(Dix-neuf
heures trente-quatre minutes)
Le
Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte et bien sûr je demande à toutes les personnes dans la salle d'éteindre
la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 87,
Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes
publics.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Bonnardel (Granby) est remplacé par M. Caire
(La Peltrie).
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Alors, bonsoir à tous,
bienvenue à la Commission des finances publiques. On aura l'occasion, au cours des prochaines séances,
de travailler sur un projet de loi qui est fort important pour tous,
donc vous allez être tous mis à contribution.
Remarques préliminaires
Mais,
sans plus tarder, nous allons débuter par des remarques préliminaires. M. le
ministre, la parole est à vous
pour 20 minutes.
M. Carlos J. Leitão
M. Leitão :
Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonsoir, tout le monde,
chers collègues des deux partis d'opposition, collègues du côté ministériel ainsi que les collègues du ministère,
du Conseil du trésor ainsi que de notre cabinet. Alors,
bonsoir, tout le monde.
Donc,
l'objectif du projet
de loi n° 87, Loi facilitant la divulgation d'actes
répréhensibles dans les organismes publics, présenté le 2 décembre dernier, est de
permettre à toute personne de rapporter des actes répréhensibles commis
ou sur le point d'être commis au sein d'un organisme public tout en assurant la protection de ses divulgateurs. Une personne
qui prend la décision de révéler des actes
répréhensibles doit pouvoir bénéficier d'une protection contre toute mesure
de représailles. Le projet de loi n° 87 répond donc à l'une des recommandations de la commission sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, la commission Charbonneau, à l'effet
de ne pas laisser les divulgateurs à eux-mêmes. Le projet de loi offre
des protections à la personne qui effectue une divulgation ou qui collabore à
une vérification ou à une enquête et lui assure un accompagnement
tout au long du processus. Les ministères et organismes, les universités,
les sociétés d'État, les établissements de santé et les commissions scolaires ainsi
que les collèges sont concernés par ce projet de loi.
Bref,
toute personne, qu'elle soit membre du personnel d'un organisme public ou non, qui est témoin d'un acte répréhensible commis ou sur le point d'être commis pourra le signaler
sans crainte de représailles. Le projet
de loi a pour objectif de
protéger ces personnes si elles signalent un acte répréhensible.
La définition de ce
qu'est un acte répréhensible comprend une contravention à une loi, un
manquement grave aux normes d'éthique et de
déontologie, un usage abusif des fonds ou des biens d'un organisme public, un cas grave de mauvaise
gestion au sein d'un organisme public, le fait de porter gravement atteinte ou de
risquer de porter gravement atteinte
à la santé ou à la sécurité d'une personne ou à l'environnement ainsi que le
fait d'ordonner ou de conseiller à une personne
de commettre un acte répréhensible. Ce projet
de loi prévoit également
qu'une personne pourra, dans certaines conditions, effectuer une
divulgation publique si elle a des motifs raisonnables de croire qu'un acte
répréhensible qui présente un risque grave
pour la santé ou la sécurité d'une personne ou pour l'environnement est commis. Dans le cas d'une divulgation publique, les renseignements
devront d'abord être transmis à un corps de police ou au Commissaire à la lutte contre la corruption. Ce projet de loi est inspiré des pratiques mises de l'avant dans plusieurs
provinces canadiennes, au gouvernement fédéral et dans d'autres pays.
La responsabilité de
recevoir et de traiter des divulgations provenant des employés et non-employés
serait confiée au Protecteur du citoyen. Soulignons qu'en plus de détenir une expertise en matière d'enquête le Protecteur du citoyen jouit de l'indépendance et de la
connaissance nécessaires de l'administration publique pour appliquer ces
mesures. Le projet de loi prévoit aussi une
autre voie de signalement pour les employés des organismes publics, qui
pourront plutôt choisir de faire une
divulgation au sein de l'organisme. Ainsi, la plus haute autorité
administrative de chaque organisme public devrait établir une procédure
facilitant la divulgation, par les employés, d'actes répréhensibles et désigner
une personne responsable du suivi des divulgations. Le projet de loi prévoit le transfert du dossier au Commissaire à la lutte contre
la corruption ou à un corps de police dès que le Protecteur du citoyen ou le
responsable interne du suivi des divulgations soupçonne une dénonciation relevant
de leurs champs de compétence.
• (19 h 40) •
Ce
projet de loi interdit toutes représailles à l'encontre d'une
personne qui fait une divulgation ou collabore à une vérification ou une enquête menée à la suite d'une divulgation. Il propose de
modifier la Loi sur les normes du travail afin de prévoir un mécanisme de protection pour les salariés à l'origine
d'une divulgation ou qui collaborent à une vérification ou à une enquête. Le pouvoir de traiter ultimement
des plaintes à l'encontre des mesures de représailles serait accordé au
Tribunal administratif du travail.
À la suite
des consultations particulières
menées en février dernier, des propositions d'amendement important ont été déposées à l'Assemblée nationale au cours des
derniers jours. J'en profite d'ailleurs, M. le Président, pour redéposer
aujourd'hui l'ensemble de ces propositions d'amendement. Par rapport à la
version déposée précédemment, je tiens d'ailleurs
à préciser que l'amendement de l'article 12 et l'amendement de l'article 40.1
ont fait l'objet d'une correction de forme.
Ces amendements visent à bonifier le projet de loi en répondant en grande
partie aux recommandations formulées par
l'ensemble des groupes qui se sont exprimés lors des consultations. Ces
modifications proposent d'élargir le champ d'application du projet de loi aux établissements de santé privés
conventionnés et aux centres de la petite enfance, aux garderies bénéficiant de places subventionnées
ainsi qu'aux bureaux coordonnateurs en milieu familial, visés par la Loi
sur les services de garde éducatifs à
l'enfance. Des modifications à cette loi sont proposées afin de préciser la
manière dont une divulgation visant un service de garde pourra s'effectuer
auprès du ministère... de ministre, pardon, de la Famille et afin de lui
conférer la possibilité de faire enquête à la suite d'une divulgation. Le
gouvernement compte également élargir la
portée de la notion d'actes répréhensibles. Il est proposé que les actes
répréhensibles visés soient ceux commis ou sur le point de l'être à
l'égard d'un organisme public et non seulement au sein d'un organisme.
Par ces amendements, il est proposé d'octroyer
des pouvoirs additionnels au Protecteur du citoyen afin de lui permettre de remplir pleinement son mandat. Entre
autres, il pourra initier des enquêtes et proposer des réformes
législatives ou administratives. Il aura
également le mandat de recevoir des plaintes de représailles non liées à
l'emploi qui pourront lui être
soumises par une personne ayant effectué une divulgation. Il est également
suggéré par les amendements qui ont été déposés qu'un service de
consultation juridique soit offert par le Protecteur du citoyen aux personnes
qui souhaitent effectuer ou qui effectuent
une divulgation. De plus, des suivis plus importants seront mis en place auprès
du divulgateur afin qu'il soit
informé du cheminement de sa démarche. L'immunité offerte aux responsables du
suivi des divulgations sera renforcée. Enfin, une reddition de comptes
annuelle sera demandée aux organismes visés par le projet de loi.
Par ailleurs, il est important de mentionner que le
gouvernement a amorcé des démarches similaires à l'égard du secteur municipal. C'est mon collègue Martin
Coiteux, le ministre des Affaires municipales et de l'Occupation du
territoire et ministre de la Sécurité publique, qui en a la responsabilité.
Ceci permettra également de répondre aux situations de collusion et de
corruption qui ont été mises au jour par la commission Charbonneau.
Ce projet de loi de même que les amendements déposés le
19 mai dernier démontrent la volonté du gouvernement de rétablir la
confiance des citoyens envers leurs institutions. Je dois d'ailleurs vous
souligner que nous avons eu des discussions avec le Protecteur du citoyen dans
le cadre de l'élaboration de ce projet de loi.
Je suis donc
disponible pour débuter les travaux et répondre aux questions de mes collègues
de l'Assemblée nationale. Je vous remercie à
l'avance pour votre esprit de collaboration habituel. Et j'aimerais aussi vous
mentionner les personnes qui m'accompagnent : M. Dominic Cormier, de
mon cabinet, et Me Natacha Lavoie, du Conseil du trésor.
Le Président (M.
Bernier) : ...de vous revoir, Me Natacha Lavoie.
Une voix :
Merci.
Le Président (M.
Bernier) : C'est beau?
M. Leitão :
Voilà. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bernier) : Merci. Donc,
nous allons passer du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger :
Pardon?
Le Président (M.
Bernier) : Vos remarques préliminaires.
Mme Nicole Léger
Mme Léger : Oui. Avec plaisir, M. le
Président. Alors, bonjour, M. le ministre, et toute votre équipe, et les
autres formations politiques.
Évidemment, on a, dans ce projet de loi là, qui est quand
même un projet de loi qui était attendu... je dois dire que nous avons accepté le principe, évidemment, parce
que je pense que ça fait suite à la commission Charbonneau, d'une part, et c'est un projet de loi qui, autant qu'il
est attendu... autant aussi qu'il est questionnable, et l'étude détaillée va
nous permettre d'avoir davantage de
précisions à différents endroits, à différents chapitres où on a beaucoup
d'interrogations, et j'espère que le ministre va pouvoir répondre à ces
interrogations-là.
Dans un premier temps, c'est évident que la commission
Charbonneau a clairement dit :
«La commission reconnaît le rôle fondamental qu'ont joué les lanceurs d'alerte dans la réalisation de son mandat. Les travaux réalisés ont aussi mis en lumière le
fait qu'il existe plusieurs difficultés liées à la dénonciation et que peu de
personnes signalent les actes répréhensibles qu'elles constatent, ce qui explique en partie l'ampleur
et la durée des stratagèmes mis à jour. [...]Certains lanceurs d'alerte ont affirmé devant la commission
qu'ils avaient subi des représailles pour avoir signalé les actes
répréhensibles dont ils avaient été témoins.»
Alors, c'est sûr, M. le Président, qu'on va
avoir des questions à ce niveau-là. Je me réfère, au niveau de la commission
Charbonneau, aussi à l'expérience qu'elle disait : «L'expérience nationale
et la littérature étrangère le confirment,
lorsqu'ils ne sont pas suffisamment protégés, les lanceurs d'alerte sont souvent
victimes de représailles — perte
d'emploi, stagnation professionnelle, rétrogradation, harcèlement, menaces,
poursuites judiciaires, etc. Plus les actes dénoncés
sont graves, plus les lanceurs d'alerte sont vulnérables aux représailles. Le
signalement d'actes répréhensibles est par
ailleurs rarement valorisé et les lanceurs
d'alerte, souvent mal perçus par leurs pairs.» Alors, c'est sûr qu'on va
s'assurer que, dans le projet de loi, on puisse répondre à ces
interrogations-là, que la commission Charbonneau a apportées, et particulièrement la recommandation 8, qui est «mieux soutenir et protéger les
lanceurs d'alerte». Donc, c'était la volonté du ministre de s'assurer de
protéger nos lanceurs d'alerte. Et l'expérience internationale tend, en effet,
à montrer que, lorsqu'ils ne sont pas
suffisamment protégés, les lanceurs d'alerte sont davantage victimes de
représailles. Alors, je les ai nommées tout à l'heure, quelles
sont-elles.
Alors, on
aura beaucoup de questions à poser à ce niveau-là, de même qu'il y a beaucoup
de lois qui sont, je pense, touchées par le projet de loi, que ce soient :
la Loi sur la fonction publique, d'une part — il y a quand même des
fondements qui sont importants dans la Loi de la fonction publique; la loi sur
la protection du citoyen, parce que le Protecteur
du citoyen y joue un grand rôle; la Loi sur les normes du travail; la Loi sur
les services de garde; la loi sur la corruption.
Alors, c'est différentes lois où j'imagine qu'on va avoir certaines questions
pour faire les liens et les fondements de chacun d'entre eux par rapport
au projet de loi qu'on a devant nous.
J'ai beaucoup
lu, M. le Président, par rapport à la littérature aussi, de tout ce qui est la
prise de parole du salarié, son devoir
de loyauté tout en ayant la liberté d'expression et l'intérêt public derrière
tout ça. Alors, c'est toujours des grandes questions. J'imagine que
l'équipe autour du ministre a eu le temps d'aussi approfondir ces questions-là.
Je sais que le ministre, c'est le ministre des Finances, ce n'est pas
nécessairement le président du Conseil du trésor, mais qu'il l'est maintenant. Alors, c'est sûr que c'est quand même
particulièrement au Trésor. Encore là, on s'est questionné pourquoi
c'est le Trésor, parce que le simple fait
que ce soit le président du Conseil du trésor qui soit l'instigateur du projet
de loi sur la protection des lanceurs
d'alerte est sujet à des questionnements parce que la Loi sur la fonction
publique est essentiellement basée sur la promotion d'un devoir de
loyauté qui, plus souvent qu'autrement, entre en contradiction directe avec le
principe de l'intérêt public et de la liberté d'expression.
Les valeurs
de la fonction publique sont basées sur la compétence, l'intégrité,
l'impartialité, la loyauté et le respect. La loyauté envers l'État favorise-t-elle la divulgation d'informations?
Il va falloir répondre à cette question-là. Comment les tribunaux ont-ils, jusqu'à maintenant, interprété
ce devoir de loyauté des employés du secteur public? Et, en même temps,
on veut les protéger pour s'assurer que les lanceurs d'alerte aient aussi toute
la protection nécessaire.
Alors, je
dois dire aussi, M. le Président, qu'on s'est interrogés, l'équipe, aussi par
rapport à tout l'éparpillement possible,
parce que ce projet de loi là touche directement les organismes publics, mais
on se pose des questions sur le reste, sur
les municipalités, sur le secteur privé. Le citoyen ou le travailleur dans un
secteur privé, dans une entreprise privée, lui, n'est pas protégé nécessairement de la même façon, là, alors il n'est
pas présentement avec le projet de loi. Pourquoi que le gouvernement
s'est restreint simplement aux organismes publics? Alors, je vais vouloir que
le ministre me réponde à ce niveau-là.
Est-ce qu'un travailleur qui est dans une entreprise privée va pouvoir lui
aussi dénoncer, va être aussi protégé que
celui qui va être dans la fonction publique? Des questions que je vais demander
au ministre de me répondre. Et on a sur la table que peut-être il va y avoir un autre type de projet de loi sur
l'Autorité des marchés financiers. Est-ce qu'il va y en avoir sur les
municipalités? Alors, on s'éparpille partout.
Là, on a vu
ce qui s'est passé un peu au ministère du Transport, M. le Président. Il y
avait l'inspecteur général. Là, on
parle, dans le projet de loi, des responsables
de suivi de divulgations. Alors, il y a un responsable de suivi de divulgations, il va y avoir un inspecteur général,
un vérificateur général, un protecteur du citoyen, on peut aller à
l'UPAC, on va partout, là. Et là on voit
dans le projet de loi qu'il y
a le ministère de la Famille aussi
qui va avoir son propre cadre.
Alors, il y a
des questions à se poser. Est-ce qu'on est un peu partout puis
qu'il n'y a pas vraiment de loi-cadre qui va encadrer tout ce qui touche les lanceurs d'alerte, d'une part? C'est
questionnable. Est-ce que les gens, ça va tout se juxtaposer ou ça va se contredire? Il me semble
qu'il manque un cadre de l'ensemble de la situation, et la commission
Charbonneau, lorsqu'elle l'a mis sur la table dans ses recommandations... Je
crois qu'on ne peut pas y aller à la pièce puis pièce par pièce. Alors là, je
sens qu'on est plus vers la pièce. Alors, par rapport au ministère de la
Famille, il y a toutes sortes
d'interrogations. J'ai entendu mon collègue, à un moment donné, en
rencontre... collègue de La Peltrie,
qui aussi s'interrogeait, alors il aura
l'occasion de l'exprimer. Alors, pourquoi tous ces ajustements qu'on a à faire
au ministère de la Famille? On va avoir des questions à poser aussi à ce
niveau-là. Alors, j'ai lancé beaucoup de choses.
En terminant,
je ne sais pas si le ministre va être capable de nous dire aussi il s'est
inspiré d'où dans les législations internationales,
d'une part. On voit que la France présentement est en train de revoir cette situation-là pour en avoir une grande,
loi-cadre. Ce n'est pas ce qu'on fait ici présentement aujourd'hui. Alors, si le ministre ne répond pas trop à nos questions, bien,
on va s'interroger encore plus. Alors, je veux m'assurer qu'il y a un principe
et il est inspiré par quoi pour faire le projet de loi, pas juste nécessairement pour patcher quelque chose ou pour s'assurer
qu'on a répondu aux lanceurs d'alerte pour essayer de les protéger le
mieux possible ou plus ou moins. Alors, c'est évidemment dans cette eau-là, M.
le Président, qu'on va aller.
• (19 h 50) •
Le Président (M. Bernier) :
Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. M. le député de La Peltrie, porte-parole
de la deuxième opposition, la parole est à vous.
M.
Éric Caire
M.
Caire :
Pour combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bernier) : 20 minutes.
M.
Caire :
20 minutes. Merci, M. le Président. Bien, à mon tour, d'abord, de saluer le ministre,
les gens qui l'accompagnent, les députés
ministériels, ma collègue de l'opposition
officielle et ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M. le Président, on a
eu l'occasion de dire de ce projet de loi qu'il était un pas dans la bonne
direction, et je profiterai de l'occasion qui m'est faite pour saluer la contribution
de mon ex-collègue Jacques Duchesneau, qui a été précurseur en déposant un tel projet
de loi alors qu'il siégeait ici à
titre de député de Saint-Jérôme, puis une préoccupation, à la coalition, qui existe depuis, donc, plusieurs
années, à savoir protéger les lanceurs d'alerte. La question
qu'on doit se poser, c'est : Pourquoi est-ce que c'est nécessaire
de protéger les lanceurs d'alerte, M. le Président? Parce qu'on a eu l'occasion de s'en rendre compte dans un passé pas
si lointain, à quel point ceux qui savent, malheureusement, ne
parlent pas et ceux qui parlent ne savent
pas, et il faut faire en sorte, M. le
Président, avec un tel projet de loi que ceux qui savent puissent
parler. Il en va de l'intérêt public, il en va de l'intérêt
des deniers publics, et c'est notre devoir de mettre sur la table et d'adopter un tel projet de loi. M. le Président, on ne sera pas évidemment la seule législature
à faire ça, je dirais même qu'il
était à peu près temps que le Québec se penche sur cette question-là
compte tenu de tous les événements, et ma consoeur de l'opposition officielle y a fait
référence, notamment la commission Charbonneau et d'autres commissions, le rapport Duchesneau, qui était là avant. On
pourrait remonter comme ça assez loin pour se rendre compte qu'au Québec
on a besoin d'un projet de loi qui va protéger les gens qui vont dénoncer des
situations irrégulières.
M.
le Président, sur le projet de loi à proprement parler, j'ai dit et je le
pense, c'est un pas dans la bonne direction, mais c'est un projet de loi qui est hautement perfectible. D'ailleurs,
j'en veux pour preuve... il y a quand même une quantité intéressante
d'amendements, ce qui dénote quand même une volonté de la part du ministre, là,
d'être à l'écoute puis de modifier le projet de loi.
Ceci
étant dit, comme ma collègue de l'opposition officielle, j'aurai évidemment
certaines préoccupations, surtout certaines
recommandations, parce que, si le projet de loi est un pas dans la bonne
direction, je pense qu'il reste encore, dans sa forme actuelle... et évidemment
je fais abstraction des amendements pour l'instant, parce qu'on en discutera et on verra
quels sont ceux qui seront adoptés, ou non adoptés, ou modifiés, mais, dans sa
forme actuelle, le projet de loi faillit à la tâche dans plusieurs
secteurs qui sont quand même névralgiques.
Bon,
on l'a mentionné, M. le Président, et ceux qui sont venus nous parler l'ont
mentionné, je pense que l'élément le
plus évident, c'est le secteur municipal, et, même dans les amendements, je
n'ai pas retrouvé cette préoccupation-là, qui pourtant a été soulignée
par plusieurs acteurs qui sont venus nous parler du projet de loi, que le
secteur municipal n'était pas couvert. Bon,
j'ai entendu la partie ministérielle dire : Bon, étant donné les
législations déjà en cours au Québec, il
serait préférable de passer par une législation particulière. Je serais heureux
d'entendre le ministre là-dessus, mais moi aussi, je m'interroge, là, sur la pertinence de faire plusieurs projets
de loi et d'avoir plusieurs instances qui vont toutes avoir le même but, c'est-à-dire s'assurer qu'on
est capables de dénoncer des situations irrégulières, répréhensibles et
avoir un processus qui va être, d'une part,
confidentiel et, d'autre part, simple aussi. Je veux dire, il ne faut pas non
plus que ça devienne les 12 travaux
d'Astérix, là, M. le Président, que de dénoncer des situations répréhensibles,
parce qu'on ne sait pas est-ce qu'on
s'adresse à l'inspection générale, est-ce qu'on s'adresse au Protecteur du
citoyen et est-ce qu'on s'adresse à l'entité interne, est-ce qu'il y a
une instance pour les municipalités, une instance pour les fonctionnaires.
Alors,
vous savez, M. le Président, ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et je
pense que la multiplication des paliers ou des entités responsables de
gérer les sonneurs d'alerte n'est peut-être pas la façon optimale d'agir.
Je
constate aussi, M. le Président, qu'on fait une distinction dans ce que sont
des deniers publics. Alors, le projet de loi, tel que prévu, va protéger un sonneur d'alerte dans sa forme actuelle
lorsque le fait reproché se produit à l'intérieur de la fonction
publique... ou à l'intérieur de l'appareil public, je devrais le dire comme ça.
Avec les amendements, on dit : Bon,
bien, maintenant, on va étendre ça à l'égard de. Donc, on comprend qu'une
entité privée... et ça aussi, M. le Président, ça avait été amené par les intervenants en commission parlementaire,
qu'on ne visait pas le secteur privé, c'est-à-dire que le secteur privé, lorsque des deniers publics
interviennent, n'était pas visé. Là, avec les modifications qui sont
proposées, ce sera le cas mais dans certains
paramètres très précis. Et j'ai eu cet échange-là, lors du briefing technique,
où on a fini par comprendre que tout ce qui touche le secteur des
crédits d'impôt ne serait pas protégé par la loi. Donc, si vous êtes dans un contexte contractuel ou de subvention,
vous êtes protégés. Si vous êtes dans un contexte où les deniers publics
sont obtenus par des crédits d'impôt, vous n'êtes pas protégés.
Donc
là, il y a des subtilités, dans le projet de loi, M. le Président, que je ne
comprends pas, puis j'aurai l'occasion d'en discuter avec le ministre,
là, puis je suis convaincu qu'on pourra trouver une façon de s'assurer que les
deniers publics, quelle qu'en soit la
provenance ou la distribution, pourront être protégés par les sonneurs
d'alerte, M. le Président. Il m'apparaît que c'est fondamental.
Je
disais, M. le Président : On n'a pas ajouté le volet municipal, ce qui
m'interpelle de façon très particulière, parce qu'au Québec, dans les
dernières années, je pense qu'on a eu suffisamment d'exemples où le monde
municipal avait aussi besoin de ce type de
projet de loi là, et, encore une fois, M. le Président, je pense qu'on aurait
eu tout intérêt, à la commission, à
adresser ce problème-là immédiatement, de la même façon qu'on le fait pour
l'appareil public provincial. Je pense qu'on a eu suffisamment
d'exemples, et les conséquences de ces exemples-là sont les mêmes, hein? C'est
le contribuable, c'est le citoyen qui est
lésé dans les situations qui ont été mises au jour, et peut-être qu'avec une
protection adéquate des sonneurs d'alerte ces situations-là auraient été
dénoncées bien avant, peut-être que le dommage aurait été moins important. On
peut le présumer. On ne peut pas le démontrer, mais on peut le présumer.
Et donc, M. le Président, de passer à
côté d'un volet aussi important m'apparaît qu'on manque une occasion de
se doter d'un outil complet. Et, bon, dépendamment des circonstances, je ne suis
pas nécessairement un adepte de la théorie des petits pas, M. le Président, comme je l'ai
dit, oui, c'est un pas dans la bonne direction, mais l'occasion,
elle est là, pourquoi ne pas la
saisir? Et je suis convaincu, M. le
Président, qu'on serait capables de
trouver une réponse législative au problème législatif que ça peut
poser.
• (20 heures) •
Autre
chose, j'ai vu dans les amendements qu'on avait ajouté tout le volet pour le ministère de la Famille, donc les services de garde. Encore là, je
pense qu'on a soulevé plus de questions
qu'on a apporté de réponses parce
qu'on voit des pouvoirs au ministre qu'on ne voit pas ailleurs,
on voit des situations qui sont traitées de façon différente
dépendamment si ça touche les services de garde ou l'administration publique et, encore là, M. le Président, je pense qu'il est légitime pour les parlementaires de se demander pourquoi il y a
cette espèce de façon différente... je vais le dire comme ça, parce que l'objectif, c'est vraiment de poser la question. Il y a des façons différentes de traiter un problème qui, en
apparence, est assez similaire. Donc,
M. le Président, je pense que ça va être important que le ministre soit à
l'écoute, parce que, si... oui, le projet de loi est un pas dans la
bonne direction, si les amendements témoignent d'une volonté d'écoute de la
part du ministre, je pense qu'il y a encore
beaucoup de chemin à parcourir, je pense qu'il y a des amendements qui
soulèvent des questions qui sont légitimes et, du côté de l'opposition,
M. le Président, je veux assurer le ministre de notre entière collaboration.
Je
ne veux pas qu'il y ait de doute dans son esprit, notre objectif est de
bonifier le projet de loi. Nous sommes devant une occasion en or de doter l'administration publique, l'appareil
public, autant provincial que municipal, en tout cas, selon ce que moi,
je pense, d'un outil important qui va assurer les citoyens qu'à partir de
maintenant ceux qui savent ont la possibilité
de parler et de dénoncer et qu'on n'est pas dans cette espèce de chasse aux
fantômes, M. le Président, où on a toujours
l'impression que, quand on... surtout du côté de l'opposition, je devrais dire,
là, quand on pose des questions, on a de la difficulté à avoir des
réponses parce qu'encore une fois ceux qui savent ne parlent pas.
Donc,
M. le Président, je conclurai en disant que nous abordons le projet de loi dans
un esprit de collaboration. Notre
objectif est que, ce rendez-vous-là, on ne le rate pas, on fasse en sorte de
doter le Québec d'un outil qui fera école, qui pourrait même être un exemple, mais je pense qu'il y a encore, avant
d'en arriver là, du chemin à parcourir et j'espère que le ministre va
être ouvert aux suggestions qui lui seront faites, parce que le projet de loi,
il est perfectible et nous entendons le perfectionner. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bernier) : Merci de vos propos. Mme la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques,
la parole est à vous.
Mme Manon Massé
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, tout le monde.
Heureuse d'être là pour débuter avec vous tous et toutes ce travail, qui
m'apparaît quand même une grande responsabilité envers nos concitoyens.
On
a parlé, certes, de la commission Charbonneau, on a parlé du rapport
Duchesneau. En fait, quand on retourne dans
l'histoire du Québec, c'est arrivé de façon assez régulière où nous avons eu,
comme concitoyens, concitoyennes, la démonstration que parfois il faut
encadrer pour mieux protéger, et je pense que, dans le cas des lanceurs
d'alerte, la commission Charbonneau est venue nous rappeler que, et je cite,
«la collusion et la corruption sont des actes commis secrètement», il est donc
difficile de les détecter sans un signalement. Alors, c'est pour ça, M. le
Président, que nous sommes rendus à ce
moment, dont je suis très heureuse, ce moment où nous voulons collectivement
envoyer un message à nos concitoyens.
C'est pour nous, parlementaires. Nous avons appris de la commission Charbonneau
et nous souhaitons faire en sorte que les gens qui voient, hein, qui
détectent des choses puissent être protégés lorsqu'ils le signalent.
Alors,
dans ce sens-là, nous sommes... et j'avais d'ailleurs moi-même déposé un projet
de loi à l'automne dernier pour rappeler que, comme parlementaires, nous avions
une responsabilité face à l'intérêt de notre bien commun mais
aussi face à la protection de ces gens qui
prennent des risques énormes. Je pense que, durant que nous avons fait... pas
l'étude détaillée, mais les audiences, on a
entendu l'importance d'avoir cette
protection pour les gens qui assument cette responsabilité citoyenne de
sonner l'alarme lorsque l'inacceptable arrive.
Qu'est-ce que nous
disait exactement la recommandation n° 8 du rapport Charbonneau? Et je
vous en lis un extrait, de cette
recommandation, parce que, dans le fond, globalement, la recommandation nous
priait, si je peux dire, de répondre
aux prises de conscience que nous avons faites durant la commission
Charbonneau, de répondre par un régime global
de protection des divulgateurs. Et, ce qu'elle disait, je vous le cite :
«...le champ d'application des lois de nature générale est plus large et la réglementation qui en découle s'applique à
la fois au secteur public et au secteur privé. De même, "[les] faits pouvant être signalés ne
se limitent pas à un seul domaine comme la corruption, mais s'appliquent
à une large gamme de conduites : la
violation de toute loi, celle des normes déontologiques codifiées, des règles
ou directives administratives édictées pour la mobilisation et la
gestion des facteurs de production, voire la dérogation aux ‘bonnes pratiques'
recommandées".»
Alors, ce pourquoi je
prends la peine de relire cette commission Charbonneau, c'est qu'on a un
rendez-vous historique qui nous attend dans
les prochaines heures, et je suis contente parce que les prédécesseurs de notre
ministre actuel qui ont soit déposé le
projet de loi ou assisté comme nous aux audiences ont compris, je crois,
l'importance du geste que nous sommes
en train de poser. Et, dans ce sens-là, je peux assurer le ministre que nous
allons contribuer comme de bons
élèves, de façon très studieuse, parce qu'on se sent une grande responsabilité,
M. le Président, pour réconforter, pour, en fait, redonner confiance à nos concitoyens et
concitoyennes sur ce que j'appellerais globalement l'appareil public, ou
la signature de contrats, ou l'application des lois dans son ensemble.
Mes
collègues ont déjà soulevé un certain nombre d'éléments. Je dis d'entrée de
jeu, et ça va mettre la table, je dirais,
pour la suite des choses : Le projet de loi place de bons éléments.
D'entrée de jeu, vous comprendrez que, malgré l'ajout, par les amendements, du secteur privé, avec lequel le secteur
public a des liens, où les deniers publics ont des liens, la Protectrice du citoyen... pardon, la commission
Charbonneau est venue nous dire de l'importance de couvrir l'ensemble du secteur privé. Alors, moi, ce que je comprends
de ça, c'est : plus on va faire simple... et là-dessus je rejoins
totalement mes deux collègues d'opposition,
plus on va faire simple sur les procédés, sur les processus, sur la garantie de
protection des divulgateurs, plus on va
faire simple, plus on se donne collectivement la chance que les gens aient
envie de dénoncer. Plus on va compliquer,
je pense que plus les gens vont prendre un pas de recul puis se dire : Hi!
Déjà, ça a l'air... je suis-tu au bon
niveau? C'est-u le municipal, c'est-u le provincial, c'est-u le privé ou ce
n'est pas le privé? Une garderie privée, je suis-tu dedans ou je ne suis pas dedans? Ah! elle est subventionnée.
Plus c'est compliqué, M. le Président, et je pense que c'est ça que nous enseigne la littérature
internationale, plus c'est compliqué, plus les gens vont être rébarbatifs à
dénoncer. Et, nous, là, ce qu'on veut, là, au contraire, c'est l'inverse, pas
des dénonciations frivoles.
• (20 h 10) •
Le
projet de loi le dit, hein, la Protectrice du citoyen a un pouvoir d'enquête et
un pouvoir de faire l'analyse et elle déterminera
en cours de route si, oui ou non, ça s'applique,
si ça doit être dirigé vers l'UPAC, si au contraire... et
là, si on lui donnait tous les moyens, elle pourrait jouer ce rôle de
chef d'orchestre, qui fait que c'est simple. Tu penses, comme citoyen
et citoyenne, que tu es témoin de quelque chose, tu n'as pas déjà à comprendre à quel niveau tu dois
intervenir, tu interviens auprès de la Protectrice du citoyen, qui, elle, te guide par la suite, après avoir
pris acte de ce que tu lui as raconté. Ce
que je crains, en excluant une partie du privé, ce que je crains, en excluant
le monde municipal ou, à
tout le moins, en devant passer par
un autre mécanisme du monde municipal, c'est que cette complexité va décourager les
gens parce que — rappelez-vous
ce que les gens sont venus nous dire en commission parlementaire — ils
ont peur, et ça, la peur, là, ça se... on peut prévenir, je pense, en
grande partie lorsque le mécanisme de protection est simple, limpide, et
faisons confiance à la Protectrice du citoyen pour guider les gens là où ils en
auraient besoin.
Donc,
la question du privé, l'absence du municipal nous questionnent mais dans cette
perspective de la simplicité. J'entendais
ma collègue de l'opposition officielle parler peut-être de quelque chose comme
d'une loi-cadre, mais moi, j'ai l'impression
que c'est ça qu'on a là-dedans, là. C'est la protection... en fait, c'est la
Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles,
j'imagine, qu'on va adopter, envers les organismes publics, alors je le
voudrais plus large, mais il m'apparaît que c'est ici qu'on devrait
avoir cette loi qui structure l'ensemble des chemins à suivre pour les
divulgateurs.
Une
autre dimension qui, pour nous... on aura l'opportunité d'en discuter avec le
ministre, c'est toute la question des
divulgations publiques et de la protection des sources journalistiques. Alors,
le prédécesseur du ministre souvent a posé beaucoup de questions sur cette dimension
de la divulgation publique. Nous, dans ma formation, on est convaincus que plus on facilite les divulgations, plus on fait confiance soit aux
mécanismes internes, puisque le ministre est revenu avec l'idée des
mécanismes internes, alors que j'avais l'impression qu'on avait peut-être
réussi à démontrer que c'était trop
compliqué, ça rajoutait une couche de complications, de faire en sorte
que : Ah! O.K., si je veux le divulguer
aux journaux, il faut avant ça que je m'adresse à la protectrice, aux policiers
aussi... Plus c'est compliqué, M. le Président, moins les gens vont être
enclins à faire ce qu'ils ont à faire. Moi, j'ai confiance, hein? Être journaliste, c'est un métier. Les sources
journalistiques, c'est précieux. On en a encore quelques exemples dans l'espace public, comment
c'est important de protéger ces sources-là, et je crains que certains articles
ou un article en particulier viennent
fragiliser cette dimension-là.
Et finalement, bien
sûr, toute la question de l'article 4, où l'interdiction de questionner les
choix politiques... J'entendais le
prédécesseur au ministre revenir constamment sur cette dimension-là. Je pense
que, quand la commission Charbonneau
nous dit que c'est important de permettre que la loi s'applique à une large
gamme de conduites, y compris celles
qui rentrent en conflit avec des normes déontologiques codifiées... Je crois
qu'on a eu des infirmières, des travailleuses sociales qui sont venues nous expliquer comment, avec leur devoir de
réserve, avec leurs codes de profession, elles se trouvaient coincées et
qu'elles auraient aimé se sentir protégées de pouvoir aller voir la Protectrice
du citoyen et de pouvoir dire : Je
pense qu'ici il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Alors, bien sûr, vous
voyez, nous allons y aller avec sérieux, pas question de faire
obstruction.
Mais,
ceci étant dit, puisque l'étude détaillée... pas l'étude détaillée, pardon,
puisque les audiences se sont faites il y a déjà plusieurs mois de ça et puisqu'un de nos prédécesseurs, ici
même, avait déjà contribué à nous aider à comprendre la complexité de ce que c'est, être un lanceur
d'alerte, je vous annonce, M. le Président, qu'avant de commencer
l'étude détaillée je vais donc déposer une
motion selon l'article 244, parce que je pense qu'il y a un interlocuteur
que, comme parlementaire, à cause de son expérience... bien, je vous
l'expliquerai rendue là.
Alors,
bref, mais ceci étant dit, nous
serons là, nous prenons ça au sérieux et, puisque, pour écrire notre
propre projet de loi, on a dû étudier la question en long et en large, on sera
sérieux dans ce débat-là.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Avant de passer à la proposition de motion
préliminaire, est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Non.
Donc, je vais
suspendre, parce que vous devez me déposer par écrit votre motion préliminaire
pour que nous puissions analyser sa recevabilité. Je suspends.
(Suspension de la séance à
20 h 16)
(Reprise à 20 h 19)
Le
Président (M. Bernier) :
Donc, à l'ordre, s'il vous plaît!
Donc, comme nous avons une motion préliminaire de la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques,
Mme la députée, si vous voulez présenter votre motion, par la suite
j'expliquerai les règles.
Motion proposant d'entendre M. Jacques Duchesneau
Mme
Massé : Bien sûr. Alors, je vais la lire. Donc : «Il est proposé qu'en vertu de l'article 244
de nos règles de procédure
la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 87, Loi
facilitant la divulgation d'actes
répréhensibles dans les organismes publics, des consultations particulières et
qu'à cette fin elle entende, dès que possible, M. Jacques Duchesneau.»
• (20 h 20) •
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Donc, les règles des droits de parole
sont les suivantes : l'auteur de
la motion a 30 minutes; le représentant du deuxième groupe d'opposition,
30 minutes; le représentant de l'opposition officielle, 30 minutes; M. le ministre, 30 minutes; chacun des membres de la commission,
10 minutes. Ça va? La parole est à vous.
Mme Manon Massé
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Alors, soyez assurés, je ne prendrai pas 30
minutes, je veux quand même
prendre le temps d'expliquer surtout pour les gens qui nous écoutent pourquoi
j'ai trouvé important d'amener cette motion-là ce soir.
Vous savez,
je le disais d'entrée de jeu dans mes remarques
préliminaires, je pense que le
travail que nous sommes en train de faire est un travail essentiel pour redonner
confiance à nos concitoyens et concitoyennes sur toute la question des gestes que nous posons, comme Parlement, pour
assurer que le plus possible, en
matière de corruption, collusion,
portes tournantes, etc., on se donne les moyens que ça ne se reproduise plus,
et un des moyens que la commissaire... ou la commission
Charbonneau nous a clairement
enlignés, si je peux me permettre, c'est cette idée de dire qu'il y a
des gens qui, au sein des différentes
organisations, qu'elles soient publiques ou privées, se
retrouvent dans des postures où ils sont conscients qu'il soit est en
train de se poser ici ce qu'on nomme
un acte répréhensible ou, à tout le moins, qu'une loi est en train d'être transgressée, etc., et ces gens-là doivent clairement entendre de notre
part que nous voulons tout faire pour les protéger. Et, je crois, ce pourquoi j'interpelle de façon
spécifique... je n'ai pas relancé sept, huit autres personnes, là, et je
relance de façon spécifique M.
Duchesneau... d'une part, vous le savez comme moi, chers collègues,
que M. Duchesneau, premièrement, a été un lanceur d'alerte lui-même.
Lui-même donc dans sa vie a expérimenté ce que ça voulait
dire d'être un lanceur d'alerte, dans
son cas, non protégé. Donc, c'est heureux. Alors, j'aimerais avoir son oeil
extérieur sur le projet de loi, sur les amendements pour dire est-ce que, de son expérience
de lanceur d'alerte, M. Duchesneau considère que ce projet de loi là
répond aux impératifs qu'exigent les lanceurs d'alerte au Québec.
Le deuxième
élément qui m'amène à vous faire cette proposition à travers la motion, c'est que, de par ses
fonctions antérieures, de par ses recherches — on
se rappellera du rapport Duchesneau — M.
Duchesneau a, d'une part, une bonne connaissance du monde privé. Et, vous le savez, je l'ai dit d'entrée de jeu, pour moi, toute loi qui protège les lanceurs d'alerte devrait protéger tout le monde. Alors, moi, ce que j'aimerais, par sa participation, c'est qu'il
vienne nous dire, bien, pourquoi c'est si important de protéger le privé — j'aimerais
ça l'entendre — et
est-ce que la loi lui permet d'arriver à ces conclusions-là.
Et une autre connaissance de par ses fonctions,
c'est toute la question du monde de la construction, et là je pense que c'est un impératif. Face à la commission Charbonneau, on a des devoirs de mémoire
à vraiment très,
très court terme, et je pense que son
cheminement, son analyse, ses compréhensions pourraient nous permettre, comme parlementaires, de nous assurer que, ce projet de loi là, on va le faire cheminer dans le bon sens pour que les Québécois
et Québécoises puissent se sentir en sécurité.
Et finalement,
bien, vous le comprendrez, c'est sa connaissance du monde municipal, parce
que je continue de penser qu'il ne faut pas multiplier les
plateformes, mais plutôt avoir quelque
chose de solide, de concret qui fait
que, les gens, c'est facile pour eux
et pour elles de rentrer et dire : Oui, je prends le risque de dénoncer,
et le chemin est facile à suivre, et j'y vais par là.
Je savais qu'on commençait l'étude aujourd'hui.
Qu'est-ce qui m'a amenée, d'ailleurs, ce matin à déposer une motion en Chambre et de revenir ce soir sur
cette question-là? C'est quand j'ai lu notamment
une citation de M. Jacques Duchesneau
ce matin, dans le journal, où, face au projet
de loi n° 87, ce qu'il a dit, c'est : «Je l'ai lu, je l'ai fermé. Si j'avais pu le lancer au bout de mes
bras, je l'aurais fait. Ça paraît bien, mais ça ne protège pas [tous] les
lanceurs d'alerte. Ça a le titre, c'est
tout. Ça n'incitera pas les gens à parler.» Alors, moi, M. le Président, c'est
ça, ma préoccupation. Je ne veux pas faire le projet de lanceurs
d'alerte pour finalement offrir une fausse protection à mes concitoyens et
concitoyennes.
Le
rapport Charbonneau est venu nous rappeler nos responsabilités, est venu nous
redire comment il était nécessaire de
faire ce travail-là à bien d'autres égards. Il n'y a pas qu'une recommandation
au rapport Charbonneau, mais laissez-moi vous dire que celle de la protection des lanceurs d'alerte est de très,
très loin, à mon sens, une des plus importantes dans les recommandations
du rapport Charbonneau. Pourquoi? Bien, parce que toute cette collusion et
cette corruption qui pourrissent le monde
occidental... Pourquoi? Parce qu'il y a des gens qui se sentent légitimés de
prendre notre richesse collective et
d'en abuser. Et ça, M. le Président, si on ne se donne pas clairement la façon
de dire : C'est assez, il faut mettre un x, il faut tracer une ligne là-dessus, il faut
se donner des nouvelles pratiques qui sont de très bonnes pratiques, qui
sont positives et qui permettent aux gens de
les comprendre, bien, si on ne fait pas ça, on va juste rajouter une couche sur
le cynisme des gens. Et là, là, ça, là, c'est notre responsabilité collective.
Et moi, je ne voudrais pas ça.
Je ne voudrais pas ça, d'une part, parce qu'à
longueur d'année j'entends ici, peu importe la formation politique, se désoler du cynisme politique de nos concitoyens et
concitoyennes, j'entends — je suis aussi au projet de loi n° 101 — j'entends toutes les formations
politiques reconnaître la nécessité que nous prenions à bras-le-corps les
recommandations de la commission Charbonneau
pour nous assurer de faire les rectificatifs nécessaires, et, je vous dirais,
personnellement, et c'est
probablement pourquoi, pour ma formation politique, je suis celle qui a déposé
le projet de loi n° 496 — attendez,
je suis-tu en train de vous mentir?, oui...
non, pas du tout — sur la
protection des lanceurs d'alerte, c'est parce que, M. le Président, les gens, là, qui sont au courant qu'il
y a des choses qui se passent deviennent extrêmement vulnérables. Ils deviennent vulnérables parce que, la commission
Charbonneau nous l'a dit, c'est des gens qui sont souvent rejetés par
leur milieu de travail comme les pas fins,
comme étant ceux qui trahissent l'esprit de corps, qui trahissent quelque
chose, alors que, dans les faits,
nous devrions honorer ces gens-là. Mais il y a une culture du silence, parfois,
qui fait en sorte que, si ces gens-là
n'ont pas la conviction qu'on les protège adéquatement, bien, malheureusement,
ils ne dénonceront pas, et c'est ce que j'appelle une fausse protection.
Et, je terminerais
sur cet argument-là, M. Duchesneau a aussi utilisé les médias comme façon pour
faire connaître au peuple québécois les informations qu'il avait. Alors, je
trouvais que dans... et là il est réapparu, là, parce que, pendant quelques mois, on ne l'a pas vu, mais là il est réapparu,
et je trouvais que ça adonnait bien et je trouvais que, considérant, donc, son expérience comme lanceur
d'alerte lui-même, sa connaissance du privé, du monde de la construction,
du monde municipal et de sa propre
expérience, comme divulgateur, d'avoir passé par les médias d'information... je
pense que cet homme pourrait nous apporter
grandement dans notre compréhension de ce que nous avons à adopter sur...
de ce que nous avons à améliorer sur le
projet de loi actuel pour le rendre le plus possible ce projet de loi que rêve
le Québec qu'on leur offre. Alors, voilà pourquoi j'ai déposé cette
motion.
• (20 h 30) •
Le
Président (M. Bernier) : Je veux juste vous préciser exactement
au niveau aussi des règlements : C'est une intervention, hein,
c'est 30 minutes, mais, si vous cessez...
Mme Massé :
Ah! bien, je ne cesserai pas tout de suite, d'abord.
Le Président (M.
Bernier) : Bien, c'est pour ça que je veux...
Mme Massé :
C'est juste parce que j'ai une question que je ne connais pas...
Le Président (M.
Bernier) : ...je veux vous prévenir, c'est que c'est une
intervention de 30 minutes.
Mme Massé :
Bien. Merci, M. le Président. C'est très gentil, mais vous allez voir...
Le Président (M.
Bernier) : Si vous cessez, c'est terminé.
Mme Massé :
...ce n'est pas long. Moi, c'est juste une question de procédure : Après
ça, au niveau du vote, comment ça fonctionne? Est-ce que c'est automatiquement
un vote nominal ou...
Le
Président (M. Bernier) : Malheureusement, vous n'avez pas droit
de vote. Ceux qui ont droit de vote sont les membres de la commission
qui sont ici présents.
Mme Massé :
O.K. Est-ce que je peux faire l'appel du vote nominal, par contre?
Le Président (M.
Bernier) : Bien, ça, vous pouvez le demander, oui.
Mme Massé :
O.K. Je le demande.
Le
Président (M. Bernier) : La seule différence, dans votre
participation, vous participez, vous avez droit de parole, vous avez droit au temps de parole, puis
tout ça, sauf que, quand vient le temps de voter, vous n'avez pas le
droit de vote. Ça va?
Mme Massé :
Soit. Merci.
Le Président (M.
Bernier) : M. le ministre.
M. Carlos J. Leitão
M.
Leitão : Très bien, M. le Président. Merci. Écoutez, aujourd'hui,
après la période de questions, la collègue a déposé une motion qui n'a
pas été retenue concernant ce sujet-là.
Écoutez, le
projet de loi a été déposé le 2 décembre 2015. Par la suite, il y a eu quatre
jours, en février, de consultation, 25 groupes ont été entendus ou
déposé un mémoire, donc : 13 groupes ont été entendus, 12 autres ont déposé des mémoires. À ce moment-là, aucune des formations
politiques n'a jugé utile ou nécessaire de convoquer M. Duchesneau, donc il
n'est pas venu. Donc, je ne vois pas maintenant l'utilité ou la nécessité de
recommencer le processus de consultation. Nous sommes rendus à l'article par
article, et je souhaite qu'on continue.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Mme la députée et porte-parole
officielle de l'opposition, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Nicole Léger
Mme Léger : Bien, merci, M.
le Président. Alors, la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques a déposé cette motion-là. On n'a pas eu l'occasion de donner
notre consentement aujourd'hui, parce que, dans la procédure parlementaire...
fait que, lorsque le gouvernement décide qu'il ne consent pas... Je pense que
ça aurait été très intéressant de pouvoir entendre
M. Duchesneau. Comme plusieurs autres, je pense que c'est... J'entends le
ministre dire qu'on a eu 13 groupes, donc,
quelques mémoires, et tout ça, puis que ce moment-là a été fait, mais,
d'expérience, M. le Président, ça ne veut pas dire que, parce qu'on a écouté les audiences, le cheminement est fait
puis que, là, on rentre dans l'étude détaillée puis qu'on a toutes les réponses à nos questions. Alors,
c'est tout à fait légitime que la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques puisse demander d'entendre d'autres personnes. Et M. Duchesneau,
évidemment, il a quand même une feuille de route quand même
impressionnante par rapport à toutes les questions sur la sécurité publique,
d'une part, puis toutes les questions d'intégrité, toutes les questions qui
nous touchent aujourd'hui sur les sujets que nous avons sur la table.
Alors,
j'espère que le ministre ne nous lance pas un signal que, pour lui, on fait le
projet de loi, puis c'est ça, puis on est
rendus à cette étape-là, puis que c'est fini, parce qu'il y a tellement de
questions qu'on a à poser. Ce n'est pas parce qu'on a établi et le principe et un moment d'audition que ça clôt le
débat sur le projet de loi. Et, l'étude détaillée, on a beau la faire article par article, mais il reste quand même
qu'il y a des questions de fond qui sont absolument importantes. Est-ce
qu'on peut être davantage éclairés? Toujours, on peut être davantage éclairés.
Est-ce que le ministre peut être davantage éclairé? Je l'espère.
Quand on
parle du projet de loi n° 87... la collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques nous disait, entre autres,
bon : Ce que M. Duchesneau disait, est-ce que ça va inciter les gens à
parler? Parce que c'est ça, le fond de... Le fond de la question est vraiment
de savoir est-ce que les lanceurs d'alerte vont être suffisamment protégés pour
être capables de dénoncer, d'être capables
de dire des choses, d'être capables... En tout cas, parfois, si ce n'est pas
une dénonciation, c'est simplement de
soulever des inquiétudes. Est-ce qu'on met le cadre assez important autour de
ces personnes-là? Il n'y a rien qui empêche qu'on peut écouter
différentes personnes. J'ai en tête d'autres personnes qu'il aurait peut-être
été intéressant, à ce moment-ci, aussi
d'entendre. C'est des gens quand même qui ont une sensibilité sur la chose. Ils
sont venus en commission, hein, quelques-uns sont venus en commission
parlementaire.
Mais c'est
sûr que, dans notre processus, M. le Président, lorsqu'on a 20 minutes en
temps, 20 minutes d'un côté, 20 minutes de l'autre et puis que, là, ça
soulève tout un pan important par rapport à nos interrogations... Moi, j'en ai énormément
par rapport à la Loi de la fonction publique, mais par rapport à tout le rôle de l'employé et les inquiétudes qu'il peut avoir, l'employé, à savoir s'il peut avoir
des représailles, mais aussi son rôle, qui est un rôle aussi de loyauté
envers son employeur, et puis en même temps, bien, on lui demande aussi de
dénoncer.
Il y a quand même des questions qui sont, pour
nous, importantes, et je trouve que la motion de la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques
est tout à fait juste. Je serais facilement consentante à ce qu'on puisse
entendre M. Duchesneau, sans problème.
Moi, j'en
aurais une autre, motion, M. le
Président, que j'amènerais, alors je
voudrais vous la partager par après.
Le Président (M. Bernier) : Par
après. On va disposer de celle-là. Par la suite, on y reviendra. Du côté gouvernemental,
est-ce qu'il y a des commentaires? Non? Oui? M. le député de La Peltrie.
M. Éric Caire
M.
Caire : Oui. Merci,
M. le Président. Bien, à mon tour de me montrer extrêmement favorable par
rapport à cette motion-là d'abord parce que,
quand on fait l'historique du personnage, Jacques Duchesneau, c'est d'abord et
avant tout un policier qui a eu à enquêter
sur les cas de collusion, sur les cas de corruption et, comme l'a mentionné ma
collègue, c'est probablement le plus célèbre sonneur d'alerte de l'histoire du Québec.
Donc, lui-même a vécu cette situation-là évidemment
à un certain niveau. On comprend que le statut de Jacques Duchesneau n'est peut-être
pas le même que celui d'un
fonctionnaire dans un ministère, ou dans une commission scolaire, ou dans
un organisme public visé par la loi, mais quand même, compte tenu des
circonstances qu'on connaît, M. Duchesneau a eu à prendre les mesures qu'il
jugeait nécessaires pour faire connaître le résultat de son travail.
Ce que Jacques Duchesneau a aussi comme
expertise, c'est ce qu'il a vu. Dans tout le processus d'enquête qu'il a dirigé, il a été en mesure d'évaluer à
quel point l'omerta peut être non
seulement forte, mais combien
l'omerta peut être pénalisante pour
la vérité et le droit à la vérité, parce
que lui-même a constaté à quel
point la peur que peuvent avoir les potentiels
sonneurs d'alerte des représailles s'ils divulguent des informations portées à leur connaissance, même si c'est dans l'intérêt public... la
peur des représailles, à quel point elle est paralysante et à quel point elle
est hypothéquante. Ça, M. Duchesneau, il l'a vu, il l'a expérimenté.
M. Duchesneau
nous a aussi appris que cette omerta-là, elle se vivait partout dans l'appareil
public et à tous les niveaux, et ça,
ça prive le contribuable, ça prive le citoyen d'un outil de vérification. Probablement, l'inspecteur général le plus efficace qu'on aura jamais
et le plus... oui, le plus efficace, M.
le Président, là, j'essaie de trouver
d'autres mots, mais c'est «le plus
efficace», ce sera toujours un sonneur d'alerte bien protégé, et ça, c'est ce
que Jacques Duchesneau nous a appris.
Quand les gens se mettent à parler, quand les gens se mettent à dire ce qu'ils
ont vu parce qu'ils n'ont plus peur des représailles, parce qu'ils pensent qu'ils
peuvent le faire sans subir les contrecoups, on apprend des choses, et c'est le
bien public qui triomphe au final. Donc,
Jacques Duchesneau a de ce côté-là une expertise indéniable, et je pense
que nous bénéficierions tous de cette expertise-là.
Jacques Duchesneau a aussi été député à
l'Assemblée nationale, M. le Président, je tiens à le souligner, et donc, le travail législatif, il l'a fait, hein,
dans un processus qui l'a conduit lui-même à déposer un projet de loi.
Donc, il est capable de nous faire
bénéficier non seulement de son expérience du terrain, non seulement de sa
connaissance qu'il a des sonneurs d'alerte et de la nécessaire
protection qu'on leur doit, il est capable de nous en faire bénéficier d'un
point de vue législatif parce qu'il a lui-même été un législateur.
• (20 h 40) •
Et je disais
tout à l'heure : Il y a une multiplicité des instances qui semble vouloir
se dessiner, là, de la part du gouvernement pour ce qui est de la
protection des sonneurs d'alerte, et je pense personnellement que ce n'est pas
le chemin à suivre. Je pense que le chemin
de la simplicité sera toujours idéal dans ces circonstances-là, mais je pense
que le point de vue de Jacques Duchesneau là-dessus pourrait être
intéressant. Qu'est-ce qu'il en pense, lui, d'un inspecteur général? Est-ce qu'il pense que le MTQ mérite
d'avoir une entité particulière propre à lui? Est-ce que c'est inutile?
Est-ce que le projet de loi fait le travail,
touche la cible? Est-ce qu'on devrait ou non inclure le municipal? Est-ce que
le ministère de la Famille est à ce
point une entité à part qu'il y a une espèce de spécificité particulière à la
Famille et à son ministre? Est-ce que ça s'explique?
Donc, je
pense que le législateur pourrait apporter un point de vue qui est intéressant
et personnellement je ne vois pas
pourquoi la commission se priverait de cette expertise-là, M. le Président,
parce que, comme le soulignait ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
on doit se doter d'un outil le plus efficace possible. Je pense que, si le
Québec des dernières années a souffert de
quelque chose, c'est qu'il a souffert de la collusion et de la corruption. On
en a souffert collectivement, on en a
souffert dans le domaine de la construction, on en a souffert dans le domaine
de l'informatique, et le résultat
final, c'est que le citoyen a été dépouillé de ses biens, on a volé les
citoyens du Québec, et très certainement qu'avec une loi adéquate qui
aurait protégé de façon adéquate les sonneurs d'alerte on aurait été en mesure
de prévenir ces situations-là et de faire en sorte qu'elles soient moins
dommageables qu'elles l'ont été, et, M. le Président, dans mon esprit, il ne
fait aucun doute que Jacques Duchesneau peut très certainement nous aider
dans cette démarche-là.
J'entendais
le ministre, tout à l'heure, dire : Écoutez, il y a eu des consultations
particulières, on a entendu des groupes,
on a fait cet exercice-là de consulter. Oui, je pense qu'on peut plaider
coupables. Est-ce qu'on aurait dû inviter Jacques Duchesneau avant? Peut-être. On pourrait avoir une
discussion là-dessus. Mais je veux juste souligner que, dans le processus législatif, le ministre a changé. Je
veux juste rappeler qui était le prédécesseur de l'actuel président du
Conseil du trésor, qui était quand même le député de Louis-Hébert. Est-ce que
les circonstances étaient optimales pour inviter Jacques Duchesneau? Je ne
le sais pas. Ce n'est pas le même ministre, puis, à la limite, M. le Président,
ce n'est pas le même projet de loi.
Ce n'est pas
le même projet de loi — non, mais, je veux dire, je vois le ministre qui me... non, mais
c'est ça pareil, tu sais, à un moment donné, il faut se dire les vraies
choses, là — ce
n'est pas le même projet de loi, et moi, je serais curieux... D'abord, je sais ce que Jacques Duchesneau pensait de la
version préliminaire du projet de loi. Ce que je ne sais pas, c'est qu'est-ce qu'il en pense avec les
amendements. Est-ce que ça fait de ça un projet de loi qui touche mieux la
cible, qui remplit mieux ses nécessaires
obligations de protéger les sonneurs d'alerte? Est-ce que ces amendements-là
font en sorte que le projet de loi est plus en ligne avec ce que nous
devrions faire?
Donc, ce
n'est pas le même ministre, ce n'est pas le même projet de loi, il faut bien
l'admettre. M. le Président, là,
regardez la quantité d'amendements, on s'entend qu'à la fin de l'exercice on va
avoir un projet de loi assez différent de ce qu'on a présentement, et je ne vois pas le problème à entendre un
individu de plus dont, je pense, on va tous s'entendre sur le fait... en
tout cas, de ce côté-ci, puis je n'ai pas entendu de la part du ministre,
d'ailleurs, qu'il disait que M. Duchesneau
n'avait pas une expertise intéressante. Il semblait dire qu'il était un peu
tard pour solliciter l'expertise de Jacques Duchesneau. Non. Quand
le projet de loi va être adopté, là il va être trop tard. Mais, que je sache,
on n'a pas commencé à étudier le premier
article. Donc, on s'entend, M. le Président, qu'il n'y a rien d'irréversible
présentement.
On s'entend
que, de consentement, cette commission-là
peut tout faire. M. le Président, je
pense que vous et moi avons assez d'expérience pour savoir que c'est une
simple question de consentement pour dire : Bon, bien, pourquoi on ne
prend pas le temps d'écouter Jacques
Duchesneau? Et, si tant est que j'entends que, du côté de l'opposition, nous sommes unanimes à
reconnaître son expertise, si tant est que, du côté gouvernemental, on
reconnaît que Jacques Duchesneau pourrait
effectivement nous éviter peut-être des écueils, peut-être nous faire des
suggestions, nous amener des éléments qu'on n'avait pas vus, nous
éclairer sur d'autres éléments, changer notre perception sur les amendements
qui sont apportés et le projet de loi dans
son ensemble, écoutez, l'objectif, je pense qu'il est partagé par tout le
monde, c'est d'adopter un projet de
loi qui va être le plus efficace possible, qui va toucher la cible et qui va
faire en sorte que le Québec va se doter
d'un outil propre à faire des sonneurs d'alerte des gens, comme le disait ma
collègue, qui vont être perçus positivement plutôt que des gens qui
auraient à subir des représailles.
Et, M. le Président,
je ne pense pas qu'on en soit à une heure ou deux près, là. Compte tenu qu'il y
a des propositions qui ont été faites depuis
plusieurs années et qu'aujourd'hui, là, en 2016... et plusieurs années, là, je
pense, c'était dès 2012, là, et que, là,
aujourd'hui, on se dit : Bon, bien, allons de l'avant avec cette idée-là,
bien, est-ce que ce serait si pénalisant que ça de prendre le temps
d'écouter quelqu'un dont l'expertise à tous les niveaux, autant comme ancien policier que comme homme politique municipal, que
comme homme politique provincial, pourrait nous éclairer, pourrait nous aider à faire le
projet de loi le plus efficace possible? Honnêtement, je ne vois pas en quoi
c'est pénalisant, je ne vois pas en
quoi, là, c'est... Puis l'idée n'est pas de retarder l'adoption du projet de
loi, moi, je l'ai dit au ministre tout à l'heure, je veux dire, on
souhaite que ce projet de loi là soit adopté, on souhaite doter la législation
québécoise d'une protection pour les sonneurs d'alerte.
Il n'y est pas
question ici de vouloir retarder le projet de loi ou retarder l'adoption du
projet de loi, je pense qu'il n'y a
personne... Tout le monde a dit qu'on était favorable, tout le monde a dit, là,
qu'on avait l'intention de l'adopter, le
projet de loi, puis de faire en sorte qu'il devienne une réalité dans la
législation québécoise aussi rapidement que possible, mais, en même temps, je pense que de prendre le
temps de bien faire les choses plutôt que d'avoir à l'amender dans un futur autre projet de loi parce qu'on se sera
rendu compte qu'on n'avait pas pensé à ci, qu'on n'avait pas pensé à ça,
qu'on a laissé un trou ici, qu'on a laissé un trou là... Puis on a quelqu'un,
là, qui pourrait peut-être nous éviter ces écueils-là. Moi, M. le Président, je
ne vois pas en quoi ce serait pénalisant, puis ce n'est certainement pas
impossible, là.
M. le Président, ce
n'est pas impossible, il n'y a rien d'impossible, il s'agit que tout le monde
s'entende pour adopter la motion de ma
collègue, puis c'est réglé, là. Et personnellement, je pense qu'on va s'engager
à faire ça le plus rapidement
possible, le plus efficacement possible, mais je dois dire que je suis tout à
fait favorable à cette motion et que j'entends la soutenir, M. le
Président.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. D'autres commentaires? Non. Donc, je
vais relire la motion préliminaire :
«Il est proposé qu'en
vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la Commission des finances
publiques tienne, avant d'entreprendre
l'étude détaillée du projet de loi n° 87, Loi facilitant la divulgation
d'actes répréhensibles dans les organismes publics, des consultations
particulières et qu'à cette fin elle entende, dès que possible, M. Jacques
Duchesneau.»
Mise aux voix
Est-ce que cette
motion est adoptée?
M.
Caire :
M. le Président, par appel nominal.
Le
Président (M. Bernier) : L'appel nominal est fait. M. le secrétaire,
si vous voulez procéder à l'appel nominal.
Le Secrétaire :
M. Leitão (Robert-Baldwin)?
M. Leitão :
Rejeté.
Le Secrétaire :
M. Merlini (La Prairie)?
M. Merlini :
Contre.
Le Secrétaire :
M. Fortin (Pontiac)?
M. Fortin
(Pontiac) : Contre.
Le Secrétaire :
M. Habel (Sainte-Rose)?
M. Habel :
Contre.
Le Secrétaire :
M. Matte (Portneuf)?
M. Matte :
Contre.
Le Secrétaire :
Mme Léger (Pointe-aux-Trembles)?
Mme Léger :
Pour.
Le Secrétaire :
M. Caire (La Peltrie)?
M.
Caire :
Pour.
Le Secrétaire :
M. Bernier (Montmorency)?
Le Président (M.
Bernier) : Abstention.
Le Secrétaire : Rejeté.
Le Président (M. Bernier) : Donc, la
motion est rejetée.
Mme Léger :
...
Le Président (M. Bernier) :
Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : J'aurais une
autre motion, M. le Président.
Le Président (M. Bernier) : Une
autre motion. Si vous voulez nous en faire lecture.
Motion proposant d'entendre M. Christian Brunelle, avocat,
professeur agrégé à la Faculté de droit de l'Université Laval
et chercheur au Centre de recherche interuniversitaire
sur la mondialisation et le travail
Mme Léger :
«Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la
Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude
détaillée du projet de loi n° 87, Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics, des
consultations particulières et qu'à cette fin elle entende, dès que
possible, M. Christian Brunelle[...],
avocat, professeur agrégé, Faculté de droit, [à l']Université Laval; chercheur,
Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le
travail...»
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Je vais suspendre quelques instants
pour faire des photocopies pour tous. Donc, je suspends.
(Suspension de la séance à 20 h 50)
(Reprise à 20 h 53)
Le Président (M. Bernier) : Donc, à
l'ordre! Nous reprenons nos travaux.
Donc, suite à
la motion présentée par Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, je vous donne la
parole, étant donné que vous êtes l'auteure de la motion, pour un droit
de parole de 30 minutes.
Mme Nicole Léger
Mme Léger :
Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, j'ose espérer qu'on a pu, là,
du côté du gouvernement, voir le
travail de M. Brunelle. J'ai eu un grand intérêt à ce qu'il a préparé et à
ce qu'il a écrit sur le droit du travail, d'une part, mais particulièrement sur La liberté d'expression au travail et
l'obligation de loyauté du salarié : plaidoyer pour un
espace critique accru.
Pourquoi je
vous apporte ça en lien avec le projet de loi? Il y a un lien très, très
étroit, c'est, dans le fond, le rôle et les obligations du salarié. Il le faudrait prévoir, dans le fond, si on
regarde à l'article 2088 du Code civil, parce qu'on a un lien avec le Code civil, sur le devoir de loyauté
et de confidentialité afin de donner plus de poids à la liberté
d'expression, établir une cohérence dans le
corpus juridique et placer la liberté d'expression au rang de règle et le
devoir de loyauté au rang d'exception.
Jusqu'à maintenant, M. le Président, les
tribunaux donnent surtout préséance au devoir de loyauté — ça, c'est important — notamment dans le secteur public, avec le
principe de neutralité, condition jugée essentielle à l'existence d'un gouvernement responsable et qui va dans l'intérêt
public. C'est l'arrêt Fraser contre la Commission des relations de
travail dans la fonction publique en 1985.
Même s'il existe des exceptions comme l'illégalité commise par le
gouvernement, des politiques qui mettent en danger la vie, la sécurité ou la
santé des fonctionnaires ou autres personnes, la capacité du fonctionnaire de poursuivre de manière efficace
son travail et qui n'atteint pas la perception du public sur cette aptitude ou si le... dénonce les conditions de
travail comme... l'insalubrité,
pardon, les tribunaux ont précisé par
la suite que le fonctionnaire doit
avoir raisonnablement tenté de résoudre le problème de l'intérieur et que sa
tentative n'a eu aucun effet, sauf
urgence ou impossibilité d'avoir recours aux mécanismes internes de discussion.
Le salarié doit également démontrer le
bien-fondé de ses accusations pour éviter le congédiement. Toutefois, un
tribunal d'arbitrage a statué en 2002 que le droit de critiquer le
représentant syndical n'était pas incompatible avec le devoir de loyauté, sinon
même essentiel pour en assurer un sens.
M. le Président, ce que je veux vous exprimer
des travaux de M. Brunelle, c'est toute cette distance-là entre la liberté d'expression et le devoir de loyauté.
Je vous donne son préambule, qui vous donne encore plus le pourquoi que
je vous amène cette personne-là : En manifestant publiquement sa
réprobation à l'égard de son employeur, donc une situation qui peut arriver par rapport au projet de loi, où on a à dénoncer, divulguer, dans le fond, des actes répréhensibles, il faut que le fonctionnaire soit bien
outillé pour être capable d'y faire face et de pouvoir s'assurer en même temps
qu'il est protégé.
Ce n'est pas
pour rien qu'on parle aussi de cette protection-là du lanceur d'alerte :
«En manifestant publiquement sa réprobation
à l'égard de son employeur, que ce soit sous forme de
dénonciation ou de critique, un salarié exerce sa liberté d'expression, liberté fondamentale garantie par
les chartes des droits. Pourtant, lorsqu'ils ont à juger du caractère abusif ou non
d'une telle conduite, les tribunaux se replient généralement sur les concepts
traditionnels du droit civil que sont la "faute" et l'"obligation de loyauté". Ainsi, la plupart du temps, la prise de parole du
salarié est assimilée à un manquement à
ses obligations contractuelles. Dans le texte qui suit, les
auteurs rappellent que ce devoir de loyauté relève, somme toute, du droit "ordinaire", alors que les
assises de la liberté d'expression sont, elles, de nature constitutionnelle.
Ils plaident pour un plus grand
respect de la hiérarchie des normes et, par conséquent, en faveur de
la reconnaissance d'un espace critique accru [au] milieu
[du] travail. [...]L'avènement [de] la mise en oeuvre des chartes des droits
ont rendu, en quelque sorte, ce processus
irréversible et soulèvent de nouvelles questions sur la protection à accorder
aux droits fondamentaux dans le contexte
du travail — tout
ce qui est autour de la liberté d'expression. [...]De fait, cette liberté est
susceptible d'entrer en conflit avec le devoir de loyauté du salarié...»
C'est, pour
moi, une question absolument importante. Et, lorsqu'on amorce ce projet de loi là, on a beau avoir les articles qui sont là, mais ça sous-tend quand même
toute ces difficultés-là du salarié et du fonctionnaire qui a à
dénoncer ou qui a à dire des actes
répréhensibles qu'il y a dans le contexte où il est, dans son cadre de
travail, et en même temps son devoir de loyauté envers son employeur. Et, la
dénonciation ou la critique qu'un salarié peut apporter, il faut être
capable aussi de protéger ce salarié-là et
cette possibilité-là de pouvoir faire cette dénonciation-là :
«Même si nous concevons qu'il puisse exister, sur le plan juridique, des
distinctions entre la dénonciation, d'une part, et la critique, d'autre part,
nous traiterons indistinctement l'une et l'autre [des formes] d'expression...»
Alors, vous avez tout un pan de l'étude de M.
Brunelle avec Mme Samson, là, qui a travaillé avec lui. On peut dire :
«Parmi celles-ci, seule l'interdiction de nuire à la réputation de l'employeur sera l'objet de plus amples développements. Par la suite, nous nous concentrerons
sur la façon dont le statut syndical d'un salarié et le secteur d'activité dans
lequel il travaille influent [aussi] sur son
devoir de loyauté.» Alors, «l'étendue du droit de parole du salarié
varie selon que la critique porte sur
l'entreprise [...] elle-même, sur les conditions de travail
qui y ont cours ou sur ses dirigeants. [...]la façon dont une critique doit être formulée pour être jugée
loyale.» Alors, c'est toute la critique qui est jugée loyale et le droit du
salarié de s'exprimer.
• (21 heures) •
Alors, vous comprenez, l'étude, la littérature
que je vous donne des grands pans, là, j'en fais des bouts, là. Je vous inviterais vraiment à lire cette
littérature-là, c'est vraiment de Mélanie Samson et de Christian Brunelle, La
liberté d'expression au travail et
l'obligation de loyauté du salarié : plaidoyer pour un espace critique
accru. Si les
fonctionnaires cherchent un petit peu, là, c'est ça, le domaine.
«De façon
sommaire, l'obligation de loyauté implique qu'un employé agisse avec discrétion,
bonne foi et fidélité et qu'il[...] — "s'abstienne", pardon, excusez,
là, mon langage, il s'améliore, mais il n'est pas encore parfait, il y a
quelques lettres qui sont encore difficiles — d'épouser délibérément une
conduite qui serait préjudiciable aux intérêts ou à la réputation de l'employeur — vous voyez dans quel contexte se trouve le
salarié. Plus un salarié [s'occupe] — "occupe",
pardon — un poste qui commande des responsabilités
importantes ou qui est élevé dans la hiérarchie de l'entreprise, plus
son obligation à cet égard sera lourde. [...]Depuis le 1er janvier 1994,
ce devoir jouit d'ailleurs d'une reconnaissance législative expresse au Québec.» Et c'est de là, je parle de l'article
2088 du Code civil du Québec, qui prévoit en effet qu'un «salarié, outre qu'il est tenu d'exécuter
son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et ne pas
faire usage de l'information à caractère
confidentiel qu'il obtient dans l'exécution ou à l'occasion de son travail».
Alors, vous voyez la difficulté qu'on
peut avoir avec le projet de loi, qu'il faut arriver à le protéger. Je vous
dirais : «Selon [aussi] l'entendement
usuel, le salarié "ne doit pas s'attaquer à la réputation de son employeur
ou dénoncer les pratiques qu'il n'accepte pas ou étaler sur la place
publique les différends qui l'opposent à l'employeur."»
Alors, il
faut que, dans le projet de loi qu'on a devant nous... il faut s'assurer...
parce que, si la justice va dans le sens de ne pas le protéger, nécessairement, avec la jurisprudence qu'on voit,
qu'on a devant nous, bien, il faut s'assurer que le projet de loi vient
vraiment mettre le cadenas, là, puis mettre les bretelles puis tout ce qu'il
faut pour aider le salarié.
Je peux vous
dire aussi : «...en limitant les interventions du salarié sur la place
publique, l'obligation de loyauté entre
manifestement en conflit avec la liberté d'expression, "composante non
seulement importante, mais essentielle des relations de travail". [...]Le droit de critique devrait d'ailleurs
être vu comme une composante de l'obligation de loyauté.» Alors, la loyauté permet jusqu'à faire cette
critique-là, et, si le ministre a l'intention vraiment de donner la possibilité
aux employés d'être capables d'avoir
l'espace nécessaire et avoir les gens de confiance pour être capables de
dénoncer, bien, il faut s'assurer qu'on lui donne le climat nécessaire
pour aider l'employé de le faire.
J'entendais
tout à l'heure la collègue et mes collègues de l'opposition aussi donner
particulièrement les inquiétudes qu'ils
peuvent avoir par rapport à cette protection-là qu'on doit encadrer le salarié
pour être sûr qu'il puisse être capable de dénoncer correctement : «En de rares circonstances, les tribunaux
l'estimeront donc justifié de dénoncer publiquement des gestes faits par son employeur — en de rares circonstances. [...]Aux
États-Unis et dans les provinces canadiennes — c'est
un exemple intéressant — de common law, le salarié qui dénonce un
comportement de son employeur qu'il croit illégal ou simplement contraire à l'intérêt public pratique
la dénonciation[...]. Dans la foulée des scandales financiers impliquant
les sociétés Enron [...] et ImClone — puis quelques autres — le législateur américain a pris conscience
de la valeur des services rendus par
les dénonciateurs[...]. En vue de mettre ces derniers à l'abri des
représailles, il a adopté, en 2002, la Corporate and Auditing[...] — etc.
Cette loi prévoit une peine maximale de dix années d'emprisonnement et des
amendes considérables pour les personnes qui font sciemment du tort à un
salarié après que celui-ci a fourni aux autorités des informations véridiques concernant la perpétration réelle ou possible
d'une infraction fédérale par son employeur. La loi permet également au salarié dénonciateur victime
de représailles d'intenter un recours civil contre son employeur et lui
donne droit à la réintégration, au paiement du salaire perdu et à des
dommages-intérêts pour tout préjudice subi. Pour bénéficier de la protection de
la Sarbanes-Oxley Act, le salarié doit être en mesure de démontrer qu'il était
raisonnablement fondé de croire que son employeur transgressait la loi. Le gouvernement
canadien a suivi l'exemple américain. Entré en vigueur le 15 septembre
2004, le projet de loi C-13[...] — et etc. — [...] au Code criminel.»
Alors,
M. le Président, j'en aurais plusieurs encore, éléments, je
ne veux pas endormir personne nécessairement, je veux surtout les réveiller par
rapport à ce pan, qui est, pour moi, important,
de vouloir, dans le fond, démontrer au ministre ces éléments-là, qui sont importants,
entre la liberté d'expression, l'espace que le salarié peut avoir pour être
capable de dénoncer dans un cadre correct et de le protéger dans ce
cheminement-là. Je sais que, dans le projet de loi, il y a des éléments pour... dans le fond, de s'assurer que le salarié a des étapes, là,
nécessairement, mais est-ce que, le salarié, on lui donne toute la protection nécessaire à ce qu'il
puisse être capable d'être bien entouré dans ce processus-là? Est-ce que
c'est ce qu'on veut? Et je m'interroge par
rapport au gouvernement, si son intention est vraiment de le protéger et de
permettre cette dénonciation-là. Et
M. Christian Brunelle, l'avocat, professeur agrégé à l'Université Laval,
pose quand même des bonnes questions
par rapport aux lois du travail, d'une part, la Loi sur la fonction publique
aussi, parce qu'on fait des liens, la loi sur le Code civil, et je pense
que c'est important de vous le mentionner aujourd'hui dans le projet de loi qui
est sur la table, le projet de loi n° 87, présentement. Alors, c'est pour
ça, M. le Président, que je le trouvais important.
Je sais que
le ministre va nous dire : On a entendu assez de monde, tout ça, mais
j'aimerais bien, tout à l'heure, quand
il va pouvoir s'exprimer... de nous dire comment il voit cette liberté
d'expression là, ce devoir de loyauté et le fait de permettre à un salarié d'avoir les conditions optimums pour être
capable de faire les dénonciations et d'être capable d'aller au-delà de
ce qu'on voit dans les tribunaux présentement, qui ne le protège pas.
Alors, si
l'intention du ministre est vraiment de permettre ces divulgations-là et de
permettre un climat correct autour du
salarié, bien, j'aimerais bien qu'il m'exprime un peu les principes que je vous
parle aujourd'hui par rapport à ce que
M. Brunelle a établi. Il y en a d'autres, la littérature est énorme à travers
le monde, c'est pour ça que je questionnais le ministre tout à l'heure aussi à savoir si c'est appuyé sur d'autres
législatures internationales ou sur d'autres littératures internationales par rapport à ça, et, non, on
vient simplement faire un projet de loi qu'on attend tous puis qu'on veut
tous aider par rapport à la suite de la
commission Charbonneau, mais en même temps il faut s'assurer qu'on ne
s'éparpille pas puis qu'on puisse vraiment encadrer le processus
correctement. Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le ministre.
M. Carlos J. Leitão
M.
Leitão : Bien, merci, M. le Président. Bon, encore une fois, le projet
de loi a été déposé en décembre. Il y a eu, en février, des consultations particulières. Plusieurs personnes,
plusieurs groupes sont venus exprimer leurs points de vue. M. Brunelle,
bien sûr, c'est quelqu'un de connu, de respecté, de respectable. D'ailleurs,
son opinion était bien citée dans le mémoire
de la CSN, qui est venue en commission parlementaire et qui a bien cité les
travaux de M. Brunelle et Mme
Samson. Donc, tout ça a été pris en considération. Et d'ailleurs le projet de
loi modifie la Loi sur les normes du travail afin de protéger les droits des salariés impliqués dans une divulgation.
Donc, c'est ce que le projet de loi fait. Alors, je pense que, si on commence le processus, on va se
rendre compte, au fur et à mesure qu'on regarde spécifiquement les
articles du projet de loi, que ces considérations, qui sont très importantes,
que vous avez mentionnées, sont prises en considération par le projet de loi.
Encore une
fois, je ne pense pas, donc, qu'il serait particulièrement utile, à ce
moment-ci, d'entendre M. Brunelle en consultations particulières.
• (21 h 10) •
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de La Peltrie.
M. Éric Caire
M.
Caire : Merci,
M. le Président. Autant tout à l'heure je pensais... et je continue à penser que M. Duchesneau aurait pu apporter... ou pourrait apporter un
éclairage intéressant sur le projet
de loi tel qu'amendé, et donc nous aider à cheminer là-dedans parce que c'est un projet de loi qui est bien
différent, autant je ne suis pas convaincu que M. Brunelle, là, nous
amène dans l'univers de : Comment protège-t-on les sonneurs d'alerte?
Je pense que,
là, on est vraiment à la racine du débat qu'on a déjà eu dans les consultations
particulières, à savoir : Est-ce
qu'on peut critiquer son employeur quand on n'est pas en accord avec les
politiques du gouvernement? Et je lis la conclusion, là, ici : «Au Québec, il serait opportun qu'une
disposition du Code civil [...] protège des mesures disciplinaires et des recours en responsabilité civile le salarié
qui critique publiquement son employeur, à tout le moins lorsque
l'intérêt général et le bien commun sont en jeu.» Mais je pense qu'on a bien
défini dans le projet de loi ce qu'étaient les actes répréhensibles, ce qui devait être protégé et ce qui n'avait pas à
l'être. On a eu plusieurs discussions sur le fait que, par exemple, un salarié qui voudrait dénoncer une
politique du gouvernement parce que, de son point de vue, ça affecte le
bien commun n'avait pas à être protégé par le projet de loi parce que, là, on
était dans l'évaluation de la pertinence des politiques gouvernementales et on
se sortait du contexte où un sonneur d'alerte voulait vraiment dénoncer un acte
répréhensible, et, bon, on ne peut pas
partir du principe qu'une politique gouvernementale qui a fait l'objet d'un
débat démocratique devient un acte répréhensible, M. le Président.
Alors là, je pense qu'on s'en va plus dans le
conflit d'opinion ou de vision politique, puis, à mon humble avis, ce débat-là, on l'a fait dans les
consultations particulières, qui ont déjà été faites, et, dans ce sens-là, je
ne vois pas ce que M. Brunelle
pourrait ajouter qui nous ferait changer d'idée sur la nature des premiers
articles du projet de loi, sur ce qui est
répréhensible, pas répréhensible, ce qui est de la critique, ce qui est de
l'opinion politique. Donc, personnellement, je dois dire que ne vois pas, là, en quoi ça nous éclairerait sur les
amendements et les orientations nouvelles qu'on peut prendre avec le
projet de loi.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Du côté gouvernemental, des
commentaires? Non. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, vous avez
10 minutes.
Mme Manon Massé
Mme
Massé : Merci, M. le Président. En fait, je remercie ma collègue
d'avoir pris le temps de faire mon éducation. Peut-être que les autres avaient tout vu ça passer, pas pour moi. Cette
tension inévitable entre le devoir de loyauté, qu'il n'y a pas juste la fonction publique, d'ailleurs,
hein, qui a... n'importe quel employeur s'attend à ce que ses employés
aient une certaine loyauté envers lui, que M. Brunelle qualifie de droit
ordinaire versus un droit constitutionnel qu'est la liberté d'expression, je trouvais ça intéressant et je la remercie de
nous, minimalement, puisque je sens d'entrée de jeu que la porte est un
peu fermée, là... qu'au moins on aura l'opportunité de pouvoir lire, parce que
je trouve, M. le Président, que c'est
des questions assez importantes, au-delà du fait de... je me souviens encore,
le prédécesseur de notre collègue... du ministre, en fait, qui disait toujours : Ah oui! Mais, quand Québec
solidaire sera au pouvoir et qu'il prendra des décisions, ses décisions seront légitimes parce qu'ils auront
été élus, oui, d'une part, et, d'une autre part, peut-être que parce
qu'ils seront aussi d'intérêt public.
Mais, ceci étant dit, il m'apparaît d'une évidence
que l'article 4 a été identifié comme étant un article problématique,
y compris par la Protectrice du citoyen.
Alors, la tension entre la liberté d'expression et le devoir de loyauté, là, on
ne peut pas rejeter ça du revers de la main
en se disant : Bien, écoutez, ça, c'est politique et, parce que c'est
politique, même si on n'en a pas
discuté durant la campagne électorale, c'est légitime. Non. Et, ce que je
trouvais intéressant de la proposition de
notre collègue, c'est vrai que la... je suis retournée rapidement, là, le
ministre nous rappelait que la CSN avait fait état de M. Brunelle... des résultats, pardon, de
l'étude de M. Brunelle. Je suis retournée rapidement, je n'ai pas pu tout
lire.
Mais,
ceci étant dit, pour moi, au-delà de
ce qu'on a pu y entendre, cette idée de pousser un petit peu plus loin
puis de dire... Et là moi, je vais inclure
aussi le secteur privé, parce que, dans ma tête, cette bataille-là, elle n'est pas
perdue, à tout le moins, avant de commencer article par article, là. Je
reste convaincue, comme la commissaire Charbonneau, qu'il faut protéger l'ensemble de la population
au même niveau, sinon il y a deux classes de citoyens : il y a
ceux et celles qui sont protégés et ceux et celles qui ne le sont pas.
Mais,
bref, je trouve que la possibilité de rencontrer M. Brunelle nous permettrait de,
collectivement peut-être, pousser un
petit peu plus loin qu'est-ce qu'il
entend par cette tension entre le droit ordinaire et le droit
constitutionnel sur la liberté, j'entends,
la liberté d'expression. Ceci étant
dit, je ne sens pas beaucoup
d'ouverture à ouvrir la porte à entendre d'autre monde. Donc, je remercie ma collègue, au moins on aura de
la lecture. C'est au moins ça. Mais j'espère sincèrement, parce que, là, ça commence mal, qu'on va pouvoir entamer
l'étude article par article en, minimalement, pouvant échanger sur quelle a été notre compréhension à nous de ce que nous
avons entendu durant les audiences. Si on ne peut pas en avoir d'autres, au moins, par exemple... et là je
reviens sur quelque chose qui m'est cher dont j'ai déjà
identifié, la question de la
protection des sources journalistiques, bien, si tout le monde n'a pas compris
ce que moi, j'ai compris, j'espère au moins,
M. le Président, que le ministre va avoir l'ouverture d'entendre comment moi, j'ai
compris les choses et le minimum d'ouverture
de se poser la question : Bien, si ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques a entendu ça comme ça, est-ce que ça peut être utile pour renforcer le projet de loi? Parce que c'est ça qu'on cherche : c'est de renforcer
le projet de loi pour faire en
sorte que les citoyens et citoyennes sentent que nous avons répondu à leurs
attentes.
Alors,
je vais m'arrêter là. J'aurais bien aimé entendre M. Brunelle, mais je vais le
lire. Alors, vive les intellectuels qui écrivent, au moins on peut les
lire. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Donc, s'il n'y a pas d'autre commentaire, je vais relire la
motion, qui se lit ainsi : «Il
est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la Commission des finances publiques tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 87, Loi
facilitant la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics, des consultations
particulières et qu'à cette fin elle entende, dès que possible, M. Christian
Brunelle[...], avocat, professeur [agréé],
Faculté de droit, [à l']Université Laval; chercheur, Centre de recherche
interuniversitaire sur la mondialisation et le travail...»
Mise aux voix
Est-ce que cette
motion est adoptée?
Des voix :
Rejeté.
Mme Léger :
Appel nominal.
Le
Secrétaire : Donc, pour, contre ou abstention. Mme Léger
(Pointe-aux-Trembles)?
Mme Léger :
Pour.
Le
Secrétaire : M. Leitão (Robert-Baldwin)?
M. Leitão :
Contre.
Le Secrétaire : M.
Merlini (La Prairie)?
M. Merlini : Contre.
Le Secrétaire : M. Fortin
(Pontiac)?
M. Fortin (Pontiac) : Contre.
Le Secrétaire : M. Habel
(Sainte-Rose)?
M. Habel : Contre.
Le Secrétaire : M. Matte
(Portneuf)?
M. Matte : Contre.
Le Secrétaire : M. Caire (La
Peltrie)?
M.
Caire : Contre.
Le Secrétaire : M. Bernier
(Montmorency)?
Le Président (M. Bernier) :
Abstention.
Le Secrétaire : Rejeté.
Le Président (M. Bernier) :
Donc, la motion est rejetée.
Donc, est-ce qu'il y a d'autres motions?
Étude détaillée
S'il n'y a pas d'autre motion, nous allons
entreprendre l'étude du projet de loi article par article. Donc, M. le
ministre, présentez-nous l'article 1. Et je vois qu'il va y avoir
également des amendements.
• (21 h 20) •
M.
Leitão : C'est ça. Très bien, M. le Président. Donc, l'article 1,
qui est dans le chapitre I, bien sûr, et pour lequel nous avons un
amendement à déposer. Donc, je commence par l'article avant l'amendement.
Alors,
l'article 1 dit ceci : «La présente loi a pour objet de faciliter la
divulgation d'actes répréhensibles commis ou sur le point d'être commis au sein [d']organismes publics et
d'établir un régime de protection contre les représailles.»
Alors donc, le chapitre I du projet de loi
précise l'objet recherché, identifie les entités soumises aux mesures proposées et définit la notion d'actes
répréhensibles. L'article 1, que je viens de lire, énonce l'objet principal
du projet de loi, lequel s'articule autour de deux axes : le
premier, c'est de faciliter pour toute personne la divulgation d'un acte répréhensible commis ou sur le point d'être commis
au sein d'un organisme public, et le deuxième axe est de protéger contre
les représailles toute personne qui effectue une divulgation ou qui collabore à
son traitement. Le régime de protection proposé est détaillé plus tard au
chapitre VI. Ça, c'est l'article 1.
L'amendement que nous proposons à l'article 1, c'est de remplacer «au sein» par «à l'égard».
Alors, ça veut dire que l'article
1 se lirait comme suit : «La présente loi a pour objet de faciliter la
divulgation d'actes répréhensibles commis ou sur le point d'être commis à l'égard des organismes publics et d'établir
un régime de protection contre les représailles.»
Alors, cet amendement
donne suite à une recommandation soumise par le Protecteur du citoyen et
réitérée par plusieurs autres groupes lors des consultations
particulières. Donc, oui, on a fait preuve, il me semble, d'ouverture, parce que justement nous avons écouté ce qui a été
mentionné en consultations particulières. Alors, l'expression «à l'égard
des organismes publics» permet de viser tous
les actes répréhensibles qui concernent les organismes, peu importe
qu'ils soient commis à l'interne ou à
l'externe. Cette expression sera définie plus tard à l'article 5 du projet de
loi de sorte à viser tant les actes
commis ou sur le point de l'être par un employé d'un organisme public que ceux
qui le sont par une personne ou une
entité à l'occasion de la préparation ou de l'exécution d'un contrat, incluant
une aide financière conclue ou sur le point de l'être avec l'organisme
public. Donc, voilà.
Le
Président (M. Bernier) :
Merci. Donc, dans un premier temps, sur l'amendement; par la suite, sur l'article. Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles.
Mme Léger : Est-ce qu'on va
avoir un échange, M. le Président?
Le Président (M. Bernier) : Pardon?
Mme Léger : Parce que j'ai
des questions à poser. On le fait en échange?
Le
Président (M. Bernier) : Oui, oui, oui, il n'y a pas de problème.
Mme Léger :
Oui. Je ne suis pas sûre de tout bien...
Le Président (M.
Bernier) : On se veut le plus facilitant possible.
Mme
Léger : Merci. Je ne
suis pas sûre de bien saisir, parce
que, là, l'amendement, c'est : on enlève «au sein», parce que le «au sein» voulait
dire vraiment que ça ne concerne que les organismes publics.
Et, «à l'égard des organismes publics»,
quand il ajoute «à l'égard», c'est parce
que probablement aussi qu'il peut
y avoir d'autres personnes ou d'autres divulgateurs qui peuvent le faire
à l'égard d'un organisme public. Est-ce que c'est comme ça qu'on le comprend?
Le Président (M.
Bernier) : M. le ministre.
M.
Leitão : Oui. Comme j'ai dit
tantôt, cet amendement fait suite à une recommandation qui avait été
soumise par le Protecteur du citoyen. Et donc ça permet de viser tous les actes
répréhensibles à l'interne comme à l'externe, donc c'est pas mal plus large.
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
Mme
Léger : Et, M. le Président, pourquoi le ministre s'arrête aux organismes publics? Je pense
que c'est le temps de bien saisir
pourquoi qu'il s'arrête aux organismes publics. Pourquoi on n'ouvre pas nécessairement aux municipalités, d'une part, et au secteur privé?
Le Président (M.
Bernier) : M. le ministre.
M. Leitão :
Bon. Écoutez, ce sont des questions importantes que... À l'article 2 du projet
de loi, on rentre un peu plus dans ces
détails-là. Donc, on pourrait en discuter rendus à l'article
2. Je pense qu'ici, dans une première étape, on établit le champ d'application, et puis, quand
on va être rendus à l'article 2, là on va entrer un peu plus dans ces
détails-là.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Mme la députée.
Mme
Léger : Le ministre
ne me répond pas, par exemple, M. le
Président, parce que
je vais avoir un amendement, là. Je
veux comprendre pourquoi que... Parce
que, là, ce qu'il m'a dit, c'est que,
dans le fond, il en reste... si je comprends entre les lignes, c'est qu'il va en rester aux
organismes publics, puis là, bien, il va l'expliquer après dans le 2 puis
aller plus loin. Parce que,
si on a à le modifier, ça serait présentement, parce
que c'est vraiment
dans ce premier article-là qu'est le champ d'application, là. Alors, le premier article
démontre vraiment le champ qu'on aura à travailler, donc ça ne
reste que les organismes publics.
Je rappelle la motion
du ministre, là, que, dans le fond, c'est Québec solidaire qui avait adopté ça
le 22 mars 2016 dernier :
«Que l'Assemblée
nationale — puis
le gouvernement avait adopté cette motion-là de ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques, et ça a été une motion unanime,
d'ailleurs on a tous été en accord — salue le travail réalisé par l'Unité
permanente anticorruption et souhaite de voir leurs enquêtes aboutir dans les
meilleurs délais;
«Qu'elle
demande au gouvernement de donner suite avec diligence aux principes des
recommandations contenues dans le
rapport final de la commission Charbonneau, notamment celle concernant la
protection des lanceurs d'alerte dans l'entreprise privée et dans les
municipalités; et
«Que
[finalement] tous les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale
s'engagent à coopérer pleinement aux
enquêtes de l'UPAC et du DGE et à rembourser [le] DGEQ [de] toutes les
contributions politiques qui [...] auraient été versées illégalement — donc, dans le deuxième paragraphe
particulièrement, "notamment celle concernant la protection des
lanceurs d'alerte dans l'entreprise privée et dans les municipalités".»
Alors,
le ministre a quand même voté et on a quand même accepté à l'unanimité cette
motion-là de ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques... ou, en tout cas, la motion de sa
formation politique. Alors, c'est pour ça que, pour moi, le champ d'application, c'est... On part le projet de
loi avec l'article 1, c'est lui qui est quand même le départ de tout le projet
de loi. Ça fait qu'on peut bien s'en aller dans l'article 2, là, mais ce n'est
pas ça, là, c'est : Au départ, est-ce qu'il a l'intention, est-ce qu'il a une ouverture, le ministre, à ce
que ça puisse être les municipalités et le secteur privé? C'est ça, la
question.
Le
Président (M. Bernier) : O.K. Avant de vous donner la parole,
je veux juste m'assurer : Est-ce que tout le monde a reçu les
amendements qui ont été déposés? Oui. O.K. Merci. M. le ministre.
Une voix :
...
Le
Président (M. Bernier) : Pardon?
Une
voix : ...
Le Président (M. Bernier) :
Vous n'avec pas reçu les amendements? On va s'assurer de les distribuer. O.K.
On distribue les documents.
M. le ministre, à la
question posée par la députée de Pointe-aux-Trembles.
M. Leitão : Oui. J'ai dit dans mes remarques
initiales qu'en effet le monde municipal n'est pas inclus dans ce projet
de loi, parce que mon collègue le ministre des Affaires municipales travaille
sur un projet de loi qui vise le monde municipal. Donc, c'est pour éviter une
duplication pour... Ce n'est pas du tout notre intention d'exclure le monde
municipal. Au contraire, nous voulons l'encadrer convenablement avec une loi
qui leur sera dédiée exclusivement.
Pour ce qui est du secteur privé, entendons-nous bien, là,
les employés d'une entreprise qui a affaire avec l'argent public, qui a affaire avec un contrat public, bien
sûr qu'ils sont couverts. Ce qui n'est pas couvert, c'est le secteur
privé dans ses contrats privés. Mais, si une
entreprise privée a un contrat avec l'État et si un employé de cette entreprise
suspecte qu'il y a quelque chose de
répréhensible, mais bien sûr qu'il est couvert par le projet de loi, bien sûr
qu'il peut s'adresser au Protecteur du citoyen.
Donc, oui, ça
s'applique au secteur privé en lien avec les contrats publics, mais pas dans
les contrats privés d'entreprise à entreprise.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Mme la députée.
Mme Léger :
M. le Président, dans les recommandations, la recommandation n° 8, là, de
la commission Charbonneau, elle dit
clairement que «la commission est d'avis qu'un régime général de protection des
lanceurs d'alerte s'impose».
Moi, ce que je comprends de «régime général», c'est de
s'assurer qu'il n'y ait pas une fragmentation de différents projets de loi, de différentes règles d'un bord et
de l'autre, là. C'est ce que j'ai appelé l'éparpillement tout à l'heure.
Alors, ce que je comprends, c'est que vous
ne suivez pas les recommandations à ce moment-ci, donc on fragmente, on va
avoir un autre projet de loi sur les
municipalités. Pourquoi ne pas l'avoir fait avec celui-ci? Pourquoi qu'on n'a
pas, dans le projet de loi
n° 87, inclus les municipalités? Alors donc, il va falloir aller se
référer à un futur projet de loi sur les municipalités, et peut-être que vous en aurez un sur les autorités
des marchés financiers, puis peut-être que vous allez en avoir un autre
quelque part d'autre. Alors, on va s'y perdre quelque part.
Pourquoi que le ministre ne s'est pas assuré que, dans le
projet de loi n° 87, le projet de loi que moi, je considère...
celui-là qui devrait donner, dans le fond, le ton partout...
Le Président (M.
Bernier) : Je m'excuse, Mme la députée...
Mme Léger : C'est déjà
terminé?
Le Président (M. Bernier) :
...c'est déjà terminé.
Mme Léger : On aura encore du
temps.
Le Président (M. Bernier) :
Donc, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux.
(Fin de la séance à 21 h 30)