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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Thursday, November 4, 2004 - Vol. 38 N° 59

Consultation générale sur le projet de loi n° 61 - Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Avant de commencer, je demanderais à toutes les personnes présentes dans la salle de bien s'assurer d'avoir éteint la sonnerie de leurs téléphones cellulaires afin de ne pas perturber nos travaux.

La Commission des finances publiques est donc réunie ce matin, à nouveau pour poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 61, Loi sur l'Agence des partenariats public-privé du Québec.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: M. le Président, je vous rappelle seulement que M. Legault (Rousseau) est remplacé par M. Simard (Richelieu) pour la durée du mandat.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme la secrétaire. Alors, je fais lecture d'abord de l'ordre du jour pour cette séance du jeudi 4 novembre 2004. Nous accueillerons d'abord, ce matin, les représentants du Conseil du patronat. Nous accueillerons ensuite la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec. Par la suite, nous accueillerons, ce matin aussi, la ville de Québec. Cet après-midi, après les affaires courantes, nous accueillerons l'Institut pour le partenariat public-privé, ensuite l'Association du transport urbain du Québec et finalement l'Association des architectes en pratique privée du Québec.

Auditions (suite)

Donc, sans plus tarder, j'inviterais la représentante du Conseil du patronat, Mme Diane Bellemare, vice-présidente à la recherche, à qui je souhaite la bienvenue et bien sûr aux gens qui l'accompagnent, de, s'il vous plaît, nous présenter les gens qui vous accompagnent et par la suite de débuter votre présentation.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Mme Bellemare (Diane): Merci, M. le Président. Alors, je suis accompagnée, à ma droite, par M. Alain Madgin, qui est membre du conseil d'administration du Conseil du patronat du Québec et qui est également directeur des relations gouvernementales chez AstraZeneca, et, à ma gauche, M. Paul Muller, qui est économiste et chercheur associé à l'Institut économique de Montréal.

Alors, sans plus tarder, je voudrais remercier, Mme la Présidente, MM. les députés, Mmes les députées, mesdames et messieurs, de nous accueillir ici, pour discuter du projet de loi n° 61. Alors, juste avant de commencer, j'aimerais ça rappeler ? tout le monde le sait, mais quand même ? que le Conseil du patronat est une association à but non lucratif qui regroupe la plupart des associations patronales sectorielles du Québec, plus de 300 entreprises également parmi les plus importantes, et le CPQ, ici, ne parle pas au nom d'intérêts particuliers mais vise plutôt à sensibiliser le public aux besoins des entreprises en général afin qu'elles puissent mieux assurer leur rôle, leur mission, soit celle de créer la richesse nécessaire à l'amélioration de la prospérité de tous et toutes au Québec.

Alors, d'entrée de jeu, nous voulons dire que nous appuyons le gouvernement dans son intention de recourir aux partenariats public-privé pour accélérer la réalisation de projets d'infrastructures et d'équipements, pour améliorer la gestion des risques qui leur sont associés et pour améliorer la qualité des services aux citoyens. Plus spécifiquement, nous sommes d'avis que le gouvernement doit aller de l'avant dans la mise en oeuvre des PPP notamment pour le renouvellement des infrastructures, pour des services publics aussi non existants puis, à l'occasion, pour des services publics tarifés.

Pour le CPQ, les PPP ne sont pas une panacée à tous les problèmes d'efficacité puis d'efficience, mais nous sommes persuadés qu'ils peuvent contribuer, comme d'autres modes de livraison de services, à améliorer la qualité des services publics aux citoyens ainsi qu'à réduire les coûts de certains services publics pour les contribuables, ce qui est non négligeable dans un contexte serré de finances publiques. Notre mémoire a porté surtout sur les modalités de la stratégie gouvernementale et puis... Mais avant, là, nous voulons en profiter pour dissiper certains mythes entourant ce débat.

n (9 h 40) n

Alors, contrairement à plusieurs, je pense que, nous, pour nous, les PPP, c'est une formule, là, on sait, qui est très répandue. Et nous tenons, là, à le souligner en commission parlementaire, ce n'est pas une formule nouvelle, ça se fait ailleurs dans le monde. Plusieurs pays ont adopté cette approche, puis on peut en faire la liste, là, c'est exhaustif: la France, la Grande-Bretagne, l'Irlande, l'Italie, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède. Et puis, comme vous le voyez, là, à cette liste, des pays de toutes tendances ont réalisé des PPP, de tendance sociale-démocrate, de tendance libérale. En Grande-Bretagne, c'est l'actuel gouvernement travailliste qui a créé Partnerships UK, qui est la société d'État chargée de promouvoir les PPP. C'est une formule maintenant qui se développe aussi aux Nations-Unies pour les pays en voie de développement. Au Canada, des projets de PPP ont été réalisés depuis de nombreuses années, dans de nombreuses provinces. Puis au Québec, bon, c'était déjà dans les cartons de l'ancien gouvernement. Donc, la démarche actuelle du gouvernement du Québec n'est pas nouvelle. Ce n'est pas l'apanage non plus des régimes dits néolibéraux. Au contraire, elle s'inscrit, là, dans une tendance généralisée à l'échelle des pays industrialisés.

En fait, les PPP, c'est un moyen parmi d'autres pour réaliser des projets et l'amélioration des infrastructures, notamment. Et rappelons qu'avant qu'un projet soit un PPP, comme vous le savez, ça prend plusieurs conditions, et des conditions assez exigeantes. D'abord, la durée, hein? Un partenariat privé-public s'inscrit dans une durée de coopération entre les partenaires privé-public; ce n'est pas quelque chose, une entente ponctuelle, c'est une entente qui s'étend sur une longue période. Les partenaires du privé ont un rôle important à jouer tout au long du projet, notamment au niveau de la conception, de la réalisation, de la mise en oeuvre, de l'exploitation. Quant à lui, le partenaire public se concentre sur la définition des objectifs à atteindre, en termes d'intérêt public, de qualité, de coût, et assure un contrôle ou un suivi, là, sur l'atteinte de ces objectifs. Une troisième caractéristique, c'est le mode de financement d'un projet en PPP qui est assuré en partie par le secteur privé puis en partie par le secteur public, et notamment ça donne lieu à des montages financiers assez complexes. Et l'élément central des partenariats privé-public, c'est le partage des risques entre les partenaires, privé et public, partage des risques qui va générer, nous l'espérons, les comportements économiques tels pour réduire, là, le coût d'un projet ou en améliorer la qualité.

À notre avis ? puis ça je pense qu'on doit le dire aussi ? on ne prétend pas que le PPP va remplacer, là, tous les modes et toute la façon dont les gouvernements investissent ou font leurs dépenses d'immobilisations. À titre indicatif, en Grande-Bretagne, qui est un pays qui est très avancé, seulement 11 % de l'investissement total est réalisé en mode PPP. Toutefois, on a des leçons à tirer des PPP des autres pays, et c'est notre avantage peut-être, peut-être le seul, là, de commencer en retard, c'est au moins de s'inspirer de ce qui se fait ailleurs, parce que c'est évident qu'il y a eu des échecs en PPP puis il y a eu des succès. Alors, ici, au Québec, on peut s'inspirer de ce qui se passe pour justement essayer d'améliorer nos chances de succès en matière de partenariats privé-public.

Et, en terminant, je pense qu'on doit redire que les partenariats privé-public sont une façon d'améliorer le rapport qualité/prix dans des dépenses publiques et de réduire, peut-être à qualité égale, certains coûts notamment par le partage des risques ? ce dont j'ai parlé tantôt ? qui peut compenser la prime parfois en matière de taux d'intérêt accrus pour le secteur privé, quand il a l'obligation d'emprunter.

Une première recommandation que nous vous faisons ? puis je vais essayer d'aller plus rapidement ? c'est que nous désirons que l'Agence des partenariats privé-public soit une structure qui soit un peu plus ouverte sur l'entreprise privée qu'elle ne paraît, là, dans le projet de loi n° 61. On est d'accord avec le gouvernement qu'il faut procéder par étapes, mais qu'il faut affirmer sa volonté politique d'aller clairement dans ce dossier-là. Mais nous sommes d'accord qu'on ne peut pas y aller tous azimuts non plus; il faut y aller par étapes, et il faut y aller aussi avec rigueur et transparence. Nous pensons qu'en domaine de partenariat privé-public l'agence a un rôle majeur à jouer non seulement au niveau de la promotion des partenariats puis pour les susciter, mais aussi pour faire en sorte qu'on réunisse les conditions de succès pour les PPP.

Alors, pour faciliter les conditions de succès, je pense qu'on doit répondre à des interrogations non seulement du secteur public, mais aussi du secteur privé. Le secteur privé a beaucoup d'interrogations quant à la capacité, là, des gens dans le secteur public de pouvoir réaliser de véritables partenariats sur un autre mode que le mode traditionnel. Donc, l'agence, de par sa structure, à notre avis doit refléter ce besoin de faire en sorte d'être le trait d'union entre le public et le secteur privé. L'agence à notre avis ne doit pas seulement être une agence-conseil auprès du gouvernement mais doit vraiment faire le trait d'union entre les deux secteurs. Et, en ce sens-là, on se dit que sa structure, elle devrait être plus ouverte.

Quand on regarde le projet de loi, bon, on a un projet de loi qui institue une agence dirigée par un directeur général qui est nommé par le gouvernement, appuyé par un conseil d'administration qui est également nommé par le gouvernement. L'agence soumet au gouvernement ses prévisions budgétaires, et on peut lire dans le projet de loi qu'on espère, à un moment donné, que l'agence pourra s'autofinancer. Mais somme toute, quand on regarde l'ensemble de ces caractéristiques, on a une structure qui est assez proche du pouvoir exécutif. Et là on se demande: Bien, quel serait le degré d'indépendance réel de l'agence face au gouvernement? L'agence pour nous semble s'apparenter à une agence exécutive, et donc une agence exécutive mais avec les ententes de gestion, les plans d'action puis les objectifs de résultat en moins, parce qu'on ne retrouve pas ça, là, dans le projet de loi n° 61.

Donc, à notre avis, on devrait créer une structure qui est un peu plus indépendante du gouvernement puis au-delà donc des compétences, parce qu'on pense que l'agence doit recouvrir, doit avoir des personnes-ressources qui ont des compétences multiples, des compétences qui reflètent autant le secteur public que le secteur privé. Mais, pour servir véritablement d'intermédiaire, à notre avis il y a comme deux modèles: le modèle de la Colombie-Britannique, le modèle du Royaume-Uni. En Colombie-Britannique, le gouvernement a créé une société d'État, Partnerships BC, pour remplir sensiblement les mêmes fonctions de l'agence. Mais, quand on regarde l'agence de la Colombie-Britannique, c'est enregistré selon la loi comme une entreprise dont l'unique actionnaire est le gouvernement, mais sa mission est de devenir une compagnie viable sur le plan commercial. Le Royaume-Uni est allé encore un peu plus loin dans cet objectif en donnant encore plus d'autonomie à l'agence, de telle sorte que son capital-actions, 49 % de son capital-actions est détenu par le secteur privé. Donc, c'est deux structures différentes, mais l'une et l'autre sont indépendantes du gouvernement, donc elles peuvent bien jouer leur rôle d'intermédiaire entre les deux secteurs, et, nous, c'est un positionnement qu'on souhaite voir.

Alors, sans plus tarder, je passe la parole à M. Madgin, qui va continuer avec notre souci sur le besoin d'avoir des projets candidats importants.

Le Président (M. Paquet): M. Madgin.

M. Madgin (Alain): Merci, M. le Président. Pour faire suite à Mme Bellemare, oui, si l'agence peut être proactive, ça va attirer des projets. Et, nous, on pense qu'il faut générer un bassin suffisant de projets candidats. Il est important de générer un nombre suffisant de projets candidats afin que se dégage du lot un certain nombre de projets viables. Or, la génération de projets ne va pas de soi. Il faut que les gestionnaires de l'État imaginent des solutions hors des modes traditionnels. Il faut surmonter la force d'inertie. Il faut attirer ces projets-là, parce qu'on sait très bien que, si on n'attire pas un nombre important de projets, tous les projets ne seront pas acceptables, tous les projets, dans l'étude qu'on en fera, ne pourront pas être réalisés, alors il faut attirer un certain nombre de projets pour en choisir quelques-uns qui seront viables là-dedans.

Le projet de loi attribue à l'agence le mandat de promouvoir le concept des PPP auprès des organismes publics seulement, tandis que la Politique-cadre sur les PPP attribue aux organismes publics la responsabilité de déterminer les projets pour lesquels un PPP peut être envisagé. Les entreprises privées là-dedans, où sont-elles?

On sait qu'actuellement la ministre prévoit étudier et réaliser une dizaine de projets de PPP. C'est une première étape à laquelle on souscrit grandement. Le CPQ craint que les organismes publics et l'agence ne réussissent pas à générer un nombre suffisant de projets candidats à un PPP. La politique-cadre pourrait ainsi devenir une coquille vide et l'agence, une structure plus ou moins inutile. C'est pourquoi le Conseil du patronat préconise deux mesures additionnelles afin d'accroître le nombre de projets.

n (9 h 50) n

Un, les organismes publics devraient obligatoirement considérer les PPP dans leurs PTI. Le Conseil du trésor a déjà demandé aux ministères et organismes de considérer l'option du PPP pour leurs projets d'investissement majeurs, mais nous estimons nécessaire de faire un pas de plus: les ministères et organismes devraient être tenus d'expliquer pourquoi l'option d'un PPP n'a pas été retenue, le cas échéant, lorsqu'ils proposent un projet d'infrastructure, d'équipement ou de services publics en mode de régie traditionnel. Les ministères et organismes conserveraient ainsi la responsabilité principale d'identifier les projets candidats à un PPP, mais ils ne pourraient jamais ignorer cette formule.

La deuxième suggestion qu'on vous fait, c'est que les projets de PPP non sollicités devraient être les bienvenus. Personne n'a le monopole des bonnes idées, ni nous ni la fonction publique. L'un des attraits des PPP, du point de vue de l'intérêt public, est qu'ils permettent de faire appel à la créativité d'entrepreneurs et de sociétés privées dans l'élaboration de solutions visant la construction ou la réfection d'infrastructures ou la fourniture de services publics, tous projets confondus. Dans un cas semblable, la société privée est susceptible d'investir temps et argent pour mûrir une idée et développer une solution. Or, après l'avoir présentée au ministère, elle risque de la voir reprise dans un appel d'offres que ce dernier voudra normalement lancer afin d'obtenir le meilleur prix. Pour lever cet obstacle à l'initiative, nous envisageons deux solutions, lesquelles peuvent être combinées:

1° l'organisme public pourrait renoncer au processus d'appel d'offres dans les cas où les avantages d'un PPP proposé par une société privée sont assez évidents, du point de vue de l'intérêt public, pour que l'organisme public puisse les justifier sur la place publique. Cette solution ne constituerait pas un précédent puisqu'elle est déjà utilisée en Colombie-Britannique. Le ministère des Finances de la Colombie-Britannique accepte la possibilité d'accorder des contrats à des sociétés privées, suivant la réception d'appels d'offres non sollicités, sous réserve du respect d'un processus qui a déjà été établi par Partnerships BC;

2° quand un organisme public lance un appel d'offres fondé sur un concept de PPP conçu par une société privée, il devrait au préalable reconnaître la propriété intellectuelle de cette société sur le concept. Trois solutions sont alors possibles. L'organisme public accepte de lui verser un dédommagement dans le cas où cette société perdrait l'appel d'offres aux mains de son concurrent. Ce dédommagement devrait permettre à la société qui a encouru les coûts initiaux de développement de les récupérer. Deuxième solution, la société qui détient la propriété intellectuelle sur le concept des PPP bénéficie d'un avantage chiffré sur ses concurrents dans le calcul des points servant à déterminer la meilleure offre dans le processus de sélection. À l'instar de l'Italie, dans l'hypothèse où l'entreprise innovante n'est pas celle finalement retenue pour toutes sortes de raisons, un pourcentage pourrait lui être automatiquement versé par l'entité attributaire du contrat.

Avant de laisser la parole à mon collègue, M. Muller, nous aimerions dire quelques mots sur la taille des projets, sujet que nous n'avons pas abordé dans le mémoire. Nous pensons que la ministre ne doit pas exclure de sa planification les PPP de petite et moyenne taille. En effet, plusieurs entreprises québécoises doivent apprivoiser ce nouveau mode de collaboration et développer l'expertise en cette matière. Il se pourrait que peu d'entreprises québécoises offrent leurs services parce qu'elles ne sont pas assez familières ou parce qu'elles n'ont pas les possibilités financières tout simplement pour entreprendre un partage de risques et de financement pour des PPP de grande taille. Finalement, de petits et moyens projets ne devraient donc pas être exclus d'emblée afin de permettre aux entreprises québécoises d'acquérir l'expertise nécessaire. Merci.

Le Président (M. Paquet): M. Muller, il reste donc 4 min 30 s.

M. Muller (Paul Daniel): Combien?

Le Président (M. Paquet): 4 min 30 s.

M. Muller (Paul Daniel): C'est en plein ça. Alors, on le sait, la notion de partage de risques est au coeur des PPP. Dans son article 6, le projet de loi définit un contrat de PPP, lequel comporte nécessairement, entre autres, un partage de risques entre les partenaires. Eurostat, qui remplit les fonctions de Statistique Canada pour la Communauté européenne, a récemment établi les critères en vertu desquels l'actif visé par un PPP peut être inscrit dans les comptes nationaux en tant qu'actif privé. En gros, dans le cadre d'un P3, le partenaire privé doit assumer le risque de projets associés à l'infrastructure, comme le risque de dépassement de coûts de construction ou le retard sur l'échéancier, et au moins l'un des deux risques suivants, soit le risque commercial et le risque de déficience dans le niveau de service.

Si le P3 visant cet actif ne remplit pas ces critères, alors l'actif doit être considéré comme public et inscrit dans les comptes publics, mais surtout ? et c'est là que le bât blesse ? on doit imputer au passif de cet État une dette fictive envers le partenaire privé. La dette totale de cet État, aux fins du calcul du taux d'endettement et des comparaisons internationales, s'en trouve rehaussée. En fait, selon Eurostat, il n'y a pas d'alourdissement du passif à condition que le partenaire privé assume une partie significative des risques. Le transfert de certains risques, tels ceux associés au dépassement des coûts, de la demande et au maintien des niveaux de services, en tout ou en partie, d'un organisme public vers un partenaire privé, constitue l'avantage essentiel d'un P3 du point de vue de l'intérêt public.

C'est ce transfert de risques vers une entité plus apte à les gérer qui permet de mettre les contribuables à l'abri des dépassements de coûts. Un transfert de risques cosmétique n'incitera pas le partenaire privé à engager tous ses talents et toutes ses énergies dans le succès du projet. C'est pourquoi le CPQ estime que le gouvernement devrait clarifier, tant dans le projet de loi que dans la politique-cadre, qu'un P3 comporte un transfert significatif de risques vers le partenaire privé.

La décision d'Eurostat, de même que l'expérience néo-écossaise dont nous avons parlé dans notre mémoire, indique qu'il vaut mieux clarifier dès à présent les règles comptables qui seront appliquées aux actifs et aux passifs associés aux projets de P3 dans les comptes publics.

Mme Bellemare (Diane): Alors, en conclusion, je n'énumérerai pas, là, les recommandations que l'on fait, ou, si j'ai... J'ai combien de temps?

Le Président (M. Paquet): Deux minutes.

Mme Bellemare (Diane): O.K. Bon, je vais les résumer rapidement. On appuie le gouvernement dans son intention de recourir aux partenariats public-privé pour accélérer notamment la réalisation de projets d'infrastructures et d'équipements. Eu égard à la structure de l'organisme ? deuxièmement, là ? le CPQ aurait préféré une structure plus ouverte sur le secteur privé. Troisièmement, le CPQ recommande au Conseil du trésor de demander formellement aux organismes publics de considérer l'option des PPP pour leurs projets d'investissement majeurs et surtout d'expliquer pourquoi quand ce n'est pas retenu. Le CPQ souhaite que l'agence développe une façon de reconnaître la valeur des offres non sollicitées qui sont soumises en appel d'offres en s'inspirant de l'une ou l'autre des formules de compensation qu'on a évoquées dans le mémoire. Cinquièmement, nous recommandons à la ministre de ne pas exclure à l'avance des projets de petite et moyenne taille. Sixièmement, le CPQ recommande à la ministre responsable de clarifier, tant dans le projet de loi que dans la politique-cadre, qu'un PPP comporte un transfert significatif de risques vers le partenaire privé. Le CPQ demande au ministère des Finances de clarifier dès à présent les règles comptables qui seront appliquées aux actifs et aux passifs associés aux projets de PPP dans les comptes publics. Et enfin nous recommandons à la ministre responsable de biffer, dans l'article 6 du projet de loi, la référence à l'amélioration de la qualité des services pour plutôt l'équilibrer, en parler, mais de l'équilibrer par une référence également à l'objectif de réduction de coûts ou de l'atteinte d'un rapport qualité-prix.

En terminant, nous avons une suggestion à vous faire qui n'est pas dans notre mémoire et qui... Puis on se dit que, pour dissiper les discours idéologiques qui entourent les PPP... Parce qu'en fait c'est un moyen, là, à notre sens, à nous, là, il n'y a pas d'idéologie derrière cela. Le CPQ réitère aujourd'hui la proposition que M. Gilles Taillon avait faite lors du Forum des générations, à savoir qu'il serait sans doute utile pour le Québec de mettre en place un conseil économique dont le mandat serait notamment de suivre, à l'aide d'indicateurs appropriés, les meilleures pratiques identifiées dans le monde afin d'améliorer la productivité, afin d'améliorer l'innovation et la prospérité au Québec. On pense qu'un tel conseil, s'il est bien constitué, pourrait suivre notamment, pour l'intérêt public, là, les réalisations de l'agence à l'aide des indicateurs les mieux appropriés. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, Mme Bellemare. Alors, Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Jérôme-Forget: Alors, merci, M. le Président. Alors, Mme Bellemare, je suis contente de vous retrouver. Ça me fait bien, bien, bien plaisir de vous voir où est-ce que vous êtes, et je voudrais remercier également MM. Madgin et Muller qui vous accompagnent. Il est clair qu'on attendait, avec beaucoup de plaisir, votre présentation. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Vous avez plusieurs recommandations, et bien sûr toutes ces recommandations vont être étudiées attentivement.

Vous souhaitez que l'agence s'inspire, dans un premier temps, là, de BC Partnerships ou de Partnerships UK. Bon, effectivement, BC Partnerships a l'apparence d'être une entreprise privée puisqu'il est financé à 49 % par le secteur privé, je pense. C'est à peu près ça. Rappelons-nous par ailleurs que j'ai rencontré le président, Larry Blain. Il est quand même nommé par le gouvernement. Le conseil d'administration est nommé par le gouvernement, mais c'est clair qu'il y a une approche très entreprise privée dans la culture de cette agence-là. Mon approche, moi, et l'approche du gouvernement, ça a été de développer une expertise au sein du gouvernement. L'agence, elle a une mission également justement pour générer des projets pour aider les ministères, pour les assister dans leurs démarches, développer une grande expertise.

n (10 heures) n

Vous dites, vous souhaitez, vous, qu'elle soit le trait d'union entre l'entreprise privée et le gouvernement. Bon, je pense que, avec la mission qu'on lui donne, si vous lisez l'article 5: conseiller, aviser, promouvoir, aider, développer une expertise au service de; je pense que la mission de l'agence, c'est précisément ça. Mais peut-être que vous aimeriez clarifier comment la rendre encore plus autonome la rendrait plus efficace à l'endroit des organismes mais également des ministères.

Le Président (M. Paquet): Mme Bellemare.

Mme Bellemare (Diane): Oui, c'est peut-être un peu un biais de mon expérience antérieure, là, qui me fait souhaiter que l'agence ait une certaine autonomie par rapport au pouvoir exécutif, notamment que son conseil d'administration puisse avoir un rôle réel au niveau non seulement de la promotion, mais au niveau de créer la culture nécessaire au succès d'une telle entreprise et surtout pour générer des expériences nouvelles.

À mon sens, là, moi, j'ai vécu, à l'intérieur du gouvernement, deux structures gouvernementales: bon, une société d'État et puis une agence qui était comme une unité autonome de service et qui s'apparente à l'agence telle que vous la décrivez ici.

Dans le premier cas, quand on crée une agence ou quand on crée une société d'État avec un conseil d'administration qui a une certaine autonomie, à mon avis ça permet au conseil d'administration de développer un esprit collectif d'appartenance à l'organisme et donc de pouvoir avoir un pouvoir d'initiative et de l'utiliser, ce pouvoir d'initiative. Et à mon sens c'est important pour la réussite de telles organisations.

Dans l'autre cas, bon, là, on est... c'est sûr, à ce moment-là, que les gens sur le conseil d'administration sont plus là à titre de conseillers, sont moins concernés également. Et donc la volonté collective que ça fonctionne, bien, elle a moins de chances de se développer. Alors, c'est un petit peu ce souci-là que je trouvais très important, là, de voir inscrit dans la loi pour essayer de promouvoir une agence.

Bien entendu, on sait que les contrats sont signés par le gouvernement, mais il reste que le choix des moyens pour faire la promotion, le choix des moyens pour changer la culture, je pense que, lorsque l'agence est autonome et elle a les mandats de le faire d'une façon vraiment propre, il y a plus de chances de succès. Voilà.

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Bon. Je vous écoute attentivement. Je vous dirais qu'à BC Partnerships, vous réalisez... Le changement de culture, Mme Bellemare, est-ce que ce n'est... À bien des égards, le temps fait son oeuvre. Le temps fait son oeuvre. Parce qu'à BC Partnerships ça a pris une année avant que vraiment ça démarre, BC Partnerships. Et en Grande-Bretagne, UK Partnerships, rappelons-nous que c'est après 10 ans qu'ils ont créé... après le PFI 1, là, PFI, je veux dire, c'est clair, là, que ça a pris quand même un certain temps.

Maintenant, je voudrais revenir sur un autre volet, les craintes que vous avez qu'on ait un nombre suffisant de projets. Vous avez mentionné effectivement qu'en Grande-Bretagne c'est 11 % des coûts d'immobilisations seulement qui sont en partenariat public-privé, puis c'est un pays qui en a fait beaucoup. Ils ont 600 projets de PPP. Est-ce que... Et pour ça je fais le lien peut-être avec le volet dans le fond où vous dites: Des offres non sollicitées. S'ouvrir à l'innovation puis être attentifs à ce que les gens nous conseillent. Moi, je suis bien ouverte à ça, mais, dans un partenariat public-privé, il faut aller en appel d'offres. Alors, les offres non sollicitées, ça peut se passer à l'intérieur des marchés publics, mais il faut qu'il y ait, dans un PPP, de la concurrence. Et s'il n'y a pas de concurrence, à mon avis, c'est là que le bât blesse. Parce qu'il peut arriver... Par exemple, dans l'hôpital en Colombie-Britannique, il y avait trois compagnies qui avaient soumissionné, il y en a deux qui finalement se sont retirées. Donc, là, vous êtes pris avec un soumissionnaire. C'est la même chose si on allait dans le mode traditionnel. Mais il n'en demeure pas moins que ça enlève, au niveau de la concurrence, les vertus d'un PPP. Moi, j'y vois un problème justement de reposer notre approche également sur des offres non sollicitées.

Mme Bellemare (Diane): En tout cas, pour générer des projets, il y avait deux éléments, là. Le côté public, où on pense que les organisations, les ministères devraient avoir le fardeau de la preuve, de prouver pourquoi ils n'ont pas choisi d'aller en mode de partenariat privé-public.

Et l'autre aspect, bon, c'est pour les projets non sollicités, où là évidemment on vous cite l'exemple de la Colombie-Britannique, où là les projets sollicités peuvent dans certains cas, là, être approuvés sans aller par appel d'offres. On est conscients qu'au niveau de la culture au Québec c'est peut-être plus difficile à réaliser, cette caractéristique propre à la Colombie-Britannique.

Néanmoins, c'est pour ça qu'on vous suggère trois autres avenues possibles pour les projets non sollicités, pour inviter le secteur privé quand même à dire ouvertement ses bonnes idées. Donc, il pourrait être compensé selon l'une des trois manières que nous vous suggérons. Je pense que M. Muller a peut-être quelque chose à rajouter là-dessus.

Le Président (M. Paquet): M. Muller.

M. Muller (Paul Daniel): C'est bien sûr que la voie de l'appel d'offres, c'est la voie royale, c'est la grande porte. Ce que nous disons, c'est: N'allons pas exclure la petite porte qui peut arriver une fois à l'occasion, où il se présente une offre non sollicitée qui, à sa face même ou après analyse, O.K., présente un intérêt public tel que les représentants des pouvoirs publics sont prêts à aller sur la place publique puis dire: C'est tellement bon, cette offre-là, que je ne pense pas que je peux en trouver une meilleure en allant en appel d'offres. Alors, la clé, c'est la transparence. Si vous pouvez dire ça sur la place publique et faire face aux questions qui vont inévitablement se poser, bien ça va être correct, vous allez passer la rampe. Alors, tout ce que nous vous disons, c'est: N'allons pas exclure de tels cas qui peuvent se présenter à l'occasion. Et encore une fois vous ne créerez pas de précédent.

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Moi, je vais vous aborder maintenant sur la comptabilité. Vous parlez de la comptabilité, puisque c'est là un volet important de la démarche, la transparence. On ne peut pas faire par la porte d'arrière ce qu'on ne peut pas faire par la porte d'avant. Vous parlez qu'il faut qu'il y ait un transfert significatif de risques. Il faudrait que, dans la loi, ce soit clair quant aux règles comptables à utiliser, si je comprends bien. Est-ce que vous pouvez expliquer?

Parce que bien sûr il y a, au Canada, bien sûr l'Institut des comptables agréés du Canada qui a ses règles. Vous avez, en Europe, Eurostat qui a ses règles et qui est intervenu auprès de certains États, notamment en Grande-Bretagne, pour clarifier ce volet-là. Est-ce que vous pourriez l'aborder justement, ce volet de la comptabilité au niveau des PPP?

Le Président (M. Paquet): M. Muller.

M. Muller (Paul Daniel): Vous avez mentionné les deux sources qu'on a regardées. À la fois Eurostat et à la fois le Vérificateur général de la Nouvelle-Écosse ont dit des choses qui se ressemblent. Grosso modo, il faut qu'il y ait un transfert significatif de risques. Et on parle de trois types de risques: le risque de projet, le risque commercial ou risque de la demande et le risque de disponibilité des services. Alors, dans le cas d'Eurostat, ils ont dit: Il faut qu'il y ait deux de ces trois-là, ou plutôt le premier et un des deux suivants qui soient assumés par le partenaire privé. Dans le cas du Vérificateur général de la Nouvelle-Écosse, ils ont dit qu'un contrat doit davantage ressembler à un contrat de location-exploitation qu'à un contrat de location-acquisition.

Bon, c'est deux façons de dire à peu près la même chose, à savoir qu'il y ait un transfert de risques significatif. Et c'est pour ça qu'on pense que c'est un point qui doit être abordé dans les textes officiels de manière à ce qu'on ne soit pas pris par surprise après la conclusion d'un P3 et qu'on ait notre Vérificateur qui vienne dire: Non, non, non, ça vient gonfler la dette québécoise, alors que ce n'était pas ça, l'intention.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui. Merci, M. le Président. Je vais revenir dans quelques instants sur cet aspect de la comptabilité qui me semble, à moi, essentiel, et au fond d'ailleurs du débat sur les PPP, c'est un aspect majeur.

D'abord, vous souhaiter la bienvenue. On est toujours très heureux de vous voir. On regrette l'absence de votre président, mais elle est largement compensée par la qualité de votre présence.

n (10 h 10) n

De la part du Conseil du patronat, je dirais, sans faire trop d'humour ce matin, qu'un appui aux PPP n'est pas la surprise du siècle, pas plus que ne l'était l'appui à la sous-traitance l'an dernier, à peu près à la même date. Puis on peut faire un pari: si, aujourd'hui, c'était plutôt une privatisation de certains ministères, vous seriez aussi là pour appuyer cette démarche. Donc, la tendance du Conseil du patronat est bien connue, mais ça ne l'empêche pas de participer de façon éclairée à ce débat, et vous apportez un certain nombre d'interrogations et de commentaires qui méritent d'être discutés de façon extrêmement positive.

Dans votre mémoire, vous nous dites, à la page 6, que «l'agence pourrait pousser un organisme public à examiner le mode PPP s'appliquant à un projet, alors même que l'organisme a [...] déjà écarté ce mode de réalisation». Un ministère, un organisme a écarté ? c'est ça, l'hypothèse que vous posez ? a écarté ce mode de réalisation, préfère un mode traditionnel, et vous dites qu'à ce moment-là l'agence devrait être autorisée à relancer le ministère et même à le forcer, hein, pourrait pousser ? la formule est un peu plus... ? pourrait pousser un organisme à examiner le mode PPP s'appliquant à un projet.

Or, ce que nous entendons de la ministre depuis quelques semaines, elle nous dit que ce n'est pas le cas, que l'agence n'aura qu'un rôle conseil. Alors, vous confirmez encore une fois qu'il y a encore un décalage entre votre lecture du projet de loi... Ou est-ce que c'est votre souhait que soit renforcé le projet de loi dans ce sens-là? Est-ce que c'est votre lecture du projet de loi? Est-ce que vous comprenez, vous, à ce moment-ci, que l'agence a ce pouvoir de pousser les organismes et les ministères à faire des PPP ou est-ce que vous vous ralliez à la position de la présidente du Conseil du trésor, qui nous dit que ce n'est qu'une fonction conseil et qu'elle est objective, elle fait de la promotion, mais elle n'est pas là pour forcer un ministère à prendre un mode plutôt qu'un autre?

Le Président (M. Paquet): Mme Bellemare.

Mme Bellemare (Diane): Bien, nous avons d'abord déposé le mémoire, là, avant que les débats commencent, et c'est plutôt notre compréhension du projet de loi n° 61: il pourrait être interprété à cet effet que l'agence pourrait retourner voir l'organisme puis essayer de le forcer à faire un PPP. On trouve que la façon dont le projet de loi est écrit, là, ce n'est pas tout à fait heureux, et c'est d'ailleurs pour cela qu'on propose plutôt une démarche où les organismes soient obligés, dans leur programme, dans leur plan triennal d'immobilisations, de regarder la possibilité de faire des PPP et surtout de dire pourquoi ils ne choisissent pas cette voie-là. Donc, pour empêcher des situations désagréables, des conflits, on préférerait qu'il y ait des modifications d'apportées pour que ce soit plus clair, là, le rôle de l'agence et les liens de l'agence avec les ministères et organismes.

M. Simard: C'est très important, ce que vous nous dites. Votre lecture du libellé actuel, c'est que cela permet à l'agence de pousser les organismes et ministères à utiliser une formule PPP?

Mme Bellemare (Diane): Oui, c'est ça.

M. Simard: Et la modification que vous souhaitez, ce serait pour forcer les organismes, en amont, à faire cet examen?

Mme Bellemare (Diane): À faire un exercice de la possibilité d'utiliser un PPP lors de projets d'investissement majeurs.

M. Simard: Donc, vous ne vous ralliez pas à la lecture de la ministre, qui affirmait à plusieurs reprises que l'agence n'a pas du tout ce pouvoir, qu'elle est une agence-conseil? Selon vous, ça devrait être précisé?

Mme Bellemare (Diane): Absolument. Absolument, M. Simard.

M. Simard: Très bien. Un seul aspect sur la question du fonctionnement des PPP. Vous abordez très rapidement, mais de façon assez péremptoire, je dois dire... Vous n'êtes pas les seuls, là-dessus, à tenter de démontrer qu'il n'y a pas de problème de financement, que c'est un faux problème, le financement des PPP, parce que, dites-vous, la surprime que doit payer le secteur privé, elle est liée au risque encouru et que les compensations à cette surprime viennent des avantages que ce risque partagé permet d'atteindre.

Est-ce que vous niez que le gouvernement ? qui, lui, ne fera pas faillite, là ? se retrouve toujours, face à des organismes prêteurs, dans une situation privilégiée avec un avantage assez net? Est-ce que vous niez le fait qu'il y ait aussi, dans la soumission de toute entreprise privée ? sinon, elle serait très mauvaise ? une part de bénéfice évidemment qui correspond à l'investissement consenti? Et est-ce que vous ne voyez pas également le fait que, dans l'évaluation des coûts, les risques seront déjà compris dans l'évaluation que feront les partenaires et que les coûts encourus finalement risquent d'être les mêmes? Je vais prendre un exemple qu'on nous sert à toutes les sauces ces jours-ci puis dont je ne connais pas les tenants et aboutissants, mais on nous dit que ça coûte 150 millions de dollars, construire un métro, c'est à peu près la moyenne ailleurs. C'est ce que ça va coûter à Laval. La différence fondamentale, est-ce que ce ne serait pas que ça aurait été compris dès le départ que ça devait coûter ça? Mais ce n'est pas une économie en soi, c'est qu'on prévoit mieux les coûts au départ, puisque tous les risques sont inclus dans l'évaluation de départ.

Mme Bellemare (Diane): En fait...

Le Président (M. Paquet): Mme Bellemare.

Mme Bellemare (Diane): ... ? pardon ? dans le mode PPP, il y a une répartition des risques et des modes de financement qui font que les chances sont là, sont présentes pour qu'il y ait des économies et des réductions de coûts en dépit du fait que le coût de financement puisse être plus élevé. Et cela, c'est parce que l'entreprise privée assume certains risques; donc, en assumant le risque, elle assume les conséquences, et c'est donc parfois l'entreprise privée qui, à ce moment-là, en assumant les conséquences, est obligée d'en faire les frais.

Mais c'est là qu'est la difficulté mais la beauté des partenariats privé-public, c'est que c'est des montages financiers complexes, des partages de risques et donc des incitatifs économiques clairs pour vraiment prendre en compte ces risques-là et les minimiser. L'idée derrière ces ententes-là, c'est que la personne qui soit... ou l'organisation ou l'entreprise qui est la mieux à même d'assumer un risque le supporte. Et en ce sens ça permet des réductions de coûts. Quand on regarde, bon, les études qui ont été faites sur les PPP, quand on regarde un ensemble de PPP notamment en Angleterre, on voit que dans l'ensemble il y a une réduction des coûts de l'ordre de 14 % à 17 %. Donc, il y a vraiment une économie à faire là. Alors, est-ce que... Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais, nous, c'est notre compréhension. Il y a M. Madgin qui veut rajouter quelque chose.

Le Président (M. Paquet): M. Madgin.

M. Madgin (Alain): Si uniquement le projet de PPP permettait de ne pas dépasser les coûts d'un projet prévu, ce serait... parce qu'il y a un risque partagé, et l'entreprise privée impliquée au projet doit s'assurer, puisque souvent elle représente des intérêts privés, des actionnaires, doit apporter de l'innovation. L'innovation en soi, ça se paie. Or, il n'y a pas de honte à vouloir faire partager les bénéfices mais aussi les problèmes inhérents à tout programme d'infrastructures important. Alors, nous, on pense qu'un PPP, si l'objectif était, à tout le moins, de s'assurer que le projet arrive au coût prévu initialement, on aurait déjà prévu... on aurait déjà en soi fait des économies. Parce que souvent les projets actuels d'infrastructures, pour toutes sortes de raisons, sont amenés à des dépassements de coûts, mais je pense que, comme payeurs de taxes, les entrepreneurs et les gens du Québec seraient bien heureux de voir que ces projets-là arrivent selon les budgets prévus.

Le Président (M. Paquet): 40 secondes, M. le député de Richelieu.

M. Simard: C'est un acte de foi là-dedans. Je veux revenir à Eurostat. Comme vous, je considère ? et là vous n'avez pas eu le temps, dans le mémoire, d'aller très loin là-dessus ? que c'est certainement la méthode la plus acceptable de prise en compte, dans les livres publics, c'est-à-dire dans la comptabilité de l'État, de ce type de réalisation de projets. Sinon, on se retrouve très rapidement ? et même les modes de location me semblent tout à fait inappropriés ? on se retrouve très rapidement avec une comptabilité d'État qui ne tient pas compte d'engagements majeurs pour 20 ou 30 ans. Et on parle, si beaucoup de projets se réalisent, de plusieurs milliards qui échapperaient ainsi à la comptabilité de l'État mais dont les obligations seraient, elles, présentes au quotidien pour l'ensemble des ministères et organismes.

J'ai fait le tour et, bon, je n'ai pas la prétention de toutes les avoir vues, les différentes méthodes, en Australie, en Nouvelle-Écosse, dans les provinces canadiennes, en Angleterre, de comptabilité. La proposition Eurostat, qui n'est pas encore une proposition appliquée actuellement mais qui semble être celle retenue par les pays européens, permet d'établir quel est le véritable degré de risque.

n (10 h 20) n

Ma question, à ce moment-ci, elle est très générale, mais ça vous permettra peut-être d'aller plus loin dans l'explication de ce principe: Le degré de risque, pour que cela n'apparaisse pas à la comptabilité publique, devrait être très élevé. Les critères fixés par Eurostat font en sorte que finalement assez peu des projets qui sont envisagés pourraient échapper à une véritable comptabilité publique.

Le Président (M. Paquet): M. Muller.

M. Muller (Paul Daniel): D'abord, nous n'avons pas dit qu'il fallait prendre les critères Eurostat tels quels. Notre recommandation, c'est que le ministère des Finances s'attarde au dossier en temps utile, c'est-à-dire maintenant, avant que l'on conclue des P3 et qu'on se réveille trop tard, avec des mauvaises surprises. Donc, on parle depuis... On connaît bien les débats autour du périmètre comptable du gouvernement avec les histoires de CSST, on rentre et on sort, alors c'est sûr qu'on voudrait éviter ce genre de situation pour un programme qui risque de devenir quelque chose d'important.

Pour ce qui est des critères eux-mêmes, Eurostat en propose quelques-uns, le Vérificateur général de la Nouvelle-Écosse en propose des similaires; c'est bien sûr à nos propres institutions de proposer les leurs. Alors, je ne veux pas m'attacher... Je ne pense pas qu'on doive s'attacher, à ce stade-ci, à un libellé, mais simplement faire la démarche.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Juste pour terminer sur ce sujet. Si j'ai bien compris ? et confirmez-moi ? ce que je pense aussi, c'est que cela devrait être dans le projet de loi. On devrait savoir quel type de comptabilité s'applique aux PPP. C'est ce que je comprends de votre intervention; c'est en tout cas la mienne.

M. Muller (Paul Daniel): Nous n'avons pas attaché cette recommandation au projet de loi. Le projet de loi porte sur la création d'une agence. Cette recommandation peut s'appliquer par ailleurs soit dans le cas de la politique-cadre ou simplement que le ministère des Finances y donne suite.

Le Président (M. Paquet): Merci. Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Oui, M. le Président. Simplement pour mon collègue. Même si on écrit quelque chose dans la loi, ce qui est important, là, c'est de suivre les règles comptables qui vont être déterminées par l'Institut canadien des comptables agréés, et les vérificateurs généraux au Canada vont se mettre au pas suite à ces règles-là.

Maintenant, je voudrais parler du coût du capital parce que, moi, quand j'ai rencontré des gens qui avaient justement investi de façon importante dans des grands projets, on me disait justement que les coûts de capital, c'était très exagéré. Pourquoi? Parce que les investisseurs dans les grandes infrastructures, ce sont les caisses de dépôt de la France, qui investit énormément, la Caisse de dépôt du Québec a mis en place un fonds qu'elle utilise d'ailleurs pour des projets ailleurs au Canada et ailleurs dans le monde, ce sont les grandes compagnies d'assurance qui ont du capital et qui veulent l'investir, donc l'écart... Teachers a fait une déclaration publique récemment, dans une déclaration, en disant que, si, en Ontario, ils ne font pas de PPP, ce n'est pas grave parce qu'ils vont venir investir au Québec ou en Colombie-Britannique ou où il s'en fait dans le monde. OMERS a dit la même chose. Alors, ce sont les compagnies, les grandes compagnies finalement, où il y a beaucoup de capital, qui s'associent au secteur privé, à une entreprise, pour justement financer. Donc, le consortium financier, ce n'est pas une entreprise qui l'assume. Et par conséquent on m'a dit que leur taux d'emprunt... Voici ce qu'on m'a dit, leur taux d'emprunt finalement était l'équivalent de ce que... La Caisse de dépôt, si elle emprunte, elle, là, elle ne charge pas beaucoup plus cher que le gouvernement. Alors, c'est la même chose pour Teachers, c'est la même chose pour OMERS. Alors, disons que ce sont des gros organismes. Alors, je voudrais entendre votre réaction à cet égard-là.

Le Président (M. Paquet): Mme Bellemare.

Mme Bellemare (Diane): Je pense que d'entrée de jeu... On n'est pas des spécialistes, je ne suis pas une spécialiste en matière de financement, mais les discussions que nous avons déjà eues me portent à croire que vous avez raison, en particulier pour de grands projets, de grands investisseurs, que l'écart dans le coût du financement pourrait ne pas être très élevé. Par contre, ça peut être plus élevé pour des petites et moyennes entreprises; tout dépend de la taille de l'entreprise et du projet. Oui.

Mme Jérôme-Forget: Maintenant, je voudrais revenir sur un volet que vous proposez: les petits projets. Parce que plusieurs, les gouvernements municipaux en particulier, souhaitent justement qu'on les soustraie de cette loi-là pour ne pas leur imposer de devoir recourir à l'agence, même si l'agence ne fait que conseiller, aviser, etc., parce que c'est très clair, l'article 5 ? je reviens toujours sur ça ? c'est toujours de conseiller, élaborer, informer, aider, soutenir, etc. D'ailleurs, vous reprochez à l'agence de ne pas avoir suffisamment de dents et que ce volet, qui est seulement un volet conseil, en diminue dans le fond la portée.

Maintenant, pour les petits projets, vous savez que les petits projets peuvent déjà faire des partenariats public-privé. Les municipalités peuvent déjà faire des partenariats public-privé. L'agence, je souhaitais justement, pour ne pas que ça devienne une boîte très grosse et très bureaucratique, qu'elle soit petite, avec une expertise extrêmement pointue pour justement, dans le cas de grands projets, donner un appui au niveau justement de la composition et de l'élaboration du contrat entre l'État et le partenaire privé.

Voulez-vous élaborer au niveau des petits projets? Qu'est-ce que c'est qu'un petit projet pour vous et comment est-ce que... Parce que, moi, ça m'apparaît extrêmement dangereux que le gouvernement central, le gouvernement du Québec se mette à s'immiscer dans toutes les affaires des gouvernements municipaux. Il y a des élus au niveau municipal. Ces gens-là, il y a des maires qui se font élire et qui peuvent justement perdre leur poste, eux aussi, là. Ça arrive à tout le monde, ça, qui se fait élire. Alors, est-ce que ce ne serait pas, je dirais, extrêmement autoritaire, arrogant de vouloir imposer que l'agence s'immisce dans les gouvernements municipaux? Sauf à l'occasion, quand le financement du gouvernement du Québec est important et qu'il s'agit d'un très gros projet.

Le Président (M. Paquet): Mme Bellemare.

Mme Bellemare (Diane): En fait, dans notre esprit, M. le Président, il ne s'agit pas ici de s'immiscer, là, dans les projets des municipalités comme tels, mais de faire en sorte que les projets que reçoit l'agence ne soient pas exclusivement des grands projets, qu'on n'exclue pas d'emblée, pour l'agence, la possibilité de faire des projets de taille moyenne et de petite taille. L'objectif étant éducatif, l'objectif étant de permettre aux entreprises québécoises d'apprivoiser ce mode de fonctionnement. Et parce qu'on craint, si l'on se concentre sur des grands, grands projets uniquement, qu'il y ait peu d'entreprises québécoises qui fassent l'offre de services. À tout le moins, il faudrait avoir la possibilité, lorsqu'on n'a que des grands projets, au moins d'associer des petites entreprises à la réalisation de ces grands projets là.

L'objectif, ici, c'est de pouvoir développer au Québec l'expertise, la connaissance, les façons de faire pour pouvoir travailler en partenariat avec nos entreprises québécoises. On sait qu'il y a de grandes entreprises à l'étranger qui ont l'habitude, parce que ça se fait ailleurs, et tout ça, mais ce serait bon, au Québec, de développer cette expertise-là. Alors, notre souci, c'est le premier, alors c'est pour ça qu'on disait que ce serait bon de ne pas exclure de petits projets. Mais on peut aussi répondre à cet objectif d'éducation, si on veut, de familiariser nos entreprises québécoises par le biais d'une association des entreprises de petite et moyenne taille dans le cadre de grands projets. C'est une autre façon de répondre à notre préoccupation. Est-ce que vous avez...

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre...

M. Madgin (Alain): Puis, vous savez...

Le Président (M. Paquet): Oui, M. Madgin.

M. Madgin (Alain): Merci. Vous savez, pour vous et moi, peut-être qu'un petit projet dans la perspective du gouvernement du Québec, c'est en bas de 100 millions de dollars. Mais pour un maire dans une localité locale, pour pouvoir utiliser l'expertise d'une agence comme celle que vous voulez créer, je pense que ce serait le bienvenu. Alors, un aréna ou une infrastructure importante dans une municipalité de quelques dizaines de milliers de personnes, bien, pour eux, c'est un grand projet; alors, je pense que cette expertise-là pourrait très bien servir. Et c'est là qu'on veut que l'agence devienne un instrument de la propagation de la foi que, les PPP, ce sont des choses qui peuvent être réalisées par le gouvernement du Québec mais partout sur le territoire du Québec, mais qu'il faut une offre importante de projets pour que certains d'entre eux se réalisent.

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.

n (10 h 30) n

Mme Jérôme-Forget: Vous comprendrez, M. le Président, que j'ai souhaité garder l'agence petite et je souhaite encore qu'elle soit petite. Je vais vous le dire: je pense que l'agence devrait servir pour les grands projets. Je me demande justement... Vous parlez de changement de culture, beaucoup, là. Il est clair qu'à cet égard-là, et contrairement à ce que vous dites, il ne faut pas avoir la foi. Il faut voir ce que ça donne et voir, les gens, s'ils sont satisfaits ou pas avec cette formule-là. Et, moi, je crois beaucoup justement dans le changement de culture, effectivement à la concurrence. Vous allez avoir des gouvernements municipaux qui vont faire appel à cette formule-là plutôt que d'autres, et là on va voir ce que ça donne. Et là finalement les gouvernements municipaux vont voir s'il y a des vertus à faire appel à cette formule-là, si les gens en ont plus pour leur argent, si les citoyens sont satisfaits. Parce qu'en Grande-Bretagne, au départ, il y avait beaucoup de réserves à l'endroit des partenariats public-privé, et c'est juste quand les gens se sont vu offrir des services de grande qualité, de plus grande qualité que ce qu'ils avaient avant que finalement, là, tout le monde embarque ou presque, je dirais, ou presque. Alors, moi, je crois beaucoup dans l'émulation de ça, de cette formule-là.

D'ailleurs, ce qui me frappe c'est que, là où je vais, que ce soient des gouvernements municipaux, des maires, des gens qui me rencontrent, ils veulent tous faire des partenariats public-privé, souvent ignorant ce que ça représente, un contrat à long terme. Un partenariat public-privé, ce n'est pas faire de la business avec une entreprise privée, là, c'est d'avoir un contrat à long terme. D'accord? C'est pour ça qu'on parle d'infrastructures majeures. Mais les gens confondent, ils pensent que, dès qu'on fait affaire avec le privé, c'est un partenariat public-privé. Les gouvernements municipaux ne font que ça, affaire avec le privé. Alors, peut-être, là, que j'aimerais que vous réagissiez, mais je voulais simplement vous transmettre l'intention derrière cette agence: ce n'est pas d'aller nous substituer aux gouvernements municipaux. Ça, c'est certain. Il y a des élus là-bas, là. Ils se font élire, ces maires, bien qu'ils soient imputables à l'endroit de la population pour ce qu'il fait. Maintenant, vous me dites: Bien, on devrait servir d'exemple. J'espère qu'on va faire ça au niveau de l'agence parce que c'est l'intention, M. le Président.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Charlevoix. Il reste 7 min 25 s sur le temps de l'opposition. Puis il y a M. le député de Chutes-de-la-Chaudière aussi par la suite.

M. Bertrand: Merci, M. le Président. Jusqu'à maintenant, dans les consultations qu'on a eues, la question de la diminution des coûts revient assez souvent, et elle est interprétée, je dirais, presque différemment par chacun des groupes qui viennent. La ministre et présidente du Conseil du trésor a répété à quelques reprises que, dans l'analyse qui est faite actuellement, ce n'est pas nécessairement la diminution des coûts qui est le facteur important. Si j'ai bien compris ce qu'elle voulait dire, c'est qu'on ne le fait pas vraiment parce qu'on pense qu'il va avoir une diminution des coûts essentiellement. Si j'ai bien compris, plus ou moins, là. Mais il semble avoir en tout cas, de la part des groupes, particulièrement ceux d'intérêts reconnus, dont vous êtes... Comme disait mon collègue le député de Richelieu, on ne s'attendait pas, en vous recevant, que vous iriez dans un autre sens que de défendre l'intérêt de vos membres, et c'est tout à fait normal, mais, moi, je ne suis pas encore convaincu de la diminution des coûts. Peu importe, je trouve que chacun des groupes qui est venu, peut-être parce qu'évidemment on parle tellement d'intérêts privés déterminés que ça fausse mon jugement... Mais je suis un gars de privé, soit dit en passant. Alors, moi, je demande à être beaucoup plus convaincu quand vous parlez que ça peut amener une diminution de coûts intéressante, valable. Moi, je demande à être convaincu, et ce que je ne suis pas jusqu'à maintenant.

L'autre élément ? donc, je veux vous entendre là-dessus ? et l'autre élément, c'est l'imputabilité. On ne parle pas beaucoup jusqu'à maintenant de l'imputabilité, mais vous qui êtes des gens responsables, vous qui avez vécu, dans une vie antérieure, dans des domaines de responsabilité, comment, nous, comme législateurs, on peut s'assurer l'imputabilité que les citoyens nous réclament? Parce que, quand il y a un problème à quelque part... On n'a qu'à entendre les gros dossiers à l'heure actuelle, on ne parle pas de dossiers qui vont bien. Les dossiers qui vont bien, on n'en parle jamais. On ne parle jamais de la compétence de ceux et celles qui ont mené à bien des dossiers, on parle des dossiers sur lesquels il y a eu des problèmes. Mais c'est nous qui avons à vivre avec l'imputabilité jusqu'à maintenant. Dans ce partage de responsabilités, vous-même, vous l'avez dit, le privé va prendre plus de responsabilités. Moi, j'ai rarement vu le privé prendre plus de responsabilités à moins d'avoir des garanties blindées qu'il ne sera pas perdant. Alors, comment aussi ? c'est ma deuxième question ? on peut, nous, s'assurer de cette imputabilité-là dans un style d'agence comme ça?

Le Président (M. Paquet): Mme Bellemare.

Mme Bellemare (Diane): Oui. Bon, d'abord, en ce qui concerne les coûts, et tout ça, bon, ce qu'on dit en fait, c'est que, quand ça réduit les coûts, c'est aussi par rapport, là, aux coûts de dépassement que l'on observe dans plusieurs projets, parce qu'effectivement le partage des risques fait en sorte que ceux qui sont le mieux à même de le gérer vont surveiller les travaux plus étroitement. Donc, ils vont prendre la conséquence...

M. Bertrand: ...alors, garantissez-moi que ce style d'agence là va minimiser les erreurs potentielles des êtres humains plus que dans ce qu'on voit dans d'autres occasions.

Mme Bellemare (Diane): C'est-à-dire le contrat... C'est d'ailleurs pour cela, je pense, que ça a été long avant qu'en Angleterre on en voie beaucoup, de PPP, et c'est pour ça qu'il y en a seulement 11 % des dépenses d'immobilisations qui sont effectuées sous forme de partenariats privé-public. C'est un moyen parmi d'autres qui est complexe, qui exige des montages financiers complexes, puis ce n'est pas toutes les entreprises privées qui vont, demain matin, faire la queue pour signer en bas de la page parce que l'entreprise privée, à ce moment-là, quand elle signe, elle prend les conséquences des risques qu'elle assume. Donc, c'est une réduction des coûts pour le gouvernement parce que, dans ce montage financier là, on sait à l'avance ce à quoi tout le monde s'engage. Donc, les dépassements que l'on voit dans certains projets publics actuellement, bien ils peuvent avoir lieu, mais, pour le gouvernement, sa facture, si, par rapport aux dépassements de coûts, c'est lié à un risque assumé par l'entreprise privée, bien c'est elle qui assume la conséquence.

M. Bertrand: Ça veut dire que la présidente du Conseil du trésor n'aura pas de retour dans aucun cas de ce style de contrat là sur des dépassements? Permettez-moi d'avoir un doute sérieux.

Le Président (M. Paquet): Mme Bellemare.

Mme Bellemare (Diane): Je pense qu'on peut avoir comme attitude par rapport à ces projets-là de soulever des histoires, des anecdotes à gauche, à droite, dans des pays qui ont entrepris des partenariats privé-public, puis on va trouver des échecs, on va trouver que ça a mal été, on va trouver des succès aussi. Mais on peut le regarder aussi sous forme un petit peu plus scientifique, entre guillemets, puis regarder l'ensemble des projets, puis voir est-ce que, dans l'ensemble des projets, ça a coûté plus cher ou moins cher. Et puis, nous, quand on regarde la littérature, bien ce qu'on observe, c'est que, dans un ensemble de projets, en bout de piste, pour l'ensemble des projets, il y a une réduction de coûts. Alors, l'agence, c'est sûr, va devoir faire ses preuves, va devoir apprendre, elle aussi, puis apprendre des erreurs des autres. En tout cas, voilà pour notre réponse en ce qui concerne les coûts.

Deuxième avantage aussi qui est non négligeable, c'est le financement, parce que c'est du financement partagé aussi. Et, dans un contexte de finances publiques un peu sévères, un peu réduites et avec nos besoins si grands de rénovation de nos infrastructures collectives, on pense qu'il y a là une avenue à explorer pour rénover plus facilement nos infrastructures collectives avec des méthodes de financement qui vont être plus faciles.

En ce qui concerne l'imputabilité, bon, bien, je pense qu'au niveau de l'agence c'est comme toute société, toute agence autonome, toute société d'État, évidemment c'est un titulaire responsable et c'est ce titulaire responsable politique qui va défendre des dossiers à l'Assemblée nationale. Mais, en ayant, je pense, bien balisé la loi, on s'assure d'une transparence et d'une rigueur. Et je pense que la transparence ici, là, elle est importante, puis on n'insiste peut-être pas assez, là, sur cet élément-là. À cet effet, dans notre mémoire, on n'en a pas beaucoup parlé, mais on a une suggestion peut-être à vous faire sur la transparence des contrats, parce qu'en bout de piste, comme c'est des contrats entre l'entreprise privée et puis l'entreprise publique, les gens vont vouloir voir réellement qu'est-ce qu'il y a en arrière de ces contrats-là. Bon, quand on regarde ailleurs, dans bien des cas, les contrats, il y a une partie qui est ouverte, on peut les consulter, c'est public, on peut voir, puis il y a une partie qui est peut-être plus, si on veut, confidentielle où là ça dépend, là, ça peut venir jouer dans les intérêts commerciaux de l'entreprise privée. Mais la transparence, à ce moment-là, pourrait être assurée par le Vérificateur général qui pourrait, lui, en fonction de sa connaissance du contrat, décider très bien de ce qui est public et de ce qui est confidentiel. Mais, au moins, le Vérificateur général, lui, aura tout vu.

Le Président (M. Paquet): Avec le consentement des membres de la commission, je vais permettre 1 min 30 s à M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.

M. Picard: Merci, M. le Président. Le grand avantage des PPP, selon moi, si je reprends les propos du député de Charlevoix, ça va être de fixer par contrat les coûts. Lorsqu'une entreprise privée va signer un PPP, elle va s'engager à réaliser tel projet, et il est peu probable qu'on va vivre des oublis de kilomètres sur un métro, exemple. L'entreprise privée qui signe un contrat puis qui dit: On avait oublié, là, je pense que, dans l'opinion publique, elle baisserait...

n (10 h 40) n

J'apprécie grandement aussi que vous allumez les lumières concernant le traitement de la dette, parce qu'il faut qu'on soit au courant, au début du processus, qu'est-ce qu'on va faire avec la dette, c'est quoi, les règles à suivre.

Tantôt, vous parliez de transparence. À la page 8, vous parlez que l'organisme public pourrait renoncer au processus d'appel d'offres dans le cas des avantages d'un PPP proposé par une société privée lorsque les avantages seraient évidents. Vous ne trouvez pas que c'est donner beaucoup de pouvoir à l'agence, à un conseil d'administration qui va être nommé par le gouvernement sur... On ne connaît pas encore les critères ? idéalement, ça devrait peut-être être par l'Assemblée nationale; mais ? de transparence, de confiance pour les citoyens. Je ne dis pas qu'il y aurait des choses de pas correctes, sauf que, dans l'esprit populaire des citoyens, lorsqu'on dit: C'est un contrat de gré à gré, bien on sait bien... telle compagnie, on sait bien. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, là, pour le pourquoi.

Mme Bellemarre (Diane): En tout cas, on voulait le signifier...

Le Président (M. Paquet): Mme Bellemarre.

Mme Bellemarre (Diane): On voulait le signifier dans notre mémoire, que c'est possible de le faire, puis sans créer de précédent, mais on ouvre aussi la porte sur d'autres avenues pour les projets non sollicités. Puis M. Muller a quelque chose à rajouter.

M. Muller (Paul Daniel): Un complément là-dessus. Ce serait non pas à l'agence mais au partenaire public d'aller sur la place publique, donc l'autre partie contractante, et de dire à la population et à tous les gens qui questionnent le bien-fondé de cette initiative-là que c'est valable, que l'intérêt public y trouve son compte.

Le Président (M. Paquet): ...au nom de la Commission de la fonction publique, je remercie Mme Diane Bellemarre, M. Madgin, M. Muller, du Conseil du patronat, pour leur participation à nos travaux. Je suspends les travaux de la commission très brièvement afin de permettre à nos prochains intervenants de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 10 h 42)

(Reprise à 10 h 45)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des finances publiques reprend ses travaux. Nous entendrons maintenant la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec; alors, M. Luc Martin, qui est directeur général, et le président est M. Dreise. Alors, si vous voulez nous... Vous pouvez évidemment, bien sûr, présenter les gens qui vous accompagnent et commencer votre présentation.

Corporation des entrepreneurs
généraux du Québec (CEGQ)

M. Martin (Luc): Alors, notre président, à ma droite, M. Dietmar Dreise, de Construction Argo; notre vice-président, à mon extrême gauche, M. Luigi Palotta, de Constructions Lavacon; et notre secrétaire, Me Jean-François Dagenais, de Gilbert, Simard, Tremblay, qui va faire la lecture de notre présentation.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. Alors, M. Dagenais.

M. Dagenais (Jean-François): Oui. Alors, en premier lieu, nous vous remercions de l'opportunité qui nous est offerte, ce matin, pour vous exprimer nos commentaires sur ce projet de loi.

Notre corporation regroupe les entrepreneurs généraux qui oeuvrent en bâtiment dans les secteurs commercial, industriel et institutionnel. Nous regroupons plus de 250 membres dans toutes les régions du Québec.

La rareté des ressources financières, les récents scandales reliés aux dépassements de coûts, le besoin constant de nouveaux espaces et le vieillissement des immeubles sont autant de raisons pour que le gouvernement du Québec revoie en profondeur ses façons de faire et contrôle davantage ses importants postes de dépenses que constituent ses investissements en immobilisations. Dans ce contexte, le partenariat public-privé est un outil intéressant qui fait ses preuves dans plusieurs pays pour financer, concevoir, construire et opérer les bâtiments publics et les équipements collectifs.

La Corporation des entrepreneurs généraux du Québec ou CEGQ appuie le principe du projet de loi de l'Agence de partenariats public-privé. Les entrepreneurs généraux ont toujours été associés de près à la construction de bâtiments publics par le biais de contrats client-fournisseur. Dans ce mode de marché, l'entrepreneur ne court en principe aucun risque que celui que connaît normalement tout fournisseur.

Le mode PPP a pour objet de faire appel à l'initiative et au financement privé pour mettre en place de nouveaux équipements publics et/ou offrir un service dispensé normalement par l'autorité publique. Conçus et gérés selon les critères propres au secteur privé, ces équipements ou services sont mis à la disposition de l'administration publique selon les exigences du contrat de partenariat. Pris de façon générale, les PPP permettront donc au gouvernement du Québec de se moderniser, se réformer et donc de se renforcer dans les secteurs qui relèvent de sa compétence.

Force est de constater qu'une multitude de ministères et organismes qui relèvent du gouvernement du Québec octroient présentement des contrats de construction, alors que ce n'est pas leur raison d'être. Faute d'expertise à l'interne, ils doivent faire confiance à des ressources externes dont la motivation première est souvent la réalisation de projets à tout prix. Puisque ces consultants, contrairement aux entrepreneurs généraux, n'ont pas d'obligation de résultat tant sur le coût final de construction que sur les coûts d'exploitation, dans de telles conditions, il n'est pas surprenant de constater autant de dépassements de coûts par rapport aux budgets estimés par ces mêmes consultants.

En matière de construction de bâtiments publics, la CEGQ appuie le principe des partenariats public-privé pour les raisons suivantes:

a) dans un projet de bâtiment réalisé en mode PPP, les entrepreneurs généraux joueront un rôle de premier plan, puisqu'ils seront, dans la plupart des cas, les leaders de la phase construction et interviendront également dans la conception des ouvrages pour en réduire les coûts. Les entrepreneurs généraux auront par conséquent une obligation de résultat sur le coût final et la qualité du bâtiment et, par conséquent, sur le rendement ultime du projet;

b) si nous avons bien compris les intentions du gouvernement, les ministères et organismes devront produire un dossier d'affaires qui tient la route. Ces dossiers d'affaires leur permettront de cibler leurs besoins de façon beaucoup plus précise qu'ils ne le font actuellement, de rechercher toutes les alternatives possibles et d'évaluer les coûts des différentes hypothèses. Là aussi, c'est un virage important par rapport à la culture de certains ministères et organismes qui, en mode conventionnel, s'empressent, de façon imagée, de faire l'excavation d'un nouveau bâtiment et ensuite réfléchir à ce qu'ils vont y mettre;

c) dans le contexte d'un PPP jumelé à un dossier d'affaires, le gouvernement non seulement aura l'heure juste sur la nécessité de l'investissement, mais également sur son coût de construction, de financement et d'opération, ce qui est totalement nouveau en matière d'investissements publics au Québec;

d) dans la construction de bâtiments publics en PPP, il n'y aura pas de place pour des évaluations de complaisance dont la principale raison d'être est de faire approuver le projet;

e) la méthode PPP permettra également de tester la robustesse économique et financière d'un projet, puisqu'elle impliquera des partenaires privés qui ne s'engageront qu'à la condition d'avoir des assurances quant à la solidité du projet, tant au niveau de la conception que de l'opération;

f) trop souvent, dans le mode conventionnel, les entrepreneurs généraux sont témoins de gaspillage de sommes importantes en coûts supplémentaires occasionnés par des centaines de changements en cours d'exécution ou en équipements surdimensionnés par rapport aux besoins du bâtiment, ainsi qu'en coûts d'impact et litiges;

g) avec l'avènement des PPP, l'État recentrera sa mission vers les services aux citoyens et confiera à des personnes compétentes et dont c'est la raison d'être les responsabilités de concevoir, de construire et de gérer les bâtiments.

Même si elle est d'accord avec le principe des partenariats public-privé, la CEGQ croit nécessaire d'apporter les commentaires suivants dans le but d'améliorer ce projet de loi. D'entrée de jeu, la CEGQ est d'accord avec le gouvernement du Québec de ne créer qu'une seule agence de partenariats et non pas une agence distincte pour chacun des ministères et organismes. Faire autrement ne ferait que diluer l'expertise en cette matière, comme c'est le cas notamment dans les projets de construction de bâtiments publics actuellement réalisés en mode conventionnel.

n (10 h 50) n

La CEGQ est préoccupée de constater que ce projet de loi ne prévoit aucun principe ni intention qui guideront l'agence dans ses relations avec ses partenaires privés. La CEGQ croit que la loi constituante de l'agence devrait au moins établir les intentions du législateur quant à la rigueur et à la transparence du processus menant à la conclusion d'ententes avec des partenaires privés. Après tout, il s'agit de fonds publics et d'engagements à long terme.

Le deuxième alinéa de l'article 8 exclut de cette obligation les cégeps, les commissions scolaires, les universités et les municipalités dans la mesure où le gouvernement ne finance pas les projets. Nous croyons que, dès que des fonds publics sont engagés dans un projet sous l'égide d'un organisme public qui relève du gouvernement du Québec et que cet organisme le réalise en mode PPP, ce projet devrait obligatoirement être assujetti à l'agence. Faire autrement, c'est ouvrir la porte à des scandales en matière de PPP, lesquels auront inévitablement une répercussion sur l'intérêt des entrepreneurs et des financiers à s'intéresser à cette méthode. De plus, le gouvernement du Québec devrait avoir l'obligation d'assurer la saine gestion des fonds publics perçus par les organismes qui relèvent de sa responsabilité. Peut-être que le gouvernement ne financera pas directement le projet, mais il financera la commission scolaire, le cégep ou l'université qui utilisera cet argent pour répondre à leurs engagements envers les partenaires privés.

Au niveau de la composition du conseil d'administration de l'agence, comme il s'agit d'un organisme qui veillera notamment à instaurer et à appliquer des règles acceptables pour le secteur privé et à faire la promotion de ce mode de relations d'affaires entre l'Administration publique et des partenaires privés, la CEGQ recommande d'ajouter au présent projet de loi qu'au moins 50 % des membres du conseil d'administration proviennent du secteur privé. Dans la mesure où les PPP viseront particulièrement des projets de bâtiments publics, il est certain que notre regroupement pourrait apporter une expertise à ce conseil d'administration.

Permettez-nous de profiter de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui pour faire un constat sur la méthode d'octroi de contrats de construction de bâtiments publics en mode conventionnel et vous indiquer pourquoi plusieurs ministères et organismes qui relèvent du gouvernement du Québec ont de la difficulté à contrôler les coûts de leurs projets de construction de bâtiments, lesquels totalisent plus de 1 milliard de dollars par année.

Au Québec, un très grand nombre de ministères et organismes octroient d'importants contrats de construction et gèrent des immeubles, alors que ce n'est pas leur raison d'être. Ces ministères et organismes ne disposent pas toujours des ressources appropriées pour préparer des programmes fonctionnels et techniques bien ficelés et assez précis pour produire des évaluations justes. Ils ne disposent pas toujours des ressources à l'interne pour gérer efficacement des projets de construction.

Le peu d'expertise gouvernementale en matière de gestion et d'évaluation de projets est dispersé au sein de plusieurs ministères et organismes, et certains n'en n'ont aucune. Par conséquent, la plupart d'entre eux ne peuvent apprécier la qualité des ouvrages, des évaluations et des méthodes de construction qu'on leur fait valoir. Ces ministères et organismes sont souvent influencés par des consultants de tout acabit dont l'intérêt et la motivation première est l'exécution du projet.

Plusieurs projets sont intentionnellement sous-évalués dans le but d'obtenir les approbations requises. La réglementation et les procédures administratives de ces ministères et organismes ne sont pas adaptées aux exigences particulières des projets de construction qui sont des projets uniques et des prototypes. Le contenu des contrats est souvent laissé à l'entière discrétion des établissements ou de leurs professionnels, alors qu'ils engagent l'État pour des sommes très importantes. Les nombreux et coûteux litiges occasionnés par l'obligation imposée aux entrepreneurs d'exécuter des travaux supplémentaires sans qu'il n'y ait entente ni sur le prix ni sur le délai d'exécution. L'absence de dispositions pour régler les différends en dehors des tribunaux, ce qui a pour conséquence non seulement de coûter très cher aux parties impliquées, mais également d'engorger le système de justice avec des litiges qui ne devraient pas s'y retrouver. Sans compter que cette façon de faire des ministères et organismes de gérer leurs contrats de construction fait fuir un grand nombre d'entrepreneurs d'envergure qui refusent carrément de faire affaire avec un organisme public dans ce contexte.

En conséquence, la CEGQ croit qu'il serait opportun de regrouper l'octroi de contrats de construction de bâtiments publics en mode conventionnel au sein d'un seul et même organisme, lequel disposerait d'une expertise nécessaire et serait encadré par une réglementation spécifique et adaptée à sa mission.

Pour les projets exécutés en mode conventionnel, cet organisme serait notamment responsable des fonctions suivantes: réaliser en mode conventionnel des projets de construction de bâtiments publics de moindre envergure de même que ceux qui ne se qualifient pas pour un PPP; évaluer les coûts de projets par des spécialistes qui ne sont pas en conflit d'intérêts; contrôler les coûts des projets réalisés en mode conventionnel dont les résultats serviront de projets de référence par l'Agence des PPP; s'assurer de la qualité de la conception et des plans et devis remis aux entrepreneurs; élaborer avec les établissements, pour chaque projet, un plan de gestion de risques; prévenir les litiges avec les entrepreneurs et introduire des moyens de règlement en dehors des tribunaux; tenir le Conseil du trésor informé de l'évolution des projets de construction plutôt que d'accumuler les réclamations des entrepreneurs dans chacun des établissements, ministères et organismes, et ce, sans que ces montants n'apparaissent nulle part.

De plus, pour l'ensemble des projets de bâtiments publics réalisés soit en mode conventionnel ou en mode PPP, cet organisme serait appelé à appuyer les ministères et organismes dans la préparation des dossiers d'affaires requis de toute façon pour évaluer la faisabilité en PPP; établir les critères de conception et de qualité et en vérifier la conformité une fois les travaux terminés; établir le projet de référence dont on fait mention aux blocs 7 et suivants du Guide d'élaboration du dossier d'affaires pour faire en sorte que les hypothèses qui y seront retenues soient vérifiables et résistent à l'analyse; orienter les projets d'envergure vers l'Agence des PPP pour la préparation de l'étape 6 et suivantes du dossier d'affaires; appuyer l'agence dans l'élaboration des critères de conception techniques et fonctionnels des projets de bâtiments réalisés en mode PPP.

Par contre, nous désirons vous exprimer quelques inquiétudes et commentaires quant aux défis qu'aura à surmonter cette nouvelle agence. Le gouvernement du Québec saura-t-il prendre des dispositions nécessaires pour adapter rapidement ses nombreux règlements à l'introduction des partenariats avec les entreprises privées? La CEGQ est inquiète de savoir si vraiment la plupart des ministères et organismes se donneront la peine de préparer des dossiers d'affaires qui tiennent la route pour justifier leurs investissements. Non seulement l'ont-ils rarement fait, sinon jamais, dans le passé, mais la préparation de tels dossiers peut prendre jusqu'à six mois et nécessiter des ressources importantes et spécialisées. Les entrepreneurs généraux constatent que les ministères et organismes ont présentement beaucoup de difficultés à définir leurs besoins. Soit qu'ils ne savent pas ce qu'ils veulent ou qu'ils expriment mal leurs besoins. En mode PPP, ce constat sera d'autant plus dramatique que le partenaire privé risque de devenir propriétaire d'un immeuble qui ne satisfera pas les besoins de l'usager, et ce, durant 25 ou 30 ans. Cette situation ne sera pas réglée avec les PPP à moins de forcer ces ministères et organismes non seulement à préparer des dossiers d'affaires complets et bien ficelés, tel celui proposé par Pricewaterhouse en collaboration avec le Conseil du trésor, mais également les rendre publics.

Rappelons que ces projets en partenariat seront réservés aux sociétés de construction les plus importantes, puisque, malgré tout, il faudra monter le financement, préparer des projets assez complexes et organiser la gestion des opérations. Au Québec, très peu d'entrepreneurs en construction disposent des ressources humaines et financières pour prendre le leadership de projets réalisés en partenariat. La plupart des entrepreneurs généraux qui oeuvrent en bâtiment au Québec sont sous-capitalisés compte tenu des responsabilités qu'ils assument déjà, de la forte compétition qui existe entre eux et du traitement que leur réservent les ministères et organismes publics.

Pour profiter de l'expertise du plus grand nombre d'entrepreneurs généraux du Québec dans l'organisation de telles opérations et profiter de meilleures conditions, l'agence devrait faciliter la création de consortiums composés notamment de plusieurs entrepreneurs de taille moyenne, faciliter au besoin le financement pour éviter que les entrepreneurs aient à investir des sommes considérables et enfin ouvrir la porte à une rémunération des candidats retenus pour la préparation de leurs propositions.

Le présent projet de loi prévoit que l'agence pourra constituer des filiales aux fins de la réalisation de sa mission. La CEGQ ose croire que ces filiales ne seront pas des coquilles vides qui s'associeront par la suite aux partenaires privés. Les entrepreneurs généraux se font souvent échauder par des organismes sans but lucratif, OSBL, créés spécifiquement par des administrations publiques pour construire du logement social ou des équipements municipaux.

Il est faux de croire que le coût de construction des bâtiments réalisés en mode PPP s'avérera moins coûteux qu'en mode traditionnel. L'avantage ne pourra venir que de la qualité de gestion des entrepreneurs privés, de la possibilité de substituer des investissements privés à des financements publics désormais limités et une meilleure performance dans l'opération, ainsi que par la réduction des délais de construction et du nombre de litiges. Il serait important que l'Administration publique s'assure, pour ces projets en partenariat, d'un niveau de compétition. À défaut, les prix risquent d'être très élevés, au point où les avantages de cette méthode seront anéantis.

Les entrepreneurs généraux en savent quelque chose lorsqu'ils prennent possession des soumissions des sous-traitants qui leur sont destinées par le truchement du Bureau des soumissions déposées du Québec. En effet, lorsqu'il y a peu de concurrence au niveau de la sous-traitance au Bureau des soumissions déposées, les entrepreneurs généraux constatent qu'il n'est pas rare de voir les coûts grimper de 30 %, 40 % et même plus dans certains cas. Ils ont l'obligation de faire supporter ces coûts par les donneurs d'ouvrage publics et privés. Nous avons donc déjà saisi le ministère du Travail de cette situation unique au monde et qui perdure depuis maintenant 10 ans.

Contrairement à ce que certains laissent entendre, des expériences démontrent que la gestion d'un projet dans un environnement PPP est beaucoup plus lourde que dans le mode conventionnel, puisque:

Dans un premier temps, l'administration devra réfléchir sur ce dont elle a vraiment besoin puis produire un dossier d'affaires qui tiendra la route;

Elle devra par la suite transmettre ses projets aux autorités politiques puis à l'Agence des PPP qui devra en valider le contenu puis décider si ce projet s'exécutera en mode PPP ou conventionnel;

Suivra la publication des avis d'intention auprès des secteurs privés puis la formation des équipes. Ces dernières devront préparer et présenter un document de préqualification;

L'administration fera ensuite la sélection des candidats choisis pour préparer une proposition complète;

Ces candidats réfléchiront à leur tour sur la façon dont ils répondront aux attentes de l'administration de la façon la plus économique possible;

S'ensuivront des discussions avec chacun des groupes au cours desquelles l'administration devra réfléchir de nouveau sur ce dont elle a vraiment besoin. Ce dialogue prendra forcément un certain temps, sans compter la période qui devra être réservée aux candidats pour préparer leur offre finale;

Viendra finalement la phase contractuelle, laquelle prendra également un certain temps. À cette étape finale, nous recommandons fortement à l'agence de se doter de contrats types de partenariat pour chaque secteur d'activité. À défaut, les partenaires, tant privés que publics, devront investir des sommes considérables en discussions et en frais juridiques pour chacun des contrats.

Pour s'assurer d'une compétition adéquate, l'administration devrait établir un nombre minimum de candidats intéressés à préparer et déposer une offre complète. De plus, la CEGQ trouve intéressant le processus de consultation et de communication mis de l'avant par la Communauté économique européenne. Il s'agit du mode de compétition dit de dialogue compétitif en vertu duquel les administrations publiques peuvent négocier assez librement avec les entrepreneurs pour les amener à exprimer leurs idées. Cette méthode mérite d'être exposée plus à fond par l'agence.

n (11 heures) n

Un défi très important de l'Agence des partenariats public-privé sera de garantir à la fois l'intégrité du processus et l'égalité entre les entreprises privées. Ces partenariats ne pourront se développer que s'ils font l'objet d'un encadrement exemplaire de nature à garantir la transparence lors de la passation et tout au long de la vie du contrat. Une procédure rigoureuse doit donc être adoptée, rendue publique et scrupuleusement suivie. L'administration devra faire preuve d'un certain formalisme procédural pour justifier son choix. Il y va de la crédibilité du processus, car, compte tenu des coûts très importants assumés par les candidats pour la préparation des offres, ces derniers ne seront plus intéressés à répondre aux invitations de l'agence s'ils ne sont pas absolument convaincus de la transparence et de l'égalité entre les candidats. Faire autrement risque de concentrer tous ces projets réalisés en PPP dans les mains d'un très petit groupe d'entreprises avec un impact important sur les coûts, puisque répondre à un PPP exigera de constituer et de maintenir une structure en conséquence.

Le gouvernement du Québec permettra-t-il les projets non sollicités dans le cadre d'un partenariat public-privé? Il s'agit d'un processus instauré en Italie où un promoteur privé peut faire une proposition de partenariat à une administration publique qui a déjà un programme d'investissement. Si tel est le cas, l'agence devra s'assurer que ces projets fassent également l'objet de compétition.

Le Québec possède très peu d'expérience dans la réalisation de projets en mode PPP. C'est pourquoi nous pensons que le gouvernement devrait débuter par de plus petits projets, question de développer l'expertise, et ce, autant du côté public que privé.

L'Agence de partenariats public-privé pourra-t-elle se permettre de longs et douloureux procès contre ses partenaires privés? Les sociétés qui forment ces partenaires privés pourront-elles survivre à des procès longs et coûteux? Ces personnes publiques et privées auront-elles les mêmes dispositions pour discuter de partenariats si elles sont régulièrement en procès les unes contre les autres, et ce, quel que soit le mode de contrat entre les parties, soit en PPP et en mode conventionnel? C'est pourquoi ce projet de loi devrait prévoir le principe de règlement alternatif de règlement autrement que par la voie des tribunaux. Il doit imposer notamment la médiation et peut-être même l'arbitrage entre le partenaire public et les candidats et partenaires privés. Comme ce sont les mêmes entrepreneurs privés et les mêmes ministères et organismes qui réaliseront également les projets en mode conventionnel, ces moyens de règlement des différends devraient, de la même façon, devenir la norme pour ces projets.

Les recommandations et amendements au projet de loi n° 61. La CEGQ est inquiète de constater qu'aucune disposition de ce projet de loi n'encadre la qualité du dossier d'affaires ainsi que la transparence dans le processus du choix des partenaires, l'égalité entre les candidats, le niveau de compétition, et la façon dont se dérouleront les négociations, et le règlement des différends.

Dans ce contexte, la CEGQ recommande l'introduction des grands principes suivants dans ce projet de loi, lesquels pourront ultérieurement être précisés par règlement:

a) l'obligation, pour les ministères et organismes, de préparer des dossiers d'affaires et de les rendre publics;

b) l'assurance d'une mise en compétition, de la transparence et de l'égalité entre les candidats;

c) le règlement de différends par des moyens alternatifs autres que les tribunaux, tels la médiation et peut-être même l'arbitrage;

d) l'imposition de l'Agence des PPP à tous les ministères et organismes qui utiliseront ce mode, et ce, dès que des fonds publics sont impliqués; et

e) qu'au moins la moitié des membres du conseil d'administration proviennent du secteur privé et des champs d'activité où la méthode des PPP sera mise de l'avant.

Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand): Merci, M. Dagenais. Et j'invite maintenant la ministre à débuter cette consultation. Merci.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, M. Dagenais et toute l'équipe, bienvenue bien sûr à cette commission parlementaire. J'ai bien aimé votre mémoire parce qu'à bien des égards il ouvre de nouvelles portes. Vous ouvrez de nouvelles portes, et je trouve ça intéressant. Et il y en a où j'ai de la difficulté à comprendre vos positions, mais c'est pour ça que vous venez, pour nous éclairer.

Vous parlez, à un moment donné, au niveau de la transparence, et, moi, je suis très heureuse d'entendre ça. Vous demandez de demander la production des procès-verbaux des négociations et des dialogues et la publication des plans d'affaires. Il y a toujours ce volet, au niveau de la Commission d'accès à l'information, que dans le fond les entreprises veulent avoir une protection quant au secret qui ferait qu'ils soient plus concurrentiels qu'une autre entreprise. Aujourd'hui, vous venez dire: Nous, on veut que tout ça, ce soit public. Est-ce que vous pouvez élaborer sur ça? Parce que, je vais vous dire, vous êtes en accord avec la Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen mais en désaccord avec plusieurs autres groupes d'entrepreneurs. Alors, pouvez-vous expliquer votre position?

M. Martin (Luc): Oui. Il faut comprendre que les plans d'affaires dont on fait mention dans notre document, ce sont les plans d'affaires préparés par les ministères et organismes, donc avant même que l'agence accepte ou pas à savoir est-ce qu'on va en PPP. Donc, c'est le dossier d'affaires que doit monter... que devrait en tout cas monter tout ministère ou organisme pour justifier finalement la faisabilité en PPP. Donc, il ne s'agit pas, là, de documents qui viennent d'une entreprise privée mais bien de documents qui sont préparés par les différents ministères et organismes.

Le Président (M. Bertrand): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Bon. Est-ce que vous ne dites pas également dans votre document que vous voulez qu'on rende public également le dialogue qui se fait entre le gouvernement et les proposeurs?

M. Martin (Luc): ...on veut que ce soit bien noté, on veut que ce soit documenté et, en cas de litige éventuel, que ce soit disponible. Mais pas de les rendre publics effectivement parce que ça demeure une relation d'affaires, et, au contraire, le dialogue, le dialogue compétitif dont on fait mention, justement ça permet à chaque groupe d'entreprises ? supposons que ce sont des regroupements ? à chaque regroupement de discuter librement avec l'administration. Alors, si c'est pour être rendu public, à ce moment-là il n'y aura plus de discussions ouvertes. Donc, il faut qu'on favorise les discussions ouvertes, les discussions transparentes. On va discuter du contenu technique, on va discuter du financement, on va discuter de... Il faut discuter de tous les points, et à ce moment-là ces discussions-là n'ont pas à être rendues publiques. Cependant, elles doivent être consignées à l'intérieur de procès-verbaux et, en cas éventuel de problème où le Vérificateur général voudrait vérifier ou un litige important, que les autorités puissent regarder à savoir qu'est-ce qui s'est bien passé.

Le Président (M. Bertrand): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Alors, j'aime beaucoup votre position au sujet du dialogue compétitif parce qu'effectivement c'est une approche qui est proposée par l'Europe. La Grande-Bretagne était opposée à cette approche-là, mais, quand je suis allée en Grande-Bretagne, on commence à faire appel à cette approche-là. Les vertus du dialogue compétitif, c'est qu'une fois qu'on a choisi un entrepreneur on continue à parler à cet entrepreneur pour vraiment répondre aux attentes, dans le fond des besoins du gouvernement. Alors, c'est là les vertus, c'est qu'il y a encore un dialogue pour justement être sûr que le projet va répondre. Autrement dit, ce n'est pas figé dans le béton, la relation. Alors, il y a de grandes vertus parce qu'à mesure qu'on développe le projet on l'améliore, on l'améliore de part et d'autre tout en évaluant les risques. Est-ce que vous pouvez élaborer davantage jusqu'où vous êtes prêts à aller dans ces dialogues?

Le Président (M. Bertrand): M. Martin.

M. Martin (Luc): ...plus loin encore parce qu'on recommande que ce dialogue compétitif là se passe même avec tous les candidats, avant même que l'adjudicateur ne soit connu. À titre d'exemple, il y a trois entreprises candidates, donc que le dialogue compétitif... qu'un dialogue compétitif puisse se faire avec chacune des trois entreprises. D'une façon individuelle, bien sûr. O.K.? Et ça permettra à l'administration de beaucoup mieux cibler, évaluer est-ce qu'elle est sur le bon chemin, est-ce que le projet dont elle est en train d'accoucher va bien répondre aux besoins de mes clients. Donc, on veut s'assurer qu'on va faire des projets, là, qui vont tenir la route, et à ce moment-là ces dialogues compétitifs là devraient aider beaucoup les administrations. Mais il faut que justement... C'est quand même risqué parce qu'on parle, bon, de discussions ouvertes. La contrepartie, il faut que ce soit bien encadré, il faut que ce soit documenté. Donc, éventuellement, en cas d'un problème, il y a une autorité qui va pouvoir regarder, lire les procès-verbaux et voir si tout s'est bien passé dans les règles.

Le Président (M. Bertrand): M. Dagenais, vous voulez ajouter quelque chose.

M. Dagenais (Jean-François): Si je peux me permettre, Mme la ministre. Quand on parle de transparence, c'est dans le processus et dans le protocole entre les partenaires où il y a une transparence qui est établie, il y a une façon de faire au niveau de la procédure. Quant aux informations qui circulent, c'est bien évident qu'elles doivent être confidentielles jusqu'à ce que la décision soit prise ultimement. Mais documentée, puisqu'après ça il y aura, le cas échéant ? on parle d'imputabilité, on en a parlé tantôt ? il y aura la possibilité de travailler sur cette imputabilité-là. Mais d'avoir des partenaires qui bâtissent un projet puis qui répondent aux attentes de l'administration, à mon sens, il y a une plus-value pour l'Administration publique, très claire dans ce cadre-là.

Le Président (M. Bertrand): Mme la ministre.

n (11 h 10) n

Mme Jérôme-Forget: Bon, une des choses qui m'a frappée en Angleterre, c'est qu'il n'y avait pas de litiges, il y avait peu de litiges. J'ai posé justement la question suivante: Est-ce que les gens vont devant les tribunaux quand ils ont raté un contrat parce qu'ils ont dépensé beaucoup d'argent? Ce qui était fascinant, M. le Président, c'est qu'on dirait qu'ils ont fait leur travail; les gens se font confiance, et, une fois que justement on a perdu un contrat, on a perdu un contrat. Je l'ai vécu, par exemple, au niveau de l'hôpital, en Angleterre, de 1 milliard de livres. Vous imaginez la grosseur du projet, 2,5 milliards de dollars canadiens. Alors, c'est un immense projet. Et Skanka avait gagné, et Bouygues avait perdu. Bouygues avait dépensé plusieurs millions de dollars dans le projet, ils se sont soumis. Ils gagneront un autre projet, ont-ils dit. D'accord? Ils gagneront ailleurs, à un autre moment.

Mais là vous dites, vous, dans votre mémoire, en page 9: «L'obligation de tenir des procès-verbaux des discussions avec les candidats qui pourraient être utilisés dans les cas de litige.» Je vois dans votre approche, là, tout à coup... Il ne faudrait pas qu'on développe une culture de litiges, qu'on soit en train de faire vivre les bureaux d'avocats justement parce qu'on a perdu un contrat. Le dialogue dans le fond compétitif, le temps que le débat se fait, justement l'entrepreneur fait déjà des propositions. Et, si on s'en va dire: Bien, il a fait cette proposition-là au moment du départ... Parce que c'est ça, l'avantage, là, on parle de l'innovation, de la créativité, de faire appel à des idées nouvelles, alors on ne peut pas dire, là, qu'on veut tout ficeler. Les gens nous arrivent avec des propositions, on ne peut pas aller tout divulguer, là. Est-ce que vous êtes en train de dire que tout ça devrait être rendu public par la suite, tous ces dialogues par la suite pour justement, à mon avis, nourrir les tribunaux?

Le Président (M. Bertrand): M. Martin.

M. Martin (Luc): Non, ce n'est pas ce qu'on veut dire, c'est que tout le contenu des dialogues doit être quand même... Ça doit être quand même documenté parce que, bon, sinon on risque, là, que la confiance ne soit plus là. Par contre, vous parliez tantôt de litiges. Bon, il faut dire qu'on a une culture ? dans le mode traditionnel ? on a une culture de litiges. Donc, excusez-nous, on a... Et présentement les projets de construction en mode traditionnel, malheureusement, bon, les deux parties se positionnent au début, puis, bon, on dirait que c'est un champ de bataille, bon, et ce, jusqu'à la fin. Pas dans tous les cas bien sûr, mais dans une grande partie des projets.

Les PPP, ça va réduire énormément les litiges parce que les entrepreneurs vont chapeauter la conception. Ils ne la feront pas, là ? nous avons d'excellentes firmes d'architectes et d'ingénieurs ? mais le prix du bâtiment que les entrepreneurs vont soumettre va inclure la conception, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui. Donc, aujourd'hui, on le sait très, très bien, les entrepreneurs, dans la plupart des cas, vont soumissionner sur des projets dont les plans et devis sont préparés par des firmes externes. Donc, on se retrouve avec, très souvent, des plans incomplets parce qu'ils n'ont pas eu nécessairement le temps de faire des plans complets. Donc, on se retrouve très souvent avec des plans complétés à 80 %, 85 % pour effectuer un travail donné, puis alors qu'ils ont 3 %, 4 %, 5 % de contingence. Ça fait qu'on part... tout de suite, là, au départ, il manque 10 %, puis les travaux ne sont même pas commencés. Bon. Ça, c'est en mode traditionnel. En PPP, ça ne se produira pas parce qu'on a notre... c'est-à-dire le prix va inclure la conception. Donc, ça va être notre responsabilité comme entrepreneurs de nous assurer qu'on a fait faire des plans complets.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui. Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier et féliciter la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec pour la qualité de leur mémoire. Il est présenté de façon relativement originale, et on sent bien qu'il est issu d'une expérience, votre expérience, parce qu'en fait, quel que soit le mode de livraison des services, les grands travaux, au Québec, passent entre vos mains, de toute façon.

J'ai été particulièrement intéressé par le fait qu'après avoir élaboré quelques commentaires sur le projet de PPP vous ayez pris l'initiative de faire des propositions pour améliorer le mode conventionnel. Le mode conventionnel, c'est-à-dire le mode connu et qui sera de toute façon le mode déterminant et majoritaire encore très longtemps. Vous faites une analyse très critique de la façon dont les choses se passent. Notamment, vous déplorez que différents ministères et organismes soient les donneurs d'ordres dans des domaines de construction qu'ils ne maîtrisent pas souvent suffisamment. Vous faites une proposition quant à la centralisation dans un seul organisme des opérations de construction pour le gouvernement.

Est-ce que vous n'avez pas l'impression ? c'est une question un petit peu piégée, mais je sais que vous ne m'en voudrez pas ? vous n'avez pas l'impression que, si on répondait parfaitement à vos objections et on suivait vos recommandations sur la question de la livraison classique, le besoin de PPP s'évanouirait en très, très grande partie?

Le Président (M. Paquet): M. Martin.

M. Martin (Luc): Je n'ai pas bien compris votre question, là, la dernière partie.

M. Simard: Alors, je le reformule simplement. Vous faites des recommandations extrêmement précises, après une analyse très intéressante, sur les modes conventionnels. Prenons pour acquis qu'on vous suive là-dedans et qu'on fasse les modifications, est-ce que le recours aux PPP resterait toujours aussi pertinent?

Le Président (M. Paquet): M. Dagenais.

M. Dagenais (Jean-François): Je peux peut-être me permettre de répondre, c'est-à-dire qu'il faut distinguer... D'une part, je pense qu'il y a certains types de projets qui seraient sous la formule PPP, il va toujours rester des projets sous mode conventionnel. Ne serait-ce qu'au niveau du seuil d'entrée dans le cadre PPP, je pense que ce n'est pas encore défini. Ça, c'est une première chose. C'est donc dire qu'il y aura toujours un traitement. Il est certain que le fait qu'on ajoute ça dans notre mémoire fait en sorte qu'on se dit: Il y a peut-être la possibilité d'un organisme régulateur ? appelons ça comme on veut, pas régulateur mais de contrôle à cet égard-là ? et ça pourrait être intéressant, et je pense que c'est plutôt l'inverse. C'est le système PPP qui pourrait travestir le système du mode conventionnel, et je pense que c'est ça qui serait intéressant. Mais ça n'enlèverait pas la pertinence au cadre PPP.

Pour l'administration publique, c'est à vous d'en juger, mais, pour le secteur privé, c'est certainement intéressant pour un certain type de projets, et c'est, je pense, ce qui transparaît de notre mémoire. Tous les projets de construction ? il y en a pour 1 milliard ? ne sont pas sujets à PPP. Il y a beaucoup de choses qui pourraient l'être, mais certains ne le seront pas, puis on va rester avec le mode conventionnel. Par contre, la méthode PPP qui... Et je fais écho à ce qu'a dit M. Martin tantôt, quand on parle d'un projet plus achevé, un projet avec des données déjà avant construction plus complètes nous amène à avoir un risque mieux établi, donc des dépassements de coûts moins présents. Donc, à ce moment-là, il y a peut-être des choses qui pourraient être intéressantes de transposer ça dans le mode conventionnel.

Alors, je ne pense pas qu'un élimine l'autre. C'est sûr qu'on constate, à la lecture des PPP, qu'on a des projets beaucoup plus définis puis beaucoup plus achevés parce que le risque, tout le monde doit l'évaluer avant de commencer, alors que, dans le mode conventionnel, ce que vient de décrire M. Martin, on se retrouve dans des situations où est-ce qu'on part le projet puis on ne le sait pas, ce qui va arriver par la suite.

À mon grand dam, là, je ne m'en cache pas, je travaille dans le secteur du droit de la construction, c'est vrai que ça va limiter le nombre de litiges. Ça, c'est certain, mais, écoutez, je vais vivre avec ça, je viendrai...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui. Je peux tout de suite vous rassurer sur les litiges, vous savez. Le contrat du métro de Londres ? évidemment, ce n'est pas à notre portée ici; mais ? comporte 135 volumes et 28 000 pages, et c'est un ravissement pour une bonne partie des bureaux d'avocats de Londres, et il y en a pour 30 ans. Alors, il y a encore du travail pour les juristes, rassurez-vous.

Revenons à vos propositions. Vous avez parlé, dans votre... de la difficulté actuellement de concevoir l'ensemble du projet. Voulez-vous essayer de me synthétiser pourquoi, dans le mode traditionnel actuel d'octroi de contrats de construction, on n'arrive pas à une prévision meilleure des coûts et on se retrouve régulièrement dans des dépassements? J'imagine que vous n'allez pas me dire que c'est parce que vous y ajoutez des profits supplémentaires, et que vous gaspillez, et que vous ne faites pas votre travail. Je suis convaincu que vous allez nous dire que votre travail, vous le faites. Alors, où le bât blesse-t-il?

Le Président (M. Paquet): M. Dagenais.

M. Dagenais (Jean-François): De mon expérience et de l'expérience que les membres de la Corporation des entrepreneurs généraux peuvent tirer, il y a certainement au niveau... Puis on parlait tantôt de projets plus achevés avant le début du projet, on se retrouve très souvent avec des projets dont les plans sont incomplets ou dont les plans ne sont pas complétés, dont les besoins souvent même du client ultime, là, du donneur d'ordres ne sont pas définis. Ils se définissent en cours d'exécution, et on se retrouve dans un cadre où le projet devient évolutif.

n (11 h 20) n

Par définition, un projet de construction, c'est évolutif, hein? On sait très bien que ce n'est pas statique comme un contrat de bail, par exemple, où on sait qu'à chaque mois on aura une prestation à donner. Mais par ailleurs il y a des données, il y a des contingences prévisibles et, dans certaines circonstances, il y a même des organismes publics qui sont capables de définir leurs contingences. Ça se fait peu au Québec. Mais, quand on définit... quand on part avec un projet qui est mal, si on veut... qui n'est pas défini complètement et qu'on commence l'exécution du projet, forcément on va se retrouver dans un contexte où on est dans un cadre évolutif, et ce qu'on avait soumissionné au départ ne se retrouve pas à être nécessairement ce qu'on a livré à la fin, puisqu'il y a eu des choses qui se sont développées.

Or, le mode PPP par ailleurs implique nécessairement, à cause du risque entre les parties, de définir le projet, comme n'importe quel projet d'investissement, correctement à l'avance. Il va y avoir des impondérables, il va y avoir des imprévus, mais ils sont, jusqu'à un certain point, assumés dans le risque. Actuellement, dans le mode conventionnel, de plus en... de beaucoup... pas de plus en plus, je dirais de façon régulière, dans les cadres public, parapublic, on se retrouve avec des projets dont les données de base ne sont pas les mêmes qu'à la fin, et on se retrouve forcément avec des modifications. On reproche beaucoup aux entrepreneurs généraux de dépasser leurs coûts, mais c'est bien évident que, s'ils avaient su au départ ? c'est eux les experts ? s'ils avaient su au départ quel était le coût, quel était le risque, ils l'auraient défini dans leur prix, puis l'administration aurait eu le choix de dire oui ou non, mais avec un risque connu. Mais ce n'est pas fait de cette façon-là.

Alors, est-ce que ce sont les ordres qui sont donnés par le donneur d'ouvrage aux intervenants avant l'entrepreneur général? Est-ce que ce sont les budgets alloués en termes de conception? Je pense que ce sont certainement des voies, là, à étudier sur cet aspect-là. Il est évident que les entrepreneurs généraux se retrouvent actuellement dans des projets où ils doivent livrer à la fin un projet qui n'est pas du tout celui sur lequel ils avaient soumissionné.

M. Palotta (Luigi): Pour élaborer un peu plus...

Le Président (M. Paquet): M. Palotta.

M. Palotta (Luigi): ...sur ce que Me Dagenais vient de nous expliquer, c'est que parfois ce n'est pas juste la construction du projet qui fait en sorte qu'on se ramasse à la fin avec un dépassement de budget. Parfois, le projet, il est parti «overbudget». Alors, le donneur d'ouvrage peut élaborer un budget pour son projet, et les soumissions rentrent 10 %, 15 %, 20 %, 30 % plus élevées. C'est faux de dire, à ce moment-là, que c'est parce que les prix sont trop élevés. C'est plutôt vrai de dire que les budgets sont sous-estimés. Les raisons pour lesquelles ils sont sous-estimés, on ne les connaît pas. On présume parfois que les projets se font accepter s'ils sont encadrés dans un certain budget, et cette façon de faire crée au départ un problème inhérent au projet.

Alors, on part un projet avec un budget sous-évalué. Le projet, il va de l'avant, les fonds sont épuisés. On part en problème et on est mal parti, et c'est bien évident, la durée du projet avec les dépassements de coûts qui sont inévitables dans un projet de construction... Nous, on croit que c'est tout à fait normal d'avoir un certain nombre de changements qui sont contrôlables et qui sont, je dirais, dans des projets connus... qui sont estimables en partant. Ça fait que, si on part avec un budget serré, on ne met pas les allocations pour les contingences qui sont requises, normales et prévisibles, on se ramasse avec un projet à problème. Ça crée des litiges et ça crée un dépassement encore plus important à la fin de tout ça. Ça fait que c'est un déroulement qui part mal et qui continue mal jusqu'à la fin, et que potentiellement, avec une agence qui chapeauterait ça correctement du début ou en mode PPP, cette dynamique va disparaître, et toute l'efficacité qu'ils vont en venir va bénéficier, va venir réduire les coûts. En gros, ça explique un peu la dynamique qu'on vit actuellement.

Le Président (M. Paquet): Alors, M. le député de Richelieu.

M. Simard: Je suis très, très intéressé, je suis... je bois vos paroles parce que je crois effectivement qu'il y a beaucoup à faire pour améliorer le mode conventionnel de livraison. La ministre l'admettait elle-même tout à l'heure, je pense, à partir des statistiques du CPQ, l'immense majorité des projets de construction va rester en mode traditionnel. Donc, le problème reste presque entier, là. Quelles que soient nos opinions sur l'ampleur ou la valeur de la formule PPP, le problème reste presque entier. Il nous faut arriver à une meilleure évaluation des coûts, ne serait-ce que pour permettre aux décideurs politiques de prendre des décisions éclairées et de choisir des projets, de faire des priorités à partir des vrais coûts. On est tous d'accord avec ça, et tous les gouvernements sont confrontés avec ça. Et l'analyse des causes que vous faites me semble sans doute pas tout à fait complète, mais vous mettez le doigt sur l'essentiel des problèmes.

Parlez-moi davantage de cette agence. Je trouve qu'il y a là une piste de solution. Vous la voyez comment? On ne parle pas de l'agence des PPP mais cette agence qui recentrerait autour de projets plus complets, mieux organisés, plus avancés et qui dirigerait les travaux de construction pour le gouvernement du Québec.

Le Président (M. Paquet): En entamant le prochain bloc, M. Martin.

M. Martin (Luc): D'accord. Donc, c'est une agence ? appelons ça une agence ou un organisme, là, bon ? dont la mission, la seule mission serait de construire, pour les différents ministères et organismes, des bâtiments publics.

M. Simard: ...le fait pour le ministère de la Santé.

M. Martin (Luc): Comme le ministère des Transports fait les routes. O.K.?

M. Simard: Voilà.

M. Martin (Luc): Donc, parce que ce qu'on recommande, c'est de regrouper tous les bâtiments publics. Donc, on parle des écoles, on parle des hôpitaux, on parle de la santé, on parle des garderies, on parle des universités, là, donc mur à mur, là. O.K.? Bon. Et par conséquent cette agence-là va développer une expertise, elle va regrouper l'expertise. On en a quand même une, expertise, au Québec, mais elle est diluée. Il y en a un petit peu à la SIQ, un petit peu à la CHQ, peut-être un dans un cégep, à quelque part, mais c'est très, très dilué. Donc, on va regrouper cette expertise, se doter de méthodes pour s'assurer que les plans et les devis sont bien faits, des... Bon, on va établir les critères de conception aussi. On va également profiter du fait que, si on fait... S'il y a une erreur de faite, par exemple, dans la construction d'une école parce qu'on a choisi un mauvais matériau, bien on n'est pas pour reprendre le même matériau dans l'hôpital le mois prochain. Et on va également standardiser les contrats de construction. On va établir un moyen pour régler les... un mécanisme pour régler les différends, un peu comme Travaux publics Canada fait donc, et il va falloir bien sûr... Il ne faut pas non plus recentraliser ça au sein d'un même bureau, là, il ne faut pas penser que... il ne faut pas créer un goulot d'étranglement. Il peut y avoir des bureaux dans les différentes régions qui font le travail, mais les règles, les façons de faire, les spécifications techniques, les contrats, les relations entre les parties vont déjà venir d'un seul et même organisme.

Présentement, on discute à l'occasion avec les gens du Conseil du trésor et d'autres ministères et organismes et on sent qu'ils ont de la difficulté des fois à faire comprendre ou à soumettre à un autre ministère certaines règles. Mais, en regroupant au sein d'un même organisme, ce problème-là ne se posera plus, c'est eux qui vont faire les règles. Donc, à ce moment-là... Et on pense qu'il va y avoir des économies, là, importantes juste au niveau de regrouper l'expertise et de créer un organisme dynamique, là, et expert en bâtiment.

M. Palotta (Luigi): Parce que, pour élaborer un peu...

Le Président (M. Paquet): M. Palotta.

M. Palotta (Luigi): ...sur ce que M. Martin vient d'expliquer et puis vous donner un exemple, l'exemple de la CHQ, parfois la CHQ, qu'est-ce qu'elle fait, c'est qu'elle fait de la gérance à distance. Donc, on croit qu'elle chapeaute les projets de construction, mais qu'en réalité c'est les hôpitaux locaux qui viennent faire la construction. On vit ça. On vit ça actuellement et on fait affaire avec du monde qui ne sont pas là pour construire. Ce monde-là sont là pour donner des services à la population, pour gérer leurs hôpitaux puis ils sont appelés à faire de la construction. Ça fait que, là, ils sont mis par la CHQ face à un entrepreneur, des architectes. Cette personne-là qui fait... en bout de ligne, celui qui fait la gérance crée, on croit, des problèmes, des litiges, des dépassements de coûts, des problèmes à la construction qui pourraient être éliminés s'il y aurait en réalité des gérants de la construction qui pourraient être créés qui chapeauteraient ça mais pas à distance, en prenant un rôle actif, et que ce mandat premier, ce serait de faire de la construction, de gérer les projets, de régler les litiges, de contrôler les coûts et d'amener à terme le projet. On croit que cette agence pourrait améliorer notre industrie et éviter les litiges qu'on discute.

Le Président (M. Paquet): O.K. Merci.

M. Simard: Je pense que votre mémoire, là-dessus, enrichit beaucoup la connaissance des parlementaires. Je suis sûr que la présidente écoute ça avec beaucoup d'attention. Et ce n'est pas en marge du débat sur les PPP, c'est lié à toute l'interrogation que nous avons face à la difficulté de réaliser des travaux en temps et dans les prix convenus. Votre proposition en tout cas mériterait d'être beaucoup approfondie. Elle me semble une piste de solution très importante pour l'avenir.

Le Président (M. Paquet): Merci. Il reste 5 min 37 s du côté du gouvernement. Mme la présidente du Conseil du trésor.

n (11 h 30) n

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, je vais essayer d'être rapide. Les effets pervers justement de la politique, je dirai, et de l'appareil public, c'est souvent qu'il y a des apparences d'intérêt à sous-estimer les coûts essentiellement pour, M. le Président, venir au Conseil du trésor pour obtenir l'approbation. Mon collègue doit savoir ce dont je parle, il a été président du Conseil du trésor. Alors, voilà un effet pervers, et vous avez tout à fait raison, qu'un des volets sur lesquels je me penche constamment: Quels sont les vrais coûts rattachés à un projet? Et je retourne les projets tant que je n'ai pas la certitude qu'on les a ajustés au vrai coût.

Maintenant, un des volets qu'on m'a dits, au niveau du gouvernement ? parce que mon collègue justement a soulevé un volet important ? c'est une des critiques qu'on faisait à l'endroit du gouvernement, c'est l'absence de gestionnaires de grands projets dans nos ministères. Et par conséquent on n'a pas développé une expertise dans ça. Et l'intérêt de développer une agence en partenariats public-privé, c'est précisément, à l'intérieur du gouvernement, à l'intérieur de notre propre mission gouvernementale, de développer une expertise pour justement pallier parfois aux effets pervers des intentions ou des hommes et femmes politiques ou de notre administration gouvernementale, mais justement, là, pour pallier à ça.

Vous avez parlé de quelque chose tantôt, travestir le mode traditionnel, et je trouvais ça très intéressant parce que justement, en Irlande, on nous a dit qu'un des effets d'avoir mis en place les partenariats public-privé, c'est qu'on a développé une expertise à l'intérieur des ministères qui fait qu'aujourd'hui, avec le mode traditionnel, ils sont capables d'arriver à l'intérieur des coûts. Donc, il y a eu une transmission de connaissances qui s'est portée non seulement à l'intérieur de projets de partenariats public-privé, mais à l'intérieur également des modes traditionnels.

Maintenant, vous parlez de centralisation. Je lis à travers les lignes que vous souhaiteriez avoir un ministère des travaux publics, un ministère dans le fond de la construction, un ministère où se regrouperait toute l'expertise. Est-ce que de centraliser tout ça dans une... Est-ce qu'on ne risque pas par ailleurs de perdre une expertise au niveau de chacun des secteurs? Parce qu'il est clair qu'au niveau de la santé c'est là où vous avez des connaissances pour les hôpitaux, les CHSLD et CLSC, etc. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu... Est-ce qu'on ne perdrait pas en change en ayant un endroit, je dirais ? vous me permettrez le discours, là ? un peu bureaucratisé, de gens qui seraient loin du milieu, loin des besoins véritables? Vous parliez tantôt du directeur d'hôpital. Moi, vous voyez, là, je trouve que les gens qui comprennent le plus comment ça fonctionne, un hôpital, c'est quelqu'un qui dirige un hôpital, qui, tous les jours, se promène d'un étage à l'autre et qui doit voir comment ça fonctionne, un hôpital. Alors, peut-être vous voulez réagir.

Le Président (M. Paquet): M. Dagenais.

M. Dagenais (Jean-François): Oui, si vous permettez. Je pense qu'il faut distinguer entre l'opération d'un hôpital et le projet de construction de l'hôpital. Le directeur d'hôpital ou le directeur d'un bâtiment public a une connaissance certainement dans l'opération du bâtiment puis dans sa gestion et toutes ces choses-là, et je pense que c'est un partenaire dans l'élaboration du projet de construction, il est évident. Mais, quand on lui donne le rôle de gérer le projet de construction, ce n'est pas ça, ses compétences. Alors, à partir de ce moment-là, cet organisme qu'il pourrait utiliser a cette capacité d'aller chercher les ressources dans le milieu, c'est bien évident. Et ça nous ramène à ce qu'on énonçait tantôt, c'est-à-dire la définition des besoins premiers de l'organisme qui vont êtres établis avec ces gens-là qui sont le milieu, là, puis, après ça, on travaille au projet de la phase construction. La phase construction, il y a une livraison ultime, puis cette personne-là va reprendre le contrôle de son bâtiment avec les nouveaux outils, là, de construction qui ont été élaborés.

Donc, on ne l'exclut pas, je ne pense pas que ce soit ça, il n'y a pas un risque à cet égard-là. Je pense que l'organisme est là pour établir une uniformité dans le processus de construction ? d'octroi des contrats, c'est déjà fait, parce qu'il y a de la réglementation à cet égard-là ? mais le processus contractuel, gestion des contrats et jusqu'à la livraison du bâtiment. Les besoins, puis ça, ça va être, je pense, à l'État de définir ses besoins avec les gens qui sont sur place, mais ce n'est pas le cadre de la construction. Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais il me semble que cette personne-là a une expertise, mais pas dans le cadre de l'exécution.

Mme Jérôme-Forget: C'est terminé, M. le Président?

Le Président (M. Paquet): En 40 secondes, Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Je vais laisser tomber, je vais laisser le temps...

M. Simard: ...poser une petite question sur la transparence. La Commission d'accès à l'information est très critique sur le cadre légal actuel comme possibilité d'encadrement des PPP parce que les contrats qui impliquent des tiers commerciaux privés ne sont pas facilement accessibles. Le Conseil du patronat nous proposait tout à l'heure une formule où tous les contrats seraient accessibles, excepté des parties confidentielles identifiées, et là le Vérificateur général aurait accès, lui, à ces parties-là. Est-ce qu'une formule comme ça vous conviendrait?

Le Président (M. Paquet): Rapidement. J'ai donc permis la question au député de Richelieu. Il y avait consentement?

M. Dreise (Dietmar K.): Oui. Ça peut être de même style que le Conseil du patronat a suggéré. Il y a certainement des choses qui devront rester confidentielles, mais en général les méthodes, les détails vont rester publics, quand même.

M. Dagenais (Jean-François): Mais juste pour... La Commission d'accès à l'information...

Le Président (M. Paquet): M. Dagenais, rapidement.

M. Dagenais (Jean-François): Excusez-moi. La Commission d'accès à l'information a déjà des outils pour définir qu'est-ce qui est public et privé, ils ont...

Le Président (M. Paquet): Alors donc, au nom de la Commission des finances publiques, il me fait plaisir de remercier M. Martin, M. Dagenais, M. Dreise et M. Palotta pour leur participation au nom de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec.

Donc, je suspends les travaux de la commission pour quelques instants afin de permettre à nos prochains intervenants, la ville de Québec, de s'approcher à la table.

(Suspension de la séance à 11 h 36)

 

(Reprise à 11 h 39)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant la ville de Québec. M. le maire L'Allier, bienvenue à la commission, ainsi qu'aux gens qui vous accompagnent.

D'abord, au nom de la commission, je vous remercie d'avoir accepté le changement d'horaire qu'on vous a proposé. Ce n'est pas toujours facile pour les parlementaires et pour vous évidemment de concilier les horaires de tout le monde, et nous vous remercions, à très brève échéance, d'avoir pu accepter de modifier votre horaire de présentation. Nous l'apprécions énormément.

Alors donc, je vous souhaite encore une fois la bienvenue et je vous demanderais peut-être de présenter les gens qui vous accompagnent, et vous pourrez bien sûr débuter votre présentation. M. L'Allier.

Ville de Québec

M. L'Allier (Jean-Paul): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous présenter M. Normand Chatigny, qui est membre du comité exécutif de la ville de Québec, élu dans l'arrondissement Laurentien et ex-maire de Cap-Rouge, donc il a plusieurs expériences cumulées, il a été à l'époque avec moi, on était membres tous les deux de la Communauté urbaine de Québec, et M. Alain Marcoux, qui est le directeur général de la ville de Québec et qui, dans une vie antérieure, est passé par le ministère des Affaires municipales, entre autres choses. Alors, vous avez ici au total une expérience passée assez lourde et en même temps qu'une expérience qui va colorer effectivement la présentation que nous allons vous faire aujourd'hui.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. le maire. Alors, vous pouvez bien sûr faire votre présentation.

n (11 h 40) n

M. L'Allier (Jean-Paul): Merci beaucoup. D'abord, Mme la ministre, bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureux de participer avec mes collègues aux auditions relatives au projet de loi n° 61 concernant l'Agence des partenariats public-privé du Québec.

Le mémoire de la ville de Québec, apparaissant ci-dessous, expose les raisons pour lesquelles la ville ne peut pas donner son appui à ce projet de loi tel qu'il est présenté. Le 17 juin dernier, Mme la ministre Monique Jérôme-Forget, présidente du Conseil du trésor, déposait un projet de loi afin d'instituer un nouvel organisme gouvernemental: l'Agence des partenariats public-privé. Cet organisme aura pour mission de contribuer au renouvellement des infrastructures publiques et, à cette fin, il conseillera le gouvernement, etc. Je ne vais pas vous répéter des choses que vous savez déjà.

Sauf exception, éventuellement déterminée par le gouvernement, tous les organismes, y compris les municipalités, selon le projet de loi, devront obligatoirement avoir recours à l'agence pour la réalisation de leurs projets de partenariat public-privé. Ils devront aussi lui fournir, à sa demande, tout renseignement relatif à leurs projets d'infrastructures, d'équipements et de prestation de services publics. En outre, de sa propre initiative, à l'article 5, paragraphe 5°, page 50, l'agence pourra susciter des projets de partenariat auxquels devront se soumettre les organismes en question, dont les municipalités.

Les domaines d'intervention de l'agence ne sont pas spécifiquement définis, mais le paragraphe 6° de l'article 5 du projet de loi ainsi que l'article 9 parlent de projets d'infrastructures, d'équipements ou de prestation de services publics, ce qui ouvre un champ d'action extrêmement vaste. L'article 6 du projet de loi définit en effet aussi l'objet des partenariats comme étant tout ouvrage ou prestation d'un service public dont la conception, la réalisation ou l'exploitation lie contractuellement à long terme l'organisme public et l'entreprise privée, même si cette dernière ne contribue pas à son financement. Toutefois, il est important de noter qu'une municipalité sera assujettie aux pouvoirs de l'agence dans la mesure où le projet visé est financé, en tout ou en partie, sous quelque forme que ce soit, par le gouvernement ou par l'un de ses organismes. Il ressort de cette nomenclature que l'intention du législateur est clairement exprimée: tous les projets municipaux d'infrastructures, d'équipements ou de services qui feront l'objet d'une subvention quelconque de la part de l'État pourront être l'objet d'un examen et éventuellement d'une intervention de l'agence, conformément aux pouvoirs qui lui seront conférés par la loi, si le projet de loi est adopté tel quel.

En outre, les municipalités devront rémunérer l'agence pour ses services selon les tarifs déterminés unilatéralement par celle-ci ? là, vous faites rêver bien des bureaux de consultants. Bien que le projet soit maintenant soumis à l'examen de la Commission des finances publiques de l'Assemblée nationale et que la ville de Québec, comme les autres municipalités, puisse maintenant transmettre son opinion à cette commission, nous ne pouvons que déplorer le manque de consultations préalables de la part des ministères intéressés auprès du monde municipal sur l'opportunité de restreindre ainsi l'exercice de leurs responsabilités traditionnelles et juridiques telles que reconnues. Cette façon de faire est contraire à l'esprit du partenariat Québec-municipalités que le ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir promettait de promouvoir lors du dernier congrès de l'Union des municipalités. Ce manque de considération est d'autant plus regrettable que, de tous les organismes publics, les municipalités sont probablement celles qui utilisent déjà au maximum la formule des partenariats avec le secteur privé dans l'exercice de leurs responsabilités.

Dans le cas de la ville de Québec, nous pouvons citer les exemples qui suivent. Nos besoins en service de conception d'ingénierie de toute sorte sont à plus de 80 % confiés à l'entreprise privée, tout comme évidemment la réalisation des ouvrages eux-mêmes. La gestion d'une gamme étendue de services est aussi confiée en majeure partie au secteur privé, notamment la disposition des ordures, le déneigement, la gestion de l'incinérateur, du site d'enfouissement et du centre de tri, l'entretien ménager, l'informatique ainsi que l'entretien du gros matériel roulant. Dans les domaines de la culture et du loisir, une part importante des activités est gérée par des organismes à but non lucratif avec lesquels la ville a conclu des partenariats dont certains sont très anciens. Par exemple, la bibliothèque centrale et plusieurs bibliothèques de quartier sont gérées par l'Institut canadien, un organisme autonome fondé en 1848 et responsable de cette gestion depuis 1897.

Par contre, le développement de notre parc immobilier relève largement du domaine public, puisque les risques financiers associés à la construction des édifices sont plutôt faibles et que la ville est en mesure d'en assurer le financement à un coût moindre que le secteur privé. Mentionnons toutefois que l'édifice administratif La Fabrique, situé sur le boulevard Charest dans le quartier Saint-Roch, est propriété d'une coentreprise liant la ville et un investisseur privé. Il s'agit d'une ancienne usine désaffectée, la Dominion Corset, qui, dans le cadre d'une opération de réhabilitation de ce secteur de la ville, a été complètement rénovée afin d'y loger les services municipaux. Les risques et les bénéfices afférents à pareille entreprise ont été assumés par les deux partenaires avec succès.

Au fil des années, la ville a aussi examiné si d'autres équipements municipaux ne pourraient pas faire l'objet d'un partenariat, comme les usines de traitement de l'eau potable et d'épuration des eaux usées. Pour toutes sortes de raisons, ces projets n'ont pas abouti parce qu'ils ont été jugés non profitables à l'un ou l'autre des partenaires potentiels. Nous avons aussi mis fin à certains partenariats quand ceux-ci ont présenté pour nous, à l'usage, un bilan négatif. Il va sans dire que nous demeurons à l'affût des occasions d'améliorer notre situation financière dans le cadre du partenariat avec le privé et de partenariats éventuels.

Ces quelques exemples démontrent bien que notre ville a toujours adopté une attitude pragmatique en la matière, qu'elle est en mesure de juger de la pertinence de conclure ou non une entente et qu'elle a la compétence professionnelle pour le faire. Dans ce contexte, vous comprendrez que nous jugeons injustifiable l'intention du gouvernement de nous imposer les contraintes prévues au projet de loi, comme si nous étions un ministère ou un organisme paragouvernemental dépendant, pour la majeure partie de son financement, du budget de l'État.

Faut-il le rappeler, les municipalités sont largement financées par des impôts prélevés localement. Les personnes qui composent leur conseil, élues démocratiquement, sont imputables de leurs choix et de leur gestion auprès de leurs électrices et de leurs électeurs. Depuis des années, les autorités municipales, en particulier celles de la ville de Québec, réclament un allégement des mécanismes de tutelle bureaucratique. Souvent lourds et improductifs, ces vestiges d'une réglementation désuète sont incompatibles avec une gestion publique moderne, responsable et professionnelle axée sur les résultats, les indicateurs de performance et les contrôles a posteriori. Or, on assiste maintenant à la mise sur pied d'un organisme supplémentaire qui viendra encadrer des actions et des pratiques que nous réalisons régulièrement, parfois depuis fort longtemps, avant même que le vocable «partenariat public-privé» ne devienne à la mode. Cette nouvelle forme de tutelle nous coûtera cher, en plus de retarder les processus de décision déjà trop lourds et d'introduire des facteurs d'incertitude quant à la conclusion de nos projets.

Déjà, par exemple, appliquant la formule avant même l'adoption du projet de loi, le ministère de la Culture et des Communications nous demande d'étudier et conclure des partenariats pour la construction de bibliothèques de quartier. Il s'agit de projets de moins de 10 millions de dollars où nous serions réduits au rôle de locateurs dans des opérations immobilières privées, financées avec un taux d'emprunt supérieur à celui que nous pourrions obtenir nous-mêmes. Autant dire que ces bibliothèques ne risquent pas de voir le jour avant plusieurs années.

Incidemment, le projet de loi est muet quant au seuil important des projets qui seraient soumis à des dispositions, ce qui laisse donc lieu à toute interprétation de la part des ministères qui traitent avec les villes dans le cadre d'ententes de cofinancement. À la limite, on pourra choisir à notre place, voire nous imposer des partenaires avec lesquels nous pourrions avoir peu d'affinités. Notre autonomie politique en sortira diminuée tout comme notre imputabilité envers nos citoyens et nos citoyennes.

n (11 h 50) n

Voici donc les recommandations que nous vous faisons. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, nous demandons au gouvernement de retirer du projet de loi l'obligation pour des organismes municipaux de se soumettre aux dispositions prévues pour eux. Il ne suffit pas à cet effet de restreindre ces obligations aux seuls projets cofinancés par le gouvernement, puisque ce cofinancement est souvent nécessaire à la réalisation de nombreux projets, grands et petits, compte tenu des ressources budgétaires des municipalités, confinées largement au champ d'impôt foncier. En ce sens, l'envahissement des champs de compétence des provinces, dont se plaint avec raison le gouvernement du Québec à l'égard du gouvernement fédéral, ne doit pas, par effet miroir, affecter similairement les municipalités dans leurs propres champs de responsabilité. Le financement de certains équipements et infrastructures ne peut à lui seul justifier l'imposition d'une forme supplémentaire de tutelle de la part d'un nouvel organisme public dans des champs de responsabilité où jusqu'à présent les gestionnaires municipaux, pleinement redevables de leurs actions auprès de leurs commettants, ont exercé leur jugement en toute autonomie et avec compétence.

En second lieu, nous proposons qu'il soit prévu au projet de loi des dispositions permettant aux municipalités de faire appel librement aux services de l'agence au moment et dans la mesure où elles le jugeront à propos. Celle-ci aura de toute façon beaucoup de boulot à accomplir durant les premières années de son existence. Si elle remplit son mandat avec diligence et efficacité, nous sommes convaincus que les municipalités seront éventuellement heureuses de bénéficier de ses services. Cette disposition tiendrait mieux compte des différentes capacités professionnelles des municipalités québécoises en la matière, évitant ainsi de mettre en vigueur des obligations mur à mur, comme on l'a trop souvent reproché aux administrations gouvernementales. Il va sans dire que l'acceptation de ces deux propositions favoriserait le maintien de bonnes relations entre le gouvernement et le monde municipal.

Je voudrais ajouter, ce qui n'est pas, comme tel, au mémoire, mais une note supplémentaire que je fais, à ce moment-ci, comme maire plutôt de la capitale. À l'article 3, on dit: «L'Agence a son siège sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Québec ? ça, ça inclut donc la MRC de La Jacques-Cartier, etc. ? à l'endroit qu'elle détermine. Elle peut toutefois le déplacer ailleurs avec l'autorisation du gouvernement. L'adresse du siège est publiée [dans] la Gazette officielle[...]; il en est de même de tout déplacement dont il fait l'objet. L'Agence peut tenir ses séances à tout endroit au Québec.» Quand on veut construire la capitale, on pense que le siège social d'une organisation comme celle-ci, si elle voit le jour, devrait être beaucoup plus clairement dans la capitale. Rien n'est plus fort que la loi. Pourquoi ce pouvoir donné à l'Exécutif de déménager le siège où il veut? En outre, l'agence pouvant siéger en tous endroits, le siège social ne risque-t-il pas de devenir une coquille vide, les vraies réunions se déroulant à Montréal? Là, je ne fais pas référence à la Caisse de dépôt, là, ni à Radio-Québec. Cela risque maintenant d'être le cas si ses dirigeants sont domiciliés à Montréal. Enfin, pourquoi mentionner le territoire de la Communauté métropolitaine plutôt que celui de la ville de Québec? Est-ce si difficile pour le gouvernement de mentionner le nom de sa capitale?

À l'article 8, on dit... Ah, oui. L'article 8, c'est redondant avec ce que je vous ai dit, parce qu'on a entendu que certains ont dit: Bien oui, mais les municipalités ne sont pas nécessairement soumises. Le paragraphe 8° de l'article 7 concerne les municipalités. Celles-ci sont assujetties à l'agence si un projet d'infrastructure, d'équipement ou de prestation de services est financé par le gouvernement. Alors, si ce n'est pas ça, l'intention, bien il faudra changer le projet de loi.

Je vous remercie, M. le Président, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup, M. le maire L'Allier. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, M. le maire, je suis bien contente de vous recevoir et je vous invite... j'ai été ravie que vous puissiez vous présenter et nous soumettre votre mémoire. Je voudrais également m'excuser, on vous a invité à venir nous présenter votre mémoire ce matin. Sachez qu'en aucun temps j'ai fait des pressions à cet égard-là. Il y avait une ouverture, et j'ai fait bien attention que vous soyez capable de présenter le mémoire à ce moment-là, parce que je sais que vous avez des obligations en plus de venir présenter des mémoires à l'Assemblée nationale.

M. L'Allier, on se connaît depuis longtemps, vous savez que je crois beaucoup dans l'imputabilité des élus. Vous êtes maire de Québec, et, manifestement, l'intention de ce projet de loi, ce n'est pas d'outrepasser les responsabilités et votre imputabilité. Vous vous faites élire, on le sait, vous devez répondre de vos actions, et les gens vous font confiance, puisqu'ils vous ont élu. Alors, manifestement, ce n'est pas l'intention de ce projet de loi, non plus que c'est l'intention du projet de loi... et je vais prendre la critique à l'effet qu'il laisse croire ça, le projet de loi, et par conséquent j'étais très attentive à tous les commentaires qui m'ont été faits justement à cet égard, puisque l'intention, ce n'est pas de nous substituer à ce que vous faites, mais bien d'aller enrichir l'appareil gouvernemental du Québec d'une expertise; je le répète: une expertise au gouvernement. Parce que j'estime, moi, qu'un des problèmes qu'on a au gouvernement, c'est souvent la gestion de grands projets, l'élaboration de projets, développer à l'intérieur de notre propre gouvernement ce type d'expertise.

Mais, M. le Président, il n'en demeure pas moins que la perception que vous avez, vous n'êtes pas les seuls; donc, manifestement, on va se pencher sur ce volet-là, parce que je crois sincèrement qu'il faut justement décentraliser les pouvoirs et permettre justement aux gouvernements municipaux de pouvoir évaluer ce processus, le choisir quand c'est valable et le mettre de côté quand ce n'est pas valable. Alors, à cet égard, je pense qu'il ne faut pas parler de tutelle; vous pouvez être assurés que ce n'est pas le cas. D'ailleurs, je l'ai répété à plusieurs reprises, cette agence sera une petite agence. Elle donnera des conseils, des avis, sollicitera des projets, permettra aux gens d'évaluer s'il y a des vertus à utiliser cette formule-là plutôt qu'une autre. J'ai constamment dit que ce n'était pas une panacée, et d'ailleurs, même dans le pays où il y en a le plus, de PPP, en Angleterre, il n'y a que 11 % des projets qui ont utilisé cette formule-là. Donc, c'est donc dire que généralement tous les partenariats avec le privé se font dans le mode traditionnel, conventionnel.

Ce qui se fait en mode PPP, et c'est là qu'est... D'ailleurs, il y avait un journaliste hier qui me disait combien il n'aimait pas la terminologie «partenariat public-privé» parce que ça laisse croire que, dès qu'on fait affaire avec le privé, ça devient un partenariat public-privé. Les partenariats public-privé, ce sont de grands projets d'infrastructures. Ça, c'est fondamental. Il faut que ce soient de grands projets d'infrastructures. Et là il y a certaines municipalités, certains gouvernements municipaux qui n'ont pas voulu justement que l'on mette un seuil, parce que, au départ, je voulais mettre un seuil, un minimum pour qu'on puisse venir à l'agence. Et on nous a dit: Non, parce que, nous, peut-être pour des plus petits projets, on souhaiterait faire appel à l'agence. Alors, peut-être qu'il faudra qualifier justement ce seuil et en mettre un justement pour dire que, dans des grands projets, très grands projets où le gouvernement du Québec investit des sommes très importantes ? je dis bien «très importantes» ? là pourrait se ficeler un gouvernement avec cette formule-là. Donc, je veux que vous sachiez que ce n'est pas du tout l'intention du législateur et manifestement ce n'est pas du tout dans ma culture de vouloir centraliser quelque pouvoir que ce soit. Je peux vous assurer de ça. Mais je prends bonne note de vos craintes, puisque vous n'êtes pas le seul, donc elles sont manifestement légitimes.

Par ailleurs, vous mentionnez que vous voulez faire appel à l'agence à l'occasion, quand vous en avez besoin. Est-ce que vous voyez un rôle, M. L'Allier, pour l'agence à l'occasion de vous proposer de regarder quelque chose comme ça? Parce qu'un des volets de l'agence, c'est de promouvoir cette formule-là quand c'est souhaitable, O.K., quand c'est souhaitable. Quand ce n'est pas souhaitable, l'agence ne va pas s'immiscer. Est-ce que vous voyez un rôle que l'agence tout à coup s'approche de vous, en tant que maire de la ville de Québec, pour justement vous proposer quelque chose, de le faire avec cette formule-là, ou si vous estimez que vous voulez ne jamais entendre parler de l'agence à moins que vous fassiez appel à l'agence?

Le Président (M. Paquet): M. le maire.

n (12 heures) n

M. L'Allier (Jean-Paul): Pour répondre à cette question, c'est la deuxième formule, parce que les administrations municipales des grandes villes sont aujourd'hui équipées aussi bien que n'importe quel ministère. À la ville de Québec, la nouvelle ville de Québec est la deuxième maintenant en importance au Québec, on a plus de 4 000 fonctionnaires et, comme je l'ai décrit dans le mémoire, on a déjà beaucoup de partenariats à très long terme avec l'entreprise privée. Et d'ailleurs on a toujours voulu garder un équilibre entre ce qu'on fait à l'interne et ce qu'on fait à l'extérieur, ce qui nous a permis d'ailleurs d'obtenir compensation de deux cartels, celui du ciment et celui du déneigement, ce que nous n'aurions pas pu faire si nous n'avions pas eu notre propre expertise de contre-évaluation. Plusieurs millions de dollars ont été récupérés de gré à gré, après que nous ayons logé des poursuites, et payés par des entreprises qui, dans l'enthousiasme, s'étaient parlé un peu trop longtemps au sujet des prix qu'ils devaient nous demander et sur une période de temps assez longue. Évidemment, ces dossiers-là ne sont pas à l'honneur de l'entreprise privée, mais, si on s'était livré pieds et poings liés à une entreprise, on n'aurait plus eu aucun contrôle sur la vérité des prix parce que nous n'aurions pas eu l'expertise.

Pour répondre à votre question, honnêtement, si l'agence, comme vous dites, qui a un petit personnel et qui aura beaucoup de travail, vient nous voir en disant: Bien là, dans ce cas-là, on pense qu'on devrait regarder ça, donnez-nous vos livres, donnez-nous vos propositions, donnez-nous les estimations de budgets que vous avez à faire, puis elle nous revient au bout de six mois en disant: On pense que Lavalin devrait faire ça pour vous autres, on pense qu'eux autres pourraient faire ça mieux que ça...

Depuis 10 ans, j'ai eu plusieurs sollicitations de grands bureaux d'ingénieurs ? dans ce domaine-là, quatre ou cinq, c'est plusieurs ? qui venaient nous offrir des montagnes de bienfaits pour qu'on leur confie, sur des périodes de 20 ou 30 ans, la gestion des réseaux: égouts, eaux et aqueducs. On aurait perdu complètement le contrôle de l'expertise. Et on a vécu ensemble, dans la communauté urbaine, quelque chose de cette nature quand la communauté a confié à une entreprise privée le soin de gérer l'incinérateur par soumissions, appels d'offres, etc. Dans les échéances prévues au contrat, après presque 10 ans, on a voulu aller en appel de propositions pour voir si on ne pouvait pas avoir, sur le marché international, de meilleurs gestionnaires, et on s'est aperçu qu'on n'avait pas l'expertise pour rédiger un appel de propositions. On avait perdu l'expertise. Et des incinérateurs, il n'y en a pas beaucoup au Québec, au Canada, et donc on a dû prolonger de trois ou quatre ans, si ma mémoire est bonne, le contrat du fournisseur qui était là. On a exigé d'y loger des fonctionnaires qui ont appris comment fonctionnait l'incinérateur. On a été capables, au bout de trois ou quatre ans, de faire un appel de propositions qui s'est effectivement soldé par un changement de fournisseur.

Alors donc, pour répondre à votre question, je voudrais être bref, on préférerait qu'on nous laisse la responsabilité de solliciter l'agence quand on pense qu'on n'a pas l'expertise et quand on pense que ça pourrait être profitable... que de toujours avoir à répondre à une demande de l'agence: on veut voir ci, on veut voir ça.

Une des choses que les municipalités d'une certaine importance, mettons, les sept, huit grandes villes au Québec, essaient de faire corriger au gouvernement ? puis je vous en parle d'autant plus franchement que je sais que vous allez, avec votre pensée, dans ce sens-là ? c'est de transformer, pour les grosses villes, les contrôles multiples a priori en des contrôles a posteriori. Qu'on nous laisse travailler puis qu'on vienne surveiller ou sanctionner, tout faire, si on ne fait pas comme il faut. Mais, dans l'état actuel de la législation, il y a des gestes quotidiens, minuscules, qu'on impose à Québec et Montréal, qui sont les mêmes que ceux qu'on impose à Saint-Enclume. Alors donc, on a l'impression que ceci va dans le sens d'un alourdissement, et je pense que ça va dans le sens d'un alourdissement.

Donc, ce qu'on dit, on n'a pas attaqué de front la volonté politique d'aller dans ce sens-là. On se dit: Nous sommes des administrations publiques. Nous sommes les seules administrations publiques, avec le gouvernement, dirigées par des élus, élus par la population, on a donc à la fois des responsabilités, des devoirs. Et donc, dans notre cas, nous, municipalités, vous devez nous soustraire de l'obligation que vous pouvez confier à des agences pour nous laisser le soin d'aller à votre agence si jamais elle a le temps de s'occuper de demandes qu'on pourrait lui faire.

Le Président (M. Paquet): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Un volet, M. le maire. Je voulais renchérir, parce qu'on en a parlé ici à une occasion ? je ne me rappelle pas au sujet de quelle présentation ? de garder l'expertise à l'intérieur du gouvernement, également. Ça, moi, je crois beaucoup dans ça, et vous avez parfaitement raison, il faut garder une expertise, même si on fait affaire avec une entreprise. Ça, c'est fondamental, parce que justement vous avez connu une expérience, et je vous dirais, je partagerais avec vous que, dans un poste que j'ai occupé, j'ai connu le même effet. Alors donc, je suis très, très, très sensible à ce que vous venez de dire.

Maintenant, vous parlez de garder cette expertise. Comment est-ce qu'on pourrait... Par ailleurs, l'avantage des PPP, c'est justement qu'on ficelle bien le contrat et qu'on le garde à l'intérieur d'un coût et à l'intérieur d'un délai. La construction se fait à l'intérieur d'un coût, donc on a bien planifié nos affaires avant de partir.

Un des volets, moi, au Conseil du trésor, qui me chicote beaucoup, M. L'Allier, c'est qu'on annonce un projet, on avance, puis tout à coup, oups, on nous fait demander une augmentation du budget, d'accord, quand ce n'est pas deux fois, puis mon collègue a connu la même expérience ? je le vois lever les yeux au ciel, là ? exactement, on a ça constamment.

Alors, qu'est-ce que vous pouvez... Comment est-ce qu'on pourrait régler ce problème-là? Parce que des fois il arrive des projets majeurs où le gouvernement est impliqué avec votre gouvernement pour un projet majeur, par exemple. Comment est-ce qu'on pourrait se prémunir de ces dépassements de coûts de parfois 25 %, 30 %, 40 %? Et il va vous le dire, là, ça va à plus que ça, là.

Le Président (M. Paquet): M. L'Allier.

M. L'Allier (Jean-Paul): Oui, une minute, peut-être que mon collègue, Normand Chatigny, pourrait compléter ma réponse là-dessus. Mais je vous dirai ceci là-dessus. Mon expérience, là, depuis une quinzaine d'années, m'amène à trouver les motifs de cette situation, et au gouvernement et dans les villes d'ailleurs, c'est la même chose.

Les projets, qui sont portés politiquement, mais qui n'ont pas l'appui massif du gouvernement, ont tendance à être présentés par les ministères, comme chez nous par l'administration, au plus bas coût possible pour les faire passer, en se disant: On va mettre le coût bas puis ensuite, bien, s'il faut rajouter, une fois qu'on sera dans la construction, on rajoutera. Mais je ne parle pas de métro, là, je parle de projets modestes des villes qui n'ont pas de métro, là. Ça, c'est une première cause.

Ceux qui sont dans des projets dont on est sûr qu'ils vont se réaliser, parce qu'on en a besoin ? je vous donne l'exemple de la construction de l'édifice de la Régie de l'assurance automobile ? les administrateurs procèdent autrement. Ils font une légère surévaluation des coûts pour pouvoir, à terme des contrats, dire: Regarde, on l'a fait non seulement à l'intérieur du budget, mais on a fait 5 % d'économie. C'est une chose qui se pratique aussi dans l'administration, et vous le savez aussi bien que moi.

L'autre chose, c'est que les villes qui n'ont pas une assez forte expertise ? puis, nous, on l'a maintenant à cause de la taille de la fonction publique ? souvent sont en situation de déséquilibre par rapport à des fournisseurs de services. Ils font un devis le mieux possible, quitte à prendre des firmes de l'extérieur pour les aider, et il y a toute une série de petits «knickknacks», là, qui sont oubliés: deux pentures de porte ici, etc., multiplié par 365 portes, tel prix. Il y a des firmes qui sont équipées avec de puissants ordinateurs pour faire des soumissions à bas prix, parce qu'il y a toute une série de petites choses qui sont enlevées de la soumission comme ça et qu'on ne voit pas, des petits morceaux de rien du tout. Et là, quand vous faites les travaux, ils vous installent la porte, il y a juste une penture. Mais vous dites: Bien, il faut deux pentures. Mais elle n'est pas prévue dans la soumission. Il faut que tu la paies en plus, donc il y a une surcharge des coûts.

Ce qu'on faisait à la Communauté urbaine à l'époque, c'est qu'on demandait, dès que les administrateurs voyaient venir un dépassement de coûts de plus que 5 % ou 10 %, là, de nous en aviser, puis chaque demande de dépassement de coûts était cumulative sur le dossier d'origine, puis on voyait l'ensemble du dossier. Là, on pouvait poser des questions pour savoir: Est-ce qu'on a oublié des choses?

Et là on se rendait compte du troisième point, c'est ce qu'on appelle la filière du tant-qu'à-y-être. On part avec un projet, mais tant qu'à y être, on va ajouter ci, puis tant qu'à y être, on va ajouter ça. Le promoteur, lui, c'est comme au restaurant, ça. Je veux dire: Si vous voulez deux desserts, il va vous les offrir, mais vous allez les payer. Alors, tant qu'à y être, on rajoute des choses, puis là les coûts augmentent, augmentent, augmentent, augmentent. À mon avis, il n'y a pas de solution miracle à rien de tout ça, sauf si vous avez des appels de propositions qui sont extrêmement pointus, qui sont extrêmement détaillés, et, à ce moment-là, vous avez une prise sur votre entrepreneur.

Quand le gouvernement nous oblige à aller en appel d'offres pour des choses de 25 000 $ ou 30 000 $, on dépense des énergies folles dans ces dossiers-là. On les fait peut-être plus sommairement, puis là il y a des petits dépassements, il y a des petits ajustements. Dans les villes, il faudrait que l'obligation d'aller en appel de propositions soit pour des montants même plus importants que ceux qui sont prévus dans la loi actuellement pour qu'on puisse, sur appel, ensuite négocier réellement avec les fournisseurs. Puis je vous assure que, quand on négocie avec trois fournisseurs, on est, la plupart du temps, capables d'aller plus bas que la meilleure des soumissions publiques. Laissons ça à l'intérieur d'un montant, mettons, de moins de 100 000 $, par exemple. Pour une ville comme Québec et Montréal, ce n'est pas gros.

C'est sûr que, comme je le disais, à Saint-Enclume ? qui est un nom fictif, parce que j'ai déjà pris des vrais noms et je me suis fait chicaner, donc je me suis inventé un nom municipal qui n'existe pas ? s'il y a 10 fonctionnaires puis un achat de 50 000 $, ça secoue l'administration. Bon. Je pense que, si vous aviez des contrôles a posteriori aussi sur les villes, si vous disiez: On va aller voir vos dépassements chez vous, à quoi c'était dû, puis vous faites l'analyse à Sherbrooke, à Montréal, à Québec, au ministère des Travaux publics, au ministère des Transports, ici, là on verrait peut-être apparaître des pistes où il faut concentrer de l'expertise. Et là notre expertise souvent pourrait vous servir, et inversement. Mais on n'est plus dans le contexte de: On connaît ça, puis vous allez l'avoir. On le veut, puis vous l'aurez. Tu sais, ce n'est pas... Normand, peut-être?

Le Président (M. Paquet): M. Marcoux.

n (12 h 10) n

M. Marcoux (Alain): Peut-être pour compléter ce que M. le maire vient d'exprimer. Il y a tellement d'impondérables qu'il faut trouver la solution pour chacune des causes. Mais, au point de départ, il y a une qualité de la gestion politique qu'il doit y avoir et une qualité de la gestion administrative.

Puis j'ai été des deux côtés: j'ai été ministre des Travaux publics au moment où on construisait le Palais des congrès de Montréal et le palais de justice de Québec. Après les Jeux olympiques. Et le défi, au ministère, c'était de dire: On va respecter les délais et les coûts. Et je peux vous dire qu'il y avait des pressions de la Société du Palais des congrès pour qu'on livre, ils craignaient, ils avaient bouqué des congrès, j'ai dit non. On va respecter les délais mais d'abord respecter les coûts. Ça a été une lutte continuelle. Il y a eu des pressions. Parce qu'il y a des entrepreneurs que, dès qu'ils ont le contrat, la première chose qu'ils ouvrent, c'est le dossier des réclamations. Et je peux vous donner l'exemple de Janin ? dans ce cas-là, c'est public ? qui a monté un dossier de réclamations. Et tant que j'ai été au gouvernement, on a refusé de donner droit à aucune cenne qu'il a réclamée parce qu'on faisait une gestion serrée.

Alors, le dépassement des coûts, il faut voir la nature des causes. On veut un projet important qui est très important pour les citoyens comme pour les élus. Bon, si on dit qu'il va coûter 500 millions, ça va être acceptable, mais, si on dit qu'il va coûter 800 millions, ce ne sera pas acceptable. On dit: On va gérer ça dans le temps. Mais, quand je regarde, dans le monde municipal dans lequel je vis, là, depuis longtemps, ce qu'on pourrait dire les scandales de dépassement de coûts, là, ou de mauvaise gestion, je dirais, à la fois politique et administrative ? je ne dis pas qu'il n'y en a pas, là, mais ? je veux dire, connus, qui me viennent à l'esprit ? et puis c'est un milieu que j'ai suivi depuis longtemps ? alors, il ne faudrait pas instaurer des mesures qui ne sont pas en adéquation avec les problématiques. Je ne dis pas, Mme la ministre, qu'il n'y a pas de problème à l'occasion, mais je crois que les voies tracées par le maire, c'est-à-dire de définir des niveaux d'estimé... Au lieu de se baser sur un estimé de qualité E, allons à D, à B ou à C avant de lancer un chiffre public, ou tout ça.

Alors, souvent, les dépassements, là, les fois où il y a eu des dépassements, il y a eu soit des commissions d'enquête qui ont révélé les causes ou le bon sens a révélé les causes, et, souvent, c'était un mélange de... On était pressé, au niveau administratif, de livrer un bien, alors qu'on aurait pu dire: On va prendre six mois de plus, là, puis on va le faire correctement. Ou un an de plus. Ou pressé politiquement de livrer un produit pour le bien des citoyens. Alors, je pense que le médicament ou les... c'est des médicaments dont il faut parler et non d'une formule qui va régler ce problème-là.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui. M. le maire voudrait rajouter un mot, on pourrait peut-être l'écouter un instant.

Le Président (M. Paquet): Oui, effectivement. Alors, merci. M. le maire.

M. L'Allier (Jean-Paul): Si vous permettez, brièvement. C'est que, dans le système où on est actuellement, il y a un phénomène qui est difficile à saisir et encore plus difficile à prouver, mais on vit avec le phénomène du trop bas soumissionnaire, c'est-à-dire une firme d'importance qui veut tuer un marché local pour occuper tout l'espace et dont on sait qu'elle soumissionne trop bas, dont on sait qu'elle ne peut pas faire le travail, mais où le système nous oblige quand même à lui donner le contrat, ce qui, une fois sur deux, débouche sur un désastre où il faut réouvrir le contrat, recommencer le travail, etc., parce que, souvent, c'est du travail fait à sous, sous-contrat.

Et en ce sens-là, si on veut jouer avec le processus d'octroi de contrats, etc., la norme qui met beaucoup de poids sur la valeur monétaire du contrat est devenue désuète. On ne met pas assez de poids sur l'estimation professionnelle que l'on peut faire de la qualité attendue du fournisseur versus le prix qui est demandé.

J'ai vu qu'on ait été obligé, à des moments donnés, de donner des contrats à une firme qui avait la plus basse soumission, quand on prend toute la pondération, tout en sachant très bien, tout le monde, que la marchandise ne serait pas livrée. On n'avait pas le choix. Puis effectivement la marchandise n'a pas été livrée.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Évidemment, c'est de la musique à mes oreilles, ce que vous dites là, ça reflète tellement l'expérience que j'ai pu vivre et que vit actuellement, sans aucun doute, l'actuelle présidente du Conseil du trésor dans beaucoup de dossiers. Voilà un éclairage extrêmement précieux.

Mais revenons au projet de loi qui est devant nous, parce que c'est de ça dont il s'agit. Votre mémoire, il ne se réfère pas à telle ou telle déclaration, il se réfère à votre lecture extrêmement attentive d'un projet de loi, projet de loi n° 61 qui comprend, dans ses articles 6, 7 et 8 notamment, des précisions quant au mandat de l'agence. Et là vous êtes inquiet, et à mon avis à juste titre. Vous avez lu la loi, et la loi contient, y compris pour les services publics, toute l'ouverture que vous y avez vue.

Vous n'avez pas l'impression que non seulement la loi, telle qu'elle est rédigée actuellement, va forcer les municipalités, comme les commissions scolaires, comme tous les réseaux à passer par cette agence, mais que, plus insidieusement, vous allez vous retrouver dans une situation ? on l'a vu récemment, d'ailleurs, par une déclaration, il y a quelques mois, du ministre des Affaires municipales concernant le réseau de l'eau à Montréal ? que les subventions gouvernementales, les allocations venant de l'État pour réaliser un certain nombre de projets, puisque dans la plupart des projets il y a une participation gouvernementale, vont être conditionnelles, petit à petit, à l'utilisation de la formule des PPP. Tous les projets de partenariat avec le privé devront passer par l'agence. Mais le gouvernement... (panne de son) ...vers des solutions comme celle-là.

M. L'Allier (Jean-Paul): Je vais vous donner mon opinion.

Le Président (M. Paquet): M. le maire.

M. L'Allier (Jean-Paul): Je n'ai jamais rien perçu, dans l'énoncé, d'en arriver via les subventions à ça. Cependant, le lobby de ceux à qui l'agence pourra faire l'affaire va être terrible sur et le gouvernement et l'agence elle-même. En ce sens-là, il peut arriver que quelqu'un, à un moment donné, rende conditionnel l'octroi d'une subvention lorsqu'elle dépasse x pour cent, alors que là on est obligé, s'il y a une subvention, d'aller à l'agence si on veut faire du partenariat public-privé. Plus que ça, telle que rédigée, la loi dit: Bien, si vous ne venez pas, on pourra même aller voir chez vous si vous ne devriez pas le faire. Mais là, là, bon... Ce n'est pas l'intention qui est manifestée. Et donc on peut dire: On fait confiance. Mais c'est toujours dans les détails que le diable se cache, comme on dit, hein? Et, en ce sens-là, autant l'objectif du gouvernement est louable, autant il peut être bon dans des administrations plus petites, mais à l'inverse il n'y a pas de gros contrats dans les administrations trop petites, autant donc les moyens d'y arriver peuvent avoir des effets pernicieux beaucoup plus lourds que la solution qui est cherchée ici. Et ça, quand on regarde ça sous un angle ou sous un autre, on se dit: Bien, mais finalement, là, comment ça va marcher, tout ça, au bout du compte, pour les villes? Et on sent un poids supplémentaire qui va peser sur nous. On sent les firmes qui vont dire: De toute façon, on va aller voir le gouvernement, puis ils vont nous arranger ça ? j'ai déjà commencé à entendre ça, hein? Ou vous traitez avec nous, ou on va aller voir le gouvernement, puis ils vont vous obliger à plier.

La gestion des grands réseaux, la gestion des grandes ressources, c'est au coeur de ce débat. Bon. Gestion, propriété et tout, mais parlons de la gestion. On a vu des cas où le partenaire privé, ayant commis une faute lourde dans son exécution, même s'il y avait un contrat de 50 ans, fait faillite puis s'en va. On est dans le vide. On est devant le néant. Il n'est plus là, le partenaire privé. Qui va ramasser la facture, pour ne pas dire plus? Qui va aller chercher ça? Supposez que, dans un partenariat public-privé, l'entreprise X obtient la gestion sur 40 ans de votre réseau d'égout puis d'aqueduc, que sa proposition, après avoir été évaluée, est en dessous du coût parce qu'il y a des contraintes syndicales, il y a ci, il y a ça, puis qu'au bout de 10 ans cette entreprise dit: Moi, je ne suis plus capable de gérer ça. Je fais faillite. On fait quoi, là? Est-ce que le gouvernement dit: Je vais remplacer l'entreprise privée puis je vais vous financer, etc.? C'est des choses qui peuvent se produire. Et, à chaque fois qu'une entreprise privée se trouve en position d'être poursuivie pour des fautes lourdes, disons, par une municipalité, ça débouche toujours sur une disparition via la faillite puis avec création de l'entreprise sous un autre nom, après ça.

Le Président (M. Paquet): Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, M. L'Allier, M. Marcoux, M. Chatigny, merci pour la présentation de votre mémoire. Moi, je vous pose une question concernant un centre de tri et de déchets, puisque vous avez soulevé ce problème dans votre mémoire, et ce serait versus la loi d'accès à l'information par rapport au partenariat public-privé. Et je vais vous donner un exemple qui va vous intéresser, M. L'Allier, puisque, dans ma circonscription, il existe un problème avec une régie intermunicipale, et je sais que vous êtes originaire de Sainte-Scholastique, c'est populaire ces temps-ci, et vous avez été député de Deux-Montagnes aussi.

n (12 h 20) n

Alors, à la limite de ma circonscription, à Saint-Hermas, il existe un mégasite d'enfouissement géré par une régie intermunicipale Argenteuil?Deux-Montagnes, et actuellement on s'apprête à privatiser ce mégasite d'enfouissement, et ça va être soit une vente ou bien un bail à long terme, là, peut-être de 25, 30 ans. Et les gens sont inquiets parce que la loi d'accès à l'information ne s'appliquerait pas dans un cas comme ça. Et la commission est venue soulever plusieurs problèmes concernant les PPP et avec la loi de l'accès à l'information.

Alors, j'aimerais vous entendre, parce qu'on parle de santé. Et, quand on parle de privatisation versus les déchets, ça implique des enjeux qui sont très, très sérieux. Alors, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là.

Le Président (M. Paquet): M. le maire.

M. L'Allier (Jean-Paul): On a procédé à l'inverse dans la région, ici. On avait un site d'enfouissement qui était privé...

Une voix: ...

M. L'Allier (Jean-Paul): Il est toujours privé, mais on l'on acheté, c'est ça. Je partais pour dire: On l'a-tu revendu? Mais... Il y avait un site d'enfouissement qui était privé, qui appartenait à la famille Leclerc, et qui était situé à Saint-Tite-des-Caps.

Une voix: Dans Charlevoix.

M. L'Allier (Jean-Paul): Dans Charlevoix. Et l'ensemble de la Communauté urbaine, donc des maires de toutes origines politiques, avec des préoccupations souvent opposées, on est arrivés à la conclusion que, pour protéger la qualité de vie de la région, puisqu'il n'y aurait pas multiplication des sites, on avait intérêt à acquérir le site et à l'intégrer dans la gestion de nos outils d'environnement: cueillette, traitement, incinérateur, et tout ça. Ce que l'on a fait finalement, de gré à gré avec le promoteur, et on l'a fait précisément parce qu'on s'est dit: À partir du moment où le site appartient à l'entreprise privée, ouvrez le chapitre de l'ALENA, vous avez la libre circulation des biens et des marchandises. Quelqu'un fait la démonstration sommaire qu'il n'a pas de matières dangereuses, et puis vous êtes obligés d'accueillir les déchets de New York, de Chicago, de Détroit, etc., et vous emplissez votre site sur 10 ans, alors qu'il pourrait vous durer 50 ans. Le jour où il sera plein, vous devrez, vous, vous trouver une place pour enfouir parce qu'on n'ouvrira pas d'autre site chez vous.

Donc, en l'acquérant, on a appliqué la première règle absolue américaine, c'est le droit absolu du propriétaire, alors que, si on était uniquement des utilisateurs d'un site privé, on aurait beau faire ça d'épais de règlements pour empêcher les déchets des autres de venir chez nous, on ne passe pas. Mais, quand on est propriétaire, il y a un mot qui est efficace, c'est: Non, «that's all», puis ils ne rentrent pas. Alors, c'est pour ça qu'on l'a acquis.

Le Président (M. Paquet): M. Chatigny.

M. Chatigny (Normand): Dans ce sens-là, je pense qu'il faut faire la distinction, notamment au niveau des matières résiduelles et des différentes formes qu'on a d'éliminer et de recycler les matières résiduelles, entre la propriété des équipements, d'une part, et la gestion du centre, d'autre part. Alors, on voit une très grande différence parce que, comme le soulignait M. le maire, la propriété privée, à notre point de vue, est davantage soumise à plus de contraintes, notamment à cause de la circulation, la libre circulation des biens et services, alors que, lorsqu'on est propriétaire du site, bien, on peut contrôler la porte d'entrée. Et, si on contrôle la porte d'entrée, bien, à ce moment-là, on peut éviter...

Puis il faut voir aussi que ? parce qu'on parle des matières résiduelles ? il faut voir jusqu'à quel point, au Québec... Et nous aussi, à Québec, on est en train de prendre toutes les mesures nécessaires pour être en mesure de faire en sorte que le site d'enfouissement, qui est situé à Saint-Tite-des-Caps ? maintenant il est à Saint-Joachim ? puisse avoir la plus longue durée possible. Et ça, c'est important pour nos citoyens de s'assurer que notre site va être opéré de façon la plus économique possible, pas tant sur le plan financier bien sûr, mais aussi sur le plan des quantités qui vont y entrer parce qu'autrement, là, si on avait aujourd'hui, imaginez, là, si on avait aujourd'hui à trouver un endroit, sur le territoire de la nouvelle ville de Québec, où mettre un site d'enfouissement, on aurait un beau débat, et c'est la même chose pour d'autres sujets.

Tout à l'heure, on parlait de l'excédent des... comment on pouvait contrôler les coûts dans les infrastructures. Moi, au niveau de la ville de Québec, ce que j'ai demandé de faire ? puis je pense que ça s'implique ? c'est que... je vais prendre l'exemple des infrastructures de surface, en fait le pavage, des choses de même, on consacre quelque 20 millions à 25 millions par année, et les infrastructures souterraines, là où il faut refaire complètement la rue, les égouts, etc. Ce qui est important, c'est qu'on s'est donné, et j'ai demandé qu'on se donne, des critères objectifs pour la détermination des tronçons de rues. Ça a l'air niaiseux, là, mais c'est excessivement important, parce que vous êtes des élus, nous en sommes, et on aimerait donc que notre rue soit faite, hein, puis on en a, des demandes de rues, là, de pavage.

Donc, le fait de se donner des critères objectifs fait en sorte que les décisions dans la réfection des infrastructures nous amènent à savoir, sur un horizon de trois ans, quels sont les projets que nous allons réaliser. Sachant ces projets, nous sommes donc en mesure dès lors de mieux les planifier financièrement et de faire les estimés les plus justes possible, de sorte que les dépassements de coûts, on en a un peu, mais, je veux dire, on en aurait beaucoup plus si tout un chacun arrivait avec un projet puis levait la main: Moi, je veux que mon tronçon de rue soit fait, alors qu'on n'aurait aucun estimé. Alors, vous voyez dans quoi... Donc, pour nous, c'est une question de professionnalisme et de faire en sorte que nos tronçons de rues soient bien évalués avant.

Le Président (M. Paquet): M. le maire.

M. L'Allier (Jean-Paul): J'ajouterais, puis il faut comprendre une chose, c'est que Normand, membre du comité exécutif de la ville, il est responsable des travaux publics depuis déjà plusieurs années, c'est lui qui gère cet aspect-là. Et, quand on parle de dépassements de coûts, on peut aussi déposer des contrats où on est arrivé en dessous, on a fait des bénéfices par rapport à ce qui avait été estimé, y compris par l'entrepreneur.

Et, quand on parlait du site d'enfouissement, madame, pour répondre à votre question, il est la propriété de la ville, mais il est géré par l'entreprise privée. On le fait gérer par une entreprise qui est spécialisée dans cette matière, mais nous sommes les propriétaires, et c'est le propriétaire qui détermine qui passe la porte ou pas. Ce n'est pas ça d'épais de règlements, on n'y arrive pas de cette façon-là, parce que les règlements sur la libre circulation font toujours que, si vous avez un propriétaire qui, lui, veut les accueillir, ça rentre, à moins que ce soient des déchets extrêmement dangereux. Alors, c'est la règle du propriétaire, c'est le système dans lequel on vit, puis on a trouvé que c'était l'outil le plus performant pour décider ce qui est déposé là puis ce qui n'est pas déposé là.

Le Président (M. Paquet): Merci.

M. L'Allier (Jean-Paul): Pour l'incinérateur, c'est la même chose.

Une voix: Et le centre de tri aussi.

M. Marcoux (Alain): Pour l'incinérateur, c'est une firme internationale qui fait la gestion, mais la ville est propriétaire de l'incinérateur puis va investir peut-être 45 millions environ dans sa rénovation pour qu'il dure encore 25 ans. C'est la ville qui va l'investir, mais la gestion est faite par une compagnie internationale qui a eu le contrat.

Le Président (M. Paquet): Merci. Il reste trois minutes environ. Avec consentement, on pourrait peut-être... une minute, un peu au-delà de 12 h 30, s'il y a consentement pour cela. Mme la députée de Mirabel, rapidement.

Mme Beaudoin: Oui, rapidement. Alors, vous êtes d'accord que la loi d'accès à l'information, c'est vital concernant, là, ce qui regarde les déchets?

Le Président (M. Paquet): M. le maire.

M. L'Allier (Jean-Paul): Ce qui est important, c'est la transparence la plus grande possible en toutes circonstances, sans qu'on soit obligé d'aller chercher les forceps de la loi de l'information.

Le Président (M. Paquet): Très rapidement, M. le député de Charlevoix.

M. Bertrand: M. le Président, M. L'Allier, vous avez touché à un point que jusqu'à maintenant, évidemment, on n'avait pas entendu à cette commission-ci, et c'est le siège social. La question qui me vient à l'idée, c'est... À l'heure actuelle, on parle d'une petite agence, on parle de 12 à 15 emplois, mais, même 12 à 15 emplois, on sait comment c'est important dans notre milieu, on sait la symbolique que ça représente, la capitale. Est-ce que vous... Il n'y a rien qui nous dit que cette agence-là ne peut pas prendre d'ampleur non plus. Est-ce que je me trompe en pensant que vous craignez qu'il y ait un déplacement vers ailleurs? Et là je ne veux pas nommer de ville en particulier. Et j'aimerais vous entendre, peut-être en incitant davantage sur pourquoi le siège social devrait être situé dans la capitale.

M. L'Allier (Jean-Paul): Le rôle d'une capitale, c'est d'accueillir...

M. Simard: Juste compléter, M. le Président, par...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Juste compléter la question de mon collègue. Toute cette tendance vers la privatisation, le gouvernement actuel ne s'en cache pas, va amener une diminution considérable des fonctionnaires. Est-ce que ça n'amène pas un énorme danger pour l'avenir de la région de Québec?

Le Président (M. Paquet): M. le maire.

M. L'Allier (Jean-Paul): Oui. On a eu l'occasion de faire les analyses un peu des statistiques récentes. Quand on regarde les 10 dernières années, l'économie de la région s'est bien comportée, puis les transformations de l'économie se sont faites ici, comme ailleurs, et même très, très bien, à cause du fait qu'on a une université qui est forte et qui est à l'origine de beaucoup de transformations d'emploi vers la nouvelle technologie.

Dans la dernière année, les choses se sont un peu dégradées, on a perdu au total, total, 12 800 emplois permanents dont 6 000 quelque chose ont été remplacés par des emplois précaires, et c'est ce facteur-là qu'il faut regarder beaucoup plus que le taux de chômage. Quelqu'un a dit: Bien, le taux de chômage est à 4,8 %. C'est formidable. Quand vous conjuguez un taux de chômage bas et une diminution d'emplois, c'est facile de conclure, puis il n'y a qu'une conclusion, c'est que la main-d'oeuvre disponible a diminué, c'est-à-dire que les gens ont pris leur retraite ou les jeunes sont partis. C'est ça qui fait que tu as un taux de chômage bas quand tu as une diminution d'emplois.

n (12 h 30) n

La décentralisation ? et ce n'est pas le projet nécessairement de la ministre du Conseil du trésor, mais le projet qui a été annoncé au sommet ? la décentralisation vers les régions est souhaitable pour les régions, c'est sûr. On ne peut pas se battre contre le fait que, par son action, le gouvernement déplace dans les régions des fonctionnaires qui vont amener une revitalisation de l'économie. Notre crainte, c'est que ça ne se passe pas comme ça, c'est qu'il va y avoir une présence symbolique dans les régions qui en ont besoin, puis que le drain de l'économie, c'est-à-dire où est-ce que ça coûte le moins cher, ça va être vers Montréal, et, nous, on va encore une fois en perdre de ce côté-là en termes d'emplois. Il n'y a pas de petits emplois pour une capitale. On sait très bien, puis on l'a toujours plaidé comme ça, que les centres de décision doivent être dans la capitale, les centres de services là où se trouve la population. Les centres de traitement peuvent être... Comme M. Chrétien l'a fait à Shawinigan pour le ministère du Revenu ou d'autres, c'est possible, ça, on peut mettre ça en région, les centres de traitement autonomes, que ce soient des données ou des réponses, etc. Mais, globalement, décisions dans la capitale, services proches de la population. Et les centres de gestion de traitement peuvent être là où les régions peuvent les accueillir, en Gaspésie, dans Charlevoix, n'importe où.

Le Président (M. Paquet): Merci. Donc, Mme la ministre, vous vouliez ajouter une minute, parce que je l'avais permis de l'autre côté de l'opposition. Il y a consentement. Alors, Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Simplement, M. le Président, pour bien éclairer peut-être la députée de Mirabel. Ce dont on parle dans le cas qu'elle a soulevé, c'est d'une privatisation. Dans un partenariat public-privé, il y a toujours le mot «public». La maîtrise d'oeuvre demeure de responsabilité publique. Le contrat maintient, garde les responsabilités au niveau public. Alors, c'est bien important de se rappeler de ça.

Parce que là, c'est quelque chose qui se fait actuellement, vous aviez effectivement fait appel, privatisé dans le fond votre centre d'enfouissement. Vous avez décidé de le racheter et de faire de la gestion déléguée. D'accord? Vous confiez à une entreprise qui a une connaissance dans ça. Mais, à bien des égards, avant c'était privatisé. Vous avez décidé de reprendre le contrôle, puis d'en faire une gestion déléguée. Ça, ça s'appelle dans le fond un partenariat public-privé, la gestion déléguée. Ça en fait partie.

Le Président (M. Paquet): M. le maire.

M. L'Allier (Jean-Paul): Si je peux ajouter, 30 secondes. C'est exactement le choix que l'on a fait parce que, si on ne s'était pas posé la question, normalement on aurait acheté, puis on aurait engagé des fonctionnaires, puis ça aurait été géré par... Ce n'est pas ça qu'on a fait. On avait déjà l'analyse en tête de dire: Où est l'intérêt de l'ensemble de la région? Où est la meilleure expertise au meilleur compte? Et on est allé en appel de propositions et on a choisi une firme qui le gère, mais on demeure les propriétaires.

Une voix: C'est nous autres qui avons décidé...

M. L'Allier (Jean-Paul): Et c'est ça. On l'a décidé comme tel. D'où... Je reviens à ma demande initiale: Laissez-nous continuer.

Le Président (M. Paquet): Alors, merci beaucoup. Au nom de la Commission des finances publiques, je remercie M. L'Allier, M. Chatigny, M. Marcoux, de la ville de Québec, pour leur participation à nos travaux. Je suspends les travaux de la Commission des finances publiques jusqu'après la période des affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

 

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Bertrand): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons les représentant de l'Institut pour le partenariat public-privé. Je vous salue au nom de tous les membres de la commission, messieurs. Et, M. Dépelteau, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre présentation.

Institut pour le partenariat public-privé (IPPP)

M. Dépelteau (François): Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais vous saluer et vous remercier aussi de l'occasion que vous nous offrez de présenter notre point de vue sur le projet de loi n° 61.

Alors, mon nom est François Dépelteau. Je suis président de l'IPPP. Il y a M. Pierre Le François, qui est à ma droite, qui est membre du conseil d'administration de l'IPPP et président sortant; il y a M. Michel Bissonnette, qui est membre du conseil d'administration aussi de l'IPPP et responsable des communications.

Le mémoire présenté a été rédigé par Me Alain Massicotte, membre du conseil de l'IPPP, avec l'étroite collaboration de M. Pierre Le François. Il a fait l'objet de plusieurs discussions au comité exécutif et au conseil d'administration de l'institut.

Je voudrais vous dire quelques mots sur l'IPPP en passant. Alors, l'IPPP a été fondé en 1996. C'est un organisme sans but lucratif qui réunit des entreprises privées certes mais aussi des institutions publiques désireuses de promouvoir la collaboration entre les deux secteurs pour la livraison des services publics. Environ 25 % de nos membres sont du secteur public. C'est un lieu de réflexion et d'échange exclusivement dédié au partenariat public-privé, et nous multiplions, depuis quelques années, les occasions de discussion au Québec sur ce thème tout en recherchant systématiquement de par le monde les pratiques exemplaires en la matière, et en particulier dans les pays de l'OCDE.

n (15 h 10) n

Il y a trois grands principes qui guident les interventions de l'IPPP: premièrement, promouvoir des partenariats avantageux pour la collectivité; deuxièmement, intervenir de manière objective auprès des organismes publics; enfin, favoriser l'innovation technologique et le développement économique durable.

Nos objectifs sont particulièrement de sensibiliser les décideurs publics et privés ainsi que la population en général aux avantages découlant du partenariat public-privé; de développer et de proposer des cadres de référence facilitant le développement du PPP au Québec; d'identifier et de faire connaître les expériences de PPP dans le monde.

L'institut conçoit le développement des PPP au Québec dans le cadre d'une gouvernance publique et transparente des services aux citoyens, les PPP devenant alors une alternative intéressante dans la mesure où ils apportent une valeur ajoutée à ces services: l'amélioration continue, la performance accrue, des coûts moindres.

L'IPPP estime que la loi n° 61 et l'établissement de l'agence participeront à rendre crédibles les partenariats public-privé comme mode de fourniture d'infrastructures publiques et de prestation des services publics. Ainsi, la constitution d'un cadre juridique sur les PPP vise donc, pour le public, à créer un climat de confiance et à susciter l'adhésion, puisqu'il donne un signal clair de la direction prise par l'État et délimite des mesures de protection adaptées aux intérêts légitimes des parties et aux objectifs poursuivis. Ce cadre participe à atténuer les risques pour le secteur privé et instaurer là aussi un climat de confiance dans les processus entourant les projets à développer.

Alors, j'aimerais passer outre la plupart des remarques générales pour aller un peu plus au coeur de nos commentaires et des recommandations.

Premièrement, le domaine d'application de la loi. On constate que le gouvernement se réserve une discrétion d'exclure les organismes publics de la juridiction de l'agence, et je cite, «dans les cas et aux conditions qu'il détermine». Fin de la citation. Ces ouvertures à l'exclusion permettront de tenir compte du mode de fonctionnement des organes décentralisés. On pense, par exemple, aux cités et villes, dont la proximité avec la chose citoyenne procure une faculté d'initiative que nous verrions mal tempérée par une obligation de recourir obligatoirement aux services d'un autre organisme public pour les PPP, d'autant qu'il existe déjà des procédures de recours obligatoire aux ressources du ministère des Affaires municipales pour l'octroi des contrats de la nature des contrats PPP ou la passation de contrats selon des modalités qui s'éloignent des marchés publics classiques.

Les PPP ne prônent pas la réduction du rôle de l'agence. Nous croyons en effet qu'il faudra inciter la cohésion entre l'agence et les ressources existantes dans les ministères et autres organismes publics. Il faudra encourager auprès de l'agence son rôle de coordination, d'information et de promotion en vue d'une recherche d'harmonisation des PPP, mettant ainsi à profit son statut de centre d'expertise.

Deuxièmement, le contrat de PPP. Le projet de loi n° 61 définit, à son article 6, le type de contrat de PPP qui sera assujetti à la mission de l'agence. Je cite: «Un contrat de partenariat public-privé est un contrat à long terme par lequel un organisme public associe une entreprise du secteur privé, avec ou sans financement de la part de celle-ci, à la conception, à la réalisation et à l'exploitation d'un ouvrage public. Un tel contrat peut avoir pour objet la prestation d'un service public.» Fin de la citation.

Les opérations visées par le contrat de PPP, selon cette définition, n'englobent donc pas toutes les transactions de PPP reconnues dans une acceptation plus large du concept, bien qu'il peut y avoir d'autres opérations comportant les caractéristiques d'un PPP telles que la durée et le partage des risques. Des exemples de ces projets-là sont des projets d'entretien-exploitation, par exemple. Nous tenons donc à souligner que le choix du gouvernement ainsi exprimé a pour résultat de privilégier l'application de la mission de l'agence à l'égard de ce qui est communément appelé les grands travaux.

Autre considération, l'IPPP soumet à la commission certaines interrogations de ses membres sur le projet de loi n° 61 et la politique-cadre qui l'accompagne. La seule existence de ces interrogations peut, croyons-nous, justifier des éclaircissements au projet de loi et à la politique-cadre. En effet, certaines de ces ambiguïtés, réelles ou de la simple nature de la perception, participent à l'appréciation du risque juridique et réglementaire dont le degré pourrait freiner la participation des soumissionnaires à l'étape du processus d'adjudication, entraîner des contestations ou résulter en l'exigence de garanties coûteuses de la part de l'État afin que ces risques soient mitigés.

Premièrement, l'activité de réhabilitation. Certains membres de l'IPPP, sans remettre en cause que la réhabilitation soit entendue en principe dans le concept de PPP, considèrent toutefois que l'article du projet de loi définissant le concept devrait aplanir une ambiguïté provenant du choix de l'expression, et je cite, «réalisation d'un ouvrage public» ? fin de la citation ? laquelle ne semble pas clairement inclure le concept de réhabilitation. Cette ambiguïté pourrait laisser entendre que le législateur ne souhaite que privilégier les nouvelles infrastructures en forme PPP, par exemple.

Deuxièmement, le principe de l'obligation de recourir aux services de l'agence. Sauf cas visés par le projet de loi, l'article 8 impose aux organismes publics une obligation de recourir aux services de l'agence pour: premièrement, l'évaluation de la faisabilité en mode PPP; deuxièmement, le choix de ses partenaires; troisièmement, la négociation des contrats PPP; et, quatrièmement, la conclusion de ces contrats.

Un contrat serait-il donc susceptible d'être mis en péril par des groupes intéressés, voire des concurrents malheureux, si cette obligation n'est pas respectée en tout ou en partie par un organisme public? En outre, il importe de déterminer la façon dont cette obligation serait respectée contractuellement dans les projets compte tenu que les ministères et autres organismes publics respectifs demeureront les maîtres d'oeuvre ou les signataires des contrats PPP. L'agence devra-t-elle ultimement intervenir audit contrat pour que l'exigence soit considérée comme respectée? Une ambiguïté à cet égard pourrait sans aucun doute affecter la confiance du secteur privé et la bancabilité des projets de PPP à financement privé.

Troisièmement, les membres du conseil d'administration de l'agence. L'IPPP réitère son point de vue à l'effet que, parmi les facteurs déterminants de la viabilité des opérations en mode PPP, on doit retrouver l'adhésion de la population au projet et la confiance du secteur privé. Selon les termes du projet de loi, les membres du conseil de l'agence sont désignés de manière discrétionnaire. Un signal clair à la population et aux différents acteurs que le choix des membres se fera selon des paramètres pouvant inspirer confiance en une institution nouvelle pourrait être d'inscrire au projet de loi les grands principes guidant leur mode de nomination.

Quatrièmement, conflits d'intérêts. Pour les membres des comités d'experts-conseils, l'article 44 octroie à l'agence le droit de déterminer les règles en matière d'éthique et de déontologie qui leur seront applicables. Ces mesures sont nécessaires selon l'IPPP et méritent un traitement particulier compte tenu des enjeux financiers et sociaux des PPP. La question des conflits d'intérêts est une affaire singulière compte tenu de la complexité des structures et de la participation d'une multitude d'acteurs. Il faut éviter des situations où, par exemple, un expert-conseil assiste l'agence sur un aspect précis d'un projet et conseille ensuite une entreprise privée ou ses partenaires sur le même projet, y voyant là une activité plus rémunératrice. Au-delà de la stricte question des conflits d'intérêts et à l'exemple de Partnerships UK, l'agence devrait donc se doter d'un code de conduite afin d'encadrer la bonne gouvernance et promouvoir la mission de service public auprès de ses membres, son personnel et ses experts.

Cinquièmement, tests de cohérence. Le projet de loi stipule que, et je cite: «La mise en oeuvre des PPP sera aussi assujettie à l'environnement juridique et réglementaire des PPP s'appliquant généralement aux entreprises faisant affaire au Québec.» Fin de la citation. En réalité, le succès de ces opérations sera tributaire de l'efficacité de notre cadre juridique et de son adaptation harmonieuse à la singularité de ce type de projet. Le cadre juridique général actuel comporte des irritants à l'octroi et à l'exécution des PPP, comme par exemple la fiscalité. L'IPPP souhaite que, dans le cadre de la mission de l'agence, l'agence puisse participer à réduire l'impact de ces irritants et à harmoniser les textes pouvant affecter l'articulation et la réalisation des PPP.

n (15 h 20) n

Sixièmement, les propositions spontanées. La politique-cadre traite des propositions spontanées de manière succincte. L'IPPP est conscient que ce type de proposition est une réalité dont il faut tenir compte afin de ne pas miner certaines initiatives. Au regard du nécessaire climat de confiance pour stimuler le succès des PPP, l'institut estime opportun que la considération de la proposition spontanée soit encadrée efficacement afin de préserver l'intégrité du processus et des organismes publics.

Le choix d'une politique-cadre, septièmement. L'institut comprend que le gouvernement a souhaité encadrer le PPP par une politique en raison de la flexibilité que celle-ci procure. On peut par contre s'interroger sur la qualité du message que le choix de cette avenue peut susciter. L'IPPP estime que des concepts aussi fondamentaux tant pour le secteur privé que le public en général que sont la transparence et l'équité du processus devraient être inscrits dans un texte de nature juridique plus élevée qu'une politique administrative. Ils devraient donc être inscrits dans la loi.

Huitièmement, le principe de l'autonomie de l'agence. L'efficacité et la crédibilité des agences dédiées à la mise en oeuvre des PPP est, selon l'expérience, tributaire de leur autonomie et leur dégagement du politique. Au passage, dégagement qui constitue un facteur d'atténuation du risque politique. L'agence devrait avoir la pleine flexibilité de nommer les experts-conseils qu'elle juge opportuns non seulement au nom de son autonomie, mais aussi afin d'éviter les délais que la procédure de nomination par le Conseil du trésor pourrait causer. Il en découle que l'agence devrait aussi avoir la faculté de fixer elle-même la rémunération et les allocations des experts-conseils à même le budget qui lui est alloué, au lieu d'être laissé à la détermination du Conseil du trésor comme le prévoit actuellement le projet de loi.

En conclusion, l'institut croit que globalement l'adoption d'une attitude ouverte par tous les partis vis-à-vis les modèles de partenariat public-privé et la création d'une agence efficace et mobilisatrice pour appuyer leur réalisation ne pourront être que bénéfiques pour l'ensemble de la population du Québec.

L'IPPP remercie donc la commission de lui avoir permis d'exposer ses vues en regard d'un projet de loi qui sera déterminant pour l'avenir des PPP au Québec. Il le sera d'autant qu'il suscitera la nécessaire confiance des partenaires et du grand public dans le processus. Nous croyons modestement que les suggestions formulées dans notre mémoire et qui ont été résumées de façon succincte ici sont de nature à la fois à atteindre cet objectif et à rendre par ailleurs encore plus efficace la démarche générale de mise en place des partenariats public-privé. Dans ce but, l'institut va continuer et même accroître ses activités de rassemblement et de discussion sur les partenariats public-privé dans les prochaines années. Merci beaucoup, et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie, M. Dépelteau, et j'invite Mme la ministre à débuter la consultation.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, M. Dépelteau, M. l'ancien président de cet institut, M. Le François, et M. Bissonnette, bienvenue. Il est clair que l'Institut pour le partenariat public-privé, M. le Président, a joué un rôle important pour moi, puisque je venais tout juste d'être nommée ministre, et vous aviez un congrès auquel M. Le François m'avait invitée. Et j'étais très heureuse de participer cette fois-là, et c'est depuis ce temps-là qu'on a établi un lien très proche avec l'institut qui, M. le Président, je voudrais vous rappeler, existait bien avant mon arrivée et était financé par l'ancienne administration ? vous allez être heureux de savoir ça ? partiellement. Alors, vous voyez...

Le Président (M. Bertrand): ...un malin plaisir de votre part.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Jérôme-Forget: J'aimerais, M. le président, profiter de l'occasion, puisque vous avez de l'expérience en partenariat public-privé, vous étiez là justement à parler de partenariat public-privé avant que tout le monde le fasse, vous m'aviez même dit, M. Le François, que vous prêchiez dans le désert à bien des égards... Vous souhaitez par ailleurs... Vous avez plusieurs volets, j'aimerais simplement avoir des clarifications au niveau des gouvernements municipaux. Vous dites que ces gouvernements municipaux devraient être exclus de l'agence, est-ce que vous pouvez clarifier?

M. Le François (Pierre): Bien, notre position, c'est de croire que le libre exercice de la gestion par les élus municipaux est une question importante. Je crois que c'est une question qui est très différente de celle, par exemple, des responsables des grands réseaux de la santé et l'éducation si on voulait comparer les deux domaines. Mais il nous semble qu'il y a là une différence de qualité, de qualité importante et qui fait que dans la vie de tous les jours... On a utilisé l'expression, là, à proximité de la chose citoyenne, là, pour bien montrer qu'il y a une proximité qui fait que, dans beaucoup de domaines, il y a déjà des réalisations qui se font pas toujours... Ça ne s'est pas toujours fait au nom du mot PPP mais au nom d'une collaboration qui date, au Québec, d'ailleurs depuis un bon moment. Dans le monde du loisir, là, ça fait longtemps qu'il y a de la collaboration public-privé au Québec. C'est le concept, c'est le concept qui est nouveau.

Alors, nous croyons qu'on peut à la fois miser ? c'est le sens de notre position ? miser sur l'expertise de l'agence, qui va susciter certainement l'intérêt et le goût des administrateurs municipaux de s'y référer, en même temps que de laisser aux élus municipaux le choix de dire est-ce que leur PPP est un meilleur moyen que la régie directe, qu'une société d'économie mixte ou qu'un autre moyen. On pense qu'il y a moyen d'arriver à un équilibre et que ce serait aller dans un sens d'efficacité que de promouvoir cette exception-là.

Le Président (M. Bertrand): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: C'est parce que, ce matin, nous avions Mme Bellemare, qui représentait le Conseil du patronat, qui semblait indiquer au contraire que, pour susciter plus d'adhésion auprès de la communauté en général, il fallait peut-être élargir les pouvoirs de l'agence. Alors, c'est pour ça que je trouve ça intéressant, parce qu'évidemment la majorité des gouvernements municipaux ou des représentants de gouvernements municipaux nous ont dit qu'ils souhaitaient être soustraits de l'agence. Alors, le discours que vous tenez est tout à fait conforme à ce que les gouvernements municipaux souhaitent.

M. Le François (Pierre): Pas nécessairement. Parce que j'ai déjà eu un autre chapeau dans le milieu municipal, c'est, je crois, qu'il y a une différence de qualité entre les réseaux et le milieu municipal.

Mme Jérôme-Forget: Maintenant, vous parlez également de la composition du conseil d'administration. Est-ce que vous pouvez extrapoler sur ça et nous dire qui devrait composer ce conseil d'administration? Peut-être que vous avez des suggestions à faire, vous qui connaissez depuis longtemps le monde des partenariats public-privé.

Le Président (M. Bertrand): M. Dépelteau ou M. Le François.

M. Dépelteau (François): Oui, je peux répondre. Écoutez, je pense qu'au niveau de la composition du conseil d'administration on doit chercher une représentativité quand même assez grande. Évidemment, quand j'ai mentionné tout à l'heure et quand on parle dans notre mémoire des critères de sélection, évidemment on parle de critères de compétence, de représentativité, de connaissance du milieu ou des milieux dans lesquels la plupart des PPP vont se réaliser, évidemment ce sont pour nous des critères qui sont importants. Je ne veux pas parler de noms de personnes, mais je pense que vous comprenez l'idée générale de notre commentaire à cet effet-là. Et je pense que ces critères-là sont tout à fait normaux et en fait vont susciter ou vont augmenter finalement... s'ils sont établis et établis bien clairement, vont établir de facto la crédibilité et l'adhésion auprès de la population.

Mme Jérôme-Forget: Outre le fait qu'on veuille avoir, sur le conseil d'administration, des représentants de différents groupes, par exemple, bon, si les gouvernements municipaux ne sont pas soumis à cette loi, on peut présumer qu'ils ne siégeront pas sur le conseil d'administration, mais vous souhaiteriez avoir des représentants de différents groupes qui représentent, par exemple, le secteur de la santé, le secteur de l'éducation. Est-ce que vous avez des opinions à cet égard?

Le Président (M. Bertrand): M. Le François.

M. Le François (Pierre): Bien, je pense qu'on peut utiliser des modèles extérieurs, on peut se référer à des modèles extérieurs pour ça. Par exemple, si je regarde comment les gens, du côté de la France, fonctionnent, au niveau de l'Institut de la gestion déléguée, juste pour donner un exemple, vous avez à la fois les gouvernements, le secteur privé, les consommateurs, les... Vous avez à peu près toutes les facettes des fonctions touchées par un partenariat public-privé qui devraient se retrouver au sein du conseil non pas comme... dans un sens de représentativité directe mais pour envoyer le signal à la population que toutes ces préoccupations-là, dans un équilibre public-privé et dans un débat... même au sein de l'agence, doivent se retrouver au sein même du conseil. Sans donner d'organismes, là, on voit que, par ces facettes-là, on peut aller rechercher beaucoup de choses.

n (15 h 30) n

Mme Jérôme-Forget: Donc, vous souhaitez, vous trouvez plus important d'avoir des gens représentant les différents groupes que d'avoir, sur le conseil, des spécialistes ou des gens extrêmement connaissants de cette structure particulière que sont les partenariats public-privé?

M. Le François (Pierre): Si vous me permettez, ce n'est pas toujours incompatible d'avoir l'expertise et la représentativité. Je pense qu'au Québec vous pourriez arriver à combiner ces deux paramètres-là au niveau d'un certain nombre de personnalités qui pourraient participer au conseil.

Mais je crois que le débat le plus important au conseil, c'est moins l'expertise que le signal qui est envoyé pour créer la confiance, pour dire: Il y a des sages, entre guillemets, qui sont là et qui sont capables d'aborder ces questions-là en prenant en préoccupation d'abord l'intérêt public. C'est ça, c'est bien compris au Québec, vos experts, là, vous pouvez vous y référer dans tous les sous-comités, comités et autres. Ce n'est pas d'abord l'expertise au conseil qui va faire la différence. Ça, c'est de notre point de vue.

Le Président (M. Bertrand): Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Vous mentionnez, en page 15, le cas de... «Au-delà de la stricte question des conflits d'intérêts et à l'exemple de Partnerships UK, l'agence devrait se doter d'un code de conduite afin d'encadrer la bonne gouvernance et promouvoir la mission de service public auprès de ses membres, son personnel et ses experts.»

Bon, il est clair, M. le Président... J'aimerais réitérer les paroles que j'ai tenues, pour rassurer peut-être l'institut, lors du discours que j'ai prononcé quand on a débuté cette commission parlementaire. Permettez-moi de vous lire seulement deux paragraphes: «Je tiens à réitérer aujourd'hui que, pour le gouvernement du Québec, l'intégrité des membres du conseil d'administration, du personnel et des comités aviseurs de l'agence et de ses filiales est non négociable. Je rendrai publiques, avant l'adoption du projet de loi n° 61, les règles qui régiront le conseil d'administration, le personnel et les comités aviseurs de l'agence et de ses filiales. Ces règles couvriront leurs obligations d'éthique, de conflit d'intérêts et de déontologie.»

Vous avez mentionné quelque chose de bien important, vous avez dit: Une firme qui serait utilisée pour conseiller le gouvernement pourrait trouver de façon plus opportune, éventuellement, d'aller conseiller une entreprise privée qui négocie avec le gouvernement après avoir été impliquée. Je pense qu'il y a là un volet très important, de nous assurer, avant de faire affaire avec quelque entreprise que ce soit, qu'une fois qu'ils font affaire avec le gouvernement ils ne peuvent plus faire affaire avec le secteur privé sur un projet quelconque. D'accord? Ça, je pense que c'est clair, là, on ne peut pas tolérer qu'on ait le beurre et l'argent du beurre en même temps. C'est clair, tout le monde est d'accord avec ça. On me dit qu'il me reste très peu de temps. Vous voulez réagir?

Le Président (M. Bertrand): Est-ce que vous aimeriez commenter là-dessus?

M. Dépelteau (François): ...tout à fait à la position de la ministre à cet effet-là. Ça fait partie de nos commentaires.

Mme Jérôme-Forget: Je pense qu'il ne me reste presque plus de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand): Non, on va aller à un bloc suivant et on reviendra. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Alors, M. Dépelteau, M. Le François, M. Bissonnette, bonjour. Ça fait plusieurs jours que nous sommes à l'étude du projet de loi de Mme la ministre présidente du Conseil du trésor. Effectivement, nous avions rencontré les unions municipales, qui nous ont fait part de leur demande sans équivoque à l'effet d'être soustraites à l'application de l'article 8, donc de ne pas soumettre obligatoirement à l'agence leurs projets d'une part et tout de même de conserver la capacité de le faire s'ils le désirent pour rechercher l'expertise si expertise il y aura. Bon. Ce que l'on voit, par exemple, c'est quand même tout près de 1 000 organismes, au Québec, qui ont des projets de construction de réseaux d'aqueduc ou d'égout, de réfection de routes municipales dans les grandes municipalités. On évalue, au Québec, peut-être à 15 milliards, là, la réfection des infrastructures, et c'est énorme. Et d'autre part vous nous dites dans votre mémoire que, bon, au niveau des services, on pourrait donner les services autrement, ce que je comprends.

M. Le François, moi, j'aimerais ça vous entendre. Tout à l'heure, ça m'a fait un peu sursauter, parce que, quand vous défendiez les municipalités, vous nous disiez: Bon, c'est un gouvernement municipal près des citoyens, qui connaît les besoins. Et d'autre part vous dites: Il y a une différence de qualité par rapport aux autres services qui sont dispensés, et j'ai cru comprendre les services de l'État, quoi, c'est les services de l'État québécois. J'aimerais ça que vous précisiez votre pensée là-dessus parce que ça m'amène à m'interroger beaucoup, là, parce que vous dites qu'il y a une différence de qualité à partir du moment que les municipalités font le travail. Ils font bien le travail en général, là...

Le Président (M. Bertrand): M. Le François.

M. Le François (Pierre): M. le Président, ce n'est pas du tout la qualité des services, c'est la qualité du statut des institutions. Je comparais les réseaux de santé, éducation et le milieu municipal. Le milieu municipal va en élection, il a une légitimité démocratique, c'est un peu différent. Je ne parlais pas du tout... la qualité s'appliquait à la qualité du statut et non pas à la qualité des services, si ça peut clarifier ce point-là.

M. Lelièvre: O.K.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Bon, ça m'éclaire sur ce point. Au niveau des services qui pourraient faire partie des PPP, avez-vous fait une réflexion là-dessus? Parce que vous en parlez dans votre mémoire, j'aimerais ça vous entendre. Qu'est-ce que vous voyez de ce côté-là? Parce que, d'une part, ça soulève certaines inquiétudes au niveau... ? bien, nous, on étudie le projet de loi, hein, donc on a des interrogations ? d'autre part, la participation de l'entreprise privée amène la recherche du profit. Donc, je ne pense pas qu'il y a aucune entreprise qui va s'aventurer dans un partenariat sans avoir l'intention de faire un profit. Alors, compte tenu de la situation budgétaire du Québec, compte tenu du fait aussi que 60 % de nos impôts et taxes sont toujours perçus par le gouvernement fédéral, est-ce que vous croyez que la mise en place de partenariats va permettre de faire plus de travaux que le gouvernement est en mesure d'en faire avec les budgets qu'il a?

Le Président (M. Bertrand): M. Le François.

M. Le François (Pierre): M. le Président, je vous remercie. Il y a beaucoup d'éléments là-dedans, je vais commencer par une boutade. Si une entreprise privée dit qu'elle fait un projet puis qu'elle ne prend pas de profit, c'est elle que je n'engage pas, hein? J'aime autant l'entreprise privée qui dit qu'elle va faire un profit.

Du côté des services, vu de l'IPPP, il n'y a rien d'impossible. Je veux dire, c'est une question... tous les secteurs sont admissibles à un partenariat parce que le partenariat n'est qu'un moyen parmi d'autres moyens pour réaliser. C'est le contexte local, la décision des élus, la décision de la communauté qui fait la différence, dans un dossier donné, de décider... Un maire pourrait décider avec son conseil d'aller en régie sur un stationnement accolé à un édifice municipal, alors que le voisin va dire: J'aimerais mieux faire autrement. Et il n'y a pas de jugement de valeur à porter, c'est la communauté qui aura décidé de le faire. Et, un jour ou l'autre, on comparera, dans un «benchmarking», lequel des deux était le moins cher. Parce que ce qui garantit qu'on pourrait éviter le danger auquel on a fait allusion, c'est le fait que, pour nous, les partenariats public-privé n'ont de sens que si on se préoccupe de trois choses: il faut qu'il y ait de l'équité sociale, qu'il y ait une valeur ajoutée et que le contrôle public ne soit pas émasculé.

Si on fait ça, les trois, dans une communauté, puis on peut dire clairement ça, il n'y a pas de problème. Il n'y a même pas de problème sur un seul sujet, même les sujets pour lesquels les gens déchirent rapidement leur chemise sur la place publique sans qu'on ait le temps de finir la phrase. Il n'y a pas de problème si, cas par cas, on peut répondre: Oui, il y a une garantie d'accès aux services, il y a une égalité de traitement, il y a de la transparence, il y a une imputabilité, et c'est fait avec une valeur ajoutée.

Alors, on pense que, dans le milieu municipal, comme vous l'avez dit, il y a beaucoup de possibilités, que ce soit sur les services de support, les services de première ligne, les infrastructures. Et, dans le mémoire que l'IPPP a soumis, on ne traite pas que du volet infrastructures. Le mémoire et le projet de loi ont une acception très limitée du partenariat quand ils traitent d'infrastructures à un tel niveau comprenant pas «ou»: conception, construction «et» exploitation. On comprend la définition un peu à la britannique de la chose. Nous, à l'institut, on voit ça d'une manière beaucoup plus large. C'est quoi, le partenariat? C'est essentiellement la collaboration entre les secteurs public et privé puis avoir une entreprise, un organisme sans but lucratif, un organisme communautaire, deux institutions publiques qui décident, sur le territoire, de réaliser une activité. Elle n'a peut-être pas l'ampleur très considérable de certains projets, mais c'est autant d'intérêt public de le faire. C'est comme ça qu'on voit ça.

n(15 h 40)n

Et, nous, tout ce qui est de l'ordre de dire: Des petits pas, tranquillement, on ne le sait pas, on aime mieux dire: Le partenariat, là, c'est un instrument, comme la régie directe, pour livrer des services de qualité. Il appartient aux élus, dans leurs communautés, de le décider, à la condition que vous ayez les trois éléments que j'ai mentionnés: l'équité sociale, la valeur ajoutée ? la valeur ajoutée, c'est important ? et le contrôle public et l'imputabilité. Si vous avez ça, il n'y a pas plus de crainte, parce qu'entre nous, quand on dit que le régime public est plus sécure que le régime public, laissez-nous un peu sourire. On n'a qu'à lire les rapports des vérificateurs pour se rendre compte que le seul statut public n'est pas garant du contrôle public.

Le Président (M. Bertrand): Merci. M. le député, ça va? Mme la députée de Mirabel. Je reviendrai à vous plus tard, M. le député.

M. Lelièvre: C'est beau.

Le Président (M. Bertrand): Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à cette commission. Merci pour la présentation de votre mémoire. Moi, j'ai des interrogations concernant les conflits d'intérêts. Alors, comme l'a fait aussi la Protectrice du citoyen, vous vous dites préoccupés par le manque de dispositions éthiques dans le projet de loi, principalement en ce qui a trait aux potentiels conflits d'intérêts. Vous êtes donc d'avis que, pour être crédible et susciter un minimum d'adhésion, ce projet d'agence doit afficher plus de contrôle éthique. J'aimerais vous entendre à ce sujet-là.

M. Dépelteau (François): Écoutez, je pense que le mémoire est clair à cet effet-là, et, pour nous, c'est clair, la transparence et l'éthique sont absolument essentielles à l'adhésion de la population. Et je pense que, si on regarde le projet de loi et la loi-cadre qui l'accompagne, je pense que tous les éléments sont là. Et, comme on l'a dit dans notre mémoire, je pense qu'on doit peut-être, à ce moment-ci, réaménager un peu le tout pour inclure au projet de loi certains éléments au niveau de l'éthique, mais je pense que, dans l'ensemble, enfin l'IPPP considère que les éléments sont là.

Mais je pense que, comme on l'a mentionné et au risque de me répéter, là, il y aura un réaménagement pour inclure dans le texte de la loi certaines dispositions qui effectivement rendront le tout un peu plus solidement ficelé, si je pourrais dire.

M. Bissonnette (Michel): ...

Le Président (M. Bertrand): Est-ce que vous avez un commentaire, M. Bissonnette?

M. Bissonnette (Michel): Oui, simplement rajouter le fait qu'on nous a indiqué, là, qu'un certain nombre de règles seraient déjà intégrées avant l'adoption de la loi. Ça pourrait être de nature à préserver ce principe d'équité et de transparence là, et je pense que ça, c'est vraiment quelque chose qui est extrêmement important comme signal aussi à lancer à la population et aux acteurs concernés par le développement et l'essor des PPP.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie. M. le député de Hull.

M. Cholette: Merci, M. le Président. Chers collègues, MM. Dépelteau, Le François et Bissonnette, bonjour. Merci de votre participation à notre commission parlementaire, mais surtout merci de votre mémoire, de la qualité du mémoire. Dans le fond, vous êtes en train de nous dire que ce dont on débat présentement, ce n'est pas une bibite absolument rare et puis ce n'est pas quelque chose d'absolument nouveau pour le Québec, mais votre présence et votre association font état de longs états de service dans ce domaine-là. Et vous êtes en train de nous dire qu'il faut aller de l'avant avec le principe des PPP, et vous en faites la promotion, et, dans ce sens-là, je veux vous en féliciter.

Je vais avoir trois éléments dans ma courte présentation. Il ne nous reste que peu de temps, huit minutes, alors on va faire ça rapidement. Je peux vous dire que vous êtes un des seuls groupes qui avez soulevé un bout très important de l'article 8 de notre projet de loi, c'est-à-dire les derniers mots qui se retrouvent... ? d'ailleurs, vous le citez à la page 8 de votre mémoire ? c'est-à-dire «dans les cas ou aux conditions qu'il détermine», c'est-à-dire qui seront assujettis à cette agence, et vous avez vu là évidemment la flexibilité nécessaire pour l'appareil gouvernemental d'exclure des groupes, et vous nous le soulevez.

En fait, a contrario, la plupart des groupes se sont dits inquiets de voir qui était inclus dans l'agence, mais je salue, je salue votre ouverture et votre perspicacité à l'effet que, justement grâce à cette terminaison-là que l'on utilise dans l'article 8, il y aura donc des dispositions disponibles dans le projet de loi pour exclure des groupes, peut-être notamment certains du monde municipal ou peut-être certains autres groupes. Donc, mon premier commentaire était justement pour vous féliciter d'avoir vu cet aspect du projet de loi.

Maintenant, une des questions plus particulières que j'aurais traite de toute la question de la définition des PPP. Et, s'il y a quelque chose qui, depuis le début, nous semble assez évident, c'est qu'on ne s'entend pas tous sur la définition des PPP. Et d'ailleurs vous reprenez, à la page 9 de votre mémoire, la définition que l'on utilise, notamment à l'article 6, pour les expliquer, pour les définir. D'ailleurs, dans votre documentation, vous tentez, à différents endroits, de définir ce qui est pour vous les PPP. Je vais me permettre d'utiliser qu'un bout de paragraphe dans un de vos documents qui traite notamment des PPP en matière de transports et je vais vous lire ceci: «En matière de transports, les partenariats public-privé comportent une gamme complète d'options, allant de la participation restreinte du secteur privé jusqu'au contrat de concession à long terme financé par le secteur privé.» Et là vous concluez en parlant de conception, financement et exploitation.

Est-ce que je me trompe? Mais, pour votre institut, est-ce que vous trouvez notre définition trop contraignante? Et est-ce que vous souhaitez que l'on élargisse cette définition pour englober plus d'aspects?

Le Président (M. Bertrand): M. Dépelteau.

M. Dépelteau (François): Écoutez, la réponse, c'est oui. On pense que la définition du partenariat, tel qu'il est dans le projet de loi, est un peu trop restreignante, un peu trop contraignante, parce que, quand on regarde un peu la définition d'un partenariat public-privé, un partenariat public-privé, dans le fond, c'est un contrat à long terme, disons cinq ans et plus, où il y a un véritable partage des risques entre les parties, c'est-à-dire la partie publique... entre les partenaires, si on veut, le partenaire public et le partenaire privé. Donc, à partir de là, il y a une panoplie très grande de projets ou de types de relations contractuelles qui peuvent être développés et qui existent déjà, que ce soit ici ou ailleurs dans le monde, et qui sont utilisés avec succès. Mais je pense que la définition qui est utilisée vise plutôt... ou donne plutôt la définition de ce qu'on peut appeler le PFI, si on veut, qu'on retrouve en Grande-Bretagne. Mais il y a énormément d'autres concepts, que ce soit la gestion déléguée... il y a énormément d'autres concepts qui sont utilisés et avec succès. Je ne sais pas si Pierre...

Le Président (M. Bertrand): ...

M. Le François (Pierre): Oui, je voudrais compléter ça en disant que, pour nous, il y a une grande différence entre le fait de définir le concept d'une certaine manière et le fait, pour l'État québécois, de décider, le législateur de décider que ça ne devrait, dans l'intérêt du Québec, pour une période donnée, ne s'intéresser qu'à telle partie du concept. Ça nous apparaît important, cette question-là qui est soulevée, parce que, dans l'opinion publique, il y a une confusion totale, on est en train de penser que le partenariat, ce n'est que les grands travaux, ce n'est que le métro de Londres, l'autoroute 30, ou je ne sais pas quoi, ou un grand hôpital, alors que, dans la vraie vie, sur tout le territoire québécois, ce sont des projets plus modestes, ce sont des projets entre 5 à 50 millions dans tous les secteurs de la vie et de la mission de l'État qui sont visés. Quand on prend l'acception britannique, telle que définie dans le projet de loi, on fait des choses utiles, mais on fait une chose très restrictive et surtout on envoie le signal que le partenariat, vu du Québec, est considéré seulement dans sa facette de grands travaux, alors que le concept, pour l'institut, est un concept très englobant qui va immédiatement... qui va sur une échelle allant du tout public au tout privé, du contrat de gérance un peu plus sophistiqué que la simple impartition jusqu'à la concession.

Et les Québécois devraient savoir que c'est cette panoplie-là, tout le lot d'outils qui est à la disposition des autorités publiques et privées et non pas la seule option de concevoir, construire et opérer. Et surtout que le projet de loi met un «et» et non pas un «ou» en plus, là. Si vous faisiez juste du «design and build» sans l'exploitation, sans même la gestion confiée au privé, ce serait déjà un peu différent. Alors, on le conçoit comme ça et on pense que ce serait de nature à être davantage éclairant dans le débat public que de dire aux gens: Bien, c'est un outil, puis c'est un outil en plus, si vous regardez le monde entier, qui a toutes sortes de formes un peu partout, qui n'est pas fait seulement pour les très grosses affaires. Parce que, plus que vous parlez de grosses affaires, plus que les gens voient des complots, plus qu'ils voient les très grandes entreprises, plus qu'ils ont peur, puis ils ne se rendent pas à la fin du paragraphe. On pense qu'il est extrêmement important de dire aux gens: Ce n'est qu'une façon de faire parmi d'autres, et le Québec ne devrait pas se limiter à cette seule façon de faire.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Hull, en une minute, question et réponse.

n(15 h 50)n

M. Cholette: Oui. Bien, merci pour cette réponse. Je vais vous offrir un peu de réprimande, par exemple, sur ma prochaine question. Je vous sens, je sens l'institut sur la clôture sur une question, c'est-à-dire sur le rôle de l'agence. Je vois que vous avez, à la page 12, indiqué que vous prenez acte de la démarche que l'on fait à l'article 8, mais qu'à la page 13 par contre vous nous dites que vous souhaitez plutôt qu'on aurait... vous nous soumettez deux options, que l'agence, afin de circonscrire son action, travaille soit par lettre de conformité ou on déplace cette obligation plutôt dans une politique, que l'agence soit plutôt... que ce soit une politique administrative à l'intérieur de l'État. Cependant, mon reproche va à l'effet que vous n'avez pas fait de choix. Alors, aujourd'hui, je vous donne la chance. Quel est votre choix?

Le Président (M. Bertrand): M. Le François, c'est à vous.

M. Le François (Pierre): Quand, nous, on parle... Il n'y a pas de surprise. Nous, on pense que l'agence, là... on n'a pas peur du volet contraignant de l'agence. Il faut qu'il y ait une agence contraignante. Vous ne pouvez pas demander à des gens, dans un appareil public, de dire: Voici la volonté politique, et puis, bien, peut-être... Non, non, non, c'est ça, la volonté du législateur. C'est ça, la volonté de l'État. C'est là qu'on va. Alors, il faut que l'agence soit un peu contraignante. En contrepartie ? et puis il y a beaucoup d'exemples dans l'histoire de l'administration publique québécoise à ce sujet-là ? vous pouvez à la fois être très contraignant et, dans les modus operandi de l'agence avec les organismes publics, pour ceux qui seront vraiment visés et sans être exclus, vous avez un modus operandi. Qui va croire vraiment que 12 ou 15 personnes vont dire au ministère des Transports, au ministère de la Santé quoi faire? On sait qu'est-ce qu'ils font, les fonctionnaires, quand ils ne veulent pas que ça marche. Ça ne tient pas debout. C'est sûr que le législateur et l'autorité politique n'a pas dû imaginer que la seule contrainte dans la loi ferait la différence pour les ingénieurs du ministère des Transports. C'est sûr, on le comprend bien.

Et on comprend que c'est d'abord un signal pour aller chercher l'adhésion de l'appareil public ? telle est la volonté de l'État de le faire, chercher l'adhésion de l'appareil public ? mais, dans la vraie vie, avec 15 personnes, là, ce n'est pas ça qui va se faire. Donc, il va y avoir un modus operandi avec les institutions, et puis l'agence va en avoir plein les bras juste à suivre quelques projets. Puis, s'il y en a quelques-uns qui passent entre les craques puis qui se réalisent au bénéfice des citoyens sans avoir tout respecté, c'est merveilleux, sauf pour la partie de l'obligation légale, là, où, là, effectivement un groupe concurrent ayant été lésé pourrait dire: Excusez-moi, mais... il pourrait s'en servir d'une façon négative. Ce n'est pas le volet de projets qui se développeraient malgré l'agence qui est préoccupant, c'est le volet de concurrents qui se sentiraient lésés qui pourraient utiliser ça pour créer un problème dans le développement. Et ça, pour nous autres, c'est une difficulté, ça peut être une difficulté.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie, M. Le François. L'opposition, il vous reste 8 min 35 s. J'ajoute une minute de plus parce que j'ai laissé extensionner un petit peu plus de temps. Alors, vous avez 9 min 35 s.

M. Lelièvre: Oui. Merci, M. le Président. Écoutez, concernant le rôle de l'agence et sa capacité d'encadrement, l'article 8 dit bien que tout organisme public doit recourir aux services de l'agence dès qu'elle a... pour une évaluation en mode de partenariat public et privé de ses projets d'infrastructure, d'équipement ou de prestation de services publics.

Bon. On sait que la ministre nous dit depuis que nous avons amorcé l'étude de ce projet de loi que ce sera uniquement les grands travaux, alors que, vous, vous nous dites, M. Le François: Allons-y sur les partenariats, ouvrons de ce côté-là. Il n'y en a pas, de petits projets, il faut prendre les projets qui seront bons. Naturellement. Mais il n'y a pas de petits projets. Alors que, du côté gouvernemental, on nous présente... on nous dit: On aura une agence qui aura entre 12 et 15 personnes. Et là, au point de départ, les municipalités y sont encore. À chaque fois qu'elles auront un projet quelconque d'infrastructures, elles devront le soumettre à l'agence parce que les municipalités sont soumises, à l'heure actuelle, dans le texte de loi. Donc, elle doit faire la réfection d'un service d'aqueduc et d'égout, elle doit soumettre son projet. Elle a un projet, elle a un travail à faire au niveau routier dans sa municipalité, des rues, réparer, refaire des rues, elle doit soumettre son projet. Et ça va être de même à l'ensemble du Québec. À 12 et 15 personnes, je ne pense pas ? et j'aimerais ça avoir votre opinion là-dessus ? à 12 et 15 personnes dans l'agence pour faire l'évaluation des projets, que ça va rouler rondement puis que les projets vont sortir à l'autre bout, il va y avoir un engorgement. Bon, on...

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand): M. Le François.

M. Le François (Pierre): Ça dépend des projets dont on parle et ça dépend aussi du mode de fonctionnement de l'agence. Par exemple, si l'agence... En pratique, comment ça va marcher, c'est que l'agence... Vu de l'extérieur, là ? puis un petit peu de ceux qui ont déjà été là, dans l'appareil public, savent un peu comment ça marche ? comment est-ce que ça va marcher, c'est les ministères sectoriels qui vont être pris avec ça, qui vont faire la très grande partie de l'ouvrage. Au fond, c'est quoi qu'il dit, le projet de loi? Il dit: Avant que vous partiez, le feu vert, ça prend une autorisation du gouvernement, puis, à la conclusion, j'aimerais ça être dans le coup. Puis, à un moment donné, il va y avoir, j'imagine, des guides, des documents qui vont expliquer aux gens un peu: Ne faites pas un contrat n'importe comment, là. Si vous êtes au-dessus de 100 millions, là, téléphonez. Mais quel fonctionnaire va prendre sur lui le risque de faire un contrat pareil sans téléphoner à quelqu'un pour se protéger un peu, là? Non, mais on sait comment que ça marche, la fonction publique, là, tout de même.

Alors, moi, je ne vois pas ça du tout comme étant une difficulté majeure, d'autant plus que vous dites qu'actuellement c'est couvert de par la loi, les municipalités. C'est que ça le sera toujours, même avec une exclusion. Ça le sera toujours, même avec une exclusion, lorsqu'il y aura un subventionnement. Or, la majorité des éléments que vous soulevez, si vous pensez aux services d'aqueduc, par exemple, et d'autres, les programmes Canada-Québec vont s'appliquer. Alors, les programmes Canada-Québec, c'est des financements publics. Le financement public, ça veut dire que ça va passer pareil. Mais ça passe déjà par le ministère, et les villes travaillent déjà avec le ministère. Il n'y aura pas grand-chose de changé, en fin de compte, pour ce type de projets là. Ça va dépendre essentiellement des projets dans l'agenda qui sont vraiment clés et les autres qui seraient d'intérêt public localement, là. C'est pour ça qu'on dit: Laissons les municipalités gérer. Qu'ils gèrent et qu'ils ne soient pas visés par l'agence.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie. Est-ce que, M. le député de Gaspé... Une dernière?

M. Lelièvre: ...à l'article 5, au sixième paragraphe, bon, on parle de la mission de l'agence, là, et ses pouvoirs. Mais l'agence aura des responsabilités importantes quand on parle, par exemple, de fournir aux organismes publics tout service d'expertise relatif à l'évaluation de la faisabilité en mode de partenariat public-privé des projets d'infrastructure, d'équipement, prestation de services, etc. La ministre nous a toujours dit depuis le début ? elle nous a donné l'exemple des constructions de routes, des grands travaux ? que c'est là que ça irait. Nous, on lui a demandé: Bon, si c'est votre opinion, si c'est ça que vous comprenez du projet de loi, mettez-le dans le projet de loi que ce sont les grands travaux, et, à ce moment-là, bon, on regardera qu'est-ce que ça signifie. Mais, à l'heure actuelle, malgré le discours que ce sont les grands travaux, nous, on fait la lecture que tous les travaux gouvernementaux, dès qu'il y a du financement public, vont obligatoirement passer par l'agence. Et, quand vous nous dites: Les ministères vont faire le travail, bien on n'a pas encore eu cette réponse-là de la part de la ministre. Si vous pouvez l'obtenir de la ministre, bien, au moins, on aura cette réponse-là.

Le Président (M. Bertrand): M. Le François, M. Bissonnette ou monsieur...

M. Dépelteau (François): O.K. Je vais...

Le Président (M. Bertrand): M. Dépelteau.

M. Dépelteau (François): ...donner quelques éléments de réponse. Peut-être, mes collègues voudront compléter. Premièrement, ce n'est pas tous les projets qui vont être des projets en P3. Écoutez, si on regarde l'expérience ailleurs dans le monde, c'est une fraction des projets ou des investissements des États qui se font sous forme de P3. Donc, ce n'est pas chaque projet de réfection de rue ou d'égout dans les municipalités du Québec qui va être un projet en P3. Il y a des normes à respecter, il y a déjà un guide qui a été préparé par le Conseil du trésor qui donne en fait comment monter un plan d'affaires pour les P3. Je veux dire, il y a une façon de juger si un projet... ? et je pense que ça devra être fait comme il faut ? cette façon-là va être utilisée, et les projets vont être jugés, et il y a une partie des projets qui vont être faits en P3. Donc, je pense que ça va dégager l'agence d'un certain nombre de projets.

Mais aussi je pense que, pour ceux qui voudront faire des projets comme ceux-là, comme Pierre l'a dit, la plupart des activités en fait d'analyse, et tout ça, vont être faites en amont, si on veut, de l'agence, c'est-à-dire par les ministères, par les municipalités, par tous ces organismes-là, et ça pourra être fait selon des directives et selon des guides qui seront préparés par l'agence, parce qu'on voit aussi l'agence comme étant un centre d'excellence et qu'ils vont mettre sur pied de la documentation, des modèles pour justement être capables de... aux différentes autorités publiques, de faire leur analyse. Après ça, l'analyse finale et l'acceptation en fonction des différents projets pourra être faite par l'agence. Alors, à ce moment-là, je pense qu'on ne parle pas d'un engorgement massif, si on veut, de l'agence à cet égard-là.

Le Président (M. Bertrand): M. Le François.

n(16 heures)n

M. Le François (Pierre): Bien, d'autant plus que vous pourriez utiliser les exclusions de bien des manières. Il y a une exclusion par le seuil, comme maintenant en Grande-Bretagne au niveau du montant qui est admissible, là ? récemment, ça a été fait en Grande-Bretagne ? vous pouvez faire l'exclusion au niveau des organismes. Il y a bien des manières de travailler la chose pour ne pas que ce soit une pression indue qui deviendrait... Au lieu d'être une aide, dans un cas comme ça, comme vous dites, l'agence deviendrait un goulot d'étranglement, quoi. Et je pense que c'est... j'imagine que les concepteurs sont bien conscients de la chose.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie. Mme la députée de Mirabel, dernière question.

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, vous rapportez, à la page 4 de votre mémoire, une citation de la Commission des communautés européennes qui dit, entre autres, qu'«il convient d'évaluer si l'option de [PPP] présente une plus-value réelle par rapport à d'autres options». Alors, moi, ce que je voudrais savoir: Est-ce que vous considérez que c'est approprié que l'agence, créée par ce projet de loi là, soit à la fois responsable de faire la promotion des PPP et à la fois responsable des arbitrages? Vous ne voyez pas un genre de conflit? L'agence est à la fois juge et partie? J'aimerais avoir vos commentaires.

Le Président (M. Bertrand): M. Le François, en une minute maximum.

M. Le François (Pierre): Bien non. Bien, je ne crois pas, parce que... D'abord, un mot du commanditaire, du côté de la société civile, l'institut va continuer à faire de la promotion, et je crois qu'ils vont être tellement occupés effectivement par la portion démarrage, mise en marche des projets, que ce ne sera pas la promotion qui va être le premier volet, ça va être la création d'un centre d'expertise, d'un soutien au ministère et aux institutions qui voudront aller de l'avant.

Le Président (M. Bertrand): Ça va? Alors, je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant les représentants de l'Association du transport urbain du Québec à se préparer et se présenter à la table immédiatement. Et je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 2)

 

(Reprise à 16 h 4)

Le Président (M. Bertrand): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue, au nom des membres de la commission parlementaire, aux représentants de l'Association du transport urbain du Québec, présidée par M. Lawrence Cannon. Alors, M. Cannon, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et procéder à votre présentation.

Association du transport
urbain du Québec (ATUQ)

M. Cannon (Lawrence): M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, je tiens tout d'abord à remercier les membres de la Commission des finances de nous recevoir aujourd'hui et j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. D'abord, à ma droite, M. Jean-Jacques Beldié est président de la Société de transport de Laval et membre du comité exécutif de l'ATUQ en tant que président sortant; à mon extrême droite, M. Pierre Giard, qui est le directeur général de la Société de transport de Laval et membre du comité de gestion du comité des PPP à notre association; enfin, Mme Monique Léveillé, à ma gauche, est quant à elle la secrétaire générale de l'ATUQ.

D'entrée de jeu, il m'apparaît important de parler de l'ATUQ, de ses membres et de comment nous sommes particulièrement interpellés par le projet de loi n° 61.

L'association est un organisme sans but lucratif qui regroupe, depuis 1983, les neuf sociétés de transport du Québec qui sont par ailleurs, depuis 2001, toutes régies par la même loi.

Il s'agit d'un organisme de concertation et de représentation politique qui a pour but et mandat d'assurer la promotion du transport en commun et la défense des intérêts de ses membres auprès des partenaires de l'industrie et des différentes instances gouvernementales. L'ATUQ est également un forum d'échange et d'information qui permet de regrouper, à l'intérieur de plusieurs comités sectoriels, le personnel des sociétés membres afin de partager l'expérience et développer une expertise. De plus, l'association contribue, par différents projets et activités, à l'amélioration continue de la performance des sociétés.

À cet égard, nous avons entrepris une démarche de «benchmarking» à laquelle est associé le MTQ. Cet exercice d'une grande complexité mais aussi d'une grande valeur permettra notamment à chacune des sociétés de bénéficier des meilleures pratiques de l'industrie afin d'optimiser sa performance. L'ATUQ, M. le Président, a également ouvert un chantier PPP afin d'actualiser nos connaissances mais surtout de faire un bilan des expériences de PPP dans le transport collectif à travers le monde.

Le dernier volet de la mission de l'ATUQ consiste à favoriser la mise en commun de services comme la gestion unifiée de contrats d'autobus et le programme d'achats regroupés. Soulignons à cet égard que l'expérience d'achat et de gestion unifiée de contrats d'autobus est unique en Amérique du Nord. En 2002, nous avons en effet octroyé via la STM de Montréal à la firme Nova Bus un contrat de 825 autobus qui seront livrés entre 2003 et 2007. Une équipe dédiée gère ce contrat de 410 millions pour l'ensemble des sociétés membres.

Les neuf sociétés de transport ont pour mission de base d'assurer un service de transport en commun efficace et performant.

À eux seuls, les membres de l'ATUQ desservent 52 % de la population du Québec, soit près de 4 millions de citoyens. Ils emploient quelque 11 000 personnes et administrent, en 2004, un budget de fonctionnement de plus de 1 225 000 000 $.

Le financement actuel du transport collectif au Québec, du moins pour les neuf sociétés que nous représentons, provient essentiellement des contributions municipales et de la tarification des usagers.

Quant à l'aide gouvernementale accordée aux sociétés de transport, elle comprend deux volets. Un premier volet concerne spécifiquement les subventions aux immobilisations tel qu'expliqué en détail dans le mémoire. Les sommes versées annuellement, dans le cadre de ce programme d'aide, sont fonction des crédits disponibles au ministère des Transports du Québec. Elles totalisaient 163,5 millions, en 2003, ou près de 12 % de nos budgets de fonctionnement. Le deuxième volet consiste à financer, de façon séparée et selon le cadre financier triennal en vigueur depuis janvier 2002, le transport adapté aux personnes handicapées, qui sert 32 000 usagers et permet près de 3 millions de déplacements annuellement, soit en moyenne 84 déplacements par usager admis.

Le MTQ assume théoriquement 75 % de ces coûts de services, mais en réalité, en 2002, c'était 71,7 %, le reste étant défrayé par les municipalités et les usagers. Le budget total du transport adapté, pour nos neuf sociétés, était d'un peu plus de 46 millions, toujours en l'an 2002.

Les automobilistes pour leur part contribuent, à la hauteur de plus ou moins 8 %, au financement du transport en commun en payant des droits d'immatriculation de 30 $ sur les véhicules de promenade et une surtaxe de 1,5 cents par litre d'essence sur le territoire de la grande région de Montréal.

n(16 h 10)n

Nous ne pouvons passer sous silence que le transport en commun vit actuellement une crise de financement sans précédent, qui met en péril sa survie. Si la nécessité de doter le transport en commun d'un financement stable, suffisant et équitable ne fait aucun doute, il est tout aussi évident que la situation globale des finances publiques québécoises et municipales est très préoccupante. Par conséquent, toute avenue permettant la diminution des coûts, l'accélération de certains investissements majeurs et l'apport de nouvelles sources de financement devrait être explorée, telle la conclusion de partenariats public-privé.

Cependant, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, l'objectif de notre présentation d'aujourd'hui et du mémoire que nous avons déposé n'est pas de prendre position sur les avantages, bénéfices, contraintes et/ou inconvénients des PPP en tant que tels. Pour nous, les PPP ne sont ni une panacée ni une religion. Ils constituent un outil qui peut être utilisé avec précaution pour certains projets et à certaines conditions, ni plus ni moins. Le seul motif du mémoire que nous vous avons déposé est de vous expliquer l'analyse et l'évaluation des impacts du projet de loi n° 61 sur la gestion et l'autonomie des sociétés de transport et proposer aux membres de la commission un certain nombre de recommandations qui, nous l'espérons, devront contribuer à bonifier le projet de loi présenté. C'est pourquoi et seulement pour cela que le conseil d'administration de l'ATUQ a jugé primordial que les sociétés de transport soient entendues en commission parlementaire, c'est-à-dire puisqu'elles sont directement touchées par la création de l'agence.

En effet, en fonction de l'article 7, nous sommes assujettis en tant qu'organisme public ou municipal, si vous préférez, et, en fonction de l'article 8, nous avons et aurons des projets d'infrastructure, d'équipement et de prestation de services publics financés, en tout ou en partie, sous quelque forme que ce soit, par le gouvernement ou un de ses organismes, à cause notamment du Programme d'aide de transport en commun dont nous vous avons parlé précédemment.

Mesdames et messieurs, nous consacrons l'ensemble de nos commentaires et suggestions au chapitre II du projet de loi, portant sur la mission et les pouvoirs de l'agence. Premièrement, nous souhaiterions dissiper toute ambiguïté sur le rôle de l'agence, agent... pardon, expert-conseil ou maître d'oeuvre. Pour l'ATUQ, la réponse est claire: expert-conseil, et ce, tel que décrit à l'article 5 du projet de loi: que l'agence soit un organisme-conseil, un centre de connaissances et d'expertise pour soutenir, coacher, faciliter, informer autant le gouvernement, les organismes publics, telles les sociétés de transport, que le public en général, cela nous convient parfaitement.

L'idée d'un guichet unique, telle que présentée par la présidente du Conseil du trésor dans son message d'introduction à la politique-cadre, est intéressante et utile. L'agence pourrait ainsi guider les sociétés de transport dans la sélection et l'élaboration de partenariats public-privé réussis.

L'agence pourrait même collaborer à des études de faisabilité ou à équiper les sociétés de transport dans tout le processus d'élaboration, voire même de gestion d'un PPP. À cet égard, le Guide d'élaboration du dossier d'affaires du Conseil du trésor est une excellente illustration d'un outil utile aux gestionnaires et administrateurs des sociétés de transport; bref, un outil utile aux décideurs.

Cependant, la lecture des articles 8 et 11 du projet de loi vient contredire cette compréhension que nous pourrions avoir de la mission et du rôle de l'agence. En effet, en créant l'obligation pour les organismes publics de recourir à l'agence, et ce, non seulement pour les études de faisabilité d'un projet PPP mais également pour le choix des partenaires, la négociation et la conclusion des contrats, l'agence passe d'expert-conseil, à l'article 5, à maître d'oeuvre, donc les articles 8 et 11. Elle devient l'autorité, alors que l'organisme public devient le gestionnaire de contrats.

Ce modus operandi peut s'expliquer et être acceptable pour les différents ministères du gouvernement. Les membres de l'ATUQ considèrent pour leur part que la portée des pouvoirs de l'agence, tels que décrits aux articles 8 et 11 ainsi que dans la politique-cadre, constitue une entrave à l'autonomie des organismes publics tels que les municipalités et les sociétés de transport et ouvre la voie à l'ingérence dans la gestion interne de ces organismes.

Par ailleurs, si l'agence détient sans contredit une expertise en matière de PPP, elle ne détient pas pour autant une expertise sectorielle dans tous les champs d'application possibles de ce mode de gestion, notamment le transport collectif. À défaut d'une connaissance pointue du champ d'activité dans lequel se réalise le partenariat, il est peu probable que nous aurons les bons projets, les bons contrats avec les bons partenaires, qui constituent autant les conditions de succès d'un partenariat réussi.

Conséquemment, l'ATUQ recommande de baliser le rôle de l'agence de la façon suivante: conserver intégralement l'article 5 comme énoncé de mission de l'agence en tant qu'expert-conseil; modifier les articles 8 et 11 pour éviter toute ambiguïté et de faire en sorte que d'aucune façon l'agence ne s'approprie les pouvoirs des organismes publics non gouvernementaux, telles les sociétés de transport, et se substitue à ceux-ci dans le choix des partenaires, la négociation, la conclusion et la gestion des contrats de partenariat; une exception pourrait être envisagée lorsqu'il s'agit de projets financés à 100 % par le gouvernement du Québec; l'agence pourrait toutefois collaborer aux études de faisabilité si les organismes publics le souhaitent.

Deuxièmement, l'ATUQ considère que des précisions s'imposent quant au type de projets visés. En effet, l'article 8 est beaucoup trop général en ce qui concerne les types de projets qui doivent être soumis à l'agence par un organisme concerné, c'est-à-dire s'ils «[sont financés], en tout ou en partie, sous quelque forme que ce soit, par le gouvernement ou par l'un de ces organismes».

L'ATUQ propose donc une grille d'analyse comportant certains critères de façon à éviter un recours systématique et inutile à l'agence, ce qui de plus engendrerait selon nous des délais importants de réalisation dans certains projets.

Donc, le premier critère, l'ampleur du projet. Seuls les projets majeurs en termes de coûts devraient être soumis à l'agence. Un ordre de grandeur ou un seuil minimum devrait être établi. Mme la présidente du Conseil du trésor a d'ailleurs déjà reconnu que le projet de loi devrait être amendé pour limiter des PPP visés aux seuls projets majeurs de construction et d'entretien des infrastructures.

Deuxièmement, seuls les projets financés à plus de 50 % par le gouvernement du Québec devraient être soumis à l'agence. Les projets financés à partir de fonds généraux, par exemple, dans le cadre financier actuel du transport adapté ne devraient pas être visés par le projet de loi, puisque la nature même de ces fonds est de laisser à l'organisme public toute la latitude possible dans la gestion des fonds versés. Il en serait de même pour les projets financés, par exemple, par un retour d'une partie de la taxe sur l'essence ou par les droits d'immatriculation.

Bref, lorsqu'un organisme public dispose d'une enveloppe budgétaire discrétionnaire et inconditionnelle provenant du gouvernement du Québec, cela ne doit pas créer d'obligation à soumettre des projets financés à partir de ces fonds à l'agence.

Troisièmement, nous tenons tout d'abord à préciser que, dans notre esprit, le projet de loi vise exclusivement des projets à venir et non ceux en cours, c'est-à-dire pas d'effet rétroactif.

Aussi nous aimerions préciser la notion d'équipement, en présumant que les concepts d'infrastructure et de prestation de services soient relativement clairs.

La distinction s'impose à la lumière du programme d'aide actuel du financement du transport en commun, qui, comme nous l'avons vu précédemment, finance à plus de 50 % les immobilisations qui prennent tantôt la forme d'infrastructures comme la construction du métro de Montréal, tantôt la forme d'équipements comme l'acquisition d'autobus. Or, si la construction d'un métro ou d'un système léger sur rail peut représenter a priori un projet à haut potentiel de PPP, la construction d'un garage ou l'achat d'autobus offrent pour leur part un faible potentiel de partenariat. Il y aura donc lieu d'apporter des distinctions entre un projet d'équipement, tel un équipement culturel comme une salle de concert par exemple, et l'acquisition de biens essentiels à la prestation de base d'un service comme les autobus.

n(16 h 20)n

Conséquemment, l'ATUQ recommande de définir avec plus de précision les types de projets prévus à l'article 8 du projet de loi en ajoutant des critères de sélection ? que l'on comprenne des qualifications ? reliées: à l'ampleur du projet, c'est-à-dire l'importance des coûts; au niveau de contribution du gouvernement du Québec dans le financement, avec notamment un seuil minimum de 50 %; à la nature du projet, surtout en ce qui concerne les équipements.

Finalement, le projet de loi est muet quant aux modifications à apporter dans le cadre législatif pour rendre possibles les PPP.

Sans faire une recension exhaustive des modifications que devrait apporter le législateur pour permettre la conclusion de PPP réussis, nous tenons à souligner qu'un travail important reste à faire en cette matière que nous illustrons par un exemple que nous connaissons bien.

Les règles conventionnelles d'appels d'offres auxquelles sont soumises les sociétés de transport sont incompatibles avec la sélection du meilleur partenaire pour la conclusion d'un PPP, notamment parce qu'elles sont beaucoup trop strictes en matière d'adjudication de contrats.

Conséquemment, l'ATUQ recommande que le Conseil du trésor poursuive avec les organismes concernés, ce qui inclut bien sûr l'ATUQ, un travail de concordance du cadre législatif afin d'apporter des amendements requis au projet de loi avant son adoption finale; et, qu'en ce qui concerne l'assouplissement des appels d'offres, plus spécifiquement la Loi sur les sociétés de transport, que celle-ci soit modifiée à l'article 93, au regard des exceptions à la procédure d'adjudication des contrats de 100 000 $ et plus, en ajoutant une 11e exception qui se formulerait ainsi: «11° dont l'objet est la conclusion d'un contrat de partenariat public-privé».

Voilà, M. le Président, ce qui conclut l'ensemble de nos commentaires et nos remarques, et il nous fait plaisir de répondre aux questions des membres de la commission. Merci.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie beaucoup. Maintenant, Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président et toute l'Association de transport urbain de Québec... du Québec, plutôt, bienvenue et merci de votre mémoire que vous avez fouillé, et manifestement vous avez beaucoup d'expertise dans le transport en commun.

Je veux de suite vous rassurer parce que vous faites référence, à un moment donné, à l'effet que l'agence ne doit pas se substituer aux ministères sectoriels, et parce que c'est là où se trouve l'expertise. Je le répète ? je l'ai dit plusieurs fois ? c'est la raison pour laquelle l'agence va être petite. Il y aura peu de personnes, 12 à 15 personnes, expériences pointues, et il faut manifestement que chaque ministère, en particulier les ministères bien sûr impliqués dans des partenaires public-privé, j'en mentionnerai au moins deux: le ministère des Transports et le ministère de la Santé doivent développer une expertise. Et je vois des gens du ministère des Transports, ils sont là puis ils ont dû me l'entendre dire plusieurs fois qu'ils devaient développer une expertise à l'intérieur de leur propre boîte parce que l'institut ne peut pas se substituer au niveau de l'expertise du transport.

Nous allons manifestement essayer, au niveau de l'agence, de recruter une personne ou deux susceptibles d'aider dans les contrats. Et je suis sûre que le ministère des Transports ou le ministère de la Santé seront très heureux de faire appel à cette expertise-là, et l'intention, c'est de pouvoir coordonner. L'idée de l'agence, c'est de coordonner l'expertise, à l'intérieur du gouvernement, pour que tout le monde marche à peu près dans la même direction quand il s'agit de développer un partenariat public-privé. C'est seulement cette intention-là. Quand je parle de 12 à 15 personnes, vous imaginez que l'agence ne peut pas se substituer à l'expertise au niveau des ministères. Et d'ailleurs, dans la politique-cadre, il est fait mention, et là je vais soulever quelque chose d'important puisque les critères de sélection des projets de PPP s'adressent à des projets majeurs d'infrastructures et de prestation de services. Des projets majeurs.

Or, juste avant vous, il y avait l'Institut des partenariats public-privé ? et je pense que vous étiez dans la salle quand ils ont fait leur présentation ? et M. Le François a été très vigoureux dans son plaidoyer pour que justement on ne limite pas justement l'agence à des grands projets majeurs parce qu'il estime, lui, qu'il va falloir que ça se développe à plusieurs niveaux, les partenariats public-privé. À ceci, je ne pouvais pas répondre, M. le Président, mon temps était écoulé, mais je voudrais dire que, à ce moment-là, il n'y a rien qui empêche les organismes et les ministères de faire des partenariats public-privé pour des petits projets. On n'a pas besoin d'une grande expertise à ce moment-là. C'est des contrats plus faciles, vous avez de l'expérience à les faire, et par conséquent on n'a pas besoin d'une agence. Ces gens-là ont tout à fait l'expertise pour développer ce type de contrats.

C'est quand on tombe dans des contrats très importants impliquant ordinairement des dizaines et des dizaines de millions de dollars, avec un contrat à long terme où il faut que le partage de risques soit bien identifié, puisqu'il y a... Quand on parle de partage de risques, il y a des risques qui sont donnés à l'entrepreneur et il y a des risques qui sont conservés au niveau du gouvernement. Et c'est très important d'en garder, des risques, et je vais vous dire pourquoi: parce que, si on les transfère au secteur privé, ils vont nous charger trop cher. Alors, c'est pour ça qu'on ne les confie pas au secteur privé à ce moment-là. Moi, j'aimerais vous...

Donc, je veux vous rassurer à cet égard. Je veux vous rassurer, et il va falloir, en fin de compte, qu'on prenne une décision. Mais l'agence va être petite. Je maintiens ce discours-là. Elle va pouvoir donner des conseils dans des grands projets, mais elle ne pourra pas servir tout le monde, tout le temps, et être à la disposition de tout le monde... Les ministères vont être là pour faire leur travail, d'accord?

Au niveau... Vous avez mentionné quelque chose: Les contraintes contractuelles incompatibles avec la sélection du meilleur partenaire. Qu'est-ce que vous voulez dire par ça? Peut-être que vous pourriez élaborer parce que vous n'êtes pas les premiers à mentionner ça.

Le Président (M. Bertrand): M. Cannon.

M. Cannon (Lawrence): Je vais peut-être... Je vais me permettre de vous relater une expérience qui est en cours présentement chez nous, là, et qui n'inclut pas les membres de l'association, et peut-être libre à mon collègue le président de Laval de vous en parler.

Il y a, au fait, dans la région de l'Outaouais, un projet qui est un projet quand même extrêmement intéressant pour développer le transport en commun, et ce projet-là s'intitule le Rapibus. C'est un projet qui vise notamment à doter, sur le long d'un corridor, tout près de 30 km, un service exclusif pour un mode de transport à déterminer éventuellement mais aujourd'hui l'autobus.

Nous sommes allés en appel d'intérêt cet été. Nous sommes allés en appel d'intérêt, et cet appel d'intérêt est simplement une indication pour nous de savoir quelle est la réceptivité, quelle est la température de l'eau, comment pourrions-nous justifier éventuellement un partenariat. Nos experts, nos comités ont travaillé sur ce projet-là. Ils ont été capables d'identifier, dans le marché québécois, des firmes qui sont intéressées, qui ont un intérêt. Alors, pour nous, on est maintenant dans une situation où d'abord on doit actualiser bien sûr l'information, procéder à la planification financière de ce projet-là, mais d'abord aussi réfléchir sur le fait: Est-ce que, pour la société de transport, est-ce que, pour notre partenaire qui est le ministère des Transports du Québec, il y a suffisamment d'intérêt pour aller un pas plus loin. Parce qu'on se rappellera qu'une fois qu'on aura actualisé ces chiffres et une fois qu'on aura conduit notre projet à une étape qui sera une étape importante, c'est-à-dire allons-nous en appel d'offres formellement, comme la loi nous le propose, ou est-ce que nous demandons, par exemple, au ministre des Affaires municipales la possibilité de nous désengager de la responsabilité d'aller en appel d'offres formel, et c'est là-dedans qu'on est en train de vous donner cette précision-là.

Au fait, il y a un cadre très rigoureux actuellement qui existe, et, dans le processus, on appelle ou on attire votre attention à ce facteur-là que, si on doit évoluer avec un partenaire éventuellement ? et je dis bien que, dans notre cas à nous, il n'y a aucun lien contractuel, c'est simplement pour déterminer s'il y a une intention ? la prochaine étape serait de déterminer si, oui ou non, on procède par un appel d'offres, «best and final offer», qui va suivre éventuellement, ou est-ce qu'on va dans un autre chemin qui dit que notre partenaire du gouvernement du Québec, le MTQ, est très heureux et très satisfait de la démarche qu'on a déjà engagée et considère que, avec nous, c'est peut-être utile de demander au ministre des Affaires municipales de nous... j'allais dire dédommager, ce n'est pas le terme, mais de nous enlever l'obligation d'aller en appel d'offres. Alors, c'est dans cette optique-là que je le présente.

Pierre peut-être, je ne sais pas, ou... si vous avez...

n(16 h 30)n

M. Giard (Pierre): Non, mais je pense que l'exemple est très bon ici. Il s'agit dans le fond... Je pense que la démarche qui vise d'aller en appel d'offres public et de donner le contrat au plus bas soumissionnaire conforme est excellente et tout à fait appropriée, et pour 99 % finalement de nos opérations, mais il reste que, dans un cas... Et on en connaît relativement peu, de partenariats public-privé, on n'a pas une expérience très grande là-dedans. Mais il nous semble effectivement que, dans les projets où on doit définir avec le partenaire ce projet-là, définir ensemble, bien, effectivement, la notion de plus bas soumissionnaire conforme n'est peut-être pas toujours appropriée.

Le Président (M. Bertrand): Merci. Mme la ministre.

Mme Jérôme-Forget: Vous savez, ce matin, ce dont vous parlez finalement, c'est du dialogue compétitif. C'est un grand mot, là, mais ça veut dire essentiellement que vous devez aller en appel d'offres parce que ce que vous proposez, là, c'est de vous désengager de la responsabilité d'aller en appel d'offres et de plutôt dialoguer avec un partenaire pour développer une proposition.

Dans un PPP, c'est le contraire: on définit ses besoins, ce que l'on veut, et ensuite on va en appel d'offres. Et une fois qu'on a défini ce qu'on voulait, là, à ce moment-là, c'est là qu'on choisit le partenaire avec qui on va travailler, et là se développe également le dialogue compétitif, c'est-à-dire une possibilité de dialoguer avec votre partenaire pour être sûr que le produit... parce que, des fois, quand on commence à aller en appel d'offres, on a parfois oublié des volets. C'est pour ça que tout à coup... puis, dans bien des cas, les gens reviennent après, alors que, s'il y avait eu un dialogue compétitif, comme il se fait en Europe de façon... beaucoup, beaucoup, beaucoup, et la Grande-Bretagne, qui était contre, le fait maintenant, justement parce qu'elle s'est rendu compte qu'il y avait des vertus tout à coup à se parler, de grandes vertus à se parler. Mais on ne peut pas se soustraire de l'appel d'offres dans un partenariat public-privé. Ça, ça s'appelle... c'est une autre formule, des contrats de gré à gré dans le fond, à bien des égards, où vous développez une approche, mais en principe le PPP fait appel à de la concurrence. C'est ça, le fondement d'un partenariat public-privé. Il faut qu'il y ait de la concurrence. Et d'ailleurs, dans certains grands, grands, grands projets, il n'y a pas suffisamment de concurrence. Alors là, c'est problématique. Quand il n'y a pas de concurrence, c'est problématique. J'ai fini mon temps, M. le Président? Je vais me faire disputer.

Le Président (M. Bertrand): M. Cannon, commentaires?

Mme Jérôme-Forget: Oui, tu l'enlèveras sur mon temps.

M. Cannon (Lawrence): J'allais simplement dire, M. le Président, que je suis tout à fait et pleinement d'accord avec le processus tel que décrit par la ministre. Cependant, l'écueil qui peut exister, c'est qu'on a toujours l'obligation d'aller chercher le soumissionnaire le plus bas, et souvent, et parfois ? je dis souvent ? parfois, ça peut créer des problèmes, et je pense que vous en êtes déjà sensibilisé, là, à cette chose-là.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Merci, M. le Président. D'abord, saluer nos amis de l'Association du transport urbain du Québec, M. Cannon, que je connais bien, qui est de l'Outaouais et qui oeuvre de façon continue dans le transport en commun, depuis quelques années, dans cette région, messieurs, madame. Juste me raccrocher quelques minutes ? je ne veux pas passer toute ma période là-dessus ? sur le fameux dialogue compétitif dont on parlait tout à l'heure. Il faut bien que la ministre aussi soit consciente que ce n'est pas si simple, et d'ailleurs tout ce qui s'est écrit sur le dialogue compétitif comporte énormément de problèmes.

Prenons simplement un cas que vous allez bien comprendre: Vous allez en appel d'offres, bon, le plus bas soumissionnaire retenu pour la qualité et le montant, vous entrez en dialogue avec lui, mais, pendant le dialogue, on s'aperçoit que ça exige des coûts supplémentaires, et le projet prend plus d'ampleur. Bien, il est arrivé au Chili, il est arrivé dans plusieurs pays que le deuxième soumissionnaire, qui au départ a été rejeté et qui avait soumissionné, lui, en tenant compte des contraintes qu'il avait, intente un procès contre le premier. Alors, le dialogue compétitif doit être géré avec beaucoup de prudence. Ce n'est pas pour rien que plusieurs pays ont été très, très, très réticents; d'autres y sont allés beaucoup plus. L'Italie, par exemple, a une formule assez bizarre mais qui, semble-t-il, donne certains résultats; l'Angleterre maintenant commence à s'y mettre, commence à s'y mettre. Mais ça demande un encadrement juridique, une prudence incroyable, parce que ce qu'a dit la ministre tout à l'heure est tout à fait exact, que l'on aime les PPP ou pas, qu'on soit favorables à leur implantation, on n'est pas là, là. Le point de départ, c'est d'abord qu'il y ait plusieurs soumissions à un appel d'offres régulier, qu'il y ait compétition parce qu'autrement le mode traditionnel va rapidement reprendre la place. Parce que les critères sur lesquels on doit baser un jugement doivent être des critères comparatifs, sinon vous voyez tout de suite les dangers que cela impliquerait de sortir du régime de la compétition.

Ceci dit, et nous l'avons dit plusieurs fois, Mme la présidente de Conseil du trésor l'a dit plusieurs fois, et, ayant occupé ses fonctions, je peux confirmer que c'est exact, le plus bas soumissionnaire, c'est une obligation, il nous faut y passer, c'est nécessaire mais ce n'est pas toujours la garantie qu'au bout de la ligne, au bout de la réalisation, c'était la meilleure formule et qu'on est arrivés au meilleur résultat. Mais ça, c'est un long débat, c'est complexe, parce que comment en sortir, hein? On connaît tous les défauts de la démocratie mais on est tous d'accord pour dire que c'est le moins mauvais de tous les systèmes. Mais on peut dire presque la même chose des appels d'offres et du plus bas soumissionnaire, en l'aménageant le mieux possible, ça reste le moins mauvais, et, dans le cas des PPP, on ne peut même pas imaginer qu'il ne puisse pas y avoir compétition.

Bon, ceci étant dit, vous mentionnez, au début de votre mémoire, que vous avez élaboré un processus de gestion unifiée des contrats d'autobus et d'achats regroupés qui, dites-vous, est unique en Amérique. Pouvez-vous nous en dire davantage et nous parler des résultats que vous avez obtenus avec ce nouveau mode de gestion?

M. Cannon (Lawrence): Merci, M. le député, pour vos paroles très encourageantes à l'endroit de notre industrie. Je vais demander à Mme Léveillé, qui est notre secrétaire générale et qui veille justement à cette transaction-là et ces tâches-là, de vous expliquer le processus.

Mme Léveillé (Monique): En fait, je vais faire ça très simplement et rapidement. C'est que les neuf sociétés de transport commandent conjointement les autobus dont elles ont besoin. Actuellement, nous avons eu un projet pilote, entre 2000 et 2002, et actuellement nous sommes sur un contrat 2003-2007, alors c'est-à-dire que les neuf sociétés de transport s'assoient, passent leurs commandes d'autobus, leurs spécifications, travaillent à l'élaboration du cahier de charges puis du devis conjointement, en collaboration, le contrat est octroyé et tout le suivi contractuel, la surveillance de la qualité des autobus, un par un, qui sortent de l'usine, se fait par une équipe dédiée à la gestion de ce contrat-là et payée par l'ensemble, au prorata du nombre d'autobus achetés par l'ensemble des sociétés participantes. Et c'est une expérience unique en Amérique du Nord, on est beaucoup sollicités, notamment par l'Ontario et d'autres provinces canadiennes, pour leur partager notre recette et notre mode d'emploi. Actuellement, c'est la STM qui fait l'achat pour et au nom de l'ensemble des neuf sociétés, et c'est également une entente de services entre la STM, qui évidemment a les ressources, la compétence et l'expertise, qui agit pour et au nom, à partir d'une entente avec les huit autres sociétés, pour gérer ce contrat-là.

Le Président (M. Bertrand): Merci. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Comme l'achat de ces équipements évidemment relève de subventions majeures de l'État, je pense que c'est 70 %...

Mme Léveillé (Monique): L'achat des autobus est subventionné à 50 %.

M. Simard: Donc, si le ministère des Transports est impliqué, dès le départ aussi, dans votre processus et ses achats...

Mme Léveillé (Monique): Le ministère des Transports siège, on a un comité qui s'appelle le comité d'acquisition d'autobus, auquel comité siège effectivement un représentant du ministère des Transports.

M. Simard: Très bien, merci. Vous mentionnez avec beaucoup de pertinence, dans votre mémoire, que le concept des PPP est mal compris, mal défini et très galvaudé. Vous écrivez ça, j'imagine que vous n'avez pas écrit ça à la légère. Vous résumez ainsi très bien un constat que, nous, on a entendu régulièrement. On est à la fin de la deuxième semaine de consultations et s'il est un constat que nous avons bien compris, c'est celui-là. Vous relevez même que la définition inscrite dans la politique-cadre n'est pas la même que celle qui apparaît au texte du projet de loi. Nous aussi, on voit très régulièrement un décalage entre le discours de la ministre, la politique-cadre et le texte, le libellé de la loi. La ministre nous a dit clairement, par exemple, que la gestion déléguée et les sociétés d'économie mixte, ce ne sont pas... ? et a parfaitement raison, en tout cas dans ce type de définition ? ce n'est pas des PPP, alors que vous êtes, vous, d'avis contraire et vous avez une définition donc beaucoup plus large. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus?

n(16 h 40)n

Le Président (M. Bertrand): M. Giard.

M. Giard (Pierre): Il faut regarder effectivement, surtout si on définit les PPP comme étant associés essentiellement à de grands projets, de grands projets majeurs d'infrastructures, dans ce cas-là on pourra dire effectivement que la gestion déléguée ou les sociétés d'économie mixte ne correspondent peut-être pas effectivement à des partenariats dans ce sens-là. Cependant, effectivement, ce sont quand même des expériences intéressantes d'association avec le secteur privé pour livrer le service.

M. Simard: Oui, mais vous allez plus loin que ça, vous recommandez de définir avec plus de précision le type de projets prévus à l'article 8. Vous voulez les lier, ces définitions, à l'ampleur du projet, au niveau de contribution du gouvernement, à la nature des projets. Concrètement, vous qui êtes sans doute des gestionnaires, vous êtes des gestionnaires de réseaux complets, là, comment vous voyez ça?

M. Cannon (Lawrence): Mme Léveillé.

Mme Léveillé (Monique): Je reviens sur le concept galvaudé, mal compris, mal défini. M. Cannon, notre président, dans son allocution, a précisé que nous avons mis sur pied, à l'intérieur de l'association, un comité des PPP dont fait partie M. Giard effectivement en tant que D.G.

Et le premier constat que nous avons fait, et si nous pourrions faire l'expérience ici, c'est qu'en faisant un tour de table de chacun des participants, personne n'arrivait à la même définition de ce qu'est ou n'est pas un PPP. La première tâche qu'on s'est donnée...

M. Simard: Rassurez-vous, hein!

Mme Léveillé (Monique): La première tâche qu'on s'est donnée, c'est de tenter de bien cerner de quoi on parle. Parce que, quand on parle du projet de loi de l'agence qui touche les PPP, il est donc important que les gens conviennent, c'est la base même de l'objet du projet de loi, qui est de dire: Qu'est-ce qu'un PPP? Et les définitions qui sont là sont celles qui nous ont semblé... on a trouvé qu'il n'y avait pas, dans la littérature de gestion, dans les lois, il n'y a aucune définition universelle convenue ni par les universitaires, ni par les chercheurs, ni par les praticiens. Celle qui nous semble être la plus évidente est en fonction des types de contrats. Et, à ce moment-là, ça comprend la gestion déléguée et ça comprend l'affermage, la concession, etc. Alors, la définition que, nous, on retient, c'est la définition en fonction des types de contrats existants.

Le Président (M. Bertrand): Courte question, M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui, oui, je vais juste terminer parce que, si ça se réalise, ça passera près de chez moi, j'en serai très heureux.

M. Cannon, ça a donné quoi, l'appel d'intérêt, là? Essayez de me dire où vous... Il n'y a pas de journaliste du Droit dans la salle, là.

M. Cannon (Lawrence): Ça va me faire plaisir de vous faire parvenir le communiqué de presse, mais, en gros, l'appel d'intérêt a conduit à la mise sur pied bien sûr d'un comité d'experts, à l'intérieur de notre société, auquel comité étaient joints des gens du milieu municipal. Et on a eu tout près d'une demi-douzaine, sinon une dizaine, là, de personnes intéressées, de regroupements intéressés à apposer leur intérêt, pour ainsi dire.

Je vous dirai que, de l'ensemble des propositions qui ont été déposées, il y en avait qui étaient téméraires, timides, il y en avait d'autres qui étaient pleines de bon sens. Et c'est ainsi comme ça dans la vie, d'ailleurs.

M. Simard: Le nombre de propositions que vous avez reçu?

M. Cannon (Lawrence): Alors, le nombre de propositions. Finalement, le comité s'est penché sur trois propositions qui étaient plus sérieuses que les autres.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Hull.

M. Cholette: Merci, M. le Président. Chers collègues, Mme Léveillé, M. Beldié, M. Giard et M. Cannon, collègue de l'Outaouais, conseiller municipal, président de la STO, mais un autre titre, aujourd'hui, que vous allez me permettre de vous donner...

Une voix: ...

M. Cholette: Pardon?

M. Simard: Ancien député libéral aussi.

M. Cholette: Ancien ministre libéral.

Une voix: Ancien ministre, c'est vrai. Ah, c'est vrai!

M. Cholette: Oui, ancien ministre des Communications, ancien député. Mais le titre le plus important, c'est collègue papa de hockey. Nous nous côtoyons dans les arénas de l'Outaouais à chaque fin de semaine. D'ailleurs, vous ferez lire les galées à votre enfant, votre fils Sacha, qui est un éminent gardien de but au niveau atome et qui a une belle carrière devant lui. Et félicitations à son père qui s'en occupe merveilleusement bien. Bon.

Le Président (M. Bertrand): Il arrive qu'on laisse passer certaines choses comme ça.

M. Cannon (Lawrence): Je tiens simplement à dire, M. le Président, qu'il a un excellent coach en la personne de cet ancien joueur de la Ligue junior majeur du Québec, qui est le député de Hull et gardien de but.

Une voix: Bon. Alors, les civilités étant complétées...

M. Cholette: Bon. Mon Dieu! Écoute, ça va bien. Ça va bien, nos affaires. Bon.

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand): C'est la journée des découvertes. Alors, est-ce qu'on peut passer...

M. Cholette: Alors, je serai gentil dans mes questions. Bon. Écoutez, premièrement, merci pour le mémoire. Je vois qu'il y a plusieurs messages de lancés dans le mémoire. Je suis heureux que vous nous ayez parlé, M. Cannon, du projet Rapibus qui peut-être pourrait être un des projets novateurs en matière de partenariat. Moi, je prends bonne note de votre préoccupation sur la question de définition. D'ailleurs, c'est la question que je posais tantôt: Est-ce que c'est bien important de définir ça très finement dès le départ? Je l'ignore, mais la question doit être posée.

J'ai quelques questions notamment sur le rôle de l'agence. Ce que je semble comprendre, c'est que vous souhaitez vraiment que l'agence occupe un rôle de conseil auprès des intervenants. Puis, en ce qui a trait à la coercition de l'obligation de faire appel à l'agence, vous ne semblez pas très chaud à cette idée-là, si je comprends bien.

M. Cannon (Lawrence): M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): ...excuse, excusez.

M. Cholette: Bien, dans cette optique-là, peut-être m'expliquer comment vous verriez le rôle de l'agence et la relation de l'agence, par exemple, avec le projet Rapibus?

Le Président (M. Bertrand): Je m'excuse, M. le député. Alors, M. Cannon.

M. Cannon (Lawrence): Je dois dire, M. le député, là, que je suis rassuré par les propos de la ministre lorsqu'elle dit que l'expertise sectorielle du ministère des Transports va demeurer l'expertise sectorielle du ministère des Transports, tout comme l'expertise dans la santé va demeurer dans la santé. Et, à cet égard-là, le rôle que j'ai bien compris, là, que la ministre nous dessinait, c'était un peu dirigé vers ce rôle d'expertise et de conseil auprès des partenariats à développer. Donc, je suis rassuré de ce côté-là, M. le député.

Le Président (M. Bertrand): Merci. M. le député de Hull.

M. Cholette: Maintenant, en ce qui a trait à l'actualisation d'un projet, si je prends encore pour discuter l'exemple concret du Rapibus... Dans votre appel d'intérêt, est-ce que la question de la gestion... de l'opérationnalisation de la flotte, de la gestion, est-ce que c'était délégué au secteur privé ou est-ce que la maîtrise d'oeuvre demeurait publique en termes de gestion, en termes d'employés, en termes de livraison de services?

M. Cannon (Lawrence): Nous ne sommes pas allés aussi loin que ça, parce qu'au fait ce que nous avons voulu faire, c'est simplement grâce à l'étude de faisabilité qui a été complétée il y a de cela six mois... On a voulu simplement prendre l'étude de faisabilité et de dire à ces gens qui sont intéressés: Voici une étude de faisabilité d'un projet d'une infrastructure, nous sommes intéressés de savoir si, oui ou non, il y a un intérêt de participer tant financièrement au projet que d'autres façons. C'est uniquement ça. Nous ne sommes pas allés dans le détail que vous avez décrit, M. le député. Au fait, comme il n'y a pas de lien contractuel qui existe entre la société de transport, à l'heure actuelle, et le consortium qui a été formé, il ne nous est pas apparu, comme conseil d'administration, de cautionner telle démarche ou telle autre. Cependant, l'association a, là, une position plutôt sur ces questions qui touchent les opérations.

Et peut-être que mon collègue M. Beldié, là, peut donner suite à ça. Il y a eu des suggestions qui ont été regardées à l'intérieur de nos assises alors que mon collègue terminait sa présidence, et ça faisait suite évidemment au rapport des trois mandataires, la concurrence balisée, ce genre de chose là. Et je laisse à mon collègue le soin d'y aller un petit peu plus loin dans ce domaine-là, là.

Le Président (M. Paquet): M. Beldié.

n(16 h 50)n

M. Beldié (Jean-Jacques): Oui, M. le Président, merci. Évidemment, ça fait plusieurs années qu'on en parle, et on a parlé de concurrence balisée. La concurrence balisée, c'est quoi? En fait, c'est de soumettre, disons, une desserte de services au privé. Maintenant, il faut que ce soit balisé dans le sens qu'il ne faut pas qu'il y ait de mises à pied, il faut que ce soit évalué avec les gens qui existent, notre personnel, et voir s'il y a réellement des économies. Alors, évidemment, on n'en est pas rendus là parce que ça n'a pas été retenu. C'est toujours un projet qui a été mis sur la table, d'ailleurs. Maintenant, on attend de voir ce que vous allez nous offrir dans les PPP, voir s'il y aura des possibilités de regarder, parce que c'est sûr qu'on dit que ce n'est pas une panacée à tous nos problèmes. Tout projet au fond qui pourra améliorer la productivité de nos sociétés, on voudrait le regarder. On est en mesure de le regarder s'il y a possibilité d'amélioration de productivité. Peut-être qu'en Outaouais c'est différent, peut-être que chez nous un projet pourrait être acceptable et qu'il ne serait pas acceptable ailleurs. C'est un petit peu ça.

Le Président (M. Paquet): Merci beaucoup. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui. Simplement pour d'abord vous dire que les projets que vous mettez sur la table sont intéressants. Et certaines réalisations, qui ne sont pas des PPP mais qui sont des partenariats réels comme ceux du regroupement d'achats, me semblent extrêmement porteuses.

Dans votre mémoire, vous passez, je pense que c'est à la page 8, vous dites: «l'agence passe d'expert-conseil à maître d'oeuvre». Vous avez lu le projet de loi, est-ce qu'il est expert-conseil, comme nous le dit la ministre, ou est-ce qu'il est maître d'oeuvre? L'agence, est-ce qu'elle joue un rôle actif au point de signer les contrats et gérer ensuite l'opération ou est-ce qu'elle n'est qu'agence-conseil dans votre esprit?

Le Président (M. Paquet): M. Cannon.

M. Cannon (Lawrence): Oui. Dans notre cas à nous, ce que nous souhaitons, M. le député, c'est que l'agence joue le rôle d'expert- conseil. J'ai eu l'occasion, lorsque M. le député de Hull a posé la question, de dire que, suite à l'intervention de la ministre, je me sentais rassuré. Je crois que notre association va être rassurée dans la mesure où l'expertise va encore se retrouver dans les ministères, va encore se retrouver dans nos sociétés de transport, et un véritable partenariat justement doit faire la symbiose entre les deux. L'agence ne devient pas un autre organisme, selon ce que je comprends, qui aura à prodiguer ou à fournir une expertise. Elle pourra servir de guide, elle pourra prodiguer des conseils, elle pourra nous informer, elle pourra nous renseigner. Ça, c'est quelque chose que nous définissons comme expert-conseil. Nous ne souhaitons pas fondamentalement que l'agence soit autre chose que cela.

M. Simard: Oui. Je pense que votre souhait est tout à fait légitime. J'y souscris. Mais vous avez comme moi constaté que, dans le libellé actuel du projet de loi n° 61, ça allait bien au-delà de ça. Vous vous dites rassuré par les propos de la ministre. Nous verrons lorsque nous verrons le libellé définitif, n'est-ce pas, du projet de loi.

Vous mentionnez que le cadre législatif ? c'est assez général ? le cadre législatif n'est pas adapté au PPP. Qu'est-ce que vous entendez par là?

Le Président (M. Paquet): M. Cannon.

M. Cannon (Lawrence): Bien, je pense que c'est essentiellement ce que nous avons décrit il y a quelques instants, ce que M. Giard a référé en termes de PPP. On a besoin... et j'espère justement que le processus parlementaire à travers lequel l'Assemblée nationale procède va permettre de préciser ces réflexions-là, va permettre d'offrir un projet de loi qui va enlever l'équivoque que vous soulevez, M. le député. Quant à nous, lorsqu'on parle du cadre législatif, on parle du cadre législatif dans la mesure où on souhaiterait précisément être capables de bien délimiter la responsabilité de tous et de toutes. Vous comprendrez ? et vous le savez fort bien ? que, moi, je suis un élu municipal; mon collègue, M. Beldié, est un élu municipal; et que les municipalités bien sûr trouvent qu'il y a là, dans l'intention du projet de loi, possiblement une ingérence dans une autonomie que nous souhaiterions totale pour les municipalités. Il va de même pour les sociétés de transport. Mais on comprend aussi et réalistement que l'objet fondamental du projet de loi n'est pas de déterminer si, oui ou non, un est autonome par rapport à l'autre. L'objet fondamental du projet de loi est d'être capable de trouver d'autres moyens pour financer des projets structurants dans notre collectivité, pour continuer la poursuite de ce que notre association fait si bien auprès de ses commettants.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard: J'en conclus que, comme élu municipal, comme la Fédération des municipalités, comme l'Union des municipalités, comme la ville de Longueuil, la ville de Québec, vous êtes très prudents et vous ne souhaitez pas être soumis obligatoirement à l'agence dans vos formes de partenariats public-privé que vous entretenez au plan municipal.

Le Président (M. Paquet): M. Cannon.

M. Cannon (Lawrence): On a formulé un certain nombre de recommandations. On a parlé évidemment de la grosseur, de l'ampleur des projets, on a demandé à ce qu'il y ait des critères précis qui soient en place pour que l'on puisse évidemment procéder. Mais c'est clair que, au niveau municipal, peu importent les gouvernements qui se sont succédé, et même si j'ai fait partie d'un gouvernement, il n'en demeure pas moins que les municipalités sont des institutions politiques, sont des organismes où démocratiquement les gens qui s'y trouvent sont élus, et ils ont eux aussi le droit au respect, et au partenariat, et à l'autonomie.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Non, je vais terminer là-dessus, et tout en remerciant évidemment à nouveau nos amis, qui nous ont présenté un mémoire extrêmement intéressant, et évidemment en saluant plus particulièrement Lawrence Cannon, conseiller d'une grande ville fusionnée qui réussit très bien.

Le Président (M. Paquet): Alors, au nom de la Commission des finances publiques, je vous remercie. Félicitations spéciales à MM. Beldié et Giard, de Laval, bien sûr. Je ne pouvais m'en empêcher, bien sûr. Et je remercie donc l'Association du transport urbain du Québec, représentée par M. Cannon, M. Beldié, M. Giard et Mme Léveillé, pour votre participation à nos travaux.

Je suspends les travaux de la commission pour quelques instants afin de permettre à nos prochains invités de se joindre à nous.

(Suspension de la séance à 16 h 57)

 

(Reprise à 17 heures)

Le Président (M. Paquet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, au nom de la Commission des finances publiques, je vous souhaite la bienvenue. Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association des architectes en pratique privée du Québec. Alors, M. Richard Birtz, qui est président, veuillez présenter ceux qui vous accompagnent et bien sûr vous pourrez commencer la présentation de votre mémoire. Nous vous remercions, nous savons qu'il y a eu des changements d'horaire et que ce n'est pas facile à gérer pour tout le monde, et nous vous remercions de vos accommodements.

Association des architectes
en pratique privée du Québec (AAPPQ)

M. Birtz (Richard): Merci. Alors, on remercie la commission, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, d'avoir accepté notre demande de présentation. Alors, je me présente. Moi, je suis Richard Birtz, architecte. J'étais président de l'association jusqu'à vendredi passé et j'étais responsable du mémoire que nous avons déposé. Jacques Bélanger, architecte, qui est avec moi, est le nouveau président de l'association, était actif à l'association depuis plusieurs années. Alors, nous sommes ici pour faire notre présentation et pour répondre aux questions, s'il y a lieu.

En gros, on peut commencer en disant que, les PPP, notre association n'est pas contre. C'est une formule de réalisation de projets qui naturellement peut mener à de très beaux et très grands succès, alors on ne peut pas être contre. On travaille, les architectes travaillent avec l'entreprise privée et avec le public, le gouvernement, et on a l'habitude de travailler avec les deux. Si les deux se joignent dans une entente bien faite, nous ne pouvons être contre.

Je vais un petit peu résumer ce que c'est, l'AAPPQ, pour que vous sachiez si on représente bien la profession et qui nous sommes. Alors, l'Association des architectes en pratique privée existe depuis près de 30 ans, c'est-à-dire 1977. C'est une association qui n'est ni plus ni moins qu'un syndicat. Avec la loi sur les professions, il y a l'Ordre des architectes qui représente le public et qui a l'obligation de défendre le public. Nous, nous sommes là pour conseiller les gens en pratique privée, ce que l'ordre ne doit pas faire normalement, et maintenir des échanges et des relations entre les pratiquants. Actuellement, on représente... C'est libre, ce n'est pas obligatoire de faire partie de l'association, alors il y a à peu près 70 % des firmes d'architectes qui sont membres de notre association, 317 bureaux environ qui comptent à peu près près de 500 architectes et à peu près 1 500 employés.

Le revenu moyen d'une entreprise ? puis vous allez être étonnés, c'est petit, notre profession, au Québec ? à peu près 250 000 $ par année, par entreprise. Les argents qui sont reçus en honoraires pour l'ensemble des 2 600 architectes au Québec sont de l'ordre de 290 millions par année, ce qui est quand même vraiment pas beaucoup. Si on regarde au travers le Canada, il y a 1,8 milliard d'honoraires, et nous n'en touchons que 16 %, même si on représente une grosse partie de la population. Les activités économiques en construction sont beaucoup plus fortes ailleurs, puis je vous laisse deviner que c'est en Ontario. Mais quand même les architectes québécois demeurent, la plupart du temps, au Québec.

Il n'y a pas beaucoup d'architectes qui sortent par année. Le stage en architecture est très long, trois ans après quatre ans et demi d'études, et un examen nord-américain qui est très complexe. Alors, c'est assez pour en décourager quelques-uns. Les architectes, vous le savez, vivent aux crochets de l'économie directement. Alors, les années creuses sont épouvantables, dans les années quatre-vingt, début quatre-vingt et début quatre-vingt-dix, et on sent une petite récession déjà, là. Il y a eu six très bonnes années. Alors, j'essaie de seulement vous décrire un petit peu le... Dans le mémoire qu'on a déposé, vous avez un résumé de ça, mais quand même... Alors, les architectes québécois font en moyenne 55 000 $ de revenus par année. Ça inclut les patrons là-dedans, c'est une moyenne. Mais ça n'empêche pas que c'est un métier, une profession qui est tellement fascinante que les gens y restent, continuent à travailler là-dedans, il y en a 2 600 au Québec.

Alors, ce qu'on dit dans notre mémoire et ce que je veux résumer un petit peu, c'est que, pour une commande traditionnelle, l'architecte consacre à peu près 75 % de son temps à faire de la conception. Quand je dis traditionnelle, que ce soit pour un privé ou pour le public, 75 % de son temps à faire la conception. Alors, c'est quand même son travail. Et, lorsqu'on parle de partenariat, c'est sûr qu'on commence, les architectes commencent à avoir des craintes sur comment ça va être géré, cette agence-là.

Alors, le point un dont je veux parler, qui serait les problématiques: une relation architecte-usager biaisée sinon inexistante. On ne dit pas que c'est ça que ça va devenir, on dit que c'est ça qu'il ne faut pas que ça devienne. L'architecte travaille très près de son client, que ce soit un client privé ou un client public. Et, du début à la fin, du moment où le client commence à penser un projet, l'architecte est présent. Il ne faut pas que cette présence-là soit perdue parce que le client définit avec l'architecte son programme, le précise avec les usagers, implique l'architecte dans le développement de fiches techniques qui vont compléter les demandes, les besoins. L'architecte commence des esquisses qu'il présente au client, et ces esquisses-là font partie d'un processus d'analyse, d'évaluation. Il ne faut pas que ça, ce soit perdu parce que le partenariat qui est intéressant économiquement est mal lancé. Alors, ce qu'on dit, c'est que la présence de l'architecte dans tout le processus, comme il le fait actuellement dans les projets gouvernementaux, doit demeurer parce que ce sont des biens publics, parce que le... Il y a un partenariat, mais c'est quand même des argents publics, des biens publics. Il faut que ce soit géré et réalisé aussi bien que ça l'est en formule conventionnelle. Donc, la relation de client doit être maintenue et gardée en totalité.

Il ne faut pas non plus que l'État s'imagine que le partenaire privé soit chargé, puisse se charger d'engager l'architecte à meilleur prix. Ce serait la pire chose à faire. Les partenaires privés, même s'ils sont corrects ? et c'est sûr qu'au Québec il va s'en créer des intéressants ? ont cette tendance naturelle à ne viser que l'argent, faire de l'argent. Ils sont là pour ça, de toute façon. Par définition, ils sont là pour faire de l'argent. Si le mandat leur est confié d'engager les architectes, à notre avis c'est foutu. La première place où il va essayer d'économiser, c'est là. La première dépense qu'il a à faire, c'est de payer ses architectes et ses ingénieurs, alors il va dire: C'est là que j'économise, je ne chercherai pas la qualité mais l'économie. Ce qu'on vous dit, c'est: Il faudrait que l'État continue à se charger des relations architecte-client. C'est eux qui vont être le client, c'est eux qui vont être pris éternellement ou très longtemps avec le bâtiment.

On l'a déjà vécu dans les années soixante-dix dans des HLM ? je vous rappelle, j'ai l'âge de pouvoir y avoir participé ? où les promoteurs étaient invités, avec un cahier de huit pages, à engager les architectes. Je vous avoue que ça a été abandonné après trois ou quatre ans. L'agence ne dit pas qu'elle va faire ça. Nous, on vient vous rencontrer pour être sûrs que ce ne sera pas une deuxième tendance vers cette erreur-là qui avait été faite dans les années soixante-dix. Ça a été fait aussi un peu plus tard, dans les années quatre-vingt, avec d'autres formes de bâtiments.

Le partenariat public-privé, ça se fait et ça se fait très bien, mais à la condition que l'usager, celui qui est l'utilisateur, ait le contrôle sur le développement des plans et les réalisations du bâtiment. Que le partenaire privé soit un partenaire économique, un partenaire qui peut avoir de l'imagination, un gestionnaire de haut calibre et un constructeur de haut calibre, avec des idées, mais tout le développement du projet doit être maintenu par le secteur public, qui travaille pour ses citoyens.

Ce qu'on note aussi, c'est que l'expertise québécoise pourrait être menacée. Il est sûr que, dans des gros dossiers, quand on parle de dossiers de 100 millions, 200 millions, le gouvernement n'aura pas le choix que de recevoir des offres de l'étranger. Il n'y a pas de partenaire ici, au Québec, qui est capable de faire ça. On n'a rien contre les argents étrangers. Que l'argent vienne de l'Angleterre, où il s'est fait, depuis 1992, des projets PPP, ça n'a pas d'importance; l'argent, ça peut venir de n'importe où. Sauf que, s'ils arrivent avec leurs formules et leurs architectes anglophones puis qu'ils cherchent des architectes québécois pour étamper les plans que les Anglais auront faits, on va perdre énormément sur l'expertise québécoise.

L'expertise québécoise est reconnue mondialement, les architectes québécois sont reconnus. Il y a des architectes québécois qui ont gagné des grands concours internationaux, et il y en a encore. Alors, on est convaincus qu'il doit y avoir une attention particulière de portée sur le fait de conserver et protéger l'expertise québécoise. C'est une tendance... Si les Américains viennent investir ici, puis les Anglais, ils vont avoir une forte tendance d'arriver avec leurs professionnels. Il y a des lois qui protègent, mais en autant qu'ils s'associent à... qu'ils paient un architecte pour signer des plans, pour être partenaire avec eux. Ça ne veut pas dire que ça garantit une... ce n'est pas une menace pour l'expertise québécoise.

n(17 h 10)n

L'autre point qu'on soulève, on dit: Également, si une partie de la responsabilité de l'architecture, du développement du projet était confiée à l'entreprise privée, on arrive à un cul-de-sac, une question de responsabilité professionnelle qui n'est pas réglable. L'architecte qui est payé par le promoteur, engagé par le promoteur, choisi par le promoteur, les intérêts de qui il défend au bout de la ligne? Alors, ça devient un non-lieu. Il ne peut pas dire: Je suis responsable du bâtiment public, mais ce n'est pas le public qui me paie, c'est le promoteur, ici, qui va être en arrière de mon épaule puis, à tous les jours, va dire: Coupe, coupe, coupe, moi, je veux faire de l'argent. Alors ça, la responsabilité professionnelle, on ne veut pas non plus l'abandonner. On a toujours eu une responsabilité professionnelle, ça coûte très cher en assurances, disons que... et, par contre, on y tient, à notre responsabilité. Elle est obligatoire au Québec. Certaines provinces, elle n'est pas obligatoire. Alors, pour garder la responsabilité de l'architecte, il est primordial que ce soit le partenaire public qui l'engage, et qui lui passe les commandes, et qui le paie directement. À ce moment-là, l'architecte a les mains libres pour s'assurer de la qualité et non de l'argent que le promoteur met dans ses poches.

Encore là, je vous ramène dans les années soixante-dix, parce que je l'ai vécu et que beaucoup de mes confrères et consoeurs l'ont vécu. C'était épouvantable parce que: Coupe, coupe, coupe, puis sinon je ne te paie pas, puis je te mets dehors, puis le dernier chèque, tu courras après. Tu n'as pas assez coupé, et on s'en fout, de la qualité. Arrête de nous parler du patrimoine, arrête de nous parler de la... Ce n'est pas ça. Ça se fait très bien, ça se fait très bien, ça s'est fait. Il y a un hôpital qui vient de se réaliser en Ontario actuellement, et c'est le gouvernement qui a payé les architectes, qui les a engagés, et ça s'est très bien réalisé.

Alors, les responsabilités ne doivent pas être partagées, elles doivent être totalement... Ou, si elles sont partagées, pas au niveau de la responsabilité professionnelle de l'architecte ni... Ce qu'on dit au point 5, un appauvrissement du patrimoine. Il ne s'est pas fait des grandes oeuvres architecturales à grands frais au Québec. On a décrié la Caisse de dépôt il n'y a pas longtemps. C'est un projet tout à fait particulier. On pourrait en parler longuement, je ne veux pas rentrer dans ce dossier-là. Mais l'architecture québécoise, elle est de qualité. L'architecture contemporaine, je veux dire, là, la restauration aussi. Quand on se promène à Québec ces temps-ci, là, on voit qu'il y a eu beaucoup d'efforts de faits, et c'est... Alors, tant au niveau de la restauration que de l'architecture nouvelle, elle est de qualité, contrôlée au niveau du coût et sobre. On n'a pas de grands déploiements épouvantables. Il peut y avoir eu des exemples. Quand on a engagé un Français pour venir faire le Stade olympique, ça a été clair et net. On ne rentrera pas non plus dans ce détail-là. Mais, en général, nous pouvons être fiers de faire beaucoup avec peu, de construire de façon économique, de réaliser des choses intéressantes.

Si on prend encore l'exemple du métro de Laval où il y a un marasme épouvantable, je demeure convaincu que les stations de métro dans lesquelles les architectes ont été impliqués n'ont pratiquement pas de dépassement budgétaire. Ce n'est pas là, l'argent, qu'il est. Alors, on a quand même la réputation ? et on veut la maintenir ? d'être capables de faire avec peu beaucoup d'architecture intéressante, et durable, et pas facile à réaliser à cause de notre climat. Alors, je le répète, on ne devrait pas aller vers un appauvrissement du patrimoine architectural. La loi doit donc être marquée d'un sceau de qualité. Par qualité, on ne veut pas dire grands déploiements et coûts faramineux. Qualité, ça veut dire qualité visuelle, qualité dans l'utilisation du bâtiment et durabilité. Et la passation à une formule tels les PPQ... les PPP devrait pouvoir se faire ? pas l'AAPPQ ? devrait pouvoir se faire en respect de ces recommandations-là.

Plus précisément, je vais noter trois points sur lesquels nous vous demandons de considérer les architectes comme partie prenante de votre agence. Nous vous demandons que, sur les comités d'experts, il y ait toujours, pour ce qui est des projets qui concernent le bâtiment, des architectes d'invités à participer sur les comités d'experts. Dès le début, l'architecte est impliqué depuis le début dans... Et là je ne parle pas de faire les plans, là, je parle des comités d'experts qui vont évaluer les demandes, les demandes qui vont venir de toutes sortes d'organismes. Alors, on voudrait être présents dans ces comités d'experts là. Ce n'est pas nécessairement des gens qui ont leurs bureaux. Il y en a beaucoup qui ont fermé leurs bureaux, qui sont retirés, et qui ont des grandes expertises, et peuvent siéger sur ces comités d'experts là. On aura des banques de noms à vous donner éventuellement.

Également, on voudrait être participants aux jurys qui évalueront les projets où il y a de l'architecture d'impliquée. Pourquoi? Parce que certaines failles pourraient être décelées par les architectes présents. Et, si les architectes sont absents, s'il y a juste le côté économique qui est regardé, c'est très dangereux pour le patrimoine québécois et la qualité du bâtiment qui sera livré.

Également, bien la troisième partie, c'est faire notre travail comme on l'a toujours fait. On demande que les architectes soient engagés préalablement à l'organisation d'un concours PPP pour effectivement que les documents d'appel d'offres pour PPP soient des documents avec des plans suffisamment avancés pour que les gens partent avec le même projet en tête et que le privé fasse preuve d'imagination sur la gestion du projet, sur la réalisation, la méthode réalisation, comment il va s'y prendre pour le construire, comment il va s'y prendre pour le gérer, comment il va faire sa finance, où est-ce qu'il va... comment il va être partenaire avec le gouvernement. Mais l'architecte devrait être, au tout début, l'employé du public. C'est ça qu'on demande.

Alors, les trois éléments, vraiment que l'architecte soit représenté dans l'agence gouvernementale qui est à former comme expert, qu'il soit membre des jurys où il y a des projets qui comprennent de l'architecture ? je veux dire, ce n'est pas de la voirie, des routes ou des autoroutes ? et que l'architecte soit engagé d'une façon normale, et qu'on procède avec des documents qui sont suffisamment complets pour que tout le monde fasse une proposition de partenariat qui est claire et nette. Alors, je pense que ça résume à peu près.

J'aimerais peut-être, juste avant de terminer, vous donner un exemple que j'ai d'un PPP idéal, parce qu'il y en a un dont j'ai entendu parler, et peut-être que vous le connaissez déjà. Moi, ma firme a fait beaucoup d'écoles. On est en région puis on a fait beaucoup d'écoles. Après 20 ans, c'est malheureux de voir mes écoles se fermer. Alors, ça me rend triste parce qu'elles sont encore bien belles puis bien neuves pour moi. Alors, il y a un projet d'école qui doit être lancé dans peu de temps, et le projet devrait être lancé en PPP parce que c'est un projet qui se prête idéalement à ça. Un privé qui vient avec le public construire son école, qui va la louer à la commission scolaire pendant 15 ans, qui va la reprendre après 15 ans parce qu'on est sûr qu'il n'y aura plus d'élèves dedans, qui va la transformer en condominiums et qui va la vendre. Alors, la commission scolaire va fournir le terrain, va fournir les plans, O.K., parce que les plans doivent être faits avec la méthode que je vous suggère, va inviter des promoteurs à venir leur louer une école pendant 15 ans, de reprendre le terrain après, de transformer l'école en condos à ses frais et d'être propriétaire d'une bâtisse qui est à 85 %, 90 %, quasiment 100 % payée. C'est un projet transformable.

Quand je dis que c'est peut-être le projet idéal, c'est que c'est un projet qui existe, là. Il va être présenté à l'agence s'il n'a pas déjà été fait. Et, pour nous, c'est idéal parce qu'il n'y a plus de besoin tout à l'heure. Dans 15 ans, on le sait qu'il n'y en a plus, de besoin. Alors, au lieu de fermer l'école puis dire: On l'abandonne ou on essaie de la donner, non, quand les plans sont faits, les plans sont faits en pensant que l'école sera transformée en condos. Les plans sont faits pour... s'il y a six pouces à ajouter dans les entreplafonds, s'il y a des systèmes de mécanique ou des trous à prévoir pour la plomberie éventuelle, ça se fait à très bon compte au début, et la transformation ne coûte pas cher après. Si on veut créer des balcons en créant des alcôves intérieures, on le pense d'avance. Ça se fait, deux projets en un. On réalise le premier, 15 ans après, au lieu de fermer une école bêtement puis dire: On ne sait plus quoi faire avec, comme c'est le cas... Puis, comme je vous dis, c'est triste parce qu'on dirait que... 20 ans, ça passe tellement vite. Moi, j'étais fier de mon école puis je vois qu'il n'y a plus d'élèves dedans. Je pensais que ce serait dans 40 ans. Mais les développements de quartiers, c'est ça que ça a fait, les gens ne bougent pas. Alors, ils n'ont plus d'enfants, puis l'école ferme. Mais je vous parle d'un projet dont j'ai entendu parler, et c'en est un, type de projet, qui est peut-être le projet idéal.

n(17 h 20)n

Quand on parle d'un hôpital, c'est rare que ça change de vocation. Ça peut arriver, là, mais c'est rare que ça change de vocation. Puis c'est peut-être le projet le plus dangereux parce qu'il est en mouvement. Après 35 ans, je peux dire qu'un hôpital, c'est toujours en mouvement. Et, quand on est accroché avec le privé dans un hôpital, à chaque fois qu'on veut faire un mouvement, il nous attend. Tous les projets qui sont longs, très, très durables, c'est les plus dangereux pour nous à notre avis parce que... Je ne parle pas d'une route, là, mais quoique les routes, les projets de route qui ont été discutés, le gouvernement les traînait après 15 ou 20 ans, je pense. Mais, dans un projet qui est en mouvement comme les besoins de santé, là, le partenariat à long terme est très dangereux. Je le sais parce que toutes les transformations qu'on fait dans les hôpitaux, on voit que les besoins changent. Alors, ça, c'est juste un commentaire. Merci.

Le Président (M. Paquet): Merci, M. Birtz. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Jérôme-Forget: Alors, merci, M. le Président. Alors, M. Birtz, M. Bélanger, bienvenue à l'Association des architectes en pratique privée du Québec. On veut vous remercier d'avoir préparé votre mémoire et de vous être déplacés une journée comme aujourd'hui pour venir nous rencontrer. C'est très flatteur pour nous quand des gens viennent, se donnent la peine de réagir à un projet de loi important, qui risque d'avoir un impact sur votre profession et qui manifestement est important pour la société québécoise. Je suis parfaitement consciente de ce que vous dites, que les architectes, ce ne sont pas les gens les plus riches de la terre et par conséquent... J'ai des amis architectes et par conséquent je sais combien c'est un métier très gratifiant, vous l'avez dit vous-même, mais, au niveau de la rémunération, ce n'est pas toujours là.

Je voudrais par ailleurs soulever certains volets très importants auxquels vous avez fait référence. Vous parlez notamment... vous avez parlé tantôt, dans les contrats, quand vous faites affaire avec l'entreprise privée, que le contractant très souvent va vous dire de couper, couper, couper pour aller au plus court et au plus économique et que la qualité n'est pas nécessairement là. Et ce pourquoi les gens, aujourd'hui, ont recours aux partenariats public-privé, c'est précisément pour faire le contraire de ça, c'est pour prendre un engagement à long terme, de sorte qu'on va s'assurer de la qualité d'un produit, et c'est pour contrer cette tendance, à bien des égards, je dirais, moderne d'aller à ce qui paraît le plus vite, d'aller au plus économique, d'aller à la démarche la plus facile, immédiate et de ne pas penser à long terme. Le partenariat public-privé se veut une contrainte à cet égard.

Et je vous dirais que j'ai eu le plaisir, dans ma visite à Londres, d'aller visiter et des hôpitaux et des édifices qui étaient ou refaits ou construits en Angleterre avec la formule de partenariat public-privé, et ce qui m'a frappé, la chose qui m'a le plus frappée, c'était la qualité des matériaux qu'on utilisait et l'envergure que l'on mettait sur justement d'avoir une qualité remarquable, justement parce qu'on prenait en engagement à long terme. D'accord? Alors, à bien des égards, je vous dirais que c'est pour contrer cette tendance que, pour moi, il est important de développer cette formule au Québec à la québécoise, de s'inspirer de ce qui se fait ailleurs mais de donner notre propre saveur, parce qu'effectivement, vous le mentionnez, on a une culture, un patrimoine, une connaissance particulière au Québec. Et, vous avez parfaitement raison, on a d'excellents architectes parce qu'on a de bonnes écoles d'architecture au Québec. Alors, on fait l'envie du monde entier parce que justement on a de bons architectes chez nous.

Maintenant, vous mentionniez tantôt que vous vouliez être impliqués au tout début. Et, dans un partenariat public-privé, c'est précisément ça: on est dans le concept au niveau de la planification d'un produit, de la conceptualisation, de la construction et de nous assurer de l'entretien de la place. Vous mentionnez qu'il fallait que vous soyez là comme jury pour essentiellement évaluer les projets. Vous savez que, dans la méthode traditionnelle, on y va avec des devis, on détermine ce dont on va avoir besoin, puis on le dit clairement. Dans la formule de partenariat public-privé, on s'inspire beaucoup plus des besoins du citoyen, des besoins qu'on va avoir dans un domaine ou dans l'autre et par conséquent on met beaucoup moins d'emphase sur le devis. Et je suis d'accord avec vous, au tout début, mais au tout début, l'architecte doit être présent pour savoir si ça tient debout, si ça tient le fort, si c'est logique de le faire comme ça, mais il n'en demeure pas moins que le processus est différent.

J'aimerais entendre votre réaction à cet égard-là parce que ça n'a rien à voir avec un devis fait par la fonction publique qui détermine au départ ce qu'on va vouloir. Bien sûr qu'on donne des paramètres, là. Si on veut un hôpital, on veut un hôpital avec tant de lits, par exemple, mais on ne mentionnera probablement pas le nombre de pieds carrés ou le nombre de mètres carrés. On va dire: On veut tant de lits, on veut avoir telle chose, on veut avoir telle autre chose, on va déterminer... Évidemment, à la fin, ça se traduit par des mètres carrés, mais on y va en termes de besoins à la place. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Le Président (M. Paquet): M. Birtz.

M. Birtz (Richard): C'est-à-dire qu'un devis rendement, un devis de performance ou un devis rendement, là, ça a été utilisé déjà, comme je le disais, dans les années soixante-dix pour faire du logement. Vous me dites: Un hôpital de tant de lits, mais on n'a pas besoin d'aller dans les détails pour ce qui est de... Un hôpital de tant de lits avec des corridors de 5 pieds de large, je vais vous dire, moi, je parle en pieds-pouces, là, j'en ai vu aux États-Unis, puis c'est dans des hôpitaux privés, puis le promoteur qui vous arriverait avec ça... Si l'architecte ne développe pas tout le plan, le promoteur qui va faire développer par un architecte qu'il va vouloir payer à bon compte va essayer d'esquiver des choses où, lui, il peut faire des économies parce que... tandis que ce qu'on dit, c'est que, si les plans sont faits, au lieu de faire un devis rendement... Un devis rendement, c'est un document qui dit: On a besoin de telle pièce, telle pièce, telle pièce. Le fonctionnement même de l'hôpital peut être pénalisé d'une façon... si le plan n'est pas développé avec l'usager, si l'architecte n'a pas la chance de rencontrer tous les directeurs de département, par exemple. Mais le promoteur, lui, il n'embarquera pas là-dedans. Alors, ce ne sont plus des devis rendement, ça devient des plans complets.

Pour vous donner une idée, moi, j'ai travaillé pendant sept ans sur le dossier, là, de l'hôpital de Lachenaie qui a été inauguré en avril, là; mon bureau était impliqué dans ce dossier-là. Le projet a coûté 120 millions avec taxes, là, à date. Le ministre, qui l'a inauguré récemment, nous a dit: Le budget d'opération, c'est 100 millions. Alors, vous imaginez le coût de l'hôpital par rapport aux coûts d'opération. S'il y a la moindre chose qui a été, par tentative d'économie... qui fonctionne mal, puis ça prend huit employés d'entretien de plus, vous pouvez imaginer à quel point ça peut aller vite. Ce qu'on dit, c'est que, si on fait des plans complets au lieu des devis de performance, le client s'adresse à l'entreprise privée qui a un niveau d'avancement tel qu'il ne peut pas se tromper.

Le Président (M. Paquet): M. Bélanger.

M. Bélanger (Jacques): À ce titre-là, je... ce qu'on demande, nous, c'est que le gouvernement ou la société d'État demeure maître d'oeuvre jusqu'à la fin avec ses professionnels. Donc, ça veut dire préparer les plans et devis complets. Je citerai un exemple. Vers la fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt, Hydro-Québec faisait des centres de services à peu près sous cette formule-là. Il engageait ses professionnels, architectes et ingénieurs, ils faisaient les plans et devis complets. Une fois que c'était terminé, ils allaient en appel d'offres auprès d'entrepreneurs et de promoteurs et leur disaient: Ça coûte combien de les construire? Et on va vous le louer pendant 40 ans, donnez-nous un prix. Et, si vous avez des propositions à faire pour réduire les coûts, proposez-nous-les, on va les analyser avec nos professionnels. Et la qualité de la construction était également surveillée par les professionnels, payés par le client. Et c'est sur ce point-là, nous, qu'on insiste afin de conserver la qualité de l'architecture, et je remarque qu'un hôpital ou peu importe quel projet se fasse, qu'il soit selon le programme et les désirs des usagers.

Le Président (M. Paquet): Mme la présidente du Conseil du trésor, il reste 2 min 30 s.

Mme Jérôme-Forget: J'ai 1 min 30 s?

Le Président (M. Paquet): 2 min 30 s sur ce bloc.

n(17 h 30)n

Mme Jérôme-Forget: 2 min 30 s, bon. Alors, je vous dirais que... Vous avez mentionné un hôpital, j'ai justement visité deux hôpitaux quand j'étais en Angleterre. Puis ils en ont construit 100, là, en PPP, mais j'en ai visité deux. Les gens étaient très heureux, y compris les architectes que j'ai rencontrés, parce que justement ils avaient été impliqués dans toute la démarche, tout le processus, avec l'entrepreneur, avec les financiers qui sont là parce que c'est financé privément. Et ce qui m'a frappée, je dirais que le volet qui m'a le plus frappée de mon voyage, auquel je ne m'attendais pas, ça a été ce climat, cet environnement très harmonieux à l'intérieur de tous ces groupes. Et, quand je rencontrais même les groupes séparément, c'était très intéressant parce que tout le monde parlait de façon très élogieuse ou de l'architecte ou l'architecte de l'entrepreneur, le monde financier qui les gardait toujours à l'oeil pour être bien sûr que c'était à l'intérieur d'un budget. C'est pour ça que c'est intéressant, parce que ça se fait à l'intérieur d'un budget. Mais je n'ai jamais senti qu'il y avait des gens qui étaient déçus du processus. Je n'ai pas eu une rencontre où les gens m'ont dit qu'ils étaient déçus du processus, que ce soient les architectes, les ingénieurs, le contracteur, etc. Bon, il y avait des contraintes, il fallait qu'ils se parlent, il fallait qu'ils s'entendent, mais jamais ça n'a été... Au contraire, la qualité, me dit-on, est nettement supérieure à ce qui se faisait avant avec le mode traditionnel.

M. Birtz (Richard): Je ne peux pas vous...

Le Président (M. Paquet): M. Birtz.

M. Birtz (Richard): Je peux difficilement répondre à ça, Mme la ministre, parce que le contenu même du devis de performance, je ne le connais pas. Si on dit: C'est le promoteur qui va engager l'architecte, mais l'architecte va nous rencontrer à tous les trois jours, puis on va lui dire ce qu'on veut, ça revient au même. Si on fixe sa rémunération, ça revient au même que ce qu'on demande. On ne dit pas... Si on est vraiment en contact direct avec l'usager, le client, celui qui va être le propriétaire, ce n'est pas la formule, c'est que le contrôle soit par le public et non par le... Ce que vous me dites, ça se fait très bien à la condition que l'architecte ne soit pas exploité par le promoteur. S'il est en très bonne relation avec le promoteur, l'usager, le client, la partie publique puis tout ça, il y a dû avoir des conditions où il les a côtoyés beaucoup, tout le monde. C'est quand on donne au privé l'entière responsabilité, dire: Arrange-toi avec ça, je vais juste te dire combien de lits que je veux, puis fais-moi des propositions, là on perd le contrôle. Pour que cette harmonie-là soit là, probablement que les conditions... Notre association ne dira pas: On veut être payés par le gouvernement. Non. Que le gouvernement détermine combien ça coûte, un architecte, mets ça dans ton prix, puis le nombre de rencontres qu'on va avoir, puis comment tu vas... Pareil comme si c'était nous, le propriétaire. Comprenez-vous? Tant que vous en gardez le contrôle, c'est ça qu'on dit. Puis idéalement, pour garder le contrôle, c'est de l'engager directement.

Le Président (M. Paquet): Merci. M. le député de Richelieu.

M. Simard: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, remercier les représentants de l'Association des architectes pour nous avoir présenté aujourd'hui ce mémoire extrêmement intéressant.

Moi, ce qui me frappe dans votre première partie de votre exposé, c'est votre crainte de voir les besoins définis par le constructeur privé. Tant que c'est en amont, tant que le travail de conception précède la réalisation, précède l'appel d'offres, c'est sous contrôle de l'organisme qui veut faire les travaux, là il n'y a pas de problème. Le problème vient le jour où, après sélection, dans un appel d'offres, d'un partenaire, c'est lui qui, petit à petit, prend le contrôle de la réalisation. Donc, en d'autres mots, jusqu'à quel point le devis d'appel d'offres sera détaillé et permettra d'imposer à celui qui réalisera dans les détails les plus infimes... Parce qu'il s'agit bien de ça, on est dans un domaine où les détails sont très importants. Vous avez vu comme moi des gens couper dans tous les détails et se retrouver avec des bâtiments d'une qualité extrêmement douteuse.

Donc, ce que vous essayez de déterminer, c'est la part de l'amont et la part de l'aval, jusqu'où ira la précision dans la conception. Et ce que vous craignez ? vous me corrigerez si je me trompe ? c'est qu'en arrivant dans la réalisation avec leurs propres architectes les réalisateurs de ces projets, parce qu'on parle ici en général de grands projets, risquent d'être moins soucieux, dans leur réalisation, de la qualité que vous l'auriez souhaité. Et de confier ainsi à des architectes qui sont à leur solde, il est probable que le contrôle de la qualité sera fait à la satisfaction de celui qui réalise plus qu'à la satisfaction du donneur d'ordres. J'ai essayé de résumer.

Qu'est-ce qui vous fait craindre cela? L'architecte qui réalise, c'est aussi un architecte. Il est membre de l'ordre professionnel, il est obligé de correspondre à certains critères. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Paquet): M. Birtz.

M. Birtz (Richard): Ce qui nous fait craindre ça ? ou est-ce que tu veux prendre...

Une voix: Non, non.

M. Birtz (Richard): ... ? ce qui nous fait craindre ça, c'est qu'on travaille, comme moi, depuis 35 ans avec des promoteurs, des constructeurs, et des constructeurs, au Québec, qui sont susceptibles d'aller faire des PPP; on les connaît tous. Ce sont des gens d'affaires, et en général, lorsqu'ils réalisent avec nos plans des projets, tout ce qu'ils essaient de faire, c'est couper pour faire de l'argent. Ce seront les mêmes qui vont construire, là, ce ne sera pas des nouveaux. Ça va être les mêmes qu'on va voir sur le marché, il ne se créera pas tout des nouveaux constructeurs.

Alors, au jour le jour, dans notre quotidien, ce que l'on voit, on surveille les travaux, on suit les chantiers, à tous les jours, les tentatives formelles d'économiser sur un clou, sur une vis sont flagrantes. Alors, si on lui donne l'ensemble, et si on lui donne l'ensemble du dossier, et qu'on lui dit: Tu engages l'architecte, c'est là qu'il va commencer par vouloir économiser puis il va dire: C'est moi qui paie, tu travailles pour moi. Alors, ces mêmes constructeurs là, je vous le dis, on vit avec à tous les jours, il n'arrivera pas 15 nouveaux constructeurs avec des ailes puis des auréoles demain, là, ça va être encore ce monde-là. Et on s'entend bien, on finit toujours par s'entendre parce qu'on contrôle. Notre client nous paie pour le surveiller. Alors, quand on représente le client, on est directement son porte-parole, au client, à celui qui va en être l'usager, tandis que le constructeur, jusqu'à date, à moins qu'on m'en fasse la preuve autrement, les constructeurs québécois qu'on connaît, qu'on côtoie tous les jours, ce qu'ils tentent de faire, c'est de couper les coins rond pour mettre le plus d'argent dans leurs poches, et tous sans exception. C'est ça qui nous fait craindre.

M. Simard: Oui, mais là je ne vous suis pas parce que...

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Je ne veux pas faire d'ironie, mais, à entendre la ministre, notamment lorsqu'elle nous rappelle son voyage en Angleterre, il semble que les PPP fassent naître une nature humaine différente. Tout se passe bien, les gens sont heureux, s'entendent, et ce que vous décrivez ne se passerait pas. Bon, elle a trouvé que les hôpitaux étaient beaux. Je peux vous dire qu'à Le Gardeur, que vous connaissez bien, ou au Centre mère-enfant, à Québec, qui sont des hôpitaux de grande qualité et neufs, elle aurait fait les mêmes constats aussi. Les gens sont heureux d'être dans des bâtiments de qualité, des bâtiments neufs.

Vous semblez, vous ? et c'est votre expérience, vous êtes tous les deux des architectes d'expérience ? vous semblez, tous les deux, croire que, quelle que soit la formule, partenariat public-privé ou privé, les bâtisseurs privés, selon vous, vont tout faire pour couper les frais et réduire les exigences des architectes.

M. Bélanger (Jacques): Bien, ça tombe assez bien parce que les deux...

Le Président (M. Paquet): M. Bélanger.

M. Bélanger (Jacques): Oui, ça va. Les deux projets que vous avez mentionnés, Richard a été l'architecte de Le Gardeur, et, moi, j'ai été l'architecte du Centre mère-enfant, alors c'est... Ce que l'on craint... Évidemment, on ne connaît pas la formule anglaise, qui a été appliquée en Angleterre en entier, c'est peut-être...

M. Simard: Je vais vous interrompre tout de suite, là. Les dépassements de coûts ont été de combien dans vos deux projets?

M. Birtz (Richard): Moi, dans mon projet de 120 millions, en architecture, je vais vous le dire, zéro, et en général à peu près 4 %.

M. Simard: Et vous?

M. Birtz (Richard): Il a duré sept ans au lieu de quatre aussi. Ça, ça n'aide pas.

M. Bélanger (Jacques): Le Centre mère-enfant, c'est environ 7 % du budget final qu'on a fait au début de la construction. C'était en gérance, ce ne l'était pas à Montréal. Et en architecture on a respecté complètement les budgets. Les dépassements de coûts ont été en structure dès le début et en mécanique.

M. Simard: Excusez-moi de vous avoir interrompu, je vous écoute.

n(17 h 40)n

M. Bélanger (Jacques): C'est ça, on ne connaît pas du tout quelle était la méthode, la méthode qui a été utilisée en Angleterre. Je pense, c'est ça qu'il faudrait qu'on examine. Mais une chose qu'on est certains, c'est que les constructeurs qu'on connaît ici, au Québec, si on leur donne carte blanche pour nous faire un projet, ils vont tenter de tirer au maximum des profits, donc de couper sur la qualité, sur la largeur des corridors, sur la surface. C'est notre crainte.

M. Birtz (Richard): C'est notre quotidien. Comprenez-vous, c'est notre quotidien. Ce n'est pas parce qu'on dit: Les Québécois, c'est des voleurs, puis les Anglais sont des parfaits. C'est qu'on n'a pas le devis performance des méthodes anglaises. J'aimerais, Mme la ministre, si vous le permettez, qu'on aille plus loin. Nous allons tenter de voir... Parce qu'il y en a, des formules, il y en a. Il y a moyen, je disais, bon, il y a moyen de donner la responsabilité au promoteur si on lui met des conditions, si on dit: La masse d'honoraires, voici, elle ne doit pas être inférieure à ça. Deuxièmement, à chaque fois qu'il se fait un trait de crayon, on en fait l'approbation. Alors, l'architecte ne sera pas malheureux, ça va être une collaboration. Alors, ce qu'on dit, c'est ne pas laisser la liberté parce qu'on... Je ne ferai pas le procès des entrepreneurs, ils sont des gens d'affaires, mais ils n'ont pas le sens professionnel. Puis malheureusement les gens d'affaires qui sont en construction qu'on côtoie à tous les jours sont des meilleurs gens d'affaires que des gens de conscience, si vous voulez. Et on doit se battre même avec des devis complets puis des plans complets, puis ça d'épais de brique de devis. L'hôpital, là, c'est ça, hein, l'épaisseur du devis. Les plans juste de meubles, il y en avait 100 feuilles ... zéro. Alors, ça vous donne une idée, c'est comme 1 000 feuilles de plans.

Malgré tout ça, à tous les jours, il faut lui dire: Qu'est-ce c'est que ça te donne d'essayer de faire une petite économie là? Ce n'est pas l'épaisseur de cloison qu'on demandait. Tu vas la défaire, tu vas la jeter à terre. Alors, là, on lui donne la liberté. C'est lui qui engage l'architecte. Bien là l'architecte ne parlera pas trop fort, à moins que les conditions, comme dit Mme la ministre, soient des conditions blindées.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu.

M. Simard: Je vais changer complètement de sujet et vous faire part, moi, d'une de mes préoccupations, puis je... Mais ça a un lien assez direct, quand même. Les grands projets auxquels la présidente du Conseil du trésor fait allusion dans ses projets de partenariat public-privé sont des projets qui souvent doivent s'intégrer dans un tissu urbain. L'architecture, ce n'est pas uniquement un élément de fonctionnalité, avec tant de mètres carrés au service de tant d'employés, c'est aussi pour les citoyens une insertion dans la vie culturelle, dans la vie de tous les jours. Donc, ça doit répondre à des critères esthétiques.

Sans remettre en cause la qualité et de nos architectes ? ça vaut pour les architectes partout à travers le monde ? je me dois de constater que notre souci d'investissement dans les qualités d'insertion architecturale et de valeur esthétique des bâtiments n'a pas toujours été exemplaire. C'est un euphémisme que j'utilise ici. Si on compare à Barcelone, à Paris, à Londres, si on compare aux grandes villes, grandes et belles villes du monde où manifestement il y a une volonté des services publics de s'assurer d'une grande qualité des bâtiments, nous en sommes souvent fort loin.

L'une des méthodes qu'utilisent presque tous les pays pour rehausser cette qualité architecturale, ce sont les concours. Les concours nationaux évidemment, mais également des concours internationaux. Nous avions d'ailleurs réalisé un concours international pour la Grande Bibliothèque de Montréal. Enfin, on commence déjà à voir... On commence à voir...

Une voix: ...

M. Simard: Pardon?

Une voix: ...le stade.

M. Simard: Le Stade olympique, il n'a pas été un grand concours. Le seul juge étant le maire de Montréal, le seul juge et le seul sélectionneur ayant été le maire de Montréal, là, c'était un peu différent. Mais il n'en demeure pas moins que c'est un défi, ça, qui est posé aux architectes. Il est bien évident que, s'il y a des partenariats public-privé dans les grands travaux, la tentation sera forte et, je pense, souhaitable de la part de l'État non seulement d'aller chercher les meilleures entreprises pour être les partenaires, mais également de présenter des projets de très grande qualité, puisque, bon, la durée, la qualité et l'esthétique seront très déterminants. Ceci dit, il y a des bâtiments actuellement qui correspondent.

Vous parliez de la Caisse de dépôt tout à l'heure, ce qui a pu choquer un certain nombre d'individus, c'est qu'elle est d'une catégorie nettement supérieure. Elle est de la même catégorie qu'on retrouve dans certains quartiers de New York, de Londres ou de Paris.

M. Birtz (Richard): Vous avez raison, j'ai toujours dit: Elle n'est pas à la bonne place...

M. Simard: Elle n'est pas à la bonne place. Ha, ha, ha!

M. Birtz (Richard): ...elle devrait être à New York.

M. Simard: On ne va pas la déplacer. Alors, je voulais vous entendre réagir à ça, parce que, bon, ce n'est pas spécifique aux partenariats public-privé, mais, à l'occasion de ces constructions, ce problème va se poser de la compétition internationale sur les grands projets d'architecture, auxquels sont toujours intégrés de toute façon des architectes québécois.

Le Président (M. Paquet): M. Birtz, brièvement, s'il vous plaît.

M. Birtz (Richard): En ce qui concerne les concours d'architecture, il faut quand même mettre un bémol là-dessus, là, il y a beaucoup de bâtiments qui ne peuvent pas se prêter à des concours. Si on prend un hôpital, c'est impossible. Impossible, complexité d'utilisation. On ne peut pas, il faut que le plan soit développé avec l'usager d'une façon trop précise. Ça ne se fait pas en concours. Il faut que ce soit un bâtiment à caractère libre, une bibliothèque... Caractère libre, on veut dire il y a beaucoup de versatilité ou de possibilités et...

Une voix: ...

M. Birtz (Richard): Par contre, encore là, je vais vous dire, on a été finalistes sur le dossier de la Grande Bibliothèque, Jacques et moi, on était avec un architecte qui s'appelle Christian de Portzamparc, de Paris. Et Christian, le temps qu'il a travaillé avec nous, il nous a expliqué que les architectes se ruinaient à faire des concours et qu'il y a tellement de concours en France. Et ça a de l'air que même les jurés sont paquetés, ce n'est pas drôle, ce n'est vraiment pas drôle. Et il disait: N'arrivez pas à cette formule-là.

Il y en a ici, des concours, il y en a eu quelques-uns. Alors, ce n'est pas une formule qui démontre un respect de l'architecte. Là, je vous en fais part parce que c'est tout récent, mais... qu'on ne refuse pas. Si on veut faire un débat sur les concours, on en fera un autre, mais on vous fera des recommandations, parce qu'un concours, ça peut tendre à ruiner les architectes d'une façon fondamentale. Les pauvres petits architectes qui sont déjà pauvres, s'ils passent leur temps à travailler pour rien, ça va être pas drôle.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu, brièvement.

M. Simard: Vous êtes conscient qu'il y a des formules, comme pour les PPP d'ailleurs, des appels de concours où une partie de la participation est remboursée.

M. Birtz (Richard): On n'est pas contre. Ça, ça va, oui, mais pas tous, M. Simard.

M. Simard: Non, non, je le sais.

M. Birtz (Richard): Il y en a eu des concours énormément, même au Québec, où il y avait 30 participants qui étaient... Alors là, nous, notre association, on a demandé que ça cesse, que ce soit sur invitation, avec rémunération. Parce qu'un architecte qui a 30 000 $ pour participer à un concours, je vous le dis, il va en dépenser 50 000 $. Ça, c'est sûr. Ça fait que... Mais c'est déjà mieux que si on ne lui donne rien.

M. Simard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Richelieu, il resterait deux minutes sur votre bloc. Ça va aller? Ça inclurait le deuxième bloc, et on n'en aurait pas. Ça va? M. le député de Hull.

M. Cholette: Oui. Merci, M. le...

M. Simard: On va écouter le député de Hull.

Le Président (M. Paquet): Pardon?

M. Simard: On va écouter le député de Hull.

M. Cholette: Cinq minutes, vous dites?

Le Président (M. Paquet): Six.

M. Cholette: Six. Bien, on va faire ça rapidement. Bon, bien, chers collègues, messieurs, merci de votre présentation. Je dois vous dire que je suis surpris un peu de votre mémoire, bien honnêtement, là, on va se parler en toute franchise, parce que, moi, les architectes de mon comté qui voient l'orientation gouvernementale en matière de PPP se réjouissent, se réjouissent de cette question-là et...

M. Birtz (Richard): Nous aussi.

M. Cholette: Et vous aussi, mais avec plusieurs... Mais ce que vous dites, c'est qu'il y a plusieurs écueils et...

M. Birtz (Richard): ...attention, c'est très dangereux.

M. Cholette: D'accord. Et je voulais vous parler justement de quelques aspects, d'ailleurs surtout de vous parler... Lorsque vous dites à la page 7 de votre mémoire: «Les responsabilités doivent être partagées et bien définies», puis là vous parlez de conflit d'intérêts, corrigez-moi, mais est-ce que la prémisse sur laquelle vous vous basez pour dire qu'il y a possiblement apparence de conflit d'intérêts entre... dans une situation de PPP ne relèverait pas du fait que vous prenez pour acquis que la tête du consortium sera un constructeur et...

M. Birtz (Richard): Non, non, ça va être un financier.

Une voix: ...les deux.

M. Birtz (Richard): Les deux. Ah, je le sais comment ça fonctionne, on l'a analysé d'un bout à l'autre. C'est d'abord un financier et un constructeur qui s'adjoignent des professionnels. Mais, nous, ce qu'on dit: Ce serait un financier et un constructeur qu'on invite après que les plans sont faits.

Le Président (M. Paquet): M. le député de Hull.

M. Cholette: Oui, mais sauf que pour revenir un peu à votre texte...

M. Birtz (Richard): ...

M. Cholette: Oui, mais est-ce que ? si vous me laissez terminer ma question ? est-ce que vous ne trouvez pas que le fait que c'est un contrat à très long terme, 30 ans, 30 ans de contrat de performance... Je vais prendre votre expression, contrat de performance de 30 ans, est-ce que vous ne trouvez pas là le gage que le souci de qualité soit suffisamment présent chez le consortium, à la tête du consortium, pour justement qu'il y ait autorégulation au niveau de l'architecture pour s'assurer que c'est une construction de qualité? Parce que la tête du consortium ne voudra pas lésiner, notamment sur la question de qualité, même si vous faites partie du même consortium, au risque d'être pris en défaut bien avant 30 ans. Est-ce que vous ne trouvez pas là donc un gage de sécurité?

n(17 h 50)n

Puis ma deuxième question: Est-ce que vous ne trouvez donc pas là non plus, le fait que l'agence aura un rôle justement de conseil pour la qualité du contrat... est-ce que vous ne trouvez pas ça non plus un gage rassurant, quoi?

Le Président (M. Paquet): M. Birtz, trois minutes.

M. Birtz (Richard): Non, et je vais vous dire pourquoi: c'est qu'à tous les jours, dans notre quotidien, on travaille avec ces gens-là qui vont les construire.

M. Cholette: Pas sur des contrats à 30 ans.

M. Birtz (Richard): Pardon?

M. Cholette: Pas sur des contrats de 30 ans.

M. Birtz (Richard): Bien non, le bâtiment doit durer au moins 50 ans. C'est ce qu'on leur dit, là. Ce qu'on construit, nous, on dit: Il doit durer 50 ans. Alors, écoutez bien, ce que je veux dire, c'est que ce promoteur-là financier, constructeur, s'il voit que la chose va très mal dans 15 ans, qu'est-ce qu'il va faire? Il va se retirer, il va dire: Salut, je m'en vais. Alors, il peut le faire, ce que le gouvernement ne peut pas faire. Alors, quand on dit: Est-ce que, oui, il peut essayer de faire de l'argent vite, en mettre le plus dans ses poches et vouloir... Il y a peut-être chez les Européens, parce qu'on n'est pas des Européens... Peut-être que les Anglais sont très conservateurs et ont cette mentalité-là. Peut-être que, Mme la ministre, ce que vous avez vu et les gens que vous avez rencontrés... Nous, on est des Américains, on est des Nord-Américains... Bien, pas moi, là, je ne suis pas un Américain, là, mais on a cette mentalité-là, «fast money». On n'est pas conservateurs. Je n'en ai pas rencontré, en 35 ans de carrière, des promoteurs qui disaient... Je vous ai parlé, tout à l'heure, de la possibilité d'un projet d'école transformable. J'ai juste sondé le terrain auprès de certains entrepreneurs, ils ont dit: Ça ne m'intéresse pas, moi, je veux faire de l'argent vite. Je ne veux pas faire de l'argent dans 15 ans. J'ai dit: Tu ne fais pas une cenne pendant 15 ans, mais regarde ce que tu ramasses, une valeur incroyable. Non, je veux faire de l'argent vite.

Nous, on n'a pas la... J'aimerais les rencontrer. Je vais peut-être y aller les voir, là, parce que j'aimerais discuter avec les architectes comment ils ont été traités. Mais les Anglais, ils ont une mentalité gentleman long terme, la vieille famille. Nous, là, je n'en connais pas, des constructeurs... Puis je peux vous nommer... On a des Verreault, des Pomerleau, des... On en a des gros ici. Ils sont très bons, ce sont des très bons constructeurs. Puis d'ailleurs on est bien heureux quand on travaille en gérance avec eux, ça va très bien, mais ce n'est pas des vieilles familles dans l'histoire du monde puis qui disent: Je vais sacrifier mes profits pour les avoir dans 15 puis dans 20 ans. Et on les comprend parce que les Nord-Américains ne vivent pas de même, on est jeunes. Nous autres, on vous parle avec ce qu'on a vécu. Je vous crois, Mme la ministre, parce que c'est sûr que ce sont des vieilles souches qui ont l'impression que le gouvernement... Ils sont un peu dans le gouvernement puis que le gouvernement, c'est un peu leur entreprise puis... Mais ici on n'a pas eu la chance, d'où nos craintes. Si on l'avait eue, la chance, si j'en avais vu, des... En 1970, quand on faisait des... quand il y a eu les HLM, j'étais pas mal plus jeune, là, mais j'essayais de convaincre un entrepreneur: Écoute donc, là, tu sais, tes plaques d'acier d'escalier, dans 10 ans, elles vont pourrir, mets donc le bon calibre. Je m'en sacre. Puis, cinq ans après, la SHQ a tout payé pour remplacer.

M. Cholette: Mais, voyez-vous, c'est parce que, dans 10 ans, ce n'était plus à lui, les HLM, c'était au gouvernement. Mais, si c'était lui qui était propriétaire dans 10 ans, peut-être qu'il les aurait mises, les plaques.

M. Birtz (Richard): Il les aurait abandonnés, il aurait fait son argent. Je vous le dis, on les voit à tous les jours, on vit à côté d'eux. On leur dit: Ça ne te donne rien de couper sur la qualité. Ils nous regardent en face puis ils disent: Je suis ici pour faire de l'argent. Malheureusement.

Le Président (M. Paquet): M. Bélanger, M. Birtz, donc de l'Association des architectes en pratique privée du Québec, nous vous remercions pour votre participation aux travaux de la Commission des finances publiques.

Alors, j'ajourne les travaux de la Commission des finances publiques au mardi 9 novembre 2004, après les affaires courantes, suite à des nouveaux avis du leader du gouvernement. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 54)


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