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Version finale

42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)

Tuesday, February 1, 2022 - Vol. 46 N° 10

Special consultations and public hearings on Bill 14, an Act to ensure the protection of trainees in the workplace


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Jean Boulet

M. Frantz Benjamin

M. Alexandre Leduc

M. Sylvain Gaudreault

Auditions

Union étudiante du Québec (UEQ)

Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

Fédération des cégeps

Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ)

Autres intervenants

Mme Claire IsaBelle, présidente

Mme Joëlle Boutin

Mme Chantale Jeannotte

*          M. Jonathan Desroches, UEQ

*          Mme Alice Lemieux-Bourque, idem

*          M. Samuel Vaillancourt, FECQ

*          Mme Claudie Lévesque, idem

*          M. Bernard Tremblay, Fédération des cégeps

*          Mme Nadine Le Gal, idem

*          M. Pierre Graff, RJCCQ

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures trente-sept minutes)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour à toutes et à tous. Bon retour à l'Assemblée nationale. Alors, ayant constaté le quorum, nous déclarons la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.

La commission est réunie afin de procéder aux auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 14, loi visant à assurer la protection des... voyons, sac à papier! des stagiaires en milieu de travail.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. Gaudreault (Jonquière).

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, cet après-midi, nous allons débuter par les remarques préliminaires. Toutefois, avant, nous allons... c'est-à-dire, nous allons entendre aussi, au courant de l'après-midi, les témoins suivants : l'Union étudiante du Québec, la Fédération étudiante collégiale du Québec, la Fédération des cégeps du Québec et le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec.

Remarques préliminaires

Alors, nous commençons par M. le ministre pour les remarques préliminaires. Vous disposez de six minutes.

M. Jean Boulet

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. D'abord, bienvenue, tout le monde. Et, à ceux ou celles à qui je n'ai pas souhaité un bon début d'année, je le fais de manière un peu plus officielle. J'aimerais ça, d'emblée, vous saluer, saluer mes collègues gouvernementaux, saluer mes collègues des partis d'opposition. J'ai travaillé de façon assez intensive avec les collègues d'Hochelaga-Maisonneuve et aussi le collègue de Jonquière. Et le collègue de Viau, c'est une première, mais ça me fait plaisir d'entamer une nouvelle collaboration.

C'est un projet de loi qui est extrêmement important. Il y a à peu près 180 000... 195 000 stagiaires au Québec, qui sont un groupe parfois marginalisé ou vulnérable dans les milieux de travail au sein desquels ils doivent compléter leur apprentissage. J'ai eu, moi, peu de temps après mon assermentation, des rencontres avec l'UEQ et la FECQ, et c'est extrêmement fondamental de reconnaître des droits à ces personnes-là.

• (15 h 40) •

Et j'ai travaillé le projet de loi, bien sûr, avec des personnes qui m'entourent, que j'aimerais saluer, Caroline De Pokomandy, Michel Sauvé, Marc-André Fournier, Stéphane Grégoire. Et, les consultations particulières, sachez que je suis ici, j'ai appris à écouter avec le plus d'humilité possible. Tout projet de loi peut faire l'objet d'améliorations.

Mais essentiellement ce que ce projet de loi là vise à faire, c'est d'accorder des droits, des protections et des recours à des personnes qui sont stagiaires dans un contexte pas standard. Parce que, vous savez, dans la Loi sur les normes du travail ou dans certaines lois du travail, c'est une relation bipartite. Il y a un employeur puis un salarié. Ici, cette loi-là, qui est particulière, qui tient compte de la spécificité des stagiaires, on est devant une relation tripartite. Il y a un employeur, où est le milieu de travail, il y a un stagiaire et il y a un établissement d'enseignement ou l'ordre professionnel. Parce que le stage est défini de façon très large, donc, des congés de courte durée, évidemment, en tenant compte de la particularité des stages, des congés pour répondre à des obligations familiales, parentales ou de maladie, offrir surtout un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique ou sexuel.

Et ça, ça m'avait extrêmement affecté quand on faisait référence à des cas pratiques, que ce soient des jeunes hommes ou des jeunes femmes qui font un stage, et qui sont victimes de harcèlement, et qui ne bénéficient pas des politiques en matière de harcèlement, de protection et des mécanismes de plainte, des protections pour assurer des conditions de réalisation de stage qui soient optimales. Donc, ils sont protégés contre des mesures, des sanctions, des représailles dans le cas de l'exercice d'un droit prévu dans cette loi-là. On a fait un grand pas en avant, avec la réforme du régime de santé et sécurité, pour couvrir les stagiaires qui subissent des accidents de travail ou des maladies professionnelles, et là on fait une avancée qui m'apparaît extrêmement importante.

Donc, Mme la Présidente, je tiens à remercier les groupes. Les premiers, c'est Alice et Jonathan, que je connais, de l'Union étudiante du Québec. Et je vais, encore une fois, écouter avec énormément d'attention. Merci, Mme la Présidente. Et début d'une nouvelle coopération entre nous tous. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Nous invitons maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de Viau à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez de quatre minutes.

M. Frantz Benjamin

M. Benjamin : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, membres de la commission, donc, c'est un grand plaisir pour moi, en fait, de me retrouver au sein de cette commission pour travailler avec vous sur ce projet de loi. Donc, je salue la présence parmi nous des membres de l'Union étudiante du Québec.

Je me rappelle, quand je suis arrivé ici, à l'Assemblée nationale, en fait, j'avais agi comme porte-parole des dossiers jeunesse et j'ai eu à rencontrer... en fait, les premiers groupes que j'ai eu à rencontrer, ce sont des organisations étudiantes, donc, je pense à l'Union étudiante du Québec, à la Fédération des cégeps, et ce dossier-là, c'était le dossier prioritaire de ces organisations-là. Donc, je suis très heureux aujourd'hui de voir... de pouvoir travailler avec vous, donc, sur ce projet de loi là. Donc, nous aurons des pistes à apporter, des commentaires, mais nous sommes avant tout là, en consultations particulières, pour vous entendre.

Et, si je remonte un peu plus loin, Mme la Présidente, comme ancien étudiant, je me rappelle avoir eu beaucoup de difficultés à obtenir un stage, mais, une fois en stage, ça s'est... dans mon cas à moi, ça s'était bien passé. Mais, si ça s'était bien passé pour moi, je suis aussi perplexe et aussi... Ça me touche beaucoup, comme le ministre l'a évoqué tout à l'heure, de savoir qu'encore aujourd'hui il y a beaucoup de stagiaires, de jeunes stagiaires qui puissent être victimes, en milieu de stage, de harcèlement. Et ça aussi, je crois que c'est un aspect qu'il faudra aborder et travailler concrètement.

Je remercie tous les groupes qui participent à cette consultation. Je vous remercie d'être présents, donc, et au plaisir d'échanger avec vous dans le cadre de ces consultations. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le député. Nous invitons maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez d'une minute.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Avec une minute, on salue très rapidement tous les collègues de quelconque parti politique qu'ils sont.

On avait déposé une motion et fait adopter une motion, à la dernière session, pour qu'un projet de loi soit déposé rapidement. Ça a été le cas. Mais par contre plus on le lit, plus on analyse, plus on est perplexe.

Il y a différents problèmes de fond et de forme au projet de loi. De forme : Pourquoi on a fait un régime parallèle? Pourquoi les gens... les stagiaires ne sont pas intégrés aux normes du travail, comme c'était la revendication originale? On n'a pas fait de régime parallèle pour la santé-sécurité au travail, on les a intégrés dans la loi, mais on semble vouloir faire un truc différent pour les normes du travail. C'est un peu étrange. On n'a pas eu d'explications à ce sujet-là. J'ai hâte d'en savoir plus.

Les problèmes de fond qui seront exposés certainement par les différents intervenants aujourd'hui et demain : Où sont, notamment, les congés de longue durée? Parce qu'on a compris qu'il a voulu mimer, en quelque sorte, la Loi des normes du travail, mais on n'a pas de congé longue durée. C'est un peu désolant. Alors, on va travailler là-dessus. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le député. Nous invitons maintenant le porte-parole du troisième groupe de l'opposition et député de Jonquière à faire ses remarques. Vous disposez également d'une minute.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui. Merci, Mme la Présidente. Moi aussi, je veux saluer tous les collègues ici. Je veux saluer ma stagiaire qui travaille avec moi pour ce projet de loi, de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant.

Évidemment, c'est un projet de loi important. On vient combler un vide juridique. On vient faire, par ce projet de loi, une avancée, quand même, en termes de droits, de droit du travail, mais il va falloir s'assurer que c'est une avancée qui est bien faite, qui est correcte, qui est réelle.

Je soulève les mêmes questions que mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve sur les congés de longue durée, sur la durée du travail, les périodes de repos et la question : Pourquoi créer un régime à part et non pas l'intégrer dans les lois déjà existantes?

Alors, on va écouter avec beaucoup d'attention les présentations de nos invités ici. Puis je sais que le ministre est ouvert à faire des amendements éventuels. Alors, qu'il garde cet esprit qu'on a bien connu dans le projet de loi n° 59 pour qu'on puisse... bien, à certains égards, pour qu'on puisse améliorer le sort des stagiaires. C'est tout ce qui nous préoccupe ici, Mme la Présidente. Voilà.

Auditions

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le député. Alors, nous allons commencer immédiatement les auditions. Nous commençons avec le groupe de l'Union étudiante du Québec, avec M. Desroches et Mme Lemieux-Bourque. Je vous invite, avant de commencer votre exposé, à bien vous présenter.

Union étudiante du Québec (UEQ)

M. Desroches (Jonathan) : Bonjour. Je me présente, Jonathan Desroches, président de l'Union étudiante du Québec. Je vais laisser ma collègue se présenter.

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Alice Lemieux-Bourque, coordonnatrice à l'enseignement supérieur de l'Union étudiante du Québec.

M. Desroches (Jonathan) : L'UEQ représente directement 91 000 membres universitaires au Québec et rassemble, autour de sa table, là, quotidiennement, plus de 200 000 étudiants, étudiantes représentés.

Donc, l'UEQ a pour mission de défendre les droits et les intérêts de la communauté étudiante, de ses associations membres et de leurs membres individuels. Par sa représentation politique, ses recherches, son travail assidu et sa mobilisation, l'UEQ est l'interlocutrice principale des dossiers de l'accessibilité aux études supérieures et de la condition de vie des étudiants, des étudiantes auprès des différents gouvernements et aussi des groupes sociaux.

Je tiens d'abord à remercier la commission de l'invitation à témoigner sur le projet de loi n° 14, Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail. Ce projet de loi adresse des préoccupations centrales que les étudiants et les étudiantes du Québec ont depuis plus de cinq ans déjà. En effet, dans les dernières années, il y a eu plusieurs campagnes de revendications étudiantes tant concernant la compensation financière des stages que la protection légale, donc, plusieurs campagnes visant l'amélioration des conditions de stage, notamment la campagne Stagiaires en solde de l'UEQ sur la compensation financière, et également des internats en psychologie de la FIDEP, la fédération interprofessionnelle des doctorants et doctorantes en psychologie, que nous avons évidemment épaulée, et aussi la campagne de revendication de l'UEC sur la compensation financière du stage IV en enseignement.

Avec la FECQ, la Fédération étudiante collégiale du Québec, que vous recevez plus tard aujourd'hui, l'UEQ a travaillé par la suite pour inclure les stagiaires à la Loi sur les normes du travail avant de se pencher sur le projet actuel. Donc, je vais laisser Alice présenter nos positions sur le projet de loi.

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Somme toute, là, l'UEQ accueille favorablement le projet de loi. La société québécoise considère, là, que les conditions planchers, le seuil de la décence pour les travailleurs et travailleuses, c'est ce qui est offert par la Loi sur les normes du travail. Le projet de loi n° 14 devrait permettre aux stagiaires d'atteindre en partie ces conditions-là, auxquelles ils et elles n'avaient pas le droit avant, puis ainsi venir corriger en partie les iniquités entre les stagiaires et les travailleurs et travailleuses mais aussi entre les différents types de stagiaires.

Le caractère d'ordre public de la loi proposée permet aussi de mettre l'emphase sur l'importance des conditions qui s'y trouvent. L'UEQ attendait depuis quatre ans, là, le dépôt d'un projet de loi qui permettrait de donner aux stagiaires non rémunérés les protections et recours adéquats contre le harcèlement psychologique. En effet, la prévalence du harcèlement psychologique en milieu de travail est plus élevée chez les femmes, dans le secteur public et parapublic et dans les secteurs des soins de santé et des services sociaux.

Pour vous rappeler, les stages non rémunérés sont souvent associés à des formations menant à des emplois traditionnellement occupés par des femmes. Ce sont des stages qui s'effectuent généralement dans les domaines publics, parapublics et communautaires, et les stages dans les secteurs des soins de santé et des services sociaux ne sont, bien souvent, pas rémunérés. En plus, là, comme nous le savons tous, les femmes et les jeunes font plus souvent l'objet de harcèlement sexuel en milieu de travail, ce qui démontre à nouveau l'importance de protéger les stagiaires non rémunérés, qui sont principalement des jeunes et, dans la majorité, des femmes, adéquatement. La relation de pouvoir entre l'employeur et la personne stagiaire les rend d'autant plus vulnérables.

Puis on doit s'assurer que les protections soient solides et connues par l'ensemble des stagiaires. D'ailleurs, à cet effet, à la suite de l'adoption de ce projet de loi, ça va être important que ces nouvelles protections là soient vulgarisées et publicisées afin que les stagiaires soient bien informés de leurs droits.

• (15 h 50) •

L'autre élément intéressant du projet de loi, c'est la présence de protections pour les absences et les congés. Ce sont des protections qui ne s'appliquent pas, en ce moment, aux stagiaires rémunérés dont le stage est reconnu par les universités, en plus, évidemment, là, de ne pas s'appliquer aux stagiaires non rémunérés. Ces protections, qui permettent, entre autres, à une personne stagiaire de s'absenter pour des raisons de maladie ou des raisons familiales ou parentales pour une durée allant jusqu'à 10 jours, permettraient aux étudiants et étudiantes de ne pas mettre en danger leur réussite pour des raisons qui sont hors de leur contrôle. Ce sont, entre autres, des protections essentielles pour aider les parents aux études et les proches aidants et les proches aidantes, qui forment une population étudiante plus vulnérable, puisqu'elle est confrontée à des obstacles supplémentaires dus à ses obligations familiales.

Par contre, si, comme je disais plus tôt, là, on considère, en effet, que les lois sur les normes du travail, c'est le seuil de protection à offrir aux travailleurs et travailleuses, il manque quand même, là, certains éléments cruciaux au projet de loi.

Un principal... En fait, là, le projet de loi ne mentionne pas... ne fait pas mention de plusieurs congés qui sont inclus aux normes du travail, soit tous les congés d'une durée supérieure à 10 jours, qu'on va appeler les congés longs ou les congés de longue durée. La majorité de ces congés longs, dans la Loi sur les normes du travail, c'est des absences et congés pour des raisons familiales ou parentales. Les plus connus, c'est les congés de parentalité.

Au Québec, en 2022, personne ne devrait avoir à choisir entre son projet d'études puis fonder une famille. Un parent qui accueille un nouvel enfant, une femme qui accouche ne devrait pas mettre en péril sa réussite. Dans nos conversations avec le cabinet du ministre puis lors des consultations précédant le dépôt du projet de loi, le problème qui est ressorti, là, c'était à propos des ordres professionnels. Donc, le principal argument qu'on sortait, c'est que... pour justifier, là, l'omission des congés longs ou protections octroyées aux stagiaires, c'est que ces congés-là ne permettraient pas de remplir les exigences d'adhésion à certains ordres professionnels. Toutefois, on tient quand même à préciser, là, que la quasi-totalité des ordres professionnels offrent, d'une façon ou d'une autre, déjà des accommodements pour les stagiaires devant interrompre leurs stages.

On parlait précédemment que c'était important d'offrir aux stagiaires le seuil de la décence en matière de conditions de travail. Pour nous, peu importent les arguments, on trouve ça déraisonnable d'abaisser les planchers de protection qui leur sont offerts en n'incluant pas les congés longs. Le projet de loi n° 14 doit reproduire, là, les articles de la Loi sur les normes du travail sur les congés de longue durée de façon à ce qu'ils puissent être applicables, là, à tous et toutes les stagiaires.

M. Desroches (Jonathan) : Pour continuer, nous présentons dans notre mémoire quatre autres suggestions de modifications pour améliorer les conditions des stagiaires, qui se basent aussi sur certains éléments de la Loi sur les normes du travail, des modifications que nous jugeons essentielles.

Premièrement, permettre à des organismes sans but lucratif de défense des droits des étudiants de pouvoir porter plainte à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail à la demande d'une personne stagiaire, parce que le processus de plainte peut être très lourd pour une personne étudiante qui n'a aucun support, et on souhaite, donc, que le processus de plainte soit le plus accessible possible.

Deuxièmement, afin d'éviter une surcharge de travail, le projet de loi devrait permettre le refus de travailler, pour une personne stagiaire, au-delà d'un certain nombre d'heures dans une période de temps donnée. La Loi sur les normes du travail permet, entre autres, de refuser de travailler plus de 14 heures par période de 24 heures ou plus de 50 heures par semaine. Ça ne nous semble pas déraisonnable, là, d'ajouter cette possibilité-là pour les stagiaires.

Troisièmement, on demande d'accorder aux personnes stagiaires des périodes de repos, par exemple les périodes de repas minimum de 30 minutes ou le droit au repos hebdomadaire d'une durée minimale de 32 heures consécutives qu'on retrouve aussi dans la Loi sur les normes du travail.

Finalement, puisque les stagiaires ont très souvent... sont très souvent en situation de précarité financière, on souhaite que le projet de loi reproduise les articles de la Loi sur les normes du travail qui indiquent qu'un employeur doit fournir aux personnes salariées payées au salaire minimum, et, ici, on peut penser aussi aux stagiaires non rémunérés... donc, de fournir le vêtement, le matériel, l'équipement, les marchandises nécessaires à la réalisation de l'emploi ainsi que les frais de déplacement encourus pendant un stage.

Donc, pour conclure, l'Union étudiante du Québec invite principalement la commission à ajouter une section par rapport aux congés de longue durée au projet de loi qu'on a devant nous. Je tiens à rappeler que nous avons devant nous un projet de loi important pour des milliers d'étudiantes et d'étudiants au Québec, un projet de loi qui accorde un plancher de droits et de protections aux stagiaires et, bien franchement, un minimum qui devrait être présent au Québec depuis un bon moment déjà. Donc, pour être clair, la priorité pour l'Union étudiante du Québec, c'est que la Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail soit adoptée avant la dissolution de la législature actuelle, donc avant les prochaines élections.

Je vous remercie encore une fois de votre attention. C'est avec plaisir que nous allons répondre à vos questions. Et nous sommes aussi toujours disponibles pour répondre à d'autres questions plus tard dans le processus d'adoption du projet de loi.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Merci, Mme Lemieux-Bourque et M. Desroches, pour votre excellente présentation. Nous allons donc commencer la période de questions avec M. le ministre.

M. Boulet : Oui. Merci, Mme la Présidente. J'aurai peut-être une couple de questions puis après ça je vais laisser la parole à ma collègue de Jean-Talon pour poursuivre. Mais, dans un premier temps, j'aimerais, encore une fois, vous remercier et souligner la qualité de votre mémoire. Puis vous faites des recommandations que je trouve extrêmement utiles. Puis, comme je l'ai mentionné dans mes remarques d'ouverture, tout projet de loi est perfectible, dans certaines limites, évidemment. Souvenez-vous qu'après nos premières rencontres il y a eu des consultations avec les ordres professionnels. On a fait énormément de consultations pour s'assurer que ce soit un projet de loi qui tienne compte des intérêts puis des préoccupations de tous ceux qui sont dans la relation tripartite, là. Puis il n'y a pas que les milieux de travail, encore une fois, il y a les établissements d'enseignement, les ordres professionnels et les stagiaires.

Alice, d'abord, à toi, un élément, quand tu réfères à l'importance d'informer les stagiaires de leurs droits, est-ce que tu pourrais décrire la réalité actuelle en termes d'information pour les stagiaires, comme quelle est la perception ou quelle est la réalité des stagiaires en termes de protection et de droits?

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Si je peux... Avec ce qui est... Tout ce qui est de l'information, là, c'est quelque chose qui est vraiment... qui n'est pas uniforme, en fait, entre les établissements. Par contre, ce que je peux... Tu sais, je peux... Il y a des établissements, par exemple, qui obligent les conventions de stage, donc, une convention de stage, qui est un genre de contrat triparti entre les étudiants, étudiantes, le milieu de stage et l'université. Ce que ça peut permettre, là, ce genre de convention là, c'est qu'à l'intérieur ils vont, par exemple, expliquer aux stagiaires c'est quoi, leurs recours, où aller voir quand ils ont un problème, quand ils sont victimes de harcèlement. Donc, c'est une des... C'est une solution, là, que certaines universités ont mise en place pour bien informer les stagiaires de leurs droits. Par contre, ce n'est pas quelque chose qui est uniforme à travers les universités, à travers le réseau.

Donc, ce que... Donc, je dirais, là, que c'est assez... ce n'est pas uniforme. Excusez-moi, je suis un peu stressée. Mais, oui, là, c'est quelque chose qui n'est pas uniforme puis c'est pour ça aussi qu'on tient à ce que ce soit précisé, là, qu'à la suite de l'adoption de ce projet de loi, là, s'il est adopté, idéalement, on veut vraiment que... en fait, que ce soit... ça va être notre priorité, c'est sûr, de publiciser, là, ces nouvelles protections là, mais on aimerait ça aussi que ce soit la priorité du gouvernement et des universités, là.

M. Boulet : Tu sais, au-delà de votre accueil favorable quant au projet de loi, c'est une préoccupation que je partage. Puis d'ailleurs on a un article, dans le projet de loi, qui prévoit une responsabilité partagée à tous les acteurs pour bien informer les stagiaires de leurs droits.

Maintenant, Jonathan, là, par souci d'équité, Jonathan, merci aussi pour ta présentation, quand tu dis : Il faut que le processus de plainte soit le plus simplifié possible parce que, bon, pour un stagiaire, il ne faut pas non plus que ça devienne trop compliqué, trop bureaucratique, est-ce qu'à cet égard-là... J'aimerais ça t'entendre un peu plus donner des détails, là, parce que... Si, par exemple, un stagiaire exerce un droit, il est victime d'une mesure de représailles puis il veut faire de quoi, comment toi, placé dans ses bottines, tu nous proposerais de faire?

M. Desroches (Jonathan) : Ce qu'on suggère, là, c'est de faire en sorte que les organisations puissent épauler les personnes stagiaires qui font des plaintes. Donc, on ne spécifie pas «associations étudiantes», mais évidemment on a ça en tête. Il faut voir les associations étudiantes modernes, là, un peu comme des syndicats. Il y en a plusieurs, notamment, qui engagent des avocats à temps plein ou à temps partiel au Québec. Et ces associations-là pourraient être outillées pour appuyer les stagiaires dans leurs démarches de plainte.

Mais aussi, si on fait référence à des organisations aussi larges sans spécifier les associations étudiantes, c'est parce qu'on peut penser à d'autres organisations, par exemple Juripop, qui pourraient vouloir développer ce type de service là. Et là je ne suis pas en train de dire que c'est ce qu'ils vont faire, mais ce serait une possibilité, donc, d'offrir un service d'accompagnement et de soutien académique de ce côté-là.

M. Boulet : Merci, Jonathan, encore une fois. Là, je vais maintenant céder la parole à ma collègue de Jean Talon pour finir la période de temps qui nous est allouée. Merci, Mme la Présidente. Puis, encore une fois... Puis au plaisir de se revoir, hein, à tous les deux. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, la parole est à la députée de Jean-Talon.

• (16 heures) •

Mme Boutin : Merci, Mme la Présidente. Mes questions vont un peu dans le même sens. Premièrement, je vous salue. Merci d'être là. Vous avez mentionné, avant qu'on... bien, excusez l'anglicisme, là, «off the record»... Avant que la séance débute, on a un petit peu parlé de l'impact sur les femmes. Tu sais, Alice, tu as dit : Souvent, les femmes qui sont stagiaires ont plus... subissent plus de violence psychologique. Puis là ça m'a amené tout de suite une question. Je me posais la question, trouvez-vous que le projet de loi protège suffisamment les femmes... ou est-ce qu'il y a une distinction qui devrait être faite ou pas du tout? Est-ce que vous pensez que les femmes, dans les milieux, justement... Puis souvent les stages ne sont peut-être pas toujours rémunérés, et tout ça. Croyez-vous que le projet de loi va avoir un impact positif pour les femmes?

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Bien, c'est sûr, comme on dit, là... Comme je disais plus tôt, c'est les femmes, là, qui sont plus... qui sont... La prévalence du harcèlement psychologique en milieu de travail est plus grande chez les femmes. Donc, c'est sûr qu'en leur donnant des recours ça peut les aider.

Par contre, il y a des mesures, dans la Loi sur les normes du travail, qui protègent, justement, bon, tout le monde, mais plus souvent les femmes. On peut penser aux congés longs, par exemple. Je sais qu'il y a des congés longs pour violence conjugale. On sait, là, quand même que, la majorité du temps, les cas de violence conjugale vont être visés contre les femmes. Puis là, en n'incluant pas les congés longs, là, dans le fond, au projet de loi, c'est sûr que, pour nous, c'est une inquiétude, là, par exemple, aux femmes qui vont vivre de la violence conjugale mais aussi pour tous les nouveaux parents. Ça inclut souvent les femmes qui accouchent et qui n'ont pas le droit, là, vraiment à ces congés de longue durée là qui peuvent arriver, là, en milieu de stage, en milieu de parcours.

Mme Boutin : Donc, ça, ça pourrait avoir un impact quand même négatif, là, sur, peut-être, leur parcours.

J'ai une petite question, là, plus dans l'humain, là, parce que moi, j'ai beaucoup d'étudiants dans mon comté puis je parle à beaucoup d'étudiants. Est-ce qu'à votre avis les étudiants ont peur de porter plainte en cas de violence psychologique? Parce que, là, on parle de la lourdeur du... Tu sais, s'embarquer dans une plainte psychologique, il y a quand même plusieurs étapes à faire, là. Vous mentionnez qu'on pourrait leur offrir un petit peu plus d'aide ou d'accompagnement. Mais, tu sais, à la base, est-ce qu'il y a des mesures qui sont faites qui devraient être incluses pour, justement, faciliter le... que ce soit un petit peu... pas démocratisé, là, mais les mettre un petit peu plus à l'aise pour dénoncer? Parce qu'on est en début de carrière, puis ça peut avoir un impact. Est-ce qu'à votre avis les étudiants vivent ça?

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Bien, c'est sûr que les stagiaires sont dans une situation qui est superprécaire, parce que non seulement le ou la stagiaire va jouer sa réussite, mais aussi son avenir professionnel. Encadrer leur statut, là, un peu comme on le fait dans la loi, ça va permettre de limiter les abus, qui existent déjà dans le milieu, là, on est conscients de ça. On peut penser, par exemple, à un stage qui est dans un milieu un petit peu plus compétitif, où le ou la stagiaire va avoir eu comme... un stage qui est superintéressant pour son parcours professionnel, puis le ou la stagiaire, en ne voulant pas perdre, là, cette espèce de statut privilégié là, va, par exemple, accepter ou tolérer des comportements qui sont inacceptables en milieu de travail, de peur de perdre leurs privilèges.

Donc, oui, là, pour la première partie de la question qui était : Est-ce que les stagiaires ont peur de faire des plaintes?, je suis certaine que oui, mais c'est comme ça un peu dans tous les milieux. Je pense qu'il y a toujours une lourdeur à un processus de plainte. Puis est-ce qu'on pourrait améliorer le processus? Oui, mais je pense que la première étape, c'était vraiment, là, d'amener les protections pour les stagiaires au même niveau que les protections des travailleurs et travailleuses.

Mme Boutin : Puis, pour améliorer le processus, dans le fond... Bien, moi, j'apprécie, dans le mémoire, je le dis ouvertement, votre suggestion d'impliquer un petit peu plus, peut-être, des associations, des organismes communautaires, qui pourraient... Parce que, souvent, quand on est stagiaire, on ne sait même pas qu'on a ces droits-là. Tu sais, on n'est pas des travailleurs, on commence puis on ne le sait pas. Tu sais, on sait qu'admettons on vit une situation puis qu'on n'est pas... Il n'y a peut-être pas assez de communications faites à cet égard-là.

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Puis, même sans savoir où aller, c'est... Tu sais, des fois, on ne sait pas où se tourner. On a une situation problématique, on ne sait pas où aller, là. On peut lire la loi, mais, tu sais, qui est-ce qu'on contacte? On ne connaît personne. Puis de pouvoir se retourner, par exemple, vers une association étudiante, donc, qu'on connaît bien ou vers l'établissement d'enseignement supérieur, ça peut ancrer la personne, là, puis la rassurer dans le processus qui va...

Mme Boutin : Merci beaucoup pour votre mémoire. Puis j'imagine que vous allez jouer un rôle assez de premier plan, là, pour aider, justement, à parler de ces enjeux-là auprès des stagiaires. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci à la députée de Jean-Talon. M. le ministre, il vous reste sept minutes.

M. Boulet : O.K. Sept minutes. Je pourrai demander à ma collègue de Labelle. Bon, je vais simplement faire une intervention. On sait bien que cette loi-là, c'est un seuil, hein, puis évidemment il y a un vaste éventail de stagiaires, des profils différents. Il y en a qui sont syndiqués, il y en a qui font des stages d'observation, il y en a qui font, effectivement, la prestation de travail équivalente à celle des salariés.

Mais une convention collective, ou un décret, ou une entente, ou une convention de stage, évidemment, Alice, peut prévoir des conditions qui sont supérieures. Et, quand on réfère aux ordres professionnels, les ordres peuvent aussi offrir des accommodements, là, dans les cas d'interruption qui ne sont pas voulues, là, de la part des stages. Le but fondamental, c'est d'assurer les meilleures conditions possible d'exécution du stage. Alors, j'inviterais peut-être ma collègue de Labelle à faire des interventions ou des échanges. Je la laisse aller.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, à vous la parole.

Mme Jeannotte : Merci, M. le ministre. Merci pour votre mémoire, c'est très intéressant. J'étais curieuse de savoir si, de la part des étudiants, vous avez été... vous avez eu des revendications lorsque... vous les entendez, vos étudiants, vous les rencontrez, des interventions au sujet de l'autonomie qu'ils ont besoin pour faire leurs stages. Est-ce que les étudiants vous ont parlé de ça, d'avoir plus d'autonomie? Au niveau de l'encadrement, est-ce qu'ils revendiquent des droits de ce côté-là?

M. Desroches (Jonathan) : Au niveau de l'autonomie, là, ce n'est pas des éléments qu'on a entendus, là, de ce côté-là. Je ne sais pas si Alice...

Mme Jeannotte : Pas tant. D'accord.

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : ...niveau de l'encadrement, oui. En fait, si je peux vous faire un petit... un résumé rapide, là, des revendications de l'UEQ sur la condition des stages, il y avait comme trois gros volets, en fait, il y a le premier qui est la compensation financière, il y a le deuxième qui est la protection légale, là, qu'on parle aussi ici aujourd'hui, mais il y a un troisième, quand même, qui est sur tout ce qui est l'encadrement pédagogique.

J'en ai parlé plus tôt, là, l'encadrement pédagogique, nous, une des meilleures façons, là, de venir encadrer puis mieux encadrer les stagiaires, c'est les... c'est par les conventions. Ça peut se faire par les conventions de stage. Puis c'est pour ça qu'on a une demande, là, en fait, que les conventions de stage soient obligatoires, conventions tripartites dans toutes les universités, pour tous types de stages, pour s'assurer qu'ils aient...qu'on ait les objectifs de stage qui sont bien définis, qui vont... tu sais, qui vont préciser aux stagiaires, là, avant même qu'ils se lancent, qu'est-ce qu'ils doivent faire. Puis ça, ça peut servir, là, d'outil, en fait, pour le stagiaire, tu sais, peut-être, là, pour justifier, là, que le milieu de travail ne lui laisse pas faire ce qu'il aurait dû faire normalement. On peut penser, là, tu sais, à des milieux de stage qui utiliseraient les stagiaires un peu pour faire des tâches administratives, là, des choses comme ça. Mais, en ayant une bonne convention de stage bien définie, avec tous les points qui sont intéressants, on permet, là, vraiment aux stagiaires d'avoir... tu sais, d'avoir un meilleur encadrement pédagogique, là, de son apprentissage.

Mme Jeannotte : Puis, au niveau de ne pas être à la merci d'un seul superviseur, est-ce que vous avez trouvé, dans le projet de loi, qu'il y avait des éléments qui pourraient être favorables aux étudiants? Comment on pourrait, en d'autres termes, améliorer le fait qu'un étudiant, par exemple, qui serait moins bien encadré ou qui aurait un superviseur qui ne serait peut-être pas la personne optimale... Est-ce qu'il y aurait... Est-ce qu'il y a des éléments, dans le projet de loi, qui vont aider à... Ça peut être la rétroaction, ça peut être l'encadrement. Est-ce que vous trouvez qu'on devrait bonifier ces aspects-là?

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Rapidement comme ça, là, je n'avais pas noté, là, vraiment de mesures qui seraient favorables. C'est sûr que, tu sais, dans le cas d'une plainte, ça peut aller avec l'établissement. Tu sais, c'est des situations qui peuvent être très cas par cas, là, dans le sens où peut-être que la personne va vouloir être retirée directement du milieu de stage ou seulement changer, là, de superviseur. C'est sûr que je n'ai pas vu, dans le projet de loi, là, vraiment quelque chose qui était directement en lien avec ça. Mais, si vous avez besoin d'idées, là, je suis sûre qu'on peut se pencher là-dessus puis en trouver, là. Il n'y a pas de...

Mme Jeannotte : Non, non, c'est correct. Bien, écoutez, pour le moment, moi, ça me convient. M. le ministre, si vous avez d'autres questions... C'étaient les deux aspects, là, que je voulais voir, que j'ai abordés. Merci.

M. Boulet : Merci, collègue.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Boulet : J'offrirais maintenant l'opportunité à mon collègue de Saint-François, si vous avez...

Une voix : ...

M. Boulet : Non? Donc, j'aimerais ça aller sur... que tu puisses élaborer un peu plus quand tu réfères à de l'iniquité entre différents stagiaires. Est-ce que tu peux nous donner des cas, des exemples? Puis je sais que tu en as plein en tête, mais est-ce que tu peux nous entretenir de ce phénomène ou de cette réalité-là qui me préoccupe?

• (16 h 10) •

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Oui, oui. Bien, tu sais, le terme «stagiaire», là, c'est quand même utilisé facilement, là. Des fois, on va avoir un stagiaire qui est... un stage qui plus comme un emploi d'été qu'on va appeler stage. Mais, juste dans la Loi sur les normes du travail, là, on peut voir directement qu'en ce moment on parle des stagiaires qui sont... bon, je ne me rappelle pas exactement le libellé, là, mais qui, en gros, veut dire : Tous les stagiaires dont le stage est reconnu par l'université, donc les stagiaires dont le stage est crédité, sont exclus de la majorité des articles de la Loi sur les normes du travail, sauf tout ce qui est sur le harcèlement. Donc, on avait une iniquité entre les différents types de stagiaires, parce que les stagiaires qui étaient rémunérés avaient le droit aux protections pour le harcèlement, ce qui n'était pas le cas des stagiaires non rémunérés. Avec le projet de loi n° 14, dans le fond, on vient quand même, là, obtenir les mêmes protections, là, pour les stagiaires non rémunérés puis les stagiaires rémunérés.

Sinon, c'est sûr que, pour tout ce qui est les stages qui ne sont pas reconnus, qui sont, dans le fond, des emplois d'été, là, bien, ensuite, les gens sont protégés par toutes les lois... la Loi sur les normes du travail. Donc, il y a une iniquité ici, clairement, là, parce qu'il y a une partie des stagiaires qui ne sont pas protégés par ça puis il y en a une partie qui le sont.

Mais, quand même, j'aimerais ça revenir sur quelque chose que vous avez dit tantôt, M. le ministre. Vous avez dit que les ordres pouvaient prévoir, là, des accommodements pour les stagiaires, puis c'est bien vrai, là. Il y a, comme je disais... La majorité des... Presque la totalité des ordres prévoient déjà des accommodements, là, pour, par exemple, des nouveaux parents, pour des congés de parentalité. Nous, ce qu'on trouvait important, là, dans le fond, c'était que le... c'était que le gouvernement, ici, il utilise ce projet de loi là pour un peu jouer un rôle de leadership, un rôle de modernité, un rôle de modèle, en fait, en incluant les congés longs puis en disant : Regardez... tu sais, qui démontrerait, en fait, que vous ne laissez pas à la discrétion, par exemple, des ordres professionnels d'accommoder une personne qui a besoin d'un congé long, là, mais en le mettant dans la loi pour que ce soit uniforme, pour que tout le monde ait le droit, là, à ces protections-là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci, M. le ministre. C'est tout... C'est tout le temps pour...

Une voix : ...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui. C'est tout le temps que nous disposons. Alors, nous poursuivons la période d'échange.

Une voix : ...et Jonathan.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons avec le député de Viau.

M. Benjamin : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Donc, c'est une présentation qui, à sa face même, à la lumière même de cette présentation, nous dit que c'est un projet de loi qui aura besoin d'être bonifié nécessairement. J'aimerais... Et, pour le bénéfice des gens qui nous regardent ou qui nous écoutent, parce que l'angle mort, il me semble, de ce projet de loi, à vous entendre, semble être les congés longs, pouvez-vous nous dire en quoi ces congés longs là sont un obstacle? Et je partage votre avis, là, ne vous en faites pas, je partage votre avis. Mais, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, parlez-nous de cet enjeu-là.

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Juste pour clarifier la question, vous voulez que je vous dise pourquoi est-ce que ça n'a pas été inclus?

M. Benjamin : Quand on parle de congés longs, pour les gens qui nous écoutent, à quoi fait-on référence exactement? Et pourquoi c'est un handicap, justement? Pourquoi il est nécessaire d'apporter une modification au projet de loi en ce sens pour inclure les congés de longue durée?

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Oui. Bien, je peux donner des exemples de congés de longue durée, là, comme ils sont en ce moment, là, ici, dans la... dans la Loi sur les normes du travail. Donc, on peut penser à des congés de maladie qui sont des congés de maladie, là, qui... sur très longtemps ou encore des congés pour des raisons de violence conjugale, des victimes de violence à caractère sexuel, mais on peut aussi penser à tout ce qui est des obligations en lien avec la famille, pour tout ce qui est des parents, donc les congés de parentalité, les congés de maternité et les congés de paternité mais aussi les congés pour deuil, donc, perte d'un enfant ou perte d'un parent. C'est quelques exemples, là, parmi les nombreux congés de longue durée qui sont donnés en ce moment dans la Loi sur les normes du travail.

Pourquoi est-ce que c'est important d'inclure ces congés-là? Bien, dans le fond, c'est une question... Comme je disais, là, c'est une question de... La Loi sur les normes du travail, c'est un seuil de droits qu'on offre, tu sais, qu'on a décidé, comme société québécoise, là, d'offrir à tous nos travailleurs et nos travailleuses, puis on a décidé, là, qu'on donnait un congé, tu sais, qu'on donnait accès à des congés prolongés pour les personnes qui vivent un deuil, pour les nouveaux parents. Puis, nous, ce qu'on essaie de dire, c'est que les stagiaires devraient avoir le droit à ces congés-là de la même façon que n'importe quels travailleurs et travailleuses.

M. Benjamin : Et en cela je suis d'accord avec vous. Je vous réfère à... Merci encore pour votre mémoire, très bien documenté. À la page 8 de votre mémoire, vous abordez, justement, les enjeux, les problématiques reliés au harcèlement en milieu de travail. Et les chiffres que vous nous donnez provenant de l'Enquête québécoise sur les conditions de travail nous disent que 17,3 % de travailleuses sont plus souvent objet de harcèlement psychologique. On parle de taux d'exposition au harcèlement psychologique beaucoup plus élevé dans le secteur public et parapublic. Et les congés longs, je vous ai entendus tout à l'heure lors des échanges avec le ministre, semblent vous... semblent être une bonne avenue pour aider à endiguer ce fléau qu'est le harcèlement. Mais, en dehors des congés de longue durée, est-ce que vous avez des pistes? Quels sont les gestes qu'on doit poser pour permettre non pas d'endiguer, mais d'enrayer ce fléau qui frappe, notamment, particulièrement les stagiaires en milieu de travail?

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : J'ai... Dans le cadre, là, vraiment, de ce projet de loi là, c'est sûr que tout ce qui était des recours, c'est superimportant pour prévenir le harcèlement... bien, en fait, c'est plus pour traiter le harcèlement psychologique, mais aussi pour le prévenir. Nous, notre objectif, c'est sûr qu'on ne s'est pas lancés dans... au-delà du projet de loi, parce que la première étape était vraiment, pour nous, de donner aux stagiaires les protections nécessaires, là, dans le cadre du projet de loi.

Une autre chose, en fait, qui est... Un autre point, là, que j'aimerais apporter, là, qui est disponible en ce moment, là, pour les stagiaires, qui ne touche pas nécessairement le harcèlement psychologique mais le harcèlement sexuel, c'est la loi visant à combattre et prévenir les violences à caractère sexuel qu'il y a en ce moment, là, dans les universités, une loi qui peut s'étendre, en fait, aux milieux de stage en ce moment puis qui est vraiment une bonne façon, là, de prévenir et de combattre les violences à caractère sexuel, autant dans les milieux universitaires que dans les milieux de stage. Donc, ce que je veux dire par là, là, c'est vraiment qu'en ce moment... qu'on y va petit peu à petit peu, c'est un peu ça, mon point, puis que la première étape, ça va être vraiment de passer par les protections qu'il y a dans la Loi sur les normes du travail.

M. Benjamin : Merci. Toujours sur cet enjeu de harcèlement en milieu de stage, quel regard que vous portez... portez-vous sur le rôle et responsabilité des établissements d'enseignement par rapport à cet enjeu-là?

M. Desroches (Jonathan) : Sur le rôle, j'ai peut-être une première piste de réponse. Sur le rôle des établissements, notamment sur spécifiquement la question qui vient d'être soulevée sur la politique de violence à caractère sexuel, les politiques doivent communiquer... les établissements doivent communiquer les politiques à l'ensemble de la communauté. Et c'est aussi une idée, je crois, que vous allez retrouver dans le mémoire de la FECQ, là, qui vient après nous, concernant... faire en sorte que le milieu de stage soit aussi en charge de communiquer les... ce type de politique là, là. Donc, c'est un premier élément de réponse que je peux vous donner.

M. Benjamin : Sur les... Au sujet des mécanismes de plainte, vous avez évoqué tantôt des pistes visant à faciliter le traitement des plaintes, mais, au sujet des instances, il y a des groupes qui semblent suggérer d'autres instances, par exemple, pour le traitement des plaintes. Vous, quelle est... La meilleure instance pour le traitement des plaintes, c'est laquelle, selon vous?

M. Desroches (Jonathan) : On n'a pas... Je ne crois pas qu'on a documenté spécifiquement... On n'a pas fait une étude de cas, là, là-dessus, mais c'est certain qu'en offrant la possibilité à différentes organisations d'appuyer les personnes stagiaires ça va permettre... en fait, ça va faciliter les plaintes. Donc, on n'a pas spécifiquement, là, à quel endroit les plaintes doivent aller. Puis c'est certain qu'on préfère un État de droit formel plutôt qu'un État de droit informel. Parce qu'actuellement on peut peut-être entendre que les stagiaires pourraient faire leurs plaintes en fonction de la Loi sur les normes du travail, mais ça, c'est de l'hypothétique. Donc, c'est certain qu'avec le projet de loi qu'on a devant nous, bien, on vient formaliser cette possibilité-là pour les personnes stagiaires du Québec de porter plainte, bien, lorsque c'est nécessaire.

M. Benjamin : Dans une correspondance que nous a fait parvenir l'ordre des... c'est les CPA, pour ne pas les nommer, il semble suggérer, dans le cas, par exemple, de l'Office des professions du Québec, qui a une instance qui existe au sein de l'office de protection du Québec, qu'il pourrait assumer ce rôle-là au lieu de transférer cette responsabilité-là, tel que le prévoit le projet de loi, vers le Tribunal administratif du Québec. Est-ce que vous êtes de cet avis?

• (16 h 20) •

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Je ne pense pas qu'on a d'avis fixe, là. Écoutez, je ne suis pas familière avec tous les ordres professionnels qui existent et non plus avec les processus, là, parce que c'est un peu hors de notre champ d'expertise qui est vraiment les établissements d'enseignement supérieur, là, les universités.

Par contre, tu sais, je pense que, nous, ce qui est important, c'est que le stagiaire ait accès à des recours, puis que le stagiaire soit informé de ces recours-là, puis que ce soit facile pour lui d'aller, tu sais... lui ou elle, d'aller chercher, là, cette aide-là. Que ça passe par le tribunal, comme c'est le cas en ce moment dans le projet de loi, nous, c'est sûr qu'on n'a pas soulevé de problème, parce que c'est ce qui est permis en ce moment par la Loi sur les normes du travail, puis, nous, ce qu'on essayait de chercher ici, c'était une équité entre les stagiaires et les travailleurs et travailleuses. Donc... Mais, au final, nous, ce qui est important, c'est qu'il y ait ces protections-là, que ces protections-là soient claires puis que le stagiaire puisse aller chercher facilement l'aide dont il a besoin.

M. Benjamin : Merci. Pour ce qui est de l'information, parce que c'est un mot qui revient souvent, l'importance que les stagiaires soient informés, le lieu privilégié vous semble être via la convention de stage entre les établissements d'enseignement et l'employeur. Est-ce qu'il y a peut-être d'autres moyens que vous voyez en dehors de cela, donc, qui pourraient être utilisés pour mieux faire connaître, justement, ce développement auquel nous nous attendons tous?

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Oui. C'est sûr qu'il y a d'autres moyens qui peuvent être utilisés. On peut penser, par exemple, là, que tout le monde pourrait toujours essayer de donner l'information, donc les trois parties, le milieu de stage, autant les associations étudiantes, donc tout le côté qui est étudiant, mais aussi l'université. Donc, si tout le monde essaie d'informer... Donc, plus on essaie, plus on va réussir par les informer, là. On peut penser par des campagnes... par une campagne, là, qui est donnée... Excusez, j'ai comme été déconcentrée. On peut penser...

La Présidente (Mme IsaBelle) : ...moins qu'une minute. Alors, il reste 50 secondes.

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Parfait. On peut penser à une campagne de vulgarisation qui serait lancée, par exemple, soit par nous soit par le gouvernement, on peut penser aux universités qui s'assurent... C'est sûr que le milieu... La façon privilégiée qu'on avait, c'était vraiment la convention de stage, mais, tu sais, de n'importe quelle façon que l'université informe le stagiaire, avant qu'il se lance dans un stage, des protections auxquelles il a droit puis que le milieu de travail, en accueillant le stagiaire, l'informe aussi, là, de quels recours et droits, les politiques aussi qui encadrent son travail...

M. Benjamin : Si j'avais le temps, j'aurais pu vous poser une dernière question.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Mais vous n'avez plus le temps.

M. Benjamin : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous poursuivons avec, cette fois-ci, le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Une main de fer dans un gant de velours, Mme la Présidente. Bonjour. Bienvenue. Moi aussi, j'ai très peu de temps, donc je vais poser peut-être deux questions, puis on va voir jusqu'où on peut aller avec ça.

Tout d'abord, c'est assez commun, dans des projets de loi de ce genre-là, d'avoir, dans les dispositions finales, un rapport de mise en étapes... pas une mise en étapes, mais un rapport d'étape, en fait, de mise en application d'ici deux, trois, quatre ou cinq ans. Est-ce que ce serait quelque chose qui, vous pensez, pourrait être intéressant à rajouter?

Et, deuxième question, vous parlez beaucoup, dans vos recommandations, de faire référence à la Loi sur les normes. Ce n'est pas ça que le projet de loi fait, il fait un régime parallèle. Est-ce que, dans vos échanges préalables avec le ministre, il vous a expliqué pourquoi il n'était pas passé par les normes? Je cherche, depuis que j'ai lu le projet de loi, pourquoi, c'est quoi, les motifs. Je n'ai pas trouvé. Je ne sais pas si vous, vous en avez que vous pouvez nous donner. Merci.

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Je peux y aller. Pour le rapport de la mise en application, je ne suis pas familière vraiment avec un rapport de mise en application, mais c'est sûr que, si ça favorise le processus, je vais être en accord avec ça. Mais il faudrait vraiment que j'aie plus d'information, là, pour vous donner une vraie réponse.

Pour ce qui est de pourquoi est-ce que c'est un projet de loi différent, écoutez, de notre côté, je vais quand même vous donner notre avis avant de dire ce que le ministre peut penser. Nous, ce qui est important pour nous, c'est que le projet de loi soit adopté avant la fin de la session parlementaire. La forme, dans le fond, ce n'est pas vraiment ça qui nous importe ici, parce que ce qu'on veut... Tu sais, ce qu'on veut, c'est un état de loi formel, puis ce qu'on a devant nous en ce moment, c'est un projet de loi parallèle, puis, au final, nous, ce qu'on veut, c'est les protections pour tous et toutes les stagiaires. Puis, si ça passe par ce projet de loi là, ça passera par ce projet de la loi là, on n'a pas de problème.

Par... Les raisons qu'on a eues, c'est pour avoir plus de flexibilité. C'est ce qu'on s'est fait dire. Mais, au final, nous, ce n'était pas important, parce que ce qu'on veut, c'est des stagiaires qui sont protégés à la fin de la journée.

M. Leduc : Combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme IsaBelle) : 40 secondes.

M. Leduc : Est-ce que le fait d'avoir deux régimes comme ça ne va pas mener à une forme de complexité dans certains cas où une personne pourrait se qualifier aux normes mais va être un peu tirée puis envoyée dans ce projet de loi là? Comment on va jongler avec ça?

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Bien, nous, dans notre... Je vais y aller rapidement. Article 6, l'article 6 du projet de loi, dans notre tête, couvrait cette section-là, là, qui vient dire, en fait, que, si un stagiaire... que, si une personne est couverte, là, par la Loi sur les normes du travail, bien, par une loi qui donne plus de droits, en fait, que le projet de loi n° 14, elle va être couverte par l'autre loi. Donc, nous, notre compréhension, c'est que la Loi sur les normes du travail donne plus de protection. Donc, un stagiaire, dans cette situation-là, serait protégé par la Loi sur les normes du travail.

M. Leduc : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons cette fois-ci avec le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup, M. Desroches et Mme Lemieux-Bourque. Votre témoignage est extrêmement intéressant.

Quand moi-même, j'ai été stagiaire en droit, il y avait toute une recherche de stages rémunérés. Moi, j'étais chanceux, j'étais tombé chez Cain, Lamarre, Wells, que M. le ministre connaît bien comme cabinet d'avocats, puis j'avais eu un stage rémunéré, mais ce n'est pas la règle pour l'ensemble de mes collègues du Barreau. Moi, j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus sur l'obligation de rémunération des stages. Comment on pourrait amener ça dans le projet de loi et comment on pourrait l'encadrer, quand même? Parce que ce n'est pas tous les milieux qui sont pareils. Je pense à un stage, par exemple, en travail social, dans un organisme communautaire qui déjà se débat devant le ministre pour avoir une augmentation de 4 % de subvention. Alors, comment on pourrait encadrer ça un peu?

M. Desroches (Jonathan) : Moi, je peux peut-être y aller au niveau de la compensation financière, la rémunération. Puis, comme je l'ai dit un peu en présentation, c'est un élément qu'on aborde depuis longtemps. Et nous, on a vraiment vu deux chantiers un peu, celui de la compensation financière et celui de la protection légale. Et donc, à la compréhension, le projet de loi actuel s'occupe principalement de la compensation légale, et ce n'est pas, à notre compréhension, dans ce projet de loi là qu'on va pouvoir résoudre tout ce qui est compensation financière. Par contre, évidemment, c'est un élément qu'on va continuer à travailler, puis, s'il y a d'autres invitations, éventuellement, à parler de compensation financière des stages au Québec, c'est certain qu'on va demander à être de la partie de ce côté-là.

M. Gaudreault : Vous parlez bien de compensation et non de rémunération. Mais pourquoi on ne pourrait pas le faire dans ce projet de loi là? Je ne suis pas sûr de bien comprendre.

M. Desroches (Jonathan) : Pour compensation et rémunération, je dis compensation parce qu'on n'est pas fixés sur la source de financement des personnes stagiaires. Et, pour ce qui est du projet de loi, notre priorité, comme on l'a mentionné, c'est de faire adopter le projet de loi le plus tôt possible, là, avec les protections légales. Et également, du côté de la compensation financière ou de la rémunération de certains stages, c'est tellement des milieux différents, avec des réalités différentes, que les défis nous amèneraient probablement à avoir besoin de plus de temps, là.

M. Gaudreault : O.K. Je comprends. Maintenant, sur la question d'un autre régime plutôt que la Loi sur les normes du travail, est-ce que vous ne trouvez pas que ça envoie le signal que, bon, c'est comme une classe à part, c'est... les stagiaires, c'est un peu... bien, c'est accessoire, ce n'est pas intégré dans l'ensemble des enjeux de main-d'oeuvre? Est-ce que, dans ce sens-là, vous ne trouvez pas que ça envoie un drôle de signal aussi?

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est trois secondes.

M. Gaudreault : Oui ou non.

Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Oui. Bien...

M. Gaudreault : Oui. O.K. C'est bon.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est bien.

M. Gaudreault : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, M. Desroches et Mme Lemieux-Bourque, pour votre contribution à l'avancement de la commission, des travaux de la commission.

Alors, nous allons suspendre quelques instants afin de donner la chance au prochain groupe de s'installer. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 28)

(Reprise à 16 h 33)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous accueillons maintenant la Fédération étudiante collégiale du Québec, avec M. Vaillancourt et Mme Lévesque. Alors, vous disposez de 10 minutes, mais, avant de commencer votre exposé, je vous inviterais à bien vous présenter.

Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

M. Vaillancourt (Samuel) : Bonjour. Donc, Samuel Vaillancourt. Je suis président de la Fédération étudiante collégiale du Québec.

Mme Lévesque (Claudie) : Puis moi, c'est Claudie Lévesque, puis je suis vice-présidente.

M. Vaillancourt (Samuel) : Donc, la Fédération étudiante collégiale du Québec, c'est un regroupement de 27 associations étudiantes réparties au sein de 13 des 17 régions administratives du Québec, pour un total d'environ 78 000 étudiants et étudiantes de niveau collégial. On est, en fait, le seul regroupement étudiant national qui se spécifie sur la population étudiante collégiale. Et je tiens justement à remercier, là, la commission de nous recevoir dans le cadre de cet exercice parlementaire qui est, somme toute, d'une grande importance pour la population étudiante collégiale.

C'est certainement sans surprise pour vous que la FECQ a bien reçu, somme toute, le projet de loi n° 14. On a suivi de façon assidue, je dirais, l'engagement qu'a pris M. le ministre Boulet, il y a maintenant trois ans de ça, à l'effet d'octroyer des protections légales aux stagiaires par le biais du dépôt d'un projet de loi. Et on tient à souligner également le travail qui a été effectué par les militants et les militantes et ainsi que les associations étudiantes dans le cadre des mobilisations observées en 2018‑2019 afin de garantir de meilleures conditions de stage.

Il faut se rappeler, par contre, que ça fait 55 ans maintenant, aujourd'hui, que le réseau collégial existe, et c'est aujourd'hui seulement, en 2022, qu'on va potentiellement adopter un projet de loi qui octroie des protections aux stagiaires. Donc, je lance cette réflexion-ci, qui est assez importante, selon nous. On considère, et je dis ça en tout respect de vos fonctions, que c'est votre responsabilité, en tant que parlementaires, de pallier au manque à gagner qu'on observe, justement, depuis maintenant plus d'une... d'un demi-siècle. Pardon, j'allais dire «demi-décennie». C'est un pas dans la bonne direction pour assurer une forme de strict minimum en matière de droits des stagiaires dans leur milieu de travail. Et, à cet effet, on tient à souligner, notamment, la pertinence de dispositions à l'effet qu'il y a des congés ou absences pour cause de maladie ou raisons familiales, le caractère d'ordre public de la Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail, l'obligation que le stagiaire soit informé de ses droits ainsi que le droit à un milieu de stage qui est exempt de harcèlement psychologique et sexuel.

Par contre, on doit dénoter l'absence de certains incontournables, selon nous, en matière de protection légale en milieu de stage pour garantir une véritable équité entre les salariés ainsi que les personnes stagiaires, notamment lorsqu'il est question de congés de longue durée, de compensation financière de tous les stages ainsi que de conventions de stage obligatoires.

Et je vais maintenant passer la parole à ma collègue.

Mme Lévesque (Claudie) : Oui. Bien, le premier élément, dans le fond, qu'on veut porter à votre attention, c'est la question des congés longue durée. Donc, présentement, on remarque que c'est 14 types de congés longue durée qui ne sont pas inclus dans le cadre du projet de loi n° 14 et qui, pourtant, sont dans la Loi sur les normes du travail. Je fais référence ici aux congés de plus de 10 jours qui touchent, notamment, les congés parentaux, les congés de maternité, les congés de paternité, les congés suite... de violence conjugale ou de violence à caractère sexuel. Bref, ce sont des congés de longue durée qui sont accordés dans le cadre de la Loi sur les normes du travail mais pas dans le cadre du projet de loi n° 14. Ce qu'on remarque sur ces congés, c'est que ce sont des congés qui, malheureusement, vont très souvent toucher, selon ces statistiques, davantage les parents étudiants et les femmes. On pense donc que, pour arriver à une véritable équité dans les domaines de stage, ce serait pertinent d'ajouter les congés de longue durée au projet de loi n° 14.

Je prends, par exemple, ici, l'exemple des congés de maternité et du cinq jours pour l'accouchement. Donc, disons qu'une personne accouche et elle a le droit à cinq jours pour un accouchement si elle est stagiaire, bien, dans le cas d'une personne salariée, elle va avoir ces cinq jours d'accouchement, mais elle va aussi avoir un congé de maternité de 18 semaines. On se pose la question si ce serait possible, après un accouchement, de revenir en milieu de stage cinq jours après. En cinq jours, est-ce qu'on a le temps d'accoucher, de revenir à la maison, de s'installer avec son nouveau-né, de trouver un CPE puis ensuite, tout de suite, de retourner en milieu de travail sans aucun inconfort et avec une santé... en pleine santé? Je pense que c'est un peu impossible.

Donc, on soulève cette réflexion ici. Pour cette raison-là, et c'est un exemple parmi tant d'autres, on pense que ce serait pertinent que les congés de longue durée soient inclus au projet de loi n° 14 pour assurer la réussite et la diplomation des personnes étudiantes stagiaires et, bien sûr, des parents étudiants.

M. Vaillancourt (Samuel) : Actuellement, au niveau des congés, on dénote la nécessité d'élargir les dispositions sur les congés liés aux évaluations liées à la grossesse, mais, tout d'abord, on remarque que l'usage du genre féminin a pour effet d'exclure les hommes et, par extension, les hommes trans qui sont en mesure de porter une grossesse à terme. Mais, en plus de cela, nous, la FECQ, on considère qu'il serait pertinent d'élargir ces dispositions aux évaluations psychosociales ainsi qu'aux procédures d'adoption. Et, à cet effet, il y a des hommes qui peuvent être adoptants. Donc, on considère qu'il serait pertinent, en premier lieu, d'élargir les dispositions aux personnes adoptantes, mais aussi d'utiliser du genre masculin afin que les deux genres soient concernés par ces dispositions. Ça nous permettrait, au final, d'assurer une meilleure inclusion de l'ensemble des personnes stagiaires.

Finalement, le projet de loi n° 14 prévoit un congé compensatoire lorsque le stagiaire travaille lors d'un jour férié. On considère qu'à l'image de la Loi sur les normes du travail le délai dans lequel le congé devrait être pris devrait être situé à trois semaines et déterminé par le biais de la loi, mais que le choix du moment auquel est pris ce congé compensatoire devrait revenir au stagiaire en raison du fait que le stagiaire doit très souvent jongler, je dirais, avec un stage... des cours en fi du stage, en fait, ainsi qu'un emploi de subsistance. Bref, les stagiaires doivent pouvoir bénéficier de congés qui s'apparentent davantage à ceux de la Loi sur les normes du travail avant tout par souci d'équité, de diversité mais aussi d'inclusion.

En deuxième lieu, on considère que le projet de loi n° 14 doit octroyer des droits qui sont davantage équivalents à ceux de la Loi sur les normes du travail.

Donc, tout d'abord, on souhaite relever certaines normes du travail qui ne se retrouvent pas auprès du projet de loi n° 14 mais qui ont, somme toute, leur pertinence, selon nous, dans le cadre d'un stage. On pense surtout à la durée du travail, qui permet, normalement, à un salarié de refuser de travailler après un certain nombre d'heures, le droit à un repos hebdomadaire de 32 heures consécutives, le droit aux périodes de repas ainsi que l'obligation pour l'employeur de défrayer les frais liés à l'uniforme qu'il exige de ses travailleurs et travailleuses.

• (16 h 40) •

Et, additionnellement, ce que l'on remarque, c'est que les revenus d'un stagiaire qui se voit octroyer une rémunération, s'il ou elle est assez chanceux pour en avoir une... ce revenu-là n'est pas protégé au même titre que le salaire va l'être dans le cadre de certains congés. Je prends l'exemple du décès d'un proche, d'un parent, bien, la personne peut s'absenter cinq jours, tant stagiaire que travailleur. Par contre, la différence, c'est que le salarié ou la salariée va avoir droit à une rémunération pour deux de ces jours-là, alors que le stagiaire rémunéré n'aura pas cette protection-là. Donc, ce revenu n'est pas protégé, et on considère qu'il est nécessaire de s'assurer, lorsqu'il y a rémunération, qu'il y ait une protection.

Parlant de rémunération et de compensation financière, je ne peux pas m'empêcher de mentionner que ce sont 77,1 % des stages qui ne reçoivent aucune forme de compensation ou de rémunération. C'est près de deux stagiaires sur trois qui vivent des difficultés financières dans le cadre de leurs stages. Ces difficultés financières sont exacerbées chez les femmes, chez les étudiants de première génération, les personnes de plus de 20 ans, les étudiants en situation de handicap, les personnes immigrantes et les étudiants internationaux, et des données prouvent le tout.

Au collégial, c'est 70 % des stagiaires qui jonglent entre un stage et un emploi de subsistance, qui cause des échecs pédagogiques dans plusieurs cas, et la réponse de certains établissements, c'est : Abandonne ton emploi de subsistance. Je ne sais pas pour vous, je vous lance la question. Moi, ça me convainc de la nécessité d'octroyer des compensations financières, voire une rémunération de tous les stages. Je vous lance donc la question, Mmes et MM. les parlementaires.

En conclusion, on tient à amener le fait que de meilleures conditions de stage ont démontré un grand taux de rétention auprès des employeurs et que, conséquemment, on pense que le besoin d'octroyer des chèques de 9 000 $ pour convaincre les étudiants d'aller et de rester dans un certain programme collégial serait peut-être moins présent.

Donc, je vais laisser la parole à Claudie, désolé.

Mme Lévesque (Claudie) : Le dernier point qu'on veut apporter à votre attention, c'est la question des conventions de stage. On en parlait juste avant, les conventions de stage, c'est un contrat qui est signé entre la personne étudiante, l'établissement et le milieu de stage. À notre sens, c'est aussi l'outil parfait pour s'assurer de l'application concrète du projet de loi n° 14 puisqu'il permet d'aller plus loin, de réglementer aussi les conditions du stage.

Dans une convention de stage, on pourrait, par exemple, donner davantage de droits aux stagiaires, on pourrait s'engager à faire respecter la politique pour lutter contre la violence à caractère sexuel en enseignement supérieur puis on pourrait aussi transmettre davantage d'information quant aux droits des stagiaires et, en terminant, clarifier les responsabilités de la personne stagiaire, de son établissement d'enseignement supérieur et, bien sûr, du milieu de stage.

Présentement, on remarque dans le projet de loi qu'il y a un certain flou quant aux responsabilités. Donc, des fois, on a... la responsabilité est conjointe entre certains acteurs, et c'est quelque chose qui est décrié présentement par certains acteurs, justement. Donc, on pense que la convention de stage pourrait venir clarifier le tout dans un papier qui serait, bien sûr, signé par l'étudiant, dont il aurait connaissance. Bref, on pense que les conventions de stage devraient être obligatoires pour la simple raison qu'à notre sens c'est un véhicule parfait pour acheminer et pousser plus loin le projet de loi n° 14.

M. Vaillancourt (Samuel) : Pour finir, on constate qu'il est important de ne pas crier victoire ou de se satisfaire des dispositions actuelles du projet de loi simplement sur la base du fait qu'il n'y a pas de cadre législatif actuel sur les protections des stagiaires. On reconnaît tous l'apport qu'aura ce projet de loi là, mais, si ça aura pris 55 ans avant qu'on se penche sur un projet de loi ainsi, je me pose la question à savoir combien de temps ça va prendre avant qu'on s'y repenche, sur la question des protections légales des stagiaires. On considère alors qu'il faut aller le plus loin possible dès maintenant afin de s'assurer qu'il y a des meilleures conditions de stage. Et on pense surtout que ça passe par des congés de longue durée pour tous les stagiaires, que... s'assurer que les droits de la Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail soient davantage équivalents à ceux de la Loi sur les normes du travail et finalement que les conventions de stage soient obligatoires pour tous les stages. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci pour votre exposé. Nous allons donc commencer la période d'échange avec M. le ministre.

M. Boulet : Oui. Merci, Mme la Présidente. Il y a une donnée que je trouve intéressante, là, 71 % des stages qui ne sont pas rémunérés. C'est une information que je vais vérifier. Mais effectivement c'est un projet de loi qui vise à conférer des protections, des recours et des droits.

Et, sur ce, je veux en profiter pour souligner votre engagement, votre collaboration. On s'est rencontrés depuis mon assermentation, Samuel et Claudie. Vous avez eu des prédécesseurs, mais vous avez lutté. Puis 55 ans sans régime de protection, moi, ça ne m'apparaît pas socialement acceptable. Puis les stagiaires sont souvent perçus, et c'est compatible avec une réalité, comme étant des personnes vulnérables, ou marginalisées, ou n'ayant pas de droits, ou...

Bon, évidemment, on n'embarque pas dans la rémunération, parce qu'il y a une diversité de stages qui est immense. Il y a des stages qui sont purement d'observation, des stages où il y a une prestation effective de travail, mais ça varie énormément d'une corporation à l'autre, d'un établissement d'enseignement à l'autre. Et, tu sais, des conventions de stage, Claudie, tu le mentionnais, oui... Puis il y a des stagiaires qui sont syndiqués aussi, là, parce que j'ai vu des accréditations syndicales qui incluent des stagiaires dans l'accréditation syndicale. Mais, oui, une convention, une loi, ou un décret, ou autre, peut prévoir des droits ou des avantages qui sont supérieurs au projet de loi n° 14.

Je veux m'attarder, notamment, aux congés de plus longue durée. Bon, vous le savez, on a eu des consultations avec vous autres, d'ailleurs, avec les ordres professionnels. Je voudrais que vous me donniez quand même un certain nombre de réponses. Qu'est-ce qu'on fait avec un congé de longue durée dans le contexte d'un stage qui est de courte durée? Parce qu'il y a énormément de stages qui sont de très courte durée. Comment vous envisageriez ça? C'est une des raisons pour lesquelles on se limite à des droits de courte durée. C'est d'ailleurs un seuil, mais il y a énormément... puis là je vérifierai le pourcentage, mais comment vous l'envisageriez?

Mme Lévesque (Claudie) : À notre sens, les congés de longue durée, même si on a un stage de courte durée, ça va nous permettre de reprendre le stage où on l'a terminé la première fois. Donc, par exemple, on a une personne étudiante qui commence son stage qui, on va dire, dure six semaines, fait quatre de ces six semaines-là, puis, à la quatrième, il lui arrive, malheureusement, un incident qui la pousse à devoir mettre sur pause ses études pour un certain temps, bien, au moins, on s'assurerait que ces quatre semaines-là qui ont été effectuées en milieu de travail et pendant lesquelles la personne stagiaire a fait des sacrifices... Comme on vous a présenté, très souvent, il y a des sacrifices qui sont faits par les stagiaires pendant qu'ils effectuent leurs stages. Donc, au moins, ces quatre semaines-là sont préservées. On prend pour acquis que ces quatre semaines-là ont permis de construire certaines connaissances. Puis éventuellement, à la reprise d'un stage, on va pouvoir aller chercher les compétences et les connaissances qui ne sont pas nécessairement acquises en dehors de ces six semaines-là.

M. Boulet : Je comprends. Donc, on met le stage sur pause et on revient après. Mais qu'est-ce qui arrive avec le milieu de travail puis qu'est-ce qui... Mettons, on parle d'équité, mais quelqu'un qui est aux études, qui doit interrompre ses études, est-ce qu'un établissement d'enseignement va dire : Tu interromps, le temps de ton absence de longue durée, puis, après, tu reprends? Est-ce qu'on... Mais il reprend son année, il reprend... Donc, il recommence sa session si c'est au collégial, ou même dans un centre de formation professionnelle, ou une université. Je veux juste comprendre. Comme, tu sais, tu dis : Là, il y a quatre semaines de faites, si la personne s'absente trois mois, elle vient compléter ses deux semaines après. Puis, s'il n'y a pas de possibilité dans le milieu de travail ou l'établissement d'enseignement, comment on procède? Est-ce qu'on crée des droits supérieurs aux stagiaires, par exemple, par rapport à l'étudiant qui ne bénéficierait pas d'un tel avantage? Juste...

M. Vaillancourt (Samuel) : Si je peux... me permettez, je pense qu'il y a une partie de votre question où est-ce que vous faites référence au droit de retourner dans le milieu de travail des suites d'un congé. Puis on est conscients que, dans le cadre d'un stage, c'est quelque chose qui nécessite des adaptations. Et évidemment que, lorsqu'on va être rendus à garantir ce droit-là aux stagiaires, c'est une question sur laquelle on va se pencher davantage.

Mais, au niveau, justement, de l'arrêt, la mise sur pause des études, il y a plusieurs mécanismes qui sont en place dans les établissements collégiaux afin de faciliter la reprise des études, mais il y a également les mécanismes de reconnaissance des acquis, au sens où, bien, par exemple, un étudiant qui fait un programme technique arrête après sa troisième session de stage, les trois sessions qui sont effectuées vont être reconnues, évidemment. Bien, on va penser, par exemple, eh bien, si la quatrième session de stage a été interrompue au milieu du parcours, eh bien, il va y avoir des mécanismes mis en place par les aides pédagogiques individuelles, les conseillers pédagogiques, et autres, pour faciliter le retour de l'étudiant ou de l'étudiante sur les bancs d'école.

M. Boulet : Je le comprends. Je pense que... Mais, si c'est dans une session régulière, par exemple, tu es au cégep, tu as deux mois et demi de faits et tu dois interrompre pour des raisons de maternité, ou des raisons de paternité, ou des raisons parentales, ou peu importe, qu'est-ce qu'on fait dans un collège? Est-ce qu'on reconnaît que tu as deux mois et demi de faits ou tu recommences ta session?

M. Vaillancourt (Samuel) : Bien, évidemment que...

M. Boulet : Je veux savoir la réalité, évidemment, Samuel, là. Si ça arrive dans des cas concrets, qu'est-ce qu'on fait?

• (16 h 50) •

M. Vaillancourt (Samuel) : Oui. Évidemment qu'il y a... Comment dire? Il ne va pas y avoir une reconnaissance, par exemple, des quatre semaines de session qui vont être effectuées, mais on doit se rappeler qu'on ne peut pas en tout temps comparer ce qui se déroule sur un établissement dans le cadre d'un parcours scolaire à ce qui se déroule dans le cadre d'un stage. On a là des réalités totalement différentes. Par exemple, une évaluation dans le cadre d'une... d'un parcours scolaire, je veux dire, désolé, il y a des politiques institutionnelles qui sont mises en place, il y a des droits qui sont octroyés aux étudiants, il y a des recours qui sont possibles, alors que, par exemple, dans le contexte d'un stage, bien, s'il n'y a pas de convention de stage, des protections comme ça ne sont pas nécessairement garanties. Donc, on ne peut pas simplement, selon nous, se baser sur le fait que ce n'est pas ce qu'on voit au niveau collégial ou dans le cadre d'une session normale pour se retirer.

M. Boulet : Mais tu comprends, Samuel, que, moi, dans ma tête, il y aurait comme un régime à deux vitesses : quand tu es stagiaire, tu bénéficies d'une pause et tu reprends où tu as laissé, alors que, quand tu es étudiant, tu bénéficies de la pause, mais tu recommences au début de la session. Mais c'est mon point, là, à ce stade-ci, mais mes collègues savent que je serai toujours ouvert à ça.

Est-ce que... Comment vous voyez ça, pour un milieu de stage, s'il y a un employeur qui dit : Moi, je vais l'accueillir, le stagiaire, mais... S'il apprend qu'il y a des congés de longue durée qui peuvent être pris, est-ce que ça ne peut pas devenir un obstacle à la capacité d'accueil des milieux de stage, qui vont se dire : Moi, j'ai des ressources pour une période de temps limitée, j'ai un mentor, j'ai un coach pour une période de temps limitée, mais là ça devient trop difficile d'anticiper, et le risque de ne pas pouvoir prévoir... Tu sais, l'absence de prévisibilité, est-ce que ça ne peut pas devenir un obstacle, finalement, à des belles conditions de réalisation d'un stage? C'est une question générale, là, mais...

M. Vaillancourt (Samuel) : Bien, je vais commencer en disant que, selon nous, une belle condition de stage, c'est des congés de longue durée. Mais, comment dire, ça revient un peu, selon moi, à ce que je disais tantôt, là, par rapport au fait... au droit de retourner dans le milieu de travail, qu'il y a des... Comment dire? Évidemment qu'il va y avoir des ajustements qui sont nécessaires, là, auprès des milieux de stage. Puis ça, on s'entend là-dessus à 110 %. Puis c'est un des exemples, justement, que vous nommez, qui fait en sorte que c'est plus difficile, là, d'avoir des... du moins, qui fait en sorte que c'est plus difficile d'avoir le droit, je dirais, au retour dans le même poste, le même lieu de travail, et tout, parce qu'il y a des programmes de subvention, exactement comme vous nommez, mais on considère, justement, que mieux vaut passer par-dessus cette difficulté-là et trouver des solutions plutôt que de simplement se rétracter.

M. Boulet : Là-dessus, Samuel, je pense qu'on se rejoint. On fait une loi qui est d'ordre public, donc, qui est impérative. C'est le solage, et, après ça, la maison peut être construite en tenant compte de la diversité des stages et de la diversité des formes, aussi, d'apprentissage. Je pense qu'on est pas mal au même niveau. Mais c'est sûr que ce n'est pas un projet de loi de rémunération. On embarquerait dans un univers qui est complètement distinct à la réalité de ce que... l'objectif qui était recherché. Puis d'ailleurs c'est ce que vous souhaitiez, qu'il y ait un régime de protection légale.

Autre question, Samuel ou Claudie, là. Si, par exemple, moi... Évidemment, quand tu as un congé férié, tu ne peux pas le prendre, il y a une possibilité d'avoir un congé compensatoire. Je pense, c'est Samuel qui soulevait ce point-là, qu'il y ait une période de trois semaines pour le reprendre. Nous, ce qu'on a dans le projet de loi, c'est qu'il peut le reprendre, mais à l'intérieur de la durée du stage. Qu'est-ce que tu fais s'il ne peut pas le prendre, puis que le stage finit une semaine après, puis qu'on écrit dans une loi...

Puis il y en a tellement, d'éléments qui justifient qu'il y ait un projet de loi autoportant à côté de la Loi sur les normes du travail, en raison de la particularité de la relation, qui, en plus, est tripartite, puis, dans certaines circonstances, plus une quatrième partie, parce qu'il y a des ordres professionnels, si le stage vise à être accepté dans un ordre professionnel. Mais comment on traiterait ça, Samuel? Est-ce qu'on dirait : Comme tu n'as pas eu ton congé férié, ton stage finit dans une semaine, puis, la loi, qui est d'ordre public, on ne peut pas avoir une condition moins avantageuse, tu finis ton stage, mais on te donne un congé? Toi, tu verrais un congé rémunéré après la fin du stage?

M. Vaillancourt (Samuel) : Congé rémunéré... Bien, comme vous disiez, on n'embarque pas dans la rémunération...

M. Boulet : Dans les cas des rémunérés, là, parce qu'il y en a qui sont rémunérés, d'autres...

M. Vaillancourt (Samuel) : Mais est-ce que vous... O.K. Parce qu'au niveau du congé compensatoire c'est peu importe le stage, de ce que j'en comprends, là. Puis, dans le fond, je vais vous expliquer un peu la réflexion qu'on a eue, là. On a fait l'analyse de la Loi sur la fête nationale et la Loi sur les normes du travail, et, justement, on a comparé les deux. La Loi sur la fête nationale, on considère qu'il y a des ajustements à y avoir, parce que le congé doit être pris le jour ouvrable suivant ou le jour ouvrable auparavant. Là, je ne suis pas certain exactement, là. Et, justement, par le fait qu'il y a des stages qui sont faits, je vais dire, à temps partiel, ça ne s'applique pas à 100 %. Donc, on a priorisé l'approche de la Loi sur les normes du travail. Si je ne m'abuse, la Loi sur les normes du travail prévoit que c'est dans les trois semaines avant ou après. Si ce n'est pas le cas, bien, c'est ce que j'encourage qu'on fasse auprès du projet de loi. Comme ça, il y aurait... Bien, un congé férié, c'est quand même prévisible. Donc, je pense qu'avec un mécanisme comme ça, où il y aurait trois... quand même une chance de six semaines où il y a possibilité de prendre le congé compensatoire, surtout si le stagiaire sait à l'avance qu'il va devoir travailler, par exemple, le 24 juin...

M. Boulet : O.K. Donc, il dit : Je peux le prendre dans les trois semaines qui suivent, par exemple, mais, comme mon stage finit dans deux semaines, je vais le prendre la semaine prochaine. Tu sais, de toute façon... O.K. Je comprends. Mais ça revient à ce qui est écrit dans la loi, la durée du... dans le projet de loi, là, durant le stage.

Bon, le reste, je vais d'abord proposer à ma collègue de Jean-Talon de faire le suivi, mais, si je n'ai pas l'opportunité de revenir, moi, je vous remercie encore une fois de votre engagement, de votre collaboration. Puis moi, je veux que, dans les années à venir, on continue à construire un régime de protection pour les stagiaires. Moi, juste le harcèlement, Claudie, hein, tu m'as souvent entendu parler, puis Samuel, le harcèlement psychologique et sexuel, de savoir qu'un stagiaire pouvait être victime sans bénéficier du mécanisme de plainte qui est dans une politique de prévention, et, quand on sait que, dans la loi, on doit aussi faire cesser le harcèlement dès qu'il est porté à notre connaissance, moi, ça m'apparaissait humainement, socialement puis à tous égards inacceptable, puis je pense qu'on fait une avancée importante avec le projet de loi. Merci beaucoup, encore une fois. Alors, je... ma collègue de Jean-Talon, si ça vous convient.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, la parole est à la députée de Jean-Talon. Il vous reste 3 min 50 s.

Mme Boutin : Bon, merci beaucoup, Mme la Présidente. Dans votre mémoire, je trouve ça superintéressant, la recommandation par rapport aux conventions de stage. Là, je le dis d'emblée, je ne suis pas une experte, là, des stages. Je ne savais même pas que c'était obligatoire ou pas obligatoire d'avoir une convention de stage, puis vous en avez parlé un petit peu. Moi, je connais des gens, justement, au cégep, là, qui m'ont dit : J'ai fait un stage, puis ça n'avait aucun rapport avec mes études, j'ai quasiment passé le balai ou classé des choses dans un coin. Donc, dans cette optique-là, je trouve ça quand même intéressant. Puis vous mentionnez, là, que c'est presque 78 % qui ont une convention de stage. Mais, à votre... Tu sais, selon votre expérience, est-ce que ces conventions de stage là sont sérieuses, sont établies en partenariat avec l'étudiant? Puis qu'est-ce qui pourrait être fait de plus? Parce que vous en parlez un petit peu, qu'est-ce qui devrait être dans la convention de stage, là, mais qu'est-ce qui est névralgique, là, admettons qu'on rendrait ça obligatoire, là?

Mme Lévesque (Claudie) : Si je peux rectifier, par contre, on dit que, dans... Les données sont peu... sont quand même mitigées à cette question-là. Donc, on a certaines données qui disent que c'est 78 % des stages qui ont des conventions de stage, mais on a d'autres données qui disent que 60 % des personnes ne le savent pas ou elles n'ont pas de convention de stage. Ces données-là qu'on a, c'est des données très récentes. C'est des données qu'on a prises pendant la pandémie, mais qui s'adressaient, de façon générale, aux stagiaires avant ou... bien, surtout avant la pandémie. Mais, bref, ces données-là montraient qu'au collégial les personnes étaient beaucoup moins... avaient beaucoup moins tendance à avoir des conventions de stage.

Donc, d'abord, de l'obliger, à notre sens, ce serait vraiment le premier pas, parce que, si on se fie aux données les plus récentes qu'on a, malheureusement, on remarque qu'il y en a beaucoup qui ne savent pas s'ils l'ont ou qui ne l'ont pas, puis je pense que, si on ne sait pas qu'on l'a, c'est quand même un indicateur que, peut-être, on n'en a pas ou que c'est un papier qu'on a signé puis qu'on n'a pas vraiment... on ne nous l'a pas expliqué. Donc, la prochaine étape, à mon sens, c'est : Si on a une convention de stage, prenons le temps de nous asseoir avec l'étudiant, de lui expliquer. Ça nous permettrait, bien sûr, de s'assurer que l'étudiant puisse savoir le contenu de sa convention de stage puis de savoir qu'il est en train de signer une convention de stage, parce que, là, présentement, on a quand même des données qui sont assez inquiétantes à cet égard-là.

Mme Boutin : J'ai une petite question par rapport à la convention de stage, là, même si ça relève de l'Éducation, là. Est-ce que ce ne serait pas pertinent d'inclure les nouveaux droits des stagiaires? Tu sais, est-ce qu'un employeur... Parce que j'ai l'impression que les employeurs... Tu sais, ça va vite, là, on est en pénurie de main-d'oeuvre, tu sais, ils engagent un stagiaire. S'ils sont pour signer une convention de stage, admettons, est-ce que ce serait pertinent qu'ils reçoivent aussi... voici les droits des stagiaires?

Mme Lévesque (Claudie) : C'est ce qu'on a écrit dans notre mémoire, justement. À notre sens, comme on dit, ça peut être un véhicule du projet de loi n° 14 dans la mesure où est-ce qu'on pourrait mettre les nouveaux droits des stagiaires. Donc, comme on s'assure que l'étudiant a ce document-là en main, le signe, il peut, bien sûr, savoir c'est quoi, ses droits, puisqu'il l'a signé, ce document-là, il l'a eu entre les mains.

Mme Boutin : Je pense que je n'ai plus vraiment de temps, là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Vraiment, effectivement.

Mme Boutin : Merci beaucoup pour votre mémoire.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, merci. Nous poursuivons cette fois-ci avec le député de Viau.

• (17 heures) •

M. Benjamin : Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre mémoire, que je salue. Je salue, dans votre mémoire... la grande sensibilité dans votre mémoire et aussi le fait que, dans votre mémoire, vous portez des valeurs qui me sont chères. Notamment, je sens l'inclusion, le sens de l'inclusion. Et je me réfère à vos commentaires, notamment, sur les questions de genre et notamment le fait que vous vous êtes... vous avez pris le temps de nommer la réalité des parents étudiants en étayant le portrait, donc, et, pour cela, je vous remercie. Mémoire très bien étoffé.

Je commencerai, une première question, à la page 8, donc, à la page 8 de votre mémoire, deuxième paragraphe, lorsque vous relevez «un certain flou qui pourrait être pertinent à clarifier». J'aimerais vous entendre sur ce flou que vous clarifiez. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Vaillancourt (Samuel) : Oui, en effet. Donc, on voit ici, à l'article... en fait, c'est en référence à l'article 4, qui prévoit une obligation, par le milieu d'enseignement, l'ordre professionnel ainsi que le milieu de stage, d'informer le stagiaire des droits qui lui sont octroyés. La problématique que l'on observe, justement, c'est que la responsabilité est partagée, et il n'est pas clairement établi qui est responsable de la transmission de l'information, dans quelle mesure. Et, justement, le mécanisme que l'on propose afin de clarifier ça, c'est la convention de stage, qui va permettre de clairement informer le stagiaire de ses droits par une reprise, par exemple, de l'information contenue à la Loi visant à assurer la protection des stagiaires. Alors donc, nous, c'est vraiment cet élément-là, le flou, c'est le partage de cette responsabilité-là, je vous dirais.

M. Benjamin : Merci. L'enjeu des congés de longue durée, il me semble, depuis le début de nos travaux ici, apparaît clairement, visiblement, comme un handicap à faire de cette loi-là une véritable loi juste pour les stagiaires. J'aimerais vous entendre sur ce commentaire, sur les enjeux de... les congés de longue durée.

Mme Lévesque (Claudie) : Si je peux continuer sur ce que je disais tantôt, souvent, on a tendance à se poser la question, à savoir... Bien, le stagiaire a une condition très particulière qui est entre la personne étudiante et la personne travailleuse. Ensuite, la question, c'est : Est-ce qu'on veut lui accorder des droits similaires à la personne travailleuse ou des droits similaires à la personne étudiante? À mon sens, plus on lui offrira de droits, mieux ce sera. Donc, j'irais pour les congés de longue durée.

Mais, bref, ce que je veux dire par là, c'est... Je pense que les congés de longue durée, ça n'arrivera pas à chaque semaine dans un milieu de stage. Ça m'étonnerait qu'on ait une personne qui s'absente à chaque semaine dans un milieu de stage. D'après moi, ça va être des cas d'exception. Mais, si on peut garantir à ces cas d'exception là que, si jamais un imprévu très malheureux, parce que les congés longue durée, généralement, c'est des imprévus qui ne sont pas joyeux... Mais, bref, si on est capables de leur garantir que, dans ce cas-là, ils peuvent maintenir leur accès à la profession, maintenir... continuer leur parcours, bien, ces quelques individus là vont en bénéficier.

Donc, à mon sens, ce serait... cette disposition-là n'engendrerait pas des conséquences incroyables, dans la mesure où est-ce que c'est peu de personnes qui vont en bénéficier, mais le peu de personnes qui vont en avoir besoin vont pouvoir les avoir, finalement.

M. Vaillancourt (Samuel) : ...compléter, concrètement, en ce moment, de la façon dont on le voit, en ce moment, c'est qu'on demande aux nouveaux parents, surtout, de choisir entre leur parcours d'études et le fait de devenir parents. Et je me pose la question, à savoir : Est-ce que c'est... Je me dis : Est-ce que... Si un autre individu se faisait poser la question, un peu un choix, un ultimatum, d'une certaine façon, comment on réagirait? Je lance la réflexion.

M. Benjamin : Vous avez aussi lancé une autre réflexion à la recommandation 15, j'aimerais vous y amener, donc, notamment par cette proposition sur le taux de la rémunération. J'aimerais vous entendre sur cette recommandation 15.

M. Vaillancourt (Samuel) : Oui. Bien, la recommandation 15 est à l'effet de la compensation financière de tous les stages. Comme qu'on a montré tantôt, il y a énormément de données choquantes qui montrent le besoin de compenser financièrement les stages. Donc, tu sais, pour le rappeler, là, en 2016, si je ne me trompe pas, c'est le regroupement québécois des organismes en employabilité, si je ne m'abuse, qui dénotait que c'est quand même 77,1 % des stages qui n'ont aucune forme de rémunération ou de compensation. Donc, ça, c'est absolument zéro dollar qui est remis à la personne pour le stage.

Donc, comment dire, d'une façon, c'est de demander à une personne de... et je prends l'exemple, là, de certains stages qui sont à temps plein, c'est de faire l'équivalent d'un emploi à temps plein, sans aucune forme de rémunération, en étant potentiellement, comme on a nommé, parent étudiant, en étant potentiellement une personne qui doit payer un loyer, en étant une personne qui doit se loger, se nourrir, se déplacer. Donc, à cet effet-là, il y a une nécessité d'octroyer ces protections légales là.

Et on voit l'impact que ça a sur les stagiaires de ne pas avoir ces compensations financières là, de ne pas avoir, même, une rémunération, potentiellement, on voit l'impact que ça a sur les difficultés que ça peut apporter au niveau financier, les difficultés que ça peut apporter au niveau académique. Et certains établissements se retournent et vont dire : Par souci d'équité, on vous demande de ne pas accepter de stage avec rémunération ou compensation, plutôt que de promouvoir les stages avec rémunération ou compensation. Là, il y a une dynamique assez particulière, selon nous.

M. Benjamin : D'ailleurs, vous soulevez ce qui est, à mon sens, un genre de paradoxe. Et là je me reporte à la page 16 de votre mémoire, lorsque vous parlez... vous faites allusion au Tribunal administratif du travail, des mécanismes de recours. Et vous soulignez, avec raison, qu'il est prévu... Dans le cas des salariés, donc, qui vont devant ce tribunal, ils peuvent avoir des indemnités, ils peuvent être indemnisés. Et ça, c'est là que je trouve que votre réflexion me semble très, très pertinente et mérite qu'on s'y attarde. Donc, j'espère qu'on aura l'occasion de creuser la chose davantage.

M. Vaillancourt (Samuel) : Oui, exactement. Si je peux préciser, dans le fond, ce que l'on soulève, c'est que la Loi sur les normes du travail prévoit que, dans le cadre d'un recours en matière de harcèlement psychologique ou sexuel, une personne peut recevoir une indemnité équivalente au salaire qui serait perdu, potentiellement. Et, si on s'en va dans le contexte de stage, il y a le recours possible au Tribunal administratif du travail et il y a le recours possible en matière de harcèlement, mais on arrive dans une situation où il n'y a pas de compensation ou de rémunération obligatoire des stages.

Qu'est-ce qui se passe, alors, si on veut indemniser les stagiaires? Tout d'abord, on pose la question, à savoir : Est-ce que le Tribunal administratif du travail est en droit d'indemniser les stagiaires? Parce que les dispositions du projet de loi prévoient que le tribunal peut octroyer toute... rendre toute décision qu'il juge pertinente, mais, dans la Loi sur les normes du travail, il y a des dispositions similaires, mais on vient préciser des... par un «notamment». Donc, c'est... Tout d'abord, on pose la question. Mais, ensuite de ça, on propose qu'il faudrait potentiellement un mécanisme objectif d'octroi d'une indemnité, si jamais un stagiaire se voit octroyer cette indemnité-là, et ce que l'on propose, c'est le salaire minimum.

M. Benjamin : Excellent. Merci. Donc... Ah! il me reste encore un peu de temps. Donc, un enjeu qui me préoccupe énormément dans le cadre de ce projet de loi là, et je vois que, dans votre mémoire, vous avez aussi fait une belle place à cet enjeu-là, c'est l'enjeu du harcèlement, harcèlement en milieu de travail. Et la recommandation 10 que vous faites obligerait, donc, l'employeur de prendre connaissance de la politique institutionnelle de l'établissement d'enseignement.

Une question en lien avec cette recommandation là, donc, je la comprends très bien, c'est : Quel pourrait être, selon vous... Est-ce qu'il y a un rôle accru à donner aux établissements d'enseignement par rapport à cet enjeu-là si on veut non seulement endiguer, mais enrayer le fléau du harcèlement en milieu de travail des stagiaires?

Mme Lévesque (Claudie) : Si je peux rebondir sur la question, présentement, les établissements, bien, comme a dit, au risque de répéter, ma collègue de l'UEQ tantôt, doivent mettre en place des politiques pour lutter contre les violences à caractère sexuel. Donc, il y a toute cette responsabilité-là de changement de culture à l'interne aussi, puis ça vient avec la responsabilité de mettre en place des formations annuelles qui sont, entre guillemets, obligatoires, puis là je parle d'une autre loi, mais, bref, qui ne sont pas nécessairement obligatoirement transmises.

Donc, d'abord et avant tout, si les établissements pouvaient réellement offrir des formations annuelles à leur personnel, aux personnes tierces, donc, ici, aux personnes qui sont dans le milieu de stage et aux étudiants et aux étudiantes, on pourrait véritablement offrir un changement de culture dans lequel, au fil des années, on aurait peut-être moins de cas de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel.

Mais, bref, ce que je veux dire par là, c'est des responsabilités qui sont déjà aux établissements, mais le flou autour du caractère obligatoire est davantage... fait que ce n'est pas fait nécessairement annuellement. Et donc il y a cette responsabilité-là à prendre.

M. Vaillancourt (Samuel) : Il y a également des enjeux d'application qu'on observe, au sens où ce n'est pas précisé dans la loi visant à prévenir et à... bien, en tout cas, elle a un long nom, là, mais ce n'est pas précisé que les stages sont concernés. On parle de personnes tierces. Et pourtant on a fait une analyse, et, les 27 établissements dans lesquels l'association étudiante est membre de la FECQ, c'est précisé dans la politique que les stages sont concernés. Le ministère de l'Enseignement supérieur l'a également reconnu à deux reprises dans son guide de rédaction de conventions de stage et dans son guide de rédaction de politiques de prévention des violences à caractère sexuel. Donc, la conclusion est que, malgré que ce n'est pas écrit, dans les faits, elle s'applique, cette loi-là. Mais on veut simplement que ce soit précisé et qu'il y ait une obligation de transmettre au minimum la politique au milieu de stage.

M. Benjamin : Merci beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci au député de Viau. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

• (17 h 10) •

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Content de vous voir. Je ne sais pas si vous étiez là tantôt quand je posais mes questions à vos camarades de l'UEC. Je ne sais pas si vous êtes familiers avec le concept de rapport de mise en application. On met ça souvent dans une loi pour que, dans quelques années, on fasse l'étude de son application, justement, voir si ça a bien été, si on a oublié des parties, il y a des effets insoupçonnés. Ça ne fait pas partie du projet de loi comme tel. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être pertinent, selon vous, qu'on rajoute dans les dispositions transitoires?

M. Vaillancourt (Samuel) : C'est quelque chose qu'on n'a pas analysé dans le cadre de notre mémoire, mais, en effet, c'est quelque chose qui est, selon nous, très intéressan. Puis c'est évident que, si c'est quelque chose qui est repris, on va être les premiers à vouloir participer à cet exercice-là.

M. Leduc : Parfait. Et, justement, je le trouve d'autant plus pertinent que le chemin qui est choisi par le ministre n'est pas celui des normes du travail. Autant vous que vos collègues de l'UEQ faites beaucoup référence à la loi des normes. Je n'ai pas entendu le ministre s'expliquer vraiment sur pourquoi il avait choisi ce chemin-là. Je comprends que vous voulez qu'on l'adopte rapidement, avant la fin des travaux, puis j'en suis, puis vous pouvez compter sur notre collaboration là-dessus, mais ça ne veut pas dire qu'on doit faire l'économie de... comment je dirais ça, d'un débat quand même important sur l'organisation de notre droit du travail. Puis là on rajoute une nouvelle loi qui se superpose au LNT, on ne vient pas modifier la LNT avec les références aux stagiaires. Comment tout ça s'articule? Est-ce que vous, vous avez eu droit à une explication de la justification, là, de pourquoi on choisit ce chemin-là plutôt que de l'intégrer directement dans les normes du travail?

M. Vaillancourt (Samuel) : Bien, tout d'abord, il faut garder en tête que l'engagement du ministre était... a été pris voilà trois ans maintenant, puis l'engagement était vraiment de déposer un projet de loi distinct. La justification complète, je n'étais pas là, malheureusement, quand il était temps de l'avoir.

Mais, pour revenir à la question de la Loi sur les normes du travail, nous, on... la FECQ est en faveur de l'inclusion des stagiaires à la Loi sur les normes du travail. Toutefois, l'exercice que l'on fait aujourd'hui, on voit ça comme étant une première étape, en fait, c'est qu'éventuellement notre objectif, c'est qu'on se rende à la Loi sur les normes du travail. Mais, pour le moment, visiblement, ce n'est pas ça, ce qui va arriver. Puis, visiblement, on n'est pas pour cracher sur un projet de loi qui vient d'octroyer des protections aux stagiaires. Donc, c'est, je vous dirais, surtout ça, là, qui nous guide.

M. Leduc : Bien, on va travailler certainement pour la rendre la plus proche, en tout cas, des normes du travail et s'assurer qu'éventuellement un rapport de transition puisse nous donner des pistes à suivre. Merci.

M. Vaillancourt (Samuel) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Nous poursuivons avec le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. Vaillancourt et Mme Lévesque. Très intéressant, votre recommandation 13. Vous dites que la loi doit prévoir qu'il est obligatoire de signer une convention de stage tripartite. Le ministère de l'Éducation... de l'Enseignement supérieur publie déjà un guide d'accompagnement destiné aux établissements d'enseignement en vue de la rédaction de conventions de stage. C'est un guide. Est-ce que, selon vous, ce guide est bien, est complet? Est-ce qu'il devrait nous guider, c'est le cas de le dire, pour la rédaction d'amendements éventuels, dans un projet de loi, qui iraient dans le sens de votre recommandation 13? Autrement dit, est-ce qu'on doit s'inspirer de ce guide du ministère pour arriver à votre recommandation?

Mme Lévesque (Claudie) : Dans un sens, oui, dans la mesure où est-ce qu'il a été bâti en consultation avec plusieurs acteurs. Donc, oui, il y a une pertinence. Mais ensuite il y a la nécessité de le réviser aussi pour faire état des droits, éventuellement, qu'on va obtenir par ce projet de loi n° 14. Donc, la première étape serait, lorsque le projet de loi va être adopté, de réviser le guide puis, éventuellement, de se fier sur le guide révisé, qui va inclure tous les nouveaux droits des stagiaires.

M. Gaudreault : O.K. Donc, ça pourrait être une forme de pouvoir réglementaire, au moins, pour forcer le gouvernement à prévoir des... une convention de stage qui pourrait s'inspirer, après ça, en aval, de ce guide du ministère. Je comprends bien?

Mme Lévesque (Claudie) : Oui. Notre objectif, c'est que la convention de stage soit obligatoire.

M. Gaudreault : Exact.

Mme Lévesque (Claudie) : Puis on pense que, présentement, le meilleur moyen, c'est le projet de loi n° 14. Puis ensuite le travail est presque déjà fait, on prend le guide, puis on s'en inspire pour créer notre propre convention de stage, et ensuite on peut le bonifier si on a le désir de le faire. Mais ce guide-là, à notre sens, fait en sorte que, si on rend obligatoires les conventions de stage, comme on l'espère, la rédaction de ces conventions de stage là ne sera pas un poids immesurable pour les établissements d'enseignement supérieur, les milieux de stage, lorsqu'ils vont créer des conventions de stage.

M. Gaudreault : Merci. Moi, ce qui m'impressionne, là, puis je lisais votre communiqué de presse d'aujourd'hui, c'est votre donnée à l'effet qu'en général ce sont des stages dans les domaines à prédominance féminine qui ne sont pas rémunérés. Pour moi, ça, c'est un argument suffisant pour obliger une rémunération. Je ne peux pas croire qu'on va recréer un déséquilibre ou une discrimination, sur laquelle on est en train de lutter, par ailleurs, à l'échelle québécoise, de lutter contre les deux poids, deux mesures à l'égard des rémunérations à l'égard des femmes. On veut atteindre l'équité, l'égalité au niveau des postes de direction, puis là ça se reflète dans les stages, puis on n'aurait pas de rémunération obligatoire. Donc, l'étudiant en droit est rémunéré puis l'étudiante en travail social ne l'est pas. Non, ça ne marche juste pas. Qu'en dites-vous?

M. Vaillancourt (Samuel) : À cet effet, je vous recommande la recherche qui est citée. C'est justement une comparaison de, si je ne me trompe pas, cinq différents programmes techniques. Et la conclusion est que les programmes qui sont comparés, qui sont à prédominance masculine, sont généralement rémunérés, alors que les stages à prédominance féminine... Puis on peut même penser au Programme de bourses en soutien à la persévérance et la réussite des stagiaires, qui vient colmater, d'une certaine façon, ces... ou, du moins, essayer de réparer. C'est tous des domaines à prédominance féminine.

M. Gaudreault : Mais il y a des domaines...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Sujet très intéressant, mais là, là, là, on a dépassé.

M. Gaudreault : Oui. Bon.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Merci, M. Vaillancourt, Mme Lévesque, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Alors, nous suspendons quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

(Reprise à 17 h 20)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous accueillons maintenant la Fédération des cégeps du Québec, avec M. Tremblay et Mme Le Gal. Alors, je vous invite, avant de commencer votre exposé, à bien vous présenter. Merci.

Fédération des cégeps

M. Tremblay (Bernard) : Oui. Bonjour, mesdames, messieurs. Merci de nous accueillir. Donc, mon nom est Bernard Tremblay. Je suis le président-directeur général de la Fédération des cégeps. Et je suis accompagné de Mme Nadine Le Gal, qui est la présidente de notre conseil des directions générales et qui est également directrice générale du cégep de Saint-Jérôme.

Alors, évidemment, ça nous fait bien plaisir d'être ici pour commenter le projet de loi n° 14. Et, d'entrée de jeu, je veux préciser que la Fédération des cégeps, qui représente les 48 établissements d'enseignement collégial publics du Québec, juge que ce projet de loi est pertinent puisqu'il prévoit un encadrement législatif pour protéger nos étudiantes et nos étudiants qui effectuent des stages dans le cadre de leur formation.

Plusieurs dispositions de ce projet de loi reprennent des éléments du cadre législatif qui protège les travailleurs québécois pour les appliquer aux stagiaires du réseau collégial. C'est le cas, notamment, en ce qui concerne les jours fériés ou la définition du harcèlement psychologique, par exemple, ce qui représente, pour nous, un progrès important en matière de conditions des stagiaires. Le projet de loi prévoit aussi un encadrement des stagiaires correspondant aux normes minimales d'emploi applicables à la majorité de la main-d'oeuvre québécoise, ce qui facilite l'intégration, par les milieux de stage, des règles applicables aux jeunes du réseau collégial qu'ils accueilleront.

Cependant, certains éléments du projet de loi nous préoccupent et doivent, selon nous, faire l'objet de modifications pour mieux prendre en considération la diversité des situations relatives aux stages prévus dans le cadre des programmes de formation collégiale ainsi que les politiques et les modalités d'encadrement relatives aux stages dans les cégeps.

Tout d'abord, bon, sur la notion de stage telle qu'elle est définie dans le projet de loi, nous avons certaines préoccupations. Alors, la définition d'un stage contenue dans le projet de loi véhicule une notion à géométrie variable, selon qu'il est prescrit par un ordre professionnel ou qu'il est prescrit dans un programme d'études, ce qui met de l'avant une dichotomie qui nous semble difficile à justifier.

Alors, j'explique, en fait, la définition proposée. On nous dit : Vise les stages requis par les ordres professionnels, alors qu'elle vise tout stage, requis ou non, se déroulant «dans le cadre d'un programme d'études ou de formation de niveau secondaire, professionnel, collégial ou universitaire». Pour les cégeps, cette distinction pourrait faire en sorte de causer des difficultés en matière d'application du projet de loi.

Dans la très grande majorité des programmes, la population étudiante des cégeps inscrite en formation technique, à l'enseignement régulier comme à la formation continue, doit effectuer un ou plusieurs stages qu'on peut regrouper en quatre catégories : les stages d'observation, les stages d'acquisition, les stages de mise en oeuvre des compétences et les apprentissages en milieu de travail. La réussite des stages de ces quatre catégories est obligatoire pour obtenir un diplôme ou une attestation.

Or, les cégeps offrent également à leurs populations étudiantes la possibilité d'effectuer un stage optionnel qui n'est pas obligatoire pour la réussite des études. On parle ici du stage en alternance travail-études. Ainsi, si je donne un exemple, une étudiante en techniques de santé animale pourrait vouloir faire un stage en alternance travail-études dans une clinique vétérinaire pendant ses études. Concrètement, elle deviendrait alors employée de la clinique vétérinaire. Elle bénéficierait donc des protections du projet de loi n° 14, non pas en vertu de ce projet de loi, mais plutôt en raison de la législation déjà en vigueur au Québec, soit la loi sur les normes du Québec, qui s'applique à tous les travailleurs et à toutes les travailleuses.

Par conséquent, incorporer le stage en alternance travail-études au projet de loi, comme c'est le cas actuellement, n'apporterait aucune protection ou droit supplémentaire mais pourrait générer une certaine confusion quant aux droits et obligations de chacun, et ce serait, le cas échéant, pour les recours de la personne qui estimerait que ses droits sont lésés.

Nous recommandons donc que la définition du stage dans le projet de loi n° 14 s'applique de la même façon aux ordres professionnels qu'aux établissements d'enseignement et qu'il soit précisé, en ce qui nous concerne, qu'il s'agit de toute activité obligatoire exigée dans le cadre d'un programme d'études.

Mme Le Gal (Nadine) : Je vais poursuivre. Merci, Bernard. Notre deuxième sujet de préoccupation concerne le rôle et les responsabilités que le projet de loi impose à chaque intervenant dans le cadre d'un stage ainsi que la notion de représailles.

Selon notre lecture, le projet de loi crée une relation quadripartite, employeur, établissement d'enseignement, stagiaire et commission, qui nous paraît nécessaire jusqu'à un certain point mais qui pourrait présenter des difficultés d'application pour les cégeps, étant donné leur capacité limitée d'agir par rapport à certaines obligations légales des employeurs. Il faut savoir que les employeurs qui offrent des milieux de stage à la population étudiante des cégeps n'ont pas d'obligation légale d'accueillir nos stagiaires. Or, certains articles du projet de loi prévoient une responsabilité conjointe du milieu de stage et de l'établissement d'enseignement. Si la protection des stagiaires est une préoccupation importante des établissements du réseau collégial, le projet de loi impose aux cégeps des obligations difficiles à respecter lorsqu'il s'agit de situations relevant du fonctionnement du milieu de stage, sur lesquelles l'établissement d'enseignement n'a pas d'autorité.

À notre avis, il serait important de mieux cerner les rôles respectifs des milieux de stage et des établissements d'enseignement. Et c'est d'autant plus important que les cégeps, il faut le rappeler, ne sont pas en mesure d'intervenir quotidiennement dans les activités usuelles des milieux de stage. Il appartient cependant aux cégeps de bien informer les milieux de stage quant à leurs obligations d'informer, naturellement, nos stagiaires de leurs droits et de veiller à ces obligations face aux stagiaires... pardon, et de veiller à ce que ces obligations face aux stagiaires soient respectées lorsque ceux-ci se trouvent dans les milieux de stage. Par ailleurs, certaines situations ou circonstances font en sorte que le retrait du milieu de stage est la seule solution. Or, le projet de loi interdit d'avoir recours à cette solution.

Alors, pour toutes ces raisons, la fédération incite à la prudence dans la rédaction de certains articles du projet de loi pour éviter que les établissements d'enseignement soient tenus responsables des... soient tenus responsables des événements du quotidien survenant dans le milieu du stage et pour leur permettre de mettre en place les mesures requises afin d'assurer le respect des droits des stagiaires, ce qui, selon nous, peut inclure la fin du stage. Nous avons d'ailleurs formulé des recommandations plus précises à cet égard dans notre mémoire.

Notre dernière préoccupation concerne le pouvoir du Tribunal administratif du travail sur les questions académiques. Il nous paraît bien sûr pertinent que ce tribunal soit le tribunal de première instance en cas de recours, comme le prévoit le projet de loi, mais le Tribunal administratif du travail ne dispose pas de l'expertise requise pour évaluer le dossier académique d'une personne étudiante. D'ailleurs, même la Cour supérieure refuse généralement d'intervenir sur les questions de notation et, lorsqu'elle le fait, elle renvoie le dossier au cégep concerné pour qu'une note soit attribuée. En fait, à part le personnel enseignant de la discipline concernée, peu de personnes sont en mesure de porter un regard critique sur les résultats d'une évaluation. Il faut savoir, par ailleurs, que les cégeps ont l'obligation légale de se doter d'une politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages, qu'on appelle affectueusement la PIEA, qui encadre un certain nombre de situations pouvant survenir dans le parcours d'un étudiant ou d'une étudiante et prévoit notamment les mécanismes de révision de note.

Il nous paraît hasardeux de permettre à un juge administratif de modifier un résultat académique, alors qu'il ne dispose pas des connaissances requises pour se livrer à cet exercice. Nous recommandons donc de modifier le paragraphe traitant des pouvoirs attribués au Tribunal administratif du travail pour en inclure les résultats académiques.

Mme la Présidente, merci de votre écoute.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. C'est tout? Vous avez terminé votre exposé?

Mme Le Gal (Nadine) : Oui.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est bien. Merci. Alors, nous allons commencer la période d'échange avec M. le ministre.

• (17 h 30) •

M. Boulet : Merci, Bernard. Merci, Nadine. Belle présentation, un mémoire qui est bien articulé, qui est structuré, avec des recommandations qui méritent notre attention à tous lors de l'étude détaillée. Puis je vois la préoccupation constante, là, des collèges d'assurer des conditions de réalisation de stage qui soient véritablement optimales. Évidemment, on en a qui viennent nous demander plus, il y en a d'autres qui veulent que ce soit plus circonscrit. Je vais peut-être m'attarder à quelques points, peut-être, d'abord, Bernard, la dichotomie.

Je comprends qu'il y a des stages qui sont optionnels, d'autres qui sont obligatoires, et, ce que tu dis, par exemple, un stage qui est en alternance travail-études, bien, la personne qui est au travail, elle serait régie par une autre loi, pas celle sur la protection des stages. Est-ce que la recommandation, c'est de dire : Ce qui est optionnel n'est pas visé par la loi sur la protection des stagiaires, mais que ce serait limité aux stages obligatoires? Est-ce que j'ai bien compris, Bernard?

M. Tremblay (Bernard) : Exactement. Parce que, pour nous, la situation d'un stage optionnel est couverte par la Loi sur les normes, hein, on parle alors d'une situation où l'étudiant ou l'étudiante, donc, lorsqu'elle fait... Sa partie stage optionnel n'est pas, donc, un élément de son parcours obligatoire. À ce moment-là, elle est vraiment embauchée par l'organisme qui l'accueille et elle est couverte par la Loi sur les normes.

M. Boulet : Il y a tellement une diversité de stages, hein, tu sais, la donnée qui est partagée, qui est véhiculée, c'est qu'il y en a à peu près 195 000. Et c'était bien précisé, là, Bernard, par ton propos, là. Il y a des stages d'observation, d'acquisition d'aptitudes, des mises en oeuvre puis des stages d'apprentissage.

Moi, je comprenais la définition comme tant de quoi qui concerne la mise en oeuvre... tant une période qui est requise par un ordre professionnel que ce qui est requis aussi par un établissement d'enseignement pour obtenir un diplôme, là. Parce que ce n'est pas tous les stages qui mènent à un permis d'exercice d'une corporation professionnelle.

Nadine, c'est un point, là... Moi, je référais souvent à la relation tripartite, mais on peut dire que c'est une relation quadripartite, là, parce qu'il y a le milieu de stage, il y a le stagiaire, il y a l'établissement d'enseignement «slash»... excusez-moi l'expression, mais corporation professionnelle. Le point que vous soulevez, je le trouve intéressant, parce qu'on dit, dans le projet de loi, qu'on doit informer le stagiaire, puis c'est une responsabilité partagée. Nadine, vous dites : Ça devrait être précisé, les responsabilités qui sont spécifiques à chacun des acteurs de cette relation quadripartite. Est-ce que c'est bien ce que vous nous mentionnez?

Mme Le Gal (Nadine) : C'est exactement ça, M. le ministre. On souhaite, sur certains aspects, avoir un peu plus de précisions, notamment sur les rôles et responsabilités dans le cadre du stage. Donc, vous avez très bien vu. Je ne saurais dire plus.

Peut-être vous dire, entre autres, que, oui, vous le savez, le milieu collégial est habitué, travaille avec des milieux de stage et avec ces étudiants stagiaires depuis déjà plus de 50 ans, donc on a cette expertise-là, mais il y a des aspects sur lesquels on ne peut pas... Il faut faire attention par rapport aux responsabilités qu'on doit avoir dans le cadre du stage en tant que tel. Donc, oui, la responsabilité, de notre côté, d'informer le milieu de stage des rôles et responsabilités du milieu, d'informer le stagiaire de ses droits, ça, il n'y a aucun problème, mais on considère qu'il devrait y avoir certaines précisions, comme on l'a indiqué dans notre document présenté, dans notre mémoire.

M. Tremblay (Bernard) : Puis, je me permettrais peut-être d'ajouter, c'est, en fait, de clarifier, hein, le rôle de chacun, hein, dans la relation, le rôle qui appartient au milieu de stage, parce qu'il est le seul à pouvoir l'exercer correctement, et le rôle de l'établissement d'enseignement.

M. Boulet : Comment c'est fait? Parce qu'évidemment les groupes d'étudiants réfèrent à... il faudrait inclure, dans le projet de loi, les congés de longue durée, tu sais, par exemple, un congé parental, un congé de maternité. Puis, Bernard, vous faisiez référence à une dichotomie. Moi, je me dis tout le temps : Bon, c'est un régime de protection minimal. Une convention peut prévoir des droits supérieurs, puis ça existe, mais les droits ou les absences de longue durée, ce n'est pas compatible avec la vaste majorité des stages. D'ailleurs, si tu dois t'absenter pendant une session au cégep de Saint-Jérôme, par exemple, on ne reconnaît pas tes acquis, puis tu ne reprends pas ta session là où tu étais rendu. Je vous vois acquiescer, là, mais, les stagiaires, c'est la même réalité. Les congés de longue durée, ça risque de mettre en péril ou... Bien, je veux dire, tu as quand même acquis des connaissances, mais il faut que tu reprennes ton stage ou... Ce n'est pas compatible avec un projet de loi.

Puis, Nadine, vous faisiez référence au droit qui est aussi fondamental, c'est de mettre fin à un stage. Je ne sais pas qui veut s'exprimer là-dessus. Bernard? Nadine?

Mme Le Gal (Nadine) : Bien, tout à fait. Dans un premier temps, par rapport à la question des compétences, donc, un stage, tout comme un cours, hein, a un objectif d'atteindre des compétences, dans le but d'aller vers la diplomation, en lien avec un programme clairement défini. De ne pas être présent pendant un stage, donc, je veux dire, pour nous, c'est clair qu'on doit être capable...

M. Boulet : D'être présent.

Mme Le Gal (Nadine) : ...d'être présent et de déterminer les compétences acquises. Donc, ça, c'est un élément.

Par rapport à votre autre question, Bernard, je ne sais pas si tu voulais...

M. Tremblay (Bernard) : Bien, peut-être, là-dessus, j'ajouterais qu'il y a des mécanismes d'accommodement, hein, qui existent, hein? Vous donniez comme exemple... Évidemment, un étudiant ou une étudiante qui doit s'absenter durant une session pour une absence de longue durée, bien évidemment, on ne la laisse pas tomber, hein, cette personne-là. On l'accompagne. Lorsqu'elle revient, on tente de faire en sorte, évidemment, que ce soit le plus... comment dire, le plus approprié, son retour, et d'ajuster, évidemment, la proposition de formation en conséquence. Alors, pour moi, ça va de soi aussi pour le stage.

Alors, une situation... Puis je comprends très bien de dire : Peut-on imaginer, après cinq jours, revenir dans un stage, alors qu'on vient d'accoucher? Je comprends que c'est un délai exceptionnellement court, mais on doit comprendre que, comme vous le dites, c'est une protection minimale qui pourra, évidemment, s'accompagner d'un accommodement par la suite. Ça ne peut pas être que ça.

M. Boulet : Oui, en tenant compte de l'environnement de stage. Je comprends aussi le point de bien circonscrire les pouvoirs du Tribunal administratif du travail, là, pour ne pas empiéter sur les compétences et la juridiction, qu'on pourrait qualifier d'exclusives, là, des collèges puis de la fédération des collèges. Je n'avais pas ce sentiment-là lors de la rédaction du projet de loi, mais je vais certainement être sensible à cette réalité-là.

Maintenant, j'aimerais ça proposer peut-être à ma collègue de Labelle... Est-ce que vous avez des interventions à faire, ou ma collègue de Jean-Talon a des interventions à faire, une des deux, là, ou les deux?

Mme Jeannotte : Bien, bonjour...

M. Boulet : Merci, Bernard. Merci, Nadine, hein?

M. Tremblay (Bernard) : Merci.

Mme Le Gal (Nadine) : Merci.

Mme Jeannotte : Merci, M. le ministre. Bonjour, Mme Nadine Le Gal, que je connais très bien, et bonjour, monsieur... voyons, M. Tremblay, Bernard. Donc, bien, félicitations pour votre mémoire, c'est très bien étayé, très bien... Comme on vient de le voir, M. le ministre semble très sensible aux préoccupations que vous avez soulevées.

Peut-être donner des exemples concrets afin d'éclaircir, dans le fond, les trois, là, enjeux majeurs que vous avez soulevés, pour aider encore plus, là, au niveau de la compréhension, avec des exemples peut-être concrets, là, lorsque vous avez... que vous avez eus en tête lorsque vous avez élaboré vos...

M. Tremblay (Bernard) : Oui. Je peux peut-être débuter, puis ma collègue pourra évidemment compléter. Donc, bon, évidemment, sur le premier aspect, vous aurez compris que ce qui est important pour nous, c'est de bien circonscrire dans quelles situations, donc, la loi s'appliquera.

Alors, si je reprends un exemple d'un stage obligatoire qui est vraiment encadré par un établissement d'enseignement, on juge qu'il est normal que le projet de loi s'applique et que ça devienne, donc, le cadre juridique en vigueur pour ces stagiaires-là. Mais par ailleurs, si on se retrouve dans une situation où un stagiaire, par exemple, va travailler dans une entreprise en TI et que c'est un stage optionnel, et donc que c'est vraiment une prestation de travail qui est effectuée par l'étudiant en question, ça veut dire qu'il aura nécessairement, dans ce contexte-là, je dirais, une rémunération et qu'il sera considéré, pour les fins de la Loi sur les normes, comme un travailleur, et, à ce moment-là, il a déjà un régime de protection. Alors, on veut éviter qu'il y ait comme une situation où on se pose la question : Est-ce le projet de loi n° 14 qui s'applique ou est-ce la Loi sur les normes qui s'applique à cet étudiant-là? Ça, c'est une première préoccupation.

• (17 h 40) •

La deuxième préoccupation, c'est plus d'être en mesure de bien définir que, oui, il y a une responsabilité partagée, par le projet de loi n° 14, entre le milieu de stage et la maison d'enseignement, mais, en même temps... comment dire, nous n'avons pas, évidemment, autorité ou juridiction sur les milieux de stage. Il faut que ce soit toujours attractif d'offrir d'accueillir des étudiants pour faire des stages. Et donc notre préoccupation, c'est de ne pas nous placer dans une situation où, parce qu'on a une responsabilité par rapport à différentes choses qui se passent dans le milieu de stage, on développe une relation qui soit, je dirais, un peu néfaste à attirer des milieux de stage. Alors, si on se place en autorité sur le milieu de stage, on peut imaginer que le milieu de stage risque de nous dire : Bien, dans ces conditions-là, ça ne nous intéresse plus d'accueillir des stagiaires.

Alors, de bien circonscrire que nous, on va s'occuper d'informer nos stagiaires, de les accompagner, d'accompagner les milieux de stage, d'informer les milieux de stage sur les règles minimales à appliquer, ça, il n'y a aucun souci. Mais, quant à un geste qui sera posé par un employé un mardi matin dans un lieu de stage, ça, malheureusement, on n'est pas sur place, on n'est pas en mesure d'intervenir séance tenante. Et, s'il y a une conséquence parce que ça a été mal mal géré par le milieu de stage, bien, il faut que le milieu de stage en soit responsable. Et de nous imputer cette responsabilité-là risque de créer quelque chose de difficile. Donc, ça, c'est un deuxième volet.

Et le dernier exemple, c'est, comme on le disait, au niveau de la juridiction du tribunal administratif. Bien, effectivement, comme disait M. le ministre, on est assez jaloux, les établissements d'enseignement, et je pense que c'est à juste titre, de l'exercice de notre compétence en matière académique. Et, quand je dis ça, évidemment, ce n'est pas les gestionnaires, hein, c'est vraiment les enseignants. On veut protéger l'autonomie professionnelle et la responsabilité professionnelle de nos enseignants, qui sont les mieux placés pour apprécier est-ce que cet étudiant-là ou cette étudiante-là a vraiment atteint les exigences du stage. Et on voudrait s'assurer que quelqu'un ne puisse pas, donc, demander au tribunal de s'immiscer ou même de se substituer à l'appréciation d'un enseignant ou d'une enseignante quant à la réussite du stage. Parce qu'on a des mécanismes de révision des notes, on a des mécanismes qui nous permettent de s'assurer que ce jugement professionnel là, il est révisé, au besoin, par des pairs, par des gens qui connaissent le secteur.

Si on parle d'un stage en hygiène dentaire, comprenez que moi, avec ma... même si je suis dans le milieu collégial, je ne serais pas en mesure d'apprécier si la personne a atteint les objectifs du stage. Ça prend des enseignants... les enseignants en hygiène dentaire pour le faire.

Une voix : Peut-être...

M. Boulet : Puis, Bernard, si tu me permets, j'ai revérifié le libellé de l'article, là, puis le Tribunal administratif du travail n'a pas le pouvoir de modifier lui-même. Il peut ordonner, par exemple, à l'établissement de modifier, mais l'opportunité, et le mérite, et la façon dont la modification est faite, ça relève de la compétence, évidemment, du collège.

Mais prends l'exemple du stagiaire qui exerce un droit prévu dans le projet de loi n° 14 et qui est victime de sanctions ou qui est victime d'une incidence négative sur son dossier, donc, qui est l'équivalent d'une représaille. Le Tribunal administratif du travail, moi, ça m'apparaît sain qu'il puisse ordonner à l'établissement de corriger, mais pas lui dire comment ça va être corrigé. Mais lui aura à établir un lien de causalité entre l'exercice du droit par le stagiaire prévu dans la loi et l'impact négatif sur le dossier du stagiaire. Ça fait que je veux juste... Mais je vais quand même le réviser bien comme il faut. Mais, a priori, là, on ne s'immisce pas dans vos champs de compétence, Bernard.

M. Tremblay (Bernard) : Parfait. Parce que vous aurez compris... Puis ça me rassure, évidemment, votre propos. Vous aurez compris qu'il y a aussi des préoccupations qui sont exprimées, dans notre mémoire, qui... qui, évidemment, vous amènent, là, comme parlementaires, à faire cette validation-là, et c'est parfait. Donc, l'important, c'est ce que vous nous dites, là, c'est qu'on ait cette discrétion-là sur le processus, bien qu'il puisse y avoir des situations où un tribunal nous demande de le faire, là.

M. Boulet : Absolument.

Mme Le Gal (Nadine) : Et ce, incluant le retrait, là, d'un stagiaire, là, d'un milieu de stage. Puis Mme Jeannotte nous demandait un exemple. Là, je pourrais vous donner un exemple. Par exemple, une stagiaire en technologie de médecine nucléaire qui fait son stage et qui tombe enceinte, à ce moment-là, bien, écoutez, nous, on doit être en mesure, rapidement, sans délai, d'intervenir et demander un retrait, retirer notre stagiaire d'un milieu de stage, par exemple. C'est un exemple qu'on pourrait vous donner.

M. Boulet : Ah! tout à fait. J'ai bien compris ce droit-là de mettre fin au stage dans un contexte de congé de longue durée. C'est un bel exemple qui met en relief ce qui est prévu, là, dans le projet de loi n° 14.

Je ne sais pas s'il nous reste encore du temps.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste encore une minute.

M. Boulet : Une minute. Est-ce que...

Mme Boutin : ...une petite question.

M. Boulet : Allez-y. Ma collègue de Jean-Talon...

Mme Boutin : Très rapidement. Bonjour, M. Tremblay et Mme Le Gal. Bien, justement, pour continuer sur la discussion, votre recommandation 3, vous recommandez, justement, de mettre l'article... insérer l'article 20.1 pour permettre aux cégeps de mettre en place des solutions, justement, pour rendre accessible... Dans le fond, ça va dans le cadre de circonscrire les rôles et responsabilités de chacun.

M. Tremblay (Bernard) : Tout à fait, oui. Je vous... La réponse la plus simple, c'est oui, effectivement. C'est vraiment dans cette perspective-là.

Mme Boutin : Puis votre solution, ce serait d'avoir le droit, dans le fond, de mettre fin à un stage.

M. Tremblay (Bernard) : Dans certains cas, ce qui ne nous semblait pas être possible avec la version... la version qu'on a lue, donc, du projet de loi n° 14.

Mme Boutin : O.K. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, c'est tout pour le moment. Nous poursuivons. Nous poursuivons cette fois-ci avec le député de Viau.

M. Benjamin : Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation, pour votre mémoire. Donc, je commencerais avec votre recommandation 2. Vous suggérez de modifier les articles 4... en retirant la mention «établissement d'enseignement». Or, quand je lis l'article 4, ça semble dire : «Au cours de la réalisation d'un stage, l'employeur et, selon le cas, l'établissement d'enseignement ou l'ordre professionnel doivent prendre les moyens raisonnables à leur disposition pour s'assurer [de] la réussite des études ou de la formation [d'un] stagiaire...» Pourquoi vous souhaitez qu'on enlève «établissement d'enseignement» dans cet article?

M. Tremblay (Bernard) : En fait, on a formulé cette proposition-là, mais évidemment il y aurait d'autres façons, évidemment, d'intervenir sur le projet de loi. Mais l'idée que nous avions, c'était de vraiment mettre en lumière, d'une certaine façon, ce qui est du ressort de l'établissement d'enseignement de ce qui est du ressort du milieu de stage, et plutôt de séparer, donc, ces obligations-là respectives plutôt que de les rendre, comme on le voyait, là, un petit peu conjointes, là. Et là, bien, il y a toujours la difficulté de dire : Bien, est-ce l'établissement d'enseignement? Est-ce plutôt le milieu de stage? Et c'est sûr que le stage, il s'opère quand même dans un milieu, et on s'attend à une prise en charge, par ce milieu-là, du stagiaire.

M. Benjamin : Merci. Sur... Vous comprendrez que ce qu'on fait dans le cadre de ce projet de loi, en fait, selon les groupes qui sont déjà présentés... qui ont été déjà présentés devant nous, notamment des groupes étudiants, c'est d'essayer de corriger, de combler un vide qui existait, notamment, par rapport aux stagiaires. Et j'aimerais... Ce n'est pas dans votre mémoire, mais j'aimerais vous entendre là-dessus, sur l'enjeu des congés de longue durée. Est-ce que vous avez une position là-dessus? Quelle est votre position?

M. Tremblay (Bernard) : Oui. Bien, j'oserais dire, vous savez, on est sensibles, hein, au fait de prévoir, donc, des congés. Les congés qui sont proposés dans le projet de loi, qui sont des congés de courte durée, nous semblent, comment dire, compatibles avec les stages qui ont cours dans le réseau collégial, qui peuvent être de différentes durées. Il y a des stages qui peuvent être relativement longs, mais il y a des stages qui peuvent être très courts.

Alors, c'est clair que de trouver la bonne approche pour couvrir des situations comme, par exemple, un congé de maternité, c'est délicat et c'est difficile face à la variété de stages qui existent, là, dans le réseau collégial. Alors, bien qu'on admette tous que cinq jours, encore une fois, pour reprendre cet exemple-là, cinq jours pour un congé de maternité, c'est trop court, on est plutôt d'accord avec l'idée que le projet de loi a une capacité limitée et que, par la suite, ce qu'il faut plutôt voir, c'est un devoir d'accommodement qui existe, qui est naturel et qui se vit présentement.

Vous aurez compris que, même si on adhère au projet de loi, qui est une demande des groupes étudiants, et donc, évidemment, qu'on encourage et avec lequel on a des dialogues, là, réguliers, il reste que ce n'est pas une demande ou ce n'est pas un besoin qui nous semblait si grand que ça de notre côté, parce qu'on a le sentiment qu'on a des habitudes de gestion, comme le disait ma collègue, de gestion de stage depuis 50 ans et qu'il y a un accompagnement adéquat. Maintenant, qu'on décide d'agir pour aller plus loin, on appuie le principe, mais il y a une limite à cette capacité-là par un projet de loi, et je pense qu'il faut plutôt compter sur le devoir d'accommodement qui existe et qui se vit tous les jours par les maisons d'enseignement pour ces situations-là.

• (17 h 50) •

M. Benjamin : Vous parlez de devoir d'accommodement. Je voudrais vous parler d'un autre devoir, celui du devoir de diligence. J'aimerais savoir, dans la réalité, comment se vit... les stages, comment se vivent les stages, notamment par rapport à vos politiques, chacun des cégeps, que vous avez en matière de lutte contre le harcèlement. Comment s'exerce votre devoir de diligence en amont et en aval sur cet enjeu-là?

M. Tremblay (Bernard) : Oui. Vous aurez compris qu'évidemment c'est un sujet qui est très sensible, sur lequel on est très préoccupés, du côté des collèges. Alors, tous les cégeps ont des politiques et ont des suivis très... des procédures aussi très strictes pour s'assurer, évidemment, que les situations de harcèlement sont traitées, comme vous dites, avec diligence.

Dans une situation de stage, les stagiaires sont aussi informés de leurs droits, accompagnés et invités, évidemment, à contacter leurs responsables de stage ou les coordonnateurs de stage en fonction, là, des cégeps de manière à dénoncer une situation qui se produit dans un milieu de stage. Et c'est sûr que je pense qu'on est tous très sensibles au fait que l'intervention doit se réaliser très rapidement pour être efficace et avoir, je dirais, le sens souhaité, là, d'accompagner l'étudiant ou l'étudiante puis de pouvoir vraiment traiter la situation rapidement. Je ne sais pas si ma collègue veut ajouter, mais...

Mme Le Gal (Nadine) : Oui. Bien, je peux vous dire que, quand mon collègue souligne notre sensibilité, là, on est sensibles mais aussi très proactifs, là, dans le milieu collégial sur toute la question du harcèlement, des violences à caractère sexuel. On est très... Nous sommes très présents. Nous avons des politiques très claires, nous avons des intervenants également qui sont sur place, et, naturellement, nos étudiants sont au courant. Ils sont informés soit avant le stage mais même à leur entrée au collège, là, de leurs droits reliés à ce contexte-là. Et les milieux de stage en font partie, là. Oui, dans la classe, tout à fait, mais aussi dans le milieu de stage.

M. Benjamin : Une des associations étudiantes que nous avons reçues précédemment semble... a suggéré, dans une des recommandations, que, dans les ententes de stage... que l'établissement d'enseignement puisse communiquer en amont leur politique en matière de harcèlement. Donc, est-ce que c'est une pratique qui est déjà généralisée chez vous, chez les cégeps, ou, du moins, c'est... Comment vous vous sentez par rapport à une recommandation pareille?

M. Tremblay (Bernard) : Vous... Communiquer au milieu du stage ou communiquer aux étudiants?

M. Benjamin : Stage, absolument, oui.

M. Tremblay (Bernard) : Oui. Bien, je pense que oui. C'est... Comment dire? Et là se ferait le lien avec le projet de loi n° 59, hein, que vous avez étudié cet automne et qui a aussi contribué à ajouter des droits aux stagiaires. Alors, c'est sûr qu'on se... Je pense qu'on le faisait déjà, mais là on s'en va de plus en plus dans un contexte où il y a un accompagnement très serré qui va se faire des milieux de stage, leur faire comprendre, évidemment, les normes à respecter. Et ça vaut, donc, en matière de santé et sécurité au travail, mais ça vaut aussi en matière de violence à caractère sexuel, de harcèlement et de milieux de travail sains pour nos stagiaires.

M. Benjamin : Et, dans le cas de plusieurs stagiaires, ils vont faire leurs stages dans des milieux encadrés par un ordre professionnel, et, une des correspondances que nous avions reçues à l'effet qu'en termes de recours il pourrait... Et il y a un recours qui pourrait être aussi, au lieu de voir le tribunal administratif, l'Office des professions du Québec. Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous pencher sur cet aspect-là?

M. Tremblay (Bernard) : Bien, en fait, nous, on était très à l'aise avec le fait que ce soit le tribunal administratif et qu'on ne se retrouve pas, justement, avec différentes instances en fonction du type de stage. Parce que, vous avez raison, plusieurs de nos stages sont liés à des ordres professionnels, hein, il y a 13 programmes, de mémoire, au niveau collégial, qui sont liés à des ordres professionnels. Mais on a quand même 133 programmes techniques, et, dans la grande, dans la très grande majorité de nos programmes, il y a des stages de tout ordre. Donc, je pense qu'il y aurait, il me semble, un intérêt à avoir quand même un organisme qui aura cette compétence-là pour tous nos stages.

M. Benjamin : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci au député de Viau. Nous poursuivons cette fois-ci avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Je ne sais pas si vous avez entendu les présentations précédentes, mais il y avait, en ouverture, l'Union étudiante du Québec qui avait une recommandation. J'aimerais ça vous entendre à cet égard-là. Ils disaient la chose suivante : «...que le projet de loi n° 14 visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail permette qu'un établissement d'enseignement ou un organisme sans but lucratif de défense des droits des étudiants et étudiantes puisse porter plainte à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail pour le compte d'un ou une stagiaire qui y consent.» On s'adresse donc, entre autres, à vous quand on parle d'un établissement d'enseignement. C'est quelque chose avec lequel vous pourriez être confortables?

M. Tremblay (Bernard) : Écoutez, à partir du moment où c'est l'exercice d'un droit, moi, que... puis à partir du moment où l'élément, là, que vous avez mentionné, là, qu'il y a consentement de la personne d'être accompagnée, je pense que ça va dans le sens de ce qu'on fait et de ce qu'on souhaite faire, c'est-à-dire que, si je prends, encore une fois, l'exemple des violences à caractère sexuel, on sait que, souvent, les victimes ont besoin d'accompagnement, ont besoin d'être soutenues. Alors, on peut comprendre qu'un stagiaire ou une stagiaire qui est dans une situation un peu de vulnérabilité sente le besoin d'être accompagné.

A priori, là, je vous dirais, on a tendance à croire que, de toute façon, ce sera des situations assez exceptionnelles. Mais, sur le principe, comme vous dites, là, je pense qu'on n'aurait pas de difficulté en soi avec...

M. Leduc : C'est intéressant, parce que, l'accompagnement, je comprends que vous le faites déjà. Là, on parle d'un pas supplémentaire, c'est d'initier une requête, en quelque sorte, et d'être quasiment le procureur de la personne étudiante. Mais je vois l'ouverture puis je le... Oui?

M. Tremblay (Bernard) : Mais il faudra juste, évidemment, être soucieux, j'oserais dire, de la Loi sur le Barreau, là, puis du rôle de chacun, mais... Bon.

M. Leduc : Bien, la Commission des normes du travail fait déjà ça, hein, pour des salariés non syndiqués, les représenter au tribunal.

Peut-être, avec le temps qu'il nous reste, le projet de loi fait... passe à côté du gros, gros sujet de la rémunération des stages. Quel portrait vous pourriez nous en faire, de ce qu'il resterait à faire comme travail, une fois ce projet de loi là derrière nous, par rapport à la rémunération des stages? À quel point c'est un immense chantier ou à quel point c'est complexe?

M. Tremblay (Bernard) : Effectivement, c'est un grand chantier, mais auquel on s'est déjà un peu attaqués, au Québec, hein, il y a quand même eu des avancées dans le passé.

Pour nous, je vous dirais, il y a deux, trois principes quand même assez simples, là, qui nous guident dans cette réflexion-là. D'abord, il y a des stages qui sont plutôt des stages d'observation, hein, on les a qualifiés ainsi, pour lesquels, donc, le milieu de stage est plutôt un endroit où le stagiaire, la stagiaire vient faire des observations mais n'apporte pas une plus-value à l'organisation. Alors, je pense que ces situations-là doivent être distinguées d'une situation où le ou la stagiaire contribue à la production du milieu de stage. Et donc ça, c'est une limite, dans le fond, à ce concept de rémunération de stage puis ça vient, je pense, là, aussi nous amener à focaliser sur un type de stage et non pas tous les stages.

L'autre élément, pour nous, qui est important, c'est aussi qu'il y ait de l'équité. Et ça, on va se le dire, hein, les emplois à prédominance féminine ont traditionnellement eu tendance à être moins considérés pour des stages, et même chose pour les emplois qui sont plutôt associés aux services publics. Alors, c'est sûr qu'à cet égard, dans un contexte où on reconnaît, je dirais, l'importance des stagiaires, il me semble qu'il y a un contexte, quand même, qui est favorable pour poursuivre la réflexion, parce que, maintenant, il y a certains stages qui sont quand même rémunérés, mais... (panne de son) ...cette réflexion-là dans une perspective d'une équité.

Et nous, on ne parle pas vraiment de rémunération, on parle plutôt de compensation, parce qu'il est quand même un peu difficile de... Quand on arrive sur un principe de rémunération, on arrive, bon, à se poser la question : Est-ce que c'est les heures, comment dire, le taux minimal de la loi, bon, etc.? Alors, c'est sûr que notre réflexe est de dire : Bien, à tout le moins, commençons la réflexion sur la base de reconnaître qu'il y a des dépenses associées à des stages. Vous savez, nos étudiantes en soins infirmiers, quand elles vont faire un stage dans un centre hospitalier, bien, s'ils ont une voiture, ils doivent la stationner. Nos étudiants, nos étudiantes en soins préhospitaliers d'urgence ont des équipements à acheter en vue de faire leurs stages. Alors, ça, c'est des situations, effectivement, qui nous rejoignent, qui nous préoccupent, et effectivement je pense qu'il faut poursuivre cette réflexion-là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait.

M. Leduc : Merci beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci beaucoup. Nous poursuivons cette fois-ci avec le député de Jonquière.

• (18 heures) •

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup pour votre mémoire puis merci, surtout, d'insister puis de nous rappeler que le stage s'inscrit dans un processus d'éducation, dans un processus de formation. Il ne faut jamais confondre les genres, là, et en faire un enjeu strictement de travail.

Bon, moi, vous me permettrez d'être un peu chauvin, au cégep de Jonquière, on a un programme de stage international pour les étudiants en sciences humaines, profil Ouverture sur le monde, six à huit semaines. Ça a été longtemps au Burkina Faso, c'est au Sénégal, au Pérou. La réussite du stage est conditionnelle à l'obtention du diplôme et vice versa, donc on obtient le diplôme si on a réussi le stage. Qu'est-ce qu'on fait de ces stages-là? Quelles sont les obligations à l'égard de coopérations internationales avec un OBNL démuni du côté d'un partenaire africain? Mais il y a aussi des organismes de coopération internationale, au Québec, qui supportent ces stagiaires collégiaux. Est-ce qu'on doit faire une clause à part, dans le projet de loi, pour les exclure ou les inclure, s'il arrive des accidents également à l'étranger? Alors, votre analyse là-dessus.

M. Tremblay (Bernard) : Très bonne question. Il y a quand même une référence, dans le projet de loi, hein, à des stages, là, qui pourraient se faire hors Québec. Mais c'est vrai qu'il faut être conscient qu'il y a une limite, quand même, à notre capacité, encore une fois, d'agir dans le milieu de stage au quotidien. Si on dit que c'est le cas au Québec, c'est encore plus vrai à l'étranger.

À notre avis, évidemment, en ayant des obligations, encore une fois, d'information, d'accompagnement, de préparation... Là aussi, vous référez quand même à des choses qui se pratiquent depuis très longtemps. Il y a des habitudes qui se sont installées, il y a des pratiques. Vous savez que le réseau collégial a aussi cette caractéristique-là de mutualiser beaucoup ses efforts, de travailler en partenariat. La fédération, il y a une direction des affaires internationales. Il y a un groupe, là, de tous les cégeps qui travaille à outiller les cégeps pour mettre les conditions gagnantes pour l'exercice de tels stages avec, entre autres, des procédures, des politiques et surtout des assurances aussi, là.

M. Gaudreault : Oui, mais, je n'ai pas beaucoup de temps, est-ce qu'on doit les couvrir dans cette loi ou pas?

M. Tremblay (Bernard) : Bien, moi, je pense qu'on a une limite, là, à aller à l'extérieur du Québec. Et clairement il faut rester réalistes. Et c'est peut-être... Je pense que la façon dont le projet de loi est écrit, c'est suffisant. Et on pourra évaluer si, éventuellement, il faut aller plus loin, mais il me semble que c'est beaucoup plus difficile de vouloir réagir sur des choses qui se passent à l'étranger, et qu'il faut rester dans la sphère de ce qu'on connaît présentement.

M. Gaudreault : O.K.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci, M. Tremblay, merci, Mme Le Gal, pour votre contribution, hein, à l'avancement de la commission.

Alors, nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 18 h 03)

(Reprise à 18 h 14)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous accueillons maintenant le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec, avec M. Graff. Alors, M. Graff, je vous invite à bien vous présenter avant de commencer votre exposé de 10 minutes.

Regroupement des jeunes chambres de
commerce du Québec (RJCCQ)

M. Graff (Pierre) : Excellent. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je vous remercie pour l'accueil. Et je souhaiterais commencer, pour ma remarque introductive, avant de me pencher sur le projet de loi n° 14... Pour ceux et celles qui ne connaissent pas le regroupement, j'ai le plaisir, au quotidien, de représenter 45 jeunes chambres de commerce à travers 16 régions administratives du Québec. Et nous avons également la particularité de représenter 12 jeunes chambres issues des communautés culturelles, ce qui fait que nous représentons aussi bien une très grande diversité de profils au sein des jeunes entrepreneurs, jeunes professionnels, jeunes travailleurs autonomes du Québec, mais également de personnes issues, donc, des communautés culturelles, bref, toute la belle jeunesse québécoise de 18 à 39 ans, puisque, oui, nous discriminons par l'âge.

Donc, permettez-moi tout d'abord de saluer, en fait, l'initiative. Le projet de loi est quelque chose de nécessaire dans un contexte, vous le savez, où notamment, par exemple, la santé mentale des jeunes est extrêmement sollicitée. Et d'offrir des recours, notamment contre le harcèlement, est quelque chose de très positif. On souhaite également que nos jeunes puissent réussir au niveau scolaire. Donc, tout ce qui est proposé est intéressant.

Aujourd'hui, je me concentrerai sur quatre points sur lesquels je vais vraiment insister, parce que les transformations du marché du travail créent des situations qui pourraient devenir néfastes pour ces personnes qui souhaitent s'intégrer au marché du travail. Les quatre recommandations sont relativement simples : premièrement, de subventionner les stages pour les petites et moyennes entreprises et organismes à but non lucratif — je vous dirai pourquoi spécifiquement ces organismes plus tard; deuxièmement, d'envisager la création de partenariats entre plusieurs entreprises pour que les stagiaires puissent évoluer dans divers milieux de travail; trois, de diversifier et d'ouvrir, du moins, à la diversité les stages pour s'assurer d'un accès équitable aux jeunes au marché du travail; et enfin de faciliter la mise en place de ressources, notamment au niveau du mentorat, pour encadrer ces jeunes.

Je vous parlais, plus tôt, d'un élément qui est important. On parle de transformation de fond, de transformation structurelle du marché du travail, et il se trouve que ce projet de loi entre dans tout ce qu'il, à mon avis, est nécessaire de faire pour accompagner les jeunes. Il y a beaucoup d'autres choses qu'on va devoir changer dans le droit du travail, notamment introduire certaines notions pour contrer les effets néfastes de la pandémie, comme l'hyperconnexion, etc.

Mais je souhaitais parler, par exemple, de quelque chose qui est problématique dans un contexte où l'offre et la demande de main-d'oeuvre est extrêmement déséquilibrée au Québec, ce qui fait qu'on a de grandes entreprises qui vont maintenant proposer des salaires relativement élevés aux stagiaires, même très tôt dans leur cursus universitaire, lorsqu'on parle des cycles supérieurs, ce qui crée forcément une rareté, notamment pour les petites entreprises, qui sont le moteur de la croissance et de l'innovation, comme vous le savez, mais également des organismes à but non lucratif. Il y a d'ailleurs une étude extrêmement pertinente qui est parue la semaine passée, qui expliquait que, pour 100 millions de dollars investis dans les OBNL, on créait 110 millions de dollars de PIB, ce qui est quand même rentable. Et c'est extrêmement important au niveau du tissu communautaire et social.

Donc, c'est pourquoi je pense qu'il faudrait vraiment trouver un moyen de subventionner les salaires des stagiaires au sein des petites entreprises et même des organismes à but non lucratif pour s'assurer, justement, que l'on puisse aider ces entreprises où chaque dollar compte et qui ont besoin, justement, de ce soutien-là. On a d'ailleurs, dans le mémoire qu'on vous a partagé, quelques témoignages d'entrepreneurs et de gestionnaires. C'est sûr que, quand on a des gens qui nous expliquent qu'ils ont une enveloppe pour embaucher 300 stagiaires sans subvention, vous comprenez vite que ça peut devenir un problème pour une compagnie qui a moins de 10 employés.

Élément important, peut-être, sans ajouter de lourdeur administrative, ce qu'on serait capables de faire, c'est éventuellement d'introduire des critères objectifs pour octroyer ces subventions, pour faire en sorte que les stagiaires auront le meilleur encadrement possible. On donnait certains éléments qui peuvent paraître subjectifs, mais il y a des éléments objectifs qui sont rattachés à ces choses-là. Par exemple, si on regardait au niveau du style de gestion pour s'assurer que les gens, justement, seront pris par des gestionnaires qui ont à coeur la réussite de ces jeunes là, bien, des indicateurs comme le taux de roulement peuvent être extrêmement pertinents pour les jeunes.

Maintenant, si je vous amène sur les autres pistes qu'on propose, je pense qu'il y aurait certaines choses à regarder, notamment, au niveau de l'obsolescence programmée. Je vous amène un peu ailleurs cette fois-ci, mais c'est volontaire. C'est qu'on s'est aperçus que beaucoup de stagiaires commencent à rentrer sur le marché du travail à la fin de leurs études. Et je pense que, dans un contexte où on a accès à l'information extrêmement rapidement, il serait peut-être intéressant de voir si on ne pouvait pas faire en sorte que le stage devienne partie intégrante des programmes. Ça veut dire que la partie théorique, qui est créditée souvent pour des cours complémentaires, devienne vraiment des crédits pratiques et que l'on fasse en sorte que non seulement les personnes puissent mettre à profit tout de suite les connaissances qu'elles acquièrent sur les bancs de l'université... qu'en plus on vient de résoudre un problème de main-d'oeuvre en ayant des jeunes personnes qui vont... parce qu'ils vont avoir un salaire, justement, subventionné, mais qu'ils vont également pouvoir travailler juste un nombre d'heures suffisant sans mettre en péril leur réussite.

• (18 h 20) •

Et le dernier point était, avant que je l'oublie... Je vous le partageais, oui, l'obsolescence programmée, où je voulais en venir, on s'est aperçus que, dans beaucoup de programmes, même à l'université, les cours que vont suivre des personnes au début de leur cursus, parfois, ne sont plus à jour à la fin de leur cursus. Donc, de cette manière, on pourrait faire en sorte que des étudiants qui deviennent stagiaires peuvent constamment mettre à jour... Et on le voit, d'ailleurs, dans le secteur des technologies, où on a déjà un certain retard au Québec. Mais on pourrait faire en sorte que ces personnes-là sont vraiment totalement fonctionnelles au moment de leur diplomation et qu'on puisse, donc, avoir un moteur supplémentaire de croissance pour les entreprises.

Donc, je vous remercie et je prendrai vos questions.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci, M. Graff. Nous allons donc commencer, effectivement, la période de questions avec M. le ministre.

M. Boulet : Merci, Pierre. Bon mémoire, belle présentation. Bien content de te rencontrer. Puis on sait à quel point les chambres de commerce sont importantes, pas seulement dans les grands centres urbains, mais dans les régions. Il y a énormément de jeunes chambres de commerce qui jouent un rôle fondamental dans le développement, pas que professionnel, mais aussi humain et social de leurs membres.

Et évidemment, quand tu dis, bon : Tout ce qui est proposé dans le projet de loi est intéressant, c'est sûr, on part d'un vide, qu'on comble par un seuil minimal pour protéger, notamment... Parce que, tu as fait référence au harcèlement, il y a beaucoup de stagiaires qui sont vulnérables, qui ne sont pas protégés, qui sont marginalisés, et il faut les encadrer légalement. Et le sens, la nature de ce projet de loi là, c'est de leur conférer des protections, des droits et des protections.

Ce n'est pas un projet de loi de rémunération. Il y a beaucoup de stagiaires qui ne sont pas rémunérés, parce que ça dépend aussi des stages. Il y a des stages qui sont purement d'observation, où il n'y a pas de prestation effective de travail. Mais ça ne relève pas, de toute façon, de l'objectif qui est visé par ce projet de loi là. Ça relève soit de mes collègues à l'Éducation ou à l'Enseignement supérieur. Puis là je ne veux pas entrer dans les ententes de financement des collèges puis des universités pour, notamment, assurer des conditions de réalisation de stage et d'apprentissage. Il y a des programmes, aussi, incitatifs, là, de financement des stages, là, qui relèvent soit de mon ministère du Travail et de l'Emploi... Mais je comprends l'intérêt de soulever ce point-là.

Les partenariats, l'accès équitable, la diversité, je pense que c'est des objectifs qui sont, évidemment, communs et que nous partageons. Puis le mentorat, ça fait partie aussi. Parce qu'on a fait référence à des conventions de stage, là. Il y a des relations tripartites ou quadripartites, là, il y a le stagiaire, il y a le milieu de travail, il y a l'établissement d'enseignement ou l'ordre professionnel. Il y a des conventions de stage, mais il faut que ce soit véritablement adapté à la nature puis à la diversité des stages, là. Donc, c'est des recommandations qui sont certainement intéressantes, qui vont stimuler notre réflexion.

Moi, Pierre, je te dis merci beaucoup puis je vais laisser ma collègue de Jean-Talon te poser des questions puis interagir avec toi. Merci, Pierre... puis ainsi que ma collègue de Labelle, là, le cas échéant, mais elles vont se partager la tâche, là, d'interagir avec toi.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, la parole est à la députée de Jean-Talon.

Mme Boutin : Bien, merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je vais essayer d'aller dans le sens du ministre et de vous poser une question. Merci beaucoup, Pierre, pour ton mémoire. Je sais que tu es un homme très occupé.

Dans votre mémoire, vous dites qu'un stage réussi repose bien souvent sur une alliance, une triple alliance entre le stagiaire, l'entreprise, le partenaire. On a rencontré, juste avant, la Fédération des cégeps, puis ils ont mentionné aussi que c'était un enjeu, là. Ils trouvaient que les balises, là, justement, des alliances entre les étudiants, l'établissement d'enseignement puis l'employeur, ce n'était pas toujours clair, et également la fédération collégiale du Québec, une association étudiante, qui ont dit, justement, qu'ils proposaient la convention de stage. À votre avis, quel serait le rôle des entreprises dans ces alliances-là? Comment est-ce qu'on pourrait baliser une alliance tripartite ou multipartite, dans le fond, le véhicule approprié, du côté patronal?

M. Graff (Pierre) : Alors, si vous me permettez, en fait, je répondrais juste rapidement à M. le ministre. Le projet de loi stipule très bien que la réussite scolaire des stagiaires est primordiale, d'accord? On sait que c'est un départ pour s'occuper, donc, de tout le vide juridique qui existe autour des stagiaires. Toutefois, je pense que, que ce soit la rémunération ou d'autres choses qu'on soulève dans le mémoire... sont extrêmement importantes. Puis, dans un contexte où, d'ailleurs, on a une inflation galopante, où plein d'autres facteurs économiques viennent impacter la réussite scolaire, j'espère, en tout cas, que ce sera considéré à l'avenir. Mais c'est, comme je l'ai vous dit... On venait toucher à des choses relativement connexes, volontairement, dans le mémoire.

Pour ce qui est de la question, Mme la députée, bien, c'est sûr que, déjà, à la base, c'est peut-être dans la manière dont sont pensés les stages. On voit que, généralement, c'est sur l'étudiant que repose pas mal toute la recherche, puis le contact va être généralement juste entre l'étudiant et l'établissement d'enseignement puis l'étudiant et l'organisation, l'entreprise dans laquelle il va effectuer son stage. Clairement, il y a un lien qui ne fonctionne pas. La relation devrait être tripartite, elle est, en fait, séparée entre l'étudiant et les deux autres entités.

Peut-être que... Je pense que tous les rapprochements qui sont nécessaires entre le monde de l'entreprise et des établissements scolaires devraient être quelque chose qui devrait être facilité. Reste à voir les modalités, évidemment, mais c'est clairement une avenue qu'il faudra explorer, puisque c'est quelque chose qui nous inquiète... bien, qui nous inquiète... en tout cas, qui, je pense, démontre que c'est assez inefficient.

Mme Boutin : Mais on dirait... C'est, justement, qu'il manque un peu de clarté. Toutes les parties semblent se demander comment est-ce qu'on pourrait encadrer ça. Puis le projet de loi prévoit, justement, que les... bien, les cégeps, entre autres, mais sûrement que les universités informent mieux le stagiaire. Il y a eu une obligation d'informer le stagiaire. Puis là, bien, je me posais la question, justement, par rapport aux entreprises : Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une forme de contrat où est-ce que, justement, les droits de chacun sont établis ou... Est-ce que c'est quelque chose qui serait trop lourd pour les entreprises ou est-ce qu'il y aurait une applicabilité?

M. Graff (Pierre) : Bien, il y a deux choses que j'ai mentionnées qui peuvent aussi apporter des éléments de réponse. Le premier, c'est qu'on veut réussir à encadrer les stagiaires du mieux qu'on le peut, sans ajouter à la lourdeur administrative en général. En tant qu'OBNL... Puis j'ai la chance d'être entouré par une superbe équipe au quotidien, mais faire des demandes pour des stagiaires, on en a trois ou quatre par an, j'en accueille encore un lundi, c'est quand même beaucoup de travail. Pour une start-up qui est dans le jus, qui a des moyens limités, etc., ça va être la même chose.

Par contre, il y avait un élément que j'ai soulevé tantôt qui est vraiment important, et là je suis en train d'oublier ce que je voulais dire, ce qui ne va arranger personne... J'avais nommé... Ce ne sera pas long, ça va me revenir.

Mme Boutin : Sinon, j'ai une autre petite question très...

M. Graff (Pierre) : Oui, j'y reviendrai après. Mais, oui, il y avait l'élément le plus important.

Mme Boutin : Une petite question, toute petite. Parce que vous mentionnez que, justement, des start-up, souvent, bon, elles ne sont pas tant... tu sais, puis, connaître un peu ce milieu-là, là, il manque un peu de ressources. Est-ce que vous trouvez que les entreprises ont toutes les ressources pour bien accompagner un stagiaire qui vivrait un abus psychologique ou qui voudrait dénoncer?

M. Graff (Pierre) : Je pense que... Et ça, ça... Tout ce qui concerne la santé mentale, le harcèlement, etc., les ressources sont insuffisantes à travers le Québec. Ça, c'est quelque chose que je constate au quotidien. Puis, si je prends juste l'expérience des trois dernières semaines, j'ai trois entrepreneurs qui m'ont appelé pour me faire part d'un suicide dans leur équipe dans les dernières semaines, de quelqu'un de moins de 35 ans. Ce n'était pas à cause du harcèlement psychologique, mais, en général, ça démontre clairement qu'au Québec on n'en fait pas assez, alors même que vous avez débloqué, il y a un an, d'ailleurs, puis je salue ça, je l'ai salué mille fois dans les médias, et autres, vous avez débloqué 120 millions pour la santé mentale. Malheureusement, la publicisation de ces aides-là, que ce soit pour le harcèlement psychologique, que ce soit pour la santé mentale, souvent, est déficiente, alors même qu'il y a des ressources qui existent. Bon, c'est sûr qu'il y a beaucoup de choses à faire, vous le savez comme moi, là. Il y aura clairement un besoin de plus de psychiatres, de plus de psychologues...

Mme Boutin : Mais il y a un manque d'information, dans le fond.

M. Graff (Pierre) : Mais il y a un manque d'information, je pense, qui n'aide vraiment pas.

Mme Boutin : O.K. Ou l'information ne se rend pas.

M. Graff (Pierre) : Oui, absolument, absolument.

M. Boulet : O.K. Ma collègue de Labelle... Je ne sais pas s'il reste du temps, là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, oui. Oui, tout à fait. Alors, il reste huit minutes. Alors, la parole est à la députée de Labelle.

Mme Jeannotte : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Merci pour votre mémoire. J'ai plus travaillé avec les PME manufacturières, mais diriez-vous que, dans le contexte actuel de pénurie de la main-d'oeuvre, vous iriez jusqu'à favoriser les subventions davantage axées sur le salaire, donc les ressources humaines, plutôt que la machinerie? Parce que, traditionnellement, les gouvernements subventionnent beaucoup plus les activités de production, capacité d'augmenter les capacités de production, etc. Est-ce que vous diriez... Quand vous dites : «Octroyer aux PME des subventions salariales sur des critères objectifs pour accueillir des stagiaires», est-ce que vous iriez... Est-ce que vous êtes porte-parole jusqu'à ce niveau-là de...

M. Graff (Pierre) : Non. Je vous dirais qu'on vise vraiment plus les secteurs des services, dans ce cas-là.

Mme Jeannotte : Le secteur des services.

• (18 h 30) •

M. Graff (Pierre) : ...des services. Pour le manufacturier, c'est complètement différent parce qu'ils ont une réalité complètement différente où, généralement, le stage va faire partie intégrante, à moins que je parle dans ma barbe, là, mais, du moins, de la formation, de la... C'est souvent des formations plus collégiales et... Oui.

Mme Jeannotte : D'accord. Donc, le secteur des services. Est-ce que vous pourriez envisager un partage de responsabilités? Je vous entendais parler de la santé mentale. Bien oui, l'État a certainement un rôle à jouer, mais est-ce qu'il y a quand même un partage des responsabilités aussi dans...

M. Graff (Pierre) : Vous savez, même avec nos ressources relativement modestes, pour vous donner un exemple, sur la dernière année, on a créé une ligne de soutien qui... avec des bénévoles, à travers tout le Québec, pour être capables de répondre à des jeunes professionnels, des jeunes entrepreneurs, s'ils avaient des enjeux, donc, avec une ligne VoIP qui est totalement gratuite. Si jamais personne ne répondait parmi les membres des jeunes chambres, il y avait un organisme avec qui on travaillait qui était capable de répondre aux jeunes. On a créé des groupes d'entraide, on a créé des groupes de soutien entre jeunes entrepreneurs, jeunes professionnels, etc. Ça, c'est tout ce qu'on est capables de faire, je vous dirais, avec l'énergie de bénévoles puis sans un sou.

C'est sûr que, si on introduit un partage des responsabilités, bien, il faudrait voir ce qu'on va faire aussi pour soutenir l'action des organismes comme les nôtres, parce que je pense que... Sans aucune prétention, je pense qu'on a joué un rôle qui était extrêmement important pour soutenir les jeunes professionnels, les jeunes entrepreneurs, dans les 24 derniers mois, sans aucune ressource dédiée, de ressources financières, du moins, à part ce que je viens de nommer.

Mme Jeannotte : Oui. Puis, bien, peut-être une dernière question. Dans le fond, quand vous parlez de faciliter l'embauche, l'accueil, l'intégration des stagiaires, donc, vous trouvez que l'État, donc, devrait faciliter tous ces enjeux-là en offrant des ressources pour améliorer l'encadrement, le mentorat.

M. Graff (Pierre) : Là, je pense que c'est vraiment le côté plus ressources financières, que ce soit par les subventions, crédits d'impôt, etc., tout ce qui pourrait permettre, justement, au milieu de l'entreprise d'avoir vraiment les moyens et de mettre l'énergie là-dedans.

Je vous donne un exemple très simple. Si vous prenez... On parle beaucoup de start-up depuis tantôt. Si vous prenez une jeune entreprise, une jeune pousse québécoise, s'ils n'ont pas, par exemple, de subvention pour payer un stagiaire... Et je vous pose la question. Imaginez que vous avez une entreprise de cinq personnes, mettons, dans les technologies. C'est la compétition pour les salaires puis c'est déjà très dur de recruter du monde. Mais, pour un salaire égal, est-ce que vous allez prendre un stagiaire qui n'a pas d'expérience ou quelqu'un qui a une ou deux années sur le marché du travail? La question est simple. Ils vont prendre la personne qui a déjà de l'expérience sur le marché du travail parce qu'ils ne pourront pas prendre ce risque financier d'avoir et de former cette personne qui ne pourra pas leur apporter tout de suite une plus-value. Donc, c'est pour ça aussi que c'est nécessaire de soutenir les petites entreprises à travers des subventions salariales pour les stagiaires, etc.

Mme Jeannotte : Je céderais la parole à M. le ministre si...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Est-ce que M. le ministre veut intervenir? Parce que je sais que la députée de Jean-Talon voudrait intervenir aussi.

M. Boulet : Alors, ce sera la députée de Jean-Talon.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, allez-y.

Mme Boutin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. le ministre. Ça va être très bref, là. J'ai une petite question très concrète, parce que vous représentez beaucoup de membres. Quels sont, à votre avis, les enjeux les plus vécus par les entreprises concernant des stagiaires, l'expérience avec un stagiaire, des exemples concrets, là...

M. Graff (Pierre) : Il y en a plusieurs.

Mme Boutin : ...mais qui pourraient se rattacher, admettons, au projet de loi? Est-ce que c'est le manque d'encadrement, manque de ressources par rapport à certains enjeux? Est-ce que... Par rapport aux congés de longue durée, est-ce qu'il y a des stagiaires qui partent en congé de maternité, des choses comme ça? Qu'est-ce qui...

M. Graff (Pierre) : Ça, je vous dirais que je n'ai pas eu ce type de témoignage. On sait que les stages, généralement, ça va être deux à six mois. Donc, si quelqu'un arrive pour... puis qu'il est en congé de maternité, je pense que c'est quand même assez rare dans cette période-là. Il n'y a pas... Je ne pense pas que ça s'applique vraiment.

C'est sûr que je n'ai pas eu non plus... Peut-être que j'idéalise un peu le monde de la jeune entreprise, mais je n'ai pas eu non plus de plainte par rapport à des recours contre... ou à du harcèlement contre... qui est effectué contre des jeunes stagiaires. Je pense, au contraire, que la jeune entreprise, c'est un milieu qui est beaucoup plus stimulant pour eux parce qu'ils auront beaucoup plus de latitude pour mettre un projet... pour faire naître un projet.

On a d'ailleurs fait, dans... On fait d'ailleurs une série de sondages avec Léger sur l'avenir du marché du travail et la perception qu'ont les jeunes, notamment, de la conciliation, puis il ressort vraiment très fort, dans les statistiques, qu'il y a un désir d'entreprendre, de devenir, sinon, intrapreneur. Et c'est justement les petites structures qui vont leur permettre de se réaliser, parce qu'eux, bien, ils vont pouvoir porter un projet, généralement, de A à X, Y ou Z, contrairement à une grande entreprise, on le dit, d'ailleurs, dans notre mémoire, où c'est, justement... peut-être, il y a beaucoup d'encadrement, etc., mais ils vont pouvoir beaucoup moins se réaliser dans ce qu'ils font, parce qu'eux, ils ne peuvent pas avoir un impact dans une grosse structure où laquelle... il y a une hiérarchie extrêmement rigide qui les empêche, évidemment, de se développer.

Donc, oui et non. C'est la réponse suisse. Il y a peut-être un peu moins d'encadrement parce qu'il y a un peu moins de temps, mais, généralement, on va leur laisser tellement plus de latitude qu'ils vont beaucoup plus se réaliser, à mon avis, dans une petite entreprise que dans une grande structure.

Mme Boutin : O.K. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Merci. M. le ministre, il vous reste 1 min 40 s.

M. Boulet : 1 min 40 s. O.K. Donc, je vais poser deux questions rapides. J'aimerais ça avoir un exemple pour chacune de mes questions. Quand vous dites : «Des partenariats de PME pour permettre aux stagiaires de circuler à l'intérieur d'une thématique ou d'un réseau en rapport avec un cursus académique», est-ce que vous pouvez me donner un exemple de ça, de ce type de partenariat là, Pierre?

M. Graff (Pierre) : Oui. Bien, j'ai déjà eu, par exemple, deux start-up qui m'ont dit : Écoute, moi, pour l'instant, je n'ai peut-être pas assez d'ouvrage pour un seul stagiaire, mais, si je pouvais, justement, le partager avec une autre entreprise qui est un peu dans le même domaine, bien, est-ce que ce serait possible? Généralement, ce n'est pas possible, en fait, ne serait-ce que pour la reconnaissance du stage par l'institution universitaire. Bien là, on en revient au point de tantôt, je pense, la discussion entre les établissements et le milieu de l'entreprise n'est pas toujours là. Parce que c'est des choses qui pourraient peut-être se résoudre avec un peu plus de discussion. Mais c'est un exemple très concret. Donc, qu'un stagiaire fasse une partie de son stage avec un employeur puis l'autre partie de son stage avec un autre employeur, il permet... il verrait deux structures et il aurait différents projets sur lesquels travailler. Et ça pourrait être crédité, quand même, ce qui n'est pas le cas toujours aujourd'hui.

M. Boulet : Ce qui n'est pas toujours évident avec des PME, là, qui ont besoin de flexibilité puis de prévisibilité, là. Mais je comprends l'exemple.

Deuxième question. «Encourager les stages dans une diversité de milieux de travail», ça revient au même, là, c'est pour permettre aux jeunes de mieux s'intégrer après leurs stages dans un milieu de travail.

M. Graff (Pierre) : Ou. Bien, pour cet élément, même si les intitulés de la proposition 2 et 3 se ressemblent beaucoup, on parle aussi beaucoup de diversité, aussi, du milieu de travail. Donc là, c'est vraiment plus le côté, justement, équité qu'on vise pour s'assurer que toutes les personnes à travers le Québec ont une chance égale d'avoir accès aux stages.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Boulet : O.K. Merci, Pierre.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous poursuivons cette fois-ci avec le député de Viau.

M. Benjamin : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Graff. Merci pour votre présentation. Donc, je ne sais pas si vous êtes amateur de kombucha comme moi, mais, ce matin, donc, j'ai été attristé d'apprendre la fermeture de l'entreprise Kombucha du Mont-Ferréol, qui produisait un excellent kombucha. Et la raison invoquée, c'était la pénurie de main-d'oeuvre. Et ma question, en lien avec votre mémoire, les stages, où il est beaucoup question de rémunération, à travers votre mémoire... En quoi vous pensez... Par rapport à l'enjeu de la pénurie de main-d'oeuvre qu'on a actuellement, est-ce qu'il y a un lien à faire par rapport à cette demande, qui apparaît à plusieurs endroits dans votre mémoire, de rémunération des stages?

M. Graff (Pierre) : Bien, je pense que c'est évident. Ce qui se passe, c'est qu'en fait les stages non rémunérés, je pense, vont être amenés à disparaître avec la pénurie, parce que, de toute façon, il y a beaucoup de compétition, puis, au final, les entreprises vont finir par rémunérer les stages qui ne le sont pas. Là où c'est important par rapport à la rémunération, c'est justement le fait que les petites structures vont être complètement désavantagées face à ce phénomène-là, et c'est ce qu'on voulait mettre de l'avant. Et c'est pour ça qu'on disait qu'il fallait aider, justement, les petites structures, comme les jeunes pousses et comme les organismes à but non lucratif, pour être capables, eux, toujours, de pouvoir compter sur cette main-d'oeuvre-là, parce qu'on n'a aucun problème à ce qu'elle soit rémunérée, mais il faut qu'ils luttent à armes égales avec les plus grandes structures pour pouvoir continuer d'avancer, pouvoir continuer à innover ou à aider dans le tissu social, notamment, pour ce qui est des organismes communautaires.

M. Benjamin : Selon les chiffres qui nous ont été présentés un peu plus tôt aujourd'hui, c'est quand même 77 % des stages qu'on nous dit qu'ils ne sont pas rémunérés.

Mais, en attendant, en attendant cela, j'aimerais vous entendre sur une demande qui a été faite quand même à quelques reprises par des groupes qui vous ont précédés, sur les enjeux des congés de longue durée.

M. Graff (Pierre) : Écoutez, c'est une excellente question. Un stage, par définition, est rarement de longue durée. Donc, je serais surpris... Pourriez-vous préciser un peu votre question?

• (18 h 40) •

M. Benjamin : En fait, c'est le fait qu'actuellement, donc, dans le projet de loi tel qu'il a été présenté... qu'on ne tienne pas compte, au niveau de la protection des stagiaires et... des congés de longue durée. Par exemple, l'exemple qui nous a été donné et qui est revenu souvent, c'est, par exemple, une stagiaire... Donc, il est prévu que ce soit cinq jours de congé pour une maternité, mais cinq jours, donc, pour une... plus un congé de... plus un long congé de maternité de 18 semaines, je crois. Mais, dans le cas d'une stagiaire, ce serait tout simplement cinq jours. Donc, l'enjeu de longue durée se pose, à ce moment-là, pour une stagiaire.

M. Graff (Pierre) : Je ne suis pas certain de comprendre votre question, M. le député.

M. Benjamin : Alors, au niveau de la Loi sur les normes du travail, il est prévu qu'une travailleuse, une salariée, donc, bénéficie d'un congé de maternité de cinq jours, auquel congé s'ajoutent 18 semaines. Mais, dans le cas d'une stagiaire, donc, elle ne bénéficierait seulement que de cinq jours et pas des 18 semaines.

M. Graff (Pierre) : O.K. Est-ce que, dans ce temps-là, il y a quand même des régimes complémentaires, notamment avec le RQAP, qui peuvent embarquer pour être capable, justement, de faire en sorte que ce soit plus équitable pour la stagiaire ou...

M. Benjamin : Et c'est là qu'il y a un vide. Et la demande formulée, entre autres, par l'union étudiante collégiale... par la Fédération étudiante collégiale, donc, c'est à l'effet de prévoir que... une couverture pour les congés de longue durée. Est-ce que... Donc, est-ce que vous vous êtes penchés là-dessus?

M. Graff (Pierre) : Non. C'était quelque chose qu'on n'a pas étudié.

M. Benjamin : D'accord. Parfait. L'autre question que je voulais vous poser, et ça, dans votre mémoire, je vois que vous en faites mention... Je trouve ça intéressant, un peu plus tôt, j'ai... En début d'ouverture de consultations, j'ai parlé de moi comme ancien étudiant au collégial, au cégep, cégep de Rosemont, qui était mon ancien cégep, et ensuite à l'université, et j'ai parlé de la difficulté que j'ai eue pour avoir accès à un stage. Et, justement, à la page 7 de votre mémoire, deuxième paragraphe, vous parlez sur l'importance de... Vous recommandez que le recrutement de stagiaires soit fait en misant sur un processus transparent, encourageant la diversité et l'inclusion. Donc, je connais très bien ce que ça veut dire, par exemple, pour un étudiant au collégial ou à l'université qui est d'origine immigrante, qui arrive, qui n'a pas accès à des réseaux déjà établis pour se trouver un stage. Alors, vous, j'aimerais vous entendre sur cette recommandation-là. Comment vous voyez qu'elle pourrait s'articuler, une recommandation pareille?

M. Graff (Pierre) : Vous savez, c'est une proposition qui me touche particulièrement puisque je suis moi-même immigrant. Le Québec m'a accepté comme immigrant en 2009. J'attends d'ailleurs ma citoyenneté dans trois mois, si tout va bien.

Des voix : ...

M. Graff (Pierre) : Merci, merci. Et il fait partie de l'ADN, là, du regroupement de s'assurer que chaque Québécois, qu'il soit Québécois de naissance ou Québécois d'adoption, ait les mêmes chances que les autres, ait les mêmes chances de réussite. Donc, je pense que c'est vraiment de pousser, au sein du milieu de l'entreprise... de s'assurer que tous les principes d'équité, de diversité et d'inclusion sont respectés.

Mais, de ce que je vois, en tout cas, à travers le Québec, quand même, il y a... on reste le pays le plus accueillant au monde. J'ai envie de le dire. Donc, j'ai confiance qu'on va poursuivre sur cette lancée-là puis qu'il y aura de moins en moins de discrimination. C'est plus un plaidoyer que je fais qu'une défense, dans mon mémoire, mais, en tout cas, je ne suis pas inquiet de ce côté-là.

M. Benjamin : Merci. À la page 8 de votre mémoire, vous nous parlez d'une triple alliance, une triple alliance entre le stagiaire, l'entreprise superviseure et le partenaire externe responsable. J'aimerais vous entendre sur cette triple alliance, parce que j'ai comme l'impression que, dans la formulation, ici... que tout le monde semble être sur un pied d'égalité dans cette triple alliance. Comment vous la voyez, cette triple alliance là que vous nous recommandez?

M. Graff (Pierre) : Comme je l'ai dit tantôt à Mme la députée de Jean-Talon, en fait, la manière dont fonctionne la majorité des stages aujourd'hui, c'est vraiment l'étudiant qui a les discussions avec des entreprises privées pour effectuer son stage puis l'étudiant qui discute avec son institution académique. Aujourd'hui, je pense qu'il y a un manque d'échanges entre les institutions académiques et le monde de l'entreprise, et il faudrait, justement, trouver des moyens pour s'assurer... Tout va bien au niveau du temps? Je pense qu'on est bons... et trouver des moyens, justement, de s'assurer que le lien, les discussions se font entre eux, comme je dis, les institutions académiques et le milieu de l'entreprise.

M. Benjamin : Un enjeu qui m'apparaît important, en fait, et qu'on a abordé à quelques reprises depuis le début de ces consultations, c'est l'enjeu de milieux exempts de harcèlement pour les stagiaires. Quel rôle que vous voyez, un regroupement comme le vôtre... Vous êtes un regroupement de jeunes chambres de commerce. Et on a abordé la question aussi de responsabilité des établissements d'enseignement, mais aussi il faut parler aussi des responsabilités des entreprises qui accueillent les stagiaires aussi. Quel rôle que vous pensez qu'un regroupement comme le vôtre puisse jouer, comme acteur du milieu, dans ce grand défi, c'est-à-dire celui que les stagiaires arrivent dans des milieux qui soient exempts de tout type de harcèlement?

M. Graff (Pierre) : C'est une excellente question. En fait, ça rejoint nos trois axes. Le regroupement, pour faire très simple, évidemment, porte la voix des jeunes gens d'affaires. C'est indiqué dans notre slogan. Mais les deux autres choses, c'est vraiment de développer et d'augmenter la synergie entre les jeunes chambres, un soutien opérationnel qu'on apporte à nos membres. Le troisième, c'est augmenter l'impact économique des jeunes gens d'affaires.

Concrètement, ce que ça veut dire, puis ça se segmente en différentes actions, on travaille beaucoup au niveau du développement de compétences et de la formation. Donc, en tant qu'organisme, on rend accessibles aux jeunes chambres, pour qu'elles diffusent à leur tour, notamment, des formations, et que ce soit le harcèlement, que ce soit la gouvernance, que ce soit plein d'autres types de choses. C'est le genre d'initiative qu'on porte pour qu'elles soient vraiment diffusées, pour s'assurer que ça fonctionne.

Tantôt, on parlait de diversité et d'inclusion. Chaque année, on a ce qu'on appelle le cocktail intermembres, qui est vraiment porté par toutes nos jeunes chambres culturelles, puis on réfléchit... et on forme également toutes les personnes qui souhaitent participer à divers moyens de s'assurer qu'on a des processus qui... des processus inclusifs, équitables, etc. Bien, pour le harcèlement, c'est la même chose, c'est... On fonctionnerait de la même manière et on pourrait donner accès à ce type de formation très facilement aux jeunes entrepreneurs qui sont membres des jeunes chambres.

M. Benjamin : Et, peut-être, j'aurais aimé vous entendre sur le rôle des... Vous avez abordé les rôles des start-up, donc, les start-up qui sont des membres dans les chambres de commerce qui sont affiliées à vous...

M. Graff (Pierre) : Dans les jeunes chambres, oui.

M. Benjamin : ...dans les jeunes chambres de commerce. Quel pourrait être le rôle des start-up, notamment pour ce qui est de l'accueil et de l'accompagnement des stagiaires?

M. Graff (Pierre) : Oui. On l'a nommé précédemment. Comme je vous l'ai dit, c'est sûr que vous ne pouvez pas avoir la même structure dans une jeune pousse que dans une grande entreprise. On est d'accord là-dessus. Par contre, la capacité de se réaliser d'un stagiaire, parce qu'il va vraiment porter des projets dans son intégralité, dans une petite structure, bien, je pense que ça apporte quelque chose de vraiment important. Puis on l'a vraiment vu dans nos sondages qu'on fait avec Léger, la volonté de se réaliser, la volonté de contribuer, etc., est quelque chose de primordial pour les générations Z et pour les milléniaux. Donc, je pense que ça fait que ces stages-là sont toujours plus pertinents pour les jeunes qui les font.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. C'est tout le temps que vous aviez. Alors, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Dans votre mémoire, vous prenez une position qui me semble assez forte sur la question du salaire. Vous dites : «Nous considérons que tout travail mérite salaire.» Et, dans tout le débat alentour des stages, il y a eu parfois des termes qui étaient utilisés de manière similaire ou qui étaient, au contraire, là, distingués. Des fois, on parlait de rémunération, de bourses. Des fois, on y allait plus sur le salaire pour dire : Il faut que ce soit un salaire, notamment un salaire minimum. Est-ce qu'en disant ça : Nous considérons que le travail mérite salaire... Est-ce que c'est une prise de position pour le salariat du stagiaire ou... Comment vous voyez ce débat-là?

M. Graff (Pierre) : Je dirais, M. le député, qu'on peut entendre... Le terme «rémunération», peut-être, aurait été peut-être plus juste dans ce cas-là, puisque, clairement, que ce soit une bourse ou un salaire, si on respecte un certain montant, bien, on mettra le stagiaire dans les meilleures conditions pour réussir parce qu'il n'aura pas besoin d'avoir un autre emploi rémunéré en plus de ses études pour être capable de subvenir à ses besoins. Donc, le terme «rémunération», que ce soit bourse, que ce soit, justement, le salaire, notamment grâce à des subventions, si c'est pour une petite organisation, est très à propos.

• (18 h 50) •

M. Leduc : Et, par rapport aux différentes bourses que le gouvernement a offertes récemment, il y en a beaucoup qui s'adressent, bien sûr, à la question de l'éducation, des enseignants, d'autres, à certains domaines, pas tous les domaines, par contre. C'est là, j'imagine, que la question du salaire peut devenir intéressante. Et vous dites qu'il y a une espèce de surenchère en ce moment entre les entreprises pour aller chasser les stagiaires, en quelque sorte, les attirer. Quel est l'équilibre qu'il faut aller rechercher, en matière de politiques publiques, entre, en quelque sorte, le fameux marché autorégulé, à savoir que les entreprises sortent un peu de moyens de leurs propres poches pour, en effet, attirer les stagiaires, et des programmes publics qui viseraient à subventionner des salaires, ou des bourses, ou quelque autre... C'est quoi, l'équilibre qu'il faut aller chercher entre ces deux pôles-là?

M. Graff (Pierre) : Oui. C'est une excellente question. En fait, on sait, d'ailleurs, que le Québec a un certain retard entrepreneurial. Je pense qu'il y a quand même des statistiques très claires qui indiquent le nombre de jeunes entreprises versus le nombre d'entreprises qui ont plus que cinq ans ou plus que 10 ans. Du moment qu'on respecterait à peu près le pourcentage de stagiaires qui vont être dans les petites structures comme... Imaginons, là, 10 % de start-up au Québec. Bien, si on est capables de faire en sorte qu'il y ait autour de 10 % de stagiaires qui puissent faire leurs stages dans les start-up, c'est sûr qu'on sera dans une situation qui est un peu plus équitable pour ces petites structures là. Je ne dis pas qu'il faut respecter exactement un pourcentage, mais il y aurait moyen d'avoir une règle du pouce qui est relativement efficace pour leur donner, justement, l'aide dont ils ont besoin.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Leduc : Ah! bien, merci beaucoup. Bonne soirée.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Alors, nous poursuivons cette fois-ci avec le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. Graff. J'ai retenu tout à l'heure de votre intervention que le Québec est le pays le plus accueillant. Alors, merci beaucoup.

M. Graff (Pierre) : Est-ce que je dois dire la province la plus accueillante, Mme la Présidente?

M. Gaudreault : Nous y travaillons très, très fort. Je suis heureux que vous soyez de notre avis.

Maintenant, bon, vous dites que vous représentez 16 régions administratives, des regroupements de jeunes chambres dans 16 régions administratives. Est-ce que vous sentez une différence sur le territoire par rapport à vos observations, par exemple, les PME, ou les start-up, ou les petites entreprises, dans les régions, ou ressources? Est-ce que vous sentez qu'ils ont... Parce que, quand vous parlez, par exemple, d'octroyer aux PME des subventions salariales pour les soutenir dans l'accompagnement de stages, est-ce qu'il y a des différences sur le territoire?

M. Graff (Pierre) : Oui. Bien, de fait, si vous regardez... Les institutions universitaires sont généralement concentrées dans des plus grands centres. Forcément, si on parle du secteur des services, bien, les stages vont souvent être autour, ce qui peut parfois être un enjeu pour les régions. Mais la bonne nouvelle pour les régions, M. le député, vous l'avez vu, d'ailleurs, dans les statistiques de l'Institut statistique du Québec, c'est que les grands centres ont perdu beaucoup de joueurs sur la dernière année. Donc, possiblement, cela va se rééquilibrer. Pour l'instant, il est un peu trop tôt pour que je me prononce sur cette question-là puisque... Je pense qu'on saura prochainement s'il y a un rééquilibrage qui s'est effectué. Actuellement, c'est sûr que les stagiaires, de fait, sont un peu moins disponibles en région, mais c'est pour ça qu'on a beaucoup d'initiatives, justement, pour dynamiser l'entrepreneuriat, le repreneuriat, etc., en région.

M. Gaudreault : Donc, quand vous parlez d'octroyer aux PME, par exemple, des subventions salariales sur des critères objectifs pour accueillir des stagiaires, il pourrait y avoir des critères qui tiennent compte d'une certaine répartition sur le territoire, dans des régions plus difficiles d'accès ou peut-être un petit peu plus loin d'une institution d'enseignement, mais qui pourraient recevoir des stagiaires.

M. Graff (Pierre) : Je n'irais pas nécessairement sur une base régionale. Quand on parle de critères objectifs, c'est par rapport vraiment aux entreprises. Donc, si, admettons, on dit : Tiens, une entreprise qui a moins de 2 millions de dollars de masse salariale, une entreprise qui a un taux de roulement qui n'est pas effroyable, parce que ça en dit beaucoup sur leurs gestionnaires, et donc ce qu'ils vont potentiellement faire subir à leurs stagiaires, puis qui ont, mettons, moins de 10 ou 20 employés, peu importe, bien, ce sont des critères objectifs qui peuvent s'appliquer aussi bien dans un centre urbain qu'en région. Donc, j'irais peut-être juste avec cela pour l'instant.

La Présidente (Mme IsaBelle) : 11 secondes.

M. Gaudreault : Ah! merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Merci, M. Graff, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Alors, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux à demain, mercredi 2 février, après les affaires courantes. Alors, je vous souhaite une bonne soirée à toutes et à tous. Prenez soin de vous. Merci encore, M. Graff.

(Fin de la séance à 18 h 54)

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