analyse et pour lesquels il doit y avoir une reddition de comptes auprès des institutions démocratiques,
notamment auprès de l'Assemblée
nationale, auprès de la
population québécoise. On voit donc cette reddition de comptes... et c'est ce
qu'on décline dans notre mémoire, à la
recommandation 3 : «Que la reddition de comptes à laquelle sont soumis
les projets d'infrastructure [qui
bénéficient] d'une mesure
d'accélération [doit] se faire tous les six mois; [qu'elle] inclue la
présentation des impacts économiques, sociaux
et environnementaux du projet», de même, évidemment, que le volet économique,
et «que le rapport soit déposé à l'Assemblée
nationale par le président du Conseil du trésor dans un délai de 30 jours
suivant sa réception» pour ensuite être étudié par une commission
parlementaire compétente.
M. Dubé :
Très bien. Je n'ai pas tout à fait saisi votre objectif avec les amendements au
niveau fiscal avec Revenu Québec. Je
veux juste que vous précisiez votre... parce que je ne suis pas certain d'avoir
bien saisi votre objectif avec ça.
Mme Rinfret (Marie) : L'objectif en est un d'équité, en est un
d'équilibre des forces entre Revenu Québec et les contribuables, donc que
les contribuables sachent exactement... connaissent exactement la période où
ils peuvent être cotisés ou encore
faire l'objet d'une vérification fiscale et, par conséquent, que Revenu Québec
n'ait pas les coudées franches à retourner des années, des mois...
M. Dubé :
Mais faites-moi le lien... Si vous me permettez, je ne veux pas vous
interrompre, là, mais...
Mme Rinfret
(Marie) : Oui, allez-y.
M. Dubé : ...faites-moi le lien avec la fin de la période,
parce que vous avez fait ce commentaire-là, dans le cadre
de la période sanitaire. Je veux juste
comprendre. Vous dites : Si ça se perdurait trop longtemps, est-ce qu'on est en train d'extensionner la
période de cotisation? C'est-tu... Je veux juste bien comprendre où vous allez
avec ça, là.
Mme Rinfret
(Marie) : En fait, c'est de
circonscrire la période où Revenu Québec peut exiger des contribuables certaines cotisations ou certains documents en vue
d'une vérification fiscale, donc que la date soit connue, que ce soit la
fin de la période d'urgence sanitaire qu'on connaît et...
M. Dubé : Ah! bon, O.K., c'est
ça que je n'avais pas compris.
Mme Rinfret (Marie) : Voilà,
donc, vraiment qu'on circonscrit le délai.
M. Dubé : D'où le 90 jours que vous suggérez après la
période. O.K., pardon, je n'avais pas compris, là, je voulais juste vous
entendre.
J'apprécie la
suggestion au niveau environnemental. Vous avez discuté de la question des
réglementations, mais vous pensez que les sanctions pécuniaires sont
importantes, c'est ça que je vous entends dire?
Mme Rinfret (Marie) :
Absolument, oui.
M. Dubé : Est-ce que vous
avez... Non, allez-y.
Mme Rinfret (Marie) : Je vous
dirais que c'est pour cette raison-là qu'on a intitulé la section qui porte sur
l'environnement «favoriser une approche
responsable». Je vous dirais qu'au moment où on se parle, pour nous, on devrait
mettre... puis c'est pour ça qu'on tient
absolument à ce que la période sur l'urgence sanitaire soit définie dans le
temps, parce qu'il faut que ça cesse,
à un moment donné, pour continuer à mettre les énergies sur les réformes qui
sont entreprises. Et actuellement il
y a des réformes en matière d'environnement qui sont à l'étude, et ce qu'on
aimerait, c'est d'avoir... de mettre
toutes nos énergies pour faire en sorte que les obligations que nous avons
respectent notre devoir en matière environnementale. Et c'est pour cette
raison-là qu'au paragraphe 37 — et j'attire votre attention
sur le paragraphe 37 de notre
mémoire — on
indique : «[On attire votre] attention sur le fait que la modernisation du
régime d'autorisation de la Loi sur
la qualité de l'environnement est présentement en cours et qu'elle a pour
objectif de réduire les délais
d'autorisations environnementales. [Donc, pour nous,] les efforts devraient
[...] être consacrés à la mise en
oeuvre de cette réforme au lieu
de créer un régime parallèle.»
Toutefois, on
est bien conscients qu'étant en crise d'urgence sanitaire il y a
les projets d'infrastructure à démarrer. Et, en ce sens-là, ce qu'on dit : Bien, à tout le moins, prévoyons, dans les règlements, des sanctions administratives qui sont collées à la Loi sur la qualité de
l'environnement.
M. Dubé : D'accord. Je peux continuer, parce que, encore
une fois, vous avez fait des propositions qu'on... on n'est peut-être pas toujours
obligés d'être d'accord avec vos propositions.
Vous entendre aussi sur vos commentaires sur le droit d'expropriation. Vous avez bien dit... Parce que
ça, c'est un élément important du projet de loi, pour des raisons évidentes,
lorsqu'un tracé est déterminé ou un terrain
qui est susceptible de faire l'objet d'une école ou d'une maison des aînés,
vous dites que la procédure pourrait
être maintenue dans des cas jugés urgents. Est-ce que vous pouvez penser, selon
votre appréciation pour la... puis je
me mets dans la tête de votre rôle en tant que Protecteur... ou Protectrice du
citoyen, que des cas où cette procédure-là
pourrait permettre d'aller directement en négociation au niveau monétaire mais
d'enlever le droit à la négociation? Il y a-tu des cas, selon vous, où
ce serait possible?
Mme Rinfret (Marie) : Notre
lecture du projet de loi n° 61, c'est qu'il retire, à toutes fins utiles,
le droit d'un exproprié à contester l'avis d'expropriation. Il y a des gens...
M. Dubé : Oui, mais il lui laisse le droit, quand même, de
procéder à la valorisation, c'est-à-dire à la discussion d'aller
s'assurer qu'il a la bonne valeur.
Mme Rinfret (Marie) : Au niveau
de l'indemnité devant le Tribunal administratif du Québec.
M. Dubé : Tout à fait, tout à
fait.
Mme Rinfret (Marie) : Cependant,
le droit à l'expropriation, il est extrêmement important dans le droit civil québécois.
On le sait tous, pour beaucoup d'entre nous, la propriété, c'est le bien le plus
substantiel, ce dans quoi on a investi beaucoup de nos économies. Et, en
ce sens-là, de retirer le droit de
contester l'avis d'expropriation vient, à notre avis, enlever aux personnes le droit d'être entendues,
le droit de faire valoir que le tracé pourrait être ailleurs, par exemple. Et, en ce sens-là, ce qu'on constate, nous, dans le droit actuel,
c'est qu'il y a une procédure qui prévoit que ces dossiers-là
peuvent être instruits et jugés d'urgence.
Donc, en termes d'équilibre, là, on ne voit pas de plus-value à retirer
purement et simplement aux administrés, aux expropriés le droit de
contester l'avis d'expropriation.
M. Dubé :
D'accord. On peut différer de point de vue là-dessus.
Mme Rinfret
(Marie) : Oui, absolument.
• (21 h 40) •
M. Dubé : Je vous entends, mais, encore une fois, je vous
ai dit que, l'essentiel de vos recommandations, on les saluait parce
qu'ils étaient pratiques. Et, celle-là, on pourra en reparler.
Maintenant, je termine avec la question au niveau
carcéral. C'est intéressant, parce qu'on n'en a pas, de mention spécifique, dans notre projet, très intéressant.
Je veux... mais je ne connais pas, je veux dire, la réalité de ce que vous me
parlez pour Bordeaux et pour Québec. Vous
avez fait une analyse plus poussée pour arriver à cette recommandation-là?
Mme Rinfret
(Marie) : En 2011, nous avons produit un rapport spécial qui portait
sur cette question...
M. Dubé :
Vous pourrez peut-être continuer, si jamais... sur cette question, parce que
mon temps est écoulé.
Le Président
(M. Simard) : Malheureusement, votre temps est révolu, et je dois
maintenant céder la parole au député de La Pinière, qui dispose de
9 min 40 s.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Me Rinfret...
Mme Rinfret
(Marie) : ...notre dernier rapport annuel d'activité, vous allez
comprendre.
M. Dubé :
Très bien. Merci beaucoup.
M. Barrette : Alors, bienvenue et merci d'avoir déposé un
mémoire, de venir ici participer à ces travaux-ci. Je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention dans votre
10 minutes, vous y avez mis, même, je dirais, de l'émotion, et on sentait
de chez vous émaner une émotion qui me
tendait à croire que vous trouvez que ce projet de loi est abusif. Est-ce que
je perçois mal votre sentiment?
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, pour ma part, ce qui m'importe, c'est
qu'on y mette des délais, des échéances, les éléments qui vont permettre au gouvernement de rendre compte sur la
gestion qui aura été faite dans un temps bien déterminé, dans un projet de loi bien particulier. Et, à ce titre-là,
les éléments que nous proposons, à savoir mettre un délai bien précis à la période d'urgence sanitaire,
faire en sorte que cette période-là, si elle est renouvelée, reçoive
l'assentiment de l'Assemblée nationale, que les rapports à la suite des
projets qui font l'objet de mesures d'atténuation, ou autres, puissent... qu'on doive en rendre compte auprès
des parlementaires, encore une fois, ça vient respecter les principes de
transparence, les principes d'imputabilité
également, et vous permettre d'évaluer si, de fait, l'urgence sanitaire doit
être prolongée au-delà du temps requis.
M. Barrette : Je ne veux pas reprendre tous vos propos, mais
vous avez itemisé tous les éléments du projet
de loi et, pour chacun d'eux,
essentiellement, vous avez considéré qu'il y avait, avec une différente
ampleur, là, un tort causé aux citoyens, à quelque part, dans ses droits, ce genre de choses là. Moi, je suis obligé de
conclure de votre présentation que, vous, dans votre esprit, ce projet
de loi ne peut pas être adopté tel quel.
Mme Rinfret (Marie) : Je vous dirais que ça fait partie de la mission
première du Protecteur du citoyen, donc, la Protectrice du citoyen de venir vous présenter à vous, les
parlementaires, dans un contexte de commission
parlementaire, donc d'un projet
de loi qui est à l'étude, qui est à
parfaire, l'évaluation que nous en faisons alors que nous recevons de la part des citoyens et des citoyennes les
plaintes et qu'on est en mesure de faire les constats, les préjudices déjà
causés, dans certaines circonstances,
par l'administration publique. Donc, à cet égard-là, il m'importait de venir
vous présenter les recommandations
que je vous formule pour faire en sorte que le projet de loi respecte et
assure le respect des droits des personnes qui auront à faire affaire en
matière de services publics. Voilà.
M. Barrette : Très bien. Je vais prendre l'exemple de
l'expropriation. J'ai bien aimé le commentaire que vous avez fait parce
qu'il est tellement à propos. Humainement, un bien, c'est quelque chose pour
lequel on a travaillé parfois toute une
vie, et, lorsqu'on s'en trouve exproprié, bon, déjà là, c'est quelque chose de
fort comme geste de la part du gouvernement et pour la personne qui reçoit un avis d'expropriation, et, pour cette
raison-là, vous souhaitez que la possibilité de contester soit maintenue. Est-ce que je comprends bien que
vous souhaitez qu'elle soit maintenue, cette possibilité-là de contestation,
pas simplement en situation d'urgence mais bien dans tous les cas de figure?
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, la recommandation qu'on formule, c'est
exactement celle-là. Ce qu'on demande, c'est
que soient maintenus les recours actuels en matière d'expropriation. On a déjà,
dans la législation, dans la Loi sur l'expropriation,
la possibilité de demander à un juge d'instruire de manière urgente le dossier
qu'on lui soumet. Donc, à cet
égard-là, pour nous, les outils judiciaires
sont déjà là pour faire
en sorte d'accélérer le processus
d'expropriation, le cas échéant. Donc, ce qu'on demande, à toutes fins
utiles, c'est de maintenir les recours déjà prévus en cette matière-là.
M. Barrette : On a donc un article qui, potentiellement,
peut léser la personne pas juste sur le plan émotif, mais certainement, mais sur le plan de ses droits
personnels. Moi, je vois quelqu'un, là, qui se fait exproprier, puis admettons...
puis je vous pose vraiment
cette question-là, admettons que ça ne règle pas, là... il n'y a
pas de règlement, la démarche ne se fait pas avec la vitesse ou le délai approprié pour la
détermination de l'indemnité provisionnelle, cette personne-là se
retrouve devant rien pendant un certain temps?
Mme Rinfret
(Marie) : Oui. J'ajouterais un élément qui se retrouve au projet de
loi, c'est qu'il y a des gens, à Montréal,
pour le projet de la ligne bleue, je
pense, hein, qui ont déjà
contesté, qui sont en contestation, actuellement,
devant la Cour supérieure pour leur droit à l'expropriation, et le projet de loi
les prive de ce recours-là et donc fait en sorte que ça se termine.
M. Barrette : Me Rinfret, moi, j'ai eu vent de causes
comme celle-là, au moment où on se parle, qui représentent des dizaines, sinon des centaines de millions de
dollars, et la cause qui a été entendue ordonne au gouvernement de s'asseoir
avec ces gens-là avant le 12 juin, et
le gouvernement dépose une loi, pour le 12 juin, qui vient leur enlever le
droit d'être entendus, et le gouvernement refuse de s'asseoir pour
discuter de la compensation provisionnelle. C'est un enjeu de 125 millions de dollars, et là l'État arrive
avec une loi qui vient d'arrêter leur recours. Alors, on comprend que cette
personne-là ou ce groupe de personnes
là se retrouvent lésés, là. C'est une réalité. Je ne vous demande pas de juger
sur le cas en question, parce que...
mais, quand on met en place une loi qui enlève un recours qui est en cours, qui
a été débattu, qui a été jugé, et on
vient annuler ça, bien, moi, quand j'ai entendu cette cause-là,
Me Rinfret, j'ai trouvé l'explication du 12 juin. Alors, moi,
je trouve ça vraiment malheureux, là, je dis ça comme ça, je comprends très
bien, là.
J'ai commencé par ça puis je veux finir cette intervention-là comme ça : un bien, il
y a quelque chose d'humainement
fort là-dedans. Quand on l'exproprie,
on doit — on
doit — prévoir
un contrepoids à l'avantage du citoyen, une cour pourra décider, d'où la
contestation, ou peu importe, mais il doit y avoir un équilibre des pouvoirs,
alors que, là, on est dans une situation où c'est littéralement Goliath contre
David, et c'est Goliath qui fait la loi. Ça m'apparaît particulier.
Je
ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de ça, je ne sais pas, là, je vais
vous poser une question : En matière d'expropriation, dans les
autres provinces canadiennes, les charges judiciaires, les frais judiciaires de
l'exproprié, l'administré sont à la charge de l'État, avez-vous déjà entendu
parler de ça?
Mme Rinfret
(Marie) : Malheureusement, non.
M. Barrette : O.K. Parce
que j'y voyais là une possibilité de faire en sorte que le gouvernement soit incité à participer d'une façon raisonnable, pour le moins, pour
éviter des frais additionnels. Parce
que, là, on constate que, dans
certains cas, le gouvernement s'assoit, tout simplement.
Il me reste environ
une minute, M. le Président, je pense.
Le Président
(M. Simard) : Oui, 1 min 15 s, oui.
M. Barrette : Alors, il
y a une chose que je n'ai pas
comprise. J'ai bien compris ce que vous avez dit, mais il y a une
chose que je veux préciser, Me Rinfret. Quand vous dites que la
reconduction d'urgence, là, ne devrait pas excéder six mois, est-ce
que vous souhaitez quand même
que l'urgence sanitaire soit décrétée à tous les 10 jours ou vous
souhaitez que ça soit des bonds de 30 jours, d'un mois, deux mois,
six mois?
Mme Rinfret
(Marie) : C'est de six mois.
M. Barrette :
O.K. Donc, vous souhaitez, vous, que... Vous êtes...
Mme Rinfret
(Marie) : C'est la proposition. Écoutez, ce qu'on souhaite...
M. Barrette :
Non, non, mais en fait ce n'est pas un souhait, je comprends.
Mme Rinfret
(Marie) : C'est ce qui nous apparaît proportionné dans le contexte
actuel, là. Alors, voilà.
M. Barrette : Donc, qu'on puisse y aller de bonds, là, de sauts
de six mois en six mois, mais vous considérez qu'il est exagéré d'aller
au-delà de six mois.
Mme Rinfret
(Marie) : Pour nous, c'est disproportionné.
M. Barrette :
Parfait. Bon, il me reste 10 secondes, je vais terminer là-dessus. Merci
beaucoup, Me Rinfret, de ces éclaircissements.
• (21 h 50) •
Le Président
(M. Simard) : Merci. M. le député de Rosemont, vous disposez de
2 min 25 s.
M. Marissal : Merci. Merci, mesdames, d'être là,
Mme Rinfret, Mme Corneau. Je
pense qu'on peut comprendre assez clairement, là, d'une de vos demandes, de vos
recommandations sur le droit à l'expropriation que cet article
précis devrait sauter, carrément. C'est ce que je comprends?
Mme Rinfret
(Marie) : Oui.
M. Marissal : Est-ce
qu'il y en a d'autres pour lesquels
vous réserveriez le même sort, c'est-à-dire que, devant l'ampleur des dommages potentiels
aux droits des citoyens, il vaudrait mieux les gommer carrément?
Mme Rinfret
(Marie) : Écoutez,
si ça avait été le cas, on l'aurait mentionné directement dans le mémoire
au même titre que le droit à
l'expropriation. Il y a des aménagements, il y
a des modifications qui peuvent être
apportées pour permettre, justement, au projet de loi d'arriver avec des
remparts suffisants en termes de transparence et d'imputabilité.
M. Marissal : Merci des réponses rapides, j'apprécie. Une question
de néophyte en droit d'état d'urgence — il faut dire qu'on l'est tous un peu parce
que c'est un peu
nouveau comme situation : Est-ce que des citoyens se croyant lésés par un état d'urgence sanitaire pourraient en
référer à vos services pour se plaindre d'une situation dégradante, ou lésante,
ou peu importe?
Mme Rinfret
(Marie) : Absolument, oui. Toute personne, toute personne,
que ce soit une personne physique ou
encore une entreprise, peut faire appel à nous lorsqu'elle croit que ses droits
ne sont pas respectés ou encore qu'elle n'obtient pas les services
publics auxquels elle a droit, que ce soit en matière de santé et services
sociaux... Bon, en cette matière-là, santé et services sociaux, on va
intervenir en deuxième niveau. On demande... En fait, la loi oblige les personnes à porter plainte au commissaire aux
plaintes et à la qualité des services pour ensuite faire appel à nous, le cas
échéant. Mais, en toute matière, vous le
voyez à l'égard des établissements de détention, les personnes incarcérées
peuvent faire appel à nous également, donc oui.
M. Marissal : Donc, la bulle
législative d'un état d'urgence n'empêche pas que quelqu'un se sentant lésé...
Mme Rinfret (Marie) : Peut
faire appel à nous.
M. Marissal : ...pour elle ou quelqu'un de sa famille,
pourrait éventuellement dire : Je n'ai pas eu le service auquel
j'ai eu droit.
Mme Rinfret
(Marie) : Oui. Je peux vous
dire que, si je n'avais pas compétence, on vous l'aurait mentionné.
M. Marissal : O.K. Merci.
Le Président (M. Simard) :
Merci. M. le député de René-Lévesque, vous disposez également de
2 min 25 s.
M. Ouellet : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour, mesdames, de vous saluer. Votre mémoire est très étoffé. On a eu l'opportunité aussi, avec les
différents collègues, d'approfondir certains pans de votre mémoire
que je voulais voir approfondis, donc j'ai eu la réponse à ma question.
On va aller
un peu plus loin, on va aller voir ce qui n'est pas écrit dans votre mémoire
mais qui a déjà été écrit dans votre
rapport de la Protectrice du citoyen
sur le bilan de la loi de divulgation sur les actes répréhensibles. Vous
nous faites mention de faire très
attention de rester transparents, de maintenir les droits à nos citoyens, de
s'assurer qu'il y ait un juste
équilibre entre ce que l'État peut faire et ce que les citoyens ont droit. On
cherche à bonifier ce projet de loi là, et la protection de nos lanceurs d'alerte pourrait être une avenue pour
s'assurer qu'effectivement, dans le cas d'accélération de projets ou de contournement de règles, si ce
qui est inscrit n'est pas respecté, on puisse le savoir, et ceux et celles qui
le disent puissent être protégés. Donc, je
présume que, si je vous propose d'inclure comme amendement que vous vouliez
protéger la confidentialité d'un lanceur d'alerte pour qu'il soit sanctionné,
ça serait une bonne chose?
Mme Rinfret (Marie) :
Certainement.
M. Ouellet : Je présume que, si on pourrait inscrire la
protection des lanceurs d'alerte dans une loi sur les normes du travail,
ça serait une bonne chose aussi?
Mme Rinfret (Marie) :
Certainement.
M. Ouellet : Et je présume
aussi qu'il soit possible de suspendre des temporairement mesures imposées par
l'employeur lors d'un traitement de recours de représailles, et ça serait une
bonne chose aussi?
Mme Rinfret (Marie) : C'est
sûr.
M. Ouellet : Donc, je n'ai pris que trois de vos
recommandations qui n'ont pas fait partie des recommandations retenues par le gouvernement pour mieux protéger
nos lanceurs d'alerte. Donc, vous
êtes d'accord avec moi que, si on veut donner beaucoup plus de
contre-pouvoirs et s'assurer que ces contre-pouvoirs-là soient protégés, si on
s'en va dans ces indications-là que vous
nous avez faites dans votre rapport, ça serait le bon genre de chose qu'on
pourrait faire pour améliorer ce projet de loi là?
Mme Rinfret
(Marie) : Certainement.
M. Ouellet : Certainement. Écoutez, je n'ai pas d'autre
question. Je voulais juste valider ces prétentions-là qui sont encore vraies et qui le seraient dans ce projet de loi là. Merci, mesdames, d'avoir pris le temps. J'ai texté à mon recherchiste,
il y a des points que je n'avais pas vus
mais que vous avez approfondis, notamment sur l'expropriation mais notamment
sur les décrets aussi, on n'avait pas capté
de cette façon-là. Donc, merci de nous amener à réfléchir plus large sur ce projet de loi là. On va s'en inspirer,
assurément, pour essayer de le bonifier. Merci, mesdames.
Mme Rinfret
(Marie) : Merci.
Le
Président (M. Simard) :
Merci à vous, M. le député de René-Lévesque. M. le
député de Chomedey, pour
deux minutes.
M. Ouellette : Deux
minutes, ça passe vite. Me Rinfret, c'est... c'est ça, je veux... j'ai
deux choses à vous demander. L'explication
que vous aviez commencé à donner au ministre, pour les besoins de tout le monde puis surtout
les gens qui ont veillé jusqu'à cette
heure pour... à cette heure tardive pour nous entendre et vous entendre,
j'aimerais ça que vous donniez un petit peu plus de détails.
Et, dans votre mémoire, nulle part vous ne faites
mention... Vous parlez beaucoup d'imputabilité, imputabilité complète. Vous n'avez pas parlé de l'article 51,
là, qui dégage les ministres de toute responsabilité par rapport à leurs décisions, ministres,
organismes, gouvernement, par
rapport à ça, vous n'en avez pas
parlé. C'est-tu volontaire ou c'est un oubli?
Mme Rinfret (Marie) : Non — puis
je commencerai par répondre à cette question-là — ce n'est pas un oubli, on s'est questionnés, en fait on a réfléchi à
savoir, bon, est-ce qu'il y avait là une mesure extraordinaire, hein, qu'on
pourrait penser. Et l'immunité se retrouve dans plusieurs lois au
Québec. À partir du moment où un commettant, que ce soit un fonctionnaire, ou
un ministre, ou, bon, toute personne, là, responsable d'appliquer une loi, agit
de bonne foi, on va retrouver, dans la loi,
une immunité de poursuite. Donc, à cet égard-là, on s'est dit : Bon, dans
la mesure où on a les garanties, par ailleurs, qu'on soulève, ça va.
M. Ouellette :
O.K.
Mme Rinfret (Marie) : Voilà. Pour ce qui est de votre première
question, à savoir, le transfert de la responsabilité des soins de santé
et des services sociaux...
Le Président
(M. Simard) : En conclusion.
Mme Rinfret (Marie) : Ah! excusez-moi. Bien, encore une fois, je vais
vous référer à notre rapport annuel d'activité.
Le Président (M. Simard) :
Alors, Mme Rinfret, Mme Corneau, merci beaucoup d'être venues ce
soir. Votre présentation fut très éclairante.
Sur ce, nous allons
suspendre nos travaux pour préparer la prochaine présentation.
(Suspension de la séance à
21 h 57)
(Reprise à 21 h 59)
Le Président (M. Simard) : Alors, chers amis, nous sommes de retour en
ondes. Nous sommes avec MM. Bégin et
Brodeur du Comité public de suivi des recommandations de la commission
Charbonneau. Messieurs, bienvenue parmi nous, malgré cette heure tardive. On est très heureux de vous recevoir.
Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre
présentation.
Comité public de suivi des
recommandations
de la commission Charbonneau
(Visioconférence)
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Merci.
Donc, notre intervention porte sur les dispositions du projet de loi n° 61 qui touchent
spécifiquement à l'octroi et à la gestion des contrats publics,
soit les articles 50 à 50.2, ce qui inclut l'article 28
du projet
de loi initial. Nous commenterons ces
dispositions à la lumière des enseignements tirés des travaux de la commission
Charbonneau ainsi qu'en nous appuyant
sur d'autres travaux portant sur les meilleures pratiques reconnues internationalement.
• (22 heures) •
Le projet de loi n° 61 accorde au gouvernement le pouvoir de modifier
ou de suspendre, par simple règlement, les
règles obligatoires prévues à la Loi
sur les contrats des organismes publics ainsi que les conditions applicables à
tout contrat d'un organisme municipal. Ceci implique
toutes ou une partie des conditions imposées par la loi concernant, notamment,
les processus d'appel d'offres, les exigences d'intégrité des contractants.
L'autorisation à contracter et l'inadmissibilité
aux contrats publics pourraient être suspendues ou modifiées à l'égard des
projets visés par projet de loi
n° 61. C'est donc l'ensemble de la normativité qui encadre l'octroi et la
gestion des contrats publics qui pourrait être mis de côté par une intervention gouvernementale non
soumise au contrôle parlementaire. Ceci pose des risques extrêmement
sérieux à l'intégrité des marchés publics et ouvre la porte aux malversations
de toutes sortes.
Tant les
travaux de la commission Charbonneau que ceux de l'OCDE insistent sur la
nécessité d'être très attentifs à l'ensemble des facteurs susceptibles
de vulnérabiliser les marchés publics. Il en va du respect des principes de
saine concurrence et d'équité entre les
entreprises, mais aussi de la confiance des citoyens envers leurs élus et leurs
administrations publiques. Et, comme
le rappelle l'OCDE dans un document récent, 10 % à 30 % des
investissements consacrés aux projets de
construction à financement public pourraient être perdus à cause
d'irrégularités, de gestes et d'actes de corruption. Ce sont des chiffres analogues et même supérieurs dans
certains secteurs qui ont été documentés à la suite des travaux de la CEIC.
Pourtant, le
projet de loi n° 61 crée des conditions extrêmement favorables à
l'émergence de corruption, de collusion et d'autres malversations. Le projet de loi a pour effet d'augmenter la
quantité de projets à réaliser, de conférer un caractère d'urgence à ces projets, de réduire, voire
d'éliminer le cadre normatif de l'octroi des contrats, de multiplier les
occasions d'interférence politique et
de conférer un pouvoir discrétionnaire considérable à l'Exécutif. Par ces
effets, il va à l'encontre de toutes
les bonnes pratiques de saine gestion des marchés publics en augmentant
significativement les facteurs propices aux comportements nuisibles à
l'intégrité des marchés publics.
L'analyse des
causes et stratagèmes que la commission Charbonneau a menée dans son rapport
laisse peu de doute sur les dérives
que pourrait entraîner l'application du projet de loi n° 61. En effet, la
commission a indiqué, parmi les causes à
l'origine de malversations qu'elle a constatées : l'abondance des projets,
qui peut pousser des concurrents à s'entendre pour maintenir des prix élevés; les situations d'urgence, qui
accroissent la vulnérabilité de l'État à la corruption; le pouvoir de décision du politique, puisque plus un élu
dispose de pouvoir en lien avec l'octroi de contrats, plus il est vulnérable à
la corruption politique; l'existence d'un
pouvoir discrétionnaire important; la faiblesse de la réglementation; et la trop
grande rapidité des projets, qui réduit le nombre de soumissionnaires
potentiels.
L'analyse menée par la commission ne laisse
aucun doute sur le fait que le projet de loi n° 61 aura pour effet de recréer un environnement favorable à la
corruption, à la collusion et aux autres malversations. Je cède maintenant la
parole à mon collègue Luc Bégin pour la suite.
M. Bégin
(Luc) : Plus largement, les
travaux académiques et institutionnels,
et ce, tant au plan local qu'au plan international,
qui sont menés sur l'intégrité des marchés publics et sur les grands projets
d'infrastructure permettent d'établir que
des risques se profilent à chacune des étapes de vie de ces projets. Cela
débute avec la planification des travaux et l'évaluation des besoins. Ça se poursuit avec l'estimation des coûts, la
rédaction des appels d'offres, la formation des comités d'évaluation, et ainsi de suite, jusqu'à la
surveillance des travaux et à l'application des sanctions en cas de manquements
avérés. À chacune de ces étapes, des interférences
et des négligences peuvent se produire et mettre à risque la bonne gestion
des contrats publics.
Les interférences du politique sur
l'administratif n'ont pas besoin d'être mal intentionnées pour conduire à des opportunités de malversation dont pourraient
s'emparer d'autres parties prenantes malveillantes. Il suffit, par exemple,
de baisser la garde lors de l'estimation des
coûts en exigeant des fonctionnaires attitrés à ces tâches
qu'ils procèdent avec une plus grande
diligence pour perdre ainsi le contrôle sur
la valeur réelle des travaux à accomplir. C'est sans compter sur les interférences visant à favoriser certaines
entreprises : phénomènes largement documentés de copinage,
favoritisme et captation de la
décision publique. Dans l'état actuel du projet de loi n° 61, rien
ne protège contre de telles possibilités. Au contraire, il crée des
conditions favorables à ces interférences.
Plusieurs
types de facteurs de risque favorisent les pratiques de transgression. Une
vaste étude de la littérature scientifique
identifie notamment ceux‐ci : un
environnement normatif déficient, une absence ou un manque d'effectivité des outils de surveillance et de contrôle, un
manque de suivi des sanctions civiles et pénales, une centralisation accrue
du pouvoir, un important pouvoir
discrétionnaire des agents publics, une culture du favoritisme au sein des
élites et des liens de proximité
entre les acteurs politiques, administratifs et économiques. Le projet de loi n° 61 ouvre la porte à chacun d'eux.
Il faut également souligner que ce projet de loi
permettra de mettre en place un nouveau cadre réglementaire qui serait
contraire à certaines des recommandations de l'OCDE sur les marchés publics.
Parmi celles‐ci, on
notera les quatre recommandations
suivantes : favoriser un traitement juste et équitable des fournisseurs
potentiels; deuxième recommandation, mettre en place des outils d'ordre général
visant à assurer l'intégrité au sein du secteur public et les adapter au besoin; troisième recommandation, mettre en place des cadres cohérents et stables sur le plan
institutionnel, législatif et réglementaire; et, quatrième, faire appel
à la concurrence et limiter le recours aux exceptions et à la sollicitation
d'une source unique.
Les
procédures concurrentielles devraient constituer la norme afin que la passation
des marchés publics soit au service des
gains d'efficience, de la lutte contre la corruption, de l'obtention de tarifs
justes et raisonnables et de la concurrence. Au cas où des circonstances
exceptionnelles justifieraient des limites à l'appel à la concurrence et la
sollicitation d'une source unique, ces
exceptions devraient être limitées, prédéfinies, dûment justifiées et elles
devraient faire l'objet d'une
surveillance adaptée qui tiendrait compte du risque accru de corruption, y
compris de la part de fournisseurs étrangers. Le projet de loi n° 61 va donc complètement à l'encontre des meilleures
pratiques identifiées par l'OCDE en matière d'intégrité
des marchés publics ainsi qu'à l'encontre des recommandations de la commission
Charbonneau. Le rapport de la
commission recommande d'ailleurs de dépolitiser le processus d'octroi des
contrats publics, d'uniformiser les lois et les règlements des donneurs
d'ouvrage et de dépolitiser l'approbation des projets du MTQ.
Or, le projet de loi n° 61 fait exactement l'inverse. Le pouvoir exorbitant attribué au gouvernement par
ce projet de loi en matière de
modification ou de suspension des règles prévues par les lois est non seulement
contraire au principe de la
suprématie parlementaire, mais également à celui de la primauté du droit. Le
principe de suprématie parlementaire signifie
que l'Assemblée législative formée de membres élus, en l'occurrence l'Assemblée
nationale, puisse contrôler l'action
gouvernementale et s'assurer que celle-ci s'exerce en conformité avec les lois
en vigueur. En permettant au gouvernement d'agir malgré la Loi sur les contrats des organismes publics, le projet
de loi n° 61 porte atteinte de manière directe à ce principe
fondateur de notre démocratie parlementaire. De plus, en permettant au
gouvernement de faire exception aux règles législatives
en vigueur pour certains projets particuliers, le projet de loi n° 61 enfreint le principe de la primauté du droit, qui suppose
l'égalité de tous devant la loi.
À
la lumière des travaux menés par la commission
Charbonneau et les instances
internationales les plus reconnues, il ne fait aucun doute que les articles 50
à 50.2 doivent être retirés du projet de loi n° 61. N'avons-nous
rien appris de la commission Charbonneau? Nous savons que le secteur des contrats publics
de construction est extrêmement vulnérable à la corruption, à la collusion
et à l'infiltration du crime organisé. Le projet de loi n° 61 aura pour
effet d'accroître cette vulnérabilité en en augmentant de manière significative
les facteurs de risque. Nous savons que la corruption et la collusion
entraînent des hausses de coûts variant de 20 % à 35 %. Le Québec
a-t-il les moyens...
Le Président
(M. Simard) : En conclusion, M. Bégin.
M. Bégin
(Luc) : ... — oui — de
perdre ces sommes? Merci.
Le Président
(M. Simard) : Vous avez lu dans mes pensées.
M. Bégin
(Luc) : Tout à fait.
Le Président
(M. Simard) : M. Bégin, êtes-vous toujours le directeur de
la revue Éthique publique?
• (22 h 10) •
M. Bégin
(Luc) : Je suis toujours le directeur de la revue, effectivement.
Le Président
(M. Simard) : C'est une excellente revue, monsieur. Je vous en
félicite.
M. Bégin
(Luc) : Merci beaucoup. C'est très apprécié.
Le
Président (M. Simard) :
Alors, je laisse maintenant la parole au ministre pour une période de 15
minutes.
M. Dubé :
Alors, merci beaucoup, M. le Président. Et merci, M. Brodeur et
M. Bégin. Écoutez, c'est une... J'ai plusieurs commentaires, je vais
essayer de les diviser en trois blocs, si vous permettez.
Le premier bloc porterait sur, bien, justement,
le suivi des recommandations qui ont été faites par la commission Charbonneau. Est-ce que, selon
vous, l'essentiel, les plus
importantes recommandations qui ont été faites suite à la commission
Charbonneau ont été implantées ou mises en place depuis la commission?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Beaucoup de recommandations ont été mises en place — on a
publié un rapport — beaucoup de recommandations importantes ont été mises en place et beaucoup
de recommandations importantes restent à être mises en place, et je pense notamment
à la création d'un poste de commissaire
à l'éthique, déontologie et lobbyisme
du Québec, qui était une fusion du Commissaire au lobbyisme et du Commissaire à
l'éthique et à la déontologie.
M. Dubé :
O.K. Est-ce qu'il y en a d'autres, recommandations comme celles-là, qui n'ont
pas été mises en place depuis la commission Charbonneau?
M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Plusieurs, comme, par
exemple, le rattrapage de l'expertise
du ministère des Transports du Québec.
Donc, la commission recommandait de hausser les efforts de rattrapage
de cette expertise-là, ce qui n'a pas été fait, et donc aujourd'hui on se retrouve avec la même situation
que ce qui était, notamment, dans le passé, à savoir un manque
d'expertise en termes de génie au ministère des Transports du Québec.
M. Dubé :
Et pouvez-vous en nommer d'autres?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Certes,
mais peut-être que le plus simple, ce serait de... il me ferait
plaisir de vous envoyer le rapport complet, le dernier rapport qu'on a
produit en 2018, qui contient la liste complète.
M. Dubé : O.K. Je l'ai lu, puis c'est pour ça que je veux bien
comprendre, parce qu'il y en a une
que je trouve importante, c'est ce
qui est le deuxième bloc de ma question. Dans celles qui n'ont pas été
impliquées... appliquées, pardon, la
recommandation n° 15, là, qui porte sur des mesures de liquidités
qui ont conduit à un projet pilote sur la possibilité pour... de mieux payer les fournisseurs et qui a fait
l'objet d'un projet pilote, est-ce que vous considérez que c'est une
application de la commission qui est importante?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Comme toutes les recommandations de la commission
Charbonneau, elle a son importance, tout à fait.
M. Dubé :
Est-ce que vous considérez que... Ce projet pilote là, qui est en cours, en ce
moment, pour mettre les paramètres
de comment, par exemple, le ministère
des Transports devrait payer ses
fournisseurs, est-ce que vous trouvez que ça répond aux besoins de
la commission?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Je n'ai
pas pris connaissance des conditions actuelles dans lesquelles se déroule
le projet
pilote. Étant donné
que l'invitation portait sur le commentaire du projet
de loi n° 61, donc, l'intervention qu'on fait aujourd'hui va dans ce sens.
M. Dubé : O.K. Est-ce
que vous faites un lien entre, justement,
la question de la façon dont on paie les fournisseurs,
au gouvernement
du Québec, qui vient de ce projet pilote là et l'article 50 que, là, on propose dans le projet de loi n° 61?
M. Brodeur (Pierre-Olivier) : Je ne vois pas comment le fait d'octroyer au gouvernement le droit de modifier par règlement les dispositions
contractuelles a un lien avec cette recommandation-là.
M. Dubé : Bien, écoutez, je ne veux pas en faire un débat technique ici,
ce soir, là, je pense qu'on pourra le faire au cours des... de le faire dans les prochains
jours avec nos collègues de l'opposition, mais, lorsqu'a
été mis le projet pilote en cours,
c'était justement pour répondre à une recommandation de la commission
Charbonneau qui demandait de mieux payer
les fournisseurs. Et, comme cette demande-là n'avait pas pu permettre au
ministère des Transports d'en arriver à un consensus et de respecter les délais de paiement, on a été obligés de
modifier la loi de la LCOP pour être capables de profiter de mesures très strictes
pour mieux payer les fournisseurs. Alors, c'est suite à la recommandation n° 15 de la commission Charbonneau que ce projet pilote là
a été mis en place par l'ancien gouvernement, qui modifiait la LCOP,
dont on parle, et ça prenait ces modifications-là à la loi pour être capables
de le faire.
Aujourd'hui, lorsqu'on utilise l'article 50
du projet de loi, c'est pour être capables, par exemple, de faire exactement
ce qui est misé par le projet pilote. Alors,
c'est pour ça que j'essaie de voir si vous croyez que ce qui a été mis en place
par le projet pilote et qu'on pourrait
reconduire de façon permanente par le projet de loi n° 61, dont
l'article 50, c'est la bonne approche, par le projet de loi
n° 61.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Donc, si votre objectif, c'est de modifier une
condition ou un article ponctuel de la
Loi sur les contrats des organismes publics, le projet de loi n° 61
devrait prévoir une modification précise et ponctuelle de l'article que vous voulez modifier. Tel que
formulé actuellement, il donne au gouvernement un pouvoir beaucoup plus...
beaucoup trop large et doit être encadré.
Des voix :
...
Le Président
(M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît! La parole est au
ministre.
M. Dubé :
Merci. Alors, c'est ce que j'ai dit dans les derniers jours, pour vous
demander... et c'est ça que je voudrais bien comprendre : Ce n'est pas que vous avez un problème — je veux juste être bien certain qu'on se
comprend — à ce
qu'on vienne changer des éléments de la loi,
de la LCOP, comme on l'appelle, mais vous êtes d'accord qu'il faut le faire
parce que c'est une recommandation de la
commission Charbonneau. Ce que vous questionnez, c'est la largeur de la demande
de l'article 50, c'est bien ça?
Parce que la raison pour laquelle je vous demande
ça, puis je pense que c'est important, M. Brodeur, c'est qu'étant donné, je dirais, l'expertise que vous avez, les
gens ont beaucoup associé, beaucoup par certaines désinformations, que le p.l. n° 61 remettait en cause l'intégrité,
le devoir du gouvernement de vouloir suivre les recommandations de la
commission Charbonneau, puis c'est
justement une des recommandations de la commission Charbonneau que l'on veut
adresser avec l'article 50.
Est-ce que c'est de la bonne façon? On peut en discuter, et c'est ce qu'on fera
lors de l'article par article, mais je
voulais vous entendre sur... que c'est quand même une recommandation importante
de la commission Charbonneau que l'article 50 nous permettrait
d'adresser. Vous êtes d'accord avec ça?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : C'est-à-dire que... M. Bégin, je vais vous
laisser prendre la...
M. Bégin
(Luc) : En fait, c'est simplement que l'article en question ne nous
semble absolument pas nécessaire pour
vous permettre de poser le geste qui a été posé, et, très clairement,
l'article 50 ouvre à des possibilités, tant dans la durée que dans l'étendue des pouvoirs, qui excèdent de
beaucoup ce type d'initiative. L'idée, pour nous, n'est pas qu'on puisse...
n'est pas que le gouvernement ne puisse pas adopter quelque modification à la
LCOP, la question n'est pas là.
M. Dubé :
Ah bon, O.K. Non, mais c'est exactement ce que j'aime entendre de ce que vous
dites, parce qu'il y a une différence
entre dire qu'on ne peut pas toucher à la LCOP, ce que j'ai entendu énormément
au cours des derniers jours, versus
de faire un acte ponctuel pour suivre les recommandations de la commission
Charbonneau. Êtes-vous d'accord avec ça, M. Bégin?
M. Bégin (Luc) : Le fait que vous puissiez apporter des
modifications à la LCOP relève des prérogatives du gouvernement, bien entendu. La question, encore une fois, c'est que
l'adoption d'une modification, c'est une chose; adopter un article qui ouvre à la possibilité d'une adoption sans balise
de quelque modification que ce soit est en soi... nous apparaît en soi
très problématique.
• (22 h 20) •
M. Dubé :
D'accord. Alors, je pense qu'on s'entend bien. Est-ce qu'on peut redresser
l'article 50 pour les besoins que
l'on a? Mais je voulais faire le lien, et je pense qu'on s'entend là-dessus,
avec la recommandation n° 15 de la commission Charbonneau. Merci.
Est-ce
qu'il y a d'autres recommandations — et je reviens — de la commission Charbonneau qui pourraient
être mises en place pour s'assurer
que le programme de relance par les infrastructures pourrait être amélioré,
suite à la discussion qu'on vient
d'avoir au cours des dernières minutes, et que nous pourrions bénéficier, des
amendements que nous pourrions faire au cours des prochains jours?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Il existe une recommandation, la
recommandation 3, qui parle de «[l'instauration d'un] comité d'experts indépendants chargé
d'approuver la programmation du ministère des Transports du Québec pour les projets de conservation des chaussées, des
structures et d'amélioration du réseau routier en fonction d'un budget décidé
par le Conseil du trésor et par le ministre
des Transports», donc la... qui était
partiellement appliquée. Le fait de se doter d'un tel comité avait pour objectif, là, d'instaurer une distance entre
un pouvoir politique discrétionnaire et des projets d'amélioration des infrastructures. Donc, le fait
d'aller au bout de cette recommandation-là, je pense que, dans des
circonstances, ça permettrait de baliser puis de réduire les risques de
corruption et de collusion.
Parce que ce qu'on...
le message qu'on veut vous livrer aujourd'hui, c'est qu'il existe des
conditions qui sont objectivement
observables qui favorisent l'émergence de collusion, de corruption et de
malversation, et on les connaît. Et, puisqu'on les connaît, elles sont documentées,
on les a observées, bien, on peut les identifier, on peut prévenir l'émergence de ces phénomènes-là en faisant en
sorte que les conditions qui favorisent la corruption et la collusion ne soient
pas réunies ensemble. Et...
M. Dubé :
Pardon. Allez-y.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Et, dans
notre... oui, et notre analyse est qu'actuellement, dans sa rédaction et sa forme actuelle,
le projet de loi n° 61, malheureusement, réunit ces conditions-là.
M. Dubé : Et est-ce que vous connaissez les raisons pour
lesquelles cette recommandation 3 là n'a pas été appliquée depuis
la publication du rapport?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Non.
M. Bégin
(Luc) : Non.
M. Dubé :
O.K., vous n'avez pas de commentaire à faire là-dessus. O.K.
M.
Bégin (Luc) : En fait, si on
a un commentaire à faire — excuse-moi,
Pierre-Olivier — mais
qui ramène, dans le fond, à notre
présentation, c'est qu'en lien avec les recommandations de la commission Charbonneau, très clairement, la crainte, c'est... En fait, nous souhaitons nous assurer que ce qui a
été mis en place soit effectif et qu'il n'y ait pas de recul par rapport non seulement à l'application des recommandations, mais également
à la culture, au fond, qui entoure les milieux qui ont été aussi visés dans et par les travaux de la commission,
qu'il n'y ait pas de recul, dans le
fond, quant aux bonnes façons,
quant aux bonnes pratiques en matière de gestion des contrats publics. Et ce
qu'il nous semble, c'est qu'il y a des risques, tout simplement.
M. Dubé :
Bien, écoutez... Il reste combien de temps?
Le Président
(M. Simard) : Une minute.
M. Dubé : Bon, écoutez, je veux conclure cette période-là
avec vous pour dire à quel point on apprécie vos commentaires, parce qu'il n'y a personne dans ce gouvernement
qui veut retourner à l'époque d'avant la commission Charbonneau. Pour
un projet de relance qui est si important,
dans les circonstances, et qui inclut des infrastructures, des
projets... nombreux projets d'infrastructure, est-ce qu'on peut trouver des arrangements qui nous
permettront de faire ça dans le respect de la philosophie des recommandations
de la commission Charbonneau? J'apprécie beaucoup vos commentaires, et nous
allons nous en assurer dans les prochaines semaines. Merci beaucoup.
Merci.
Le
Président (M. Simard) : Merci à vous, M. le ministre. Je cède
maintenant la parole au député de La Pinière pour une période de
10 minutes.
M. Barrette : Alors, MM. Bégin et Brodeur, merci d'être
ici. On aurait bien aimé que vous soyez ici physiquement, mais ça n'a pas été possible. Finalement, c'est
peut-être mieux pour vous, comme ça vous n'avez pas assisté à d'autres
émotions qu'on a exprimées pendant...
Le
Président (M. Simard) : ...s'en tienne aux propos. Ça va bien.
M. Barrette :
Oui, ça va bien.
Le Président
(M. Simard) : Merci.
M. Barrette : ...suite à l'échange que vous avez eu. Et je peux
assurer que nous serons les gardiens de la pensée que vous avez exprimée dans votre mémoire, parce que
nous avons compris, clairement, qu'il y avait une différence entre proposer un article comme l'article 50, qui
ferait une chose prévue dans le rapport de la commission Charbonneau, versus
faire à peu près tout. On a compris la
dynamique. Manifestement, vous avez vu la manoeuvre et vous avez... disons,
vous êtes passés à côté de la chose avec élégance, et je vous en
félicite.
Ceci
étant dit, je vais revenir sur votre mémoire, parce que votre mémoire, il est
d'une précision chirurgicale. Et, justement, écoutez, j'avais beaucoup
de questions depuis que le projet de loi n° 61 a été déposé, j'avais
beaucoup d'interrogations, et vous y
apportez des réponses, mais je veux juste les confirmer, là, parce que vous
êtes catégoriques, là, sur le fait que
ce projet de loi là, et ce sont vos mots, réunit toutes les conditions
nécessaires au retour... corruption, collusion, malversation, flambée des prix. Une des interrogations que j'avais,
messieurs, c'est simplement celle-ci : Il y a bel et bien une littérature internationale du monde occidental
qui en fait la démonstration, on n'est pas dans l'anecdote de la littérature,
là, ça a été regardé en long, en large et en hauteur à plus d'une reprise,
n'est-ce pas?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Oui, tout à fait. Et donc il y a une littérature
internationale qui l'a démontré, et
les travaux de la commission qui portent sur
ce qui s'est passé au Québec récemment, dans les dernières années, l'ont démontré aussi. Je ne sais pas, Luc,
si tu veux ajouter.
M. Bégin (Luc) : Oui... (panne de son) ...il y a une littérature qui est très vaste,
très bien appuyée. On a référé, notamment, aux travaux de l'OCDE, mais
il n'y a pas que les travaux de l'OCDE. Et, dans le cadre, également, d'une recherche qu'on mène avec quelques collègues
sur les risques éthiques dans les projets d'infrastructure, on est en mesure de le documenter aussi, ce type de
phénomène, qui ne relève pas... qui n'est pas que local, on comprend bien,
hein?
M. Barrette : C'est bien important pour moi que vous disiez ça, parce que, comme je
l'ai dit il y a un instant, c'est une
interrogation que j'avais. Je n'ai pas votre expertise de ce domaine-là. Vous
êtes des scientifiques, vous étudiez, donc
vous avez une littérature, et là vous avez la réponse à la question que je me
posais, et une réponse qui fait mon affaire.
En
plus, je vais aller un peu plus loin, quand on parle de conditions dans un
environnement donné, que ce soit en
sciences, en chimie, en médecine, en n'importe quoi, on regarde l'environnement
dans lequel ça se produit. C'est comme dans
nos cours, au secondaire : dans une solution idéale où on met,
blablabla... Bon, vous, là... On peut dire que les conditions réglementaires, sociétales, gouvernementales du
Québec ne permettent pas de dire : Bien non, la littérature, ça ne
s'applique pas à nous. Ça s'applique à nous, là. On n'est pas du tout en
orbite, là, par rapport à la littérature scientifique, là.
M. Bégin (Luc) : Non. Effectivement, ça s'applique à nous. De toute façon, nous avons eu
une expérience quand même assez
douloureuse, là, avec l'épisode de la commission Charbonneau, et, très
clairement, ce qu'on voit bien, c'est que, non, il n'y a pas de
différence entre notre société et d'autres sociétés qui sont comparables.
Et, ce qu'il faut bien comprendre également,
et je pense que c'est très important de le souligner, d'une part, il ne s'agit
pas, pour nous, ici, de faire un procès
d'intention, mais il s'agit, pour nous, de mettre l'emphase sur cette question,
comme mon collègue
le disait, des conditions qui font en sorte que nous risquons de nous mettre à
nouveau en situation de vulnérabilité. Et il n'y a
pas que la corruption et la collusion, qui sont, évidemment, les points les
plus marquants, ceux qui sont frappants, mais il y a tout un ensemble de malversations possibles, et
vous en avez nommé un aussi, qui mènent à de la surfacturation, l'augmentation des coûts, ce qui peut très bien être fait par des entrepreneurs seuls,
sans être dans une structure de collusion ou de corruption. Il suffit qu'il y ait des faiblesses et des
vulnérabilités de gestion dans un projet pour que ces opportunités-là
soient offertes.
• (22 h 30) •
M. Barrette : C'est très intéressant, ce que vous nous dites.
Alors, on est dans un environnement comparable à ce qui existe dans la littérature. Écoutez, vous allez me trouver peut-être
pointilleux, là, mais j'ai bien lu votre texte, et, quand on arrive... bon, je n'ai peut-être
pas le numéro de la page... oui, la page 3, en bas, vous nous dites... je
vais vous citer parce que c'est bien important, vous allez voir pourquoi je
veux dire ça : «L'analyse menée par la commission ne laisse aucun doute sur le fait que le projet de loi n° 61 aura pour effet de recréer un environnement
favorable à la corruption, à la collusion et aux autres malversations.»
J'ai noté que vous
avez conjugué le verbe au présent... au futur, mais vous êtes affirmatifs, vous
n'êtes pas conditionnels, vous nous dites
clairement, là : C'est ça que ça va faire. Ça m'a impressionné. Est-ce que
c'est une erreur de frappe? Est-ce qu'il manque un i ou si c'est votre
pensée?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Ce que le... ce qu'on dit dans notre mémoire...
donc, non, ce n'est pas une erreur de frappe, ce qu'on dit dans notre
mémoire, c'est que, tel quel, le projet de loi va créer un environnement
favorable à la corruption, à la collusion et
aux autres malversations. On a...Nous ne sommes pas des devins, nous ne pouvons
pas prédire si, oui ou non, des
phénomènes de corruption ou de collusion vont arriver, mais en nous basant sur
ce qui a été observé dans le passé
récent au Québec, clairement, il apparaît que l'environnement qui serait créé
par ce projet de loi là, s'il est adopté tel quel, serait favorable à
l'émergence de collusion et de corruption.
M. Barrette :
Très bien. Corrigez-moi si je fais une affirmation éthiquement fausse, mais en
politique, on est censés, même si
c'est une règle non écrite, appliquer ce que l'on appelle le principe de
précaution. Quand on arrive à poser le geste volontaire de faire passer une loi, ce n'est pas un hasard, c'est une
loi qu'on dépose, c'est volontaire. Sachant ça, bien, disons que, là, c'est un comportement qui est pour
le moins discutable, pour lequel le principe de précaution n'a pas été
appliqué.
M. Bégin
(Luc) : Je pense qu'il faut prendre la mesure des commentaires que
nous avons... (panne de son) ...risques éventuels et quant à la nécessité d'éviter d'ouvrir, encore une fois,
des portes qui feraient en sorte qu'on pourrait voir affecter l'intégrité de nos marchés publics, tout
simplement. Et il est clair que, dans ce milieu, particulièrement lorsqu'on
parle des marchés publics, on a tout
intérêt à ce que tout soit transparent, que les règles soient claires, que nous soyons dans un
contexte de prévisibilité pour permettre, justement, à l'ensemble des parties
intéressées de pouvoir soumissionner au
besoin, hein — et
je renvoie à l'OCDE aussi, sur la fameuse question d'éviter les soumissions uniques
dans la mesure du possible — et,
si on le fait, qu'on soit en mesure d'exercer des contrôles accrus et que ça
demeure tout à fait exceptionnel. Ce
qu'on voit avec l'article 50, c'est le risque, effectivement, de ne pas
rencontrer certaines de ces exigences qui sont nécessaires pour assurer
l'intégrité des marchés publics.
M. Barrette : Sur la question des contrôles, parce que je suis
d'accord avec vous, à la lecture du projet de loi actuel, tel que
rédigé, est-ce que vous considérez que le niveau de contrôle pour cet
environnement-là, volontairement... pas volontairement,
mais volontairement pris sans égard aux risques, sont suffisants? Je vais
répéter ma question. Le projet de
loi, là, en prenant votre... de mémoire, il nous met dans le risque, compte
tenu de son écriture. Est-ce qu'on a assez d'outils de contrôle dans le
projet de loi, dans le projet de loi, là?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Dans le
projet de... le projet de loi ne prévoit pas d'outils de contrôle additionnels
pour pallier les vulnérabilités créées, à ma connaissance, à moins que j'aie
raté un article.
M. Barrette : Très bien. Est-ce qu'à date... pour ce qui est de
la commission Charbonneau, vous allez me dire que tout n'a pas été appliqué, avec raison, mais
est-ce qu'on a eu à appliquer... est-ce qu'on a appliqué suffisamment de règles
pour avoir l'effet que l'on recherchait, quoiqu'incomplet?
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Bégin
(Luc) : Je pense qu'on a
avancé beaucoup dans la bonne direction, il en reste encore à faire. Mais ce
qu'il faut surtout retenir, je crois, c'est qu'en ces matières, en
matière de vulnérabilité des marchés publics, quand on vise l'intégrité,
l'idéal n'est jamais parfaitement atteint, c'est-à-dire que les risques
demeurent.
Le
Président (M. Simard) :
Très bien. Merci, M. Bégin. Je dois céder la parole,
maintenant, au député de Rosemont,
qui dispose de 2 min 30 s.
M. Marissal : Merci, M. le
Président. MM. Brodeur et Bégin, merci d'être là. Je ne ferai pas
d'«overkill» sur les conclusions évidentes
de votre rapport quant à l'imminence d'une nouvelle vague de propagation du
virus de la corruption, ça, c'est
assez clair dans votre rapport. Par contre, quand on a des mauvaises pratiques
dans une juridiction, il y a toujours un
prix réputationnel à payer. Vous vous souvenez, évidemment, du Bonhomme
Carnaval à la une de Maclean's. On a eu de mauvaises notes aussi chez Transparency International, ou autre. Comment
vous évaluez les risques réputationnels pour le Québec si d'aventure ce
que vous nous prévoyez devait arriver à cause de ce projet de loi?
M. Brodeur (Pierre-Olivier) :
Si je peux y aller, disons, on ne s'est pas penchés sur la question des risques
réputationnels, donc plutôt que de vous
donner une réponse qui pourrait être inexacte, ce qu'on peut vous dire, par contre,
c'est qu'au niveau financier on parle de
surcoûts de 10 % à 35 %,
donc on parle, ici, de centaines de millions de dollars qui pourraient
être déviés de leur usage légitime auquel ils sont destinés.
M. Marissal :
Les 10 % à 35 %, vous les prenez de la commission Charbonneau, ce qui
avait été déterminé dans les enquêtes
et les rapports de la commission Charbonneau, ou c'est quelque chose que vous
avez vous-même déterminé?
M. Bégin
(Luc) : En fait, ce sont des
chiffres qui proviennent de la commission Charbonneau mais qui proviennent
aussi des calculs de l'OCDE et qui sont tout
à fait publics dans leur document sur l'intégrité des marchés publics, où on
indique que c'est entre 10 % et 30 %, et c'est... je pense que l'OCDE
documente assez bien ces questions-là.
M. Marissal : Question rapide
pour terminer, parlant de l'OCDE ou de ce que vous avez étudié ailleurs, pourriez-vous, pour le bénéfice de la commission,
déposer les références que vous avez utilisées pour arriver à vos conclusions?
Je pense que ça pourrait être éclairant pour quiconque s'intéresse à la chose.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
M. Bégin (Luc) : Tout à fait.
Le Président
(M. Simard) : Très bien. Alors, sur ce, je cède la parole au
député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup. À mon tour de vous saluer,
messieurs. À 22 h 37, c'est un excellent cinéma qu'on se fait, et ce n'est pas de la science-fiction,
c'est de la science. Écoutez, on avait cette prétention-là, bien humblement,
sans être des scientifiques et des
chercheurs, sur ce risque-là. Vous mettez des mots, vous mettez un contexte,
vous mettez des études, vous mettez
tout votre savoir à l'intérieur même des prétentions que nous avions. Merci de
les valider et de les préciser.
Cela étant
dit, on va aller un petit peu plus loin ensemble ce soir. Il manque quelque
chose dans le projet de loi. La commission
Charbonneau a démontré qu'on manquait d'expertise, on manquait de ressources,
et on se rend compte que, depuis deux
ans, le ministère des Transports a plus que doublé le recours aux firmes
privées. Est-ce que vous voyez une disposition, dans ce projet de loi
là, qui permet d'augmenter l'expertise au sein du ministère des Transports dans
la surveillance et dans le contrôle?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Il n'y a
aucun article en ce sens. Et pour rappel, là, la recommandation de la commission Charbonneau était que le ministère
des Transports du Québec devait atteindre ses cibles de recrutement de
2017 et se fixer des nouvelles cibles au-delà. Et, la dernière fois qu'on a
évalué ces efforts-là, les cibles pour 2017 n'étaient
pas atteintes. Nous étions en 2018, la dernière fois que nous avons fait cet
exercice, et aucune cible subséquente n'avait été fixée. Donc, tout
porte à croire que le déficit d'expertise s'est creusé encore davantage.
M. Ouellet : Donc, si je vous comprends bien, le gouvernement crée un contexte, le nourrit de son contenu, et, à l'intérieur
du projet de loi, il n'y a absolument rien qu'on peut faire pour améliorer la
situation, même en enlevant les articles 50 à 50.3, c'est bien ça?
M. Bégin
(Luc) : En fait, il n'y a rien qui le prévoit, il n'y a rien qu'on
peut voir dans le projet de loi, effectivement, qui irait dans ce sens.
• (22 h 40) •
M. Ouellet : Donc, vous nous dites, aux Québécois, aux
Québécoises : N'adoptez pas l'article 50, et 50.1, et 50.2. C'est
ce que vous dites aux Québécois, aux Québécoises, sinon on retourne en arrière.
M. Bégin (Luc) : Sinon, on
risque effectivement de retourner en arrière, clairement.
Le
Président (M. Simard) :
Très bien. Alors, MM. Bégin et Brodeur, merci beaucoup pour votre
contribution... Mais là, encore une fois, mon empressement est
incorrigible. M. le député de Chomedey, vous savez qu'il vous reste deux
minutes.
M. Ouellette : ...donné 15
minutes, M. le Président.
Le
Président (M. Simard) : MM. Bégin et Brodeur, ne partez pas
tout de suite parce qu'on a encore l'intervention du député indépendant
de Chomedey. Cher collègue, à vous la parole.
M. Ouellette : Merci, messieurs, de veiller avec nous ce soir.
Je ne vais avoir seulement qu'une question, je n'ai pas grand temps, là. À la page 5 de votre mémoire,
vous avez cru bon de surligner ou de souligner une des recommandations de l'OCDE qui touchent les
firmes étrangères, les fournisseurs étrangers, puis vous nous demandez de
définir les exceptions. Peut-être
pour éviter... Vous avez dû esquisser un sourire, même si
ce n'est pas drôle, quand vous avez vu l'appel
d'offres du pont-tunnel
Louis-Hippolyte, qu'il va falloir recommencer parce que, finalement, on finit
juste avec un, puis il y a toutes sortes
de bizarreries qui se sont passées dans cet appel d'offres là. J'aimerais
ça que vous nous expliquiez un peu plus qu'est-ce qui vous a amenés à
nous souligner... parce que vous voulez vraiment qu'on en tienne compte.
M. Bégin
(Luc) : Très bien.
En fait, oui, est souligné dans ce segment, y compris de la part de
fournisseurs étrangers... mais je
dois avouer que l'accent était mis sur ce qui précède, c'est-à-dire tout le caractère d'exception, c'est-à-dire l'idée, par
exemple, d'augmenter le recours au
gré à gré, de créer des contextes où, finalement, des règles ne sont pas
connues d'avance, où les critères ne
sont pas connus d'avance, et qu'en ce sens-là toute exception doit être, selon
l'OCDE, limitée, prédéfinie, clairement
justifiée, avec surveillance adaptée. Autrement dit, on doit être en mesure
d'augmenter les mécanismes de
contrôle et de surveillance lorsqu'on décide... lorsqu'on procède de manière
exceptionnelle. Pour l'instant, nous ne voyons rien qui aille dans ce
sens.
M. Ouellette : M. le président
est très heureux que je lui redonne la parole.
Le
Président (M. Simard) :
Alors, à nouveau, MM. Brodeur et Bégin, merci pour votre contribution à
nos travaux.
Sur ce, compte tenu de l'heure, j'ajourne nos
auditions. Je vous donne rendez-vous demain, après les affaires courantes, vers
11 h 30, à la salle Kirkland. Bonne fin de soirée à toutes et à tous.
(Fin de la séance à 22 h 43)