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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Tuesday, March 23, 1999 - Vol. 36 N° 2

Poursuite du débat sur le discours sur le budget


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures cinquante-cinq minutes)

Le Président (M. Simard, Richelieu): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des finances publiques est réunie afin de poursuivre le débat sur le discours du budget.

Je demande au secrétaire de nous annoncer les remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. J'informe les membres de la commission que M. Maciocia (Viger) va remplacer Mme Houda-Pepin (La Pinière).


Organisation des travaux

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. Avant de débuter, j'aimerais peut-être, très rapidement, résumer les règles de procédure qui présideront à nos travaux au cours des prochaines heures. Vous le savez, nous avons un temps à faire ici, en commission, d'étude du budget.

Alors, les règles du débat. Le mandat que nous entreprenons aujourd'hui, donc, est d'une période de 10 heures et prend la forme d'une interrogation au ministre d'État à l'Économie et aux Finances par les membres de la commission sur la politique budgétaire présentée lors du discours du budget.

Les règles du débat ont été fixées par la commission de l'Assemblée nationale le 23 mai 1984. Nos travaux vont donc commencer par une période de déclarations d'ouverture au cours de laquelle le ministre d'État à l'Économie et aux Finances puis la porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances pourront prendre la parole pendant 20 minutes. Les membres de la commission auront ensuite un temps de parole de 10 minutes réparti en une ou plusieurs interventions qui peuvent prendre la forme de questions au ministre ou de commentaires. Le ministre disposera d'un temps de parole de 10 minutes après chacune des interventions.

Donc, pour résumer, il y a deux interventions préliminaires, celle du ministre et celle de la représentante de l'opposition, et nous entrons ensuite dans la période de dialogue et de questions, questions qui viendront évidemment beaucoup et surtout sans doute des porte-parole de l'opposition, mais également de la partie ministérielle, dans un débat que nous souhaitons tous éclairant pour toutes les parties.

M. le ministre d'État à l'Économie et aux Finances et vice-premier ministre, à vous la parole.


Déclarations d'ouverture


M. Bernard Landry

M. Landry: Merci, M. le Président. Moi aussi, je vais faire quelques remarques préliminaires avant d'entrer dans le vif de notre sujet. La première est pour me réjouir de votre présidence. Vous savez la confiance que j'ai en vous. Je ne commencerai pas par dire «personnellement», bien que ça soit aussi vrai, mais la confiance que j'ai en vous quant à votre parcours politique, quant à votre dévouement aux intérêts de la population du Québec et de l'État du Québec, et d'un magnifique endroit du territoire québécois aussi, qui est tout près du comté de Verchères et qui est sur les rives de la rivière Richelieu, cela va de soi. Je suis donc content, M. le Président, de travailler avec vous et sous votre gouverne dans cette commission parlementaire. Vous, je vous connais bien. Donc, je vous accueille avec joie et sans aucune réserve.

(11 heures)

La critique de l'opposition, je la connais moins. J'imagine que, après quelques années, je pourrai dire d'elle, M. le Président, la même chose que je viens de dire de vous. Mais ce serait imprudent pour moi de porter mon jugement dès le départ. Mais je lui dis que le gouvernement va coopérer dans toute la mesure du possible avec l'opposition pour qu'au moins les travaux soient transparents, que toute l'information soit sur la table. Que nous divergions d'opinions par la suite, ce serait plutôt normal. Les accords entre le gouvernement et l'opposition surviennent de temps à autre, sont l'exception dans un système de démocratie contradictoire. Personne ne doit en avoir de ressentiment. Les oppositions même les plus vives ne se font jamais entre ennemis, parce que ce mot est banni du vocabulaire démocratique. Ça se fait entre adversaires politiques, et c'est ce que nous allons faire.

Quand je parle de transparence, vous avez vu cette imposante batterie d'hommes et de femmes, si je puis dire, qui composent la formidable équipe du ministère des Finances. Ce sont de grands professionnels. L'accès au ministère n'est pas une chose simple, c'est un recrutement élitiste, je le confesse, et c'est une tradition du ministère. Le fait d'y rester suppose des qualités intellectuelles et aussi des qualités civiques remarquables parce que la plupart de ces gens-là pourraient faire deux ou trois fois le salaire qu'ils font dans le secteur privé, n'est-ce pas, parce qu'ils ont des spécialités pointues, financières et économiques. Alors, ils sont là, c'est parce qu'ils servent l'État. Ils servent la collectivité. Et, quand ils vont venir s'asseoir à mes côtés – là, il y a le sous-ministre en titre des Finances qui est à mes côtés, des fois ça sera d'autres pour des questions plus pointues – ils vont répondre en se mettant au service de l'État, donc, dans la plus grande transparence. Les chiffres sont les chiffres, puis on est un ministère de chiffres, puis on est un ministère de rigueur, et c'est cet esprit qui dominera notre commission, comme d'habitude.

Je suis content aussi de travailler avec mes collèges de la majorité ministérielle, anciens comme nouveaux. D'ailleurs, aucun des deux vocables n'a un contenu négatif ou positif. On peut être ancien et très bon et ancien et incapable, puis on peut être nouveau et très bon et nouveau et incapable. On compte sur tout le monde. C'est une équipe. Mais je connais bien les deux qui sont là et ils ont fait leurs preuves dans cette commission et dans d'autres.

Quant à notre nouveau collègue de La Prairie, c'est un nouveau député mais en apparence seulement, parce qu'il a été l'adjoint du député de La Prairie pendant je ne sais pas combien de temps.

Une voix: ...

M. Landry: Neuf ans. Bon. Alors, il connaissait, en tout respect pour quiconque autour de cette table, mieux la cuisine d'un bureau de député que d'autres qui sont ici.

Et, enfin, pour ne pas être en reste, les nouveaux membres de la commission pour l'opposition officielle sont également bien accueillis par le gouvernement dans cette commission.

Je ne vais pas refaire un discours du budget, parce que le règlement pour le discours du budget me donne deux heures puis, ce matin, il me donne 20 minutes – première raison – puis, deuxièmement, vous l'avez déjà entendu. Alors, je vais y aller à larges traits pour, d'abord, ajouter à l'information pédagogique des membres de l'Assemblée et de la population, puisqu'on a une commission qui est télévisée, et aussi pour approfondir certains points.

On a pu, maintenant que le budget est passé depuis quelque temps, faire l'évaluation de l'opinion publique. À travers les sondages, à travers les résumés d'expressions d'opinions, dans les lignes ouvertes, dans les journaux ou autrement, il est clair que la population du Québec a bien accueilli ce budget qui la concerne au premier chef. Le budget a fait à peu près ce que les gens voulaient qu'on fasse. Les gens voulaient de l'argent en santé, voulaient de l'argent en éducation, voulaient des baisses d'impôts – dans l'ordre – mais, avant les trois choses réunies, voulaient le déficit zéro. Alors, ils ont eu tout ça.

Également, il y a un grand arbitre qui n'a pas de droit de vote, qui n'est pas citoyen du Québec, qui est citoyen du monde et qui s'appelle le marché, le marché financier. On peut l'aimer ou ne pas l'aimer, mais, quand on a 100 000 000 000 $ de dettes, on ne peut pas l'ignorer. Et le marché a arbitré aussi en faveur du budget. Dans les heures qui ont suivi, le Québec a emprunté à 3,5 points de base de moins qu'avant le budget. Alors, je sais que la critique de l'opposition, plus que moi encore, est une chantre de l'économie de marché sans réserve et sans condition, elle est libérale, sinon ultralibérale, mais, au moins sur ce point-là, on s'entendra: le marché est le grand arbitre et le marché a arbitré en faveur du budget.

Pourquoi? D'abord parce qu'on a atteint le déficit zéro comme nous avions dit que nous le ferions, et même un an avant le temps. Alors, c'est une question de crédibilité et de fidélité. En matière financière sûrement, comme en matière humaine en général – ça pourrait même s'appliquer à l'amour humain... Si quelqu'un te ment 25 fois de suite, quand même il te dirait «je t'aime», la 26e fois, si tu as de bonnes raisons d'être sceptique, comme il en existe, tu vas être sceptique. Alors, en matière financière, qui est beaucoup plus matérialiste et beaucoup plus terre à terre, c'est la même chose.

Le gouvernement du Québec a dit plusieurs fois de suite à la communauté financière locale et internationale: J'aurai tel niveau de déficit. Il a été infidèle et ne l'a pas eu. Il y avait donc une côte de crédibilité à remonter considérable. Quand j'ai fait ce qu'on appelle «le road show», c'est-à-dire cette espèce de visite éclair des grands centres financiers du monde après le budget, pour aller dire que le gouvernement du Québec cheminait vers le déficit zéro, j'ai été accueilli avec un scepticisme frôlant parfois l'impertinence, et je n'étais qu'une victime, ce n'est pas moi qui m'étais trompé 10 fois de suite avant, c'est mes prédécesseurs. Mais j'ai vécu avec ce scepticisme une fois, deux fois à un degré moindre, trois fois avec espoir, et la quatrième fois, bien, évidemment, il n'était plus question de scepticisme, il était question de certitude. Je n'annonçais plus que nous allions vers le déficit zéro, je disais que nous l'avions eu et que nous l'avions eu un an d'avance.

J'ajoutais aussi – parce que tous ces gens qui m'écoutaient ne sont pas des spécialistes de l'histoire du Québec – que c'est depuis Johnny Bourque qu'on ne l'avait pas eu. À Zurich, Johnny Bourque, ce n'est pas le personnage le plus connu de la place. Alors, il fallait que je précise que c'était le député de Sherbrooke et le ministre des Finances du Québec il y a 40 ans.

En d'autres termes, on a atteint le déficit zéro pour la première fois en 40 ans. Est-ce que ça veut dire que tous les budgets négatifs et non équilibrés depuis 40 ans étaient des catastrophes? Bien sûr que non. Il peut être sage d'emprunter quand on n'a pas de dettes. Il peut être sage d'emprunter quand on veut suivre à la lettre les enseignements de Lord Keynes, qui disait bien que l'État peut augmenter la demande globale par les dépenses publiques si la conjoncture le requiert. Sauf que c'est la deuxième partie de l'enseignement de Keynes qui a été mal comprise par plusieurs de nos devanciers: il faut se refaire en période de prospérité. Ça, ç'a été moins bien compris.

Mais, des fois, quand je parle de ça, j'entends l'opposition officielle, qui n'est pas toujours d'une politesse exquise – nous non plus d'ailleurs; à l'Assemblée, il se passe bien des choses – crier: «Parizeau! Parizeau!» Non, non. Parizeau est un excellent ministre des Finances du Québec, et il a fait des déficits à une époque où il était censé en faire, parce que le déficit accumulé, il n'était presque rien à côté de ce qu'il est aujourd'hui. Je prends une image simple pour que tout le monde puisse comprendre. Quelqu'un qui gagne 50 000 $ par année et qui décide d'emprunter, disons pour s'acheter une voiture, 5 000 $, ça peut se défendre si c'est sa seule dette. Mais, s'il gagne 50 000 $ par année, puis il a déjà 125 000 $ de dettes, puis il décide de changer de voiture, puis de se rendetter de 5 000 $, là ce n'est plus la sagesse.

Alors, si on regarde les séries de statistiques – les fonctionnaires des Finances les ont par-devers eux et par-devers elles et, des fois, ils les connaissent par coeur – nous verrons qu'à l'époque où il y avait des déficits, libéraux ou péquistes, ce n'était pas toujours des erreurs grossières. Mais c'est devenu une erreur grossière quand, après avoir eu des périodes de taux d'intérêt de 15 %, 18 % et qu'on a vu la dette du Québec bondir vers des sommets sans précédent... Continuer à s'endetter, là, ça devenait une erreur grossière.

(11 h 10)

Alors, je ne vise pas personnellement mes prédécesseurs, mais le Québec entier sait très bien que c'est les deux derniers mandats d'un assez grand premier ministre, Robert Bourassa, qui n'ont pas brillé par la rigueur. Et c'est là que la catastrophe est arrivée. Toutes les autres provinces du Canada devant les mêmes conjonctures et au même signal ont ramené à zéro rapidement, sauf l'Ontario qui est capable de ne pas le faire, précisément parce que beaucoup moins endettée que le Québec, et qui, avec une économie de 20 % plus forte et une population plus grande, peut se permettre des écarts qui n'étaient pas possibles ici. Mais toutes les autres, sauf Terre-Neuve... parce que là, à Terre-Neuve, aucune des équations des livres de sciences économiques ne s'applique vraiment. À Terre-Neuve, le baril de pétrole se vend 10 $ sur les marchés mondiaux, puis ça peut coûter 20 $ pour le produire. On est dans un autre univers, bon, parce que le gouvernement du Canada comble la différence, là. Mais, dans une vraie économie de marché, tous les autres étaient à déficit zéro. Normalement nos prédécesseurs auraient dû y arriver.

C'est pour ça que des fois je prends une image, qui vaut ce que valent toutes les images: nous avons été obligés d'être Thatcher et Blair en même temps, et comme, nous autres, on n'avait pas beaucoup de talent pour Thatcher, imaginez l'effort moral que ça nous a pris pour faire ça, mais on l'a fait pareil. On l'a fait parce qu'on sait que, pour être Blair, il faut avoir de l'argent dans ses poches. En d'autres termes, pour être progressiste, pour avoir des finances publiques équilibrées, il faut être capable de distribuer des choses que l'on a et non pas distribuer des choses qu'on n'a pas par l'endettement ou, ce qu'on a un peu vécu au cours des dernières années, distribuer l'impécuniosité. Ça a été ça, être ministre des Finances du Québec pendant les quatre dernières années. Ça a été d'annoncer à des gens qu'il y aurait moins d'argent pour les tâches qu'il y aurait à accomplir qu'il y en avait eu l'année d'avant pour la simple raison que la seule voie au déficit zéro, la seule voie cohérente, admissible, c'est la réduction des dépenses.

Donc, la première grande caractéristique de ce budget: l'équilibre des finances publiques, assortie d'un corollaire, de l'intention ferme et exprimée dans une loi de ne pas retomber dans les vieilles ornières. Alors, on a une loi qui a été votée à l'unanimité de notre Assemblée nationale, et le prédécesseur de la députée de Saint-Laurent, le critique qui l'a précédée, le député de Laporte, a été d'un grand secours dans l'adoption de cette loi. Il ne nous a pas ménagé son soutien, puis il n'a pas ménagé ses interventions pertinentes dans cette commission. Je veux lui en rendre hommage. Et, quoi qu'il en soit, nous avons une loi antidéficit et nous avons l'intention de la respecter.

Je dois dire qu'après la réduction des dépenses il y a, bien sûr, d'autres facteurs qui nous ont aidés à atteindre le déficit zéro et plus tôt que nous l'avions voulu. Ces autres facteurs sont l'économie, d'une façon solide et récurrente – ça va être vrai l'an prochain aussi, je l'espère, puis ça a été vrai cette année et l'année d'avant – et aussi un paiement imprévu et non récurrent du gouvernement du Canada.

Je parle d'abord de l'économie. Le taux de chômage est passé sous la barre des 10 plusieurs mois d'affilée pour la première fois depuis 10 ans. Alors, il est sûr que, quand les gens travaillent, ils paient des impôts et des taxes, et, l'économie tournant davantage, l'argent coule plus spontanément vers les coffres de l'État.

La dépense aussi est affectée par la reprise. Il y a 75 000 ménages, deux fois de suite, donc deux années de suite, qui ont quitté l'aide sociale. C'est sûr que ça aide à comprimer les dépenses. Si l'économie a tourné à ce point, c'est d'abord à cause des grands facteurs conjoncturels. Les États-Unis d'Amérique, par une politique qu'on doit qualifier d'admirable, les conjoncturistes américains, les monétaristes américains sont arrivés à leur apogée. J'espère que vous n'avez pas donné le signal de leur décadence, mais l'économie américaine a sa plus longue période de croissance depuis la guerre de Corée, et puis la guerre de Corée était elle-même malheureusement, comme le sont toutes les guerres, un support à cette croissance. Mais là, en temps de paix, c'est quand même assez remarquable et surtout si on considère que le tiers de l'économie mondiale est en récession.

Le Japon, à lui seul, deuxième puissance économique, contributeur de 15 % au produit planétaire brut, est en panne et en panne sérieuse depuis de longs mois, depuis des années. L'ex-URSS est dans un état plus lamentable encore. Et l'Amérique latine elle-même a vacillé quand on a vu les aventures du réal et la fin de la lune de miel brésilienne avec la croissance et l'économie équilibrées. Il y a plus de monde au Brésil qu'au Japon. Évidemment, le produit national par tête du Brésil n'est pas celui du Japon, mais, quand le Brésil est malade, ça commence à faire mal au monde, et surtout si tous les autres sont malades en même temps. Malgré ça, l'économie américaine a continué à tourner, et, comme 85 % à peu près de nos exportations internationales prennent la direction des États-Unis, bien, nous sommes très dépendants. Et, circonstance éminemment favorable, l'espace économique américain et le nôtre depuis 1989 tendent à se confondre, à mon avis avec plusieurs années de retard. On a eu le libre-échange en 1989, un calendrier de désarmement de douaniers qui a duré 10 ans, donc on est juste dans l'ère du zéro douane absolu, mais ça commence déjà à paraître. Nos ventes augmentent aux États-Unis de 15 %, 17 % par année, alors que la croissance normale, régime de croisière vers l'Est et vers l'Ouest, c'est 2 %, 3 %.

Je ne peux pas m'empêcher de faire un certain retour historique pour dire que, si Wilfrid Laurier, en 1911, avait été réélu, Wilfrid Laurier, le Québécois qui était libre-échangiste, on aurait eu le libre-échange depuis 1911. Ça veut dire que la face du monde en aurait été changée, en tout cas en Amérique du Nord. Ça veut dire que très probablement le Québec aurait connu un destin économique beaucoup plus brillant et avantageux que celui qui a été le sien, parce que le Canada s'est bâti derrière le mur douanier de l'Amérique britannique du Nord. L'idée, c'était de constituer un axe économique, dirigiste et contrôlé, de Londres à Halifax, à Montréal, à Toronto, à Winnipeg et, éventuellement, à Vancouver, et le Québec dont les marchés naturels étaient Nord-Sud... Le canal Richelieu existait toujours, on pouvait accéder à New York à partir de Montréal par voie d'eau à la fin du siècle dernier, alors à plus forte raison en 1911 quand Wilfrid Laurier a préconisé le libre-échange. C'est probablement nous qui aurions le taux de chômage le plus bas au Canada parce qu'on est beaucoup mieux placés géographiquement: on est sur le port de mer, on peut venir de Rotterdam à Montréal. Il n'y avait pas de canalisation du Saint-Laurent, il n'était pas question d'aller plus loin que les Rapides de Lachine avec des navires d'un certain tonnage. En tout cas. Je ne veux pas essayer de revivre l'histoire à l'envers, mais je veux dire que le fait qu'on ait le libre-échange depuis 1989, c'est une très belle chose. On aurait dû l'avoir avant, et ça paraît.

Alors, l'économie du Québec s'en est très bien portée. Depuis qu'on a le désarmement douanier total, on bat des records de croissance, de création d'emplois, d'investissements. En 1998, la croissance des investissements au Québec est quatre fois celle du Canada. Ceux qui connaissent l'économie du Québec et qui font de l'économie comparative sont étonnés eux-mêmes. Mais c'est comme ça, et on ne peut que s'en réjouir sans être triomphaliste. Ce serait très irresponsable d'être triomphaliste à 10 % de chômage, hein. Nous avons encore 10 % de chômage. Sauf que, il y a quelques années, on était à 14 %. Il y a quelques années, on traînait la queue au Canada pour les investissements. Aujourd'hui, nous battons des records d'investissements en chiffres absolus au Québec et en comparaison avec le Canada. En 1999, par exemple, on prévoit une hausse additionnelle de 4,1 % des investissements au Québec, alors qu'ils vont baisser de 0,9 % au Canada. Alors, j'ai dit quatre fois plus que le Canada, mais là je suis obligé de parler de l'infini parce qu'il y en a un qui baisse et l'autre monte. Alors, le ratio devient exponentiel. C'est pour ça que, si ça tient le coup – pourvu que ça dure – on peut penser à des choses assez exceptionnelles pour l'économie du Québec en elle-même et comparée à celle du Canada.

J'ai entendu le chef de l'opposition dire: Oui, mais... c'est vrai que vous faites ça, mais le Canada fait mieux encore. Je n'ai pas pu lui répondre sur le coup, c'était à la période de questions. À la période de questions, les choses vont vite. Mais là j'ai le temps de lui répondre. Je vais lui répondre, premièrement, par un petit retour en arrière. Si, quand le Canada monte, le Québec doit monter, je suis bien d'accord. Mais qu'il nous explique donc pourquoi, pendant les quatre ans qui ont précédé notre arrivée au pouvoir, le Canada a créé 206 000 emplois et le Québec zéro. Si la mer monte, tous les bateaux montent. Pendant que les libéraux étaient au pouvoir les quatre dernières années, la mer a monté et leur bateau a coulé. Alors, ils étaient à contre-courant, c'est le cas de le dire, et contre vents et marées.

Mais des chiffres plus pointus nous ont démontré que, en termes de création d'emplois, sous l'angle historique, disons, les deux mandats de René Lévesque, les deux mandats de Robert Bourassa et le mandat Parizeau-Bouchard, c'est dans les périodes où nous sommes au pouvoir que le pourcentage de création d'emplois du Québec par rapport à la création totale du Canada est le plus élevé. Alors, cette légende insidieuse dont je ne connais pas très bien l'origine, une erreur mathématique sûrement, mais il y a sûrement quelque politique là-dessous, cette légende, elle est fausse. C'est une légende. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas quand les péquistes sont au pouvoir que le Québec crée moins d'emplois par rapport au reste du Canada. C'est quand les péquistes sont au pouvoir qu'il en crée le plus.

(11 h 20)

Est-ce qu'il y a une relation de cause à effet? Sans doute. Est-elle parfaite? Ça, à voir là, l'économie n'est pas une science exacte, en tout cas, les chiffres sont là. C'est ce qui explique qu'on a eu de l'argent qui est venu de l'économie. Et aussi on a eu de l'argent qui est venu d'Ottawa. La révision des transferts de péréquation du gouvernement du Canada basée sur la performance ontarienne de 1997 nous a fait avoir ce que les financiers appellent «un windfall profit» considérable sous forme d'un chèque non récurrent de péréquation. On en reparlera, de la péréquation, au cours des 10 heures...

Une voix: ...

M. Landry: ... – plus que ça, oui – des 10 heures que nous avons à passer ensemble, mais je dis tout de suite que je trouve déshonorant que ce système de péréquation, qui existe depuis 1947, où les provinces riches donnent aux provinces pauvres et dont le Québec a profité chaque année depuis... en dit long sur la structure économique du Canada et sur le système dans lequel nous vivons. Si c'est un système équilibré et répartiteur, qu'on m'explique pourquoi le Québec, qui est la 15e puissance économique du monde, qui est une puissance technologique et de richesses naturelles à la fois, a réussi, depuis 1947, à être une province pauvre. Ça, là, ce n'est pas nous qui avons un fardeau de la preuve là-dessus. Nous, on veut la changer, cette structure-là. On trouve ça déshonorant. Il y en a qui appellent ça de la solidarité canadienne. Ils appelleront ça de tous les noms qu'ils voudront, ce n'est pas possible qu'une économie aussi forte que la nôtre ait l'humiliation continue et sans exception depuis 1947 d'être aux crochets des autres.

Et ma thèse, vous la connaissez très bien. S'ils nous donnaient simplement ce qu'ils nous doivent au chapitre des dépenses structurantes du gouvernement du Canada, on n'aurait pas besoin de péréquation. Puis les quatre grands postes, on va les analyser encore une fois, mais vous les connaissez, c'est subventions aux entreprises, c'est recherche et développement, c'est achat de biens et de services du gouvernement du Canada, c'est participation à la fonction publique fédérale. Si ces quatre postes avaient été réglés, plus les achats de défense en particulier qui sont inclus dans l'un des autres, on n'aurait pas eu besoin de péréquation. Alors, j'espère que cette commission va l'aborder franchement, ce problème-là. Que ceux qui préconisent le maintien du système et le statu quo nous expliquent pourquoi, depuis 1947, quand Maurice Le Noblet Duplessis était premier ministre du Québec, on recevait de la péréquation, puis qu'on en reçoit encore sous Lucien Bouchard, puis qu'on en a reçu à toutes les années depuis ce temps-là.

Ce que le Québec veut, ce n'est pas le BS, qui n'est pas déshonorant en soi quand il s'agit d'une famille pauvre. L'aide sociale, c'est de la solidarité, c'est de la fraternité. Mais, si tout le monde était condamné tout le temps sur l'aide sociale, ça ne devient plus de la fraternité, ça, ça devient de l'iniquité, et c'est ça, la situation financière et économique du Québec dans le Canada depuis 1947.

Pourquoi j'insiste sur 1947? Parce que c'est l'année où on a des chiffres et ça a commencé. Si ça avait commencé avant, ça aurait été la même chose, j'imagine. Ils ont un peu fait avec le Québec ce que l'Angleterre a été accusée d'avoir fait avec l'Irlande. Il y en a autour de cette table qui comprennent ce que je veux dire. Ils connaissent l'histoire de la république irlandaise mieux que je la connais moi-même. Mais, quand un peuple se laisse dominer par un autre, même si l'autre n'est pas méchant ou forcément méchant, il y a un prix à ça. Alors, les Irlandais l'ont payé, et tous ceux qui se sont fait dominer par d'autres l'ont payé, puis le Québec l'a payé aussi. Merci, mon Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. J'allais vous signaler que la conclusion de vos remarques d'ouverture n'est pas la conclusion du discours, puisque vous aurez l'occasion de revenir. Et j'invite maintenant, pour sa déclaration d'ouverture, la porte-parole de l'opposition.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais me joindre au ministre des Finances et vous dire que j'apprécie beaucoup votre collaboration. On a eu la chance d'échanger, j'ai échangé avec le vice-président également, et je suis sûre qu'on va faire bon ménage sur cette commission.

Au niveau du ministère et la qualité des gens qui sont dans cette salle, j'ai eu l'occasion, à travers une ancienne vie, de pouvoir, moi aussi, témoigner de la qualité et du professionnalisme des gens qui travaillent au ministère des Finances, et je suis d'accord avec le ministre des Finances que ces gens-là travaillent comme des bénédictins et très fort, et ils sont extrêmement qualifiés. Et je me joins, évidemment, au ministre des Finances pour dire combien nous allons apprécier et je vais certainement apprécier leur collaboration.

M. le Président, moi, mon propos, aujourd'hui, je veux le tourner vers demain, vers l'avenir – peut-être parce que je suis nouvelle à l'Assemblée nationale – et, par conséquent, je m'imagine que le rôle d'un budget, c'est d'articuler, de façon plus précise que le message inaugural du premier ministre, ce que veut dire, finalement, le message inaugural, les intentions du gouvernement. Autrement dit, on met des chiffres sur ce qu'on va vouloir faire et on l'articule de façon plus précise. Et moi, c'est la raison pour laquelle je veux faire mon propos basé sur ce qu'on va vivre durant les quatre prochaines années et possiblement plus longtemps.

Comme je disais, le budget articule l'intention du gouvernement. Et je dois dire – et je l'ai dit dans ma réponse – que nous applaudissons tous l'effort du ministre des Finances et du gouvernement d'atteindre le déficit zéro. Ça faisait plusieurs années que les ministres des Finances avaient oublié les vertus, dans le fond, d'une saine gestion publique et, par conséquent, je pense que nous nous réjouissons tous aujourd'hui de cette réussite. On avait hypothéqué, finalement, l'avenir de nos enfants, et ce dont on s'est rendu compte, c'est que l'avenir est arrivé plus vite qu'on pensait, et il a fallu apporter un coup de barre.

L'intérêt sur la dette de 7 200 000 000 $ représente 2 400 $ approximativement – peut-être que les experts pourront me corriger plus tard – par payeur de taxes. J'ai fait une espèce de calcul rapide. J'exclus, bien sûr, 40 % des travailleurs qui ne paient aucun impôt. Ces chiffres sont suffisamment imposants pour nous rappeler à l'ordre et nous dire qu'il va falloir penser à ce coût énorme, puisque ce coût de 7 200 000 000 $, M. le Président, c'est la moitié de ce que coûtent les services de santé au Québec. C'est donc nous dire combien c'est devenu un fardeau, un boulet incroyable à porter.

Mais il faut se tourner vers l'avenir, il faut tourner la page, articuler, pour les Québécois, un projet de société. Moi, ce que je veux livrer aujourd'hui – et on va certainement se pencher de façon plus précise sur des chiffres spécifiques – je veux proposer une autre façon de voir, de ce qu'aurait pu contenir ce budget. C'est une réflexion, j'ai décidé d'opter pour cette approche. Je n'avais pas l'odieux de préparer un budget de façon spécifique, donc je pouvais me permettre ce type de réflexion. Et, si j'avais à intituler mon propos, je dirais qu'il fallait faire un virage, il fallait faire un virage important au Québec, et peut-être qu'on a manqué un virage.

Pourquoi je dis ça? La première raison, c'est que je pense qu'il fallait immédiatement – immédiatement – envisager une baisse d'impôts, ou, du moins, nous offrir un plan, une feuille de route, pour que nous ayons une vision de la façon avec laquelle nous allions baisser les impôts. Et le ministre des Finances le dit, il le connaît de par sa formation, il sait combien le fardeau fiscal gêne la création d'emplois, et, par conséquent, il est parfaitement au courant de cela.

(11 h 30)

La deuxième raison pour laquelle je pense qu'il faut faire un virage, c'est qu'il faut commencer au Québec à faire les choses différemment, dans notre gestion de l'État, à faire appel à plus de partenariat et moderniser notre conception de l'État.

Et la troisième raison pour laquelle je pense qu'il fallait faire un virage, il va falloir également... D'ailleurs, le gouvernement l'a fait au niveau du déficit zéro. Il nous a donné une feuille, un plan pour arriver au déficit zéro, basé sur tant d'années, et il a tenu une discipline pour atteindre son objectif. Donc, la troisième raison, c'est que je pense qu'il nous faudrait un plan pour examiner comment est-ce qu'on va régler le problème de la dette. Parce que, comme le ministre des Finances le disait très bien, ce n'est pas tant le déficit qui est important, c'est l'ampleur de la dette qui est importante.

Je reviens donc sur mon premier point: la nécessité de baisser les impôts. C'est la première raison que j'estime être la plus importante pour justifier mon propos à l'effet qu'il fallait faire ce virage. Contrairement à ce qu'on pense souvent, baisser les impôts ne diminue pas les revenus de l'État dans la même proportion. En laissant de l'argent dans l'économie, en donnant aux citoyens un plus grand pouvoir d'achat, ces gens se retournent, achètent, consomment, paient des impôts, créent des emplois.

D'ailleurs, à notre grande surprise... Et, d'ailleurs, dans ma vie antérieure à titre de présidente d'institut de recherche, j'avais été très critique à l'endroit du premier ministre de l'Ontario qui avait décidé de baisser les impôts avant de s'attaquer au déficit. Et, contrairement, à ma surprise, il a réussi quelque chose que je n'avais pas prévu et sur lequel j'avais écrit. Donc, on a un témoignage, là, de quelqu'un qui a pris un virage de décider, de façon très audacieuse, de baisser les impôts de 25 %, et apparemment que le premier ministre de l'Ontario rencontrerait un déficit zéro l'an prochain. Pourquoi a-t-il pu faire tout ça? Parce que les coffres de l'État de l'Ontario se sont remplis d'argent. On sait que la rentrée d'argent est aussi importante que les dépenses d'argent pour un gouvernement.

Le ministre des Finances a rappelé plus tôt mon approche essentiellement libérale dans le sens pur du terme. J'aimerais lui rappeler qu'effectivement j'ai appartenu, durant les années soixante et soixante-dix, à cette autre école qui pensait que le gouvernement pouvait se substituer et corriger les erreurs de l'économie. Hélas, je me suis rendu compte, avec le temps, qu'on s'est retrouvé, dans le fond, là où le ministre des Finances nous dit qu'on s'est trouvé, avec un taux de chômage de 12 %, 13 %, 14 %, qui est nettement trop élevé.

Bien sûr, je ne veux pas trop parler de l'Ontario, parce que le Québec a sa propre personnalité, et nous devons faire les choses à notre façon, mais il n'en demeure pas moins qu'il est parfois utile de s'inspirer et de voir ce que d'autres ont fait. Comme je vous dis, moi, je n'avais pas prévu que le gouvernement de l'Ontario réussirait aussi bien qu'il l'a fait, et il a réussi.

À l'occasion du troisième millénaire, on ne peut pas se soustraire de l'environnement dans lequel nous vivons. Si nous vivons dans un village global, comme nous le rappelle fréquemment une certaine publicité que nous voyons presque quotidiennement sur nos écrans de télévision, le monde se rapetisse. Nos gens d'affaires exportent vers l'extérieur. D'ailleurs, c'est à travers nos exportations que nous avons créé le plus d'emplois récemment. Et, que nos produits soient fabriqués partout au Québec, en Beauce, en Gaspésie, au Lac-Saint-Jean, en Estrie, à Hull ou à Montréal, nos entrepreneurs créent de l'emploi, exportent principalement aux États-Unis et en Ontario.

Or, l'écart entre le fardeau fiscal du Québec et le reste du Canada s'élève à près de 5 000 000 000 $. Moi, j'ouvre une porte, très candidement, au ministre des Finances pour lui dire qu'il y a lieu à ce qu'on se penche, à l'Assemblée nationale, pour dire: Comment est-ce qu'on pourrait réduire cet écart-là? D'ailleurs, dans les documents du ministère des Finances, on parlait de 5 000 000 000 $ d'écart entre l'Ontario et le Québec. Peut-être pourront-ils, plus tard, m'éclairer sur ça. J'aurais cru que c'était plus haut que ça entre l'Ontario et le Québec, et je me suis basée sur des documents préparés par l'Association des économistes du Québec. J'ai fait un petit calcul. Alors, c'est clair que les membres du ministère vont pouvoir m'éclairer à cet égard.

Alors, comme je disais, l'écart s'agrandit entre le Québec et l'Ontario. Non seulement l'écart s'agrandit, mais imaginez-vous donc que j'étais à Toronto récemment et le gouvernement de l'Ontario s'apprête encore à baisser ses impôts. Et non seulement le gouvernement de l'Ontario s'apprête à baisser ses impôts, l'Alberta s'apprête à avoir un taux unique apparemment à 11 %. Je lisais également dans le Financial Times du weekend que les États-Unis d'Amérique s'apprêtent à baisser leurs impôts de 900 000 000 000 $. Bon, évidemment, quand on parle de 900 000 000 000 $, c'est tellement gros qu'on a de la misère à imaginer ce que ça représente comme chiffre. Mais c'est vous dire que le surplus du gouvernement américain actuel est de 300 000 000 000 $. Donc, de vouloir baisser les impôts de 900 000 000 000 $, vous imaginez quelle est l'envergure. Bon, est-ce que ce sont des intentions qui vont se traduire par un taux moins élevé? C'est fort possible. Mais il est clair qu'il faut s'attaquer à ce problème-là.

Or, le ministre des Finances nous propose un document. D'ailleurs, je l'ai trouvé très courageux de nous donner ce document pour que nous le consultions, le document qui a pour titre – attentez – Réduction de l'impôt des particuliers, où il nous offre une panoplie de chiffres qu'on peut utiliser. C'est très éclairant, et je suis sûre que ça va susciter un débat beaucoup plus articulé que ce qu'on aurait pu avoir si simplement seulement sur les chiffres on avait argumenté constamment.

Or, le ministre des Finances nous propose dans ça une baisse des impôts de 1 300 000 000 $. À mon avis, ce que je dis au ministre des Finances, c'est que c'est insuffisant. Je suis parfaitement consciente que le ministre des Finances ne peut pas virer la terre et modifier tout ça du jour au lendemain, bien sûr, mais encore il y aurait eu lieu de nous donner au moins un aperçu. Et, moi, je pense que l'idée d'avoir la parité avec au moins l'ensemble du Canada, mais préférablement avec l'Ontario, c'est là un objectif valable et que, M. le Président, on peut atteindre. D'ailleurs, le ministre des Finances a bien fait mention que, pour lui, la création d'emplois, c'est important. Alors, il est clair que, quand on baisse les impôts, on crée de l'emploi. C'est un effet presque immédiat.

Or, le ministre des Finances veut consulter avec sa proposition de baisse d'impôts. Je pense que les Québécois vont lui dire clairement... Évidemment qu'il y a un effort pédagogique. Nous devons tous apprendre les rudiments et saisir que, dans le fond, avec des baisses d'impôts, ça ne s'accompagne pas nécessairement d'une baisse de services. Alors, il est clair qu'on veut conserver des services à la population, surtout certains services. Notamment en santé et en éducation, on le sait, vous l'avez mentionné, les Québécois vous ont dit et nous ont dit que c'était bien important. Donc, je parle de la parité avec l'Ontario et je pense que c'est là un objectif qu'on devrait viser.

La deuxième raison pour laquelle nous devions effectuer un virage, c'est notre façon de faire, c'est le poids imposant de l'État dans l'économie québécoise. Je mentionnais plus tôt que j'ai bel et bien effectivement appartenu à l'école, durant les années soixante et soixante-dix, qui croyait sincèrement qu'on pouvait, par l'intermédiaire du gouvernement, corriger des erreurs de parcours importantes. On le fait d'ailleurs, on le fait. Le gouvernement est là pour corriger des erreurs de marché et venir en aide aux plus démunis. Mais, avec des taux de chômage que nous avons connus... bien sûr qu'ils sont à 10 % dans le moment, mais il faut dire que l'économie roule à pleine vapeur. Comme le disait très bien le ministre des Finances plus tôt, à côté de nos voisins les États-Unis, où la croissance économique était à 6 % les trois derniers mois et on nous annonce un 5 % et quelques durant les mois qui viennent... C'est clair qu'on était dans une situation très favorisée. C'est clair que, quand l'économie marche à bout de train aux États-Unis, ça s'est traduit d'ailleurs vers l'Ontario et ça s'est traduit également au Québec. Mais, s'il arrive une récession, il est clair qu'on va avoir des problèmes. Bon. Je ne le souhaite pas. On n'en parle pas. Et d'ailleurs les experts nous disent que, s'il y a une récession, elle sera probablement moins forte que les récessions de 1981 et 1991. Alors, on peut se réjouir de ça.

(11 h 40)

D'ailleurs, M. le Président, l'exemple récent de la démission du ministre des Finances en Allemagne, Oskar Lafontaine, illustre mon propos. C'est que finalement, si le gouvernement se substitue aux choix des citoyens, il y a une perte. D'ailleurs, l'OCDE a fait plein d'études sur, et je m'excuse du terme anglais, l'OCDE parlait de «turning», c'est-à-dire que, quand vous prenez un dollar dans votre poche gauche et que vous le remettez dans la poche droite à travers un intervenant, il y a une perte, il en reste moins. Alors, c'est la raison pour laquelle il faut essayer d'éviter, dans la mesure du possible, de se substituer au secteur privé.

Il faudra donc donner au secteur public la chance d'innover. Et, pour ça, je pense qu'il faut permettre la concurrence dans ce secteur-là. Pourquoi il faut permettre la concurrence? Je pense, encore là, qu'il y a eu des écrits comme ça. D'ailleurs, M. le président des États-Unis, dans ces secteurs-là, s'est inspiré de ce travail, dans le livre Reinventing Government , de Osborne Gaebler. Ils ont dit que le rôle du public peut être tout aussi bon que le secteur privé, il faut juste qu'il y ait de la concurrence, il faut juste qu'il y ait de la compétition. Or, au lieu de micromanager comme on le fait à certains égards dans le budget que nous avons actuellement, je pense qu'il y aurait lieu de faire les choses autrement et de diminuer le poids de l'État.

Le dernier point – parce qu'on me dit qu'il me reste peu de temps, M. le Président – dont je voulais parler, le troisième point, c'était la dette sur laquelle il va falloir que nous nous penchions, parce qu'il est clair qu'il va falloir qu'on donne à nos jeunes une façon de se sortir de ce pétrin. Et il y a deux façons de diminuer la dette: on peut la payer, comme l'on fait d'une hypothèque suite à l'achat d'une maison; on peut aussi en diminuer l'importance relative, c'est-à-dire que la dette représente un moins lourd fardeau auprès des citoyens. Et je vais utiliser... C'est amusant, parce que j'avais préparé un exemple. Imaginons qu'une personne ait une hypothèque de 50 000 $ et gagne 25 000 $. Le poids de cette hypothèque est deux fois son revenu. Par ailleurs, s'il y a deux revenus dans la famille et que vos revenus, donc, sont de 50 000 $ et que vous avez une hypothèque de 50 000 $, c'est clair que cette hypothèque devient moins importante. C'est un peu la même chose avec la dette. Plus il y aura de gens qui travailleront, plus il y aura de gens qui paieront des impôts, plus il y aura de gens qui contribueront à fournir de l'argent dans les coffres de l'État, il est clair que la dette va diminuer.

Je vais... Je ne sais pas combien il me reste de temps, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vous prierais de conclure. Il vous reste environ une minute.

Mme Jérôme-Forget: Je dois conclure. Bon. Le ministre des Finances a parlé d'accroître les capitaux chez nous, combien nous sommes bons à cet égard. Bon, nous aurons l'occasion de revenir sur ces chiffres. Je mets en doute quelques chiffres dont il a parlé. Mais je serai très heureuse d'entendre de la part de ses porte-parole au niveau du ministère... de corriger, s'il y a eu erreur de notre part, les chiffres que nous avons quant à nous.

Alors, pour conclure, M. le Président, mon propos, contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, qui a l'air d'une école libérale où le rôle du gouvernement n'est pas là... Au contraire, je pense que le rôle est un rôle important de redistributeur au niveau de la richesse. Mais je pense que j'ai un message humaniste à l'effet qu'il faut d'abord penser aux citoyens et à les inclure. Et ceux qui ne travaillent pas, qui veulent et peuvent travailler, devraient pouvoir avoir cette opportunité. Et, si on avait encore à se fixer un objectif de taux d'emploi, je pense, encore là, qu'il faudrait encore diminuer notre chômage et nous donner comme objectif d'atteindre la moyenne canadienne. Je parle plutôt de taux d'emploi parce que j'ai déjà exprimé des réserves quant au taux de chômage de 10 %, ou 9,4 %, ou 10,5 %. Je pense que ça ne reflète pas toujours la réalité.

Alors, ce sont là mes propos, M. le Président. Je veux simplement conclure que ma participation, certainement – je peux parler pour moi-même – se veut très constructive et non pas pour simplement être négative à l'endroit du budget. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup, Mme la porte-parole de l'opposition officielle. Comme il est d'usage, je vais demander maintenant au ministre des Finances, en lui accordant une dizaine de minutes, de bien vouloir commenter les propos de la critique.


M. Bernard Landry

M. Landry: Je dois vous dire, M. le Président, qu'il y a l'usage puis il y a notre règlement. Ce que je souhaiterais, c'est qu'il y ait le plus d'alternance possible. Je sais que j'ai droit à 10 minutes après toute intervention d'un côté comme de l'autre, mais je pense que la population serait mieux servie s'il y avait alternance et si nos collègues pouvaient, l'un après l'autre, parler. Alors, je n'abuserai pas de mes 10 minutes.

Celui-ci, comme c'est la réplique officielle ou le commentaire officiel parce qu'il n'y avait rien de tellement contentieux dans ce qu'a dit la députée, je vais le faire, mais, par la suite, j'aimerais bien, si c'est le désir de mes collègues, qu'ils prennent le relais et parlent de leur point de vue, qui parfois est beaucoup plus près de certaines réalités régionales en particulier. On a des députés de plusieurs régions du Québec, ici. En fait, tous nos députés sont d'une région différente. Ça serait intéressant de voir comment ce budget est vu dans Bellechasse, en Abitibi, sur la rive sud de Montréal et dans notre capitale nationale.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le ministre, je vais me permettre de vous interrompre à ce moment-ci puisqu'il s'agit de mode de fonctionnement. Il a été convenu, et c'est l'usage depuis 1984, que le porte-parole de l'opposition et évidemment le ministre interviennent prioritairement, mais qu'ensuite dans la période de questions-réponses les deux parties jouent pleinement leur rôle. Mais ce qu'il faudrait éviter, c'est qu'il y ait une série de remarques préliminaires faites par l'ensemble des membres de la commission. Ce n'est pas la pratique en commission, et je pense que nous nous étions entendus pour que ce ne soit pas non plus la pratique ici. Alors, oui, il faut que tous les membres de la commission jouent pleinement leur rôle et interviennent, mais non pas de tour de table systématique qui donnerait à chacun le même droit que le porte-parole de l'opposition officielle et qu'au ministre. Voilà.

M. Landry: Bien. J'ai suivi, M. le Président, aussi avec beaucoup d'intérêt non seulement le départ, mais la montée d'Oskar Lafontaine, un valeureux combattant progressiste qui a tenté d'escalader la haute montagne. C'était Helmut Kohl qui était en face et il n'a reculé devant aucune audace. Une fois sa bataille apparemment couronnée de succès, il ne reste pas une demi-année au gouvernement. Et je crois que, si Oskar Lafontaine avait été ministre de Lucien Bouchard plutôt que de Schreiber, il aurait démissionné aussi parce qu'être progressiste, comme nous le sommes au gouvernement du Québec actuellement, c'est une vertu fondamentale, mais être progressiste ne doit plus jamais être synonyme de gabegie ou de laxisme dans la gestion du bien commun et des finances de la population en particulier.

J'imagine que quelqu'un écrira les péripéties de la carrière d'Oskar Lafontaine, mais on en a une ici qui est déjà toute écrite, par lui-même et par d'autres, c'est celle de Bob Rae, un progressiste sans aucun doute – il était pour toutes les idées pourvu qu'elles soient neuves ou à peu près – sauf qu'il a endetté en une seule année la province la plus puissante du Canada, l'Ontario, de 10 000 000 000 $ d'un coup. Alors, notre budget, il se veut progressiste – santé, éducation, c'est de la dépense répartitrice – mais il faut qu'il soit rigoureux pour être progressiste, et je pense que c'est ce que la population a compris.

(11 h 50)

Les sondages sont un instrument qui a ses limites, on le sait, mais, quand ils sont commandés par d'autres et faits ailleurs, ça leur donne peut-être plus de crédibilité que si je vous disais: Le sondeur en chef du Parti québécois a dit telle chose. Il est très, très bon – moi, je le crois, mais personne n'était obligé de le croire – mais Angus Reid a dit que plus de la moitié des personnes interrogées sont d'accord avec la décision du ministre de ne pas réduire les impôts dans le dernier budget. Les répondants au sondage espéraient que plus d'argent soit réinvesti en santé et en éducation, mais ne mettaient pas en cause la décision de ne pas réduire les impôts. Sur l'essentiel, c'est-à-dire le déficit zéro tout de suite et les réductions d'impôts plus tard, les Québécois sont d'accord avec le ministre des Finances dans une proportion de 56 %, et paradoxalement ce sont les contribuables qui avaient le plus à gagner d'éventuelles réductions d'impôts qui sont le plus en accord avec la stratégie du ministre. Il y a 2 000 000 de nos contribuables qui n'ont pas d'impôts à payer, alors ceux-là, si vous me permettez l'expression, ils n'en ont rien à cirer qu'on baisse les impôts ou qu'on les monte, ils n'en paient pas. Mais, dans le sondage, c'est ceux qui en ont à payer qui ont répondu qu'il ne fallait pas les baisser, parce qu'ils ont fait la même analyse que nous: il ne fallait pas les baisser tout de suite.

Cela dit, je rappelle que l'opposition peut le faire si elle le veut, mais c'est peine perdue d'essayer de nous convaincre qu'il faut baisser les impôts: nous sommes convaincus, nos documents sont sur la table, nos hypothèses de baisses d'impôts sont sur la table, nous sommes déterminés à le faire, nous avons même annoncé dans quel ordre nous allions le faire.

Et là j'insiste sur l'aspect crédible des choses. Nous avons dit, il y a quatre ans: Le déficit du gouvernement du Québec sera de zéro. Il l'est. C'est une opération extrêmement complexe, plus complexe encore que la réduction d'impôts, et nous l'avons réalisée. Alors, lorsque nous disons que l'an prochain nous allons baisser les impôts, nous sommes crédibles. Nous sommes crédibles parce que nous sommes arrivés au déficit zéro, mais aussi parce qu'on a déjà commencé à baisser les impôts. On n'a pas attendu d'avoir tous les instruments en main d'une façon idéale. Les impôts déjà ont été baissés de façon récurrente d'une année sur l'autre, au Québec, de 15 % pour toutes les personnes qui gagnent moins de 50 000 $ par an et de 3 % pour les autres. Alors, même nos contribuables les plus riches ont bénéficié de 3 %, mais ceux qui sont en bas de 50 000 $ ont eu 15 % déjà. Ça, c'est en 1998 qu'on a fait ça, qu'on a baissé de 6 % les impôts au Québec.

Le 1er juillet 2000, nous nous engageons à les baisser d'un autre 400 000 000 $, ce qui nous mettrait à 8,7 % de baisse d'impôts et, à terme – et «à terme», pour nous, c'est un mandat – nous avons promis que, dans notre mandat, nous allions les baisser de 15 %, c'est-à-dire, au total, de 2 100 000 000 $. Ça, c'est l'hypothèse minimale si l'économie ne nous fait pas de bonnes surprises, mais je crois qu'elle va nous en faire. Vous savez que la prévision du budget est très conservatrice: 2,1 % de croissance. L'expérience nous a appris que la sagesse et le conservatisme en matière de prévision étaient la voie aux finances publiques équilibrées, mais nous pouvons nous tromper et nous tromper dans le bon sens.

Le matin même du budget – évidemment je n'avais pas cette information avant d'aller aux presses, je n'ai pas pu l'intégrer dans mes moyennes – la Banque canadienne impériale de commerce prédisait pour le Québec 3,1 %, 1 % de plus. Et j'ai appris ce matin qu'une autre banque est allée plus loin encore. Je ne sais pas si les services des finances sont... Il y a une autre banque qui serait allée à 3,9 %, ce qui me semble beaucoup, mais, en tout cas, nous autres, on est à 2,1 %, la Banque nationale est à 2,9 %, la CIBC est à 3,1 %. Si les deux banquiers ont raison contre nous, et je souhaite profondément que, pour une fois, les banquiers aient bien raison contre nous, bien ces baisses d'impôts pourront être plus grandes encore.

Mais il faut être réaliste. Savez-vous combien il faudrait pour ramener les impôts québécois au niveau ontarien, M. le Président, vous qui habitez sur la rive est de la rivière des Outaouais, donc qui êtes bien placé pour faire les comparaisons? Ça prendrait 5 000 000 000 $. 5 000 000 000 $! Est-ce que l'économie nous les donnera, ces 5 000 000 000 $, au cours des quatre prochaines années? Si oui, on pourrait penser que notre prévision de baisser d'à peu près de 1 500 000 000 $ en quatre ans est minimaliste, et tout le monde sera bien content.

Je voudrais par ailleurs faire une remarque supplémentaire qu'on retrouve souvent dans mes remarques et les remarques de mes collègues qui sont de ce côté-ci de la table. On veut bien s'attaquer à tous les problèmes conjoncturels du Québec, on veut bien s'attaquer à tous les problèmes de court terme, mais nous voulons aussi faire une attaque structurelle frontale. Et là où je veux en venir, c'est que, cette année seulement, les coupures fédérales récurrentes au chapitre des transferts vers le Québec totalisent 4 000 000 000 $, 4 000 000 000 $ qu'Ottawa nous a coupés, et de façon définitive et projetable vers l'avant tant qu'on n'aura pas réglé le problème d'une façon plus profonde.

Ça veut dire que, en deux ans, si nous n'avions pas eu ces coupures, j'aurais rattrapé les 5 000 000 000 $ avec l'Ontario et il nous en resterait pour l'éducation et la santé. Alors, c'est d'un réalisme brutal. Et, dans le dernier budget fédéral, sans avis, sans nous l'avoir dit, après avoir fait toutes sortes de protestations sur l'union sociale et autres tentatives d'harmonisation, l'Ontario a hérité de 5 000 000 000 $ environ au cours des années qui viennent, donc d'une possibilité d'accroître encore l'écart fiscal, et le Québec de moins de 1 000 000 000 $.

Alors, ça aussi, ça fait partie de la vie. On peut bien se mettre en huit pour augmenter les investissements, on le fait. Pour combattre le chômage, on le fait. Pour gérer les finances publiques de façon saine, on le fait. Mais, encore une fois – c'est ma dernière remarque – quand un peuple a eu l'imprudence de confier la moitié de ses impôts, donc la moitié de son destin économique et financier, à un autre, bien il s'est privé de moyens d'action qui peuvent le faire souffrir cruellement à certains moments. Et là on le voit bien dans les budgets de cette année.


Discussion générale

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, M. le ministre des Finances. Alors, cela met fin aux remarques d'ouverture, de part et d'autre. Maintenant, nous allons donner la parole aux membres de la commission en respectant la règle de l'alternance. La tradition veut cependant que ce soit la porte-parole de l'opposition officielle qui soit la première à intervenir. Je rappelle que le ministre, à chaque intervention, a le droit à sa réplique de 10 minutes. Madame.


Portée de la réforme comptable du gouvernement

Mme Jérôme-Forget: Alors, je ne sais pas si le ministre voudra répliquer pendant 10 minutes à chaque fois, là, parce que j'ai des questions précises à poser et, encore là, pour m'éclairer, pour mieux comprendre.

La dette du gouvernement est passée – à la page de votre Plan budgétaire , M. le ministre, section 3, la page 36, vous avez le résumé, simplement pour vous aider à suivre – de 80 000 000 000 $ en 1997-1998, la dette totale, et là il y a eu une réforme de la comptabilité, à 97 000 000 000 $, et, en 1998-1999, à 99 000 000 000 $.

Moi, étant néophyte, j'aimerais comprendre. De 80 000 000 000 $ à 97 000 000 000 $, il y a eu, je pense, un changement de comptabilité. On a inclus les fonds de pension dans cette somme. Peut-être que vous pourriez nous expliquer, M. le ministre ou vos fonctionnaires du ministère des Finances, comment c'est réparti, ce 80 000 000 000 $ à 97 000 000 000 $. Et le 97 000 000 000 $ à 99 000 000 000 $, si je comprends bien, c'est le déficit de cette année, de 2 000 000 000 $. Je voudrais comprendre le 80 000 000 000 $ à 97 000 000 000 $. C'était combien, les fonds de pension? Est-ce que ce n'était pas à peu près 3 000 000 000 $?

M. Landry: D'abord, vous avez raison...

Mme Jérôme-Forget: Je vais vous dire la question que j'ai, M. le ministre.

M. Landry: Pour le dernier milliard, vous le comprenez très bien, c'est le déficit courant.

Mme Jérôme-Forget: Bien sûr, bien sûr.

(12 heures)

M. Landry: Bon. On n'était pas encore à zéro. Pour le saut de 80 000 000 000 $ à 97 000 000 000 $, c'était essentiellement dû à la réforme comptable et essentiellement dû aux fonds de pension. Mais là c'est beaucoup plus que ce que vous avez mentionné. Parce que, vous savez, à chaque année, le Vérificateur nous mettait une note assez cruelle. Ça faisait 20 ans qu'il la mettait. C'est 20 ans de «backlog», si vous me permettez l'expression, qu'il faut réintégrer dans notre comptabilité. Mais, comme on est dans la technique assez avancée, le sous-ministre des Finances serait plus apte que moi encore à répondre à la question pour donner tous les détails techniques, qui sont d'un grand intérêt, vous avez raison.

Mme Jérôme-Forget: J'aimerais comprendre.

M. Godbout (Gilles): Si vous allez à la section III du document budgétaire, ça veut dire page 6 qui mène... page 6, section III...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

M. Godbout (Gilles): Gilles Godbout, sous-ministre des Finances. Section III, page 6. On a décomposé dans une première part le montant de 13 300 000 000 $ d'augmentation de dette. En fait, c'est deux composantes: d'une part, 13 300 000 000 $ qui est la nouvelle comptabilisation des engagements à l'égard des régimes de retraite, c'est le service passé des régimes de retraite qu'avec la réforme comptable le gouvernement a reconnu comme une dette.

Mme Jérôme-Forget: C'est 13 000 000 000 $ pour ça?

M. Godbout (Gilles): 13 000 000 000 $. Et ensuite, on sait que la réforme comptable, c'est plus que l'acceptation de cette dette aux régimes de retraite, mais c'est d'accepter aussi dans le périmètre comptable du gouvernement une série d'organismes consolidés, et, ces organismes consolidés, leur dette était de 4 000 000 000 $.

Mme Jérôme-Forget: D'accord. Est-ce que c'est une façon – là, je veux simplement le savoir – fréquente de procéder, cette façon-là, de prendre des comptes et de les passer directement à la dette comme ça, là? Est-ce que c'est normal?

M. Landry: Ça arrive une fois par 25 ans, quand on change les méthodes comptables

M. Godbout (Gilles): C'est à dire qu'en 1978 il y a eu une réforme importante des régimes de retraite où auparavant les régimes de retraite n'étaient pas comptabilisés année par année mais amortis, c'est à dire qu'il y a eu une décision à ce moment-là de reconnaître une dette et de l'amortir pour les services passés des régimes de retraite parce que les anciens régimes n'étaient pas capitalisés. Donc, en 1978, on reconnaît la dette et on a décidé à ce moment-là de l'amortir sur 50 ans. Et, avec la réforme comptable, suite aux critiques du Vérificateur général, en fait, qui à chaque année nous répétait qu'il ne fallait pas amortir cette dette-là mais la reconnaître comme dette, on a décidé de la comptabiliser comme une dette pour l'année 1997-1998, et ça représentait à ce moment-là 13 300 000 000 $

Mme Jérôme-Forget: Est-ce que je peux poser une autre question M. le Président? Est-ce que – dites-moi – les autres provinces font ça?

M. Landry: On est les plus avancés au Canada actuellement, et de loin, mais les autres font des choses qui ressemblent à ça. Et le gouvernement fédéral aussi. Mais on est, d'après notre Vérificateur général... Nous avons, au Canada et peut-être en Amérique, les comptes les plus avancés qui se puissent et qui sont très près de la comptabilité du secteur privé. Alors, les notions d'amortissement, de passif véritable, de patrimoine véritable sont intégrées dans nos méthodes comptables. Mais je ne veux pas dire que les autres font tout de travers parce que, avant qu'on le fasse, presque toutes les provinces étaient plus avancées que nous.

M. Godbout (Gilles): Exactement.

M. Landry: Là, on a pris de l'avance, mais les autres avaient fait un bon bout de chemin de fait.

M. Godbout (Gilles): Puis, dans le cas des organismes consolidés, je pense qu'il y a deux mouvements à voir, c'est que compte tenu de la réforme comptable qui oblige à tenir compte des organismes consolidés beaucoup plus importants qu'avant la réforme comptable, on fait trois types de gestes: d'une part, on est obligé d'analyser le niveau de leur dette, le niveau de leur dette est de 4 000 000 000 $, et simultanément aussi de prendre en compte, là, sur l'influx annuel pour l'horizon de prévisions, le niveau de revenus et le niveau de dépenses. Donc, ils vont entrer dans le cadre comptable du gouvernement.

Mme Jérôme-Forget: Ce pourquoi je pose la question, c'est parce que je pensais que, en Europe, la majorité des pays d'Europe n'incluaient pas les coûts des pensions dans leur dette, et on estime qu'ils vont être en grande difficulté prochainement. D'accord?

M. Landry: C'est surtout la sécu, qu'ils appellent, c'est la sécurité sociale plus les pensions.

Mme Jérôme-Forget: Plus les pensions.

M. Landry: Parce qu'il y a plusieurs pays qui ne couvrent pas de façon universelle les retraites. Si on parle de la France, par exemple, quand on regarde le déficit français pour entrer dans les critères de Maastricht, le 3 %, la sécu n'est pas là. Alors, c'est comme nous, si on avait soustrait de nos comptes tout ce qui a trait à la santé, on ne serait pas à déficit zéro, mais dans notre cas c'est intégré. Alors, c'est pour ça que je dis qu'on a probablement une des comptabilités les plus solides du monde.

Vous avez sans doute – vos recherchistes l'ont, mais je vais vous le faire envoyer pour que ça aille plus vite – tout le détail de la réforme comptable qu'on a faite l'an dernier, puis on a publié avec le budget ce fascicule. Tu peux lui donner ça, Danielle. Et puis on a aussi là des éléments de réponses à la question. Ça va vous aider. C'est assez fastidieux, mais ça vaut la peine.

Mme Jérôme-Forget: D'accord. J'apprécierais, monsieur.

M. Landry: Parce que c'est un vrai déficit zéro. Avant ça, on disait: Oui, vous allez vers le déficit zéro, mais quel déficit zéro? Le Vérificateur général vous met une note à tous les ans pour vous dire que vous n'avez pas tout rentré. Vous avez les fonds. Vous n'étiez pas là, mais il y a eu des querelles splendides avec le député de Laporte sur les divers fonds. La députée de Beauce qui n'est pas là depuis très longtemps non plus s'en rappelle très bien. Cette querelle-là est finie. On a tout intégré dans un vaste système comptable modernisé. C'était une opération risquée parce qu'il y a des plus et il y a des moins et c'est la somme algébrique qui compte. Mais, globalement, on s'en est bien tiré.

Mme Jérôme-Forget: Dans ce chiffre-là, j'imagine qu'il y a le 700 000 000 $ de la dette des hôpitaux. Est-ce que c'est inclus dans ça? Non?

M. Landry: Non. Ils ne sont pas dans notre périmètre comptable. Mais on a été plus vertueux que la vertu ne le demandait et on a payé leur dette pareil.

Mme Jérôme-Forget: M. le ministre...

M. Landry: En dépenses. En dépenses. On ne l'a pas passé à la dette. On l'a passé au compte courant. On n'était pas obligé de le faire. Franchement, le Vérificateur n'aurait pas pu nous mettre une note. Vous auriez pu faire des spectacles extraordinaires à l'Assemblée. Alors, là, on vous a frustrés de ce bonheur parce qu'on a payé la dette. Ça va vous ménager votre voix, disons.


Méthode de détermination des coûts de système

Mme Jérôme-Forget: Peut-être que j'aimerais poser une question dans un autre domaine. Ce sont les coûts de système. Il y a toutes sortes de chiffres qui sont véhiculés au niveau des coûts de système, et j'aimerais savoir comment est-ce que vous les établissez. Je pense qu'il y a quelqu'un de votre ministère qui m'a dit qu'en santé c'était aux environs de 340 000 000 $. Je m'excuse, M. le Président, je pense que des fois je m'adresse directement au ministre. Je pense que j'ai dévié de la règle. Alors, 340 000 000 $. Et je voulais savoir comment est-ce qu'on établit les coûts de système. Parce que ces coûts de système, si c'est 340 000 000 $, ça m'apparaît extrêmement élevé. J'aurais cru que c'était environ 1,5 % de l'enveloppe budgétaire du ministère approximativement. Et, si c'est 340 000 000 $, c'est clair que c'est plus que 1,5 %. Alors, peut-être que vous pouvez m'éclairer.

M. Landry: Je vais vous dire. C'est une question extrêmement complexe. On vous a promis la transparence. On va vous déposer, cet après-midi, les documents pertinents dans le détail des coûts de système qu'on va faire venir du Conseil du trésor en particulier, qui a plus d'expertise que nous encore sur cette question. Mais, essentiellement, c'est lié à la rémunération, évidemment. C'est là que sont les coûts de système.

Mme Jérôme-Forget: Et l'inflation.

Est-ce que j'ai des collègues qui ont des questions?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Écoutez. Vous savez que nous nous séparerons à 12 h 15. Pour l'instant, je suis d'accord pour que le 10 minutes-10 minutes soit réparti globalement et que vous continuiez à faire cet échange d'informations. Lorsque nous reprendrons, cet après-midi, nous nous établirons, entre nous, des règles de fonctionnement peut-être un peu plus formelles. Mais, pour l'instant, je pense que, pour les six minutes qui restent, si vous avez des questions ponctuelles du même type que vous avez, ou d'autres membres de la commission, ça serait peut-être le temps de les faire connaître, quitte à ce que les informations vous arrivent, ainsi que le ministre des Finances vient de l'indiquer, un peu plus tard dans la journée.


Diminution des transferts fédéraux

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, je vais poser une question au ministre des Finances sur un chiffre qu'il vient tout juste d'avancer: la diminution de 4 000 000 000 $ du transfert du gouvernement fédéral cette année. Si je regarde, moi, les transferts... Et je ne parlerai pas de la façon dont ça s'est fait, d'accord?, mais je parlerai seulement en termes de ce que le ministre des Finances estime perte de revenus. Moi, j'aurais cru que, avec le transfert social canadien qui est basé sur le per capita maintenant, le gouvernement recevait quand même plus d'argent. Il recevait 150 000 000 $ cette année de plus. Alors, pour avoir une perte de 4 000 000 000 $, il faut qu'on ait estimé des pertes antérieures suite au changement du financement des programmes établis lorsque ça a été transformé au transfert social canadien. Alors, c'est pour ça que j'aimerais comprendre ce dont parlait le ministre des Finances quand il a parlé d'une perte, cette année, de 4 000 000 000 $.

M. Landry: Oui. C'est une question passionnante et je pense que tout le monde au Québec, opposition comme gouvernement, doit en connaître le plus possible là-dessus. Le 4 000 000 000 $, c'est la cicatrice, le stigmate annuel et indélébile des coupures faites de façon cumulative par le gouvernement du Canada depuis 1994-1995, et je pourrais vous donner le détail si vous voulez.

(12 h 10)

Donc, on peut dire que nos prédécesseurs ont absorbé une partie de ce que je viens de dire. 1994-1995, alors, le député de Laporte déjà souffrait, et puis ses prédécesseurs avant lui. D'abord, je vais vous dire, là, les différentiels par année au chapitre de la santé, disons. 1994-1995, 1 300 000 000 $; 1995-1996, 1 300 000 000 $; 1996-1997, 1 900 000 000 $; 1997-1998, 2 300 000 000 $; 1998-1999, 2 600 000 000 $; 1999-2000, 2 700 000 000 $. Le cumulatif santé de 1994 à 1999-2000: 12 000 000 000 $.

Le cumulatif éducation: 1994-1995, 700 000 000 $; 1 000 000 000 $; 1 200 000 000 $; 1 300 000 000 $; 1 400 000 000 $. Cumulatif éducation: 6 300 000 000 $.

Sécurité du revenu: 1995-1996, 100 000 000 $; 300 000 000 $; 600 000 000 $; 700 000 000 $; 800 000 000 $. Cumulatif: 2 500 000 000 $.

Alors, si vous le prenez sur une couche annuelle et que vous ajoutez à ça le relèvement du transfert social canadien de 11,15, de 11 à 12,15, donc vous avez de petits plus, un petit plus en 1999-2000 de 400 000 000 $ – je vais vous déposer le papier d'ailleurs, là. Si je fais la somme algébrique, je prends les plus, je prends les moins, il y a beaucoup plus de moins que de plus et les moins sont beaucoup plus hauts que les plus. Il me reste une trace profonde de 4 400 000 000 $. Ça veut dire que, si on n'avait pas ça, le déficit zéro serait derrière nous depuis trois ans. Comment on a pu se faire prendre comme ça? Bien, peut-être que la députée est plus spécialisée que moi encore dans ces questions, mais voici comment je les résume, moi.

Vers les années soixante-dix, le gouvernement du Canada a dit au gouvernement du Québec et des provinces: on va faire des programmes à frais partagés 50-50 – hospitalisation, assurance-maladie – et le dernier premier ministre du Québec à refuser s'appelait Jean-Jacques Bertrand. Il a eu peur. Il a dit: C'est beau, c'est formidable, mais je n'ai pas d'argent. Plus audacieux, Robert Bourassa, l'année suivante, a dit: d'accord, 50-50, on trouvera l'argent. Alors, ça a commencé comme ça, puis je ne blâme pas le processus puis je ne blâme pas le premier ministre Bourassa qui a cru à la bonne foi du gouvernement du Canada. Ce n'est pas la seule fois où il a cru à la bonne foi, puis il s'est fait prendre d'ailleurs. Dans Meech, c'était pareil et pire encore. Et là les fédéraux, une fois que l'oiseau a eu mangé les grains du trébuchet puis qu'il s'est fait prendre dans la cage, là ils ont diminué l'offre; c'est ça qui nous a amenés où on est. Ils ont diminué d'à peu près 50 à à peu près 15 aujourd'hui; mais les hôpitaux n'ont pas diminué, les écoles n'ont pas diminué, l'aide sociale n'a pas diminué. Alors, c'est vraiment une phénomène d'«entrapment» collectif, qui n'a pas joué juste pour le Québec, c'est pire au Nouveau-Brunswick puis à Terre-Neuve. Sauf que, comparer l'économie du Québec et l'économie de Terre-Neuve, c'est deux choses différentes. Pour Terre-Neuve, ça peut être pardonnable; pour le Québec, c'est déshonorant. Ça n'a pas de bon sens, mais c'est comme ça.


Document déposé

Je dépose le tableau. Tenez, madame. Je vous donne ce que mes fonctionnaires me donnent.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je suis obligé ici, à quelques secondes de la fin mathématique de notre rencontre...

Mme Jérôme-Forget: Est-ce que je peux utiliser ça, les chiffres du ministre? Parce que...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, rapidement.

M. Landry: ...juste une petite question rapide là, je ne veux pas juste une minute.

Mme Jérôme-Forget: Non, non,non, on ne va pas commencer quelque chose de très important, mais je compare 1998-1999, les transferts fédéraux de votre document, et le document 1999-2000, je vois d'après les prévisions que vous recevrez 1 000 000 000 $ de plus cette année. C'est pour ça que je m'interrogeais quand vous affirmiez... bon, je comprends qu'il y ait eu des changements au niveau du transfert social canadien quand on a passé du financement des programmes établis au transfert social canadien, je suis parfaitement consciente que le gouvernement fédéral a diminué ses transferts au niveau des provinces, mais, par ailleurs, ce qui m'étonnait, c'était que le ministre des Finances venait de dire qu'il recevrait 4 000 000 000 $ de moins cette année alors qu'il va recevoir 1 000 000 000 $ de plus que ce qu'il avait prévu dans son budget de l'an dernier. Alors, moi, je le prenais sur une année, M. le Président, et le ministre m'a donné un cours de transfert social canadien des quatre dernières années.

M. Landry: S'il n'avait pas coupé, il ne serait pas là. C'est 4 000 000 000 $ de moins parce qu'il a changé ses programmes – entendons-nous bien, là – et 4 000 000 000 $ récurrent. On souffre cette année, on souffre l'an prochain. On ne souffrira pas éternellement, ça je vous le garantis, par exemple, mais on en a pour quelques années encore à vivre de ce système.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Sur cette réponse à cette question, je vais vous remercier. Nous nous retrouverons donc cet après-midi après la période de questions. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

(Reprise à 15 h 24)

Le Président (M. Simard, Richelieu): À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous le permettez, je vais peut-être vous parler un petit peu de notre mode de fonctionnement.


Organisation des travaux (suite)

Vous avez vu ce matin, ainsi que nous nous l'étions dit en séance de travail la semaine dernière, j'ai voulu qu'il y ait le plus de souplesse possible dans le processus de questions-réponses de façon à ce qu'on n'essaie pas une alternance qui rende trop mécaniques les débats et qui ne permette pas finalement d'avoir un dialogue intéressant.

Alors, ce que je vous propose, c'est de poursuivre cet après-midi sur le même modèle, c'est-à-dire, en fait, si on observe bien ce qu'on a fait ce matin, de fonctionner par blocs, accordant, alternativement, une vingtaine de minutes à la partie ministérielle pour poser des questions ou pour émettre des commentaires qui seront ensuite commentés ou répondus par le ministre des Finances et, ensuite, reprise du côté de l'opposition. Alors, plutôt que faire individuellement l'alternance, on la ferait par blocs de 20 minutes. Vous n'êtes pas obligés non plus de prendre complètement un bloc de 20 minutes. Vous comprenez que, si vous ne voulez pas prendre votre temps, personne ne peut vous forcer à le prendre. Mais il m'est apparu et il est apparu à plusieurs d'entre vous, je crois, que ce serait plus souple comme formule qu'une alternance mécanique à chaque fois qu'il y a une intervention. Évidemment, gardant toujours à l'esprit cette règle fondamentale que le ministre a toujours la possibilité d'un 10 minutes de réplique lorsqu'il choisit de les prendre. Ça vous convient comme mode de fonctionnement?

Alors, si vous permettez, je demanderais maintenant à la partie ministérielle, s'il y a des questions dans ce bloc de 20 minutes, de bien vouloir procéder. M. le député de La Peltrie.


Discussion générale (suite)


Perspectives d'avenir concernant l'économie

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, mes premiers mots sont pour dire que je suis très heureux de revenir à la commission des finances publiques après un séjour de deux ans à la commission de l'administration publique. Je crois qu'on va continuer à effectuer le travail que nous avons à faire en tant que responsabilité, comme faisant partie de cette commission.

M. le Président, le gouvernement formé par le Parti québécois a effectué un redressement remarquable des finances publiques au cours des quatre dernières années ou encore du premier mandat du gouvernement, c'est-à-dire depuis 1994. Alors, on a démontré, je pense, comme gouvernement, que nous étions un gouvernement responsable, un gouvernement qui avait une vision, un gouvernement qui était capable d'anticiper, dans une certaine proportion, les choses, capable de prévoir également. Puis ça, pour faire ce qu'on a fait, il fallait être un gouvernement visionnaire. Et puis ça, c'est pour en arriver, je crois, après tout ce qu'on a fait en termes de redressement des finances publiques... lorsqu'on a réalisé que, en 1994-1995, on avait 5 800 000 000 $ de déficit et le ramener, en 1998-1999, à zéro, c'est-à-dire une année avant l'échéancier qu'on s'était fixé, je pense qu'on doit dire chapeau! au ministre des Finances pour avoir réussi un tel exploit, et comme gouvernement aussi.

Donc, le 30 novembre dernier, la population du Québec nous a reconduits, nous a renouvelé notre mandat pour justement continuer le travail que nous avons fait au cours de notre premier mandat, c'est-à-dire continuer à faire l'assainissement des finances publiques, mais, en même temps, là, se tourner vers l'avenir. Et, justement, la critique de l'opposition, dans son intervention préliminaire cet avant-midi, a parlé qu'on devait maintenant regarder vers l'avenir. Je trouve ça extraordinaire. Mais, nous, je pense qu'on était tournés vers l'avenir depuis 1994-1995. Parce que, pour vraiment entreprendre des choses maintenant plus concrètes pour l'avenir, il fallait faire un certain ménage dans les finances publiques, puis c'est ce qu'on a fait. Parce que, là, c'est la première fois depuis 40 ans qu'un budget du Québec est équilibré. Maintenant, on peut regarder avec confiance vers l'avenir.

(15 h 30)

Et j'étais un peu surpris en même temps lorsque la critique de l'opposition a fait part que maintenant il fallait regarder vers l'avenir, mais aussi elle faisait un peu le reproche comme quoi on avait manqué le virage quand même, c'est-à-dire, pourquoi on n'avait pas baissé les impôts. Alors, même le chef de l'opposition, lors de son discours en Chambre, en réponse au discours du budget, lui aussi a dit que l'on avait passé à côté de la... Il disait qu'on avait manqué le virage parce qu'on avait passé à côté de la croissance économique. Mais, pourtant, en même temps qu'on a travaillé sur l'assainissement des finances publiques, on a créé des emplois aussi. Alors, 67 000 nouveaux emplois ont été créés en 1998.

Lorsque j'ai parlé aussi en réponse au discours sur le budget, j'ai fait le commentaire suivant à l'effet qu'il faudrait se rappeler également qu'entre 1990 et 1994 le niveau de création d'emplois s'est soldé à zéro. Puis, lorsqu'on dit qu'on a manqué, nous autres, le virage ou encore qu'on n'a pas profité de la croissance économique, pourtant, entre 1990 et 1994, zéro emploi ici, au Québec, alors qu'il y en avait 206 000 à travers le Canada, alors, il y a quelque chose qui ne va pas dans cette réflexion-là. Donc, j'aimerais un peu rappeler cette façon-là de passer les messages ou encore d'argumenter sur l'avenir, parce que, pour regarder vers l'avenir, il faut avoir fait un certain ménage, avoir consolidé nos bases ici – je pense au Québec en tant que gouvernement – pour pouvoir créer de l'espoir, puis créer de l'espoir pour nos jeunes pour l'avenir.

Alors, ma question, M. le Président, au premier ministre, lorsqu'on dit justement que le gouvernement formé par le Parti québécois a effectué un redressement des finances publiques...

Une voix: ...

M. Côté (La Peltrie): Pardon, au ministre des Finances.

M. Landry: J'ai déjà eu des injures pire que ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Au vice-premier ministre.

M. Côté (La Peltrie): Puis qu'est-ce qui nous permet aujourd'hui d'espérer un avenir beaucoup plus prometteur? En plus d'avoir fait un redressement des finances publiques, est-ce qu'il y a d'autres facteurs qui nous permettent d'avoir encore plus d'espoir pour l'avenir, justement? Quels sont ces autres facteurs là? J'aimerais, moi, peut-être, qu'on en énumère quelques-uns, s'il vous plaît.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le ministre des Finances.

M. Landry: Bon. D'abord, il est sûr que le passé a pesé lourd et certaines négligences passées ont pesé lourd non seulement sur les finances publiques – ça, c'est l'évidence même – mais aussi sur l'économie. Aussi sur l'économie parce que, quand le plus grand des citoyens collectifs d'un État donne l'image du désordre et de la perte de contrôle de ses finances publiques, il envoie dans toute l'économie un message de laisser-aller, de laisser-faire, de négligence qui se transmet aussi bêtement que dans les cotes des agences de crédit. Vous savez que personne au Québec n'est mieux coté que le gouvernement du Québec lui-même en termes d'agences et en termes d'emprunts sur les marchés. Alors, si le gouvernement du Québec perd sa cote, Desjardins perd sa cote, Hydro perd sa cote, tout le monde perd sa cote, les municipalités. C'est comme une chape de plomb sur l'ensemble de l'économie. Alors, le fait de se débarrasser de cette gangue qui nous paralysait financièrement et psychologiquement – et la psychologie, en économie, c'est un facteur majeur – est déjà une manière de remonter la pente.

Il y a aussi un impact macroéconomique très concret de ce passage à vide obligatoire vers zéro. Pendant tout ce temps-là, le gouvernement a dépensé moins. Il a fait l'inverse de ce que Lord Keynes dit de faire. Il a diminué la demande globale. Pour guérir, en d'autres termes, il a fallu souffrir. Et, pour guérir, il a fallu faire plus mal au début pour chercher... Je connais bien, hélas trop, ces images cruelles qu'il faut souffrir pour guérir des fois. Alors, c'est ça qui est arrivé. On a fait mal à l'économie, un peu comme les chirurgiens blessent leurs patients. Alors, si le gouvernement du Québec est en décroissance de dépenses, la demande globale au Québec en souffre et ça a fait que ce passage à vide a été pénible.

Mais, malgré ça, c'est là que l'espoir naît. Le député veut que je parle d'espoir, puis je vais lui dire maintenant. Imaginez-vous que malgré ça on a continué la croissance. Imaginez-vous que malgré ça on a fait mieux que nos prédécesseurs, et pas uniquement prédécesseurs immédiats. J'ai ici un tableau historique, qui est à la disposition de l'opposition – les sources, c'est Statistique Canada – et j'aimerais que l'opposition s'en pénètre, parce que la tentation démagogique ou, s'ils trouvent le mot trop fort, disons la tentation perpétuelle – «perpétuelle» est un mot moins fort que «démagogique» – de l'opposition libérale, je la connais bien, on la connaît bien, c'est dire: Quand les souverainistes sont au pouvoir, en d'autres termes, quand le Québec veut s'affirmer autrement que comme province, quand le Québec veut faire comme la République d'Irlande, par exemple, ou veut faire comme l'Écosse, ou veut faire comme la Slovénie, ou la République tchèque, ou la République slovaque, l'économie en souffre. Thèse libérale bien connue. C'est simpliste, un. C'est, à la limite, anti-Québec, parce que ça veut dire au reste du Canada et au reste du monde: Si on se lève, on se fait mal; alors, comptez sur nous pour jouer les perrons de porte jusqu'à la fin des temps. Alors, en plus d'être simpliste, d'être anti-Québec, c'est faux. Et ça, c'est peut-être ce qu'il y a de plus grave, parce que tout l'édifice s'effondre. Alors, je vais vous les donner, ces chiffres-là, M. le Président. Et on va le faire toujours avec cette image du bateau, qu'on a employée ce matin, ou l'image que le député vient d'employer quand il a parlé du Canada qui crée 206 000 emplois et le Québec zéro durant le dernier mandat libéral.

Du 15 novembre 1976, une date historique bien connue, au 12 avril 1981, donc gouvernement René Lévesque, part du Québec dans les emplois totaux au Canada – donc tout est bien ajusté, là, c'est le bateau qui monte avec la mer – 17,26 %. Du 13 avril 1981 au 1er décembre 1985, alors toujours gouvernement René Lévesque, Pierre Marc Johnson in fine, comme son frère avait fait in fine dans le cas des libéraux, c'est-à-dire à peu près trois mois, 20,58 %. Vous me suivez toujours: part du Québec sur le Canada dans la variation en niveau et la variation en pourcentage.

Quand on arrive à Robert Bourassa maintenant, du 2 décembre 1985 au 24 septembre 1989, 18,41 %. Robert Bourassa, du 25 septembre 1989 au 11 septembre 1994, 4,37 % – je comprends, il y a eu une période à zéro; ça baisse la moyenne en diable, ça. Depuis que nous sommes de retour aux affaires... Non, encore un bout de Robert Bourassa: du 2 décembre 1985 au 11 septembre 1994, date de la fin du gouvernement libéral, donc avec Daniel Johnson in fine, 15,51 %. Du 12 septembre 1994 – retour des péquistes – à novembre 1998, 19,1 %.

Donc, à chaque fois que les péquistes ont été au pouvoir, la part des emplois créés dans les emplois globaux au Canada était plus haute que du temps des libéraux, ce qui démolit totalement un argument chéri du chef de l'opposition, qui dit... Vous l'avez entendu encore, il l'a peut-être dit au débat sur le discours sur le budget, mais je l'ai entendu même en période de questions dire ça, dire: C'est vrai que les emplois, c'est pas mal au Québec, mais c'est beaucoup mieux ailleurs au Canada; donc, les péquistes ne sont pas capables de faire aussi bien que le reste du Canada. C'est faux. C'est quand les péquistes sont au pouvoir qu'on se compare le mieux au reste du Canada. De là à dire que, quand le Québec est debout politiquement, il l'est aussi économiquement, il n'y a qu'un pas, et on pourrait logiquement le franchir.

Alors, voilà une excellente raison d'espoir, parce que nous sommes encore là pour quatre ans, cela est évident, peut-être plus, et je l'espère. Pardon?

Une voix: ...

M. Landry: Vous avez dit ça l'autre coup aussi, puis on vous a fait ce qu'on a fait, puis on vous le refera volontiers et avec joie à la prochaine échéance électorale, mieux encore, j'espère. Parce que là on avait des choses difficiles à faire: santé, éducation, compressions. Là, les compressions sont finies. D'ailleurs, les sondages, c'est les sondages, mais on est plus fort aujourd'hui qu'on l'était le jour de notre réélection.

(15 h 40)

Mais des raisons d'espoir plus profondes encore, et plus durables, et plus liées à la structure de l'économie du Québec... Et ça, le chef de l'opposition m'a beaucoup peiné – parce que j'ai dit ça en réponse à une question – en Chambre, il a dit que j'avais des hallucinations. C'est quand j'ai dit que Montréal avait le plus haut ratio d'emplois de haute technologie par rapport à l'emploi total de tout le continent nord-américain. C'est la gloire de la grande région montréalaise. Puis c'est facile à comprendre, les forces de la région, c'est: aérospatiale, biotechnologies, pharmacologie, technologies de l'information et multimédia. Tout est en haute technologie dans les forces de cette ville, alors ça nous positionne numéro un en Amérique du Nord. Le chef de l'opposition appelle ça des hallucinations. Bien, si c'est des hallucinations, c'est ou il ne connaît absolument rien à la structure économique du Québec et de la grande région de Montréal ou il le sait et, pour tirer dans le dos de l'économie du Québec, il prétend le contraire.

Et ça, ça a des conséquences, hein. Il y a des journaux dans des juridictions concurrentes qui, quand on fait la promotion du Québec, vont écrire: «Même le député de Sherbrooke dit que ce n'est pas vrai.» Le député de Sherbrooke, c'est le chef de l'opposition officielle du Québec. Il a le droit de critiquer le gouvernement tant qu'il veut sur tous les aspects, puis il a un personnel pour l'aider à le faire puis de dévoués et talentueux députés dans les circonscriptions qu'il a pu gagner pour le faire. C'est son devoir. Mais son devoir, c'est de ne jamais tirer dans le dos de l'économie du Québec, jamais aller dire que la force de Montréal en haute technologie, c'est une hallucination du ministre des Finances, parce que, là, ce n'est plus au gouvernement qu'il fait mal, c'est à l'économie québécoise.

Alors, les raisons d'espoir, elles sont là, elles sont là très solidement. Qu'est-ce qui fait l'emploi ultimement? C'est l'investissement. L'investissement, on fracasse des records historiques d'une année sur l'autre. Notre croissance des investissements est beaucoup plus haute que celle du Canada, ce qui n'est pas arrivé depuis je ne sais plus combien de temps, depuis probablement le milieu du gouvernement Lévesque, parce qu'on performait aussi plus que le reste du Canada. Alors, moi, je ne suis pas pessimiste sur l'économie du Québec.

J'insiste quand même lourdement, en terminant, sur le fait que – je ne veux pas être triomphaliste non plus – on a 10 % de chômage. On en avait 14 % il y a quelques années; on en a 10 %. On avait créé zéro emploi pendant quatre ans; on en crée 67 000, 70 000. Même si on prend ça mois sur mois, on a atteint le 100 000. On a atteint le 100 000 là, mois sur mois, au cours des derniers mois. Mais ça ne sert à rien de se gargariser avec ces chiffres-là autour des tables ici; tant qu'il y aura 10 % de chômage, la bataille est devant nous et la bataille est à faire. Mais au moins, pour reprendre les mots du député, il y a de l'espoir.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui. Je signale qu'il reste trois minutes sur ce bloc. Est-ce que vous désirez revenir plus tard? Oui. Donc, on va passer à l'alternance et maintenant passer au bloc de l'opposition. Mme la députée de Beauce-Sud.


Commentaires généraux sur le budget

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais saluer mes collègues de la commission des finances publiques, avec qui nous allons siéger sûrement de très nombreuses heures, en commission, durant cette session. Ce matin, le ministre des Finances a pris la peine de souligner son bonheur de voir que vous aviez accédé au poste de président de la commission. Je vous en félicite, moi aussi. Il a également salué la critique de l'opposition officielle de même que les députés ministériels. Alors, il nous a oubliés – j'espère que ce n'était pas de mauvaise volonté – mais on était là aussi, les députés de l'opposition officielle.

M. Landry: Je ne l'ai pas oublié. Je l'ai dit.

Mme Leblanc: Oui, oui. Non, vous avez oublié, mais ce n'est pas grave. On va passer l'éponge. Je tenais tout simplement à souligner que j'étais heureuse de pouvoir siéger avec vous.

Alors, dans un premier temps, moi, ce que j'aimerais faire, M. le Président, c'est commenter les mesures budgétaires et peut-être arriver un petit peu plus tard sous forme de questionnement bien précis.

Je pense que la plus grande nouvelle de ce budget, c'est sûrement que le déficit zéro est atteint un an plus tôt que prévu grâce au chèque de BS étatique du gouvernement canadien, comme se plaît à le dire le ministre des Finances. On aurait dû l'appeler, comme ma collègue de Marguerite-Bourgeoys l'a dit, le chèque de solidarité sociale canadienne, puisque c'est comme ça qu'on nomme le ministère qui s'occupe des plus démunis de notre société. Je pense bien, moi, qu'en qualifiant le chèque de 1 400 000 000 $, reçu sous forme de péréquation du gouvernement fédéral, de la sorte, «BS étatique», le gouvernement a admis finalement son échec à faire du Québec l'une des grandes forces de ce pays.

Aujourd'hui, malheureusement, moi, je constate que le Québec s'affaiblit constamment depuis que l'option souverainiste du gouvernement est venue alimenter nos débats de société, depuis les 30 dernières années. Or, le Québec occupe la huitième place, si je me souviens bien, au chapitre de la création d'emplois et la sixième pour les investissements privés. Ce n'est rien de reluisant. Pourtant, il y 40 ans, le Québec constituait la deuxième force économique du Québec. Malheureusement, aujourd'hui, le Québec est champion, champion, oui, M. le Président, on le sait, des taxes et des impôts en Amérique du Nord, et le ministre l'admet lui-même que ça n'a pas de bon sens, qu'il va falloir s'attaquer à cette question-là.

Toutefois, ce n'est pas ce budget-là qui va nous faire perdre notre titre, et ce, en dépit des promesses que le ministre nous avait faites en campagne électorale de réduire les impôts des contribuables, le fardeau fiscal des contribuables québécois, dès l'atteinte du déficit zéro. Or, le déficit zéro aura été atteint au 31 mars 1999, donc un an plus tôt que prévu, mais la population devra, elle, attendre à juillet de l'an 2000 pour voir ses impôts diminuer. Alors, encore une fois, je constate que le gouvernement a manqué à ses engagements pris au cours de la campagne électorale.

Je me suis questionnée à savoir pourquoi le ministre des Finances avait fait ce choix, et, d'après moi, en fait, c'était pour payer un autre déficit, un déficit qui n'a jamais été additionné, finalement, au déficit officiel de 1 200 000 000 $ prévu pour cette année. Je veux parler, vous l'avez sûrement compris, des déficits accumulés dans les hôpitaux et dans les universités. C'est un déficit, finalement, qui touche près de 1 000 000 000 $: on parle de 700 000 000 $ dans les hôpitaux, 342 000 000 $ dans les universités. Alors, c'est pourquoi, je pense bien, malgré des excédents de 3 900 000 000 $, le ministre dit qu'il ne pourra pas baisser les impôts ou les taxes à la consommation dont pourtant les consommateurs, travailleurs, retraités, familles, enfants auraient eu si grand besoin.

On le sait, depuis trois ans, le revenu après impôts des Québécoises et des Québécois a diminué de 1,2 %. Pendant ce temps-là, les autres Canadiens voyaient leur revenu augmenter de 3 % pour la même période. Alors, ça représente un écart de 4 %, ce qui est l'équivalent de deux semaines de salaire en moins pour chaque citoyen du Québec.

Alors, on sait que le Québec tient le triste record de pauvreté au Canada avec un taux de 21,2 %. Ça représente 1 500 000 personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté, selon les indicateurs du Conseil national du bien-être social. Alors, on aurait pu s'attendre à trouver dans ce budget une réduction tout au moins du taux de la taxe de vente du Québec qui a été augmenté, on se rappelle, le 1er janvier 1998, de 6,5 % à 7,5 %. Malheureusement, les familles pauvres n'auront encore rien à se mettre sous la dent dans ce paysage de vallée verdoyante.

Dans le cas de l'électricité, du téléphone, du loyer, les ménages à faibles revenus ont encaissé des hausses supérieures à celles envisagées par l'indice des prix à la consommation. Dans les faits, la perte du pouvoir d'achat est beaucoup plus importante pour ces familles que pour les mieux nantis.

Le ministre des Finances, pour sa part, nous dit que ce qui est important pour les Québécois, c'est la santé, l'éducation, l'emploi, et il nous annonce des injections d'argent qui ne réussiront même pas à combler tous les coûts de système et les augmentations de salaires des employés de la fonction publique qui sont présentement en négociations.

En santé, le ministre parle d'investissements additionnels de 1 747 000 000 $. Qu'est-ce qui en est au juste de cette somme qui, à prime abord, apparaît très généreuse et laisse supposer qu'on va donner beaucoup d'oxygène aux gestionnaires et professionnels de la santé? Bien, en effectuant une addition toute simple, on se rend compte que les sommes annoncées pour les deux prochaines années correspondent à peu près à ce que le fédéral a consenti à verser en transferts en santé, donc pas vraiment d'efforts du gouvernement provincial pour améliorer le sort de tous les professionnels qui oeuvrent dans le domaine de la santé.

Au niveau de l'éducation, bien, la situation est encore pire. Alors, au dire de tous ceux qui oeuvrent dans le secteur, le total des investissements nouveaux pour la jeunesse et l'éducation va se traduire par un manque à gagner d'environ 150 000 000 $. C'est la somme, finalement, dont les commissions scolaires auraient eu besoin pour assurer les services aux élèves. Et là je veux vous citer un cas très particulier qui a rapport à la Beauce. En Beauce, chez nous, à l'école L'Aquarelle de Saint-Georges, il y a eu cette année 106 demandes pour l'intervention d'un orthopédagogue. Considérant les coupures budgétaires, 41 de ces demandes ont dû être refusées. Une telle situation, au dire de la présidente du conseil d'établissement, Mme Marie-Josée Parent, est inacceptable parce que de tels services directs aux élèves sont des besoins fondamentaux qui doivent être assurés afin de permettre d'acquérir une formation minimale.

Plusieurs conseils d'établissement d'écoles de même que la commission scolaire Beauce-Etchemin m'ont lancé un cri d'alarme. Bien entendu, c'est sûr, la situation est moins médiatisée que celle qu'on voit dans les hôpitaux parce qu'on n'a pas d'enfants qui traînent dans les corridors d'écoles comme c'est le cas dans les hôpitaux. Mais elle n'en est pas moins dramatique. Le gouvernement, je crois bien, au même titre que Mme Parent, est en train de sacrifier une génération d'enfants qui ont des difficultés d'apprentissage et qui auraient grandement eu besoin des services de professionnels dont on les prive.

(15 h 50)

Comment fera-t-on dans nos écoles pour accroître la qualité de l'enseignement et des services dispensés aux étudiants? La question demeure entière. Est-ce qu'on va faire comme dans le cas, par exemple, du nouveau crédit d'impôt pour les personnes âgées qui ont besoin de services à domicile? Est-ce que les parents pourront éventuellement bénéficier de crédits d'impôt pour s'engager des orthopédagogues à la maison? Ça, c'est des cas vécus, c'est des cas réels. Il va falloir à un moment donné répondre à ces questions-là.

Alors, je crois bien que le budget, finalement, met en lumière, une fois de plus, l'absence de vision du gouvernement. Il n'y a rien pour rassurer vraiment la population. Il n'y a pas vraiment de plan de croissance. Il y a une gestion qui est basée sur les chiffres. On ne peut pas le cacher. Par contre, il y a très peu pour le citoyen. Un État dont le rôle et le fonctionnement demeurent attachés au concept qui prévalait dans les années soixante, soixante-dix. Mais il y a quand même de bonnes nouvelles dans ce budget-là, puis j'aimerais prendre quelques minutes pour les souligner.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Quelques minutes. Si on veut que ces blocs aient une fonction... Je sais que vous avez beaucoup à dire et...

Mme Leblanc: J'achève. J'achève, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vous invite à conclure.

Mme Leblanc: Alors, j'arrivais aux bonnes mesures. Ça va sûrement intéresser le ministre des Finances. Je parlais qu'il y avait quand même de bonnes mesures. Des petites mesures, mais non moins attendues. Je veux parler des crédits additionnels aux agriculteurs à temps partiel qui ont été affectés par le verglas. C'est une mesure qui était grandement attendue en Beauce. Ensuite, il y a le 18 000 000 $ pour la Route verte. Alors, je souhaite que Chaudière-Appalaches et la Beauce obtiennent leur part. Et, enfin, le crédit d'impôt pour les personnes âgées en perte d'autonomie pour les aider à défrayer les coûts de l'entretien ménager et la préparation de repas. J'aurais aimé, j'aurais souhaité que ce crédit d'impôt là soit en vigueur dès maintenant. On devra attendre, toutefois, à janvier de l'an 2000.

Donc, en résumé, on a ici un budget qui est quand même dépourvu de grande vision d'avenir. Pas de réduction d'impôts et de taxes. Pas même une réduction du fardeau fiscal des contribuables qui aurait pu passer par le retrait, on le sait, de la facture de 375 000 000 $ aux municipalités. Encore un autre engagement non respecté. Alors, aujourd'hui, on sait que la facture refilée aux municipalités devait servir à la réduction du déficit. Alors, on se demande bien pourquoi, vu que le déficit est atteint un an plus tôt, la facture n'a pas été retirée.

En terminant, je ne peux pas non plus passer sous silence que le gouvernement n'a rien fait pour améliorer le sort des moins bien nantis qui font le choix, malheureusement, de se nourrir au lieu d'acheter des médicaments.


Organisation des travaux (suite)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Preste, il faudra passer sous silence, effectivement, si vous permettez. Et j'inviterai maintenant le ministre des Finances... M. le député de Viau.

M. Maciocia: De Viger.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Viger, pardon, excusez-moi.

M. Maciocia: Si j'ai bien compris, on avait un bloc de 20 minutes chaque. C'est ça?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, mais, dans l'esprit de ce fonctionnement, ça ne peut pas être un discours de 20 minutes. De toute façon, il est prévu que les interventions des députés ne dépassent pas 10 minutes. Il y a déjà 12 minutes d'intervention de la députée, alors...

M. Maciocia: ...quand même un bloc de 20 minutes de chaque côté, je pense qu'il faudrait laisser le temps, et probablement elle aurait seulement une question à la fin à poser. Alors, elle peut prendre 20 minutes, ou 18 minutes, ou 17 minutes à dire ce qu'elle a à dire sur le budget.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Ce qui voudrait dire, dans la logique de votre intervention, M. le député, que, dans ce bloc-là, il pourrait ne pas y avoir de réponse.

M. Maciocia: Ça ne fait rien.

Mme Leblanc: C'est ça, il pourrait ne pas y avoir de réponse.

M. Maciocia: Ça ne fait rien. Le ministre a toujours 10 minutes pour répondre, s'il veut répondre. Il n'est pas obligé de répondre. C'est à sa discrétion.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Formellement, je pense que vous avez raison. On peut lire la situation comme celle-là. Sauf qu'on a essayé de créer ces blocs justement pour faciliter le dialogue. Et je ne m'adresse pas du tout, ce n'est pas un reproche du tout à la députée de Beauce-Sud, je pense que les premières interventions d'un député en commission, il y a beaucoup à dire.

Mme Leblanc: J'ai quand même pris la peine de spécifier au début de mon intervention que j'y allais de commentaires et que, plus tard, je reviendrai sous forme de questionnement précis...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Voilà.

Mme Leblanc: ...ce qui ne suppose pas nécessairement une réponse du ministre. Alors, finalement, j'achevais...

Le Président (M. Simard, Richelieu): C'est ça. Ce que je ne voudrais pas, c'est qu'on se retrouve dans une position où le 20 minutes est rempli par un discours. L'objectif qui était visé de permettre justement plus de souplesse dans un questionnement et des réponses, on passera à côté de cet objectif.

Mme Leblanc: Je pense qu'on doit quand même laisser la discrétion aux membres de la commission d'intervenir sous forme de commentaires ou de questionnement.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, la question de principe qui est posée par le député de Viger est la suivante: Puisque le temps d'intervention d'un député est limité à 10 minutes, est-ce que le fait qu'on fonctionne en bloc permet d'aller au-delà de ce 10 minutes?

M. Maciocia: C'est ça.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Sans faire de formalisme, je pense qu'il est difficilement imaginable qu'une intervention fasse 20 minutes alors que le règlement limite à 10.

M. Maciocia: Je comprends très bien. Mais, étant donné qu'il y a un consensus, qu'on a eu entre les membres de la commission et la présidence, notre 20 minutes, on peut le faire sous forme de questionnement, sous forme de commentaires, on peut le faire de n'importe quelle manière; de l'autre côté, c'est la même chose, autrement on revient à l'original. Ça veut dire qu'on a des interventions de 10 minutes, on aurait pu faire même des interventions préliminaires, chaque député, de 10 minutes au début de la commission.

Une voix: ...

M. Maciocia: Oui, oui, le règlement nous permet de faire des interventions de 10 minutes, chaque membre de la commission. Étant donné ce consensus, je pense qu'il faut laisser un peu la porte ouverte à des commentaires et poser des questions probablement dans l'espace de ces 20 minutes là.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Le danger de votre logique, c'est qu'à toutes fins pratiques il y aura 20 minutes d'intervention par bloc qui seraient suivies simplement d'un commentaire du ministre à la fin. L'objectif du bloc était de permettre questions-réponses à l'intérieur du bloc et, ensuite, alternance. Alors, si on veut jouer formellement comme vous le voulez... Je me suis référé d'ailleurs en début de nos travaux au fait que la décision de la commission de l'Assemblée nationale de 1984 indiquait très bien qu'il n'était pas d'usage et qu'il ne devait pas y avoir de remarques préliminaires par l'ensemble des députés au départ, premièrement. Deuxièmement, on peut bien revenir à une formule 10 minutes-10 minutes en alternance avec à chaque fois l'intervention du ministre. On peut très bien le faire. Si vous permettez, lorsque le comité directeur se réunira, nous essaierons de voir quelle sera la meilleure façon de procéder. Nous sommes ici à tenter de trouver le meilleur cadre de dialogue possible. Je me suis juste permis, et sans vouloir interrompre du tout la député de Beauce-Sud, permis de dire – ç'aurait pu être à une minute près, d'ailleurs, une intervention auprès du député de La Peltrie tout à l'heure – que, si le 20 minutes est rempli par un discours, il n'y a plus un tel dialogue, il n'y a plus de questions, il n'y a plus de réponses possibles. Le 20 minutes est donc suivi d'un autre bloc cette fois-ci au ministre. Ce n'est plus la formule des blocs.

M. Maciocia: Je comprends très bien, mais vous allez m'excuser, M. le Président, je ne remets pas en question, on fait un dialogue là. C'est dans le sens que vous allez quand même nous laisser le loisir de voir de quelle manière on peut employer notre 20 minutes. C'est sûr que nous avons des questions à poser, puis je pense que la responsable du dossier des finances, sûrement, elle a des questions à poser. Mais laissez-nous au moins le loisir de savoir quand les poser, ces questions-là. Est-ce que c'est après une intervention de 20 minutes d'un député? Dans l'autre 20 minutes, il va y avoir 20 minutes seulement de questions. Est-ce que vous comprenez, là? Ce n'est pas à la présidence ou à quelqu'un d'autre de nous dire quand et comment poser nos questions. C'est seulement dans ce sens-là. Et de fait, la critique du budget, on est ici justement pour ça, en commission.

M. Lachance: M. le Président, sur la question...

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Oui, M. le Président. Je sais que le député de Viger a une grande expérience parlementaire, il est ici depuis 1981. Mais là où je suis un peu moins d'accord, c'est sur son interprétation de l'entente que nous avions. Moi, j'avais compris qu'effectivement il y avait un bloc de 20 minutes mais qui permettrait d'avoir des échanges. Il ne faut pas seulement penser à nous, ici, les parlementaires, mais peut-être aussi à ceux qui décident de regarder ce qui se passe à l'Assemblée nationale ou de lire sur Internet. Et pour que ce soit intéressant pour eux aussi, eux et elles, les échanges favorisent l'intérêt et ce n'est pas, je pense, en faisant chacun des monologues qu'on va susciter l'intérêt chez nos concitoyens. Si vous avez de l'argumentation... Puis, encore une fois, ma collègue de Beauce-Sud, je ne veux d'aucune façon la brimer dans ses propos, ça pouvait être intéressant, et j'y reviendrai tantôt. Mais j'avais compris d'une entente que nous avions que le 20 minutes devait se passer de façon différente et, n'eût été de cette compréhension, je n'aurais pas accepté ce qui semble vouloir se dessiner à l'heure actuelle.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Là-dessus, j'écoute le député de Viger, rapidement.

M. Maciocia: Oui, très rapidement, M. le Président. J'ai justement une décision prise par le député de Bellechasse. Le 5 juin 1984 – c'est écrit «Claude Lachance» – la question, c'était: «Lors du débat sur le discours du budget à la commission du budget et de l'administration, est-ce qu'un député doit se limiter à poser des questions au ministre des Finances?» La question. La réponse, la décision, c'était: «Les interventions des membres peuvent être d'ordre général et porter sur n'importe quel sujet. Il n'est pas nécessaire que ces interventions prennent la forme de questions au ministre des Finances.»

(16 heures)

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mais cela n'a jamais été remis en question et ne fait pas l'objet de notre débat actuel. La députée de Beauce-Sud pouvait tout à fait consacrer tout son temps à faire des commentaires. C'est son plus strict droit. L'intervention du député de Bellechasse est tout à fait pertinente. Nous avions – je dis bien «nous avions» parce que je sens que nous n'avons plus – une entente où le temps était réparti au lieu de passer systématiquement, en alternance, d'une question d'un député à l'autre, au député de l'autre parti. Nous fonctionnions par blocs. D'ailleurs, de facto, c'est ce que nous avions fait ce matin à la fin de la période avec les questions de la critique officielle, et ça s'était très bien passé. Si vous me dites que vous ne tenez plus à ce type d'entente, c'est-à-dire ce type d'entente qui autorise donc un échange à l'intérieur du bloc de 20 minutes entre les députés d'un parti et le ministre, si vous ne tenez pas à cette entente, nous allons revenir au mode de fonctionnement traditionnel.

M. Maciocia: Nous y tenons, M. le Président. Seulement, si un député... je répète, la députée de Beauce-Sud, elle est là pour faire ses commentaires sur le budget, je ne pense pas que vous devez la limiter à 10 minutes ou à neuf. Si elle veut aller jusqu'à 13 ou 14 minutes, vous devez la laisser quand même y aller. C'est seulement dans ce sens-là, M. le Président. Un peu de bon sens dans ce sens-là.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je termine là-dessus, et ça sera mon interprétation finale. Si le sens de l'acceptation de cette entente, c'est qu'on peut remplir le 20 minutes sans poser de questions et sans qu'il y ait de dialogue, je pense qu'on va revenir à la méthode traditionnelle à ce moment-là et je conclurai qu'il n'y a pas d'entente à partir de maintenant. Vous avez maintenant terminé vos commentaires. Vous vouliez poser une question finale, je peux peut-être vous permettre... Non, ça va?


Discussion générale


Commentaires généraux sur le budget (suite)

Mme Leblanc: Je vais simplement peut-être apporter un dernier commentaire, parce que je pense que c'est important de le faire, dire que, compte tenu qu'il y avait eu finalement une étude qui avait été réalisée par l'Université McGill et le Royal Victoria Hospital pour le compte du gouvernement, en rapport justement avec l'assurance-médicaments, dans laquelle il est révélé qu'il y a 4 000 personnes au Québec qui ont été hospitalisées faute d'avoir pu se procurer des médicaments et que peut-être même 120 personnes en seraient décédées, j'aurais souhaité – c'est ce que je voulais dire – qu'on trouve une façon, à même le budget, une solution pour ces personnes-là.

Actuellement, près d'un an après le dépôt du rapport, le gouvernement n'a toujours rien fait pour régler la situation. Il y a vraiment une absence de réaction du gouvernement. Et c'est malheureux qu'on ne se soit pas occupé de cette question-là. Là-dessus, je laisserai le ministre, s'il veut réagir à mes propos et à mes commentaires, le faire. Je sais qu'il y aurait beaucoup encore à dire sur le budget; toutefois, compte tenu qu'il y a plusieurs de mes collègues qui ont hâte de prendre la parole...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je souligne à la députée de Beauce-Sud que notre rencontre durera 10 heures, enfin, pas aujourd'hui, et je veux la rassurer, donc, qu'elle aura sûrement l'occasion de revenir à plusieurs reprises sur les sujets dont elle souhaite nous entretenir. M. le ministre des Finances.

M. Landry: Bon. Alors, ça ne serait pas rendre justice à la députée que d'essayer de lui répondre en trois minutes à 11 minutes de commentaires. Alors, je vais faire ce que je peux.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Vous avez doit à votre 10 minutes, évidemment.

M. Landry: Je pourrais aller au plus pressant en lui faisant remarquer, premièrement, que ce matin j'ai bon souvenir d'avoir salué tout le monde, y compris les députés de l'opposition, leur critique officiel et les autres. Si je ne l'avais pas fait, je serais le premier à le regretter; mais j'ai quand même quelque expérience de ces choses et je pense que c'est elle qui avait l'esprit ailleurs à ce moment-là. Elle était peut-être concentrée et fascinée sur la beauté du budget. Bon. Au fait... Bien, il y a le Journal des débats , c'est facile à vérifier.

Mme Leblanc: ...verbatim.

M. Landry: C'est ça. Et, si ça y était, bravo! et, si ça n'y était pas, je l'y mets.

Les taxes. Je vais vous en parler, des taxes. Je ne sais pas si ça fait suffisamment de temps que vous êtes à l'Assemblée, si la députée de Beauce est depuis assez longtemps, pour m'avoir entendu réciter ce que j'appelle la litanie. La liste des taxes imposées par les libéraux est telle que, quand je la récitais à l'Assemblée, le président devait m'arrêter. Et, dans ce temps-là, le président était plus souple qu'aujourd'hui sur les temps. Alors, imaginez-vous ce que ça serait aujourd'hui. Même que, à la fin, quand il y avait une question sur les taxes, je disais: M. le Président, vous ne voulez pas que je sorte ma litanie, non? Il disait non parce que c'était trop long. Mais je vais essayer de vous en faire une démonstration et j'espère que vous ne me parlerez plus jamais de taxes, vous, députée libérale de Beauce-Sud.

Si les libéraux n'avaient pas augmenté les taxes de façon outrancière, la charge fiscale du Québec aujourd'hui serait moindre que celle de l'Ontario, M. le Président. Et je vais vous donner une petite idée de cette litanie.

Au budget de 1990-1991, le gouvernement libéral taxe les entreprises pour 128 000 000 $. La même année, il met 107 000 000 $ sur les produits alcooliques. La même année, il met 204 000 000 $ sur le tabac.

En 1991-1992, il hausse la TVQ de 758 000 000 $ – on est près du milliard. Il a augmenté à nouveau les taxes sur les produits du tabac de 103 000 000 $. Il a accru la taxation sur les carburants de 352 000 000 $.

En 1992-1993, il taxe à nouveau les entreprises pour 297 000 000 $. Au budget de 1993-1994, il augmente de manière rétroactive, un précédent dans l'histoire fiscale du Québec et probablement dans l'histoire fiscale occidentale – parce que dans une démocratie ça ne se fait rien que pas – il augmente les taxes de manière rétroactive, impôts sur le revenu des particuliers, de 1 300 000 000 $.

Au budget 1994-1995, le dernier avant l'élection, il a tenté de se reprendre en diminuant les impôts des particuliers de 497 000 000 $, soit 37 % de la hausse rétroactive qu'il avait annoncée l'année précédente. C'est ça, le gâchis fiscal, voyez-vous. Et ça nous a donné pour un total de 10 800 000 000 $ durant quelques brèves années, là, de 1990 à 1995. Et malgré ça il y avait un déficit de 6 000 000 000 $. La voyez-vous, la catastrophe, là?

Alors, nous, ce qu'on a réparé dans un premier temps, c'est le déficit. Et on a commencé à s'attaquer à la charge fiscale. Alors, le déficit, c'est fait, il est à zéro deux ans de suite. La charge fiscale, on l'a déjà baissée, je vous l'ai dit, il y a à peu près 500 000 000 $ nets pour le contribuable, même peut-être un peu plus. Ça fait 3 % pour tous ceux qui gagnent en haut de 50 000 $, 15 % pour ceux qui gagnent en bas de 50 000 $. L'an prochain, on annonce 400 000 000 $, après avoir consulté cette commission et le peuple à travers cette commission. On va faire venir des gens à la barre pour dire comment on va faire ça exactement. Nous avons déposé des hypothèses sur la table; j'espère que l'opposition a commencé à les examiner et nous donnera aussi de précieux conseils. Mais je redis à l'opposition officielle – et ça, la population l'a très bien compris, toutes les études le démontrent – qu'on ne peut pas réparer dans un après-midi une négligence fiscale semblable.

Moi, j'ai fait partie de plusieurs gouvernements maintenant, j'ai eu plusieurs premiers ministres. Je me demande comment des gens pour lesquels j'ai une certaine estime, Robert Bourassa, feu Robert Bourassa, Daniel Johnson, qui était son président du Conseil du trésor, diplômé en droit de Oxford et M.B.A. Harvard, ont pu laisser faire un pareil carnage. Où avaient-ils la tête? Augmenter les taxes de 10 000 000 000 $ puis laisser monter le déficit à 6 000 000 000 $. Les historiens économiques vont se pencher là-dessus pour savoir pourquoi, comme j'espère ils vont se pencher sur notre histoire pour savoir comment, nous, on a pu réparer relativement vite le gâchis.

Il y a une autre chose que la députée de Beauce-Sud, M. le Président, a dite, qui procède de cette mentalité de l'opposition libérale du Québec, opposition libérale provinciale, de servir le bureau-chef fédéral et le Parti libéral du Canada et ceux qui le représentent. Vous avez bien dit que c'est à cause du chèque de péréquation qu'on a pu arriver au déficit zéro un an avant le temps. Ça, c'est clair que vous avez dit ça. Vous ne contestez pas ça, c'est au Journal des débats . Cela est faux. C'est l'économie du Québec qui nous a fait arriver au déficit zéro d'abord, puis le chèque est arrivé ensuite, et on l'a pris. Et on l'a pris avec joie parce qu'il nous est dû. Il nous est dû à même nos impôts et taxes.

Et, M. le Président, je ne crois pas que ça soit dans l'intérêt même du Parti libéral du Québec – et ce n'est sûrement pas dans l'intérêt du Québec – de servir de thuriféraire à ce que le gouvernement du Canada a fait contre le gouvernement libéral qui nous a précédés et contre notre gouvernement aujourd'hui. Il me semble que les députés dans cette Assemblée doivent servir le Québec d'abord, et avant tout la critique de l'opposition, la critique officielle, qui aura le temps, je l'espère, parce que c'est une personne reconnue pour sa science et sa pertinence, de faire partager son information à l'ensemble de sa députation, y compris la députée de Beauce-Sud.

(16 h 10)

On peut apprendre à tout âge. Moi, j'apprends beaucoup de mes collègues. Parce que la critique, elle, elle a dit des choses très pertinentes, le 31 octobre 1998, dans le journal Les Affaires où elle avait une chronique: «Ottawa peut-il continuer – dit, écrit celle qui s'appelait Jérôme-Forget à l'époque et qui s'appelle Mme la députée de Saint-Laurent aujourd'hui – d'exiger le respect des normes nationales pour des programmes auxquels il contribue si peu? Pour leur part, les provinces lui reprochent, avec raison, de vouloir imposer des normes nationales, de couper son financement et de s'assurer d'une plus grande part de visibilité. La réduction du transfert fiscal a eu des répercussions sur la situation budgétaire des provinces qui assument désormais près de 85 % du financement de la santé, de l'éducation post-secondaire et de l'aide sociale.»

C'est ça, le phénomène du trébuchet que j'expliquais ce matin. Tu mets des graines sur une palette mobile, l'oiseau vient, ça se referme, et après ça il est pris. Le trébuchet, c'est quand ils ont dit à Robert Bourassa: On va payer 50 %. Et puis l'oiseau pris dans la cage, c'est, comme le constate votre critique, que maintenant on est pris avec 85 % de la dépense.

Alors, il faut faire attention, je le réitère. Attaquez le gouvernement, vous êtes là, l'opposition est là pour ça. Et le gouvernement a pour devoir d'écouter vos critiques, de répondre à vos questions et de s'amender quand il s'agit d'une bonne suggestion. La députée fait une suggestion d'inclure les PME dans ma commission sur la Bourse. C'est fait. C'est fait. On a suivi sa décision. Bon.

Donnez-nous-en des comme ça, on va les prendre. Dès que vous avez une bonne idée, nous autres, on les collectionne puis on essaie de les mettre en application. Mais les mauvaises idées anti-Québec, il faut faire attention. Vous ne direz pas qu'on ne vous fournit pas les chiffres, là. Tout ce que je viens de dire là, je peux vous donner les dates, etc., à quel moment dans le budget, Gérard-D. Levesque, M. Bourbeau, qui est député de Laporte... Mais faisons porter ensemble la charge sur les bonnes cibles, pas toujours sur ce brave Québec qui fait ce qu'il peut dans des circonstances constitutionnelles déplorables.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, M. le ministre. Maintenant, le député de Bellechasse.

M. Lachance: Merci, M. le Président. Je suis heureux également de revenir à la commission des finances publiques après l'avoir présidé sous un autre nom il y a quelques années.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Quel était l'autre nom?

M. Lachance: C'était la commission du budget et de l'administration. Naguère.

M. Landry: Oui...


Critères ayant guidé le ministre des Finances dans ses choix budgétaires

M. Lachance: J'ai même, comme le disait le député de Viger tantôt, fait de la jurisprudence à l'époque. Mais revenons à nos moutons.

D'abord, moi, ce matin, j'ai été agréablement surpris du ton utilisé par la députée de Marguerite-Bourgeoys et critique de l'opposition officielle à cette commission. J'espère qu'elle va poursuivre et qu'elle ne subira pas la déformation que la partisanerie, avec le temps, peut amener ici à l'Assemblée nationale. Vous êtes nouvelle, et c'est rafraîchissant d'entendre des propos où quelqu'un dit: Regardons vers l'avenir. Et, si, comme le disait le ministre des Finances, vous avez de bonnes idées, tant mieux, tout le Québec pourra en profiter. Ça sera positif, votre contribution.

Ceci étant dit, j'ai entendu également les propos de ma collègue de Beauce-Sud, et elle me permettra certainement, ma collègue de Beauce-Sud et voisine de circonscription, parce que Bellechasse et Beauce-Sud, c'est proche, c'est très près, elle me permettra certainement de faire certains commentaires.

En particulier, je ne suis pas vraiment surpris qu'elle vante les mérites du gouvernement canadien, du gouvernement central, parce que la députée de Beauce-Sud, pour ceux qui l'ignoreraient, a fait ses premières armes en politique avec un certain Gilles Bernier, qui est aujourd'hui ambassadeur du Canada à Haïti, qui a été député conservateur et ensuite député indépendant de Beauce.

M. Landry: ...c'était beaucoup mieux.

M. Lachance: Alors, la députée de Beauce-Sud a évolué dans la sphère fédérale, même si son député était qualifié comme étant assez nationaliste.

Je suis surpris de ses propos aussi concernant le cas... Ça fait toujours un peu pathétique quand on arrive avec des cas. Vous n'êtes pas arrivée avec un cas de civière et avec un film, comme malheureusement on en a vu trop souvent, mais vous êtes arrivée, par exemple, avec des cas d'absence d'orthopédagogues. C'est un domaine que je connais bien parce que j'étais, à une certaine époque, directeur d'école.

Ce que je peux répondre à ça, c'est que, tout en étant très conscient du fait que les gestionnaires de la commission scolaire de la Beauce-Etchemin sont de bons gestionnaires, la preuve en est que leur bilan financier au 30 juin 1998, c'était une des commissions scolaires les plus performantes au Québec avec un surplus accumulé de, minimum, 2 000 000 $, si ce n'est pas 3 000 000 $, les chiffres seront disponibles bientôt en commission parlementaire de l'éducation – j'ai toujours hâte d'aller voir ça pour faire des comparaisons. C'est certain qu'ils avaient des choix à faire; ils ont choisi peut-être prioritairement autre chose, je ne les accuse pas de l'avoir fait, mais ils avaient des choix et ils avaient encore une certaine marge de manoeuvre qu'ils auraient pu utiliser à ce moment-là pour donner des services aux jeunes.

Je suis surpris de voir que ma collègue de Beauce-Sud n'ait pas parlé de certains problèmes. Ce n'est pas de s'abaisser que de reconnaître une certaine réalité. Moi, je pense que, si vous faites un bon coup, je vais être capable de le dire, puis ça ne se peut pas que, dans ce budget-là, ça soit juste noir. Il y a des éléments positifs. Peut-être que vous vous dites qu'il y a assez de députés du côté ministériel pour vanter le budget et que, vous,votre job, c'est de voir quels sont les trous, les failles, s'il y en a, mais, moi, je déplore que vous n'ayez pas parlé, par exemple, que, sur la fameuse dette de 100 000 000 000 $ que nous avons aujourd'hui, là, qui nous oblige à pomper 7 300 000 000 $ en intérêts par année, qui nous enlève une marge de manoeuvre, bien, sur ces 100 000 000 000 $ là, comme par hasard, il y a 43 000 000 000 $ qui ont été générés à l'époque du gouvernement qui nous a précédés, de 1985 à 1994.

C'est de l'argent, 43 000 000 000 $ sur 100 000 000 000 $. Vous ne parlez pas non plus du 2 000 000 000 $ que le gouvernement précédent avait pompé à la Société de l'assurance automobile du Québec. On n'a pas osé faire une telle chose. Sans compter aussi des fameuses coupures du gouvernement canadien et puis des coupures de l'assurance-emploi qui ont eu des répercussions sur les prestataires de l'aide sociale. On a dû vivre avec ça. Je pense que, peu importe du côté où on est, on doit admettre qu'il y a des choses là-dedans qui ne sont pas correctes. Alors, moi, je tenais juste à ramener ça parce que ça m'apparaissait quand même des éléments importants.

Maintenant le budget, le budget qui a été déposé le 9 mars dernier. Le quatrième budget de notre collègue le ministre des Finances, le député de Verchères, moi, les échos que j'en ai eus chez-moi, c'était de dire: Enfin, le déficit zéro; on va arrêter d'en parler, et c'est réglé, même si, au départ, quand on parlait du déficit zéro, les gens ne nous croyaient pas. Ils nous disaient: Ah! On sait bien, vous allez faire comme les autres; vous nous dites ça pour nous endormir, mais vous allez trouver le truc de ne pas faire ce que vous dites.

Mais, durant la campagne électorale, moi, je peux vous dire que c'est un des éléments qui a contribué à ma réélection parce que les gens ont vu que nous étions sérieux et, contrairement à certains mythes qui existaient à l'effet que c'était les libéraux qui étaient des bons gestionnaires, ils se sont rendu compte que le gouvernement du Parti québécois était capable de faire preuve de rigueur et de nous enligner sur une bonne voie, même si on n'est pas dans le trèfle jusqu'aux genoux, comme disait souvent le ministre des Finances.

Moi, j'aimerais savoir du ministre des Finances, quand on fait un budget, ça doit être assez spécial avec les collaborateurs d'examiner la situation, les choix qu'on a à faire. Je vois qu'il y avait des excédents de 2 900 000 000 $. Donc, pour revenir à ce que vous disiez tantôt, Mme la députée de Beauce-Sud, 2 900 000 000 $ moins 1 400 000 000 $, ça fait 1 500 000 000 $. Je suis bien content qu'on ait notre part du butin qui revient d'Ottawa, avec la péréquation, mais 1 500 000 000 $, ça veut dire que le déficit zéro aurait été de toute façon atteint parce que le déficit prévu était de 1 100 000 000 $. Il aurait resté une marge de 400 000 000 $. Bien, tant mieux si on peut aller plus loin.

Moi, la question que je me pose c'est: Qu'est-ce qui a guidé le gouvernement, le ministre des Finances, avec son équipe, pour faire les choix qu'il a faits? Parce que vous auriez pu faire d'autres choix, dont en particulier justement la réduction des impôts ou encore de remettre plus d'argent dans le fonctionnement. Vous avez décidé, par exemple, de prendre 1 700 000 000 $ pour la santé puis 600 000 000 $ dans l'éducation – ça, ça nous frappe – mais il y a pas mal d'argent là-dedans dans des choses qui ne sont pas nécessairement visibles dans le fonctionnement. Et je reviens...

(16 h 20)

Moi, je suis capable d'admettre, Mme la députée de Beauce-Sud, qu'il faut le plus vite possible remettre de l'argent dans l'éducation particulièrement. J'admets ça et je pense que mes collègues aussi peuvent l'admettre, parce que, oui, il y a des problèmes, et ce n'est pas parce que ça ne paraît pas maintenant au moment où on se parle qu'il n'y a pas de problèmes.

La crainte que j'ai, c'est que, s'il n'y avait pas de changements dans les budgets qui s'en viennent, à partir du moment où on a atteint le déficit zéro, on risque d'avoir la répercussion d'un sous-financement à moyen et à long terme chez nos jeunes étant donné que l'éducation, c'est un investissement. Mais, moi, j'aimerais savoir de la part du ministre des Finances: Qu'est-ce qui a fait en sorte que, bon, il a choisi les cibles qu'il a dans son budget par rapport à d'autres alternatives? Dans sa planche à dessins, il y avait d'autres possibilités, puis il a décidé de s'enligner de ce côté-là.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le ministre des Finances.

M. Landry: Alors, il y a eu une partie qui était assez simple et qui découlait du bon sens le plus élémentaire: c'était de boucher les trous urgents avec une rentrée inattendue. Je vais prendre un exemple qui pourrait arriver dans n'importe quel foyer québécois; on gagne une somme à la loto, et les cartes de crédit sont pleines. Qu'est-ce qu'on fait avec le gain de la loto? On n'augmente pas son niveau de vie, ce qui serait le contraire de la sagesse, on paye les cartes de crédit.

Alors, le gain à la loto, c'est une image que je prends, c'est de l'argent qui nous est venu en péréquation d'Ottawa à cause d'un ajustement de 1997. On ne l'attendait pas, il ne reviendra pas l'an prochain; on s'en est servi pour aller au crédit le plus urgent, c'est-à-dire la dette des hôpitaux et du réseau de l'éducation – totalement pour les hôpitaux, très largement pour le réseau de l'éducation – avec la conséquence que ça nous permet déjà d'attaquer indirectement deux des priorités qu'on va attaquer directement avec l'argent qui nous reste. Parce que, si on bouche les trous des hôpitaux, ça veut dire que ces institutions n'auront pas à faire des compressions supplémentaires pour payer leurs dettes, d'une part, et payer leurs intérêts, d'autre part.

Alors, au lieu de payer les intérêts à la Banque Nationale ou à la Banque Royale ou à d'autres institutions, on soigne les malades. Au lieu d'être obligé de faire des compressions supplémentaires pour rembourser ces dettes-là, on peut maintenant profiter du nouvel argent pour soigner les malades et pour donner des meilleurs services. Alors, la deuxième priorité, c'était celle-là: remettre de l'argent dans la santé et dans l'éducation. Mais commençons par la santé.

M. Lachance: M. le ministre, juste une question.

M. Landry: Oui.

M. Lachance: On entend souvent «rembourser la dette des hôpitaux». Est-ce que c'est uniquement les hôpitaux ou les établissements du réseau de la santé?

M. Landry: C'est plus proprement parler de dire les établissements, les établissements qui ont des dettes. Et, puisque vous demandez une précision, je vais en ajouter une autre que vous n'avez pas demandée. Ce n'est que 10 % des hôpitaux ou des institutions du réseau qui avaient fait de telles dettes. Ça veut dire qu'il y en a qui ont géré avec l'argent qu'ils avaient et qui n'ont pas fait de dettes et qui ont continué à donner du service. Je ne veux pas dire, en tournant les coins ronds, que tous ceux qui ont des dettes n'ont pas bien géré. Ce n'est pas ce que je veux dire. Il y en a qui avaient des circonstances particulières, etc. Mais il y a des institutions qui, circonstances ou pas, ont équilibré leur budget, étaient à déficit zéro. Mais celles qui ne l'étaient pas recevront ce qu'il faut pour effacer cette dette, plus 300 000 000 $ que ma collègue de la Santé et des Services Sociaux va utiliser indirectement aux mêmes fins, c'est-à-dire pour récompenser les bons et mettre la pression sur la correction des excès pour l'avenir.


Document déposé

Le reste d'argent en santé, bien, il y a divers programmes, des services qu'on ne rendait pas avant que nous allons rendre, mais il y a aussi les fameux coûts de système, et je l'ai, la réponse sur les coûts de système qu'on vous a promis ce matin, on va la déposer. Les coûts de système pour l'ensemble des réseaux, les coûts de système salariaux, c'est 104 000 000 $, les non salariaux, c'est 170 000 000 $. Ça fait un total de 274 000 000 $ – ce n'est pas nécessaire de prendre des notes; je vous envoie ça dans une seconde – et, à la RAMQ, c'est 37 000 000 $ salariaux, 63 000 000 $ non salariaux, pour un total de 100 000 000 $. Grand total: 374 000 000 $. Je dépose les coûts de système du secteur de la santé et des services sociaux.

Et je reviens au choix que nous avons dû faire. Pourquoi la santé? Parce qu'il y a deux pressions qui s'exercent à la hausse sur les coûts de santé dans tous les pays d'Occident, et le Québec n'y échappe pas. Le premier, c'est le vieillissement de la population. Presque partout où la population vieillit, tout le monde sait que les coûts de santé croissent de façon exponentielle, c'est-à-dire très, très, très vite dès qu'on franchit, disons, l'âge de 65 ans. À 32, 33 ans, ça ne veut pas dire qu'on n'est pas malade ou qu'on ne peut pas l'être, mais statistiquement on ne l'est presque pas comparé à 65 et plus. Alors, le Québec vit ça et vit ça dramatiquement.

Et, deuxièmement, bien, c'est les progrès technologiques dans le domaine de la santé. On a encore des exemples à tous les jours où des médicaments extrêmement coûteux sont ajoutés à la liste, et c'est des fois des questions de vie ou de mort si on a le médicament ou si on ne l'a pas. Ça crée une pression énorme sur les coûts de santé. Alors, pour cette raison-là, comme on avait subi des compressions très, très dures, bien mises en lumière par l'article de la députée de Marguerite-Bourgeoys – j'avais dit Saint-Laurent, tout à l'heure, je m'en excuse – dans le journal Les Affaires , on a 85 % de ces coûts maintenant, les fédéraux sont à 15 %, ils sont passés de 50 % à 15 %; ça nous a créé une pression supplémentaire. Et toute la population voulait que nous mettions de l'argent en santé, on en a mis.

Deuxième priorité, l'avenir, l'avenir de nos enfants, la formation, on avait dû comprimer là aussi. On s'est fait couper là aussi, je vous l'ai dit, c'est 4 000 000 000 $ par année récurrents, santé, éducation, aide sociale. Alors, on a remis de l'huile dans les engrenages, on a remis de l'huile dans la machine.

Et, dans ce qui reste où on a dépensé aussi un peu d'argent, pas beaucoup d'argent, bien, on a amélioré la situation financière des universités. On a fait la réforme de l'éducation promise par notre ancienne collègue, qui est aujourd'hui ministre de la Santé, on a acheté des livres, des dictionnaires, des grammaires et autres livres pour 30 000 000 $; ça a l'air de rien, mais ça change la vie dans une école quand on peut renouveler le stock d'instruments pédagogiques écrits.

On a aussi travaillé avec les universités à la périphérie de l'éducation en valorisant la recherche, en favorisant l'innovation et un certain nombre d'autres dépenses qui, toutes additionnées, par exemple, ne permettaient pas de faire une réforme fiscale importante. Disons que je dis: Après avoir fait ça, je ne fais plus rien d'autre, il me reste 50 000 000 $. Avec 50 000 000 $, il y a des gens qui auraient vu leur rapport d'impôts baisser de 10 $. Ça ne valait vraiment pas la peine, alors j'ai décidé de faire le gros de la baisse des impôts l'an prochain, à hauteur de 400 000 000 $, et plus si on le peut. Alors, l'histoire du budget, c'est ça.

Même ceux qui ont critiqué le budget cette année, et ils ne sont pas si nombreux que ça somme toute, ont dit: Au moins, il est simple à comprendre; ils ont tant d'argent, voici ce qu'ils font avec cet argent-là.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Marguerite-Bourgeois.

Mme Jérôme-Forget: Je me demande si mon collègue voulait intervenir. Non?

Alors, je suis contente, M. le Président, c'est la première fois qu'on m'appelle la députée de Saint-Laurent, on m'appelle souvent Mme Jérôme-Choquette. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Si j'avais... à faire, moi, je serais bien embêté.


Baisse des impôts en cas de croissance économique substantielle

Mme Jérôme-Forget: Alors, vous voyez, j'ai beaucoup l'habitude de me faire prendre pour quelqu'un d'autre, alors la confusion avec mon mari est souvent présente dans la vie politique.

Vous avez raison, le rôle de l'opposition, c'est essentiellement de soulever des critiques. D'ailleurs, je n'aime pas beaucoup ce mot, «être critique», j'aime mieux «porte-parole», et c'est pour ça que j'ai voulu que mon propos soit positif, qu'il soit tourné vers l'avenir, et j'ai mis l'emphase sur demain.

Le député de La Peltrie – je pense, c'est ça? – me faisait reproche d'oublier le passé. Il ne s'agit pas d'oublier le passé mais il s'agit aujourd'hui de penser à demain. Et c'était mon propos, moi, j'ai mis l'emphase sur demain.

Le ministre des Finances a mentionné quelque chose, M. le Président, et il a sorti un de mes écrits. Je peux lui faire parvenir tous mes articles. J'ai écrit également dans le Financial Post pour tenir tête un peu à Diane Francis. Alors, j'ai écrit beaucoup, beaucoup de choses, je vais probablement le regretter amèrement à l'occasion, mais comme vous avez la gentillesse de sortir les bons côtés...

Mais vous avez raison. Effectivement, au niveau des années, au niveau du financement de la santé, il est clair que la part du gouvernement fédéral a été nettement diminuée. Je l'ai écrit et je ne vais pas nier ce que j'ai déjà écrit.

(16 h 30)

Ce sur quoi j'aimerais par ailleurs revenir, et je ne veux pas avoir l'air de radoter – quoique en politique apparemment on peut faire ça beaucoup puis ce n'est pas gênant – c'est le propos qu'a tenu le ministre des Finances au niveau du 4 000 000 000 $ de réduction du fédéral. Bon, j'ai fait mention, dans des articles que j'ai écrits, – j'ai écrit d'ailleurs un livre sur la santé... Mais vous, le 4 000 000 000 $, je pense, M. le Président, qu'il est calculé depuis 1982. Bon, on aurait pu commencer... Depuis 1982, je pense. On aurait pu le commencer plus tôt que ça. On aurait pu commencer à compter la perte du financement du fédéral au niveau des programmes partagés depuis 1977 ou 1978, juste avant le financement des programmes établis. Alors, c'est la raison pour laquelle je le soulève. D'ailleurs, le ministre de l'Éducation soulevait le même chiffre aujourd'hui. Et je trouve qu'il y a quelque chose qui ne reflète pas tout à fait la réalité en ce sens qu'il est clair que le gouvernement fédéral, au départ, finançait 50 % des programmes de la santé et de l'éducation. Pour toutes sortes de raisons, parce qu'il sentait qu'il perdrait le contrôle sur sa propre taxation s'il laissait les provinces décider du financement, ils ont décidé de mettre un frein et, effectivement, ils ont progressivement, année après année, diminué cette part.

Mais, en revanche, le ministre des Finances devrait se réjouir, parce qu'il s'attendait, dans le budget de l'an dernier, à recevoir du transfert social canadien, ou des transferts, en totalité, 5 900 000 000 $, et il en reçoit 6 900 000 000 $, 1 000 000 000 $ de plus. Donc, ce n'est pas négligeable. Pourquoi on reçoit cet argent? On peut le regarder de haut, c'est essentiellement, c'est effectivement une formule qui a été développée pour permettre justement des transferts quand ça va mieux dans une région que dans une autre. Il n'en demeure pas moins – et là j'aimerais bien qu'on me contredise si ce n'est pas exact, parce que, si on me contredit puis j'ai tort, je vais être ravie d'accepter que j'ai tort – qu'on reçoit 29 % de tous les transferts, alors qu'on représente 24 % de la population. Bon, je ne veux pas me faire la porte-parole et la défenderesse, n'est-ce pas, des largesses d'Ottawa, mais il n'en demeure pas moins que ce programme, d'après les chiffres du ministre des Finances... le résultat cette année a été meilleur que prévu, de 1 000 000 000 $. Je ne pense pas me tromper en donnant ce chiffre-là, mais, peut-être, si je me trompe... C'était pour apporter un petit correctif; encore là, qu'on me corrige si je me trompe...

Le ministre des Finances, ce matin, a parlé que les projections qui sont faites au niveau de la croissance économique potentiellement seront de 3,1 %, potentiellement. Imaginons, n'est-ce pas, le gâteau. Imaginons que ça va très bien. Moi, j'aimerais savoir du ministre des Finances combien ça va représenter de plus d'argent? D'après mes calculs – évidemment, je n'ai pas tous ces experts qui travaillent pour moi – d'après mes calculs, du côté de l'enveloppe, ce serait plus de 1 000 000 000 $ de plus, presque...

M. Landry: ...

Mme Jérôme-Forget: 1 500 000 000 $ à peu près?

M. Landry: Si j'avais 3,1 %?

Mme Jérôme-Forget: Oui.

M. Landry: Ah! oui, oui. Ce serait beaucoup d'argent.

Mme Jérôme-Forget: 1 % de plus, ce serait beaucoup d'argent.

M. Landry: On aurait moins de péréquation, par exemple.

Mme Jérôme-Forget: Alors, la question, dans le fond, que je pose au ministre des Finances: Si on se dirige, pour suivre votre point et le point que je faisais, l'idée de regarder demain et non pas seulement hier – évidemment, c'est facile pour moi parce que je n'ai pas participé hier; alors, il est clair que je suis plus orientée vers l'avenir – si on peut imaginer des revenus de cette envergure, et c'est clair que ça va être plus haut que 2,1 %, et revenons au point que je faisais de l'impact de baisser les impôts, que le ministre des Finances reconnaît d'ailleurs dans son document qu'il nous a donné sur l'emploi, et non seulement sur l'emploi, mais sur les renseignements supplémentaires et le plan budgétaire, à l'effet que toute baisse d'impôts s'accompagne de création d'emplois – on le sait, ça; ça a marché ailleurs – est-ce qu'il compte revenir avant l'an prochain avec un budget – je ne sais pas comment on appelle ça, un budget à mi-chemin, un budget quelconque – pour baisser les impôts et profiter de la croissance économique? Le ministre des Finances a là une opportunité d'en profiter et de permettre justement à l'économie québécoise de prendre beaucoup plus d'envergure, de croître et de profiter de ce vent de richesse qui passe et qui ne durera pas éternellement – on le sait, ça – parce que l'économie américaine va commencer à chauffer à un moment donné.

Alors, essentiellement, mon point, M. le Président – je ne sais pas ça fait combien de temps que je parle; j'ai de la misère à saisir le temps – c'est: S'il y a plus d'entrées d'argent, est-ce qu'il n'y a pas lieu de s'interroger si on ne devrait pas faire quelque chose et supporter le point que je propose à l'effet de baisser les impôts pour en profiter?

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le ministre.

M. Landry: Voici des bonnes questions. On va essayer de répondre le plus techniquement possible et en essayant de nous faire comprendre.

D'abord, le 4 000 000 000 $. Le 4 000 000 000 $, c'est l'impact annuel, donc sur le budget de cette année, des mesures fédérales prises depuis 1982-1983. C'est donc la glissade dont vous avez parlé dans votre article au journal Les Affaires , dans ses résultats cumulatifs, annuels, récurrents. Alors, ça n'a pas toujours fait aussi mal. En 1994-1995, c'était moins 2. Alors, le député de Laporte, lui, il aurait essuyé moins 2. En 1995-1996, c'était moins 2,1. Mais là ça s'est mis à aller pas mal plus raide: moins 3,2, moins 4,1, moins 4,6, moins 4,9. Et, durant toute la période, c'est 32 000 000 000 $, 32 000 000 000 $ qu'Ottawa n'envoie plus à Québec depuis 1982-1983. Et puis cette année, bien, ça va être 4,3, 1998-1999, et, 1999-2000, ça va être 4,4. Ça fait un trou considérable. C'est un bouleversement des finances publiques au Canada. Surtout, comme la députée l'a dit dans son article, qu'ils veulent continuer à imposer des normes et puis qu'ils veulent continuer à tout réglementer. Pour la citer au texte, je pense qu'elle dit qu'ils veulent le beurre et l'argent du beurre. Hélas! c'est ça qu'ils veulent faire.

Quand elle nous dit: Est-il vrai que le Québec reçoit 29 % de tous les transferts avec 24 % de la population du Canada? la réponse, c'est oui. C'est oui. Cependant, dans les receveurs de transferts, c'est le Québec qui en reçoit moins par tête. Ça veut dire que ceux qui sont à l'ouest, à l'est de nous, en reçoivent beaucoup plus par tête, et dans l'ordre... je le dis par coeur, mais du simple au triple, hein. Du simple au triple. Donc, là, il y a le petit aspect injuste là-dedans. Un pauvre à Montréal-Est et un pauvre à Bouctouche, c'est un pauvre. Il y en a beaucoup plus par tête pour les pauvres de Bouctouche. Je n'ai rien contre eux d'ailleurs. J'espère qu'ils vont sortir de leur condition, comme ceux de Montréal-Est, le plus rapidement possible. Mais c'est ça.

Alors, là, on pourrait dire: Bien, de quoi vous plaignez-vous? On se plaint que depuis 1947 – je le redis – à tous les ans, on a eu de la péréquation. Depuis 1947, à tous les ans, ce qu'ils appellent la «province» de Québec, dans leur vocabulaire suranné, est une province pauvre. Et ça, c'est très humiliant, c'est très fatiguant. Est-ce qu'il y a quelqu'un autour de cette table qui est fier de dire à ses enfants ou à ses petits-enfants – moi, j'en ai qui sont assez vieux pour comprendre – : Tu sais, on habite une «province» pauvre. C'est glorifiant, hein: la haute technologie, l'aérospatiale, tout ça, c'est beau, mais tu es une «province» pauvre, ma petite fille ou mon petit garçon. S'il n'en tient qu'à leur grand-père, ça ne restera pas comme ça. Il y a une sacrée bataille à faire.

Pourquoi est-ce que, avec 29 % de tous les transferts, on reste une «province» pauvre? C'est parce que, dans ladite province, ils ne dépensent pas ce qui nous permettrait de gagner notre vie et de ne pas avoir besoin de leurs transferts. Je l'ai déjà dit souvent, les grands classiques – je les ai là, pas loin, ici... Voilà les grands classiques, je les répète. En 1996... J'ai la liste depuis des temps immémoriaux, mais je vous donne en 1996. Vous avez bien dit qu'on était 24 et des poussières de la population du Canada, on a eu 19,7 % des dépenses courantes en biens et services du gouvernement fédéral, en clair, les achats du gouvernement du Canada; 18 % des subventions fédérales aux entreprises. Alors, avec toute cette PME, puis les grandes entreprises, puis l'aérospatiale, puis Bombardier – «name it», comme on dit – on a eu 18 % des subventions fédérales. Puis on a eu 18,5 % des immobilisations et investissements du gouvernement fédéral, les bâtisses. Il me semble que c'est simple, bon sang! Le président du Conseil du trésor est un député du Québec, le premier ministre du Canada est un député du Québec, le ministre des Finances du Canada est un député du Québec. Comment se fait-il qu'à trois ils n'ont pas réussi à donner à leur «province» d'origine plus que 18,5 % des immobilisations, 18 % des subventions, 19 % des dépenses courantes? Et, si c'était juste cette année-là, bien, on dirait: C'est les libéraux fédéraux. On ne peut même pas dire ça. C'est le système.

(16 h 40)

Je pourrais réciter – je vous en fais grâce – la même litanie sur les trois postes depuis 1982. Il me semble que c'est simple, ça. Même mes petits-enfants peuvent comprendre ça. On vous envoie des chèques humiliants, perpétuellement humiliants, puis on ne vous permet pas de gagner votre vie. Si on dépensait simplement ce qui doit être dépensé au Québec, on n'aurait pas besoin de leurs chèques. Voilà tout le drame économique canadien, puis le drame socioéconomique canadien.

Et là je n'ai parlé que de chiffres, mais, si je parlais du normatif, je ne serais plus arrêtable. Je ne serais plus arrêtable, M. le Président. Vous allez m'arrêter avant.

Le Président (M. Simard, Richelieu): J'y arriverais quand même.

M. Landry: Oui, oui, je pense que vous y arriveriez. Est-ce que je vais être obligé de reconter l'histoire de la ligne Borden, un des grands scandales économiques du Canada contemporain, où ils empêchent les raffineries de Montréal de vendre à l'ouest de la rivière des Outaouais, même si on était bien placés, puis qu'on recevait le pétrole du Moyen-Orient à 2 $ le baril dans le temps, puis qu'on était dans une position concurrentielle énorme? À l'intérieur même d'une fédération, ils mettent une barrière tarifaire sur un produit vital, le pétrole, ça n'a pas de bon sens.

Les grands projets d'investissement, tout le monde sait que le gouvernement du Canada a payé largement l'équipement hydraulique... non, l'équipement électrique de l'Ontario, qui est nucléaire. Au Québec, on est à l'hydraulique à 90 %. On a tout payé ça de notre poche avec les revenus d'Hydro-Québec. En Ontario, ils leur ont donné les équipements nucléaires. J'ai parlé d'Hibernia ce matin. Le pétrole était à 10 $. Bien, il a remonté, là; il s'est raffermi, je pense, à 12,50 $ ou à 13 $. On ne fait pas d'Hibernia à 12,50 $ et à 13 $. Et pourtant les pompes fonctionnent, la plate-forme est en opération, tout le monde l'a vu à la télévision hier.

J'ai parlé ce matin – je n'en reparlerai pas – du fait qu'on a fait la «national policy»; John A. Macdonald, premier premier ministre du Canada, qui a érigé une frontière entre nous et nos marchés naturels, ce qui a probablement déclenché l'exode de la moitié de la population du Québec. Le député de Viger, il sait c'est quoi, l'exode. Il y a des villages italiens qui ont plus de leurs membres dans sa circonscription qu'il y en a dans le village en Italie en question. Pourquoi? Parce que le village ne pouvait plus faire vivre sa population. Ils sont venus tenter l'aventure socioéconomique nord-américaine. Mais savez-vous que la moitié des Québécois, la moitié, un sur deux pratiquement, entre 1867, date de la Confédération, et 1935, ont pris le chemin de l'exil, comme l'avaient fait les Irlandais, comme l'avaient fait les habitants du sud de l'Italie généralement, mais des fois d'autres régions?

Quand on préconise ce qu'on préconise comme réforme structurelle du Canada, ce n'est pas juste la culture puis la langue. Ce n'est pas simplement parce qu'on veut être à l'UNESCO, ce qui est une sacrée bonne idée d'ailleurs, soit dit en passant. C'est parce que, pour reprendre une phrase de George Washington, «there is no real favor from nation to nation». Et les Québécois forment une nation, les Canadiens des autres provinces en forment une autre, il y a les Aborigènes qui forment des nations, cela est vrai, et «no real favor from their nation to our nation». Et ce n'est pas parce qu'ils sont méchants, ils font simplement obéir à la règle inflexible que les nations servent d'abord leurs intérêts et participent au concert des nations et ajustent leurs intérêts aux intérêts des autres.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, M. le ministre. J'inviterais maintenant le député de La Prairie à prendre la parole.


Atteinte du déficit zéro

M. Geoffrion: Alors, M. le Président, je salue également votre élection. J'aurais aimé saluer notre vice-président. Bon, il est absent. Je salue également les membres de cette commission. Pour moi, c'est une première, une première aventure dans le domaine des commissions parlementaires. Je constate qu'il y a plusieurs dizaines d'années d'expérience alentour de la table, donc je me sens en très bonne compagnie.

Alors, un petit commentaire concernant le budget. Moi, j'ai lu et/ou écouté assez attentivement la plupart des interventions des députés de l'opposition et, évidemment, je ne partage nullement le pessimisme qui ressort de ces interventions-là. Je ne le partage pas parce que, moi, dans mon comté, qui, je vous le rappelle, est un des comtés les plus populeux de la Montérégie, donc de la province – on a 75 000 personnes qui habitent ce comté-là – il y en a 28 000 qui sont des jeunes de zéro à 24 ans, il y a 28 000 jeunes qui habitent, qui résident, qui étudient, qui vivent dans le comté de La Prairie, et une autre tranche – je vous donne ces statistiques-là pour bien camper le comté – de 24 à 35 ans, un autre 15 000, donc ce sont des gens qui sont très concernés par nos politiques sociales, qui sont très impliqués et qui, lorsque c'est le temps, vous passent les messages. Donc, depuis le dépôt du budget le 9 mars, je n'ai pas entendu ce pessimisme-là.

D'ailleurs, dans le journal local, il y a un petit sondage, évidemment qui n'a rien de scientifique, mais qui donne une très bonne indication, ce qu'on appelle un «vox populi». Sur le coin de la rue, les gens sont interviewés: Êtes-vous d'accord avec les décisions du ministre Landry? Je vous lis textuellement: «Il a fait ce qui était le plus important, soit le déficit zéro. C'est une première, on est sur la bonne voie.» Un autre citoyen de mon comté: «C'est très bien qu'on atteigne le déficit zéro, sinon ce sont nous, les jeunes, qui allons payer plus tard.» Un autre: «Le déficit zéro, c'est bon, mais c'est difficile. On ne peut pas tout avoir. J'ai confiance en M. Landry.» Et ainsi de suite. Donc, ça, c'est ce que j'entends, moi, dans mon comté.

Bien que ça fasse seulement quelques mois que je suis élu député, j'ai bien fréquenté, comme le ministre des Finances disait ce matin, depuis presque 10 ans ce comté et je connais bien les préoccupations de ces jeunes familles là. Donc, pour un nouvel élu, je pense et j'estime, je me sens tout à fait privilégié de démarrer cette carrière-là avec un tel budget. Pour moi, c'est un stimulant extrêmement intéressant, un puissant stimulant, je dirais, d'avoir ce budget-là en poche pour débuter cette carrière, et je pense bien que, depuis 40 ans, tous les élus qui sont passés en cette Chambre ne pourraient en dire autant. M. le ministre, vous parliez de M. Bourque, dont j'ai un vague souvenir, en 1959, mais 1959, vous savez, c'est l'inauguration de la voie maritime du Saint-Laurent, ça fait diablement longtemps qu'on n'avait pas connu un déficit d'opération à zéro. C'est donc une excellente nouvelle pour les gens du comté comme pour l'ensemble des contribuables québécois.

Donc, il faut aller sur le terrain – c'est le message que je voulais passer – il faut aller sur le terrain, il faut écouter nos électeurs, nos électrices, et je pense bien qu'ils sont satisfaits. Il y a beaucoup de choses à faire, qu'il faut améliorer, c'est bien sûr, mais je pense que c'est une nouvelle étape et je pense que, si on veut parler d'avenir, et je pense surtout aux jeunes du comté, l'avenir, ça passe surtout par ne pas revenir à nos vieilles habitudes en termes de déficit d'opération d'année en année. C'est le commentaire que je voulais vous laisser comme première. Je vais vous écouter attentivement. Je vais apprendre au fil des heures de cette commission, et je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci, M. le député de La Prairie. Est-ce que le ministre des Finances désire commenter ou est-ce que nous passons à une autre question?

M. Landry: Il n'y a pas de temps? Ce n'est pas l'intervention du député d'Abitibi?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Qui viendrait ensuite...

M. Landry: Qui viendrait après?

Le Président (M. Simard, Richelieu): Après.

(16 h 50)

M. Landry: O.K. Alors, le mot qui me frappe le plus dans ce qu'a dit le député, c'est «habitude». Nous sommes sortis là d'une mauvaise habitude, il ne faut plus y retourner. Et pour ne plus y retourner, on peut dire qu'il y a une loi, oui, il y a une loi, on a voté unanimement une loi à l'Assemblée pour interdire les déficits zéro ou, en tout cas, si jamais on est obligé d'en faire en raison d'une conjoncture déplorable, se refaire rapidement. En d'autres termes, appliquer vraiment la doctrine de Lord Keynes. Mais ce n'est pas une recette substantielle, c'est très formel, on a une loi qui l'interdit, mais il y a beaucoup de choses qui sont interdites par la loi que certaines personnes font quand même. Alors, il ne faut pas que notre personne collective, notre personne morale retombe dans les vieilles habitudes. Et, pour ça, ça va être une attention constante, une vigilance pour empêcher que le contrôle des dépenses soit perdu dans un secteur ou l'autre. Tous les fonctionnaires doivent être les plus imputables possible, comme les décideurs politiques, bien entendu. Chaque infirmier, chaque infirmière, chaque enseignant, chaque enseignante est responsable de ces ressources publiques qui sont données par les contribuables, qui sont payées par des gens à revenus modestes. Le gros des contribuables, c'est des classes moyennes, comme chacun sait.

Alors, nous sommes comptables de cet argent, au sens fort du terme, et, si on n'avait pas retombé dans les anciennes habitudes, bien, il faut que tout le monde, pas juste les fonctionnaires du Conseil du trésor, soit pénétré du fait qu'on ne doit pas jeter l'argent par les fenêtres. Et ça, j'espère que le message est compris puis qu'il est compris pour longtemps, parce qu'on n'a pas encore payé la dette, là. Toutes ces peines et tous ces efforts nous ont conduits au déficit zéro. La dette n'a pas été attaquée d'un iota par ces travaux; elle l'est par l'inflation, mais l'inflation est faible, alors petit ripage annuel, mais pas comme c'était autrefois. Autrefois, les gouvernements vivaient grassement par l'inflation, payaient leurs dettes en monnaie de singe. Mais là ce n'est plus ça. La monnaie, elle a une valeur à peu près constante à l'interne. Je ne parle pas du pouvoir d'achat, lui, décroissant du dollar canadien à l'extérieur qui est aussi une de nos composantes. Il faut payer une partie de notre dette à l'étranger avec un dollar faible.

Quand je vois le premier ministre du Canada dire que ce n'est pas grave, la monnaie faible, il rigole de ça, puis il dit que c'est bon pour les exportations, sauf que ce n'est pas bon pour nos voyages en Floride, voici une analyse pour le moins sommaire de la situation. Une monnaie faible, c'est très, très, très grave. Je n'ai jamais vu un pays s'enrichir avec une monnaie faible. C'est comme une hémorragie interne: au début, ça ne paraît pas, ça va bien... Tiens, pour prendre une autre image plus dramatique, c'est comme la drogue, hein; la monnaie faible, c'est comme la drogue. Au début, il paraît que ça va bien – je ne le sais pas, je ne l'ai jamais essayée – mais ça finit par la mort, par exemple. Alors, attention à la dette, attention à la monnaie faible, attention aux mauvaises habitudes. Et il faudra bien qu'un jour – le député de Rivière-du-Loup m'a posé la question à la Chambre l'autre fois, et, à son âge, je comprends qu'il pose la question – il faudra bien qu'un jour on pense même à attaquer la dette de façon frontale. Mais les priorités actuellement, c'était santé, éducation, baisse d'impôts.

Et je termine en commentant une chose que j'ai négligée dans la question de la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui est la question de faire rouler l'économie par la baisse des impôts. Je dois dire que je n'y crois guère. Je n'y crois guère. Je sais que c'est une position classique, libérale et voire néolibérale, c'est le «supply side». Pourquoi je n'y crois pas? Parce que le PNB du Québec, c'est à peu près 170 000 000 000 $. Si je baissais les impôts de 1 000 000 000 $, ça ferait un soixante-dixième. Alors, c'est comme quelqu'un qui gagnerait 340 $ par semaine, je dirais: Va relancer ton niveau de vie, voici 2 $. Il pourrait me dire, et il aurait raison, que mon raisonnement n'est pas parfaitement rigoureux parce qu'il y a un effet multiplicateur et accélérateur, O.K. Alors, tu gagnes 340 $ par semaine; ton niveau de vie va être relancé si je te donne 4 $. Il y a une question de proportion.

Et aussi, notre économie, une économie ouverte, et ça, c'est à la gloire du Québec, hein – le mot «protectionnisme», ni de votre côté de la Chambre ni du nôtre, n'est un mot qui a cours – une économie ouverte... Mais, comme il y a un bien durable fondamental pour tous les ménages qu'on ne fabrique pas, les automobiles, il y a une grande chance que ce qui a pu aider en Ontario n'aiderait guère au Québec parce qu'une grande partie de la dépense des ménages, c'est la bagnole. Alors, c'est ça, la limitation au «supply side» en ce qui nous concerne, et même pour de très grandes économies.

Vous savez que les Japonais ont essayé de relancer l'économie à plusieurs reprises, mais pas à coups de 1 000 000 000 $, à coups de 50 000 000 000 $ puis de 100 000 000 000 $, et puis ils n'ont jamais relancé rien du tout parce que la machine n'a pas répondu. Il faut que la machine réponde. Alors, je ne dis pas qu'il n'y aurait pas un petit effet intéressant, mais, si on baisse les impôts, ce n'est pas tellement pour des raisons macroéconomiques, c'est pour permettre au monde de souffler, pour permettre au monde qui a fait tous ces sacrifices de se voir rétribuer de ses efforts, pour permettre au monde de décider ce qu'il fait avec son argent plutôt que ce soit le ministre des Finances qui décide, qui dise: Si on veut acheter ceci, on l'achètera, puis, si on veut acheter telle autre chose, on le fera. C'est surtout ça qui nous motive à baisser les impôts plus que l'aspect macroéconomique qui, encore une fois, n'est peut-être pas négligeable, mais n'est pas déterminant.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Répartition des dépenses de recherche et développement au Canada

Mme Jérôme-Forget: Juste quelques petits points puis, après ça, je pense que ma collègue aura des questions particulières à poser. Le ministre des Finances parlait qu'un pauvre de Montréal-Est était aussi pauvre qu'un pauvre qui venait, par exemple, de Terre-Neuve.

M. Landry: Bouctouche, ce n'est pas à Terre-Neuve, mais en tout cas, peu importe.

Mme Jérôme-Forget: Mais, en tout cas, ailleurs, là où ils reçoivent plus d'argent. Mais un pauvre de l'Ontario, c'est la même chose. D'accord? Et pourtant cette province contribue, est un contributeur net aux transferts. Alors, quand on parle de problème de transfert ou de rééquilibre comme ça au niveau des revenus et de l'argent que l'on redistribue, je pense qu'on ne peut pas prendre un cas isolé d'un pauvre, effectivement, de Montréal-Est, parce que la pauvreté, c'est un drame partout.

J'aimerais revenir sur un autre point qu'a fait le ministre des Finances et je pense qu'il est très important. Le ministre des Finances nous donne une autre litanie au niveau de ce qu'on a reçu comme argent au niveau de la recherche et développement, les investissements, au niveau d'immobilisation, etc. Bon. Il s'avère que j'ai fait une étude sur ça, M. le Président, à un moment donné, et on a regardé justement plusieurs provinces et on s'est rendu compte qu'un des problèmes qui apportent une distorsion énorme au niveau de ces statistiques, c'est la présence d'Ottawa. Tout comme Québec, la ville de Québec où vous avez le parc gouvernemental, au niveau des dépenses gouvernementales qui tombent sous la juridiction de Québec par opposition à Montréal, vous avez le même phénomène. Alors, au niveau des immobilisations, recherche et développement, vous avez à Ottawa, notamment, des grands centres de recherche: centre médical de recherche... bon. Et donc, ça apporte une distorsion incroyable.

Je pense qu'il y aurait lieu d'examiner ce volet que je soulève, parce que, autrement, comme on taxe souvent l'opposition de faire de la démagogie, et je souhaite vivement de ne pas tomber dans ce piège – mais, à un moment donné, il faut appeler les choses par leur nom – on risque de pécher par excès dans l'autre sens. Et je pense qu'il y aurait lieu... Au niveau, par exemple, des transferts de la culture, je m'en rappelle, la Colombie-Britannique était très peinée de voir que la majorité de l'argent allait vers l'Ontario et le Québec. Mais c'est très simple, c'est parce que vous avez Radio-Canada qui se trouve principalement dans ces deux régions. Alors, c'est pour ça qu'il y avait une distorsion incroyable, alors que les gens de la Colombie-Britannique pourraient dire qu'ils ne reçoivent pas leur butin des transferts ou des dépenses gouvernementales.

Alors, c'étaient quelques points, M. le Président, que je voulais faire. Ma collègue, elle avait des questions spécifiques à poser. Je vais lui laisser poser des questions. Je reviendrai. De toute façon, on a encore toute une journée à se rencontrer. Alors, on pourra poursuivre.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Oui, on a encore six heures à partir de maintenant. Mme la députée de Beauce-Sud, à moins qu'il y ait un commentaire du ministre à ce moment-ci.

(17 heures)

M. Landry: Je pense que là il y a une chose très substantielle qui a été dite par la députée de Marguerite-Bourgeoys et qui est vraie au moins pour un des postes où nous sommes déficitaires et que je n'ai pas mentionné. Moi, j'ai parlé surtout dépenses, biens, services, immobilisation, subventions aux entreprises, mais, pour R & D en tout cas, c'est flagrant, ils ont tout mis à Kanata, et c'est une des raisons du déséquilibre. Mais le déséquilibre, il est grandiose, hein. Alors que j'ai bien dit ce matin, et je le redis: La capitale de la haute technologie au Canada, ce n'est pas Kanata, une banlieue d'Ottawa du côté ouest de la rivière des Outaouais, c'est Montréal, Québec.

Alors, ce qu'elle dit ajoute au scandale. Ce qu'elle dit ajoute au scandale parce que les forces vives de la R & D au Canada sont à Montréal. La technocratie fédérale dit: Non, par l'action du gouvernement du Canada, on va arracher à Montréal ce qu'elle a et on va le faire à Kanata. Et puis, malgré cela, ils n'ont pas réussi. Il fallait qu'on soit fort pour survivre. Ils ont réussi à drainer, je pense que c'est la moitié des dépenses de recherche et développement, et plus, du Canada vers l'Ontario, effectivement.

Attendez. De 1984 à 1995 – c'est long, ça – la part des dépenses fédérales de R & D effectuées au Québec n'a jamais excédé 20 %. Cette proportion est inférieure à sa part de la population, 25 %, du PIB, 23 % et des investissements scientifiques et techniques, 26 %. Les entreprises sont à Montréal, la recherche est à Montréal et les universités sont à Montréal: l'Université de Montréal, l'Université du Québec à Montréal, l'Université McGill, l'École de technologie supérieure, l'Institut d'aéronautique. Et, malgré tout ça, les fonctionnaires fédéraux pigeant dans nos poches à pleines mains mettent les dépenses de recherche et développement à Kanata, au nord d'Ottawa. C'est un scandale. Et, pour toutes les autres, vous me dites: Oui, mais la capitale est Ottawa. O.K. C'est ça, le problème, mais ce n'est pas admissible. Moi, je ne veux pas que mes enfants soient dans une province de BS parce qu'il y a une petite ville, qui s'appelait Bytown autrefois, dont ils ont voulu faire une grande capitale et qui ont dépensé mon argent pour la consolider en appauvrissant le Québec.

La députée a dit des choses qui nous plaisent énormément, M. le Président. C'est ça, le problème. C'est ça, le problème: les technocrates fédéraux ont puisé dans les forces vives de notre nation pour créer un nationalisme, un «nation building process» artificiel dans une petite ville à l'ouest de la rivière des Outaouais et ils ont produit la catastrophe qui est inacceptable pour nous et pour les générations futures. À Hull, qui devrait pourtant être dans cette région, même là j'ai lu un rapport ces jours derniers encore disant – puis le président est expert, il vient de cette région-là, puis il a été ministre responsable de la région – qu'ils n'ont même pas réussi à donner à Hull sa juste part des dépenses de fonctionnement du gouvernement du Canada.

Une année, on a failli avoir notre juste part des dépenses militaires. Le ministre de la Défense s'appelait Marcel Masse, Lucien Bouchard était membre du gouvernement, et d'autres qui sont aujourd'hui bien consolidés dans l'idée québécoise comme Monique – comment s'appelait-elle? – Monique?

Une voix: Vézina.

M. Landry: Vézina. Bien, ils ont donné un gros contrat au Québec. On aurait eu, pour une fois, avec les hélicoptères, notre juste part. Les libéraux sont revenus au pouvoir et ils ont annulé le contrat. Alors, vous l'exprimez bien, le drame socioéconomique Québec-Canada. Que ce soit à cause de la capitale ou à cause de ce qu'on voudra, ils nous empêchent de gagner notre vie, puis ils nous envoient des chèques de BS. En tout respect d'ailleurs pour le BS, parce que le BS, c'est une des plus belles choses entre individus dans une société que l'on puisse faire: des gens provisoirement en détresse comptent sur les autres pour vivre une vie décente, digne et honorable. Mais, quand ça s'applique à un peuple et que c'est durable et institutionnel et que ça ne change jamais depuis 1947, là ce n'est plus la dignité, ce n'est plus la solidarité canadienne là, c'est le dommage canadien fait au Québec. Et non pas par méchanceté encore une fois, parce que je n'embarque pas dans ces questions de ressentiment, c'est une question de fonctionnalisme politique et de fonctionnalisme historique.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme la députée de Beauce-Sud... Oui, c'est vrai, je vais respecter, comme on l'avait indiqué, l'alternance. On reviendra après le député d'Abitibi-Ouest.


Incidence des choix budgétaires sur la cote du Québec

M. Gendron: Alors, M. le Président, chers collègues membres de cette commission également, puisque c'est la première fois qu'on se voit ensemble, du moins autrement qu'en séance de travail, je voudrais saluer les membres de cette commission.

J'ai eu l'occasion, peut-être pas autant que je l'aurais souhaité, mais d'être très attentif aux propos de la critique de l'opposition officielle, la députée de Marguerite-Bourgeoys – c'était intéressant de l'entendre – en souhaitant que nous ayons l'occasion ici de travailler tournés vers l'avenir, de travailler avec des propos très optimistes, très positifs vers demain – et je suis sûr qu'elle ne parlait pas du journal créditiste – des propos stimulants, nobles. Sincèrement, c'était intéressant d'entendre ça. Et je suis porté, moi, à faire confiance aux parlementaires qui arrivent et qui sont moins colorés que d'autres de cette partisanerie qui nous colore ou qui colore nos propos, malheureusement.

Elle a dit des choses intéressantes qu'il y aurait lieu de fouiller davantage. Elle a expliqué que, si ça avait été elle qui avait eu la responsabilité, possiblement ça n'aurait pas été les mêmes choix. À certains égards, ça se défend parce que c'est une question de perception, c'est une question de connaissance exacte de l'ensemble des éléments qui ont prévalu pour faire le choix A plus que B.

Il y a quand même quelque chose, moi, sur quoi je veux revenir, et c'est plus un commentaire. Pour être frontalier avec l'Ontario, pour vivre à côté de l'Ontario depuis des années, quand je l'entendais, la critique, très correctement dire: On devrait, dans un premier objectif à atteindre – et elle allait plus loin – c'est de viser la parité avec l'Ontario sur le plan de la fiscalité des particuliers, et ainsi de suite, moi, je n'ai jamais de trouble avec cette réalité de vouloir améliorer la fiscalité des particuliers quand on sait... Et là je fais juste un aparté. Je trouvais ça correct aussi, avec quand même un peu de surprise, mais, après 23 ans, on a l'habitude de voir ces répondeurs automatiques, l'autre côté, qui reprenaient tous à peu près le même discours en disant: Ça n'a pas de bon sens – je parle des gens de l'opposition – que le ministre des Finances n'ait pas touché à la fiscalité des particuliers, en sachant très bien qu'ils décrivaient, pour la plupart, le document produit par le ministre des Finances en disant: On a rarement vu un document aussi de qualité. Bien sûr qu'il était accompagné des spécialistes qu'on a au ministère des Finances, et vous l'avez souligné, il y a quand même des ressources là, qualifiées, compétentes, importantes. Mais, moi, je dis toujours en mots simples: Ça me surprendrait, moi, qu'il y ait un ministre qui soit capable, dans une brochure, de décrire aussi correctement un phénomène qui ne doit pas perdurer dans le temps et ne pas croire qu'il a tout aussi envie que moi d'y trouver des solutions dans le temps qui permettraient de réduire cet écart qui n'a pas de bon sens.

Là où j'ai de la misère à vous suivre, c'est que... Je vous connais un peu de nom, d'écriture, puis de passé historique. Vous savez tout ça à peu près autant que nous, les mêmes réalités, et que, si le gouvernement du Québec, dans le dernier budget, a fait le choix – puis je vais revenir à quelques questions – d'une part, de respecter ses engagements électoraux, ce qui n'était pas l'habitude des gouvernements sur une base historique... C'est un peu moins notre cas. Nous, notre cas, nos grands engagements depuis 1976: On va faire l'assurance automobile, on l'a fait; on va faire le zonage, on l'a fait; on va faire la loi 125 sur l'aménagement du territoire, on l'a fait; on va faire une loi sur la protection du consommateur, on l'a fait.

Puis là on avait dit, il y a trois, quatre ans: L'espèce de saccage dont on a hérité des finances publiques... Parce que, à un moment donné, les mots, il ne faut pas en avoir peur. C'est un méchant drame de savoir qu'on arrive au gouvernement puis le déficit est à la hauteur de 6 000 000 000 $, puis vous êtes perçus, pour toutes sortes de raisons de marketing, comme étant les spécialistes des finances publiques. Alors, je ne sais pas si vous avez mis tout le déficit dans le marketing pour faire accroire à la population que vous étiez des bons gestionnaires, mais c'est lamentable, la gestion que, vous, vous avez faite les neuf dernières années. Je suis obligé d'en parler. Puis, moi, ce n'est pas parce que je n'aimerais pas parler juste du futur, mais j'ai un petit problème, j'ai hérité d'un gros paquet, puis le gros paquet, il n'est pas beau à voir et il a obligé le gouvernement à prendre des décisions difficiles, radicales. Et je ne peux pas ignorer ça, moi.

Et là je reviens au point que je veux faire. Moi, la parité avec l'Ontario, si je ne suis pas dans les mêmes conditions puis que je connais tous les avantages que l'Ontario a toujours eus sur moi, mais pour des raisons parfois externes à sa réalité de gestion ou de décideur de premier ministre... Et mon collègue le ministre des Finances, il a fait un bon petit bout tantôt – je ne le reprendrai pas tout de suite – quand il a parlé de la R-D pour nos chiffres, mais je pourrais parler longuement de la R-D qui a atterri dans la cour de l'Ontario, dû au gouvernement fédéral, et, en simple, je suis convaincu que vous savez ça. Un des gouvernements qui apprécient plus cette espèce de fédération canadienne qui n'en est plus une sur le plan de la réalité objective, c'est le gouvernement de l'Ontario. C'est évident. Il faudrait avoir pas mal d'épaisseurs de bandeau dans le visage pour ne pas avoir un minimum de reconnaissance que ce gouvernement fédéral, avec toutes ses composantes, a bien servi l'Ontario au chapitre de la R-D, et ainsi de suite. Puis là vous avez ajouté: Il serait important, nous, qu'on fasse les choses différemment. Puis là vous avez parlé de virage: Il serait important qu'on fasse un virage. Puis c'était tout positif. Puis là vous avez parlé qu'il ne faut pas manquer de virage. Et là je m'arrête très précisément.

(17 h 10)

Étions-nous correctement, M. le ministre, en mesure de poser un geste significatif de réduction des impôts des contribuables, sachant que les seuls gestes qu'on aurait pu faire, avec les engagements qui avaient été pris, et ça, ça veut dire respecter notre parole, ça veut dire développer notre crédibilité, notre crédibilité comme gouvernement, pour que, quand je lis, par exemple – puis ça va être simple – un article de journal qui dit: «Le fardeau fiscal sera vraiment réduit l'an prochain», il ne faut pas qu'il y ait de doute là-dessus. Il ne faut pas qu'il y ait de doute là-dessus. Et, moi, je suis prêt à acheter la problématique du budget de cette année à la condition que, après avoir réalisé les engagements qu'on avait dit qu'on prendrait: on règle le zéro – c'était vraiment une préoccupation collective qui a été débattue en sommets, en colloques et en efforts de tout le monde... On ne peut pas avance-recule, avance-recule. Moi, je l'ai trouvée dure, cette étape-là, mais on l'a faite. Puis on ne l'a pas faite tout seuls. Puis, après ça, on dit, dans un engagement ferme: On va remettre de l'argent dans la santé, dans l'éducation et un peu dans l'emploi – parce que ça passe par l'emploi – puis, après ça, on va essayer de vous en laisser plus dans votre poche. Parce que j'achetais très, très bien l'espèce de relation que la critique faisait entre l'image que moins il y a d'intermédiaires entre l'argent qui est à un endroit et qui est transféré dans l'autre, si on peut réduire les intermédiaires... autrement dit, en termes clairs, si on laisse l'argent et plus d'argent dans la poche des citoyens et des citoyennes du Québec, règle générale, ils vont faire un peu plus qu'avec toutes sortes de mécanismes de l'État ou de tiers qui viennent atténuer l'impact de cet argent-là.

Mais, moi, le point, M. le Président, puis je vais finir, quand le ministre va revenir, avec deux, trois questions liées là-dessus, c'est cette comparaison avec l'Ontario en termes de parité sur la fiscalité. Je crois que l'opposition sait comme nous qu'on la veut tout autant qu'eux. Mais on ne pouvait pas se permettre de faire le généreux avec de l'argent de Monopoly que tu n'as pas. Quand Mike Harris a promis qu'il baisserait les impôts, il savait que sa situation d'endettement, même si, en chiffres, ça pouvait apparaître élevé, je parle de la dette cumulée et son déficit, il pouvait le pelleter, puis il n'y avait pas de conséquences.

Et là j'arrive à un point – quand le ministre va arriver, la question va être plus précise – mais j'arrive à un point, qui m'a toujours chagriné, avec vous autres, votre gestion, les cinq décotes. Une décote, quand ça vaut 500 000 000 $ la fois, quand on se fait décoter et que ça coûte 500 000 000 $, c'est assez irresponsable. Donc, moi, je prétends que ce n'est pas parce que le ministre des Finances, puis le gouvernement du Parti québécois, puis les collègues, nous, là, une baisse des impôts des contribuables, on fait une jaunisse avec ça puis on a une aversion contre ça. C'est strictement que, nous, on pense, Mme la critique et Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, que ce n'est pas un virage qu'on a raté. C'est un virage qu'on ne va pas prendre à ce moment-ci. Parce que, pour prendre certains virages, ça prend le bazou adéquat. Ça prend le bon bazou, ça prend le bon char ou le bon chemin. Si l'accotement est trop mou, tu prends un virage, tu peux mal le prendre. C'est une image, bien sûr. Et, moi, j'ai la certitude que... si on avait posé les mêmes gestes qu'on a posés, oui, déficit zéro rapidement, plus d'argent en santé, plus d'argent dans l'éducation, M. le ministre, là, je vous interpelle pour un commentaire; c'est un peu ça, ma question: Est-ce que vous ne croyez pas que, là, on aurait un problème de crédibilité parce qu'on aurait manqué à notre parole? Première question. Deuxièmement, est-ce qu'on n'aurait pas mis en danger la cote du Québec par des choix budgétaires qu'on n'avait pas les moyens de se donner? Ça, c'est une question précise. Moi, ça me préoccupe, ça, les choix budgétaires. Puis, quand vous allez faire votre... vous appelez ça, je pense, le «road show»?

Une voix: ...

M. Gendron: Bon. Moi, je vais appeler ça tout court «votre show», là. Mais ce n'est pas pour vous, là, je sais c'est quoi. Bon. Vous êtes revenu, puis ça a l'air qu'on est crédibles. C'est important, ça. Alors, moi, ma question précise: Y avait-il cette fois-ci danger, à deux égards: un, de perdre une certaine dose de crédibilité si, rapidement, on avait essayé de tout bouffer dans les choix budgétaires, c'est-à-dire, et nos engagements électoraux – puis vous savez c'est quoi, je ne les répète pas – et, en même temps, arriver avec un danger de décote qui nous aurait encore recalés dans la position que j'ai trop longtemps vécue? J'aimerais ça avoir vos commentaires.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Considérons que la question est complétée.

M. Gendron: J'aimerais ça avoir vos commentaires là-dessus.

M. Landry: Oui. Le député, qui travaille dans cette Assemblée depuis plusieurs années, a bien décrit l'enchaînement meurtrier qui a amené le Québec à être décoté six fois – six fois – par les agences de cotation au cours du précédent mandat: une fois par Standard & Poor's, en 1993, de AA moins à A plus; deux fois par Moody's, de AA-3 à A-1, en 1993, et de A-1 à A-2, en 1995; une fois par Dominion Bond Rating Service, de A high à A, en 1993; puis deux fois par Canadian Bond Rating Service, de AA à A plus, de 1992, et de A plus à A, en 1994. Tout ça, pour les non-spécialistes, c'est-à-dire l'immense majorité de la population, ça peut avoir l'air incongru puis de dire que c'est les agences qui mènent les finances publiques.

J'ai déjà raconté souvent qu'un de mes amis issu de l'immigration, qui est né en Haïti et qui vit à Montréal, me disait, suivant le proverbe haïtien: Il ne faut pas injurier les caïmans avant de traverser la rivière . J'ai trouvé que ça illustrait bien que, quand tu dois 100 000 000 000 $ de dettes, tu dois être poli avec tes créanciers. Et les créanciers, ils n'ont pas de coeur. Ce n'est pas parce qu'ils détestaient les libéraux qu'ils les ont décotés six fois, c'est parce qu'ils ont mis les données dans l'ordinateur et ils ont vu que, quand on dépense tant, qu'on gagne tant et qu'on a tant de dettes, on devient un risque financier de plus en plus dramatique. C'est exactement ça qui est arrivé.

Et c'est facile. Mettez-vous à la place des créanciers du Québec qui se font dire, en 1990-1991, par le ministre des Finances: Le déficit va être de 1 700 000 000 $, et qu'il est de 2 800 000 000 $ en réalité. Ils se font dire, en 1991-1992, qu'il va être de 3 400 000 000 $; il est de 4 100 000 000 $. Ils se font dire, en 1992-1993, qu'il va être de 3 700 000 000 $; il est de 4 900 000 000 $. Ils se font dire, en 1993-1994, qu'il va être de 4 100 000 000 $; il est de 4 800 000 000 $. Puis ils se font dire, en 1994-1995, qu'il est de 4 400 000 000 $; puis il est de 5 700 000 000 $. Crédibilité du Québec, nulle. Décote et redécote, avec des centaines de millions, effectivement, de dollars de taux d'intérêt à payer en plus.

Là intervient ce que le député a appelé le «road show», puis j'espère que je vais trouver un meilleur nom pour ça. Parce que c'est vraiment dans le sabir anglo-saxon de la finance. C'est comme ça que ça s'appelle: «road show». Quand j'ai été nommé aux Finances, après le premier budget, j'ai été condamné, parce que c'est un vrai pensum à faire, ce «road show». Là, il faut se présenter devant des financiers, à New York, à Boston, à Zurich, à Francfort, à Tokyo, des gens qui nous regardent comme si on était des moins que rien, hein, parce que ça fait quatre fois de suite, cinq fois de suite que le ministre des Finances du Québec, mon prédécesseur, vient de leur dire des chiffres qui ne se sont jamais réalisés.

Je vais vous raconter une chose, ça a failli faire un incident diplomatique. Les fonctionnaires des Finances s'en souviennent. C'est à Zurich, lors du premier «road show», dans une rencontre où un banquier suisse a dit que nous étions un marché émergent. Ça, ça veut dire un pays du tiers-monde. C'était très choquant. Le banquet a failli ne pas finir ou finir d'une façon dramatique. Mais c'est dire où est-ce qu'on en était. Alors, là, on dit: Non, non, c'est fini, c'est fini. Ha, ha, ha! C'est comme ce qu'on entendait dans les tavernes à 23 heures: C'est la dernière.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Oui. Alors, on a été obligés d'aller dire aux Allemands, grands amateurs de bière: C'est la dernière. Mais, la première fois, ils ne nous ont comme pas crus. La deuxième fois, quand ils ont vu la pente, parce qu'on est partis 6, après ça 4, 3,2, 2,2, 1,2, 0, mais là le 1,2, on l'a sauté, ça a été 0,0... En tout cas, tout ça pour dire que la crédibilité a remonté d'une fois à l'autre, et là on s'est mis à être payés pour nos efforts, littéralement payés, parce que ce qu'on appelle l'écart des taux d'intérêt, le fameux «spread», toujours pour prendre le sabir anglo-saxon de la finance, c'est les écarts entre Québec et Canada, les obligations du Québec et les obligations du Canada, il s'est mis à se rétrécir. Et puis, lors du dernier budget, dans les 24 heures qui ont suivi, on avait gagné... C'est ça, le 8 mars, à la fermeture, les écarts Québec-Canada, 46,1, et, le 9 mars, à la fermeture, 42,5. Alors, j'espère qu'on s'est expliqué assez clairement et que la députée de Marguerite-Bourgeoys comprend ça, sûrement, elle a écrit, elle a étudié sur ces choses-là, puis la plupart des personnes présentes dans cette salle aussi. Sauf que, pour ceux et celles qui nous écoutent à la télévision, c'est très important de savoir que, si on n'avait pas fait ce qu'on a fait, entre 46 et 42, c'est de l'argent jeté dans le fleuve, c'est de l'argent d'intérêts payés en trop parce que les gens n'ont pas confiance en nous, qui ne va pas à la santé, qui ne va pas à l'éducation, qui ne va pas à l'aide sociale et qui ne va pas à toutes les autres missions de l'État. Donc, il est important qu'on rétablisse la crédibilité, et on a réussi à le faire.

(17 h 20)

Le gouvernement du Canada aussi, remarquez, mais ça a été beaucoup plus dur pour nous que pour eux. Parce que le gouvernement du Canada, il est passé à déficit zéro essentiellement en annexant la caisse de l'assurance-chômage, comme si, nous autres, on prenait la caisse de l'assurance automobile puis on fourrait ça dans... ou si on prenait la caisse de l'assurance-accidents du travail puis on faisait la même chose.

Je dois rendre hommage quand même au gouvernement du Canada qui, lui, a fait un effort sur la fonction publique, cela est vrai. Là, ce n'est pas de la fantaisie, ils ont vraiment épargné aux dépenses de salaires, et on peut les féliciter pour ça. Mais, pour le reste, ils l'ont eue belle, quoi, ils l'ont eue facile; tandis que, nous, il a fallu faire une bataille de tous les jours.

J'ai donné les écarts d'une journée sur l'autre, je vais les donner de 1990-1994, écarts de rendement des obligations 10 ans Québec par rapport aux obligations du gouvernement fédéral. En 1994, il y avait un écart de 86 points de base et, le 22 mars 1999, cet écart avait été coupé de moitié, il était rendu à 41. Donc, la rigueur paye non seulement en dignité mais en argent. Et le prochain, qu'il soit Suisse, ou Japonais, ou Belge, qui va me dire qu'on est un marché émergent, il n'est pas sorti du bois.

M. Gendron: Probablement que les collègues accepteraient, M. le Président, une seule question de chiffres: Comment vous pensez que ça coûte, les quatre, cinq décotes qu'il y a là? Ça a coûté quoi, là, en argent jeté à la rivière?

M. Landry: Votre chiffre était à peu près bon, là, au minimum 500 000 000 $.

M. Gendron: Voilà! C'est important.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci. Maintenant, la députée de Beauce-Sud.


Taxe de vente sur les véhicules automobiles

Mme Leblanc: Merci. J'ai plusieurs questions très précises qui concernent la taxe de vente sur les véhicules automobiles, une première qui va toucher plutôt l'évitement fiscal, à savoir qu'est-ce qui en est au juste, la deuxième qui va toucher la détaxation des véhicules automobiles achetés pour être fournis de nouveau, et la troisième qui va concerner la perception de la taxe par la SAAQ à l'égard de la vente au détail des véhicules automobiles.

Alors, dans le budget, on voit que c'est afin de contrer un phénomène important d'évitement fiscal dans le secteur de la vente de véhicules que des modifications sont annoncées. Je voudrais savoir au juste comment se faisait cet évitement fiscal là?

M. Landry: Je vais demander au sous-ministre associé, M. Jean St-Gelais, qui est le grand spécialiste de toutes ces questions-là.

Le Président (M. Simard, Richelieu): On va tous accepter qu'il y ait plusieurs questions et réponses techniques. S'il vous plaît.

Mme Leblanc: Oui, parce que...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Absolument.

M. Landry: Là, c'est des questions très pointues, puis on a le meilleur expert au Québec sur la question.

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. St-Gelais, bienvenue à notre commission.

M. St-Gelais (Jean): Bonjour. Jean St-Gelais, ministère des Finances. Essentiellement, dans les véhicules automobiles, l'évitement fiscal qu'on a constaté avec le ministère du Revenu, et le ministère du Revenu nous a alertés à la chose, était à l'effet que des gens qui voulaient faire de la fraude, frauduleux, allaient acquérir des véhicules automobiles auprès de concessionnaires et exigeaient en échange le remboursement de la taxe sur les intrants, la taxe de vente, auquel ils ont droit, et puis revendaient l'automobile. Mais eux, ces gens-là qui étaient frauduleux – on appelle ça souvent une coquille, une entreprise qui était une coquille vide – ne remettaient jamais les impôts au ministère du Revenu sur la vente qu'ils avaient faite et ils avaient obtenu, en plus, un remboursement de la taxe sur les intrants du concessionnaire qui leur avait vendu l'auto. Et, lorsque le ministère du Revenu essayait d'obtenir le versement de la taxe par cette entreprise-là qui n'existe pas, il se rendait compte que c'était quelqu'un qui était en faillite ou quelqu'un qui n'avait pas les moyens de payer... Bon, il pouvait les poursuivre en cour, mais l'argent n'est pas là.

Et il y avait toutes sortes de systèmes comme ça qui étaient imaginés avec des personnes à faibles revenus, à l'aide sociale, qu'on ne peut pas aller chercher. On savait que ce n'était pas eux qui étaient à la source du problème, mais ils étaient comme utilisés pour faire ça. Alors, on nous a fait part aussi qu'il y avait des gens qui étaient associés au crime organisé, ce qu'on avait vécu dans le cadre du tabac sur les réserves autochtones, et tout ça, qui étaient dans ce trafic-là aussi, et ça mettait les concessionnaires automobiles en difficulté. Ils ne pouvaient pas refuser de vendre à ces gens-là. Ils ne pouvaient pas présumer que c'étaient des fraudeurs lorsqu'ils allaient acheter un véhicule automobile. Et, après maintes pressions de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec, le ministère du Revenu qui nous a alertés à ça, on a recommandé au ministre de faire en sorte que, lorsqu'il y a une vente de véhicule automobile pour une revente, les taxes soient prélevées lors de l'immatriculation à la Société de l'assurance automobile du Québec, de sorte que, là, on pense que ça va être étanche. Et la Société de l'assurance automobile met en place les systèmes informatiques actuellement pour être capable de le faire dans les meilleurs délais.

Mme Leblanc: J'ai de la difficulté à saisir pourquoi la société en question, qui était une coquille finalement, qui n'existait pas, comment elle faisait pour ne pas rembourser, puisque, de toute façon, quand elle acquérait le véhicule, elle payait la taxe. Le concessionnaire automobile, lui, redemandait la taxe sur ses intrants, mais il la payait au départ sur la facture. Il la payait.

M. St-Gelais (Jean): Oui. Lors de la vente d'un véhicule automobile à une entreprise qui l'achète pour la revendre, l'acheteur du véhicule automobile peut se prévaloir de ce qu'on appelle l'autocotisation. Donc, ce qu'il dit au vendeur, c'est: Je vais le revendre, moi, mon véhicule automobile, et je vais m'autocotiser, c'est-à-dire, je vais me prendre le remboursement automatiquement.

Mme Leblanc: O.K.

M. St-Gelais (Jean): Et, lorsqu'il vend l'automobile à quelqu'un d'autre, là il doit remettre la taxe au ministère du Revenu. Et cette opération-là dans le temps, ce n'est pas les mêmes périodes. Alors, il s'assure qu'il vend l'automobile, il obtient l'argent du contribuable qui a payé l'automobile et, lorsqu'il vient pour payer ses impôts et taxes au ministère du Revenu, là il manque quelqu'un dans la chaîne. Il y a cinq ou six différents montages comme ça qui nous ont été présentés par le ministère du Revenu. On pourrait, si vous le souhaitez, donner des détails là-dessus. Je ne les ai malheureusement pas avec moi ici aujourd'hui, mais...

Mme Leblanc: Si l'occasion vous est donnée, j'aimerais regarder ça attentivement.

Une voix: Demain.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Peut-être que demain, M. St-Gelais, vous pourriez apporter ces détails.

M. St-Gelais (Jean): Sûrement, on peut les amener.

M. Landry: Surtout que ça ne peut plus servir de mauvais exemple, on a bouché le trou. Avant ça, ça aurait pu être plus délicat; on vous aurait donné les recettes pour frauder l'impôt.

Mme Leblanc: Exactement.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: Concernant la détaxation des véhicules automobiles, on a vu que c'était pour l'évitement fiscal finalement. On a décidé que cette disposition-là s'appliquait seulement aux vendeurs de véhicules automobiles qui revendent ou qui louent pour moins d'un an. Et je me demandais, au même titre que... C'est parce que j'ai eu des représentations du Regroupement des loueurs de véhicules du Québec qui, eux, représentent les compagnies de location à court terme au Québec. Alors, la disposition nouvelle va leur causer un certain préjudice. Je vais vous expliquer un peu ce qui en est.

Donc, suite au dépôt du budget du 9 mars, la semaine dernière, les nouvelles dispositions vont faire qu'un acquéreur qui achète un véhicule uniquement pour le vendre ou le louer pour une période d'un an et plus n'aura pas à payer la TVQ lors de l'acquisition du véhicule. Bon. Alors, la compréhension avec les loueurs de véhicules à court terme ne semble pas être incluse dans cette catégorie d'acquéreurs, qui est détaxée, puisqu'ils achètent des véhicules pour les louer pour normalement une période de moins d'un an.

(17 h 30)

Alors, si ce qu'ils pensent est confirmé, cette nouvelle disposition-là aurait un effet négatif sur le fonds de roulement de ses membres. L'industrie loue majoritairement des véhicules neufs. Ces véhicules servent à la location durant une période approximative de six mois et sont vendus après utilisation presque exclusivement à des commerçants licenciés et aux enchères. Alors, ils ont aussi des programmes achat-rachat, qui sont négociés avec les plus grands manufacturiers automobiles, et ces programmes font en sorte que les manufacturiers automobiles les rachètent à un prix prédéterminé, les véhicules qu'ils avaient préalablement vendus. On estime que la flotte de véhicules qui sont achetés à chaque année par les loueurs de véhicules est de 50 000, par année. Ça représente quand même des sommes importantes. Alors, il y aura un effet négatif sur le fonds de roulement, qui va provenir du fait que dorénavant les loueurs de véhicules devront payer la TVQ au moment de l'acquisition du véhicule. Mais, comme ils n'encaisseront plus de TVQ à la vente, ils vont se retrouver en situation où ils vont devoir attendre après le ministère du Revenu pour récupérer cette taxe-là. À l'heure actuelle, selon l'expérience qu'ils en ont, ça peut représenter 90 jours facilement pour obtenir un remboursement de la taxe, alors qu'auparavant ça se faisait automatiquement sur achat-vente. Alors, ils récupéraient d'une façon beaucoup plus simple. Cette disposition-là va avoir des impacts très importants sur ces loueurs de véhicules là. Alors, ils sollicitent votre appui, M. le ministre, pour modifier les nouvelles dispositions de la loi afin que l'industrie de location de véhicules à court terme soit incluse dans la détaxation. Et la question que je vous adresse est: Y a-t-il moyen, oui ou non, de les inclure? Et, si non, pourquoi?

M. Landry: Ça, on peut regarder ça. C'est un cas particulier. Nous, ce qu'on veut, c'est empêcher que des taxes soient évitées, mais, si un groupement de bonne foi nous démontre qu'on peut, par diverses mesures d'assouplissement, leur rendre la vie plus facile, on va regarder ça avec grand plaisir. C'est notre devoir de le faire.


Document déposé

Mme Leblanc: Voulez-vous que je vous dépose la lettre en question du...

M. Landry: Oui. C'est probablement déjà arrivé chez nous aussi, mais au cas ou... pour aller plus vite, vous pouvez nous la déposer, puis on va faire... Maintenant que le budget est fait, c'est plus facile pour nous de rencontrer des groupes particuliers qui, par une mesure globale, auraient pu être écorchés par le côté. On va regarder ça de près.

Il faut dire que ces locateurs d'automobiles ont bouleversé un peu notre façon de collecter la taxe de vente, parce que la location est devenue la règle. Avant ça, on touchait la taxe le premier jour, puis là on la touche sur la durée du véhicule. Alors, la première année, ça nous a causé une surprise, on n'avait pas vu venir le coup. Alors, on a eu un gros trou dans nos rentrées de taxe de vente quand les moeurs ont changé, puis on a fini par s'adapter, parce qu'à la fin de la course ça revient au même. Alors, avec ces gens-là, on pourrait regarder ça de près.

Mme Leblanc: Est-ce que, M. le ministre, on peut s'attendre à ce que la question puisse être regardée, peut-être même modifiée, en cours d'année ou si on devra attendre...

M. Landry: Ah! Absolument. Le ministre des Finances a le pouvoir de faire des déclarations ministérielles et, quand la Chambre ne siège pas, d'émettre des directives fiscales si c'est dans l'intérêt d'un bien commun et dans l'intérêt du contribuable, et on le fera avec joie s'il y a quelque chose à faire.

Mme Leblanc: Parfait. Merci.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Vous avez une autre question technique? Parce que ça fait déjà pas mal de temps, mais je vous laisse une dernière question si elle est courte.

Mme Leblanc: O.K. Alors, la deuxième question concerne la perception de la taxe par la SAAQ à l'égard de la vente au détail de véhicules automobiles. Il y avait plusieurs questions là-dedans, mais, entre autres, il y en a une où on a de la difficulté. On a examiné ça avec des fiscalistes. On avait de la difficulté à déterminer quel était un véhicule automobile aux fins du présent budget. On nous rapporte, à un moment donné, au Code de la sécurité routière, l'article 4; à un moment donné, on nous rapporte, je pense, à l'article 1. Et on voulait savoir c'est quoi les... L'article 1 traite, par exemple, des voies publiques. Quelles sont les voies publiques? La question touche: Est-ce que les VTT, les motoneiges sont inclus dans ce genre de véhicules automobiles là ou non?

Le Président (M. Simard, Richelieu): M. le sous-ministre.

M. St-Gelais (Jean): ...vous dire, bien franchement, je ne le sais pas. On peut vous répondre rapidement à ça, demain. On va vérifier au bureau avec les fiscalistes, sur le plan technique...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Donc, vous nous apporterez une réponse.

M. St-Gelais (Jean): ...la définition de «véhicule automobile» pour les fins de l'application de la mesure, qu'est-ce qu'elle est exactement. Sans trop vouloir m'avancer, ce que je pense qu'on a voulu exclure, c'est vraiment les gros, les camions qui coûtent très cher. On ne veut pas s'assurer que des gens qui profitent actuellement de ne pas avoir à payer la taxe lors de l'achat – parce qu'elles peuvent avoir des remboursements, les entreprises, là – on n'a pas voulu s'assurer qu'ils aient des problèmes de cash flow, les gros, gros véhicules. Mais la définition exacte, là...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Donc, nous prenons pour acquis que demain il y aura une réponse technique à cette question.

M. St-Gelais (Jean): Oui.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Si vous permettez...

M. Landry: Si c'est possible techniquement.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Si c'est possible techniquement.

Mme Leblanc: ...des lois qui vont se préparer à la suite de ça, les modifications.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Enfin, on nous promet une réponse, en tout cas au moins technique, d'information demain.

M. Landry: Vous allez même avoir une réponse écrite.

Mme Leblanc: Une dernière petite question très, très rapide. On parle que dorénavant, justement, les véhicules seront... la taxe sera payée à la SAAQ. Est-ce que ça veut dire que la personne, le particulier qui achète un véhicule et qui va à son institution financière chercher du financement, l'institution financière devra dorénavant faire deux chèques, un à la SAAQ et un au concessionnaire automobile, ou s'il y a moyen d'organiser ça autrement?

M. St-Gelais (Jean): La Société de l'assurance automobile du Québec a des ententes avec les concessionnaires. Elle pourra toujours continuer d'en faire pour ce qui est de ces cas-là. Lorsque c'est le véhicule qui est pour revente, on veut s'assurer que la taxe est perçue lors de l'immatriculation à la SAAQ, dans ces cas-là. Donc, il va devoir y avoir probablement deux chèques...

M. Landry: Deux chèques.

M. St-Gelais (Jean): ...deux versements.

Mme Leblanc: Ça répond à mes questions. Merci, M. le Président.


Influence des taxes à la masse salariale sur le développement économique

Le Président (M. Simard, Richelieu): Merci beaucoup. Vous allez m'autoriser, j'espère, à ce moment-ci, moi-même à poser une question. Ça ne sera pas très long.

Bon. D'abord, c'est la première occasion officielle que j'ai de dire le plaisir que nous avons à travailler ensemble, que j'ai à travailler avec vous, et évidemment de dire au ministre le bien que je pense de lui. Notre amitié personnelle étant trop grande pour que je me lance dans des éloges qui pourraient être taxés d'être légèrement influencés par ces relations, je vais simplement citer l'économiste du Mouvement Desjardins, qui était cité dans Le Soleil du 6 mars, et qui n'hésitait pas, il s'agissait de Robert Normand, à dire que le ministre des Finances actuel est le meilleur ministre des Finances depuis la Révolution tranquille. Je fais miens ces commentaires, et vous comprendrez que je n'ai pas besoin d'aller plus loin.

Je veux aussi souligner que nous avons été très heureux, nous l'avons mentionné en séance de travail, que cette commission se voie confier par le budget, lors de la lecture du budget, le mandat d'écouter la population, d'analyser, d'étudier un certain nombre de scénarios visant à la baisse des impôts des particuliers. Je pense qu'on en a parlé, on va revenir là-dessus, mais je crois que c'est un processus démocratique extraordinaire de pouvoir aller directement auprès de la population, de faire comparaître des experts, faire comparaître des groupes d'intérêts et dresser la table que vous aurez devant vous pour faire des choix qui sont des choix gouvernementaux qui seront les vôtres, finalement, mais qui seront des choix éclairés.

Si la première entreprise, une entreprise extraordinaire d'assainissement des finances publiques, a été un succès, c'est parce que la population... c'est parce qu'il y a eu des sommets, c'est parce qu'il y a eu des consensus sociaux qui se sont dessinés autour de ces grandes décisions. Et je pense qu'il y a là une garantie de succès dans la méthode elle-même. Et je pense que nous tenterons, en tout cas, ensemble de nous montrer à la hauteur de cette confiance et d'aller chercher le maximum d'information, de lancer véritablement le débat de société qu'impliquent ces choix. Mais nous ne parlons là que de l'impôt des particuliers. Tout le monde sait qu'il faut permettre aux particuliers de respirer, d'avoir un peu la chance de consommer, de garder un peu plus de leurs revenus dans leurs poches pour ou bien l'épargner ou pour consommer. Je pense qu'il y a un consensus là-dessus.

Cependant, il n'y a pas que dans le secteur des impôts aux particuliers où il y aurait des possibilités, où, en tout cas, la question des baisses d'impôts se pose, des comparaisons entre provinces ou avec d'autres pays se pose. Notamment, la fiscalité des entreprises est aussi un aspect important, puisque, vous le dites régulièrement et je pense que vos actions le démontrent, vous êtes obsédé par la question de la création de l'emploi. Il y a donc là aussi des questions qui se posent, la taxation des entreprises et, notamment, ce qui me préoccupe, tout ce qui touche la masse salariale qui a un effet très direct sur l'emploi. Nous avons certainement un impôt des particuliers plus élevé qu'ailleurs, on le sait, mais j'aimerais bien que vous nous résumiez un peu la situation en ce qui concerne la masse salariale, les taxes sur la masse salariale, l'influence que ça a sur le développement économique et les perspectives d'avenir qui peuvent s'ouvrir de ce côté-là. Je pense que ce sont des débats aussi qui vont devoir se tenir. M. le ministre.

M. Landry: Absolument. Pourquoi est-ce qu'on consacre la grande urgence de la discussion de l'impôt sur les particuliers, et qu'on a commencé à le faire, et qu'on dramatise moins la question de l'impôt des corporations, même si, là aussi, on a commencé à le faire? Parce que le problème des particuliers est beaucoup plus aigu que l'autre. Nous avons une étude annuelle faite par la grande firme Price Waterhouse – qui la faisait pour nos prédécesseurs, d'ailleurs, donc la méthodologie est bien établie – qui démontre que l'impôt des corporations du Québec est tout à fait concurrentiel avec l'environnement. Je ne sais pas si on a notre Price Waterhouse avec nous ici, aujourd'hui?

(17 h 40)

Une voix: C'est un gros document. Demain, on pourra le déposer.

M. Landry: Demain, on pourra le déposer. On va le faire refaire chaque année. La députée l'a déjà vu. La plupart de ceux qui suivent la question l'ont vu. Donc, ce n'est pas là qu'est la grande urgence et ce n'est pas là où le bât blesse, comme on dit, bien que, M. le Président, vous avez raison quand vous évoquez les taxes à la masse salariale. Les taxes à la masse salariale, quand on a comme obsession la création d'emplois, apparaissent comme un obstacle. On sait bien pourquoi elles ont été établies. Il y a un aspect stratégique là-dedans, c'est que ces charges sont déductibles et entrent en dépenses des entreprises. Mais ce n'est pas une raison pour exagérer. Et, cette année, on a décidé, et on a devancé au 1er janvier d'ailleurs, la baisse de la taxe sur la masse salariale des PME. On a commencé par les PME parce que ce sont les PME qui sont les plus grosses créatrices d'emplois.

Alors, baisse de 30 000 000 $ des taxes sur la masse salariale dès le 1er janvier et, l'année prochaine, une baisse de 225 000 000 $, soit une diminution de 37 %, près de 4 $ sur 10 $, la diminution des taxes à la masse salariale. Donc, si on compare ça à ce qu'on veut mettre à l'impôt sur les particuliers, 400 000 000 $, c'est quand même pas mauvais de faire 225 000 000 $ pour les PME. Mais je ne me cache pas du fait que le choix que nous avons à faire, c'est d'aller au plus pressant, puis le plus pressant, ce sont les particuliers, les ménages.

Je sais qu'il y a des comparaisons qui consolent un peu. Vous avez suivi les articles de M. Picher dans La Presse . Je pense que c'est au cours de la fin de semaine. Il reprend la comparaison ménages de Montréal–ménages de Toronto et ça finit à l'avantage des ménages de Montréal quand on prend tout en compte. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas... On a une idée, M. Picher a dû prendre les mêmes chiffres. Un couple ayant deux enfants de moins de six ans, qui gagne 50 000 $, pour se loger, ça lui coûte 5 000 $ de plus, par année, à Toronto. C'est beaucoup d'argent. Ç'est vrai que nos impôts sont plus raides, mais il faut essayer de tout prendre en compte sans jamais oublier que nous l'avons publié nous-mêmes, l'annexe au budget préconisant la baisse d'impôts sur les particuliers. Et c'est devant notre commission, M. le Président, que la population viendra nous orienter sur la façon de faire les choses.

Le montant qui est sur la table actuellement, c'est 400 000 000 $, mais, si l'économie adonne, comme on dit dans le langage de la voile, on fera mieux. Mais ce qu'on va faire ici, qui touche 400 000 000 $, quand les gens vont venir nous voir, il va toucher aussi à 1 300 000 000 $ qu'on a promis. On a promis 1 300 000 000 $ durant le mandat, mais ça pourrait être plus que 1 300 000 000 $ si l'économie répond.

Le Président (M. Simard, Richelieu) : Merci beaucoup. Mme la porte-parole de l'opposition officielle.


Type d'économie pratiqué par l'État québécois

Mme Jérôme-Forget: Bon. Alors, il ne nous reste pas beaucoup de temps. Je recommanderai au ministre des Finances qu'il lise complètement l'article de Picher, parce que...

M. Landry: Je lis tout ce qu'il publie.

Mme Jérôme-Forget: ...ce qu'il conclut finalement, M. le Président, c'est que, justement, il fait une comparaison entre un ménage en Ontario... Je pense que vous parlez de l'article sur les hypothèques?

M. Landry: Oui.

Mme Jérôme-Forget: Bon. Alors, il dit essentiellement que le ménage de l'Ontario va être avantagé par rapport au ménage du Québec parce qu'en fin de compte il va se retrouver à avoir payé sa maison, et, comme sa maison vaudra plus cher à cause du phénomène que le prix des maisons augmente beaucoup en Ontario, il sera avantagé.

J'aimerais faire, peut-être, un point, M. le Président. On parlé plus tôt de la parité avec l'Ontario et on a soulevé quelques réserves à l'endroit de la position que j'ai défendue, estimant que c'était peut-être idéaliste. Je pense que c'était un peu un voeu pieux de penser qu'on devait obtenir la parité avec l'Ontario. Je voudrais simplement rappeler – et j'ai communiqué avec ces gens-là, des gens extrêmement responsables et très sérieux, que le ministre des Finances d'ailleurs connaît très bien – que la parité de l'Ontario doit être un objectif auquel on doit tendre.

Je n'ai jamais eu quelque vélléité de vouloir atteindre la parité dans un temps de quelques années. Il est clair que l'écart est suffisamment important qu'il faut planifier sur un nombre d'années. Je mettrais, au minimum, cinq ans. Et ce que dit l'ASDEQ, l'Association des économistes du Québec, elle le met à sept et huit ans. Et, sur ça, il y a des gens – j'ai déposé leurs documents – vous avez Jean-Michel Cousineau qui est un homme très sérieux, Pierre Fortin, vous avez France Saint-Hilaire qui est à l'Institut où j'étais, ce sont des gens qui ne sont pas partisans et qui sont très sérieux.

Donc, à mon avis, ce n'est pas farfelu que de parler de parité, surtout que, si c'est vrai, ce que le ministre... Et je pense qu'il a raison, qu'il va y avoir de plus en plus de commerce qui va se faire avec nos partenaires du Sud. Ces gens-là sont encore, peut-être, plus avantagés, pas peut-être, ils sont certainement plus avantagés sur le plan fiscal. Donc, on ne pourra pas s'isoler, le Québec, on ne pourra pas faire semblant qu'on ne vit pas dans un entourage autour de nous qui est très compétitif. Il va falloir qu'on fasse un plan. Ce que je demandais du ministre des Finances, c'est d'avoir un plan, c'est de nous offrir une feuille de route, comme il l'a fait à l'endroit du déficit zéro. Ce n'est pas sorcier. Dans le fond, c'est de décider ensemble qu'on trouve ça important d'atteindre cet objectif.

J'ai été un peu surprise et déçue, à la fois, d'entendre le ministre qui ne croyait pas au «supply-side». Effectivement, nous avons tous été très hésitants à reconnaître ces théories économiques qui ont été essayées aux États-Unis et on avait l'impression que ça n'avait pas marché. On ne sait même pas si ce n'est pas ça qui est en train de marcher aujourd'hui. Les gens sont en train de se poser des questions à savoir qu'est-ce qui fait que l'économie roule à 6 %, une économie qui est si bouillonnante déjà et qui part de haut. 6 % de croissance économique, ça s'explique quand vous partez de très bas, mais, quand vous partez de très haut, il est clair que ce n'est pas si évident, qu'est-ce qui explique ça.

Sauf que ce que me disait encore – et nous avions des débats sur ça... Au Canada, par ailleurs, au niveau de certaines provinces, il semblerait que le «supply-side» a fonctionné. Il aurait fonctionné en Ontario et il aurait fonctionné en Alberta pour des raisons, encore là, qui sont difficiles à expliquer. Mais je pense qu'on devrait – peut-être qu'on va pouvoir – faire venir des experts, justement, comme on en avait parlé, pour essayer de comprendre ça, parce que c'est fondamental.

Si le ministre des Finances n'y croit pas... Je pense que c'est là une approche fondamentale. C'est clair que je ne peux pas jurer bien sûr que ça fonctionnerait, je pense que ça serait naïf de ma part, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a plusieurs instances gouvernementales qui ont cru à ça et il semblerait qu'il y a des résultats, il semblerait, surtout qu'il y a peut-être plus de résultats. Et je reviendrai sur ça à un autre moment.

Le ministre fait beaucoup confiance aux cotes de crédit, et il a raison, il a parfaitement raison de s'intéresser à ça, sauf que, encore là, les cotes de crédit... Le Canadian Bond Rating Service – d'accord? – qui est une évaluation que l'on fait de la situation fiscale, financière du Québec ou de toute personne qui veut emprunter de l'argent, M. Ihor Kots qui est le vice-président principal et directeur de la CBRS, ce dont je parlais tantôt, ce qu'il mentionnait par ailleurs de négatif du Québec, et je vais le citer: «Dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, la tendance est au repli du rôle de l'État, une attitude que le gouvernement du Québec tarde à assimiler.»

Et il parle bien sûr du taux d'endettement. Le ministre des Finances a parfaitement raison de dire que 100 000 000 000 $... On ne veut pas passer pour un marché émergent. Je peux imaginer la surprise. Je n'étais pas là, mais effectivement c'est quelque chose de surprenant. Son niveau d'imposition également et sa croissance économique. Alors, ce sont là des facteurs importants sur lesquels il va falloir... en tout cas, certainement ne pas prendre à la légère le propos qui est tenu par M. Ihor Kots. Je pense que ce n'est pas négligeable. Et le Québec, encore là, ne pourra pas se soustraire d'une tendance dans cette direction de diminuer l'importance de l'État.

(17 h 50)

Et ce pour quoi je veux le mentionner, je pense qu'autant où le ministre des Finances nous a donné un déficit zéro, auquel on se joint puis on se réjouit par ailleurs, moi, j'ai été renversée dans Renseignements supplémentaires sur les mesures du budget , un document très bien fait, d'ailleurs. Je veux féliciter les employés de l'État. À la section 1, à la page 37, on a une description, là, d'un quadrilatère. Finalement, si on ne savait pas que c'est une maison, ou à peu près, on rirait aux éclats, parce que ça s'appelle le centre national, attendez, les centres de nouvelles... Non, non. «Le CNNTQ – un autre acronyme, finalement, pour se retrouver – sera situé au centre-ville de Québec, dans un espace délimité par des sections de rues de la façon suivante – et là je vais vous lire la description: par la rue Dorchester, à partir de la rue Saint-Joseph Est jusqu'à la rue Saint-Vallier Est; par la rue Saint-Vallier Est, à partir de la rue Dorchester jusqu'à la rue de la Couronne; par la rue de la Couronne, à partir de la rue Saint-Vallier Est jusqu'au boulevard Charest Est; par le boulevard Charest Est, à partir de la Couronne jusqu'au boulevard Jean-Lesage; par le boulevard Jean-Lesage, à partir du boulevard Charest Est jusqu'à la rue de la Gare-du-Palais; par la rue de la Gare-du-Palais, à partir du boulevard Jean-Lesage jusqu'à la rue du Roi; par la rue du Roi, à partir de la rue de la Gare-du-Palais jusqu'à la rue Saint-Dominique; par la rue Saint-Dominique, à partir de la rue du Roi jusqu'à la rue Saint-François Est; par la rue Saint-François Est, à partir de la rue Saint-Dominique jusqu'à la rue de la Chapelle; par la rue de la Chapelle, à partir de la rue Saint-François Est jusqu'à la rue Saint-Joseph Est; et par la rue Saint-Joseph Est, à partir de la rue de la Chapelle jusqu'à la rue Dorchester.»

Le point que je veux faire, c'est que, effectivement, ce que le ministre des Finances veut faire, c'est un centre névralgique, un périmètre où on va loger quelque chose. Donc, si vous vous logez dans cet espace, vous aurez le droit à certaines choses. Et, si vous ne vous logez pas ailleurs, vous n'aurez pas le droit à certaines choses. Et c'est ça que j'appelle du micromanagement, c'est ça que j'appelle de vouloir se substituer à des gens qui pourraient faire des choix. Et on sait que les nouvelles technologies, c'est quelque chose que les gens peuvent faire de leur sous-sol et de leur maison. C'est l'aspect que je trouve peut-être plus – j'utiliserai le mot «odieuse» – odieux du budget, où on intervient beaucoup dans des détails et on veut dire aux gens comment s'inspirer, et où aller, et comment faire pour avoir droit à quelque chose.

Je pense que c'est là, peut-être, une approche, une philosophie tout à fait différente. Moi, je fais beaucoup plus confiance au «supply-side», c'est-à-dire de laisser les gens beaucoup plus libres de faire des choix. Je ne sais pas si j'ai parlé pendant 20 minutes, M. le...

Le Président (M. Simard, Richelieu): Vous étiez, à la seconde près, à la fin de votre temps alloué. M. le ministre, je vais vous demander d'être bref...

M. Landry: Oui.

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...puisque, dans cinq minutes, nous nous quitterons.

M. Landry: Oui. Bien, je pense que j'ai le temps de dire, en cinq minutes, que nous ne sommes pas des libéraux, et la députée l'a bien compris. Nous ne sommes pas des libéraux. Nous croyons par ailleurs aux vertus de l'économie de marché, de l'offre, de la demande, de l'entrepreneuriat le plus libre possible. De ce point de vue là, on pense qu'Adam Smith a eu parfaitement raison, mais on pense que cet auteur écossais – les Anglais disent souvent «auteur anglais», mais c'est un Écossais – qui écrivait avant même que ne soit née la compagnie par actions et les grandes réalisations économiques de notre siècle, a eu partiellement raison. Mais, s'il avait eu totalement raison, le taux de chômage ne serait pas de 10 % au Québec et ne serait pas de 17 % à Terre-Neuve, et puis l'Afrique ne serait pas ce qu'est l'Afrique, et puis une grande partie de l'Amérique latine non plus.

Nous croyons à la main invisible et nous croyons à la main visible, active et fraternelle d'un État progressiste. Nous sommes interventionnistes. C'est la différence entre vous et nous. Et nos interventions, jusqu'à maintenant soigneusement calibrées, qui sont d'ailleurs souvent dans le droit fil de la Révolution tranquille qui a bouleversé le Québec, dans le droit fil de Bâtir le Québec et du Virage technologique, ont fait que nous sommes passés d'une économie de ressources naturelles, une économie d'extraction primaire à une économie hautement sophistiquée, ont fait leurs preuves, et même les plus récentes.

D'abord, notre description, ça vous fait faire un beau tour du Vieux-Québec, ce que vous n'aviez peut-être pas fait. Vous devriez le marcher à pied, d'ailleurs. Il y avait une belle chanson, je pense que c'est de Charles Trenet: «Dans les rues de Québec, par temps gris, par temps sec, je me promène à pieds secs.» Alors, vous devriez prendre mon budget puis marcher toutes ces rues-là, puis vous verriez que le maire de Québec, qui nous a demandé de faire ce tracé-là pour définir un périmètre, n'a pas eu tort. C'est un endroit fantastique, mais dont certains secteurs tombent en lambeaux, et il va revivre. Comme quoi? Parce que nous sommes empiriques aussi. Je le dis, nous sommes des progressistes à gestion rigoureuse et empirique. Ça en fait beaucoup, ça.

Et d'où vient cet empirisme appliqué au cas qui nous concerne? Bien, de la Cité du multimédia à Montréal. On a fait ce périmètre avec des noms de rues, etc. On avait fixé 10 000 emplois en 10 ans. Ça fait six mois, et il y en a 4 000, nouveaux emplois. Parce qu'on n'a pas le droit de déménager un emploi de Pointe-Claire dans la Cité du multimédia, il faut créer un nouvel emploi. Il y en a 4 000, puis on a des problèmes d'agenda pour faire les annonces. Ce n'est pas drôle à dire puis c'est drôle en même temps, parce que j'aime mieux avoir ce problème-là que l'autre. Donc, il y a beaucoup d'annonces qui s'en viennent dans la Cité du multimédia, et on pense que ça va être la même chose dans ce centre de notre capitale nationale, Québec. D'abord, parce que les gens de Québec, et à bon droit, disaient: Vous avez fait multimédia à Montréal, et Québec alors? Parce que Québec, où on a fait un CDTI dans l'ancien édifice du journal Le Soleil , a réussi à remplir son CDTI plus rapidement que Montréal, que Laval, que Hull, que Sherbrooke où on en a fait aussi. Donc, Québec avait montré sa vertu.

Et c'est l'esprit de ces concentrations américaines. Disons Silicon Valley. Ce n'est pas sans intérêt que toute cette industrie du chip soit concentrée dans un périmètre. Ils se connaissent, ils se parlent, ils mettent des services en commun. Il y a une synergie. Alors, c'est vrai que, pour des esprits plus fascinés par le «supply-side» – et je n'ai aucun mépris pour cette approche, elle peut avoir contribué à ce qui se passe actuellement aux États-Unis – c'est difficile à comprendre, mais, pour nous, c'est limpide.

L'économie libérale, on l'a vécue dans le précédent mandat. On a eu zéro emploi sur quatre ans, pendant que le Canada en avait 206 000, le Canada d'ailleurs qui était gouverné, dans bien des provinces, par des socialistes. Il ne faut pas oublier ça, là. Le gouvernement libéral à Ottawa ne l'est pas, mais plusieurs provinces avaient des gouvernements socialistes. Alors, nous, on n'est pas socialistes; nous sommes des progressistes, nous sommes à gauche du centre, nous croyons à l'intervention de l'État. Et, jusqu'à maintenant, nos méthodes semblent meilleures que celles des autres.

Le Président (M. Simard, Richelieu): Je vous remercie, M. le ministre. J'ajourne donc nos travaux au vendredi 24 mars 1999...

Une voix: Vendredi?

Le Président (M. Simard, Richelieu): ...pardon, mercredi – c'est un espoir, j'ai manifesté là, évidemment, un espoir – donc les travaux au mercredi 24 mars 1999, à 9 h 30. Je vous prierais d'être là à l'heure, et ici même, à la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 17 h 58)


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