(Dix heures trois minutes)
Le
Président (M. Simard) : Alors, chers amis, à l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre! Bienvenue à tous,
bienvenue à toutes sous cette pluie battante.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 14, Loi favorisant
la transformation numérique de l'administration publique.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Alors, M. Fortin (Pontiac) est remplacé par Mme Rizqy
(Saint-Laurent).
Le
Président (M. Simard) :
Très bien. Alors, nous allons, bien sûr,
comme le veut la tradition, débuter par des remarques préliminaires qui
totaliseront 12 minutes, réparties de la minière suivante : six
minutes pour le gouvernement, quatre minutes pour l'opposition officielle
et une minute pour les deuxième et troisième groupes de l'opposition.
Nous avons
commencé trois minutes en retard. Y aurait-il soit consentement pour que nous poursuivions trois minutes après la limite de nos travaux ou sinon nous prendrons, très
respectueusement, le temps dans la partie gouvernementale?
Une voix : ...
Le Président (M. Simard) : Sur
la partie gouvernementale? Il y a consentement. Très bien.
Remarques
préliminaires
Alors, M. le ministre, sur cette ouverture
d'esprit très magnanime, je vous cède la parole.
M. Éric
Caire
M.
Caire : Merci,
M. le Président. D'abord,
permettez-moi de vous saluer, M. le
Président, de saluer les collègues
de la partie ministérielle, de saluer les collègues de l'opposition officielle, du deuxième et troisième groupe d'opposition et surtout saluer les gens de
l'AQT et de les remercier de leur présence.
M. le Président, d'abord je vous dirais que
c'est avec beaucoup d'enthousiasme que nous débutons cet exercice, beaucoup
d'enthousiasme parce que je pense que nous franchissons un pas important vers
une plus grande capacité du gouvernement à procéder à sa transformation numérique. Depuis
que je suis en poste, M. le Président, s'il y
a un élément qui fait consensus et qui ressort de toutes les discussions
que j'ai pu avoir avec les différents groupes, que ce soit à l'interne, ici,
dans notre administration publique, que ce soit chez les
chercheurs, que ce soit dans la société civile, que
ce soit chez les entreprises de technologie, c'est que le défi et l'enjeu que nous avons à
résoudre pour procéder à cette transformation numérique là, c'est une plus grande mobilité de la donnée. Ça pose évidemment
un enjeu, d'une part, parce que nous sommes actuellement régis par la loi
d'accès à l'information, loi qui a été écrite à l'époque où, évidemment,
on ne parlait pas de transformation
numérique et donc qui, je pense, de l'avis... en tout cas, de ce que j'ai lu
dans les différents mémoires et de ce que j'ai entendu, ne reflète
plus la réalité actuelle quant à la gestion et à la mobilité des données.
Un autre
défi, M. le Président, parce
que cette mobilité-là doit aussi se
faire dans une perspective de sécurité, de respect de la vie privée, de protection
des données et des renseignements personnels... et je n'ai pas besoin, M. le Président, d'évoquer les nombreux cas où on s'est aperçu
qu'il y avait une accessibilité plus ou moins souhaitable aux données par des organisations qui n'avaient peut-être pas comme seul objectif
de servir la population. Donc, ça nous pose des défis, ça nous amène à réfléchir d'une façon différente sur
la façon dont nous devons, nous, au gouvernement
du Québec, traiter la donnée et de quelle façon nous devons adapter nos
législations à cette nouvelle réalité là, de quelle façon nous devons aussi
nous adapter à la façon de les protéger, de
qui les protéger, comment les protéger et sur quelle base devons-nous les
protéger, M. le Président, parce
que ça nous amène aussi, je vous
dirais, à réfléchir sur à quel point la donnée, elle est névralgique ou non.
Puis vous le savez, M. le Président, le gouvernement
du Québec s'est avancé de façon professionnelle, de façon responsable et avec une certaine vision du futur
sur l'aspect de la donnée ouverte, donc rendre accessibles à l'ensemble de la planète certaines données détenues par le gouvernement du Québec sur la base que ces données-là n'étaient pas
névralgiques ne posait pas de problème
à la vie privée des individus — et
d'ailleurs je tiens à saluer notre administration publique, qui a même remporté
un prix à cet effet, pour donneesquebec.ca, qui est le site sur lequel on peut
retrouver la donnée ouverte — et
donc d'amener le gouvernement dans une ère de transparence, dans une ère de service au citoyen
que nous permet le numérique sans
faire de compromis sur la sécurité des données. Et on doit aller plus loin sur
ces questions-là aussi, tout en ayant en tête les
éléments dont je vous ai parlé, M. le Président.
Donc, le projet de loi n° 14 est un pas dans cette direction-là parce que
le projet de loi n° 14 va permettre au gouvernement du Québec, si tant est que l'Assemblée nationale, évidemment,
l'adopte, mais permettre au gouvernement
du Québec de permettre une certaine
mobilité de cette donnée-là tout en respectant le cadre législatif
actuel. Donc, le projet de loi
n° 14 va permettre de décréter qu'un projet en ressources
informationnelles est d'intérêt gouvernemental. Et, à partir de là, par ce
même décret et selon certains paramètres qui vont tenir compte et qui devront
tenir compte du côté sécurité des données et protection des renseignements personnels... mais quand même, permettre à des entités du gouvernement
du Québec de s'échanger de l'information,
tel que la transformation numérique le requiert.
Évidemment,
je pense qu'il faut voir ce projet-là comme un pas dans la bonne direction,
mais pas comme la fin du parcours. Évidemment,
le projet de loi n° 14 n'est pas une solution pérenne, et nous en
sommes très conscients. Par contre,
ça va permettre, je pense, aussi de faire des cas d'espèce qui vont nous aider
dans notre réflexion sur de quelle façon l'Assemblée nationale, éventuellement,
devrait, si tant est que c'est son désir, réformer la loi d'accès à l'information.
Qu'est-ce qui sont les véritables obstacles? Qu'est-ce qui n'en sont pas? Comment on
peut protéger la donnée tout en assurant une certaine fluidité à cette donnée-là? Donc, je pense que, dans le
contexte du projet de loi n° 14, on va être capables de faire des cas types,
des cas d'espèce. Et, en ce sens-là, le projet de loi n° 14
pourrait être vu, en quelque sorte, comme une
espèce de projet pilote du gouvernement précurseur à une réforme de plus grande
magnitude, mais sur la base d'éléments factuels, sur la base d'éléments
qui vont nous amener à une réflexion à un autre niveau. Merci, M. le Président.
• (10 h 10) •
Le
Président (M. Simard) :
Merci, M. le ministre. Merci
beaucoup. M. le député de La Pinière et porte-parole de l'opposition officielle, je vous cède
la parole pour une période de quatre minutes.
M. Gaétan
Barrette
M. Barrette : Merci,
M. le Président. Je vais être très, très
bref. Je ne pense pas prendre mes quatre minutes au complet, là. Alors, pour mémoire, je veux rappeler à tout le... Bien,
d'abord, bienvenue, évidemment, là, on fait nos remarques préliminaires, qui ne vous concernent pas
nécessairement directement, mais il faut les faire, et alors je vais commencer
par vous souhaiter la bienvenue ainsi qu'aux collègues, au ministre.
Mais, pour
mémoire, lorsque nous étions au gouvernement, nous avions entrepris des travaux
assez exhaustifs qui visaient essentiellement la même finalité que le ministre
a exprimée, mais par un chemin fort probablement différent. Et je constate que l'esprit du projet de loi qui est sur
la table est en continuité avec ce que nous, on avait fait, mais pas
nécessairement les moyens.
Alors, on
entame l'étude de ce projet de loi de façon certainement positive, certainement
constructive. On verra avec le cheminement qu'on va en faire si on se rejoint.
Il y a des enjeux qui sont exprimés par le ministre, ce matin, qui sont non seulement importants, mais, dans la bouche du
ministre, qui semble extrêmement optimiste... j'en suis, sauf que j'ai hâte,
et on va le voir ce matin, d'entendre
certaines parties qui, précédemment, n'étaient pas nécessairement aussi
favorables à tant d'ouverture.
Alors, dit différemment, on avait une portée de
nos travaux, précédemment, qui était très grande, qui avait été, on va dire, circonscrite, pour ne pas dire
ralentie par certaines circonstances externes à la personne, et là je vois que
tout semble maintenant se retrouver
sur des voies ensoleillées, vers des vallées verdoyantes du partage de
l'information. Évidemment, j'en suis très heureux. On va voir si ça va
se réaliser, on aura des travaux intéressants et des discussions intéressantes à faire là-dessus, et ça va commencer ce matin,
évidemment, par vous. Alors, comme diraient des gens très connus de l'autre
côté de la table : On verra. C'est tout.
Le Président (M. Simard) :
Merci, M. le député. Mme la députée de Saint-Laurent, il vous resterait environ
deux minutes.
Mme Rizqy : Ça va aller, merci.
Le Président (M. Simard) :
Merci, madame. M. le député de Rosemont.
M. Marissal : Une minute.
Le Président (M. Simard) : Une
minute, oui, cher collègue, oui, tout à fait.
M. Vincent
Marissal
M. Marissal :
Bien, alors, bonjour, bienvenue aux gens de l'AQT, chers collègues. Le titre du
projet de loi se lit ainsi : Loi
favorisant la transformation numérique de l'administration publique. C'est
assez clair, là, c'est assez simple, mais j'aimerais qu'on y rajoute, sinon par écrit, du moins dans l'esprit de
nos travaux, «et la protection des données personnelles» parce que c'est un peu
de ça dont il s'agit ici et c'est de beaucoup de ça dont il s'agit ici, les
données personnelles qui sont devenues
comme la clé de voûte du paradis pour des entreprises qui sont prêtes à payer
très, très, très cher pour des données personnelles
qui ouvrent la voie vers toutes sortes d'autres activités commerciales. On dit,
M. le Président, que les données personnelles,
c'est le nouvel or noir. Je n'aime pas tellement l'expression parce que ça
réfère à des énergies fossiles, et je pense au contraire que les données
personnelles de nos concitoyens et de nos concitoyennes sont très vivantes,
elles bougent beaucoup, et c'est pour ça qu'elles ont un immense intérêt
pour des gens qui n'ont pas toujours nécessairement à coeur la protection de nos données personnelles. Alors, c'est dans cet
esprit que nous étudierons le projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Président
(M. Simard) : Merci, M. le député. M. le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Je vais garder mon
temps.
Auditions
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Alors, superbe, donc nous
sommes prêts à commencer les auditions. Chers amis, auriez-vous l'amabilité de vous présenter? Et vous disposez d'une
période de 10 minutes pour faire votre présentation.
Association
québécoise des technologies (AQT)
Mme Martel
(Nicole) : Merci, M. le
Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés membres de la commission,
bonjour. Je suis Nicole Martel,
présidente-directrice générale de l'Association québécoise des technologies. Je
suis accompagnée de M. Alain Lavoie, qui est président d'Irosoft, une
société privée en technologies de l'information. M. Lavoie est également membre de notre conseil d'administration et
responsable de notre comité Affaires publiques à l'AQT. Alors, merci de
nous accueillir ce matin pour cette consultation sur le projet de loi
n° 14.
D'abord,
sachez que nous ne sommes pas des experts en matière de droit sur les
renseignements personnels. Cependant,
nous sommes très impliqués dans le secteur des technologies québécoises. C'est
pourquoi nous espérons que les éclairages
que nous serons en mesure d'apporter ce matin vous permettront de saisir les
enjeux pour notre industrie et, bien sûr, pour notre gouvernement.
D'abord, un
mot sur le rôle de l'AQT. Notre association compte 500 entreprises qui sont
membres. Ce sont des entreprises qui
offrent des services et des solutions informatiques. Et, en plus de fournir des
accès à du réseautage, l'accès à des meilleures pratiques d'affaires,
notre association fait en sorte que l'environnement d'affaires des entreprises
en technologies de l'information soit favorable à leur croissance. Nous
existons depuis maintenant près de 30 ans et nous sommes totalement autofinancés par le secteur privé, soit nos membres. La représentativité des entreprises
membres de l'association sont à l'image de l'industrie, soit
96 % sont des PME, et nos prises de position, nos recommandations
s'adressent particulièrement à ces dernières.
Encore un mot
sur l'industrie. L'industrie emploie 150 000 individus, donc des
individus qui sont, naturellement, des
experts en technologies, mais aussi des gens de direction, responsables des
finances, ressources humaines, vente et marketing, donc un secteur d'importance qui devance même plusieurs
autres industries en termes d'impacts économiques. Nos entreprises sont actives dans tous les
secteurs d'activité économique pour aider à la productivité et l'aide à la
production, donc, et les services publics sont visés par 35 % de
nos membres.
Comme les
entreprises privées qui offrent des solutions et services informatiques seront
des partenaires clés du gouvernement lorsqu'elles seront appelées à participer
aux projets qui découlent de la stratégie numérique, nous estimions
important de partager nos réflexions. Et, dans la mesure où l'État souhaite
améliorer ses services aux citoyens et aux entreprises,
moderniser ces systèmes pour les adapter aux nouvelles réalités du numérique,
l'AQT est favorable à l'adoption de
ce projet de loi. Il existe néanmoins des questionnements et des enjeux que
nous décrivons dans le document qui vous a été soumis.
Donc, quant
au projet de loi, on comprend qu'il vise à corriger un problème qui existe
actuellement au niveau du partage des
données entre les entités gouvernementales. Adoptée en 1970, la loi sur la
protection des données exige des ministères
et des organismes qu'ils soient fiduciaires et responsables des données qu'ils
colligent. Par conséquent, la loi ne leur
permet pas la possibilité d'échanger des informations entre les ministères et
organismes, obligeant les citoyens et les entreprises à répéter les mêmes informations selon les interactions
qu'ils ont avec les diverses entités gouvernementales. C'est ce que
plusieurs appellent, dans le fond, la lourdeur administrative.
Dans
l'optique où le gouvernement du Québec vise une transformation numérique pour
améliorer son efficacité et améliorer
ses prestations de services aux citoyens, le fait de permettre le partage de
données devient un élément central à la transformation. Reconnaissant toute la vigilance avec laquelle les
ministères, les organismes et les réseaux doivent traiter les données
personnelles dont ils ont la responsabilité, nous sommes d'avis que le
gouvernement devra faire preuve de transparence.
Il devra informer les citoyens et les entreprises des objectifs visés par les
projets qui seront désignés comme étant
d'intérêt gouvernemental. Tel que mentionné dans le document, on s'interroge
sur les critères qui permettront d'établir qu'un projet sera d'intérêt
gouvernemental, et, selon nous, ces critères devraient être communiqués.
Nous sommes
d'ailleurs favorables à ce que seul le Conseil du trésor puisse approuver le
partage des données, cette disposition étant cohérente avec la loi sur
la gouvernance des TI qui est déjà sous sa responsabilité. D'ailleurs, si notre
compréhension est juste quant à l'article 3, nous nous interrogeons sur
l'efficacité du mécanisme de décret pour donner l'aval à des projets désignés comme d'intérêt gouvernemental. En fait,
on se demandait si ce processus-là était viable et peut-être pas trop
lourd. C'est un questionnement que nous avons.
Quant à la
pérennité des données, est-ce qu'il y aura un processus de vérification quant à
la destruction des données après le terme des projets? Et on se posait la
question aussi à qui reviendra la responsabilité des mises à jour de telles
données une fois qu'elles seront partagées.
En parallèle,
le gouvernement entreprend des changements de structure assez importants, tels
que la création du Centre
d'acquisitions gouvernementales ainsi que la création du Centre québécois en
excellence numérique. On s'interroge si ces nouvelles structures auront un impact ou un lien avec le présent
projet de loi. C'est un autre questionnement que nous avons.
Un sujet qui
nous apparaît excessivement important, soit la mobilité des données et le volet
d'intelligence artificielle. Le
gouvernement a clairement indiqué son intention de développer la filière
québécoise de l'intelligence artificielle par d'importantes sommes qu'il a annoncé qu'il
consacre à ses budgets depuis quelques années. Il a aussi manifesté son
intention d'intégrer ces technologies à son administration, donc l'utilisation
des données est nécessairement au coeur de l'intelligence artificielle. On soulève l'importance de prévoir
des contrats d'utilisation qui protégeront les données personnelles et qui
préserveront l'anonymat des citoyens.
• (10 h 20) •
Par ailleurs, dans un
souci de protéger l'ADN du patrimoine informationnel du Québec, le gouvernement
devra renforcer ses mesures de protection
des données afin de s'assurer d'avoir un niveau de confiance adéquat entre les
individus, qu'ils soient internes ou externes à l'appareil
gouvernemental.
À
l'instar d'autres gouvernements, des données devront être classifiées par
niveau de sensibilité — confidentielle, secrète — et les tiers de confiance, les individus,
les chercheurs, les étudiants ou même les entreprises devront obtenir des
accréditations suffisantes afin d'accéder aux données.
D'autre
part, on attire votre attention sur un concept qui n'est pas inclus dans le
projet, mais qui mérite, je pense, qu'on
le traite. Depuis quelques années, l'AQT collabore et a soumis au gouvernement
différents mémoires, des rapports, a
participé à différentes rencontres. Dans le fond, on veut participer à
l'évolution des pratiques en matière de gestion des contrats publics et
à la mise en place d'outils pour que l'État puisse optimiser ses collaborations
avec l'industrie.
Bref,
le Québec regorge d'entreprises qui ont un savoir-faire de très grande qualité.
Le gouvernement a clairement positionné
l'adoption du numérique comme cadre stratégique, mais aussi le développement
d'une industrie technologique comme étant des composantes essentielles à
son essor économique. On craint que la création du centre d'excellence en acquisitions contribue à un phénomène de
consolidation des fournisseurs alors que les concepts d'interopérabilité et de
collaboration entre PME et les gros joueurs
devraient être préconisés. Donc, c'est une petite lumière jaune qu'on voulait
soulever ce matin.
En conclusion, on
sait que le gouvernement fait une priorité de sa transformation numérique. On
est tout à fait d'accord avec cette
priorité. Par ailleurs, comme on le mentionnait, on espère que ce projet de loi
ne vienne pas accentuer les défis déjà rencontrés par les PME, mais
qu'au contraire cela s'inscrive dans une étape de plus pour accroître la collaboration avec les entreprises. Un exemple qui
susciterait une participation plus active des PME serait de présenter le
plan des investissements en RI à l'image de
ce qui se fait pour les infrastructures, ce qui permettrait à l'industrie d'avoir
une connaissance à l'avance des projets à venir.
Donc,
voici quelques-unes de nos observations. On profite du moment pour réitérer
notre désir de collaboration pour la suite des choses. Et, bien, je
m'arrête ici pour laisser place aux échanges. Merci.
Le
Président (M. Simard) : Merci beaucoup à vous, Mme Martel.
Merci, M. Lavoie. Nous avons pu rattraper le retard initial de telle sorte que nous revenons au
temps prévu de 16 minutes pour la partie gouvernementale. M. le ministre,
à vous la parole.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Monsieur, madame, bonjour.
Merci de votre participation. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Beaucoup de questions,
beaucoup de questions pour lesquelles, je pense, on peut apporter déjà
des réponses par les législations déjà existantes, notamment sur la destruction
des données après utilisation. Là, vous nous avez
posé cette question-là. Simplement vous dire que la loi d'accès à l'information
s'applique, nonobstant le projet de loi n° 14, donc ce sera selon
les mêmes principes.
Les critères pour
lesquels un projet serait d'intérêt gouvernemental, puis là je vais peut-être
vous le formuler sous forme de question
parce que la loi n° 135 fixe déjà ces critères-là... Donc, mon
questionnement est : Est-ce qu'il y a d'autres critères, selon vous, que ceux déjà prévus à la loi n° 135 qui pourraient faire que le Conseil du trésor déterminerait
qu'un projet est à portée gouvernementale ou non?
Le Président
(M. Simard) : Mme Martel.
Mme Martel (Nicole) : Merci. Dans le fond, ce qu'on se posait comme
question, c'est qu'il y ait une rigueur qui soit observée, que ce ne soit pas pour faire des tests technologiques ou
des projets de recherche, notamment sur l'intelligence artificielle, qu'on demande à ce qu'il y ait un
partage d'information. On voulait que ça soit traité avec beaucoup de
vigilance, et je pense que le critère
numéro un ça devrait être : Est-ce que ça va mieux
servir le citoyen ou les entreprises? Le fait qu'on puisse partager les
informations, est-ce que c'est d'intérêt public?
M.
Caire : O.K. Bien, c'est parce que j'essaie de comprendre.
Vous dites, dans votre intervention : L'intelligence artificielle, c'est un secteur qu'on doit
effectivement développer, pour lequel on doit démontrer de
l'intérêt, ce secteur-là nécessite effectivement des volumes de données
importants. Donc, il n'y a pas un peu une contradiction à dire : Woups! Il ne faudrait pas que ça soit des projets de recherche, mais en même temps il faut faire des projets de recherche? Là, je
veux juste comprendre bien comme il faut votre pensée.
M. Lavoie (Alain) : En fait, si on revient à la notion d'intérêt
gouvernemental, c'est un peu comme la notion d'intérêt public,
hein? La notion d'intérêt public, c'est un concept en droit puis c'est un
concept qui peut faire que le gouvernement
peut décréter par lui-même que c'est
d'intérêt public. Il y a des... Puis on n'est pas des avocats, on n'est
pas en mesure... Mais là c'est qu'il y avait
une nouvelle notion, qui est la notion d'«intérêt gouvernemental», qui est difficile à comprendre. Bien, en fait, «d'intérêt gouvernemental»,
c'est qu'on dit qu'un projet est d'intérêt gouvernemental...
M.
Caire : M. le
Président...
Le
Président (M. Simard) : Oui. Bien oui, c'est un bloc d'échange,
bien sûr.
M.
Caire :
...la notion n'est pas nouvelle, la notion est définie dans la loi n° 135, là, d'où ma question.
M. Lavoie
(Alain) : Bon, bien, on l'a manquée, on s'excuse. On va aller
la voir, on l'a manquée.
M.
Caire : Ah! non, non, mais il n'y a pas de problème, pas de
problème, mais je voulais juste savoir si c'était cette situation-là qui
prévalait ou si simplement vous aviez d'autres critères en tête.
M. Lavoie
(Alain) : On veut juste que ça soit clair. Puis, si elle est
claire dans 135, il n'y a pas de problème.
M.
Caire : Parfait, parfait, parfait. Donc, pour revenir à
l'utilisation de données dans un contexte de recherche ou de valider l'applicabilité de l'intelligence
artificielle, est-ce que vous ne croyez pas, au contraire, qu'il faudrait
pouvoir mettre à disposition un volume
de données pertinent? Je vous donne peut-être un contexte plus précis. S'il
arrivait que le gouvernement décide
qu'un projet en intelligence artificielle pour un moteur de recherche soit en
mode exploratoire et donc nécessite
qu'on utilise un certain volume de données dans un contexte où, évidemment, les
protections prévues au projet de loi n° 14 s'appliquent, donc qu'on le ramène au projet de loi n° 14, est-ce que vous pensez que ces protections-là seraient
suffisantes pour aller de l'avant avec un tel projet?
M. Lavoie (Alain) : Oui, on pourrait y aller, là, on n'a pas de
problème. Vous avez vu qu'il y a une section où on parle beaucoup de la donnée, essentiellement, et,
dans ce contexte-là, ce qu'on dit, c'est que nous, on considère que la donnée
que le gouvernement manipule, qu'il gère, c'est une donnée qui appartient à la
population du Québec. Puis là je sais que
ce n'est peut-être pas ça, mais nous, c'est comme ça que nous, on l'a vu. Et,
dans ce contexte-là, ce qu'on cherche... c'est que cette donnée-là, c'est l'ADN, on ne peut pas la donner à n'importe
qui, il faut la gérer comme il faut dans un contexte... dans un projet. Donc, n'importe quel projet est
possible, c'est le comment on va la manipuler, cette donnée-là, c'est quoi,
les accréditations qu'on va donner aux
chercheurs, aux étudiants. Et, oui, il y a des contrats, mais il faut des
contrats plus importants ou changer les contrats parce que la donnée est
beaucoup plus importante aujourd'hui qu'elle l'était il y a cinq ans ou 10 ans. La donnée... puis c'est le
patrimoine, donc il faut juste s'assurer qu'on gère bien. C'est ce qu'on fait
quand on lève la main avec notre mémoire,
c'est de dire : La donnée se trouve être importante, elle appartient aux
citoyens, aux entreprises, à la
population du Québec, donc assurons-nous que les contrats, même avec les
fournisseurs externes, ou avec les
chercheurs, ou avec les étudiants, ils sont bien faits de façon à ce qu'elle
est bien gérée et qu'elle ne peut pas partir n'importe comment par
rapport à ça. Parce qu'en intelligence artificielle vous savez très bien qu'on
prend de la donnée puis on crée un modèle,
puis ce modèle-là peut avoir été entraîné avec la donnée en amont. Comment on
fait pour prouver que le modèle ici
est associé à cette donnée-là? Donc, il faut s'assurer que, quand on travaille
avec le monde, bien, savoir c'est
quoi, tes intentions avec la donnée, puis tu vas t'occuper de ce projet-là,
puis tu ne l'utiliseras pas dans un autre cadre. C'est ça qu'on voulait
amener, essentiellement.
M.
Caire : O.K. Bien, en fait, la question que j'ai envie de
vous poser, c'est : Dans le contexte du projet de loi n° 14, compte tenu qu'effectivement autant l'administration publique
que les milieux de la recherche que les partenaires de l'entreprise privée pourraient être appelés à collaborer dans un projet
d'intérêt gouvernemental, est-ce que vous avez le sentiment que les protections, les différentes
protections qui sont prévues au projet de loi n° 14
sont suffisantes pour bien encadrer
l'utilisation qu'on va faire de la donnée? Et le fait, notamment, qu'il y ait
une obligation de faire une évaluation a
priori du projet sur l'utilisation de la donnée, sur son encadrement, le fait
qu'il y ait des rapports qui soient déposés au Conseil du trésor, donc
qui soient rendus publics, le fait que la loi d'accès à l'information
s'applique en intégralité et autres mesures,
est-ce que ces mesures-là vous semblent suffisantes pour bien encadrer de la
façon dont vous l'exprimez la gestion de la donnée dans le cadre de la
réalisation d'un projet?
• (10 h 30) •
M. Lavoie (Alain) : En ce qui concerne le projet de loi, je pense que
oui, puis ça vous donne le pouvoir, avec la Commission d'accès à l'information, aussi d'avoir des avis. Nous, ce
qu'on dit aussi, c'est : Il faut aller dans les contrats publics... qui ne fait pas partie de ce projet de
loi là, mais il faut aller dans les contrats publics et dire : Bien, dans
les contrats publics, les clauses
devront être modifiées dans certains contextes quand vous allez aller avec les
données ou quand vous allez donner accès à des données. C'est juste dans ce
contexte-là que vous pourriez... Par
rapport au projet de loi, il n'y a pas de problème, mais il va y avoir une réflexion à faire. Essentiellement, c'est d'être prudent, là, M.
le ministre. Ce qu'on souhaite envoyer comme message aujourd'hui, c'est d'être prudent, on n'est pas en désaccord. Et une remarque que
je dirais, c'est que, dans la vie,
là, si on a peur de tout, on ne fait rien, et des fois il faut prendre des
moyens. Et ce projet de loi fait ça, il prend les moyens pour avancer dans la
transformation numérique du gouvernement. Et ça, on est tout à fait en accord, dans le contexte qu'il faut juste
s'assurer qu'on protège bien notre donnée. Et ça, après ça, on est tout à fait en accord parce qu'on comprend bien que c'est un élément
important pour faire avancer le gouvernement dans sa transformation numérique et que ça va faire avancer parce que
sinon on tourne en rond tout le temps puis on va manquer le bateau, en termes de gouvernement puis en termes de
population du Québec.
M.
Caire : Bien, je
prends la balle au bond. Dans le fond, ce que vous dites, c'est que le projet de loi n° 14, tel qu'il
est rédigé, vous offre les protections que vous souhaitez retrouver dans la loi, mais
c'est la portée du projet de loi qui, compte
tenu du contexte, là, comme je l'ai
dit, on avance, mais devrait peut-être se refléter dans une législation plus pérenne, par
exemple dans le contexte d'une refonte de la loi d'accès à l'information.
M. Lavoie
(Alain) : Entre autres, oui, oui, tout à
fait.
M.
Caire : O.K. Il me
reste combien de temps, M. le Président? Parce que mon collègue d'Orford avait...
Le Président (M. Simard) : Sept
minutes, sept minutes.
M.
Caire : Sept? Bien,
je vais peut-être laisser la parole à mon collègue d'Orford.
Le Président (M. Simard) : M.
le député d'Orford, à vous la parole. Nous n'attendions que vous.
M. Bélanger : Merci, M. le
Président. J'avais quelques questions. Vous avez combien de membres?
Mme Martel (Nicole) :
500 entreprises membres.
M. Bélanger : 500 entreprises. Est-ce
que, d'après vous, le projet de loi va permettre une meilleure justice
ou une meilleure accessibilité à ces
entreprises-là, justement, pour travailler sur des contrats qui seraient
publics? Est-ce que ça va être plus facile que ce l'était avant — ça,
c'est une de mes questions — et
est-ce que ça va être plus juste aussi?
Mme Martel
(Nicole) : Si je peux me
permettre, du côté des entreprises, les bienfaits de ce projet de loi là, c'est
leurs relations avec le gouvernement. Vous
savez, quand on complète une demande chez Emploi-Québec puis qu'on demande la
ligne 128 de notre rapport d'impôt, toute entreprise se dit : Bien,
câline, je vous l'aurais donné, puis là ça n'a pas rapport. Ils vont
aller chez Export Québec, il faut encore qu'ils redonnent la même information.
Donc, du côté de l'utilisation,
l'exploitation de ce projet de loi là, pour le bénéfice des entreprises avec
lesquelles on travaille, ça va simplifier beaucoup leur vie avec le
gouvernement, avec l'État. Donc, pour ce volet-là, c'est absolument très, très
positif.
C'est
justement la lumière jaune, je pense, qu'on essayait de mettre en lumière par
rapport à l'accès aux marchés publics,
on a encore un questionnement à cet égard là. On ne voudrait pas que, dans le
fond, la peur de partager les données avec
les entreprises qui seraient contractantes avec le gouvernement ferait en sorte
que ça freinerait encore plus leur accès aux marchés publics. Par contre, si on encadre correctement la
protection des données et l'utilisation des données avec soit des accréditations des fournisseurs, et tout ça,
on pense que, oui, les entreprises auraient un rôle très important à jouer avec
l'État, notamment par leur capacité d'innovation puis leur capacité de mettre
en pratique des expériences qu'ils ont peut-être
mises en place dans d'autres pays, puisque 78 % de de nos entreprises
vendent à l'étranger, donc elles peuvent amener un bagage d'expérience
au bénéfice du gouvernement.
M. Bélanger :
500 entreprises, c'est quand même beaucoup. Et, avec l'intelligence
artificielle, on va avoir besoin de
plus en plus d'information, de plus en plus de données. Certaines sont ouvertes,
hein, le gouvernement peut fournir ces données-là, puis elles sont
accessibles à tous. Mais, lorsqu'on parle d'entreprises, même lorsqu'on parle
d'individus, certaines informations vont...
il va y avoir une restriction au niveau de l'accessibilité, que ça soit par une
loi ou que ça soit parce qu'il y a
des brevets, etc. Moi, je vois ces entreprises-là. J'ai un petit peu une
inquiétude, quand même, parce qu'il y
a un bénéfice qui peut être tiré de ces données-là, hein? On a vu des histoires
d'horreur, peut-être des plus grosses entreprises. Mais comment vous voyez... Un, ma première
question est : Est-ce que vous prévoyez que vos membres vont tirer profit
de ces données-là? Et puis, si c'est le cas,
comment on va être capables de contrôler ça pour que ça soit fait de façon à
protéger autant les entreprises que
les citoyens? Parce que, comme je vous disais, l'intelligence artificielle,
l'outil pour faire fonctionner l'intelligence
artificielle, c'est le big data, et
ça en prend énormément, ça en bouffe
beaucoup. Ça fait que ma question était au niveau de l'utilisation de
ces données-là.
M. Lavoie
(Alain) : Et vous en avez
beaucoup, au gouvernement, des données. Vous en avez beaucoup, des données
qui sont propres, qui sont...
M. Bélanger : On en a-tu trop?
M. Lavoie
(Alain) : Non, pas nécessairement. Et, pour répondre à votre question, on l'espère que ça va aider nos
entreprises au développement économique du Québec. Si c'est les données du gouvernement...
peut nous permettre de développer des outils
qui vont permettre d'aider notre gouvernement, mais aussi permettre de le revendre à d'autres
gouvernements à travers la planète...
Mme Martel (Nicole) : Pas les
données, là.
M. Lavoie
(Alain) : Pas les données,
mais développer des outils, et que c'est bien encadré, avec des certifications,
des choses de même, nous, on souhaite ça, on
souhaite que ça puisse aider le... le patrimoine puisse aider. En même temps,
il faut que ça soit correctement, bien
encadré. Mais pourquoi pas? Pourquoi pas? Le gouvernement, par ses données,
pourrait aider des compagnies à
développer un outil qui, lui, pourra être utilisé dans différents... et rentrer
de la nouvelle argent et créer de la richesse, rentrer de la nouvelle
argent au Québec.
M. Bélanger : M. le Président,
j'ai le temps pour une dernière question?
Le Président
(M. Simard) : Ah! tout à fait, il vous reste
2 min 25 s, cher collègue.
M. Bélanger : Bon, excellent. Prenons une donnée qui est
ouverte et puis, par la suite, un de vos membres a un mandat, un
contrat, il la transforme, cette donnée-là, il la bonifie, il y rattache des
éléments d'information additionnels. Votre
opinion face à cette nouvelle donnée là... Si, justement, notre gouvernement veut être capable de l'utiliser parce qu'elle a été bonifiée, il y a
eu du temps, il y a eu un peu une propriété intellectuelle qui a
été mise au niveau de cette donnée-là, quelle est votre opinion face au partage de cette information-là? Est-ce que c'est une gratuité? Est-ce qu'il y a un droit acquis?
M. Lavoie
(Alain) : Deux choses. Premièrement, quand la donnée est ouverte, premièrement, une donnée ouverte, par définition, c'est une donnée qui est anonyme,
d'une part. Secundo, il y a une licence toujours associée à une donnée
ouverte, le gouvernement du Québec a ces licences-là, et cette licence-là permet en général
de pouvoir les exploiter et va donner la possibilité de les utiliser
pour créer d'autres choses. Dans le contexte... Je vous donne un exemple, parce que
je connais bien, les lois et règlements
du Québec, c'est une donnée publique, mais pas ouverte. Si
on veut l'exploiter de façon commerciale, on doit prendre une licence avec l'Éditeur officiel du Québec, qui va
nous permettre de les utiliser pour en faire une façon commerciale.
Donc, il ne
faut pas mélanger les deux choses. Il
y a les données ouvertes, il y a
les données du gouvernement, qui sont deux choses. Et, quand les
données... eux autres, ces données-là, puis c'est ça que le projet de loi,
aussi... dans le contexte où on va un
peu plus loin, c'est que ces données-là pourraient être utiles aussi pour faire
du développement économique. Mais dans la
mesure, par exemple, où le gouvernement dirait : Bien, dans le projet que
tu vas faire qui va m'aider, on
t'octroie aussi la possibilité de pouvoir le faire ailleurs essentiellement,
moi, j'ai... bien, en tout cas, nous, dans notre cas de notre compagnie, avec le gouvernement canadien, il fait des
choses comme ça, disons que... dans un contexte, mais c'est super bien encadré avec des choses, puis je pense que ça va
être le même dans le contexte de ce projet de loi là.
Donc, propriété intellectuelle pour les données
ouvertes, je ne pense pas, là, ce n'est pas dans le contexte. Pour les données, peut-être qu'il pourrait y avoir des
ententes qui pourraient dire : Bien, si tu fais de l'argent avec, bien, on
veut en ravoir, ou des choses de
même. Mais, si ça peut aider nos entreprises québécoises à se développer à
l'international, bien, sincèrement, je pense qu'on va faire preuve... on
ne pourrait pas être contre, nous.
Le
Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Merci beaucoup,
M. Lavoie. Je cède donc la parole au député de La Pinière pour
une période 10 min 40 s.
M. Barrette : Merci,
M. le Président. Alors, rebienvenue, encore une fois. Moi, je dois vous avouer que je suis surpris un peu de la tendance que
prend la conversation ainsi que de votre présentation parce que, vous, de l'Association québécoise des
technologies, avec un projet de loi comme celui-là, je me serais attendu à ce
que vous parliez de développement technologique dans le cadre de la
transformation. Parce que le projet de loi tel qu'il est écrit, il est
probablement mal nommé parce que la transformation numérique, là, on ne la voit
pas dans le discours qu'on a, actuellement,
là. On ne parle pas de transformation numérique, là, on parle simplement de
donner accès, selon certaines règles, à
des données qui sont actuellement mal colligées, ou incomplètement, ou
colligées et pas disponibles. Ça, je vous vois hocher de la tête, vous
êtes probablement d'accord avec ce que je viens de dire, là.
Mme Martel
(Nicole) : Dans le contexte
où vous dites que les données sont mal colligées, c'est que probablement, dans chacun des silos,
elles sont bien colligées, mais on ne peut pas les traiter ou on ne peut pas
les exploiter.
• (10 h 40) •
M. Barrette :
Exactement. Alors, moi, pour moi, là, je poursuis sur la phrase que vous venez
de dire, la transformation numérique
du gouvernement, c'est d'abord de faire en sorte que le gouvernement soit
cohérent dans la gestion de sa propre donnée.
Alors, la donnée dans un silo, j'aime bien votre expression parce que
moi, je peux vous dire une chose, quand je suis venu au gouvernement, je fais partie d'une génération où,
pendant des années, on a fait la promotion de faire la disparition des silos. Il n'y a rien de plus en silo qu'un
gouvernement, il n'y a rien de plus en silo que l'État. Alors, ça, ça signifie
que la donnée dans un silo, souvent, est incompatible dans sa gestion,
sa base de données en arrière, là, avec l'autre à côté. Alors là, à un moment
donné, il y a... Oui, vous voulez intervenir?
M. Lavoie
(Alain) : Et justement ce
projet de loi là, ce qu'il veut, c'est casser ces silos-là, il veut permettre
aux différents ministères de pouvoir
échanger les données entre eux. Puis l'autre chose, comme vous disiez, le
projet de loi, on aurait pu venir pour parler de la transformation
numérique, mais le projet de loi ne parle pas nécessairement de la
transformation, mais des moyens pour pouvoir l'accélérer. C'est essentiellement
ça.
M. Barrette :
Bien, moi, j'ai bien de la misère avec... pas votre affirmation, mais avec cet
état de fait là. On n'en parle pas,
ça fait que c'est difficile d'imaginer qu'on va en parler, des moyens, parce
que, si on veut parler des moyens, on le met directement dans la loi. Et moi, je me serais attendu à ce que vous
veniez nous parler de ça parce que vous êtes l'Association québécoise des technologies, c'est vous qui
pourriez être les joueurs impliqués, sollicités, sous-traités, peu importe, sur
ça, là, faire en sorte que le gouvernement
soit une boîte informatique qui est cohérente, et là, actuellement, ce n'est
pas exactement ça.
Je fais le
commentaire là parce que, tantôt, madame, vous avez fait le commentaire sur la
ligne 128. Je vais vous dire une
affaire, là, moi, depuis que j'ai une vie publique gouvernementale, tout ce qui
est faisable individuellement, là, les
rapports d'impôt, les ci, les ça, je les fais moi-même, juste pour voir comment
ça marche avec l'État. Ouf! On va juste dire ça comme ça. C'est épouvantable, c'est épouvantable ne serait-ce
qu'aller chercher une loi. Tout est incohérent, là.
Mme Martel (Nicole) : Alors qu'on pensait... si je peux me permettre,
quand on est un citoyen ou quand on fait ça, ces papiers-là, on dit : Mon Dieu! Ils sont donc bien mal organisés,
l'État, là, alors que la loi ne leur permet pas, actuellement, de
partager ces informations-là. Donc, ça vient un peu excuser, là, le blâme qu'on
jette à l'État.
M. Barrette :
Ce n'est pas une question de blâme. Moi, je le prends très bien, là. Ça, on
était au gouvernement, là, puis,
comme je l'ai en introduction, on voulait changer ça. J'étais le protagoniste
de ça à l'intérieur du gouvernement. À un moment donné, il faut changer
une fois pour toutes et avoir une gestion de l'information cohérente. Pour
qu'elle soit cohérente, il faut qu'elle soit
colligée d'une façon telle qu'elle soit cohérente avec toutes les bases de
données. Bon, ça, je n'ai pas... Vous êtes là-dedans, vous, là, là,
mais...
M. Lavoie (Alain) :
Mais c'est ça que dit le... en fait, quand on lit le projet de loi, on se
dit : Ils se donnent des moyens de
pouvoir faire ça. C'est comme ça qu'on le voit, nous. Essentiellement, on se
dit : Ils se donnent des moyens de casser ces silos-là plutôt que de passer dans un long processus pour
changer la loi sur l'accès à l'information, qui permet moins facilement
de...
M. Barrette :
Je suis content que vous le voyiez comme ça parce qu'à date on a parlé de la
sécurité de la donnée qu'on offre à
l'extérieur, ce qui est un enjeu en soi, là, on s'entend, là, mais ça se gère,
ça, cette affaire-là. Moi, je pense qu'il
faut se préoccuper de ça, mais on ne peut pas se préoccuper de ça, sans se
préoccuper de ce dont on parle... en tout cas, de ce dont je parle avec
vous, actuellement, et c'est là que votre rôle peut être très important.
Vous m'avez
déjà entendu le dire, parce que je vous l'ai dit personnellement à tous les
deux dans le passé, l'État est-il
capable de le faire? L'État doit-il absolument sous-traiter? Y a-t-il une
relation contractuelle qui permettrait de le faire, du genre de ce dont
j'ai déjà fait la promotion? Bref, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Lavoie
(Alain) : Moi, je pense
essentiellement qu'en informatique, à l'heure où on est, où il y a une pénurie
de main-d'oeuvre généralisée dans
tous nos secteurs, on ne peut pas devenir un... il ne peut pas y avoir juste
quelqu'un qui possède toute la vérité là-dedans. Donc, il va falloir
trouver des moyens où l'entreprise et le gouvernement travaillent ensemble et
être en mesure... et l'État, dans le fond, en s'équipant avec des gens ou en
mettant... puis ils les ont, là, les architectes,
des gestionnaires de projets, des gens avec les entreprises qui font ça à tous
les jours, bien, ils vont être en mesure de pouvoir arriver à faire cette transformation-là. À mon avis, il faut
travailler tous ensemble, là, puis venant d'une association comme la
nôtre, on ne vous dira pas le contraire.
M. Barrette :
Bien, vous, vous gérez de la donnée, là, c'est ça qui est le coeur de votre
business, à vous, là. Vous, madame, je ne sais pas si vous faites ça
aussi, ou je pense que vous faites du développement, ou...
Mme Martel (Nicole) :
Non, je suis permanente à l'association.
M. Barrette : Vous êtes une
permanente, et vous, vous êtes dans la gestion de la donnée, là.
M. Lavoie (Alain) :
Oui.
M.
Barrette : Alors, je pense que vous allez être d'accord avec moi si je
dis, puis là je termine là-dessus : C'est bien beau, l'intelligence artificielle, mais, si le substrat sur lequel
ça s'applique, c'est-à-dire la base de données, n'est pas cohérente ou
ne communique pas bien avec l'autre, c'est sûr qu'on peut créer une zone
tampon, là, qui transforme la donnée, et
ainsi de suite, là, mais si la donnée est — bon, je vais peser mon mot, là — informatiquement trop bâtarde, c'est assez
difficile à faire marcher, l'intelligence artificielle, quoique c'est toujours
faisable.
M. Lavoie
(Alain) : Ceci dit, je vous
dirais, l'intelligence artificielle, on parle beaucoup de ça en ce moment,
c'est bien à la mode, mais la beauté
de tout ça, de ce hype-là d'intelligence artificielle, c'est que les organisations, puis ça, c'est assez
généralisé, autant gouvernementales que privées, revoient leurs processus. Et peut-être
que ça va être de l'informatique de base, mais au moins ils revoient leurs
processus, et c'est ça, la beauté de ce hype-là pour notre industrie puis
pour le gouvernement de façon générale.
M. Barrette : ...sur l'importance d'avoir une donnée de base
qui soit cohérente dans l'ensemble d'une organisation qui s'appelle le gouvernement.
M. Lavoie
(Alain) : Oui, puis je vous
dirais que le gouvernement, à
certains égards, il y a des endroits où on peut trouver des exemples où
les données ne sont pas bien, mais il y a d'autres places que je pourrais dire
que c'est beaucoup mieux qu'on peut
retrouver dans le privé. Et, quand on se compare, on se console des fois. On
travaille avec les deux secteurs, là,
puis je pourrais vous dire que ni un ni l'autre n'est pire un que l'autre. Puis
je vous dirais peut-être, à certains égards, le gouvernement, étant donné qu'il y a de la réglementation, qu'il y a des
lois qui le régissent, des fois elles sont un peu plus propres, les
données, dans le jargon de l'intelligence artificielle.
M. Barrette :
Là, vous venez de dire quelque chose qui va rentrer dans les annales, là, des
commissions parlementaires, vous venez de nous dire qu'il y a des
secteurs dans le gouvernement qu'il est meilleur qu'au privé.
M. Lavoie
(Alain) : Oui.
M. Barrette : C'est juste pour
que ça soit bien clair pour la personne qui transcrit, là.
M. Lavoie (Alain) :
Je vais vous donner un exemple : les lois et règlements du Québec.
M. Barrette : Ah oui?
M. Lavoie (Alain) :
On est un modèle à travers la planète pour gérer la donnée. Là, je me lance des
fleurs, là, M. Barrette, parce que c'est nous qui avons fait le système.
M. Barrette : J'essaie de m'en
envoyer aussi.
M. Lavoie (Alain) :
Mais essentiellement il y a de la donnée comme ça... Il ne faut pas toujours
dire que les fonctionnaires ne font pas toujours
la bonne chose. Je vous dis, là, on travaille avec les deux secteurs, puis il y a
des cas, je peux vous dire, là, ça
n'a pas d'allure, puis il y a des cas que c'est super bien fait. Puis, bon an,
mal an, ce n'est pas pire que
d'autres dans des sociétés. Puis évidemment j'ai des secrets professionnels, là, je ne peux
pas dire des choses, mais il y a
des compagnies qui sont... puis qui ont beau pavillon sur rue, puis c'est
ordinaire à l'arrière.
M. Barrette : Je vais passer la
parole à ma collègue, M. le Président.
Le Président (M. Simard) :
Merci. Mme la députée de Saint-Laurent, à vous la parole.
Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le
Président. Bonjour. Merci d'être
présents et merci pour la clarté de vos propos. Le temps file, alors je vais essayer d'être plus rapide dans mes
questions. Tantôt, vous avez parlé de drapeau jaune et de prudence. Moi, j'ai l'impression qu'en ce moment
le p.l. n° 14, c'est qu'on voit l'arbre, mais on ne regarde
pas la forêt, et qu'il y a deux discussions qu'on devrait avoir :
oui, la gestion de la donnée, mais aussi la protection des données.
Dans votre présentation que vous nous avez
soumise dans votre mémoire, il y a un passage que vous parlez de l'expertise québécoise.
Si on considère qu'il est probable que le nouveau gouvernement confie la
gestion des données à des tiers, est-ce que
nos entreprises québécoises, en ce moment, sont outillées pour être en
mesure, s'il y a un appel d'offres, d'être au même pied
d'égalité que d'autres entreprises beaucoup plus grandes, étrangères?
Mme Martel
(Nicole) : Je peux répondre là-dessus.
Dans le fond, dans l'appel d'offres, quand on va confier les données en hébergement — c'est
de ça qu'on parle, l'infonuagique — les
critères vont certainement être très précis à l'égard des réglementations
ou des standards que devront avoir les fournisseurs de services. Les
entreprises québécoises sont sur un pied d'égalité à ce niveau-là pour
répondre aux appels d'offres, je n'ai pas de souci là-dessus.
Mme Rizqy :
Est-ce que vous avez déjà regardé les critères ailleurs, lorsque ça a été fait,
dans le monde pour être en mesure de répondre à ça?
Mme Martel
(Nicole) : Maintenant, les
données n'ont plus de frontière, hein, donc on se félicite puis on applaudit
très fort quand des entreprises québécoises
gagnent des gros contrats d'hébergement de données d'entreprises américaines ou
d'entreprises européennes. Donc, je pense que c'est par rapport au respect des
standards qui vont être indiqués dans l'appel d'offres, puis, si on les
rencontre...
Mme Rizqy : ...qu'on devrait justement s'assurer que, si
jamais... dans la volonté du gouvernement d'aller confier la gestion à un
secteur privé, qu'on devrait avoir comme consigne de développer une expertise
québécoise et de garder, à tout le moins, cette gestion ici, à
l'interne, au Québec?
M. Lavoie (Alain) :
Moi, il y a une chose que j'ai de la misère à comprendre dans...
Le Président (M. Simard) : En
conclusion, très rapidement.
M. Lavoie
(Alain) : ...O.K., c'est que, dans le fond, vous parlez de
gestion, confier la gestion, et, dans ce contexte, c'est plutôt... c'est
une infrastructure qui est mise, la gestion va rester au gouvernement. C'est ce
que je comprends.
Le Président (M. Simard) : Très
bien. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : Combien de temps?
Le Président (M. Simard) :
2 min 40 s.
• (10 h 50) •
M. Marissal :
Merci. Bonjour, rebonjour. Mme Martel,
M. Lavoie, vous avez dit tout à
l'heure, et c'est écrit dans votre mémoire, que «la notion de "projet en ressources
informationnelles d'intérêt gouvernemental" est floue». Le ministre
répond tout à
l'heure que c'est dans la loi n° 135. Bon, je n'étais pas familier à ce point-là avec 135, là, je ne vous
raconterai pas d'histoires, mais je suis allé voir... on est allés voir, puis
je vous confirme que c'est effectivement assez flou. On dit notamment qu'un projet est d'intérêt
gouvernemental quand le Conseil du trésor détermine
qu'il est d'intérêt gouvernemental.
Alors, sachant cela, pouvez-vous élaborer un
peu sur ce que vous trouvez flou là-dedans et comment le rendre moins flou?
Mme Martel (Nicole) : Bien, je pense que ça va être une question de
transparence. Par exemple, si le réseau de la santé a besoin de... ou veut améliorer sa connaissance des enfants
vaccinés dans les écoles, je pense que la population va comprendre que
le ministère de l'Éducation a besoin de partager des données avec le ministère
de la Santé. Donc, en communiquant cette
information-là, pour nous, bien, je pense que ça devient d'intérêt
gouvernemental, puis c'est clair. Donc, je pense c'est plutôt quand on... notre crainte, c'était plutôt que ça
se fasse sans avoir communiqué clairement c'était quoi, les objectifs
visés des projets.
M. Marissal :
O.K. Vous m'aviez déjà dit, dans une autre rencontre, Mme Martel, que,
dans votre milieu, à Noël, les gens de votre milieu, dans les
entreprises, se souhaitent bonne année, de la santé, puis garder tes employés
parce qu'il y a énormément de concurrence
entre les entreprises dans un milieu extrêmement compétitif et attrayant,
surtout pour les plus jeunes qui se lancent
là-dedans. Ce faisant, est-ce que, dans le contexte de pénurie de
main-d'oeuvre, ça ne disqualifie pas
d'office le gouvernement, qui n'est pas capable de jouer dans cette game-là
avec les salaires qu'il offre? Je peux imaginer, sans rien enlever à la fonction publique, qu'une offre d'une entreprise
high-tech à Montréal super «trendy» avec des belles conditions puis un emploi dans la fonction
publique, souvent contractuel en plus, le choix n'est pas trop difficile à
faire, là. Alors, est-ce que le gouvernement est équipé pour jouer dans
ce film-là?
Mme Martel (Nicole) : Bien, d'abord, il y a, oui, les avantages sur le
plan du salaire, l'environnement, et tout ça, mais je vous dirais qu'il y a des entreprises très, très à la mode qui
sont très présentes dans l'actualité, où le cadre est très, très libéral, tu prends le nombre de semaines de
vacances que tu souhaites, et tout ça. Il y a des entreprises qui offrent ça
dans le secteur privé, puis il y a des
employés, des individus qui ne cadrent pas du tout, du tout, du tout dans un
cadre comme ça.
Le
Président (M. Simard) : Très bien. Merci beaucoup. Merci, chère
dame. Je cède maintenant la parole au député de René-Lévesque pour une
période de 2 min 40 s.
M. Ouellet :
Ma minute de remarques préliminaires, on ne peut pas l'additionner?
Le Président
(M. Simard) : Non, malheureusement pas, ce n'est pas
transférable, dans ce cas-ci.
M. Ouellet : O.K., merci. Donc, on va aller dans le vif du sujet. Vous avez fait
mention tout à l'heure qu'effectivement le projet de loi en question met la table pour permettre au gouvernement
un échange d'information qui, dans l'ensemble des ministères, est fait sous forme de silos. Donc,
une fois qu'on adopte cette pièce législative là, les ministères vont pouvoir
s'échanger. Mais est-ce que vous êtes d'accord avec moi que, présentement, la
façon dont les ministères colligent ces informations-là,
il n'y a pas beaucoup de compatibilité? Ça représente-tu un énorme défi
technologique de... Exemple, une donnée
issue du ministère des Finances croisée avec le ministère de l'Éducation ou
avec une donnée... ce n'est pas les mêmes bases de données, on ne
collige pas? Est-ce que c'est beaucoup de manipulations?
M. Lavoie (Alain) : Pour être honnête, on ne sait pas. On ne sait pas, ce n'est pas nous qui administrons ces... Nous, on connaît un
système plutôt par rapport à l'autre, mais ça, on ne peut pas répondre à cette
question-là.
M. Ouellet :
Donc, ça représente un... Oui, allez-y.
Mme Martel (Nicole) : Bien, si je peux me permettre, le secteur
bancaire a vécu, dans le fond, le même phénomène il y a quelques années. Vous savez, quand vous alliez à la banque, votre
prêt d'hypothèque ne parlait pas à vos placements, à votre compte courant, et tout ça. Puis eux
autres, derrière la banque, là, avaient multiples systèmes, puis à un certain
moment donné ils ont comme...
M. Ouellet :
...ça ensemble.
Mme Martel
(Nicole) : ...fait la transformation, exact.
M. Lavoie (Alain) : Puis, essentiellement, là, si on regarde la
tendance en ce moment, là, le gouvernement, ce qu'il essaie de faire, c'est la même chose qu'on
retrouve dans les banques avec l'«open banking», qui permet à dire : Tu es
dans une banque, tu as des comptes, tu as des dépôts directs, tu as
toutes sortes de choses, tu peux transférer d'une banque à une autre toute ton information d'une place.
Puis d'avoir cette liberté-là, c'est un peu la même idée qu'on retrouve ici
dans le cadre de la volonté du projet, là, essentiellement.
M. Ouellet :
Donc, ça représente un certain défi technologique de faire ce «merge» là,
entre...
M. Lavoie
(Alain) : Bien, en fonction
de l'état actuel des systèmes, le gouvernement va devoir faire de
l'interopérabilité entre les
systèmes — c'est le
terme qu'on peut mettre par rapport à ce projet-là, c'est interopérabilité
entre les ministères — mais aussi entre les systèmes des ministères, puis peut-être qu'il y en a un
qui va abreuver l'autre, éventuellement,
ou ça va être centralisé. Je
n'ai aucune idée, je ne connais pas le plan de match par rapport à ça.
Mme Martel
(Nicole) : Le défi technologique est peut-être moins grand que ce que
les banques ont eu à affronter il y a 10, 15 ans, quand ils ont fait
cette consolidation, là, des données.
M. Ouellet : Pourquoi, selon
vous?
Mme Martel
(Nicole) : Bien, parce que
les technologies sont plus avancées en termes de langage d'interopérabilité.
M. Ouellet : O.K. Mais ça va représenter quand même un défi au
gouvernement de faire ce «merge» là entre les données.
M. Lavoie
(Alain) : Bien, pour
n'importe quelle organisation, ça dépend, il y a un défi évident, mais en même
temps c'est souhaitable de le faire.
Le
Président (M. Simard) : Merci. Alors, M. Lavoie,
Mme Martel, cela met un terme à votre exposé. Merci beaucoup d'être
venus parmi nous.
Nous allons suspendre temporairement nos
travaux, le temps de faire place à nos prochains invités.
(Suspension de la séance à 10 h 56)
(Reprise à 10 h 58)
Le
Président (M. Simard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Nous avons
l'honneur de recevoir des représentants de la Commission d'accès à
l'information du Québec.
Chère dame, auriez-vous l'amabilité de vous présenter et de débuter
votre exposé pour une période de 10 minutes?
Commission
d'accès à l'information (CAI)
Mme Poitras
(Diane) : Merci, M. le Président. Alors, je suis Diane Poitras, je suis vice-présidente à la Commission d'accès à l'information.
J'assume présentement les fonctions de la présidence, compte tenu de la vacance à ce poste. Je suis
accompagnée de Me Sophie Giroux-Blanchet, qui assume également
par intérim la direction du Secrétariat général et des affaires
juridiques.
Le Président (M. Simard) :
Bienvenue.
Mme Poitras
(Diane) : Merci beaucoup. Alors, au nom de la Commission
d'accès à l'information, je tiens à
remercier les membres de la Commission
des finances publiques de nous avoir invitées dans le cadre des consultations particulières et auditions
publiques concernant le projet de loi
n° 14. La commission
comprend que l'un des objectifs principaux du projet de loi est de permettre
la communication et l'utilisation de renseignements personnels nécessaires à la
réalisation de certains projets en ressources informationnelles, ceux
qui seront désignés d'intérêt gouvernemental par le Conseil du trésor.
La commission
est d'avis que l'adoption du projet de loi, particulièrement le texte de
l'article 3, diminuerait la protection
accordée aux renseignements personnels en vertu du cadre juridique actuel, et
je m'explique. La protection des renseignements personnels, l'une des
dimensions du respect de la vie privée, comprend un ensemble de principes qui visent à assurer au citoyen le contrôle sur ses
informations. Ces principes vont bien au-delà de la confidentialité ou de la
sécurité de l'information. Ils visent
notamment à restreindre la collecte aux seuls renseignements nécessaires, à
limiter leur communication ou à
restreindre leur utilisation aux seules fins pour lesquelles ils ont été
recueillis, sans le consentement de
la personne concernée, à mettre en place, évidemment, des mesures de sécurité
propres à assurer leur caractère confidentiel, et à détruire les
renseignements de manière sécuritaire lorsque leur conservation n'est plus
nécessaire.
• (11 heures) •
La commission
considère que le projet de loi diminue la protection accordée aux
renseignements personnels de deux
façons : d'abord en permettant la communication et l'utilisation de
renseignements sans le consentement des personnes concernées à des fins autres que celles pour
lesquelles ils ont été recueillis et ensuite en permettant au gouvernement
d'écarter par simple décret des dispositions
législatives dont l'objectif premier est de protéger les renseignements
personnels jugés sensibles.
En effet, les
dispositions susceptibles d'être inconciliables avec l'article 3 du projet
de loi sont celles qui prévoient des
règles plus strictes que ce que prévoit la Loi sur l'accès. Ces régimes
sectoriels particuliers ont été adoptés pour assurer une protection
accrue à des renseignements personnels particulièrement sensibles. On peut
penser, par exemple, aux renseignements de santé détenus par la Régie de
l'assurance maladie ou les établissements de santé et services sociaux. Quant aux dispositions de la Loi sur l'accès,
elles ne seraient pas écartées, selon notre compréhension, puisqu'en raison de
son caractère prépondérant une dérogation expresse est nécessaire.
Ceci étant dit, la commission constate que le
projet de loi tient compte des commentaires qu'elle a formulés et qu'il
contient plusieurs mesures visant à atténuer les conséquences qui résultent de
cette réduction de protection des renseignements
personnels. Compte tenu du temps qui m'est alloué, je vais en aborder seulement
quelques-unes. Vous retrouverez l'ensemble de ces mesures que nous avons
identifiées dans notre mémoire.
Le Président
(M. Simard) : Il vous reste cinq minutes.
Mme Poitras
(Diane) : Merci. Alors, d'abord, le projet de loi circonscrit
et limite la portée de l'exception aux principes
d'utilisation et de communication de renseignements personnels que j'ai
énoncés. Entre autres, un organisme ne pourra
communiquer que les renseignements nécessaires à la réalisation en ressources
informationnelles d'intérêt gouvernemental. Ainsi, cela pourrait impliquer que seuls des renseignements personnels
exempts d'identifiants directs seraient communiqués ou utilisés, à moins de pouvoir justifier de la
nécessité de tels renseignements pour la réalisation d'un projet. Il existe
plusieurs techniques, d'ailleurs,
pour permettre l'utilisation de données personnelles en minimisant la
possibilité d'identifier un individu. On
peut dépersonnaliser un ensemble de données, remplacer des identifiants directs
par des identifiants banalisés ou des pseudonymes, etc.
En outre, le p.l. n° 14 prévoit des obligations spécifiques qui visent à
assurer la protection des renseignements personnels.
Soulignons surtout l'obligation de réaliser une évaluation des facteurs
relatifs à la vie privée dès la conception du projet et lors de toute modification. Il s'agit d'un outil dont
l'utilisation est répandue dans plusieurs autres administrations dans le
monde. En fait, son utilisation est ancrée dans les pratiques de plusieurs pays
et la plupart des autres provinces canadiennes,
et ça, depuis de nombreuses années, si bien que plusieurs administrations l'ont
même intégrée dans leur législation comme
une obligation. La commission se réjouit donc de voir enfin cette obligation
incluse au projet de loi dans une législation quelconque, car il s'agit d'un des éléments importants permettant de
pallier à certaines imprécisions qui demeurent dans le projet de loi
n° 14.
L'actualité
récente démontre que les citoyens se préoccupent de la protection de leurs
renseignements personnels. Il existe
une inquiétude grandissante devant les possibilités accrues d'atteinte à la vie
privée qu'implique l'utilisation de certaines
technologies. Les éléments de transparence qui sont inclus dans le projet de
loi sont donc essentiels pour favoriser la confiance dans le nouvel
environnement numérique souhaité.
En
terminant, la commission considère que ce projet de loi témoigne de la
nécessité de moderniser le cadre juridique applicable à la protection
des renseignements personnels au Québec. L'adoption de lois en marge du cadre
général de protection des renseignements
personnels, comme ce qui est le projet de loi n° 14, complexifie
l'interprétation et l'application des règles en cette matière. Cette
approche oblige les intervenants à se référer et à concilier de nombreuses lois
afin de déterminer leurs obligations dans
une situation donnée. Elle invite donc les parlementaires à se pencher
rapidement sur un encadrement
renouvelé et global de protection des renseignements personnels au Québec. Je
suis sûre que personne n'est surpris de m'entendre dire ça, je pense que
ça fait longtemps qu'on le répète.
Actuellement,
le numérique et les innovations technologiques offrent de belles opportunités,
notamment pour améliorer l'efficacité
gouvernementale et les services aux citoyens. Ces technologies doivent aussi
être perçues comme des occasions d'innover
et d'améliorer la protection accordée aux renseignements personnels que
confient les citoyens à l'administration gouvernementale. Les Québécoises et les Québécois doivent pouvoir
profiter des avantages et des avancées technologiques en toute confiance dans le respect de leurs
droits. L'innovation et la transformation numérique n'ont pas obligatoirement
pour conséquence une perte de droits pour
les citoyens. Au contraire, la commission considère qu'ils peuvent être une
occasion d'améliorer aussi le
contrôle qu'on donne aux citoyens sur leurs renseignements personnels. Pour ce
faire, il importe d'en faire une
priorité et d'intégrer ces objectifs dans les différents projets à venir, de
s'inspirer des meilleures pratiques que l'on peut trouver ailleurs et
d'être créatifs. C'est à ces conditions que les citoyens et les organismes publics pourront tirer profit de l'ère
numérique tout en préservant leur lien de confiance mutuelle, mais surtout en
préservant nos valeurs démocratiques fondamentales.
Je vous remercie de votre attention, et il me fera plaisir d'échanger avec vous dans les
prochaines minutes à ce sujet.
Le Président
(M. Simard) : Merci beaucoup, Mme Poitras. Je crois
comprendre que Mme Giroux-Blanchet serait une ancienne Ursuline.
Mme Giroux-Blanchet
(Sophie) : Oui.
Le Président
(M. Simard) : Bienvenue.
Mme Giroux-Blanchet
(Sophie) : Merci.
Le Président
(M. Simard) : M. le ministre, à vous la parole pour
17 min 30 s.
M.
Caire :
Aurions-nous, M. le Président, un préjugé favorable, compte tenu du passé de nos enfants respectifs?
Bien,
Mme Poitras, Me Giroux-Blanchet, merci, bienvenue. En fait, je
commencerais en disant, Mme Poitras, que non seulement je ne suis pas
surpris de vous entendre dire qu'il faut moderniser notre cadre législatif,
mais c'est de la musique à mes oreilles, compte tenu que, d'entrée de jeu, j'ai bien expliqué que la mobilité de la donnée
était l'enjeu de la transformation numérique, au coeur de la
transformation numérique, si j'ose m'exprimer ainsi, et que, sans cette
mobilité-là, il n'y a pas de possibilité de procéder à une transformation
numérique de l'État ou, en tout cas, de le faire extrêmement difficilement.
Donc, j'entends votre cri du coeur, et soyez assurée que j'ai bien l'intention
d'y donner suite.
Maintenant,
compte tenu du fait que moderniser une loi comme la loi
d'accès à l'information, ce n'est pas chose aisée, c'est un travail à long terme, j'imagine que vous comprenez pourquoi on procède ainsi avec le projet de loi n° 14. Compte tenu
du fait qu'il y a des projets en ressources informationnelles
d'intérêt gouvernemental qui sont... bien, en fait, qui sont déjà en chemin et d'autres qui sont à
venir, on avait un peu cette obligation-là, je pense, là, de décloisonner de façon non pérenne parce qu'évidemment, je suis d'accord avec vous, là, la loi n° 14 ne peut pas être la législation du futur, là, c'est vraiment
une mesure temporaire.
Maintenant,
dans ce contexte-là, j'aimerais savoir si, du point de vue de la Commission
d'accès à l'information, le projet de
loi n° 14 vous rassure quant à l'utilisation qui pourrait
être faite des données dans un contexte de projet de ressources informationnelles d'intérêt gouvernemental. Est-ce
que les différentes dispositions qui ont été mises dans la loi sont à la
satisfaction de la Commission d'accès à
l'information quant à la protection des données, des renseignements personnels?
Mme Poitras (Diane) : Comme je l'ai mentionné, elles compensent la
diminution de droits dont j'ai fait mention à deux égards. C'est sûr que je pense que la réponse pourra être
complétée à la lumière de chacun des projets, à la lumière de la nature des
renseignements dans chacun des projets, et c'est ce flou-là que je comprends
qui était nécessaire parce qu'on ne
voulait pas légiférer à la pièce, on voulait permettre une espèce de cadre plus
souple pour réaliser plusieurs projets. Alors donc, ce sera à voir, et les évaluations de facteurs relatifs à la
vie privée et la possibilité pour la commission de donner son avis sur
ces différents éléments là pourront nous permettre, au cas par cas, de nous
assurer que ce sera le cas.
M.
Caire : Il y a une disposition dans la loi qui fait
obligation au gouvernement, lorsqu'un projet est décrété d'intérêt
gouvernemental, de demander un avis à la Commission d'accès à l'information.
Donc, est-ce que ça, ça ne vient pas un peu répondre à votre préoccupation, donc, qu'à la pièce... si le projet de
loi, effectivement, est global... parce que faire un nouveau projet de
loi pour chaque projet en ressources informationnelles, ça aurait été
législativement lourd. Mais le fait que la commission soit appelée à se
prononcer sur le décret particulier qui va faire d'un projet de ressources
informationnelles quelque chose d'intérêt
gouvernemental, est-ce que ça, c'est de nature à vous rassurer, le fait qu'il y
ait un incontournable, qui est la
Commission d'accès à l'information, qui pourra nous guider dans l'utilisation
des ressources projet par projet?
Mme Poitras (Diane) : Oui, et c'est effectivement le rôle que veut
jouer la commission. On veut s'assurer que les droits des citoyens sont respectés. Et il y a moyen, comme je l'ai
mentionné, d'appliquer les principes de la loi. Je comprends qu'on va écarter peut-être... Il y a deux niveaux
dans la loi : il y a des principes, qui sont la substance, qui sont les
droits des citoyens, qui représentent
ce qu'est la protection des renseignements personnels, puis il y a de la
mécanique. Alors, si c'est une
question de mécanique qui est écartée et compensée par autre chose, ça va, et
la commission pourra effectivement... le
fait qu'elle puisse se prononcer, oui, c'est de nature à nous rassurer. Mais, comme
je le mentionnais, les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée
vont aussi permettre, dès le départ, dès la conception du projet, d'orienter
une solution respectueuse des droits des citoyens, et ça, c'est encore plus de
nature à me rassurer.
• (11 h 10) •
M.
Caire : Donc, l'obligation qui est faite par la loi de faire
une évaluation de l'utilisation des données a priori du projet, ce que vous nous dites, c'est que ça va
vous donner une bonne idée de ce à quoi vont servir les données, et, à partir
de là, l'avis de la commission sur le décret en tant que tel devrait être
un avis encore plus éclairé, là, c'est ce que j'entends.
Mme Poitras
(Diane) : Oui, en effet.
M.
Caire : Est-ce
que vous êtes satisfaite aussi du
fait qu'il y a un rapport qui est à déposer et donc à être rendu
public? Donc, dans les faits, le gouvernement s'impose à lui-même, par la loi n° 14, l'obligation de rendre public quelles sont les données qui ont
été utilisées et à quelles fins. Donc, il
y a comme un souci de transparence là-dedans — en tout cas, de mon avis, puis j'aimerais vous entendre là-dessus — qui
fait en sorte que le niveau de sensibilité à l'utilisation des données devient
un peu plus élevé, si tant est qu'il ne l'était pas déjà, mais... je ne le
crois pas, mais mettons, dans un contexte,
où... oui, va être un peu plus élevé du fait qu'on a cette obligation-là de
rendre public quelles sont les données qui ont été utilisées, à quelles fins elles ont été utilisées, et donc il y
a une transparence là qui est un peu aussi, je pense, le gardien de
cette utilisation-là appropriée des données des citoyens. Je voudrais vous
entendre là-dessus.
Mme Poitras (Diane) : Oui, effectivement, mais je pense que c'est aussi
important, l'aspect transparence, dès le début du projet. Et tant le décret que, par exemple, l'évaluation des
facteurs relatifs à la vie privée devra être publiée sur le site, ce qui va déjà permettre au citoyen, dès
le départ, dès le début du projet, de savoir qu'est-ce qui est envisagé,
comment on va utiliser ses
renseignements personnels ou les communiquer, puis quelles mesures palliatives,
au besoin, on va avoir incluses dans
le décret ou dans le cadre plus technologique, ça n'a pas besoin d'être un
encadrement juridique, pour s'assurer qu'on fait cette transformation
numérique dans le respect de sa protection des renseignements personnels.
M.
Caire : D'entrée de jeu, Mme Poitras, j'ai dit que le
projet de loi n° 14 pourrait être aussi considéré comme un pilote précurseur à une réforme de la loi d'accès
à l'information. Est-ce que vous seriez d'avis que les éléments d'analyse
au cas par cas pourraient aussi nous servir d'exemple ou de données probantes
sur de quelle façon notre loi d'accès à l'information devrait être modifiée? Et
est-ce que la Commission d'accès à l'information aurait cette sensibilité-là
dans d'éventuelles recommandations qu'elle
ferait pour des projets en ressources informationnelles d'intérêt
gouvernemental, de documenter non seulement l'avis pour le projet en
tant que tel, mais l'avis pour une éventuelle refonte de la loi d'accès à l'information dans un contexte où je
pense qu'on va être confrontés à des situations réelles, à des situations
pratiques où nous aurons à concilier mobilité de la donnée, utilisation
de la donnée, et protection de la donnée, et protection des renseignements personnels? Donc, est-ce que ça ne
pourrait pas être un laboratoire où la Commission d'accès à l'information
pourrait faire cette analyse-là dans cet angle-là, dans la perspective de
revoir notre loi d'accès à l'information?
Mme Poitras (Diane) : Possiblement, effectivement, qu'on pourra tirer
des enseignements. J'espère qu'on n'aura pas besoin d'attendre 10 ans, qui est le délai pendant lequel le projet
de loi n° 14 est envisagé d'être en vigueur, avant d'avoir une refonte. Ceci dit, pour l'enjeu de ce que vous
appelez la mobilité de la donnée — j'imagine que vous voulez dire par là une plus grande circulation de
l'information — je pense
qu'un des défis, c'est de reproduire le principe de restriction de la
communication sans le consentement de la personne concernée, qui est un
principe essentiel qui est dans toutes les législations
en la matière, mais qu'on a traduit, dans la loi actuelle — qui date de 37 ans, il faut le
mentionner — dans une
approche d'organismes qui fonctionnent par
silo, qui ont des attributions, qui recueillent les renseignements pour leurs
besoins et les services qu'ils rendent aux citoyens. Je pense que le
gouvernement veut aller vers davantage une approche intégrée de
services, et, dans ce contexte-là, notre défi, je crois, est de repenser
comment le principe de limitation des communications
des renseignements ou de comment on peut donner le contrôle au citoyen sur ses
renseignements personnels dans cette
approche de services intégrés, et moi, je pense que c'est possible. Au lieu de
lier les restrictions de communication ou
de collecte aux attributions d'un organisme, on pourrait, je ne sais pas,
penser en termes de service qui lui est rendu, c'est une idée comme ça,
et je pense que c'est ça, notre défi.
M.
Caire : Bien, j'essaie de peut-être bien comprendre votre
pensée. Ce que vous dites, par exemple, c'est qu'un citoyen, on peut penser que son nom, son prénom,
son adresse, son numéro de téléphone, sa date de naissance, et autres, pourraient être des données d'emblée partageables.
Par contre, il y aurait des données... par
exemple sa situation fiscale, sa
situation de santé pourraient être des
données avec un accès beaucoup plus restreint. Donc, si je vous suis, on
pourrait procéder à une catégorisation de la donnée, et après ça
s'assurer que cette donnée-là, elle est... donner un niveau de restriction à l'accessibilité
en fonction de la catégorie de la donnée. Est-ce que je traduis bien votre
pensée?
Mme Poitras
(Diane) : Oui, et probablement que c'est tout à fait possible aussi de permettre au citoyen de donner
sa préférence par rapport à certaines
utilisations. Donc, ça aussi, il faut toujours penser... La protection des renseignements personnels, je rappelle, c'est une question de contrôle. Alors,
intégrer une possibilité pour le citoyen de pouvoir consentir à certaines utilisations dans la mesure où ce n'est
pas nécessaire pour un organisme d'avoir tel renseignement, mais que ça
pourrait lui être plus utile, bien, ça pourrait être permis au citoyen de
consentir à cette communication-là.
M.
Caire : Je vais
passer la parole à ma collègue. Bien, je ne sais pas, Pierre ou...
Une voix : ...
Le
Président (M. Simard) :
M. le député de Beauharnois, à vous la parole. Il vous reste sept minutes,
cher collègue.
M. Reid : Merci
beaucoup, merci. Bonjour, tout le monde. Chers collègues, bonjour. Lors de la
consultation sur la transformation
numérique du gouvernement, les citoyens se sont dits favorables à une révision des
lois et des règlements actuellement
en vigueur, notamment sur la protection des renseignements personnels. C'est un
enjeu extrêmement important. Certains ont même affirmé que c'est un
incontournable. Les lois ne sont pas adaptées à la réalité d'aujourd'hui.
Cette révision leur apparaît nécessaire pour
tirer profit des possibilités offertes par le numérique. Devant l'ampleur des
travaux à réaliser, ils suggèrent une approche agile de révision des
lois et des règlements en mettant en oeuvre des dispositions législatives qui auront des retombées rapides.
Quel est l'avis de la commission en regard de l'approche qui est suggérée?
Le Président (M. Simard) :
Mme Poitras.
Mme Poitras (Diane) :
Bien, ce que vous m'énoncez me fait penser un peu à l'approche des... je pense
que la traduction française, c'est vraiment littéral et c'est «carré de sable»,
là, ce qu'on appelle les «sandbox», c'est-à-dire de prévoir, en marge d'un cadre général, des règles particulières pour
permettre le développement de certaines technologies, et donc d'utiliser des données dans un cadre
réglementaire en marge. Je comprends que c'est ce qu'on veut faire avec le
projet de loi n° 14,
mais on réitère que... Écoutez, ça fait depuis 2011 que la commission réclame à
cor et à cri la modification du cadre
juridique actuel, et c'est beaucoup plus simple, même pour les personnes qui
ont à mettre en place ces solutions, d'avoir un cadre général unique que
d'avoir des petits cadres, comme ça, sectoriels.
M. Reid :
J'ai une autre question. Vous avez un rôle important de chien de garde à jouer
dans la protection des renseignements
personnels puis l'accès à l'information. On en parle depuis tout à l'heure,
l'arrivée des données ou du data, de
l'intelligence artificielle, en fait, le monde, aujourd'hui, évolue à vitesse
grand V, double grand V même, puis ça constitue un défi important pour l'ensemble des gouvernements, notamment pour le
gouvernement du Québec. Comment est-ce que cette transition... En fait, est-ce que vous avez un peu d'information
sur... On a parlé de meilleures pratiques d'affaires, de meilleures
pratiques, tout à l'heure. Comment ça se vit dans d'autres provinces ou dans
d'autres pays? Est-ce que vous avez un peu d'information là-dessus?
• (11 h 20) •
Mme Poitras
(Diane) : Oui, c'est selon
les niveaux d'avancement de différents pays. Pour revenir... faire le lien
un peu avec votre question précédente, par
exemple, au Royaume-Uni, ils font l'expérience des fameuses «sandbox», là,
des carrés de sable et d'autres façons de fonctionner, comme les fiducies de
données, plus par rapport au secteur privé qu'au
secteur public, je vous dirais, de manière à... parce que le défi avec les
nouvelles technologies, c'est... pour le législateur, légiférer quand
c'est nouveau, qu'on ne connaît pas trop les conséquences potentielles, ça peut
limiter notre capacité d'adopter
des lois qui couvrent l'ensemble des enjeux. Par contre, attendre trop
longtemps, bien, on se retrouve avec... il est trop tard, il y a
d'autres enjeux et d'autres conséquences.
Et, dans d'autres
provinces, ils sont confrontés aux mêmes problématiques que nous. Par exemple,
en Ontario, il y a un projet de loi qui a
été déposé pour permettre, justement, la communication de renseignements entre
les différents organismes publics,
mais eux, ils modifient la loi générale, et qui vise... pour l'évaluation de
programmes, chose qu'on peut faire
ici, là — au
Québec, notre loi a beau être vieille, au moins on peut s'échanger des
renseignements personnels pour faire
l'évaluation de programmes quand ça implique plus qu'un organisme — mais c'est un projet de loi qui vient d'être
déposé. Et je sais, pour parler à mes homologues, là, qu'on est confrontés à
ces situations-là dans d'autres juridictions, et la commission suit ce qu'il se
fait pour s'inspirer des meilleures pratiques ailleurs, d'expériences ailleurs.
M. Reid :
Puis notre modèle, par rapport à eux, il est relativement comparable, on est
plus avancés?
Mme Poitras
(Diane) : À quel modèle vous référez?
M. Reid :
Par rapport à l'Ontario, par rapport à d'autres provinces, au niveau de
l'avancement, au niveau de la législation. Il y a un projet de loi qui
est sur la table, actuellement, mais au niveau des avancées, ça ressemble à
quoi?
Mme Poitras (Diane) : Le projet de loi n° 14, je n'ai pas, à ma
connaissance, quelque chose de semblable, là, dans une autre administration.
Mais, si vous parlez de la Loi sur l'accès, c'est sûr qu'il y a beaucoup de
lois qui ont été adoptées depuis qui sont pas mal plus intéressantes.
M. Reid :
O.K., parfait. Merci.
Le Président
(M. Simard) : Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, il vous
reste 2 min 20 s.
Mme Foster :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, mesdames, pour votre exposé très, très
intéressant. Je reprends la balle au
bond de mon collègue de Beauharnois. On est en train de discuter de la loi
constitutive, qui date de 1982. Justement, je suis intéressée, moi, à savoir... Vous aviez commencé un début de
réponse en disant : Par rapport aux autres juridictions, il s'est
adopté d'autres lois plus évoluées. J'aimerais en entendre davantage là-dessus.
Mme Poitras (Diane) : Bien, la loi québécoise avec la loi
canadienne en matière d'accès sont
parmi les premières au Canada... pas
les premières, mais parmi les premières et elles n'ont pas vraiment été
modifiées en profondeur depuis. Si on restreint
la portée de votre question à la possibilité de communiquer des renseignements,
je vous dirais que, malgré son âge,
elle permet davantage de communications que d'autres plus récentes,
étonnamment. Mais par contre... D'ailleurs on a intégré, je ne me
souviens pas à quelle année, je pense, c'est en 2006, la modification à une
disposition pour permettre l'échange de...
la communication de renseignements personnels pour la prestation intégrée de
services aux citoyens. Alors, on l'oublie souvent, là, mais c'est quand
même une possibilité qui existe dans la Loi sur l'accès.
Et
c'est sûr que les lois plus récentes sont... vraiment plus récentes, là, dans
les cinq dernières années, vont être mieux adaptées au contexte
numérique, ne serait-ce que, comme je le mentionnais tout à l'heure, le fait
que l'approche de la gouvernance ou de la gestion
des renseignements personnels est faite par organisme, en fonction de ses
attributions seulement. C'est une prémisse qui se concilie difficilement
avec une approche numérique ou un contexte numérique.
Mme Foster :
Depuis plusieurs années, on en a parlé un peu tout à l'heure, là, tu sais, les
citoyens, ils expriment leur désir d'interagir avec les différents
organismes du gouvernement comme d'une seule voix...
Le Président
(M. Simard) : ...
Mme Foster :
Ah! il me reste combien de temps?
Le Président
(M. Simard) : Ah! 10 secondes.
Mme Foster :
Ah non! O.K., bon, c'est correct.
Le Président
(M. Simard) : Mais, très brièvement, allez-y, allez-y.
Mme Foster :
C'est bon. C'est ça, c'est tout.
Le Président
(M. Simard) : On se reprendra. Désolé.
Mme Foster :
Bien oui, on se reprendra. C'est tout.
Le
Président (M. Simard) : Je suis désolé, Mme la députée. M. le
député de La Pinière, à vous la parole pour une période de
11 min 40 s.
M. Barrette : Merci,
M. le Président. Alors, Me Poitras, Me Giroux-Blanchet, bienvenue. De
toutes les personnes qui sont présentes ici, c'est probablement moi qui
est la plus surprise, étonnée, abasourdie de ce que vous nous dites. Qu'est-ce qui s'est passé... Alors, bon, vous
connaissez mon passé, qui remonte à il y a très longtemps, sur la question de
l'accès à l'information. Et, comme vous le
savez, on a été en opposition, on va dire. J'ai été relativement, pas mal,
beaucoup critique de la rigidité de
la Commission d'accès à l'information. Et là je vous écoute, là, puis c'est
comme si tout allait bien puis il n'y
aura plus de problème, il n'y aura pas... Il s'est passé quoi, là? Parce que
moi, ne serait-ce que dans la dernière législature,
je n'aurais jamais pensé entendre votre discours dans l'ancienne législature.
Mais on était dans les... c'est un «work in progress», là, c'est
correct, là, mais il me semblait qu'il y avait... Qu'est-ce qui s'est passé? Je
suis étonné, agréablement, là, hein, c'est
très positif ce que je dis, mais là, écoutez, là, c'est comme s'il n'y avait
plus vraiment de frontières. Il y en
a encore, je comprends qu'il y en a, là, vous l'avez dit, là, mais mettons que
vous avez assoupli votre position de façon spectaculaire. Qu'est-ce qui
se passe, là?
Mme Poitras
(Diane) : En fait, si vous référez à vos fonctions à titre de
ministre de la Santé...
M. Barrette :
Oui, et avant, là, tu sais.
Mme Poitras
(Diane) : Et avant? O.K.
M. Barrette :
Je vous rappelle juste qu'il fut un temps où il fallait avoir le consentement
pour passer, dans le CHUM, d'un pavillon à
l'autre, des renseignements, là. C'est arrivé, ça. Ça fait longtemps, mais
c'est arrivé. On ne parle pas du CHUM
d'aujourd'hui, là, on parle du CHUM lorsqu'il était embryonnaire, donc on parle d'il y a 20 ans. Alors, je
dis simplement que ce que j'entends aujourd'hui, c'est parfait, là, je suis
très heureux de ça, mais je suis très étonné.
Une voix :
...
Mme Poitras
(Diane) : En fait, dans le domaine... pour les renseignements
de santé...
M. Barrette : Non, madame, ne répondez surtout pas aux
commentaires du ministre, qui vient de dire que c'est parce qu'il
est beau bonhomme. Ça, ce serait exagéré.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Le Président
(M. Simard) : Si peu, si peu.
Mme Poitras (Diane) : En fait, je vous dirais qu'il y a une
problématique particulière pour les renseignements de santé. Dans le domaine de la santé, ce n'est pas
la Loi sur l'accès, comme vous le savez, il y a des régimes particuliers.
Alors, que ce soit la Loi sur les
services de santé et services sociaux, qui s'applique aux renseignements
détenus par les établissements de
santé, ou que ce soit la Loi sur l'assurance maladie, qui vient restreindre de
façon importante l'utilisation et la communication de renseignements qui
sont détenus par la RAMQ plus que la Loi sur l'accès, et je pense que c'est...
la commission, ce n'est pas... La commission doit appliquer la loi telle
qu'elle existe, alors si ces lois-là ne permettent pas certaines communications, c'est difficile pour elle
d'aller au-delà de ce que prévoit la loi.
M. Barrette :
Dans toutes les fonctions — puis je vous le dis avec respect, là — précédentes que j'ai occupées, les gens qui m'arrêtaient étaient la Commission
d'accès à l'information. Et ce n'est pas une critique, je comprends qu'ils
avaient un travail à faire, mais c'était la Commission d'accès à
l'information qui m'arrêtait.
Maintenant,
je vais prendre, pour bien vous comprendre, là... parce que moi, là, je pense
que le nerf de la guerre, là, le noeud va toujours être le consentement du
citoyen, toujours. C'est l'élément... c'est le noeud plus que gordien, là,
c'est le noeud. Alors là, vous, là,
avec ce que j'entends du discours du ministre et de votre discours... puis je
le dis positivement, là, je suis
content d'entendre ce que j'entends. Maintenant, je vais prendre quelques cas
de figure, là, pour voir si ça se fait. Alors, dans la circulation des données, on parle de circulation de données
de différents ministères qui, comme vous le savez, sont en silo. Alors, ça, ça veut dire que demain,
la chose que je ne pouvais pas faire précédemment, je vais pouvoir la faire, par exemple comparer des données RAMQ avec des
données Revenu Québec pour faire des liens par l'INSPQ, par exemple...
Là, on est dans le gouvernement, là, on n'est pas à l'extérieur, parce que moi,
je vois deux enjeux. Il y a l'enjeu du projet de loi n° 14, qui, par
définition, vise une circulation intragouvernementale et organismes de
l'information, ce qui, en soi, si
c'est vraiment libéralisé, est une première, ça, c'est une révolution — je ne l'ai pas dit, je vais demander qu'on
efface ce bout-là, là, pour le mémoire, ça va me revenir...
Une voix :
...
M. Barrette :
...c'est ça — et
il y a l'enjeu de la circulation à l'extérieur. Là, je m'adresse à l'intérieur.
Donc, moi, là, l'enjeu du consentement et l'enjeu de la Commission
d'accès à l'information vont pouvoir
permettre, par exemple, à
l'INSPQ de faire ce qu'il n'a jamais été capable de faire, mettre en lien des
données économiques avec des données sociales et médicales. Ça, c'est les données, là, de la RAMQ avec Revenu Québec, là. Ça, c'est le fantasme de tous ceux qui font de l'analyse sociopolitique de grands enjeux pour lesquels un
gouvernement doit prendre des décisions, puis là vous me dites que ça,
ça va être faisable?
Mme Poitras
(Diane) : Je vous ramène à mon propos de «ça serait le fun
d'avoir un cadre général», parce que l'exemple que vous me donnez, c'est trois
lois différentes : la Loi sur l'administration fiscale...
M. Barrette : Et c'est pour ça qu'on est ici, Me Poitras,
là, parce que le projet
de loi est présenté, jusqu'à il y a 30
secondes, comme étant le nirvana de la circulation intragouvernementale, et là
je sens que vous allez me dire qu'il
y a des nuages au nirvana.
Mme Poitras
(Diane) : Bien, en fait, je
vous ai dit qu'il y a plusieurs mesures d'atténuation. Alors, premièrement, il faudrait que ce soit dans le cadre d'un projet déclaré
d'intérêt gouvernemental, un, en ressources informationnelles. Deuxièmement, il faudrait qu'on écarte, le cas échéant... comme je vous ai dit, là,
vous me parlez de trois régimes particuliers : la Loi sur l'accès,
le régime plus particulier, qui est pour les données de Revenu Québec...
• (11 h 30) •
M. Barrette :
...Me Poitras, je le sais que je touche à trois affaires, là, je fais
exprès. Je ne veux pas vous piéger, là, je veux comprendre, parce que la
manière que c'est présenté, là, on vient de régler le problème qu'on veut tous
régler quand on est au gouvernement, et je
prends un cas de figure spécifique à dessein. Ça va-tu se faire, ça, ou ça ne
se fera pas? Si ça ne se fera pas,
c'est ça que j'aimerais savoir. Là, vous avez dit : C'est à cause des
trois lois, mais ça se fait-u, là, ce que je dis? C'est un cas simple,
là.
L'INSPQ, là, ils sont dans le gouvernement, ils
sont indépendants, c'est des chercheurs, c'est tout du monde académique, là,
puis ce monde-là, là, normalement, là... un des éléments, là, les déterminants
de la santé, là, bien, les déterminants de
la santé, il faut mettre dans l'équation la santé et les déterminants, dont un
des déterminants, c'est la situation socioéconomique
de la personne, donc l'adresse, le quartier, le revenu, tata, tata. Je prends un exemple simple, là, demain matin, là, il y a du monde dans Hochelaga-Maisonneuve puis dans Limoilou, parce que
ça se gentrifie, qui ne tombe pas dans
la même catégorie. Puis, quand on a à gérer ça, bien, on voit
des... Tu sais, le fait de la transformation de la société,
ça rend problématiques certaines
analyses. Alors là, je comprends qu'il
y a encore un obstacle, c'est ce que
vous me dites, là.
Mme Poitras (Diane) :
Je ne vous ai pas dit qu'il y a un obstacle, je vous dis...
M. Barrette : Non, mais vous
alliez peut-être me dire ça.
Mme Poitras
(Diane) : Non, mais, si vous me permettez, je vous explique. Je vous disais que l'exemple que vous me donniez, ça va dans le sens qu'on
dit : Si on avait un cadre général qui s'applique plutôt qu'un paquet de dispositions particulières, ce serait beaucoup
plus simple à gérer, un. Deuxièmement, il y a aussi, comme je l'ai mentionné, des techniques qui nous permettent de... Et les autres provinces, par exemple
l'Ontario, c'est ce qu'ils font. Pour faire ce genre de chose là, ils vont obliger d'anonymiser les jeux de données
pour réaliser les études. C'est possible de le faire. C'est une excellente
façon, une excellente approche qui permet
d'atteindre l'objectif que vous visez tout en assurant la protection des
renseignements personnels.
M. Barrette : Alors, qu'est-ce
qui manque aujourd'hui pour qu'il y ait une circulation fluide des données?
Mme Poitras (Diane) : Comme je vous l'ai mentionné, réviser le cadre global. Parce
que, si on...
M. Barrette : Donc, quand vous
dites le cadre, là, vous faites référence à la loi comme telle.
Mme Poitras
(Diane) : La Loi sur
l'accès, la Loi sur l'assurance maladie et tous les régimes sectoriels. On
peut-u regarder la forêt dans son ensemble et essayer d'en faire un
cadre cohérent qui convient à l'ensemble de la société?
M. Barrette : Alors, comme la
forêt va continuer d'exister, il y aura encore des autorisations à demander.
Mme Poitras (Diane) :
Oui.
M. Barrette : Oui, parce que,
dans la loi, de toute façon, il faut qu'il y ait... il faut définir la portée
du projet. Il y a quand même un consentement
administratif, on va dire, on va appeler ça comme ça, là, il y a une
autorisation à demander quand même. O.K. Puis donc la question pourrait
se poser, pourquoi qu'on est... Vous êtes à la Commission d'accès à l'information. La Commission d'accès à
l'information, aujourd'hui, est-elle positivement réceptive à ça ou
négativement réceptive?
Mme Poitras (Diane) :
Qu'est-ce que vous voulez dire par ça?
M. Barrette : À une révision du
cadre global qui implique un changement de la loi.
Mme Poitras (Diane) :
Oui, on le crie à cor et à cri depuis 2011.
M. Barrette :
C'est drôle, là, parce que moi, j'ai toujours senti, là, puis c'est peut-être
une mauvaise perception de ma part, que la Commission d'accès était
assez rébarbative à ça.
Mme Poitras (Diane) : Pour modifier de
cadre juridique?
M. Barrette :
Oui.
Mme Poitras
(Diane) : Je suis désolée que vous ayez compris ça. Ça fait
depuis 2011 que...
M. Barrette :
Bien, je suis désolé moi-même aussi. Bien, je vous remercie de l'information.
Je vais passer la parole à ma collègue députée de Saint-Laurent.
Le Président
(M. Simard) : Madame, il vous reste 2 min 30 s.
Mme Rizqy :
Dites-moi, tantôt on a parlé de l'intérêt gouvernemental. C'est quoi pour vous,
l'intérêt gouvernemental?
Mme Poitras
(Diane) : Oh! c'est une grande question.
Mme Rizqy :
Parce que, tantôt, vous avez dit que, s'il y avait de l'intérêt gouvernemental,
c'est correct, mais ma compréhension en lecture, autant de l'article...
dans la loi n° 135 que maintenant, ça laisse assez
flou, non?
Mme Poitras (Diane) : Tout à fait, c'est une des imprécisions du projet
auxquelles je référais. La notion de «projet d'intérêt gouvernemental» n'est pas définie dans le projet de loi n° 14 ni dans la loi à laquelle elle réfère. On n'a pas de critère,
et pour nous, c'est un des éléments d'imprécision auquel on référait.
Mme Rizqy :
Merci. Tantôt, vous avez aussi parlé du «sandbox», vous avez fait référence à
l'Angleterre. Vous êtes bien au fait
qu'en Union européenne ainsi en Angleterre il y a eu plusieurs fuites de
données personnelles et qu'il y a aussi une commission qui enquête, présentement, comment bien gérer
l'information des citoyens. Je vous lis un passage qui vient du G29, Union européenne : «En règle
générale, les données personnelles ne peuvent être utilisées sans une transparence
totale sur la manière dont elles sont utilisées et avec qui elles sont
partagées. Il s'agit donc d'une allégation très grave qui a des conséquences
profondes sur les droits des personnes en matière de protection des données
[...] sur le processus démocratique.» En
d'autres mots, c'est que, d'une part, oui, des agences gouvernementales peuvent
transférer des données, mais, d'autre
part, le citoyen doit savoir, effectivement, où est rendue sa donnée. Est-ce
que vous allez dans le même sens que l'Union européenne là-dessus?
Mme Poitras (Diane) : Oui, en fait, le passage que vous référez réfère
à la suffisance du consentement et sa clarté. On le sait, hein, on a tous des applications. On sait que, dans le
secteur privé, ce n'est pas toujours le cas. C'est entre autres ce que mon collègue du fédéral a reproché à
Facebook. Je crois que le gouvernement devrait être un leader et devrait être
exemplaire dans sa façon de concevoir des consentements compréhensibles pour le
citoyen.
Mme Rizqy :
Mais ma compréhension, c'est que non seulement ça prend un consentement, mais
par la suite le citoyen doit être en mesure de savoir où est rendue sa
donnée et que, si, par exemple, on a quelque chose, un dossier de la SAAQ qui est transféré à Revenu Québec, le
citoyen doit savoir que peut-être qu'en ce moment il y a peut-être une
enquête sur lui qui se passe à Revenu Québec et d'être alerté, là.
Le Président
(M. Simard) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Poitras (Diane) : En fait, le consentement doit permettre de
connaître l'ensemble des utilisations des communications qui auront lieu
au sujet de ses informations personnelles.
Mme Rizqy :
...honnêtement, j'aurais bien aimé entendre l'historique sur le droit de la
protection des données parce que c'est...
je l'ai manqué dans le mémoire, mais j'imagine que vous l'avez souvent écrit
dans d'autres mémoires précédents.
Le Président
(M. Simard) : Merci beaucoup. M. le député de Rosemont, pour une
période de 2 min 55 s.
M. Marissal :
Oui. Bonjour. Bonjour, mesdames. Me Poitras, si vous pouviez répondre
rapidement, je vais essayer de
couvrir les trois questions que j'ai. Pourquoi c'est si long? Ça fait 25 ans au
moins, là, qu'on parle de la révision de la loi, pourquoi c'est si
long... du cadre, en fait, là, de l'accès de l'information.
Mme Poitras (Diane) : Je ne suis pas sûre que c'est à nous qu'il faut
demander. Nous, en tout cas, depuis 2011, on le mentionne que ça fait... c'est une loi qui a été adoptée à une autre
époque. 37 ans, dans le domaine numérique, c'est énorme, c'est à une
autre époque.
M. Marissal :
O.K. Je vais vous poser la question autrement. Est-ce que, selon vous, c'est
une priorité des gouvernements, dont celui-ci et les précédents?
Mme Poitras
(Diane) : Je ne peux pas me
prononcer à savoir si c'est une priorité gouvernementale. Je le souhaite
ardemment que ce soit une priorité du gouvernement actuel.
M. Marissal : O.K.
Vous dites vous-même, dans votre mémoire qui... vous invitez les parlementaires
à éviter de légiférer à la pièce.
Est-ce que ce n'est pas exactement ce à quoi on sera condamnés, puisque le
cadre qui devrait... ou même le
parapluie, là, qui devrait être au-dessus de tout cela, n'est pas révisé? Et
vous, vous serez appelés régulièrement à donner votre avis. Ma question, elle est simple : Est-ce que vous avez, a,
les ressources, carrément, là, les ressources, là, pour faire ce travail-là?
Est-ce que vous avez le cadre pour faire ce travail-là? Est-ce que vous avez le
moyen de vos devoirs, puisque vous serez mis à contribution à chaque
fois qu'il y aura un projet d'intérêt gouvernemental?
Mme Poitras
(Diane) : Je suis contente que vous me posiez la question parce
qu'effectivement, comme je l'ai mentionné à
l'étude des crédits, l'enjeu, les enjeux, en ce moment, sont en protection des
renseignements personnels, et clairement
nous avons besoin de nouvelles ressources pour effectuer de la veille sur les
meilleures pratiques qui se font ailleurs et pour être capables de
relever les défis que nous présentent les différents projets, par exemple en
ressources informationnelles, qui vont voir le jour.
M. Marissal :
Si vous n'avez pas le cadre, et que vous manquez de ressources, puis qu'on le
fait de façon un peu précipitée — enfin, ça, c'est moi qui le dis — est-ce
que vous ne craignez pas que votre organisation, là... Le collègue tout à
l'heure, je ne sais plus lequel, parlait de chien de garde. Effectivement, là,
votre organisation est un des chiens de garde
de la démocratie et du gouvernement. Est-ce que vous ne craignez pas, à ce
moment-là, que vous deveniez tout
simplement, à votre corps défendant, un «rubber stamp» pour passer rapidement
les projets du gouvernement?
Mme Poitras (Diane) : Ce n'est jamais l'approche qu'a prise la
commission, et on n'a pas l'intention d'être, comme vous le mentionnez, un «rubber stamp». On va
s'efforcer de relever les défis qui nous attendent, mais c'est sûr que nous...
en tout cas, moi, j'ai l'intention de bien
évaluer les ressources supplémentaires que ça nous prendrait, pas juste pour ce
projet de loi là, là, je parle de façon
générale, pour la protection des renseignements personnels. C'est clair que
nous avons des défis à relever et nous avons besoin davantage de
ressources.
Le Président
(M. Simard) : Très bien, merci. M. le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames. Question assez
succincte : Est-ce que la commission est au fait de la situation
qui a été soulevée par l'Association québécoise des technologies concernant la
réidentification des données?
Mme Poitras (Diane) : C'est un enjeu important quand on parle
d'utiliser des données anonymisées. Effectivement, l'un des risques est
la possibilité... Je ne connais le mémoire auquel vous référez, je n'ai pas eu
la chance d'en prendre connaissance encore, mais effectivement c'est un enjeu
qui existe à travers le monde, et il existe différentes méthodes pour évaluer le risque de réidentification. On a
des chercheurs émérites, qui sont invités partout à travers le monde, qui
sont au Canada même. Et donc c'est un des
défis, quand on veut utiliser des jeux de données anonymisées, de nous assurer
que, selon l'utilisation, selon avec quelles
autres données ils sont utilisés ou comparés, on n'arrive pas identifier
certains individus.
M. Ouellet : Est-ce qu'on devrait l'interdire, la réidentification, dans le projet
de loi en question? Est-ce qu'on devrait légiférer en cette matière,
selon vous?
Mme Poitras (Diane) : En fait, on devrait associer, à chaque fois qu'on
parle de... Si on a une obligation d'utiliser des données anonymisées, ce qui n'est pas encore dans le projet de loi,
oui, son pendant, ce serait soit par législation ou par réglementation. Dans le
domaine de la recherche, ça se fait par contrat ou engagement de
confidentialité. Mais, oui, ça devrait aller de pair.
• (11 h 40) •
M. Ouellet : Dites-moi, qu'est-ce que pense la commission sur la possibilité pour un
citoyen de pouvoir réclamer l'ensemble de ses données que posséderait un maître
d'oeuvre à son propos? Est-ce que
c'est une bonne chose?
Mme Poitras (Diane) : C'est un droit qui est actuellement garanti par la Loi sur l'accès et qui devrait demeurer, effectivement.
M. Ouellet :
...demeurer.
Mme Poitras
(Diane) : Tout à fait.
Le
Président (M. Simard) :
C'est beau? Merci beaucoup, M. le
député de René-Lévesque. Alors, Me Giroux-Blanchet, Me Poitras, merci beaucoup
pour la qualité de votre exposé ainsi que la qualité de nos échanges.
Sur ce, je suspends
nos travaux jusqu'après les affaires courantes cet après-midi. Au revoir.
(Suspension de la séance à
11 h 41)
(Reprise à 15 h 48)
Le Président (M. Simard) : Très
bien. À l'ordre, chers collègues! À l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup.
Alors, nous
poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi n° 14, Loi favorisant la transformation numérique de
l'administration publique.
Cet
après-midi, nous entendrons le Syndicat des professionnelles et professionnels
du gouvernement du Québec et l'Observatoire de gouvernance des
technologies de l'information.
Chers amis,
chers invités, vous êtes les bienvenus. Vous avez une période de
10 minutes qui vous est allouée. J'aimerais d'abord que vous
puissiez d'abord vous présenter.
Syndicat
de professionnelles et professionnels
du gouvernement du Québec (SPGQ)
M. Perron
(Richard) : Bonjour, Mmes,
MM. les députés et membres de la Commission des finances publiques, M. le
ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale, mesdames et
messieurs, les membres du SPGQ affectés à la bonne marche de la
Commission des finances publiques et des travaux parlementaires en général que
l'on représente et qui travaillent ici pour notre démocratie parlementaire.
Merci pour cette invitation.
Je suis
Richard Perron, président du Syndicat des professionnelles et
professionnels du gouvernement du Québec. Je suis accompagné de Mme Nathalie Côté, conseillère en
communications, et de M. Marc Dean, conseiller à la recherche au SPGQ. Nous représentons le SPGQ, qui est le
plus grand syndicat de personnel professionnel du Québec et, je pense, même au Canada. Créé en 1968, il représente
quelque 27 000 spécialistes, dont environ 19 000 dans la
fonction publique, 5 000 à l'Agence de revenu du Québec et 2 300
dans le secteur de la santé et de l'éducation et dans les sociétés d'État.
• (15 h 50) •
Donc, comme je l'ai fait d'emblée, on tient à vous
remercier pour cette invitation, mais je dois vous dire qu'on aurait apprécié avoir été invités plus tôt et non à
quelques jours seulement de la date limite de l'avis parce que nous, on
consulte les quelque 8 000 analystes en procédés informatiques, qu'on
représente au sein de l'État québécois. Ces 8 000 spécialistes, ou en tout cas certains d'entre eux, aimeraient
bien pouvoir s'exprimer sur la place publique, mais ils ne peuvent pas le faire
à cause du devoir de réserve, et le cas
Louis Robert nous a rappelé les représailles dont on peut faire l'objet avec
l'élargissement de ce devoir de réserve. Donc, on a besoin de gens pour
consulter nos membres. En fait, on aurait apprécié, comme les gouvernements précédents l'ont fait, avoir été
consultés avant qu'on lance le projet de loi. On préfère discuter avec les
ministres avant que le projet de loi
soit déposé plutôt qu'en commission parlementaire parce que, justement, on
représente les 8 000 analystes en procédés informatiques du
gouvernement, qui ne peuvent pas parler sur la place publique.
Nous
apprécions d'emblée que le ministre ait promis de préserver l'expertise du
gouvernement en matière d'infonuagique afin de ne pas se retrouver à la
merci des sous-traitants. C'est tout à son honneur, et ça correspond à ce qu'il a dit pendant les années où il était dans
l'opposition et où on était très attentifs à ses savants propos, lui qui a même
travaillé dans ce secteur au niveau des
contrats gouvernementaux, il savait de quoi il parlait. Mais nous, on pense que
ce n'est pas en confiant 80 % de nos données personnelles au privé
qu'on va répondre à cet objectif. En fait, de confier à l'entreprise privée autant d'informations sur les citoyennes et citoyens
en indispose plusieurs, dont nos membres. Se pose entre autres le problème du contrôle des données
et de la propriété des renseignements. Si vos données sont stockées dans
un autre pays avec des lois différentes des
vôtres, comment garder le contrôle? Comment s'assurer du traitement sécuritaire
des données? Comment exiger des employés en technologies de l'information
étrangers une habilitation de sécurité? Il y a donc intérêt évident à ce que
les données gouvernementales soient stockées chez nous.
Le
gouvernement doit affirmer sa souveraineté technologique. Aux États-Unis, par
exemple, il y a deux lois qui touchent les renseignements personnels qui
ont des portées extraterritoriales : le PATRIOT Act et le CLOUD Act. Les entreprises américaines sont soumises à ces lois
même à l'extérieur des États-Unis. Ces lois permettent au gouvernement
des États-Unis d'exiger d'une entreprise américaine de fournir les données
qu'il veut.
Il y a le cas de la Suède qui est assez
éloquent. La Suède a fait face à une brèche potentielle de sa sécurité de traitement des renseignements personnels et
sensibles parce qu'il l'avait confié au privé. Le problème est resté caché du
public pendant 18 mois avant que les médias ne s'en saisissent. Cet événement a
forcé la démission de deux ministres, celui
de l'Intérieur et celle des Infrastructures. Le premier ministre suédois a
affirmé que cet incident était un désastre pour la Suède et qu'il a exposé
inutilement les citoyens à un risque de fuite de renseignements personnels. Les
médias ont rapporté que des
informations médicales confidentielles ont été traitées par des travailleurs
localisés à l'extérieur du territoire suédois qui n'avaient obtenu aucune
habilitation de sécurité de la part du gouvernement suédois. Le plus troublant
dans cette histoire est que non
seulement l'agence a confié à l'étranger l'ensemble de sa base de données sur
les permis de conduire sans exigence de
sécurité, mais également de l'information sur des agents de services de
renseignement, de la police, de l'armée, notamment l'inventaire des
véhicules leur appartenant.
Dans un éditorial du 31 juillet 2017 dans la
foulée de l'affaire, The Guardian affirme que les
gouvernements oublient, à leurs risques et
périls, qu'ils doivent à présent et dorénavant protéger les données de leurs citoyens
avec autant de soin que leur sécurité
physique. L'histoire survenue en Suède démontre que l'intégrité de l'identité
personnelle est fragile et vulnérable
maintenant qu'à peu près toute l'information à propos d'à peu près tout le
monde est enregistrée quelque part sur
une banque de données. En fait, la protection des données personnelles des
citoyens est désormais l'une des tâches que tout État moderne doit
accomplir lui-même.
Il y a le Vérificateur général du Québec qui
s'est prononcé sur l'interne et l'externe, hein, le recours au privé. En 2012, en 2014, en 2015, en 2018, le
Vérificateur général du Québec a dénoncé le recours important du gouvernement
aux ressources externes et à la sous-traitance en
technologies de l'information, particulièrement dans les fonctions stratégiques. Quelques extraits du rapport de
2018, il disait : «En 2015, nous — le vérificateur — avions relevé un recours important aux ressources externes en technologies
de l'information. Les observations portant sur cet enjeu n'étaient pas
nouvelles. Dans la dernière décennie, trois rapports du Vérificateur général
avaient traité de cet enjeu.
«De même, nous avions déjà exprimé dans ces
rapports nos préoccupations à l'égard des fonctions stratégiques confiées à des ressources externes, situation qui
était toujours présente en 2015. En fait, les ministères et [...] organismes
avaient encore recours au secteur privé pour combler des besoins pour des
activités de niveau stratégique.»
Autre extrait : «Les entités ont accompli
des actions permettant de renforcer leur expertise en technologies de l'information. Toutefois, elles doivent demeurer
vigilantes, notamment parce que les défis de recrutement et de rétention
du personnel ayant l'expérience et les compétences nécessaires dans ce domaine
demeurent encore bien présents.
«[...]Des
effectifs ont été autorisés [par le Conseil du trésor] depuis juin 2016 pour
diminuer le recours aux ressources externes
et reprendre la maîtrise des fonctions stratégiques. Toutefois — c'est le Vérificateur général qui
parle — nous ne
pourrons considérer les progrès
satisfaisants d'un point de vue gouvernemental, tant que le Secrétariat du
Conseil du trésor ne sera pas parvenu
à mettre en oeuvre une politique gouvernementale de main-d'oeuvre en
technologies de l'information et
qu'il n'aura pas un portrait suffisamment complet lui permettant de suivre et
d'apprécier dans quelle mesure les ministères et organismes détiennent
les compétences nécessaires pour mener à terme leur mission.»
Maintenant,
plus précisément sur l'infonuagique, le gouvernement du Québec pourrait-il
choisir de créer un système d'infonuagique en faisant appel à son
expertise interne et en la consolidant? L'idée de réduire le nombre de centres
de traitement informatique est bonne, c'est une bonne idée. Assurer la sécurité
de 457 centres est une tâche gargantuesque, peut-on
le faire avec l'expertise interne? Actuellement, la rémunération des experts en
technologies de l'information du gouvernement
du Québec n'est pas concurrentielle avec le secteur privé et les autres
secteurs publics — fédéral,
municipal, sociétés d'État,
universités, etc. Le premier ministre Legault l'a d'ailleurs souligné devant
les municipalités, peut-être pour les
encourager à baisser les salaires de leurs employés, mais ce qu'il faut faire,
c'est plutôt investir dans les employés, les experts de l'État québécois. Je me souviens, moi, encore comme si
c'était hier, quand le dossier Bordel informatique est sorti dans
les médias, première page ou la page entière, Journal de Québec, Journal
de Montréal, 1 milliard donné en sous-traitance, le Québec était scandalisé. Je me souviens de
M. Caire, qui était sorti en point de presse impromptu pour dire à M. Coiteux, qui était au Conseil du
trésor : «Il est temps de donner des salaires concurrentiels pour aller
chercher les experts dont on a besoin. Arrêtez ces négociations-là de 1 %
par année puis de 0 % par année, il faut donner des salaires aux prix du marché.» Bien, ces paroles-là ont été
bien retenues puis ont fait en sorte qu'on s'entendait très bien avec M. Caire.
Maintenant,
nous, on croit que, comme à Revenu Québec... parce que Revenu Québec a été
capable de démontrer... hein, ils avaient plusieurs centres, ils ont
modernisé, si on veut, le stockage des données privées — et
Dieu sait qu'à Revenu Québec c'est
important, les données privées, nos données privées à nous, les citoyens — bien, ils ont réussi à en mettre un en place, un centre de traitement de
l'information, pour 25 millions de dollars. Donc, nous, on remet en question
le chiffre de 275 millions de dollars
d'investissements que ça prendrait pour faire la job nous-mêmes. Il est temps
qu'au Québec on affirme notre
souveraineté technologique, on ne livre pas nos données informatiques aux mains
d'entités privées qui pourront en
faire ce qu'elles en voudront, qui pourront d'ailleurs faire exploser les
coûts, ce qui explique l'importance du bordel informatique, hein? On a
déjà joué dans ce film-là, on peut rejouer encore dedans. Il est temps de voir
nos infrastructures en informatique non pas
comme des dépenses, mais comme un investissement pour protéger les données de
nos citoyens. Il faut absolument que le
gouvernement corrige le tir et encourage le développement de l'expertise
interne en augmentant les salaires et en permettant de rapatrier
l'expertise interne. C'est en fermant le robinet de la sous-traitance qu'on va rendre disponible la main-d'oeuvre et
qu'on va faire en sorte qu'on sera capables d'investir là où il le faut, comme
le ministre l'a tant répété quand il était dans l'opposition. On l'invite
maintenant à le refaire. Merci.
Le Président (M. Simard) :
Bien, je vous remercie beaucoup, M. Perron. Alors, je nous invite tous,
pour notre gouverne personnelle, à
s'adresser aux parlementaires avec leur titre et non pas avec leur nom. Cette
précision étant faite, M. le ministre, à vous la parole pour une période
de 16 minutes.
M.
Caire : Non, sept.
Le Président (M. Simard) : Oh!
pardon, sept, excusez-moi. Là, j'étais un peu trop généreux, hein?
M.
Caire : C'est
gentil. Non, mais c'est compte tenu du temps, M. le Président.
Le
Président (M. Simard) : Une chance que j'ai ma secrétaire. Que
serais-je sans elle? Sept minutes, cher collègue.
M.
Caire :
Ceci étant, M. le Président, je pense qu'en sept minutes on devrait être
capables de faire le tour de la question,
parce que j'ai entendu parler de formation de la main-d'oeuvre, j'ai entendu
parler de sous-traitance, j'ai entendu parler d'augmentations de salaire, j'ai
entendu parler de cas de la Suède, en fait la seule chose dont je n'ai pas
entendu parler, je n'ai pas entendu
un traître mot, c'est le projet de loi n° 14. Donc, est-ce que
vous avez quelque chose à nous dire sur le projet de loi n° 14?
M. Perron (Richard) :
Bien oui. Moi, je prenais pour acquis que tout le monde l'avait lu ici, mais...
• (16 heures) •
M.
Caire : Le projet
de loi n° 14?
M. Perron (Richard) : Le projet de loi n° 14,
évidemment, j'étais à la même émission que
vous à Radio-Canada quand vous avez évoqué l'idée, c'est que
le projet de loi n° 14 fait ce que vous avez exprimé comme intention de
faire, c'est-à-dire de donner à contrat le stockage de 80 % de nos données
personnelles et...
M.
Caire : M. le
Président, M. le Président, M. le Président...
Le Président (M. Simard) : Je
vous en prie, M. le ministre.
M.
Caire :
...c'est parce que je suis obligé de rappeler M. Perron à l'ordre. Le
projet de loi n° 14 fait en sorte que, par décret, le gouvernement du Québec va permettre la communication de
renseignements entre deux entités gouvernementales. Sérieusement, là, je comprends que le cannabis est
légal, là, mais je ne vois vraiment pas le lien avec la consolidation des
CTI, là. Sérieusement, je ne vois absolument pas le lien.
Des voix : ...
Le Président (M. Simard) : Bon,
là... Alors, je...
M. Perron (Richard) :
Excusez-moi, M. Caire...
Le Président (M. Simard) : Oui,
d'accord, mais...
M. Perron (Richard) :
...remarque est un peu inappropriée...
Le Président (M. Simard) : Bon,
non, écoutez, je...
Des voix : ...
Le
Président (M. Simard) : Bon, à l'ordre, s'il vous plaît! Je nous
invite tous à la plus grande des prudences dans nos propos. Jusqu'à
présent, nos délibérations vont très bien. J'ai pour habitude d'être le plus
large possible, là, dans l'interprétation de
nos règlements pour qu'on puisse avoir les débats les plus, parfois, vifs
possible. Après tout, on est au Parlement,
on est ici pour débattre. Mais il ne faut pas oublier que ce débat, de part et
d'autre, doit se faire, sur le fond comme sur la forme, dans le respect
le plus complet. Alors, M. le ministre, je vous invite à poursuivre, s'il
vous plaît.
M.
Caire :
Bien, M. le Président, moi, je suis prêt à écouter les recommandations des gens
qui vont venir nous parler du projet de loi n° 14, mais d'affirmer
que le projet de loi n° 14 est une prémisse à la consolidation des CTI,
c'est faux. Il n'y a aucun lien entre les
deux. Le programme de consolidation des CTI peut aller de l'avant sans que le
projet de loi n° 14 soit adopté.
Par contre, Accès uniQc, lui, a besoin du projet de loi n° 14
parce que c'est un projet à portée gouvernementale qui va nécessiter la transmission d'information
entre différentes entités du gouvernement et que la loi d'accès à l'information
actuellement ne permet pas.
Donc, de
faire un lien entre les deux, c'est... puis je le dis... bon, je vais
effectivement, peut-être, corriger le tir au niveau des mots qui sont utilisés
et je présente mes excuses aux gens qui viennent nous rencontrer, mais il n'y a
aucun lien, aucun lien entre le
projet de consolidation des CTI et le projet de loi n° 14. Il n'y a aucun
lien entre l'augmentation de salaire présumée,
qui fera l'objet d'une négociation, éventuellement, avec le Conseil du trésor,
entre les employés de l'État et le projet de loi n° 14.
Alors, si on
a bien lu — et je
suis convaincu que M. Perron et ceux qui l'accompagnent l'ont bien
lu — le
projet de loi n° 14, il s'agit
de permettre de façon temporaire, je dirais, à deux ou plusieurs entités du
gouvernement de s'échanger de
l'information — il ne
fait que ça, le projet de loi n° 14 — et de revoir le régime des protections pour
s'assurer que, dans cet échange d'information
là, on respecte les données et les renseignements personnels des concitoyens
qui sont utilisés dans le cas où on va développer des projets en
ressources informationnelles.
Donc, la
consolidation des CTI, ça n'a rien à voir, là. Alors, je repose ma
question : Sur le projet de loi n° 14, est-ce que vous avez des
commentaires, des suggestions, des remarques? Moi, je vais être très ouvert à
les écouter, mais sur le projet de loi n° 14.
M. Perron
(Richard) : Bien, écoutez,
nous, ce qui a été considéré par ceux qui ont analysé le projet de loi — parce qu'on l'a eu à la dernière minute, comme je vous disais tout à l'heure,
on a eu peu de temps pour consulter — c'est que c'était une prémisse aux intentions politiques que vous avez exprimées
de confier 80 % des données. Tant mieux si vous avez changé d'avis. Nous, on a pris pour acquis
que ce que vous aviez dit à ce sujet il y a quelques semaines, sinon quelques
mois, quelques semaines, bien, faisait
partie du plan de match de vos réformes et de commencer à pouvoir faire bouger
les données informatiques pour mettre en application... Mais, si vous me
dites maintenant que l'intention que vous aviez exprimée de confier 80 % de nos données privées dans des centres de
traitement informatique regroupés, que vous remettez ça en question, bien, on va être très heureux de
l'apprendre, on va être très heureux de l'apprendre parce que c'est ça,
vraiment, nous, qui nous inquiète.
Que les ministères puissent s'échanger de l'information, c'est une chose, mais,
si on le fait dans le but de pouvoir mieux préparer le délestage de 80 %
de notre stockage vers des compagnies informatiques privées, c'est là
que c'est inquiétant, et c'est ça qui nous inquiète.
Le Président
(M. Simard) : M. le ministre.
M.
Caire :
Bien, M. le Président, ce que je vais dire à M. Perron et aux gens qui
l'accompagnent, c'est qu'il n'y a aucun
lien. Nous maintenons le cap sur le projet de consolidation des CTI, nous
sommes en appel de qualification pour le stockage de données et nous continuons par rapport à ce que nous avons
annoncé, mais le projet de loi n° 14 n'est ni une prémisse ni une nécessité. Le projet de loi n° 14,
il est là pour permettre de faire des projets de ressources informationnelles
à portée gouvernementale pour faire en sorte
que deux ou plusieurs entités du gouvernement puissent échanger des données.
Donc, la façon de stocker des données, c'est
une chose, notre possibilité de rendre la donnée mobile dans des projets de
ressources informationnelles, c'en est une autre, ce sont deux univers
parallèles qui ne se rencontreront jamais. Donc, nous allons de l'avant avec la consolidation des CTI, mais nous avons
besoin du projet de loi n° 14 pour développer des futurs projets
d'intérêt gouvernemental comme le projet Accès uniQc. Donc, c'est deux choses
complètement séparées.
Mais moi, je
suis tout à fait d'accord pour discuter avec vous aujourd'hui du projet de loi n° 14, mais, je veux dire, on
n'aura pas des discussions sur une annonce qui a été faite par le gouvernement,
qui va de l'avant, qui continue à aller de l'avant, mais qui n'a rien à voir avec le projet de loi n° 14, là, qui a sa vie propre. C'est ça que j'essaie de vous expliquer,
M. Perron.
Je n'ai pas besoin du projet de loi n° 14 pour aller de l'avant avec le projet de
consolidation des CTI, là, l'annonce a
été faite, et nous allons de l'avant. Maintenant, on a besoin du projet de loi n° 14 pour d'autres projets d'intérêt gouvernemental, comme Accès
uniQc, et là, bien, on est confrontés aux limites de la loi d'accès à
l'information, qui ne nous
permettrait pas de déployer un tel projet. Donc, c'est deux choses complètement différentes, c'est ça que j'essaie de vous expliquer, là.
M. Perron
(Richard) : Bien,
complètement différent, il s'agit quand même de deux cas où on traite des
données informatiques, donc, nous, on
a présumé d'un lien, d'une démarche globale sur la politique qui a été annoncée
de regrouper des centres de traitement d'information et de les confier au
secteur privé. Maintenant, c'est ça qui nous inquiète, nous. Que les ministères et organismes puissent échanger des données,
tant qu'il y a des critères de confidentialité qui sont respectés, ça reste à
l'intérieur du gouvernement, et nous, c'est ce qu'on veut. Mais maintenant
est-ce que ces ministères et organismes-là ont leur souveraineté
technologique ou sont-ils, comme le Vérificateur général l'a constaté année
après année, encore dépendants des
ressources externes, ce qui ferait en sorte qu'on revient encore à la case
départ? Mais, comme je vous le dis, nous,
la grande inquiétude, ce n'est pas que les ministères et organismes
puissent s'échanger des données, c'est où est-ce qu'elles aboutissent,
ces données-là, une fois qu'elles sont échangées.
Le
Président (M. Simard) :
Merci beaucoup, M. Perron. Merci, M. Perron. Je cède maintenant
la parole au député de La Pinière pour une période de
10 min 40 s.
M. Barrette : Merci, M.
le Président. Alors, vous ne serez
pas surpris si je vous dis que je vais partager mon temps avec ma collègue de Saint-Laurent, qui a un grand
intérêt sur la transformation numérique pour des stratégies informatiques.
Moi, je
n'embarquerai pas, là, dans un échange sur la portée du projet de loi n° 14, là. Moi, j'ai un commentaire à faire. Et une
chose... on peut débattre, là, puis je pense que ma collègue à ma gauche va certainement s'adresser à ça, sur la portée de 14 par rapport à un entrepôt central de
données. Je m'attendais, moi, à ce que, quand le ministre a annoncé qu'il
y aurait le projet de loi n° 14, on parle expressément de la transformation numérique à l'intérieur
du gouvernement. Et ça, c'est clair que, dans le texte du projet de loi,
il n'y a pas beaucoup de références... en fait, il n'y en a pas, il n'y aucune
référence à la transformation numérique à l'intérieur du gouvernement, à
l'exception de mettre en place des règles qui permettent la circulation de ces
éléments-là. Puis, comme on a vu ce matin avec la Commission d'accès à l'information,
il y a des choses qui, actuellement, sont
impossibles en termes de circulation de données qui vont demeurer impossibles
ou des choses qui sont très complexes aujourd'hui en termes de
circulation de données qui vont demeurer très complexes.
Vous, compte tenu des membres que vous
représentez, comment voyez-vous la faisabilité de la finalité qui est exprimée par le ministre à propos de son projet de
loi? En français, il dit qu'il veut faire des affaires. Est-ce qu'elles peuvent
se faire à l'interne ou elles devront se faire à l'externe?
Le Président (M. Simard) :
M. Perron.
• (16 h 10) •
M. Perron
(Richard) : Bien, écoutez,
en informatique, on revient toujours au même dilemme. Tous les contrats de sous-traitance qui ont été donnés dans les
dernières années ont la remarque suivante pour les justifier : Nous ne
possédons pas l'expertise interne, et
c'est pour ça qu'on s'est livré, année après année, à des consultants externes,
qui sont payés beaucoup plus cher, et
qui fait en sorte qu'on s'est délesté de notre expertise, qu'on en a vraiment
un minimum et que tous les gouvernements en Occident, même IBM, recommandaient d'avoir au moins le contrôle sur
50 % de nos contrats informatiques. L'Ontario est passé, en quelques années, de 22 % de ses
traitements... de son travail en informatique
gouvernementale de... est passé de 50 %, si on veut, à l'externe, en sous-traitance, à 22 %.
Donc, il est possible de faire ça, mais qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont augmenté les salaires, ce qui a permis
d'embaucher, ils ont arrêté de donner des contrats en sous-traitance. Donc,
qu'on parle du projet de loi n° 14, de sa finalité, qu'on parle de tout ce qui
touche l'informatique, si on le fait à l'interne, il faut avoir le
courage d'investir pour développer l'expertise.
M. Barrette : ...je veux absolument que ma collègue ait
suffisamment de temps pour aborder un sujet qui lui est cher. Deux questions. Vous ou certains de vos
membres avez certainement participé à des appels d'offres et ce genre de
chose là, là, oui, non?
M. Perron
(Richard) : Pardon?
M. Barrette : Vous ou certains
de vos membres avez certainement participé à des appels d'offres en TI.
M. Perron (Richard) :
On a participé à un appel d'offres, dernièrement, dans un autre ministère.
M. Barrette : Non, non, non, la
réponse, c'est oui ou non, vous allez comprendre pourquoi, là. Avez-vous de
l'information... Bon, je vais vous poser la question...
M. Perron (Richard) :
On est consultés. On est consultés.
M. Barrette : Mais vous ne
voyez pas les chiffres.
M. Perron (Richard) :
Pardon?
M. Barrette : Vous ne voyez pas
les chiffres à la fin nécessairement.
M. Perron (Richard) :
Oui.
M. Barrette : Oui, vous les
voyez, ou non, vous ne les voyez pas?
M. Perron (Richard) :
Oui, on les voit.
M. Barrette : Bon. Est-ce
que vous avez déjà vu
un appel d'offres à la suite duquel le même produit, service qui est rendu était au même prix qu'au public? Moi, dans
mon expérience, c'est toujours au minimum 30 % plus cher, parfois ça va
jusqu'au double, et plus. Est-ce que vous êtes confortable avec cette
affirmation-là?
M. Perron (Richard) :
Bien oui, bien oui, c'est toujours plus cher, puis le prix d'origine...
M. Barrette : La fourchette, la
fourchette, que je vous parle.
M. Perron (Richard) :
...le prix d'origine explose ensuite après.
M. Barrette : Je vous parle de la fourchette, là. Moi, c'est toujours
30 % plus cher. En général, ça va au double. Est-ce que vous avez ça dans votre
expérience?
M. Perron (Richard) :
Ah oui, nos membres nous le rapportent constamment.
M. Barrette : Bon. La deuxième chose. S'il y avait un effort...
Avez-vous déjà fait... Vous, là, je comprends votre discours syndical, puis je ne le dis pas
négativement, je le dis positivement,
je suis d'accord
avec vous que, si on avait une force professionnelle — moi,
j'appelle toujours ça comme ça — si on est capables d'écrire nos lignes de
code avec la compétence requise, ce qui est
possible avec le bon monde, bien, on n'aurait pas besoin d'aller à l'extérieur
puis on pourrait s'autofinancer pour ces affaires-là. Avez-vous déjà
fait l'évaluation, là, dans votre syndicat, de la masse de force... de
la force de travail de programmeurs qu'il nous manque, là, ça représente quel
budget si on les payait à la bonne hauteur?
M. Perron (Richard) :
Bien, écoutez...
M. Barrette : Avez-vous déjà
fait cette évaluation-là?
M. Perron
(Richard) : Bien,
l'évaluation... On a 8 000 analystes en procédés informatiques qui
gagnent, au top de leur échelle... bien, qui gagnent maintenant un peu
moins de... à peu près 80 000 $ par année.
M. Barrette : O.K., je peux
faire la règle de trois, 8 000 à d'autres choses...
M. Perron
(Richard) : À la ville de Montréal,
ils ont fait des appels de candidatures à 115 000 $,
125 000 $ par année, donc vous voyez la différence.
M. Barrette : Alors, pour ne
pas aller à l'extérieur, là, il vous manque combien de programmeurs?
M. Perron (Richard) :
Pardon?
M. Barrette : Pour ne pas aller
à l'extérieur, il vous manque combien de programmeurs?
M. Perron (Richard) : Il y a une évaluation conservatrice qui avait été faite...
M. Barrette :
Si on était, là, allé, comme vous dites, là... oui.
M. Perron
(Richard) : ...avec le Conseil du trésor, là, où on disait qu'il fallait en embaucher au moins 2 000, et
ça, c'était en 2012.
M. Barrette : Bon. O.K., très
bien. Je vais passer la parole, M. le Président, à ma collègue de Saint-Laurent.
Le Président (M. Simard) : Avec
plaisir, M. le député, avec plaisir. Madame.
Mme Rizqy :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour votre présence. Je comprends que,
pour vous, vous voyez clairement le
lien entre ce qui a trait... le projet de loi n° 14
et la gestion des données privées des Québécois, et je partage votre
inquiétude parce qu'effectivement, une des premières annonces qui a été
annoncée, c'est de confier plus de 80 % des
données des Québécois à des entreprises, potentiellement étrangères de
surcroît. Évidemment, on n'a pas le choix que de voir le lien intrinsèque
entre le projet de loi n° 14 et cette volonté de
confier la gestion de nos données.
De plus,
avant votre arrivée ce matin, on en parlait. D'entrée de jeu, le ministre
délégué a parlé que la donnée devait être
mobile. Donc, le projet de loi, c'est de la rapidité, de faire voyager les
données et non pas le principe de protéger les données des Québécois, leurs données personnelles. Or, en infonuagique,
évidemment, ça voyage plus vite. Mais vous, de votre côté... Moi, je
comprends votre lien. Quand on protège les données... vous comprendrez aussi
que CIA, qui est confidentialité, intégrité
et accessibilité... Pourriez-vous, s'il vous plaît... Maintenant que vous avez
le micro et que moi, je ne vous empêcherai pas de parler, pouvez-vous
nous dire, de votre côté... vos membres aussi, là, c'est des Québécois, comment
qu'ils se sentent, à savoir que, potentiellement, leurs données vont gérées à
l'étranger?
M. Perron
(Richard) : Ils sont
extrêmement inquiets, c'est les premières réactions. Moi, j'ai un membre en TI,
qui disait : Moi, ça ne me tente pas. Amazon va se lancer, par
exemple, dans l'assurance, là, bien, ça ne me tente pas qu'Amazon soit capable de consulter mes données médicales pour pouvoir
faire stratégiquement de la concurrence avec d'autres compagnies
d'assurance. Et ce sont des spécialistes en technologies de l'information.
Je vous l'ai
dit d'emblée, j'aurais aimé d'abord être invité pour en discuter avec le
ministre, avec mes spécialistes. Pouvoir
aller le faire, ça aurait peut-être évité l'échange un petit peu désagréable
qu'on a eu en entrée de jeu, on aurait pu échanger là-dessus. Ensuite de ça, bien, nos membres, c'est eux qui me parlent. Moi,
quand je parle, quand j'écris, quand on
écrit, là... nous trois, ici, on n'est pas spécialistes en informatique. Ils ne
peuvent pas parler, ça fait qu'on
écrit ce qu'ils nous disent, et
l'inquiétude vient d'eux parce qu'ils sont au courant de ce qui se passe puis
ils me donnent des exemples concrets, des
exemples concrets qu'on a mis dans notre mémoire, des exemples concrets qui ont
été relevés puis qui leur font peur. Ils sont les plus inquiets, nos
analystes en technologies de l'information.
Mme Rizqy :
De surcroît, avec tous les scandales mondiaux qu'on a entendus, non seulement
la Suède, mais aussi en Angleterre et aussi aux États-Unis, où est-ce
qu'on a vu que les données, là, parfois, malheureusement... il y a du croisement de données pour non seulement, comme
vous faites référence, enligner un comportement de consommateur, mais, on a même vu, dans un comportement
d'électeur. Est-ce que vous avez quelque chose que vos membres vous ont
soulevé des scandales internationaux?
M. Perron
(Richard) : Qui aurait pu
imaginer, hein, qu'on utilise des stratagèmes liés aux technologies de l'information pour manipuler des élections comme
aux États-Unis, un référendum comme le Brexit avant? On ne peut pas imaginer, on ne peut pas savoir ce que vont
développer ceux qui seront malveillants avec nos données et prendre le risque
de se laisser surprendre par les excès qu'ils pourront faire avec ça.
Mme Rizqy :
Parlant de connaissances, est-ce que le gouvernement américain vous a déjà
proposé, vous, de gérer les données des Américains? Non, hein?
M. Perron (Richard) :
Écoutez, c'est bien la dernière chose qu'ils feraient.
Mme Rizqy :
J'en suis. Est-ce que le gouvernement allemand vous a demandé de gérer les
données des Allemands?
M. Perron
(Richard) : Non, puis ils
auraient raison de le faire. Et c'est pour ça qu'on demande à notre
gouvernement de gérer les données des Québécois.
Mme Rizqy :
Vous avez fait référence à la souveraineté technologique. On a vu, lorsqu'il y
a eu les négociations de NAFTA 2.0,
l'ALENA, il y a eu beaucoup de pression. Jamais non plus on n'aurait imaginé un
locataire de la Maison-Blanche avec
un comportement, des fois, un peu plus intempestif. Pensez-vous qu'au niveau de
l'accessibilité de la donnée, si on confiait
à des entreprises qui sont assujetties au PATRIOT Act et au CLOUD Act, il est
potentiel que l'accessibilité lors de négociations même commerciales
soit difficile?
M. Perron
(Richard) : Comme je vous
dis, nous ne sommes limités que par notre imagination dans ces domaines.
À partir du moment où on peut voir dans les
données des autres, qu'on peut jouer avec ça, il n'y a plus de limites à ce
qu'on peut faire. Donc, oui, ça
pourrait jouer dans les négociations commerciales, ça pourrait jouer aussi dans
l'appui qu'on peut donner à nos entreprises qui sont en concurrence avec des entreprises
d'autres pays. Et le cri d'alarme qui est lancé un peu partout dans le monde, c'est : Occupons-nous
de nos données, sécurisons nous-mêmes nos données autant qu'on essaie de
sécuriser notre intégrité physique.
Mme Rizqy :
C'est ce qu'habituellement un bon gouvernement fait toujours, protéger les
données de ses citoyens. Rapidement,
parce que le temps file, est-ce que le chiffre de 275 millions qui a été
avancé par le gouvernement de la CAQ en
matière de gestion de l'infonuagique, vous avez été capables de le trouver en
quelque part, comment ils ont été capables de le chiffrer? Et aussi, ma sous-question à cela, pour vous, est-ce
qu'il y a vraiment un prix pour protéger les données des Québécois ou il
n'y en a pas, de prix, puis ça coûtera ce que ça coûtera?
M. Perron (Richard) : Bien, écoutez, ce n'est pas parce que c'est
essentiel d'investir qu'on ne peut pas être rigoureux dans notre investissement. Mais, quand ça a coûté
25 millions pour le faire à Revenu Québec, nos gens ne comprennent pas,
nos spécialistes ne comprennent pas pourquoi ça en coûterait 275 millions
pour le faire pour le reste.
Le
Président (M. Simard) : Merci beaucoup, M. Perron. Je cède
maintenant la parole au député de Rosemont pour une période de
2 min 40 s.
M. Marissal :
Oui. Bonjour. Je vais couper court aux salutations, là, elles sont sincères,
néanmoins. Merci d'être là. J'ai
2 min 40 s, je vais vous demander de répondre assez rapidement.
Je vous entendais, tout à l'heure, là, parler avec le ministre. On avait
l'impression... en tout cas, moi, j'avais l'impression que vous n'étiez pas sur
le même fuseau horaire. Pourtant, moi, je
vois aussi des similitudes, je vois des liens, là. Peut-être ça serait plus
simple si vous commenciez par nous dire où vous voyez des liens entre le
p.l. n° 14 et l'infonuagique envisagée par le
gouvernement.
M. Perron (Richard) : On a un gouvernement qui fait sa première annonce
en la matière en disant : Nous, là, on va prendre les 457... de données, là, qu'on gère nous-mêmes, de vos
données personnelles, on va regrouper ça puis on va confier 80 % du traitement au secteur privé,
O.K.? Et là, deuxième chose, ils arrivent avec un projet de loi puis ils disent :
Bien, on va s'organiser pour que les données
bougent plus vite, qu'elles soient plus mobiles, donc, entre les ministères.
Mais il est évident que, quand on
vient d'annoncer qu'on veut les démobiliser dans un autre endroit puis qu'en
parallèle on dit : Bien, on va
commencer par faciliter leur mobilité, bien, nos membres y ont vu un lien. Ce
n'est pas moi, là, qui... On a d'abord
consulté. Je vous le dis, je ne suis pas un spécialiste en informatique, mais
il y a un lien évident pour nos membres.
• (16 h 20) •
M. Marissal :
Merci pour la réponse rapide. La Commission d'accès à l'information nous
rappelait ce matin que la règle d'or
en matière de gestion de renseignements personnels, c'est d'obtenir d'abord
l'accord des citoyens de qui on obtient
des renseignements si d'aventure on
voulait les utiliser pour autre chose que ce qui était prévu d'emblée. Est-ce que vous partagez cette opinion de
la CAI?
M. Perron (Richard) : Bien oui, elle est essentielle parce que, si on ne respecte pas cette règle, bien, il n'y a
plus de limites à ce qu'on peut faire avec nos données.
M. Marissal :
Je terminerai maintenant sur le cadre juridique dont vous parlez. On en a parlé
ce matin aussi avec la Commission
d'accès à l'information. C'est de notoriété publique, là que le cadre juridique
est désuet et il est rendu encore
plus désuet par les avancées fulgurantes de la technologie. Ça, c'est un fait
connu internationalement. Mais vous dites qu'«il
est essentiel — je vous cite — que le cadre juridique évolue en fonction
des avancées technologiques». Rapidement, quelles sont vos suggestions pour faire évoluer le cadre juridique? Et
avez-vous l'impression qu'on va un petit peu trop vite avec des projets
de loi comme celui-ci?
M. Perron (Richard) : Bien oui. En fait, ce qu'il faudrait faire, ce
serait une réflexion pour revoir les lois puis les règlements qui n'ont pas été revus depuis longtemps
et qui sont maintenant désuets pour les adapter aux conditions technologiques d'aujourd'hui. Puis pourquoi? Aussi
pour présumer de ce qui s'en vient à l'avenir, surtout avec l'impact de
l'arrivée de l'intelligence artificielle. Donc, la Commission d'accès à
l'information doit élargir le débat.
Le Président (M. Simard) : Merci. M. le député de René-Lévesque, à vous
la parole pour une période également
de 2 min 40 s.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le
Président. Donc, à mon tour de vous
saluer. Le projet de loi n° 14, comme le ministre faisait mention tout
à l'heure, va permettre une certaine mobilité des données, et sa véritable
utilité va prendre force lorsqu'il y aura la
création d'Accès uniQc. Lorsqu'on avait les gens de l'association des
technologies du Québec ce matin, je
leur demandais la question... Bon, c'est très travaillé en silo, on veut mettre
ça ensemble. Ça va être un peu complexe de «merger» toutes ces données-là ensemble. À votre avis, à l'interne,
est-ce que votre organisation, vos membres seraient capables de faire ce travail-là, de prendre les
différentes données de tous les ministères, une fois que la loi sera adoptée,
pour permettre qu'elles soient
regroupées à un seul endroit et qu'elles soient capables d'être consultées par
un seul mot de passe, par un seul citoyen sur une seule plateforme?
M. Perron
(Richard) : Bien, écoutez,
moi, les échos que j'ai de mes membres qui participent à des réunions, et ce
qu'ils entendent de leurs gestionnaires, c'est que c'est la panique, c'est la
panique. Ils ne voient pas comment, dans le temps imparti avec les délais qui sont donnés, ils vont
pouvoir arriver à réaliser ça. Donc, moi, je vous le dis, je ne suis pas un
spécialiste, les échos que j'en ai, là, ne semblent pas très favorables à la
perspective que vous évoquez.
M.
Ouellet : La panique que
vous évoquez auprès de vos membres, est-ce que c'est : On ne sera pas
capables, on va manquer de monde, on
n'atteindra pas les objectifs ou, pour toutes ces raisons, ça va être confié à
une tierce partie privée qui... finalement, c'est du travail qui va être
enlevé à vos travailleurs?
M. Perron (Richard) :
C'est qu'on manque de temps pour aller chercher les ressources nécessaires qui
nous permettraient de pouvoir faire ça adéquatement.
M. Ouellet : Quand vous dites manquer de temps, on rajoute six
mois, un an, deux ans? C'est quoi, à peu près, la courbe de temps que les membres ont besoin pour
travailler à une solution complète, totale et efficace pour le gouvernement
du Québec?
M. Perron (Richard) :
Bien, quand tu es une entreprise qui doit se développer avec son potentiel de
ressources humaines, et c'est le cas du gouvernement, bien, si tu veux être
capable d'aller plus loin, de faire plus, de le faire plus rapidement, la première chose que tu dois faire,
c'est d'investir dans ta politique de ressources humaines, de te donner les
moyens d'aller chercher les gens, de retenir
les meilleurs experts que tu veux plutôt que de devenir... de rester le
club-école d'autres administrations publiques ou d'autres organisations
privées qui, après que nos membres soient formés, vont chercher des salaires ailleurs. C'est la première chose à faire. Et ça,
ça nous permettrait, pour tout le travail, qui peut être louable, hein, que le ministre veut faire, là, de
révolution numérique... mais il faut d'abord se donner les ressources, et c'est
ce que M. Caire répétait constamment quand il était dans l'opposition, et
on est d'accord avec ce qu'il disait.
M. Ouellet : Donc, si je
comprends bien, au lieu d'avoir consulté vos membres ou mettre l'intelligence
de vos membres à profit pour faire de la transformation numérique un succès, ce
n'est pas ce qui se passe, présentement.
M. Perron (Richard) :
Malheureusement, mais on peut toujours corriger le tir.
Le
Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Bien, M. Perron,
cela met un terme à nos échanges. Je
voulais saluer Mme Côté et
M. Dean, qui vous accompagnaient,
saluer tout particulièrement M. Dean, qui s'inscrit dans une riche
tradition parlementaire. Il est le
fils de Robert Dean, qui a été député de Prévost
dans les années 80. Alors, bienvenue à tous et puis au plaisir de
vous revoir.
Je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 25)
(Reprise à 16 h 26)
Le Président (M. Simard) : À
l'ordre! À l'ordre! Faites place, s'il vous plaît, à nos...
Alors,
Mme Bouchard, soyez la bienvenue. Prenez le temps de vous asseoir, tout de même, il y a des gens qui ont tardé à partir. Mme Bouchard, comme vous le savez très bien — vous
êtes une habituée — vous avez 10 minutes. Merci d'être parmi nous.
Observatoire
de gouvernance des technologies de l'information
Mme Bouchard
(Lyne) : Merci beaucoup. Alors, je me lance. M. le
Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés,
bonjour à tous. Je m'appelle Lyne Bouchard. Dans ma vie de tous les jours,
j'occupe le poste de vice-rectrice aux ressources humaines à l'Université
Laval, mais dans ma passion personnelle, je suis aussi professeure à la Faculté
des sciences de l'administration, et, depuis
20 ans, je suis une spécialiste du commerce électronique. À l'époque, on
appelait ça, au gouvernement, le
gouvernement en ligne ou l'info... mon Dieu, j'ai oublié le nom...
l'inforoute, l'inforoute gouvernementale. Mais, depuis une dizaine d'années en particulier, je m'intéresse à la
gouvernance des technologies de l'information, alors le projet de loi
qui est devant nous m'interpelle particulièrement.
Je vous remercie de me donner l'occasion de
m'adresser à vous aujourd'hui. Mon allocution va être divisée en trois parties, et je vais essayer de passer
rapidement à travers le matériel que j'ai préparé, parce que j'avoue que c'est
les questions que vous avez posées qui m'intéressent le plus. En
particulier, je vous ferai part de mon bonheur de voir le gouvernement se doter des mesures qui sont prévues
au projet de loi. Dans la deuxième partie, cependant, j'attirerai votre attention sur un danger potentiel que vous avez en
partie évoqué ce matin, cet après-midi, et sur des façons d'amoindrir ce
danger-là. Enfin, j'attirerai votre attention sur un oubli, à mon avis, qui a
été fait dans le projet de loi.
Donc, comme
vous le savez, et en utilisant mes propres mots, le projet de loi vise deux
objectifs : permettre le partage de
renseignements personnels entre les organismes publics du gouvernement, ce que
nos lois actuelles ne permettent pas, sauf
exception, et, deuxièmement, forcer — je ne suis pas certaine du verbe — les entités à faire ce qu'il faut pour
permettre le partage dans l'intérêt gouvernemental. Si on veut y arriver, bien,
il faut prendre les moyens. En ce qui me concerne, je souscris
totalement à ces deux objectifs.
Les efforts d'amélioration des
services aux citoyens et d'optimisation des services de l'État ont été
considérablement amoindris depuis qu'on a introduit le gouvernement en ligne au
milieu des années 90 au Québec, puisque nous ne pouvons à peu près rien partager entre organismes — et le domaine de la santé en est un
excellent exemple, mais c'est vrai dans d'autres domaines, comme pour l'établissement de nos politiques de santé publique
ou d'immigration, par exemple — parce qu'il est difficile d'obtenir l'information précise au niveau du revenu d'un
individu ou d'un ménage sur un territoire, qui réside à l'Agence du revenu, en lien avec les activités
économiques de ce territoire, qui sont au ministère de l'Économie et de l'Innovation, le niveau de scolarité d'une personne,
qui réside particulièrement au ministère de l'Éducation et de l'Enseignement
supérieur, son origine ethnique — le MIDI — puis j'en passe.
• (16 h 30) •
L'amélioration des services de l'État nécessite le partage de renseignements. Puis, de toute façon, même si on veut échanger des informations aujourd'hui, l'absence d'un identifiant unique fait qu'on a
de la misère à mettre ces informations-là en lien.
C'est de l'espoir de penser qu'on peut y arriver sans ce projet de loi là. Alors, bien sûr, chacun des organismes publics, aujourd'hui, au moment où on se parle, là, fait de son mieux pour définir les politiques
puis proposer des services avec les informations dont il dispose, mais,
si on veut vraiment s'améliorer, il faut avoir des fichiers dans lesquels on
aura les données nécessaires,
et celles-ci peuvent être logées ailleurs,
chez un autre organisme gouvernemental. Donc, il est préférable, pour améliorer les services aux citoyens puis
améliorer l'efficience de l'État, de fixer la règle à partager les informations
plutôt que s'empêcher de respirer tout le temps et de ne pas permettre le
partage de l'information.
C'est
aussi réaliste de penser que l'organisme où réside la donnée aura besoin
d'incitatifs pour être capable ou pour vouloir
fournir cette donnée à un autre organisme. Alors, le projet de loi prévoit deux
incitatifs. Le premier, c'est la désignation, la contrainte : Tu dois
dorénavant partager les données parce que tu fais partie d'un projet d'intérêt
gouvernemental. Puis le second mécanisme, c'est la rémunération, soit la
compensation pour les coûts qui sont engendrés afin de rendre possible
le partage. C'est logique, c'est même nécessaire, et c'est une bonne chose
d'avoir ces deux incitatifs-là dans la loi.
Donc,
le projet de loi me semble requis, certains diront qu'il l'est depuis
longtemps. Ça commencera à faire de ne pas pouvoir faire tous les rêves que
vous, en particulier, les députés, mettez de l'avant pour satisfaire nos
attentes de citoyens tout simplement
parce qu'on ne peut pas partager l'information nécessaire à la réalisation du
travail. Le numérique, c'est 100 % de l'information, alors il faut
être capables de l'échanger entre nous.
De plus, je note que le projet de loi couvre
presque toutes les entités du gouvernement, et ça, c'est une excellente chose aussi. Il y a bien peu d'organisations entre
nous-mêmes, dans les différents réseaux du gouvernement, qui sommes isolées. Alors, on est tous en lien entre nous, et
le projet de loi va faciliter ces échanges. Par contre, je vous invite à
envisager que les tribunaux devraient
être couverts d'une certaine façon par le projet de loi parce que, si on veut
réformer la justice, il va falloir
que nos juges soient dans le coup aussi. Il faudra aussi envisager de ne pas
exclure les projets de recherche et de développement technologique. Les
universités sont partenaires du réseau, et on aura à s'identifier... à se
partager les informations, mais on est un
partenaire privilégié des gouvernements et, si on ne peut pas avoir accès à
l'information que vous avez besoin
pour vous conseiller, ça va vous limiter vous-même. Donc, on pourrait penser
étendre la portée de la loi par rapport à la Loi sur la gouvernance et
la gestion des ressources informationnelles, qui en sert de base.
Par contre, je m'interroge sur l'article 10 du
projet de loi, qui vient limiter l'application de la loi à 10 ans. Je comprends
qu'on a d'autres réformes, entre
autres la loi sur l'accès à l'information, à faire, mais, d'un autre côté, le
partage de l'information, ce n'est pas quelque chose d'éphémère, donc je
ne pense pas que l'article a besoin d'être là.
En
deuxième partie de mon allocution, maintenant, le danger potentiel. Non
seulement le partage de renseignements personnels,
ce n'est pas temporaire, mais c'est un objectif qui ne peut pas être remis en
question. Et je souscris au fait que, si
on veut transformer le gouvernement, on a besoin d'une supraloi qui vise le
partage de renseignements personnels, une loi qui a préséance sur toutes les autres, mais à partir du moment où on
partage les renseignements personnels, bien, on partage les renseignements personnels avec tous les dangers, les risques
d'informations qui soient rendues accessibles aux mauvaises parties.
Pour
améliorer la qualité des services et l'efficience de l'État, je l'ai dit, c'est
sine qua non, il faut le faire, il faut le faire, sinon on arrêtera de parler de tous ces beaux objectifs qu'on
a. Mais il y a certainement des groupes — j'en suis témoin — qui vont
venir vous voir pour vous dire : Ne faites pas ça, c'est dangereux, c'est
la mauvaise chose à faire. Moi, je
vous dirai : C'est possible, il y a des dangers réels que des personnes
non autorisées et des entreprises non autorisées aient accès à ces
informations-là, mais il faudrait peut-être gérer ce risque-là, et ça peut se
faire, et je vous suggère trois façons de
le gérer. À mon avis, il faut aller de l'avant. La première des façons, c'est
le fait que — je
reviens sur un des articles du projet
de loi, l'article 7 — la
Commission d'accès à l'information est invitée à donner son avis. Moi, je dis
qu'on pourrait peut-être aller un petit peu plus loin. Donner son avis,
c'est bien, mais demander aux organismes qui font partie des projets de répondre à ces avis-là, ça serait
mieux. Vous en faites quoi, de l'avis? Est-ce que vous adressez la
préoccupation qui est mentionnée? Et
comment vous l'adressez? Et là les gens, vous-même et la population, pourront
se satisfaire que les organismes
traitent les données, les renseignements personnels correctement ou pas et
adressent les enjeux mentionnés par la CAI.
Deuxièmement,
on pourrait demander à l'organisme, dans son rapport annuel, d'indiquer non
seulement quelles utilisation et communication de renseignements
personnels ils font, comme vous leur demandez de le faire, mais aussi d'indiquer comment ils assurent la protection des
renseignements personnels. Alors, il y a un danger, mais comment ils le gèrent, ce danger-là? Alors, s'ils le gèrent, on
est corrects, il n'y en a plus, de danger. Si on contrôle qui a accès à
l'information et qu'on le fait dans le contexte où c'est des organismes
gouvernementaux qui y ont accès, bien, il n'y en a pas, de problème. Quand la norme devient qu'il est acceptable de
partager, il faut s'assurer que les organismes sont responsabilisés par rapport
au mandat qu'on leur donne. Le projet de loi
ne dit rien par rapport à ça, actuellement, et c'est peut-être un domaine où on pourrait renforcer en demandant aux organismes de commenter les
recommandations ou l'avis de la CAI et aussi de leur demander de rendre
compte sur comment ils protègent les renseignements personnels.
Et
finalement on ne peut pas présumer que les organismes vont
le faire, qu'ils vont assurer la confidentialité et, dans ce contexte-là, on pourrait demander — mais
je ne pense pas que ça devrait se mettre dans le projet de loi — que le Vérificateur général se penche là-dessus de temps
en temps, qu'il fasse des audits et
que les organismes qui font partie des projets
d'intérêt gouvernementaux aient à démontrer comment ils assurent la protection
et le partage des renseignements personnels entre eux.
Donc, oui, il y a des
risques, mais, si on ne veut pas prendre de risques, on devrait tous arrêter de
se parler d'amélioration des services aux citoyens et de l'amélioration de la
performance au gouvernement. Si on veut ça, il faut se mettre à gérer
avec des vraies données.
Un oubli
important du projet de loi? Alors, j'aimerais partager un oubli, à mon avis,
mais je vous dis d'entrée de jeu, vous
pourriez décider que mon commentaire, vous voulez le rejeter. Le projet de loi s'intitule la Loi favorisant
la transformation numérique de
l'administration publique. Mon dernier commentaire peut s'exprimer en trois
mots, et pardonnez ma franchise : Et puis après?
Le Président (M. Simard) : En
conclusion, s'il vous plaît.
Mme Bouchard
(Lyne) : Oui. Et puis après?
So what? M. le ministre, il vous manque un article dans le projet de loi. Vous ne pouvez pas y arriver
tout seul dans cette transformation numérique là, et je vous inviterais à envisager
d'ajouter un article où vous demanderiez à tous vos pairs ministres,
dans leurs rapports annuels, d'indiquer comment ils concourent à transformer numériquement
le gouvernement. On leur donne les moyens de plus avec le projet de loi, mais
il faudrait aussi qu'ils se sentent interpellés,
parmi toutes leurs priorités, tous leurs propres projets, tous leurs défis de ressources humaines et financières, de
faire arriver le gouvernement numérique.
Le Président (M. Simard) :
Merci. Merci, Mme Bouchard. M. le ministre, pour une période de six
minutes.
M.
Caire : Bien, rapidement, peut-être quelques commentaires. D'abord, merci pour votre
présentation. Je dirais, dans un
premier temps, vous parlez de l'article 10... peut-être souligner que le projet de loi n° 14, s'il
est adopté, est une mesure
temporaire, que l'exercice auquel on devra se livrer, c'est une refonte de la
loi d'accès à l'information. Donc, je pense
qu'en vous disant ça je réponds à quelques-unes de vos préoccupations. Mais on
est tout à fait d'accord qu'on ne pourra pas éviter cette refonte-là de la loi d'accès à l'information, de
se donner une loi-cadre, puis la Commission
d'accès à l'information allait dans le même sens que vous, en disant : Ça
nous prend non seulement une loi-cadre, mais une loi qui va être unique,
là, plutôt que d'avoir des législations dispersées, là, au niveau
de la protection des données, dans un premier temps.
Dans un deuxième temps, vous parlez qu'il serait
intéressant qu'on donne suite aux avis de la Commission d'accès à l'information, puis
la commission nous avait souligné ce point-là que vous amenez,
qui est très pertinent, et c'est dans
les rapports qui vont être à déposer, que vous allez retrouver, éventuellement, les réponses à vos questions. Bon, d'abord, il faut savoir que
l'avis de la commission va guider le gouvernement dans la rédaction des décrets
qui vont conduire à déterminer si un projet est à portée gouvernementale ou
non, d'intérêt gouvernemental ou non parce que la commission sera consultée sur ces projets-là. Et il y a évidemment
toute une évaluation qui doit être faite par les organismes qui vont
exécuter le projet en ressources
informationnelles, et donc une évaluation des risques et des mesures à prendre pour gérer
ces risques-là seront dans les avis. Ces
avis-là seront effectivement communiqués, et au final, dans le rapport qui est
à déposer et à rendre public, il y aura toujours ce qui a été fait de la
donnée, qui l'a fait et comment il l'a fait.
Donc, il y a
ces mécanismes-là, mais vous dites qu'il manque un petit «puis après»?
J'aimerais ça peut-être vous laisser l'occasion de spécifier
qu'est-ce que vous verriez dans un projet de loi qui répondrait à ce «puis après»
là.
Mme Bouchard
(Lyne) : ...sans doute mal
exprimée, mais je verrais un article qui dirait, indépendamment du reste du projet de loi, la pierre de votre prochain projet
de loi, celui de la transformation numérique du gouvernement... où vous inviteriez tous les ministères et organismes, dans leurs rapports
annuels, à rendre compte de ce qu'ils font pour améliorer la transformation numérique du gouvernement, donc à les responsabiliser, tout
simplement, et on n'est pas dans le
p.l. n° 14 directement ici, là.
• (16 h 40) •
M.
Caire : Non, mais je vous dirais que le p.l. n° 14
va être la fondation sur laquelle on va faire les prochains gestes et je vous dirais que, dans le fond, la façon dont on a constitué ça, c'est : le p.l. n° 14 est
la fondation, la stratégie numérique, qui est à déposer, va donner les grandes orientations, et chaque
organisme, chaque organisme public devra se doter d'un plan de transformation numérique à être approuvé par le Conseil du trésor
qui, lui, sera l'élément de contrainte sur ce qu'ils vont faire, comment ils vont le faire, pourquoi
ils vont le faire et dans quels délais ils vont le faire. Donc, chaque
ministère et organisme, en fonction
des paramètres fixés par la stratégie, devra se doter... Un peu au même titre
qu'on se dote d'un plan stratégique
dans chaque ministère et organisme, on va devoir faire de même avec un plan de
transformation numérique. Donc, c'est
cet élément-là qui va devenir l'élément de contrainte des ministères et
organismes. Je ne sais pas si ça répond à votre préoccupation.
Mme Bouchard
(Lyne) : Ça répondra, mais,
puisqu'on est dans un projet de loi, ça aurait pu être intéressant de l'insérer dès maintenant, d'amener la
préoccupation, la reddition de comptes. Ce sur quoi on ne rend pas compte n'est
pas important.
M.
Caire : Mais,
compte tenu de ce que je viens de vous dire, comment vous libelleriez cette
contrainte-là? Parce qu'à la base, puis je
pense que vous l'avez bien dit dans vos commentaires d'entrée de jeu, il n'y a
pas de transformation numérique sans mobilité de la donnée. Je pense que, là-dessus, vous et
moi, on n'aura pas une longue discussion, là, on est à la même enseigne. Et donc le projet de loi n° 14,
de façon non pérenne, vient s'assurer qu'à court terme on est capables d'aller de l'avant avec la suite des événements,
ce qui ne nous... Puis je disais aussi : Le projet de loi n° 14
pourrait devenir une espèce de projet
pilote qui va nous permettre, avec des cas réels, de nourrir la réflexion sur
de quelle façon on peut, de façon
plus pérenne, cette fois, transformer ou faire une refonte de notre loi d'accès
à l'information. Je ne sais pas si vous le voyez un peu comme ça.
Mme Bouchard (Lyne) : Oui, tout à fait, tout à fait, c'est un
préliminaire. De toute façon, on ne veut pas adresser 100 % des
données, ce n'est pas ça qui est l'objectif. On ne veut pas marier tous les
fichiers de données demain matin. Il y a des
projets qui sont urgents. Ce projet-là va permettre d'aller de l'avant avec ces
projets-là, et, en cours de route, on pourra
voir s'il y a des ajustements à apporter puis quelles sont les préoccupations
sur lesquelles il faudra apporter un regard particulier pour la refonte
de la loi sur l'accès à l'information. Oui, c'est sage.
M.
Caire : Sur la gestion de la protection des données, on
avait une discussion intéressante avec Mme Poitras, de la CAI, qui disait, bon, essentiellement : Il
faudrait trouver des façons de s'assurer que les données qui sont partageables
le soient, mais que les données qui sont, de
façon peut-être plus névralgique, plus personnelles aient un meilleur régime de
protection. Puis je vous soumets l'idée, puis j'aimerais vous entendre
là-dessus...
Le Président
(M. Simard) : En conclusion, s'il vous plaît.
M.
Caire : ...si, par la catégorisation des données, on pouvait
mettre, associer à ça un niveau de protection, de volatilité ou non. Je
ne sais pas comment vous, vous voyez ça.
Mme Bouchard (Lyne) : À l'intérieur du gouvernement, actuellement, tous
les ministères et organismes doivent développer
un plan où ils catégorisent leurs données, établissent les niveaux de risque
associés et les mesures de protection des
renseignements. Ça se fait déjà. Est-ce que c'est parfait? Non. Et-ce que tout
le monde le fait vraiment de la bonne façon? Peut-être pas, mais on est
déjà là, et on va devoir continuer avec ce projet-là.
Le
Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Merci, Mme Bouchard.
Je cède maintenant la parole au député de La Pinière pour une
période de 10 min 40 s.
M. Barrette :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Bouchard. Je comprends que
vous avez passé votre journée à nous écouter.
Mme Bouchard (Lyne) : Pas nécessairement. Je n'ai pas pu faire ça, à mon luxe, mais
j'ai vu vos notes intérimaires, d'entrée de jeu, ce matin, oui.
M. Barrette :
Bon. Juste pour me rappeler, là, d'où vous venez... j'ai raté un petit bout au
début, là.
Mme Bouchard (Lyne) : On s'est connus, M. Barrette, quand on a
fait la formation en gouvernance des nouveaux conseils d'administration
dans le réseau de la santé.
M. Barrette :
Ah! c'est ça. Je le savais que je vous connaissais.
Mme Bouchard
(Lyne) : On s'est connus, on s'est rencontrés.
M. Barrette : Oui, voilà. Je voulais... Merci de me rappeler la
chose. Bon, regardez, en parlant de... Il
y a un certain nombre de choses que vous avez dites qui
m'interpellent. Puis la raison pour laquelle je vous posais la question
si vous avez écouté ce matin... Avez-vous écouté quand la...
Mme Bouchard
(Lyne) : Je n'ai pas pu écouter la CAI, non.
M. Barrette : Vous n'avez pas pu écouter, malheureusement. Bon, écoutez, c'est parce
que, dans le volume de données
qui sont utilisées, qui sont stockées dans le gouvernement au sens large du
terme, c'est sûr que la santé, c'est eux qui
ont le plus gros volume. Et malheureusement ce que j'ai entendu de la CAI ce matin — parce que je leur ai posé des questions
deux fois, une fois au micro puis une fois pas au micro, là — on
a encore des obstacles. Les obstacles
que l'on connaît aujourd'hui ne sont
pas levés. La difficulté avec laquelle on vit aujourd'hui ne sera pas levée par
le projet de loi actuel. Et ça, c'est
ce que la CAI m'a répondu drette dans le micro, là, et hors micro aussi. Et moi
je trouve ça, évidemment, un petit peu malheureux parce que, si on est
pour croiser des données, parce qu'ultimement c'est ce qu'on fait, on va croiser des données, bien là, on vient de
s'aliéner une partie significative des données. Je ne sais pas qu'est-ce qui en
est de l'éducation. Moi, je calcule
que, dans la plupart des ministères, il y a des données qui sont pas mal moins
volumineuses que celles qu'il y a à la santé. Et là où il y a un intérêt pour
croiser des données, c'est souvent lié à ce secteur-là. Puis ça, c'est
juste un commentaire.
Il
y a une chose qui... je m'interroge là-dessus, c'est votre perception du projet
de loi. Or, quand ce n'est pas à
notre tour, on s'en parle ici puis on
a un débat, là. Vous, vous voyez le projet
de loi comme étant de la circulation
de données internes et externes au gouvernement ou seulement internes,
là?
Mme Bouchard (Lyne) :
La décision d'aller à l'externe se prendra au cas par cas.
M. Barrette : Oui, mais dans le
projet de loi, là?
Mme Bouchard
(Lyne) : Mais, même si on ne
va jamais, 0 %
en externe, on ne pourra pas faire la transformation numérique sans ce
projet de loi là. Alors la décision...
M. Barrette :
Non, non, non, comprenez-moi bien, moi, je suis bien favorable à ce qu'on fasse
quelque chose. Le projet de loi
actuel est la continuation de ce qu'on avait commencé lorsqu'on était en place,
alors je ne peux pas être contre le
projet de loi. Je peux questionner certaines portées ou certains aspects du
projet de loi et je vais le questionner. Mais, quand on entend les différents groupes et des députés,
même nous autres, là, il y en a qui pensent, là, qu'on va envoyer des données
personnelles à l'extérieur. Est-ce que vous
le voyez comme ça, alors, plus clairement, là, une entreprise va prendre des
données personnelles, puis faire ce
que ça leur tente, là, puis on va développer une application, et ainsi de
suite? Moi, je ne le vois pas comme ça, le projet de loi, là.
Mme Bouchard (Lyne) :
Si vous faisiez ça, on serait en droit de vous...
M. Barrette : Taper sur les
doigts.
Mme Bouchard
(Lyne) : ...de vous limoger
comme député parce que c'est inadmissible, ou comme ministre surtout, parce que c'est eux qui prennent les décisions,
là, c'est inadmissible. Mais ce n'est pas parce que l'entreprise privée est un
partenaire dans un projet quelconque au gouvernement que l'entreprise privée va
se mettre à mal utiliser les données.
Et, si vous
me permettez de revenir à une question qui a été posée, le gouvernement
américain confie ses données de
l'armée américaine et de la sécurité nationale à CGI, hein, basée à Montréal.
Est-ce que ça veut dire que le gouvernement américain est complètement fou? Non, ça veut juste dire qu'ils ont mis
en place ce que ça prenait pour gérer les risques associés.
M. Barrette :
Alors, c'est là où je veux aller, là, O.K.? Je ne pense pas que le projet de
loi, aujourd'hui, est construit pour
faire ce genre de chose là. Là, vous venez de faire «freaker» la moitié du
Québec, là. Mais ce n'est pas grave, c'est plaisant de le faire. Moi,
j'aime ça. Alors...
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Barrette :
Mais là où je veux aller, là, c'est à la chose suivante, il y a deux sortes de
données, elles sont toutes pareilles, les données, elles sont nominales
ou pas nominales...
Une voix : ...
M. Barrette :
Non, non, je m'excuse, là, dans l'angle : elles sont nominales ou elles ne
sont pas nominales, O.K., juste dans cet angle-là. Ce n'est pas vrai que, dans
une analyse, ou dans un projet de recherche, ou ainsi de suite, on ait
toujours besoin du nominal.
Mme Bouchard (Lyne) :
Non.
M. Barrette :
Alors, quand on arrive au nominal, il y a plusieurs façons de gérer ça. Une des
façons serait — je la
mets au conditionnel — la suivante : vous pouvez avoir, dans
le gouvernement, un dépôt central de données avec une équipe, qui serait contrôlée, qui fait l'analyse dessinée
par quelqu'un d'autre. Ça se fait, ça. Actuellement, ça se fait dans certains
ministères. On demande à des chercheurs, par
exemple, de dessiner leurs interrogations, leur protocole de recherche qu'on
met en ligne de code et qui sont appliqués,
mais par des gens de l'État. Est-ce que vous voyez ça comme étant une solution
qui serait garante de plus de sécurité de la
donnée — parce
que, tu sais, je veux juste que ma pensée soit claire pour vous, là — par opposition à avoir des bases de données,
ainsi de suite, partout, puis que tout le monde fait de l'analyse de données
de tout le monde?
Mme Bouchard
(Lyne) : En tout respect,
dans les deux cas, il va falloir assurer la protection des renseignements
personnels. Et ce n'est pas parce qu'on va à l'externe qu'on va avoir une
protection moindre. La réalité, c'est que c'est souvent les entreprises privées qui ont des milliards de dollars à
investir là-dedans qui assurent une protection supérieure. Nous, notre travail, c'est de s'assurer que les
données qu'on va considérer comme étant confidentielles et à haute sécurité
sont gérées en conséquence, et ça pourrait
amener le gouvernement à décider de ne pas aller à l'externe pour certains
types de données. Mais pour d'autres,
une partie du dossier santé n'ira pas à l'externe puis une autre partie va
aller à l'externe. Mais, quand ça va
aller à l'externe, ça n'ira pas sur Amazon pour être vendu publiquement, ça va
être chez un partenaire qui va être géré par des contrats du
gouvernement où on va avoir pris soin d'encadrer les risques associés.
M. Barrette :
L'objet de ma question était dans... Stocker des données dans une entreprise,
là, qui a des codes de sécurité puis
qui est «gearée» pour faire ça, on va le dire comme ça, là, bon, je pense que
ça existe, vous avez donné un exemple
vous-même. Puis effectivement, s'ils sont effectivement stockés à Montréal, il
n'y a personne dont a entendu parler de, là, qui a...
Mme Bouchard
(Lyne) : Elles ne sont
probablement pas stockées à Montréal, mais c'est une compagnie canadienne.
M. Barrette :
C'est une compagnie canadienne. Maintenant, quand arrivent des projets
d'analyse et de recherche ou de
développement commercial qui utilisent des données, d'abord, la plupart du
temps, je ne pense pas que ça soit obligé d'être nominatif, là, mais ça,
il me semble que ça, ça ne devrait pas sortir du gouvernement.
• (16 h 50) •
Mme Bouchard
(Lyne) : En théorie, oui, et
la RAMQ est un bon exemple. On a un mégaentrepôt de données sur les
données de médicaments, et ces données-là ne sont pas partagées, ne sont pas
vendues aux compagnies privées. Ça n'empêche
pas, à la RAMQ, qu'il y ait des compagnies privées qui travaillent au quotidien sur ces bases de données là,
c'est encadré.
M. Barrette : Alors, moi, mon point, c'est que le projet de loi, en quelque part, pour rassurer le monde, devrait être conçu
d'une telle manière que, lorsqu'on fait des analyses, de la recherche, des
modélisations, même du développement d'applications, une partie de ça soit faite dans le gouvernement sous... un développement qui peut être fait à l'extérieur, mais qui est appliqué à l'interne, et là ça permet
d'éviter que des données nominatives sortent à l'extérieur. Moi, je suis
inconfortable à ce que des données sortent à l'extérieur.
Tantôt, vous
allez entendre mon collègue de Québec
solidaire, qui va vous parler du
consentement parce que ça, c'est
clair, on est partis là-dessus, là, on va avoir des semaines et des semaines de
débats sur le consentement. À un
moment donné, si tout passe par le consentement, bien, on
retombe dans les années 90, avec la CAI, où on ne pouvait rien faire, on
ne pouvait même pas regarder la donnée sans le consentement, là. À un
moment donné, il faut sortir de ça, là. Et là, moi, c'est dans ce sens-là que je vous pose la question. Il faut trouver des
moyens dans cette loi-là pour faire en sorte qu'on puisse s'assurer que... Parce que ça va
finir par un «opting in» ou un «opting out», puis des gens vont faire un drame
avec ce projet de loi là, là.
C'est quasiment déjà commencé, là.
Mme Bouchard
(Lyne) : Mais ça va se
gérer dans la gestion, pas dans un projet
de loi. Actuellement, on partage les informations entre les médecins puis les pharmaciens. Je peux toujours
dire : Ça ne me tente pas que mon pharmacien sache
que j'ai le cancer...
M. Barrette : Dites-le pas trop
fort.
Mme Bouchard
(Lyne) : ...mais je ne serai
pas soignée, là. Ça doit se gérer, on le gère actuellement. C'est faux de penser qu'il
ne s'en fait pas, du numérique mur à mur, puis que les employés du gouvernement ne sont pas au coeur de ces
projets-là, actuellement. Et je peux vous dire, dans le cas du développement, par exemple, à chaque fois qu'on sort un exemple, on veut avoir le contre-exemple. Actuellement, on développe des systèmes avec des programmeurs consultants, et eux, comme les employés à l'interne,
travaillent avec des données dénominalisées parce qu'on n'a pas besoin du
nominatif. On n'a pas besoin de
savoir que c'est Gaétan Barrette ou Lyne Bouchard, on a juste... savoir que
c'est monsieur X Pollux. Tu peux faire ton programme avec ça, là. On fait ça
déjà, actuellement, on va continuer de le faire demain matin exactement de la même façon.
M. Barrette : Bon. Qu'est-ce
qui manque au projet de loi, d'après vous, là?
Mme Bouchard
(Lyne) : Le projet de loi
est tout petit et il dit deux choses : on voudrait pouvoir partager
l'information quand c'est d'intérêt
gouvernemental — ce sera
à vous de vous assurer que l'intérêt est vraiment gouvernemental — puis on va donner les incitatifs aux organismes pour qu'ils le fassent quand
c'est d'intérêt gouvernemental. Moi, je pense que c'est important de faire ces
deux choses-là. Par la suite, il va y avoir un projet qui va être déposé et qui
va impliquer des développements informatiques...
M. Barrette : Je vais vous arrêter, là, parce qu'il me reste juste 48 secondes. Il me semble que l'État
devrait dire à ses organismes et ministères :
À partir de maintenant, vous numérisez, vous êtes numériques. Moi, je
trouve ça malheureux qu'on soit obligés de donner des incitatifs, il me
semble que ça devrait aller de soi.
Mme Bouchard
(Lyne) : Oui, mais, si le ministère de la Santé décide qu'il faut développer un logiciel pour
favoriser la prise de rendez-vous
dans les cliniques, la RAMQ a d'autres priorités, donc ça peut être intéressant
de lui donner des sous pour qu'elle
puisse embaucher des gens, pour qu'elle tasse d'autres priorités pour faire
celle-là. Je pense que ça prend des
incitatifs parce qu'un ministre est redevable sur ses lois et sur ses mandats. Si
un autre ministre décide qu'il faut qu'il tasse toutes ses
affaires pour faire ses projets, il faut lui donner des incitatifs, là.
Le
Président (M. Simard) :
Merci beaucoup, Mme Bouchard. Je cède maintenant
la parole au député de Rosemont
pour une période de 2 min 40 s.
M. Marissal : Oui, merci,
M. le Président. Bonjour, madame. Au
risque de déplaire à mon collègue de La Pinière, non,
je ne parlerai pas de consentement parce
que, pour moi, il est tellement
évident que ça va de soi que le consentement est une chose essentielle, et c'est pourquoi
c'est inscrit dans la loi, d'ailleurs, et que la CAI nous l'a rappelé ce matin. Mais
j'ai compris, j'ai fait le tour, et je n'ai
pas besoin de creuser davantage ce qui est de l'évidence, alors je vais plutôt
y aller avec autre chose. Désolé de vous décevoir, M. le député de La Pinière.
Vous avez
dit, tout à l'heure, madame... Mme Bouchard — pardon,
j'oubliais votre nom — que, si on gère le risque, il n'y a plus de problème, on gère, c'est tout,
puis on y va, puis on y va à fond. Je comprends peut-être qu'académiquement,
vu que vous êtes là-dedans depuis très
longtemps, c'est probablement un peu un fantasme, là, d'universitaire que de
faire enfin les tests puis d'y aller
parce que peut-être que ça vous a frustrée trop longtemps, et je vous
comprendrais, l'inaction du
gouvernement. Mais, d'un autre côté... Et vous avez raison de dire que parfois
c'est frustrant, là, la machine gouvernementale,
c'est vrai que ça ne se parle pas tout le temps. Mais ce n'est pas un peu
léger, Mme Bouchard, de
dire : On gère le risque, il n'y en a plus de problème, puis
allons-y, fonçons, considérant les risques potentiels?
Mme Bouchard
(Lyne) : Vous mettez des
mots dans ma bouche, mais, en tout respect, je vous dirais, M. Marissal,
que j'ai eu le privilège d'être sous-ministre
associée au ministère de la Justice, je connais bien l'appareil de l'État, je l'ai vu
de l'interne, de l'externe, je l'ai
conseillé, je l'ai vécu. Le gouvernement prétend vouloir s'améliorer, mais à chaque fois
qu'il veut bouger, il est limité dans sa
capacité d'action parce qu'on n'a pas accès à l'information. Moi, ce que je
dis, c'est qu'on paie des gestionnaires, j'en suis, vous avez des gens
dans vos équipes qui en sont, pour faire arriver des initiatives gouvernementales, et on doit les responsabiliser
de façon à ce qu'ils les fassent arriver en gérant les risques. Le risque est
plus élevé, à mon avis, de ne pas permettre
le partage d'information si on veut vraiment s'améliorer, si on veut diminuer
les coûts de l'État et si on veut
améliorer les services. Le risque existe, d'un autre côté, et il faut prendre
les mesures pour le gérer, d'où le
fait, par exemple, que je disais non seulement, dans les rapports annuels, il
faut dire sur comment... quelles données on partage, mais comment on
assure la protection de ces données-là.
Le Président (M. Simard) : En
conclusion.
Mme Bouchard
(Lyne) : Il faut
responsabiliser les gens, mais ça se fait. Est-ce qu'il va y avoir
éventuellement une donnée qui va être
coulée dans les médias, puis ça va faire un grand scandale, puis on va léser
une personne? Ça se peut. Mais d'un
autre côté, si on ne soigne pas des gens ou si on ne les éduque pas parce qu'on
ne peut pas leur offrir les bons services, on ne s'aide pas plus.
Le Président (M. Simard) :
Merci, Mme Bouchard. M. le député de René-Lévesque.
M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour de
vous saluer, Mme Bouchard. Dans votre mémoire, vous faites mention du partage des renseignements
personnels, tel que le prévoit le projet de loi n° 14,
mais est-ce que vous voyez une différence dans le partage des informations plus
corporatif, donc tous ceux... les compagnies à l'intérieur, est-ce que vous en voyez une utilité? Si oui, est-ce
qu'on devrait appliquer le même mécanisme ou mettre des protections différentes,
puisque ce sont des données qui ont une incidence aussi financière,
confidentielle pour certaines compagnies?
Mme Bouchard (Lyne) :
Je me suis posé la question si on devait inclure les données corporatives. On
peut peut-être prendre les bouchées simples,
déjà que celle-là est quand même importante, les renseignements personnels,
puis on verra dans le futur comment
est-ce qu'on voudrait utiliser les données corporatives. Mais, si je suis une
corporation, je voudrai probablement
que le gouvernement gère mes données de façon aussi privée que si elle était
individuelle, là. Alors, les rapports
que les entreprises fournissent au ministère de l'Environnement sur la
protection de l'environnement, mes données financières à l'Agence du
revenu, tout ça, ça doit quand même rester privé, là.
M. Ouellet : Le fait que le
gouvernement veule, avec ce projet de loi là, instaurer sa première plateforme d'Accès uniQc pour le citoyen, est-ce que vous
voyez d'un bon oeil aussi qu'on aille un peu plus loin pour qu'on donne aussi
accès aux citoyens corporatifs une seule et unique plateforme? Parce que je
vous entendais tout à l'heure, les gens demandent d'avoir plus d'accès, et malheureusement ces silos-là ne se
parlent pas. Est-ce que vous voyez de bon augure aussi de faire une première tranche et de permettre aussi aux
entreprises de consulter des portails avec un seul endroit, un seul
clic, un seul mot de passe pour avoir accès à leurs informations?
Mme Bouchard (Lyne) : Les entreprises ont souvent un seul clic ou seul identifiant,
actuellement. La problématique est différente parce que, dans une entreprise,
j'ai les moyens de payer un professionnel pour faire affaire avec mon
partenaire privilégié qui est
l'Agence du revenu du Québec, qui recueille toutes mes informations par rapport
à la CNESST et les autres partenaires auxquels il faut que je rende des
comptes à tous les trimestres. Je pense que la problématique est différente étant donné la sophistication accrue qu'on
s'attend de la part d'un employeur, que de la part d'un citoyen. D'un autre
côté... ce qui fait que c'est
compliqué, il faut continuer d'améliorer, on a trop de formulaires, oui, il y a
trop d'intervenants, mais c'est plus
facile pour une entreprise. Dans un premier temps, le citoyen reste quand même
le volume le plus important que l'État a à gérer. Je pense que ça peut
faire du sens d'aller sur les renseignements personnels.
M. Ouellet : Si je vous pose
cette question-là, c'est que, de plein de PME que j'ai rencontrées, elles se
faisaient souvent poser la question de se faire renvoyer encore les mêmes
documents qui existaient dans un ministère mais qu'un l'autre ministère n'avait pas. Donc,
êtes-vous d'accord avec le projet de loi n° 14? On règle une
partie, peut-être, de cette problématique-là?
Le Président (M. Simard) : En
conclusion, s'il vous plaît.
Mme Bouchard (Lyne) :
Oui, on règle une partie, on avance.
Le
Président (M. Simard) : Merci beaucoup. Alors, Mme Bouchard,
merci pour ce bel exposé. Vous savez que nos collègues de l'Université
Laval sont toujours les bienvenus parmi nous.
Alors, chers collègues, la commission ajourne
ses travaux au 15 mai, 15 heures, où elle poursuivra son mandat.
Bonne fin de soirée.
(Fin de la séance à 17 heures)