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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Thursday, March 12, 2020 - Vol. 45 N° 66

Clause-by-clause consideration of Bill 23, An Act respecting the names and responsibilities of certain ministers and government departments and to enact the Act respecting the Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Intervenants

M. Jean-François Simard, président

M. Christian Dubé

M. Gaétan Barrette

*          M. Jean-Félix Robitaille, Secrétariat du Conseil du trésor

*          Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats

(Seize heures huit minutes)

Le Président (M. Simard) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 23, Loi sur la dénomination et les responsabilités de certains ministres et de certains ministères et édictant la Loi sur le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. Mme la secrétaire, bonjour.

La Secrétaire : Bonjour.

Le Président (M. Simard) : Y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Alors, M. Chassin (Saint-Jérôme) est remplacé par M. Bachand (Richmond); M. Émond (Richelieu) est remplacé par Mme Boutin (Jean-Talon); M. Reid (Beauharnois) est remplacé par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); et M. Fortin (Pontiac) est remplacé par Mme Nichols (Vaudreuil).

Étude détaillée (suite)

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Alors, comme vous vous le rappelez très certainement, le 20 février dernier, au moment d'ajourner nos travaux, nos discussions portaient sur l'article 2. Y aurait-il d'autres commentaires à cet égard?

M. Barrette : M. le Président, pour la conduite restante de nos travaux, pourriez-vous nous indiquer où est-ce qu'on est rendus dans le temps?

Le Président (M. Simard) : Alors, avec très grand plaisir. Il vous reste, cher collègue, 28 minutes de délibération sur le présent article et 40 minutes au député de Nelligan, également 40 minutes à notre collègue de Robert-Baldwin et potentiellement, si tant est qu'il se joigne à nous, 34 minutes au député de René-Lévesque.

M. Barrette : O.K. Alors, je vais vérifier avec mon collègue de Nelligan dans quelques instants. Bon, alors, on y va, M. le Président?

Le Président (M. Simard) : Je vous en prie, monsieur.

M. Barrette : Très bien. Alors, lorsqu'on a quitté la dernière fois, on était dans un débat qui traitait de la question des normes. Et, en souhaitant que Me Demers, de mémoire, elle profite maintenant grandement de sa nouvelle retraite...

Une voix : ...

• (16 h 10) •

M. Barrette : Je suis convaincu qu'elle nous écoute aussi. J'étais sous l'impression qu'il y avait peut-être des informations additionnelles qui auraient pu arriver, de votre bord, sur la définition des normes, parce que ça demeure l'élément qui est un grand point d'interrogation pour nous. Parce que la norme, bien, c'est la norme.

Puis je replace un peu le débat parce que ça fait un bout de temps qu'on ne s'est pas parlé, là, ça remonte au 20 février, ça fait quasiment un mois. La question était de savoir jusqu'où on pouvait aller lorsque, d'une façon unilatérale, le gouvernement, par décret, pouvait changer à peu près n'importe quoi dans un ministère.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, cher collègue. M. le ministre.

M. Dubé : Alors, bonjour, M. le Président et chers collègues. Content de vous revoir après ce mois où d'autres travaux ont été faits.

Alors, non, en fait, M. le député de La Pinière, il n'y avait pas vraiment... Et bonjour à vous aussi. Alors, merci. Et, non, il n'y avait pas... Je me souviens bien de la présentation de Me Demers, qui avait répondu verbalement et avec beaucoup d'éloquence sur la difficulté de préciser les normes, parce qu'elle a fait, je pense, clairement, une belle démonstration de ce qu'on voulait dire et ce que ça ne voulait pas dire aussi. Mais je pense qu'il n'y avait pas d'autres choses à venir, de notre côté, que l'explication qu'elle avait donnée sur cette partie-là.

M. Barrette : Je vais quand même continuer sur cette ligne de questionnement là, là. N'ayant pas de définition de la norme, jusqu'où ça arrête? Parce que, si je comprends bien, là... Moi, j'avais évoqué la possibilité d'un amendement puis je pense que le ministre nous a indiqué qu'il était probablement favorable audit amendement. Alors, je pense qu'à cette étape-ci, M. le Président, je vais vous proposer de suspendre pour déposer l'amendement qui avait été suggéré, là, j'avais évoqué la possibilité de ça, sur ce sujet-là.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

Alors, nous allons suspendre.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

(Reprise à 16 h 15)

Le Président (M. Simard) : Alors, cher collègue, nous avons entre les mains votre amendement. Vous avez fait diligence, on vous en remercie. Alors, nous vous laissons le soin d'en faire la lecture, s'il vous plaît.

M. Barrette : Alors, M. le Président. L'amendement déposé se lit comme suit, article 2 : L'article 9.1 de la Loi sur l'exécutif, tel qu'introduit par l'article 2 du projet de loi, est modifié par l'ajout, à la fin, de l'alinéa :

«L'avis de la ministre doit être publié à la Gazette officielle dans un délai raisonnable.»

Vous avez compris, M. le Président, qu'il y avait une petite coquille que je n'ai pas lue mais qui ne doit pas faire partie de cet article-là et qui est le petit bout de phrase en dessous de «article 2». Comme les gens qui nous suivent et peut-être même nous, collectivement, n'avons pas eu de débat là-dessus depuis le 20 février, je vais quand même relire l'article qui serait amendé, pour mettre les choses en perspective, M. le Président. Alors, à 2, il y a 9.1. Ce que l'on veut amender est ceci : «Le gouvernement peut, sur avis du ministre de la Justice, apporter aux textes des lois et des règlements les modifications qui, au-delà des opérations prévues par la Loi sur le Recueil des lois et des règlements du Québec, sont nécessaires pour traduire toute décision prise en vertu de l'article 9. Ces modifications ne peuvent avoir pour effet d'ajouter ou de modifier quelque norme que ce soit.»

Alors, le débat ici que l'on avait qui faisait rage lorsque nous nous sommes laissés, le 20 février — «qui faisait rage», ça veut dire qu'on débattait activement, tout simplement — bien, ça fait référence au fait que le point d'achoppement, pour nous, de ce projet de loi là, c'est que, contrairement à l'usage habituel où, lorsque des lois sont édictées ou modifiées, il y a une procédure qui est suivie... Et la procédure fait en sorte qu'il y a, sous une forme étendue ou une autre, un examen des changements, fait par une commission parlementaire, fait en étude, on s'entend. Alors, notre commission, par exemple, regarderait ça, c'est notre fonction. Ce que ce projet de loi là dit, c'est qu'on peut faire des changements sans cette consultation-là. Et on met une limite, dans l'article 9.1. La limite, c'est que les «modifications ne peuvent avoir pour réel... pour effet — je m'excuse — d'ajouter ou de modifier quelque norme que ce soit».

Bon, la détermination à savoir si ça remplit ou non ce critère-là, il n'y a pas de modification de norme, bien, c'est sur un avis du ministre de la Justice. Bon, puis on comprendra ici que c'est le gouvernement — pas les parlementaires, les oppositions — le gouvernement qui peut, pas «qui doit», sur avis du ministre de la Justice, apporter aux textes et aux lois, et ainsi de suite, des modifications. Alors là, nous, on se dit la chose très simple : Ne serait-ce pas approprié, par transparence, qu'on puisse prendre connaissance de l'avis du ou de la ministre de la Justice au moment où ça, ça se passe? Et d'où, là, l'intérêt de l'amendement qu'on dépose qui est justement de demander que l'avis soit publié.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Dubé : Alors, écoutez, premièrement, j'apprécie la suggestion parce que je vois très bien que mes collègues dans l'opposition sont à la recherche de solutions, ça fait que je l'apprécie. Mais vous serez... peut-être qu'il va falloir travailler sur d'autres solutions. Parce que l'enjeu, puis je pense, pour un ancien ministre, là, qu'il comprend bien, c'est qu'un avis de la ministre de la Justice n'est jamais publié. C'est malheureux, là, mais je pense que ce n'est pas une question de... Le fait qu'un avis juridique... En tout cas, moi, je n'ai pas de cas... puis on pourra peut-être demander à nos collègues, mais je ne connais pas de cas où des avis juridiques ont été publiés pour toutes sortes de raisons.

Alors, je vous dirais que je reconnais l'objectif du député, ici, de s'assurer... parce qu'on veut s'assurer qu'on le fait selon les normes. Puis je pense qu'on le disait bien que, s'il n'y avait pas de modification à des normes... Puis je reviens sur la conversation qu'on avait eue avec Mme Isabelle Demers, c'était très clair, mais je pense qu'il faut se fier aussi à la ministre de la Justice que... Si elle a émis un avis comme de quoi que les changements n'avaient aucun impact sur les normes, je pense qu'il faut se fier à la ministre de la Justice.

Et je ne fais pas ça, comment je vous dirais, uniquement pour bloquer cette suggestion-là, au contraire, mais je pense que le ministre doit sûrement reconnaître que les avis juridiques ne sont jamais publiés. Alors, je vous retourne la balle en disant : Merci pour l'effort, merci pour la suggestion, mais je pense qu'il va falloir regarder ailleurs.

• (16 h 20) •

M. Barrette : Alors, M. le Président, je vais quand même explorer ça, parce que... Je comprends très bien ce que le ministre me dit, là, et c'est vrai, je sais que. Maintenant, et là c'est une question d'ordre juridique venant d'un laïc en droit, posée à un laïc en droit, on est tous les deux dans la même ligue... On a la chance d'avoir Me Vaillancourt, hein, de mémoire...

Une voix : ...

M. Barrette : Robitaille. Excusez-moi, Me Robitaille, ça fait un mois, on ne s'était pas fréquentés souvent auparavant, là. Alors, sur le plan du droit, là, ici, est-ce que c'est un avis juridique au sens propre du terme, là?

Le Président (M. Simard) : Y a-t-il consentement afin que Me Robitaille puisse s'adresser à nous?

M. Barrette : Absolument.

Le Président (M. Simard) : Cher maître, à vous la parole. Et, pour les fins de nos travaux, s'il vous plaît, veuillez vous présenter.

M. Robitaille (Jean-Félix) : Jean-Félix Robitaille, du ministère de la Justice.

C'est un avis juridique, absolument, au même titre qu'un avis juridique avant l'édiction d'un règlement, là. Comme vous le savez, il y a toujours un contrôle de la légalité par les avocats du ministère de la Justice, avant la publication et l'édiction d'un règlement, et ces avis-là sont des avis juridiques.

M. Barrette : Alors, ce n'est pas simplement une opinion, un contrôle, une procédure, c'est un avis juridique dans le sens... Parce que, moi, dans ma compréhension d'un avis juridique, là, c'est un quasi-jugement, puis peut-être que ce n'est pas un bon terme que j'utilise, là, mais ça a une valeur de jugement. Alors que, moi, quand je regarde ça, ici, là, je vois ça comme étant plus une valeur d'opinion, de cohérence, de concordance avec la question qui est posée.

M. Robitaille (Jean-Félix) : On n'a peut-être pas la même conception de ce qu'est un avis juridique, mais c'est un avis juridique par la ministre de la Justice, à titre de jurisconsulte du gouvernement, qui se prononce sur le droit. Ce n'est pas un jugement comme celui d'un tribunal, évidemment, mais c'est un avis juridique de la ministre de la Justice.

M. Barrette : Parce que là, à ce moment-là, nous, là, les parlementaires, là, on se retrouve dans une situation très particulière. Est-ce qu'on peut s'entendre sur le fait que la ministre ou le ministre de la Justice, dans un cas comme celui-là, va devoir confirmer une décision sur la base d'une grille d'analyse, simplement?

M. Robitaille (Jean-Félix) : Bien, pourriez-vous préciser la question? De quelle grille d'analyse vous...

M. Barrette : J'allais faire une pointe d'humour, M. le Président, j'ai l'impression d'entendre le président du Conseil du trésor. C'est une pointe d'humour.

Une voix : ...

M. Barrette : Oui, je vais préciser ma question. Le problème que ça pose pour nous, c'est que c'est le problème de la norme. Précédemment, on a essayé de savoir c'était quoi, une norme, et on n'a pas eu de réponse précise. Il doit bien y avoir quelqu'un qui a une réponse précise. S'il y a une réponse précise, ça veut dire qu'il y a une grille d'analyse. Ça veut dire que le ministre de la Justice ou, dans le cas actuel, la ministre de la Justice va se référer à une norme pour dire : Ça dépasse ou ça ne dépasse pas la norme.

M. Dubé : Peut-être, si vous me permettez, je voudrais juste rappeler quelques notes, si vous permettez, M. le député, de la conversation que vous aviez eue avec Me Demers, là. Lorsqu'on avait eu ce débat-là, qui était excessivement intéressant, je m'en rappelle, on essayait de définir dans quel cas une norme pouvait... même s'il n'y avait pas de définition précise, on pouvait parler qu'une norme pouvait être définie dans un cas d'une règle de conduite. Je me souviens des notes dont elle a parlé : d'un caractère général et impersonnel en visant des catégories générales d'administrés ou de personnes exerçant une fonction et s'appliquant à un nombre indéterminé de situations concrètes ayant force de loi, donc ayant la force obligatoire de la loi et ayant le même caractère.

Alors, quand j'entends ça, il y a quand même, dans la tête des juristes... Et vous et moi, nous ne sommes pas juristes, je pense qu'on aimerait peut-être ça, des fois, l'être, mais on ne l'est pas, bien que vous essayez quand même de l'être le plus souvent possible, mais...

Une voix : ...

M. Dubé : Eh voilà! Un jour, vous aurez un diplôme honoris causa, je suis certain. Mais je crois... Et vous vous souvenez de cette conversation-là qu'on a eue avec Mme Delorme, donc, moi, c'est dans ce cadre-là, si vous me permettez, que...

Une voix : ...

M. Dubé : ... — oui, Mme Demers, pardon — mais que les normes ne sont pas clairement définies dans un texte de loi, mais les juristes peuvent référer à cette espèce de jurisprudence là. Alors, je pense qu'on doit avoir quand même une confiance dans l'appareil juridique du gouvernement, de savoir qu'ils savent ce qu'ils doivent regarder pour... si les normes ont été respectées dans le cadre des changements mineurs à la loi. Alors, c'est pour ça que je vous redonnais ces quelques exemples là d'exemples qu'on avait pris, là.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. le ministre.

M. Barrette : Alors, M. le Président, c'est assez amusant parce que moi aussi, j'ai pris une note : jurisprudence, moi aussi. Mais j'ai ajouté un qualificatif : «éventuelle». Parce que, là, ce que l'on crée, là, c'est une situation qui va faire générer une nouvelle jurisprudence. Et, moi, ça m'inquiète parce que la nouvelle jurisprudence va être occulte pour les parlementaires parce que l'avis n'a pas été publié.

Et là comme nous autres, les parlementaires, là... Parce que théoriquement, dans notre régime parlementaire britannique, là, on fonctionne comme ça depuis maintenant 150 ans, là, et plus, on fonctionne comme ça, il y a un gouvernement, il y a des oppositions, puis on fait des débats, puis, à un moment donné, il y a une conclusion, bon. Bien, à un moment donné, si on commence à vivre une situation où on n'a plus cet équilibre-là du débat, le débat ne pouvant se faire que s'il y a transparence, et des arguments et des décisions, ça commence à être une entorse, ça, là, là, à notre processus démocratique.

J'ai noté la même chose, à la même place, puis je comprends ce que le ministre nous dit, M. le Président, j'ai pris la même note : jurisprudence, mais moi, je vois aussi la problématique de la jurisprudence éventuelle. Là, on crée une situation potentiellement... Je ne dis pas que ça va arriver, ce n'est pas un procès d'intention, mais il est possible qu'il y ait des décisions débattables, critiquables, qui vont faire jurisprudence, puis on ne saura pas pourquoi.

Puis on n'a pas... Puis en plus, en plus, dans cette dynamique-là, là, dans le cas particulier où une décision aurait été... un avis aurait été sous-optimal, nul n'est parfait, bien, là on vient de faire une jurisprudence, puis on ne l'a pas vue passer, puis elle va être invoquée, après ça, dans le futur. Il me semble qu'il y a là une encoche, une entorse à notre procédure démocratique à laquelle on a été habitués depuis 150 ans. Vous ne trouvez pas ça?

M. Dubé : Bien, écoutez, je reviens à... En tout cas, on peut refaire en partie le débat qu'on avait fait il y a un mois, parce qu'on avait quand même passé déjà pas mal de temps sur ça, mais j'aimerais revenir au fait... sur deux points.

Le premier, c'est que le décret, lui... puis je reviens à la loi sur les Forêts et Parcs, en 2014, le décret, il est fait, les changements à la loi, ils sont faits, il y a une loi qui est édictée par voie de décret. Et, de 2014 à... là, on est rendus en 2020, ce décret-là fonctionne depuis ce temps-là. Alors, si avis juridique il y avait, il y avait avis juridique, à savoir que c'était à l'intérieur des normes. Alors, moi, ce que je vous dis sur ce premier point là, le décret est vraiment l'événement le plus important et qui, en ce moment... Le Conseil des ministres de l'époque, du gouvernement de l'époque, avait le droit d'édicter le décret sur la loi des Forêts et Parcs, et c'est exactement la même chose qu'on demande aujourd'hui.

Et deuxièmement, et deuxièmement, ce décret-là va être publié. Et c'est là, moi, que je demandais... puis je sais qu'on est en train de discuter votre amendement, mais, à la recherche de solutions, je me dis : Au lieu de publier l'avis juridique, est-ce qu'on ne pourrait pas trouver des accommodements où on pourrait publier le décret dans un certain délai? Mais je crois que le... Pour les raisons, en tout cas, que j'ai expliquées tout à l'heure — l'avis juridique, de publier un avis juridique, ce qui ne s'est jamais fait, puis je ne pense pas qui va se faire, pour des raisons juridiques assez évidentes — j'aimerais ça que vous pensiez aussi à l'ouverture qu'on pourrait avoir de publier le décret lui-même à l'intérieur de certains délais. Mais je vous laisse, dans votre amendement, considérer tout ça, mais je vous dirais juste que j'aurais cette ouverture-là, si jamais ça pouvait être une solution qui vous est acceptable.

• (16 h 30) •

M. Barrette : Je reçois ça positivement, là. On va continuer l'exercice. Je vais juste reprendre l'argumentaire, parce que, là, je l'avais dit la dernière fois puis je vais le redire aujourd'hui, là, pour qu'on se remette tous peut-être plus à la même place maintenant, là. Quand on prend l'argument, là, de l'actuelle loi, là, le décret sur la Faune, Forêts et Parcs, O.K., le ministre, il nous l'a dit à plusieurs reprises, là, parce que, des fois... il a beaucoup souhaité que ça aille plus vite parce que le projet de loi ne fait que formaliser ce qui se faisait déjà. Mais il n'en reste pas moins... puis moi, je répondais toujours la même chose : Oui, mais là on a une opportunité, par l'examen, de faire des améliorations si on le juge opportun. Bon, ça, c'est une...

Mon point ici, là, c'est que l'épisode Forêts, Faune et Parcs, de son décret à aujourd'hui, est quelque chose qui est assez évident. C'est vrai qu'il y a une continuité là-dedans, puis c'est vrai que c'est une formalisation, aujourd'hui, puis c'est vrai qu'il n'y a pas une tonne de choses à changer. Mais c'est vrai aussi que c'est une opportunité tout à fait adéquate et légitime de s'y adresser, pas simplement dans une approche de «rubber-stamping». Là, j'oppose cette situation-là à celle de la loi n° 27 qui, elle, n'est pas une loi, là, une loi actuelle, là, ce qu'Investissement Québec fait, et ainsi de suite, qui, elle, est exactement, là... aurait été potentiellement exactement la même situation que Forêts, Faune et Parcs, mais qui a été ultra-amendée parce qu'il y avait... c'était un melting-pot impressionnant, là.

Et ça, j'ai posé cette question-là et je n'ai pas eu la réponse, pas par mauvaise foi de la part de Me Demers, là, parce que, là, j'étais dans la zone difficile à répondre mais qui pose le vrai problème que je pose. Aujourd'hui, là, aurait-il été possible pour un ministre d'arriver et de dire, par décret : Voici, à partir de maintenant, Investissement Québec, la Recherche, une partie de l'Enseignement supérieur, on change la loi, on met tout ça ensemble, puis c'est un nouveau ministre, là, de l'Économie, de «whatever» — parce qu'il a un nouveau titre, là — qui serait nommé, qui va s'occuper de ça? Et là, si, ça, c'est possible, bien, moi, je trouve que l'article 2, là, qui permet ça, va trop loin. Moi, c'est ça...

M. Dubé : Mais, si vous me permettez, la réponse à votre question, c'est non. La réponse à votre question, c'est... Les changements qui ont la nature de ce que vous expliquez, est-ce qu'ils pourraient être faits par décret? La réponse, c'est non. Je pense que ça, madame... c'est de valeur qu'on n'ait pas encore Mme Demers avec nous, puis je sais qu'elle nous écoute, mais, hein — on va la saluer — ça, c'est très, très clair.

Et je crois que l'objectif de 9.1 est ici de nous accommoder à pouvoir faire des changements qui sont mineurs. Puis, quand je dis «mineurs», je fais attention. J'ai hésité avant de dire le mot «mineurs», parce qu'on a parlé de changements de noms de ministres, de changements de noms de ministères, bien, tout ce qu'on a discuté, là, encore une fois, je ne veux pas refaire tout le débat, et c'est pour ça que je comprends votre préoccupation, mais, pour moi, ce n'est pas de la nature des changements du p.l. n° 27.

Puis, pour les gens qui nous écoutent, là, on parle du projet de loi sur les grands changements qui sont faits à la Loi d'Investissement Québec, où on requestionne les arrangements de fonctionnement, de... et là on fait affaire à travailler dans les normes de fonctionnement du ministère. Ça fait que je comprends très bien votre question, M. le député, puis elle est excellente, mais on n'est pas ici, là, on n'est pas dans cette zone-là, ici.

M. Barrette : Bon, alors là, M. le Président...

M. Dubé : Je sais que nos débats sont enregistrés, alors... Puis, vous me l'avez dit, des fois, ce qu'on se dit aujourd'hui dans nos discussions, lorsque quelqu'un prendra ces changements-là — je pense que vous avez été assez clair pour donner l'exemple de p.l. n° 27, le genre de changement — quelqu'un pourrait dire : Bien, écoutez, il me semble que l'avis juridique que la ministre ou le ministre de la Justice voudrait émettre... Ça serait très clair que ce n'est pas de ça dont on parle, là.

M. Barrette : Je suis d'accord avec le ministre, M. le Président. Quand je prends l'exemple du p.l. n° 27, c'est à dessein, parce que c'est un extrême. À l'autre extrême, on pourrait dire que c'est Forêts, Faune et Parcs. Alors, comme toujours, dans la vie et certainement dans la vie législative, c'est la distance de chacun des extrêmes, là. Je prends le p.l. n° 27, ça, c'est évident, là, que ça, c'est un changement de norme. Ça, c'est une évidence. O.K.?

Là, on descend, là, de l'évidence à la moins évidence, à la moins, moins évidence, là. C'est à partir de quand, là, que c'est acceptable ou pas acceptable de pouvoir faire le décret? À l'inverse, c'est la même chose, Forêts, Faune et Parcs, habituellement, là, c'est clair, là, que le projet de loi, c'est une normalisation, là, mais, à partir de «c'est clair que c'est comme avant», bien là, à partir de quand c'est moins clair? Un extrême, c'est évident, mais on s'en va vers le moins évident. Puis, à l'autre extrême, c'est clair, mais à partir de... On s'entend, là, que, là, il y a...

Moi, ce qui m'intéresse, c'est la zone mitoyenne, la zone qui n'est peut-être pas mitoyenne, mais la zone en quelque part entre les deux, là, où ça aurait mérité un examen. Puis on ne l'aura pas, l'examen, parce qu'on... Est-ce qu'on peut au moins s'entendre sur le fait que l'article 2 enlève la possibilité d'un examen aux parlementaires... par les parlementaires, pardon?

M. Dubé : Bien, écoutez, je pense que, ce qu'on fait... Puis, encore une fois, votre question est pertinente, puis je ne veux pas botter en touche, parce que je veux vous répondre. On a décidé et on a... et je crois toujours, malgré toutes les discussions qu'on a eues, que 9.1 offre un mécanisme de protection aux parlementaires en se fiant au jugement puis aux compétences de la ministre de la Justice.

Je peux répéter, si vous voulez, parce que je n'ai pas de problème à vous le répéter, ce que je dis, c'est que la protection du parlementaire, pour la question que vous posez... Vous me dites : Ce n'est pas le cas de p.l. n° 27, puis ce n'est pas le changement de terminologie dans Forêts, Parcs et Faune. Dans le milieu, bien, je pense que la protection qu'on amène avec 9.1, c'est l'avis de la ministre de la Justice. Et, dans ce sens-là, vous avez eu d'excellents ministres de la Justice. Et moi, je me fie à un ministre ou à une ministre de la Justice qui dirait : Écoutez, les changements qui seraient proposés par décret ne seraient pas acceptables parce qu'ils ne sont pas, justement, dans les règles de terminologie.

Et c'est pour ça que je vous disais, M. le député : Je comprends votre point, mais je pense que, si on n'avait pas amené l'avis juridique, vous l'auriez suggéré. Là, on le suggère, on... Et c'est pour ça que je vous disais : Si c'est une question de publication... Mais je comprends votre point. Mais, en même temps, je vous dirais, ce que vous proposez par l'amendement, ici, de publication de l'avis, je ne peux pas aller là, pour les raisons que vous connaissez bien. Alors, c'est pour ça que j'essaie de trouver d'autres choses. Mais je comprends très bien votre point.

• (16 h 40) •

M. Barrette : Bien, justement, pour que... et je vais argumenter sur ce point-là. Je le dis de façon générique, je souhaite que le ministre n'interprète pas ça comme étant un commentaire partisan, ça vaut pour n'importe quel parti, le nôtre inclus. Veux veux pas, dans notre système, là, dans notre système, le ministre de la Justice est un ministre, hein, député qui est nommé ministre et qui se retrouve dans une position inconfortable, au moins un peu inconfortable, par le chevauchement entre la neutralité de la fonction et la partisanerie obligée qui vient avec la nomination, pas de ministre, mais de député. Là, je fais référence au facteur humain de l'affaire.

Là, je vais soumettre la chose suivante au ministre, parce qu'il l'a vécue. Dans ce mandat-ci, on a eu au moins un exemple... puis d'autres pourraient dire plus, mais il y en a eu un assez patent où il y a une décision qui a été prise par un officier, qui aurait dû être neutre mais qui a été perçue comme étant partisane. Et c'est ça qu'on veut éviter, parce que ça peut l'être, partisan, d'une certaine manière. Puis, dans le cas qui nous occupe, le côté partisan se traduirait par : Bon, O.K., je vais laisser passer, alors que, s'il y avait un examen de la situation par l'opposition, peut-être que ça ne passerait pas si directement que ça. C'est là qu'est mon point, le garde-fou, «checks and balances», là, comme disent les... comme fonctionne la démocratie américaine ou la démocratie républicaine. Puis là je ne ferai pas un commentaire républicain, là, ce n'est pas ça que je fais, c'est comme ça que je le vois.

Alors, je fais le lien avec ce que j'ai dit. On crée une nouvelle affaire, là, avec 2 et 9.1, c'est une nouvelle affaire qui va générer sa jurisprudence. Et le moteur de 2, là, c'est le retrait de l'examen de la procédure par les parlementaires des oppositions. C'est un fait, là, ça. Alors, c'est confortable pour le gouvernement.

Et je vais aller aussi loin, M. le Président, que de dire que c'est vrai qu'il y a des affaires qui pourraient être faites plus simplement, là, c'est vrai. Maintenant, je pense que notre position, elle est vraie aussi. Ça fait qu'il faut trouver quelque chose qui nous permettrait de voir ça. Moi aussi, j'en vois, des voies. On est en train de réfléchir là-dessus. Mais est-ce que, M. le Président, on peut s'entendre au moins sur le fait que cette information-là, d'une manière quelconque, au moins l'essence de la décision soit rendue publique, là? J'essaie de mettre des pincettes, là. Est-ce qu'au moins le ministre est d'accord avec ça?

M. Dubé : Bien, écoutez, je vous ai répondu tout à l'heure puis je ne changerai pas ma réponse sur cet aspect-là. Votre amendement ici, là, tel que présenté, parle de la publication, dans la Gazette officielle, de l'avis juridique. À ça, je vous ai répondu. Mais ce que j'aimerais vous rappeler, parce que vous avez parlé de partisanerie ou de...

M. Barrette : ...

M. Dubé : Non, non, non, mais votre question est très bonne. On parle beaucoup de l'avis de la ministre elle-même, mais vous êtes allé à des comités législatifs, hein, vous en avez fait, des projets de loi, vous êtes allé à des comités législatifs, vous savez très bien que ce n'est pas uniquement l'opinion de la ministre de la Justice, qui est prise en compte, c'est l'avis de tous les juristes qui sont au Comité de législation. Alors, moi, c'est pour ça que je suis content que vous ayez amené le point de la partisanerie. Si jamais on avait — puis je le dis avec beaucoup de «si» — une ministre de la Justice qui était partisane puis dit : On me demande de faire un compromis qui est non acceptable, moi, je peux vous dire, pour les fois que je suis allé à un comité de législation, que l'équipe des avis... l'équipe du secrétariat à la Justice serait assez vocale.

Alors, je veux juste dire que l'avis de la ministre de la Justice doit être aussi appuyé par l'équipe de légistes, qui dirait : Écoutez, vous allez trop loin dans les changements qui sont là. Alors, c'est pour ça que je pense que le... je trouve qu'on devrait essayer de trouver une autre façon d'aller pour... Voilà.

Le Président (M. Simard) : Merci à vous, M. le ministre. M. le député. À moins que...

M. Barrette : À mon tour d'être heureux du commentaire qu'amène le ministre, parce que, comme lui... il a raison, là, on est dans la même position, nous sommes tous deux allés à répétition, ce n'est pas à tous les jours, mais on est allés plusieurs fois au Comité de législation, auquel siègent des juristes, mais aussi d'autres ministres. Le Comité de législation, chez vous, là, je ne le sais pas si, juste... Un comité de législation, c'est un président, une présidente, en général, c'est le ministre de la Justice, pas toujours, pas nécessairement, mais... et il y a d'autres ministres. Il n'y a pas un autre ministre, il y a d'autres, au pluriel, ministres. Bon, il n'y a pas 20 ministres, là, mais, dans la salle du Comité de législation, il y a autant de ministres que de légistes. À moins que vous ayez un fonctionnement innovateur, c'est possible qu'il y ait plus de ministres, encore, que de légistes puis que ça... au salon rouge. Mais, dans la vraie vie, là...

M. Dubé : ... mais c'est correct, c'est correct, c'est correct. C'est bon, c'est bon.

M. Barrette : ...mais, dans la vraie vie, au Comité de législation, là, en tout cas, dans la vie que moi, j'ai vécue, puis je n'ai pas la prétention de dire que ça a toujours été comme ça, mais il y a plusieurs ministres, là. Ça fait que l'élément partisan... Puis je le sais, là, que tout le monde qui est là, là, dans les faits, là, dans les faits, va respecter l'esprit de la loi, là, puis, bon... Mais, il y a toujours un «mais», puis, moi, ce qui m'importe ici, c'est le «mais». Le ministre pourrait me dire que je m'acharne sur le «mais», il aurait raison, mais c'est ma job, ça fait que...

M. Dubé : Et d'ailleurs je la respecte. Et c'est pour ça que je me dis... Avec le questionnement que vous avez, je me disais : Le fait qu'on n'a pas pris la peine, dans cette version-là de 9.1, de parler de la publication du décret, peut-être qu'il y a une solution. Puis, vous savez, quand vous amenez des amendements avec lesquels on peut vivre puis qui ajoutent de la valeur, comme on l'a fait souvent dans ce projet de loi là... Mais il y a une chose qu'il faut... M. le député ou Mme la députée, je pense qu'il faut aussi voir qu'il y a une prémisse. Puis peut-être... je le sais que vous l'avez déjà compris, mais la journée qu'il y a une publication du décret, c'est parce qu'il y a eu un avis favorable. Puis je pense que, là, il faut faire confiance au système.

Et là je reviens à votre point, est-ce que deux... Moi, j'ai vu deux ministres, à part le ministre, qui présentent au Comité de législation. Pour qu'on se comprenne bien, là, il me semble que c'est... Je ne sais pas comment c'était dans votre temps...

M. Barrette : ...

M. Dubé : Mais non, mais il y en a deux, plus celui qui présente son projet de loi. Mais il y avait beaucoup plus de légistes que ça, là. Il y en avait... ça prend même les chaises en arrière de la table pour... Alors donc, il y a quand même un avis juridique qui est appuyé par un grand nombre de personnes qui, je ne pense pas, voudraient être associées avec un avis juridique qui n'est pas correct et qui pourrait même... Même si ça faisait jurisprudence une fois, comme vous savez, il y a des mauvais cas de jurisprudence aussi. Alors, je ne veux pas... Bon, alors...

M. Barrette : ...c'est vrai, d'où l'importance... C'est très vrai, M. le Président, ce que le ministre vient de dire, ça va dans les deux sens, cette affaire-là.

M. Dubé : Oui, mais ça ne veut pas dire qu'on prend... mais c'est ça. Alors, quand vous dites... Non, mais votre point est bon, quand vous me dites : Si ça fait jurisprudence. Mais ça prendrait sept cas de mauvaise jurisprudence pour être capable de dire : Bien, ce n'est pas un bon article. Moi, ce que je dis : Je me fie beaucoup plus à la qualité des juristes puis à l'opinion d'un bon ministre de la Justice. Puis Dieu sait que vous en avez eu de très bons, dans les 10, 15 dernières années et même plus. Moi, je connais bien ma collègue la ministre de la Justice, puis, la journée qu'on va lui demander d'émettre une opinion, un avis juridique pour voir si cet article-là respecte les normes, moi, je vous le dis, je n'ai vraiment pas de doute, mais... Et c'est pour ça que j'aurais aimé ça regarder plus du côté du décret, mais, je pense, j'ai fait mon... la publication du décret, mais j'aimerais...

M. Barrette : M. le Président, j'aurais... Qu'est-ce que j'aurais? Juste une petite seconde, là. Est-ce que je vais sous-amender ou retirer mon amendement et déposer un autre amendement?

Le Président (M. Simard) : Bien, moi, je vous suggère qu'on suspende.

M. Barrette : ...de suspendre, oui, parce que, là, c'est de la procédure, là.

Le Président (M. Simard) : Très bien.

(Suspension de la séance à 16 h 49)

(Reprise à 16 h 56)

Le Président (M. Simard) : Très bien. Alors, chers collègues, au moment de suspendre nos travaux, nous discutions d'un amendement sur l'article 2, proposé par le député de La Pinière. Cher collègue, à vous la parole.

M. Barrette : Très bien. M. le Président, je propose, s'il y a consentement, de suspendre l'amendement que nous étudions pour pouvoir en étudier un autre.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Y a-t-il consentement afin de suspendre l'article 2? Consentement. Alors, cher collègue, à vous la parole.

M. Barrette : Alors, M. le Président, est-ce que l'amendement a été distribué?

Le Président (M. Simard) : Pas encore. Nous attendions le consentement de l'amendement.

M. Barrette : Moi aussi, j'attendais ma copie.

Le Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Alors, cela se fait séance tenante. Alors, M. le député, il n'est pas très long, nous vous laissons en faire la lecture.

M. Barrette : Alors, M. le Président, voici l'amendement que je propose. Article 2 : L'article 9.1 de la Loi sur l'exécutif, tel qu'introduit par l'article 2 du projet de loi, est modifié par l'ajout, à la fin, de l'alinéa :

« Le gouvernement renonceà toute contrainte afin que le ministre publie l'avis à la Gazette officielle dans un délai raisonnable.»

M. le Président, je vais l'expliquer quand même parce que c'est un amendement qui peut susciter la surprise chez le président du Conseil du trésor. Mais ce n'est pas si surprenant que ça, parce que je prends à pied levé l'argumentaire de Me Robitaille et du ministre, à savoir qu'il y a un secret automatique qui vient avec l'avis donné par le ou la ministre de la Justice, ce qui est vrai, ce qui est vrai.

Maintenant, M. le Président, et là je vais encore faire de la pratique illégale du droit, on me rappellera à l'ordre, puis ça ne me vexera pas, mais, dans le cas présent, le ministre de la Justice est conseiller ou conseillère du gouvernement, le client de la ministre, actuellement, est le gouvernement. Et ça, cet argument-là, M. le Président, il est absolument vrai. Pourquoi? Parce que l'actuelle ministre de la Justice l'a utilisé elle-même en Chambre, au salon bleu, elle l'a dit elle-même qu'elle conseillait le gouvernement et que le gouvernement était son client. Dans la relation privilégiée entre un juriste et son client, bien, il est légalement possible de renoncer à cette contrainte-là de non-divulgation de certains éléments. Alors, le ministre, qui s'interrogeait à savoir : Y a-tu d'autres chemins pour arriver à une destination commune?, je lui propose ce chemin-là. Ne trouve-t-il pas que c'est une excellente idée?

Le Président (M. Simard) : Merci. M. le ministre.

M. Dubé : Non.

Le Président (M. Simard) : Très bien. M. le député de La Pinière.

M. Barrette : Pourquoi?

M. Dubé : Bien, je pense qu'il y a des fois que le député de La Pinière fait des suggestions qui sont constructives et, dans la même phrase, je dis «réalistes, innovantes», mais ici je pense qu'il connaît... Je pense qu'il aurait été surpris que je lui réponde autrement que j'ai répondu. Alors, sérieusement, je dirais, M. le Président : Je ne vois vraiment pas que ça pourrait être écrit dans un article de loi. Je peux suspendre pendant un certain temps pour réfléchir avec mon collègue de droite, ici, mais je pense que je m'attends à la réponse assez claire.

M. Barrette : M. le Président, je ne suis pas surpris, mais j'aurais été heureux qu'il dise oui à la chose. Mais je ne comprends pas pourquoi qu'il dit non à ça, parce que... On va explorer la chose, hein, on va en débattre un peu. N'est-il pas vrai que le ou la ministre de la Justice a comme client le gouvernement?

(17 heures)

M. Dubé : Bien, écoutez, si vous voulez en... Parce que je regarde l'heure un peu, là, je ne sais pas combien de temps vous voulez en débattre. On peut en débattre, ça va me faire plaisir, je trouve ça excessivement enrichissant, là, mais c'est comme si on faisait l'hypothèse que, des fois, le gouvernement met des pressions sur la ministre de la Justice ou le ministre de la Justice puis qu'il faudrait qu'à chaque fois elle se déclare indépendante de... Je pense que, là, on parle de gens qui, de par leur profession, de par leur rôle, de l'importance du rôle qu'ils jouent au gouvernement... Pour moi, c'est... En tout cas, on pourrait en débattre longuement, M. le député.

Mais, M. le Président, ce que je dirais, je pense qu'on... Puis ça, là, je ne veux même pas rentrer dans le débat du code déontologique des avocats, des légistes, du respect gouvernemental de la fonction ministérielle. Alors donc, une réponse courte, bon, on va trouver... je vais vous laisser continuer d'être créatif puis d'arriver peut-être avec d'autres amendements, mais celui-là, je peux vous dire que...

M. Barrette : Bien, M. le Président, on fait des blagues, là, mais je réitère, c'est important, là, parce que le ministre a fait un commentaire qui incluait un certain nombre de choses. Je l'ai dit au début de mon intervention, aujourd'hui, le commentaire que je fais n'a aucun lien avec la situation actuelle. Un parti, une personne, c'est théorique, théorique au sens où je m'adresse au concept, je m'adresse à la situation hypothétique où il y a un intérêt à avoir cette mesure-là. Ça n'a rien à voir. Puis je n'accuse personne puis je ne dis pas que c'est ça qui va se passer. Je dis simplement, là, que ce qui nous importe, nous, l'opposition officielle, et je vais aller jusqu'à dire les oppositions au complet, c'est la perte, dans cet exercice-là, d'examen des parlementaires, des oppositions. Je ne peux pas être plus... je ne suis pas à 32 000 pieds, là, quand je dis ça, M. le Président, je suis à 32 000 kilomètres, je suis très au-dessus, là. Je ne suis pas dans la partisanerie, là, je suis juste dans le concept, le principe de droit.

Alors, dans le principe de droit, là, il y a un instant, j'ai posé une question à laquelle je n'ai pas eu de réponse, là. N'est-il pas vrai, là... Parce que, la ministre actuelle, puis je ne la mets pas en cause, là, j'ai le souvenir mais imprécis que même... qu'aussi, pas «même», qu'aussi notre ministre à l'époque avait dit ça, là — mais ça, je suis certain qu'elle l'a déjà dit en caucus — elle, dans sa fonction, elle a comme client le gouvernement. Bon, ça adonne que c'est elle, dans le gouvernement précédent, et elle actuellement. Ça n'a rien à voir avec la personne qui a été là ou qui est là, là, mais c'est la relation, dans ce cas de figure là de 9.1, entre le ou la ministre de la Justice et le gouvernement. Alors, n'est-il pas vrai, dans les faits, là, sur le plan légal, que, dans cette situation-là de 9.1, quand le ministre se fait demander par le gouvernement un avis par rapport à quelque norme que ce soit, le gouvernement devient ipso facto le client du ou de la ministre de la Justice? C'est-u vrai? Est-ce que mon interprétation est correcte ou non?

M. Dubé : Encore une fois, je ne suis pas... Merci pour la question, M. le député. M. le Président, vous le savez, là, je pense qu'on s'est répété ça plusieurs fois, puis je ne suis pas un expert légiste, mais ma compréhension, c'est que la ministre de la Justice est la jurisconsultante du gouvernement. On s'entend, son expertise... Et les juristes de l'État, eux, sont indépendants. Ça, je pense que c'est important de le faire. Mais ces deux-là, lorsqu'ils travaillent...

Puis, encore une fois, je le précise, au niveau de 9.1, lorsqu'on dit que «le gouvernement peut, sur un avis du ministère de la Justice»... Et, encore une fois, ici, c'est un avis qui est favorable : «...ne peuvent avoir pour effet d'ajouter ou de modifier quelque norme que ce soit.» On a balisé dans quel cadre devait être émis cet avis-là.

Donc, pour répondre spécifiquement à votre question, et vous l'avez déjà vu, le ou la ministre de la Justice a ce rôle de jurisconsultant, c'est-à-dire que le gouvernement lui demande si elle est confortable avec tel ou tel aspect de... Ça, ça répond à votre question, la réponse à ça, c'est oui, hein, je vais être très clair. Mais, en même temps, l'équipe législative de la justice, ils sont indépendants, parce que c'est l'indépendance de nos fonctionnaires qui en même temps sont régis par le même code de déontologie, dans le cas où ils sont tous les deux... Parce que c'est assez fréquent que le ministre de la Justice est un avocat, est un légiste. Bon, alors, dans ce sens-là, je vous dirais que c'est pour ça qu'aller plus loin que ça...

Puis là c'est comme si, l'amendement que vous suggérez, on rentre dans le code de déontologie pour dire : Même si vous avez un code de déontologie qui doit respecter x, y, z, on vous demande en plus de confirmer ou de dire que le gouvernement doit renoncer à avoir mis toute pression. C'est là que... Je trouve que ce qu'on a mis à 9.1, avec les modifications qui ne peuvent pas ajouter ou changer les normes, je pense que c'était raisonnable comme demande. Puis je vous laisse continuer votre argumentation, si vous voulez, mais je pense que c'est assez clair.

M. Barrette : Bien, M. le Président, je le répète, là, le ministre nous invite à trouver des solutions, elle est là, la solution. Bon, je ne suis pas sûr que je l'aie entendu exactement comme ça, mais je pense avoir entendu du ministre que le gouvernement est effectivement le client du ou de la ministre de la Justice, dans le cas qui nous occupe. Est-ce que j'ai bien compris cette partie-là?

M. Dubé : Moi, je ne dirais pas que le gouvernement est le client. La ministre de la Justice est la jurisconsultante du gouvernement. Puis, pour moi, il y a une différence très importante parce qu'il y a une responsabilité juridique, déontologique de la ministre, qui va au-delà d'une responsabilité ministérielle. Elle a à respecter un code de déontologie.

Puis ça, je pense, M. le ministre, je ferais peut-être une mauvaise comparaison — puis vous savez que j'aime ça vous relancer, des fois, la question — moi, quand je voyais un ministre de la Santé, des fois, j'avais des enjeux avec ça, mais j'étais rassuré qu'un ministre de la Santé n'allait pas faire des choses contre la Santé. Puis, vous voyez la comparaison que je fais : vous êtes un excellent médecin puis, quand vous pensiez à certaines choses, vous pensiez en tant que médecin qui avait une responsabilité envers les patients du Québec. Bon, bien moi, je pense que la ministre de la Justice... c'est pour ça que je dis qu'elle a plusieurs responsabilités.

Puis, je ne le sais pas, est-ce qu'on a déjà eu des ministres de la Justice qui n'étaient pas juristes, qui n'étaient pas avocats? Je ne pense pas, hein, je pense que c'est une obligation. Merci de la précision. Parce que je pense que c'est comme ça, et c'est correct comme ça aussi, parce que cette responsabilité déontologique, pour moi, elle est importante.

Alors, c'est pour ça que, lorsqu'on a discuté avec les légistes puis on a dit : Bien, comment on va faire pour baliser ce qu'on demande pour toutes les questions qu'on discute, du besoin de 9.1?, moi, je pense qu'on a trouvé ce compromis-là. Je vous ai dit tantôt puis je le répète, si on peut trouver, dans les arguments, de pouvoir peut-être publier le décret dans un certain délai pour s'assurer que le public est au courant et que les députés de l'opposition, les gens pourraient arriver en Chambre puis dire : Écoutez, on vient de prendre connaissance du décret, il me semble... puis là, oups! questionner la ministre de la Justice après la publication du décret... Moi, je pense qu'il reste encore aux législateurs, aux députés, des façons de s'opposer, mais, en tout cas, je... Mais, en même temps, rentrer dans le code déontologie et... je trouve ça un peu arbitraire.

• (17 h 10) •

M. Barrette : On va reprendre les choses qui ont été dites, M. le Président. C'est comme un bureau d'avocats, le ministère de la Justice. Quand on va chez la firme A, B et C, on ne nommera personne, là, toute l'équipe de juristes qui travaillent, là, du plus bas en bas de l'échelle et puis au plus haut, là, ils n'ont pas un lien avec le client, là, c'est l'avocat principal qui est le lien entre les deux. C'est lui légalement qui a la responsabilité de la confidentialité déontologique, et ainsi de suite. Les autres, en dessous, là, ce n'est pas direct avec le client. Ils font partie de l'équipe de l'avocat dit principal, dans le dossier, mais le lien, là, le lien contractuel, là, il y a une personne qui représente, là. Ça fait que de prendre l'argument de toute l'équipe des juristes au comité de législation qui, eux autres, ont un code de déontologie... Bien oui, il y en a un, code de déontologie, mais ces gens-là sont sous le parapluie du ministre de la Justice.

Bon, M. le Président, là, le ministre semble être rébarbatif au principe, d'admettre le principe, puis je suis bien surpris de ça, que la ministre de la Justice, dans le cas qui nous occupe, est un consultant, là, qui a comme client le gouvernement. Puisqu'il a de la misère à accepter ce concept-là, je vais lui donner un cas de figure qu'on vient de vivre, il n'y a même pas un an, ça fait à peu près un an.

Dans l'affaire SNC-Lavalin, qui a entraîné une problématique relationnelle entre le premier ministre de l'époque, Justin Trudeau, et la ministre de la Justice de l'époque, Jody Wilson-Raybould, qu'est-ce qu'elle a invoqué, elle, la première fois : Bien, je ne peux pas parler parce que mes commentaires, mes appréciations, mes avis sont protégés, je ne peux pas le dire. Qu'est-ce qu'a fait, à un moment donné, le premier ministre du Canada? Il a signé une renonciation de confidentialité. Pourquoi? Parce que sa relation avec elle était sous le sceau déontologique de la confidentialité client-avocat-juriste, et, pour que ça soit levé, il faut que le client lève cette obligation-là de confidentialité, et ça, c'est prévu dans la loi. Alors, c'est ça, la réalité, là, elle a été vécue, elle a été traitée de la façon qu'on propose dans l'amendement. Alors, moi, je ne vois pas, là, comment on peut aller contre ça, si on accepte le fait qu'on veut, oui, oui, c'est une bonne idée de pouvoir rendre ça public.

Alors, on revient à la case départ, est-ce que... Et c'est oui, la réponse à ça, là, à moins que Me Robitaille ait la parole et nous dise : Bien non, ce n'est pas une relation de client-consultant, là... avocat-client. Là, là, il va falloir qu'il y ait un juriste qui nous donne cette réponse-là, parce que, dans les faits, c'est ça et, dans les faits, l'actuelle ministre l'a déjà dit, là.

M. Dubé : Bien, écoutez, moi, je n'ai jamais eu de problème à vous laisser parler directement aux juristes. Ça, quand ça sera le temps de donner le consentement, je n'ai aucun problème. Mais j'aimerais dire... Puis je vous connais assez, M. le député, pour comprendre la... De mettre en perspective la comparaison du cas SNC, au fédéral, avec la ministre de la Justice de l'époque et le cas qui nous concerne ici, où on parle de terminologie dans le nom des ministères, êtes-vous en train de me dire, puis je ne veux pas mettre les paroles, dans votre bouche, que vous ne dites pas, là, mais qu'une ministre de la Justice irait perdre son nom pour donner un avis favorable qui n'est pas approprié dans le cas d'un changement de nom de ministère?

Mais c'est parce que vous donnez... Je vous connais, vous êtes quand même quelqu'un qui est capable de bien étayer ses arguments, mais là, ici, on compare le cas, SNC-Lavalin, d'une entreprise canadienne qui était dans des cas juridiques incroyables, dans une période difficile pour le Canada, avec... On est en train de faire un projet de loi, 9.1 qui dit que, sur avis favorable de la ministre de la Justice, on peut changer la terminologie des noms d'un ministère. Moi, je pense qu'on est à... Il y en a un qui est sur la lune puis l'autre qui est sur la terre, là. Alors, je comprends votre exemple, mais je vous respecte assez pour le mettre en perspective de ce que vous venez de dire, là.

Le Président (M. Simard) : M. le député.

M. Barrette : M. le Président, le ministre, dans sa réponse, il prend comme argumentaire le sujet, l'événement. Ce n'est pas de ça dont je parle. L'exemple que j'ai pris, je l'ai pris parce qu'il était connu, et ça s'est fait. Moi, ce dont je parle... Je ne parle pas du sujet sur lequel un avis est donné, je parle du fait qu'il y a une relation juridique précise entre la ministre de la Justice et le Conseil des ministres, le gouvernement. Cette relation-là est une relation client-avocat-juriste dans laquelle il y a une obligation de confidentialité, à la condition que le client renonce à la confidentialité, pas l'avocat, le client. Dans le cas présent, l'avocat, c'est le ministre de la Justice; le client, c'est le gouvernement. Nous souhaitons pouvoir avoir un examen de la décision qui a été donnée. Seul le gouvernement peut renoncer à sa confidentialité. Et je n'ai pas entendu, de la part du ministre, d'argument contraire au fait que c'est une relation client-avocat entre la ministre de la Justice et le gouvernement, dans le cas d'une demande d'avis demandé par le gouvernement.

D'autant plus que l'actuelle ministre de la Justice a répondu ça à une question sur la loi n° 21. Elle l'a dit elle-même qu'elle était là pour... puis je ne mets pas en cause la ministre de la Justice, M. le Président, qu'on ne me réponde pas ça, elle l'a dit elle-même qu'elle était là pour conseiller le gouvernement puis, dans cette relation-là, elle ne pouvait pas divulguer ou faire part de son opinion. Alors, si le ministre... En fait, on va poser la question là, maintenant que j'ai donné une explication plus précise : Est-ce que le ministre peut nous dire que ce n'est pas le cas, que c'est cette relation-là, ou Me Robitaille?

M. Dubé : Bien, écoutez, je vais laisser répondre Me Robitaille, parce que, comme je vous ai dit, j'ai toujours... Mais j'aimerais ça aussi compléter la réponse. Ça fait qu'allez-y, si vous voulez, en premier, puis je compléterai. Parce que je vois bien qu'on essaie de s'entendre. C'est un peu long, pour s'entendre, mais on va y arriver, je suis convaincu.

M. Barrette : Ah! mais la vie est pleine de longueurs.

M. Dubé : Et voilà! Je comprends, je comprends.

M. Barrette : C'est pour ça que le long fleuve tranquille de nos vies parlementaires...

M. Dubé : Et voilà, voilà! Alors, je vais laisser, avec votre consentement, M. le Président, peut-être répondre...

Le Président (M. Simard) : Très bien. Cher maître, à vous la parole.

M. Robitaille (Jean-Félix) : Oui. Donc, c'est plus qu'une relation avocat-client. La ministre de la Justice, c'est la jurisconsulte du gouvernement et la membre jurisconsulte du Conseil exécutif. C'est également la Procureure générale du Québec. Et, dans la Loi sur le ministère de la Justice, elle a également un nombre assez important de responsabilités par rapport à l'administration de la justice. Donc, ce n'est pas exact de qualifier cette relation-là de relation avocat-client, au titre où on l'entend normalement, c'est vraiment plus que ça. Au même titre que les avocats du gouvernement, les juristes de l'État ont une indépendance, eux aussi, qui fait que cette relation-là est différente d'une relation qu'on peut voir dans un cabinet privé, par exemple. Donc, oui, il y a une forme de relation avocat-client, mais c'est beaucoup plus que ça.

M. Barrette : M. le Président, je vais inviter Me Robitaille... Robillard... Robitaille, pardon. Vous savez que, nous, dans notre environnement politique, là, c'est la confusion la plus totale, on a des Robillard, des Robitaille, on a tout ça, là, c'est bien mélangeant. Alors, Me Robitaille, je vais vous inviter, là, à être aussi précis, dans l'argumentaire, que moi. C'est votre rôle. Ce n'est pas une critique, là, que je vous fais, là, mais votre rôle, en tant que juriste, là, c'est d'être juriste, pas politicien.

Alors, je sais très bien que le ministre de la Justice a plusieurs rôles, je le sais. Ce que vous venez de me... Ce que, M. le Président, Me Robitaille vient de nous dire, là, c'est un énoncé des rôles de la ministre de la Justice ou du ministre de la Justice. Je le sais, tout ça, là, je le sais, qu'il a le rôle de Procureur général, je le sais, qu'il a le rôle de membre du Conseil des ministres, je sais, tout ça. Ce n'est pas un argument contraire à ma question, ça, c'est de la politique.

Alors, dans la relation ponctuelle, momentanée, circonscrite de la demande d'avis du gouvernement à la ministre de la Justice, dans ce rôle-là précis, n'est-ce pas une relation avocat-client? La réponse, c'est oui. Essayez de m'expliquer le contraire de ça, là, ne me répondant pas... Ne me répondez pas en disant : Il y a d'autres rôles, donc ça ne peut pas être ça. Surtout que la ministre actuelle a dit exactement ça, là.

M. Dubé : Mais...

M. Barrette : Bien là, c'est Me Robitaille, non?

• (17 h 20) •

M. Dubé : Bien, écoutez, c'est parce que je ne veux pas mettre Me Robitaille dans une situation où... Je vais quand même faire mon commentaire, puis il pourra compléter. Donc, ce n'est pas d'enlever le droit de parole, au contraire. Mais, M. le député, il n'y a pas de rôle exclusif ou mutuellement exclu lorsqu'on... Je pense que c'était une très, très bonne idée, pour Me Robitaille, de vous donner l'ensemble de l'oeuvre ou des responsabilités du ministre de la Justice ou de la ministre de la Justice, parce que, dans ce cas-là... Et, encore une fois, je le dis, il y a... Lorsque les gens comprennent bien, là, pour les gens qui nous écoutent, de dire : On est en train de discuter du rôle de la ministre de la Justice qui a cette panoplie de responsabilités là, dont celle d'être le jurisconsulte du gouvernement, mais qui a bien d'autres choses à faire... Et d'arriver dans un cas...

Puis là, je m'excuse, mais je me ramène à votre amendement, sous l'article 9.1, où on est en train de parler, et je le répète souvent, de terminologie, de ministères, de changements à la terminologie de noms de ministres ou de ministères, je commence à trouver qu'on va très loin pour le «mais» que vous demandez. Et moi, je pense qu'on l'a suffisamment balisé pour que... d'un groupe de légistes du gouvernement qui travaillent avec une ministre de la Justice à s'assurer que les changements à la terminologie d'une loi seraient faits correctement. Je trouve qu'on va très loin pour se protéger, alors qu'on questionne presque la déontologie, et de la ministre, et de son code de déontologie, en tant que profession, et de la bonne foi du gouvernement.

Ça fait que je vous dirais que je comprends votre question, mais je pense que vous comprenez aussi notre argumentation que l'amendement que vous proposez est peut-être le bazooka pour tuer la mouche.

Le Président (M. Simard) : Très bien. Sur ces propos imagés, je cède la parole au député de La Pinière.

M. Barrette : M. le Président, le ministre nous avait dit qu'il allait faire un commentaire avant de laisser la parole à Me Robitaille. On est rendus à ce bout-là, là.

M. Dubé : Très bien.

Le Président (M. Simard) : Alors, Me Robitaille.

M. Robitaille (Jean-Félix) : Vous voulez que je poursuive, que je réponde à... Bien, je peux conclure, en fait, mon intervention de plus tôt en disant que je ne souhaitais pas ne pas répondre à votre question. Mon intention était simplement d'expliquer que le rôle de la ministre est beaucoup plus, disons... est plus complexe, est plus large qu'une simple relation avocat-client. La relation qui la lie au gouvernement est beaucoup plus, justement, je dirais, dense qu'une relation typique avocat-client, puisqu'elle a d'autres considérations en tête lorsque, notamment, elle décide de prendre une poursuite ou de contester, je ne sais pas, une mesure, par exemple. Donc, cette décision-là comprend plusieurs considérations, et ce n'est pas le genre de considération qu'on voit dans une relation traditionnelle avocat-client. Voilà.

Le Président (M. Simard) : Je vous en prie, M. le député de La Pinière.

M. Barrette : On va revenir, là. C'est possible qu'on fasse une pause, à ce moment-ci. Ce n'est pas une réponse, ça ne répond pas à la question, c'est évident. Je n'ai pas demandé quels étaient les rôles. Je sais qu'elle a plusieurs rôles. J'ai posé une question bien circonscrite. On y reviendra, M. le Président.

Le Président (M. Simard) : Très bien, on suspend momentanément.

(Suspension de la séance à 17 h 23)

(Reprise à 17 h 28)

Le Président (M. Simard) : Alors, nous reprenons nos travaux. M. le ministre, à vous la parole.

M. Dubé : Non, je pense que j'avais...

Le Président (M. Simard) : Non, non, effectivement, c'est mon erreur. La parole était au député de La Pinière. Excusez-moi, cher collègue. Merci beaucoup.

M. Barrette : Alors, je reviens sur ma question : Dans la relation spécifique circonscrite par la demande d'avis, n'y a-t-il pas là une relation avocat-client?

Le Président (M. Simard) : M. le ministre.

M. Dubé : Bon, écoutez, moi, j'ai beaucoup de respect pour l'opinion des juristes. Je pense que Me Robitaille a très, très bien répondu. Puis je pense que la question du député, telle que posée, pourrait supposer que c'est une relation exclusive de client avec l'avocat, et je pense qu'il a très bien expliqué que c'est beaucoup plus complexe que ça. Et, dans ce sens-là, je pense que, de ramener ça à cette notion-là de relation client-avocat, c'est un peu... je ne dirais pas simpliste parce que j'ai trop de respect pour votre question, mais je pense que ça ne ramène pas la discussion au bon niveau. Et je crois que, pour toutes les raisons que j'ai données tout à l'heure, incluant le code de la déontologie, le professionnalisme des juristes de l'État, la relation avec le comité législatif, tout ce qu'on a discuté, là, depuis un certain temps, aujourd'hui, je pense que la réponse est plus complexe qu'à la réponse que vous posez, mais je comprends pourquoi vous la posez.

• (17 h 30) •

M. Barrette : Je ne comprends pas cette réponse-là, M. le Président, parce que Me Robitaille nous a parlé des différentes fonctions qui amènent différentes relations. Quand la ministre agit, ou le ministre, comme Procureur général, comme poursuivant, c'est sûr que ce n'est pas la même relation, il n'y a pas de relation client-avocat quand on poursuit. Mais il y en a une quand on est jurisconsulte. N'est-il pas vrai qu'en droit, dans cette relation-là qui est de nature avocat-client, il y a des règles qui s'appliquent, dont celle de confidentialité?

M. Dubé : Je le dis souvent, mais je vais le répéter pour les gens qui nous écoutent, j'ai trop de respect pour votre jugement pour ne pas répondre à la pièce à ces questions-là. Parce que, quand je ramène ça au débat qu'on est en train d'avoir sur le projet de loi n° 23, on discute de l'article 2 qui contient l'article 9.1 et où on est en train de débattre d'un avis juridique qui permettrait de faire des modifications à des décrets qui ont déjà été passés, où, oui, on travaille sur la terminologie de projets de loi ou terminologie de titres de ministres, je pense qu'on est loin de la relation client-gouvernement. Donc, vous essayez de mettre en boîte, là, le rôle spécifique de la ministre de la Justice.

Alors, je comprends ce que vous dites, mais, pour moi, il est très, très clair que c'est beaucoup plus... Je le répète, là, pour être très, très clair, là, on a un ou une ministre de la Justice à qui on demande un avis juridique pour voir si les modifications qu'on apporterait à la loi devraient respecter et ne devraient pas modifier des normes. C'est ça qu'on dit ici. Puis je pense qu'avec la qualité des ministres de la Justice qu'on a eus dans le passé et qu'on a présentement, je ne vois pas pourquoi qu'on n'est pas satisfait d'avoir cet article-là qui est proposé dans l'état où il est proposé actuellement.

Le Président (M. Simard) : Merci. M. le député.

M. Barrette : Ce dont on débat, actuellement, c'est la possibilité d'avoir accès à un document qui est l'avis, on débat de la relation entre, dans ce cas-là, la jurisconsulte et le gouvernement. Nous ne mettons pas en boîte rien. C'est le ministre, M. le Président, qui, par son article, crée une situation qui est claire : demande d'avis. Une demande d'avis crée une relation consultant-avocat-client. Avocat-client, il y a un principe de confidentialité. On propose d'utiliser le principe déontologique établi qui est celui de permettre au client de lever la contrainte de confidentialité. Qu'est-ce qui n'est pas correct dans ce que je viens de dire?

M. Dubé : Bien, écoutez, je pensais, M. le Président, que j'avais répondu. Je pense que j'ai répondu quelques fois, d'ailleurs.

M. Barrette : ...M. le Président, non. Je veux dire, les seules réponses que j'ai, là, c'est : Me Robitaille a bien répondu. Me Robitaille a bien répondu, c'est vrai, il nous a décrit toutes les fonctions de la ministre. Il n'a pas répondu à une question, puis c'est peut-être que ma question n'était pas suffisamment précise. Et la question, je la fais de façon précise : Dans cette relation-là imposée par le gouvernement, je demande au ministre un avis légalement, n'est-ce pas, dans cette circonstance-là, une relation avocat-client à laquelle s'applique la règle de confidentialité qui est légalement levable?

M. Dubé : Voilà, je comprends l'argumentaire du député de La Pinière. Encore une fois, j'ai beaucoup de respect, là, mais je pense que j'ai déjà répondu.

Le Président (M. Simard) : Merci. M. le député.

M. Barrette : M. le Président, maintenant que j'ai encore plus précisé ma question, est-ce que le ministre jugerait opportun de permettre à son équipe de juristes de préciser la réponse?

M. Dubé : Écoutez, encore une fois, ce sera à eux de décider s'ils pensent qu'on a fait le tour de la question ou non, mais je n'ai jamais empêché l'équipe de juristes de commenter. Alors, je ne changerai pas ma réponse cette fois-ci.

M. Barrette : Mais est-ce que ça veut dire qu'on peut avoir la réponse de Me Robitaille?

Le Président (M. Simard) : Me Robitaille.

M. Robitaille (Jean-Félix) : Donc, je comprends que la question, c'est... C'est que je pense que... Bien, je vais essayer d'être le plus clair possible, là. Si la question, c'est : Lorsque la ministre de la Justice rend un avis au gouvernement, elle est seulement dans son rôle avocat-client, au sens traditionnel du terme?, la réponse, c'est non, puisque qu'elle a... C'est plus que ça, puisqu'elle a d'autres considérations, aussi, qu'elle doit prendre en compte, lorsqu'elle rend cet avis-là, et donc c'est plus qu'une relation avocat-client traditionnelle. C'est la Procureure générale du Québec, jurisconsulte du gouvernement, qui a, tout en... et qui est indépendante et qui a beaucoup de considérations autres que celles qu'il pourrait y avoir dans une relation traditionnelle avocat-client. Mais effectivement, si on revient à la confidentialité, ça s'applique, oui, mais ce que... mais la relation est plus qu'une relation avocat-client.

M. Barrette : Alors, M. le Président, Me Robitaille, je le remercie pour sa réponse, il vient de nous dire que la règle de confidentialité s'applique, donc la règle de la levée de la confidentialité s'applique aussi.

M. Robitaille (Jean-Félix) : Ça pourrait arriver.

M. Barrette : Non, non, là, ça s'applique ou ça ne s'applique pas?

M. Robitaille (Jean-Félix) : Bien, ça s'applique. Moi, je n'ai jamais... personnellement, je n'ai pas...

M. Barrette : Non, je comprends. Mais, sur le principe, M. le Président, est-ce que ça s'applique?

M. Robitaille (Jean-Félix) : Oui. En théorie, oui.

M. Barrette : Parfait. M. le Président — merci, Me Robitaille — Me Robitaille vient de nous dire que ça s'applique, la confidentialité peut être levée. Alors, si la confidentialité peut être levée...

M. Dubé : ...un raccourci, si vous me...

M. Barrette : Bien, non, c'est ce qu'il vient de dire.

M. Dubé : Non, non, mais je vous connais assez, M. le député, de dire que... M. Robitaille a été très clair de dire «pourrait s'appliquer». Mais, si votre question était : Est-ce que vous connaissez des cas où cette confidentialité-là a été levée? Est-ce que c'est fréquent? Je pense que là on rentre dans un autre débat pour la même raison qu'on discutait tout à l'heure. Alors, je ne veux juste pas prendre de raccourcis sur un débat aussi important que la déontologie des avocats. Je sais que les gens qui nous regardent trouvent ce débat-là excessivement intéressant, mais je répète qu'on est très loin de l'amendement dont on parle ici.

Le Président (M. Simard) : Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Barrette : Me Robitaille, je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, mais est-ce que je vous ai demandé si c'était déjà arrivé?

Le Président (M. Simard) : M. le ministre ou encore Me Robitaille.

M. Dubé : Aucun problème.

Le Président (M. Simard) : Me Robitaille.

M. Robitaille (Jean-Félix) : Non, je l'ai évoqué par moi-même.

M. Barrette : Bon, je n'ai pas demandé, M. le Président, si c'était déjà arrivé, j'ai demandé simplement si la règle s'applique. Me Robitaille nous a dit oui. Bon, si la règle s'applique... Je ne demande pas à Me Robitaille, là, si c'est déjà arrivé, si c'est une bonne affaire, si c'est une mauvaise affaire. Ce n'est pas ça que j'ai demandé. Il nous a répondu légalement, et je le remercie infiniment. Ça s'applique-tu? C'est oui.

M. Dubé : Oui, mais, M. le député, vous avez...

Une voix : ...

M. Dubé : Oui, O.K. Mais vous avez bien dit : Est-ce que ça s'applique? Et là, par la suite, vous dites : Bien, maintenant, ça voudrait dire qu'on pourrait la lever. Oh! c'est deux choses, là, c'est très différent. Je veux dire, regarde, moi, ce que j'ai compris de votre question, pour être très clair... Vous avez demandé si la règle de la confidentialité s'applique. Ça, c'est la réponse que Me Robitaille vous a donnée.

M. Barrette : ...

M. Dubé : Oui. Maintenant, vous prenez pour acquis... ou vous dites, puis je respecte encore votre commentaire : Maintenant, bien, ça pourrait être levé. Wo! Là, on n'est pas dans la même zone, là.

M. Barrette : M. le Président, est-ce que le ministre peut nous expliquer, dans sa tête, ça veut dire quoi, la règle de confidentialité, nous parler de toutes ces zones, là?

• (17 h 40) •

M. Dubé : ...je vous ai dit depuis le début que je n'étais pas un expert légiste. Mais, quand on parle d'un professionnel qui a... Moi, je suis un professionnel, comme comptable agréé, où j'ai des règles de confidentialité d'un ordre professionnel x, puis je ne connais pas le détail des règles de confidentialité des avocats, mais je sais quel est le principe de la levée d'une confidentialité.

Alors, je voudrais juste être certain qu'on ne rentre pas dans le débat de... puis de faire dire à Me Robitaille des choses qu'il n'a pas dites. Alors, est-ce que la règle de confidentialité s'applique, ici, dans le rôle de la ministre de la Justice? La réponse, c'est oui, et ça, c'est très clair, puis je ne suis pas surpris de la réponse. Mais là de là à dire : Est-ce qu'on pourrait la lever?, c'est tout un autre débat. Puis, si vous voulez faire ce débat-là à l'intérieur de l'article 9.1, qui traite de la terminologie du nom des ministères et des ministres, c'est votre choix, c'est votre prérogative. Vous voulez prendre du temps là-dessus, c'est votre choix. J'ai toujours dit que je le respectais. Mais je pense qu'on est loin de l'objectif de l'amendement et du sous-amendement ou de l'amendement que vous proposez.

M. Barrette : Est-ce que je peux encore poser une question, M. le Président, à Me Robitaille?

M. Dubé : ...et je vais répéter que jamais je ne vous empêcherai de demander des questions à Me Robitaille.

Le Président (M. Simard) : Merci. Me Robitaille...

M. Barrette : Alors, Me Robitaille, à partir du moment où la règle de confidentialité s'applique, ici, est-ce que le gouvernement a le pouvoir de dire : Nous acceptons de lever la règle de confidentialité?

M. Robitaille (Jean-Félix) : Il y a des directives du ministère de la Justice sur cette question-là, et, chose certaine, il ne pourrait jamais renoncer à l'avance, comme c'est proposé, à la confidentialité. La directive s'appliquerait, et puis il y aurait certainement énormément de réflexion, dans une telle éventualité. Mais, comme je vous dis, on ne peut pas renoncer à l'avance à cette confidentialité-là, ça viendrait à reconnaître que l'avis n'est finalement... n'est pas un avis juridique et n'est pas confidentiel, là. Donc, il reste que c'est du cas par cas, absolument, là.

M. Barrette : ...M. le Président, je vais poser une question bien simple : Est-ce que Me Robitaille peut nous indiquer les directives auxquelles il fait référence?

M. Robitaille (Jean-Félix) : ...pas sous les yeux, malheureusement, là, mais elles existent bel et bien, je vous l'assure.

M. Barrette : Est-ce que, M. le Président, ces directives-là sont publiques?

M. Robitaille (Jean-Félix) : C'est une bonne question. Je pourrais vérifier puis vous revenir là-dessus.

M. Barrette : Alors, M. le Président, à cette étape-ci de notre débat sur le sujet, que vous avez bien compris, je ne peux pas faire un pas de plus sans avoir pris connaissance de ces directives-là. Alors, je vais vous... Là, ça devient une question de directive de la conduite de nos travaux, et honnêtement, étant donné qu'on va avoir quelques jours devant nous avant que Me Robitaille puisse nous fournir cette documentation-là, s'il y avait consentement, on pourrait suspendre jusqu'à ce que je les aie.

Le Président (M. Simard) : S'il y a consentement, mais, tant qu'à moi, le débat peut se poursuivre.

M. Barrette : ...difficile, là.

Le Président (M. Simard) : Alors, il y a une demande de suspendre.

M. Dubé : ...moi, ce que j'aimerais... Je voudrais suspendre temporairement pour voir ça vous prend combien de temps avoir la réponse sur les directives.

Le Président (M. Simard) : Très bien, alors nous allons suspendre.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

(Reprise à 17 h 55)

Le Président (M. Simard) : ...et de l'impossibilité de trouver les renseignements demandés.

Nous allons ajourner nos travaux sine die. Bonne soirée à toutes et à tous.

(Fin de la séance à 17 h 56)

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