(Onze heures neuf minutes)
Le
Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission des finances publiques ouverte. Et, bien sûr, comme à l'habitude, je demande à toutes les personnes dans
la salle d'éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder à des consultations particulières et des auditions
publiques dans le cadre de son mandat d'initiative portant sur le
phénomène du recours aux paradis fiscaux.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Il n'y a
aucun remplacement, M. le Président.
• (11 h 10) •
Le
Président (M. Bernier) : Merci beaucoup. Voici l'ordre du jour.
Ce matin, nous recevrons l'Agence du revenu du Québec. Bienvenue, merci d'être présents et d'avoir l'occasion qu'on
puisse discuter ensemble. Cet après-midi, nous entendrons le ministère
des Finances du Québec et M. Éric Lauzon et Me Paul Ryan.
Organisation
des travaux
Avant de
débuter, j'aimerais donner quelques informations concernant les travaux que nous entreprenons aujourd'hui. Bon, les membres de la commission ont adopté ce mandat d'initiative à l'unanimité lors de la
séance de travail du 25 février
dernier. Par celui-ci, la commission souhaite examiner les stratégies et les
mécanismes employés à des fins d'évasion
et d'évitement fiscaux par les différents acteurs de notre société.
Ils veulent se pencher sur l'ampleur et les effets de l'utilisation des
paradis fiscaux ainsi que les moyens utilisés pour lutter contre ce phénomène.
Pour que les
membres de la commission puissent obtenir l'éclairage nécessaire à la
compréhension des divers enjeux liés
aux paradis fiscaux, nous entreprenons aujourd'hui les consultations
particulières et des auditions publiques. À cet effet — je vais
vous en faire la nomenclature — une trentaine d'organismes avaient été
contactés suite à nos discussions en
commission parlementaire. Quelques-uns d'entre eux ont accepté de nous produire
des documents écrits, d'autres de répondre
à des questions, également d'autres de participer à nos auditions. Comme vous
avez pu le lire dans les journaux, il y a des secteurs d'activité qui,
malheureusement, ne nous ont pas donné réponse.
Je veux quand
même vous répéter la liste des organismes qu'on avait identifiés pour notre
mandat. Et ce qu'on va faire ce
matin, je vais vous en faire la liste, mais on aura l'occasion d'aller en
séance de travail pour déterminer quels sont les suivis, ou les suites,
ou les actions à poser en regard des organismes ou des personnes qui ne nous
ont pas donné réponse encore aujourd'hui.
Donc, l'Agence du revenu du Canada; l'Agence du revenu du Québec, qui est ici
présente; Mme Brigitte Alepin; l'Association de la planification fiscale
et financière; l'Association des banquiers canadiens; l'Autorité des marchés
financiers; la Banque Nationale du Canada; la Banque Royale du Canada; la
Banque Scotia; La Banque TD; Blake,
Cassels & Graydon; BMO, Banque de Montréal; Caisse de dépôt et
placement du Québec; Commission
d'examen sur la fiscalité québécoise; Davie Ward
Phillips & Vineberg; Fondation canadienne de la fiscalité,
Goodman; Institut des cadres fiscalistes; KPMG-Secor; Alain Deneault,
Université du Québec à Montréal; McCarthy
Tétrault; Me Paul Ryan, de Ravinsky, Ryan, Lemoine, qui sera ici cet
après-midi; le ministère des Finances; et le Mouvement des caisses Desjardins; Osler, Hoskin & Harcourt; Pascal
Saint-Amans, OCDE; Price Waterhouse; Raymond
Chabot Grant Thornton; Réseau pour la
justice fiscale; Stikeman Elliott; Transparency International; M. Patrick Pichette.
Donc, c'est
la liste des personnes ou des organismes qu'on avait identifiés, en séance de
travail, pouvant participer à nos
travaux. Donc, ce qu'on constate, c'est que quelques-uns nous ont répondu, vont
participer à nos échanges, d'autres vont
nous faire parvenir des informations sous forme d'un mémoire écrit, et, dans des
secteurs comme le secteur bancaire, bien,
malheureusement, on n'a pas eu encore de réponse sur le sujet, et
dans le secteur également des firmes comptables.
O.K.,
dans un premier temps, ce que je vous suggère, par l'entremise du secrétaire,
on va réécrire à ces gens-là, leur
réexpliquer le mandat. Ce n'est pas un mandat de chasse à la sorcière. Ce n'est
pas le but, là. Le but, ce qu'on veut, c'est
d'obtenir des informations, d'être capables de faire des recommandations. Faire des recommandations auprès du gouvernement, auprès de
l'Agence du revenu du Québec pour que le Québec s'inscrive... On l'a vu
au cours des dernières années,
plusieurs pays ont mis en place des mesures — les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'OCDE — et
ce qu'on veut, on veut que le Québec
s'inscrive dans ce processus-là. Bien
sûr, il y a des participations qui
pourront se faire, par la suite, par
le gouvernement, notre gouvernement, avec les autres gouvernements des provinces au niveau
canadien. On sait que le gouvernement canadien est un pays important
dans ce processus.
Mais on veut
surtout bien identifier la chose, mais on désire également renseigner la population
parce qu'il y a beaucoup de documents, là, qui sortent sur ce
sujet-là, sur des articles où on vient... On arrive avec des chiffres qui sont
parfois énormes, d'autres qui sont plus
petits. Bon, quelle est la part du Québec là-dessus? On sait que Revenu Québec,
au cours des dernières années, a travaillé
très fort dans la lutte à l'évasion fiscale. C'est un élément important, un
élément sur lequel on a beaucoup moins
de contrôle, mais je pense que c'est important qu'on puisse renseigner la
population et mettre
en place les mesures nécessaires pour être capables de contrer ce phénomène et
inscrire le Québec dans le processus pour récupérer les sommes qui lui
sont dues. Donc, c'est l'objectif visé. Donc, nous aurons, au cours des
prochaines semaines, à réinviter ces gens-là
et à nous pencher, s'il y a lieu, pour des actions subséquentes. Est-ce que ça
va? Oui, M. le député de Mercier.
M. Khadir :
D'abord, j'admire votre détermination. Je pense que c'est nécessaire. On est
rendus là. Le Québec a besoin que son
Parlement, que ses députés fassent quelque chose pour contrer l'évasion
fiscale, qui est une grave injustice. Je
rappelle simplement que, déjà, des commissions parlementaires ont forcé par
subpoena des intervenants... je me rappelle de La Financière agricole en 2011, je ne me rappelle plus le sujet,
mais, en tout cas, pour bien moins que ça. Ensuite, il y a plusieurs
années, des firmes privées alentour de la question du mont Orford.
Donc,
est-ce qu'il serait avantageux, M. le Président — je vous pose la question — dès maintenant de signifier à ces
intervenants que, le cas échéant, l'Assemblée pourrait recourir à un mandat de
subpoena pour les forcer parce qu'ils
sont des intervenants majeurs, centraux, dans tout le dossier de l'évasion
fiscale? On parle des banques et de KPMG en particulier.
Le
Président (M. Bernier) : Je dois vous dire, M. le député de
Mercier, dans les actions à être posées par une commission parlementaire, je pense qu'il y a une gradation à faire,
O.K.? Dans un premier temps, on va... Moi, ce que je préconise, c'est qu'on puisse recommuniquer avec
eux, réexpliquer le mandat, et, par la suite, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on aura à se pencher, comme
Commission des finances publiques, en séance de travail sur les suivis, ou les
suites, ou des éléments sur lesquels vous
soulevez actuellement des choses. Mais je pense qu'il y a une gradation à faire
et je ne veux pas brûler les étapes. Ce que
je veux, c'est une collaboration. Je ne veux pas qu'on sente qu'on est... On
n'est pas des inquisiteurs. Notre
but, là, c'est réellement de développer des outils, développer des actions pour
mieux percevoir nos impôts.
M. Khadir :
Mais je veux juste mentionner que c'est quand même un désaveu du Parlement, du
parlementarisme et de la prérogative
de l'Assemblée nationale, alors que tout le monde a compris c'était quoi, le
mandat, puis ils se sont donné la peine de préparer des interventions. Que des
institutions aussi fortes, avec autant de moyens que des banques et des firmes comptables comme KPMG aient jugé
avec autant de légèreté de refuser notre invitation, moi, ça me dérange
profondément. Mais je suis d'accord si vous jugez plus opportun d'agir par
gradation, tout à fait d'accord.
Remarques
préliminaires
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Je vais passer la parole aux
membres de la commission pour faire une courte présentation. M. le
député de Rousseau, dans un premier temps.
M. Nicolas Marceau
M.
Marceau : Oui. Merci, M. le Président. Alors, très brièvement.
Tout d'abord, je veux simplement dire à mes collègues, là, que je me réjouis qu'aujourd'hui on ouvre nos
consultations sur ce sujet-là. Moi, je pense que c'est un sujet important, qui rejoint tous les Québécois et aussi
qui est un problème, là, lancinant à l'échelle québécoise, canadienne, internationale, qui a présentement, je pense, un
momentum à l'échelle internationale, et je pense qu'on doit donc saisir cette occasion pour faire ce travail
parlementaire. Alors, je suis très content. Donc, je veux juste simplement le
réitérer et le redire.
Deuxième
élément que je vais ajouter, puis je veux que les gens le comprennent bien,
c'est que le mandat, on se l'est
donné de façon non partisane. Et moi, j'apprécie cet esprit non partisan et je
voudrais que ça demeure, je veux que ça demeure ainsi. Voilà. Donc, je veux simplement le réitérer. Quelle que
soit notre opinion sur ce que l'État devrait accomplir comme mission, comme tâche, il n'en demeure pas
moins que le fait de s'assurer que chacun paie sa juste part d'impôt, c'est une nécessité, c'est une obligation, et
j'apprécie énormément, encore une fois, le caractère non partisan et je vais
tout faire pour que ça demeure ainsi pour la suite des choses.
Troisième
chose, puis je trouve que les mots que vous avez utilisés, M. le Président,
étaient tout à fait justes, l'objet de notre commission, c'est de bien mesurer
l'ampleur du problème, de bien voir quelles sont les solutions qui sont
possibles et non pas, là, de faire
une chasse aux sorcières. On n'est pas là-dedans. Il y a des gens qui ont
certainement des choses à se
reprocher, mais ce n'est pas nous, notre commission, qui va les accuser. Ce
qu'on veut, c'est bien comprendre comment ça se passe, comment ça se
déroule et puis apporter des recommandations et des suggestions qui sont
pertinentes.
J'ajoute
un dernier point parce que je pense que c'est important pour ceux qui nous
entendent. Il y a des gens qui se
disent : Il n'y a rien à faire, c'est un problème international au sujet
duquel le Québec ne peut rien faire, et ça, là-dessus, je suis en profond désaccord. Oui, c'est vrai, il
y a beaucoup des éléments de solution qui sont des solutions à l'échelle
internationale, qu'on pense, par exemple, à
l'échange d'information entre les juridictions fiscales — c'est clair que ça, c'est quelque chose qui va se faire plus à
l'échelle internationale — une certaine harmonisation, même, des régimes fiscaux dans
certaines régions du globe. C'est certainement des choses qui vont devoir se
faire.
Mais
il y a aussi des gestes que le Québec peut poser, que le Canada peut poser, et
des exemples abondent, là. Présentement
au Royaume-Uni, on vient d'introduire ce qu'on a appelé la Google Tax. Les
Américains se sont dotés d'une loi,
la FATCA. On a des conventions fiscales qui lient le Québec et le Canada à des paradis fiscaux. Toutes ces choses-là
peuvent être réévaluées. Puis l'opportunité
pour le Québec ou pour le Canada d'aller de l'avant avec
certaines lois, des changements de loi, c'est une chose qu'on doit
évaluer dans notre commission.
Alors, je veux simplement
dire : Ce n'est pas vrai que le Québec ne peut rien faire. Ce n'est pas vrai que nous
sommes impuissants. Il y a des choses que nous pouvons faire.
Dernière
chose sur le sujet qui a été abordé entre vous, M. le Président, et le député
de Mercier, puis c'est une
question à laquelle j'ai eu l'occasion de répondre à trois reprises depuis ce
matin. Moi, je souhaite évidemment la participation
des gens à qui on a lancé des invitations. J'ose croire qu'à ce jour ils ont
simplement mal évalué l'importance que
ça a à nos yeux. J'ose croire qu'ils ont simplement mal évalué. Et, le cas
échéant, M. le Président, moi, je serai prêt à recommander à cette commission d'utiliser tous les pouvoirs qui lui sont
conférés par la Loi sur l'Assemblée nationale, dont celui de contrainte, mais je suis convaincu qu'on n'aura pas besoin
d'aller jusque-là. Voilà, M. le Président. Merci.
• (11 h 20) •
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Je vais permettre aux
vice-présidents, avec un x, M. le député de Labelle, dans un premier
temps, et M. le député de Beauce-Nord par la suite. M. le député de Labelle.
M. Sylvain Pagé
M. Pagé :
Oui. Bien, très rapidement, M. le Président, pour reprendre un peu les propos
de mon collègue, effectivement, on est tous très heureux que la commission se saisisse
de ce mandat et qu'on le fasse d'une façon non partisane. Et j'en prends l'engagement solennel également à ce que ça se
passe de cette façon pour l'intérêt de tous les Québécois. Et je pense qu'on a bien entendu le message du député de
Mercier. Je le rassure, à titre de vice-président, que nous avons bien entendu son message, et j'apprécie
la réponse que vous avez donnée, M. le Président, et j'appuie votre réponse, et on va travailler ensemble. Et le
comité directeur qui est en charge de ce mandat et de la commission fera en
sorte de bien entendre ces messages. Et
effectivement j'ai l'impression que peut-être qu'il y a des gens qui ont mal
évalué le mandat, et nous souhaitons qu'effectivement tout le monde
puisse être présent pour qu'on puisse avoir des échanges fructueux sur cette problématique. Merci, M. le
Président, et vous avez mon appui total et entier dans cette démarche.
Le Président (M.
Bernier) : Merci, M. le député de Labelle. M. le député de
Beauce-Nord.
M. André Spénard
M.
Spénard : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à tous
mes confrères. Dans un premier temps, un mandat non partisan, ça me fait donc plaisir! Ça va nous faire changement un
peu du salon bleu. Ça me fait plaisir d'autant plus que je pense que le problème de l'évasion fiscale
prend de plus en plus d'ampleur pas juste au Canada, pas juste au Québec,
mais partout dans le monde. Alors, je pense
qu'il faut... Sur le principe de l'équité entre les citoyens, l'équité entre
les différentes corporations, je pense que c'est un problème auquel il
faut s'attaquer de front.
L'autre
chose, moi aussi, je suis, comme le député de Rousseau mentionnait, un peu déçu
de la réponse qu'on a reçue des...
appelons ça comme il se doit, les grandes institutions financières qui sont
appelées à contribuer et non pas à tricher
mais disons à pousser la légalité jusque dans ses extrêmes pour pouvoir faire
bénéficier ses clients d'exemptions fiscales.
Ça, on comprend ça. Mais qu'est-ce qu'il faut savoir aussi, c'est qu'on est là
pour connaître les faits. Tu sais, on
ne veut pas de chasse aux sorcières, on ne veut pas accuser personne, mais on
est là pour connaître les faits, pour savoir c'est quoi qui se passe. Et
là-dessus vous avez ma pleine collaboration en ce qui concerne les personnes ou
les organismes qu'on veut entendre
ici. J'ose espérer, comme le dit le député de Rousseau, qu'ils ont mal compris
l'importance de ce mandat, mais
j'espère qu'ils vont comprendre et qu'ils vont venir nous expliquer les
principes légaux — j'insiste
pour dire «légaux» parce qu'il n'y a
pas personne qui va venir expliquer les principes illégaux, comment qu'ils sont
pris — qu'on
pourrait changer de manière légale pour
faire en sorte qu'il y ait une plus grande équité entre tous les citoyens du
Québec.
Alors, vous avez mon entière collaboration, M. le
Président, et, tous les confrères, soyez assurés de la non-partisanerie
de ce mandat. Merci.
Le
Président (M. Bernier) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a
d'autres collègues membres de la commission qui veulent apporter
quelques commentaires? M. le député de Pontiac.
M. André Fortin
M.
Fortin (Pontiac) : Rapidement, M. le Président, simplement pour dire
que, puisqu'on est dans un esprit non partisan, je vais me le permettre, je
partage ce que le député de Rousseau a présenté comme présentation initiale.
L'idée, évidemment, c'est simplement
de mieux comprendre ce qui se passe. Alors, je nous félicite tous pour... vous
félicite pour nous avoir donné ce mandat-là. Je pense que ça va être un
mandat extrêmement intéressant pour mieux comprendre qu'est-ce qui se passe, mieux comprendre les pistes de solution, que ce
soient des solutions qui ont été présentées ici, qui ont été présentées dans
différentes juridictions. Donc, je pense que ça va être quelque chose qui va
également être apprécié des citoyens,
des contribuables du Québec parce que, si on prenait un sondage, et on en voit
beaucoup ces jours-ci, mais, si on
prenait un sondage demain matin et on demandait à la population : Est-ce
que le gouvernement du Québec doit prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer les sommes qui lui sont
dues, qui sont dues à nous, comme contribuables, je pense que ce serait
extrêmement populaire comme proposition.
Alors,
sur ce, M. le Président, je ne veux pas retarder la commission et ses travaux,
et on a des témoins qui sont ici pour nous présenter ce qui se passe.
Donc, ça va être tout pour moi pour l'instant, M. le Président.
Le Président (M. Bernier) :
Merci, M. le député de Pontiac.
Auditions
Alors, si
vous le permettez, nous allons débuter avec nos invités. Donc, merci à l'Agence
du revenu du Québec de participer à
cette commission. Je vous laisse la parole pour une trentaine de minutes. Par
la suite suivront des échanges avec les parlementaires. Donc, la parole
est à vous. Simplement à vous identifier pour qu'on puisse procéder aux enregistrements de votre nom au moment où vous
faites votre présentation. Merci, la parole est à vous, M. le sous-ministre.
Revenu Québec
M. Paquin
(Gilles) : O.K. Merci, M. le Président. Je suis Gilles Paquin, je suis
le P.D.G. de l'Agence du revenu du
Québec et, ce matin, je suis accompagné de René Martineau, qui est le
vice-président directeur général pour la législation et le Registraire des entreprises, et Hajib
Amachi, qui est le vice-président directeur général pour la direction générale
des entreprises. Et il y a également
d'autres membres de l'équipe de Revenu Québec qui m'accompagnent pour m'aider
à répondre à vos questions avec le plus de précision possible.
Je tiens
d'abord à vous remercier de l'invitation qui nous a été faite de participer aux
travaux de la commission. Pour nous,
c'est un sujet qui est très important. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que
nous participons aujourd'hui aux travaux de la commission. La commission
peut compter sur notre entière collaboration, et nous espérons que notre
participation pourra contribuer à la démarche que vous avez entreprise.
Comme vous,
Revenu Québec est préoccupé de l'utilisation des paradis fiscaux à des fins
d'évasion fiscale ou d'évitement
fiscal. Il s'agit d'un phénomène mondial. Évidemment, le Québec n'en est pas
épargné. L'utilisation inappropriée
des paradis fiscaux vient éroder l'assiette fiscale, et porte atteinte à
l'intégrité du régime, et, en ce sens, nuit au financement des services
publics, des services sociaux, et nuit à l'équité entre les contribuables.
La notion de
paradis fiscal, donc, on en retrouve plusieurs définitions. Celle qu'on
retrouve le plus souvent, la plus communément admise, c'est un endroit
où on retrouve un certain nombre de caractéristiques. Les impôts y sont inexistants ou très faibles, il y a un manque de
transparence du régime fiscal, il n'y a pas de véritable collaboration quant
à l'échange d'information avec les autres
administrations fiscales et il y a des lois très strictes en matière de
protection du secret bancaire.
Généralement, on retrouve ces ingrédients-là. Une autre caractéristique qu'on
peut ajouter, c'est la tolérance de ces juridictions-là envers les sociétés
qui mènent une activité fictive.
Ces
caractéristiques-là illustrent également pourquoi il est difficile, pour une
administration fiscale, d'intervenir en
cette matière. Je vais tenter de montrer les limites de notre intervention,
qu'est-ce qu'on peut faire et les difficultés qu'on rencontre quand on
travaille sur d'autres territoires, naturellement.
Pour réaliser
sa mission, Revenu Québec doit assurer la perception des impôts et des taxes
pour que chacun paie sa juste part du financement des services publics. Puisque
notre système fiscal repose sur des principes d'autodéclaration et
d'autocotisation, Revenu Québec compte avant tout sur la pleine collaboration
des citoyens et des entreprises afin qu'ils
fournissent les renseignements nécessaires à l'atteinte de cet objectif. Il est
important de souligner que la très grande majorité des citoyens et des
entreprises respecte ces principes et s'y conforme.
Dans les
régimes fiscaux qui sont basés sur les principes d'autodéclaration et
d'autocotisation, les administrations fiscales
ont, pour assurer l'observance fiscale, certains pouvoirs de vérification,
d'enquête, de cotisation et de recouvrement. Ces pouvoirs sont conférés par les législations en place. Nous avons
donc ce type d'outils disponible à Revenu Québec.
Cependant,
une loi, qu'elle soit québécoise, canadienne ou d'un autre pays, n'a de portée
que sur le territoire de la juridiction qui l'édicte. Il en est de même
des mesures d'exécution de nos jugements en matière de fiscalité. Nous ne pouvons les faire exécuter que sur le territoire
du Québec. Ainsi, la limite territoriale est une limite importante à laquelle
sont confrontées toutes les administrations fiscales.
• (11 h 30) •
Lorsqu'une
intervention visant l'observance fiscale se déroule à l'extérieur du
territoire, l'administration fiscale perd une grande partie de ses
pouvoirs de vérification, d'enquête ou de recouvrement. Par exemple, nous ne
pouvons vérifier certains documents en
respectant les lois locales. Ces vérifications misent donc beaucoup sur la
coopération du contribuable impliqué.
Nous ne pouvons pas saisir des documents, des registres ou des biens. Nous ne
pouvons pas non plus exiger des
citoyens ou des entreprises situés dans une juridiction étrangère qu'ils nous
fournissent les renseignements dont nous avons besoin.
La très
grande majorité des contribuables, je l'ai mentionné, respectent leurs
obligations fiscales. Par ailleurs, il y a un principe qui est reconnu : que le contribuable peut organiser
ses affaires de façon à payer moins d'impôt en utilisant des
planifications fiscales qui sont conformes à la loi. Donc, c'est les balises à
l'intérieur desquelles on navigue.
Cependant, on parlera d'évitement fiscal ou de
planification fiscale agressive ou abusive — les PFA — en présence d'un stratagème ou d'une opération qui
consiste à réduire le taux effectif d'imposition d'un revenu à un niveau
qui est inférieur à celui voulu par la
politique fiscale, et ce, sans contrevenir directement à une disposition
spécifique de la loi. Il ne s'agit
pas d'évasion fiscale qui, elle, se caractérise par la violation spécifique
d'une disposition légale. Les PFA
sont des stratagèmes ou des opérations artificielles qui n'ont aucun sens
économique autre que celui de générer des économies d'impôt. Elles n'ont aucune raison d'affaires véritable. Les
instigateurs de PFA exploitent tout simplement la législation dans le but d'obtenir un bénéfice qui est, en apparence,
conforme à la lettre de la loi mais pas à son esprit. Les PFA impliquent
souvent plus d'une juridiction qui peuvent alors être une autre province
canadienne ou un pays considéré ou non comme un paradis fiscal.
Pour contrer les opérations d'évitement fiscal à
caractère abusif, le gouvernement québécois, tout comme le gouvernement
fédéral, s'est notamment doté de différents outils législatifs. Un des plus
connus est la règle générale antiévitement, la RGAE. Cette disposition législative vise à prévenir la
dégradation de l'assiette fiscale et à décourager l'évitement fiscal en établissant une distinction
entre la planification fiscale légitime et l'opération d'évitement abusive.
Rappelons que le contribuable qui met en place une
planification fiscale abusive ne commet aucune illégalité. De plus, lorsque ces planifications impliquent
plusieurs juridictions, cela accentue les difficultés de détection, augmente la durée du traitement d'un dossier et accroît la
complexité d'obtenir les renseignements. Dans un contexte international,
les législations fiscales québécoise et fédérale ont mis en place différents
outils visant à préserver l'assiette fiscale de l'érosion liée à des juridictions étrangères qui peuvent être, dans
certains cas, des paradis fiscaux. Les règles relatives aux sociétés et filiales étrangères, les règles de
prix de transfert et les règles de capitalisation restreinte sont des exemples
des outils qui ont été mis en place au fil du temps.
Dans le cas des prix
de transfert, un stratagème de délocalisation qui est couramment utilisé dans
un contexte transfrontalier consiste à ce
qu'une société qui exerce des activités dans une juridiction fortement ou
moyennement imposée transfère à une
société apparentée, n'opérant que dans une juridiction peu ou pas imposée, la
propriété intellectuelle que la
société utilise dans ses activités et rétribue la société apparentée pour
l'avoir utilisée. Cela crée ainsi une dépense qui vient amoindrir le bénéfice de la première et
augmente d'autant le bénéfice de la seconde. Sur le plan comptable, sur une
base consolidée, l'opération est neutre
mais, sur le plan fiscal, elle se traduit par une économie d'impôt en raison de
la différence des taux d'imposition.
Les règles de prix de transfert par le balisage des prix des fournitures et des
intrants faits entre personnes ayant
un lien de dépendance visent à endiguer et à encadrer ce genre de manipulation
de façon à ce que les bénéfices
respectifs de l'un et l'autre représentent un portrait plus fidèle de la
réalité économique qui aurait existé entre des entités non apparentées
de sorte à empêcher la délocalisation du bénéfice.
Il
est également souvent question, lorsqu'on discute de paradis fiscaux dans
l'actualité, de la possibilité pour les entreprises québécoises et
canadiennes de rapatrier au Canada et au Québec, sans imposition immédiate, les
surplus réalisés dans une filiale étrangère.
Sur le plan de la politique fiscale, les régimes fiscaux canadien et québécois
d'imposition du revenu gagné par des sociétés exonèrent de l'impôt sur
les bénéfices les bénéfices tirés d'une entreprise exploitée activement à
l'étranger, soit le surplus exonéré par une filiale étrangère lorsqu'ils sont
rapatriés par la société mère canadienne
s'ils ont été gagnés dans un pays signataire d'une convention fiscale avec le
Canada ou dans le cadre d'une entente
de renseignement. Cette condition fait en sorte que les surplus rapatriés au
Canada et au Québec proviennent d'un pays
où les sociétés ont exercé de façon substantielle une activité économique et
avec lequel il y a transparence en raison de l'échange d'information
fiscale ou une collaboration entre les administrations fiscales. Cette
transparence et cette collaboration permettent de lutter plus efficacement
contre l'évasion fiscale.
Une
autre expression que l'on entend souvent lorsqu'il est question d'opération
d'évitement sur le plan international est
le chalandage fiscal. Ce concept de chalandage correspond généralement à une
situation où une personne qui n'a pas droit
aux avantages conférés par une convention fiscale fait appel à une entité
intermédiaire qui, elle, y a droit de manière à obtenir indirectement les avantages en question. Il s'agit d'un usage
abusif des conventions fiscales que je décrivais précédemment.
Par
opposition à l'évitement fiscal, l'évasion fiscale, elle, se caractérise par la
violation spécifique d'une disposition de
la loi. Elle consiste à se soustraire à l'impôt par des moyens illégaux, alors
que l'évitement consiste à arriver à un résultat comparable par des moyens
légaux en interprétant strictement les dispositions législatives fiscales. On
peut identifier trois grands phénomènes
d'évasion fiscale : la non-déclaration des revenus légaux, la dissimulation des revenus
illégaux et la désobéissance aux règles fiscales.
Comme j'ai déjà
indiqué, parmi les caractéristiques importantes des paradis fiscaux se trouvent
l'absence d'échange de renseignements et le manque de transparence de la part des acteurs financiers et du gouvernement. Ceci, combiné à la faiblesse
ou à l'absence d'impôt sur certains revenus, peut potentiellement permettre à
des contribuables canadiens ou québécois d'échapper aux fiscs canadien
et québécois sur les revenus de placements détenus dans ces
paradis fiscaux.
En effet,
un contribuable pourrait soit transférer frauduleusement des sommes d'argent importantes
à l'extérieur du pays soit
transférer à l'extérieur du pays des sommes importantes mais en plusieurs
versements ou encore laisser à l'extérieur du pays des sommes gagnées à l'extérieur du pays ou reçues en héritage ou autrement ailleurs
qu'au Canada. Donc, ces
sommes pourraient ensuite être placées et générer des revenus à l'extérieur du Canada. Ainsi, l'utilisation d'un paradis
fiscal peut être faite par un contribuable désirant faire une planification fiscale autorisée et encadrée par la loi ou la politique
fiscale, l'utilisation d'un paradis fiscal n'étant pas illégale en soi.
Un paradis fiscal peut également être utilisé dans le cadre d'une planification fiscale agressive ou abusive ou par un
contribuable désirant se soustraire illégalement à ses obligations
fiscales.
Ces utilisations
peuvent prendre des formes très différentes selon qu'il s'agit d'un
contribuable désirant profiter du secret
bancaire pour dissimuler des revenus ou encore d'une entreprise visant à
réduire le plus possible ses charges
fiscales. La législation fiscale prévoit des outils pour contrecarrer ces
planifications. Nous verrons maintenant que la base de toute
intervention est l'obtention de renseignements.
En effet, peu importe
le stratagème utilisé, et j'en ai décrit quelques-uns, l'obtention de
renseignements est l'élément essentiel pour détecter les situations de
planification fiscale abusive et d'évasion fiscale. Bien entendu, Revenu Québec dispose de certains moyens pour
recueillir cette information sur son propre territoire. Nous pouvons compter
sur une centrale de données qui est
performante. La centrale constitue un entrepôt de données qui contient des
informations provenant des systèmes informatiques de Revenu Québec et
également d'autres sources externes. La centrale nous permet de faire la sélection des dossiers les plus à risque et de
concevoir des applications de détection spécialisées. Dans certains cas,
nous pouvons effectuer des croisements de données.
On a
également le registre des entreprises qui est une source importante
d'information. Et je peux mentionner ici
la nouvelle obligation de certaines fiducies de s'immatriculer au registre des
entreprises, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2014. Cette obligation
d'immatriculation vise les fiducies qui exploitent une entreprise à caractère
commercial au Québec.
Nous pouvons
aussi obtenir des renseignements grâce aux obligations prévues dans la
réglementation fiscale. Par exemple,
le ministère des Finances a annoncé, à l'occasion des budgets de mars et de
novembre 2012, de nouvelles obligations concernant la déclaration
de renseignements pour certains types de fiducies.
J'ai
mentionné précédemment que les administrations fiscales ont des pouvoirs
limités quant à leur capacité de recueillir
des renseignements auprès d'entités présentes dans d'autres juridictions. C'est
pourquoi l'échange de renseignements
entre administrations fiscales constitue la principale solution dont nous
disposons pour lutter contre les phénomènes qui surviennent à
l'extérieur de notre territoire mais qui ont des incidences ici.
D'un point de
vue canadien, Revenu Québec travaille en collaboration avec l'Agence du revenu
du Canada afin d'optimiser l'échange
d'information principalement en matière de planification fiscale agressive.
Certains des programmes de vérification que nous constituons sont issus
du traitement des échanges de renseignements provenant de l'ARC.
D'un point de
vue international, diverses conventions ou ententes fiscales sont signées entre
de nombreux pays. Le Canada a 92
conventions fiscales en vigueur avec d'autres pays ainsi que 22 accords de
renseignements. Les conventions fiscales
et les accords d'échange signés par le Canada ne lui permettent pas de
transmettre au Québec tous les renseignements reçus, car ces ententes, souvent, vont prévoir que les renseignements
reçus sont tenus secrets ou ne sont communiqués qu'aux personnes et aux
autorités reliées à l'établissement ou au recouvrement des impôts visés par
l'entente.
Toutefois, lorsqu'il y a une nouvelle cotisation
fédérale établie en fonction des renseignements reçus, cette information-là va être transmise à Revenu Québec
qui, dans le cadre de l'application d'une entente-cadre avec l'Agence du revenu du Canada, pourrait établir une
cotisation sur cette même base. Donc, on va profiter des ententes pour accroître
la récupération via ces informations-là qui nous sont transmises par l'Agence
du revenu du Canada.
On a
également le programme Indices de richesse, qui s'inscrit, depuis mars 1997,
dans la stratégie globale de Revenu
Québec, qui vise à contrer l'évasion fiscale et le travail au noir. Ce
programme-là permet d'intervenir auprès de particuliers qui ont des
avoirs importants mais qui ne produisent pas de déclaration ou qui déclarent
peu et dont les revenus déclarés
apparaissent insuffisants pour justifier la valeur de leur patrimoine. Le
croisement entre les renseignements externes
et les renseignements fiscaux permet à Revenu Québec de déterminer les
populations à risque dans plusieurs domaines d'activité, y compris celui
de la construction.
• (11 h 40) •
Au cours des
six derniers exercices financiers, Revenu Québec a récupéré 192 millions
grâce au programme de l'indice de
richesse. Pour le dernier exercice seulement, la somme récupérée s'élève à 36 millions.
Des travaux d'optimisation sont
constamment réalisés sur ce programme-là afin d'accroître la performance du
programme et en assurer l'évolution.
À Revenu Québec, on exploite également différentes données qui proviennent de
dénonciations ou de divulgation publique d'informations, comme les
révélations qui ont été faites par le consortium indépendant des journalistes d'investigation. À la suite de ces révélations-là,
il y a 60 contribuables du Québec qui ont été identifiés et qui font l'objet
de vérifications. Lorsque nous recevons des
informations de bonne qualité, comme ce fut le cas avec la liste HSBC, les
résultats sont encore plus probants. Dans ce
dernier cas, les demandes de vérification en lien avec la liste ont permis de
récupérer plus de 31 millions de dollars et ont eu des effets à hauteur de
52 millions de dollars dans le programme de divulgation volontaire. Donc, ça fait 83 millions en lien avec cette liste-là. C'est un montant quand même
très appréciable.
Pardon, j'ai
un petit rhume. Nous suivons également avec intérêt la nouvelle mesure qui
permet à l'ARC d'obtenir directement les renseignements détenus par le
Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le
CANAFE. Ça, c'est récent, et Revenu Québec devrait pouvoir profiter de cet
échange d'information là.
Le programme
de divulgation volontaire, c'est un programme, donc, qui existe à Revenu
Québec. Dans le cadre de ce
programme, plusieurs personnes qui ont investi des sommes dans des banques
étrangères, voire des paradis fiscaux, viennent
déclarer d'elles-mêmes les renseignements relatifs à des revenus qu'elles
avaient omis de déclarer par le passé. Revenu
Québec, par ce programme, encourage les mandataires et les contribuables à
acquitter les droits et intérêts exigibles relatifs à des obligations fiscales non respectées. Ainsi, lorsqu'une
personne souhaite régulariser sa situation fiscale et soumet une
divulgation volontaire, Revenu Québec n'impose pas les pénalités prévues par
les lois fiscales et peut accorder une
réduction d'intérêts. Revenu Québec renonce aussi à son droit d'intenter des
poursuites pénales si la divulgation respecte
les conditions applicables. Il est important de souligner que, pour qu'une
divulgation soit acceptée, elle doit être spontanée, complète et
vérifiable. De plus, nous exigeons que l'entièreté de la dette soit payée à la
fin du processus.
Les
poursuites judiciaires et les pressions exercées par les États-Unis, par
exemple, sur les banques étrangères, les
démarches mises de l'avant par l'OCDE pour contrer l'évasion fiscale, la forte
médiatisation de l'utilisation des paradis fiscaux de même que les
scandales financiers, ont amené une croissance très importante des divulgations
volontaires impliquant des contribuables
ayant investi des capitaux dans des banques étrangères. Le nombre de
divulgations volontaires reçues à
Revenu Québec a crû de façon fulgurante depuis 2010 et plus particulièrement
depuis 2013. L'inventaire a ainsi triplé
en nombre, passant de 588 à 1 538 au 31 août 2015. La valeur de la
récupération estimée de cet inventaire a quadruplé, passant de
79 millions à 387 millions.
De plus, pour les cinq premiers mois de la
présente année financière, nous constatons que l'augmentation du nombre de dossiers reçus s'est poursuivie. Nous
estimons que nous pourrions recevoir quelque 1 600 dossiers d'ici la fin
de l'exercice financier. Plus
particulièrement, le nombre de dossiers impliquant des capitaux étrangers est
passé de 109, en 2009‑2010, à 1 082 au 31 août 2015. La proportion
de l'inventaire total est passée de 19 % à 70 %.
En matière de récupération fiscale, les montants
qu'on a récupérés au cours du dernier exercice s'élèvent à 37 millions et, entre 2009 et 2015, c'est
172 millions de dollars qui ont été récupérés à même les capitaux
étrangers, ce qui est à peu près la moitié de ce qu'on a récupéré dans
le cadre du programme de divulgation volontaire.
Il
est délicat, pour Revenu Québec, de décrire précisément les stratégies qu'on
emploie, les moyens et les ressources qu'on
déploie pour les travaux de vérification. Le fait de les divulguer pourrait
compromettre le succès de nos démarches. Soulignons toutefois que nous notons une sophistication grandissante des
stratagèmes utilisés. Par conséquent, le niveau de complexité des dossiers de PFA fait en sorte que le temps requis pour
mener à terme une vérification est considérable. À ce sujet, il importe de souligner que Revenu Québec s'assure de
fournir une formation de pointe à ses vérificateurs afin qu'ils
possèdent un haut niveau d'expertise.
Depuis 2010, il existe des dispositions
législatives qui nous permettent de lutter plus agressivement contre les PFA. Parmi ces dispositions, on note un délai
additionnel de trois ans à la période normale de prescription pour établir
une cotisation fondée sur la règle antiévitement, des pénalités spécifiques
applicables aux PFA et un mécanisme de divulgation obligatoire et préventive
pour faciliter la détection de nouvelles planifications.
On a
également, à Revenu Québec, accentué nos efforts en matière de lutte contre les
PFA. On a des unités spécialisées qui
coordonnent l'ensemble des activités liées aux PFA, à Revenu Québec, qui
détectent les PFA et les contribuables, qui établissent des stratégies d'intervention et qui intègrent des
informations découvertes, lorsqu'on trouve un stratagème, à nos stratégies de vérification et aux
informations dont disposent les vérificateurs pour faire leurs travaux. Par
ailleurs, on cherche continuellement
à recruter les meilleures ressources ayant une expertise approfondie en
fiscalité, et ça, depuis plusieurs années.
Les efforts
qu'on a consacrés dans le secteur des PFA ont porté fruit. Depuis 2009, on a
récupéré 505 millions en lien
avec les travaux de lutte contre les PFA. Bien que ces démarches donnent des
résultats, il n'en demeure pas moins qu'il y a des limitations
importantes à nos travaux. Le secret bancaire, par exemple, demeure un obstacle
majeur, et, lorsque nous réussissons à avoir accès aux renseignements,
certaines juridictions n'ont pas les mêmes exigences de conservation documentaire que nous. De plus, les transferts de fonds
entre des comptes bancaires sont souvent indirects et transitent par de
nombreuses juridictions. De même, plusieurs contribuables visés ne collaborent
pas, alors que les informations reçues sont
parfois insuffisantes, et, dans certains cas, les contribuables visés ne
possèdent aucun actif au Québec.
Par ailleurs,
on entreprend des programmes de vérification en fonction des secteurs ou des
comportements à risque. On
s'intéresse particulièrement aux fiducies, et ce, sous plusieurs aspects. Au
cours des dernières années, on a augmenté le nombre de vérifications fiscales en ce domaine et, avec les récentes
mesures législatives que je vous ai décrites précédemment, nous avons
maintenant des renseignements supplémentaires que nous pouvons utiliser.
Nous avons
constitué des équipes multidisciplinaires spécialisées afin d'effectuer des
travaux de contrôle fiscal ciblés.
Nous avons également effectué des travaux auprès des fiducies non résidentes du
Canada qui génèrent des revenus locatifs tirés d'immeubles situés au
Québec. En raison des nouvelles mesures instaurées, ces fiducies sont
maintenant assujetties à un impôt spécial calculé sur le revenu locatif net.
Nous avons constaté que d'importantes dépenses sont réclamées par ces fiducies afin de réduire en partie ou en totalité le
revenu locatif net, ce qui a pour effet qu'elles paient peu ou pas d'impôt au Québec. Un suivi de
vérification est donc effectué afin de valider notamment que les frais de
gestion et les frais d'intérêt qu'ils réclament pour les revenus
locatifs sont légitimes.
Les documents légaux relatifs aux fiducies, tels
que l'acte de fiducie, ne font pas l'objet d'un renseignement obligatoire. Il peut être difficile pour nous de
déterminer si on a obtenu le bon acte constitutif original puisque nous
recevons parfois, en cours de
vérification, des versions déjà amendées qui ne laissent aucune trace des
textes d'origine. Un autre élément qui complexifie l'identification
d'une fiducie lors d'une vérification peut être l'interposition de prête-noms.
L'existence de la fiducie peut alors n'être révélée que très tard dans le
processus de vérification.
Nous
travaillons également sur la question très importante de la résidence des
fiducies. La détermination du lieu de
résidence d'une fiducie détermine son assujettissement à la loi québécoise.
C'est une question de fait, il est généralement considéré qu'une fiducie réside au même endroit que les fiduciaires qui
administrent la fiducie ou contrôlent ses biens. À ce sujet, nous sommes très encouragés par un jugement récent de la
Cour du Québec qui nous a donné raison. Le jugement a été
porté en appel par la fiducie concernée.
Un autre
sujet de préoccupation est le développement de l'économie numérique et le commerce électronique. Les
pertes fiscales qui se rapportent aux achats
en ligne hors du Canada sont estimées à 137 millions
de dollars par année en raison notamment
de la non-perception de taxes aux frontières. L'érosion de l'assiette fiscale
par les stratégies d'optimisation internationales est également
préoccupante.
En matière de
paradis fiscaux, de PFA et d'évasion fiscale, les sujets que j'ai abordés ce
matin, Revenu Québec travaille en
étroite collaboration avec le ministère des Finances du Québec et joue un rôle
conseil auprès de ce ministère. Nous lui suggérons des propositions de
modifications à apporter à la politique fiscale. Nous travaillons également étroitement avec ce ministère à l'élaboration de mesures
fiscales permettant de lutter plus efficacement contre l'évitement fiscal. Nous travaillons sur des initiatives qui
permettraient d'accroître les renseignements dont nous disposons afin de
faciliter les démarches de vérification et
d'augmenter nos résultats. Nous travaillons aussi sur des mesures qui
permettraient de hausser encore davantage le risque fiscal pour tout
contribuable désirant s'engager dans des planifications fiscales agressives.
Nous avons pris connaissance des recommandations
de la commission Godbout en matière de fiducies. Nous avons effectivement
constaté que la non-reconduction du revenu de l'entreprise permettait d'éroder
l'assiette fiscale québécoise. En fait,
l'utilisation de structures impliquant des fiducies fait en sorte qu'une
entreprise qui aurait par ailleurs été
assujettie à l'impôt du Québec soit plutôt imposée à titre de revenus de biens
par une autre administration fiscale. Une situation des fiducies dans un tel contexte
a notamment été observée auprès des fiducies immobilières ainsi que des sociétés de personnes, de professionnels. Nous
avons aussi constaté que certaines fiducies immobilières permettaient que
des revenus locatifs importants d'ensembles immobiliers ne fassent l'objet
d'aucune imposition au Québec.
Je
dois souligner que plusieurs travaux de l'OCDE sont fort intéressants. Revenu
Québec est très attentif aux discussions
ayant cours actuellement, visant des resserrements potentiels aux règles
fiscales. En 2013, l'OCDE a rendu publiques
15 recommandations dans le cadre du programme de lutte à l'érosion des bases
fiscales qui seront la base de ses
travaux au cours des prochaines années. L'OCDE développe une approche qui est
concertée et novatrice pour lutter contre
les problèmes que nous avons soulevés aujourd'hui et qui permettent ultimement
à certains contribuables de réduire indûment leurs obligations fiscales
par des planifications impliquant des entités situées dans plusieurs pays.
• (11 h 50) •
L'OCDE
souhaite mettre fin à l'asymétrie d'information qui existe entre les
entreprises et les autorités fiscales
et réclame également des règles de
détermination des prix de transfert qui sont plus transparentes, particulièrement en ce qui concerne les biens intangibles.
En
somme, le recours aux paradis fiscaux et à l'ensemble des planifications
fiscales agressives qui y sont associées, rappelons-le, est un phénomène mondial. La concertation internationale
qui s'établit actuellement est, selon nous, très prometteuse. Les mesures qui seront déployées
devraient entraîner des changements fondamentaux aux règles fiscales
internationales, et nous pourrons alors certainement recueillir des bénéfices importants
de cette concertation.
À
titre d'exemple pour terminer, notons l'accord sur l'échange automatique de renseignements, auquel s'est joint le Canada, obligeant l'échange d'information
systématique entre les pays signataires sur des comptes financiers. Grâce
à notre entente d'échange de renseignements
avec l'ARC, on va pouvoir profiter de ces informations-là. Et je crois qu'on
en profite déjà dans le flux additionnel de
contribuables qui se présentent pour faire une divulgation volontaire parce
qu'ils sont informés par leur banque
qu'éventuellement cet accord-là va s'appliquer à leurs propres comptes de
banque. Donc, il s'agit là d'un exemple des gains qu'on peut établir par
une concertation internationale qui, de toute évidence, a pris beaucoup
d'ampleur dans les récentes années.
Je vous remercie.
Puis je m'excuse un peu pour ma voix qui est un petit peu enrouée.
Le
Président (M. Bernier) : M. Paquin, vous êtes tout excusé. Vous
êtes tout excusé, c'est nous qui avons abusé de votre voix. Merci
infiniment de votre présentation.
Nous
allons donc passer aux échanges avec les parlementaires. Donc, M. le député de
Pontiac, je vous cède la parole en premier. Lancez-nous le débat.
M.
Fortin (Pontiac) : Merci, M. le Président. Vous êtes très gentil de le
faire. Merci de votre présence, messieurs, aujourd'hui, et à l'ensemble de l'équipe, là, qui est avec vous. Je veux
d'abord vous féliciter parce que vous avez commencé votre présentation
en rappelant que la grande majorité des citoyens du Québec sont évidemment
conformes à leurs obligations fiscales. Et c'est certain que, quand on parle
d'évasion fiscale, de paradis fiscaux, on parle d'une petite minorité des gens, mais c'était important de
rappeler et de souligner que la grande majorité des citoyens veulent le faire
correctement, veulent payer leurs taxes et
les impôts, mais, en même temps, que ces gens-là s'attendent à ce que
l'ensemble de la population le fasse. Et donc, que vous parliez
d'évasion fiscale, de paradis fiscaux, de planification financière agressive ou abusive, je pense que ce sont des
choses que l'ensemble des citoyens veulent voir réglées ou améliorées assez
rapidement.
Il
y a plusieurs points sur lesquels vous avez touché que j'aimerais aborder, mais
j'ai également vu que plusieurs de
mes collègues prenaient des notes assez rapidement. Donc, je vais essayer de
vous poser plusieurs questions de façon assez rapide.
Les
planifications financières agressives et abusives, comme vous les avez
appelées, là, si je comprends bien, c'est des genres de stratagèmes — vous avez utilisé les mots «artificiels»
et/ou «circulaires» — qui ne
sont pas nécessairement illégaux mais
qui peuvent utiliser plusieurs juridictions différentes, qui sont difficiles à
détecter. Évidemment, pour détecter ces
choses-là, vous avez des ententes avec l'Agence de revenu du Canada, vous avez
une collaboration avec l'Agence de
revenu du Canada aussi, mais j'aimerais que vous nous parliez... Parce que vous
avez dit que vous avez réussi à récupérer plusieurs sommes qui viennent de planifications financières agressives.
Nommez-moi des exemples, là, de choses que les gens peuvent faire comme
planification financière agressive ou abusive que vous avez détectées au fil
des ans.
Le Président (M.
Bernier) : M. Paquin.
M. Paquin
(Gilles) : Oui. Il y a plusieurs exemples. Souvent, un exemple qui va
revenir, c'est, à travers une planification,
d'obtenir que l'imposition se fasse dans une province où le taux d'imposition
est plus bas, dans une autre juridiction.
Donc, on va faire intervenir une fiducie, par exemple. On va localiser la
fiducie ailleurs qu'au Québec. On va exploiter des divergences entre des
critères de résidence, entre la législation fédérale et provinciale. On a vu ça
par le passé. De la façon dont les lois
étaient écrites, il y avait une possibilité de déclarer une résidence d'un côté
aux fins fédérales puis ailleurs aux
fins provinciales. Donc, c'est vraiment une analyse que les fiscalistes et les
spécialistes de ce secteur-là vont faire pour leurs clients qui vont chercher,
à travers la législation, à réduire le taux d'imposition, soit en
transférant l'imposition dans une autre
juridiction ou en utilisant des dispositions qui... Puis ils vont le faire en
organisant les affaires de façon à ce que le seul résultat soit ça, là.
Ce n'est pas une organisation qui a un sens économique.
Si
vous voulez des exemples plus précis, il y en a eu plusieurs, historiquement,
qui ont tous pris des noms assez particuliers.
Je pourrais demander à M. Martineau, qui est notre V.P. Législation, de vous en
donner quelques-uns. On a un certain
historique là-dessus. Ça nous avait amenés à intervenir, d'ailleurs, en 2009
avec des règles très sévères sur les planifications
fiscales abusives qui étaient manufacturées, là. Ça veut dire qu'un bureau
pouvait le concevoir et l'offrir à plusieurs
de ses clients contre une rémunération, souvent en pourcentage des économies, conditionnelle à ce qu'ils se rendent à
la période de prescription. On voyait que c'était vraiment fait pour ça, là.
M. Martineau
(René)
: Alors, je vais essayer de ne pas trop vous mélanger.
Je ne suis pas nécessairement doué — René
Martineau, pardon, Revenu
Québec — pour la... des fois, la vulgarisation. Alors, on a
eu, dans le vocabulaire fiscal québécois,
des expressions qui se sont ajoutées, des produits fiscaux désignés sous les
noms de «Finco», «Q-YES Plan», Truffle.
C'est vraiment des produits qui ont été manufacturés par des
professionnels de la fiscalité. Souvent, ce qu'on a vu, on misait sur
des arbitrages ou des choix différents faits dans différentes juridictions.
Par exemple, on a vu des contribuables qui ont choisi des fins d'exercice financier
différentes, tant en vertu de la loi québécoise
versus la loi fédérale, pour, entre les deux fins, basculer la proportion des
affaires. Donc, dans le premier exercice,
mettons, là, la proportion des affaires est 100 % au Québec, dans le deuxième exercice financier, le choix
fédéral, la proportion des affaires
est dans une autre province. Entre les deux, le revenu réalisé, le résultat,
c'est qu'il n'y avait aucun impôt
provincial qui était payé dans la planification. Donc, avec un choix
d'exercices financiers bien, bien ciblés, on arrivait à ce résultat-là.
Donc, c'est une transaction qu'on a attaquée, ça, en vertu de la règle générale
antiévitement.
Il y avait un
trou, dans la législation ontarienne, qui prévoyait que les sociétés
incorporées à l'extérieur du Canada ne
payaient pas d'impôt sur leurs revenus de biens réalisés à l'étranger. La
planification a fait en sorte que cette compagnie étrangère, pour l'Ontario, était... donc, pas
d'impôt ontarien à payer. Vis-à-vis toutes les autres provinces canadiennes,
les impôts étaient payés sur une base de
proportion des affaires. Donc, on ramenait les revenus dans cette
corporation-là, en Ontario — donc, souvent du revenu de
biens — pour
faire en sorte qu'il n'y avait pas d'impôt provincial. Donc, l'Ontario a
réglé ce problème-là en 2005‑2006. Mais, encore
une fois, il y avait
un petit trou, puis on a planifié pour y passer. Cette transaction-là a été attaquée par plusieurs provinces,
donc : l'Alberta, qui perçoit elle-même ses impôts; l'Ontario, à l'époque, qui percevait également ses impôts. Dans ces deux cas-là,
les tribunaux ont donné raison aux contribuables qui ont exploité le trou. Donc, ça illustre aussi que la règle générale
antiévitement, c'est une règle, là, qui est délicate à appliquer parce qu'à la base ce sont des
transactions qui sont légales, donc il n'y a pas d'illégalités qui sont
commises par les contribuables qui les utilisent.
Une voix : ...l'évitement.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Martineau (René)
:
C'est
de l'évitement, c'est ça.
M. Paquin
(Gilles) : Comme on voit, il y a
une très, très grande variété, là. Je parlais qu'il y avait
une sophistication dans ce
domaine-là, là. Le mot est vraiment approprié, là. Il y a une très, très
grande variété, puis, dès qu'on bouche un trou, toute la pression s'en
va vers d'autres éléments de la législation.
Récemment, on
a gagné un jugement dans le cas de la localisation d'une fiducie, une fiducie
qui prétendait être localisée en
Alberta. Nous, on a fait la démonstration que le contrôle effectif était au Québec.
La cause a été portée en appel, mais
c'est des choses comme ça également, là, qui permettent d'amener une imposition en
Alberta qui est beaucoup plus
basse qu'ici, là.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Fortin
(Pontiac) : Oui. En fait — je vous remercie pour votre réponse — je pense
qu'on va avoir du fun à cette
commission-là, M. le Président. Pas qu'on n'a pas du plaisir habituellement,
mais je pense que ça va être particulièrement intéressant.
Le dernier
point auquel vous avez touché, le jugement en cour et le lieu de résidence des
fiducies, vous y avez touché, vous y
avez fait référence pendant votre allocution initiale. Juste pour bien
comprendre, le lieu de résidence d'une fiducie, c'est le lieu de résidence du fiduciaire, si je comprends bien.
Mais ce que vous êtes en train de dire, c'est que le fiduciaire peut déplacer ou il peut y avoir du
contrôle ailleurs.
Et là le lieu de résidence de la fiducie, c'est ailleurs, et donc il
est assujetti aux taxes et impôts de cette juridiction-là. C'est bien ça?
Le Président (M. Bernier) :
M. Martineau.
M. Paquin (Gilles) : Oui. Je vais
donner la parole à René Martineau.
• (12 heures) •
M.
Martineau (René)
:
René Martineau, Revenu Québec. Bon, il y avait un principe
généralement reconnu en fiscalité
canadienne et québécoise, que la résidence d'une fiducie s'établissait en fonction
de la résidence de ses fiduciaires. Donc,
ça permettait au planificateur, assez facilement, de trouver dans
quelle juridiction on voulait placer la fiducie. On trouvait un fiduciaire, un bureau de comptables,
un bureau d'avocats dans la juridiction où on voulait l'installer puis on
le bombardait fiduciaire de la fiducie, puis, voilà, la résidence était
déterminée.
Il y a une
attaque de ce type de montage là, par le fédéral, à l'égard de fiducies
étrangères. Il avait été mis en preuve que
les fiduciaires, en fait, c'étaient des personnes qui n'avaient aucune espèce
d'idée de ce qu'ils faisaient dans le cadre du montage, sinon de répondre à des instructions tout à fait précises.
Et il avait été mis en preuve aussi que les véritables acteurs de la fiducie, c'étaient des Canadiens qui
donnaient des instructions très claires au fiduciaire qui ne faisait que
les exécuter. Alors, la jurisprudence a donc reconnu que la résidence de la
fiducie s'établissait plutôt...
C'est vrai
que le fiduciaire, normalement, dans une fiducie, c'est lui qui contrôle les
destinées de la fiducie. Donc, ça
peut être un indice ou un critère de résidence. Mais, si le véritable contrôle
est ailleurs, bien, la résidence va être établie ailleurs. Donc, le jugement dont M. Paquin parlait,
ça a été le cas. On a réussi à mettre en preuve que les instructions données
au fiduciaire venaient du Québec, et la Cour
du Québec a conclu que la résidence s'établissait au Québec dans ce cas-là.
Donc, ce
mouvement de jurisprudence là a quand même sûrement ébranlé plusieurs
planifications qui avaient été mises
en branle avec la certitude ou la quasi-certitude que la résidence des fiducies
s'établissait en fonction de la résidence du fiduciaire. Ce qu'on peut voir maintenant, c'est qu'on donne plus large
pouvoir au fiduciaire. Donc, les planifications s'adaptent, hein, à la
jurisprudence.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Fortin
(Pontiac) : Merci. Je veux vous amener sur le dossier des divulgations
volontaires. Encore là, c'est quelque
chose auquel vous avez fait référence et c'est quelque chose qui peut sembler
assez facile, assez simple à éviter, disons,
pour le citoyen ordinaire qui peut nous écouter, là, mais vous semblez dire que
ça fonctionne. Vous avez sorti des statistiques intéressantes. C'est
qui, les gens qui divulguent volontairement? Les gens qui viennent vous voir,
là, qui remplissent le formulaire que vous
avez et qui disent : Bien, moi, j'ai de l'argent que je veux ramener d'un
paradis fiscal, par exemple, et qui vont divulguer ça. Est-ce que c'est
des gens qui se rendent compte qu'ils n'ont pas les moyens de ramener cet argent-là au Québec sans se faire
prendre? Ou est-ce que c'est des gens, je ne sais pas, moi, qui héritent
d'argent qui est dans un paradis
fiscal et, eux, veulent faire les choses correctement? C'est qui, ces gens-là?
Et qu'est-ce qui explique l'ampleur accélérée du succès d'une
divulgation volontaire?
Le Président (M. Bernier) :
M. Paquin.
M. Paquin
(Gilles) : Oui. Il y a différentes motivations. Je dirais que,
présentement, à peu près 70 % de nos cas, là, qui rentrent sont liés à des capitaux à
l'étranger. Et une partie assez importante des motivations viennent du fait
qu'il y a des resserrements, au plan
international, qui insécurisent les gens qui détiennent ce type de capitaux là.
Bon, les capitaux à l'étranger,
est-ce qu'ils ont été placés à l'étranger? Est-ce que c'est des gens qui ont
immigré au Canada, par exemple, puis
qui ont laissé ces sommes-là à l'étranger pendant un certain nombre d'années,
des héritages qu'ils ont reçus à l'extérieur?
Donc, il y a différentes choses qui peuvent expliquer la constitution d'un
capital à l'étranger. Mais ce qui va les
amener à venir en divulgation, c'est la crainte que, par exemple, l'existence
de ce compte-là soit révélée à travers les accords qui se signent au
niveau de l'OCDE.
Il y a
également la crainte de faire partie d'un coulage d'information. On l'a vu avec
la liste HSBC. C'est quelque chose
qu'on ne pouvait pas voir il y a plusieurs années. Aujourd'hui, des centaines
de milliers de noms peuvent couler instantanément sur une clé USB. Donc,
il y a une crainte là.
Il y a une
crainte également... Il y a eu des scandales financiers qui insécurisent les
gens. Donc, de plus en plus, c'est rendu quelque chose qui,
probablement, est source de souci d'avoir des montants importants dans des
comptes à l'étranger. Puis la plupart des
pays signent les accords de l'OCDE. Il y a le Foreign Account Tax Compliance
Act, là, américain, également qui
envoie beaucoup... puis il y a les discussions Canada—États-Unis là-dessus qui envoient beaucoup de signaux. Les banques avertissent leurs clients
de l'éminence de certaines divulgations d'information. Donc, ça, ça nous
amène beaucoup, beaucoup de dossiers côté étranger.
On a
également des motivations qui vont venir, par exemple, d'erreurs qu'une
entreprise a pu faire, puis, pour éviter
les pénalités, ils vont venir en divulgation volontaire rectifier le passé.
C'est moins fréquent. Des gens qui veulent mettre leurs choses en ordre
à la fin de leur vie, ça, c'est des choses qu'on voit également.
Donc, il y a beaucoup
de motivations comme ça, mais ce qui est frappant, c'est l'ampleur de l'augmentation du nombre de dossiers qu'on reçoit, qui vient avec la mouvance internationale,
là, qui nous est très favorable.
Le
Président (M. Bernier) : Alors, plus il y a d'annonces, plus on a des gens qui se conforment,
à ce moment-là.
M. Paquin (Gilles) : C'est sûr que
chaque fois qu'il y a une liste qui apparaît, qui se diffuse...
Le Président (M. Bernier) :
Un impact, un impact indirect.
M. Paquin (Gilles) : On a des gens
qui viennent nous voir, oui.
Le Président (M. Bernier) :
Oui. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Merci,
M. le Président. Merci beaucoup de votre présentation, c'est fort intéressant.
J'ai quelques questions. D'abord, vous mentionnez qu'à l'interne vous avez
des équipes multidisciplinaires et que, depuis 2010, vous avez des unités spécialisées, etc. Est-ce
que, d'après vous, vous pouvez recruter les personnes nécessaires pour faire
votre travail dans ce domaine, vous avez ce qui est nécessaire pour travailler
bien vis-à-vis l'évasion fiscale?
Le Président (M. Bernier) :
M. Paquin.
M. Paquin (Gilles) : Je vous dirais
que oui. Oui, bien, on fonctionne à l'intérieur des contraintes qui sont les contraintes de tous, là, mais on a réussi quand même
à mobiliser un certain nombre de personnes, bon, que ce soit
à travers nos équipes de vérification pour lesquelles on essaie d'assurer un niveau de formation
qui est adéquat, on en a plusieurs,
puis on a des équipes qui sont beaucoup
plus spécialisées, qui travaillent sur des projets spécifiques comme PFA,
Indices de richesse, divulgation volontaire,
des choses comme ça. On a également des enquêtes au niveau des fraudes, là, où,
là, on doit avoir des gens qui ont une formation qui est plus spécifique. Mais je dirais que, oui,
on arrive quand même à doter les
postes puis à trouver des équipes, là, mais il ne faut pas se le cacher, on a
un climat, quand même, qui est... pas un climat, mais un
contexte qui est quand même difficile, là, donc pour lequel on doit...
Le Président (M. Bernier) : Mme
la députée.
Mme de Santis : O.K. Vous avez parlé de la divulgation
volontaire. Est-ce qu'il y a eu, dans le passé, une entité, pas une personne physique, mais une entité qui a
fait une divulgation volontaire ou la plupart des divulgations volontaires
sont des individus?
Le Président (M. Bernier) :
M. Paquin.
M. Paquin (Gilles) : La plupart,
c'est des individus, mais il peut y avoir également des entreprises.
Le Président (M. Bernier) :
Des corporations.
Mme de Santis : Il
y a des entreprises?
M. Paquin (Gilles) : Oui, ça peut
arriver, oui. C'est moins fréquent.
Mme de Santis :
Quand vous dites «moins fréquent», c'est quoi?
M. Paquin (Gilles) : Oh! la
proportion...
Mme de Santis :
Vous pouvez nous l'envoyer, l'information.
M. Paquin (Gilles) : Je pourrais
vous donner ça. Dans le rapport annuel de gestion, on publie les résultats de
divulgations volontaires selon les sources d'imposition. Donc, on va retrouver
l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés, les taxes, mais ça ne
vous dira pas si c'est un individu ou une personne morale, là, sauf en impôt
des sociétés, là, mais ça peut arriver, là. Les entreprises, comme je vous
dis, des fois, il y a des erreurs qui ont été faites, des omissions, des erreurs plus ou moins volontaires. Et, pour régulariser ça puis éviter la pénalité, entre autres, puis éviter les poursuites,
ils vont venir en divulgation volontaire. Mais le cas vraiment
le plus fréquent, ça va être une personne, oui.
Mme de Santis : Ça
va être une...
M. Paquin
(Gilles) : C'est souvent l'administrateur de la société qui va s'accaparer
les bénéfices, des choses comme ça, puis c'est lui qui va vouloir
chercher à régulariser son dossier, là, à la fin.
Mme de Santis :
J'aimerais parler un instant des fiducies. Est-ce que je comprends que, s'il y
a un parc immobilier au Québec, et
que ça appartient à une fiducie, et que la fiducie est gérée par des
fiduciaires ou comité de gestion ailleurs, que cette fiducie ne paie pas
d'impôt au Québec?
Le Président (M. Bernier) :
M. Martineau.
M.
Martineau (René)
: René Martineau, Revenu Québec. Alors, au
niveau des fiducies et du revenu immobilier, la qualification du revenu va dépendre beaucoup du niveau d'activité qui
est dans l'entité. Ce qu'on voit dans les fiducies immobilières, c'est une structure qui prévoit que
le niveau d'activité est très, très limité, si ce n'est que de collecter un
loyer brut. Toutes les activités relatives à
la gestion de l'immeuble sont données à des sous-traitants, à d'autres entités,
donc ce qui fait en sorte que le
revenu de la fiducie est qualifié, fiscalement souvent, de revenu de biens.
Alors, la différence entre un revenu de biens, un revenu d'entreprise,
au plan fiscal, ça va aussi nous donner l'assujettissement du revenu.
Au Québec,
une fiducie, c'est un particulier. Si le particulier ne réside pas au Québec,
il est assujetti uniquement sur le
revenu d'entreprise qu'il gagne au Québec. Donc, si la fiducie non résidente du
Québec réalise du revenu de biens, son
revenu n'est pas assujetti au Québec. Donc, les montages qu'on voit, c'est de
faire en sorte qu'il y ait le minimum
d'activité dans la fiducie qui détient
l'immeuble pour qualifier le revenu de revenu de biens, pour éviter, donc, une
proportion des affaires au Québec.
• (12 h 10) •
Mme de Santis : Alors, les REITs qui ont été créés ailleurs que
le Québec avec des parcs immobiliers au Québec ne paient pas d'impôt au Québec.
M. Martineau (René)
: Pardon?
Je n'ai pas compris le début de la question.
Mme de Santis :
En anglais, on dit «REITs», Real Estate Investment Trusts.
M. Martineau
(René)
:
Ah! les...
M. Paquin (Gilles) : Les fiducies de
revenu.
M. Martineau (René)
: C'est
ça. C'est ça. Exact.
Mme de Santis :
C'est ça.
M. Martineau
(René)
: Si on
qualifie la fiducie de revenu de biens dans la fiducie, il est bien entendu que
la fiducie n'est pas résidente du Québec, bien, alors, on n'aura pas
l'imposition.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. On va permettre au député de Sainte-Rose de poser une question.
Mme de Santis : O.K., O.K. Parfait.
Le Président (M. Bernier) : Et
je vous reviens, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : O.K.
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de Sainte-Rose.
M. Habel : Merci...
M. Paquin (Gilles) : ...spécial, par
exemple, pour ces fiducies-là.
Mme de Santis :
Pardon?
M. Paquin (Gilles) : Pour ces
fiducies-là en particulier, les non-résidentes qui exploitent un immeuble au
Québec, depuis quelques années, on a un impôt spécial.
M. Martineau (René)
: Il y a
un impôt de sept points de pourcentage qui s'applique aux fiducies qui sont
non-résidentes canadiennes seulement.
M. Paquin (Gilles) : Sur le revenu
locatif.
M.
Martineau (René)
: Sur le revenu locatif uniquement. Et les
fiducies résidentes canadiennes hors Québec, eux, ils n'ont pas cet
impôt spécial.
Le Président (M. Bernier) :
O.K. M. le député de Sainte-Rose.
M.
Habel : Merci, M. le Président. Premièrement, j'aimerais remercier M.
Paquin et son équipe d'être ici. C'est très intéressant. J'ai lu votre
mémoire, puis vous établissez bien les quatre sources de pertes fiscales qui
sont la non-déclaration des revenus,
la diminution des revenus, la désobéissance aussi des règles fiscales et
l'évitement fiscal. Il faut être bien conscient
aussi qu'on a une juridiction au Québec, puis aussi il y a des efforts qui
doivent être continués aussi aux niveaux fédéral puis provincial.
Vous avez
parlé, dans votre mémoire, d'équipes spécialisées, du module d'enregistrement
des ventes. Quels sont les outils
qu'on pourrait avoir, supplémentaires, ou quels sont les outils que vous auriez
besoin pour favoriser l'éradication de ces quatre sources fiscales là
que je viens de décrire?
Le Président (M. Bernier) :
M. Paquin.
M. Paquin
(Gilles) : Comme je disais, le nerf de la guerre, c'est beaucoup
l'information. Donc, c'est d'investir beaucoup dans la connaissance des
types de stratagèmes, les répertorier. À partir du moment où on connaît leurs
caractéristiques, on les inclut à nos stratégies de vérification. On les inclut
également aux outils dont les vérificateurs disposent quand ils font une
vérification. Ça leur indique où chercher, quoi chercher. Ça les rend plus
efficaces à ce niveau-là.
Donc, le maximum d'information qu'on peut
échanger, qu'on peut obtenir, soit à partir de notre centrale de renseignements
soit à partir des activités qu'on fait, de vérification — puis
on en fait beaucoup, le tiers des grandes entreprises
sont vérifiées une fois par année au Québec, donc on en fait pas mal de ce
côté-là — puis de
l'information qu'on obtient du
fédéral, que ce soit au niveau des cotisations, que ce soit au niveau des
échanges d'information sur des listes
d'information internationale, donc toutes ces informations-là viennent nous
aider à être de plus en plus efficaces, là, pour détecter les
planifications fiscales agressives ou les stratagèmes qui vont impliquer un
paradis fiscal.
Puis je pense
que c'est là-dedans qu'il faut aller. Il faut appuyer, je crois, là, tout ce
qui est effort international de
concertation parce que ça ne peut que passer par là. C'est l'action concertée
des pays qui va faire en sorte qu'il y aura de moins en moins d'endroits où les gens vont
pouvoir aller cacher des sous. Et c'est l'action concertée des pays qui va
faire en sorte qu'il va y avoir de moins en
moins de possibilités, pour les entreprises, d'optimiser puis de jouer une
juridiction contre l'autre de façon à minimiser leur charge fiscale.
Je pense
qu'il faut jouer également sur l'importance de payer ses impôts. Moi, je pense
qu'il ne faut pas sous-estimer ça, l'aspect moral, là. Puis, à Revenu Québec, on
en a fait un peu. Vous savez, il y a quelques années, on a eu des publicités,
des choses comme ça, mais je crois que c'est d'abord en incitant les gens
à l'autocotisation puis en incitant les gens à l'importance du financement des services publics qu'on va également
amener les gens à se sentir plus responsables de ce côté-là.
Donc, il faut
augmenter le risque fiscal, augmenter le risque fiscal. Il faut que la
probabilité de se faire prendre soit
plus grande de façon à... ceux qui, malgré tous les appels et tous les rappels
qu'on peut faire, vont tenter de persister dans cette voie-là, donc,
aient le sentiment que le risque de se faire prendre est beaucoup plus grand.
Puis ça, ça
va venir avec l'ensemble des mesures qu'on déploie. On a beaucoup d'instruments
quantitatifs dont on parlait, là,
l'indice de richesse, on en a fait aussi dans la lutte à l'évasion fiscale,
mais on est plus loin que les paradis fiscaux
puis des PFA, là, quand on pense à ce qu'on a fait dans la construction puis
dans la restauration, ces choses-là. Mais
l'ensemble de ces interventions-là, je pense, a fait en sorte que le risque
fiscal, dans l'esprit des gens, augmente quand on cherche à éviter les
impôts.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Habel : Merci.
Le Président (M. Bernier) :
D'autres questions? Ça va?
M. Habel : Je peux laisser la parole
à Mme la députée.
Le Président (M. Bernier) :
Vous aviez une autre question, Mme la députée, à poser?
Mme de Santis : Oui.
Le Président (M. Bernier) :
Ou M. le député de... Par la suite.
Mme de Santis : O.K. Pouvez-vous me donner un exemple d'une
utilisation correcte d'un paradis fiscal? Vous dites qu'il y a plus que 90 conventions. Je comprends que les
conventions existent pour s'assurer qu'il n'y a pas une double imposition. Mais, quand on a une convention
avec... Parlons de Barbade, pourquoi on l'a, cette convention? Dans quel
but positif existe cette convention?
Le Président (M. Bernier) :
M. Paquin.
M. Paquin
(Gilles) : Un des principaux
buts de la convention, c'est qu'on convienne de la façon dont les sommes
peuvent être ramenées au Canada
ou au Québec en prévenant la double imposition, mais ça
favorise le rapatriement de ces
sommes-là. Là, je parle de revenus d'entreprises à actif. Ça favorise l'échange d'information. Avec ces conventions-là vient
un échange d'information, puis c'est justement cette information-là
qu'on a de besoin pour bien suivre le contribuable puis bien s'assurer qu'il remplit ses obligations.
Et je dirais qu'à l'inverse, quand on n'a pas ces conventions-là ou qu'on
ne permet pas le rapatriement des sommes en évitant la double imposition, bien
là on se trouve dans des situations où d'énormes
sommes peuvent s'accumuler à l'étranger. Puis c'est une situation
qu'on voit avec les États-Unis en particulier.
Et là ils envisagent, aux États-Unis, des
mesures de taux réduit de façon à favoriser le rapatriement des sommes parce
que, sinon, les entreprises ont tendance à ne pas les rapatrier.
Peut-être, je ne sais pas, René, si tu veux...
Le Président (M. Bernier) :
M. Martineau.
M. Martineau (René) : Alors, oui,
bien, je pense que l'exemple d'utilisation de paradis fiscal qu'on entend
beaucoup lorsqu'il est question, là, de ce sujet-là, c'est vraiment, là... Bon,
la fiscalité canadienne et québécoise, elle s'applique
entité par entité. Donc, on a une entité canadienne qui réalise un revenu. Ce
qu'on voit beaucoup, ce qu'on entend beaucoup, puis la politique fiscale
permet ça, c'est donc qu'il y ait une entité qui soit constituée dans un pays où le taux d'imposition est plus bas, où on
transfère certains actifs utilisés pour gagner un revenu. Par exemple, ce qu'on
entend beaucoup, c'est la propriété
intellectuelle. Donc, la propriété intellectuelle, elle est transférée dans un
pays à faible taux d'imposition, et
après ça, bien, l'entité canadienne rémunère la filiale pour pouvoir utiliser
la propriété intellectuelle dans son
entreprise. Donc, c'est une charge, ça réduit son revenu canadien au profit de
l'entité qui est située dans l'autre juridiction. Comptablement parlant,
l'entreprise, c'est neutre, c'est le même revenu.
Et les
conventions fiscales... Parce qu'on va dire : O.K., on envoie de l'argent
dans un paradis fiscal puis comment faire pour le récupérer? La
politique fiscale actuellement au Canada, c'est : S'il y a une convention
d'échange de renseignements ou une entente
fiscale avec ce pays en question, on permet que le surplus réalisé par la
filiale dans le paradis fiscal soit ramené
au Canada sans imposition. La logique derrière ça, c'est que, comme il y a une
entente d'échange de renseignements ou une entente fiscale, l'autorité fiscale canadienne
peut aller vérifier la substance de l'entreprise qui est exploitée dans l'autre juridiction. On peut voir
si c'est vraiment une entreprise ou pas parce qu'il y a l'accès via ces
ententes d'échange de renseignements avec le pays en question.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Une courte question, M. le député de
Sainte-Rose.
M. Polo :
Laval-des-Rapides.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Laval-des-Rapides, excusez-moi.
M.
Polo : Merci. Merci, M. le Président. J'avais une question. Vous nous avez parlé de PFA — planification
fiscale agressive — mais
jusqu'à quel point ou quel degré de responsabilité vous attribuez, par exemple, aux cabinets
comptables ou aux cabinets d'avocats
dans le service-conseil qu'ils offrent à leurs clients dans ces actions-là ou
dans ces prises de décision là? Jusqu'où cette responsabilité-là n'amène
pas justement cette prise de décision là?
Le Président (M.
Bernier) : M. Paquin.
• (12 h 20) •
M.
Paquin (Gilles) : Bien,
c'est certain que les entreprises et les particuliers
qui utilisent ces stratagèmes-là se font
conseiller, se font conseiller parce que c'est très technique. Il faut
s'assurer qu'on respecte la lettre de la loi. Il faut s'assurer, là, que l'enchaînement des actions, là,
conduit au résultat qui est espéré, là. Donc, c'est sûr que les spécialistes
fiscaux des bureaux comptables
principalement, et d'autres, sont les concepteurs, le plus souvent — le
plus souvent — les
concepteurs de ces stratagèmes-là.
Et
vous pouvez voir, par exemple, il y a eu l'épisode du Luxembourg, qui a été rapporté à
l'émission Enquête, là, où on a une toute petite juridiction, qui
n'est vraiment pas très grande, le Luxembourg, là, et on trouve des bureaux comptables de 1 500,
2 000 employés, là, par bureau, là. Donc, c'est certain qu'il y a
là un... Mais, en même temps, c'est des
stratagèmes qui respectent la loi des juridictions. Ils vont faire un
arbitrage, ils vont exploiter les différences, mais ils vont s'inscrire toujours
dans une certaine forme de légalité.
Bon, là, est-ce que...
Le Président (M.
Bernier) : On parle davantage... On parle davantage d'évitement
plutôt que...
M.
Paquin (Gilles) : Voilà,
c'est plus souvent qu'autrement. Mais c'est certain qu'ils ont un rôle
fondamental là-dedans, et c'est pour ça qu'en 2009 on avait quand même
encadré un peu le travail dans ce secteur-là en obligeant une divulgation préventive lorsqu'il
y avait des montages qui étaient faits et vendus sur une base que je dirais
commerciale, là, à plusieurs personnes, là.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, M. Paquin. On va passer du côté de l'opposition officielle. M. le
député de Rousseau.
M.
Marceau : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Paquin. Bonjour, messieurs.
Merci. Bonjour, mesdames. Alors, bonjour à toute l'équipe de Revenu Québec.
Peut-être dire, pour
commencer, que je sais tout le travail qui se fait chez vous. Je ne le sais pas
parfaitement, mais j'en sais un bout, en tout cas, pour avoir eu des conversations avec vous à l'occasion
dans d'autres contextes. Et donc mes
questions, là, se veulent dans une optique, là, d'arriver à faire mieux au Québec.
Puis là-dessus je veux simplement
dire que je suis bien conscient que votre
rôle, c'est, étant donné un ensemble de règles déjà fixées, de faire de votre
mieux pour aller récolter les impôts
puis les dus au fisc, puis que votre rôle habituel, en tout cas, ce n'est pas de nous dire comment on devrait changer les règles
pour que ça soit encore mieux, pour que ça soit encore plus facile.
Cela étant, je pense
qu'inévitablement dans cette commission on se pose ces questions-là, on se
demande qu'est-ce qu'on pourrait changer. Puis un exemple, c'est celui du
programme de divulgation volontaire. C'est un programme qui
a été abordé par mes deux collègues avant moi. Je le sais bien que vous, dans le fond, vous prenez le programme tel qu'il
est, vous l'administrez puis... bon, mais la question se pose à savoir si
ça ne vaudrait pas la peine de le modifier, de l'améliorer. Y a-t-il des
suggestions que vous pourriez nous faire pour en améliorer l'efficacité?
Puis la raison pour
laquelle je vous dis ça, puis là je ne connais pas parfaitement les chiffres,
puis vous allez peut-être me le dire, mais il y a des gens qui plaident, en tout cas, que les programmes de divulgation volontaire qui sont en place aux États-Unis ont permis d'aller
chercher plus de contribuables, d'aller obtenir des sommes plus grandes. Puis
la distinction qu'il y a entre ce que nous avons puis le leur ou les leurs,
leurs programmes, c'est qu'eux ils imposent des pénalités, que nous, on n'en impose pas. C'est qu'eux ont eu, à un moment donné, des programmes qui étaient temporaires, et donc des fenêtres pendant lesquelles — très courtes — les contribuables pouvaient se présenter, alors
que nous, on a un régime d'amnistie permanente. Donc, il y a des
différences.
Question,
donc, très simple pour commencer peut-être : Est-ce
qu'il y a des changements que vous
apporteriez, même si je sais que ce
n'est pas nécessairement votre rôle? Puis je ne veux pas vous mettre
mal à l'aise, là, mais je pense
qu'avec l'expérience que vous avez et les
connaissances que vous avez vous êtes mieux placés que d'autres pour nous
le dire si vous apporteriez des changements à ces programmes-là.
Le Président (M. Bernier) :
M. Paquin.
M. Paquin (Gilles) : Oui. Bien, je n'ai pas une connaissance pointue
de ce qui peut être fait aux États-Unis, mais je
sais qu'ils agissent beaucoup des deux côtés. Ils agissent beaucoup
du côté des institutions financières, là, avec, entre autres, le Foreign Account, là. Puis ça, je crois
que ça crée beaucoup, beaucoup d'incertitudes et de risques. Ça fait que, là,
quand on offre un programme
d'amnistie à travers ça, même s'il est assorti d'un certain nombre d'intérêts
ou pénalités, peut-être qu'ils obtiennent un résultat qui est quand même
assez efficace.
Nous,
on a un programme qui est plus sévère que celui du fédéral en ce
sens qu'on va considérer la totalité du capital de l'individu. On ne mettra pas de limite à la période de
constitution du capital. Le fédéral, généralement, va s'arrêter après 10 ans. Donc, peut-être
certaines personnes vont vous dire : Dans le fond, peut-être
que Revenu Québec aurait plus d'impacts s'il limitait la
période sur laquelle il considère le capital. Donc, les individus seraient peut-être
plus enclins à venir nous déclarer, étant donné que ça coûterait un peu moins
cher.
Il y a
toute la question des intérêts. Nous, on pense qu'à partir du moment où ils
viennent en divulgation volontaire, qu'on
renonce aux poursuites, qu'on renonce aux pénalités, les intérêts,
bon, on peut y renoncer en partie, là, dépendamment
du dossier, contre des conditions qui sont très claires, là : on veut une
vérification complète puis on veut un règlement du solde à la fin du
processus. On pense qu'on obtient des bons résultats.
Maintenant,
il faudrait faire l'exercice de balisage avec d'autres juridictions. On n'a pas, nous... À ce stade-ci, on était quand même pas mal satisfaits du rendement
du programme, surtout en termes d'arrivages. Puis je ne vous cacherai
pas que l'augmentation a été tellement abrupte depuis deux ans, là, qu'il a
fallu injecter pas mal de ressources dans le programme
pour que le stock, l'inventaire, là, n'augmente pas, là. Mais on pense que
c'est de première nécessité de traiter ces
cas-là parce qu'on a vraiment des cas où on rétablit l'équité entre les gens,
là. Donc, on n'a pas hésité à ajouter des ressources humaines dans ce
programme-là pour pallier à l'augmentation de l'inventaire.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M.
Marceau : Oui. Merci, M. le Président. Bien oui, je vous invite
à faire ce travail de balisage, je vous invite à y regarder de plus près. Selon le réseau, là, justice fiscale, qui a
travaillé là-dessus, donc, les programmes américains ont... peut-être
que c'est la combinaison avec...
Non,
je recommence cette phrase-là. Ce n'est pas en lien avec le FATCA. C'est en
2009 et en 2011, notamment, là,
qu'ils ont mis en place trois programmes portant spécifiquement sur des fonds
dissimulés offshore. Et ces trois programmes, regroupés sous le Offshore Voluntary Disclosure Initiative, donc, ont
fait en sorte, là, que, très rapidement, 15 000 contribuables se
sont présentés devant les autorités fiscales américaines.
Alors, là-dedans, il
y avait des pénalités, puis moi, je pense qu'au plan de la justice, là... Moi,
l'idée qu'un contribuable qui a
volontairement mis de l'argent dans des paradis fiscaux, que, cette
personne-là, au moment où elle pense qu'elle
va se faire pogner, puisse aller de l'avant puis éviter les pénalités, moi, je
pense qu'il y a comme quelque chose... En tout cas, moi, ça me heurte un
peu, ça me heurte un petit peu.
Alors, je vous invite
à regarder. Premièrement, peut-être que ça augmenterait l'efficacité du programme.
Deuxièmement, il faudrait réfléchir, donc, à
cette, donc, pénalité puis aussi caractère temporaire, d'avoir une fenêtre
et de la fermer, la fenêtre, à un moment
donné en disant : Si, après un certain temps, vous ne vous êtes pas
présentés, vous allez devoir payer plus cher. Bien, moi, je pense que ça
pourrait être bon.
Je vais changer de
sujet. Vous comprenez mon souhait, l'invitation que je vous fais à regarder ça
de près.
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
M. Marceau :
Deuxième sujet que je voulais aborder, puis là c'était plus sur le factuel,
mais j'aimerais vous entendre. Quand on sait
que, dans les investissements directs étrangers des Canadiens, après les
États-Unis, là, qui sont au premier
rang, la deuxième destination de choix, c'est la Barbade... ou les Barbades,
dans lesquelles le stock d'investissements
étrangers est de 71 milliards, d'après StatCan, d'après Statistique
Canada... ça, c'est le stock. Et puis, pour voir le flux, je voudrais
juste vous dire qu'entre 2010 et 2014 le stock est passé de 50 à
71 milliards, donc, d'investissements du Canada à la Barbade, donc une
augmentation de 21 milliards.
Puis,
enfin, première question, peut-être : Vous, là, d'après vous, puis je sais
que ce n'est pas le genre de choses auxquelles
vous êtes habitués de répondre, mais on est là-dedans, est-ce que ça peut
correspondre à une activité économique réelle
à la Barbade, là, que de penser qu'entre 2010 et 2014 il s'est ajouté
21 milliards d'investissements directs étrangers à la Barbade — canadiens,
là — des
Canadiens qui ont investi 21 milliards? Est-ce que ça a un sens de penser
que ça pourrait correspondre à une activité économique réelle ou est-ce qu'il y
a des justifications possibles à ça?
Le Président (M.
Bernier) : M. Paquin.
M. Paquin
(Gilles) : Bien, je ne voudrais pas, là... Je n'ai pas une
connaissance pointue de la statistique, qu'est-ce qu'elle mesure dans les
faits, là, qu'est-ce qu'on a inclus dans l'investissement direct étranger
canadien à la Barbade. C'est sûr que ça paraît un très gros montant. Puis je
n'ai pas la réponse, là, vraiment, à cette question-là.
Maintenant,
on a soulevé le problème, tout à l'heure, des prix de transfert, là, qui
viennent, dans le fond, rémunérer la
propriété intellectuelle, là : une marque de commerce, un brevet. Bon, je
ne sais pas, la statistique, à ce moment-là, si elle ne vient pas capter ce genre de transfert
financier là, là. Ça serait à valider, là. Puis je ne voudrais pas vous induire
en erreur, là, mais il y a peut-être
ce phénomène-là également. Peut-être que la Barbade profite de transactions, au
niveau des prix de transfert, qui
viennent gonfler le montant d'investissements qui est répertorié par
Statistique Canada, mais je n'ai pas la réponse. C'est sûr qu'a priori
ça semble étonnant, là.
Le
Président (M. Bernier) : M. le député.
• (12 h 30) •
M.
Marceau : J'accepte votre réponse, mais je vais vous inviter,
là aussi, à peut-être vous référer à la définition de StatCan, de Statistique Canada, que vous allez
trouver facilement. Et puis vous allez voir... enfin, je peux vous la lire, là,
mais peut-être vous pencher sur cette
définition puis vous nous enverrez la réponse que vous voudrez bien nous
envoyer. Mais moi, je pense que ça signale qu'il y a clairement un
problème, là. Quand la Barbade est au deuxième rang des investissements directs des Canadiens à l'étranger, il y a quelque chose
de complètement choquant à ça. Les
îles Cayman, au quatrième rang; Bermudes, au septième rang.
Alors,
au premier rang, c'est les États-Unis; deuxième rang, Barbade; troisième, Royaume-Uni;
puis, quatrième rang, îles Cayman
avec des stocks d'investissements qui n'ont aucun bon sens, là. On parle de 37 milliards aux îles Cayman. Puis, encore une fois, ce n'est pas juste un stock, là, c'est un flux qui augmente. Ça
augmente à un rythme assez incroyable. Moi,
je pense que, pour des autorités fiscales comme vous, on
doit se poser des questions. Évidemment, il y a de ça qui origine du Québec, là. Évidemment, ça, c'est canadien. Les données pour le Québec
n'existent pas, vous le savez aussi bien que moi. Mais il y a quelque
chose d'éminemment embêtant quand on voit des chiffres comme ceux-là.
Le Président (M.
Bernier) : Faramineux!
M. Marceau :
Pardon?
Le Président (M.
Bernier) : C'est faramineux.
M. Marceau :
Faramineux, ça n'a pas de bon sens.
Je
veux vous parler d'échange d'information. Une question très simple : Avec l'Agence du revenu du Canada, est-ce que
ça se passe bien, les échanges d'information? Est-ce
que vous obtenez les informations que vous demandez? Est-ce
qu'il arrive des situations
où vous voulez avoir des informations puis vous ne les avez pas? Est-ce que
l'Agence du revenu du Canada vous demande beaucoup d'informations? Bon,
questions assez générales, là, mais je pense que c'est important pour nous, ici, de savoir comment ça se
passe avec l'Agence du revenu du Canada parce qu'évidemment votre efficacité
dépend un peu de la leur, et vice-versa.
Le Président (M.
Bernier) : Pour nous autres, c'est très important, cette
question-là.
M.
Paquin (Gilles) : Oui. Bien, on a une longue tradition d'échange
d'information avec l'Agence du revenu
du Canada en matière de vérification. Donc, dès qu'une vérification est
complétée à l'agence, on reçoit le résultat de la vérification. On peut nous-mêmes faire une intervention, une cotisation,
là, redressée pour les particularités de nos lois, basée sur cette information-là. Donc, ça,
là-dessus, ça a toujours bien marché. On a des agents de liaison, de part et
d'autre, qui assurent les communications puis on a également des
discussions, au niveau des stratagèmes, des PFA, qui nous permettent, dans le fond, de conclure un certain
nombre de dossiers par année, en matière de PFA, provenant d'information
qui nous est transmise par l'Agence du revenu du Canada. Donc, on est
satisfaits à ce niveau-là.
Il
y a des ententes d'échanges d'information que le Canada conclut avec différents
pays pour lesquelles il obtient des
informations quand même probablement assez détaillées sur les contribuables.
Quand le Canada a pu le partager avec nous, il l'a fait; entre autres, la liste
HSBC. Quand l'entente avec le pays faisait en sorte que cette information-là ne
pouvait pas être repartagée avec une autre administration, bien, il a partagé
les résultats de son travail basés sur ces
informations-là. Donc, on n'a pas été privés d'argent ou d'interventions en
termes de cotisations, mais ce qu'on n'a pas eu, c'est le détail des informations.
Mais on comprend que c'est la nature des accords qui sont conclus. Puis ces accords-là sont très similaires d'un pays à
l'autre, là. Donc, ce n'est pas une caractéristique qui vient avec l'Agence du revenu du Canada.
Donc,
je dirais qu'à ce stade-ci on est satisfaits de ces échanges-là et on mise
beaucoup sur le fait que le Canada participe
aux accords de l'OCDE, discute avec les Américains, les États-Unis, également
pour resserrer, dans le fond, l'échange
d'information entre les pays et augmenter le risque fiscal pour les
contribuables qui font de l'évitement ou de l'évasion.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député.
M.
Marceau : Donc, s'il y avait des ententes d'échange automatique
d'information qui entraient en vigueur, là, demain matin, à la fois pour les particuliers et pour les entreprises...
parce qu'on sait, pour l'instant, les accords, enfin, ce qui est prévu, ça ne concerne pas les
entreprises. Mais, vous, de votre côté, vous seriez prêts à participer, vous
pourriez participer puis il n'y aurait pas d'enjeu, ça se ferait dans
l'enthousiasme?
Le Président (M.
Bernier) : M. Paquin.
M. Paquin
(Gilles) : Bien, c'est certain que, si on peut obtenir davantage
d'information, on va effectivement participer.
L'accord multiparties, là, d'échange sur des... elle, elle va rentrer
graduellement en force, là. Les pays doivent passer chacun une législation, puis, je pense, vers 2018, ça va être
complété. Donc, ça reste à voir comment est-ce qu'on va profiter des informations qui vont aller là.
C'est certain qu'on va profiter des actions fiscales qui vont en découler au
plan fédéral. Maintenant, est-ce qu'on va
avoir accès à plus d'informations? C'est quelque chose qui reste encore à
déterminer.
CANAFE, par contre, étant
donné qu'on administre la TPS, on croit que les échanges d'information qui vont
intervenir entre CANAFE et l'Agence du revenu du Canada, on va pouvoir également en profiter. Et
ça, c'est intéressant parce que c'est
tous des échanges électroniques d'argent au-delà de 10 000 $, je
pense, qui sont inventoriés à CANAFE, là. Déjà, CANAFE partage avec certaines institutions québécoises, là, des
informations. C'est beaucoup dans le domaine policier, le domaine de répression, là, des actes criminels puis du
terrorisme. Mais là, en matière fiscale, on va en profiter également, ça
va nous aider beaucoup. Donc, c'est ces initiatives-là qui viennent...
Le Président (M. Bernier) : M.
le député.
M. Marceau : O.K., très
bien. Puis, l'Agence du revenu du Québec,
est-ce que vous avez des échanges avec des autorités fiscales hors Canada?
Est-ce que vous pouvez nous parler de ça?
M. Paquin (Gilles) : Hors Canada.
René, je vais plutôt te laisser la parole.
Le Président (M. Bernier) :
Alors, M. Martineau.
M. Martineau (René)
: Québec
a signé une entente d'échange de renseignements avec la France, milieu des années 80, donc, qui était un calque de l'entente
signée entre le Canada et la France. Alors donc, c'est la seule
convention en matière d'impôt sur le revenu, là, que l'on a d'un point
de vue international.
M. Marceau : Est-ce que ça fait une différence d'en avoir une
avec la France par rapport à d'autres pays? Parce que, si je comprends bien, donc, quand il s'agit
de renseignements fiscaux concernant, mettons, une personne de la
Pologne, vous êtes obligés de passer
par le gouvernement fédéral, alors que, quand c'est un Français, vous
pouvez passer directement par
vos contacts français. C'est ce que je comprends.
M. Martineau
(René)
:
Je crois qu'en pratique on n'a pas eu beaucoup
d'échanges de renseignements directs avec la France depuis l'adoption de cette
convention-là. Je ne pense pas que la France soit vue non plus comme un
paradis fiscal.
M. Marceau : Non, non, on
s'entend.
Martineau
(René)
: Alors, ça
n'a pas occasionné beaucoup, je crois, d'échanges de renseignements, de discussions. Chose certaine, je pense que la présence de
cette convention-là a joué quand même un rôle important, là, dans la liste HSBC
lorsqu'on l'a obtenue de...
M. Marceau : De la?
M. Martineau (René)
:
Obtention de la liste HSBC en 2010.
Le
Président (M. Bernier) : Ce n'est pas un paradis fiscal, mais ils ont peut-être
quelques-uns de leurs citoyens qui, eux, en ont à l'extérieur. Et, à ce
moment-là, est-ce que cette information-là pourrait être disponible?
M. Marceau : Bien, voilà. Toujours sur l'information, le... Puis ça revient un peu aussi avec ce que vous disiez, M. Paquin. Vous disiez qu'on ne peut pas obliger
les contribuables ne résidant pas sur notre territoire à... enfin, on ne
peut pas imposer nos lois sur des gens qui habitent à l'extérieur de
notre territoire. Évidemment, il y a quelque chose de raisonnable à ça, mais le FATCA est un peu une démonstration de
l'inverse de ça parce que les Américains, les autorités fiscales américaines, sont parvenus à obliger des
banques d'à travers le monde à fournir des listes de clients américains.
Peut-être nous dire comment vous voyez le FATCA.
Est-ce qu'il y a des perspectives, pour le Québec, pour le Canada, d'aller dans ce sens-là, là, d'envisager une loi
équivalente qu'on pourrait mettre en place? Est-ce que vous pensez que c'est raisonnable, pas raisonnable? Bon, je
comprends bien que les États-Unis, c'est pas mal plus pesant que le Québec et
le Canada, je comprends qu'ils ont des capacités de faire
des choses que nous, on n'a pas, mais j'aimerais quand même vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Bernier) :
M. Paquin.
M. Paquin (Gilles) : Bien, je crois
que l'accord multiparties sur l'échange d'information automatique sur les comptes financiers, ça va donner un petit peu cet effet-là. J'ai l'impression que les Américains, les États-Unis,
ont voulu agir à l'intérieur de leurs
pouvoirs puis leur poids économique,
naturellement. Je crois que le Canada a des discussions assez serrées avec les États-Unis pour entrer dans
un partage d'information à l'intérieur de FATCA. Donc, c'est certain que, pour une administration fiscale, nous, c'est
le genre d'initiative dont on profite. Tout ce qui vient augmenter le risque
fiscal, même si on n'a pas l'information
directement, vient nous aider. Donc, davantage d'information, c'est sûr que,
nous, des initiatives comme ça, ça nous aiderait dans le travail qu'on
fait.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M.
Paquin (Gilles) : Maintenant, je crois que ce qui va se passer avec
l'OCDE va atteindre à peu près les mêmes objectifs mais dans un cadre beaucoup plus large où, là, on parle, je
pense, de 70 pays qui ont signé l'accord multiparties, là. Donc, on va
profiter de ça.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci, M. le Président. Bienvenue, MM. Paquin, Martineau et Amachi. Alors,
votre exposé fut fort intéressant.
Moi, juste une petite question d'entrée de gamme : Quelle est la province,
au Canada, qui est considérée comme une province fiscale, un avantage fiscal ou
un paradis fiscal? La province du Canada où c'est le plus intéressant
d'y opérer une fiducie?
M. Paquin (Gilles) : Bien, souvent,
la province qu'on va voir, c'est l'Alberta.
M.
Spénard :
L'Alberta?
M. Paquin (Gilles) : À cause des
taux d'imposition qui sont plus bas. Je pense qu'aux États-Unis ils ont des
phénomènes comparables avec certains États, là, où il y a une concentration
particulière, là.
M.
Spénard : Oui, avec
le Delaware. On n'en parlera pas, là, mais ça...
M. Paquin (Gilles) : C'est sûr que
l'Alberta, à cause de ses taux d'impôt sur le revenu des particuliers...
M.
Spénard : O.K.
Est-ce que vous avez vu beaucoup de transferts, vers l'Alberta, de fiducies?
• (12 h 40) •
M. Paquin (Gilles) : Bien, comme M.
Martineau le mentionnait tout à l'heure, on a eu un certain nombre de montages
PFA qui impliquaient l'Alberta. Le dernier jugement qu'on a eu en Cour du
Québec, c'était une fiducie qui prétendait résider en Alberta. Donc, ça peut
arriver, mais ce n'est pas exclusivement là, c'est une des régions qui est intéressante parce que c'est au Canada, puis le taux d'imposition est plus bas. Mais il
va y avoir des planifications montées pour
aller à l'extérieur du Canada, comme il peut y avoir des planifications qui seront montées seulement pour fractionner le revenu, fractionner le revenu au Québec. Si vous le
fractionnez, bien là vous profitez des écarts de taux dans notre propre
table d'imposition.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
M.
Spénard :
Question : Comment il y a
de fiducies canadiennes ou étrangères actives au Québec? Est-ce que vous avez leur nombre?
M. Paquin
(Gilles) : On avait le
nombre d'inscrites au Registraire des entreprises, mais c'est des fiducies qui ont une activité
commerciale au Québec.
M.
Spénard : Oui, oui,
des fiducies actives, là.
M. Paquin (Gilles) : C'est à peu
près 630.
M.
Spénard : Pardon?
M. Paquin (Gilles) : 630.
M.
Spénard : 630?
M. Paquin
(Gilles) : Qu'on a au
registre des entreprises, là, présentement.
Ce n'est pas la totalité des fiducies, ça, c'est certain.
Puis là je ne parle pas des fiducies testamentaires, là, mais celles qui se
sont inscrites au registre des entreprises parce qu'on leur a demandé de le
faire parce qu'ils ont une activité commerciale au Québec.
M.
Spénard : Donc, 630
que vous considérez actives.
M. Paquin (Gilles) : Oui, c'est ça.
Oui.
M.
Spénard : O.K., que
Revenu Québec considère actives, qui sont inscrites à Revenu Québec.
M. Paquin
(Gilles) : Mais une non-résidente canadienne qui exploite un immeuble
au Québec, elle ne sera pas nécessairement
dans ce 630 là, là. Ça fait que je n'ai pas un inventaire complet. C'est la
grande difficulté avec les fiducies, c'est
de connaître l'ensemble des fiducies qui existent, qui sont leurs constituants,
qui sont leurs fiduciaires, qui sont leurs bénéficiaires. Il y a certaines juridictions qui ont créé des registres,
par exemple. Même, on parle, en France, d'un registre qui
est aux seules fins de l'administration fiscale. Donc, ce n'est pas un registre
qui est public, vous ne pouvez pas le consulter,
mais l'administration fiscale française connaît, sur son territoire, l'ensemble
des fiducies avec les informations pertinentes, oui.
Le Président (M. Bernier) : M.
le député.
M. Paquin (Gilles) : C'est un enjeu.
M.
Spénard :
O.K. J'imagine que vous ne pouvez pas avoir d'entente fiscale s'il n'y a pas
d'accord entre les pays. Vous ne
pouvez pas avoir d'entente fiscale avec un autre pays s'il n'y a pas d'accord
avec les deux pays comme tels, là.
M. Paquin (Gilles) : Bien, comme on
disait...
M.
Spénard :
J'imagine que le Canada ne peut pas avoir un accord... strictement un accord
fiscal, mettons, avec, je ne sais
pas, la Barbade sans avoir l'accord du gouvernement de la Barbade avec le
gouvernement du Canada.Est-ce que ça se peut, un accord...
M. Paquin (Gilles) : Non. Les
accords passent...
Le Président (M. Bernier) :
M. Paquin.
M.
Paquin (Gilles) : Tous les accords, sauf un, passent nécessairement
par le Canada, puis les échanges d'information passent par le Canada. Il y a l'accord avec la France qui est un cas.
M.
Spénard : Mais ma question : Est-ce qu'on peut avoir un
accord fiscal sans avoir une entente entre les deux pays?
Le Président (M. Bernier) :
M. Paquin.
M. Paquin
(Gilles) : Bien, c'est soit que c'est une convention fiscale, donc la
convention va venir conventionner, là,
les taux d'imposition puis les conditions de rapatriement, puis ça peut
également être seulement une entente d'échange d'information. Mais, quand il y a une convention, elle vient avec une
entente d'échange d'information également, là, pour qu'on puisse
vérifier, là, les faits.
M.
Spénard : O.K.
Merci.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député.
M.
Spénard :
D'après vous, vous êtes l'Agence du revenu... Ça serait ma dernière question,
moi. On sait qu'il y a de l'évasion fiscale
dans les paradis fiscaux, on sait qu'il y en a aussi qui sont à la limite de la
légalité. D'après vous, quels sont
les plus grands obstacles et qui pose ces obstacles-là lorsque vous voulez
avoir des renseignements sur les paradis fiscaux? Puis, écoute, est-ce que c'est les grands bureaux? Est-ce que
c'est les institutions financières? D'après vous, quel est le plus grand
obstacle pour obtenir des renseignements en ce qui concerne les paradis fiscaux
et l'évasion fiscale?
Le Président (M. Bernier) :
M. Paquin.
M. Paquin
(Gilles) : Bien, comme je l'ai dit au début de mon allocution, c'est
souvent, dans le fond, le fait que la politique
fiscale va manquer de transparence, donc le pays va avoir une politique fiscale
plutôt discrétionnaire, qu'il n'y aura pas
d'échange d'information entre ce pays-là et nous et qu'il va y avoir un secret
bancaire important, là. Donc, la combinaison de ces éléments-là fait en
sorte que c'est très difficile d'obtenir l'information.
Quand on a un
soupçon puis qu'on communique avec le contribuable, bien là on dépend un peu de
la collaboration du contribuable pour
nous donner de l'information. Puis, si tout est extraterritorial puis que le
contribuable n'a aucun actif ici, là, c'est certain que, s'il n'y a pas de
collaboration avec le contribuable, ça rend notre tâche plus difficile pour
monter un dossier puis établir si, oui ou non, il y a eu évasion fiscale
dans ce cas-là, là.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Ça va?
M.
Spénard : Merci. Ça
va bien, moi.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Mercier.
M. Khadir : Parfait. Merci beaucoup, M. le
Président. Bravo, d'abord, pour le travail qui est fait à Revenu Québec,
on sent qu'il y a une volonté. Mais
sentez-vous le besoin d'avoir plus de budget, plus de moyens à y consacrer, à
la lutte à l'évasion fiscale? Parce
que c'est un travail particulier. Vous avez parlé de, je dirais, l'énorme
pression qui vient du fait qu'à
chaque fois les tactiques changent, les planifications fiscales agressives
regorgent de brillants fiscalistes,
avocats, comptables
dans les grandes firmes, qui trouvent les moyens de faire légalement de
l'évitement fiscal. Alors, est-ce que
vous pensez que vous avez besoin de plus de moyens pour aller là où vous pensez
que vous pouvez aller?
Le Président (M. Bernier) :
M. Paquin.
M. Paquin
(Gilles) : Je vous dirais, globalement, on a les ressources nécessaires au
niveau de l'agence, là, en termes
d'organisation matérielle,
financière, en termes d'organisation humaine. Je pense qu'on doit, là,
naturellement, parfaire nos informations,
nos connaissances, nos outils puis tout ce qui est nos méthodes quantitatives
pour détecter. Au niveau des ultraspécialistes, c'est certain qu'il y a un
phénomène de marché où ces spécialistes-là vont probablement gagner une rémunération beaucoup plus importante dans le secteur privé que dans le
secteur public. Au fur et à mesure qu'on avance puis qu'on rend les planifications plus difficiles, au fur et à mesure
que le mouvement international resserre l'étau, bien, je crois que ces
métiers-là vont devenir moins populaires et moins nombreux. Mais je ne vois pas
comment est-ce qu'on pourrait, comme entité publique, aller
concurrencer, au strict point de vue pécunier des rémunérations qui sont...
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Mercier.
M. Khadir : Mais, M. Paquin,
c'est quoi, le budget que vous consacrez actuellement à la lutte à l'évasion et
l'évitement fiscal? C'est quoi, pour parler de moyens?
M. Paquin (Gilles) : Bien, si je
prends globalement, là, on a à peu près 4 000 personnes qui sont affectées
au contrôle fiscal puis à la récupération fiscale.
M. Khadir : Non, mais ça,
c'est l'ensemble des particuliers, et tout, là. Moi, je parle vraiment la lutte
à...
M. Paquin (Gilles) : Oui, bien,
l'ensemble de... c'est ça.
M. Khadir : Par exemple, aux PFA, tout ce qui
touche les fiducies à l'étranger, l'évasion fiscale des sociétés, etc.
M. Paquin
(Gilles) : Je n'ai pas un chiffre, là. Comme je vous dis, dans les
4 000, il y en a plusieurs là-dedans qui vont travailler au niveau international. On fait une vérification
complète d'un tiers des entreprises qui ont des revenus de plus de
60 millions par année.
M. Khadir : Je m'excuse, M.
Paquin...
M. Paquin
(Gilles) : Donc, là-dedans, on touche un peu l'international. Ce que
je veux dire, c'est qu'il y a une partie qui est là-dedans, et on a des
équipes spécifiques.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Mercier.
M. Khadir : Alors, comment
pouvez-vous dire que vous avez les moyens? Comment, si vous n'avez pas une
évaluation précise?
M. Paquin (Gilles) : Bien, je...
M. Khadir : Je ne veux pas vous mettre dans
l'embarras, mais il me semble important parce que c'est un sujet délicat. Vous savez que le ministre... Moi, j'ai
parlé, en 2006, à Yves Séguin, l'ancien ministre des Finances, qui avait
consacré 17 millions, dans le premier
exercice, à la lutte à l'évasion et l'évitement fiscal. Ça avait rapporté
150 millions de dollars. Il
aurait voulu pouvoir consacrer les 150 millions de dollars sur trois ans,
le remettre dans le pot pour faire la lutte à l'évasion fiscale, sachant très bien que ça allait rapporter, qu'on
allait avoir des gains substantiels. Malheureusement, ça n'a pas été possible, mais dès 2006, lorsqu'il a
été appelé à commenter, une fois qu'il avait donné sa démission, qu'est-ce
qu'il entreverrait, bien, il disait :
Il faut consacrer 50 millions de dollars par année au moins à ça au début,
pour débuter. Avez-vous ça actuellement comme budget, 50 millions
de dollars?
Le Président (M. Bernier) :
M. Paquin.
M. Paquin (Gilles) : Bien, on a plus
que ça, là.
M. Khadir : Pour faire la
lutte à l'évasion fiscale?
M. Paquin (Gilles) : Ah! oui, oui.
M. Khadir : Pouvez-vous me
décrire, par...
M. Paquin (Gilles) : Définitivement,
là.
M.
Khadir : Oui?
M. Paquin
(Gilles) : Définitivement.
Le Président (M.
Bernier) : M. Paquin.
M. Khadir :
Il n'en faudrait pas plus?
M.
Paquin (Gilles) : Bien, comme je vous dis, moi, je pense, globalement,
on a les ressources matérielles, financières, informationnelles,
humaines. Puis on a les stratégies.
M. Khadir :
Mais vous avez dit qu'ils sont très sophistiqués puis ils échappent tout le
temps.
M.
Paquin (Gilles) : Où est-ce qu'il peut y avoir un phénomène de marché,
c'est, par exemple, d'embaucher des ressources qui sont très
connaissantes dans les montages ultrasophistiqués.
M. Khadir :
Parfait. Donc, il vous faut de l'argent.
M.
Paquin (Gilles) : On en embauche. On en trouve parce que ces gens-là
ont d'autres motivations que de gagner d'énormes revenus, mais je ne
vois pas comment on pourrait...
M. Khadir :
Non, non, je veux juste vous dire...
M. Paquin
(Gilles) : ...aller, sur le marché, concurrencer des...
M. Khadir :
Bien, ce n'est pas nécessaire. Regardez...
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Mercier.
M. Paquin
(Gilles) : ...des salaires de 1 million de dollars par année, par
exemple, là.
M. Khadir :
Mais c'est parce qu'il en va de campagnes, par exemple, aussi.
M. Paquin
(Gilles) : Mais je ne crois pas que ça nous nuit, là, ou que ça...
M. Khadir :
Vous savez, l'impôt, l'impôt, ça fait longtemps qu'il y a certains secteurs qui
le déprécient, qui vont faire des
campagnes vraiment agressives pour déprécier la valeur de l'impôt, d'accord?
Alors, je crois que, collectivement, si
on veut améliorer notre sort, il faut réinstituer la noblesse de l'impôt. Donc,
le ministère du Revenu peut très facilement, au lieu simplement de faire des campagnes de... Bon, c'est nécessaire
aussi, des campagnes pour faire peur et indiquer aux fautifs les conséquences, mais aussi on a besoin de campagnes de
promotion, montrer c'est quoi, le rôle de l'impôt, quel rôle ça joue, pour venir, disons, réinstituer
une nouvelle culture civique et citoyenne plus responsable de la part des
individus et des corporations. Ça, ça demande des sous.
Lorsqu'on
calcule, à partir du document de préparation de la commission — c'est les chiffres du Fonds monétaire
international — quand on applique à Québec, en vertu de
notre poids relatif dans l'économie mondiale, notre PIB par habitant actuellement, là, c'est
107 milliards de dollars de l'argent du Québec. Ça, c'est leur évaluation.
Puis ça, c'est la moyenne, c'est le
26 000 milliards que j'ai pris, le chiffre moyen entre 21 000 et
31 000 qui est avancé, d'accord? Ça fait quand même près de
110 milliards de dollars de l'argent de l'impôt.
• (12 h 50) •
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Mercier, je dois vous interrompre.
M. Khadir :
J'arrive!
Le Président (M.
Bernier) : Malheureusement...
M. Khadir :
C'est terminé?
Le Président (M.
Bernier) : Juste une courte... Je vous laisse 15 secondes.
M.
Khadir : Donc, estimez-vous raisonnable que, quand il y a
autant d'argent, on consacre plus d'efforts à essayer d'aller chercher
de l'argent qui revient aux Québécois?
Le Président (M.
Bernier) : M. Paquin, courte réponse.
M. Paquin (Gilles) : Oui. Puis je
crois que le gouvernement, depuis quelques années, a investi beaucoup, beaucoup
dans la lutte à l'évasion fiscale. On en est témoins. On a ajouté beaucoup
d'effectifs, à l'Agence du revenu, pour ça puis effectivement avec des retombées
financières, pour le Québec, qui sont très intéressantes. C'est souvent du
10 pour un : un dollar investi en rapporte 10. Et on continue de le faire.
Puis ce qu'il faut, je crois, c'est raffiner nos méthodes, utiliser davantage et mieux l'information qu'on obtient,
devenir de plus en plus stratégiques dans nos interventions.
M. Khadir :
D'accord.
M.
Paquin (Gilles) : Vous parliez de l'importance de payer des impôts,
puis j'en ai fait un point tout à l'heure, je pense, c'est fondamental. Il faut également rappeler l'obligation
morale des gens de se conformer parce que ça sert à payer des services
sociaux qui sont très importants. Puis je pense que ça...
Le Président (M.
Bernier) : M. Paquin...
M. Paquin
(Gilles) : ...c'est un levier sur lequel on doit jouer.
Le
Président (M. Bernier) : M. Paquin, je vous remercie, vous et
votre équipe, d'avoir participé à cette commission. Je dois vous dire cependant que je n'exclus pas la
possibilité que la commission puisse avoir des questions additionnelles à vous poser, à l'Agence du revenu.
À ce moment-là, on va vous les acheminer par écrit. Et, si vous êtes assez gentil de répondre à ces questions-là...
Donc, je n'exclus pas cette possibilité. Donc, merci de votre participation.
M. Paquin
(Gilles) : Ça va nous faire plaisir.
Le Président (M.
Bernier) : Merci à tous les gens de Revenu Québec qui ont
participé.
(Suspension de la séance à
12 h 52)
(Reprise à 15 h 7)
Le
Président (M. Bernier) : Alors, bon après-midi à tous. À
l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Je demande bien sûr, comme d'habitude, d'éteindre
la sonnerie des téléphones cellulaires.
Nous
allons poursuivre des consultations particulières et auditions publiques dans le
cadre de notre mandat d'initiative portant sur le phénomène du recours
aux paradis fiscaux.
Nous
avons le plaisir de recevoir cet après-midi les représentants du ministère
des Finances, donc M. Luc Monty — M. Monty, bienvenue, M.
le sous-ministre — M. Simon
Bergeron, M. Marc Grandisson et M. Éric Ducharme, donc bienvenue, ainsi que le personnel du ministère
des Finances, qui vous accompagne. Donc, merci d'avoir accepté notre
invitation.
Vous
le savez, comme on vous l'a expliqué, l'objectif de notre commission est de
bien comprendre le phénomène des
paradis fiscaux, d'obtenir les informations qui les concernent, de voir ce que
le Québec fait, peut faire actuellement, et, de notre part, de formuler des recommandations auprès du
gouvernement pour améliorer la position du Québec par rapport aux paradis fiscaux. On sait
qu'aujourd'hui dans le monde entier il y a des mouvements, il y a des pays qui
bougent beaucoup, aux États-Unis, également en Grande-Bretagne, l'OCDE. Donc,
l'objectif premier, ce n'est pas de chercher
à identifier des personnes. Notre objectif, c'est de chercher à identifier des
outils ou des moyens pour contrer l'évasion fiscale ou l'évitement
fiscal.
La parole est à vous,
M. le sous-ministre. Vous avez 30 minutes pour nous exposer et nous
aider à mieux comprendre.
Ministère des Finances
M. Monty (Luc) : Alors, on va s'y mettre, M. le Président, on va faire notre possible
pour répondre à vos questions. Alors, d'abord, d'entrée de jeu, je
remercie la commission de recevoir le ministère des Finances dans le cadre de
ces consultations sur le phénomène du recours aux paradis fiscaux.
Alors,
dans son mémoire remis à la commission, le ministère aborde cette question en
trois étapes. Dans une première section,
on précise un certain nombre de concepts et de définitions en expliquant ce
dont on parle lorsqu'on traite de la perception des revenus de l'État,
des pertes fiscales et des paradis fiscaux. La deuxième section de notre
mémoire est consacrée à une estimation de
l'importance des phénomènes en cause, soient les pertes fiscales et les paradis
fiscaux. Enfin, dans la troisième
section, le ministère rend compte des efforts engagés pour assurer la
récupération des pertes fiscales et pour lutter contre les paradis
fiscaux.
• (15 h 10) •
De quoi parle-t-on?
D'abord, en 2014‑2015, les revenus consolidés de l'État québécois se sont
chiffrés à 96 milliards de dollars.
Cela comprend toutes les sources de revenus, mais, à eux seuls, les revenus
fiscaux ont atteint 58,9 milliards de dollars, soit 61,4 % de ces revenus consolidés de l'État québécois. C'est donc dire
le rôle crucial des revenus fiscaux dans le financement des services
assurés par l'État. Il est donc essentiel pour le gouvernement de percevoir
l'ensemble des revenus fiscaux déterminés par des lois et des règlements. Comme
dans les autres sociétés démocratiques, la
perception des revenus fiscaux au Québec repose sur l'autocotisation, et puis
l'État assure l'efficacité de cette autocotisation par la mise en place
de contrôles.
Au
Québec, la perception des revenus semble être globalement efficace suite à
notre analyse. De fait, lorsqu'on examine l'évolution, sur une longue
période, des revenus imposables des particuliers et des sociétés, soit les
bases d'imposition les plus susceptibles
d'être affectées par les initiatives des contribuables visant à échapper à
l'impôt, on ne peut conclure qu'il y
a eu érosion de l'assiette d'imposition du gouvernement, comme l'illustrent les
graphiques qui vous sont présentés. Bien au contraire, le revenu imposable des
particuliers, comme celui des sociétés, a augmenté par rapport au PIB, c'est-à-dire à notre richesse, au cours
des 20 dernières années. Par exemple, de 1997 à 2013, le revenu imposable
total des particuliers est passé de
68,7 % du PIB à 73,1 % du PIB. En 2013, les revenus déclarés ainsi,
soit les salaires, les gains en
capitaux, les revenus de placement et tous les autres revenus des contribuables
particuliers, s'établissaient à 265,3 milliards
de dollars par rapport à un produit intérieur brut de 360 milliards de
dollars. C'est donc dire qu'annuellement, même s'il y a présence de
pertes fiscales, les revenus déclarés, avec notre système d'imposition, sont
importants.
Et on observe
le même phénomène pour ce qui est du revenu imposable des sociétés. En 2013
toujours, les revenus imposables des
entreprises s'établissaient à 44,8 milliards de dollars, soit 12,4 %
du PIB. L'absence d'érosion des revenus imposables du gouvernement ne signifie pas que le gouvernement perçoit
tous les revenus, néanmoins tous les revenus qui lui sont dus. Il existe en effet un écart entre les revenus fiscaux
dus à l'État en fonction des lois et des règles existantes et le revenu
effectivement perçu.
Cet écart ou
perte fiscale provient de quatre sources. Tel qu'illustré dans le graphique
suivant, les trois premières sources
de pertes fiscales ont en point commun de résulter de gestes illégaux. On voit
dans l'encadré pointillé, à gauche du tableau,
les composantes de l'évasion fiscale. Et l'évasion fiscale comprend d'abord la
non-déclaration des revenus légaux.
Cette
première source de pertes fiscales correspond à des revenus légaux que des
contribuables ont omis de déclarer, en
partie ou en totalité. Par exemple, on parle ici de travail au noir lorsque les
revenus non déclarés proviennent d'un emploi. On parle de non-déclaration des revenus provenant de placements ou de
gains en capital, qui constituent un autre exemple de non-déclaration de
revenus légaux.
La deuxième
catégorie d'évasion fiscale concerne la dissimulation de revenus illégaux. Les
revenus découlant des activités illégales et criminelles, telles que le
proxénétisme ou la vente de drogue, créent cette évasion.
Troisièmement, la désobéissance aux règles
fiscales. Cette troisième catégorie regroupe les pertes fiscales provenant du
non-respect des règles fiscales. Un exemple fréquent est celui de la fausse
facturation, c'est-à-dire des contribuables
qui présentent des demandes abusives de crédit et ne remettent pas les taxes
perçues. Alors, on voit là déjà une complexité des composantes d'évasion
fiscale qu'il faut suivre.
La quatrième
source de pertes fiscales correspond à ce que l'on appelle l'évitement fiscal.
Vous l'avez à droite du tableau qui
vous est présenté. Cette catégorie de pertes fiscales correspond aux
planifications qui respectent la lettre de la loi mais pas son esprit. On
classe dans cette catégorie les planifications fiscales agressives qui
réduisent l'impôt sans qu'il soit possible a priori de déterminer si
cette réduction respecte ou non l'esprit de la loi.
Quant aux
paradis fiscaux maintenant, les paradis fiscaux sont des juridictions qui, en
raison de leur législation ou de
leurs règles de fonctionnement, permettent la réalisation de stratégies soit d'évitement fiscal ou...
assurent la protection de revenus issus de l'évasion fiscale.
Quatre caractéristiques sont généralement
utilisées pour décrire un paradis fiscal. D'abord, les impôts y sont inexistants ou très bas, il y existe des lois très
strictes en matière de protection du secret bancaire, l'administration du régime fiscal y manque de transparence, il n'y a
pas de véritable collaboration quant à l'échange d'information avec les autres
pays.
Au Québec et ailleurs, les paradis fiscaux
soutiennent de deux manières les initiatives conduisant à des pertes fiscales. Premièrement, dans le cas de l'évasion fiscale, les trois
premières composantes qu'on a vues tantôt, les paradis fiscaux
constituent un abri pour les bénéfices retirés de cette évasion fiscale en les
rendant difficilement retraçables. Deuxièmement,
certains agissements relevant de l'évitement fiscal sont mis en place en
s'appuyant sur les possibilités juridiques
offertes par les paradis fiscaux. C'est le cas, par exemple, d'un contribuable
parvenant à éviter tout impôt en utilisant une série d'opérations
impliquant des structures juridiques situées dans un paradis fiscal.
Les paradis
fiscaux exercent essentiellement trois types d'activités. Ils constituent un
refuge pour les particuliers en situation
de fraude fiscale ou pour des criminels effectuant un blanchiment de revenus.
Ce sont des particuliers généralement
fortunés qui utilisent les paradis fiscaux, les contribuables moins fortunés
n'ayant ni les moyens financiers ni les réseaux nécessaires pour
profiter de ces juridictions.
Aussi, les paradis fiscaux permettent aux
entreprises de déployer des stratégies visant à réduire l'imposition de leurs profits. Les stratégies utilisées
comprennent notamment la manipulation des prix de transferts, les
transferts de capitaux entre maison mère et filiale ou la localisation
de droits de propriété intellectuelle et des redevances dans les juridictions
où l'imposition est la plus faible.
Enfin, les
paradis fiscaux sont principalement de petits États ou des territoires
de petite taille, mais disposant du pouvoir de définir leur régime
fiscal. Et, en raison de leur petite dimension, ces juridictions peuvent
réduire ou même annuler leurs impôts car la
perte de revenus qu'ils subiront sera plus que compensée par l'activité
financière qu'ils attireront.
En effet,
les paradis fiscaux utilisent des outils juridiques analogues, soit essentiellement un cadre légal et réglementaire
permettant la mise en place de structures-écrans s'appuyant sur le secret
bancaire et garantissant une taxation nulle ou très faible.
Cette analyse
de la situation nous porte à conclure que, pour s'attaquer aux
paradis fiscaux, le Québec doit d'abord poursuivre et intensifier les mesures pour
contrer l'évasion fiscale et l'évitement fiscal sur son territoire.
Cela a pour effet de limiter d'autant les sommes qui sont transportables
alors vers les paradis fiscaux.
Deuxièmement,
le Québec doit contribuer aux initiatives nationales et
internationales pour mieux encadrer les ententes fiscales internationales et les échanges d'information, et ce, afin de limiter les comportements illégaux ou abusifs au
moyen des paradis fiscaux.
Maintenant, en ce qui concerne
l'évaluation de l'ampleur des phénomènes en cause, la section
2 de notre mémoire, on dispose d'une
estimation des pertes fiscales subies annuellement, liées à l'évasion fiscale. Pour ce qui est des
paradis fiscaux, l'impact du
phénomène est beaucoup plus difficile à quantifier et l'on ne peut que
présenter quelques éclairages indicatifs.
Les
pertes liées à la non-déclaration des revenus légaux, c'est ce qui constituait
le premier bloc du schéma de tantôt. Le
ministère des Finances a procédé, en 2015, à une actualisation de l'évaluation
des pertes liées à la non-déclaration de revenus légaux pour l'année 2013. Et, selon cette mise à jour, les
pertes fiscales découlant de l'économie au noir atteignaient 3,9 milliards de
dollars en 2013, soit 3,8 % du produit intérieur brut.
• (15 h 20) •
Quant
aux autres formes d'évasion fiscale, maintenant, il n'existe pas d'estimation
propre au Québec pour les pertes
fiscales résultant soit de la dissimulation des revenus illégaux ni de la
désobéissance aux règles fiscales. On peut néanmoins noter que Statistique Canada a déjà estimé, en 1994, à 1 %
la part du PIB reliée à des activités illégales dans l'économie. On ne dispose pas non plus
d'évaluation globale pour le Québec des pertes fiscales découlant de
l'évitement fiscal.
Sur
le plan international, il existe également peu de données concernant l'ampleur
du phénomène des paradis fiscaux et
l'impact de ces paradis fiscaux en termes de pertes fiscales pour les pays
touchés. Ces données sont tout aussi rares pour le Canada et inexistantes pour le Québec. Cependant, il est
possible d'illustrer ce que pourraient représenter, pour le Québec, les pertes fiscales liées aux paradis
fiscaux en extrapolant à partir d'estimations effectuées pour l'ensemble
des juridictions dans le monde. Ainsi, Gabriel Zucman, dans son étude publiée
en 2014 dans le Journal of Economic Perspectives, a estimé le montant de la richesse globale placé
dans les centres financiers extraterritoriaux par les particuliers en se servant de méthodes indirectes comme
l'analyse des anomalies contenues dans les statistiques sur les investissements dans ces centres financiers. Et, pour le Canada, il estime la
fortune accumulée hors Canada au fil des années par des particuliers canadiens à 300 milliards
de dollars. Cela représenterait 9 % des avoirs financiers totaux des
Canadiens. En attribuant au Québec
une part de la fortune cumulative équivalente à l'importance des contribuables
québécois à hauts revenus dans le
Canada découlant de ces placements, on obtiendrait alors des pertes fiscales
annuelles résultant de ces déplacements à environ 800 milliards de
dollars pour le Québec... 800 millions, pardon, 800 millions.
Pour
ce qui est des sociétés, l'érosion de la base d'imposition et le transfert de
bénéfices peuvent servir de référence lorsqu'on
traite de l'usage des paradis fiscaux. À titre illustratif, une étude
préliminaire du Fonds monétaire international estime à 5 % les pertes mondiales de revenu de l'impôt des
sociétés. Mais, comme le mentionne l'OCDE, qui a commenté cette étude, l'estimation ne sépare pas les effets
de comportements d'évasion fiscale des effets économiques réels provenant
des différences dans les politiques fiscales
des pays, c'est-à-dire est-ce que ces pertes-là proviennent tout
simplement des avantages consentis
par les juridictions ou elles viennent vraiment de déplacements. Sur cette
base, les pertes annuelles des
sociétés, extrapolées pour le Québec,
s'établiraient à 200 millions de
dollars par année. Il s'agit
là d'illustrations car le ministère des Finances n'est pas en mesure de valider
toutes les données utilisées pour ces estimations internationales. Néanmoins,
il nous semblait, après examen, que ces références étaient les mieux bâties.
Maintenant,
la troisième section de notre mémoire discute des mesures, et la récupération des pertes fiscales, et la lutte contre les paradis fiscaux.
Alors, on l'a souligné d'emblée, les revenus fiscaux jouent un rôle essentiel
dans le financement des services publics.
Ainsi, afin d'assurer ce financement mais également pour des raisons
d'équité, tous les efforts doivent être consentis pour que l'État
perçoive le plein montant des revenus découlant du cadre fiscal défini
démocratiquement par l'ensemble des citoyens. Ainsi, les initiatives engagées
par le gouvernement, au Québec, sont appuyées
sur deux leviers principaux, soit d'abord Revenu
Québec, transformé en agence et dont
les efforts de lutte contre l'évasion
fiscale et l'évitement fiscal constituent, dans plusieurs cas, un modèle pour
d'autres juridictions, également la mise en place d'un système de
financement de mesures de récupération de pertes fiscales au moyen d'une
provision financière du ministère des Finances. Ces différentes initiatives visent soit la récupération de pertes fiscales liées à l'évasion fiscale, la récupération de
pertes fiscales liées à l'évitement fiscal et la lutte contre les paradis
fiscaux.
Au
cours des dernières années, le Québec a engagé des initiatives majeures afin de
récupérer les pertes fiscales liées à
l'évasion fiscale. Je relaterai certaines initiatives mentionnées dans notre
mémoire. D'abord, le ministère
des Finances a investi des sommes
importantes chaque année pour financer les actions des intervenants impliqués
dans les secteurs à risque et à l'intérieur des comités ACCES, c'est-à-dire
des comités d'Actions concertées pour contrer les économies souterraines. Ces actions annuelles visent le
commerce illégal du tabac, de l'alcool, des crimes économiques
et financiers et du travail au noir
dans la construction. Avec ces mesures, on y coordonne l'action des corps
policiers, du ministère de la Justice,
de Revenu Québec, de l'Autorité
des marchés financiers, de la Commission de la construction du Québec et de bien
d'autres intervenants dans ces secteurs. Ces actions permettent de réduire les
pertes fiscales de 400 millions
de dollars annuellement. On récupère plus de neuf dollars pour chaque
dollar investi.
Quant
à Revenu Québec, de son côté, les actions sont importantes. Par exemple, Revenu
Québec a intensifié les activités de
contrôle fiscal des entreprises. En 2014‑2015, Revenu Québec a ainsi contrôlé
48 % des grandes entreprises, soit
celles dont le chiffre d'affaires est de 60 millions de dollars ou plus.
De plus, Revenu Québec a mis en place, au cours des dernières années,
des mesures dans des secteurs considérés comme des secteurs à risque.
On
parle ici de l'attestation, par exemple, de conformité fiscale, notamment dans
le secteur de la construction. Ainsi,
avant l'octroi des contrats, l'attestation de conformité fiscale indique que
l'entreprise a produit les déclarations et les rapports qu'elle devait transmettre en vertu des lois fiscales et n'a
pas de compte en souffrance à l'endroit de Revenu Québec.
On
parle des modules d'enregistrement des ventes. Revenu Québec exige
l'installation de modules d'enregistrement des ventes dans les
restaurants et procède actuellement à leur déploiement dans les bars.
On
parle des grands chantiers privés et publics de construction. Revenu Québec
assure une présence soutenue sur les grands chantiers privés et publics
afin de reconstituer la chaîne de sous-traitance et de détecter rapidement les
manquements aux lois fiscales.
On parle des revenus aux activités
criminelles. À la suite de la réception de renseignements policiers, Revenu
Québec est maintenant en mesure de délivrer des avis de cotisation sur
les revenus liés aux activités criminelles.
Les
résultats de ces actions sont impressionnants. Les initiatives engagées par
Revenu Québec pour récupérer une partie
des pertes fiscales liées à l'évasion fiscale et l'évitement fiscal sont importantes.
Les sommes récupérées sont passées de 2,8 milliards de dollars, en
2010‑2011, à 3,3 milliards en 2014‑2015, soit près de 500 millions de
dollars de plus annuellement.
Les
pratiques d'évitement fiscal constituent un sujet constant et croissant de préoccupation
pour le gouvernement, entre autres. Afin de récupérer les pertes
fiscales liées à l'évitement fiscal, le gouvernement a engagé des efforts dans plusieurs directions au cours des dernières
années. On parle notamment de la lutte ciblée contre les planifications
fiscales agressives, la définition de
nouvelles dispositions législatives et de nouvelles règles, l'échange de
renseignements avec l'Agence du
revenu du Canada, l'application du programme de divulgation volontaire, la
vérification des fiducies. Tous ces gestes ont permis d'accroître nos
efforts envers les pratiques d'évitement fiscal.
D'abord,
la lutte contre les planifications fiscales agressives. En particulier, le
Québec a été, à la suite d'une annonce du ministère des Finances en 2009,
l'une ou la première juridiction au Canada à revoir l'encadrement législatif
des planifications fiscales agressives pour
y intégrer des mesures dissuasives. Ainsi, depuis lors, une équipe spécialisée
dans la lutte contre les
planifications fiscales agressives a été mise en place à Revenu Québec afin de
prendre les moyens appropriés pour
contrer celles-ci, ce qui englobe notamment la vérification de dossiers pouvant
impliquer des paradis fiscaux. Cette équipe spécialisée a permis une
récupération fiscale de plus de 516 millions de dollars depuis 2009.
La lutte contre les
paradis fiscaux maintenant. Comme on vient de le voir, plusieurs mesures
concernant l'évitement fiscal comprennent
des initiatives reliées aux paradis fiscaux. Et la lutte directe contre les
paradis fiscaux se déploie par ailleurs à trois niveaux. Les principales
actions pour encadrer les paradis fiscaux sont définies à l'échelle internationale car la lutte contre les paradis
fiscaux nécessite une étroite coopération à l'échelle de la planète en raison
de la mondialisation de l'économie et du mouvement des capitaux.
• (15 h 30) •
Alors, dans le cadre
de ses compétences, d'abord, le gouvernement fédéral a mis en place plusieurs
mesures additionnelles de contrôle. Pour sa
part, le Québec utilise les différents leviers à sa disposition pour accompagner cette lutte et s'assurer qu'elle produit les
effets attendus sur la perception des revenus de l'État.
Les actions engagées
sur le plan international. La lutte contre les stratagèmes d'utilisation des
paradis fiscaux nécessite une approche
concertée sur le plan international. L'OCDE souligne à juste titre que, si un pays
adopte seul des mesures pour contrer
les transferts de bénéfices, les multinationales modifieront leur planification fiscale pour arriver aux mêmes
résultats. Pour cette raison, il est essentiel que le Canada
participe aux efforts de lutte contre les paradis fiscaux de l'OCDE et du G20. Les travaux de l'OCDE
permettront notamment de mettre en oeuvre des mesures pour contrer
l'érosion de la base d'imposition et
le transfert de bénéfices de façon uniforme et coordonnée dans les pays du G20
et de l'OCDE. En étant uniformes et coordonnées dans tous les pays, ces
mesures réduiront la possibilité pour les multinationales d'exploiter les
différences entre les régimes fiscaux des pays comme c'est actuellement le cas.
Le Québec suit attentivement
ces travaux et ajustera son régime fiscal en conséquence. L'OCDE mène une
action sur le plan international afin de renforcer la transparence et l'échange
d'information dans le domaine fiscal en s'assurant
de l'application de normes convenues internationalement. En 2013, les dirigeants du G20 se sont engagés à ce que l'échange automatique de renseignements fiscaux sur les comptes financiers devienne la nouvelle norme
mondiale.
Plus récemment, le
2 juin 2015, le Canada, pour y donner suite, a signé l'Accord multilatéral
entre autorités compétentes relatif à la mise en oeuvre de la norme commune de déclaration de l'OCDE relativement aux comptes
financiers. Et, en tout, 61 administrations ont signé l'Accord multilatéral entre autorités compétentes, et les
premiers échanges relatifs aux
comptes financiers débuteront en 2018. Cet Accord multilatéral entre autorités
compétentes permettra au Canada de profiter
d'un arrangement coordonné avec d'autres autorités fiscales pour échanger des renseignements relatifs aux comptes financiers
de façon efficace et sécuritaire. Ces renseignements permettront à l'Agence de revenu du Canada
de détecter plus facilement
les cas d'évasion fiscale, et l'Agence du revenu du Canada
pourra informer Revenu Québec des dossiers visés par ces informations. Plus précisément, en
vertu de la nouvelle norme, l'Agence
du revenu du Canada obtiendra des
autorités fiscales étrangères des renseignements sur les comptes détenus par
des résidents canadiens dans leurs juridictions et vice-versa.
Les travaux de l'OCDE
portent également sur l'érosion de la base d'imposition et les transferts de
bénéfices. En juillet 2013, sur la base de ces travaux, les pays du G20
ont adopté un plan d'action. Ce plan d'action, élaboré par l'OCDE avec
l'ensemble des pays du G20, vise à permettre aux pays d'élaborer des normes
coordonnées complètes et transparentes afin
d'empêcher des stratagèmes et s'assurer que les bénéfices sont imposés là où
les profits sont réalisés et où la
valeur est créée. Le plan d'action comprend 15 actions visant les
arrangements juridiques de planification fiscale auxquels ont recours
certaines multinationales.
Les
premières suites données au plan d'action. Les membres du G20 ont déposé, en
2014, un ensemble de rapports et
recommandations constituant les premières suites apportées à sept des
15 initiatives du plan d'action. Ces mesures, bien qu'approuvées sur le principe, ne sont pas encore
finalisées. Les prochaines étapes, c'est qu'en 2015 il est prévu que les
rapports portant sur les huit autres actions
seront déposés, certains en octobre et d'autres en décembre. L'étape suivante
du plan d'action de l'OCDE consistera à soutenir les pays dans leur examen des
recommandations et dans la mise en oeuvre de
ces nouvelles mesures. Le Québec suivra attentivement les développements
concernant les recommandations du
plan d'action de l'OCDE ainsi que les discussions internationales qui suivront
sur leur mise en oeuvre par l'ensemble des juridictions.
Maintenant,
également, depuis 2010 notamment, plusieurs mesures additionnelles ont été
mises en place par le gouvernement
fédéral. Alors, en plus de prendre part aux initiatives internationales, le
gouvernement fédéral a instauré, dans les dernières années, plusieurs
mesures concernant directement ou indirectement les paradis fiscaux. Ces mesures visent notamment à éliminer les échappatoires fiscales, à préciser
certaines règles fiscales, à réduire l'évitement fiscal international
abusif et accroître l'intégrité du régime fiscal dans son ensemble.
Pour le Québec, il s'est agi d'engager un
certain nombre d'initiatives afin de s'inscrire dans l'action définie à l'échelle internationale et canadienne contre les paradis fiscaux. Ces initiatives
concernent l'harmonisation aux dispositions fédérales,
notamment pour la lutte contre les planifications fiscales agressives internationales. En outre, les règles de fiscalité internationales au Québec sont généralement harmonisées aux règles fédérales, notamment
en ce qui a trait au calcul du revenu
imposable pour les entreprises en activité dans d'autres pays, aux revenus gagnés par une
filiale étrangère affiliée ou autres dividendes versés par ces dernières
ainsi qu'aux règles de prix de transfert. Donc, le Québec a harmonisé
entièrement sa fiscalité pour tenir compte des nouveaux changements fédéraux.
Plus
récemment, suite aux recommandations de la Commission d'examen sur la fiscalité
québécoise, qui a déposé son rapport en février 2015... La commission
d'examen a émis cinq recommandations au gouvernement du Québec concernant les problématiques liées à la fiscalité
internationale, et, conformément à ces recommandations, le ministère a pris des initiatives pour entrer en discussion
avec le gouvernement fédéral et les autres provinces pour faire avancer les
réflexions sur ces sujets.
Alors, M. le
Président, en conclusion de notre mémoire, on indique que le Québec doit
d'abord continuer à investir les
sommes nécessaires pour lutter contre l'évasion fiscale, l'évitement fiscal et
les paradis fiscaux dans leur ensemble et
coordonner l'action de l'ensemble des intervenants au Québec. Le Québec doit
aussi maintenir l'expertise nécessaire en
cette matière. Le Québec doit également s'adapter aux nouvelles pratiques qui
occasionnent des pertes fiscales de toute nature. La lutte engagée pour limiter les pertes fiscales implique des
actions adaptées en ce qui concerne les paradis fiscaux. Les mesures ayant pour but de contrer l'évasion
fiscale et l'évitement fiscal sur le territoire québécois ont pour effet de
diminuer l'utilisation des paradis fiscaux,
et donc constituent une première arme pour limiter les déplacements de fonds
vers les paradis fiscaux. De plus, une
action concertée du gouvernement fédéral et des provinces est essentielle afin
de lutter efficacement contre les
paradis fiscaux. Les initiatives visant les paradis fiscaux font ainsi partie
de l'effort consenti de façon
permanente pour protéger les revenus de l'État et en assurer le recouvrement.
L'enjeu est crucial, puisqu'il s'agit en fait de s'assurer de la
principale source de financement des services publics. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bernier) : Merci, M. Monty, de votre
présentation fort intéressante, fort intéressante. M. le député de
Laval-des-Rapides, vous vouliez commencer? Non? M. le député de Pontiac,
allez-y.
• (15 h 40) •
M. Fortin
(Pontiac) : Bien, merci, M. le Président. Merci, M. Monty, et à
toute votre équipe qui êtes ici aujourd'hui et aux gens du ministère qui ont préparé la documentation qui nous a été
acheminée également. On voit que c'est un travail de longue haleine. Ce qui est intéressant de vous
avoir en premier, avec les gens de Revenu Québec, là, ici, dans le cadre
de nos travaux, c'est qu'on peut mesurer
l'ampleur et ce que le gouvernement du Québec est en train de faire sur la
question.
Donc, parlant de l'ampleur, j'aimerais qu'on
revienne sur l'étude de Gabriel Zucman à laquelle vous faites référence, là, dans votre mémoire. Quand on
regarde son estimation de la richesse canadienne, et donc l'extrapolation
qui mène à la richesse québécoise qui est
assise, si je peux dire ainsi, là, dans les paradis fiscaux, ce que je
comprends, c'est qu'il y a une richesse québécoise d'environ
47 milliards qui est dans des paradis fiscaux. Et donc les pertes
fiscales, si je comprends bien — et je vais vous demander de commenter,
là — pour le
gouvernement du Québec, année après année, de cet argent-là qui est investi dans les paradis fiscaux seraient d'environ 800 millions. Ça, si je comprends bien, c'est par année, seulement pour les particuliers.
Mais pouvez-vous me dire... parce que vous avez dit : C'est la meilleure
estimation qu'on a. Évidemment, on
comprend que ces choses-là, ce n'est pas toujours facile à calculer et à bien
comprendre, mais parlez-moi un petit peu de cette étude-là et pourquoi
vous la trouvez si juste et appropriée.
Le Président (M. Bernier) :
M. Monty.
M. Monty
(Luc) : Oui, merci, M. le
Président. Eh bien, il existe plusieurs études... un certain nombre, je ne
dirais pas plusieurs mais un certain
nombre d'études qui essaient de mesurer les phénomènes qui, par définition, ne
sont pas mesurés par des activités
légales, et donc on peut, dans certains cas, comparer des données plus
macroéconomiques et des données plus micro. Dans ce cas-là, ici, on
utilise des approximations des placements des avoirs par les particuliers dans des centres financiers extraterritoriaux où
on se rend bien compte que les déplacements financiers qui vont vers ces
juridictions sont beaucoup plus importants
que l'activité économique qui la sous-tend. Et puis, effectivement, après avoir
défini une estimation de l'ampleur
mondiale de cette richesse déplacée dans les différents centres, l'auteur a
essayé de mesurer quelle pouvait être
la part canadienne attribuable à ces montants et en arrive à une estimation
dans le temps, donc après plusieurs années, de 300 milliards de
dollars.
Pour s'attribuer
une part au Québec, on a tout simplement pris la part des ménages des
contribuables qui ont un revenu de
plus de 150 000 $ au Québec, qui constituent 15,6 % des
contribuables canadiens dans cette situation, et puis ce qui pourrait nous donner un déplacement accumulé
de richesses de 47 milliards qui entraînerait, si on recevait annuellement
un rendement — puis on a pris le même taux que
l'auteur — de
7 % sur ces sommes déplacées à l'étranger... puis on dit : Si elles étaient, dans le temps, restées au Québec
et si on leur attribuait un rendement de 7 %, bien, ça occasionnerait un
rendement, des recettes fiscales additionnelles de 800 millions de dollars
annuellement.
Entre nous, on trouve cette estimation quand
même élevée. On pense que c'est un montant élevé, mais on ne voulait pas
dénaturer le résultat de l'étude, mais c'est ce qui... Ça nous permet quand
même d'illustrer l'importance relative,
disons, de ces pertes-là par rapport à ce qu'on a estimé également comme étant
l'économie au noir au Québec à 3,8 milliards de dollars de pertes
fiscales. Donc, l'idée, c'était d'avoir une idée de l'ampleur relative... On
voulait montrer dans notre mémoire quelle est peut-être l'ampleur
relative du rôle des paradis fiscaux dans l'ensemble ou par rapport à l'ensemble
des pertes fiscales qu'on peut présumer au Québec.
M. Fortin
(Pontiac) : Non, je comprends votre point de vue par rapport à une
surestimation potentielle parce que, simplement en regardant un des
tableaux, là, que vous nous avez présentés initialement, celui qui parle de
l'évasion fiscale, de l'évitement fiscal, évidemment il y a toute une
composante, là, de dissimulation de revenus illégaux qui, éventuellement, peut se rendre vers des paradis
fiscaux. Et c'est certain que ces revenus illégaux là, qu'ils soient ici, au
Québec, ou qu'on les envoie vers des paradis
fiscaux, c'est de l'argent qu'on n'a pas nécessairement des retours fiscaux
pour le gouvernement.
Si je me
réfère un peu plus loin dans votre présentation, vous parlez de certaines des
actions par rapport à l'évasion fiscale
que le gouvernement a entreprises, les projets ACCES, entre autres. Et
évidemment, là, quand on parle d'évasion fiscale, on se rend aux paradis fiscaux éventuellement parce que c'est
ce sur quoi, en grande majorité, le gouvernement peut agir. Mais vous parlez d'un chiffre qui est intéressant : «Les
activités de lutte contre l'évasion fiscale financées par la provision
ont dégagé un rendement direct et indirect d'environ 400 millions de
dollars par année, ce qui correspond approximativement à 9 $ par dollar
investi annuellement.»
Et, dans le tableau qui est joint à cette
affirmation-là, vous faites la démonstration, essentiellement, que, peu importe le financement que l'État met dans ces
programmes-là, le rendement reste le même. Donc, vous n'avez pas vu de changement. Que l'État investisse beaucoup, que
l'État investisse moins, le rendement, lui, demeure le même, essentiellement,
d'année en année?
Le Président (M. Bernier) : À
neuf pour un?
M. Monty (Luc) : Oui, effectivement, on observe, si on veut, que
le rendement marginal est encore intéressant. C'est-à-dire que, oui, on réussit à limiter les activités d'évasion
fiscale en faisant des récupérations, mais il faut continuer d'année en année. Et puis, même en continuant
d'année en année, on observe toujours un rendement important de ces activités. C'est donc dire qu'il est nécessaire,
comme on l'a fait dans le domaine policier, par exemple, ou le domaine d'autres activités illégales comme la drogue, d'avoir
une action persistante, continue, d'adapter les actions dans chacun de ces secteurs-là, comme, par exemple, dans le
cadre des comités ACCES, que ce soit pour l'alcool, le tabac, les crimes
économiques et financiers, annuellement, le ministère des Finances, avec les
acteurs impliqués dans chacun de ces domaines-là,
on se rencontre et puis on essaie de... il faut, on se rend bien compte,
s'adapter aux divers stratagèmes qui sont
mis en place par les différents acteurs concernés, là, ceux qui ont intérêt à
faire des activités illégales dans ces secteurs-là.
Alors, on
voit que les stratégies se modifient. Il y a toujours un certain pourcentage de
personnes contribuables dans ces
secteurs-là qui développent des stratagèmes pour continuer leurs activités en
essayant d'échapper à l'impôt. Alors, il faut, d'année en année, continuer les initiatives et s'y adapter. Et
c'est pour ça que, dans le temps, par exemple, en ce qui concerne le travail au noir dans la construction,
au début, on faisait surtout des interventions au niveau de contrôle, mais
on a développé, avec Revenu Québec, la
possibilité d'émettre des attestations, par exemple pour les chantiers de
travail au noir, des chantiers de
construction, au préalable à l'octroi de contrats publics, notamment, à
développer une attestation où on va
s'assurer que les participants aux contrats publics vont avoir rempli leurs
obligations fiscales. Alors, c'est dans le temps qu'on doit s'adapter
aux diverses pratiques.
On parle ici
également de la restauration. Au début, on faisait surtout des actions de
contrôle, mais, avec le phénomène qui
s'était développé, au milieu des années 2000, des zappers, bien, on a développé
l'idée de mettre en place, de
développer un logiciel pour un module d'enregistrement, ce qu'on a appelé
d'enregistrement des ventes, pour mieux contrôler les ventes.
Donc, dans...
toutes ces actions-là, qui ont été développées par Revenu Québec, résultent
souvent de la concertation qui a été
mise en oeuvre dans ces comités-là au cours des années parce que je vous dirais
que le ministère des Finances, dans
les budgets des 20 dernières années, presque à chaque année, il y a des
initiatives pour lutter contre le travail au noir, l'évasion fiscale et, j'en ai parlé tantôt, même
des paradis fiscaux avec les planifications fiscales agressives qui ont été
mises en oeuvre à compter de 2009. Mais
effectivement l'observation est bonne, c'est qu'on observe encore, malgré les
investissements annuels, des rendements importants associés à ces actions-là.
Puis c'est pour cette raison qu'on recommande annuellement au gouvernement de
les poursuivre.
Le
Président (M. Bernier) : Tout ce que vous nous dites, c'est que
plus on a des actions pour contrer l'évitement fiscal au Québec, plus, à
ce moment-là, on vient diminuer l'évitement fiscal vers les paradis fiscaux.
• (15 h 50) •
M. Monty
(Luc) : Effectivement. Comme vous voyez dans le schéma, c'est ce qu'on a voulu illustrer,
c'est qu'il ne s'agit pas simplement d'attendre
que les actions de cohésion internationale arrivent. On peut, avec une action
continue sur le territoire...
bien, avec les moyens dont on dispose pour lutter contre l'évasion fiscale,
réduire les sommes disponibles pour
être déplacées dans les paradis fiscaux parce que, dans la mesure où on
s'assure que les contribuables — que
ce soient les particuliers ou les entreprises — qui
ont fait un revenu au Québec le déclarent au Québec, à ce moment-là, on
réduit la possibilité de déplacement dans des juridictions, des paradis
fiscaux où il y a une fiscalité avantageuse.
Et puis,
comme on l'a vu tantôt, quand même, l'évolution des revenus imposables déclarés par rapport à notre richesse se maintient dans le temps. Si on avait eu une
décroissance du revenu imposable... parce que, quand on a représenté tantôt
dans le graphique, ce n'était pas les revenus de l'impôt, c'était le revenu
imposable déclaré. Donc, quand on demande à chaque contribuable, que ce soit une entreprise
ou un particulier : Quel revenu avez-vous gagné cette année et qui est sujet à l'impôt, alors, ces
revenus-là, qui continuent à évoluer de façon importante dans le temps et au
moins aussi rapidement que notre richesse, alors, ça, c'est quand même un signe
où notre appareil de contrôle et de perception
a quand même une certaine efficacité. Ça ne veut pas dire
qu'on perçoit tout, mais on ne peut pas dire qu'il y a une érosion
grandissante de l'évasion fiscale au Québec.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Nous sommes à la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : Merci, M.
le Président. Merci beaucoup
pour votre présentation et votre mémoire. Tout à l'heure, vous avez indiqué que ce serait plus idéal
d'imposer où la valeur est créée, où le profit est réalisé. Maintenant,
cela m'a fait penser au prix de transfert parce que le profit, c'est ce
qui reste après que le prix de transfert est payé. Et un des problèmes que nous avons actuellement, c'est le prix de transfert et ce que le contribuable fait pour traiter
ça d'une façon très agressive.
D'abord,
j'aimerais, pour les gens qui nous écoutent, que vous expliquiez c'est quoi, le
prix de transfert auquel on fait référence,
et j'aimerais connaître de votre part si vous avez des propositions quant à comment on pourrait mieux traiter ce sujet-là du prix
de transfert pour qu'il y ait moins de fuites d'argent à l'extérieur.
Le Président (M. Bernier) :
Oui, M. Monty.
M. Monty
(Luc) : Bon, la question
des prix de transfert, bien, on a fait un petit schéma à la fin de la
présentation, qu'on va vous
présenter, qui illustre un peu une situation très,
très simplifiée, mais qui aide à
comprendre, par exemple, la question
des prix de transfert. Par exemple, on prend une entreprise, dans un pays, qui
produit un bien ou un service disons
pour 10 $, et puis ce pays-là, il vend à un autre, il vend sa production
dans une autre entreprise dans un paradis fiscal. Il le vend à son coût, et
puis, à ce moment-là, il n'a aucun bénéfice dans la juridiction d'origine. Et
puis, par ailleurs,
l'entreprise qui l'achète, qui est située dans le paradis
fiscal, qui peut être une filiale de la première, elle le revend avec un bénéfice. Disons, qu'elle le revend
15 $. Donc, à ce moment-là, l'entièreté du bénéfice est réalisé dans le
paradis fiscal et échappe au pays
d'origine, alors que la revente de ce produit-là dans un troisième endroit, un
autre pays, pourrait ne rapporter également
aucun bénéfice. Donc, l'idée du prix de transfert, c'est de faire en sorte que,
lorsque le bien est vendu dans une autre juridiction ou, par exemple,
dans une entreprise qui est située dans un paradis fiscal, le prix soit déterminé comme si les deux entreprises
n'avaient aucun lien entre elles, comme si c'était un prix de marché, le
meilleur prix offert sur le marché et non pas un prix qui correspond à
une entente préalable avec soit une filiale ou une société associée.
Alors,
l'idée, c'est que... Et ça, c'est déjà prévu dans les règles internationales,
dans l'ensemble des règles qui ont été
établies dans le temps, édictées par l'OCDE, et auxquelles ont convenu de
s'associer l'ensemble des juridictions. C'est de faire en sorte que le prix de transfert soit établi entre deux
entreprises comme si ce prix était établi entre deux entreprises qui n'ont aucun lien. Alors, on sait que, dans les
faits, il y en a qui abusent de ces dispositions-là et font en sorte qu'ils transigent des biens à un prix plus bas, par
exemple, vers un paradis fiscal qui fait en sorte que le revenu de la société
où le bien est produit — le bien ou le service — est inférieur à ce qu'il devrait. Ça fait en
sorte que, dans la juridiction ou le pays
producteur, il n'y a pas de profit, et donc il n'y a pas de rendement fiscal,
alors que cette entreprise dispose de tous les services publics pour
faire sa production.
Alors, dans le temps, ça, il s'est développé des
règles dans le temps, des pratiques, des règles fiscales pour de mieux en mieux contrôler ça, mais ce n'est pas
suffisant. Il reste que les entreprises s'adaptent dans le temps et développent
des stratagèmes pour faire en sorte que les prix de transfert soient souvent
inférieurs à ceux qu'ils devraient être, et, surtout quand on arrive dans le
domaine des services, on parle des services, que ce soit d'Internet ou des
services de technologie, les montants
déclarés comme prix de transfert dans les déclarations d'impôt, bien, ça doit
faire l'objet de vérifications constantes. C'est complexe à évaluer pour les
autorités fiscales, et il s'agit de convenir entre les pays de la meilleure façon de les établir pour faire en sorte
que la valeur créée dans chaque pays se matérialise en termes de revenus
et soit déclarée à l'impôt.
Je ne sais pas, Marc Grandisson, si...
Le Président (M. Bernier) :
M. Grandisson, oui.
M.
Grandisson (Marc) : Oui,
c'est ça. Bien, en fait, ça fait des années que c'est dans le régime fiscal,
aussi bien au Québec qu'au fédéral,
la règle des prix de transfert, et, dans ce contexte-là, c'est beaucoup. Pour
ce qui est des biens, c'est moins une problématique parce que tu peux
plus souvent établir un prix de marché. Là où il y a un des enjeux principaux
ces temps-ci, c'est les marques de commerce. Par exemple, c'est difficile à
évaluer, tu n'as pas un marché nécessairement pour une marque de commerce.
Donc, c'est là qu'il y a le plus grand défi et c'est d'ailleurs dans les 15 actions que l'OCDE examine en ce moment. Une
porte spécifiquement sur cet enjeu-là des prix de transfert pour s'assurer
que l'ensemble des pays, de manière
coordonnée, les évaluent de la même façon, puis on pourra obtenir le bon
résultat, comme disait M. Monty.
Mme de Santis :
Merci.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Portneuf.
M. Matte : Merci, M. le
Président. Bien, M. Monty, une présentation très intéressante. Vous nous
avez démontré que, si on veut mettre
fin à ce phénomène des paradis fiscaux, la seule façon d'éradiquer ça, c'est...
il faut tous les fermer. Mais ce
n'est pas évident puis ce serait trop facile. Puis je trouve que c'est
intéressant. Le gouvernement du Québec investit 1 $, et ça rapporte
9 $. Donc, pourquoi qu'on n'investit pas plus pour pouvoir en obtenir
plus?
Et
ma question est à l'effet... Est-ce qu'il y a des mesures qui ne sont pas
appliquées au Québec mais qu'il serait intéressant
d'appliquer pour pouvoir mettre fin à ces paradis fiscaux là? Puis est-ce qu'il
n'y a pas des États où qu'ils ont mis de l'avant des mesures qui
rapportent encore plus que ce qu'on a ici, au Québec?
Le Président (M.
Bernier) : M. Monty.
• (16 heures) •
M. Monty (Luc) : Bien, c'est certain, il faut qu'on... D'abord, en général, il faut
continuer à y affecter des ressources suffisantes, et puis mesurer des
rendements, et s'adapter aux nouvelles pratiques, j'en ai parlé. Maintenant, au
niveau international, avec ce qu'on voit, ce
qui s'est dégagé au cours des dernières années, comme notre mémoire
le montre et comme plusieurs
publications ont fait état, c'est qu'il
y a eu un développement important
des flux financiers vers les paradis fiscaux
et un développement important des activités de tous ordres réalisées par des
multinationales dans ces paradis fiscaux, ce qui a fait en sorte d'augmenter
la préoccupation au niveau des organisations internationales, au G20, à l'OCDE.
Donc,
ces déplacements-là sont devenus importants à un point tel que les pays sentent
la... il y a une pression pour faire
davantage au niveau de l'échange d'information. Premièrement, ce qui va
arriver, en 2018, avec l'échange d'information sur les comptes bancaires, donc on va avoir
l'information, le Canada va pouvoir avoir des informations sur les comptes
de banques de Canadiens mais à l'étranger,
ce qu'on n'avait pas, et vice-versa pour les autres pays. Donc, il va y avoir
un avantage mutuel à avoir cette information-là.
Et
la deuxième étape, je dirais, c'est resserrer toutes nos conventions en termes,
comme vous l'indiquez, de prix de
transfert, par exemple. On sait qu'on peut améliorer nos conventions fiscales
en termes de prix de transfert pour resserrer les règles. Mais, pour que ça soit efficace, pour pas qu'une
entreprise... Si le Québec resserre ses règles seul, bien, elle va se déplacer puis elle va faire un arrangement
outre. Et puis c'est l'expérience de plusieurs pays qui ont essayé de faire
des initiatives seuls — on
les a mentionnés dans notre mémoire. Généralement, ça se traduit par un abandon
ou des difficultés d'application. C'est
vraiment important qu'il y ait une cohésion, dans l'amélioration ou le
resserrement des définitions
internationales au niveau de la fiscalité pour faire en sorte de mieux
contrôler et d'endiguer ce développement de pratiques là.
Mais, si vous prenez
connaissance des 15 recommandations de l'OCDE, ils sont vraiment très
pratiques et ils identifient vraiment les
gestes à poser sur plusieurs items pour mieux contrôler, au plan de la
vérification et de l'information, les stratagèmes qui sont pris.
Le
Président (M. Bernier) : Si vous permettez, M. Monty, on a
encore deux collègues qui veulent vous poser des questions.
M. Monty
(Luc) : Oui.
Le Président (M.
Bernier) : Oui. M. le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Oui. J'aurais deux petites questions, M. le Président.
J'aimerais savoir, M. Monty, quand vous nous avez fait une liste, là,
des différentes actions que Québec a posées au cours des dernières années, là,
pour combattre l'évitement fiscal, peut-être
que j'ai mal écouté ou mal entendu, là, dans votre présentation et celle de ce
matin : Est-ce qu'au Québec nous
avons des outils pour nous aider auprès de la population, à les aider à nous aider?
Ce que je veux dire par là... Par
exemple, est-ce que nous avons une ligne de divulgation ou un site Web de
divulgation comme, par exemple, on retrouve en Angleterre, comme, par
exemple, on retrouve ça aux États-Unis?
Je
vous donne un exemple que j'ai trouvé sur Internet. En 2008, un banquier de la
firme UBS, après des accusations, avait...
bien, avait volontairement, disons-le, suite à des accusations, divulgué de
quelle façon UBS avait instauré un système pour inciter certains clients à, disons, faire de l'évitement fiscal. Et
ce qui est intéressant de la formule américaine IRS, c'est qu'en plus de ça, pour les divulgateurs, il y a
même des compensations, O.K.? D'ailleurs, ce banquier-là avait reçu une grande somme
d'argent parce que ça avait permis de récolter également une grande somme
d'argent.
J'ai
même trouvé un article qu'au Kenya la formule a été mise en place depuis
quelques années également où des sites
Web de divulgation contre rémunération sont également mis en place. Est-ce
qu'au Québec la formule existe ou est-ce qu'elle pourrait exister si
elle n'existe pas et pourquoi?
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. Monty.
M. Monty
(Luc) : Merci, M. le Président. Bien, à cette question, je sais que
Revenu Québec considère les informations qui peuvent lui être apportées
concernant soit une dénonciation ou soit d'autres pratiques, là, qui sont considérées incorrectes. Maintenant,
à ma connaissance, on n'a pas de mécanisme de rétribution pour ces
informations-là. Le fédéral,
récemment, a annoncé, dans son dernier budget, des
dispositions pour que Revenu Canada rétribue ce genre de...
Le Président (M.
Bernier) : D'information.
M.
Monty (Luc) : ...d'information. Au ministère, bien, ce qu'on a indiqué, c'est qu'on suivrait
l'évolution de l'efficacité
de la mesure mise en place pour le fédéral pour voir s'il n'y a pas lieu d'y
donner suite. Mais effectivement
ça pourrait être une question envisageable.
Il faut aussi qu'au niveau de... disons que ça
soit accepté qu'on fasse ça. Disons qu'il faudrait...
M. Polo : Que ce soit balisé.
M. Monty
(Luc) : ...baliser pour que
ça soit fait dans des conditions correctes. Je pense qu'il y a
un modus operandi à établir, mais
c'est des choses qui sont faisables. Par
ailleurs, on n'a pas d'évaluation
de l'efficacité globale de telle mesure.
M. Polo : Je vais laisser mon collègue
de Sainte-Rose.
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de Sainte-Rose.
M. Habel : Combien de temps il nous
reste, M. le Président?
Le Président (M. Bernier) :
Environ une minute.
M.
Habel : Ah! bien, peut-être
que, par la suite, le ministère des
Finances pourra nous faire parvenir
la réponse à ma question, étant donné le temps.
Le Président (M. Bernier) :
...à ce moment-là, on va demander qu'ils nous écrivent.
M.
Habel : Oui. Je vous
remercie pour l'information que vous avez mise dans le mémoire, là. On a bien
compris que les paradis fiscaux
servent, entre autres, à dissimuler les pertes fiscales, puis bénéficier
de plein d'avantages, dont le secret bancaire, et favorisent la
planification fiscale agressive.
Vous avez
mentionné, dans votre mémoire, qu'il
y a quatre sources de pertes
fiscales, soit la non-déclaration de revenus
comme, par exemple, le travail au noir; la dissimulation de revenus
comme les revenus provenant de la drogue ou du proxénétisme; la désobéissance fiscale comme, par exemple, le commerce électronique; et aussi l'évitement fiscal.
Ma question, c'est à savoir : Est-ce que
vous avez été capables de ventiler les montants de pertes fiscales qui existent parmi ces quatre sources? Et, si oui,
quel est le potentiel de récupération fiscale dans ces quatre segments? Et
quelles sont les actions aussi que vous avez
apportées, précises, pour ces quatre segments de perte de sources fiscales?
Le
Président (M. Bernier) : Si vous avez une courte réponse, je vous donne deux minutes. Si c'est
un peu plus long, écrivez-nous.
M. Monty
(Luc) : Alors, rapidement. Alors, je remontre le schéma qui comprend les trois sources principales
d'évasion fiscale. De fait, on a estimé les
pertes pour le premier bloc, la non-déclaration des revenus provenant
d'activités légales. Pour ce qui est
de l'illégal et de la désobéissance aux règles fiscales, il n'y a
pas d'estimé. Mais, à un moment
donné, on peut mettre beaucoup de temps à essayer d'estimer, disons, les choses à peu près
inconnues. Une fois qu'on connaît
l'ampleur globale de l'évasion fiscale, on sait que ça peut être suffisamment important
pour prendre une action, c'est de prendre des actions.
Et puis ce
qu'on peut faire qui est encore plus percutant, c'est de mesurer le résultat de
nos actions. Et puis ça, je pense
qu'on le mesure, on en rend compte annuellement dans nos budgets. Et puis, j'en ai parlé tantôt, globalement, ça se manifeste soit par le résultat, par exemple, de la
provision du ministère des Finances et/ou le résultat des activités de vérification du ministère du Revenu. Tantôt,
j'ai mentionné que les actions du ministère, de l'Agence du revenu, de Revenu Québec,
généraient des revenus de 3,3 milliards annuellement. C'est 500 millions de plus. Alors,
on est capables, à certains égards,
non pas des fois de mesurer l'ampleur des pertes totales, mais on sait qu'en
agissant sur ces différents domaines là on a des résultats.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Rousseau.
• (16 h 10) •
M.
Marceau : Oui. Merci, M. le Président. Bon, tout
d'abord, bonjour à M. Monty et à tous
ceux qui l'accompagnent, que ce soit
dans la rangée d'en avant ou en arrière. Le document que vous nous avez
présenté puis la présentation que vous
nous avez faite témoignent de la très grande qualité du travail qui se fait au ministère des Finances, et je ne peux pas dire que je suis surpris, je suis au courant de ça. Mais, en tout cas, merci pour le mémoire, merci pour la présentation.
J'ai quand même un commentaire un peu critique.
En fait, deux commentaires, puis après ça je vais poser quelques questions. Le commentaire, peut-être pas critique mais simplement
un petit point que je veux dire, c'est que je suis allé voir le texte de Zucman, là, de M. Zucman, qui permet
d'évaluer le 800 millions. Puis lui, il dit que sa méthode... Je
peux même vous le dire en... Je peux bien vous le lire en
anglais, mais il dit : «My method probably delivers a lower bound, in part because it only captures
financial wealth and disregards real assets.» Donc, lui, il a simplement regardé le côté
financier puis il n'a pas pris en compte les actifs réels. Bon, là-dedans, il y
a des trucs comme les bijoux, des oeuvres
d'art, là, de l'or, même des lingots d'or, mais il y a
aussi, puis ça, c'est plus important, des actifs immobiliers qui ne sont pas pris en compte là-dedans.
Puis, il dit un peu plus loin : «Registry data show that a
large chunk [in] London's luxury real estate is held through shell companies, largely domiciled —
ouf! — in
the British Virgin Islands...» Bon,
alors donc, il y a des actifs immobiliers
de luxe qui sont détenus dans les paradis fiscaux puis qui ne sont pas pris en
compte. Cela étant, ça ne veut pas
dire que le chiffre n'est pas dans le terrain de jeu, comme on dit, mais
peut-être que c'est une borne inférieure et non pas la borne supérieure.
Voilà ce que je voulais dire, petit commentaire.
Bon,
j'ai des questions à vous poser. La première, c'est concernant les conventions
fiscales. La Loi sur l'impôt du
Québec prévoit que... c'est l'article 725 de la Loi sur l'impôt qui dit qu'«un
particulier peut déduire un montant qu'il inclut dans le calcul de son revenu [s'il] constitue un montant exonéré
[...] en raison d'une disposition d'un accord fiscal conclu avec un
[autre pays] que le Canada». Puis les règlements aussi sur l'impôt disent la
même affaire. Bon.
Puis,
vous savez, on a des conventions fiscales, donc, avec des pays qui permettent
ça puis on en a certaines qui ont été
signées pour éviter la double imposition. Or, il y a des pays avec lesquels on
a des conventions dans lesquelles il n'y a pas d'imposition. Alors, la
double imposition, c'est bien théorique, là, ça n'existe pas vraiment.
Je
sais que vous avez une certaine réserve à garder, mais ma question,
c'est : Est-ce que vous croyez qu'on pourrait revoir ces conventions fiscales là? Il y a
certains groupes de la société civile qui s'intéressent à la question des
paradis fiscaux puis qui, eux,
disent : Il faut carrément éliminer ces conventions fiscales avec des
paradis fiscaux, en particulier, là, des
conventions qui veulent éviter la double imposition, quand, dans ces paradis,
on a des taux de taxe de zéro. Parce que, dans le fond, ça n'existe pas,
la double imposition. Dans ce cas-là, on n'empêche rien, là. Alors, première
question.
Le Président (M.
Bernier) : M. Monty.
M. Monty (Luc) : Bien, on pense qu'il faut, comme l'indique l'OCDE dans ses travaux,
resserrer l'ensemble des règles qui
font partie de ces conventions-là parce que les conventions que signe le
Canada, souvent, sont similaires à celles d'autres conventions que d'autres pays signent, et la plupart reposent
sur les mêmes principes, et la même application technique, et la même approche fiscale. Et il est bien clair qu'après
examen l'OCDE recommande qu'à plusieurs égards les règles soient resserrées.
L'important, c'est que tout le monde le fasse ensemble pour que ça soit
efficace.
Et
même la dernière recommandation de l'OCDE, l'action 15, c'est d'élaborer un
instrument multilatéral, faire en
sorte que l'entente, la nouvelle entente entre les pays signataires, fasse en
sorte de modifier unilatéralement toutes les ententes, toutes les conventions en place. C'est-à-dire, si on adoptait,
avec l'OCDE, des nouvelles conventions en vertu des règles de prix de
transfert, bien, cette entente multilatérale là ferait en sorte que tous les
prix de transfert dans les différentes
ententes seraient modifiés. Alors, c'est dans ce sens-là. Oui, il faut que ces
règles soient revues, mais l'important, c'est que ce soit revu dans les
ententes avec les autres pays, mais que le Canada les fasse seul, ce n'est
peut-être pas nécessairement le plus efficace.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député.
M.
Marceau : Mais, juste là-dessus, j'aimerais ça que vous
expliquiez à la commission pourquoi vous pensez que ce n'est pas
efficace parce que moi, je peux concevoir, là, que...
M. Monty
(Luc) : Bien, il peut y avoir des...
M. Marceau :
Il y a une question de compétitivité, là, bon, que, pour certaines
entreprises...
M. Monty
(Luc) : Tout à fait.
M.
Marceau : ...de savoir qu'ils ne peuvent pas... oui, bien, je
peux utiliser des termes durs, je ne le ferai pas, mais, disons, qui ne peuvent pas nous... ils ne
peuvent pas éviter de payer des impôts ici. Ça peut être quelque chose de peu
attirant, mais la question se pose, là.
Évidemment, si on a une entreprise qui s'installe ici, on a une activité
économique, mais, en principe, ils devraient aussi contribuer, là, au
fisc. Je vous laisse expliquer.
Le Président (M.
Bernier) : M. Monty.
M. Monty (Luc) : Bien, il y a des conséquences. Qu'un pays ait une fiscalité fort différente de celle de tous les
autres, c'est qu'il peut y avoir des effets
économiques importants et aussi ça peut faire en sorte, effectivement, que les entreprises changent leur comportement, utilisent
d'autres stratégies.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député.
M.
Marceau : O.K.
Donc, il y aurait moyen de revoir ces conventions fiscales de façon
unilatérale, mais ce que vous dites, c'est que vous craignez les
conséquences, entre autres que ce soit sur la décision de demeurer au Québec ou au Canada ou bien des changements de comportement qui
pourraient survenir à la suite, là... d'autres stratagèmes qui seraient
utilisés pour éviter de payer de l'impôt. Ça résume-tu ce que vous dites?
M. Monty
(Luc) : ...
M. Marceau : O.K. Puis est-ce que le même raisonnement s'applique
au cas du Québec? Parce
que je pense que tout le monde comprendra que le Québec s'harmonise, dans le fond, comme province
du Canada, qu'à partir du moment où le Canada décide de
signer une convention avec un paradis fiscal le Québec emboîte le pas. Évidemment,
on peut imaginer, on peut concevoir que le Québec
décide de ne pas le faire, mais ce que vous me dites, si je comprends bien,
c'est qu'il y aurait des conséquences à ce
que le Québec se dissocie de façon trop importante de ce qui se
passe dans le reste du Canada. C'est ce que vous dites?
M. Monty (Luc) : Il y a des conséquences, puis on a vu l'exemple — on
en a mentionné — de
certains pays, l'Italie, par exemple, qui a pris des mesures. On verra l'impact de la
taxe Google au Royaume-Uni. Et puis il
y a eu l'Espagne, je pense, dont on parle. Alors, l'idée, c'est, de
prendre des agissements unilatéraux uniques, des fois, l'efficacité des mesures
n'est pas au rendez-vous.
M.
Marceau : O.K. En tout cas, je comprends votre point sur les conventions fiscales. Maintenant,
je pense qu'il faudrait qu'on mesure — là,
je vous invite à le faire, là, évidemment, je sais bien que vous ne pouvez pas me répondre
comme ça — à quoi on peut s'attendre comme réaction si, de
façon unilatérale, le Québec ou le Canada décidait de mettre un terme à certaines
conventions fiscales avec des paradis fiscaux. Je comprends votre point, c'est tout
à fait réel, là. Ça a du bon sens, ce que vous dites. En même temps, il y a des
avantages à remettre en cause ces conventions-là. Je comprends que vous me dites que des accords multilatéraux sont en voie
de voir le jour puis de prendre place, qui pourront compenser le fait
d'agir de façon unilatérale, mais, en attendant... Vous venez de
mentionner : le Royaume-Uni, par exemple, est allé de l'avant avec sa Google Tax et ils
ont fait les mêmes calculs, là, que vous faites, là. Tout le monde fait ces mêmes calculs là.
Ils se disent : Si j'agis de façon unilatérale, si je bouge, il y a des
conséquences.
Puis je vais aller
sur la Google Tax plus précisément parce que je voulais justement vous demander
si vous pensez que c'est quelque chose qui devrait être envisagé par le Québec ou par le Canada.
Je ne m'attends pas à ce que vous me
répondiez de façon précise, là, mais les Google, Amazon, Apple,
Starbucks de ce monde, Uber mais aussi... bon, ils font de l'argent au Québec,
là. Ils vendent, ils ont des clients au Québec. Puis je pense que c'est correct
de dire... Évidemment, je n'ai pas accès à leurs déclarations fiscales,
là, mais je ne m'attends pas à ce qu'ils paient de grandes sommes au Québec
puis au Canada.
Puis
je ne veux pas cibler ces gens-là en particulier. Je pense que c'est le cas de beaucoup
d'entreprises, de grandes corporations multinationales. Qu'est-ce qu'on
fait, là, avec ces gens-là, là? Est-ce que le nouveau monde dans lequel on va être dans cinq ans ou dans 10 ans va
permettre au Québec de récolter sa part? Est-ce qu'une Google Tax ça
pourrait — ou
un équivalent —faire
l'affaire au Québec ou au Canada?
Le Président (M.
Bernier) : M. Monty.
M. Monty (Luc) : Merci, M. le Président. Il faut adapter la fiscalité de façon
coordonnée, l'ensemble des juridictions.
Les secteurs qui ont été mentionnés sont intéressants. D'ailleurs, dans le plan
de l'OCDE, la première action, par
exemple, c'est de relever le défi posé par l'économie numérique. On parle
d'Uber, par exemple. Bien, est-ce qu'Uber, dans ses revenus, va déclarer la... C'est de l'économie, c'est un
service numérique, si on veut.Est-ce qu'on est capables d'avoir
le... C'est un service. Donc, qu'est-ce qui va être déclaré? Est-ce que c'est
la valeur du service rendu dans la juridiction,
même si, par exemple, c'est un service qui est donné à distance? Donc, la
valeur du service, ça peut être donné dans
une juridiction, hein? Le service numérique peut être donné dans une
juridiction et provenir d'un autre endroit. Mais aujourd'hui la fiscalité repose souvent sur le lieu de localisation de
la production, alors que, là, le lieu de production du service peut être différent de là où le service
est accordé. Donc, il y a lieu, à
ce moment-là... Puis c'est le premier
défi, c'est comment on redéfinit la
fiscalité pour faire en sorte que la production soit déclarée là où elle a
lieu, ce qui n'est pas évident dans le cas du numérique.
En ce qui concerne
les actions unilatérales — je
vais revenir rapidement — du
Québec, bien, quand on pense qu'il peut y
avoir une action unilatérale qui donne des résultats importants, bien, on le
recommande au gouvernement. Ça a
été le cas dans le dernier budget. Je pense que tout ce qui est le jeu en ligne,
bien, le Québec va proposer une action, je dirais, individuelle pour modifier la législation pour faire en sorte de bloquer le passage des sites, des réseaux
illégaux de jeu. Alors, ça, c'est une action. C'est dans la juridiction du Québec, c'est
la taxation des gains de loterie. Là, on pense qu'on a une action individuelle. Puisqu'on a la juridiction sur
l'ensemble du secteur, elle peut être efficace au Canada.
Dans l'ensemble canadien,
avec une fiscalité conjointe avec le fédéral, on pense que les actions
conjointes avec le fédéral puis avec
d'autres pays sont encore plus efficaces, à ce moment-ci dans les règles
de fiscalité internationale, pour agir.
• (16 h 20) •
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Monsieur...
M.
Therrien :
Combien j'ai de temps, là?
Le Président (M.
Bernier) : Il vous reste 4 min 30 s.
M.
Therrien :
O.K. Merci, M. le Président. Alors, je...
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien : Pardon?
Le Président (M.
Bernier) : M. le député... Juste pour vous identifier.
M.
Therrien : Ah! ça
va. Bien oui!
Le Président (M. Bernier) :
C'est juste pour vous identifier, c'est tout.
M.
Therrien : Pas de problème.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bernier) : M.
le député de Sanguinet.
M.
Therrien : Alors, merci et bienvenue. Écoutez,
je suis content de vous voir. C'est un travail de qualité, c'est clair, comme d'habitude. Vous nous avez toujours
habitués à cette excellence-là. Moi, j'ai été un peu surpris parce qu'on entend souvent parler de paradis fiscal puis on a l'impression que c'est
très gros. On a eu un document très récemment, puis vous me direz si je me trompe, mais le message que je vois, là,
dans ce document-là — puis
je ne sais pas si c'est le bon
message que je dois retenir, je vous demande l'information, là — d'abord, c'est que ce n'est pas si pire. Ce n'est pas si pire, puis ce
n'est pas en hausse. Moi, c'est ce que j'ai tendance à croire.
Quand je dis
que ce n'est pas en hausse, là, je regarde par rapport au graphique de la
page 4, là. Vous avez là, en pourcentage du PIB nominal, là, le revenu
imposable. Moi, c'est le message, au début, que j'ai entendu. Je ne sais pas si
c'est correct de ma part. Puis, tu sais,
quand on parle de PIB, on va parler de production, là, des pommes, des oranges,
des Frosted Flakes, ainsi de suite, là. Mais, moi, ce que je me pose comme question, c'est : Est-ce que
ce graphique-là va permettre de nous faire voir l'importance des paradis
fiscaux?
Parce que,
dans le paradis fiscal, comme vous l'avez montré tantôt, dans le stratagème que
vous montriez tantôt, la valeur du paradis fiscal n'entre pas dans le
PIB. Ça fait que cette mesure-là ne serait pas appropriée pour évaluer correctement, d'après moi — puis
je peux me tromper, mais... — l'existence
de paradis fiscaux à l'intérieur de ce graphique-là. Est-ce que je me
trompe? J'ai mal compris?
Le Président (M. Bernier) :
M. Monty.
M. Monty
(Luc) : Oui, M. le Président. Ce qu'on peut dire, c'est... Ce qu'on a voulu indiquer, ce qui est un
objet de préoccupation au ministère des Finances, c'est de dire : Est-ce que
les revenus déclarés au Québec correspondent à l'activité économique qui est réalisée? Si, dans le temps, l'ensemble
de l'activité économique qui génère des revenus, si, dans le temps, ces revenus-là ne sont pas
déclarés ou sont déplacés entièrement ailleurs, il va y avoir une réduction du revenu imposable déclaré par rapport à la production. À moins que les données de production de Statistique Canada soient... Ce qu'on observe, c'est que, dans les déclarations de revenus, il y a plus de 40 milliards annuellement
qui sont déclarés par les entreprises.
Et ça, ça augmente au moins aussi rapidement que le PIB. Maintenant, ça ne veut pas
dire qu'il n'y en a pas de déplacé dans les paradis fiscaux. On pense
que c'est un phénomène qui nous touche comme il touche toutes les
juridictions.
M.
Therrien : Mais ce
que je...
M. Monty
(Luc) : Mais, si ce phénomène-là
augmente, est-ce qu'il réduit l'ensemble des perceptions globales
aux sociétés ou aux particuliers par rapport à son économie au Québec?
Le Président (M. Bernier) :
M. Monty, si vous permettez, on va permettre au député de poser sa question.
M.
Therrien : Oui. Bien, je sais que c'est aussi évident, là,
de traiter de paradis fiscal que d'apprendre à jouer au ballon à un
hippopotame, là, mais, écoutez, moi, ce que je veux savoir, là, c'est que, si
moi, je m'en vais dans un paradis fiscal...
mettons, je vends 10 millions au paradis fiscal, le PIB, c'est 10 millions. Lui, il fait 10 millions de profit, il vend ça à un autre pays, il
se fait un profit de 10 millions, bien, le 10 millions de profit qui
est dans le paradis fiscal, il n'est pas
dans mon PIB. Ça fait que cette mesure-là ne me permet pas d'évaluer
l'importance du paradis fiscal par
rapport au reste du PIB parce qu'il ne rentre pas dans le PIB. C'est ça que
je veux savoir, là. C'est : Ma logique est-u bonne ou ça, ça
illustre le paradis fiscal?
Le Président (M. Bernier) :
M. Monty. M. Monty, allez-y.
M. Monty
(Luc) : Ce n'est pas ça
qu'on n'a pas voulu mesurer. Ce qu'on a voulu mesurer, c'est : Est-ce que
les revenus déclarés au Québec correspondent à l'activité économique qui est
réalisée? Et est-ce que cette importance relative là diminue dans le temps? Ce que ça montre, c'est que
l'importance relative des revenus déclarés dans l'économie ne diminue pas et même est en légère augmentation
dans le temps. Ça peut résulter d'un ensemble de facteurs. Bien, ça peut résulter notamment des efforts qu'on fait
pour inciter les gens à déclarer, les efforts de vérification. Maintenant, ça
ne veut pas dire qu'il n'y a pas
existence quand même de... que les paradis fiscaux n'ont pas d'effet. Ils en ont certainement. Maintenant, est-ce que ça gruge? Ça gruge de façon
croissante nos revenus? Il ne semble pas. On est dans une situation quand même, je dirais, entre guillemets, sous
contrôle, maintenant, qui nécessite qu'il y ait des efforts continus qui se
fassent. Je l'ai mentionné tantôt, la
lutte contre les planifications fiscales agressives, ça se fait, ça a généré
des revenus. Et il y en a, des règles fiscales, présentement, pour contrôler les stratagèmes dans
les paradis fiscaux. Est-ce qu'elles sont suffisantes? Non. Et c'est pour ça qu'il faut les resserrer.
Puis elles ne se sont pas adaptées à l'évolution de la situation et aux
stratagèmes développés dans le temps.
Ce qu'on souhaite, c'est que, comme dans le cas des échanges de renseignements
sur les comptes bancaires qui vont
survenir en 2018, on élargisse ça le plus rapidement possible aux autres règles
qui gèrent les ententes internationales. Et puis ça, c'est clairement
défini. Le rapport de l'OCDE, les 15 actions, elles sont très précises en cette matière-là et elles devraient, si elles sont
appliquées, commencer à corriger une partie des flux importants qu'on a vus
se déplacer dans les dernières années.
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
M.
Therrien :
...
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Mercier.
M. Khadir : Ah!
M.
Therrien : Merci.
M. Khadir :
Merci, M. le Président. Pour faire suite à l'intervention de mes collègues, je
comprends qu'il y a des gens qui investissent beaucoup d'efforts,
beaucoup d'énergie à l'intérieur du ministère du Revenu, je suis sûr, au gouvernement, parmi notre administration publique,
pour lutter contre l'évasion fiscale, mais je pense que, malgré... Je
comprends aussi la prudence que vous observez à évaluer l'ampleur de l'érosion
de l'assiette fiscale, mais tous les documents,
à peu près, que nous consultons à l'échelle internationale, que ça soit le
Fonds monétaire international, que ça
soit les deux rapports au Congrès américain en 2009 et 2010 — et, à chaque année, ils sont mis à
jour — que ça
soit le rapport du groupe d'experts des pays du G20, à Londres en 2009, qui a
fait école, après lequel il y a eu plusieurs initiatives, ou le rapport de l'OCDE, partout on entend une même
chanson : Les paradis fiscaux, ça fait de plus en plus mal, le phénomène prend de l'ampleur. On n'est
même pas en mesure... Ce qu'on estime, c'est vraiment un... donc, comme mes collègues ont dit.
Donc,
je pense que, pour vraiment régler le problème, montrer la détermination... On
ne veut blâmer personne, là. Personne
ne prétend que c'est à cause du ministère des Finances ou du gouvernement du
Québec ou du ministère du Revenu. C'est
à cause d'un certain nombre de phénomènes structurels pour lesquels on a pu
être complaisants, mais le phénomène prend de l'ampleur. Bon, souhaitons
que ça soit moins pire ici qu'ailleurs, mais c'est la même tangente.
• (16 h 30) •
Vous
avez dit — et ça,
je trouve ça intéressant parce que ça vient confirmer ce qu'a dit votre
collègue du ministère du Revenu — que chaque dollar investi rapporte entre
9 $ et 10 $. Encore, vous avez dit : Ça se maintient. Donc,
est-ce que vous comptez, au ministère des Finances, dégager des sommes
supplémentaires au cours des prochaines années puisque je ne connais pas de secteur d'activité où le gouvernement
pourrait mieux investir son argent? Écoutez, chaque dollar rapporte 9 $, 900 %. En connaissez-vous
beaucoup de secteurs d'activité avec autant de rendement? Donc, que comptez-vous investir, les prochaines années, pour
soutenir cette activité, pour que le ministère du Revenu ait tous les moyens
à sa disposition?
Ensuite,
vous avez dit... ça, j'aimerais que vous prêtiez une attention à ça, j'aimerais
vous entendre sur les mesures déjà implantées parce que vous avez
dit : Si on veut endiguer le problème, il faut resserrer et rendre les
mesures cohérentes à travers l'ensemble des pays, des législatures. Bon, il y a
des décisions qui ont été prises aux États-Unis, Union européenne, Royaume-Uni, Allemagne. Vous les voyez listées à la
page 28 du rapport : «Obligation pour les firmes de divulguer les
sommes transférées à leurs filiales.» Hein, ça, c'est quelque chose qui
pourrait nous faire du bien.
Vous
savez, ArcelorMittal, la plus grande mine de fer au monde, qui extrait notre
métal, elle est enregistrée au Delaware,
ArcelorMittal. Osisko, qui avait une des plus grandes exploitations d'or au
Québec, est enregistrée au Delaware. Et
on sait que le Delaware, c'est surtout pour le transfert, hein, le prix de
transfert. Et ça touche les matières premières. Ils sont dedans.
Alors,
qu'est-ce qu'attend le Québec, même si le Québec ne peut pas agir sur toutes
les entreprises, mais de dire : Dorénavant,
toutes mes administrations, tous mes ministères, toute administration publique
ne donnent aucune autorisation, ne
signent aucun papier pour aucun permis avant que ça soit clair que ces
entreprises mettent cartes sur table ou encore...
Le Président (M.
Bernier) : Une minute, M. le sous-ministre.
M. Khadir :
Très bien, je termine. KPMG. KPMG est enregistrée aussi au Delaware.
Le Président (M.
Bernier) : Excusez, M. le député...
M. Khadir :
KPMG est poursuivie par le gouvernement fédéral pour manquement.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Mercier!
M. Khadir : Je termine. Qu'est-ce qu'attend le
gouvernement pour dire à KPMG : Dorénavant, je ne te donne plus de
contrat?
Le Président (M.
Bernier) : Monsieur...
M. Khadir : Je ne peux plus
te...
Le Président (M. Bernier) :
M. le...
M. Khadir : Ça, personne ne
peut vous le reprocher.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Mercier! Je vous en prie! S'il vous plaît! M. le sous-ministre,
est-ce que vous avez un commentaire? Un court commentaire parce que je dois
aller au député de Beauce-Nord.
M. Monty
(Luc) : Bien, quant aux
ressources consacrées par le gouvernement à chaque année, bien, c'est évalué sur la base des résultats. C'est-à-dire que notre devoir, soit au ministère
des Finances ou au ministère du Revenu, c'est de montrer que les actions de contrôle et de vérification
ou des nouvelles initiatives donnent des résultats. Puis c'est sur cette base-là que les crédits annuels sont
accordés. On mentionnera que, dans les dernières années, les ressources
consacrées par Revenu Québec ont été augmentées de façon importante puis
elles ont généré également des revenus additionnels importants, comme j'ai
indiqué...
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M. Monty (Luc) : ...et puis dans la
mesure du résultat.
Le Président (M. Bernier) :
Merci...
M. Monty
(Luc) : En ce qui concerne les définitions ou les exigences, je pense que c'est important
que ça soit examiné, les demandes d'information. Puis c'est notre travail, soit au Québec ou au fédéral, de
s'assurer que les mesures de
divulgation d'information soient efficaces. C'est-à-dire que, oui, on peut
obtenir de l'information, mais, si nos règles fiscales, notre législation, notre encadrement juridique... puissent permettre, suite à l'obtention de ces résultats-là,
d'agir, effectivement. Donc, il faut examiner tout ça.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci,
M. le Président. Je m'excuse de ne
pas avoir assisté à toute votre présentation, messieurs du ministère des
Finances. Je vous salue quand même.
Vous revenez
souvent... Bien, vous revenez souvent, vous revenez en disant que Revenu Québec
va chercher plus d'argent. Ça, on
n'est pas contre ça, que tout le
monde paie son dû, mais, s'il va
chercher plus d'argent, quelle est l'incidence des paradis fiscaux par
rapport à l'argent supplémentaire qu'il génère? Parce qu'on sait que Revenu Québec a... et Richter l'a démontré au mois de mars dernier dans son
étude, on sait que Revenu Québec a quand
même quelques problèmes en ce qui
concerne les cotisations abusives.
Alors, ça, c'est correct, il va chercher plus d'argent, mais, par rapport aux paradis fiscaux comme tels, quel est le montant, quel est le
pourcentage par rapport à l'augmentation de la récupération?
Le Président (M. Bernier) :
M. Monty.
M. Monty (Luc) : Bien, dans les planifications,
les planifications fiscales abusives peuvent comprendre des situations
où il y a un lien avec les paradis fiscaux, les cas aussi
de vérification d'activité de grandes entreprises. Tantôt, j'ai
dit que le taux de couverture avait atteint, à Revenu Québec, près de 48 %
pour les entreprises de 60 millions de dollars et plus. Alors, quand on
fait une cotisation pour une entreprise, une grande entreprise qui a des
activités... une multinationale, par
exemple, si on fait en sorte que, suite à la vérification, on augmente son
revenu déclaré au Québec, bien, par le fait même, ça va réduire le
montant transférable dans un paradis fiscal.
C'est pour ça que, oui, les actions directes,
par exemple, d'information ou de resserrement de règles fiscales internationales sont importantes, mais la
vérification usuelle pour faire en sorte que l'activité économique réalisée au
Canada ou au Québec soit déclarée dans les revenus au Québec est aussi
importante. C'est une façon aussi même encore plus directe de s'assurer que ce
revenu-là, il n'est pas déplacé. En autant que l'activité, au Québec, réalisée
est déclarée, c'est déjà un premier pas. Le
deuxième pas, c'est d'aller faire en sorte que les autres conventions, les
autres règles fiscales internationales qu'on a en commun avec les autres
juridictions, bien, soient resserrées.
Le Président (M. Bernier) :
M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard :
Merci, M. le Président. On sait très bien que nous sommes ici pour étudier les
paradis fiscaux, les incidences
monétaires que ça a sur notre propre gouvernement. Maintenant, on doit
nécessairement passer par le fédéral. Évidemment,
tous les efforts en matière de paradis fiscaux doivent nécessairement passer
par des ententes entre pays, et ça, il faut passer par le gouvernement
fédéral.
Moi,
j'aimerais savoir comment que ça se passe avec eux lorsque vous discutez de ça
de ministère des Finances à ministère
des Finances. Est-ce que vous en discutez? Est-ce que ça se passe bien ou s'ils
sont fermés puis il n'y a pas de coopération? On
sait qu'avec Revenu Québec et l'Agence de revenu du Canada il y a une certaine
coopération. Maintenant, entre les ministères comme tels, est-ce qu'il y a
autant de coopération?
Le Président (M. Bernier) :
M. Monty.
M. Monty
(Luc) : Oui, je pense qu'il
y a une excellente coopération. D'abord, il y a des discussions au niveau
des ministres qui discutent... Lors des rencontres de ministres des Finances,
bien, il y a toujours des discussions sur l'évolution
de la situation au niveau des ententes internationales, également des
discussions au niveau des sous-ministres. Alors, notamment suite au dépôt des recommandations du rapport de la
Commission d'examen sur la fiscalité, le rapport Godbout, il y a eu une présentation du rapport puis des recommandations
qui concernaient l'international à une réunion des sous-ministres des
Finances au mois de juin dernier.
Il y a aussi
des comités statutaires des sous-ministres adjoints en fiscalité auxquels
participe mon collègue ici, Marc
Grandisson, où, au plan technique, l'ensemble des mesures de contrôle fiscal
puis, je dirais, de resserrement sont examinées puis font l'objet
d'examens. Mais chacune de ces mesures-là doit être examinée à la lumière de l'encadrement juridique, de l'efficacité des
mesures à mettre en place. Donc, pour atteindre un objectif visé, quelle est la
meilleure technique fiscale à employer? Puis ensuite c'est de voir
l'applicabilité.
Donc, les ministères des Finances de chaque
juridiction doivent s'entendre avec les agents percepteurs, donc Revenu Canada et Revenu Québec. Est-ce que ce
qu'on va annoncer comme mesures fiscales, c'est gérable? Donc, il y a quand même, pour chacune des mesures déployées...
vous en avez des exemples dans le document, là, des resserrements qui ont été
faits soit pour les fiducies de revenu et toutes sortes de montages, toutes
sortes de planifications financières. Bien,
chacune de ces mesures-là doit être examinée sous tous ces aspects-là pour
s'assurer de leur efficacité. Mais je vous dirais qu'il y a de la bonne
collaboration puis, même, il y a un effet d'émulation. Je prends l'exemple que
je vous ai donné tantôt. En 2009, le
ministère des Finances du Québec a annoncé individuellement, là, je dirais,
unilatéralement, des mesures pour
contrer les planifications fiscales agressives qui peuvent concerner les
paradis fiscaux. Puis le fédéral a suivi ultérieurement puis a mis en
place des dispositions similaires. Donc, de part et d'autre, je dirais, il y a
des échanges constants. Des fois, on agit
avant le fédéral; des fois, on s'harmonise au fédéral. Mais je dirais que ça
crée des discussions puis une émulation constante, là, pour atteindre
ces objectifs.
M.
Spénard : Maintenant...
Le Président (M. Bernier) :
Merci, M. Monty. M. le député.
• (16 h 40) •
M.
Spénard : Merci.
Est-ce que vous êtes au courant s'il y a une planification, au niveau fédéral,
en matière d'évasion fiscale en ce qui concerne les paradis fiscaux?
Le Président (M. Bernier) :
M. Monty.
M. Monty (Luc) : Bien, c'est ce dont
on vient de discuter, notamment, là.
M.
Spénard :
Est-ce qu'il y a une planification, là, dire : Là, voici où est-ce qu'on
s'en va, qu'est-ce qu'on fait, là?
M. Monty
(Luc) : Bien, moi, je ne peux
pas vous en dire plus que ce qui est annoncé dans leur budget officiellement, là. Je pense que, clairement, il y
a eu une orientation dans les dernières années. Je ne sais pas. Marc
Grandisson, qui est au courant des discussions aussi dans certains
comités, peut compléter?
M. Grandisson (Marc) : C'est que...
Le Président (M. Bernier) :
M. Grandisson.
M. Grandisson (Marc) : Merci. Comme
M. Monty le disait, quand on envisage une nouvelle mesure, il faut regarder, bon, est-ce que je... Comme, au Québec,
on dit : Bon, est-ce que je peux agir seul? Est-ce que c'est quelque chose
que, donc, les... il y a des choses... on a les budgets encore contre... des
mesures de décrétées qu'on a mises sur... des interpositions
de fiducies dans le contexte de certains crédits purement québécois? Donc, ça,
ça concernait juste notre fiscalité.
On pouvait agir sans créer de double imposition ou de répercussion dans le
reste du pays. On l'a fait tout seuls.
Le fédéral,
eux, ils se posent les mêmes questions. Donc : Est-ce que je peux agir
sans faire de répercussion et de manière
non coordonnée avec les autres? Et c'est pour ça que, dans pratiquement tous
les budgets depuis 10 ans... Puis là, dans le mémoire, à la page 65, on
a des exemples, depuis 2010, que le fédéral intervient sur des mesures, au
niveau international, pour restreindre les
prix de transfert, pour aller encore plus pour des règles de capitalisation
restreinte. Donc, agir de manière à
resserrer ces règles à mesure que les mesures sont connues mais dans les choses
où on peut agir sans être coordonnés.
Et là les mesures coordonnées, là, le fédéral est impliqué avec l'OCDE et
participe aux travaux. Et d'ailleurs je viens d'avoir une invitation de mon
collègue au fédéral pour participer à un appel conférence, la semaine
prochaine, sur les travaux de l'OCDE.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
M.
Spénard : Il me reste-tu encore du temps?
Le Président (M.
Bernier) : Oui, il vous reste encore 2 min 30 s.
M.
Spénard : O.K. Dernière question. Vous auriez deux
recommandations ou deux règlements à faire appliquer sur toute une panoplie. Lesquels, pour vous, vous
semblent les plus importants à faire appliquer par le Québec — le fédéral pourrait embarquer — pour qu'on pourrait mieux contrôler l'évasion fiscale? Deux
recommandations. Ça serait quoi, les deux plus importantes, selon vous?
Le Président (M.
Bernier) : M. Monty.
M. Monty (Luc) : C'est de faire en sorte de contribuer à l'avancement des travaux de
l'OCDE le plus rapidement possible.
La première chose : de s'entendre sur ces mesures-là; puis, deuxièmement,
faire en sorte que l'exécution soit le
plus rapidement possible. L'OCDE visait, lors de la publication de ce document,
un échéancier de l'ordre de deux ans. Je
pense que c'est un échéancier ambitieux, mais, quand même, c'est un horizon
possible si l'ensemble des juridictions décide de mettre l'épaule à la
roue.
M.
Spénard :
61 juridictions, là, 61 à l'intérieur du groupe des G20 avec l'OCDE, là. O.K.
Merci. C'est tout, M. le Président. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bernier) : C'est bien? Donc, merci, M. Monty, de votre
participation. Merci aux gens du ministère
des Finances. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure à Revenu Québec, il se
peut que nous ayons des questions additionnelles
à vous poser, et nous allons vous les adresser directement. La commission va
s'adresser à vous. Dans nos réflexions,
si on a des questions additionnelles, à ce moment-là, on va vous les poser.
Tout simplement nous répondre par écrit aux questions qu'on vous posera.
Une voix :
Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. Je vais suspendre quelques
instants afin de permettre à M. Éric Lauzon de prendre place.
(Suspension de la séance à
16 h 44)
(Reprise à 16 h 49)
Le
Président (M. Bernier) : Attendez un petit peu! Juste un petit peu, je vais vous donner la
parole, O.K.? On y va.
À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc reprendre nos travaux. Nous
avons le plaisir, cet après-midi, de recevoir M. Éric Lauzon qui va nous
présenter ses réflexions et sa position en ce qui regarde nos travaux. Merci de
participer, M. Lauzon. Merci d'être ici cet
après-midi. Donc, sans plus tarder, je vous laisse la parole. Vous avez 15
minutes pour nous présenter votre sujet.
M. Éric Lauzon
M. Lauzon
(Éric) : Donc, je suis vraiment très fier d'être devant vous. Ça fait
depuis 2009 que j'essaie de sensibiliser les Québécois de tous les
domaines : les artistes, les hommes politiques puis aussi les
journalistes.
En juin 2000, quand
je suis rentré pour travailler à la Banque Ferrier Lullin, à Genève, jamais je
ne me serais douté d'être devant vous aujourd'hui. Puis je trouve que c'est sain pour notre démocratie qu'on puisse faire
le débat sur les paradis fiscaux.
• (16 h 50) •
Donc,
les quatre menaces que constituent les paradis fiscaux. Un paradis fiscal
garantit le secret bancaire, permet à
des individus et à des entreprises de se soustraire à la réglementation
financière de leur pays et leur permet d'ignorer les lois et règles qui régissent la vie de société. L'auteur Nicholas
Shaxson en fait une définition plus large : «Lieu qui se propose d'attirer des activités économiques en
offrant à des particuliers ou à des entités un cadre politiquement stable qui
permet tant de contourner les règles, les lois et les réglementations édictées
dans les autres pays.»
Les quatre menaces sont : a. Accentuation des
inégalités. Au service des plus riches et des plus grandes entreprises, elles nourrissent les inégalités. L'injustice se
situe dans la concentration de la richesse dans quelques territoires et dans
quelques mains, dans les politiques
d'austérité, dans l'affaiblissement des services publics et
l'instrumentalisation de la colère des classes moyennes contre les plus
fragiles;
b.
Source d'instabilité financière. Les paradis fiscaux sont des centres
financiers où les acteurs prennent des paris risqués ou se financent de
manière opaque. Près de la moitié des actifs placés dans les paradis fiscaux
sont constitués d'argent spéculatif, comme
ceux placés dans les «hedge funds». Ces actifs ne sont pas investis dans
l'économie réelle et ne sont pas créateurs d'emplois. Sans en être la
cause principale, ils ont contribué à la crise financière de 2008;
c. Lieux de blanchiment d'argent. Les paradis
fiscaux sont aussi des lieux de blanchiment d'argent sale, mais aucune donnée
n'est disponible sur l'ampleur du phénomène;
d.
Atteinte à la démocratie. Nous avons vu, en France, que, grâce à la place
financière suisse depuis l'élection de Mitterrand, transitait du
financement occulte de certaines élections présidentielles;
De plus, on
l'a aussi vu dans le cas de Laval, l'argent récolté par les différents maires
corrompus a été expédié dans les
paradis fiscaux, permettant à cette corruption de rester discrète et à l'abri
du public et des enquêtes journalistiques et policières.
Les
préjudices des paradis fiscaux sur les recettes fiscales annuelles du
gouvernement du Québec. Selon l'OCDE, 50 %
du commerce mondial transite chaque année dans les paradis fiscaux pour éviter
de payer des impôts. Plus de la moitié
de tous les actifs bancaires et un tiers des investissements directs à
l'étranger des multinationales transitent par des centres financiers offshore. Ces actifs, qui se
trouvent dans les paradis fiscaux, sont composés à 95 % d'avoirs
institutionnels et à 5 %
d'avoirs de particuliers. C'est une étude que j'avais publiée à l'époque où je
travaillais à la Banque Ferrier Lullin, Price Waterhouse, je pense. Le FMI a évalué, en 2010, que le bilan
cumulé des petits paradis fiscaux insulaires s'élevait à
18 000 milliards de dollars, une somme équivalente à un tiers du
PIB mondial, précisant que ce montant était sans doute sous-estimé. Dans chaque pays, les banques sont de loin les
sociétés qui recourent le plus aux paradis fiscaux. Le phénomène s'est amplifié dans les années 90.
Les banques ont commencé à avoir des techniques plus agressives d'acquisition
de clientèle; j'en ai été témoin. Pendant
mes quatre années à Ferrier Lullin, on a tout changé le style de management
puis on a licencié beaucoup de gens pour aller chercher de la clientèle
aux États-Unis puis ailleurs.
Il est difficile d'évaluer précisément les
sommes. Toutefois, certaines études qui se réfèrent à des données de l'OCDE, de
la Banque mondiale ou du FMI peuvent nous éclairer avec plus de fiabilité.
Selon une
étude du professeur Messaoud Abda de la chaire en criminalité financière de
l'Université de Sherbrooke, les
pertes fiscales annuelles du gouvernement du Québec se situeraient entre 9,5 et
16 milliards de dollars par année. Elles seraient de 75 milliards pour le Canada. Le groupe Canadiens pour
une fiscalité équitable estime quant à lui à 85 milliards les
pertes pour le gouvernement du Québec.
Une autre
étude du Tax Justice Network, à Londres, estime que le ratio des pertes
fiscales annuelles du Canada serait
de 5,15 % de son PIB. Cette semaine dans le Huffington Post, la
présidente de la Centrale des syndicats du Québec estimait que ce
n'était pas 5 %, c'était de 15 % à 20 % du PIB. Leur méthodologie
a été de prendre les estimations de l'économie
au noir de la Banque mondiale pour ensuite évaluer les pertes fiscales
annuelles. Ils ont, par la suite, évalué en fonction du taux actuel d'imposition moyen au Canada. Si on applique ce
ratio au territoire du Québec, pour les deux paliers de gouvernement,
les pertes fiscales annuelles seraient de 16,1 milliards par année. Quant
au territoire canadien, elles seraient de 112,9 milliards.
Je vous ai
donné, à titre indicatif, les pourcentages
de l'économie au noir dans d'autres pays. En Russie, il est de 15 %; aux
États-Unis, il est en bas de 2,5 %. Le Tax Justice Network estime
l'évasion fiscale annuelle à 5,1 % du PIB mondial, soit
3 560 milliards de dollars.
Les outils dont disposent les entreprises pour
profiter des paradis fiscaux : délocaliser la valeur d'immatériel, brevets; délocaliser les ressources humaines;
délocaliser les ressources informatiques — ça a été proposé au propriétaire de Simons de délocaliser ses services
informatiques; délocaliser le financement et la trésorerie; captives
d'assurance; prix de transfert; les achats; transfert de dettes; caisses
noires et corruption.
Ce que le
Québec peut faire en ayant le statut de province — parce que les arguments, c'est tout le temps qu'on
ne peut rien faire. Le gouvernement du
Québec devrait prendre l'exemple de la France dans sa lutte aux paradis
fiscaux. En effet, la France est le
premier pays où les entités gouvernementales régionales sont plus efficaces que
l'État central dans la lutte aux
paradis fiscaux. Les régions ont exigé la transparence des institutions
financières dans le cadre de leurs opérations
de financement. Cette transparence se définissait par une non-utilisation des
paradis fiscaux à des fins d'évasion fiscale
et la conduite d'actions contre la fraude et le blanchiment. La région
Île-de-France a été la pionnière en exigeant, dès 2010, de la transparence aux établissements prêteurs auxquels la
région a à faire. 17 autres régions se sont engagées politiquement. Pour 15 d'entre elles, cet
engagement s'est accompagné de mesures contraignantes. Les régions, en France,
ont un pouvoir certain puisqu'elles
empruntent chaque année des centaines de millions d'euros. Le tout a été
renforcé par une loi sur les banques,
de l'Assemblée nationale, qui les forçait à une telle transparence, et on
pourrait aussi s'en inspirer pour la
loi sur les villes. De plus, une douzaine de villes et de communautés ont suivi
le pas, dont Paris, Lille, Bordeaux. La Suède et la Finlande songent à
faire la même chose. De plus, les régions ont demandé aux institutions
financières deux types d'information
supplémentaire : les outils et procédures mis en oeuvre contre la
corruption, le blanchiment et les fraudes fiscales et les outils de
promotion de l'investissement socialement responsable.
Tout d'abord, comme l'a suggéré Nicolas Marceau,
le gouvernement devrait créer une commission spéciale sur les paradis
fiscaux — je
remercie M. Marceau — afin
de mettre la lumière sur les pratiques de l'évasion fiscale internationale au
Québec et évaluer les méthodes qu'emploie Revenu Québec pour s'y attaquer.
Comme une étude d'Alain Deneault l'a confirmé, Revenu Québec a nié le problème
pendant des années.
Voici une
liste de mesures : a. Renforcer les pouvoirs et les effectifs de Revenu
Québec. Jusqu'en 2012, Revenu Québec refusait de reconnaître le
problème. Dans une étude effectuée pour le compte du Secrétariat intersyndical
des services publics par Alain Deneault, il
était révélé que, dans son bilan de 2011, il n'était aucunement question des
paradis fiscaux.
De plus, le
ministère des Finances du Québec ne se donne pas les moyens théoriques
d'évaluer l'évasion fiscale dans sa
globalité. Que ce soit en ce qui a trait à l'évaluation de l'économie au noir,
aux réclamations abusives d'avantages fiscaux ou encore aux opérations
formellement criminelles, les textes de méthodes adoptées par le ministère
limitent la portée de son attention
principalement au contribuable de petite et moyenne envergure. Le ministère va
même jusqu'à dire : «Les
entreprises de grande taille sont proportionnellement moins portées à cacher
des revenus que celles de petite taille.» Le ministère ne fait que
s'intéresser aux stratagèmes d'évasion fiscale qui se font sur le territoire du
Québec.
Revenu
Québec doit pouvoir bénéficier des effectifs et des compétences nécessaires à
la lutte aux paradis fiscaux, car leurs utilisateurs ont recours à des montages
complexes pour en protéger l'opacité. Il faut donc renforcer les effectifs et
créer une unité spéciale d'enquêteurs dédiés aux paradis fiscaux. La formation
des enquêteurs doit être continue et adaptée
à la complexité et à l'internationalisation croissante des fraudes. Le
recrutement devrait se faire auprès des
professionnels du secteur privé en matières bancaire, comptable, financière et
juridique. Revenu Québec devrait aussi faire un état des lieux régulier
des efforts déployés.
b.
Fixer un objectif de réduction des pertes fiscales. Afin de pouvoir mesurer
l'efficacité des mesures adoptées, il faut fixer des objectifs à la fois
ambitieux, transparents et réalistes.
c. Agir contre les
pratiques des professionnels du droit et des chiffres. Une politique efficace
doit s'attaquer directement aux professionnels qui favorisent leur utilisation,
soit les cabinets d'audit, les fiscalistes, les juristes, les comptables.
• (17 heures) •
Il
faut non seulement s'assurer qu'ils respectent la loi, mais aussi déterminer
s'ils en font une bonne ou une mauvaise interprétation. L'opération légale serait faite au cabinet de conseil et
de fiscalistes de déclarer les produits d'optimisation fiscale qu'ils créent et l'identité des clients.
Un moyen efficace pour lutter contre l'optimisation agressive, l'accréditation
de ces professionnels pourrait leur être
retirée ou dégradée selon le modèle de note AAA lorsque ces pratiques se
révéleront douteuses.
Je
vais aller rapidement. Alors : sortir les banques des paradis fiscaux;
rapports réguliers devant les élus de l'Assemblée
nationale; protéger les lanceurs d'alerte — ça, c'est très important parce que moi, si
je retourne en Suisse, là, c'est
trois ans de prison puis 300 000 d'amende s'il était su que j'aurais
révélé des choses sur la Banque Ferrier Lullin; loi pour forcer les entreprises à évaluer les résultats pays par pays;
renforcer les... — ah! ça,
c'est beau — faire
pression sur le gouvernement fédéral
parce que le Canada est devenu un vrai paradis fiscal, notamment pour le
secteur minier et pétrolier. Puis
ensuite il est évident qu'en devenant un pays le Québec pourrait agir là où le
Canada n'agit pas puis est complaisant,
mais ça lui permettrait aussi, en tant que pays, de joindre le projet BEPS de
l'OCDE et ça permettrait, en fait...
parce que le Canada est le seul pays de l'OCDE qui bloque les travaux de l'OCDE
en ce moment, puis ça, il faut qu'on le dise. Je suis ouvert à vos
questions.
Le
Président (M. Bernier) : Bon, ce qu'on va faire, on va
suspendre le temps que les membres de la commission puissent aller voter
et nous allons revenir pour la période des questions par la suite. Donc, je suspends
les travaux.
(Suspension de la séance à
17 h 2)
(Reprise à 17 h 20)
Le
Président (M. Bernier) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Donc, nous en sommes
aux échanges avec M. Éric Lauzon, qui
vient de terminer, avant le vote, sa présentation. Donc, la parole est du côté gouvernemental.
M. le député de Pontiac.
M.
Fortin (Pontiac) : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Lauzon. Je veux revenir... Vous avez
fait référence au gouvernement canadien à quelques reprises, là, pendant
votre présentation. Vous êtes même allé jusqu'à dire que, pour certains
secteurs, vous considériez presque un paradis fiscal le Canada.
Les
gens qui étaient ici avant vous, soit ce matin ou cet après-midi, là, Revenu
Québec et le ministère des Finances, ont
parlé de belle coopération entre Revenu Québec et l'Agence de revenu du Canada
par rapport aux paradis fiscaux.
Je
veux juste vous donner l'opportunité de préciser votre pensée sur ce que le
gouvernement fédéral ne fait pas, qu'il devrait faire, et plus
spécifiquement, là, par rapport au secteur minier et pétrolier, comme vous
l'avez indiqué. J'aimerais ça savoir un petit peu plus profondément votre
pensée.
M.
Lauzon (Éric) : C'est assez simple. Ils ont amené un taux d'imposition
autour de 4 %, ça fait que... Ils ont amené un taux d'imposition autour de 4 % puis ils aident ce
secteur-là par des subventions. Puis ça, c'est tout au détriment de notre industrie manufacturière parce qu'à cause
des pétrodollars on n'est plus capables d'exporter comme avant. Mais
c'est simplement le taux d'imposition qui a été baissé.
Le Président (M.
Bernier) : D'accord.
M. Fortin
(Pontiac) : Mais un paradis fiscal, c'est une échappatoire fiscale.
M.
Lauzon (Éric) : 4 %, pour moi, c'est un paradis fiscal, ça, parce
que le taux d'imposition des entreprises dans les années 60, c'était quoi? 30 %, 35 %? Les gens qui ont des
PME, là, au Québec, ils paient combien de pour cent, hein? Ma mère, elle a un commerce, là, puis elle le
paie, son 15 % d'impôt. Pourquoi que ces multinationales-là, il faudrait
leur donner des avantages?
Le Président (M.
Bernier) : O.K. M. le député de Pontiac.
M.
Fortin (Pontiac) : Les gens du ministère des Finances qui étaient ici
tantôt ont parlé de deux endroits sur lesquels
on pouvait travailler essentiellement en tant que gouvernement du Québec, et
vous, vous avez essayé de parler de
balises, qu'on pouvait aller plus loin dans certains niveaux. Eux ont parlé de
travail sur l'évasion fiscale comme telle et qu'en réduisant le problème de l'évasion fiscale éventuellement on
arrive à un problème ou une solution où il y a moins d'argent dans les
paradis fiscaux à l'étranger.
Le deuxième aspect
sur lequel ils disaient où il y avait des améliorations à faire et du travail à
faire, c'était de travailler sur des ententes internationales, et notamment ils
disent qu'ils travaillent avec le gouvernement fédéral à ce niveau-là. Et donc, pour ce qui est de ces
ententes internationales là, croyez-vous que le gouvernement fédéral en a fait
assez jusqu'à maintenant, peut en faire plus, doit en faire plus, et vers
quelles solutions il peut se diriger?
Le Président (M. Bernier) :
M. Lauzon.
M. Lauzon
(Éric) : C'est de la poudre aux yeux, cette histoire-là, d'échange
automatique d'information. Savez-vous
combien qu'il faut de documents pour prouver qu'un citoyen canadien fait de
l'évasion fiscale puis amener ça à
une banque suisse ou amener ça aux autorités suisses? C'est impossible. Puis
avec ça ils font semblant qu'ils se battent contre les paradis fiscaux. C'est juste pour berner. Alain Deneault le
dénonce. Ce n'est pas ça que ça prend. Ces échanges automatiques d'information
là, ça ne sert absolument à rien à part de dire qu'ils font de quoi. Ils ne
font rien. Ils sont tellement efficaces, le
Canada, là, pour s'en prendre aux paradis fiscaux que je serais plus efficace à
attraper la lune avec un cure-dent.
Le
Président (M. Bernier) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
avez-vous des cure-dents à votre disposition?
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Lauzon
(Éric) : Jean Lesage, il aimait bien mon grand-père parce que c'était
tout un orateur.
Mme
de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Je
vais vous poser une question, et ce n'est pas nécessaire de me répondre si vous trouvez que vous ne pouvez pas
répondre, mais vous-même, vous avez dit que vous avez travaillé dans une banque en Suisse et que vous étiez témoin
à certaines choses. Est-ce que vous pouvez être un peu plus explicite pour que
je comprenne de quoi exactement vous parlez? Mais, comme j'ai dit, je ne veux
pas vous mettre dans une position difficile, alors je ne veux pas que
vous...
M. Lauzon (Éric) :
Non, mais je vais vous donner un exemple qui s'est passé, puis nous autres, on
était aux communications. Les autres employés de la banque ne l'ont pas sue,
cette histoire-là. Il y a un gestionnaire qui a été arrêté à la frontière franco-suisse avec des sommes d'argent cash dans
une valise, puis la position de la banque, c'est qu'ils ne l'ont pas reconnu comme employé, ils l'ont
laissé tomber. Ce genre de truc là, c'est... Puis il a dû se démerder. Je ne
sais pas qu'est-ce qui est arrivé, mais je sais juste que la banque a refusé de
reconnaître que c'était notre employé.
Puis,
quand les gestionnaires vont à l'étranger, l'UBS les forme à des techniques de
codage. Ils ne peuvent pas avoir de support informatique comme... à
l'époque, c'était le Palm Pilot. Il faut qu'ils notent tout sur papier avec un système de code que, s'ils se font arrêter aux
frontières, les autorités fiscales françaises ou d'autres pays ne puissent pas
lire ce qu'ils ramènent comme information.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. Avez-vous d'autres questions, madame?
Mme
de Santis : Oui. À la page 7 de votre mémoire, vous
indiquez que le Québec devrait se fixer un objectif de réduction des
pertes fiscales. Mais comment établir cet objectif?
M. Lauzon
(Éric) : Bien, en fonction des estimations qu'on a.
Mme de Santis :
Mais il y a des estimations...
M. Lauzon
(Éric) : Quand on...
Le Président (M.
Bernier) : M. Lauzon, juste permettre à la députée...
M. Lauzon
(Éric) : Oui, oui, je m'excuse.
Le Président (M.
Bernier) : ...de finaliser sa question, puis après ça je vais
vous donner la parole.
Mme
de Santis : O.K. Parce qu'il y a des estimations
qui ne sont pas toujours exactement de la même envergure. Les estimations qui nous ont été données par le
ministère des Finances et les estimations que je retrouve dans votre mémoire
ne sont pas exactement les mêmes. Et c'est très difficile d'établir quelles
sont les pertes fiscales quand on n'a pas une connaissance complète de la
situation. Alors, comment on fait? Comment on établit un objectif?
Le Président (M. Bernier) :
M. Lauzon.
M.
Lauzon (Éric) : Les données les plus fiables sont celles des
organisations internationales. Il faut toujours se tenir sur les organisations internationales. Puis
le Tax Justice Network, ils ont établi la technique de l'économie au noir,
mais Revenu Québec, ils ne peuvent pas faire
des évaluations s'ils n'ont pas de fonctionnaires qui vont à l'étranger. Le
Vérificateur général du Canada, il a fait une estimation de montants, mais
c'était sur la base de sondages auprès des chefs
d'entreprise. Tu sais, comme disait Alain Deneault, c'est comme si j'allais au
bordel pour aller lire la Bible. C'est nous prendre pour des cons. Je
m'excuse.
Mme de Santis :
Merci.
Le
Président (M. Bernier) : Ça va? Est-ce que d'autres collègues
ont des questions? Moi, j'en ai une pour vous, une question sur l'évitement fiscal parce que vous parlez beaucoup
d'évasion. Qu'est-ce que vous avez à nous dire sur l'évitement fiscal
par rapport au travail qui est fait par Revenu Québec, le ministère des
Finances? Et qu'est-ce qu'on devrait améliorer, selon vous, en ce qui regarde
l'évitement fiscal par rapport à nos interrelations avec les organismes
internationaux?
M. Lauzon
(Éric) : En ce qui concerne l'évitement fiscal, c'est assez difficile
à un certain niveau, surtout si... Ce que j'ai cru comprendre, Revenu
Québec se conforme aux pratiques fiscales du Canada, puis le gouvernement
canadien a légalisé l'évasion fiscale qu'on appelle maintenant évitement
fiscal.
Puis je vais
vous donner un exemple bien concret. Dans le budget de mars 2010, ils ont
passé une mesure qui, lorsqu'on est détenteur d'actions au Canada puis
qu'on vend nos actions à un résident dans un paradis fiscal, on paie zéro impôt. Il faut que le gouvernement du Québec
puis Revenu Québec fassent pression sur le gouvernement fédéral. Il faut
qu'ils arrêtent de travailler main dans la main, là. Il n'y a rien qui se fait.
Le Président (M. Bernier) :
O.K. Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau :
Oui, merci, M. le Président. Bonjour, M. Lauzon. Merci de votre présence et
puis merci de nous faire partager votre expérience, là. Le fait d'avoir
travaillé au sein d'une banque en Suisse, évidemment, c'est une expérience
assez unique. En tout cas, ce n'est certainement pas présent autour de cette
table.
Peut-être une
question très simple, mais, d'après vous, en tout cas, d'après votre
expérience, les paradis fiscaux servaient-ils
à la banque elle-même pour ses propres intérêts ou elle se servait des paradis
fiscaux plus pour ses clients?
M. Lauzon (Éric) : Vous voulez dire
la banque pour laquelle je travaillais?
M. Marceau : Oui, oui, oui.
M. Lauzon (Éric) : C'était pour ses
clients.
M. Marceau : C'était pour ses
clients?
• (17 h 30) •
M. Lauzon (Éric) : La clientèle
québécoise, elle passait toute par Nassau pour placer leur argent, puis après c'était investi. On avait les gens de la salle des
marchés qui faisaient des conseils d'investissement aux gestionnaires, puis
c'était investi dans des fonds de placement,
les «hedge funds». Puis les «hedge funds», là, ils ont essayé de vendre une
salade aux clients parce que les clients
avaient bien peur des «hedge funds», puis ça a été le retour des «hedge funds»
quand j'ai été là. Puis la deuxième
personne qui a travaillé à la banque sur ces questions-là, c'était tellement
compliqué, là, qu'elle n'arrivait même pas à expliquer c'était quoi, un
«hedge fund», à ses clients. Il faut le faire!
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Rousseau.
M. Marceau : Oui. O.K. Peut-être une autre question qui m'a intéressé parce que
je crois avoir vu ça aussi déjà
dans le passé dans une discussion avec des
gens du Sénat français, c'était l'idée de présenter des résultats des entreprises,
des multinationales, là, pays par pays, de façon
à pouvoir savoir, bien, combien ils ont produit, quelle est la valeur des
biens produits dans le pays puis quels ont
été les coûts encourus pour produire le bien. Puis là, bien, évidemment,
après ça, les prix de transfert, ça
devient comme un peu inutile, parce
qu'à partir du moment où on connaît la valeur de ce qui a été produit puis, en tout cas, qu'on a une
comptabilité pays par pays, en tout cas, certainement, on peut en dire un peu
plus.
Maintenant,
je voudrais vous entendre là-dessus, savoir qu'est-ce que vous avez en tête et
puis nous dire s'il y a des exemples
de pays qui sont allés de l'avant dans cette direction-là. Je vous réitère, de
mémoire, qu'il y a des gens, en France, qui poussaient pour cette
idée-là en France, mais je ne sais pas si ça a eu lieu ou pas.
Le Président (M. Bernier) :
M. Lauzon.
M. Lauzon
(Éric) : Oui, oui. Au niveau régional, comme j'ai montré, en France,
ça bouge à ce niveau-là. Là, je pense
que l'Australie sont ceux qui vont le plus loin dans la lutte aux paradis
fiscaux depuis quelques semaines. Mais ce n'est pas compliqué, c'est juste un projet de loi, c'est juste un projet
de loi, exiger, dans les rapports annuels, un «reporting» pays par pays.
Mais pourquoi personne ne l'a fait?
Le
Président (M. Bernier) : M. le député de Rousseau.
M.
Marceau : Moi, je vous pose... C'est moi qui vous pose des
questions. Je ne sais pas pourquoi. Puis, vous, c'est quoi, votre
réponse à cette question-là? Parce que je pense qu'il n'y a personne qui a
intérêt à...
M.
Lauzon (Éric) : À part des régions en France, il n'y en a pas, pour
l'instant, de loi, à ma connaissance, qui force le «reporting» pays par
pays. Il y a des projets, mais ce n'est pas encore fait.
M. Marceau :
O.K. Je vais laisser la parole à mon collègue de Sanguinet.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue. Merci
d'être venu en commission. J'aurais une question simple à vous poser, et j'imagine que vous l'attendez un peu, là. Avant
vous, il y avait le ministère des Finances qui était là. Ils nous on fait une prévision sur les pertes
potentielles qui accompagnaient le fait que les paradis fiscaux, là, nous
empêchent d'aller ramasser des
deniers publics et eux parlent de 800 millions pour l'impôt des
particuliers puis de 200 millions pour les entreprises, mettons à
peu près 1 milliard. Et vous, vous arrivez avec des chiffres oscillant,
là, vous avez dit entre 9 et 16 milliards, il me semble. C'est ça que j'ai
entendu.
M. Lauzon
(Éric) : Oui, puis c'est conservateur par rapport à ce que j'ai lu
récemment.
M.
Therrien : Et vous dites que c'est conservateur. Puis moi,
je vais vous avouer que, quand on se renseigne un peu sur le sujet, bien, souvent, les chiffres qui
sont accompagnés, c'est des chiffres quand même assez importants. Comment
vous expliquez le fait que vous soyez aussi
loin un de l'autre de l'estimation de la perte de revenus liée à l'existence de
paradis fiscaux?
Le Président (M.
Bernier) : M. Lauzon.
M.
Lauzon (Éric) : Bien, moi, je me fie aux études internationales de
banques mondiales — c'est
les plus fiables, eux puis l'OCDE — puis j'utilise la
technique... qui est une organisation reconnue mondialement, l'International Tax Justice Network. J'ai exactement appliqué la
même méthode. Et, pour le Québec puis pour le Canada, c'est comme ça que
je suis arrivé à ces chiffres-là.
Le Président (M.
Bernier) : M. le député.
M.
Therrien : O.K. Bien, écoutez, je le sais, vous l'avez
expliqué, mais j'aimerais l'entendre, là, l'entendre par votre présence
et vos paroles. Vous finissez avec l'indépendance politique du Québec qui
permettrait aussi d'accéder à certaines instances. Comment...
Des voix :
...
M.
Therrien : Non, non, écoutez, ce n'est pas de la
partisanerie. Il parle de souveraineté du Québec, est-ce que je peux poser des questions sur qu'est-ce que ça
apporterait concrètement, la souveraineté du Québec dans ce contexte-là,
tu sais, qu'est-ce qu'on pourrait faire?
Parce que moi, je vais vous dire franchement, c'est sûr que je suis un
péquiste, je suis souverainiste, on
s'entend, mais c'est apolitique ici. Tu sais, moi, quand je regarde les paradis
fiscaux, là, l'existence des paradis
fiscaux, je me dis toujours : Bien, à quelque part, vu que c'est mondial,
un pays peut difficilement faire en sorte
d'éliminer partiellement ou totalement ça. Vous me suivez? Là, je vous
demande : Bien, si on devenait un pays, c'est quoi, la différence?
Parce que, dans le fond, c'est l'ensemble des pays qui doivent se coordonner
pour arriver à... Voyez-vous, je suis très apolitique, là, dans ma question,
là, hein? Bon, vous me voyez venir, là. Alors, je vous laisse répondre à la
question.
Le Président (M.
Bernier) : M. Lauzon.
M. Lauzon
(Éric) : Oui, bien, je dois remercier Pierre Duchesne parce que c'est
Pierre Duchesne qui m'a demandé
d'approfondir la question. Suite au décès de M. Parizeau, il y a
quelqu'un, sur les réseaux sociaux, qui disait que M. Parizeau disait que, si une entreprise au Québec devait
payer de l'impôt, elle devait changer de comptable. Puis moi, j'ai toujours connu M. Parizeau comme
quelqu'un qui voulait défendre son monde puis qui croyait à l'État-providence.
Puis j'ai demandé à Pierre Duchesne, puis là
il me dit : Heureusement, c'est une autre raison pour faire la
souveraineté du Québec. Puis j'ai dit : Les régions en France font
mieux. Puis c'est à partir de ce moment-là que j'ai rédigé le document en mars. Puis, au niveau politique,
l'indépendance, premièrement, ça nous permettrait d'agir là où le Canada
n'agit pas puis, par la suite, d'accéder aux autorités de l'OCDE qui
s'attaquent au problème. C'est les deux façons.
Mais, une
grande partie de l'argent, on peut aller la récupérer juste par une loi sur les
rapports annuels. Puis, dans les
actifs mondiaux qui sont dans les paradis fiscaux, 95 %, c'est des
multinationales; c'est juste 5 %, des familles fortunées. Quand on dit qu'on s'attaque à la question des
paradis fiscaux puis qu'on parle juste des familles fortunées, puis des impôts,
puis de la classe moyenne, on ne parle pas du problème de fond.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Lauzon.
Bien, moi, un peu comme le député de Sanguinet... de 9 à
16 milliards par année... Puis ça, vous êtes certain de vos chiffres, là?
Bien, il y a eu le monsieur...
M. Lauzon
(Éric) : Bien, on peut faire les... Vous avez bien des comptables.
Vous êtes à la CAQ, vous?
M.
Spénard :
Oui, oui, on est supposés, mais, tu sais...
M. Lauzon
(Éric) : Oui, mais vous avez bien... Moi, je connais... Aïe! Vous avez...
Tu sais, vous avez votre financement à...
Des voix :
...
Le
Président (M. Bernier) : Je veux juste... M. Lauzon! M. Lauzon!
M. Lauzon! Je veux juste
permettre au député de Beauce-Nord de poser sa question, de la formuler
puis, par la suite, je vais vous donner la parole.
M. Lauzon
(Éric) : Oui, il n'y a pas de problème. O.K.
Le Président (M.
Bernier) : Allez-y, M. le député de Beauce-Nord, formulez votre
question.
M.
Spénard : Moi, j'aimerais savoir... Le Tax Justice Network,
à Londres, estime qu'en tout cas 5,15 % du PIB, ça a été de prendre les estimations de l'économie
au noir de la Banque mondiale. Maintenant, les estimations de l'économie
au noir de la Banque mondiale s'appliquent-elles
intégralement au Canada — je ne le sais pas, ça, il faudrait que je vérifie les paramètres — ou c'est juste les hypothèses transférées?
Parce que du travail au noir, j'imagine qu'en Grèce il doit y en avoir
pas mal plus qu'au Canada, j'imagine qu'en Espagne il y en a pas mal plus qu'au
Canada.
M. Lauzon
(Éric) : Bien, c'est sur le tableau.
M.
Spénard :
Est-ce que vous êtes sûr de vos chiffres?
Le Président (M.
Bernier) : M. Lauzon.
M.
Lauzon (Éric) : Bien, c'est les chiffres de la Banque mondiale,
monsieur. Je ne sais pas si vos comptables sont capables d'aller
vérifier ça.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député.
M.
Spénard :
O.K. L'autre chose, vous dites que le ministère des Finances limite la portée
de son attention principalement aux
contribuables de petite et moyenne envergure, les grosses entreprises, il ne
les compte pas parce qu'elles ne
paient pas d'impôt. Et vous avez parlé... Quel est le taux d'imposition des
grandes entreprises au Québec, d'après vous?
Le Président (M.
Bernier) : M. Lauzon.
M. Lauzon
(Éric) : Le taux d'imposition? C'est 15 %.
M.
Spénard :
15 % pour les grandes entreprises?
M. Lauzon
(Éric) : C'est 15 % qu'ils paient, les PME?
M.
Spénard :
Les PME, là, c'est rendu à 11 %, 11,9 %.
M. Lauzon
(Éric) : 11 %. C'était combien il y a 30 ans?
M.
Spénard :
Ah! je ne sais pas voilà 30 ans, là. Vous m'embêtez pas mal.
M.
Lauzon (Éric) : C'était pas mal plus élevé. 65 % des revenus du
gouvernement du Québec en 1965, c'étaient les entreprises; 35 %,
c'étaient les particuliers. Là, c'est rendu 85 %, le particulier, la
classe moyenne, puis 15 %, les entreprises. Ça fait qu'il ne faut pas dire
que les entreprises...
Le Président (M.
Bernier) : Merci.
M.
Spénard :
Moi, je n'ai pas d'autre question, M. le Président, là. Ça va bien.
Le Président (M.
Bernier) : Pas d'autre question? M. le député de Mercier.
• (17 h 40) •
M. Khadir : Juste pour le bénéfice de mes
collègues, si vous regardez l'évaluation très... aux dires d'un ancien
ministre des Finances qui est ici présent, l'évaluation très, je dirais,
prudente du ministère des Finances, là, dans leur document, page 29, dans le tableau, si vous ajoutez, pour 2013, les
pertes fiscales liées à la non-déclaration de revenus illégaux, activités au noir plus pertes fiscales,
ça fait 13,7 milliards plus 3,9 milliards, ça fait donc
17 milliards, d'accord? Ça rejoint les estimations de notre ami
ici. L'activité au noir plus l'évasion fiscale s'ajoutent les unes aux autres.
C'est sûr
qu'il est difficile, dans une société, à moins d'avoir un préjugé défavorable
pour nos entrepreneurs, nos chauffeurs
de taxi, nos coiffeuses par rapport aux multinationales, de faire une lutte
efficace au travail au noir tandis qu'on laisse les multinationales et les banques s'échapper et ne pas venir
témoigner ici, à l'Assemblée. Dans ce sens-là, donc, lorsque M. Lauzon, ici, dit : C'est
beaucoup plus important que ce que certains documents émanant des ministères
laissent entendre, je pense qu'il a parfaitement raison.
D'ailleurs,
si on se fie au rapport déjà, en 2009, présenté au G20 de Londres par un groupe
d'experts retenu par les 20 pays les
plus avancés, le prorata par habitant, si on divise par le nombre d'habitants
du Québec, par extension de ce qui se passe à l'échelle des 43 pays de
l'OCDE, ça fait 11 000 $ par habitant dans les pays de l'OCDE si on
est dans la moyenne, alors que nous sommes
dans la première moitié des pays sur le plan des capacités économiques. Donc,
11 000 $ par habitant, là,
dans les paradis fiscaux pour le Québec, calculez, ça fait au-dessus de
100 milliards de dollars ou tout près de 100 milliards de
dollars.
Donc, je pense
que, là, on n'a pas besoin vraiment d'aller dans le détail des chiffres. Est-ce
que c'est 3 milliards par année
qui nous échappent ou c'est 9 milliards par année qui nous échappent?
Contentons-nous même du plancher, déjà
3 milliards de dollars, c'est équivalent aux coupes dans le budget qu'a
connu le Québec cette année, hein, dans son budget. Donc, il y a matière
à vraiment trouver des moyens.
Moi, ce que je
demande à M. Lauzon, c'est : Est-ce que vous pensez que le Québec a,
sur le plan législatif, suffisamment
de latitude pour le moment, avant l'indépendance — parce que, si on attend l'indépendance, ça
peut prendre un certain temps — d'ores et déjà, sur le plan
législatif... de contrôler l'activité des banques qui soutient l'évasion et l'évitement fiscal, c'est-à-dire de dire à ses
propres banques, ceux qui opèrent ici : Voici comment vous allez nous
aider à éviter ces transferts? Ça serait quoi, les deux, trois moyens?
Le Président (M. Bernier) :
M. Lauzon.
M. Lauzon
(Éric) : Bien, j'ai été voir les lois au Québec puis je n'ai pas...
C'est une analyse que vous allez devoir faire, mais il y a un article qui dit que le gouvernement du Québec a le
pouvoir de légiférer sur les rapports annuels. Puis là il faudrait
vérifier si ça s'applique aux banques fédérales.
M. Khadir : Mais les banques
font quand même des rapports au Québec. Ça fait partie des entreprises.
M. Lauzon (Éric) : C'est ça. Ce qui
fait que je pense que vous avez le pouvoir.
M. Khadir : Parfait.
Le
Président (M. Bernier) : Merci. M. le député de Mercier, je
veux juste vous rappeler que cette commission se veut non partisane. Je veux vous rappeler également qu'en ce qui
regarde le sujet que vous avez emmené ce matin nous en avons discuté, et j'ai dit que la commission...
ça veut dire les membres de la commission vont être saisis du processus et des actions suivantes en ce qui regarde la
participation des groupes qu'on a invités à cette commission parlementaire,
O.K.? Et, cette commission parlementaire,
les résultats de celle-ci, ce sont des recommandations pour améliorer, comme
vous venez de le mentionner, le travail du
Québec en ce qui regarde la récupération fiscale. Ce sont les objectifs visés
par cette commission parlementaire. Merci.
M. Lauzon,
merci de votre participation. Je vais suspendre quelques instants afin de
permettre à Me Paul Ryan de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 44)
(Reprise à 17 h 46)
Le Président (M. Bernier) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons reprendre nos travaux.
Avant de
donner la parole à Me Ryan, j'ai
besoin d'un consentement pour dépasser de quelques minutes l'heure qui
nous avait été assignée par l'Assemblée nationale. Ça vous va? Consentement?
Merci.
Me Ryan,
la parole est à vous. Vous avez 15 minutes pour votre présentation. Par la
suite suivront les échanges.
M. Paul Ryan
M. Ryan (Paul) : Alors, bonjour. D'abord,
merci de votre invitation. Je me suis permis de préparer un petit document,
vu qu'on n'avait pas le temps de faire un mémoire. Je suis venu ici à
titre d'invité. Je vais vous donner un
petit peu d'où je viens pour pouvoir situer les
interventions que je vais faire. Moi, j'ai un bureau d'une vingtaine d'avocats
à Montréal. On travaille principalement
en litige fiscal, donc on représente les gens qui soit ont des démêlés avec le
fisc ou soit qu'ils décident de faire
une divulgation volontaire dans le contexte des problèmes qu'on discute
aujourd'hui. Alors, je pense qu'on a
une bonne expérience du terrain des vaches, là, de ce qui se passe sur le
terrain des vaches, particulièrement au niveau des particuliers.
Je vais
pouvoir vous parler peut-être plus des particuliers que des entreprises parce
qu'étant un bureau de taille moyenne on est moins impliqués, là, dans
les affaires d'évitement fiscal qui touchent les sociétés et qui sont souvent l'apanage des grands cabinets. Donc, je comprends
que peu d'entre eux sont intéressés à venir devant votre commission,
selon ce que j'ai vu jusqu'à maintenant.
Une voix : ...
M. Ryan
(Paul) : Peut-être,
peut-être. Alors, j'ai préparé un petit sommaire de ce que je voulais discuter
avec vous rapidement. D'abord, parler
de limites contraignantes pour le Québec. Alors, il y en a quand même, des
limites, vu qu'on est dans un ensemble fédéral. On va en parler
rapidement.
Distinctions
entre évasion fiscale et évitement fiscal, je suis sûr que vous avez entendu
parler de ça, aujourd'hui, à satiété.
Je vais juste vous donner mon «take» là-dessus, si je peux employer cette
expression-là. J'ai préparé deux exemples simples, tu sais, pour permettre de suivre ça puis vous montrer où on en
est : un exemple d'évasion fiscale par un particulier, un exemple d'évitement fiscal par un particulier
pour illustrer la différence puis pour voir, bien, ces concepts législatifs là
puis ces limites-là qu'on a puis les
interventions qu'on peut faire, jusqu'où ça peut aller. Et enfin je me permets
quelques commentaires sur l'évitement
fiscal par les sociétés, mais en vous disant que je suis moins un expert dans
ce domaine-là puis en vous demandant, là, d'être compréhensifs à mon
égard à ce sujet-là.
Alors, si on
parle d'abord des limites contraignantes pour le Québec, qui dit combattre les
paradis fiscaux, l'évasion fiscale
internationale... il y a beaucoup de ça qui passe par les traités fiscaux puis
les échanges d'information avec les autres pays. Évidemment, ces échanges-là puis ces traités fiscaux là sont
conclus par le Canada et non par le Québec, en général. Donc, on a une dépendance, évidemment, avec nos
amis fédéraux là-dedans, sans parler des partages de pouvoirs dans la Constitution, qui nous limitent à la taxation
directe dans la province en ce qui concerne l'imposition qui peut être faite
de manière législative au Québec. Puis on va
voir, dans mon exemple, tantôt, d'évitement fiscal par un particulier, que
ça peut avoir un impact, cette limite constitutionnelle là, aussi dans ce que
le Québec peut faire.
Évidemment,
il y a beaucoup de ça, surtout au niveau des sociétés, qui résulte de la
concurrence entre les États. Bon, le
film Le prix à payer parlait de l'Irlande, mais, si nous, on a un taux
d'impôt combiné provincial-fédéral pour les sociétés d'à peu près 27 %, si quelqu'un offre un taux de
10 %, bien, c'est alléchant pour une entreprise de déménager ses activités ou une partie de ses activités
là-bas. Il y a des limites à ce qu'on peut faire pour empêcher ça dans une
société, évidemment, démocratique, tout ça. On peut parler de ça.
Évidemment,
on est dans un ensemble nord-américain aussi; il faut rester compétitifs. Il y
en a qui soulevaient l'exemple :
Pourquoi pas une taxe sur les transactions comme des transactions financières?
Chaque fois que tu sors de l'argent
de la banque, 0,000 quelque chose, chaque fois que tu fais un chèque, chaque
fois que tu fais ça... Bon, ils font ça en Amérique du Sud, notamment. C'est bien beau, mais, si tu fais ça au
Québec, tu es le premier, en Amérique du Nord, à faire ça puis tu es tout seul à faire ça, tu risques d'endommager ton
économie avec les impacts que ça peut avoir. Alors, c'est difficile de
faire ça seulement à partir du Québec.
Tantôt, on a
parlé... Je n'ai pas entendu, malheureusement, le ministère du Revenu et le
ministère... l'Agence du revenu,
plutôt, puis le ministère des Finances. J'aurais aimé les entendre. Moi, du
plancher des vaches, de l'autre côté de la clôture, on sent que l'entente pourrait être meilleure, pour être
bien franc avec vous, entre le fédéral et le provincial. Il y a des vieilles querelles de clocher qu'on
sent, particulièrement au niveau de la vérification fiscale et de la
législation. Je vais vous donner
aussi un exemple, au niveau de la législation, des impacts que ça peut avoir.
Et je pense qu'il y a un avantage net
à faire des efforts de ce côté-là pour mieux arrimer les efforts des deux
gouvernements plutôt que de sentir... Nous, ce qu'on sent de l'autre
côté de la clôture, c'est souvent une compétition entre les deux plus qu'une
saine collaboration, peut-être pas dans tous
les domaines, mais il y a des choses à améliorer là-dessus, de mon point de vue
à moi. Et je vous donnerai un exemple au niveau de la législation
tantôt, comme je le disais.
• (17 h 50) •
Bon. Si on parle — on passe à la page
suivante — évasion
fiscale, évitement fiscal, mes petites définitions personnelles. Évasion fiscale : contravention volontaire aux lois
fiscales. Alors, c'est quelqu'un qui déjoue de manière volontaire les
lois fiscales. Évitement fiscal : on respecte la lettre de la loi, mais on
détourne l'esprit de la loi, on étire l'élastique au maximum de la légalité
pour essayer de contourner les lois.
Alors, je
vais arriver avec mes trois exemples. Premier exemple, évasion fiscale par un
particulier, cas classique : le
particulier reçoit une commission spéciale de 1 million en 1995, ne veut
pas la déclarer, décide d'aller la déposer dans un paradis fiscal. Première conséquence : il n'a pas déclaré le
million de dollars. Deuxième conséquence : bien, il laisse l'argent
là-bas, puis cet argent-là fait des petits au fur et à mesure, puis il
fait des plus gros petits que notre argent ici, au Québec, parce qu'il n'y a pas d'impôt à payer sur les
petits en question. Alors, ça croît plus vite. J'ai postulé, dans mon exemple, que, depuis 1995, il y a un autre
1,5 million de revenus de placement qui ont échappé au Québec, puis
aujourd'hui ce particulier-là se
retrouve avec 2,5 millions. Je ne sais pas ce que ça représente. J'étais content tantôt d'entendre que le ministère
des Finances... Parce que
je pensais ne pas vous intéresser en parlant de particuliers, mais j'ai cru
comprendre de vos échanges que le ministère des Finances disait qu'il
y a une grosse emphase à mettre sur
les particuliers et sur l'évasion fiscale. Ça fait qu'on est peut-être
plus dans le thème.
Alors, dans ces cas-là, ce que j'ai à
vous dire personnellement, c'est que je n'ai pas le discours alarmiste que
d'autres peuvent avoir, de notre
perception à nous, et puis je peux vous dire, là, j'ai fait à peu près
300 divulgations volontaires depuis
deux ou trois ans. Juste mon petit bureau de 20 avocats, on a rapatrié au Canada à peu près
300 millions de dollars
avec ces 300 divulgations volontaires là. Alors, si on multiplie ça par
les autres bureaux, puis tout ça...
Puis
tantôt vous parliez d'ampleur du marché, comment ils calculent quand ils disent :
On a perdu 800 millions ou 800 millions par année. En général,
on calcule que le taux d'impôt maximum des particuliers au Québec, c'est 25 %,
à peu près, là, puis on calcule donc que,
s'ils vous disent qu'on a perdu 800 millions par année, ça veut dire
qu'ils parlent de
800 milliards... ou 800 millions, ça veut dire qu'on parle de revenus
de 3,2 milliards par année qu'il y aurait là-dessus. Mais, si c'est des revenus de placement de 3,2 milliards, bien, à 3 %, ça veut dire qu'il y aurait peut-être
encore 100 milliards là-bas. Je
ne le sais pas parce que, de notre point de vue à nous, on pense que c'est en
perte de vitesse, on pense que les efforts
internationaux ont fait leur effet. Et on le sent, là. Il y a une
multiplication, là, des divulgations volontaires qui est exponentielle
présentement. Je vais vous expliquer pourquoi rapidement.
D'abord,
les États-Unis ont semé la trouille totale parmi les gens qui faisaient ça. En
Suisse, aux Bahamas, dans d'autres
pays, les gens sont menacés d'arrestation, ces banquiers-là, s'ils viennent aux
États-Unis. Il y a eu des poursuites contre la banque UBS, contre le
Crédit Suisse, où ces banques-là ont écopé d'amendes, là, de plusieurs
milliards de dollars, etc. Ça, ça a eu un
impact. L'OCDE a fait un gros, gros, gros travail. Alors, l'OCDE a fait des
pressions, et eux ont décidé... donc, mon prédécesseur ne semblait pas
être d'accord avec ça, mais ont décidé que la meilleure manière d'attaquer ça, c'était de forcer l'échange
d'information, d'améliorer les échanges d'information. Parce que mon collègue,
tantôt, avait raison, on a un traité avec la Suisse présentement, par exemple, mais ce traité-là n'est pas un traité d'échange
d'information automatique. Il a raison de dire que, si le Canada
ou le Québec ont déjà des informations sur quelqu'un qui
a un compte en Suisse, ils peuvent aller voir la Suisse : Bon, on pense
que M. Untel, à telle adresse, a un compte à telle banque. Pouvez-vous nous fournir plus d'information? Mais ce n'est pas comme avec les États-Unis où, si vous avez un
condo en Floride avec 2 000 $
dans votre compte, vous gagnez 20 $ de revenus d'intérêt, les États-Unis
colligent tout ça puis, de manière
automatique, chaque année, envoient l'information au Canada pour dire :
Tous les ressortissants canadiens qu'on
a chez nous, bien, M. Untel a gagné 20 $ d'intérêts, M. Untel a
gagné 100 000 $ d'intérêts, etc. Alors, l'OCDE, le moyen qu'ils
ont trouvé, c'est de faire pression sur ces paradis fiscaux là pour qu'ils
signent des nouvelles conventions fiscales
avec des pays comme le Canada pour s'engager à faire, à partir d'une certaine
date, de l'échange d'information
automatique comme on a avec les États-Unis.
Et là il y a une
entente-cadre que l'OCDE a faite, qui est signée pays par pays. Alors, les pays
doivent adhérer à cette entente-là en trois
étapes : d'abord, doivent signer l'entente; deuxièmement, doivent la faire ratifier par leur Parlement; et, troisièmement,
doivent signer les traités fiscaux qu'ils s'engagent à signer dans l'entente.
Et il y a des horizons très clairs :
c'est soit 2017 ou 2018. Canada, Suisse, Bahamas, là, qui sont les principaux
intervenants dans notre paysage,
c'est 2018. Alors, à partir de 2018 — je crois que c'est en septembre, mais je ne
veux pas vous induire en erreur,
mais, disons, à partir de 2018 — il va y avoir un échange d'information
direct entre la Suisse puis le Canada, entre les Bahamas puis le Canada,
un échange d'information automatique.
Alors,
ce qui est arrivé, c'est que ça a amené, tout ça, les banques à faire une
réalisation, et les banques, là-bas, savent
que, d'ici 2018, entre guillemets, ils vont perdre cette business-là. Cette
business-là, ils ne pourront pas la continuer, tout au moins dans ces conditions-là, parce que tout va être divulgué,
puis le gros de cette business-là était basé... Écoutez, les gens n'allaient
pas là, en Suisse, pour protéger leurs actifs, comme ils disent. Les gens
allaient en Suisse pour cacher leur
argent au fisc. Et, à partir du moment où cette possibilité ne sera plus là,
bien, cette business-là, pour ces banques-là, elle va disparaître, il ne
faut pas se le cacher.
Alors là, ce qui
arrive dans le marché depuis à peu près un an, c'est que les banques ont eu à
analyser cette situation-là puis à se demander : J'attends-tu jusqu'à
septembre 2018, puis là me retrouver avec un paquet de problèmes quand
on va arriver à l'échéance ou est-ce que je m'ajuste tout de suite? Et là,
banque après banque, ce qu'on voit, particulièrement en Suisse mais ailleurs, c'est que les banques
écrivent à leurs clients puis leur disent : Bon, regardez, clients, là, il y a un mouvement mondial
vers la conformité, tout ça, et, nous, comme banque, bien, on a décidé d'être
un bon citoyen corporatif et, par
conséquent, bien, on vous avise qu'on ne vous gardera pas comme client, à moins
que vous nous signiez une déclaration
puis que vous nous prouviez que vous vous êtes conformés à vos lois fiscales
domestiques. Et banque après banque
exige ça présentement, ce qui amène un volume de divulgations
volontaires, dans des bureaux comme le mien, qui est très
impressionnant, puis ce qui m'amène à dire que le problème, il est en voie
d'être réglé de manière substantielle.
Actuellement, vous ne pouvez pas être aussi alarmiste que ça avec l'aspect évasion fiscale avec de l'argent là-bas parce que, comme je vous dis, en 2018,
ça va être fait. Et là, bien, récemment, même les banques israéliennes, qu'on s'attendait que, peut-être... aient une
position plus solide ou plus ferme, même les banques israéliennes ont capitulé
depuis les six derniers mois. Alors,
ces banques-là écrivent à leurs clients canadiens en leur disant : Banque
Hapoalim, etc., cher client, on vous
aime bien, mais, nous, là, il y a un mouvement mondial, puis on adhère au mouvement
mondial, puis ça nous prend de la conformité si vous voulez continuer à
être ici.
Alors, vous allez
voir que... Alors, de ce côté-là, si vous avez des mesures à prendre, la mesure
que je vous encourage le plus à faire, c'est
de maintenir les budgets de vos équipes de divulgation volontaire et même,
possiblement, de les augmenter parce que, présentement, ces gens-là sont
absolument submergés, puis malheureusement le délai de traitement des demandes est très long à cause de ça, là. On peut parler
de six mois à 18 mois, à peu
près, pour traiter, au Québec,
un dossier de divulgation volontaire. On pourrait en parler aussi, que le Québec
puis le fédéral ont pris des approches
diamétralement opposées par rapport au traitement de ce genre de divulgation
volontaire là si ça vous intéresse, mais
c'est trop long. Mais ce n'est pas qu'ils n'y travaillent pas fort, ces gens-là
travaillent extrêmement fort, c'est parce qu'il y a un volume sans précédent, puis le volume sans
précédent est causé par les événements dont je vous ai parlé.
Alors,
ça, c'est pour ce qui est de l'évasion fiscale, puis ça ouvre les yeux de se
dire : Il ne faut pas se décourager, il faut continuer à
travailler. Qui aurait pensé que le secret bancaire suisse s'effondrerait de
cette manière-là il y a cinq, six, sept ans?
Bien là, on est rendus là, puis, à mon point de vue, en tout cas, les efforts
internationaux ont porté leurs fruits, puis ça va très bien de ce
côté-là.
Je vous donne
maintenant mon exemple numéro deux, qui n'est pas de l'évasion fiscale, qui est
l'évitement fiscal. Alors, l'exemple
que j'ai pris, on prend un particulier fortuné. Alors, lui, il a de l'argent,
puis sa préoccupation, c'est qu'il gagne
du revenu de placement. Mettons qu'il gagne 5 % par année sur son argent
puis il est obligé de payer de l'impôt sur
son revenu de placement. Il ne veut pas payer d'impôt sur son revenu de
placement. Alors, mettons qu'il a un 10 millions de dollars qui traîne, qui lui rapporte
500 000 $ par année, il ne veut pas payer d'impôt sur ce
500 000 $ par année. Ça fait
qu'un stratagème populaire, là, que j'ai simplifié au maximum pour les fins de
la discussion aujourd'hui, il allait au Liechtenstein créer, à Vaduz, la
belle petite ville de Vaduz que, si vous allez la visiter... J'ai eu l'occasion
d'aller la visiter à quelques occasions.
C'est à peu près gros comme Beloeil. Ça ressemble à Beloeil, Saint-Hilaire à
peu près, mais c'est un pays...
Une voix : ...
M. Ryan
(Paul) : Vaduz, c'est la
capitale du Liechtenstein, puis c'est une toute petite, toute petite affaire
avec le château, là, du prince en haut, puis c'est à peu près ça, bon.
Alors, vous
allez là. Alors, le particulier, il fait un don de 10 millions de dollars
à une fiducie, et il y a des fiduciaires là-dedans, des gens qui ont été formés comme ça, en qui les gens ont
confiance. Ça prend un peu de confiance parce que c'est un genre... pour
employer des termes avec lesquels vous êtes les plus familiers présentement,
c'est un genre de «blind trust» qu'il faut
que tu fasses. Il faut que tu dises : Je donne mon argent aux gars et je
n'ai pas droit de regard sur l'argent.
On peut aller demander qu'il y ait une distribution, mais les fiduciaires ont
pleine et entière discrétion, ils ne sont pas obligés de t'écouter. En tout cas, c'est comme ça que la paperasse
est rédigée, et ça, ça fait en sorte qu'ils prétendent, par la suite, que la fiducie en question ou la
fondation — ça
s'appelle une fondation, des fois — ne réside pas au Québec mais elle réside au Liechtenstein parce que les
deux ou trois fiduciaires là-bas ont un contrôle absolu. Puis le «mind and
management» de la fiducie se trouve là-bas.
Et les bénéficiaires, bien, c'est des petits Québécois aussi, qui sont les
membres de la famille de mon
contribuable dans cet exemple-là, et c'est des bénéficiaires discrétionnaires.
Donc, comme je le disais, les fiduciaires ont discrétion de conférer des
bénéfices ou pas, puis l'objectif, on en a parlé tantôt.
• (18 heures) •
Alors, si on regarde notre législation au Québec
par rapport à ça, pour les fiducies discrétionnaires, jusqu'à la fin de 2006, on n'avait aucune façon d'imposer ça.
C'est un stratagème qui fonctionnait. Nos lois fiscales, telles qu'elles
existaient jusqu'en 2006, ne permettaient
pas de taxer ce genre de fiducie là ou de réclamer des impôts aux bénéficiaires
sur ce genre d'affaire là. Alors, c'est un
stratagème qui fonctionnait en toute légalité. Le fédéral avait une façon de
l'attaquer mais dont il n'était pas
satisfait. Ça fait qu'en 2007 ils ont annoncé des amendements où ils ont dit
que, si une fiducie a des contributeurs
canadiens et des bénéficiaires canadiens, elle va être réputée résider au
Canada. Alors, ils ont adopté une disposition comme ça, puis on va la
taxer comme si elle était au Canada.
Le Québec a
annoncé son intention de suivre cette législation-là puis d'adopter une
législation similaire au Québec. Et
vous savez qu'en matière fiscale la législation, généralement, elle entre en
vigueur à partir du jour de l'annonce. Même si la loi n'est pas adoptée, quand le gouvernement arrive une journée puis
il dit : À partir d'aujourd'hui, il va y avoir telle règle, bien, cette règle-là s'applique à partir
d'aujourd'hui. Alors, théoriquement, le Québec a annoncé depuis 2007 que,
si on a la situation dont je vous parle, la
fiducie est taxable au Québec, puis, si les fiduciaires ne paient pas, les
bénéficiaires peuvent être tenus responsables d'une partie de la dette.
Sauf que le
problème qu'on a au Québec, puis ça, c'est dangereux, puis je vous mets en
garde contre ça, c'est qu'on n'a pas encore adopté ni même déposé la loi
qui donne effet à l'annonce qu'on a faite en 2007. Je ne sais pas si c'est compliqué à rédiger, je ne sais pas s'il y a des
enjeux constitutionnels, je ne sais pas c'est quoi, le problème, mais souvent
on fait des budgets, puis il y a des délais.
Alors là, on a une annonce, c'est une loi qui est applicable. Quand tu vois le
guide, tu lis le guide sur les
fiducies, ils vous disent quoi faire par rapport à ça, mais il n'y a pas de
loi. Ça fait qu'imaginez à un moment
donné comment que ça peut être contesté. Puis là, si on veut faire une lutte
efficace à la fraude fiscale internationale, l'évitement fiscal international, bien, quand on annonce quelque chose
puis on dit qu'on va adopter une législation, il ne faut pas traîner,
là, il faut l'adopter. Là, sept ans, huit ans pour adopter une loi, il y a un
problème, il y a un problème à cet égard-là.
Et puis je ne
sais pas si vous avez vu dans le film Le prix à payer, mais les gens qui
font de l'évitement fiscal, il y en a
qui disaient : Regarde, moi, là, j'agis selon les lois, puis, s'il y a
quelqu'un qui n'est pas content des lois, bien, s'il y a une juridiction qui n'est pas contente, qu'ils les
changent, leurs lois. Bon, ils lancent ce challenge-là, mais c'est vrai que
ces gens-là voient ça comme ça, malheureusement. Alors, tu sais, on a une
occasion ici de le changer, mais on a des problèmes
qui résultent, là, de l'ensemble canadien. C'est peut-être pour ça que ça a été
retardé. Évidemment, je ne connais pas ce qui se passe dans les
antichambres du ministère des Finances, puis tout ça, mais bon.
Alors, il y a
un premier problème. C'est que, là, on vient taxer une fiducie étrangère en
réputant qu'elle réside au Québec.
Nous, notre seul pouvoir, c'est taxation directe dans la province, alors que le
fédéral a taxations directe et indirecte. Est-ce que quelqu'un pourrait venir prétendre que ce n'est pas de la
taxation directe d'aller réputer une fiducie de résidente, tout ça, ou
que ce n'est pas de la taxation dans la province d'aller taxer une fiducie
résidente au Liechtenstein? C'est peut-être
pour ça que les constitutionnalistes sont en train d'étudier ça, c'est
peut-être ce qui retarde ça, mais huit ans, il n'y a pas d'excuse pour
attendre huit ans dans quelque chose d'aussi capital que ça.
Deuxièmement,
il y a un problème de s'arrimer avec le fédéral parce que, le fédéral, quand il
adopte cette règle-là, lui, dans sa
tête, les provinces n'embarqueront pas là-dedans parce qu'il pense que,
constitutionnellement, probablement, les
provinces ne pourront pas le faire. Alors, le fédéral, il met une surtaxe. Il
ne charge pas juste son 25 % de base, il met une surtaxe qui amène son taux à 43 % parce
qu'il se dit que les provinces ne viendront pas puis il n'accorde pas, en plus,
l'abattement du Québec de 10 % parce qu'il pense que les provinces ne
viendront pas là-dedans.
Là, Québec
annonce ça, mais là, si tu ne t'es pas entendu avec le fédéral, ça veut dire
que le taux d'impôt là-dessus ne sera
pas le 50 % auquel on est habitués. Ça va être 43 % plus 25 %,
ça va être 68 %. Là, bien, on tombe à l'autre extrême, à peut-être une injustice. Puis ça, ça montre le
genre d'affaires qu'il faut s'asseoir avec le fédéral. Il faut s'entendre et
voir le fédéral : Regarde, nous, on
veut vous aider dans la lutte à ce genre d'évitement fiscal là, mais il faut
que vous fassiez votre part. On va
adopter une législation dans notre province, mais là on peut-u s'entendre que
vous allez enlever votre surtaxe, que vous allez faire ça? C'est ce
genre de discussions là qui est nécessaire.
Le
Président (M. Bernier) : Me Ryan, je vais vous inviter à
conclure pour qu'on puisse aller avec les échanges.
M. Ryan
(Paul) : O.K. Alors,
rapidement, point 5, déplacement d'une partie des activités. Les sociétés, je
vous l'ai mentionné tantôt, ce qui
arrive, c'est souvent le déplacement des activités vers l'extérieur.
Évidemment, il faut vérifier. Ça,
c'est important que Revenu Québec vérifie que le déplacement est légitime. Si
on dit : J'ai envoyé mon département de comptabilité ou de gestion là-bas,
puis ce n'est pas vrai, il y a de l'argent qui nous échappe, puis ça devient
quasiment de l'évasion.
Au-delà de
tout ça, je vous ai mis, à la page 13, le genre d'affaires qui sont envoyées à
l'étranger habituellement. Il y en a un sur lequel je veux insister
parce que c'est ce qui est le plus facile à envoyer l'autre bord, c'est la
propriété intellectuelle. Alors, vous avez
un brevet sur quelque chose, vous allez le placer dans une juridiction où il
n'y a pas d'impôt, puis, quand on
vient à analyser notre prix en bout de ligne, bien, notre prix, on se
dit : On a vendu la patente 100 $, il y a 40 $ de ça que c'est grâce au brevet, bien,
ce 40 $ là, il s'en va tout de suite dans le paradis fiscal. Et je trouve
qu'au Québec, si on a à envisager
quelque chose dans notre législation, pour finir avec la dernière page, il
faudrait peut-être penser qu'on finance
beaucoup de R&D au Québec. Tu sais, avec tous nos crédits de R&D, on a
des crédits généreux. On attire ça, puis tout ça, mais il y a toujours eu un problème d'arrimer ces crédits-là
puis d'avoir un genre de reddition de comptes de l'autre côté, que le produit de cette recherche-là, qu'on
a aidé à financer... Est-ce qu'il y aurait une façon de capter la
propriété intellectuelle, de venir
chercher un engagement, de dire : Regarde, on va vous financer votre
R&D, mais vous allez nous donner un engagement sur cinq ans, etc.? Jusqu'où
on peut aller là-dedans? Ça, c'est une voie à examiner parce que c'est
une façon facile de sortir l'argent du Québec. Puis c'est encore plus frustrant
quand on a participé au financement du développement de cette propriété
intellectuelle.
Dernier
point, commerce électronique, il va falloir y penser aussi parce que, là, le
problème que le monde de la taxation a, le monde de la fiscalité, depuis
100 ans, c'est qu'il taxait surtout sur l'endroit où les activités se
déroulent. Et là, bien, tu peux, par le
commerce électronique, vendre des affaires au Québec en masse sans avoir
d'activité au Québec du tout. Ça fait
qu'il va-tu falloir penser à déplacer le focus de l'analyse fiscale
internationale pas sur où l'activité se passe mais où le bien s'achète? Parce qu'à cause des nouvelles réalités, tu
sais, probablement que, dans 20, 30 ans, ça va évoluer dans cette direction-là. Il faut avoir les yeux
ouverts par rapport à ça puis penser sérieusement à l'imposition du commerce
électronique.
Ça fait qu'en gros je m'excuse, M. le
Président...
Le
Président (M. Bernier) : Non, non. Merci, M. Ryan. Non, non, on
apprécie beaucoup votre présentation. La seule chose, c'est que je dois préserver un peu de temps, là, pour les
échanges avec les parlementaires. M. le député de Pontiac.
M. Fortin
(Pontiac) : Merci, M. le Président. Merci, M. Ryan. C'est extrêmement
intéressant. On vous aurait laissé continuer comme ça longtemps, vous
êtes un bon orateur, mais il y a quelques points sur lesquels moi, je veux revenir en particulier. Votre exemple n° 2,
évitement fiscal par un particulier, à la toute fin, à la page 11, vous faites
référence au risque de double imposition de la part du gouvernement
fédéral s'il y a une taxe comme ça qui s'impose au niveau provincial. On sait-u ça représente quoi comme entrées
d'argent pour le gouvernement fédéral, cette taxe-là? On a-tu une idée?
Le Président (M. Bernier) :
M. Ryan.
M. Ryan
(Paul) : Personnellement, je
ne peux pas vous informer là-dessus. Non, on ne le sait pas, mais on peut
imaginer...
Bon, il y a
deux problèmes. Il y a un problème de dépistage parce qu'on peut avoir cette
taxe-là, mais, tant qu'on n'est pas
informés de la fiducie qui existe là-bas, il faut le dépister, mais il peut y
avoir des sommes assez colossales qui sont investies là-dedans et avec
des revenus importants. Mais je ne peux pas vous dire l'ampleur que ça a, non.
Le Président (M. Bernier) :
O.K. Merci. M. le député.
M. Fortin
(Pontiac) : Dans ce cas, je vais revenir à ce que vous nous avez
témoigné par rapport aux divulgations volontaires.
Ce qu'on a vu de la part du ministère des... non, c'était Revenu Québec, ce
matin, qui nous parlait de ça. Ça corrobore
ce que vous dites. C'est en hausse d'année en année, si je comprends bien, là,
les divulgations volontaires. Et ce que vous nous avez dit essentiellement,
c'est : À cause de l'échange d'information automatique, à cause... Il y a
des pays, qui étaient ou qui sont des
paradis fiscaux, qui ont un peu abdiqué, là, qui ont dit : O.K. Bon, bien,
il y a des pressions de l'OCDE, on va
embarquer là-dedans. C'est quoi, l'avantage, pour ces pays-là, d'abdiquer, si
on peut dire? Parce que ça fait des
années qu'ils sont reconnus comme étant paradis fiscaux, et là, tout d'un coup,
ils se retrouvent avec beaucoup moins d'entrées d'argent. Qu'est-ce
qu'ils ont à gagner là-dedans?
Le Président (M. Bernier) :
M. Ryan.
M. Ryan
(Paul) : Je ne suis pas dans
le secret des dieux là-dessus. Je peux vous raconter une anecdote parce qu'à
un moment donné j'ai fait une tournée des
banques là-bas pour essayer de les convaincre de m'aider à convaincre mes
clients de ramener leur argent ici. J'étais
dans une antichambre où les gens allaient sans doute quand ils allaient
chercher leur argent, puis tout ça,
et il y avait un petit présentoir à magazines. Il y avait trois magazines. Il y
en a un qui n'était pas important; le
deuxième magazine, c'était Yachts luxueux, là, puis c'est un magazine
sur des yachts de plusieurs centaines de milliers de dollars; puis le
troisième magazine qui était en bas, c'était une revue d'actualité, puis le
gros titre, c'était Adieu, secret bancaire.
Je vous dis ça pour vous dire que, sans être
dans le secret des dieux, je pense que ce qui est arrivé, c'est que les pays à
haut taux d'imposition, là, les pays du G7, du G20, puis tout ça, ont
évidemment le pouvoir d'imposer des sanctions économiques à ces États-là. Et je
pense que, par l'OCDE, c'est un peu la menace sous-jacente de sanctions économiques et d'autres choses comme ça, là, qui
ont fait en sorte que ces pays-là n'ont pas eu le choix de se porter partie
à de telles ententes. Mais je ne connais pas les détails, là, je ne suis pas un
économiste, mais je crois que c'est ça.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député.
M. Fortin
(Pontiac) : Si on peut parler des particuliers, ces gens-là qui
viennent vous voir, le 300 millions, là, que vous avez réussi à rapatrier, si on veut, c'est qui, ces gens-là qui
viennent vous voir? Quel genre de citoyen? Est-ce qu'il y a un profil type de ces gens-là? Comment
est-ce qu'ils ont acquis cet argent-là qui est placé dans les paradis fiscaux?
Le Président (M. Bernier) :
On ne veut pas de nom, on veut juste le profil.
• (18 h 10) •
M. Ryan
(Paul) : Je vous dirais, en
général, là, des entrepreneurs propriétaires de PME qui, à un moment donné
dans l'existence de leur entreprise, ont eu l'opportunité de faire ça.
Je vous donne
un exemple. Si vous êtes dans l'importation, vous achetez un bien d'un
fournisseur étranger pour 3 $
l'unité, qu'est-ce qui vous empêche de dire : Bien, regarde,
facture-moi-les 4 $ l'unité à la place, puis l'autre dollar, envoie-le
dans mon compte en Suisse? Alors, tu sais, il y avait une culture qui tournait
autour de ça. Alors, je vous dirais qu'en
très, très grande partie, là, c'est des entrepreneurs propriétaires de PME qui,
peut-être dans une plus prime jeunesse... Tu sais, bon, il y en a eu beaucoup d'ouverts, par exemple, à la fin des
années 70, là, quand il y a eu les premières inquiétudes souverainistes,
que certains ont pris au sérieux. Il y en a qui sont allés mettre de l'argent
là-bas.
Quand j'ai
commencé en pratique, en 1982, le taux d'impôt maximum des particuliers, je
pense, était autour de 65 %.
Alors, les gens... le taux d'impôt, tu sais, était rendu trop élevé, là, tu
sais. Vous l'avez vu un petit peu quand il y a eu une tentative de monter en haut du 50, là, il y a comme un seuil
magique, en haut du 50, où il y a toutes sortes de dangers qui sont
associés à ça. Alors, il y a toutes sortes de facteurs. Tu sais, c'est des gens
que vous rencontrez dans vos assemblées de
comté, tout le monde, qui viennent à vos soupers-bénéfice. Ce n'est pas des
gens chez qui on sent, là, une fibre malhonnête profonde.
Il y a des gens qui ont fait ça à l'époque où
c'était, entre guillemets, à la mode de faire ça, qui, aujourd'hui, le regrettent et qui, de toute façon, n'ont pas le
choix parce qu'ils reçoivent tous, un après l'autre, des lettres des banques.
Et les banques, comme elles sont moins intéressées à cette business-là
aujourd'hui à cause de ce qui s'en vient, elles ne prennent pas les précautions qu'elles prenaient dans le passé. Alors,
ils envoient des lettres à ces gens-là par la poste, donc qui passent les douanes, qui peuvent être ouvertes
aux douanes, qui disent : Bonjour, monsieur. À propos de votre compte
en Suisse, on tient à vous dire qu'on ne peut pas continuer comme ça puis on
vous demanderait de nous retourner le formulaire ci-joint dûment rempli.
Ça fait que,
les gens, il y en a beaucoup qui viennent me voir le jour qu'ils reçoivent
cette lettre-là. Puis, les gens, il y
en a qui viennent nous voir avant aussi parce que cette lettre-là, si par
malheur elle est ouverte avant qu'ils viennent me voir, bien, ça ne sera plus une divulgation
volontaire, ils vont se faire prendre avec les conséquences que ça peut amener.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Oui, M. le député.
M. Fortin
(Pontiac) : Une dernière petite question, M. le Président. Donc,
est-ce que ça veut dire que, parce que les
banques sont en train d'envoyer des lettres, parce que les gens comme vous, qui
diffusez l'information comme vous le
faites aujourd'hui... est-ce que ça veut dire qu'il y a beaucoup moins de ces
entrepreneurs-là, de ces particuliers-là qui, maintenant, vont mettre de l'argent dans les paradis fiscaux? Si moi, je
suis entrepreneur, puis je veux faire un stratagème comme ça, puis j'appelle la banque en Suisse, la banque
me dit : Minute, c'est parce qu'on est en train de retourner tout
l'argent, il y a beaucoup moins de chances que je décide d'aller dans ce
sens-là?
M. Ryan (Paul) : Moi, je pense que
ça s'en va...
Le Président (M.
Bernier) : Me Ryan.
M. Ryan (Paul) : Excusez-moi, là, M.
le Président.
Le Président (M. Bernier) :
C'est juste pour fins d'enregistrement de vos paroles, là, c'est tout.
M. Ryan
(Paul) : Je pense que ça
s'en va nettement en diminuant, comme vous le dites. Évidemment, les gens
ont tous des mentalités différentes. Il y en a qui font ce qu'on appelle en
anglais du «brinkmanship», là, qui attendent jusqu'à avoir un pied dans le vide
avant de revenir du bon côté. Alors, il y a des gens qui viennent dans notre
bureau, malgré la lettre, malgré tout ça, qui me disent : Bon, Me Ryan,
j'ai 2 millions de dollars, là, de côté. Je ne veux pas le ramener, je
trouve que ça coûte trop cher, puis tout ça. Je veux continuer. Qu'est-ce que
vous avez à me suggérer?
Alors,
évidemment, nous, on n'offre pas ce service-là, on n'est pas dans ce
domaine-là, mais il y a des gens qui nous
disent ce qu'ils se sont fait dire. Et je peux juste vous dire ce que les gens
se font dire, puis c'est pour montrer que les gens sont vraiment dans leurs derniers retranchements parce que les
deux solutions qu'on entend sur la rue présentement, la première solution, c'est que la seule place
pour aller placer ton argent dans des conditions comme ça, sans faire preuve
de conformité dans ton pays d'origine, c'est
certains pays d'Afrique. Alors, les gens se font dire, là : Le dernier
bastion où tu pourrais aller faire
ça, c'est en Afrique. Mais là c'est bien beau de ne pas vouloir payer d'impôt,
mais tu vas envoyer ton argent dans
un endroit où ce n'est pas nécessairement fiable, là. Je n'ai rien contre
l'Afrique, mais je vous donne ça, tu
sais, ce n'est pas un endroit qui est reconnu comme un système bancaire
nécessairement aussi fiable que la Suisse, par exemple. Alors, tu vas prendre le risque de perdre tout ton argent. Bon,
ça, c'est la première suggestion. Alors, la plupart des gens, on réussit à leur dire : Regarde,
là, tu veux-tu... Regarde, ça va te coûter x dollars d'impôt de faire une
divulgation volontaire. Tu veux-tu
perdre ça ou tu veux perdre tout ton argent, là? Tu sais, à un moment donné, ça
devient ridicule.
L'autre suggestion qui est faite, puis ça me
permet de vous parler d'une affaire dont je n'ai pas parlé, c'est : Achète-toi une propriété à l'étranger. Prends ton
2 millions, achète-toi un condo à Saint-Moritz pour aller faire du ski,
etc. Pourquoi ils leur disent ça? Parce qu'il y a, dans la législation
fiscale, un formulaire mais pas dans notre législation fiscale québécoise, dans la fédérale. Puis je n'ai jamais compris
pourquoi le Québec n'avait pas adopté quelque chose de semblable. Puis
ça, je pourrais peut-être vous en parler deux secondes parce que j'ai oublié de
le mettre là-dedans.
Il y a un
formulaire, qui s'appelle le T1135 au fédéral, puis il y a le T1134 aussi quand
c'est des structures plus complexes.
Mais ce formulaire-là, quand tu as un bien à l'étranger, en plus de ton rapport
d'impôt, il y a une question sur ton
rapport d'impôt : As-tu plus que 100 000 $ à l'étranger? Si tu
réponds oui sur le formulaire, bien, à partir de ce moment-là sur la déclaration d'impôt, il faut que
tu produises le formulaire T1135. Sur ce formulaire T1135 là, il y a une
exemption pour les biens à usage personnel.
Alors, la
mentalité des gens qui recommandent ça, c'est que, si tu t'achètes un condo à
Saint-Moritz, puis tu ne le loues
pas, tu fais juste t'en servir pour pour ton usage personnel, tu n'auras pas à
le déclarer sur le formulaire T1135 en question.
Mais ça ne règle pas le problème parce que le problème, il est là pour l'avenir
en partie, mais il est là pour le passé. Tu as fraudé l'impôt pour le
passé puis, si tu te fais prendre, quand même que, pour le futur, tu as un
condo à Saint-Moritz, que tu n'es pas obligé
de déposer sur ton formulaire T1135, tu sais, ça ne règle pas ton problème
pour le passé.
Pourquoi,
au Québec, on n'a pas ce formulaire T1135 là aussi? Parce que
ça, c'est un incitatif aussi parce
qu'il y a une pénalité maximum,
si on ne produit pas le T1135, qui peut aller jusqu'à 5 % par année de la valeur du compte. Ça fait que, si tu as 1 million, c'est
50 000 $ par année. Ça fait que, si tu te fais attraper avec un
compte à l'étranger que tu as depuis
20 ans, ils peuvent, avant même de commencer à t'imposer, le fédéral, ils
peuvent dire : Bien, moi, je te réclame la pénalité de T1135, 5 % par année, 50 000 $ par année
pendant 20 ans. Bien, 20 fois 50 000 $, ça fait 1 million. Ça
fait que, si tu te fais prendre, tu
viens de perdre ton million avant même d'avoir commencé à payer de l'impôt,
puis des amendes, puis des pénalités d'autre ordre.
Alors, ça,
c'est un bon incitatif aussi. C'est dans la déclaration fédérale, on ne l'a pas
au provincial. Je ne sais pas si c'est une affaire constitutionnelle de
taxation directe dans la province, mais ça serait possiblement aussi quelque
chose que vous pourriez envisager
d'ajouter à la législation provinciale pour mettre un petit peu plus de poids
là-dessus encore puis inciter les
gens encore plus à faire attention parce que, s'ils ne déclarent pas leurs
affaires, ils s'exposent à des sanctions importantes.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis :
Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Me Ryan. Il y a beaucoup de choses
qu'on a apprises à travers votre
mémoire et votre présentation, et ça, c'est très bien. La divulgation
volontaire, la plupart du temps, c'est fait par des individus, par des
particuliers. Ce n'est pas les compagnies. Alors, est-ce que j'ai raison ou
j'ai tort?
Le Président (M. Bernier) :
Me Ryan.
M. Ryan
(Paul) : Je vous dirais que
le gros des divulgations volontaires, actuellement, sont effectivement faites par
les individus, là, dans des situations comme celles qu'on a décrites tantôt parce que,
pour pouvoir faire une divulgation volontaire, il faut qu'on ait posé
des actes qui seraient sujets à pénalité si on se faisait prendre. Et le problème
avec l'évitement fiscal, c'est que, souvent,
il n'y a pas de sanction pour l'évitement fiscal. Le
planificateur qui va vendre à une société une stratégie d'évitement fiscal, il va dire : C'est légal,
l'élastique est étiré. Bon, il y a une règle générale antiévitement, tu vas pouvoir te faire attaquer. Mais il va lui
dire : Dans le pire des cas, tu vas payer l'impôt que tu aurais dû payer de toute façon. Ça fait que, si tu ne te fais pas
prendre, tu vas sauver ton impôt. Si tu te fais prendre, tu vas pouvoir te
battre puis, si tu perds en bout de ligne, tu vas payer l'impôt que tu aurais
payé avec un petit peu d'intérêt.
Bon, le Québec a
ajouté un concept d'une pénalité de 25 %
sur la règle générale antiévitement en 2009‑2010. Je crois que c'était votre prédécesseur. Ça donne
déjà un petit impact, mais ce n'est pas un gros impact parce que mettons
que le taux d'impôt au Québec, c'est
27 % — pour
combiner fédéral-provincial — pour les compagnies mais que le taux du Québec est à peu près 11 %, arrondissons
ça à 10 % pour fins de calcul. Ça fait que 25 % de 10, c'est
2,5 %. Ça fait que la petite
pénalité, elle fait monter le taux d'impôt de 27 % à 29,5 %. Ce n'est
pas assez pour faire peur à quelqu'un de
tenter une stratégie. Ils vont sauver des centaines de millions de dollars.
Mais, à cause de ça... je m'excuse, j'étais un petit peu passé à côté de votre question. Mais, à cause du fait que les
sociétés, elles sont plus impliquées dans des stratégies d'évitement
fiscal, ce n'est même pas certain qu'elles se qualifient pour fins de
divulgation volontaire parce que, normalement, ce n'est pas des comportements
auxquels des pénalités s'associent.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. Allez-y, madame.
Mme de Santis :
Vous avez répondu à la question que j'allais poser immédiatement après la
première. Donc, en effet, la perte de la confidentialité bancaire, ça va
nous aider avec «the little fish» mais pas «the big fish».
M. Ryan (Paul) : Bien, évidemment, si des entreprises québécoises
ont des affaires à l'étranger, ça va permettre de savoir... peut-être que vous allez avoir la divulgation que telle
compagnie a gagné des revenus de placement, mais ce n'est pas des
affaires dont elles se cachent. Tu sais, si une compagnie de Québec inc.
décide, demain matin, que son département de
comptes à payer, elle le déménage en Pologne parce que la main-d'oeuvre coûte
moins cher puis il y a des taux
d'impôt avantageux, elle ne s'en cachera pas. Vous allez savoir que, chaque
mois, elle envoie un chèque en Pologne pour
payer le service de comptabilité qu'elle emploie là-bas. Ça fait qu'on n'a pas
vraiment besoin de ça pour dépister l'os,
c'est là. Maintenant, c'est de voir qu'est-ce qu'on peut faire pour le
combattre. Ça, c'est une autre affaire, mais c'est plus quelque chose qui est fait, excusez-moi
l'expression, mais dans notre face parce qu'on ne s'en cache pas, on dit :
Regarde, nous autres, on interprète la loi comme ça, on fait ça, puis c'est
comme ça que ça fonctionne.
Le Président (M. Bernier) :
Merci.
Mme de Santis :
Est-ce qu'il reste du temps?
Le Président (M. Bernier) :
Deux minutes.
Mme de Santis :
Est-ce qu'il y a quelqu'un qui veut poser... O.K. Alors, vous avez dit, quand
on faisait référence à la divulgation
volontaire, qu'il y a des positions différentes prises entre le Québec et
Ottawa. Est-ce que vous pouvez expliquer c'est quoi, ces différences?
• (18 h 20) •
M. Ryan
(Paul) : Oui, je peux vous expliquer
ça. Il faut comprendre que c'est des positions
qui ne sont pas publiées nulle part.
La divulgation volontaire, c'est un genre de tradition orale. Alors, ça fait 30
ans que je suis en pratique, ça a changé
à peu près 10 fois, les règles, puis c'est plus des
pratiques. Je ne dirais même pas des politiques administratives,
ce sont des pratiques administratives.
Le Québec,
eux... Mettons, on prend mon exemple, tantôt, avec 2,5 millions. Le
Québec, de base, leur approche, c'est de dire : Regarde, là...
Parce que, là, le problème qu'on a, c'est que, souvent, on ne peut pas avoir
des registres bancaires plus que 10 ans en
arrière. Et la grosse question qui se pose en divulgation volontaire depuis 30
ans que j'en fais, c'est :
Combien d'années en arrière on retourne? J'ai dit : Mon gars, il a gagné
1 million qu'il n'a pas déclaré en 1995 puis il a gagné des revenus d'intérêts de 1,5 million entre 1995 et
aujourd'hui, sur une période de 20 ans. Combien d'années en arrière on retourne? Puis là, bien, ça dépend
de quel point de vue qu'on regarde ça. Si on se place du côté du contribuable
bien-pensant qui déclare ses revenus à tous
les ans, bon, la réponse va être : Bien, s'il a triché pendant 25 ans, on
va retourner 25 ans en arrière.
Par contre, à
l'autre extrême, quand on vérifie quelqu'un, quand on attrape quelqu'un puis on
le vérifie, généralement, on retourne
quatre, cinq ans en arrière au maximum. Puis la plupart des vérifications,
c'est deux, trois ans. Alors, si on
passe le message aux gens que, quand tu te fais vérifier, ça va être deux,
trois, quatre, cinq ans en arrière mais, quand tu fais une divulgation
volontaire, ça va être 30 ans en arrière, ton programme, il ne sera pas trop
incitatif. Comprenez-vous ce que je veux
dire? Puis là les gens qui appliquent ça, ils doivent faire le pour et le
contre entre ces affaires-là.
Le Québec a
adopté une attitude extrêmement simple qui est de dire : Si tu as
2,5 millions là-bas, moi, je me fous que tu l'aies gagné en 1995, en 1933, en 2005. À moins que tu es capable
de me prouver que tu as mis de l'argent après impôt là-bas, moi, je vais prendre comme base que le plein 2,5, tu ne me
l'as pas déclaré. Et le taux d'impôt maximum des particuliers, c'est 25 %. En gros, je vais te charger 25 %
de ça. Je ne te mettrai pas de pénalité, je ne mettrai même pas
d'intérêts parce que tu viens me voir. Donne-moi 25 % de ton 2,5, puis on
va régler ça comme ça.
Alors, c'est
un deal qui est «fair», où le Québec vient chercher ce qu'il a fait. Pour faire
ça, bon, la manière dont c'est fait,
c'est qu'ils vont dire... Au lieu de cotiser 25 ans en arrière, ils vont
prendre un gros revenu puis ils vont le cotiser... Mettons, en 2010, ils
vont te cotiser le 2,5 millions ou 2 millions pour faire arriver ça
au montant en question. Ça fait qu'il y a un
peu de souplesse dans l'application administrative de la loi pour arriver à
l'objectif, mais l'objectif visé, c'est de récupérer notre impôt. La
personne vient nous voir, récupère l'impôt qu'on a perdu sur la totalité de ce
qui est là. Vu qu'il y
a des registres bancaires pour 10 ans en arrière, si vous avez retiré de
l'argent dans les 10 dernières années... Tu as retiré 1 million, mais, on va dire, ce million-là, tu ne l'as
plus, mais tu en as joui aussi de ce million-là. On veut notre 25 % sur le million que tu as retiré. Ça fait
qu'ils vont venir capter le «dominion» dont le contribuable a joui, qui est
composé de ce qu'il lui reste puis ce qu'il a dépensé sur les 10
dernières années, puis ils vont venir chercher leur 25 %.
Il y a des
exceptions. Quand tu es capable de prouver que tu as gagné ça avec du gain en
capital, bien, ça va être 12,5 % au lieu de 25 %, là. Mais le
principe de base, c'est 25 %. Le fédéral, eux autres, ont...
Le Président (M. Bernier) :
Non, c'est correct, continuez. Continuez, continuez.
M. Ryan (Paul) : Excusez-moi, là.
Est-ce que ça va?
Le Président (M. Bernier) :
Non, non, je pensais que vous aviez terminé. Continuez.
M. Ryan
(Paul) : Le fédéral, eux,
ils ont adopté une attitude un peu plus légaliste. Eux autres, ils veulent
appliquer la loi à la lettre puis ils
disent vraiment de prendre 2 millions de dollars qui ont été gagnés sur
les 25 dernières années puis venir
taxer ça dans l'année 2010. Est-ce que ça respecte la lettre de la loi?
Peut-être pas. C'est des arrangements administratifs.
Nous autres, on va taxer ce qu'on voit. Alors, en général, l'approche du
fédéral, c'est qu'ils disent : Tu as
des registres pour 10 ans, on va te taxer tes revenus de placements pour les 10
dernières années puis on va te donner notre
bénédiction pour les 10 dernières années. On va laisser ouvertes les autres
années. Si jamais il y a des documents qui deviennent disponibles, bien,
on se garde l'option de le faire. Mais, en général, ces documents-là ne
deviennent pas disponibles parce que les
lois domestiques de ces pays-là, c'est 10 ans, la période de détention des
documents bancaires.
Alors, le fédéral, dans la plupart des cas, se
trouve à taxer les revenus de placement des 10 dernières années. Ça fait que, dans mon 2,5 millions, ils vont
peut-être en taxer 700 000 $, 800 000 $, puis ils ne
taxeront pas l'autre partie parce
qu'ils disent qu'ils n'ont pas de preuve de quel moment ça a été gagné, il n'y
a pas de document qui le démontre, etc., puis ils ne veulent pas faire
d'estimé. Ils veulent taxer «by the book», selon la loi.
Alors, c'est
deux approches complètement, complètement différentes. Ce qui aide pour nous,
qui sommes, entre guillemets, les vendeurs sur la route du gouvernement,
qui essayons d'inciter les gens à faire ça, c'est que, vu que ce que le fédéral capte est moins élevé puis le
Québec capte 25 %, bien, ça permet d'arriver à un pourcentage global qui
tourne généralement autour de
30 %, 33 %. Ça fait que c'est avantageux pour les gens qui font une
divulgation volontaire de venir faire
une divulgation volontaire. Les termes sont très avantageux actuellement. Ça
fait que ça incite beaucoup les gens à le faire.
Le Président (M. Bernier) :
Merci, Me Ryan. M. le député de Rousseau, vous pouvez continuer.
M. Marceau : Merci, M. le
Président. Merci, Me Ryan. Très intéressant, très informatif aussi.
Peut-être
toujours sur le même thème, là, les divulgations volontaires, parce que, bon, vous
dites que le nombre a augmenté
beaucoup, donc c'est quoi... Vous en
faisiez 25 il y a cinq ans ou 50. Peut-être juste nous décrire
le rythme auquel ça augmente.
M. Ryan (Paul) : Je vous dirais, là,
que la manière dont on les compte au bureau, qui est... Juste sur une base anecdotique, c'est qu'un moment donné on
ouvrait... Admettons que vous veniez faire une divulgation volontaire à mon
bureau, c'est un processus
qu'on peut commencer sur une base anonyme pour se donner le temps de calculer
puis dire au client : Ça va te
coûter tant. Puis, vu qu'il est anonyme, s'il trouve que ça coûte trop cher, il
peut toujours se retirer.
Alors,
admettons que vous venez me voir. J'aurais ouvert un dossier Nicolas Marceau,
divulgation volontaire, et, si jamais
vous aviez changé d'idée, bien, ça aurait laissé une trace dans mes systèmes,
que j'avais un dossier. Ça fait qu'il y a à peu près
trois ans on a décidé d'ouvrir un client qui s'appelle M. Divulgation-Volontaire,
trait d'union 1, trait d'union 2,
trait d'union 3, puis on est rendus à trait d'union 290 ou quelque chose comme ça en ce moment. C'est comme ça que je peux dire qu'on en
a fait à peu près 300. Puis, à l'intérieur de ces 290 là des fois, c'est une
famille, il y a cinq personnes. Donc, en fait, c'est peut-être plus que 300.
Mais je vous dirais que c'est vraiment, là,
depuis deux ou trois ans, là, qu'il y a une croissance exponentielle. Avant ça, c'était stable. Dans un bureau comme le
mien, je ne sais pas, on en faisait peut-être 15, 20 par année, 10, 15 par année où une vingtaine de gens venaient nous voir
puis il y en a 10 qui changeaient
d'idée parce qu'ils avaient encore la
faculté de changer d'idée. Là, ils n'ont plus la faculté. Le taux de rétention
est rendu à 99 %. Une fois que la personne vient dans le bureau, ils savent déjà qu'avec tout ce qui se passe, les
événements que je vous ai décrits tantôt, ils n'ont plus vraiment le
choix.
M. Marceau :
Puis il y a des gens du Réseau justice fiscale qui, eux, avaient... en tout
cas, d'après leurs chiffres ou, en tout cas, d'après leur appréciation,
disent, en tout cas, dans ce document-là, dans le document que j'ai ici, là — peut-être que vous le connaissez, Paradis
fiscaux — Des
solutions à notre portée — qui disent, eux, que non, que le programme de divulgation volontaire canadien — je pense que c'est plus à celui-là qu'ils
réfèrent — n'a pas
eu autant de succès que le programme
américain dans lequel il y a des pénalités plus importantes, en tout cas, où il
y a des pénalités, je pense, qui peuvent aller jusqu'à 30 %.
Peut-être
nous dire ce que vous pensez de cette idée parce que, bon, de toute évidence,
ça pourrait rendre ça moins incitatif et peut-être amener des gens à ne
pas divulguer volontairement.
Le Président (M.
Bernier) : M. Ryan.
M. Ryan
(Paul) : C'est parce qu'il
faut faire attention quand on manipule les concepts parce qu'au Canada il y a zéro
pénalité. Aux États-Unis, il y a 20 % de pénalité. Au Canada,
quand on fait une divulgation volontaire, il y a zéro pénalité.
Le pourcentage que la personne paie, ce n'est pas de la pénalité, c'est de
l'impôt. Ça fait qu'au Québec elle paie
25 %, ce n'est pas une pénalité, là, c'est de l'impôt. Puis au fédéral, vu
que c'est juste les revenus de placement, souvent, ça va coûter 5 % à 10 %. C'est pour ça
que je vous dis qu'au bout de la ligne ça revient à 30 %, 35 %, là,
quand tu présentes le portrait
global, mais ce n'est pas une pénalité, c'est de l'impôt. Et, si tu avais payé
tes impôts au fur et à mesure, ça aurait coûté du 50 %.
Aux États-Unis,
ce qu'ils vont faire, ils vont peut-être dire : Il y a une pénalité de
20 %. Donc, de base, on dirait que
c'est moins incitatif. Puis ils vont peut-être dire : On va taxer juste les six dernières
années, on ne taxera pas la patente au
complet. Ça fait que, s'ils taxent les six dernières années, plus une pénalité
de 20 %, le total global que vous payez là-bas va peut-être être moins élevé que ce qu'on paie au Québec
parce que c'est juste une question de sémantique, là, qui vient jouer
là-dedans. Ça, c'est le premier élément.
Deuxième
élément, évidemment, les sanctions aux États-Unis... Tu sais, Pete
Rose, je ne sais pas si vous vous rappelez,
qui n'avait pas déclaré 140 000 $ pour signer des cartes de baseball
à 15 $ la carte pour des petits enfants quand il gagnait des millions de dollars, bien, pour
140 000 $ de revenus non déclarés, il a pris 14 mois de prison. Au Québec,
Revenu Québec essaie, avec ses
procureurs, de commencer à essayer d'obtenir des sentences de prison, mais ça
n'existait pas dans notre environnement jusqu'à il y a un an ou deux.
Alors, la
crainte, le facteur crainte, aux États-Unis, puis avec tout ce qui s'est fait avec UBS, toutes
les menaces qui ont été faites, le facteur crainte joue évidemment un
rôle très important aussi.
M. Marceau : O.K. Merci pour
ça. Autre question : Vous avez évoqué des frictions. Enfin, vous avez dit,
en tout cas, que, disons, la collaboration entre Québec et Ottawa, peut-être sur le plan de la vérification — je
pense que c'est ce que vous nous avez dit — donc, elle n'était pas
idéale.
J'aimerais ça juste que vous développiez
là-dessus parce c'est que, pour moi, en tout cas, c'est quelque chose d'important étant donné qu'évidemment l'Agence du revenu
du Québec dépend en partie de ce qui se passe à Ottawa
et vice versa, hein? En principe, il
devrait y avoir une collaboration exemplaire. Alors, j'aimerais vous entendre
là-dessus, s'il vous plaît.
Le Président (M. Bernier) :
Me Ryan.
• (18 h 30) •
M. Ryan
(Paul) : Bien, je vais vous
donner deux ou trois exemples. En matière de vérification fiscale en
général, là, pour déborder un peu le
cadre des paradis fiscaux, le Québec a été très innovateur. Je pense que les gens de
Revenu Québec, hein — tu
sais, vous avez parlé des programmes d'indice de richesse puis des choses comme ça,
là — sont arrivés avec des systèmes qui, je pense, sont admirés dans d'autres juridictions
du monde où nos gens de Revenu Québec sont allés se promener. Puis il y a d'autres pays qui sont venus, même, je ne
sais pas s'ils l'ont acheté ou juste reçu gratuitement, mais qui se sont
intéressés à notre expertise.
Le fédéral a
été plus lent à suivre là-dedans puis il trouvait que le Québec allait même
trop loin. Des fois, ils vont peut-être
un petit peu trop loin dans certains domaines comme TPS, TVQ, mais ce n'est pas
de ça qu'on parle aujourd'hui. Et le
fédéral avait tendance à un petit peu regarder
Revenu Québec avec un oeil moqueur en disant : Ça n'a pas
de bon sens, ce qu'ils font. Ils vont
trop loin, ils poussent trop fort, puis tout ça. Mais, avec ce que Québec a
fait, les mentalités ont changé. Tu
sais, l'évasion fiscale il y a cinq, six ans, ce n'était pas un crime qui était
perçu comme aussi grave dans la société. Bon, moi, quand on négociait des dossiers d'évasion fiscale, on disait aux gens : Bon, bien, en plus de l'impôt, ça va te
coûter une amende, ton nom va passer dans le journal, mais tu vas payer ton
amende. Puis il n'y a rien de plus vieux que le journal de la veille. Une fois que ça va
passer dans le journal, ça va être fini. Aujourd'hui, avec des
initiatives qui ont été prises par le
gouvernement du Québec, bien, c'est une condamnation en évasion fiscale. Puis tu essaies d'avoir un contrat gouvernemental puis une
autorisation de l'AMF... Tu sais, ça a beaucoup évolué, toutes ces affaires-là.
Puis je
dirais que c'est beaucoup le Québec, bien plus que le gouvernement fédéral, qui a
amené cette évolution-là puis
toutes ces initiatives-là. Puis le fédéral a tendance... avait tendance, en tout cas, à trouver que le Québec poussait trop fort puis allait trop vite. Puis là il se réveille que le Québec,
je pense, a pris de la... Moi, je suis fier, en tout cas, comme Québécois,
de dire que le Québec a pris de l'avance là-dedans, puis tout ça. Et, à partir de là, bien, de bien arrimer ça, là, il y a une distance... on sent
qu'il y a une distance qui s'est créée.
Puis, bon, je
vais vous donner l'exemple. On revient sur les paradis fiscaux, une chose dont
je n'ai pas parlé comme un autre
facteur qui incite les gens à faire des divulgations volontaires. Dans mes
25 premières années de pratique, je n'ai jamais eu un client qui s'est
fait prendre avec un compte à l'étranger; c'était très hermétique. Depuis cinq,
six ans, il n'y en a pas beaucoup,
mais il y a des situations de gens qui se sont fait prendre. Deux exemples
auxquels on peut penser : Martin
Tremblay, qui aidait les gens puis qui a eu des problèmes criminels, puis, à
cause de son procès criminel, bien, l'information s'est rendue aux autorités fiscales; puis la
Banque HSBC — ça
a été documenté — où
un employé mécontent a volé des
fichiers puis les a fournis à la France, à l'Allemagne, qui les ont partagés
avec leurs partenaires commerciaux : 1 800 quelques Canadiens sur cette liste-là, dont 900 Québécois pour nous montrer que le Québec occupe quand
même une part importante de tout ça.
Et
là, bon, comment traiter ces 900 contribuables là qui se sont fait
prendre, là? C'est la première fois qu'on en attrape. Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce
qu'on va les pendre sur la place
publique, les soumettre à une cérémonie d'écartèlement comme au Moyen Âge? On a finalement
des cas. Et là, bien, le Québec puis le fédéral... Au début, le fédéral est parti
tout seul. Après ça, ils ont décidé
de se partager les cas. Ça fait
qu'ils se sont partagé la moitié de la liste. Il y en a qui sont partis
par le fédéral, il y en a qui sont partis par le Québec. On voit que ça se
parle. Puis là c'est revenu tout mélangé. Les gens reçoivent une lettre du fédéral puis une lettre du provincial en même
temps puis ils sont obligés de répondre en même temps aux deux. Alors, tu sais que ça pourrait être mieux coordonné,
puis il y a des efforts qui se perdent. Ça fait que c'est un petit peu
ça que je veux dire, là, tu sais.
Le Président (M.
Bernier) : Merci. M. le député de Beauce-Nord.
M.
Spénard : Merci, M. le Président. Deux, trois petites
questions. Moi, je reviens à 2007, là. Vous avez parlé, en 2007... mais la loi au Québec n'est pas encore
passée. Ça a dû être contesté en cour si... Est-ce que Revenu Québec a fait des
cotisations par rapport à l'annonce de 2007
sans passer de loi ou sans... Est-ce qu'ils ont fait des cotisations par
rapport à ça?
M. Ryan
(Paul) : Je ne sais pas ce qu'ils ont fait, mais, si vous regardez le Guide
des fiducies, dans le guide, ces
règles-là sont dans le guide, sont présentées comme des règles qui existent, et
on s'attend à ce que les gens les suivent. Dans notre domaine, en fiscalité, c'est quelque chose à quoi on est
habitués. Bon, vous allez arriver, M. le ministre des Finances va présenter un budget, puis ça va prendre
des fois un an, deux ans avant que la loi qui vient confirmer le budget soit adoptée. Des fois, le fédéral va adopter des
choses dans son budget que lui va prendre un an, deux ans avant de faire
sa loi. Puis, nous, dans la mesure où on
veut adopter la même chose que le fédéral, bien, ça nous prend un autre six
mois, un an à adopter les mêmes
affaires. Ça fait qu'on est habitués à des délais, mettons, de un à trois ans,
puis c'est dans notre culture de ne pas contester l'application d'une
règle parce que la loi n'est pas adoptée.
Là, ça fait sept ans. Ça commence à faire du
temps. Est-ce que les gens se sont conformés dans leurs déclarations? Est-ce qu'il y a de ces fiducies-là qui en ont
produit, des déclarations sur la base de ces règles-là? Je ne peux pas vous
répondre. Moi, j'ai un cabinet de litige
fiscal. Quand des gens se font prendre avec quelque chose, on reçoit ça chez
nous. On a une bonne partie du marché
à Montréal. Alors, quand il se passe quelque chose, généralement, on en a une
couple d'échantillons dans le bureau. Je n'ai pas eu de clients qui sont
venus me voir, qui sont des fiducies, qui se sont fait cotiser par Revenu Québec en fonction de ces règles-là. Je ne sais pas
s'il y a une gêne ou une réticence à le faire, bon, ou comment c'est fait, mais là sept, huit ans,
c'est trop. Ça prend une loi, là. Quand il y a des règles qui s'appliquent puis
qu'il n'y a pas de loi... Ça prend une loi. Puis là on n'a même pas de projet
de loi de déposé.
Le Président (M.
Bernier) : O.K., merci.
M.
Spénard : Vous avez parlé qu'il devrait y avoir un budget
supplémentaire pour mettre du monde à la tâche en ce qui concerne la divulgation volontaire par les particuliers ou les sociétés
parce que vous commencez à dire que ça prend trop de temps et puis que, là, il y a beaucoup de personnes qui veulent faire un acte
volontaire pour divulguer les avoirs
qu'ils avaient à cause des différentes réglementations qui s'en viennent au
niveau mondial là-dessus. Vous voyez ça comment? Je ne sais pas si vous
pourriez être plus explicite un peu.
Le Président (M.
Bernier) : Me Ryan, oui.
M. Ryan (Paul) : Bien, évidemment, il y a beaucoup de gens qui
attendent la fin du processus pour amener leur argent. Puis la plupart
du temps on attend, au Québec, aussi la fin du processus pour payer. Alors, les
deux avantages immédiatement visibles, pour
l'économie du Québec, que ça aille vite : a, c'est que l'argent rentre
dans les coffres de l'État quand le dossier est fini. Ça fait que, si le
dossier traîne, c'est du bel argent qui ne rentre pas dans les coffres de
l'État aussi vite qu'il pourrait rentrer. Ça, c'est le problème un.
Problème
deux, bien, le jour où le gars rapatrie son argent... Puis on a eu des cas de
200 000 $ à plus que 100 millions de dollars, là, O.K.? Alors, le gars, bien, quand il rapatrie un
25 millions de dollars au Québec, bien, c'est 25 millions qui rentre dans notre économie, qui est investi puis
qui va dans des banques, que les banques reprêtent, puis, tu sais, ça fait
des petits, c'est de l'argent qui rentre
dans notre économie. Alors, dans mon livre à moi, le plus vite que ça rentre,
le plus vite que c'est réglé, le mieux que c'est.
Le Président (M.
Bernier) : Les délais sont de quoi, actuellement?
M. Ryan (Paul) : Je vous dirais, pour le traitement au Québec... Bien, tantôt, quand
j'ai répondu à la question de Mme la
députée de Santis au niveau des différences entre le fédéral puis le
provincial, j'ai parlé des chiffres, mais ils n'ont pas la même approche de traitement. Le fédéral, eux autres, ils
disent : Regarde, nous, on va juste... À un moment donné, ils ont fait des coupures budgétaires. Le
gouvernement Harper, là, avait coupé 5 % «across the board», puis, quand
ils ont coupé 5 %, ils ont décidé de
couper Revenu Canada aussi, ce qui est un peu... je ne sais pas. Est-ce que tu
coupes la main qui te nourrit aussi ou tout ça? Puis là ils se sont
demandé comment faire ça.
Puis,
dans une mentalité plus conservatrice qu'on peut imaginer, il y a des gens qui
se sont dit : Bien, les fraudeurs qui
fraudent l'impôt puis qui viennent nous voir, en ce moment, on leur offre un
service tapis rouge. Ils viennent nous voir
avec des avocats, ils négocient un arrangement. On les reçoit, on négocie, on
dépense des ressources pour négocier avec
ce monde-là. Pourquoi qu'on gaspille de l'argent à négocier avec des fraudeurs?
Pourquoi qu'on ne les envoie pas... Si
tu as caché 1 $, bien, envoie une déclaration amendée à Shawinigan, puis donnons
ça juste à notre unité de traitement, puis que ça soit juste du
traitement.
Alors, le fédéral, ils ont accepté cette... dans le cadre, là, du
gouvernement conservateur qui est là, ils ont décidé de procéder comme ça. Ça fait qu'ils ont déplacé
ça à Shawinigan, puis il n'y a pas de discussion. Alors, tu produis ce que tu as, ils le traitent, ils le taxent. Ils ne
te donnent pas de garantie que c'est fini, ce n'est pas fini, le client prend
un petit peu un risque. Ils
t'envoient une lettre que ta divulgation est acceptée pour ces années-là, on se
garde le droit de la vérifier. Ils en
prennent quelques-unes au hasard puis ils viennent les vérifier, mais ils font
confiance aux contribuables.
Revenu
Québec, bon, veut aller chercher son plein 25 % — puis, des fois, il y a des exceptions avec
les gains en capital que ça fait
baisser — veut
s'assurer que le calcul soit fait comme il faut. Puis je pense que ça vaut la
peine de prendre le temps de le
faire. Puis, des fois, en posant des questions, ils trouvent quelque chose à
quoi on n'avait pas pensé. Ils voient un
dépôt arriver dans le compte : D'où ça vient? On reparle au client :
Ah! c'est vrai, j'avais un autre petit compte que je n'ai pas mis dans l'affaire. Alors, ce travail-là
a son efficacité, puis ça vaut la peine de le faire, mais ça prend du temps,
ça prend des ressources.
Mais ça rapporte. C'est gagnant-gagnant, là,
parce que, tu sais, mettons que la personne... Tu as un dossier de 1 million de dollars. Même si la personne
passe 50 heures dessus... je ne sais pas combien ça coûte, 50 heures
de fonctionnaire ou 100 heures
de fonctionnaire, mais il te rentre un beau chèque de 250 000 $ au
bout de l'exercice. Puis, en plus de
ça, bien, le reste, le 750 000 $, c'est de l'argent qui est injecté
dans l'économie. C'est gagnant-gagnant, ça vaut la peine de le faire. Jusqu'à quel point il faut vérifier? Moi, je pense
qu'ils font une belle job. Ils vérifient puis ils s'assurent que c'est fait comme il faut. Puis ça vaut la
peine, là, c'est là que ça se passe, là. Entre aujourd'hui puis 2018, c'est là
que ça se passe. Il y a un focus à mettre là-dessus.
M.
Spénard :
Moi, j'ai une dernière question. En 2018, là, il va en rester, puis vous
semblez dire qu'il va rester pas mal
juste des pays d'Afrique et des pays non stables démocratiquement, mais moi, je
regarde, du ministère des Finances, là,
les pays qui sont considérés par le FMI comme la liste des paradis fiscaux.
Moi, je vous dis que... L'Irlande, ça va-tu passer au cash, ça?
M. Ryan (Paul) : Oui, l'Irlande...
Excusez.
Le Président (M. Bernier) :
Oui, allez-y, Me Ryan.
M.
Spénard : Oui,
allez-y.
Le Président (M. Bernier) :
C'est la dernière question du député, d'ailleurs.
M.
Ryan (Paul) : L'Irlande, ce
n'est pas le même exemple parce que, quand on parle de l'Irlande, on parle
d'évitement fiscal. Alors, quand ils
parlent de l'Irlande comme paradis fiscal, c'est parce que les taux
d'imposition des sociétés sont peu élevés, puis il y a des affaires pour
les artistes aussi, là. Je ne connais pas ces règles-là de manière précise,
mais ça incite les gens à déplacer une
partie de leurs affaires là-bas. Mais ce n'est pas de l'évasion fiscale dans le
sens où on parle, là, c'est une autre
affaire complètement. Et évidemment l'échange d'information, ça ne changera
probablement pas grand-chose à ça parce qu'on est au niveau de
l'évitement et non de l'évasion.
Le Président (M. Bernier) :
Merci. M. le député de Mercier.
• (18 h 40) •
M. Khadir : Merci, M. Ryan. Bravo pour
cette présentation vibrante! On est saisis par votre détermination à aider
des particuliers à se conformer à la loi
puis à accélérer le processus de divulgation. Mais, comme vous êtes quand même
dans le domaine, vous avez même déjà écrit
un livre, hein, récemment, sur le sujet, vous avez suffisamment épluché le dossier pour connaître bien les affirmations, par
exemple, du Fonds monétaire international qui est d'avis que l'essentiel
de l'évitement et de l'évasion fiscale qui
contribue à l'effritement de l'assiette fiscale des États, c'est les grandes
corporations. Ce n'est pas les individus. Est-ce que vous êtes d'accord avec
ça?
M. Ryan (Paul) : Bien là, on sort...
Le Président (M. Bernier) :
Me Ryan. Allez-y.
M. Ryan (Paul) : Excusez. Alors, là, on sort justement dans une
autre catégorie de problèmes. Je penserais que l'évasion fiscale, c'est principalement des particuliers ou des
propriétaires de PME. L'évitement fiscal, je serais porté à croire aussi que c'est plus l'apanage des grandes
sociétés de ce monde que les petites entreprises à Saint-Georges de Beauce
avec 25 employés qui n'ont pas de vente à l'étranger.
Une voix : Canam Manac...
M. Ryan
(Paul) : Non, non, mais
je... Excusez, non, mais peut-être que je n'ai pas donné le bon exemple. Ce
n'est pas des entreprises qui vont être tentées de faire de l'évitement
fiscal ou qui ont la possibilité de le faire.
M. Khadir : Mais c'est
plusieurs dizaines, centaines de milliards, à l'échelle internationale, qui, suivant
les estimations, échappent à l'imposition.
M.
Ryan (Paul) : C'est ce qu'on
dit. Je n'ai pas fait d'étude économique, mais je n'ai pas de misère à le
croire.
M. Khadir : Très bien. Alors, à l'intérieur de
ces grandes entreprises qui sont actives en Suisse — on a vu un exemple, celui qui vous a précédé — il y a des gens qui seraient prêts à
divulguer de l'information mais craignent pour leur emploi, pour toutes sortes de choses. Est-ce que vous êtes d'accord
avec la proposition qui nous a été faite par votre prédécesseur, une loi
qui protège les sonneurs d'alarme? Est-ce que vous êtes d'accord avec cette
mesure?
Le Président (M. Bernier) :
Me Ryan.
M. Ryan
(Paul) : Bien, le concept de
sonneur d'alarme, là, ou de «whistleblower», pour employer l'expression internationale, bon, c'est sûr qu'au début quand
on parle de ça au Québec, ça donne des frissons dans le dos quand on entend parler de ça au point de départ. On pense
au film, là, comment ça s'appelait, La vie des autres, sur l'Allemagne
de l'Est puis tous les voisins qui se surveillaient les uns les autres, puis
tout ça.
Par contre,
il y a deux ans, le gouvernement fédéral a pris une initiative aussi. Alors,
eux autres, ils sont venus annoncer...
Ça tarde à se mettre en branle, par contre, cette initiative-là, là, on n'en
voit pas les effets. Alors, ils sont venus dire aux gens que, si tu dénonces une situation, pas avec de l'évasion
fiscale domestique mais avec de l'évasion fiscale internationale, on va
te payer une commission.
Est-ce qu'on
pourrait aller jusqu'à dire une protection? Bien, ça dépend parce que je vous
donne l'exemple de quelqu'un en
Suisse, comme, par exemple, le gars de la Banque HSBC qui a volé les fichiers
puis qui a dénoncé. Le Canada aurait
pu prendre un... Ce n'est même pas le Canada, premièrement, qui l'a rencontré,
c'est la France puis l'Allemagne. Après
ça, la France puis l'Allemagne disséminent cette information-là en la
partageant avec toutes sortes d'autres pays. Alors, quand même ce gars-là aurait pris un contrat avec la France puis
l'Allemagne, est-ce que ce contrat-là va aller jusqu'à le protéger avec le Canada, les États-Unis, etc.?
Je pense que, déjà, avec la rémunération, s'il a peur de perdre son emploi,
peut-être que la rémunération va être assez
élevée pour lui permettre de prendre une retraite dorée plus rapidement, puis
ça va solutionner le problème.
Donner une
protection, ça dépend de ce qu'on veut faire avec l'information. Si on veut
faire juste de la cotisation civile, on peut donner au Canada, au Québec, la
promesse que le nom de l'informateur puis... la source d'information ne sera
pas divulguée. Par contre, si on veut aller au criminel puis prendre des
poursuites criminelles, bien, avec les principes de divulgation de la
preuve qui astreignent la couronne à divulguer l'ensemble de la preuve dont
elle dispose, ça peut devenir plus difficile.
M. Khadir : Oui, mais, même ça, ça se... En
matière de sécurité nationale, il y a déjà des dispositions, et ça se
travaille.
M. Ryan (Paul) : Oui, il y a des
dispositions...
Le Président (M. Bernier) :
Merci, Me Ryan, de votre participation à cette commission parlementaire.
Je veux
remercier les groupes qui se sont présentés aujourd'hui, qui ont participé.
Merci aux collègues parlementaires qui
ont également travaillé sur cette commission. Merci au personnel de l'Assemblée
nationale qui nous assiste, merci au personnel
d'enregistrement, et je vais saluer les gens qui nous écoutent. On espère que
ça a été profitable et que vous avez appris des choses.
Donc, sans plus tarder, je lève la séance, et la
commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 44)