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(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente des finances et des comptes publics se
réunit pour faire l'étude des projets de loi privés no
215, Loi concernant Les Ressources Campbell Inc., Les Ressources Camchib Inc.,
et Mines d'Amiante United Inc., et le projet de loi no 202, Loi concernant la
Coopérative agricole du Bas-Saint-Laurent.
Les membres de cette commission sont: M. Biais (Terrebonne), M. Desbiens
(Dubuc) remplacé par M. Lafrenière (Ungava); M. Fortier
(Outremont), M. French (Westmount), M. Gagnon (Champlain) remplacé par
M. Marquis (Matapédia); M. Gauthier (Roberval); M. Grégoire
(Frontenac) remplacé M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata);
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Lachance (Bellechasse), M. Parizeau
(L'Assomption), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Fallu (Groulx),
M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lincoln (Nelligan), M. Polak
(Sainte-Anne), M. Proulx (Saint-Jean), M. Rochefort (Gouin), M. Ryan
(Argenteuil).
On demanderait quelqu'un comme rapporteur, s'il vous plaît! Est-ce
que vous avez quelqu'un à proposer comme rapporteur? M. Parizeau.
M. Parizeau: Cela vient habituellement de l'Opposition.
Le Président (M. Champagne): Cela vient de l'Opposition
pour un rapporteur?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je n'ai jamais entendu parler
de cela. C'est bien la première fois.
Le Président (M. Champagne): Est-ce que vous avez choisi
M. Lafrenière?
M. Parizeau: Oui, M. Lafrenière.
Le Président (M. Champagne): M. Lafrenière, cela va
aller?
M. Parizeau: D'accord.
Le Président (M. Champagne): M. Lafrenière sera le
rapporteur pour les projets de loi 215 et 202.
Projet de loi 215
Pour l'étude de ce projet de loi, on demanderait aux procureurs
de venir à l'avant, Me Marcel Cinq-Mars accompagné de Me Michael
Vineberg, John G. Porteous et M. Marcel Boucher.
On demanderait au porte-parole de se présenter et de
présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît!
M. Cinq-Mars (Marcel): Je m'appelle Marcel Cinq-Mars, avocat de
l'étude Martineau, Walker. Je suis assisté de Me Michael Vineberg
de l'étude Philips & Vineberg. Sont aussi présents Me John G.
Porteous de l'étude Ogilvy Cope ainsi que M. Marcel Boucher,
administrateur.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre, est-ce que
vous auriez des remarques préliminaires?
M. Parizeau: Je suggérerais peut-être, M. le
Président, que le procureur nous indique l'essentiel du projet de loi
que nous avons devant nous, ensuite, j'aurais peut-être une question ou
deux à poser.
M. Cinq-Mars: Sommairement, M. le Président et MM. les
membres, il s'agit d'un projet de loi pour régulariser ou rectifier le
statut juridique des diverses compagnies dont les noms sont mentionnés
à la suite d'un doute émis quant à la validité de
la continuation de ces compagnies en vertu de la partie 1-A de la Loi sur les
compagnies.
Encore sommairement, toutes ces compagnies, à l'origine -
mentionnons en passant que certaines résultent de fusions, et si
nécessaire je pourrai vous donner les explications utiles sur le plan
historique de ces compagnies - ont toutes été incorporées
en vertu de la Loi sur les compagnies minières. Selon certaines opinions
émises par des avocats, il semble qu'il y a un doute à savoir si
une compagnie incorporée en vertu de la Loi sur les compagnies
minières peut être continuée en vertu de la partie 1-A de
la Loi sur les compagnies. C'est, très sommairement, le sens du
problème, si problème il existe. C'est à la suite du doute
qui semble exister que nous vous demandons de régulariser la situation
par ce projet de loi privé.
M. Parizeau: M. le Président, le
problème soulevé par le projet de loi privé ne fait
que souligner un problème peut-être d'envergure plus
générale qui pourrait amener à un moment donné
à modifier certaines des lois publiques que nous avons. C'est en vertu
des lois existantes que le doute a été émis. Donc, on
corrige dans ce cas par une loi privée, mais cela va soulever pour le
gouvernement le problème plus général.
M. Cinq-Mars: C'est très plausible, M. le
Président.
M. Parizeau: De toute compagnie minière.
M. Vineberg (Michael): M. le ministre, on nous a dit qu'il y a
à peu près une dizaine ou une quinzaine de sociétés
qui voudraient être régies par la Loi sur les compagnies
minières plutôt que par la Loi sur les compagnies. En
général, à cause du fait qu'il n'y a pas grande
différence entre les deux lois si on est assujetti à une loi ou
à une autre, cela n'a pas d'importance. Le problème actuel, c'est
qu'on veut fusionner ces trois sociétés avec une autre
société. Il n'est pas permis, selon la Loi sur les compagnies ou
la Loi sur les compagnies minières, de fusionner les compagnies dites
normales avec les compagnies minières. C'est alors qu'on a un
problème.
M. Parizeau: Dans ces conditions, M. le Président, je
suggère qu'effectivement on adopte ce projet de loi privé, mais
je retiens qu'il va falloir examiner certains articles des lois publiques pour
éviter qu'on ait constamment à régulariser par loi
privée des choses qui découlent soit de la Loi sur les compagnies
minières ou de la Loi sur les compagnies. Enfin, on verra cela plus
tard.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'ai deux questions à poser au procureur.
Est-ce que tous les actionnaires de toutes les compagnies impliquées
dans ce projet ont exprimé leur accord avec le projet de loi?
M. Vineberg: M. le député, tous les actionnaires
des trois sociétés ainsi que les actionnaires de la
société du réseau GM ont reçu un document assez
long pour expliquer tous les événements. Tous les commerces des
quatre sociétés ont compris la nécessité d'une loi
privée. Il y a eu, le 12 mai, des réunions des actionnaires des
quatre sociétés où les résolutions
nécessaires ont été adoptées par un vote entre 85%
et 95% des quatre sociétés impliquées. Aussi, on a
consulté les créanciers les plus importants des quatre
sociétés qui nous ont donné leur accord.
M. Scowen: À votre connaissance, parmi ceux qui n'ont pas
exprimé leur accord, est-ce qu'il existe des personnes dissidentes ou
des groupes dissidents?
M. Vineberg: À ma connaissance, surtout au niveau du
réseau GM Ltée, mais aussi je connais les affaires des autres
sociétés, je pense que les personnes qui ont voté contre
la fusion n'ont pas voté contre ce projet de loi; mais c'était
plutôt la question de l'évaluation des actions des quatre
sociétés. À ma connaissance, personne n'a mentionné
la nécessité de la clarification de la loi. C'est certainement un
point sur lequel je ne peux pas imaginer qu'il y aura une dissidence.
M. Scowen: Une dernière question. Dans le cas des
créanciers de toutes ces compagnies concernées, est-ce que leur
position sera possiblement affaiblie par la fusion ou changée en quelque
sorte?
M. Vineberg: Elle sera améliorée parce qu'il n'y
aura plus de confusion si on doit procéder selon une loi ou une autre.
C'est uniquement une clarification dans le statut des compagnies.
Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'il y a d'autres
questions, messieurs? Cela va. Est-ce que le projet de loi 215 est
adopté avec les articles 1, 2, 3 et 4?
M. Parizeau: Adopté.
Le Président (M. Champagne): Adopté. Les articles
1, 2, 3 et 4 du projet de loi 215 sont adoptés.
M. Cinq-Mars: Merci, M. le Président. Merci aux membres de
la commission.
Le Président (M. Champagne): Oui. M. le
député d'Ungava.
M. Lafrenière: J'aimerais vous dire que j'ai
été très fier de parrainer ce projet de loi d'autant plus
que Les Ressources Camchib - pour moi, c'est un petit peu du sentiment - c'est
une compagnie qui a pris naissance à Chibougamau, en 1952, et c'est elle
qui m'a donné ma première chance sur le marché du travail.
C'est un petit service que je peux rendre pour la chance qu'elle m'a
déjà donnée. Merci.
M. Cinq-Mars: Nous apprécions grandement que vous nous
ayez parrainés, M. Lafrenière.
Le Président (M. Champagne): Très bien, merci
beaucoup.
Projet de loi 202
J'appelle maintenant le projet de loi no 202, Loi concernant la
Coopérative agricole du Bas-Saint-Laurent. J'appellerais Me Serge
Létourneau accompagné de Me Pierre Beaudoin, président de
la Coopérative agricole du Bas-Saint-Laurent, et de M. Denis Cassista,
directeur général.
Il nous faudrait désigner un rapporteur. On propose M.
Léopold Marquis, député de Matapédia.
M. Marquis: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Champagne): Vous n'avez pas
objection.
M. Marquis: Je voudrais souhaiter la bienvenue aux
représentants de la Coopérative agricole du Bas-Saint-Laurent
à la présentation de leur projet de loi. Si je suis appelé
à les présenter, c'est à la place de mon collègue,
le député de Rimouski. Je désire rectifier les noms que
vous avez, M. le Président. Le président de la Coopérative
agricole du Bas-Saint-Laurent est M. Napoléon Théberge. Le
directeur général de la Coopérative du Bas-Saint-Laurent
est M. Denis Cassista. Le procureur est M. Pierre Beaudoin. Il y avait une
petite erreur dans les noms que vous aviez désigné, M. le
Président.
Le Président (M. Champagne): D'accord.
M. Marquis: Évidemment, puisque je l'ai parrainé,
je suis d'accord avec le contenu de ce projet de loi.
Le Président (M. Champagne): Messieurs, comme on ne sait
pas qui est qui, est-ce que le porte-parole pourrait se présenter et
présenter aussi les personnes qui l'accompagnent.
M. Beaudoin (Pierre): M. le Président, je m'appelle Pierre
Beaudoin. Je suis le procureur de la Coopérative agricole du
Bas-Saint-Laurent. Je suis accompagné, à ma gauche, de M.
Théberge le président et, à ma droite, de M. Cassista, le
directeur général.
Le Président (M. Champagne): Merci. M. le ministre, est-ce
que vous auriez des remarques préliminaires.
M. Parizeau: Non, je n'ai pas de remarques particulières,
M. le Président. Je suis d'accord avec le sens du projet de loi.
Le Président (M. Champagne): Messieurs, ici, est-ce que
vous avez...
M. Scowen: Non. Je pense que c'est assez clair. J'ai parlé
brièvement, auparavant, avec le procureur. Je n'ai pas de question.
M. Beaudoin: C'est tout à fait technique à cause du
contenu actuel de la Loi sur les sociétés coopératives
agricoles qui va, d'ailleurs, être changée par la nouvelle Loi sur
les coopératives.
Si vous me permettez, je voudrais quand même suggérer un
petit amendement à l'article 1. Nous voudrions que le nouveau nom se
lise "Purdel,". Il faudrait ajouter une virgule après le mot "Purdel",
avant les mots "Coopérative agro-alimentaire", afin que cela se lise en
bon français. "Purdel, Coopérative agro-alimentaire". Cela a
été échappé en cours de route, dans le
processus.
Le Président (M. Champagne): Oui.
M. Scowen: J'aimerais connaître le sens du mot "Purdel".
Qu'est-ce qu'il veut dire?
M. Cassista (Denis): M. le Président, étant
donné qu'on est dans le monde alimentaire, c'est pour associer la
pureté des produits alimentaires, des produits délicieux, etc.,
le tout agencé aussi avec un symbole en jeu de couleurs qui favorise
l'achat. On dit que le bleu favorise l'achat par le consommateur. C'est un
ensemble de recherches qui, finalement, nous a conduits à cela.
Le Président (M. Champagne): Les articles 1, 2 et 3 du
projet de loi 202 sont adoptés, tels qu'amendés avec la virgule
à l'article 1. Merci beaucoup, messieurs. Alors le projet de loi 202,
avec les articles qui le composent, est adopté.
Pour qu'il n'y ait pas de confusion, on a demandé qu'il n'y ait
qu'un reporter pour les deux projets de loi 215 et 202. Si vous n'avez pas
d'objection, ce sera le député de l'Ungava. Cela va aller?
D'accord.
La commission élue permanente des finances et des comptes publics
suspend ses travaux pour quelques minutes. Elle a accompli le mandat qui lui a
été confié, soit étudier les projets de loi
privés 215 et 202.
(Suspension de la séance à 10 h 26)
(Reprise de la séance à 10 h 27)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre,
messieursl
La commission élue permanente des finances et des comptes publics
se réunit pour faire l'étude des crédits pour
l'année financière 1983-1984.
Les membres de la commission sont: M. Biais (Terrebonne), M. Desbiens
(Dubuc), remplacé par M. Lafrenière (Ungava); M. Fortier
(Outremont), M. French (Westmount),
M. Gagnon (Champlain), remplacé par M. Marquis
(Matapédia); M. Gauthier (Roberval), M. Grégoire (Frontenac),
remplacé par M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata); M.
Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Lachance (Bellechasse), M. Parizeau
(L'Assomption), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Fallu (Groulx),
M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lincoln (Nelligan), M. Polak
(Sainte-Anne), M. Proulx (Saint-Jean), M. Rochefort (Gouin), M. Ryan
(Argenteuil).
Est-ce que vous avez quelqu'un à proposer comme rapporteur?
M. Parizeau: M. Lafrenière, le député
d'Ungava.
Le Président (M. Champagne): Cela va. M. Lafrenière
(Ungava) sera le rapporteur.
Je pense que nous avons neuf heures à notre disposition pour
faire l'étude des crédits. Dans une première
démarche, est-ce que M. le ministre a des remarques
préliminaires?
Crédit du ministère des Finances
Remarques préliminaires
M. Jacques Parizeau
M., Parizeau: Oui, M. le Président. Nous avons, au cours
de ces neuf heures, à examiner les crédits du ministère
des Finances et ceux du Conseil du trésor. Je comprends que nous
prendrions environ sept heures pour les Finances, à la suite des
discussions que nous avons eues avec l'Opposition, et deux heures pour le
Conseil du trésor.
M. Scowen: Y compris, à l'intérieur du Conseil du
trésor, la Commission administrative du régime de retraite, je
pense. Cela fait partie aussi de...
M. Parizeau: Qui relève du Conseil du trésor, bien
sûr.
M. Scowen: D'accord. C'est un élément distinct dans
les crédits.
M. Parizeau: Bien sûr. Cela dit, il s'est produit depuis un
an tellement de modifications dans l'organigramme du ministère des
Finances et dans les organismes qui sont rattachés au ministre des
Finances que je me permettrai d'indiquer la nouvelle organisation, les nouveaux
rattachements d'organismes qui se sont produits. Je pense que cela pourra
éclairer les membres de cette commission avant que nous commencions
à aborder l'examen ou des organismes ou des crédits.
Depuis un certain nombre d'années, deux organismes relevaient du
ministre des Finances, c'est-à-dire qui répondaient par lui
à l'Assemblée nationale: d'une part, Loto-Québec et,
d'autre part, la Caisse de dépôt. À la suite de changements
apportés à la Curatelle publique, cette dernière a
cessé d'apparaître aux crédits du ministère des
Finances et est devenue un organisme autonome rattaché au
ministère des Finances. C'est un organisme autonome, maintenant. Donc,
il n'y en a pas deux, il y en a trois: la Caisse de dépôt,
Loto-Québec et la Curatelle publique.
En outre, la Loi de l'Inspecteur général des institutions
financières a été adoptée, comme nous le savons, et
l'Inspecteur générai répond à l'Assemblée
nationale par le truchement du ministre des Finances. Il n'est pas sous la
juridiction du ministère, c'est-à-dire du sous-ministre des
Finances. Il a le rang lui-même de sous-ministre et de sous-chef, mais il
répond au ministre des Finances.
À ce titre, il y a un certain nombre de modifications qui se sont
produites de nature permanente et d'autres de nature temporaire. C'est ainsi
que la Commission des valeurs mobilières répond maintenant par le
truchement du ministre des Finances aussi, de même que la Régie de
l'assurance-dépôts. Il s'agit de modifications permanentes. Il y
en a de temporaires, en ce sens que la Direction générale des
coopératives et la Société de développement
coopératif relèvent du ministre des Finances jusqu'à ce
que ces deux organismes, c'est-à-dire une direction
générale et un organisme, soient envoyés dans un autre
ministère. Cela sera fait vraisemblablement dans les quelques mois qui
viennent. Il n'y a pas de raison particulière pour laquelle la Direction
des coopératives et la Société de développement
coopératif devraient relever du ministère des Finances. Il s'agit
de deux organismes qui sont en transit.
Il y a une dernière opération de transit dont je voudrais
faire état. Le Bureau de la statistique du Québec relevait du
ministre d'État au Développement économique jusqu'à
ce que ce poste soit aboli. Le ministre des Finances ayant été
nommé président du Comité de développement
économique, le BSQ est temporairement au ministère des Finances.
On a trouvé cela plus commode. Cela permettra d'ailleurs une
réorganisation des mandats de recherche entre les différents
intervenants sur le plan de la recherche économique et statistique. Une
fois que ces mandats seront clarifiés, dans deux ans vraisemblablement,
le BSQ pourrait être affecté ailleurs.
Voilà les changements qui sont intervenus. Ils sont à ce
point nombreux qu'il me semblait souhaitable, au début de l'examen des
crédits du ministère des
Finances, de mettre chacun des morceaux du puzzle ou du domino sur la
table.
À la suite de discussions que nous avons eues avec les membres de
l'Opposition, nous nous sommes entendus - l'Opposition confirmera - sur le fait
d'examiner dans l'ordre suivant les organismes ou crédits suivants:
D'abord, la Caisse de dépôt; deuxièmement, la Commission
des valeurs mobilières; ensuite, les crédits de l'Inspecteur
général des institutions financières et,
quatrièmement, les crédits du ministère des Finances
proprement dit. C'est à ces quatre fins que les sept heures
affectées au ministère des Finances, indépendamment des
deux qui seront passées à étudier les crédits du
Conseil du trésor et de la CARR, seraient utilisées. Si cela va
aux membres de l'Opposition, c'est de cette façon que nous
procéderions aujourd'hui.
Le Président (M. Champagne): Les remarques
préliminaires sont terminées.
M. le député de Vaudreuil-Soulanges a la parole.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans la mesure où les
heures ne sont pas tellement nombreuses, j'appellerais tout de suite l'examen
des crédits de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, M. le Président.
Le Président (M. Champagne): La
Caisse de dépôt et placement du Québec.
Caisse de dépôt et placement
M. Parizeau: M. le Président, j'ai à ma droite M.
Jean Campeau, président et directeur général de la Caisse
de dépôt. Je n'ai pas à proprement parler de remarques
préliminaires à faire. Dans ces conditions, je laisserai les
membres de l'Opposition nous présenter les leurs.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
Exposé général M. Daniel
Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
On se souvient que, l'automne dernier, le ministre des Finances nous avait
laissé entendre qu'une commission parlementaire aurait lieu sur le
rôle et le mandat de la Caisse de dépôt. C'était
à l'occasion de la présentation au Sénat du projet de loi
S-31. Lorsqu'on relisait de plus près les interventions du ministre
à l'époque, on s'apercevait que la commission parlementaire et le
débat public sur la Caisse de dépôt n'auraient lieu que si
la caisse continuait d'être menacée, selon les mots du ministre,
par le projet de loi no S-31.
On a appris récemment que le projet ne sera pas
présenté vraisemblablement avant l'automne prochain. S'il
l'était, ce serait sous une forme qui pourrait substantiellement
modifier... Dans ce sens, je présume que le ministre des Finances
pourrait invoquer que c'est à cause du fédéral qu'on n'a
pas de débat public sur la Caisse de dépôt en commission
parlementaire convoquée à cette fin. Mais heureusement, dans le
fonctionnement de l'appareil législatif ici, on a les crédits et,
comme le ministre l'a présenté, c'est une occasion pour les
parlementaires de rencontrer le président-directeur
général de la Caisse de dépôt ou, à tout le
moins, de nous entretenir avec le ministre et les gens qui l'accompagnent du
rôle de la caisse.
La Caisse de dépôt est une institution considérable
au Québec, dont les Québécois sont extrêmement
fiers. Il suffit de regarder le genre d'imagination que les gens à la
caisse ont déployée depuis sa fondation, dans ses politiques
d'investissement, pour constater que comparativement à l'autre
régime public dont on regarde les agissements, le Régime des
rentes du Canada, on a beaucoup mieux fait au Québec, depuis quelques
années. Cela se remarque autant par le niveau de compétence
auquel les gens qui sont à la caisse ont atteint, que par les rendements
comparatifs qui ont été réalisés depuis quinze ans
par les deux régimes. Et c'est tout à fait favorable à la
caisse, ce que l'on constate.
La caisse est donc entrée dans les ligues majeures du
marché financier canadien. Depuis quelques années, elle y est
entrée avec de très gros sabots. Je m'expliquerai tout à
l'heure. Chaque fois que l'on regarde le mandat de la caisse, on rappelle les
interventions qui ont été faites à l'Assemblée
législative - comme elle s'appelait à l'époque - en 1965.
Il était toujours question, et on le répète constamment,
que le double objectif de la caisse, c'est de faire fructifier les
épargnes des Québécois, des cotisants notamment au
régime de rentes à l'origine, tout en mettant à la
disposition du développement économique du Québec des
sommes considérables, que sont nos épargnes. Cet
énoncé du mandat de la caisse que l'on retrace en 1965, qui a
fait l'unanimité à l'Assemblée à l'époque,
est toujours repris dans les rapports annuels d'une année à
l'autre. D'ailleurs, M. Campeau lui-même, à l'Université
Laval, au mois d'avril, a réitéré qu'il voyait les deux
points d'appui de l'action de la caisse comme étant, d'une part,
sécurité-rendement et, d'autre part, soutien au
développement économique du Québec.
Il est évident, tout simplement à la lecture des textes,
qu'on a eu une espèce de renversement des priorités. Si on
pouvait retenir que c'était l'énoncé de priorité
de
dire: D'abord, faire fructifier l'épargne; deuxièmement,
voir à contribuer au développement économique du
Québec. On parle maintenant un peu plus de développement
économique à l'intérieur de critères de
rentabilité de l'épargne plutôt que de retenir le
critère de rendement d'abord et avant tout, en ajoutant que cela
n'exclut pas le soutien au développement économique. C'est une
nuance qui peut apparaître très fine, mais qui, à mon sens,
est très réelle.
Il n'est pas impossible que cette espèce de remaniement ou de
glissement des priorités était inévitable. Personne
n'avait prévu, en 1965, que 15 ou 18 ans plus tard la caisse aurait
seize milliards d'actif. Disons qu'un prophète qui à
l'époque, se serait amusé à prévoir quelque genre
de portefeuilles serait sous gestion, il se serait trompé d'à peu
près de 50%, parce que le régime de rentes ne constitue que 53%
ou 54% des avoirs de la caisse à ce moment-ci.
Donc, à moins de renier son objectif de rendement, la caisse doit
investir des montants de plus en plus considérables dans les valeurs
à revenus variables. Alors ses sabots, sur le marché financier,
deviennent extrêmement bruyants et, à mon sens, comme je
l'expliquerai, ils sont devenus bruyants après ses activités et
non pas avant. On parlera de divulgation à ce moment-là.
Donc, c'est à cause de l'envergure même imprévue de
la caisse que le volet de développement économique a pris de
l'ampleur même si on essaie, à l'occasion, de dire: Bon! du
développement économique, c'est nécessairement de l'achat
d'actions sur le marché boursier, ou de la souscription, ou de l'achat
d'une émission du trésor de certaines sociétés. Il
faut se poser la question à savoir si c'est cela du développement
économique que d'acheter des actions. Quoi qu'il en soit, le fait pour
la caisse de se comporter de cette nouvelle façon appelle de nouvelles
responsabilités. La première est que les marchés boursiers
sont surtout efficaces lorsque les renseignements sont diffusés - je
suis sûr que la Commission des valeurs mobilières pourrait avoir
des commentaires là-dessus - et accessibles à tous les
concurrents sur le marché, même s'il est évident que la
capacité d'analyse des institutions agissant sur le marché varie
considérablement. Il ne faut pas oublier non plus que ce n'est pas pour
son propre compte que la caisse agit. Elle agit pour les déposants et,
là aussi, cela entraîne des obligations particulièrement
précises. D'abord, à l'égard du fonctionnement du
marché boursier: les problèmes de divulgation. La présence
de la caisse sur les marchés boursiers d'une façon volumineuse
devrait appeler la caisse à s'astreindre aux mêmes règles
de divulgation que celles auxquelles sont soumis ses concurrents.
Dans son rapport de 1982 qui est devant nous, la caisse prétend
qu'elle doit -ce sont ses mots - s'abstenir de divulguer une information
susceptible de nuire à sa compétitivité. C'est sûr
que cela fera sourire ceux qui savent qu'un comportement comme celui-là
confère à la caisse au moins une longueur d'avance sur ses
concurrents. Lorsqu'on joue dans des ligues majeures comme celles-là, il
me semble qu'il n'appartient pas au nouvel arrivant de redéfinir les
règles du jeu. La caisse pourra toujours dire qu'elle n'est pas tenue de
se conformer aux usages en vigueur sur le marché américain, mais
qu'elle se conforme proprio motu à l'esprit de ces lois-là, il
n'en reste pas moins que lorsqu'on a des hésitations, des
réticences à jouer pleinement le jeu de ces
marchés-là, on peut s'attendre qu'à l'occasion on pourra
juste jouer une partie avant que les autres ne resserrent l'application de ces
règles qui s'appliquent à tout le monde.
Par ailleurs, si on regarde la nouvelle Loi sur les valeurs
mobilières et qu'on fait appel aux sentiments que la caisse dit avoir de
vouloir se conformer à l'esprit des lois, il me semble que dès le
10 mai dernier, étant donné que la nouvelle Loi sur les valeurs
mobilières est entrée en vigueur en avril, la caisse devenait une
initiée au sens de la loi. Peut-être que le fondement ou
l'argument juridique qu'elle pourrait faire valoir, c'est lorsqu'on
regarde l'article 4 de la Loi sur les valeurs mobilières, on ne devient
pas, à la caisse, automatiquement des initiés au sens de la loi.
Je suis sûr qu'il y a des interprétations juridiques assez claires
qui pourraient laisser porter cette vue des choses. J'ai pensé que,
étant donné que la loi constitutive de la caisse l'amène,
elle aussi, à faire état du coût de ses achats, de ses
placements pour les différents postes du bilan, il ne serait pas aussi
exorbitant que cela de s'attendre au même genre de divulgation que les
initiés doivent faire, c'est-à-dire faire savoir dans des
délais prévus par la loi quelles sont les actions dont ils sont
détenteurs et, dans la plupart des cas, selon les formulaires
disponibles, on doit inscrire le coût d'acquisition.
On a vu, évidemment, qu'on avait toute une liste des placements,
la valeur de réalisation. Il s'ensuivrait en conformité avec
l'esprit des lois en vigueur que la caisse fasse également état
de son coût d'acquisition pour ces différents blocs d'actions. On
pourrait alors juger des bons et des mauvais coups et les déposants
pourraient mieux apprécier le sort qui est fait à leurs
épargnes.
L'an dernier, en commission parlementaire, on s'était
aperçu que les déposants - on vient de dire qu'ils aimeraient
sans doute savoir quels sont les bons et les
mauvais coups que la caisse fait en leur nom n'avaient pas beaucoup
d'initiative en matière de gestion de leurs placements. On sait qu'ils
achetaient des unités dans un des quatre fonds
spécialisés.
Quant au régime de rentes, malgré le fait qu'on peut avoir
des discussions assez longues - le président-directeur
général de la caisse nous en avait fait état - entre les
gens de la caisse et les gens qui administrent les rentes pour les
Québécois qu'on pouvait s'entendre sur des compositions de
portefeuille, sur la facilité avec laquelle un déposant peut
exiger qu'on investisse dans des actions plus "agressives", ou plus
spéculatives, ou plus "blue-chips" et ainsi de suite. Par ailleurs, on
avait un fonds particulier, quant au fonds déposé par la CSST.
J'avais cru comprendre, dans mes échanges avec M. Campeau, que la CSST
avait un peu plus de flexibilité ou un peu plus d'initiative, un peu
plus de place, si on veut, pour insister afin que les placements qui sont faits
en son nom le soient d'une façon plus "directive" par suite des
commentaires que la CSST peut faire valoir.
Donc, on voit qu'il y a des degrés d'initiatives qui sont permis
aux déposants. Quant à nous, on demandait qu'il y en ait un peu
plus plutôt qu'un peu moins. Dans ce sens-là, le rapport annuel
nous annonce que les fonds spécialisés sont abolis et que les
détentions d'avoirs sous forme d'unités que les différents
déposants peuvent avoir seront réorientés vers des fonds
particuliers. On salue cela. C'est une heureuse initiative dans la mesure
où cela donne un degré d'initiative additionnel aux
déposants. Cela a permis, et c'est un peu un aparté, de voir que
les déposants autres que ceux du régime de rentes avaient des
portefeuilles d'actions considérables. À peu près le tiers
des avoirs d'environ 4 000 000 000 $, qui était dans les fonds
spécialisés, était constitué d'actions dans le
fonds A, alors qu'au fonds général, il y a surtout les
dépôts des travailleurs: le Régime de rentes du
Québec auquel on ajoute quelques petits fonds particuliers. Il y avait
à peine 1/8 de ce fonds, d'après les calculs que j'ai pu faire,
qui était en actions.
C'est entendu que les exigences actuarielles du régime de rentes
ne sont pas comparables à ce qu'elles seraient pour d'autres
déposants. Malgré tout, ce que je remarque, toujours en
aparté, c'est que le genre d'achats qui ont été faits me
semblent avoir été orientés assez massivement vers les
obligations du Québec. Pendant longtemps, on espère tous que ce
soit fini, cela a été à un prix d'ami que le ministre des
Finances pouvait emprunter plusieurs centaines de millions auprès de la
Caisse de dépôt et placement du Québec. On se souvient,
entre autres, que Heritage Fund avait une clause de la province la plus
favorisée et un peu pour tout le monde. Donc, il était absolument
stupide pour le Québec d'emprunter auprès de sa caisse à
un taux supérieur à ce que l'Alberta était prête
à offrir à toutes les provinces, y compris le Québec. Je
pense que c'est passer un peu vite sur la différence fondamentale qui
existe entre les fonds du Heritage Fund essentiellement constitués de
revenus autonomes de la province de l'Alberta et la Caisse de
dépôt, quant au régime de rentes, qui est constitué
de déductions à la source à même les salaires des
travailleurs québécois.
Il me semble qu'il faut souhaiter, si ce n'est déjà fait,
on verra tout à l'heure, que ce traitement préférentiel
qui était accordé au minsitre des Finances prenne fin. Je pense
que les dépôts des travailleurs, leur intérêt
financier a peut-être été un peu mis en veilleuse pendant
ce temps. C'est l'effet net, quant au rendement sur lequel ces gens-là
pouvaient compter, qui résulte de cette politique. Sans compter que, non
seulement au point de vue du rendement, mais de la participation au
développement économique que représentait cette action de
la caisse, il y a des doutes extrêmement sérieux.
Lorsqu'on regarde les équilibres ou les
déséquilibres budgétaires depuis quelques années et
qu'on voit que même d'après les chiffres du ministre cette
année pour tout le secteur public, il y a des dépenses courantes
qui ont été comblées par des emprunts
considérables, la caisse se trouvait en partie à contribuer
à la correction du déséquilibre budgétaire. Cela ne
m'apparaît pas être de la participation au développement
économique du Québec. Quand on soutient une portion substantielle
du déficit encouru pour dépenses courantes et non pas pour fins
d'investissements, je ne vois pas comment les épargnes des cotisants
contribuent au développement économique du Québec.
Je rappelle ce qui a été dit en 1965 à
l'Assemblée et je cite le premier ministre d'alors: "On aurait tort de
croire que cet instrument - la caisse - doit servir à financer dans
n'importe quelle condition les projets économiques et sociaux si
essentiels soient-ils."
Je ne veux pas faire l'exégèse ou l'interprétation
abusive de ces paroles, mais je pense que le comportement de la caisse à
l'égard de ces prêts au gouvernement ou de ces achats
d'obligations gouvernementales à des prix d'ami pendant quelque temps ne
correspondait pas véritablement au mandat de développement
économique, certainement pas au rendement non plus qui était le
mandat exprès de la Caisse de dépôt.
Au point de vue de l'achat d'actions, par ailleurs, la gestion
centralisée d'un très gros portefeuille comme celui de la caisse
crée des tentations - c'est absolument inévitable - de faire des
gros achats substantiels. Le résultat est qu'on a eu des
prises de contrôle, des achats de blocs substantiels dans
certaines sociétés. Là, on nous dit: C'est vraiment du
développement économique. C'est le genre d'achat d'actions qui
contribue au développement économique du Québec. On donne
toujours Domtar comme exemple.
Le gouvernement avait justifié, après coup, cet achat par
des organismes publics -la caisse, la SGF - de Domtar en disant:
Écoutez, ces gens étaient en train de déménager. On
a fait cela afin de retenir ici un siège social, un centre de
décision économique au Québec d'une société
qui joue, si on veut, dans nos ressources naturelles, qui les exploite. C'est
de soutenir notre développement économique que de s'assurer
qu'ils vont rester ici. Il n'y a pas de doute là-dedans, quant à
moi. La question est de savoir, si on commence à acheter des entreprises
parce que le gouvernement n'aime pas ce qu'elles font ou qu'on veut s'assurer
que le siège social va rester ici. À ce prix-là, cela
devient très cher, cela coûtera très cher. S'il avait fallu
retenir tous les sièges sociaux qui sont partis d'ici depuis sept ans
sous prétexte que c'est du développement économique que de
les laisser ici, j'aime autant ne pas penser combien on aurait
dépensé là-dedans.
Si on achète, on prend des positions de contrôle dans des
entreprises pour qu'elles ne déménagent pas, mais à qui
revendra-t-on cela? Où est la liquidité, dans ce cas, du
portefeuille? Si on achète pour que les gens ne déménagent
pas, on ne revendra plus jamais, parce que la logique de cet argument est que
lorsque le gouvernement revendra à quelqu'un d'autre, ils partiront
peut-être. S'ils font encore mine de repartir, on les achètera
encore.
On est un peu enfermé, quand on a des grosses positions comme
actionnaire, dans cette logique. On devient également plus responsable.
On est un peu plus porté à soutenir une entreprise quand les
choses risquent d'aller mal même pour un bon moment. "How long do you
throw good money after bad?" C'est une question, dans les entreprises, dans les
holding, qu'on se pose souvent.
À un moment donné, il faut arrêter ou alors on est
embarqué dans une situation où on continue à soutenir
l'entreprise: on va prêter, on va faire d'autres investissements
là-dedans pour la maintenir pendant une période de temps. C'est
du soutien à court terme, en tout cas, d'activités non rentables.
Cela non plus, dans le fond, n'entre pas dans le mandat de la caisse. Mais on
risque de s'enfermer... Je parle de risque, je ne dis pas que la caisse l'a
fait. Mais c'est un genre de perspective qu'on ne peut pas ignorer quand on est
un holding, essentiellement, à certains égards, avec une grosse
position, un gros pourcentage d'actions dans une entreprise qu'on insiste... La
preuve par neuf est que quand on sent qu'on est un gros actionnaire et qu'il y
a un intérêt particulier, on veut avoir des
délégués au conseil d'administration, etc. On s'enferme
dans une logique qui n'est pas nécessairement conciliable ou compatible
avec la recherche du rendement et du soutien au développement
économique du Québec.
Il me semble, donc, dans ce cas, qu'il devrait y avoir quelques
changements qui pourraient être faits. Il y a des directions qui ont
commencé à être empruntées par la caisse l'an
dernier. On peut penser à en revendiquer la paternité grâce
aux discussions qu'on avait eues à l'époque. Je suis sûr
que la caisse pense à plus long terme que de se demander ce que
l'Opposition va demander à la commission parlementaire.
À la lumière des commentaires que j'ai faits depuis
quelques minutes, il y a le premier pas d'avoir aboli les fonds
spécialisés pour construire des fonds particuliers. Mais cela
pose toute la question de savoir, oui, on donne peut-être le même
genre de degré d'initiative à ces nombreux déposants que
la CSST avait déjà, qui est un cas un petit peu particulier,
comment, au point de vue des mesures transitoires, cela va-t-il s'organiser
dans le concret, l'abolition des fonds spécialisés, le transfert
vers certains déposants dans des fonds particuliers de leurs avoirs qui
sont sous forme d'unités, des unités qui représentent des
actions de ceci, des obligations de cela, des hypothèques de quoi que ce
soit? Comment est-ce qu'on va constituer notre portefeuille dans un fonds
particulier qui va refléter ce mixte-là, cette combinaison
d'actifs? Comment va-t-on diviser les différents blocs d'actions qui
peuvent se retrouver à droite et à gauche pour le compte d'un
déposant plutôt qu'un d'un autre à l'intérieur du
fonds A par exemple? Cela m'apparaît obscur pour le moment. On ne sait
pas comment la caisse va procéder. On aimerait peut-être le
savoir. C'est la question qu'on pose.
Je répète que la politique de prêt, ou la
souscription aux obligations du Québec à un taux
préférentiel devrait prendre fin le plus vite possible. Si c'est
déjà fait tant mieux. Cela a été fait, et il est
trop tard pour les quelques années dernières. Je pense que les
déposants s'attendent à recevoir un rendement par le
marché, soit les obligations du Québec ou quelque autre titre ou
valeur, mais ils sont en droit de s'attendre à cela.
Il y a peut-être un troisième élément quant
au soutien au développement économique comme tel. Je
répète que l'activité de la caisse sur le marché
boursier secondaire n'est pas en soi du soutien au développement
économique, mais des actions qui ont changé de mains. Quelqu'un
qui était actionnaire de compagnie X, Y, Z Ltée ne l'est plus car
elle a vendu à la caisse son
bloc d'actions. Il n'y a pas de soutien au développement
économique pour le moment, dans le cas du marché secondaire. Pour
le marché primaire, si l'on veut, ou pour l'émission d'une
nouvelle direction d'une compagnie à laquelle la caisse participe,
souscrit, ce n'est pas du tout le même cas. Quant à
l'activité sur le marché boursier secondaire, je ne vois pas en
quoi - peut-être que la caisse pourra nous le dire - c'est du
développement économique.
Si on doit donner suite à ce mandat de soutien au
développement économique donc d'aider des entreprises du
Québec, il faudrait peut-être regarder du côté de
l'achat d'obligations de sociétés, "Cooperate Bonds", dans un
rapport peut-être favoriser cela un petit peu plus, qui se rapproche de
ce que des régimes de retraite privés font au Canada. Ce n'est
pas énorme, ce n'est pas substantiel comme différence dans le
portefeuille de la caisse quand on la compare avec les régimes de
retraite administrés par les compagnies d'assurances, mais "Cooperate
Bonds", obligations de société est peut-être un peu plus
bas dans le portefeuille de la caisse en pourcentage qu'il ne l'est dans
d'autres régions.
Il me semble que si on parle de soutien au développement
économique de certaines entreprises on peut parler oui de la sous
capitalisation. On dit: On n'est toujours pas pour leur prêter encore
s'il leur manque du capital permanent, mais il y a tellement d'entreprises qui
de façon imprudente sont encore enfermées avec de l'emprunt
bancaire à court terme, des marges de crédit de toutes sortes,
"Revolving Credit", et tout ce que vous voulez, qu'un réservoir nouveau
comme la caisse du côté des obligations d'entreprises pour leur
assurer du financement à long terme stable, cela ne serait pas
négligeable comme contribution à raffermir la qualité de
la structure financière de ces entreprises. Cela devient du soutien au
développement économique.
Donc, ce sont quelques éléments qui touchent la
divulgation des activités de la caisse, l'amélioration de son
rendement, la participation plus active des représentants, des
déposants, la gestion du portefeuille, l'interprétation pratique
qu'il faut donner au mandat de la caisse afin qu'elle contribue encore mieux au
développement économique du Québec, qui ont
déjà fait l'objet de nos commentaires ici, l'an dernier. (Il
heures)
Nous sommes heureux de voir que des changements se sont produits dans la
dernière année, que la caisse a fait des pas dans le sens que lui
suggère, dans le fond, tous ceux qui sont encore extrêmement fiers
de ces gestes. Il faut que les gros sabots bruyants dont on parlait tout
à l'heure soient remplacés par des souliers de course. Je
retiens, avec cette image-là, la nécessité de créer
encore plus d'émulation chez les ges- tionnaires de la caisse, entre
eux. Une suggestion précise a été faite de soi-disant
morceler la caisse, de la diviser en petits morceaux, en gros morceaux, en
nombreux gros morceaux. Le ministre des Finances nous dit que c'est
antiquébécois de faire cela. Il a dit aux journaux qu'il y a des
gens pour qui il faut que tout ce qui est québécois soit petit.
C'est démagogique. De toute façon, le ministre ne convainc
personne parce que, dans le fond, qu'est-ce qu'on cherche? On cherche la
façon, la structure, le design de la caisse, le design organisationnel
qui va permettre de maximiser le rendement des épargnes des
déposants. Si cela passe par la scission en certaines unités plus
nombreuses et moins centralisées de la gestion du portefeuille de la
caisse, tant mieux. Je ne vois pas en quoi nécessairement on est en
train d'empêcher le Québec, les Québécois et leurs
épargnes de contribuer au développement économique du
Québec. Je serais curieux d'avoir les derniers commentaires du ministre
et de M. Campeau, le cas échéant, à ce
sujet-là.
De toute façon, les commentaires qu'on fait valoir ici ont
simplement pour objet de s'assurer que les Québécois continuent
à être fiers d'une caisse qui est plus performante que les caisses
semblables au Canada et que les objectifs de rendement seront atteints,
maximisés et que le soutien au développement économique
qui arrive dans le mandat en peu en contradiction avec l'objectif de rendement
maximal pourra être respecté. On n'ira jamais au fond de cette
discussion tant qu'il n'y aura pas un débat public là-dessus
spécifiquement, tant que le ministre des Finances ou le gouvernement ne
nous amèneront pas des propositions. J'ai cru comprendre, il y a
quelques semaines, qu'on amènera peut-être une espèce de
livre ou un document qui émanerait du gouvernement sur le rôle de
la caisse dans l'avenir et faire le point sur ce qu'elle a fait et ensuite voir
quelles sont les perspectives. Ce débat de fond-là, tant que les
documents de cette nature-là, les propositions de cette nature-là
de la part du gouvernement ne seront pas sur la table, ne sera pas vraiment
amorcé. On est condamné, à ce moment-ci, à regarder
le rapport 1982 de la caisse, à discuter de son rendement, à
regarder les gestes que la caisse a posés depuis un an, à faire
valoir nos commentaires là-dessus et à solliciter les
commentaires et réponses des gestionnaires de la caisse et du ministre
des Finances.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre.
Réponse du ministre M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, j'ai un
certain nombre de commentaires à faire. Lorsque nous les
aborderons, je signalerai au passage un certain nombre de choses qui tiennent
à la gestion de la caisse. Je demanderai ensuite l'autorisation de cette
commission pour que M. Campeau puisse présenter les siens.
Le député de Vaudreuil-Soulanges mentionnait
l'utilité qu'il voit de tenir une commission parlementaire sur le
rôle et le développement de la Caisse de dépôt et
s'appuyait sur une déclaration que j'ai faite. J'aimerais rappeler que
la commission parlementaire dont j'ai souligné l'utilité au
moment où le débat faisait rage sur le projet de loi S-31, ne
portait pas spécifiquement seulement sur la Caisse de
dépôt, mais sur tous les organismes publics du gouvernement du
Québec qui, à l'heure actuelle, sont engagés dans l'achat
d'actions et dont le rôle était considérablement
gêné par la loi S-31. Je prendrai comme exemple la SDI dont la
participation au capital-actions de sociétés peut aller beaucoup
plus loin que celui de la caisse puisque la SDI est assez couramment
actionnaire à 49% d'un bon nombre de compagnies.
Dans mon esprit, puisque le gouvernement fédéral, par le
truchement du projet de loi no S-31, posait des gestes qui pouvaient être
très dommageables au fonctionnement normal d'un certain nombre de
sociétés gouvernementales ou d'État au Québec, il
était normal que l'on puisse examiner tout cela en commission
parlementaire.
Il est évident, comme le soulignait le député de
Vaudreuil-Soulanges, que le gouvernement fédéral va laisser,
semble-t-il, mourir le projet de loi no S-31 au feuilleton et le
réintroduire sous une autre forme, à un moment donné. Je
ne vois vraiment pas l'utilité actuellement, dans ces conditions, de
tenir la commission parlementaire dont je viens de décrire le
rôle. Il est beaucoup mieux d'attendre que l'on sache ce que le
gouvernement fédéral va réintroduire. Je pense qu'à
tous égards nous avons réussi, à l'occasion de la version
originale du projet de loi no S-31, à en discréditer les
principes profonds. C'est vraiment à la suite de prises de position, non
pas seulement du gouvernement du Québec, mais de toute espèce de
groupes dans la société québécoise que le
gouvernement fédéral a compris que son projet de loi original
dépassait d'ailleurs largement les fins pour lesquelles il avait
été rédigé.
Je crois que le gouvernement fédéral s'est rendu compte de
la signification de son texte de loi lorsqu'il a été
discuté en public.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): L'Opposition aussi, M. le
ministre, comme vous le savez d'ailleurs.
M. Parizeau: Oui, oui. Dans ces conditions, bien sûr,
attendons la nouvelle version. À ce moment-là, on verra
jusqu'où on doit pousser l'opposition à ce qui se trouvera dans
le projet de loi. Mais il est extrêmement difficile de dire à
l'heure actuelle à quoi on va s'opposer, on ne sait pas à quoi
s'opposer.
Alors, c'est le sens de mon attitude actuelle qui consiste à
dire: On se servira d'une commission parlementaire à cet effet quand on
en aura besoin et non pas, en soi, en plein été, à des
fins qui seraient hypothétiques. Pour qu'une commission parlementaire
puisse jouer son rôle, il faut qu'on sache exactement quel est le genre
d'objectif qu'on lui fixe.
Venons-en maintenant à l'origine de la Caisse de
dépôt, aux orientations qu'on lui voyait au départ et au
genre d'envergure et de développement qu'elle a pris depuis un certain
nombre d'années. J'ai à ce sujet un certain nombre d'observations
à faire, peut-être parce qu'à divers titres j'ai
été mêlé d'assez près au développement
de la caisse à partir du début. Si on veut interpréter
pourquoi on l'a créée, quelle envergure on pensait qu'elle
prendrait et quelle orientation elle devait se donner, j'imagine que mes
thèses à cet égard valent celles de bien d'autres dans la
mesure où, encore une fois, j'ai longuement travaillé à la
préparation du projet de loi et aux premières années du
lancement de cette institution.
Il est vrai que, dès le départ, la Caisse de
dépôt a été conçue comme devant fournir un
rendement le plus élevé possible aux déposants et devant
favoriser le développement économique du Québec. Le
député de Vaudreuil-Soulanges disait: C'est contradictoire ou
c'est ambigu, si je le cite bien. Pas nécessairement. Il est
évident qu'au niveau des principes ou des abstractions, on peut rendre
n'importe quoi incompatible, mais il n'en reste pas moins que ce sont ces deux
assises, également importantes, qui ont orienté dès le
départ - je reviendrai là-dessus, cela a une signification
importante -le développement de la Caisse de dépôt.
On disait tout à l'heure: Personne n'avait prévu que cela
prendrait une ampleur pareille. Je ne crois pas, au contraire. Je pense que
tous ceux qui ont travaillé à cela dès le départ se
sont très bien rendu compte que la Caisse de dépôt devait
rapidement devenir une institution financière majeure de premier ordre
sur les marchés financiers. On l'a su. Il ne fallait pas être
grand clerc pour faire des projections actuarielles. Je comprends qu'à
ce moment-là on utilisait des taux d'intérêt comme 5%;
forcément, le degré d'accumulation était inférieur
simplement parce que c'étaient les taux de l'époque.
Mais je rappellerai que le premier projet de Caisse de
dépôt n'a pas été celui
de gérer les fonds de la Régie des rentes. Le premier
projet de Caisse de dépôt consistait à regrouper des fonds
existants au gouvernement et administrés de façon
séparée ou éparse. Il y en avait de tous les genres. Par
exemple, dans le premier projet de Caisse de dépôt, il y avait les
fonds de la Commission des accidents du travail, maintenant, c'est la CSST.
Mais il y avait des choses comme le fonds des mariages protestants ou le fonds
de rachat des rentes seigneuriales.
Il faut se souvenir de l'époque où il y avait des
quantités de fonds qui traînaient un peu partout au gouvernement -
des tout petits, des très gros, il y avait tout ce qu'on voulait -
administrés, je ne dirais pas n'importe comment, mais sans aucune
espèce d'unité de direction. Le premier projet de Caisse de
dépôt consistait à ramasser tous ces fonds et à en
faire un seul.
Ce n'est qu'au moment où Mme Judy LaMarsh propose, comme ministre
de la Santé à Ottawa, de lancer un régime de rentes au
Canada, mais basé sur le "pay as you go", que, à Québec,
on va profiter de l'occasion pour refuser le "pay as you go" et demander une
capitalisation intégrale du régime public de rentes qui,
évidemment, on s'en rend compte à ce moment-là, deviendra
la pièce centrale de la Caisse de dépôt.
Finalement, après beaucoup de discussions en 1964, on a fait un
compromis à la canadienne, c'est-à-dire que cela n'a pas
été le "pay as you go" et cela n'a pas été
complètement capitalisé. Mais cela a représenté un
rythme d'accumulation important. C'est ainsi que la Caisse de
dépôt a été orientée, dès le
départ, comme pièce centrale au nouveau régime de rentes,
mais, d'autre part, toujours avec l'idée d'aller ramasser les fonds
publics, les fonds gouvernementaux.
La seule chose, je pense, qui n'était pas prévue dans les
greffes de tous ces fonds à la Caisse de dépôt,
c'étaient les fonds de pension de l'industrie de la construction. Cela
n'avait pas été prévu au départ. C'était le
secteur privé. Cela n'avait rien à voir, vraiment, en soi, avec
un organisme gouvernemental. S'il y a quelque chose de nouveau par rapport au
programme original de développement de la caisse, c'est les fonds de
pension de l'industrie de la construction. Mais pour tout le reste, cela a
été envisagé dès le départ.
J'entends le critique de l'Opposition qui parle de l'assurance
automobile. Oui, puisque l'assurance automobile n'existait pas, cela ne pouvait
pas être prévu. Mais il était clair que dès qu'un
mode d'accumulation dans un fonds public, comme l'assurance automobile, se
produirait, ce serait greffé dessus. C'est la même chose pour la
Régie de l'assurance-dépôts. Dès que la
première loi de la Régie de l'assurance-dépôts est
sortie, qu'a-t-on fait? C'était en 1967, deux ans après la
création de la caisse. On a dit: L'argent de la Régie de
l'assurance-dépôts s'en va à la Caisse de
dépôt. Au fond, dès le départ, l'idée est la
suivante: Quand il y a des fonds publics, gouvernementaux, qui apparaissent,
cela va à la Caisse de dépôt.
Il était clair dès le départ que puisqu'on disait
à la Caisse de dépôt qu'elle était autorisée
à aller à 30% de ses fonds totaux en achats d'actions, d'abord
qu'ils ne seraient pas à 30% au départ, cela leur prendrait un
certain nombre d'années pour y arriver.
Deuxièmement, la combinaison de l'augmentation du pourcentage en
actions et de l'augmentation rapide des fonds disponibles à la Caisse de
dépôt allait faire en sorte que, un bon jour, la caisse ne
pourrait pas se contenter d'acheter des actions à la bourse, simplement
parce qu'il y aurait tellement d'argent disponible pour les achats d'actions
à la Caisse de dépôt que la bourse ne pourrait pas en tout
temps fournir ce qu'il faudrait; la caisse deviendrait trop grosse pour cela.
Donc, il apparaissait dès le départ qu'à un moment
donné, les achats de blocs d'actions se poseraient. Quand la caisse
aurait atteint une dimension suffisante, au lieu de dire de passer des
commandes tous les matins pour acheter des actions de telle ou telle compagnie,
elle achèterait des blocs. Il n'y a rien de nouveau à cela. On
savait très bien... Encore une fois, ce n'est pas très difficile
de faire des projections actuarielles de ce qu'il y aura dans ces fonds,
d'appliquer 30% en actions et de voir ce que cela représente par rapport
aux marchés secondaires canadiens sur les actions. (Il h 15)
Je dois ajouter d'ailleurs à ce sujet que c'est la raison pour
laquelle la caisse a été astreinte dès le départ,
cela n'a pas été changé dans les amendements
apportés à la loi sur la caisse par la suite, à des
pourcentages très précis, c'est-à-dire pas plus de 30% des
actions d'une compagnie, pas plus de 30% de l'actif total de la caisse dans des
actions de compagnies. On voyait, à ce point, ce qui allait se produire,
on a mis des balises, des maximums dès le départ. Encore une
fois, je rappelle que, sous tous les gouvernements depuis 1965, ces
dispositions n'ont jamais été changées, pour des raisons
qui se comprennent fort bien. Tous les gouvernements étaient d'accord
qu'il fallait mettre des maximums pour empêcher que la caisse, à
un moment donné, prenne vraiment, par rapport à certains groupes
de compagnies, une importance trop grande.
Le député de Vaudreuil-Soulanges, à l'occasion de
ces achats de blocs, soulevait la question des gros sabots de la caisse. Je
rappellerai quelque chose à ce sujet qui, je pense, n'est pas
suffisamment compris. Dès le départ, la caisse a pris des
positions
importantes dans certaines compagnies, à l'intérieur des
30% qui représentent la limite juridique. Par exemple, la fusion de
Couvrette, Provost, Lamontagne et je ne sais plus quelle chaîne
d'alimentation, il y en a une troisième, qui est devenue Provigo, a
été, dans une bonne mesure, le résultat du fait que la
Caisse de dépôt avait acheté un pourcentage très
important d'actions dans ces trois chaînes d'alimentation et elle a
été, en somme, l'honnête courtier des fusions qui ont
amené Provigo. Je le cite de mémoire, M. le Président, je
pourrais me tromper d'une année ou deux, mais on parle de 1966, 1967,
enfin dès le départ. La loi sur la caisse a été
adoptée en 1965 et, dès 1966 et 1967, on voit la caisse prendre
des positions importantes dans des compagnies.
Je pense que des gestes comme ceux-là sont importants et doivent
atténuer un peu ce que disait le député de
Vaudreuil-Soulanges quant à des éléments de
développement économique que la caisse peut susciter. Je serais
d'accord avec lui pour dire que, acheter des actions sur le marché
secondaire, en soi, cela ne facilite pas le développement
économique. C'est vrai. Mais acheter sur le marché secondaire des
actions des trois chaînes d'alimentation dont je parlais tout à
l'heure et, ensuite, utiliser cela à titre d'honnête courtier pour
favoriser, avec d'autres bien sûr, et la caisse n'était pas la
seule dans la transaction, une fusion qui a amené Provigo, sur le plan
du développement économique du Québec, ce n'est pas
secondaire et ce n'est pas insignifiant. Au contraire!
Je dois reconnaître que, pendant plusieurs années, parce
que la caisse n'avait pas la taille - je ne sais pas - d'un holding comme Argus
ou comme Power Corporation, ses opérations attiraient moins l'attention.
Même si ses positions dans certaines compagnies étaient
importantes, cela attirait moins l'attention du public. Il est arrivé
à un moment donné que, la caisse ayant une taille
considérable, ses achats de blocs ont touché des compagnies
d'envergure pancanadiennes. Je laisserai M. Campeau dire tout à l'heure
un certain nombre de choses quant à Domtar. L'idée ne consistait
pas à faire en sorte que Domtar déménage ou ne
déménage pas son siège social. Ce qui s'est produit
à partir d'un certain moment c'est que, en raison de la taille de la
caisse, quand elle prend 20% dans une compagnie maintenant, cela peut
être assez souvent dans une compagnie d'envergure pancanadienne et,
là, cela fait du bruit seulement parce que c'est devenu très
gros.
Brascade en est un autre type. J'imagine que la Caisse de
dépôt n'est pas allée acheter ses actions dans Brascade,
qui a pris à son tour une position dans Noranda, pour empêcher le
siège social de Noranda de se déplacer à Toronto, il y est
déjà. Ce n'est pas un déménagement, c'est une bonne
affaire. Je pense qu'on va voir davantage de ces opérations, simplement
parce que le portefeuille de la Caisse de dépôt est devenu le
portefeuille d'actions le plus important au Canada. Quand un portefeuille
d'actions est devenu le plus important au Canada, il est évident que,
quand ce portefeuille se retourne, quand il se réoriente, cela fait du
bruit.
J'en arrive donc aux questions de divulgation. Je pense, ici, qu'il
fallait effectivement faire quelque chose, non pas seulement sur le plan
d'inciter la caisse, comme beaucoup de gens faisaient un peu partout, de
s'astreindre volontairement aux règles des commissions de valeurs
mobilières un peu partout au Canada, mais je pense qu'en raison
même de l'ampleur de la caisse, il était temps que nous disposions
dans notre législation d'un certain nombre de règles de
divulgation applicables non pas seulement à la Caisse de
dépôt, mais à tous les mandataires du gouvernement. Je vous
avouerai qu'il y a d'autres sociétés d'État qui maintenant
participent à l'achat de compagnies. Je crois qu'il est tout à
fait normal que ce soit la Caisse de dépôt ou n'importe quelle
autre société d'État qui soit astreinte à des
règles de divulgation.
On s'en souviendra, nous les avons incorporées dans la nouvelle
Loi sur les valeurs mobilières. Elles ne sont pas absolument identiques
à celles qui s'appliquent aux entreprises privées et on nous en a
fait grief. Je comprends qu'on nous en fasse grief, mais il faut
reconnaître cependant qu'à l'heure actuelle, le Québec est
la seule juridiction au Canada qui ait des règles de divulgation dans sa
Loi sur les valeurs mobilières applicables à ces
sociétés d'État. Nous sommes la seule province à
avoir cela.
On s'en souviendra aussi, l'Ontario avait présenté en
même temps que nous ou un peu avant un projet de loi amendant la Loi sur
les valeurs mobilières d'abord et prévoyant des règles de
divulgation pour les mandataires des gouvernements qui seraient identiques
à celles qui s'appliquaient aux entreprises privées. J'avais dit
à ce moment que si l'Ontario effectivement adoptait dans sa loi - on
n'avait même pas abordé la deuxième lecture en ce moment en
Ontario -des dispositions qui rendaient identiques les règles de
divulgation des sociétés d'État et les règles de
divulgation des sociétés privées, je me rangerais à
cela. Je voulais bien, puisque nous étions les premiers à bouger,
faire un bout de chemin; mais avant de faire tout le chemin, je voulais quand
même voir si nous étions un peu suivis.
Ce qui s'est produit, c'est que la loi de l'Ontario a été
laissée sur les tablettes; elle doit être modifiée et,
semble-t-il, ne sera réintroduite dans la Législature de
l'Ontario
qu'à la fin de cette année. J'en reste simplement à
ceci. Nous sommes les seuls au Canada jusqu'à maintenant à avoir
fait un bon pas en avant sur le plan des règles de divulgation, on va
voir ce qui se produira en Ontario, à l'automne, et on avisera. Mais
l'espèce d'engagement moral que j'avais pris de réexaminer
complètement la question une fois qu'on saurait où l'Ontario
s'oriente, je le tiens toujours.
M. le Président, il me reste à aborder un certain nombre
d'observations qui ont été faites par le député de
Vaudreuil-Soulanges, mais qui se présentent souvent sous la forme de
questions qui sont assez nettement adressées à M. Campeau. Je
pense qu'on laissera M. Campeau présenter ses commentaires tout à
l'heure.
Je voudrais simplement dire quelques mots. Sur la question de la valeur
de réalisation et de la valeur d'acquisition, je laisserai M. Campeau
discuter de cela tout à l'heure.
J'aurais souhaité cependant qu'à l'occasion des
renseignements publiés justement à l'égard du portefeuille
d'actions dans le rapport annuel de cette année de la Caisse de
dépôt, le député de Vaudreuil-Soulanges lise toutes
les phrases pertinentes et non pas une seule. Il a fait un peu d'ironie en
disant... et je cite ici le rapport annuel: Elle devra toutefois s'abstenir de
divulguer une information susceptible de nuire à ses opérations,
à ses intérêts économiques ou à sa
compétitivité. C'est effectivement la phrase, elle est
écrite. Mais elle vient après trois paragraphes où la
Caisse de dépôt dit: Voici maintenant ce que je vais divulguer et
elle annonce toute une série de choses qu'elle va divulguer et elle
termine par cette observation. Cela change un peu le contexte.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y en a pour 1 300 000 $
alors il n'y a pas de plat à faire avec cela.
M. Parizeau: Oui. D'autre part, quant à la question de
l'initiative laissée à chacun des déposants, je laisserai
aussi M. Campeau discuter de la chose. Je reviendrai cependant sur trois
questions qui me semblent appeler quelques commentaires. Le
député de Vaudreuil-Soulanges dit: On voit que dans certains
fonds particuliers, il y a jusqu'à un tiers et même un peu
davantage d'actions, alors qu'au contraire, dans le cas du fonds où se
trouvent placées les sommes qui proviennent de la Régie des
rentes, il n'y aurait qu'à peu près un huitième. Oui,
forcément, comme la Caisse de dépôt ne peut consacrer que
30% de son portefeuille à des actions, il est évident que si elle
a 40% dans un fonds, elle va avoir moins dans un autre. Au total, cela ne peut
dépasser 30%.
Deuxièmement, revenons à la question du prix d'ami que le
ministre des Finances aurait obtenu de la caisse. J'aimerais rappeler ceci:
pendant toute l'histoire de la Caisse de dépôt, celle-ci a
toujours prêté au gouvernement et à Hydro-Québec au
taux du marché. Il apparaît, à un moment donné, que
le Heritage Fund, de l'Alberta, prête, comme le disait d'ailleurs
très justement le député de Vaudreuil-Soulanges, à
tous les gouvernements des provinces et surtout à leurs compagnies
d'hydro-électricité au taux de la meilleure province; à
toutes fins utiles, cela veut dire le taux de l'Ontario. Cela
représente, cela varie souvent, mais, sur la longue période, les
obligations de l'Ontario, normalement, rapportent 40 ou 42 basis points de
moins que celles du Québec. Sur la longue période, c'est à
peu près cela. Évidemment, il y a des pointes et des variations
considérables, mais, finalement, cela revient un peu à cela.
Nous sommes alors placés dans une situation tout à fait
baroque. Voilà un fonds gouvernemental d'une province qui commence
à prêter de l'argent au Québec, au Nouveau-Brunswick, au
Manitoba, partout, au taux de l'Ontario. Il aurait été tout
à fait paradoxal que la Caisse de dépôt accepte des
placements privés à un taux différent. Je parle de
placement privé parce que lorsque la caisse participait à des
émissions publiques du gouvernement du Québec, elle les achetait
évidemment au taux du marché. Quand il s'agissait de placements
privés comme ceux que faisaient le Heritage Fund, c'était assez
paradoxal.
Il arrive que l'Alberta a des déficits énormes, que le
gouvernement de l'Alberta se sent forcé d'aller chercher passablement
d'argent qui se trouvait dans le Heritage Fund pour se financer et que le
Heritage Fund cesse complètement ses prêts partout ailleurs au
Canada. Qu'est-ce qui se produit à la Caisse de dépôt,
constatant que le Heritage Fund a cessé de prêter? Ils reviennent
automatiquement au taux du marché pour leurs placements privés.
C'est fait, puisque le Heritage Fund ne prête plus au Canada, la Caisse
de dépôt est revenue au taux du marché.
Troisième chose. Le député de Vaudreuil-Soulanges
soulignait qu'il pouvait y avoir quelque chose d'anormal à ce que de
l'argent soit prêté, si je le comprends bien, au gouvernement du
Québec par la Caisse de dépôt. Alors que le gouvernement du
Québec - comment dire - n'équilibrerait pas, si je comprends
bien, ses emprunts et ses investissements, ses dépenses de nature
capitale. Si c'est cela que j'ai compris, je suis un peu étonné.
Je dirais même qu'on ne comprendrait pas que l'épargne des
particuliers au Québec par le truchement de la Régie des rentes
serve à financer les dépenses courantes. Sur le plan de la
protection de l'épargnant, c'est bonnet blanc, blanc bonnet. Sur
le plan de la gestion des fonds publics du point de vue du gouvernement, cela
peut être autre chose, mais du point de vue de l'épargnant...
Entre nous, est-ce que l'épargnant canadien qui prête de
l'argent au gouvernement fédéral, qui, lui, toujours emprunte
pour payer l'épicerie? Le gouvernement fédéral sur les 30
000 000 000 $ de déficit, s'il a 5 000 000 000 $ ou 6 000 000 000 $ de
dépenses de nature capitale, c'est beau; tout le reste ce sont des
dépenses courantes. Est-ce qu'on croit que l'épargnant canadien,
prêtant de l'argent au gouvernement fédéral pour payer des
salaires de fonctionnaires est moins protégé? Pas vrai. Jamais
l'épargnant canadien n'a soulevé une question comme
celle-là. Si je me suis trompé dans l'interprétation que
je donne, le député de Vaudreuil-Soulanges rectifiera. C'est ce
que j'avais cru comprendre.
Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire en
réponse aux observations qui venaient d'être faites. Je pense que
maintenant nous pourrions, si l'Opposition est d'accord, laisser M. Campeau
s'adresser à des questions de gestion plus courante de la caisse dans le
sens des questions posées, je pense, par le député de
Vaudreuil-Soulanges.
Le Président (M. Champagne): M. Campeau est-ce que vous
avez des commentaires?
(11 h 30)
M. Parizeau: Oui, M. le Président. Je retiens trois points
dont fonds particuliers, Domtar et financement des entreprises par obligations.
En voyez-vous d'autres?
Allons d'abord sur les fonds particuliers. Il existait, dans le
passé, à tout le moins l'an dernier, à la Caisse de
dépôt trois genres de fonds. Il y avait le fonds
général où on retrouvait deux déposants importants:
la Régie des rentes du Québec et la Régie de l'assurance
automobile. Nous avions un fonds particulier qui était la CSST. Nous
avions des fonds spécialisés dans lesquels on trouvait d'autres
déposants tous ensemble. Nous avons cru bon d'avoir plus de fonds de
particuliers. À toutes fins utiles, nous avons maintenant un fonds
général et des fonds particuliers. C'est évidemment un
grand avantage au point de vue de la clarté, au point de vue de la
flexibilité dans ces fonds-là et au point de vue de la
limpidité. C'est un peu ce vers quoi la Caisse de dépôt
s'achemine: devenir plus transparente.
Je me permets un commentaire. Si, par hasard, en plus, ce qu'on fait
fait l'affaire de l'Opposition, tant mieux. À l'occasion, on se fait
reprocher des choses qu'on fait qui font l'affaire du gouvernement. On regarde
le rendement, l'efficacité, le support au développement
économique et la sécurité et si, en plus, cela fait
plaisir à l'un, tant mieux. D'ailleurs, j'aurai pour vous tout à
l'heure un commentaire sur la gestion des immeubles dont vous avez parlé
l'an dernier. Il se peut qu'encore là vous soyez satisfaits et que vous
ayez l'impression - peut-être plus que l'impression - que vous avez
aidé à améliorer l'administration de la caisse. Tant
mieux.
Revenons aux fonds particuliers. Dans le fonds général,
toutes les décisions sont prises par les gestionnaires de la caisse et
nous informons les deux déposants, bien entendu. Dans le cas des fonds
particuliers, il en va un peu différemment. Ces
déposants-là ont le loisir de choisir le genre de
véhicules dans lesquels ils aimeraient investir durant l'année,
c'est-à-dire les grands véhicules: obligations,
hypothèques, immeubles, actions ou encore encaisse ou court terme plus
précisément. C'est après discussion avec les
représentants de ces déposants-là que la
répartition de l'actif est faite dans ces fonds-là. Ces
déposants n'ont pas à intervenir dans le choix des secteurs ni
dans le choix des compagnies dans lesquelles les obligations ou les actions
seront émises. Ils peuvent émettre un voeu. Comme on l'avait
souligné l'an passé, la CSST dans son fonds particulier
souhaitait avoir des actions amplifiant le côté du dividende du
revenu plutôt que le côté appréciation du capital.
Cela peut être un choix pour une certaine période de temps, choix
qu'on essayait de respecter.
J'ajoute quand même que ces normes-là qui nous sont
dictées par nos déposants de fonds particuliers doivent
être conciliables en tout temps avec les objectifs et les politiques de
la caisse et que le conseil d'administration doit être d'accord avec les
normes qui sont édictées. Notre comité des
déposants, formé depuis maintenant trois ans, s'efforce
d'être plus actif et d'être un conseiller encore plus agissant
vis-à-vis de ces déposants de fonds particuliers, alors
qu'autrefois notre assistance se confinait peut-être à ne prendre
que certaines directives plutôt que de discuter avec ces
gens-là.
Je voudrais maintenant attaquer le deuxième point qui est Domtar.
Je me permets de souligner tout de suite que c'est un peu sub judice,
jusqu'à un certain point; nous sommes actuellement en cour, Divisionnal
Court, en Ontario. Nous sommes en appel sur une décision de la
Commission des valeurs mobilières de l'Ontario quant à nos
transactions en Ontario. Cela nous met un peu dans l'hésitation.
Cependant, je pense que je peux facilement ajouter - si on revient
à 1981 -pourquoi Domtar a été fait. Pas pour faire plaisir
au gouvernement. Domtar, pour la Caisse de dépôt, était une
belle compagnie, comme l'est Noranda, comme l'est - si je
peux vous faire plaisir - Canadien Pacifique, comme l'est Alcan ou
d'autres compagnies. C'est une compagnie qui est bien diversifiée. Vous
avez dans Domtar la pâte et le papier. Vous avez surtout un fort contenu
de papiers fins où Domtar excelle. Vous avez aussi un secteur de
produits chimiques très important qui performe très bien. Vous
avez un troisième secteur qui est la construction. Vous avez enfin un
quatrième secteur beaucoup moins important et que Domtar parle
même de fermer complètement, éventuellement. Cela pourrait
arriver, c'est le pétrole. Il y a un autre facteur dans Domtar. Il y
avait une menace sérieuse de dilution. Les investissements de la caisse
étaient mis en danger. À ce moment-là, nous avions quelque
26% de Domtar. La caisse se devait d'agir pour protéger ses
investissements. De fait, elle l'a fait. Une occasion s'est
présentée et la caisse l'a fait. Je reviens au fonds particulier.
Si cela a fait plaisir au gouvernement, tant mieux, mais je ne voudrais pas que
chaque fois qu'on fait une transaction, on soit obligé de se demander
à la caisse: Si on fait plaisir au gouvernement, on ne le fera pas. Si
on fait plaisir à l'Opposition, on ne le fera pas plus. Alors, c'est le
point délicat.
Passons au financement des entreprises, si vous voulez. On a encore un
nombre important d'obligations dans les entreprises. On a quelque 768 000 000 $
d'obligations. Il est vrai qu'en proportion, les obligations ont diminué
depuis deux ou trois ans. C'est un fait que notre politique a changé un
peu. Dans les financements à l'entreprise, si on regarde le
problème - le ministre des Finances du Québec en a parlé,
le ministre fédéral des Finances en a parlé aussi - les
entreprises manquent de capital-actions. Or, on ne veut pas se substituer aux
banques. Quant aux obligations, il semble qu'il y a toujours preneurs pour les
obligations de bonne qualité. Il semble aussi que les banques sont
toujours présentes pour financer les entreprises, que ce soient les
petites ou moyennes entreprises - évidemment si elles sont bonnes - et
aussi les grandes entreprises. Or, la caisse voudrait mettre du capital de base
dans les entreprises. Dans les moyennes entreprises, nous avons à
l'heure actuelle 60 000 000 $. C'est peut-être la seule partie de notre
portefeuille d'actions que l'on peut dire qui n'est pas liquide sur 3 000 000
000 $ au 31 décembre 1982. Mais pour nous, il y a là un travail
à faire tant du point de vue du rendement que du support au
développement économque.
Donc, une petite entreprise qui est bien capitalisée peut mieux
se présenter à la banque et obtenir plus facilement des emprunts
de banque. Pour nous, il n'est pas question que la caisse se substitue aux
banques et leur fasse compétition quant aux prêts à
effectuer aux petites. et moyennes entreprises. Il en va de même des
grandes entreprises. Je n'en connais pas qui ont de la difficulté
à se financer. En plus, étant donné notre autre but
d'augmenter comme on l'a fait depuis 1979... Je pense qu'en 1978, le
portefeuille d'actions était de Il,5%, à la fin de cette
année, nous sommes remontés à 18,5%, de mémoire.
À toutes fins utiles, nous sommes remontés au même niveau
que nous étions en 1973 et 1974 au point de vue du portefeuille en
pourcentage. Cela représente évidemment de beaucoup plus grosses
sommes, parce qu'en 1973-1974, le total de l'actif était d'environ 4 000
000 000 $ alors qu'il est maintenant de 16 000 000 000 $ au 31
décembre.
J'aimerais ajouter qu'il s'agit aussi d'avoir une pondération
raisonnée. Si dans une compagnie, nous avons un fort montant d'actions,
il devient un peu illogique de détenir aussi des obligations. Cela nous
fait augmenter considérablement notre exposition dans ces compagnies.
Alors, pour donner un exemple, je pense qu'il ne viendra pas en conflit avec
aucun de nos placements. Nous sommes de gros actionnaires de Bell Canada.
Alors, est-ce qu'en plus on va continuer à être de gros
détenteurs d'obligations de Bell Canada? Des détenteurs
importants, oui, mais je pense qu'à un moment donné il y a une
limite. Il y a une pondération autant dans les actions que dans les
compagnies quant aux obligations et aux actions. C'est un détail
important que nous essayons de bien vérifier.
Quant à la valeur de réalisation et d'acquisition que je
n'ai pas mentionnée ici, cela demeure pour nous une information que si
on fournissait sur chacun des articles ou chacun des titres, cela pourrait
être défavorable à la gestion de la Caisse de
dépôt. Parce que, quand on sait à quel prix quelqu'un a
acheté une action, on peut deviner ses intentions et on peut savoir
à quel niveau l'investisseur croit que l'action est un bon
investissement et à quel niveau, peut-être, il deviendra
vendeur.
D'autre part, on ne se cache pas pour donner le total de la valeur de
réalisation et le total de la valeur d'acquisition de tout notre
portefeuille d'actions. On fait de même pour chacun de nos secteurs:
obligations, hypothèques et immeubles. De là à fournir
pour chacune des compagnies des renseignements si détaillés, nous
avons des objections.
Je pense que cela résume vos questions. Au dernier point,
à holding financier, la caisse est peut-être plus grosse que Power
Corporation, mais elle n'est pas un holding financier comme Power Corporation
peut l'être. Quand Power Corporation prend des positions importantes,
elle cherche le 20%. Je vous dis des choses que vous savez probablement fort
bien et qu'on pourrait se remémorer.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...51%.
M. Parizeau: Oui, je vous dirais qu'elle ne l'a pas toujours.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non.
M. Parizeau: Dans la Consolidated-Bathurst, je pense qu'elle
administre très bien sans avoir ses 51%. C'est vrai qu'elle a, à
ce moment-là, dans Consolidated-Bathurst, un excellent partenaire qui
est M. Turner qui détient un fort pourcentage d'actions, ce qui le
distingue d'un autre bureaucrate qui peut être président-directeur
général d'une compagnie et administrer la compagnie sans avoir
son argent à l'intérieur. C'est peut-être un cas un peu
particulier qui justifie de ne pas avoir 51%.
Il reste qu'un "holding company" a besoin d'avoir 20% pour pouvoir
comptabiliser et faire valoir à son bilan tous les avantages. Aussi,
avec 20%, cela permet d'avoir les administrateurs. Cela permet, à toutes
fins utiles, quand on a 20% d'une grande compagnie, de la mener si on demeure
agressif, si on le veut bien et si on est dans le domaine de la libre
entreprise, de l'entreprise privée.
C'est un peu cela que je voulais dire. La Caisse de dépôt
ne cherche pas les holdings, parce que la Caisse de dépôt ne veut
pas gérer ni administrer au jour le jour, elle veut cependant superviser
ses investissements et superviser les grandes orientations des compagnies dans
lesquelles elle a des investissements importants pour protéger l'argent
qu'elle investit au nom de tous ses déposants.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
Discussion générale
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, en deux temps, M. le
Président. Premièrement, quant aux remarques du ministre, je
retiens essentiellement qu'à l'égard du débat public sur
non seulement la Caisse de dépôt, mais les autres organismes
publics qui sont plus actifs dans l'achat d'actions qu'autrefois, le ministre
insiste pour tracer les balises du débat public à l'avance,
c'est-à-dire qu'on discutera des organismes publics qui achètent
des actions sur le marché si S-31 existe toujours afin de s'y opposer ou
si S-31 ou son petit neveu ou son arrière-petit-enfant qui verra
peut-être un jour le jour revient à la Chambre des communes,
là, on s'opposera. On fera un débat pour s'opposer, pas pour voir
s'il est approprié pour les organismes publics, y compris la Caisse de
dépôt, d'investir dans des actions, pas pour voir quelle est la
direction qu'est en train d'emprunter le secteur public québécois
par la voie de ses organismes, mais on fera un débat pour s'opposer
à une mesure fédérale.
Cela m'apparaît à l'avance tronquer complètement le
débat qui n'est pas de cette nature, qui est de savoir comment les
organismes publics et la Caisse de dépôt, notamment, au
Québec, pour et au nom des Québécois, sont en train de
bâtir un patrimoine pour les citoyens du Québec. Dans ce sens,
c'est absolument irrecevable, à une commission parlementaire, un
débat public qui ne tournerait qu'autour d'une initiative qui vient
d'ailleurs, en l'occurrence, et qui donnerait simplement au gouvernement du
Parti québécois une autre occasion de faire des tours de piste
à n'en plus finir sur l'attaque inconsidérée que des
agents de l'extérieur feraient aux désirs et aux aspirations
légitimes des Québécois. C'est comme cela que le ministre
est en train de tresser le débat qui viendrait peut-être un jour.
(Il h 45)
Le débat ne semble pas devoir venir à moins qu'on insiste
pour que le gouvernement fédéral, par la voie de ses projets de
loi, porte atteinte à certains des objectifs qui, oui, sont parfaitement
légitimes, les organismes publics québécois.
Deuxièmement, quant à la politique de la Caisse de
dépôt de prêter au gouvernement du Québec à
des taux de 40 ou 45 "basis points" en deçà du marché, le
ministre n'a effectivement pas saisi complètement ce que j'ai
indiqué. Il est bien entendu que, d'une part, les activités de la
caisse pour les obligations qu'elle achète sur le marché ne sont
pas sujettes à cet arrangement particulier qui existait. La caisse
achète au prix du marché.
Il n'en reste pas moins que si on regarde les renseignements
supplémentaires non seulement de cette année mais ceux de l'an
dernier pour reconstituer sur une base d'année civile le volume des
emprunts du gouvernement, conformément à la note qui
apparaît aux renseignements supplémentaires dont une partie aurait
été souscrite par la Caisse de dépôt, on voit que
c'est un pourcentage considérable qui a été pris par la
Caisse de dépôt par voie de placements privés et non pas
comme le ministre semblait vouloir le laisser supposer. La caisse n'a pris que
des placements privés, mais il ne faut pas oublier qu'elle est sur le
marché également et qu'elle achète au prix du
marché, donc que les épargnants y trouvent leur compte. Les
épargnants n'y ont pas trouvé leur compte pour la vaste
majorité des achats d'obligations du Québec que la caisse a
réalisées. Je pense qu'il fallait mettre tout cela au clair.
Quant aux commentaires que le président de la Caisse de
dépôt nous a
transmis, il m'a laissé un peu sur ma faim. J'en reviens à
l'abolition des fonds spécialisés et à la création
des fonds particuliers. J'ai demandé tout à l'heure,
peut-être pas avec assez d'insistance et c'est peut-être pour cela
que vous n'avez pas pris des notes en conséquence, comment va-t-on faire
la translation, comment va-t-on faire glisser vers les fonds particuliers
l'ensemble des fonds spécialisés qui existent actuellement. On
peut imaginer qu'un déposant a des unités dans le fonds A, G, O,
etc., et dans le fonds hypothécaire. Qu'est-ce qu'on va avoir dans son
fonds particulier quand cela va être terminé? Est-ce qu'il va y
avoir des actions de Domtar dans ses actions, ses unités dans le fonds
A, qui sont représentées par quoi concrètement quand elles
vont se ramasser dans son fonds particulier? J'ai essayé de voir quelles
étaient les mesures transitoires, comment va s'effectuer la transition
vers les nouveaux fonds particuliers? C'est pour cet aspect.
Le deuxième que vous avez relevé avait trait à
Domtar. Peut-être qu'effectivement vous ne demandez pas si vous faites
plaisir au gouvernement ou à l'Opposition, etc. Mais vous ne serez
peut-être pas surpris de savoir qu'à l'Assemblée nationale,
M. Lucien Lessard, ancien député de Saguenay qui était
ministre à l'époque, avait dit en novembre 1981 et je cite: "Or,
la Domtar, avant qu'on en prenne le contrôle, avait l'intention de faire
quoi? De déménager son siège social du Québec,
"sacrer le camp" du Québec. On a décidé de prendre le
contrôle des centres de décision et on n'est plus à genoux
devant eux."
Vous avez fait plaisir à la Caisse de dépôt,
à Lucien Lessard, sinon à tout le gouvernement ou alors Lucien
Lessard était parfaitement mal informé des raisons
financières, raisons d'affaires, que vous avez fait valoir il y a
quelques minutes. On ne peut pas s'empêcher de penser qu'il y a eu
concertation à l'époque non seulement de la Caisse de
dépôt qui demeure autonome, indépendante et on se
plaît à le répéter. La SGF a également
participé à cet achat de Domtar et elle a beaucoup moins
d'indépendance et d'autonomie que la Caisse de dépôt. Dans
ce sens-là, cette action concertée à l'époque avait
sans doute permis à au moins un ministre du gouvernement de dire "on"
avait pris le contrôle des centres de décision parce que Domtar
était pour déménager et "sacrer le camp". C'est toujours
la citation.
Troisième commentaire. Vous avez parlé de divulgation.
Vous avez indiqué, et je dois dire que vous faites cela souvent à
la Caisse de dépôt, que proprio motu vous n'avez aucune objection
à divulguer la valeur de réalisation des placements comme poste
au bilan et leur coût d'acquisition. Je vous rappelle que, sauf erreur,
l'article 47 de la loi constitutive vous oblige à faire cela. Là
où je voulais en venir, c'est qu'on porte plus loin un peu l'obligation,
l'esprit de l'obligation imposé par l'article 47 de votre loi
constitutive, de sorte qu'on pourrait démêler un peu plus
facilement les différences qui peuvent exister en fin d'année
entre la valeur de réalisation de vos placements et leur coût
d'acquisition. Peut-être êtes-vous hésitant - c'est le moins
qu'on puisse dire - à le faire pour chacune des participations que vous
avez, par compagnie. J'accepte votre argument en grande partie, mais
peut-être auriez-vous intérêt à regarder si, par
secteur d'investissement, il y en a de très nombreux qui ne
permettraient pas de voir si facilement ce dont vous avez peur que les gens se
rendent compte, c'est-à-dire le prix auquel vous deviendriez vendeur, le
prix auquel vous êtes devenu acheteur? Enfin, ce sont des
éléments dans la concurrence du marché auxquels les autres
institutions ne sont pas soumises.
Étant donné le rôle de fiduciaire pour les citoyens
du Québec, en tout cas, pour un grand nombre de déposants que
vous avez à remplir, il me semble qu'une désagrégation
partielle de la divulgation du coût d'achat, des investissements et de la
valeur de réalisation ne serait pas si exorbitante que ça. Cela
vous permettrait de vous conformer aux exigences parfaitement raisonnables que
les déposants, à mon sens, sont en droit d'avoir. Je n'ai pas
d'autres commentaires pour l'instant.
Le Président (M. Champagne): Oui, M. le ministre.
M. Parizeau: Toujours dans le sens de ce que vient faire le
député de Vaudreuil-Soulanges. Il a fait des commentaires au
sujet de ma déclaration et, ensuite, sur certains éléments
discutés par M. Campeau; on pourrait reprendre cela dans le même
ordre s'il est toujours d'accord.
Je pense que le député de Vaudreuil-Soulanges a
parfaitement raison de dire que je souhaiterais me servir d'une commisssion
parlementaire comme arme de défense. Il a tout à fait raison. De
la même façon que je me suis servi de la commission
sénatoriale comme arme d'attaque à Ottawa. Ah ouil Lorsque, par
un projet de loi, le gouvernement fédéral cherche à faire
en sorte que des institutions québécoises ne puissent pas
manifester le poids financier dont elles disposent parce que ça
gêne l'establishment traditionnel des entreprises au Canada, je ne vois
pas en vertu de quoi on ne se porterait pas tous à la défense de
nos institutions, de nos "pools" d'épargne des organismes dirigés
par des Québécois. Désolé, mais je n'ai aucune
espèce d'excuse à présenter à ce sujet; je vous
dirais, en un certain sens, que j'en suis fier. Je pense que
nous avons fait un remarquable travail avec bien d'autres gens qui nous
ont appuyés un peu partout dans la société
québécoise, à l'occasion de la commission
sénatoriale et des semaines qui ont suivi et s'il nous représente
une loi S-31 inacceptable, on va se servir des commissions parlementaires comme
arme, bien sûr! Soit dit en passant, ça ne sera pas la
première fois dans l'histoire du Parlement de Québec et je ne
sache pas que le gouvernement actuel soit le seul à avoir fait
ça. Je rappellerai d'ailleurs, comment dire, pour rafraîchir les
souvenirs de certains, qu'en 1964, à l'occasion de "l'opting out" sur
les programmes conjoints et sur la Régie des rentes qui a joué un
tel rôle pour alimenter la Caisse de dépôt dans une
conférence fédérale-provinciale, M. Lesage, l'hôte
ici à Québec, est sorti en claquant les portes. C'était
une arme aussi. Ce sera pas la première et cela ne sera pas la
dernière d'avoir à se défendre contre des initiatives
d'Ottawa qui, sur le plan du développement économique et du
développement des intérêts québécois, n'est
pas compatible avec nos intérêts tels que nous les voyons. Je ne
pourrai certainement pas m'excuser de ça.
Évidemment, il y a un débat public, d'autre part, autour
de la caisse. C'est un débat public qui ne prend pas l'allure d'une
commission parlementaire, c'est un débat public d'ailleurs fort
intéressant à bien des égards. D'ailleurs, je reviens sur
ce que disait le député de Vaudreuil-Soulanges en disant que
j'avais annoncé un livre de couleur quant à l'orientation de la
caisse etc. Pas du tout! Je pense qu'à l'heure actuelle, je suis en
train de préparer - je n'ai pas beaucoup de temps pour ça
à cause du budget, mais maintenant, j'ai un peu plus de loisir, si je
peux m'exprimer ainsi - je vais finir le texte, j'ai l'intention, comme je l'ai
indiqué, de sortir un très long texte dans un quotidien pour
expliquer des choses au sujet de l'évolution, du passé, du
présent, de l'avenir tel qu'on peut le voir de la Caisse de
dépôt. Il s'est dit tellement d'énormités, à
certains moments, que ce n'est pas mauvais d'être capable de dire: Voici
d'où on vient, où on est rendu et où on s'en va. Des
énormités, il y en a eu.
Le député de Vaudreuil-Soulanges parlait tout à
l'heure - je m'excuse de ne pas l'avoir mentionné dans ma
première intervention - de mes réactions à l'égard
du morcellement de la caisse. Le morcellement de la caisse provient exactement
de la même idée que le S-31. Le fond de la question reste toujours
la même chose. Pendant des années les Québécois, et
je dirais, dans un certain sens, les Québécois francophones - je
pense que dans ce cas-là il faut le dire -n'ont contrôlé
à peu près aucun levier économique important. Il a fallu
qu'à l'occasion de la révolution tranquille on se dote d'un
certain nombre d'instruments gouvernementaux de caractère
économique très puissants, dans leurs buts, pas dans leur
état, dans les années soixante. Cela a pris des années
à se faire. Il a fallu 20 ans pour monter ces choses-là. Dans
l'intervalle, dans le secteur privé québécois francophone,
il s'est fait aussi des développements fort intéressants. Il y a
eu davantage de poids pris par les Québécois francophones sur le
plan des institutions économiques. C'est en train de se rejoindre. Il
est clair que dans le secteur public comme dans le secteur privé, les
Québécois francophones commencent à avoir beaucoup de
muscle. Au moment où on commence à avoir beaucoup de muscle, il y
a des gens qui se présentent en disant: Vous ne voudriez pas vous
fractionner, histoire de voir? Non, mais! On prend 20 ans pour monter quelque
chose qui a un peu de muscle et on dit: Vraiment, vos biceps commencent
à faire peur. J'avouerai, M. le Président, que j'ai des
réactions que je cherche à garder sur le plan des bonnes
manières à ce sujet, mais enfin c'est exactement la même
fin que S-31.
J'en reviens à la déclaration du ministre Lessard et je
vais terminer là-dessus et ensuite passer la parole à M. Campeau.
Qu'est-ce qu'il disait M. Lessard? Je n'entre pas dans son
interprétation des événements, mais quelle était sa
déclaration à l'Assemblée nationale? L'ex-ministre est
fier de pouvoir dire que des Québécois contrôlent - pas
à 51% d'ailleurs - une très grande compagnie nationale. Il est
fier de cela et il le dit. On lui dit: Non, non, il ne faut pas être fier
de cela. Cela n'a pas de bon sens. Il ne faut pas. En même temps, au
cours de la même époque, des tas de gens au Canada sont
très fiers de la canadianisation du pétrole et du gaz. On
reconnaîtra que la politique fédérale à
l'égard de la canadianisation du pétrole et du gaz n'a
peut-être pas été la trouvaille du siècle. Sur le
plan des investissements au Canada, cela n'a peut-être pas eu tous les
avantages qu'on imaginait, mais je suis certain qu'on trouverait à
Ottawa des déclarations de ministres disant qu'ils sont très
fiers qu'enfin on - comme le disait le ministre Lessard -contrôle
davantage l'industrie du pétrole et du gaz au Canada. C'est normal,
c'est beau, c'est grand, c'est généreux. Ici, quand on dit
la même chose - quant à l'interprétation des faits, on
peut toujours en discuter - parce qu'au fond c'est cela, la déclaration
de Lessard: Dieu que je suis content qu'enfin on contrôle une grosse
compagnie, je vous dirai, M. le Président, que je trouve cela
très bien qu'il y ait des gens qui réagissent comme cela.
J'espère qu'il y en aura davantage. Cela fait 20 ans qu'on est dans le
secteur public et que dans le secteur privé au Québec on cherche
à se donner du muscle. Bien, continuons parce que les gens sont
très
fiers de cela. Voilà ce que je voulais dire sur un certain
niveau. Maintenant, sur des questions plus techniques soulevées par le
député de Vaudreuil-Soulanges, je passe la parole à M.
Campeau.
Le Président (M. Champagne): M.
Campeau.
M. Parizeau: M. le Président, on parlait du transfert des
fonds spécialisés aux fonds particuliers. Un règlement a
été adopté là-dessus qui est accessible au public:
les procédures de transfert des biens des déposants d'un fonds
spécialisé à un fonds particulier. Nous sommes à
terminer toute l'opération - je pense même que c'est fait pour
certains déposants. C'est sur une base d'équité, une
pondération relativement égale à la situation
antérieure. Il faut que le déposant ait bien compris et bien
accepté la relation qui se fait. Si on avait un certain nombre
d'obligations dans notre fonds O, et qu'il y avait un certain nombre de fonds O
par rapport au total, il retrouve son pourcentage. Il est évident que
certains arrondissements se font pour que quelqu'un ne finisse pas avec une
part ou 100 $ ou 5 $. Alors, c'est une opération délicate qui est
presque terminée maintenant et qui sera complètement
terminée au 31 décembre. Je n'y vois pas réellement
d'embûches sérieuses. Il s'agissait de bien la faire et d'y mettre
le temps. Nos déposants semblent assez satisfaits.
On me souligne aussi, quant à la divulgation des prix que vous me
disiez tout à l'heure, quand on fait nos rapports d'initiés -
quand on a plus que 10% au Canada et plus que 5% aux États-Unis, parce
que la définition de blocs aux États-Unis n'est pas la même
- il nous faut déclarer le nombre d'actions nouvellement achetées
et le coût d'acquisition. Alors, il y a une certaine divulgation qu'on ne
souhaitait pas faire. C'est quand même fait dans ces rapports
d'initiés. Alors, c'est peut-être déjà un changement
dans le sens que vous le désiriez au sujet de la divulgation.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, je veux parler
brièvement, j'espère, au sujet de la nécessité de
tenir cette commission parlementaire et d'étudier plus en profondeur les
multiples questions que nous avons soulevées aujourd'hui et qui sont
souvent soulevées par d'autres personnes.
D'abord, je dois dire au ministre que je digère très mal
l'idée que cette décision de tenir une telle commission
parlementaire doive être à la remorque d'une décision de M.
André Ouellet ou même d'une décision de M. Pierre E.
Trudeau. Quant à moi, les problèmes et l'existence du CASE
relèvent de l'Assemblée nationale. La nécessité de
cette réévaluation existait depuis longtemps avant le
dépôt du projet de loi S-31. Si le projet de loi S-31 revient un
jour, on sera peut-être obligé de faire une déclaration ou
une analyse du rôle du CASE en fonction de cette loi, mais de dire
aujourd'hui que l'Assemblée nationale du Québec et le ministre
des Finances se sentent obligés d'attendre une décision possible
du ministre de la Consommation et des Corporations, M. Ouellet, j'ai mon
voyage, je ne l'accepte pas du tout. C'est à nous de décider.
Je veux rappeler au ministre et à M. Campeau que cela fait
maintenant trois ans qu'on a tenu un long débat c'est même pendant
l'étude des crédits du ministère des Finances -
c'était au moment où M. Campeau venait d'être nommé
président, en 1980, si ma mémoire est bonne - qu'on a eu un long
débat de cinq ou six heures avec mon collègue, l'ancien
député de Saint-Laurent, M. Forget. On en est arrivé
à la conclusion avec bien d'autres qu'on était en train de
changer d'une façon importante les orientations de la caisse. On
n'était pas contre. Aujourd'hui on n'est pas contre encore;
effectivement, on est pour. Je pense que c'est l'évidence même que
les orientations de la caisse ont été changées avec
l'arrivée de M. Campeau à la présidence de cette
société. Si vous vous souvenez des orientations de M. Cazavan,
son prédécesseur, vous n'avez qu'à lire son testament
qu'il a écrit dans son dernier rapport annuel quand il a pris la peine
de répéter les orientations qui ont guidé la caisse
jusqu'à ce point.
Personnellement, l'élément essentiel de ces changements,
c'était que la caisse, avec l'appui du gouvernement, a
décidé de mettre beaucoup plus d'accent sur le côté
du développement économique. Je dois vous dire que, quant
à moi, je ne suis pas contre. Je trouve que c'était probablement
une politique trop conservatrice que les gestionnaires de la caisse
poursuivaient avant. Je ne sais pas, mais c'est ma réaction qu'il y
avait des changements à faire. Je dois dire entre parenthèses que
je n'ai rien contre la caisse personnellement. Pendant que j'étais homme
d'affaires, j'ai eu l'occasion de faire une transaction pour ma compagnie avec
la Caisse de dépôt qui a été exceptionnellement
utile pour ma compagnie, et qui était bien pour la caisse aussi et
même pour le Québec. Alors, j'ai une attitude de base très
positive envers la caisse, et c'est à cause de cette expérience
personnelle.
Quand on commence à changer l'orientation d'une façon
importante et surtout dans ce sens de s'impliquer davantage dans le domaine
économique, je pense qu'il y a des choses à revoir, et je vous
donne juste un exemple qui peut faire penser un peu le
ministre. Nous avons un nombre important de sociétés
d'État et, avec chacune, on a pris la peine de définir leur
orientation, leur mandat. Je vous donne juste comme exemple parce qu'il y en a
plusieurs: la Société générale de financement. Nous
avons une loi qui oblige la Société générale de
financement à revenir à l'Assemblée nationale, en
commission parlementaire, chaque fois qu'elle veut s'impliquer dans un nouveau
secteur et en conséquence on a eu droit au mois de décembre
dernier à une commisssion parlementaire sur l'opportunité de la
SGF de s'impliquer dans la biotechnologie. C'était un investissement, si
je me souviens bien, de 5 000 000 $.
On l'a regardé, parce qu'on a appris que, quant aux débuts
d'une société d'État dans un secteur qui pourrait
être minimal, il faut regarder les conséquences à long
terme parce que plus tard on peut arriver avec quelque chose qui est beaucoup
plus grand et parfois beaucoup plus insatisfaisant possiblement.
Nous sommes maintenant devant un autre projet de loi de la SGF qui
demande au autre élargissement du mandat pour lui permettre de
s'impliquer dans l'industrie de l'aluminium. Je trouve ça sain parce que
chaque fois les élus, les représentants des actionnaires ont
l'occasion d'écouter les dirigeants et de s'assurer que c'est bien fait
et que c'est justifié. Cependant, je la trouve un peu contradictoire.
Nous sommes devant une société, la Caisse de dépôt,
qui peut demain faire un investissement, non pas de 5 000 000 $, mais de 50 000
000 $ dans le domaine de la biotechnologie, d'une façon presque aussi
permanente que celle de la SGF et j'admets qu'il y a des nuances. Quand vous
dites que votre investissement dans Domtar c'est liquide, je pense qu'on peut
dire que ça ne sera pas facile demain de se débarrasser de 40%
des actions de Domtar; il y a des liquidités et des liquidités.
Je veux vous dire que je n'ai rien contre investir dans Domtar non plus.
Nous avons ici un animal, la Caisse de dépôt, qui a les
pouvoirs - et ceci depuis longtemps - de s'impliquer dans le secteur industriel
du Québec d'une façon très importante et à toutes
fins pratiques, je pense, permanente ou au moins semi-permanente, sans que
cette analyse soit faite par les parlementaires. Le ministre peut-il
m'expliquer comment il se fait que nous nous trouvons ici devant la SGF pour
justifier un investissement de 5 000 000 $ et que la caisse peut faire
exactement la même chose d'une façon beaucoup plus importante
simplement par la décision du conseil d'administration et même une
décision du président? Je pense qu'il y a quelque chose là
qui n'est tout à fait cohérent.
Je répète que je ne suis pas contre; je trouve que c'est
normal que, lorsque nous avons un organisme aussi important que la caisse, il
s'implique dans la vie économique du Québec et il doit le faire
parfois avec des prises de position très importantes. Mais depuis cette
politisation de la caisse, en 1980 - et je dis "politisation" dans le sens, non
pas péjoratif, mais dans le sens que les activités sont devenues
beaucoup plus importantes sur le plan politique. Le ministre est maintenant
obligé de répondre beaucoup plus souvent en Chambre à des
questions concernant la caisse. Il y a beaucoup plus d'articles écrits
sur la politique de la caisse par les médias. C'est devenu
politisé parce qu'ils ont pris une position plus dynamique. J'imagine
que même s'il existe une grande autonomie de la part du président
de la caisse, il est obligé forcément d'avoir des conversations
plus souvent avec le ministre, simplement parce qu'il fait des choses qui font
du bruit politique. Cette "politisation" a entraîné des
conséquences qui n'étaient jamais analysées ici.
Je veux juste soulever deux ou trois éléments qu'on
discute continuellement ici, pendant le temps que nous avons pour les
crédits, peut-être par une question en Chambre, peut-être un
article dans le journal, qui ne sont pas réglés d'une
façon claire.
La question de la divulgation. Le président a son opinion. Il y
en a d'autres qui ont la leur. C'est une question qui n'est pas
réglée. C'est une question qui est devenue importante à
cause de ce changement dans les orientations de la Caisse de
dépôt.
Vous avez la question de la flexibilité des déposants.
Quelle flexibilité doit-on accorder à chaque personne qui
dépose son argent à la caisse? Si comme le ministre l'a dit, il
était nécessaire et utile à un moment donné de
centraliser toute l'épargne des déposants du secteur public, en
conséquence, il faut porter à l'attention de tout le monde la
question quant à la nécessité de laisser un certain
pouvoir centralisateur aux dirigeants de la caisse. Jusqu'à quel point
la caisse doit-elle prendre les décisions pour tous ces organismes?
Jusqu'à quel point doit-on laisser à chacun la liberté
d'investir dans un fonds particulier? Une autre question qui n'a jamais
été réglée. On fait des mini-débats
là-dessus, mais on ne va jamais en profondeur.
Le rendement de la caisse et la façon d'évaluer le
rendement. Chacun a droit à son opinion, aujourd'hui. C'est le
huitième, le premier, le centième. On ne s'est jamais entendu sur
une façon d'évaluer la performance de la Caisse de
dépôt.
Le pourcentage des actions que la caisse doit détenir soit
totalement, ou dans chaque compagnie. C'est quelque chose à revoir
aujourd'hui dans ce contexte-ci où une compagnie pourrait être
contrôlée effec-
tivement avec beaucoup moins de 51%, comme M. Campeau l'a dit à
mon collègue de Vaudreuil-Soulanges.
Une autre question, peut-être une des questions clefs, c'est le
rôle de la caisse dans l'administration des compagnies dans lesquelles
elle détient des actions. Le président a dit tantôt que ce
n'est pas notre rôle d'administrer, mais nous avons l'intention de
superviser. Je suis certain qu'on pourrait passer un après-midi
très intéressant dans une discussion quant à la
définition de ces deux expressions. Si par supervision, le
président veut dire simplement regarder de près sans influencer,
je dois vous dire de prime abord que je ne suis pas d'accord. Je pense qu'un
membre d'un conseil d'administration représentant de la caisse qui
détient 30% dans une compagnie, doit faire un peu plus que regarder.
S'il fait plus, ce n'est pas de la supervision, mais c'est de l'influence.
Quelle influence doit-il jouer? Dans les intérêts de qui?
Ce sont des questions pertinentes qui n'ont jamais été
réglées. Je vous donne juste un exemple que je trouve assez
humiliant. On se retrouve aujourd'hui devant une grande chicane entre la caisse
et au moins trois grandes sociétés québécoises ou
canadiennes, si vous préférez, quant à la présence
d'un administrateur de la caisse au conseil d'administration.
Il y avait récemment une manchette dans un journal qui disait:
Après l'échec de CP et l'échec d'Alcan, c'est maintenant
l'échec de Dom Tex. Je trouve cela humiliant parce que ce n'est pas
nécessaire. Je prends l'exemple du CP. M. Burbidge, le président
du CP, n'est pas le propriétaire du CP, c'est le président
nommé par un conseil d'administration qui forme une espèce
d'establishment anglo-canadien. J'imagine qu'il pense très
profondément qu'il représente les meilleurs intérêts
de ses actionnaires. Il fait face à M. Campeau, qui n'est pas le
propriétaire de la caisse non plus, qui représente un autre
establishment, franco-québécois ou franco-canadien, si vous
préférez. Ils font des chicanes, au bénéfice de
qui? Au bénéfice des médias seulement. Certainement pas au
bénéfice des actionnaires. (12 h 15)
Est-ce que c'est important que la caisse ait une représentation
au conseil d'administration du CP? Est-ce que, pour le ministre, pour le
président, c'est important? Si c'est important - je pense que cela reste
à prouver dans un débat dans une commission parlementaire -
comment se fait-il que nous soyons devant un échec? Si vous regardez les
revues d'affaires américaines et européennes, vous verrez que ces
chicanes entre ceux qui veulent prendre le contrôle ou exercer une
influence se font continuellement. Il y a toujours des perdants et des
gagnants.
Dans le cas de telles luttes dans le secteur privé exclusivement,
normalement, si un directeur essaie de prendre un contrôle assez
important de trois compagnies de suite et ne réussit pas, c'est
considéré comme un échec personnel et on commence à
poser des questions sur l'administration du président. Finalement,
après la quatrième, on commence à dire: Comment ce fait-il
que ce bonhomme ait acheté pour 10%, 15% ou 20% des actions dans une
compagnie d'une façon qui a créé de l'animosité
entre l'administration et ce nouvel actionnaire jusqu'au point où la
coopération est paralysée?
Dans ce cas-ci, j'espère, mais j'ai beaucoup de doute, que c'est
une affaire qui - j'ai écouté le ministre - fait l'affaire du
ministre, parce que cela permet au gouvernement de sortir de ses tablettes un
des trois supposés colonisateurs du Québec, soit le
fédéral, soit les multinationales, soit les Anglais, et d'aller
devant la population et dire: Voilà! Nous sommes encore une fois
exploités, humiliés! Mais ce n'est pas nécessaire. Je peux
- si vous me posez la question - vous suggérer les façons
d'éviter cette affaire, parce que les Québécois
francophones sont aussi compétents que M. Burbidge, quant à moi,
pour diriger et superviser - si vous préférez l'expression de M.
Campeau - les affaires de n'importe quelle compagnie.
Je ne vois absolument rien de fatal dans le sort du Canadien Pacifique
si une partie de cette compagnie est la propriété de la Caisse de
dépôt. Il n'y a rien là! Mais comment se fait-il que le
président n'ait pas été capable de les persuader? Comment
ce fait-il qu'il se trouve en chicane? Comment ce fait-il qu'il ait
acheté pour des millions de dollars d'actions sans avoir fait les
préparations minimales pour s'assurer qu'il aura l'occasion d'exercer
cette supervision? C'est un échec. C'est de la mauvaise administration.
M. Desmarais a réussi. Je pense qu'il y a un siège au Canadien
Pacifique. Il s'est organisé avant.
Nous autres, on perd. Le perdant, quant à moi, le responsable,
c'est le président. Si vous avez un gros holding aux États-Unis
qui essaie de prendre le contrôle de quelque chose et que le
président de ce holding, trois fois de suite, est devant un
échec, je pense que le moment arrive où les actionnaires ou le
conseil d'administration doivent poser des questions sur l'administration.
Je peux continuer longtemps là-dessus. Je veux simplement vous
dire qu'il y a des questions à poser à plusieurs niveaux. Je
pense que même le problème de M. Campeau est, en partie, dû
à un manque de cohérence et de consensus, d'un consensus,
surtout, qui est réalisable. Je suis persuadé qu'un consensus sur
le rôle de la Caisse de dépôt et placement du Québec
au sein de la vie
économique du Québec et du Canada est réalisable.
Si on acceptait de tenir une commission parlementaire ici et d'inviter des gens
du milieu qui ont, tous et chacun, leur propre opinion, si on les invitait
à venir discuter des cinq ou six sujets que j'ai mentionnés et
d'autres, si le ministre acceptait après de revoir l'affaire au lieu
d'écrire un article pour un quotidien... Qu'est-ce que cela va donner,
un article pour un quotidien? Deux heures après, l'article va servir
à envelopper les déchets qui vont à la poubelle.
Par une politique définie, acceptée unanimement par
l'Assemblée nationale, j'imagine, on aurait pu mettre fin à toute
cette incertitude, en grande partie, et, deuxièmement, on aurait pu
donner au président un mandat beaucoup plus clair. C'est dans cet esprit
que je n'accepte pas que pour faire tout cela on doive attendre la
décision de ne pas prendre une décision de M. André
Ouellet, malgré tout le respect que j'ai pour ce bonhomme. Cela
relève de notre juridiction, cela doit se faire maintenant; on demande
cette commission parlementaire depuis 1980 et c'est encore plus urgent
aujourd'hui.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre, à vous
la parole.
M. Parizeau: Le député de Notre-Dame-de-Grâce
a terminé son intervention en disant: À quoi ça sert
d'écrire un article? Cela ne va servir qu'à envelopper les
ordures. Non, peut-être pas, justement. Peut-être que cela
permettrait de comprendre un certain nombre de choses qui n'ont peut-être
jamais été suffisamment expliquées dans le passé,
mais qui expliquent beaucoup des soi-disant incertitudes que le
député de Notre-Dame-de-Grâce peut avoir et que d'autres
ont, d'ailleurs.
Je reviens au début de l'intervention du député de
Notre-Dame-de-Grâce. Il disait: On sent que depuis 1980 il y a un
changement d'orientation de la caisse. Justement, si on en savait un peu plus
sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, on se
rendrait compte que ce n'est pas un changement d'orientation, c'est un retour
à l'orientation originale, exactement, et je vais essayer d'en faire la
démonstration rapide.
S'il y a une chose à laquelle l'orientation de la caisse me fait
penser à l'heure actuelle, c'est au démarrage de la caisse sous
son premier directeur-président, M. Claude Prieur, qui venait de la Sun
Life et pas du tout de l'administration publique. Il était
trésorier adjoint à la Sun Life, auparavant. Il avait
été brigadier général dans l'armée
canadienne. Enfin, c'est quelqu'un qui n'a eu aucune espèce de rapport
avec le gouvernement de Québec, ni de près, ni de loin.
Dès le début, il a cherché à pousser le
portefeuille d'actions aussi haut que possible, à prendre des positions
relativement solides dans certaines entreprises et à poser des gestes
qui étaient, sur le plan de la restructuration de certains secteurs
industriels ou de certains secteurs commerciaux au Québec, des gestes
assez puissants à cette échelle, à l'échelle de
l'époque. J'ai donné l'exemple tout à l'heure de Provigo,
je vais donner un autre exemple. Vous allez voir comme il est
intéressant, cet exemple, quand on le compare à Domtar. Il y a
eu, presque au début de la caisse, une bagarre sans nom à la
Bourse de Montréal pour le contrôle de Donohue. Il y avait,
à ce moment-là, la SGF qui en avait un paquet et qui, surtout,
avait des "first refusing". Il y avait, d'autre part, un financier
montréalais très connu qui cherchait à mettre la main sur
Donohue. La Caisse de dépôt et placement du Québec avait
acheté un pourcentage d'actions important dans Donohue et, au moment
approprié, a passé ses actions de Donohue à la SGF. C'est
ainsi que la SGF a pris le contrôle de Donohue. Évidemment, cela
n'a pas fait de bruit à l'époque. Donohue, ce n'était pas
exactement un "majeur" dans l'industrie du papier journal, surtout à
cette époque. Maintenant, c'est un peu plus gros, Donohue, mais
même par rapport à Domtar, à la CIP ou à
Consolidated Bathurst, ce n'est quand même pas très gros.
Dans ce sens, nous assistons - deuxième étape,
deuxième président - à un changement important dans
l'orientation de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
D'abord, le pourcentage de l'actif de la caisse placé en actions va
tomber de façon assez radicale. Au début des années
soixante-dix, par exemple, on est à 20% de l'actif en actions. En
1978-1979, on tombe à 12%, à peu près. La Caisse de
dépôt et placement du Québec va se limiter à avoir
des positions relativement faibles dans les actions de chaque compagnie, plus
politiques, qui se sont développées avec la caisse au
début des années soixante-dix.
Je signalerai qu'à cette occasion, comme à l'occasion de
transactions plus récentes, les problèmes soulevés
à la fois par le député de Vaudreuil-Soulanges et par le
député de Notre-Dame-de-Grâce quant à la
liquidité du portefeuille de la caisse ne se sont jamais posés.
Je rappellerai, par exemple, que la caisse a vendu d'un seul coup 10% des
actions de Power Corporation qu'elle détenait. Tout le portefeuille de
Power Corporation, à un moment donné, a été
vendu.
Husky Oil: il y a eu des ventes considérables avec un profit
d'ailleurs sensationnel. Petrofina: la caisse a fait une transaction en or en
se débarrassant de toutes les actions de Petrofina. Je me
souviens qu'autrefois, pour Home Oil, cela avait été la
même chose. Il y avait eu des transactions considérables d'achat
et de revente sur Home Oil. S'imaginer que sous prétexte qu'on prend une
position importante dans une compagnie, on ne peut pas la liquider, toute
l'histoire de la caisse, dans les années soixante-dix, démontre
le contraire. La caisse a décidé de ne pas avoir de grosse
position dans les compagnies; lorsqu'elle en avait, elle vendait. Ne posons pas
le problème de la liquidité. La caisse ne fonctionne pas que sur
le marché québécois, elle fonctionne aussi sur le
marché canadien, cela a quand même une certaine taille. Trouver
des gens qui sont prêts à acheter un paquet d'actions de Husky
Oil, cela se trouve.
Après cela, on voit, à partir de 1980,
effectivement, qu'on revient au pourcentage d'actions. On n'y est pas encore.
On revient au pourcentage de l'actif placé en actions qui est à
peu près celui de 1974-1975. On n'est pas encore de retour au
début des années soixante-dix, à 20%. On s'en approche,
mais on n'est pas encore là. D'autre part, la caisse prend des positions
dans un certain nombre de compagnies qui, encore une fois, sont exactement du
même ordre, mais beaucoup plus importantes, beaucoup plus visibles que ce
que Claude Prieur faisait.
Je vais vous en donner un autre exemple. Dès le départ, M.
Prieur avait décidé d'ouvrir ce qu'on appelait la liste
spéciale qui était constituée de placements privés
de la caisse dans des actions de petites et de moyennes compagnies, souvent
fort petites, avec l'idée qu'il suffit qu'il y en ait une sur dix
qui débouche pour justifier, sur le plan du rendement, toutes les
activités qui n'auront pas réussi. Il y avait plusieurs douzaines
de compagnies, à un moment donné, sur cette liste spéciale
de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Cela touchait
vraiment le développement économique du Québec. Il faut
bien comprendre que c'était toute une série de petites compagnies
où la Caisse de dépôt et placement du Québec prenait
20%, 30% au maximum d'ailleurs. 30%, c'était un placement privé.
Cela a aidé à toute une série de petites compagnies qui
sont maintenant relativement importantes au Québec. Il ne faut pas
s'étonner d'ailleurs, dans l'affaire de S-31, avoir vu tellement
d'hommes d'affaires venir se porter à la défense du gouvernement.
Il y a beaucoup d'hommes d'affaires québécois qui savent
très bien que leur boîte a été lancée par la
liste spéciale de Prieur.
Que fait la Caisse de dépôt et placement du Québec
à l'heure actuelle? Elle a le même genre d'approche.
Récemment, le président de la caisse disait: Je consacre 40 000
000 $ ou 60 000 000 $, quelque chose comme cela, à du placement dans la
petite et la moyenne entreprise. C'est exactement la même idée qui
revient. Dans ce sens, la politique de la caisse aujourd'hui, elle a
changé par rapport aux années soixante-dix, je veux bien, mais
elle n'a pas changé par rapport à toutes les années de
démarrage. À toutes fins utiles, elle retrouve exactement
l'esprit qui avait présidé à son lancement et à ses
premières années de développement.
Quand on a compris cela, on ne comprend pas très bien
l'expression de politisation utilisée par le député de
Notre-Dame-de-Grâce, sauf, je le reconnais, dans le sens très
précis qu'il donnait à cela, c'est-à-dire que les gestes
de la caisse sont maintenant tellement visibles qu'effectivement, cela chuchote
de bréviaire à bréviaire lorsque, tout à coup, un
geste est posé. Je le reconnais.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce s'amenait avec une
idée intéressante, un parallèle intéressant entre
le contrôle de l'Assemblée nationale sur les orientations de la
SGF et ce qu'il appelle le manque de contrôle de l'Assemblée
nationale à l'égard de la Caisse de dépôt et
placement du Québec. L'idée est intéressante et je pense
qu'elle vaut la peine d'être discutée, mais le parallèle ne
peut être poussé très loin. En fait, je pense qu'il ne peut
être poussé du tout. La SGF, dans la plupart des cas, dans
l'immense majorité des cas, contrôle les entreprises et les
gère. Il s'agit d'une intervention directe d'un organisme d'État
dans la gestion et la propriété souvent totale d'une entreprise.
(12 h 30)
D'autre part, la SGF est rarement impliquée dans plus d'une
vingtaine de compagnies. Cela varie selon les années, mais je pense
qu'elle n'a jamais dépassé vingt compagnies. Habituellement,
c'est douze, quinze ou quelque chose comme cela. À un moment
donné, le problème se pose de savoir - on l'a actuellement devant
nous - si la SGF doit prendre une nouvelle orientation à l'égard
d'un placement majeur pour elle, par rapport à son actif total dans
l'aluminium.
Le Président (M. Champagne): Je m'excuse, MM. les membres
de la commission. Je dois demander le consentement pour pouvoir poursuivre.
Nous devions terminer à 12 h 30. Avons-nous le consentement pour que M.
le ministre puisse terminer son intervention?
M. Parizeau: M. le Président, j'aurais un certain nombre
de choses à dire parce que le député de
Notre-Dame-de-Grâce a soulevé six ou sept points
intéressants. On pourrait peut-être revenir plus tard. Je ne
voudrais pas avoir à tasser en cinq minutes
le reste de mon intervention. D'autre part, je pense que le
président de la Caisse de dépôt et placement du
Québec devrait être entendu sur certaines des questions qui ont
été soulevées par le député de
Notre-Dame-de-Grâce. On pourrait peut-être reprendre après
la période de questions.
Le Président (M. Champagne): D'accord, nous allons nous
revoir après la période de questions.
Pour le moment, la commission élue permanente des finances et des
comptes publics ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
(Reprise de la séance à 16 h 04)
Le Président (M. Champagne): À l'ordre,
messieurs!
La commission élue permanente des finances et des comptes publics
poursuit l'étude des crédits budgétaires du
ministère des Finances et du Conseil du trésor pour
l'année financière 1983-1984.
La parole était au ministre responsable, à vous la
parole.
M. Parizeau: Lorsque nous nous sommes quittés, je revenais
sur le parallèle que le député de
Notre-Dame-de-Grâce avait cherché à établir entre la
SGF et la Caisse de dépôt et placement du Québec.
J'indiquais, dans un premier temps, que ce parallèle ne me paraît
pas possible pour la raison suivante: la SGF, comme je le disais, est
engagée dans un petit nombre de secteurs industriels, habituellement,
pour diriger et gérer les entreprises, pas toujours, mais dans un bon
nombre de cas. Nous nous sommes entendus pour dire que chaque fois que la SGF,
qui est une sorte d'opérateur industriel du gouvernement, doit changer
de secteur ou ajouter un secteur, c'est examiné par l'Assemblée
nationale. Nous en avons eu un exemple récemment avec l'autorisation
demandée par la SGF de s'engager très avant et pour des montants
très substantiels par rapport à son actif total dans
l'aluminium.
La Caisse de dépôt et placement du Québec est dans
une situation tout à fait différente. Elle ne traite pas, elle
n'a pas, comme la SGF, douze ou quinze filiales qu'elle gère. Elle est,
sur le plan du capital-actions, impliquée dans des achats et des ventes
de titres de près de 300 compagnies dans lesquelles elle prend des
positions qui peuvent être relativement marginales, très
importantes, pour revenir à des positions marginales et
réaugmenter. En somme, elle ne gère pas, comme le disait le
président ce matin, les entreprises, mais elle transige constamment sur
des titres de centaines de compagnies. On imagine mal le parallèle avec
la SGF où la caisse viendrait dire qu'elle serait
intéressée à s'engager dans des prises de participation
importantes dans les banques et qu'elle demanderait: Voulez-vous m'autoriser
à faire cela? La caisse doit avoir sur ce plan la possibilité de
fonctionner avec la même... j'allais dire la même
discrétion, la même flexibilité qu'un fonds mutuel.
Ce n'est pas un fonds mutuel à proprement parler, elle est
astreinte à des limites qui ne s'appliquent pas au fonds mutuel, elle
doit avoir cette espèce de grande flexibilité qui lui permet,
à un moment donné, de dire: Bon, je vais faire pas mal d'argent
en vendant des actions, un nombre important d'actions dans une compagnie pour
en acheter dans une autre pour bouger de la façon la plus flexible
possible. C'est dans ce sens que ce serait gêner terriblement non
seulement l'impact sur le développement économique du
Québec, mais justement sur le rendement tellement cher à nos amis
de l'Opposition que, chaque fois que la caisse veut rééquilibrer
son portefeuille ou modifier ses achats, ses ventes ou ses prises de
participation, elle doive revenir auprès de l'Assemblée
nationale.
Je dois dire d'ailleurs que dès le départ, quand on a
créé la Caisse de dépôt et placement du
Québec, on a compris l'importance, la nécessité pour la
caisse d'avoir non seulement cette flexibilité dont je viens de parler
mais, d'autre part, d'être protégée contre toute
espèce d'intervention qui pourrait orienter son activité et lui
enlever cette flexibilité et surtout le jugement au mérite
qu'elle doit avoir. C'est tellement vrai que le président de la Caisse
de dépôt et placement du Québec a un statut juridique
absolument unique. Cela encore, on ne le souligne pas suffisamment souvent.
Parmi tous les présidents de sociétés d'État, il
est le seul des présidents de sociétés d'État qui
ne peut être destitué que par l'Assemblée nationale. On ne
souligne pas cela suffisamment souvent. La raison pour laquelle on a
insisté sur cette disposition, au départ, dans la Loi sur la
Caisse de dépôt et placement du Québec, et pour laquelle
tous les gouvernements successifs ont toujours confirmé cette
disposition en ne l'amendant pas, c'est qu'on se rend compte qu'effectivement
le président d'un organisme qui dispose de tellement d'argent, qui est
impliqué dans les achats et les ventes d'actions de tellement de
compagnies ne peut pas être soumis à des pressions qui lui
viendraient un peu au hasard des circonstances, des débats ou des
orientations.
Il n'y a pas beaucoup de présidents de grandes
sociétés financières ou industrielles appartenant à
des gouvernements qui ont ce genre de protection. En fait, la protection du
président de la Caisse de dépôt et placement
du Québec est exactement la même que celle du gouverneur de
la Banque du Canada, et pour des raisons qui ne sont pas les mêmes, mais
qui sont voisines. C'est unique et c'est important, je pense, qu'il en soit
ainsi, que le conseil d'administration et le président de la caisse
aient ce degré d'autonomie considérable que lui confèrent
dans l'esprit de la loi les dispositions dont je viens de parler.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce nous disait,
d'autre part, que l'avantage d'une commission parlementaire est qu'on pourrait
régler des questions qui ne le sont pas, qui restent ambiguës. Il
en donnait un certain nombre d'exemples sur lesquels je voudrais revenir parce
que, à mon sens, je pense qu'il voit là des
ambiguïtés qui n'existent pas.
La divulgation. Je souligne, au contraire, que non seulement il n'y a
pas, à l'heure actuelle, d'ambiguïté quant à la
divulgation au Québec, mais qu'à la suite de la dernière
version de la Loi sur les valeurs mobilières, le Québec est la
seule province au Canada où il n'y a pas d'ambiguïté. C'est
clair comme de l'eau de roche, les règles de divulgation applicables
à la Caisse de dépôt et placement du Québec à
l'heure actuelle, absolument clair. C'est même le seul endroit au Canada
où c'est clair. Entre nous, je pense que toutes les autres provinces
canadiennes et le gouvernement fédéral auraient besoin de longues
commissions parlementaires avant que, sur ce critère, on en ait besoin
d'une.
La flexibilité donnée aux déposants ne serait pas
claire au Québec. Entre nous, c'est le seul endroit, là encore,
dans les fonds publics gouvernementaux, où une certaine
flexibilité existe. Est-ce qu'on sait qu'en Ontario, en Alberta, au
gouvernement fédéral, les contributions des employés au
fonds de pension s'en vont directement au fonds consolidé? Vous me
parlez d'une flexibilité! Cela retourne directement au fonds
consolidé. Le seul endroit où il peut y avoir discussion quant
à l'affectation des fonds, quant à des choses comme le RREGOP,
les fonds de pension des employés, c'est au Québec. C'est
très joli de dire que c'est ambigu, ces choses-là; ce n'est pas
ambigu, c'est le seul endroit où cela existe. On est en avance sur tous
les autres là-dessus. Dire qu'on a besoin, parce qu'on est en avance,
d'une commission parlementaire pour clarifier des choses, cela me paraît
un peu exagéré.
Le rendement de la caisse par rapport au rendement du Canada Pension
Plan? Tout à fait clair. Les chiffres sont sortis. Ils n'ont pas
été discutés. J'irai plus loin que cela, je pense que
c'est la première fois - je marque ça d'une pierre blanche - que
nos amis de l'Opposition reconnaissent aujourd'hui que le rendement de la
Caisse de dépôt et placement du Québec est supérieur
à celui de tous les fonds gouvernementaux ailleurs au Canada. Cela a
été dit ce matin, je le reconnais volontiers. Cela me
paraît tellement clair, maintenant que l'Opposition le reconnaît,
que je ne vois pas pourquoi, quant au rendement de la Caisse de
dépôt et placement du Québec par rapport aux autres fonds
gouvernementaux au Canada, on devrait convoquer une commission parlementaire
pour discuter de cela.
Le pourcentage des actions. Avant de se demander si on devrait augmenter
le pourcentage des actions, à l'heure actuelle, limité à
30% de l'actif total de la caisse, comme je l'ai dit ce matin, il faudrait
d'abord qu'on le rejoigne. On n'est même pas à 20%. Avant de se
demander si les 30% sont trop bas et si on ne devrait pas, comme certaines
suggestions qui ont été faites dans notre milieu, 40% comme les
fonds de pension privés, par exemple, il faudrait d'abord qu'on soit
rendu à 30%. On s'est rendu à 20% au début des
années 1970. On est descendu, comme je l'ai mentionné, à
12%. On est ensuite remonté à 18% ou 19%. On sue sang et eau pour
être capable de dépasser 20%. Donc, avant de penser à faire
une commission parlementaire pour se demander si 30% est trop bas, on pourrait
peut-être au moins se rapprocher un peu de la limite.
Le rôle de la Caisse de dépôt dans l'administration
des compagnies est une question beaucoup plus intéressante. Je reconnais
que, dans ce cas, certaines personnes peuvent avoir des idées tout
à fait différentes. Ce qui a été exprimé par
la Caisse de dépôt, depuis un certain temps déjà,
c'est que lorsqu'elle a un bloc relativement important d'actions dans une
compagnie, elle tient à ce que certains de ses membres fassent partie du
conseil d'administration pour mieux protéger ses intérêts,
c'est-à-dire assister ou participer aux décisions par le
truchement de la nomination d'un administrateur aux fins essentiellement de
pouvoir se dire: J'ai un gros morceau dans telle compagnie et je veux quand
même protéger mon investissement et surveiller de quelle
façon il est protégé.
La Caisse de dépôt ne gère et n'a jamais
cherché à gérer. On peut évidemment se demander si
la Caisse de dépôt a plus de poids lorsqu'elle détient, par
exemple, 25% des actions d'une compagnie dont toutes les autres actions sont
éparpillées entre toute une série de portefeuilles ou
lorsqu'elle a 25% des actions d'une compagnie où un autre administrateur
en possède 75%. On peut se poser la question, mais la réponse est
très claire: oui, bien sûr. Si la Caisse de dépôt
détient 25% des actions d'une compagnie et que le plus gros actionnaire
en a 2%, il est bien entendu que la Caisse de dépôt jouera
un plus grand rôle, j'imagine, même si ce n'était que
sur le plan de son autorité morale à l'occasion des discussions,
que dans le cas où elle ne posséderait que 25% des actions alors
qu'un seul autre actionnaire en aurait 75%. Mais cela découle du bon
sens, on n'a pas besoin d'une commission parlementaire pour tenir de tels
propos, cela fait partie, j'allais dire, de la dynamique propre des
corporations que tout le monde comprend bien.
J'en arrive à un point plus sérieux dans la
déclaration du député de Notre-Dame-de-Grâce et qui
a trait aux chicanes concernant la nomination d'administrateurs au sein de
certains conseils d'administration. Il a dit que ces chicanes sont humiliantes.
En fait, que le Canadien Pacifique, que l'Alcan, que Dom Tex refusent des
sièges à la Caisse de dépôt, c'est un échec
pour son président. On devrait remettre en cause la performance du
président à la suite de ces échecs. Maintenant, c'est
beaucoup plus sérieux, parce qu'on touche à la façon dont
la Caisse de dépôt est gérée. J'imagine, M. le
Président, que si le fait que le Canadien Pacifique refuse des
sièges à la Caisse de dépôt est
considéré comme un échec, comme le disait le
député de Notre-Dame-de-Grâce, le fait que la Caisse de
dépôt ait des membres au conseil d'administration de Brascade est
un succès. Si l'un est un échec, celui-ci est un succès.
(16 h 15)
Concernant le cas de Camchib, nous en avons discuté ce matin lors
de l'étude d'un projet de loi privé, la Caisse de
dépôt a un administrateur dans cette entreprise, ce qui est donc
un succès. Une entreprise plus petite: Cayouette, nous y avons aussi des
administrateurs, ce qui est donc un succès. La compagnie Domtar, c'est
un grand succès. Gaz Métropolitain est aussi un succès
remarquable. Un cas plus récent est Maislin, de digne mémoire, la
Caisse de dépôt qui en est actionnaire a un de ses membres qui
siège au conseil d'administration. Noranda, mais oui, Noranda qui est
aussi un grand succès. Prenor bien sûr, le Trust
Général évidemment. Alors dans ces conditions, j'ai une
trentaine de compagnies où je constate que la Caisse de
dépôt a acheté un bloc et où elle a des
administrateurs. Trente succès, trois échecs. Ahl II faut
peut-être mentionner, pour juger de la performance du président de
la Caisse de dépôt, que ce n'est pas trois échecs mais
plutôt trente succès et trois échecs. Ces trois
échecs sont de quel genre? Demandons-nous dans quelle mesure une
commission parlementaire pourrait juger du score 30 à 3. Comment se
présentent les trois?
Premièrement, M. Burbidge, de Canadien Pacifique - cela
n'était pas sorti à l'occasion du S-31 mais c'est sorti lors de
la dernière assemblée des actionnaires de
Canadien Pacifique - a fait des pressions auprès de M. Trudeau
pour obtenir une loi qui le protège contre la Caisse de
dépôt. Bon, cela je reconnais qu'à partir du moment
où ce monsieur trouve qu'il est assez solide à Ottawa pour
obtenir une loi de cet ordre, il envoie paître la Caisse de
dépôt; le contraire m'eût étonné.
L'Alcan refuse un siège à la Caisse de dépôt.
Je comprends, l'Alcan a fait l'objet d'une déclaration
particulière du premier ministre du Canada indiquant
spécifiquement qu'il trouvait logique et normal que S-31 protège
l'Alcan contre la Caisse de dépôt. Soit dit en passant, si
j'étais président de l'Alcan et que je savais que le premier
ministre du Canada m'avait protégé nommément dans une
déclaration, j'enverrais paître la Caisse de
dépôt.
Dom Tex maintenant. Un siège au conseil d'administration leur
aurait été demandé il y a deux ans et demi. Dom Tex a
répondu deux ans et demi plus tard en disant non. Évidemment,
elle se dit: le Canadien Pacifique a envoyé paître la Caisse de
dépôt, l'Alcan l'a fait aussi, le moment est bon, j'envoie moi
aussi paître la Caisse de dépôt. Parfait. Mais, entre nous,
reconnaissons simplement le fait suivant: si le gouvernement
fédéral n'avait pas désigné spécifiquement
deux compagnies pour les protéger contre la Caisse de
dépôt, la discussion aurait pu être différente. Et je
ne vois pas très bien comment cette situation peut être
changée dans l'état actuel des choses. Deux conseils
d'administration se disent: Nous sommes personnellement protégés
par le premier ministre du Canada contre toute incursion de ces
Québécois besogneux. Pour le moment et tant qu'il n'y aura pas de
changement, on les enverra paître. D'où le score, M. le
Président, trente succès et trois échecs dont deux sont
causés clairement par l'intervention que je qualifierais d'intempestive
du gouvernement fédéral. C'est ce qui m'apparaît être
le score, il n'y a aucune incertitude, c'est parfaitement
compréhensible.
Cette démonstration me paraissait importante parce que la fin de
la déclaration du député de Notre-Dame-de-Grâce
mettait en cause - alors là assez personnellement -le président
de la Caisse de dépôt et j'ai pensé qu'il était
nécessaire de procéder à cette rectification.
J'en conclus donc qu'il faut revenir, je pense, à cette
idée fondamentale que lorsque le gouvernement fédéral aura
une fois de plus dévoilé ses intentions quant à la
façon dont il entend que les sociétés d'État
québécoises soient limitées dans leurs activités
auprès des sociétés privées canadiennes, à
ce moment-là, il faudra réexaminer la question tous ensemble ici
au Parlement, non pas seulement pour la Caisse de dépôt mais pour
toutes ces institutions
que nous avons construites au Québec et que le gouvernement
fédéral, dans un premier temps, et vraisemblablement dans un
deuxième temps, cherche à arrêter dans leur expansion.
À ce moment-là, cela me paraîtra fondamental; d'ici
là, je pense que le dossier de la Caisse de dépôt et
placement du Québec est, indépendamment de ce qu'on disait tout
à l'heure, limpide, assez clair et elle est, grâce aux
débats publics, d'ailleurs, qui ont eu lieu depuis quelques mois,
beaucoup mieux comprise qu'elle pouvait l'être autrefois. Merci, M. le
Président.
Maintenant, il est possible que M. Campeau veuille ajouter un certain
nombre de choses spécifiques.
Le Président (M. Champagne): M.
Campeau, à vous la parole.
M. Parizeau: J'ajouterai, aux remarques du ministre, qu'il n'y a
réellement pas de relations difficiles avec Dom Tex ni avec Alcan. On
s'entend très bien et on ne peut parler de relations difficiles. Avec
CP, c'est compréhensible, on a peut-être eu des
différends.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Si le président veut me permettre, j'aurais
juste deux interventions ou, si vous voulez, des commentaires additionnels sur
deux sujets qui ont été soulevés par le ministre. Je veux
que ce soit très clair, quand j'ai donné l'exemple de la SGF,
c'était simplement pour souligner le fait que nous avons plusieurs
sociétés d'État ici, chacune avec le mandat d'agir dans un
secteur très précis de l'économie. Dans chaque cas, avant
que ce mandat soit élargi, on a le droit d'avoir une explication ici,
une justification. Finalement, ce sera adopté, parce que c'est la
volonté du gouvernement, mais on a droit - et je pense que c'est sain -
à une justification publique avant.
Dans le cas de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, alors que la nature même de son intervention dans
l'économie n'est pas très claire - j'ai pris l'exemple
d'administrer contre superviser, deux mots qui se prêtent à des
interprétations différentes - cela s'approche un peu des
interventions qu'on a envisagées dans les autres sociétés
d'État. Parce qu'il existe ce parallèle, il me semblait un peu
bizarre que la Caisse de dépôt et placement du Québec
puisse faire, de façon beaucoup plus importante, dans plusieurs
secteurs, ce que sont empêchées de faire les autres
sociétés d'État. Je comprends parfaitement que la nature
même de la Caisse de dépôt et placement du Québec ne
soit pas la même que ces sociétés qui ont un mandat
différent. Je sais très bien qu'il y a une question de
liquidités. Je continue de croire qu'il y a la liquidité et la
liquidité, qu'il y a des niveaux différents de liquidité.
Mais quand même, il y a cet élément. Ce n'est pas
comparable exactement, j'en conviens, mais je persiste à croire que
depuis que la caisse a commencé à s'intéresser davantage
au développement économique industriel au Québec, cette
ambiguïté existe. Je l'ai pris comme exemple simplement pour
démontrer au ministre que je croyais utile d'avoir un éclairage
sur ce sujet et sur plusieurs autres.
Je ne veux pas insister. En terminant, je vais dire qu'on va continuer
de répéter ces raisons afin qu'on fasse toute la lumière
sur la caisse. Je suis persuadé que finalement toute l'Assemblée
nationale, le Parti libéral, le Parti québécois et la
population peuvent s'entendre sur les orientations. Je ne suis pas du tout
contre ce que fait la caisse. Je pense que le ministre fait un peu une lutte
dépassée quand il dit: Nous avons l'intention d'aller plus loin
dans les grandes sociétés canadiennes. Nous sommes d'accord,
c'est une lutte dépassée. Ne vous inquiétez pas, ce n'est
pas un problème. On veut simplement s'assurer qu'on va s'en sortir
gagnant dans la mesure du possible, avec tous les risques qui font partie de ce
jeu.
Pour revenir au deuxième sujet que je voulais aborder, je veux
revenir à cette question du rôle du président dans les
prises de position des grandes compagnies. Le ministre a dit que c'est 30
à 3; c'est possible. Je ne sais pas si, sur la base des investissements,
c'est 30 à 3. J'ai l'impression qu'au moins quelques-unes des compagnies
qu'il a citées dans ses exemples sont un peu plus petites que CP.
Peut-être que c'est 30 à 3.
M. Parizeau: Noranda.
M. Scowen: Oui. Je n'ai pas posé la question, mais
j'imagine que, dans le cas des investissements impliqués, c'est
peut-être 30 à 4, au moins, ou 30 à 5. Cependant, tout ce
que je veux expliquer c'est qu'il me semble que chaque fois qu'on s'embarque
dans un grand projet comme celui de Canadien Pacifique, Alcan ou Dom Tex - qui
n'est peut pas aussi important que les deux premiers, mais ces compagnies sont
toutes les trois importantes - on doit au départ chercher à faire
deux choses en même temps, si c'est voulu. On va essayer en premier lieu
d'accroître nos actions dans la société concernée
parce qu'on la considère comme un bon investissement. Si c'est la
décision de la Caisse de dépôt d'augmenter son rôle
de supervision dans ces compagnies, elle doit s'assurer que cette supervision
sera exercée. Et si on cherche à atteindre les deux objectifs en
même temps dans une compagnie et qu'on ne les réalise pas, je
considère que c'est un échec. Si cela commence à
faire les manchettes, c'est un échec pour toute la population parce que
c'est moi personnellement comme Québécois qui suis battu dans une
telle situation. Je ne suis pas actionnaire du Canadien Pacifique mais je suis
actionnaire de la Caisse de dépôt et je n'aime pas ce qui se
produit.
Je n'ai à donner de leçon ni au ministre ni au
président de la Caisse de dépôt mais je peux
peut-être seulement rappeler une idée sur laquelle on devrait
s'arrêter. Il est clair que plus la Caisse de dépôt prend de
l'expansion plus elle aura à transiger avec les grandes compagnies
canadiennes et même nord-américaines, qui sont plutôt
dirigées par des anglophones. Les anglophones avaient certaines
habitudes en affaires qu'on peut peut-être imiter. Les grandes
sociétés canadiennes qui faisaient affaires avec le Québec
anglophone avaient l'habitude, depuis longtemps, d'essayer de placer un
francophone de service, si vous voulez le prendre dans le sens
péjoratif, au conseil d'administration, ce qui était très
efficace dans plusieurs cas. Le résultat était de donner au
conseil d'administration un pont ou un lien avec l'autre communauté. Ce
n'était pas compliqué et même pas coûteux. Cela avait
pour effet de permettre d'avoir des contacts. Je suis certain que tous les
membres du conseil d'administration de la Caisse de dépôt sont
excellents: j'ai pris connaissance des noms il y a quelques instants, et
jusqu'à présent, sur la liste de 1982, à moins que je
fasse erreur, ce lien important que j'ai décrit n'existe pas.
Si l'on veut éviter des affrontements, si l'on veut essayer de
s'organiser à l'avance avec le Canadien Pacifique ou avec Dom Tex pour
que cette prise de position soit bien accueillie par les administrateurs, cette
préparation pourrait peut-être être adoucie ou
facilitée par une telle politique.
En terminant, je veux simplement citer, à titre d'exemple, une
page du rapport de l'assemblée annuelle des actionnaires de Power
Corporation tenue le 5 mai 1983. Ils détiennent, je crois, environ 10%
des actions du Canadien Pacifique? 5%?
M. Parizeau: Dans le plus.
M. Scowen: Ils détiennent une part, pas beaucoup plus que
vous autres, à peu près la même chose.
M. Parizeau: Le 10% comprend des actions qui ne pas
détenues, mais qui appartiennent à d'autres via le
Montréal Trust.
M. Scowen: Ils en détiennent combien à peu
près?
M. Parizeau: Peut-être 10%, c'est ce qu'on lit; moi je ne
suis pas au courant.
M. Scowen: Il%? Donc environ le même pourcentage, une
partie minoritaire mais...
M. Parizeau: Non, non c'est très différent. 5% des
actions appartiennent à Power Corporation et 6% qui proviennent de
comptes administrés par le Montréal Trust.
M. Scowen: Alors ils n'ont que 5% des actions et nous en avons
10%, c'est-à-dire le double. Notre part dans le Canadien Pacifique est
deux fois plus importante que celle de Power Corporation? Je lis. Il s'agit
d'une compagnie qui possède la moitié moins de pouvoir, si vous
voulez, de marchandage avec le conseil d'administration de Canadien Pacifique
que nous. Je cite le rapport: "À la dernière assemblée
annuelle, nous avions déclaré que nous avions devant nous la
perspective d'une relation à long terme avec Canadien Pacifique et que
nous la voulions constructive. Un an plus tard, nous pouvons annoncer des
nouvelles qui répondent parfaitement à ces aspirations. Hier,
à l'assemblée annuelle, M. Desmarais de Canadien Pacifique
terminait sa première année en tant qu'administrateur et membre
du comité exécutif de cette société et j'ai eu,
pour ma part, l'honneur d'être élu au conseil d'administration de
Canadien Pacifique."
(16 h 30)
Voilà une compagnie privée québécoise qui
joue une part qui est la moitié de la nôtre dans cette compagnie
qui a réussi à placer deux membres au conseil d'administration.
Dans le même contexte, le ministre a parlé des 30 victoires pour
lesquelles je vous félicite, M. Campeau.
Très sérieusement et honnêtement, on peut dire que
c'est une victoire pour Power Corporation. Le fait que nous sommes là
avec deux des parts deux fois plus importantes et dans les luttes qui
paraissent dans les journaux avec le conseil d'administration, je
considère que c'est un échec. Cet échec ne me fait pas
plaisir, je le répète, c'est moi-même, nous sommes tous
visés par cette situation. Tout ce que je veux exprimer, j'ai pris
l'exemple du secteur privé en disant que si le compte est vraiment 30
à 3 à moyen terme, il n'y a rien qui permet de critiquer le
président parce qu'on ne peut s'attendre à une moyenne parfaite.
Cependant, c'est trois quarts importants qui me blessent. J'aurais aimé
que l'on procède différemment et j'espère que des
redressements seront apportés.
J'espère que j'ai bien expliqué ma position sur ce
point.
Le Président (M. Champagne): M. le
président, M. Campeau.
M. Parizeau: Si l'on revient à Power Corporation, il me
fait de la peine d'isoler un cas spécifique, mais j'aimerais quand
même qu'on voit certaines choses bien clairement.
Présentement, il y a trois groupes d'actionnaires au Canadien
Pacifique. Il y a M. Desmarais, une famille de Sudbury et la Caisse de
dépôt. La famille de Sudbury n'est pas représentée
au conseil d'administration. Je dois dire que la Caisse de dépôt
croit à la représentation proportionnelle. Je verrais donc
très bien la famille de Sudbury être représentée
parce qu'elle est une actionnaire importante. Tout comme elle voit très
bien M. Desmarais être représenté parce qu'il est un
actionnaire important.
D'autre part, est-ce que la Caisse de dépôt serait
prête à signer avec les officiers de la compagnie un engagement
par lequel elle voterait pour une administration en vue d'obtenir des postes au
conseil d'administration de Canadien Pacifique? Ce à quoi M. Desmarais
s'est prêté. Reportons-nous bien sur le vrai concept du
système capitaliste. Ce sont les actionnaires qui élisent les
administrateurs et non pas le président qui choisit les administrateurs.
Si le président choisit les administrateurs, on est bien sûr qu'il
va s'assurer que ce sont de bons amis qui ne voteront pas trop contre lui ou
bien à l'occasion, un ou deux, cela ne fait pas de tort dans un conseil,
un ou deux vraiment d'aplomb qui vont critiquer les décisions. On
revient sur le point, alors, c'est ce qui se produit.
M. Scowen: M. Campeau, je pense que vous savez autant que moi
qu'en réalité, dans ces grandes compagnies du secteur
privé, le conseil d'administration et le président ne sont pas
élus par les actionnaires. Je crois que c'est une chose qui devrait
être corrigée un jour. Selon la règle du jeu, M. Burbidge
n'est pas un actionnaire dans Canadien Pacifique, mais un employé. Il
gardera son poste tant et aussi longtemps que sa performance se
révélera satisfaisante aux yeux de ses collègues, de ses
amis et des membres du conseil d'administration. Ce n'est pas
nécessairement une bonne chose et c'est la vérité. C'est
un peu, je m'excuse de prolonger le commentaire que je voulais faire, mais le
ministre a fait allusion à l'intervention de M. Pierre Trudeau. Je pense
qu'on est maintenant dans les ligues majeures, il faut prévoir ces
interventions.
Supposons que je sois président de Southam Press, que je vienne
ici à Montréal, que je décide d'acheter le Devoir. Je fais
la proposition et, le lendemain, je me trouve devant une loi spéciale du
ministre des Finances pour empêcher la prise de contrôle du Devoir
par Southam. Je n'aurais pas le droit de dire: Écoutez, ce n'est pas
possible, c'était imprévisible. Comment aurais-je pu
prévoir une telle chose? Je dois avoir la compétence et la
connaissance de la vie pour comprendre que si j'essaie de mettre la main sur
quelque chose comme cela, il faut attendre que le gouvernement réagisse.
Et si on commence à jouer avec une institution comme CP quand on est une
institution comme la Caisse de dépôt, je dirais: II faut une
réunion spéciale du conseil d'administration pour préparer
la réplique probable de CP qui peut aller jusqu'au Gouverneur
général au besoin. Quant à moi, ces choses sont dans le
domaine du prévisible.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre.
M. Parizeau: Voilà. Le député de
Notre-Dame-de-Grâce comprend pourquoi je veux une commission
parlementaire à un moment donné plutôt qu'à un
autre, pourquoi je veux que cette commission parlementaire ait certains objets
plutôt que d'autres. Je suis absolument d'accord avec tout ce qu'il vient
de dire. Une bataille n'est pas la guerre. Les situations changent, les
gouvernements interviennent, un peu, beaucoup, passionnément, à
la folie. Cela change avec le temps. Les choses qui paraissent sans issue
à un moment donné le sont moins plus tard. Il faut être
capable d'attendre et, justement, de prévoir les coups. Dans ce sens, M.
le président, avec toute la philosophie inhérente aux
dernières paroles du député de Notre-Dame-de-Grâce,
je suis totalement d'accord.
Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Moi aussi je vais aller
à la remorque des derniers propos du ministre. Il ne m'apparaît
pas évident que vous pouvez être d'accord avec mon collègue
de Notre-Dame-de-Grâce pour dire: Voilà, pouquoi votre fille est
muette et pourquoi j'entends, comme ministre des Finances, ne tenir la
commission parlementaire qu'à telle occasion que vous avez
décrite tant et plus à au moins trois reprises depuis qu'on a
commencé l'étude des crédits. Il n'en reste pas moins que
le dilemme constant dans lequel on se retrouve de rechercher le rendement, la
sécurité rendement et le soutien au développement
économique, et dans ce dernier cas, l'équation qu'on est en train
d'établir entre l'achat grandissant d'actions de sociétés
avec
développement économique n'est pas résolu. On
persiste à se demander quelles sont les balises qui permettraient
à la Caisse de dépôt ou à d'autres
sociétés d'État de faire des investissements dans des
actions de sociétés privées. On persiste à se
demander cela parce que dans toute la gamme - qu'il y en ait 30, 33 ou 220, je
ne sais trop combien - quels sont les investissements qui correspondent
à l'objectif de développement économique et quels sont
ceux qui correspondent à la recherche de la maximisation du rendement?
Il y a des lignes qui sont épaisses et grises entre ces deux champs et
il m'aurait semblé utile de trouver un forum quelconque où on
pourrait débattre ces choses pour en arriver à un resserrement du
double mandat de la définition des deux termes du même mandat, si
on veut. Je ne suis pas encore convaincu qu'on doive nécessairement,
pour parler de ces choses, attendre l'occasion que souhaite le ministre. On
dirait qu'il souhaite presque que S-31 soit soumis à nouveau à la
Chambre des communes ou au Sénat ou les deux de façon presque
identique à la forme originale. Je ne vois pas pourquoi on doit attendre
cela. Je ne vois pas pourquoi cela ne peut se faire avant, je ne vois pas
pourquoi cela ne peut se faire à cette occasion. Je ne vois certainement
pas pourquoi on devrait attendre après la provocation, comme l'appelle
le ministre, qui vient d'ailleurs. Dans ce sens, je ne suis pas encore
convaincu, quant à moi, qu'on doive nécessairement limiter la
tenue d'une commission parlementaire sur la Caisse de dépôt, son
mandat et celui ou ceux des sociétés d'État en
général, à l'occasion que recherche le ministre.
Quant au cas de CP qui est isolé, qui est spécial - le
P.-D.G. de la caisse en a fait état; il a dit pourquoi, le ministre
aussi, mon collègue aussi à certains égards. Il ne faut
pas oublier - le ministre tombe trop facilement dans le charriage, que
c'était pour se protéger de la Caisse de dépôt que
Canadien Pacifique a agi de cette façon-là à
l'époque ou a avoué avoir agi de cette façon-là. Je
pense qu'il est de notoriété publique que cela pouvait donner
lieu à une surenchère de différentes provinces la
tentative de la Caisse de dépôt d'avoir plus de 10% de Canadien
Pacifique.
On sait que, pour l'Ouest canadien, le Canadien Pacifique est une
institution assez particulière. Elle correspond à son histoire,
à son développement et il y est attaché comme on est
attaché à d'autres sociétés, nous du Québec.
On peut imaginer facilement que Heritage Fund ou la Saskachewan aurait
également désiré avoir un investissement assez important
dans Canadien Pacifique. Non pas pour excuser tous ces gens, mais il faut
comprendre un peu plus comment ils fonctionnent. Les gens de la direction
de
Canadien Pacifique étaient probablement inquiets, quoique le
souci immédiat était la Caisse de dépôt, ce qu'elle
faisait. Ils étaient probablement inquiets à plus long terme de
voir comment les chicanes interprovinciales se transporteraient au conseil
d'administration. On peut imaginer -c'est peut-être théorique
là - que des provinces tireraient la couverture quant à la
façon dont elles superviseraient, elles participeraient ou
influenceraient l'administration de Canadien Pacifique, tireraient chacun la
couverte de leur côté pour que les services rendus par Canadien
Pacifique, au point de vue ferroviaire notamment, ne soient pas
négligés dans leur région. C'est une espèce de
provincialisation probablement par plusieurs provinces que Canadien Pacifique
redoutait et non pas simplement l'action de la Caisse de dépôt,
qui s'adonne à être du Québec. C'est simplement pour
rappeler au ministre que ces réalités politiques existent
également au Canada. Le risque, tel que perçu par Canadien
Pacifique, était peut-être réel quand même à
savoir que cela se produise et qu'on ne peut pas dire: Ils sont allés en
appel jusqu'au gouverneur général parce que la Caisse de
dépôt, constituée de francophones québécois,
en menait ou tentait d'en mener encore plus large dans cette institution.
Je veux tout simplement mettre cela au point - comme je l'ai dit - ce
n'est la question d'essayer de les défendre mais je pense que la
réalité est plus complète comme cela.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, concernant la question du
balisage des deux critères, des deux mandats de la Caisse de
dépôt, développement économique et rendement, le
député de Vaudreuil-Soulanges voudrait que ce soit mieux
balisé. Je lui répondrai que ce n'est probablement pas possible.
Dans un certain sens, cela me fait penser - et je pense que l'analogie est
assez bonne - au double objectif d'une banque centrale dans un tout autre
domaine qui a, dans son mandat, la fonction de financer le gouvernement de qui
elle relève, de faciliter l'émission des obligations, de
conseiller le gouvernement, de préparer le marché aux
émissions d'obligations que le gouvernement aura à émettre
sur le marché. D'autre part, son mandat lui confère de chercher
à administrer la politique monétaire de façon à
éviter autant que possible les pressions inflationnistes. Dans ce cas,
c'est presque contradictoire parce que la meilleure façon de faciliter
le financement d'un gouvernement est de créer beaucoup d'argent. Dans la
mesure où l'on crée
beaucoup d'argent, on alimente les pressions inflationnistes. Dans le
cas d'une banque centrale, c'est absolument opposé. Il y a deux mandats,
c'est un double mandat et ce qu'on demande à un gouverneur d'une banque
centrale est d'équilibrer ces deux mandats qui dans ce cas sont presque
opposés. Cela demande invariablement un jugement considérable. Ce
débat a fait rage dans tous les pays depuis toujours. Il y a des pages
de Napoléon sur le double mandat qu'il faut relire. Il y a des
débats étonnants en Grande-Bretagne sur le rôle de la
Banque d'Angleterre et, d'autre part, on retrouve le même genre de
débats à l'occasion du rôle du Federal Reserve Board au
cours de la récession dont on commence à sortir. Cela dure depuis
des siècles. Toute institution qui a un double mandat comme
celui-là sera toujours placée dans la même situation. Il
faut exercer un jugement. (16 h 45)
Rendement et développement économique. Oui bien sûr
on pourrait prendre des risques avec le développement économique
tel que le rendement en serait sérieusement affecté. À
l'opposé, chercher le rendement maximal, quoi qu'il arrive, peut
être tout à fait à l'encontre des intérêts des
contribuables qui déposent l'argent dans l'institution. Entre nous, cela
ne donne pas grand-chose d'avoir une pension un peu plus haute si on a
passé la moitié de sa vie à chômer. J'exagère
mais c'est un peu comme cela que cela se présente finalement.
Il y aura là un jugement. Des balises? Oui, il y a des balises
relativement simples. Par exemple, dans la mesure où la Caisse de
dépôt peut dire: Je suis essentiellement et surtout
alimentée par des fonds publics. J'ai un rendement supérieur aux
fonds publics analogues ailleurs au Canada. Cela, c'est une balise. C'est dire:
Le rendement que j'obtiens sur mes placements, de toute façon, il est,
avec les gens avec qui je peux me comparer, supérieur. Mais il arrivera
un moment donné où on se dira: Est-ce que je pourrais avoir 0,5%
sur le rendement mais éviter de poser des gestes qui contribuent au
développement économique du Québec? Mais cela, que
voulez-vous? On nomme un conseil d'administration aux fins de procéder
à cet arbitrage. On nomme un président le meilleur possible aux
fins de présider à cet arbitrage. Le débat durera toujours
sur cela. Il y aura constamment des gens qui diront de période en
période: Vous avez trop favorisé le rendement aux dépens
du développement. Vous avez trop favorisé le développement
aux dépens du rendement. Cela évoluera de période en
période. C'est inévitable.
Toute institution financière qui a un double mandat comme
celui-là donne lieu invariablement à ce genre de discussion.
Encore une fois, c'est peu de choses les débats que nous avons à
l'égard de la Caisse de dépôt à côté
des débats qu'il y a quant au rôle de la banque centrale. Non pas
seulement dans les pays exotiques, mais encore une fois j'en ai des exemples
dans des pays que nous connaissons bien. Au Canada, on a eu des débats
absolument farouches là-dessus. Je pense à la querelle entre
Coyne et Fleming, il y a presque maintenant une vingtaine d'années.
Alors là, cela a déchiré non seulement la Banque du Canada
et le ministère des Finances, mais cela a donné lieu à des
débats à la Chambre des communes et au Sénat absolument
incroyables. Cela sera toujours. On peut espérer que cela n'aboutisse
pas à des débats comme celui qu'on a connu entre Coyne et
Fleming, mais c'est dans la nature des choses.
La question du Canadien Pacifique. Je voudrais y revenir parce que je
vous avoue que lorsque le projet de loi S-31 est sorti, d'abord, je n'en
croyais pas mes yeux. Quand on a commencé à regarder les
implications d'ordre juridique de ce projet de loi, cela me paraissait
inconcevable qu'on ait sorti une loi à ce point, apparamment,
destinée à contrer la Caisse de dépôt, la SDI et un
certain nombre d'institutions québécoises. Nous avons donc
procédé à un certain nombre de vérifications. Ce
que soulève le député de Vaudreuil-Soulanges aurait fort
bien pu se passer. On aurait pu imaginer qu'il se préparait quelque
chose au Heritage Fund ou en Saskatchewan ou ailleurs pour essayer de faire une
sorte d'incursion dans le capital-actions du Canadien Pacifique. Pourtant,
vérification faite, il n'y avait rien de prévu dans l'avenir qui
se préparait à cet égard. Or on a bien été
forcé de se rabattre sur le fait que, la Caisse de dépôt
étant rendue à 9,976% des actions du Canadien Pacifique, les 10%
n'étaient pas apparus par hasard. D'autre part, il était tout
à fait clair, et cela reste tout à fait clair, que sur le plan de
l'aménagement des transports au Canada, indépendamment de ceux
qui sont actionnaires du Canadien Pacifique, le trafic ferroviaire, l'abandon
des lignes, les tarifs, le service donné, tout cela relève de la
Commission des transports d'Ottawa. La Commission des transports demeure
absolument souveraine, si je peux m'exprimer ainsi, à l'égard du
service ferroviaire que le Canadien Pacifique doit fournir. Il y a des gens de
la commission sénatoriale qui nous ont présenté cet
argument en disant: Si des organismes publics qui appartiennent à des
gouvernements de province s'embarquent dans le Canadien Pacifique, cela risque
de balkaniser le Canadien Pacifique sur le plan du transport ferroviaire. Les
gens disaient: Les pouvoirs de la Commission des transports sont intacts. On ne
voit pas en quoi le fait d'avoir comme actionnaires tel groupe privé ou
tel groupe public ou une combinaison de tout cela peut affecter les pouvoirs de
la
Commission des transports. J'attends encore une réponse à
cet argument. La Commission des transports à Ottawa a tous les pouvoirs
nécessaires pour réglementer le trafic. Je ne vois vraiment pas
en quoi l'Alberta, le Québec ou d'autres pourraient influencer cela de
quelque façon que ce soit. Nous n'avons aucun pouvoir dans ce domaine,
absolument aucun. Il y a bien des domaines dans la constitution canadienne qui
ne sont pas clairs, mais celui-là est parfaitement clair. Ce n'est pas
une zone grise. Cela n'a jamais été discuté. Le
moindrement qu'un gouvernement de province cherche à s'ingérer
dans ces pouvoirs, la Cour suprême, sur le banc, arrête cela. Je
suis bien obligé d'en revenir.
Remarquez que beaucoup de commentaires qui ont été faits,
dont ceux qui apparaissent dans le rapport du président à
l'assemblée du Canadien Pacifique, et surtout, peut-être
davantage, les commentaires qu'il a faits à l'égard des
journalistes après l'assemblée des actionnaires, semblent
démontrer que l'hypothèse que nous avions soulevée est
absolument confirmée: le Canadien Pacifique a cherché
essentiellement à se protéger contre la Caisse de
dépôt.
Je pense que dans ce que disait le député de
Vaudreuil-Soulanges, il reconnaissait que, dans l'immédiat, c'est ce qui
avait provoqué l'intervention. Cela me paraît - je terminerai
là-dessus, M. le Président - très sérieux, cette
intervention fédérale à partir de S-31. Il faut bien
comprendre, puisque nous discutons du rendement de la Caisse de
dépôt, que la Caisse de dépôt a perdu beaucoup
d'argent. Enfin, perdu! Elle a éprouvé un manque à gagner
important parce qu'elle a été limitée à 10% du
Canadien Pacifique.
Les actions ont monté depuis ce temps. Si la Caisse de
dépôt avait continué à acheter des actions du
Canadien Pacifique et avait profité des augmentations dans la valeur du
capital, elle aurait fait beaucoup d'argent qu'elle n'a pas fait. Il faut bien
comprendre que, sur le plan du rendement de la caisse - si on veut discuter du
rendement de la caisse - S-31 a été essentiellement
préjudiciable. Car même si S-31 meurt à l'agenda, il ne
faut pas oublier que la date du 2 novembre demeure. Depuis le 2 novembre, la
Caisse de dépôt ne peut pas aller au-delà de 10%. Il y a
eu, si on veut simplement parler de rendement, un manque à gagner
indiscutable de la caisse.
On m'indique, M. le Président, que, le 2 novembre, les actions de
Canadien Pacifique étaient à 33 $, actuellement, elles sont
à 45 $. La caisse est bloquée, elle ne peut pas en acheter
d'autres. C'est lamentable. Je trouve que la loi S-31 est bien plus
sérieuse sur le plan du rendement de nos institutions que le fait de
savoir si, au fur et à mesure que les années ont passé,
les conseils d'administration successifs et les présidents successifs
qu'on a connus à la Caisse de dépôt ont bien arbitré
entre rendement et développement économique. Ma réponse
serait: Dans l'ensemble, oui, ils ont bien arbitré. Mais ma
réponse à l'égard de la loi S-31 est aussi qu'elle a fait
perdre inutilement de l'argent à la Caisse de dépôt. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Lafrenière): M. le
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le ministre a terminé
en parlant de rendement. On ne peut que trouver malheureux que la caisse n'ait
pas acheté plus d'actions à 33 $ ou à 30 $, quoi que ce
soit.
M. Parizeau: Elle ne pouvait pas.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Avant le 2 novembre. Vous
conviendrez que c'est un drôle d'argument. Parlant de rendement, la
caisse nous a indiqué, dans son rapport annuel, qu'elle avait atteint un
taux de rendement, calculé selon la méthode du rendement interne,
de 34,5%. C'est absolument phénoménal.
J'ai tenté de reconstituer ces chiffres. J'y suis presque
arrivé, mais pas précisément. Il me manque certainement
des données qu'on a à la caisse. J'ai cru qu'il s'agissait
de mettre en regard, en gros, les valeurs de réalisation des
portefeuilles au 31 décembre 1981 et, au 31 décembre 1982, de
regarder les achats et de faire un net là-dessus, de regarder le revenu
sur ce qui a été acheté et l'augmentation de la valeur de
réalisation pour en arriver à des chiffres comme ceux-là.
J'aimerais, pour le moment, que le président-directeur
général nous indique comment il est arrivé à ces
chiffres, quitte à revenir par la suite avec des commentaires.
M. Parizeau: Il est évident que... D'abord, laissez-moi
préciser qu'une année n'est pas un signe de réussite. Il
faut -comme je l'ai dit souvent - regarder un cycle économique complet
où on voit les actions et aussi les obligations monter et les deux
varier.
Un rendement tel quel, sur l'ensemble des déposants, est
composé du revenu courant et aussi de l'appréciation des
capitaux. Ce sont vos deux éléments qui composent votre
rendement. C'est là-dessus que se composent les chiffres que vous avez
là.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'ai compris cela. Mais
j'essaie de le reconstituer à partir des données qui sont dans le
rapport annuel, peut-être par manque de temps ou
manque d'habitude de le faire ou manque d'un petit ordinateur de poche
pour faire...
M. Parizeau: Je vous avoue que pour....
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...l"'internal rate of
return"...
M. Parizeau: ...faire ces rendements, il faut quand même
une certaine expertise et être habitué à gérer des
portefeuilles de gestion. Cela ne se fait pas d'une façon aussi facile
que cela. Si vous me demandez comment, je pourrais vous l'expliquer, il
faudrait que je prenne une ou deux heures et je ne suis pas sûr que j'y
parviendrais moi-même. J'aimerais bien me faire assister par des experts
de la caisse là-dessus.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Là où je mettais
en doute ma capacité et celle de mes collègues qui se sont
penchés là-dessus, je voulais juste m'assurer qu'on n'avait pas
toutes les données dans le rapport annuel qui permettaient de
reconstituer les 34,5.
M. Parizeau: Un instant, je consulte quelqu'un et je reviens.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui ou non, c'est tout. On
essaiera sûrement.
M. Parizeau: On n'a pas tout là-dedans.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Bon, merci. Cela explique
pourquoi on ne peut pas le reconstituer. On peut y arriver en gros et je
comprends cela. Sauf, que j'essaie de voir si ce n'est pas un peu artificiel
des taux de rendement comme ceux-là surtout quand on regarde
l'évolution, la valeur de réalisation du portefeuille
obligataire. Je disais comme quand on regarde l'évolution de la valeur
de réalisation du portefeuille en obligations. J'essayais de voir si
c'est réaliste de prétendre qu'on peut assigner une valeur de
réalisation à un portefeuille d'obligations comme le vôtre.
Je n'aimerais pas, vous non plus, être obligé d'aller sur le
marché demain avec 8 000 000 000 $ d'obligations du Québec et
tenter d'obtenir une valeur de réalisation pour ce portefeuille. Cela
demeure un concept comptable statique à mon sens qui ne donne pas une
image très fidèle de la réalité. À moins que
vous ayez des commentaires là-dessus.
Le Président (M. Lafrenière): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, est-ce que je pourrais
intervenir deux minutes? Effectivement il y a dix ou douze mois cependant on se
servait beaucoup de la dépréciation de la valeur des obligations
dans le portefeuille de la caisse pour dire à quel point cela allait
mal. Avec la chute des taux d'intérêt maintenant cela va mieux et
on dit que ce n'est peut-être pas significatif. Cela ne l'est pas plus
maintenant que cela l'était il y a douze mois. On s'entend.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce qui nous amène
à parler d'un cycle financier complet.
M. Parizeau: Bien voilà. Cependant, juste avant cela. La
question soulevée par le député de Vaudreuil-Soulanges
m'apparaît quand même importante. On pourrait peut-être
demander à la caisse de lui fournir le mode de calcul par lequel on
arrive à 34%. Cela pourrait prendre trois ou quatre pages ou quelque
chose comme cela, mais seulement indiquer de quelles données on se sert
pour arriver à 34%. J'imagine que cela ne prendra pas un temps fou.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'ai une seule réserve
si cela existe déjà. Si on a une copie d'une chose qui existe,
j'hésiterais à faire travailler une ou deux heures des gens qui
sont beaucoup plus efficacement employés à la caisse à
gérer le portefeuille plutôt qu'à fournir des chiffres de
cette nature à l'Opposition. J'ai compris que les données ne sont
pas toutes là et je comprends cela à cause de ce qui peut y avoir
à l'interne. Je suis satisfait à la lumière du rapport
annuel de Ball Park, comme on le dit, cela existe. Il n'y a pas de
problème.
M. Parizeau: ...oui.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): S'il y a un document qui
existe, si on peut nous en donner une copie et que cela ne dérange
personne et que cela ne divulgue pas ce qui pourrait nuire à la
compétitivité de la caisse, comme le dit le président de
la caisse, ce sera avec plaisir qu'on recevra cela.
On parlait donc du cycle financier complet sur la période duquel
on doit évaluer de façon plus objective, dit-on, et plus
réaliste en tout cas, la performance d'un portefeuille. Je dois dire
qu'à la Caisse de dépôt, on disait qu'un cycle financier
complet, c'est sept ans, huit ans, sept ans et demi et je ne sais pas trop.
J'aimerais simplement qu'on me rafraîchisse peut-être mes souvenirs
de lecture parce que je ne retrouve pas les endroits dans la documentation qui
soutiendraient que sept ans est un cycle financier complet. Est-ce qu'il y a un
consensus assez large sur lequel on s'est appuyé?
M. Parizeau: M. le Président, un cycle économique
n'a pas un nombre d'années précis. C'est disons le début
d'un cycle et la
fin d'un cycle qui fait que c'est un cycle économique complet.
Vous pouvez avoir un cycle de cinq ans à un moment donné, tout
comme il pourrait être de dix ou onze ans et peut-être de six
ans.
Cette fois-ci, sur huit ans, ce sont quand même des gens qui
s'entendent assez bien là-dessus pour dire que le cycle
économique était de huit ans quant à un portefeuille
d'actions et d'obligations. Est-ce que d'autres pourraient dire sept ans et
trois quarts ou huit ans et quart? Peut-être. Ce n'est pas une notion qui
est écrite et qui peut demeurer. (17 heures)
Le Président (M. Lafrenière): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je ne voudrais pas briser la
savante discussion que j'ai malheureusement manquée ce matin, sur le
sujet. Peut-être dans la même lignée, mais en ce qui a trait
à l'indépendance de la caisse, de s'assurer qu'elle tend à
maximiser le rendement et le développement économique et qu'elle
doit s'assurer d'une certaine indépendance d'esprit de décision
vis-à-vis du gouvernement... Un domaine qui me touche un peu et que
j'essayais de comprendre, c'était ces interventions dans le domaine
énergétique au Québec.
Investissements dans le gaz
Avant d'aller plus loin - parce que je ne voudrais pas m'exposer trop
avant d'avoir l'information - ma première question est la suivante: Dans
un premier temps, pourriez-vous me rappeler quelle est la participation de la
caisse dans Gaz Métropolitain et dans Gaz Inter-Cité?
Le Président (M. Lafrenière): M. le ministre.
M. Fortier: À ma souvenance, c'est assez substantiel dans
un cas comme dans l'autre?
M. Parizeau: Oui. Vous avez ceci à la page 64 au tableau
35 du rapport annuel.
Gaz Métropolitain: vous avez 62. Vous avez donc 2 014 000
actions. Vous avez des obligations pour 3 739 000 $.
M. Fortier: Oui. Mais dans Gaz Inter-Cité est-ce que c'est
déclaré ici?
M. Parizeau: On doit ajouter qu'à Gaz
Métropolitain, on a le droit de vote sur les actions de Norcen.
M. Fortier: Oui, d'accord.
M. Parizeau: Des obligations de Norcen qui nous donnent le droit
de vote dans Gaz
Métropolitain.
M. Fortier: Oui, d'accord.
M. Parizeau: Mais les obligations sont tout de même dans
Northern & Central Gas non pas Norcen.
Dans Gaz Inter-Cité, on n'a pas tellement d'argent.
M. Fortier: Ce sont des avances pour le moment.
M. Parizeau: On a actuellement 2% des actions. Nous avions au 31
décembre, 122 000 $ d'investissements dans Gaz Inter-Cité.
M. Fortier: Mais dans Gaz Inter-Cité, est-ce que l'entente
est en ce sens que vous aurez éventuellement... SOQUIP va avoir
2% ou si c'est la Caisse de dépôt qui va avoir 48%?
M. Parizeau: À l'heure actuelle la Caisse de
dépôt a 2%, SOQUIP, 49% et l'autre groupe 49%.
M. Fortier: Alors vous avez un intérêt très
minoritaire dans Gaz Inter-Cité?
M. Parizeau: Très minoritaire. Bien placé.
M. Fortier: Et dans Gaz Métropolitain.
M. Parizeau: On a un intérêt beaucoup plus important
dans Gaz Métropolitain.
M. Fortier: La question que j'étais pour poser - là
je m'aperçois que votre exposition dans Gaz Inter-Cité est
beaucoup moindre et peut-être avec raison. Il est bien évident que
voilà un domaine où le gouvernement du Québec intervient,
d'une part par Hydro-Québec avec des surplus d'énergie
très considérables; d'autre part dans le domaine du gaz où
certaines décisions sont prises par le gouvernement du Québec et
les décisions beaucoup plus importantes sont prises par le gouvernement
du Canada. Alors que dernièrement, à l'Assemblée
nationale, je posais des questions au ministre des Finances en tant que
responsable du développement économique, à savoir s'il
avait l'intention d'intervenir pour s'assurer que, lors des négociations
avec les provinces productrices de gaz et de pétrole, les
intérêts du Québec étaient pour être
défendus, à ma grande surprise, il m'a répondu - je ne
voudrais pas simplifier sa réponse - qu'il n'avait pas l'intention
d'intervenir.
Nous savons tous que, présentement, et Gaz Métropolitain
et Gaz Inter-Cité ont des plans d'investissements très
considérables. On sait également que les succès de
pénétration
de ces deux sociétés dans le domaine industriel sont
très faibles et qu'ils vont continuer à être faibles,
d'après moi, par le fait bien simple qu'Hydro-Québec continue
d'avoir des surplus considérables et que la guerre va continuer de
s'engager. D'ailleurs, il y a eu des déclarations de la part
d'Hydro-Québec en ce sens qu'elle était pour mettre d'autres
projets sur pied pour s'assurer que les surplus d'énergie
électrique soient vendus. Je me demande si l'intervention de la Caisse
de dépôt n'est pas plutôt sur une commande du gouvernement
du Québec alors que dans les faits, le gouvernement ne semble pas
intervenir justement dans les négociations en cours qui auront un impact
considérable sur le rendement des investissements de la caisse de
dépôt, surtout dans Gaz Métropolitain. J'admets en partant
que les risques sont beaucoup plus grands dans le domaine de Gaz
Inter-Cité et je constate avec plaisir que vous avez peut-être eu
beaucoup de jugement en n'investissant que 2%.
Il n'en reste pas moins qu'il m'apparaissait, il y a trois ans, lorsque
la décision a été prise, que peut-être l'avenir
était plus glorieux. Mais aujourd'hui, on se parle on peut se poser des
questions sur le risque inhérent à ces investissements, compte
tenu, d'une part, de l'intervention du gouvernement du Québec par
l'entremise d'Hydro-Québec, et compte tenu du fait que le ministre des
Finances m'a répondu qu'il n'avait pas l'intention d'intervenir, alors
même que tout le monde semble savoir - et je suis certain que la Caisse
de dépôt, par l'entremise de ses spécialistes en
énergie, le sait - qu'à moins que les négociations en
cours modifient la règle voulant que le prix du gaz soit fixé
à 75% du prix du pétrole, il y a grave danger que la
pénétration du gaz ne se fasse pas au Québec, à
moins que le gouvernement du Québec n'intervienne - cela m'a surpris que
le ministre réponde de cette façon - pour demander au
gouvernement central de laisser aller le prix du pétrole rejoindre les
prix internationaux, si c'est là le voeu du gouvernement, mais que, dans
le domaine du gaz, le ratio entre le gaz et le pétrole soit
modifié pour favoriser la pénétration du gaz. Ce qui me
surprend, c'est qu'on ne tienne pas à favoriser cette modification de la
politique énergétique qui pourrait avoir des répercussions
considérables.
Ma question, bien sûr, en ce qui a trait à la Caisse de
dépôt est: Comment réagit-on devant une conjoncture comme
celle-là? Est-on tout à fait dépendant de la politique
énergétique du gouvernement qui veut la pénétration
du gaz? Les indications que nous donne le ministre de l'Énergie et des
Ressources sont que cette pénétration du gaz doit se faire
à tout prix. Je lui ai demandé si, dans le cadre des deux
sociétés, le plan de cinq ans était irréversible,
et il m'a dit oui, alors qu'en tant qu'investisseur j'aurais voulu entendre une
réponse qui était à l'effet qu'on verra, année
après année, quel était le problème
énergétique et quelles étaient les chances de
succès d'une année à l'autre, et qu'à ce moment on
pourrait modifier les plans d'investissements de ces deux
sociétés. Je me demande, devant une politique
énergétique décrétée par le gouvernement et
vu que la Caisse de dépôt s'était engagée à
la suite d'une politique annoncée du gouvernement du Québec, si
la Caisse de dépôt est tout à fait servile vis-à-vis
d'une politique énergétique du Québec ou si elle pourrait
se retirer d'un investissement comme celui-là. Je dois admettre que dans
le cas de Gaz Métropolitain, pour le moment, le rendement semble assez
intéressant, mais il faut quand même constater que celui-ci
était dû à une augmentation substantielle du tarif qui a
été approuvée par la Régie du gaz et de
l'électricité et n'était pas dû à une
pénétration substantielle dans le secteur industriel. Au
contraire, la consommation dans le domaine industriel a chuté et tout le
monde sait que c'est là la clé du succès.
Ma question de base était celle-ci, reliée aux
préoccupations de mes collègues de Vaudreuil-Soulanges et de
Notre-Dame-de-Grâce: Quelle est la décision de la Caisse de
dépôt face à un problème comme celui-là
où, de toute évidence, la politique du gouvernement du
Québec peut sembler, à certains égards, à certains
observateurs avertis, en contradiction avec une politique de rendement de la
Caisse de dépôt?
Le Président (M. Champagne): M. le ministre.
M. Parizeau: II faut d'abord que je puisse donner un certain
nombre de précisions, M. le président, parce que j'ai
l'impression qu'on change considérablement l'orientation du
débat. Ce n'est pas du tout dans le prolongement de ce que nous avons
discuté jusqu'à maintenant.
Il y a au Québec, établie par le gouvernement du
Québec - sans aucun rapport avec la Caisse de dépôt; la
Caisse de dépôt n'est pas dans le coup - une politique,
précisée à plusieurs reprises, à la fois par des
livres blancs énergétiques, par des déclarations
ministérielles, par des gestes posés par le gouvernement,
d'encourager la pénétration du gaz. On peut en penser tout ce
qu'on voudra mais cela n'a rien à voir avec les opérations de la
Caisse de dépôt. Cela ne passe pas par elle. On ne
téléphone pas avant à la Caisse de dépôt en
disant: Pensez-vous qu'on devrait assurer la pénétration du gaz
au Québec? Ses administrateurs tiennent pour acquis que cela nous
concerne, et nous tenons pour acquis que cela ne les concerne pas. On
s'entend
très bien là-dessus.
Le député d'Outremont faisait état d'une
déclaration que je lui ai faite en Chambre dans un contexte très
précis. Oui, effectivement, on n'a pas besoin d'être des
"busybodies" constamment. Quand on se rend compte que pour obtenir un bon prix
de l'Alberta il faut s'engager à supprimer la taxe de vente, les
tractations ont lieu et l'accord se fait. Effectivement, la taxe de vente est
enlevée et on a atteint l'objectif qu'on voulait atteindre.
D'autre part, à l'heure actuelle, tout le monde sait fort bien
qu'il y a des surplus de gaz considérables au Canada et qu'on a des
difficultés à l'exporter aux États-Unis. Cela n'a toujours
rien à voir avec la Caisse de dépôt. Mais puisqu'on
demande: Quelle est la politique du gouvernement? Est-ce vrai que le ministre
des Finances a décidé de ne rien faire? Eh bien, ce n'est pas que
le ministre des Finances ait décidé de ne rien faire, mais
lorsqu'il voit qu'il y a d'énormes surplus de gaz au Canada et qu'on a
toutes les difficultés du monde à le vendre aux
États-Unis, que le ministre fédéral de l'Énergie a
annoncé la baisse du prix du gaz pour les exportations et qu'il y a de
grosses pressions pour faire baisser le prix du gaz au Canada à la suite
de la décision qui a été prise quant au prix aux
États-Unis, je regarde cela avec intérêt et je trouve que
cela va dans le bon sens. Mais faire la mouche du coche et tourner autour du
bétail fédéral là-dessus en disant: Grouillez-vous!
je ne vois pas ce que cela donne. Cela va dans le bon sens à l'heure
actuelle, c'est parfait, alors j'ai assez de problèmes à
régler sans que je commence à régler des problèmes
qui n'existent pas. Si, à un moment donné, par quelque
aberration, on trouvait qu'il faille baisser encore davantage le prix à
l'exportation et augmenter le prix du gaz considérablement au Canada, si
bien qu'il y aurait un écart de prix énorme entre les deux,
d'abord, premièrement, on aurait des problèmes assez
sérieux avec le ministère du Commerce aux États-Unis et,
deuxièmement, cela vaudrait peut-être la peine de commencer
à intervenir là-dedans, mais, pour le moment, cela va dans la
bonne direction.
Encore une fois, tout cela n'a rien à voir avec la Caisse de
dépôt. Je veux bien qu'on s'adresse au président de la
Caisse en disant: Dans l'espèce de conjoncture énergétique
telle que tracée par le gouvernement du Québec à l'heure
actuelle, comment vous, Caisse de dépôt, investissez-vous ou
décidez-vous de ne pas investir? Mais il faut bien comprendre une chose,
et là il faudrait que cela soit bien clair, c'est qu'au niveau de
l'élaboration des politiques énergitiques au Québec,
j'allais dire: Ce ne sont pas les oignons de la Caisse de
dépôt.
M. Fortier: M. le Président, là-dessus si vous le
permettez, on s'entend pleinement et je pensais avoir dit clairement que la
politique énergétique est définie par Ottawa et par
Québec. Ma question était celle-ci, par rapport à la
Caisse de dépôt: Parlant de l'indépendance de la Caisse de
dépôt, vis-à-vis du gouvernement du Québec en
particulier, est-elle servile au point de continuer à investir dans ce
secteur-là parce que c'est la décision du gouvernement du
Québec ou a-t-elle sa propre opinion sur l'étendue des
investissements qu'elle devrait faire dans un tel secteur, sachant qu'il y a ou
se posant des interrogations face à certaines décisions qui ne
sont pas d'ici? À ce sujet, je me demandais quel était le genre
de politique qu'elle suivait et si elle pouvait se permettre d'être
indépendante vis-à-vis du pouvoir exécutif qui est
à Québec même.
M. Parizeau: M. le Président, avant qu'on passe la parole
à M. Campeau, je veux intervenir à nouveau là-dessus. La
Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec est
très claire. L'utilisation de mots comme "servilité" ou de
synonymes de ce mot est simplement péjorative et ne correspond pas
à la réalité. Je vous signale une fois de plus que la Loi
sur la Caisse de dépôt et placement du Québec est
très claire à cet égard. Comme ministre des Finances, en
vertu de l'article 44 de la loi, j'ai le droit de poser des questions. Alors,
ceci étant dit, je tiens simplement à protester contre
l'utilisation de termes comme ceux-là qui sont préjudiciables
à l'intégrité du gouvernement et à
l'intégrité de la Caisse. Ceci étant dit, M. Campeau
présentera les commentaires qu'il voudra en réponse à la
question.
Le Président (M. Champagne): M.
Campeau.
M. Parizeau: M. le Président, mes commentaires seront
très courts. En fait, c'est une stratégie par rapport à un
secteur. Si la Caisse de dépôt devait se départir de ses
investissements dans le gaz, elle le ferait si elle trouvait que cela ne doit
plus être rentable. Cela dépend du secteur où nous sommes.
Tout cela reste à redéfinir, comme si nous étions dans une
autre province, comme si nous étions tout à fait en dehors aux
États-Unis et comme un fonds de pension aux États-Unis. On va
agir de la même façon.
M. Fortier: Ce que vous me dites, c'est que si des
investissements considérables se font dans un secteur donné, si
des expectatives créées par les pouvoirs politiques, quels qu'ils
soient, vont dans le sens de continuer ce genre d'investissements et si la
Caisse de dépôt observait que ses
rendements n'étaient pas aussi bons qu'elle l'avait
espéré, elle pourrait s'en retirer sans considération pour
les problèmes politiques que cela pourrait créer?
M. Parizeau: M. le Président, j'ai dit ce matin que les
investissements en actions de la Caisse de dépôt demeuraient
liquides, sauf peut-être quelque 60 000 000 $ d'investissements en
actions dans les moyennes entreprises. Cela reste vrai aussi bien pour Gaz
Métropolitain que pour d'autres investissements. (17 h 15)
Si on a des blocs, il est évident qu'on ne peut pas vendre nos
blocs sur le marché d'une journée à l'autre. Il faut avoir
une stratégie pour savoir comment on va vendre nos blocs et quelles
sortes de gens nous irons chercher. Il s'agit, dans ce cas-ci, d'un autre
placement important à savoir si on devrait revendre ou, à tout le
moins, arrêter d'investir, ne pas continuer nos investissements
là-dedans. Ce serait le cas s'il n'y a pas de rendement.
M. Fortier: J'aurais seulement une dernière question. Je
comprends la raison qui peut vous amener à acheter X% de CP, 25% de Gaz
Métropolitain, mais quel est l'intérêt pour la Caisse de
dépôt d'acheter 2% de Gaz Inter-Cité?
M. Parizeau: À ce moment-là, c'était se
mettre le pied dans la porte en ce sens que Gaz Inter-Cité, si tout
s'était bien développé, jusqu'ici, il y a peut-être
un petit retard dans la progression de Gaz Inter-Cité, mais cela nous
permettait quand même d'être le troisième actionnaire. Cela
nous permettait quand même d'investir plus si une décision dans ce
sens avait été prise un peu plus tard.
M. Fortier: Tout à fait par hasard, cela donne la
majorité du vote au gouvernement ou à SOQUIP, indirectement?
M. Parizeau: Si on peut coopérer avec une
société d'État pour faire un excellent placement et, en
plus de cela, aider au support et au développement économique,
c'est très facile à faire et on le fera dans ce sens; c'est une
chose voulue dès le début. Cela assurait surtout à l'autre
partenaire qui était Inter-City Gas une très grande assurance
quant au fonctionnement; d'avoir un actionnaire important de l'autre
côté, cela le rassurait d'une façon importante.
M. Fortier: Quoique les assurances qui ont été
données en public indiquaient que Inter-City Gas aurait
préféré avoir le contrôle de la compagnie. En tout
cas, on va rester là-dessus.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre,
peut-être voudriez-vous répondre aux commentaires?
M. Parizeau: Oui, je voudrais ajouter une chose qui est
rigoureusement anecdotique, mais qui tranquillisera peut-être le
député d'Outremont sur l'indépendance qu'a la caisse
à l'égard du gouvernement. On va s'adresser essentiellement au
secteur gazier dont il parle. L'anecdote dont je vais faire état
précède l'arrivée de M. Campeau à la caisse. Donc,
je n'ai pas besoin d'avoir un jugement de sa part sur la transaction qui a
été faite à ce moment-là.
Nous sommes - je peux me tromper d'un an - en 1978 ou en 1979, au moment
où le ministre Joron, qui est ministre de l'Énergie, est à
Edmonton pour négocier, justement, les modifications à apporter
aux contrats de gaz pour assurer une pénétration plus grande au
Québec.
Les Albertains sont bien d'accord pour fournir une sorte de prix
d'entrée assez avantageux, à une condition, cependant, c'est que
le gouvernement du Québec fasse sa part et enlève la taxe de
vente sur le gaz. Effectivement, cela a été fait beaucoup plus
tard pour les raisons qu'on connaît. Au moment où cela se fait, la
Caisse de dépôt est un très gros actionnaire de Norcen, qui
s'appelle à ce moment-là Northern & Central Gas, et se
débarrasse d'une bonne partie des actions de Northern & Central Gas
qui était quand même, sur l'échiquier, une donnée
importante au moment même où le ministre Joron est en train de
négocier à Edmonton. C'est cela. Entre une politique
établie par un gouvernement et le fonctionnement de la Caisse de
dépôt, il peut y avoir un écart grand comme
celui-là.
Pourquoi ont-ils fait cela? Est-ce qu'ils ont trouvé qu'ils ne
voulaient pas en prendre plus qu'un certain pourcentage de Northern &
Central Gas? Est-ce que la Caisse de dépôt se considérait
comme trop exposée? C'est l'histoire de la caisse avec toutes sortes
d'espèces de rebondissements et d'épisodes depuis qu'elle est
créée.
M. Scowen: ...président. M. Parizeau: Pardon?
M. Scowen: Vous avez changé de président.
M. Parizeau: C'est le troisième. Comme j'ai bien connu les
trois et que j'ai travaillé avec les trois, si vous voulez une anecdote
pour chacun d'entre eux, je vous en raconterai. J'en ai raconté pas mal
ce matin.
M. Scowen: Oui, on en avait pour notre argent.
M. Parizeau: Mais celles qui regardent M. Campeau, j'attendrai
peut-être qu'il ait un successeur avant de les raconter.
Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
M. Scowen: Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Si la partie qui concerne la Caisse de
dépôt est terminée, je voudrais simplement dire à M.
Campeau - parce qu'on s'est chicané un peu aujourd'hui - que je lui
souhaite quand même bonne chance dans sa tâche difficile de
concilier les deux objectifs un peu différents de la caisse. En
attendant, la décision du ministre d'ouvrir ce débat à une
commission parlementaire, j'espère qu'il va continuer comme
aujourd'hui à écouter le gouvernement et l'Opposition quant
à leur opinion concernant la conduite de cette société qui
est très importante pour nous tous et à laquelle on tient tous
d'une certaine façon. Merci de votre présence ici
aujourd'hui.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je me joins à mon
collègue et je remercie M. Campeau, encore une fois, d'avoir fait preuve
de beaucoup de candeur, de franchise dans ses réponses.
Je me rappelle que, l'an dernier, on avait soulevé un. tas de
questions. Certaines ont connu pendant l'année des réponses
partielles. On a soulevé encore d'autres questions quant à la
gestion de la Caisse de dépôt, certains aspects structurels, par
la divulgation de rapports annuels, des genres de choses qu'on aimerait y
trouver. On peut juste souhaiter qu'on va encore trouver des réponses
partielles l'an prochain, lors de l'étude des crédits ou,
à tout le moins, lors de la publications du rapport annuel. On
espère, quand à nous, que c'est un excellent exemple que le
directeur général de la caisse peut donner au ministre quant
à la tenue d'une commission parlementaire quand on soulève des
questions de fond. Je ne pense pas, comme le disait mon collègue ce
matin, qu'on soit obligé d'attendre après M. André Ouellet
ou qui que ce soit d'autre pour commencer à en parler entre nous.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre avez-vous
autres choses?
M. Parizeau: Je n'ai rien à ajouter.
Le Président (M. Champagne): D'accord. M. Campeau, au nom
des membres de la commission, on vous remercie d'avoir assisté à
nos travaux.
M. Parizeau: Merci.
Le Président (M. Champagne): Voici, nous en sommes
toujours à l'étude des crédits. Est-ce qu'on pourrait
aller par programme?
M. Parizeau: On s'était entendu avec l'Opposition ce matin
pour qu'on passe maintenant à la Commission des valeurs
mobilières.
Le Président (M. Champagne): À la Commission des
valeurs mobilières. D'accord.
M. Fortier: ...cela, M. le Président.
Le Président (M. Champagne): Je ne le connais pas, parce
qu'on n'en a pas établi d'une façon stricte.
M. Parizeau: C'est qu'il y avait une sorte d'entente très
formelle avec l'Opposition, M. le Président, qu'on passerait d'abord la
Caisse de dépôt, ensuite la Commisssion des valeurs
mobilières, puis les crédits de l'inspecteur des institutions
financières et, enfin, les crédits habituels du ministère
des Finances, dans cet ordre-là, pour terminer la soirée avec le
Conseil du trésor.
Le Président (M. Champagne): Est-ce que vous auriez des
commentaires à faire?
Commission des valeurs mobilières
M. Parizeau: Très brefs, M. le Président. La
Commission des valeurs mobilières, je pense, a vu son existence, cette
année, marquée d'abord, avant tout et à peu près
totalement, par le passage de la nouvelle Loi sur les valeurs mobilières
qui, je le rappelle, n'était pas seulement un certain nombre
d'amendements à la loi mais était une refonte, attendue depuis
fort longtemps d'ailleurs, de la loi elle-même. Je ne dirai pas que cela
a fait pâlir les autres activités de la commission mais disons,
encore une fois, que cela a été l'événement
marquant de l'année.
Je pense qu'on peut dire que, grâce essentiellement à
toutes les consultations, les modifications qui avaient été
apportées à la suite de ces consultations au projet de loi, il a
été, dans tous les milieux concernés, je pense,
remarquablement bien reçu. Cette nouvelle loi est donc en vigueur, avec
les règlements qui l'accompagnent d'ailleurs, depuis le 6 avril,
c'est-à-dire depuis maintenant deux mois.
Je n'irai pas plus loin dans mes commentaires. Je pense que c'est
surtout cela qu'il fallait souligner.
Le Président (M. Champagne): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, je vois que le
président de la commission est ici aujourd'hui.
Le Président (M. Champagne): On pourrait peut-être
savoir le nom de cette personne?
M. Parizeau: Oui, je m'excuse. J'aurais dû le dire au
départ, M. le Président. Pour cet exercice, je suis
accompagné de M. Paul Guy, qui est président de la Commission des
valeurs mobilières et qui a joué le rôle qu'on peut
imaginer dans la préparation de la nouvelle loi des valeurs
mobilières.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Financement des PME
M. Scowen: J'espère que le président va comprendre,
si nous commençons par un sujet qui ne touche pas à l'ensemble de
ses activités, mais c'est un aspect particulier qui nous
intéresse spécialement parce que c'est une partie importante du
budget du ministre des Finances, soit la préoccupation et même
l'obsession, je peux dire, du ministre depuis longtemps, c'est-à-dire le
financement des PME québécoises.
Je veux poser les questions à ce sujet aujourd'hui. La
préoccupation sur la santé des petites et des moyennes
entreprises québécoises, c'est la préoccupation de tout le
monde. Je dois vous dire personnellement que j'ai l'impression que le ministre
a fait un peu fausse route dans ses efforts jusqu'à ce jour pour essayer
de régler les problèmes de financement de ces entreprises.
J'espère que les répliques qu'il va nous donner - et si le
président de la commission veut ajouter des éléments de
réponses, certainement que ce sera bienvenu - nous feront mieux
comprendre ce qu'il voulait dire par ses démarches.
Si je comprends l'argument du ministre, qui date maintenant de plusieurs
années, je crois, cet argument est à peu près comme suit:
Premièrement, il y a plus de PME au Québec qu'ailleurs au Canada.
C'était un argument du ministre, l'an dernier. Je crois qu'on a
effectivement prouvé que les PME québécoises ne sont pas
en nombre plus important ici qu'ailleurs, mais tout de même, elles sont
très nombreuses. C'était le point de départ de
l'argumentation.
Le deuxième argument que le ministre a soulevé et que ses
collègues ont soulevé assez souvent, c'est que la structure
financière des PME au Québec est plus faible, plus fragile
qu'ailleurs au Canada. C'est une déclaration qu'on ne trouve pas dans le
discours sur le budget, mais c'est quelque chose qui est dit assez souvent ici,
à l'Assemblée nationale, entre autres, par le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Le troisième argument, c'est que cette faiblesse, qui est un peu
le sort de toutes les PME et est même plus importante ici au
Québec qu'ailleurs, est causée par une sous-capitalisation des
PME.
Quatrièmement, cette sous-capitalisation est causée
principalement par un manque de capital de risques.
Voilà quatre éléments d'une argumentation que nous
avons entendue depuis quelques mois et peut-être quelques années
et sur la base de laquelle nous avons construit ici les SODEQ, les
régimes d'épargne-actions et les amendements aux régimes
d'épargne-actions dans un effort de régler ce
problème.
La première question que je veux poser au ministre c'est: Est-ce
qu'il est vrai que la structure financière des PME
québécoises est plus faible ici qu'ailleurs au Canada, ou est-ce
qu'on peut mettre cette argument de côté pour le moment? Si elle
est plus faible, où sont les études qui le démontrent?
J'ai cherché un peu partout, j'ai demandé à nos
recherchistes de chercher et j'ai fait des appels téléphoniques.
Quant à moi, il n'existe aucune démonstration objective pour
indiquer ou pour prouver que les PME québécoises sont plus
fragiles sur le plan de la structure financière qu'ailleurs. Mais je
pose la question. S'il y a des études objectives qui le
démontrent, j'aimerais le savoir. Cela fait partie un peu des
explications pour démontrer pourquoi la crise économique a
frappé plus le Québec que le reste du Canada.
Le troisième point, et celui-ci est partie intégrante de
l'argument du ministre dans son discours sur le budget, c'est que la faiblesse
de la structure économique des PME est causée par une
sous-capitalisation.
Je répète, le quatrième point qui n'est pas la
même chose - c'est un autre argument - que cette sous-capitalisation, si
elle existe, la cause principale en est un manque de capital de risque. On fait
certaines choses. On encourage les PME à augmenter leur capital-actions
et on encourage les épargnants québécois à
s'intéresser davantage aux investissements dans les PME. Je ne suis pas
persuadé que la faiblesse des PME soit causée par la
sous-capitalisation. J'aimerais demander encore au ministre s'il peut nous
donner des documents et des études qui pourraient l'indiquer ou le
prouver. Si cela existe, quels sont les faits objectifs qui le mènent
à croire que cette sous-capitalisation est causée par un manque
de capital de risque, parce que cela pourrait être causé par
d'autres facteurs aussi.
J'aimerais vous dire, pour rendre plus claire la question, ma
façon de voir les
choses. Il me semble que c'est une erreur d'encourager la plupart des
PME québécoises à s'intéresser à vendre les
actions au public. Je dois vous dire que je parle un peu de mon
expérience personnelle, ayant passé quinze ans de ma vie dans une
PME québécoise. Vendre les actions, c'est accepter un
régime qui donne beaucoup de contraintes et de limitations à un
entrepreneur. C'est donner l'obligation de sortir les rapports, même sur
la base de votre nouvelle loi, au moins deux fois par année, avec toutes
les pressions qui sont exercées sur l'administration d'améliorer
la performance tous les six mois pour prouver aux actionnaires que cela
fonctionne bien et pour permettre un marché secondaire qui est
très difficile à maintenir dans ces petites compagnies. C'est
inviter trois, quatre ou cinq personnes de l'extérieur à devenir
membres du conseil d'administration, ce qui peut parfois donner des
résultats magnifiques, mais ce qui peut parfois obliger l'entrepreneur
à tomber dans une espèce de recherche d'un consensus qui est
difficile à réaliser et qui exige beaucoup de temps.
Quant à moi, si vous voulez voir les conséquences de cette
orientation, vous n'avez qu'à regarder de près
l'expérience qu'on a vécue dans les SODEQ depuis quelques
années. Je n'ai pas l'intention de faire l'analyse aujourd'hui, mais
c'était, à la base, un effort pour aider les petites et moyennes
entreprises qui étaient trop petites d'aller vers le public et pour
permettre au public de participer aux affaires de l'entreprise avec un risque
qui était partagé parmi plusieurs petites et moyennes
entreprises. Même cela, n'a pas fonctionné.
Mon impression - je veux donner seulement une autre possibilité
pour rendre encore plus clair le problème comme je le vois - c'est qu'il
me semble que pour un très grand nombre de compagnies, ce serait
beaucoup plus utile d'essayer de les aider à obtenir une source de
financement du côté de la dette à long terme avec un taux
d'intérêt stable pour éviter qu'elles se retrouvent avec
des prêts bancaires à court terme avec des taux
d'intérêt qu'elles ne peuvent prévoir et qui
empêchent la planification, de leur donner la stabilité -qu'on
développe avec l'assurance que vous avez au moins, la partie de votre
actif et de votre passif, qui est la dette, pour une période de temps
raisonnable avec un taux d'intérêt stable - plutôt que
d'encourager les entrepreneurs à s'engager dans tout ce qui est
impliqué dans la participation dans les marchés boursiers, que ce
soit les marchés dans la bourse même ou le marché aux
bourses ou le marché public.
Je pose la question aujourd'hui à l'intérieur du programme
7, parce que c'est la seule occasion de le faire à l'étude des
crédits. J'aimerais que le ministre nous donne, premièrement, si
c'est possible, les indications objectives que son analyse du problème
est véridique et, deuxièmement, les commentaires sur les
objections que j'ai développées contre cette solution à un
problème que tout le monde est capable de constater et qui est un
problème réel, parce que si notre analyse n'est pas bonne, il est
certain qu'on n'arrivera pas aux bonnes solutions.
Je ne peux pas m'empêcher de citer, en terminant, M. le
Président, un extrait d'un livre de Lord Keynes, on a fêté
son centième anniversaire cette semaine, je l'ai lu dimanche dans le
journal. C'est un Anglais. Je trouve que le point qu'il a soulevé est
très pertinent avec ce que je viens de dire. Il parlait de
l'épargne et de l'entreprise. Il parlait à sa façon. Il a
dit: "It has been usual to think of the accumulated wealth of the world as
having been painfully built up out of that voluntary abstinence of individuals
from the immediate enjoyment of consumption, which we call Thrift -
épargne - But it should be obvious that mere abstinence is not enough by
itself to build cities or drain feus." - Pour le journal des Débats,
"drain feus", il faut qu'ils me téléphonent pour avoir le sens
précis de cela. Je continue: "It is these enterprise wich builds and
improves the world's possessions... If entreprises is afoot, wealth accumulates
wathever may be happening to thrift. And if an enterprise is asleep, wealth
decays wathever thrift may be doing."
Je pense qu'il y a là un message très important pour ceux
qui veulent encourager, par la voie des initiatives gouvernementales, le sort
de nos PME québécoises.
M. Parizeau: M. le Président.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre.
M. Parizeau: II y a beaucoup de choses dans ce qu'a
soulevé le député de Notre-Dame-de-Grâce, mais je
commencerai par la fin. Oui, bien sûr, l'épargne - pour reprendre
cette citation de Keynes, entre nous, bien d'autres l'ont dit en
commençant par Schumpeter et plusieurs autres - et l'abstinence en soi
ne créent pas d'entreprises. Le sens de l'"entrepreneurship" est au
moins aussi important que le capital et sans le sens de l'"entrepreneurship",
le capital ne peut pas vraiment fructifier. On est tous d'accord.
Est-il plus important pour un homme d'être intelligent ou
vertueux? La vertu s'oppose-t-elle à l'intelligence ou l'intelligence
à la vertu? On n'en sortira jamais! Au niveau d'abstractions comme
celles-là, nous sommes tous d'accord. Il faut être intelligent et
vertueux. Il faut économiser de l'argent et avoir des
entrepreneurs. Nous sommes tous d'accord.
On va entrer maintenant dans des choses un peu plus précises,
parce que les gouvernements, pour leur plus grand malheur, doivent être
précis. Il n'y a pas de doute, je pense, que les multinationales ont,
depuis fort longtemps d'ailleurs, contrôlé beaucoup moins de
l'activité économique du Québec que, par exemple, celle de
l'Ontario. C'est tiré de l'analyse de ce qui s'appelait dans le temps le
Bureau fédéral de la statistique, Statistique Canada qui
publiait, sur les investissements étrangers, des documents tous les deux
ans à ce sujet. Je dois dire que, depuis que je suis ministre, je les
consulte moins. Mais c'était tout à fait clair là-dessus,
trouver des références à cet égard est relativement
facile. Cela s'explique fort bien. Ce n'est pas très noté dans le
milieu québécois, mais cela s'explique facilement. Les capitaux
des multinationales se sont engagés surtout dans des secteurs de pointe
au fur et à mesure où l'industrie s'est développée.
Ils n'étaient vraiment pas très intéressés par des
choses qui, chez nous, étaient historiquement très importantes:
la chaussure, le meuble, le textile, le vêtement. C'est pour cela alors,
qu'ils étaient très intéressés par l'automobile,
par l'électronique, par les appareils ménagers. Où est-ce
que cela se fabriquait surtout? Cela se fabriquait en Ontario. C'est la raison
pour laquelle les grandes compagnies multinationales contrôlent bien plus
de choses en Ontario qu'elles en contrôlent au Québec.
Cela a donc voulu dire que les entreprises indigènes, posons cela
comme cela, ont joué un rôle assez important au Québec, et
de plus en plus important. Ces entreprises indigènes, il y en avait
d'une assez grande taille. Pour la plupart, ce n'étaient pas des
entreprises d'une très grande taille. C'étaient des petites ou
des moyennes entreprises, moyennes peut-être plus que petites.
Traditionnellement, à Montréal, il y a toujours eu beaucoup de
moyennes entreprises. Cela remonte loin en arrière. On peut remonter, je
ne sais pas, si on veut absolument des références, à
l'étude sur la condition ouvrière en Ontario, au Québec et
au Nouveau-Brunswick de 1889 pour voir le rôle que jouaient les
entreprises indigènes de taille moyenne à Montréal par
rapport à ce qu'on trouvait ailleurs.
Ces PME étaient plus fragiles au Québec qu'ailleurs. Je ne
sais pas, il y a peut-être des études là-dessus. Il y a une
chose qui est évidente, cependant, - peut-être que M. Biron a des
études là-dessus, je ne sais pas; je lis beaucoup de choses mais
quand même pas tout - c'est qu'elles sont inévitablement fragiles.
Je dirais, presque par définition, que la petite et moyenne entreprise,
c'est un banc d'essai. Il est tout à fait coutumier - puis cela est vrai
de toutes les sociétés - que chaque année il y a un
certain nombre de milliers de petites entreprises qui se cassent la figure et
qui sont remplacées par d'autres. Il y en a qui ouvrent, il y en a qui
ferment. Ce sera toujours un peu le cas.
L'histoire cependant du manque de capital de risque, cela est
dénoncé dans notre société depuis fort longtemps.
Ce n'est pas nous qui avons commencé ce débat. En fait,
c'était l'ancien premier ministre du Québec, M. Bourassa, qui
revenait là-dessus tous les deux mois. Constamment, il en a fait un
cheval de bataille comme la souveraineté culturelle. À certains
moments on avait l'impression qu'il y avait deux grands thèmes: la
souveraineté culturelle et le capital de risque. Soit dit en passant,
les SODEQ ce n'est pas nous qui les avons créées mais le
régime précédent. Cela a été fait avant
nous, en réponse à cette préoccupation quant au capital de
risque. L'absence de capital de risque, elle était constatée. Je
dois dire là-dessus que j'étais parfaitement d'accord avec M.
Bourassa, bien avant de faire de la politique. Je n'ai pas dirigé
d'entreprise, mais j'ai fait beaucoup de consultations dans les entreprises et
Dieu sait si cela m'a frappé en plein front.
Un autre d'ailleurs des éminents collègues de nos amis
d'en face, M. Kierans, à l'époque où il était
président de la Bourse de Montréal, a fait procéder
à des études remarquables, en particulier sur la
détention, dans les portefeuilles de Québécois, d'actions
ordinaires. Une étude étonnante a été faite
à ce moment-là qui dévoile - je prends cela du point de
vue de l'investisseur plutôt que de l'entreprise qui reçoit cet
argent - un contraste absolu entre l'anglophone québécois,
surtout montréalais, qui constitue son portefeuille, et le francophone,
de revenu à peu près égal, qui constitue aussi son
portefeuille. Il était tout à fait clair et cela crevait les yeux
de voir à quel point l'anglophone avait l'habitude d'acheter des
actions, non pas seulement des actions de compagnies très connues mais
avait l'habitude de prendre des risques et d'acheter un peu d'actions des
entreprises qui se lançaient. Dans un portefeuille francophone, on ne
trouvait à peu près jamais cela.
Dans un premier temps, on achetait des obligations du gouvernement avec
un peu plus de sophistication, beaucoup d'obligations municipales et scolaires.
Quand on se trouvait déjà très sophistiqué, on en
achetait du Bell Téléphone et, invariablement, il y avait 500 $
de stock de mines. Pourquoi? Parce que Loto-Québec n'était pas
encore créée. Un portefeuille typique de Canadien
français, pendant longtemps, c'était cela.
Il faut lire cette étude qui a été
préparée par M. Kierans à la Bourse de Montréal,
elle est remarquable. On sent vraiment que là il y a une espèce
de différence sociologique fondamentale entre
deux types de société.
D'autre part, je pense que tous ceux qui ont un peu
fréquenté ces milieux d'entreprises savent très bien
à quel point, à cause de la sous-capitalisation, du fait que le
capital-actions est habituellement beaucoup trop faible, c'est fou le nombre
d'entreprises qui se cassent la figure parce que, par rapport à
l'ensemble du passif, leur capital-actions représente 10%. Quand les
taux d'intérêt sont faibles, ce n'est pas encore trop grave. Le
moindrement que les taux d'intérêt commencent à monter puis
que le crédit se restreint, ces entreprises se cassent la figure. (17 h
45)
Au moment où il y a cette préoccupation dans notre
société, aussi bien dans les milieux gouvernementaux qu'ailleurs,
je pourrais trouver combien d'affirmations qui vont exactement dans le
même sens de la part des Chambres de commerce, du Conseil du patronat -
ça fait vingt ans que tout le monde répète la même
chose - les PME, au Québec, n'ont pas assez de capital-actions et le
Québécois, en général, n'est pas
intéressé à toucher à cela. Donc, il faut trouver
une jonction.
Maintenant, si, pour régler ce problème-là, on
dévaluait les autres modes de financement de l'entreprise, on aurait
tort. Et je rejoins, à cet égard, le député de
Notre-Dame-de-Grâce, c'est-à-dire qu'il faut être capable de
fournir, comme il l'a dit, du financement, dettes à long terme, à
prix fixe à ces entreprises, bien sûr! C'est d'ailleurs pour
ça que la SDI a été créée. Il est
remarquable de voir que de gouvernement en gouvernement, au fur et à
mesure que les années passent, on met davantage de ressources dans la
SDI et on étend constamment son champ de fonctionnement. C'est vrai,
c'est une constante, depuis que la SDI a été créée,
de gouvernement en gouvernement.
D'autre part, il faut aussi, à certains moments, des sources de
financement à court terme. Le plan d'urgence qu'on a appelé le
plan Biron est arrivé à point pour des centaines d'entreprises
manufacturières. Là, évidemment, c'était une
période de restriction de crédit, de hausse
d'intérêt considérable; toute la fragilité d'un bon
nombre d'entreprises manufacturières, de PME manufacturières
éclatait au grand jour. Cela a placé une sorte de filet et cela,
au bon moment. Je reconnais que normalement, quand on n'est pas en
période de restriction de crédit, quand les taux
d'intérêt ne sont pas trop hauts, il n'y a peut-être pas de
raison que le gouvernement s'engage dans du crédit à court terme
de cette façon sur une grande échelle, mais dans les
circonstances que nous avons connues, au moment où c'est tombé,
c'est arrivé à point, c'était nécessaire.
Le financement des exportations pour ces petites ou ces moyennes
entreprises est aussi fondamental. Il faut que le gouvernement puisse donner un
coup de main à cet égard. Le financement du RXD, sous une forme
ou une autre, mais oui aussi. Les subventions ad hoc sont - peut-être
qu'on en abuse à certains moments - inévitables; ce que je veux
dire ici, c'est qu'il n'y a pas de "pain-killer" là-dedans. À
l'égard des PME, si on veut leur donner une expansion importante -
d'autant plus importante, qu'encore une fois, les chiffres le démontrent
clairement, il y a une fraction considérable des emplois
créés au Québec par les PME et là encore, c'est
parce qu'on dispose d'études qui remontent trop en arrière; les
premières ont été faites justement sous M. Bourassa et
révélaient - ça crevait les yeux l'importance de la PME
dans la société - si on veut être en mesure de leur donner
une expansion correcte, on n'a pas à choisir un instrument. On ne joue
pas du piano sur une seule note, mais il reste que lorsqu'une note est creuse,
il faut la réparer; or, il y a une note creuse parmi toutes celles dont
on peut se servir, c'est celle qui correspond au financement par action. Cela a
été moins utile, moins bien fourni que les choses comme le
financement à long terme par la SDI. Encore une fois, ce n'est parce
qu'il n'y a pas moyen, il n'y a pas de "pain-killer" là dedans; il
faudra jouer avec tous ces instruments-là à la fois.
J'en arrive à l'épargne-actions, pas tellement aux SODEC.
Remarquez, ce n'est pas nous qui avons créé les SODEC. Cela n'est
pas un succès mirobolant, mais d'un autre côté, comme on
cherche évidemment à aider le financement des entreprises, je
veux dire que celui qui n'a pas péché lui lance la
première. On essaie, on fait des expériences. Il y a eu une
expérience: SODEC. Nous, on a fait des expériences dans toute
espèce de domaines: le financement à court terme dont je parlais
tout à l'heure, de plus en plus, le financement des exportations, on
commence à se lancer davantage du côté des nouvelles
technologies. On va faire nos classes. On fait nos classes officielles sur le
plan de l'épargne-actions.
Sur le plan de l'épargne-actions, il n'y a pas de doute que ce
truc été lancé avec trois objectifs et il ne faut pas
l'oublier. Un des trois objectifs de l'épargne-actions est de faciliter
l'accès au capital de risque, mais c'est un objectif sur trois. Des
trois objectifs, le premier consistait manifestement à permettre
à ceux qui ont des hauts revenus de baisser un peu leurs impôts en
finançant le développement économique du Québec.
Cela était clair comme de l'eau de roche car cela avait
été annoncé dans le discours sur le budget - qui l'a
créé - avec une candeur remarquable.
Deuxième objectif, habituer des gens
qui n'avaient jamais beaucoup acheté d'actions à en
acheter, et là, ce deuxième objectif avait ses exigences. Si on
n'offre que des titres de PME, les portefeuilles d'actions ne vont pas se
développer beaucoup. Quiconque qui veut avoir un portefeuille un peu
élaboré va pouvoir l'équilibrer. Il pourra, bien
sûr, avoir des entreprises un peu plus risquées mais qui peuvent
être d'un bon retour éventuellement et des "blue chips" et
combiner tout cela. L'épargne-actions, pour satisfaire ce
deuxième objectif, devait ouvrir l'éventail assez large.
Le troisième objectif était de faciliter le financement
des entreprises, surtout des petites et moyennes entreprises, parce qu'on n'a
pas besoin de faciliter le financement de la Banque de Montréal. Il n'y
a pas de raison. Au bout de deux ans complets de fonctionnement, ce qui
apparaît, c'est que le premier objectif est bien atteint, le
deuxième aussi. Il est surprenant de voir le nombre de milliers de
comptes - des nouveaux - d'achats d'actions chez les courtiers. On a des
rapports à cet égard, c'est tout à fait remarquable. Des
gens qui n'avaient jamais acheté d'actions de leur vie en ont
acheté.
J'arrive au troisième objectif. Il a été beaucoup
moins atteint parce qu'une dizaine de compagnies - sept ou huit, je pense - par
leurs émissions, ont drainé presque 80% des sommes qui passaient
par l'épargne-actions. Ces grandes entreprises n'avaient pas vraiment
besoin de l'épargne-actions pour être en mesure de se financer.
Puisque le premier objectif est bien atteint, que le deuxième est bien
atteint et que le troisième ne l'est pas très bien, qu'est-ce
qu'on fait? On le change, d'où les dispositions du dernier discours sur
le budget qui consiste à dire: Maintenant qu'on a une nouvelle Loi sur
les valeurs mobilières qui permet plus facilement le financement des
petites et des moyennes entreprises, on va corriger le programme
d'épargne-actions pour essayer de satisfaire le troisième
objectif aussi bien que les deux premiers.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce dit que ce n'est
peut-être pas une bonne chose d'amener des petites et des moyennes
entreprises à lancer des émissions dans le public. Cela implique
de nombreuses contraintes. Il est évident que cela implique des
contraintes. Il n'y a pas de doute qu'il y aura beaucoup d'entrepreneurs qui
essaieront de garder le plus longtemps possible la corporation du style Papa,
maman, la bonne et moi. On est en famille, il n'y a pas de problème. Ce
n'est pas mauvais, si c'est cela qu'ils veulent. S'ils sont satisfaits de
fonctionner de cette façon-là, c'est parfait. Il reste
néanmoins que beaucoup d'entre eux, à un moment donné,
courent partout pour essayer d'avoir du capital supplémentaire et,
jusqu'à maintenant, cela n'était pas très facile. On va
trouver des PME qui vont dire: Moi, je n'aime pas les contraintes que
l'émission publique implique, je n'en ferai donc pas. On ne les force
pas, après tout. Pour la première fois, on fournit une aide
financière à une entreprise qui veut devenir publique d'une
ampleur qu'on ne trouve nulle part ailleurs au Canada - je pense qu'on a
innové à cet égard-là - et qui devrait faciliter
considérablement l'entrée d'une première émission
publique par une entreprise qui veut le faire.
Vous me direz que cela ne révolutionnera pas le monde, mais ce
n'est pas fait pour révolutionner le monde. C'est, dans tout le clavier
du piano, un groupe de notes qui n'étaient pas particulièrement
bien accordées, qui étaient même un peu creuses, pour
lesquelles on essaie de faire en sorte que ceux qui veulent être en
mesure de mieux capitaliser leur entreprise par des émissions publiques
puissent le faire aux meilleures conditions possibles. Cela ne règle pas
tout. Même pour cela, même avec cet objectif limité, cela ne
règle pas tout. Je sais très bien, par exemple, qu'à
l'égard du marché secondaire des petites et des moyennes
entreprises on va continuer à éprouver un certain nombre de
difficultés. Je trouve assez remarquables certaines des initiatives
qu'on semble sur le point de prendre à la Bourse de Montréal
à cet égard-là. Cela devrait faciliter les choses. On
gardera longtemps un problème de marché secondaire pour les
titres de petites et moyennes entreprises. Dans mon esprit, cela ne fait pas
l'ombre d'un doute.
Je résume de la façon suivante: II y a, dans l'action que
nous avons cherché à mener depuis quelques années, toute
une gamme de mesures. L'épargne-actions en est une. Ce programme
cherchait à satisfaire trois objectifs. Il en a satisfait deux. On
cherche à améliorer la performance du troisième. Je crois
toujours qu'il est important que le capital de risque soit le plus facile
possible, le plus facilement "atteignable". Je pense toujours que beaucoup
d'entreprises ont un avantage considérable d'avoir davantage
d'équité et moins de dettes qu'elles en ont à l'heure
actuelle. Je pense que la récession qu'on a traversée en
même temps qu'une restriction sur la politique monétaire et le
haut taux d'intérêt ont démontré à beaucoup
d'entreprises à quel point elles étaient vulnérables. On
essaie de prendre des dispositions pour que cela se corrige. Objectif modeste?
Peut-être. Sourire de scepticisme? C'est toujours la même chose.
Quand on commence, on est toujours sceptique. C'est normal. On verra les
résultats. J'aimerais souligner ici que ce programme
d'épargne-actions au Québec a quand même été
largement commenté un peu partout en Amérique du Nord avec
des
commentaires étonnamment favorables. J'ai vu plusieurs articles
de journaux un peut partout aux États-Unis, les éditoriaux
demandant pourquoi cela ne se faisait pas chez eux.
Deuxièmement, il est clair que la nouvelle Loi sur les valeurs
mobilières va faciliter ce type de financement et qu'elle a
été remarquablement reçue. On s'engage dans cette
voie-là. Si, de cette façon, on arrive à atteindre le
troisième objectif visé aussi bien qu'on a atteint les deux
premiers, bravo.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je veux simplement - si mon collègue me le
permet - poursuivre les arguments du ministre. Il y a deux ou trois points que
je veux soulever. Le premier est qu'il a dit, cet après-midi, que
c'était un projet modeste, un clavier sur un grand piano tandis que le
soir du budget on avait l'impression qu'il pensait - il l'a annoncé -que
c'était quelque chose de très important. Je serais le premier
à dire qu'il existe probablement une ou plusieurs PME dans une situation
à pouvoir profiter de cette nouvelle offre, ce nouveau système.
Ce que je prétendais, c'est que ce n'est pas une solution importante
pour le problème des PME. Le scepticisme que je retiens est - et je
pense qu'il est très important que le ministre le comprenne - qu'il a
dit que le REA avait trois objectifs: un abri fiscal -cela a bien
fonctionné comme abri fiscal -l'incitation à investir davantage
dans les actions - cela aussi a fonctionné parce que les gens n'ont pas
hésité à investir dans CP, Bell Canada ou la Banque de
Montréal, il n'y a pas de problème-là. Quant au
troisième objectif, j'ai dit et je le répète encore: J'ai
de graves réserves à croire que les solutions qu'il a
proposées dans son budget régleront le troisième qui est
lié intimement avec le développement économique du
Québec. C'est le seul dont j'ai parlé dans ma première
intervention.
Je veux revenir à quelques éléments de la
réponse du ministre. D'abord, il a commencé... Ma première
question était: Est-ce que les PME sont plus importantes ici
qu'ailleurs? Sa réponse ne m'a pas convaincu qu'il existe des
études pour le prouver. Il a dit: Tout le monde sait que les
multinationales sont plus importantes en Ontario qu'ici. Je n'en doute pas.
C'est simplement que je pense qu'il est aussi accepté que les
multinationales sont historiquement beaucoup plus importantes au Québec
que dans les autres provinces du Canada. Vous n'aviez qu'à aller dans
l'Ouest et dans l'Est et écouter les gens qui disaient que le
Québec et l'Ontario étaient favorisés par rapport aux
autres régions par les multinationales. Il ne faut pas confondre les
multinationales et les compagnies indigènes avec les grandes et petites
entreprises. Il y a de nombreuses multinationales qui sont des PME. Il y en
aura toujours. Je pense que le débat que j'essayais de faire avec le
ministre touchait surtout la question des PME.
En ce qui concerne la question du capital de risque j'ai dit: Donnez-moi
quelques indications que ce manque de capital de risque existe. Sa
première réponse était que Robert Bourassa l'avait dit.
Cela ne me convainc pas. On peut répéter des choses qui
étaient répétées par d'autres...
M. Parizeau: ...heureux d'entendre cela.
M. Scowen: C'est possible qu'une chose
répétée continuellement par deux ou trois personnes ne
devienne pas nécessairement la vérité. Cela devient
peut-être du folklore. J'ai l'impression que cette déclaration de
M. Bourassa qui est reprise par M. Parizeau et par de nombreux autres tient
plutôt du folklore. Sa réponse m'a indiqué que j'ai raison.
Il a cité une étude faite par M. Kierans qui prouvait que les
francophones étaient moins aptes, qu'il était moins probable que
des francophones investissent dans les mêmes actions que les anglophones.
C'est un autre genre d'argument qui n'a rien à faire avec ma question.
La question n'est pas de savoir si ceux qui investissent dans les compagnies
sont noirs, jaunes, bleus, rouges, mais si le capital de risque existe. Je dois
vous dire que cette différence du comportement socio-culturel ne
m'impressionne pas beaucoup.
Le ministre raconte parfois des anecdotes pour expliquer son point. Je
vais faire la même chose. J'ai été
président-directeur général d'une PME pendant 17 ans.
C'était une société qui a très bien
fonctionné et qui était toujours sous-capitalisée. J'ai
toujours essayé, avec les quinze autres actionnaires de cette
société, d'aller jusqu'au bout avec les banques, avec les autres
institutions prêteuses et de réduire au minimum le montant investi
en capital-actions; pas pour des raisons familiales, pas pour des raisons
socio-culturelles, pas parce que j'étais anglophone ou francophone, mais
parce que j'avais confiance que je pouvais faire quelque chose
d'intéressant avec cette compagnie et je ne voulais pas partager avec
tout le monde. Alors j'étais prêt à prendre les risques que
comportait un tel ratio, qui était très
déséquilibré et aurait frappé M. Kierans,
j'imagine. Il aurait dit que les anglophones des Cantons de l'Est sont des gens
qui sont toujours sous-capitalisés; il aurait fait une étude sur
l'Estrie pour le prouver. Mais c'était surtout, quant à moi, un
comportement lié à "l'entrepreneurship".
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, le temps
est écoulé. Cela prendrait le consentement, mais je pense
que la commission peut suspendre ses travaux et les reprendre ce soir à
20 heures, au salon rouge. Cela va?
M. Scowen: Parfait. J'aurai peut-être d'autres idées
pendant le souper.
Le Président (M. Champagne): Alors, on vous donnera le
droit de parole au retour.
(Suspension de la séance à 18 h 02)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Le Président (M. Paré): À l'ordre! Mesdames
et messieurs, la commission des finances et des comptes publics poursuit ses
travaux pour l'étude des crédits. Nous discutions de la
Commission des valeurs mobilières et la parole était au
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'essaierai, plus tard ce soir, de savoir du ministre
s'il existe une base objective qui le porte à croire qu'un
problème important du développement économique au
Québec est la sous-capitalisation des PME du Québec, qui est
causée par un manque de capital de risque. Je pense que j'ai
déjà indiqué que les réponses qu'il m'a
données sur le plan des données solides pour faire cette
démonstration n'étaient pas très convaincantes. Il a
cité un ancien premier ministre. Il a cité une autre étude
socioculturelle qui n'avait pas de lien direct avec les questions que j'ai
posées. J'ai soulevé brièvement un exemple tiré de
ma propre expérience qui avait, selon moi, tendance à
démontrer que très souvent la sous-capitalisation des petites et
des moyennes entreprises n'est pas la conséquence d'un manque de capital
de risque mais surtout d'une décision qui est prise par l'entrepreneur,
par le propriétaire. Je pense qu'il sera d'accord avec moi pour dire
qu'il y a des cas qui sont comme cela mais il y en a qui ne sont pas comme
cela.
Je veux terminer très brièvement en lui disant que,
lorsqu'il me dit que la SDI est l'outil privilégié pour donner
à ces compagnies un financement solide, à long terme, dont elles
ont besoin, je pense qu'il conviendra avec moi facilement que ce n'est pas
exactement le rôle de la SDI. Quand vous pensez à tous les
programmes spécialisés qu'elle a développés, quand
vous réalisez qu'au départ, c'était surtout une
espèce de banque mais que c'est devenu, plus récemment, un outil
de subvention beaucoup plus qu'une banque, que, de plus en plus, c'est devenu
simplement une organisation qui donne des subventions aux compagnies qui ont
besoin, cela est tout à fait autre chose qu'une banque ou une source de
financement à long terme avec des taux de financement stables.
Je me retrouve avec la conviction que les mesures proposées par
le ministre vont aider un nombre très limité de compagnies. Je
vais revenir avec une question très précise à la fin, mais
je veux soulever un dernier aspect auquel j'aimerais que le ministre et
peut-être le président de la Commission des valeurs
mobilières répondent après: c'est la question des
marchés secondaires pour ces actions. Vous savez autant que moi qu'il
existe des contraintes quant à l'émission des actions et vous
avez fait des démarches pour subventionner les sociétés
pour les encourager à passer à travers cette période. Si
on se retrouve deux ou trois ans après, avec la situation dans laquelle
se trouvent les SODEQ aujourd'hui -je répète qu'en principe les
SODEQ doivent être plus solides qu'une seule PME, parce que
c'était une conception qui a été créée pour
créer un ensemble de PME et précisément pour donner un peu
plus de solidité, de stabilité à la valeur de ces actions.
Cela n'a pas fonctionné. On a l'exemple aujourd'hui que même pour
celles qui restent encore, le marché secondaire pour leurs actions est
est ou non existant ou très difficile. Je prévois que dans deux,
trois ou quatre ans, même pour un nombre limité de compagnies qui
ont utilisé l'aspect des REA, qui est l'aspect des PME, les 150%, si
vous voulez, il n'y a aucune provision de faite pour s'assurer qu'il y aura un
marché secondaire et c'est impossible de plus pour un gouvernement de
créer ce marché secondaire parce que l'existence de ce
marché n'est pas liée aux actions gouvernementales, mais à
l'ampleur du nombre d'actions qui sont disponibles et au succès de la
compagnie mais surtout, même si la compagnie est une réussite, aux
valeurs que les gens vont apporter à quelque chose qui va avoir un
marché très limité. Vous connaissez autant moi tous ces
problèmes.
En conclusion, il est possible que dans mon analyse je me trompe. Si je
me trompe, le ministre en fera peut-être la démonstration, mais je
pense que c'est important parce que cela a été
présenté comme la solution à un problème pour
lequel je vois une tout autre solution. C'est basé non seulement sur
l'observation, mais sur l'expérience vécue dans ce milieu.
Je laisse de côté les questions que j'ai posées au
ministre quant aux données qui existent afin de prouver que son analyse
est bonne. Je ne vais pas lui demander de répéter sa foi en
Robert Bourassa ou Eric Kierans, je tiens pour acquis que le fondement objectif
de cette affaire n'existe pas. Je ne veux pas dire que l'analyse est fausse,
c'est simplement une opinion. Je demande au ministre de nous dire ce soir
combien il prévoit de compagnies, d'après son estimation
la plus précise, qui vont utiliser cette formule REA? J'espère
qu'il ne dira pas qu'il n'est pas capable de prévoir parce que, avant de
se lancer dans une telle affaire, j'imagine qu'il a demandé au moins
à ses fonctionnaires de répondre à la même question.
Ce sera quoi l'ampleur? Il a dit que c'est un clavier sur un piano. Alors, un
clavier de quelle importance? Qu'est-ce que cela veut dire? Qu'est-ce que cela
va faire? Est-ce que c'est une centaine de compagnies en un an? Est-ce que
c'est une cinquantaine? Est-ce que c'est 200? En deuxième lieu, qu'il
nous donne les informations précises quant à la façon par
laquelle il va assurer un marché secondaire qui sera beaucoup plus
intéressant que le marché secondaire qu'on a vu naître
à la suite de la formation des SODEQ.
Je termine sur cela. Ces questions sont très importantes et je
les pose afin d'essayer de régler un problème que je trouve
important mais qui reste entier, quant à moi, après le discours
sur le budget.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, rendu là, j'ai l'impression
qu'on nage en pleine caricature. Il n'y a pas d'hésitation à se
poser la question de savoir pourquoi je pousse aussi fort depuis un an pour que
nous ayons une véritable commission parlementaire sur le budget et les
finances publiques. Là, nous en sommes essentiellement à nous
échanger des états d'âme. État d'âme pour
état d'âme, c'est sans doute fort intéressant, mais moins
intéressant qu'une discussion théorique. Je suis sûr que
dans le cadre d'un séminaire universitaire on irait davantage au fond
des choses et l'important, c'est de caricaturer. On a commencé il y
a dix minutes par ceci: toute ma démonstration s'appuyait sur une
déclaration d'un ancien premier ministre et d'une étude
socioculturelle. Parfait! Toute notre discussion de la fin de
l'après-midi jusqu'à 18 heures se résume à cela.
C'est de la caricature. Il est tout à fait évident qu'on peut
prendre une mesure du budget parmi toutes les autres et dire que pour le
ministre, c'est fondamental. Et, le soir du budget - je vais essayer de
caricaturer le moins possible de mon côté - le ministre disait que
c'était important. On n'a pas dit "triomphaliste" mais c'est ce qu'on
voulait dire, au sujet de cette mesure parmi toutes celles du budget.
Et on termine l'intervention en disant: Est-ce qu'on pourrait nous dire
ce qui va se passer sur le marché secondaire? Est-ce qu'on peut revenir
au discours sur le budget? C'est ce dont on parle. On ne discute pas des
crédits de la Commission des valeurs mobilières ni des... Il faut
bien se comprendre. À l'heure actuelle, on est complètement en
dehors de l'examen des crédits de la Commission des valeurs
mobilières. On en est au discours sur le budget. Est-ce que je peux le
lire?
La conclusion de tout ce qui concerne cette rectification du
Régime d'épargne-actions dont nous avons parlé - je
m'excuse, M. le président, si je vais citer une couple de paragraphes -
est la suivante: "Voilà de nouvelles incitations pour que les
entreprises s'engagent plus résolument dans le financement par actions.
On cherche ainsi à agir sur l'offre d'actions, comme le Régime
d'épargne-actions cherche à agir sur la demande. "Sans doute n'y
a-t-il rien - rien, c'est écrit dans le budget - dans les mesures qui
ont été annoncées ce soir pour faciliter et activer le
marché secondaire des actions."
Que le député de Notre-Dame-de-Grâce ne vienne pas
me dire qu'il n'y a rien pour le marché secondaire. Je le sais, je le
lui ai dit. "Néanmoins j'ai été sensible aux
représentations qui m'ont été faites par les
autorités de la Bourse de Montréal d'accorder des avantages
fiscaux particuliers à ce qu'on appelle les mainteneurs de
marché. Les détails de ces avantages seront définis dans
les prochaines semaines en collaboration avec les représentants de la
Bourse et s'appliqueront à l'année financière des
mainteneurs de marché débutant après le jour du
présent discours." Très triomphaliste. Combien y en a-t-il, de
mainteneurs de marché? 18? Voilà.
Et j'ajoute: En outre - et cela a beaucoup plus de conséquence -
il faut déterminer si on doit s'harmoniser aux mesures annoncées
par le ministre fédéral des Finances, etc. On conviendra que
c'est un peu différent comme ton que celui que décrivait le
député de Notre-Dame-de-Grâce tout à l'heure.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce est
impressionné par l'expérience qu'il a eue dans une PME. Je le
comprends. On l'est tous plus ou moins, on est toujours plus ou moins
influencé par les expériences qu'on a eues. J'en ai eu d'autres
comme consultant d'un bon nombre d'entreprises pendant bien des années.
Je sais - parce qu'on enfonce des portes ouvertes ce soir - comme à peu
près tout le monde qui a un peu travaillé avec ou dans des
entreprises, qu'il y a des moments un peu critiques sur le plan de
l'équité dans une entreprise. Il y a le ramassage de
l'équité quand l'entreprise est toute petite. Il faut ramasser
des gens qui ont un minimum de confiance dans ce qui va se faire dans
l'idée, dans le projet, l'aptitude de gestion des gens qui veulent
diriger l'entreprise. Puis, il y a une phase où l'entreprise a
déjà pris une certaine expansion: Elle n'a pas assez
d'équité. Puis, il y a toujours une phase - c'est difficile de
déterminer exactement quand cela se produit
- où, si elle n'est pas capable de ramasser davantage
d'équité, elle commence à couvrir des risques avec sa
survie.
Pour ce qu'on appelle les TTE, c'est-à-dire les "tites" "tites"
entreprises, il est évident que le gouvernement ne peut pas donner un
gros coup de main pour ramasser du capital-actions. Le bonhomme, dans sa
famille, à même ses économies, avec un certain nombre
d'amis ou je ne sais quoi, arrivera à mettre cela ensemble. Pour cela,
un gouvernement peut difficilement intervenir mais il peut très
sérieusement intervenir pour donner un coup de main quand l'entreprise
commence à prendre une certaine expansion et que la dette devient
tellement importante par rapport à l'équité que cela peut
- pas nécessairement cela doit - créer un blocage
sérieux.
Je peux citer cet exemple puisqu'il est public depuis trois ou quatre
semaines. Welfab, une entreprise de cinq ou six associés, je pense,
fonctionne déjà depuis plusieurs années et fait pas mal
d'argent. Les associés de cette entreprise y ont mis tout ce qu'ils ont
pu ne pas dépenser pour eux-mêmes ou pour leur famille; toutes
leurs économies sont passées là-dedans. Ils commencent
à exporter. Ils fabriquent de l'outillage lourd pour les mines. Ils
commencent à avoir de gros contrats d'exportation. Quand une entreprise
de cette taille commence à accepter des contrats d'exportation de 30 000
000 $ ou 40 000 000 $, que le gouvernement étranger ne paie pas ou
retarde les paiements ou qu'il y a un pépin quelconque avec les
livraisons pour une équité de quelques millions, c'est dur
à porter. Donc, il y a des risques qu'on ne prend pas parce que
l'équité est trop petite. La possibilité d'obtenir de
l'équité additionnelle devient très importante. On peut
l'avoir par le marché public ou on peut l'avoir par la Caisse de
dépôt. Remarquez qu'on a discuté de la Caisse de
dépôt aujourd'hui comme on discute de la Commission des valeurs
mobilières. Dans ce cas-là, la Caisse de dépôt a
acheté 30% des actions. Soit dit en passant, pour revenir à nos
thèmes de ce matin ou de cet après-midi, la possibilité
pour la Caisse de dépôt de prendre 30% des actions dans une
affaire comme celle-là, c'est très important sur le plan du
développement économique. Cela lui permet de s'engager dans
l'exportation sur une bien plus grande échelle qu'elle ne le faisait
avant.
L'autre chemin qui lui serait disponible, c'est de faire un financement
public. Le financement public était difficile. On a des études au
ministère des Finances remarquables d'ailleurs - sur le plan du
coût d'entrée d'une entreprise sur le plan du financement public.
Combien cela coûte-t-il à une entreprise d'entrer sur le
marché? Le président de la Commission des valeurs
mobilières donnera aussi quelques détails sur des études
qui existent à la Commission des valeurs mobilières. C'est
très cher pour une entreprise d'entrer pour la première fois sur
le marché public. Dans la mesure où les dispositions que nous
avons prises permettent, facilitent cela, tant mieux. Combien y aura-t-il de
compagnies? Je vais répondre exactement ce que j'ai répondu
lorsqu'on a ouvert le programme d'épargne-actions. Plus il y en aura,
mieux ce sera. Dans ce sens, je pense qu'on a avantage à susciter
l'expansion de la base d'équité des entreprises
québécoises. Nous avons tout à gagner à cela.
Je vous dirai tout de suite que, dans la mesure où cela me
coûterait plus cher comme ministre des Finances, ce que, soit dit en
passant, je ne crois pas, parce que ce qui va se faire pour les entreprises de
moins de 25 000 000 $ d'actif disparaîtra graduellement pour les
entreprises qui ont plus de 1 000 000 000 $ d'actif si bien qu'en fin de
compte, même s'il y avait des douzaines, des vingtaines d'entreprises de
moins de 25 000 000 $ qui faisaient du financement public, cela me
coûtera moins cher que de subventionner, comme je l'ai fait
jusqu'à maintenant, à 100%, selon le programme
d'épargne-actions, les achats d'actions de Bell Canada ou de la Banque
de Montréal. Je sais bien que cela ne coûtera pas grand-chose au
trésor public. Cela ne peut avoir que des avantages.
Quel sera le résultat en fin de compte? Quel a été
le résultat sur le plan de l'opinion publique, des journaux
spécialisés, des commentateurs, des agences de courtage? Ils ont
vu beaucoup plus d'avantages que ceux que j'avais signalés dans mon
discours sur le budget. Je ne sais pas dans quelle mesure cela aura des
résultats considérables. C'est possible qu'il y en ait. Je trouve
intéressant que ceux qui se sont associés au financement
d'entreprises pensent qu'il y en aura. L'espèce de triomphalisme dont
parlait le député de Notre-Dame-de-Grâce, ce n'est pas moi
qui l'ai. Les passages que j'ai cités du discours sur le budget
indiquent que ce n'était pas cela du tout. Ce sont les
spécialistes du financement, un certain nombre de journaux
spécialisés, c'est un secteur assez spécialisé de
l'opinion publique qui a trouvé cela sensationnel. Je comprends que cela
fasse mal au député de Notre-Dame-de-Grâce que les gens du
public qui ne sont pas habituellement d'accord avec le Parti
québécois au pouvoir trouvent que cela est un bon coup. Si leur
triomphalisme fait mal au député de Notre-Dame-de-Grâce, je
m'excuse, car je comprends que c'est habituellement sa clientèle
privilégiée sur le plan politique, je le reconnais, mais, pour
une fois, ils trouvaient que le gouvernement...
M. Scowen: On a tenté de ne pas faire de politique ce
soir, mais, s'il veut commencer, on est prêt à aller jusqu'au
bout.
M. Parizeau: Vous savez, nous sommes dans la vie politique. Cela
existe la vie politique...
M. Scowen: Oui, mais il y a la grande et la petite.
M. Parizeau: ...c'est tout à fait... M. le
Président, lorsqu'il me prêtait tout à l'heure toute une
série d'intentions, je n'interrompais pas le député de
Notre-Dame-de-Grâce. Je ne vois pas pourquoi il devrait m'interrompre.
S'il a le droit de présenter les choses à sa façon et
comme il l'entend, je pense que je l'ai aussi. Me dire que je fais de la
politique avec cela? Je comprends bien que j'en fais de la politiquel À
quoi servons-nous? Que pensez-vous qu'on fait dans le Parlement? Si je ne
faisais pas de politique, je ne serais pas ici. Bien sûr que j'en fais.
Sur le plan politique, je vous dirai oui, effectivement, ces mesures que j'ai
présentées avec une certaine discrétion lors du discours
sur le budget ont été reçues par des gens qui ne sont pas
habituellement les amis intimes du pouvoir comme une très bonne
idée. Pensez-vous que je vais verser des larmes de sang? Ils ont
trouvé que c'était très bien. Je vous dirai: J'essaierai
de faire mieux encore la prochaine fois. Je ne vais quand même pas
m'excuser cette fois-ci d'avoir enfin posé des gestes que les hommes
d'affaires trouvent très bien. Remarquez que nous avons eu des critiques
sur le discours sur le budget de la part de toute espèce
d'organisations, d'hommes d'affaires, de la chambre de commerce, etc., sur
certaines choses, mais là-dessus, l'unanimité s'est faite.
À peu près tout le monde a l'air de dire: Oui, c'est une bonne
idée. Tout le monde dit aussi: On ne sait pas jusqu'où cela ira;
on ne sait pas combien de compagnies vont en profiter; peut-être
qu'après toute une série d'expériences cela ne marchera
pas, mais cela a l'air d'être orienté dans la bonne direction. Je
dis: C'est parfait, c'est très bien. On me dira: Quel est le coût
pour le trésor public? Même si cela prenait une expansion
considérable, probablement pas grand-chose pour les raisons que j'ai
dites tout à l'heure. Dans la mesure où on fait une sorte, pas de
"phasing-out" mais de réduction jusqu'à 50% du tarif existant
jusqu'à maintenant à l'égard des très grandes
compagnies, l'un va compenser l'autre, à moins vraiment d'une explosion
extraordinaire de financement de petites et de moyennes entreprises. S'il y
avait une explosion de financement de petites et de moyennes entreprises, je
suis persuadé, non seulement que le ministre des Finances serait ravi,
mais d'autre part que cela gazouillerait dans toute une série de milieux
d'affaires. On verra bien.
M. le Président, c'est dans ce sens que je ne regrette pas que la
conversation soit engagée dans cette direction, mais j'ai l'impression
qu'on est un peu dans les discussions autour du sexe des anges. Le
président de la Commission des valeurs mobilières me dit qu'il
peut faire état d'un certain nombre d'études que peut-être
le député de Notre-Dame-de-Grâce trouvera
intéressantes, mais c'est à nos amis d'en face de
déterminer si à ce point-ci je passe la parole au
président de la Commission des valeurs mobilières.
Le Président (M. Paré): Oui. La parole est à
vous, M. Guy.
M. Parizeau: M. le Président, j'aimerais faire des
observations sur deux points: premièrement, sur les études
réalisées et deuxièmement, sur la question concernant le
marché secondaire. En ce qui concerne les études
réalisées, que je sache, il n'y a pas d'étude rendue
publique concernant la structure de capital des PME; par contre, il y a une
étude qui a été entreprise il y a un an ou un an et demi
par un professeur de l'Université Laval pour un organisme du
gouvernement fédéral. Je ne suis pas sûr qu'elle a
été rendue publique, mais il a fait part des résultats
préliminaires d'un colloque sur les PME l'année dernière.
En fait, avec toutes les réserves, parce que ce sont des
résultats préliminaires, cela semble indiquer que la proportion
des emprunts dans le capital d'une PME semble beaucoup trop importante par
rapport à la proportion du capital-actions. En ce sens, bien entendu,
les PME sont beaucoup plus vulnérables aux fluctuations du taux
d'intérêt dans des conditions économiques où les
taux d'intérêt fluctuent beaucoup. Ceci fait que les PME -et pas
seulement les PME du Québec, on parle des PME en
général - ont quand même intérêt à
avoir une structure de capital qui est mieux équilibrée,
c'est-à-dire qui a une proportion de capital-actions un peu plus
grande.
Il y a également eu deux études qui ont été
faites ici au Québec, une par un professeur Héroux et l'autre par
la Commission des valeurs mobilières du Québec sur les
coûts d'émission des titres des sociétés. Cela
démontre d'une façon assez nette qu'il y a quand même un
coût assez élevé de l'émission des titres d'une PME.
Là, on ne parle pas du coût des services professionnels comme les
avocats et autres, mais surtout du coût que l'entreprise doit
réaliser entre le prix qu'elle obtient pour ses titres et le prix
réel sur le marché. Alors, le coût en fait la
différence entre le prix réel du marché et ce qu'elle
obtient. Ces deux
études sont quand même assez concluantes.
En ce qui concerne le marché secondaire, c'est vrai qu'il y a des
problèmes...
M. Scowen: J'ai une petite question. Concernant la
première étude qui n'est pas rendue publique, à votre
connaissance, existe-t-il une étude qui démontre que la structure
financière des PME québécoises est sensiblement
différente de la structure financière des PME dans les autres
régions du Canada?
M. Parizeau: Pas que je sache, mais je crois que cette
étude est faite sur l'ensemble des entreprises. Elle a peut-être
été rendue publique mais je ne suis pas au courant. Je ne le sais
pas. En fait, Jean-Marie Gagnon de l'Université Laval le saurait
peut-être mieux que moi.
M. Scowen: Même celle-là, autant que vous sachiez,
ne démontrait pas qu'il existe des différences importantes entre
la structure des PME du Québec et...
M. Parizeau: Je ne pense pas qu'elle visait à une
comparaison, elle visait surtout à déterminer si la structure de
capital d'une PME était déficiente dans le sens de savoir si la
proportion est bonne entre le partage, les emprunts et le capital-actions.
C'était surtout cela. Surtout, dans une économie où les
taux d'intérêt fluctuent beaucoup, est-ce que ces entreprises sont
plus vulnérables aux fluctuations que les autres entreprises?
C'était, je pense, le but de l'étude.
En ce qui concerne le marché secondaire des titres des PME, je
pense qu'il ne sert à rien de nier qu'il y a des problèmes de
marché secondaire pour les titres d'une PME, premièrement, parce
qu'il n'est pas toujours souhaitable qu'une PME inscrive ses titres à la
cote d'une bourse, parce que le nombre de titres et le nombre d'actionnaires,
bien souvent, sont trop petits pour créer un marché efficace de
ses titres. Même si la PME doit diffuser ses titres auprès du
public pour obtenir du financement et continuer son activité ou faire de
l'expansion, il n'est pas toujours souhaitable que ses titres soient
cotés en Bourse, parce que, comme je l'ai dit, il est difficile
d'établir un marché secondaire efficace.
Il y a quand même, à l'heure actuelle, à la Bourse
de Montréal et à la commission des efforts qui sont faits afin
d'essayer de mettre sur pied une approche, en fait, de trouver la
résolution de ce problème. Il y a des expériences qui ont
été faites en Europe qui sont assez intéressantes, comme
le second marché en France et le marché à la Bourse de
Londres où on négocie ces titres de façon plutôt
irrégulière, c'est-à-dire que ce n'est pas une
négociation tous les jours comme les autres titres, mais une
journée par semaine ou quelques heures par semaine. On concentre tous
les achats et les ventes et cela crée un marché plus
efficace.
Il y a des discussions, à ce moment-ci, dans le sens de favoriser
un marché secondaire des titres des PME. La Bourse de Montréal
doit également modifier ses normes d'inscription pour cela, parce que
les normes d'inscription ne favorisent pas actuellement l'inscription des
titres des PME. Il faudra aussi probablement réduire les coûts
d'inscription à la Bourse. Avec tout cela, peut-être... Mais,
d'abord, il faut que les PME fassent des émissions de titres. C'est la
première étape, parce qu'il n'y en a pas beaucoup qui en font
à l'heure actuelle. Je pense qu'on est en train d'essayer de
régler les problèmes du marché secondaire. Merci.
Le Président (M. Paré): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: En lisant la mission de la commission, on
s'aperçoit qu'on est toujours dans le dilemme dont faisait état
le ministre des Finances pour la Caisse de dépôt:
développement économique ou faire fructifier de ceux qui y
contribuent. Ici, il y a deux objectifs: protection des épargnants
contre les pratiques déloyales et assurer le bon fonctionnement du
marché.
On vient de faire état des besoins de la petite entreprise. Mon
collègue de Notre-Dame-de-Grâce faisait des commentaires sur le
programme que le ministre des Finances a annoncé. Je pense bien qu'on
est d'accord avec les besoins et, présentement, on cherche. Je crois que
c'était l'objectif du ministre des Finances. On peut critiquer les
moyens qu'il a pris, mais on ne peut critiquer l'objectif qui était
celui d'aider la petite entreprise à assurer son développement.
Dans l'état actuel des choses, je crois bien que le gouvernement doit
faire porter ses actions de ce côté.
Dernièrement, alors que nous étions en commission
parlementaire de la justice, on a fait état d'une lettre provenant du
président de la Commission des valeurs mobilières du
Québec relative à des changements très importants qui lui
ont été suggérés par le ministère de la
Justice ayant trait à des modifications du Code civil qui feraient
intégrer dans le droit du Québec du droit nouveau venant surtout
des pays européens selon lequel les administrateurs de compagnies
auraient des responsabilités accrues de façon assez
considérable et les sociétés qui sont actionnaires
d'autres sociétés seraient responsables des pots cassés
qui pourraient survenir lorsque des choses imprévues arrivent. On peut
se poser des questions, à savoir si c'est le moment de mettre de l'avant
de tels moyens pour protéger... J'imagine que, lorsque le
président
de la Commission des valeurs mobilières a écrit la lettre
disant qu'il endossait ces recommandations ou ces suggestions, il avait en
tête la protection des épargnants.
Voici la question que j'aimerais poser au ministre: Est-ce qu'il ne
croit pas que de telles suggestions appuyées par le président de
la Commission des valeurs mobilières du Québec n'iraient pas
justement dans le sens de ne pas assurer le développement
économique dont on a tant besoin à ce moment-ci? Dans quelle
mesure doit-on mettre l'accent davantage sur la protection des
épargnants qui, je crois, ont eu une bonne part d'attention du ministre
et du Parlement lorsqu'on a approuvé la dernière loi des valeurs
mobilières du Québec? Dans quelle mesure doit-on appuyer cette
démarche qui, somme toute, n'était qu'une recommandation du
ministère de la Justice à ce moment-ci mais qui, à mon
avis, créerait sûrement un préjudice assez important au
développement économique de la petite et la moyenne entreprise du
Québec? Autrement dit, je m'interrogeais sur les raisons qui ont
amené le président de la Commission des valeurs mobilières
du Québec à prendre partie à ce moment-ci dans ce
sens-là. Quelles sont les raisons qui l'ont motivé à le
faire? Dans quelle mesure cet exercice du ministère de la Justice
doit-il être poursuivi?
M. Parizeau: On pourrait peut-être demander au
président de la Commission des valeurs mobilières de
répondre à la question. Par la suite, j'aurai aussi quelques
observations à faire.
M. le Président, je ne peux certainement pas dire si l'exercice
du ministre de la Justice ou du ministère de la Justice doit être
poursuivi ou non. En fait, ce n'est pas à moi à me prononcer sur
cet aspect de la question. Ma lettre au ministre de la Justice était une
lettre qui portait sur une partie précise - je ne l'ai pas avec moi ici
- du projet de loi et non pas sur l'ensemble du projet de loi. Cette lettre
était transmise au ministre comme tout organisme peut, au moment de
certains projets de loi, intervenir s'il semble qu'il doit appuyer ou s'opposer
à un certain projet de loi pour des raisons qu'il juge
appropriées. La commission n'a pas fait une étude
économique et ce n'est pas à nous de dire quels effets ce projet
de loi a.
M. Fortier: D'après vous, pouvez-vous nous dire quelles
étaient les raisons pour lesquelles vous croyiez que ce projet de loi
correspondait aux objectifs de la Commission des valeurs mobilières?
M. Parizeau: On ne s'est pas prononcé sur le projet de
loi, mais seulement sur une partie précise et très
limitée, très restreinte, du projet de loi.
M. Fortier: En ce qui touche les compagnies en particulier,
est-ce que vous pourriez nous dire lesquelles et pour quelles raisons?
M. Parizeau: Je n'ai pas la lettre avec moi. C'est difficile de
répondre spécifiquement à la question, sauf, qu'on
était d'accord avec les modifications qui étaient
apportées dans cette partie-là du régime du Code civil, en
ce qui concerne les sociétés. Si vous aviez la lettre ou si je
l'avais...
Les responsabililtés de la commission
M. Fortier: Je ne l'ai pas avec moi. Quand le ministre a fait
usage de cette lettre pour indiquer que des gens du secteur privé
étaient d'accord avec le projet de loi ou du moins cette partie du
projet de loi qui ajoute considérablement de responsabilités aux
administrateurs et aux actionnaires de ceux dont on vient de parler et dont le
ministre des Finances vient de dire qu'ils étaient beaucoup plus
craintifs au Québec... Il a dit que même au Québec, ceux de
langue française étaient plus craintifs que ceux de langue
anglaise et que, d'une façon générale, on avait plus de
problèmes au Québec qu'en Ontario.
Je me posais la question: Pour quelles raisons la Commission des valeurs
mobilières avait-elle cru utile d'intervenir? J'imagine que vous aviez
de bonnes raisons. Peut-être que le nombre de pratiques déloyales
sont plus considérables ici au Québec qu'en Ontario et
qu'à ce titre, on devait intervenir davantage au Québec. Enfin,
étant donné qu'il s'agissait d'un droit nouveau en
Amérique du Nord, d'après ce qu'on nous a dit, il devait y avoir
des raisons pour lesquelles la Commission des valeurs mobilières a cru
bon intervenir dans ce dossier en particulier.
M. Parizeau: M. le Président, si je me rappelle bien, on
n'est pas intervenu au niveau du régime de responsabilité. Je
crois qu'on ne s'est pas prononcé là-dessus du tout, mais
plutôt sur la structure, si je me rappelle bien. Je pense qu'on ne s'est
pas du tout prononcé au niveau du nouveau régime de
responsabilité qui a été mis en place. C'est difficile
pour nous d'évaluer à ce moment-ci, vu que les dispositions qui
sont dans la Loi sur les valeurs mobilières sont entrées en
vigueur le 6 avril dernier. Est-ce que les dispositions qui sont là...
Est-ce qu'il y a des compagnies au Québec qui sont plus mauvaises que
d'autres, ailleurs? On ne peut pas faire cette évaluation à ce
moment-ci, ce n'est pas possible. (20 h 45)
M. Fortier: Je me souviens d'avoir participé à la
commission parlementaire ici,
lorsque nous avons étudié le projet de loi. Le ministre
des Finances, à juste titre, avait démontré qu'à
plusieurs égards on avait fait l'effort d'harmoniser les mesures qui
étaient adoptées pour les adapter à ce qui se faisait en
Ontario et ailleurs, pour que les gens d'affaires se retrouvent dans tout
ça et pour faire en sorte que le fardeau, pour autant que l'on voulait
protéger les épargnants et ceux qui investissaient leur argent
à la bourse, pour que les mesures soient semblables à celles
adoptées dans d'autres parties du Canada et même des
États-Unis, mais surtout en Ontario. Sûrement que ce projet de loi
va ajouter aux actionnaires et aux administrateurs et à ceux qui
voudront investir du capital de risque des responsabilités beaucoup plus
considérables qu'il n'en existe présentement, et plus
considérables que dans les autres provinces canadiennes. À ce
moment-là, on peut se demander pourquoi, surtout si on croit qu'au
Québec on a besoin d'un certain développement économique.
La seule réponse qui m'est venue à l'esprit est qu'il y avait
plus de fraudeurs au Québec qu'ailleurs; autrement, j'ai de la
difficulté à justifier une telle mesure.
De toute façon, comme le ministre de la Justice a publiquement
utilisé la lettre du président de la Commisssion des valeurs
mobilières, cela serait peut-être une bonne chose dans un
deuxième temps, puisque le ministre a accepté la demande de la
Chambre de commerce de la province de Québec de revoir cet aspect de la
loi, eu égard aux responsabilités des entreprises ou des
investisseurs et administrateurs. Alors, si le point de vue de la commission
n'a pas été utilisé à bon escient, peut-être
que dans un deuxième temps la commission devrait préciser son
opinion d'une façon beaucoup plus précise. Je crois que le point
de vue qu'a évoqué le directeur général de la
Chambre de commerce du Québec était très alarmant; ces
gens voulaient s'assurer que le gouvernement revoie cet aspect du projet de loi
et s'assure que cet aspect du projet de loi ne soit pas entériné
aussi facilement, ce qui semblait être le cas lors de l'étude en
commisssion parlementaire.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Parizeau: À ce sujet, M. le Président, le
député d'Outremont fait allusion à quelque chose qui, dans
les associations patronales, à l'heure actuelle, est manifestement en
train de prendre une assez grande ampleur et, très récemment
d'ailleurs, à l'occasion d'une rencontre avec des représentants
de la Chambre de commerce du Québec, du Conseil du patronat et de
l'Association des manufacturiers, le premier ministre et moi nous sommes
engagés à réexaminer toute cette question. Je dois dire
que sur le plan des responsabilités additionnelles qui seraient
imposées par ce projet, la thèse des milieux patronaux à
cet égard ne manque pas de mérite. Alors, il va y avoir une
révision de tout ça et tout à fait imminente. Je pense
qu'effectivement la position des milieux patronaux à cet égard
mérite une considération attentive.
M. Fortier: Je l'ai évoqué pour les raisons que
vous soulignez, M. le ministre. Par ailleurs, la commission ayant une mission
définie dans votre livre noir, si la commission croit qu'il est oppurtun
pour elle d'intervenir, elle devrait prendre en considération le
problème du milieu et le problème économique que nous
vivons tel que nous le vivons en Amérique du Nord. Si, par ailleurs,
elle avait des informations que nous n'avions pas, j'aimerais qu'elle nous les
communique s'il se révélait qu'il y avait des raisons
particulières de justifier de telles mesures, mais, compte tenu du fait
que nous n'avons pas cette information-là, nous croyons plutôt,
comme le ministre vient de le dire, que le point de vue des milieux d'affaires
devrait être prédominant à moins qu'il y ait des raisons
particulières, et comme je viens de le dire, si le président de
la Commission des valeurs mobilières avait des informations que nous
n'avions pas, je lui demanderais de nous les faire parvenir le plus tôt
possible.
M. Parizeau: Bien sûr, M. le Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, on peut
s'éloigner des états d'âme facilement...
M. Parizeau: On s'en était déjà
éloigné grâce à l'intervention du
député d'Outremont.
M. Fortier: Oui, "continuer à s'éloigner".
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...et continuer à se
rapprocher plus spécifiquement de l'étude des crédits de
la commission comme telle pour que le président et ses gens ne se soient
pas déplacés pour rien, quoiqu'il me semble quand même
intéressant pour eux de saisir quelles sont les préoccupations de
tous les membres de l'Assemblée nationale quand on commence à
parler de régime d'épargne-actions, de faciliter la
capitalisation des petites et moyennes entreprises, enfin, du genre de
perspective que cela ouvre pour la Commission des valeurs mobilières
quant au volume qu'elle a à traiter grâce aux annonces non
triomphalistes que le ministre a pu faire dans son discours sur le budget.
M. Parizeau: Prudentes.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Prudentes, selon les mots du
ministre. Cela m'amène à demander au président de la
Commission des valeurs mobilières de façon un peu
générale quant à l'année qui vient de
s'écouler s'il a trouvé qu'il était fort occupé. Je
ne parle pas de toute sa contribution, des heures presque indues qu'il a
dû consacrer par sa présence ici, par des discussions à
n'en plus finir étant donné qu'il y avait une nouvelle loi qui
était en discussion, pour l'année civile 1982 en tout cas, comme
du fonctionnement comme tel de la commission, de la poursuite de son double
mandat tel qu'il est décrit dans le livre des crédits, dans le
cahier qu'on a devant nous. Je remarque à la section IV, je pense, du
cahier qui nous a été soumis et préparé à
cette fin, les différents tableaux qui suivent la page de
présentation et qui font état des activités depuis 1980.
Les trois dernières années financières de la Commission
des valeurs mobilières démontrent que la plupart des
activités qui sont répertoriées ici montrent une baisse en
nombre. Je ne sais pas ce que cela veut dire en heures; c'est devenu plus
compliqué. C'est entendu qu'on doit passer plus de temps mais je regarde
au tableau 1, Commission et Direction des affaires juridiques. Presque tous les
postes - il y en a qui sont négligeables; ce ne sont pas des gros
chiffres - sont plus bas; il y a moins d'occasions, moins d'activités,
moins de poursuites pour infraction, moins de renseignements au public, que ce
soit par lettres ou par appels téléphoniques. Enfin, c'est le
problème de cette direction. À la Direction de l'information,
moins d'enregistrements, de permissions et prospectus, moins de modifications
du prospectus.
Il y a beaucoup moins de déclarations d'initiés,
même s'il y a un peu plus d'entreprises qui font l'objet de
déclarations d'initiés. C'est à la Direction de
l'information, au Service de l'information continue.
On continue comme cela et ce qui ressortait quand je regardais les
chiffres, c'est qu'il y avait un peu moins d'activités, moins
d'inscriptions de nouveaux courtiers, moins de nouveaux vendeurs ou je ne sais
trop quoi, des vendeurs employés par les agents de change ou
négociants. S'il y a une baisse... Selon les chiffres des tableaux qu'il
nous a soumis, à quoi le président de la commission attribue-t-il
cette baisse apparente d'activités à la commission, s'il y en a
une et si cela reflète une baisse d'activités? On peut comprendre
qu'il y a toute la question du contexte économique au point de vue des
financements, etc. Là, il y a une explication: Les divulgations de
transactions d'initiés, soit les nouveaux initiés, soit les
modifications à leur détention d'actions. Bon. Les initiés
d'un nombre un peu plus grand de compagnies n'ont pas transigé cette
année. C'est ce que cela voudrait dire. Cela peut également
vouloir dire qu'il y a moins d'initiés qui sont devenus sujets à
la commission comme telle. Est-ce que c'est du déplacement, est-ce
que... Comment se compare-t-on avec un rapport semblable que l'Ontario
Securities Commission aurait soumis à Queen's Park, aux membres de
l'Opposition - des libéraux là aussi - et aux gens du nouveau
parti qui scrutent les crédits, s'ils le font comme nous, de l'Ontario
Securities Commission? Est-ce que le président, votre homologue
là-bas, M. Guy, en Ontario, est fier aujourd'hui ou ces temps-ci de
présenter devant les parlementaires un rapport d'activités qui
montre qu'il y a eu plus d'activités, plus d'enregistrements, plus
d'autorisations de ci ou de cela, plus d'enregistrements de vendeurs, de
courtiers? Si c'est le cas, évidemment la crise économique qu'on
a connue se sera fait sentir ici plus tôt qu'ailleurs. Vous voyez...
Enfin, j'essaie de voir, selon votre éclairage, de votre perchoir, si
vous me passez l'expression, ce que vous constatez. Avez-vous été
plus occupés cette année que l'an dernier? J'attends une
réponse.
M. Parizeau: M. le Président, il faut faire attention en
regardant ces statistiques. D'abord, si on prend l'année 1982-1983, je
ne sais pas quel pourcentage, mais une bonne partie de l'activité de la
commission a été mise sur le projet de loi et l'adoption du
projet de loi. Presque toute l'année, jusqu'au mois de décembre
l'année dernière, une bonne partie de l'effectif de la commission
a été affectée à cette tâche de la
préparation de la réglementation. Je peux vous dire au sujet de
la réglementation que je peux nous comparer favorablement à la
Commission des valeurs mobilières de l'Ontario où, après
l'adoption de la loi 78, cela a pris à peu près deux ans avant
que la réglementation soit publiée. Il faut dire que notre
réglementation était prête au mois de décembre, et
cela s'est rarement vu, même au Québec. C'est une
réglementation assez complexe. Il a fallu établir toute cette
réglementation et toutes les instructions générales de la
commission, c'est-à-dire refondre les instructions, les reformuler
à cause de la nouvelle loi, etc. Il y a eu un travail énorme de
fait l'année dernière.
De plus, si on regarde les chiffres, on s'aperçoit dans certains
cas que c'est à peu près stable chez les courtiers, les
conseillers en valeurs et les représentants, pour les trois
dernières années, c'est pas mal stable, les nombres ne varient
presque pas. Si on regarde les prospectus, c'est évident que ceux-ci
dépendent beaucoup des conditions
économiques. Dans l'année 1982-1983, il y a eu beaucoup
moins de prospectus et de financement, par contre, cela ne veut pas dire que la
tâche de la commission a diminué, elle a augmenté, parce
qu'il y a eu quand même des formes nouvelles d'investissements qui sont
apparues. Il y a eu des firmes, des parts d'immeubles, une foule de
sociétés en commandite, de nouvelles formes d'investissements
qu'on ne connaissait pas et qui étaient beaucoup plus complexes à
étudier pour le personnel de la commission. Alors, je pense que,
lorsqu'on regarde cela, et je pourrais passer par chacun des tableaux, on verra
que l'activité de la commission n'a pas beaucoup diminué, sauf
peut-être l'année dernière, ce qui est dû, entre
autres, au projet de loi et tout ce qui est relié au projet de loi et
à la situation économique. Mais si on regarde les
intermédiaires financiers, il n'y a relativement pas de changements dans
les dernières années. Par contre, si on compare cela à la
Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, on va voir qu'avec des
effectifs de 50% plus considérables que la Commission des valeurs
mobilières du Québec a relativement la même charge de
travail. Au niveau du volume, cela peut varier. Il y a plus de courtiers en
Ontario et peut-être un peu plus de prospectus, mais les
responsabilités et la charge de travail sont pas mal similaires. Il y a
quand même 40 ou 45 personnes de plus que nous pour faire à peu
près le même travail. On se compare relativement bien avec la
Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, parce que la commission
est un organisme autonome, qui ne dépend pas d'un ministère, qui
a ses propres services de personnel, de gestion, etc., ce que la Commission des
valeurs mobilières de l'Ontario n'a pas. Ce qui veut dire que la
Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, c'est un
ministère qui lui fournit ces services. Cela prend environ une dizaine
de personnes à la Commission des valeurs mobilières du
Québec pour assumer ces services. On se compare donc d'une façon
très favorable aux autres commissions de valeurs mobilières. Nous
sommes relativement beaucoup plus productifs et plus efficaces que les autres
commissions parce qu'on peut traiter les dossiers d'une façon plus
rapide que les autres commissions.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, je suis sûr - je
l'ai dit d'ailleurs, en commençant - que l'étude de la nouvelle
loi et de ses règlements a dû prendre pas mal de votre temps, mais
je suis également sûr que vous n'avez pas cessé de
répondre au téléphone et de donner des renseignements au
public. Vous n'avez pas dit à de nouveaux vendeurs: Tu t'enregistreras
l'an prochain parce que je suis occupé à écrire un projet
de règlement. Dans le fond, cela n'a rien à voir.
(21 heures)
Ce que je me demandais, quand on compare notre effectif avec celui de la
Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, c'est à quels
postes, selon votre expérience, à quels services, il y a une
différence favorable. Vous me dites, au Québec en termes de
productivité. Dans quel service y a-t-il des différences
d'effectif? Quel est le niveau, le grade, la catégorie d'employés
où on en retrouve un peu plus en Ontario qu'au Québec? Si on
parle d'une différence de 50%, c'est considérable. Est-ce que
c'est dans les services spécialisés d'analyse au moment des
enregistrements? Est-ce que ce sont les brasseurs de papier, à cause des
rapports des initiés en nombre plus considérable? Est-ce que
c'est parce qu'ils se sont dotés d'informatique plus que vous? Vous
pourrez me le dire, parce que je sais que vous avez, évidemment, des
services spécialisés de renseignements aux sociétés
qui doivent produire des rapports auprès de la commission, enfin, de la
documentation qui sort: des mensuels, des hebdomadaires de toutes sortes, des
revues. C'est peut-être l'ensemble du personnel qui est chargé des
relations avec la Bourse de Toronto, qui est tellement plus considérable
en volume que la Bourse de Montréal. Ce sont toutes ces choses. Je me
demandais si vous aviez des commentaires là-dessus.
M. Parizeau: M. le Président, il est évident que
là où le personnel est un peu différent, c'est au niveau
des analystes. Ils ont beaucoup plus que nous d'analystes financiers ou
d'analystes qu'ils appellent des analystes de prospectus. Ils en ont beaucoup
plus là. Ils ont aussi plus de personnel d'enquête que nous.
En ce qui concerne l'aspect, si on peut regarder... Si on enlève
quand même les dix ou douze personnes qui sont responsables des services
de gestion interne, personnel et ainsi de suite, à la Commission des
valeurs mobilières du Québec, c'est du personnel que n'a pas la
commission de l'Ontario, parce qu'elle n'a pas à assumer ces services.
C'est là que je disais que notre niveau de productivité est
beaucoup plus élevé. Un exemple: à la commission de
l'Ontario, si vous faites une demande d'inscription à titre de courtier,
cela pendra de deux à trois mois pour avoir une réponse de la
commission de l'Ontario, alors que nous, au Québec, cela ne prendra
jamais plus qu'un mois. Un mois, ce sera pour une demande complexe et beaucoup
plus compliquée.
Aussi, ce qui nous permet d'être plus efficaces, c'est qu'on est
beaucoup plus avancés que la commission de l'Ontario au niveau de
l'informatique et de l'usage de machines à traitement de textes et ainsi
de
suite. Ce ne sont pas les déclarations d'initiés qui
prennent beaucoup de gens, parce que tout cela est sur informatique à la
commission. Tout cela est traité par informatique. C'est la même
chose pour tous les émetteurs assujettis, les fichiers
d'émetteurs assujettis et ainsi de suite.
Pourquoi cela a-t-il diminué? C'est difficile à expliquer.
En fait, il y a une relation assez forte entre les conditions
économiques, bien entendu, et le niveau d'activité. Je pense
qu'on ne peut pas le nier. À part des intermédiaires financiers
et à part des enquêtes, quand on parle des prospectus, c'est
évident que, à un moment donné, s'il n'y a pas beaucoup de
financement par action, il y a moins de prospectus. Mais il peut y avoir plus
de prospectus d'obligations, de financement par obligation. Il y a d'autres
formes d'investissement - comme je l'expliquais tout à l'heure - qui
sont beaucoup plus complexes et qui demandent beaucoup plus de temps.
À part de cela, dans les deux dernières années, il
ne faut pas oublier que la Bourse de Montréal a introduit plusieurs
nouveaux produits. Cela demandait un travail considérable à la
commission, parce qu'il ne faut pas oublier que la commission doit approuver
toutes les modifications aux règles de la Bourse de Montréal.
Alors, à chaque fois qu'un nouveau produit est introduit, il doit
être étudié par la commission. La commission doit donner
son accord. C'est beaucoup plus fréquent dans les deux dernières
années qu'il y a trois ans, par exemple. Vous savez comme moi que,
depuis que le nouveau président de la bourse est là, il y a eu
une foule de nouveaux produits. Pour la Bourse de Montréal, c'est un
exercice qui est extrêmement important, parce que, pour avoir,
après cela, l'autorisation des autres commissions de valeurs
mobilières au Canada, la Bourse de Montréal n'a qu'à dire:
La Commission des valeurs mobilières du Québec a regardé
notre projet. Ces gens sont d'accord. Ils l'ont approuvé. Comme cela,
les gens de la Bourse obtiennent - comme ils l'ont obtenue pour les options sur
l'or, les certificats de métaux précieux - l'autorisation des
autres commissions en une journée, ce qu'ils n'auraient pas pu faire
s'il n'y avait pas eu un organisme qui avait étudié cela, parce
qu'il aurait fallu que ce soit étudié à fond par les
autres commissions. (21 heures)
Cela ne paraît pas quand on regarde les statistiques: il reste que
les chiffres peuvent être minimes mais, en temps, cela demande beaucoup
d'efforts. Au niveau des organismes d'autoréglementation, il y a eu
beaucoup de temps du personnel de la commission consacré à cet
aspect ces deux dernières années et qui n'apparaît pas ici,
même si on les regarde parce qu'on ne fait pas d'audience pour cela,
c'est traité d'une façon interne.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est pour cela d'ailleurs que
vous êtes ici, étant donné que les chiffres, bien
froidement, ne démontrent pas ces choses. Vous parlez du -je reviens
à une partie de votre réponse -nombre d'analystes qu'il y a
à la commission des valeurs de l'Ontario. Est-ce que c'est un
symptôme du fait qu'elle a des analystes dans des secteurs dont vous
êtes absents vous-mêmes ou alors est-ce qu'elle a plus d'analystes
dans les mêmes secteurs? Là où je veux en venir, je vais
vous le dire tout de suite. C'est un échantillonnage très
limité, encore une fois. On se promène dans le milieu et on se
renseigne avant de venir aux crédits, on va aux nouvelles. J'ai senti
chez des témoins, des participants au marché financier de
Montréal un peu d'hésitation à confier des dossiers
d'émission d'une société qui agit dans des technologies
nouvelles, de confier cela avec confiance, si je peux me répéter,
à la commission. Il y a peut-être un manque du côté
de la formation de certains de vos analystes dans le secteur. Il y a des
absences qui font que, si vous n'y remédiez pas - c'est pour cela que
j'en parle - les gens qui ont une nouvelle idée, une nouvelle compagnie,
qui veulent s'alimenter en capital-actions, qui sont dans un secteur de haute
technologie pas tellement connu, peut-être complexe, nouveau, et ainsi de
suite, vont dire: Si on va à place Victoria, peut-être que les
analystes qui sont là ne sont pas encore au courant. On n'a
peut-être pas encore engagé quelqu'un... On va aller en Ontario,
on va aller chercher un imprimatur à Toronto parce qu'il y a là
un gars ou deux, ou une femme, peu importe, un analyste qui connaît ce
domaine. Il va pouvoir regarder mon dossier et évaluer le risque dans
l'exécution de sont mandat pour s'assurer que les épargnants vont
être protégés dans la mesure où la divulgation que
je vais faire dans mon prospectus aura du bon sens, qu'elle correspond à
la réalité. On va être à même de me donner une
réponse alors qu'à Montréal on n'est pas encore capable de
me la donner.
Êtes-vous en train de bâtir, d'élargir le champ de
vos capacités d'analyse pour accommoder le virage technologique dont on
parle tant? Avec le programme que le ministre a annoncé dans son budget,
vous allez être inondés de demandes de financement par action de
nouvelles sociétés qui, si elles écoutent également
le ministre Paquette, vont se lancer dans la haute technologie. J'aimerais
savoir si la Commission des valeurs mobilières du Québec est
équipée pour recevoir ce monde-là, à brève
échéance, pas dans huit ans. Le virage technologique, il faut le
prendre au plus vite, d'après tout le monde. Il y en a qui sont en
train de le prendre. Ils vont le prendre, ils vont aller directement
à Toronto pour faire regarder leurs papiers et pour aller s'alimenter en
marché de capital, en "venture capital", qui existe là-bas, qui
existe ici aussi. Mais si on commence à parler de la protection de
l'épargne, si on commence à parler de très hauts risques
possibles dans les nouvelles émissions de nouvelles
sociétés dans les nouvelles technologies - on parle d'un
très haut risque - quelqu'un qui n'est pas habitué à
jongler avec ces choses va avoir le réflexe - c'est mot à mot ce
qu'on m'a déjà dit - de dire: Hum! C'est risqué votre
affaire, cette société. Je ne pense pas qu'on devrait vendre cela
au monde ordinaire. C'est un jugement de valeur dont dépend la survie,
l'existence, peut-être, d'une société. Je vais aller
à Toronto, on va dire que c'est très risqué. Si vous dites
que c'est très risqué, je vais vous dire pourquoi c'est
risqué. Vous avez divulgué assez l'élément de
risque. On va aller sur le marché avec cela, les épargnants
sauront dans quoi ils s'embarquent. J'avais peur qu'il y ait une espèce
de glissement de ces sociétés, sur le marché financier,
vers Toronto, si on n'était pas prêt à les recevoir
ici.
M. Parizeau: M. le Président, je pense qu'il n'y a aucun
doute que cela nous prend beaucoup de temps à développer
l'expertise. Je pense qu'on a d'énormes difficultés de
recrutement de personnel. Je pense qu'il ne faut pas cacher cela. On est aux
prises avec des structures qui ne nous favorisent pas. Les structures de la
fonction publique, en ce qui concerne la Commission des valeurs
mobilières du Québec, ne favorisent pas le recrutement parce
qu'on ne recrute pas à l'intérieur de la fonction publique et le
personnel qu'on va chercher à l'extérieur, on a de la
difficulté à aller le chercher parce qu'on n'est pas capable de
l'attirer avec les traitements qu'on offre, et ainsi de suite.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): À 20% de plus pour trois
mois, disons janvier, février, mars, est-ce que vous auriez pu en
trouver?
M. Parizeau: Je ne veux pas dire qu'on n'a pas... On a à
la commission du personnel qui est très compétent. Mais, tout de
même, cela prend du temps à développer l'expertise. On n'a
pas, à l'heure actuelle, les ressources de la Commission des valeurs
mobilières de l'Ontario qui a un effectif de 125 personnes; elle a
beaucoup plus d'analystes, elle a beaucoup plus de fonds à sa
disposition, aussi, pour aller chercher l'expertise à
l'extérieur. Elle a beaucoup moins de contraintes que nous en ce qui
concerne le recrutement du personnel. Il y a un problème sérieux,
il n'y a pas de doute. Je crois qu'on est capable tout de même et on
développe l'expertise aussi rapidement qu'on peut la développer,
mais il faut former nos gens et cela prend un certain temps. C'est un secteur
qui est très complexe, je pense que tout le monde le sait. Quand on
recrute quelqu'un qui entre à la commission, cela lui prend un bon bout
de temps, un bon nombre de mois, pour avoir la compétence voulue pour
pouvoir examiner les dossiers qui nous sont soumis.
Ce qu'on a mis sur pied durant la dernière année, cela
fait un an que c'est en marche - en Ontario, les gens ont le même
programme - c'est un programme de stagiaires. À la commission, on a
actuellement trois stagiaires de cabinets d'avocats qui ont au moins quatre ou
cinq années d'expérience et qui sont à des frais minimes
à la commission, 1000 $ par mois. Ces stagiaires travaillent chez nous
à temps plein pendant au moins neuf mois.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): À faire quoi
exactement?
M. Parizeau: L'étude de dossiers, surtout de dossiers de
prospectus ou de financement de toutes sortes.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Des avocats?
M. Parizeau: Des avocats, des comptables aussi. Le programme est
ouvert aux avocats et aux comptables. De cette façon, on a une certaine
expertise de l'extérieur qui profite à la commission et qui
profite aussi aux gens de l'extérieur. Ces gens, quand ils retournent
dans leur cabinet de comptable ou d'avocat, bien entendu, peuvent profiter de
l'expertise qu'ils ont acquise à la commission.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): D'accord, mais je trouve que
c'est un peu à côté de la question de fond que j'ai
soulevée. Vous avez reconnu que l'expertise technique pour certains
secteurs industriels ou des entreprises de certains secteurs qui chercheraient
à se financer n'est pas présente à la commission. Je ne
vois pas comment un avocat de cinq ans de pratique dans un bureau va
régler votre problème d'une façon ou d'une autre, en ce
qui concerne les analystes.
M. Parizeau: Non, mais il peut nous aider parce que, dans
certains cas, il peut avoir une expertise que le personnel de la commission n'a
pas, ce qui est possible. Je ne veux pas dire que c'est cela qui
résoudra le problème, loin de là...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, non, mais que cela
contribue.
M. Parizeau: Je ne suis pas sûr qu'à la commission
de l'Ontario, on ait l'expertise également. Les nouvelles formes
d'investissement, personne n'a d'expertise dans cela. Tout le monde commence en
même temps.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ne parle pas de formes
d'investissement.
M. Parizeau: Non, vous parlez des nouvelles entreprises, en
nouvelles technologies. Cela est évident. Mais nous, il faut vivre avec
les contraintes qu'on a. On ne peut pas éliminer les contraintes
auxquelles on doit faire face. Si je pouvais recruter comme je veux, les
personnes que je veux, je serais capable d'aller chercher des experts, mais je
ne suis pas capable de faire cela.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Un ingénieur en
électrochimie, par exemple, c'est de cela qu'on parle
concrètement?
M. Parizeau: Oui, peut-être.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ou peu importe, ce sont des
choses comme cela. Dans des normes d'engagement, il est soumis pour son
salaire, ses conditions de travail, etc., à la Loi sur la fonction
publique, aux normes qui sont édictées par le gouvernement. Vous
n'en avez pas les moyens, alors que vous me dites qu'en Ontario, on n'a pas
cette contrainte.
M. Parizeau: Ces gens ont la contrainte de la fonction
publique.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui.
M. Parizeau: Mais ils sont beaucoup plus libres que nous au point
de vue d'abord des fonds qui sont disponibles pour donner un contrat à
l'extérieur et pour engager des experts.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Que vous?
M. Parizeau: Parce qu'ils ont plus de fonds disponibles, c'est
normal, ils ont tout de même un budget qui est plus élevé
que le nôtre. Je crois qu'il n'y a rien d'anormal dans cela. Ils font
face à moins de contraintes, en ce qui concerne le recrutement, sur la
qualité du personnel qu'ils peuvent recruter et les montants qu'ils
peuvent lui payer.
Est-ce que je pourrais ajouter quelques mots?
Le Président (M. Paré): M. le ministre. M.
Parizeau: On a eu ce problème il y a quelques années avec la
Caisse de dépôt pour le recrutement de "traders", en particulier.
Comme on le sait, les "traders", c'est tout jeune en termes d'âge et en
termes d'expérience. Un bon "trader", c'est comme un bon joueur de
hockey, ils ont à peu près le même âge et ils
accrochent leurs patins à peu près au même âge aussi.
En vertu des normes de la fonction publique, je n'ai pas besoin de vous dire
que ce n'était pas classé très haut. Il a fallu faire un
certain nombre d'ajustements pour permettre à laCaisse de
dépôt d'embaucher des gens qui, s'ils n'étaient pas
payés ce que, après tout, le trafic demande à
Montréal, n'étaient pas recrutables. (21 h 15)
Depuis que j'ai reçu ces responsabilités un peu nouvelles
pour moi de la Commission des valeurs mobilières, je vois se dessiner
à peu près le même problème. Il va falloir, d'une
part, augmenter temporairement les sommes disponibles pour embaucher des
services extérieurs, des gens à contrat, des contractuels, mais,
d'autre part, sur le plan de l'adaptation aux normes de le fonction publique,
il va falloir faire un certain nombre de changements. Cela me paraît
inévitable.
Quand on entre dans des emplois très spécialisés
comme ceux-là, la fonction publique n'est pas très typique et, en
fait, ce n'est pas vraiment à l'intérieur de la fonction publique
qu'il faut se comparer. C'est à l'égard d'un petit nombre de
spécialistes qui sont à Montréal, qui sont peu nombreux;
on paie pour les avoir et, si on ne paie pas, on ne les a pas. Je vois se
dessiner assez rapidement le genre de problèmes que j'ai eu à
régler avec la Caisse de dépôt il y a quelques
années. Cela me paraît être à peu près de la
même nature.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce n'est pas parce que le
ministre vient de parler de la Caisse de dépôt que je vais vous en
parler.
M. Parizeau: Non, mais c'est sans allusion à ce qu'on
discutait. C'est essentiellement un problème de personnel très
spécialisé. Il n'y avait pas de "traders" dans la fonction
publique, que voulez-vous?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
D'accord. Je veux dire...
M. Parizeau: C'est comme les ingénieurs en
électrochimie dans la fonction publique...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela ne court pas les rues.
M. Parizeau: ...qu'ils ne courent pas les rues.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ni les corridors. Justement,
à propos de la Caisse de dépôt, dans un autre ordre
d'idées, vous étiez peut-être témoin ce matin de nos
discussions sur la divulgation, etc. Quant à nous, on soutenait - cela
n'a pas été réfuté - que lorsqu'on a un gros
intervenant ou un gros agent sur le marché boursier, comme la caisse,
qui ne se conforme pas aux mêmes us et coutumes, même à la
loi en un sens à laquelle les autres sont soumis à certains
égards, on est en train de fausser le marché - on parle de la
protection de l'épargnant -par la divulgation des renseignements
disponibles à tout le monde. J'ai prétendu ce matin avec mes
collègues que s'abstenir, comme la caisse le fait, de divulguer
certaines choses lui donne une longueur d'avance - ce sont les mots que j'ai
employés - "à certains égards sur le marché", quant
à la performance possible, quand on fait quelque chose sans le dire aux
autres, alors que les autres doivent le dire à tout le monde, y compris
la Caisse de dépôt, lorsqu'elle fait quelque chose. Je me
demandais si vous ne me donneriez pas quelques commentaires - encore une fois,
votre point de vue. L'activité de la caisse ne fausse-t-elle pas un peu,
pas beaucoup, à peine, pas du tout, le marché secondaire,
étant donné qu'elle n'est pas soumise aux mêmes obligations
que les autres qui sont sur le marché? Qu'en est-il, selon votre point
de vue à vous?
M. Parizeau: M. le Président.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous pouvez facilement
différer d'opinion avec le ministre. La Caisse de dépôt le
fait tout le temps.
M. Parizeau: En ce qui concerne les déclarations
d'initiés - si on prend cela pour débuter - la caisse,
actuellement, depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les valeurs
mobilières, le 6 avril, se conforme aux mêmes règles que
les autres initiés et ne se conforme pas, pourrais-je dire, à
l'article 4 du projet de loi, mais elle se conforme aux mêmes
règles qui sont appliquées aux autres initiés. Vous allez
dire que c'est peut-être volontairement, mais en tout cas elle se
conforme aux mêmes règles, c'est-à-dire qu'elle fait les
déclarations d'initiés dans les délais qui sont
imposés aux autres intervenants sur le marché. C'est ce qu'elle
fait actuellement.
L'autre question est beaucoup plus vaste que cela; en ce qui concerne la
Commission des valeurs mobilières, notre opinion est que tous les
intervenants sur le marché devraient suivre les mêmes
règles. Comme je le disais, ils se conforment actuellement aux
règles sur les déclarations d'initiés; en fait, il
faudrait savoir s'il y a d'autres règles qu'ils devraient suivre.
Nous ne sommes certainement pas concernés de savoir quels
renseignements la Caisse de dépôt donne dans son rapport annuel,
parce que ce n'est pas notre responsabilité et on n'a pas à
intervenir à ce sujet.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): D'accord. Je pensais aux offres
publiques, offres d'achat évidemment, à l'action
concertée. C'est inévitable à mon sens - la preuve
circonstancielle est accablante - lorsque des sociétés
d'État joignent leurs efforts à ceux de la Caisse de
dépôt pour prendre une participation considérable dans
certaines sociétés. Si, dans le domaine privé, des
compagnies associées ou contrôlées par la même
personne - quoique là on va entrer dans un débat sur la notion de
contrôle, en l'occurrence - mais lorsque des compagnies associées
- on va les appeler comme cela -agissent de concert, je suis sûr que vous
dressez les oreilles et que vous ouvrez les yeux bien grands. Si ces gens
demeuraient en-deçà d'un seuil qui, évidemment,
crée de nouvelles obligations lorsqu'on l'atteint, ne croyez-vous pas
que les sociétés d'État prises dans leur ensemble sont
assimilables à des compagnies associées comme on le ferait dans
le secteur privé s'il y avait une offre publique d'achat?
M. Parizeau: Si elles agissent de concert, oui. En fait, si elles
étaient soumises à la Loi sur les valeurs mobilières et si
elles agissaient de concert, oui, elles devraient faire une offre comme les
autres intervenants sur le marché.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Avec les divulgations
périodiques, etc., après avoir atteint un certain seuil, il faut
faire à l'intérieur de cinq jours - en tout cas, de
mémoire, autrefois...
M. Parizeau: II faut déterminer avant si elles agissent de
concert ou non.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre semble avoir des
commentaires là-dessus.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, ce matin, dans la
deuxième section du Globe and Mail consacrée aux affaires, il y
avait un long article présentant l'opinion d'un certain nombre de
groupes qui suggéraient que les sociétés d'État -
ils ne parlaient pas du Québec - dans les autres provinces du Canada
soient assujetties aux mêmes règles que le secteur privé.
L'article était intéressant dans le sens suivant, c'est qu'on se
rend compte que, partout ailleurs au
Canada, on est rendu bien moins loin qu'au Québec. On n'a pas
encore légiféré là-dessus. Pourquoi? C'est
important de se poser la question: Pourquoi n'a-t-on pas
légiféré dans les autres provinces du Canada? C'est
justement à cause de ce que mentionnait le député de
Vaudreuil-Soulanges. Des personnes liées ou associées dans le
secteur privé, cela a un sens assez précis. Dans le secteur
public, cela n'a pas du tout ce sens-là. C'est une question qui n'a
jamais été vraiment poussée aux limites de sa
signification et qui donne lieu à des ambiguïtés
considérables. Par exemple, si on acceptait l'idée que les
membres d'un Conseil des ministres ne traitent pas les sociétés
d'État "at arm's length" et interviennent dans leurs décisions et
dans leur administration à travers les présidents de ces
sociétés d'État, si les ministres en prenaient la
responsabilité, on se dirait: Bien sûr, on doit les traiter comme
des personnes associées. Ils siègent présumément au
Conseil des ministres tous les mercredis ou tous les jeudis. Voici comment on
va fonctionner: exécution, on donne les instructions aux
sociétés d'État et elles fonctionnent comme cela. Mais on
sait bien que ce n'est pas comme cela que cela se passe. Un conseil
d'administration d'un holding peut donner à chacun des membres du
holding des instructions, mais, comme on insiste pour que les membres d'un
Conseil des ministres, que ce soit ici ou n'importe où ailleurs,
traitent les sociétés d'État "at arm's length"... C'est
tellement vrai que, de plus en plus dans notre loi, quand un ministre veut
intervenir dans une société d'État, on exige que ce soit
par le truchement d'une directive déposée à
l'Assemblée nationale. C'est un geste assez solennel, en somme, mais
très public. Donc, par définition, on tient pour acquis que le
ministre n'intervient pas à tout bout de champ dans les orientations qui
sont données. Alors, la définition de personnes liées
prend un tout autre sens. Ce n'est sûrement pas l'équivalent d'un
conseil d'administration de holding. C'est autre chose. Je ne veux pas dire par
là qu'il ne devrait pas y avoir de règles. Je suis convaincu que
nos lois de valeurs mobilières doivent avoir des règles
précises à l'égard des sociétés
d'État ou du secteur public, des mandataires du gouvernement. C'est pour
cela d'ailleurs que nous avons introduit ces dispositions dans notre nouvelle
loi, mais je comprends que les autres hésitent à s'engager parce
qu'il y a une ambiguïté inévitable, en un certain sens, qui
porte justement sur le contrôle du pouvoir exécutif à
l'égard des sociétés d'État et, de la façon
dont ces sociétés d'État fonctionnent
séparément ou ensemble, en fonction d'un plan ou sans plan, mon
impression est que cette question n'est pas encore vidée et ne sera pas
vidée pendant un certain temps. On risque, pendant un bout de temps, de
voir passablement d'autres gouvernements au Canada refuser de
légiférer sur ces questions, en disant: Ce n'est pas encore
très clair.
Il faut dire que le rapport entre un gouvernement et ses
sociétés d'État varie tellement d'un endroit à
l'autre, d'un gouvernement à un autre et j'irai plus loin, d'un ministre
à un autre, que je comprends l'ambiguïté. Néanmoins,
je pense qu'on n'a pas le choix, personnellement. Je suis persuadé qu'il
faut qu'on légifère sur ces choses. Je trouve cela très
bien que la Caisse de dépôt, tout en étant assujettie
à certaines dispositions législatives dans la Loi sur les valeurs
mobilières, comme le disait le président de la Commission des
valeurs mobilières, se conduise comme si elle était assujettie
aux règles applicables au secteur privé.
Mais je ne suis pas du tout certain, d'abord, que ce soit praticable par
toutes les sociétés d'État de tous les gouvernements que
nous connaissons dans toutes les circonstances. Donc, je pense que,
inévitablement, tout en mettant dans ces lois des dispositions
applicables au secteur public, il y aura toujours des différences par
rapport au secteur privé, parce que ce n'est pas le même genre
d'animal.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je pense qu'il n'y a pas 2 personnes sur 100 qui font
affaires avec les marchés boursiers qui croient que les engagements pris
par les sociétés d'État sont pris d'une façon
indépendante d'un gouvernement et de ses ministres. J'accepte que c'est
par directives que, spécifiquement, dans le cadre juridique, si vous
voulez, ces décisions sont prises. Vous pouvez développer le
même principe dans le secteur privé, parce que c'est sûr
que, si deux sociétés font quelque chose de concert, il faut que
chacune prenne cette décision dans le cadre de ses règles
juridiques; c'est une décision prise par son propre conseil
d'administration.
Mais je pense que, dans la réalité, une bonne
majorité de la population - et votre serviteur est là-dedans -
croit que, très souvent, il existe une influence très forte qui
est en dehors des directives émises par le Conseil exécutif
concernant le comportement des sociétés d'État. Je fais
allusion, à titre d'exemple, au cas, qui a été
soulevé cet après-midi par mon collègue, le
député d'Outremont, celui de Gaz Inter-Cité, qui est un
événement à propos duquel la plupart des gens imaginent
qu'il y avait probablement eu quelques communications qui avaient donné
lieu à une telle démarche.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, je pense que ce que dit le
député de Notre-Dame-de-Grâce démontre une chose,
c'est qu'il n'a pas encore eu de siège au cabinet, je ne le lui souhaite
pas, à cause des implications que cela aurait pour lui.
M. Scowen: Moi non plus.
M. Parizeau: Mais il faut simplement se rendre compte des
bagarres qu'il peut y avoir entre les sociétés d'État, des
querelles de "bornage", des oppositions ahurissantes d'orientation, comme
toujours dans ces histoires de farce, de "one-upmanship", comme on dit en
anglais. Si c'était aussi clair que le dit le député de
Notre-Dame-de-Grâce, Dieu, que les ministres auraient la vie facile! En
pratique, ce n'est pas comme cela. Ce n'est pas comme cela, parce que nous
vivons dans un cadre de tradition britannique où, pendant...
M. Scowen: ...
M. Parizeau: ...des générations, on a
considéré que le pouvoir exécutif devrait traiter toutes
les sociétés d'État "at arm's length". Cela avait un
certain sens à une époque où les gouvernements avaient peu
de sociétés d'État et, au fond, où le rôle
des sociétés d'État était relativement moins
complexe, enfin, plus simple. Mais à partir du moment où les
sociétés d'État ont commencé à se
multiplier, l'idée de l'"arm's length" a laissé, finalement, une
situation très ambiguë, très torturée,
compliquée, où trop s'avancer pour chercher à orienter des
sociétés d'État est considéré comme
obscène. (21 h 30)
D'un autre côté, lorsque la chicane prend entre deux
sociétés d'État, presque naturellement cela monte vers le
haut pour un arbitrage. Mais, si l'arbitrage est trop dur, c'est
considéré comme une ingérence. C'est, premièrement,
très différent du secteur privé et, deuxièmement,
beaucoup plus compliqué qu'on ne l'imagine. Cette idée d'un
Conseil des ministres qui servirait de conseil d'administration, qui, devant
ses 40 sociétés d'État, dirait: Voici le plan pour la
semaine prochaine ou pour les trois mois qui viennent... Non, ce n'est pas
comme cela.
M. Scowen: Je voudrais simplement rappeler au ministre que j'ai
eu le plaisir...
M. Parizeau: II y en a qui le souhaiteraient, mais ce n'est pas
comme cela.
M. Scowen: ...de travailler pendant un an à
l'intérieur du cabinet du ministre de l'Industrie et du Commerce du
Québec.
M. Parizeau: Oui. Ce n'est pas tout à fait la même
chose. Enfin, pas tout à fait ce que je voulais dire.
M. Fortier: Au fédéral, on propose un
ministère des corporations.
M. Parizeau: Pardon?
M. Fortier: Au fédéral, il y a une
suggestion...
M. Parizeau: Oui, oui.
M. Fortier: ...de créer un ministère, ce qui irait
à l'encontre de votre thèse.
M. Parizeau: Ce n'est pas qu'elle irait à l'encontre de la
thèse, c'est que tout le monde cherche, au fond, une solution plus
claire, plus simple, plus élégante, plus efficace aussi que celle
qu'on a tous héritée d'un passé qui était au fond
bien plus simple que ce qu'on a à l'heure actuelle. Alors, chacun va
faire des expériences. À première vue, je ne condamne pas
des idées comme celles-là. Il va falloir essayer d'autres
formules. Il est tout à fait évident qu'entre l'Exécutif
et les sociétés d'État, il y a des tas de choses non
réglées. Il y a encore des tas de choses - comment dire? - non
avouées sur le plan des comportements et qui ne sont pas
clarifiées.
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, quant
à nous, on n'a pas d'autres questions à ce moment-ci. Je remercie
le président de la Commission des valeurs mobilières du
Québec de s'être déplacé, d'avoir, encore une fois,
fait preuve de beaucoup de coopération dans ses réponses. Je lui
souhaite une année encore bien active. S'il est occupée, cela
signifie que le marché boursier, que le marché des valeurs
mobilières en général au Québec se porte bien, tant
et aussi longtemps qu'il n'est pas occupé à rédiger des
projets de règlements. Je suis heureux de voir qu'il a mené cette
tâche à bien et rapidement. D'ailleurs, j'en profite pour saluer
au passage l'habitude qu'a prise le ministre des Finances de soumettre le plus
rapidement possible à l'Opposition, dès les dépôts
de projets de loi, ou presque, les règlements qui, évidemment,
sont édictés en vertu de ces projets de loi. Je vous souhaite
bonne chance pour l'an prochain, pour l'année en cours, devrais-je
plutôt dire. Je présume qu'on aura le plaisir de vous revoir l'an
prochain.
M. Parizeau: Je l'espère.
Le Président (M. Paré): Alors, merci. Est-ce que
j'en conclus qu'on passe...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On adopte le programme 7.
M. Parizeau: II faut adopter le point 7.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le programme 7.
M. Parizeau: Oui.
Le Président (M. Paré): Le point 7...
M. Parizeau: Oui.
Le Président (M. Paré): Donc, le programme 7 est-il
adopté?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Paré): Adopté. Est-ce qu'il
y a un autre programme que vous aviez décidé de...
M. Parizeau: Nous pensions, M. le Président, passer
maintenant...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Au programme 6.
M. Parizeau: ...au programme 6.
Le Président (M. Paré): Donc, j'appelle...
M. Parizeau: Excusez-moi! Le programme 6 et ensuite le programme
8, j'imagine, parce que cela en découle. Ensuite, on reviendra aux
crédits réguliers des finances.
Le Président (M. Paré): Donc, j'appelle le
programme 6, Inspecteur général des institutions
financières et, en même temps ou simultanément, le
programme 9, Curatelle publique.
Une voix: Le programme 8. M. Parizeau: Le programme 8.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le programme 8, c'est sur les
coopératives...
M. Parizeau: Les programmes 6 et 8 découlent de l'ancien
ministère des Institutions financières.
Une voix: Alors, on va faire les deux ensemble.
M. Parizeau: C'est cela.
Le Président (M. Paré): Donc, ce sont les
programmes 6 et 8.
Inspecteur général des
institutions
financières et développement des
associations coopératives
M. Parizeau: Alors, M. le Président, quelques observations
pour commencer, mais rapides, pour ne pas répéter ce que j'ai eu
à dire ce matin. L'Inspecteur général des institutions
financières sera donc rattaché dorénavant au ministre des
Finances; non pas au ministère des Finances, mais au ministre. Il a rang
de sous-ministre, il ne relève donc pas du ministère des Finances
en tant que tel. Cela, c'est un changement que l'on envisage comme devant
être permanent. Cela rejoint d'ailleurs, essentiellement, la formule qui
existe à Ottawa, le Surintendant des assurances, dont le rôle,
évidemment, est plus vaste que les assurances. On a gardé le
titre d'autrefois mais on a augmenté ses responsabilités. Le
Surintendant fédéral des assurances relève du ministre des
Finances et a rang de sous-ministre. Nous retrouvons un peu la solution
outaouaise en procédant de cette façon.
Quant au programme 8, Contrôle, surveillance et
développement des associations coopératives, comme je l'ai dit ce
matin, il s'agit d'un rattachement temporaire au ministère des Finances
jusqu'à ce qu'on ait trouvé ou mis au point dans un autre
ministère une sorte de structure d'accueil où ce sera
envoyé. Dans le programme 8, nous avons examiné les
crédits pour l'année en cours, étant entendu que, d'ici la
fin de cette année, ce programme sera dans un autre
ministère.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je présume que nous sommes devant l'inspecteur
général...
M. Parizeau: Oui, j'ai à ma droite l'Inspecteur
général des institutions financières, M. Bouchard, et le
sous-ministre associé qui est chargé du contrôle, de la
surveillance et du développement des associations coopératives,
M. Rioux.
M. Scowen: Des institutions coopératives?
M. Parizeau: Oui, des institutions coopératives.
M. Scowen: J'aimerais poser à l'inspecteur une question
qui pourrait lui sembler simpliste, mais c'est en partie parce que je viens
juste de devenir le responsable de ce dossier. Je remarque que, dans le domaine
des assurances, il y a à peu près 2000 institutions,
sociétés ou coopératives. Si ma mémoire est bonne,
du côté des institutions touchées par la Régie
de
l'assurance-dépâts du Québec, il y en a encore 1600
environ. Parce qu'on est devant l'inspecteur, j'aimerais lui poser quelques
questions sur l'inspection.
Je présume qu'il existe un règlement quelconque qui
décrit la forme et l'étendue de l'inspection qui est faite.
J'imagine aussi qu'il y a certaines règles qui existent quant au nombre
de sociétés qui doivent recevoir les inspections à
différents niveaux chaque année. Je lui serais très
reconnaissant s'il pouvait brièvement me résumer les pratiques et
les règles qui sont en vigueur, tout ce qu'il a fait, si vous voulez,
l'an passé dans le domaine de l'inspection, dans les deux cas, les
assurances et les sociétés qui sont touchées par la
Régie de l'assurance-dépôts du Québec.
M. Parizeau: M. le Président, en ce qui concerne les
assurances, la Loi sur les assurances prévoit qu'il doit y avoir
inspection à tous les trois ans de façon générale
et inspection à tous les cinq ans de la réserve actuarielle. Nous
faisons cependant plus que cela, parce que, de toutes les institutions qui font
affaires au Québec, nous recevons évidemment les états
financiers, nous les analysons, nous faisons une étude
préliminaire et lorsque nous voyons qu'une compagnie présente
certaines difficultés, même si elle n'est pas dans notre plan
triennal d'inspection, nous la faisons pour prévenir des
difficultés.
Dans le domaine des institutions de dépôts, nous faisons
l'inspection annuelle de toutes les compagnies de fiducie. Dans le domaine des
caisses d'épargne et de crédit, la Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit ne prévoit pas d'inspection comme
telle, mais c'est en vertu d'une disposition de la loi sur la régie que
nous faisons l'inspection.
En ce qui concerne le secteur des caisses d'épargne, il existe
une convention depuis au-delà de 20 ans avec le Mouvement Desjardins qui
prévoit que l'inspection que la régie doit faire dans le secteur
des caisses d'épargne et de crédit, la
Confédération des caisses d'épargne l'effectue pour le
compte de la régie. Par ailleurs, pour l'autre secteur des caisses
d'épargne, qui est celui des caisses d'établissement, une
fédération qui comprend, comme vous le savez, onze caisses, nous
faisons l'inspection de toutes les sociétés. Enfin, nous faisons
l'inspection de toutes les sociétés des caisses d'entraide
annuellement.
M. Scowen: Dans le cas des caisses d'entraide, c'est en vertu de
la loi. Si je comprends bien, dans le cas des compagnies d'assurances, c'est
tous les trois ans?
M. Parizeau: Statutairement. M. Scowen:
Statutairement.
M. Parizeau: Mais nous en faisons plus, cela dépend de la
situation.
M. Scowen: Les fiducies, c'est tous les ans?
M. Parizeau: Tous les ans.
M. Scowen: Les caisses, il n'y a pas de dispositions
législatives, mais c'est fait...
M. Parizeau: C'est fait annuellement. Le Mouvement Desjardins en
fait, en moyenne, tous les deux ans, c'est-à-dire qu'il en fait la
moitié par année.
M. Scowen: Dans le cas des caisses d'entraide, vous le faites
annuellement, pour qui en reste. J'aurais trois questions à poser.
Premièrement, vous pourriez peut-être m'expliquer
brièvement pourquoi ces écarts existent entre les diverses
institutions, une inspection tous les trois ans, tous les deux, tous les ans,
et comment cela peut se justifier.
Deuxièmement, je note que, dans le cas des caisses
d'épargne, des caisses Desjardins, il y a une inspection qui est faite
par la caisse elle-même. J'ai entendu dire d'autres sources que c'est
considéré par beaucoup de gens comme une inspection très
efficace, très bien faite, très rigoureuse, ce qui m'amène
à deux questions. La première est la suivante: Pourquoi
n'existe-t-il pas un système d'auto-inspection au sein des compagnies de
fiducie et dans le cas des compagnies d'assurances? Il me semble que ce serait
beaucoup mieux, à première vue, que les institutions
elles-mêmes fassent un genre d'auto-inspection, comme les caisses l'ont
fait. Il me semblerait qu'une inspection faite par les institutions
elles-mêmes pourrait même être plus rigoureuse, dans un sens,
parce qu'elles connaissent mieux le milieu. Dans le cas des caisses
d'épargne, est-ce qu'il existe une inspection de l'inspection? Je
répète: Si je comprends bien, le système d'inspection des
caisses est très bon. Mais est-ce qu'il existe une façon
d'inspecter les inspections qui sont faites par les gens qui ont
développé leur propre système?
En dernier lieu, est-ce qu'il y a des différences importantes
dans la nature des inspections qui sont faites dans les quatre cas? Je
comprends qu'il peut y avoir des différences qui relèvent de la
différence de structure financière. Mais est-ce qu'il y a des
différences dans l'ampleur, l'étendue de ces inspections dans
chaque cas?
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Parizeau: Étant donné que nous avons
assisté, depuis environ un an et demi, à des changements
d'orientation assez importants de ce côté et que d'autres
doivent venir, je pense qu'il serait plus normal que je réponde
à l'ensemble des questions posées par le député de
Notre-Dame-de-Grâce. Sur le principe même de l'auto-inspection, il
y aura toujours un très grand danger à une confusion entre la
vérification interne, la vérification externe et l'inspection. Il
est en un certain sens trop facile de confondre ces concepts et de faire en
sorte que ceux qui sont directement intéressés dans la conduite
des entreprises aient de la difficulté - j'allais dire - à se
juger eux-mêmes. C'est la raison pour laquelle on constate que la plupart
des gouvernements sont amenés, petit à petit, nous aussi,
à avoir une inspection distincte, une inspection qui n'a rien à
voir avec les intérêts normaux de compagnies, à plus forte
raison d'associations professionnelles.
C'est un système qui est en train de devenir universel, je pense,
à juste titre. Cela aura une signification singulière quant
à certaines des choses que je dirai tout à l'heure quant aux
caisses d'entraide du Mouvement Desjardins. J'y reviendrai dans deux minutes.
(21 h 45)
D'autre part, il est très important que l'inspection se fasse
souvent. Je pense que le député de Notre-Dame-de-Grâce a
parfaitement raison de demander pourquoi il y a des échéances
aussi différentes selon les mouvements. Remarquez, cela s'est
tassé depuis quelques années au fur à mesure où
nous votons de la nouvelle législation. On en a voté beaucoup
depuis un an et demi, on a tendance à standardiser cela. En pratique,
les services d'inspection, comme le disait l'inspecteur général
tout à l'heure, ont tendance, dans le cas des compagnies d'assurances,
à inspecter beaucoup plus souvent que ce qui est prévu par la Loi
sur les assurances à l'heure actuelle, qui n'a pas été
révisée depuis un certain temps et qui éventuellement le
sera.
En pratique, si on veut éviter le mieux possible, le plus
possible, le genre d'accidents que nous avons connus, il est important que
l'inspection soit donc extérieure à ces mouvements,
sérieusement faite et relativement fréquente. On s'en rend
très bien compte. À cet égard, je n'ai pas de complexe
particulier et je reconnais que le gouvernement fédéral nous a
remarquablement bien tracé la voie. L'Inspecteur général
des banques est très craint. Le surintendant des assurances à
Ottawa a des pouvoirs qui s'étendent maintenant aux compagnies de
fiducie, aux compagnies de prêts; en fait, il est l'Inspecteur
général des institutions financières non bancaires
à toutes fins utiles. Les inspections sont fréquentes, les
pouvoirs donnés à ses inspecteurs sont considérables de
par la loi et de par les règlements. Ils ont ces pouvoirs de
satrapes.
Quand on parle de la protection de l'épargne du public, c'est
vraiment raisonnable qu'il y ait des pouvoirs semblables. Alors, nous, on a,
dans le cas de la législation récente, ces pouvoirs-là qui
ont été donnés à l'inspecteur
général. Une fréquence raisonnable a été
assurée, toujours par des dispositions législatives.
Il reste maintenant surtout - je ne parle pas d'amendements à
venir à la Loi sur les assurances, on y verra - un os, qui est
l'auto-inspection du Mouvement Desjardins. En vertu de la convention à
laquelle faisait allusion l'Inspecteur des institutions financières, le
Mouvement Desjardins aurait dû inspecter chaque année chacune de
ses caisses, pour toutes espèces de raisons qu'on n'a pas à
juger. Cela ne sert à rien de remonter dans l'histoire et de faire de
l'anthropologie. Le fait est que ce n'est pas comme cela que ça s'est
produit et que l'inspection se fait tous les deux ans, quand ce n'est pas
davantage.
Compte tenu des accidents qui nous sont arrivés, et on ne
souhaite à personne des accidents - Dieu sait si on veut les
éviter! - cela n'est pas raisonnable et, de toute façon, ce n'est
pas conforme à la convention. D'autre part, il y a une confusion entre
la vérification externe et l'inspection par ce phénomène
de l'auto-inspection des caisses qui, je vous l'avouerai, ne me plaît
pas. Comme ministre responsable, je ne trouve cela ni efficace ni prudent et,
dans ces conditions et après avoir été mis au courant de
la situation -tant qu'on ne sait pas, ce qu'on ne sait pas ne fait pas de mal,
mais, au moment où on le sait, il faut bien bouger - j'ai indiqué
au Mouvement Desjardins que nous devions réexaminer ce qui avait
été la norme ou la convention jusque-là et qu'il me
paraissait nécessaire qu'un type d'inspection soit assumé par
l'inspecteur général avec un personnel qui serait mis à sa
disposition à cet effet, encore une fois, dans le sens de ce qui se fait
très généralement par ceux qui, à mon sens, ont
tracé la voie dans ce domaine, c'est-à-dire les autorités
fédérales.
Évidemment, le débat n'est pas terminé. Vous
comprendrez cependant pourquoi j'ai pris la parole à ce point-ci
plutôt que l'inspecteur, parce que je dois dans un certain sens donner
des orientations quant à ce que j'entrevois. Je pense que c'est plus
normal que ce soit l'autorité ministérielle qui le fasse. Le
débat n'est pas terminé, bien sûr, il va durer pendant
quelque temps. Nous aurons à présenter un nouveau projet de loi
sur les caisses d'épargne et de crédit. Cela fait
déjà quelque temps que je l'annonce. Il y a pas mal de travail de
fait dans cette voie, mais, à un moment donné, comme point
d'aboutissement de tous ces changements dans la législation que j'ai
apportés depuis un an et demi, on aura à présenter un
nouveau
projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit. La
chose sera clarifiée. Voilà à peu près ce que je
voulais dire: d'où on vient, où on en est, pourquoi il semble y
avoir certaines bizarreries et exprimer quand même mon souci d'une
certaine uniformisation.
M. Scowen: Si je comprends le ministre, on est dans un
état d'évolution quant à l'inspection. Il
s'inquiète pour l'inspection actuelle qui est faite au sein des caisses
Desjardins. Il n'a pas parlé de la Loi sur les assurances. J'imagine
qu'elle est en concordance avec le gouvernement fédéral, c'est
tous les trois ans. Je pense qu'il a dit, au moins par implication, qu'il
aurait préféré que cette inspection se fasse annuellement.
Effectivement, il est satisfait, si je comprends bien, de l'inspection qui
s'est faite dans le cas des caisses d'entraide, parce que cela vient...
M. Parizeau: Actuellement, c'est bien fait.
M. Scowen: Et qui, dans le cas des fiducies, est faite sur une
base annuelle. Mais il s'inquiète actuellement des inspections qui sont
faites au sein des caisses Desjardins et des compagnies d'assurances. Il
entrevoit que des changements peuvent venir dans ces deux domaines. Il est
d'avis que l'inspection doit se faire par le gouvernement d'une façon
indépendante des inspections faites par les organisations ou les groupes
eux-mêmes et qu'un système d'auto-inspection associé avec
un système d'auto-assurance n'est pas dans son opinion satisfaisant,
tenant compte de la sécurité des épargnes du public.
Je vais lui poser une question additionnelle et j'en ai une autre pour
l'inspecteur. Après, je vais terminer parce que vous avez d'autres
sujets à soulever. C'est quelque chose de dire qu'on s'inquiète
de l'inspection qui s'est faite auprès de deux groupes d'institutions
importantes: les sociétés d'assurances et les caisses. Dans quel
délai prévoit-il apporter à l'Assemblée nationale
les lois qui vont régler ce problème et qui vont sécuriser
l'épargne chez ces deux groupes?
M. Parizeau: M. le Président, je ne sais pas si on doit
vraiment parler de sécurité de l'épargne parce que je n'ai
pas de raison de croire qu'il y aurait un danger dans un avenir
prévisible. Je veux seulement être certain qu'il n'y en aura pas.
D'un autre côté, il faut être en mesure de bien faire le
travail, parce qu'on ne peut pas faire une demi-inspection. Une inspection mal
faite, même si elle est faite par un gouvernement, c'est une inspection
mal faite. Donc, il faut avoir des ressources de beaucoup supérieures
à celles dont nous disposons à l'heure actuelle. Il faut
entraîner ces inspecteurs. On ne peut donc traduire cela par de la
législation coercitive, par définition, que lorsqu'on est certain
d'avoir ce qu'il faut, que c'est en place, que les gens sont
entraînés, qu'on est prêt à partir. En somme, on ne
peut pas faire ses classes à l'égard de ces mouvements. Alors,
dans ces conditions, je suis en discussion avec le Conseil du trésor
quant à des effectifs à des postes additionnels, il va falloir
les recruter et les entraîner. Alors, cela m'est difficile pour le moment
de mettre une date précise à l'introduction de la
législation. Mon impression est qu'on pourrait difficilement bouger
à cet égard avant un an, au moins, pour être certain que
les structures d'inspection sont correctement mises sur pied avant que
ça démarre.
Alors, encore une fois, je ne vois pas d'urgence. On aurait tort de
chercher à énerver les gens avec cela. Je ne vois pas d'urgence,
il n'y a pas péril en la demeure. Je pense que c'est un aboutissement
normal, efficace et qui doit aboutir. Encore une fois, un an, au bas mot un an,
pour recruter le personnel et l'entraîner. Dernière
précision, ceci ne représente pas de frais additionnels pour le
Trésor public. Il est entendu que les frais d'inspection sont
cotisés au prorata de l'actif entre les institutions. A l'heure
actuelle, on inspecte les compagnie de fiducie et le coût de l'inspection
des compagnies de fiducie est facturé aux compagnies de fiducie, selon
l'importance proportionnelle de leurs actifs.
Donc, lorsqu'on organise un service d'inspection comme celui-là,
cela n'augmente pas les dépenses. Enfin, cela augmente les
dépenses du gouvernement, mais il y a des revenus qui viennent avec et
qui les compensent. C'est autofinancé.
M. Scowen: Je veux simplement dire que la réponse a
été...
Une voix: ...
M. Scowen: ...mais je dois dire quand même que, quand le
ministre s'inquiète publiquement de la qualité ou de la
fréquence des inspections de deux groupes d'institutions aussi
importantes que les compagnies d'assurances québécoises et les
caisses d'épargne québécoises, la population doit
s'inquiéter un peu aussi. J'espère que le ministre va apporter,
dans les délais qu'il s'est engagé à respecter, les
corrections parce qu'on ne veut certainement pas se voir devant des
problèmes importants.
Est-ce que je peux poser deux questions un peu plus précises
à l'inspecteur des finances?
M. Parizeau: Est-ce que je pourrais
demander l'autorisation au député de
Notre-Dame-de-Grâce? J'aurais juste une précision à
apporter quant à ce qu'il vient de dire, puis, ensuite, bien sûr,
l'inspecteur...
M. Scowen: Oui.
M. Parizeau: Encore une fois, je tiens à préciser
une chose, c'est qu'il n'y a pas de raison de manifester une inquiétude
dans l'état actuel des choses. Oui, on s'est dit tous ensemble à
l'occasion de la crise des caisses d'entraide: Le gouvernement savait des
choses, il aurait dû bouger avant. C'est toujours - et Dieu sait si nous
nous souviendrons tous longtemps de cette crise des caisses d'entraide -
terriblement difficile d'opérer à chaud. Ce que je cherche
à faire à l'heure actuelle, ce n'est pas du curatif -comme on a
été obligé de le faire tantôt -mais c'est du
préventif. Quand c'est à froid et qu'il n'y a pas de
problème, que, justement, si on pense qu'une orientation doit être
prise, il faut la prendre. Il faut éviter que ça soit pris
à chaud. C'est ça le sens de mes interventions de ce soir. Compte
tenu du fait que le public suit nos travaux, il est quand même important
que cela soit précis. C'est un peu dans l'intérêt public
que je faisais cela.
M. Scowen: Si je comprends bien, vous êtes insatisfait du
système d'inspection dans ces deux cas, mais la population ne doit pas
s'inquiéter.
M. Parizeau: Non. Je préfère faire cela à
froid, pendant qu'il n'y a pas de...
M. Scowen: On va recevoir le message chacun à sa
façon. Les deux questions que je voulais poser à l'inspecteur
sont très précises. La première est celle-ci: Quand vous
faites vos inspections auprès des succursales des institutions
concernées, et au siège social, bien sûr, est-ce qu'on
averti à l'avance? On avertit. Est-ce que vous trouvez que c'est une
façon efficace de faire l'inspection, surtout dans les succursales?
Est-ce que cela ne serait pas mieux... Par exemple, je sais très bien
que les banques à charte, qui font leur propre inspection, ils ont
décidé il y a longtemps que d'avertir la succursale au coin de X
et Y, de lui dire que dans deux semaines il faut prévoir une inspection,
elles ont constaté que ce n'était pas une façon
très efficace de faire les inspections, mais, vous autres, vous agissez
quand même de cette façon. Comment justifiez-vous cela? (22
heures)
La deuxième question - je vais poser les deux en même temps
parce que l'autre est très brève - je veux simplement faire le
lien avec le rôle d'inspection que je vois dans le mandat de la
Régie de l'assurance- dépôts du Québec. Quand je lis
la Loi sur la Régie de l'assurance-dépôts, il me semble que
ces gens ont eux-mêmes un rôle d'inspection, une
responsabilité et je présume qu'ils ne le font pas. Je pense
qu'il n'y a pas de personnel à la régie qui fait ce qu'il est
mandaté de faire et c'est vous qui le faites. J'aimerais que cet aspect
soit clarifié parce que c'est un peu une contradiction, il me
semble.
M. Parizeau: Voici, M. le Président, dans le cas de
l'inspection, comme je vous ai expliqué tout à l'heure, nous ne
faisions pas l'inspection de tout le secteur des caisses d'épargne
affiliées au Mouvement Desjardins. Par ailleurs, dans le cas des
compagnies de fiducie, celles-ci comme vous le savez, sauf exception, n'ouvrent
presque pas de succursales, des endroits de dépôt
d'épargnes, pour recueillir des épargnes; elles n'ont pas de
succursales comme telles. L'inspection que nous faisons est le
complément d'une série d'informations que nous avons
reçues. La loi sur les compagnies de fiducie, les règles
organiques prévoient que les compagnies doivent observer des ratios, des
normes pour différentes choses, placements, etc. et transmettre des
rapports pour vérifier l'observance de ces normes. Le but de
l'inspection consiste donc, d'une part, à vérifier l'exactitude
des renseignements qui nous sont soumis. Nous avons à peu près la
même nature d'inspection que le gouvernement fédéral dans
ses institutions; c'est à peu près le même genre.
Deuxièmement, nous nous assurons de la qualité du
management, de la qualité du personnel et du genre d'administration.
Troisièmement, nous nous assurons de la viabilité et de la
rentabilité de l'institution en vue de prévenir, justement, des
problèmes. Ceci veut dire que nous discutons avec les personnes en
place, que les inspecteurs vérifient les livres, demandent les
renseignements et ensuite discutent avec les personnes pour leur demander des
explications sur ce qu'ils voient. C'est donc beaucoup de temps que nous
passons dans les institutions, et l'institution en question doit savoir quand
le personnel du ministère ou l'inspecteur général arrive
chez elle pour mettre à sa disposition les renseignements,
vérifier les livres des minutes et vérifier les systèmes
de comptabilité, etc.
Le deuxième point, en ce qui concerne la régie, c'est
très vrai. La régie, depuis sa loi constitutive, prévoit
dans une de ses dispositions qu'il doit y avoir une inspection de toutes les
institutions inscrites. La SADC fédérale, le pendant
fédéral, la Société d'assurance-dépôts
du Canada, avait une disposition beaucoup plus compréhensible. Au lieu
de dire que la SADC faisait l'inspection, elle dit dans sa loi que l'inspecteur
général des banques pour le secteur bancaire et le
surintendant des assurances qui comprend assurances, fiducie, compagnies
de prêts et "Credit Unions", font l'inspection pour le compte de la SADC
et transmettent les renseignements à la SADC, pour le compte de la
SADC.
Au Québec, nous avons suivi en pratique la même chose, sans
modifier les dispositions législatives, sauf celle que vous voyez qui a
été déposée par le projet de loi no Il où on
prévoit une disposition à peu près identique à
celle d'Ottawa, disant que l'inspecteur général est chargé
pour le compte de la régie de faire l'inspection. Donc, la disposition
législative se trouvait, c'est un peu paradoxal, dans la loi sur la
régie qui donnait mandat au ministère de faire l'inspection pour
son compte, pour éviter le chevauchement du personnel, et le
ministère transmettait à la régie tous les renseignements
et faisait l'inspection pour la régie.
Il était heureux, quand même, d'avoir une disposition
semblable dans la loi sur la régie en ce qui concerne le secteur des
caisses d'épargne. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il n'y
a aucune disposition au Québec dans la loi sur les caisses
d'épargne qui prévoit l'inspection. Si la régie ne l'avait
pas prévue, il n'y aurait pas d'obligation d'inspection dans le secteur
de l'épargne dans la province de Québec pour les caisses
d'épargne, ce qui n'est pas le cas pour les compagnies de fiducie et ce
qui n'est pas le cas pour les sociétés d'entraide.
M. Fortier: Juste une mini-question. Le ministre disait tout
à l'heure que le coût de l'inspection était payé
finalement par les institutions qui étaient inspectées. Le
programme 6 coûte au Trésor public 12 700 000 $. Est-ce à
dire que les 12 700 000 $ sont répartis? Les revenus qui viennent dans
le Trésor public se montent à quel pourcentage de ce budget?
M. Parizeau: De l'inspection? Vous l'avez ici, à la page
35.
Je vais peut-être, pendant que l'inspecteur regarde les chiffres,
expliquer un peu comment cela se présente. En fait, prenons les revenus
et les dépenses de l'ancien ministère. Sans s'équilibrer,
les revenus étaient assez importants, mais cela recouvrait cependant des
divergences considérables. Il y avait un tas de services dans le
ministère qui ne donnaient pas lieu à une cotisation.
L'inspection proprement dite donne lieu à une cotisation. D'autre part,
le service des compagnies rapporte beaucoup d'argent. Il rapporte plus qu'il ne
coûte.
M. Fortier: D'accord. Je voulais seulement savoir quel
était...
M. Parizeau: Ceci étant dit, comme principe, on va sortir
des chiffres plus spécifiques.
M. Fortier: Je voulais seulement savoir quel était le
pourcentage des dépenses globales du programme 6.
M. Parizeau: Sur les frais d'inspection de la régie, si
vous vous référez au document de notre page 15 - il y
peut-être une explication à vous donner, parce que c'est un peu
paradoxal - vous avez, par exemple, en 1982-1983, 0. Mais ce n'est pas 0. C'est
0, parce que, cette année, à cause du surcroît de travail
considérable et avec le peu d'inspecteurs que nous avons, nous avons
fait sur le tard l'inspection de deux très importantes compagnies, le
Crédit foncier et le Trust Royal, de telle sorte que, pour cette
année, les honoraires véritables -ils vont paraître l'an
prochain - sont de 31 000 $.
Pour l'année 1981-1982, vous avez 3000 $, mais en
réalité, ce n'est pas 3000 $, c'est 38 000 $, parce qu'il y a un
montant de 35 000 $ qui a dû être biffé des livres du fait
que, entre autres dans le cas des autres compagnies de prêts - il n'y a
pas de loi de compagnies de prêts au Québec - les
règlements qui prévoient que les frais d'inspection sont à
la charge des institutions n'ont pas d'assise juridique dans la loi de telle
sorte qu'il y a une institution, entre autres, qui est le Prêt
hypothécaire, qui a fait faillite depuis, qui a contesté la
validité de la charge que nous lui avons faite et n'a jamais voulu
payer. Cela avait également été le cas d'une autre caisse
d'entraide qui est maintenant disparue, de telle sorte qu'il a fallu passer au
passif 35 000 $, ce qui veut dire que...
M. Fortier: Excusez-moi, je ne voudrais pas qu'on prenne trop de
temps. Ce que vous me dites, c'est que les revenus sont des "peanuts". Je
croyais que le ministre avait dit que c'était substantiel.
M. Parizeau: Pour les autres institutions... Parlez-vous de la
régie, M. le député?
M. Fortier: Non, je parlais des revenus globaux qui
pouvaient...
M. Parizeau: C'est considérable.
M. Fortier: C'est quel pourcentage des 12 700 000 $? C'est la
seule question que je posais.
M. Parizeau: Écoutez, c'est à peu près tous
nos revenus, parce que, dans le domaine des assurances, en 1982, nous avons
perçu 4 500 000 $; dans le domaine des compagnies de fiducie, nous avons
perçu
422 000 $. C'est à peu près tous nos revenus. L'autre gros
secteur important est tout le secteur des compagnies où nous percevons
les honoraires, impressions, etc. Vous pouvez dire que, bon an mal an, dans le
domaine des assurances, c'est environ 4 000 000 $ par année et, dans le
cas des compagnies de fiducie, entre 375 000 $ et 400 000 $ par
année.
M. Fortier: Cela fait environ 4 500 000 $?
M. Parizeau: Si on reprend cela, ajoutez 7 500 000 $ qui viennent
de la Direction générale des entreprises, et les revenus totaux
de l'inspecteur général sont de 12 500 000 $.
M. Fortier: Alors les 7 500 000 $ viennent de quel endroit?
M. Parizeau: II y a 7 500 000 $ qui viennent des entreprises,
l'incorporation, les rapports annuels...
M. Fortier: Les rapports annuels et tout cela, oui, d'accord.
M. Parizeau: C'est cela. Cela fait 7 500 000 $.
M. Fortier: Oui.
M. Parizeau: En 1982-1983, 422 000 $ pour les fiducies, dont 400
000 $ de cotisations pour l'inspection. Les assurances, 4 500 000 $ de revenus,
dont 3 700 000 $ de cotisations pour l'inspection. Au total, cela fait 12 500
000 $. Les revenus de l'inspecteur sont importants.
M. Fortier: Merci. Cela répond à ma question.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je n'ai pas d'autre question à poser à
l'inspecteur. Je pense que, même si je vous avais dit que je commence
à peine à m'impliquer dans ce dossier, vous m'avez un peu
laissé sur ma faim. Il y a certainement, même d'après le
ministre, des choses que vous êtes vous-même en train de regarder
de près et de changer. Je pense qu'on va passer à un autre
programme, mais je vous souhaite le contraire de ce qu'a souhaité mon
collègue de Vaudreuil-Soulanges, au président de la Commission
des valeurs mobilières du Québec. Dans votre cas, on souhaite le
moins d'activités passionnantes possible, pour les mêmes raisons.
Merci beaucoup.
M. Parizeau: C'est la grâce qu'on se souhaite tous.
M. Fortier: Amen!
Le Président (M. Paré): Merci! Est-ce que le
programme 6 est adopté? Donc, le programme 6 est adopté.
M. Parizeau: Alors, le programme 8: Contrôle, surveillance
et développement des associations coopératives. Ainsi que je l'ai
dit, tout à l'heure, M. Rioux, le directeur de ces programmes, est avec
nous.
M. Scowen: Si je comprends bien, M. le ministre, c'est un aspect
de l'activité du ministère des Finances qui n'est pas permanent.
C'est quelque chose pour lequel vous cherchez un autre foyer, une autre
résidence. Est-ce que vous avez des idées quant au sort qu'on
doit réserver à cette direction? Parce que c'est quelque chose
qui a droit à un encouragement, même du ministre, même d'un
ministre. Qu'est-ce que vous - je parle de vous, le gouvernement
-réservez, quel est le sort que vous réservez à la
direction et au développement des associations coopératives?
M. Parizeau: Voici, M. le Président, comment, je pense, la
situation se présente à l'heure actuelle. Nous avons fait voter
une loi nouvelle sur les coopératives ou, encore, une refonte
générale de la Loi sur les coopératives. On s'en
souviendra. Nous nous sommes penchés en même temps sur un certain
nombre d'organismes coopératifs qui ou bien relèvent directement
du gouvernement ou n'en relèvent pas directement, mais qui sont
néanmoins très, très largement subventionnés par
lui, et puis, d'autre part, sur les institutions coopératives du milieu
qui ne relèvent pas du gouvernement, qui reçoivent
peut-être des subventions mais, enfin, dont l'activité est
vraiment tout à fait distincte, pour essayer de redéfinir les
rapports entre tout ce monde-là.
L'impression que j'ai eue, à partir du moment où j'ai eu
à m'occuper de ce dossier, était double. D'une part, c'est que la
direction des coopératives au gouvernement est habituellement
impliquée dans des dossiers trop souvent en bout de course,
c'est-à-dire que, lorsque quelque chose avait vraiment donné lieu
à de l'exubérance, pendant un certain temps, cela finissait par
aboutir à la direction des coopératives, mais qu'elle
n'était pas autant au centre de l'action qu'elle devait l'être.
D'autre part, j'ai été amené à constater que le
Conseil de la coopération du Québec représentait sans
doute fort bien un certain nombre de grands groupes, le Mouvement Desjardins,
l'assurance-vie Desjardins, la Coopérative fédérée,
enfin des groupes importants, mais,
de plus en plus mal cette prolifération de petites
coopératives qu'on voit apparaître hors fédération
depuis quelque temps, coopératives d'habitation, coopératives de
consommation, etc., qui ne sont pas fédérées et que le
conseil ne représentait pas autant que l'on aurait voulu tous ces
groupes, enfin toutes ces petites coopératives. Donc, il y avait
là des tensions qu'il fallait régler. (22 h 15)
En troisième lieu, la Société de
développement coopératif, où le gouvernement ne dispose
finalement que de 10% du vote, mais fournit 90% des crédits, avait un
rôle, comment dire, de plus en plus diversifié, peut-être
trop diversifié, trop divers, devrais-je plutôt. Il y avait donc
probablement lieu d'envisager de transformer la Société de
développement coopératif en quelque chose d'un peu analogue
à la SDI, qui serait la SDI des coopératives avec à peu
près le même genre de pouvoirs de placement, de pouvoirs
d'investissement, des choses comme cela. J'ai donc amorcé un certain
nombre de discussions avec tous les intéressés. Elles ont
duré fort longtemps et elles se poursuivent. On commence à voir
clair dans le sens d'un conseil de la coopération plus musclé,
plus articulé, plus organisé, reflétant mieux le milieu,
reflétant davantage le milieu, avec possiblement davantage de
ressources, une direction des coopératives peut-être plus
orientée vers la surveillance de la loi, les conseils à donner au
législateur quant aux modifications à apporter aux lois ou aux
règlements, ces choses-là, et davantage un rôle, en somme,
de conseil et de surveillance de l'application des lois, le rôle de
susciter le développement coopératif au Québec
étant davantage concentré au Conseil de la coopération,
et, comme je le disais tout à l'heure, une SDC qui deviendrait
plutôt une SDI coopérative qu'une SDC. Quand je dis une SDI, on
comprendra que c'est une analogie. Je ne veux pas en faire une section de la
SDI, c'est une chose qui resterait très distincte.
Alors, ces idées sont en train d'être discutées. Je
ne suis pas figé, il n'y a aucune raison, d'ailleurs, pour que le
gouvernement le soit quant à des orientations comme celles-là. Il
faut quand même qu'elles soient acceptées par les mouvements
coopératifs. Je pense que, de plus en plus, après plusieurs mois
de discussions, c'est à peu près l'orientation que cela va
prendre. Alors, il s'agit de savoir où ça peut aboutir. On
reconnaîtra que ce n'est pas vraiment le rôle du ministère
des Finances de s'occuper de cela.
Il y a plusieurs hypothèses possibles. Là, je suis un
petit peu embarrassé parce que j'aimerais quand même mieux qu'au
niveau du Conseil des ministres on se soit entendu sur le point de chute avant
de commencer à en discuter en commission. On m'excusera. J'ai une
recommandation à faire, je peux le dire, il y a un ministère ou
j'aimerais bien que cela aboutisse. Maintenant, est-ce que le Conseil des
ministres acceptera la chose ou non? On verra. Normalement, cela doit se
décider d'ici quelques semaines parce que, encore une fois, dès
que les orientations importantes auront été prises, auront
été acceptées généralement, moi, je
transfère le bébé.
M. Scowen: J'ai remarqué dans le rapport - et cela a
été souligné d'ailleurs -qu'il y avait une augmentation
très importante du nombre de sociétés coopératives
d'habitation; elle est fort intéressante. J'ai fait des calculs
après que vous avez dit, si je comprends, qu'on a commencé
l'année avec 385 unités et, dans une année de pleine crise
économique, c'est passé à 602. Si je fais le calcul, cela
veut dire qu'il y a 225 formations et seulement une dizaine de disparitions, il
y en a dix qui sont disparues. C'est fort encourageant, parce qu'il y a
quelques années, j'avais la responsabilité des dossiers de
l'habitation et j'avais l'occasion de voir comment ces coopératives
d'habitation étaient fragiles à plusieurs égards. Ici, je
vois une augmentation vraiment remarquable de presque 80%. Est-ce que le
directeur peut parler un peu de cette évolution? Que s'est-il
passé? Est-ce que cela est lié avec quelques conditions dans le
domaine de l'habitation? Qu'est-ce qui se passe? C'est intéressant.
M. Parizeau: On pourrait demander à M. Rioux de faire ses
commentaires à ce sujet.
Je crois qu'on peut attribuer dans une très large mesure le
succès obtenu dans ce domaine aux politiques d'habitation mises de
l'avant par le programme Logipop. C'est un programme qui a pris un certain
temps à démarrer mais qui, à l'heure actuelle, fonctionne
merveilleusement bien. Il y a deux facteurs, je crois, que l'on peut
considérer. Évidemment, il y a l'aspect de l'aide
financière qui est apportée à ces coopératives qui
démarrent et qui consiste en une aide qui est aujourd'hui passée
à 3000 $ par logement. Mais il y a aussi également l'autre
facteur qui est peut-être encore plus important que l'aide
financière, qui a été l'aide apportée sur le plan
technique par les politiques qu'on appelle les GRT, les groupes de ressources
techniques, qui ont été mis sur pied dans le programme Logipop.
Alors, nous avons environ 35 groupes de ressources techniques qui
répondent aux demandes de tous les promoteurs de coopératives
d'habitation et sont devenus très spécialisés dans ce
domaine. On peut attribuer dans une très large mesure leur succès
à l'aide technique apportée par ces personnes
ressources.
M. Scowen: Juste en terminant, j'aimerais poser... Je ne sais
pas, avez-vous une question?
M. Fortier: J'avais seulement une question, pour terminer. Est-ce
là-dessus?
M. Scowen: Non, c'est...
M. Fortier: Non, mais c'est sur le même sujet, si tu
permets. Oui, je suis conscient que, dans les milieux urbains comme dans mon
comté, il y a des coopératives qui se sont formées. Ce
sont par exemple des gens de familles monoparentales qui pensaient transformer,
qui une synagogue, qui un garage, pour en faire des habitations peut-être
à moindre coût. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour
dire qu'un très grand nombre, je pense bien, de ces nouvelles
coopératives ne sont pas encore tout à fait lancées. Elles
sont inscrites et espèrent mener de l'avant des programmes. Quelle
serait la proportion des coopératives dont vous venez de faire
état qui seraient réellement lancées dans un programme
actif? Il y en a plusieurs; où je crois que ce sont plutôt des
espérances d'action plutôt que des coopératives
réellement à l'action présentement.
M. Parizeau: II faut bien comprendre que, dans la formation des
coopératives, comme vous venez de l'indiquer, pour un certain nombre,
c'est encore un projet à mûrir et qui peut prendre parfois
quelques mois avant de réellement déboucher sur un cas bien
pratique. On peut évaluer qu'il y en a environ une centaine sur les 600
coopératives actuellement formées qui sont dans cet état
de recherche et d'évolution dans leur projet à l'heure
actuelle.
M. Fortier: Parce que les 3000 $ par unité de logement
dont vous faisiez état, c'était au moment de la
réalisation. En plus de cela, vous fournissez une aide de
secrétariat au tout début pour faciliter la mise en oeuvre ou
l'incarnation de la coopérative comme telle. Vous dites une centaine sur
quoi? Sur 600, 700? Ce ne serait pas plus que cela. Ce serait la proportion.
Vous dites que les autres...
M. Parizeau: II faut prendre cela dans le sens inverse.
M. Fortier: Ah! Dans le sens inverse!
M. Parizeau: C'est cela. Il y en a 500 qui sont parties...
M. Fortier: II y en aurait 500 qui sont inscrites, en gestation,
et seulement une centaine qui seraient passées véritablement aux
actes.
M. Parizeau: Non, non. C'est le contraire.
M. Fortier: C'est le contraire.
M. Parizeau: II y en a 500 qui sont passées aux actes et
il y en a 100 qui sont en gestation.
M. Fortier: Ah! D'accord. Merci.
M. Scowen: M. le ministre, est-ce que le mouvement
coopératif atteint un niveau de maturité au Québec
où on peut envisager une solution à la question de loger la
direction de la façon suivante. Il existe le code juridique de la
corporation comme le code juridique des sociétés, cela va rester.
On va laisser chaque ministre et chaque ministère s'occuper des
coopératives qui relèvent de leur secteur et on va laisser les
institutions qui sont vouées à devenir des SDI, quel que soit le
nom, qui apportent une aide financière, relever du ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme comme la SDI elle-même, et les
coopératives de tous les secteurs qui ont besoin d'aide ou qui ont droit
à une certaine aide financière vont s'adresser à la SDI
comme d'ailleurs plusieurs compagnies qui relèvent soit du ministre de
l'Énergie et des Ressources, soit du ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, soit des autres ministères, faire leurs
demandes de subvention et d'aide à cette institution qui va relever du
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme mais laisser
surtout les coopératives de chaque secteur relever de chaque
ministère, répondre à chaque ministère et avoir un
encouragement de chaque ministère sectoriel.
M. Parizeau: Oui, il faut reconnaître qu'en pratique cela a
toujours été un peu cela. Je n'ai peut-être pas
été suffisamment complet en parlant du rôle de la direction
des coopératives tout à l'heure. Le rôle de coordination
entre les ministères sera toujours nécessaire. Ce n'est pas dans
tous les cas qu'il faut assurer cette coordination, mais il y a quand
même un assez grand nombre d'opérations coopératives qui
ont besoin d'être coordonnées. Alors, il restera toujours à
cette Direction générale des coopératives un rôle de
coordination avec les ministères, mais, en pratique, le
député de Notre-Dame-de-Grâce a parfaitement raison. Les
coopératives d'habitation entre les groupes de ressources techniques
dont on parlait tout à l'heure ont été montées par
le ministre des Affaires municipales au début; il est devenu ensuite le
ministre de l'Habitation et cela continue de relever de lui. C'est tout
à fait dans l'ordre.
M. Scowen: La coordination qui doit se faire, par exemple, entre
les coopératives d'habitation et les coopératives dans le domaine
forestier, c'est quoi?
M. Parizeau: Dans des domaines comme ceux-là, il peut ne
pas y avoir de coordination assurée. Par exemple, au contaire, les
coopératives du Grand-Nord sont très polyvalentes, et il y a
là des opérations de coordination pas banales à animer de
ce côté. Cela dépend. Évidemment, si on dit
forêt et habitation, non, à moins qu'une scierie appartienne
à des coopératives d'habitation, mais ce n'est pas pour demain ce
genre de choses, manifestement.
M. Scowen: Quant à moi, M. le Président, c'est tout
pour les questions. Je remercie le directeur de sa présence. Le
programme no 8 est adopté.
Le Président (M. Paré): Merci, M. Rioux. Donc, le
programme 8 est adopté. Alors, est-ce qu'on passe au programme 9?
M. Parizeau: Nous pourrions passer les programmes j'allais dire
habituels du ministère des Finances, y compris la Curatelle publique au
programme 9, mais elle n'est plus un service du ministère des Finances
et elle est maintenant un organisme autonome, mais qui faisait partie
jusqu'à maintenant des crédits réguliers.
M. Fortier: Où se trouve l'élément qui est
avec l'Exécutif, en ce qui concerne la statistique?
M. Parizeau: On en a parlé, oui.
M. Fortier: Cela va devenir un nouveau numéro 9,
j'imagine?
M. Parizeau: Cela devient un nouveau numéro 9. Oui, un
instant, pour qu'on ne se trompe pas, M. le Président.
Vous verrez dans le livre des crédits que la curatelle est
inscrite au programme 9, parce qu'elle impliquait des crédits en
1982-1983, mais pas cette année...
M. Fortier: Non, zéro.
M. Parizeau: Néanmoins, comme c'est inscrit au livre des
crédits, il va falloir disposer du programme 9. Donc, le BSQ deviendrait
10, n'est-ce pas?
M. Fortier: D'accord.
M. Parizeau: L'année prochaine, ce sera 9.
M. Fortier: C'est parfait, merci.
M. Parizeau: La curatelle sera disparue.
Le Président (M. Paré): Appelle-t-on le programme
10 maintenant ou si on y va dans l'ordre?
M. Parizeau: On peut les prendre dans l'ordre.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Probablement, dans la mesure
où, dans les programmes 1, 2 et 3 il n'y a rien de particulier, si on
pouvait discuter l'ensemble et adopter cela rapidement vers la fin, si cela ne
vous nuit pas.
M. Parizeau: Si on veut. Parfait. D'accord.
Le Président (M. Paré): Donc, on y va en
général, puis on reviendra dix minutes avant la fin pour
approuver les programmes.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En général, sauf
qu'on va être particulièrement...
M. Parizeau: Les programmes.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela va être même
plus vite que cela.
Le Président (M. Paré): Cela va être plus
vite que cela.
M. Fortier: Est-ce que l'on passe cela dans l'ordre ou quoi?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pas nécessairement. Je
pensais qu'on verrait d'abord le fonds de suppléance au programme 4.
Est-ce correct?
M. Fortier: Oui.
M. Parizeau: Si je comprends ce qui est suggéré par
le député de Vaudreuil-Soulanges, c'est qu'on se balade
là-dedans, chacun y trouve ses sujets de discussion puis, quelques
minutes avant la fin, on les descendra un à un.
M. Fortier: Si mes collègues veulent me réserver
quelques minutes, j'aurais quelques questions sur les programmes 1 et 10.
M. Parizeau: Je comprends que le député de
Vaudreuil-Soulanges veut toucher le programme 4 en particulier.
Le Président (M. Paré): Donc, on y va d'une
discussion générale juste quelques minutes avant la fin.
M. Parizeau: C'est cela. Cela sera saisissant.
Le Président (M. Paré): La parole est au
député de Vaudreuil-Soulanges.
Fonds de suppléance
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Cette année, on a reçu dans le cahier intitulé
Défense des crédits du ministère des Finances beaucoup
plus de documentation qu'à l'habitude. Il y a un élément
de la documentation qui m'a frappé et intéressé, c'est
celui de l'état du fonds de suppléance de 1982-1983.
Évidemment, il y a quatre éléments, mais, de façon
générale, j'aimerais demander au ministre, à la lecture de
ce rapport qui s'étend sur plusieurs pages où on détaille
l'évolution du solde des différents éléments de
programme du fonds de suppléance, comment il explique les
différents virements d'un élément à un autre au
hasard des décisions ministérielles, je présume. (22 h
30)
Comment se produisent ces virements entre éléments? Au
départ, les soldes ne semblent pas isolés les uns des autres. Si
on prend l'élément 1, il y a un virement, à
l'élément 3, de 8 500 000 $, en septembre 1982, par exemple.
Évidemment, on retrouve les 8 500 000 $ à l'élément
3. Il y a beaucoup de virements, d'ajustements d'un programme à un
autre, d'un élément à un autre à l'intérieur
de cette enveloppe. Je me demandais quelle étanchéité,
précisément, il y a entre les éléments. Quelle est
l'explication de l'évolution du solde?
M. Parizeau: Je ne suis pas convaincu que je saisis toute la
portée de la question. Si je comprends bien... D'abord, il y a une chose
dont il faut tenir compte, c'est que, dans la procédure
budgétaire qu'on suit depuis quelques années - les
contrôles sur beaucoup de ministères ont été pas mal
plus serrés qu'autrefois - le Conseil du trésor exige très
souvent qu'une dépense nouvelle soit autofinancée. Donc, on va
geler un élément de programme, ajouter des crédits dans un
autre élément et aller les chercher dans le fonds de
suppléance. Il y a donc gel, disons, à l'élément 2
d'un programme, de 3 000 000 $ et ajout, à l'élément 5, de
3 000 000 $. Les 3 000 000 $ viennent du fonds de suppléance, les 3 000
000 $ à l'élément 2 sont gelés. Ils ne peuvent pas
être dépensés jusqu'à la fin de l'année.
M. Fortier: J'aimerais seulement avoir un petit
détail.
M. Parizeau: Cela provoquerait des crédits
périmés automatiquement.
M. Fortier: Est-ce que les crédits qui viennent du fonds
de suppléance restent dans le fonds de suppléance ou s'ils
affectent, par exemple, un ministère comme Énergie et Ressources?
Dans le rapport final, cela se retrouve-t-il au ministère des Finances?
En regardant les données, j'ai l'impression que...
M. Parizeau: Non.
M. Fortier: ...les dépenses additionnelles restent au
ministère des Finances et ne sont pas accréditées au
ministère qui bénéficie de la dépense
additionnelle.
M. Parizeau: Voici comment on procède: d'abord, cela se
fait en plusieurs étapes. Le fonds de suppléance n'est pas d'un
montant suffisant pour tenir très longtemps. À l'automne, quand
nous adoptons des crédits supplémentaires, ce qui est venu du
fonds de suppléance est alors dans le budget supplémentaire
affecté aux crédits du ministère qui rembourse le fonds de
suppléance. Périodiquement, de cette façon, on refait - si
vous me passez l'expression -la virginité du fonds du suppléance
et on affecte à chaque ministère les dépenses qui, dans
l'intervalle, avaient été comptabilisées en son nom dans
le fonds de suppléance. On refait le fonds de suppléance. Mais,
éventuellement, cela finit toujours par être affecté dans
le ministère que cela concerne, toujours.
M. Fortier: Quand même, j'ai de la difficulté
à comprendre, parce que vous avez un montant qui apparaît, disons,
pour l'an dernier, pour garder le fonds de suppléance pour 1982-1983. Je
n'ai pas le chiffre devant moi, mais on n'indique pas 0 pour 1982-1983, on
indique - où est le fonds de suppléance -319 000 000 $. Si le
montant total avait été accrédité aux
différents ministères, on se serait retrouvé en fin
d'année... Ce qui est là, est-ce que c'est le budget, dans la
colonne 1982-1983? Ah! c'est le budget. Mais dans le compte rendu final, ce
serait 0. C'est ce que vous dites.
M. Parizeau: Mais attention, cela a l'air d'être un
très gros montant, mais il y a là-dessus 208 000 000 $ qui, de
toute façon, restent aux Finances, parce que ce sont des
arrérages de dettes dans les réseaux qu'on paie. C'est de la
dette. Moi, je parlais des fonds de suppléance polyvalents, du type 1,
qui peuvent s'appliquer à chacun des 28 ministères suivant
comment cela tombe.
M. Fortier: D'accord. Je pense qu'on n'a pas répondu
à ma question.
M. Parizeau: Dans quel sens?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): À l'intérieur du
fonds de suppléance, à l'élément 4, vous parlez
justement des 208 000 000 $ de l'an dernier,
201 000 000 $ cette année, les arrérages dans les
réseaux des affaires sociales et de l'éducation.
D'expérience, aux engagements financiers, on voit passer des choses
comme celles-là. Notamment, le mois dernier, il y avait 70 000 000 $, je
pense, pour l'"épongement" des déficits accumulés qui
étaient couverts pro tempore par des emprunts bancaires, surtout
jusqu'à concurrence de 70 000 000 $ le mois dernier; on voyait que cet
engagement financier était pour les affaires sociales, notamment. Le
gouvernement avait subventionné - c'était drôlement dit -
les institutions bancaires pour les rembourser de ces avances qu'elles avaient
consenties.
Il y a d'ailleurs d'autres postes et c'est le programme qui
éponge, sur cinq ans, ces déficits; c'est bien
celui-là?
M. Parizeau: Exactement, je rappelle et on va faire une
rétrospective rapide de cela, car on est en plein milieu de la phase de
remboursement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est cela.
M. Parizeau: Lorsqu'on a découvert en novembre 1980 ce
fameux trou de 500 000 000 $ dans le réseau de l'éducation, on
avait affecté dès cette année, dès l'année
qui a suivi 210 000 000 $ - je parle de mémoire - aux bases, mais cela
laissait quand même presque 300 000 000 $. D'autre part, les
déficits dans les hôpitaux ont augmenté assez rapidement
à partir de 1981, en particulier. On s'est rendu compte, à
l'égard de ces deux réseaux, que l'on contrôlait finalement
fort mal l'accès de chaque institution à la banque ou aux
banques. Alors, on s'est entendu, avec la collaboration des banques d'ailleurs
et des institutions, pour faire en sorte qu'un programme d'abord de
contrôle, meilleur que ce qu'on avait avant, et d'autre part,
d'"épongement" de ce qui était dû aux banques par ces deux
réseaux soit fait sur une période de cinq ans. On a
procédé de la façon suivante. Je signale qu'on a
commencé un peu dans le dernier mois de l'année fiscale 1981-1982
avec un premier paiement de 30 000 000 $ et, maintenant, on est sur une
certaine sorte de cédule d'un peu plus de 200 000 000 $ par
année. Pour l'année 1982-1983, cela a été 208 000
000 $, compte tenu des taux d'intérêt tels qu'on les envisage
à l'heure actuelle. En 1983-1984, c'est à peu près 201 000
000 $, et cela va continuer encore comme cela pour trois ans.
On a procédé de la façon suivante: Dans le cas des
institutions où le déficit était relativement faible, on a
payé au comptant et, dans le cas où le déficit
était plus considérable, on s'est entendu avec les banques pour
avoir des billets qui échoient sur une période de cinq ans et qui
donc peuvent être remboursés par anticipation. Si, à un
moment donné, on disposait des moyens nécessaires pour
opérer un remboursement plus rapide, on aurait toujours la
possibilité de le faire. Alors, on est maintenant, en 1983-1984, dans la
deuxième année du fonctionnement de ce système de
remboursement. Dans l'intervalle, évidemment, on a fermé les
budgets pour les services de garde dans les commissions scolaires. Donc, on a
bon espoir que ces espèces d'apparitions de déficits cycliques
dans les banques qu'on a connues et qu'on connaissait d'ailleurs depuis un bon
nombre d'années au Québec, c'est à peu près
terminé.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans le cahier explicatif qui
est ici, je présume que ce vient de décrire le ministre, c'est le
programme dont le CT d'octobre 1982 fait état, l'annexe 2, après
la page 36 dans le cahier, un peu plus avant, où on décrit
qu'à l'intérieur d'un programme d'amortissement s'étendant
jusqu'en 1987, il est prévu que certains arrérages seront
payés au comptant et que d'autres seront financés au moyen
d'emprunts à terme, etc. C'est de cela qu'on parle.
M. Parizeau: Exactement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est ce qui se retrouve au
service de la dette, une annexe aux explications du service de la dette.
D'accord. J'essaie de mettre ce que vient de décrire le ministre en
regard avec un autre poste qui est assez courant tous les mois aux engagements
financiers qui s'intitule généralement, et c'est sous les
rubriques, soit des affaires sociales ou de l'éducation: Subventions
pour permettre l'émission d'une obligation afin de refinancer le solde
d'une émission antérieure. Est-ce que cela vous dit quelque
chose? C'est différent de ce que vous venez de décrire.
M. Parizeau: C'est tout à fait différent.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est tout à fait
différent. On a eu de longues conversations, à peu près
tous les mois, avec le président du Conseil du trésor à ce
sujet, qui tentait de justifier le non-paiement du capital. Ce sont toujours
les "balloon payments" qui sont prévus dans chacun de ces cas, des
refinancements de soldes d'émission qui viennent à
échéance. On a eu de longues discussions où le
président du Conseil du trésor a tenté de justifier le
non-paiement du capital, le non-remboursement, c'est-à-dire le report
vers l'éternité du capital dans chaque cas et je me demandais en
vertu de quel principe on est en train de procéder de cette
façon, de refinancer sur
sept ans, huit ans - enfin, cela varie - des montants qui ne sont pas
considérables. Il y a des 3 000 000 $, des 5 000 000 $, des 8 000 000 $,
des choses comme cela, pour certaines institutions des réseaux de
l'éducation et des affaires sociales qui sont constamment
refinancés. Ceux qui passent devant nous ont trait à des
émissions qui viennent à échéance; elles sont
venues à échéance récemment et l'institution est
allée auprès d'une banque temporairement. Ces émissions
refinançaient elles-mêmes les emprunts contractés dans les
années soixante-dix assez souvent, et même avant. On peut remonter
plus loin que cela. En vertu de quel principe n'amortit-on pas du tout le
capital dans ces cas? C'est ce que j'aimerais savoir du ministre, dans ses mots
à lui.
M. Parizeau: Ce n'est pas vraiment qu'on n'amortit pas. Il y a eu
un énorme effort de construction d'écoles et d'hôpitaux
dans les années soixante, un effort considérable, on le sait. Les
polyvalentes et les hôpitaux ont coûté une fortune à
ce moment. Placer toutes ces obligations sur le marché, à
l'époque, était vraiment très onéreux et la
décision - enfin, il n'y a pas eu de décision, c'est une habitude
qui s'est créée à cette époque - d'avoir des
remboursements, mais souvent faibles et comportant, comme le disait le
député de Vaudreuil-Soulanges, une balloune au bout,
c'est-à-dire que ce n'était pas amorti sur une période de
dix ans ou de vingt ans, il restait toujours un gros montant... Ce qu'il y a de
pas très drôle, c'est que ces emprunts ont été
contractés à des taux d'intérêt très
inférieurs à ceux d'aujourd'hui. Alors, quand maintenant ces
ballounes arrivent à échéance, on est frappé de
deux façons: d'une part, avoir à refinancer la balloune et,
d'autre part, avoir à payer 15% au lieu de 5% pour le refinancement.
Je ne peux dire que c'est une opération éminemment
agréable. Au fond, si je disposais de l'argent nécessaire, je
préférerais rembourser au moment des échéances bien
plus que ce que je suis en mesure de faire, mais on est en un certain sens
prisonnier d'échéances fort lointaines. On ne peut jamais tourner
cela... Les programmes d'emprunt échelonnés sur un assez grand
nombre d'années sont comme de gros navires: cela prend un arc de cercle
considérable pour les faire tourner. J'espère que, lorsqu'on aura
épuisé les arrérages des réseaux dont on parlait
tout à l'heure, une fois que ce sera terminé, une partie au moins
de ces sommes pourra servir chaque année à faire
disparaître les ballounes, à rembourser effectivement les
constructions d'écoles. On ne peut tout de même pas payer pendant
40 ans une polyvalente construite en 1963; il va bien falloir arrêter
à un moment donné et dire qu'elle est payée.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je suis entièrement
d'accord. C'est d'ailleurs ce que j'ai soutenu aux engagements financiers, mais
votre collègue du Conseil du trésor a prétendu que
j'étais complètement dans l'erreur. Alors, on est deux, M. le
ministre, ou alors on ne parle pas de la même chose.
M. Parizeau: Non. Ou alors le président du Conseil du
trésor, en vertu de son mandat sacré, protège la caisse,
ce qui est une oeuvre pie.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Enfin, je vous enverrai la
transcription des débats de jeudi dernier de la commission des
engagement financiers. Il existe des divergences considérables au sein
du cabinet, manifestement à l'égard de...
M. Parizeau: Ce ne sont pas des divergences. Que voulez-vous, ce
sont des choses qui nous sont imposées simplement par le fait que les
temps sont durs et que les fonds ne sont pas abondants.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est là une
réponse que vous venez de donner d'ailleurs et que vous
répétez à ce moment-ci, mais votre collègue du
Conseil du trésor n'est pas au courant. Il prétend que c'est de
l'excellent management financier que de laisser traîner vers
l'éternité les ballons dont on parle, qui se chiffrent
incidemment à combien, selon les estimations du ministre? Les
encours?
M. Parizeau: Je pourrais faire parvenir les chiffres au
député de Vaudreuil-Soulanges. De mémoire, les encours
pour l'ensemble des écoles, les constructions par opposition aux autres
choses, je ne voudrais pas risquer un chiffre. On va prendre la commande eton ira...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Des centaines de millions?
M. Parizeau: Ah! Plus que cela, grand Dieu!
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Des milliards?
M. Parizeau: Ah oui! II y en a pour... La dette des
réseaux à l'heure actuelle, pour des constructions...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui.
M. Parizeau: ...c'est un montant considérable. C'est plus
que quelques centaines de millions, beaucoup plus que
cela. Je ne veux pas avancer un chiffre. J'aime autant vérifier
cela.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On ne peut les trouver tout de
suite. Je pense qu'ils ne sont pas dans les comptes publics comme tels,
n'est-ce-pas?
M. Parizeau: Non.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Justement. Autrement, je ne
vous l'aurais pas demandé. C'est pour cela que je me
réfère... (22 h 45)
M. Parizeau: Attention, il ne faut pas oublier une chose. Nous
avons changé le régime à cet égard. Autrefois, tout
cela, c'étaient des corporations qui émettaient leurs propres
obligations avec des subventions données par le gouvernement, mais qui
se finançaient en partie à même leurs ressources propres.
Ensuite, à partir de 1966 ou 1967, ces émissions ont
été financées par le fait que le gouvernement s'engageait
chaque année à déposer en fiducie le montant
nécessaire pour assurer le service de la dette. La dernière
étape, la loi 57, qui a enlevé le plus clair de l'impôt
foncier scolaire, a encore changé la structure. Il faut faire
très attention. Ce sont des dettes qui ne sont pas tout à fait
les mêmes sur le plan juridique. Beaucoup des dettes qui ont
été encourues pour la construction des polyvalentes n'entrent pas
dans la dette publique du tout.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que toutes les sommes
que le gouvernement...
M. Parizeau: Vous ne trouverez pas cela dans les comptes publics.
Cela veut dire que cela n'existe pas sur le plan des charges qu'on a à
assumer chaque année.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Entendu. Est-ce que le
gouvernement verse ponctuellement toutes les sommes qu'il doit verser en
fiducie à l'égard de toutes ces obligations?
M. Parizeau: On serait en défaut. On ne peut pas faire
autrement. Non, c'est un acte de fiducie. Il faut bien comprendre que ces
obligations seraient invendables sur le marché si le gouvernement ne
respectait pas ces actes de fiducie. Ce ne sont pas des emprunts garantis par
le gouvernement; ce ne sont pas des titres du gouvernement; ils ne se vendent
que parce qu'on dépose en fiducie chaque année les montants. S'il
fallait qu'on commence à jouer avec cela, il n'y aurait pas un gros
avenir pour ce genre d'obligations.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sans que ce soit exorbitant
comme commentaire, ne peut-on pas assimiler cette obligation qu'un gouvernement
a de déposer les sommes en fiducie pour couvrir le service de la dette
à l'égard de cette émission? Ne peut-on pas assimiler le
remboursement du capital à la fin comme étant un exercice assez
semblable? Là où je veux en venir, sur le refinancement continuel
du solde dû, comment est-ce perçu sur le marché financier
de voir le gouvernement qui ne rembourse pas à l'échéance,
qui refinance, si vous voyez ce que je veux dire? Je ne veux pas
exagérer, comme je le dis, mais...
M. Parizeau: Tous les gouvernements à notre époque
font cela. Il n'y a pas là de grosses surprises. Je ne sais pas
exactement si on s'attend qu'un jour le gouvernement fédéral va
rembourser sa dette, il va rembourser les émissions à leur
échéance, mais que fait-il dès que cela arrive à
échéance? Il refinance tout de suite. Au fond, l'époque
où les gouvernements avaient l'argent nécessaire pour dire: Nous
allons rembourser complètement des pans entiers de la dette publique ou
de la dette des pouvoirs publics, c'était dans les années
quarante et cinquante.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans les années de
Duplessis.
M. Parizeau: Oui, Duplessis n'empruntait pas et remboursait la
dette... Bennett, à une certaine époque...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II n'investissait pas non
plus.
M. Parizeau: II n'investissait pas. Il n'y avait pas de routes,
pas d'écoles, pas d'hôpitaux, mais il n'y avait pas de dette.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): L'é- lectrification
rurale, M. le ministre.
M. Parizeau: C'est cela. Mais, maintenant, puisque tous les
gouvernements sont logés à la même enseigne, il ne faut pas
se faire d'illusion. Remarquez que, pour moi, il y a des choses, cependant, qui
m'apparaissent plus urgentes que d'autres à rembourser. Le Stade
olympique, il va bien falloir qu'à un moment donné on
éteigne cette dette-là. D'ailleurs, vous aurez remarqué
que, dans les comptes publics, c'est la seule dette à l'égard de
laquelle il y a un "Carmark Tax" une taxe affectée, c'est 30% du
rendement de la taxe sur le tabac qui est affecté à la dette
olympique. Il va bien falloir qu'à un moment donné cette dette
s'éteigne. Les arrérages dans les banques dont je parlais tout
à l'heure, les réseaux, il faut éteindre cela.
Il y a des choses qu'on souhaiterait
pouvoir accélérer, comme le remboursement des "ballounes".
Il ne faut pas rêver en couleur, qu'est-ce que vous voulez? On ne peut
pas rembourser toutes les dettes en même temps, compte tenu des
ressources dont on dispose.
Quant à la dette publique elle-même, la dette du
gouvernement, je n'ai pas besoin de vous dire que, lorsqu'une émission
vient à échéance, on la rembourse complètement ou
on emprunte le même montant. Cela, encore une fois, n'est pas pour
surprendre les milieux financiers. Tous les gouvernements font le même
geste en somme.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Deux courtes questions de mon
collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il
vous plaît!
Le Président (M. Paré): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Oui. On saute d'un programme à l'autre. J'ai
une courte question sur le programme 2, élément 2,
catégorie 12.
Service de la dette
M. Parizeau: Le service de la dette? D'accord. Allez-y!
M. Scowen: Oui. Vous avez prévu une augmentation du PIB de
1,5%. D'après vous, est-ce que cela tient encore?
M. Parizeau: Oh oui! Comme je l'ai indiqué dans le
discours sur le budget, c'est assez conservateur comme estimation.
Dans l'espèce de mouvance où, à l'heure actuelle,
tous les organismes de projection augmentent les taux de progression, les taux
de PNB pour 1983, je me suis arrêté assez tôt. Souvenez-vous
que, il y a environ quatre, cinq ou six mois, des gens faisant partie du
Conference Board ou l'équivalent, des agences de cet ordre,
prévoyaient pour le Canada, le Québec et à peu près
toutes les provinces canadiennes, des taux inférieurs à 1%.
Ensuite, ils sont allés à 1,5%. Maintenant, ils commencent
à s'approcher singulièrement de 2%. Moi, je me suis
arrêté à 1,5%. Le Conference Board, pour le Québec,
est déjà rendu à 1,8%.
On sent très bien que le pendule, de mois en mois, est en train
de partir. Je ne veux pas aller au-delà de 1,5% pour le moment. Si c'est
mieux que cela, si on ne réussit pas trop mal dans certaines des
politiques qu'on a lancées, si le secteur privé réagit
bien, dans cette direction, il est toujours temps de réajuster. Mais,
pour le moment, je ne veux pas aller plus loin.
M. Scowen: Je n'ai pas les chiffres avec moi ce soir, mais j'ai
regardé récemment les performances du ministre dans ses
prévisions quant au PNB depuis 1977. Je dois lui dire que c'est un peu
comme la fameuse tour de Pise: cela penche toujours dans une même
direction trop optimiste. Mais il y a une exception pour une année
seulement où vous avez réalisé le PNB que vous aviez
prévu au début de l'année. Parce que cet
élément de vos prévisions est intimement lié avec
les revenus et, en conséquence, avec le déficit, je voulais
seulement m'assurer une deuxième fois que, après quelques mois,
vous avez encore confiance dans votre prévision cette fois.
M. Parizeau: M. le Président, il est clair qu'on a
toujours, dans un discours sur le budget, à s'avancer le cou pour sortir
un chiffre. Dieu qu'il est facile de se tromper! Tout ce que je peux dire,
c'est que je suis en excellente compagnie, en compagnie remarquable. J'ai
même un des fonctionnaires au ministère des Finances qui suit - il
a un tableau représentant les deux dernières années, je
pense - le score de treize agences de projection du PNB. Il y a des bureaux de
courtage, il y a le Conference Board, il y a vraiment tout ce qu'on veut. Il me
dit: De temps à autre, de mois en mois ou tous les deux mois, je regarde
les projections qui sont faites et les corrections des projections, je regarde
le mur et je ris. On s'est beaucoup trompé dans les projections
économiques depuis quelques années un peu partout. Dans ce sens -
j'y fais allusion, d'ailleurs, dans mon discours sur le buget - ce n'est pas
facile ...
M. Scowen: C'est vrai.
M. Parizeau: Ce n'est pas facile de projeter. Dans l'Opposition,
les gens ont un immense avantage, ils n'ont pas besoin d'avancer un
chiffre.
M. Scowen: ...se retrouve avec un déficit de 20 000 000
000 $.
M. Parizeau: Dans ce sens, qu'est-ce que vous voulez? Je pense,
cette année, avoir été plutôt conservateur.
M. Scowen: Un point sur le PIB vaut combien dans les revenus?
M. Parizeau: Non ajusté, cela vaut environ 100 000 000 $;
attention, non ajusté pour la péréquation. Imaginez qu'il
y a un mouvement spécifique au Québec qui ne soit pas suivi
ailleurs, évidemment, 22 ou 23 mois plus tard, le fédéral
nous réduit la péréquation pour une partie de cela.
M. Scowen: Merci.
M. Fortier: M. le Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
d'Outremont.
Bureau de la statistique
M. Fortier: Alors, le ministre des Finances vient
d'hériter du programme no 10, Bureau de la statistique. Dans un
éditorial du journal Les Affaires, Jean-Paul Gagné disait que si
le gouvernement voulait chercher des endroits où faire des
économies, c'était sûrement un endroit où il
faudrait regarder de plus près. En examinant ce programme, je me suis
demandé si le ministre s'était penché de fait sur ce
programme qui coûte environ 10 000 000 $, ou plutôt 8 000 000 $.
Quand on examine, d'une part, les publications du Bureau de la statistique, on
s'aperçoit qu'il y a une chevauchement considérable. Enfin, la
plupart des statistiques qui sont publiées ici sont de Statistique
Canada. J'ai ici le numéro de décembre 1982, publié en
mars 1983, avec des statistiques qui datent probablement de quatre, cinq ou six
mois de Statistique Canada, qui ont été publiées par
Statistique Canada dans le passé. Alors, on peut sûrement se poser
des questions sur le mérite de faire une publication de Statistique
Québec avec des statistiques du Canada qui sont déjà
âgées de quelques mois.
Par ailleurs, je me demandais si, d'autre part, il y avait double emploi
avec des politiques économiques et fiscales puisqu'en regardant ici le
document qu'on nous a remis, les enquêtes par échantillonnage
impliquant le BSQ, récolte de maïs-grain, projet d'ensemencement
des grandes cultures, rendement moyen, en tout cas, on s'aperçoit qu'il
n'est pas question là de grandes études macro-économiques.
J'aurais cru que le Bureau de la statistique avait deux ou trois missions, dont
une était de préparer des statistiques, quoiqu'on puisse se
demander s'il n'y a pas fondamentalement double emploi avec Statistique
Canada.
D'autre part, une autre mission serait de faire des évaluations
de ces mêmes statistiques pour le gouvernement du Québec et je me
demandais si, en plus d'y avoir double emploi avec le Bureau de la statistique,
il n'y en avait pas un avec le programme no 1, Études des politiques
économiques et fiscales, puisque, j'imagine, lorsque vous
préparez de nouvelles politiques fiscales, vous faites des études
économiques, il y a alors double emploi à un degré
très prononcé.
En jasant avec des gens qui semblent connaître ce milieu, il
semblerait qu'il y a des gains assez appréciables qui pourraient
être faits de ce côté. Il y aurait même
peut-être des millions de dollars qu'on pourrait aller chercher. Je me
disais que c'est certainement un secteur, un programme, qui mérite une
attention très particulière à moins que, dans une optique
d'indépendance du Québec, on décide d'avance de ne pas
compter sur les ressources de Statistique Canada. Mais, si le gouvernement a
pour optique de faire les économies qui doivent être faites pour
éviter aux contribuables des dépenses inconsidérées
et non utiles, je me demandais dans quelle mesure le ministre qui, je dois le
dire en toute honnêteté, vient d'hériter de ce bureau -
probablement que le premier ministre était trop occupé pour
s'occuper des questions administratives comme celle-là - je me
demandais, dis-je, dans quelle mesure le ministre croit qu'il y a besoin de
faire double emploi avec Statistique Canada, dans quelle mesure il croit que
les publications qui apparaissent en retard sûr Statistique Canada
devraient être abolies tout simplement et dans quelle mesure la mission
du Bureau de la statistique du Québec devrait être restreinte
à une certaine codification des statistiques qui peuvent venir des
différents ministères et d'une interprétation, d'une
analyse macroéconomique de ces statistiques en vue des besoins du
gouvernement ou du ministre en titre?
M. Parizeau: M. la Président, la question est bonne. Elfe
met l'accent justement sur les dangers d'un double emploi trop prononcé.
Ce que je peux dire au député d'Outremont, c'est que la situation
est encore plus complexe et qu'il y a encore plus de chevauchement qu'il ne le
pense.
Voici à peu près comment cela se...
M. Fortier: J'ai un peu une idée de ce que vous
pensez.
M. Parizeau: Voici à peu près comment cela se
présente. Je n'en suis pas encore tout à fait au niveau des
solutions mais, comme dit le député d'Outremont, je viens
d'hériter du "bébé" mais, à titre de
président, je vais d'abord expliquer comment cela m'est venu.
C'était au Conseil exécutif, non pas parce que le premier
ministre avait à s'occuper de cela, mais parce que cela relevait du
ministre d'État au Développement économique.
M. Fortier: Et, avant cela, c'était au ministère de
l'Industrie et du Commerce. Non? (23 heures)
M. Parizeau: Avant cela, c'était le ministère de
l'Industrie et du Commerce. Le ministre d'État au Développement
économique avait regroupé au Bureau de la statistique les
services d'analyse économique de l'OPDQ qui étaient assez copieux
et certains services d'analyse économique de l'industrie et du commerce.
On avait tout
ramené cela au BSQ. Le BSQ relevait du Conseil exécutif
puisque le ministre d'État au Développement économique
relevait de l'Exécutif lui-même.
Le poste de ministre d'État au Développement
économique a été aboli. On a nommé un
président du Comité ministériel permanence du
développement économique, et c'est moi. Alors, je me suis
trouvé à avoir le BSQ. Je me suis beaucoup servi de statistiques
dans ma vie. J'en ai vécu et je suis assez sensible à ce genre de
considérations et au genre de mandat qu'on donne à un bureau de
la statistique. Parce qu'en somme, un bureau de la statistique, c'est
intéressant dans la mesure où cela fournit de véritables
instruments de gestion. C'est sa première fonction d'éclairer les
choses et de permettre qu'on prenne des décisions correctes parce que
les données correspondent à ce qu'on a. D'autre part, il est
évident, et le député d'Outremont a parfaitement raison,
que des études économiques il s'en fait au ministère des
Finances depuis fort longtemps et à partir de services excellents.
Alors, on a là une occasion - c'est pour cela que j'ai demandé
que le BSQ me soit transféré pendant deux ans - de continuer le
travail qui avait été commencé par le ministre
d'État au Développement économique et de remettre un peu
d'ordre dans tout cela.
Remettre de l'ordre là-dedans, cela veut d'abord dire
préciser les mandats. Qu'est-il intéressant d'aller chercher?
Là, évidemment, se pose le problème de dédoublement
avec Ottawa. À l'heure actuelle, on dispose de banques de données
statistiques remarquables.
M. Fortier: Avec des ordinateurs.
M. Parizeau: Des ordinateurs d'où on peut se brancher sur
à peu près n'importe quelle banque contre un coût qui,
finalement, n'est pas très élevé. Il y a des choses qu'on
n'a pas besoin de répéter. Lorsque vous êtes branché
sur une banque qui est dans un satellite, il y en a du jus qu'on peut sortir.
D'un autre côté, il y a des sujets qu'un bureau même
provincial de la statistique -oublions pour le moment les perspectives
politiques qu'on pourrait évoquer quant à l'avenir - prenons
l'Ontario ou la Saskatchewan, peut traiter, car il y a des fonctions qui ne
sont pas vraiment couvertes par Statistique Canada quant à la province
en particulier. Je vais vous en donner un exemple. On a, pour l'ensemble du
Canada et ensuite, fractionnées par province, des projections
d'investissements chaque année et une correction tous les six mois,
faites par Statistique Canada. Inévitablement, cependant,
l'échantillon est tel que, lorsqu'on entre au niveau d'une province, on
a une assez bonne idée des prévisions d'investissements pour les
entreprises d'une certaine taille, mais pas en dessous du mandat possible.
Est-ce qu'on demande à un organsime québécois de la
statistique de dire: Vous allez me faire une analyse plus fine des projections
d'investissements à l'égard d'entreprises qui, manifestement,
n'entrent pas dans le sondage fait par Ottawa? Là, ce n'est pas du
dédoublement. Cela peut être fort intéressant. Cela peut
être sans intérêt pour Ottawa de regarder cela, mais
profondément intéressant pour le gouvernement d'une province
déterminée. Cela sera un travail considérable de
réexaminer les mandats. II faut voir ce qu'il est intéressant
d'aller chercher, ce qu'il faudrait examiner et ce qu'il faudrait fouiller
davantage. À cette fin, nous avons recruté aux Finances un
économiste qui, lui aussi, a passé bien des années de sa
vie à utiliser des statistiques et à en monter, pour qu'il
examine les mandats du BSQ et qu'il nous fasse un certain nombre de
recommandations. Il est au travail, mais normalement on devrait commencer
à voir des transformations se faire et de meilleures
compatibilités d'études se détailler. Le
dédoublement est supprimé. Dans les mois qui viennent, cela
devrait commencer à rouler.
Quant à l'objectif, je suis parfaitement d'accord avec le
député d'Outremont. Est-ce que cela représentera des
économies considérables? Cela dépendra. C'est quand on se
sera entendu sur les mandats qu'on verra à peu près combien cela
va coûter. Pour le moment, je préfère ne pas mettre un
chiffre sur des économies potentielles. Quant à la
nécessité de faire des économies en éliminant des
dédoublements, je suis parfaitement d'accord là-dessus.
M. Fortier: En ce qui concerne cette nouvelle mission et dans la
mesure où la mission est plus précise, je pense bien que les gens
qui y travaillent sauront d'une façon plus pertinente, d'une part. Celui
qui dirige le bureau saura d'une façon plus pertinente quel genre de
personnes il devra avoir, quel genre d'économistes et tout cela.
Est-ce que vous pouvez m'indiquer quel est l'état de la situation
en ce qui concerne le degré de compétence ou le nombre de
départs des économistes? Est-ce que, présentement, vous
êtes dans une espèce de limbo qui fait que le personnel est au
courant de l'analyse que vous faites présentement et s'inquiète
peut-être des ajustements qui pourraient être faits dans
l'avenir?
M. Parizeau: La façon d'éviter de l'incertitude
dans les rangs, c'est de ne pas bouger. Dans un certain sens, il y a bien des
gens qui adorent qu'on ne bouge pas. Moins on bouge, moins c'est fatigant. Cela
ne
m'étonne pas outre mesure qu'on puisse avoir des échos de
gens qui disent: À quoi aboutira-t-il avec les idées qu'il a?
Forcément, qu'est-ce que vous voulez, les gouvernements sont faits pour
gouverner. Je sais que, à l'heure actuelle, il y a des gens qui se
demandent: Qu'est-ce qui m'arrivera? Est-ce que mon service demeurera? Est-ce
qu'on fusionnera deux services? C'est la vie!
Quant à la qualité du personnel, je pense qu'il faut, pour
être capable de porter une sorte de jugement global... Il faut cependant
reconnaître que les études que j'ai demandées sur des cas
très spécifiques ont révélé quand même
une qualité de travail assez remarquable. Mais il faut définir
les mandats.
M. Fortier: Vous avez indiqué que vous aviez
demandé que le Bureau de la statistique vous soit
transféré pour deux ans. C'est ce que vous avez dit? Quelle est
votre intention? À un moment donné, à quel
ministère cela aboutirait-il? Comme raison...
M. Parizeau: Je ne sais pas. Je n'ai pas d'idée fixe
là-dessus. Mais il y a tellement de choses qui transitent par un
ministère des Finances qu'il est parfaitement... Le seul
ministère qui n'a vraiment pas besoin d'être impérialiste
sur ce plan est le ministère des Finances, parce qu'il l'est par nature.
Il y a des lois dans toutes les tartes, on n'a pas besoin d'aller chercher des
morceaux et de les garder. Une fois que quelque chose a été mis
sur pied correctement, on compense d'une façon correcte. Il n'y a pas de
raison...
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Paré): Donc, s'il n'y a plus de
questions...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'aurai seulement deux petites
questions.
Le Président (M. Paré): Deux petites
questions...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pour prouver au...
Le Président (M. Paré): En vous rappelant que
l'heure est dépassée.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): D'accord. C'est pour prouver au
ministre et à ses collaborateurs qu'on passe à travers les
cahiers qu'il prépare à grand-peine. Dans les publications
à tirage limité, les parutions du ministère pour
l'année, j'ai relevé deux petites choses.
On regarde cela par voie de démonstration. Vers la fin, 700
exemples de deux lettres de Serge Bernier ont été
distribués. Mode de distribution: BSQ, tirage limité. Qu'est-ce
qui arrive? M. Parizeau: Du BSQ? M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Oui. M. Parizeau: Cela...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela? Bon, d'accord.
M. Parizeau: Ce n'est pas...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On ne se cassera pas la
tête, c'est un détail.
M. Parizeau: On va vous ...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...page, à partir du
début de la liste de parution. C'est le septième. D'accord.
M. Parizeau: ...dire de quoi il s'agit. Mais je pense pouvoir
affirmer, Serge Bernier étant responsable des statistiques sur la
main-d'oeuvre et les questions connexes, qu'il s'agit de lettres circulaires
concernant des données distribuées à différents
utilisateurs. Il est arrivé, justement, qu'à la suite d'une
avalanche de demandes téléphoniques depuis de nombreux mois,
à un moment donné, on a décidé de mettre sur papier
de manière récurrente certaines informations statistiques.
J'imagine qu'il s'agit de cela.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce n'était pas une
colle? M. le ministre, il n'y a pas de problème avec cela. J'ai toujours
l'impression que cela fait chaud au coeur de tous ceux qui préparent ces
documents de savoir que quelqu'un les a lus à part la personne qui les a
transcrits.
Deux pages avant la fin, l'antépénultième, je crois
que c'est ce qu'on dit, à la dernière ligne, on lit: Lettre de
Louise Harvey...
M. Parizeau: On vient de regarder cela. Tirage: zéro.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Tirage: zéro. À
l'encre invisible...
M. Parizeau: On tiendra donc pour acquis qu'elle a
été préparée, mais non distribuée.
Une voix: Contremandée.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Tirage très
limité.
M. Fortier: Est-ce qu'il y a un service de traduction en dix
langues? Tirage: zéro.
Une voix: Tirage très limité.
Le Président (M. Paré): Donc, si j'ai bien compris,
c'était la dernière question. Ceci dit, est-ce que le programme 1
et ses éléments sont adoptés?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Paré): Est-ce que le programme 2
et ses éléments sont adoptés?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Paré): Est-ce que le programme 3
et ses éléments sont adoptés?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Paré): Est-ce que le programme 4
et ses éléments sont adoptés?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Paré): Est-ce que le programme 5
et ses éléments sont adoptés?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Paré): Les programmes 6, 7 et 8
ont été adoptés tantôt. Le programme 9 n'a pas de
crédits.
M. Parizeau: II est là pour mémoire.
Le Président (M. Paré): II est là pour
mémoire, donc adopté. Le programme 10 qu'on a ajouté,
Bureau de la statistique, est adopté.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sur division.
Le Président (M. Paré): Adopté sur division.
Donc, la commission devra revenir...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On veut que vous agissiez plus
rapidement.
Le Président (M. Paré): Donc, la commission devra
se réunir à nouveau pour étudier les crédits des
comptes publics. Vous avez quelque chose à ajouter, M. le
député de Vaudreuil-Soulanges?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dernier commentaire. C'est la
septième fois que le ministre des Finances vient défendre ses
crédits. La première fois, ce n'était pas exactement ses
crédits, étant donné qu'il défendait entre autres
l'administration antérieure ou la moitié de l'administration
antérieure, en 1977. Lorsqu'il a comparu ici pour ses crédits de
1977-1978, il était pris partiellement avec la gestion des derniers
mois. "Bottom line", quant à moi, à bien des égards est ce
qui résume l'action du ministre des Finances depuis quelques
années: c'est que la dette a considérablement augmenté. Le
ministre a réussi le tour de force, si l'on veut, de quadrupler la dette
du Québec par l'accumulation de déficits d'année en
année.
Évidemment, quand on bouge, quand on lance des programmes, on
crée quelque chose, c'est entendu. Il y a beaucoup de gens qui disent:
"Even if you fall flat on your face, you are making progress". C'est vrai
assez souvent que, même si on tombe en pleine figure, on a quand
même avancé. Les coûts du progrès
réalisé sont, quant à nous, extrêmement
élevés jusqu'à maintenant, depuis six ans. C'est sur ce
souhait que cela ne se reproduise plus, M. le ministre, que nous nous quittons
ce soir.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, puisque le
député de Vaudreuil-Soulanges vient me faire le compliment de
quelques commentaires terminaux sur les déficits et la dette, je vais en
ajouter d'autres sur le même sujet. Je pense que, quand on sera tous
sortis de la récession que nous avons connue et qu'on évaluera le
coût pour les gouvernements - il y a eu des coûts humains, il y a
eu des coûts pour les entreprises - de ce qu'aura
représenté cette plus forte récession qu'on a connue
depuis la grande crise, on constatera probablement qu'au Canada le gouvernement
du Québec est celui qui, à travers cette récession, aura
le mieux contrôlé l'expansion de ses déficits. C'est
éminemment clair pour 1982-1983. On constatera sans l'ombre d'un doute
que le gouvernement fédéral a complètement perdu le
contrôle sur son déficit, que certaines provinces qui avaient des
surplus énormes ont remplacé cela par des déficits
considérables - je pense à l'Alberta - et que le gouvernement du
Québec a maintenu à travers cela sur son déficit un
contrôle assez remarquable, si bien que nous avons terminé
l'année 1982-1983 dans une situation qui est telle que sept provinces,
sur une base per capita, ont un déficit supérieur au nôtre.
Dans ce sens-là, les récessions ne sont jamais faciles à
traverser. Si tant est qu'on considère le déficit comme
étant une sorte d'expression de la casse sur ce plan-là -
peut-être pas sur tous les plans - la casse au Québec, quand on la
compare à la casse qui s'est produite ailleurs, a été
sûrement moins déraisonnable que ce qu'on a pu voir ailleurs. Dans
un certain sens même, elle a exigé du gouvernement des gestes dont
on dira probablement dans l'avenir qu'ils représentaient un degré
de responsabilité pas banal. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Paré): Sur ce, la commission
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 15)