(Onze heures trente-trois minutes)
Le
Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des finances publiques ouverte et, bien sûr, je demande à toutes les personnes
dans la salle d'éteindre la sonnerie des téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder à des consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi
n° 108, Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics
et instituant l'Autorité des marchés publics.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Polo
(Laval-des-Rapides) est remplacé par M. Ouellette (Chomedey);
M. Bonnardel (Granby) est remplacé par M. Caire (La Peltrie).
Le
Président (M. Bernier) : Merci beaucoup. Nous aurons le
plaisir d'entendre ce matin le Comité public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau, bienvenue, messieurs,
et l'association des constructions de routes et grands travaux du
Québec. Alors, bienvenue à tous les parlementaires qui vont participer ce matin
à cette commission. Bienvenue au personnel
et recherchistes qui vous accompagnent, le personnel du Secrétariat du Conseil
du trésor et le personnel de l'Assemblée nationale qui nous accompagnent dans
nos travaux, avec mon très compétent secrétaire, qui est à côté de moi. Il tire
la force dans sa barbe, ce qui fait qu'il est très, très fort par rapport à ses
recommandations.
Auditions (suite)
Donc, bienvenue à M. Luc Bégin,
Pierre-Olivier Brodeur. M. Ouimet, bienvenue, bon retour à l'Assemblée nationale — peut-être un jour — M. Gabriel Chénard également. Alors,
sans plus tarder, vous avez 10 minutes pour votre présentation. La
parole est à vous.
Comité public de suivi des
recommandations
de la commission Charbonneau
M. Bégin (Luc) : Alors, nous
remercions la Commission des finances publiques de nous donner l'occasion
d'intervenir dans le cadre des consultations qui entourent le projet de loi
n° 108. Le Comité public de suivi des recommandations
de la commission Charbonneau est un comité non partisan, formé d'experts et de
personnalités publiques, dont la
mission est de surveiller et rapporter la mise en oeuvre des recommandations de
la commission Charbonneau de façon ouverte et objective.
Nous avons
annoncé, au printemps dernier, le dépôt d'un rapport, le 24 novembre 2016, jour
anniversaire du dépôt du rapport de
la commission, pour faire le point sur l'avancement du travail des différentes
instances gouvernementales ayant un
rôle à jouer dans la mise en oeuvre des recommandations. Dans l'esprit de notre
mission, notre intervention vise à évaluer la fidélité du projet de loi
n° 108 auxdites recommandations.
La création
de l'Autorité des marchés publics, l'AMP, est la recommandation-phare de la
commission Charbonneau. Elle découle
d'un diagnostic clair sur l'origine des problèmes constatés. Selon la
commission, ceux-ci sont le fruit de la combinaison des quatre facteurs suivants : tout d'abord,
l'autonomie accordée aux donneurs d'ouvrage publics en ce qui a trait à l'application des modes et règles
d'adjudication des contrats prévues par la loi et la réglementation, l'absence,
chez certains donneurs d'ouvrage publics, d'une expertise interne suffisante en
mesure d'évaluer les travaux requis et les soumissions
reçues en réponse à un appel d'offres, la possibilité pour les politiciens, particulièrement
au niveau municipal, d'influencer
l'octroi et la gestion des contrats publics et l'absence d'analyse de marché
permettant de détecter des situations problématiques.
Pour pallier ces lacunes, la commission a recommandé la création d'une instance
nationale d'encadrement des marchés publics ayant pour mandat les trois
points suivants : surveiller les marchés publics afin de déceler les problèmes de malversation, soutenir les donneurs
d'ouvrage publics dans leur gestion contractuelle et intervenir auprès
des donneurs d'ouvrage publics lorsque requis.
Le projet de
loi n° 108 est un pas important vers la création de l'AMP, et nous tenons
à féliciter le gouvernement de
l'avoir posé. Cependant, l'AMP, telle que définie par le projet de loi, n'a ni l'indépendance,
ni les pouvoirs, ni la portée nécessaires
pour mener à bien sa mission. Par conséquent, nous estimons que le projet de
loi, dans sa forme actuelle, ne répond pas adéquatement aux
recommandations de la commission. Nous abordons ces trois lacunes
successivement.
Tout
d'abord, la question de l'indépendance de cette nouvelle instance nationale.
Lorsqu'elle définit l'AMP, la commission
Charbonneau insiste sur l'indépendance nécessaire à cette instance nationale.
Nous invitons les parlementaires à se pencher sur le processus de
nomination du président-directeur général de l'AMP. Bien que la commission
n'ait pas jugé bon de
recommander un mode de nomination précis, il ressort clairement de la
recommandation que ce processus de
nomination doit être en mesure d'assurer la compétence et l'indépendance de
l'AMP. Le projet de loi n° 108 prévoit que le gouvernement nomme le
dirigeant de l'AMP à partir d'une liste que lui aura fournie un comité créé
pour les circonstances. Ce processus de
nomination ne nous apparaît pas être le meilleur processus possible. D'autres
modèles existent qui ont fait leurs preuves
et nous semblent plus à même de garantir la compétence et l'indépendance du
dirigeant de l'AMP. Ce dernier pourrait, par
exemple, être choisi par l'Assemblée nationale aux deux tiers des voix ou être
nommé par le gouvernement parmi une liste de
candidats élaborée par un comité de sélection dont la composition est
précisée dans la loi.
Le
projet de loi prévoit également que l'AMP n'a qu'un pouvoir de recommander au
secrétariat du trésor de faire à son
tour des recommandations au gouvernement lorsqu'il s'agit de soumettre la
gestion contractuelle d'un organisme public
à la surveillance de l'autorité ou encore de transférer les responsabilités
d'un processus d'octroi de contrats vers un autre organisme public. Nous
nous interrogeons sur l'utilité d'un tel mécanisme de supervision par le
Secrétariat du Conseil du trésor.
Deuxième
point, la question de l'encadrement, les pouvoirs et modes d'intervention de l'AMP.
La commission Charbonneau décrit
l'AMP comme un organisme dont l'action doit se situer autant en amont qu'en
aval, dans une logique d'intervention graduelle qui comporte trois axes
principaux : la surveillance des marchés publics, le soutien aux donneurs d'ouvrage publics et l'intervention
auprès de ceux-ci lorsque nécessaire. Tel que présenté, le projet de loi
ne crée pas, à l'image de l'AMF, un guichet
unique en matière de surveillance, encadrement et contrôle des contrats
publics. En effet, le projet de loi fait de
l'AMP un organisme dont l'action se situera essentiellement a posteriori. Pour
remédier à cette situation, nous suggérons
les modifications suivantes : confier à l'AMP le rôle de coordonner et
donner les formations en gestion
contractuelle, donner à l'AMP des pouvoirs spécifiques pour obtenir des
informations dans le cadre de son mandat
de veille, et assurer que l'AMP puisse désigner un membre d'un comité de
sélection ou un vérificateur indépendant dès qu'une situation le requiert — le projet de loi prévoit que ce pouvoir ne
peut s'exercer qu'au terme d'une vérification ou d'une enquête, il ne
faudrait pas que ceci limite l'AMP dans l'exercice de ses pouvoirs — et
prévoir également pour l'AMP la possibilité de prendre en charge elle-même un processus
d'octroi de contrats.
• (11 h 40) •
L'AMP
ne doit pas être un simple gendarme des marchés publics. Cet organisme doit
être un véritable, et nous y
insistons, pôle d'expertise en en analyse et vérification des marchés publics
en mesure de soutenir tous les donneurs d'ouvrage publics, tel que le recommandait la commission Charbonneau.
Son action doit être large et embrasser toute l'activité contractuelle
sans se limiter à la vérification de la conformité aux seules normes
contractuelles.
Pour
que l'AMP puisse jouer son rôle, il faut limiter les barrières à son action.
Or, nous constatons que le projet de
loi n° 108 impose un cadre restrictif à l'AMP, réduisant d'autant sa marge
de manoeuvre. Ainsi, le gouvernement se réserve le pouvoir de désigner les organismes dont la gestion
contractuelle doit faire l'objet d'une vérification par l'AMP. Pourtant, les déficiences de la gestion
contractuelle ont été au coeur de plusieurs stratagèmes observés par la
commission Charbonneau. Cet aspect du projet de loi devrait être revu.
Et
le troisième et dernier point, la question des contrats publics et la portée et
le champ d'intervention de l'AMP. Les
recommandations de la commission sont claires : le mandat de l'AMP doit
couvrir la gestion contractuelle de tous les donneurs d'ouvrage publics. Or, le projet de loi n° 108 limite de
façon importante le champ d'intervention de l'organisme. En effet, l'AMP est cantonnée aux organismes
publics tels que définis dans la Loi sur les contrats des organismes
publics, pour les contrats
d'approvisionnement et de services, aux seuls contrats dont la valeur excède
les seuils prévus aux accords intergouvernementaux, à la gestion
contractuelle du MTQ et des autres organismes désignés par le gouvernement.
Contrairement
à ce que prévoyaient les recommandations de la commission, plusieurs sphères
échappent ainsi à l'AMP. Ainsi, les
municipalités ne font pas partie de son champ d'action. Nous sommes d'avis que
cette lacune devrait être corrigée.
Les contrats d'approvisionnement et de services de gré à gré et dans le cadre
d'un appel d'offres sur invitation ne sont
pas inclus non plus. De même, la gestion contractuelle des organismes autres
que le MTQ et ceux désignés par le gouvernement
ne fait pas partie du mandat actuel de l'AMP. Or, il nous semble impératif que
l'AMP ait le pouvoir de déclencher de sa propre initiative toute enquête
ou vérification en matière de gestion contractuelle.
Nous
recommandons de modifier le projet de loi n° 108 afin d'étendre le mandat
de l'AMP aux municipalités, incluant
les OBNL et les sociétés paramunicipales financées majoritairement par des
fonds publics, de l'étendre à tous les contrats
également sans distinction de valeur ainsi qu'à la gestion contractuelle de
tous les organismes sous sa responsabilité.
De plus, l'AMP devrait avoir le pouvoir de dicter les règles du Bureau des
soumissions déposées du Québec, comme le recommande le rapport de la
commission.
Évidemment,
des pouvoirs ne sont rien sans les moyens de les appliquer. Il est par
conséquent crucial que l'AMP soit adéquatement financée. Elle doit
disposer des ressources nécessaires pour exercer son important mandat.
En
créant l'AMP, le gouvernement a posé un geste important. Cet organisme a le
potentiel de devenir un guichet unique pour l'ensemble des marchés
publics au Québec. Pour cela, l'AMP doit jouir de toute la latitude nécessaire
pour jouer efficacement son rôle. La loi qui la constitue doit lui donner les
mandats et les pouvoirs prévus par la commission Charbonneau tels que nous les
avons soulignés aujourd'hui.
Et, aussi importante
soit-elle, la création d'un nouvel organisme ne saura à elle seule résoudre les
problèmes d'intégrité dans les marchés publics. Une révision des lois et
règlements, telle que la commission Charbonneau le recommande, est elle aussi nécessaire pour assurer que les processus
contractuels soient les plus performants et les plus robustes possible. Il s'agit là d'un chantier
auquel nous recommandons aux parlementaires de s'attaquer en priorité
dans la suite de leurs travaux. Merci.
Le Président (M. Bernier) :
Merci, M. Bégin, pour votre présentation. Nous allons passer aux échanges
avec les parlementaires. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Leitão :
Très bien, merci beaucoup, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour. Merci
d'être là, merci d'être venus. Et on s'excuse pour la musique
d'ambiance, mais ce n'est vraiment pas de notre...
Le Président
(M. Bernier) : On ne peut que contrôler les cellulaires et
non pas les marteaux-piqueurs.
M. Leitão :
Voilà. Alors, même avec une AMP, je pense qu'on ne serait pas capables de faire
ça. En tout cas, plusieurs choses que
j'aimerais en discuter un peu plus avec vous, surtout cette question que vous
avez soulevée, d'indépendance. Mais,
avant d'y arriver, à l'indépendance, j'aimerais vous dire, d'entrée de jeu,
comme je l'ai déjà dit depuis le
début de ces auditions, que nous sommes tout à fait disposés, presque prêts à
inclure les municipalités aussi. Donc, nous
préparons une série d'amendements qui vont faire en sorte que le monde municipal va être aussi inclus par le projet
de loi n° 108. Donc, vous n'êtes
pas le premier groupe à nous suggérer de le faire, mais j'aimerais aussi
vous dire, comme j'ai dit aux autres, que c'est ce qui va être fait. Ça, c'est
d'entrée de jeu.
Maintenant,
revenons à cette question d'indépendance. Donc, un des aspects de
l'indépendance de l'autorité, c'est que vous souhaiteriez que, donc, le processus
de nomination du P.D.G., donc du directeur de cet organisme, soit fait
directement par l'Assemblée nationale, pendant que nous, ce que nous proposons,
c'est de le faire — donc,
par le gouvernement — à
travers un comité. Une chose que vous avez mentionné, et je pense que c'est
aussi... j'aimerais vous entendre
là-dessus, c'est que, oui, nous allons créer un comité, un comité qui va
proposer des personnes qui seraient des candidats à la direction de cet organisme. Alors, comment est-ce que
vous... Quelles recommandations, quelles suggestions aurez-vous à nous
donner dans la création de ce comité-là? Qui devrait le composer, ce comité-là?
À votre avis, comment le processus devrait se passer?
Le Président
(M. Bernier) : M. Bégin.
M. Bégin (Luc) : Oui, en fait, je répondrai très brièvement, et je reviens sur la
proposition, qui est plutôt... Je me verrais mal vous recommander
quelles personnes ou comment nommer les personnes sur le comité. On s'en tient simplement, nous, à la proposition à l'effet que,
pour garantir au mieux l'indépendance de l'AMP, cette personne devrait être choisie par l'Assemblée nationale au deux
tiers des voix ou encore nommée par le gouvernement parmi une liste de
candidats qui est élaborée par un comité de sélection dont la composition
serait précisée dans la loi.
Donc,
on est sur ces deux options, qui nous semblent les deux modes les meilleurs
pour assurer et garantir cette indépendance, et ce sont d'ailleurs, de
toute façon, ceux qui sont retenus notamment pour le Vérificateur général du Québec, le Directeur général des élections ou
encore, dans l'autre cas, pour le Directeur des poursuites criminelles et
pénales du Québec. Alors, il nous semble que c'est la meilleure voie à suivre,
l'une ou l'autre de ces options.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. M. le ministre.
M. Leitão : Oui, écoutez, nous considérons très activement d'inclure, dans le
projet de loi, une telle procédure, donc
de nommer, dans le projet de loi, les membres de ce comité-là et le processus.
Donc, ça va se faire aussi. Mais, restant dans le domaine de l'indépendance, on va un peu plus loin et on parle
aussi... vous mentionnez aussi que vous souhaiteriez que l'autorité puisse jouer aussi un rôle de pôle
d'expertise, enfin, pas seulement de surveiller les marchés, mais d'être
beaucoup plus active, beaucoup plus
présente, beaucoup plus interventionniste, si je peux utiliser un tel terme.
Est-ce que vous pensez que ça
pourrait mener à une certaine confusion, en tout cas, un certain conflit entre
le rôle de surveillant et le rôle de
régulateur, si on veut? Est-ce que le surveillant devrait être aussi le
régulateur ou est-ce que ça ne serait pas mieux peut-être de séparer les
deux?
Le Président
(M. Bernier) : M. Chénard. Oui, allez-y, M. Chénard.
Une voix : M. Brodeur.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Merci. En fait, ce qu'on constate actuellement,
c'est que, par exemple, au sous-secrétariat
aux marchés publics, il y a un peu ces deux pôles-là qui cohabitent. Nous, on
propose, comme vous l'avez très bien souligné, en fait, s'appuyant sur
les recommandations de la commission Charbonneau, de créer un véritable pôle d'expertise qui va réunir toutes les
ressources qui sont actuellement fragmentées. Et, à partir de ce moment-là, ce pôle d'expertise là
devrait bénéficier au plus grand nombre d'organismes possible et avoir l'impact maximal à travers la société et
les activités d'approvisionnement et de marchés publics du Québec. Et donc ça rentre dans
une série de rôles qui pourraient lui être confiés, comme, par ailleurs, de
jouer un rôle d'observation et
éventuellement d'édicter les règles
du BSDQ. Donc, nous, on ne voit pas de conflit entre ces deux fonctions. La
commission n'y voyait pas non plus de
conflit.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. M. le ministre.
• (11 h 50) •
M. Leitão : Très
bien. Écoutez, on se comprend bien, que cette création d'expertise, d'un pôle d'expertise à l'intérieur du gouvernement, bien
sûr que c'est non seulement important, elle est nécessaire. La question, évidemment : Est-ce que ça devrait être l'AMP qui a aussi ce rôle en plus
de ses activités de surveillance, a aussi le rôle de diffuser
l'expertise, ou est-ce que ça ne serait pas peut-être plus pratique que
cela se fasse par le Conseil du
trésor, le Conseil du trésor où il y a déjà une
bonne expertise, mais qu'on crée davantage un organisme,
un rôle d'expertise pour assister les autres organismes publics dans
leurs contrats?
Attendez un
peu, j'avais aussi une autre question ici avant de passer la parole à mes
collègues. Ah oui! On a parlé, donc,
de financement, de s'assurer que, bien sûr, le gouvernement s'assure que
l'autorité soit adéquatement financée, bien sûr. En même temps on a constaté que la commission Charbonneau
elle-même, quand elle parlait de la création d'une autorité des marchés publics, la commission disait
que ça se ferait à coût nul. Comment est-ce que vous réagissez à ça?
Le
Président (M. Bernier) : M. Ouimet? M. Bégin?
Lequel? M. Ouimet. Bien oui, ça va nous faire plaisir de vous
entendre, M. Ouimet.
M. Ouimet
(Gilles) : Merci. Oui, bien, tant qu'à être venu... Merci, M. le
Président. En fait, je pense qu'il est important
de rappeler une chose. Le comité a pour mandat, comme mission principale,
d'assurer le suivi et la pérennité des recommandations de la commission.
Et il est difficile pour le comité d'aller plus loin, d'aller au-delà de ce que
la commission a proposé. Alors, sur certaines questions, on peut... Bien que
nous ayons tous individuellement dans nos champs
d'expertise des points de vue, collectivement, comme comité, comme organisation
informelle, on s'est donné comme mandat d'assurer simplement le suivi
des recommandations.
Ayant dit
cela, évidemment, la commission avait émis cette idée qu'en regroupant au sein
de ce pôle d'expertise, en créant ce
pôle, cette autorité qui regroupe toutes les expertises... pourrait se faire à
coût nul. Est-ce que c'est le cas? Quand
on regarde... Et la question que posait le ministre, c'était... Dans l'esprit
de la commission, en regroupant tout le monde, donc le rôle de régulateur et le rôle de surveillant, au sein de
cette même organisation, on pouvait penser que ça se fasse à coût nul. Si on doit conserver, à
l'extérieur, des fonctions, là, à ce moment-là, ça devient plus difficile de
réaliser ça, et il y a une injection de fonds qui est nécessaire.
M. Leitão : En effet. Alors, on
a...
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Leitão :
En effet, on a regardé ça, bien sûr. Et, oui, on va rapatrier certaines
fonctions qui existent déjà et des personnes, que ce soit à l'AMF ou que
ce soit au ministère des Transports. Mais c'est clair que ce n'est pas
suffisant. Il va falloir ajouter des budgets
supplémentaires. Nous, nous sommes très conscients de cela, et c'est ce que
nous allons faire. Les collègues, si vous avez des questions...
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de La Prairie.
M. Merlini :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre mémoire et votre
présence ici ce matin. Vous
mentionnez à la page 1 que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne répond
pas adéquatement aux recommandations de
la commission et vous dites que l'AMP n'aura ni l'indépendance, ni les
pouvoirs, ni la portée nécessaires pour mener à bien sa mission. Mais au sujet du BSDQ, que vous avez mentionné tantôt
aussi dans votre présentation, c'est quoi, les principaux problèmes que vous voyez quant à son fonctionnement? Parce
que de demander à l'AMP de siéger avec des entrepreneurs sur un conseil d'administration risque de nuire justement
à l'indépendance de l'AMP. Alors je vois un peu peut-être une contradiction entre ce que vous souhaitez, qu'elle soit
vraiment indépendante, l'AMP, mais, en même temps, si vous le mettez sur le BSDQ, là, ça complique
les choses, là, par rapport à son indépendance parce que comment
expliquer qu'un vérificateur, à ce
moment-là, pourrait dicter les règles? Alors, j'aimerais vous entendre
là-dessus, s'il vous plaît.
Le Président (M. Bernier) :
Monsieur... Lequel est lequel? Lequel est lequel? Levez la main puis dites-moi
qui est qui.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bernier) :
M. Chénard. C'est beau.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : C'est Brodeur. M. Chénard, c'est lui. Et moi,
je suis Brodeur. Tout d'abord, il est clair
que, comme a dit Me Ouimet, nous sommes ici pour assurer la pérennité des recommandations
de la commission Charbonneau. Par
rapport au BSDQ, il faut rappeler que le BSDQ, comme vous le savez, d'ailleurs
d'autres intervenants l'ont souligné,
est un acteur de premier plan dans les contrats publics par son rôle
fondamental qu'il joue au niveau des sous-contrats publics. La
commission a étudié le BSDQ et a évalué qu'il pouvait y avoir des problèmes
potentiels à ce niveau-là. Et donc il
fallait qu'il y ait une instance gouvernementale qui soit en mesure d'observer
ça et qui soit en mesure également,
la commission l'explique dans son rapport, de trancher parce que — et je crois que vous avez reçu à la
fois l'Association de la construction du Québec et l'association des
entrepreneurs généraux du Québec — vous avez pu constater que le BSDQ fait l'objet d'un conflit, enfin, entre ces deux associations. Donc, il est important qu'il y ait
une instance gouvernementale qui soit en mesure d'assurer un suivi et éventuellement de dicter des règles. L'AMP est la mieux placée, étant donné qu'elle sera le pôle d'expertise à ce niveau au Québec. C'est elle qui aura le
mandat d'effectuer une veille des
marchés publics, qui pourra détecter des situations problématiques et qui, par
conséquent, pourra formuler des recommandations appropriées et
concrètes.
Par rapport
au conflit entre la vérification, d'une part, et la contribution, que ce soit à
édicter des règles, que ça soit à la
formation, que ça soit au soutien des donneurs d'ouvrage publics, ce n'est pas
un problème que la commission constatait
et ce n'est pas un problème que nous constatons non plus parce qu'actuellement,
si on regarde ce qui se fait, c'est
la situation qui prévaut dans un très grand nombre de situations. Alors, en
vrac, on peut citer par exemple les ordres professionnels, qui sont
chargés de l'accession à la profession, de la formation et de l'inspection
professionnelle. On peut citer le
Secrétariat du Conseil du trésor, dont le sous-secrétariat aux marchés publics
a charge de la formation et de mener
des inspections et des vérifications lorsqu'il est mandaté pour le faire par le
président du Conseil du trésor. On peut citer... Au MTQ, la formation et le soutien à l'approvisionnement sont
effectués par la Direction de la surveillance des marchés et de l'observation
des règles contractuelles, qui est également l'unité administrative qui a le
rôle de mener des vérifications sur les
activités contractuelles. On peut citer l'UPAC. Les formations en prévention de
la corruption et de la collusion qui
se font au Québec sont données par l'UPAC ou en collaboration avec l'UPAC,
l'UPAC ayant également pour mandat
d'enquêter sur de possibles activités de corruption et de collusion. Donc, si
on regarde la situation, je pense que
d'avoir une instance, un pôle d'expertise qui joue à la fois un rôle en amont
et un rôle en aval, c'est plutôt la norme, et c'est le modèle qui
prévaut ailleurs, et c'est le modèle que la commission suggérait pour l'AMP.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Pontiac.
M. Fortin (Pontiac) : Oui. Merci,
M. le Président. D'abord, bien, je tiens à vous remercier d'être avec nous. Je pense que c'est utile, surtout pour un document
de l'importance que... ce qui nous a été présenté par la commission
Charbonneau, d'avoir des gens comme vous qui s'attardent à ce que le gouvernement
suive bien certaines des recommandations ou l'ensemble, si vous voulez, des recommandations qui sont mises de l'avant. Alors, je vous remercie pour votre travail.
Donc, je veux
rentrer dans une ou deux, là, des recommandations précises que vous nous faites. Comme vous
le disiez à l'instant, ce que vous considérez
à travers le projet de loi, c'est que l'organisme se situe essentiellement, là, a posteriori, donc après
les décisions, et une des recommandations que vous faites, c'est que... prévoir pour
l'AMP la possibilité de prendre en charge elle-même un processus
d'octroi de contrats. Alors là, j'aimerais vous entendre juste pour bien comprendre ce que vous proposez, là. Est-ce que,
si l'AMP prend en charge elle-même le processus, elle se met dans une situation délicate? Qui, à ce moment-là, se retrouve à
s'assurer qu'elle-même fait bien les choses? Est-ce que ça vous pose
problème dans votre analyse ou si c'est quelque chose que vous avez déjà
considéré?
M. Chénard (Gabriel) : Je crois
que...
Le Président (M. Bernier) :
M. Chénard.
M. Chénard (Gabriel) : Oui.
Le Président (M. Bernier) :
Là, je ne me trompe pas. C'est le vrai M. Chénard.
M. Chénard
(Gabriel) : Je crois qu'il s'agissait... Dans l'esprit de la
recommandation, ma compréhension, c'est que c'était une mesure exceptionnelle. C'est certain que, si l'AMP se
met à gérer l'approvisionnement de plusieurs donneurs d'ouvrage, c'est anormal. Il pourrait y avoir des
conflits d'intérêts. Donc, ma compréhension, c'est une mesure vraiment
exceptionnelle.
M. Fortin (Pontiac) : Est-ce que
vous avez...
Le
Président (M. Bernier) : On va devoir passer de l'autre
côté, M. le député de Pontiac. Malheureusement, le temps qui vous est
imparti est maintenant terminé. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, la
parole est à vous.
• (12 heures) •
Mme Léger : Merci, M. le Président. Alors,
bonjour, messieurs. Bienvenue, notre ex-collègue, Gilles. Évidemment,
d'entrée de jeu, je vais vous parler évidemment des municipalités, qui, pour
moi, depuis la semaine dernière particulièrement...
c'est un pan important de la
commission Charbonneau d'inclure les municipalités, autant dans le projet de loi n° 108...
il y a aussi, dans le projet de loi n° 107, les lanceurs d'alerte, il y a
tout un autre pan qui est là, qui est important.
Vous parlez
des municipalités, vous parlez d'OSBL, vous parlez aussi du paramunicipal. On pourra en
reparler, mais, d'entrée de jeu, je dois
quand même vous dire que le ministre nous a dit que le projet de loi
n° 108... il a déposé un projet
de loi devant nous, et les municipalités ne sont pas là. Vous l'indiquez
clairement dans votre mémoire qu'il faudrait que cette lacune soit corrigée. Il nous a dit qu'il était pour
assujettir les municipalités. Alors, on prend sa parole, on attend
toujours parce qu'on n'a pas encore les amendements.
Et
aujourd'hui, il nous a sorti un nouveau mot. Ah! c'est presque prêt. Alors,
c'est presque prêt, on va avoir les amendements.
Par contre, entre autres, la FQM a demandé d'être entendue à la commission, et
je l'ai mentionné plusieurs fois à la commission, et le ministre refuse
de les entendre à la commission parlementaire.
Le Président (M. Bernier) :
Je vais juste ouvrir une petite parenthèse, Mme la députée. C'est que la
demande nous a été faite effectivement à la
commission, et moi, j'ai transféré la demande au niveau des leaders et,
présentement, je n'ai pas encore eu
d'autorisation ou d'entente entre les leaders sur le sujet. Par contre, il y
aura un mémoire qui va être déposé par la FQM. Je veux juste préciser
les choses. Je vous redonne votre temps.
Mme Léger :
Oui, mais moi, je vais vous dire clairement, ce n'est pas à vous... comme
président, vous faites le travail que
vous avez à faire, mais c'est quand même... le gouvernement refuse de les
entendre présentement. Est-ce qu'ils sont
là aujourd'hui? Est-ce qu'ils vont être là demain? Non, ils ne sont pas là
présentement. Et il y a eu discussion avec les leaders, et notre leader nous dit, de notre côté, que le leader du
gouvernement refuse. Donc, le gouvernement n'accepte pas d'avoir les municipalités. Alors, pour moi, c'est
un double discours actuellement, M. le Président, et vous ne pouvez pas m'empêcher de dire cette réalité-là, qui ne vous
concerne pas vraiment directement, je pourrais vous dire, mais indirectement,
évidemment. Alors, on aimerait les entendre ici, mais ils ont besoin d'avoir
les amendements. On ne les a pas, les amendements.
Donc,
c'est presque prêt. Demain, ça va être prêt, j'imagine, parce que, dans la
gradation des éléments... alors, je m'attends à ce que le ministre
puisse déposer les amendements. Je le redemande une autre fois pour s'assurer
que les municipalités y soient.
Maintenant,
vous ajoutez aussi les OSBL et vous ajoutez aussi le paramunicipal. Si je
regarde dans l'article... je pense
que c'est à l'article 19 qu'il faudrait inscrire les municipalités. Est-ce
que vous voyez... parce que c'est probablement au 2.1, j'imagine, les
municipalités selon tel type de loi. Est-ce que vous avez pris le temps de
regarder ça?
Le Président
(M. Bernier) : Bon, lequel est lequel? M. Brodeur.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Bien, j'aimerais simplement d'abord réitérer
qu'effectivement l'assujettissement des
municipalités est extrêmement important et qu'il l'est d'autant plus parce que
l'AMP, en tant que pôle d'expertise, doit
être en mesure de jouer un rôle de soutien partout, dont dans le milieu
municipal. La formulation de la recommandation de la commission met
clairement l'accent sur le soutien aux donneurs d'ouvrage, incluant les
donneurs d'ouvrage municipaux. Donc, c'est un organisme qui devrait leur
apporter une valeur.
Et
j'aimerais en profiter pour souligner... tout à l'heure, M. le ministre avait
laissé entendre que le Conseil du trésor pourrait jouer effectivement un
rôle dans le soutien aux donneurs d'ouvrage. J'aimerais simplement soulever une
interrogation. Si jamais les municipalités
sont, elles aussi, assujetties à l'AMP, en fait, est-ce que le Conseil du
trésor serait en mesure de jouer un
rôle de soutien aux municipalités à ce niveau-là? Je soulève l'interrogation
simplement, alors que, si, justement, les municipalités sont incluses,
eh bien, alors il serait tout naturel que l'AMP puisse les soutenir dans leurs
activités contractuelles.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. Mme la députée.
Mme Léger :
Les OSBL, paramunicipal?
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : ...découle de la recommandation n° 6 de la
commission Charbonneau, qui suggérait... qui
recommandait, en fait, d'uniformiser les normes et les lois, les règlements en
matière de contracter pour les étendre aux OSBL et aux sociétés
paramunicipales financées majoritairement par des fonds publics afin d'éviter
qu'il y ait des cas où la création d'un OSBL serve à contourner des lois
contractuelles. Donc, c'était l'esprit de la commission, et donc, si on veut assujettir les municipalités à la vérification et
à tout le rôle de l'AMP, aussi bien le faire également pour ces sociétés-là.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. Mme la députée.
Mme Léger :
Monsieur, je voudrais... On a peu de temps, alors je suis obligée d'aller à
d'autres sujets. Le BSDQ, vous en
avez parlé un petit peu tout à l'heure. On a rencontré hier des organismes et
particulièrement le BSDQ qui était favorable
à la nomination d'une personne au conseil, là. Ça, c'est une chose. Ils nous
ont dit qu'ils étaient pour le pouvoir d'édicter des règles,
particulièrement... Ils ont réussi, à la fin, de nous dire : O.K. Ça va.
Vous
le dites très clairement dans votre mémoire que l'AMP devrait également
avoir le pouvoir d'édicter les règles du
Bureau des soumissions déposées au
Québec, comme le recommande la commission, mais actuellement ce n'est
pas dans le projet de loi. Alors, dans le
projet de loi, il n'y a pas le pouvoir d'édicter des règles présentement à
l'AMP. Alors, vous insistez fortement, j'imagine.
Le Président
(M. Bernier) : M. Brodeur.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Oui, tout à fait. Tout à fait, comme nous
l'inscrivons dans notre mémoire, comme nous l'avons dit, l'AMP devrait avoir le
pouvoir d'édicter les règles du BSDQ, comme le recommandait la commission
Charbonneau.
Le Président
(M. Bernier) : Merci.
Mme Léger : Et
je vais aller aussi sur le pouvoir dans l'article... Vous reveniez sur
l'article 20 du projet de loi où, dans l'alinéa deux, vous dites
particulièrement... bon, le pouvoir d'initiative et d'enquête de l'AMP, mais il
y a un bout qu'il y a une certaine
discrétion du gouvernement. Je pense que vous voulez faire cette distinction-là
entre tout le pouvoir que l'AMP peut
avoir pour faire... avoir un pouvoir d'initiative et d'enquête, mais, dans le
projet de loi présentement, il y a quand même une discrétion du Conseil
du trésor. Est-ce que vous pouvez élaborer sur ça?
Le Président
(M. Bernier) : M. Chénard.
M. Chénard
(Gabriel) : Oui. Je crois que vous parlez de l'assujettissement de la
gestion contractuelle des organismes à
l'alinéa deux. En effet, en ce moment, on dit que seulement le MTQ serait
assujetti et tout autre organisme que désigne le gouvernement.
Nous,
on croit que c'est important que la gestion contractuelle de tous les
organismes soit assujettie par défaut. La
commission a observé beaucoup de stratagèmes qui passaient par des déficiences
dans la gestion contractuelle, qu'on parle
d'approbation d'extras, faux extras de comités de sélection, ce sont des sujets
qui rentrent dans la gestion contractuelle. On croit que ce serait
important que ces sujets-là soient assujettis à l'Autorité des marchés publics.
Mme Léger : Dans le projet
de loi, actuellement, ce n'est pas ça, là. Il y a quand
même... Il faudrait avoir une distinction assez claire entre ce qui appartient
au Conseil du trésor et les pouvoirs qu'on va donner à l'AMP. Là, on le
voit dans la gestion contractuelle, mais
est-ce que vous voyez, dans l'ensemble du projet, cette différenciation-là
assez claire?
Le Président
(M. Bernier) : M. Chénard ou M. Bégin? M. Brodeur.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Actuellement, comme vous le soulignez, on a une distinction. D'un côté, on
a les processus d'adjudication que l'AMP
peut examiner, pour reprendre le vocabulaire du projet
de loi, et on a tout ce qui a
trait à la gestion contractuelle. Donc, M. Chénard soulignait bien, par
exemple, tout ce qui est de l'approbation des fameux
extras, par exemple, rentre dans le domaine de la gestion
contractuelle. Et, selon le projet de
loi, actuellement, ce qui relève de la gestion contractuelle des
organismes autres que le MTQ, bien, en fait, c'est le gouvernement qui, comme vous le dites, a la discrétion de demander à l'AMP
d'examiner la gestion contractuelle des autres organismes.
Donc,
nous, notre compréhension, c'est que l'AMP ne pourrait, selon ce projet de loi là, examiner d'elle-même la gestion
contractuelle d'un organisme autre que le MTQ ou qu'un autre organisme désigné
par le gouvernement, qu'elle n'aurait
pas la latitude pour le faire. Et, comme nous l'inscrivons, bien, nous
recommandons de donner à l'AMP d'emblée toute latitude pour procéder à
tout examen de la gestion contractuelle de tous les organismes qui lui sont
assujettis.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. M. le député de La Peltrie.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Je dois dire que je suis enchanté par votre recommandation que le P.D.G. de l'AMP soit
nommé aux deux tiers de l'Assemblée
nationale. Je m'explique mal votre recommandation de maintenir le comité, même si
on paramètre les profils des gens qui doivent y siéger. Il n'en demeure pas
moins que ce comité-là va être nommé
par le gouvernement, et donc, à partir de là, qu'on mette des gens en
place, il m'apparaît que l'indépendance du P.D.G. serait assurée exclusivement par une nomination aux deux tiers
des membres de l'Assemblée, là. Je ne vois pas en quoi le comité
pourrait satisfaire à ce désir-là, qui est très pertinent, là.
Le Président
(M. Bernier) : M. Ouimet.
• (12 h 10) •
M. Ouimet
(Gilles) : Oui. En fait,
comme on l'a souligné dans le mémoire, on reprend ou on... la commission
Charbonneau ne s'est pas aventurée sur ce
terrain, n'a pas offert de recommandation précise. Nous avons, dans l'esprit... puisque
la notion... L'indépendance de l'AMP était au coeur de la recommandation. C'était dans cet esprit que nous avons suggéré que le projet de loi puisse être bonifié, en évoquant des mécanismes,
soit le vote des deux tiers de l'Assemblée, soit le comité qui est prévu par la loi. Donc, il faut faire attention parce qu'on est mal placés, à ce moment-ci, pour
prendre une position ferme dans la mesure où la commission Charbonneau n'est pas
allée de ce côté-là.
Ayant
dit ça, je vais me permettre, pour parler en mon nom personnel, de souligner qu'il
existe des mécanismes, et c'est ce
qu'on fait ressortir, il y en a déjà, des mécanismes qui ont pour but
d'assurer, dans la loi, de fournir des
balises pour appuyer l'indépendance d'un organisme. Notamment, la composition
des comités de sélection est prévue dans la loi. Ça, c'est un élément.
La question du
pouvoir de nomination, est-ce que c'est le gouvernement versus l'Assemblée
nationale, c'est un autre mécanisme... qui peuvent se combiner ou qui
peuvent être utilisés séparément. Alors, nous n'avons fait que pointer ou
indiquer ces mécanismes-là. On peut difficilement aller plus loin, compte tenu
des recommandations de la commission Charbonneau.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. M. le député.
M.
Caire : J'entends ça, mais vous avez donné comme exemple le
Vérificateur général, bon, il y a le Protecteur du citoyen, bon, il y a autant d'officiers de
l'Assemblée nationale, comme des garants de leur indépendance. Est-ce que
vous avez observé ailleurs où une
institution semblable, similaire à celle que serait l'AMP, dont les dirigeants
sont nommés par un comité? C'est-u quelque chose que vous avez observé
ailleurs, ça?
Le
Président (M. Bernier) : M. Ouimet.
M. Ouimet
(Gilles) : Peut-être qu'on s'est mal exprimés, mais le comité ne nomme
pas. Le comité, c'est le comité qui
vise à s'assurer d'un bassin, un nombre qui peut être limité, là, deux, trois,
cinq personnes aptes à occuper la fonction. Ça, c'est le processus de
filtrage, là, on s'entend. Ce n'est pas le comité qui nomme, là.
M.
Caire :
Je comprends la nuance, puis je comprends, puis vous avez raison de faire la
nuance.
Ceci
étant dit, on s'entend que ça demeure un processus hautement arbitraire. Je
veux dire, on va désigner les gens qui
vont nous dire qui doit être sur cette liste-là et surtout qui ne doit pas y
être. Alors, moi, je me demandais : Si on va au bout de la logique, est-ce que la meilleure
assurance de l'indépendance du P.D.G. de l'AMP, la meilleure option pour
assurer son indépendance ne serait pas un vote des deux tiers de l'Assemblée
nationale?
Et
là, bien, je vous demande votre opinion personnelle puisque, comme vous le
dites, vous qui avez toujours rêvé de répondre aux questions de l'opposition, est-ce que... On regarde
pour le Vérificateur général, on regarde pour les autres officiers de l'Assemblée nationale. Est-ce que la
meilleure garantie d'indépendance, est-ce que ce n'est pas ça, compte
tenu du fait que, comme vous l'avez dit, la commission Charbonneau laisse de la
latitude là-dessus? Donc, quelle est votre opinion personnelle?
Le Président
(M. Bernier) : M. Brodeur.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Oui. Vous avez cité des exemples d'officiers nommés
aux deux tiers. Il existe également
des hauts fonctionnaires dont l'indépendance est cruciale et qui sont nommés
selon un processus de comité, tel que nous l'avons décrit, donc le
Directeur des poursuites criminelles et pénales, et, selon le projet de loi
n° 107, le commissaire à la corruption, donc le commissaire de l'UPAC.
Donc,
pour reprendre les propos de Me Ouimet, nous ne pouvons nous avancer plus loin
parce que la commission n'a pas fait de recommandations précises. Ce
sont deux modèles qui nous semblent valables, mais nous croyons qu'il
appartient vraiment aux parlementaires de définir le mode exact.
Le Président
(M. Bernier) M. le député.
M.
Caire : Merci. Tout à l'heure, vous avez évoqué le fait
qu'il faut élargir la portée du mandat de l'AMP, allant jusqu'à suggérer que l'AMP pourrait éventuellement
prendre en charge un processus d'appel d'offres. Est-ce que j'ai bien compris cette suggestion-là, et, si oui, comment
l'AMP pourrait gérer un processus d'appel d'offres et être le gardien de
l'intégrité du processus en même temps?
Le Président
(M. Bernier) : Merci. M. Brodeur.
M. Brodeur
(Pierre-Olivier) : Oui, je peux... Bien, comme le soulignait
M. Chénard, dans l'esprit de la commission,
on a affaire là à vraiment une mesure de dernier recours. Tel que la
recommandation est présentée, l'AMP se doit
d'intervenir selon une logique d'actions graduelles, donc allant de la
prévention au départ, et puis elle peut faire des vérifications, faire des recommandations,
interrompre des processus d'appel d'offres. Elle peut retirer à un
organisme son pouvoir de contracter pour le donner à un autre organisme.
Ainsi, un cas d'espèce serait, par exemple, une
petite municipalité qui se lance dans la construction d'un amphithéâtre,
par exemple. Donc, l'AMP, devant cette
situation-là, peut déterminer que,
selon elle, la petite municipalité n'aurait peut-être pas l'expertise nécessaire
pour mener à bien ce projet-là et
donc le confier à une autre entité. L'AMP qui pourrait elle-même mener des processus d'adjudication,
c'est donc vraiment le recours extrême, le dernier recours. Et je pense
que, même dans le rapport, c'est assez clair que ce n'est pas une situation qui
serait souhaitable et que ça doit être...
Le Président
(M. Bernier) : Merci aux représentants du Comité public de suivi
des recommandations de la commission Charbonneau. M. Luc Bégin, Pierre-Olivier
Brodeur, Gilles Ouimet, Gabriel Chénard, merci de votre participation à la
Commission des finances publiques.
Je suspends quelques
instants.
(Suspension de la séance à
12 h 16)
(Reprise à 12 h 18)
Le Président
(M. Bernier) : Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons
nos travaux.
Nous
avons le plaisir de recevoir les représentants de l'Association des constructeurs de routes et grands
travaux du Québec — vous avez vu, les marteaux-piqueurs ont cessé à
votre arrivée — donc représentée par Mme Gisèle
Bourque, M. Roger Arsenault, M. Pierre Tremblay et Mme Émilie
Truchon.
La parole est à vous,
Mme Bourque. Vous m'avez dit que c'était vous qui étiez pour présenter le
mémoire. Donc, vous avez 10 minutes.
Association
des constructeurs de routes et
grands travaux du Québec (ACRGTQ)
Mme Bourque (Gisèle) : Merci.
D'entrée de jeu, nous vous remercions de l'opportunité qui nous est offerte aujourd'hui de vous présenter le point de vue de
l'Association des constructeurs de route et grands travaux du Québec à
l'égard du projet de loi n° 108.
Pour cette présentation, je suis accompagnée, à
ma gauche, de M. Roger Arsenault, président du conseil d'administration de
notre association, M. Pierre Tremblay, à l'extrême gauche, directeur
général adjoint du secteur technique, et Me Émilie Truchon, à ma droite,
avocate.
Nous nous
permettons de vous rappeler que l'ACRGTQ, incorporée en 1944, représente la
majorité des principaux entrepreneurs
et fournisseurs oeuvrant dans la construction de routes, d'ouvrages de génie
civil et de grands travaux. Elle est
la seule représentante attitrée du secteur génie civil et voirie de l'industrie
de la construction. À ce titre, elle représente près de 2 600 entreprises actives au sein de l'industrie de la
construction de routes, d'ouvrage de génie civil et de grands travaux,
lesquelles emploient plus de 35 000 salariés ayant travaillé
26,3 millions d'heures en 2015.
De manière
générale, l'ACRGTQ accueille favorablement le projet de loi n° 108 et la
création de l'Autorité des marchés publics. La mise sur pied d'un tel
organisme spécialisé, entièrement et exclusivement dédié au marché des contrats
publics, est indispensable. L'ACRGTQ désire toutefois formuler ses commentaires
et recommandations à l'égard de certaines dispositions du projet de loi. Vous
trouverez, aux pages 4 et 5 de son mémoire, un sommaire de ces recommandations.
• (12 h 20) •
D'entrée de
jeu, l'ACRGTQ recommande d'assujettir les municipalités et les organismes para
ou supramunicipaux à la loi sur
l'Autorité des marchés financiers... des marchés publics, excusez-moi ce
lapsus. Le projet de loi actuel exclut de la mission et des fonctions de l'autorité la surveillance des
municipalités et des organismes para ou supramunicipaux. Or, ils sont des donneurs d'ouvrage importants, et leurs
contrats représentent une proportion non négligeable des contrats
publics octroyés chaque année. Ils devraient
donc être soumis au pouvoir de vérification et d'enquête de l'autorité. La
commission Charbonneau en faisait d'ailleurs sa recommandation première.
L'ACRGTQ recommande d'assujettir une fois pour
toutes Hydro-Québec à la Loi sur les contrats des organismes publics. Dans son état actuel, le projet de loi rate
l'occasion d'assujettir entièrement Hydro-Québec à la Loi sur les contrats des organismes publics. Il est
urgent et nécessaire de rendre plus transparent le processus
d'attribution et d'adjudication des contrats
par Hydro-Québec. Actuellement, la société d'État agit comme un donneur
d'ouvrage privé, alors qu'elle ne l'est pas, négociant sans cesse le
prix avec les soumissionnaires conformes et refusant de divulguer systématiquement les résultats des appels
d'offres. Bien plus, cette opacité contractuelle est susceptible de rendre
inefficient le processus de plaintes qui
prévoit qu'une plainte peut être déposée lorsqu'un donneur d'ouvrage public ne
se conforme pas au cadre normatif.
Comment un
entrepreneur peut-il se plaindre du non-respect du cadre normatif de ce donneur
d'ouvrage, lequel leur est inconnu? Poser la question, c'est y répondre.
L'ACRGTQ recommande également de confier à
l'autorité une mission d'information et d'accompagnement auprès des organismes publics. De regrouper sous
un même toit formateurs et conseillers pour l'ensemble des donneurs
d'ouvrage publics, incluant les municipalités et organismes para ou
supramunicipaux, permettrait une connaissance appropriée des marchés publics
sur l'ensemble du territoire québécois.
L'ACRGTQ
constate elle aussi que le processus de plaintes s'applique essentiellement à
l'étape précédant l'ouverture des
soumissions. Or, en pratique, la plupart des problématiques surviennent ou sont
découvertes postérieurement à
celle-ci, soit lors du processus d'examen des soumissions ou lorsque
l'organisme public prend la décision de ne retenir aucune des soumissions déposées et d'annuler
l'appel d'offres. Ces décisions sont trop souvent peu ou pas du tout
motivées.
L'article 51
du projet de loi semble conférer un certain pouvoir d'intervention à l'autorité
dans un tel contexte, mais,
contrairement au processus de plainte, celui-ci est discrétionnaire et paraît
plutôt limité. Par exemple, l'autorité ne semble pas disposer du droit de suspendre l'octroi du contrat dans ce
contexte, ce qui constitue, selon nous, un élément essentiel à
l'exercice d'un pouvoir de surveillance et de contrôle efficace.
De plus, bien
que les délais de traitement des demandes d'autorisation de contracter se
soient nettement améliorés depuis
l'adoption de la Loi sur l'intégrité, une problématique importante demeure au
niveau des délais pour le traitement des
demandes et des renouvellements jugés non urgents. Ces délais seraient en
grande partie causés par ceux requis aux fins de compléter les vérifications effectuées par l'UPAC. Ce faisant,
le projet de loi devrait prévoir une modification afin que l'avis de
l'UPAC quant à l'entreprise qui demande l'autorisation soit donné dans un délai
précis.
Également,
l'ACRGTQ recommande de définir la notion de cadre normatif prévu dans le
processus de plainte. La plupart des organismes publics se sont dotés de
politiques ou de directives internes dont plusieurs ne font l'objet d'aucune publication et ne sont pas
systématiquement transmises aux personnes appelées à présenter une soumission.
En présumant que des politiques et directives pourraient raisonnablement être
considérées comme faisant partie du cadre normatif auquel il est fait
référence, celles-ci doivent être connues afin qu'une personne puisse se
plaindre du fait qu'elles n'auraient pas été suivies.
L'ACRGTQ recommande de préciser ce que le
législateur entend par les termes «gestion contractuelle» et «manquements» dans le cadre des pouvoirs de
l'autorité. Le projet de loi confère à l'autorité la fonction d'examiner
la gestion contractuelle du ministère des
Transports et de tout autre organisme public que désigne le gouvernement et
lui accorde le pouvoir de suspendre
l'exécution ou de résilier un contrat public dans le cas de manquements
constatés au regard de la gestion
contractuelle. Or, une telle intervention peut grandement influencer le délai
d'exécution des contrats et porter ainsi préjudice aux parties prenantes. Plus
précisément, la suspension ou la résiliation d'un contrat en cours est
susceptible de causer un préjudice important
à des entrepreneurs ayant respecté les règles, mais qui verraient leur contrat
suspendu ou résilié en raison d'une faute ou d'une erreur commise par
l'organisme public, mais à laquelle ils ne sont pas partie.
L'ACRGTQ
recommande de prévoir à même la loi une procédure uniforme de réception et
d'examen des plaintes pour tous les
organismes publics. Dans le cadre du dépôt d'une plainte à un organisme public,
le projet de loi prévoit que l'organisme
doit se doter d'une procédure portant sur la réception et l'examen des
plaintes. L'ACRGTQ soumet qu'il est nécessaire de légiférer afin de
prévoir une procédure de réception et d'examen des plaintes uniforme pour tous
les organismes publics et afin de prévoir
minimalement un délai de traitement des plaintes, la possibilité pour le
plaignant de présenter ses observations et
celle d'exiger que la décision soit rendue par écrit et motivée. Qui plus est,
les délais actuellement prévus au
projet de loi pour le dépôt d'une plainte auprès de l'autorité sont beaucoup
trop courts pour être efficaces. Il faudrait minimalement prévoir que
les délais se calculent en jours ouvrables seulement.
Enfin,
l'ACRGTQ est en accord avec le principe de l'utilisation d'une forme
d'évaluation de rendement aux fins de l'établissement
d'une cote de rendement pour l'utilisation d'un mode d'octroi différent de
celui du plus bas soumissionnaire conforme.
Toutefois, le problème, et il est majeur, c'est qu'il n'existe
actuellement aucun mécanisme formel et uniforme qui encadre de telles évaluations et permet de la
réaliser de manière impartiale et objective. La seule expérience vécue
par les entrepreneurs est celle des
évaluations de rendement faites par le ministère des Transports, lesquelles
sont malheureusement basées sur des
critères vagues, ambigus et empreints d'une grande subjectivité, ce qui crée de
grandes distorsions entre les évaluations et fait craindre les abus. Et,
joint à l'annexe I du présent mémoire, le formulaire V-2964, utilisé
par le ministère à cet effet.
En
conclusion, l'ACRGTQ appuie le gouvernement dans ses démarches visant à
surveiller l'ensemble des contrats des
organismes publics par la mise sur pied d'une autorité, considérant le fardeau
législatif et administratif imposé aux entrepreneurs dans ce domaine et
la nécessité de rétablir la confiance du public, des entrepreneurs et des
organismes publics dans les mécanismes d'attribution et d'adjudication des
contrats publics. Toutefois, elle considère qu'il est primordial que l'ensemble
des organismes publics, y compris les municipalités, soient assujettis à la
loi, tel que le recommandait la commission Charbonneau.
Il est
également grand temps d'inclure Hydro-Québec comme organisme public visé par la
Loi sur les contrats des organismes
publics. En effet, il est urgent et nécessaire de rendre plus transparent le
processus d'attribution et d'adjudication des contrats de cet important
donneur d'ouvrage.
Dans le
présent mémoire, l'ACRGTQ tenait aussi à faire part de ses préoccupations et
recommandations à l'égard de
certaines mesures qui y sont prévues en ce qui concerne notamment le processus
de plainte et les délais, le traitement des demandes d'autorisation à
contracter et les évaluations de rendement.
Nous vous remercions de votre attention.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, Mme Bourque, de votre présentation. Nous allons donc passer
aux échanges avec les parlementaires. M. le ministre.
M. Leitão : Très
bien. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames, messieurs, d'être là avec nous. Et,
en effet, vous devez avoir les pouvoirs que
nous n'avons pas puisque le bruit à l'extérieur a été éliminé. Donc, c'est
bien, ça.
Maintenant,
avant, j'aimerais discuter avec vous de quelques sujets avant de
passer la parole à mes collègues. Mais, avant
de commencer, je vais aussi vous dire ce qu'on avait déjà dit
au groupe précédent, c'est que nous avons tout à fait l'intention d'inclure les municipalités dans le champ
d'action de la loi créant l'AMP. Les associations représentant les municipalités
seront entendues. Il me semble que ce ne serait pas utile que cela se fasse
avant qu'on dépose les amendements, donc on déposera les amendements
après qu'ils ont fait le parcours des différents comités gouvernementaux.
Une fois que ces amendements auront été déposés, auront été analysés par les
groupes en question, bien sûr que nous sommes
tout à fait disposés et ouverts à trouver un moment dans
notre calendrier pour les accueillir à notre commission.
Le
Président (M. Bernier) : Aussitôt que nous aurons les
ententes, nous allons procéder à établir l'ordre du jour, M. le
secrétaire. Merci.
• (12 h 30) •
M. Leitão :
Très bien. Maintenant, passons au sujet de votre mémoire. Bien, il y a
plusieurs aspects, mais j'aimerais peut-être
commencer par le rôle ou, enfin, le lien, si vous voulez, entre l'AMP et
l'UPAC, surtout en ce qui concerne les autorisations de contracter.
Si j'ai bien compris, vous suggérez ou vous
mentionnez que le système actuel, bon, qui est géré d'ailleurs par l'AMF, n'est pas efficace, est trop long, et
peut-être même que l'organisme en question, AMF ou AMP, devrait être
capable elle-même de faire cette analyse-là
sans passer par l'UPAC. Pourriez-vous
peut-être nous donner un petit peu plus de... me
donner à moi, peut-être que j'ai mal compris, un peu plus de clarté là-dessus?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Truchon. Oui, la parole est à vous. Mme Émilie Truchon.
Mme Truchon (Émilie) : Merci.
Alors, au niveau du rôle de l'UPAC et de l'AMP, bon, présentement, la vérification, la première vérification est faite
par l'Autorité des marchés
financiers, et par la suite l'UPAC
prend la relève des documents et fait des vérifications ultérieures.
Ce qu'on propose, ce qu'on a comme plaintes de
la part des entrepreneurs, c'est qu'au niveau des délais... présentement, on en est au renouvellement de plusieurs autorisations, et puis, au
niveau des délais, les délais semblent être
très longs en ce qui concerne la délivrance de certaines
autorisations et certains renouvellements. Et puis ce qu'on propose, nous, afin peut-être d'éliminer ces
délais-là, comme on sait qu'il y a une partie qui est faite par l'autorité
des marchés et qui va être éventuellement faite par l'Autorité des marchés publics et par l'UPAC, c'est de
rapatrier dans un même organisme cette vérification-là, qui est faite à
l'interne, et donc qui est faite par un seul, je dirais, groupe de travail qui serait peut-être formé par des
membres de l'UPAC et par des juristes ou autres personnes, là, compétentes
qui pourraient effectuer ces
vérifications-là, mais qu'une seule entité puisse faire cette vérification-là.
Et donc, nous, ce qu'on propose, comme on a la création aujourd'hui de
l'Autorité des marchés publics, c'est que ce soit cette entité-là qui prenne ce
rôle-là.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M. Leitão : Très bien. Mais, si tel est le cas, si on allait
dans cette direction-là, alors sous quels éléments est-ce que l'AMP,
bon, AMF, l'AMP pourraient s'appuyer pour éventuellement faire ces
déterminations-là? On comprend maintenant que l'UPAC, évidemment, en tant que corps
policier, accepte toute une série d'informations que l'AMF, AMP n'ont
pas. Alors, comment est-ce qu'on pourrait procéder?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Truchon.
Mme Truchon
(Émilie) : Bien, si je comprends
bien votre question, c'est en vertu
de quoi elles pourraient faire
cette vérification-là, ultérieure, qui est
faite par l'UPAC. Bien, nous, on propose que ce soit modifié dans le projet de loi, première des choses. Et également ce qu'on pense, c'est que la vérification, il y a
le projet de loi n° 107 qui est présentement déposé en Assemblée sur le rôle de l'UPAC, son
rôle premier qui est justement de faire des vérifications en ce qui
concerne éventuellement des plaintes criminelles et pénales. Et donc on
trouve que c'est l'occasion de justement prévoir, à même le projet de loi qui est présentement
à l'étude, ces pouvoirs-là de l'Autorité des marchés publics.
M. Leitão : Très bien, merci.
Vous avez parlé tantôt de délais, donc de délais qui sont très longs et surtout
maintenant qu'on va rentrer dans une période de renouvellement de ces
autorisations-là. Selon vous, quel pourrait être un délai raisonnable?
C'est quoi, raisonnable? Une semaine, un mois, un an?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Truchon.
M. Leitão : Pas un an, c'est
bien trop.
Mme Truchon (Émilie) :
Voulez-vous que je réponde? Oui, merci.
Bien, écoutez, je peux prendre en exemple un
article de loi. Je vais vous le montrer, comme ça, ça sera plus illustratif. Notamment, lorsqu'on parle à
l'article 35 que la plainte — attendez
un petit peu, je vais juste aller lire — doit être déposée avant la date limite de réception des
soumissions, et lorsque l'organisme public, par exemple, va rendre
sa décision, deux jours avant la date limite
de réception des soumissions... ce qui fait que le plaignant a une journée
pour déposer... pour préparer sa plainte et la déposer à l'Autorité des marchés
publics, ce qu'on considère peut-être un peu court comme délai.
Donc, ce
qu'on propose, c'est minimalement un délai de quelques jours ouvrables parce
que, par exemple, si la décision
de l'organisme public arrive un vendredi, ça laisse très peu de temps à
l'entrepreneur pour déposer une plainte à l'Autorité des marchés
publics. Donc, à tout le moins, que ce soient des jours ouvrables ou quelques
jours afin de laisser un délai raisonnable à l'entrepreneur pour préparer ses
documents.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Leitão : O.K. Je
comprends votre explication, mais là
où je voulais aller, c'était un peu différent. Moi, je parle de... donc,
le temps que ça prend pour que l'AMF puisse émettre son certificat de... on
appelle ça...
Une voix : D'autorisation.
M. Leitão : D'autorisation, voilà. Et maintenant
que nous entrons en période de renouvellement de ces certificats-là pour
la première vague, vous avez mentionné que les délais sont un peu longs. Alors,
qu'est-ce que serait un délai raisonnable, à votre avis?
M. Arsenault (Roger) : Si je
peux me permettre, je pense...
Le Président (M. Bernier) :
Oui, M. Arsenault.
M. Arsenault
(Roger) : ...qu'un délai
d'un mois serait raisonnable. Présentement, il y a des délais de plusieurs mois, et ce qu'on entend de la part de l'AMF,
c'est que l'engorgement n'est pas tellement à l'AMF, mais plutôt à l'UPAC. Et peut-être
que les recommandations vont un peu dans ce sens-là, d'un peu désengorger
l'UPAC à ce niveau-là et transférer les pouvoirs qu'elle a, au niveau des
autorisations à tout le moins, à l'AMP.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. M. le ministre.
M. Leitão : Très
bien. J'aimerais maintenant
vous amener dans un autre endroit. On a beaucoup parlé ici,
hier surtout, mais depuis le début, du BDS.
Une voix : BSDQ.
M. Leitão : BSDQ, voilà. BSDQ,
excusez-moi, BSDQ. Quelle est votre opinion sur cet organisme-là?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bourque.
Mme Bourque
(Gisèle) : Oui, merci. Le
BSDQ, c'est une organisation contre laquelle nous nous sommes opposé depuis plusieurs années, en fait plusieurs organisations, plusieurs associations, pour la raison suivante : essentiellement,
c'est que le BSDQ résulte d'une entente
privée entre l'ACQ, l'association de la commission... c'est-à-dire
l'Association de la construction du Québec,
et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie ainsi que la
Corporation des maîtres électriciens. Et cette entente privée assujettit
de tierces parties à son application. Alors, essentiellement, ça n'a pas raison
d'être.
Alors, effectivement, le BSDQ, nous nous sommes attaqués dans le passé auprès des tribunaux
eu égard à son existence. La Cour supérieure nous a donné raison. La Cour
d'appel a rejeté notre intervention. Et nous avons demandé une autorisation à la Cour suprême, qui
nous a été refusée. Mais, d'ores et déjà, nous devons tout de même... eu égard
à certaines spécialités, les entrepreneurs doivent se conformer aux
dispositions du BSDQ.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
Mme Bourque (Gisèle) : ...nous
nous insurgeons toujours, mais nous n'avons pas le choix.
M. Leitão : Je comprends. Merci. On nous a suggéré hier que,
si le BSDQ n'existait pas, ça serait un peu l'anarchie et le chaos dans l'industrie
de la construction. Je présume que ce n'est pas tout à fait votre avis.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bourque.
Mme Bourque
(Gisèle) : Bien, il serait toujours
possible de créer un autre organisme avec des règles peut-être plus
claires, plus transparentes, qui
résulterait aussi d'un organisme neutre. En fait, la création résulterait d'un
organisme neutre, ce ne serait pas... les
parties concernées ne seraient pas juge et partie pour l'application des règles
qui s'y rattachent. Alors, on pourrait créer un organisme semblable pour
justement éviter le chaos, mais en circonscrivant les règles de manière
transparente, plus efficace et surtout objective.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Leitão :
Très bien, merci. Une dernière question, et je passe la parole après à mes
collègues, si on a le temps. Peut-être
un aspect un peu... vous ne l'avez pas abordé dans votre présentation, mais je
pense que c'est dans votre mémoire. C'est
en ce qui concerne, donc, la présence d'actionnaires minoritaires dans une
entreprise, et donc tout le processus de vérification d'intégrité, et
tout ça. Et donc vous suggérez, si j'ai bien compris, que ce processus-là ne
devait pas tenir compte de la présence ou non d'un actionnaire minoritaire dans
l'entreprise. Pouvez-vous nous dire pourquoi? Comment vous l'expliquez?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Truchon.
Mme Truchon
(Émilie) : Oui, merci. La vérification est faite par rapport au
contrôle de la compagnie de facto. C'est
la raison première pour laquelle nous, on dit que tous les actionnaires
minoritaires dans une compagnie... mais on n'a pas nécessairement le contrôle dans une compagnie. Il y en a
certains qui n'ont aucun droit de vote, aucun droit de regard sur ce que fait la compagnie, et on est
d'avis que d'aller jusque-là, selon nous, ne correspond pas au rôle
premier, qui est de vérifier d'abord le contrôle de la compagnie. C'est la
raison pour laquelle on fait ces commentaires-là.
M. Leitão : Merci. Mes
collègues, si vous avez...
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de La Prairie, 3 min 30 s.
M. Merlini :
Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames messieurs, merci de votre présence et
votre mémoire que vous avez soumis pour nos travaux.
J'aimerais
aborder le sujet de la résiliation de contrat. Vous dites dans votre mémoire
que la plupart des problèmes en
pratique surviennent à l'ouverture des soumissions. J'aimerais vous entendre
parce qu'un tel pouvoir, si on donnait ce pouvoir-là à l'AMP, risque justement de retarder la réalisation des
contrats. Et je vais revenir là-dessus tantôt parce que vous avez fait aussi un point là-dessus, par
rapport à si le contrat est annulé en cours de réalisation vis-à-vis
l'organisme public. Mais je reviens tantôt. On revient à l'ouverture
des contrats. Dans quels cas estimez-vous que l'AMP pourrait suspendre l'octroi
d'un contrat?
• (12 h 40) •
Le Président
(M. Bernier) : M. Arsenault? M. Tremblay?
Mme Truchon. Je vais tous vous nommer.
Mme Truchon
(Émilie) : Je vais vous citer des exemples, des situations. Je pense
que ça va bien répondre à votre question.
La
première des situations, c'est, par
exemple, un entrepreneur qui se
plaint de l'annulation d'un appel
d'offres. Dans un cas comme ça, dans bien
des situations, les entrepreneurs ne reçoivent pas la raison de
l'annulation. Puis on sait qu'en
cours, en effet, un organisme public ne peut pas annuler, pour n'importe quelle raison, un appel d'offres. Souvent, les entrepreneurs ne reçoivent pas les motifs, et on considère qu'ils
devraient pouvoir se plaindre, notamment d'une attitude comme celle-là, également dans un cas où un soumissionnaire qui est le plus
bas conforme se fait rejeter se soumission.
Il
arrive et il est arrivé des cas où les documents d'appel
d'offres étaient contradictoires par rapport à certaines informations à fournir par les entrepreneurs, ce qui fait que, des fois, l'entrepreneur peut être, si
je peux dire, vu comme étant non
conforme, la soumission de l'entrepreneur être vue comme non conforme, alors
que les documents d'appel d'offres ne sont pas nécessairement clairs.
C'est une autre situation qui arrive post fermeture de l'appel d'offres et
c'est une situation qui ne pourrait pas être réglée par la procédure de plainte
qui est présentement en marche.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. M. le député de La Prairie.
M. Merlini :
Merci, M. le Président. Dans le cas de la suspension ou de la résiliation d'un
contrat en cours de réalisation, vous
avez dit tantôt que ça pourrait causer un préjudice envers les entrepreneurs
qui ont respecté les règles. Et vous
avez dit, tantôt dans votre présentation, que, des fois, c'est l'organisme
public qui en est responsable, de la résiliation ou de la suspension du
contrat. Ça cause un préjudice.
Cherchez-vous,
à ce moment-là, comme association, à avoir un dédommagement envers...
Devrait-il y avoir un dédommagement
envers l'entrepreneur, qui, lui, a suivi les règles, a répondu à toutes les
attentes? Tout est conforme, sauf que l'organisme public a failli dans
son processus. Comment voyez-vous ça? Et voyez-vous la nécessité d'avoir, à ce
moment-là, une compensation pour l'entrepreneur, qui, lui, dans le fond, a été
très bien dans tout le processus?
Le Président
(M. Bernier) : Mme Bourque.
Mme Bourque (Gisèle) : Bon, écoutez, c'est certain que... Vous parlez
d'une possibilité de dédommagement. Ce
serait tout à fait légitime et bien accueilli que l'entrepreneur qui n'est pas
responsable du tout du mauvais fonctionnement
ou du mauvais déroulement des événements... ce serait très équitable qu'il
bénéficie d'un dédommagement qui serait déterminé de quelle façon, c'est
à voir, mais d'un dédommagement quelconque, effectivement.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, Mme Bourque. Nous
allons donc malheureusement, M. le député, passer du côté de
l'opposition officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Oui. Bonjour, mesdames. Bonjour, monsieur. Vous avez un mémoire très exhaustif,
précis. On voit que vous êtes très au
fait de ce qui se passe dans l'octroi des contrats, des soumissions, etc. Votre
pratique quotidienne se reflète bien dans toutes les étapes qu'on peut
voir et qui... qu'on fait le lien avec le projet de loi n° 108, là.
Je
veux revenir, on n'en a pas parlé du côté du gouvernement, mais je voudrais
revenir à votre page 7, concernant Hydro-Québec plus particulièrement,
parce que, dans le fond, vous y consacrez un chapitre, je pourrais vous dire,
sur Hydro-Québec. Vous dites que l'«article
19 assimile Hydro-Québec à un organisme public, mais celle-ci n'est pas
définie comme telle en vertu de la Loi sur
les contrats des organismes publics et [qu'elle] échappe [...] à plusieurs
dispositions». Et, pour vous, c'est
nécessaire que ce soit plus transparent, que le processus d'attribution et
d'adjudication des contrats puis des contacts par Hydro... des contrats,
pardon, par Hydro-Québec...
C'est
toujours embêtant un peu parce qu'on le voit dans différentes situations, où
des organismes, soit par la Loi sur les
contrats des organismes publics, soit par le Vérificateur général, soit pas
différents types de loi... on voit des organismes qui sont inclus, d'autres ne le sont pas. Pourquoi
on l'exclut dans une telle loi, pourquoi qu'on l'inclut dans une autre
loi? Là, vous faites la démonstration particulièrement à l'Hydro-Québec.
C'est
sûr qu'il y a des questions qu'on posera lorsqu'on regardera de façon
détaillée, article par article, dans le processus de la loi. Mais là vous nous dites, entre autres, puis ce
paragraphe-là est important aussi : «Bien plus, il est même fréquent que des entrepreneurs doivent répondre à
des demandes de documents ou de renseignements additionnels non prévus dans les documents d'appel d'offres, mais
qui seraient soi-disant requis en vertu de politiques ou directives qui seraient en vigueur au sein d'Hydro-Québec, alors
que la communication de ces politiques ou directives leur est refusée au
motif qu'il s'agirait de documents internes confidentiels.»
Donc,
ça, c'est la résultante, là, dans le fond, que... vous dites qu'Hydro-Québec
devrait être incluse. Alors, je vous donne l'opportunité d'élaborer.
Le Président
(M. Bernier) : Mme Bourque.
Mme Bourque
(Gisèle) : Oui. Alors, effectivement, c'est ce que les entrepreneurs
vivent actuellement et depuis de nombreuses années, cette façon de faire
d'Hydro-Québec, qui, si elle était assujettie à la Loi sur les contrats des organismes publics,
n'agirait pas de cette façon-là. C'est une façon d'agir que nous trouvons
inacceptable de la part d'un donneur
d'ouvrage important, qui n'est pas transparente. Mais, vous savez, dans les
faits actuellement, la Loi sur les contrats des organismes publics assujettit Hydro-Québec dans son libellé à cette
loi-là. Il ne manque qu'un décret gouvernemental pour que, dans les
faits, elle soit assujettie à la Loi sur les contrats des organismes publics.
On a fait de
nombreuses représentations auprès du ministre des Ressources naturelles, auprès
d'Hydro-Québec. Évidemment,
Hydro-Québec n'est pas tout à fait d'accord avec notre position, mais ce fameux
décret gouvernemental tarde à venir.
Ce serait pourtant si simple de le décréter et de mettre en application une
politique qui ferait d'Hydro-Québec un donneur d'ouvrage qui se
comporterait d'une manière beaucoup plus transparente, beaucoup plus
acceptable, beaucoup plus objective.
Actuellement, on se heurte à toutes sortes de refus du côté d'Hydro-Québec, à
savoir dévoiler des informations, des directives, des politiques
internes.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme la députée.
Mme Léger :
Le décret serait sur quoi particulièrement? Parce que, là, Hydro-Québec, elle
est assujettie à la Loi sur les contrats des organismes publics. Donc,
le type de décret que vous parlez concerne quoi particulièrement?
Mme Bourque
(Gisèle) : Tout simplement
un décret gouvernemental qui dirait : À partir de telle date,
Hydro-Québec, dans les faits, devient
assujettie à cette loi. C'est tout, une formalité, une simple technicalité
parce qu'on voulait, a priori,
permettre à Hydro-Québec de mettre en place, à sa demande, un mécanisme de
transition. Et ce mécanisme de transition, bien, se prolonge dans le
temps.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme la députée.
Mme Léger :
Sur un autre ordre, je veux revenir à l'article 20, où on parle
particulièrement d'examiner la gestion contractuelle
du ministère des Transports et de tout autre organisme public que désigne le
gouvernement parce que vous indiquez, dans votre mémoire,
particulièrement, de mieux définir la gestion contractuelle, mieux définir ce
qui est aussi les manquements.
Alors donc,
la façon qu'il est inscrit, je croyais que c'était plus parce que c'était...
qui désigne le gouvernement, que vous aimeriez que l'AMP puisse avoir
plus de pouvoirs, mais c'est plus, dans le fond, dans la définition, ce que je
comprends.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bourque.
Mme Bourque
(Gisèle) : Parce que,
finalement, «gestion contractuelle» peut faire appel à des critères
subjectifs. Est-ce que ça s'applique à partir
du moment des appels d'offres? Tout au long du processus d'exécution du
contrat? Alors, il faudrait savoir quel est le rôle de l'AMP eu égard,
justement, à l'application ou la mise en application des contrats pour ne pas
que l'AMP s'immisce à des niveaux où ce n'est pas prévu ou que ce n'est pas
souhaitable, par exemple.
Et c'est la
même chose au niveau des manquements. Alors, il faut savoir en quoi consiste un
manquement, où ça commence, où ça se
termine, qu'est-ce qui constitue un manquement aux yeux de la loi pour laisser
le moins de place possible à la subjectivité.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme la députée.
Mme Léger : Et
particulièrement aux pouvoirs de l'AMP, contrairement à celle que désigne
vraiment le gouvernement. Est-ce que vous voyez un conflit à ce niveau-là?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bourque.
Mme Bourque (Gisèle) :
Excusez-moi, j'ai...
Mme Léger : ...article
20, deuxième alinéa, c'est : «...et [...] tout [...] organisme public
[qui] désigne le gouvernement.» Certains
groupes nous ont dit qu'ils voyaient des pouvoirs de l'AMP qui seraient... par
le gouvernement qui désignerait... qui trouvaient que ça pourrait être
en conflit.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Bourque.
Mme Bourque (Gisèle) : Bien,
écoutez, on n'a pas regardé sous cet angle-là, mais effectivement ça pourrait
aller jusque-là.
Mme Léger : Vous dites
que les municipalités devraient être incluses. Vous ajoutez particulièrement, à
votre mémoire, le paramunicipal. Voulez-vous nous en parler?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Truchon.
• (12 h 50) •
Mme Truchon (Émilie) :
Bien, c'est tout simplement tout organisme, finalement, lié aux municipalités,
que ce soient les MRC, que ce soient
également les communautés qui octroient des contrats. Notamment, nous, on est
dans le domaine génie civil et voirie, mais on veut également
que tout, en fait, organisme public qui octroie des contrats publics
soit assujetti à la loi, là.
Le Président
(M. Bernier) : Merci.
Mme Léger : Et pourquoi vous pensez que le ministre...
Là, il a ajouté «municipalités», mais pourquoi il n'a
pas ajouté «supramunicipal», à votre avis?
Le Président
(M. Bernier) : Mme Bourque.
Mme Bourque
(Gisèle) : Pourquoi le ministre n'avait pas ajouté les municipalités a
priori?
Mme Léger : Supramunicipal. Les municipalités n'y étaient
pas, supramunicipaux n'y sont pas, l'organisme
sans but lucratif non plus. Précédemment, on nous a indiqué qu'on
voudrait que l'OSBL y soit, le paramunicipal, évidemment. Pourquoi vous pensez que le ministre...
Là, il va ouvrir ça aux municipalités. Pourquoi vous pensez que le
supramunicipal n'est pas important, pour le gouvernement, de les inclure?
Le Président
(M. Bernier) : Mme Bourque.
Mme Bourque (Gisèle) : Écoutez, c'est difficile pour nous d'y répondre. Il
faudrait poser la question aux gens concernés, n'est-ce pas?
Mme Léger :
Mais vous, vous trouvez que c'est important.
Mme Bourque
(Gisèle) : C'est très important, effectivement, parce que ce sont des
donneurs d'ouvrage avec lesquels les
entrepreneurs font affaire sur une base régulière. Et, si on considère que l'Autorité des marchés publics doit s'immiscer, notamment de par la commission Charbonneau et ses recommandations, si on considère que l'Autorité des marchés publics doit
s'immiscer dans le cadre d'adjudication et de contrôle des contrats publics,
bien, pourquoi pas les municipalités,
le domaine paramunicipal et supramunicipal puisque ce sont également
des donneurs d'ouvrage? C'est tout simplement une question de cohérence
et pour s'assurer d'une gestion efficace, ultimement.
Le Président
(M. Bernier) : Courte question. Non, ça va? M. le député
de La Peltrie.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Peut-être juste deux petites questions parce que
vous semblez préoccupés par le fait qu'Hydro-Québec n'est pas assujettie
à la loi sur les contrats publics. Vous parlez d'inclure les municipalités.
D'autres organismes sont venus nous dire : On devrait inclure tel, ou tel,
ou tel organisme.
Est-ce
qu'au fond on ne serait pas mieux de spécifier que tout contrat qui implique
des deniers publics tombe sous l'autorité
de l'AMP et indépendamment de l'organisme qui transige ou qui signe le contrat?
Dans le fond, ce qu'on veut, c'est protéger le processus d'adjudication de contrat puis les deniers
publics. Donc, plutôt que de viser les organismes pour essayer
d'inclure... de réfléchir à quel organisme on devrait inclure, est-ce qu'on ne
devrait pas juste le spécifier pour les contrats?
Le Président
(M. Bernier) : Mme Bourque.
Mme Bourque (Gisèle) : Effectivement, ce serait tout à fait logique et
conséquent et ce serait une excellente idée.
M.
Caire :
Vous parlez...
M. Arsenault
(Roger) : Si je peux me permettre...
Le Président
(M. Bernier) : M. Arsenault, bien, je vous permets.
Ça me fait plaisir.
M. Arsenault
(Roger) : Pour
ajouter à ce vous dites, par exemple, il y a la Caisse
de dépôt et de placement qui va commencer à octroyer des contrats.
Est-ce qu'elle ne devrait pas faire partie aussi? La réponse est oui, je pense.
M.
Caire :
Oui, c'est des deniers publics, on s'entend.
Vous parlez de
prévoir des délais raisonnables pour le dépôt des plaintes. Tout à l'heure,
vous avez suggéré peut-être un certain nombre de jours. Est-ce que c'est une
bonne idée de mettre le nombre de jours dans la loi plutôt que de dire : On va le fixer par décret? Je
m'explique. On s'entend que, quand la loi est adoptée, si on veut la modifier
parce qu'on se rend compte que les délais,
finalement, ce n'est pas exactement ce qu'on veut, ça devient plus compliqué.
Il faut repasser par le processus
législatif, alors que, si on a une certaine souplesse, il faut bien l'admettre,
quand on y va par décret, et donc les
représentations à faire suite à l'application de la loi, et donc à l'expérience
de l'application de la loi, est-ce qu'on ne serait pas mieux, à ce
moment-là, de laisser ces délais-là être fixés par décret?
Le
Président (M. Bernier) : Mme Bourque.
Mme Bourque
(Gisèle) : À mon avis, ce serait effectivement beaucoup plus pratique
de procéder par décret puisque, comme vous
le dites vous-même, c'est beaucoup plus rapide. Si on s'aperçoit à l'usage que
tel délai qui a été circonscrit est
vraiment soit trop court ou trop long, bien, il sera beaucoup plus facile de le
faire par décret gouvernemental.
M.
Caire : Il semble y avoir quand même une large diversité
d'opinions sur ce qui est raisonnable comme délai ou non, là.
Mme Bourque (Gisèle) : Et, tant qu'on n'aura pas vérifié à l'usage à
quoi ça peut ressembler, ce sera difficile d'intervenir. Effectivement,
s'il s'agit d'une loi, si c'est inscrit à l'intérieur d'une loi, c'est beaucoup
plus compliqué.
M.
Caire :
Ça complète.
Le
Président (M. Bernier) : Ça va? Donc, merci aux
représentants de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, M. Roger Arsenault,
Mme Gisèle Bourque, M. Pierre Tremblay et Mme Émilie Truchon,
de votre participation à la Commission des finances publiques.
Je suspends les
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à
12 h 55)
(Reprise à 15 h 4)
Le Président
(M. Spénard) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
donc ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 108, la Loi favorisant la surveillance des contrats des
organismes publics et instituant l'Autorité des marchés financiers.
Je souhaite la bienvenue
au premier groupe... Oui?
M. Leitão :
Autorité des marchés publics.
Le Président
(M. Spénard) : Marchés publics, je m'excuse. Je suis habitué avec
l'AMF. Excusez-moi.
Une voix :
Ça part bien!
Des voix :
Ha, ha, ha!
Le Président
(M. Spénard) : Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités, la
Fédération des chambres de commerce du Québec.
Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter.
Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission
pour une période de 35 minutes. Alors, la parole est à vous, MM. Forget et
Laureti. Vous vous identifierez lorsque vous prendrez la parole, s'il
vous plaît.
Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)
M. Forget (Stéphane) : Merci
beaucoup, M. le Président. M. le ministre, MM.,
Mmes les membres de la commission.
Alors, Stéphane Forget, président-directeur général de la Fédération des
chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné de David Laureti,
directeur, Stratégie et affaires économiques à la fédération.
Alors,
brièvement, je pense que vous connaissez bien la fédération, mais j'aime
toujours rappeler les deux chapeaux que
nous portons. Tout d'abord, de fédérer, de regrouper les 140 chambres de
commerce sur le territoire québécois, et aussi notre rôle de chambre de commerce provinciale, de chambre de
commerce du Québec. À ce titre-là, nous avons plus de 1 200 entreprises qui sont membres directement
de la fédération, impliquées dans nos différents comités, ce qui nous
permet d'avoir certaines réflexions, dont celle que nous allons partager avec
vous aujourd'hui.
Alors,
les contrats publics représentent des dépenses de près de 30 milliards de
dollars par année au Québec. À la lumière
de ces chiffres, il nous apparaît essentiel que les marchés publics soient
gérés avec rigueur et que la population ait confiance dans les mécanismes de gestion et de contrôle des processus
d'octroi de contrats publics. Toutefois, les problèmes d'éthique et de corruption mis à jour au cours des
dernières années ont miné cette confiance des citoyens à l'égard de la
gestion des contrats publics.
Le
gouvernement a pris des décisions importantes afin de contrer la collusion et
pour lutter contre toute forme de corruption
dans l'octroi des contrats publics. Nous avons appuyé, au fil des ans, ces
mesures extraordinaires qui devaient normalement
rassurer les citoyens sur la volonté des pouvoirs publics de prendre les moyens
nécessaires pour décourager les tentatives de collusion et de
corruption. Malheureusement, ces mesures ne semblent pas être parvenues à
calmer entièrement la méfiance des citoyens,
et un climat de suspicion semble toujours être présent. Les conséquences de
cette situation sont lourdes et cette situation, évidemment, doit changer.
La fédération n'aurait pas
tendance à appuyer la création d'un nouvel organisme de surveillance des
contrats publics. En toute objectivité, nous
considérons qu'il y a déjà suffisamment d'institutions et de dispositifs de
contrôle et de surveillance. Nous
croyons toutefois qu'il est nécessaire de poser un geste additionnel afin de
rétablir un niveau raisonnable de
confiance dans notre système de gestion des contrats publics. C'est pourquoi
nous appuyons la mise sur pied d'une autorité
des marchés publics. Nous espérons que celle-ci contribuera à assainir le
climat d'affaires, et ce, au bénéfice de tous.
M. Laureti
(David) : Le climat de suspicion qui prévaut actuellement rend les
relations entre le gouvernement et certaines
entreprises problématiques. Ce climat place les élus, les administrateurs et
les entreprises sur la défensive. Les pouvoirs publics ont pratiquement
coupé toute communication avec les entreprises et les entrepreneurs, craignant
à tort d'être accusés d'enfreindre les règles d'éthique et de donner prise à
des apparences de conflit d'intérêts.
Les processus
de règlement des litiges entre les donneurs d'ordres publics et les
fournisseurs sont paralysés. Les délais
de réalisation des travaux et des approvisionnements sont de plus en plus
importants et alourdissent le fonctionnement de l'État, sans compter les
coûts que cela occasionne.
Nous croyons
que les représentants des entreprises doivent être considérés a priori comme
des interlocuteurs de bonne foi. Dans la gestion des contrats publics,
l'État a tout intérêt à consulter les entreprises afin de s'informer de l'évolution des technologies et des innovations.
Il nous apparaît essentiel que ce canal de communication ne doit pas
être rompu. Au bénéfice de tous, il faut que
les entreprises et les entrepreneurs puissent dialoguer et travailler avec
intelligence et efficacité avec les
organismes publics dans un cadre rigoureux de gestion. La crainte excessive
d'être mal perçus amène le législateur,
les élus et la fonction publique à se confiner trop souvent, dans le processus
d'octroi de contrats publics, aux pratiques plus conservatrices et moins
innovantes.
Pour
illustrer notre propos, voici quatre exemples de pratiques qui alourdissent le
fonctionnement du gouvernement. Premièrement, la sélection des
fournisseurs qui continue d'être établie presque partout sur la base du plus
bas prix conforme sans égard à la qualité.
Deuxièmement, le mode alternatif de réalisation des projets, qui demeure encore
très peu répandu au Québec. Troisièmement,
le choix des matériaux non traditionnels est, pour la plupart du temps,
écarté. Et finalement l'étirement des délais
d'approbation dans l'octroi et l'exécution des contrats prive les organismes
publics de solutions innovantes et... deviennent conséquemment moins
efficaces.
• (15 h 10) •
M. Forget
(Stéphane) : À la lumière de
ces constats, nous devons trouver des moyens de permettre à l'administration publique de reprendre un dialogue
normal et franc avec les entreprises. La création d'une autorité des marchés publics doit répondre à ce besoin. Nous
établissons un parallèle entre le rôle qu'elle est appelée à jouer et
celui de l'Autorité des marchés financiers, qui, sans éliminer tout risque de
délits d'initiés ou autres malversations, a redonné une certaine confiance aux
investisseurs.
En assumant
avant tout un rôle de coordination et de surveillance, nous comprenons que
l'Autorité des marchés publics
disposera des moyens d'analyse et d'enquête et pourra conseiller les ministères
et organismes sur les pratiques contractuelles. La mise en place de
l'Autorité des marchés publics doit, selon nous, être l'occasion de renforcer
la responsabilité et l'imputabilité des
donneurs d'ordres et des organismes de surveillance qui y sont associés.
L'Autorité des marchés publics sera d'autant
efficace qu'elle pourra compter sur des donneurs d'ordres qui jouent pleinement
leur rôle et qui seront imputables de leurs décisions. Il nous apparaît
cependant important d'éviter de transférer à cette autorité les pouvoirs usuels
de contrôle qui font partie de la saine gestion d'un organisme public. Chacun
doit assumer ses responsabilités. De même,
nous appuyons les mesures qui favorisent l'accroissement de la transparence des
processus d'attribution de contrats. Il faut
toutefois s'assurer que les personnes et les entreprises chargées de réaliser
des mandats publics puissent
fonctionner avec efficacité et puissent offrir aux organismes publics leurs
meilleures compétences, leur sens de
l'éthique et leur capacité d'innovation. Chacun doit opérer dans un cadre
réglementaire et institutionnel adapté à la réalité d'aujourd'hui. Les contribuables et les
fournisseurs de biens et services bénéficieront de cette clarté et de cette
rigueur.
M. Laureti
(David) : Le projet de loi qui est étudié aujourd'hui stipule que
toute personne ou société peut porter plainte
à l'autorité relativement au processus d'attribution d'un contrat public si
elle est en désaccord avec la décision d'attribution
du contrat d'un organisme public. Nous ne nous opposons pas à ce mécanisme,
mais nous nous interrogeons cependant
sur la pertinence d'accorder le même droit de plainte sans restriction à toute
personne ou entreprise qui est en désaccord
avec la décision de l'organisme public d'octroyer le contrat à un concurrent.
Cette procédure entraînera, selon nous,
des délais importants. Nous ne croyons pas nécessaire de généraliser ce
mécanisme de plainte aux soumissionnaires non retenus.
À l'égard de l'évaluation du rendement des
fournisseurs, la fédération considère pertinente l'évaluation du rendement antérieur des entreprises. Nous
demandons cependant aux ministères et organismes de faire connaître à
l'avance les critères d'évaluation de cette
performance. Enfin, si nous sommes d'accord avec l'intention exprimée par
l'article 126 du projet de loi, qui entend réprimer les communications
entre un éventuel fournisseur et un membre d'un comité de sélection d'un appel d'offres, nous croyons qu'il
ne faudrait pas que cet article soit interprété de manière à condamner
toute communication antérieure au lancement d'un processus d'appel d'offres. Il
est fréquent que des représentants d'entreprises aillent présenter leurs
technologies, équipements, matériaux ou services à des fonctionnaires et à des
personnes qui pourraient éventuellement être intéressées par l'acquisition de
ces biens et services.
M. Forget
(Stéphane) : Nous croyons que les pouvoirs publics doivent tirer
profit de l'expertise, de l'innovation et de
la flexibilité d'exécution du secteur privé. Les entreprises sont capables
d'offrir les meilleurs services au meilleur
prix. Le processus d'octroi de contrats doit tabler sur la concurrence entre
les entrepreneurs afin de sélectionner les meilleures
entreprises, de pouvoir bénéficier de leur expertise et pouvoir réduire les
coûts à court et à long terme. L'émulation demeure, à notre avis, le meilleur
gage de qualité et de prix.
Aussi,
l'exercice compte deux parties. D'une part, à chaque étape du processus, les
pouvoirs publics doivent faire preuve
de transparence et de probité. D'autre part, les entreprises doivent aussi se
conformer en tout temps aux règles établies.
Nous faisons le voeu que la mise en place de l'Autorité des marchés publics
contribuera à assainir un climat de suspicion
qui génère de lourdes conséquences, comme nous vous l'avons expliqué. Au
bénéfice de tous, il est souhaitable et nécessaire que les entreprises puissent dialoguer et travailler avec
intelligence et efficacité avec les organismes publics dans un cadre de
gestion rigoureux. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Spénard) : Alors, merci beaucoup de votre
présentation, MM. Forget et Laureti. Alors, le temps est
maintenant, pour une période de 15 minutes, au parti ministériel. Alors,
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président.
Alors, messieurs, merci beaucoup. Bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous pour nous faire part de vos
conclusions, enfin, votre lecture de la situation en ce qui concerne le projet de loi
n° 108, la création de l'Autorité des marchés publics. J'aurai quelques
questions avant de passer la parole à mes collègues.
Un
aspect que vous aviez mentionné, je pense que c'était vous, M. Laureti, il
y avait plusieurs, plusieurs facteurs que
vous mentionnez qu'on n'était pas à la même hauteur, et un de ces facteurs-là
était le mode alternatif de réalisation des contrats, essentiellement des projets en partenariat public-privé. Pouvez-vous nous parler un peu plus de cela? Et
comment un tel mécanisme, un tel partenariat... Quelle serait l'interaction de
ces partenariats avec la création d'un organisme comme l'Autorité des marchés
publics?
Le Président
(M. Spénard) : M. Forget.
M. Forget (Stéphane) : Merci. Tout
d'abord, évidemment,
cette réflexion-là fait aussi référence à la méthode qu'on utilise beaucoup
du plus bas soumissionnaire conforme, qui n'est pas un gage constant d'obtenir
la meilleure qualité. Je ne dis pas que le
travail effectué par le soumissionnaire qui remporte le prix ne fait pas un
travail de qualité, mais, compte tenu
que le prix est toujours ou très souvent un facteur extrêmement important, ça ne laisse pas toujours la place à, ce
qu'on pourrait dire, une qualité supérieure dans ce qu'on livre.
La différence avec le
mode alternatif, c'est la responsabilité qui vient avec le contrat dans un PPP
où, un, la compétition entre les
soumissionnaires et, deuxièmement, le fait qu'on a de l'entretien à faire pendant
un certain nombre d'années fait en
sorte qu'on a des obligations différentes. Et qu'on ne soit pas vers le plus
bas soumissionnaire conforme fait en sorte aussi qu'on a des marges de
manoeuvre où on peut être un peu plus, je dirais, imaginatifs dans nos
capacités d'innover ou de présenter des produits de qualité. Alors, ça, c'est
pour la réflexion de base.
Ceci
étant dit, évidemment, l'Autorité
des marchés publics pourrait certainement jouer un rôle pour faire en
sorte que les donneurs d'ordres ou les sociétés
publiques puissent mieux comprendre et être peut-être moins craintifs à
l'idée d'aller vers ces modes alternatifs
là. C'est certain, comme on dit dans notre mémoire, la façon la plus simple
d'octroyer un contrat, c'est de prendre les règles en place, le plus bas soumissionnaire
conforme. On est habitués, on est dans ce système-là depuis toujours.
On est capables facilement, avec les règles en place, de regarder ce qui s'est
fait avant, ce qui s'est fait ailleurs. Les modes alternatifs, ça
demande un peu plus, évidemment, de réflexion. Ça demande un peu plus d'audace.
Peut-être, mais on pense qu'à cet égard-là, avec l'Autorité des marchés publics
en place, on pourrait mieux accompagner les
donneurs d'ordres qui seraient intéressés par ces modes alternatifs là, les accompagner...
de les appuyer et de faire en sorte qu'on ait plus d'ouverture à l'égard
de ce type de mode là.
M. Leitão :
Très bien. Merci. Maintenant, évidemment, étant donné notre passé récent,
particulièrement tous les enjeux
soulevés par la commission Charbonneau, les allégations, et pas seulement les
allégations, mais les événements de collusion,
comment voyez-vous le processus? Vous avez parlé tantôt d'une perte de
confiance, un climat de suspicion. Pensez-vous
qu'un organisme comme l'Autorité des marchés publics pourrait rétablir un peu
la confiance dans le marché? On
comprend bien que, oui, il y a toute une série de nouvelles procédures qui sont
nécessaires aussi, mais considérez-vous qu'un tel organisme, une telle
autorité, dans notre réalité, est nécessaire?
• (15 h 20) •.
M. Forget (Stéphane) : C'est notre souhait. C'est l'espoir qu'on y voit.
C'est aussi une des raisons pour lesquelles nous l'appuyons, comme je le mentionnais précédemment. Il y a évidemment
beaucoup d'organismes de surveillance, de contrôle. On pense que cette autorité-là a une
dimension un peu particulière, et c'est notre souhait fondamental parce que, vous savez, on ne
compte pas beaucoup d'entreprises, et depuis les événements, depuis la commission,
il y a trop d'entreprises qui sont venues nous voir pour nous dire :
La porte est fermée, on n'est plus capables de parler avec l'État.
Alors, comme représentants d'entreprises, on y voit là un enjeu.
Il y a aussi des gens
dans la fonction publique qui nous l'ont dit aussi : On est mal à l'aise
de parler aux gens. Alors, on le voit des
deux côtés, et je vous dirais que, comme contribuables, on
voit aussi l'impact parce que les marchés évoluent, les technologies
évoluent. Et le fait qu'on n'arrive pas à se parler, à dialoguer, bien, fait en
sorte qu'on se prive probablement de plusieurs opportunités qui seraient au
bénéfice de l'État et des contribuables.
Alors,
on a vraiment espoir que cette nouvelle entité là puisse contribuer à assainir
ce climat-là, à redonner confiance et
surtout à faire en sorte que les entreprises, les fournisseurs, les donneurs
d'ordres puissent commencer à se parler ouvertement et à échanger sur
les meilleures pratiques, sur les technologies. Évidemment, on est toujours
précédant... les processus
d'appels d'offres clairs, mais, si on n'arrive pas à se parler, ce
ne sera pas au bénéfice de la société
québécoise, assurément.
Le
Président (M. Spénard) : M. le ministre.
M. Leitão :
Très bien, merci. Je comprends bien, mais, selon vous, quelles seraient vos
suggestions pour que ce dialogue-là reprenne? Parce qu'en effet, oui,
je suis d'accord avec vous qu'il y a une espèce de froid qui s'est installé un
peu. Tout le monde est un peu craintif à parler à tout le monde.
Comment voyez-vous...
Quels seraient des moyens pratiques, là, de repartir le dialogue?
M. Forget (Stéphane) : Bien, je pense que le rôle, si je peux le dire
ainsi, de neutralité de l'Autorité des marchés publics fait en sorte que l'autorité pourrait être le catalyseur, justement,
pour permettre aux deux groupes de se rencontrer, de se réunir. Là, souvent, on est un peu mal à
l'aise. Si on est le fournisseur, on n'ose pas appeler pour toutes sortes
de raisons. À l'inverse, le donneur
d'ouvrage est souvent aussi mal à l'aise pour toutes les raisons invoquées
précédemment. Et on pense que cette nouvelle
entité neutre peut devenir un carrefour, si je peux dire ainsi, ou l'endroit où
les gens pourraient se parler,
disons, plus librement dans un contexte où ils savent, là, qu'il n'y a pas
d'enjeu dans les échanges qu'ils auront. Je pense que ce rôle-là n'est
pas là aujourd'hui et pourrait devenir extrêmement important pour justement
faire tomber ces barrières-là ou ces murs-là.
M. Leitão : Très
bien, merci. Vous avez aussi
mentionné, bon, l'Autorité des
marchés financiers. On
comprend que c'est un modèle un peu
différent pour la réglementation des marchés financiers, mais l'AMF fait aussi
partie du portrait en ce qui concerne
l'établissement de la liste des entreprises conformes ou pas
conformes. Ce mandat-là ou cette activité-là sera éventuellement
transféré à l'AMP une fois qu'elle sera créée.
Comment
vous voyez, vous, ce registre d'entreprises, cette nécessité que les entreprises
soient déclarées au-dessus de tout soupçon et qu'on crée un tel
registre?
M. Forget (Stéphane) : On voit ça de façon positive, on le voit de façon
positive. Je pense que les entreprises, de façon générale au Québec, sont honnêtes, font preuve de probité. Et je
pense que d'avoir un registre qui va s'assurer que les entreprises
le sont... Je vous ai parlé d'émulation tantôt. Il n'y a rien que les
gens... les entreprises, pardon, ne demandent pas mieux que d'être en compétition entre elles,
mais qu'on le soit de façon honnête, cohérente, et que les meilleures
soient en place. Aucun enjeu à cet égard-là pour nous.
Et,
si je peux me permettre, on faisait référence à l'Autorité des marchés financiers tantôt, il y a toujours
aussi une question de perception. Je pense qu'on l'a mentionné, l'Autorité des marchés financiers a, je pense, rassuré un peu les
contribuables dans l'exercice de ses fonctions. Dans un deuxième temps, elle
n'est pas non plus toujours en mode coercitif,
elle est en mode promotion, de faire la démonstration qu'on a un système qui
fonctionne au Québec et je pense que l'Autorité des marchés publics pourrait jouer un peu le même rôle en
termes de perception et en termes de promotion de nos processus au Québec.
Le Président
(M. Spénard) : M. le ministre.
M. Leitão :
Très bien, merci. Peut-être une dernière question avant de passer la parole à
mes collègues.
La
possibilité ou le droit de porter plainte, donc, vous semblez
suggérer qu'il devrait être limité, un peu plus limité aux seules entreprises
qui auraient pu soumissionner. Pouvez-vous élaborer un peu plus là-dessus?
M. Forget (Stéphane) : On a eu quelques réflexions à ce sujet-là, tout d'abord sur les délais. Si, à chaque fois qu'un contrat... un appel
d'offres est octroyé et que l'ensemble des soumissionnaires — j'exagère
un peu pour faire le point — demandent des explications, ou une
vérification, ou autres, et que ça allonge de façon indue les délais
dans l'octroi des contrats, là, il pourrait y avoir un enjeu. Alors, il y a une
question de délai de processus.
Deuxième
élément, on a beaucoup de réflexions, et ça, ce n'est peut-être pas autant sur
la reconsidération de l'appel d'offres
que la nécessité, pour les entreprises qui n'ont pas obtenu le contrat, d'avoir
assez rapidement de l'information qui leur explique pourquoi elles n'ont
pas eu le contrat, pour que ces entreprises-là, dans une prochaine proposition,
comprennent comment elles peuvent
s'améliorer, où elles ont été plus faibles. Et ça, le retour sur les gens qui
n'ont pas acquis ou qui n'ont pas
obtenu les contrats, je pense que ça, c'est un rôle important, et je pense que
ça, il faut le faire pour que nos entreprises puissent s'améliorer dans
leur façon d'obtenir des contrats ou de transiger avec l'État.
M. Leitão : Très
bien, merci. Je passerais la parole à
mes collègues. Juste mentionner que cet aspect-là est déjà
prévu, donc, une espèce de rétroaction.
M. Forget
(Stéphane) : Oui, parce que c'est très important.
Le Président
(M. Spénard) : Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de
La Prairie.
M. Merlini :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre mémoire et votre
présence cet après-midi pour les travaux de
la commission. Vous avez parlé dans votre présentation... je pense que je vais
vous citer, là : «Chacun doit
assumer ses responsabilités...» Et quels seraient, selon vous, les moyens pour
renforcer la responsabilité et l'imputabilité des ministères et des
organismes ainsi que les organismes de surveillance?
M. Forget
(Stéphane) : C'est une large
question. Écoutez, je ne suis pas dans le détail de comment fonctionnent
les ministères, mais ce qu'on veut surtout éviter, c'est qu'avec la création
d'une autorité comme celle-ci les donneurs d'ordres
ou les ministères ou organismes se déchargent de la responsabilité en se
disant : Il y a une autorité des marchés publics, puis, s'il y a des enjeux, on va gérer ça à cet endroit-là.
Nous, ce qu'on veut éviter, c'est justement ça.
Quand on dit
«chacun ses responsabilités», c'est que l'arrivée pour nous de l'Autorité des
marchés publics ne vient pas
décharger les ministères et organismes de leurs responsabilités propres. Et
l'idée, c'est d'améliorer le système, ce n'est pas qu'il soit encore plus complexe. Alors, c'est vraiment cet enjeu-là,
pour nous, quand on dit : Chacun sa responsabilité. Et je pense que
l'Autorité des marchés publics peut certainement aider les ministères dans cet
exercice-là.
Le Président (M. Spénard) : M.
le député de La Prairie.
M. Merlini :
Merci, M. le Président. Il y a des groupes, qui vous ont précédés, qui
souhaiteraient voir l'AMP faire de la
formation. Et j'aimerais vous entendre là-dessus parce que, oui, vous
dites : Il ne faut pas que les organismes, et les ministères, et
même les entreprises se déchargent de leurs responsabilités parce que, si je
prends, par exemple, une entreprise qui veut
soumettre soit son produit ou son service et s'aperçoit que l'appel d'offres,
disons, semble favoriser son
entreprise dans le sens qu'on dirait qu'elle est faite sur mesure pour son
entreprise, alors lui aussi aurait une responsabilité. Alors, comment
voyez-vous ça? Est-ce que l'AMP devrait jouer ce rôle?
Nous, on
avait parlé plus tôt... le ministre avait parlé, en réponse aux autres groupes,
d'avoir des pôles d'expertise. Vous, la Fédération des chambres de
commerce, comment voyez-vous ça? Seriez-vous un allié dans ce sens-là aussi? Seriez-vous prêts, justement, à offrir, disons, de
la formation envers vos membres pour, justement... par rapport au rôle
de l'AMP et le rôle, comme vous dites, de quand même assumer ses
responsabilités?
M. Forget
(Stéphane) : La réponse,
c'est oui. Je vous dirai qu'on a eu beaucoup de discussions au sein de
nos comités, chez nous, sur l'appui ou non
de l'autorité. Oui, je vous l'ai dit, de façon normale, on aurait envie de vous
dire : Un organisme de plus, ce n'est pas positif. Cependant, dans le
contexte, dans les circonstances actuelles, finalement, on pense que c'est une bonne idée parce qu'il y a de
la formation à faire assurément auprès des entreprises. Et on pense
aussi qu'il y en a aussi à faire auprès des
donneurs d'ordres. Et je pense que la formation, si elle peut contribuer à
atténuer le climat de suspicion, si
ça peut atténuer le fait qu'on hésite à se parler, à échanger, si on peut aussi
créer des lieux, comme je le disais
précédemment, où les gens vont pouvoir recommencer à se parler ouvertement sans
avoir peur d'être taxés de je ne sais
trop quoi, je pense que toutes ces mesures-là vont définitivement contribuer à
améliorer le climat, améliorer les relations d'affaires entre l'État et
ses fournisseurs.
M. Merlini : Merci.
Le
Président (M. Spénard) : Alors, merci beaucoup. Le temps étant
écoulé pour le gouvernement, alors, nous allons passer à l'opposition
officielle. Et je passerais la parole à la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Merci, M. le Président. Alors,
bonjour, messieurs. Bienvenue au parlement, évidemment. Effectivement, je vais continuer un peu dans le même sens, là, de
toute l'atmosphère et le climat que vous... Dans le fond, vous exprimez
très bien dans votre mémoire... vous dites que la fédération «aurait tendance à
s'objecter à la création [de ce] nouvel organisme
[là] parce qu'en toute objectivité, il y a déjà suffisamment d'institutions».
Vous dites par ailleurs : Mais, quand même, pour, dans le fond, assainir un peu le climat, la mise sur pied de
l'autorité trouve quand même sa pertinence. Mais vous faites quand même
la démonstration un peu de tout le climat assez longuement, je pourrais dire,
dans votre mémoire. Donc, vous le faites un
peu par dépit, mais, en même temps, vous trouvez qu'il y a quand même... que
c'est quand même pertinent parce que
l'élément important pour vous, c'est de rétablir la confiance et de pouvoir,
dans le fond, mettre ça derrière nous, je pourrais dire. À moins que
vouliez compléter sur ça, là, mais je pense que c'est l'élément central de
votre mémoire.
Le Président (M. Spénard) :
M. Forget.
M. Forget (Stéphane) : Vous
avez bien saisi.
• (15 h 30) •
Mme Léger : Je veux
revenir sur les communications. Vous en avez un petit peu parlé tout à l'heure,
les communications avec le ministre puis avec le député aussi : «Le climat
général de suspicion a placé les élus et les administrateurs sur la défensive.
Les hauts fonctionnaires ont pratiquement coupé toute communication avec les
entreprises.» Vous n'avez vraiment pas tort quand vous dites ça. Moi, j'ai vécu
aussi, comme députée, une situation semblable.
J'en ai quelques-unes, mais une dernière où que des entrepreneurs de ma
circonscription, d'une part, ont voulu parler avec le ministère sur un
enjeu qui, dans le fond, avait besoin d'explications, davantage d'explications,
ou qui voulaient avoir des informations supplémentaires. Il n'y avait pas
nécessairement de contrat sur la table. Il n'y avait nécessairement ce type-là,
mais il y avait quand même une altercation avec une instance plutôt
gouvernementale et municipale particulièrement.
Alors, le contact, ils ne réussissaient pas. On
appelait dans un ministère, un peu dans un deuxième ministère parce qu'il y en avait deux concernés, et là,
bien, ils sont venus voir la députée pour dire : Aidez-nous, on n'est pas
capables de parler à personne. Alors, la
députée a aussi fait ces démarches-là, démarches face au cabinet. Le cabinet a
dit : On ne parle
pas à une entreprise, on ne veut pas parler à une entreprise. Mais il n'y a pas
d'enjeu sur la table, il n'y a pas d'octroi de contrat, il n'y a rien de ça. Mais on sentait cette inquiétude-là.
Elle persiste encore. Je le disais au ministre, qui est avec nous aujourd'hui. Je pense que... Il y a le
ministre des Finances, le président du Conseil du trésor, il y a aussi le
ministre du Développement économique qui
fait partie des affaires économiques. Je pense que ce climat-là, il est
important d'avoir quand même un mot
d'ordre si on veut aussi ramener une certaine confiance. Il faut que cette
communication-là puisse vraiment être
plus fluide et en se donnant des bonnes balises, en encadrant les choses, je
pense qu'on en convient tous, et vous l'exprimez quand même très bien
dans votre mémoire.
Vous ajoutez, à la page... Oups! Je n'ai pas les
numéros de pages dans votre...
Une voix : Oui, oui, ils sont
là. On voit à droite.
Mme Léger :
On va à droite... Oui! Page 8. Page 8. Alors, en plein milieu, vous dites dans
la moitié de l'autre paragraphe : «...l'État a tout intérêt à
consulter les entreprises afin de s'informer de l'évolution des technologies de
certains marchés. Personne ne réclame un traitement privilégié des entreprises
à l'égard des communications avec le gouvernement, mais des pratiques correctes
et efficaces, comme celles qui ont cours dans les autres administrations
publiques modernes.» Vous avez des exemples précis concernant ça?
Le Président (M. Spénard) :
M. Forget.
M. Laureti (David) : Bien, si
vous me permettez, pas tant d'exemples précis, mais on a...
Le Président (M. Spénard) :
M. Laureti.
M. Laureti
(David) : Merci, merci. On a un contexte québécois, que je n'ai pas
besoin de vous expliquer ici, et ce
contexte-là est probablement à l'origine du projet de loi que nous étudions
aujourd'hui. Dans une carrière précédente, j'étais du côté des... en média, et évidemment il n'y avait pas une
journée où, effectivement, la question de la probité des entreprises n'était pas à l'ordre du jour. Alors,
on a des entreprises qui nous ont dit : Ça suffit! Et c'est pour ça qu'on
dit, nous : Il faut faire confiance aux
entreprises. Il y a certainement des gestes répréhensibles qui ont été commis.
Ces gens-là ont été traduits en
justice ou, bref, il y a des actions qui sont en cours. Mais nous, comme
association, comme fédération, nous
sommes d'avis que les entreprises doivent être considérées a priori de bonne
foi. Il doit y avoir un lieu d'échange. Et c'est pour cette raison-là que nous faisons le voeu que l'Autorité des
marchés publics sera ce lieu d'échange là possible.
Le Président (M. Spénard) :
M. Forget, oui.
M. Forget
(Stéphane) : Deux choses.
Dans la nomenclature des gens que vous avez mentionnés tantôt, il faut
aussi ajouter le rôle du Commissaire au
lobby, qui, lui aussi, dans l'exercice de ses fonctions, a un cadre défini.
Mais il faut ajouter à cela aussi le rôle
du Commissaire au lobby et, par moments, l'incertitude chez les fournisseurs
potentiels de savoir à quel moment
c'est du lobby, à quel moment ça n'en est pas. Et je vous dirais qu'avec le
projet de loi n° 56, qui a été déposé, mais qui n'est pas encore débattu... Et on a demandé, nous et plusieurs
autres, de le retirer, qu'on reparte à neuf. On n'ira pas en
s'améliorant dans ce contexte-là. Première chose.
Deuxième
chose que je veux vous mentionner, c'est que le temps que ça prend actuellement
au gouvernement du Québec entre le
moment où on a une idée et où on dépose un appel d'offres public, les
technologies évoluent tellement vite qu'entre
le besoin initial et le contrat donné l'écart est tellement grand que ce qu'on
va recevoir comme service, ce n'est plus celui qui est nécessaire
aujourd'hui parce que les technologies ont évolué, puis ça, que ce soit dans
les technologies de l'information, que ce
soit dans le domaine de la santé. Et je pourrais vous en nommer une série. Je pense que, si on n'arrive pas à continuer de se parler entre la
définition du besoin et la réalité d'aujourd'hui, l'écart est tellement grand maintenant qu'on n'aura pas au Québec
le service qu'on veut avoir compte
tenu de l'évolution des technologies notamment.
Et ça, pour
nous, on l'entend tellement souvent où des entreprises viennent nous voir
nous en disant : Je viens de voir une proposition, là, qui a été...
un appel d'offres qui a été déposé. Je ne sais pas où on va trouver la technologie.
Il n'y a plus personne qui la produit parce
qu'on n'est plus là. On est rendu ailleurs.
Ou, à l'inverse, ils ont un besoin qui est
défini, puis il y a des entreprises qui viennent nous dire : On serait en
mesure d'aller leur dire : On a une solution à votre besoin, on
n'arrive pas à se parler.
Alors, ça,
c'est le contexte, et vous l'avez bien décrit vous-même tantôt, c'est le
contexte dans lequel on évolue aujourd'hui. Puis après ça on n'est pas sûr si on le fait
sous la forme... s'il faut s'inscrire au Registre des lobbyistes. À d'autres moments, on nous exige de s'inscrire au
Registre des lobbyistes, alors que ce n'est pas nécessaire. C'est le
climat dans lequel les entreprises oeuvrent présentement. Et ça, c'est extrêmement
pénalisant, autant pour elles que pour l'État, à notre avis.
Le Président (M. Spénard) : Mme
la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Est-ce
que vous croyez que l'Autorité des
marchés publics peut être... Probablement qu'elle est une réponse, là, à ce que vous dites, mais est-ce que, pour vous, ça
serait particulièrement dans les délais, plus particulièrement dans les communications, évidemment? Est-ce
que, dans le projet de loi que vous voyez, là, vous voyez des avenues que vous trouvez
qu'il faudrait renforcir?
M. Forget
(Stéphane) : Bien, ce qu'on
voit, c'est que possiblement que la mise en place de l'Autorité des
marchés publics va permettre de réfléchir au
cadre dans lequel on évolue présentement. Je reviens à ce que je vous disais
tantôt, là. Le cadre du plus bas
soumissionnaire conforme, personne n'ose y toucher parce que
ça devient un peu sensible de toucher à
ça du point de vue perceptuel, notamment. Est-ce qu'on peut espérer que l'Autorité des marchés publics aura la
latitude, l'autonomie et la neutralité pour
être capable de réfléchir à ces questions-là, par
exemple, et d'amener des propositions
sur la table, comme d'ailleurs
l'a proposé la commission Charbonneau? On pense que la création de l'Autorité des
marchés publics va, nous le souhaitons, pouvoir sortir de ces cadres-là pour
essayer d'avoir des façons de faire qui sont plus innovatrices et plus
contemporaines.
Mme Léger : Parce
qu'actuellement ce n'est pas nécessairement dans sa mission, là, mais ça pourrait
l'être. Ça, on croit que ce pourrait l'être. Merci.
Le Président (M. Spénard) :
Merci, madame. Il vous restait 16 secondes.
Une voix : ...
Le
Président (M. Spénard) : Alors, sans tarder, je poursuivrais avec
la... représentant de la deuxième opposition. Alors, M. le député de
La Peltrie.
M.
Caire : C'est moi,
ça, la représentant de la deuxième opposition?
Des voix : Ha, ha, ha!
M.
Caire : Bonjour.
Une voix : ...
M.
Caire :
Oui. On est sur une lancée. Je vous entends sur l'opportunité d'accroître... En
fait, je lis dans votre mémoire
l'opportunité d'accroître l'imputabilité des donneurs d'ordres. Mais, en même
temps dans votre réponse, je ne vois
pas le lien que vous faites avec le projet de loi n° 108. Alors,
j'aimerais ça que vous m'expliquiez ça. De quelle façon on peut se
servir du projet de loi n° 108 pour augmenter l'imputabilité au niveau des
donneurs d'ordres?
M. Forget
(Stéphane) : En fait, je
pense que, pour nous, c'est très clair qu'il ne... C'est l'inverse qu'il ne
faut pas qui arrive, que les donneurs d'ordres, avec la mise en place de
l'Autorité des marchés publics, se sentent moins responsables dans l'octroi, dans le suivi et dans la mise en oeuvre des
contrats. Je pense qu'il faut que les donneurs d'ordres se sentent appuyés par l'Autorité des marchés
publics, c'est ce qu'on pense qu'il doit arriver, et qu'ils se sentent
appuyés, épaulés, et qu'ils assument pleinement les responsabilités parce que
la réalité aujourd'hui, puis on le mentionne dans notre mémoire, c'est que les zones de règlement de conflits, par
exemple, ou règlement de litiges, on n'ose plus y toucher. C'est rendu que les entreprises se disent :
Nous allons aller devant les tribunaux, on va créer une forme de
jurisprudence parce qu'on n'est plus capable, dans des litiges, là, qu'on
pourrait régler hors cour... On est tellement...
M.
Caire :
Avec tout le respect que je vous dois, il n'en demeure pas moins que l'AMP joue
aussi en quelque sorte le rôle d'arbitre
ou de tribunal. Je veux dire, l'AMP doit, dans sa mission, s'assurer que les
processus d'adjudication de contrat
sont suivis correctement. Donc, il y a implicitement un rôle de contrainte, un
rôle de vérificateur qui va amener cette réaction-là de la part des... Et, à l'inverse, je pense que c'est
inévitable que les parties prenantes d'un contrat, dans le cas où il y aurait
un problème, disons-le comme ça, vont s'en remettre à l'AMP. Ça fait
que c'est pour ça que je ne comprends pas exactement.
• (15 h 40) •
M. Forget
(Stéphane) : Mais voyons-le
de l'autre côté. Un donneur d'ouvrage se dirait : On a une nouvelle
façon de faire qu'on veut tester. Il y a des choses qu'on veut modifier, un contrat où on
veut être plus flexibles sur telle ou telle chose. Si l'Autorité des marchés publics, dans sa responsabilité, considère que c'est pertinent, que c'est intéressant, que ça vaut la peine, que l'évaluation démontre qu'on
devrait aller dans cette voie-là, vous n'avez pas l'impression que le
donneur d'ordres va se sentir plus courageux
ou plus disposé à innover plutôt que de se retrouver dans une situation
plus fermée? C'est dans ce sens-là qu'on veut imaginer cette chose-là.
M.
Caire : J'entends ce que vous dites, puis ça amène la
question suivante. L'AMP pourrait, à la limite, faire des recommandations,
j'entends ça, dire : Écoutez, il y a une situation particulière. Mais, en
même temps, l'AMP va être tenue de s'assurer qu'on respecte les règles
établies.
M. Forget
(Stéphane) : Absolument. On
n'est pas en train de dire qu'il faut... L'idée, ce n'est pas de dire :
On va contourner les règles. Ce n'est pas ça.
M.
Caire :
Je comprends. Mais admettons, là, on est dans... C'est parce que j'aime
beaucoup l'idée d'accroître l'imputabilité. Je ne suis pas convaincu que
l'AMP peut faire ça, c'est juste ça que je vous dis, dans le sens où elle aura la responsabilité de
s'assurer que les lois et les
processus sont respectés tels que prescrits. Et, si tant est qu'on arrive
en conflit ou si on arrive au bout de
l'élastique, bien, elle aura certainement l'occasion de faire des recommandations. Mais je vois
mal l'AMP dire : Bien, écoute, ce n'est pas tout à fait conforme...
M. Forget (Stéphane) : Non,
non, ce n'est pas...
M.
Caire : ...mais
c'est intéressant, ce que tu nous amènes. Ça fait qu'on va te laisser faire.
M. Forget
(Stéphane) : Ce n'est pas ce
que je dis. L'idée, ce n'est pas de... C'est probablement que les possibilités
sont aujourd'hui plus grandes que
ce que nous mettons sur la table concrètement parce que, dans le climat dans
lequel on vit aujourd'hui, peut-être qu'on pourrait... pas contourner les
règles, pas être à côté de la règle, mais peut-être qu'on pourrait se permettre plus de latitude. Et, compte tenu du climat dans lequel on évolue présentement, il n'y a personne qui ose. On se referme. On dit : On va aller vers
ce qu'on connaît. On est certains, là, qu'il
n'y a pas d'enjeux. On n'aura
pas besoin de parler à personne. Donc, on définit notre besoin, puis on y va.
Comme ça, il n'y a personne qui va nous reprocher quoi que ce soit. C'est le
climat dans lequel on vit aujourd'hui.
Ce qu'on dit,
quand on dit : Plus d'imputabilité, plus de responsabilités, c'est que, dans les règles établies actuellement, il y a certainement lieu d'avoir plus de dialogue, d'avoir plus d'ouverture, de peut-être aller plus vers des modes alternatifs qui sont en conformité avec les
règles. On n'ose pas y aller. Est-ce
que l'Autorité des marchés
publics, en étant constituée, pourrait faire en sorte que les gens se sentent
plus à l'aise? C'est ce que nous souhaitons.
M.
Caire : Bien, à la
limite, elle pourrait dire : Ce que vous faites est conforme ou non conforme.
M. Forget
(Stéphane) : Voilà. Mais, si
c'est conforme, alors allons-y. Puis là on va avoir un allié ou quelqu'un
qui va nous épauler dans cette démarche-là.
M.
Caire : À ce
moment-là, vous le voyez plus comme
une caution morale que comme une façon de renforcer l'imputabilité?
M. Forget (Stéphane) :
Possiblement.
M.
Caire : O.K. C'est bon. Vous dites que ça ne doit pas être l'occasion, puis je résume votre pensée, là,
mais ça ne doit pas être l'occasion de
surmultiplier les contrôles. Est-ce que vous avez l'impression que c'est le cas
avec le projet de loi actuel? Est-ce
qu'il y a des choses dans le projet de loi... Vous dites : Là, il me
semble qu'on va dans le surcontrôle ou dans la multiplication des
processus de contrôle.
Le Président (M. Spénard) : En
terminant, M. Forget, s'il vous plaît, assez rapidement.
M.
Caire : ...secondes
de plus.
Le Président (M. Spénard) :
Vous êtes dessus, M. le député de La Peltrie.
M. Forget
(Stéphane) : On veut éviter
que les mesures qui sont en place, qui ont été mises en place, je pense,
entre autres, au rôle des vérificateurs dans les différents ministères, et
autres, que ce soit le Vérificateur général, que ce soit l'Autorité des marchés financiers, soit tous
ceux-là, que le rôle de l'Autorité des marchés publics ne vienne pas se superposer aux rôles des autres. L'idée, c'est que
l'Autorité des marchés publics ne doit pas contribuer à un phénomène de
sédimentation, mais plutôt être une mesure autre qui vient appuyer le processus
d'octroi des contrats publics.
Le
Président (M. Spénard) :
Je vous remercie beaucoup, messieurs de la Fédération des chambres de
commerce.
Je suspends les travaux quelques instants et
j'invite le prochain groupe à s'installer, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 15 h 45)
(Reprise à 15 h 46)
Le
Président (M. Spénard) :
Alors, nous reprenons les travaux. Je souhaite la bienvenue à TechnoMontréal.
Pour les fins de l'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous
présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à un
échange avec les membres de la commission. La parole est donc à vous, messieurs et
madame.
TechnoMontréal
M. Bissonnette
(Jean-François) : Merci.
Bonjour, M. le Président. M. le
ministre, Mmes et MM. les
députés, je tiens tout d'abord à vous remercier pour la tribune que vous nous
offrez aujourd'hui.
Le
Président (M. Spénard) : Excusez-moi! Est-ce que vous pourriez
vous identifier, s'il vous plaît?
M. Bissonnette
(Jean-François) : Ah! certainement. Alors, je suis Jean-François Bissonnette. Je suis président du
conseil de TechnoMontréal.
M. Couture (Stéphane) : Stéphane Couture. Je suis président du comité des
politiques publiques à TechnoMontréal.
Mme Divry
(Lidia) : Lidia Divry, directrice générale de TechnoMontréal.
Le Président
(M. Spénard) : Merci. Alors, la parole est à vous, monsieur.
M. Bissonnette
(Jean-François) : Donc,
notre organisme représente depuis 2007 — TechnoMontréal — la
grappe des technologies de l'information et des communications en technologie du Grand Montréal. Nous avons pour
mission de mobiliser l'écosystème des technologies de l'information et des
communications dans la métropole afin de mettre en oeuvre des stratégies qui
accélèrent l'innovation, la compétitivité, la croissance et le rayonnement de
notre industrie. TechnoMontréal concentre donc ses efforts sur la mobilisation
et la promotion de l'industrie des technologies de l'information et des
communications et l'innovation technologique. Nos actions permettent de
répondre aux défis de transformation des
marchés verticaux, qui sont aux prises avec des enjeux d'efficacité, de
productivité et de compétitivité.
Rappelons qu'après le
secteur de la construction les technologies de l'information et des
communications représentent, pour le ministère et les organismes publics, le
deuxième secteur en termes d'importance des marchés publics accordés au Québec, soit près de 3,3 milliards de dollars
pour l'année 2013‑2014. L'ampleur des dépenses et des investissements du gouvernement dans ce secteur
exige donc que le processus d'encadrement des marchés publics s'appuie
sur les meilleures pratiques de gestion dans le domaine, et ce, dans le but
d'assurer l'accessibilité et l'intégrité des marchés
publics. C'est ainsi que le gouvernement deviendra un acheteur exemplaire des
technologies de l'information et des communications.
TechnoMontréal se réjouit donc de voir le gouvernement s'engager sur une telle initiative. C'est pourquoi nous appuyons les objectifs du projet de loi n° 108, Loi
favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et
instituant l'Autorité des marchés publics. D'ailleurs, je souhaiterais vous rappeler que, dès mars
2015, TechnoMontréal proposait, dans
un mémoire portant sur le projet de règlement
sur les contrats des organismes
publics en matière des technologies de l'information, de créer la fonction de protecteur de l'approvisionnement, qui aurait comme mandat d'examiner toute plainte dans un marché public, d'examiner les pratiques
d'acquisition des organismes pour en évaluer l'équité, l'ouverture et la
transparence et de formuler des recommandations pour améliorer et donner accès
à des mécanismes de règlements extrajudiciaires de différends.
C'est donc avec une
volonté claire de contribuer aux efforts du gouvernement en matière
d'accessibilité et d'intégrité des marchés
publics, en particulier ceux concernant les technologies de l'information et
des communications, que nous vous proposons quatre orientations qui
regroupent l'ensemble de nos recommandations.
• (15 h 50) •
La
première orientation porte sur l'impartialité. Afin de garantir l'indépendance
et la neutralité entre, d'une part, l'organisme chargé d'effectuer la
vérification externe des contrats publics, l'AMP, et, d'autre part, l'entité
ayant la responsabilité d'édicter les règles
des marchés publics, le Conseil du trésor, nous suggérons que l'AMP relève
directement de l'Assemblée nationale et non
du Conseil du trésor. Nous sommes d'avis que cette disposition permettrait
d'établir une saine distance entre l'AMP et le gouvernement, évitant
ainsi que ce dernier agisse en juge et partie. Dans un souci de transparence, nous recommandons de plus que l'AMP
fasse un bilan annuel public sur la mise en oeuvre de la loi. Ce bilan devrait s'appuyer sur un état des lieux entamé par
l'AMP dès les premiers jours de sa mise en place. Le projet de loi
n° 108 accorde à l'AMP d'importants pouvoirs de vérification et d'enquête
lui permettant notamment de pénétrer dans l'établissement
d'un organisme ou dans tout autre lieu pour obtenir des renseignements et des
documents pertinents. Nous souhaitons
que ces vérifications et enquêtes soient clairement balisées de façon à ce
qu'elles se limitent aux procédures de nature administrative.
Petit
bémol, vraiment un petit bémol, nous souhaitons porter ici un message sur les
risques que pourraient poser les
mécanismes de plaintes. Ces mécanismes pourraient mener à des lourdeurs
administratives, des délais et des coûts qui dissuaderaient des entreprises, particulièrement des PME, de faire
affaire avec les marchés publics, réduisant ainsi les bénéfices découlant de la concurrence, mais aussi
l'accès à l'innovation. Il importe ici pour le gouvernement de trouver
un équilibre.
La
deuxième orientation que nous proposons porte sur l'imputabilité. La création
de l'AMP doit nécessairement s'accompagner
en amont d'un renforcement de l'imputabilité des gardiens de l'intégrité des
marchés publics, j'ai nommé les
dirigeants d'organismes, les gestionnaires du sous-secrétariat aux marchés
publics du Secrétariat du Conseil du trésor et les responsables de
l'observance des règles contractuelles, les RORC. Ainsi, pour renforcer
l'imputabilité, les dirigeants d'organismes
devraient rendre des comptes annuellement devant les parlementaires sur le
respect de la conformité des règles contractuelles et des
recommandations formulées par l'AMP.
Troisième
orientation : uniformité. Nous sommes convaincus que l'instauration de
l'AMP présente une chance d'uniformiser
les règles contractuelles. À l'image du Commissaire à la lutte contre la
corruption, les responsabilités de la future AMP doivent être étendues à
l'ensemble du secteur public, incluant notamment les ministères et organismes publics, les sociétés d'État, les établissements
de santé et de services sociaux, les regroupements d'achats d'organismes
ainsi que le monde
municipal. Il nous semble par ailleurs nécessaire que la portée de la Loi sur
les contrats des organismes publics soit elle aussi étendue de la même
façon.
La quatrième
orientation porte sur l'excellence. L'AMP doit être un lieu d'excellence,
d'expertises et d'expériences diversifiées
en matière de stratégie et de meilleures pratiques d'acquisition,
d'approvisionnement et de gestion contractuelle adapté aux exigences ou
aux spécificités des produits et services du secteur des technologies de
l'information et des communications. Pour ce
faire, nous recommandons de doter l'AMP d'une vice-présidence en technologies
de l'information et des
communications. De plus, cette vice-présidence devra s'appuyer sur l'expertise
d'un comité consultatif sectoriel. À titre de référence, il existe à
l'AMF de tels comités consultatifs dont le mandat est de fournir un éclairage
pertinent et de renforcer la collaboration de l'AMF avec les intervenants
sectoriels en ce qui a trait à la réalisation de sa mission.
En terminant, laissez-moi vous livrer en rafale
d'autres recommandations qui découlent des orientations précédemment citées et
qui sont détaillées plus amplement dans notre mémoire. Les mécanismes de
plaintes pour le secteur des technologies de l'information et des
communications doivent entrer en vigueur simultanément dans les organismes et à l'AMP. Toute décision ou
ordonnance de l'AMP devrait être diffusée sur un site Internet de
l'organisme visé, sur le site de l'Autorité ainsi que sur toute autre source
d'information jugée pertinente par l'AMP. Au lieu de déterminer les délais dans la loi, l'AMP fixera, par règlement ou
directive, les délais et les mécanismes d'information relatifs aux
différents processus.
La protection contre les poursuites. Le contrôle
des poursuites devrait seulement s'étendre aux personnes physiques et non aux personnes morales. Toute personne
formulant une plainte de bonne foi, qu'elle soit adressée à l'AMP ou aux
organismes, ne devrait pas pouvoir faire
l'objet de représailles, bien entendu. Enfin, la loi devrait prévoir un
mécanisme de dédommagement pour l'entreprise
ayant engagé des dépenses dans le cadre d'un contrat qu'elle aurait conclu de
bonne foi, mais qui aurait été résilié, ou suspendu, ou annulé par l'AMP.
En conclusion,
nous croyons que nos recommandations amélioreraient de manière significative le projet de loi et contribueraient, d'une
part, à rétablir la confiance de nos concitoyens à l'égard des contrats publics
et, d'autre part, à préserver la réputation
de l'industrie des technologies de l'information et des communications au Québec,
une industrie dont nous pouvons tous être fiers.
Nous sommes
d'avis que nos recommandations proposées aujourd'hui permettront de
renforcer l'AMP, une AMP neutre et compétente en technologies de
l'information et des communications. Elle sera mieux outillée pour assurer
l'accessibilité et l'intégrité des marchés publics ainsi qu'une meilleure
gestion contractuelle. Je vous remercie pour votre attention.
Le
Président (M. Spénard) :
Alors, merci, M. Bissonnette. Alors, la parole est maintenant
au côté ministériel. Alors, je passe la parole à M. le président du
Conseil du trésor.
M. Leitão : Très
bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, madame messieurs, bonjour. Merci d'être là. J'ai
quelques questions pour discuter un peu avec vous et je passerai après la
parole à mes collègues pour poursuivre la discussion.
Si j'ai bien compris dans un mémoire précédent, dans des audiences précédentes,
surtout dans le cadre du travail Passeport Entreprises, vous aviez
suggéré la création d'un organisme, enfin, une fonction qui était le protecteur
de l'approvisionnement. Comment voyez-vous
donc l'AMP, que nous avons créée avec ce projet de loi, et l'organisme
que vous aviez proposé auparavant? Est-ce qu'il y a un certain recoupement?
M. Bissonnette
(Jean-François) : Bien, je
vais demander à M. Couture de répondre à cette question, qui a
oeuvré plus directement sur ce mémoire.
M. Couture
(Stéphane) : Comme on l'a
dit précédemment, on se réjouit que le législateur, que le gouvernement propose l'AMP parce qu'on l'avait déjà
suggérée. C'est sûr qu'on regarde le projet
de loi, on veut l'améliorer. Ça va
dans le sens qu'on proposait en mars 2015, mais, comme on dit, il y a des améliorations
à faire. Donc, c'est à travers les 15 recommandations qu'on souhaite apporter au projet
de loi, mais, dans l'essence, bien
sûr, ça rejoint l'orientation qu'on voulait que le gouvernement prenne
dans le cadre justement des travaux de consultation précédents sur le règlement
sur les TI.
M. Leitão : Très bien, merci. Merci,
M. le Président. Donc, vous, dans les quatre éléments que vous aviez mentionnés, vous avez parlé d'impartialité,
d'imputabilité des comités, excellence, mais dans le cas de
l'impartialité... Et d'ailleurs
vous le mentionnez aussi comme une de vos recommandations que vous
suggérez, donc, que l'AMP devrait être, donc, d'une certaine indépendance vis-à-vis du gouvernement. Et donc vous suggérez que le président de cet organisme soit nommé par l'Assemblée nationale plutôt que
par le gouvernement. Comme vous savez, il y en a certains,
organismes, comme l'UPAC ou le directeur des
procédures criminelles et pénales, qui, eux, sont nommés par le gouvernement après... suggéré par un comité
de sélection. C'est pourquoi, selon vous... est-ce que ça serait... l'AMP
serait un peu différente de l'UPAC. C'est-à-dire, hein, que... En quoi la nomination d'un P.D.G. par le gouvernement, suite à la recommandation d'un comité indépendant, en quoi cela
pourrait compromettre son indépendance?
Le Président (M. Spénard) :
M. Couture.
• (16 heures) •
M. Couture
(Stéphane) : Ce qu'on veut
dire ici, c'est très simple. À Montréal, il existe le Bureau de l'inspecteur général. Le Bureau de l'inspecteur général, à Montréal,
relève du conseil municipal. Donc, nous, c'est un peu la symétrie qu'on voudrait qui se
passe avec l'AMP, avec les parlementaires. Donc, c'est un peu ça, la symétrie. On n'est
pas entré dans le détail qui propose,
qui nomme à la fin du compte, là. Mais, nous, ce n'est ni plus ni moins la symétrie avec le Bureau de
l'inspecteur général qu'on voudrait. Parce
que le Bureau de l'inspecteur général
ne relève pas du pouvoir exécutif à Montréal, il relève de l'assemblée des représentants, des élus. C'est pour ça qu'on souhaite qu'il relève de l'Assemblée
nationale, l'AMP.
Le Président (M. Spénard) : M.
le ministre.
M. Leitão : O.K. Très
bien. Maintenant, vous parlez aussi
d'un rôle, donc, d'expertise, donc, que l'AMP, que l'autorité soit aussi un endroit d'excellence pour
pouvoir augmenter cette... partager cette expertise avec d'autres organismes
gouvernementaux. Mais pensez-vous qu'il y a ici un danger, donc,
de confusion aussi? Parce qu'avoir un
organisme qui fait la vérification, et donc mélanger cet aspect-là de
vérification avec un aspect de gestion des contrats, ne pensez-vous qu'il y
aurait là une possibilité de confusion ou de perte d'indépendance?
Le Président (M. Spénard) :
M. Bissonnette?
M. Bissonnette
(Jean-François) : Oui, je
vais répondre. Non, on ne pense pas qu'il
y aurait une perte d'indépendance. En fait, le souhait qui est exprimé ici, dans notre mémoire, notre recommandation, c'est s'assurer qu'on ait en
poste, à l'AMP, des gens qui comprennent bien notre industrie, qui comprennent
bien la nature des produits et services et la façon de s'approvisionner, qu'ils soient à jour dans cette offre-là
et comprennent les meilleures pratiques dans ce domaine pour l'approvisionnement de ces services-là, qu'ils sont capables de
comprendre, ailleurs dans le monde, comment ça se fait. La nature même des biens et services est
très différente en technologies de l'information et des communications qu'on peut la retrouver dans d'autres domaines, et on pense
que cette expertise-là serait nécessaire afin de pouvoir permettre à l'AMF
d'exercer son rôle correctement pour évaluer les situations, et pouvoir agir,
et faire des recommandations pertinentes.
Maintenant,
comme vous l'avez aussi remarqué, sur le volet imputabilité, nous avons aussi
mentionné que nous désirions
renforcer le rôle des gardiens, des gardiens du cadre contractuel et la façon
que l'approvisionnement se réalise dans l'ensemble des ministères et organismes. Alors, évidemment,
ça implique aussi qu'on s'attend au même niveau d'expertise. Et on reconnaît qu'il y a un niveau
d'expertise, mais on s'attend que ce niveau d'expertise là aussi soit autant au
Conseil du trésor, dans les ministères et organismes, à
tous les niveaux qui sont impliqués dans les processus d'approvisionnement.
Est-ce que, M. Couture, vous voulez ajouter quelque chose?
M. Couture (Stéphane) : Non, ça
va.
Le Président (M. Spénard) : M.
le ministre.
M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup.
Les collègues, si vous avez des questions.
Le Président (M. Spénard) : M.
le député de La Prairie.
M. Merlini : Merci
beaucoup, M. le Président. Madame messieurs, merci de votre présence et votre mémoire pour
faciliter notre travail, nous aider à
réfléchir au projet de loi
n° 108. J'aimerais vous entretenir concernant l'immunité du personnel de l'AMP et des représailles. J'ai
trouvé une de vos recommandations... j'ai été un peu surpris, là, parce
que vous dites : «La portée de la protection
[...] offerte aux personnes et à l'organisme, prévue aux articles 63 et
64, est trop importante. Elle devrait être limitée aux personnes
uniquement», excluant les personnes morales. Et vous dites que
l'article 65 devrait être supprimé.
Le contenu de
ces articles-là, 63 à 65, se retrouve dans d'autres lois, qui établit un régime
de traitement des plaintes ou de
dénonciation et sert à donner l'immunité au personnel de ces organismes-là pour
des décisions prises de bonne foi. J'aimerais
en entendre plus sur pourquoi vous la considérez trop importante, la
protection. Et ensuite on parlera des représailles. Qu'est-ce qui motive
cette recommandation-là?
Le Président (M. Spénard) :
M. Couture.
M. Couture
(Stéphane) : Nous, c'est notre compréhension. Peut-être, notre
compréhension est incomplète ou imparfaite,
mais, selon notre compréhension, ça voudrait dire, je parle au conditionnel, et
on voudrait que le gouvernement, le
législateur nous le confirme, ça voudrait dire que les décisions de l'AMP,
O.K., ne pourraient pas être
contestées, ça serait comme final, vous me suivez? Donc, nous, on se dit :
Il peut y avoir... surtout à l'article 63, on parle d'«en raison d'omissions [...] de bonne foi». On
présume de la bonne foi de tout le monde, bien sûr, mais il pourrait y
avoir des omissions involontaires, donc, qui pourraient mener à des décisions
qui pourraient miner des contrats, qui pourraient résilier des contrats. Donc,
on se dit que, si jamais il y avait des omissions involontaires, selon notre compréhension de 63, ça voudrait dire qu'il n'y
aurait aucun recours juridique envers l'organisme. On comprend
l'immunité des individus, du personnel et de
leurs mandataires, des mandataires de l'AMP, mais, vis-à-vis
de l'organisme, ça nous semble aller assez loin. C'est pour ça qu'on est
réticents à cet article-là. C'est pour ça. C'est pour cette raison-là.
Le Président (M. Spénard) : M.
le député de La Prairie.
M. Merlini : Merci, M.
le Président. Quand vous parlez de
représailles, qu'est-ce qui serait, pour vous, selon vous, des
représailles? Qu'est-ce qui pourrait constituer des représailles dans ce
cadre-là?
M. Couture
(Stéphane) : Les
représailles, c'est traité ailleurs, hein, dans le projet de loi. Ça, on ne parle plus de 63 à 65, là. Donc, les représailles, ça
pourrait être très informel aussi, hein? Il a déjà peut-être existé des
représailles informelles. Donc, pour nous, c'est important, justement, dans le
cadre des processus administratifs de l'AMP, qu'ils puissent identifier la nature des représailles qui pourraient... On n'a
pas les réponses à tout, là, hein? C'est sûr que l'AMP doit faire son
travail, mais c'est sûr qu'on veut éviter le plus possible qu'il en existe, là.
Le Président (M. Spénard) : M.
le député de Pontiac.
M. Fortin
(Pontiac) : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs dame.
Merci d'avoir fait la route et d'être avec nous aujourd'hui pour parler
du projet de loi n° 108.
À l'instar de
mon collègue ici, à ma gauche, j'ai quelques questions, peut-être, sur les
recommandations précises, là, que
vous nous faites. Je regarde, à la page 14 de votre mémoire, la
recommandation 7, qui stipule essentiellement votre souhait de confier à l'AMP le soin de définir les
délais et les mécanismes d'information relatifs à ces différents
processus et de pouvoir le faire par
règlement ou directive. Donc, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est
qu'il y a des délais qui sont dans la
loi, qui sont peut-être trop courts, trop contraignants, trop difficiles à
rejoindre. Je pense qu'une des choses qui est essentielle, tout en s'assurant d'un processus clair et transparent,
c'est de s'assurer qu'on ne veut pas non plus retarder tout le
processus, là, d'adjudication ou d'attribution de contrat non plus.
Est-ce qu'il y a des mesures, des délais précis
qui sont dans la loi, qui vous causent préjudice ou par rapport auxquels, là,
vous avez des inquiétudes majeures? Et quels sont ces délais-là? Et qu'est-ce
que vous, comme groupe, trouvez qui serait peut-être plus pertinent, là?
Le Président (M. Spénard) :
M. Couture.
M. Couture
(Stéphane) : On a discuté beaucoup, justement, de pourquoi il devrait
y avoir des délais dans la loi ou ailleurs. On ne sait pas si les délais
seraient assez flexibles ou seraient efficaces. Donc, pourquoi les mettre tout
de suite dans un projet de loi, alors qu'on
ne sait pas s'ils vont rejoindre les objectifs de l'AMP? Vous me suivez? Ça
pourrait être sujet à un règlement ou à une
directive et voir par la suite. On pourrait partir avec les mêmes délais qu'on
a dans la loi, mais les mettre dans
un règlement, vivre avec puis voir si on les ajuste en fonction de la réalité.
Si la réalité, avec ces délais-là,
est correcte pour tout le monde, on va de l'avant avec le même règlement. Vous
me suivez? Mais, si jamais les délais
ne sont pas assez intéressants ou nuisent, justement, à l'intérêt public, vous,
comme parlementaires, vous devrez revenir
avec un projet de loi pour modifier les délais. Ça nous semble un peu, là... On
veut plus de flexibilité. C'est pour ça qu'on demande, par règlement ou
par directive établie par l'organisme, l'AMP, que les délais et les mécanismes
de diffusion de l'information se retrouvent dans un projet de règlement et non
dans un projet de loi.
M. Fortin
(Pontiac) : Je pense que je comprends votre raisonnement, là, ce que
vous nous dites, mais... parce que, dans le processus législatif, là,
éventuellement, on va se pencher sur l'ensemble du projet de loi. Vous nous
dites, là : Il y a plusieurs des délais
fixés qui semblent trop contraignants. Est-ce que vous, vous êtes en train de
dire : À chaque fois qu'il y a
un délai dans le projet de loi, mettez ça en veilleuse pour l'instant, puis ce
sera fait par l'AMP par directive ou, s'il y en a vraiment de façon plus
pointue, là, que vous dites, celles-ci, absolument, ont besoin d'être fixées
plus tard?
• (16 h 10) •
M. Couture
(Stéphane) : Il existe des
délais dans le projet de loi en ce
moment puis il existe l'absence de
délais aussi. Donc, j'imagine que le législateur... parce que c'est dans un processus aujourd'hui, là. Ça continue. Vous allez vous apercevoir qu'il manque des
délais. Par exemple, la rétroaction entre l'organisme et le plaignant, il n'y a
pas de délai. Il n'y a pas de délai. Donc, où ça va
apparaître, ça, ce délai-là? Est-ce
que ça va apparaître dans un règlement?
Nous, on se dit : Tant qu'à
parler de délais puis de mécanismes de diffusion de l'information, mettez tout ça dans un règlement. Vous me suivez?
M. Fortin (Pontiac) : O.K. Ça
me va, M. le Président. C'est tout pour moi pour l'instant. Je vous remercie.
Le Président (M. Spénard) :
Terminé? Alors, c'est fini du côté ministériel. Alors, je passerais la parole à
la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Merci, M. le
Président. Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Évidemment, quand vous nous mettez des chiffres, ça nous remet aussi dans le
visage l'importance du secteur des technologies de l'information et des communications, l'éthique. Vous parlez de 1,7 milliard,
la dernière donnée que vous avez, 2013‑2014, en regard des marchés publics du Québec.
C'est évidemment immense, c'est un monstre, et tout de suite après l'industrie
de la construction, là, qu'on a indiqué dans votre mémoire.
Je veux
revenir sur la nomination du P.D.G. de l'AMP à l'Assemblée nationale. Vous n'êtes pas le premier qui nous indique ça. Vous craignez... Vous trouvez que
c'est important qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale. Vous dites que c'est mieux cette distance-là par rapport au
Conseil du trésor parce que celui-ci, peut un peu agir, dans le fond, en
juge et partie. C'est ce que je comprends de votre intervention.
M. Bissonnette
(Jean-François) : C'est bien ça.
Le Président
(M. Spénard) : M. Bissonnette.
M. Bissonnette
(Jean-François) : Oui. Oui, c'est bien ça. Exactement.
Mme Léger :
Et vous parlez aussi... Vous allez un petit peu plus loin en disant qu'il
devrait même déposer, une fois par
année — en tout
cas, c'est ce que vous nous dites, une fois par année — un rapport, un bilan annuel, en fin
de compte, qui permettrait de pouvoir même
émettre certaines recommandations qui pourraient faire évoluer l'Autorité
des marchés publics, là, pour s'assurer que... et les organismes publics
concernés, de s'assurer qu'on puisse avancer par l'Autorité des marchés
publics. Voulez-vous élaborer un peu?
Le Président
(M. Spénard) : M. Bissonnette.
M. Bissonnette
(Jean-François) : Parfait.
Première des choses, si vous me permettez, la réalisation d'un bilan annuel est faite déjà à l'interne, si on veut,
des organismes et vis-à-vis le conseil. Ça demeure interne. Il y a
un ensemble de recommandations et d'améliorations qui a lieu à chaque année, qui se sont intégrées
dans ces bilans-là, qui mériterait de faire
l'objet d'un suivi, d'autant plus, sur les recommandations que l'AMF...
l'AMP a pu faire sur les processus, il serait souhaitable qu'il y ait une discussion au niveau des parlementaires, donc une présentation, une discussion, pour s'assurer que les recommandations qui sont mises de l'avant sont prises en compte
et qu'il y a vraiment un plan
d'action qui les mette en
oeuvre.
Mme Léger : Dans un autre ordre d'idées, tout à l'heure, la Fédération des chambres de commerce nous a parlé des communications, hein, le processus,
dans le fond, des communications — vous étiez là, je pense que vous avez
entendu — avec
le gouvernement ou avec le donneur d'ouvrage aussi. Et, comme les technologies
dans votre secteur évoluent rapidement, ils suggéraient même, évidemment,
d'avoir des rencontres. Ils disaient que, dans la gestion des contrats publics, il y a un intérêt à consulter
les entreprises afin de s'informer de l'évolution des technologies, etc. Puis en même temps, de l'autre côté,
il faut s'assurer aussi que l'influence soit raisonnable ou déraisonnable,
dépendant. Comment vous voyez ça, là?
Parce que, dans
le fond, ça vous concerne directement puisque vous avez un secteur qui est très, très... qui évolue à chaque jour, si ce n'est pas à chaque
minute ou à chaque seconde parfois.
M. Bissonnette
(Jean-François) : Je vais inviter M. Couture à présenter des
moyens spécifiques qu'on a considérés.
M. Couture
(Stéphane) : Je vais vous
citer la Stratégie gouvernementale en technologies de l'information
parce qu'en technologies de l'information...
Et on profite de l'occasion de remercier le gouvernement. Ils ont mis en place
une stratégie, juin 2015, qui comporte 36 mesures, dont la n° 22 — j'ai
appris le numéro avant parce que je me doutais peut-être de la question — qui consiste à mettre en place des espaces
d'interaction entre les donneurs d'ouvrage et les fournisseurs
potentiels, parce que ce n'est pas par hasard que la mesure 22 est apparue
dans la stratégie, parce que nous aussi,
comme dans la construction, il y a de la réticence à se rencontrer. Donc, ça fait
partie des livrables. C'est un plan,
c'est une stratégie sur trois ans. Il
y a des progrès qui sont faits. On a
été en discussion à travers le comité consultatif des technologies de l'information,
nous, l'industrie des donneurs d'ouvrage...
Mme Léger :
Par précision, on veut savoir avec quel ministère, ça?
M. Couture
(Stéphane) : C'est le ministère du...
Mme Léger :
...des Finances? O.K.
M. Couture
(Stéphane) : Le Conseil du trésor.
Mme Léger :
Ah! le Conseil du trésor? O.K.
M. Couture
(Stéphane) : Le Conseil du trésor. C'était le prédécesseur de
M. Leitão, M. Coiteux, qui a livré la stratégie, déposé la
stratégie, et la mise en oeuvre se passe depuis 15 mois. Donc, c'est la
mesure 22. Je vous invite à aller la lire.
On
est en dialogue, nous, l'industrie, comme je vous ai dit, les donneurs
d'ouvrage. On a déjà un espace, qu'on appelle le comité consultatif des
TI, qui est composé de donneurs d'ouvrage, le DPI, M. Boivin et des
regroupements d'entreprises pour justement
voir à la bonne mise en oeuvre, particulièrement sur certaines actions pour
lesquelles on est consultés, on est
interpellés et consultés, puis sur lesquelles on donne nos avis, et pour
lesquelles le gouvernement, le DPI, parce que c'est lui qui donne le
suivi, là, s'engage à le faire.
Le Président (M.
Spénard) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Mais, en revenant, là, au projet de loi n° 108, ce que je comprends de ce
que vous me dites, c'est que,
probablement, le résultat de ces travaux ou de ces consultations-là permet au
gouvernement, dans le fond, d'ajuster peut-être des façons de faire
ou... Mais, par rapport au projet de loi n° 108, comment vous voyez
l'influence dans la gestion des contrats,
cette influence-là? Parce qu'il y avait... Le ministre avait quand même un peu
dit, la semaine passée, qu'il y a une
inquiétude aussi. Puis je pense que c'est compréhensible. Mais, en même temps,
comment s'assurer qu'il y ait une communication fluide malgré tout?
Alors, c'est quoi, l'équilibre de ça, là? Ma question est difficile, hein?
M. Bissonnette
(Jean-François) : Oui, assez. Bien, je vous dirais qu'une des
premières choses, et on le retrouve aussi
dans cette stratégie d'approvisionnement du gouvernement, le recours à des
appels d'intérêt de façon plus nombreuse et plus constante dans le cadre des appels d'offres va permettre, entre
autres, d'avoir un accès plus grand à l'ensemble des innovations puis à une plus grande clarté sur ce
qui est disponible comme solutions en technologies pour le gouvernement.
Ces mécanismes-là, quand c'est bien utilisé,
j'allais dire en conjonction, puisqu'on a parlé de l'espace d'interaction
et d'autres mécanismes qui visent à aller chercher la créativité du milieu, va
favoriser, à notre avis, la proposition par les fournisseurs de solutions qui
sont novatrices auprès... pour réaliser les projets du gouvernement.
Le Président
(M. Spénard) : Mme la députée de...
M. Bissonnette
(Jean-François) : Oui. Alors, je termine. Est-ce que je réponds à
votre question?
Le Président
(M. Spénard) : Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Oui, d'une certaine façon, mais ce n'est pas complet. Mais c'est correct. Je
vais... Il me reste combien de temps? Là, je suis correcte pour... parce
que je vais élaborer.
Le Président
(M. Spénard) : 1 min 30 s. 1 min 30 s.
Mme Léger :
Ouf! Vous dites dans votre recommandation 5 : «La loi accorde à l'AMP
d'importants pouvoirs de vérification
et d'enquête...» Mais vous recommandez que ces pouvoirs soient balisés dans la
loi puis définir les délais, la portée, les moyens, les conditions, les
vérifications. Vous ne balisez pas trop, vous pensez? Est-ce qu'on restreint
les pouvoirs de l'AMP à ce niveau-là? Est-ce qu'il ne faut pas plutôt lui
donner les coudées franches?
Une voix :
M. Couture.
M. Couture
(Stéphane) : C'est sûr que, là, on comprend ce qu'on peut lire et
comprendre, hein? Vous me suivez, là? On ne sait pas comment qu'elle va
se comporter, l'AMP. Nous, on voudrait qu'elle ait... Tu sais, c'est un peu son
nouveau voisin par rapport au Bureau de l'inspecteur
général. Le Bureau de l'inspecteur général précise sur son site Web,
donc ça doit être dans sa loi, que ses vérifications sont de nature
administrative. C'est sûr et certain que, si, dans une enquête ou une vérification de nature administrative, il décèle des
éléments qui peuvent mener à des poursuites pénales ou criminelles, on comprend que ça ne sera pas à
l'AMP, vous me suivez, d'engager des recours au niveau pénal ni
criminel. Ça va être probablement l'UPAC.
Vous me suivez? Donc, il y a comme un continuum, et on voudrait s'assurer que
ce n'est pas des pouvoirs comme l'UPAC qui
sont confiés à l'AMP, vous me suivez, par rapport au pénal et au
criminel.
Le Président
(M. Spénard) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que vous
aviez, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Alors, je passerais la parole au
représentant de... et député de La Peltrie.
• (16 h 20) •
M.
Caire : Merci, M. le Président. J'ai beaucoup de questions,
je vais essayer d'être très court et
je vous invite à faire de même. Vous
dites que, dans le cas d'un processus d'appel
d'offres qui serait stoppé, on
devrait pouvoir dédommager une entreprise
qui, de bonne foi, a participé à l'appel
d'offres. Ça nous ramène à la notion
d'imputabilité. C'est correct, sauf qu'en bout de ligne il y a quelqu'un
qu'il faut qui paie pour ça. Alors, comment vous voyez l'AMP arbitrer ces différends-là? Est-ce qu'on fixe des amendes?
Est-ce qu'on lui donne le pouvoir de fixer des amendes, de
décider des montants? Parce qu'on va loin dans cette recommandation-là,
là.
M. Bissonnette
(Jean-François) : Dans notre mémoire, en fait, ce que l'on vise, c'est
les contrats qui ont été signés, évidemment, de bonne foi de la part des
entreprises convaincues, au moment où ils signent, qu'il n'y a pas de plaintes
ou de recherches qui sont en cours et qu'ils peuvent démarrer vraiment les
travaux et s'y investir.
Le
plus grand enjeu pour une entreprise, c'est d'apprendre, de façon
fortuite, que, tout d'un coup, le contrat serait, par exemple, annulé, alors qu'ils ont engagé des sommes là-dedans,
ils se sont engagés de bonne foi. Il
faut s'assurer, dans le fond, dans les mécanismes d'adjudication, que les entreprises
sachent, aient une bonne... j'allais dire une bonne visibilité exactement des risques qu'ils
prennent à chaque étape du processus. Au moment d'une signature, on s'attend à
ce que tous les éléments qui pouvaient être
en suspens ou qui devraient normalement retarder une décision soient connus, de sorte qu'ils prennent un risque... s'ils décident
de prendre un risque quand même, de démarrer un contrat par esprit, par exemple,
d'atteindre la date de livraison du contrat en particulier, alors, vraiment...
Mais, dans un cas où, de bonne foi, on signe un contrat, on n'a pas l'information
qui nous permet d'évaluer qu'il existe un risque qui, soudainement, va apparaître alors que le contrat est démarré, bien
là on considère que c'est une... ce qu'on appelle dans le métier,
excusez-moi l'expression anglaise, «a termination for convenience» de la part
du client.
M.
Caire : Je comprends votre point. Le questionnement que j'ai, c'est que l'AMP va vérifier
le processus, la conformité des
processus d'adjudication. On comprend que, dans la situation que vous soulevez,
il y aura eu une erreur, un problème,
une... bon, on s'entend, et là l'AMP est obligée de suspendre, voire annuler
l'adjudication de contrats. Donc, ce
que vous amenez comme notion, c'est que l'AMP devra aussi décider s'il y a une
partie qui est plus imputable que l'autre de cette situation-là, et donc
qu'il devra y avoir dédommagement. Et j'inverse même le processus. Dans la mesure où c'est l'entreprise qui est jugée fautive
dans l'adjudication de contrat, est-ce que l'entreprise devra payer
des... Comprenez-vous? C'est que, là, on embarque l'AMP dans un processus quasi
judiciaire où elle devra juger qui est responsable
de cette situation-là, et qui dédommage qui, et pour quel montant. Est-ce que
c'est bien ça, votre recommandation?
Le Président
(M. Spénard) : M. Couture.
M. Couture
(Stéphane) : Bien, dans la colonne de droite, là, de notre
recommandation, on dit que... on reconnaît que l'AMP ait les pouvoirs de résilier, etc., mais, justement, on ne veut
pas qu'elle joue le rôle de négocier les dédommagements, O.K., qu'elle remette le dossier à une instance
judiciaire pour qu'elle puisse juger qui a fait la faute. Puis c'est en fonction aussi de la gravité des
fautes, hein? L'AMP pourra résilier en fonction de fautes graves, hein?
Ça ne sera pas : Il manquait des...
hein, c'est spécifié dans la loi... dans le projet de loi, pardon. Mais, dans
les cas limites, parce qu'on ne
s'attend pas qu'il y ait une marée de cas, là, hein, mais, dans certains cas,
selon la bonne foi des entrepreneurs, des fournisseurs, il doit y avoir
dédommagement parce qu'ils auront réservé des ressources, ils se sont engagés,
vous me suivez, dans une soumission... parce qu'il y a des engagements dans une
soumission, qu'ils soient dédommagés parce que la contrepartie, c'est la...
M.
Caire :
Ça, je l'entends bien, mais j'entends aussi que vous dites : Du moment où
on arrive à l'étape où il y a une faute à
déterminer, et donc un fautif à trouver, vous dites : C'est une autre
instance, un tribunal qui devrait s'en occuper.
À partir de là, on n'a pas à modifier
le projet de loi n° 108 si on s'entend pour dire que ce rôle-là
devra être joué par quelqu'un, mais ce rôle-là ne devra pas être joué par
l'AMP. C'est ça qu'on dit.
Une voix :
On en convient.
M.
Caire : O.K., on est d'accord. Vous dites que la protection contre les
poursuites devrait s'étendre seulement aux personnes et non aux personnes morales. Vous faites référence aux
articles 63, 64, qui protègent les officiers de l'AMP contre des poursuites. Ça semble vous poser
problème, puis je ne comprends pas. Est-ce que, justement, au nom de
leur indépendance, on ne devrait pas garder ces protections-là puis de leur
capacité d'agir?
M. Couture
(Stéphane) : L'immunité contre les personnes, d'accord, mais encore
c'est par rapport à l'organisme en soi. Habituellement, dans des recours
juridiques, c'est des entreprises, ce n'est pas des individus qui font partie d'entreprises qui vont poursuivre d'autres
individus dans d'autres entreprises. Vous me suivez? Ça va être
l'entreprise contre une autre entreprise.
Donc, nous, on dit : Bien, pourquoi pas la symétrie, là? Pourquoi ne pas
protéger les individus, mais ne pas rendre leur employeur exempt de
poursuites, de recours judiciaires, comme l'indiquent, selon notre compréhension, bien sûr, 63 à 65, là? On voudrait
que le législateur nous confirme que ça n'empêche pas, ça n'évite pas de
recours juridiques.
Le Président
(M. Spénard) : Alors, merci beaucoup, TechnoMontréal.
Le
temps étant écoulé, alors, je suspends les travaux quelques instants et
j'invite le prochain groupe à prendre place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à
16 h 27)
(Reprise à 16 h 32)
Le Président
(M. Spénard) : Alors, nous reprenons nos travaux. Alors, je
souhaite la bienvenue à Me Pierre Noreau, qui vient nous présenter un mémoire.
Alors, vous avez 10 minutes de présentation. Et ensuite il y aura du temps pour
les partis représentés ici. Alors, à vous, M. Noreau.
M. Pierre Noreau
M. Noreau (Pierre) : Merci beaucoup. Écoutez, vous devez recevoir des
groupes en général, et puis c'est bien que
ce soit comme ça. Là, moi, je viens plutôt seul, mais c'est parce que je
voulais donner suite à ma contribution aux travaux de la commission Charbonneau. Je trouvais important, puisqu'il y
avait ce projet de loi là qui donne finalement vie à cette idée d'une autorité des marchés publics, je trouvais
important d'y être associé d'une certaine façon puisque c'est moi qui l'avais proposé à la commission et que la
commission l'a repris. Et donc je l'ai abordé en me demandant si je trouvais là-dedans ce que je pensais qu'on devait
y mettre, et c'est dans cet esprit-là que je le propose, que j'ai
accepté, en fait, de venir présenter un peu
mon point de vue, mais qui, en fait, permet de restituer ces considérations-là,
pourquoi est-ce que la commission en
est venue à cette idée-là, sur quelles bases est-ce que j'en étais venu à
proposer qu'on crée cette institution-là.
Et
j'avoue que, pour l'essentiel, moi, je suis assez d'accord avec ce que je
trouve dans ce projet de loi là. Souvent, d'ailleurs, dans les projets de loi, celui-là comme d'autres, ce n'est
pas tellement ce qu'on y trouve qui nous dérange, c'est ce qu'on n'y trouve pas. Et c'est peut-être aussi
ce que j'indiquerai, c'est ce que je crois pouvoir apporter aussi,
compte tenu justement du contexte dans lequel la proposition avait été faite.
Il y a là-dedans ce qu'il faut, je crois, pour que des lanceurs d'alerte
trouvent une voie et puis éventuellement puissent recevoir et être reçus pour
la contribution qu'ils peuvent avoir pour le
bien public, là, c'est-à-dire de dénoncer les malversations et les problèmes
qui peuvent se poser dans les conditions d'attribution des contrats
publics ou dans les pratiques d'attribution des contrats publics.
Lorsque cette
proposition-là a été faite, c'était issu, en fait, d'une série de constats sur
les problèmes difficiles auxquels la
commission était confrontée. On ne réalise pas, en fait, toujours parce que la
façon dont les médias, parfois, rapportent
les situations fait que, finalement, on croit être en face de situations
simples qui sont souvent des situations plus compliquées. Dans ce cas-ci, souvent, c'est autour des questions de corruption
que la commission a travaillé. Mais, en fait, c'étaient des questions de corruption et de collusion. Ce sont des
rapports et des situations très liés. Et, en fait, bizarrement, ce n'est pas nécessairement la corruption qui crée
la collusion. Dans beaucoup de cas, c'était la collusion qui a favorisé
la corruption. Et il faut donc prendre
souvent le problème du bon côté. Et je pense que c'était un des problèmes aussi
qui étaient posés, c'est que l'essentiel des acteurs, malgré le caractère plus
spectaculaire, là, des cas où les milieux de la mafia, par exemple, interviennent dans l'attribution des contrats
publics, l'essentiel des problèmes rencontrés concernait plutôt des gens
d'affaires essentiellement, là, des gens d'affaires qui font des affaires et
qui ne sont pas a priori des personnalités
criminelles, mais qui posent des gestes qui, eux, ont une signification qui
peut potentiellement être criminelle, qui
peut être d'ailleurs qualifiée de toutes sortes de façon au plan
juridique et qui sont d'autant plus difficiles, je dirais, à cerner puis à stopper que ça renvoie à beaucoup
d'interventions ou de relations qui sont des relations très
courantes dans la vie quotidienne de n'importe qui.
La plupart des
activités sur lesquelles on a vu des problèmes
à la commission, puis qui sont des problèmes réels, sont fondées, en fait, sur des interactions assez
courantes, assez banales, qui, elles, ne sont pas nécessairement
d'ordre criminel, mais évidemment qui, toutes mises ensemble, s'il s'agit de
contourner des systèmes qui visent à assurer la bonne marche, la bonne administration des fonds de l'État, posent problème.
Et c'est une des difficultés qu'ils avaient, c'est de voir comment on peut sortir de rapports qui
sont des rapports très personnalisés, qui sont des rapports souvent
courants dans le domaine des affaires et dans le domaine politique et qui sont souvent des rapports nécessaires
dans ces secteurs-là. Le fait que ces
rapports-là sont souvent des rapports continus, le fait que ces rapports-là
sont tenus entre un nombre assez restreint d'individus qui entretiennent
ces rapports continus, le fait que les normes, telles qu'elles étaient établies...
Une des
difficultés qu'on a, dans le cas de ce que devait régir... ou du problème qui
s'était posé à la commission Charbonneau,
c'est qu'on ne travaille pas dans un système où il n'y avait pas de normes. Il
y avait des normes, en fait. Le problème,
c'est que les normes étaient contournées, mais ce n'est pas parce qu'il y avait
absence de normes. La Loi sur les contrats
des organismes publics, les règles, en fait, qui gèrent généralement les
conditions d'attribution des contrats publics, sont des règles
relativement connues. Et donc ce n'est pas tellement parce qu'il y avait
absence de règle, c'est parce qu'il y avait
contournement des règles, particulièrement parce qu'il y avait ce que moi, j'ai
fini par appeler des racoins. C'est-à-dire
que, dans la trajectoire qui conduit de la définition des besoins que l'État peut
avoir ou que les municipalités peuvent
avoir qu'un certain nombre d'activités ou de biens soient réalisés, qu'un
certain nombre de constructions soient faites, jusqu'au moment où ces
activités-là sont terminées dans cette trajectoire-là, il y a un paquet de
racoins qui permettent, en fait, que
l'esprit du système qui vise à assurer la bonne dépense, finalement, publique,
la bonne administration des biens publics, risque d'être détourné.
Un autre
problème peut-être même de ce système de normes là, c'est qu'il était possible
de le respecter formellement, mais de le détourner de façon constante au
fur et à mesure. Et cette réalité-là sera toujours une réalité difficile à contourner. Quelque système qu'on se
donne pour contrôler les conditions d'attribution des contrats publics, il y aura toujours la possibilité, il faudra
toujours surveiller de quelle façon le formalisme, d'une certaine façon, des
normes vient cacher, en fait, d'autres
activités qui, elles, viennent contredire l'esprit même de ces normes-là. Et je
pense que c'est un des problèmes auxquels la commission Charbonneau
était confrontée.
On connaît les difficultés liées à l'opacité du
système, en fait, parce que cette opacité-là, elle se crée dans ces espaces-là, qui sont des... on pourrait dire que
c'est un peu comme : vous avez des normes, et les acteurs passent
entre les normes, hein, et vous avez ça dans
beaucoup de situations. C'est très facile, en fait, de respecter la loi sans la
respecter. Ce problème-là, il va continuer à
se poser, il va se poser constamment, et c'est pour ça que la seule institution
d'une autorité des marchés publics
n'est pas nécessairement suffisante pour régler les problèmes auxquels on est
confrontés, même si c'est une chose importante et nécessaire.
Au fond, une
bonne partie des problèmes rencontrés et puis qu'on avait envisagés, une des
raisons pour lesquelles on pensait
qu'il fallait envisager la création de cette autorité-là, c'est qu'une bonne
partie des problèmes ne peuvent pas être
réglés a posteriori, que, dans le fond, cette agence-là ne devait pas
intervenir qu'à la fin, ne doit pas intervenir qu'une fois que le problème est né ou entretenu, mais
avant que les problèmes se créent et que, dans le fond, la plus grande
force qu'une agence comme ça pouvait avoir,
c'était d'établir de quelle façon on évite ces problèmes-là. Et ça, ça
nécessite qu'on n'intervienne pas seulement sur une structure ou qu'on
crée une structure, mais ça nécessite que la normativité qu'on établit empêche ça et ça nécessitait
éventuellement de réfléchir davantage sur cette normativité-là, notamment sur
les normes d'attribution des contrats publics.
• (16 h 40) •
On a beaucoup
dit qu'une des façons de le faire, c'était de changer la culture de
l'industrie, notamment, mais, vous savez,
changer la culture, c'est la chose la plus difficile à faire au monde. On peut
beaucoup plus facilement changer les habitudes en modifiant les
contraintes de l'action qu'en changeant la culture de n'importe quelle
organisation. Et ça nécessite à ce moment-là que le
calcul des acteurs soit modifié et qu'on propose des contraintes telles que les
acteurs eux-mêmes ont envie, en fait, de
rentrer dans ces normes-là plutôt
que de les contourner. Et ça, ça nécessite donc d'avoir pas seulement un système qui contrôle a posteriori, police-bandits...
qu'un système qui permette d'éviter que ces situations-là se créent. Et ça, je pense
que c'était un aspect sur lequel la commission peut-être elle-même n'a pas suffisamment
insisté, mais qui justifiait qu'on crée une
agence de ce type-là, dont l'objectif n'est pas seulement de contrôler a
posteriori, mais dont l'objectif est d'établir des normes qui sont moins
susceptibles d'être contournées. Et pour ça il faut comprendre comment les acteurs fonctionnent dans le système,
et ça pouvait potentiellement impliquer beaucoup de choses, y compris le fait que ces acteurs-là soient
impliqués eux-mêmes dans le processus d'évaluation des réponses aux appels d'offres, c'est-à-dire de mettre en jeu l'industrie elle-même dans son propre contrôle plutôt
que de la contrôler constamment de l'extérieur
à partir de normes qui, des fois, ne sont pas compatibles avec la réalité même
de cette industrie dont on a besoin.
Une dernière préoccupation, parce que je vois
que le temps file et qu'on... Encore une minute? Une des préoccupations des
échanges qu'on avait eus à l'époque, que j'avais eus à l'époque avec les commissaires,
c'était la nécessité que le système qui
contrôle les conditions d'attribution des contrats publics, que ce système-là
soit un système qui ne vienne pas empêcher l'État d'assumer ses
fonctions, c'est-à-dire qu'il ne soit pas si lourd qu'à la fin on s'empêche d'attribuer des contrats qui doivent être
attribués parce que les routes doivent se construire, doivent se réparer, parce
que les ponts doivent se construire, parce
que l'activité de l'État doit se poursuivre, et donc d'éviter de fonctionner en
réaction, d'une façon qui ferait que
finalement, à la fin, on s'empêcherait de faire ce que l'État doit faire parce
qu'on veut qu'il le fasse bien, et
donc de le regarder beaucoup plus stratégiquement. Et c'est un peu de ça dont
on parlera dans les échanges qu'on aura.
J'ai une série
d'autres choses éventuellement à dire, mais je profiterai des questions que
vous poserez pour y répondre. Je l'aborde largement. C'est
volontairement que je le fais comme ça. J'agis ici plus comme sociologue et
juriste, je dirais, qu'uniquement comme juriste, et, si on peut l'aborder
ensemble, là-dessus, ça pourrait aborder des problèmes, en tout cas les grandes
questions qui sont au fondement de la loi aujourd'hui.
Le
Président (M. Spénard) : Merci, Me Noreau. Alors, la parole est à
M. le président du Conseil du trésor pour une période de
15 minutes.
M. Leitão :
Très bien. Merci, M. le Président. Merci, Me Noreau, d'être là. En effet, c'est
assez général, mais très intéressant.
Et il y a quelques aspects que j'aimerais peut-être poursuivre un peu plus avec
vous, la notion, bien sûr, de collusion,
que vous avez abordée, et donc le fait que ce n'est pas la corruption qui
génère la collusion, mais, souvent, c'est le contraire. Est-ce que vous, vous... Puisque vous avez travaillé beaucoup
avec la commission Charbonneau dans le cadre de ce qui nous concerne, l'industrie de la construction, pensez-vous qu'il
y a quelque chose d'inhérent à cette industrie même qui mène à des
comportements de collusion ou c'est quelque chose d'un peu plus large en termes
d'imperfection de marché — ça, c'est l'économiste qui vous parle — compétition qui n'est pas parfaite, et donc
qui mène à cela, ou c'est vraiment un cas très spécifique d'une
industrie très particulière, qui a ses structures qui sont un peu différentes
de ce qu'on peut trouver ailleurs?
Le Président (M. Spénard) : Me
Noreau.
M. Noreau
(Pierre) : Je pense qu'il y
a des dimensions qui sont propres à l'industrie de la construction,
notamment sur l'aspect suivant. C'est que le
nombre d'acteurs qui peuvent notamment répondre pour des ouvrages très
importants, si on parle des contrats avec le
gouvernement, le nombre, je dirais, de constructeurs, le nombre des firmes
d'ingénieurs qui peuvent être impliqués dans des grands projets comme ça
sont objectivement en nombre limité au Québec, et donc ça favorisait, d'une certaine façon, cette
collusion-là parce que ce sont tous des acteurs qui se connaissent les uns les
autres. Et ça, c'est une difficulté qui, elle, elle est inhérente au secteur de
la construction.
Maintenant,
quand j'ai proposé qu'on crée cette autorité-là, c'est vrai que j'ai demandé à
la commission qu'elle réfléchisse à
déborder le secteur strict de la construction parce que ce sont des problèmes
qui, de fait, potentiellement, pourraient
se retrouver dans beaucoup d'autres domaines. On parlait de l'industrie
informatique tout à l'heure. On peut parler
du domaine, par exemple, des fournitures dans les hôpitaux. Le nombre, en fait,
de contrats publics qui sont signés chaque
année par les gouvernements et puis qui sont également signés par les
municipalités sont en nombre important, et il n'y a pas beaucoup de
secteurs qui peuvent empêcher ce risque-là de collusion. C'est encore plus vrai
dans des municipalités. Et une des choses
que j'avais proposées, c'est que cette autorité-là ne vise pas uniquement le
secteur de la construction, mais
l'ensemble des secteurs, pas seulement le ministère du Transport, mais
potentiellement l'ensemble du ministère
et également le secteur municipal parce que, dans la commission Charbonneau, ce
qui sort le plus, là, c'est que les situations
les plus fréquemment rencontrées ont touché le secteur municipal et c'est
d'abord dans ce secteur-là qu'on a rencontré
ces problèmes de collusion et les relations privilégiées problématiques entre
les élus et les firmes d'ingénieurs en particulier
ou les constructeurs. Donc, dans le projet de loi actuel, c'est vrai qu'on
cible de façon... on nomme, en fait, le ministère des Transports du Québec, alors que c'est loin d'être là que
les problèmes les plus importants sont apparus au fur et à mesure des enquêtes de la commission. Je
crois qu'il faut absolument couvrir ça aussi, mais qu'il faut réfléchir
au soutien qu'on peut donner aux
municipalités dans la gestion de ces contrats-là. Actuellement, c'est une chose
qui reste un peu dans le vague.
Le gouvernement peut décider des organismes
publics qui pourraient éventuellement faire l'objet d'un contrôle par l'Autorité des marchés publics, mais,
en vérité, je pense qu'il faudrait aller plus loin et dire carrément que
les municipalités, notamment les
municipalités qui n'ont pas les moyens de résister à ces rapports de collusion
là et d'influence, particulièrement ces municipalités-là, ont besoin d'une agence. Et c'est
pour ça, je crois, que cette autorité-là devrait être munie du pouvoir
de gérer également les appels d'offres. Et ce n'est pas très clairement dit
dans le projet de loi, à l'article 27. Ce
n'est pas dit de cette façon-là. Ça indique, si je prends bien le libellé, que
je ne me trompe pas d'article... non,
ce n'est peut-être pas lui... prévention que dans... recueils et
compilations... En tout cas, je le retrouverai éventuellement dans mes notes, mais l'autorité a la possibilité
de s'intéresser aux mécanismes de gestion, mais il n'y a rien là-dedans
qui lui donne l'autorité, en fait, de gérer
éventuellement et de prendre en charge lui-même les appels d'offres et
éventuellement la sélection. Du moins, ce n'est pas écrit de cette façon-là, et
je pense qu'il faut l'envisager, particulièrement pour les institutions
publiques qui n'ont pas, en fait, les moyens de se donner eux-mêmes ces
systèmes.
Le Président (M. Spénard) : M.
le ministre.
M. Leitão : Très bien, merci.
Pour ce qui est du secteur municipal, nous avons discuté longuement depuis le début de notre commission et, en effet, nous avons
l'intention de les couvrir. Vous avez mentionné, avec raison, qu'en fin de compte tout le processus de la commission a
commencé par les municipalités. Donc, c'est clair qu'on va les inclure
aussi dans ce processus. Pour ce qui est,
donc, du comportement de collusion, et tout ça, il me semble, encore une fois,
je reviens à ma question initiale,
qu'il y a une asymétrie d'information. Vous avez mentionné, bon, un petit
nombre d'entreprises, donc il y a... Alors, dans ce contexte-là
d'asymétrie d'information, ça serait utile, à mon avis, donc, que le
gouvernement se donne de l'expertise, «market intelligence».
M. Noreau
(Pierre) : Oui, ça a été
assez clairement dit. Je pense que l'Autorité peut faire ça, toutes les
activités de veille qui sont prévues dans
les lois, ce sont des activités qu'on... de nature préventive, et ça doit
absolument exister. Mais il faut comprendre que, lorsqu'en utilisant
notamment les outils que l'informatique offre, là, si on peut éventuellement trouver des biais systématiques dans l'attribution
des contrats, c'est parce que ces contrats-là ont été justement
attribués. Donc, évidemment, c'est là qu'on
intervient a posteriori. Et c'est pour ça que je demandais : Est-ce qu'il
n'y aurait pas moyen d'intervenir a priori?
M. Leitão :
Oui, et, pour cette intervention a priori, est-ce que ça serait peut-être plus
pertinent que cela se fasse en dehors
de l'AMP, donc que ce soit un organisme gouvernemental comme, par exemple, le
Conseil du trésor, qui développerait et
centraliserait l'expertise pour pouvoir conseiller, pour pouvoir accompagner
les différents organismes gouvernementaux?
• (16 h 50) •
M. Noreau
(Pierre) : C'est intéressant
parce que ça pose la question du rapport entre, notamment, le
président-directeur général de l'Autorité et puis le Conseil du trésor. Dans la
proposition que j'avais faite à la commission, je proposais qu'en fait le président-directeur général soit nommé par
l'Assemblée nationale justement pour pouvoir se mettre à l'abri d'une éventuelle influence du gouvernement,
puis ça inclut évidemment le président du Conseil du trésor, en tout
respect, et que c'est une chose qui pourrait être envisagée puisqu'on est très,
très proche des principes qui fondent le parlementarisme,
hein, c'est-à-dire «no taxation without representation». On parle de l'argent
des gens, de l'argent du peuple, d'une certaine façon. Et ce contrôle-là,
en fait, normalement, c'est à l'Assemblée nationale qu'il est attribué.
Vous savez,
il y a un certain nombre de statuts, le président de la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse, le président ou la
présidente de la Commission d'accès à l'information, de la Commission de la fonction publique, l'ombudsman, ils sont nommés
directement par l'Assemblée nationale. Et je crois que, dans ce cas-ci,
ce serait bien de l'envisager pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur
l'autonomie de cette personne particulière.
D'ailleurs, cette personne particulière, vous en
parlez dès le début du projet de loi. C'est très intéressant. On parle en fait du P.D.G. de cette organisation-là
avant de créer l'organisation dans le projet de loi. Et c'est vrai qu'au
plan de l'organisation générale de la loi,
là, comme juriste, j'aurais tendance à dire : Bien, créons l'autorité dans
les 15 premiers articles, puis après
ça établissons comment on nommera la personne qui en prend la direction. Mais,
même dans ce cas-là, je pense que
l'idée, tout de même, que cette personne soit nommée par l'Assemblée nationale
doit être réellement envisagée pour des raisons qui tiennent un peu au
caractère, je dirais, public, dans lequel ces questions-là ont été discutées.
La commission Charbonneau, ça présentait toutes
sortes d'inconvénients parce qu'on se disait, nous, parfois, les Québécois, qu'on se mettait plus ou moins au
pilori publiquement et qu'on présentait nos problèmes au monde entier, alors qu'il n'y a pas beaucoup de démocraties qui
peuvent se permettre de faire ça, de dire : On a des problèmes, on
va les régler. Et, vu cette visibilité-là,
d'envisager que le P.D.G. puisse être nommé par l'Assemblée nationale, ça
m'apparaît une idée qu'il faut réfléchir, en tout cas, que votre commission
devrait l'envisager.
M. Leitão : M. le Président,
combien de temps?
Le Président (M. Spénard) : Six
minutes.
M. Leitão :
O.K. C'est parce que mes collègues veulent poser des questions aussi. Mais,
pour continuer dans cette direction-là, je risque de prendre tout le
temps, mais, en tout cas...
M. Noreau (Pierre) : J'aime
bien vos questions.
M. Leitão : Pour continuer dans cette direction-là, bien sûr,
un organisme comme, par exemple, l'UPAC, son directeur est nommé par le gouvernement
suite à un processus de sélection qui comprend un comité indépendant, etc. Mais ça ne semble pas compromettre l'indépendance de l'UPAC.
Mais comment voyez-vous la complémentarité ou l'arrimage entre le rôle de l'UPAC
et le rôle de l'AMP?
M. Noreau (Pierre) : Bien, c'est normal, je pense,
que le responsable de l'UPAC soit nommé par le gouvernement parce qu'on est dans la fonction exécutive
vraiment, et puis la police relève en fait de la fonction exécutive, et ça,
c'est dans l'ordre. Il y a cet article
précis où on indique qu'il y a la possibilité pour l'autorité de transmettre
des informations qui permettent à
l'UPAC de faire son travail. Lorsque j'ai proposé cette idée de l'autorité,
j'ai indiqué que ces deux fonctions devaient
être séparées parce qu'il y a une fonction systémique dans l'activité de
l'autorité, sa fonction n'est pas seulement de régir des cas particuliers, mais de tirer des leçons sur
l'assainissement et les conditions d'assainissement, les conditions d'attribution des contrats publics. Et donc que
les deux soient distincts, ça m'apparaissait utile, notamment pour
éviter que l'autorité devienne tout simplement un autre bras de la police,
d'une certaine façon.
Je
pense qu'on peut tout à fait considérer que l'Autorité des marchés publics
devienne une espèce de centre de recherche pour l'UPAC. Ce n'est pas une
chose qui est aberrante, mais je trouve ça correct, en fait, que l'activité de contrôle judiciaire, en fait, ou préjudiciaire du
contrôle policier qui amène à la judiciarisation continue d'être assumée
par l'UPAC. Et je trouve que le fait
d'attribuer les pouvoirs des commissaires, là, de toutes commissions d'enquête
aux gens... notamment au
président-directeur général de cette autorité-là le met dans des situations
qui, justement, évitent qu'il soit engagé
lui-même dans les opérations policières qui m'apparaissent complètement
spécifiques. C'est un métier spécifique. La fonction policière ne peut
pas être utilisée indirectement par n'importe quel autre corps public. C'est
une fonction publique très spécifique, et je crois que ça doit rester entre les
mains de l'UPAC absolument.
M. Leitão :
Y a-t-il d'autres différences, donc, majeures, avec le peu de temps qui nous
reste, entre le modèle que vous aviez proposé à la commission et ce qui
est ici décrit?
M. Noreau (Pierre) : Indiquer le rôle de l'industrie dans le processus
m'apparaîtrait quelque chose à envisager. Évidemment, on pourrait dire facilement que c'est de mettre le loup dans
la bergerie, mais ce n'est pas du tout ça. En fait, c'est de faire que,
dans ce système-là aussi, il y a un système de «checks and balances». Le fait
que les entrepreneurs puissent porter
plainte dans un processus où ils ont l'impression de ne pas pouvoir jouer leur
rôle qu'ils devraient jouer, de
pouvoir soumettre, eux aussi, ou d'avoir été mal évalués dans leur proposition,
puis qui laisserait supposer qu'il y aurait eu des rapports de collusion
ou de corruption liés à l'attribution d'un contrat public, ça, ça m'apparaît
extrêmement important parce que ça répond un
peu à cette exigence-là. Mais j'irais sans doute plus loin. Je les impliquerais
réellement dans l'évaluation des projets
pour lesquels ils ne soumettent pas. Et qu'ils voient de quelle façon ça se
fait, ce n'est pas nécessairement une
chose mauvaise. Ça fait partie de la transparence. Mais, comme je dis, ce n'est
pas nécessairement mettre le loup
dans la bergerie. C'est de mettre les loups en conflit les uns avec les autres
dans un rapport où ils doivent équilibrer leur situation, comprendre de
façon, eux-mêmes, transparente les exigences publiques qui viennent avec les
contrats publics.
Et
je crois qu'il y a une culture, là. Ça, oui, on peut, avec ça,
développer graduellement une forme de culture du contrôle mutuel. Sans celle-là, ça veut dire qu'on contrôle toujours
de l'extérieur, hein? Ça fait que, si on n'arrive pas à faire jouer les acteurs dans la partie où ils sont
engagés, ça veut dire que vous êtes obligés d'intervenir après, ça veut dire
que vous êtes obligés d'intervenir de
l'extérieur, ce n'est pas toujours la meilleure façon de travailler dans la
transparence ou, en tout cas, d'avoir les informations dont vous auriez
besoin. C'est là que vous avez besoin de lanceurs d'alerte. C'est absolument
essentiel. Mais, si on peut... si les lanceurs d'alerte sont au chômage, c'est
ça, en fait, qu'il faudrait espérer, et, à ce moment-là, il faut regarder
comment on y arrive plus préventivement.
M. Leitão : Une dernière question, M. le Président, si vous me permettez. On a abordé ça, mais très rapidement avec le groupe précédent. Je ne sais pas si vous
étiez là ou pas, mais cette notion de dialogue, dialogue entre
l'industrie, les entreprises et le gouvernement,
qui semble avoir été maintenant
interrompu avec toutes les allégations et tout le climat qui existe. Mais, de votre point de vue, comment est-ce qu'un tel dialogue peut être encadré? Comment est-ce
qu'on peut, donc, s'assurer qu'il n'y a pas de favoritisme, que le
dialogue ne mène pas à des situations de favoritisme et de collusion?
M. Noreau (Pierre) : Écoutez, la semaine prochaine, je viens en commission parlementaire, mais des institutions, sur les questions liées à la déontologie parlementaire, et je crois qu'il y a quelque
chose là-dedans pour les parlementaires,
c'est-à-dire, jusqu'à quel point il faut s'exposer, de quelle façon on évite de
se mettre soi-même, lorsqu'on est élu, dans
des situations qui laisseraient supposer que ce n'est pas seulement
l'intérêt de l'État qui est mis de l'avant, mais les
intérêts des rapports personnels qu'on a. Je crois qu'il y a quelque chose là qui doit être compris. Ça fait qu'à ce niveau-là il ne doit pas y avoir nécessairement le dialogue
dont on parle. Ce dialogue doit rester au
niveau où il doit être, c'est-à-dire dans les rencontres entre les représentants de l'industrie et le gouvernement, comme il y en a toujours eu. Et ça, ça doit continuer à se faire.
C'est pour la bonne conduite de la gestion de l'État, c'est essentiel.
Il
faut comprendre la logique interne de l'industrie avec laquelle on travaille
pour lui faire donner ce qu'elle doit donner
dans un régime comme le nôtre. Mais, pour le reste, je croirais que ce
dialogue-là, en tout cas, on doit en avoir moins au niveau
des rapports justement interpersonnels puisque cette personnalisation
des relations a tellement été à l'origine des rapports qui, par la
suite, ont conduits à la corruption et, minimalement, à la collusion.
Le Président
(M. Spénard) : Merci. Merci, M. Noreau, alors le temps étant
écoulé...
M. Leitão : ...collègues, je
m'excuse...
Le Président
(M. Spénard) : Alors,
je passerais la parole à la représentante de l'opposition
officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour,
M. Noreau. Il est plaisant de vous entendre aujourd'hui. Ça aurait été même intéressant de vous avoir au
début complètement de la consultation parce que vous nous avez quand même brossé rapidement, il faut le dire, la genèse, dans le fond, du début de cette idée-là, de l'Autorité des marchés publics.
Vous
avez émis beaucoup d'éléments en peu de temps. Je vais tout de suite faire un rapport parce que la dernière conversation que vous venez d'avoir avec le ministre...
Croyez-vous... Comment vous voyez la complémentarité entre ce projet de loi là, n° 108, et le
n° 87, qui est le projet de loi des lanceurs d'alerte? Vous l'avez glissé
tout à l'heure, est-ce que vous trouvez qu'il y a une complémentarité de
ces deux projets de loi qui doit être mieux définie?
M. Noreau (Pierre) : Je n'ai pas lu dans le détail l'autre projet, et
donc je ne pourrais pas donner de détails non plus sur la façon dont ils doivent s'arrimer, mais
c'est clair que ça fait partie du même mouvement général puis qu'à un
moment donné, surtout quand c'est des lois qui sont adoptées dans la même
période, qu'on s'assure de la concordance et de l'harmonisation de ces lois-là, c'est central. Les législations, c'est
comme les articles dans les lois, hein, elles doivent se renforcer
mutuellement et être interprétées les unes par les autres. Alors, c'est clair
qu'au plan, je dirais, du travail législatif en tant que tel il faut que ces
éléments-là puissent se combiner, il n'y a aucun doute sur ça.
Mme Léger :
Je voudrais revenir sur, dans le fond, le projet de loi n° 108, qui est
devant nous. Le ministre a demandé si c'était assez semblable. Vous avez parlé
particulièrement de mettre en jeu, dans le fond, l'industrie. Je vais y revenir, mais, juste avant, est-ce que vous
trouvez que le projet de loi... est-ce qu'il y a des ajouts ou des
choses qu'on doit enlever? Est-ce qu'il est assez précis? Dans la même idée que
vous aviez? Est-ce qu'il y a des éléments que vous trouvez qui ne sont pas là
et qu'on devrait ajouter?
• (17 heures) •
M. Noreau (Pierre) : Je dirais que je trouve que, dans le projet de
loi actuel, il y a encore quelques racoins dont j'ai parlé, là. Il y a des endroits où il y a quelque
chose qui... Par exemple, quand on dit que l'AMP peut requérir d'être
informée des suites qu'elle donne aux recommandations, non, je m'excuse, là, mais l'AMP doit être
informée des suites, elle ne peut pas seulement... peut être informée
des suites. Ça, c'est un endroit où, bon, il y a un peu d'opacité, là, on vient
d'en créer un petit peu.
Si
on dit... Je trouve qu'il n'y a pas assez de mesures de publicité, qu'on
n'insiste pas assez sur la publicité des activités de l'AMP. Je
comprends que, tant que le processus est fondé sur une plainte, il faut que la confidentialité,
l'anonymat, etc., soient conservés. C'est
comme ça dans tous les autres systèmes de contrôle du même genre. Par exemple, les plaintes contre les juges, l'anonymat est assuré jusqu'à
ce que la plainte soit considérée comme recevable puis donnant lieu à une véritable enquête. Ça, ça
me va. Mais je pense qu'il faut prévoir, si on veut qu'il y ait
une fonction d'exemplarité dans le
processus, que les organismes puis éventuellement que les entreprises qui se retrouvent engagés dans une situation
qui ne correspond pas à la bonne gestion des
fonds publics dans le cas de l'attribution des contrats publics, que ce soit publicisé, que ce soit prévu comme ça pour que
cette visibilité-là diminue le désir des autres éventuellement de
s'engager là-dedans.
Je
pense aussi, je n'ai pas trouvé là-dedans, mais c'est vrai que ce n'est pas le projet dans
lequel ça doit se trouver, ce n'est
pas la loi dans laquelle ça doit se trouver, que la question de la publicité
sur la possibilité des contrats de gré à gré ne me paraît pas suffisamment claire là-dedans.
Il y a quelque chose à réfléchir, mais, comme je ne connais pas assez
les dispositions des autres lois qui gèrent ces contrats-là, je
ne voudrais pas aller trop loin. Mais il est clair que de gré à gré, ça veut dire qu'en fait on s'entend parce que la
nécessité exige, parce que le niveau pour lequel ces contrats-là sont
établis n'exige pas un appel public. Tout ça, on peut comprendre ça. Mais ça
devient compliqué de dénoncer de ne pas avoir eu la possibilité soi-même d'être
engagé dans un contrat de gré à gré si ces contrats-là ne sont pas
suffisamment... ou les besoins pour ces contrats-là ne sont pas suffisamment
annoncés.
Il
y a aussi un truc qui m'a un peu dérangé, c'est la possibilité pour le président
du Conseil du trésor de poursuivre la réalisation d'un contrat qui
aurait été dénoncé par la...
Le
Président (M. Spénard) : Assez vite, M. Noreau, si vous
voulez répondre à cette question-là, parce que nous sommes appelés à
aller voter.
Mme Léger :
On arrête? On continue?
Le Président
(M. Spénard) : Alors, je suspends.
Mme Léger :
O.K. Gardez vos affaires, on revient.
(Suspension de la séance à
17 h 2)
(Reprise à 17 h 24)
Le Président (M. Spénard) :
Alors, nous allons poursuivre nos travaux. Alors, il reste un temps de parole à
l'opposition officielle de 4 min 34 s. Je pense que,
M. Noreau, vous étiez en train de discuter. Je ne sais pas comment vous voulez vous arranger
avec la députée de Pointe-aux-Trembles, si vous vous rappelez de la question. Alors, je
vous laisse la réponse.
M. Noreau
(Pierre) : Bien, je peux
poursuivre rapidement. La question, c'est de savoir : Est-ce qu'il
manque des choses dans le projet de loi, au fond? Et puis j'indiquais qu'il y a des choses qui
inquiètent, d'une certaine façon, le fait qu'il y ait encore des
racoins. Et les racoins, c'est quoi? C'est en général toutes les possibilités
qu'on a de faire une exception à une règle, d'utiliser une «fast track» dans la
procédure parce qu'une situation d'urgence l'exige. Il y a un paquet de façons, en fait, de créer des situations
qui font qu'un arbitraire... ou l'arbitraire peut jouer dans l'attribution
des contrats publics, et il faut l'éviter.
Alors, il y a
encore des éléments là-dedans, dans le projet
de loi, et puis la dernière dont je
voulais parler, mais juste pour la
souligner, c'est que c'est indiqué, mais on comprend vraiment
dans quels cas très pratiques ça peut se produire, hein? Puis des fois
c'est pour l'intérêt public, mais le fait que, par exemple, le président du
Conseil du trésor puisse poursuivre la réalisation d'un contrat qui a été
dénoncé par l'autorité, là, il y a quelque chose, là, à réfléchir et qui peut-être
est d'autant plus problématique si, justement, il est nommé par le gouvernement. Et donc c'est pour ça peut-être que, dans ces cas-là, d'avoir
été nommé par l'Assemblée nationale, ça peut représenter un certain intérêt. Ça
crée un flottement. Et un des problèmes
qu'on avait sur le système antérieur, c'est la multiplication de ces espaces-là
où il y a un flottement sur la norme.
Et c'est ça qu'il faut regarder à éviter, toujours en gardant cette idée-là
qu'à la fin il faut quand même que
l'État puisse faire son travail, il ne faut jamais oublier ça, et parce que l'intérêt
public n'est pas nécessairement servi non plus. Si le système est tout
le temps en train de s'empêcher de fonctionner lui-même, on a un problème.
Dans les
autres choses qui pourraient être mises, je pense qu'un des éléments clés qui
est dans le projet de loi, mais je trouve qu'il n'est pas au bon
endroit, c'est la question du maintien des conditions de la concurrence. Il y a
des inconvénients au système concurrentiel, à l'économie de marché, mais il y a
des avantages aussi. Dans la situation où on
s'est trouvé, on était avec les inconvénients de la concurrence sans les
avantages de la concurrence. Et je pense que cette idée-là doit se
retrouver dans la mission même de l'autorité. Actuellement, ça ne l'est pas. Ça
se trouve un peu plus loin à l'article 27.
Ça devrait vraiment se retrouver dans la mission, que la concurrence, le
maintien de la concurrence entre ceux
qui répondent à des appels d'offres soit valorisée, favorisée à tous points de
vue. Et ça, je pense que, ça, c'est une chose qui pourrait être ajoutée dans le projet, là, et qui le
bonifierait parce qu'on serait vraiment au coeur des mécanismes qu'on
veut protéger, en fait, et qui sont plus garants, là, de ce que le citoyen en
ait pour son argent.
En
définitive, c'est à ça que ça sert, notamment, la nécessité que de nouveaux
joueurs puissent s'ajouter à ceux qui sont déjà là parce qu'une des
raisons pour lesquelles je disais : Le nombre de joueurs est restreint,
bien, le nombre de joueurs est restreint
parce qu'on n'en laisse pas rentrer d'autres. Et donc il faut, au contraire,
favoriser le développement d'une plus grande concurrence pour que le
nombre de joueurs ne soit pas trop restreint. Et là on diminue d'autant les
conditions de la collusion.
Mme Léger :
Vous avez dit aussi, dans votre introduction tout à l'heure, qu'il ne faut pas
non plus que le système empêche
l'État de faire ce qu'il a à faire. Est-ce que vous trouvez, dans la mission de
l'AMP, qu'il y aurait des nuisances à ce niveau-là?
M. Noreau
(Pierre) : Ça va beaucoup dépendre
de la façon dont les procédures internes de l'autorité vont s'établir, jusqu'à quel point ils vont interférer
constamment. Si on intervient préventivement, c'est l'avantage qu'on a, c'est
qu'on évite d'intervenir constamment,
constamment dans le processus par la suite, parce que les conditions
d'attribution sont bien établies à
l'avance et qu'elles sont transparentes. La condition de la transparence est
sans doute la principale condition du contrôle
interne du système. J'avais dit ça à la commission Charbonneau. J'avais
dit : Je ne sais pas si vous vous rendez compte que c'est beaucoup
plus facile de voler une sacoche dans une foule que de voler une sacoche dans
une salle d'attente. Pourquoi? Parce que, dans une salle d'attente, tout le
monde se surveille.
La
transparence des rapports est une condition essentielle au contrôle interne du
processus puis à la possibilité pour les
acteurs d'être eux-mêmes des acteurs de ce contrôle-là et pas uniquement des
entités qui sont là pour profiter d'une occasion. Et je pense que ça, ça fait partie de la façon dont l'autorité
doit réfléchir la normativité qu'elle va établir pour contrôler
éventuellement l'attribution des contrats publics. Il faut qu'à toutes les
étapes la transparence soit la règle parce
que c'est l'opacité qui a expliqué les problèmes antérieurs, l'opacité dans les
rapports privilégiés entre des acteurs qui devraient se maintenir chacun dans leur zone d'action respective, ce qui
n'a pas toujours été le cas ou du moins qu'on suppute ne pas avoir toujours été le cas dans la situation qui a
justifié, en fait, la création de la commission Charbonneau.
Le Président (M. Spénard) :
Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Alors, je passerai la parole au
représentant de la deuxième opposition. M. le député de La Peltrie.
M.
Caire :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Noreau. On a beaucoup parlé de l'AMP
comme un pôle d'expertise en matière de gestion contractuelle qui amène
différents rôles. Il y a évidemment le rôle gendarme, si vous me passez l'expression, pour s'assurer de l'intégrité des
processus, mais on a parlé aussi beaucoup d'accompagner les donneurs d'ouvrage, de donner de la formation. Dans
certains cas, on a même été jusqu'à dire que, dans des cas extrêmes,
l'AMP pourrait reprendre la gestion d'un processus d'attribution de contrat. Je
vous dis ce qu'on a entendu sans...
M. Noreau
(Pierre) : Ce n'est pas
aussi clairement dit que ça dans le projet de loi, là, mais je crois que ça
devrait pouvoir être le cas, oui.
M.
Caire :
Non, non, non, je parle de gens qui se sont assis à votre place et qui ont
tenté de nous éclairer. Et, à toutes
les fois, j'ai eu la même question : Oui, mais où est-ce qu'on trace la
ligne? Comment on s'assure que l'AMP
n'est pas juge et partie? Comment on
s'assure qu'on ne met pas l'AMP dans une situation où, par exemple, elle aurait formé des gestionnaires
de contrat pour ensuite les enquêter? Alors, il y a quelque chose d'un peu incestueux, dans cette situation-là, qui est potentielle. Donc, selon vous, où est-ce
qu'on doit tracer la ligne entre l'AMP, le gendarme, et l'AMP,
l'accompagnateur, le formateur, le gardien de l'intelligence en matière de
gestion de contrats?
• (17 h 30) •
M. Noreau (Pierre) : Vous êtes certainement conscient que
votre question est pas mal plus simple que la réponse qu'on peut y
donner parce que c'est comme une ligne absolue que... Je pense qu'il y a beaucoup
de choses qui sont empiriques dans la vie. On peut essayer de trouver des
principes généraux dans tout, mais la façon et la pratique dans laquelle c'est fait, en fait, fait foi de ça. À un moment donné, il se crée des équilibres dans n'importe quelle institution nouvelle qui se crée, ou qui est inventée, ou
qu'on organise. Il se crée éventuellement des pratiques qui finissent par être
acceptées, et c'est là qu'on sait que la ligne passe. C'est a priori que c'est
difficile de les établir. A posteriori, c'est beaucoup plus facile de le faire.
Maintenant, je ne crois pas qu'on doive enlever ce
rôle-là, pédagogique, parce qu'un des problèmes qu'on avait vus à la
commission Charbonneau, c'est la banalisation des comportements. C'est-à-dire
que tout le monde finissait par trouver
normal, après deux, trois ans, quelque chose qu'ils trouvaient tous anormal au
début, hein? Un jeune qui rentre dans un
bureau d'ingénieurs puis qui réalise tout d'un coup que, dans le fond, on va
répondre à des appels d'offres mais pour ne pas les avoir, pour que
quelqu'un d'autre les ait, pour que nous, on les ait la prochaine fois, là,
n'importe quel jeune comprend que ça n'a pas
de sens, O.K., qu'il y a quelque chose là-dedans qui ne va pas. Mais, après
deux ans de ça, là, tout le monde finit par trouver que c'est normal.
Cette banalisation-là, il faut absolument lutter contre ça. Et la formation, ça
devient central là-dedans.
M.
Caire : Je ne sais pas, vous êtes sans doute conscient que
le danger dans la réponse que vous me donnez, c'est : Qui dit «apprentissage empirique», dit «erreur».
Et là est-ce qu'il n'y a pas un danger qu'on décrédibilise l'AMP? Parce
que c'est important, puis c'est important
qu'il y ait une espèce... Vous allez être d'accord avec moi que c'est parce
qu'il y a une espèce d'aura de savoir autour de l'AMP, et là, si on fait le jeu
de l'essai-erreur, il n'y a pas un danger qu'on attaque cette
crédibilité-là?
M. Noreau (Pierre) : Bien, toutes les lois sont faites pour être mises
en oeuvre, puis, quand on les met en oeuvre, des fois, on est obligés de corriger une partie de ce qu'on a fait. Vous
savez, l'essentiel des lois qui sont adoptées ici, à l'Assemblée
nationale, sont des lois qui amendent des lois qui ont déjà été adoptées, pour
corriger les erreurs que les lois parfois ont créées ou qu'on a découvertes
dans leur mise en oeuvre. Je ne pense pas qu'on va pouvoir faire l'économie de
ça dans ce cas-ci. Il y a toujours une dimension plus ou moins d'essai-erreur.
Quant à se dire que
l'autorité forme et corrige, c'est ce que je fais tous les jours comme prof à
l'Université de Montréal. Je leur enseigne,
puis je les corrige. Je ne vois pas de problème nécessairement là-dedans parce
que la façon dont on le fait et
l'éthique avec lequel on le fait font que ça devient acceptable. Et je crois
que c'est la même chose qui doit être développée pour l'autorité. Il y a
des façons de faire qui vont permettre d'éviter le problème que vous posez.
M.
Caire :
Merci. C'est bon pour moi, M. le Président.
Des voix :
...
M.
Caire :
Si jamais ça vous tente de présider...
Le Président
(M. Spénard) : M. le député de La Peltrie?
M.
Caire :
Non, non, c'est complet. Merci.
Le
Président (M. Spénard) : Alors, M. Noreau, je vous remercie
beaucoup. Excusez mon contretemps, je pensais que le député de
La Peltrie en avait pour tout son temps.
Alors, je vous
remercie et je suspends les travaux quelques instants. Et j'invite le prochain
groupe à prendre place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à
17 h 34)
(Reprise à 17 h 35)
Le Président
(M. Spénard) : Alors, je reprends les consultations particulières.
Ça me fait plaisir d'accueillir le groupe du Vérificateur général du Québec... Vérificatrice
générale du Québec, je ne sais pas trop comment qu'on l'appelle. Alors, vous
disposez de 10 minutes, Mme Leclerc, ainsi que vos acolytes. Vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé.
Vérificateur général
Mme Leclerc (Guylaine) : Très bien.
Alors, M. le Président, M. le ministre responsable de l'Administration
gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du
Conseil du trésor, Mme, MM. les membres de
la commission, c'est avec plaisirque je participe aux auditions publiques concernant le projet de loi n° 108, qui institue
l'Autorité des marchés publics.
Tout d'abord, permettez-moi de vous présenter
les personnes qui m'accompagnent : M. Serge Giguère, vérificateur général adjoint, Mme Véronique Boily, directrice principale, et
Mme Sarah Leclerc, directrice de vérification.
Le projet de loi confère à ce nouvel organisme
des fonctions et des pouvoirs qui sont importants dans le contexte d'une bonne
gestion des fonds publics. Depuis l'entrée en vigueur, en 2008, de la Loi sur
les contrats des organismes publics, le Vérificateur
général a produit de nombreux
rapports qui relèvent des lacunes dans les processus d'adjudication ou d'attribution des contrats,
ainsi que dans la gestion contractuelle. J'ai d'ailleurs déposé à la Commission
des finances publiques une liste de 24 rapports qui ont été publiés depuis
ce temps et qui abordent cet enjeu. Ces rapports visent près de
40 entités. Je souhaite que leur contenu puisse alimenter les travaux de
la commission.
Je constate
d'emblée que certaines observations formulées au fil des ans par le Vérificateur général sont prises en compte dans le projet de loi. Par exemple, dans plusieurs
rapports, nous avons soulevé le fait que les ministères et organismes attribuaient fréquemment des contrats de gré à gré, ce qui ne favorise pas le libre jeu de la
concurrence. Selon le projet de loi, un organisme
public devra publier un avis
d'intention avant de conclure un contrat de gré à gré qui comporte une dépense égale ou supérieure au seuil d'appels d'offres publics, même s'il estime qu'un tel appel d'offres ne
servira pas l'intérêt public. Cette obligation, associée à la possibilité de porter plainte
à l'autorité lorsque celle-ci n'est pas respectée, favorisera
la diminution des cas pour lesquels un organisme aurait dû lancer un appel
d'offres public plutôt que d'attribuer un contrat de gré à gré.
À de nombreuses reprises, nous avons également
souligné le fait que les organismes publics effectuaient peu d'évaluations du rendement des fournisseurs, notamment parce que
la réglementation exigeait une évaluation seulement dans les
cas où les rendements étaient considérés comme insatisfaisants. La tenue d'un
registre des évaluations pourra favoriser
la réalisation de telles évaluations et, par
conséquent, servir à l'établissement d'une cote aux fins de l'évaluation de la
qualité des soumissions. Les modalités du registre seront déterminées par règlement.
Elles devront mener à la réalisation d'évaluations plus fréquentes que ce qui a été observé jusqu'à
maintenant. Par
ailleurs, le projet de loi prévoit l'établissement d'une procédure portant sur la réception et l'examen des plaintes au
sein des organismes publics, ce qui favorisera le respect de la loi et
des règlements.
En plus de ses pouvoirs d'ordonnance à l'égard
des organismes publics, l'autorité pourra, à la suite d'une vérification ou d'une enquête, formuler des recommandations concernant le processus d'adjudication ou
d'attribution des contrats. Elle pourra également formuler des recommandations
à l'égard de la gestion contractuelle du ministère des Transports et des autres
organismes désignés par le gouvernement. Pour remplir ses mandats, elle pourra s'inspirer
des constats que nous avons dégagés en la matière dans plusieurs audits, notamment
les constats suivants.
Ainsi, nous avons observé que la durée ou
l'envergure de certains contrats ne favorisaient pas toujours la concurrence.
De même, nous avons noté une utilisation très élevée du taux journalier dans plusieurs
contrats, ce qui transfère le risque en
grande partie à l'entité gouvernementale qui attribue le contrat. Enfin, le suivi de
l'exécution des contrats laisse à désirer. Cela se répercute notamment
sur les ressources utilisées, qui ne sont pas celles déterminées dans l'offre de services, les coûts facturés, qui
ne correspondent pas toujours aux modalités établies et les travaux
réalisés, par exemple l'ajout de travaux non prévus.
• (17 h 40) •
D'autre part,
le projet de loi prévoit que l'Autorité des marchés publics devra
soumettre son budget au président du Conseil du trésor et que celui-ci
sera approuvé par le gouvernement. De plus, l'autorité devra rendre compte de
ses activités au président du Conseil du
trésor. Il est important
de se questionner sur
le degré d'indépendance que requiert un organisme de surveillance et de
contrôle comme l'Autorité des marchés publics. En effet, celle-ci aura le
pouvoir de formuler des recommandations à
des organismes publics, ce qui s'apparente aux caractéristiques d'autres
organisations telles que les personnes désignées par l'Assemblée nationale ou
encore la Commission de la fonction publique.
Il existe différents moyens d'accroître le degré
d'indépendance d'un tel organisme. Par exemple, selon les dispositions du
projet de loi, les dirigeants de l'autorité seront nommés par le gouvernement à
partir d'une liste de personnes déclarées
aptes à exercer les charges par le comité de sélection formé pour la
circonstance. Or, il pourrait être souhaitable que la composition de ce
comité soit déterminée dans la loi, comme cela est prévu, par exemple, pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales.
De plus, l'intervention de l'Assemblée nationale à certaines étapes
clés, telles que la nomination des dirigeants ou la reddition de comptes de
l'autorité, devrait être envisagée.
La portée du
champ d'intervention de l'autorité est un autre volet du projet de loi qui a
attiré notre attention. En effet, ce dernier limite le pouvoir de
vérification et d'enquête en matière de gestion contractuelle au ministère des Transports. Les autres organismes publics, pour
leur part, doivent être désignés par le gouvernement. À ce titre,
l'autorité peut recommander au président du Conseil du trésor qu'il recommande
à son tour au gouvernement de soumettre la gestion
contractuelle d'un organisme public sous sa surveillance. Il est important de
rappeler que nous avons relevé de nombreuses
lacunes concernant la gestion contractuelle de plusieurs organismes publics
ayant fait l'objet de nos travaux, y compris les établissements du
réseau de l'éducation et de la santé et des services sociaux.
Par ailleurs, le projet de loi confère à
l'autorité la fonction d'effectuer une veille des contrats publics aux fins
notamment d'analyser l'évolution des marchés et les pratiques contractuelles.
Pour exercer cette veille, le système électronique d'appel d'offres est une
source importante d'information. Or, dans le rapport portant sur ce système que
j'ai déposé au printemps dernier, nous avons noté que des
améliorations importantes étaient nécessaires afin que l'information publiée
par les organismes publics soit intégrale, exacte et diffusée en temps
opportun.
En terminant, je suis convaincue que la création
d'un organisme tel que l'Autorité des marchés publics peut avoir un effet positif sur le fonctionnement des
marchés publics. Cependant, le message gouvernemental doit être clair. L'ajout d'un tel moyen de contrôle ne diminue en
rien les responsabilités des dirigeants des ministères et organismes
dont l'imputabilité doit demeurer entière.
Voilà, pour
l'essentiel, les observations qui découlent de notre analyse du projet de loi.
Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Spénard) :
Merci, Mme la Vérificatrice. Alors, je passerais la parole du côté ministériel.
Alors, M. le président du Conseil du trésor.
M. Leitão :
Très bien, M. le Président, merci. Alors, Mme Leclerc, mesdames, monsieur,
merci beaucoup d'être là. Quelques questions, et puis je demanderai aux
collègues de continuer.
Donc, on va
commencer par l'endroit, là, où vous avez terminé, donc qu'un tel organisme ne
diminue en rien la responsabilité des dirigeants des ministères et
organismes, dont l'imputabilité doit demeurer entière. Alors, dans ce
contexte-là, comment voyez-vous les rôles ou la complémentarité des rôles de
votre bureau du Vérificateur général avec l'AMP?
Mme Leclerc (Guylaine) : La
complémentarité? Alors, bien, je vous...
M. Leitão : S'il y a
complémentarité.
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
je ne suis pas certaine qu'il y ait nécessairement de complémentarité. Par contre, l'AMP, c'est certain qu'ils vont se fier à
nos recommandations du passé. Donc, tous les examens qu'on a réalisés dans différents organismes et ministères, entre
autres, tous nos travaux que nous avons réalisés au niveau des
technologies de l'information. Alors, l'AMP
pourrait très bien partir du travail qui a été réalisé par nos équipes et nos
recommandations qui ont été publiées dans
différents rapports pour pouvoir identifier des éléments favorisant une
meilleure gouvernance au niveau de la gestion contractuelle.
Le Président (M. Spénard) : M.
le ministre.
M. Leitão :
Très bien, merci. Un autre enjeu que vous avez soulevé, qui a été soulevé par
d'autres groupes qui sont venus ici
aujourd'hui et hier, concerne, donc, l'expertise en adjudication ou attribution
de contrats, et donc le rôle
qu'un organisme comme l'AMP aurait, un rôle,
donc, de formation, d'être capable de distribuer de l'information aux organismes, et son rôle de vérificateur de ces contrats-là.
Dans votre cas, bien sûr, vous faites un peu les deux. Alors, comment
suggéreriez-vous que cela se fasse? Comment est-ce qu'on pourrait, tout en
préservant l'indépendance de l'AMP... comment est-ce qu'il pourrait être en
même temps juge, et vérificateur, et gestionnaire?
Mme Leclerc
(Guylaine) : C'est un
élément important que vous apportez là. Je crois que l'AMP peut jouer un
certain rôle, disons, en prévention parce qu'il va avoir fait des vérifications ou des enquêtes, des analyses, va avoir
fait la veille de certains contrats. Donc,
il va avoir acquis une certaine expérience et connaissance. Donc, il est
important qu'il partage cette connaissance-là.
C'est d'ailleurs
un des problèmes que nous pouvons identifier. C'est que les recommandations que va émettre l'AMP ne seront pas nécessairement publiques comme
les recommandations du Vérificateur général le sont. Et le fait que des
recommandations soient publiques, c'est un grand moyen de prévention et
d'éducation. Donc, sans que l'AMP agisse comme formateur formel de certaines
institutions, par ses recommandations, il joue un rôle de prévention.
M. Leitão :
Très bien, merci. Une dernière question avant de passer la parole aux
collègues. On a beaucoup parlé ici aussi d'un organisme, le BSDQ. Je ne
sais pas si c'est quelque chose avec lequel vous êtes familière, mais c'était recommandé, suggéré par plusieurs groupes, que
l'AMP devrait avoir aussi un rôle dans la supervision du BSDQ, donc de faire partie du conseil d'administration de cet
organisme-là et, en même temps, qu'elle établit des règles de
fonctionnement de l'organisme, supervise des contrats publics. Comment vous
voyez un tel mélange de rôles?
Mme Leclerc (Guylaine) : Je
vous dirais que je pense qu'il y a déjà des choses à améliorer au niveau de l'indépendance de l'AMP. Donc, déjà, d'améliorer
le... son statut d'indépendance va renforcir l'organisation. De là à ce qu'elle soit... qu'elle siège sur le bureau ou
que... je crois que c'est un petit peu dépassé, son rôle. Je pense que son
rôle premier, si elle est suffisamment
indépendante, qu'elle peut faire les vérifications telles que nous le
recommandons et non seulement au
ministère des Transports, là... Alors, je pense que, déjà là, l'Autorité des
marchés publics pourrait réaliser beaucoup plus que ce qui est proposé
ici.
M. Leitão : Très bien, merci
beaucoup. Collègue? Oui.
Le Président (M. Spénard) : M.
le député de La Prairie.
M. Merlini :
Merci beaucoup, M. le Président. Mmes Leclerc, parce que vous êtes deux,
là, et M. Giguère ainsi que Mme Boily,
bienvenue à la Commission des finances publiques. Je suis plus habitué de vous
voir à la Commission de l'administration publique dans mon ancien rôle
de vice-président.
D'entrée de
jeu, vous avez dit, dans votre allocution tantôt, que l'AMP pourrait avoir un
effet positif. Vous, au bureau du
vérificateur, vous faites de la vérification et de l'optimisation des
ressources. Des fois, vous avez des mandats qui vous sont conférés soit par l'Assemblée nationale ou en collaboration
avec la Commission de l'administration publique pour assurer une saine
gestion. Comment voyez-vous les deux rôles, votre rôle de Vérificateur général
et le rôle de l'AMP, la complémentarité des deux bureaux à ce moment-là?
Mme Leclerc
(Guylaine) : Bien, ce que je peux dire, c'est que, comme je l'ai dit
tout à l'heure, l'AMP pourra se nourrir
de nos recommandations au même titre qu'elle va se nourrir d'autres organismes.
C'est certain que, tout comme nous
travaillons avec d'autres personnes désignées, Protecteur du citoyen ou... pour
lesquelles nous regardons les rapports, les autres organismes, on aura une... je vous dirais, on n'a pas le même
rôle. C'est complémentaire, mais ce sera plus sur une base d'utilisation
des travaux de l'un et de l'autre qui seront rendus publics, nous espérons.
• (17 h 50) •
M. Merlini : Vous avez dit également que la création de
l'AMP ne diminue en rien la responsabilité des dirigeants des ministères et
organismes quant à leur gestion contractuelle et à leur imputabilité, une responsabilité
qui doit demeurer entière. Quand vous
déposez vos tomes et vous avez des recommandations, souvent les organismes que vous avez et les ministères dont vous avez fait la vérification de la
gestion administrative adhèrent à vos recommandations, et vous en faites le suivi, encore une
fois, vis-à-vis de la commission de... en passant par la Commission
de l'administration publique. Comment
faire, à ce moment-là à l'AMP, pour avoir ces pistes d'amélioration là
pour l'imputabilité des dirigeants des ministères et organismes dans la gestion contractuelle? Et
est-ce qu'encore une fois en complémentarité... voyez-vous une problématique à ce que l'AMP fasse ce suivi-là
comme vous le faite, d'ailleurs, quand vous faites des recommandations?
Mme Leclerc
(Guylaine) : Bien, un, je
pense que c'est important qu'il y ait un suivi des recommandations, mais ce que nous disons
ici, c'est qu'on peut mettre en place quelque contrôle que ce soit, quelque
structure que ce soit, il faut que les
dirigeants des organismes ou les premiers dirigeants de ministères
soient responsables de leur gestion et qu'ils gèrent adéquatement. Donc, même si on mettrait en place
tous les processus de contrôle... soit en place... bien, notre premier
rôle, c'est le rôle du premier dirigeant,
qui se doit de gérer les ressources publiques de façon adéquate. Alors, c'est
pour ça qu'on en fait part ici. Les recommandations qui vont être émises par l'AMP, bien, c'est certain qu'il faut
s'assurer qu'il y ait un suivi qui soit réalisé par l'entité. Quels
seront les... De quelle façon ce sera exercé? Je ne le sais pas.
M. Merlini : Vous avez également soulevé que le
budget de l'AMP et son rapport d'activité se fait, présentement dans le projet
de loi n° 108, au président du Conseil du trésor et vous souhaitez que ça se fasse autrement. Pourquoi que vous voulez que ça relève, entre
autres, de l'Assemblée nationale?
Mme Leclerc (Guylaine) : Oui,
parce que le Conseil du trésor, entre autres, certaines politiques et
directives contractuelles, bien, c'est lui
qui les émet. Donc, ce serait un
petit peu difficile... c'est
difficile pour une entité qui relève du
Conseil du trésor d'émettre des recommandations à l'encontre de celui qui, lui, autorise les budgets. Donc, comme, par exemple, le Vérificateur général, nous sommes très
heureux que ce soit le Bureau de l'Assemblée nationale qui approuve
notre budget parce que le Conseil du trésor, qui est une entité que nous
vérifions et qui fait partie du giron de notre vérification... donc, c'est un
élément très important d'indépendance.
M. Merlini : Donc, d'aller
chercher avec le Bureau de l'Assemblée nationale un certain contrôle des
parlementaires, dans le fond, et que ça ne relève pas, justement, du Secrétariat
du Conseil du trésor.
Mme Leclerc (Guylaine) : Il
faut que le contrôle vienne des parlementaires. Bien, à notre avis, ça ajoute à
l'indépendance.
M. Merlini : O.K. Merci
beaucoup. Ça me convient, M. le Président.
Le Président (M. Spénard) :
Alors, merci. Alors, je passe la parole maintenant à l'opposition officielle,
la représentante, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Oui, bonjour, mesdames, bonjour, messieurs.
Bienvenue à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas la première fois que vous venez. Je vais faire un saut sur ce que le député vient de parler juste auparavant de cette
dernière intervention, sur votre message
final. Dans le fond, vous dites : «En terminant, je suis convaincue que la
création d'un [tel] organisme [...]
l'Autorité des marchés publics peut avoir un effet positif sur le
fonctionnement des marchés publics. [Mais] cependant, le message
gouvernemental doit être clair : l'ajout d'un tel moyen de contrôle ne
diminue en rien les responsabilités des
dirigeants des ministères et [des] organismes, dont l'imputabilité doit
demeurer entière.» Alors, c'est ce
que vous en avez glissé, mais est-ce qu'instituer puis adopter un projet de loi
qui est comme celui-là peut amener à une déresponsabilisation des organismes
puis des ministères?
Mme Leclerc (Guylaine) : Non...
Mme Léger :
Pas nécessairement?
Mme Leclerc (Guylaine) : Non,
non, non. Ce n'est pas du tout ce que nous disons. Ce que je fais souvent référence, c'est : Nous avons fait un mandat
sur les technologies de l'information et nous avons, bon, naturellement
identifié plusieurs lacunes, et, bon, il y a
certaines recommandations qui s'adressaient au Conseil du trésor, mais
plusieurs de nos recommandations s'adressaient aux gestionnaires parce qu'il
y a des éléments qui sont vraiment de la gestion, donc de gérer adéquatement les fonds publics. Mais ça relève du dirigeant de
l'organisme. Donc, c'est ce que nous disons, c'est que la première
responsabilité lui revient. Ensuite, bon, on peut mettre en place des
institutions de contrôle qui vont favoriser... ou s'assurer que c'est géré
adéquatement, mais la première responsabilité lui revient.
Mme Léger : Est-ce que
vous pensez qu'il devrait faire la promotion, faire... Est-ce qu'il y aurait
des actions gouvernementales qui devraient se faire pour mieux renforcer ce...
Mme Leclerc
(Guylaine) : Bien, il y a
une forme de recommandation, O.K.? Premièrement, les recommandations qui seraient émises par l'Autorité des marchés
publics, à notre avis, se devraient d'être publiques, O.K.?
Puis ça, ça va aider pour la prévention, comme c'est actuellement, mais les recommandations seraient présentées au Conseil du trésor, et il y aurait éventuellement une reddition
de comptes à l'Assemblée nationale, mais dans un rapport annuel. Donc, est-ce
que les recommandations vont y être présentes? On ne le sait pas, là. Alors,
c'est important que ces recommandations-là soient
publiques. Alors, ça, il y a une forme de prévention et d'éducation qui se trouverait à être faite à
ce moment-là.
Mme Léger : Je comprends bien. Je veux revenir sur le degré d'indépendance que l'organisme de surveillance et de contrôle comme l'Autorité
des marchés publics doit avoir. Vous
faites allusion, entre autres, bien, à la possibilité d'une des façons,
c'est la liste de personnes déclarées, etc., mais vous ne vous avancez pas sur
le fait qu'elle soit nommée, que le président-directeur général soit
nommé par l'Assemblée nationale.
Mme Leclerc
(Guylaine) : Oui, je pense que c'est... Oui, on en parle, et c'est le
meilleur moyen d'assurer une indépendance, qu'il soit nommé par
l'Assemblée nationale pour un terme, et, dans ce cas-ci, on parle d'un terme de
cinq ans non renouvelable, mais on ne
renouvellera pas la personne, on ne la remplacera pas tant qu'on n'aura pas
trouvé son remplaçant. Puis, pour nous, ça
peut être problématique parce qu'il est nommé par le gouvernement avec un comité de sélection nommé par le gouvernement, il est là pendant cinq ans fermes, et après,
s'il n'est pas remplacé, bien, c'est cette personne-là qui y est encore. Donc, elle pourrait, à la limite, y être
pour très longtemps, et c'est le gouvernement qui a cette responsabilité-là. Donc, ça, c'est une préoccupation que nous avions. Donc, c'est pour ça qu'on suggère qu'il soit
comme pour les autres personnes désignées, qu'il soit nommé par l'Assemblée
nationale aux deux tiers.
Le Président (M. Spénard) : Mme
la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Et pourquoi
le cinq ans?
Mme Leclerc (Guylaine) : Pourquoi
le cinq ans?
Mme Léger : Oui.
Mme Leclerc
(Guylaine) : Bien, ce que
nous constatons, c'est que, dans la loi, c'est cinq ans non
renouvelable, et, s'il n'est pas renouvelé,
il est là, en poste. Donc, finalement, ça peut être très long comme mandat. Ça peut
ne pas être cinq ans. Le Vérificateur général, c'est 10 ans. Pour d'autres, comme la Protectrice du citoyen, c'est cinq ans renouvelables, nommé par l'Assemblée
nationale. Mais ici, c'est cinq ans jusqu'à temps qu'il soit renommé. En plus, il est nommé par le gouvernement.
Donc, c'est le gouvernement qui décide d'en nommer un autre ou pas.
Mme Léger : Donc, très
bien, je comprends votre inquiétude. Je veux revenir sur le degré... Attendez,
je vais retrouver ma petite... Vous avez
observé que «la durée ou l'envergure de certains contrats ne favorisaient pas
toujours la concurrence». Vous parlez de l'utilisation très élevée du taux journalier, le suivi de l'exécution des contrats.
On parle aussi des travaux réalisés,
par exemple, l'ajout de travaux. Ça, on parle des extras, j'imagine. C'est le terme. Est-ce que,
dans le projet de loi que vous avez là, ça répond correctement à vos
inquiétudes?
• (18 heures) •
Mme Leclerc (Guylaine) : Pas vraiment.
Pas totalement, je vous dirais. En partie, oui. Pour le ministère des
Transports, oui parce qu'on a un pouvoir de vérification et d'enquête. Puis on
peut vérifier l'adjudication, mais aussi on peut enquêter sur le processus
contractuel pour le ministère des Transports et pour les entités qui sont
désignées. Donc, ça, ça va.
Mais, si on veut
faire une vérification sur des sociétés en technologies de l'information, et on
sait qu'on parle de dizaines de millions de
dollars, là, sinon des centaines de millions, donc il faudra que le
gouvernement autorise l'autorité à
nommer, à identifier un organisme. Mais on sait qu'en technologies de
l'information il y a plusieurs organismes. Nos travaux qui ont été publiés à l'automne 2015 et qui ont fait état de ce que
vous venez de mentionner, donc des feuilles de temps non autorisées, des taux qui ne correspondent pas à ce qui était
dans les appels d'offres, les
personnes qui n'étaient pas présentes
à l'appel d'offres, on n'aurait pas
pu avoir ces constats-là si on n'avait pas examiné plusieurs organismes.
Donc, je vois mal
comment l'Autorité des marchés publics pourrait faire ce type de vérifications
là qui sont, je vous dirais, linéaires
à l'intérieur de plusieurs ministères parce que ce n'est qu'en faisant des vérifications
à l'intérieur de plusieurs ministères et organismes qu'on peut arriver à
certains constats.
Et je vous donne un
exemple. Sur l'adjudication de certains contrats, dans certains appels
d'offres, vous allez avoir les C.V. de
certaines personnes qui disent qu'ils font telle, telle, telle chose. Dans un
autre organisme, on va dire d'autre chose pour pouvoir gagner l'appel
d'offres. Donc, c'est en examinant certaines réponses à des appels d'offres qui va permettre à l'AMP, par exemple,
d'identifier certaines activités qui seraient fautives. Donc, le fait de
limiter ça au ministère des Transports et à certains organismes nommés
par le gouvernement, bien, pour nous, c'est une limitation.
Le
Président (M. Spénard) : Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles,
c'est tout le temps que vous aviez à votre disposition. Alors, pour le
deuxième groupe d'opposition, alors je passerais la parole au député de
La Peltrie.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous.
Mme Leclerc, vous avez déploré le fait que l'article 20, alinéa 2°, on dit spécifiquement que la
vérification de gestion contractuelle, c'est le ministère des Transports et
les autres organismes qui pourraient être désignés par le gouvernement.
Si
on adressait ce problème-là du point de vue du contrat plutôt que des
organismes en disant, par exemple, que tout contrat qui implique des fonds publics tombe sous la juridiction de
l'AMP, est-ce qu'à ce moment-là on ne règle pas le problème plutôt que d'essayer de définir quels
sont tous les organismes qui sont sous cette juridiction-là? Si, au lieu
de le prendre du point de vue de
l'organisme, on le prend du point de vue du type du profil de contrat, est-ce
qu'à ce moment-là... On a un mandat
qui est beaucoup plus large, j'en conviens, mais est-ce qu'on ne donne pas
justement toute la latitude à l'AMP?
Mme Leclerc
(Guylaine) : On le règle en partie. En partie, on le règle pour
l'élargissement, je vous dirais, mais il
y a quand même aussi d'autres limitations, parce que l'article 21 dit :
«L'autorité peut vérifier si le processus d'adjudication ou d'attribution d'un contrat public d'un
organisme [...] s'effectue conformément au cadre normatif auquel cet
organisme est assujetti.» Donc, ça, on élargirait.
Par
contre, il faut aller à l'article 50, qui dit : «L'autorité peut, de sa
propre initiative ou sur demande du président du Conseil du trésor,
examiner un processus d'adjudication ou d'attribution d'un contrat public
lorsque l'organisme public concerné n'apparaît pas agir, à l'égard de ce
processus, en conformité avec le cadre normatif.» Donc, on vient limiter quand on peut faire cet examen ou cette vérification-là. Et, à l'article 52, on dit : «L'autorité informe le
dirigeant de l'organisme public des motifs qui justifient son intervention et
l'invite à présenter ses observations.»
Donc, l'AMP se
présente dans un organisme, se doit d'avoir des motifs pour dire : Bien,
je veux examiner le processus. Et non seulement
il doit avoir des motifs, il doit les présenter à l'organisme, doit dire c'est
quoi, ses motifs. Donc, ça vient
limiter ce qui est déjà prévu à l'article 21. Donc, je suis d'accord avec vous pour
l'élargissement, mais, d'un autre côté, il faut s'assurer qu'il a quand même les coudées
franches pour pouvoir faire certaines vérifications quand il le juge à propos. Et il peut avoir des motifs dans un
organisme, mais, pour pouvoir faire le travail qu'il souhaite, il peut
avoir à aller examiner d'autres organismes, voir comment ça se passe, et là il
n'aura pas nécessairement l'autorisation.
M.
Caire : Bien, pour que je comprenne bien ce que vous nous
dites, Mme Leclerc, c'est le fait que la loi spécifie qu'il doit y avoir des motifs à la vérification ou
le fait d'avoir à communiquer ces motifs-là aux dirigeants de
l'organisme qui vous dérange ou les deux?
Mme Leclerc
(Guylaine) : Les deux. Et je ne sais pas ce qui va se passer si
l'organisme dit : Bien, vos motifs ne sont pas suffisants. C'est
quoi, le processus? Alors, il y a un processus d'arbitrage.
<485 M.Caire : Bien, à ce moment-là, je vais vous amener de l'autre
côté du spectre. Est-ce qu'il n'y a pas un danger à ce qu'on permette à l'AMP de vérifier sans aucun
motif, de façon totalement arbitraire? Dans le fond, vous, ce que vous dites, c'est : L'AMP se lève un matin et
dit : Bon, bien, je vais aller vérifier tel processus parce que... Je ne
sais pas, est-ce qu'on va jusque-là?
Il ne doit pas y avoir quand même une... Tu sais, on se dit souvent que la
police ne peut pas aller à la pêche
pour qu'elle puisse agir, et encore faut-il qu'il y ait une raison qu'elle le
fasse. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir quand même les mêmes
paramètres pour un organisme comme...
Mme Leclerc
(Guylaine) : Bien, on ne parle pas d'enquête ici, on parle de
vérification. Donc, au niveau d'enquête, je suis d'accord avec vous,
mais, au niveau d'un processus de vérification, tout comme le Vérificateur
général, tout comme le ministère du Revenu, O.K., va aller vérifier sans avoir
nécessairement de motif, ça fait partie des bonnes pratiques. Et le fait de pouvoir vérifier sans motif, je vous dirais,
c'est déjà un frein et quelque chose qui va ajouter au fait que le
dirigeant va prendre ses responsabilités en sachant qu'éventuellement il
pourrait être vérifié par l'AMP.
M.
Caire :
Un peu sur le même sujet...
Le
Président (M. Spénard) : C'est tout le temps que nous avions à
notre disposition, M. le député de La Peltrie. Alors, je vous
remercie, Mme Leclerc, deuxième Mme Leclerc, Mme Boily et
M. Giguère.
Je suspends les
travaux et j'invite le prochain groupe à prendre place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 18 h 7)
(Reprise
à 18 h 10)
Le
Président (M. Spénard) : Alors, à l'ordre! La commission reprend
ses travaux en accueillant le Conseil du patronat, représenté par Me Guy-François Lamy, vice-président, et
M. Benjamin Laplante, directeur principal. Bienvenue, messieurs.
Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé.
Conseil du patronat du Québec
(CPQ)
M. Lamy (Guy-François) : Merci beaucoup. Bonjour. Merci de nous accueillir
et merci surtout de nous entendre aujourd'hui.
Je sais que nous sommes... à moins que l'horaire ait changé, nous sommes
votre dernier groupe aujourd'hui et, je
pense, à cette consultation-ci. Alors, c'est une tâche qui nous fait tout
honneur mais que je sais ingrate lorsqu'on passe les derniers. Je
tenterai d'être le plus intéressant possible pour vous ce soir.
Le Président
(M. Spénard) : ...toujours très intéressant.
M. Lamy (Guy-François) : Je sais, je sais. Je sais très bien. Je voulais
simplement préciser que j'allais faire cet effort supplémentaire dans
les circonstances. Donc, comme vous l'avez mentionné, M. le Président, mon nom
est Guy-François Lamy, je suis
vice-président Travail et affaires juridiques pour le CPQ, le Conseil du
patronat du Québec. On a eu
malheureusement un changement de dernière minute, je suis accompagné plutôt de
mon collègue Me Jean-René Lafrance,
qui est conseiller juridique au CPQ. M. Laplatte ayant eu un empêchement
de dernière minute, il n'a pas pu se présenter
avec nous aujourd'hui. Mais Me Lafrance, qui maîtrise particulièrement bien ce
dossier-là aussi, m'accompagne donc aujourd'hui.
Dans ce contexte, dans le contexte du dépôt du
projet de loi n° 108 et des consultations que vous faites présentement,
peut-être rappeler... je sais que plusieurs
d'entre vous nous connaissez quand même déjà un peu, d'autres beaucoup,
mais peut-être rappeler un peu le rôle du Conseil du patronat du Québec et plus
particulièrement à l'égard des questions comme
celle-là. Le CPQ est une confédération patronale. Donc, nous représentons,
directement et indirectement, plus de 70 000
employeurs au Québec — je dis directement ou indirectement — à travers les différentes associations
sectorielles qui composent la base du
membership du CPQ. Les employeurs que nous représentons sont issus autant des
secteurs privés que para, péripublic,
et viennent de la plupart, pour ne pas dire la quasi-totalité, des secteurs
d'activité économique qu'on retrouve au Québec. Plusieurs d'entre eux
sont donc des fournisseurs ou des fournisseurs potentiels de l'État et
grandement intéressés par le projet de loi que vous étudiez aujourd'hui.
La
mission du CPQ est de permettre aux employeurs du Québec de disposer des
meilleures conditions possible pour
prospecter. Nos orientations, nos propositions sont donc toujours dirigées dans
cette direction-là, et, pour ce faire, on s'est donné au CPQ, dans notre planification stratégique, cinq grandes
priorités. Et trois d'entre elles sont particulièrement visées dans le
cadre du projet de loi qui est ici : des finances publiques saines pour
une fiscalité concurrentielle, une économie
durable et une réglementation intelligente, soit une réglementation qui est
fondée sur les objectifs à atteindre plutôt que sur les moyens et les
processus pour y arriver. Et, à notre avis, le projet de loi répond à ces trois
grandes préoccupations, à ces trois priorités-là dans sa rédaction actuelle,
malgré certains commentaires que je formulerai un peu plus tard.
J'aimerais
préciser en quoi le projet de loi répond à nos priorités au CPQ. Bien, premièrement, quand on lit le projet de
loi, ce qu'on constate, c'est qu'il
est centré sur la favorisation de la concurrence entre les différents joueurs,
entre les différents soumissionnaires
sur les marchés publics. Et donc, en se centrant sur cet objectif
majeur, qui est de favoriser la concurrence, le projet de loi et la
création de l'AMP, éventuellement, devraient permettre aux organismes publics
de bénéficier, nous l'espérons, de services
à coûts concurrentiels, ce qui s'inscrit dans le cadre d'une saine gestion
des finances publiques, devrait aussi permettre un plus grand accès aux
marchés publics aux entreprises, ce qui s'inscrit dans le cadre du
développement d'une économie durable.
Et, pour votre
information, le CPQ, cette année, a conduit une étude économique sur
l'écosystème de la construction. Je
comprends que le projet de loi n° 108 ne vise pas seulement que la
construction, mais il reste que c'est un joueur, c'est un écosystème qui
est très important, qui a un poids important dans les marchés publics. Et ce
qui était intéressant de cette étude qui a
été réalisée pour nous par la firme Deloitte, c'est qu'on observe que le quart
de la croissance de productivité des dernières années au Canada est
attribuable au plan d'infrastructures. Donc, les contrats publics demeurent essentiels pour soutenir la croissance de
l'écosystème de la construction, mais aussi, comme je le disais un peu plus tôt, de l'économie en général. Et, quand on
constate que 20 milliards de dollars par année environ sont alloués
par le gouvernement du Québec à des contrats
publics, eh bien, ce n'est pas négligeable comme poids dans l'économie
québécoise.
Quant à notre
priorité sur la réglementation intelligente, eh bien, ce qu'on constate, c'est
que le projet de loi ne semble pas imposer
des processus et des formalités administratives démesurées aux entreprises ou
aux personnes intéressées, notamment quant au processus de plainte qui
est prévu par le projet de loi.
Quant aux
commentaires plus spécifiques, bien, notons premièrement que nous sommes
favorables à l'uniformisation des mécanismes de contrôle qui est prévue au sein
de l'Autorité des marchés publics et que le cadre de dépôt des plaintes est
bien défini dans le projet de loi. Et ça, dans le monde des affaires, c'est particulièrement
important. Un critère qui est particulièrement important, c'est celui de la
prévisibilité. Alors, lorsque nous lisons les dispositions constituant l'AMP et
particulièrement le processus de traitement des plaintes, ce qu'on constate,
c'est que ce critère de prévisibilité là est généralement rencontré.
Cela dit, et je sais que vous avez eu d'autres
groupes qui vous ont fait des commentaires là-dessus, il y a la question des
délais qui sont, à leur face même, très courts, il faut le reconnaître. Nous
reconnaissons par ailleurs qu'il ne faut pas non plus, dans un contexte d'appel d'offres public, étirer
indûment les délais. Il ne faudrait surtout pas tomber dans une procédurite excessive, dans une
succession d'appels, et de révisions, et de demandes, et de contrôles qui
ferait en sorte qu'on étirerait indûment et
qu'on finirait par perdre le momentum et étirer indûment le processus
d'appel d'offres. Donc, malgré
ce commentaire sur la relative... le fait que les délais nous apparaissent très
courts, nous reconnaissons l'importance que ces délais-là soient courts.
Cela dit, s'il y avait ajustement, modification... Je sais qu'il y a eu des débats sur la
question de passer de jours francs à
jours ouvrables dans ces questions-là. Je
pense que c'est une question qui est
importante à explorer, mais il ne faudrait
pas non plus tomber dans un excès de délais ici pour le traitement des
plaintes. Ça, c'est pour le traitement des plaintes au niveau de l'AMP à
proprement parler. Pour ce qui est du traitement des plaintes, la première
étape, là, préalable, là, la manifestation
de sa plainte auprès des organismes publics directement, bon, le projet de loi prévoit que les organismes publics vont devoir se doter d'une
procédure à cet égard-là, ce qui est plus que bien, ce qui est nécessaire dans
ce contexte-là.
Mais notre préoccupation ici, ça va être de
s'assurer, comme je le disais tout à l'heure, pour des raisons de prévisibilité, qu'il y ait une certaine cohérence.
Il faudrait que quelqu'un regarde ça entre les organismes publics
pour s'assurer qu'à tout le moins le processus de plaintes respecte certains
principes qui sont cohérents. Je ne veux pas nécessairement dire uniformes parce qu'on comprend qu'il y a
des plus petits, des plus gros organismes, des réalités qui sont
différentes, mais, à tout le moins, une certaine cohérence dans le
traitement pour que les différentes personnes intéressées
puissent s'attendre à un processus qui soit relativement similaire d'un organisme public à l'autre
puisque, pour l'instant, le projet de loi prévoit des grandes lignes à
ce sujet-là.
Et finalement
il y a un dernier point, qui est la question du rendement des contractants, et c'est une question qui est délicate. C'est une question qui est délicate parce qu'il est important, à notre avis, pour les
organismes publics, de pouvoir évaluer
leurs contractants, de pouvoir se doter aussi d'outils d'information à l'égard
de la satisfaction qu'ils ont à l'égard de ces contractants-là. Mais là ici on transige quand même, derrière ça,
avec des êtres humains, et, lorsqu'on transige avec des êtres humains, il faut se doter de certains
mécanismes pour assurer une certaine équité procédurale ici. On ne
souhaiterait pas qu'il se dégage de gros
litiges, comme je le disais tout à l'heure, de cette éventuelle situation là,
mais, à tout le moins faudrait-il permettre aux personnes intéressées,
aux entrepreneurs ici, aux contractants, suivant leur évaluation, de pouvoir à
tout le moins formuler certains commentaires, d'être entendus sur l'évaluation
qui a été faite.
Donc, en
résumé, le CPQ est favorable à la création de l'AMP en ce qu'elle deviendra une
organisation qui est dédiée à la
surveillance de l'attribution des contrats publics et qu'elle constitue, en
quelque sorte, une ultime pièce du casse-tête dans la refonte et la
révision, la réorganisation, un peu, de l'octroi et de la gestion des contrats
publics au Québec. Et donc le CPQ appuie le projet de loi. Merci.
Le
Président (M. Spénard) : Merci, M. Lamy. Alors, sans plus
tarder, je passerais la parole du côté ministériel à M. le président du
Conseil du trésor.
• (18 h 20) •
M. Leitão :
Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, messieurs, merci, bonsoir...
d'être là. Oui, en effet, vous êtes le dernier groupe aujourd'hui, mais
il y en a d'autres, deux ou trois autres demain. Donc, vous n'êtes pas les
derniers, derniers.
Vous parlez un peu de... vous avez mentionné, et
avec raison, que c'est nécessaire et utile de favoriser la concurrence. En fin de compte, c'est la
concurrence qui va nous mener à un contrôle des prix, de l'innovation, et tout
ça. En même temps, je ne sais si vous étiez
là avant ou quand Me Noreau nous faisait part de ses remarques, toute la
question autour d'un dialogue constructif entre les entreprises et le gouvernement, dialogue qu'il me semble qui est nécessaire pour qu'on puisse bien faire les choses, mais, étant
donné les développements des dernières années, ce dialogue-là devient de plus
en plus difficile. Donc, tout le monde se retient un petit peu.
Alors, dans un tel environnement, comment est-ce
qu'on peut promouvoir la confiance et la concurrence?
M. Lamy
(Guy-François) : J'ai effectivement entendu cette portion-là. Je suis arrivé pendant le témoignage
du professeur Noreau, et qui est d'ailleurs mon ancien professeur à
la Faculté de droit de l'Université de Montréal. J'ai entendu son commentaire et je partageais sa lecture sur
l'importance de la transparence. Pourquoi? Parce que je partage encore
plus le commentaire que vous avez formulé,
M. le ministre, en introduction de votre question, à l'effet que la
communication doit se rétablir. Ce qui s'est
passé dans les dernières années, et ça, chez nos membres, on nous l'a dit, on
nous l'a répété, ce qui s'est passé
dans les dernières années, c'est que tout a gelé et toutes les communications,
tous les ponts ont été coupés.
Et ça, je
comprends, par prudence, avec ce qui s'est passé, je comprends que les gens,
les fonctionnaires aient décidé
d'être prudents, et j'aurais probablement eu un réflexe similaire à leur place,
mais avec un effet par ailleurs négatif qui est celui de perdre une certaine connaissance aussi de ses fournisseurs.
Puis j'ai aussi entendu la Vérificatrice générale, juste avant, dire, et
je suis entièrement d'accord avec ce qu'elle a dit lorsqu'elle a dit qu'il
fallait demeurer... le critère de l'imputabilité des gestionnaires dans les
organismes publics était déterminant, et c'est vrai.
Et on l'a
répété à plusieurs reprises dans plusieurs tribunes sur la question des contrats
publics au CPQ, c'est-à-dire l'importance de préserver cette
imputabilité-là, mais, pour ce faire, il faut en même temps... pour être
adéquatement imputable, si je peux dire
ainsi, il faut se doter des connaissances et de l'expertise pour pouvoir
adéquatement les gérer, les contrats
publics en question. Et la relation, la connaissance du milieu et des
fournisseurs fait partie de ça. Savoir ce qui existe sur le marché, ça fait partie de ça, et, pour
savoir ce qui existe sur le marché, bien, il faut avoir l'occasion
d'échanger.
Maintenant,
effectivement, à cause de ce qui s'est passé, on doit trouver des balises, et
l'analogie de la salle d'attente qu'a faite
le professeur Noreau tout à l'heure était tout à fait adéquate, à mon avis.
Alors, lorsque ces échanges-là et ces
discussions-là se font dans un cadre qui est entièrement transparent, ça ne
peut qu'être bénéfique pour tout le monde, à notre avis.
Le Président
(M. Spénard) : M. le ministre.
M. Leitão :
Très bien. Merci. Dans un autre ordre d'idées, aussi plusieurs autres groupes
nous ont fait part d'une problématique
importante, c'est-à-dire les délais à l'AMF en ce qui concerne les certificats
de conformité. J'oublie toujours le nom de ces choses-là, mais, en tout
cas, vous savez ce que je veux dire.
Éventuellement,
ce mandat-là, cette tâche-là va migrer vers l'AMP, mais comment est-ce que vous
voyez ça? Donc, d'abord, la nécessité de continuer à avoir de tels
certificats et puis comment est-ce qu'on pourrait rendre ça un peu plus rapide?
M. Lamy (Guy-François) : Je pense que je vais rendre à l'AMF ses lettres
de noblesse ici, et nous avons été assez critiques au début du processus
parce qu'effectivement il y avait des délais qui étaient passablement
complexes, les questions qui étaient posées,
les formulaires à remplir pour obtenir le certificat d'autorisation, et il
fallait s'y prendre très, très, très
longtemps d'avance. Et l'AMF s'est beaucoup améliorée au niveau de ses délais à
travers le temps. Je ne dis pas qu'il n'y a jamais d'amélioration à
faire, mais elle s'est beaucoup améliorée. C'est surtout le début qui a été...
je me permettrais de dire chaotique, là, et je pense que les gens de l'AMF le
diraient aussi. Eux aussi ont dû s'adapter à cette réalité-là.
Dans
le cadre du transfert de cette activité-là ou de cette compétence-là à l'AMP, à
mon avis, il y a un élément de la solution qui pourrait être très
bénéfique, ça serait que l'AMF partage son expérience à l'AMP. Je pense que
c'est... Il y a des choses ici qui se font
déjà, là, et on va confier à un organisme spécialisé le mandat de les
continuer. Je pense qu'il est important de ne pas simplement passer le
dossier aux collègues et de s'en laver les mains. Je pense qu'il pourrait être
bénéfique d'avoir un échange, d'avoir beaucoup de partage entre les personnes
qui ont travaillé sur ces dossiers-là au moment de la création du...
l'instauration du certificat de conformité vers les gens qui vont devoir faire
ça au niveau de l'AMP, là.
M. Leitão :
Merci. Je vais passer la parole aux collègues, mais juste mentionner qu'à cet
égard-là, en fin de compte, ce sont les
mêmes personnes. Nous, l'objectif, c'est de prendre ce groupe, qui est
présentement à l'AMF, qui s'occupe de cela. C'est ce groupe-là qui
passerait à l'AMP pour justement...
M. Lamy
(Guy-François) : En tout cas, je peux imaginer que le...
M. Leitão :
...pour justement éviter de faire...
M. Lamy
(Guy-François) : Je peux imaginer que le transfert d'expertise ne
devrait pas être trop difficile.
Le Président
(M. Spénard) : Alors, M. le député de La Prairie.
M. Merlini :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, d'être présents ce soir.
Merci d'avoir fait taire les machines à l'extérieur, là, ça rend le
travail un peu plus agréable.
Vous
avez parlé, au début, que l'AMP va favoriser la concurrence, le ministre en a
parlé en échangeant avec vous là-dessus.
Mais j'aimerais vous entendre. Quand vous dites que ça va aussi permettre un
plus grand accès aux marchés publics par rapport à vos membres,
j'aimerais vous entendre élaborer un peu plus, là. Qu'est-ce que vous voulez
dire exactement par : Soudainement, il
y aurait un plus grand accès aux marchés publics? Est-ce que c'est une question
de confiance? Parce qu'on l'a entendu, ça
aussi, de certains de nos groupes qui sont venus témoigner qu'il fallait
rétablir cette confiance-là. Est-ce que c'est sous cet angle-là?
M. Lamy (Guy-François) : L'élément de la confiance est certainement
sous-jacent à ça, mais ce n'est peut-être pas là qui est le point le
plus central de cette question-là.
Si
on dit que la création de l'AMP a le potentiel de favoriser un plus grand accès
aux marchés publics, c'est surtout parce
que, ce qu'on comprend du projet de loi, c'est que l'AMP va avoir ce pouvoir
englobant, disons, de surveillance et de contrôle des marchés publics,
et donc potentiellement de pouvoir formuler des recommandations ou de faire des
interventions qui vont faire en sorte que certaines pratiques d'appel d'offres
pourraient être modifiées et, en ce sens, de favoriser la concurrence.
En
favorisant la concurrence, puis c'est ce qu'on dit aussi dans notre mémoire,
bien, il y a potentiellement, si la chose est bien faite, évidemment, la
possibilité d'ouvrir un peu plus les marchés aux PME, entre autres, et ça,
c'est particulièrement important, tout en
s'assurant, puis je ne veux pas sonner comme le gars qui parle des deux côtés
de la bouche, c'est un tout, mais
tout en s'assurant aussi que les plus grandes entreprises, qui, elles, sont en
concurrence mondiale, puissent pouvoir continuer de travailler ici et de
fournir des services ici à l'État lorsque le contrat s'y prête plus facilement
parce qu'en fait elle est toute là, la dynamique.
C'est
qu'il y a des types de contrats qui sont probablement plus désignés pour être
effectués par des plus petites entreprises
soit par leur ampleur, par l'expertise qui est nécessaire, etc., mais il y en a
d'autres qui vont continuer d'être là pour
alimenter nos grands fleurons ici, au Québec, et les amener à continuer
d'innover et peut-être même les aider à migrer vers des marchés
internationaux aussi à cause de l'expertise qu'ils continuent de développer
ici.
Donc, quand on regarde ça dans son
ensemble, c'est ça qui est positif par rapport à une approche comme
celle-là. Évidemment, comme je l'ai dit, encore faut-il que la chose soit bien
faite. C'est une chose de l'écrire, c'est une autre chose de le faire.
M. Merlini : De le mettre en application. J'aimerais vous entendre davantage aussi
sur une autre chose que vous avez
soulevée, sur l'uniformisation des mécanismes de contrôle, des pratiques de
contrôle, parce que vous dites que ça pourrait
avoir l'effet d'augmenter l'efficacité des organismes publics. Alors,
j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.
M. Lamy (Guy-François) : C'est-à-dire que, si on s'assure que les
organismes publics sont cohérents, comme je le disais tout à l'heure... je vais parler pour le processus de plaintes,
mais pour le processus aussi de gestion de l'attribution des contrats. Si les organismes publics sont cohérents
dans leur approche et dans leur pratique, il peut en découler
potentiellement un processus d'amélioration continue qui soit, on l'espère,
efficace. On peut penser que ça peut entraîner plus de synergie entre les
organismes publics aussi, d'échanges de bonnes pratiques sur la façon de faire.
C'est
là où il y a le potentiel, donc, de rendre le processus plus cohérent, plus
efficient, plus efficace si on sait qu'on a un chef d'orchestre pour les
organismes publics, qui est l'AMP, et qui coordonne ce genre d'activités là, ce
genre d'échanges là aussi, oui, par un rôle de vérification et d'enquête comme
on lui dévolue, mais aussi de par l'aspect formation
et information qui peut en découler pour les organismes publics. Autrement dit,
on quitte les petits bastions un peu
partout avec chacun leur culture et leur façon de faire et, tout en leur
laissant l'indépendance qu'ils ont pour gérer leurs contrats publics
parce que c'est important, on a quelqu'un qui est là pour faire un suivi de
cette cohérence-là. Et c'est là où il y a un potentiel qui est intéressant dans
la création d'un organisme comme l'AMP.
M. Merlini :
Croyez-vous, à ce moment-là, que ça ajoute à l'aspect important de la
prévisibilité dont vos membres considèrent très, très, très importante?
M. Lamy (Guy-François) : Fort probablement. C'est fort probablement un
élément qui ajoute à la prévisibilité. Si je sais que je suis fournisseur d'un organisme A, B, C et E et que je
peux m'attendre à des pratiques qui se ressemblent, bien, que chacun de ces organismes-là a sa
spécificité, mais que je peux m'attendre à des pratiques qui soient
similaires d'un organisme à l'autre, oui.
• (18 h 30) •
M. Merlini :
Concernant le délai des plaintes dans
le processus des plaintes, vous avez fait le parallèle
entre... bon, les délais semblent courts à prime abord, mais que vous ne voulez
pas non plus retarder indûment les processus contractuels.
Où voyez-vous l'équilibre, là, entre les deux? Parce qu'il y a eu des
suggestions de faire... il y en a qui ont dit que les délais étaient
parfaits. On nous a dit : Bien, il y a des places que le délai n'est pas
défini. Et d'autres nous ont dit :
Bien, ça prendrait quelque chose d'un
peu plus long. Alors, j'aimerais vous entendre davantage sur l'équilibre
qui est à atteindre, là, là-dedans.
M. Lamy
(Guy-François) : Alors, j'avoue que mon commentaire pouvait sembler
particulier, là. Je sais que j'ai sonné en
vous disant : C'est bon puis ce n'est pas bon, et c'est vrai que c'est bon
puis ce n'est pas bon. Mais là je vous dirais :
Moi, je n'ai pas... honnêtement, nous n'avons pas, au CPQ, l'expertise pour
vous dire : Ah! ça va être quatre jours, cinq jours, 10 jours.
Une
recommandation qui est apparue, qui pouvait sembler intéressante, c'était trois
jours ouvrables. Et ça peut nous apparaître raisonnable dans les
circonstances. Si vous me demandez de me commettre, c'est probablement dans
cette direction-là que j'irais parce que
d'aller beaucoup plus loin pourrait enliser probablement le processus indûment,
mais encore faut-il que les gens soient
capables de réagir, autrement dit. Donc, ce que je vous dis, c'est que trois
jours, c'est court, mais c'est en
même temps raisonnable. On pourrait peut-être le bonifier, aller à trois jours
ouvrables pour permettre... Il n'y a personne qui aime ça, travailler la
fin de semaine, là.
Le
Président (M. Spénard) : Merci beaucoup. Le temps étant écoulé,
alors je passe maintenant la parole à la représentante de l'opposition
officielle, la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Bienvenue au parlement.
Je
voudrais revenir sur votre mission, d'une part, qui est d'avoir les meilleures
conditions pour les entreprises que vous
représentez pour qu'elles puissent prospérer, évidemment. Tout à l'heure, la
Fédération des chambres de commerce nous a parlé du climat de confiance.
Vous l'avez un peu glissé tout à l'heure lorsque le gouvernement, les députés ministériels vous en parlaient. C'est sûr que,
suite aux recommandations de la commission Charbonneau, tout ce qu'on a
pu vivre les dernières années, le
gouvernement a mis certains projets de loi au fil des dernières années, a fait
certaines actions.
Les entreprises que
vous représentez, est-ce qu'elles retrouvent encore sur leur chemin, je
pourrais dire, des difficultés qui... et
qu'on ne retrouve pas, en fin de compte, l'équilibre qu'on doit y avoir parce
qu'il y a eu des excès de tous bords,
tous côtés? Le projet de loi n° 108, qui est devant nous, permet de
rétablir, dans le fond, tout le processus de gestion des contrats, mais, pour vos entreprises, est-ce
que... On a jasé avec la Fédération des chambres de commerce des liens
de communication avec le gouvernement, le climat de confiance qui n'est pas
tout à fait rétabli entre les fournisseurs, mais
entre aussi les fonctionnaires du gouvernement ou les hauts dirigeants, ce
climat-là... puis, en même temps, il faut trouver un équilibre pour
s'assurer que ça ne soit pas... qu'il soit raisonnable ou... tu sais, à
certaine façon.
Alors, d'une
façon générale, dans le fond, comment vous voyez... Face aux entreprises que
vous représentez, est-ce que vous trouvez que l'équilibre est retrouvé,
le climat de confiance, et il y a une ouverture présentement?
M. Lamy
(Guy-François) : Pour vous dresser un peu l'état psychologique, si je
peux le dire ainsi, des entreprises du
Québec ou, en tout cas, à tout le moins la très grande proportion qu'on
représente, c'est un sentiment... en fait, ça part d'un sentiment d'avoir été victimes par la bande des agissements
de certaines autres entreprises, dans le fond. On ne va pas se le cacher, là, il y a eu certaines
entreprises qui ont eu des comportements qui font en sorte que tout le
monde a payé pour dans la relation, notamment avec l'État, aussi dans la
relation de confiance avec le public, d'ailleurs, là.
Et cette
relation de confiance là, non, c'est vrai qu'on ne l'a pas ressenti qu'elle est
complètement revenue. Et c'est pour
ça que nos membres nous disent, à chaque fois qu'il y a une mesure qui est
prise comme le projet de loi n° 108, comme le projet de loi
n° 1 de la législature précédente, comme Passeport Entreprises, comme les
recommandations de la commission
Charbonneau, nos employeurs, à chaque fois, nous disent : Oui, go,
poussons et implantons ces mesures-là, question
qu'on se donne un cadre, parce que c'est des cadres qui n'étaient pas là, mais
question qu'on se donne un cadre qui va
faire en sorte qu'on va pouvoir travailler à le rétablir, ce lien de confiance
là, tant avec l'administration publique, qu'avec le public, qu'avec la
population en général.
Donc, non, on
ne peut pas dire malheureusement que
c'est complètement rétabli, mais il y a des pas qui se
font d'une étape à l'autre, avec, entre autres, les exemples que je viens de
vous donner, qui sont des pas dans la bonne direction
et qui font en sorte qu'on va pouvoir de
plus en plus ressentir cette...
recommencer à respirer un peu, là, dans ce contexte-là. Je pense que c'est comme ça qu'on peut l'analyser. À l'heure actuelle, là, la photo à la fin septembre 2016, elle est là. Donc, on est
dans une bonne direction, là.
Mme Léger : Donc, de créer l'Autorité des marchés publics,
pour vous, n'est pas nécessairement, comme parfois les entreprises ou le Conseil du patronat souvent aussi nous
disent, ce n'est pas une bibitte de plus, là. Ce n'est pas une organisation, là, qui vient vous mettre des bâtons dans les roues, parce que,
souvent, le Conseil du patronat nous dit : Bon, qu'est-ce que vous allez encore inventer, là, pour nous mettre, là, des bâtons dans
les roues? Vous ne le sentez pas comme ça parce que vous appuyez le projet de loi n° 108, et, pour vous, dans le fond, ça permet de
clarifier, dans le fond, tout le processus de gestion des contrats.
M. Lamy
(Guy-François) : Non seulement ce projet de loi là ne nous met pas de bâtons dans les roues, ce
projet de loi là nous en enlève. C'est un projet de loi qui va aider les entreprises, ici, à avoir, comme je l'ai dit, un accès
plus transparent, plus organisé et plus
clair aux marchés publics, et donc à contribuer à ce ménage-là qu'on fait
depuis bientôt... je n'ai pas calculé combien d'années que ça a commencé,
là, mais, depuis quelques années, à ce ménage qu'on fait et qui aide.
Alors, non
parce que ce n'est pas un projet de loi, ici... je parlais de réglementation
intelligente tout à l'heure, ce n'est
pas un projet de loi, ici, qui vient imposer un fardeau administratif indu aux
entreprises. Ce n'est pas un projet de loi qui vient créer des obligations exubérantes aux entreprises. Au
contraire, c'est un projet de loi qui vient doter l'administration publique d'un organisme qui va agir, comme je le
disais tout à l'heure, comme chef d'orchestre des contrats publics au Québec et qui va, on l'espère, réussir à clarifier
puis à finir le ménage pour faire en sorte que les affaires puissent se
faire comme elles devraient se faire, essentiellement.
Mme Léger : Vous parlez
aussi de concurrence internationale quand vous dites, dans votre mémoire, que
«certaines [entreprises] sont des fleurons ayant contribué à édifier le Québec
moderne, sont fortement exposées à la concurrence
internationale et doivent bénéficier également de conditions d'accès aux
marchés publics qui permettent de mettre en valeur et de bonifier leur
expertise et leurs compétences».
Est-ce que, pour vous, le projet de loi
n° 108, outre le grand pan que vous exposez, là, est-ce que le projet de loi
n° 108 correspond, dans le fond, à tout ce déploiement?
M. Lamy
(Guy-François) : Oui, le
projet de loi n° 108 s'inscrit là-dedans, premièrement parce que... Avec
respect pour les gens qui ont eu l'idée de l'Autorité des marchés publics, ce
n'est pas une idée particulièrement originale au Québec, là. Il y en a dans d'autres États, il y en a au niveau
international, particulièrement en Europe, il y en a aussi certains modèles aux États-Unis. Autrement dit, c'est un
modèle de contrôle et de surveillance des marchés publics qui existe
ailleurs dans le monde. Donc, le Québec,
là-dessus, se met au même pied d'égalité que la plupart des principaux marchés
internationaux dans lesquels les entreprises d'ici font affaire.
Alors, la façon de fonctionner ici risque de ne
pas être à 180 degrés avec ce que les entreprises qui sont sur le marché
international vivent dans d'autres marchés internationaux sur lesquels elles
ont peut-être même déjà l'expérience d'avoir
transigé dans un contexte comme celui-là. Alors, à ce niveau-là, je pense que
c'est bénéfique, et donc, si, ce
faisant, on travaille, comme je vous le disais, à rétablir le lien de
confiance, et donc à faire en sorte que faire des affaires avec l'État au Québec se fait selon des
règles et dans un contexte qui est compréhensible et facile, entre
guillemets, bien, évidemment c'est, comme je
le disais tout à l'heure, de l'expertise ici, c'est de l'innovation qui va
pouvoir continuer de se faire ici et
qui va pouvoir être exportée par ces joueurs-là aussi, qui sont déjà sur le
marché international, et vice-versa. Leur expérience du marché
international, on va aussi pouvoir en bénéficier ici.
Le
Président (M. Spénard) : Merci, Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles. Alors, la parole est maintenant au représentant du
deuxième groupe d'opposition. M. le député de La Peltrie, la parole est à
vous.
M.
Caire : Merci, M.
le Président. Peut-être deux petites questions principalement. La première va
toucher l'indépendance de l'AMP, c'est un
sujet qui a été abordé par plusieurs personnes qui sont venues nous voir, puis
savoir, dans sa forme
actuelle... Puis, dans votre discours, j'ai aussi cru comprendre que vous aviez
une certaine connaissance d'autres
instances qui existent ailleurs dans le monde. Donc, je présume que vous avez
un peu étudié ce qui se faisait ailleurs.
Est-ce que, dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 108 garantit, selon vous, une indépendance
suffisante à l'AMP?
• (18 h 40) •
M. Lamy
(Guy-François) :
Premièrement, je vous dirais que les fonctions et pouvoirs qui sont dévolus à
l'AMP actuellement sont assez en ligne avec ce qu'on est habitués de voir comme
fonctions et pouvoirs d'organismes de vérification
et de surveillance habituels. Donc, dans ce sens-là, quand on a lu le projet de loi, on n'a pas sursauté. Pour nous, c'était conforme et ça allait de
soi.
Au niveau spécifiquement de l'indépendance, il y
a une question qui a été soulevée, notamment par la Vérificatrice générale, qui est celle de la nomination et du rapport...
à qui doit se rapporter l'autorité en question. Et j'ai entendu que la vérificatrice était très favorable
à ce qu'il se penche au niveau... il se rapporte à l'Assemblée
nationale. Je vous dirais que ce n'est pas
une question qui a été débattue avec les membres, en tout cas, qu'on a
consultés chez nous, la préoccupation du monde des affaires étant que ça
fonctionne et que ça fonctionne bien.
Si vous me
posez la question, à savoir est-ce que cet organisme-là devrait relever de
l'Assemblée nationale, je vous dirais :
S'il relève de l'Assemblée nationale, ce ne sera pas une mauvaise chose. Pour
nous, au CPQ, ça ne fait pas une différence
majeure dans la mesure où il rencontre et atteint ses objectifs, mais, je dois
constater, c'est vrai que, souvent, les organismes de vérification, de contrôle ou, à tout le moins, la
nomination des membres qui composent des organismes-là s'effectue par
l'Assemblée nationale à l'unanimité, au deux tiers, selon de qui on parle. On
parlait de la Protectrice du citoyen, mais
c'est aussi vrai pour la Commission d'accès à l'information, par exemple. Et ce
n'est pas une mauvaise chose, lorsque l'intérêt le justifie
particulièrement, que ce soit fait comme ça.
M.
Caire : Je vais
aller dans une autre direction parce que c'est un sujet qui a aussi été abordé
par d'autres personnes qui sont venues nous
rencontrer. On a suggéré que, dans le cas où l'AMP suspende le processus
d'adjudication de contrat ou annule l'octroi
d'un contrat, l'entreprise qui aurait dû avoir le contrat, qui avait signé le
contrat, qui est de bonne foi, parce
qu'on rajoute toujours cet élément-là dans le processus, puisse recevoir une
compensation. Est-ce que c'est un sujet sur lequel vous vous êtes
penchés?
M. Lamy
(Guy-François) : Pour être
franc avec vous, non. C'est un sujet sur lequel on ne s'est pas penchés.
On s'est préoccupé de préoccupations plus
macro que celle-là, et c'est un sujet qui est complexe parce que, derrière ça,
il y a un principe qui est juste, qui
est très valable, en fait, qui est de dire : Si j'ai été de bonne foi et
que je suis victime, en quelque sorte, d'une erreur de l'organisme
public, je devrais en être compensé.
Comment arrimer cette mécanique-là? Comment
faire fonctionner tout ça derrière? C'est d'une très grande complexité. Comment
calculer cette compensation-là, cette indemnisation-là?
Nous ne
sommes pas allés jusque-là. Ça demande une certaine expertise aussi que nous
n'avons pas, je vais être franc avec
vous. Mais donc c'est une question qui est pertinente. C'est une question qui
est fort pertinente, sauf qu'on n'a pas l'expertise pour se prononcer,
pour faire une recommandation formelle là-dessus, disons.
M.
Caire : On a aussi
beaucoup parlé de l'AMP comme un pôle d'expertise dans la gestion des processus
contractuels. Et, bon, il y a évidemment un
volet de surveillance, mais beaucoup d'intervenants sont venus nous
dire : Il devrait y avoir aussi un
volet d'accompagnement et un volet de formation. Est-ce qu'un organisme comme
le CPQ voit aussi cette fonction-là à l'AMP?
M. Lamy
(Guy-François) : Je vous
dirais que n'importe quel organisme qui est investi d'un pouvoir de
vérification et de contrôle a aussi souvent un devoir d'accompagnement,
d'information pour favoriser la conformité à
la loi. C'est vrai avec l'Office de la langue française, c'est vrai avec
la CNESST. Ces gens-là sont aussi là pour accompagner.
On le vit avec nos employeurs, là, particulièrement avec ces deux
organismes-là. Ils ne sont pas juste là pour taper sur les doigts, ils sont là pour aider à se conformer à la
réglementation, à la législation. Donc, c'est un objectif qui est
certainement louable.
M.
Caire : D'après
vous, ce serait normal que l'AMP le fasse.
M. Lamy (Guy-François) : Oui.
Le Président (M. Spénard) :
Merci beaucoup, MM. du Conseil du patronat, M. Lamy et M. Lafrance.
Alors, je lève la séance et j'ajourne la
commission à demain, 11 h 30.
(Fin de la séance à 18 h 45)