(Quinze heures sept minutes)
Le Président (M. Pelletier, Rimouski) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je
déclare la séance de la Commission des
finances publiques ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi
n° 18, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions
législatives.
Mme
la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M.
Chapadeau (Rouyn-Noranda—Témiscamingue) est remplacé par M. Trudel (Saint-Maurice); M. Therrien
(Sanguinet), par Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine); et M. Bachand
(Outremont), par Mme de Santis (Bourassa-Sauvé).
Le Président (M. Pelletier, Rimouski) : Alors, bienvenue tout le monde à
cette commission, M. le ministre et collègues parlementaires ainsi que tous les gens
qui accompagnent les parlementaires, aux membres de la commission, et je
vous souhaite à toutes et tous une bonne commission.
Remarques préliminaires
Nous débutons sans plus tarder avec les
remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez d'un maximum de 20 minutes pour vos remarques préliminaires. M.
le ministre, vous avez la parole.
M. Nicolas Marceau
M. Marceau : Oui, merci, M. le Président. Bien,
tout d'abord, je voudrais vous saluer, saluer Mme la secrétaire, saluer tous
les collègues qui sont présents. Alors, il y a avec nous les députés de
Saint-Maurice, des Îles-de-la-Madeleine, de Dubuc. Il y a aussi le
député de Viau, de Verdun, de Jean-Lesage, de Bourassa-Sauvé et le député de
Lévis. Alors, je vous salue tous et j'apprécie que vous soyez là pour ce
travail important que nous avons à accomplir aujourd'hui.
Je voudrais aussi vous présenter les
gens qui m'accompagnent, et ils sont nombreux, de Revenu Québec, donc Me René Martineau, Me Johanne Forget, M. Yves Trudel,
Me Claude Bolduc, Me Amélie Chaput, Me François Lagacé, Me Michel Cloutier et Me Marc Ladouceur, donc tous des gens qui
sont présents et qui ont contribué à la rédaction du projet de loi et puis qui, le cas échéant,
pourront répondre aux questions difficiles de l'opposition, puisque moi, je
me réserve les questions faciles. Et je suis aussi accompagné de membres de mon
cabinet, qui aussi m'appuient.
Alors, M. le Président, donc, je soumets à la
Commission des finances publiques pour l'étude détaillée le projet de loi
n° 18, intitulé Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres
dispositions législatives. Le projet de loi n° 18, dont nous allons faire l'étude, a été présenté le 21
février 2013 et a fait l'objet de l'adoption de principe le 19 mars 2013.
Aussi, M. le Président, le 9 avril 2013, la Commission des finances publiques a
procédé à des auditions publiques dans le cadre
de consultations particulières à l'égard de ce projet de loi. Et il convient de
souligner, M. le Président, que ce projet de loi donne suite
principalement au discours sur le budget du 20 mars 2012, qui, je vous le
rappelle, a été présenté par le précédent gouvernement. De plus, il donne suite
à certains bulletins d'information publiés en 2011 et en 2012.
Le projet de loi est volumineux. Il contient
238 articles, il modifie sept lois, dont la Loi sur les impôts et la Loi sur la taxe de
vente du Québec. Les légistes de Revenu Québec ont préparé deux documents afin
de faciliter l'étude du projet de
loi. Il s'agit de la liste des sujets, d'une part, et du recueil des notes
techniques détaillées, d'autre part. La liste des sujets est le document avec lequel nous vous proposons
l'étude du projet de loi. Ce document décrit les principaux sujets
contenus dans le projet de loi, chacun étant
résumé et accompagné d'une liste des dispositions législatives qui les dictent,
remplacent ou modifient.
Le deuxième document, soit le recueil des
notes techniques détaillées, comprend l'ensemble des dispositions du projet de loi n° 18, accompagnées des notes
explicatives et des références aux autorités. Il s'agit d'un document plus détaillé que la liste des sujets. Celui-ci est
présenté en support à l'analyse du projet de loi, advenant le cas où il
s'avérerait nécessaire d'y recourir.
Par souci d'efficacité et compte tenu de la
façon habituelle d'étudier un projet de loi de nature fiscale, je propose aux membres de cette commission de procéder à
l'étude du projet de loi n° 18 par sujet plutôt que par appel de chacun de
ses 238 articles.
Voilà.
Merci, M. le Président.
•
(15 h 10) •
Le Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci, M. le ministre. J'invite
maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière de Revenu et député de Viau
à faire ses remarques préliminaires pour, aussi, une période maximale de
20 minutes.
M. Emmanuel Dubourg
M. Dubourg : Merci, M. le Président. Donc, à mon tour, M. le Président,
de vous saluer, et de saluer aussi le ministre,
et aussi saluer tous les parlementaires et toutes les personnes qui accompagnent,
effectivement, le ministre, tant de
son cabinet, du ministère, les membres de la commission aussi, et dire que je
suis très heureux d'être ici pour cette étude du projet de loi
n° 18 pour étude article par article.
Tout d'abord, le
ministre l'a dit, effectivement, quand on étudie ce genre de projet de loi,
c'est tellement technique — on
le sait, M. le Président — aux finances publiques que sa
proposition, c'est qu'on étudie ce projet de
loi là par sujet. Il faut dire qu'il y a
effectivement un certain nombre de sujets dans ce projet de loi là, et des
sujets qui ont été déposés par mon collègue le député d'Outremont, et on
y retrouve un certain nombre de sujets, tels que les mesures pour favoriser le maintien des aînés à domicile,
des crédits d'impôt pour les nouveaux diplômés dans les régions
ressources, questions d'allégements fiscaux
pour le transport collectif intermunicipal, mesures relatives au tourisme,
crédits d'impôt pour la
diversification des marchés des entreprises manufacturières, crédits d'impôt
pour la formation de la main-d'oeuvre dans
les secteurs manufacturiers, forestiers et miniers, crédit d'impôt pour
l'investissement — je fais la nomenclature, M. le Président, parce que c'est important
aussi pour l'enregistrement, pour tout ça, pour dire de quoi est-ce que nous
allons parler — des mesures
relatives à la culture, d'imposition des fiducies non testamentaires,
harmonisation aussi à la législation fédérale.
Bref,
il y a plusieurs mesures techniques, mais il y a aussi la partie a de ce projet
de loi — enfin, quand on parle de sujet — qui
traite de communication de renseignements. Et spécialement, quand on entend
«communication de renseignements», il faut
penser au secret fiscal. Et, M. le Président, pourquoi le secret fiscal? Il
faut, dans la genèse, rappeler que le
ministre avait déposé, en décembre dernier, le projet de loi n° 5, où
est-ce qu'on retrouvait les articles qui concernaient la communication de renseignements. Et, à l'époque, dans
nos discussions, on avait demandé au ministre de reporter cette étude-là pour qu'on puisse avoir plus de temps pour faire
l'analyse, et, à ce moment-là, la Commission d'accès à l'information
nous avait présenté un avis, et je rappelle que, cet avis-là, je l'avais reçu
une demi-heure avant la commission. Et on
avait scindé ou enlevé cette partie-là dans le projet de loi n° 5,
qu'on a adopté, parce que c'étaient des mesures importantes aussi qui
étaient dans le projet de loi n° 5.
Donc,
voilà que le ministre dépose le projet de loi n° 18. Donc, outre les
éléments dont je viens de parler, il y a aussi
ces mêmes articles là qui se trouvaient dans le projet de loi n° 5.
Et nous avons demandé des consultations, et le 9 avril, bon, des groupes sont venus nous parler, en particulier la
Commission d'accès à l'information, qui a modifié un petit peu l'avis qu'elle nous avait donné. Et aussi on a
eu l'avis... on a eu les mémoires du Barreau du Québec, de l'Ordre des
comptables professionnels agréés du Québec ainsi que du Protecteur du citoyen.
Bon, ces deux derniers groupes là ne
s'étaient pas présentés ici, en commission, mais, par contre, nous avaient bien
soumis leurs mémoires, et nous avons été très contents de prendre connaissance, là, de leurs points de vue. Et, M. le
Président, c'est que le secret fiscal, dans ce qui est proposé, effectivement, dans le projet de
loi n° 18, nous, on trouvait effectivement qu'il y a un changement
important qui est proposé, effectivement, par le ministre, parce que, dans la
loi actuelle de l'administration fiscale, on nous parle d'infraction grave et
on a une définition très claire de ce qui est infraction grave. On nous dit que
cela désigne tout acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de cinq
ans ou plus ou toute autre infraction désignée par le Parlement, donc... et ça
continue pour nous dire qu'est-ce qui est considéré comme étant une
organisation criminelle.
Or,
dans ce qui est proposé, on n'y retrouve plus l'infraction grave. On parle
plutôt d'infraction criminelle et pénale et on garde toujours «sous l'autorisation d'un
juge». Les gens qui sont venus ici, spécialement le Barreau, nous ont
dit que c'est une brèche... Je ne me rappelle
pas si cet adjectif-là, ce qualificatif-là était là, mais moi, personnellement,
je vais dire : C'est une brèche importante au secret fiscal, et
qu'on ne devrait pas y aller dans ce sens-là parce qu'on sait que les gens, les contribuables, on se dit : À l'Agence
du revenu du Québec, c'est basé sur un système d'autocotisation. Les
gens trouvent donc tout à fait normal,
approprié de donner de l'information à Revenu Québec. Et on sait que Revenu
Québec a le pouvoir aussi de contraindre certaines personnes et même d'aller
dans les résidences privées, de rentrer dans la vie privée des contribuables.
Et, à ce titre, Revenu
Québec dispose, pour sa loi, pour faire le travail, bon, de beaucoup
d'informations. On comprend effectivement la
préoccupation à l'effet que, s'il y a des crimes qui sont causés, ou crimes
économiques, ou bien s'il y a des
individus ou des groupes qui sont en train de frauder l'État, il faut qu'on
donne les moyens nécessaires pour poursuivre ces personnes-là, pour
faire en sorte que ces fraudes-là cessent. Ça, c'est extrêmement important.
Mais l'élément majeur, dans ce projet de loi là, c'est qu'on nous dit qu'il
faut absolument garder l'équilibre entre le besoin de l'État d'avoir des
renseignements et aussi le respect des renseignements personnels. Cet
équilibre-là est extrêmement important. Et moi, j'ai eu à dire aussi, M. le
Président, que, oui, il existe des échanges d'information, il y a des informations qui sont prévues dans la loi,
à un certain nombre de ministères ou d'organismes, qui sont prévues. Et
c'est clairement identifié dans la loi à quel organisme, que ce soit au
ministère des Finances, que ce soit Régie de l'assurance maladie du Québec. Il
y en a un tas, il y en a beaucoup.
Or, dans ce qui est
proposé, on nous dit qu'on veut transmettre à tout ministère et à tout
organisme public des informations de Revenu
Québec, de l'Agence du revenu du Québec. Donc, cet élément-là est donc très
important, il faut considérer. Et, en
terminant, M. le Président, je dois dire que le Barreau, de par son statut, le
Barreau est venu nous faire part d'un
certain nombre d'éléments. Et je pense que, dans le verbatim, dans ce qu'on a
sur le site de l'Assemblée nationale, c'est
très, très, très clair pour dire que… Voilà c'est quoi, la position du Barreau
du Québec, qui conclut son mémoire en disant : «…la nouvelle
disposition devrait être mieux ciblée afin d'atteindre un juste équilibre entre
l'objectif de cet amendement et les
conséquences potentiellement néfastes d'une nouvelle brèche significative au
principe fondamental du secret fiscal qui constitue l'un des piliers de
notre système d'imposition.»
Voici donc la conclusion qu'on
retrouve dans le mémoire déposé par le Barreau du Québec. Le mémoire de l'Ordre des comptables
agréés du Québec, dois-je rappeler qu'il y a 11 pages à
ce mémoire, et je peux dire que ça va dans le même
sens, je dirais, que le Barreau. Mais l'ordre est venu rajouter un caractère
économique qu'on devrait tenir compte. On
parle de crime économique qu'on devrait tenir compte dans ces éléments-là.
Donc,
M. le Président, voilà, ma position a toujours été très claire et elle demeure
la même, à l'effet qu'on souhaite bonifier le
projet de loi, on veut que ça soit balisé et on dit qu'il faut absolument faire
preuve de prudence dans ce contexte-là. Et
nous voilà maintenant dans une situation où est-ce qu'on peut discuter de ces
éléments-là de façon à avoir les balises
nécessaires quant aux pouvoirs qu'on veut donner de plus. Donc, encore une
fois, c'est que, dans tout ceci, quand on parle de préserver l'équilibre
entre la protection des renseignements et le besoin de l'État, c'est qu'il y a
deux droits fondamentaux de la charte qui
sont visés et qu'il faut absolument qu'on trouve un équilibre. On parle de
droit à la vie privée et on parle aussi de droit à l'information. Donc,
il y a un impact important, le fait de changer d'infraction grave à infraction
criminelle et pénale et qu'il faut nécessairement définir.
Donc, M. le Président, en terminant, mes préoccupations
sont les suivantes, à l'effet que l'usage que les organismes publics et les ministères vont en faire, on parle aussi de
la conservation de ces renseignements-là, de la protection, de destruction de ces renseignements-là. Donc, en ce
sens, je crois que nous sommes prêts à travailler avec le ministre, avec
les légistes, les gens qui l'accompagnent de façon à ce qu'on puisse arriver à
trouver le meilleur équilibre possible plutôt que
de laisser strictement entre les mains du juge de décider du sort de ces
renseignements-là. Voilà, M. le Président. Donc, je suis prêt à passer à
l'étude du projet de loi.
• (15 h 20) •
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci, M. le député de Lévis... M. le député de Viau. Je
cède la parole maintenant à M. le député de
Lévis pour ses remarques préliminaires d'un maximum de 20 minutes.
Une voix : …
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : On va revenir.
M. Christian Dubé
M.
Dubé : Alors,
merci, M. le Président. Je pense que… premièrement, de saluer tout le monde. Je
ne le ferai pas de façon nominative, comme on
dit au salon bleu, alors merci, tout le monde, d'être là.
Peut-être juste rappeler un point que je trouve important
et faire le lien avec une autre commission
parlementaire. En fait, je pense que l'essentiel de la discussion, même si on
la fait par sujet, va être sur un sujet qui est la fameuse communication de renseignements personnels. Je
pense que c'est là qu'il y a un débat à avoir puis j'avais bien salué le
ministre, la dernière fois, de le sortir du projet de loi qu'on avait discuté.
Moi
aussi, je me rappelle… puis je ne veux pas reprendre tous les éléments du
collègue de Viau, mais, moi aussi, je me serais attendu d'un commentaire comme du
Barreau notamment, qui parlait d'une... de mieux cibler… Puis je
reposerai la question quand ça sera le bon
moment. C'est de dire : Il y avait deux genres d'étendue qu'on pouvait
restreindre. Et la question, je me souviens avoir posé la question,
c'était de dire : Est-ce que vous suggérez qu'on réduise l'étendue des crimes ou l'étendue du nombre de personnes à
qui on devrait communiquer l'information? Vous vous souvenez. Puis il avait dit : Bien, plus vous allez être
capables de réduire cette étendue-là sans vous restreindre dans vos
objectifs… on se sentirait plus confortables.
Moi, je voudrais juste faire le lien pour le ministre,
pour comprendre. Peut-être que je me serais attendu, peut-être que j'avais mal
compris, mais qu'on allait avoir peut-être des propositions sur la façon de
restreindre. On verra qu'est-ce qui va nous
être recommandé, parce que c'est sûr que ce n'est pas facile, mais on sait que,
plus on restreint, plus on risque de bien respecter l'objectif de protection,
mais, en même temps, il ne faut pas protéger le crime.
Le
lien que je fais avec une autre commission parlementaire, puis je vais terminer
là-dessus... J'ai la chance, en ce moment, de participer à la commission
parlementaire sur la Commission d'accès à l'information, et, on le voit…
Puis le ministre, en ce moment, a beaucoup
d'ouverture à regarder, si vous permettez, M. le ministre des Finances, à voir
que ce n'est pas uniquement la Commission
d'accès à l'information qu'on est en train de discuter, mais on est en train de
regarder le type d'information. Et le type d'information, ce qui est
intéressant, c'est qu'on est en train de dire : Il y a peut-être trois
grandes catégories d'informations. Il y a des informations personnelles, il y a
des informations qui sont de nature, on va
dire, stratégique et il y a des informations de gestion. Les informations de
gestion, de plus en plus, il y a un consensus
qu'elles ne devraient même pas passer par la commission d'information parce que
c'est de naturepublique. Les informations
personnelles ne devraient pas y aller du tout, c'est-à-dire que ce serait le
genre d'information qui devrait être
le plus sécurisé. Puis, entre les deux, les stratégiques, bien là, on fera des
demandes pertinentes pour expliquer le danger ou pas de les partager.
Ce qui m'inquiète, et c'est là que, si on s'en va dans
cette direction-là avec la Commission d'accès à
l'information en disant : Il y a une catégorie d'informations qu'il ne
faut vraiment pas partager, qui sont les informations de nature personnelle, si
c'est là qu'on s'en va comme principe, bien, il faut encore plus faire
attention ici d'en tenir compte.
Et
c'est pour ça, moi, que je terminerais mon point. Je l'ai dit et je vais le
redire au ministre, M. le Président : On
comprend que l'objectif, c'est d'aller chercher les crimes, puis il faut se
donner des outils. Mais il faut faire attention aussi à respecter cet équilibre-là dans l'étendue. Et, quand ce sera le
temps de discuter des propositions qui peuvent être faites, moi, je
pense qu'on sera très ouverts, mais je veux qu'on tienne compte de cette
documentation-là qu'on est en train de changer du côté de l'accès à
l'information dans un autre projet de loi. Merci beaucoup.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres
parlementaires qui voudraient faire des remarques préliminaires? Mme la députée
de Bourassa-Sauvé.
Mme Rita de Santis
Mme
de Santis : Merci beaucoup, M. le
Président. J'aimerais rappeler la décision de la Cour suprême dans Slattery. Et leur décision : «Il convient, au
départ, de souligner que le régime fiscal canadien a été et est toujours
fondé sur un principe d'autocotisation et d'autodéclaration. La confidentialité
des renseignements relatifs au contribuable a toujours constitué un élément
important de notre système de perception de l'impôt.» Au Québec, c'est
exactement ce principe qui a toujours été appliqué.
Je
suis tout à fait d'accord avec la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse, qui a prononcé, en 2001, dans son mémoire à la
Commission des finances publiques — c'était le projet de
loi n° 14, Loi modifiant la Loi sur le
ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relatives à la
protection des renseignements confidentiels — lors de l'adoption des articles 69.0.0.12 et suivants de
la Loi sur l'administration fiscale, que, je
cite : «…le recours au décloisonnement de l'administration publique en
matière de protection des renseignements personnels doit demeurer une mesure d'exception, et le respect de la
confidentialité des renseignements personnels, le réflexe de tout
organisme public. Lorsqu'une […] mesure d'exception est envisagée par un
organisme public, […]un contrôle institutionnel préalable est essentiel pour
permettre une évaluation de l'impact social et surtout de la nécessité des échanges de renseignements entre organismes
publics. Le droit au respect de la vie privée et le droit à l'information
garantis par la Charte des droits et
libertés de la personne et principalement mis en oeuvre par les deux lois sur
la protection des renseignements personnels, trois lois qui prévalant
sur l'ensemble de la législation québécoise ont ainsi un caractère quasi
constitutionnel, commandent une approche circonspecte et une intervention
marquée par la retenue lorsqu'on veut en limiter l'exercice.»
C'est donc impératif qu'il y ait lieu...
Donc, la protection des renseignements personnels est définie comme le droit fondamental
des personnes d'exercer un contrôle sur la collecte, l'utilisation et la
divulgation des renseignements les concernant,
la sécurité en corrélation avec la protection des renseignements personnels et
le processus visant à évaluer les menaces et les risques qui courent,
les renseignements et à prendre les mesures nécessaires pour protéger ceux-ci.
La Déclaration universelle des droits
de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies consacrent la protection des
renseignements personnels en tant que droit fondamental de la personne où que la valeur se trouvant au coeur même de la
protection de la dignité humaine et de l'autonomie, au même titre que la
Charte des droits et libertés de la
personne... Pour la plupart des Québécois et Québécoises, la protection des
renseignements personnels renvoie à une
question de contrôle, le droit de pouvoir contrôler les renseignements
personnels les concernant.
•
(15 h 30) •
La possibilité, pour un organisme
public, d'obtenir des renseignements personnels d'un autre organisme public ne peut se faire
sans contrôle. Il faut donner des balises au juge qui va déterminer si, oui ou
non, les renseignements peuvent être transférés à un autre organisme
public ou à un ministère.
La Commission d'accès à l'information a fait
sa recommandation n° 40 dans son rapport quinquennal, que nous sommes en train
d'étudier maintenant à la Commission sur les institutions, et cette
recommandation est que la commission demande
que le concept d'étanchéité des fichiers détenus par un organisme public soit
clairement reconnu dans la loi sur l'accès, qui est le contraire de ce
qu'on essaie de faire maintenant.
L'un
des principes qui sous-tendent la loi sur l'accès est celui du cloisonnement ou
de l'étanchéité des organismes publics. L'administration publique ne doit pas
être considérée comme une institution monolithique, mais comme un regroupement
d'organismes distincts dont chacun est, en principe, limité à ses propres
sources légales de renseignements. Les
citoyens peuvent ainsi légitimement s'attendre à ce qu'un renseignement
personnel transmis à un organisme
public à une fin bien précise ne circule pas ensuite librement dans l'ensemble
de l'administration publique. Depuis
quelques années, on constate cependant une lente érosion de ce principe, et ce
projet de loi a fait preuve de cela.
Je vous rappelle que, d'après l'article… Même
si la loi sur l'accès à l'information concerne les individus… et on peut parler plus tard des entités corporatives,
etc., mais l'article 53 de la loi dit que les renseignements personnels sont confidentiels et il dit que ça reste
confidentiel à moins que la personne que ça touche ne donne son
consentement. Il y a des exceptions qui sont prévues dans la loi même, mais ce
n'est rien comme ce qui est devant nous en étude.
Et, quand la personne... Voyons un moment,
quand la personne donne ses renseignements au fisc, au ministère du Revenu,
pour son dossier fiscal… lui, il s'attend à ce que ces renseignements-là soient
utilisés pour une fin, et cette fin, c'est pour déterminer combien
d'impôt ou combien de taxe la personne doit payer. Maintenant, si ça va être
utilisé pour une autre fin, il faut qu'il y ait des raisons valables pour le
permettre.
On est tout à fait d'accord qu'il faut
s'assurer que des crimes et des infractions pénales importantes ne soient pas commis et que
quelqu'un peut se cacher derrière : C'est un renseignement seulement au
ministère du Revenu, donc vous n'avez
pas accès. On est d'accord qu'on doit essayer d'éviter que des crimes soient
commis ou que des infractions pénales importantes
soient commises, mais il faut s'assurer aussi qu'on n'utilise pas les
renseignements qui sont dans un dossier fiscal pour... dans une situation comme la suivante : disons, pour
le moment, que je suis quelqu'un qui
porte un carré rouge et je me présente très souvent dans des manifestations, des
manifestations qui, à un moment donné, vont être déclarées illégales, je ne voudrais pas — et
j'imagine que ça ne devrait jamais être permis — que
quelqu'un aille regarder dans mon dossier
fiscal pour m'empêcher de marcher dans une manifestation.
De
la façon que vous présentez la modification à la loi aujourd'hui, allant d'«offense
grave» à «tout crime et offense pénale», ça permettrait à quelqu'un d'aller
devant un juge et essayer de justifier que les renseignements dans mon dossier
fiscal pourraient être utilisés contre moi. Je ne trouve pas ça du tout
acceptable. Ça, c'est peut-être...
Bien, je veux qu'on réfléchisse là-dessus. Il
faut donner au juge des balises sur lesquelles il peut baser son jugement. Il faut lui dire... Et d'abord, même
dans le mémoire qui a été préparé par la Commission d'accès àl'information, ils font référence au fait qu'eux,
ils croyaient, à un moment donné, c'était seulement contre des
infractions économiques. Mais on va au-delà
de ça dans la proposition. Alors, je demande vraiment qu'on réfléchisse
là-dessus. Le secret fiscal, c'est à la base de notre droit.
Il faut aussi réfléchir à une autre chose que
le Barreau a apportée devant cette commission. Le Barreau nous a dit que, si on ne met pas les balises qui sont
nécessaires, il y aura une attaque basée sur la constitutionnalité d'une telle disposition. Rappelons-nous qu'il y a des articles
dans la charte des droits canadienne, la charte des libertés de la
personne canadienne… c'est l'article 5… l'article 8 sur lequel les
gens peuvent se baser pour aller devant une cour et attaquer la
constitutionnalité de la disposition qui est devant nous. On doit rédiger une
clause qui sera acceptable sur la base constitutionnelle et aussi qui sera
acceptable à tous les Québécois et Québécoises. Merci.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Merci, Mme la députée. M. le député de Verdun, j'imagine, des remarques
préliminaires aussi?
M. Henri-François Gautrin
M.
Gautrin : Bien sûr, M. le Président.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Vous avez la parole, M. le député de Verdun.
M.
Gautrin : Je vous remercie et je vais
m'adresser plus spécifiquement à mon collègue qui est député de Rousseau et
ministre, à l'heure actuelle.
Je pense qu'il y a... Vous avez proposé de
procéder par bloc, à l'heure actuelle, ce qui, en général, est la manière dont on
fonctionne dans ce type de loi. Mais vous comprenez bien qu'au départ les
articles 1, 2 et 3 sont des articles qui posent problème pour nous et sur lesquels on ne peut pas procéder par
bloc, vous comprenez, M. le Président, puisqu'on remet en quelque sorte toute la question de l'équilibre fiscal. Alors,
je ne sais pas comment on peut accepter de proposer... Vous comprenez
bien, M. le Président, qu'à l'heure actuelle, pour procéder par bloc, il faut y
aller avec l'accord de l'ensemble des parlementaires. Alors, je ne donnerai pas
mon accord, actuellement, pour que nous procédions par bloc. Je vous préviens
tout de suite, tant que... et je vais vous expliquer pourquoi : parce qu'à
l'heure actuelle on a un problème sur les articles 1,
2 et 3, sur lesquels nous avons besoin d'en discuter article par article, et
ensuite on va... Et je vais vous
dire, si on commence article par article, on va s'éterniser lentement dans
cette commission, au fur et à mesure… simplement le fait de lire
l'article et d'essayer de le comprendre. Et je pourrais... J'ai déjà fait, dans
le passé, M. le Président, à l'époque où on
était dans l'opposition… simplement lire un article comme ça, pris au hasard,
et faire 20 minutes sur un article, et demander, à ce moment-là,
des explications. Donc, c'est...
Je ne voudrais pas bloquer, à l'heure
actuelle, mais je voudrais quand même qu'on comprenne. Il y a, actuellement, un
problème. Est-ce qu'il y a, de la part des ministériels, une ouverture quant à
la rédaction même de l'article 1? Et, s'il y a une ouverture quant à la rédaction de l'article 1, on va
pouvoir régler cette question. Quand on aura réglé 1, 2, 3, moi, je n'ai
pas de problème de passer par bloc puis même d'adopter ça... Écoutez, c'est le
budget, quoi, il ne faut quand même pas...
on n'est quand même pas stupides. Je vous signale tout de suite que, comme
d'habitude — vous le savez bien, M. le Président,
vous l'avez fait vous-même quand vous siégiez dans l'opposition — ça va être adopté sur division, etc., sans difficulté.
Mais
là, à l'heure actuelle, il faut que vous soyez conscients. La rédaction que
vous faites, actuellement, de l'article 1,
qui modifie l'article 69… Et pour tous ceux qui connaissent la Loi sur
l'administration fiscale, l'article 69 est central, est central. Et combien de fois j'ai vu la sous-ministre arguer
de l'article 69 pour, justement, ne pas transmettre de renseignements? J'ai été responsable, dans
d'autres... à l'époque, si vous voulez, du déploiement du gouvernement
en ligne et j'aurais bien voulu qu'il y ait
plus de flexibilité, à l'époque, sur l'article 69 pour permettre... au
moment où je cherchais à établir un fichier, et la difficulté qu'on a
eue dans le déploiement de clicSEQUR, si vous voulez savoir, à cause des balises qu'il y avait dans
l'article 69… Mais je ne voudrais pas revenir sur le passé. Mais là, à
l'heure actuelle, vous étendez
considérablement la portée de l'article 69, M. le Président, et je dois
dire qu'on a un blocage de part et d'autre.
•
(15 h 40) •
On va faire notre travail de députés
d'opposition, si vous voulez, et on est capables de parler, d'amender, etc., mais je ne crois pas que ce soit utile pour les
parlementaires de cette commission de prendre chacun des articles ici et de le faire article par article parce qu'on a un
problème avec trois articles : 1, 2, 3. Il ne faut pas qu'on... On n'est
pas en train... Et même,
essentiellement, si vous me permettez, M. le ministre… que c'est l'extension,
la trop grande extension que vous donnez actuellement à la portée de
l'article 69, c'est-à-dire c'est l'article 69 dans la Loi sur
l'administration fiscale, c'est celui qui protège... et il y a le code ici, là,
69.0.1...
Alors, moi, je ne sais pas si on ne pourrait
pas suspendre deux minutes les travaux — non? — ou voir
comment on peut fonctionner, parce que, là, on est dans un... Moi, je suis
prêt, M. le Président, à fonctionner article par article jusqu'à l'article 234, sans difficulté. On va
le prendre. Peut-être à Noël prochain, on aura sorti cet… Mais vous
comprenez bien la volonté qu'on a. On ne
veut pas bloquer ce projet de loi, on ne veut pas, mais on veut,
actuellement... on ne peut pas, comme
parlementaires, à l'heure actuelle, accepter la portée qu'il y a, actuellement,
dans l'article 1 du projet de loi, et vous connaissez — parce que vous avez déjà été un
parlementaire de l'opposition, M. le Président — toute
la latitude qu'il peut y avoir pour un
parlementaire de l'opposition lorsqu'il n'aime pas un article.
Alors, je voudrais
savoir quelle est la réaction du ministre à cette question-là.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski) : Merci, M. le député. Juste vous
signaler, en passant, que les articles 1,
2, 3 sont dans le même bloc, le bloc 1, puis ils ne sont pas ailleurs.
Mais, M. le ministre, je pense que vous pouvez répondre à M. le député.
M. Marceau : Oui. Merci, M. le Président. Moi, je n'ai évidemment
aucune objection à ce que nous fassions l'étude,
dans le bloc 1, des articles un par un, là, donc article par article, 1,
2, 3, puis on peut réserver notre jugement pour la suite des choses, une
fois qu'on aura terminé cette section-là. Commençons article par article. Une
fois qu'on...
M. Gautrin : Commençons article par article.
M. Marceau : C'est ça, puis...
M.
Gautrin : Et, si
on arrive à avoir un consensus sur la portée des articles 1, 2, 3, il est
clair que, de notre côté, il n'y aura pas de difficulté, d'après le reste, là.
Mais vous comprenez bien, M. le Président, que notre objection, en
quelque sorte, se limite réellement à la portée, réellement, des modifications
que vous apportez à la Loi de l'administration fiscale, sur l'article 69.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Merci, M. le
député. Alors...
M. Marceau : M. le Président.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Bien, en fait, je veux juste demander... On est rendus
article par article, mais je veux juste
demander un consentement pour y aller...
M. Marceau : J'ai une question pour vous, là.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Oui, d'accord,
allez-y.
M. Marceau : Je veux juste être au clair. Donc, on peut commencer
article par article et, après avoir adopté, possiblement modifié, trois
articles, on peut par la suite passer à un mode par sujet. Ça se fait, ça?
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Avec
consentement, oui.
M. Marceau : Avec consentement de tous les… Bon, parfait.
M.
Gautrin : M. le Président, je dois confirmer que, si on arrive
à une rédaction qui satisfasse l'opposition
quant à la rédaction des articles 1, 2
et 3, il n'y a pas d'objection après pour passer bloc par bloc et de rapidement
pouvoir adopter ce projet de loi
de... Mais vous comprenez bien, M. le Président, qu'il y a pour nous un élément
important, actuellement.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Merci, M. le
député. Alors, je vous remercie pour les remarques préliminaires.
Étude détaillée
Et
puis, s'il n'y a pas de motion préliminaire, nous allons débuter l'étude
article par article. M. le ministre, article 1.
M.
Marceau : Si
vous permettez, avant que nous ne commencions, il est d'usage de déposer les amendements pour l'ensemble de l'article. Donc, j'ai toute
une série d'amendements techniques que je veux que vous...
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : On va arrêter
une minute ou deux pour distribuer les amendements.
M. Marceau : C'est pour information, pour que vous sachiez...
(Suspension de la séance à
15 h 43)
(Reprise à 15 h 44)
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) : Alors, nous reprenons nos travaux et nous en sommes à
l'étude article par article. M. le ministre,
je vous cède la parole sur l'article 1.
M. Marceau : Oui. Merci, M. le Président. Lorsque nous nous sommes
laissés à la fin des consultations
particulières, j'avais dit que, de notre côté, nous allions examiner la
possibilité de restreindre l'univers des infractions ou l'univers des personnes auxquelles les renseignements
peuvent être communiqués dans l'article 1 du projet de loi, et nous avons fait
cette réflexion. Je voudrais que ça soit bien clair pour tout le monde, on a
fait cette réflexion. Je continue de préférer le libellé tel qu'il se
trouve présentement dans le projet de loi. Je continue de préférer cela. Cela
étant, je suis bien conscient qu'il va falloir que nous nous entendions, mais
laissez-moi quand même tenter de vous reconvaincre, s'il vous plaît.
Alors, je vais prendre
le temps — et je pense que
c'est utile pour tous, là — de relire
l'article 1. Enfin, à l'article 1, ce qu'on dit, c'est qu'on remplace
le premier alinéa de 69.0.0.12 par le suivant, alors :
«69.0.0.12.
Sous réserve des autres exceptions prévues par la présente section, un employé
de l'agence autorisé par règlement peut, sans
le consentement de la personne concernée, communiquer à un membre d'un corps de
police, à un ministère ou à un organisme
public chargé de l'application d'une loi, un renseignement contenu dans un
dossier fiscal avec l'autorisation d'un juge de la Cour du Québec qui,
sur la foi d'une déclaration faite par écrit et sous serment, est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de
croire que ce renseignement peut servir à prévenir ou à réprimer une
infraction criminelle ou pénale, autre qu'une infraction criminelle ou pénale
prévue à l'article 69.0.0.16, commise ou sur le point d'être commise par
une personne.»
Alors,
ça, c'est le libellé tel que nous aimerions qu'il se lise dorénavant. J'ai
plusieurs choses à dire. La première, c'est qu'il y a un contexte, là. J'ai entendu la
députée de Bourassa-Sauvé nous parler de Slattery, puis, bon, d'un
certain nombre de concepts, mais je voudrais
qu'il soit bien clair que le contexte dans lequel la transmission de
renseignements pourrait se faire, en vertu de 69.0.0.12 tel que nouvellement
libellé, ce contexte en est un où on pense qu'il y a un crime qui va être
commis ou une infraction. Dans le cas de la transmission d'informations entre
différentes parties du gouvernement, dans un
contexte où on fait ces échanges-là pour des raisons purement administratives,
moi, je comprends qu'il y a des restrictions très, très importantes,
mais, dans un contexte où un crime, une infraction criminelle ou une infraction
pénale pourrait être commis, je pense que le fait d'étendre est raisonnable.
Par
ailleurs, il y a des balises quand même, là. Je le rappelle, il y a des
balises. L'une d'entre elles est que
dorénavant, pour que cela se fasse, le renseignement contenu dans un dossier
fiscal ne sera transmis qu'avec l'autorisation
d'un juge de la Cour du Québec qui, sur la foi d'une déclaration faite par
écrit et sous serment, est convaincu qu'il existe des motifs
raisonnables. Ce n'est pas rien, là, c'est quand même une balise importante.
Deuxième balise, qui
est déjà présente dans l'alinéa deux... Enfin, je vais vous lire les alinéas
deux et trois de 69.0.0.12 parce qu'ils sont quand même pertinents eux
aussi : «Une demande d'autorisation présentée en vertu du présent article est confidentielle ainsi que le
dossier ayant trait à l'audience. Le greffier de la Cour du Québec prend
les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité du dossier relatif à
cette demande d'autorisation ainsi que des renseignements qui y sont relatifs.»
Alors, il y a une deuxième balise, là.
Troisièmement :
«Le juge saisi de la demande d'autorisation l'entend ex parte et à huis clos.
Il peut rendre toute ordonnance qu'il estime
indiquée pour assurer la confidentialité de la demande et des renseignements
sur lesquels porte l'audience. Le dossier est ensuite placé sous scellé et
gardé dans un lieu interdit au public.»
Donc,
autres balises, qui ne sont quand même pas sans mordant, là. Ce sont des
balises importantes. Et je vais prendre la
liberté de relire 69.0.0.13. Je vais le relire tel qu'il est modifié
maintenant, mais je pense que ça vaut la peine que nous le lisions puisqu'il
est quand même important :
«69.0.0.13.
Tout renseignement contenu dans un dossier fiscal communiqué à un corps de
police, à un ministère ou à un organisme
public conformément à l'un des articles 69.0.0.12 et 69.0.2 ne peut être
utilisé ou communiqué à un membre d'un autre
corps de police, au Procureur général ou au Directeur des poursuites
criminelles et pénales — je m'excuse, je
n'ai pas... — ne peut être utilisé ou communiqué à un membre d'un autre corps de
police, au Procureur général ou au Directeur
des poursuites criminelles et pénales que pour les fins — et là j'insiste, c'est moi qui insiste, que pour les
fins — pour lesquelles il a été obtenu [et]
que dans le cadre d'une procédure ou d'une instance ayant trait à ces fins.»
• (15 h 50) •
Alors,
il y a quand même déjà de prévu, dans 69.0.0.12, dans 69.0.0.13, des balises
fort importantes. Et je rappelle que le contexte en est un dans lequel on a des
raisons de croire qu'un crime pourrait être commis. Et je vous demande
quand même, là, de réfléchir au fait que le secret fiscal a déjà été ouvert par
l'ancien gouvernement, par le gouvernement qui nous a précédés en 2011, lorsque
le projet de loi n° 15 a été adopté — le projet de loi
n° 15 est celui qui créait l'UPAC — et puis aussi en 2012 avec le projet de loi n° 75
dans le cadre de la création de la commission Charbonneau. Alors, ce n'est pas
quelque chose qui est sans précédent, là, c'est quelque chose... ça s'est passé
récemment sous votre gouverne et non pas sous la nôtre.
Et, encore une fois,
il s'agissait d'un monde dans lequel on se disait : Bien sûr, la confiance
du public est importante, bien sûr, notre façon de fonctionner à l'impôt, c'est
un régime d'autocotisation, cela repose sur la confiance. Bien sûr, cela est
vrai, mais je vous réitère ce que je vous ai dit la dernière fois que nous nous
sommes rencontrés : La confiance du
public, oui, elle repose sur le secret fiscal, mais, oui, elle repose aussi sur
l'assurance que nous combattons le crime de la façon la plus efficace
possible, que nous combattons les infractions de la façon la plus efficace possible. Et ce que nous proposons, dans
un cadre très balisé, très restreint, c'est de nous assurer que, lorsque
Revenu Québec a des informations, elle puisse les transmettre pour éviter que
des infractions soient commises.
Alors, voilà, c'est ce
que je voulais vous dire, essentiellement, pour l'instant.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le député
de Verdun.
M. Gautrin : Merci. Moi, je voudrais quand même...
Je comprends ce que nous avez dit, M. le ministre, mais moi, j'ai besoin de comprendre pourquoi vous faites
les changements. Parce que ce que vous venez
de nous rappeler, c'est des choses qui existent en partie
dans la loi, qui existent déjà dans la loi, donc je ne conteste pas ce
qui est dans la loi. Mais il y a un changement dans lequel vous avez glissé, ce
qui est dans la loi, d'«infraction grave»,
et il y avait un élément qui définissait «infraction grave», et vous êtes tombé
maintenant sur «infraction criminelle ou pénale». Donc, ce que je veux
comprendre de votre part, c'est pourquoi... Parce que vous ne changez pas ce
que vous avez rappelé pour les balises, ça, c'est les balises qui existent déjà
dans la loi. Donc, on n'est pas en train d'en discuter,
de ces questions-là, ça existe dans la loi, vous ne changez rien. Mais ce que
vous... Moi, ce que j'aimerais savoir, c'est
qu'est-ce que... pourquoi vous changez ces choses-là? Donc, vous passez du
concept d'«infraction grave», à l'heure actuelle, à un concept qui est
«infraction criminelle ou pénale». Et là vous ne m'expliquez pas du tout
pourquoi vous passez... Vous êtes en train de me dire : La loi existait
déjà. Puis je connaissais... Vous la connaissez, M. le Président, beaucoup mieux que moi, je suis sûr, la loi
fiscale, mais là vous la modifiez. Et ce qui m'importe, c'est de
comprendre exactement les choses sur lesquelles vous modifiez la loi, pourquoi
vous modifiez ça, c'est-à-dire pourquoi vous étendez
le concept d'un concept d'«infraction grave» à un concept «infraction
criminelle ou pénale», etc. Parce que le reste que vous m'avez cité, ça
existe déjà dans la loi ou presque.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le ministre.
M. Marceau : Bien, la réponse, c'est qu'évidemment
il est arrivé des circonstances récemment, dans les dernières années… puis
je pourrais vous donner des exemples, là, mais il est arrivé des cas, des situations
où on s'est rendu compte que nous ne pouvions pas transmettre des
informations aux différents organismes et ministères. Et il y avait des conséquences importantes pour... Il y avait des
crimes, donc, qui étaient... Là, la restriction actuelle, c'est : il faut
que ça soit un crime grave et il faut
que ça implique le crime organisé. Ça, ce sont les deux restrictions. Nous, on
veut étendre. On veut faire
disparaître la notion de crime organisé, premier élément d'élargissement.
Deuxième élément d'élargissement, on veut que le... on veut assujettir,
si vous voulez, à cette possibilité de transfert d'information et les crimes et
les infractions pénales.
Une
voix : Il y a des exemples à la
page 4.
M.
Marceau : À la page 4, c'est ça.
Si vous avez le document...
M.
Gautrin : ...
M.
Marceau : Est-ce qu'on peut donner,
peut-être, au député de Verdun...
Des
voix : …
M. Marceau : O.K., parfait. À la page 4, M.
le député, page 4... Si vous voulez, écoutez, je vais le lire pour le bénéfice de ceux qui
nous écoutent et qui ne nous voient pas mais qui nous écoutent. Alors, je vais
lire... Parce qu'il y a des exemples.
Alors, à la page 4, la colonne de droite, vous avez une section qui
s'appelle «modifications proposées». Écoutez, je vais vous le lire. En
fait, je vais vous lire au complet «modifications proposées», je pense, ça va
être utile pour tous : «Le premier alinéa de l'article 69.0.0.12 de la Loi sur
l'administration fiscale est modifié afin de
permettre la communication d'un renseignement
contenu dans un dossier fiscal, avec l'autorisation d'un juge, non seulement à
un corps de police, mais également à
un ministère ou à un organisme public lorsque le juge est convaincu qu'il
existe des motifs raisonnables de croire que la personne concernée par
le renseignement a commis ou est sur le point de commettre une infraction
criminelle ou pénale autre qu'une infraction prévue...» Bon. Je continue :
«De plus, la restriction aux infractions
graves passibles d'un emprisonnement de cinq ans et plus ayant un lien avec les
organisations criminelles afin de permettre
la communication des renseignements qui concernent l'ensemble des infractions
criminelles et pénales, et plus particulièrement
les plus courantes en matière de crimes économiques commis envers l'État, est
retirée.» O.K. Donc, c'est ce que je
vous expliquais. «Ainsi, des renseignements relatifs aux infractions graves
pourront encore être communiqués, mais
ne seront pas limités à ces derniers. Des renseignements concernant d'autres infractions
pourront être communiqués.
«Relativement
aux ministères et aux organismes publics, il pourrait s'agir, par exemple, de
la violation de différentes législations dans le cas de fraudes en réseau
impliquant des pertes de plusieurs ministères ou organismes par des personnes non résidentes qui ont demandé
le statut de résident permanent en faisant croire, à l'aide de
complices, qu'ils vivent au Québec et
exercent des activités quotidiennes alors qu'ils demeurent toujours dans leur
pays d'origine, tout en bénéficiant de programmes québécois, assurance
maladie, par exemple, et en soutirant frauduleusement des sommes d'argent à l'État, prestations pour
enfants, remboursements d'impôt, etc.» Ça, c'est un exemple parmi
plusieurs. J'en ai toute une liste, là. Mais ça, c'est un exemple de situation.
Donc, c'est le type d'exemple... Mais j'en ai toute une liste pour vous.
Alors,
la question, c'est : Est-ce que... Nous, on croit que c'est raisonnable de
ne pas permettre à des gens de poursuivre leurs activités... les infractions
qu'elles s'apprêtent à commettre et le transmettre dans ces contextes-là. Alors
là, c'est un jugement que vous devez... Moi, le jugement que je porte, c'est
qu'on ne doit pas restreindre.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Vous avez utilisé là un
exemple où l'infraction est criminelle et sérieuse. On n'est pas contre ça. Je
vous demande… Les infractions pénales, ça inclut une panoplie d'infractions qui
sont des infractions, même,
où la mens rea ou l'intention de commettre une infraction n'est pas nécessaire.
Pourquoi vous avez étendu ça à toute
infraction pénale? Vous donnez ici un exemple de quelque chose de sérieux.
Donnez-moi un exemple de quelque chose de moins sérieux, où vous aurez
besoin de...
M. Marceau : Oui, M. le...
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Une petite
remarque avant de vous passer la parole.
M. Marceau : Oui, c'est de passer par le président.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : C'est qu'en
commission parlementaire vous devez normalement vous adresser au président.
Mme de
Santis : Et je m'excuse.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Il n'y a pas
de faute.
Mme de
Santis : ...
Le Président (M. Pelletier,
Rimouski) : Il n'y a pas de faute. Je
vous ai laissé quand même terminer votre intervention.
Mme de
Santis : Je m'excuse.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le
ministre.
M. Marceau : Puis je me suis... Enfin, il n'y a aucun problème, là.
C'est une bonne discussion.
Oui,
le caractère sérieux ou non sérieux d'un crime, là, ou d'une infraction, ça, il
y a une part de subjectivité. Ce que je sais, c'est qu'un certain nombre de
violations de la loi sont des violations pénales, d'autres sont criminelles. Et
je vais vous faire une liste, là,
d'infractions qui ne sont pas criminelles, mais qui sont, à mon sens,
complètement inacceptables, là.
Alors,
par exemple, dans le cas de la Régie des rentes... Donc, vous pouvez imaginer une
situation où Revenu Québec a des informations lui permettant de croire que de fausses
déclarations ont été faites. Donc, fausses déclarations et obtention de
montants auxquels la personne n'a pas droit, par exemple, des prestations pour
enfants, alors que la personne n'a pas
d'enfant, ou que ceux-ci, ainsi que la personne, résident à l'étranger et n'ont
pas le statut de résident permanent. Donc, il y a des fausses
déclarations, et, dans ce cas-là, ça implique la Régie des rentes du Québec.
Pour
ce qui est de la Régie de l'assurance maladie du Québec, des fausses
déclarations encore : une personne de
nationalité étrangère et sa famille bénéficient de soins de santé gratuits
auxquels ils n'ont pas droit puisqu'ils résident à l'étranger et n'ont pas le
statut de résidents permanents.
Dans le cas de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec, vous pouvez
imaginer des fausses déclarations ayant trait au nombre de travailleurs d'un
employeur — on parle, dans ce cas-là,
de travail au noir — et
le non-respect de différentes obligations, par exemple, le non-paiement de la
cotisation d'employeur relative à ces travailleurs. Donc, ce sont des informations
que Revenu Québec pourrait avoir à sa disposition puis qu'on pourrait
transmettre à la CSST.
Dans
le cas de la Commission des normes du travail du Québec — et
là ça, c'est quelque chose dont on sait que
cela existe — on peut imaginer des
fausses déclarations, des paiements de salaires inférieurs au salaire minimum,
par exemple, dans le cas d'agences de placement de personnel de nationalité
étrangère ou non.
Bon,
alors, voilà. J'ai plusieurs exemples comme ceux-là. On parle d'infractions
pénales. On ne parle pas d'infractions
criminelles.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Mme la députée
de Bourassa-Sauvé.
M. Marceau : Et ce sont des...
Mme de
Santis : M. le Président… Oui,
allez-y.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Oui, M. le
ministre.
• (16 heures) •
M. Marceau : Je veux juste... Si vous voulez que je termine… Ce sont
donc des infractions en vertu des lois québécoises, là, ce n'est pas en vertu
du Code criminel. Et moi, je ne vois pas de bonne raison pour laisser ce type
d'infraction se poursuivre, alors que Revenu Québec a les informations à sa
disposition. Et donc l'idée, c'est de... Vous me demandez des exemples
d'infractions pénales qui sont donc des infractions à des lois québécoises qui
sont administrées par différents organismes ou sociétés d'État du gouvernement
du Québec. Et voilà. Donc, vous en avez.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Mme la députée
de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : O.K. Je ne veux pas retourner à ce que vous avez dit tout
à l'heure. Vous avez parlé de balises, mais, ça, on peut revenir plus tard. Je
veux maintenant adresser simplement ce que vous venez de dire.
Un
nombre de ces infractions dont vous parlez là, c'est la fraude, et, la fraude,
c'est un crime. C'est...
Une
voix : ...
Mme de Santis : O.K. La fraude, c'est un crime, et on
peut poursuivre quelqu'un en vertu du Code criminel si c'est la fraude. Ce
que le fédéral a fait dans leur Loi de l'impôt sur le revenu, c'est qu'ils ont
fait des exceptions pour des causes, pour des situations que vous
mentionnez, là. Ils ont fait des exceptions pour différentes dispositions de
lois où il y a un intérêt réel qu'un dossier
du fisc... fiscal soit transmis à un autre organisme public. Et là on parle
de... ils ont permis à certains
fonctionnaires du ministère des Ressources naturelles, s'il y a des infractions
à la loi sur les régimes de pension... Ils ont une liste de lois. Si on
imagine qu'il y a une infraction en vertu de ces lois-là, c'est sûr et certain
qu'on peut avoir accès au dossier fiscal.
Mais
ce que vous proposez est trop large, parce que vous allez au‑delà de ces
exemples avec lesquels on est tout à fait d'accord avec vous, mais, quand vous
parlez d'infraction pénale, vous touchez aussi ce carré rouge qui va être dans
une manifestation...
Une
voix : ...
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Vous avez terminé, madame?
Mme de Santis :
Ça va.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le ministre.
M.
Marceau : Je ne voulais pas...
Premier commentaire, vous avez parlé… vous avez dit : Certaines de ces
infractions-là pourraient être des fraudes. C'est vrai. Certaines autres ne
pourraient pas être des fraudes, là. Par exemple, le fait de payer un salaire
inférieur au salaire minimum, là, ce n'est pas une fraude, là. Et voilà, donc.
Et
puis pour ce qui est de ce dont vous parlez, la question des carrés rouges, ce
n'est pas illégal de porter un carré rouge — on va commencer
comme ça — et, deuxième des
choses, je ne vois pas le lien avec Revenu Québec, là. Je ne vois pas...
Moi, je vous dis, on parle d'informations à
la disposition de Revenu Québec. Revenu Québec a la conviction qu'un crime a été
commis ou est sur le point de l'être — je dis crime, là, puis je vais
faire attention, mais, à chaque fois, je vais
prendre le temps de dire, bon, infraction criminelle, infraction pénale,
là — a la conviction qu'une
infraction pénale est sur le point d'être commise ou a été commise, il demande
à un juge d'autoriser le transfert.
Par exemple, prenons le cas, là, des
fausses déclarations, paiement de salaire inférieur. Donc, ce que nous suggérons, c'est que Revenu
Québec puisse demander à un juge l'autorisation de transmettre à la Commission des normes du travail du Québec les
informations relatives à cette situation. C'est ce que nous demandons et qui
n'est pas présentement possible dans le cadre actuel.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Oui. M. le député de Viau avait demandé, tout à l'heure, la parole ou... Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme
de Santis : Je crois qu'il faut
revenir au texte de votre amendement proposé. Ici, quand... Et, en plus, quand j'ai parlé du carré rouge, j'ai
simplement dit que c'était quelqu'un qu'on prévoyait aller participer dans une manifestation qui allait être déclarée
illégale. C'est pour ça... Porter le carré rouge, c'est tout à fait légal. O.K. C'est tout à fait légal. Alors, si on
regarde le texte de 69.0.0.12, on dit qu'un juge doit, sur la déclaration faite
par écrit et sous serment, être convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de
croire que ce renseignement peut servir à prévenir une infraction pénale.
Ça,
c'est très large. C'est très, très large. Vous n'avez aucune balise sur quelle
infraction pénale. Ça peut être n'importe quelle infraction pénale. Je suis là
aussi pour protéger le citoyen et je pense à moi-même.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le ministre.
M.
Marceau : Oui. Je vous invite à lire
bien attentivement, là, le texte, le libellé de 69.0.0.12, tel que nous le suggérons, vers la fin : «…il existe des
motifs raisonnables de croire que ce renseignement...» Ce renseignement que
nous allons transmettre… On ne transmet pas
n'importe quel renseignement, là, on transmet un renseignement précis du
dossier fiscal qui peut servir à prévenir. C'est important, là, on ne va pas
transmettre, donc, des informations...
Prenons le cas de quelqu'un qui a fait
des fausses déclarations, paiement de salaire inférieur. J'ai l'impression qu'on ne va pas transmettre des informations
autres que celles permettant d'établir effectivement que le salaire qui était
payé était inférieur au salaire minimum. On ne va pas transmettre d'autres
informations que celles-là, et je crois que
l'article 69.0.0.12, tel qu'il se lit, est très clair à cet égard. Il dit,
encore une fois, puis je vais le relire, là… Puis vous me dites : Ce n'est pas précis, c'est très
large. Le renseignement transmis «peut servir — il
doit servir, en fait — à
prévenir ou à réprimer
une infraction criminelle…» Il faut qu'il y ait un lien entre l'infraction
criminelle et le renseignement qui est transmis. Ce n'est pas rien.
Une
voix : …
M.
Marceau : Oui, c'est ça. C'est
un renseignement qui va servir à la preuve, hein, qui va servir à démontrer
qu'il y a infraction.
Puis, si vous permettez, juste de manière à
ce qu'on progresse, là, pour être certains de bien comprendre où vous voulez aller, il y
a deux dimensions que j'ai évoquées plus tôt, qui sont... qui disparaissent, si
on veut, par rapport... Il y a plusieurs
dimensions, mais, en tout cas, deux dimensions claires quant au type de crime.
Il y avait le fait que ce soit un crime
dans un contexte de crime organisé. Ça, est-ce que vous êtes à l'aise avec le
fait de faire disparaître cette référence au crime organisé? Alors, ça, on peut exclure cette partie-là de la
discussion. Donc, vous, c'est vraiment crime grave et infraction pénale,
c'est ça?
Une
voix : ...
M.
Marceau : O.K. Je veux juste être au
clair. Parfait.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le député de Viau.
M.
Dubourg : Oui. M. le Président,
merci. Bien, pour continuer dans la même veine que ma collègue, là, de Bourassa-Sauvé et pour aussi répondre au ministre,
là, de ce qu'il nous dit, est-ce qu'on est l'aise ou pas à l'aise, moi,
je pourrais retourner ou bien poser la
question au ministre à l'effet que le Barreau du Québec nous a déposé un
mémoire, et je viens de dire : Voici la
conclusion du mémoire du Barreau du Québec. Or, on est en train d'étudier
article par article. Je ne veux pas
aller de façon morcelée et dire : Je suis d'accord avec tel élément, je ne
suis pas d'accord avec tel autre élément.
Moi, ce que j'aimerais savoir… et c'est ce
que le ministre aussi avait laissé entendre à la fin de cette consultation-là, qu'il allait prendre en considération ce
qui a été dit ici, en commission, puis dans les mémoires. Le Barreau nous dit que «les conséquences potentiellement néfastes
d'une nouvelle brèche significative…» C'est clair. Et, je me rappelle,
on avait même posé des questions au bâtonnier, à savoir : À quel endroit
qu'on devrait toucher? Est-ce qu'au niveau infraction... Il dit : Écoutez,
c'est vous, les législateurs. C'est à vous d'y aller dans ce sens-là.
Donc, je pense que le ministre a un devoir
par rapport à ça. Moi, je ne veux pas, encore une fois, M. le Président, yaller de façon
morcelée. Je pense qu'il y a certains articles d'un projet de loi qui peuvent
avoir un caractère général; d'autres, spécifiques. Dans le cas qui nous
préoccupe, bien, c'est un article qui est très, très, très large, parce qu'on
parle de tout organisme public et tout ministère, et on a passé d'infraction
grave à infraction criminelle et pénale.
Et, quand on parle d'infraction
criminelle et pénale, l'Ordre des comptables professionnels agréés nous a dit, et je cite :
«Cependant, le libellé proposé semble avoir une portée […] plus large et viser
bien davantage que les seuls crimes économiques
dont le gouvernement est victime. En effet, telle que rédigée, la nouvelle
disposition permettrait de donner à tout
organisme chargé de l'application d'une loi des renseignements pouvant
"servir à prévenir ou à réprimer une infractioncriminelle ou pénale".» Il dit : «Comme
on peut le constater, il n'y a pas de restrictions quant à ces types
d'infractions», et on peut nommer : cruauté envers les animaux, incendie
criminel, méfaits, braconnage, usage négligent d'une arme à feu, délit de fuite, propagande haineuse, entrave à la justice,
prise d'un véhicule moteur sans consentement, utilisation non autorisée
d'ordinateurs, attroupements illégaux — mon collègue vient de parler de carrés rouges — d'équité salariale...
•
(16 h 10) •
Une
voix : ...
M.
Dubourg : ... — ma collègue, oui, merci — accès aux documents des organismes publics et
protection des renseignements personnels,
Code du travail, Loi sur l'instruction publique, aide juridique. Donc, M. le
Président, il y a tous ces
éléments-là. Vous voyez qu'il est clair, M. le Président... pour nous, il faut
garder en tête ministère et organisme public et il faut garder en tête
infraction grave versus infraction criminelle et pénale.
Et, pour terminer, pour redonner la parole,
pour vous redonner le micro, M. le Président, le ministre a eu à dire tout à l'heure, et il l'avait dit aussi en décembre
dernier, que les changements qui avaient été apportés au secret fiscal ont été faits par le gouvernement précédent,
c'est-à-dire par le gouvernement libéral alors qu'on était là. Aujourd'hui, il
a mentionné, en 2011, dans les pouvoirs qu'on donnait à l'UPAC; en 2012,
pouvoirs à la commission Charbonneau…
Là, M. le Président, ce qu'il faut
comprendre, ces pouvoirs-là, c'était excessivement ciblé, et l'UPAC, on parle de la police… et
le projet de loi dont on... la loi actuelle dit qu'avec l'autorisation d'un
juge c'est tout à fait acceptable. Mais il a eu à dire, en décembre
dernier, que les trois dernières modifications apportées à l'article 69 — ça, c'est sur le site de l'Assemblée nationale — à l'administration fiscale, il y en a eu trois, ces
trois ont été faites sous un gouvernement de votre
parti, en parlant de nous, et dans aucun cas il n'y avait un avis de la
Commission d'accès à l'information. Alors, vousavez été prêt, en tant que parlementaire, à ouvrir le secret fiscal sans
avoir, pour vous appuyer, un avis de la Commission d'accès à
l'information.
Bon, je ne dis pas cela, que vous avez
mal fait. Je voudrais être bien clair, je ne suis pas en train de vous blâmer. Je suis simplement en train de vous dire que là
vous avez la ceinture, vous avez les bretelles en même temps, ce que vous
n'aviez pas à ce moment-là.
Or, M. le Président,
ce qui est clair, la première modification qui a été faite à cet article-là a
eu lieu en 2002, et 2002, ce n'était pas un gouvernement libéral qui était, à
ce moment-là, au pouvoir, et le changement qui avait été fait et qui venait affecter le secret fiscal, on
disait que «les renseignements contenus dans le dossier fiscal d'une
personne ne peuvent être utilisés ou communiqués à moins que la personne
concernée n'y consente ou que cette utilisation ou communication ne soit
effectuée conformément à la Loi sur le ministère du Revenu». Voilà le
changement qu'avait porté, dans un premier temps, le Parti québécois.
Et l'autre changement — encore une fois, c'était en
2002, c'était dans le projet de loi n° 121, à l'article 22 — il y avait eu une
modification qui avait été faite, à ce moment-là, pour remplacer le terme
«fonctionnaire», etc., tout ça. Mais, nous,
quand on l'a fait... Tout d'abord, je viens de vous dire, je viens d'expliquer,
M. le Président, que c'était dans un
contexte précis à la police. Voilà dans quel contexte on l'avait fait. Et on
l'avait fait aussi, M. le Président, quand on a fait passer le ministère du Revenu à Agence du revenu. Donc, il fallait
faire une petite modification en ce qui concerne le nom. Voilà dans quel
contexte que le secret fiscal, nous, nous avons apporté une modification.
Or,
là, le Barreau du Québec, encore une fois, conclut à une brèche significative
dans le secret fiscal. Je pense que le
ministre devrait adresser, ne serait-ce... les préoccupations exprimées par le
Barreau du Québec.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le
ministre.
M.
Marceau : Oui.
Bien, écoutez, la Commission d'accès l'information a aussi déposé un mémoire
et, dans ce mémoire, la commission nous disait
qu'elle trouvait que... Essentiellement, c'était un avis positif, favorable de
la commission. On nous a dit qu'on était
sécurisés, que le projet de loi contenait des... que l'article, tel que modifié, présentait des garanties satisfaisantes.
J'essaie de me relire et puis je n'y parviens pas, mais,
essentiellement, c'est un... On nous dit qu'on maintient l'équilibre, que
l'autorisation judiciaire prévue est de nature à préserver un tel équilibre. On rappelle que le renseignement ne
peut être utilisé qu'aux seules fins pour lesquelles il a été obtenu. Je
vous rappelle simplement que la Commission
d'accès à l'information était, elle, d'avis que les balises et puis les
mécanismes qui sont mis en place étaient suffisants.
Et
si je reviens un peu, quand même, au sujet qui est de savoir quel type
d'infraction peut ou doit être retiré du champ
d'application de l'article, moi, il faut que je vous pose la question :
Est-ce que vous trouvez que, par exemple, des
infractions aux lois sur les normes du travail du Québec, vous trouvez que ce
n'est pas suffisamment important? Est-ce que vous trouvez que ce n'est
pas suffisamment grave pour que Revenu Québec, qui détiendrait des informations
d'infraction à la Loi sur les normes du travail du Québec… vous trouvez que ce
n'est pas suffisamment grave et vous considérez
que Revenu Québec devrait garder cette information pour elle, elle ne devrait
pas les transmettre? Alors que, nous,
ce qu'on dit, ce n'est pas que Revenu Québec va pouvoir le faire de façon
débridée, là, ce que nous, on propose.
Nous,
ce qu'on dit, c'est que, s'il y a des infractions de cette nature-là qui sont
sur le point d'être commises, ce qu'on suggère simplement, c'est que Revenu Québec
transmette, enfin, demande à un juge la possibilité de transmettre cette information, et seulement cette information,
seulement cette information, et seulement à cette fin, à la Commission
des normes du travail du Québec. Moi, je pense qu'on n'est pas dans un monde où
on va dans toutes les directions.
Alors, je m'arrête
parce que je vois que les collègues veulent intervenir.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Il y a M. le
député de Dubuc qui a demandé la parole.
M. Claveau : Oui. M. le Président. M. le ministre — bien, M. le Président, ce que je veux savoir du ministre — selonmoi, c'est suffisamment clair, suffisamment
encadré pour ne pas permettre n'importe quoi. Alors, vous allez me dire
si je lis bien l'article tel qu'il est énoncé. C'est bien le renseignement qui est transmis. Ce n'est pas
les renseignements, ce n'est pas la
déclaration de la personne complète, c'est le renseignement qui concerne
l'organisation, qui peut être la Régie du bâtiment du Québec, la CSST,
la Commission des normes du travail, etc., et je pense que la population
n'accepte plus qu'un ministère qui les
représente et qui est au courant d'une infraction… et ça reste en vase clos et
on ne transmet plus cette... ou ne transmet pas cette information.
Je crois qu'on est rendus à un niveau... Peut-être que
dans les années 60, 70, 80, même au début de 2000, il y a des choses que la société acceptait, qui, aujourd'hui, n'accepte
plus. Qu'on regarde du côté des paradis fiscaux et les pressions qu'il y a sur l'ensemble des pays de la planète, ça va même...
la Suisse est obligée de lâcher du lest, là, présentement, et d'autres, ça vient. Alors, c'est la pression
publique, et je pense que ce qui... Puis on a seulement à regarder
présentement, lorsqu'on a mis une commission
comme la commission Charbonneau, et que les gens écoutent, les gens
t'interpellent, te posent des questions, moi, je pense...
Puis,
en plus de ça, tel que je le comprends, c'est le renseignement qui est transmis
à l'organisation concernée. Vous allez me rassurer. Puis une infraction, c'est
une infraction, pour moi, là, puis c'est une infraction liée en fonction
de la responsabilité de l'autre organisation et non une infraction criminelle
qui va s'en aller à la CSST ou bien... je ne sais pas, moi. Il faut qu'il y ait
exactement un lien avec la mission de l'organisation. C'est bien ça, M. le
Président, qu'on demande au ministre?
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le
ministre.
• (16 h 20) •
M. Marceau : Oui, absolument, M. le député de
Dubuc, je pense que vous comprenez... Votre interprétation est... En tout cas, nous avons la même interprétation de
l'opinion de la population. Je pense que c'est important aussi. Je crois que la population est là. Puis je reviens à
cette question de confiance dans nos institutions puis confiance dans le
secret fiscal. La confiance de la population
a été ébranlée. Je le pense sincèrement. Puis je ne blâme personne, là, je
ne suis pas en train de blâmer quiconque. Ce
que je dis, c'est que la confiance de la population a été ébranlée ces
dernières années puis, bien sûr, la confiance de la
population, ça repose entre autres sur le secret fiscal, mais ça repose aussi
sur l'efficacité de notre système judiciaire, sur l'efficacité de notre
encadrement, de notre capacité à empêcher la commission de crime.
Et, encore une fois, dans la mesure où on le
fait de façon intelligente, de façon balisée, de façon restreinte — et je pense que c'est le cas ici — moi,
je plaide que c'est de nature à augmenter le niveau de confiance de la
population dans nos institutions et non pas
l'inverse. Je comprends, là, votre crainte, là. Je la comprends très bien, mais
je pense qu'on a bien encadré dans cet
article-là. La CAI est d'accord, en tout cas, avec cette interprétation, hein?
La Commission d'accès à l'information est d'accord avec nous là-dessus.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le député de Verdun.
M. Gautrin : Je vous remercie, monsieur… Si tu me
permets, deux minutes, je vais être assez bref. Oui, il faut quand même comprendre sa situation, parce que vous
faites référence aussi à 69.0.0.16. Alors, 69.0.0.16 utilise les termes «infraction criminelle ou pénale».
D'accord? On s'entend? Actuellement, le 69.0.0.16… Et la manière dont on
pourrait rédiger cet article, c'est de
dire... Excusez-moi, M. le ministre, j'essaie d'avoir votre... Ah! Vous voulez
dire...
M.
Marceau : On est en train de
rédiger... de lire...
M.
Gautrin : Alors, relisez 69.0.0.16.
M.
Marceau : Voulez-vous le lire? Ou je
peux le lire si vous voulez.
M. Gautrin : Bon, je peux le relire, si vous
voulez, parce que 69.0.0.16 va toucher les infractions pénales touchant des lois fiscales,
simplement. Je me permets : «Un renseignement contenu dans un dossier
fiscal peut être communiqué, sans le consentement de la personne
concernée, soit à une personne lorsque cette communication est nécessaire pour
permettre l'application ou l'exécution d'une loi fiscale — donc, on se comprend bien — soit à un corps de
police lorsqu'un employé de l'agence a des
motifs raisonnables de croire que la personne concernée a commis ou est sur le
point de commettre, à l'égard de l'agence ou
[…] de ses employés ou à l'égard de l'application d'une loi fiscale, une
infraction criminelle ou pénale et que ce renseignement est nécessaire à
l'enquête relative à cette infraction.»
Ça va, jusqu'ici? Bon. Moi, j'essaie de
sortir, à l'heure actuelle, de l'imbroglio dans lequel on est s'il n'est de se répéter. Le premier
élément que vous amenez à l'intérieur de la modification à l'article 1 comme
tel, on s'est entendus, il est clair que, tel qu'il est rédigé
actuellement, l'article 1 était destiné principalement aux organisations
criminelles et aux organisations... On
s'entend que vous avez une volonté, actuellement, de l'étendre à plus que
strictement les organisations criminelles. Je crois que, de part et
d'autre, il n'y aura pas beaucoup de discussion autour de cette question-là.
La question maintenant, si vous l'étendez à
tout le monde, c'est que le concept de loi… d'infraction criminelle et pénale, pour nous, ici, est un concept qui
est trop général dans son ensemble. Et on préférerait réutiliser… au lieu d'avoir les termes «infraction criminelle ou
pénale», de revenir avec «infraction grave», tout en balisant «infraction
grave» parce que ma collègue qui est juriste me dit : Il faudrait mieux
qu'on précise «infraction grave» à cet élément-là.
Ce
que je me permets de vous suggérer, M. le ministre, c'est de reprendre... parce
que vous avez soulevé un certain nombre de points, et, à ce moment-là, on le
baliserait. C'est-à-dire d'étendre à 69.0.0.16, non seulement aux lois
fiscales, mais à d'autres infractions qu'il pourrait y avoir. Et on pourrait
avoir une approche, voyez-vous… Vous avez soulevé un certain nombre de cas,
tout à l'heure, dans les exemples que vous nous avez donnés. Est-ce que vous me
suivez, M. le ministre?
M.
Marceau : Oui. Bien, je suis à relire
le 69.0.0.16 pour être bien…
M.
Gautrin : Alors, je vous laisse le
temps de le relire. Essentiellement, voyez-vous, il porte... l'élément de 69.0.0.16 porte... il est l'élément... Est-ce que
vous me comprenez, M. le ministre? L'élément limitatif de 69.0.0.16,
c'est qu'il se limite aux lois fiscales. Est-ce qu'on se comprend?
M.
Marceau : Je crois qu'il y a plus que
ça, M. le député de Verdun.
M.
Gautrin : Il y a plus?
M. Marceau : Oui. Je crois qu'il s'agit aussi de
crimes ou d'infractions qui sont à l'égard de l'agence ou de l'un de ses employés.
M.
Gautrin : Oui, oui, d'accord. On se
comprend.
M.
Marceau : Donc, il y a cette
restriction...
M.
Gautrin : Excusez-moi, excusez-moi.
On se comprend. Non, non, j'accepte...
M. Marceau : Et, si vous me permettez, je crois que Me Bolduc pourrait
vous expliquer les raisons pour lesquelles on croyait qu'il était préférable de
passer par 69.0.0.12 plutôt que par 69.0.0.16.
M.
Gautrin : Est-ce que vous permettez
de terminer, Me Beaulieu?
M. Marceau : Oui. Oui, oui, absolument. Excusez-moi.
M. Gautrin : Non, non, allez-y alors. Voyez-vous, moi, ce que j'essaie
de dire : Laissons dans 69.0.0.12 ce caractère qui est donc l'extension.
69.0.0.12, on est en train d'ouvrir et on ouvre à autre chose que des
organisations criminelles, et ça, je pense
que, de part et d'autre, on est d'accord, on ne veut pas... Il y a eu, et vous
êtes capable de le soulever tout à
l'heure… Il y a eu des éléments sur lesquels il peut y avoir avantage de
transmettre des renseignements fiscaux pas seulement si le gars est un
gars... est un membre d'une organisation mais pour d'autres cas. On s'entend
autour de ça? Donc, on ne discute pas de ces questions.
On est d'accord, mais, quand vous l'étendez, on a la
réaction… d'utiliser le terme, à ce moment-là,
«infraction criminelle ou pénale» sans le
baliser pose problème. Donc, on aurait tendance d'utiliser, nous, «infraction
grave» tout en maintenant… peut-être en changeant la définition qui est
dans la loi actuellement autour d'infraction grave et en précisant ce qu'on
veut dire par «infraction grave». Ma collègue de Bourassa-Sauvé pourra
intervenir à cet effet-là.
Et on reprendrait, voyez-vous, on étendrait votre concept
que vous aviez soulevé il y a un instant, les
exemples que vous aviez dits, à la CSST,
etc., en étendant 69.0.0.16 à autre chose que strictement l'Agence du revenu
mais pourrait... on pourrait l'étendre et là, à ce moment-là, on
rebaliserait dans... d'une manière un peu plus claire ce que vous voulez, ce
que vous recherchez. Donc, la CSST, donc la Régie des rentes…
Je comprends parfaitement que ça peut être utile dans les
cas que vous avez soulevés. Mais, voyez-vous, on
aurait une approche qui nous permettrait de sortir de l'imbroglio, à l'heure
actuelle, où, d'un côté, 72 paraît beaucoup trop général. On le relimiterait sur «infraction grave» et on reprendrait vos
questions que vous avez soulevées sur la... on pourrait intégrer,
réécrire 60.0.0.16 en ne limitant pas ça uniquement à l'agence mais aussi à la
Régie des rentes et la CSST. Enfin, on pourrait s'entendre, si vous voulez,
pour le...
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le
ministre.
M. Marceau : Oui. Bien, si vous... si vous permettez, 69.16… en tout
cas, 69.0.0.16...
M. Gautrin : ...infraction criminelle et pénale actuellement.
M.
Marceau : Oui,
mais il ne prévoit pas de mécanisme de... entre autres, la demande
d'autorisation auprès d'un juge. C'est la raison pour laquelle 12 nous
semblait beaucoup plus opportun pour... C'est ça. Pour moi, c'est la façon
dont j'interprète, puis je comprends. Mais, si vous permettez, je vais laisser
à Me Bolduc le soin de vous en dire plus long, mais, ma première réaction,
c'est qu'on voulait...
M. Gautrin : J'achète ce point de vue aussi. J'essaie de sortir, moi,
de...
M. Marceau : Non, je comprends. Je comprends que vous êtes dans un mode
constructif, c'est parfait. Permettez qu'on...
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Est-ce qu'il y a
consentement pour entendre Me Bolduc?
Une voix : Consentement.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Alors, Me
Bolduc, en vous identifiant, vous avez la parole.
M.
Bolduc (Claude) :
Alors, Claude Bolduc, Revenu Québec. Alors, la raison pour laquelle il n'y a
pasd'autorisation
judiciaire à 69.0.0.16, c'est que la Cour suprême du Canada, dans le Procureur
général du Québec contre Laroche, a
reconnu que, lorsqu'un organisme public est victime d'un acte criminel, il peut
communiquer des renseignements à un corps de police au même titre que
n'importe quel citoyen. Il peut même porter une plainte privée. O.K.? Alors,
ici, c'est l'agence qui est...
Des voix : ...
M. Bolduc (Claude) : Alors, c'est la raison pour laquelle
il n'y a pas d'autorisation judiciaire à l'article 69.0.0.16.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Oui, Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de
Santis : Moi, je dirais qu'on
devrait, à l'article 69.0.0.2…
Une voix : 2?
• (16 h 30) •
Mme
de Santis : 12, pardon.
Définir c'est quoi les infractions, et on peut aller aux infractions pénales,
mais il faut définir quelles infractions
pénales. Je ne crois pas que... Je ne suis pas nécessairement d'accord avec mon
collègue que... à
demander une modification à 69.0.0.16. Je crois que 69.0.0.16 est là pour une
raison précise, et ça sert bien cette raison.
Moi, j'aimerais retourner à 69.0.0.12 et vraiment définir quel type
d'infraction pourrait permettre à un juge de donner son autorisation. Parce qu'on peut facilement être
attaqué sur la constitutionnalité d'une disposition ici qui est très
large. Et, au lieu d'aller dans cette voie-là, donnons-nous vraiment des
balises.
Vous
parlez de balises, mais, quand je regarde les articles... 69.0.0.12 qui existe
présentement, je regarde le deuxième alinéa,
ça dit simplement qu'«une demande d'autorisation présentée en vertu du présent
article est confidentielle ainsi que
le dossier ayant trait à l'audience». O.K.? La deuxième phrase parle vraiment
d'une... s'il y a une cause qui est apportée
à la cour. Il n'y a aucune balise pour une information qui n'est pas une
information utilisée dans une instance. C'est : «Le greffier de la Cour du Québec prend les mesures
nécessaires…» On ne dit pas ici qu'est-ce qui se passe avec... comment on prend soin des renseignements
personnels qui se retrouvent à l'intérieur d'un dossier fiscal qui est
transmis à un autre organisme, comment eux
doivent agir vis-à-vis ces renseignements-là. On dit simplement que c'est
confidentiel, mais on ne dit pas qui va s'assurer de la confidentialité.
En plus, le troisième alinéa, ça parle
toujours d'ordonnance et d'instance. Ça ne parle pas de renseignements qui sont transférés d'un organisme à un autre organisme.
Alors, ce n'est pas vraiment des balises. Et le dernier alinéa, à 69.0.0.13,
c'est vrai, on dit ici qu'il doit être détruit au moment où ses fins sont
atteintes de façon définitive, que ces renseignements
sont détruits. C'est là, et, je suis d'accord, ça protège. Mais je ne vois pas
vraiment les balises de la même façon que vous les voyez et je reviens
au fait qu'il faut donner des balises aux juges. Il faut aussi s'assurer que
les personnes qui reçoivent les renseignements confidentiels dans l'autre
organisme aient des règles par lesquelles ils doivent gérer les renseignements
confidentiels. Où est-ce que cela se retrouve?
Et ce n'est pas les dispositions de la loi
sur l'accès à l'information, qui protège les renseignements personnels, qui vont
protéger ces renseignements confidentiels parce qu'on va avoir, à l'intérieur
d'un dossier fiscal, des renseignements qui touchent des personnes morales. Et la loi sur l'accès à
l'information ne protège pas les personnes morales, ça protège
uniquement les personnes physiques. Alors, moi, je ne vois pas les balises dont
vous parlez.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le ministre.
M.
Marceau : Oui. Bien, c'est à cause
qu'elles sont écrites de manière très explicite dans le texte. J'ai de la
misère à... Je ne comprends pas que vous ne les voyiez pas, d'une certaine
manière. Pour moi, les balises sont très clairement exprimées, par exemple,
dans le libellé de 69.0.0.12, qui dit que le renseignement doit servir... peut
servir à... Je recommence. «Ce renseignement peut servir à prévenir ou à
réprimer une infraction criminelle ou pénale»
et il ne peut être transmis que pour cette fin. Il y a aussi, évidemment, la
présence d'un juge, il y a le fait que la demande d'autorisation est confidentielle, que le greffier
de la cour prend les mesures nécessaires pour assurer laconfidentialité. C'est écrit, là, ça, en toutes
lettres. Je ne peux pas, évidemment... La demande d'autorisation est à
huis clos, le juge peut prendre toute ordonnance qu'il estime indiquée pour
assurer la confidentialité.
En somme, 69.0.0.13, encore une fois,
le renseignement ne peut être utilisé qu'à la fin pour laquelle il a été transmis et le renseignement doit être détruit une fois
qu'on a établi la preuve nécessaire.
Moi, je trouve que ce sont beaucoup,
beaucoup, beaucoup de balises, et là, ce que vous dites, ça pose la question de quels sont les éléments supplémentaires qui
constitueraient des balises acceptables pour vous. Moi, en tout cas… Encore une fois, il y en a beaucoup là-dedans et
qui sont à la satisfaction de la Commission d'accès à l'information. Ils
sont à la satisfaction de la Commission
d'accès à l'information. On peut ajouter. On peut ajouter, mais, où cela
s'arrête, ce n'est pas clair pour moi.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le député de Viau.
M. Dubourg : Merci, M. le Président. Donc, on va
poursuivre effectivement dans la même veine. Tout à l'heure, M. le
Président... Je veux juste ouvrir une parenthèse, M. le Président, en disant
que le député de Lévis, s'il veut… Je sais que c'est sa première
législature, mais, s'il veut s'inscrire dans le débat, le député de Lévis
est tout à fait bienvenu, il n'a qu'à vous faire signe.
Donc,
si je reviens au projet de loi n° 18, M. le Président, c'est que...
Des
voix : ...
M.
Dubourg : Tu n'auras qu'à lever la
main.
M.
Dubé : Mais moi, j'ai toujours une
restriction de minutes que j'aimerais que le président m'explique.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Ah! Bien, attendez, là...
M.
Dubourg : C'est pour ça que je l'ai
dit.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le député de Lévis...
M.
Dubé : Ah bien, écoutez, c'est la
plus belle nouvelle que j'ai cette semaine.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M. Pelletier, Rimouski) : Sur un projet de loi, chaque parlementaire a droit à 20
minutes de temps par article. Alors, vous avez droit à 20 minutes à poser des
questions sur l'article 1.
M.
Dubé : Écoutez, moi, je pensais que quelqu'un
allait me dire cette bonne nouvelle là bien avant. Merci beaucoup, M. le
député.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Moi, je donne la parole à celles et ceux qui me la demandent.
M.
Dubé : Écoutez, je suis... Écoutez,
vous savez comment je suis raisonnable d'habitude. J'ai appris à me limiter à
mon 1/9 habituel. Alors, si j'ai plus que 1/9 habituel...
M.
Gautrin : Alors, on vous a fait
cadeau aujourd'hui, là, soyez conscient...
M.
Dubourg : Voilà.
M.
Dubé : 1/8 et 7/8. Bravo. Très bien, merci. Merci.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Mais ça reste 1/9, M. le député de Lévis, parce que vous avez un 20 minutes
tandis que l'opposition officielle a quatre fois 20 minutes. Alors, on
continue, M. le député de...
M.
Dubé : Je vais être précis dans mes
interventions, comme à l'habitude.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le député de Viau.
M.
Dubourg : Voilà. Merci. Donc, c'est
ce que je voulais dire au député de Lévis et que, même si on a quatre fois 20
minutes, lui, il peut lever la main pour intervenir, même si nos 20 minutes ne
sont pas écoulées.
Donc, M. le Président, je reviens. C'est
qu'il y a un certain nombre de commentaires, tout à l'heure, qui ont été faits, et je ne veux pas revenir sur chacun de ces
commentaires-là, mais je veux tout de même exprimer une certaine inquiétude,
une certaine inquiétude, et aussi rappeler que le projet de loi dont on
est en train de discuter, le projet de loi n° 18,
c'est un projet de loi extrêmement important. Le Barreau nous l'a rappelé,
l'Ordre des comptables agréés du Québec aussi... comptables
professionnels agréés nous l'a rappelé aussi.
Donc, quand il y a des interventions,
par exemple, autour de la table, des députés qui nous disent que... bon, qui font allusion à des paradis fiscaux, on n'est pas dans
un contexte de paradis fiscaux. Là n'est pas la question, et je le rappelle clairement, qu'on n'est pas dans ce
contexte-là. On est au courant que ce phénomène-là existe et que des
gens envoient... ou ouvrent des comptes de
banque ailleurs, mais là n'est pas la question. Le projet de
loi n° 18, on est en train de parler d'échange d'information
entre des ministères et organismes publics québécois. Donc, restons dans le
contexte, M. le Président, parce que c'est là le noeud de ce projet de loi là.
Il est vrai que le ministre, tout à l'heure,
a dit : La Commission d'accès à l'information est d'accord. Et on l'a lu, on l'a vu qu'effectivement la Commission d'accès à
l'information dit qu'à sa connaissance, voilà...
Une
voix : Et on l'a même ici.
M.
Dubourg : ...et il dit que la
commission...
Une
voix : ...
•
(16 h 40) •
M.
Dubourg : Oui. Pour la commission,
l'autorisation judiciaire prévue est de nature à préserver un certain équilibre
étant donné qu'il y a l'aspect du juge.
Mais, M. le Président, la Commission d'accès
à l'information… Me Chartier était là, et on lui a posé un certain nombre de questions, et Me Chartier, dans ses
réponses, ce n'était pas exactement clair. Et je peux vous en dire un certain nombre d'éléments. Quand, moi, par
exemple, en commission parlementaire, je lui ai posé un certain nombre
de questions concernant les ministères, les
organismes publics, ces infractions-là, voilà une des réponses, et je cite
M. Chartier, qui disait : «C'est
éminent, et vous avez raison de le soulever que ça sous-entend tout
probablement une augmentation des cas
de communication de renseignements […] une augmentation des demandes faites aux
juges de la Cour du Québec…» Donc, ça augmente tout probablement le
nombre de circulations et d'intrusions dans la vie privée des citoyens.
Ça, je ne peux pas faire fi de ces
éléments-là, de ces commentaires-là, de ces recommandations-là de la Commission d'accès à
l'information puis essayer de trouver, là, bon, quelques petits aménagements
pour faire passer un projet de loi qui touche le secret fiscal.
Ce
qu'il faut comprendre aussi, M. le Président, c'est que, quand on parle
d'échange d'informations... Tout à l'heure, le ministre aussi a parlé d'échange
avec la Régie de l'assurance maladie du Québec, la CSST. Mais, dans le même
projet de loi de l'administration fiscale, M. le Président, l'article 69.1 nous
dit quoi? «Un renseignement contenu dans un dossier fiscal peut être
communiqué, sans le consentement de la personne concernée, aux personnes
mentionnées [suivant] et pour les […] fins prévues à cet alinéa». Et c'est
quoi, les personnes? C'est à qui, on peut transmettre une telle communication?
Nous avons le Contrôleur des finances, le Vérificateur général, le ministère
des Finances, Ressources naturelles et de la Faune.
Revenu Québec peut transmettre de
l'information à la Commission des normes du travail. Revenu Québec peut
transmettre de l'information au ministre de l'Emploi et de la Solidarité
sociale, au Protecteur du citoyen — ça, ça se fait déjà, ça — au
ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, à l'Institut de la
statistique du Québec, à la Régiede l'assurance maladie du Québec — comme vient de dire le ministre, on nous dit : dans
la mesure où le renseignement est nécessaire pour vérifier telle ou telle
information de la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec — à la Régie des rentes du Québec. Revenu Québec peut le faire
à ces ministères et ces organismes-là, au ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, à la Commission des transports
du Québec, à un organisme à qui incombe la responsabilité de rendre une
décision ou de délivrer une attestation, un certificat, ou un visa, ou tout
autre document semblable pour l'application d'une loi fiscale.
La Régie de l'énergie peut être
autorisée à recevoir de l'information — je continue — le
Commissaire aulobbyisme, la Société de l'assurance automobile du Québec, le ministère
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, la Commission de
la santé et de la sécurité du travail. Le ministère du Revenu peut transmettre
de l'information au Directeur général des
élections, au Commissaire à la lutte contre la corruption, à la Régie du
bâtiment. L'Agence du revenu du Québec peut transmettre à la Commission
d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de
la construction.
M. le Président, je viens de faire une
énumération d'une liste assez longue de ministères et d'organismes à qui on peut transmettre
actuellement de l'information. Et, dans le cadre du projet de loi actuel, on
veut élargir à tout ministère et tout organisme public. Je comprends que
la Commission d'accès à l'information a dit : Oui, je suis favorable, mais
est-ce que le ministre a entendu ou a
compris que le Barreau du Québec et que l'Ordre des comptables professionnels
agréés du Québec avaient des objections majeures quant à ce projet de loi là?
Donc, est-ce qu'on va compter, est-ce qu'on va
dire : C'est deux contre un? Est-ce qu'on va évaluer le poids des
arguments de la Commission d'accès à l'information par rapport au
Barreau ou...
M. le Président, c'est un travail important
qu'on veut faire. Il y a une attaque ou bien une entorse importante, là, je dirais, au
secret fiscal. Il convient effectivement, M. le Président, qu'on fasse un
travail raisonnable, un travail sensé pour qu'il y ait équilibre à ces
informations-là que l'État veut avoir pour réprimer les crimes. On est tout à
fait d'accord, mais il faut aussi faire en sorte que la protection de la vie
privée aussi soit respectée. Cet équilibre-là est majeur dans le cadre du projet de loi n° 18, et je
voudrais que le ministre nous dise c'est quoi, pour lui, ces deux mémoires-là, qu'est-ce que ça lui dit, tant
le mémoire de l'Ordre des CPA que le mémoire du Barreau du Québec.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le ministre.
M.
Marceau : Excusez-moi, j'étais fort
concentré à autre chose.
Une
voix : ...
M.
Marceau : Non, non, ça m'intéressait
beaucoup. Je m'excuse, là. J'ai pris 90 % de ce que vous me disiez puis je
n'ai pas attrapé le dernier 10 %, là, c'est tout.
Une
voix : …
M. Marceau : ...mon opinion sur les deux mémoires.
O.K. Bien, écoutez, ce sont des mémoires… Ce sont des bonnes
contributions. Cela étant, le Barreau, lorsqu'il est venu, a quand même réitéré
sa confiance dans la magistrature, sa confiance dans le système
judiciaire et... Si je relis ce qu'il propose, à la fin, il nous demande… il
nous dit que la nouvelle disposition devrait
être mieux ciblée, mais on n'a pas eu de… En fait, nous, on a regardé, de notre
côté, ce qui pouvait être fait pour
cibler, et je dois vous dire que ce n'est pas parfaitement simple, parce
qu'effectivement on a de la difficulté
à se résoudre de laisser de côté des infractions. Essentiellement, c'est la
raison pour laquelle le fait de cibler, le fait de restreindre est
difficile.
Et moi, je vous repose toujours la
même question, là. D'une part, on a la Commission d'accès à l'information qui nous dit : Les
balises qui sont mises en place sont satisfaisantes. D'un autre côté, on a le
Barreau. Je le sais, qu'il nous invite à cibler, mais je vous le
demande, là : Quelles sont les infractions pénales que vous suggérez de
mettre à l'écart? Et moi, je ne peux pas me résoudre à en mettre. C'est un peu
ça, la difficulté à laquelle je suis confronté, et je vais continuer à y
réfléchir, évidemment, mais nous, on a de la difficulté à se résoudre à faire
autrement.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) : Oui, merci, M. le Président.
Malheureusement, je n'avais pas assisté aux débats précédents, alors je n'ai pas entendu tous
les mémoires. Par contre, je trouve ça intéressant que vous rapportiez
quand même les paroles que vous avez entendues, et, entre autres, M. le député
de Viau nous fait la nomenclature de tous les organismes à qui l'agence peut
dévoiler des renseignements. Avec la nomenclature que vous avez faite, j'ai
l'impression qu'il n'en reste plus beaucoup et que l'article 69.0.0.12 vient
confirmer, justement, qu'il y a sans doute d'autres
organismes qui mériteraient d'avoir ces informations-là, sous les balises qui
sont là, clairement identifiées, et qu'on gagnerait, au niveau de la
société, à ce que ces autres ministères ou organismes concernés puissent avoir
accès à un renseignement qui risquerait
d'empêcher qu'il y ait des crimes de commis, soit d'infraction criminelle ou
pénale.
Je
pense que la réponse vient de votre allocution tantôt. Les propos que vous avez
mentionnés, c'est qu'effectivement la liste, c'est une liste qui n'est pas
exhaustive, qu'on peut compléter par l'article 69.12, qui vient corriger le fait que
certains organismes qui ne seraient pas nommés dans la nomenclature que vous
avez faite seraient, à ce moment-là, couverts par le nouvel article qui,
à mon sens aussi, a des balises claires. Ce n'est pas n'importe quelle infraction. On parle d'infraction fiscale. Ça fait
référence à l'agence, ce sont des renseignements fiscaux, et ce n'est
pas ouvert. Ce n'est pas un bar ouvert qu'on
a dans l'article ici. Alors, il y a des balises claires qui sont là et c'est
pour empêcher des crimes dans d'autres ministères qui ne seraient pas
concernés.
Et, quand la députée de
Bourassa-Sauvé… Vous avez parlé tantôt, l'article 69.13, qui disait
seulement : On peut détruire... il faut détruire les renseignements à
la fin. On a clairement, devant nous, l'article, le nouvel article 69.13,
qui impose d'autres balises face aux renseignements. Vous l'avez dans le projet
de loi. Alors, l'article est plus complet que ce que vous avez apporté... ce
que la — désolée, M. le
Président — députée de
Bourassa-Sauvé a apporté tantôt. L'article est clairement plus balisé dans la
nouvelle nomenclature qu'on peut lire devant nous. Merci.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Merci. M. le ministre, avez-vous des commentaires à rajouter?
M. Marceau : Bien, écoutez, je suis entièrement
d'accord avec ce que vient de dire la collègue des Îles-de-la-Madeleine, entièrement d'accord. Et je cherchais tout à l'heure
les...
Une
voix : ...
M.
Marceau : Pardon?
M.
Gautrin : Non, non, non, ça va. C'est
personnel.
M. Marceau : Je me mets... Ce sont des
renseignements personnels, on va garder ça comme ça. Maintenant, je ne transmettrai pas ça à personne sans l'autorisation
d'un juge, alors...
Je cherchais les propos puis je viens de les
trouver, les propos qui ont été tenus ici par M. Chartier, le président de la Commission d'accès à l'information, lors
de sa visite chez nous, donc, il y a...
Une
voix : Le 9 avril.
•
(16 h 50) •
M. Marceau : 9 avril. Effectivement, donc, il a
utilisé «sécurisé». Il a dit que ça le sécurisait, les dispositifs qui sont mis en place
dans le... Enfin, vous vous en rappellerez, j'imagine, puisque vous étiez
présents. Mais il dit donc... C'est ça. Il dit précisément : «Donc,
évidemment, ça nous sécurise quant à l'utilisation, puisque le libellé des
articles anciens, sur cet aspect-là, n'a pas changé.» Enfin,
essentiellement, et... Je voulais simplement rappeler que la Commission d'accès
à l'information trouve que les dispositions
que nous avons mises en place sont équilibrées et qu'elles contiennent des
dispositions, des balises
importantes. C'est la ceinture et les bretelles. C'est ce que nous dit la
Commission d'accès à l'information.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme de Santis : J'aimerais retourner au mémoire de la
Commission d'accès à l'information. Et aussi
c'était... ce que je vais dire maintenant,
ça faisait partie d'une question que j'avais posée lors de la présentation de
leur mémoire. Dans leur mémoire à eux, ils disent : «Selon les
précisions obtenues par la commission, cette modification législative vise à lutter contre l'augmentation de la fréquence et
de l'ampleur des crimes économiques envers l'État…» O.K., et c'était ça... prémisse sur laquelle ils ont basé leurs
opinions et, en plus, à la fin, comme conclusion, ils disent : «En
conclusion — ilsnous mettent en garde, ils disent — la commission tient à rappeler qu'il importe que le
législateur recherche un équilibre entre la nécessité pour un État de se protéger
contre le crime et les infractions aux lois et celle d'assurer la protection
des renseignements personnels de ses citoyens.» Alors, ils disent, oui, que
l'autorisation judiciaire prévue est de nature à préserver un tel équilibre, mais je ne suis pas sûre que... Dans la
réflexion à haute voix, ce n'était pas à 100 % qu'ils étaient
d'accord. Ils nous demandent à réfléchir.
Il faut maintenir un équilibre, et les
renseignements personnels, pour moi, c'est très important. On vit dans un monde où, tous les
jours, on perd le contrôle de qui on est, de nos renseignements personnels, que
ce soit à des tiers, à des multinationales,
via l'Internet, mais où on est aussi tous les jours en train de perdre le
contrôle sur nos renseignements personnels vis-à-vis l'État, et, en tant
que citoyenne, c'est quelque chose qui me préoccupe. Moi, je suis toujours... Quand je regarde les dispositions qu'on retrouve
dans l'amendement, je me dis : À quel point on arrive à «Big
Brother watching over me»? Je ne veux pas de
Big Brother, je veux m'assurer que mes renseignements personnels sont
vraiment utilisés pour les fins que, quand je les donne, je comprends, ils vont
être utilisés. Quand je les donne au ministère du Revenu, je comprends qu'ils
vont être utilisés pour une certaine fin. Ensuite, si moi, je vais commettre un
crime ou une infraction importante, je m'attends à ce que ces renseignements
puissent être partagés. Mais je ne veux pas que, sur quelque chose d'anodin, on utilise des renseignements dans mon
dossier fiscal pour m'empêcher de vivre en tant que citoyen libre, dans
un Québec libre, en tant que citoyen, quoique... O.K. Mais, vous savez, de...
M.
Gautrin : Je vois que tu es en
train...
M.
Marceau : On apprend des choses
aujourd'hui.
Des voix : ...
Mme
de Santis : Un Québec où les valeurs
de liberté sont importantes, parce que, pour moi, c'est important.
M. Gautrin : Un glissement de pensée, hein? Moi, je vais réintervenir.
Mme de
Santis : Vous allez utiliser la...
M. Marceau : Bien là, c'est fort intéressant, M. le Président, tout ce
qu'on apprend aujourd'hui.
Des voix : ...
M. Marceau : J'ai très bien compris ce que la collègue députée voulait
dire et je sais que ce n'était pas sa foi indépendantiste
qui s'exprimait, mais bel et bien ses convictions envers une société dans
laquelle on est libres. J'ai très bien
compris ça. Et j'adhère, moi aussi, en passant, M. le Président, au Québec
libre, oui, mais, moi, dans les deux sens. Les deux sens me conviennent. Ils me conviennent, puis, en même temps,
je suis en désaccord avec la collègue quant à l'équilibre que nous
devons... Enfin, je crois que le point d'équilibre que nous devons identifier,
il est plus approprié dans le cas... Je
crois que l'équilibre actuel n'est pas satisfaisant. Je conviens que nous
allons vers, donc, un secret fiscal moins
étanche, mais je crois que les raisons pour lesquelles on le fait, ce sont de
bonnes raisons. Je crois que les citoyens demandent au gouvernement,
demandent à l'État d'agir, de réprimer les infractions, de réprimer le crime.
Je suis convaincu de cela et je crois que d'aller vers un secret moins étanche,
c'est acceptable, dans la mesure où des balises appropriées sont mises en
place, dans la mesure où il y a un système... on a les garanties qu'un juge va
procéder aux autorisations. Je pense que c'est fort important.
Mais, encore une fois,
je ne crois pas qu'on puisse accepter la situation actuelle, le statu quo dans
lequel des infractions sont commises, et Revenu Québec ne peut rien faire. Je
crois que c'est inacceptable, je crois que c'est...
Une voix : …
M. Marceau : Bien, écoutez, j'entends des gens, des collègues députés
me dire qu'ils sont d'accord. Mais, regardez,
si on est en accord avec ce que je viens de dire, si on est en accord avec le
fait que Revenu Québec ne doit plus se trouver dans la situation où elle
demeure bras croisés, sachant, hein, en connaissance d'information qui pourrait
prévenir la commission d'un crime, je crois
que la logique veut qu'on fasse en sorte que Loto… pardon, que Loto-Québec… que Revenu Québec
puisse transmettre cette information, mais dans un cadre extrêmement contrôlé,
donc, et c'est ce que nous avons tenté de faire.
Mais
je ne vois pas, encore une fois, l'univers des crimes qu'on devrait... ou
l'univers des infractions pénales qui ne
devraient pas être assujetties à 69.0.0.12. Je ne le vois pas. Je le cherche,
je ne le trouve pas.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le député
de Saint-Maurice.
M.
Trudel : Vous
savez, M. le Président, pour moi, on assiste à une discussion fabuleuse, là,
sur les fondements de notre système de droit. Je me rappelle des paroles que mon père, qui
était juge, ainsi que des professeurs de droit… nous ont déjà inculquées, prodiguées : un principe
fondamental, c'est que les lois sont toujours le reflet d'un consensus
social, sont donc toujours en retard sur les comportements des individus dans
la société. Et c'est après un certain temps que, des comportements étant
largement répandus, ça nous permet donc de les codifier et retrouver les
limites ou des consensus sociaux dans des textes de loi.
Et,
moi, ma grande préoccupation ici aujourd'hui, c'est qu'on parle de probité, de
protection de l'État, d'égalité des citoyens
aussi face à l'État, et, quand on sait très bien que, tant au niveau des
criminels qui ont toujours le génie pour s'adapter
à toutes les situations, les techniques policières aussi, trouver des écarts
dans nos lois, il faut souvent réagir. Et là la discussion qu'on tient
depuis le début de nos travaux ici, c'est, en fait, deux visions qui
s'affrontent : une qui tend à vouloir mettre, d'abord et avant tout, en
haut de toute décision, la protection ou l'objectif de la protection des droits
individuels, les libertés et les droits
individuels, alors que, de l'autre côté, c'est un peu la thèse que nous, nous
défendons, c'est d'accepter de faire des compromis pour défendre les droits
collectifs.
Et, en ce cas-ci, on
parle vraiment, quant à moi, là, de protection du public ou la protection de la
capacité de l'État d'assurer sa mission,
entre autres en s'assurant que chacun des contribuables contribue à la mission
de l'État, entre autres au plan
fiscal. Et la thèse que nos collègues de l'opposition officielle semblent
défendre ici, c'est qu'on doit être, quand
on veut permettre des accrocs au droit des individus, d'être le plus restrictif
possible pour éviter tout écart de l'État. Ce qu'on tente, nous, c'est de trouver une façon de simplifier un peu le
travail des employés de l'État en mettant un cadre général et tout en
faisant confiance aux tribunaux, aux magistrats pour mettre des limites à tout
ça.
• (17 heures) •
Et
puis, même si ce n'est pas défini in extenso, moi, je pense qu'il y a des
balises qui sont assez importantes. On donne
la responsabilité aux magistrats… Et on l'a vu dans d'autres secteurs d'activité, notamment pour toutes les
questions d'enquêtes criminelles, mais aussi quand on parle de procédures pour
protéger les biens, ainsi de suite, quand il y a des saisies avant jugement,
ainsi de suite. Nos tribunaux sont habitués, puis il y a des règles qui sont
assez claires là-dessus pour encadrer tout ça, toutes les décisions.
Moi,
je pense qu'on devrait faire confiance aux magistrats, aux tribunaux, qui
viendront interpréter, baliser, préciser au
besoin par la suite un texte de loi qui tente d'être le plus inclusif possible,
d'être le plus large possible pour éviter d'échapper des morceaux qui permettraient à
certains individus, soit de façon mal intentionnée ou bien, comment dire, sans crier gare, mais
qui ont un comportement qui vient à l'encontre du droit public ou du bien public,
donc les tribunaux auront la capacité de venir préciser, là, les écarts ou les
abus de l'État, là, qui pourraient intervenir dans le passé.
Alors,
moi, je pense qu'on doit absolument aller de l'avant avec la formulation qu'on
a là et puis tenter de donner les moyens à l'État de s'assurer d'une certaine
équité envers les individus.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le ministre.
M. Marceau : Bien, écoutez, je suis totalement,
entièrement d'accord. Moi, je crois qu'on a, dans le projet de loi, trouvé
l'équilibre dont on parlait plus tôt, l'équilibre entre, évidemment, la
protection des renseignements fiscaux d'une part, ou qui... Cette protection est très, très
importante. Je voudrais que ce soit bien clair, il n'y a personne qui met ça en
cause. Mais, en contrepartie, il y a la
nécessité de combattre les infractions, de combattre le crime, de réprimer ces
infractions et ces crimes. Je crois que le
public, les citoyens du Québec nous demandent ça. Et le statu quo, c'est de ne
pas bouger, donc c'est de ne... Alors, moi, évidemment, vous avez
compris que je suis prêt à bouger, je suis prêt à... Et vous nous dites que
vous êtes prêts à bouger, je l'entends, mais, dans ce cas-là, il va falloir que
nous trouvions le point.
Moi,
je vous demande : Quelle est cette infraction qui pourrait être assujettie
en vertu du libellé que nous avons introduit? Quelle est cette infraction que
nous avons... qui pourrait être assujettie que vous suggérez de ne pas
assujettir? Identifiez-la-moi, et moi, je vous dis, je crois que vous allez
faire le même raisonnement que moi, à la fin, vous
allez dire : Bien, dans le fond, là, dans la mesure où on a un mécanisme
acceptable d'encadrement, il n'y en a pas, d'infraction qu'on veut ne
pas assujettir. Je pense que... Moi, je n'arrive pas à me résoudre à trouver un
exemple, je n'y parviens pas.
Je vais consentir… J'aimerais être bien clair
avec vous, je vais consentir, mais je vais consentir à votre demande. Je ne vais
pas, moi, vous dire que je suis prêt à restreindre, à éliminer des infractions.
Je suis prêt à plier parce qu'évidemment vous êtes majoritaires, mais
moi, je ne me résoudrai pas à ça volontairement. C'est la situation dans
laquelle nous nous trouvons.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le député de Lévis.
M.
Dubé : Alors, vous me tiendrez
informé du nombre de minutes qu'il me reste, là.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Il vous reste 20 minutes.
M. Dubé : En fait, je dirais à mon collègue que
je pense qu'il y a deux visions… Il y en a une troisième, hein, il ne faut pas
l'oublier, il y a la nôtre, puis, dans ça, il y a une question de gros bon
sens. Et, moi, ce que j'aimerais poser au ministre comme question, c'est… Je vous ai parlé tout à l'heure qu'il y
avait un choix — puis on en a parlé à la dernière fois aussi — qu'on choisissait
l'étendue du crime ou on choisissait l'étendue des intervenants à qui on
voulait restreindre, d'un côté ou de l'autre.
Moi, ce que j'aimerais, c'est peut-être
prendre un exemple très simple, très, très simple, puis poser ma question, pour vous
donner... Bon. C'est sûr, lorsqu'on parle de crime grave, je pense qu'il n'y a
personne qui débat ça… Ça fait
longtemps que la loi est comme ça, puis etc. Il y avait notre collègue tout à
l'heure qui parlait du carré rouge, puis
là on se sentait un peu plus loin. Mais je comprends, parce que des fois on
veut exagérer avec des exemples extrêmes, puis ça permet de... Moi,
j'essaie d'en trouver un qui permet peut-être d'aller vers le gros bon sens
puis de faire le lien avec l'étendue soit du
crime ou des intervenants. Laissez-moi vous en posez un, parce que tout à
l'heure je pense que vous aviez un exemple, M. le ministre... M. le
Président, le ministre disait : Prenons un exemple, par exemple, d'un
employé de Revenu Québec qui se rend compte qu'un employeur ne paie pas le
salaire minimum, O.K.? On peut s'entendre que c'est une infraction, hein? Ce
n'est pas une infraction criminelle, hein, ce n'est pas une infraction
criminelle. Donc là, on est dans le crime, pour garder les mots simples, puis
là on dit : À quel intervenant? Alors là, je me ramène, puis je vais être
précis dans mon exemple, juste pour mieux illustrer la... puis obtenir vos commentaires.
Là, je m'en vais à 69.0.0.13, et ça dit... et je prends juste la dernière
phrase : «…ou que dans le cadre d'une
procédure ou d'une instance ayant trait à ces fins.» Alors, ce que je veux
voir, M. le Président, ce que je veux demander au ministre… de m'aider à
illustrer l'exemple : Est-ce que ce que l'employé irait demander au juge... Dans le cas où il aurait pris connaissance
qu'il y a une infraction sur cette entreprise-là qui ne paie pas le salaire minimum à ses employés, à quel autre
ministère il pourrait communiquer cette information-là? Donc, à quelles
fins on parle?
Et
je m'explique clairement : Est-ce qu'il aurait le droit, selon
l'interprétation du juge, de prendre le crime, selon le salaire minimum,
seulement à un ministère très concerné à cette fin, c'est-à-dire, par exemple,
au ministère du Travail, où sont les normes du travail, puis là c'est là que je
veux vous donner cet exemple-là, ou il
pourrait dire… Parce que c'est un crime, encore une fois… Là, je peux aller à
peu près à tous les ministères, parce
que j'ai peut-être quelqu'un qui a un potentiel de faire un crime, puis là je
voudrais... Non, mais je veux que
vous me donniez cet exemple-là, parce que, là, on n'est plus dans le crime, on
est dans les intervenants, puis je
veux essayer de voir quelle est la... Parce qu'où ça m'inquiète un peu… Ce que
le collègue a dit tout à l'heure, on a vu... Puis là je veux faire un
peu d'humour aujourd'hui pour rire un peu, mais, quand on laisse un peu de
latitude aux juges, des fois ils en prennent beaucoup aussi — on a vu ça dans les dernières semaines — alors je voudrais être certain qu'on n'en donne pas trop.
Alors, ce que je veux comprendre, c'est que le juge...
Qu'est-ce qu'on veut dire, en fait — pour
clarifier mon point — dans «d'une procédure ou d'une instance ayant trait à [cette
fin]»? Est-ce que c'est uniquement lié à un crime dans les normes du
travail ou à d'autres pour aller essayer de voir comment il y a de
potentiel de fraude avec le même individu ou
société? Alors, je ne sais pas si ma question est claire, pour avoir un
exemple, peut-être, à discuter.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le ministre.
M.
Marceau : Oui, merci. La question est
extrêmement claire. Je pense que je peux vous donner une réponse extrêmement
claire aussi. Mais, de façon à ce que ce soit extrêmement clair et extrêmement
vrai puis parfait, je vous demanderais de... à ce que nous donnions la parole à
Me Bolduc, qui va vous répondre, là, assurément d'une façon plus précise.
Une
voix : Et qui est un juriste.
M.
Marceau : Qui est un juriste.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Alors, d'accord. Alors, Me Bolduc...
Des
voix : …
M. Marceau : Non, O.K., excusez, je n'ai pas
suivi. Mais la réponse... Je crois que la réponse... Je suis convaincu que la réponse va vous rassurer beaucoup,
beaucoup, beaucoup, voilà.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
Alors, Me Bolduc, sur le même consentement, j'imagine, vous avez la
parole.
M.
Bolduc (Claude) : Alors, Claude
Bolduc, Revenu Québec.
Pour répondre à votre question, c'est qu'il y
a certains organismes, pour leurs poursuites pénales dans le cadre de la Commission des normes du travail… Je ne sais
pas si eux-mêmes prennent les poursuites ou si c'est le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec qui
prend les poursuites aux infractions. Alors, dans ce cas-ci, la
Commission des normes du travail a le
renseignement que Revenu Québec lui a transmis suite à l'autorisation du juge,
O.K.? Si elle prend les poursuites
elle-même, il n'y a pas de problème, mais, si c'est le Directeur des poursuites
criminelles et pénales du Québec qui prend les poursuites pour
l'infraction à la Loi sur les normes du travail, bien, ça prend un droit de
communiquer ce renseignement-là au Directeur des poursuites criminelles et
pénales pour les fins de cette poursuite-là uniquement.
M.
Dubé : O.K. Mais, juste pour
préciser...
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le député de Lévis.
•
(17 h 10) •
M. Dubé : Moi, une de mes préoccupations...
Parce que je n'ai pas le bagage légal de plusieurs des collègues ici, alors
c'est pour ça que je veux simplifier mon exemple. Là, vous venez de répondre à
la première partie. Mais, moi, c'est d'essayer
de comprendre, puis, visuellement, je vais vous le montrer. J'ai une infraction
qu'on est au courant, exemple, sur les normes de travail. Je pense qu'il
n'y a pas personne qui va contester qu'on pourrait restreindre uniquement aux normes de transférer cette
information-là si le juge en a pris connaissance puis il dit qu'il doit aller
aux normes du travail. Mais, en tout cas, je pense que ça serait difficile de
ne pas...
Mais, moi, ma préoccupation que j'ai, une des
préoccupations que j'ai dans l'étendue, c'est : Est-ce que... Parce que le juge,
lorsqu'on lui donne ce droit-là de dire : On le fait pour certaines fins,
est-ce qu'on pourrait aller ailleurs, dans un autre ministère qui n'est
pas relié? Et c'est là que, des fois, quand j'entends «autre organisme»… Est-ce
que le juge pourrait dire ou, en tout cas,
quelqu'un du ministère du Revenu pourrait dire : Écoutez, on pense que c'est tellement une grosse fraude que,
oui, je comprends que ce n'est peut-être pas juste la norme du travail
où on veut aller, mais on pourrait aller
ailleurs, on pourrait aller dans d'autres ministères parce que cet
organisme-là, s'il a été capable de faire cette fraude-là avec les
normes du travail, est peut-être capable d'en faire ailleurs, et c'est ça, moi,
que je veux voir : quelle est la
latitude du juge à être restrictif dans l'étendue des personnes à qui va être
communiqué...
Alors, moi, avec le moins de connaissances
légales que j'ai, quand je lis la dernière phrase de 69.0.0.13, j'essaie de faire le lien avec «à ces fins», et je... Pour
moi, ça, ce n'est pas clair, et j'aurais... Si vous voulez continuer là-dessus,
j'aimerais en entendre un petit peu plus.
Le
Président (M. Pelletier, Rimouski) :
M. le ministre.
M.
Marceau : Oui.
Bien, écoutez, le renseignement... Il y a plusieurs endroits où ça revient, là,
mais le renseignement ne peut être transmis
que s'il existe des motifs raisonnables de croire que ce renseignement et
seulement ce renseignement... Donc, il ne peut pas y avoir d'autres éléments du
dossier fiscal, là. Disons qu'il y a un renseignement qui permet d'établir... Je ne sais
pas, imaginons que ce soient des feuilles de paie, mettons, là, des
feuilles de paie ou je ne sais pas qu'est-ce
que ça pourrait être, exactement, d'autre, là, mais prenons, par exemple… C'est
ça, là, on parle des feuilles de paie. Ce renseignement pourrait être
transmis à la Commission des normes du travail pour l'établissement...
Ce
je que je comprends, là... puis Me Bolduc, si vous permettez, va pouvoir
en ajouter, mais ma compréhension toute simple
de ça, c'est : à Revenu Québec, on s'est rendu compte, en faisant le
travail habituel et normal qu'on fait toujours, qu'il y avait, donc, cette
entreprise qui avait des feuilles de paie qui révélaient que cette entreprise
versait des salaires inférieurs au salaire minimum. Revenu Québec,
présentement, ne peut rien faire, ne peut pas bouger. Et là ce qu'on dit, c'est
que Revenu Québec pourrait aller voir le juge, lui dire : M. le juge, on a
en notre possession un renseignement, des feuilles de paie qui montrent que
cette entreprise ne paie pas, ne verse pas le salaire
minimum à ses employés. Est-ce que vous nous donnez la permission de
transmettre cette information bien précise permettant d'établir qu'il y
a une infraction pénale qui est commise par cette entreprise? C'est comme ça
que je le comprends, mais je vais laisser Me Bolduc...
Une voix : ...ne peuvent pas l'envoyer à la Régie du bâtiment,
mettons.
M.
Marceau : C'est
ça, ils ne peuvent pas l'envoyer à la Régie du bâtiment. Ils ne peuvent pas
envoyer d'autres éléments du dossier de revenu
fiscal, là. Il n'y a rien d'autre que ces éléments-là, là.
M. Dubé : Ma question... vous pouvez m'aider là-dedans.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le député
de Lévis.
M. Dubé : Si vous me permettez, M. le Président, juste pour bien
comprendre. C'est ça que je veux comprendre : Quel est le... Parce que
c'est le collègue du gouvernement, dont je ne me souviens pas de son comté, je m'excuse, là... de s'assurer que c'est... Les
différentes parties que nous avons entendues, que ça soit le Barreau, que
ça soit... ont quand même une certaine
préoccupation à l'étendue, puis moi, j'ai un peu de misère à laisser ça
carrément au juge. Alors, c'est pour
ça que j'essaie de demander : Est-ce que ça va être clair dans la demande
au juge que, si c'est une infractiondans
tel genre de secteur, qui n'est pas une infraction de revenu... Si c'est
seulement une infraction de revenu, ça peut
rester dans le ministère du Revenu, mais, si ce n'est pas une infraction grave
de revenu, comment on va faire pour faire ce lien-là direct et non large
pour s'assurer qu'on a toujours le secret fiscal, le principe fiscal respecté?
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le
ministre.
M. Marceau : Je vais laisser à Me Bolduc le soin de répondre puis
d'en ajouter s'il le désire, là. Voilà.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) :
Me Bolduc, sur le même consentement.
M. Bolduc
(Claude) : Claude Bolduc, Revenu
Québec.
Voici : le juge,
lorsqu'il donne son autorisation, c'est parce qu'il a des motifs raisonnables
de croire que ce renseignement-là peut prévenir ou peut constituer la preuve
d'une infraction, O.K.? Donc, il donne son autorisation.
Maintenant,
à partir du moment où le ministère ou l'organisme en question reçoit le
renseignement, lorsqu'on dit, à l'article
69.0.0.13, que ce renseignement-là ne peut être utilisé ou communiqué que pour
les fins pour lesquelles il a été obtenu ou
que dans le cadre d'une procédure ou d'une instance ayant trait à ces fins,
cette fin-là, c'est la raison pour laquelle
il l'a obtenu, ce renseignement-là, c'est-à-dire qu'il y aurait des motifs
raisonnables de croire qu'il y a une infraction à sa loi qui a été
commise, donc, une fois que le ministère ou l'organisme en question a le
renseignement, il y a des balises ici. Il ne peut pas faire ce qu'il veut avec,
là. Il ne peut l'utiliser que pour une poursuite pour l'infraction à cette
loi-là, point.
M. Dubé : Mais, avant de transmettre l'information, si vous me
permettez, M. le Président...
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Très court.
M. Dubé : Très court.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : M. le député
de Lévis.
M. Dubé : Oui, O.K. J'étais surpris d'ailleurs que je pouvais avoir
tout ça, là, mais...
Une voix : C'est l'heure qui finit, là.
M. Gautrin : C'est qu'on finit à et quart…
M. Dubé : Juste...
Des
voix : ...
M. Dubé : Alors, je reviendrai.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Non, allez-y,
M. le député de Lévis.
M.
Dubé : Je veux
juste être certain que c'est avant de transmettre l'information qu'il y a une
restriction sur le ministère ou l'organisme à qui on va y aller. Moi, c'est ça,
l'étendue... ça, c'est une des étendues. Il faut que le juge soit très clair et soit très restrictif à qui, cet
organisme-là, on va communiquer... Je ne suis pas préoccupé une fois qu'il l'a
reçue. C'est avant de décider, que c'est un seul organisme qui le reçoit.
M.
Bolduc (Claude) :
Oui. En fait, c'est — Claude Bolduc, Revenu Québec — lorsque
le juge, lui, lorsqu'il va évaluer le dossier
qui est devant lui, lui, pour donner son autorisation, il doit être convaincu
qu'il y a des motifs raisonnables de croire
qu'il y a une infraction qui est mentionnée, là, et que ce renseignement-là est
la preuve de l'infraction.
M. Dubé : Avec un ministère x...
M. Bolduc
(Claude) : Précis, précis.
M. Dubé : ...à définir? Oui, oui, c'est ça, ma question.
M. Bolduc
(Claude) : Précis. Une infraction
précise avec le ministère précis.
Le Président (M.
Pelletier, Rimouski) : Merci,
Me Bolduc. Alors, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses
travaux sine die. Et merci beaucoup à tout le monde.
(Fin de la séance à
17 h 16)