(Onze
heures trente et une minutes)
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Bonjour. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.
La commission est
réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et les
auditions publiques sur le projet de loi n° 78, Loi visant
principalement à améliorer la transparence des entreprises.
Mme la Présidente, y
a-t-il des remplacements?
Une voix :
...
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Oui, Mme la secrétaire. Oui, effectivement.
La Secrétaire :
Oui, Mme la Présidente. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé par M. Marissal
(Rosemont) et Mme Richard (Duplessis), par Mme Perry Mélançon (Gaspé).
Auditions (suite)
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Alors, ce matin, nous entendrons, par
visioconférence, les groupes suivants : l'Association du Barreau canadien,
division du Québec, et l'Autorité des marchés publics.
Nous poursuivons. Et
nous commençons même immédiatement en souhaitant la bienvenue aux représentants
de l'Association du Barreau canadien, division du Québec. Je vous demande de
vous présenter avec votre titre avant de commencer votre exposé de
10 minutes. Alors, à vous la parole. On vous demande aussi d'allumer votre
micro.
Association du Barreau
canadien, division Québec (ABC‑Québec)
M. Besner (Patric) :
Me Patric Besner.
Mme Latreille
(Marie-Andrée) : Marie-Andrée Latreille.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors, vous pouvez commencer immédiatement votre
exposé.
M. Besner (Patric) : Donc, l'Association du Barreau canadien
est une association nationale qui regroupe plus de 36 000 juristes,
donc, avocats, juges, étudiants et professeurs de droit. Nous représentons la
section Québec et la division de droit des affaires. Notre comité est formé d'experts
en droit des affaires et, un point important à noter, nous sommes tous
bénévoles. Donc, c'est du temps pris sur le temps familial qui fait qu'on a
fait les différents rapports ici. Et je remercie tous les gens de notre comité.
Donc, notre contribution
auprès de la commission est vraiment une perspective au niveau de l'application
de la loi pour qu'évidemment nos clients se conforment à la législation. Donc,
on n'est pas dans la philosophie, on n'est pas dans la théorie, on est vraiment
dans l'aspect de la pratique. Même si on pourrait être en désaccord avec
certains aspects du projet de loi, il faut que la loi fonctionne, et ce n'est
pas le cas pour l'instant.
Donc,
l'ABC est pour la transparence corporative, pour un registre tenu soit par la société
soit par le Registraire des
entreprises, accessible aux autorités gouvernementales et compétentes, et
réglementé également pour l'aspect de s'il n'y avait pas d'accès au niveau du
grand public et au niveau... Par contre, dans notre mémoire, on mentionnait qu'on
pourrait avoir des possibilités, notamment, lorsque le contribuable accepte
qu'il y ait une vérification par nom lorsqu'il y a un jugement final ou au
niveau matrimonial. Une des grandes difficultés que nous avons aussi au niveau
du projet de loi, c'est qu'il n'y a pas de règlement. Donc, on n'a pas de vue
d'ensemble. Marie-Andrée.
Mme Latreille
(Marie-Andrée) : Alors, je voulais vous dire que Patric et moi, nous
connaissons bien le REQ, parce que, lors de l'entrée en vigueur de la Loi sur
les sociétés par actions du Québec en 2011, Patric et moi, nous avons fait
partie d'un comité d'experts, parce qu'à l'époque, je ne sais pas si vous étiez
au courant ou pas, il y a eu beaucoup de problèmes avec le REQ. Et le REQ a
même été fermé pendant plusieurs semaines. Alors, nous avons été experts sur ce
comité-là. Et, à ce moment-là, c'est ça qui nous motive, on a toujours
collaboré avec le REQ. On se sert du REQ de façon quotidienne, et c'est ce qui
nous motive à être ici aujourd'hui avec vous.
Alors, je voulais
commencer par vous exposer la situation de la transparence au Canada. Alors, en
juin 2019, le gouvernement fédéral a adopté deux lois sur la transparence
corporative, alors, la loi C-86 et la loi C-97. Alors, le but de la
loi C-86 est d'obliger les sociétés régies par la loi canadienne sur les
sociétés par actions à tenir et maintenir un registre des particuliers ayant un
contrôle important. Alors, au fédéral, on ne parle pas de bénéficiaire ultime,
on parle de particulier ayant un contrôle important.
Alors,
cette loi-là fait en sorte que le registre va être créé par la société par
actions et va figurer probablement au livre de procès-verbaux. Alors, on peut
dire que c'est un registre privé, mais il est quand même accessible aux forces policières,
aux autorités fiscales et aux homologues provinciaux, aux organismes d'enquête
et d'autres sortes d'autorités réglementaires, les créanciers, les actionnaires
ou directeurs de corporations au Canada.
Alors, la
loi C-86 réfère à un règlement qui n'est pas encore déposé. Alors, la loi
est entrée en vigueur en juin 2019. Le règlement
n'est pas toujours... n'est toujours pas encore en... n'a pas été déposé, n'est
pas en vigueur, ce qui a fait que, dans notre pratique, on a été obligés
de pallier à ces problèmes-là d'interprétation. Et, pour nous, pour les conseillers juridiques, je peux vous dire
qu'on n'avait pas les outils d'interprétation, on ne les a toujours
pas, et puis ça a été assez difficile
pour nous de conseiller nos clients. Alors, on trouve que... On aurait bien
aimé avoir au moins des... un règlement qui nous aurait aidés à
interpréter la loi pour nos clients.
Alors, le régime
fédéral a été quand même suivi par les provinces : la Colombie-Britannique,
le Manitoba, la Saskatchewan, l'Île-du-Prince-Édouard,
la Nouvelle-Écosse. Alors, c'est sûr qu'en Colombie-Britannique il y a
certaines modifications. Ce n'est
pas... Ils n'ont pas adopté le régime fédéral, là, tel quel, il y a eu
certaines modifications. Alors, on peut dire que la tendance des
provinces canadiennes est de suivre le régime fédéral.
Le
projet de loi n° 78, lui, propose un autre régime de transparence,
différent de celui du gouvernement fédéral et des provinces. Alors, il
n'y aura pas de registre. Le registre n'a pas à être tenu par les sociétés par
actions qui sont incorporées sous la Loi sur les
sociétés par actions du Québec. Le registre est tenu par le REQ, et il est
public. Alors... Et ce régime-là n'est pas applicable juste aux compagnies qui
sont incorporées sous la Loi sur les sociétés par actions du Québec, mais par
tous les assujettis qui sont immatriculés au REQ.
Alors donc, le Québec
sera la seule juridiction en Amérique du Nord qui aura un registre public et
qui sera différent de celui de ses
juridictions voisines. Alors... Et ça, c'est un point qui a été noté,
justement, hier, dans La Presse, par un des... par le
journaliste. Il y a eu un article dans La Presse à ce
sujet-là, sur la loi sur la transparence.
Alors, une des... il
y a des conséquences à ça, et il faut se rappeler que les gens d'affaires ne
sont pas tous des fraudeurs et que certains d'entre eux n'aimeront pas que des
informations personnelles sur eux soient accessibles au public, à leurs
compétiteurs, à leurs employés et à autres personnes pour des raisons qui
seraient tout à fait légitimes. Alors, ces gens-là pourraient choisir de
favoriser une juridiction voisine qui est moins contraignante.
Alors, le shopping de
juridiction est un phénomène qui existe, et c'était, d'ailleurs, une des
préoccupations que le législateur québécois
avait en 2011 lors de la proclamation de la Loi sur les sociétés par actions du
Québec. On a tout fait pour rendre la Loi sur les sociétés par actions
la plus attrayante possible afin que le Québec soit favorisé comme juridiction
de constitution pour les personnes morales au Canada.
Alors, en créant son
propre régime de transparence, le gouvernement du Québec impose une deuxième
série de règles à certaines entreprises
québécoises, c'est-à-dire celles qui sont régies par la Loi canadienne sur les
sociétés par actions. Alors, j'ai
quelques chiffres pour vous. Alors,
en date du 9 février, il y avait 580 892 personnes
morales, toutes juridictions
confondues, qui étaient immatriculées au Québec, et il y en a
117 268 qui sont régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Alors, il y a quand même
20 % des sociétés par actions
qui sont des entreprises québécoises, parce qu'elles ont leur siège
social à Québec, qui devront suivre deux régimes de transparence.
• (11 h 40) •
Alors,
les conséquences de ça, c'est que, pour ces entreprises-là, elles devront faire
appel à des professionnels pour les aider à les guider et puis à se
conformer à la loi. Et ça, ça va créer quand même un fardeau financier puis ça
va... ça va être... pour ces entreprises-là. Puis les clients, moi, je peux
vous dire, dans ma pratique, que la réaction que j'ai eue de certains de mes
clients, c'était : Pourquoi on fait ça? Pour eux, ils veulent se conformer
à la loi, mais ne comprenaient pas vraiment tous les enjeux de ça. Puis, si, en
plus de ça, il faut leur expliquer que ça va être une autre série de règles, je ne suis pas sûre qu'ils vont vraiment,
vraiment apprécier. Alors, notre recommandation, ça serait de se coller
le plus possible au régime fédéral et celui des provinces canadiennes.
Alors, un dernier
point avant que je cède la parole à Patric, c'est qu'il est indiqué, dans la
foire aux questions du REQ, que des exemptions sont prévues au projet de loi n° 78, alors, soit pour les émetteurs assujettis, des
personnes morales de droit public puis les OBNL.
Alors, premièrement, les exemptions n'apparaissent pas au projet de loi. Je ne
sais pas s'il va avoir d'autres sociétés qui seront exemptées, mais il faudrait
probablement exempter d'autres sociétés comme, par exemple, les filiales des
émetteurs assujettis, les entités régies par des lois spéciales, exemple, le Fonds
de solidarité de la FTQ, des fonds de retraite, des fonds d'investissement, une
série d'entités qui devraient être exemptées. Puis, vu qu'on n'a pas le règlement,
on ne peut pas vraiment savoir quelles seront ces sociétés-là.
Il y a aussi une
chose que je voulais souligner, et je vais terminer avec ça, en Colombie-Britannique,
ils ont fait quelque chose quand même d'assez spécial, c'est qu'ils ont dressé
une liste d'intermédiaires spéciaux. Quand on fait la recherche d'un
bénéficiaire ultime, ça va bien aller si, par exemple, l'actionnaire est une personne
physique, parce qu'il faut se rappeler qu'on cherche toujours la personne
physique. Si l'actionnaire est une personne physique qui détient 25 % des
actions votantes, bien, il n'y a pas problème, ça va être facile. Cette
personne-là va être un bénéficiaire ultime. Mais, dans la mesure où on a... ces
actions-là sont détenues par une personne morale qui, elle, est détenue par une
autre personne morale, puis là ça peut être aussi par une société de personne,
quand on monte de niveau, ce que la
Colombie-Britannique a fait, c'est : quand on arrive... on voit que la...
quand on fait l'étude de la chaîne, on peut avoir des intermédiaires
spéciaux. Et, quand on arrive... ils ont fait une liste d'intermédiaires
spéciaux. Alors, quand on arrive avec dans... quand on fait notre étude, qu'on
tombe sur un intermédiaire spécial, bien, la recherche du bénéficiaire ultime s'arrête là. Alors, ça, ça serait vraiment
quelque chose que le Québec devrait considérer. Alors, je passe la
parole à Patric.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Je m'excuse, mais vous avez déjà dépassé votre temps. Alors, on va
souhaiter peut-être que le ministre va vous donner cette minute additionnelle
que vous avez besoin, mais je dois respecter le temps. Alors, nous allons commencer notre période d'échange. M. le
ministre, à vous la parole. Vous avez 16 min 30 s.
M. Boulet : ...Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
N'oubliez pas...
M. Boulet : Oui, est-ce que
vous m'entendez bien?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui.
M. Boulet : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Me Latreille, merci, Me Besner, et merci à tous
ceux qui ont contribué, bien sûr, à la
rédaction du mémoire de l'Association du Barreau canadien, division du Québec,
un mémoire qui est sérieux, qui est étoffé aussi. Je comprends que c'est
le reflet des préoccupations des praticiens, notamment en droit des affaires.
C'est ce que vous souligniez au départ, Me Besner.
Puis je comprends l'importance de la qualité du
climat d'affaires québécois. Il ne faut pas que la transparence ait des impacts négatifs sur la volonté de
certaines sociétés étrangères ou dans d'autres provinces canadiennes de venir
faire affaire au Québec. En même temps, il y a un objectif de fond, puis je
pense que vous adhérez à l'objectif de plus de transparence pour combattre,
notamment, les transactions illicites, l'utilisation des sociétés-écrans
anonymes de façon, parfois, indue ou de façon non respectueuse des lois.
Mais, sur le
climat d'affaires, puis là je vous ramène, puis j'aimerais avoir votre opinion
là-dessus, notamment, l'ordre des
comptables, des CPA, nous mentionnait, hier, il l'écrivait dans son mémoire, qu'au
contraire, plutôt qu'avoir un effet négatif sur la compétitivité au
Québec, le laxisme de certaines juridictions en la matière a plutôt pour effet de faire fuir les sociétés qui sont sérieuses et
les investisseurs potentiels. Et moi, je vous avoue, parce que j'ai pratiqué,
évidemment, pas en droit des affaires, mais en droit du travail, que je suis
relativement fier qu'on soit, au Québec, des précurseurs en matière de
transparence. Selon Revenu Québec, on estimait à 3,8 milliards de dollars
qui sont perdus en évasion fiscale ou des évitements fiscaux qui sont abusifs.
Donc, ça, on le doit à la population du Québec, d'avoir des informations qui
nous permettent de lutter contre l'utilisation excessive, là, de stratagèmes
pour éviter le paiement d'impôt ou autres.
Puis je suis conscient que, dans d'autres provinces... Puis je connais un peu
la loi fédérale sur les sociétés par actions puis les lois provinciales,
puis je sais qu'au Québec il y en a qui sont incorporés au fédéral puis qui
sont incorporés au provincial, puis on reviendra à ce cas spécifique là, mais,
sur le commentaire de l'Ordre des CPA, Me Besner ou Me Latreille,
j'aimerais vous entendre.
M. Besner (Patric) : Oui, il
faut bien comprendre, puis je vous donne un exemple, là, très important, le
fait que le registre, vous désirez avoir un registre public, une compagnie
américaine, par exemple, qui ferait affaire au niveau du Québec verrait son bénéficiaire ultime publié, ça veut dire
que, la juridiction dans laquelle est cette société-là, n'importe qui pourrait
vérifier le registre québécois et avoir le bénéficiaire ultime. Donc, ça
dépasse juste l'aspect du Québec.
Vous devez comprendre qu'au niveau des affaires
il y a un élément de secret qui est important au niveau des affaires. Je vous donne un exemple. J'ai un client
dans le domaine du cannabis. Un des investisseurs qui fait beaucoup
d'importations aux États-Unis ne peut pas avoir son nom nulle part. Et il a
fait l'investissement, tout est adéquat, les licences sont là. Cependant, il y
a un risque d'affaires excessivement important. Probablement avec la nouvelle définition de bénéficiaire ultime, soit que
l'investisseur va vouloir se retirer ou, carrément, il va falloir que je
recommande au client de sortir et de le rentrer dans une autre
juridiction que celle du Québec. Donc, cet élément-là, le fait qu'on ne suit
pas ce qu'il se passe au niveau nord-américain a énormément de conséquences à
cet égard-là.
M. Boulet :
Oui, je comprends ce que vous appelez, là, le phénomène de shopping de
juridiction, là. Puis il y a des sociétés — puis je le comprends,
puis je l'ai déjà vu en pratique, là — qui vont magasiner la
juridiction la plus libérale, la plus respectueuse du libre marché. En même
temps, il faut faire des choix de société. Puis, ici, c'est plus d'opacité ou
plus de transparence. Et il y a eu la Commission des finances publiques,
souvenez-vous, en 2017. Il y a un consensus au Québec des partenaires,
notamment, l'association... Tu sais, l'AMP, là, entre autres, le souhaite. Puis
il a une entente de collaboration avec le REQ qui donne des bénéfices
extrêmement intéressants, et souhaite même
que les entreprises qui se placent en situation de violation de la Loi sur la publicité
légale des entreprises et qui sont sanctionnées par des pénalités soient
inscrites au RENA, donc ne puissent plus être admissibles à des marchés avec
les autorités, notamment, gouvernementales. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Il
me semble que vous aviez une référence dans votre mémoire sur ce point-là.
J'aimerais vous entendre, Me Besner. Est-ce que quelqu'un qui ne respecte
pas, par exemple, l'obligation de divulguer l'identité d'un bénéficiaire
ultime, et qui commet une infraction, et qui ultimement est sanctionné par une
amende, est-ce que cette entreprise-là devrait être inscrite au RENA?
M. Besner (Patric) : Au niveau
de la sanction, ce que je vous dirais, c'est qu'il faut néanmoins que
l'assujetti soit avisé. C'est d'une très grande complexité. À titre d'exemple,
hier, plusieurs intervenants essayaient de vous expliquer, notamment, le
concept de contrôle de fait. Personne n'a vraiment... ne vous a vraiment donné
les explications nécessaires. Comment vous voulez que le contribuable qui fait lui-même
ces déclarations-là soit capable de savoir si la
déclaration est exacte, surtout quand on a des concepts qui sont très
difficilement définissables? À titre d'exemple, l'Ordre des CPA faisait
référence pour le contrôle de fait qu'elle avait quatre pages dans son manuel.
J'ai un livre ici, j'ai 221 pages, uniquement un livre spécialisé sur
l'aspect du contrôle.
Ça fait que le point, au niveau des sanctions,
il faut absolument que l'assujetti qui aurait pu faire une erreur puisse
corriger cette erreur-là et que ça ne soit pas, par exemple, une perte de
pouvoir faire des contrats publics, parce que la sanction serait beaucoup trop
importante. Encore une fois, lorsqu'on a des concepts qui ne sont pas
suffisamment clairs, ça peut être difficile de répondre adéquatement.
M. Boulet : Ça fait que donc...
Oui, difficile de répondre adéquatement, mais si c'est «fair and square» puis
qu'il y a clairement une violation qu'on omet de divulguer, puis ce n'est pas
une simple erreur, puis que l'entreprise est
sanctionnée, est-ce que, oui ou non, cette entreprise-là devrait être inscrite
au registre des entreprises non admissibles à pouvoir faire... à pouvoir
transiger avec une autorité publique?
M. Besner (Patric) : Encore une
fois, notre préoccupation est sur l'application et non les conséquences de ne
pas suivre la législation. Donc, on laisse ça dans vos mains de parlementaires.
• (11 h 50) •
M. Boulet : O.K. Je reviens un
petit peu sur la position de l'Ordre des CPA, parce que, tu sais, il y a un
«open company», là, un «data index», là, qui donne au Canada un piètre score.
On est 16e sur 100 dans les pays quant à l'ouverture, quant à l'accessibilité
aux données corporatives. Donc, moi, je pense que c'est préoccupant. Et c'est
ce qui a guidé beaucoup les discussions puis les consultations qu'il y a eu à
Québec, Commission des finances publiques, ministère des Finances, les
19 groupes qui ont été consultés.
Il y a
beaucoup de groupes qui se sont positionnés — il me
reste trois petits points, là, peut-être qu'on peut y aller
rapidement — qui
se sont positionnés pour le seuil de détention, là. Vous savez qu'on définit le
bénéficiaire ultime de différentes façons, mais, quant au pourcentage de
détention ou de bénéfices du capital-actions donnant accès à des droits de vote
ou étant l'équivalent de 25 % de la juste valeur marchande, il y a
certains groupes qui nous ont dit : Pourquoi
pas 10 %? Ce serait encore mieux. Qu'est-ce que vous pensez du seuil, ou
vous n'avez pas d'opinion spécifique là-dessus?
M. Besner (Patric) : Oui, on a
une opinion. Le 25 %, il faut bien comprendre que ce n'est pas une
question de chiffre, c'est une question d'application.
M. Boulet : Oui.
M. Besner
(Patric) : Ça veut dire que,
si vous avez quatre actionnaires à 25 %, ça fait quatre personnes qu'on
doit suivre. Donc, s'il y a des changements
d'adresse, s'il y a des changements également au niveau du capital-actions
parce qu'il y a d'autres émissions, ça devient excessivement lourd pour le
contribuable. Puis il faut se rappeler que c'est des PME, là, qu'on a, en
partie, et des grandes entreprises. Donc, d'être capable de suivre, dans les
30 jours, qu'il y a un changement d'une adresse ou d'une situation, c'est
un processus qui est très lourd. Si on y va à 10 %, par exemple, potentiellement, dans une société, on
pourrait avoir 10 personnes à
suivre. C'est un énorme travail en bout de piste.
M. Boulet : Je suis d'accord
avec votre réponse, Me Besner, qui s'appuie véritablement sur la pratique
quotidienne des entreprises, là, qui ont à faire des affaires au Québec.
Je suis assez d'accord, assez sensible avec...
Tu sais, je pense que c'est Me Latreille qui soulevait ce point-là, de ne
pas préciser dans la loi, mais d'attendre un règlement sur les exemptions, les
entités non visées, là. On parlait des
personnes morales dont les actions sont cotées en bourse, les personnes
morales de droit public puis les OBNL, là, les organismes à but non
lucratif. Je suis assez d'accord.
Puis évidemment, avec mes collègues, on aura à faire l'étude détaillée article par article du projet de loi, et je serai certainement ouvert à intégrer
dans la loi, pour fins de clarté additionnelle, les exemptions.
L'autre point, puis je pense que c'est vous,
Me Besner, peut-être Me Latreille, là, vous référiez à la recherche
par nom, que ça puisse être possible, quand il y a un... Seulement, là, vous
voudriez que ce soit limité à des cas particuliers, là, quand il y a un
jugement final qui a été rendu à l'égard d'une personne dans ce cas-là. Est-ce
qu'il y a d'autres cas à soulever qui vous apparaîtraient des cas appropriés
qui limiteraient la possibilité de faire une recherche par nom dans le
registre?
M. Besner (Patric) : Absolument.
Il faut voir, un petit peu, tous les renseignements personnels comme notre bureau de crédit. Donc, lorsqu'une
institution financière nous demande la permission, il
pourrait y avoir une vérification.
On pourrait fonctionner de la même façon. Également au niveau matrimonial, ça
serait tout à fait normal que les juristes, dans ce domaine-là, lorsqu'il y a
un divorce ou une séparation, qu'ils puissent avoir automatiquement... parce qu'il y a un litige, d'aller chercher l'information. Mais les
paramètres à l'intérieur de ça, il
y en a plusieurs qu'on a mis
dans notre mémoire. On pourrait évidemment réfléchir à la situation et voir
chacun des cas pour, justement, nous donner, avec le registre, le maximum d'amplitude
au niveau de cette situation-là.
Je vous ferais une suggestion parce que vous
avez mentionné, hier, que c'était un immense pas, aller de l'avant. Est-ce
qu'on ne pourrait pas faire un trois pas? Premier pas, il y aurait réellement
du travail à faire au niveau de la législation parce qu'il y a vraiment des problématiques.
Le deuxième, c'est qu'on pourrait faire un registre qui serait accessible uniquement au niveau des autorités gouvernementales. Ça permettrait à l'assujetti de prendre le
temps de faire les déclarations nécessaires. Et uniquement si, toujours, vous voulez aller au niveau public, dans un
troisième temps, là, à ce moment-là, de le rendre public.
Si vous vous souvenez, en 2011, ça a été une
catastrophe. On l'a avisé à ce moment-là. Le gouvernement a été de l'avant. Il
a fallu travailler excessivement fort au niveau des praticiens pour ramener le système
tel qu'il aurait dû être. Donc, il n'y a pas de nécessité, surtout qu'au niveau
international l'obligation n'est pas de rendre public le registre des
bénéficiaires ultimes. Que le Québec choisisse de le faire, je pense qu'il faut
des paramètres, mais surtout allons-y étape par étape et s'assurons que le système
fonctionne avant qu'on ouvre la vanne, parce qu'il y a d'énormes conséquences lorsqu'on
parle de renseignements personnels.
M. Boulet : Oui, je comprends
bien, mais c'est ce qui distingue le Québec. Puis on s'inspire des juridictions
les plus avancées sur la planète, notamment le Royaume-Uni, la France et
d'autres pays. Puis il y a une directive maintenant de la commission économique
européenne, aux États-Unis et partout. Je comprends que, dans certaines juridictions, il faut que tu fasses une recherche entreprise par entreprise.
Puis vous référiez notamment aux lois provinciales sur les sociétés par
actions, où on réfère à un pourcentage puis des informations qui doivent être
contenues dans un registre spécifique d'entreprises, mais c'est ce qui fait du Québec
un précurseur puis c'est ce qui fait l'ambition de ce projet de loi là qui est
exprimée à 0.1, troisième paragraphe. On veut contribuer aux actions de
prévention et de lutte contre l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent et la
corruption. Puis je pense que ça, ça m'apparaît non négociable. Au Québec, il y a un consensus qui m'apparaît évident, et auquel vous adhérez, mais,
évidemment, dans l'application vous venez resserrer, selon moi, de
manière à diluer l'objectif qui est exprimé dans ce projet de loi là.
Ceci dit, moi, j'ai un immense respect pour vos
recommandations, pour votre mémoire, et je vous remercie, encore une fois, de votre présence, de votre
engagement, puis de votre représentation au nom des... notamment, des avocats
et des avocates, parce que le Barreau
canadien représente aussi d'autres types de professionnels du droit. Merci.
Content de vous avoir vus et rencontrés. Merci. Puis je présume que vous
pratiquez tous les deux à Montréal, hein?
M. Besner (Patric) : Absolument.
M. Boulet : O.K. Parfait.
M. Besner (Patric) : Est-ce que
je peux rajouter une chose au niveau du nouveau rôle du registraire que vous voulez? Revenu Québec existe, les pouvoirs
sont là, Revenu Québec a également accès à tous les rapports d'impôt. On
se pose une sérieuse question, pourquoi dédoubler, au niveau du Registraire des
entreprises, au niveau de faire des enquêtes?
Oui, je comprends de vérifier certaines adresses, je comprends, mais les
pouvoirs sont déjà là. C'est un peu comme admettre que Revenu
Québec ne fait pas son travail. Donc, la lutte au blanchiment de l'argent,
recyclage et autres devrait continuer à être faite par l'Agence du revenu.
Elles sont équipées pour faire le travail à cet égard-là, pour aller chercher l'information, comme ça se
fait déjà auprès du Registraire des entreprises, mais la
tâche, elle est déjà dans
l'assiette de Revenu Québec. Et on est excessivement préoccupés qu'on dédouble
avec une nouvelle structure d'enquête auprès du Registraire des entreprises.
M. Boulet : On fait ça, évidemment, totalement en
collaboration avec le ministère des Finances, et ça découle d'une décision qui
a été prise en 2017 par le gouvernement, de concentrer les activités du registraire, ici,
dans mon ministère, parce qu'on a les ressources spécialisées en matière
de gestion...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Boulet : ...de registres et d'infrastructure
technologique. Mais soyez assurés, là, qu'il y a beaucoup d'échanges et
d'ententes d'information. Et ça se fait de manière tout à fait harmonieuse.
Merci. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Alors, nous poursuivons l'échange, cette fois-ci, avec le député de
Robert-Baldwin. Vous disposez de 11 minutes à vous tout seul.
• (12 heures) •
M. Leitão : Très bien, Mme la Présidente. Merci beaucoup.
Alors, Mme Latreille, M. Besner, bonjour. Merci d'être là. Là, je me trouve dans une situation un
peu délicate. On a parlé de 2017. Comme on dit en chinois : «Been there,
done that». Et je me trouve aussi à être pas mal plus proche de la position du ministre
du Travail que de celle que vous proposez.
Cependant, et c'est là où j'aimerais qu'on
puisse discuter un peu, le dernier point que vous avez soulevé, M. Besner...
donc, Revenu Québec. En effet, la lutte à l'évasion fiscale, au blanchiment
d'argent, je pense que Revenu Québec doit
demeurer le véhicule par excellence de cette activité-là. On a beaucoup parlé,
hier, de la possibilité d'échange d'information, donc que Revenu Québec
puisse avoir accès aux données du registre, bien sûr, qu'ils ont, mais aussi
que le registre puisse travailler avec Revenu Québec. Alors là, la question qui
se pose, et vous l'avez soulevée, et c'est tout à fait légitime, c'est la
protection de la vie privée. Jusqu'où est-ce qu'on va? Jusqu'où est-ce qu'on
peut permettre à l'État de devenir une espèce de Big Brother qui contrôle
tout?
Comme vous avez aussi mentionné d'entrée de jeu,
votre enjeu est surtout en ce qui concerne l'application de la loi. On pourrait
en discuter longuement, si c'est souhaitable ou pas d'avoir cette loi-là, mais...
ce projet de loi, mais il est là. Bon. Alors, dans votre
esprit, c'est : Comment est-ce qu'on fait pour que cette loi, une fois approuvée,
si c'est le cas de... si c'est la volonté de tous les législateurs... comment
on s'assure que c'est bien fait?
Vous avez soulevé
plusieurs points qui sont très importants, il va falloir qu'on tienne en
considération quand on va aller dans l'étape de l'étude détaillée, mais une des
choses que vous avez aussi mentionnées, c'est : Est-ce qu'on pourrait y
aller de façon plus graduelle, donc en trois étapes? Et la première étape que
vous aviez mentionnée, c'était qu'il y avait une certaine problématique avec la
législation et qu'on devrait... de façon générale et qu'on devrait d'abord
régler ça avant de mettre en place ce registre.
Pouvez-vous nous
parler brièvement... je sais que j'ai dit beaucoup de choses, là, et vous
pouvez réagir à tout ce que j'ai dit, bien sûr, mais nous parler un peu
brièvement... quels sont les principaux enjeux de... problématiques autour de
la législation qui vous... que vous souhaiteriez régler ou clarifier avant
d'aller de l'avant avec le p.l. n° 78?
M. Besner
(Patric) : Bien, premièrement, il n'y a pas de règlement.
Deuxièmement, les concepts, par exemple, «juste valeur marchande», «contrôle de
fait» sont des concepts qui sont excessivement difficiles à cerner, et actuellement,
au niveau de la législation, il n'y a pas d'indication... qu'est-ce qu'on
devrait avoir.
Au niveau du contrôle
de fait, il existe deux possibilités, premièrement, le contrôle de l'entreprise
versus le contrôle de la corporation. Le contrôle de l'entreprise, n'importe
quel facteur pourrait faire. Par exemple, dans le cas d'un créancier, ça
pourrait être... ça devient quelque chose excessivement factuel. Et la problématique
avec un contrôle de fait de l'entreprise, c'est que ça devient impossible pour
les professionnels et encore très difficile pour un particulier de pouvoir
déterminer qui a réellement un contrôle de fait de l'entreprise. Si c'est un
contrôle de fait de la corporation, à ce moment-là on regarde le critère au
niveau de l'élection
ou la nomination du conseil
d'administration. C'est beaucoup plus facile. Donc, si on s'en va avec
un contrôle de fait de l'entreprise, ça devient impossible. Et la plupart... je
vous dirais, tous les fiscalistes qui se respectent ne donnent pas d'opinion
sur un contrôle de fait de l'entreprise parce qu'il y a trop de facteurs à
l'intérieur de ça.
L'exercice conjoint, également,
au niveau de la fiducie discrétionnaire, il ne faudrait pas que, la fiducie discrétionnaire, on doive déclarer tous les
bénéficiaires. Une première raison : dans beaucoup de cas, les bénéficiaires ne sont pas au courant, même, qu'ils sont bénéficiaires, c'est un
petit peu comme un testament, dans une certaine mesure, et certaines personnes
d'affaires vont mettre en place une fiducie. Lorsqu'ils procèdent à la vente de l'entreprise, ils peuvent décider
uniquement à ce moment-là s'ils vont être généreux ou pas avec certains membres
de leur famille ou pas. Mais la décision n'est pas prise. Si, aujourd'hui, avec
le registre, on devait déclarer tous ces gens-là, et certains ont une longue liste,
c'est pratiquement le bottin téléphonique, on se retrouverait dans une
situation où on va créer une expectative de la personne qu'elle va, un jour,
recevoir quelque chose, et vous allez changer profondément les relations
familiales à l'intérieur de ça.
Donc, ça, c'est
quelques exemples, mais je crois... et avec grand respect au niveau des
légistes, qui font un travail exceptionnel, parce qu'ils se promènent d'un
projet de loi à un autre projet de loi, je crois fondamentalement que plus de
travail doit être fait, de réflexion, sur les paramètres, et ne pas faire...
Par exemple, au niveau fédéral, où ils ont fait une législation, elle n'est pas
encadrée. Les praticiens, on a beaucoup de difficulté à s'y comprendre.
On a donné...
Marie-Andrée, et moi, et deux autres avocats, on a donné une conférence de
trois heures au Barreau du Québec la semaine dernière, notamment sur le projet
n° 78, et, même entre nous, même si on a investi énormément de temps, entre
nous, on a des divergences de vision et d'interprétation.
Comment vous voulez
que le contribuable, seul, soit capable de répondre lui-même si on ne paramètre
pas adéquatement la législation? Donc, autrement dit, on peut ne pas être d'accord
avec la législation, mais il faut quand même qu'elle fonctionne.
M. Leitão : Très
bien, merci. Et donc c'était un peu pour ça, je pense, que l'approche suivie
par le gouvernement, c'est de clarifier ces enjeux-là ultérieurement,
par règlement, et que, donc, ce projet de loi, s'il est approuvé par le
législateur, par la commission... par l'Assemblée nationale, je veux dire, bon,
il y aurait quand même une période peut-être de, je ne sais pas, moi,
18 mois avant qu'elle entre en vigueur. Donc, je pensais que, dans cette
période-là, 12, 18 mois, ces enjeux-là
pourraient être clarifiés, réglés. Comme ça, quand la loi entrerait en vigueur
un peu plus tard, elle pourrait intervenir comme il le faut. Parce que
je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faudrait éviter la situation de
2011. Donc, on ne va pas... On veut éviter ça. Alors, qu'est-ce que vous
pensez...
M. Besner
(Patric) : Pour la transition... Pardonnez-moi. Pour la transition,
vous devez comprendre que les praticiens, on devra... Il y a à peu près
500 000 entreprises qui sont immatriculées auprès du Registraire des entreprises. Hier, vous parliez qu'il y avait sept
nouveaux inspecteurs. J'ai fait un petit calcul ce matin. 500 000
entreprises, sept inspecteurs, ça fait 71 428 sociétés. Si on
dit qu'ils ont 1 500 heures de temps par année, ça prendrait
47 ans à faire la vérification. Donc, pour les praticiens, pour nous,
lorsque le projet de loi va être mis en vigueur, le temps que ça va
nous prendre de vérifier, parce que l'obligation est créée, au niveau de l'assujetti, de vérifier une preuve d'identité, ça
va être énorme comme travail.
Et vous devez
comprendre que, pour les contribuables, nos entrepreneurs, ça n'amène pas de
plus-value. Oui, ils sont prêts à déclarer
ce qu'ils doivent déclarer, mais la différence entre un registre public et
privé, c'est que, quand il est privé ou à accès limité, si jamais il y
avait une erreur, elle peut être corrigée, tandis que, si le registre est
public, le grand public a cette information-là, et ça peut induire les tiers en
erreur.
M. Leitão : Très bien, merci.
Oui, en effet, c'est... Hier, on parlait un peu de ça
aussi. En termes, donc, des ressources disponibles au registraire, le
ministre nous a dit : Bon, il y a 5 millions sur cinq ans. Mais, oui,
je suis tout à fait
d'accord avec vous que ça a l'air d'être beaucoup d'argent, mais ça ne va pas
nous mener très loin, cette partie-là.
Donc,
il faut s'assurer que les ressources nécessaires sont là, parce que, sinon, ça sera extrêmement, extrêmement complexe.
Maintenant, une chose qui me semble être
fondamentale dans notre discussion et la discussion autour du projet de loi,
c'est le caractère public de ce... éventuellement, du registre. On comprend, bien
sûr, que ce n'est pas toute l'information
qui va être rendue publique, mais vous semblez préférer que ce registre-là, en fin de compte, ne soit pas public, dans le sens où il serait, bien sûr,
consulté par les autorités ou par les personnes autorisées, mais, l'aspect public, là, vous n'êtes pas très en faveur, même
s'il y avait toutes sortes de mesures pour nous assurer que l'information
confidentielle ne serait pas rendue publique. Mais juste le... Peut-être un peu
plus de clarté là-dessus, là, donc l'aspect public.
• (12 h 10) •
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En 25 secondes, s'il vous plaît.
M. Besner (Patric) : Oui. Très
rapidement. On doit comprendre que ce n'est pas juste le Québec, c'est que tous les gens qui apparaissent dans le registre...
Pour les juridictions extérieures, on va déclarer des bénéficiaires ultimes
pour des compagnies américaines. Donc, n'importe qui pourrait vérifier le
registre du Québec, et c'est comme si on forçait les autres juridictions
nord-américaines... parce qu'on ne vit pas en Europe, on ne vit pas au U.K., on
est en Amérique du Nord, on divulgue les bénéficiaires ultimes. Donc,
n'importe quel compétiteur de cette société américaine là pourrait avoir
l'accès parce que la personne a fait affaire au Québec. Ça n'a aucun bon sens.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : C'est parfait. C'est tout pour l'échange. Alors, nous poursuivons maintenant...
M. Leitão : Merci.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Nous poursuivons maintenant avec le député de Rosemont. Vous disposez de
2 min 45 s.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Mme Latreille, M. Besner, merci d'être là. Je résumerais
mon point par celui-ci, par un bon anglicisme : On sera d'accord pour ne
pas être d'accord. Vous trouvez que le projet de loi n° 78... Moi, je
trouve que le projet de loi n° 78 est un bon pas en avant mais qui ne va
pas assez loin. Je vous entends, je respecte
votre point de vue, je ne le partage pas. Vous semblez dire, au
contraire, que le projet de loi
n° 78 va beaucoup trop
loin. Et même, à vous entendre, il semblerait qu'il nous rapproche des portes
de l'enfer.
Nous, notre rôle ici,
là, de parlementaire, là, c'est de protéger le public. Vous avez dit que, vous,
votre rôle, c'est de s'assurer que vos membres respectent les lois. Mais, si
cette loi a pour principale vertu la transparence, donc la protection du public, comment peut-on être à ce
point contre et utiliser des arguments du genre : c'est trop de travail,
ou : nos clients n'apprécieront pas? Comment peut-on utiliser de tels
arguments connaissant, quand même, le très lourd fardeau qui a été déterminé en
matière de paradis fiscal et d'échappatoire fiscale?
M. Besner (Patric) : Il faut
faire une différence entre la divulgation des bénéficiaires ultimes et la
protection du public. Le public... Savoir qui est actionnaire derrière une société
n'aidera pas au niveau de la vérification du blanchiment d'argent ou l'évasion
fiscale. Vous avez besoin des déclarations de revenus, les comptes de banque.
Ce n'est pas la détention qui va aider réellement.
Revenu Québec est très bien placé... avoir toute l'information pour faire les enquêtes nécessaires. Mais M. Tout-le-monde qui
regarde une personne au niveau du registre, puis on voit qu'il a 42 compagnies,
ça n'aide pas à faire affaire ou pas avec la personne. On semble indiquer
qu'avoir plusieurs compagnies, c'est presque frauduleux. C'est normal
pour les gens d'affaires. Il y a un risque lorsqu'on va en affaires. On calcule
ce risque-là en disant : J'investis
tant. Si ça ne fonctionne pas, je vais fermer la société. On ne peut pas aller
plus loin, parce que sinon on va affecter, au niveau des entrepreneurs,
leur désir et leur goût de continuer leurs entreprises.
Donc, on n'a
aucun problème que les gouvernements aient toute l'information nécessaire,
mais, pour M. Tout-le-monde, cette information-là du bénéficiaire
ultime n'aidera pas réellement. Actuellement, même, il y a des juristes qui ne
font pas la différence. Le régime actuel, où on a trois actionnaires, c'est
déjà un excellent registre.
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion.
M. Besner (Patric) : Il y a plusieurs
qui ne font pas la différence qu'actuellement c'est juste des actionnaires
votants. Donc, pour la population générale... Puis un des exemples : En
2011, on a essayé... vous avez essayé...
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion.
M. Besner (Patric) : Oui.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion. C'est beau? Alors, on doit passer la parole...
Je m'excuse, hein? Merci pour l'échange. On doit passer maintenant la
parole à la députée de Gaspé. Vous disposez de 2 min 45 s.
Mme Perry Mélançon : Oui. Merci,
Mme la Présidente. Alors, bonjour. Je vais continuer peut-être dans le... bien, c'est sûr, dans le même sens que les autres
collègues, parce que, quand vous dites qu'il faut faire attention ou, bon, avoir certaines... prendre en
considération qu'il y a des structures d'entreprise plus simples puis
que, là, on va leur en imposer quand même beaucoup avec le projet de loi,
bien, je pense que la question des bénéficiaires ultimes sera plus rapidement
réglée pour ces structures-là et donc que ça ne vient pas nécessairement, là, à
l'encontre de... Ça ne devrait pas être parmi les arguments de taille pour être
contre le projet de loi ou, en tout cas, avoir certains doutes.
Mais je voudrais
quand même vous entendre sur le paramétrage pour qu'on puisse avoir des barèmes
ou qu'on ait une meilleure idée de ce qui se retrouvera dans le règlement qui
va suivre du projet de loi. Selon vous, si, justement, cette question des
bénéficiaires ultimes là, on avait à l'identifier par tailles d'entreprise, ça
serait quoi, pour vous, un indicateur pour
voir... Par exemple, la masse salariale, le nombre d'employés, tout ça, ce sont
des indicateurs qu'on devrait retrouver, selon vous?
M. Besner
(Patric) : Vous voulez dire : Ceux qui auront l'obligation de
divulguer les bénéficiaires ultimes?
Mme Perry
Mélançon : Oui, exactement.
Donc, les preuves d'identité, tout ça, comment est-ce qu'on évalue qui...
Est-ce qu'il y aurait des indicateurs, selon vous, où est-ce qu'on devrait
avoir... pour, justement, séparer, par exemple, les entreprises plus simples,
de plus petite taille, ou les corporations, ou tout ça? Je voudrais vous
entendre sur la façon qu'on...
M. Besner
(Patric) : Oui. C'est des paramètres qui sont un peu difficiles. Même
si on en met un, disons, par exemple, tant de chiffre d'affaires, tant
d'employés, à ce moment-là, on pourrait avoir simplement une multiplication
d'entreprises. Ça serait assez facile de contourner la problématique. Je crois
que, si les définitions et les paramètres des concepts sont bien définis et
facilement applicables et qu'on n'a pas besoin d'un fiscaliste ou d'une opinion
de 32 pages pour savoir quoi répondre... je pense que vous allez avoir un
registre qui va être beaucoup plus efficace à l'intérieur de ça.
Mme Perry
Mélançon : Puis donc, selon vous, on devrait avoir ce règlement-là
entre les mains avant même de procéder, là, à l'étude et à l'adoption du projet
de loi.
M. Besner
(Patric) : Absolument. Le contraire ne fait absolument aucun sens,
parce que c'est comme traverser la rue puis ne pas regarder. Et c'est le
problème au niveau fédéral parce qu'il n'y a pas encore de règlement. Mais les paramètres,
qui est assujetti... On parlait, par exemple, des OBNL. Il y a certaines
faiblesses si on dit : Tous les OBNL
sont exclus. Donc, si on veut vraiment faire un travail adéquat, compte tenu de
la conséquence de ce projet de
loi, on peut certainement arriver avec... en prenant tous les participants à la
commission, et trouver des solutions. C'est faisable, mais il faut prendre le
temps nécessaire avec les légistes, avec les parlementaires pour arriver avec
un projet de loi qui ne sera pas une catastrophe.
La Présidente
(Mme IsaBelle) :
Parfait. Alors, écoutez,
c'est tout le temps que nous disposons. Nous vous remercions,
Mme Latreille ainsi que M. Besner, pour votre participation à la
commission.
Et nous suspendons
quelques instants, le temps d'accueillir ou de préparer le prochain groupe.
Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 18)
(Reprise à 12 h 22)
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Alors, écoutez, nous devons prolonger notre
période. Alors, est-ce que j'ai le consentement pour prolonger notre période de
quelques minutes? Alors, nous allons y aller par ordre. Je vais demander à Mme la
députée de Labelle.
Mme Jeannotte :
Oui, consentement.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Je vais demander au député de Robert-Baldwin.
M. Leitão :
Consentement.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Député de Rosemont?
M. Marissal :
Consentement.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Députée de Gaspé?
Mme Perry
Mélançon : Consentement.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : C'est parfait. Alors, nous accueillons le
prochain groupe, les représentants de l'Autorité des marchés publics. Alors, je vous invite à bien vous présenter,
avec votre titre, et ensuite de commencer votre exposé de 10 minutes.
Alors, à vous la parole.
Autorité des marchés publics
(AMP)
M. Trudel
(Yves) : Alors, bonjour. Mon
nom est Yves Trudel. Je suis président-directeur
général de l'Autorité des marchés publics. Je suis
accompagné, ce matin, de ma collègue, Mme Nathaly Marcoux, vice-présidente
à la surveillance des marchés publics.
Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le
ministre, Mmes et MM. les
députés membres de la Commission
de l'économie et du travail, il me fait plaisir de m'adresser à vous au nom de
l'Autorité des marchés publics dans le cadre du projet de loi n° 78,
la Loi visant principalement à améliorer la transparence des
entreprises.
D'entrée de
jeu, je veux vous mentionner que l'Autorité des marchés publics souscrit aux
objectifs qui sous-tendent ce projet de loi, lequel apporte des
améliorations significatives à la transparence des entreprises par la
publication au registre des entreprises des
informations relatives aux bénéficiaires ultimes et permettant au grand public
d'avoir accès à ces informations.
Cette
transparence est aussi au coeur de la Loi sur les contrats des organismes
publics, la LCOP, avec laquelle nous travaillons quotidiennement, et
elle fait aussi partie intégrante des principes que nous nous sommes donnés, à
savoir l'équité, la transparence et la saine concurrence.
Vous l'aurez
compris, que, de par son rôle en matière de surveillance des marchés publics,
l'AMP abordera les modifications
législatives proposées par le p.l. n° 78 sous l'angle de la
gestion contractuelle mais surtout de l'intégrité des entreprises qui
obtiennent des contrats publics au Québec.
Il m'importe ici de bien situer, auprès des
membres de cette commission, de quelle manière l'AMP utilise les données du Registraire des entreprises du Québec,
avec qui nous avons, d'ailleurs, une entente en bonne et due forme, aux
fins de la réalisation de notre mandat.
Résumé à
l'essentiel, le registre comporte des données cruciales pour de nombreux
organismes de surveillance et de contrôle, dont l'AMP, qui est chargée
de l'application des règles relatives au Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics, le RENA, et au
Registre des entreprises autorisées à contracter ou à sous-contracter,
le REA. Ces registres étaient, avant 2019,
sous la responsabilité du président du Conseil du trésor, dans le cas du RENA, et de l'Autorité des
marchés financiers, dans le cas du REA.
Il faut aussi
mentionner que, bien que l'AMP est l'organisme qui autorise les entreprises à
obtenir des contrats publics lorsqu'ils se situent à plus de 1 million
de dollars pour les contrats de services et à 5 millions de dollars pour les contrats de construction, toute la
vérification des antécédents des principaux administrateurs ou encore de
l'intégrité des entreprises
s'effectue par l'Unité permanente
anticorruption. C'est donc celle-ci
qui, après avoir fait les recherches et
vérifications nécessaires, transmet à l'AMP un avis favorable ou défavorable,
selon le cas. L'AMP est donc en mesure de juger de l'information et de prendre la décision d'autoriser ou non l'entreprise à obtenir des contrats publics. Prendre note également que les entreprises dans le secteur de l'approvisionnement n'ont pas l'obligation de détenir une autorisation de contracter,
peu importe le montant du contrat.
Dans le cadre de l'application du REA, l'entreprise
qui souhaite obtenir des contrats publics selon les seuils établis doit s'assurer que son dossier est à jour
au Registraire des entreprises du Québec.
Ces informations sont ensuite soumises par l'AMP à l'UPAC. Les conditions
déterminées par la LCOP visent notamment à promouvoir la confiance du
public dans les marchés publics en attestant l'intégrité des concurrents.
Particulièrement, le régime d'autorisation de contracter avec l'État vise à
assurer à la population qui a un intérêt à ce que les contrats payés avec des
fonds publics soient octroyés à des contractants intègres. Par conséquent, le
défaut de détenir une autorisation et de la maintenir pendant toute la durée du
contrat peut entraîner la nullité de celui-ci.
L'adoption du p.l. n° 78
aurait pour effet d'enrichir considérablement le contenu du registre des
entreprises. Il s'agirait ainsi d'une source d'information additionnelle dans
la réalisation de notre mandat.
Entre autres choses, l'accès à la date de
naissance et à l'adresse du domicile, dans le respect des règles entourant l'accès et la protection des
renseignements personnels, pourrait permettre d'éviter les erreurs sur la
personne ou éliminer la confusion qui pourrait exister entre deux
dirigeants d'entreprises différentes qui portent le même nom.
Autre bénéfice à ce projet de loi, il
permettrait de vérifier qui se cache derrière certaines entreprises, fiducies
ou coquilles vides qui permettent à des entreprises de contourner le système et
ainsi quand même obtenir des contrats publics.
Il faut ici souligner tous les efforts qui sont
menés par les organismes de surveillance ou d'enquête afin d'identifier les personnes
qui sont derrière les entreprises. Les structures d'entreprises sont tellement
complexes qu'elles rendent parfois
impossible d'identifier les véritables propriétaires ou ceux qui en détiennent réellement
le contrôle.
Suivant les recommandations 32 et 33 du
rapport de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats
publics dans l'industrie de la construction, la commission Charbonneau, le
registraire a mis en place le projet ORDRE. Il s'agit d'un outil de recherche
sur les données du registre des entreprises, un outil important permettant à l'AMP, entre autres, d'effectuer une
recherche par noms d'individu et par personnes liées au Registraire des entreprises, faire des
recherches sur des données et les combiner, exemple, personnes liées, les
adresses, les noms des entreprises, obtenir
des renseignements bonifiés, visualiser des documents déposés au dossier et
consulter l'ensemble des renseignements pour chacun des numéros
d'entreprise du Québec, soit le NEQ.
Cela étant dit, les gains envisagés par l'AMP
seraient, si le projet de loi était adopté, d'obtenir un portrait assez complet des dirigeants qui ne sont souvent
pas facilement identifiables et du type de contrôle exercé par ceux-ci, avoir un spectre plus large
des bénéficiaires ultimes, faciliter les différents liens qui peuvent être
faits entre les compagnies. Toute mesure permettant de resserrer l'étau sur les
entreprises délinquantes sera reçue favorablement par l'AMP.
Si le projet de loi
n° 78 est adopté, la transparence exigée, eu égard aux bénéficiaires
ultimes, fera en sorte de rendre encore plus difficile l'utilisation
d'entreprises comme prête-noms ou sociétés-écrans. La pratique actuelle leur permet de tirer profit d'avantages indus tout en
demeurant anonymes. Il importe donc que les informations disponibles
dans le registre des entreprises soient fiables. Pour ce faire, le Registraire
des entreprises devra avoir les moyens de ses ambitions et disposer des
ressources nécessaires pour assurer la crédibilité du registre et ainsi
permettre à un organisme comme le nôtre de bénéficier des informations à jour
et exactes pour exécuter notre travail.
• (12 h 30) •
Un autre point qu'il nous paraît important de
soulever porte sur la nature d'une infraction susceptible d'être commise à la Loi sur la publicité légale des
entreprises. Selon nous, certaines infractions de nature pénale déjà
prévues à la Loi sur la publicité légale des entreprises, qui touche
l'intégrité même de ses dirigeants ou de l'entreprise, devraient être
introduites à l'annexe I de la LCOP comme infractions entraînant une
inscription au RENA pour une période de cinq
ans, ce qui n'est pas le cas actuellement. Nous pensons ici, par exemple, à un
administrateur qui produit une déclaration qu'il sait d'emblée fausse,
erronée ou incomplète. Ainsi, un dirigeant qui contrevient à certaines
dispositions de la Loi sur la publicité légale des entreprises pourrait se voir
refuser l'accès à des contrats publics. Encore faut-il que les sanctions
prévues à la loi soient imposées et appliquées. Obtenir des contrats publics
constitue un privilège et non un droit.
En terminant, l'AMP estime que le moment du dépôt
de ce projet de loi arrive à point puisque des travaux sont actuellement en
cours avec le Secrétariat du Conseil du trésor pour revoir la LCOP et la Loi
sur l'Autorité des marchés publics. Depuis l'entrée en vigueur de ses pouvoirs,
l'AMP a été en mesure, ces deux dernières années, de faire différents constats sur les limites actuelles des lois régissant
les contrats publics et la nécessité d'en revoir certaines dispositions.
À l'usage, l'AMP considère que, pour assurer
l'intégrité des marchés publics et faire en sorte que les entreprises satisfont
aux exigences élevées d'intégrité auxquelles le public est en droit de
s'attendre, qu'une révision des règles
encadrant les marchés publics est nécessaire. En fait, nous considérons que la
transparence recherchée dans les différents changements législatifs
proposés dans le p.l. n° 78 aura un effet dissuasif sur ceux qui
utilisent, depuis des années, de tels stratagèmes à des fins illicites.
Équité, transparence, saine concurrence
demeurent les principes fondamentaux de l'AMP. Nous sommes maintenant disposés
à répondre à vos questions. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Eh bien, merci pour votre exposé. Alors, nous allons débuter la période
d'échange avec M. le ministre. M. le ministre, vous disposez de
16 min 30 s.
M. Boulet : Merci, Mme
la Présidente. Merci, M. Trudel.
Merci, Mme Marcoux. Évidemment, c'est un excellent mémoire, c'est une
très bonne présentation. Et je pense que je peux me permettre de le mentionner,
l'Autorité des marchés publics n'a qu'un intérêt, c'est-à-dire la protection du
public, d'où l'adhésion, évidemment, de l'AMP au principe, évidemment, et au contenu, bien sûr, du projet de loi n° 78. Et on se rejoint tellement, parce que, quand
je regarde la page couverture de
l'AMP, vous référez à ce que vous venez de mentionner, M. Trudel :
transparence, équité, saine concurrence.
J'aimerais ça avoir une opinion sommaire. J'ai quelques
questions quand même pour vous. Comment vous réagissez à ceux qui prétendent
que l'opacité... puis peut-être que ce n'est pas une belle façon de le
présenter, mais la transparence qui existe au Québec, avec tous ses effets
bénéfiques, peut nuire à ceux qui magasinent des juridictions et qui pourraient
être rebutés par nos lois en matière de transparence corporative.
M. Trudel (Yves) : Bien, merci,
M. le ministre, votre question est pertinente. Pour nous, l'AMP, quand on
analyse tout ce qu'il se fait au Québec en termes de transparence, nous ne
considérons pas que les gens qui auraient le goût de s'inscrire pour faire des
affaires au Québec seraient rebutés par une plus grande transparence
d'inscription dans les différents registres.
Selon nous, ce que ça permettrait de faire, si
le projet de loi est adopté, c'est... ceux qui profitent du système, donc du registre et des informations qui y sont
présentement soumises, avec la loi actuelle, bien, ceux qui en profitent
pourraient être dissuadés de s'y inscrire et donc de faire affaire au Québec,
parce que le but ultime de faire affaire auprès du Québec serait d'y détenir
des activités illicites.
Donc, je ne pense pas que, si la loi était
adoptée avec une plus grande transparence, les acteurs du marché, ceux qui
voudraient faire affaire avec le Québec et qui sont des entreprises légitimes
qui veulent faire des affaires légitimement, ne s'inscriraient pas au registre
des entreprises pour faire affaire avec le Québec parce qu'il y aurait une loi
qui demanderait une plus grande transparence.
C'est important, parce que l'objectif de votre
loi est également la prévention. Donc, c'est très important, vous venez
identifier un volet prévention. Qui dit prévention dit, en même temps, que le
fait d'être en amont d'une infraction potentielle, bien, évite que des
organismes publics fassent des enquêtes, fassent des inspections, qu'il y ait
éventuellement des poursuites pénales. Donc, les efforts consacrés aux
enquêtes, bien, ils sont différents quand il y a un volet prévention qui est
inclus dans une loi, tel que c'est le cas présentement.
M. Boulet : Puis ça me donne
l'occasion de redire à quel point votre travail est essentiel, hein? Puis vous
avez fait référence à un registre des entreprises non admissibles aux marchés
publics ou aux contrats publics, puis à un autre, le REA, que vous appelez le
registre des entreprises admissibles. Et j'aime bien que vous fassiez référence
au site... à l'application, là, ORDRE. Puis je pense que
c'est important de le préciser, pour le bénéfice de tous les membres, ça permet
à l'AMP notamment de faire des recherches croisées où des informations qui
peuvent provenir de différentes sources
comme, par exemple, Revenu Québec... Je pense qu'avec ce qu'on fait au
Registraire des entreprises du Québec ça donne accès à l'AMP à des
informations provenant de Revenu Québec, Régie du bâtiment, l'AMF, Sûreté du
Québec... Oui?
Une voix :
...
M. Boulet : Tout à fait. Et,
comme ils ont tous accès... Et, depuis 2020, là, ce qu'on me confirmait, la
Sûreté du Québec et la police de Montréal. Je pense que c'est un bel exemple,
là, de symbiose qui donne des résultats concrets à la lutte notamment à
l'évasion fiscale.
Vous recommandez, M. Trudel, que les
entreprises qui ne respectent pas et qui se trouvent en situation de violation puis qui commettent une infraction pénale
soient notamment non admissibles, donc que ces noms d'entreprises là
soient inscrits au RENA, là, le Registre des entreprises non admissibles à des
contrats publics. Est-ce que vous pouvez nous donner un peu plus de précisions
sur cet élément-là, s'il vous plaît?
M. Trudel (Yves) : Oui, tout à
fait, M. le ministre. Donc, ce que je mentionnais dans mon allocution, c'est
que, présentement, l'annexe I de la Loi sur les contrats des organismes
publics, qui est l'annexe qui prévoit les infractions pour lesquelles, lorsque
les personnes sont trouvées coupables ou les entreprises sont trouvées
coupables d'une infraction prévue à l'annexe I, s'ils font... ils tombent
au RENA, donc ils deviennent inscrits au Registre des entreprises non admissibles. Présentement, les infractions pénales
prévues à la Loi sur la publicité légale des entreprises ne sont pas
incluses dans l'annexe I.
Nous considérons, à l'AMP, que ce serait
important que ce soit fait puisque vos propositions touchent également l'intégrité de l'information inscrite au
registre des entreprises. Et, pour nous, le volet intégrité demeure très
important, donc nous proposons qu'elles soient incluses dans l'annexe I.
Et, ainsi, comme sanction, ça demeure, à mon
avis, une sanction, je dirais, très, très, très sévère de pénaliser quelqu'un
qui inscrirait au registre frauduleusement une information pour tenter de déjouer le système. Et on peut penser
que, s'il le fait avec le Registraire des entreprises, il y a des
grosses chances qu'il le fasse ailleurs également. En général, les fraudeurs
abusent du système partout où ils peuvent en
abuser. On considère, donc, que de soumettre une information fausse ou
trompeuse au registraire devrait être sanctionné par l'inscription au
RENA.
Et ce que ça permet également, c'est dans
l'application des sanctions. Vous savez, ce n'est pas juste par une loi, donc par celle-ci, qu'au Québec on va
combattre le blanchiment, l'évasion fiscale, la corruption et qu'on s'assurera
de l'intégrité des marchés publics. C'est la somme des lois qui permet aux
organismes, et au gouvernement, et à l'État québécois de combattre ces
fléaux-là. Donc, pour nous, si, par exemple, c'était adopté et que vous veniez
à la conclusion que ça devrait être inscrit
à l'annexe I de la LCOP, bien, il y aurait une plus-value pour la Loi sur
l'Autorité des marchés publics et, évidemment, l'inscription au RENA.
Donc, on vient complémenter l'inscription lorsqu'un assujetti commet une
fraude, par exemple, ou donne une information fausse ou trompeuse.
• (12 h 40) •
M. Boulet : Je comprends très
bien. Évidemment, vous connaissez le processus, on va faire l'étude détaillée
article par article avec tous les collègues, là, qui sont présents à la commission
parlementaire, et c'est une suggestion qui mérite certainement d'être analysée
et considérée à son mérite. Merci.
Est-ce que l'AMP a une opinion sur le montant
des sanctions? Bon, évidemment, il va y avoir aussi une discussion en étude
détaillée. Actuellement, dans la Loi sur la publicité légale des entreprises,
c'est une fourchette entre 500 $
et 25 000 $. Beaucoup suggèrent que le montant des amendes soit
augmenté. Est-ce que vous avez une opinion sur ce sujet-là?
M. Trudel (Yves) : Oui, oui,
nous avons une opinion. Nous avons, évidemment, entendu certains témoins qui ont comparu devant cette commission
hier. Écoutez, quand on fait l'analyse de ce qui est prévu à la loi sur...
comme sanctions pécuniaires à la... à ce qui est prévu à la Loi sur la
publicité légale des entreprises, ça se compare aux autres lois provinciales
lorsqu'il y a des sanctions administratives ou pénales. Donc, il y a une
certaine cohérence entre les différentes lois. Et, à l'Autorité des marchés
publics, nous prônons la cohérence entre les lois.
Il faut faire attention lorsqu'on veut exiger
des sanctions pécuniaires qui sont beaucoup plus élevées. Il faudrait
revérifier avec le Bureau des infractions et amendes jusqu'à quel point ils
sont en mesure de collecter les amendes
lorsqu'elles sont substantielles. C'est déjà très élevé, comme amendes, à mon
niveau... à mon avis. Et je pourrais vous donner un exemple. À Revenu
Québec, les amendes sont extrêmement élevées lorsqu'il s'agit, par exemple, de
pénaliser un contrebandier de tabac. Et l'amende est prévue, donc elle est déjà
prescrite en fonction des montants éludés au fisc québécois. Parfois, les
amendes vont au-delà des millions de dollars. Je peux déjà vous dire que les contribuables
ne paient pas l'amende.
C'est de là notre intervention de tantôt, en
disant : La sanction probablement la plus sévère serait une inscription au
RENA. Donc, c'est de voir au-delà de pénaliser par une amende qui, assez
souvent, lorsqu'elle est très substantielle, n'est pas collectée. Donc, le Bureau
des infractions et amendes travaille très fort... et pourrait vous le dire
probablement mieux que moi, mais à collecter des amendes auprès de personnes
qui n'ont pas la capacité et qui n'auront jamais la capacité de payer l'amende.
Et, dans le cas des criminels, bien, eux, honnêtement, ils ne regardent même
pas ça, là. Ce n'est pas de penser qu'ils vont la régler, ils ne la régleront
jamais.
Donc, on pense que,
présentement, c'est cohérent avec les autres lois et que, pour nous, bien, la
sanction la plus sévère, dans ce cas-là, serait l'inscription au RENA et donc
d'empêcher cette entreprise-là et/ou un de ses administrateurs de contracter
avec l'État pour cinq ans.
M. Boulet : Oui, merci
beaucoup. Oui, j'apprécie. Je suis porté à adhérer à cette pensée-là, il faut
que les sanctions soient les plus dissuasives possible. Et, indépendamment
parfois du montant d'amende, quand ce n'est pas exécutoire, quand on ne peut
pas récupérer, probablement que le message le plus fort et l'impact dissuasif
le plus important, ça serait effectivement que les entreprises qui violent la
loi, quant à notamment la divulgation des bénéficiaires ultimes, soient
inscrites au RENA. Je pense que ça mérite totalement la considération. Puis la
cohésion du montant des amendes, j'en ai fait référence hier, parce que
certainement qu'on aura à approfondir la discussion avec mon collègue à la
Justice, là, pour s'assurer de la totale cohésion.
J'aimerais ça maintenant... peut-être dernier
sujet, les renseignements personnels. Vous faisiez référence à l'importance de la date de naissance, de l'adresse
du domicile. Évidemment, on est aussi préoccupés par la protection des
renseignements personnels puis on prévoit la possibilité d'identifier une
adresse professionnelle. C'est une option pour protéger l'adresse personnelle. La date de naissance, c'est un
renseignement qui pourrait être protégé, évidemment, les personnes mineures puis les autres personnes
où il pourrait y avoir une atteinte potentielle à leur sécurité, et autres.
Mais vous avez fait référence, dans votre
exposé, que c'était important pour éviter les erreurs ou pour éviter la confusion.
J'aimerais juste, en concluant, que vous, peut-être, me donniez une précision
additionnelle sur ce à quoi vous faisiez plus spécifiquement référence.
M. Trudel (Yves) : Oui, bien
sûr. Donc, si je prends l'exemple d'un des rôles de l'Autorité des marchés
publics et la tenue du Registre des entreprises non admissibles, il est arrivé,
dans le passé, que nous avons inscrit des administrateurs au registre par
erreur. Donc, plusieurs personnes avec le même nom, évidemment, possèdent des
entreprises au Québec. Et, lorsqu'ils sont trouvés coupables d'une infraction
prévue à l'annexe I de la LCOP, nous les inscrivons au RENA, mais nous
n'avons pas l'information autre que le nom et, bien, nous avons donc inscrit
des gens par erreur. Lorsque les gens s'en rendent compte, communiquent avec
nous, bien entendu, on les désinscrit du registre, mais, pendant un temps, on a
inscrit une personne qu'on n'aurait pas dû inscrire parce qu'on n'avait pas
d'autre moyen que d'avoir le nom et son plaidoyer de culpabilité ou la sentence
reçue, donc l'information qui nous est transmise, dans certains cas, par le
Directeur des poursuites criminelles et pénales. On n'a aucun autre moyen de valider les informations entourant la personne
qu'on doit inscrire au registre. C'est pour ça que, pour nous, ces informations
additionnelles là sont très importantes.
Il est
important de mentionner aussi, parce qu'il faut trouver l'équilibre entre la
protection des renseignements personnels et l'accès à ces
renseignements-là, que, nous, comme je vous ai dit, nous avons un protocole
d'entente avec le ministère pour le bureau du registraire pour l'échange de
données. Il est prévu... Il y a une clause dans ces protocoles-là qui prévoit
que, si on ne se sert pas adéquatement des informations auxquelles nous pouvons
avoir accès, que le protocole... qu'il
mettrait fin au protocole et, donc, à toute possibilité pour nous d'effectuer
les recherches que nous faisons actuellement.
Puis
travailler avec des données confidentielles, c'est notre quotidien. À l'AMP,
l'ensemble des gens travaillent au quotidien avec des renseignements
confidentiels. On n'a qu'à penser aux communications de renseignements
que nous recevons du public, c'est anonyme, et jamais le nom du divulgateur ne
va être identifié, sauf s'il le veut ou s'il le
souhaite, bien entendu. Donc, c'est notre quotidien, de travailler avec des
renseignements personnels et ne pas en faire une divulgation.
M. Boulet : Merci beaucoup. Vos
propos sont hyperrassurants. Merci beaucoup à l'AMP, félicitations pour votre
engagement, pour la mission que réalise l'AMP pour le bénéfice de tous les
Québécois et les Québécoises. Content de
vous avoir rencontrés tous les deux de nouveau, puis au plaisir de se revoir.
Alors, merci. Et bien, bien content de votre présentation.
M. Trudel (Yves) : Merci
beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous poursuivons maintenant avec le député
de Robert-Baldwin. Vous
disposez de 11 minutes.
M. Leitão : Très
bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Trudel, Mme Marcoux, bonjour, bienvenue à
notre commission. Vous avez soulevé plusieurs points qui sont très, très intéressants.
J'aimerais, tout d'abord, revenir un peu sur les
propos du groupe précédent, donc M. Besner et l'Association du Barreau.
Lui, il parlait... Leur association et leurs membres sont préoccupés, et d'autres
l'ont aussi mentionné, par une certaine
problématique législative qui n'est pas réglée, donc, le fait que certaines
définitions ne sont pas... viendront plus tard dans les règlements. Et
ils semblaient suggérer que ce serait beaucoup plus efficace si cela était
prévu tout de suite dans le projet de loi. Comment est-ce que vous... Quelle
est votre opinion là-dessus?
M. Trudel
(Yves) : Je n'ai pas entendu, là, les représentants de l'ABC. Écoutez,
on ne s'est pas arrêtés encore sur ce qui a été avancé par les témoins
précédents à ce niveau-là. J'ai entendu, hier, également, certaines inquiétudes
de certains témoins eu égard au fait que
c'est par règlement qu'on viendrait préciser la définition des bénéficiaires
ultimes.
En ce qui nous concerne,
la définition actuelle prévue, elle est un peu trop restrictive. Donc, pour
nous, un bénéficiaire ultime, ça pourrait correspondre à une personne qui
retire un bénéfice de l'avantage d'être inscrit dans l'entreprise. Le fait de
restreindre ça à 25 % de droit de vote, par exemple, ferait en sorte
qu'une personne qui n'a pas de droit de vote
mais qui bénéficierait ultimement, par exemple, des bénéfices de l'entreprise,
bien, il ne serait pas assujetti.
Donc, elle est très restrictive, effectivement.
Est-ce qu'elle doit être par règlement? Est-ce qu'elle doit être prévue à la loi? Je pense que vous allez en
débattre lorsque viendra le moment, mais notre position actuellement, c'est
qu'elle est trop restrictive avec le 25 % de droit de vote.
• (12 h 50) •
M. Leitão :
Très bien, merci. Excusez-moi, j'avais de la difficulté à me libérer moi-même,
j'étais sur «mute», je m'avais «automuté». Non, mais j'ai tout compris
ce que vous avez dit.
Là où je voulais réagir, c'est que, vous, votre
perspective sur ce projet de loi, et je le comprends très bien, c'est dans un
cadre ou dans une approche, donc, de prévention, de fraude, etc., et surtout en
ce qui a trait aux contrats publics. Et c'est très important, et je vous
encourage à continuer, et c'est extrêmement opportun. On était là avant, on en a beaucoup discuté lors de la mise en oeuvre de l'AMP, et il
faut la moderniser encore, tout à
fait d'accord avec ça.
Ma question, ce n'est pas très juste pour vous,
mais je vous la pose quand même, c'est qu'il y a quand même au-delà de 500 000 entreprises,
maintenant, enregistrées au Québec, et ce n'est pas tout le monde qui a des
contrats avec l'État. Donc, le registre
qu'on est en train d'améliorer, de mettre en place et d'améliorer, doit aussi, évidemment,
s'appliquer et doit aussi être efficace pour toutes ces autres entreprises qui
n'ont pas nécessairement de contrat avec l'État.
Et c'est dans ce cadre-là que les questions soulevées par M. Besner, il me
semble, sont quand même importantes, sur les enjeux qu'eux ont appelés
le shopping de juridiction.
Dans votre pratique, dans ce que vous voyez en
termes de contrats publics et de lutte à la corruption, dans ce cadre-là, et
vous avez beaucoup d'expérience dans ce domaine, est-ce que ce phénomène du
shopping de juridiction, c'est quelque chose qui vous préoccupe ou c'est
quelque chose que, plus le temps passe, et plus cela devient difficile, et ce
n'est plus tellement, disons-le, dangereux qu'il y a cinq ans ou qu'il y a
10 ans?
M. Trudel
(Yves) : Juste préciser un
petit peu votre question, M. le député, s'il vous plaît. Je ne vous entends
pas, je ne vous entends pas.
M. Leitão :
Oui, encore une fois, je pense qu'il doit y avoir un complot quelque part,
quelqu'un veut me couper la parole, ça devient «mute». Bon.
Mais donc certaines entreprises vont...
L'argument est que certaines entreprises vont peut-être se désinscrire ou
quitter le Québec parce que les choses qu'on leur demande avec ce nouveau
registre, ce ne sont pas... elles n'ont pas intérêt à suivre ça, elles sont
basées à l'extérieur, etc., donc ils vont s'inscrire ailleurs.
La question
que j'avais, c'est que, dans votre pratique, je sais très bien que vous avez
l'angle des contrats publics, mais,
d'une façon un peu plus générale, vous suivez ce genre d'activité depuis déjà un
certain nombre d'années quand même. Est-ce que, pour vous, cette question de
changer de juridiction simplement parce que maintenant les choses
sont un peu plus restrictives au Québec comparément à, je ne sais pas, moi, au
Delaware ou en Ontario... Est-ce que c'est quelque
chose que vous remarquez que ça existe toujours ou c'est quelque chose qui est de moins en moins
important?
M. Trudel (Yves) : Alors, pour
nous, pour l'Autorité des marchés publics, on ne le voit pas, ça. Donc, je l'ai
dit tantôt, je pense qu'il y a de bonnes affaires à faire au Québec. Ceux qui
refuseraient de venir faire des affaires au Québec parce que le Québec souhaite
être plus transparent, donc agir en prévention, mettre des efforts au niveau du
blanchiment... de la lutte au blanchiment
d'argent, l'évasion fiscale, refuseraient de venir faire des affaires au
Québec, je pense, ça leur appartient, mais je ne pense pas qu'il y aurait un
grand désengagement eu égard à des entreprises qui auraient, par
exemple, à fournir plus d'informations pour faire affaire au Québec.
M. Leitão : Je ne sais pas
qu'est-ce qu'il se passe, mais vraiment je me... Là, tout le monde m'entend.
Bon, ça avance. O.K., merci. Merci de votre réponse.
Un autre sujet,
on parle beaucoup des ressources que le registraire devrait avoir.
Le ministre l'a déjà mentionné, donc, il y a 5 millions
sur cinq ans pour mettre en place... pour accompagner le registraire, là, dans
ses nouvelles fonctions. Bon, vous,
dans votre cas, c'est quand même assez intéressant, c'est une... une autorité a
été créée il n'y a pas si longtemps que ça.
Donc, la
question des ressources. Quand on donne un nouveau mandat à un organisme, la
question des ressources se pose. Comment est-ce que vous voyez ça?
Est-ce que vous pensez que c'est suffisant? Parce qu'aussi M. Besner le mentionnait, qu'il faudrait éviter les problèmes
de 2011, où, à ce moment-là, le registraire n'avait pas les moyens de remplir
sa mission.
M. Trudel (Yves) : En termes de
ressources, je laisserais le registraire faire les demandes à ses dirigeants eu
égard aux ressources qu'il aurait besoin. J'ai entendu hier qu'il y avait
peut-être six inspecteurs, présentement, pour faire
le travail. On va revenir à l'objet de la loi qui est la transparence, donc
l'accessibilité aux données. Ce que je disais tantôt, il faut que les données soient fiables, crédibles, il faut que le
registre soit crédible, sans ça, ça ne donne pas grand-chose de modifier les lois. Pour moi, ce qui est important,
c'est que le registraire ait les ressources nécessaires à s'assurer que les
données inscrites au registre sont les bonnes.
Ceci
dit, j'ajouterais à ça qu'en partant du moment où cette loi-là serait adoptée
il appartiendrait à la collectivité... Si tout le monde a accès à de
l'information au bureau du registre, donc la collectivité pourrait être un
grand contributeur à fournir au registre des informations lui permettant de
vérifier et de faire corriger, le cas échéant, par l'entreprise, des données qui
seraient erronées, je vais dire erronées, inscrites au registre.
M. Leitão :
Tout à fait. Excusez-moi de vous interrompre...
M. Trudel
(Yves) : Donc, pour moi, par exemple, tous les organismes...
M. Leitão :
Je trouve... Excusez-moi, le temps presse, je m'excuse, mais je pense que ce
que vous venez de dire là est extrêmement important. Et donc il faut... Vous
avez parlé aussi, tantôt, d'échange d'information avec le registraire, et je
pense que cet échange doit aller dans les deux sens. Donc, il faut que vous,
l'AMP, Revenu Québec, même la RAMQ... donc, des informations qui sont
détenues par des organismes publics puissent aussi être envoyées au registraire
pour qu'il puisse, de façon continue, s'assurer que son registre est toujours à
jour. Parce que je pense que c'est là... en effet, c'est là, le nerf de la
guerre, c'est que cette information-là soit toujours la plus juste possible...
M. Trudel
(Yves) : Tout à fait. Pour nous, c'est très important, ça.
M. Leitão :
Très bien.
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Merci. Alors, c'est tout le temps que nous
avions. Alors, nous commençons maintenant la... ou nous donnons la parole
maintenant au député de Rosemont. Vous disposez de 2 min 45 s.
• (13 heures) •
M. Marissal :
Merci, Mme la Présidente. C'est vrai qu'on a des problèmes de son aujourd'hui,
là. Il y a du feedback, c'est un peu difficile à suivre. Néanmoins, très
intéressant, M. Trudel, Mme Marcoux. Comme toujours, c'est un plaisir
de vous voir et de vous entendre.
Je comprends, là,
votre logique de dire : Ça ne sert à rien d'appuyer superfort sur le
crayon pour faire des gros chiffres d'amendes si les gens qui se font prendre
ne sont pas capables de les payer. Je comprends. C'est un peu le principe de
dire qu'il vaut mieux enlever le permis de conduire à quelqu'un qui fait un
grand excès de vitesse, comme ça au moins il ne conduira plus, mais cela dit,
on lui donne quand même une amende, et une amende salée.
On est peut-être dans
le domaine du symbole, ici, là, mais, franchement, entre vous et moi, là, vous
avez plus d'expérience que moi avec les bandits, là, puis avec le monde qui
fraude, là, 25 000 $,
là, c'est un peu une joke, là. Ce n'est pas sérieux. Le message n'est pas
sérieux, là.
M. Trudel
(Yves) : Alors, si c'était une question, je vais revenir avec ce que
je disais tantôt. Donc, pour nous, en ce
moment, actuellement, avec ce que je lis qui est prévu à la Loi sur la
publicité légale des entreprises, il y
a une cohérence avec les autres lois. Je vous laisserai débattre lorsque
le moment sera venu de voir : Est-ce vous devez ou pas augmenter l'amende
prévue, les amendes prévues ici? Moi, je considère que c'est cohérent avec les
autres lois et nous considérons également qu'il y a des sanctions beaucoup plus
importantes qui pourraient être imposées, qui ne seraient pas pécuniaires.
M. Marissal :
Mais vous comprendrez avec moi que certaines des personnes qui vont se faire
prendre ne font pas affaire avec l'État et aucune intention de faire affaire
avec l'État. Des gens qui fraudent, qui cachent de l'argent, qui n'ont aucun
respect pour les lois fiscales, ils n'ont pas l'intention non plus d'appliquer
sur un appel d'offres du gouvernement. Donc, l'image, c'est que, bon,
finalement, on leur donne une petite tape sur les doigts. Le message n'est pas
très fort et cohérent, me semble-t-il, et c'était une question.
M. Trudel
(Yves) : Merci, mais elle est très pertinente, votre question. Donc,
en fait, comme je disais, je vous laisserai débattre de ça le moment venu.
Notre constat, c'est que c'est cohérent avec les autres lois provinciales qui
sont administrées par différents ministères présentement.
M. Marissal :
Une dernière question rapidement. Vous avez dit, tout à l'heure : Il faut
avoir les moyens de nos ambitions. Je suis tellement d'accord avec vous, c'est quelque
chose qu'on voit souvent au gouvernement, on a des intentions, les moyens ne
suivent pas. Dites-moi, là, vous, là, à l'AMP, là, parce qu'on en a déjà parlé
dans différents projets de loi depuis deux ans que je suis ici, ça va, vous avez vos moyens,
vous êtes capable de fonctionner? Parce que c'était parmi nos préoccupations.
M. Trudel
(Yves) : Ça va de mieux en mieux.
M. Marissal :
Bon. Pouvez-vous expliquer un peu plus dans les quelques secondes qui me
restent?
La Présidente
(Mme IsaBelle) : Il vous en reste une.
M. Trudel (Yves) : C'est-à-dire
qu'on a eu la chance d'avoir des ressources additionnelles qui nous ont été
accordées à la fin de l'année 2020. On est en processus de finaliser ces
dotations-là. Bien entendu, au fur et à mesure où nos
travaux avancent et qu'on voit qu'il y a beaucoup d'intérêt pour l'Autorité des
marchés publics et les marchés publics auprès de la population, donc les
plaintes, les communications de renseignements, bien, plus qu'on avance, plus
qu'on est populaire, plus que je ferai des demandes pour les ressources qu'il
faut, le cas échéant, pour faire notre travail.
M. Marissal : C'est la bonne
nouvelle du jour. Merci, M. Trudel.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci. Nous poursuivons maintenant avec la députée
de Gaspé. Vous disposez de
2 min 45 s.
Mme Perry
Mélançon : Merci, Mme la Présidente. Bien, bonjour à vous deux. Merci pour cette
présentation très éclairante. Je crois que vous êtes, sans aucun doute,
des alliés dans la cause d'une plus grande transparence de nos entreprises au
Québec.
Vous avez,
justement, dans votre présentation, mentionné quelque chose qui a attiré mon
attention et certainement l'attention de gens qui nous écoutent,
c'est-à-dire les entreprises en approvisionnement qui n'ont pas besoin
d'obtenir une autorisation de l'AMP pour avoir des contrats publics. Alors, ça,
c'est quand même... sachant que ce sont des contrats souvent très lucratifs,
est-ce qu'on aurait avantage, par exemple, à étendre cette obligation-là à ces
entreprises-là lorsqu'on donne des octrois de cette taille? Est-ce que vous avez
une opinion qui pourrait nous éclairer en ce sens?
M. Trudel (Yves) : En fait,
comme il est écrit dans mon allocution en conclusion, il y a des travaux
présentement puis des discussions entre nous et le Secrétariat du Conseil du
trésor. Ce volet-là fait partie des discussions que nous avons actuellement.
Ils n'ont pas besoin d'autorisation. Ça ne nous
empêche pas, évidemment, d'intervenir sur un contrat qui a été donné en approvisionnement s'ils ne respectent
pas les règles normatives, mais, effectivement, il n'y a pas d'obligation
pour eux, peu importe le seuil, peu importe le niveau du contrat, de détenir
une autorisation. Mais, en ce moment, nous avons des discussions avec le Secrétariat
du Conseil du trésor à cet effet.
Mme Perry Mélançon : Donc,
est-ce que, justement, un meilleur encadrement pourrait vous permettre
d'intervenir, par exemple, et d'éviter qu'on puisse octroyer, là, des millions
à une entreprise fantôme de New York, finalement, comme ça a survenu dans
l'actualité dernièrement?
M. Trudel (Yves) : Alors, nous
croyons que oui.
Mme Perry Mélançon : Merci.
Est-ce que je bénéficie de d'autre temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme IsaBelle) :
Oui, il vous reste encore 50 secondes.
Mme Perry Mélançon : Ah! bon,
bien, merveilleux. Je vais peut-être vous amener sur l'aspect de vos liens avec
l'UPAC, là, dans le travail... vous collaborez, là, dans les enquêtes. Est-ce
qu'on devrait leur donner un rôle à jouer, justement, dans cette nouvelle forme
du régime? Est-ce qu'ils devraient, par exemple, être... Parce qu'on entendait
quelqu'un parler d'une équipe spécialisée pour faire les enquêtes et le suivi
par la suite, là. Est-ce que c'est un peu une suggestion de votre part aussi?
M. Trudel (Yves) : Vous voulez
dire au niveau du bureau du registraire?
Mme Perry Mélançon : Oui, donc,
quand il y aurait des fausses déclarations, ou tout ce qui suit pour pouvoir
enquêter, là, sur des entreprises, est-ce que l'UPAC pourrait, ou une équipe
spécialisée, être sur ces cas-là?
M. Trudel (Yves) : En fait, ma
proposition serait qu'au bureau du registraire il y ait le personnel requis
pour pouvoir faire les enquêtes, les inspections et ultimement déposer au DPCP
leur constat. Et je pense que le bureau du registraire pourrait se doter de
ressources pour le faire, le travail.
Mme Perry Mélançon : O.K. Donc,
avec plus de ressources qui sont annoncées, là...
M. Trudel
(Yves) : Bien, il faut se
rappeler que l'UPAC enquête la corruption, la collusion et la malversation. On
est un petit peu loin de ça au niveau de l'intégrité des données à être inscrites au Registraire des
entreprises.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est parfait. Alors, merci. Merci, M. Trudel, merci, Mme Marcoux
pour votre participation aux travaux de la
commission. Écoutez, nous en profitons pour remercier également tous les
groupes qui ont participé.
Et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne
ses travaux, sine die.
(Fin de la séance à 13 h 07)