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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, February 16, 2016 - Vol. 44 N° 88

Special consultations and public hearings on Bill 88, An Act respecting development of the small-scale alcoholic beverage industry


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Table des matières

Auditions (suite)

Les Cidriculteurs artisans du Québec

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

Association des distilleries artisanales du Québec (ADAQ)

Association des microbrasseries du Québec (AMBQ)

Conseil canadien du commerce de détail (CCCD)

Intervenants

M. Dave Turcotte, président suppléant

M. Jean-François Lisée, vice-président

M. Carlos J. Leitão

M. André Fortin

M. Jean Habel

M. Nicolas Marceau

M. François Bonnardel

M. Saul Polo

Mme Manon Massé

*          M. Michel Jodoin, Les Cidriculteurs artisans du Québec

*          M. Marc-Antoine Lasnier, idem

*          Mme Catherine St-Georges, idem

*          M. Alain Poirier, INSPQ

*          M. Réal Morin, idem

*          Mme Nicole April, idem

*          M. Éric Lafrance, ADAQ

*          M. André Caron, idem

*          M. Frédérick Tremblay, AMBQ

*          M. Jean-Pierre Tremblay, idem

*          Mme Catherine Dionne Foster, idem

*          Mme Nathalie St-Pierre, CCCD

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Note de l'éditeur : La commission a aussi siégé en après-midi et en soirée pour tenir des consultations particulières sur le projet de loi n° 87, Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats

(Neuf heures quarante-neuf minutes)

Le Président (M. Turcotte) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des finances publiques ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 88, Loi sur le développement de l'industrie des boissons alcooliques artisanales.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lelièvre (Gaspé) est remplacé par M. Villeneuve (Berthier).

• (9 h 50) •

Le Président (M. Turcotte) : Voici l'ordre du jour : ce matin, nous entendrons Les Cidriculteurs artisans du Québec, l'Institut national de santé publique du Québec et l'Association des distilleries artisanales du Québec; cet après-midi, nous recevrons l'Association des microbrasseries du Québec et le Conseil canadien du commerce de détail.

Auditions (suite)

Je suis prêt donc à débuter avec le premier groupe. Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous identifier avant d'intervenir. Et vous disposez 10 minutes pour nous faire votre exposé. Par la suite, nous procéderons à une période d'échange entre les parlementaires. Maintenant, la parole est à vous.

Les Cidriculteurs artisans du Québec

M. Jodoin (Michel) : Bien, merci beaucoup de nous inviter à cette commission. Merci et bonjour, M. le Président, le ministre des Finances, députés et membres de la commission.

Je me présente, Michel Jodoin, producteur de cidre et propriétaire de la Cidrerie Michel Jodoin; à ma gauche, Marc-Antoine Lasnier, trésorier des Cidriculteurs artisans du Québec et propriétaire des Vergers de la Colline de Sainte-Cécile-de-Milton; et, à ma droite, Catherine St-Georges, coordinatrice de l'association depuis 2008.

Les Cidriculteurs artisans du Québec tiennent à remercier la Commission des finances publiques de l'invitation à présenter le point de vue des producteurs de cidre sur le projet de loi.

Selon la RACJ, 78 titulaires de permis de production artisanale de cidre sont actuellement en opération. Plusieurs conditions sont stipulées pour ce permis... reconnu producteur agricole et que les pommes doivent provenir des terres exploitées par le titulaire de permis à titre de propriétaire ou de locataire. Tout le cidre fabriqué au Québec doit être conforme au Règlement sur le cidre et les autres boissons alcooliques à base de pommes, qui stipule les différentes définitions, dénominations, conditions de fabrication, d'embouteillage et d'étiquetage des cidres. Afin d'élargir les possibilités de commercialisation du cidre, 22 titulaires de permis artisan sont également titulaires d'un permis de fabricant de cidre, communément appelé industriel ou fabricant de cidre. Bien que la plupart de ces producteurs soient autosuffisants en pommes produites sur leurs vergers, ce permis permet l'achat de pommes mais également la commercialisation dans les épiceries sous certaines conditions, notamment la vente de cidre léger : 7 % et moins...

Marc-Antoine, vas-y.

M. Lasnier (Marc-Antoine) : Il est assez difficile pour nous de recueillir des données sur notre marché, mais je vous fais une présentation assez brève de l'industrie du cidre.

En 2013, il s'est vendu au Québec 1,8 million de litres de cidre; en 2014, presque 2,5 millions, pour une croissance de 37 %. Donc, la valeur totale des ventes estimée en dollars, en 2014, était d'environ 23 millions. Le Règlement sur le cidre stipule que nous devons utiliser 80 %, en volume de produit fini, de jus de pomme récoltée ici, ce qui constitue un débouché essentiel pour les pommes produites au Québec. On estime qu'on consomme environ 13 % des pommes de transformation du Québec puis on parle d'environ 6 % d'utilisation des pommes produites au Québec qui sont destinées au cidre.

Si on vous fait un petit portrait de l'association : l'association des CAQ a été fondée en 1992. Aujourd'hui, on compte 56 membres sur les 78 titulaires totaux de permis. On est une association à adhésion volontaire, puis le but, c'est tout simplement de promouvoir les intérêts collectifs puis de développer puis faire la promotion du cidre au Québec. On compte, parmi nos rangs, des chefs de file ainsi que de jeunes entreprises puis on est l'interlocuteur autant au niveau l'UPA, de la Fédération des producteurs de pommes, du MAPAQ, de la SAQ, de la régie, etc.

Mme St-Georges (Catherine) : Oui. Alors, nous profitons, aujourd'hui, de cette tribune pour vous présenter des observations et des possibilités de bonification du projet. Peut-être vous dire que le projet de loi est pertinent, il est attendu depuis longtemps de la part des Cidriculteurs artisans, et ça démontre quand même une préoccupation accrue du gouvernement envers le développement des cidres du Québec.

Les commentaires qu'on vous présente sont tirés d'une consultation de nos membres, et il y a certaines demandes qui ont été exprimées depuis quelques années lors des assemblées générales de l'association.

Le premier élément concerne la vente aux titulaires de permis d'épicerie. On vient vous parler des autocollants numérotés. En fait, le projet de loi prévoit que le titulaire de permis artisan devra apposer un autocollant au moment de la vente, des autocollants qui sont numérotés et qui sont distribués par la RACJ. On va vous faire une démonstration, en même temps, de ce que ça a l'air, justement, ces étiquettes-là, qui sont remises. Peut-être vous dire que ça a des effets économiques néfastes... de cette mesure-là, parce que ça entraîne des coûts, il faut les poser manuellement sur chacune des bouteilles qui sortent de l'entreprise. Et on ne remet pas en cause la forme de contrôle, mais c'est vraiment dans la façon que c'est contrôlé. Le format des autocollants rend ça quand même une opération manuelle délicate.

Ensuite, le transport par un tiers. La vente directe au détaillant implique que le cidriculteur doit livrer lui-même ses produits. Donc, vous pouvez comprendre que des producteurs qui sont situés en région éloignée ou qui n'ont pas toujours les volumes intéressants... fait que ça entraîne des frais élevés de distribution-là pour ces producteurs. Donc, ce qu'on souhaiterait, c'est le regroupement des activités de transport et de livraison soit par une coopérative de producteurs ou par un tiers, une entreprise individuelle. Donc, l'utilisation d'un service de transport, ça permettrait des économies d'échelle et c'est une demande des membres qui a été exprimée. Cette possibilité-là devrait aussi être élargie à toute forme de clients, que ce soient un restaurant, un bar, même un consommateur qui procède à la vente en ligne, de pouvoir utiliser un service de messagerie pour livrer le produit.

L'inscription du cépage et du millésime. Même si on sait que la définition du cépage, normalement, c'est relativement à la variété de plants de vigne, on veut juste être sûrs que les variétés de pommes utilisées dans la fabrication de cidre puissent aussi être indiquées sur les bouteilles. Donc, c'est quelque chose qui est déjà très fréquent, la plupart des producteurs inscrivent les variétés. C'est une façon de différencier les produits, de fournir aussi des informations organoleptiques et c'est vraiment une façon d'éduquer aussi la clientèle, qui est grandissante, dans le domaine des cidres. Dans le même esprit, l'inscription du millésime devrait aussi être permise sur les cidres du Québec. Ça peut être une valeur ajoutée quand on pense à des millésimes exceptionnels ou des produits à haut potentiel de garde comme le cidre de glace.

Le Règlement sur le cidre permet également la fabrication de cidre et... l'ambre du Québec ou le cidre apéritif, qui peuvent avoir un titre alcoométrique entre 15 % et 20 %. Actuellement, le projet de loi limite la distribution de ces produits-là à 15 %. Donc, c'est des produits qui sont faits sous le permis artisan, qui n'auraient pas accès aux épiceries. Donc, c'est possible de fortifier un cidre par l'addition d'eau-de-vie ou d'alcool neutre. On veut être sûrs que ces produits-là puissent être distribués. Puis, par contre, dans la fabrication de l'ambre de pomme, qui est un peu l'équivalent du pommeau en France, c'est un jus de pomme auquel on ajoute de l'alcool, donc qui est fortifié. Donc, ce n'est pas un produit qui est issu exclusivement de la fermentation, puisqu'on part d'un jus, mais c'est un produit qui est fait sous le permis artisan puis qui serait un produit potentiellement commercialisable chez les détaillants d'épicerie.

Peut-être aussi vous dire que, dans le projet de loi, on propose dans les conditions de vente que les produits peuvent être composés de jus de fruits reconstitué. Donc, c'est quelque chose qu'on a souligné. On ne comprend pas cette permission-là, pourquoi le législateur a voulu intégrer dans sa définition le jus de fruits reconstitué. Le cidre, selon le Règlement sur le cidre, il ne peut être fait que par fermentation alcoolique de jus de pomme, il n'y a pas de reconstitution de jus de pomme qui est permise. Donc, pour nous, c'est impératif que, les boissons alcooliques à base de pommes, il soit interdit d'utiliser du jus de fruits reconstitué.

Donc, si je résume nos demandes pour les permis d'épicerie, c'est de revoir le contrôle de système pour... que celui des autocollants numérotés; de permettre le transport par un tiers ou par une coopérative directement entre un producteur et un client; de permettre l'inscription de la variété de pommes et du millésime; de permettre la vente de cidre jusqu'à 20 % d'alcool par volume et la fortification des cidres; et de retirer la possibilité d'utiliser du jus de fruits reconstitué dans la fermentation alcoolique.

On a quelques éléments aussi à vous souligner qui concernent l'ensemble de la production de cidre, pas seulement la vente aux épiceries.

La coopérative de producteurs. Donc, dans le projet de loi, on indique que pour les spiritueux il va être possible de se regrouper en coopérative pour la fabrication, l'embouteillage. Donc, ça, c'est une demande qui vient de nos membres depuis quelques années aussi, de pouvoir fabriquer des cidres en coopérative, de pouvoir les embouteiller, les filtrer, par exemple. Il y a même déjà une coopérative de cidriculteurs qui a été fondée en 2014 pour explorer les possibilités. Ce n'est pas permis actuellement, mais ça fait partie de nos demandes.

Donc, la demande, c'est de permettre le regroupement en coopérative des activités de fabrication, de distribution de toutes les boissons alcooliques artisanales.

La RACJ. On vous l'a dit tout à l'heure, on n'a pas accès aux données sectorielles du secteur. Pourtant, les producteurs envoient, à tous les mois, des registres mensuels de ce qu'ils ont en stock, ce qu'ils vendent dans les différents réseaux. Ce serait important que les associations de producteurs aient accès à ces données-là pour avoir une évaluation des retombées économiques du secteur. Est-ce que ça fait 10 minutes déjà?

• (10 heures) •

Le Président (M. Turcotte) : Il vous reste 10 secondes.

Mme St-Georges (Catherine) : Oh! O.K. Donc, on avait des demandes au sujet de la RACJ sur les ressources humaines et financières, qu'elle puisse jouer son rôle, la directive de la RACJ, aussi, qu'elle devienne permanente, et, bien sûr, des demandes sur la SAQ, qui est un partenaire incontournable du secteur des cidres.

Le Président (M. Turcotte) : M. Jodoin.

M. Jodoin (Michel) : En cinq secondes. En conclusion, les Cidriculteurs artisans du Québec considèrent que ce projet de loi offre de très belles opportunités pour les producteurs artisans de cidre en définissant de nouvelles possibilités de commercialisation et de diversification.

Avec ce projet de loi, le cidre fabriqué sous le permis artisan pourra être distribué dans plus de 8 000 points de vente. Un vaste éventail de produits tels que le cidre de glace, le cidre de feu, le cidre bouché se retrouvera désormais sur les tablettes des titulaires de permis d'épicerie. Soulignons également la possibilité de distiller les boissons alcooliques en alcools et spiritueux, qui permettra à l'artisan de valoriser les pommes qu'il cultive. Nous espérons que le gouvernement procédera rapidement à l'adoption de ce projet de loi en tenant compte des différentes bonifications soulevées dans ce mémoire. Nous offrons également notre collaboration dans la mise en oeuvre du projet de loi et des nouvelles dispositions réglementaires qui en découleront. D'ailleurs, une correspondance sera acheminée au ministère des Finances concernant des modifications précises quant au Règlement sur le cidre et les autres boissons alcooliques à base de pommes.

Ce projet de loi permettra de valoriser pleinement la pomme cultivée chez nous, transformée en cidre par des entreprises qui contribuent à notre économie et distribuée dans un vaste réseau partout à travers la province, mais aussi, surtout, à la cidrerie. Merci.

Le Président (M. Turcotte) : Merci beaucoup pour votre présentation. Je cède maintenant la parole à M. le ministre des Finances.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Jodoin, Mme St-Georges, M. Lasnier, bonjour, merci d'être là. Peut-être avant de vous poser quelques questions, Mme St-Georges, si vous aviez des choses que vous voulez ajouter que vous n'avez pas eu le temps de le faire avant, je veux...

Mme St-Georges (Catherine) : Vous me laissez la parole.

M. Leitão : Un peu.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme St-Georges (Catherine) : Bien, peut-être revenir sur les demandes qui étaient adressées à la RACJ. C'est ça, on demande d'allouer les ressources humaines et financières pour que la RACJ puisse jouer son rôle de gardien de qualité, de traçabilité et de conformité. Donc, c'est déjà son mandat, donc, qu'on souhaite qu'elle puisse poursuivre, surtout avec l'ouverture de 8 000 nouveaux points de vente. Et aussi il y a la directive de la RACJ qui permet la vente dans les foires, les expositions agricoles et les marchés publics. Donc, c'est un marché qui est très important pour certains petits producteurs, la vente dans les circuits courts. Cette directive-là est renouvelée à chaque année, mais de façon temporaire, donc pour une seule année, quelques jours avant sa date d'échéance. Donc, ce serait important que cette directive-là devienne un peu plus permanente pour permettre aux entreprises de se développer puis d'avoir confiance en ce réseau de mise en marché là.

Et, de façon générale, là, on soulignait toutes les activités promotionnelles que la SAQ réalise avec les produits de la pomme. Il y a 182 produits qui sont dans le catalogue. On revient d'une mission en Oregon justement avec des représentants de la SAQ pour aller voir qu'est-ce qui se fait là-bas. Donc, la SAQ, elle doit demeurer un pivot central malgré l'ouverture d'un nouveau réseau de mise en marché. Donc, ce serait important que ce soit inscrit dans la mission de la SAQ de faire la promotion des alcools d'ici.

M. Leitão : D'accord. La question que j'avais justement, c'était : Qu'est-ce que vous pensiez du rôle de la SAQ, et donc si elle fait assez pour promouvoir votre industrie, et donc ce qu'elle pourrait faire à l'avenir? Alors donc, vous considérez que la SAQ fonctionne bien avec vous et vous souhaitez même que ce soit même inscrit dans leur mission, c'est ça?

Maintenant, une question sur le contrôle de qualité, puisque, bon, maintenant vous allez avoir accès au réseau des épiceries : Comment planifiez-vous vous assurer que le contrôle de la qualité soit efficace?

Le Président (M. Turcotte) : M. Lasnier.

M. Lasnier (Marc-Antoine) : Oui. Mais, en fait, nous, comme on vous mentionnait précédemment, il y a déjà 22 producteurs qui ont les doubles permis, dont le permis de fabricant, puis, avec le permis de fabricant, on a déjà accès au réseau d'épiceries, on est déjà en vente avec les produits en bas de 7 %, puis jusqu'à maintenant... bien, en fait, on a tous des laboratoires, on a toutes les aptitudes, en fait, pour bien contrôler notre qualité. Puis, en fait, la SAQ est un très bon contributeur, nous laisse la chance d'envoyer des échantillons aussi à leurs laboratoires totalement gratuitement.

Je pense qu'avec ces deux arguments-là je ne vois pas vraiment de problématique majeure qui pourrait arriver, là, au niveau des contrôles de qualité, là.

Le Président (M. Turcotte) : M. le ministre.

M. Leitão : O.K. Juste pour mon information. Donc, les membres de votre association qui ont aussi un permis industriel, eux, ils peuvent utiliser 80 % de produit local. Mais, pour les artisans, c'est 100 %, n'est-ce pas?

M. Lasnier (Marc-Antoine) : 100 % de la ferme, et, en plus d'être québécois, ça doit être produit sur la ferme du propriétaire du permis.

M. Leitão : D'accord. Donc, ce n'est pas comme pour les vignerons, où il y a possibilité, toujours à l'intérieur de 100 % de produit québécois, mais d'aller dans le...

M. Lasnier (Marc-Antoine) : C'est certain que moi, je ne peux pas parler pour les vignerons, mais, dans notre cas, la pomme, elle pousse depuis longtemps ici, au Québec, c'est un produit qu'on a déjà un très bel historique, ça fait que ce n'était pas vraiment une problématique, là, d'avoir 100 %, là, de la pomme.

M. Leitão : D'accord. Très bien.

Le Président (M. Turcotte) : M. le ministre.

M. Jodoin (Michel) : Vous savez...

Le Président (M. Turcotte) : Ah! M. Jodoin.

M. Jodoin (Michel) : Vous savez, on est un pays de pommes ici, hein, et je crois que le Québec se positionne vraiment numéro un au niveau de la qualité des produits au niveau des cidres. Il ne faut pas se le cacher, dans les concours internationaux, tous les cidres remportent presque toutes les médailles. Donc, la qualité, elle est là, que ça soit en épicerie ou que ça soit à la SAQ. Je pense que les producteurs ont compris dans les années 70, et on travaille très fort dans le sens que l'objectif, c'est la qualité, puis, selon moi, on réussit très bien en ce moment.

Le Président (M. Turcotte) : M. le ministre.

M. Leitão : ...collègues si vous avez des questions.

Le Président (M. Turcotte) : Allez-y, M. le député.

M. Fortin (Pontiac) : Merci, M. le Président. Je suis content de vous avoir avec nous pour continuer à parfaire votre apprentissage des finances publiques. Bien, MM. les députés, M. le ministre, bonjour. Merci d'être avec nous aujourd'hui et de nous avoir préparé, là, un mémoire si bien détaillé. Vous savez, j'ai moi-même probablement quelques-uns de vos membres, sinon quelques producteurs dans mon comté, alors je suis content de voir que l'industrie se porte aussi bien que vous l'avez mentionné.

J'ai quelques questions qui me viennent à la lecture de votre mémoire. Quand vous parlez — et vous en parliez tantôt, Mme St-Georges — de la coopérative de producteurs, vous dites, là, dans le mémoire que le projet de loi propose uniquement pour les spiritueux la possibilité de se regrouper en coopérative pour la fabrication, l'embouteillage mais qu'une coopérative de cidriculteurs s'est déjà formée au cours des dernières années. Elle sert à quoi, la coopérative que vous avez déjà formée, exactement?

Mme St-Georges (Catherine) : ...les ouvertures au niveau de la réglementation. C'est sûr que, pour l'instant, ils ne peuvent pas mettre en commun des équipements, ce n'est pas permis, mais ils seront prêts quand le projet de loi verra le jour.

M. Fortin (Pontiac) : O.K. Donc, ce que vous demandez dans le projet de loi, c'est essentiellement d'élargir la disposition qui est faite aux spiritueux pour les cidriculteurs également, c'est ça?

Mme St-Georges (Catherine) : Oui.

M. Fortin (Pontiac) : Est-ce que vous avez une idée, là, de... de par la coopérative que vous avez mise en place, est-ce que vous avez une idée de la taille, de la grandeur ou de l'intérêt qui est de vos membres ou de l'ensemble de l'industrie par rapport à quelque chose comme ça?

Le Président (M. Turcotte) : M. Jodoin.

M. Jodoin (Michel) : Bien, c'est peut-être environ une dizaine de membres, peut-être plus, on n'a pas le nombre exact, mais je crois que ça correspond vraiment pour les petits, petits producteurs qui produisent peut-être 2 000 bouteilles, 3 000 bouteilles, 5 000 bouteilles tout au plus. Les équipements coûtent quand même assez cher, puis je pense que regrouper, à l'intérieur d'une coopérative, ces gens-là, c'est quand même assez bien... ou la mise en marché ou la commercialisation. On a parlé de filtration tantôt, mais je pense que l'élaboration, je pense, ça peut vraiment répondre à un besoin pour ces gens-là. Et, si on regarde ce qui se fait en Europe, c'est très populaire. Qu'on aille en Provence, tous les petits producteurs passent par une coopérative, et puis ça fonctionne quand même très bien, là.

M. Fortin (Pontiac) : Est-ce que c'est quelque chose qui serait plus intéressant pour des gens qui voudraient se lancer dans l'industrie? Parce que j'imagine que la plupart de vos membres ont déjà fait une grande partie de l'investissement nécessaire pour être capables de faire toutes ces activités-là.

• (10 h 10) •

Mme St-Georges (Catherine) : Bien, je peux vous dire que les membres fondateurs de la coopérative, c'est des producteurs qui sont quand même bien établis mais qui ont peut-être des besoins de renouveler l'équipement ou de se lancer dans les nouveaux produits aussi. Donc, oui, pour les nouvelles entreprises, mais autant pour les entreprises établies qui veulent avoir accès à de la technologie de pointe, par exemple.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

M. Fortin (Pontiac) : Merci. Je veux revenir sur le point que vous avez fait, M. Lasnier. Vous nous avez démontré le travail, là, qui est nécessaire pour l'apposage d'étiquette sur une bouteille, parce qu'on parle de producteurs artisans, là, évidemment. Donc, un producteur artisan moyen, ça produit combien de bouteilles? Je veux juste avoir une idée de l'étendue de ce qu'on demande aux producteurs, essentiellement, là. Avez-vous une idée?

Le Président (M. Turcotte) : M. Lasnier, est-ce que vous voulez répondre?

M. Lasnier (Marc-Antoine) : Bien, c'est une très bonne question, mais...

Le Président (M. Turcotte) : Mme St-Georges.

Mme St-Georges (Catherine) : ...disons. Dans notre membership, sur les 56 membres, on pourrait dire qu'il y en a la moitié qui font entre zéro et 10 000 bouteilles. Donc, notre membership est basé sur le nombre de bouteilles produites l'année d'avant. Ensuite de ça, les 25 qui restent, là, c'est séparé entre 10 000 à 25 000, 25 000 à 50 000 et 50 000 et plus, mais la moitié de nos membres produisent en dessous de 10 000 bouteilles.

M. Fortin (Pontiac) : Les ventes se font comment? Est-ce que la plupart des ventes sont faites à l'unité ou est-ce qu'elles sont faites... Est-ce que les gens commandent une caisse? Comment ça se fait? Je veux juste essayer de comprendre, parce que, si vous êtes obligés de le faire une bouteille à la fois plutôt qu'une caisse à la fois, ou quelque chose comme ça... Donc, qu'est-ce que ça représente.

Est-ce que vous vendez surtout à l'unité ou vous vendez surtout à plus large volume?

Le Président (M. Turcotte) : M. Lasnier.

M. Lasnier (Marc-Antoine) : De ce qu'on en comprend jusqu'à maintenant, selon le projet de loi, ça semblait peut-être être un peu un copier-coller de ce qu'on fait puis qu'on vend présentement à la restauration. À la restauration, il faut les timbrer individuellement. Puis présentement, malgré qu'on a fait quelques demandes à la Régie des alcools, on n'a toujours pas rien d'automatisé, soit une espèce de gun autocollant ou possiblement la mettre avec notre étiqueteuse, ce qui serait beaucoup moins laborieux que d'avoir une lanière comme ça d'étiquettes puis de les apposer manuellement, puis sachant aussi que la plupart des produits pétillants sont embouteillés à froid puis il faut apposer l'étiquette une fois que la bouteille est toute givrée ou elle a un peu de suintage, en fait, dessus, ce qui rend l'étiquette difficilement applicable.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin (Pontiac) : Oui. Je pense que j'ai une dernière question. Je sais que mon député voisin a une question également.

Je veux revenir sur la partie de votre mémoire qui parle de la hausse du taux d'alcool permis. Je veux juste bien comprendre, parce que, là, on parle du Règlement sur le cidre, qui permet la fabrication de cidre et qui précise que l'ambre du Québec ou le cidre apéritif peuvent avoir un titre alcoolémique entre 15 % et 20 %. Il y a les gens de l'Institut national de santé publique du Québec qui sont les prochains témoins qu'on va entendre, donc je suis certain qu'ils ont un intérêt par rapport à vos produits, au volume d'alcool, disons. Ça représente quoi dans votre industrie, les cidres d'en haut de 20 %? Est-ce que c'est une grande partie de votre production?

Le Président (M. Turcotte) : ...

Mme St-Georges (Catherine) : ...ce qu'on demande, c'est entre 15 % et 20 %, donc en haut de 20 %, ce n'était pas dans nos demandes. Puis ce qu'on remarque en regardant les différentes réglementations, c'est qu'un titulaire de permis d'épicerie a déjà accès à ces produits-là, du cidre apéritif fait par un fabricant de vin ou de cidre, donc un produit qui est fortifié puis qui est en haut de 15 %. Donc, il y a déjà de ces produits-là, dans les épiceries, qui seront accessibles, là.

M. Fortin (Pontiac) : Donc, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'ils sont déjà accessibles en épicerie. Et donc vous souhaitez quoi, exactement?

Mme St-Georges (Catherine) : Bien, on souhaite que les producteurs artisans aient aussi accès à ces possibilités-là si elles sont données aux fabricants. Puis c'est aussi quelque chose qu'il est possible de produire avec le permis. Donc, si c'est possible de le produire selon les conditions de permis, bien ça serait intéressant d'être capable de le vendre aussi dans les mêmes réseaux.

M. Fortin (Pontiac) : Très bien.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député de Sainte-Rose, il vous reste 1 min 30 s.

M. Habel : Parfait. Merci, M. le Président. Je veux revenir sur l'aspect des autocollants numérotés, que vous avez parlé. Vous nous avez fait la démonstration, là, que ça pouvait être assez hasardeux de mettre l'autocollant sur la bouteille. Quelle sorte de système devrait être mise en place, selon vous, pour assurer la même mesure de contrôle que l'autocollant numéroté?

M. Lasnier (Marc-Antoine) : Bien, présentement, il y a déjà des applications de lots qui sont à peu près comme tous les produits alimentaires qui sont nécessaires d'être appliquées sur chacune des bouteilles, puis, à mon avis, s'il y a une problématique, habituellement ça arrive plutôt sur un lot donné que sur une bouteille donnée. Donc, la traçabilité avec les lots, comme tous les produits alimentaires, pourrait être faite. C'est ce qui pourrait être proposé.

M. Habel : Merci beaucoup.

Le Président (M. Turcotte) : Est-ce qu'il y a une autre intervention du côté...

Une voix : ...

Le Président (M. Turcotte) : Ça va? Je vais passer la parole au porte-parole de l'opposition officielle.

M. Marceau : O.K. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, madame, bonjour, messieurs. Merci pour votre mémoire.

Peut-être quelques questions. Je voulais juste préciser : dans vos demandes, il y a le fait de «permettre le transport d'un produit par tiers lors d'une vente directe entre un producteur et un client, qu'il soit titulaire d'un permis d'épicerie, un restaurant, un bar ou un consommateur». Juste pour être clair, là-dedans il y a comme deux demandes, là, parce que ma compréhension, en tout cas, c'est que le projet de loi ne permet pas que vous vendiez à un restaurant ou à un bar. Alors, est-ce que c'est correct, ce que je dis?

M. Lasnier (Marc-Antoine) :...

M. Marceau : Vous vendez déjà directement à des... O.K. Bon. Alors, ça, je ne le savais pas. O.K. Alors là, c'est simplement la question du transport, dans ce cas-là, qui est la demande, n'est-ce pas?

Une voix : ...

M. Marceau : On s'entend. O.K. Puis on avait, la semaine dernière, des... puis je ne me rappelle plus qui exactement, qui nous disaient que le transport via la... enfin, le fait de transporter aux entrepôts de la SAQ puis d'utiliser les laboratoires de la SAQ puis, par la suite, le réseau de distribution aux épiceries, on nous a vanté ce système-là, on nous a dit que c'était un bon système.

Pouvez-vous juste nous dire ou décrire peut-être les avantages puis peut-être les pertes de vente que vous avez présentement, que vous vivez présentement parce que vous n'avez pas un accès à la vente directe?

Le Président (M. Turcotte) : Qui va répondre? M. Lasnier.

M. Lasnier (Marc-Antoine) : Oui. Ça se passe, entre autres, au niveau de la vente en ligne. La vente en ligne est permise, mais le transport ne l'est pas. Un peu comme les vignerons ont proposé, ont demandé, c'est exactement le même cadre qui est... C'est difficile pour nous d'aller directement aller porter une bouteille chez un particulier, tandis qu'il y a des spécialistes dans ce domaine-là qui sont des gens qui font du transport. Pour nous, je crois que nos énergies sont mieux placées quand on les fait à fabriquer des bons produits.

Le Président (M. Turcotte) : M. Jodoin.

M. Jodoin (Michel) : J'ajouterais que la SAQ le fait très bien, je me dis : Pourquoi que le producteur ne peut pas le faire?

M. Marceau : Moi, je vous pose la question puis je ne porte pas de jugement, puis surtout je n'utilise pas ces services-là, alors c'est vous qui êtes les mieux placés pour nous les décrire.

Je voudrais savoir maintenant, sur la question de l'inscription, sur les bouteilles, du millésime, du cépage... en tout cas, de la variété de pommes, là, dans ce cas-ci, bon, en tout cas, de notre côté, on trouve que c'est tout à fait naturel, avez-vous des exemples d'autres juridictions, d'autres pays dans lesquels on retrouve ce type d'information sur les étiquettes? Est-ce que c'est fréquent, ça se fait ailleurs?

Le Président (M. Turcotte) : M. Jodoin.

M. Jodoin (Michel) : On le voit très bien; aux États-Unis, ça se fait bien. Ça se fait en France, ça se fait un peu partout, c'est commun, ça. Et je pense que le consommateur est très curieux et veut vraiment savoir ce qu'il va boire. Donc, si c'est un cidre McIntosh... Comme Marc-Antoine a son cidre de Russet, bien, on sait que c'est une variété de pommes qui est la Russet, et puis ça permet, au moins, au consommateur de savoir qu'est-ce qu'il va boire puis qu'est-ce qu'il y a dans la bouteille, ainsi que le millésime.

M. Marceau : O.K. Et puis cette inscription du millésime et puis de la variété, ça ne s'appliquerait que dans le cas des cidres fabriqués par les artisans. C'est bien ça?

M. Jodoin (Michel) : Ça se fait aussi avec le permis de fabricant de cidre.

M. Marceau : Ça se fait aussi avec...

M. Jodoin (Michel) : Oui.

M. Marceau : O.K. Parce que, dans le cas des fabricants de cidre, j'avais compris que vous aviez une contrainte de 80 % de produit du Québec. Est-ce que c'est bien ça?

M. Jodoin (Michel) : Oui, mais par contre il y a un certain nombre de producteurs qui ont les doubles permis et les pommes viennent de 100 % de leurs vergers.

M. Marceau : Donc, juste pour clarifier, il faudrait que le produit en question, fabriqué par un artisan ou par un fabricant, soit à 100 % québécois pour qu'on puisse inscrire «Produit du Québec». C'est bien ça?

M. Jodoin (Michel) : Je suis d'accord.

M. Marceau : O.K. Parfait. On s'entend. On a parlé abondamment des autocollants. Juste savoir : Y a-t-il des systèmes alternatifs aux autocollants ailleurs? Y a-tu d'autre chose qui se fait ailleurs dans d'autres juridictions dans le monde?

M. Jodoin (Michel) : Mais ailleurs ils ne le font pas du tout. On est probablement...

M. Marceau : O.K. Ça, c'est une réponse, mais y a-t-il des...

M. Jodoin (Michel) : Je pense qu'on est probablement les seuls...

M. Marceau : ...endroits où on le fait puis c'est différent?

M. Jodoin (Michel) : ...à le faire.

M. Marceau : Pardon?

M. Lasnier (Marc-Antoine) : Bien, à ma connaissance, là, en épicerie, moi, je n'ai jamais eu aucune information d'aucun autre marché que ce soit timbré en épicerie. Possiblement que les gens qui ont écrit la loi se sont peut-être inspirés de quelque chose, mais, à notre connaissance, on n'a aucune connaissance de ça, là.

• (10 h 20) •

Le Président (M. Turcotte) : M. le député. Ah! M. Jodoin, vous voulez intervenir?

M. Jodoin (Michel) : ...lors de notre mission commerciale, la semaine passée, en Oregon, on n'a vu aucun cidre avec des timbres sur les bouteilles, que ce soit dans les bars ou que ce soit en épicerie.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

M. Marceau : O.K. Peut-être une question plus large. Sur la question de la traçabilité, vous dites, là : C'est le mandat de la RACJ de s'assurer que cette traçabilité est assurée. Qu'est-ce que la RACJ fait aujourd'hui qu'elle ne... enfin, qu'est-ce qu'elle ne fait pas qu'elle devrait faire? Qu'est-ce qui vous permettrait d'améliorer la traçabilité?

M. Lasnier (Marc-Antoine) : Est-ce que je peux vous donner un exemple concret de ce qui se passe chez moi?

M. Marceau : Oui. C'est surtout ça que je veux, en fait.

M. Lasnier (Marc-Antoine) : O.K. La dernière fois que j'ai eu la visite d'un inspecteur de la régie, la personne m'a dit à la fin : On se revoit dans trois ans. J'imagine que ce n'est pas le genre de message qu'il faut lancer à des producteurs. Puis ce qu'on demande aujourd'hui, c'est peut-être d'avoir plus d'effectifs puis de donner les ressources pour que... Puis je comprends la régie, parce qu'en fait leur problème, c'est le nombre de ressources qu'ils ont au niveau humain pour arriver à bien couvrir le territoire. Puis on sait que l'industrie des alcools est grandissante, puis peut-être que l'équipe ne grandit pas au même rythme que le nombre de permis qui est délivré.

M. Marceau : Et, dans un monde idéal, donc, il y aurait des visites plus fréquentes. Puis, une fois sur place, là, qu'est-ce qu'elle fait, la RACJ? Elle visite vos champs, elle visite vos installations, elle s'assure que les pommes proviennent bel et bien du champ? J'aimerais ça que vous me décriviez ça un peu plus, ce que c'est.

M. Lasnier (Marc-Antoine) : Vous pourriez pratiquement faire les inspections. C'est exactement ce qu'ils viennent faire. Ils viennent colliger les données, vérifier, ils prennent des échantillons, ils les font analyser, inspectent nos installations, s'assurent que la salubrité est au rendez-vous, toutes ces choses-là.

M. Marceau : O.K. Puis donc votre message, c'est que la... enfin, les effectifs de la RACJ ne correspondent pas à la réglementation qu'elle doit faire appliquer. Il n'y a pas photo, comme disent les amis français.

Une voix : ...

M. Marceau : O.K.

Le Président (M. Turcotte) : M. Jodoin.

M. Jodoin (Michel) : C'est les mêmes effectifs de la régie en ce moment comme ils étaient, je crois, voilà là 20 ans. Donc, il n'y a pas eu de ressource vraiment de ce côté-là. Je pense que ça serait un bonus pour l'industrie, mais il ne faudrait pas non plus que ça devienne une police, mais je crois qu'il doit être un partenaire aussi avec l'industrie. Je pense que, quand on arrive sur une cidrerie, bien, peut-être qu'il pourrait y avoir une interaction entre les deux, mais, la prochaine fois, peut-être que ça devrait être fait de cette façon-là sans être obligé de dire : La loi, c'est ça. Je pense qu'on doit travailler ensemble pour que les deux parties travaillent dans la bonne voie, là.

M. Marceau : O.K. Ça va. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Turcotte) : Ça va?

M. Marceau : Merci.

Le Président (M. Turcotte) : On va céder la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Messieurs dames, bonjour. À la page 7 de votre mémoire, moi, la vente par Internet, bon, la réglementation présentement ne permet pas qu'il y ait un autre transporteur autre que vous. C'est ce que j'ai bien compris, là.

Ma première question est fort simple, là : Jusqu'à quel point vous croyez que, si on ouvrait... Parce que, veux veux pas, les gens qui sont au Saguenay, les gens qui sont en Abitibi ou même les gens qui sont dans d'autres provinces peuvent s'intéresser à vos produits. Jusqu'à quelle part un marché additionnel comme ça pourrait être... C'est une question facile, là, mais j'imagine que vous avez, j'imagine, beaucoup de demandes puis vous ne respectez peut-être pas la réglementation. Certains m'ont dit : Moi, François, quand j'ai une commande de 12 bouteilles, tu sais, je l'envoie puis je prends un transporteur. Je ne nommerai pas personne, mais de quelle façon vous... J'imagine que c'est un marché énorme, là, qu'on pourrait ouvrir ou qu'il y a beaucoup de demandes puis vous faites attention, vous êtes sur une ligne précaire quand c'est...

Le Président (M. Turcotte) : M. Jodoin.

M. Jodoin (Michel) : C'est un peu difficile de quantifier la quantité de caisses ou de bouteilles qui pourraient être livrées, mais c'est une grosse demande du consommateur d'avoir la livraison. C'est une grande tendance aujourd'hui avec Internet, que tout le monde possède, et tout le monde attend d'avoir une page, je pense, sur leur site Web pour indiquer la livraison. Mais vous dire ça représente quoi en chiffres, ça serait extrêmement difficile, mais je pense que c'est un gros marché.

M. Bonnardel : ...chez vous, là, aux Vergers de la Colline, là, vous êtes capables, j'imagine... c'est à côté de chez nous, là, j'imagine que vous êtes capables de me dire que, dans la MRC x de Brome, d'Acton, ou tout ça, il y a une grande partie des gens qui nous connaissent, là, mais, à l'extérieur de ça, est-ce qu'il a beaucoup, beaucoup de gens qui viennent ou qui appellent, puis qui disent : Aïe! tu es-tu capable de me livrer tant de cidres?, ou, tel modèle, j'ai vu ça, j'ai goûté à ça, moi, hier, à Québec puis...

Le Président (M. Turcotte) : M. Lasnier.

M. Lasnier (Marc-Antoine) : Merci de faire l'introduction pour moi, mais les gens viennent justement à la ferme, ils sont contents de nous découvrir. Après ça, ils veulent nous racheter. Ce n'est pas tous nos produits qui peuvent être disponibilisés à la SAQ, ça serait un peu un non-sens, parce qu'on fait certaines éditions limitées, qu'on n'a pas nécessairement des grandes quantités. Puis, à ce moment-là, c'est ces types de produit là qu'il serait très intéressant de pouvoir acheminer à un consommateur qui est déjà venu vivre l'expérience chez nous.

Mais je n'ai pas de quantité exactement à répondre, mais c'est clair que les marchés en ligne sont en augmentation dans tous les créneaux de vente, là.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

M. Bonnardel : Le problème qu'on aurait, M. le Président, c'est que, si on utilise un transporteur, FedEx, Puro, c'est l'âge légal d'acheter un produit d'alcool ou d'avoir un permis. C'est ça. J'imagine qu'il y a d'autres législations qui le font ou qui ouvrent la possibilité de livrer par d'autres transporteurs ailleurs au Canada?

Le Président (M. Turcotte) : M. Lasnier.

M. Lasnier (Marc-Antoine) : Vous voulez, dans le fond, des exemples d'autre marché?

M. Bonnardel : Bien, en réalité, c'est... tu sais, moi, j'ai un fils qui a 15 ans, mettons, puis qui commande de l'alcool sans me le dire, puis, le jour où il est là, le transporteur arrive puis il ne fait pas de vérification. C'est un peu un problème.

M. Lasnier (Marc-Antoine) : La SAQ le fait.

M. Bonnardel : O.K. Mais, si le produit part de chez vous, puis il s'en va directement en Abitibi X, Y, puis que c'est un jeune qui l'a commandé, comment tu fais? Il y a quelque chose qui m'échappe, là. Ou comment s'assurer que la personne qui a commandé, là, c'est une personne qui a 18 ans et plus?

M. Lasnier (Marc-Antoine) : Habituellement, si on regarde sur les sites américains d'alcool, au départ, les gens doivent inscrire leur date de naissance. C'est une limitation qui a ses limites, là.

M. Bonnardel : Une question, là. Vous dites, à la page 9, là : «Retirer la possibilité d'utiliser du jus de fruits reconstitué dans la fermentation alcoolique.» Pouvez-vous élaborer, M. Jodoin, sur ça, parce que...

M. Jodoin (Michel) : Bien, en fait, on ne connaît pas vraiment, le mot «reconstitué», où... les gens qui ont travaillé sur ce dossier-là, où est-ce qu'ils veulent en venir. Pour nous, ça serait comme du concentré de pomme ou des choses comme ça, ça nous inquiète, et je ne crois pas que ce soit bon pour notre industrie qu'on ait le jus reconstitué. Et je pense aussi que ce serait la même chose pour les vignobles du Québec. Il est large, ce mot-là, alors nous, on recommande fortement de l'enlever complètement.

Le Président (M. Turcotte) : M. Lasnier.

M. Lasnier (Marc-Antoine) : Si on peut comparer avec des marchés à très forte consommation de cidre, nous, ici, au Québec, il se boit 0,2 litre, par habitant, par année, de cidre. C'est juste le fond d'une bouteille, là. Puis il y a des marchés qui sont en très forte consommation. Si on regarde l'Angleterre, qui sont à 15 litres par habitant; si on parle aussi de l'Oregon, qui sont à quatre litres, bien, en fait, ces marchés-là, ce qu'ils ne veulent pas, c'est justement avoir des gros joueurs qui arrivent avec des jus reconstitués. En fait, c'est du concentré qui est fermenté, ça laisse une démarche beaucoup moins qualitative. Jusqu'à maintenant, notre démarche qu'on a eue, vu les problématiques qu'on a eues dans les années 70, la barre, elle a été fixée très haute. Ce qu'on veut, c'est qu'elle reste haute.

M. Bonnardel : Vous vouliez répondre, je pense, hein? Non?

Le Président (M. Turcotte) : Mme St-Georges.

Mme St-Georges (Catherine) : C'est qu'en fait le Règlement sur le cidre définit les types de cidre, le jus de pomme, comment ça peut être utilisé, mais, dans le projet de loi, on a ajouté la notion de jus de fruits, de moût de fruits reconstitué. Donc, dans le cas du Règlement sur le cidre, c'est déjà défini. Donc, en l'ajoutant dans le projet de loi, on se demandait si ça venait à l'encontre de ce qui est déjà écrit dans le règlement, ce qui est déjà prévu dans la fabrication ici, au Québec, à partir de jus de pomme.

Le Président (M. Turcotte) : Il reste 20 secondes.

M. Bonnardel : O.K. Une dernière question. Vous dites : Dans la loi, on ne permettrait pas d'avoir d'alcool au-dessus de 16 % dans les grandes surfaces, les dépanneurs. Vous disiez tantôt que c'est une concurrence pour vous un peu déloyale, parce qu'il y avait déjà un marché.

Jusqu'à quel point ce marché est important ou la place de ces alcools entre 16 % et 20 % est importante dans les dépanneurs, ou autres?

Mme St-Georges (Catherine) : En fait, c'est la possibilité de vente qui est déjà là. Je ne sais pas s'il y a ces produits-là, je ne l'ai pas chiffré non plus, mais un fabricant de cidre, donc le permis industriel, aurait déjà accès à ce marché-là pour des produits en haut de 16 %.

M. Bonnardel : Ça veut dire que, s'il y avait...

Le Président (M. Turcotte) : Je dois vous interrompre.

M. Bonnardel : O.K.

Le Président (M. Turcotte) : Merci beaucoup pour votre présentation. Je suspends maintenant les travaux.

(Suspension de la séance à 10 h 29)

(Reprise à 10 h 33)

Le Président (M. Turcotte) : Donc, nous reprenons nos travaux. Nous allons entendre maintenant l'Institut national de santé publique du Québec. Vous avez un temps de parole de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous allons faire des échanges avec chacun des parlementaires. La parole est à vous. Veuillez peut-être vous présenter, dès le départ, pour...

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

M. Poirier (Alain) : Merci, M. le Président, et les membres de la commission. Mon nom est Alain Poirier, je suis vice-président à la valorisation scientifique et aux communications à l'Institut national de santé publique du Québec. Je suis accompagné de Nicole April, Réal Morin, qui sont deux experts de cette question, qui travaillent à l'institut depuis plusieurs années et qui pourront répondre à vos questions. Nous sommes tous les trois des médecins spécialistes en santé publique et en médecine préventive et nous faisons partie des 84 % des Québécois qui consomment de l'alcool, pour vous rassurer.

Alors, merci beaucoup. C'est avec plaisir qu'on participe aux travaux portant sur le projet de loi. D'entrée de jeu, on veut vous dire que l'institut souscrit aux objectifs de permettre aux producteurs artisanaux du Québec de voir leurs produits occuper une place plus importante dans le choix des consommateurs québécois, mais les préoccupations de santé publique dont on va vous faire part ne visent d'aucune façon à nuire au développement de ce marché et à porter atteinte à une volonté largement partagée de valoriser les produits québécois.

L'INSPQ, l'institut, c'est un centre d'expertise et de référence en matière de santé publique, c'est un organisme expert qui a pour rôle de partager les connaissances scientifiques sur différents enjeux de santé publique. En fait, tous les déterminants de la santé sont couverts par l'institut, tout ça pour éclairer le processus de prise de décision. On suit de près l'évolution de la consommation d'alcool depuis une quinzaine d'années. Nous avons, à l'institut, réalisé des avis de santé publique sur cette question et on participe aussi à des travaux sur les politiques publiques en matière d'alcool en collaboration avec des organismes canadiens.

Alors, la mise en marché des boissons alcoolisées doit prendre en considération les impacts sur la santé publique. Nous sommes, alors, heureux d'avoir été invités à participer aux travaux de votre commission. Et, conformément à la mission de l'institut, on désire attirer l'attention sur les préoccupations de santé en lien avec les modifications... pardon, législatives proposées.

La première chose à se rappeler qui est importante, c'est que l'alcool, ce n'est pas un produit de consommation comme les autres. Ce n'est pas pour rien... Il y en a d'autres, comme le tabac, mais il y en a d'autres aussi qui ont des lois et des règlements spécifiques. C'est pour ça. C'est très bien. On croit souvent que seules les personnes qui boivent jusqu'à l'ébriété sont victimes de leurs habitudes de consommation. C'est vrai que l'abus d'alcool est associé à des blessures, des accidents de la route et des situations de violence qui entraînent des conséquences graves pas seulement pour les buveurs, mais aussi pour d'autres personnes qui n'ont pas bu d'alcool. Mais il n'y a pas que ça. S'il fallait faire le tour de tous les problèmes associés à la consommation d'alcool, c'est quelque 200 problèmes sociaux et de santé qu'il faudrait passer en revue. L'alcool entraîne, en effet, plusieurs problèmes qui concernent tout le monde, pas seulement les personnes alcooliques. L'alcool cause des maladies du coeur, des maladies du foie et plusieurs cancers. Par exemple, on sait qu'une faible consommation, moins qu'un verre par jour, augmente le risque de cancer du sein, de la bouche, du pharynx et de l'oesophage.

On ne mentionne pas assez souvent que la consommation d'alcool arrive au sixième rang des facteurs de risque ayant un impact sur les décès et les incapacités au Canada, puis c'est des données comparables pour le Québec, bien sûr. Ces problèmes ont d'importants coûts sociaux — on parle de plus de 3 milliards de dollars — et en soins de santé, parce qu'il y a des coûts autres que les soins de santé, on parle de 651 millions en soins de santé au Québec.

La bonne nouvelle, une fois qu'on a dit ça puis qu'on s'attriste de ces problèmes de santé, c'est qu'il y a des moyens efficaces pour réduire ces problèmes de santé associés à l'alcool, et ils sont bien connus. Ils font même l'objet de consensus sur le plan international par l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, et l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques. On va en résumer trois, puis après on reviendra sur nos recommandations par rapport à ces trois grandes mesures.

La première, le moyen le plus efficace de limiter... c'est limiter, pardon, l'accessibilité économique à l'alcool, c'est-à-dire la capacité financière de s'en procurer. Essentiellement, l'accessibilité économique est déterminée par le prix du produit, on l'a compris, et le pouvoir d'achat du consommateur. On y reviendra. Une autre mesure efficace, c'est de limiter l'accessibilité physique, c'est-à-dire le nombre de points de vente et les heures et les jours d'ouverture de ces points de vente. Le troisième moyen, c'est d'avoir un monopole d'État qui permet d'assurer un équilibre entre les intérêts économiques, les impératifs économiques et les intérêts de la santé de la population. Alors, le prix, les lieux et le monopole.

Selon notre analyse du projet de loi par rapport à la situation actuelle et différentes lois et règlements — ce n'est pas toujours facile à décortiquer, tout ça, vous êtes en train de le faire — il y a des modifications qui pourraient — le conditionnel est important — faire obstacle à ces mesures, ces moyens de prévenir les conséquences associées à l'alcool.

Alors, quelles sont nos recommandations? D'abord, la vente des boissons alcooliques artisanales aux titulaires d'un permis d'épicerie pourrait augmenter l'accessibilité économique à l'alcool si cette mesure laisse place à une réduction du prix. Dans quels cas est-ce que ça serait vrai? Si les volumes d'alcool artisanal deviennent assez élevés pour augmenter l'offre ou si une diminution du prix de l'alcool artisanal crée une pression chez les concurrents qui les amène à diminuer leurs prix. Alors, nous, on se préoccupe de cette éventualité, parce que les statistiques sur l'indice des prix à la consommation nous indiquent que l'alcool est devenu plus accessible au fil du temps au Québec. Le prix de l'alcool a augmenté moins rapidement que le prix des autres biens de consommation.

Il faut aussi éviter de rendre disponible, sur le marché, de l'alcool à faible prix. Alors, pour s'assurer que votre projet de loi n'entraîne pas une diminution des prix des boissons alcoolisées, on fait trois recommandations : s'assurer que les prix des boissons alcoolisées artisanales vendues en épicerie ou chez les producteurs demeurent à des niveaux comparables à ceux des produits de même type vendus à la SAQ; si une diminution ou une exemption de la majoration des prix est accordée aux boissons alcoolisées artisanales vendues en épicerie ou directement par le producteur, il faudrait s'assurer qu'il s'agira d'une exception qui ne sera pas élargie au-delà de la production artisanale; troisième point là-dessus, la vente de bière artisanale pour emporter devrait être soumise aux mêmes règlements sur le prix minimum que la bière vendue dans les dépanneurs et les épiceries.

• (10 h 40) •

Le règlement sur le prix minimum de la bière au Québec est une mesure de prévention. Avoir un prix minimum a l'avantage d'empêcher la vente d'alcool bon marché et a des effets dissuasifs sur deux populations cibles très importantes : les buveurs excessifs — c'est là que c'est démontré — et les jeunes. Alors, c'est ceux-là qui sont le plus à risque de problèmes en lien avec la consommation d'alcool, d'où l'importance de ce prix minimum. Alors, l'institut suggère donc au gouvernement d'envisager l'introduction du prix minimum pour le vin et les spiritueux comme c'est le cas dans la majorité des autres provinces.

En plus du risque de diminuer les prix, la vente de boissons directement à l'épicerie pourrait éroder le monopole d'État de la SAQ, qui est déjà partiel. Ce précédent crée une brèche qui nous préoccupe. Si d'autres groupes de l'industrie revendiquent les mêmes avantages que ceux accordés aux producteurs de boissons artisanales, cela pourrait conduire à un marché de moins en moins réglementé.

Deuxième grande catégorie : les lieux. Maintenant, concernant la vente... la possibilité, pardon, de vendre de la bière artisanale pour emporter, nous sommes préoccupés par l'augmentation, cette fois, de l'accessibilité physique que cela entraîne. Il faut éviter d'augmenter encore davantage le nombre de points de vente de boissons alcoolisées et les heures d'ouverture. Un résident au Québec a accès, en moyenne, à 16 points de vente d'alcool à une distance de moins d'un kilomètre de son domicile. Nous n'avons pas, au Québec, de règlement qui limite la densité des points de vente d'alcool à emporter ou à consommer sur place. Quant aux heures d'ouverture, on peut acheter de l'alcool pour emporter partout entre 8 heures et 23 heures, 7 jours sur 7; et pour consommer : jusqu'à 3 heures du matin dans les bars. Tout cela pour dire qu'au Québec les boissons alcoolisées sont déjà largement accessibles. Donc, au sujet de l'accessibilité physique, l'institut recommande de soumettre la vente de bière artisanale pour emporter au même règlement sur les heures d'ouverture que la bière vendue dans les dépanneurs et épiceries — ça serait terminé à 11 heures. Les microbrasseries ne devraient donc pas pouvoir vendre de la bière pour emporter après 23 heures, comme les dépanneurs et épiceries.

L'accessibilité physique ne se limite plus au magasin en 2016. Comme partout ailleurs, la vente en ligne pour toutes sortes de produits prend de l'ampleur au Québec. Donc, il serait important aussi de s'assurer que tous les modes de distribution, y compris en ligne, des boissons alcoolisées soient encadrés par les règlements notamment sur le prix et le respect de l'âge légal. Il faut s'assurer également de la mise en place de mécanismes pour contrôler le respect des règlements dans ces contextes.

Maintenant, en ce qui concerne la fabrication des spiritueux, l'institut considère qu'il est important de ne pas augmenter l'accès aux boissons plus fortement alcoolisées pour les raisons déjà évoquées. L'inspection et le contrôle de la qualité des produits issus de la distillation d'alcool artisanal sont importants pour protéger la santé du public, parce que la distillation peut amener la formation de sous-produits toxiques. L'institut recommande donc de maintenir la proposition qui assure une inspection de la qualité et de la sécurité des spiritueux de distillation artisanale et de ne pas permettre la vente autrement qu'à la SAQ.

Enfin, pour s'assurer que la nouvelle loi ne produira pas d'effet indésirable sur la consommation d'alcool et la santé des Québécois, on considère important de mettre en place un mécanisme de suivi de ces effets. De façon plus générale, pour encadrer de façon cohérente la commercialisation, réduire les coûts, les méfaits, il y a plusieurs organisations internationales et canadiennes qui recommandent aux gouvernements provinciaux, notamment, de se doter d'une stratégie nationale sur l'alcool. Le gouvernement pourrait s'inspirer de ces recommandations.

On termine avec quelques données pour vous parler brièvement de la consommation des Québécois. En moyenne, on parle de 8,4 litres en équivalent d'alcool pur par personne, par année. Évidemment, si vous avez une consommation qui est à 12 %, si on multiplie par 12 %, ça nous donne des équivalents purs. Donc, ramené en verre, ceci représente en moyenne pour les Québécois... pour les buveurs, 84 % de la population, 586 verres par année. Ce qui est préoccupant depuis une quinzaine d'années, c'est que la consommation excessive a augmenté au Québec — là, on parle de la consommation générale — l'excessive a progressé d'un certain pourcentage. C'est une façon de boire qui est plus fréquente chez les hommes et les jeunes adultes mais qui a augmenté aussi chez les femmes et les personnes âgées de 65 ans et plus. Au Québec, plus d'un buveur sur quatre boit suffisamment pour augmenter ses risques de développer une maladie chronique — un sur quatre.

On conclut. On espère que les préoccupations de santé qu'on a identifiées dans notre mémoire vont vous permettre d'alimenter la réflexion de la commission et on est prêts à répondre à vos questions, M. le Président.

Le Président (M. Turcotte) : Merci beaucoup pour votre présentation. Je cède maintenant la parole au ministre des Finances.

M. Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Alors, M. Poirier, madame, monsieur, merci beaucoup d'être venus et de nous apporter un éclairage un peu différent sur cette question. Donc, les préoccupations de santé publique sont certainement nécessaires qu'on les tienne en considération.

Vos trois facteurs, donc, le prix, les lieux et le monopole d'État. En ce qui concerne les prix, donc, vous recommandez l'établissement d'un prix minimum; même pour les vins ou juste pour la bière?

M. Poirier (Alain) : ...le mieux. Le prix, c'est de le faire varier. D'abord, il y a la profitabilité, que ce soit de la SAQ ou du producteur, mais ce qui fonctionne le mieux, c'est quand on tient compte du degré d'alcool. Donc, une courbe droite en fonction du degré d'alcool devrait nous permettre de fixer le prix minimum et l'indice des prix à la consommation, donc, de l'ajuster pour ne pas observer ce qu'on observe en ce moment : c'est que le prix de l'alcool, en fonction de l'indice du prix à la consommation, diminue, donc le pouvoir d'achat augmente. Peut-être que Réal veut rajouter... Dr Morin.

Le Président (M. Turcotte) : Dr Morin.

M. Morin (Réal) : Si on se fixait, par exemple, un prix minimum de 1,50 $ par consommation standard, donc ramener en équivalents les volumes, bon, bière, alcool, vin, etc... et on a fait l'examen de ce que ça signifierait pour la gamme variée de produits et on constate que les spiritueux seraient en deçà du prix minimum. Donc, les spiritueux actuellement vendus par la SAQ, un certain nombre d'entre eux, ils ne coûtent pas assez cher, compte tenu de l'idée d'un prix minimum, qui fait en sorte que l'alcoolisation, c'est-à-dire l'intoxication, ou la consommation d'alcool à faible prix serait réduite. Bref, il faut créer des désincitatifs à une consommation à faible prix.

Donc, on a fait ces comparaisons-là. On sait que pour la gamme des vins on est généralement au-dessus du prix minimum. En ce qui regarde les bières, on est inquiets qu'une bière à 8 %, par exemple, revienne à un prix minimum d'à peu près 0,87 $, alors qu'une bière moins forte revient à un prix minimum du double. Donc, c'est cette idée d'harmoniser les prix minimums en fonction de la teneur en alcool pour l'ensemble des produits. On aurait une perspective de santé publique intégrée, dans la gestion de ces produits-là, qui serait intéressante et qu'on trouve ailleurs.

Le Président (M. Turcotte) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien, parce que, bon, jusqu'à maintenant... il y aura d'autres groupes qui vont venir présenter... mais jusqu'à maintenant, en fin de compte, on en a seulement entendu de la part des vignerons, ce matin, de cidre. Donc, on n'a pas encore entendu des représentants de la bière. Donc, en termes de prix minimum, les vignerons nous avaient dit qu'étant donné que leurs coûts de production sont quand même assez élevés et puis que c'est un produit généralement, là, de grande qualité, donc, ce n'est pas vraiment une question... ils n'ont pas l'intention ni les moyens de baisser leurs prix de façon substantielle, mais, je comprends, du côté de la bière, il y a là une anomalie, il faudrait peut-être la regarder.

Pour ce qui est de votre deuxième point, donc, les lieux, les heures d'ouverture, bon, par définition, bien sûr, si on permet maintenant la vente à l'extérieur du monopole d'État, évidemment qu'on va multiplier la disponibilité de ces produits-là. Pour vous, est-ce que cela est un problème aussi important que les prix? Ou comment est-ce que vous voyez ça, cette disponibilité du produit versus le prix?

Le Président (M. Turcotte) : Dr Morin.

M. Morin (Réal) : La documentation scientifique est claire, le facteur le plus puissant, c'est le prix. Les autres sont importants à considérer, mais, si on avait des priorités à mettre, c'est sur le prix. L'accessibilité physique, c'est un facteur important aussi. On se préoccupe de l'accessibilité, on l'a mentionné, par rapport aux nouvelles formes de distribution ou d'achat, notamment la vente par Internet, mais il reste que plus il y a de points de vente, que ce soit chez le fabricant, que ce soient des produits rendus plus disponibles à l'épicerie locale, ça augmente évidemment... c'est un facteur à prendre en compte dans l'équation des facteurs liés à la consommation d'alcool, certes. Mais notre préoccupation par rapport aux ventes en ligne et ce que ça peut signifier... et le contrôle de ce marché-là nous apparaît important.

M. Leitão : O.K.

Le Président (M. Turcotte) : M. le ministre.

M. Morin (Réal) : On y a fait référence aussi au regard des heures d'ouverture, bien sûr. Dr Poirier mentionnait qu'il ne faut pas qu'on se retrouve dans une situation où des produits de bière, par exemple, artisanale puissent sortir à la caisse à 3 heures du matin parce qu'on vend sur place, selon des heures d'ouverture de bar ou de... c'est ça, de débit de boissons, et, à ce moment-là, on créerait un déséquilibre dans ce qu'on souhaite, c'est-à-dire éviter la sortie de ces produits-là passé 11 heures pour garder un équilibre qu'on trouve actuellement déjà très... où l'accès est déjà très, très important, pour maintenir cette idée-là que le produit, c'est un produit pas comme les autres et qu'il doit être réglementé. Nos règles en vigueur actuellement sont, certes, minimales à cet effet-là. Augmenter l'offre encore davantage nous apparaîtrait contre-productif d'un point de vue de santé publique.

Le Président (M. Turcotte) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. Merci. Les collègues, vous avez des questions?

Le Président (M. Turcotte) : M. le député de Pontiac.

• (10 h 50) •

M. Fortin (Pontiac) : ...M. le Président. Bonjour, Dr Poirier, Dre April, Dr Morin, merci d'être avec nous. C'est vrai que ça fait du bien d'entendre un point de vue un peu différent, disons, de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, et je pense que c'est votre approche, et la mise en contexte que vous nous avez faite était excellente.

Si je comprends bien, ce que l'institut a à coeur dans le dossier de l'accès à l'alcool, c'est limiter l'accès aux buveurs excessifs et empêcher l'accès aux jeunes, si je comprends bien. Donc, dans ce contexte-là, un peu, je veux revenir sur la présentation que vous avez peut-être entendue, là, avant, qui touche certainement celle qu'on a entendue la semaine dernière. Vous avez entendu les cidriculteurs réclamer la possibilité d'un tiers parti pour faire la livraison, et je peux comprendre leurs préoccupations. Disons, pour reprendre l'exemple du député de Granby un peu plus tôt, s'il y a quelqu'un qui demande une douzaine de bouteilles, ce n'est pas évident pour eux-mêmes de faire la livraison si ce n'est pas à côté de chez eux.

Donc, vous, une disposition comme ça, est-ce que ça vous cause un inconvénient par rapport justement, là, à vos objectifs, qu'on a mentionnés tantôt?

Le Président (M. Turcotte) : Dr Poirier.

M. Poirier (Alain) : On n'a pas examiné spécifiquement la question de la livraison, mais ce qu'on dit et ce qu'on a mentionné dans le mémoire, c'est qu'il faut qu'on trouve les moyens de suivre, d'avoir un mécanisme de suivi. Vous avez entendu tout à l'heure le fait que, lors d'une commande en ligne... quelles sont les preuves qu'on peut obtenir de l'âge légal de la personne. On n'a pas examiné en détail les moyens de le faire, mais on pense que ça devrait être fait pour s'assurer de l'âge légal, parce que, dans nos différentes mesures, ce qui nous préoccupe, c'est toujours... on y revient, c'est les buveurs excessifs et les jeunes, plus d'accidents de la route associés à la consommation. Ils débutent la conduite et ils débutent leur consommation. C'est pour ça souvent qu'on dit qu'ils cumulent ces facteurs de risque et créent des problèmes.

Alors, dans l'accessibilité en ligne et le transport à domicile, on ne l'a pas examiné spécifiquement dans le mémoire, mais ça peut poser problème selon les mécanismes de suivi de ces ventes en ligne. Je ne sais pas si, Réal ou Nicole, vous voulez rajouter...

Le Président (M. Turcotte) : Ça va? M. le député.

M. Fortin (Pontiac) : Merci. Est-ce qu'il y a déjà eu, à votre connaissance, parce que, là, tout le débat qu'on est en train de faire aujourd'hui porte sur évidemment l'accès aux produits artisanaux — c'est ce dont on parle — est-ce qu'il y a déjà eu une étude ou est-ce que vous avez déjà vu des données qui parlent de la consommation, que ce soit des jeunes ou des buveurs excessifs, en produits artisanaux versus en produits qu'on peut appeler plus «mainstream»? Ce n'est pas nécessairement quelque chose qui nous vient en tête, de dire que le consommateur excessif le fait avec un produit artisanal ou que le jeune qui n'est pas en âge de boire commence avec un produit d'un cidriculteur artisanal, disons, donc je me demande : Est-ce que vous avez déjà vu des données à ce niveau-là?

Le Président (M. Turcotte) : Dr Poirier.

M. Poirier (Alain) : ...données de tel type. C'est pour ça qu'on a utilisé le conditionnel, on a parlé de brèche, on a dit qu'évidemment ce petit niveau de consommation ne nous inquiète pas, comme tel. C'est juste le fait qu'il y aura des pressions de concurrents, il pourrait y avoir des effets autres sur les aspects de l'accessibilité par rapport au projet de loi, mais je ne pense pas... en tout cas, peut-être que ça existe dans la littérature, mais on n'a pas vu de littérature qui nous dit qu'un tel projet de loi, comme celui-ci, créerait spécifiquement des problèmes.

Le Président (M. Turcotte) : Dr Morin.

M. Morin (Réal) : En réalité, les jeunes cherchent l'alcoolisation à plus faible prix possible, donc, ce n'est pas des gens qui vont chercher un produit en particulier, ce n'est pas des dégustateurs, nécessairement, d'où toujours l'attention par rapport au prix. Ils font vite des calculs : Qu'est-ce qui nous coûte le moins cher pour l'alcool qu'on consomme? Et donc, à ce moment-là, savoir que les producteurs artisans visent une qualité de produit et ne miseront pas, dans leur mise en marché, sur un prix plus faible et qu'on ne les laisserait pas faire, sur une tablette donnée, avec des produits comparables à des prix coupés... bien, c'est rassurant pour toute la population, notamment pour les personnes qui vont chercher, encore une fois, à se procurer des produits le moins chers possible pour l'effet escompté.

M. Fortin (Pontiac) : Dans le même ordre d'idées, je vois dans votre mémoire, là, une donnée qui est intéressante qui dit que plus on met de barrières à l'alcool, plus ça augmente... ou ça diminue la demande d'alcool. Là, vous parlez, entre autres, du taux de taxation ou de la hausse des prix. Est-ce que, quand on met des barrières à l'alcool, selon vous, si on voit, disons... Je prends votre exemple, puis je vous cite : «Cela signifie, par exemple, qu'une hausse des prix de 10 % entraînerait une diminution de 4,4 % de la demande globale d'alcool.» Si la demande globale d'alcool est réduite parce qu'on a mis une barrière comme celle-là, est-ce que ça amène à une hausse de la consommation d'autres produits qui peuvent être considérés néfastes, comme des drogues, ou autres?

Le Président (M. Turcotte) : Dr Poirier.

M. Poirier (Alain) : Il y a plusieurs effets pervers qui sont souvent évoqués dans toutes sortes de nouvelles mesures de risques, que ça soit... À une époque, quand on a dit : On va mettre la ceinture de sécurité, les gens vont conduire plus vite, ça s'est avéré, bien sûr, faux. Il y en a plusieurs, exemples comme ça, mais il faut toujours les considérer, il faut toujours considérer la notion d'effet pervers.

De façon générale, les gens ne déplacent pas un risque à un autre : Je ne peux pas faire ça, donc je vais prendre un autre risque. Ce n'est pas comme ça que ça se passe, heureusement, dans la psyché des individus. Donc, on a l'éducation sexuelle, les bas exemples où on disait : Il ne faut pas faire d'éducation sexuelle dans les écoles, ça va donner des idées aux jeunes. La réalité, c'est l'inverse, c'est : ça retarde, en moyenne, de deux ans l'âge des premières relations sexuelles quand on fait une... Donc, cette notion d'informer sur un risque, les gens vont dire : Ah! bien, je vais en prendre un autre, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Heureusement, les gens font l'analyse par rapport à ce risque-là.

Le Président (M. Turcotte) : Est-ce que, le député de Sainte-Rose, vous avez une intervention?

M. Habel : Oui. Merci, M. le Président. Écoutez, à mon tour de vous saluer et de vous remercier aussi d'apporter un certain point de vue différent au projet de loi. Vous avez parlé de plusieurs aspects, le prix minimum, aussi l'augmentation du point de vente, donc l'accessibilité, et de l'avantage du monopole pour avoir un certain contrôle, là, sur les ventes.

J'aimerais aborder l'aspect du pourcentage du taux d'alcoolémie. Actuellement, dans le projet de loi, c'est autour de 16 %, et on sait qu'il y a certaines permissions pour aller au-dessus de 16 %. J'aimerais savoir : À votre point de vue, à quel niveau de pourcentage pensez-vous que le produit devrait être seulement vendu à la SAQ et non dans un point de vue plus élargi?

Le Président (M. Turcotte) : Qui veut intervenir? Dr Morin.

M. Morin (Réal) : Dans notre esprit, quand on lit le projet de loi et dans l'esprit de dire... de préserver les acquis, de ne pas aller dans des situations qui pourraient détériorer une situation, celle qu'on observe actuellement, on a dit... bien, on a pris pour acquis que c'était 16 %. On n'a pas élaboré.

On ne propose pas de scénario où on devrait baisser à moins que ça, mais on va toujours être très inquiets d'une perspective de vendre des produits et les rendre plus accessibles au-delà de 16 %, surtout si le rapport alcool-prix est en faveur d'une consommation à faible coût pour la teneur en alcool. Donc, on n'a pas élaboré ces scénarios-là, on a pris pour acquis qu'il n'y aurait pas d'ouverture à plus de 16 %. Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle aussi on renchérit l'idée qu'un monopole d'État pour la vente des spiritueux, outre le contrôle de la qualité... qu'on favorise que ces produits-là ne se vendent qu'à la SAQ. C'est la situation actuelle, et on ne doit pas ouvrir davantage. Ça nous permet aussi d'insister sur le rôle d'une société d'État comme la SAQ, l'importance. C'est documenté dans la littérature scientifique comme un élément fondamental, une société d'État, parce que ça assure le juste équilibre entre des produits qui sont à risque pour la santé mais, en même temps, désirables par le public. Les fonds qu'on en collige, aussi les profits qu'on en fait permettent de compenser une partie des coûts associés à l'alcool.

Donc, le monopole d'État, c'est quelque chose d'important, réservons-lui une place de choix maintenant, et dans l'avenir, et notamment au regard des produits plus fortement alcoolisés. Et donc on a pris pour acquis que ce qu'on avait déjà ici était des bonnes mesures, notamment notre société d'État, et on veut préserver évidemment ces acquis-là et faire en sorte... L'idée de brèche est celle-ci : c'est de faire en sorte que, si brèche il y a pour favoriser les producteurs artisans... ça, évidemment, on est d'accord, on l'a dit, à un meilleur positionnement, sur le marché de l'alcool, des artisans, mais que ces brèches-là puissent être envisagées et utilisées par d'autres nous créerait beaucoup, beaucoup d'inquiétude, donc une libéralisation encore plus grande.

Il ne faut pas oublier que le monopole de la SAQ est vrai pour beaucoup de produits mais pas pour tous les produits. La bière notamment n'est pas sur le monopole de l'État, et c'est quand même la moitié de ce que les gens consomment en équivalent d'alcool pur. Bref, cette situation d'équilibre là nous apparaît correcte actuellement, préservons-la.

Le Président (M. Turcotte) : ...beaucoup. Je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle.

• (11 heures) •

M. Marceau : ...M. le Président. Alors, bonjour, messieurs, bonjour, madame. Bien, je vais aller sur le monopole, moi aussi, puis je trouve que votre venue puis votre mémoire, vos commentaires permettent de rappeler à tout le monde ici qu'il y a des enjeux évidemment de développement économique dans le projet de loi, mais il y a aussi des enjeux de santé publique, et l'art de faire des bons choix, c'est de bien doser chacun des ingrédients. Et, juste pour être bien clair, bon, vous l'avez dit, vous venez de le dire, là, la moitié, à peu près, du marché de l'alcool au Québec est à la SAQ, l'autre moitié est dans le secteur privé, dans les épiceries, dans les dépanneurs.

Contrairement donc à la croyance, il y a des segments du marché qui sont réservés à la SAQ, mais pas du tout l'ensemble du marché. Et j'aimerais juste que vous soyez plus précis. Deux choses que vous avez décrites comme ayant un impact... trois choses, en fait, le lieu, les prix, le respect, donc, de la réglementation quant à l'âge, et, de manière sous-jacente à ce que vous dites, je pense, là, il y a le fait que vous nous dites : Un monopole d'État est plus à même d'appliquer avec rigueur la réglementation. Et vous êtes certainement en mesure de nous dire ce qu'il y a dans la littérature quant à la consommation d'alcool dans les juridictions dans lesquelles une plus grande proportion d'alcool est distribuée par le secteur privé puis dans d'autres juridictions où la proportion d'alcool vendue est plus par le secteur public. Qu'est-ce que la littérature nous dit là-dessus?

Le Président (M. Turcotte) : Dr Poirier.

M. Poirier (Alain) : Bien, peut-être qu'il faut revenir sur la question du monopole. «Monopole» ne veut pas dire : Ce n'est vendu qu'à la SAQ, mais c'est un monopole sur le contrôle, l'encadrement, le suivi, donc la réglementation et la légalisation. Par exemple, sur l'âge minimal, c'est... comme la bière ou autres produits sont vendus ailleurs, mais il faut s'encadrer notamment avec la réglementation que l'âge minimal est respecté. Même chose pour le pourcentage.

Actuellement, on n'a pas de prix minimum sur les spiritueux, même à la SAQ, même si c'est un monopole, ça n'existe pas. C'est pour ça que, quand on fait le tableau des vodkas qui sont à 40 %, évidemment ils sont en deçà du prix minimal si on tient compte de l'alcool. Les jeunes le découvrent vite, parce que, on l'a dit, nos problèmes de consommation, c'est les buveurs excessifs et les jeunes. Donc, ils vont vite découvrir que la tequila, la vodka, ce sont des produits, pour le degré d'alcoolisation ou d'alcool, qu'on est en bas du prix minimum. C'est plus facile de se... je cherche un verbe, de «s'alcooliser» — voilà le verbe scientifique — avec ces produits-là. Donc, on a ici un monopole d'État, mais, puisqu'il n'y a pas cette courbe qui tient compte de l'indice, je l'ai dit, et... Alors, le monopole n'est pas parfait, mais c'est quand même les lieux... et c'est les recommandations de l'OMS, de l'OCDE, les associations canadiennes qui disent que c'est parmi les six grandes mesures — nous, on est revenus sur trois — mais les six grandes mesures. Il y a toujours cette question d'encadrement, par l'État, de la vente de ce produit.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

M. Marceau : Ma question n'était peut-être pas assez précise et directe. Est-ce que le secteur privé fait une bonne job? Est-ce qu'il contrôle bien l'âge? Est-ce qu'il contrôle bien? Est-ce qu'il contourne les règlements autant, plus, ou moins que le secteur public? Est-ce qu'on a des preuves? Moi, on m'a dit — je vais vous le dire autrement — que le contrôle exercé de l'âge à la SAQ était plus sévère, était meilleur que celui qui était exercé dans le reste du marché. On m'a dit aussi que, sur la question de prix minimum de la bière, il y avait des contournements qui existaient présentement au Québec et qu'évidemment il n'y avait pas de tels contournements qui se font à la SAQ. Moi, je ne connais pas ce monde-là. Je vous demande à vous qu'est-ce que vous en pensez.

Est-ce que c'est quelque chose de généralisé? Est-ce qu'on retrouve dans la littérature le fait que, quand c'est le secteur privé, il y a une attention moins grande, mettons, qui est portée à la réglementation puis à l'encadrement?

Mme April (Nicole) : Si on regarde la question...

Le Président (M. Turcotte) : Dre April.

Mme April (Nicole) :Oui. Pardon. Si on regarde la question de l'âge légal, à la SAQ, ils ont des clients-mystères, des gens qui sont des acheteurs, et puis qui sont jeunes, et puis qui ont l'âge légal, bien sûr, sinon ça ne fonctionnerait pas, mais chez qui on devrait normalement vérifier s'ils ont l'âge légal, et leurs taux de succès, si je peux dire, sont très élevés. On n'a pas ce système-là pour l'alcool dans les épiceries et dans les dépanneurs, alors on n'a pas de donnée précise. Ce qu'on pourrait dire là-dessus par contre, c'est que c'est certain que, dans les dépanneurs, c'est beaucoup plus difficile, il y a une multiplicité de vendeurs. C'est sûrement plus difficile à maintenir que ça l'est dans les SAQ, par exemple.

M. Poirier (Alain) : Peut-être pour ajouter là-dessus...

Le Président (M. Turcotte) : Dr Poirier.

M. Poirier (Alain) : Ce système de clients-mystères existe pour la vente de tabac dans les dépanneurs et ailleurs, et c'est légalement reconnu, constitutionnellement, et tout, qu'on peut utiliser des jeunes qui ont l'âge légal mais qui ont l'air jeunes pour tester... en fait, qui n'ont pas l'âge légal et qui ne se sont pas fait demander... Donc, dans le système du tabac, il y a des inspecteurs au ministère de la Santé et des Services sociaux qui font ce travail, qui encadrent des jeunes qui n'ont pas l'âge légal, et il y a des premiers avis de non-conformité, et après un premier avis il y a des amendes. Vous avez peut-être, certains d'entre vous, suivi les travaux des derniers projets de loi sur le tabac, mais cette question d'inspection existe dans d'autres secteurs.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

M. Marceau : O.K. Par ailleurs, il semblerait que pour la bière il y a des biens... enfin, il y a de la bière qui est vendue, dans certains endroits, à un prix équivalent au prix minimum mais qu'on offre en plus de la bière d'autres biens, mettons, des biens complémentaires, des chips, des ailes de poulet ou je ne sais trop quel produit, là, donc, qui serait une forme de contravention du prix minimum. Ce que vous appelez à un meilleur contrôle, est-ce que vous trouvez qu'on doit faire plus?

Le Président (M. Turcotte) : Dr Morin.

M. Morin (Réal) : Merci. On sait que l'Association des brasseurs a dû faire des représentations à cet effet-là par rapport au prix de vente de la bière — peut-être pas ici, mais dans d'autres instances. On est préoccupés par ces approches commerciales, qui visent à inciter l'achat de produits puis de la bière, toujours pour une raison de prix. On a l'impression qu'on fait une meilleure affaire. Les quantités sont associées — les démonstrations scientifiques sont faites — à plus de consommation. Donc, ça serait intéressant qu'on puisse examiner cette situation-là, et la documenter, et objectiver les craintes qu'on puisse avoir par rapport à ça.

C'est de la même façon... quand on a des pratiques commerciales, on insiste sur le monopole d'État, l'importance du monopole d'État, mais il n'est pas parfait, notamment un meilleur contrôle, une meilleure prise en compte de l'alcool dans les produits par un prix minimum, mais aussi les pratiques de rabais, qui sont une forme équivalente d'incitatifs à la consommation par rapport à... en utilisant les baisses de prix dans l'idée du chiffre de vente. Donc là, on voit une SAQ qui est plus préoccupée par des revenus totaux, alors que cette même SAQ là a le monopole d'État, et c'est sa difficulté comme entreprise, doit aussi se préoccuper de qu'est-ce que ça signifie pour l'intérêt public, la santé publique. Et donc ce sont des pratiques qui sont questionnables, qu'elles soient en épicerie, quand on associe les chips à bas prix avec une caisse de bière au prix minimum, versus aussi ce que le monopole d'État fait. Il n'en demeure pas moins que l'idée derrière ça, les progrès, c'est autour d'une meilleure réglementation pour que... que ce soit au regard de l'âge légal en épicerie... bien contrôlé à la SAQ, peut-être moins en épicerie ou que ce soit dans des pratiques commerciales incitatives à la consommation indépendamment de l'âge. C'est cet univers-là qu'on ne peut pas documenter en détail ce matin, sans doute, mais qui fait l'objet de préoccupations plus larges, évidemment, que la question des producteurs artisans.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

M. Marceau : O.K. Merci. Peut-être un dernier commentaire, une petite question. À ce que disait le ministre quant au fait que les produits des artisans sont des produits haut de gamme, en tout cas, des produits de qualité qui ont tendance à être vendus plus cher on pourrait rétorquer que, si le prix minimum n'est pas mordant, bien il n'aura pas d'effet puis il n'embêtera pas personne. Qu'est-ce que vous en pensez? C'est-à-dire que, donc, si le prix plancher... si les produits sont vendus là, d'en mettre un en vigueur, ça ne va pas nuire à personne. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Morin (Réal) : En réalité, nous ne sommes pas trop inquiets... le prix minimum. Les producteurs artisans, à cause du produit lui-même, ne pourraient pas vendre en deçà du prix minimum, sans doute. La question, c'est la majoration exigée, parce qu'à la Société des alcools il y a le prix minimum, il y a la majoration. Quelle sera-t-elle, la majoration, en épicerie? On comprend, on présume que les coûts de production sont tels que, de toute façon, les produits équivalents en épicerie seront certainement... bien, en tout cas, seront à peu près du même prix. C'est-à-dire qu'on mise sur la qualité, on aura le prix, et donc on n'est pas inquiets par rapport au prix minimum des produits qui ne sont pas des produits de bière. Les produits de bière, eux, les produits de bière, la fabrication est évidemment beaucoup plus économique à faire, d'où le fait que déjà on a le prix minimum sur la bière, qu'il faudrait améliorer. On a donné des exemples. Mais, quant à faire, faisons-le pour l'ensemble des prix, parce qu'on sait qu'à l'autre bout du spectre les forts alcools sont aussi en deçà du prix minimum. C'est plutôt les produits de vin...

Le Président (M. Turcotte) : Merci beaucoup.

M. Morin (Réal) : ...et les produits de fermentation qui, eux, sont plus souvent au-delà du prix minimum.

Le Président (M. Turcotte) : Merci beaucoup.

M. Marceau : Merci.

Le Président (M. Turcotte) : Je vais céder la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition.

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs dames. Un point rapide. À la page 6, là, vous dites : «1.2. Cette modification risque d'affaiblir le monopole de la SAQ.» Ça fait que je crois comprendre que pour vous, ça, c'est un problème, d'avoir une légère brèche, une légère ouverture. À la base de tout ça, vous ne devez pas être très, très chauds à ce projet de loi. Est-ce que je comprends bien?

M. Poirier (Alain) : ...pour nous, le projet de loi, que ce soit pour son empreinte écologique, pour le développement de l'économie, c'est des déterminants de la santé. Ça fait que, de façon générale, que la production québécoise, dans un quelconque domaine, n'a pas besoin de faire venir d'Australie des produits, c'est une bonne chose. Ça, c'est pour les grands déterminants de la santé.

Ceci dit, nous, on dit : Dans le cas spécifique pour les jeunes et buveurs excessifs, il y a des mesures qui existent. Ici, on ne pense pas que les mesures du projet de loi n° 88 sont incapacitantes à ce point, mais ce sont des brèches, des ouvertures pour la concurrence, pour la compétition. Il faut juste s'assurer d'avoir un suivi. C'est pour ça qu'on termine, d'ailleurs, en disant : Il faut avoir un suivi de tout ça et, idéalement, comme le recommandent toutes les grandes instances, qu'on ait une politique cohérente en matière d'alcool, pas juste... Là, ici, peut-être qu'on déborde un peu le mandat de la commission, mais ça pose des questions sur la mise en marché, de façon générale, des alcools au Québec. Alors, c'est ce qu'on fait de façon générale ressortir de notre mémoire.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

• (11 h 10) •

M. Bonnardel : L'Alberta puis la Colombie-Britannique ont ouvert leurs marchés de la vente d'alcool un peu de façon différente. Est-ce qu'il y a eu des problèmes particuliers de santé publique?

Avez-vous fait une étude entre ce que vous dites aujourd'hui... et, si le Québec ouvre son marché de façon plus grande, il pourrait y avoir des problèmes de consommation additionnelle, des coûts de santé? Est-ce que vous avez évalué aussi la situation de la Colombie-Britannique et de l'Alberta versus le Québec?

Le Président (M. Turcotte) : Dr Poirier.

M. Poirier (Alain) : On ne l'a pas examiné spécifiquement, mais il y a d'autres auteurs, comme Stockwell, qui est du centre BC, en Colombie-Britannique... Addictions Centre, qui a beaucoup publié sur... et suivi ce qui s'est passé dans différentes provinces. Et on a des tableaux sur... parce qu'une mesure n'est pas individuelle. Que ce soit l'âge légal minimum, que ce soit le prix, que ce soit la densité des points de vente, le prix minimum, il y a un amalgame, il y a toute une combinaison de différentes stratégies, alors c'est difficile de les isoler. Mais cet auteur l'a fait sur différents éléments, en Saskatchewan, les différentes provinces, donc il fait ce genre de comparaison là pour arriver à des recommandations qui vont dans le sens des grandes que l'OMS et l'OCDE font sur les mesures efficaces.

Et, aux États-Unis, on a la même chose au niveau de comtés, au niveau d'États : dans les années 80, 17 États ont mis un minimum légal. Donc, on a beaucoup de publications, dans la littérature, d'expériences réelles mais dont il faut toujours prendre avec un grain de sel, parce qu'elles s'inscrivent dans une culture, dans un mode de consommation. Les Américains, en type de consommation, sont plus près de nous, différents des Français. Donc, quand on change de pays, toute cette combinaison de différentes stratégies, on peut généralement arriver aux grandes recommandations des six mesures qui sont dans notre mémoire. Mais, au Canada, un des auteurs, c'est... qui est en Colombie-Britannique, a beaucoup examiné ces questions.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

M. Bonnardel : Donc, il n'y a pas nécessairement une corrélation forte, à savoir que, même si on ouvrait le marché légèrement puis que nos provinces comme la Colombie-Britannique et l'Alberta l'ont fait... qu'il y a une corrélation absolue. Santé publique Canada n'a pas non plus de donnée pour... Parce que j'ai une sous-question qui va être assez simple aussi. Sans que l'accessibilité soit supérieure en Ontario, on sait que les Ontariens consomment plus de spiritueux que nous. Encore la même question : Est-ce qu'il y a eu des problèmes particuliers de santé publique en Ontario versus ce point où on consomme plus, on boit plus de spiritueux?

Le Président (M. Turcotte) : Dre April.

Mme April (Nicole) : D'abord, si on se compare avec l'Ontario, la consommation d'alcool globale est beaucoup moindre qu'elle l'est au Québec. Ça fait que, déjà là, il y a cette différence-là qui fait que vraisemblablement les problèmes, les conséquences de la consommation d'alcool devraient être moindres, oui. Voilà.

M. Bonnardel : ...sur le «benchmarking». Merci, M. le Président.

Le Président (M. Turcotte) : ...

M. Bonnardel : Oui.

Le Président (M. Turcotte) : Je vous remercie beaucoup. Je suspends les travaux.

(Suspension de la séance à 11 h 13)

(Reprise à 11 h 18)

Le Président (M. Turcotte) : Donc, nous allons reprendre nos travaux.

Nous allons entendre l'Association des distilleries artisanales du Québec. Vous disposez d'un temps de 10 minutes pour faire votre présentation. Bien vouloir vous identifier en débutant votre intervention. Par la suite, nous allons faire des échanges avec chacun des groupes parlementaires. La parole est à vous.

Association des distilleries artisanales du Québec (ADAQ)

M. Lafrance (Éric) : Alors, bien, merci beaucoup. Je me présente, bon, Éric Lafrance, du Domaine Lafrance à Saint-Joseph-du-Lac. Alors, M. le Président de la commission des Finances, M. le ministre des Finances et MM. les députés, bonjour.

Alors, d'entrée de jeu, j'aimerais vous remercier de nous donner la chance d'exposer notre mémoire devant les membres de la commission parlementaire des finances en ce qui a trait au projet de loi n° 88.

Au cours des derniers mois, nous avons senti le besoin de créer une association de producteurs et de distillateurs artisans d'ici qui s'engagent à produire des eaux-de-vie de qualité provenant de fruits, de miel, de céréales, de légumes, d'érable et, en plus, nous en parlerons plus loin, le lactosérum. Ces artisans, responsables et passionnés, s'engagent à offrir aux consommateurs des produits dont la matière première provient de leur propriété... dont le processus de fabrication — fermentation, distillation, embouteillage — est réalisé à 100 % au Québec. Nous avons donc créé l'Association des distilleries artisanales du Québec, un organisme à but non lucratif — OBNL — géré par un conseil d'administration de sept artisans représentatifs qui partagent une vision commune : fabriquer des produits de qualité issus du terroir québécois. J'ai été nommé président de l'ADAQ, qui compte déjà 23 membres en règle, notamment des vignerons, hydromelliers, cidriculteurs. Permettez-moi de vous présenter M. André Caron, secrétaire de l'ADAQ.

Notre association regroupe des producteurs de matière première fermentescible qui détiennent ou qui sont en voie d'obtenir un permis artisanal de la RACJ. Afin de produire des alcools de qualité, ces derniers possèdent un alambic ou vont distiller en coopérative. Ils endossent entièrement la philosophie de création de la richesse au Québec, qui passe par la qualité de produits entièrement élaborés ici. De plus, ils s'engagent à respecter un cahier des charges rigoureux et à observer les règles de la SAQ et d'Éduc'alcool pour la vente responsable des eaux-de-vie à leur propriété.

• (11 h 20) •

Si chaque Québécois décidait de dépenser 20 $ par semaine dans l'achat de produits et services d'ici, on pourrait créer jusqu'à 100 000 emplois par année au Québec. Il y a de quoi stimuler le travail et le savoir-faire des producteurs artisans de chez nous. Faire reconnaître ce savoir contribuera à l'essor du secteur agroalimentaire dans toutes les régions du Québec.

Comme vous le savez, l'industrie des boissons alcooliques est en forte croissance au Québec. L'ADAQ appuie tout développement durable de cette industrie. De plus, l'intérêt grandissant des consommateurs pour les produits authentiques et savoureux doit être considéré avec beaucoup d'attention.

Notre optimisme repose sur l'adoption prochaine de ce projet de loi, qui ouvre de belles opportunités pour les producteurs artisans que nous représentons, car nous pourrons distiller, individuellement ou en coopérative, des alcools de qualité et les vendre au domaine, améliorant ainsi la visibilité de produits fabriqués au Québec. Sans complaisance, ce projet de loi rejoint en grande partie la mission, la vision et les valeurs de l'ADAQ. Nous croyons qu'une telle loi favorisera le développement économique de nos régions et permettra la création d'emplois. Certains artisans en profiteront pour améliorer leur offre de services en agrotourisme. Je le répète, l'ADAQ endosse ce projet, qui permettrait d'offrir des produits d'exception issus du terroir à partir de la matière première provenant de la propriété, jusqu'à la distillation, et de présenter aux consommateurs un produit de grande qualité 100 % Québec avec un système de traçabilité.

Nous estimons qu'il y aura un engouement important et prévisible pour la production d'alcool au Québec. Le gouvernement devra s'assurer que les producteurs et distillateurs artisans aient les outils pour garantir l'origine de la matière première et l'authenticité du produit final pour protéger notre industrie, incluant une certification et une appellation de spécificité pour les produits issus de la distillation. L'ADAQ s'engage à travailler avec les autorités compétentes dans ce sens pour faciliter la mise en place d'un encadrement rigoureux.

En vue de bien développer et de valoriser les productions agricoles du Québec, notre association s'est dotée de l'objectif d'obtenir... excusez-moi, s'est dotée d'objectifs spécifiques, oui, qui vont guider ultérieurement notre action. Nous tenons à vous présenter ces objectifs, en étant confiants que le gouvernement pourra s'en inspirer lors de l'élaboration de la réglementation qui encadrera l'application de cette future loi. En voici quelques-uns : obtenir une certification de traçabilité entière et fiable pour chaque produit de distillation pour s'assurer de son origine; obtenir une appellation de spécificité auprès du CARTV. Une démarche auprès du Conseil des appellations réservées et des termes valorisants est primordiale, démarche qui est rassembleuse et qui fait avancer la production de qualité vers une appellation IGP — indication géographique protégée — et, par la suite, une AOP — appellation d'origine protégée. Tous les producteurs sérieux recherchent des appellations reconnues afin d'assurer leur marché au Québec, au Canada et dans d'autres pays, car les consommateurs avertis sont à la recherche de ces appellations. Nous souhaitons que le Québec emboîte le pas sans hésiter, à l'instar d'autres pays dans le monde qui préconisent cette spécificité.

Élaborer un cahier des charges et des règles de production. Pour assurer le sérieux d'un projet, il faut qu'un cahier des charges soit préparé de façon professionnelle pour s'assurer de bien contrôler la qualité de chaque produit fabriqué. Développer un service d'accompagnement pour les distillateurs artisans et les nouvelles coopératives afin de transmettre les connaissances et les meilleures pratiques. Faire reconnaître les alcools certifiés du Québec par la SAQ avec une appellation, comme par exemple eau-de-vie du Québec. La SAQ devrait également offrir une visibilité adéquate pour les alcools produits, fabriqués 100 % Québec, exemple : spiritueux, origine Québec.

Organiser des rencontres périodiques avec la SAQ pour planifier un positionnement tablette proportionnel à l'intérêt grandissant des consommateurs pour les produits 100 % Québec, 100 % distillés au Québec; pour obtenir leur soutien quant à la formation de leurs employés concernant les produits certifiés des membres de l'ADAQ; pour obtenir un soutien financier servant à la création et à la gestion d'un comité d'agrément pour les eaux-de-vie du Québec; supporter la création de... l'implantation de coopératives de producteurs artisans, tel que prévu dans le projet de loi n° 88; actualiser les lois canadiennes touchant les matières premières distillées, car, selon nous, certaines sont désuètes en raison de l'évolution de l'offre actuelle des produits fabriqués au Canada et au Québec; s'aligner sur la façon de faire de la SAQ et d'Éduc'alcool lors de la vente d'alcool à la propriété en interdisant son accès aux personnes mineures, et ce, sans compromis.

Tel que mentionné précédemment, l'ADAQ appuie en grande partie le projet de loi n° 88. Nous sommes tout à fait d'accord avec l'idée que le producteur et le distillateur fassent un choix entre le permis artisanal et le permis industriel. En optant pour le permis artisanal, ils s'assurent que le produit distillé puisse être vendu à la propriété.

Cependant, l'ADAQ tient à proposer certaines pistes d'amélioration à ce projet de loi. Le lactosérum — le résidu de fromage, là — doit s'ajouter aux autres matières premières fermentescibles comme les fruits, le miel, les céréales, l'érable et les légumes. Pour ce qui touche la RACJ, on devrait ajouter dans les extensions le permis de bar/restaurant comme la vente à la propriété, les marchés publics, et les foires tel que préconisé par le projet de loi. Le gouvernement s'engage... doit s'assurer, excusez-moi, s'assurer de la concordance, avec la RACJ, de certaines mesures mentionnées au projet de loi, pour éviter des silos et aussi permettre d'alléger la réglementation. Il serait très utile d'indiquer dans cette nouvelle législation que le recyclage des sous-produits de la distillation, dont l'alcool de tête, est autorisé et que le producteur puisse les vendre sur certains marchés, exemple, pour les... industriels ou pétroliers. Il y a lieu de mentionner que l'alcool de tête peut être nuisible à l'environnement. Le distillateur doit en disposer de manière pratique et sécuritaire. Le développement de ces nouveaux marchés peut devenir une source de financement motivante pour le producteur. L'étiquetage des alcools certifiés doit mentionner une appellation eau-de-vie du Québec. Permettre l'achat d'alcool d'un producteur artisan québécois par un autre producteur québécois qui possède un alambic afin d'éviter qu'ils doivent se tourner vers une autre province canadienne pour obtenir de l'alcool. Prévoir des mesures réalistes concernant la période de transition durant laquelle les distillateurs qui détiennent déjà un permis industriel devront utiliser un permis artisanal pour se conformer aux dispositions prévues selon le projet de loi.

Nous suggérons que le gouvernement accorde un délai de 12 mois afin que le distillateur écoule ses stocks existants et produits selon les règles de la loi actuelle. Nous vous demandons aussi de tenir compte des producteurs qui ont fabriqué à partir de leurs matières premières les alcools distillés 100 % Québec et ainsi prévoir dans la nouvelle loi ou dans la nouvelle réglementation une concordance avec les règlements qui sont sous la juridiction de la RACJ.

Le Président (M. Turcotte) : En conclusion.

M. Lafrance (Éric) : Comment?

Le Président (M. Turcotte) : En conclusion.

M. Lafrance (Éric) : En conclusion — ah! O.K., on peut continuer encore un petit bout — nous nous permettons de suggérer que la RACJ envoie ses inspecteurs, avant la date d'application de la loi, vérifier l'inventaire de chacun des producteurs qui distillent. Lors de l'adoption du projet de loi, le gouvernement doit s'assurer que sa mise en vigueur ne soit pas retardée par les mesures transitoires suggérées ci-dessous — délai de 12 mois pour permettre d'écouler les stocks.

Nous souhaitons vivement que le gouvernement donne rapidement le feu vert à la mise en application de cette loi. Ainsi, les producteurs pourront démarrer leur production, vendre, dès le mois d'août prochain, leurs alcools distillés 100 % Québec à la propriété. Les producteurs tout comme les amateurs québécois profiteraient ainsi de la période très achalandée des récoltes de cette année. Selon nos calculs, 1 000 bouteilles de spiritueux vendues à la propriété créent un emploi à temps plein; imaginez 100 000 bouteilles.

Le Président (M. Turcotte) : Merci. Vous avez terminé?

M. Lafrance (Éric) : Oui.

Le Président (M. Turcotte) : Merci beaucoup. Je vais céder la parole au ministre des Finances.

M. Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Alors, M. Lafrance, M. Caron, bonjour, bienvenue. Juste quelques questions d'abord pour bien comprendre où vous vous situez, donc, les distilleries artisanales. Donc, vous produisez de l'eau-de-vie et d'autres produits comme ça à partir des produits de la ferme, de produits locaux. Parce qu'on a eu d'autres groupes dans une autre journée qu'on pourrait classifier de distillateurs urbains. Donc, ce n'est pas la même dynamique.

M. Lafrance (Éric) : Si je peux me permettre.

Le Président (M. Turcotte) : M. Lafrance.

• (11 h 30) •

M. Lafrance (Éric) : Merci. Si je peux me permettre. C'est différent, c'est une distillation... Bien, tout commence par une matière première, distillation, et embouteillage, et vieillissement peut-être. C'est toujours ça. Et, la matière première, bien, nous, on pense fortement qu'il faut vraiment que ça parte de la ferme, parce qu'on a vraiment beaucoup de pommes, comme d'autres producteurs ont passé avant nous... il y a des matières premières de pommes et de raisins qui peuvent faire d'excellents produits et spiritueux de qualité — non de quantité, mais de qualité. Nous, c'est surtout sur ça qu'on se penche le plus.

Le Président (M. Turcotte) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. L'association des cidriculteurs, qui sont passés avant vous, nous ont parlé, entre autres choses, d'une problématique en ce qui concerne le nombre d'inspecteurs de la RACJ. Ils jugeaient que, pour s'assurer qu'il y ait un meilleur contrôle de la qualité, donc de conformité aux règles de production locale, il faudrait que ces inspections-là arrivent plus souvent, et donc en augmenter le nombre. Comment est-ce que vous, vous voyez ça, de quel oeil vous voyez ça, les inspections de la RACJ?

Le Président (M. Turcotte) : M. Lafrance.

M. Lafrance (Éric) : Dans notre cas, c'est sûr que, chaque lot, chaque embouteillage, nous, on suggère que la qualité... que soit un laboratoire de la SAQ ou un laboratoire accrédité, qu'il soit conforme pour que chaque lot soit bien identifié, surtout si on travaille avec le CARTV. C'est des produits qui vont être certifiés. Alors, chaque bouteille est comptée et calculée, là.

M. Leitão : Est-ce que vous souhaitez avoir des inspections un peu plus régulières ou ce n'est pas nécessaire?

M. Lafrance (Éric) : On va consulter nos membres, mais on conseille fortement, oui, d'avoir des inspections sur la qualité du produit avant la vente. Plus souvent, là? Ça viendra avec le temps, là, avec la RACJ, là.

M. Leitão : Très bien.

Le Président (M. Turcotte) : M. Caron.

M. Caron (André) : Si vous me permettez. Je pourrais ajouter qu'étant donné que nous, on veut faire une démarche pour un terme de spécificité, donc une appellation, il y aura, donc, un cahier des charges. Et c'est sûr que l'ADAQ déjà va mettre de l'avant des règles à observer. Et, avec le CARTV, il y a des mesures de contrôle qui sont faites par, justement, le CARTV. Et puis, bien sûr, on n'a absolument rien contre que la RACJ vienne plus souvent valider, parce que ça va permettre, dans le fond, d'avoir un produit final avec une traçabilité qui sera, comme on l'a écrit tantôt, fiable et parfaite, là, dans le fond, là. C'est ce qu'on recherche.

Le Président (M. Turcotte) : M. le ministre.

M. Leitão : Très bien. Aussi, la question qui a été soulevée avant, la question du timbrage, donc, qu'il fallait apposer le petit timbre manuellement, une bouteille à la fois, quel est votre avis?

M. Lafrance (Éric) : Là, pour ça, oui...

Le Président (M. Turcotte) : M. Lafrance.

M. Lafrance (Éric) : ... — merci — je serais d'accord avec les cidriculteurs, c'est un peu pénible, là, de coller des timbres. Souvent, les clients vont acheter... Nous, dans notre cas, il y a eu des clients... peut-être pas avec les spiritueux, mais avec les cidres, qui ont acheté pour un événement x, puis il y a des retours. Ça fait que, là, ces gens-là, ils veulent... ça fait qu'on les reprend. Il faut les enlever, puis ce n'est plus enlevable, là. C'est assez compliqué, là. C'est sûr que ça prendrait un système plus à jour, là. C'est parce que, d'après moi, là, quand les règlements ont été faits, là il n'y avait pas de quantité de bouteilles, mais là, présentement, là, il y a une évolution qui s'est faite, ça demande à être réfléchi, là.

Le Président (M. Turcotte) : M. le ministre.

M. Leitão : Merci.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin (Pontiac) : Merci, M. le Président. M. Lafrance, M. Caron, merci pour votre présentation et de nous faire part, là, de vos questions, de vos préoccupations mais aussi de votre appui pour une mise en place rapide, là, disons, du projet de loi.

J'ai quelques questions spécifiques par rapport à ce que vous avez dit à la toute fin de votre présentation, M. Lafrance, et ça peut s'adresser à vous ou à M. Caron, là, c'est comme vous voulez. Je vais lire le point que vous avez fait et je vais vous demander une question plus spécifique. Vous parlez de «permettre l'achat d'alcool d'un producteur artisan québécois par un autre producteur québécois qui possède un alambic afin d'éviter qu'ils doivent se tourner vers une autre province canadienne pour obtenir leur alcool». Je pense que tout le monde ici, d'un côté ou l'autre de la table, là, est en faveur d'un objectif de développement économique et cherche une façon d'encourager votre industrie, évidemment, à prendre de l'expansion. Donc, expliquez-moi un peu ce qui se passe en ce moment.

Est-ce que les producteurs comme vous, les producteurs artisans québécois, se tournent vers les producteurs des autres provinces pour avoir ce dont ils ont besoin? Et, à l'inverse, est-ce que les producteurs des autres provinces se tournent vers vous? Comment ça fonctionne?

Le Président (M. Turcotte) : M. Caron.

M. Caron (André) : Oui. Merci. Je pourrais me permettre de répondre. C'est que le permis industriel par rapport au permis artisanal, c'est deux entités tout à fait séparées, donc un producteur de vin artisanal ne peut pas acheter de l'alcool d'un industriel québécois. Il y aurait peut-être une astuce administrative pour passer avec la SAQ, mais elle est extrêmement complexe, ce qui ne facilite pas l'échange.

Alors, ce qui est le plus simple pour le producteur, c'est d'appeler les alcools de commerce en Ontario ou ailleurs et d'obtenir son alcool directement pour pouvoir fortifier ses produits. La problématique qu'il y a souvent avec ça, c'est que ce n'est pas toujours facile d'avoir des alcools de fruits versus des alcools de grain et ça ne donne pas les mêmes résultats aussi. Donc, la technique officielle, ce que tout le monde utilise plus souvent qu'autrement, c'est d'aller chercher son alcool en dehors de la province.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

M. Fortin (Pontiac) : Avez-vous une idée de l'ordre de grandeur, ça représente quoi à cause de la réglementation lorsqu'on est obligés d'importer, disons?

M. Caron (André) : Je n'ai pas ce chiffre-là, mais moi, en ayant travaillé à la SAQ durant de nombreuses années, j'ai eu beaucoup, beaucoup de demandes de la part des producteurs sur comment on pouvait faire, et à chaque fois c'était une grave problématique. Ça fait que c'est pour ça qu'il faut comme simplifier ces échanges-là, de permettre le transport d'un endroit à un autre entre deux producteurs québécois.

M. Fortin (Pontiac) : Savez-vous s'il y a d'autres provinces qui font face à une réglementation, là, qui leur permet... ou qui les empêche, disons, d'acheter à l'interne, si on veut, et qui se tournent vers d'autres provinces? Et est-ce que le Québec a les moyens d'exporter, justement, cet alcool-là ou pas du tout?

M. Caron (André) : Je n'ai pas la réponse officielle, parce qu'il ne semble pas y avoir de problématique côté Ontario ou Colombie-Britannique, ils ne semblent pas en parler ou... Non, je ne suis vraiment pas au courant de ça.

M. Fortin (Pontiac) : O.K. Très bien.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

M. Fortin (Pontiac) : Oui. Merci. Je veux revenir sur un autre point que vous faites, c'est-à-dire l'étiquetage des alcools certifiés, là, avec une appellation eau-de-vie du Québec, disons. En ce moment, peut-être sur vos produits à vous, j'imagine, qui sont 100 % québécois, comment vous procédez en ce moment, aujourd'hui, quel genre d'indication vous avez pour le consommateur?

Le Président (M. Turcotte) : M. Lafrance.

M. Lafrance (Éric) : Merci. Pour le consommateur, bien, c'est «eau-de-vie» ou... On a la SAQ qui nous ont nommé... qu'on a une dénomination qui est «brandy de pomme». «Brandy», ça veut dire «vin brûlé», là, un peu. C'est... l'idée dans tout ça, bien, nous, pour expliquer notre fonctionnement, c'est vraiment fait à partir de la pomme, on a une retraçabilité de l'arbre. La pomme va être pressée, ensuite il y a une fermentation, c'est le jus, on a une fermentation qui va être faite, tout est noté, et ensuite, après la fermentation, bien on le ramène un peu comme un vin, là, il va être clarifié et ensuite il y a une distillation qui va être faite aussi. Puis la distillation... et là, bien, on va partir, exemple, là, de... si on veut un produit à 6 %, 5 %, c'est toujours le pourcentage d'alcool, tout est calculé. Tout est calculable et tout est calculé. C'est ce qui est agréable dans le... C'est un peu comme le sirop d'érable, peut-être, là. Mais nous, avec un cidre, si on a tant de litres, on ne peut pas doubler les quantités, là. Ça fait que c'est vraiment bien pour ça, je trouve. C'est un système, la distillation, qui n'est pas compliqué, là. C'est juste de bien noter puis de suivre la qualité. Je ne sais pas si ça a bien répondu, là.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député.

M. Fortin (Pontiac) : O.K. Peut-être une dernière question — je sais que mon collègue de Sainte-Rose a une question très pertinente, mais j'essaie juste de bien comprendre votre mémoire, là — une question par rapport à ce que vous appelez les sous-produits de la distillation, ou l'alcool de tête, et ce n'est pas un secteur que je connais très bien. Donc, vous dites : «Il serait [...] utile d'indiquer dans cette nouvelle législation que le recyclage des sous-produits de la distillation [...] est autorisé et que le producteur puisse les vendre sur certains marchés...»

Parlez-moi de ce que ça peut représenter, cette possibilité-là, pour vous et de ce que vous faites en ce moment avec ces sous-produits là.

M. Lafrance (Éric) :...à chaque distillation...

Le Président (M. Turcotte) : M. Lafrance.

M. Lafrance (Éric) : Excusez. Merci. À chaque distillation, on a toujours entre 6 % et 8 % de quantité, c'est des têtes, là... c'est les arômes, c'est physique, là. Si on part avec une matière première qui a vraiment... avec un cidre, ou un vin, là, ou une bière, lorsque la distillation va se faire, les premiers liquides qui vont sortir, l'alcool est plus haut, mais c'est du méthanol. Ce n'est pas ça qu'on veut dans une bouteille. Et, normalement, on va jusqu'à entre 6 % et 8 % de ce qui va couler. Ça, encore là, on les met de côté. Nous, on les accumule, mais il n'y a pas de marché pour ça. Ça fait que c'est sûr que, s'il se crée des distilleries au Québec, c'est des produits qui vont être, là, des matières dangereuses. C'est pour ça qu'on suggère... ce n'est pas des produits qui seraient très bons, là... ce n'est vraiment pas bon pour l'alimentation, mais on suggère... ces alcools-là à leur place dans autre chose, comme dans l'industrie, ça peut être pour les planchers, des choses différentes, là. Ça pourrait être des acheteurs potentiels, puis travailler un regroupement ou une coopérative de ce type-là.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député de Sainte-Rose.

• (11 h 40) •

M. Habel : Oui. Merci, M. le Président. Écoutez, à la page 5 de votre mémoire, vous mentionnez certaines pistes d'amélioration du projet de loi, dont : «Le lactosérum doit s'ajouter aux autres matières premières fermentescibles comme les fruits, le miel, les céréales, l'érable[...] — etc.»

Ma question, c'est... Il y a une augmentation du nombre de personnes qui sont détectées avec une intolérance au lactose, on voit aussi l'augmentation aussi du nombre de produits sans lactose. Est-ce que le fait d'ajouter du lactose dans un cidre ou dans une manière de distiller pourrait apporter une problématique pour ces gens?

Le Président (M. Turcotte) : M. Lafrance.

M. Lafrance (Éric) : ...c'est comme des arachides ou quoi que ce soit, là, ça, c'est un produit particulier, mais, en étant justement les producteurs qui sont avec des produits qui seraient à accréditer, ce produit-là serait mis à part, il serait unique, il serait inscrit sur la bouteille, là, j'imagine. Parce que, de toute façon, on a la matière première qui est importante. Si c'est de la pomme brandy ou... Ça fait que c'est toutes des choses à développer, parce que c'est des produits présentement qui se perdent, qui s'en vont sur les terres et qui sont perdus carrément. Ça fait que c'est vraiment un développement de marché, là. Je ne sais pas si ça répond bien.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député de Sainte-Rose.

M. Habel : Donc, quand je vais aller à la SAQ la prochaine fois, je vais être vigilant et chercher du vin sans lactose. Merci beaucoup.

Le Président (M. Turcotte) : M. le député de Laval-des-Rapides.

M. Polo : Oui. Combien de temps il reste, monsieur...

Le Président (M. Turcotte) : Il vous reste 2 min 20 s.

M. Polo : O.K. Ça va être amplement suffisant. Merci, messieurs. À la page 4 de votre mémoire, vous parlez de «développer un service d'accompagnement pour les distillateurs artisans et les nouvelles coopératives afin de transmettre les connaissances et les meilleures pratiques». Compte tenu de la nouveauté de cette industrie et du petit nombre de distillateurs qualifiés actuellement, donc, vous proposez notamment un service de compagnonnage et d'aide au démarrage.

Pouvez-vous élaborer un peu sur cette recommandation-là, s'il vous plaît?

M. Caron (André) : Oui. Je vais tenter d'apporter une réponse. Il faut savoir que l'industrie de la distillation au Québec est à peu près inexistante actuellement. L'offre de la loi offre des opportunités... j'allais dire «incommensurables», là, je ne veux pas utiliser ce mot-là, mais juste pour dire : De grandes possibilités, et ça, c'est intéressant, sauf qu'il y a peu de bons distillateurs au Québec, on a assez de doigts sur une main pour les compter.

C'est juste pour vous dire que c'est tout nouveau, c'est tout récent, et, ces gens-là, il va falloir les accompagner dans leur développement. Et c'est pour ça que nous, avec l'ADAQ, on s'engage à pouvoir les accompagner et à trouver des mécanismes pour pouvoir les aider. Le compagnonnage est absolument essentiel, à moins d'aller chercher un distillateur européen ou ailleurs. Donc, il faut vraiment que ces gens-là qui vont se mettre à distiller... et les coopératives qui vont se développer vont devoir avoir besoin de personnes-ressources, de soutien pour arriver à produire des alcools de qualité. Ça nous ramène au cahier des charges, mais, encore une fois, il faut le comprendre, ce cahier-là, et s'assurer qu'au bout l'alcool qui sort, bien, soit de bonne qualité. C'est complexe, la distillation. Ce n'est pas vrai qu'on met juste ça dans une machine et que ça sort parfait. On a parlé de résidus tout à l'heure, des sous-produits. C'est évident que, quand on distille, ce qu'on veut aller chercher, c'est la concentration de l'alcool qui est dans le moût maintenant ou qui est devenu du vin, qui est fermenté. C'est autour de sept, huit degrés, généralement, autour de ça, et c'est ce sept, huit degrés là qu'on veut aller chercher.

Donc, c'est ça, le principe de distillation. Donc, c'est de la concentration et c'est long, ce n'est pas facile et c'est extrêmement précis, c'est même chimique, là, dans le fond, alors il faut faire un travail consciencieux. Donc, l'ADAQ, on s'engage à supporter ces gens-là pour qu'ils arrivent au bout pour réussir.

Le Président (M. Turcotte) : Merci. Donc, je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle.

M. Marceau : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci pour votre mémoire et puis pour les réponses que vous nous avez données.

J'ai encore quelques questions. Bon, peut-être la première des choses, juste pour être bien clair, vous, donc, vous faites la différence entre ce qui est distillé au Québec puis ce qui ne l'est pas, donc vous faites la différence entre ce qui passe au Québec dans un alambic puis ce qui ne passe pas au Québec dans un alambic.

Est-ce que cette distinction–là, c'est celle qu'effectivement vous voulez faire valoir?

M. Lafrance (Éric) : Oui. Bien, c'est ça, c'est justement pour... Excusez. Je suis un peu rapide, hein?

Une voix : ...

M. Lafrance (Éric) : Merci. C'est un peu ça, là, l'idée justement, c'est de travailler nos matières premières avec ce qu'on a, là, puis ne pas mélanger les liquides, là. On parlait du vin, là, des assemblages, mais, nous, c'est zéro assemblage; dans les alcools, c'est blanc, il n'y a pas de couleur, puis, en plus, il y a des matières assez hautes en alcool. Les transports de tout ça, ça limite... et c'est l'alambic qui fait le travail et c'est sur place. La base est là.

M. Marceau : O.K. Puis, juste pour être bien sûr de ce que vous dites dans le mémoire puis de ce que vous nous dites maintenant, là, il y a deux choses : il y a, tout d'abord, les privilèges qui sont consentis par le projet de loi n° 88, puis ce que je comprends, moi, c'est que, le privilège, désormais vous allez pouvoir... enfin, les gens qui sont assujettis, là, la classe producteurs artisans, vont pouvoir vendre sur place, et, vous, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'un producteur artisan, donc, ça va devoir être quelqu'un qui a un alambic. Est-ce que c'est correct de dire ça, c'est ça que vous suggérez?

M. Lafrance (Éric) : Bien, dans le cas de...

Une voix : M. Lafrance.

M. Lafrance (Éric) : Oui. Dans le cas de distiller, automatiquement, c'est un produit qui est distillé, alors c'est un produit qui fait partie de la pomme ou du producteur. Je ne sais pas si je m'explique bien, là.

M. Marceau : O.K. Bien, ma question, c'était plus de savoir : Est-ce que vous suggérez que, pour avoir la possibilité de vendre sur place, il faille nécessairement vendre de l'alcool qui a été distillé au Québec puis que tous les autres qui ne fabriquent pas... enfin, qui ne distillent pas eux-mêmes l'alcool ne puissent pas vendre sur place? Est-ce que c'est ce que vous suggérez? Je veux juste comprendre votre intention clairement.

M. Lafrance (Éric) : Oui. Bien, c'est surtout pour ça qu'on a créé l'association, là, pour être capables de développer ces sous-produits-là avec un bon outil puis une intelligence en arrière de tout ça, puis travailler logiquement avec nos matières premières, parce que ça se fait dans tous les pays, là, tout ce qui est... En Europe, surtout, les vins, il y a des distilleries qui existent. Et je pense que le point de départ, c'est de partir avec un producteur qui connaît sa matière première. Il sait où il s'en va et puis il va vendre directement, sauf qu'il y a un contrôle dans tout ça, puis ça devient encore plus sérieux. Ça enrichit le Québec, ça enrichit les entreprises, c'est ce qu'il y a de plus beau que... oui.

M. Marceau : Puis pour ceux qui présentement utilisent des alcools qui sont, donc, importés, là, qui ne font pas eux-mêmes la distillation, le passage à l'alambic puis à la distillation sur place, quel genre d'investissement ça exige? Par exemple, combien ça coûte, un alambic? Quel genre d'apprentissage ça impose, là? Qu'on puisse avoir une idée ici des coûts de ça puis du potentiel de développement.

M. Lafrance (Éric) : Bien, c'est sûr qu'un alambic, c'est un équipement, là, c'est le prix d'une bâtisse, c'est beaucoup de sous. Il y en a à plusieurs prix. C'est dur à expliquer un peu, parce que...

M. Marceau : Bien, mettons, le vôtre, sans révéler de secret, là.

M. Lafrance (Éric) : Oui, mais, celui-là, je ne m'avancerai peut-être pas là-dessus côté chiffres, là...

Une voix : Le tien?

M. Lafrance (Éric) : Bien, le nôtre, il est... C'est autour de 150 000 $, un alambic, puis, à date, je vous dirais, depuis 2013, on n'a rien vendu, là. Ça fait que c'est vraiment... on apprend beaucoup, puis je trouve que c'est un équipement pour apprendre. Puis c'est sûr qu'on peut acheter des... avec notre permis actuel, on pourrait faire d'autres produits, acheter et revendre, mais il n'y a pas de retraçabilité, premièrement, il n'y a pas de matière première québécoise, on ne fait pas travailler personne. C'est un peu ça, l'idée. C'était de créer de l'emploi et surtout de valoriser nos terres.

M. Marceau : O.K. Puis l'autre message que je reçois de votre mémoire, c'est que présentement, sous l'appellation alcools du Québec, il y a bien des affaires, puis vous aimeriez qu'on puisse dire, là, que vos produits distillés au Québec... enfin, que les produits que vous vendez, vous, sont à 100 % du Québec et que ce n'est pas le cas des autres produits. C'est ce que vous nous dites?

M. Caron (André) : En fait, c'est sûr que c'est notre objectif, parce que ça garantit justement que c'est des emplois qui sont créés au Québec, et se retrouver sous la bannière Origine Québec, qui a été un peu créée, à l'époque, à la SAQ pour les vins, les cidres, et tout ça. Donc là, on sait que ce sont des produits qui sont rassemblés qui sont 100 % Québec pour tout le processus, là. Donc, dans ce cas-là, il y a des vendeurs de Smirnoff et de Beefeater à la SAQ, il n'y a pas de problème, et ils doivent rester, ils font un bon travail, et les produits sont excellents, mais ce ne sont pas des produits québécois. Alors, c'est un peu ça, nous, ce qu'on voulait mettre de l'avant, c'est Origine Québec à la SAQ, avoir un espace pour ces alcools-là, qui vont arriver, là, au fur et à mesure du temps, là.

Une voix : M. le député.

M. Marceau : O.K. Peut-être un dernier point. Vous aimeriez qu'en plus des avantages consentis dans le projet de loi, c'est-à-dire de pouvoir vendre sur place... vous aimeriez pouvoir avoir accès, aussi, directement aux restaurants, aux bars. Vous pouvez peut-être élaborer un peu là-dessus, nous dire quel genre de perspective de croissance ça vous permettrait si c'était incorporé?

M. Caron (André) : Bien, il faut voir ça...

Une voix : ...

M. Caron (André) : Pardon. Il faut voir ça comme la même chose que du vin, des vins fortifiés, ou des cidres, ou des hydromels, et tout ça. C'est que, dans la directive de la RACJ, il est permis pour le producteur artisan d'aller livrer, chez les restaurateurs et les bars, des produits. Donc, il va les livrer directement. Un alcool, vous savez, dans les bars, ça se vend aussi, là. Il y a toutes sortes de boissons alcooliques de bonne qualité aussi. Donc, c'est de permettre aux producteurs d'aller la livrer sur place, dans ces endroits-là, au même titre, là, que la directive de la RACJ permettait, là, d'aller dans les foires agricoles, d'aller dans les restaurants et d'aller dans les marchés publics, par exemple.

M. Marceau : O.K. Merci.

Le Président (M. Turcotte) : Je vais céder la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition.

M. Bonnardel : ...M. le Président. Bonjour, messieurs. Donc, si je comprends bien, avec les questions de mon collègue, là, le député de Rousseau, donc, il y a des gins qu'on achète qui ne sont pas nécessairement des produits 100 % Québec. C'est la différence que vous souhaitez que le consommateur ait devant lui quand il va à la SAQ, puis qu'il se dise : O.K., ce que j'achète là, c'est parti de la terre, versus un alcool qui est importé. C'est ça, le raisonnement, là, pur et simple.

• (11 h 50) •

M. Lafrance (Éric) : Oui. Bien là, présentement, c'est un peu ce qui se passe avec les produits, là — on ne peut pas nommer de produits — mais ça ne vient pas valoriser un distillateur au Québec. On a un alambic, on travaille, puis les gens s'imaginent que ça se fait comme ça, c'est tout seul, mais c'est complexe. Et, présentement, bien, ce qui se passe, le seul point de vente, c'est la SAQ, et la SAQ, c'est... il y aurait peut-être un rôle important, là, à prendre, là, ce serait de les différencier des vrais produits qui sont 100 % Québec, parce que, présentement, ces produits-là se retrouvent dans Origine Québec en général, puis il y aurait peut-être moyen de... parce que c'est surtout le client. On parlait tantôt, là... c'est ça, mais, tu sais, les clients vont acheter des produits, ils sont certains que ça vient du Québec. C'est ça, il y aurait peut-être moyen de faire une réglementation un petit peu plus serrée, là.

M. Bonnardel : L'Association des vignerons a ce combat depuis décembre 2014, d'avoir une appellation spécifique Québec. Avez-vous entrepris la même démarche avec le ministère, ou tout ça? Avez-vous entrepris des discussions avec le ministère de l'Agriculture pour cette certification ou vérifier comment on pourrait en... ou avec la SAQ, ou autres?

M. Caron (André) : Oui. Si vous permettez. C'est une démarche qu'on a entreprise. Effectivement, on en est au tout début. Donc là, ce qui arrive, c'est que — on a fait notre demande auprès du CARTV, on va déposer le projet — on est en pourparlers, si vous voulez, avec le MAPAQ pour justement l'étude d'opportunité, aller voir comment on va développer ça, mais on a déjà un peu d'expérience avec ce qu'on a vu pour l'IGP Vin du Québec, par exemple, ou encore la certification des vins, à laquelle j'ai participé. Donc, on veut utiliser un peu ce processus-là afin de s'assurer d'avoir un cahier des charges qui va nous permettre d'avoir eau-de-vie certifiée du Québec, et là le consommateur va s'y retrouver à 100 %.

Et, pour ce qui est de la SAQ, bien, il n'y a pas de norme sous le grand chapeau Origine Québec, il n'y a pas de règlement derrière ça, ça fait que, nous, ce qu'on veut faire, c'est qu'on veut juste établir des règles de base qui déterminent qu'est-ce qui est un produit Origine Québec, tout simplement.

M. Bonnardel : C'est ça. Donc, il n'y a pas de cahier de charges, là, Origine Québec à la SAQ, tu mets le nom là, même si tu sais que l'alcool peut venir de l'extérieur.

Une voix : Exact.

M. Bonnardel : Une dernière question. À la page 6, là, vous dites : «Permettre l'achat d'alcool d'un producteur artisan québécois par un autre producteur québécois qui possède un alambic afin d'éviter qu'ils doivent se tourner vers une autre province canadienne pour obtenir leur alcool.» Jusqu'à quel point c'est une mesure qui est importante pour vous? Avez-vous des exemples précis qui pourraient nous...

M. Lafrance (Éric) : Bien, c'est justement, pour les...

Une voix : M. Lafrance.

M. Lafrance (Éric) : Excusez-moi. C'est justement, pour le permis industriel et artisanal, présentement, il n'y a pas moyen d'acheter des alcools distillés au Québec, c'est vraiment, là... nous, avec notre permis industriel, c'est l'achat directement de l'Ontario pour fortifier, et il n'y a pas de valeur québécoise dedans, là.

M. Bonnardel : Donc, c'est des volumes importants.

M. Lafrance (Éric) : C'est des volumes... ça peut devenir important, mais surtout qu'il y en a que c'est rendu des spiritueux carrément, là, et puis il y en a d'autres, bien, c'est... ils vont fortifier. Le volume, oui, il peut être assez... puis je suis convaincu que, d'ici trois, quatre ans, l'augmentation va être assez forte.

M. Bonnardel : On peut-u mettre une valeur monétaire à ça, les achats?

M. Lafrance (Éric) : Bien, les spiritueux, premièrement, là, ce qui est... je trouve, qui n'est pas très bon, là, c'est que l'alcool, nous... si je veux acheter un litre d'alcool en Ontario, c'est 3,56 $ le litre présentement.

M. Bonnardel : 3,56 $.

M. Lafrance (Éric) : 95 % d'alcool. Ce n'est vraiment pas valorisant pour travailler, là, la matière première. Distiller, c'est un métier qui est carrément bas de gamme, tandis que, nous, c'est complètement à l'opposé, on fait ça, puis c'est... La valeur, elle est estimée autour de 23 $, 24 $, distiller un litre de cidre... pas de cidre, d'eau-de-vie à 75 %.

M. Bonnardel : O.K. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Turcotte) : Je vous remercie beaucoup. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 54)

(Reprise à 15 h 21)

Le Président (M. Lisée) : ...la commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 88, la Loi sur le développement de l'industrie des boissons alcooliques artisanales. Alors, nous avons un premier groupe, l'association des microbrasseurs du Québec. Vous avez 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, il y aura des échanges avec les parlementaires pour 35 minutes. Je vous souhaite la bienvenue. Pour les fins de l'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter, et la parole est à vous.

Association des microbrasseries du Québec (AMBQ)

M. Tremblay (Frédérick) : M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés membres de la Commission des finances publiques, nous tenons à vous remercier de donner l'opportunité à l'Association des microbrasseries du Québec de participer à cette consultation publique sur le projet de loi n° 88.

Mon nom est Frédérick Tremblay, président de l'Association des microbrasseurs du Québec et président de Microbrasserie de Charlevoix. Je suis accompagné, pour l'occasion, par Mme Catherine Dionne Foster, présidente de la microbrasserie Korrigane, qui est membre de l'exécutif de l'AMBQ et qui est la responsable du comité des brasseurs artisans de notre association, ainsi que de M. Jean-Pierre Tremblay, le directeur général de notre association.

Peu de gens le réalisent, mais il s'agit du premier projet de loi touchant la bière depuis tellement longtemps qu'on ne s'en souvient plus — en fait, je crois que Catherine n'était même pas née la dernière fois qu'il y a eu un projet de loi qui a touché la bière au Québec — et ce n'est pas parce que l'Association des microbrasseries n'a pas cru bon de faire de la représentation pour demander d'avoir des modifications réglementaires qui puissent nous permettre de mieux pouvoir manipuler, mieux pouvoir travailler dans cet espace commercial qu'est le monde de la bière au Québec. Mais ce projet de loi n° 88 nous semble être une très belle ouverture, et nous sommes heureux de participer enfin à un premier pas sur les, probablement, douzaines de recommandations que notre association a formulées afin d'améliorer notre environnement de travail. J'espère pouvoir revenir dans ce salon, avec un peu moins de nervosité, à une autre occasion, lors d'un prochain projet de loi, et j'espère que ça se passera avant que je puisse prendre ma retraite.

Donc, bien qu'il s'agisse de la pointe de l'iceberg de tout ce qui doit être réformé dans le cadre réglementaire qui concerne le domaine de l'alcool et de la bière, le p.l. n° 88 a le mérite d'adresser une problématique qui nous est chère, aux yeux de notre industrie, depuis longtemps, et c'est de permettre aux brasseurs artisans de pouvoir vendre de la bière pour emporter. Mais, avant de tomber dans le vif du sujet, je vais quand même vous faire un petit résumé de ce qu'est notre association, quelle est l'industrie de la bière présentement au Québec. Je sais que plusieurs personnes parmi vos équipes ont eu la chance de nous rencontrer, mais, pour le bénéfice des autres personnes, bien, je vais quand même faire un petit résumé.

Donc, vous savez, la vague des microbrasseries a commencé en 1987, et c'est en 90 que l'association a été fondée. Elle regroupait, à ce moment-là, six brasseurs uniquement. Quand on dit qu'aujourd'hui il y a environ 140 microbrasseries au Québec, on peut comprendre qu'il y a eu une très, très belle évolution qui s'est faite.

En 2013, notre association s'est ouverte, parce que, dans les premières années de cette association, les seuls brasseurs qui pouvaient être membres de l'association étaient les brasseurs qu'on appelle, malheureusement, parfois industriels. Mais je n'aime pas beaucoup cette appellation; donc, c'est «les brasseurs». Les brasseurs artisans n'en faisaient pas partie. En 2013, les lettres de constitution de notre association ont été changées afin de représenter la totalité des microbrasseries au Québec, ce qui fait qu'aujourd'hui nous regroupons 75 membres dans notre association qui opèrent dans 46 villes du Québec et 16 régions administratives sur les 147 permis de brasseurs, ce qui représente aussi 90 % de la capacité de brassage des bières qui sont brassées par les microbrasseries au Québec.

Pour vous faire encore une fois une petite illustration, le marché de la bière au Québec, c'est environ 6 millions d'hectolitres de bière brassée par année. Les microbrasseries actuellement brassent environ 5 millions de ces 6 millions et les... 500 000, excusez-moi — c'est un but d'arriver à 5 millions, et je vais devoir revenir souvent ici pour avoir des modifications réglementaires pour y arriver — donc, 500 000, ce qui représente 8,2 %, et les brasseurs dont nous parlons aujourd'hui, les brasseurs artisans, eux, brassent environ 40 000 hectolitres — donc, vous voyez que c'est une infime partie de la bière brassée au Québec, les gens qui vont pouvoir enfin bénéficier de cet assouplissement à la loi, qui va leur permettre de vendre pour emporter — 40 000 hectolitres, et ce qui touche, par contre, quand même une bonne partie des microbrasseurs au Québec, qui sont au nombre de... j'avais mes chiffres ici; 53 brasseurs sur les 140 sont des brasseurs artisans et qui brassent 40 000 hectolitres.

Donc, on touche, avec ce projet de loi, beaucoup d'entreprises, mais un petit nombre d'hectolitres, et ce qu'on croit, c'est que l'impact va être un impact majeur pour ces petites entreprises sans avoir d'impact négatif dans tous les intervenants qui sont touchés à l'extérieur des microbrasseries. Et, justement, ces intervenants... depuis le temps que nous travaillons sur ce projet de loi... ou, en fait, sur cette modification réglementaire, nous avons eu la chance de parler avec les différents intervenants qui pouvaient être touchés et nous avons fait nos devoirs.

Aujourd'hui, nous allons passer quelques minutes à vous présenter ce qui peut sembler être des points névralgiques dans ce projet de loi et pour vous montrer que nous avons fait nos devoirs.

Un des premiers points dont on veut vous parler aujourd'hui, ce sont les heures d'opérations de la vente de la bière pour emporter, parce que, nous le savons, la vente de bière pour emporter chez les détaillants est, au Québec, permise entre 8 heures et 23 heures, alors que les broues-pubs, ou les brasseurs artisans, peuvent opérer entre 8 heures et 3 heures du matin, ce qui fait qu'il y a là un petit problème. Et, après avoir discuté avec nos comités et avoir discuté avec les brasseurs artisans, tous sont d'accord pour se conformer aux heures de vente CAD, donc entre 8 heures et 23 heures, en ce qui a trait à la bière pour emporter. Par contre, il y a une petite chose qu'on a constatée quand on a commencé à regarder tout ce qu'il y avait comme points dans les modifications réglementaires : il y a beaucoup... d'alinéas, excusez-moi, beaucoup d'alinéas, et je vais vous faire grâce... je ne commencerai pas à vous les lire ici, mais, quand vous allez voir le point 6.2... en fait, je vais vous le résumer, puis vous allez pouvoir comprendre où est-ce qu'est la problématique. C'est qu'il est écrit que, quand on a le droit de vendre chez les détaillants, les personnes doivent être sorties de l'établissement après les heures de vente. Et vous comprendrez que ce qu'on veut s'assurer... et je suis sûr que le législateur, dans son désir d'assouplir cette loi-là... était de permettre quand même aux broues-pubs, aux brasseurs artisans, de continuer à opérer lorsque l'heure de vente pour emporter va être dépassée. Ce qui veut dire qu'il y a à quelque part... on a fait une suggestion que vous avez dans notre mémoire, d'un petit alinéa qui devrait être ajouté pour spécifier que les brasseurs artisans peuvent vendre jusqu'à 23 heures de la bière pour emporter et, à partir de cette heure-là, les clients peuvent tout de même continuer à être présents dans leur établissement pour boire une bière sur place. Donc, c'est une petite chose qu'on voulait spécifier avec vous.

Un autre des points qui a fait partie de nos discussions, c'est le contenant utilisé pour l'empaquetage des bières qui seront vendues pour emporter. Nous avons apporté ici deux cruchons que l'on appelle communément des «growlers», et ne vous posez pas la question, ils sont vides, malheureusement, on n'a pas pu passer la sécurité avec; donc, Catherine a bu le petit, et j'ai bu le gros. Mais donc ce sont ces fameux cruchons qui vont être, disons, les contenants de prédilection utilisés par les brasseurs artisans pour pouvoir vendre leurs bières. Le plus petit ici contient 900 millilitres, et l'autre est 1,9 litre. La raison pour laquelle nous allons avec des contenants comme ceux-ci, c'est pour s'assurer que le contenant utilisé ne viendra pas causer de problème sur la flotte de contenants qui sont utilisés dans l'industrie selon les ententes de recyclage. Donc, on ne veut pas venir polluer la flotte de contenants des grandes brasseries et même des microbrasseries du Québec.

Une autre chose qui sera à spécifier, c'est que, sur ces contenants-là, il y a le nom de la brasserie, la consigne, le montant de la consigne et l'endroit où ils peuvent être échangés. On veut assurer aussi nos détaillants en alimentation, qui ont déjà en masse de problèmes à récupérer tous les contenants qui se retrouvent sur le marché, qu'ils n'auront pas à travailler avec, encore une fois, une prolifération de contenants qui viendrait compliquer le ramassage. Et, bien sûr, avoir une consigne qui est assez élevée pour s'assurer... donc, on parlait de 5 $, pour s'assurer que les contenants vont être retournés chez le brasseur et pourront même être remplis.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Lisée) : M. Tremblay, il vous reste une minute.

M. Tremblay (Frédérick) : Deux minutes?

Le Président (M. Lisée) : Une minute.

M. Tremblay (Frédérick) : Une minute? Ce qui nous amène au prix minimum, un autre point sur lequel nous avons été beaucoup questionnés, le prix minimum. Et là, encore une fois, ne vous inquiétez pas, le prix minimum, si on regarde actuellement sur le marché, est autour de 2,83 $ le litre, et puis c'est en deçà du prix de production de la bière pour un microbrasseur. Alors, il n'y a pas vraiment dans les plans de match de personne de commencer à vendre en bas du prix minimum. Un petit «growler» comme ça devrait se vendre autour de 10 $ le litre. Donc, encore une fois, pour le prix minimum, ne vous inquiétez pas, nous allons le respecter.

Et, pour ce qui est de la salubrité, encore une fois, aucun problème, partout à travers le monde, ces contenants sont utilisés depuis très, très longtemps, et seront utilisés, et seront nettoyés, et le brasseur va s'assurer que tout va être fait dans les règles de l'art pour ne rendre personne malade.

C'est court, 10 minutes. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lisée) : Merci. Alors, de toute façon, dans le cadre des échanges, vous pourrez préciser un certain nombre de points. Faites comme les politiciens : quelle que soit la question, vous passez votre message, et puis normalement ça fonctionne assez bien.

Alors, M. le ministre, pour le gouvernement, vous avez 13 minutes.

M. Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Alors, M. Tremblay, Mme Dionne Foster et M. Tremblay, bonjour, merci d'être là, d'être venus. Et, non, vous n'étiez pas nerveux. Ça ne s'est pas remarqué, en tous les cas. Vous avez fait une bonne présentation.

Peut-être, avant de commencer, et vous avez un peu expliqué ça, les microbrasseries... en fin de compte, qu'est-ce qui distingue une microbrasserie d'une brasserie. Évidemment, les deux, vous avez un permis industriel, et je suis d'accord que le nom est un peu... mais enfin c'est comme ça, mais à part ça...

M. Tremblay (Frédérick) : ...premièrement, pour distinguer une microbrasserie d'un grand brasseur, c'est 300 000 hectolitres de bière produite et moins pour être une microbrasserie.

Et puis — bien, je vais pouvoir en profiter, justement, par la bande pour vous faire un autre bout que je n'ai pas eu le temps de faire dans mon 10 minutes — la distinction entre le brasseur et le brasseur artisan, maintenant. Le brasseur artisan n'a le droit de vendre qu'à la propriété, que sur l'endroit de production, ou passer par la SAQ, ou vendre à l'extérieur du Québec. Curieusement, on a déjà entendu souvent des brasseurs se plaindre qu'il était plus facile de vendre aux États-Unis que de vendre au Québec quand ils avaient un permis de brasseur artisan. Mais, bon, c'est sûr qu'on comprend qu'un des désirs que ces brasseurs artisans avaient était de pouvoir vendre pour emporter à leurs clients. D'ailleurs, on a des très bons contacts et on a entendu dire que certains députés et élus ont déjà été confrontés à ce malaise de vouloir partir avec sa bière préférée lorsqu'ils étaient chez un brasseur artisan et de se voir refuser le droit... Donc, on est contents que vous ayez eu à passer par là.

Le brasseur qu'on appelle, malheureusement, industriel, mais qui est, en fait, le permis de brasseur, lui a le droit de vendre chez tous les détaillants en alimentation, chez les restaurateurs, donc les détenteurs de permis, et grossistes selon les différents permis, donc peut distribuer à l'extérieur de son établissement et a, depuis la fin des années 90... une modification qui avait été faite permet aussi depuis ce temps-là de vendre sur place. Et ça, je peux vous dire que c'est une mesure qui a été mise en place en 1996, qui a permis l'éclosion des microbrasseries telles qu'on les connaît aujourd'hui au Québec. Parce que, vous savez, à la fin des années 90, il y avait eu quand même beaucoup de microbrasseries qui avaient tenté leur chance à l'extérieur des grands centres mais qui avaient dû fermer parce que ce n'était pas évident de commencer à essayer de distribuer sur les marchés ou d'aller atteindre différents restaurants ou points de vente. La compétition était féroce.

Donc, en 1995, quand ce nouvel allègement là a été rendu possible, ça a permis, d'abord et avant tout, aux brasseurs de vendre sur place, de se créer une clientèle. Et c'est ce qui nous est arrivé à nous, à Microbrasserie Charlevoix, en 1998, quand on a ouvert. Ça nous a permis de faire nos classes, de se faire connaître et ensuite de pouvoir prendre un essor comme ça. Sans cette modification, qui a eu lieu à la fin des années 90, je ne suis pas sûr qu'on parlerait de 140 microbrasseries au Québec. Et, pour nous, on croit que ce qu'il y a présentement dans le projet n° 88 peut avoir une incidence tout aussi bénéfique pour les brasseurs artisans, parce que ça va permettre leurs marchés de proximité... les personnes qui aiment leurs bières, de pouvoir aller chercher leurs bières dans un contenant comme celui-là, de repartir à la maison pour consommer chez eux leurs bières préférées. Et puis, vous savez, il y en a beaucoup, de ces brasseurs artisans qui sont à l'extérieur des grands centres, donc les hivers ne sont pas toujours faciles économiquement. On pense que ce qui est suggéré dans le projet de loi n° 88 est très, très bon pour eux.

M. Leitão : Très bien. Merci. Maintenant, il y a aussi, je pense, une question de taxe, donc, les microbrasseries paient une taxe corporative...

M. Tremblay (Frédérick) : Mais ça, c'est super, parce que vous l'avez vous-même réglé, ce problème-là des taxes, avec votre premier budget. À titre de ministre des Finances, vous avez nivelé les taxes entre la CSP puis la CAD — consommation sur place ou consommation à domicile. Donc, je pense que c'était un point qui était beaucoup discuté auparavant quand on demandait à avoir ce droit de bière pour emporter, mais maintenant je pense qu'on n'en parle plus.

M. Leitão : O.K. Très bien. J'ai appris, M. le Président, de passer les messages. Ça s'apprend.

Un court commentaire, et puis après une question, et je passe la parole après à mes collègues. La suggestion que vous apportez, donc, pour les heures d'ouverture, pour que les personnes puissent rester sur place après 23 heures, vous avez entendu aussi le député de Rousseau dire que ça avait l'air correct, ça, et moi aussi, je pense que ça ne serait pas anormal de faire ça.

M. Tremblay (Frédérick) : C'est un malencontreux oubli, là, mais ça va être réglé.

M. Leitão : Donc, on va l'arranger. Une autre chose : le recyclage. Donc, vos contenants, donc, ils... la situation maintenant, ils sont retournés chez vous?

M. Tremblay (Frédérick) : Oui, absolument. Ce sont des contenants à remplissages multiples. Donc, comme je vous le disais, c'est une consigne de 5 $, il n'y a pas personne qui a avantage à mettre ça dans le bac bleu. À 5 $, on va retourner soit chez le brasseur, qui peut reprendre le contenant moyennant la consigne, le nettoyer et le remplir à nouveau... mais ce qu'on connaît de ces pratiques-là partout, quand on regarde au Vermont ou dans les autres provinces qui ont déjà le droit de vendre pour emporter, habituellement, le consommateur s'approprie son cruchon puis il va le conserver. C'est une fierté aussi, là. Puis ce qui va arriver aussi, des fois, ils vont se promener d'un brasseur à l'autre, et là on verra qui sont les brasseurs qui ont le plus d'affinités et qui vont accepter de remplir les contenants de leurs confrères brasseurs. Donc, quand on parle de recyclage, pour ça, c'est vraiment une vedette.

M. Leitão : Très bien. Les collègues, si vous avez des questions...

Le Président (M. Lisée) : M. le député, allez-y.

M. Fortin (Pontiac) : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Tremblay, Mme Dionne Foster, c'est un plaisir de vous avoir. On vous connaît par vos bières, mais ça fait plaisir de vous avoir ici avec nous.

Écoutez, vous semblez avoir deux préoccupations principales, là, au-delà de votre approbation aux principes généraux, disons, du projet de loi, vous semblez avoir deux préoccupations principales, la première étant les heures que vous venez de discuter avec le ministre et qui semblent faire un certain consensus, donc je vais passer à la question des contenants, si on veut. Le «growler», moi, je le connais — moi, j'habite en région frontalière — parce que les brasseurs du côté ontarien l'utilisent. De la façon qu'ils semblent l'utiliser, le contenant que vous proposez aujourd'hui, là, de la façon qu'ils semblent l'utiliser, c'est en vente à la brasserie comme telle ou au point de la microbrasserie, et donc les gens achètent le «growler» rempli, le ramènent, l'échangent pour un contenant propre, disons, et le remplissent sur place, là, avant de quitter.

Est-ce que c'est le modèle que vous proposez? Parce que vous parlez aussi de le ramener dans des points de vente, là, qui accepteraient de le reprendre. Donc, expliquez-moi exactement votre proposition.

M. Tremblay (Frédérick) : En fait, on laisse la latitude aux brasseurs là-dessus, mais il n'est pas question de retourner à un point de vente... Le point de vente, c'est chez le brasseur, donc c'est lui. Et puis là il va y avoir différents... Ça dépend toujours du volume aussi. On n'a pas voulu s'ingérer, disons, dans la gestion de ça. Il va y avoir probablement des brasseurs qui vont avoir beaucoup plus d'achalandage que d'autres, et, effectivement, ce qu'on risque de voir à ce moment-là, il va y avoir des brasseurs qui vont avoir un frigo avec les cruchons préremplis et là il pourra y avoir le consommateur qui arrive, qui revient changer, il repart avec un qui est rempli, puis là le brasseur va le nettoyer lui-même. Il y en a qui vont avoir des installations. On a eu beaucoup de discussions là-dessus autour de ça lors de notre congrès, qui avait lieu ici même, au Centre des congrès, au mois de novembre.

Et il y a plusieurs pratiques. Donc, il y a la pratique... soit ils ont été remplis d'avance; il y en a qui vont préférer pouvoir le remplir à l'ordre, à la demande du consommateur, parce qu'il y en a qui vont avoir 25 lignes de fût, là, donc ça y va à l'ordre, comme on dit, en restauration. Et ça, en réalité, on laisse la latitude aux brasseurs. On voit de tout. On a eu la chance même d'avoir une conférence qui nous a été donnée par le responsable des brasseurs artisans de la Brewers Association aux États-Unis — alors, je vous dis qu'eux, ils en ont quand même plusieurs, là — qui est venu nous parler que tout se fait, tout se fait.

• (15 h 40) •

M. Fortin (Pontiac) : Et il n'y avait pas de résistance de la part de certains membres de votre industrie à ce niveau-là, je pense que c'était quelque chose qui était accepté de la part de tout le monde.

M. Tremblay (Frédérick) : Je crois, ce qui est important quand on parle du contenant, c'est de s'assurer que l'adresse, le propriétaire... en fait, la brasserie qui a issu, qui a émis le «growler» est clairement identifiée. Il faut clairement identifier aussi que le contenant est retournable uniquement à cet endroit-là avec la consigne pour s'assurer qu'il n'y aura pas un IGA qui va se faire présenter le «growler» ou une autre microbrasserie où quelqu'un va arriver puis dire : Bien, écoute, moi, je l'ai acheté, c'est une microbrasserie. Donc, ces petits irritants là, on veut les mettre, et, vous allez voir, dans notre mémoire, on a clairement dit comment procéder pour ça.

M. Fortin (Pontiac) : Très bien. Votre mémoire... et vous y avez fait référence en ouverture, mais votre mémoire fait référence clairement à un des objectifs de votre planification stratégique que vous vous étiez donnés en 2007, soit de passer la part de marché des microbrasseries québécois de 4,5 % à 12 %. Vous nous avez dit que vous êtes rendus à environ 8,2 %, il vous reste un an. Qu'est-ce qui fait que vous n'êtes pas rendus complètement à l'objectif? Parce que, là, vous nous avez parlé du fait que nous, on n'a pas changé la législation sur la bière depuis très longtemps. Vous avez parlé d'autres projets de loi que vous aimeriez débattre.

Donc, qu'est-ce qui manque pour vous permettre d'atteindre vos objectifs stratégiques?

M. Tremblay (Jean-Pierre) : Effectivement, quand on s'est donné cet objectif-là, c'était un objectif, finalement, de volume, mais, en même temps, de par la planification stratégique, il était ressorti qu'il y avait un préliminaire qu'on devait se donner, c'était de se donner un programme qualité justement parce que, pour en arriver à cet objectif-là, pour le développement des affaires, il fallait aller vers des campagnes pools. Or, des campagnes pools de groupe, s'il y en a qui ont des préoccupations des systèmes qualité, d'autres ne l'ont pas. Ce que des microbrasseries de la première génération nous ont dit : S'il n'y a pas de ce programme-là, pensez-y pas, à faire des campagnes de ce type-là, parce que jamais ceux qui ont des programmes qualité ne vont accepter de faire des campagnes pools avec d'autres qui ne l'ont pas.

Alors donc, ça nous a indiqué qu'il fallait avoir un prérequis qui était un programme qualité. On pensait régler ça rapidement. On s'est aperçus qu'il n'y avait aucune association, ni au Canada, ni aux États-Unis, ni en Europe, d'associations de microbrasseries qui avait un tel programme qualité. Des programmes qualité dans une entreprise, puis tout ça, oui, ça existe, mais d'une association de microbrasseries qui s'assure une autogouvernance, ça n'existait pas, donc il a fallu bâtir notre programme.

Actuellement, le programme qualité de l'association, ça a pris trois ans au lieu d'en prendre un. On est rendus maintenant vers un programme de certification. On s'en va vers une marque qualité microbrasserie Québec. Alors, ça fait tout partie de la démarche qui devait être mise, autant que possible, en trois, quatre ans pour nous supporter dans nos efforts pour aller vers le 12 %, mais, compte tenu de tout ce travail-là qu'il a fallu faire, ça a créé quand même une certaine forme de retard dans ce qui s'appelle le volet développement des affaires. Mais on avait une autre ligne de travail; autant on avait du pool à faire pour le consommateur, il y avait du «push» à faire, et devinez où?, dans le cadre législatif et réglementaire. Parce que, de toute façon, tout ce qu'on peut développer, s'il y a des problèmes d'accès aux tablettes parce que la législation est complètement mal appliquée, si les microbrasseries ne peuvent pas avoir d'échange entre elles pour éventuellement s'entraider pour se développer : s'il y en a une qui est rendue plus loin dans son volume, elle peut faire du volume pour une autre ou, s'il y en a une qui est rendue plus loin dans sa distribution, elle peut faire la distribution... bien, voyez-vous, actuellement, ça ne peut pas se faire. Est-ce que c'est défendu? Ce n'est pas défendu, ce n'est même pas défendu dans les lois, c'est tout simplement qu'on a une loi qui date de la prohibition, c'est un esprit de prohibition et que, quand ce n'est pas écrit, tu n'as pas le droit de le faire.

Alors, c'est ce qu'on répète et ce qu'on dit depuis des années et des années, et vous voyez que, simplement, c'est de régler ces choses-là, de pouvoir faire des échanges de services entre microbrasseries, de pouvoir se donner finalement des entraides de distribution ou de fabrication, c'est fondamental. Et ça, actuellement, ça ne peut pas se faire, on est nettement en retard, ça prend beaucoup trop de temps à changer les lois et les règlements, le cadre législatif; c'est une des raisons majeures qu'on a.

Et ce qu'on peut vous signaler en même temps, c'est qu'au point de vue, par exemple, de la... Et là le paradoxe de l'histoire, c'est que tantôt le ministre...

Le Président (M. Lisée) : Vous arrêtez pour l'instant, s'il vous plaît.

M. Tremblay (Jean-Pierre) : ... — je veux juste compléter là-dessus — mais, le ministre Leitão, on a apprécié beaucoup la décision qu'il a prise en novembre par rapport à une recommandation du rapport Godbout qui a maintenu un statu quo. Mais, dans notre cas actuellement, la proposition qu'on fait, c'est d'avoir un taux progressif, c'est de changer le seuil d'éligibilité qui en même temps définit ce qu'est une microbrasserie, parce que, on vous le dit, il y a déjà au moins une microbrasserie actuellement qui est très forte en exportation, et, si on n'apporte pas ces modifications-là, le plan de fabrication qui est au Québec pour faire de l'exportation aux États-Unis, bien il va être déplacé aux États-Unis. Alors, voyez-vous que tout ce volume-là...

Le Président (M. Lisée) : Vous aurez l'occasion de continuer les échanges avec maintenant l'opposition officielle. Donc, je demanderais au député de Rousseau de prendre la relève.

M. Marceau : Merci. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, messieurs, et bonjour, madame, merci pour votre mémoire. Peut-être pour commencer... le projet de loi, tel qu'il est présentement rédigé, va vous permettre de vendre, donc, sur les lieux de fabrication, pour emporter. Est-ce que vous réclamez le droit de pouvoir vendre aussi dans les épiceries? Est-ce que c'est quelque chose que vous aimeriez à terme ou...

M. Tremblay (Frédérick) : Ce n'est pas...

M. Marceau : Comment vous positionnez-vous là-dessus?

M. Tremblay (Frédérick) : Ce n'est pas quelque chose que nous demandons pour l'instant. Le permis de brasseur le permet. Là où c'était un petit peu difficile présentement, c'est que, dans le fond, pour le permis de brasseur artisan, ce n'était pas permis de vendre pour emporter, à tout le moins. Et puis, en fait, pour répondre à cette question-là, on a Catherine ici, là, qui a pignon sur rue à quelques centaines de mètres d'ici, qui est une brasseur artisan, je pense, qui pourrait vous parler un peu de c'est quoi, être brasseur artisan, parce qu'il y a une philosophie qui est un peu différente aussi en tête, un brasseur qui veut se lancer dans les réseaux de distribution, dans la récupération de bouteilles, le lavage, et tout ça, et être un brasseur artisan. Ça fait qu'on va lui laisser... on a tellement parlé, les deux Tremblay.

Mme Dionne Foster (Catherine) : Oui. Bien, c'est sûr que le modèle d'affaires d'un brasseur artisan est un petit peu différent d'une microbrasserie qui va distribuer, comme Frédérick, dans les dépanneurs, les épiceries, et tout ça.

Moi, mon modèle d'affaires, dans le fond, ce qui est vraiment important pour moi, ça fait partie de mes valeurs personnelles aussi, c'est vraiment le côté artisanal, c'est le côté petite entreprise à échelle humaine, petite production, fabrication faite à la main dont presque rien n'est automatisé puis où moi, je peux avoir le contrôle, dans le fond, sur toutes les étapes, là, de... que ça soit de l'achat des matières premières à la fabrication, à la mise en marché, puis à voir mes clients aussi déguster mon produit ou, tu sais, à le revoir après puis avoir directement des commentaires du client. Puis ce n'est pas nécessairement de vouloir augmenter mon volume de production, puis, tu sais, de vouloir vendre dans les dépanneurs, les épiceries. Donc, je tiens à ce que ça reste artisanal, je tiens à ce que ça reste petit. Puis, en même temps, bien, si on peut vendre pour emporter, ça va nous permettre de s'insérer encore mieux dans la dynamique de quartier, exemple, moi, qui est dans... la Korrigane, qui est dans le quartier Saint-Roch, où il y a une boulangerie, une fromagerie, une charcuterie. Donc, les gens vont se promener d'une boutique à l'autre, finalement, pour aller acheter leurs produits agroalimentaires, donc ça serait le fun qu'ils puissent compléter ça par une bouteille de bière. Encore là, si on pouvait avoir l'opportunité aussi peut-être de vendre nos bières, des fois, peut-être dans des restaurants ou dans des bars, en baril, ça pourrait être intéressant pour permettre des échanges puis faire connaître un petit peu notre produit à l'extérieur.

C'est ça. Donc, dans le fond, c'est de rester dans un esprit vraiment artisanal, petite production mais de pouvoir faire rayonner notre produit un petit peu à l'extérieur de l'établissement.

M. Tremblay (Frédérick) : Vous savez, si le gouvernement était ouvert à cette opportunité puis voulait discuter avec nous, on serait sûrement disposés à en discuter, mais ça a déjà été demandé depuis 15 ans environ, à avoir un peu une équité qui permettrait aux brasseurs artisans de vendre un peu partout, puis ça a toujours été refusé. Alors, je pense que ce qui est... Puis, en fait, quand on faisait le tour des membres et quand on faisait le tour des brasseurs artisans, ce qu'on nous disait, c'est : Nous, ce qu'on veut, c'est vendre pour emporter. Si on est pour, encore une fois, se voir refuser le droit de vendre pour emporter parce qu'on essaie d'aller trop loin, bien c'est... On ne veut pas la perdre celle-là, là.

• (15 h 50) •

M. Marceau : Je comprends. Parfait. On a parlé, avec les fabricants de cidre, d'étiquetage, de timbres. Dans votre cas, est-ce qu'il y a quelque chose d'équivalent? Vous parlez du contenant, mais est-ce qu'il faut, en plus de ça, apposer sur la bouteille un timbre, une étiquette, quelque chose qui permet de...

M. Tremblay (Frédérick) : Vous voulez dire, les timbres de droits, là, pour vendre dans les épiceries?

M. Marceau : Oui.

M. Tremblay (Frédérick) : Bien, en fait, ça, ça fait partie des 12 recommandations. On pourrait en parler pendant des heures. Ça ne s'appliquerait pas dans ce cas-là, parce qu'en réalité le produit qui va être embouteillé devient un produit qui est, pour être CAD, vente pour consommation à domicile. Les timbres sont habituellement lorsqu'on vend à un tiers qui est un détenteur de permis d'établissement, comme de restauration ou bar, et, là, qui doit prouver qu'il a payé ses taxes au gouvernement ou qu'il a acheté en bonne et due forme ses produits à une brasserie, alors qu'on trouve que ça n'a plus d'application depuis que les deux taxes ont été nivelées. Mais, bon, c'est un autre débat qu'on espère pouvoir avoir bientôt pour faire abolir ce fameux timbre, qui cause énormément de préjudices et qui coûte énormément cher à l'État, à nos yeux, et aux petites brasseries, qui doivent l'appliquer.

M. Marceau : O.K. Autre question dans la perspective de votre développement futur. On m'a fait part de ce qu'il existait une volonté de créer un programme, au cégep de Jonquière, en technique de production en microbrasserie, puis il y a un intervenant, la semaine dernière... peut-être que c'était M. Courville, qui nous rappelait qu'en Nouvelle-Écosse, là-bas, pas en microbrasserie, plus dans la vinification, en tout cas, la production de vin, il y avait, donc, des programmes là-bas qui existaient. Au Québec, à ma connaissance, il n'y en a pas ni du côté production de bière ni du côté production de vin.

Est-ce que vous croyez que ce serait quelque chose d'important pour la suite des choses, pour vous, là, que soit mis sur pied un tel programme? Et puis, évidemment, là, de mettre en place un programme comme celui-là, ça implique des changements aux lois, parce que les lois ne sont pas prévues pour que puisse se mettre en place une production d'alcool dans une institution d'enseignement, là, il y aurait des adaptations à faire. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus : Est-ce que les enjeux de main-d'oeuvre, de savoir-faire sont des enjeux auxquels vous faites face, puis est-ce que vous croyez que votre industrie profiterait de la mise en place d'un tel programme?

M. Tremblay (Frédérick) : Je peux vous dire que Microbrasserie Charlevoix, on est une petite brasserie, là, dans toutes les grosses, comme on vous disait, on en est quand même une petite, et ça fait trois postes d'assistant brasseur, en dedans de six mois, qu'on affiche. On en a déjà deux d'embauchés puis on en a un troisième. Et effectivement, cette main-d'oeuvre-là, présentement on va la chercher chez les brasseurs maison, les brasseurs amateurs, mais on doit les former. Et, oui, il y a un très gros manque dû au fait que les institutions n'ont pas le droit de produire d'alcool.

Je ne sais pas s'il y aurait possibilité, avec ce projet de loi ou avec un autre projet de loi, de permettre aux institutions d'avoir un permis éducatif de production d'alcool. Mais, effectivement, de donner des cours théoriques, c'est bien beau, mais nous, on est obligés de faire énormément de formation, et ça nous aiderait, là, vous n'avez pas idée, d'avoir quelqu'un qui a eu la chance de travailler, de brasser, de fermenter... parce que, là où ça devient compliqué, c'est à partir du moment où on fermente et ça devient de l'alcool. Parce que brasser, c'est bien beau, mais je peux vous dire que les brasseurs vont vous dire : Le processus ne s'arrête pas au brassage. Tout ce qu'il y a de filtration, de fermentation, tout ce qui touche le processus de fabrication de bière suivant le brassage est très, très important.

Alors, la réponse à votre question, c'est : Oui, s'il vous plaît, aidez-nous, aidez les institutions à nous aider, parce qu'on en a un grand, grand besoin.

M. Tremblay (Jean-Pierre) : D'autant plus que les petites administrations, des PME, des très petites entreprises... donc, plus de main-d'oeuvre pour faire la même production. Ce n'est pas une production de masse avec des immenses équipements, c'est une production qui se fait avec plus de main-d'oeuvre. Et donc, à ce moment-là, vous l'avez déjà vu, on a créé plus de 3 800 emplois dans le secteur des microbrasseries en 25 ans, et il n'y a toujours pas de programme. Et ça continue. Donc, effectivement, c'est très, très, très important. C'est une lacune majeure actuellement. En tant que pays producteur, par rapport à d'autres pays producteurs, on est nettement en retard là-dessus. C'est le temps qu'il se fasse un rattrapage, et, oui, ça serait bon qu'il y ait un permis de brasseur pour les institutions qui vont vers des programmes sérieux.

Le Président (M. Lisée) : Merci. On va passer maintenant à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour trois minutes.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs dames. Contente de vous voir. En fait, si je comprends bien, ce que vous dites, c'est : Le projet de loi qui est là, c'est un excellent pas, avec les modifications dont vous avez proposé... Et je sens énormément d'ouverture de la part du ministre et des oppositions, ce qui est bien heureux. Mais ça, c'est une chose. Et là vous nous parlez toujours un petit peu à côté en disant : Ah oui! mais ça, si on avait... ah oui! mais ça, si vous pouvez le mettre dans le projet.

Alors, j'aimerais que vous me confirmiez, un, que le pas qui est là, dans le projet de loi, avec l'aménagement sur la possibilité de rester sur place et continuer de consommer et tout l'aménagement au niveau de la consigne des bouteilles, ça, ça vous ferait... parfait pour ce projet de loi là. Mais, en même temps, vous nous invitez à un autre projet de loi rapidement. Alors, moi, je voudrais... parce qu'en trois minutes, vous allez voir... si vous trouviez que 10, ce n'est pas gros, trois, on oublie ça. Si j'ai bien compris ça... et j'ai bien entendu aussi votre dernière interpellation sur : Si on pouvait inclure dans le projet actuel quelque chose au niveau des établissements scolaires, on aimerait ça — ça, je n'en suis pas certaine, mais... — bref, l'autre projet de loi, là, il faudrait qu'il s'attaque à quoi, principalement?

M. Tremblay (Frédérick) : Il y a beaucoup de choses. Dernièrement, on a envoyé encore une lettre au gouvernement demandant de remettre en place un comité interministériel qui nous permettrait d'aller adresser tous les points — on a une douzaine de points, de recommandations qu'on a donnés au gouvernement — parce que c'est tellement large, ça touche tellement de choses. Et, ultimement, ce que ça prendrait pour répondre à tous ces problèmes-là, ça serait d'avoir une politique de développement de l'industrie des microbrasseries au Québec, parce que c'est beau de vouloir faire du pièce-à-pièce, mais, quand on met en place une politique, c'est très clair, on dit : On veut développer cette industrie-là, qui crée de l'emploi partout à travers le Québec.

Ce qui est beau avec notre industrie, c'est que maintenant vous en avez partout à travers le Québec, dans les régions. Ce sont des jeunes entrepreneurs qui retournent... après être allés étudier à Montréal, s'être tannés dans le trafic, qui décident de retourner en Gaspésie, de retourner aux Îles-de-la-Madeleine, dans Charlevoix pour aller repartir une entreprise qui va s'investir dans sa région. Donc, ça répond tellement à tout ce qu'on a comme impératifs au Québec pour être capables de redynamiser ce Québec-là, qui est un peu endormi présentement, là. Bien, ça, c'est sûr que d'avoir une politique, pour nous, de pouvoir s'asseoir avec un comité interministériel, de discuter de ces enjeux-là avec toutes les personnes qui sont concernées et d'arriver à des consensus, ça nous ferait gagner énormément de temps, et on arriverait avec des projets de loi comme celui d'aujourd'hui, où, dans le fond, on sent effectivement qu'on a un très bon accueil. Et, en fait, on trouve aussi que, de la manière que vous l'avez rédigé, pour nous, à part la petite inquiétude qu'on avait tantôt, il correspond à nos besoins. Puis je pense que c'est ce qu'on a besoin pour pouvoir continuer à développer notre industrie.

Le Président (M. Lisée) : M. Tremblay, M. Tremblay, Mme Dionne Foster, merci beaucoup d'avoir été avec nous, merci de vos commentaires. Je suspends la séance pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

(Reprise à 16 h 1)

Le Président (M. Lisée) : ...encore une fois, à ceux qui sont arrivés avec des téléphones cellulaires, des «beepers», téléavertisseurs, ou autres, iPad, de les mettre en mode silencieux.

On va poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 88, Loi sur le développement de l'industrie des boissons alcooliques artisanales. Nous avons le plaisir de recevoir le Conseil canadien du commerce de détail. Bienvenue. Pour les fins de l'enregistrement, je vais vous demander de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Conseil canadien du commerce de détail (CCCD)

Mme St-Pierre (Nathalie) : Alors, je suis Nathalie St-Pierre, directrice générale pour le Québec du Conseil canadien du commerce de détail, et je suis accompagnée de Me Carole Fortin, qui travaille également dans notre équipe.

Alors, M. le Président, M. le ministre — je pensais que Mme la députée serait là — alors, MM. les députés, nous vous remercions de nous permettre de vous présenter les recommandations de nos membres au sujet du projet de loi n° 88, que d'emblée nous accueillons favorablement.

Alors — rapidement — notre organisation a été fondée en 1963 et représente la voix des détaillants au Canada et au Québec représentant quelque 45 000 établissements à travers le Canada, et nous représentons évidemment plusieurs des chaînes qui sont connues au Québec, incluant Costco, Metro, Provigo, Sobeys-IGA, qui offrent à leurs clientèles des boissons alcooliques, dont la bière, le vin et le cidre, et ces détaillants qui sont également des distributeurs autorisés par la SAQ.

Alors, nous vous félicitons de l'initiative de déposer le projet de loi n° 88, qui a comme objectif le développement de l'industrie des boissons alcooliques artisanales. Si d'emblée ce projet de loi est positif, nous croyons que le moment est venu, cependant, de permettre l'organisation de la distribution et de la mise en marché de toutes les boissons alcooliques et de la bière selon les impératifs et les besoins d'une distribution efficiente et performante et répondant aussi aux attentes et aux besoins des consommateurs. Il faut donc revoir, à notre avis, certaines normes et enlever les barrières qui limitent le potentiel des distributeurs autorisés, qui, rappelons-le, sont également détenteurs de permis d'épicerie. Ces barrières font passer nos membres pour un club-école, on l'a entendu, une ligue mineure, alors que, selon nous, nos membres sont de vrais professionnels. Preuve à l'appui, la SAQ a affirmé qu'au cours des cinq derniers... des cinq derniers exercices, pardon, le taux de croissance annuel moyen des ventes réalisées en volume est de 2,1 % pour le réseau des succursales et des centres spécialisés et de 2 % pour celui des grossistes et épiciers. Alors, la différence de 0,1 % démontre que, malgré nos contraintes, les nombreuses contraintes, si on regarde par rapport à la SAQ, notre réseau est très, très performant. Et, fiers de cette performance et connaissant tout le potentiel, nos membres souhaitent vous présenter leurs recommandations, qui viseraient à doter le Québec d'un véritable réseau de distribution et d'une mise en marché moderne, efficace et innovante.

Alors, à titre de représentant des distributeurs autorisés, le conseil souhaite que le gouvernement leur permette d'acheter, d'entreposer et de distribuer des boissons alcooliques embouteillées et fabriquées au Québec et la bière, ce qui simplifierait la logistique de vente et de livraison des vignerons et des fabricants et leur donnerait accès à un grand nombre de points de vente à travers le Québec.

Le développement de cette industrie étant au coeur du projet de loi, il faut dès maintenant prévoir sa modernisation et des choix pour la vente, l'entreposage et la distribution pour y inclure les distributeurs autorisés. Nous vous référons donc à notre recommandation n° 4, qui est de permettre la vente et la livraison à un distributeur autorisé et de lui permettre d'entreposer, de distribuer et de vendre, dans son réseau, des boissons alcooliques fabriquées et embouteillées au Québec. C'est le coeur de notre intervention, et nous sommes très déçus et même surpris de constater que, dans le projet de loi, il n'y a aucun rôle qui est prévu pour la distribution par les distributeurs autorisés mais qu'il y a uniquement un rôle de livraison directement dans les épiceries. Pourtant, les vignerons vous ont dit qu'ils ne veulent pas nécessairement faire la livraison — on a même entendu parler, par exemple, d'initiatives comme Purolator ou d'autres — et nous croyons qu'il est opportun de leur offrir la possibilité d'utiliser les distributeurs autorisés pour vendre dans un vaste réseau d'épiceries sans avoir à passer par la SAQ. Évidemment, on parle toujours ici de produits fabriqués et embouteillés au Québec.

Dans un contexte où le projet de loi vise le développement de l'industrie, nous comprenons que plusieurs producteurs voudront sensiblement augmenter leurs volumes de vente, mais, peu importe le volume produit, en bout de piste, la vente et la distribution via un distributeur autorisé comportent plusieurs avantages. Alors, il sera plus facile de distribuer les boissons sur un plus grand territoire, les fabricants pourront réduire leurs coûts de logistique et de transport, et, grâce au réseau de nos membres, il sera facile de faire découvrir les boissons alcooliques d'un producteur d'une région géographique et touristique à des consommateurs d'une autre région ou de région éloignée, parce qu'on sait très bien qu'il n'y a pas nécessairement de la production dans toutes les régions, mais on pense que les consommateurs ont un intérêt à les connaître dans les régions pour lesquelles il y aurait moins d'accès. Il est certain que les fabricants pourront avoir accès à l'expertise du distributeur autorisé pour cibler et combler les marchés intéressants selon les volumes qui seront produits. Le gouvernement doit considérer les distributeurs autorisés comme de vrais partenaires, et nous recommandons qu'il révise la Loi sur la Société des alcools du Québec, tel qu'on le mentionne à la recommandation n° 5, notamment les articles 25.1 et 29, afin de permettre aux distributeurs autorisés de pouvoir acheter, entreposer et vendre par leurs entrepôts et leur réseau toutes les boissons alcooliques embouteillées ou fabriquées au Québec, et ce, évidemment sans passer par la SAQ.

Les distributeurs autorisés veulent également pouvoir entreposer et livrer la bière dans leurs établissements sous leurs bannières, et, lorsque nous utilisons le terme «boissons alcooliques», ceci inclut la distribution et la vente des alcools et spiritueux embouteillés ou fabriqués au Québec, comme on le mentionne d'ailleurs à notre recommandation n° 8. Le conseil croit qu'il est opportun de permettre la vente en épicerie de toute boisson alcoolique artisanale, incluant les alcools et les spiritueux fabriqués par un détenteur de permis de distillateur artisanal du Québec. Ainsi, les vignerons pourront vendre leurs vins, leurs alcools, comme la grappa par exemple, dans une même livraison aux distributeurs autorisés. Le conseil serait aussi en faveur de permettre la vente en épicerie des alcools et spiritueux de ces derniers... qui possèdent un permis de production artisanale, plutôt, une catégorie qui n'est pas incluse en ce moment dans le projet de loi.

Comme vous le constaterez, nos membres estiment que nous sommes dans une ère où il faut innover et miser sur les partenaires, dont ils sont, pour mieux rationaliser, réduire les coûts et les émissions de gaz à effet de serre et surtout mieux servir les Québécois. Saisissons donc ensemble l'opportunité de moderniser et de rendre plus efficace la distribution de boissons alcooliques embouteillées et fabriquées au Québec en utilisant le réseau des distributeurs autorisés.

Passons maintenant au rôle de nos membres, là, qui touche toute la question de la mise en marché des boissons alcooliques. Alors, vous l'avez entendue, la SAQ en a d'ailleurs parlé, toute la question qui touche l'indication de permettre le cépage et les millésimes pour les vins vendus en épicerie, que ce soient des vins de fabrication artisanale ou les vins embouteillés au Québec. Nous appuyons cette vision et demandons de modifier le projet de loi en conséquence pour le permettre, puisque cela favorisera également une meilleure connaissance et permettra aux consommateurs de mieux connaître les produits du Québec.

Nous recommandons également de... concernant la définition du vin et autres boissons alcooliques, si on regarde au niveau de notre recommandation n° 2, alors, l'authenticité — il en a été beaucoup question par ceux qui nous ont précédés — et les distributeurs autorisés et les détaillants veulent également qu'un contrôle soit fait par la Régie des alcools, des courses et des jeux en amont pour s'assurer que les boissons alcooliques fabriquées au Québec et vendues sous cette étiquette aux consommateurs soient bel et bien issues de produits du Québec. Au-delà des appellations et des certifications, qui sont volontaires et que nous reconnaissons, nous demandons que la régie protège les consommateurs et les détaillants grâce à un rôle clair et à des pouvoirs appropriés. Les détaillants ne peuvent et ne doivent pas être responsables de définir ou de certifier que leur produit sur leurs tablettes est ou n'est pas un produit répondant à des exigences précises et transparentes pour les consommateurs.

Nous recommandons aussi, au niveau de notre recommandation n° 7, qui est appuyée d'ailleurs par la SAQ et par l'Association des vignerons, de permettre à notre personnel des détaillants et à celui des distributeurs autorisés de faire des dégustations. M. Brunet l'a bien dit, les employés connaissent les produits, ils sont très connectés avec les consommateurs, pour reprendre sa propre expression, et M. Charles-Henri, qui a aussi également indiqué que c'était tout à fait... abondait dans le même sens pour dire qu'il fallait faire des dégustations pour faire connaître les produits, mais, malheureusement, la réglementation actuelle ne le permet pas, et, à notre avis, c'est désuet, et il faudrait, en toute équité, permettre aux détaillants et au personnel des distributeurs autorisés de jouer ce rôle.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Lisée) : Il reste moins d'une minute.

Mme St-Pierre (Nathalie) : Parfait. Je vous dirais qu'en plus de jouer ce rôle de la mise en marché et de la distribution nos membres sont aussi capables d'innovation, et donc de créer des nouveaux produits, et ils aimeraient bien le faire. Alors, pour ma dernière intervention, j'aimerais préciser que les distributeurs autorisés aimeraient bien développer des boissons alcooliques sous leur marque maison ou leur marque exclusive. Comme vous le savez, ils le font pour d'autres produits, et l'élaboration de ces marques répond à un besoin des consommateurs, et leur popularité en est la preuve, d'ailleurs. Alors, nous croyons que c'est la vision actuelle qui l'empêche, c'est la seule catégorie de produits pour laquelle il n'est pas possible de le faire. Cette vision est désuète, encore une fois, et des changements seraient requis. Voilà.

Le Président (M. Lisée) : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Du côté ministériel, je donne la parole au ministre des Finances pour 15 min 30 s.

M. Leitão : Très bien. Merci, M. le Président. Alors, Mme St-Pierre, Mme Fortin, bonjour, merci d'être venues, de nous faire part de vos recommandations, vos suggestions. Peut-être que je pourrais commencer par une question un petit peu d'ordre général, puisque vous êtes le Conseil canadien du commerce de détail : Comment ça se passe ailleurs, particulièrement chez nos voisins immédiats, en Ontario? On sait bien, en ce qui concerne la bière, c'est un peu étrange, un peu différent, ce qu'ils ont là-bas, mais, en ce qui concerne les vins, est-ce qu'il y a des choses qu'on pourrait apprendre d'eux en ce qui concerne la vente chez vos membres?

Mme St-Pierre (Nathalie) : Je pense qu'on pourrait se concentrer sur le Québec, qui a, je pense, un degré d'ouverture parmi les plus intéressants.

M. Leitão : O.K. Très bien. Maintenant, on a entendu aussi un peu, ce matin, des considérations de nature de santé publique, particulièrement la problématique de s'assurer que, les personnes qui ont moins de 18 ans, leur accès à ce marché soit bien contrôlé. Dans les succursales de la SAQ, il y a un contrôle qui se fait de façon très régulière. Chez vos membres, comment ça se passe? Je comprends bien que pour les plus grands détaillants c'est peut-être plus facile. Chez les plus petits, comment est-ce que vous voyez ça?

Mme St-Pierre (Nathalie) : Bien, alors, écoutez, ce sont exactement les mêmes exigences qui s'appliquent à l'ensemble de l'industrie, donc, que ce soient les plus petits ou les plus grands. Nous représentons effectivement, à la fois, là, comme je l'ai mentionné au départ, les grandes bannières, qui ont à la fois, là, des détaillants de différentes tailles. Et le principe est le même, et ils ont le même respect pour la réglementation et les lois qui existent, c'est-à-dire de s'assurer de ne pas vendre à des gens qui ont en bas de 18 ans.

M. Leitão : O.K. Et peut-être une dernière question, avant de passer à parole à mes collègues, en ce qui concerne... et vous avez insisté beaucoup là-dessus, sur la distribution. Donc, vous, vos membres, vous seriez prêts à remplir ce rôle-là, donc, de faciliter le transport des produits du vigneron, de la ferme, disons, jusqu'au détaillant.

Dans un tel contexte, comment est-ce que vous voyez la question du contrôle de qualité? Comment est-ce qu'on peut s'assurer que la chaîne de contrôle de qualité demeure intacte?

Mme St-Pierre (Nathalie) : O.K. Bien, en fait, quand on parle de permettre la distribution par les distributeurs autorisés, ça ne signifie pas, là, que le producteur, le détenteur de permis, n'a pas à respecter, dans le fond, les exigences. Et donc suivre le processus tel qu'il est décrit, c'est en amont. Donc, le processus doit effectivement être mis en place pour garantir la qualité, l'innocuité et l'authenticité des produits. Et, une fois que ce processus-là est terminé, c'est-à-dire que c'est à partir de ce moment-là que le distributeur autorisé peut jouer un rôle. Donc, le vigneron peut aller livrer directement chez un distributeur autorisé, par exemple, une quantité qui sera redistribuée, par la suite, dans des établissements en fonction des besoins ou des consommateurs, donc, de ce qu'ils souhaitent y retrouver. Alors, ça doit se faire, pour nous, en amont, et c'est essentiel.

M. Leitão : Très bien. O.K.

Le Président (M. Lisée) : M. le député de Pontiac.

M. Fortin (Pontiac) : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme St-Pierre, Mme Fortin. Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui et de nous avoir fait part de vos commentaires, des commentaires du conseil mais également, évidemment, des commentaires de vos membres sur le projet de loi n° 88.

J'ai bien lu votre mémoire. Je vais commencer par la fin, parce que je ne suis pas certain que vous avez eu la chance de dire tout ce que vous vouliez dire sur certains aspects du projet de loi. Je veux toucher à la recommandation 9 par rapport aux contenants. Vous avez entendu les gens qui étaient ici avant vous, qui parlaient d'un contenant bien à eux, disons. Quand vous dites que «les membres du conseil s'opposent à tout élargissement de la consigne, car une telle mesure appauvrirait le système de collecte sélective», vous ne parlez pas de ce que M. Tremblay proposait tantôt?

Mme St-Pierre (Nathalie) : Bien, en fait, je ne connais pas assez ce qu'il propose pour m'avancer. La seule crainte que je vous exprimerais ouvertement, avec toute candeur, c'est : Est-ce que, ces contenants-là, c'est réaliste de penser qu'ils vont toujours revenir directement chez le producteur? Alors, évidemment, bon, on a vu que, dans certains cas, ça se retrouve chez l'épicier — il a parlé, tout à l'heure, des IGA — bon, ou chez d'autres, peu importe. Mais le consommateur parfois veut ravoir, évidemment, sa consigne et n'est peut-être pas conscient... parce qu'on introduirait comme un troisième type de consigne. Donc, j'avoue sans connaître tous les détails qu'à priori il faudrait voir pour ne pas mêler les consommateurs davantage.

M. Fortin (Pontiac) : À ce niveau-là, vous n'avez pas les données devant vous, là, par rapport à votre expérience canadienne, que vos membres du reste du pays ont pu avoir par rapport à ça?

Mme St-Pierre (Nathalie) : Bien, c'est-à-dire que, là, on parle d'un contenant qui était vraiment typique, là, donc effectivement... C'est-à-dire que, dans le reste du Canada, il y a beaucoup de dépôts, donc, peu importe le contenant, ça peut être ramené à ce moment-là. Donc, ici, le système qui est en place actuellement est très différent. Quand on parle de contenants à remplissages multiples, vous n'êtes pas sans savoir que c'est le détaillant qui joue le rôle de centre de tri et qui doit, disons, trier justement les contenants en fonction des différents acteurs sur le marché, en fonction des formats, en fonction des couleurs, ce qui devient de plus en plus problématique.

Donc, ajouter des contenants additionnels ou des formats additionnels, pour nous, évidemment, ça pose un problème, là, qui devrait être réglé à la source. Et la recommandation qu'on a faite dans notre mémoire — et merci de le souligner — état à l'effet qu'il fallait standardiser et aussi harmoniser. Là, on a entendu : 5 $ de consigne. On comprend que ça appellerait des modifications à cette loi, parce que la consigne, en ce moment, elle n'est pas du tout de ce montant-là. Donc, évidemment, là, ça pose des défis additionnels.

M. Fortin (Pontiac) : O.K. Très bien. Je continue en reculant, là, dans votre rapport. Recommandation 6 : «Permettre la vente de vin de marque maison et exclusive aux distributeurs autorisés.» Là, vous me dites qu'il y a déjà des exemples de ça. Je veux juste bien comprendre à quoi vous faites référence quand vous dites ça.

Mme St-Pierre (Nathalie) : Alors, vous savez qu'il est possible pour les détaillants de... Ils ont des marques maison. Vous en avez certainement vu régulièrement dans toutes sortes de types de produit. Le seul produit pour lequel actuellement il n'est pas possible de développer des marques maison, ce sont les boissons alcooliques. Donc, ce serait tout à fait possible de travailler avec les producteurs ou avec, comme on le recommande, nous, également, les embouteilleurs du Québec pour développer des produits très intéressants, donc innover et créer potentiellement, aussi, de nouveaux emplois, pour offrir des choses intéressantes à leurs consommateurs de façon régulière.

Alors, évidemment, on parle ici de produits qui sont des marques pour lesquelles les consommateurs ont beaucoup d'attachement et qui ont une grande valeur de qualité pour nos membres, et donc ils souhaiteraient pouvoir travailler dans ce sens-là et en développer au Québec avec les producteurs.

• (16 h 20) •

M. Fortin (Pontiac) : O.K. Je veux bien comprendre, là, parce que tout ce qu'on a entendu... et vous-même, vous parlez de la promotion du cépage, du millésime, etc., c'est pour que le consommateur ait davantage d'informations sur le produit qu'il achète.

Est-ce que ce que vous êtes en train de proposer ne va pas à l'encontre de ça en donnant moins d'informations? Parce qu'une marque maison, ce n'est pas comme savoir exactement de quel producteur le produit vient. Ce n'est pas comme savoir exactement de quel millésime le produit vient. Donc, est-ce que ce n'est pas quelque chose qui va à l'encontre de donner plus d'informations aux consommateurs?

Mme St-Pierre (Nathalie) : Non, pas du tout. Très bonne question. Je pense que, quand on parle... dans ce contexte-ci, il faudra évidemment voir comment ça pourrait se développer, mais c'est certain que l'objectif est de fournir l'information aux consommateurs quant aux propriétés, aux caractéristiques, etc. Donc, tout ça se ferait et pourrait se faire facilement, là, en offrant l'information nécessaire. Mais ça pourrait être développé avec un vigneron particulier, une marque qui ne serait qu'en vente, par exemple, de façon exclusive chez un distributeur et ses marchands. Donc, à ce moment-là, ça peut être des initiatives d'affaires très intéressantes.

M. Fortin (Pontiac) : Un des avantages des marques maison, c'est que souvent elles sont moins chères, elles sont moins chères que le produit original. Donc, je veux comprendre... À ce niveau-là, quand vous dites que ça peut représenter des investissements intéressants pour le Québec, je comprends mal, exactement, où vous voulez en venir. Peut-être que vous pouvez m'éclairer un peu sur le sujet.

Mme St-Pierre (Nathalie) : On sait très bien, là, que ce sont des produits quand même à valeur ajoutée, là. Alors, on ne parle pas de prix minimum ici ou de plus bas prix, ce qu'on parle, c'est de la juste valeur des produits. Mais je pense qu'il y a des opportunités, et nos membres souhaiteraient pouvoir saisir ces opportunités-là et développer, s'il y a lieu, des partenariats avec des producteurs.

M. Fortin (Pontiac) : O.K. Très bien. Dernière question de ma part, M. le Président. En fait, là, je vais retourner plus loin dans votre mémoire. À la recommandation 7, quand vous parlez de permettre au personnel des détaillants de faire des dégustations, vous allez jusqu'à dire que le conseil considère qu'il est «désuet d'exiger que les dégustations en magasin soient effectuées par le fabricant des boissons alcooliques». On a parlé beaucoup, dans le projet de loi, dans l'étude du projet de loi, de la production artisanale, et ce qu'on a entendu tantôt, c'est qu'un des bienfaits d'être un artisan, c'est qu'on a nous-mêmes le feed-back, on entend nous-mêmes ce que le consommateur perçoit de notre produit, ce qu'il aime, ce qu'il aime moins.

Est-ce que les producteurs artisanaux sont d'accord avec ça, avec ce que vous proposez? Ou est-ce que vous avez eu des discussions avec eux à ce sujet-là? Parce que ce qu'eux nous ont dit, justement, c'est qu'ils aimaient cette interaction-là, c'est un des bienfaits d'être un producteur artisanal. Donc, si on ouvre à un épicier, disons, ou à quelqu'un qui travaille dans une épicerie de faire une dégustation d'un produit artisanal, pour le consommateur, est-ce que ça a la même valeur? Et, pour le producteur, est-ce que c'est quelque chose que vous croyez qu'ils désirent?

Mme St-Pierre (Nathalie) : Alors, la référence est à ce qui se fait à l'heure actuelle, hein, on comprend que ce sont pour les produits actuellement disponibles qui sont vendus dans les épiceries. Donc, actuellement, ce ne sont que ces personnes-là qui peuvent faire les dégustations. Et ce qu'on demande, c'est de pouvoir, dans le fond, les effectuer de la façon qui serait le plus appropriée possible et non pas sous les contraintes qui existent actuellement dans les règlements. Donc, on parle de la SAQ, qui peut nous offrir du personnel ou engager du personnel d'une agence spécialisée pour ce faire. Et on pense que ça, c'est désuet. Alors, pour ce qui est de l'avenir, bien on verra si... On pense qu'on a compris qu'il y avait de l'ouverture à ce qu'il puisse y avoir des dégustations par d'autres, incluant le personnel des marchands et des distributeurs autorisés.

Et, pour ce qui est de la question de... on a quand même entendu, par exemple, les vignerons qui ont dit qu'ils ne pouvaient pas tous, nécessairement, vouloir faire... ou souhaitaient faire des dégustations en épicerie. Alors donc, ça aussi, encore là, nous pouvons être une belle alternative pour le faire directement via, là, nos marchands et nos distributeurs autorisés, le personnel.

M. Fortin (Pontiac) : Je comprends. C'est tout, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Lisée) : Il vous reste à peu près deux minutes, du côté ministériel, mais ça va, vous les remettez à commission, on va les utiliser à bon escient. M. le député de Rousseau, pour 9 min 20 s.

M. Marceau : Merci. M. le Président. Alors, bonjour, mesdames. Merci pour votre mémoire, merci pour vos réponses. Tout d'abord, sur la question de... enfin, sur votre recommandation 4, là, qui est votre recommandation la plus importante, donc, vous voulez que soient permises la vente et la livraison directement à un distributeur autorisé. Peut-être nous décrire l'étendue puis la force de vos réseaux de distribution, parce que j'ai l'impression que peut-être on les a sous-estimées dans cette commission un peu plus tôt.

Tout le monde sait ici que la SAQ a un réseau bien établi, bien développé, mais j'imagine que c'est le cas de vous aussi. Peut-être nous décrire un peu de quoi on parle.

Mme St-Pierre (Nathalie) : Alors, écoutez, c'est certain que, je vous l'ai mentionné tout à l'heure, déjà, en termes de la valeur probante du réseau, on parlait, tout à l'heure, là, de croissance en volume de 2,1 % pour le réseau de la SAQ et des succursales, alors que, pour le réseau des épiceries, on parlait de 2 %. Donc, on est à 0,1 % d'écart, là. Donc, le travail qu'on a fait a été très bien fait.

Le réseau est donc composé, je vous le mentionnais tout à l'heure, donc, des distributeurs autorisés. Il y en a plus probablement... c'est-à-dire que je sais qu'il y en a plus que ceux qu'on représente. Ici, aujourd'hui, on représente le secteur plus de l'alimentation, donc, comme je vous le mentionnais, on parle des IGA, Provigo, Metro et Costco, qui ont la capacité d'être à la fois distributeurs autorisés et aussi qui ont des marchands qui ont des permis. Le réseau a des milliers de points de vente, là, plus de 1 000 points de vente à travers le Québec dans lesquels il y a actuellement, donc, de la disponibilité et fait affaire évidemment, là, avec la SAQ, puisque c'est le seul canal par lequel les distributeurs autorisés peuvent faire affaire pour obtenir les produits qui sont redistribués à travers le Québec, là, chez les marchands.

M. Marceau : O.K. Merci. Puis la logistique de la distribution, là, entre... vous avez des entrepôts, puis tout ça, ça s'en va, j'imagine, chez les détaillants eux-mêmes. Est-ce que, dans le fond, l'affirmation qui est faite là, c'est de dire que vous êtes capables de faire au moins aussi bien, sinon mieux que la SAQ présentement? Est-ce que ça revient à dire ça? Moi, je veux juste comprendre, là, le sens de... Parce qu'on sait que présentement vous vous alimentez auprès de la SAQ... en fait, la SAQ vous distribue à partir de son entrepôt ou des ses entrepôts...

Est-ce que vous croyez que vous seriez capables de faire mieux, d'obtenir ultimement des coûts plus faibles, des prix plus faibles, de meilleurs profits pour vous? Évidemment, si on ne passe pas par la SAQ, il n'y aura plus de majoration de la SAQ. Moi, je veux bien comprendre les implications financières pour les consommateurs, pour vous aussi.

Mme St-Pierre (Nathalie) : O.K. Alors, je dirais que le réseau que nous représentons travaille de très près avec beaucoup de petits fournisseurs. Vous l'avez vu, ils ont des politiques d'achat local, par exemple, et développent beaucoup l'approche de travailler avec les fabricants au Québec, là, toutes sortes de fournisseurs québécois dans différentes productions, et ils sont tous membres d'Aliments du Québec et, à ce titre-là, travaillent justement de très près pour faire connaître les produits du Québec sur les tablettes.

Vous l'avez vu, il y a des affiches, des logos Aliments du Québec ou Aliments préparés du Québec. Donc, c'est une continuité dans ce travail-là que de pouvoir mettre en marché des produits de fournisseurs, de fabricants québécois. Ils ont l'habitude de travailler avec des fournisseurs qui ont des petits volumes également, et ça, c'est une expertise qui leur est propre, je pense, dans ce contexte-ci. Par exemple, vous savez, il y a eu des ateliers avec des producteurs qui n'avaient pas réalisé qu'il devait même y avoir un code-barres sur un produit pour entrer dans un magasin, qui n'avaient pas conscience, au niveau de toute la taxation, des numéros que ça prend quand on veut être un fournisseur dans un marché.

Donc, toute cette formation-là, ce soutien-là, cet accompagnement-là se fait très bien, il y a beaucoup, beaucoup d'expertise dans le réseau pour permettre aux fournisseurs comme ça, qui ont des plus petits volumes, de se développer et de prendre de l'expansion. Et, par la suite, effectivement, on a aussi des équipes pour voir qu'est-ce que les consommateurs souhaitent, donc on peut savoir où on va aller développer les marchés, où on pourrait mettre ces produits-là sur les tablettes. Donc, ça fait partie des outils qui sont offerts, et ce n'est pas en opposition à la SAQ, c'est en complémentarité, je pense, qu'il faut le voir, avec la SAQ.

• (16 h 30) •

M. Marceau : O.K. Je vais aller sur les spiritueux. Vous avez évoqué la possibilité que les spiritueux soient vendus en épicerie, puis, plus tôt aujourd'hui, on a eu l'INSPQ, là, l'Institut national de santé publique, qui disait que déjà aujourd'hui les prix des spiritueux sont en dessous du prix minimum, entre guillemets, qu'eux autres recommandent, là, soit... je pense, c'était 1,50 $, l'équivalent d'une consommation.

Enfin, si on allait, je sais que ce n'est pas dans le projet de loi, là, mais, j'imagine, si un jour le gouvernement allait vers ça, est-ce que vous pensez qu'il serait nécessaire d'avoir un prix minimum pour les spiritueux?

Mme St-Pierre (Nathalie) : Non, pas du tout. Je pense qu'encore ici, et un peu comme le vin, que ce soit de fabrication artisanale ou qu'on pense aux microbrasseries et à tout le travail qui a été fait, ce sont des produits, comme je le disais, qui ne sont pas appelés à être des produits au plus bas prix, ce sont des produits spécialisés, ce sont des produits qui ont une valeur certaine, et donc qui ne sont pas transigés à des prix qui pourraient remettre en question, là, le fait... puis je pense que c'est ce dont on parle ici, là, est-ce que les gens seraient appelés à en consommer davantage. On pense aussi, également, que le fait que les produits soient... et, vous le constaterez, ça fait plus de 20 ans déjà dans les épiceries... et il n'y a pas eu d'augmentation... ou il n'y a pas de problème significatif. Et ça, c'est une crainte qui a été souvent exprimée, puis peut-être je reviens, M. le ministre, à votre question, à l'extérieur du Québec, mais, bon, c'est une crainte souvent exprimée, que, dès qu'on a une certaine ouverture ou qu'on transfère certains réseaux de distribution vers d'autres, ça va susciter un engouement et une consommation excessive. Et je pense que la preuve est claire maintenant que le fait que ce soit vendu dans les épiceries depuis quand même de nombreuses années n'a pas incité les consommateurs québécois à abuser de cet accès-là, et donc on ne voit pas de nécessité à ce niveau-là.

M. Marceau : O.K. La santé publique ne serait pas d'accord avec vous, mais ça, ça peut arriver, de la même manière qu'Éduc'alcool a exprimé le fait que le prix minimum de la bière n'était pas toujours respecté, qu'il y avait des ventes croisées, des promotions croisées, donc. Mais effectivement ce n'est pas pour les produits artisanaux, ça, on s'entend, c'est pour les produits de consommation de masse, là, de consommation plus importante, mais ils nous disaient, donc, chez Éduc'alcool — et ils vont venir témoigner — qu'il il arrive que, chez certains distributeurs, il y ait de la bière qui soit faite conjointement qui soit vendue au prix minimum mais qu'on ajoute à ça un bien gratuit, par exemple de la bière... pardon, par exemple, des chips ou d'autres produits complémentaires à la bière. Cela étant, je ne porte pas de jugement, et Éduc'alcool le fera.

Cela étant, l'idée d'avoir un prix qui est suffisamment élevé pour empêcher la consommation excessive, je pense que vous en êtes, vous aussi, j'imagine, là, vous n'êtes pas...

Mme St-Pierre (Nathalie) : C'est-à-dire que, pour les nouveaux produits dont il est question ici, absolument pas, je pense que ce n'est pas nécessaire. Comme je le disais, le marché étant ce qu'il est, ça ne sera pas nécessaire d'avoir... et je pense qu'on complexifie la chose en s'imaginant pouvoir fixer un prix minimum à du vin de production artisanale de toutes sortes de producteurs. Je pense que ce n'est pas vraiment réaliste. Le marché saura certainement s'accommoder, là, de placer ça au bon prix. Et les consommateurs, je pense... puis Éduc'alcool est un joueur important qui a sensibilisé. Les campagnes ont porté fruit. Je pense qu'ils l'ont dit, de toute façon, très clairement. Et donc les consommateurs québécois sont très avisés, je pense, et on ne voit pas l'opportunité, là, ici d'agir dans ce sens-là.

Le Président (M. Lisée) : Très bien. Je vous remercie beaucoup pour vos témoignages, merci d'être venues. Je vais suspendre la séance jusqu'à 17 h 15, moment où on reprendra les auditions sur le projet de loi n° 87.

(Fin de la séance à 16 h 35)

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