(Quinze heures trente-six minutes)
Le
Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte et, bien
sûr, je demande à toutes les personnes de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder à des consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi
n° 108, Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics
et instituant l'Autorité des marchés publics.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Bonnardel (Granby) remplace M. Caire (La Peltrie).
Le
Président (M. Bernier) : Merci beaucoup. Donc, voici l'ordre du jour pour cet après-midi.
Nous aurons le plaisir d'entendre la Commission de la construction du
Québec, le Bureau des soumissions déposées du Québec et l'Association des
firmes de génie-conseil du Québec.
Auditions (suite)
Donc, je
souhaite la bienvenue à tous les parlementaires qui vont participer à cette commission parlementaire, ainsi que les
recherchistes et les gens du Secrétariat du Conseil du trésor. Merci d'être
présents. Je veux souhaiter la bienvenue, bien sûr, à nos invités.
Mme Lemieux, bon retour à l'Assemblée nationale.
Commission de la
construction du Québec (CCQ)
Mme Lemieux (Diane) : ...
Le Président (M. Bernier) :
Ah! O.K. Je croyais... non, je m'interrogeais. Peut-être que...
Mme Lemieux
(Diane) : ...M. le Président, merci. C'est toujours un plaisir quand
même de venir m'adresser à vous. Je
suis accompagnée de Me François Charette, qui est vice-président aux affaires
juridiques et secrétaire général de la Commission de la construction du
Québec.
Le Président (M. Bernier) :
Bienvenue, M. Charrette.
Mme Lemieux (Diane) : Je vais
dire le plus souvent CCQ, qui est l'acronyme bien connu.
Alors, d'entrée de jeu, deux remarques. Nous
avons déposé un mémoire. Je présume que vous en avez pris connaissance, mais je
vais me permettre quand même de prendre quelques minutes pour vous exposer les
principaux éléments.
D'abord, je veux vous dire que, comme présidente-directrice générale et de la part également de mes
collaborateurs, et je dirais même aussi...
on a eu une conversation avec le conseil
d'administration de la CCQ, qui est
représentée par les associations
patronales, syndicales et aussi les membres indépendants. Nous comprenons très bien
les objectifs du projet de loi n° 108, la création
de l'Autorité des marchés publics.
Je sais que vous allez rencontrer, au cours des
prochains jours, plusieurs groupes, associations qui sont dans la grande famille de la construction. Ils auront
probablement un propos beaucoup plus substantiel que le mien parce que
ce que je veux vous exposer, c'est la pertinence d'assujettir la CCQ à ce
projet de loi. Et, pour comprendre cet enjeu de pertinence, je me permets de rappeler... et souvent les gens... Vous
savez, la CCQ, c'est une bibitte particulière. Ce n'est pas un ministère, ce n'est pas une agence, ce
n'est pas une régie, ce n'est pas une société d'État, c'est un organisme
paritaire qui a, parmi ses mandats, certains mandats d'ordre public.
Alors,
l'environnement juridique actuel dans lequel fraie la CCQ est le suivant. La
CCQ n'est pas assujettie à la Loi sur
l'administration publique parce que ce n'est pas une composante de
l'administration publique. La CCQ n'est pas assujettie à la Loi sur la
fonction publique parce que son personnel n'est pas du personnel dit
fonctionnaire, donc les conditions de
travail sont déterminées par mode de négociation, entérinées par le conseil
d'administration. La CCQ n'est pas assujettie à la Loi concernant les
conditions de travail dans le secteur public. Elle n'est pas assujettie à la
Loi sur les infrastructures publiques. Elle
n'est pas assujettie à diverses lois qui encadrent les régimes de retraite des
employés des secteurs publics.
Essentiellement, elle n'est pas assujettie à la Loi sur les contrats des
organismes publics, sauf un aspect, celui de se doter d'une politique
d'approvisionnement.
Alors, vous comprendrez que, lorsqu'on
a vu apparaître le nom de la CCQ dans la portée du projet de loi
n° 108, nous avons été passablement
surpris, d'autant plus que la manière dont le projet de loi prend au passage la CCQ dans son giron, c'est en nous assujettissant à la Loi sur
les contrats des organismes publics. Nous ne l'étions pas, sauf pour un aspect
dont je vais vous reparler. Donc, la manière
dont le projet de loi fait en
sorte que la CCQ serait, hypothèse,
assujettie à la l'Autorité des
marchés publics, c'est en amendant, et on le voit à l'article 79
du projet de loi, c'est donc en amendant la Loi sur les contrats
des organismes publics.
• (15 h 40) •
Alors,
actuellement, donc, la CCQ n'est pas tout ce que je viens de
vous décrire. Et, comme je vous l'indiquais, nous avons le devoir
d'avoir une politique d'approvisionnement, ce que nous avons. Nous l'avons adoptée
en 2012. Et pourquoi la CCQ n'est pas
qualifiée d'«organisme public»? Parce
qu'essentiellement son financement ne vient pas des fonds publics. Le
financement des fonds publics, à 98 %, provient d'un prélèvement que nous
recueillons auprès des employeurs et des travailleurs pour chaque heure déclarée. Ce ne sont pas des fonds gouvernementaux, ce sont des fonds privés.
Et ces fonds-là servent à la fois au fonctionnement
de la Commission de la construction, mais aussi aux différents programmes et ententes. Notamment, nous gérons,
par exemple, le régime de retraite des travailleurs de l'industrie de la
construction, nous gérons le régime d'assurance des travailleurs. Donc, ce ne
sont pas des fonds publics, ce sont des fonds privés.
Comme
je vous le disais, nous étions tout de même tenus, par la Loi des contrats des
organismes publics, de se doter d'une
politique qui respecte tout accord intergouvernemental, bien sûr, et un certain
nombre de principes, par exemple la transparence dans les processus
contractuels, le traitement intégré et équitable des concurrents, la mise en
place de procédures efficaces et
efficientes, la reddition de comptes. Donc, comme je vous le disais, nous avons
cette politique-là depuis 2012, et qui
rencontre tous ces critères. Et nous avons un mécanisme supplémentaire puisque
le conseil d'administration surveille de près tous les contrats de
150 000 $ et plus qui nécessitent l'approbation du conseil
d'administration. Et 150 000 $ comme seuil d'approbation, c'est un
seuil qui est très inférieur à ce qu'on peut noter dans d'autres organismes,
même des organismes publics. Voilà.
Et
la portion... Alors, nous avons évidemment un bout de financement à la hauteur
de 3,6 millions qui provient du ministère des Finances et qui fait
en sorte que la CCQ peut contribuer, par différentes stratégies, à la lutte à
l'évasion fiscale. Maintenant, cette
subvention-là, ce sont des fonds publics, j'en conviens, mais ces fonds-là ne
servent pas d'aucune manière à
déployer ces contrats. C'est des fonds qui permettent de supporter des
initiatives significatives qui vont dans le sens de la lutte à l'évasion fiscale. Alors, on voit mal, dans les
circonstances, l'opportunité d'assujettir la CCQ d'abord à la loi sur
les contrats publics et ayant pour effet de l'assujettir, donc, à l'Autorité
des marchés publics.
Par ailleurs, je note
que le projet de loi n° 108 introduit une obligation pour les organismes
de se doter d'un mécanisme de traitement de
plaintes. Alors, la CCQ dispose d'un bureau de plaintes qui relève d'ailleurs
de la présidente-directrice générale,
ce qui témoigne du fait que c'est un suivi très personnel que j'accorde à la
question des plaintes qui peuvent
concerner toutes sortes de matières : des contrats, des services, de la
réglementation. Donc ce processus est donc efficient et efficace. Donc, on a donc un cadre juridique qui, je crois,
respecte à la fois l'autonomie et la réalité de l'univers de la CCQ et,
en même temps, le respect des principes de bonne gouvernance et de transparence.
Je
dirais également que... Écoutez, j'ai tenu un propos similaire en 2014, lorsque le projet de loi n° 15, la Loi
sur la gestion et le contrôle des effectifs
des ministères, avait aussi, dans sa première version,
assujetti la CCQ. Et c'est exactement le
même problème que j'ai soulevé dans ce cas-là de manière encore plus précise. Le personnel de la
CCQ n'étant pas un personnel de la
fonction publique, quand bien même, comme le fixaient les objectifs de la loi,
le ministre en titre fixait des objectifs
de réduction de personnel ou je ne sais quoi, ça aurait eu zéro effet sur les
finances publiques du Québec puisque nous ne disposons pas de fonds
publics. Donc, c'est un petit peu le même débat.
Alors,
je ne crois pas qu'il est dans l'intérêt public, en tout cas, quand je regarde
les objectifs de la loi, d'assujettir la CCQ. J'ajoute aussi que, dans
le travail que la CCQ a à faire, plusieurs d'entre vous êtes plus familiers,
mais, vous savez, on émet les cartes
de compétence, on s'occupe de formation professionnelle, on s'occupe de gérer
les différents régimes, assurances,
régime de retraite, puis on fait de l'inspection de chantier. Nous, on
n'intervient d'aucune manière à l'étape des contrats, quels qu'ils soient. De temps en temps, on peut
donner des conseils à des donneurs d'ouvrage parce qu'on observe des choses. On vient de finir une
opération, par exemple, sur les chantiers qui étaient en activité durant
la période des vacances de la construction. On a eu des contacts
privilégiés avec le MTQ, la ville de Montréal. On va faire des observations, mais nous n'avons aucun pouvoir.
Aucun élément, dans notre juridiction, ne concerne l'octroi de contrats.
Là, je parle de notre mandat. Nous, nous intervenons une fois que les contrats
sont octroyés.
Alors,
je terminerais tout de même en vous disant deux choses. Je vous ai indiqué
que nous avions un processus de plainte. Je comprends aussi que c'est un
mécanisme qui est souhaité dans le projet de loi. S'il était dans l'intérêt des
parlementaires qu'il y ait quand même
un certain droit de regard, donc, il y aurait là, peut-être,
une possibilité. J'essaie de trouver une... parce que je ne veux pas que vous interprétiez mon propos
comme étant : La CCQ veut se soustraire de ses obligations. Nous
assumons nos obligations, mais il faut que ça soit pertinent de le faire dans
le bon cadre.
Alors,
je pense qu'une des options qui pourrait être envisagée,
c'est, je vous le soumets respectueusement, de nous sortir de la dynamique de nous assujettir à la loi
sur les contrats publics. Puis, si c'est le souhait des parlementaires,
dans le cas où il y a
des plaintes, nous pourrions être assujettis au mécanisme de plaintes pour
l'Autorité des marchés publics, qui serait
une couche supplémentaire, comme une espèce de droit d'appel, si je peux
m'exprimer ainsi, puisque nous avons notre processus de plainte. Mais moi, je n'ai pas d'objection à
ce qu'une instance tierce puisse accueillir, dans certaines circonstances, des plaintes qui pourraient être
formulées au sujet de l'octroi de contrats qui sont donnés à la CCQ, qui
sont, je le rappelle, des contrats très
ennuyants, là. On est dans l'achat des licences, on est dans l'entretien
ménager, on est dans la papeterie,
les téléphones, les ordinateurs. C'est ça, les contrats de la CCQ, là. On n'est
pas en train de gérer des contrats de voirie, là.
Alors,
ça, il y aura peut-être une option. Moi, je comprends très bien
qu'on n'a pas à se distancer de ce genre de responsabilités. Alors, moi,
que l'Autorité des marchés publics puisse accueillir des plaintes qui
pourraient provenir d'une situation dans un cadre, un processus
d'approvisionnement quelconque, je n'ai pas d'objection.
Alors, je
termine en vous disant deux petites choses. D'abord, je vous ai décrit la
réalité de la CCQ en disant que c'est
une bibitte bien particulière et c'est un organisme qui est très sensible aux
messages qu'on a à son sujet. Et vous allez
comprendre que, comme c'est essentiellement l'argent de l'industrie, en général, l'industrie, ils haïssent bien ça, se faire associer au gouvernement. Je vous le dis clairement. Puis autant moi, je suis une de celles
qui poussent sur le fait que nous
avons des responsabilités d'ordre public, comme industrie, lorsqu'on doit faire
des efforts, par exemple, sur la lutte au travail au noir, à l'évasion
fiscale, notre collaboration qu'on doit avoir avec l'UPAC, des fois,
l'industrie résiste un peu d'aller dans ces
champs-là. Ce sont des problèmes qui sont vécus dans l'industrie, dont nous
devons nous occuper. Mais d'être
associé à une organisation d'ordre public, alors qu'essentiellement les fonds
proviennent des parties, des travailleurs, des employeurs qui travaillent
à moins 40° puis à plus 40°, alors que la loi R-20, qui a créé la CCQ, a
ses instances paritaires, même si, dans
certains cas, il y a certains membres indépendants, ça heurte pour rien. Ça
heurte ceux qui le financent. Puis,
je pense que, de temps en temps, on a besoin de ne pas générer des zones de
tension lorsque ce n'est pas utile.
Alors, je dis
souvent à mes collaborateurs : Il faut rendre possible ce qui est
pertinent. Ça fait que je vous dis en boutade que je crois que, dans ce
cas-ci, ça l'est moins. Voilà.
Le Président (M. Bernier) :
Merci, Mme Lemieux. M. le ministre.
M. Leitão :
Merci, M. le Président. Mme Lemieux, merci. Monsieur, merci d'être là.
J'aurais deux questions, deux types
de questions. Avant d'adresser cette question que vous avez soulevée sur
l'assujettissement à la CCQ, j'aimerais vous poser une question sur l'AMP elle-même. Est-ce que vous avez regardé?
Est-ce que vous trouvez que c'est un organisme,
s'il serait créé, qui serait utile? Quelle est votre opinion, assujettissement ou pas, mais quelle est votre opinion sur
la pertinence de créer une telle autorité?
• (15 h 50) •
Mme Lemieux
(Diane) : Mon opinion sera
humble et modeste, ce qui n'est pas ma première qualité. Alors, déjà... Je l'ai dit à la blague. Non, mais il y a
des gens de l'industrie qui pourront vous en parler avec beaucoup
plus de substance. Bon, évidemment, la CCQ a contribué aux travaux de la
commission Charbonneau. J'y ai moi-même témoigné. On a contribué aussi de bien des manières en répondant à des milliers de
demandes d'information. On a collaboré. On pensait qu'il était
important d'apporter tout l'éclairage qu'on pouvait avoir.
J'ai bien sûr
vu cette recommandation-là, j'en comprends très bien le sens. Bon, disons
que je n'ai pas eu de grandes discussions.
Je ne suis pas allée chercher un avis du C.A., on est-u d'accord
ou pas. Mais tout le monde comprend que c'est quand même une recommandation phare, qu'il y avait donc quelque
chose là à examiner. Mais, très humblement,
je ne me suis pas attardée aux
modalités, aux détails. Donc, je ne me permettrai pas d'avoir un commentaire au-delà de ça. Surtout que, je vais être honnête,
quand j'ai vu qu'on était assujettis, ça m'a comme un peu moins donné le goût
de lire le projet de loi jusqu'à la fin, et je le dis à la blague, mais je m'en
tiendrais à ça. Je présume que la commission
Charbonneau, qui est arrivée à cette
conclusion-là, ça reflétait probablement le besoin d'avoir un outil supplémentaire. C'est sûr qu'il faut être
prudent d'ajouter toujours des couches, mais je comprends très bien
que ce projet de loi soit déposé, je comprends cela, mais je me
limiterais à...
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M. Leitão : O.K. Très bien.
Merci. Et puis, si on revient à l'autre, donc le sujet de votre mémoire, donc l'assujettissement de la CCQ au projet de loi, en quoi est-ce
que ça serait vraiment
problématique pour la CCQ au-delà d'une question
d'image, comme vous avez mentionné? Mais, concrètement, en quoi est-ce que ça
changerait votre vie?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Lemieux.
Mme Lemieux
(Diane) : Bien, à partir du moment... Comme je l'indiquais, le fait
d'être assujetti à la Loi sur les contrats
des organismes publics, au-delà du simple fait de devoir avoir une politique
d'approvisionnement, ce que nous avons déjà, donc, ça veut donc dire que
cet organisme-là, qui ne gère pas de fonds publics, se retrouverait à avoir des
exigences qui, de notre point de vue, parce que nous avons déjà établi nos
standards, nous sommes vérifiés par le Vérificateur général du Québec, ça,
c'est un autre moyen de protection, ça ajouterait... Bon, écoutez, moi, je
pense qu'il y a, quoi, une quinzaine de
règlements qui émergent et qui découlent de la Loi sur les contrats des
organismes publics. Alors, des préautorisations d'appel d'offres, de
toute la liste d'exigences, là, on devrait donc entrer dans ce circuit-là pour zéro bénéfice et pour des fonds qui ne sont
pas des fonds publics. Et, tu sais, il y en a plusieurs, là. Tu sais, il y
a les seuils d'appel d'offres, des
préautorisations, des publications de renseignements. Écoutez, la liste est
longue. J'ai comme un trois pages, là, quand on a réalisé qu'on pouvait
être assujettis.
Alors, les
gens qui paient, qui sont les travailleurs puis les employeurs, ils
s'attendent... évidemment, ils ne nous l'expriment
pas à tous les jours, mais moi, je prends pour acquis qu'ils s'attendent à ce
que l'argent qu'ils nous versent, elle soit
gérée correctement. Nous avons tous les mécanismes pour s'assurer de ça. Je
rappelle, vérifiés par le Vérificateur général
du Québec, nous avons nos politiques, nous avons des mécanismes de plainte. Là,
on rentre dans un circuit qui est un
circuit adapté à des organismes qui sont dans la gestion de fonds publics et
qui sont dans des marchés publics, ce qui n'est pas le cas de la CCQ.
Alors,
pour l'industrie et pour la CCQ, c'est vu comme des démarches supplémentaires
puis, je m'excuse de le dire parce
que, comme elles s'ajoutent et elles ne sont pas adaptées à la réalité de notre
organisme, contraignantes, paralysantes. C'est perçu comme ça parce que ce n'est pas du tout... Nous ne sommes
pas assujettis à aucune de ces lois-là. On est dans les meilleures pratiques, on a un plan stratégique,
on est tous dans les meilleures pratiques. Mais donc il faudrait faire
le transfert, la traduction simultanée entre notre réalité actuelle puis la
réalité gouvernementale. Alors, ça...
Écoutez, moi,
j'ai eu un échange avec le C.A. Le C.A. sait très bien que je venais ici. Je
leur ai indiqué le propos que je
comptais tenir en leur nom. Je n'ai pas cherché à avoir une résolution du C.A.
parce que je ne voulais pas en ajouter, mais c'est sûr que les gens seraient vraiment mécontents de ça, surtout que
ça ne contribue pas à l'atteinte des objectifs qui sont poursuivis par
le projet de loi et la création de l'Autorité des marchés publics.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M. Leitão : O.K. Question
rapide. Évidemment, avec l'AMP, on vise l'octroi de vos propres contrats, des
organismes. Quelle est la valeur des contrats que vous octroyez globalement?
Pas besoin d'avoir le...
Mme Lemieux
(Diane) : Alors, oui, je vais essayer. Bon, d'abord, le budget de
fonctionnement de la commission, c'est autour de 160 millions
annuellement, mais la commission gère une douzaine de fonds, dont fonds de
régime de retraite. Donc, on gère
20 milliards. Donc, les contrats, la hauteur des contrats, il faut les
voir aussi pas juste en fonction du budget de fonctionnement, mais en
fonction de l'ensemble des fonds que nous gérons. Par exemple, nous gérons le régime d'assurances des employés de la
construction. Nous avons donc, par exemple, un contrat d'assurance
médicale à l'étranger à hauteur de 7 millions. Donc, il ne faut pas mettre
les chiffres en fonction juste de 160 millions, mais en fonction de
20 milliards.
Alors, je
dirais qu'annuellement on a à peu près une vingtaine de millions en valeur de
contrats, une portion en approvisionnements, les classiques,
ordinateurs, imprimantes, licences. On travaille de plus en plus avec le Centre
de services partagés. On vient de signer un
contrat important en matière de téléphonie parce que, comme tout le monde,
on cherche des masses critiques, on cherche
des économies, on apprécie quand quelqu'un a pu qualifier, par exemple,
que... des soumissionnaires. Je veux dire,
ça fait une démarche solide qui est faite par quelqu'un d'autre. Alors, nous
autres, on utilise tout ce qui peut
améliorer notre sort. Donc, on en a en approvisionnements. En services, bien,
on a des services d'actuariat, bien
sûr. C'est, je donne un exemple, autour de plus ou moins 300 000 $
par année. Le gardiennage de nos édifices, certains services en traduction, en communications, c'est vraiment
des classiques. On n'a rien de particulier. Puis le reste, c'est
l'entretien de nos immeubles.
La dernière
chose que je vais me permettre d'ajouter, M. le ministre, parce que qu'elle
serait dans les inconvénients, je ne
sais pas si quelqu'un a lu la loi R-20 ici, là, je suis sûre qu'ils ont fait de
l'insomnie. C'est une loi... Notre régime de construction est un régime
extrêmement réglementé. Je ne porte pas de jugement là-dessus, c'est une
réalité, c'est factuel. Tous les mois, par
exemple, on demande aux employeurs de nous donner de l'information sur tous les
travailleurs qui ont travaillé sur leurs chantiers, à quel moment, combien
d'heures, dans quel métier, s'il est question de métiers assujettis, pas d'assujettis. C'est ce qu'on
appelle le rapport mensuel. Nous sommes un régime extrêmement réglementé
et nous faisons des efforts colossaux pour
mettre plus de fluidité et avoir beaucoup de mesures d'allègement
administratif.
Alors, ce
projet de loi là, disons que ça ne donne pas la bonne swing. Nous devons aller
vers de l'allègement, pas du manque de rigueur, pas de la mollesse, pas
de la complaisance, mais nos outils, nos manières de faire doivent être considérablement allégés. Et pour ça, donc, il
faut améliorer nos propres processus. Alors donc, ça va un peu à contre-courant des efforts qui sont importants à faire en
matière d'allègement. Mais j'espère que j'ai répondu à votre première
question correctement.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Leitão :
Une dernière question avant de laisser la parole à mes collègues. Vous ne
pensez pas qu'on pourrait être taxés
d'incohérence si on exclut la CCQ, mais d'autres organismes comme l'AMF, CSST,
qui maintenant... ça a changé de nom, mais, moi, j'ai encore l'ancien
nom, la régie — ...
Le Président (M. Bernier) : La
CNESST.
M. Leitão :
...voilà — la Régie
de l'énergie, donc des tels organismes qui, eux, sont assujettis à l'AMP, et
puis la CCQ ne le serait pas. Vous ne pensez pas qu'il y aurait là, une
question de cohérence.
Le Président (M. Bernier) :
Mme Lemieux.
Mme Lemieux
(Diane) : Bien, les gens de l'industrie vous diraient : Il y a un
problème de cohérence d'assujettir un
organisme dont le personnel n'est pas assujetti à la Loi de la fonction
publique, ce qui est le cas de plusieurs organismes que vous venez de
nommer. Il y a une incohérence d'assujettir un organisme qui n'est pas en train
de gérer les fonds publics. Ça ne veut pas
dire qu'on est insouciants, là, je veux qu'on se comprenne bien, mais ce sont
des fonds privés. Alors, certains
diraient que l'incohérence vient de l'autre côté. Moi, je suis capable de
défendre cette décision-là n'importe quand. Je vais vous appuyer, M. le
ministre.
• (16 heures) •
M. Leitão :
Merci. Collègues, est-ce que vous avez des questions?
Le Président
(M. Bernier) : Deux minutes.
M. Merlini :
Deux minutes. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bernier) : M. le député de La Prairie. Je suis toujours porté à dire M. le député de Merlini.
Ce n'est pas ça. C'est le député de La Prairie. Allez-y.
M. Merlini : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Lemieux, pour votre présentation et votre
mémoire. Advenant que la CCQ serait
assujettie à la Loi sur les contrats des organismes publics, vous avez
parlé, dans votre défense de votre
mémoire, de dire que, parce que vous êtes un organisme, comment...
qu'on pourrait qualifier d'hybride dans le sens que vous n'êtes pas
contre l'idée d'avoir une autorité des marchés publics et que vous accepteriez
un certain assujettissement, surtout au niveau des pouvoirs de vérification et
d'enquête.
Ceci étant dit, si
vous étiez assujettis, sommairement, en peu de temps qu'il nous reste,
qu'est-ce que ça va représenter comme
changement? Ça semble être majeur, mais pouvez-vous nous donner une idée, là,
dans votre fonctionnement, dans votre «day-to-day», dans vos opérations quotidiennes, qu'est-ce que ça peut représenter si
vous étiez assujettis à la loi?
Le Président
(M. Bernier) : Mme Lemieux.
Mme Lemieux
(Diane) : Je refuse à envisager cette hypothèse. Je vais tout faire.
Mais, tu sais, ça veut dire qu'on a... En
plus, on est une organisation en transformation. Je ne vous raconterai pas ma vie, là, mais je pense
qu'il y en a qui ont compris que quand je suis arrivée, en 2011, il y avait
un ou deux problèmes à régler à la CCQ. Nous sommes profondément en transformation. Nous avons des retards au niveau, par
exemple, de notre parc informatique, la fluidité de nous outils. Écoutez, là, pour un client qui veut
son NIP en ligne, là, on lui envoie son NIP par la poste, O.K.? On a des
millions de transactions par année. On fait
ce qu'on appelle les chèques de vacances. Là, on va faire du dépôt direct.
J'ai poussé, j'ai poussé : On peut-u
déposer dans les comptes de banque les chèques de vacances? On a d'énormes
retards pour toutes sortes de raisons.
Alors,
moi, je me vois — j'espère
que personne ne va m'écouter, là — dire au C.A. : Bien là, dorénavant, il
va falloir faire préautoriser ceci, cela, alors que, là, nous, en plus de ça,
on sort, comme conseil d'administration qui, franchement...
de qui j'ai un excellent appui, là. Je veux dire, on a évolué comme
organisation. Il y a beaucoup de maturité. On s'est donné un plan stratégique très ambitieux. On a des
investissements importants à faire puis on a des clients à satisfaire.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. Nous allons...
Mme Lemieux
(Diane) : Alors, on ne peut pas rajouter une couche, alors que ce
n'est pas utile.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, Mme Lemieux. Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles, porte-parole de l'opposition officielle.
Mme Léger :
Oui, merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Lemieux. Bonjour,
M. Charrette. Au plaisir... et mon ancienne collègue, ceux qui
étaient ici à l'époque, Diane, très heureuse de te retrouver ici, au parlement.
Plusieurs
questions parce que je pense que l'explication que vous donnez est quand même
assez claire, est quand même assez
claire dans la compréhension, mais j'aurais quand même quelques éléments qui,
pour moi, posent certaines interrogations.
D'abord,
dans le fond, le projet
de loi n° 108, il est chargé de
surveiller l'ensemble des contrats des organismes publics
et d'appliquer les dispositions de la
Loi sur les contrats des organismes publics. Il examine aussi la
conformité du processus d'adjudication et
d'attribution d'un contrat d'un organisme public de sa propre initiative. Ça,
je pourrais dire, les deux missions principales.
Quand
j'essaie de voir pourquoi le gouvernement vous assujettit à ce projet de loi
là, je fais le lien, je pensais que le ministre était pour en parler
tout à l'heure, mais il n'en a pas parlé tel quel, mais vous l'élaborez, dans
la page 2 de votre mémoire, disant : «Les organismes autres que ceux
mentionnés aux articles 4[, 5] dont au moins la moitié des membres ou des administrateurs sont nommés ou élus
par le gouvernement ou un ministre doivent adopter une politique...» Bon, ça, ça fait partie, dans le fond, d'une
explication peut-être pourquoi qu'on mettrait la CCQ. Est-ce que c'est la
seule explication? J'entendais le collègue
vous dire : Est-ce qu'il y a une explication du fait que le gouvernement
veut vous inclure? J'aimerais ça savoir pourquoi le gouvernement veut
vous inclure.
Le Président
(M. Bernier) : Mme Lemieux.
Mme Lemieux
(Diane) : Ce que je peux
dire, c'est que dans un passé récent, en 2014, on a vécu le même incident. Lorsqu'il y a eu le dépôt de la loi
n° 15, Loi sur la gestion et le contrôle des effectifs
des ministères et des organismes, la CCQ était assujettie. Je suis venue
en commission parlementaire, j'ai tenu exactement les mêmes propos.
Il y a un élément... Mais évidemment je ne suis
pas dans la tête du gouvernement, là. Bon, il y a un élément d'explication. Je
pense que la CCQ, c'est une bibitte assez mystérieuse. Puis il y a beaucoup
d'argent à la CCQ, j'en conviens.
Je veux dire, on gère 20 milliards. Alors là, les gens, peut-être
qu'ils se demandent : C'est-u géré correct? Ils ont-u ce qu'il faut? Mais on a une loi, on a un
cadre, on a des obligations. On a des obligations de membres du C.A. On
a certaines obligations, par exemple,
on y est tenus. Puis ça, on ne veut pas se soustraire de ça. On est tenus de
rencontrer certains objectifs
en matière de développement
durable, de personnes handicapées, de
femmes. Ça, on adhère à ça parce que c'est une industrie qui doit
évoluer.
Alors, moi,
je pense qu'il y a un peu le mystère, la grosseur de cette... C'est quand même
énorme, là. Tu sais, on dessert 200 000 personnes, là, travailleurs et
employeurs. C'est beaucoup de sous. C'est un peu mystérieux. La Caisse
de dépôt, on est le quatrième déposant à la Caisse de dépôt et de placement. On
est quand même un joueur qui est très important. C'est la seule chose que je
vois parce qu'en 2014 on a dit la même chose. Puis, quand est arrivé le projet de loi n° 108, on a dit : Coudon, on
n'était pas clair en 2014? Il y a comme une espèce d'automatisme, un peu de
mystère. Je ne sais pas si, Me Charrette, vous... Avez-vous une hypothèse,
vous? Je ne veux pas le mettre dans le trouble.
Le Président (M. Bernier) :
M. Charrette, avez-vous des choses à nous dire?
Mme Lemieux
(Diane) : Je ne vois pas. Je ne pense pas qu'il y ait quelque chose de
malicieux, de : On va les prendre
au passage. Je pense, c'est comme... Il faut toujours réexpliquer. Ce n'est pas
simple, cette organisation-là. Quand je vous dis : Ce n'est pas un
ministère, ce n'est pas une agence, ce n'est pas une régie, je ne trouve pas
les mots pour la décrire. Voilà.
Le Président (M. Bernier) :
Mme la députée.
Mme Léger :
Je pourrais peut-être m'avancer un peu. C'est sûr que... Bon, là, vous dites,
tout à l'heure, qu'il n'y a pas
vraiment de fonds publics, sinon quelques-uns. Ça vient particulièrement des
membres, là, le financement, d'une part. Vous avez quand même quelques contrats publics, là. Vous ne trouvez pas
pertinent, il n'y a pas de fonds publics, vous avez les encadrements de
vérification nécessaires, vous êtes assujettis à d'autres mécanismes de
contrôle. Je pense que la démonstration, vous la faites assez clairement.
Mais je pense
qu'il faut faire le lien aussi avec la commission Charbonneau et tout l'impact
de l'industrie de la construction. Ça a été au coeur aussi de la
commission Charbonneau, il faut quand même se le dire. La commission
Charbonneau, je relisais un peu, quand vous avez passé, qu'est-ce qu'ils
disaient, c'était quoi, les liens. On parlait de quelques ratés, dans le fond,
dans la gestion interne, soit en inspection, soit des enquêtes, les émissions
de cartes de qualification, des éléments qui
concernent vraiment votre processus interne. Quel est le lien avec le processus
avec le projet de loi n° 108,
c'est peut-être là qu'il y a peut-être un certain mélange. Mais il n'en reste
pas moins que la partie des plaintes, peut-être que c'est celle-là qu'il
faudrait peut-être approfondir davantage.
Votre
processus interne de plainte, est-ce qu'il est similaire à ce que le projet de
loi n° 108 soumet? Tout à l'heure vous avez dit : Il est
peut-être inférieur. Il est peut-être... Est-ce qu'il est supérieur? Est-ce que
ça satisferait, là, votre façon de faire?
Le Président (M. Bernier) :
M. Charrette.
M. Charette
(François) : Le mécanisme qui est en place présentement, c'est qu'on a
conféré au bureau des plaintes une
certaine indépendance en le plaçant sous l'autorité directe de la P.D.G. et non
pas des unités administratives. Alors, on a quand même une structure en
place qui permet l'analyse de toute plainte.
Je rappelle
que notre propos n'est pas de prétendre que l'Autorité des marchés publics qui
devrait être institué en vertu du projet de loi n'aurait pas juridiction
pour venir voir ce qui se passe et comment on se comporte à l'égard des contrats qu'on donne. Le propos est davantage de
nous assujettir à la Loi sur les contrats des organismes publics pour
nous rentrer dans l'Autorité des marchés publics. Et c'est ce lien-là qui est
inutile, là. Tout ce qu'on aurait à faire, c'est de prévoir, dans la loi sur
l'autorité des marchés publics, une disposition qui viendrait assujettir la
Commission de la construction. Et, si
l'Autorité des marchés publics devait recevoir une plainte à l'égard d'un
processus contractuel, bien, ils pourraient
faire enquête, ils pourraient venir vérifier. Puis ça, on n'a aucune objection
à cette dimension-là du projet de loi, là.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Charette
(François) : Ça fait qu'il faut comprendre à quel niveau notre
intervention se fait. L'idée derrière ça, c'est... Vous savez, la Loi sur les contrats des organismes publics
confère un rôle important au Conseil du trésor. Et c'est à cet égard-là
qu'on se demande pourquoi le Conseil du trésor aurait, dans sa mission, parce
que, quand on regarde la mission du Conseil du trésor... Pourquoi le Conseil du
trésor aurait ces pouvoirs-là à l'égard de la Commission de la construction?
C'est ce lien-là...
• (16 h 10) •
Une voix : Pour des fonctions
pas publiques.
M. Charette (François) : Pour
des fonctions pas publiques. C'est ce lien-là qu'on n'arrive pas à faire dans
le projet de loi.
Le Président (M. Bernier) :
Mme la députée.
Mme Léger :
Vous avez fait l'exercice à savoir la proposition... Comme Mme Lemieux
disait tout à l'heure, est-ce que vous avez fait l'exercice de ça? Où, dans le
projet de loi, vous pourriez être introduits?
Le Président
(M. Bernier) : Mme Lemieux.
Mme Lemieux
(Diane) : C'est souvent les articles où apparaissent les pouvoirs
d'enquête suite à une plainte, là. Il
faudrait peut-être le faire de manière détaillée, le regarder de manière plus
attentive, mais il suffirait de nous assujettir à cette portion-là. Et, comme Me Charette l'a
dit, je le redis, on ne veut pas se soustraire de ce mécanisme-là. Mais
c'est tout ce qui est en amont qui est de trop.
M. Charette
(François) : C'est à l'article 19 du projet de loi, M. le
Président...
Mme Lemieux
(Diane) : Article 19.
M. Charette
(François) : ...où on retrouve la notion d'organisme public, un
organisme visé aux articles 4 ou 7 de
la Loi sur les contrats, et on pourrait tout simplement ajouter :
«nommément la Commission de la
construction». Un peu comme on a fait à l'article 78
du projet de loi en nous intégrant dans la Loi sur les contrats
des organismes publics.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. Mme la députée, une dernière question?
Mme Léger : Oui. On a peu de temps, mais on va essayer. Tout à l'heure... Je vais poursuivre, c'est... Quel est l'impact? Quel est
votre si grand impact d'y être et l'impact de ne pas y être? Il semblerait que,
pour vous, c'est plus contraignant d'y être. Mais quel est l'impact d'y être,
de façon plus concrète?
Le Président
(M. Bernier) : Mme Lemieux ou M. Charette.
Mme Lemieux
(Diane) : O.K. Là,
il faut comprendre quand vous dites le «y être». Je répète, d'être assujettis
pour l'application de la surveillance,
recueillir des plaintes à l'Autorité des marchés publics, on ne peut pas se
soustraire à ça, nous sommes favorables. Mais le chemin emprunté par le projet
de loi pour nous assujettir à l'ensemble de la... le projet de loi n° 108,
c'est de nous assujettir à la Loi sur les contrats des organismes publics, et
ça, c'est tout ce qui est en amont, donc toutes les politiques
d'approvisionnement, les prises de... Tu sais, ce qui se passe dans les
ministères, là. Il y a un appel d'offres, il faut qu'il y ait des
préautorisations. Toute cette mécanique-là, qui est adaptée — enfin,
je le souhaite — à
des ministères, à des agences, à des ministères et des agences qui ont du
personnel de la fonction
publique, c'est ce bout-là qu'on se dit : C'est vraiment de trop, là.
Si
l'objectif, c'est de s'assurer que les processus... Dans
notre cas, l'objectif ne peut pas être de vous assurer que les fonds publics sont bien utilisés, on n'en a à peu
près pas. Dans notre cas, la seule affaire, c'est les processus d'octroi
de contrat. Si jamais il y a des règles qui ne sont pas respectées, il y a des
soumissionnaires qui pensent qu'il y aurait eu des problèmes, c'est quoi, le lieu et le mécanisme pour gérer ça? Moi,
je dis : On a un mécanisme interne parce qu'on est dans les meilleures pratiques, mais je dis :
L'Autorité des marchés publics pourrait aussi être un lieu supplémentaire
où on accueille ces plaintes-là.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. M. le député de La Peltrie.
M.
Caire : Merci, M. le Président. M. Charette,
Mme Lemieux, bonjour. Je suivais ta logique de dire : Bien, je
n'avais pas de fonds publics, pourquoi
est-ce qu'on serait assujettis à une autorité des marchés publics? Mais là où
je me pose la question, c'est quand
tu dis : On pourrait se soumettre à l'Autorité des marchés publics dans le
cas de la gestion des plaintes.
Est-ce que, ce faisant, ça ne justifie pas le fait d'inclure la CCQ dans le
projet de loi? Parce qu'on s'entend que le gros morceau du projet de loi, c'est toute la gestion des plaintes
lorsqu'il y a irrégularité dans l'octroi de contrats, dans le processus
d'octroi de contrats. C'est pas mal le coeur du projet de loi.
Ce
que je comprends, ce qui vous irrite, c'est les tracasseries administratives
qui peuvent être en amont et en aval
de ça. Mais vous dites : Pour ce qui est du coeur du projet de loi, c'est
pertinent de nous assujettir au projet de loi. Donc là, j'essaie de
comprendre la démarche. On est dedans ou on n'est pas dedans, il me semble.
Le Président
(M. Bernier) : Mme Lemieux.
Mme Lemieux
(Diane) : Je vais un peu simplifier mon propos. Le projet de loi, il
ne dit pas au début, dans les premiers
articles, hein, «est applicable», tu sais, l'expression «quelle est la portée
de cette loi», ce n'est pas ça qu'il dit. Le projet de loi n° 108, il parle de la Commission de la construction
à l'article 78. Qu'est-ce qu'il dit à l'article 78? Il
dit : Dorénavant, l'article 4, donc, de la Loi sur les contrats des
organismes publics, dorénavant, la CCQ, qui n'était pas assujettie à la Loi sur les contrats, elle va l'être. Ça fait que, là,
on poigne tout le morceau. C'est de cette manière-là qu'on a pris au passage la CCQ.
Moi,
ce que je dis, c'est qu'un des objectifs de l'Autorité des marchés publics, c'est notamment d'avoir de la vigilance, hein, sur les processus d'octroi de
contrat et que vous pourriez donc décider de nous assujettir à cette
partie-là de la loi, mais sans nécessairement
qu'on soit dans une dynamique comme si on était un ministère,
toute la dynamique que les ministères, agences, et autres, ont avec le Conseil
du trésor.
M.
Caire : J'entends
ça, Diane, sauf que, si la CCQ n'est pas assujettie à la loi sur les contrats
publics, à partir de quelle base
l'Autorité des marchés publics pourrait faire la gestion de plainte? Parce que,
justement, ce que la loi dit, c'est que l'Autorité des marchés publics va être
responsable de l'application de ces lois-là, et sa gestion puis sa vérification
des processus d'appels d'offres vont se
faire sur la base de l'application de ces lois-là. Donc, à partir de là, si vous
n'êtes pas assujettis à la loi, sur quelle base l'Autorité des marchés
publics pourrait vérifier vos processus d'appels d'offres qui seront en dehors
du contexte de leur juridiction légale?
C'est pour ça
que je te disais : Je comprends ta logique de dire : On n'a pas de deniers
publics, donc on n'est pas assujettis
à cette loi-là, donc on n'est pas assujettis à l'AMP. Mais là en disant :
Woups! L'AMP va faire l'arbitrage de nos gestions de plainte, mais sur
quelle base, si vous n'êtes pas assujettis à la loi?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Lemieux.
Mme Lemieux
(Diane) : Moi, l'image que
j'ai, M. le Président, M. le
député, c'est supposons — parce que je ne dis pas que ça ne peut pas arriver, là, on se
comprend, là — que
quelqu'un prétende que nous avons fait fi des
principes de notre propre politique d'approvisionnement et que nous avons
octroyé un contrat en dehors des règles qui ont été convenues et dûment adoptées par le conseil
d'administration, puis qui est suivi
par le conseil d'administration, supposons. Alors, il peut faire une plainte chez nous — évidemment,
j'y vais à grands traits, là — une auprès de l'Autorité des marchés publics, qui pourrait examiner cette plainte-là à
partir de notre politique d'approvisionnement puis dire : Bien là,
vous n'avez pas suivi. Et, à la limite, ils
pourraient même faire des remarques sur notre propre politique
d'approvisionnement en disant : On vous
recommande de faire ceci à l'avenir ou de changer cela. Pour moi, c'est juste
le bout politique d'approvisionnement, soumission, octroi de contrats
selon les meilleures pratiques et les règles de l'art...
Le Président (M. Bernier) :
Des questions...
Mme Lemieux (Diane) : ...et un
regard d'un tiers. Je pense que ça, ça serait sage.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député.
M.
Caire :
Je comprends, sauf que, là, ça implique qu'on demande à l'AMP d'être aussi le
gardien des politiques dont vous vous
dotez parce que l'AMP, l'Autorité des marchés publics, va devoir travailler à
partir d'une base légale, on s'entend. Il va falloir lui donner un
mandat puis dire : Les assises de travail, là, on dit : C'est la loi
sur les contrats publics qui est votre assise de travail, puis c'est à partir
de ça que vous devrez remplir votre mandat.
Vous dites,
Mme Lemieux, vous dites : On ne veut pas être assujetti à cette
loi-là, mais, à la limite, l'Autorité des marchés publics pourra, sur la
base des processus que nous nous donnons, vérifier qu'on a bien suivi nos
processus. Sauf que, nous, ça implique à ce
moment-là qu'on inclut vos processus à la loi. C'est parce qu'à un moment donné
il faut donner une autorité à l'Autorité des marchés publics. Et son
autorité, elle est assise sur des lois.
Le Président (M. Bernier) :
M. Charette.
M. Charette
(François) : M. le Président, la mission qui est prévue dans le projet
de loi à l'égard de l'Autorité des
marchés publics n'est pas limitée à la Loi
sur les contrats des organismes publics. Si on va à l'article 18
du projet de loi, au paragraphe 1°, on voit que la mission, c'est : «...de
surveiller l'ensemble des contrats publics, notamment le processus d'adjudication et d'attribution de ces contrats.»
Les paragraphes suivants réfèrent explicitement à la Loi sur les
contrats des organismes publics. Et le
dernier alinéa de l'article 18 prévoit que «l'autorité a également pour
mission de surveiller tout autre processus contractuel déterminé par le
gouvernement, aux conditions qu'il fixe».
Alors, on voit qu'il y a une porte ouverte, à
l'Autorité des marchés, qui déborde de la Loi sur les contrats des organismes
publics. Nous, comme on vous l'a mentionné tout à l'heure, à la Commission de
la construction, on a une partie de fonds
publics, qui est une petite subvention. Si elle devait servir à des contrats,
ça serait donc un marché public au sens de la loi.
Le Président (M. Bernier) :
Dernière question, M. le député.
M.
Caire :
Mais, Me Charette, ce que vous dites vient renforcer ce que je viens de dire. La
loi prévoit que c'est la loi sur les
contrats publics ou d'autres règlements fixés par le gouvernement. Donc, il
faudrait que la loi prévoie que les règlements
ou les processus fixés par la CCQ soient aussi des bases de travail. On n'a pas
le choix, il faut donner une base. On ne peut pas... Comprenez-vous ce
que je veux dire?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Lemieux.
Mme Lemieux
(Diane) : La Loi sur les
contrats des organismes publics prévoit que, dans les cas où on n'est
pas assujettis, on doit quand même
se doter d'une politique d'approvisionnement. On a cette obligation-là,
là. Même si on n'est pas dans les
fonds publics, nous avons l'obligation de se doter d'une politique d'approvisionnement
selon les critères qui sont déterminés dans la loi.
• (16 h 20) •
Le Président
(M. Bernier) :
Mme Lemieux, M. Charette, je vous remercie de votre participation à
la Commission des finances publiques.
Je
vais suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants du Bureau des soumissions déposées du Québec de prendre place.
Je suspends.
(Suspension de la séance à
16 h 21)
(Reprise à 16 h 25)
Le
Président (M. Bernier) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Donc, nous avons le
plaisir de recevoir les représentants du Bureau des soumissions déposées du Québec avec M. Daniel
Côté, ici, M. Guy Turcotte, M. Pierre
Hamel, M. Karl Ruel et M. Steve Boulanger. Bienvenue, messieurs.
Donc, la parole est à vous pour les 10 prochaines minutes. Donc, on m'a
prévenu que c'était M. Côté qui débutait.
Bureau des soumissions déposées du Québec (BSDQ)
M. Côté (Daniel) : M. le
Président, M. le ministre, membres de la commission, mon nom est Daniel Côté. Je suis entrepreneur et président du Bureau des
soumissions déposées du Québec. Avec
moi, M. Guy Turcotte, qui est directeur général du BSDQ, et les
représentants des partenaires du BSDQ, soit Me Pierre Hamel, qui est directeur
des affaires juridiques de l'ACQ, M. Karl Ruel, à ma droite, qui est
entrepreneur et vice-président de la Corporation des maîtres électriciens du
Québec, et Me Steve Boulanger, directeur général adjoint de la Corporation
des maîtres mécaniciens en tuyauterie.
Je vais céder la
parole à M. Turcotte, le directeur général.
Le Président
(M. Bernier) : M. Turcotte, la parole est à vous.
M. Turcotte
(Guy) : Alors, M. le Président, membres de la commission, nous
répondons à votre convocation du 20
septembre dernier et vous remercions de nous donner l'occasion d'exposer le
fonctionnement de notre organisme, le Bureau des soumissions déposées du
Québec, communément appelé le BSDQ, dans le cadre de vos travaux.
Au
moment de prendre connaissance du projet de loi n° 108, notre analyse nous
avait menés à conclure que la recommandation
1.2 de la commission Charbonneau, qui concerne le BSDQ, serait mise en oeuvre
après la création de l'Autorité des marchés publics. Ceci étant, le BSDQ
accueille favorablement la recommandation de la commission Charbonneau, qui permettrait, dans un premier
temps, à l'AMP d'agir comme observateur de son conseil d'administration.
Nous émettions d'ailleurs un communiqué à
cet effet dès la parution du rapport final de la commission Charbonneau,
soit le 26 novembre 2015. Récemment, les
parties qui composent le BSDQ ont d'ailleurs modifié leur structure de
gouvernance afin d'accueillir au sein de ces instances l'observateur prévu à la
recommandation.
Il
nous apparaît important de rappeler que le BSDQ, au cours des travaux d'enquête
menés par la commission Charbonneau, a étroitement collaboré avec elle.
Le BSDQ a une longue expérience liée à l'application des règles de soumissions
en matière de construction, dispose de plusieurs informations et d'une base de
données exceptionnelle permettant de
documenter les activités de l'industrie, et particulièrement celles du marché
de sous-traitance. Le BSDQ a donc été sollicité par les représentants de
la commission Charbonneau et a répondu à leurs attentes.
Le
BSDQ aura 50 ans d'existence en 2017, et j'en suis son directeur général depuis
1998. Sa mission est de recevoir et
acheminer des soumissions d'entrepreneurs spécialisés de l'industrie de la
construction qui oeuvrent sur le territoire québécois afin de permettre aux entrepreneurs généraux et spécialisés,
et ultimement aux propriétaires, de bénéficier des bienfaits d'une saine concurrence par
l'application d'un code de soumissions qui est le résultat d'une entente
intervenue entre trois regroupements
d'entrepreneurs d'envergure provinciale, soit l'Association de la construction,
la Corporation des maîtres électriciens et la Corporation des maîtres
mécaniciens en tuyauterie du Québec.
Le
Code de soumissions vise à faire en sorte que la personne qui reçoit des
soumissions puisse les comparer entre elles,
à assainir la concurrence en assurant la personne qui reçoit des soumissions
que les différents soumissionnaires ont fait un effort sérieux pour fournir leurs meilleurs prix dès le dépôt de
leur soumission, à déterminer des règles de soumissions communes à tout
appel d'offres de façon à améliorer les services offerts au public, aux
personnes qui demandent des soumissions et aux entrepreneurs qui soumissionnent
ou qui reçoivent des soumissions, à permettre au public et particulièrement au maître de l'ouvrage de
bénéficier des bienfaits d'une saine concurrence et à les protéger contre
des abus dans le processus de soumissions et d'attribution de contrats.
• (16 h 30) •
Le BSDQ, en chiffres, c'est 6 000
entrepreneurs utilisateurs, dont 1 750 entrepreneurs généraux, 4 250
entrepreneurs spécialisés de
disciplines variées. C'est 4 500 projets inscrits par année, et
50 000 soumissions y sont déposées chaque année, pouvant représenter près de 2 milliards de travaux. Depuis
2008, le BSDQ a mis en place un système de soumissions électronique en remplacement de son système de
soumissions sous enveloppe, qui, lui, a été complètement éliminé en début de 2013. C'est ce qu'on appelle la TES,
transmission électronique des soumissions. C'est un système qui a fait
ses preuves, qui est sans défaillance depuis
sa mise en service et qui est aussi sécuritaire et confidentiel que n'importe
quel système bancaire. Grâce à la TES, le
marché est plus accessible que jamais pour les entrepreneurs, car il permet à
tout entrepreneur détenant une licence, qui
s'est engagé à respecter les règles du Code de soumission, à déposer ou
recevoir une soumission, peu importe où il se trouve, à condition d'avoir accès
à Internet.
La semaine dernière, la CEGQ est venue
vous exposer son point de vue sur le BSDQ et ses règles, point de vue que l'on ne partage pas, bien évidemment. Nous
considérons que plusieurs affirmations de la Corporation des
entrepreneurs généraux sont inexactes et
incomplètes, telles : le BSDQ échappe à toute forme de surveillance, les
entrepreneurs généraux ne sont pas représentés, le Code de soumission
limite la concurrence, le Code de soumission impose des barrières à l'entrée depuis 1993, les rappels d'offres ne sont
ouverts qu'aux soumissionnaires initiaux s'ils sont au moins trois, le droit de retrait favorise la collusion, et
finalement le Code de soumission fait augmenter les prix en forçant l'octroi
du contrat au plus bas soumissionnaire en
l'absence de prix de réserve. Les raisons qui nous font dire que tout ça est
inexact sont expliquées dans notre mémoire et ses annexes, que nous avons
déposé. Et il nous fera plaisir de répondre à vos questions, si vous en avez,
par rapport à ces prétentions.
En
juin 2004, la Direction des politiques de la construction et des décrets du
ministère du Travail a produit un rapport favorable portant sur le BSDQ,
que l'on nomme le rapport Pelletier. Ce rapport était le résultat d'une analyse
approfondie des statuts, ententes et règles
de fonctionnement du BSDQ. Nous invitons les membres de la commission à
prendre connaissance de cette étude qui est venue confirmer la pertinence du
BSDQ.
Le BSDQ est
transparent, collaboratif, a établi des ponts avec l'UPAC, dont 23 enquêteurs
ont été formés ce printemps dernier, au mois de mai, avec la commission
Charbonneau et la CCQ, au besoin. Il ouvre les marchés en s'inspirant des règles du secteur public, mais
pour la sous-traitance. Il ne favorise pas la collusion, au contraire, et il
fait donc partie de la solution recherchée. L'observateur nommé par l'Autorité
des marchés publics pourra assurément en faire le constat et il est le
bienvenu.
Le
BSDQ et le Code de soumission qu'il applique ont été examinés et analysés à une
multitude de reprises par toutes les
parties prenantes de l'industrie de la construction, par les tribunaux et
diverses instances gouvernementales. Nous
sommes convaincus que le Code de soumission, seul système structuré de règles
s'adressant au marché confié en sous-traitance, est d'abord et avant
tout à l'avantage du maître de l'ouvrage.
Le
BSDQ entend donc collaborer à la future Autorité des marchés publics pour
s'assurer que les objectifs mis de l'avant par l'État soient atteints.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, M. Turcotte, de votre
présentation. M. Côté. M. le ministre, à vous la parole.
M. Leitão :
Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour. M. Hamel, rebonjour. On
s'était vus la semaine dernière.
Depuis ce temps-là, je pense qu'il y a des nouveaux développements puisque
l'observateur du gouvernement a été
nommé. Donc, ça sera la SQI qui va jouer ce rôle, et je pense que ça a été bien
accueilli. Et, bien sûr, c'est un organisme qui a une certaine
expérience dans cette industrie-là.
Écoutez, j'aimerais
peut-être revenir aux questions qu'on avait abordées la semaine dernière. Donc,
en ce qui concerne la recommandation de la
commission Charbonneau, donc à savoir que les règles devraient être imposées au
BSDQ comme aux autres organismes, ça, je pense que vous n'avez pas de problème
avec cette recommandation-là.
Le Président
(M. Bernier) : M. Turcotte.
M. Turcotte
(Guy) : On n'a pas de problème à accueillir l'observateur pour qu'il
puisse, premièrement, constater le
fonctionnement du BSDQ, examiner les règles et, s'il y a lieu, d'en améliorer quelques
unes. Évidemment, le BSDQ a toujours travaillé dans le sens d'améliorer
les règles depuis plusieurs années.
Le Président
(M. Bernier) : Merci.
M. Leitão :
Maintenant, si on revient au fonctionnement du BSDQ, on avait eu cette discussion
la semaine dernière, on avait posé la question, M. Hamel, d'à
quoi ça sert, le BSDQ. C'est-à-dire pourquoi, par
exemple, pensez-vous, dans des contrats privés, les entrepreneurs ne
font pas appel à ce système de sous-traitance? Parce que le point qui a
été soulevé était celui où certains
entrepreneurs jugeaient que le fait de devoir passer par un tel système
les empêchait qu'ils utilisent leurs propres sous-traitants qu'ils
connaissent depuis longtemps et avec qui ils sont habitués à faire affaire.
Alors, pouvez-vous
m'expliquer quels sont les bienfaits de passer par un processus comme celui qui
existe maintenant au BSDQ plutôt que d'autoriser ou de permettre
aux contracteurs de faire affaire avec les sous-traitants qu'ils
connaissent et avec qui ils ont de bonnes relations?
Le Président
(M. Bernier) : M. Hamel.
M. Hamel
(Pierre) : Écoutez, essentiellement, le BSDQ, d'abord, il n'est pas
utilisé exclusivement dans des contrats
publics, il est également utilisé, dans certains cas, dans les contrats
privés, même dans plusieurs cas, je pense. Alors donc, c'est faux de
prétendre que c'est à l'exclusivité des contrats publics, premier élément.
L'autre
élément, c'est que le BSDQ permet aux entrepreneurs de toutes origines et de
toutes régions du Québec de pouvoir
soumissionner en s'assurant de recevoir des prix de partout au Québec également
comme tels. C'est une façon de permettre
d'ouvrir la possibilité d'avoir des soumissionnaires dans différentes
spécialités. Et ça, ça varie d'une région à l'autre comme tel. Alors, ce n'est pas tout à fait... Et ce n'est pas
interdit à un entrepreneur qui est habitué de travailler avec un
entrepreneur spécialisé de l'inviter à déposer son prix au BSDQ et à prendre
son prix au BSDQ uniquement et exclusivement.
Sans aller dans le fond des règles, là, parce
qu'elles sont nombreuses et elles sont élaborées, et... peut-être pas pertinent, là, de les passer ici, mais ça
n'interdit rien. Selon nous, c'est le contraire. Ça favorise la possibilité d'avoir plus de
prix que ne l'aurait un entrepreneur qui travaille seul avec un sous-traitant
préféré, ce qui n'est pas le cas de la plupart des entrepreneurs, d'ailleurs.
Le Président (M. Bernier) :
Vous voulez ajouter, M. Turcotte?
M. Turcotte
(Guy) : Oui, je pourrais
compléter là-dessus qu'évidemment, dans le domaine public, la façon de faire des appels
d'offres est assez bien connue, c'est
appels d'offres publics et c'est avec plans et devis, la méthode
assez traditionnelle. Dans le privé, il y a
différentes façons de réaliser un projet. Alors, quand les conditions d'application des règles du code ne sont pas rencontrées, c'est bien évident que ces types
de travaux là n'ont pas à être appliqués à travers le BSDQ, à être
déposés au BSDQ.
Alors, il
faut faire la nuance. Dans le privé, il
y a beaucoup de contrats de gré à
gré qui peuvent se donner avec un entrepreneur général qui est habitué
de travailler avec ses propres sous-traitants. Alors, dans ce cas-là, ce n'est
même pas applicable, le BSDQ. Alors, il faut
faire des nuances. Et il y a des conditions d'application qui sont
précisées dans le Code de soumission,
à la page 12, au chapitre B. Alors, c'est B-2 qui explique les conditions d'application. Il faut que la spécialité
soit assujettie, il faut que les travaux soient en haut de 20 000 $, et ainsi de suite, qu'il
y ait de la compétition et des
plans et devis qui permettent des soumissions comparables. Si ces conditions-là
ne sont pas rencontrées et que la spécialité n'est pas assujettie, dépendamment
de la région, particulièrement en architecture... Du côté mécanique,
électrique, ça ne se prête pas parce que c'est assujetti à la grandeur de
l'échelle de la province, mais, dans les métiers architecturaux, ça dépend des régions, ça dépend s'il y a
assez d'entrepreneurs pour faire de
la compétition. Alors, il y a plein
de règles qui permettent le fait que certains projets ne soient pas assujettis
au BSDQ. Et c'est pour ça qu'il y en a moins dans le domaine public.
Alors, c'est une des réponses, mais ce n'est pas la seule réponse.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M. Leitão :
O.K. Très bien. Une autre question. Donc, pour que ce soit clair, donc, tout
projet public doit passer nécessairement par le BSDQ.
Une voix : S'il rencontre les mêmes
conditions.
M. Leitão : C'est ça. O.K.
Maintenant, qui prend la décision d'inscrire le projet, oui ou non, au BSDQ?
Le Président (M. Bernier) :
M. Turcotte.
• (16 h 40) •
M. Turcotte
(Guy) : Dans notre rapport annuel, vous allez voir qui fait inscrire
le projet. Alors, bien souvent, c'est l'entrepreneur spécialisé parce
que c'est le premier interpellé à préparer une soumission. Il est en avant,
vraiment le premier à fournir des prix. Mais tout donneur d'ordres
public, n'importe quelle personne intéressée, soit les professionnels, soit le donneur d'ordres public, peut demander
l'ouverture du BSDQ. Mais ça se fait indépendamment de la volonté du maître de l'ouvrage parce que c'est une discipline
que l'industrie de la construction s'est donnée. Alors, quand ça
rencontre les règles, le projet doit être
inscrit. Mais on a beaucoup de donneurs d'ordres, et publics et privés, qui
collaborent avec le BSDQ, qui font
eux-mêmes inscrire le projet. Et la meilleure chose pour eux, c'est qu'ils
peuvent exiger des copies des soumissions des entrepreneurs spécialisés,
qui leur permettent, eux, de voir comment telle spécialité... Exemple, en électricité, ils ont évalué leur projet à tant de
centaines de milliers de dollars. Ils peuvent voir si leur estimation est
proche ou pas, le fameux prix de
réserve. Alors, eux sont en mesure de voir si le prix est respecté et, sinon,
bien, ils pourront toujours modifier leurs
plans, retourner en appel d'offres et demander au BSDQ de procéder à un appel
d'offres ouvert à tous.
Le Président (M. Bernier) : M.
le ministre.
M. Leitão :
Très bien. Une dernière question avant de passer la parole à mes collègues,
s'ils ont encore le temps, je ne sais
pas. Je vous demanderais maintenant de faire un petit peu de prospection, un
petit peu de prévision. Selon vous, à quoi ressemblerait le marché s'il
n'y avait pas de BSDQ?
Le Président (M. Bernier) :
M. Turcotte.
M. Turcotte
(Guy) : Je peux répondre, mais je pense que les personnes à
attendre... peut-être M. Boulanger pourra compléter, mais je pense qu'il y aurait un effondrement du marché de
l'industrie de la sous-traitance. Assurément, les sous-traitants, plusieurs ne pourraient pas
survivre, et c'est grâce à ce système qu'ils peuvent soumissionner une
multitude de projets qu'ils n'auraient probablement même pas connaissance.
Le Président (M. Bernier) :
M. Boulanger.
M. Boulanger
(Steve) : Oui. En fait, ce serait certainement une diminution, je
pense, de la concurrence et peut-être une espèce d'anarchie. Ce que
vient faire le Code de soumission, c'est se donner des règles de soumission qui
sont transparentes puis qui sont équitables
pour tous. Et cette question-là, elle a été soulevée dans un rapport qu'on a
remis à la commission et qui a été fait par la Direction des politiques du
ministère du Travail en 2004, qui est probablement le rapport le plus complet et le plus indépendant,
qui répond à une foule de questions. Et ce qu'on disait pour alimenter
la commission, on disait : Le Code de soumission a été élaboré pourquoi?
Afin de mettre fin à certaines pratiques, en particulier
le marchandage dans le cadre de l'octroi de contrats, de manière à assainir la
concurrence dans l'industrie de la construction. En conséquence, les manifestes,
les règles du code ont dû bouleverser la culture et les pratiques de certains
entrepreneurs. Rappelons toutefois que les tribunaux ont reconnu un caractère
d'intérêt public à ces règles.
Donc, je
pense que ce serait régresser. On vient de dire que le code est venu répondre à
une demande d'assainir les pratiques dans le milieu, et c'est ce qu'il a
fait depuis qu'il a été mis en oeuvre.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M. Leitão : Oui, merci. Et, les
collègues, si vous avez des questions.
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de La Prairie.
M. Merlini : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre mémoire et votre présentation ici aujourd'hui.
Je suis entrepreneur. J'ai de l'expérience. Ça
fait 25 ans, 35 ans que je suis dans l'industrie. Je travaille avec plusieurs...
J'ai fait plusieurs projets publics et privés et je présente un projet.
J'évalue les travaux électriques à un certain
montant, j'évalue les travaux de tuyauterie à un certain montant, et là je fais
affaire avec le BSDQ. Et là je reçois les soumissions, et les
soumissions sont beaucoup plus élevées que ce que mon expérience m'a appris.
L'entrepreneur
général doit accepter la soumission qui est proposée par le BSDQ pour les
travaux spécialisés?
Le Président (M. Bernier) :
M. Turcotte.
M. Turcotte (Guy) : Premièrement,
les entrepreneurs généraux ne sont pas tenus d'attendre de recevoir des
soumissions au BSDQ sans savoir de qui ça va venir. Ils ont la possibilité
d'inviter des dizaines et des centaines d'entrepreneurs
dans une spécialité donnée. Donc, s'ils sont habitués de travailler avec des
entrepreneurs en qui ils ont confiance et qu'ils sont certains qu'ils
vont avoir des prix raisonnables, ils n'ont qu'à les inviter à leur déposer une
soumission au BSDQ. Et d'ailleurs la plupart de ces entrepreneurs spécialisés
là sont déjà engagés au BSDQ. Alors, c'est
sûr que, s'ils leur demandent de passer en dehors du système, ces entrepreneurs-là
se mettent en infraction. Mais ça ne coûte rien de déposer au BSDQ.
C'est insignifiant, ce que ça coûte de déposer au BSDQ.
Et
l'entrepreneur général, quand il se voit offrir des propositions... Allons
prendre un exemple de la plomberie. Il y
a 10 plombiers qui ont déposé une soumission au BSDQ et les 10 lui ont adressé
une soumission, à cet entrepreneur-là, parce
qu'ils ont fini par savoir qu'il était intéressé au projet, peu importe la
façon. Il pourrait y en avoir neuf sur 10 qui lui déposeraient une soumission parce qu'il y a un
sous-traitant qui ne veut pas faire affaire avec lui. Alors, il ne dépose
pas de soumission à cet entrepreneur-là,
mais il a 10 soumissions devant lui. Lui, il voit les noms des entrepreneurs
soumissionnaires quand vient le temps de prendre possession de ces
soumissions, mais il ne voit pas les prix. Alors, il peut choisir, en fonction des entrepreneurs qui lui présentent une
soumission, qui il veut. Ils sont libres d'en prendre une, quatre, cinq
ou les 10. Alors, une fois qu'il a accepté
ces soumissions, bien sûr, les règles d'octroi au plus bas soumissionnaire
conforme s'appliquent, à la condition que ça soit en haut de
100 000 $ et avec un certain cautionnement.
Si,
toutefois, les prix étaient encore une fois déraisonnables malgré tout ça, il
existe des règles dans le code qui permettent à un entrepreneur de
demander un rappel d'offres pour raison de prix déraisonnables. Il y a un
comité qui va se pencher sur la question et
il y a un entrepreneur général et des entrepreneurs spécialisés qui se penchent
sur la question. Et l'entrepreneur général qui représente les
entrepreneurs généraux, si vous voulez, a un droit de prépondérance. Alors, il faut absolument que ce comité-là soit
unanime que les prix sont non déraisonnables pour refuser un rappel
d'offres. Alors, s'il y a une demande de
rappel d'offres pour prix déraisonnables et que la démonstration en est faite,
assurément qu'il va y avoir un rappel
d'offres et ouvert à tout soumissionnaire, pas seulement à ceux qui ont déposé
une soumission.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de La Prairie.
M. Merlini :
Merci, M. le Président. Je me mets de l'autre côté de la soumission ou du
projet en question, je me mets du côté des sous-traitants...
Une voix : ...
M. Merlini : ...des
soumissionnaires, merci. Pourquoi, à ce moment-là, qu'un soumissionnaire
retirerait sa proposition à ce moment-là, sa soumission, parce qu'ils ont
effectivement le droit de retirer leur soumission? Dans l'exemple que vous avez dit, bon, il y a 10 soumissionnaires. Il y
en a un qui décide à un moment donné... Pourquoi le soumissionnaire ne
le ferait pas, parce que j'ai entendu tantôt l'argument qui dit que ça permet
justement à plusieurs entreprises de soumettre sur des projets que,
normalement, elles n'auraient pas l'opportunité? Et votre système de soumission électronique aussi a favorisé, encore
une fois, d'avoir plus de soumissions, d'avoir plus de possibilités pour
nos entrepreneurs. Alors, si moi, je suis un
entrepreneur en électricité, par exemple, pourquoi je retirerais ma
soumission?
Le Président (M. Bernier) :
M. Turcotte.
M. Turcotte (Guy) :
Oui. C'est une possibilité qui est offerte aux entrepreneurs sous-traitants.
D'ailleurs, l'État vient de mettre en place une possibilité aussi de
retrancher un entrepreneur qui était normalement... dont son prix est anormalement bas parce que c'est à risque, un
entrepreneur qui est trop bas dans une soumission. Je vais vous donner
un exemple dans quelques instants, mais juste vous mentionner que le retrait au
BSDQ, sur 50 000 soumissions, c'est 300 situations
de retrait par année. Ce n'est pas énorme, là. Ce n'est pas courant, là,
300 soumissionnaires. Et il y a une pénalité quand on se retire. Il
y a des frais associés à ça. Il faut y penser correctement.
Le
pourquoi qu'un entrepreneur peut se retirer... Et, au moment où il se retire,
il n'est pas assuré... il ne le sait pas nécessairement qu'il est le
plus bas. Il peut s'apercevoir... parce qu'il faut dire que les
soumissionnaires déposent 72 heures
avant la fermeture chez le maître de l'ouvrage. Et c'est durant huit heures,
environ, qu'il a une période pour se retirer
après, là, son propre dépôt. Donc, il laisse le temps à l'entrepreneur général
de se retourner parce que le BSDQ avise
tous les entrepreneurs généraux qui ont pris possession de cette soumission-là
que ce prix-là n'est plus valide. Donc, il est complètement retiré de la compétition, personne ne peut s'en
servir. Alors, il peut y avoir eu une erreur importante dans une soumission, il s'en rend compte, ou
certains entrepreneurs généraux l'appellent, ils disent : Tu es
anormalement bas. Ça n'a pas de sens. Tu ne
peux pas réaliser les travaux à ce prix-là. Donc, l'entrepreneur va examiner la
chose, il va s'apercevoir qu'il a
oublié... en électricité, ça pourrait être une génératrice, qu'il a oublié de
la calculer, là. Ça peut valoir 100 000 $, une génératrice.
Sur un projet de 300 000 $, 400 000 $, c'est énorme.
Il est arrivé une situation
dans un cas où le donneur d'ouvrage avait deux bâtiments identiques à
construire. Il y avait sur les plans
bâtiments a et b. Un entrepreneur dans une spécialité importante avait
calculé sa soumission sur un seul
bâtiment. Alors, quand les entrepreneurs généraux se sont aperçus qu'il y avait
un prix qui était la moitié du prix des autres, bien, tout le monde se posait la question comment qu'il faisait
pour arriver avec ce prix-là. Et c'était vraiment... Même l'entrepreneur général savait que ça n'avait
pas de sens de faire... Quand il a appelé l'entrepreneur spécialisé,
bien, il s'est aperçu... il a dit :
Coudon, tu as-tu soumissionné pour les deux bâtiments ou seulement un bâtiment?
Alors, il a dû retirer sa soumission. C'est un exemple de retrait. La
plupart des retraits sont justifiés.
Le Président
(M. Bernier) : Merci, M. Turcotte. Nous allons donc passer
du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Oui, merci, M. le Président. D'abord, juste avant de commencer, j'avais fait
une demande, la semaine passée, pour que les municipalités soient incluses...
Le Président
(M. Bernier) : Oui, effectivement.
Mme Léger :
...et que le ministre puisse aussi déposer ses amendements. Alors, je sais que
les organisations, en tout cas, ont demandé à la commission d'y être.
Le Président
(M. Bernier) : Aujourd'hui.
Mme Léger :
Alors, j'aimerais ça que vous puissiez nous confirmer s'ils vont venir ou pas à
notre commission.
Le
Président (M. Bernier) : Bien, en ce qui nous concerne, je
pense, il y a des discussions entre vos leaders pour fixer exactement les moments ou les dates précises
en ce qui regarde les auditions, là. En ce qui nous concerne, nous avons
effectivement reçu une demande d'audition de la part de ces organismes.
Mme Léger :
Merci, M. le Président.
• (16 h 50) •
Le
Président (M. Bernier) : Donc, le travail des leaders
devra se faire pour fixer... En ce qui nous concerne, nous vous présenterons les ordres du jour
en temps et lieu.
Mme Léger : Alors, ça, c'est de votre côté. Du côté du ministre,
je l'interpelle encore à savoir s'il va déposer ses amendements pour
qu'on puisse bien voir ce qu'il a en tête dans le projet de loi par rapport
particulièrement aux municipalités. Alors, j'imagine qu'il va me répondre
quelque part à un moment donné. J'attends sa réponse.
Le Président
(M. Bernier) : Merci.
Mme Léger :
Alors, bonjour, messieurs. Excusez-moi. Il y a d'autres types d'interprétations
qu'on a à faire. D'ailleurs, bienvenue au
parlement. Je voudrais revenir sur la commission Charbonneau parce que vous
avez fait quelques observations puis
vous avez bien lu votre mémoire. La commission Charbonneau, elle parlait
vraiment de certains nombres de phénomènes de collusion qui ont été
constatés, et puis ce phénomène, bien, elle disait qu'il doit être repéré, il
doit être combattu, etc. Et, dans ses
recommandations, c'est vraiment d'accorder à l'Autorité des marchés publics le
pouvoir d'imposer des règles au BSDQ.
Alors,
le ministre ne l'a pas mis dans le projet de loi. Ce n'est pas dans le projet
de loi présentement. Ça fait qu'on aura des bonnes discussions à ce niveau-là.
Ça devrait être dans le projet de loi. Et vous, vous l'esquivez, là, dans le
mémoire. Bien, ce n'est pas... En tout cas, vous allez me l'exprimer, là. Je
vais vous laisser la parole pour que vous puissiez...
même si c'est le président qui donne la parole, là, pour que vous puissiez me
dire comment vous voyez... parce que vous ne le dites pas qu'on devrait
y être. Alors, je vais vous écouter avant de continuer.
Le
Président (M. Bernier) : M. Turcotte.
M. Turcotte
(Guy) : Bien, écoutez, on le dit clairement que nous, on n'a aucun
problème à accueillir le représentant de
l'Autorité des marchés publics. Et, si, à la lumière de qu'ils constatent au
BSDQ, il s'aperçoit qu'il y a des règles
qui pourraient venir aider à améliorer l'élimination de la collusion,
évidemment, le BSDQ va se faire un plaisir de les regarder et de trouver
une façon de les mettre en application.
Ce qui est important
de savoir, c'est que la collusion, elle peut être rendue beaucoup plus
difficile quand l'exigence... si, admettons,
le donneur d'ordre public exigeait le dépôt des soumissions au BSDQ, tous les
entrepreneurs seraient tenus de le faire
dans la spécialité donnée par obligation, et le maître de l'ouvrage pourrait
facilement demander des copies...
systématiquement des copies des soumissions, pourrait constater, après le dépôt
de l'entrepreneur général chez lui, pourrait
constater les résultats. Puis, s'il s'aperçoit qu'il y a un genre de...
excusez-moi le terme anglais, de schème de collusion, il pourrait
certainement demander des informations additionnelles au BSDQ. Et, si le BSDQ
s'apercevait qu'il y avait un système de
collusion entre les entrepreneurs spécialisés, on ne se gênera pas d'acheminer
un dossier à l'UPAC. On a déjà discuté avec l'UPAC de cette situation-là.
Le Président
(M. Bernier) : Mme la députée.
M. Turcotte
(Guy) : Par contre, si vous me permettez de compléter, on vous a
mentionné tantôt que la compétition pouvait
venir de partout ou de n'importe quand, de tous les entrepreneurs. Il est
difficile pour les entrepreneurs de dire : Je n'aurai pas un
soumissionnaire de la région de Québec qui va venir soumissionner sur un projet
de Trois-Rivières alors qu'il y a des
projets de Montréal. C'est difficile de faire de la collusion quand on ne sait
pas d'où vient la compétition. Et le BSDQ, c'est ce que ça l'offre.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. Mme la députée.
Mme Léger :
Oui. Par contre, on peut parler de la partie des représentants, là, qui est sur la table, tout ça, mais la commission
Charbonneau a vraiment insisté sur le fait de pouvoir imposer des
règles, si elle le juge bon, au bureau de l'organisation que vous
représentez.
Je lisais aussi... la
Corporation des entrepreneurs généraux du Québec le mentionne aussi assez clairement
à la page 46 de leur mémoire.
Ils disent que «nous recommandons de donner suite à la recommandation [...] de la commission Charbonneau
[d'imposer] des règles au Bureau des soumissions déposées du Québec et d'agir à
titre de membre observateur du conseil d'administration».
C'est
la position des règles. C'est aussi... Les entrepreneurs généraux nous
parlaient particulièrement, entre
autres, bon, de la sous-traitance. Tout à
l'heure, vous l'avez glissé, mais ce n'est pas rien que la commission
Charbonneau demande de pouvoir
imposer des règles. Mais ce n'est même pas dans le projet de loi. Puis là vous
me donnez quelques explications, mais, si c'était dans le projet de loi,
vous seriez confortable?
M. Turcotte
(Guy) : Je vais laisser la parole à...
Le Président
(M. Bernier) : M. Boulanger.
M. Boulanger
(Steve) : Oui, en fait, d'abord, on est mal placés pour savoir qui le
gouvernement nommera pour siéger au
BSDQ comme observateur. Nous, ce qu'on a fait, c'est qu'on a travaillé en amont
et on a déjà modifié notre structure
pour pouvoir accueillir un observateur du gouvernement là-dessus. Et je pense
que la commission Charbonneau a été
très sage dans sa recommandation parce qu'ils ont beaucoup, comme
M. Turcotte l'expliquait, demandé d'informations dans la cueillette, dans l'enquête, pour savoir
qu'est-ce qu'était le BSDQ. On a fourni énormément d'informations, que
ça soit les différentes parties ou le BSDQ, pour leur bien comprendre le
fonctionnement. Ils ont entendu les parties, les arguments de tout bord, tout côté, et l'essence pour nous de leurs
conclusions, parce qu'on ne sait pas de quelle règle il s'agit, mais je pense que l'essence de leurs
conclusions, ils disent qu'un des premiers gestes serait de nommer un observateur. Et je pense qu'à partir de là, peu
importe qui le gouvernement veut nommer, que ça soit quelqu'un de l'AMP
ou autre, nous, les corporations, notre loi, nous dépendons du ministère du
Travail. Alors, peu importe d'où vient l'observateur,
nous, on est prêts à l'accueillir pour démontrer les règles qui, évidemment,
sont toujours perfectibles, puis on
va travailler à les améliorer, et imposer des règles. Les règles fondamentales
de base qui ont permis de structurer le code du BSDQ sont comprises dans des lois adoptées par le législateur,
soit la Loi sur les maîtres électriciens et la Loi sur les maîtres
mécaniciens en tuyauterie.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. Mme la députée.
Mme Léger :
Mais les entrepreneurs généraux nous parlaient, bon, particulièrement de la
sous-traitance et qu'ils ne sont pas
soumis, là, actuellement. Et, si on fait des comparaisons à travers le monde,
dans les marchés, les sous-traitants, ils sont soumis. Alors, nous, ils
ne le sont pas. Je pense que c'est un problème.
Le Président
(M. Bernier) : M. Boulanger, ou M. Turcotte, ou
M. Hamel? Levez la main, quelqu'un.
M. Hamel (Pierre) : Je n'ai pas
très...
Le
Président (M. Bernier) : M. Hamel.
M. Hamel
(Pierre) : Je n'ai pas saisi le sens — pardon — précis de l'intervention, là, parce
qu'essentiellement, là, ce que je comprends,
c'est qu'actuellement tout le marché de la sous-traitance n'est pas assujetti à
aucune législation particulière comme
telle. La seule façon de l'assujettir ou la seule façon de l'encadrer quelque
peu, ça a été par le BSDQ. Dans d'autres juridictions, il l'est
partiellement ou il ne l'est pas du tout. Mais je peux vous dire qu'il y a
plusieurs juridictions qui souhaiteraient avoir le même système dont jouit le
Québec actuellement.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. Mme la députée.
Mme Léger :
Mais, dites-moi donc, après la commission Charbonneau, avec les recommandations
qu'elle a soumises autres que le fait de
pouvoir imposer des règles, qu'elle accordait à l'AMP, elle disait quand même
que plusieurs... qu'il y avait un
nombre de phénomènes quand même qui était constaté, et puis elle disait qu'il
fallait que ça soit repéré, qu'il fallait que ça soit combattu.
Qu'est-ce que vous avez fait depuis ce temps pour améliorer ça?
M. Hamel
(Pierre) : Essentiellement, ça dépend si... Là, je vais prendre le
chapeau... Si j'ai le chapeau du BSDQ, je vais demander à
M. Turcotte de répondre, mais, à l'ACQ, si vous permettez, on a quand même
mis en place un programme important de
développement... de mise en place du programme Intégrité au sein des
entreprises de construction en
collaboration avec le CIRANO. Et actuellement on est à mettre en place un
organisme indépendant de certification pour toutes les démarches éthiques qui sont prises en entreprise pour favoriser
cette démarche-là. Alors, on n'a pas... Et ça fait déjà depuis 2012
qu'on travaille là-dessus, donc bien avant les recommandations de la commission
Charbonneau.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. Merci. M. le député...
Une voix :
...
Le Président (M.
Bernier) : Mais, je regrette, on va aller du côté de M. le député de
La Peltrie. On est assez serrés dans le temps.
M.
Caire : Merci, M. le Président. J'ai peut-être juste une
petite question pour vous parce que j'ai l'impression qu'on tourne
autour du pot depuis tout à l'heure. Depuis les recommandations de la
commission Charbonneau, il y a quelque chose
qui vient de se produire, c'est-à-dire un projet de loi qui crée une Autorité
des marchés publics. Alors, ma question
est simple. De la même façon que ce projet de loi là soumet la CCQ à l'Autorité
des marchés publics, est-ce qu'on devrait inclure le BSDQ à la présente
loi?
Le Président
(M. Bernier) : M. Hamel.
• (17 heures) •
M. Hamel
(Pierre) : Essentiellement, la distinction, c'est la suivante, et là
je ne vous donne pas d'opinion sur devrions nous ou pas assujettir la
CCQ, c'est que la CCQ, elle, a des approvisionnements. Et c'est au niveau de l'approvisionnement, de l'octroi des contrats, la
façon dont les contrats sont octroyés que l'Autorité des marchés publics
assujettirait la CCQ.
Là,
essentiellement ce qu'on veut donner à ce vérificateur ou à cet organisme-là,
on veut lui donner un élément supplémentaire
en disant : Également, on aimerait que tu sois observateur de la façon
dont le BSDQ gère ses choses. Ça fait
que ce n'est pas l'assujettir à l'Autorité des marchés publics ou aux actions
que l'Autorité des marchés publics est appelée à intervenir, mais c'est
à un niveau spécifique. Alors, ce n'est pas la même chose.
Nous,
ce qu'on dit, on dit : Si l'Autorité des marchés publics doit... Je me
reprends. Si la commission Charbonneau a
insisté pour qu'il y ait un observateur de l'Autorité des marchés publics et
qu'il doive éventuellement faire des règles, nous, on est pour
l'application du rapport, essentiellement.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. M. le député.
M.
Caire : Moi, je vais être très clair. Personnellement, je
pense que ça ne va pas assez loin. Je pense que, quand la commission Charbonneau a fait son rapport, il
n'y avait pas un projet de loi sur la table. Il y a maintenant un projet
de loi. Les paramètres sont clairs. Je vous
donne mon opinion. Moi, je pense que le BSDQ devrait être soumis à cette
loi-là. Et j'ai pris la CCQ comme exemple
non pas pour son fonctionnement, mais parce que, spécifiquement, la CCQ comme
le MTQ sont désignées comme étant sous
l'autorité, assujetties à cette loi-là. Est-ce qu'on devrait, selon vous, oui
ou non, assujettir spécifiquement le BSDQ à la présente loi?
Le Président
(M. Bernier) : M. Hamel.
M. Hamel
(Pierre) : Alors, écoutez, M. le Président, comme je le dis, si l'assujettissement
vise à répondre exactement à ce que dit la commission Charbonneau, on est favorables
à ça.
M.
Caire : L'assujettissement vise à inclure le BSDQ dans l'application de la loi dans sa totalité, là. J'imagine, vous avez pris connaissance
du projet de loi.
M. Hamel
(Pierre) : Oui, parfaitement.
M.
Caire : Vous voyez
les paramètres du projet de loi.
M. Hamel (Pierre) : Parfaitement.
M.
Caire : Est-ce que
vous ne pensez pas que ce serait préférable d'assujettir le BSDQ à cette
loi-là?
M. Hamel
(Pierre) : C'est-à-dire que les paramètres ne s'appliquent pas aux activités du BSDQ. Les activités de vérification ne s'appliquent pas aux activités du
BSDQ. Ce que la commission souhaite, la commission Charbonneau, c'est de dire : Écoutez, on a entendu... il y
a un sous-marché, comme la question nous était posée auparavant, le
marché de la sous-traitance, là, il se passe
de la collusion également là-dedans, on en a été témoins, mais il n'y a rien
pour le réguler où on peut l'observer. La seule place, c'est par le
BSDQ.
Il faudrait
que l'Autorité des marchés financiers ait un oeil, ait un observateur à ce
niveau-là et le permette. Mais on ne
passe pas de contrat, on ne peut pas faire l'objet de plainte parce qu'on a
donné des contrats de la mauvaise façon ou on n'a pas utilisé le système de la Loi sur les contrats des organismes
publics. On n'en donne pas. C'est tout simplement un organisme par
lequel les soumissions sont acheminées d'un entrepreneur spécialisé à un
entrepreneur général. Dans ce contexte-là,
et pour que ce soit bien fait, et pour que la collusion ne s'applique pas, on
est d'accord pour être assujettis dans ce contexte-là.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
M.
Caire : Merci.
Le
Président (M. Bernier) : Vous aviez une dernière question?
Il reste un petit peu temps. Vous pouvez poser votre question, Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Bien, je n'entends pas clairement. C'est parce que la commission Charbonneau a
clairement dit, dans ses
recommandations, qu'elle voudrait que le pouvoir d'imposer des règles soit là.
Et vous ne me le dites pas clairement.
M. Hamel (Pierre) : Alors, je
vais le dire clairement.
Le Président (M. Bernier) :
M. Hamel.
M. Hamel
(Pierre) : Oui, on est favorables dans la mesure où, évidemment, elles
sont opportunes, là, mais, oui, on est favorables.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Donc, je vous remercie de
votre participation à la Commission des finances publiques,
M. Côté, M. Turcotte, M. Hamel, M. Ruel et
M. Boulanger.
Je vais
suspendre quelques instants afin de permettre à l'Association des
firmes de génie-conseil de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 4)
(Reprise à 17 h 8)
Le
Président (M. Bernier) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous reprenons nos travaux. Nous avons le
plaisir de recevoir l'Association des firmes de génie-conseil du Québec, représentée par M. André Rainville,
M. Marc Tremblay, M. Serge
Laurence. Bienvenue, messieurs. La parole est à vous. Je pense
que c'est M. Rainville qui va prendre la parole au départ.
Association des firmes
de génie-conseil, Québec (AFG)
M. Rainville
(André) : Merci, M. le Président. M. le
ministre, membres de la commission,
bonjour. Mon nom est André Rainville,
président-directeur général de l'Association des firmes de génie-conseil, l'AFG. Je suis
accompagné de M. Marc Tremblay,
président ex officio de l'AFG et vice-président principal, Québec, de la firme de génie-conseil
WSP, et par M. Serge Laurence, président
du comité Bâtiment de l'AFG et associé et vice-président Bâtiment de la
firme de génie-conseil Beaudoin Hurens.
Tout d'abord, nous tenons à vous remercier et remercier sincèrement la commission de nous offrir l'opportunité de donner nos commentaires sur ce projet de loi, qui est, pour nous, d'un grand intérêt. L'AFG regroupe des firmes
de toutes les tailles, présentes dans toutes
les régions du Québec et qui emploient la majorité
de la main-d'oeuvre dans le secteur du génie-conseil. Plusieurs
firmes de génie-conseil membres de l'AFG offrent leurs services aux donneurs d'ouvrage publics pour la conception et la réalisation de projets. Les marchés publics représentent une partie importante
des revenus de l'industrie du génie-conseil au Québec, estimé à près de 40 %.
Avec les investissements
majeurs en infrastructures qui sont prévus au cours des prochaines années,
l'AFG croit qu'il est nécessaire d'adopter les meilleures pratiques en matière
d'octroi et de gestion des contrats publics, et le projet de loi n° 108, avec la création de l'Autorité des marchés
publics, s'inscrit clairement dans cette voie. L'AFG appuie donc le projet de loi n° 108, qui s'apparente
d'ailleurs à une des recommandations de l'association dans son mémoire à
la commission Charbonneau.
• (17 h 10) •
Au cours des
dernières années, beaucoup de mesures ont été prises en matière d'octroi et de
gestion de contrats publics.
Cependant, nous croyons que l'Autorité des marchés publics constitue en quelque
sorte la pièce manquante pour assurer
l'intégrité des processus à tous les niveaux. En effet, d'une part, les
entreprises désireuses de faire affaire avec l'État doivent désormais se soumettre à une enquête rigoureuse et
répondre à plusieurs exigences pour obtenir l'autorisation des l'Autorité des marchés financiers, un
processus qui sera transféré entre les mains de l'Autorité des marchés
publics. D'autre part l'AMP sera dotée des
pouvoirs nécessaires pour assurer le développement et le respect des bonnes
pratiques par les donneurs d'ouvrage publics. C'est un volet essentiel,
puisqu'un appel d'offres juste, complet et précis est un élément important dans le succès d'un projet. À
l'inverse, un appel d'offres déficient multiplie les risques de
différends.
Au-delà des
questions d'intégrité, qui sont primordiales, nous sommes également d'avis que
l'AMP pourrait aussi contribuer à enrayer une tendance récemment
observée chez certains donneurs d'ouvrage, particulièrement dans le domaine municipal, qui consiste à transférer
massivement les risques liés aux projets à leurs fournisseurs. Des
clauses parfois déraisonnables, voire
excessives ou abusives, apparaissent de plus en plus fréquemment dans les
appels d'offres publics. Ces clauses
visent, entre autres, à éviter les fameux extras, mais transfèrent un tel
niveau de risque aux fournisseurs qu'elles peuvent nuire à la
concurrence en décourageant des soumissionnaires potentiels en plus de faire
augmenter inutilement les prix. Par ses
interventions, l'AMP pourrait contribuer à établir un partage de risques plus
équilibré entre les donneurs d'ouvrage et les fournisseurs.
Malgré son
appui au projet de loi, l'AFG note justement une lacune majeure, soit le fait
que les donneurs d'ouvrage dans le
domaine municipal ne soient pas assujettis à l'Autorité des marchés publics.
Durant toute la durée de ses travaux et dans son rapport final, la
commission Charbonneau a analysé des stratagèmes et des irrégularités qui ont
été observés principalement dans le domaine municipal. Les audiences de la
commission Charbonneau ont clairement démontré la nécessité d'agir afin de mieux encadrer l'octroi et la gestion des
contrats municipaux. Ne pas assujettir les municipalités à l'Autorité
des marchés publics nous apparaît donc impensable. Et nous avons été rassurés
d'entendre les propos du ministre et de
l'opposition officielle à ce sujet lors des remarques préliminaires de cette
consultation. L'AMP devrait exercer une surveillance générale et
indépendante sur les appels d'offres de tous les donneurs d'ouvrage publics, incluant
les municipalités.
Dans un même
ordre d'idées, nous profitons de l'occasion pour exprimer le souhait que le
gouvernement poursuive sa démarche en
révisant le mode d'octroi des contrats des services professionnels dans le
domaine municipal. Encore une fois,
dans le contexte où les problèmes identifiés par la commission Charbonneau
concernent particulièrement le domaine municipal, où des problématiques
sont toujours observées, l'AFG croit qu'il faut agir pour corriger la
situation. Depuis 2002, la formule utilisée
par les municipalités pour sélectionner notamment leurs consultants en
architecture ou en ingénierie
favorise de façon presque systématique le plus bas soumissionnaire. Cette
méthode à non seulement facilité les stratagèmes
de collusion, elle décourage encore aujourd'hui l'optimisation des projets et
l'innovation. Malgré de bonnes intentions
au départ, cette formule est un échec. Il faut corriger cette situation qui, à
terme, coûte plus cher aux contribuables.
Il faut savoir que la conception d'un projet ne
représente que 1 % à 2 % des coûts sur le cycle de vie d'un ouvrage et que le travail des architectes et des
ingénieurs influence tous les autres coûts. Les bénéfices d'une
meilleure planification et d'une meilleure
conception permettent d'obtenir le coût de possession le plus avantageux sur
toute la durée de vie d'une
infrastructure publique, donc en tenant compte des coûts de conception,
construction, exploitation et entretien. Et, pour s'assurer d'une bonne planification et d'une bonne conception,
il faut un mode d'octroi de contrat qui favorise la qualité sur un
horizon à long terme.
En matière de
services professionnels, l'AFG fait donc la promotion de la sélection basée sur
la compétence des soumissionnaires accompagnée d'une négociation des
honoraires sur la base d'un barème reconnu une fois le projet bien défini. Cette méthode éprouvée est appliquée
aux États-Unis depuis 1972 au niveau national et dans la très grande majorité des États. Au Québec, elle est utilisée
au niveau des organismes publics depuis 2008 seulement, à l'exception
des municipalités, tandis qu'au Canada différentes instances gouvernementales
s'y intéressent. La sélection basée sur la compétence
pour les services professionnels permet, entre autres, de mieux planifier les
projets, mieux définir le mandat, fixer les honoraires de façon plus
précise, optimiser la conception et innover. Elle a aussi pour effet
d'améliorer la réalisation des projets sur
le plan de la qualité, du coût et des échéanciers, tout en réduisant les
différends. À la lumière des révélations
de la commission Charbonneau et en raison de l'importance des infrastructures
municipales, les citoyens sont en droit de s'attendre aux meilleurs
investissements pour des infrastructures répondant au mieux à leurs besoins.
Je terminerai avec trois autres commentaires sur le projet de loi n° 108. Premièrement, l'AFG croit que l'AMP pourrait contribuer à uniformiser les documents
contractuels des donneurs d'ouvrage publics. Actuellement, chacun
des donneurs d'ouvrage publics utilise des documents contractuels différents.
Un temps énorme est perdu, autant par les centaines de donneurs d'ouvrage que
par les milliers d'entreprises, à parcourir des documents d'appel d'offres. Ce temps serait mieux investi à discuter des besoins
des usagers et à optimiser les projets. Je me permets de saluer à ce
sujet l'initiative Passeport Entreprises, qui, après avoir traité le dossier
des technologies de l'information, entreprend un nouveau volet avec la
construction de bâtiments.
Deuxièmement, dans le processus qui permet à
toute personne ou société de personnes intéressée ainsi que la personne qui les représente de porter plainte,
nous croyons qu'il est primordial que les associations sectorielles
comme l'AFG puissent
intervenir au nom de leurs membres. C'est possiblement l'intention contenue
dans le projet de loi, mais nous aimerions en obtenir
l'assurance.
Finalement, comme les délais imposés dans le projet
de loi sont très serrés, nous proposons de permettre au plaignant de déposer
une plainte à l'organisme public et à l'AMP au même moment et d'obliger
l'organisme public à communiquer sa décision
simultanément au plaignant et à l'AMP. Dans l'éventualité où un organisme ne
donne pas de décision avant l'expiration du délai, l'AMP pourra
intervenir rapidement plutôt que d'attendre qu'une plainte soit de nouveau formulée. De plus, la réception par l'AMP
de l'ensemble des plaintes lui permettrait d'obtenir une véritable vue
d'ensemble des problématiques soulevées au chapitre des processus d'octroi de
contrats publics au Québec. L'AMP pourrait
également faire bénéficier certains donneurs d'ouvrage de solutions prisées par
d'autres dans des cas similaires.
En
conclusion, nous croyons que l'Autorité des marchés publics vient compléter des
mesures déjà prises pour renforcer
l'intégrité des processus à tous les niveaux dans le domaine des contrats
publics. Et, comme l'envisageait la commission
Charbonneau, nous sommes d'avis que l'AMP pourra contribuer à accroître l'expertise
et à faire évoluer les pratiques de donneurs d'ouvrage au Québec. Je
vous remercie pour votre attention.
Le Président (M. Bernier) :
Merci, M. Rainville, de votre présentation. M. le ministre, la parole est
à vous.
M. Leitão :
Oui. Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, messieurs, bonjour.
Merci. Merci d'être là. Peut-être,
d'entrée de jeu, je veux vous rassurer, enfin, répéter ce que j'avais déjà dit
en ouverture la semaine dernière, que,
bien sûr, nous accueillons très, très, très favorablement la suggestion de
plusieurs intervenants, dont votre organisation, d'inclure les municipalités. Et, en effet, nous sommes à travailler la
préparation d'amendements pour faire ça. Et donc ça doit passer par un certain nombre d'étapes au
gouvernement, dans le comité d'analyse, etc., mais nous avançons dans
cette direction pour nous assurer que, bien sûr, cet aspect-là soit couvert. On
est d'accord que c'est nécessaire.
Je n'ai pas
beaucoup de questions, mais j'aimerais vous amener peut-être à un endroit un
peu différent, surtout monsieur... je
ne veux pas me tromper, M. Tremblay travaillait pour une entreprise qui a
de l'activité un peu partout, WSP, un
peu partout sur la planète. Donc, vous avez de l'expérience probablement avec
des mesures similaires ailleurs. Comment vous comparez ce qu'on est en
train de mettre en place au Québec avec l'AMP avec ce qui se passe ailleurs,
soit aux États-Unis, ou en Europe, ou ailleurs?
Le Président (M. Bernier) :
M. Tremblay.
M. Tremblay
(Marc) : Oui. C'est sûr
qu'on a des bureaux à travers le monde. On a 34 000 employés à
travers le monde. Chaque pays a des
règlements, des situations différentes, et, honnêtement, on s'adapte en
fonction de chacun des pays.
Principalement, mes activités sont au Québec et également dans le reste du
Canada. Donc, je me concentre plus sur qu'est-ce qui se passe, mais je
parle avec des confrères en Suède, je parle avec des confrères américains,
etc., c'est sûr qu'avec ce qui s'est passé
avec la commission Charbonneau, etc., maintenant, on est de plus en plus
surveillés, on a de plus en plus de
paperasse à remplir, etc., puis ça peut commencer à devenir une contrainte dans
notre exercice, effectivement.
Le Président (M. Bernier) :
M. le ministre.
• (17 h 20) •
M. Leitão :
O.K. C'était un peu là où je voulais arriver, c'est-à-dire il y a toujours, du
point de vue du législateur, un
équilibre à obtenir entre des règles, des moyens, des procédures qui soient
efficaces et qui répondent à la problématique en question sans nécessairement aller de l'autre côté, où on rend le
processus tellement lourd que toute
activité contractuelle devient quasi paralysée.
Dans cet exercice d'équilibrage, comment vous voyez
l'Autorité des marchés publics? Est-ce qu'on a été trop loin en termes
d'encadrement? Est-ce qu'on n'a pas été assez loin en termes d'encadrement?
Comment vous voyez ça?
Le Président (M. Bernier) :
M. Tremblay.
M. Tremblay
(Marc) : Dieu merci, on
n'est pas rendus où est-ce que c'est : on a les mains liées puis on ne
peut plus travailler. La principale
contrainte qu'on a, principalement au niveau municipal, c'est qu'il y a une
sélection basée sur le prix. Donc, on
est toujours à la recherche du service professionnel le moins cher possible, et
éventuellement ça fait comme un effet
de cancer. Je donne tout le temps l'expression : On travaille avec notre
quatrième trio tout le temps. Donc, ça, c'est ce qui est majeur.
Par contre,
au niveau de la surveillance, c'est vraiment une bonne chose. On va avoir une
espèce de police pour s'assurer que
les donneurs d'ordres, justement, n'exagèrent pas dans des clauses abusives.
Aussi, ça va permettre d'avoir une
uniformité à travers les différents donneurs publics, ce que présentement ce
n'est pas le cas. On a 1 100 municipalités, donc on a presque
1 100 façons de faire. Et même au niveau du gouvernement, le ministère des
Transports, je pense à la SQI, etc., ont des
manières de faire différentes, etc. Et ça peut devenir très, très difficile à
gérer, tout ça. Donc, en ayant une AMF qui va régulariser tout ça, nous
autres, on le voit vraiment... un avantage.
Le Président (M. Bernier) :
M. Rainville, vous vouliez ajouter?
M. Rainville (André) : Oui, si vous me permettez, en complément, j'ai
participé à une petite recherche, là, dans le passé sur ce type d'institution là, et j'ai réalisé que, dans plusieurs
régions du monde, des institutions semblables existent, parfois regroupées sous
la forme d'une UPAC et d'une AMP et parfois, bien, séparées, comme ça se
présenterait ici, au Québec. Et j'ai
été surpris de voir que, déjà depuis plus de 30 ans, des organismes semblables
étaient implantés, entre autres, en
Europe, en Asie, et qu'on ne venait pas d'inventer vraiment une nouveauté ici,
au Québec, sinon que peut-être d'établir
une ligne d'intégrité, dorénavant, qui sera absolue, c'est-à-dire qui touchera
non seulement les individus et les firmes qui servent l'État, mais qui
s'assurera également, là, des meilleures pratiques au niveau des appels d'offres
de manière à faciliter la réponse à ces appels d'offres et à la réalisation des
projets au mieux pour l'État.
Donc, je pense que,
quand on parle d'un élément manquant dans notre mémoire et dans l'allocution
que j'ai prononcée au début, c'est ce qu'on
veut dire. C'est qu'on pense qu'il fallait, pour que les astres soient bien
alignés et viser une intégrité
absolue, que l'ensemble des partenaires, l'ensemble des parties prenantes, là,
joue un rôle de recherche des meilleures
pratiques, tant dans les domaines administratifs de l'octroi des contrats que
dans le domaine de la conception, de la réalisation.
Le Président
(M. Bernier) : M. le ministre.
M. Leitão :
Bien, M. Rainville ou Tremblay, enfin, ou Laurence, vous avez parlé, donc,
en ce qui concerne les services professionnels, ce qui est votre
domaine, que la méthode de plus bas soumissionnaire n'est vraiment pas
appropriée, et donc vous suggérez fortement qu'on passe à une méthode qui vise
surtout la compétence.
Pouvez-vous
nous expliquer un peu plus ce que vous voulez dire par ça? Parce qu'évidemment
quand on parle de contrats publics,
là, la plupart des personnes qui nous écoutent pensent que le plus bas
soumissionnaire, c'est la règle d'or. Dans les cas des services
professionnels, comment vous voyez ça?
Le Président
(M. Bernier) : M. Rainville.
M. Rainville (André) : Cette règle d'or a été coûteuse selon toute
vraisemblance, là, et à l'analyse, là, du rapport de la commission Charbonneau. Donc, quand il
s'agit de services professionnels, on doit d'abord établir la
distinction vis-à-vis l'achat de biens.
Alors, la distinction qu'on peut faire entre l'achat de biens et l'achat de
services, c'est que, quand vous
achetez un bien, eh bien, c'est un produit qui est bien défini et pour lequel,
bien, vous cherchez le meilleur marché. Vous savez à quoi vous attendre, alors que, quand vous achetez un
service, eh bien, vous obtenez finalement un produit qui est à la mesure
de l'investissement que vous êtes prêt à faire.
Alors, si vous recherchez
un produit qui va vous donner des économies à long terme, qui va réduire vos
coûts énergétiques, qui va vous aider à réduire une empreinte carbone, par
exemple, associée à des projets qui sont dans l'alignement
du COP21, si vous voulez optimiser votre conception pour réduire les coûts
d'entretien, les coûts d'opération, bien,
à ce moment-là, c'est certain que vous allez capitaliser sur le 1 % à
2 % des coûts de services professionnels en amont d'un projet pour effectuer cette belle
planification, cette belle conception, de manière à ce qu'on puisse réduire au mieux les coûts de construction, mais aussi ces coûts
d'opération et d'entretien de manière que, sur un cycle de vie, le coût
de possession soit au meilleur pour les citoyens.
Alors,
quand j'entends certains approvisionneurs nous dire : Eh bien, nous, on
s'assure de donner le meilleur coût pour
nos citoyens, bien, j'aimerais les entendre dire : On
veut offrir le meilleur coût de possession au citoyen parce que le citoyen,
lui, il paie non seulement l'immobilisation, mais il paie jour après jour, également,
son coût d'opération, son coût d'entretien, éventuellement de remplacement et ultimement, là, de démolition et de reconstruction.
Donc, si ce n'est pas tenu en compte
en amont, eh bien, on se réserve des factures pour plus tard. Il y a
des exemples qui peuvent vous être cités à cet égard-là.
Donc, l'approche se
veut ainsi, et, pour que les honoraires soient quand même établis selon des
critères jugés acceptables, eh bien, on
recommande soit un barème ou, dans le cas ici, du Québec,
d'un décret qui fixe, là, soit sur la base honoraire, de forfait ou de pourcentage, quelle devrait être la façon de payer, mais
d'abord après avoir fait la sélection sur la base de compétences de son meilleur fournisseur professionnel,
de s'être assuré d'une bonne compréhension du mandat et puis, après coup, d'avoir discuté le montant
d'honoraires qui sera requis pour le réaliser sur la base de cette assise, là,
soit le barème ou le décret qui aura été
établi et à l'usage de tous. Et, quand je dis à l'usage de tous, présentement à l'usage des organismes
publics, des ministères, à l'exclusion des municipalités, mais il serait facile de l'étendre aux municipalités de la sorte également. Alors, ça serait une des façons d'amener une
sorte d'uniformisation des processus et de standardisation qui amène également
la simplification et la réduction des coûts.
Le Président
(M. Bernier) : M. le ministre.
M. Leitão : Et ailleurs au Canada, que ce soit dans d'autres
provinces, une grande province, nos voisins en Ontario, par exemple, ou le gouvernement fédéral, comment ça marche en termes de méthodes
plus axées vers les compétences?
Le Président
(M. Bernier) : M. Rainville.
M. Rainville (André) : ...il y a cette recherche actuellement, là, qui se fait ça et là, dans différentes provinces. Il y a des organismes publics, je pense à Metrolinx, entre autres, à Toronto, qui a fait quelques expériences, et je
pense que le Québec peut faire figure de pionnier depuis 2008, depuis
l'instauration de cette approche encore jeune, dirais-je, ici, au Québec.
Quant au
fédéral, je vous dirais qu'il y a différentes formules, dépendamment de quel ministère
il s'agit, mais, habituellement, le prix n'est pas prépondérant. C'est-à-dire qu'on va plutôt avoir une formule qui va viser un prix médian. C'est-à-dire qu'on ne veut pas du plus bas prix, on ne veut
pas des prix le plus hauts, on les élimine habituellement des soumissions,
et on va bonifier celui qui est le plus près d'un prix médian, et on va
pénaliser celui qui s'en écarte de manière à ce qu'on ne puisse pas diriger l'appel d'offres sur la base du prix
parce qu'à chaque fois, effectivement, que le prix est un enjeu dans les fournitures de services, vous comprenez qu'il y a toujours
cette propension qui puisse exister de vouloir offrir un bon prix, un prix très bas, en supposant qu'on pourra ajuster
l'offre en conséquence. Mais là c'est de pénaliser un ouvrage sur tout son cycle de vie puisque c'est
cette portion du travail qui va déterminer le coût de construction et
qui va déterminer les coûts subséquents. Et
sachez que la conception va certainement être robuste et résister selon les
critères et les normes établis, mais vous ne pourrez pas compter sur une
optimisation qui en réduira le coût d'opération, qui en réduira les coûts
d'entretien. Vous ne pourrez pas non plus, avec la participation des usagers ou
des opérateurs, avoir recherché la meilleure solution pour répondre aux besoins
du demandeur, du client.
Donc, je pense que c'est de se priver, dans le
fond, de cette participation, je dirais même de ce partenariat professionnel nécessaire
à la réalisation de projets.
Le Président (M. Bernier) : M.
le ministre.
M. Leitão : Très bien, merci
beaucoup. Les collègues, si vous avez des questions.
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de La Prairie, il reste trois minutes.
M. Merlini : Merci
beaucoup, M. le Président. J'aurais une question par
rapport à... Dans votre mémoire,
vous disiez ici, à la page 10 : «Les
firmes de génie-conseil sont disposées à collaborer pleinement avec l'autorité
et à lui fournir tout document et renseignement utile pour qu'elle
puisse remplir diligemment son mandat.
«Les firmes sont cependant réticentes au fait
que "toute personne autorisée" puisse "pénétrer, à toute heure raisonnable" dans leurs bureaux et avoir
[...] accès complet à "tout matériel ou tout autre équipement se trouvant
sur les lieux".» Et vous recommandez que «cet article ne devrait
être applicable qu'aux organismes publics qui font l'objet d'une vérification».
Dans l'esprit
que vous voulez que des sélections soient basées sur la compétence, pourquoi
dites-vous que cette vérification-là, ce soit juste applicable aux organismes publics et non pas de vérifier auprès des firmes à ce moment-là? Quand vous
parlez de qualité sur l'horizon à long terme, que la formule du plus bas
soumissionnaire a été un échec, puis vous
voulez qu'une sélection soit basée sur la compétence, évidemment,
en ayant toujours les meilleures pratiques sur les appels d'offres, alors pourquoi restreindre la vérification strictement là? On comprend les heures normales
d'affaires, mais pourquoi juste les organismes publics?
• (17 h 30) •
Le Président (M. Bernier) :
M. Rainville.
M. Rainville
(André) : Merci, M. le Président. Dans le contexte du projet de loi n° 108, il ne s'agit pas ici, là, d'une autorité des marchés publics qui va évaluer
la compétence des fournisseurs. Elle va évaluer l'intégrité d'un processus
et l'assurance de l'ouverture du marché pour
atteindre les objectifs de cette loi. Alors, c'est un comité de
sélection qui verra à vérifier la
compétence et non pas l'Autorité des marchés publics par le biais de l'application de la loi n° 108. Alors, il n'y a pas un lien direct à
ça.
Ce qui semble, là, actuellement une écriture
large d'une mesure nécessaire, c'est entendu que l'autorité doit pouvoir faire enquête chez les donneurs d'ordres
publics lorsqu'elle veut agir, bien
entendu, mais le fait de s'être
inscrit à un appel d'offres ne devrait pas ouvrir la porte à toute
perquisition pour enquêter l'ensemble des fournisseurs de l'État,
si vous voyez ce que je veux dire. Le projet s'adresse aux donneurs d'ordres
publics afin d'atteindre ces objectifs et ne s'adresse
pas à l'ensemble des fournisseurs de l'État pour aller vérifier chez eux
comment est-ce qu'ils remplissent des appels d'offres, là.
Alors, vous
comprenez qu'il nous semble que... Raisonnablement, je pense que le législateur
a dû penser de donner les pouvoirs suffisants à l'autorité pour faire
son mandat, mais la façon dont c'est écrit, peut-être que ça ne fait pas de
nuances en disant que ça s'adresse principalement, essentiellement aux donneurs
d'ordres et non pas à tous les participants des appels d'offres publics.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Nous allons passer du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Merci, M. le Président. Juste avant de poser quelques questions à l'Association
des firmes de génie-conseil, je
voulais dire que j'apprécie que le ministre nous a donné quelques explications
et éclaircissements quant au processus,
où en sont rendus les amendements parmi les comités ministériels, etc. Ça va,
sauf que je veux quand même dire au
ministre qu'il a déposé le projet de loi, il a omis les municipalités. On met
les municipalités parce que la commission Charbonneau, entre autres, la recommandation principale, une des
recommandations principales... d'instaurer l'Autorité des marchés
publics, mais, en même temps, que les municipalités soient incluses. Et là,
bien, on est dans les comités ministériels,
et je vois qu'on se rencontre encore quelques jours de consultations. Je veux
être sûre qu'on ait le temps de se
rendre là. Et je sais que les comités ministériels, d'expérience, c'est souvent
les mardis, mercredis matins, avant le Conseil des ministres, particulièrement. Alors, s'il n'a pas eu son comité
ministériel aujourd'hui, s'il l'a demain matin, j'espère que ça va passer quelque part pour que ça puisse
arriver pour qu'on soit à mardi prochain, à moins qu'il y en ait un jeudi,
là, mais... Alors, il
ne reste plus beaucoup de temps parce que, la semaine prochaine, on se
rencontre quand même... On verra, là, on n'a plus de... presque plus,
là.
Alors, je pense que je ne voudrais pas que le
processus nous amène à ce qu'on ne les rencontre pas parce que vous-mêmes — bonjour messieurs — à la page 6 de votre mémoire, vous dites que
«malgré son appui au projet de loi, [votre
association] note une lacune majeure, soit le fait que les donneurs d'ouvrage
dans le domaine municipal ne soient pas assujettis à l'autorité», et
vous mentionnez que «durant toute la durée de ses travaux [...] dans son
rapport final, la commission Charbonneau a analysé des stratagèmes et des
irrégularités qui ont été observés presque exclusivement dans le domaine
municipal.
«Les
audiences de la commission Charbonneau ont clairement démontré la nécessité
d'agir afin de mieux encadrer l'octroi [de] la gestion des contrats
municipaux.»
Alors, on est vraiment dans le projet de loi
n° 108, ici, avec l'Autorité des marchés publics, c'est la place. Alors, je le redis de nouveau, et je ne pense pas
que les organismes municipaux vont venir ici... ils ne savent pas quels amendements, là. Ça fait que vous comprenez qu'on
est dans une souricière. Alors, il ne faut pas que ce soit un stratagème
pour ne pas qu'ils viennent. Alors, je veux m'assurer qu'ils soient là.
Alors, je veux...
Le Président (M. Bernier) : Je
vous entends, Mme la députée. Je vous entends.
Mme Léger : Vous
m'entendez? Merci beaucoup. Je fais la démonstration qu'il faudra.
J'apprécie
dans votre mémoire, d'une part, que vous parlez... vous l'avez à la page 5, le
triangle que vous avez mis comme
démonstration des niveaux des processus, mais particulièrement, bon, vous dites
que «les professionnels sont encadrés par le système professionnel et
doivent respecter un code de déontologie. Ensuite, les entreprises doivent se soumettre à une enquête rigoureuse et satisfaire
[les] conditions pour recevoir l'autorisation nécessaire [de]
l'obtention [des] contrats publics.» Et, après la création de l'autorité, la
pièce maîtresse qui restait : «Un organisme sera doté des pouvoirs nécessaires
pour assurer le respect des bonnes pratiques par les donneurs d'ouvrage.»
Donc, le
triangle que vous démontrez dans votre mémoire donne vraiment
les niveaux, dans le fond, nécessaires pour toute l'intégrité...
assurer l'intégrité du processus.
Je voudrais revenir, si vous me le permettez, à
la page 7 de votre mémoire ou à l'article 27.6. Vous parlez particulièrement de la grande transparence, dans
le fond, des processus d'adjudication
et attribution des contrats publics. Vous
parlez de la confidentialité des informations sur les prestataires de biens et services parce qu'«il est [...] important de garder
une certaine confidentialité et s'assurer que les informations mises à la
disponibilité du public ne portent pas préjudice aux prestataires de biens et
services».
Alors, vous
demandez, vous donnez comme suggestion, dans le fond, que la confidentialité
soit là, pas nécessairement le nom des firmes. Voulez-vous l'expliquer?
M. Rainville (André) : ...
Le Président (M. Bernier) :
M. Rainville.
M. Rainville
(André) : Oui. Pardon, M. le
Président. Je suis trop vite sur la détente. Ce n'est pas un point qui nous inquiète dans la mesure d'une application
raisonnable, mais, compte tenu que ce n'est pas précisé dans le projet
de loi, on préfère attirer votre attention
là-dessus. C'est que, si un donneur d'ordres public est sujet, par exemple, à
refaire un appel d'offres ou à revoir ses documents d'appel d'offres tout
simplement et que des avis doivent être publiés à cet effet-là, bien, je pense
que ça concerne un donneur d'ordres public essentiellement. Et les gens qui, de
bonne foi, ont demandé les documents et puis
qui procèdent à un appel d'offres ne devraient pas être, eux, nécessairement
concernés par cette publicité dans le sens
que le fait que des firmes, que des entrepreneurs aient répondu à un appel
d'offres de bonne foi ne devrait pas
les rendre publics à cet effet-là parce qu'on a demandé au donneur d'ordres,
par exemple, de refaire son appel d'offres parce qu'on lui a demandé de
revoir son contrat parce que ça met en cause essentiellement le donneur
d'ordres public et non pas ceux qui, de bonne foi, ont répondu à un appel
d'offres. Et là on ne voyait pas la nécessité de faire des publications mur à
mur de ceux qui participent à cet effet-là.
Petite nuance, peut-être une inquiétude
peut-être liée à l'expérience qui nous amène à attirer votre attention là-dessus, on a confiance que ce sera fait de
belle façon et que ce sera fait de façon transparente, évidemment, mais
que ça ne peut pas porter préjudice, au bout
du compte, aux gens qui participent comme prestataires à des biens et services
et qui ne sont pas concernés par la décision de l'autorité à ce moment-là.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme la députée.
Mme Léger : Est-ce que,
pour vous, il y aurait un impact négatif de ça face à une firme?
M. Rainville
(André) : Ah! écoutez, c'est
peut-être une sensibilité extrême, là. Je veux dire, je veux bien vous
le concéder, là, je ne pense pas qu'on va
déchirer notre chemise sur la place publique, là, à cet effet-là. C'est juste
pour vous dire qu'il est inutile de
publier de façon extensive, là, tous ceux qui, de près ou de loin, ont répondu
à un appel d'offres quand le responsable, là, finalement du rejet de
l'appel d'offres est celui qui l'a rédigé à la demande de l'Autorité des marchés publics. Alors, à ce moment-là, on se
dit : Affichez le nom du projet, son numéro et les considérations
afférentes, là, telles
qu'écrites dans le document, sans nécessairement s'attarder sur ceux qui ont pu
participer au processus et, encore une fois, de bonne foi,
naturellement, là.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. Mme la députée.
Mme Léger :
J'ai encore un peu de temps. Dans un autre ordre d'idées, les articles 33 à 38,
vous dites... Bien, je veux reparler,
dans le fond, des délais de réponse très serrés, qui laissent très peu de temps
au plaignant pour réagir ou analyser
les commentaires. Alors, vous dites que l'autorité pourrait intervenir
rapidement plutôt que d'attendre qu'une plainte soit... Avez-vous...
nous parler un petit peu, ce que vous voulez dire.
Le Président
(M. Bernier) : M. Rainville.
• (17 h 40) •
M. Rainville (André) : Bien, on a bien compris que vous avez voulu,
c'est sûr, en légiférant en cette matière, ne pas nuire à l'approche commerciale et à l'efficacité des processus
d'appel d'offres. Alors, c'est pour ça que, dans le temps, les délais
sont assez serrés, puis on admet qu'ils ne peuvent pas s'étirer indûment non
plus. Mais il advient certaines situations,
là, qu'on va voir, par exemple, là, au chapitre IV, dans la section II, quand
il s'agit de plaintes non consécutives à une décision de l'organisme public, par exemple, que ce soit pour
l'adjudication ou pour l'attribution. Vous allez voir que, si on n'a pas eu de réponse, par exemple, d'un
donneur d'ordres public, deux jours avant la fin, eh bien nous, on doit, dans les 24 heures, le
signaler auprès de l'Autorité des marchés publics.
Bien,
vous savez, vous venez d'entendre mon collègue, ici, là, qui est dans une firme de 34 000 employés. Eux aussi ont une administration, comme le
gouvernement a une grande administration. Et, demander de réagir dans les
24 heures quand on vient d'apprendre
que la réponse n'est pas rentrée mais que l'appel d'offres va prendre fin dans
deux jours et que l'autorité exige par la loi d'obtenir dans les
24 heures une déclaration à l'effet qu'on n'a pas eu de réponse, c'est très
serré dans le temps.
Alors,
nous, de façon pratique... Vous savez, c'est notre défaut, un peu, les
ingénieurs, on cherche toujours des solutions.
Alors, on vous apporte une petite solution comme ça. On vous dit : Si,
simplement, lorsque moi, je demande au donneur
d'ordres public de bien vouloir, par exemple, accepter de me manifester son
intérêt ou encore donner droit à une plainte
et qu'il ne daigne pas me répondre, bien là, si je l'envoyais, moi, en même
temps à l'Autorité des marchés publics et à l'organisme public, bien là, à ce moment-là, il serait assez simple,
puis ce n'est pas une programmation compliquée, de faire que, si le donneur d'ordres public n'a pas
répondu avec copie à l'autorité dans les délais prescrits, eh bien, là, il
y a un petit drapeau qui se lève, et
l'autorité prend immédiatement charge du dossier, qui est déjà en double, qui
est déjà reçu, et puis peut donner
suite immédiate. Alors, on évite d'allonger le processus, et puis à ce
moment-là, bien, le plaignant se voit
bien servi puisqu'il n'a pas besoin de reformuler de façon éclaire sa demande
pour avoir l'assurance d'être reçu selon les exigences auprès de
l'office.
Le Président
(M. Bernier) : Merci, M. Rainville. Nous allons passer du
côté du député de La Peltrie. Je vais lever mon drapeau à mon tour.
M.
Caire : Merci, M. le Président. Alors, rapidement, vous
remettez en question le principe du plus bas soumissionnaire conforme,
opinion que je partage. Par contre, il fallait bien admettre qu'il y avait là
un critère qui était objectif. Et je me demandais par quel critère tout aussi
objectif peut-on le remplacer parce qu'on s'entend qu'on demande à l'AMP d'évaluer la conformité des
processus, encore faut-il qu'on évite les zones subjectives. J'imagine
que vous allez être d'accord avec moi. Donc,
vous, vous voyez ça comment, l'objectivité des critères qui pourraient être
fixés dans ces processus-là?
Le Président
(M. Bernier) : M. Rainville.
M. Rainville (André) : C'est certain qu'on s'est projeté dans
l'après-projet de loi n° 108 puisque, si on regarde la
recommandation 2 de la commission Charbonneau, qui se veut être le
renouvellement des modes d'octroi de contrat, on
a abordé cette suite en vous suggérant, effectivement, une approche qui est
basée sur la compétence et pour laquelle les critères, là, établis pourraient être, d'une certaine façon, parfois
standardisés, parfois adaptés aux types de projets et administrés par un comité de de sélection. Et les
critères peuvent être objectifs dans le sens que, si, par exemple, on
demande à un chargé de projet qui a un
certain nombre d'années d'expérience ou encore qui a réalisé des projets
similaires dans un certain nombre
comme étant un critère, bien, ça peut se mesurer, ça, et ainsi de suite. Alors,
l'équipe de projet, l'expérience de
la firme qui propose, ainsi de suite, c'est des choses qui peuvent se mesurer
et, au bout du compte, qui peuvent, par la qualité de la réponse aux critères, déterminer, finalement, le niveau
attendu et fixer, finalement, une note pour l'attribution d'un mandat.
Le Président
(M. Bernier) : M. le député.
M.
Caire :
Le comité de sélection est nécessairement formé par le donneur d'ouvrage,
j'imagine.
M. Rainville
(André) : Oui, le comité de sélection...
M.
Caire :
Et là on retombe un petit peu dans les mêmes tentations. Comment s'assure-t-on
que ce comité de sélection là va effectivement établir des critères dont
l'objectif est d'être objectif et non pas de favoriser... parce que, vous
savez, on a eu des problèmes avec les comités de sélection, on a eu des
difficultés avec les comités de sélection. Il y a un certain nombre de règles
qui ont été suggérées pour encadrer ça. Alors, est-ce qu'on doit avoir le même
encadrement — j'imagine — pour
ces comités-là pour s'assurer, justement, que l'objectif est l'objectivité et
non la subjectivité?
Le Président (M. Bernier) :
M. Rainville.
M. Rainville
(André) : Vous suggérez la
réponse. Effectivement, d'abord, on ne peut pas s'en sortir, on ne peut
pas se doter d'outils de planification sans
rechercher la qualité. Alors, je pense que, là, il y a cet incontournable.
Alors, il faut trouver une solution
pour le faire. Et on ne peut pas en imaginer d'autres que d'établir des
critères de sélection qui seraient administrés par un comité de
sélection. Puis le comité de sélection, bien, il doit être établi avec la même
rigueur que l'ensemble des processus d'appel
d'offres. Alors, il doit être formé de gens d'une compétence, ces gens-là doivent être formés, doivent à l'occasion être soumis peut-être
à une rotation de manière à éviter, disons, l'établissement d'habitudes de
travail entre collègues et fournisseurs. Alors, il y a toutes sortes
d'expériences de stratégies qui ont été vécues à travers le monde sur la meilleure façon de gérer des comités.
Et puis il faut emprunter ces meilleures pratiques là pour mettre en
place l'outil nécessaire qui servira à évaluer la qualité qui est attendue pour
les services professionnels.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député.
M.
Caire : En fait, mon questionnement était plus à l'effet
que... Est-ce que vous voyez l'AMP comme pouvant aller jusqu'à
vérifier l'intégrité du comité de sélection? Est-ce que ça va jusque-là?
M. Rainville
(André) : Bien, j'ai cru
lire... j'ai comme souvenir que l'autorité peut déléguer un représentant sur un comité de sélection, à même le projet actuellement sur la table. Et
c'est très bien ainsi parce
qu'il faut que l'autorité ait le
pouvoir également de contrôler la qualité de ce comité-là, puisque ça fait
partie du processus, hein? Jusqu'à l'attribution du contrat, eh bien, après que les appels d'offres sont ouverts, eh
bien, il y a ce comité qui travaille et qui fait partie d'un processus d'attribution et il doit être sujet à
l'Autorité des marchés publics. Et, comme vous le suggérez, l'Autorité
des marchés publics peut même exercer une vigie sur un comité, voire y déléguer
dans certains cas, dans certains types d'appels
d'offres ou pour certains projets particuliers d'une complexité ou une
importance quelconque, un représentant de
son choix pour s'assurer effectivement de l'intégrité et de la bonne valeur des
travaux réalisés par ce comité. Alors, réponse courte : Oui,
l'Autorité des marchés publics devrait avoir un droit de regard sur les comités
de sélection pour s'assurer de leur bon fonctionnement.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Oui, une dernière question.
M.
Caire :
Une dernière question. Bien, vous avez parlé, tout à l'heure, de standardiser
les documents d'appel d'offres. Je
trouve l'idée intéressante. Ceci étant dit, compte tenu de la diversité des
appels d'offres, qu'on parle d'octroi de
contrats, qu'on soit en acquisition, bon, que ce soit évidemment une entité
publique provinciale, municipale, il y a quand même un spectre qui est assez large. D'une part, comment on peut faire
ça? Et, deuxièmement, comment doit-on travailler le projet de loi pour faire en sorte que l'AMP soit partie prenante de
cette proposition-là, là? C'est dans l'application que je vois moins
comment on peut le faire, là.
M. Rainville (André) :
Proposition? Je m'excuse.
Le Président (M. Bernier) :
M. Rainville.
M.
Caire : La
standardisation des documents d'appel d'offres.
M. Rainville (André) : Ah oui!
Bien, dans la standardisation, c'est parce que le gros avantage de l'AMP, et
surtout si notre suggestion est retenue, c'est qu'ils vont voir passer une
série de commentaires sur des potentielles améliorations dans le processus et dans les documents d'appel d'offres. Alors, je pense que l'Autorité des marchés publics peut nourrir les donneurs d'ordres publics de ces
commentaires-là, peut même faire des recommandations directes et dire : Bien, je pense qu'ici à la lumière de l'expérience
qu'on a, souvent, on a vu ces situations-là. Ça a été problématique, et on devrait
travailler à améliorer le devis sur tel ou tel aspect.
J'ai salué, tout à l'heure, le secrétaire du Conseil du
trésor avec son projet de Passeport
Entreprises parce qu'après avoir établi des balises, le volet 2 des mandats,
c'est la standardisation, et on y voit là un très grand avantage. Et
l'AMP doit jouer un rôle important là-dedans
parce que ça va être un observateur de premier choix, là. Sa vigie, tant sur ce
qui se passe, par sa connaissance, là, des
plaintes et des résultats qui ont été obtenus, que sa vigie sur le plan
international pour voir quelles sont les meilleures pratiques ailleurs
et que je peux amener pour faire évoluer les pratiques québécoises et les
maintenir toujours à leur meilleur niveau, vont lui donner, là, une place de
choix pour intervenir et faire les recommandations
les meilleures pour l'amélioration et la standardisation des documents d'appel
d'offres. Mais il faut les standardiser.
Et imaginez le temps qu'on
épargne, là, quand on pense qu'il y a près de 2 300, 2 500 organismes
publics au Québec, 1 100 municipalités.
Si chacun y va de sa façon de faire,
imaginez le temps qu'on doit investir pour se conformer, là, à un document d'appel d'offres et y répondre
finalement, alors qu'on pourrait investir ce temps-là pour
optimiser la proposition et répondre encore mieux aux besoins. Et, de
fait, on aurait moins de différends, voire même de judiciarisation des
contrats, si chacun était en mesure de connaître les attentes du client,
sachant que les clauses administratives sont standard,
que les clauses particulières en tels types de contrats sont également
connues. Alors, on est en terrain connu, on soumissionne avec certitude, on évite les différends en bout de piste et
on réduit les coûts de construction puis les coûts d'exploitation,
entretien, au bout du compte.
Le Président (M. Bernier) :
Merci aux représentants de l'Association des firmes de génie-conseil,
M. André Rainville, M. Marc Tremblay, M. Serge Laurence, de
votre participation à la Commission des finances publiques.
Et je suspends les travaux jusqu'à
19 h 30.
(Suspension de la séance à 17 h 50)
(Reprise à 19 h 33)
Le
Président (M. Bernier) :
On retourne, on y va. À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses
travaux. Et le problème, ce n'est pas les cellulaires, là, c'est le
marteau-piqueur.
Donc, nous
allons poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 108, Loi favorisant la surveillance des
contrats des organismes publics et instituant l'Autorité des marchés publics.
Ah! M. le député. Bienvenue, M. le député. Je
pensais que vous étiez sur le marteau-piqueur.
Une voix : ...
Le Président (M. Bernier) :
O.K. Dans le fond, nous avons le plaisir de recevoir ce soir l'Association des architectes en pratique privée du Québec,
représentée par Mme Lyne Parent, directrice générale, et
M. Richard Fortin, secrétaire-trésorier. Bienvenue. On est heureux de
vous recevoir à la Commission des finances publiques.
Je vais vous laisser la parole pour environ une
dizaine de minutes. Par la suite suivront les échanges avec les parlementaires,
si le marteau-piqueur nous le permet. La parole est à vous.
Association des
architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ)
Mme Parent
(Lyne) : Bonsoir, M. le
Président. M. le ministre, bonsoir. Mme, MM. les commissaires, bonsoir. Je vous présente encore une fois
M. Richard A. Fortin, qui est architecte et membre du comité
exécutif de l'Association des architectes en pratique privée du Québec.
Je suis Lyne Parent, sa directrice générale.
L'association est un organisme sans but lucratif
qui existe depuis près de 40 ans et qui représente 400 firmes
d'architecture environ. 81 % de ces firmes sont de petites entreprises de
11 employés et moins. Les marchés publics représentent environ 55 % des contrats de service des firmes
d'architecture. La mission de l'association est de renforcer le rôle de l'architecte en pratique privée dans la
société québécoise et, par le fait même, d'améliorer la qualité et la
sécurité du cadre bâti.
Merci de nous rencontrer et de nous permettre de
commenter le projet de loi instituant l'Autorité des marchés publics. Nous allons vous présenter notre mémoire et nous aurons ensuite le plaisir de
répondre à vos questions. Alors, je cède la parole à
M. Richard Fortin.
M. Fortin
(Richard A.) : Bonsoir.
Madame, messieurs, l'Association des architectes en pratique privée du Québec
est entièrement favorable à la création d'une Autorité des marchés publics
permanente et sa mission de surveillance indiquée
à l'article 18 du projet de loi. La création de l'autorité devrait avoir un
impact durable et positif dans la lutte contre la collusion et la
corruption et ainsi paver la voie à une plus grande et une plus saine
concurrence dans la gestion des marchés
publics dans toutes les sphères de la construction. À terme, notamment,
un processus de sélection des services professionnels
et un cadre contractuel bonifié et uniformisé seront des assises solides sur
lesquelles le Québec pourra compter afin de
favoriser un cadre bâti de qualité, c'est-à-dire fonctionnel, harmonieux et durable, profitant à
l'ensemble de la collectivité.
Concernant
les fonctions et les pouvoirs de l'autorité, au chapitre III, le projet de loi décrit de façon détaillée les fonctions de réception des
plaintes, de vérification et d'enquête de l'autorité. Toutefois, il est muet
quant au rôle de soutien et d'accompagnement que pourrait jouer l'autorité
auprès des donneurs d'ordres publics. Nous croyons que l'autorité devrait assumer une fonction de veille, d'analyse, de
contrôle et d'expertise centralisée, soutenir les donneurs d'ordres dans la préparation de leurs appels
d'offres et dans leur gestion contractuelle et publier des guides de
bonnes pratiques.
Les recommandations de la commission d'enquête
Charbonneau sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction vont, à notre
avis, clairement dans ce sens. C'est pourquoi l'accompagnement nous apparaît des plus nécessaires
dans certains milieux qui ne sont pas rompus à l'encadrement contractuel de
services professionnels, en architecture,
notamment. Le soutien d'une ressource experte contribuerait à rehausser la
qualité et la rigueur
des processus et des documents d'appel d'offres. Nous jugeons que c'est
l'autorité qui, ultimement, devrait avoir pour mission de produire des guides et outils pour soutenir les donneurs
d'ouvrage et les former à l'adoption des plus hauts standards de
qualité. Depuis nombre d'années que nous faisons une veille à ce sujet,
l'association a vu trop souvent des
documents copiés-collés qui démontrent un manque d'expertise quant à la
planification et à la réalisation d'un projet de construction. Cette méconnaissance de certains donneurs publics
risque d'avoir des répercussions sur la sélection des fournisseurs de services, sur la réalisation des
mandats et sur le respect des budgets et des échéanciers d'origine.
Cette méconnaissance peut également
influencer la qualité et la sécurité du cadre bâti, décourager des firmes à
soumissionner ou les exposer à un transfert de risques indu et mettre en péril
leur viabilité économique.
Concernant
l'intérêt pour porter plainte et l'importance de l'anonymat, les articles qui
prévoient les différentes possibilités de porter plainte dans le cadre
d'un processus d'adjudication en cours indiquent que seule une entreprise intéressée à participer au processus ou son
représentant peut porter plainte. Compte tenu que l'Association des
architectes en pratique privée agit dans
l'intérêt collectif et n'intervient pas, dans le cadre d'appels d'offres en
cours, dans l'intérêt d'une firme
d'architecture en particulier, nous proposons que les dispositions de la loi
soient modifiées pour permettre à des
associations représentatives de porter plainte au nom de leurs membres. Cette
façon de faire permettrait de dépersonnaliser la démarche et ainsi d'éviter la tentation d'un traitement
discriminatoire lors de la sélection des fournisseurs. Le projet de loi prévoit d'ailleurs que toute personne peut
communiquer à l'AMP des renseignements mettant en cause la conformité et
la gestion contractuelle d'un organisme public
avec le cadre normatif et contient une disposition qui protège
l'identité et l'anonymat des sonneurs d'alerte.
• (19 h 40) •
Concernant
les délais, toute la section IV du projet de loi comporte des dispositions sur
le mécanisme de traitement des plaintes.
Chacune des dispositions prévoit des délais de réception et de traitement qui
sont relativement courts, et, en soi, c'est tant mieux. Mais, dans le
domaine des marchés publics et de la construction, les délais sont d'une très haute
importance pour toutes les phases d'un projet. Le délai nécessaire à la réponse
à un appel d'offres se doit d'être raisonnable
en fonction de la nature de l'ouvrage et des services demandés.
Le délai additionnel minimum de sept jours, prévu à l'article 46, lorsqu'une décision entraîne une modification au document d'appel
d'offres pourrait s'avérer
très court dans le cas de projets complexes.
Il serait souhaitable de modifier ce délai ou de permettre à l'autorité de
recommander des délais appropriés compte tenu des circonstances. Les délais nécessaires
à l'étude d'une plainte concernant un
contrat pour services professionnels auront probablement une incidence sur
les échéanciers des projets de construction.
Les architectes hésiteront à porter plainte s'ils doivent faire par la suite
les frais d'échéanciers raccourcis en cours de projet. L'autorité devait
pouvoir émettre des recommandations à ce sujet.
Concernant l'information aux fournisseurs, l'article
51 donne à l'autorité le pouvoir d'intervenir dans les trois mois de l'adjudication
d'un contrat. L'article 52 prévoit que, dans ce cas, l'autorité doit informer
le dirigeant de l'organisme public et l'inviter à présenter ses observations. Il
nous semble tout à fait indispensable de modifier cet article pour que l'autorité doive aussi informer
l'adjudicateur du contrat. Ce dernier est directement concerné par cette
information. Et vous comprendrez que, dans
un délai de trois mois de l'adjudication d'un contrat, une entreprise
en architecture a déjà investi des
sommes importantes pour la préparation de sa soumission et la planification de l'exécution de ses obligations.
Concernant l'importance de la stabilité et de la
sécurité des processus pour les entreprises soumissionnaires, l'introduction
d'une obligation de publier un avis d'intention de conclure un contrat de gré à
gré pour une dépense supérieure au seuil normalement applicable et lorsque le donneur d'ouvrage public estime qu'un appel d'offres public ne servirait pas l'intérêt public est une excellente
chose. Cependant, l'article 58 du projet
de loi prévoit la résiliation de
plein droit d'un contrat conclu de gré à gré sans avoir fait l'objet de la
publication d'un avis d'intention. Nous demandons que le législateur balise cette disposition pour ces contrats dans lesquels les fournisseurs
se sont engagés de bonne foi afin qu'ils ne soient pas pénalisés
financièrement ou qu'ils reçoivent quelques compensations dans ce cas.
Concernant
les organismes assujettis, la compétence de l'autorité doit s'étendre aux municipalités. Les municipalités ne seront pas assujetties à l'autorité,
selon le document que nous avons reçu, et cette exclusion ne nous apparaît pas souhaitable, et ce, pour plusieurs
raisons. Les notions d'éthique, de transparence et de concurrence sont les mêmes pour tous
les donneurs d'ordres publics. Les modes d'adjudication doivent également
l'être, qu'il s'agisse d'un ministère, d'un organisme
ou d'une municipalité. La meilleure approche devrait donc être en vigueur,
peu importe l'identité du donneur d'ordres public.
L'Association des architectes en pratique privée
rappelle que le mode d'octroi des contrats pour services professionnels
en architecture et en génie applicable dans les municipalités en vertu de la loi a facilité la mise en oeuvre de mécanismes de collusion par des cartels d'entreprises de génie civil,
tel que démontré lors de la commission
Charbonneau. L'examen des stratagèmes de
collusion et de corruption a permis de constater que les municipalités ont été fortement ciblées par
ces stratagèmes. L'association croit que le mécanisme à deux enveloppes en vigueur
dans les municipalités doit être modifié et prône l'uniformisation avec l'approche utilisée pas les
organismes et ministères, soit la sélection basée sur les
compétences, accompagnée d'un tarif horaire décrété par le gouvernement. Alors
que les modes d'adjudication et d'attribution
sont en cours d'uniformisation, il est d'autant plus logique de confier la
veille, la prévention, l'accompagnement, la surveillance, la vérification et l'intervention en matière de contrats publics
à un seul et même organisme où l'expertise serait centralisée.
M. le Président, l'association croit que le projet de loi doit être amendé
sans attendre pour élargir la compétence de l'autorité à tous les
marchés publics, incluant les 1 110 municipalités du Québec. De cette
façon, nous croyons que le développement du cadre bâti public profitera d'une expertise
d'ensemble, qu'il sera plus facile de concilier l'utilisation judicieuse des fonds publics avec un développement durable et de qualité sur l'ensemble du territoire
québécois. Nous vous remercions de votre attention.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, M. Fortin, de votre
présentation. Nous allons donc passer aux échanges avec les
parlementaires. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Leitão : Merci. Merci, M. le
Président. Alors, Mme Parent, M. Fortin, merci d'être là, surtout
dans les circonstances un peu du bruit ambiant, mais, enfin, on va quand même
faire de notre mieux. Alors, je vous remercie doublement d'être ici.
Quelques questions, mais, avant de passer aux
questions, je vais, comme j'avais dit au groupe qui est passé avant, l'Association des firmes génie-conseil,
nous sommes très ouverts, bien sûr, à inclure les municipalités dans le
projet de loi. Et donc nous travaillons sur
les amendements, et cela va se faire une fois qu'on aura suivi le processus
normal des commissions et... des
comités, plutôt. Mais, oui, c'est absolument incontournable qu'on inclue les
municipalités, vous avez raison. Que l'expertise soit concentrée, ça,
tout à fait nécessaire.
Maintenant,
je veux commencer par la question des services professionnels parce qu'encore
une fois l'Association des firmes de
génie-conseil nous a exprimé leur souhait que les appels d'offres soient
modifiés pour tenir en considération les
compétences, surtout en services professionnels, plutôt que tout simplement le
plus bas soumissionnaire en termes de prix. Donc, vous avez mentionné
brièvement dans votre allocution, pouvez-vous aller un peu plus loin? Donc,
cette problématique de services professionnels s'applique, bien sûr, aux
architectes aussi.
Mme Parent
(Lyne) : Alors, nous, on
pense que le mode d'octroi de contrat qui est en cours présentement pour
les ministères et organismes, parce que,
depuis 2008, c'est comme ça qu'on sélectionne les firmes d'architecture, sur
la base des compétences, c'est la meilleure
méthode pour choisir un architecte, pour choisir des services professionnels
en architecture parce que — on partage l'opinion des ingénieurs-conseils
qui sont passés avant nous — l'architecture, ce n'est pas un produit. On n'achète pas un produit
quand on achète de l'architecture, on achète des services-conseils, on achète du temps. Alors, c'est certain que le mode
d'octroi de contrats dans les municipalités, la commission Charbonneau
l'a dit, ce mode-là donne une prépondérance au prix. Alors, qui dit
prépondérance au prix dit : On choisit le plus bas soumissionnaire. Et donc, à ce moment-là, bien, le plus bas
soumissionnaire, il ne pourra pas consacrer, fort probablement, le temps
nécessaire à un bon projet.
L'architecture,
c'est un processus itératif, c'est un processus en continu, ce n'est pas un
processus on décide, on exécute et on
termine, c'est un processus qui est en continu, qui est itératif. Et donc on
pense que la meilleure façon de sélectionner un professionnel en
architecture, c'est d'y aller sur la base des compétences, d'autant plus que le
dépôt d'un prix à l'étape de l'appel
d'offres, il est difficile à évaluer pour une firme d'architecture parce que le
projet, souvent, il n'est pas encore
complètement défini. C'est un travail qui va faire avec l'architecte, avec le
professionnel concepteur, contrairement à une entreprise de construction
qui va soumissionner, qui va déposer un prix sur des plans et devis définitifs,
un cahier de charges très défini. L'évaluation du prix, elle est plus facile à
faire. Mais c'est surtout qu'en architecture on pense que c'est d'abord sur les
compétences qu'on doit sélectionner un professionnel. Et ça, on est convaincu
de ça.
Le Président (M. Bernier) :
M. le ministre.
M. Leitão : Très bien. Merci.
Dans le cas de, et vous l'avez mentionné dans votre mémoire et dans votre présentation... le rôle d'expertise que l'AMP
joue, ou pourrait jouer, ou devrait jouer, donc vous, vous recommandez
que ce rôle d'expertise soit aussi un rôle
d'accompagnement des donneurs d'ouvrage. Très bien. Maintenant, est-ce que
vous voyez un problème potentiel dans ce
sens-là si l'AMP devient, donc, juge et partie, donc une certaine perte de
neutralité si l'AMP a simultanément le rôle,
donc, de régulateur, de vérificateur et aussi, en même temps, un rôle
d'accompagnateur d'organisme public? Il y a risque, à votre avis, ou pas?
• (19 h 50) •
Mme Parent
(Lyne) : Nous, on ne pense
pas que c'est problématique. On pense à des organisations comme la Régie
du bâtiment, par exemple, qui a un rôle d'accompagnateur, de soutien des entreprises
et qui a aussi un rôle de surveillance des
entreprises de construction, de ces marchés-là. On pense que ça peut être
concilié tout comme dans, par exemple, les ordres professionnels, qui ont un rôle
disciplinaire et qui ont aussi un rôle d'accompagnement et de formation
continue auprès des organismes.
On pense que
l'AMP, comme entité, pourrait développer une expertise vraiment
ciblée sur les marchés publics. On le sait que les marchés publics
doivent être surveillés en continu, s'assurer qu'il n'y a pas de collusion, une
saine concurrence, même s'il y a
des organisations qui font ce soutien-là. Le Secrétariat du Conseil du trésor le fait présentement. On a
participé à la rencontre Passeport Entreprises vendredi dernier, et il y a
du travail excellent qui se fait de ce côté-là. Le MAMOT le fait pour les municipalités,
mais on pense que ces entités-là, le MAMOT, le Secrétariat du Conseil du trésor, ils ont aussi d'autres
mandats, ils n'ont pas que cette mission-là. On pense qu'une organisation qui
aurait cette mission unique pourrait vraiment
développer une expertise. L'expertise surveillance viendrait enrichir
l'expertise accompagnement à voir les
choses... parce que parfois les donneurs d'ouvrage ne font pas les
choses dans les normes des marchés publics, pas par mauvaise foi, mais
par une méconnaissance.
Donc, avoir
ce qui ne se fait pas, ce qui ne devrait pas être fait du côté de la
surveillance, peut venir nourrir le côté accompagnement et guide des donneurs d'ouvrage sur le marché public. Si
on parle de projets de bâtiments, les donneurs d'ouvrage qui font régulièrement des projets de bâtiments ont développé
des expertises, mais il y a des donneurs d'ordres publics, des petits milieux, des petites municipalités,
qui n'en font pas régulièrement et qui ont besoin d'accompagnement. Et
on pense qu'une entité centralisée pour accompagner, ça nous semblerait plus
efficace, plus efficient.
Le Président
(M. Bernier) : Merci. M. le ministre.
M. Leitão : En
effet, nous sommes d'accord
que c'est nécessaire de mettre en place des pôles d'expertise.
Mais là est-ce que ça va être nécessairement l'AMP ou est-ce que ça peut se
faire par un autre organisme, on pourrait en discuter, mais c'est clair que,
oui, des pôles d'expertise sont nécessaires.
Une dernière
question avant de passer la parole à mes collègues, vous avez aussi mentionné la problématique
où, puisque beaucoup de vos entreprises sont de très petites entreprises...
donc, que ce soit possible pour l'association de porter plainte au lieu de... soit de la petite entreprise
ou même d'architectes individuellement par crainte de représailles ou,
enfin, de se sentir exclus.
Pouvez-vous nous parler un peu plus de ça? Est-ce
qu'il y a vraiment, donc... De permettre l'anonymat, ce ne serait peut-être pas une façon d'y arriver ou vous jugez que c'est
vraiment utile que l'association, elle, puisse jouer
ce rôle de porter plainte au nom de...
Mme Parent (Lyne) : Bien, je pense
que ce serait utile parce qu'effectivement, dans certains cas, on pourrait
penser... entre autres, dans le cas d'un
appel d'offres qui serait ciblé, où on cible une entreprise, et une entreprise
concurrente trouve que ce n'est pas conforme, que ça ne respecte pas, ne
voudrait surtout pas, peut-être, être identifiée et être victime d'un processus discriminatoire au bout du
processus. Ça, c'est une chose, mais ce risque-là, il n'est pas là dans tous les cas. Mais nous, à l'association, on
exerce une certaine forme de veille et on n'intervient pas pour une
entreprise en particulier, on intervient
pour l'ensemble de nos membres. Et souvent, quand un appel d'offres ne nous
semble pas conforme, on reçoit
plusieurs appels de différents membres qui sont intéressés par un appel
d'offres. Alors, on pourrait centraliser
tout simplement. Plutôt que chacun de ces membres fasse une plainte, on
pourrait le faire en leur nom, et ça ne nous semble pas possible tel que le projet de loi est libellé. Peut-être
qu'on se trompe. Peut-être qu'on n'en fait pas une bonne lecture. Mais
on aimerait pouvoir continuer de le faire, et ça nous permet nous aussi
d'exercer une veille et de mieux comprendre les règles des marchés publics et
de mieux conseiller aussi nos membres.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Leitão : ...travailler un
peu là-dessus pour le rôle des associations.
O.K., pour moi, c'est tout. Les collègues, si vous
avez encore un peu de temps, je pense...
Le Président (M. Bernier) :
...le député de La Prairie.
M. Merlini :
Merci, M. le Président. Mme Parent, M. Fortin, bonsoir. Merci d'être
ici ce soir. Vous voyez que l'Assemblée est en mode vibreur ce soir,
comme demandé par le président de la commission plus tôt.
Bon, trêve de
plaisanteries, je vais faire du pousse un peu sur qu'est-ce que le ministre
vous en... vous a posé des questions
concernant les plaintes. Moi, je veux m'attarder plus sur les délais parce que,
dans votre rapport, dans votre mémoire,
vous dites : «Les délais prévus aux articles détaillant les mécanismes de
plaintes doivent être courts et de rigueur afin de ne pas nuire à la
planification et à la réalisation des projets.»
Vous avez parlé tantôt que dans votre domaine,
dans votre métier, il y a des frais qui s'encourent à préparer les soumissions,
à faire des plans, à faire des devis. Mais qu'est-ce que vous entendez par des
délais qui doivent être courts et de rigueur?
Mme Parent
(Lyne) : Bien, dans le projet de loi, il y a déjà des mécanismes qui sont prévus, qui sont courts.
On souhaite que, dans l'application, l'AMP ait les ressources pour respecter ces délais courts là. Ça, on
est d'accord avec ça parce qu'il y a
deux éléments par rapport aux délais, c'est qu'il faut traiter rapidement
une plainte, parce qu'il faut s'assurer que... parce que les échéanciers de projet sont souvent de rigueur, il y
a souvent des pénalités pour les entreprises qui ne respectent pas les échéanciers. Donc, d'une part,
on ne voudrait pas que le fait de porter plainte fait en sorte qu'il y a
des délais qui ne sont pas, dans le fond, comptabilisés dans les échéanciers, qui retardent les échéanciers.
D'autre part, dans certains cas, des
projets d'envergure où on dit que la période d'appel d'offres pourrait être
rallongée d'au moins sept jours, on
pense qu'il devrait y avoir un certain pouvoir discrétionnaire de l'AMP, pour
certains cas, de recommander un délai plus
long parce que, si une firme voit un appel d'offres pour lequel elle pense
qu'elle pourrait se qualifier, mais, tel que rédigé, elle ne peut pas se qualifier, si elle porte une plainte parce
qu'il ne lui semble pas conforme, elle ne commencera pas à préparer sa proposition
parce qu'il faut voir qu'une proposition en architecture c'est un investissement
de plusieurs milliers de dollars. Ce sont
des propositions à la pièce. Puis de mobiliser des équipes,
préparer 5 000 $, 10 000 $, dépendant du type
d'envergure... Donc, elle va souvent attendre le résultat de la plainte pour
savoir si elle veut effectivement soumissionner. Donc, sept jours pour préparer
une proposition en architecture pour certains types de mandats, c'est beaucoup
trop court.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
M. Merlini : Merci,
M. le Président. Donc, vous dites essentiellement que, dans un petit bureau d'architectes, si vous mobilisez,
disons, toute une équipe pour préparer un projet parce que vous pensez que vous
êtes capable de soumissionner, vous
présentez une soumission, là, vous risquez de manquer d'autres projets, d'où ce
que vous avez fait référence tantôt
au coût relié au fait que, sur certains projets, les délais sont trop courts
et, comme vous venez de l'expliquer, que vous souhaiteriez que, possiblement, il y ait
des extensions sans pénaliser au délai de rigueur du projet lui-même, si
je comprends bien, là.
Mme Parent (Lyne) : Oui, exact.
Le Président (M. Bernier) :
Oui, ça va?
M. Merlini : Ça va, M. le Président.
Le Président (M. Bernier) :
Ça va?
M. Merlini : Oui.
Le
Président (M. Bernier) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a une autre
question? Non, c'est beau? On va aller du côté de l'opposition
officielle. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Merci,
M. le Président. Alors, bonjour,
madame, bonjour, monsieur. Très intéressant, votre mémoire. D'abord, je suis en accord
avec vous, particulièrement pour l'étendre aux municipalités. Je pense qu'on en
a parlé, le ministre nous a confirmé que les municipalités seront incluses.
Lorsque vous parlez de... dans votre mémoire, cette partie-là, des municipalités, vous parlez d'uniformisation des approches.
Autant vous en parlez au niveau de la sélection d'un professionnel en architecture, vous parlez aussi des tarifs
d'honoraires. Puis j'imagine peut-être qu'il y a autre chose, mais c'est ce que vous avez dit d'abord, en tout
cas, qui est principalement dans votre mémoire. Voulez-vous élaborer
un peu?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Parent.
Mme Parent
(Lyne) : Certainement. Donc le mode de sélection basé sur les compétences, qui, pour nous,
est le meilleur moyen de sélectionner un architecte actuellement, celui qui a
cours pour les ministères et organismes, est accompagné d'un décret, d'un tarif
d'honoraires qui est décrété. Et on pense que c'est une bonne façon de traiter
équitablement les différents soumissionnaires, c'est-à-dire d'évaluer dans un
décret quelle est la valeur des services professionnels
en architecture pour s'assurer, de part et d'autre, que les fournisseurs et que
l'État, les organismes, en aient pour
leur argent, donc une reconnaissance de la valeur du travail. Et c'est ce qui a
cours actuellement dans les ministères et organismes, et ça fonctionne très bien. Et nous,
on souhaiterait que ce soit uniformisé pour les municipalités, qu'on
utilise la même approche, qui est une bonne
approche. Si elle est bonne pour les ministères et organismes, on croit qu'elle est bonne
aussi pour les municipalités. Et le modèle, présentement, qui a cours dans les municipalités, bien il a été très documenté par la commission Charbonneau
comme un modèle, là, qui ne fonctionne pas bien.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme la députée.
• (20 heures) •
Mme Léger : Vous êtes en
train de donner des idées d'amendement au ministre, là.
Alors, aussi
par rapport à la partie des plaintes. Le collègue a élaboré une partie, mais
moi, je voudrais revenir sur celle où
vous dites que «"seule une entreprise intéressée à participer au processus
d'adjudication ou son représentant peut porter plainte". [...]Lorsqu'elle croit que les "documents
d'appel d'offres prévoient des conditions qui n'assurent pas un
traitement intègre et équitable des concurrents, ne permettent pas à des
concurrents d'y participer bien qu'ils soient qualifiés pour répondre aux
besoins exprimés ou ne sont pas autrement conformes au cadre
normatif"...», etc.
Donc, moi, je
vois deux choses : d'une part, la compréhension, là, des articles
que vous mentionnez, mais vous parlez au nom des membres. Donc, vous
voulez être capables de représenter les membres. Est-ce que je comprends?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Parent.
Mme Parent
(Lyne) : Oui, dans notre
lecture de cet article-là, «son représentant», on pense que son représentant... donc, si on était le représentant, on devrait nommer la firme, on devrait dire : Bien, au nom de telle
firme, on dépose une plainte, alors que nous, lorsque nous le faisons,
nous le faisons au nom de toutes nos firmes membres parce qu'on ne favorise pas une firme plutôt qu'une autre. Nos
membres sont en compétition les uns avec les autres. Donc, quand on
dépose une plainte, quand on dit : Le processus ne nous semble pas
conforme, alors on le fait au nom de l'ensemble de nos membres. Alors, c'est pour ça que, dans notre lecture de cet article-là,
on pense que, si on ne peut pas déposer une plainte au nom d'une firme membre, on ne se qualifie pas, on
n'a pas l'intérêt pour déposer de plainte. Mais peut-être que ce n'est
pas le cas, peut-être que notre lecture n'est pas la bonne. Je ne sais pas si
vous me suivez.
Mme Léger : ...vous vous
inquiétez d'un traitement que vous dites peut-être pas intègre, pas équitable
entre les concurrents?
Mme Parent (Lyne) : Non, on
n'est pas inquiets d'un traitement non équitable. C'est juste que l'association,
lorsqu'elle dépose une plainte pour un processus dans les marchés publics, elle ne le fait jamais
au nom d'un membre, elle le fait pour l'ensemble des membres qui
voudraient peut-être soumissionner sur un projet.
Le
Président (M. Bernier) : Au nom de tous les membres.
Mme Parent
(Lyne) : C'est ça.
Mme Léger :
Donc, ce que je comprends, la résultante de ça, c'est que, comme le terme est
écrit, «ou son représentant peut porter plainte», vous aimeriez qu'il y ait une précision, qu'on puisse préciser davantage qu'est-ce que ça veut dire, qu'est-ce que
veut dire le représentant.
Mme Parent
(Lyne) : Oui, ça pourrait être de préciser que les représentants
peuvent être des associations, effectivement.
Mme Léger :
Je veux revenir sur l'accompagnement. C'est évident que vous parlez de l'accompagnement.
Certains autres groupes, la semaine
dernière, nous ont parlé aussi du processus de pouvoir communiquer avec soit le comité
de sélection ou avec des membres du gouvernement. Comment vous voyez ça?
Le Président
(M. Bernier) : Mme Parent.
Mme Parent (Lyne) : Oui, bien, un peu de la même façon que le Secrétariat du Conseil du trésor, par
exemple, le fait présentement. Il y a du travail qui se fait, là, sur des balises aux
donneurs d'ouvrage, il y a du travail qui va se faire sur des contrats standardisés, qui est une excellente
idée, d'ailleurs, pour les donneurs d'ouvrage publics. Nous, on
pense que... Et là ils le font en consultation de l'industrie, ils nous consultent. Alors, je pense
que, dans cette optique-là, l'AMP va sûrement vouloir travailler aussi
en consultant, si elle a cette fonction d'accompagnement là, en consultation
avec l'industrie pour enrichir, finalement, ses travaux.
On
réfléchit tous à la meilleure façon d'assurer une saine concurrence dans les
marchés publics, et je pense
qu'on peut tous s'influencer mutuellement à trouver les meilleures façons de le
faire, entendre, nous, les préoccupations des donneurs
d'ouvrage. On peut s'adapter quand on vous présente quelque chose. De la même façon, quand les donneurs d'ouvrage entendent les préoccupations des fournisseurs, on peut mieux s'adapter et
mieux travailler dans la confiance et dans
le partage de risques, dont peut-être... Je fais référence à ça, la même chose dont
parlaient les ingénieurs-conseils plus tôt,
aujourd'hui, là, cette espèce de partage de risques, qui est important.
Je pense qu'on travaille mieux, effectivement, quand on se consulte et je pense
que ça devrait être fait si l'AMP avait une fonction, là, centralisée d'accompagnement.
Le Président
(M. Bernier) : Mme la députée.
Mme Léger : Est-ce
que vous voyez ce type d'accompagnement... comment le voyez-vous par
rapport à l'AMP, à l'AMP telle quelle? Est-ce que vous avez des
comparaisons avec d'autres types de processus qu'on pourrait se référer?
Le Président
(M. Bernier) : Mme Parent.
Mme Parent (Lyne) : Bien, je le vois assez simplement.
Un donneur d'ouvrage, une municipalité qui doit lancer un appel d'offres, mais qui n'est pas certaine de la manière de
libeller son appel d'offres ou de préparer... Ça nous semblerait intéressant, plutôt que d'y aller comme elle pense, d'avoir un endroit, un lieu où
on peut téléphoner et dire : Bon, voilà tel projet. J'ai besoin de... mais je n'ai pas de ressources en interne, je
n'ai pas d'architectes en interne, je n'ai pas d'ingénieurs en interne, je n'ai pas de gens ferrés aux
services professionnels en architecture. Comment libeller mon appel d'offres pour respecter les règles, les normes? Est-ce que je peux avoir de l'accompagnement? Je pense que ce serait une ressource essentielle actuellement. Je pense
que le MAMOT, si on parle des municipalités,
peut jouer ce genre de rôle là. Mais je pense qu'encore là une ressource
spécialisée, centralisée, ça nous semblerait important.
Le Président
(M. Bernier) : M. Fortin, vous voulez ajouter?
M. Fortin
(Richard A.) : Oui. J'ajouterais que l'accompagnement va de pair avec l'uniformisation de l'ensemble des documents contractuels et les documents
de processus d'appel d'offres. Et le fait d'avoir un endroit, un lieu où
serait concentrée l'expertise permettrait
aussi que ces documents-là soient mis à jour constamment à travers tous
les réseaux, soit le réseau de la santé, le réseau de l'enseignement, et
d'avoir une expertise et une compréhension communes de ces documents-là.
Il y a
constamment des jurisprudences, des modifications d'interprétation au niveau du Code civil, etc., qui font en sorte que les contrats doivent s'ajuster. Or, ce qu'on voit en
architecture, c'est des contrats qui sont constamment désuets, et on ne fait que répéter, répéter et répéter aux
donneurs d'ouvrage des choses qui devraient être réglées depuis des
années.
Le Président
(M. Bernier) : Une dernière question. On a peu de temps.
Allez-y, Mme la députée.
Mme Léger :
Oui. Je pense qu'aussi pour tout ce processus-là d'accompagnement, et je vois
la commission Charbonneau, la commission
Charbonneau a quand même recommandé qu'il y ait une responsabilité de
développement, de diffusion et de
coordination des différences formations en partenariat avec les donneurs
d'ouvrage et les autres instances concernées.
Alors, ça vient rejoindre ce que vous dites. Il va falloir des ressources
évidemment adéquates qu'il faudra donner à l'AMP pour s'assurer de ça.
Mme Parent (Lyne) :
Oui, absolument. Mais on pense que la prévention, alors, préparer de bons
documents d'appel d'offres, est bien meilleure que l'intervention par la suite
en portant plainte.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Nous allons passer du côté
de M. le député de La Peltrie. La parole est à vous.
M.
Caire :
Merci, M. le Président. Je vais revenir un peu sur le même champ d'intervention
que le ministre tout à l'heure parce que c'est une question que j'ai
posée à d'autres groupes. Je vous suis quand vous parlez d'un pôle d'expertise.
Je vous suis quand vous parlez de conseils puis de travailler en prévention. Là
où je ne suis pas sûr que je vous suis,
c'est quand vous parlez d'accompagnement. Puis je vous soumets le cas suivant.
Comment l'AMP pourrait faire pour,
par exemple, évaluer le suivi d'un appel d'offres qui présenterait des
problèmes dans un dossier où l'AMP elle-même aura été un conseil pour le
donneur d'ordres? Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire. Qu'une municipalité, par exemple, qui n'aurait pas
nécessairement les ressources appelle l'AMP puis dirait : Est-ce que c'est
légal si je fais telle, ou telle, ou telle
chose, puis qu'on lui dise : Bien, voici... Qu'on explique le cadre de la
loi puis ce que les procédures
exigent, je vous suis, mais vous ne pensez pas qu'on irait un peu trop loin,
qu'on n'attacherait pas les mains de l'AMP
si, là, on est rendus à dire : Bien, on va vous aider à rédiger le libellé
de vos appels d'offres? Vous ne pensez pas, là, qu'on est un peu trop «hands-on»
pour une instance qui, par ailleurs, aurait le mandat de vérifier la conformité
du processus et, le cas échéant, de
sanctionner si ça n'a pas été fait correctement? Il n'y a pas une relation un
peu incestueuse quelque part là-dedans, là?
Le Président (M. Bernier) :
Mme Parent.
Mme Parent
(Lyne) : Bien, nous, on
pense qu'il y a moyen d'ériger une espèce de mur entre différents
services dans une organisation, d'avoir des
règles d'éthique, des codes d'éthique. On pense que les ordres professionnels,
l'Ordre des architectes, qu'on connaît bien, jouent un peu ce rôle-là de
surveillance, de sanctions disciplinaires qui peuvent aller jusqu'à... c'est les gens de l'ordre, là, le
syndic, qui peut aller jusqu'à la perte de licence d'un architecte. Il y a ce
service-là dans l'Ordre des architectes,
mais il y a aussi un service... et c'est vraiment des personnes différentes,
des services différents. Il y a des
règles de fonctionnement qui font qu'il y a une espèce de mur de Chine entre
les deux, mais il joue aussi une fonction de formation continue, de
soutien aux professionnels. Et je pense que les deux peuvent se nourrir en
termes de réflexion.
Effectivement,
les gens du syndic ne sont pas les gens qui vont vous donner de la formation et
qui vont accompagner. C'est vraiment
des équipes différentes, des fonctions différentes. On a l'exemple des ordres
professionnels, mais il y a la Régie du bâtiment aussi qui joue un petit
peu ces deux fonctions-là. Ça me semble bien se passer.
• (20 h 10) •
M. Fortin
(Richard A.) : Je ne veux pas me répéter, mais, à votre question, je
mentionnerais que, dans le fin fond, l'uniformité des contrats,
l'uniformité des documents contractuels va laisser inévitablement un petit peu
moins de liberté à la création, là, à
l'imagination de toutes les 1 100 municipalités du Québec parce
qu'il y a 1 100 documents
d'appel d'offres différents pour un même dossier. Une réfection de toiture,
c'est une toiture. Comment ça se fait qu'on reçoit 1 100 documents différents pour la même
réfection de toiture, alors qu'il devrait y en avoir un seul? Donc, c'est la même chose pour à
peu près tous les services. Il peut y
avoir un document commun, qui sera, à travers les années, peaufiné,
et des clauses particulières qui s'ajusteront selon la nature du mandat.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député, d'autres questions?
M.
Caire : Bien, j'aurais voulu avoir des précisions sur...
Dans votre résumé, le point 5, là, quand vous dites : «...les mécanismes de surveillance prévus par la
loi ne nuisent pas à la prévisibilité des processus...» Là, juste
m'expliquer parce que, je vous avoue honnêtement, je ne comprends pas ce que ça
veut dire.
Mme Parent (Lyne) : Ça doit
être...
Le
Président (M. Bernier) : Mme Parent, oui, effectivement, c'est difficile de comprendre. Pouvez-vous
répéter, M. le député?
M.
Caire : Quand vous dites : «...les mécanismes de
surveillance prévus par la loi ne nuisent pas à la prévisibilité des
processus», ça veut dire quoi en bon français, là?
Mme Parent
(Lyne) : Oui, bien, je pense
qu'on voulait le dire dans le sens où, quand tu as un appel d'offres puis que tu veux soumissionner, tu te prépares à préparer une soumission, alors,
évidemment, il faut qu'il y
ait des mécanismes pour à la fois prévenir puis à la fois, quand on
intervient... bien, il faut mitiger les dommages. Si on intervient, par exemple, dans le cas que vous citez, c'est la possibilité d'annuler un
contrat, je pense, de gré à gré, bien, c'est sûr qu'une firme
qui a soumissionné puis qui est en train de
négocier son contrat ou qui a déjà conclu son contrat, elle a déjà
pris des mesures, mobilisé des équipes, planifié, mis des gens qui vont
réaliser ce contrat-là. Si, dans les trois mois de la signature d'un contrat, on peut l'annuler, bien, il faudrait mitiger ces dommages-là. Il faudrait
trouver une façon de... Si le contractant, le fournisseur, il était de bonne foi, s'est engagé de bonne foi dans un
processus, mais que le donneur d'ouvrage public n'a pas respecté les normes et que l'AMP annule un
contrat, bien, il va falloir mitiger ces dommages-là pour les
fournisseurs. Donc,
c'est un petit peu comme ça... Je pense que c'est dans ce sens-là, je m'excuse,
qu'on disait qu'il faut être capable de
prévoir ce qui va se passer pour un soumissionnaire, là, parce qu'il a signé un
contrat, il a pris des engagements, il se prépare à fournir les
services, il a déjà commencé.
M.
Caire :
Vous pensez à un dédommagement pécunier? Parce que la suggestion a été faite,
là, par d'autres.
Mme Parent (Lyne) : Bien, il y aura des frais directs et indirects
qui vont avoir été engagés, et, oui, peut-être qu'il va falloir penser à
un dédommagement pécunier. On pense que ça va être assez exceptionnel, de toute
façon, comme recours, mais effectivement il faudrait penser à un dédommagement.
M.
Caire :
Qui serait assumé, à ce moment-là, selon vous, par le donneur d'ordres?
Mme Parent
(Lyne) : Ça, c'est une bonne question.
Le
Président (M. Bernier) : Alors, merci, Mme Parent, merci, M. Fortin, de votre participation à la Commission des finances publiques. Nous nous excusons encore
une fois des bruits extérieurs. Nous n'en avons pas le contrôle. Mais merci de
votre participation.
Je vais suspendre les
travaux quelques instants afin de permettre à la Confédération des syndicats
nationaux de prendre place.
(Suspension de la séance à
20 h 13)
(Reprise à 20 h 16)
Le
Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous reprenons nos travaux. Nous avons le
plaisir de recevoir les représentants de la Confédération des syndicats
nationaux, représentée par M. Pierre Patry, Me Benoit Laurin et madame...
qu'on puisse prendre le nom.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Mme Bénard
(Mireille) : Mireille Bénard.
Le
Président (M. Bernier) : Mireille Bénard. Merci
beaucoup... Qu'on puisse
l'enregistrer, tout simplement.
Donc, la parole est à vous pour une dizaine de minutes.
M. Patry (Pierre) : Très bien. Bien, merci beaucoup, M. le Président. Bien, d'abord, je voudrais vous présenter
les personnes qui m'accompagnent, vous les
avez mentionnées tantôt, mais M. Benoit Laurin est avocat au service
juridique de la CSN, et Mme Mireille Bénard est une conseillère politique
au comité exécutif de la CSN.
Donc,
nous vous remercions de nous offrir l'occasion de prendre part aux discussions sur le projet de loi n° 108, Loi favorisant la surveillance des contrats des
organismes publics et instituant l'Autorité des marchés publics. La CSN attache,
depuis toujours, une grande importance à la transparence de l'administration publique. Notre participation à cette commission
s'inscrit dans une vision globale de l'administration de l'État et de ses services publics. Entre autres, nous avons demandé et
demandons encore une réforme en profondeur de la Loi sur l'accès aux documents
des organismes publics pour favoriser l'accès à l'information sur les
contrats octroyés par le gouvernement. Nous avons aussi exigé la tenue d'une commission d'enquête sur l'industrie de la construction.
Nous sommes d'ailleurs intervenus à maintes reprises pour demander un
meilleur contrôle dans l'industrie de la construction et la fin du placement
syndical.
Nous
avons soutenu l'adoption de la Loi sur l'intégrité en matière de contrats
publics, malgré plusieurs réserves que nous
avions sur le projet de loi. Pour nous, le dépôt de ce projet de loi pourrait être l'occasion d'aller encore plus loin dans la lutte contre la corruption et la collusion. Malheureusement, même si nous sommes d'accord avec le principe d'une loi qui
favorise la surveillance des contrats des organismes publics, nous considérons
que, dans sa forme actuelle, le projet de
loi n° 108 ne répond pas suffisamment aux attentes des membres de la CSN et de la société québécoise.
Avec ce projet de loi, le gouvernement dit vouloir donner suite à la première recommandation de la commission Charbonneau en proposant la création d'une instance
qui deviendra la référence en matière de surveillance des marchés publics. Malheureusement,
même si l'objectif est louable et partagé, nous considérons que la portée de la
loi est nettement insuffisante.
Nous
nous inquiétons d'abord des ressources financières et humaines qui seront
données à l'Autorité des marchés publics. Par exemple, l'article 44 du projet
de loi nous donne un bon aperçu de ce qu'il adviendrait si l'autorité ne disposait pas assez de personnel qualifié.
L'autorité disposerait de délais de 10 jours pour rendre une décision
après avoir reçu, là, les observations de l'organisme public visé. Ce
délai peut être prolongé après une entente avec l'organisme public. À défaut d'entente, l'autorité dispose
d'un délai supplémentaire de cinq jours. Si elle ne rend pas sa décision
à l'expiration de ce délai, elle est réputée avoir décidé que le processus du
contrat est conforme.
Selon
nous, il est inacceptable que le silence de l'autorité ou son omission de
rendre une décision dans des délais très
courts ait pour conséquence la présomption que tout est conforme. Couper court
au processus n'est pas de nature à rehausser la confiance du public. L'autorité doit
rendre des décisions écrites et motivées dans tous les cas. Cela suppose
donc qu'elle ait des ressources humaines et financières lui permettant de
répondre à toutes les plaintes.
Pour ce qui est du traitement des plaintes,
bien, la CSN s'inquiète de la procédure sommaire et expéditive du traitement
des plaintes.
(Interruption)
M. Patry
(Pierre) : C'est étonnant
quand le bruit arrête, là. Des délais d'un, deux ou trois jours et même
l'absence de délai dans certains cas nous
apparaissent tout simplement abusifs. Il existe des procédures éprouvées, qui
laissent plus de temps, et on devrait
s'en inspirer. Dans un souci de souplesse, l'autorité devrait aussi posséder la
capacité de prolonger les délais sur présentation de motifs
raisonnables.
• (20 h 20) •
La CSN émet aussi
des critiques importantes relativement à la possibilité de déposer des plaintes
concernant le processus d'adjudication en cours de contrat. Nous
désirons rappeler que trois problèmes majeurs ont mené à la sur pied de la
commission Charbonneau : la collusion, la corruption et le financement
illégal des partis politiques. Nous déplorons
que ni la Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics, ni le projet de
loi actuel, ni la Loi sur les contrats des organismes publics ne traitent des ententes collusionnaires concernant
les appels d'offres. En effet, on ne s'attaque qu'à la phase contractuelle, c'est-à-dire l'attribution et
l'adjudication. Aucune de ces lois ne concerne la collecte
d'informations précontractuelles ni du trucage de soumissions par des cartels
qui favoriseraient la collusion.
La plainte ne
peut en effet porter que sur le contenu des documents d'appel d'offres
disponibles. Or, le cadre normatif du contenu des documents d'appel
d'offres est déjà déterminé par le Règlement sur certains contrats d'approvisionnement
des organismes publics. Les défauts dans les documents d'appel d'offres ne sont
qu'une facette d'une approche globale de la
corruption ou de la collusion et, pour autant que nous le sachions, elles
n'étaient pas le fait le plus marquant
de la commission Charbonneau. Il faut aussi s'attaquer au problème des coûts
supplémentaires, communément appelés les extras, et au trucage des
appels d'offres ou d'un comportement anticoncurrentiel. De plus, il nous
apparaît inacceptable qu'une entreprise inscrite au registre des entreprises
inadmissibles puisse en tout temps présenter à l'autorité une demande
d'autorisation de contracter sans qu'il n'y ait aucun critère de
réadmissibilité.
Pour ce qui
est des plaintes individuelles, selon nous, le mécanisme des plaintes
individualisées de l'article 83 du projet de loi, introduisant, là, le chapitre V.0.1.1 dans la Loi
sur les contrats des organismes publics, est déficient. Seule une entreprise intéressée à participer au processus
d'adjudication ou toute personne ou société de personnes intéressées
ayant manifesté son intérêt à réaliser un
contrat public peut présenter des plaintes à l'autorité. Nous croyons que nous
devons permettre à toute personne intéressée
de porter plainte. Bien entendu, les plaintes frivoles pourraient être rejetées
rapidement par l'autorité.
Le chapitre V
du projet de loi permet à l'autorité de mener une enquête de sa propre
initiative. Mais, encore là, l'initiative
ne concerne que l'examen du processus d'adjudication ou d'attribution d'un
contrat public. Quels sont les critères qui permettront à l'autorité d'affirmer qu'un organisme public ne paraît
pas agir en conformité avec le cadre normatif lorsqu'il respecte le Règlement sur certains contrats
d'approvisionnement des organismes publics? Encore ici, le pouvoir de
l'autorité d'entreprendre des enquêtes de son propre chef devrait s'appliquer
largement. Par ailleurs, les organismes publics devraient être outillés par des
comités d'experts de l'autorité afin d'établir des pratiques exemplaires de
lutte à la collusion et à la corruption dans
l'attribution et l'adjudication des marchés publics. Les organismes publics et
l'Autorité des marchés publics devraient pouvoir mener des enquêtes rigoureuses
inspirées de sources reconnues.
Le recours
excessif au secteur privé depuis une vingtaine d'années a entraîné une perte
importante d'expertise, notamment
dans le secteur de l'ingénierie civile, qui a rendu l'État vulnérable en
matière d'attribution et d'adjudication de contrats publics. Une fonction publique forte, instruite, formée,
experte et avisée est nécessaire pour contrer la collusion et la corruption dans les marchés publics et pour
stimuler l'honnêteté exigée des participants aux marchés publics. Le nec
plus ultra du savoir en ingénierie civile
devrait être rapatrié au sein de l'État québécois. Des conditions de travail
compétitives, voire supérieures au secteur privé, doivent être offertes à ces
employés garants de la crédibilité de l'État.
Le recours
aux marchés publics n'a rien d'une fatalité. Il s'agit d'un choix
gouvernemental dans la façon de livrer les
services publics. Pour la CSN, la solution pour offrir des services de qualité
et au meilleur prix se trouve dans le secteur public. Ainsi, les partenariats public-privé au centre hospitalier
universitaire de Montréal ainsi qu'au Centre universitaire de santé
McGill ont généré des dépassements de coûts astronomiques. Le contrat
d'entretien du CUSM, en vigueur jusqu'en 2044, tourne actuellement à la
guérilla judiciaire. Le recours au secteur privé pour les projets informatiques
du gouvernement a donné lieu à un fiasco,
c'est-à-dire explosions de coûts, délais interminables, échecs répétés, bon,
etc. Le recours au privé a pour effet de
soustraire les activités de l'État aux règles de transparence administrative
imposées au secteur public.
En
conclusion, il est important de bien encadrer l'adjudication des contrats
publics et encore plus important de renoncer à la privatisation des
services de l'État, car on n'est jamais mieux servi que par secteur public.
Merci, M. le Président.
Le Président
(M. Bernier) : Merci, M. Patry, de votre
présentation. Nous allons passer aux échanges avec les parlementaires
maintenant. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Leitão :
Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Patry, madame,
monsieur, bonsoir. Merci d'être là. Encore une fois, on s'excuse du
bruit de background qu'il y a, mais c'est hors de notre contrôle.
Quelques
questions que j'aimerais discuter avec vous. D'abord, et je pense que c'est
important, en tout cas, à mon avis,
c'est de voir avec vous comment vous voyez l'interaction entre l'Autorité des
marchés publics et l'UPAC parce que vous
dites qu'on devrait permettre... donc, l'AMP devrait permettre de détecter, de
prévenir la collusion et la corruption. Mais ça, c'est le mandat de l'UPAC. Alors, vous ne pensez pas que, si on
allait dans votre direction, la direction que vous suggérez, ça ne risque pas de diluer le rôle de
l'UPAC, qui est l'organisme qui a, en fin de compte, l'expertise
nécessaire pour lutter contre la corruption?
Le Président (M. Bernier) :
M. Laurin? M. Patry? M. Laurin.
M. Laurin
(Benoit) : Oui. Alors,
bonjour tout le monde. Alors, oui, effectivement, bien que l'UPAC
ait le mandat de détecter les
activités criminelles, il n'en reste pas moins que, de manière administrative dans l'attribution des
contrats et dans l'adjudication des
contrats, l'autorité devrait développer une expertise pour, je dirais, être
sensibilisée aux activités qui mènent
à la collusion et à la corruption de manière telle qu'on puisse la prévenir
avant qu'un crime soit commis. Et donc nous pensons que l'autorité
devrait, notamment à l'étape de la détermination des besoins, de la
planification et de la budgétisation dans la
préparation des cahiers de charges, toute la phase qui précède l'appel des
soumissions, les... Ceux qui ont
réfléchi à la question, notamment les gens chez CIRANO, nous instruisent que
les cartels s'organisent entre elles... ou entre eux, plutôt, bien avant que les documents d'appel d'offres
soient... c'est-à-dire que les documents d'appel d'offres soient portés
à leur attention.
Alors je
pense qu'il y a moyen, sans que l'Autorité des marchés publics gêne le travail
de l'UPAC, de faire en sorte que, de manière administrative, il y ait
des enquêtes rigoureuses qui se fassent avant l'attribution et l'adjudication
des contrats.
Le Président (M. Bernier) : M.
le ministre.
M. Leitão :
Très bien. Vous mentionnez aussi qu'à peu près dans... je pense au même endroit
ou proche dans votre mémoire, que
vous souhaiteriez que toute personne intéressée devrait pouvoir porter plainte.
Pouvez-vous nous donner des exemples de qu'est-ce que vous voulez dire
par «toute personne intéressée»?
Le Président (M. Bernier) :
M. Laurin.
M. Laurin (Benoit) : J'ai
entendu les derniers intervenants. Je pense qu'il serait effectivement
intéressant qu'il y ait une notion
d'association représentative parce qu'au moment où on se parle, de la façon
dont nous lisons le texte, effectivement, seules les entreprises
intéressées ou les sociétés intéressées peuvent déposer des plaintes.
Évidemment,
ça soulève toute la question de : Est-ce que cette société-là va déposer
une plainte? Ce qui soulève la question
de l'anonymat que vous aviez, je pense, discutée un petit peu plus tôt. Mais je
vais vous donner un exemple. Peut-être
que ça ne sera pas très juste, mais il n'en reste pas moins que, dans les
grands chantiers comme le CUSM ou le CHUM, les syndicats qui sont en place voient un certain nombre de choses
passer parce qu'ils ont accès à certains contrats via certaines dispositions de leur convention
collective. Alors, il peut arriver qu'il y ait des doutes raisonnables et
suffisants qui permettraient à une association représentative, comme des
organisations syndicales, si ce n'est pas de déposer des plaintes par elle-même, à tout le moins d'être
capable d'adresser la question à l'Autorité des marchés publics et qu'il
y ait un suivi qui pourrait être fait par l'AMP. J'allais dire l'AMF, mais
c'est l'AMP.
• (20 h 30) •
Le Président (M. Bernier) :
L'AMP, effectivement. M. le ministre.
M. Leitão : Très
bien. Écoutez, il me semble que l'autre projet de loi dont nous discutons aussi à cette commission,
le projet de loi n° 87, permettre la divulgation d'actes répréhensibles,
pourrait en effet être un outil, un moyen, un véhicule
pour qu'un syndicat ou toute autre personne intéressée puisse intervenir dans
le processus. Mais, bon, ça, c'est...
Mais
j'aimerais revenir parce que je pense que c'est quand même... en tout cas, pour
moi, je trouve que peut-être qu'on peut aller un peu plus loin dans la
question de l'interaction entre l'AMP et l'UPAC parce qu'un des rôles de l'UPAC est non seulement d'assurer la coordination
de toute la lutte à la corruption, mais aussi des actions de prévention.
Donc, encore une fois, je reviens à la question. Est-ce que, si on crée un
organisme qui aurait un mandat qui pourrait interférer avec le mandat de
l'UPAC, vous ne voyez pas un risque de diluer soit l'un ou l'autre de ces
organismes-là?
Le Président (M. Bernier) :
M. Patry.
M. Patry
(Pierre) : Comme
M. Laurin l'a mentionné tantôt, bien, un est plus sur la prévention,
l'AMP, parce que, si on n'agit pas sur la prévention, effectivement,
l'UPAC aura à jouer son rôle éventuellement, mais là on est dans un processus
qui est un tout autre processus puis on est dans le processus judiciaire, là,
d'une certaine façon. Première des choses.
Deuxième des
choses, peut-être qu'il y a beaucoup de pièces... Bon, vous parlez de la loi,
je pense, c'est n° 87, si j'ai bien compris, là, sur la question
des actes répréhensibles. Mais je pense que le problème, avec tout le débat sur
la collusion puis la corruption, c'est qu'on
ne voit pas l'approche globale qui nous permet de rassurer les citoyennes et
les citoyens du Québec parce qu'il y a une
question de confiance, là, face à ces questions-là. Puis on a été pas mal
échaudés à cet égard-là. Et, à l'origine,
même, on a été parmi les premières organisations qui avons demandé la tenue
d'une commission
d'enquête. Puis Dieu sait que ça ne nous a pas été accordé du premier coup
justement parce qu'il y avait eu la création de l'UPAC, ainsi de suite.
Donc, la
commission Charbonneau a joué un rôle, l'UPAC joue un rôle, un rôle qui est
utile, de notre avis. Mais là, avec l'Autorité des marchés publics, je
pense qu'on se donne des jalons supplémentaires. Mais le problème pour la citoyenne puis le citoyen, c'est de s'assurer que
tout ça se tient ensemble, puis qu'ils voient la vision globale dans la
lutte à la collusion puis à la corruption, puis que ça puisse lui donner
suffisamment confiance dans les dirigeantes puis les dirigeants, là.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M. Leitão :
Écoutez, merci. Merci de votre participation. Je ne sais pas, les collègues, si
vous avez des questions que vous souhaiteriez poser...
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de La Prairie.
M. Merlini :
Merci beaucoup, M. le Président. Mme Bédard, M. Laurin,
M. Patry, merci de votre présence, merci pour votre mémoire.
D'entrée de
jeu, M. Patry, vous avez dit au début que la CSN était d'accord avec le
principe du projet de loi n° 108, qui
créerait l'Autorité des marchés publics, mais qui ne répond pas suffisamment
aux attentes de vos membres. Et vous dites que le projet de loi n'a pas
une portée suffisante.
Alors, ma
question est très simple : Quelle portée auriez-vous souhaité que le
projet de loi n° 108 ait et de quelle façon? Parce que vous avez
parlé, là, de rassurer la confiance des gens par rapport à tout ce qui a tourné
autour de la collusion et la corruption. Mais quelle portée, vous, comme
organisation, vous auriez souhaité voir dans le projet de loi n° 108?
M. Patry
(Pierre) : Bien, écoutez,
d'abord, quand on dit qu'on est d'accord avec le principe, nous, à
l'époque, on s'était un peu inquiétés du
fait que le rôle de vérification, là, d'un certain nombre de choses en lien
avec l'intégrité avait été confié à
l'Autorité des marchés financiers, laquelle, autorité, a un tout autre rôle que
de vérifier, là, les contrats publics puis les marchés publics, première
des choses.
Maintenant,
sur le caractère insuffisant' bien, c'est un peu ce qu'on a mentionné tantôt.
Par exemple, on considère que, sur la
question des plaintes, du simple fait, par exemple, que l'Autorité des marchés
financiers ne répondrait pas à une entreprise
ou une plainte ne serait pas traitée puis elle serait considérée réputée comme
étant correcte, bien ça fait en sorte que
ça minimise beaucoup l'impact de la création de l'Autorité des marchés publics.
Puis, en contrepartie, bien, ça mine la confiance des personnes dans
cette autorité-là. Donc, c'est le premier exemple.
Je pense
qu'on en a un certain nombre d'autres exemples en lien avec la procédure plutôt
sommaire puis expéditive du
traitement des plaintes. Donc, nous, on pense que les décisions doivent être
motivées par écrit parce que, si les gens décident de porter plainte
auprès de l'Autorité des marchés publics, c'est une question qui est d'importance.
Donc, il y a un doute sur la collusion ou la
corruption, ça mérite une réponse écrite. Donc, dans ce sens-là, on dit que
c'est un pas qui est dans la bonne
direction, mais c'est un peu une oeuvre inachevée. Donc, on ose espérer qu'à la
fin de la commission parlementaire vous puissiez apporter un certain
nombre d'amendements pour renforcer le rôle de cette autorité-là.
Le Président (M. Bernier) : M.
le député.
M. Merlini :
Merci, M. le Président. Pour revenir sur la question des délais, tout à
l'heure, on avait l'Association des architectes en pratique privée, qui,
eux, parlaient de délais plus courts parce qu'eux entraînent des frais dans la préparation de leur travail, et tout ça. Et vous,
vous dites que les délais... vous venez de dire justement que les délais
sont trop courts, que ça prendrait, par exemple, des justifications écrites par
rapport aux plaintes qui sont soumises.
N'avez-vous pas crainte que ça pourrait
rallonger le processus dans l'adjudication des contrats et, ensuite de ça, dans la réalisation des projets éventuels, qui
occasionnerait des frais, soit comme des firmes d'architectes ou
d'autres... tantôt, on avait le BSDQ, qui
était ici, qui nous parlait des métiers spécialisés en plomberie puis en
électricité. Alors, eux autres encourraient des frais si les délais
deviennent trop longs. Où trouvez-vous l'équilibre là-dedans?
Le Président (M. Bernier) :
M. Laurin.
M. Laurin
(Benoit) : Alors, si vous me
permettez, effectivement, j'ai bien entendu leurs récriminations à cet
égard-là et je peux les comprendre parce que
ce sont, enfin, des acteurs qui peuvent être les premiers concernés, là, par
les appels d'offres. Évidemment,
nous, comme organisation syndicale, et comme juriste, je vous dirais, quant à
moi, j'ai plus une perspective en
termes... quel est le délai donné à un administré pour contester une décision
qui est prise à son endroit. Il nous apparaissait que des délais qui
courent entre un, deux, trois ou même, des fois, c'est marqué «sans délai»,
nous apparaissaient quelque peu abusifs.
Alors, entre la préoccupation des intervenants
qui nous ont précédés et peut-être celle qu'on propose, qui est une quinzaine
de jours, qui peut peut-être apparaître trop long, il nous semble néanmoins que
les premiers concernés, c'est-à-dire les
plaignants, devraient quand même bénéficier de délais qu'on pourrait qualifier
de raisonnables, qui tiennent compte des activités économiques qui ont
cours, c'est-à-dire la construction de bâtiments, et qui tiennent compte de la culture de ces
activités économiques là. Alors, on est quand même un peu préoccupés, là, que
des délais aussi courts... parce que,
si la plainte n'est pas faite, le recours est prescrit. Alors, on pense qu'il
devrait y avoir un délai supplémentaire raisonnable qui tient compte des
activités économiques précises.
M. Patry
(Pierre) : Parce que la
question principale, c'est de rassurer le public sur le caractère honnête, là,
des processus. Et, si les délais sont trop courts puis que les gens, ils n'ont
même pas le temps de porter plainte, bien, ils ne croiront pas au processus,
puis ça va accentuer le cynisme de la population à l'égard de toute cette
industrie-là, là.
Le
Président (M. Bernier) :
Ça va? Pas d'autres questions? Non? Ça va? Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Oui, M. le Président. J'ai des questions qui se cumulent, là, avec tout ce qui
vient de se dire. Bonjour, madame, bonjour, monsieur, bienvenue au
parlement.
D'entrée de jeu, d'abord, je veux vous dire que
les travailleurs de l'État, d'une part, sont au coeur du service public quotidien, et votre première recommandation
est une manifestation assez claire de votre regard sur est-ce que le gouvernement du Québec doit renoncer à la
privatisation des services publics et qu'il limite, comme vous dites, le
recours à l'entreprise privée.
Alors, je pense que vous n'avez pas tort et je
vais vous donner l'opportunité d'élaborer davantage.
Le Président (M. Bernier) : M.
Patry.
M. Patry
(Pierre) : Bien sûr. Bien,
écoutez, on sait que, dans certains ministères, notamment au ministère
du Transport, là, l'État s'est délesté de
beaucoup de ses professionnels, qui fait en sorte que, comme on n'a plus
l'expertise à l'interne, à l'intérieur des ministères... bon, ce ministère-là,
ça a été bien présenté, il y a eu des rapports, Duchesneau, notamment, là, sur ces questions-là. Mais, si on
n'a plus l'expertise à l'externe, bien, on est totalement dépendants des
fournisseurs externes puis on n'est même plus capables, même, de challenger les
fournisseurs externes parce qu'on n'a même
pas l'expertise pour être capables de challenger ça. Et ça fait en sorte qu'on
se place dans une position de faiblesse face aux fournisseurs. Et nous, on pense qu'il faut rapatrier
l'expertise à l'intérieur de la fonction publique pour être capable d'être plus performant sur ces questions-là. Et on
est persuadé que ça va
diminuer, à terme, les coûts parce
qu'on aura la capacité d'être vigilant comme appareil d'État.
• (20 h 40) •
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme la députée.
Mme Léger : Vous parliez tout à l'heure de l'approche
globale. Je pense que vous avez tout
à fait raison par rapport à l'ensemble des recommandations de la commission
Charbonneau, d'une part, qui parle de
cette approche générale. Alors, il faut avoir un régime général. On sent
que le gouvernement, à mon avis, s'est éparpillé parfois parce que, là, on a l'Autorité des marchés publics qu'on attend, qu'on
attendait, évidemment. On travaille aussi le projet de loi n° 87 sur les lanceurs d'alerte en même
temps. On a un autre projet de loi qui s'en viendra probablement sur les municipalités, malgré que,
là, le ministre sera ouvert pour que les municipalités soient dans le projet de loi
n° 108. On attend ses amendements,
comme vous avez dit cet après-midi, d'une part.
C'est sûr que dans le projet de loi n° 87, au
niveau des lanceurs d'alerte, on voit deux types de catégories de protection, on va dire une protection qui est
celle des lanceurs d'alerte dans le projet
de loi n° 87, mais pas celui de
ceux des municipalités. Et on aurait aimé rajouter le privé, on aurait aimé
rajouter le paramunicipal, on aurait aimé rajouter ça. Et le ministre ne veut pas pour l'instant. On va essayer de le
convaincre encore, mais on voit que les gens ne seraient pas protégés
dans les municipalités comme ils le seraient dans le projet de loi n° 87
pour les lanceurs d'alerte.
Alors, quand
vous parlez d'approche globale, moi, je mets tout ça aussi ensemble, c'est
d'avoir une vision claire de la lutte
contre la corruption et la collusion et, en même temps, protéger les
gens dans le sens qu'ils puissent dénoncer des actes répréhensibles et
d'être protégés pour ensuite les dénoncer. Alors, je voulais avoir un peu votre
opinion.
Le Président (M. Bernier) :
M. Patry.
M. Patry
(Pierre) : M. Laurin va
compléter. Bien, d'abord, on n'a pas traité, dans notre mémoire,
de la question des municipalités. Ceci étant dit, je pense qu'en toute
cohérence avec ce qu'on dit, par ailleurs, sur le fait qu'il faille développer
une approche globale on serait tout à fait d'accord à l'effet que les municipalités
devraient être couvertes également par le projet
de loi parce qu'à partir du moment où il y a des deniers publics qui sont en
cause, que ça provienne du
gouvernement provincial ou des municipalités, c'est toujours la citoyenne puis
le citoyen qui paient pour ça, bien on pense
que l'Autorité des marchés publics devrait avoir les mêmes pouvoirs à l'égard
des municipalités qu'elle l'a pour les projets, là, en provenance, par
exemple, des ministères.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. Laurin, vous voulez ajouter.
M. Laurin (Benoit) : Puis, en plus de ça, si... peut-être, je vais
essayer d'être plus clair sur la question de l'approche globale. Il y a bien évidemment ça, ce que la
commissaire Charbonneau en disait. Mais par ailleurs le problème avec le
projet de loi, c'est qu'il ne
s'intéresserait qu'aux défauts qu'on pourrait y retrouver dans les documents
d'appel d'offres, alors qu'il y a
plusieurs étapes dans l'attribution et l'adjudication d'un contrat pour des
marchés publics. Et les étapes sont quand même relativement bien connues, là. Il faut
d'abord déterminer des besoins, planifier et budgéter, préparer les
cahiers de charge, faire les appels de
soumission, les évaluer, les soumissions, les attribuer, gérer le contrat et
finalement payer l'ouvrage et faire une évaluation posthume de
l'exécution de ce contrat-là.
Alors,
je pense que c'est l'ensemble de ces éléments-là dont on devrait donner la
responsabilité à l'Autorité des marchés
publics pour s'intéresser au contrat public depuis sa naissance jusqu'à son
exécution. Et les travaux qui ont été faits par CIRANO sont assez... Je
n'invente rien, là. Les études ont été faites, et ça peut s'analyser, des
symptômes de collusion et de corruption. Et il faut qu'on ait des
fonctionnaires qui soient formés pour détecter la collusion et la corruption avant qu'elle ne se produise, auquel
cas, une fois qu'elle se sera produite, effectivement, l'UPAC pourra
jouer son rôle, mais il n'est pas nécessaire
d'attendre qu'un acte de collusion ou de corruption se produise avant que l'État
puisse intervenir. Alors, c'est en ce
sens-là qu'on privilégie une approche globale à l'égard de la collusion et de
la corruption dans l'administration des contrats et des marchés publics.
Le Président
(M. Bernier) : Mme la députée.
Mme Léger :
Dans un autre ordre de sujets, dans
le projet de loi, le ministre s'octroie quand même un pouvoir de
manière exceptionnelle, quand même, c'est
dit, d'avoir un changement d'une ordonnance de l'AMP. L'AMP va décréter, va indiquer ses conclusions, et
là le ministre pourrait avoir le pouvoir de faire changer la chose. Est-ce que
vous avez une opinion?
M. Laurin (Benoit) : Bien, c'est-à-dire, oui, on l'a bien lu, on l'a
bien examiné. On n'a pas fait de représentations à cet égard-là, et je vais vous dire pourquoi. Il nous semblait que les
balises autour de la discrétion du ministre, qui peut intervenir dans l'intérêt public, qui est un
concept juridique que nos juges comprennent bien au Québec, qu'il y avait
le critère de l'intérêt public et il y avait
des critères aussi reliés, dans certains cas, à la santé, la sécurité du public
lorsqu'elle est mise en danger. Et ça nous
apparaissait... parce qu'il peut y avoir des circonstances exceptionnelles,
bien entendu, c'est ce qui est écrit dans la loi, où le ministre
pourrait devoir intervenir pour toutes sortes de raisons, notamment lorsque la
santé du public est mise en péril et qu'elle est balisée par le critère de
l'intérêt public. Alors, c'est en ce sens-là qu'on n'a pas fait d'intervention.
Et,
si je ne m'abuse, je n'ai peut-être pas tout le savoir, mais je pense qu'en
vertu d'une même disposition qui était placée dans d'autres lois avant,
notamment la loi sur la lutte contre la corruption et la collusion, je ne sais
pas, mais il me semble que ça a servi au moins
une fois dans l'attribution du contrat du métro de Montréal à Bombardier-Alstom. Je peux
peut-être me tromper, mais on avait, il me semble, soulevé
la question d'une circonstance exceptionnelle pour des questions liées à
l'intérêt public. Alors, c'est la raison pour laquelle on n'en a pas fait de
cas.
Je sais que ça a fait
les manchettes. Quand le projet de loi a été déposé, on se demandait tous dans
quelles circonstances le ministre pourrait intervenir. Il nous apparaît qu'il y
a suffisamment de critères généraux pour que les circonstances exceptionnelles
se produisent le moins souvent possible.
Le Président
(M. Bernier) : Merci beaucoup. M. le député de La Peltrie.
M.
Caire : Sur la
globalisation, je vous suis parfaitement. Maintenant, comment
pourrions-nous modifier le projet de
loi pour adresser correctement le
problème? Parce que vous dites : On ne peut pas se limiter aux
seuls documents, il faut se limiter à l'ensemble des processus d'appel
d'offres.
M. Laurin
(Benoit) : Vous voulez que je l'écrive?
M.
Caire : Bien non,
mais... Non, mais c'est parce que je regardais vos recommandations puis je
trouvais que cet élément-là était intéressant, mais je ne le retrouvais
pas dans vos recommandations. Donc, je voulais voir avec vous comment on
pourrait adresser ce problème-là correctement.
Le Président
(M. Bernier) : M. Laurin.
M. Laurin (Benoit) : Bien, c'est-à-dire, soit par la loi ou soit par la réglementation. La loi peut donner ouverture à
une capacité réglementaire pour faire en sorte que toutes les différentes
étapes puissent faire l'objet d'une vérification. J'ai devant moi justement le document de
CIRANO, là, qui est Prévenir et détecter la collusion et la corruption,
de 2010. Je sais qu'ils en ont fait
un autre en 2015. Mais il y a des signaux de la présence de collusion. Et on
cite quelques exemples : les concurrents
présentent leurs soumissions ensemble, les soumissions comportent les mêmes
irrégularités, une entreprise qui soumissionne habituellement ne le fait
pas, une rencontre a lieu entre concurrents avant le dépôt des soumissions, il semble y avoir rotation entre les gagnants, des
offres sont retirées. Il y a un tas — un tas, ce n'est pas un beau mot,
mais il est dit, je ne le retirerai
pas — de manifestations
qui peuvent donner à penser que certaines entreprises s'organisent en
cartel pour finalement se distribuer les contrats à tour de rôle, et etc.
Alors, je pense qu'il y a de la place pour...
M.
Caire : Mais ma
question était justement à cet
effet-là parce qu'où est-ce qu'on trace la ligne entre ce qui relève de l'UPAC et ce qui va relever de l'AMP? Donc,
quand on dit à l'AMP : Oui, vous devriez avoir un champ d'action
qui est plus large que la simple
documentation dans une perspective de détecter la collusion, moi, je suis prêt
à vous suivre, là, soit dit en
passant, je suis prêt à vous suivre, sauf que l'UPAC, les exemples que vous
avez donnés à mes collègues, que vous me donnez, c'est des exemples où,
à mon avis, c'est à l'UPAC d'intervenir.
Et donc je repose ma question :
Comment on peut libeller le projet de loi pour s'assurer qu'on n'a pas une espèce de double juridiction entre deux instances
différentes, dont le mandat est différent, parce que l'UPAC lutte contre la collusion
et la corruption, l'AMP s'assure de la conformité des processus? Et je vous
suis dans votre raisonnement, mais, dans
vos exemples, oups, j'ai l'impression que, là, on n'est plus capables de faire
la distinction entre les deux entités. Et là on va se ramasser dans un
débat juridictionnel qui ne m'apparaît pas souhaitable.
• (20 h 50) •
Le Président (M. Bernier) :
M. Laurin.
M. Laurin
(Benoit) : Bien, enfin, je
ne suis pas nécessairement de votre avis. Moi, je pense que l'État, au
travers de ses institutions, peut faire des
enquêtes administratives dans le cadre de l'administration de ses contrats
publics, alors que l'UPAC va
intervenir après coup, c'est-à-dire quand les actes criminels ont été commis.
Il me semble que, dans le cadre des enquêtes
de l'UPAC, il est difficile, lorsque des entreprises s'organisent en cartel
pour obtenir des contrats publics, que ces entreprises-là vont se faire
prendre la main dans le sac. Alors, moi, je pense qu'on le sait toujours après
coup, il est toujours trop tard, ça a toujours coûté trop cher. Il faut se
donner les moyens, au Québec, de prévenir la collusion et la corruption par des
enquêtes administratives.
On peut le
faire et on doit se donner les moyens de la faire pour que ça n'arrive plus
jamais ou le plus rarement possible.
Et, si on ne s'en remet qu'à l'UPAC, on va épingler une fois de temps en temps
des criminels à cravate, mais on n'aura pas corrigé l'attribution des
contrats par les marchés publics. Il faut que l'État cesse de se faire avoir.
Il le faut immédiatement.
Le Président (M. Bernier) :
Vous avez une question, une dernière question?
M.
Caire : Non, on est
d'accord, c'est parce qu'on s'entend sur la finalité. D'abord, pour moi, ce
n'est pas incompatible que l'UPAC travaille
en amont. Moi, je pense que l'UPAC peut aussi avoir eu le mandat de prévenir
plutôt que de guérir, d'une part. D'autre
part, quand on parle de collusion, de corruption, c'est rarement administratif.
On s'entend que ce sont des gestes
criminels. Donc, quand deux entrepreneurs s'assoient à la même table pour
s'entendre sur le fait qu'un va soumissionner, pas l'autre, on n'est
plus dans l'administratif.
Et c'est pour
ça que je reviens à ma question un peu plate, mais je vous suis sur le fait
qu'un processus d'appel d'offres a différentes étapes qui sont plus que
la simple documentation qui est déposée. Mais, pour donner un mandat précis à l'AMP, basé sur des lois, les lois sur
les contrats publics notamment, comment on définit cet élargissement-là
que vous souhaitez sans tomber dans
l'enquête criminelle, sans tomber dans le criminel, en restant dans
l'administratif? C'est là où je pense
que c'est moins clair quand il faut tracer la frontière. Puis malheureusement,
bien, dans l'application de la loi, il va falloir qu'on soit clair
quelque part.
M. Patry
(Pierre) : C'est sûr, mais,
à cet égard-là... parce que la question fondamentale, c'est : Est-ce qu'on
veut agir de façon préventive? Et ça, je ne
suis pas sûr que c'est l'UPAC qui peut le faire parce que l'UPAC, c'est un
autre mandat. On est beaucoup plus dans le curatif une fois que les gestes se
sont produits.
Nous, ce
qu'on considère, puis là on ne sait pas, on pourra regarder, là, comment ça
peut s'écrire. C'est que le mandat de
l'AMP est trop restrictif puis il ne joue pas pleinement son rôle de prévention
de la collusion et de la corruption. Moi,
je pense qu'il faut travailler sur ce volet-là. Et d'autres éléments qu'on
mentionne, et ça, ce n'est pas forcément en vertu de la loi, bien, il va falloir s'assurer que cette autorité-là ait
les ressources nécessaires pour véritablement faire son travail parce
que, si on crée une autorité puis qu'on ne lui donne pas les ressources
nécessaires pour véritablement faire son travail, ce ne sera pas suffisamment efficace
puis ça va continuer à miner la confiance des citoyennes et des citoyens.
Et, de la
même façon, il faut éviter la privatisation des services publics puis garder
notre expertise à l'interne, à l'intérieur
des ministères puis des municipalités, pour être capables d'affronter la
collusion puis la corruption. Donc, c'est en ce sens-là qu'on fait appel
à l'approche globale.
Le
Président (M. Bernier) : M. Patry, M. Laurin,
Mme Bénard, merci de votre participation à la Commission des
finances publiques.
Disons que je lève la séance, et la commission
ajourne ses travaux à demain, après les affaires courantes.
(Fin de la séance à 20 h 55)