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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Thursday, November 18, 1999 - Vol. 36 N° 35

Consultation générale sur la réduction de l'impôt des particuliers


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Table des matières

Auditions

Fédération autonome du collégial (FAC)

Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)

Association pour la défense des droits sociaux (ADDS)

Mémoires déposés

Remarques finales

Mme Monique Jérôme-Forget

M. Bernard Landry

Autres intervenants

M. Serge Geoffrion

M. Russell Copeman

Mme Fatima Houda-Pepin

M. Russell Williams

*M. Daniel Lauzon, FAC

*Mme Monique Richard, CEQ

*M. Daniel Lachance, idem

*M. Pierre Beaulne, idem

*M. Bill Clennett, ADDS

*Mme Johanne Desjardins, idem

*M. Daniel Chantigny, idem

*Témoins interrogés par les membres de la commission

Note de l'éditeur: La commission a aussi siégé en après-midi pour l'étude détaillée du projet de loi n° 22 – Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite dans les secteurs public et parapublic. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.


 

Journal des débats

(Neuf heures dix minutes)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Nous allons commencer nos travaux. Alors, nous sommes réunis pour poursuivre nos auditions sur la réduction des impôts. Nous aurons cet avant-midi un programme chargé. Nous écouterons – ils sont parmi nous déjà – la Fédération autonome du collégial, ensuite les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec et finalement l'Association de la défense des droits sociaux. Il y aura dépôt d'un certain nombre de rapports qui n'ont pas donné lieu à des auditions, et nous terminerons par les remarques finales de l'opposition et du gouvernement, pour un ajournement qui doit être à 12 h 30. Alors, vous voyez bien qu'il faudra être très disciplinés aujourd'hui.

Auditions

Alors, je me discipline moi-même, je passe tout de suite la parole à nos invités de la Fédération autonome du collégial, et M. Daniel Lauzon, président, va tout de suite prendre la parole et nous présenter celui qui l'accompagne.

Fédération autonome du collégial (FAC)

M. Lauzon (Daniel): D'accord. Alors, tout d'abord vous saluer, mesdames, messieurs, bonjour, vous présenter mon collègue, M. Mario Laforest, qui est vice-président aux communications à la Fédération autonome du collégial.

D'abord, d'entrée de jeu, la Fédération autonome du collégial, qui regroupe 18 syndicats d'enseignantes et d'enseignants du cégep, voudrait indiquer ce matin, aux membres de la commission des finances publiques sur la réduction de l'impôt des particuliers, son refus de souscrire à une consultation qui évacue le vrai débat de société sur l'utilisation des surplus budgétaires. La FAC dénonce cette consultation en vase clos. Et nous déplorons aussi que la commission n'ait ni la possibilité de remettre en question l'intention de réduire les impôts ni la latitude de proposer d'autres options que l'allégement fiscal pour utiliser une partie ou la totalité des surplus budgétaires, comme on l'a d'ailleurs souligné dans notre mémoire.

En réalité, le gouvernement actuel, en ne consultant que sur une orientation toute tracée d'avance, cherche à esquiver un véritable débat de société sur la fiscalité, sur l'utilisation des surplus budgétaires et sur la qualité des services publics. La FAC s'interroge sur la crédibilité d'un gouvernement qui maintient obstinément le cap sur la réduction d'impôts, comme il l'a fait tout aussi aveuglément avec l'atteinte du déficit zéro, et cela, en continuant à sous-financer les services de base à la population du Québec. Pour les 4 000 membres de la FAC, la facture à payer pour l'atteinte de l'équilibre budgétaire a toujours été et sera toujours socialement trop lourde. La marche gouvernementale vers l'équilibre budgétaire s'est faite au prix de la réduction des services publics et de la paupérisation d'une partie toujours grandissante des citoyennes et citoyens du Québec.

À l'enseignement collégial, l'approche réductionniste et comptable du gouvernement s'est traduite depuis 1994 par des compressions de plus de 250 000 000 $, soit plus de 25 % du budget de fonctionnement des cégeps. Les conséquences de ces compressions sont multiples et concrètes pour nous, enseignantes et enseignants, qui les vivons toujours et qui les avons vécues. Nous vous les rappelons pour que vous les gardiez bien en mémoire: la précarisation endémique de l'emploi, le décrochage scolaire, l'augmentation de la charge de travail des profs et des autres catégories de personnel du collégial, la détérioration des conditions d'étude, des services disponibles aux élèves et de l'enseignement postsecondaire dans toutes les régions du Québec.

Pour toutes ces raisons, nous refusons de participer à cet exercice qui fait carrément abstraction du gâchis social résultant de l'application des politiques néolibérales du gouvernement en place. Dans un contexte où les besoins de la population en santé et en éducation sont multiples et de plus en plus criants, il nous apparaît irresponsable pour des politiciens d'envisager des scénarios préétablis qui n'auraient pour effet, et nous le répétons, que d'appauvrir encore davantage notre collectivité tout en donnant l'illusion de partager une nouvelle richesse spontanée.

Vous vous moquez de nous, mesdames et messieurs, vous vivez en vase clos, coupés ainsi de la réalité quotidienne des citoyennes et des citoyens qui ont payé ces surplus budgétaires. Continuez donc cet exercice comptable sans nous. Et là-dessus, bonne journée. Merci.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je parlais tout à l'heure du problème de notre horaire, donc on vient de le résoudre. Et j'invite tout de suite le groupe suivant, si on peut le rejoindre, à se joindre à nous. Il s'agit donc de la Centrale de l'enseignement du Québec. Est-ce que le secrétariat de la commission peut les prévenir? Entre-temps, nous faisons une courte suspension.

(Suspension de la séance à 9 h 14)

(Reprise à 9 h 58)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, puisque nous sommes tous ici, nous allons reprendre nos auditions. Je voudrais souhaiter la bienvenue maintenant à la présidente et à ceux qui l'accompagnent de la Centrale de l'enseignement du Québec. Madame, vous n'êtes pas depuis très longtemps à la présidence, vous êtes donc moins habituée que celle qui vous a précédée à fréquenter ces lieux. Nous vous souhaitons la bienvenue. Les règles sont très simples, vous avez une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire, et ensuite, pendant les 40 minutes suivantes, le gouvernement et l'opposition entretiendront avec vous un dialogue. Alors, je vous laisse la parole et nous vous écoutons attentivement.

Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)

Mme Richard (Monique): Merci, M. le Président. Alors, M. le ministre des Finances, Mmes, MM. les parlementaires, je veux dans un premier temps vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Alors, à ma droite, Daniel Lachance, vice-président de la Centrale de l'enseignement du Québec; à ma gauche, Pierre Beaulne, conseiller à la Centrale, économiste.

Alors, merci de nous entendre à cette commission parlementaire dont les suites auront des conséquences importantes pour le peuple québécois. En ce sens, chacune et chacun de nous ici a la responsabilité de rencontrer l'objectif ultime de faire des choix équitables pour tous, dans le respect de ce que la population du Québec a décidé historiquement de se donner comme services publics.

La Centrale de l'enseignement du Québec représente 130 000 membres. D'entrée de jeu, nous pouvons affirmer que notre position est claire: une réduction d'impôts ne doit pas être envisagée avant qu'un financement adéquat des services publics et des programmes sociaux ne soit assuré. Après le credo du déficit zéro, nous faisons face à celui de la réduction des impôts des particuliers. Ce que nous disons aujourd'hui, c'est qu'en quelque sorte nous opposons à ce credo celui de l'obligation du financement nécessaire et adéquat des services publics et des programmes sociaux. Nous considérons en avoir la responsabilité, comme nous le mentionnions au départ, dans le respect des choix que la société québécoise a faits d'abord et avant tout, mais aussi dans l'optique à long terme – nous disons bien à long terme – de ce que nous voulons protéger comme richesse collective au Québec en ce qui a trait à l'éducation, à la santé et aux services publics.

(10 heures)

Nos constats. Partons maintenant des constats qui nous ont servi à élaborer les recommandations que nous vous déposons aujourd'hui. D'abord, nous relevons que les charges fiscales au Québec sont globalement plus élevées qu'ailleurs. En effet, les recettes fiscales représentent 42,4 % du PIB comparativement à 36,8 % en moyenne ailleurs au Canada. Parmi les membres du G-7, c'est au Québec que la fiscalité est la plus élevée, après la France et l'Italie. Au chapitre de l'impôt sur le revenu des particuliers, c'est encore au Québec qu'il est le plus élevé au Canada. En 1996, il atteignait 15,7 % du PIB, alors qu'il variait de 11,2 % en Saskatchewan à 14,9 % en Ontario.

Par contre, depuis 1996, des réductions d'impôts ont été appliquées dans les provinces canadiennes. À part l'Ontario qui, en proportion du PIB, a réduit l'impôt des particuliers de 1,8 %, ce qui a davantage creusé un écart entre elle et les autres provinces, l'écart fiscal entre le Québec et les autres provinces s'est quelque peu rétréci. En effet, le Québec a réduit l'impôt des particuliers de 0,8 %, alors que les autres provinces le diminuaient de 0,3 % à 0,7 % dans la même période de temps.

Par ailleurs, les services publics sont plus étendus au Québec que dans le reste du Canada. Le régime d'aide financière pour les étudiants est plus généreux ici et les frais de scolarité sont les plus faibles. Les mesures de soutien pour la famille sont aussi plus généreuses. Le régime public d'assurance automobile pour les dommages corporels limite les coûts à cet égard. Le régime universel d'assurance-médicaments n'a pas d'équivalent ailleurs au Canada et les programmes de soutien du revenu n'ont rien à envier à ceux des autres provinces. Au Québec, donc, les sommes consacrées aux dépenses de support correspondent au cinquième des recettes fiscales.

La répartition des charges est aussi plus égalitaire. En ce sens, certaines catégories de contribuables sont plus taxées qu'ailleurs en Amérique du Nord, tandis que d'autres le sont moins. Comparativement aux autres juridictions, le système d'imposition québécois est plus progressif dans la mesure où les charges fiscales reposent davantage sur les épaules des ménages plus fortunés. En revanche, au Québec, certains contribuables paient moins d'impôts que partout ailleurs au Canada. La hausse marquée des seuils d'imposition nulle a accru de manière appréciable le nombre de contribuables qui n'ont aucun impôt sur le revenu à payer au Québec. La proportion des contribuables non imposables par rapport à l'ensemble des contribuables est passée de 27,9 % en 1982 à 39,2 % en 1996, soit quatre sur 10.

Un autre constat est celui de la singularité du régime d'imposition des entreprises au Québec, dont une des conséquences est de faire en sorte que les particuliers compensent pour des charges plus faibles aux entreprises. D'après les indications du document de consultation du gouvernement, les particuliers paient, globalement, 6 400 000 000 $ de plus que si le régime d'imposition ontarien s'appliquait au Québec. En revanche, les entreprises paient 916 000 000 $ de moins. Cela tient en partie au fait que les entreprises peuvent reporter sur les consommateurs l'essentiel des taxes de vente, qu'elles fournissent moins d'impôt foncier à cause d'une provincialisation plus poussée du financement scolaire et qu'elles sont moins touchées que les particuliers par les diverses formes de tarification.

Rappelons à ce chapitre certaines recommandations que nous avions formulées, en septembre 1996, lors de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics, lesquelles se basaient sur un principe de base, soit celui d'une fiscalité plus équitable et plus efficace. Nous recommandions alors que la Commission sur la fiscalité examine divers scénarios de rééquilibrage du fardeau fiscal entre les entreprises et les particuliers, et ce, afin que les entreprises participent davantage au financement des services publics et à la lutte au déficit. Nous demandions aussi que la Commission sur la fiscalité procède à un examen des dépenses fiscales, particulièrement celles qui concernent les revenus d'affaires, en vue de proposer des modifications après évaluation s'il y a lieu. Même si la commission a beaucoup travaillé là-dessus, force nous est de constater aujourd'hui que bien peu de changements ont été apportés.

Enfin, le coût total de la vie au Québec, avec les composantes fiscales et non fiscales, demeure plus faible à Montréal qu'à Toronto ou à Vancouver pour toutes les catégories de ménage. Mais, concernant l'Ontario qui semble davantage inspirer le présent gouvernement, nous disons: Attention! ce n'est pas un paradis fiscal, loin de là. À preuve, il a été estimé par le Groupe de travail de l'Ontario sur le budget alternatif que les bénéfices totaux pour le ménage médian découlant de la baisse d'impôts totalisaient 738 $, alors que les coûts compensatoires s'élevaient à 766 $.

Or, dans ce 766 $ on retrouve, entre autres, des frais pour les médicaments, une augmentation des frais autres que des taxes aux municipalités, collèges et universités et des frais pour l'eau et les égouts. Et cela est sans compter les frais d'intérêt sur la dette encourue pour financer les réductions d'impôts, car, doit-on le rappeler, à la fin de 1999-2000, le gouvernement Harris aura emprunté un total de 25 000 000 000 $ pour compenser les pertes de revenus découlant des baisses d'impôts et pour payer les intérêts sur ces emprunts qui s'élèveront à 1 400 000 000 $ par année. On constate donc ainsi que ce qui entre dans une poche ressort par l'autre.

Nos orientations. Alors, comme nos constats sont clairement établis, quelles sont maintenant les options possibles pour l'utilisation des excédents budgétaires? Il y en a trois. Premièrement, améliorer les services publics et les programmes sociaux; deuxièmement, réduire les impôts; et, troisièmement, rembourser la dette. Quelle est notre orientation principale à la CEQ? Nous vous l'avons annoncée dès le départ, il faut privilégier le réinvestissement dans les services publics, ce qui inclut les programmes sociaux, pour trois raisons: parce que ces derniers ont chuté de 22,9 % du PIB en 1992-1993 à 18,5 % en 1999-2000, parce qu'ils sont fortement détériorés par des années de compressions effectuées pour éliminer le déficit et parce qu'il y a des besoins criants où il est impératif de réinvestir.

Rappelons, pour bien saisir, que notre inquiétude face au délabrement des services publics n'est pas une vue de l'esprit. Dans le domaine de la santé, le Québec se situe au dernier rang parmi les provinces canadiennes pour ce qui est des dépenses publiques en santé par habitant, soit 1 655 $ comparativement à 1 816 $ en moyenne pour le Canada. En éducation, ce n'est pas mieux. Le Québec dépensait en 1998 pour chaque élève à l'enseignement primaire et secondaire 4,5 % de moins que dans le reste du Canada et 32 % de moins qu'aux États-Unis. À l'enseignement universitaire, les dépenses par étudiant sont également plus faibles que dans le reste du Canada, soit 11 084 $ comparativement à 11 937 $. C'est un retard de près de 8 %.

À notre avis, dans l'avenir immédiat, la priorité budgétaire devrait être consacrée à la restauration des services dégradés par plus d'une décennie de compressions. Par la suite, le développement des services à un rythme compatible avec la croissance économique devrait être visé.

En ce qui a trait à l'option de la réduction d'impôts, nous disons qu'après avoir réinvesti dans les services publics on peut y procéder, mais en y consacrant la marge résiduelle du budget global.

Finalement, concernant la dette, nous croyons qu'il est préférable pour le moment de laisser à la croissance économique le soin de l'amortir. Quand le budget est équilibré, le poids relatif de la dette dans l'économie diminue. En conséquence, il faut travailler davantage à équilibrer le budget qu'à mettre de l'avant des moyens dans le seul but de réduire la dette.

Si nous reprenons nos orientations, elles sont donc à l'effet d'accorder la priorité à l'amélioration des services publics, ce qui inclut les programmes sociaux, de consacrer la marge résiduelle à des réductions d'impôts et de laisser à la croissance économique le soin d'amortir la dette. Pour les recommandations, M. Lachance.

(10 h 10)

M. Lachance (Daniel): M. le Président, M. le ministre, madame, monsieur de l'opposition, compte tenu de notre analyse, nous faisons cinq recommandations au gouvernement. Signalons dès maintenant que, malgré des aspects intéressants que l'on peut retrouver dans les cinq scénarios soumis à la consultation, aucun de ceux-ci ne nous paraît entièrement satisfaisant.

À la première recommandation, nous disons au gouvernement qu'il faut absolument accorder la priorité à l'amélioration des services publics, et ce, en éducation, en santé et en ce qui a trait aux programmes sociaux. Je pense que je n'ai pas besoin de vous faire une longue démonstration sur la situation d'exclusion, de précarité et d'augmentation de la pauvreté au Québec. Il faut, en effet, réinvestir dans les services publics, car c'est d'abord et avant tout un besoin que nous signale la population, à tous les jours, dans les différents services publics. Et, en cela, nous ne nous basons pas que sur notre profonde conviction que c'est un besoin et un choix de société, mais nous nous référons aussi à la population qui, sondage après sondage, répète et confirme son désir de conserver ces services publics.

Deuxièmement, après avoir procédé à l'opération restructuration des services publics et des programmes sociaux, nous estimons qu'il faut privilégier une réduction d'impôts équilibrée qui préserve la progressivité du régime fiscal. Ces dernières années, tout le monde a été mis à contribution dans l'effort pour éliminer le déficit. Les plus fortunés, qui supportent l'essentiel de l'effort fiscal, ont subi un alourdissement de leurs contributions bien au-delà de ce qui s'observe chez les voisins. Les moins fortunés ont aussi vu leurs conditions d'existence se détériorer du fait de la dégradation des services publics et des programmes sociaux. Nous croyons, en conséquence, que tout le monde doit profiter d'une réduction d'impôts et que celle-ci doit préserver la progressivité du régime d'imposition, car l'impôt sur le revenu est la seule forme d'imposition qui a un caractère redistributif.

Troisièmement, nous recommandons au gouvernement d'indexer au coût de la vie les crédits d'impôt et les déductions personnelles, les tranches d'imposition et autres barèmes liés au revenu afin d'éviter que le régime fiscal ne vienne gruger le revenu disponible réel des particuliers.

Quatrièmement, nous souhaiterions voir réintroduire une déduction pour les revenus d'emploi selon le modèle en vigueur jusqu'en 1993. Jusqu'alors, un salarié avait le droit de déduire, au Québec, 6 % de son revenu d'emploi jusqu'à concurrence de 750 $ afin de l'aider à couvrir les frais reliés à l'occupation d'un emploi. Puis, en 1993, le gouvernement a aboli cette disposition pour gonfler ses revenus de 450 000 000 $ en plus d'appliquer des surtaxes de 5 % sur les revenus. Aucun motif valable ne justifiait l'abolition de cet encouragement au travail, sinon la recherche à bon compte d'un supplément de revenus fiscaux. D'ailleurs, le pendant de cette disposition pour le capital, la déduction pour gagner un revenu de placement est toujours en vigueur.

Le rétablissement d'une telle disposition aurait un effet bénéfique en regard de l'incitation au travail tout en contribuant à atténuer le problème des taux marginaux implicites élevés. Elle serait aussi susceptible de rendre le régime d'imposition plus équitable aux yeux des travailleuses et des travailleurs salariés qui, tout en constituant la masse des contribuables, sont aussi ceux dont la totalité des revenus sont déclarés.

Enfin, cinquièmement, nous voulons voir accroître l'aide aux familles, notamment par une bonification de la réduction d'impôts à l'égard de la famille. À ce chapitre, nous reconnaissons que les réformes dans les formes d'aide à la famille constituent des initiatives qui vont dans la bonne direction. Toutefois, ces réformes, mises en oeuvre au moment même où s'intensifiaient les efforts pour résorber le déficit, ont largement consisté à opérer des transferts entre familles de divers niveaux de revenus. C'est pourquoi il est particulièrement souhaitable de bonifier la réduction d'impôts pour les familles qui ont vu leur situation se détériorer ces dernières années.

En conclusion. En somme, la CEQ espère vivement que le gouvernement assurera un financement des services publics et des programmes sociaux avant de procéder à des réductions d'impôts. Une fois ce financement assuré, et seulement après, la Centrale est d'accord avec des réductions d'impôts mais des réductions d'impôts équilibrées qui permettent à tous les particuliers d'en profiter. De plus, nous aimerions rappeler notre mise en garde devant l'attrait que peut représenter, pour certains, une baisse d'impôts. Nous en avons fait état pour l'Ontario, dans notre présentation, lorsque nous avons mis en opposition la baisse d'impôts accordée aux contribuables et les augmentations de frais exigés du même gouvernement pour notamment payer les intérêts sur les emprunts servant à couvrir la réduction d'impôts.

Récemment, nous avons observé ce glissement au Québec dans le dossier du transport scolaire, alors que le gouvernement jongle avec l'idée de faire assumer, à même la taxe foncière scolaire, le financement de ce service, ce qui entraînerait une augmentation de 40 % de celle-ci.

Pour terminer, nous aimerions mentionner qu'il nous semble important que tout le débat sur l'utilisation des excédents ne fasse pas oublier celui de la fiscalité qui, lui, rejoint davantage les entreprises. Chacun le sait, les entreprises évoluant au Québec sont moins taxées ici qu'ailleurs au Canada. Il faut aussi aller chercher des contributions de ce côté, si on veut considérer que vraiment tout le monde contribue à l'avenir du Québec. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Je pense que vous avez su résumer un mémoire extrêmement riche, très fouillé. Nul doute que nous allons vous poser des questions pour vous demander certaines précisions ou, en tout cas, faire un certain nombre de commentaires. Je demanderais au ministre des Finances, le premier, de lancer ce dialogue.

M. Landry: D'abord, mes compliments pour votre mémoire et pour votre action en général. Sont venus devant nous plusieurs groupes progressistes, comme vous l'êtes, qui rejettent le modèle de pensée unique, qui pensent que le libéralisme ne peut pas tout régler et l'ultralibéralisme encore moins. Vous l'avez dit, vous l'avez répété et le gouvernement partage cette idée.

Mais ce qu'il y a de plus chez vous, je dois le souligner, c'est que votre mémoire – et ça ne me surprend pas – est très articulé. Il y a une tradition de bons économistes à la CEQ, d'hier et d'aujourd'hui. Ce que je veux dire, c'est que vous avez réussi, dans ce mémoire, à rester progressistes, à rester une force active de la société sans sombrer dans l'erreur de calcul grossière ou la démagogie. Il y a quelqu'un qui nous a suggéré hier de ne plus payer la dette du Québec puis les intérêts.

Bien, c'est l'opposé de ce que vous êtes venus faire ce matin, et on vous en remercie, et ça nous réconforte, même si on sait que, sur certains points qui sont plus que des détails, qui sont de grosses modalités, nous ne sommes pas d'accord. Puis, en plus, on essaie, dans la plus grande dignité possible, de poursuivre avec vous des négociations, puisque nous sommes en plus, comme gouvernants, vos employeurs. Alors, je trouve votre mémoire, de ce point de vue là, empreint de responsabilité.

Mais j'ai quelques petites questions à vous poser, une générale puis une plus particulière à votre métier. C'est sur la paupérisation. M. Beaulne, vous nous avez parlé de la paupérisation, et là je vous dis franchement: J'ai besoin de plus d'éclairage, nous avons besoin de plus d'éclairage. Naguère, c'est-à-dire il y a quatre ou cinq ans, le taux de chômage, au Québec, était de 14 %. Il est descendu à 9 %. Le plus grand facteur de paupérisation, c'est l'incapacité de travailler, et le plus grand fléau social, c'est le chômage. En même temps, le nombre des assistés sociaux a décru d'environ 200 000 ménages. Alors, je veux vous croire quand vous me parlez de paupérisation, mais comment peut-on parler de paupérisation, alors que l'économie va mieux, que le chômage baisse puis qu'il y a moins de monde qui a besoin de l'aide d'ultime ressort qu'est l'aide sociale?

C'est parce que ça va devenir très, très décourageant, ça. Si, plus on performe, plus le Québec est riche, plus on entend parler de paupérisation, comment est-ce qu'on va expliquer à un travailleur qui gagne 60 000 $ par année puis qui est le plus taxé de son continent que, quand ça va bien, ça va mal et que ses taxes, ça ne sert pas à grand-chose parce que nos systèmes sociaux ne sont pas assez généreux? Vous voyez ce que je veux dire? Et je ne pose pas ma question pour contredire ce que vous avez dit, je voudrais que vous complétiez votre pensée là-dessus. Ça, c'est la question générale.

J'ai bien apprécié, d'ailleurs, que vous fassiez la différence avec l'Ontario. L'Ontario n'est pas notre idéal non plus, ni non plus les États-Unis d'Amérique. Ils ont choisi des approches sociales, des systèmes sociaux qui leur conviennent peut-être, qui ne nous conviennent pas et qui son largement illusoires, comme votre mémoire le dit, parce qu'il faut tenir compte des coûts de la vie, etc.

Ma deuxième question, c'est plus pour votre métier, qui, d'ailleurs, soit dit en passant, est un sacré beau métier. J'ai eu le bonheur de le pratiquer pendant 10 ans de ma vie, ça a été dans les plus belles années que j'ai vécues. D'abord, quand je parlais, ils m'écoutaient; deuxièmement, ils étaient toujours jeunes, parce que ça se remplace d'une année à l'autre. Vous faites un beau métier, puis les résultats sont là pour le prouver aussi.

(10 h 20)

Bien, justement, mon expérience de professeur d'université m'a démontré qu'il y a bien des calomnies sur notre système d'enseignement: Ils ne savent pas lire, ils ne savent pas écrire, ils ne savent pas parler. Faux! J'en ai rencontré, pendant 10 ans, des milliers et des milliers qui écrivaient parfaitement, qui savaient parler, qui étaient plus délurés, pas mal, qu'on ne l'était dans notre temps. Alors, ça, ce n'est pas la génération spontanée, c'est parce qu'il y a des milliers et des milliers d'enseignants et d'enseignantes qui font bien leur job, ce qui fait que, mathématiquement, par exemple, dans le taux d'obtention de diplômes secondaires, le Québec a le meilleur niveau au Canada: 87 % et 72 %. C'est le produit, ça, de vos classes et du travail de vos membres. Dans certaines études comparatives de l'OCDE, vos étudiants et étudiantes se classent dans les premiers du monde en mathématiques et en sciences.

Mais j'en viens aux chiffres, là. Les dépenses publiques pour tous les ordres d'enseignement, en pourcentage du PIB, sont supérieures, au Québec, 6,4 %, à celles de l'Ontario, 5,8 %. Où est notre différence? Bien, moi, c'est parce que je prends ça en pourcentage du PIB. L'Ontario, c'est une grosse machine, c'est la province la plus industrialisée du Canada, un PNB 20 % plus élevé que le nôtre, 400 000 travailleurs seulement dans l'automobile. Alors, le coeur industriel du Canada, c'est l'Ontario. Puis le coeur industriel de l'Ontario, c'est Ford, GM et Chrysler. Tout le monde sait ça. Mais comment peut-on dépenser autant qu'eux si on fait 20 % de moins? Vous voyez mon problème. Et on le fait quand même.

Aux niveaux primaire et secondaire, même si les dépenses de fonctionnement des commissions scolaires, en dollars par élève, sont effectivement plus faibles au Québec qu'en Ontario – vous l'avez dit – les dépenses publiques en proportion du PIB sont comparables à l'Ontario et à la moyenne canadienne.

Une question que vous connaissez par coeur, le fameux ratio élèves-enseignant. Au Québec, c'est 16, et en Ontario, c'est 18,4. Alors, vous voyez notre problème. Je dis, en terminant, que ce que vous souhaitez qu'on fasse, au moins l'an passé on l'a fait. Qu'est-ce qu'on a fait l'an passé dans le budget? On a mis la marge de manoeuvre qu'on avait en santé puis en éducation. Qu'est-ce qu'on va faire dans le prochain? On va la mettre en santé, en éducation puis en baisse d'impôts, suivant l'ampleur qu'elle aura. Mais j'ai vu vos priorités, là. Pour vous, la baisse d'impôts, à laquelle vous ne vous opposez pas – je vous comprends bien? – n'est pas votre priorité. Alors, voici mon commentaire général, puis il comporte suffisamment de questions, j'imagine, pour que vous puissiez nous éclairer davantage.

Mme Richard (Monique): Je vais faire un petit bout sur votre deuxième question, puis ensuite je passerai la parole à M. Lachance et à M. Beaulne. Vous disiez tout à l'heure que l'Ontario n'était pas votre modèle, vous disiez que vous aviez passé 10 ans de votre vie dans l'éducation, que c'était les plus belles années de votre vie; c'est vrai. J'étais probablement dans l'enseignement à cette période-là aussi, mais on avait un peu plus de moyens au niveau des établissements. En tout cas, pour ma part, dans les années soixante-dix, il y avait des ressources dans le milieu de l'éducation. Et, quand vous dites que l'Ontario n'est pas votre modèle, je l'espère bien, mais, en même temps, quand vous nous amenez des chiffres au niveau de l'éducation, vous vous référez à l'Ontario.

Et, moi, je pense que, quand on fait le constat de la situation de l'école publique, actuellement, qui a vécu des compressions importantes depuis 10 ans, on doit faire un constat basé non pas sur les chiffres, mais sur la réalité des choses, à partir de la population que nous avons, à partir de l'accentuation des différences sociales, de l'accentuation de l'itinérance chez les jeunes, du phénomène de pauvreté, du phénomène d'exclusion aussi qui fait que l'école, étant le lieu où tout le monde passe, a des défis d'autant plus importants à relever socialement. Et le manque de ressources, le manque de moyens de l'école publique, ce n'est pas le fait d'un discours, c'est la réalité quotidienne.

Et bien sûr on relève les défis parce que les gens supportent le système public à bout de bras à cause de leur engagement. Peut-être que vous nous direz que ça ne doit pas être autrement, mais, en même temps, il y a un bout à faire à relever des défis quand on n'en a plus les moyens et quand on n'a pas assez de moyens. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit: Ce n'est pas une vue de l'esprit, les problèmes des réseaux publics actuellement au Québec. Je pense qu'il y a tellement de situations qui sont mises sur la place publique, dont nos gens témoignent, pour être en mesure de ne pas se retrancher en arrière des chiffres pour expliquer une situation, mais vraiment prendre en compte les constats qui sont faits par celles et ceux qui, au quotidien, dans leur classe, à partir des jeunes de cinq ans jusqu'à l'université, ont une mission tellement importante pour l'avenir de notre société.

Et j'écoutais hier... Puis j'ai eu à intervenir sur la question d'enseignantes et d'enseignants qui sont en situation de précarité et qui se regroupent pour offrir aux écoles, à nos écoles, à l'école où j'enseignais, des services privés pour les parents qui ont besoin de soutien à leurs jeunes enfants de cinq ans, six ans, sept ans. Il n'y a plus, dans les écoles du Québec, d'orthopédagogues, d'orthophonistes, de ressources pour la récupération nécessaires pour ne pas mettre encore plus en difficulté la démarche d'apprentissage de ces jeunes-là.

Ce n'est pas vrai que l'école publique peut se dire: Parce que ça se passe ailleurs, on doit autoriser que ça se passe ici. Quand j'enseignais, dans les belles années où on avait plus de moyens, il y avait des orthopédagogues, il y avait des ressources, il y avait une situation où, quand on avait un enfant de cinq ans ou de six ans ou de sept ans qui avait une difficulté ponctuelle, on n'attendait pas six mois et un an en le mettant sur une liste d'attente pour lui donner les services. Alors, c'est une situation difficile, et, moi, je suis prête à considérer tous les chiffres que vous nous donnez, mais je veux que vous considériez sur cette question-là la réalité des choses dans nos écoles.

M. Landry: Mme Richard, je voudrais à votre tour que vous considériez que ce que vous avez appelé «les belles années» a un potentiel pervers et explosif incroyable pour les jeunes à qui vous enseignez, parce que les belles années nous ont conduits à 100 000 000 000 $ de déficit...

Mme Richard (Monique): Je comprends.

M. Landry: ...et nous mangent 6 000 000 000 $ par année de service de la dette. Si ces belles années là, entre guillemets, avaient été un peu moins belles, on n'aurait pas 6 000 000 000 $ d'intérêt à payer puis on en aurait plus pour les écoles. Vous voyez la situation dans laquelle on est?

Mme Richard (Monique): Et c'est dans ce sens-là, M. Landry, qu'on a consenti, à un certain moment donné, à travailler à l'assainissement des services publics et à dire qu'il fallait couper dans des choses qui n'étaient peut-être pas directement reliées aux services puis qui étaient ce qu'on a qualifié du gras, pendant une certaine période, bien sûr. Mais là on n'est plus dans le gras, on est dans le vif.

M. Landry: Je vous donne raison. Et vos priorités ressemblent aux nôtres, à peu de modalités près. Nous pensons que la marge de manoeuvre que l'économie va nous donner – puis on ne sait pas encore quel en sera le montant, le plus haut possible – doit être consacrée à la baisse d'impôts, à l'éducation et à la santé. Ça veut dire que vous n'avez pas à nous convaincre que vous avez fait des efforts et que vous méritez qu'on en remette. Mais on n'en remettra pas en allant l'emprunter à New York puis à Boston, mais en le prenant dans vos poches et dans les nôtres, et le Québec va se gérer.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je crois que M. Lachance veut intervenir.

M. Lachance (Daniel): Bien, M. Landry, on a à vous convaincre d'une chose, quand même, on a à vous convaincre que, pour le court terme ou le moyen terme, on verra avec la croissance économique, mais le bout sur la baisse d'impôts, même s'il y a déjà des engagements de 400 000 000 $ que vous nous avez annoncés dans le dernier budget...

M. Landry: C'est ça.

M. Lachance (Daniel): Bon. Mais, pour l'autre bout, là, nous, ce qu'on vous dit, c'est: Attendez donc. Chaque fois que Mme Marois, quand elle était ministre de l'Éducation ou ministre de la Santé, vous-même, le premier ministre, M. Legault actuellement... Chaque fois que des compressions étaient faites on entendait l'expression: Écoutez, ce n'est pas de gaieté de coeur, on sait que c'est difficile à vivre, etc. On est rendu dans une situation où vous commencez à dégager des surplus.

Et, quand on applique l'étude qui a été faite par la Banque Royale pour évaluer les surplus au fédéral, qui sont entre 90 000 000 000 $ et 100 000 000 000 $, bien on s'aperçoit qu'au Québec, d'ici cinq ans – mais vous êtes toujours assez conservateur dans vos prévisions – c'est autour de 17 000 000 000 $, les surplus qui se dégageront. Quand on applique cette étude-là. Nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a des dégâts qui ont été faits dans les services publics puis dans les programmes sociaux et il faut que vous vous attardiez et que vous mettiez votre première attention à la restauration de ces programmes-là.

Vous savez, pour faire face à la mondialisation, là, le meilleur moyen de faire face à la mondialisation, c'est d'avoir des politiques nationales fortes. Les politiques nationales fortes, ça repose principalement sur des services d'éducation et de santé articulés répondant aux besoins de la population. Ça, ça veut dire qu'on n'envoie pas notre monde se faire soigner aux États-Unis, qu'on est capable de leur donner des services ici. Des politiques nationales fortes, aussi, ça veut dire que, quand les gens travaillent, ils ont un revenu d'emploi qui leur permet de vivre décemment.

(10 h 30)

Et là j'en arrive à votre question de tout à l'heure sur la paupérisation. Écoutez, ce à quoi on assiste depuis une quinzaine d'années, c'est à un nouveau visage de la pauvreté. Souvent, quand on fait référence à la pauvreté, on parle des gens sur l'aide sociale puis on parle des gens sur le chômage, parce que, pour les gens à faibles revenus, quand on se retrouve à 50 %, avec la détérioration des programmes fédéraux, c'est un revenu qui nous amène dans une situation de pauvreté.

Depuis 15 ans, la pauvreté, elle est aussi le fait des gens qui travaillent parce que la restructuration de l'emploi, le type d'emplois créés, maintenant le phénomène de précarisation que nous connaissons au Québec, comme dans toutes les sociétés industrialisées, font en sorte que, même une famille, deux personnes travaillant mais se retrouvant dans une situation de précarité ou d'emploi autonome – vous savez que les femmes, en moyenne, c'est 10 000 $ par année en emploi autonome puis c'est 75 % des nouveaux emplois qui sont dans des emplois autonomes – se retrouvent dans des situations de pauvreté. Le revenu disponible des personnes les plus pauvres a diminué aussi, ces dernières années.

M. Landry: Alors, ça ne voudrait pas dire que la société est sans espoir?

M. Lachance (Daniel): Non.

M. Landry: Le chômage baisse, le nombre d'assistés sociaux baisse puis on est de plus en plus pauvres. Ce n'est pas très stimulant, ce que vous me dites là, ni pour nous ni pour vos étudiants et étudiantes. Ils vont avoir baissé la courbe du chômage, on va avoir baissé le nombre des assistés sociaux, puis vous leur dites, vous, leurs maîtres ou leurs enseignantes, qu'ils vont être de plus en plus pauvres. Qu'est-ce que c'est que cette société du désespoir?

M. Lachance (Daniel): Non, M. Landry, ce n'est pas ça qu'on leur dit. Ce qu'on vous dit, à vous, c'est que le système échappe beaucoup de monde depuis un certain nombre d'années et qu'il y a des gens qui étaient pauvres et qui le sont encore plus, et que ce qu'on doit mettre en place ou ce qu'on doit restructurer doit nous permettre, que ce soit à travers la formation professionnelle, que ce soit à travers Emploi-Québec... Si on veut parler de responsabilités et de besoins criants, vous connaissez la situation comme moi.

M. Landry: Bien, là, Emploi-Québec, il paraît qu'on en a mis trop, d'argent.

M. Lachance (Daniel): Pardon?

M. Landry: Il paraît qu'on en a mis trop, d'argent, dans Emploi-Québec. C'est ça, la principale critique qu'on nous fait.

M. Lachance (Daniel): Écoutez, vous n'avez pas mis trop d'argent, vous avez vu vous-même les conséquences de cela. Le projet de réforme sur la Loi de la sécurité du revenu qui visait à faire en sorte que tous les jeunes puissent avoir accès à cette formation qualifiante, on est dans une situation où tout le monde fait le constat qu'on n'est pas capable d'offrir, avec ce qu'on a sur la table, des programmes à l'ensemble de ces jeunes-là. C'est un moyen, ça, effectivement, de sortir des jeunes d'une situation potentielle de précarité ou de pauvreté.

M. Landry: Oui, mais on a bien eu des dépassements de 80 000 000 $.

Une voix: ...

Le Président (M. Simard, Richelieu): On l'a dépensé.

M. Landry: M. Beaulne, il y a une autre chose.

Une voix: M. Beaulne, c'est lui, M. Landry.

M. Landry: Oui. M. Beaulne, qui est spécialisé dans ces questions, peut vous aider à équilibrer ce que vous avez dit sur John McCallum. Mon ami John McCallum, qui est vice-président et économiste en chef de la Banque Royale, s'est planté, à mon avis. Vous avez vu sa méthode? Il a oublié que le gros transfert fédéral de l'an dernier n'est pas récurrent. Ça fait une maudite erreur, ça.

Alors – M. Beaulne va vous refaire vos chiffres, là, puis vous referez votre argument – si on a 19 000 000 000 $ de surplus, on va s'entendre beaucoup mieux sur beaucoup plus d'autres choses. Hélas, je ne le crois pas, mais, si ça arrive, on peut vous promettre que notre gestion budgétaire sera différente parce qu'on aura beaucoup plus d'argent.

Qu'est-ce que vous en pensez, des méthodes de John? Vous le connaissez, vous aussi, comme moi.

M. Beaulne (Pierre): Oui, j'ai regardé ça. Effectivement, vous avez raison sur un point, mais peut-être qu'il y a un autre point qui vous a échappé, M. Landry. C'est que McCallum, effectivement, dans ses projections, a pris les transferts du fédéral avec le paiement ponctuel de 1 700 000 000 $ qui est arrivé, mais, en revanche, il avait pris les projections de revenus autonomes qui étaient celles du budget et qui, en fait, ont été de 2 000 000 000 $ supérieures à celles que le budget de 1998 indiquait, en fin de compte. Donc, ces choses-là se sont compensées et les projections demeurent – sur la base des hypothèses qui sont faites – foncièrement, à mon avis, assez saines, et peut-être même qu'elles sous-estiment l'ampleur réelle des revenus si des marges apparaissent qui sont plus substantielles pour cette année.

Je voudrais peut-être revenir sur certains... Vous avez évoqué beaucoup de chiffres en ce qui concerne les efforts relatifs de l'éducation. Je pense qu'il faut prendre toujours avec un peu de prudence les mesures relatives. Par exemple, les dépenses de l'éducation par rapport au PIB, s'il fallait se fier simplement à cet indicateur-là, il faudrait en arriver au constat que c'est Terre-Neuve qui est la province qui est la plus avancée en termes d'efforts en éducation parce qu'elle dépense près de 10 % de son PIB. En réalité, c'est parce que Terre-Neuve est la province la plus pauvre. Donc, nous, au Québec, effectivement, on a une proportion un peu plus forte que l'Ontario, mais, en termes absolus, les dépenses par élève, on se situe un peu derrière.

M. Landry: Oui, on s'entend là-dessus.

M. Beaulne (Pierre): Ce qui nous inquiète particulièrement, nous, c'est certain qu'il y a un écart et que l'écart est difficile à combler, en termes absolus et en termes de dépenses par élève, mais ce qui nous inquiète beaucoup aussi, c'est quand on regarde les tendances. On a coupé environ 2 500 000 000 $ en éducation depuis six ans et toutes les courbes indiquent que l'effort relatif qui est consacré à l'éducation s'affaiblit au Québec, alors que, aux États-Unis, en Ontario et ailleurs en Amérique du Nord, on s'est remis à investir en éducation. Les statistiques du ministère de l'Éducation indiquent que la dépense par élève, aux États-Unis, est de l'ordre de 7 979 $, comparativement à 5 472 $ au Québec. C'est un écart de 32 %. Alors, c'est ces tendances-là qui nous préoccupent au plus grand point, et, nous, nous pensons qu'il faut renverser la tendance maintenant que les finances publiques sont assainies.

M. Landry: Mais, en tout cas, on peut vous assurer d'une chose. Si les surplus sont au rendez-vous, vous aurez plus de raisons de vous réjouir, pour l'éducation comme pour la santé...

Mme Richard (Monique): On va vous faire signer ça tout de suite.

M. Landry: ...mais il faut que les surplus soient au rendez-vous.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. C'est maintenant – et je pense qu'elle a hâte de le faire – à la députée de Marguerite-Bourgeoys d'intervenir.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Richard, M. Lachance et M. Beaulne. Je dois dire que votre mémoire est remarquable. Effectivement, vous avez des gens formidables qui ont travaillé sur ce document-là, parce qu'il est très, très bien fait.

Moi, je voulais vous dire que, d'abord, je pense deux choses fondamentales. Premièrement, le problème de la paupérisation. Vous avez parfaitement raison de dire qu'il se passe quelque chose actuellement dans notre société, dans nos sociétés industrialisées. Ce n'est pas seulement au Québec. Effectivement, les choses vont mieux pour beaucoup de monde, mais l'écart entre les riches et les pauvres s'agrandit.

Vous parliez d'exclusion et c'est exact. Il y a des gens qui semblent exclus de la société et de plus en plus il y a des gens qui tombent, c'est comme si on avait deux classes de citoyens. Vous avez parlé des travailleurs autonomes, vous avez dit que la majorité des emplois étaient créés chez des gens qui gagnaient à peine 10 000 $, 12 000 $. Alors, ça, c'est un phénomène qu'il va falloir qu'on regarde attentivement, attentivement parce que c'est troublant de voir ça puis ce n'est pas seulement chez nous et il va falloir qu'on se penche sur ce problème-là. Il est clair qu'il se passe quelque chose dans notre société puis c'est dramatique.

Le deuxième point que je voulais faire, vous avez parlé de dégâts. Effectivement, on a des témoignages quotidiens. C'est bien facile, l'Assemblée nationale, avec des statistiques, de dire: Bien, c'est la réalité, c'est comme ça que ça se passe. Mais, tous les soirs, on voit, on entend des témoignages de gens qui tiennent le système à bout de bras. Il doit se passer quelque chose parce que les gens ne doivent pas être en train de crier de partout pour rien. Je veux dire, c'est clair qu'il se passe quelque chose dans la société.

Alors, moi, ce que je voulais savoir: Au niveau de l'éducation, qu'est-ce que vous pensez qu'il serait légitime de réinjecter comme financement public? Quelles sont les sommes – c'est votre spécialité – qu'on devrait envisager pour réinvestir, pour remettre un réseau d'éducation qui fonctionne raisonnablement bien?

Mme Richard (Monique): Sur cette question, évidemment, quand, dans notre mémoire, on fait des constats en regard de la moyenne canadienne, on voudrait, au moins, dans un premier temps, être en mesure de rattraper cette moyenne canadienne. Donc, on pense qu'un niveau de 800 000 000 $ en éducation, ça nous donnerait les moyens de rattraper cette moyenne canadienne.

Maintenant, si on se réfère aux interventions des différents niveaux d'enseignement, des représentants du côté patronal, je dirais: La Fédération des commissions scolaires faisait une demande en témoignant de besoins de 350 000 000 $; au niveau des collèges, on a entendu 240 000 000 $; au niveau des universités, on a déjà entendu 700 000 000 $ puis, ce matin, dans les journaux, on parle encore de 88 000 000 $ de plus. Si on réfère à ces représentations-là, c'est 1 200 000 000 $. Mais, nous, on dit: Au moins pour rejoindre la moyenne canadienne, ce serait un investissement de 800 000 000 $ qui serait nécessaire.

(10 h 40)

Mme Jérôme-Forget: Est-ce que vous avez examiné comment est-ce que devrait se faire la distribution? Quelle est l'emphase pour vous? Est-ce que c'est de mettre l'emphase au niveau secondaire, pour être sûr que tout le monde termine un cours secondaire? Est-ce que c'est au niveau collégial? Quelles sont vos priorités?

Mme Richard (Monique): On en a une, priorité, c'est le service direct aux élèves, à tous les niveaux. Le manque à gagner, au niveau des services, il se situe à ce niveau-là. Qu'on parte du préscolaire, qu'on se rende jusqu'au collégial, il y a une constante: il y a un manque de ressources en services directs aux élèves. Quelle est la nature de ces ressources-là? Je vais vous donner un exemple. Au collégial, on constate, depuis un certain temps, que les jeunes du collégial prennent, dans une grande proportion, jusqu'à cinq ans pour terminer les études collégiales.

Mme Jérôme-Forget: Ça, j'ai entendu ça.

Mme Richard (Monique): On dit que ça génère des coûts de système. On a taxé à un moment donné les jeunes, on les taxe parce qu'ils sont en situation d'échec. Mais il y a, en dessous de cette situation-là, un problème d'orientation important, un problème de choix de carrière, de perspectives d'emploi important, un problème de support quand on fait ces choix-là. Et ce n'est pas marginal de voir des jeunes qui commencent dans une démarche d'apprentissage, dans un certain créneau, qui se réajustent au bout de six mois puis qui se réajustent encore, mais on n'a pas de ressources disponibles dans le milieu du collégial en termes de conseil d'orientation, et ainsi de suite. Il n'y en a à peu près plus. Quand on en a un par collège ou deux par collège, quand il en reste puis qu'on a une population de 1 500, comment on peut être en mesure d'assurer un suivi? Le service personnalisé n'est plus présent, en termes de disponibilité. Même s'il y a un nom sur une porte de bureau, un nom pour x nombre d'étudiants et d'étudiantes, ça génère des situations comme celles qu'on voit maintenant.

Au niveau du secondaire: des services complémentaires de suivi, je pense aux psychologues, je pense aux orthopédagogues, je pense aux orthophonistes, je pense à des services complémentaires d'orientation importants, au niveau du secondaire. On vient de vivre un mondial sur la formation professionnelle. Dans certains milieux et pour bon nombre de parents qui auraient des espoirs pour leurs jeunes, la formation professionnelle, c'est vu comme une voie de garage, quand c'est là que se retrouvent les perspectives d'emploi. Mais il faut qu'il y ait des gens sur le terrain qui fassent valoir ces pistes-là, au niveau de l'avenir de ces jeunes-là, en termes de perspectives d'emploi et qui créent des intérêts et qui soient en mesure de les aiguillonner à partir de leurs forces à l'égard de l'emploi.

Donc, bien sûr, il y a des coûts dans le système d'éducation, il y a des coûts qu'on pourrait éviter si on investissait aux bonnes places sur les services que je qualifie d'essentiels.

Aux niveaux du primaire, du préscolaire, maintenant qu'on a du préscolaire temps plein, ce qui est un plus qu'on veut saluer, mais on retrouve en même temps des jeunes de cinq ans qui ont des problèmes de comportement, des problèmes de violence. J'ai fait une tournée le printemps dernier. Le nombre d'enseignantes, d'enseignants qui m'ont témoigné d'un manque de ressources à cause d'un phénomène de violence, de comportement des jeunes de cinq ans... Ils n'ont pas de ressources à qui les référer. En Gaspésie, des gens qui ont des listes d'attente de six mois à un an pour rencontrer le psychologue et, quand ils auront rencontré le psychologue, à une autre liste d'attente pour être en mesure d'avoir accès à des ressources.

Alors, on met ces jeunes-là dans des situations de difficulté. C'est là qu'il faut investir. C'est dans les services directs aux élèves. Bien sûr, les enseignantes et les enseignants sont là. Il y a des ratios, heureusement, il y a des planchers d'emploi – on les a protégés, ceux-là – mais il faut être en mesure de leur donner l'appui nécessaire. Ils en ont pris beaucoup sur leurs épaules. Mais la population jeune a de plus en plus de problèmes. Les problèmes sociaux s'accentuent, donc ça se répercute aussi à l'école puis auprès des jeunes qu'on côtoie à tous les jours. Alors, il y a là une priorité dans le service direct à l'élève, je dirais.

Mme Jérôme-Forget: Écoutez, vous n'allez pas me convaincre de... Je suis tout à fait convaincue de ça parce que, dans une vie antérieure, j'ai été psychologue auprès d'enfants ayant des problèmes d'apprentissage. Alors, je sais qu'un délai de six mois à un an, ça laisse des séquelles permanentes chez les enfants.

Mme Richard (Monique): C'est sûr.

Mme Jérôme-Forget: On ne peut pas récupérer. Il y a des périodes critiques où, si on ne trouve pas, on n'identifie pas les enfants très tôt, il est clair qu'on a perdu la lutte pour les réintégrer. Maintenant, vous avez également, en page 20, une idée... Je présume que ça vient après le réinvestissement dans l'éducation. Je ne vous demanderai pas combien réinvestir en santé parce que j'estime que c'est peut-être moins un domaine qui vous touche, bien que vous vous y intéressiez, vous le mentionnez, mais peut-être que vous êtes moins bien placés pour estimer les sommes à réinvestir dans ce secteur-là. Vous avez par ailleurs, en page 20, la déduction pour revenus d'emploi. Est-ce que je me trompe, est-ce que c'est bien à la page 20? C'est la recommandation 4, hein!

Mme Richard (Monique): Oui.

Mme Jérôme-Forget: Une déduction pour revenus d'emploi qui était déjà en vigueur. Au fait, en faisant ça, c'est l'équivalent d'une baisse d'impôts, ça. Non? M. l'économiste.

M. Beaulne (Pierre): Oui, oui. C'est une dépense fiscale. C'est comme une baisse d'impôts, effectivement.

Mme Jérôme-Forget: D'accord.

M. Beaulne (Pierre): C'est une des formes de baisse d'impôts.

Mme Jérôme-Forget: Bon. Pourquoi vous privilégiez cette formule d'impôts là, puisqu'elle privilégie à peu près tout le monde à ce moment-là? Parce que vous estimez qu'un travailleur qui paie des impôts, c'est légitime qu'il ait une reconnaissance?

M. Beaulne (Pierre): Un des arguments qui sont invoqués pour justifier les réductions d'impôts, c'est la question de l'incitation au travail. Alors, nous, on croit qu'une mesure qui est ciblée spécifiquement sur les revenus d'emploi a plus de chance d'être plus efficace en termes d'incitation d'emploi. Il y a aussi eu beaucoup de discussions, à cette commission, sur la question des taux marginaux implicites...

Mme Jérôme-Forget: Oui, absolument. Laferrière, Chartrand, là.

M. Beaulne (Pierre): ...de taxation qui sont très élevés, la jonction du régime d'imposition et du régime des transferts. Et on cherche des solutions un peu marginales ou graduelles pour atténuer le problème. Ça, ça pourrait être une contribution pour atténuer le problème des taux marginaux implicites élevés.

Et on mentionne également que les travailleurs salariés sont à peu près prisonniers du régime d'imposition. Ils n'ont aucune échappatoire, ils n'ont aucune possibilité de sous-déclaration. Et, dans une perspective de faire apparaître le système fiscal, à leurs yeux, plus équitable, on pense qu'une telle mesure pourrait contribuer à donner l'apparence d'une plus grande équité à notre régime d'imposition.

Mme Jérôme-Forget: Il y avait un point également que vous avez fait plus tôt à l'effet qu'il y avait beaucoup de gens aujourd'hui qui travaillaient, effectivement, et qui étaient pauvres. Alors, ça, ça a été... Parce que, pendant des années, on a surtout regardé certains groupes spécifiques, notamment les personnes âgées. Mais aujourd'hui le problème s'est transféré beaucoup chez des familles qui se sont appauvries.

Vous parlez de l'aide aux familles, à la page 21. C'est une de vos recommandations: une bonification de la réduction d'impôts à l'égard de la famille. Est-ce que vous proposez des allocations familiales généralisées, une exemption pour enfants? Qu'est-ce que vous proposez? Quelle est votre préférence à cet égard-là à l'endroit des familles?

M. Lachance (Daniel): Je vais commencer, Pierre pourra peut-être ajouter. La première chose qu'on doit dire, c'est qu'on a procédé, au gouvernement, récemment à une réforme en profondeur sur le plan de la politique familiale. Et, nous, on pense que, s'il y a eu une réforme intéressante au Québec, bien sûr, suite à une population qui poussait, la réforme familiale, donc, qui comprend un certain nombre de dimensions: les maternelles, les garderies, l'allocation unifiée... Tout ça, on pense que ça, ça va dans la bonne direction. Par ailleurs, quand on a procédé à cette réforme-là, on a rebrassé un 2 000 000 000 $, à peu près.

Mme Jérôme-Forget: Le même argent.

M. Lachance (Daniel): Et on a rebrassé ça dans la machine. Nous, on pense qu'il faut peut-être regarder s'il n'y a pas des groupes où il y a eu des transferts, finalement, des groupes qui ont perdu à travers ça. De manière générale, on est tout à fait en accord avec cette réforme, mais il y a peut-être des ajustements à y apporter.

Quand on parle de l'indexation des tables ou des barèmes d'imposition, bien c'est l'ensemble des barèmes qui doivent être ajustés. Et là-dedans, bien sûr, il y a aussi les crédits d'impôt pour enfants, etc., donc un certain nombre de mesures que nous proposons et qui pourraient avoir un effet bénéfique pour les familles. Donc, on dit: Il faut regarder globalement cette question, il ne faut pas retoucher à la réforme qui a été faite, mais il faut regarder s'il n'y a pas des ajustements auxquels on pourrait procéder. Parce que, particulièrement les garderies à 5 $, les services de garde, on pense que c'est une contribution majeure, ça, pour les familles québécoises. On ne doit pas retoucher à ça, de manière générale; il faut juste voir s'il y a des ajustements à faire.

(10 h 50)

Mme Richard (Monique): Je veux profiter de l'occasion pour revenir un petit peu sur votre commentaire sur la santé, tout à l'heure. Parce que, à la CEQ, bien sûr, la majorité de nos membres sont dans le réseau de l'éducation, mais nous avons aussi trois fédérations du secteur de la santé: des infirmières, des gens en centre hospitalier, Saint-Luc particulièrement, des gens en centre d'accueil, dans les centres jeunesse, et ainsi de suite.

Pour nous, le réinvestissement dans le réseau de la santé nous amène un peu à la même règle que pour l'éducation. Si on veut être en mesure de rejoindre la moyenne canadienne, c'est d'un investissement de 1 200 000 000 $ qu'on a besoin dans le réseau de la santé. Et, compte tenu de la situation du réseau de la santé qu'on peut lire, sans y aller, à tous les jours, dans les journaux, dans les médias et entendre un certain nombre de jugements posés sur les difficultés que nous avons, je pense que c'est vraiment un premier objectif, de rejoindre cette moyenne canadienne et, ensuite, de faire en sorte qu'on soit dans une démarche d'amélioration au fil des ans.

Mme Jérôme-Forget: D'accord. Moi, je n'ai plus de question, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Très bien, merci. Mme Richard, messieurs, merci beaucoup de ce mémoire. Je pense que ça a été dit à deux reprises, mais je me permets de le souligner, il contient beaucoup plus que l'objet de la discussion que nous avons eue aujourd'hui. Il est riche d'analyses extrêmement pertinentes. Alors, j'espère que nous nous reverrons bientôt et j'en suis convaincu.

Sans vouloir bousculer personne, nous allons poursuivre nos travaux et j'invite maintenant l'Association de la défense des droits sociaux, M. Clennett et les autres représentants, à venir s'asseoir avec nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Il y a une formule bien connue qui s'exprime ainsi: On peut être les derniers sans être les moindres, hein! Alors, vous êtes chronologiquement les derniers à vous présenter devant la commission mais non les moindres. Alors, nous allons écouter attentivement évidemment.

Je souligne, en passant, que visuellement j'accepte tout à fait l'expression de ceux qui sont venus avec vous. Il est bien entendu qu'en cette Chambre il n'y a pas de manifestation ni d'applaudissement ou quoi que ce soit. Alors, je vais vous demander maintenant de vous asseoir et nous allons commencer à écouter vos représentants.

M. Clennett, nous vous connaissons bien. Nous sommes toujours heureux de vous recevoir ici et nous allons être très attentifs à vos propos ainsi qu'à ceux des autres porte-parole.

Association pour la défense des droits sociaux (ADDS)

M. Clennett (Bill): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous présenter des personnes qui sont venues ici avec moi. À ma gauche, il y a Mme Johanne Desjardins de notre Association et, à ma droite, c'est M. Daniel Chantigny.

Avant de démarrer le mémoire, Johanne va brièvement faire une présentation. Vous, vous nous connaissez, mais les autres membres ici ne nous connaissent pas. Alors, elle va expliquer c'est quoi, l'ADDS de Hull.

Mme Desjardins (Johanne): L'ADDS est une association qui regroupe des personnes à très faibles revenus dont certains sont ici dans la salle, un petit groupe seulement. La mission de l'ADDS, c'est de lutter contre la pauvreté et pour la justice sociale parce qu'on est sûr et affirmatif qu'il est possible d'éliminer la pauvreté.

M. Clennett (Bill): Voilà. M. Simard, membres de la commission, l'ADDS croit et croit profondément dans la possibilité et la nécessité d'enrayer, éliminer, vaincre la pauvreté. Mais ce n'est pas tout le monde qui est de cet avis. Nous avons déjà entendu ou lu plutôt une intervention du ministre des Finances qui est ici avec nous, M. Bernard Landry, qui ne croit pas qu'on puisse éliminer la pauvreté, qui aurait affirmé qu'il y aura toujours des pauvres et que c'est écrit dans l'Évangile; ce n'est pas nous.

La forme du mémoire qu'on va vous présenter aujourd'hui ne part pas de grandes études. Nous sommes, comme Mme Desjardins l'a mentionné, un groupe de personnes dans une petite communauté, des personnes à faibles revenus qui s'organisent pour défendre leurs intérêts. On va partir du vécu de notre Association, et c'est la forme que va prendre notre mémoire.

Ce vécu a démarré, pour la fin du mémoire, à l'Année internationale pour l'élimination de la pauvreté. C'était le 10 décembre, soit le 48e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, journée que le gouvernement a choisie pour rendre publique une contre-réforme de l'aide sociale, contre-réforme qui a beaucoup concerné les membres de notre Association. On a décidé de regarder cette réforme-là à partir de la question des droits humains, et cette réforme nous a permis de faire un exercice d'apprentissage, comme petite association, et nous avons découvert que le programme de la sécurité du revenu, au Québec, est beaucoup plus qu'un programme, c'est un droit humain, inscrit à l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

La lecture que nous avons faite de ce projet de contre-réforme nous disait que ce n'était pas quelque chose qui était pour une amélioration des conditions de vie des plus pauvres de la société québécoise. Je vous rappelle que l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme porte sur le droit de tout être humain à un niveau de vie suffisant. Johanne va ensuite expliquer un peu plus qu'est-ce qu'on a découvert en rapport à cette réforme. Johanne.

Mme Desjardins (Johanne): Ce que nous avons découvert, à la page 84 du livre vert de Mme Harel: «Le gouvernement reconnaît les besoins essentiels.» Premièrement, ces besoins essentiels sont trop bas. Exemple: le transport, on alloue 21 $; dans la région de l'Outaouais, le transport est de 57 $. Deuxièmement, la plupart des personnes à l'aide sociale ne reçoivent même pas ces montants-là. Les besoins essentiels, pour une personne seule, le gouvernement reconnaît 667 $; en réalité, une personne reçoit 502 $. Quand les membres de l'ADDS ont vu ça, ils ont été très choqués puis ils se sont demandé s'ils ne pouvaient pas emmener le gouvernement en cour parce qu'il ne respectait pas leurs besoins essentiels.

Puis, si on regarde les coupures qu'il y a eu avec la réforme, le gouvernement a décidé de couper encore plus les personnes à l'aide sociale. Je vais prendre juste un exemple, parce que vous connaissez le livre vert par coeur: la perte de la gratuité des médicaments. C'est dur pour une personne assistée sociale, tout ce que le gouvernement a fait jusqu'à date dans les coupures; ce n'est pas vivable.

M. Clennett (Bill): Voilà un droit humain qui n'est pas respecté, un droit humain qui est bafoué, un droit humain dont l'exercice a été amoindri par le gouvernement en place.

(11 heures)

Mais nous avons, comme petite organisation, poursuivi nos recherches. Je sais que M. Simard connaît très bien le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, car, dans ses anciennes fonctions ministérielles, il avait la responsabilité d'envoyer un rapport aux Nations unies de la part du gouvernement du Québec vis-à-vis de ses engagements en rapport à ce Pacte-là. Il avait également la responsabilité de répondre à des questions par le Comité des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels. Et qu'est-ce qu'on a pu lire? Et peut-être que les membres autour de la table, ici, n'ont pas eu connaissance de ce rapport-là – dans ce rapport-là? Je dois dire qu'on a été des plus étonnés que non seulement, au Québec, les droits humains ne sont pas respectés, mais, quand il s'agit d'aller sur le plan international, on va conter ce que je qualifierais de moins que la vérité.

Et je vais vous lire qu'est-ce qu'on a pu trouver – et on a cité le passage dans notre mémoire – dans la section Québec du troisième rapport du Canada. Je lis: «Les barèmes de fixation des montants de prestations varient selon la taille du ménage à l'aide sociale.» On sait ça. Par contre, ce qu'on ne sait pas, ce qui n'est pas vrai, c'est la prochaine phrase: «Ils correspondent aux besoins ordinaires pour le logement, la nourriture, les vêtements et autres nécessités.» Autrement dit, on laisse sous-entendre aux Nations unies qu'au Québec la couverture des besoins essentiels, le droit à un niveau de vie suffisant existent.

Lorsque les Nations unies ont regardé chez nous, au Québec, comment ça se passe, avec tant de richesse et plein de monde dans les banques alimentaires, ils ont posé une question au gouvernement concernant le respect de ce droit-là et comment ça se fait qu'il y avait tant de banques alimentaires. Et voici ce qu'a répondu le gouvernement du Québec: «Loin – loin – d'être négative, l'existence des banques alimentaires démontre la volonté d'une société de partager ses ressources avec ses membres les plus démunis, et ce, d'une façon volontaire non gérée par l'État.»

On n'était pas du tout étonné que le Québec et le Canada conjointement aient été sévèrement blâmés pour ce qui est du respect ou non-respect des droits humains chez nous. Je ne lirais qu'une seule phrase des observations finales de ce comité, très important au niveau international: «L'État partie, le Canada et ses composantes, n'a pas accordé une attention suffisante aux conséquences négatives des coupes opérées dans les dépenses sociales pour résorber le déficit budgétaire sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels par la population canadienne, en général, et par les groupes vulnérables, en particulier.»

On a poursuivi nos démarches une fois que la réforme a été adoptée. D'ailleurs, on était dans l'Assemblée nationale à 3 h 30 du matin lorsqu'on a adopté cette réforme, ou contre-réforme, réaffirmant le non-respect des droits humains. Mais il y a eu des élections par la suite et nous avons fait une intervention importante lors des élections, justement, concernant ces droits-là. Et, avant que M. Chantigny décrive ce qu'on a fait et quelles étaient nos préoccupations lors des élections – et ça concerne les droits humains – moi, je voudrais rappeler que, le 27 mai, M. Simard s'est levé à l'Assemblée nationale, et voici ce qu'on a entendu:

«M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«"Que tous les membres de l'Assemblée nationale du Québec s'associent à la campagne mondiale d'Amnistie internationale, Signer c'est agir et témoignent avec force de leur attachement envers les droits humains et renouvellent, ici, leur engagement en faveur de la Déclaration universelle des droits de l'homme." Merci, M. le Président.»

Et quel était cet engagement qui a été signé par M. Simard, possiblement M. Landry, certainement M. Bouchard, le chef de l'opposition? «Je m'engage à promouvoir les droits humains partout dans le monde.» Mais «partout dans le monde», ça commence chez nous. Et, pas moins d'un mois plus tard, vous avez consacré de nouveau un régime de sécurité publique qui ne respecte pas les droits humains. Oui, Johanne a parlé de la colère de notre groupe. Et Daniel va maintenant exprimer qu'est-ce qu'on a tenté de faire pour savoir comment ça se fait que, chez nous, on ne respecte pas le droit à un niveau de vie suffisant. M. Chantigny.

M. Chantigny (Daniel): M. le Président, lors du début de la campagne électorale, en 1998, nous apprenions, à nos bureaux, que M. Charest était en visite dans l'Outaouais quelques jours plus tard. C'est alors que nous avons fait une demande de rencontre avec M. Charest. Mais, malheureusement, pour des raisons que vous connaissez probablement, que M. Charest est occupé au courant de cette journée-là, il n'a pas de place pour nous, on était très déçu. C'est alors que les membres de l'ADDS se sont mobilisés. À l'intérieur d'un autobus, on a dit: Bien, à la venue de M. Charest, on va le suivre de pas en pas, tout partout où il va aller dans l'Outaouais.

Finalement, à 14 heures, dans un stationnement d'un centre d'achats, M. Charest a accepté de nous rencontrer dans l'autobus. Nous lui avons posé la question: Est-ce que le gouvernement respecte les besoins essentiels et à un niveau de vie décent? M. Charest ne nous a pas répondu sur cette question. Naturellement, il était en campagne électorale. La seule chose, avant de quitter, c'est que M. Charest a traité les personnes appauvries de personnes à faible productivité.

Vu le refus de cette réponse, quelques semaines plus tard, nous avons interpellé le bureau du premier ministre, M. Lucien Bouchard. On a envoyé la question par la poste, la même question: Est-ce que le gouvernement du Québec respecte les besoins essentiels à un niveau de vie décent? Aucune réponse reçue après deux semaines. Nous avons retéléphoné au bureau du premier ministre pour insister pour avoir une réponse. Quelques semaines plus tard, on a eu un contact du bureau du premier ministre disant qu'on était pour avoir une réponse avant la journée du vote. On a reçu une réponse, mais pas une réponse au niveau des besoins essentiels et à un niveau de vie décent.

Quelques semaines plus tard, après les élections, nous avons rencontré M. Joseph Facal, le ministre responsable de l'Outaouais. Il a accepté de nous rencontrer. On l'a rencontré dans un restaurant à Gatineau. On lui a demandé de répondre à la même question: Est-ce que le gouvernement du Québec respecte les besoins essentiels et à un niveau de vie décent? M. Facal a accepté de nous rencontrer et toute la rencontre a été enregistrée sur magnétoscope. Il s'est engagé à répondre à la question. Un mois plus tard, on n'a pas eu de réponse. On a déchiré la lettre, on l'a renvoyée à M. Facal en disant de faire ses devoirs et de répondre à la question. Bien, M. le Président, on attend encore après la réponse.

M. Clennett (Bill): C'est très gênant, je crois – c'est notre expérience – pour le gouvernement de débattre la question de la pauvreté au niveau des droits humains. Et, pourtant, comme gouvernement, on s'y engage. Comme député, on met notre nom sur un engagement personnel. Qu'est-ce que nous avons retenu de notre expérience et quel est le lien que nous voyons avec la présente commission? Voici.

Malheureusement, nous avons la confirmation que l'exclusion des personnes appauvries n'est pas seulement sur le plan social, sur le plan économique, mais cette exclusion est aussi au niveau politique. L'exclusion politique: lorsque nous posons une question au niveau de nos droits, on ne répond pas, et, lorsque nous arrivons en commission parlementaire, nos opinions ne comptent pas. Et, si je dis que nos opinions ne comptent pas, c'est bien simple: les paramètres que vous avez, à l'intérieur desquels vous avez à travailler, sont définis en fonction de cinq scénarios de réduction de l'impôt des particuliers. Et, pourtant, il y a un surplus. Et, pourtant, vous avez d'autres possibilités, d'autres choses que vous pouvez faire.

(11 h 10)

Mais, pour nous, on ne compte pas. On ne compte pas sur le plan social, on ne compte pas sur le plan économique et on ne compte pas sur le plan politique. On ne répond pas à nos questions, et ce qu'on va vous dire maintenant ne compte pas pour grand-chose parce qu'il semblerait que la décision est déjà prise qu'on va baisser l'impôt des particuliers de 1 300 000 000 $.

Nous avons regardé le document de consultation et nous n'avons qu'un seul qualificatif à émettre pour le décrire. Quel est ce qualificatif? Je vous le fournirai avec la définition du Petit Robert : «Sophisme: Raisonnement faux malgré une apparence de vérité et généralement fait avec mauvaise foi.»

Selon l'argument contenu dans ce document, la croissance économique est en danger parce qu'on paie trop d'impôts. Alors, pour améliorer la croissance économique et, par le fait même, le bien commun, il faut baisser des impôts.

S'il est vrai que la croissance économique génère la richesse collective, ce n'est pas vrai que plus de croissance économique égale une répartition de cette richesse. Il y a une différence fondamentale entre l'augmentation de la richesse et le partage de la richesse. Ce qui est prévu avec les baisses d'impôts, c'est la privatisation de la richesse, ce qui voudrait dire plus d'inéquité et moins de capacité pour l'État d'intervenir pour partager la richesse collective avec des gens qui en ont plus besoin, et ainsi respecter les droits humains.

À notre avis, il est indécent – et ce n'est pas trop fort de dire indécent – qu'un gouvernement puisse générer un surplus, alors qu'il y a une partie de la population qui est privée au niveau de ses besoins de base, alors qu'il y a des gens qui ont faim, alors qu'il y a des sans-abri. Il est carrément indécent qu'on puisse avoir 1 300 000 000 $ à privatiser alors que les besoins essentiels d'une partie de la population ne sont pas couverts.

Je vais maintenant conclure avec nos revendications, si vous voulez. On est habitué, des groupes populaires font des revendications. La première revendication que nous avons – on voudrait que vous y réfléchissiez – c'est que votre mandat n'est pas compatible avec l'engagement du gouvernement du Québec vis-à-vis des droits humains. Alors, on vous demande de retourner au gouvernement et de leur dire que vous ne pouvez pas accomplir votre mandat justement à cause de cette incompatibilité. Une suggestion vers où vous pouvez aller: vous pouvez appuyer, l'aider d'une loi-cadre pour éliminer la pauvreté. Je vous remercie beaucoup. C'est la fin de la présentation.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup, M. Clennett. Vous êtes déjà venu à quelques reprises en commission parlementaire, alors vous connaissez le scénario suivant. Dans un premier temps, des gens de la partie ministérielle, et en premier lieu le ministre des Finances, vont avoir un échange avec vous, et ensuite nous passerons à la partie de l'opposition. Alors, j'invite le ministre des Finances à faire les premières remarques et les premières questions.

M. Landry: M. Clennett et autres membres de votre délégation, ainsi que les gens qui vous accompagnent, je suis sûr que, dans votre exposé, il y a une chose sur laquelle vous vous trompez. C'est quand vous dites que ce que vous nous avez communiqué ne compte pas ou que vous ne comptez pas. Vous comptez, vous êtes écoutés attentivement, peut-être plus que d'autres. Mais, comme tous les groupes qui viennent à l'Assemblée nationale et devant cette commission, ce n'est pas parce qu'on vous écoute et parce que vous comptez qu'on sera en mesure de satisfaire à toutes vos demandes.

Mais je pense que, des deux côtés de la Chambre, et surtout de la part du président, qui a pour vous, M. Clennett, une admiration de longue date – vous vous connaissez, vous avez une proximité géographique, vous vivez dans la même ville – je vous réitère que, si vous croyez que vous ne comptez pas, je vous soumets fraternellement que vous vous trompez.

Sur le reste, je voudrais vous demander quelques précisions à votre pensée. D'abord, vous faites allusion à des conversations régulières que j'ai avec les membres de Carrefour qui sont l'équivalent, à Québec, de ce que vous êtes dans l'Outaouais. Je les vois régulièrement, Mme Lavoie, etc. On a des entretiens passionnants et c'est sur cette espèce de fatalité de la pauvreté. Vous faites un combat admirable, qui vous a même amené au bord de la dimension physique du combat un malheureux après-midi, en faveur de la pauvreté zéro. C'est admirable comme objectif.

Mais y a-t-il une société au monde, à travers les âges... Et vous avez fait référence à l'Évangile qui, pour des milliards d'êtres humains, est un document respectable, comme le Coran ou comme la Bible. C'est simplement par réalisme que je vous dis qu'une société, à mon avis, devra toujours être en mesure de faire face à la pauvreté résiduelle. Il faut qu'il y en ait le moins possible. Mais pauvreté zéro, est-il un pays, est-il une époque de l'humanité... Je vous le dis tout simplement par réalisme. Ça ne diminue pas l'admiration qu'on a pour votre combat, au contraire. Vous vous battez contre un monstre horrible: la pauvreté. Alors, j'aimerais que vous me parliez un peu de ça.

Deuxièmement, ça va peut-être être difficile pour vous, mais notre société québécoise, pour les personnes les plus démunies, est la plus solidaire du continent que nous habitons. Nos systèmes de support aux personnes les plus démunies sont plus généreux qu'en Ontario notamment, surtout par rapport au pouvoir d'achat, et notre système fiscal est le plus social-démocrate de notre continent. Et nous avons un Fonds de lutte contre la pauvreté auquel nous avons demandé...

Moi, comme ministre des Finances, je me suis levé un jour puis j'ai dit à tous les Québécois et Québécoises plus les compagnies plus les banques: Vous allez payer tant de plus d'impôts pour aller dans le Fonds de la pauvreté. Alors, il me semble que, indépendamment de la justesse de votre cause et de ce que vous nous demandez, vous devriez être en mesure de reconnaître que vous, qui vivez en Outaouais particulièrement, votre condition est moins misérable que dans l'Ontario de Mike Harris, de l'autre côté de la rivière. Les logements coûtent beaucoup moins cher, le coût de la vie est plus bas puis l'aide sociale, toutes proportions gardées, est plus élevée. Est-ce qu'au moins vous ne reconnaissez pas qu'il y a une solidarité québécoise qui pourrait être améliorée mais qui fait que vous êtes écoutés par la société, vous êtes entendus, et des choses importantes ont été faites?

Et puis je vais finir d'une façon un peu plus technique et mathématique, là, mais ça complète ce que j'ai dit. Les barèmes reconnus pour les besoins essentiels dont vous avez tant parlé et considérez comme des droits humains fondamentaux, ce qui est vrai, sont, pour une personne seule, de 667 $ et, pour des couples sans enfant, de 984 $. Or, le Québec, dans sa solidarité sociale, donne aux inaptes 676 $ – donc plus que le barème reconnu – pour les personnes seules et, pour les couples sans enfant, 1 010 $, donc plus que le barème reconnu. Alors, pour les inaptes, je vous demanderais de reconnaître que cette partie de l'engagement, il est respecté.

Pour les autres, seuls les non-participants aux mesures actives sont en bas des barèmes, c'est-à-dire qu'on est à 667 $ et à 984 $. On respecte les barèmes, sauf pour les non-participants où, là, vous avez raison. Mais ça, c'est une tentative pour permettre à des gens de rejoindre l'appareil de production, de revenir dans la partie, parce que plusieurs d'entre eux ont décidé de le faire: 200 000 ménages de moins à l'aide sociale au cours des dernières années. Le chômage qui était à 14 % naguère, il y a quelques années, est à 9 %. Alors, tout ça ne console pas la détresse extrême de plusieurs des personnes que vous représentez. Mais, au moins, est-ce qu'on n'est pas dans la bonne direction? Puis est-ce que la société québécoise, comparée à d'autres, n'est pas un peu exemplaire?

(11 h 20)

Si je vous dis tout ça, c'est parce qu'il y a des gens qui paient des impôts pour tout ça, des gens qui travaillent dans la sidérurgie ou la pétrochimie à 50 000 $ par année. Ils sont les plus taxés d'Amérique du Nord. Puis, en plus, on a un système de répartition sociale extrêmement généreux. Il ne faudrait pas les décourager trop, trop, dire: Vous allez être les plus taxés puis il va falloir que vous fassiez un effort social plus grand encore. Vous voyez ce que je veux dire. Je le dis en tout respect pour ce que vous faites là, hein?

Si la marge de manoeuvre était de 5 000 000 000 $, s'il n'y avait pas un 5 000 000 000 $ qui avait changé de côté de la rivière des Outaouais – vous savez que les fédéraux nous ont coupé 5 000 000 000 $ par année, hein? – s'il y avait 5 000 000 000 $ de plus, là, que Paul Martin, votre voisin de l'autre côté de la rivière, a maintenant, pensez-vous qu'on répondrait exactement de la même façon à ce que vous dites? On ferait mieux et on ferait plus.

Alors, j'aimerais vous donner l'occasion maintenant de préciser votre pensée par rapport à tout ça.

M. Clennett (Bill): De un, si on compte véritablement, vous devriez avoir une ouverture que nous n'avons pas entendue, une ouverture envers l'utilisation du surplus pour autre chose qu'une baisse d'impôts. À ce que je sache, le mandat de cette commission est clair à cet effet-là. À ce que je sache, chacune de vos interventions est claire sur cette question-là. Alors, nous disions que nous ne comptons pas parce que cette commission ici n'est pas capable de répondre à notre doléance. Notre opinion ne compte pas...

M. Landry: Au nom de la clarté, M. Clennett, si vous me permettez, ce que le gouvernement dit, c'est qu'il va consacrer l'essentiel des surplus, c'est-à-dire plus de la moitié à la baisse d'impôts, mais il dit aussi qu'il va réinvestir en santé, en éducation et dans les services. Je veux qu'on soit bien clair, là. Plus le surplus est grand, plus il y a de possibilités de réinvestir dans les services, comme il y a plus de possibilités de baisser les impôts. On se comprend?

M. Clennett (Bill): Le service n'est pas la pauvreté, M. Landry.

M. Landry: Ah! les services de l'État...

M. Clennett (Bill): On entend, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau provincial, lorsqu'il s'agit de la santé, de l'éducation, des programmes qui ont un minimum d'universalité, parce que ça aussi, ça peut prendre le bord, qu'on doit peut-être revenir en arrière. Mais, pour ce qui est de la pauvreté, non, on ne l'entend pas.

Je suis content de vous entendre dire, par contre, que le gouvernement du Québec ne respecte pas la couverture des besoins essentiels. Et vous dites: Des gens ont besoin d'encouragement, d'un coup de pied, si vous voulez, pour les inciter à se retrouver un emploi.

Je vous répondrais que, lorsque la partie en face a justement introduit cette approche-là avec la réforme de MM. Paradis-Bourbeau, votre parti disait le contraire. Et quel a été le résultat des coups de pied du gouvernement? Une augmentation de 50 % des personnes aptes à travailler à l'aide sociale. C'était normal. C'était des conditions économiques qui font qu'on se retrouvait avec plus. Et l'appauvrissement de ces personnes-là, ça a juste enlevé de la bouffe dans leur frigo. Ça ne les a pas rendues plus aptes à travailler. Ça ne leur a pas plus fourni un emploi.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Est-ce que le député de La Prairie, qui m'avait signifié son intérêt pour poser une question, veut le faire maintenant?

M. Geoffrion: Bonjour madame, bonjour messieurs. Il y a des groupes qui sont venus nous dire un petit peu ce que vous nous dites aujourd'hui, dont M. Saillant, que vous connaissez sûrement.

Il y a un article qui a paru dans le quotidien Le Nouvelliste . Le titre: Réduire les impôts ou lutter contre la pauvreté . Ne pourrait-on pas changer le «ou» pour «et»? Donc, réduire les impôts, pour les raisons que notre ministre nous a expliquées depuis déjà plusieurs jours, plusieurs semaines, et lutter contre la pauvreté. Est-ce que, d'après vous, c'est deux objectifs qui sont totalement opposés? Ou il n'y a pas une possibilité que, oui, pour les classes moyennes, qui sont effectivement étouffées, qui ont besoin de répit... et, par ailleurs, lutter contre la pauvreté qui, je pense bien, est un objectif que tous partageons alentour de cette table. Est-ce que vous voyez vraiment deux...

M. Clennett (Bill): Si c'était l'objectif que tout le monde partage autour de cette table, je me demande bien comment ça se fait qu'on n'a pas indexé les prestations de l'aide sociale avant cette année. Je me demande bien pourquoi on a enlevé la gratuité des médicaments. Je me demande bien pourquoi il y a eu pour près de 400 000 000 $ de coupures à l'aide sociale. Je me demande bien pourquoi on a fermé l'enveloppe de l'aide sociale, de sorte que, quand du monde rentre dans le régime, il faut couper pour assurer ladite pérennité du programme.

Moi, je ne sens pas qu'il y a des gens qui, autour de la table ici, partagent cet avis-là. Mais, pour répondre à la question, je vous dirais: Bien sûr, il y a une réflexion plus large à avoir au niveau de la fiscalité. Bien sûr, la question de la progressivité du régime, ça se discute, on peut réfléchir là-dessus, la taxe à la consommation versus l'impôt des particuliers.

Mais la première chose qu'on doit faire – c'est le sens de notre mémoire – c'est: avant d'aller remettre de l'argent – et on sait que 10 % de baisse d'impôts avantage quelqu'un qui est à revenus plus élevés – on peut-u respecter des droits humains? On peut-u assurer que les hommes, et les femmes, et les enfants, au Québec, puissent manger trois repas par jour?

Si vous me permettez, je vous dirais: Vous démontrez une espèce d'image. On sait qu'une image, ça vaut mille mots, et, dans la réflexion que nous avons eue portant sur votre document de consultation, on a comme l'impression qu'on sombre dans une espèce de camisole de force. Je ne sais pas si vous savez qu'il y a un conte d'enfant qu'on m'a conté quand j'étais petit. C'était: Le nouvel habit de l'empereur . L'empereur se promenait dans la rue puis le monde applaudissait son bel habit. Il y avait un enfant qui s'est levé et il a dit: L'empereur est nu. Mais, à notre avis, il y a un nouvel habit de l'empereur du Québec contemporain.

Comme groupe d'éducation populaire, on cherche à vous faire valoir nos idées à travers des images aussi, et nous avons amené cette image ici, avec nous, dans la salle. Et, à travers ce théâtre-là, ce qu'on dit, c'est que, en fait, vous avez les mains liées devant les marchés financiers internationaux, vous êtes à genoux devant la globalisation.

Vous dites: On ne peut rien faire. L'Ontario va baisser l'impôt, on n'a pas le choix; les États-Unis vont le faire, on n'a pas le choix. L'essentiel de l'argumentaire dans votre document, M. Landry, avec tout le respect que je vous dois, c'était des comparaisons qui nous montraient que les gens à revenus élevés, ils vont partir si on ne fait pas quelque chose, on n'a pas le choix. Mais, nous, on n'est pas d'accord avec ça. Merci beaucoup.

M. Landry: Mais, M. Clennett, êtes-vous d'accord que, pour une personne démunie, il vaut mieux vivre de votre côté de la rivière Outaouais que de l'autre?

M. Clennett (Bill): Moi, ce que je dirais, M. Landry, c'est que les droits humains doivent être respectés chez nous, chez nos voisins en Ontario, partout au Canada, partout dans le monde. On est venu ici voir votre gouvernement, pas pour parler de ce que fait M. Harris, ni M. Klein, ni M. McKenna, ni M. Martin, ni M. Chrétien, mais de ce que vous faites. On est venu vous dire que vous avez une capacité d'intervenir pour atténuer, et je dirais, oui, avec de l'aide du fédéral, enrayer la pauvreté, et on vous demande de le faire.

(11 h 30)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Avant de passer la parole à l'opposition, puisqu'il nous reste quelques mots de ce côté-ci de la chambre – quelques instants – je voudrais souligner que votre Association, dans nos comtés – et je suis sûr que c'est l'expérience des deux côtés de la Chambre – joue un rôle très utile non seulement pour réclamer cette lutte à la pauvreté qui, le ministre des Finances le disait tout à l'heure, est une mission qui appartient à tous les humains et qui sera toujours nécessaire, mais concrètement, chaque jour, pour faire face à des difficultés. Moi, je peux compter, dans ma circonscription, sur une association de défense des droits sociaux qui nous aide à cheminer avec ceux qui font face à ces problèmes-là. Donc, je dois dire que ce travail est remarquable et est admirable.

Deuxièmement, lorsque vous nous avez contactés pour venir devant cette commission – nous nous sommes même parlé – je me doutais bien que vous ne parleriez pas du scénario 5 versus le scénario 1. Cependant, nous sommes – et vous n'êtes pas les premiers à le faire – très conscients, et cette Chambre, cette Assemblée nationale est le lieu où la population peut s'exprimer. Nous savions que vous nous parleriez de vos préoccupations et vous l'avez fait et nous vous avons écoutés avec beaucoup d'attention et nous allons continuer à le faire. J'invite Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys à prendre la parole maintenant.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Madame et messieurs, d'abord, je voulais vous dire que je suis parfaitement d'accord – je l'ai dénoncé au début, au tout début de cette commission – qu'il y avait un carcan dans l'opération que l'on faisait autour de cette table. On demande à des gens de préparer des mémoires et de se déplacer, et le carcan – vous avez parlé d'une camisole de force – essentiellement, c'est qu'on a un discours réducteur. Premièrement, on n'a pas les chiffres, on ne sait pas quels seront les surplus, et, deuxièmement, tout ce dont on a parlé, c'est des scénarios de baisse d'impôts, alors qu'on aurait pu avoir un discours et un débat beaucoup plus élargi, surtout vu l'envergure de la démarche qui est faite.

On a parlé tantôt qu'il n'y avait pas d'endroit où il n'y avait pas de pauvreté. Il y a peut-être des endroits où il y en a moins. Je mentionnerais notamment la Suède. Je ne sais pas comment c'est, maintenant, ça fait très longtemps que je n'y suis pas retournée, en Suède, mais, quand j'y suis allée... Et effectivement ils ont rencontré éventuellement des problèmes sérieux. Ils ont dû d'ailleurs baisser leurs impôts parce qu'ils n'arrivaient pas... Il y avait un exode. On le sait que le grand cinéaste... qui a décidé un jour de quitter parce qu'il était taxé à plus de 100 %. Mais il y a quand même des gens qui ont tenté et qui ont réussi, au moins pendant un certain temps. Alors, l'idée d'essayer de se rapprocher de cet objectif, c'est un objectif auquel on doit aspirer.

Maintenant, le ministre faisait mention qu'il avait mis en place un fonds de lutte à la pauvreté, 250 000 000 $, effectivement, au Sommet économique. Bien, les gens apparemment cherchent encore cet argent-là. Le Vérificateur général ne sait pas où est passé l'argent, puis, moi, tout ce que j'ai eu... Et le ministre n'a pas nié les chiffres de Ruth Rose. Quand elle est passée ici, Ruth Rose, elle a mentionné justement le revenu total des prestataires de l'aide sociale de 1994 à 1999. Et, pour une famille monoparentale, de 1994 à 1999, le revenu était passé, net, de 12 000 $ à 11 349 $, donc une perte, pour un monoparental avec un enfant, de 750 $; et, pour une famille – même, je vais monter plus haut – biparentale, deux enfants, de 1994 à 1999, un revenu de 16 000 $ – qui est quand même plus élevé – mais une perte, là, de 2 200 $. Alors, c'est donc qu'il y a eu des changements, il y a eu des modifications, et je pense que vous êtes là pour nous rafraîchir la mémoire.

Maintenant, vous parlez de quelque chose de bien intéressant parce qu'il y a un nouveau concept sur lequel on se base beaucoup, aujourd'hui, et qui est un concept très arbitraire, c'est d'être inapte. Alors, on a développé le concept de apte versus inapte. Ça fait longtemps qu'on le fait. Je me rappelle que, au début des années soixante-dix, il y avait beaucoup de gens qui s'opposaient à ce genre de distinction là. Je me rappelle d'avoir écrit sur ça, déjà, il y a 20 ans. Alors, je me demandais qu'est-ce que vous pensiez de cette distinction et de la façon dont on le fait aujourd'hui. Comment est-ce que vous réagissez à ça?

M. Clennett (Bill): Très mal. Au niveau de la Loi à l'aide sociale, lorsque cette division a été vraiment consacrée, c'était lorsque le Parti libéral était au pouvoir et où on a défini des niveaux de prestations de l'aide sociale selon l'aptitude des personnes à travailler.

À cette époque-là, je vous rappellerais que le Régime d'assistance publique du Canada était encore en vigueur, qu'une des dispositions du Régime d'assistance publique du Canada était à l'effet qu'on ne pouvait pas lier une prestation qui devait couvrir les nécessités de la vie, selon ce même Régime d'assistance publique du Canada, à une participation à une mesure de formation, et c'est ce qui a été fait avec ce qu'on a appelé la loi 37. Ça a eu pour effet d'appauvrir des gens.

J'ai mentionné plus tôt que la période photographique de comparaison était 1995, lorsque le gouvernement a fait son exercice de consultation – et on a publié plein de documents – qu'à ce moment-là il y avait eu une augmentation de personnes aptes à travailler de 50 % en dépit des mesures punitives de la réforme. Et la seule et unique explication qu'on avait par rapport à ça, c'était qu'il manquait d'emplois. Les organisations de personnes handicapées même trouvent que c'était une façon de faire de l'exclusion de ces personnes-là, parce que ces gens-là aspirent à pouvoir s'intégrer à la société, à travailler. C'est la pire chose qu'on a pu faire.

Et je ne sais pas si ce que vous nous dites, c'est que le Parti libéral du Québec est disposé à revoir cette question-là. Je ne sais pas si vous êtes en train de nous dire que non seulement on est en train de revoir ça, mais on est en train de regarder la question de la pauvreté et le respect des droits humains. Moi, je peux dire que j'ai lu, la semaine passée, dans le journal La Presse , une pièce d'opinion d'une personne qui parlait justement autour des événements de ce comité, et je n'ai pas lu une fois le mot «pauvreté» dans le texte, pas une seule fois. Mais ce que j'ai entendu ou lu dans le texte, c'est qu'on voulait réduire davantage l'impôt des particuliers, ce qui veut dire faire croître davantage l'écart entre les riches et les pauvres.

Mme Jérôme-Forget: Je vous ferais remarquer que cet article – j'en produirai probablement d'autres, plus tard, sur la pauvreté, des textes de réflexion – c'était basé essentiellement sur un texte sur les baisses d'impôts. Alors, c'est clair que, dans un article, on ne parle pas de tout, c'est pour ça que j'ai parlé de baisses d'impôts et j'ai parlé de comparaisons. D'accord?

M. Clennett (Bill): Oui, mais, en parlant de baisses d'impôts...

Mme Jérôme-Forget: Mais je suis tout à fait d'accord avec vous que la pauvreté, c'est un phénomène qui est sérieux. Si vous lisez des écrits que j'ai écrits, vous allez vous rendre compte que j'ai parlé souvent de pauvreté, et l'écart entre les riches et les pauvres qui est en train de s'agrandir, je l'ai dit bien avant aujourd'hui, bien avant de le dire devant vous, c'est un phénomène qui se passe et c'est un phénomène grave et sérieux.

M. Clennett (Bill): Est-ce que vous êtes en train de dire que la position du Parti libéral du Québec sur l'utilisation du surplus, même si c'est plus grand, c'est d'en faire une priorité à la lutte à la pauvreté, qu'avant d'envisager quelque baisse d'impôts que ce soit, la position du Parti libéral du Québec est à l'effet de lutter contre la pauvreté? Si oui, je vous dis: Bravo!

Mme Jérôme-Forget: Monsieur, il est clair que le Parti libéral du Québec va se pencher sur la pauvreté. J'ai un collègue, qui est ici, qui est venu spécialement, qui ne siège pas sur cette commission, et puis il y a le rapport Ryan qui s'est penché sur la pauvreté, et c'est clair que c'est un domaine qui est une préoccupation importante.

M. Clennett (Bill): Je vous parle du surplus qui est présentement devant la société québécoise. Quelle est la position du Parti libéral du Québec concernant l'utilisation de ce surplus-là? Est-ce qu'il y a de la place pour la lutte à la pauvreté avec l'utilisation de ce surplus, et, si oui, quelle est la place?

(11 h 40)

Mme Jérôme-Forget: Monsieur, je ne vais pas vous dire exactement quel sera le programme du Parti libéral du Québec, on n'est pas le gouvernement au pouvoir. Il est clair qu'on s'est prononcé durant notre campagne électorale, on a produit un document, et je peux vous assurer que c'est un domaine sur lequel on se penche. On est en train de réfléchir sur des priorités, c'est la raison pour laquelle on a différents groupes de travail, et je peux vous assurer que c'est un domaine sur lequel on va se pencher.

M. Clennett (Bill): Nous sommes en commission parlementaire, ici, pour regarder la question de l'utilisation du surplus. Moi, j'ai lu un texte la semaine passée qui parlait de baisser davantage les impôts, qui n'a pas mentionné une fois le mot «pauvreté».

Mme Jérôme-Forget: Je comprends, là, ça fait deux fois que vous le dites.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Est-ce que j'ai le consentement de la commission pour permettre au député de Notre-Dame-de-Grâce de participer et de prendre la parole à cette commission? Oui. Donc, je lui accorde tout de suite la parole et je lui souhaite bienvenue parmi nous.

M. Copeman: Merci, M. le Président, et, aux membres de la commission, mes remerciements. M. Clennett, chose certaine, il y a des gestes qui ont été posés dans le passé, des deux côtés de la Chambre, moi, je vous dirais, qui, quant à moi, étaient discutables, fort discutables. Et ça fait partie de l'histoire, on ne peut pas nier l'histoire. Il y a également d'autres gestes qui ont été posés par le gouvernement actuel, par le Parti libéral du Québec.

Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys est très exacte de faire remarquer que, avant la campagne électorale, notre parti s'est penché sur la question de la pauvreté de façon importante avec le rapport Ryan. Vous êtes conscients. Est-ce que toutes les recommandations du rapport Ryan étaient incluses dans notre programme électoral? Non. Évidemment. Est-ce qu'on aurait souhaité faire plus? Oui. Moi, j'aurais souhaité faire plus. Je pense que M. Ryan aurait souhaité faire plus.

C'est sûr qu'il y a beaucoup de travail à faire et on va continuer de le faire et on va poursuivre notre réflexion. Si vous nous demandez une position claire, tranchée, sur l'utilisation du surplus, aujourd'hui, vous ne l'aurez pas, la réponse, parce que la réponse n'est pas là encore. On poursuit la réflexion, on a le temps pour le faire, et, à la veille, bien avant l'élection, je crois que la population du Québec sera en mesure de voir les orientations du Parti libéral du Québec en matière de progrès économique, de croissance et de lutte contre la pauvreté.

Mais je veux revenir un peu à la discussion sur la question des personnes aptes et inaptes. Je n'aime pas le mot «inapte». D'ailleurs, le mot «inapte» n'existe plus dans nos lois. J'apprends peut-être quelque chose au ministre des Finances. Les gens sont soit dans la catégorie des ménages aptes ou dans la catégorie des ménages de ceux qu'on a appelés anciennement soutien financier, qui est devenue contraintes sévères à l'emploi. Cette distinction existe depuis un bon bout de temps dans nos lois.

Je vous demanderais simplement si vous avez vécu ou si, parmi vos membres, vous êtes conscients d'une pression sur les prestataires d'aide sociale, déclarés anciennement soutien financier maintenant avec des contraintes sévères à l'emploi, d'être transférés à la Régie des rentes du Québec pour l'administration de leurs prestations. C'est quelque chose qui était prévu dans le livre vert de Mme Harel et on entend un peu parler de ça dans le réseau.

J'aimerais avoir votre réflexion là-dessus parce que c'est quelque chose qui nous a préoccupés au moment de la réforme de l'aide sociale, parce qu'effectivement nous ne voulons pas qu'il y ait des personnes, au Québec, prestataires de la sécurité du revenu qui soient campées, étiquetées et mises de côté dans un régime où il n'y aura pas d'accès à des mesures de participation. C'est, pour nous, fondamental que tout le monde qui est prestataire de la sécurité du revenu, au Québec, ait accès à des mesures d'insertion au travail. Alors, je vous demande simplement de m'éclairer, si vous êtes capables, sur ce sujet-là.

Mme Desjardins (Johanne): Je pourrais répondre. Oui, quelques personnes soutien financier m'ont déjà contactée par rapport que leur agent de l'aide sociale ne veut pas qu'elles participent à des programmes d'employabilité, et tout ça, parce qu'elles sont sur le soutien financier, elles n'ont pas besoin d'avoir plus puis ça ne les concerne pas.

Puis il y a d'autres bureaux aussi d'aide sociale où ce qu'ils favorisent, c'est le soutien financier, mais ils ne donnent pas la chance aux autres. Ça fait que, encore là, il y a une discrimination qui se fait entre les deux. Et beaucoup, beaucoup qui sont sur le soutien financier sont employés à des emplois où bien souvent le patron va dire: Bien, tu ne prends pas ton heure de dîner parce que tu es un prestataire d'aide sociale. Il y a une discrimination, là. Puis l'employeur profite d'un programme subventionné par le gouvernement.

M. Copeman: Je vais juste terminer, M. le Président, en permettant... Avec tout le respect que je dois au ministre des Finances, je ne crois pas, même participant, effectivement, que les prestations couvrent les besoins essentiels. Le barème de base est de 490 $. Les besoins essentiels sont de 667 $. Le barème de participant est de 130 $. Alors, ça ne couvre pas les besoins essentiels.

Le ministre, tantôt, a dit que c'est uniquement les gens au soutien financier. Et il a laissé entendre que les participants sont couverts avec les besoins essentiels. Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas le cas. On est un peu loin des besoins essentiels reconnus. Et nous l'avons reconnu, la commission des affaires sociales avait reconnu, des deux côtés de la table, que nous ne couvrons pas les besoins essentiels reconnus, selon même le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, effectivement.

M. Clennett (Bill): Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment ça se fait que, comme société, on choisit sciemment de ne pas respecter un niveau de vie suffisant? Vous êtes député ici, à la Chambre. Est-ce que vous trouvez que c'est normal, dans une société, qu'il y ait une catégorie de personnes où on dit: Vous autres, vous ne mangerez pas à votre faim; vous autres, vous n'aurez pas assez d'argent pour bien vous loger? En dépit du fait qu'on s'engage publiquement sur le plan international vis-à-vis certain pacte, on ne le fait pas. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ça? C'est une question très gênante, on dirait, parce que M. Bouchard ne veut pas nous répondre, M. Charest ne veut pas nous répondre, M. Facal ne veut pas nous répondre.

Et, quand on a parlé d'exclusion, c'est de ça qu'il s'agissait: On ne répond pas à nos questions. Et, pour revenir là-dessus, au niveau de notre point de vue, je veux bien qu'on ait de l'ouverture, mais le mandat de ce comité ou de cette commission demeure, un, de baisser les impôts. Et ça, c'est M. le ministre qui en a décidé ainsi.

M. Copeman: C'est gênant, c'est gênant, effectivement.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme la députée de La Pinière, pour une dernière question.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup. Merci, M. le Président. Alors, Mme Desjardins, M. Clennett et M. Chantigny, merci pour le mémoire, merci pour le coeur que vous avez mis pour le défendre devant nous. Je vous dis que ça me touche, en tout cas, et ça nous touche. Je sais très bien que mes collègues partagent mon avis là-dessus.

On est très conscients du phénomène de la pauvreté, je dois le dire. Comme députés, on est très présents dans nos comtés, on est présents sur le terrain. On voit la prolifération des banques alimentaires. On voit les paniers de Noël à chaque année où les groupes communautaires viennent nous demander de plus en plus d'argent pour subvenir à des besoins de plus en plus grandissants.

Alors, quand vous dites que vous souffrez d'une exclusion politique, je dois juste vous rassurer que, sur ce point-là, vous avez l'écoute qu'il faut. On est sensible à cette problématique. Ça me touche aussi, toute la question de la pauvreté des enfants. La commission scolaire chez nous, la commission scolaire Marie-Victorin, vient de préparer un rapport sur les enfants pauvres qui arrivent en classe, qui n'ont pas mangé et dont les parents n'ont pas les moyens pour leur fournir le matériel de base pour aller à l'école adéquatement. Donc, vous parlez à des gens qui sont très sensibilisés.

(11 h 50)

À juste titre, votre critique par rapport aux paramètres de la commission qui ont été définis par le ministre des Finances... Et nous autres aussi, ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys l'a dit d'entrée de jeu à l'ouverture de nos travaux, que c'était trop encadré pour pouvoir débattre de l'ensemble des enjeux. Donc, vos commentaires sont bien reçus. Je voudrais juste que, vous, les gens qui vous accompagnent à la table et derrière vous, vous partiez avec la conscience que nous vous avons entendus, que nous vous avons compris, que nous sommes sensibles aux questions que vous avez soulevées, pour la bonne raison que les gens dont vous parlez sont aussi les gens que nous représentons, il ne faut jamais l'oublier, hein, parce que ces gens-là, on les connaît, on vit avec leurs réalités et on est très sensible à ça.

Vous avez terminé votre intervention, M. Clennett, en plaidant pour une loi-cadre pour éliminer la pauvreté. J'aimerais vous entendre là-dessus: Qu'est-ce que vous réclameriez qui serait inclus dans cette loi-cadre?

M. Clennett (Bill): Je pense que le lieu n'est pas, ici, de faire le débat sur le projet de loi-cadre. Ça se fait dans une démocratie extraparlementaire, si je peux m'exprimer ainsi. Et les réflexions, au sein des réseaux populaires, syndicaux, communautaires, religieux, au Québec, ne sont pas terminées à ce moment-ci.

Bien sûr, de façon générale, il faudra assurer le respect des droits humains. Mais ce que nous vous avons dit et ce que nous voulions faire, c'était de vous inviter à songer à troquer votre mandat, qui n'est pas compatible avec des droits humains, avec une volonté d'utiliser des ressources dont l'État dispose pour envisager une loi ou que cette idée-là puisse cheminer au sein des parlementaires, que, oui, en dépit de ce que dit le ministre Landry, c'est possible de vaincre la pauvreté.

C'est les Nations unies qui ont adopté l'Année internationale pour l'élimination de la pauvreté. Nous sommes dans la période, la décennie de l'élimination de la pauvreté. C'est peut-être farfelu, pour certaines personnes, de croire que tout le monde peut manger à sa faim, mais on a pourtant des moyens de le faire, et c'est ce que nous voulions vous dire.

Mme Houda-Pepin: Très bien.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Le temps...

Mme Houda-Pepin: ...est terminé?

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...est écoulé. Je veux remercier, évidemment, les représentants de l'Association pour la défense des droits sociaux et les assurer de notre collaboration, qui a toujours été constante ici. Alors, nous allons vous saluer et nous réunir à nouveau en commission immédiatement.

(Consultation)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Alors, nous allons reprendre nos travaux.

Mémoires déposés

Je voudrais d'abord déposer quatre mémoires qui n'ont pas été défendus, présentés ici. Il s'agit de celui de l'Association canadienne des professionnels en dons planifiés, celui de M. David Davis, de M. Rémi Perreault et également le mémoire, plutôt, de Mme Martine Ross. Alors, M. le secrétaire, je dépose ces mémoires.

Pendant 40 heures d'auditions, nous avons écouté 43 groupes, au cours de 10 séances et d'un colloque, venus traiter devant nous, directement ou indirectement, de l'objet qui était celui que la Chambre nous avait confié, d'écouter, en audition générale, différents groupes sur la réduction de l'impôt des particuliers.

Je veux remercier, avant de passer la parole à la porte-parole de l'opposition officielle et ensuite au vice-premier ministre et ministre des Finances pour leurs propos de conclusion, je veux remercier, des deux côtés de la Chambre, la qualité de la participation, la façon que nous avons eue de procéder, je pense, qui nous a permis de travailler de façon efficace et tout à fait sereine.

Un regret, cependant: hier midi, à la demande du président de la Chambre, nous nous sommes réunis, les vice-présidents et présidents de commission, de façon à discuter du rôle des commissions. Nous entendons régulièrement des plaintes dans cette Chambre, des deux côtés de la Chambre, sur le rôle des parlementaires qui ne serait pas, et qui n'est pas, de toute évidence, un rôle qui nous permette d'assumer pleinement notre mandat, le mandat que nous recevons de la population de discuter et de proposer.

J'ai proposé, aux deux parties qui constituent cette commission, que nous tenions, en séance de travail, une discussion sur les 40 heures d'auditions et sur les dizaines de mémoires que nous avons reçus, de façon à tenter – je ne dis pas à réussir – d'obtenir une position commune de la commission, une position autonome, sans la participation, évidemment, du ministre, qui, lui, défend ici une position et qu'il devra trancher et exercer ses prérogatives exécutives.

J'aurais souhaité que la commission tente cet effort qui peut-être aurait permis d'avoir des positions très différentes de celles qui sont devant nous, qui peut-être auraient rejoint beaucoup des préoccupations des membres de chaque côté. Malheureusement, je dois dire que les stratégies partisanes nous empêchent de le faire, et je me dois de le regretter.

M. Williams: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, M. le vice-président.

M. Williams: Vous n'avez pas le droit de dire ça et je voudrais que vous...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je le retire donc.

M. Williams: Oui, exactement.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Voilà!

M. Williams: Parce que j'ai reçu la demande après 17 heures, hier, quand j'étais en Chambre. Vous avez proposé de faire cette séance de travail en même temps que nous avions déjà un autre mandat. Je m'excuse, M. le Président, vous pouvez essayer de jouer la partisanerie ici, mais nous avons tous travaillé ensemble, et je demande que vous respectiez les règles que nous avons commencées ici. La demande, là, que vous avez passée à 17 heures hier, c'était de faire une séance de travail en même temps que nous avions déjà un autre mandat. Je n'accepte pas vos paroles.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je pense, M. le vice-président, que vous n'êtes pas sérieux lorsque vous pensez que nous n'aurions pas pu retarder l'autre mandat. Mais je ne veux pas polémiquer là-dessus. Je vous l'ai dit, c'est un état d'âme personnel que j'ai transmis à la commission.

Remarques finales

Alors, je prends votre commentaire comme un état d'âme personnel aussi et je demande maintenant à la porte-parole de l'opposition officielle, la députée de Marguerite-Bourgeoys, de nous faire part de ses remarques de conclusion.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, on a passé plusieurs heures autour de cette table à entendre différents groupes nous présenter leurs mémoires, revendications, observations, demandes, recommandations. Et je dois dire que ce fut une période où, parfois, ça pouvait apparaître répétitif, mais il est clair que les gens avaient des demandes, des positions parfois diamétralement opposées, on l'a vu par le dernier groupe, d'autres groupes qui venaient nous demander de baisser les impôts davantage. Et, par conséquent, on a entendu plusieurs personnes, plusieurs visions de ce qu'était la perception de ce qu'on devrait entreprendre au Québec.

(12 heures)

Et ce qui m'amène, M. le Président, à redire ce que j'ai dit plusieurs fois autour de cette table: combien c'est dommage qu'on n'ait pas profité de cette occasion pour élargir le débat et amorcer une discussion beaucoup plus en profondeur de ce que devrait être la position du Québec ou la direction du Québec pour les prochains cinq ans. Ce pour quoi je trouve ça déplorable, c'est parce que nous avions une occasion. C'est ce que j'ai mentionné plusieurs fois, il est rare qu'un gouvernement ait une occasion de faire une réflexion en profondeur, de s'interroger quant à l'importance du rôle qu'il doit jouer, où il doit jouer, comment est-ce qu'il doit le faire. Très souvent les gouvernements n'ont pas cette latitude-là.

Là, on a plutôt pris un discours réducteur, on a parlé d'une camisole de force il y a quelque temps, moi, j'ai parlé d'un carcan où les chiffres, on ne les avait pas. On a pu deviner – enfin, deviner – se baser sur des évaluations extérieures de gens qui ont fait, de bonne foi, des simulations pour estimer l'envergure du surplus pour cette année et pour les cinq prochaines années et même pour les huit prochaines années. Je pense qu'un gouvernement qui veut repenser sa façon de faire doit, à un moment donné, examiner ce qui est le potentiel dans l'avenir.

Et ce que les experts nous ont dit, de l'extérieur, des gens fort crédibles – on peut bien mettre en doute un peu leurs chiffres mais... – que ce soit Pierre Fortin ou John McCallum de la Banque Royale, il est clair que ces gens-là ont tous estimé que les surplus seraient importants au Québec. Les surplus, d'ici les prochains quatre ans, probablement seront de l'ordre d'à peu près 5 000 000 000 $, cumulativement, c'est bien 15 000 000 000 $ à peu près. Et, même si ça joue, M. le Président, entre 4 000 000 000 $ ou 3 000 000 000 $ ou 8 000 000 000 $, on ne sait pas, mais il n'en demeure pas moins qu'il y aura un surplus beaucoup plus important que ce que nous a révélé le ministre des Finances.

Et lui qui est entouré de ses experts de qui, à plusieurs reprises, il a offert les services aux différentes personnes qui venaient nous faire des plaidoyers de toutes sortes, ces gens n'ont pas cru bon de nous donner le portrait du Québec juste, et donc on se retrouve avec un déficit encore de zéro cette année, alors que, l'an dernier, le même ministre des Finances qui estimait avoir un déficit de 1 200 000 000 $ en décembre, deux mois plus tard arrivait comme par hasard avec le déficit zéro.

Alors, c'est la raison pour laquelle, M. le Président, depuis le début, j'ai trouvé que cette consultation-là était réductrice et que, finalement, on n'était pas capable de regarder toutes les possibilités, toutes les options. Il n'y a eu aucune discussion, d'ailleurs, autour de cette table, qui aurait pu être possible. On a eu différents groupes qui nous ont offert cette possibilité-là d'examiner le modèle québécois. Je veux bien que le gouvernement vienne de réaliser qu'il y avait peut-être des vertus à examiner le modèle québécois, puisque c'était quelque chose qu'il ne fallait absolument pas faire lors de la campagne électorale parce que c'était sacré, on ne pouvait pas toucher à ce qu'on avait mis en place jusqu'à maintenant.

Alors, moi, je trouve que c'est un peu dommage, ce qui s'est passé, et c'est la raison pour laquelle, depuis le début, je suis d'accord avec plusieurs porte-parole qui sont venus nous rencontrer, à l'effet qu'on n'avait pas profité de cette occasion-là et, à certains égards, on traitait un peu les gens avec mépris parce qu'on ne leur donnait pas toutes les données.

D'ailleurs, j'apprenais hier soir que... Je vais parler des virages du ministre, des virages à 180 degrés. J'apprenais hier soir que la motion de déficit zéro est une motion du Parti libéral du Québec et que, à un moment donné, le ministre des Finances – et c'était à ce moment-là le premier ministre Parizeau qui était là – avait voté contre. Or, un an plus tard, virage à 180 degrés. Là, tout à coup, on découvre les vertus du déficit zéro, bien qu'on avait dit que ce n'était pas possible et qu'il ne fallait pas du tout, du tout envisager une telle proposition. Alors, premier virage.

Le deuxième point que je voudrais soulever, également un autre virage du ministre des Finances, c'est que le ministre des Finances se dit toujours très social-démocrate. Il aime beaucoup... Il n'est pas de l'école libérale, il est un social-démocrate, il est d'accord avec la social-démocratie, il endosse tous les grands principes de la social-démocratie. Or, on a eu ici, par ailleurs, des gens qui sont venus nous faire la démonstration que des gens qui étaient fort pauvres... Pour un social-démocrate, moi, je suis toujours renversée de voir que, de 1994 à 1999, une famille monoparentale avec un enfant a perdu 752 $, qu'une famille monoparentale avec un enfant de plus de six ans a perdu 1 462 $, qu'une famille monoparentale de deux enfants qui gagne 15 000 $ a perdu 1 500 $.

Moi, vous savez, je n'aime pas les clichés, généralement, je trouve que les slogans «social-démocratie», «libéralisme», «antilibéralisme», ce sont des clichés qui sont démodés, dépassés, ils appartenaient à l'école quand j'étais en science politique en 1968. Et je pense que le temps est venu de regarder plutôt les chiffres, les chiffres qui, eux, parlent et qui nous indiquent, effectivement, ce qui s'est passé. Alors, ça, à mon avis, c'était un autre virage à 180 degrés du ministre des Finances.

Je dis également que le ministre des Finances ou le gouvernement avait, lors du Sommet économique, mis en place, supposément, un fonds de lutte à la pauvreté, 250 000 000 $. Or, le Vérificateur général, me dit-on, cherche, a des doutes quant à l'utilisation de 250 000 000 $ additionnels, puisque c'était une taxe additionnelle. Or, il semblerait qu'on ne retrouve pas les 250 000 000 $ dans de nouveaux programmes pour arriver à la pauvreté zéro.

M. le Président, je voudrais parler également, brièvement, d'un autre virage de ce gouvernement. C'était le virage du modèle québécois. Là, tout à coup, on vient de réaliser que peut-être il fallait s'interroger, et là ce qui était un péché mortel antérieurement gagnerait quelques vertus. Et bien sûr on s'interroge même au niveau de la santé: Comment financer la santé? Est-ce qu'il ne faudrait pas trouver d'autres mécanismes pour financer les services de santé? On a vu des gens nous revendiquer, nous demander au moins un ajout de 800 000 000 $ au niveau de l'éducation pour avoir la parité avec, je pense, nos voisins de l'ensemble du Canada, si ma mémoire est bonne. Et voilà que, tout à coup, on commence à faire un autre virage et là on va examiner le modèle québécois, puisque peut-être que c'est quelque chose qui est valable.

Alors, moi, ce que je vous dis, M. le Président, c'est qu'on a un gouvernement qui dit épouser une école qui n'est pas réactionnaire, une école de gauche et non de droite. Pourtant, c'est ce gouvernement qui a coupé le plus dans les hôpitaux, dans les universités, je mentionnais les pauvres et les écoles.

Alors, ce que je veux dire à titre de conclusion, M. le Président, c'est que, finalement, il va falloir qu'on se penche véritablement sur ce qui s'offre au Québec et sur les possibilités pour le Québec de développer un modèle québécois bien à nous. Et la seule raison pourquoi on doit, à l'occasion, parler de l'Ontario et des États-Unis, c'est qu'ils sont à côté de nous. C'est la seule raison. Autrement, on n'en parlerait pas.

C'est comme si les Français disaient: Nous, on ne parlera pas de l'Allemagne, alors qu'on a une frontière avec ces gens-là. Il faut qu'on y pense, qu'on le considère. On ne vit pas en vase clos. Mais ça n'empêche absolument pas le Québec de développer une orientation, une stratégie différente de ce que font les voisins. Après tout, ça nous appartient, on peut décider quel sera le niveau d'impôt, on ne peut pas le faire en vase clos, on doit se comparer et on doit être sûrs qu'on va garder un volet compétitif.

Mais je pense, M. le Président, qu'il est temps qu'on arrête de discuter avec souvent des clichés. Il faut qu'on regarde la situation du Québec telle qu'elle est, le potentiel, les possibilités, et qu'on regarde toute l'envergure des possibilités et des démarches qui seront offertes à nous. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup, madame. Alors, nous allons...

Une voix: ...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Ce sont les remarques de conclusion qui sont normalement faites par le porte-parole. À moins d'entente préalable, je pense que c'est à la porte-parole à faire les remarques de clôture, comme dans toutes les commissions. Alors, j'invite maintenant le ministre des Finances à faire les siennes.

(12 h 10)

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, d'abord je déplore comme vous, quels que soient les motifs – et je ne vais pas en imputer – que la commission ne tente pas d'avoir un rapport commun. Ça aurait pu être très utile, pas forcément au gouvernement, peut-être aussi au gouvernement, mais au moins à la population du Québec. Et les commissions parlementaires qui ont poussé jusqu'à la limite leur travail consciencieux ont souvent produit des rapports qui, par la suite, ont influencé profondément la législation et le gouvernement. En tout cas, je ne peux que joindre ma voix à la vôtre pour le relater.

Mais, pour le reste, les travaux que nous avons menés depuis le 12 octobre dernier ont été passionnants. Une cinquantaine d'intervenants sont venus présenter des mémoires. C'est donc qu'ils considéraient qu'il fallait le faire. Et, contrairement à cette image de carcan ou de camisole de force, les gens sont venus et se sont exprimés en toute liberté et en toute transparence, et l'exercice a été passionnant, que l'on partage le point de vue des intervenants ou non.

C'est la démocratie québécoise qui aura gagné, puisqu'on l'a vue s'exprimer avec vigueur. Et le Québec d'aujourd'hui, on l'a vu, il n'est pas parfait, le Québec d'aujourd'hui, mais il y a 5 % de moins de chômage qu'il y a quelques brèves années, il y a 200 000 ménages de moins à l'aide sociale, les taux d'investissement du secteur privé sont en croissance beaucoup plus rapide au Québec, depuis trois ans, que dans le reste du Canada – et je pense que, cette année, c'est du simple au triple – et, enfin, les finances publiques sont en ordre, ce qui ne s'était pas vu depuis 40 ans.

On n'a pas à se glorifier outre mesure. On n'a pas à être triomphaliste, mais on peut au moins se permettre d'être content que les choses aillent mieux et même beaucoup mieux.

C'est dans ce contexte que nous avons discuté de la baisse des impôts. Imaginez-vous, après avoir connu les affres d'un déficit zéro il n'y a pas plus tard que cinq ans, on en est à discuter de baisse d'impôts, ce qui est extraordinaire.

Cette commission également était basée sur le pari de la transparence. On a tout mis sur la table les informations qu'on avait. Les documents préliminaires ont été bien accueillis, étaient clairs, étaient concis, et, en plus, on a offert à tous les participants qui voulaient discuter davantage avec les services gouvernementaux de ne pas se gêner pour le faire, pour ajuster les chiffres, ajuster des réalités.

Alors, globalement, ce pari démocratique, il est gagné. Quand on a vu un des groupes les plus revendicateurs de notre société et un des plus braves aussi, dirigé par M. Clennett, à l'extrême ouest du Québec, venir nous présenter son point de vue décemment et éloquemment, ça donne des raisons supplémentaires de croire à la démocratie.

Il est sûr que tout ce qu'on a entendu ici va influencer directement et profondément les attitudes du gouvernement dans les mois qui viennent, mais singulièrement pour le discours du budget qui sera présenté au début de l'an 2000. On a vu d'ailleurs qu'un certain nombre de points, pas si nombreux que ça, mais un certain nombre de points font une espèce d'unanimité. Ces paramètres communs sont moins nombreux qu'on l'aurait espéré, l'éventail des opinions qui ont été défendues devant nous est en effet l'une des caractéristiques de la commission. Ils existent cependant, ces points sur une vision commune des choses.

En premier lieu, à une exception près, le déficit zéro est un acquis pour tout le monde, et encore, si on peut dire. Le rééquilibrage des finances publiques a été obtenu après des efforts difficiles, c'est vrai, mais je pense que tout le monde a compris qu'on le faisait au nom de la jeunesse québécoise, en particulier. Il était indécent, depuis déjà longtemps, de repousser sur nos enfants et nos petits-enfants le fruit de nos consommations et surconsommations.

En deuxième lieu, tous les intervenants reconnaissent ou soulignent certaines caractéristiques de la fiscalité québécoise des particuliers. Il s'agit d'une fiscalité très progressive, plus lourde qu'ailleurs pour les revenus moyens et élevés, mais très favorable pour les couches les plus démunies de la société. Pratiquement tous les intervenants l'ont reconnu. Plusieurs intervenants veulent que les choses restent dans cet ordre de générosité et de solidarité sociale, et c'est la tendance du gouvernement, comme vous le savez.

En troisième lieu, les débats devant cette commission ont démontré l'importance des liens existant entre la fiscalité, les choix globaux en matière de finances publiques et, plus généralement, le type de société que nous voulons nous donner. Sur ce point, je n'ai pas entendu beaucoup de monde vanter les mérites de la société américaine ou même de la société ontarienne. Les gens, assez lucidement, font la différence. La CEQ, en particulier, qui est une institution très importante dans notre société, est venue le dire ce matin de façon claire. D'autres groupes nous ont présenté des comparaisons factuelles entre le sort réel des ménages québécois et des ménages ontariens et on ne nous a pas présenté l'Ontario comme le modèle idéal ni les États-Unis d'Amérique.

On a vu aussi qu'on n'est pas dans l'univers de la pensée unique, et ça, c'est aussi réconfortant. Il y a, depuis quelques années, un péril que courent les administrations et les sociétés qui est celui de ne croire qu'aux règles du marché, qui est celui de croire que l'intervention de l'État est toujours néfaste, est toujours malhabile, est toujours mal gérée. Ce serait une régression incroyable de se laisser emporter dans ce mouvement. C'est une belle conquête de civilisation, de vivre en société, de vivre démocratiquement et d'avoir des gouvernements qui vont au-delà de ce qu'on appelait les tâches régaliennes de l'État, du temps de la monarchie, où on se contentait grosso modo de la défense de la justice et de quelques autres tâches étatiques, il est vrai, mais qui ne sont plus au coeur de l'action des États contemporains qui se sont occupés lourdement, et pour le mieux-être de tous et de toutes, de questions sociales, de questions économiques. Ça, on a pu le voir: il y a diversité dans notre société et il y a des groupes qui n'ont pas craint de venir, au-delà de leurs intérêts particuliers, présenter ce qu'on appelle ces sensibilités différentes.

Évidemment, on a entendu des points de vue touchant l'intérêt de ce qu'on appelle «les groupes d'intérêt», c'est normal. Dans certains cas, c'est un peu exagéré, ça ressemblait à «toujours plus» et «rien que pour moi». Ça aussi, ce n'est pas absolument anormal qu'un groupe représentant des intérêts vienne ne parler que de ses intérêts. Mais c'est quand même un peu gênant de voir que certains se sont extraits du contexte de la société pour ne parler que d'eux et que de leurs intérêts limités.

Heureusement, l'Assemblée nationale et le gouvernement sont là pour faire la synthèse. Alors, même devant des demandes très particulières et parfois très corporatistes, nous aurons à faire le départage et, comme législateurs et comme gouvernants, à faire retriompher l'intérêt général et ce qu'on appelait autrefois «le bien commun». C'est ce qui aurait été intéressant dans la rédaction d'un rapport commun, d'ailleurs, de voir comment une équipe de parlementaires de deux partis différents essaie de faire surnager l'intérêt général plutôt que l'intérêt particulier, mais le gouvernement devra s'en charger seul.

Au-delà des expressions de philosophie économique et de philosophie sociale, on a entendu aussi un certain nombre de suggestions concrètes. Plusieurs mémoires étaient truffés de bonnes idées, et, comme il y a un budget par année et qu'il y a parfois des déclarations budgétaires entre les budgets, plusieurs de ces suggestions vont stimuler l'action des techniciens et des spécialistes et des professionnels du ministère des Finances de façon à aller chercher, de ce qui a été dit devant nous, les efforts imaginatifs et créatifs les plus méritoires pour les intégrer dans le prochain budget.

On a souligné aussi, et à bon droit et pendant même cette commission, que j'ai dû me rendre à Toronto, comme vous le savez, pour participer au consensus des gouvernements de ce qu'ils appellent les provinces et des territoires, consensus sur une notion qui relève du pur bon sens: les besoins sont dans les provinces, les surplus faramineux sont à Ottawa. À moins de nier toute vertu au régime fédéral et de se comporter comme un État unitaire, centralisateur et centralisé, il faut reconnaître que cet argument est d'une pertinence extrême.

(12 h 20)

Le gouvernement fédéral, au début des années soixante-dix, assumait 50 % de ce qu'on appelait les programmes à frais partagés en santé et en éducation. Il s'est replié à moins de 30 % – et, si on prend certaines autres méthodes, ça serait plutôt autour de 15 % – tout en laissant la responsabilité où elle était. C'est toujours le gouvernement du Québec, du temps de Lucien Bouchard comme de celui de Robert Bourassa, qui est responsable des hôpitaux. Sauf que du temps de Robert Bourassa, c'était 50-50, et aujourd'hui on est loin du compte. Il y a eu une espèce de piège dans lequel les provinces et le Québec, singulièrement, se sont fait attraper.

Nous avons donc revendiqué, avec une rationalité profonde quand même, que les transferts soient rétablis au niveau de 1994. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres torts à réparer et que le gouvernement fédéral ne devra pas, par des points d'impôts ou autrement, rétablir ce qui était au-delà de 1994. Mais ça veut dire qu'on reconnaît aussi que le gouvernement fédéral, qui a 600 000 000 000 $ de dette accumulée et qui a eu des déficits culminant à autour de 40 000 000 000 $ par année, n'avait pas le devoir, donc la possibilité qu'on lui offrait de rééquilibrer ses finances.

Il l'a fait, mais, comme il avait agi de façon excessive dans l'autre sens, il est excessif maintenant aujourd'hui en accumulant des surplus dont la présence se fait cruellement sentir dans les juridictions qui sont en charge des problèmes les plus dramatiques. Les dépenses que nous avons à gérer ont une tendance incompressible à croître rapidement. Ça s'appelle santé, en particulier, ça s'appelle éducation, ça s'appelle transferts sociaux. Les dépenses du gouvernement du Canada, elles, sont liées à la défense, aux transferts aux provinces, qui n'ont pas crû mais ont décrû pour la raison que je viens de dire, et à la sécurité de la vieillesse, dont on sait maintenant que, par le jeu de la fiscalité, elle n'est plus universelle, puisqu'elle est récupérée très largement par l'impôt.

Il ressort de façon dramatique que, devant à peu près tous les groupes qu'on a entendus, y compris ceux qui représentaient les plus démunis, nos réponses auraient été plus faciles et plus réconfortantes si nous avions eu ce 5 000 000 000 $ qui nous a été coupé au cours des années. Nous ne l'avons pas.

Nous avons réussi à remettre de l'ordre dans nos finances publiques. Ce que j'ai dit à plusieurs reprises, et je le redis en conclusion de notre commission: Si les surplus sont au rendez-vous... Il est exclu que les surplus auxquels John McCallum, le vice-président de la Banque Royale et mon ami, fait allusion se réalisent parce qu'il s'est trompé. Il s'est trompé lourdement. Il a rendu récurrent un versement énorme qui représentait un calcul post facto de la péréquation dans le budget de l'an dernier.

Si on tourne le dos à ces surplus illusoires et qu'on pense plutôt à des surplus réalistes, il est possible, puisque l'économie performe bien, puisque le chômage n'est plus à 14 % mais qu'il est à 9 %, puisque beaucoup de nos compatriotes qui étaient des gens qui prélevaient de façon nette sur les ressources publiques par l'aide sociale sont maintenant des contributeurs nets par l'impôt, il est possible que des surplus se dégagent. Et je réitère que, si ces surplus se dégagent d'une façon plus importante que ce qu'on avait cru, que ce qu'on peut croire aujourd'hui suivant les chiffres que l'on a, bien nous ferons plus dans les grandes orientations qui sont les nôtres. Et les grandes orientations qui sont les nôtres, c'est baisser les impôts des contribuables, réinvestir en santé, réinvestir en éducation, réinvestir pour secourir les détresses humaines.

C'est la première fois, je crois, même si j'ai une longue expérience parlementaire, que je participe à une commission parlementaire si élaborée et si diversifiée. J'en ai déjà vu de très longues, mais très spécialisées, quand on s'est occupé d'assurance et d'institutions financières. Mais là on s'est occupé de l'ensemble de la société, puis la société s'est occupée de nous parce qu'elle est venue nous parler, et elle est venue nous parler sans détour.

Il y en a même qui étaient tellement froissés par ce qui se passe qu'ils ne nous ont pas parlé beaucoup. Ils sont venus, ils ont dit ce qu'ils avaient à dire, ils sont repartis. On n'en veut pas à ceux-là non plus. Ils se sont servis de l'Assemblée pour manifester leur mécontentement, puis c'était leur droit le plus strict. Mais on est plus reconnaissants à ceux qui nous ont parlé puis à ceux qui ont accepté le dialogue, ceux qui ont accepté de répondre à nos questions.

Alors, en conclusion, M. le Président, après avoir remercié nos intervenants, je m'en voudrais de ne pas remercier ceux et celles qui sont à cette table, y compris vous, pour la façon admirable dont vous avez mené ces débats et suscité la confiance parmi les groupes de nos concitoyens et concitoyennes qui sont venus nous voir.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, M. le ministre. C'est donc le moment d'ajourner sine die nos travaux. Le rapport sera remis la semaine prochaine à la Chambre. Nous nous retrouverons cependant sur un autre projet de loi cet après-midi.

(Fin de la séance à 12 h 26)

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