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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Wednesday, January 20, 2021 - Vol. 45 N° 68

Special consultations and public hearings on Bill 59, An Act to modernize the occupational health and safety regime


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (Ordre des CRHA)

Équipe SST

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

Intervenants

Mme Claire IsaBelle, présidente

M. Jean Boulet

M. Monsef Derraji

M. Alexandre Leduc

M. Sylvain Roy

M. Carlos J. Leitão

*          Mme Linda Lapointe, FIQ

*          M. Philippe-André Tessier, CDPDJ

*          Mme Marie Carpentier, idem

*          M. Luc Vachon, CSD

*          M. Carl Dufour, idem

*          Mme Manon Poirier, Ordre des CRHA

*          Mme Janie-Pier Joyal-Villiard, idem

*          M. François Simard, Équipe SST

*          M. François Vincent, FCEI

*          M. Francis Bérubé, idem

*          M. Daniel Boyer, FTQ

*          M. Simon Lévesque, idem

*          M. Charles Milliard, FCCQ

*          M. Alexandre Gagnon, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Note de l'éditeur : La commission s'est réunie en visioconférence.

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.

La commission est réunie virtuellement afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par M. Roy (Bonaventure).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Ce matin, nous entendrons par visioconférence les groupes suivants : la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et la Centrale des syndicats démocratiques.

Nous commençons. Et je souhaite, donc, la bienvenue aux représentantes de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Avant de commencer, je vous demande de bien vous présenter, et ensuite vous pourrez débuter votre exposé. Alors, Mme Lapointe, je vous invite à bien allumer votre micro.

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

Mme Lapointe (Linda) : Mon nom est Linda Lapointe. Je suis vice-présidente à la FIQ, responsable du secteur SST. Et je suis accompagnée de Me Hélène Côté, qui est conseillère à l'équipe SST, à la fédération, également.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, vous pouvez commencer votre exposé.

Mme Lapointe (Linda) : Bonjour. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, merci de nous accueillir aujourd'hui à cette commission parlementaire virtuelle. Alors, on vient de se présenter. Je suis effectivement à l'exécutif de la FIQ comme vice-présidente et responsable du secteur SST, et Hélène Côté, ma compagne, procureure à l'équipe SST.

Tout d'abord, nous souhaitons saluer la volonté du législateur de réaliser enfin cette modernisation du régime de santé et de sécurité du travail québécois. Les attentes sont grandes, et force est de constater que le projet actuel ne répond pas totalement à celles-ci.

Notre mémoire contient plus d'une quarantaine de recommandations et nous ne pourrons pas, dans le temps alloué pour cette allocution, les expliquer une à une. Nous aborderons avec vous quelques-unes d'entre elles sans pour autant minimiser l'importance des autres recommandations que l'on retrouve dans notre mémoire. La fédération, depuis sa création, représente ses membres devant les différentes instances de la CNESST et les tribunaux. Les nombreuses modifications proposées par le projet de loi afin de modifier la LATMP nous interpellent grandement.

D'emblée, nous tenons à saluer l'introduction du règlement en place et lieu de l'annexe I de la loi actuelle. Ce dernier pourra être modifié plus aisément pour tenir compte de la science et de l'évolution des changements survenant au sein de nos milieux de travail. La reconnaissance du stress post-traumatique dans ce règlement mérite également d'être soulignée. De plus, nous saluons la protection offerte aux stagiaires. Nous tenons également à préciser que nous soutenons les mesures favorisant un retour au travail à la suite d'une lésion, à la condition que la santé et la sécurité de la travailleuse soient la considération la plus importante pour déterminer ce retour et les modalités qui l'encadrent.

Par ailleurs, nous considérons que certaines dispositions de la LATMP modifiées par le projet de loi doivent être bonifiées ou carrément retirées. Outre le stress post-traumatique, nous croyons que l'ajout de diagnostic de maladie psychologique au règlement remplaçant l'annexe I est un incontournable. Plusieurs de nos professionnelles en soins sont confrontées à des conditions de travail difficiles et sont plus à risque de développer des maladies professionnelles de nature psychologique, telles que le trouble de l'adaptation et la dépression. La surcharge de travail, les ratios professionnels en soins-patients insuffisants ne sont que quelques-unes des nombreuses causes d'épuisement des infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques.

Normalement, le travail des professionnelles en soins implique déjà une charge émotive significative puisqu'elles dispensent des soins à des personnes vulnérables et côtoient la mort quotidiennement. Depuis le mois de mars dernier, cette charge émotive a atteint un niveau rarement vu. Un énorme sentiment d'impuissance est ressenti face aux conséquences de cette pandémie pour les patients et les patientes à qui elles dispensent des soins. Au-delà de la pandémie, nous estimons qu'il faut prendre en compte la difficile réalité de ces milieux de travail, qui perdure depuis de nombreuses années, afin de bien mesurer l'impact de cette réalité sur l'intégrité psychologique des professionnelles en soins. Nous recommandons par conséquent que le règlement remplaçant l'annexe I de la loi inclue davantage de maladies professionnelles de nature psychologique.

Par ailleurs, nous croyons que la modification de la définition d'emploi convenable crée un préjudice pour les travailleuses. En modifiant l'expression «de la capacité d'exercer l'ensemble de ses tâches» par celle «de la capacité d'exercer les tâches essentielles», le législateur dénature l'emploi convenable. De plus, ce changement compromet la réalisation de l'objectif souhaité, soit celui de déterminer un emploi qu'une travailleuse pourra raisonnablement occuper alors qu'elle conserve des limitations fonctionnelles qui l'empêchent de reprendre son emploi prélésionnel.

Également, nous sommes extrêmement préoccupées par le retrait de la prépondérance de l'opinion du médecin traitant dans plusieurs dispositions du projet de loi. Ce constat s'applique autant dans les dispositions entourant la réadaptation professionnelle que dans celles traitant de l'évaluation par un membre du bureau du BEM.

Par exemple, le projet de loi octroie des nouveaux pouvoirs importants à la CNESST lui permettant d'ordonner des mesures de réadaptation professionnelle sans même obtenir l'avis du médecin traitant, alors que certaines de ces mesures pourraient venir en conflit avec les soins et traitements proposés par le médecin de la travailleuse et compromettre la santé de celle-ci. Pour les fédérations, cette perte de prépondérance de l'opinion du médecin traitant est clairement préjudiciable à la travailleuse.

Nous terminerons cette partie d'allocution en précisant aux législateurs que l'on ne doit pas perdre de vue que l'objet de la loi est la réparation des lésions et des conséquences qu'elles entraînent pour les travailleuses et qu'en aucun temps les considérations financières liées au coût du régime ne doivent avoir préséance sur cet objet.

En matière de retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite, nous saluons l'uniformisation du niveau provincial des protocoles visant l'identification des dangers et des conditions qui y sont associées. Cependant, nous estimons nécessaire que le principe de précaution soit à la base de l'élaboration de ces nouveaux protocoles et que les meilleures pratiques appliquées dans les différentes directions régionales jusqu'à maintenant se retrouvent également dans ceux-ci.

De la même façon que pour certaines dispositions de la LATMP, nous déplorons la perte de prépondérance de l'opinion du médecin qui effectue le suivi de grossesse dans le traitement de la demande de retrait préventif, et plus particulièrement dans la détermination des dangers. Au-delà du contenu des protocoles, nous croyons que le médecin de la travailleuse est à même d'identifier les particularités des conditions de travail de celle-ci et d'en tenir compte dans l'évaluation de la demande de retrait préventif.

Nous saluons l'introduction de l'obligation pour les employeurs de prendre des mesures pour assurer la protection des travailleuses vivant des situations de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale ou familiale. Nous considérons cependant que, pour respecter cette obligation, les employeurs auront besoin d'une formation spécifique à ces enjeux et que celle-ci devrait être basée sur l'expertise développée par les groupes de femmes qui ont l'expertise en matière de violence conjugale et familiale.

En ce qui concerne la prévention, nous demandons depuis de nombreuses années que les mécanismes de prévention s'appliquent au secteur de la santé et des services sociaux et nous déplorons qu'il ait fallu attendre aussi longtemps pour en bénéficier. Nous sommes convaincues que l'application de ces mécanismes aurait contribué grandement à diminuer le nombre de lésions professionnelles subies par les membres que nous représentons.

Le projet de loi actuel vient enfin remédier à cette aberration. Dans le cadre de la mise en oeuvre des mécanismes de prévention, nous souhaitons que soit déterminée par entente entre l'employeur et les syndicats et non de façon unilatérale la désignation des regroupements d'établissements qui exercent des activités de même nature ainsi que la possibilité de ne former qu'un seul comité pour ces mêmes regroupements.

Par ailleurs, nous accueillons positivement l'inclusion des risques psychosociaux au travail pouvant affecter la santé des travailleuses dans le programme de prévention. Nous estimons toutefois qu'il est essentiel que les membres du comité santé et sécurité ainsi que les représentants en santé et sécurité puissent recevoir une formation afin d'être en mesure de bien les identifier et d'en faire l'analyse. De plus, nous demandons que cette responsabilité liée à l'identification et à l'analyse de ces risques soit clairement mentionnée dans les fonctions du comité et dans celles du représentant.

Nous tenons à exprimer notre profond désaccord avec l'évaluation par niveau de risque établie à l'annexe I du règlement sur les mécanismes de prévention. Il est étonnant de constater que les hôpitaux généraux et ceux de soins chirurgicaux sont classés de risque faible étant donné l'ampleur des problématiques que l'on y rencontre et les dangers que l'on y observe pour la santé et la santé des professionnels en soins. L'impact de cette classification est considérable puisqu'elle détermine l'ampleur donnée aux mécanismes de prévention ainsi que le délai pour les appliquer. Nous demandons donc le retrait de cette classification et le déploiement rapide des mesures uniformes... des mécanismes uniformes de prévention pour tous les secteurs du réseau de la santé et des services sociaux.

Nous nous interrogeons sur la capacité de la CNESST à jouer son double rôle de contrôle et de surveillance avec celui de l'indemnisation. Nous croyons que l'application des mécanismes de prévention requerra des ressources supplémentaires importantes. En effet, beaucoup de nouvelles responsabilités en matière de prévention dans les milieux de travail émergeront et un grand nombre d'employeurs seront maintenant assujettis aux mécanismes de prévention. Le projet de loi n° 59 ne répond pas à nos inquiétudes à cet égard.

• (9 h 40) •

En tant qu'organisation représentant près de 90 % de femmes, nous sommes préoccupées par la faible représentation des secteurs d'emploi à prédominance féminine au sein du conseil d'administration de la CNESST. Près de la moitié des emplois au Québec sont occupés par des femmes. Dans l'objectif de mieux refléter cette réalité, nous estimons qu'une représentation des secteurs à prédominance féminine au sein du conseil d'administration est nécessaire.

Nous estimons que les modifications touchant la prévention contenues dans le projet de loi doivent s'appliquer dans un avenir beaucoup plus rapproché. Le réseau de la santé ne peut plus se permettre d'attendre. C'est pourquoi nous souhaitons que les dispositions du projet de loi modifiant la LSST s'appliquent dès le 1er janvier 2023 pour l'ensemble des secteurs d'activité.

Pour conclure, nous croyons que le projet de loi actuel n'est pas suffisant pour répondre aux multiples défis de la santé et de la sécurité au sein des milieux de travail. Il doit nécessairement être bonifié pour répondre aux attentes des travailleuses. Nous estimons que nos recommandations sont pertinentes et nécessaires pour réellement moderniser le régime de santé et de sécurité du travail.

Les recommandations contenues en notre mémoire visent également à contribuer à mettre fin à l'absence de culture de prévention au sein du réseau de la santé. Cette absence de culture, dans le contexte de la pandémie, démontre à quel point cet enjeu est essentiel tant pour les travailleuses que pour l'ensemble de la société. Je vous remercie.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, Mme Lapointe, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : ...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Votre micro, M. le ministre.

M. Boulet : Il était pourtant allumé. Désolé. Merci, Mme la Présidente. Mme Lapointe, Me Côté, bienvenue à cette commission parlementaire. J'apprécie énormément le ton de votre présentation, la façon dont vous articulez vos recommandations et de reconnaître, d'emblée, et de saluer la volonté du gouvernement de moderniser... Je pense que c'est bénéfique pour tout le monde. Évidemment, vous le manifestez, hein, les attentes sont grandes. Il y a 293 articles, là, ou à peu près, dans ce projet de loi là. Il y a beaucoup de sujets qui sont touchés. Et moi, j'aurais peut-être quelques questions, Mme Lapointe, à vous poser.

Bon, vous êtes à l'aise avec le passage d'une annexe à un règlement. L'annexe était beaucoup plus rigide, ne s'actualisait pas aux données de... au niveau de connaissances scientifiques et médicales, alors qu'un règlement va être beaucoup plus facile à adapter. Puis on crée un comité de scientifiques qui va avoir le mandat d'analyser, faire des recommandations qui vont être rendues publiques, permettant d'enrichir cette liste-là au fil du temps. Puis j'apprécie vos commentaires, puis vous dites : À un moment donné, il faudrait peut-être enrichir la liste, bon, les maladies de nature psychologique, et j'ai énormément de sensibilité à cet égard-là. Puis j'ai une estime profonde pour ce que font quotidiennement les professionnels des soins de la santé que vous représentez.

Est-ce que ce serait envisageable, par exemple, de donner un mandat spécifique au comité de scientifiques de se pencher, d'une part, sur le phénomène des lésions psychologiques dans les environnements de travail, notamment les soins et la santé, d'une part, et, deuxièmement, d'avoir un regard particulier sur les maladies qui sont, je dirais, un peu plus spécifiques, là, aux femmes aussi, parce qu'elles sont évidemment en nombre prépondérant? J'aimerais ça vous entendre développer à ce sujet-là parce que je trouve que c'est une orientation qui m'apparaît particulièrement intéressante.

Vous soulignez aussi qu'on reconnaît les troubles de stress post-traumatique. Puis, vous le savez, hein, 67 % des réclamations de nature psychologique découlent de troubles de stress post-traumatique. Je trouvais que c'était une avancée considérable, là. Mais j'aimerais vous entendre sur des mandats qui pourraient être confiés à ce comité de scientifiques là.

Mme Lapointe (Linda) : Oui. Je vous remercie, M. le ministre. Puis je suis heureuse de vous entendre dire qu'effectivement vous avez une ouverture pour donner un mandat spécifique à ce comité-là parce que c'est une réalité, hein? 90 % des lésions professionnelles acceptées sont à prédominance... dans des secteurs à prédominance masculine plutôt que féminine. Alors, il faut se questionner avec ce projet de loi là puis cette réforme-là. Il faut vraiment voir à intégrer davantage les maladies qui touchent les femmes. Ça fait que c'est... Pour nous, c'est inconcevable qu'il y ait seulement 10 % des lésions qui sont acceptées, mais on est encore beaucoup sur des lésions de nature physique, puis c'est là qu'on aurait voulu une ouverture un peu plus grande dans ce projet-là.

Particulièrement, à la FIQ, on vous l'a dit, on est 90 % de femmes. Alors, tous les facteurs psychosociaux qu'on retrouve en quantité importante dans le réseau de la santé et services sociaux, qu'on parle de la charge de travail, de l'autonomie décisionnelle, le peu de reconnaissance de nos gestionnaires par rapport aussi aux conditions de travail qui sont associées à ça puis les milieux de vie...

Vous le savez, nos professionnelles en soins, puis je ne veux pas en mettre plus à cause de la situation de pandémie présentement, mais on est confrontés régulièrement à de la détresse psychologique, de la détresse... Nos professionnelles en soins travaillent en soins palliatifs où la mort attend nos patients. Elles travaillent avec des polytraumatisés. Elles travaillent avec des petits bébés de 500, 600 grammes, puis on ne sait pas s'ils vont survivre. On est constamment avec une détresse soit avec les patients soit avec la famille.

Alors, ce milieu de travail là, avec la surcharge qui s'ensuit, l'organisation de travail aussi qui est, à maints égards, déficiente... Ce n'est pas pour rien qu'on revendique des ratios pour diminuer cette charge de travail là depuis des années. Bien, ça fait un contexte que, veux veux pas, la notion psychologique, les maladies psychologiques doivent davantage être mises de l'avant. Si on ne le fait pas, on va se retrouver avec le même type de loi qu'on a depuis 40 ans et qui met de l'accent sur les maladies à majorité masculine, les blessures physiques, alors qu'on va moins tenir compte des blessures psychologiques. Et, pour nous, c'est la grande majorité de nos lésions, puis on a de la misère à les faire connaître à la CNESST. C'est difficile.

Alors, effectivement, je trouve que de donner un mandat d'évaluer plus particulièrement les maladies psychologiques de façon importante dans les milieux de travail, qu'on soit dans la santé, qu'on soit dans le domaine de l'éducation, c'est cette nature-là de blessure qui nous touche plus qu'une blessure physique. On ne travaille pas dans les usines. On ne travaille pas dans les mines. Alors, effectivement, je pense que c'est important.

Puis vous avez l'occasion, M. le ministre, de faire en sorte que ce projet de loi là, que cette nouvelle réforme là, dans 10 ans, dans 15 ans, soit encore à jour. Je pense qu'on a une belle opportunité présentement de ne pas juste compenser les 40 dernières années, puis de corriger, puis d'avoir une loi LSST puis LATMP 2021. Il faut qu'on soit visionnaires puis, dans 10, 15 ans, qu'on puisse dire : Aïe, wow! le ministre Boulet, il a fait une excellente réforme de la LSST puis LATMP, puis on fait en sorte qu'aujourd'hui, en 2030, 2035, elle va encore être actuelle. Ça fait que ce qu'on... pas ce qu'on recommande, mais ce qu'on souhaite, c'est qu'on ait vraiment un projet de loi qui soit visionnaire puis qui tienne compte effectivement particulièrement des milieux de femmes, ce qui nous touche.

M. Boulet : ...les mêmes objectifs, hein? On avait deux lois qui sont restées coulées dans le béton pendant 40 ans. Il n'y a jamais rien qui a été fait, ce qui nous donne une annexe qui est restée complètement stationnaire aux plans scientifique et médical, et on tient... On n'a pas tenu compte de l'évolution, et le règlement va nous permettre de s'adapter en tenant compte de l'évolution de la science, comme on mentionnait, et je pense que c'est extrêmement important que vous le souligniez. Est-ce que je vous ai bien compris? Les deux diagnostics en matière psychologique les plus communément reconnus, c'est les troubles d'adaptation et la dépression, hein? Est-ce que c'est bien ça, Linda?

Mme Lapointe (Linda) : Oui, absolument.

M. Boulet : O.K. Bon, vous savez aussi que, bon, on parle aussi énormément, dans la loi santé et sécurité, de l'identification pour bien contrôler et éliminer les risques. On réfère dorénavant, avec le p.l. n° 59... des risques psychosociaux. J'aimerais ça vous entendre un peu plus, vous, un, sur l'impact des risques psychosociaux, qu'on en fasse l'examen, l'identification et l'élimination potentielle, puis j'aimerais ça que vous me parliez aussi un peu plus... Vous disiez : Il faudrait qu'il y ait de la formation, pour les employeurs, pour les accompagner ou les mécanismes... ceux qui participent aux mécanismes de prévention et de participation. Je trouverais intéressant que vous élaboriez, Linda, là-dessus, s'il vous plaît.

Mme Lapointe (Linda) : Oui, comme je vous disais un peu précédemment, les risques psychosociaux sont fort importants. Puis, dans le réseau de la santé et services sociaux, malheureusement, ça n'a pas été une préoccupation de nos employeurs dans les dernières années, peu importe qu'on mette ça sur le dos des réformes, mais ce n'est jamais... Dans l'ensemble de la prévention, ça n'a jamais été... Puis c'est pour ça qu'on est contents d'avoir les mécanismes, parce que les employeurs ne se sont jamais attardés à ça.

Mais, particulièrement pour ces risques-là, psychosociaux, auxquels nous sommes plus confrontés de par le type de profession puis notre milieu de travail, bien, pour nous, on veut qu'il y ait une attention, parce que, comme je vous disais, ce n'est pas tant que ça des lésions de nature physique, mais beaucoup au niveau psychologique. Puis, pour les faire reconnaître puis pour que la CNESST les reconnaisse, bien, il faut que, tous ensemble, on travaille à mieux, bien, premièrement, les identifier, aussi de voir l'impact que ça a sur la travailleuse, sur les travailleurs au niveau de la santé dans nos différents milieux de travail.

• (9 h 50) •

Puis on a beaucoup de... Je vous l'ai dit tantôt, la reconnaissance, l'autonomie décisionnelle, il n'y a pas... La gestion, dans le réseau de la santé, est très, excusez l'expression, «top-down». Ça fait que c'est beaucoup : Il y a ça à faire, tu le fais puis... Alors, tout le sentiment d'appartenance puis de prendre part aux décisions dans l'organisation du travail, ça se fait peu. Alors, les professionnels en soins sont comme : Bien, j'ai une job à faire, je la fais, mais j'ai peu d'influence.

Alors, ça, tout ce qui est au niveau de l'autonomie décisionnelle... Je vous l'ai dit, la charge de travail qu'on n'avait pas, mais aussi la reconnaissance... Il y a peu de reconnaissance. Nos grandes structures... Les salariés, les infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes voient peu leurs gestionnaires, ont peu de reconnaissance, peu de discussions en équipe, peu... au niveau des collègues de travail, puis ça fait qu'à un moment donné ça intensifie, peu importe la charge, la pression... Je n'ai pas besoin de vous rappeler les conditions de travail, le temps supplémentaire obligé, sans parler de COVID, de se voir transférer d'une installation à l'autre ou d'un centre d'activité à l'autre. On a vu des gens qui n'avaient aucune expérience en CHSLD, qui sont partis. On a eu des infirmières... Ça ne faisait même pas deux ans qu'elle était en néonatalogie. Elle avait des petits bébés de 500 grammes puis, après ça, elle s'est retrouvée le soir, à minuit, avec des patients en CHSLD. C'est une approche tout à fait différente.

Alors, c'est un stress, là, où, quand tu as été infirmière... Comme, là, présentement, tu es infirmière pendant 15, 20 ans au bloc puis tu te fais dire : Ah bien! Tu vas aller aux soins intensifs parce que, là, on a beaucoup de patients, aux soins intensifs, COVID. On ne peut pas former une infirmière en dedans de deux jours à des soins intensifs, pas en 2021. Ça ne se fait plus. Alors, ce stress-là, de ne pas... surtout dans cette période-là, COVID, mais aussi en d'autres temps, vu qu'on a une pénurie de main-d'oeuvre de... les déplacements puis les changements dans un milieu de travail qu'on ne connaît pas, bien, tout ça, ça amène des risques supplémentaires, puis on veut qu'ils soient, effectivement, plus considérés, parce que ça amène des troubles d'adaptation importants, puis, malheureusement, cette maladie-là n'est pas reconnue au sein de la liste.

M. Boulet : ...tellement raison, Mme Lapointe. Peut-être, aborder un autre sujet, le programme de maternité sans danger. Bon, comme vous le savez, on parle d'établir un protocole national pour guider... En fait, c'est un protocole. C'est un guide de référence des connaissances scientifiques, qui parle des environnements, des conditions qui peuvent, par exemple, justifier un retrait préventif d'une femme enceinte en raison de sa grossesse ou pour l'enfant à naître, là, bien sûr.

Vous avez fait état à un moment donné que vous ne vouliez pas, cependant, que le médecin traitant soit privé de sa possibilité d'analyser puis d'évaluer les particularités de la travailleuse. Et ce n'est certainement pas l'objectif, hein, Mme Lapointe, puis je vous ai bien entendue là-dessus. Et moi, j'ai l'intention de le dire et de le répéter, le protocole, c'est un guide justement pour permettre un meilleur accès au PMSD et pour assurer une meilleure équité au Québec en tenant compte des environnements, parce qu'on notait, dans la pratique, qu'il y avait beaucoup d'iniquités. Pour le même travail, une femme pouvait bénéficier du PMSD dans une région, et je vous vois hocher de la tête, alors qu'elle ne pouvait pas en bénéficier ailleurs. Donc, le protocole... Merci, Me Côté, aussi, de le reconnaître. Au moins, le protocole va assurer une meilleure équité.

Il y a une idée... Puis, quand je vous disais, tout à l'heure, que j'aimais beaucoup le ton de votre mémoire, vous avez des idées superintéressantes. Comme pour le comité permanent, là, tu sais, à votre recommandation 27, vous souhaitez que ce soit un comité multidisciplinaire qui soit chargé d'élaborer, avec le directeur national de la santé publique, le protocole ou les protocoles, puis que ce comité-là soit composé aussi d'experts en santé des femmes. J'aimerais ça que vous élaboriez un peu aussi, Mme Lapointe, sur cette recommandation.

Mme Lapointe (Linda) : Bien, premièrement, je veux effectivement saluer, puis on l'a mentionné aussi dans le mémoire... par rapport à uniformiser le protocole. Alors, on était fort heureux. Vous l'avez très bien cité. C'était exactement les situations qu'on vivait dans nos milieux de travail. Dépendamment du certificat, une infirmière pouvait partir à 10 heures, après tant de semaines, le soir, à 22 heures, puis l'autre partait à 21 heures. Ça ne faisait aucun sens pour une même condition.

Je veux juste en profiter pour également souligner qu'au sein d'élaborer ce protocole-là on espère effectivement que vous aller tenir compte des meilleures pratiques des différentes directions régionales au niveau de la Santé publique, parce qu'il y en a, effectivement, des bonnes pratiques. Alors, on espère que le fait d'uniformiser ce protocole-là, ce ne sera pas pris vers le bas, mais vraiment vers les meilleures pratiques.

Puis effectivement on veut quand même que le médecin traitant ait encore une importance. Puis, dans le projet de loi, on trouvait qu'il y avait une diminution de la prépondérance de l'opinion du médecin traitant, alors que c'est lui qui connaît mieux la travailleuse. Quand le médecin suit un professionnel en soins 10, 15, 20 ans, bien, il va être mieux en mesure de savoir si les conditions de travail... son milieu de travail est adéquat pour faire cette réaffectation-là, parce que...

Puis on a des milieux très différents. Des fois, les gens, ils pensent que, bon, une unité de médecine à Maisonneuve-Rosemont, ça va être la même chose qu'une unité de médecine à Québec, au CHU de Québec, mais ce n'est pas nécessairement ça. Il y a des particularités. Il y a des patients, aussi, qui sont dans l'unité de médecine, qui vont être différents. Ça fait que, pour nous, c'est fort important.

Et, pour en revenir particulièrement aux maladies de femmes, bien, tu sais, effectivement, on pense que c'est important d'avoir une nouvelle lunette avec cette réforme-là, tantôt, j'en ai parlé un peu, par rapport aux facteurs, aux risques psychosociaux... puis qui étaient plus touchés. Ça fait qu'on voudrait, effectivement, dans ce comité-là, avec les experts, qu'ils soient plus sensibilisés à... peu importe que ce soient les maladies de femmes, mais les milieux de travail qui font en sorte qu'on a des lésions ou des problèmes d'adaptation reliés avec les conditions de travail, qui fait en sorte qu'on est dans les milieux majoritairement féminins, parce que, oui, quand on va travailler...

Bon, vous savez, je l'ai dit tantôt, on est majoritairement femmes. Bien, les femmes qu'on représente, bien, c'est des mères, c'est des conjointes. On a beaucoup de monoparentales. C'est des femmes qui vont être en support à leur famille, à leurs parents, à leur mère, à leur père qui est malade possiblement. Alors, on a toute cette charge-là émotionnelle en dehors du travail qu'on doit gérer en plus des conditions de travail, puis souvent à faire du temps supplémentaire, de gérer nos horaires avec les enfants, ces choses-là. Alors, on veut qu'il y ait une lunette plus féministe en tant que travailleuses et en tant que femmes au sein de ce comité-là.

M. Boulet : C'est intéressant puis... Pardon?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste une minute à l'échange...

M. Boulet : Ah mon dieu, une minute. Bon, j'aurais beaucoup de commentaires à faire, là, mais il y a beaucoup de vos recommandations que je considère extrêmement constructives. Ce dont vous venez de parler, sur le fond, moi, je suis totalement confortable et à l'aise, puis je pense qu'il va falloir aller de l'avant dans cette direction-là.

Les niveaux de risque, on pourra en rediscuter, là. Mais, dans le secteur de la santé, il y a quand même des établissements qui sont à risque élevé ou à risque moyen, mais c'est fondé sur des critères objectifs puis une méthode de calcul que, peut-être, on pourra rediscuter, Mme Lapointe puis Me Côté, à une autre occasion. Formation, formation, formation, il va falloir en faire beaucoup, vous avez totalement raison. Et, les ressources additionnelles à la CNESST, je veux que vous compreniez notre approche. Si ressources additionnelles sont requises pour mettre en application... surtout tenant compte de l'ampleur de cette modernisation-là, c'est certain, Mme Lapointe, qu'on va aller de l'avant puis on va s'assurer de bien répondre à la demande des travailleurs, des travailleuses et des employeurs dans la mise en application de cette modernisation-là.

Merci beaucoup, Mme Lapointe, Me Côté. Puis on aura certainement l'occasion d'en rediscuter. Puis je vois, en vous rencontrant, les immenses bénéfices de faire une consultation. Merci.

Mme Lapointe (Linda) : Merci à vous.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Nous poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

• (10 heures) •

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Me Côté, Mme Lapointe, merci pour votre présence, la qualité de votre mémoire.

Et je vais me permettre de vous demander de transmettre nos salutations à l'ensemble de vos membres. Le Québec, à l'instar de plusieurs pays à travers la planète, passe par des moments très difficiles. Notre réseau de la santé est extrêmement challengé par tout ce qui se passe. Et je sais que vos membres, qui sont majoritairement des femmes, sont au front, luttent, avec l'ensemble des Québécois et des Québécoises... pour lutter contre la pandémie, et, au nom de notre formation politique, s'il vous plaît, transmettre nos salutations à l'ensemble de vos membres.

Je vais me permettre, en premier lieu, de revenir sur des mots que j'ai notés tout au long de votre présentation et qui font écho à tout ce que nous avons entendu hier. Vous avez dit : Une loi actuelle, un projet de loi visionnaire, tenir compte du milieu des femmes et avoir des lunettes féministes. Je suis tout à fait d'accord avec vous que ce projet de loi, il lui manque des lunettes féministes. Et ma question, à l'instar de plusieurs groupes... Et je voulais vous nommer ces groupes. Le Conseil du statut de la femme, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, hier, étaient unanimes de demander au gouvernement d'effectuer une ADS, et même une ADS+.

Ma question... À l'instar de plusieurs groupes qui ont été entendus hier, vous proposez que le gouvernement soit obligé d'effectuer une ADS+, donc, vous dites, comme un des groupes, hier... et de toute mise à jour des deux lois. Donc, vous parlez de la LSST, mais aussi de la LATMP. Ma question : Est-ce que cette recommandation est pour le projet de loi que nous étudions présentement ou vous vous résignez à attendre à ce que ça soit fait un jour, genre, après la fin de l'étude ou après une mise à jour des listes des maladies, qu'il y ait une autre lecture par rapport au niveau des risques et les maladies qu'on va couvrir avec le régime? C'est quoi, votre lecture à la lumière de la COVID que nous vivons présentement et ce projet de loi que nous avons devant nous?

Mme Lapointe (Linda) : C'est majeur. Effectivement, vous avez raison, on dirait que la COVID a juste amplifié, dans le fond, tous les problèmes puis la dangerosité, finalement, des travailleuses... Puis là je ne veux pas juste parler en fonction de nos membres, mais, vraiment, tous les... l'ensemble des travailleurs de la santé, dans cette période COVID, ça a été épouvantable. On a eu 30 000 travailleuses de la santé qui ont été infectées de la COVID. On a 12 ou 13 personnes qui en sont décédées. C'est majeur.

Ça fait que, dans un projet de loi comme ça, quand on vient de voir que les hôpitaux sont à risque faible, bien, pour nous, ça ne fait pas sens. Ce n'est pas un projet de loi qui est visionnaire si on continue de maintenir des niveaux de risque qui sont différents. On a fait ça avec les groupes prioritaires en 79. On ne doit pas reproduire la même erreur. Puis on comprend... Puis je comprends le ministre Boulet, qui dit : Oui, mais vous allez avoir tous les mécanismes, mais les mécanismes ne sont pas appliqués à la même hauteur. Ce n'est pas pour rien qu'on fait trois niveaux de risque.

Alors, on vient encore une fois reproduire une iniquité. On n'a pas à... La prévention en santé et sécurité au travail, ça devrait être donné à tous les travailleurs du réseau, mais particulièrement à ceux qui sont soumis à la LSST. On doit avoir les mêmes mécanismes, avoir les mêmes nombres de rencontres des comités santé et sécurité au travail, le même temps de libération au niveau du représentant. C'est ce qu'on reproche dans ce projet de loi là. Le réseau de la santé a attendu 40 ans. 40 ans qu'on attend d'avoir l'application. Puis, je l'ai dit tantôt, nos employeurs, ce n'est pas une priorité, dans le réseau de la santé... Ils ne font que des relations de travail, que de la... On a essayé... Tout ce qu'on avait dans nos conventions collectives, nous, c'était le comité de santé et sécurité au travail, qui n'a pas du tout les mêmes rôles et responsabilités que de par le comité en vertu des mécanismes de prévention.

Pour nous, c'est superimportant de l'appliquer rapidement. On a assez attendu. Ça fait que, déjà, le délai, pour nous, c'est trop long. Il faut l'appliquer tout de suite, parce qu'on connaît nos employeurs, hein? Si on met ça en 2026, là, c'est en 2025 qu'ils vont commencer à travailler puis à mettre en place... Il faut le faire rapidement. Puis il faut ajouter aussi les maladies professionnelles puis ajouter le trouble d'adaptation puis la dépression.

M. Derraji : Oui, c'est très clair, vos propos, et je les partage à 100 %. Je vais revenir au niveau du risque parce que je pense que, là... Je veux juste que vous clarifiiez votre position. Vous suggérez que la notion de niveau de risque soit enlevée du projet de loi, c'est très clair. C'est immense, ce que vous proposez, parce que ce que vous représentez, c'est énorme. Donc, demain, si le ministre, avec tout ce qu'on va faire en commission parlementaire, refuse d'enlever le niveau de risque, j'imagine qu'on va avoir un problème avec le réseau de la santé par rapport à l'applicabilité de cette mesure. Et nous sommes encore en temps de pandémie, Mme Lapointe.

Mme Lapointe (Linda) : Bien, effectivement, nous, notre proposition, notre recommandation, c'est d'enlever... Comme je vous le disais, pour nous, on ne devrait pas, dépendamment du secteur d'activité, être assujettis à des mécanismes qui sont supérieurs à d'autres. Tous les travailleurs méritent d'avoir un programme de prévention qui est efficace, qui donne des résultats, parce qu'on ne l'oubliera pas, je crois que c'était dans le rapport de la Vérificatrice générale, pour chaque dollar qui est investi en prévention, on vient sauver 10 $ en réparation. Ça fait que, ça, c'est immense. C'est sûr que, dans les premières années, oui, il va y avoir encore des coûts, mais on va les rattraper au fil du temps.

Il ne faut pas que ce projet de loi là, non plus... qu'on vienne prendre l'argent de la réparation puis le mettre au niveau de la prévention. Et, oui, notre demande, c'est d'éliminer... pour que tout le monde ait les mêmes programmes de prévention puis soit assujetti aux mêmes mécanismes. Mais, dans un deuxième temps, je comprends que, si le ministre ne... si vous ne retenez pas notre proposition, bien, ce serait au moins, minimalement, à l'effet que le réseau de la santé et services sociaux soit dans une classification de risque élevé, là, rien de moins, on le voit, là...

M. Derraji : Oui, mais c'est sûr, c'est sûr, Mme Lapointe, que c'est un débat qu'on va mener avec M. le ministre. Et je pense que M. le ministre prend des notes, ainsi que son équipe. Donc, il ne va pas être surpris que, lors de l'étude article par article, j'aimerais bien qu'il ramène des arguments béton pour nous convaincre qu'il doit laisser les hôpitaux à un risque très faible. Donc, je lui envoie la question dès maintenant pour que son équipe et lui-même ramènent ces arguments lors de l'étude article par article.

Et je vais revenir à un point très important que vous avez mentionné, par rapport à l'absence d'une culture de prévention. Vous mentionnez que le personnel soignant est victime depuis le début de la pandémie de l'absence d'une culture de prévention et qu'un grand nombre a contracté la COVID. Ça, c'est des statistiques, c'est plus... On voit, chaque semaine, du personnel de la santé qui quitte. Malheureusement, on ne peut pas les retenir parce qu'ils doivent se mettre en quarantaine. Le nouveau règlement sur les mesures de prévention énonce la hiérarchie des six mesures de prévention devant être contenues dans le programme de prévention. La première mesure à privilégier est l'élimination des risques et la dernière est la mise à disposition du personnel... l'équipement de protection individuelle. Je ne vous apprends rien. Je pense qu'on se comprend.

Maintenant, ma question. À la lumière de la pandémie et de tout ce que nous avons appris, devrait-on introduire la notion du risque ne pouvant pas être éliminé et ajouter une disposition spécifique aux mesures de prévention devant être priorisées dans ces situations? Je ne sais pas si j'ai été clair ou pas, parce que vous êtes un groupe... presque un des groupes, rares, qui vont nous répondre à ce volet de hiérarchisation, surtout avec les lunettes de la COVID et ce que nous vivons en temps de pandémie.

Mme Lapointe (Linda) : Oui, bien, c'est sûr qu'avec la pandémie ça a juste exacerbé la situation. Mais, même avant la pandémie, il reste que nos milieux de travail étaient à risque sur plein d'éléments que je vous ai énumérés un peu tout à l'heure, mais effectivement... Puis, dans nos milieux de soins, il n'y en a pas, il ne s'en fait pas, de prévention. Les employeurs n'ont pas le... La culture de prévention, elle n'est pas instaurée. Ça fait que ça, ça va être majeur pour... Il va falloir qu'il y ait un signal clair de nos P.D.G., au niveau des établissements, des CISSS et des CIUSSS, à ce que...

C'est beau de mettre en place des mesures de prévention et des mécanismes de prévention, mais il va falloir qu'il y ait une culture de prévention qui soit associée à ça puis aussi une mesure de contrôle. Ça aussi, on le met aussi dans notre mémoire, que... Comment la CNESST va pouvoir assurer cette surveillance et ce contrôle-là? Parce que, pour nous, ça va être complètement nouveau, là, ces mécanismes-là. Il va falloir que ce soit parti... que ce soit bâti de façon correcte, dans les meilleures pratiques possibles, puis, présentement, nos gestionnaires dans le réseau ne sont pas du tout habiletés, là, à faire une telle pratique.

M. Derraji : Oui. À la lecture de votre mémoire et vos recommandations, nous sentons que le médecin traitant est un rempart pour les travailleuses dans un monde du travail qui, lui, est généralement hostile ou indifférent. Vous dénoncez le retrait du médecin et son remplacement par un agent de la CNESST. Est-ce que je me trompe?

Mme Lapointe (Linda) : Oui, parce qu'on trouve qu'il y a eu des pouvoirs... Il y a des pouvoirs, dans le projet de loi, présentement, qui a été soumis, qui sont donnés, effectivement, là, à la CNESST, dans les mesures de réadaptation, particulièrement. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que le médecin est plus en mesure de voir le... On n'est pas contre la réadaptation. On n'est pas contre le retour progressif des salariés.

Au contraire, c'est prouvé que, sur des longues périodes, c'est davantage de ramener la travailleuse dans son milieu de la santé... mais on a des milieux difficiles. Il faut juste adapter le retour progressif, mais, pour ça, on croit que c'est le médecin traitant... Ce n'est pas quelqu'un de la CNESST, ce n'est pas des médecins, ce n'est pas des experts qui vont venir déterminer dans quelles conditions la travailleuse va faire son retour progressif, son assignation temporaire ou... ça devrait être le rôle du médecin traitant de la travailleuse.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 35 secondes.

• (10 h 10) •

M. Derraji : Écoutez, je vais y aller très rapidement avec une dernière question. Vous proposez que le comité santé et sécurité ait la capacité de soumettre un litige à la CNESST. Étant donné votre expérience, en quelles circonstances un tel pouvoir pourrait ou devrait être exercé?

Mme Lapointe (Linda) : Bien, justement, on vous parlait... parce que les pouvoirs, là, c'est en lien, je pense, avec les programmes de formation, d'information puis par rapport aux équipements de protection individuelle. Mais on veut, exactement, étendre cette fonction-là pour, justement, que, s'il y a des problèmes... Je vous parlais comment que ça va être probablement difficile... Il va y avoir des enjeux à intégrer ces mécanismes de prévention là. Alors, on veut pouvoir faire intervenir la CNESST si, au niveau soit du comité de santé et sécurité du travail, on ne s'entend pas, au niveau de l'élaboration du programme de prévention, on ne s'entend pas ou il y a des enjeux qui sont différents de part et d'autre. Ça fait que c'est là-dessus qu'on veut qu'il y ait un pouvoir additionnel afin qu'on puisse bien partir ces mécanismes de prévention là au sein du réseau.

M. Derraji : Bon, encore une fois, Mme Lapointe et Me Côté, merci beaucoup pour votre présence. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous poursuivons l'échange avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Lapointe, Me Côté, un excellent mémoire, très complet, très apprécié. Je suis avec vous sur la critique des catégories de risque, là. Ça me semble un échafaudage peu convaincant et j'ai hâte qu'on en débatte plus en détail à l'étude détaillée.

J'aimerais parler avec vous, avec le peu de temps qui m'est imparti, de deux recommandations, d'abord la n° 3, où vous dites : «...ajouter les diagnostics des troubles d'adaptation et de dépression à la liste des maladies présumées professionnelles», et la 32, où vous parlez d'une formation sur les risques psychosociaux pour les représentants en santé et sécurité et les comités de santé et sécurité. Ce n'est pas quelque chose qu'on a abordé beaucoup dans les dernières séances, la question de la santé mentale. Pour les non initiés au milieu de la santé et sécurité au travail, comment vous pourriez résumer cet enjeu-là puis qu'est-ce que vous cherchez à aller changer dans la loi pour améliorer la question de la santé mentale?

Mme Lapointe (Linda) : Oui, bien, on le sait, peu de gens sont informés ou ont une connaissance par rapport aux risques puis aux facteurs psychosociaux. Alors, c'est pour ça qu'on vient demander effectivement d'avoir une formation afin que le comité de santé et sécurité au travail, leur représentant à la santé, parte sur des facteurs psychosociaux qui nous touchent, nous, dans le réseau, parce qu'il y a des facteurs, possiblement, qui nous touchent moins, mais la grande majorité... Alors, il faut bien comprendre c'est quoi, un facteur psychosocial, et aussi de voir à mettre en place des mesures pour les prévenir. Des fois, ce n'est pas grand-chose.

Tantôt, je vous parlais... Entre autres, la reconnaissance... On en a peu, de reconnaissance, dans le réseau. Puis tout le monde pense qu'en lien avec COVID, là, ça doit être terrible, mais, à part de dire qu'on est extraordinaires puis se faire dire qu'on est des anges gardiens, il y a peu de reconnaissance, à tous les jours, pour les professionnels en soins de la santé, puis ça, c'est important. Puis, des fois, ce n'est pas toujours de l'argent qui va faire que le monde va être heureux au travail, mais c'est l'ambiance, c'est la proximité avec ta gestionnaire, savoir que tu fais le travail de façon adéquate puis que tu es apprécié de tes collègues et des patients. Ça fait que, ça, on pense que ça prend une formation pour mettre en place des mesures structurantes pour ça.

M. Leduc : Est-ce qu'on a raison de penser que l'enjeu de la santé mentale, en général, est quelque chose qui est un angle mort de la santé et sécurité?

Mme Lapointe (Linda) : Ah! absolument, un gros angle mort majeur.

M. Leduc : Merci beaucoup. Je vous souhaite une bonne journée. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci pour l'échange. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Lapointe et Me Côté. Chez nous, on m'a fait part régulièrement d'allégations, d'intimidation, de menaces, de sanctions, de muselage, ce qui, par ricochet, engendre des problèmes de santé psychologique chez les travailleurs de la santé. D'être identifié à risque faible, ça ne me permet pas de planifier une prévention adéquate dans ces enjeux-là ni de sanctionner les agresseurs. Est-ce que la version actuelle du projet de loi protège une forme de gouvernance pouvant être toxique — parfois toxique, je vais relativiser — pour le personnel et que des mesures de préventions impliqueraient, par ricochet, de revoir la gouvernance?

Mme Lapointe (Linda) : Au niveau de la gouvernance, ce que je vous dirais, c'est que nous, notre souhait, entre autres, c'est qu'une fois que les mécanismes de... Premièrement, on veut accélérer... Vous l'avez vu, on demande que les mécanismes de prévention soient mis en place dès 2023. On a assez attendu. Il faut les faire rapidement. Il faut les faire correctement, avec du support efficace... mais d'où on parlait de la surveillance puis du contrôle. C'est beau d'avoir des mécanismes de prévention. C'est beau de vouloir une culture de prévention aussi. Mais, si on ne contrôle pas... Puis c'est là-dessus, particulièrement, dans notre mémoire, aussi, qu'on disait : On devrait commencer à se questionner à savoir si le contrôle, la surveillance ne devraient pas être faits par un autre organisme, autre que la commission, la CNESST. En Ontario... On est la seule province, hein, au Canada, qui, effectivement, a cette double responsabilité au niveau de la commission. En Ontario, c'est le ministère du Travail qui s'occupe de l'inspection.

Alors, comment... Tu sais, l'inspecteur, il arrive, mais comment donner... pas une sanction, mais il va falloir donner un message clair que, si les employeurs n'ont pas des programmes de prévention adéquats et ne respectent pas les mesures puis les plans d'action à mettre en place, il va falloir qu'il y ait une pénalité, il va falloir que ce soit coercitif, puis, ça, on ne pense pas que c'est le rôle de la CSST. On trouve qu'on devrait se pencher à voir que ça devrait être une autre entité. Par exemple, le ministère du Travail pourrait faire ce rôle d'inspection là. Mais, s'il n'y a pas d'inspection, je vous le dis, les employeurs dans le réseau de la santé... il va y avoir des lacunes importantes. C'est difficile pour nous. C'est majeur, cette transformation-là. Il va falloir qu'il y ait un contrôle et une surveillance de façon rigoureuse, là, qui va être appliqué.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci, Mme Lapointe, merci, Mme Côté. Ça a très bien été. Merci pour votre contribution, effectivement, aux travaux de la commission.

Alors, nous suspendons quelques instants pour accueillir le nouveau groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 16)

(Reprise à 10 h 20)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour. Nous poursuivons et nous souhaitons la bienvenue aux représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Avant de commencer, je vous invite à bien vous présenter, et ensuite vous pourrez effectivement débuter votre exposé.

Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse
(CDPDJ)

M. Tessier (Philippe-André) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je m'appelle Philippe-André Tessier. Je suis président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Et je suis accompagné de Me Marie Carpentier, conseillère juridique à la direction de la recherche de notre commission.

Je tiens d'abord à rappeler que la commission a pour mission d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés à la Charte des droits et libertés de la personne. Nous veillons également à l'application de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics ainsi qu'à la protection de l'intérêt de l'enfant et le respect et la promotion des droits qui lui sont prévus par la Loi sur la protection de la jeunesse. Conformément à notre mandat, nous avons examiné le projet de loi afin d'en vérifier la conformité à la charte et de vous faire les recommandations appropriées.

Je dois commencer, cela dit, en vous exprimant notre préoccupation pour le temps qui a été accordé à l'étude de ce projet de loi, et surtout le court délai qui a été accordé aux intervenants pour se préparer. Compte tenu de son ampleur, je dois souligner que ça a été quelque chose, un facteur qui a eu un impact aussi sur certains des éléments de notre mémoire que nous aimerions... nous aurions aimé peut-être pouvoir approfondir, et, compte tenu du temps imparti, nous n'avons malheureusement pas eu la chance. Alors, je tiens, tout d'abord, à m'excuser. Si jamais vous nous posez des questions, et je suis obligé de vous répondre que certains éléments n'ont pas pu être traités, c'est compte tenu de cette situation particulière là.

Donc, dans un premier temps, on prend acte du fait que le projet de loi tente, pour une troisième fois, d'étendre la couverture offerte par le régime de santé et sécurité aux travailleuses domestiques. En 2008, la commission adoptait un avis dans lequel elle concluait que l'exclusion des domestiques de l'application de la loi sur les accidents du travail et maladies professionnelles constitue de la discrimination fondée sur le sexe, condition sociale, origine ethnique, et ce, en contravention avec les dispositions de la charte. Le projet de loi n° 59 vise à remédier à cette situation, mais, plutôt que d'intégrer les régimes domestiques... plutôt d'intégrer les travailleuses domestiques, pardon, au régime, il crée une condition, soit le fait d'avoir travaillé un certain nombre d'heures pour ce faire. Évidemment, il y a d'autres exceptions aussi associées au statut de travailleuse domestique.

Donc, en 2010 et en 2012, la commission a indiqué que l'introduction d'une condition spécifique pour les travailleuses domestiques pour accéder à la protection offerte par le régime de santé et sécurité au travail perpétuait la discrimination que ces modifications-là visaient précisément à corriger. De l'avis de la commission, comme cette condition n'est imposée à aucune autre travailleuse ou à aucun autre travailleur et que, malgré une nouvelle définition, le travail domestique demeure effectué principalement par les femmes, le projet de loi perpétue la discrimination associée à ce type de travail.

Ce faisant, il compromet l'exercice en pleine égalité, leur droit à la dignité, leur droit à l'égalité dans l'établissement des catégories des classifications d'emploi, dans leur droit à des mesures d'assistance financière susceptibles de leur assurer un niveau de vie décent ainsi que leur droit à des conditions de travail justes et raisonnables, qui respectent leur santé et sécurité, intégrité physique. C'est pourquoi nous recommandons de retirer la condition faite aux travailleuses domestiques de travailler un certain nombre d'heures afin de bénéficier de la protection offerte par la LATMP. Nous recommandons également que l'impossibilité, pour la CNESST, d'ordonner la réintégration de ces travailleuses soit supprimée.

Dans un deuxième temps, la commission salue la proposition qui est faite d'inscrire la violence physique et psychologique parmi les mesures nécessaires que doit prendre l'employeur pour protéger la santé et assurer la sécurité, l'intégrité physique de la travailleuse ou du travailleur. On considère toutefois pertinent d'attirer l'attention du législateur sur les formes de violence visées par la protection législative. Considérant la banalisation des violences à caractère sexuel qui persiste dans les milieux de travail, l'obligation de l'employeur qui sera ajoutée à la LSST devrait, à notre avis, référer explicitement à la violence à caractère sexuel.

Cela permettrait, entre autres, d'amener les milieux de travail à mieux évaluer, corriger et contrôler les risques psychosociaux que la violence à caractère sexuel risque d'entraîner sur la santé et sécurité, et ce, en tenant compte de ses manifestations et des conséquences pour les personnes qui les subissent. La commission recommande donc d'amender le projet de loi pour que cette formulation, de l'obligation de l'employeur pour prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la travailleuse exposée sur les lieux du travail à une situation de violence, réfère nommément à la violence à caractère sexuel.

Toujours en lien avec cette obligation générale qui serait introduite, la commission a jugé nécessaire d'exposer dans son mémoire les causes sous-jacentes du harcèlement discriminatoire et de la violence conjugale. Pour elle, il est essentiel que ces causes soient considérées lors de l'exercice de la prise en charge de la prévention de la santé et sécurité au travail.

Dans un autre sujet, la commission salue l'élargissement de la protection de la LATMP et de la LSST aux étudiants qui effectuent les stages d'observation et de travail sous la responsabilité d'un établissement d'enseignement. Nous nous inquiétons toutefois du maintien d'une distinction dans la LATMP en ce qui concerne la détermination du montant de l'indemnité de remplacement de revenu des étudiants et des étudiantes à temps plein. On fait donc une recommandation pour que le projet de loi soit amendé afin d'éliminer cette distinction.

La commission constate, par ailleurs, que l'article 48 de la LATMP, tel qu'il serait modifié par le projet de loi, prévoit l'extinction du droit à l'indemnité de remplacement de revenu dans le cas où la CNESST conclut à l'absence de contrainte excessive pour l'employeur à intégrer une travailleuse ou un travailleur. Le libellé de la disposition laisse entendre que cette personne perdrait son indemnité de remplacement de revenu, et même si l'employeur refusait de donner suite à la recommandation de la CNESST. Dans les circonstances, on recommande de modifier le projet de loi pour éviter que le travailleur ou la travailleuse se retrouve sans IRR, sans indemnité, lorsque son employeur refuse d'appliquer la décision de la CNESST.

Le projet de loi prévoit l'extension de l'application des mesures de prévention et de participation des travailleuses et des travailleurs. Ces mesures comprennent l'élaboration d'un programme de prévention, l'établissement d'un comité de santé et sécurité au travail et la désignation d'un représentant à la prévention. Les facteurs qui déclenchent l'obligation de mettre en oeuvre ces mécanismes de protection et de prévention seraient le risque associé avec le groupe d'activités exercées dans un établissement et le nombre de travailleuses dans un groupe d'un établissement au cours d'une année.

Compte tenu de l'impact quand même important sur les droits des travailleurs et des travailleuses concernés que représente l'accès à ces mécanismes de protection, la commission recommande que le projet de loi soit modifié pour que la procédure de détermination au niveau de risque associé à un groupe d'activité soit précisée, que la notion de nombre de travailleurs au cours de l'année soit mieux définie... et afin d'introduire une disposition pour obliger la participation des représentants des travailleurs et travailleuses dont les services sont loués ou prêtés aux mécanismes de prévention.

Finalement, on en profite pour souligner le fait que ce projet de loi là ne vient pas remédier au fait que des questionnaires et examens médicaux peuvent être imposés à la candidate avant qu'une offre conditionnelle d'emploi lui soit faite. Ce faisant, la discrimination à l'embauche fondée sur le fait que quelqu'un a déjà subi un accident de travail ou la discrimination à l'embauche fondée sur le handicap sont plus difficiles à démontrer, et c'est pourquoi nous proposons de modifier la LATMP pour introduire l'interdiction à tout employeur de faire administrer un questionnaire ou un examen médical avant qu'une offre conditionnelle d'emploi ne soit formulée.

Nous vous remercions et nous sommes disponibles pour vos questions.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour l'exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Tessier. Merci, Marie Carpentier. Bien sûr, évidemment, il faut remercier toute l'équipe autour de vous qui a contribué à la préparation de votre mémoire qui est de haute qualité, évidemment. Philippe-André, tu sais quelle estime nous avons pour l'opinion de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

J'aurais... Je mentionnais, tout à l'heure, au groupe précédent, à quel point c'était pertinent de faire des consultations de cette nature-là, parce qu'il y a quelques points qui m'apparaissent hyperappropriés, là. Comme par exemple, les travailleurs domestiques, c'est sûr que, quand on fait un examen comparatif dans d'autres juridictions, ce qui, au plan pratique, veut être évité, c'est que les personnes qui travaillent de façon hypersporadique bénéficient de la même couverture, là. Puis, tu sais, ça peut être un jeune homme ou une jeune femme qui va passer la tondeuse. Ça peut être un jeune homme ou une jeune femme qui va garder les enfants de façon hyperépisodique. Donc, c'est vraiment pratique.

Mais je suis assez d'accord. En droit, je comprends que ça peut être considéré comme étant discriminatoire. Puis, vous le soulevez bien, c'est surtout des femmes originaires des Philippines, les travailleuses domestiques. Je suis content de voir que vous soulignez, du moins, cette avancée-là, mais vous me dites... de dire : Il faut qu'elles travaillent 24 heures par semaine, mettons, pendant sept heures consécutives, c'est discriminatoire. Est-ce que, pour ne pas être discriminatoire, Philippe-André, ça impliquerait, selon vous, indépendamment de leur statut, indépendamment de la sporadicité, entre guillemets, de leur travail... il faudrait que tout le monde bénéficie de la même couverture d'indemnisation? J'aimerais ça vous entendre là-dessus, puis c'est un point de vue, là, académique que je recherche.

• (10 h 30) •

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, non, mais merci beaucoup, Mme la Présidente. Je remercie le ministre pour sa question. C'est une très bonne question, parce qu'effectivement il faut le dire, puis c'est ce qu'on reconnaît, puis le ministre fait bien de le souligner, il s'agit ici d'une inclusion. Donc, on ne peut pas dire le contraire. On vient... venir protéger.

Maintenant, et c'est là où le bât blesse pour nous, c'est le nombre d'heures. On comprend l'exercice qui a été effectué. On voit qu'il y a ce désir-là, cette recherche-là de trouver un équilibre pour, justement, ne pas couvrir ces personnes-là dont c'est trop épisodique ou c'est trop parcellaire, mais inclure... Puis le ministre donnait l'exemple des travailleuses domestiques qui sont, effectivement, souvent originaires des Philippines, là. C'est un exemple quand même assez classique, bien connu, bien documenté. Ces personnes-là vont travailler en excès du nombre d'heures qui est prévu.

Cela dit, et c'est prévu à la page 15 de notre mémoire, cette question-là a été traitée par l'Organisation internationale du travail, et il y a une proposition qui a été faite et que la commission fait sienne, c'est d'avoir une exclusion qui est limitée à «la personne — et là j'ouvre les guillemets — qui effectue un travail domestique seulement de manière occasionnelle ou sporadique sans en faire sa profession». Ce libellé-là, à notre avis, aurait justement l'avantage de concilier... et donc d'exclure le petit gars qui passe la tondeuse, mais d'inclure la travailleuse domestique qui en fait sa profession et qui est un peu soumise... et qui devrait, finalement, bénéficier des mêmes protections que tous les autres travailleurs et travailleuses du Québec.

M. Boulet : Ah! superbien. Puis effectivement l'OIT dit : C'est toutes les travailleuses domestiques, sauf les exceptions, là, ceux qui font un travail de manière sporadique et autres... Mais, souvent, ce à quoi on s'expose, en pratique, ce n'est pas clair, ça manque de précision. C'est la raison pour laquelle les éléments quantitatifs, comme le nombre d'heures, le nombre de semaines, nous apparaissaient un meilleur guide, mais je suis content que vous...

M. Tessier (Philippe-André) : Je comprends. Puis on se comprend bien, puis c'est ce qu'on a voulu dire, c'est qu'on comprend la logique du nombre d'heures. M. le ministre, vous avez raison, c'est sûr que, d'un point de vue d'application, un nombre d'heures, c'est un peu plus mathématique, c'est un peu plus direct. Cela dit, nous, notre rôle, puis vous l'avez bien indiqué, le rôle de la commission, c'est de souligner devant vous que, malheureusement, lorsqu'on met des lignes, hein, on met des lignes très fermes comme un nombre d'heures, bien, il va y avoir ces cas-là qui tombent en dessous du nombre d'heures, mais qui, donc...

M. Boulet : Il y a un effet discriminatoire indirect.

M. Tessier (Philippe-André) : C'est ça, le problème.

M. Boulet : Autre point, Philippe-André, la violence conjugale. Il me semble, si mon souvenir est bon, dans un exercice de révision, qui a été fait par le gouvernement qui nous a précédés, de la Loi sur les normes du travail, où on parlait de harcèlement psychologique à une consultation, je pense, c'est la Commission des droits de la personne qui avait référé à la notion de sexuelle. Puis évidemment on a toujours cette espèce de pensée première là, la violence conjugale et familiale, la manière dont on le définit, ça comprend implicitement la violence de nature sexuelle. Mais moi, j'accueille hyperfavorablement... Et je pense que, dans l'étude détaillée, article par article, je sais que certains de mes collègues des partis d'opposition et du parti gouvernemental vont me le rappeler, si besoin est de le préciser, moi, je serai totalement ouvert à ce que nous le précisions. Ça fait que je pense que c'est une autre des retombées positives, là, de l'exercice qu'on fait avec vous.

Stages d'observation, ça m'allait. C'est intéressant aussi, l'autre point, Philippe-André, quand vous parlez des travailleurs prêtés ou loués. Bon, vous dites : À un moment donné, il faudrait que, un, quand on calcule le nombre... parce que les mécanismes de prévention s'appliquent en fonction des niveaux de risque et du nombre de travailleurs, vous demandez des précisions pour les niveaux de risque, puis moi aussi, je vais en demander, puis on va tous en demander, le nombre de travailleurs, que ça tienne compte des travailleurs loués et prêtés, d'une part, puis, de deux, que ces travailleurs loués et prêtés là, il me semble, vous en faites référence, puissent participer aux mécanismes de prévention et de participation des travailleurs.

J'aimerais ça que vous me replaciez sur l'état de la jurisprudence quant à la relation tripartite, là, l'agence, l'employeur, la personne prêtée ou louée. Bon, moi, je me souviens des dernières décisions que je lisais. On revenait toujours au critère prépondérant de qui contrôle l'exécution quotidienne du travail. C'est généralement l'employeur. Ce n'est pas... Mais, souvent, l'employeur essaie de se dégager de cette responsabilité-là pour la confier à l'agence. Et, vous, ce que vous nous diriez, si je vous comprends bien, indépendamment de l'identité du véritable employeur, on devrait tenir compte de ces personnes-là, prêtées ou louées, dans le calcul du 20 et dans la participation des travailleurs. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, mais, avec la permission, je vais passer la parole à ma collègue, Me Carpentier, qui a développé cette question-là, et peut-être la laisser répondre. Je compléterai la réponse, le cas échéant.

Mme Carpentier (Marie) : Oui, merci pour la question. En fait, c'est que les travaux qui ont été faits à l'égard des travailleurs d'agences démontrent que ces travailleurs-là sont souvent mis à risque parce qu'ils connaissent moins les milieux de travail dans lesquels ils s'insèrent. Donc, ils connaissent, à l'occasion, moins les règles de santé et sécurité du travail, les précautions à prendre, etc. Donc, on observe un taux d'accidents très élevé dans ces catégories de travailleurs là.

Donc, on estime que ça serait important qu'on trouve un moyen de leur permettre d'être représentés dans les mécanismes de prévention pour qu'on tienne compte de leurs particularités puis des problèmes qui leur sont spécifiques. Donc, c'est notre suggestion. Puis effectivement la question du nombre de travailleurs, c'est pour éviter que des entreprises qui, à différents moments de l'année, ont un nombre fluctuant de travailleurs... bien, on puisse, en fait, tenir compte des situations où le nombre de travailleurs est le plus important pour déterminer les obligations des employeurs en vertu des travailleurs...

M. Tessier (Philippe-André) : Puis, si je peux me permettre, pour ce qui est de la relation tripartite, ce qu'il faut rappeler, puis je reconnais bien là le ministre, qui est quelqu'un qui a regardé ces questions-là dans sa carrière longtemps, il faut rappeler une chose. Il ne s'agit pas ici d'une question de dire : Les rapports tripartites n'existent pas. Ils existent. Ils sont présents. C'est un phénomène prévalent dans les relations de travail. Mais, lorsqu'on met la... qu'on regarde à travers le prisme de la santé et sécurité au travail, qui est un modèle axé sur la prévention, qui est un modèle axé sur l'identification des risques, bien, cette question-là, on ne peut pas l'occulter, il faut en tenir compte. Ce n'est pas de remettre en question l'existence de ces régimes-là ou de ces agences-là, c'est de dire : Il faut, compte tenu de l'existence de ces régimes-là, s'assurer que le régime de santé et sécurité au travail nous donne des indices suffisants pour prévenir ces risques-là, donc, quant au nombre, à la participation. C'est là les mécanismes que la SST prévoit, qui sont des mécanismes quand même assez souples. Donc, on parle de participation, mais qui vient bonifier, selon nous, là, la protection et, je dirais, la prise en compte, par les employeurs, de la réalité de ces travailleurs et travailleuses.

M. Boulet : Merci, hein? C'est très complet, Marie puis Philippe-André. Vous parlez aussi de... Ce serait important d'interdire aux employeurs, par exemple, de faire des offres d'emploi puis de faire administrer un questionnaire ou un examen médical préembauche, en fait, qu'ils ne puissent pas le faire, à moins d'avoir fait une offre d'emploi conditionnelle au préalable.

M. Tessier (Philippe-André) : C'est ça, ce n'est pas une interdiction. Puis je me permets de dire... c'est que c'est l'article 18.1 de la charte. L'article 18.1 de la charte prévoit qu'on ne peut pas discriminer quelqu'un à l'embauche basé sur des éléments qui ne sont pas pertinents, dans le fond. Et maintenant là où le bât blesse, et c'est l'expérience des 40 dernières années d'application de la charte par la commission, l'article 18.1 n'était pas là à l'origine, mais il a été introduit un peu plus tard, ce qu'on se rend compte, nous, comme entité qui reçoit des plaintes, c'est que ces questionnaires-là, souvent, lorsqu'ils sont utilisés en amont de l'offre d'emploi, ils font comme un peu un... ils ont une finalité, disons, peut-être pas nécessairement toujours... C'est peut-être plus là qu'il faut faire un petit ménage, un petit tri. Puis là, après ça, on se ramasse à l'offre d'emploi.

Alors, nous, ce qu'on dit aux employeurs, c'est de dire : Si vous voulez éviter une contravention, et, encore là, c'est dans une idée d'éviter des plaintes de 18.1, d'éviter des situations de discrimination, si vous voulez éviter qu'il y ait une plainte qui vous vise en vertu de 18.1 puis vous vous ramassez au Tribunal des droits de la personne, visé par ce genre de plainte là, bien, une solution très simple, c'est de rendre votre offre d'emploi conditionnelle, ce qui fait en sorte qu'à ce moment-là l'évaluation que vous allez faire va vraiment être ciblée puis identifier par rapport à la personne et au poste effectué et non pas une espèce de tri à l'entrée, qui ne tient pas compte des dispositions explicites que sont 18.1 de la charte.

• (10 h 40) •

M. Boulet : ...faire l'examen médical en amont permettrait à un employeur d'identifier des états de santé ou des handicaps qui n'ont aucun rapport avec l'exécution du travail et les utiliser, alors que l'offre d'emploi étant conditionnelle à l'examen médical préembauche. Là, c'est véritablement ciblé sur les conditions physiques ou l'état de... est-ce que l'état de santé est compatible avec les qualifications physiques ou autres, et là on s'assure que ce soit une exigence professionnelle qui soit justifiée.

M. Tessier (Philippe-André) : Et voilà. Donc, pour nous, c'est que ça facilite la démonstration pour l'employeur, mais aussi, évidemment, pour le salarié, la compréhension du salarié, et le but... Encore une fois, on est dans la santé et sécurité au travail. On est dans une logique de prévention. Il y a un article de la charte qui garantit ce droit-là. Mais, nous, ce qu'on vous dit, ce qu'on vous sensibilise... c'est que ça serait bien de minimiser ces plaintes-là, d'éviter ces plaintes-là. On est toujours...

Vous le savez, M. le ministre... Mme la Présidente, le ministre le sait, l'approche, en justice, de toujours rendre les dossiers au tribunal, ce n'est pas nécessairement quelque chose qui, d'un point de vue social, est la finalité ultime. On veut tenter, par d'autres mécanismes, d'autres façons de faire... C'est d'éviter... Ça ne veut pas dire qu'il y n'en aura pas, parce qu'il y aura toujours des situations où l'EPJ, là, l'exigence professionnelle justifiée, devra être démontrée, puis il y a des cas, puis, à ce moment-là, les tribunaux sont là pour ça, puis les commissions comme nous aussi, puis on fera notre travail. Mais, si on peut prévenir en amont ce genre de situation là, je pense que ça serait justifié.

M. Boulet : Ah! totalement. Bien, on minimise les risques.

M. Tessier (Philippe-André) : C'est un peu ça.

M. Boulet : Puis on diminue les cas de discrimination, ultimement, le nombre de plaintes à la commission.

Autre sujet, et c'est une recommandation que je trouve intéressante aussi, tu sais, quand on parle d'accommodement raisonnable, puis d'une évaluation faite par la CNESST, puis qu'on aboutit à une conclusion qu'il n'y a pas de contrainte excessive, de ne pas pénaliser le travailleur, de ne pas le priver de son indemnité de remplacement de revenu, je trouve ça, Philippe-André, hyperintéressant. Est-ce que vous pouvez élaborer pour le bénéfice des membres de la commission, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Je veux souligner qu'il reste deux minutes à l'échange.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, bien, alors, ça sera ma collègue qui aura le plaisir de conclure, Me Carpentier.

Mme Carpentier (Marie) : Merci. Merci pour la question. En fait, c'est qu'on a remarqué que, dans une... Si la CNESST prenait une décision... En fait, si l'employeur refusait de reconnaître... En fait, si l'employeur plaidait qu'il y avait une contrainte excessive à réintégrer un travailleur et que la CNESST concluait, à l'inverse, qu'il n'y avait pas de contrainte excessive, l'article en question prévoyait que l'IRR, l'indemnité de remplacement de revenu, était suspendue, donc, et ce, même si l'employeur était récalcitrant à réintégrer et à appliquer la décision de la CNESST. On pense que ça serait une situation d'injustice, puis qui compromettrait les droits des travailleurs en question, puis ils se ramasseraient sans IRR entre le moment... avant que l'employeur ait décidé d'appliquer, effectivement, la décision de la CNESST. Donc, c'était pour éviter ce genre de situation là.

M. Boulet : Merci, Marie. Oui, c'est une recommandation qui m'apparaît sensée. Et moi, je serai certainement ouvert à en discuter lors de l'étude détaillée article par article. Bien sûr, je trouve que ça fait plein de bon sens. Sinon, on s'expose à des comportements d'employeurs qui soient non respectueux de la décision de la CNESST, qui conclut que l'accommodement... Tu sais, l'accommodement raisonnable, c'est toujours limité par la contrainte excessive. S'il n'y a pas de contrainte excessive, donc, accommode. Si tu ne veux pas accommoder, il ne faut pas, ultimement, pénaliser le travailleur et suspendre son IRR.

Merci beaucoup, Philippe-André, merci, Marie. Encore une fois, j'ai exprimé mon appréciation pour l'institution qu'est la commission. Vous êtes d'excellents porte-parole. On est contents de vous avoir accueillis. Merci. Puis on aura sûrement l'occasion de se rencontrer de nouveau et d'éventuellement rediscuter, entre autres, du projet de loi n° 59. Merci beaucoup. À bientôt, Philippe-André, bye, Marie.

M. Tessier (Philippe-André) : Merci, M. le ministre.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous cédons maintenant la parole au député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes pour l'échange.

M. Derraji : Merci pour votre présence et la qualité de votre mémoire. On comprend... La question du délai a été soulevée, et aucun problème si vous voulez clarifier quelques autres points que vous n'avez pas le temps de clarifier, surtout nous orienter au niveau de notre analyse via le point de vue de la commission des droits de la personne et droits de la jeunesse.

J'ai bien aimé votre échange par rapport aux niveaux de risque, et j'aimerais bien aller approfondir avec vous votre recommandation n° 6. Dans la recommandation n° 6, vous dites que... de préciser le mécanisme établissant le niveau des risques de manière transparente. C'est toute une recommandation qui vient à peu près confirmer beaucoup de questionnements de plusieurs groupes affectés par les niveaux de risque. Je pense que nous sommes dans... je dirais, à l'élément important de l'étude de ce projet de loi.

Maintenant, le regard que j'aimerais bien que votre organisation nous donne, c'est que vous soulignez, concernant les mécanismes de prévention, qu'ils «sont susceptibles d'avoir un impact sur la mise en oeuvre des droits garantis par la charte, notamment le droit à la vie, à la sûreté et à l'intégrité et le droit à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent la santé [et] la sécurité et l'intégrité physique». Là, je parle de la page 41.

Outre ce que vous nous exposez, plusieurs groupes ont fait, comme je l'ai mentionné au début, valoir que la classification des niveaux de risque liés aux emplois ainsi que la liste des maladies professionnelles ne tiennent pas compte des réalités des femmes. Les femmes, ce serait discriminé. D'autres groupes, ils ont même parlé d'un niveau d'analyse ADS, et un autre groupe nous a... ou deux, de l'ADS+. Ma question : En vertu de notre charte, est-ce que le gouvernement québécois peut se prévaloir de quelques dispositions ou justifications pour adopter une loi qui aurait pour effet de discriminer les travailleuses et discriminer leur droit à la vie, à la sûreté et à l'intégrité des conditions de travail?

M. Tessier (Philippe-André) : Merci pour votre question. Je vais débuter la réponse puis je vais passer la parole assez rapidement à ma collègue.

Et je vous dirais que nous sommes à l'écoute, évidemment, lorsque nous participons à une commission parlementaire, des autres mémoires, et donc on a eu le bénéfice d'entendre la première journée d'auditions. On a effectivement pris acte de beaucoup de commentaires. Et je pense que c'est aussi... La beauté de l'exercice de la commission parlementaire, c'est qu'il y a différents regards, hein? Il y a différentes analyses qui sont faites, et elles sont complémentaires. Vous avez le bénéfice de voir ça.

Nous, évidemment, je vous le disais, la période des fêtes, la pandémie, tout ça mis un par-dessus l'autre, le délai, a fait en sorte qu'il y a certains sujets, puis ça, c'en est un, qu'on aurait aimé peut-être creuser un petit peu plus. Et il y a des informations... Il y a d'autres organismes, notamment le Conseil du statut de la femme, qui ont fait des analyses plus poussées sur ces questions-là. Donc, je vous dirais que nous, on les a reçues, comme vous, hier, et on a été très intéressés par ces enjeux-là, et je vous annonce qu'on va continuer à les regarder.

Maintenant, peut-être, pour ce qui est de la question plus précise, je vais passer la parole à ma collègue, là, pour la réponse.

Mme Carpentier (Marie) : Oui, merci, pardon. Merci pour la question. Je pense qu'en fait on demandait la transparence... On demande la transparence dans notre mémoire justement pour être capables d'évaluer les impacts, éventuellement, discriminatoires du mode d'établissement du niveau de risque. C'est sûr que, quand on... Nous, on a observé les niveaux de risque qui étaient associés avec divers secteurs d'activité. Il y a certains niveaux de risque qui nous ont surpris. Au moment de notre analyse, donc, on n'avait pas les informations sur le mode d'établissement de ces niveaux de risque là. Donc, on ne pouvait pas se prononcer sur leur caractère discriminatoire. Donc, la transparence permet... La transparence quant au mécanisme d'établissement permet d'évaluer s'il s'agit d'un mécanisme qui est exempt de biais discriminatoire et qui est aussi exempt de violation des autres droits fondamentaux, donc, d'où la raison de cette recommandation-là.

M. Derraji : Oui, je vous comprends et je comprends votre... Je vais utiliser un mot, mais ne l'interprétez pas plus que le mot, vous êtes comme... J'ai l'impression que vous êtes mal à l'aise de se prononcer aujourd'hui, vu la position des autres groupes. Mais j'ai une demande à vous faire, s'il vous plaît.

L'essence même de ce projet de loi, c'est l'établissement des niveaux de risque. Il y a beaucoup de groupes qui nous parlent de ces niveaux de risque. Moi, j'aimerais bien que la commission des droits de la personne et droits de la jeunesse nous confirme, probablement pas aujourd'hui, prenez le temps... Je ne sais pas à quel moment le ministre va rappeler le projet de loi pour l'étude détaillée article par article, mais nous aimerions avoir le point de vue de la commission des droits de la personne et droits de la jeunesse que ce projet de loi, avec les articles, avec les dispositions que... et en prenant compte la réalité des femmes, qu'il ne va pas discriminer les femmes au niveau que ce soit marché du travail ou même au niveau de l'interprétation de la notion du risque.

Donc, prenez votre temps. Je vous ai partagé un peu le point de vue des autres organismes que vous connaissez très bien. Le Conseil du statut de la femme... Je les ai énumérés tout à l'heure. Ils étaient unanimes, les trois groupes, par rapport à l'ADS et l'ADS+. Donc, s'il vous plaît, prenez le temps. Nous sommes ouverts, les membres de la commission, à recevoir un autre avis. Je pense que c'est quelque chose qui vous tient aussi à coeur, et nous aussi, parce que j'aimerais bien qu'au début de l'analyse article par article... que l'ensemble des parlementaires qui vont étudier ce projet de loi aient la vision 360, y compris votre point de vue, qui, à mon avis, est très important en regard de la discrimination envers les femmes et le marché du travail.

J'ai une autre question. Et, Mme la Présidente, si je suis à huit minutes, arrêtez-moi, parce que mon collègue de Robert-Baldwin a une question.

• (10 h 50) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il vous reste 4 min 40 s.

M. Derraji : O.K., bon, je ne veux pas me faire chicaner par mon collègue de Robert-Baldwin. Allez-y, M. le député de Robert-Baldwin. S'il me reste un peu de temps, je vais revenir sur la notion du travailleur handicapé. Allez-y, monsieur... mon collègue.

M. Leitão : Très bien. Merci beaucoup de votre générosité, mon collègue. Je m'excuse en partant, parce qu'il y a une opération de déneigement du toit ici, dans mon bureau. Alors, des fois, ça... En tout cas, espérons que ça va bien aller. Si vous entendez un gros bruit, là, ce n'est pas moi, c'est le toit.

Alors, M. Tessier, Mme Carpentier, bonjour. Merci d'être là. J'aimerais vous parler un petit peu, et vous avez abordé ça au début, des travailleurs domestiques, surtout des travailleuses, donc, domestiques. C'est un peu ça. Et, de votre point de vue, vous avez commencé... Vous avez fait un peu allusion à ça, donc, la contrainte du nombre d'heures travaillées. M. le ministre nous a déjà dit, et pas seulement aujourd'hui, hier aussi, à plusieurs reprises, qu'il faut quand même mettre une balise, quelque chose. Est-ce que vous pouvez nous clarifier ça un peu plus? Moi, ce que j'ai compris de vos propos, c'est qu'à votre avis ce n'est pas vraiment nécessaire de spécifier la contrainte du nombre d'heures. Si vous pouvez juste me clarifier un peu cette question...

M. Tessier (Philippe-André) : Avec plaisir, M. le député, Mme la Présidente. Donc, écoutez, la logique derrière... Puis on parle bien de l'introduction ou de l'ajout d'une protection pour les travailleuses domestiques, O.K.? Et là ce qu'on vient faire... Le projet de loi, tel qu'il est rédigé présentement, il prévoit un nombre d'heures pour dire qu'on est admissible, finalement, à cette protection-là. Et, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on salue l'introduction des travailleuses domestiques au projet de loi, mais on dit : Attention à l'effet potentiellement discriminatoire du seuil du nombre d'heures parce que ça peut exclure des gens qui auraient valablement le droit. Et on fait référence à une définition plus souple, oui, qui nécessite peut-être plus d'interprétation, parce que plus souple, mais qui permet un peu plus de souplesse.

Et, si je peux me permettre de faire une analogie, l'affaire Caron a été rendue par la Cour suprême dans un contexte où, justement, il y avait des seuils, hein? On mettait un nombre de mois. On mettait... Et ce qui arrive, c'est que, lorsqu'on est dans le domaine de l'accommodement raisonnable, donc, dans le domaine de l'égalité réelle, ces chiffres-là, bien que simples d'application, ont souvent des effets qui doivent être compensés autrement. Et donc c'est dans cette même logique-là un peu, puis, comme je vous le dis, là, ce n'est pas une question qui est propre au Québec. Le ministre y a fait référence, d'autres juridictions... On vous fait référence à une définition de l'Organisation internationale du travail. Je veux dire, le travail domestique, les gens qui sont... qui se promènent un peu partout...

Et il faut rappeler aussi une chose, puis je pense que ça, c'est fondamental de se le dire, à tout le moins, pour nous, le regard qu'on porte sur cette question-là à la commission, c'est qu'il s'agit ici de personnes qui sont dans des situations de vulnérabilité, souvent, des travailleurs étrangers temporaires, je devrais dire, des travailleuses étrangères temporaires parce que ce sont des femmes, donc, des femmes racisées, donc, dans une situation où les... évidemment, il y a eu des modifications récemment là-dessus, mais donc dans une situation très vulnérable par rapport... de dépendance très élevée par rapport à leur employeur, des fois, se font dire : Si ça ne marche à mon goût, bien, ton visa... tu peux retourner dans ton pays. Je veux dire, il faut dire les choses comme elles sont. Ce sont des situations qui se produisent, des organismes, comme Pinay, qui le dénoncent depuis de nombreuses années.

Alors, c'est sûr et certain que, pour nous, notre regard, il est aussi teinté par cette réalité-là, factuelle, qu'on a analysée, là, depuis... Comme je vous disais, depuis 2008 que la commission a pris ces positions-là...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En 30 secondes.

M. Leitão : Merci de la clarification. 40 secondes, ça passe vite. Une dernière chose qui est un peu... qui s'insère dans cette logique, c'est la question de la réintégration au lieu de travail. Donc, s'il y a de l'abus ou de l'exploitation et que la CNESST intervient, bien, après ça, il ne faudrait pas renvoyer la personne dans le même lieu. Donc, ça aussi, il faudrait le régler.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, nous, pour nous, la réintégration, c'est que c'est une mesure-phare de protection qu'il y a dans la loi, et on dit : Il ne faut pas exclure les travailleuses domestiques de cette protection-là. Est-ce qu'elle est applicable à tous les coups? Non, mais là, à ce moment-là, l'expertise de la CNESST... Les instances en droit du travail sont très habituées à gérer ces cas-là de réintégration ou non. Ce qu'on dit, c'est que, si vous enlevez la réintégration au travailleur domestique, vous mettez encore une fois ce travailleur-là, cette travailleuse-là, je vais parler au féminin, une petite coche en dessous des autres, et ça, pour nous, ce n'est peut-être pas le bon message à envoyer.

M. Leitão : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci beaucoup. Nous donnons maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Me Tessier, Me Carpentier. Merci encore une fois pour votre intéressant mémoire.

Je fais un peu de chemin sur mes collègues précédents, sur la question des catégories, des discriminations sur lesquelles on peut se baser, pour des bonnes et des mauvaises raisons, pour donner plus ou moins de droits en matière de prévention. Vous avez dit, là, que vous n'avez pas eu le temps de regarder préalablement toute la question, là, des potentielles discriminations envers les femmes.

J'attire l'attention sur vos recommandations 7 et 8 où... À la 7, vous dites qu'il faut calculer... il faut inclure dans les calculs les travailleurs saisonniers pour savoir combien de salariés on a, afin, donc, de voir si on est plus ou moins 20, et à quel nombre d'heures par semaine ou de réunions on a le droit pour le représentant ou le comité de santé et sécurité. Puis la 8, vous voulez aussi inclure les travailleurs d'agence dans ce calcul-là. Moi, j'aimerais ça vous entendre un peu plus sur ces deux aspects là.

M. Tessier (Philippe-André) : Avec plaisir, M. le député. Puis permettez-moi juste, peut-être, de peut-être me permettre de vous proposer une formulation différente. Ce n'est pas qu'on n'a pas tenu compte de... c'est que... parce que notre mémoire, si vous le regardez, tant la question des travailleuses domestiques que la section 2, tout le développement sur les violences, il y a beaucoup la question des femmes dans le milieu de travail. On l'aborde énormément. La nuance que je fais, là, c'est juste qu'il y a une question plus technique qui a été développée par d'autres groupes.

M. Leduc : Bien sûr.

M. Tessier (Philippe-André) : Encore une fois, compte tenu des délais, là, c'est ça que je voulais dire... Mais ça ne veut pas dire que cette question-là n'est pas pertinente. Elle a été soulevée par d'autres groupes. On a bien écouté. Nous aussi, on est sensibles, c'est ce que j'ai dit, à ces préoccupations-là qui ont été évaluées. Puis, effectivement, si on a une approche qu'il faut toujours se rappeler, c'est... Lorsqu'on regarde la question du travail féminin, bien, on est dans les travailleuses domestiques. On est dans des métiers qui, traditionnellement, ont été un peu perçus comme étant moins à risque, alors que ce n'est peut-être pas nécessairement le cas.

On a, depuis 1997, au Québec, une loi qui s'appelle la Loi sur l'équité salariale. Elle est venue, à l'origine, corriger une discrimination systémique envers les femmes dans le milieu de travail, parce que les postes, avec un travail équivalent, étaient payés moins cher. Donc, cette logique-là imprègne les milieux de travail. Puis c'est un peu ce à quoi notre mémoire fait référence dans la section 2, c'est de dire : Pour interpréter 51 puis les violences sexuelles, les violences conjugales, les violences familiales, il faut tenir compte des discriminations historiques que les femmes ont vécues en milieu de travail. Donc, je fais juste dire que ça, c'est au coeur de notre mémoire.

Pour ce qui est de nos recommandations, maintenant, c'est sûr que les...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 15 secondes. C'est très bref, hein, 2 min 45 s.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, c'est très... Les relations tripartites de relations de travail, je l'ai dit, on ne règlera pas ça aujourd'hui, mais peut-être un mécanisme qui permet la participation de ces travailleuses-là va venir plus les protéger que l'état actuel des choses.

M. Leduc : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure, 2 min 45 s.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, bon, souvent, le dernier doit trouver des questions qui peuvent être pertinentes, mais il y a un concept qui existe en sociologie, qui s'appelle la brésilianisation de l'économie. Ça faisait référence à des emplois précaires et à la vulnérabilité de certaines catégories de travailleurs. Puis c'est un concept... Puis c'est sans discrimination pour le Brésil, hein? C'est un concept qui fait référence aux travailleuses domestiques qui étaient en émergence aux États-Unis à une certaine époque et qui étaient considérées comme une sous-catégorie d'employées très vulnérables, appauvries, violentées, etc.

Par son essence, les travailleuses domestiques, et par l'essence même du travail, c'est un travail qui est intérimaire. C'est à temps partiel en général. En tout cas, je ne sais pas si vous avez des statistiques sur les travaux domestiques, mais, en général, ce n'est pas quelque chose qui dure 50 heures par semaine. Donc, de par son essence même, c'est une forme de travail qui est à temps partiel, et qui n'est pas reconnue par le ministre, et j'aimerais vous entendre sur l'évolution du travail domestique au Québec. Est-ce que c'est quelque chose qui est en augmentation, ou qui est stable, ou qui périclite?

• (11 heures) •

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, pour ce qui est des chiffres d'augmentation ou pas, je vais laisser ma collègue répondre. Rapidement, juste pour vous dire... C'est sûr qu'il faut faire attention de faire une généralisation du travail domestique. Il y en a que c'est à temps plein, qui sont logés même chez les... dans la maison. Donc, c'est un travail vraiment à temps plein, là. Ils font non seulement le ménage, ils s'occupent des enfants, ils font les soupers et tout. Il y a ce type-là de travailleuses domestiques, mais il y aussi, effectivement, le cas de la personne qui va venir sporadiquement faire les devoirs, faire le souper, et tout, sur une période...

Donc, il y a différents types de travail domestique. La grande généralité qu'il faut retenir, c'est que ce sont des femmes, et souvent des femmes, encore là, racisées, des femmes dans des situations de vulnérabilité, et les travailleurs étrangers temporaires, qui sont surreprésentés, ce qui nous fait, donc, dire d'être vigilant là-dessus. Peut-être que ma collègue a quelque chose sur l'augmentation ou non. Ça, je m'excuse, je n'ai pas cette information-là à vous...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En 30 secondes.

Mme Carpentier (Marie) : Bien, rapidement, on donne certaines données dans notre mémoire, mais la catégorie domestique, telle qu'on la conçoit puis telle qu'on la comprend, ça représente plusieurs groupes différents. Effectivement, les travailleurs étrangers temporaires dont on a traité à plusieurs reprises, on a des références, dans nos mémoires précédents, sur ces questions-là. Mais c'est aussi... Je pense que ça couvre certaines travailleuses du chèque emploi-service. Ça couvre vraiment un ensemble de travailleurs qui est assez important, et une des difficultés, justement, puisque ce n'est pas un travail qui est souvent structuré professionnellement, etc., c'est difficile d'obtenir des données. Puis, notamment, le programme fédéral a été modifié dans les dernières années, donc, et il a été transformé dans d'autres programmes différents. Donc, c'est difficile d'avoir les données sur ces travailleuses-là, mais on en donne certaines dans notre mémoire.

M. Roy : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Merci, M. Tessier, Mme Carpentier, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Nous suspendons quelques instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 02)

(Reprise à 11 h 09)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, bonjour, tout le monde. Alors, nous souhaitons la bienvenue aux représentants de la Centrale des syndicats démocratiques. Vous savez que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, mais, avant de commencer votre exposé, je vous inviterais à vous présenter.

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Vachon (Luc) : Oui, alors, bien, bonjour à tous. Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, MM., Mmes les parlementaires. Bonjour aussi à tous ceux et celles qu'on ne peut pas saluer puisqu'on est en visioconférence, ceux qui sont à l'arrière. Alors, considérez-vous comme salués. Je suis Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques, donc la CSD. Je suis accompagné de mon collègue Carl Dufour, qui est président du syndicat des travailleurs et travailleuses de la construction du Québec, appelé CSD-Construction.

• (11 h 10) •

Alors, dans le fond, la CSD représente près de 72 000 personnes au Québec et la CSD-Construction représente plus d'une vingtaine de mille d'entre eux. Alors, c'est en leur nom, en tant qu'acteurs engagés de la société civile, que nous présentons aujourd'hui nos commentaires et recommandations sur le projet de loi n° 59 modernisant le régime de santé et sécurité du travail.

Alors, rappelons qu'à ce jour à peine 25 % de la main-d'oeuvre québécoise est couverte par au moins un mécanisme de prévention prévu à la loi sur la santé et sécurité du travail. À cela, il faut ajouter que les lésions professionnelles, voire les décès, notamment dans le secteur de la construction, sont en hausse constante depuis 2015. Quant à l'indemnisation et la réadaptation, nous assistons à une hausse majeure des contestations des dossiers par les employeurs. Cette judiciarisation n'a pour explication que le désir des employeurs de réduire leur tarification, et ce, au détriment du droit à l'indemnisation et à la réadaptation.

Alors, le projet de loi réalise quelques bons coups qu'il mérite de souligner. Avant toute chose, il faut, bien entendu, mentionner que les mécanismes de prévention seront étendus à la quasi-totalité des milieux de travail, ce qui constitue une certaine avancée. Nommons également les exigences de formation, la nouvelle obligation pour les employeurs quant à la prévention des violences conjugales sur les milieux de travail, la création d'un comité scientifique chargé de veiller à l'évolution de la liste des maladies professionnelles reconnues.

Mais le projet de loi n° 59 amène aussi plusieurs changements significatifs que nous questionnons. En ce qui a trait à la prévention, relevons, en premier lieu, que le projet de loi articule la portée des mécanismes de prévention en fonction de la taille et de l'établissement du niveau de risque de l'industrie. Nous craignons que le projet de loi sous-évalue une part importante du niveau de risque. Sans entrer dans un débat qui est technique, mentionnons qu'en comparant le projet de loi n° 59 à la base de données de la CNESST nous trouvons plusieurs cas de sous-évaluation.

Alors, dans la mesure, aussi, où le niveau de risque s'appuie sur la période 2007‑2013, qu'il est calculé en fonction des déboursés sur la masse salariale et ne prend pas en compte ni l'assignation temporaire ni le phénomène de sous-déclaration, nous craignons que le p.l. n° 59 ne s'appuie sur une lecture inadéquate de la réalité des milieux de travail et oublie la tendance à la hausse des lésions professionnelles des dernières années.

Nous déplorons que le projet de loi reconfigure les mécanismes de prévention de telle sorte que le paritarisme en soit affaibli et que la prévention retombe davantage entre les mains de l'employeur comme si la prévention relevait de son droit de gérance. Plus précisément, nous critiquons que la composition des comités de santé et sécurité ait été réduite, que la fréquence des rencontres ne respecte pas le minimum d'une rencontre aux trois mois et que les heures libérées du représentant santé et sécurité aient été considérablement réduites. Ces modifications nuiront à la participation des travailleurs aux efforts de prévention.

Dans une veine similaire, nous critiquons que l'employeur n'ait plus l'obligation d'impliquer la Santé publique pour élaborer le volet de santé du travail du programme de prévention, que le comité de santé et de sécurité perde son pouvoir de voter sur ce volet. En plus de marginaliser l'expertise neutre, intègre de la Santé publique, rien n'empêche l'employeur de s'improviser préventionniste et de recourir à une firme privée ou de médecins privés pour respecter ses obligations. Ce recul, voire cette privatisation, se ferait au détriment des objectifs de la loi et du paritarisme.

Mentionnons également que l'avis prépondérant du professionnel de la santé doit aussi être maintenu, notamment pour le retrait préventif de la femme enceinte. Nous désirons rappeler que l'esprit de la loi qu'on retrouve dans le livre blanc de 1978, qui est d'ailleurs toujours actuel, est de sortir du droit de gérance et du rapport de force la prévention afin que les travailleurs et employeurs collaborent ensemble sur un pied d'égalité et de participation réelle.

Les modifications apportées par le projet de loi affaiblissent ce principe, ce que nous ne pouvons accepter. Étendre les mécanismes de prévention tout en réduisant leur force constitue un recul à bien des égards. Il ne suffit pas simplement que plus de milieux de travail bénéficient d'un mécanisme de prévention, encore faut-il que ces mécanismes soient d'une portée réelle et offrent des moyens suffisants pour atteindre leur plein effet.

Nous recommandons, entre autres, de revoir l'exercice d'évaluation des risques afin qu'il soit plus représentatif, une fréquence minimale d'une rencontre aux trois mois pour le comité de santé et sécurité, de retirer le pouvoir à l'employeur de décider de la fréquence des rencontres du comité, de rehausser les heures du représentant de santé et sécurité afin qu'elles se rapprochent de ce qu'il prévoit actuellement, de maintenir l'obligation de la participation de la Santé publique au programme de prévention, de maintenir les garanties d'indépendance du professionnel de santé et du médecin chargé de la santé au travail afin d'éviter le recours au privé.

En ce qui a trait au secteur de la construction, nous accueillons favorablement la volonté que les dispositions sur le comité de chantier et le représentant en santé et sécurité entrent finalement en vigueur 42 ans après l'adoption de la loi sur la santé et sécurité au travail. Mais il faut que cette fois-ci soit la bonne, parce que l'industrie de la construction demeure, et de loin, la plus meurtrière au Québec, avec près de 30 % des décès reliés au travail au cours des trois dernières années pour seulement 5 % de la main-d'oeuvre en emploi. Ainsi, si on considère le taux des lésions pour 1 000 travailleurs en équivalent temps complet, au cours des deux dernières années de statistiques qui sont disponibles, la construction est de 25 % plus élevée que la moyenne de tous les secteurs.

L'accélération des projets de construction qui va découler de l'adoption du projet de loi n° 66, l'entrée importante de main-d'oeuvre nouvelle dans l'industrie de la construction... Il est à craindre que ce bilan s'alourdisse, à moins de donner aux acteurs les moyens d'améliorer la prévention. Ces moyens doivent tenir compte du fait qu'il n'y a pas de sécurité d'emploi ni de priorité de rappel dans l'industrie de la construction.

Pour que les droits existent concrètement, il faut que ceux qui doivent en bénéficier puissent les exercer librement, sans contrainte et risque de représailles. Nous proposons une affectation à trois niveaux pour les représentants en santé et sécurité, la proposition la plus novatrice, après la constitution d'une équipe volante de représentants en santé et sécurité pour les chantiers de 8 millions de dollars ou de moins de 100 travailleurs dont les membres sont à l'emploi des organisations syndicales, composée au prorata de leur représentativité officielle et payée par le biais des subventions de la CNESST aux organisations syndicales.

Nous recommandons, finalement, que les agents de sécurité sur les chantiers soient maintenus dans leur forme actuelle ou, à tout le moins, que les coordonnateurs en santé et sécurité proposés dans le projet de loi aient les mêmes exigences de formation et d'expérience que les agents de sécurité et que le coût total des travaux commandant leur présence sur les chantiers demeure à 8 millions de dollars et non majoré à 25 millions.

Quelques mots sur la transformation d'une partie de la loi, l'annexe I sur les maladies professionnelles, en règlement sur... la transformation en Règlement sur les maladies professionnelles. Si nous acceptons ce passage obligé pour mettre à jour presque en continu la liste des maladies professionnelles auxquelles la présomption s'applique, on ne peut pas être d'accord avec les modifications que le législateur tente d'inclure à cette liste en ne respectant pas ce qui a été convenu entre les parties patronales et syndicales au Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, en 2017, dans des recommandations unanimes.

Ce qui a été convenu, c'est que la transformation de la liste des maladies professionnelles en règlement doit suivre un ordre précis. C'est-à-dire que la CNESST doit suivre les recommandations du comité paritaire de révision réglementaire en ce qui a trait aux nouveaux critères d'exposition, comité paritaire qui, lui-même, est alimenté par un comité scientifique indépendant. Nous recommandons que le Règlement sur les maladies professionnelles soit, à l'étape du projet de loi, un pur calque de l'annexe I jusqu'à ce que les conditions découlant des recommandations du CCTM pour permettre l'ajout des maladies professionnelles soient réunies. Dans ce cadre, l'ajout en matière de critères d'admissibilité et de conditions particulières nous apparaît non avenu, et ils devraient être retirés du projet de loi.

Enfin, je terminerai en disant que toute remise en question de la préséance de l'avis du médecin qui a charge du travailleur ou de la travailleuse nous inquiète au plus haut point. Cette préséance est l'assurance que l'avis du médecin, qui connaît le mieux la condition et l'état de santé de la victime de lésion professionnelle, sera respecté, ce qui constitue la meilleure garantie que les soins et les services appropriés lui seront prodigués.

Or, en matière de réadaptation, avant la consolidation de réduction des délais au Bureau d'évaluation médicale, le projet de loi propose des façons de contourner l'avis du médecin traitant qui sont inacceptables et devraient être retirées du projet de loi. Le régime de santé et sécurité n'est pas un régime d'assurance. La tarification n'est pas un incitatif à la prévention pour l'employeur. Il s'agit plutôt d'un incitatif à contester une demande d'indemnisation. Et, faut-il le rappeler, il y a indemnisation quand la prévention a échoué.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion.

M. Vachon (Luc) : À cet égard, toute modification apportée au régime de santé et sécurité au travail doit se faire dans l'optique de maintenir le paritarisme au coeur de la prévention. La prise en charge par le milieu reste le meilleur moyen pour prévenir, et donc de réduire les coûts. De plus, il faut maintenir ces deux principes que sont l'élimination à la source de tous les dangers et le droit à une complète indemnisation, réadaptation en cas de lésion professionnelle.

Nous jugeons que le p.l. n° 59 porte malheureusement plusieurs reculs sur ces objectifs et qu'au contraire du MTESS on ne doit pas hésiter à renforcer à la hausse la loi, tant la loi sur la santé et sécurité au travail que maladies professionnelles, et, dans cette voie, nous serons heureux de contribuer aux travaux. Merci beaucoup.

• (11 h 20) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour l'exposé. Nous allons débuter la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s. Votre micro.

M. Boulet : O.K. Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Vachon, merci, Carl. Oui, effectivement, je pense que, d'emblée, vous reconnaissez aussi, par ailleurs, la nécessité de revoir ces lois-là. Juste quand vous mentionnez, M. Vachon, que... Dans le secteur de la construction, il n'y a pas eu mise en vigueur, il faut le dire, là, des articles 203 et suivants, là, de la loi santé et sécurité, là. Puis il y avait des mécanismes de prévention et de participation dans le secteur de la construction, alors qu'en 2018 il y a eu 70 décès qui sont survenus dans le secteur de la construction, alors qu'il y en a eu 226 en tout, dans cette année-là, décès. Donc, c'est un secteur où il y a une acuité particulière et une problématique, là, en termes de fréquence et de gravité de lésions professionnelles.

Je vais peut-être vous poser des questions... J'ai bien lu votre mémoire puis les recommandations que vous faites. Je vais peut-être juste vous poser des questions sommaires, puis j'aimerais ça avoir votre opinion sommaire sur certains éléments, puis j'aimerais ça que vous y alliez aussi avec l'expérience de vos accréditations syndicales CSD, là. Bien sûr, un des objectifs fondamentaux, c'est de protéger le maximum de travailleurs possible. Actuellement, il n'y en a que 25 % des travailleurs... vous avez dit 25 % ou 26 %, là, mais à peu près 25 % qui sont couverts par des mécanismes de prévention, participation. Avec le projet de loi, on monte à 94 %, puis la game, c'est la prévention.

Puis vous avez mentionné, puis je sais que ça vous tient à coeur, on se connaît, le paritarisme. Vous êtes un partisan du paritarisme, la collaboration patronale-syndicale. Et un des principes à la base de notre projet de loi, c'est la prise en charge par le milieu. J'aimerais ça que vous me parliez un peu de l'expérience que vous avez, dans des milieux de travail où vous avez des accréditations syndicales CSD, en matière de prévention. Comment vous voyez ça?

M. Vachon (Luc) : Bien, en fait, j'y réfère peut-être plus que vous en parlez, en termes des milieux de travail, mais, dans mon parcours personnel, j'ai été un travailleur d'une entreprise, et j'ai fait ce parcours-là, et j'étais dans une entreprise dont le secteur d'activité était visé par les groupes prioritaires. Donc, tout ce qui est comité de santé et sécurité, représentant à la prévention, j'ai tout fait ce parcours-là, O.K., alors toute cette démarche-là. Je peux vous dire qu'il y a un réel besoin de la participation des travailleurs et travailleuses. Il y a un réel besoin qu'ils soient impliqués.

Et, si je fais un lien avec la question qu'on a soulevée de la fréquence des rencontres de comités de santé et sécurité, écoutez, ce qui nous est apparu à l'esprit, comment, par exemple, on pourrait penser conserver une forme... développer et conserver une forme d'expertise en matière de prévention, en matière de santé et sécurité, alors que les gens vont se rencontrer une fois aux six mois, pour une durée dont ne connaît pas vraiment la... Puis, même si c'était deux, trois heures, puis moi... deux, trois heures aux six mois, on ne fait rien avec ça. On s'en est parlé. La question du représentant en prévention, dans certaines situations, est à 0,5 heure par semaine. 30 minutes par semaine, on fait quoi avec ça? Tu sais, l'idée, ce n'est pas juste de se fier au niveau du niveau de risque, c'est qu'il faut que ça puisse réellement se matérialiser par une capacité d'agir à l'interne, et ça, c'est important.

D'ailleurs, on salue la question de la formation, parce que ça, c'est nouveau, et c'est bien, et c'est très, très bien, la question de la formation. Ce n'est pas de prendre les gens, puis de les asseoir sur une petite chaise, puis dire : Voici, bonne chance, hein? Ce n'est pas ça. Alors, de donner des outils de formation pour qu'ils soient capables d'agir...

Mais, une fois qu'on a investi en formation, parce qu'on parle d'investissement en formation, il faudrait qu'après ça ça puisse se matérialiser par une implication concrète. N'importe qui que vous avez nommé sur un comité qui va avoir une rencontre une heure par six mois, là, il n'y aura pas d'intéressement, il n'y aura pas de développement, puis ça va être un feu roulant sur les comités de santé et sécurité dans les milieux de travail. Personne ne va se sentir interpelé par la santé et sécurité. Alors, ça, c'est des enjeux qui nous préoccupent, ça.

M. Boulet : J'aimerais ça que vous nous parliez aussi... parce que je sais que vous avez des accréditations syndicales dans des résidences où il y a ce type de risque là. Quand on parle des risques émergents découlant de la tertiarisation de l'économie, on réfère aux risques psychosociaux dans le projet de loi n° 59. Et vous savez qu'à l'article 2 de la loi santé et sécurité, on dit : Bon, il faut d'abord identifier si on veut contrôler et éliminer à la source les risques. Comment vous pensez qu'on va... que les milieux de travail... Comment vous voyez les milieux de travail s'investir dans l'identification des risques psychosociaux et quel impact ces risques-là peuvent avoir sur le bilan lésionnel au Québec?

M. Vachon (Luc) : Bon, la question de s'investir dans les milieux de travail, il faut dire que ça va être à géométrie variable, ça. Il faut comprendre qu'on va avoir différents défis. Quand on va arriver dans des établissements qui ont quand même beaucoup de personnel, beaucoup de ressources, ça va être une chose. Quand on va arriver, par exemple, dans des résidences où, en toute honnêteté, on a 30, 35 personnes qui sont là, ça va être un défi, ça va être un enjeu. En plus, les risques psychosociaux, on commence à en parler, hein, mais on commence juste à accepter que ça fait partie de l'équation puis que ça existe.

Alors, là aussi, il va y avoir du développement, des apprentissages pour pouvoir intervenir, mais ça va être extrêmement important, puis là on va parler des formations, que ces formations-là couvrent dans... qu'elles soient adaptées aux différents établissements, aux différents secteurs d'activité aussi pour être capables d'identifier ce qui est une prédominance de risque dans les différents secteurs, parce que, dans le secteur manufacturier, il pourrait y avoir des risques qui sont x, et, dans les secteurs des soins, il pourrait y avoir des risques qui sont y, et là on pourrait toucher plus les risques psychosociaux. Comment on dépiste ça? Comment on fait des démarches de prévention avec ça? Alors, je pense qu'on pourrait axer nos formations en fonction de risques particuliers de secteurs d'activité. Ça pourrait être un élément de départ.

M. Boulet : Bien, Luc, en matière de formation, là, il ne faut pas que ce soit paramétrique, il ne faut pas que ce soit symétrique, mais plutôt asymétrique puis compatible avec la réalité de chaque environnement de travail puis moi, je vous rejoins pas mal là-dessus.

Je veux revenir, un, à prévention, parce que, tout à l'heure, on disait : On va passer de 25 % à 94 % des travailleurs protégés. Puis, dans le domaine de la santé aussi, là, où il y a un certain niveau de présence syndicale, là, qui est particulièrement élevé... mais les établissements psychiatriques, les résidences pour personnes aînées — on en a déjà parlé — les établissements communautaires de soins pour personnes âgées, les services de soins de santé ambulatoires, tout ça, ce n'était pas couvert par aucun mécanisme de prévention et de participation des travailleurs, alors qu'il y a des risques psychosociaux, là, dans ces environnements-là, qui sont particulièrement importants.

• (11 h 30) •

Un autre point, Luc, bon, la liste des maladies professionnelles présumées, bon, vous dites... Si je vous suis bien, là, il y a une annexe qui fait partie intégrante de la loi. On devrait laisser la liste telle quelle, faire notre comité scientifique puis adapter la liste en fonction des recommandations de ce comité d'experts scientifiques là. Je suis assez d'accord avec ça, Luc, mais, en même temps, on a quand même profité du projet de loi n° 59 pour faire une certaine actualisation.

Les troubles de stress post-traumatique... Il faut rappeler que 67 % des réclamations de nature psychologique découlent d'un trouble de stress post-traumatique. Ça fait qu'il est déjà inclus, et les neuf cancers qui font unanimité dans les milieux scientifiques et médicaux, qui touchent particulièrement les pompiers, ils sont rajoutés, puis ce qui n'empêchera pas, selon moi, Luc, puis je vais être ouvert à des idées, là, mais... ce comité de scientifiques là à rapidement se pencher sur des liens de causalité entre des maladies, parce qu'on a rencontré la FIQ tout à l'heure, puis ils nous parlaient des troubles d'adaptation puis des dépressions, puis moi, je suis hyperpréoccupé par ça. Puis il va falloir rapidement donner des mandats à ce comité de scientifiques là pour enrichir la liste des maladies professionnelles présumées et la rendre évolutive pour ne pas qu'on se retrouve pognés dans des blocs de béton pendant 40 ans, comme ce que nous avons vécu dans les dernières décennies. Mais, Luc, j'ai comme compris que vous dites : Laissez l'annexe telle quelle, puis adaptons-la plus tard. Est-ce que j'ai bien compris, Luc?

M. Vachon (Luc) : Nous, ce qu'on dit, c'est que notre lecture du consensus unanime syndical, patronal, CCTM, c'était oui pour faire passer de l'annexe I à un règlement, mais les étapes pour y arriver, c'était d'abord la création du comité paritaire, le comité scientifique qui allait se pencher là-dessus et qui allait faire évoluer ce règlement-là. Donc, qu'on parte de la situation que nous avons aujourd'hui, puis qu'elle évolue par la suite, puis que ça deviendra les dispositions du règlement là-dedans. Là, ce que vous faites, c'est que vous appliquez déjà la règle. Le comité n'existe pas encore. Le comité paritaire n'existe pas. Le comité scientifique n'existe pas. Dans le fond, on fait un bout de l'histoire sans avoir établi le mécanisme qui a été déterminé pour faire ce bout d'histoire là.

M. Boulet : Oui, je comprends bien. Puis évidemment il faut rappeler que le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre est un organisme paritaire qui nous donne des... puis des recommandations. Puis il y a beaucoup de consensus des leaders syndicaux et patronaux qui apparaissent dans le p.l. n° 59. Il y a des consensus qui n'y apparaissent qu'en partie puis il y a des consensus qui n'y apparaissent pas. Puis il y a eu des arbitrages. Moi, Luc, tu es peut-être un de ceux qui m'a dit : À un moment donné, il faut que le ministre fasse un arbitrage, puis qu'il tranche la poire à quelque part, puis qu'on prenne des décisions, puis qu'on aille de l'avant.

Puis, pour moi, Luc, ça m'apparaissait un impératif de, minimalement, actualiser la liste actuelle des maladies professionnelles présumées, puis, après ça, se laisser guider par les scientifiques. Puis l'actualisation, ça passait inéluctablement par l'ajout des troubles de stress post-traumatique et des neuf cancers, notamment pulmonaires, pour les pompiers. C'est un grand pas en avant. Ça a été salué par tous ceux à qui j'ai eu l'opportunité d'en... avec qui j'ai eu l'opportunité d'en discuter, ce qui ne nous empêchera pas d'aboutir, peut-être, à une vitesse accélérée, à une mise à jour, qui sera faite, là, le plus rapidement possible, de cette liste des maladies professionnelles présumées. Encore une fois, ce n'est pas parce que tu n'es pas dans la liste que tu ne peux pas faire accueillir ta réclamation à la CNESST et bénéficier d'une indemnité de remplacement de revenu.

Peut-être, dernier point, Luc, votre opinion sur l'encadrement de l'accommodement raisonnable.

M. Vachon (Luc) : Bien, écoutez, l'accommodement raisonnable, avec les décisions des tribunaux, je pense que la loi a, à tout le moins, actualisé des décisions, s'est actualisée avec la jurisprudence qui s'appliquait. Donc, on... Moi, je pense qu'on peut difficilement être contre ça, là. Je pense qu'on peut difficilement débattre là-dessus. Les tribunaux ont tranché, ont déterminé...

Là où ça... Il y a des secteurs d'activité où ça devient plus difficile, puis la construction en est un. La construction en est un. Je vous dirais que, quand certaines décisions ont sorti, des décisions-phares... Il y a plusieurs secteurs d'activité qui étaient heureux de voir maintenant la CNESST être soumise à l'application des dispositions de la charte comme si c'était dans un cas d'un accident ou d'une maladie personnelle.

Par contre, au niveau du secteur de la construction, c'est la difficulté d'application. À partir du moment où quelqu'un a trois, quatre, cinq employeurs différents dans une année, n'a pas de droit de rappel, n'a pas d'ancienneté, bon, comment on applique le devoir d'accommodement, là, à qui on applique ça puis de quelle façon on applique ça de manière concrète? Puis, si on l'applique, il va peut-être avoir lieu juste pour la fin du contrat qui est en cours, puis, l'année prochaine, il n'existe plus, là.

Alors, bon, comment... Ça fait que ça devient un peu plus théorique dans certains secteurs d'activité, mais, sinon, c'est une actualisation avec les décisions des tribunaux... C'est ce que je vous dirais.

M. Boulet : Merci beaucoup, Luc et Carl. On aura certainement l'occasion de se reparler. Puis soyons tous convaincus que, ce projet de loi là, il est tout le temps... Tous les projets de loi sont perfectibles. On va travailler véritablement en équipe avec les collègues du parti gouvernemental, des partis d'opposition, et les leaders syndicaux et patronaux, et tous les acteurs et partenaires du marché du travail intéressés à ce qu'on ait un régime de santé et sécurité au Québec qui soit moderne et le plus bénéfique possible pour nos milieux de travail. Merci encore une fois et à bientôt, Luc et Carl.

M. Vachon (Luc) : Je ne sais pas s'il nous reste du temps ou si votre temps est épuisé, là, mais...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 30 secondes.

M. Vachon (Luc) : M. Boulet, vous n'avez pas transformé ça en question sur l'annexe I. Le règlement, vous avez dit que ça a fait... Vous en avez parlé à beaucoup de gens. Moi, je suis convaincu qu'en commission parlementaire vous allez voir plusieurs personnes décrier la... plusieurs groupes décrier plusieurs éléments qui sont institués, là, actuellement, dans le règlement. C'est une grande transformation. Peut-être qu'il y a des étapes à faire, pour cette grande transformation là, qui vont la rendre plus acceptable progressivement. Et je pense que le consensus du CCTM, avec leur processus plus étapiste, rend ça plus acceptable socialement.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Je vous remercie.

M. Boulet : Merci, Luc.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, monsieur. Comme vous pouvez le constater, je n'ai pas beaucoup de temps de plus que M. le ministre, mais je vais commencer là où vous avez terminé.

Vous avez dit un mot qui est extrêmement important, à mon avis, «étapiste», et, je pense, à la fin, la conclusion que vous venez de nous envoyer, vous faites comme une mise en garde pour ne pas... parce que vous avez dit «le paritarisme», vous avez dit «l'acceptabilité sociale». Selon vous, je vous repose la question, comment on peut s'assurer, en tant que parlementaires membres de cette commission, que ce projet de loi de la modernisation va respecter, un, l'acceptabilité sociale, deux, être étapiste? C'est quoi, les étapes, selon vous, votre regard, le regard de votre organisation, qu'on doit suivre en tant que parlementaires?

M. Vachon (Luc) : La première des choses qu'on oublie, là, je pense, parfois, quand on fait des réformes ou des refontes, c'est de revenir aux éléments essentiels qui étaient là lorsque ces droits-là ont été établis, parce que ces principes-là, c'est des principes guides. Ils ne disparaissent pas dans le temps. Quand je vous parlais du livre blanc de 1978, qui établissait la prise en charge du milieu de travail, prise en charge du milieu par le milieu, le paritarisme, la responsabilisation, l'implication des travailleurs dans la prévention, c'était un principe-phare. Il ne s'est pas matérialisé autant qu'on l'aurait voulu au fil des années. J'admets, on a consacré beaucoup plus de sous à l'indemnisation qu'à la prévention.

M. Derraji : Prévention, oui, c'est très clair, non, c'est très clair. Donc, vous pensez que le projet de loi va trop vite, qu'il y a une réelle... Je n'aime pas le mot «menace», là, mais vous voyez que le projet de loi va trop vite, hein? Je vais me limiter à ça.

M. Vachon (Luc) : J'y vois une dérive des principes fondamentaux du paritarisme, de la prise en charge du milieu. J'y vois une préoccupation qu'on n'obtienne pas de meilleurs résultats, en matière de prévention, qu'on a obtenus. Et le débat va toujours devenir phare en termes d'indemnisation. Plus il va... Moins on va être bons en prévention, plus il va y avoir de débats en indemnisation. Et regardez où on met la majorité des sommes. Ce n'est pas en prévention puis, ça, le projet de loi ne nous indique pas que ça va être...

• (11 h 40) •

M. Derraji : Oui. Et vous avez utilisé une phrase que j'ai bien notée : L'indemnisation, c'est quand la prévention a échoué. Et ces deux-là ont fait probablement fausse route, et je vous l'accorde. Le ministre fait grand cas de la création du Comité scientifique sur les maladies professionnelles. Je pense que vous l'avez vu, il a même répondu à votre question, tout à l'heure, qui fait écho à la recommandation 34 de l'avis du comité consultatif — je pense que vous connaissez très bien ce comité, comité consultatif sur le travail et de la main-d'oeuvre — en 2017. Or, vous nous rappelez, dans votre mémoire, c'est la recommandation, si je ne me trompe pas, 35, que ce même avis n'a pas été retenu par le ministre. Donc pouvez-vous nous dire quelles sont les répercussions qui peuvent découler de l'inexistence du comité paritaire de révision réglementaire?

M. Vachon (Luc) : Là, je n'ai pas devant moi... Je n'ai pas de mémoire. La recommandation 35, là...

M. Derraji : Bien, aucun problème, en attendant, j'ai une autre question. Ce n'est pas grave, mais je suis très intéressé, même après, que vous nous envoyiez la réponse.

On parlait d'un autre problème, c'est qu'à plusieurs reprises vous avez soulevé les difficultés auxquelles les travailleuses et travailleurs devront faire face pour faire valoir le droit à la réadaptation et à l'indemnisation. Vous parlez beaucoup de la contestation de l'avis du médecin traitant. Il y a le rapport de l'IRSST qui dénotait que le Québec est la province canadienne où les avis médicaux sont les plus contestés au pays et que le système actuel permet aux employeurs de mettre plus de ressources au volet contestation qu'au volet prévention. C'est ce que vous soulevez. Il y a un article du Journal de Québec, 20 mai 2019... rapportait, quant à lui, que la CNESST n'emploie régulièrement que cinq médecins experts. De votre expérience, est-ce qu'il y a un problème par rapport aux demandes d'indemnisation au Québec, et, s'il y a un problème, il est où? Où on doit agir?

M. Vachon (Luc) : Bien, ce qui est sûr, c'est que ça s'est judiciarisé. On a une augmentation de la judiciarisation, ça, c'est clair, ce qui a aussi... Comment je vous dirais, on a déjà parlé de la révision administrative. La révision administrative devrait être abolie, selon nous, ce qui ferait une étape de moins, là, parce qu'actuellement il y a une prolongation. Il y a un allongement des délais qui est un peu inutile, là-dedans. Ça fait que ça, c'est une des étapes.

Après ça, bon, écoutez, c'est sûr que, s'il y avait, au niveau de la présomption, dans certains cas, au niveau des maladies professionnelles, certains éléments qui permettent d'éviter des grands débats, là, des longs débats juridiques, parce qu'actuellement ce qui se produit, c'est vraiment tout le débat juridique pour arriver à faire la reconnaissance d'une maladie professionnelle...

Il y a ça, mais, vous savez, on a... Je pense qu'il y a une judiciarisation très forte, actuellement, encore, puis c'est vrai dans les lésions professionnelles. Ce n'est pas vrai qu'il y a... On judiciarise tout le volet au niveau des relations de travail de plus en plus, et les lésions professionnelles en font partie. Je pense qu'il faut, là-dessus, qu'on revienne aussi à certains éléments fondamentaux, puis un des éléments importants... La journée où on va enlever de notre esprit que c'est un régime d'assurance, là, ça va, je pense, conditionner les réflexions puis les actions de manière différente, parce qu'un régime d'assurance, considérer ça comme ça, c'est une belle façon de se déresponsabiliser, à mon avis.

M. Derraji : C'est très clair, et le message est bien reçu. Je vais revenir à un autre point, par rapport aux données et les informations colligées par l'INSPQ sur les lieux d'éclosion de la COVID, donc, au milieu de travail, et on constate pas mal dans les chantiers de construction... Est-ce qu'il s'agit de chantiers d'en bas de 8 millions ou plus de 8 millions? Et comment vous expliquez que des mesures de prévention assez simples ne puissent pas être suivies de manière adéquate?

M. Vachon (Luc) : Je vais confier à mon collègue Carl... Il va être meilleur que moi...

M. Dufour (Carl) : Bonjour. Pour les chantiers, on parle plus des plus petits chantiers. Les gros chantiers sont quand même très respectés. Les mesures sanitaires sont mises en place. C'est certain qu'il y a toujours des récalcitrants, mais on le voit plus sur des plus petits chantiers. Vous comprendrez que le nombre d'employeurs... Il y a beaucoup plus de chantiers de cinq employeurs et moins... de cinq travailleurs et moins que de 25 et plus. La problématique, elle est là. Les récalcitrants ne veulent pas réagir, pas beaucoup de visites d'inspecteurs. Ça fait qu'ils ont le beau jeu puis ils attendent d'avoir une visite pour corriger le tir. C'est pour ça que, la construction, on demande des équipes volantes pour faire de la prévention, pour mettre plus de monde sur le terrain, pour pouvoir aider les inspecteurs du CNESST et autres, pour leur donner un coup de main avec des gars de métier qui connaissent le terrain. La santé et sécurité, c'est leur priorité pour défendre les travailleurs. C'est important pour que les chantiers soient mis partout sur le même piédestal.

M. Derraji : Bien, je partage votre point, parce que nous sommes dans un combat contre la COVID, et c'est très important, l'éclairage que vous ramenez. Donc, est-ce que vous recommandez de maintenir le seuil de 8 millions de dollars? Et, si vous pouvez nous donner des exemples concrets de chantiers et travailleurs qui seraient moins bien protégés si l'on passe au seuil de 25 millions de dollars, là... Vraiment, pour bien expliquer aux membres de la commission la différence, les chantiers à 8 millions, les chantiers à 25 millions, c'est quoi, votre proposition?

M. Dufour (Carl) : Regardez, ils parlent du chantier de 8 millions, de l'augmenter à 25 millions pour l'inflation. Je pense que c'est une erreur. Le secteur de la construction, M. le ministre en a parlé tantôt, on est le secteur qui est le plus touché par les décès année après année. On a un record qu'il faut enlever. Il faut changer. Il faut passer par la prévention. Ça fait que, si on augmente les chantiers à 25 millions, vous comprendrez qu'il va y avoir plus de travailleurs, moins de supervision puis moins de prévention, ce qui va arriver, plus d'accidents, plus de décès. Puis les blessures qu'on a sur les chantiers de construction, c'est plate, c'est des grosses blessures. Bien souvent, c'est les plus graves de tous secteurs confondus parce qu'on travaille avec des gros matériaux, des gros outils. Il y a beaucoup de monde en même temps. Ça fait qu'il y a une logistique à avoir.

Ça fait que toute la main-d'oeuvre qui va rentrer prochainement dans l'industrie, avec tous les changements réglementaires, vous comprendrez que c'est très préoccupant pour l'industrie. Même que, les travailleurs, ils vont être payés par leurs employeurs pour faire la santé et sécurité sur le chantier. On ne s'en cachera pas, le nerf de la guerre est l'argent. Ils n'auront jamais le temps de faire de la santé et sécurité, il va y avoir tout le temps d'autres choses à faire de plus important que de la santé et sécurité. Ça fait que monter les chantiers à 25 millions, c'est une erreur. On recule au lieu d'avancer. Je pense que la prévention...

M. Derraji : Votre message est très, très, très clair, je vous remercie, que c'est une erreur, que vous notez aujourd'hui, que, de passer de 8 millions à 25 millions, c'est une erreur, un. Deux, on ne prend pas en considération... On regarde juste ce qui se passe avec la COVID. Je ne pense pas que, si on vous augmente à 25 millions, vous allez réussir à nous aider à combattre et à diminuer l'impact de la COVID qu'on voit maintenant avec des éclosions un peu partout. Est-ce que... Oui?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il ne reste...

M. Dufour (Carl) : On a une belle preuve avec la COVID, avec les récalcitrants qui n'écoutent pas les règles, c'est eux autres mêmes qui vont remettre l'agent de prévention sur le chantier. Ils vont faire quoi? Ils vont le tasser. On a une très belle règle. Il a même fallu que M. le ministre les ramène à l'ordre la semaine passée.

M. Derraji : Ah! moi, je pense que le ministre doit écouter très bien votre message. Donc, si j'ai bien compris, vous recommandez le maintien du rôle des agents de sécurité.

M. Dufour (Carl) : Oui, puis je demande en plus d'avoir des équipes volantes pour pouvoir aider, des équipes qui sont neutres, qui vont aller sur un chantier. S'ils n'ont rien à dire, ils vont pouvoir passer plus vite. Mais le chantier qui a le moins d'importance, s'ils ont de quoi à dire, ils vont pouvoir rester plus longtemps, faire de la prévention, avertir qui de droit pour changer... pour que les travailleurs et travailleuses de l'industrie soient en sécurité sur tous les chantiers du Québec.

M. Derraji : Est-ce qu'on doit exiger la même expérience au niveau de la formation?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 17 secondes.

M. Derraji : O.K. Est-ce qu'on doit exiger la même expérience préalable à la formation exigée aux représentants en santé et sécurité, selon vous?

M. Dufour (Carl) : Oui, présentement, la formation est mieux que ce qui est proposé.

M. Derraji : Est-ce que vous pouvez plus... juste élaborer un peu...

M. Dufour (Carl) : Présentement, ils ont trois mois de formation pour être accrédités pour être formateur au lieu d'avoir des petites formations qui vont être données à chaque entreprise. Puis, comme mon confrère Luc Vachon vous l'a dit tantôt, chaque travailleur peut faire plusieurs compagnies dans l'année. Il n'y a aucune sécurité d'emploi. Un employeur peut faire cinq chantiers dans la même semaine. Comment il peut faire la prévention sur un chantier s'il est là à tous les jours sur un chantier différent? Je trouve que c'est assez important, sur un chantier de 8 millions, que la personne soit sur place à la journée un pour pouvoir suivre l'évolution des travaux pour que la prévention soit faite sur le chantier de A à Z, pour les travailleurs, en santé et en sécurité.

M. Derraji : Je tiens à vous remercier. Sérieusement, là, vous venez de nous ramener beaucoup de points sur les chantiers de construction, et je vous remercie. Merci beaucoup pour votre présence, messieurs.

M. Dufour (Carl) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s. C'est vite passé.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. J'ai deux sujets que j'aimerais aborder avec vous si le temps nous le permet. Le premier, c'est le programme Maternité sans danger. Vous avez plusieurs recommandations dans votre mémoire. Ça a été un sujet qui a été abordé abondamment hier, un peu ce matin aussi. Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, le ministre semble vouloir défaire cette perception-là, qui s'est construite dans les dernières semaines, qu'il y aurait un problème, qu'il n'y aurait plus la prépondérance du médecin traitant, que ce serait très restrictif, le protocole, et non plutôt un guide. Est-ce que vous, vous êtes rassurés par ce que vous avez entendu du ministre à ce sujet-là depuis hier?

M. Vachon (Luc) : Bien, écoutez, dans nos recommandations à nous... La lecture de l'article qu'on fait, je pense qu'il pourrait gagner à être écrit différemment. C'est-à-dire qu'on semble mettre le médecin traitant comme au deuxième tour, parce qu'on dit : Le certificat peut aussi être... Je pense, à partir du moment où on inverserait les deux phrases de l'article puis on mettrait que c'est le médecin traitant, mais que ça peut aussi être à partir du moment où il y a un... on viendrait régler le débat de la priorité. L'autre chose...

• (11 h 50) •

M. Leduc : Donc, un amendement est à prévoir là-dessus, là. Ça serait nécessaire, un amendement.

M. Vachon (Luc) : Bien, c'est dans le mémoire, d'ailleurs, qu'on a déposé, puis je pense que cela réglerait la perception de la priorisation, là... Et là on est dans le cadre du protocole. Ce que j'ai compris aussi, c'est que, dans le deuxième article, à partir du moment où ça ne fait pas partie d'un protocole, le médecin doit consulter le médecin qui est en charge de la santé et sécurité ou la Direction de la santé publique doit consulter, mais il n'est pas lié par opinion de cette consultation-là. Il peut décider, lui, qu'il applique la règle. Moi, c'est... Nous, c'est la lecture qu'on en a. Ça fait qu'à partir du moment où on a la bonne lecture... Si on n'a pas la bonne lecture, qu'on nous le dise, mais la lecture que nous avons actuellement, c'est celle-là.

M. Leduc : Il me reste très peu de temps. J'ai remarqué que vous avez fait plusieurs demandes ou plusieurs suggestions en matière de révision des catégories de risque. Il y aura lieu d'en débattre en étude détaillée. Je voulais savoir... Est-ce que les suggestions assez pointues que vous faites, c'est un choix stratégique ou, dans le fond, ce que vous auriez préféré, c'est qu'on abolisse les catégories de risque et tout le monde ait accès à tous les mécanismes de la même manière?

M. Vachon (Luc) : Écoutez, je pense qu'il y a des zones de compromis qui doivent être faites. De vouloir mettre... Qu'on couvre l'ensemble des milieux de travail, c'est une bonne chose. Le débat n'est pas forcément que tous les milieux ont tous les mêmes niveaux de risque puis que tout le monde devrait avoir tous les mécanismes au complet de la même façon. Notre débat n'est pas là. Le débat n'est pas là. Notre débat était... On pense qu'il y a un travail à faire au niveau de la détermination du niveau de risque actuel qui... Étrangement, je vais vous dire, il y a toujours du nivellement vers le bas. Il n'y a jamais de nivellement vers le haut, là, O.K.? L'autre bout, on a une réduction du comité de santé et sécurité, réduction du représentant en santé et sécurité, et, dans certains cas, je l'ai mentionné, une réduction qui le rend, à toutes fins pratiques, inopérant.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion.

M. Vachon (Luc) : Bon, ceci étant, une fois que ça serait corrigé, qu'on établisse des niveaux de risque puis, à partir de ces balises-là, je pense qu'on peut le considérer. Il y a des milieux de travail où le degré va faire que ça fait une rencontre de comité par mois, puis, d'autres, une rencontre aux trois mois va être suffisante, et on vit avec ça, cet aspect-là, puis ce n'est pas du mur-à-mur non plus.

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous donnons maintenant la parole au député de Bonaventure. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Roy : Ce n'est vraiment pas assez, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Dufour et Vachon. Écoutez, j'ai vu la stupéfaction... votre stupéfaction dans votre mémoire, là, vous dites «reculs odieux et risqués», page 31. Vous êtes consternés, etc. Juste une citation de François Vaudreuil, votre président, fin septembre 2000, par rapport à la loi sur la santé et sécurité au travail : Pour les travailleurs et travailleuses, c'était l'assurance de pouvoir disposer d'un minimum de protection dont aucune négociation, aucun employeur ne pourrait les déposséder. À la lumière de ce qui est proposé dans le projet de loi n° 59, est-ce qu'on s'en va vers une dépossession de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs au Québec?

M. Vachon (Luc) : Je vais le prendre autrement, O.K., parce que moi, j'ai toujours cru que, de travailler dans un milieu qui ne met pas ta santé puis ta vie en danger, là, ce n'était pas un privilège, c'était un droit, bon, et j'y crois encore. À l'heure actuelle, on a des règles, dans les groupes prioritaires, qui font que, s'il n'y a pas d'entente, par exemple, il y a un nombre d'heures, ou il y a une fréquence, ou il y a une composition. Dans la quasi-totalité des cas, là, dans la quasi-totalité des cas, les employeurs se rabattent sur les minimums qui sont déterminés par la loi puis ils le considèrent comme mission accomplie. Réduisons ça puis pensons que la négociation va nous amener plus loin. Je ne dis pas qu'il n'y a pas certains milieux où on va plus loin. C'est vrai, mais, quand on arrive à négocier la prévention, là, c'est parce qu'on a passé l'ensemble des autres conditions de travail. Puis c'est à peu près le dernier élément qui vient en bout de ligne, la négociation, O.K., alors...

Puis on va faire ça dans des milieux de travail... Prenons les PME, actuellement, puis le tissu manufacturier ou le tissu entrepreneurial au Québec est grandement constitué de PME, on va mettre ça relié au rapport de force, alors que, dans des cas, ils ont déjà des enjeux salariaux, des enjeux de conditions, d'avantages sociaux, des enjeux de protection de vie personnelle, puis on va mettre ça, l'exercice de négociation ou le rapport de force, ou, sinon, on va le mettre dans l'enveloppe monétaire en négociation, puis ça va devenir les travailleurs qui vont se payer la santé et sécurité parce qu'ils vont faire des concessions. C'est là qu'on va. Désolé, mais, si c'est ça, le voyage, on ne sera pas de la partie, c'est clair.

M. Roy : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, merci, M. Vachon, merci, M. Dufour, pour votre contribution à la commission.

Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 55)

(Reprise à 14 h 01)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour et bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. La commission est réunie virtuellement afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques du projet de loi n° 59, loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail.

Cet après-midi, nous entendrons les groupes suivants : l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, l'Équipe SST, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Nous souhaitons immédiatement la bienvenue aux représentantes de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Mesdames, vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous commencerons la période d'échange. Avant, je vous inviterais de bien vous présenter, et ensuite vous pourrez immédiatement poursuivre pour commencer votre exposé.

Ordre des conseillers en ressources humaines
agréés
(Ordre des CRHA)

Mme Poirier (Manon) : Merci. Bonjour, Manon Poirier, CRHA, directrice générale de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés. Et je suis accompagnée cet après-midi de ma collègue, Me Janie-Pier Joyal, CRIA, de la firme Monette Barakett.

Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les députés, mesdames messieurs, tout d'abord, quelques mots sur l'ordre. L'ordre compte 11 000 professionnels agréés CRHA, conseillers en ressources humaines agréés, et CRIA, conseillers en relations industrielles agréés. À l'instar des autres ordres au Québec, notre mission, bien sûr, est de protéger le public. Un des domaines de pratique des CHRA, CRIA est, bien sûr, la santé et sécurité au travail, d'où notre intérêt pour ce projet de loi.

Tout d'abord, nous tenons à saluer la volonté du ministre Boulet de moderniser les lois en santé et sécurité, et, à part quelques exceptions, de façon générale, l'ordre accueille favorablement ce projet de loi là, mais a des réserves quand même assez importantes sur leur applicabilité. En fait, pour nous, le test véritable de la volonté du gouvernement de moderniser tout le régime de santé et sécurité au travail va vraiment résider dans les efforts qui seront déployés rapidement et efficacement pour vraiment soutenir l'ensemble des intervenants impliqués en santé et sécurité au Québec.

Nos recommandations qu'on a faites dans le mémoire qui a été déposé devant vous ont vraiment été faites en cohérence avec notre mission, bien sûr, de protection du public et notre souci constant de trouver l'équilibre entre le mieux-être des employés et la performance des organisations. Je vais profiter des quelques minutes dont je dispose pour peut-être attirer votre attention sur certains points qu'on juge particulièrement importants du projet de loi.

On a été heureux de voir qu'on élargissait les mécanismes de prévention et de participation des travailleurs à la grande majorité des entreprises au Québec. Pour nous, ça fait partie, bien sûr, d'une gestion proactive de la santé et sécurité et c'est vraiment au bénéfice de tout le monde. On est, par ailleurs, assez conscients de l'ampleur des défis qui attendent les petites organisations, qui ne sont souvent pas outillées, informées et même parfois sensibilisées à la question de la santé et sécurité au travail... et, vraiment, l'importance de soutenir ces organisations-là. Sinon, il y a fort à parier qu'au terme du délai qui leur est imparti certaines n'auront pas mis en place les mécanismes de participation ou ne l'auront peut-être pas fait dans les règles de l'art.

Puis on peut prendre, par exemple, certains changements qui ont été amenés par les législations dans le milieu du travail. On se souvient quand même tous des nombreuses itérations et des délais au niveau de l'équité salariale. Plus récemment, en fait, depuis le 1er janvier 2019, l'ensemble des organisations au Québec, peu importe leur taille, doivent avoir une politique de prévention en matière de harcèlement. Je vous affirme que, deux ans plus tard, ce n'est pas le cas dans toutes les organisations, qui n'ont pas nécessairement de ressources spécialisées en ressources humaines. Donc, on n'a pas nécessairement mis de l'avant la politique diffusée ou, bien sûr, formé les employés.

Donc, ces exemples-là, quand même récents, qui étaient dans les milieux de travail, font craindre, peut-être, là, que certaines organisations qui n'ont pas les moyens, les outils, l'expertise ne pourront pas rencontrer les obligations. Et, ultimement, bien, si c'est le cas, les travailleurs ne seront pas mieux protégés qu'ils ne le sont présentement, et on va exposer ces organisations-là, même si elles sont de bonne foi, souvent, à des amendes. Donc, préoccupation par rapport à l'exécution de tout ça.

Peut-être un petit mot sur la classification. Je sais que vous l'avez entendu de plusieurs personnes qui se sont présentées devant vous depuis hier. C'est sûr qu'il y a certaines incongruités, pour nous, sur le niveau de risque de certains secteurs, et l'exemple le plus probant est le domaine de la santé et services sociaux, bien sûr. Pour nous, ce serait important qu'on trouve une mécanique qui évalue le niveau de risque, mais qui inclut l'ensemble des risques, notamment les risques psychosociaux. Donc, on va demander aux organisations de les identifier et de les analyser. Alors, il faudrait trouver une mécanique dans l'évaluation des risques où on puisse aussi tenir en compte les risques psychosociaux.

Justement, puisqu'on parle de cette nouveauté-là, bien sûr, qu'on accueille favorablement, parce que la santé psychologique est vraiment une préoccupation des CRHA, CRIA depuis longtemps, avant la pandémie, mais, bien sûr, la dernière année a ramené cette crainte-là ou cette préoccupation-là au niveau des préoccupations, donc on trouve tout à fait adéquat que les organisations aient à identifier les risques psychosociaux.

On inviterait toutefois le gouvernement à venir clarifier son intention. Pour le moment, ce n'est pas clair jusqu'où le gouvernement... où les organisations doivent aller dans l'identification des risques sociaux. Est-ce qu'on reste vraiment au niveau de la violence, au niveau choc post-traumatique, du harcèlement, ou on va plus large? Comme le font souvent les CRHA, CRIA dans les organisations, ils vont regarder l'ensemble des risques psychosociaux. On parle notamment des pratiques de gestion, de la charge de travail et de la reconnaissance.

Donc, une fois que le gouvernement aura clarifié son intention, ça va être absolument, absolument impératif qu'on guide les organisations vers des outils, il y en a certains qui existent déjà, qui sont vraiment validés par la science. Sinon, on craint des dérapages au sein des organisations. Et surtout il serait dommage que les comités de santé et de sécurité, par exemple, travaillent à l'identification de risques et des façons d'adresser des risques psychosociaux qui n'ont vraiment aucun impact sur la santé psychologique, et, ça, la recherche peut vraiment nous aider.

Donc, ça va être important de guider vers les bons outils et aussi de trouver une façon de permettre d'avoir, par exemple, par des subventions aux petites organisations qui n'ont pas les ressources spécialisées, accès à des professionnels compétents comme les CRHA, CRIA.

Un mot sur le programme Pour une maternité sans danger. On trouve intéressant qu'il y ait un protocole uniforme à travers la province. Je pense que plusieurs employeurs vous diraient... qu'il y a des employés dans toutes les régions vous diraient qu'ils constataient les iniquités d'une région à l'autre. Donc, ça, c'est une bonne chose, mais, au niveau du programme, c'est absolument impératif... Pour nous, c'est un programme qu'il faut préserver. Il est absolument précieux.

Toutefois, il y a quand même des constats qu'on fait sur une certaine culture du retrait préventif dans certains secteurs. Et on ne pense pas que la société gagne à ces retraits plus automatiques ou cette culture des retraits préventifs pour la travailleuse, en premier, donc, au niveau de l'impact sur la carrière, sur son retour en emploi, pour les employeurs, bien sûr, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre qui n'a pas disparu, là, dans plusieurs secteurs, de garder les compétences...

Donc, on inviterait le gouvernement, avec tous les acteurs concernés, à réfléchir encore davantage à ce qu'on peut faire pour le programme Maternité sans danger pour favoriser cette assignation temporaire là et de ne pas retirer la travailleuse. Bien sûr, s'il y a des risques, c'est absolument clair, mais il y a certainement des choses qu'on peut faire, notamment, quelques idées.

Est-ce que la Santé publique pourrait aider les employeurs en amont, vraiment, à identifier des opportunités d'assignation temporaire qui sont vraiment claires et définies? Donc, on n'est pas pris au dépourvu. On a déjà quelque chose de clair en place, ou encore, si on veut vraiment être audacieux si, vraiment, l'assignation temporaire est impossible chez l'employeur, pourquoi ne pas considérer une assignation chez un autre employeur? Je pense notamment aux organismes communautaires et bénévoles qui accueilleraient volontiers une main-d'oeuvre qualifiée, engagée, et offriraient des mandats vraiment intéressants pour les travailleuses enceintes.

Quelques mots sur la période de recherche d'emploi. Donc, on le sait, au Québec, c'est 52 semaines. Dans les autres provinces, on voit entre 12 et 16 semaines. Là, on ne recommande pas nécessairement de réduire la période d'un an parce que, dans certains cas où des lésions sont importantes, la période est nécessaire, mais il faut absolument que cette période de recherche d'emploi soit mieux encadrée.

Donc, pour l'instant, l'accompagnement est volontaire. Pour nous, on devrait l'encourager davantage et même la rendre obligatoire après un certain moment si la personne ne s'est pas trouvé un emploi. L'idée de cette recommandation-là, c'est vraiment d'accompagner ceux qui veulent se chercher un emploi, qui veulent le trouver, mais peut-être de ne pas permettre la pleine générosité du régime à des gens qui ne font pas les efforts minimaux pour se trouver un emploi.

• (14 h 10) •

Il y a certaines préoccupations par rapport à la restriction de la possibilité de partage de coûts pour une condition préexistante. Bien sûr, vous entendrez certains qui vont soulever l'aspect financier... pour les employeurs, d'avoir... de ne pas pouvoir partager ces coûts-là, qui est une préoccupation qui est valide, selon nous.

Par ailleurs, une autre préoccupation qu'on a, c'est que ça nous fait craindre que, parfois, chez certains employeurs, ça mène à un réflexe d'avoir plus de tests de préembauche, plus de tests médicaux, et ça pourrait un peu porter atteinte à l'employabilité de certains groupes de travailleurs.

Donc, pour conclure, on inviterait peut-être, dans les prochaines semaines, prochains mois, le gouvernement, les partis de l'opposition à relire les projets de loi en regardant... voir s'il n'y aurait pas une opportunité de hausser aussi le niveau de collaboration de tous les intervenants. Donc, est-ce qu'on peut moderniser, mais aussi faire autrement sur le terrain, avoir plus de collaboration entre les travailleurs, les employeurs, les syndicats, les médecins traitants, les CRHA, les CRIA?

Je vous le disais d'entrée de jeu, vraiment, pour nous, l'enjeu fondamental de cette modernisation, c'est son application dans les milieux, c'est le soutien que le gouvernement va pouvoir offrir, la formation de l'ensemble des intervenants. Il ne faut pas qu'il y ait un écart entre la théorie, les mots dans une loi et la pratique, celui sur le terrain. Donc, c'est comme ça qu'on va vraiment avoir des impacts réels, et changer, et vraiment moderniser notre régime. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour votre exposé. Alors, nous allons débuter la période d'échange avec le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. D'abord, j'aimerais remercier Manon et Jani-Pier pour la présentation, la qualité du mémoire. Les conseillers en ressources humaines agréés, évidemment, c'est un ordre que je connais bien.

Ce qui est intéressant, en plus, Manon, c'est que vous venez, vous donnez une opinion, vous faites des recommandations, puis c'est sans avoir un intérêt spécifique, parce que vous n'êtes pas un intervenant dans les milieux de travail, et moi, je trouve que ça enrichit la réflexion de la commission parlementaire. Vous n'êtes ni une association patronale ni une association syndicale. Vous faites énormément de formation, puis, ça, je trouve ça hyperbénéfique pour l'ensemble des membres de la commission. Que vous prêchiez l'importance de la collaboration, on est totalement d'accord. Que vous prêchiez en faveur d'une augmentation de l'information et de la formation des intervenants, je suis totalement d'accord. Vous allez, donc, jouer un rôle qui est central dans la mise en place de cette nouvelle modernisation.

Puis j'ai senti, Manon, que, souvent, vous référez aux petites organisations, puis il ne faut jamais omettre l'importance des PME puis des PMO au Québec. C'est le moteur de notre économie, puis on a besoin d'être un grand accompagnateur de ces organisations-là. Puis, tu sais, on parle de violence conjugale ou familiale comme on a parlé de harcèlement psychologique et sexuel, puis, tu sais, on demande maintenant une obligation de prévenir, puis on doit mettre en place une politique en matière de harcèlement, puis les entreprises ont besoin d'accompagnement, de personnes qui sont spécialisées en la matière. Avez-vous des statistiques, Manon, sur le pourcentage, peut-être auprès de vos membres, des entreprises au Québec qui ont déjà adopté une politique en matière de harcèlement psychologique et sexuel?

Mme Poirier (Manon) : Je n'ai pas, malheureusement, M. le ministre, de statistiques sur l'ensemble des employeurs au Québec qui ont une politique ou pas. On a quelques informations qui nous disent clairement ce que j'ai affirmé, que ce n'est pas toutes les organisations au Québec, mais, de façon scientifique, avec le portrait précis, je n'ai malheureusement pas de statistiques, aujourd'hui, à vous offrir.

M. Boulet : J'ai le même écho. Pour les risques psychosociaux, je vais tenter d'être clair, Manon. J'ai beaucoup apprécié vos commentaires. Puis, quand on parle d'identifier pour mieux contrôler et éliminer des risques, notamment les risques psychosociaux, c'est entendu dans son sens large. C'est tous les risques qui peuvent avoir un impact sur la santé psychologique. Et vous référiez notamment à la charge de travail et aux pratiques de gestion. La réponse, c'est : Oui, ça fait partie du mandat que les intervenants vont devoir assumer. Si on veut diminuer la fréquence puis la gravité des lésions de nature psychologique, ça m'apparaît évident.

Le PMSD, je voyais, Manon... Puis je pense que l'iniquité à laquelle vous référiez, le protocole vise à combler ça, qu'il y ait au moins un guide de référence de connaissances scientifiques, au Québec, auquel les médecins peuvent se rattacher, en tenant compte, bien sûr, des spécificités et des particularités de la femme qui est enceinte. Quand vous dites : Bon, pour moi, une demande de retrait préventif, c'est comme une demande... l'équivalent d'une demande de réaffectation ou d'être assignée temporairement à un autre travail, pourquoi... J'aimerais ça que vous mettiez un peu plus de contenu à votre déclaration à l'effet qu'il y aurait une culture de retrait préventif au Québec, comme s'il y avait des retraits préventifs... Je vous laisser aller, Manon.

Mme Poirier (Manon) : Oui, bien, en fait, c'est le constat qu'on fait. C'est le constat que nos membres font au sein des organisations, dans certains secteurs, et ça peut... Dans certains secteurs, c'est vraiment plus un retrait automatique. Le secteur des garderies en est un, bien évidemment, et, des fois, l'organisation aurait des opportunités d'emplois autres à fournir.

Donc, ça vient... Je vous dirais que c'est le constat qu'on fait, que ce n'est pas des exceptions, sinon on ne l'aurait pas souligné qu'effectivement parfois... Ça vient à la fois des employeurs, qui se disent : Bon, bien là, écoutez, je ne le sais pas trop, je n'ai pas d'assignation temporaire, je suis une petite organisation, je n'ai pas tant de... Ça va être vraiment bien du trouble de trouver une assignation temporaire. Donc, ils ne font pas nécessairement les efforts requis. Il y a parfois des employeurs qui ont identifié... qui ont des tâches, et tout ça. Et là, bien, à ce moment-là, la travailleuse enceinte a l'impression qu'elle est traitée de façon inéquitable, parce qu'il y a certains risques à son travail, puis donc on lui demande de faire d'autres tâches.

Donc, je pense qu'il y a une certaine... Dans certains milieux, nécessairement, il y a un certain automatisme, et, pour nous, ce n'est pas souhaitable, parce qu'il y a encore des écarts au niveau de la place des femmes sur le marché du travail, et une des raisons qu'on sait, c'est les arrêts pour les congés de maternité. Ça fait qu'imaginez quand on parle, en plus, de la période du retrait préventif et qu'on est à plus de deux ans, la personne, elle n'est pas dans les milieux de travail, on n'est pas capables d'avoir une boule de cristal puis dire à la travailleuse : Bien, ce deux ans-là, ou le quatre ans, si tu as deux enfants, où tu vas être retirée, bien, ça va avoir un impact, possiblement, sur ta carrière. On n'est pas capables nécessairement de leur donner cette boule de cristal là, mais c'est vraiment le cas.

Alors, pourquoi ne pas trouver... aider, outiller les employeurs, peut-être changer le vocabulaire au niveau de retrait préventif, des fois, le vocabulaire, ça change, parler justement d'assignation temporaire? Jamais, jamais on ne conseillerait de maintenir une travailleuse s'il y a un enjeu de sécurité et de santé. Ça, c'est très, très clair. Mais il y a vraiment des opportunités dans les milieux de travail. Il faut aider les employeurs à les voir. Les petits employeurs, c'est compliqué, et d'où l'idée... d'aller au-delà de sa propre organisation pour une assignation temporaire. Mais ce n'est pas un cas unique. Ce n'est pas une anecdote. C'est vraiment un constat qu'on nous ramène très, très souvent.

M. Boulet : J'ai souvent la même perception, c'est que le retrait préventif... Puis ce n'est pas rien que du côté des employeurs, mais souvent du côté des travailleuses. On n'a pas l'impression qu'on peut être réaffecté. En retrait préventif, tu ne travailles plus. Puis, Me Joyal, vous en avez sûrement à votre bureau, chez Monette Barakett. Il y a cette perception-là qu'il faut corriger, puis il va certainement falloir, Manon, trouver des stratégies pour mieux faire comprendre cette réalité-là. Ce n'est pas parce que tu es dans un environnement spécifique qui justifie un retrait préventif que tu ne peux pas être réaffectée ailleurs puis continuer de faire une activité qui est bénéfique pour toi et qui l'est aussi pour... en tenant compte de ton état de grossesse.

Manon, super, pour l'année de recherche d'emploi. D'ailleurs, je ne sais pas si vous avez vu, puis je suis convaincu... l'étude de Morneau Shepell, à laquelle faisait référence le Conseil du patronat. Dans l'année de recherche d'emploi dans les autres provinces au Canada, le retour dans un emploi convenable ou ailleurs sur le marché du travail se faisait dans les quatre premiers mois de cette année-là, puis ici, au Québec, c'est dans le dernier mois. Et donc la personne reçoit ses indemnités de remplacement de revenu, puis il n'y a pas d'incitatif à revenir au travail. Ça fait que ça coûte cher au régime, et ça, ce que vous soulignez, Manon, c'est certainement un des moyens privilégiés pour réduire les coûts de notre régime.

Mme Poirier (Manon) : Oui, tout à fait, les coûts, puis donc... parce que les statistiques sont bien parlantes, là, vous l'avez mis de l'avant, donc, les coûts sur le régime, puis aussi, là, donc, les gens, un an sans emploi, aussi, ça a un impact aussi sur leurs compétences, sur leurs habiletés aussi, sur leur état de santé. Donc, il faut absolument l'encadrer davantage. Donc, rendre l'accompagnement obligatoire, pour nous, est un des moyens de le faire. C'est sûr qu'on pourrait imaginer... Je sais que d'autres provinces ont... donc, déterminent la période de recherche d'emploi probablement selon la situation du travailleur, ses lésions, ses restrictions. Pour nous, ça demanderait un changement plus fondamental de notre régime, hein?

Donc, on sentait que la piste de l'accompagnement et aussi, peut-être, de pouvoir signifier... donc, la personne qui accompagne le travailleur, si elle ne voit pas les efforts minimums, bien, puisse aller jusqu'à proposer soit une réduction du nombre de semaines ou encore du pourcentage de l'indemnité qui est donnée. Encore une fois, ce n'est pas pour léser les gens qui sont de bonne foi, qui avaient vraiment des difficultés à trouver quelque chose, mais il y a un minimum d'effort qui doit être fait, et c'est quand même intrigant, les statistiques que vous avez partagées.

• (14 h 20) •

M. Boulet : ...étant de revenir dans le marché du travail le plus promptement possible, un peu comme l'accès à la réadaptation avant la date de consolidation, plus vite on revient, moins les risques de chronicisation sont élevés.

L'obligation d'accommodement... Puis je lisais avec intérêt, bon... Puis, Me Joyal, vous connaissez l'arrêt Caron, l'obligation d'accommodement. Quelqu'un qui a une lésion professionnelle, bon, on associe ça à la notion de handicap, qui est interprétée très largement, celle qui apparaît dans la Charte des droits et libertés de la personne. Puis vous vous posez des questions sur... Tu sais, avant, il y avait une jurisprudence qui disait que l'arrêt ...(, c'était l'accommodement législatif de la LATMP.

Maintenant, on va bien au-delà de ça, notamment depuis l'arrêt Caron, mais vous remettiez en question, puis je partage assez ça, là... C'est sûr qu'il va y avoir des nouvelles habitudes à développer à la CNESST pour déterminer si c'est un emploi qui respecte le devoir d'accommodement de l'employeur puis aussi déterminer s'il y a une contrainte excessive. Je pense que ça, ça va faire partie de l'espèce de transition ou de pont que va devoir traverser, là, les personnes de la CNESST qui vont être impliquées dans ce processus-là.

La notion de handicap préexistant, Manon, vous dites : Ça va peut-être diminuer l'employabilité des personnes parce que les employeurs vont faire plus de tests préembauche. Puis, ce matin, bon, vous avez peut-être entendu la Commission des droits de la personne, puis, bon, vous connaissez aussi l'état du droit. Il faut faire une offre d'embauche, d'abord, qui est conditionnelle à la passation d'un examen médical préembauche. Est-ce qu'il ne risque pas d'y avoir un clash ou un conflit? J'aimerais ça vous entendre, Manon, là-dessus.

Mme Poirier (Manon) : En fait, notre propos par rapport à la limitation du partage de coûts, c'est ce que vous évoquez, certains employeurs, bien sûr, pas tous, pourraient se dire : Bien, donc, si je ne peux pas partager les coûts... et la personne a une condition préexistante, peut-être qu'il y aurait une tentation d'aller faire plus de tests préembauche. Donc, c'était notre préoccupation, et on pensait, bien sûr, à certaines catégories de travailleurs là-dedans.

Donc, la proposition de la Commission des droits de la personne, ce matin, Philippe-André qui vous partageait ça, en fait, pour nous, ce sont les bonnes pratiques déjà. Donc, pour nous, notre recommandation aux CRHA, CRIA, c'est que, quand on... On ne peut pas faire passer de test s'il n'y a pas déjà une offre d'emploi qui est conditionnelle, bien sûr, si on justifie que le test, il a un lien avec... Donc, la condition a un lien avec l'emploi, bien sûr, parce que ça vient un peu filtrer... La difficulté, quand les employeurs le font trop en amont du processus, c'est que c'est plus difficile pour la personne de venir faire... de dire : Bien, est-ce qu'on m'a mis de côté à cause de ma condition de santé ou pour d'autres raisons? Et les employeurs pourront alléguer le manque d'expérience, une carence au niveau académique, peu importe.

Alors, c'est beaucoup moins clair, tandis que, là, si on le fait à un moment où il y a une offre d'emploi, donc, on n'a pas évalué le candidat en fonction de sa condition de santé, là. Donc, on n'a pas été biaisé par ça dans notre appréciation du candidat et on le fait conditionnel, quand il y a un lien, bien sûr, avec l'emploi. Et donc, à ce moment-là, si jamais un employeur décide de ne pas embaucher pour une condition qui existe sur la santé de la personne, bien, on pourrait... challenger si, effectivement, il y a un lien avec l'emploi. Donc, c'est une pratique que nous, de toute façon, on recommande. Bien sûr, on serait... On appuierait la Commission des droits de la personne en ce sens-là.

Janie-Pier, est-ce que tu voulais compléter?

Mme Joyal-Villiard (Janie-Pier) : Oui, si je peux me permettre, M. le ministre, au-delà... Effectivement, je pense que les tests médicaux préembauche doivent se faire effectivement au moment où il y a une offre d'emploi. Par contre, il y a des conditions ou des éléments médicaux qui sont actuellement utilisés, je veux dire, entre guillemets, par les employeurs pour donner une ouverture à des partages de coûts, qu'on qualifie de handicaps qui sont visuellement détectables. Je pense notamment à l'obésité, qui peut être un handicap qui est retenu notamment par la CNESST et le Tribunal administratif du travail. Certaines conditions peuvent également être liées à l'âge.

Donc, il pourrait même, avant les offres d'emploi, y avoir un risque de discrimination à l'embauche avant même qu'il y ait offre d'emploi si l'employeur pense qu'il pourrait y avoir une condition médicale qui pourrait être risquée au niveau de la santé et sécurité du travailleur. Donc, je pense qu'effectivement il y a peut-être à revoir un petit peu à ce niveau-là... au niveau du projet de loi, pour éviter les effets négatifs au niveau de l'employabilité, là, chez les travailleurs.

M. Boulet : Et de la discrimination potentielle, absolument, c'est un bon point. Peut-être une question un peu pratique, Manon, pendant que vous êtes là. Bon, vous saluez évidemment l'obligation d'un employeur d'intervenir quand il sait ou il doit raisonnablement savoir qu'une de ses employées, par exemple, est victime de violence conjugale. Et, encore une fois, vous faites référence à l'importance de bien accompagner les employeurs dans des contextes comme ça et de faire de la formation. Jusqu'où, Manon, selon vous, irait, parce que vous le soulevez, l'obligation d'un employeur, dans un contexte de violence conjugale, lorsque la victime nie être victime de violence conjugale?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Je vous inviterais à répondre en une minute, s'il vous plaît.

Mme Poirier (Manon) : Excellent. Donc, c'était une de nos préoccupations, M. le ministre. Bien sûr, d'accord avec le principe... C'est probablement le vocable de «devrait raisonnablement savoir» aussi, donc, jusqu'où, si, justement, la personne nie... C'est très difficile, à ce moment-là, pour un employeur, d'intervenir. On peut faire de la prévention, donner accès à des ressources, en parler, inciter, mais, si la personne ne confirme pas qu'elle est en situation de violence conjugale, et surtout dans un contexte de télétravail... Bien sûr, on en a beaucoup parlé, dans un contexte de télétravail, c'est extrêmement difficile. C'est une chose de...

Les employeurs ont, je pense, de façon générale, toujours bien réagi. Si quelqu'un débarquait, par exemple... Là, je vais prendre quand même l'exemple typique du conjoint qui débarquait physiquement sur les lieux du travail et menaçait. Je pense que, là, les employeurs, spontanément, le faisaient, mais c'était important que ce soit mis dans la loi. Mais, peut-être, d'exiger des employeurs qu'ils devraient raisonnablement savoir... selon nous, le texte de loi va un petit peu trop loin.

M. Boulet : ...avec vous des symptômes, là, qui sont visibles, là, de violence... d'une femme qui est victime de violence conjugale en milieu de travail, mais on aura une autre discussion là-dessus, là, ce qui justifie le vocable qui est utilisé dans le projet de loi n° 59.

Manon, merci, toujours hyperagréable de discuter avec vous autres, Janie-Pier aussi. Merci de la qualité de votre présentation. Puis remerciez aussi l'équipe qui a probablement collaboré à la rédaction de ce mémoire-là, puis au plaisir de vous revoir bientôt. Bye-bye.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous donnons maintenant la parole au député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Je vois que le ministre salue la qualité du rapport. Je le seconde. C'est un excellent rapport. Merci, Mme Poirier, merci, Mme Joyal, pour l'effort que vous avez fait pour éclairer les membres de la commission.

Justement, parlant d'éclairage, la page 23, pour moi, nous donne vraiment un constat réel d'une problématique que j'aimerais bien voir avec vous en profondeur. Dans la page 23, «Élargissement des pouvoirs de la CNESST» : «De manière générale, il est possible de constater que le projet de loi confère un important élargissement des pouvoirs à la CNESST. Il faut être conscient que, sur le terrain, ce constat risque d'être accueilli froidement...» Et vous avez dit, lors de votre présentation, que vous ne voulez pas, surtout pas avoir un écart entre la loi et le terrain. Donc, c'est une vraie mise en garde.

Parmi les choses qui m'ont... en fait, que vous avez mises dans le document, vous avez effectué un sondage très récent, quand même, c'est en 2019, et vous avez soulevé plusieurs lacunes quant à la gestion actuelle de la CNESST. Je vais les nommer : «Objectivité remise en question des décisions de la CNESST, manque de profondeur et de rigueur dans les analyses des dossiers, délais de traitement qui s'étirent, manque de soutien de la CNESST face aux employeurs qui souhaitent davantage un accompagnement pour leur permettre de s'améliorer plutôt qu'être réprimandés.»

Ma question toute simple : Est-ce que vous pensez que le projet de loi n° 59 rajoute énormément de choses sur la table de la CNESST, sachant que la CNESST souffre d'une pénurie de main-d'oeuvre aussi, d'une rareté de main-d'oeuvre aussi? Et est-ce qu'on se donne vraiment les moyens de diminuer l'écart entre le projet de loi actuel et le terrain?

• (14 h 30) •

Mme Poirier (Manon) : Bien, clairement, une grande préoccupation étant donné le rôle central de la CNESST... Donc, effectivement, donc, c'est un... Ce que vous avez lu, c'est un sondage qui a été fait aux CRHA, CRIA, les CRHA qui représentent... qui sont parfois plus proches de la gestion, plus proches des syndicats. Donc, c'est vraiment, quand même... Ça faisait quand même l'unanimité, là, les trois premiers points, par rapport à plusieurs des membres. Donc, quand on a plus de responsabilités, bien, il faut nécessairement plus de ressources.

Donc, je comprends qu'on puisse dire : Bien, on va investir dans... embaucher plus de ressources. Effectivement, il y a le contexte de pénurie de main-d'oeuvre, mais c'est bien le défi, quand on a beaucoup de gens, c'est d'avoir une certaine constance, hein, une constance dans l'application, de s'assurer du niveau de compétence. C'est extrêmement complexe, ce qu'on demande à beaucoup des intervenants de la CNESST, de poser comme regard. Donc, la compétence, la formation en continu, pour nous, est absolument essentielle pour s'assurer que, sur le terrain, bien, l'impact des gestes qu'ils posent est positif.

Donc, pour nous, on espère que, déjà, le gouvernement s'active à se dire : Bien, si ce projet-là est en place avec certaines modifications, et tout ça, qu'est-ce que ça va prendre? Je pense qu'il ne faut pas développer le projet de loi puis, après ça, le lancer sur le terrain, dans la machine, si je peux utiliser cette expression-là, et espérer que ça se concrétise. On a eu quelques exemples dans la pandémie sur ce qu'on pensait que c'était, d'un point de vue... aux gestionnaires, au point de vue politique, puis ce qui se vivait sur le terrain. Il ne faudrait pas qu'on revive ces mêmes choses-là, et la clé, ce sera dans l'investissement des ressources à la CNESST et leur formation.

M. Derraji : Mais vous avez raison. Et, je pense, votre crédibilité, qui a aussi été mentionnée par le ministre... On doit prendre vraiment au sérieux votre constat de la page 23. Moi, je pense que c'est une mise en garde par rapport à tout ce qui s'en vient. Moi, ça me fait peur. Je vous le dis, là, ça me fait peur, parce que je ne veux pas que tout cet effort que nous sommes en train de faire pour moderniser ces deux lois... Vous avez vu un peu l'actualité, les groupes... les différents groupes qui lèvent des drapeaux rouges, avec raison, avec raison. Mais vous, aujourd'hui, vous êtes venues nous dire : Écoutez, même l'organisme qui risque d'être mandaté de jouer un rôle très important avec le p.l. n° 59, en date d'aujourd'hui, il doit déjà régler les problématiques que cet organisme vit présentement avant d'aller et d'en rajouter d'autres tâches.

Un autre point qui m'a marqué, vous dites : «D'autre part, avec un élargissement du rôle et des responsabilités, vient une charge supplémentaire pour la CNESST. Afin d'y faire face et pour éviter d'engorger davantage le système alors que les délais actuels peuvent être déjà longs à plusieurs égards — et, ça, je le seconde, parce que, lors de l'étude des crédits, on l'a vu, il y a un retard au niveau de la CNESST, vous dites — l'ordre espère que la CNESST disposera des ressources humaines supplémentaires, formées et compétentes. Sans quoi l'ordre craint que la CNESST ne puisse pas jouer son rôle.»

C'est quand même un constat très fort, aujourd'hui, là, ce que vous mentionnez dans votre rapport.

Mme Poirier (Manon) : Oui. Nous avons, bien sûr, énormément de considération pour l'ensemble du travail que la CNESST fait, les intervenants, sur le terrain, mais c'est complexe. Il faut reconnaître la complexité de leur intervention, comprendre... Donc, il y plusieurs volets, à la fois médical, de réadaptation, de comprendre les employeurs, les enjeux. Donc, c'est extrêmement complexe, et je trouve qu'il y a beaucoup de fardeaux qu'on met à ces gens-là.

Donc, aujourd'hui, c'est perfectible, on l'a souligné, vous l'avez souligné. Donc, qu'est-ce qu'on va faire différemment avant d'ajouter certaines de ces responsabilités-là, et de se questionner, puis parfois de voir est-ce que c'est vraiment la bonne place où on doit mettre cette responsabilité-là. On faisait allusion plus tôt à l'accommodement raisonnable. Est-ce que c'est vraiment vers la CNESST qu'on doit mettre ce fardeau-là, alors qu'ultimement c'est la responsabilité de l'employeur?

Donc, il y a peut-être des endroits où on peut retirer ces pouvoirs accrus là à la CNESST, prendre les gens qui en ont les responsabilités, prendre ces responsabilités, mais, nécessairement, il faut qu'il y ait un plan important de la CNESST pour le mettre en action. Sinon, ultimement, bien, c'est les travailleurs, bien sûr, qui ne seront pas mieux protégés, et les organisations qui vont vouloir... Vous savez, le nombre de fois... d'organisations, de PME qui veulent bien faire les choses, mais ils sont démunis. Un dirigeant d'entreprise, un entrepreneur porte plusieurs chapeaux. À un moment donné, il ne peut pas être un expert de tout.

M. Derraji : Je suis tout à fait d'accord. Mme la Présidente, combien il me reste de temps, parce que je vois mon collègue de Robert-Baldwin... Combien?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Quatre minutes.

M. Derraji : Quatre minutes? Je vais prendre 50 secondes, parce que, justement, parlant des PME, mon collègue de Robert-Baldwin va faire la suite avec vous, mais, s'il vous plaît, très rapidement... Vous ramenez pas mal de points par rapport à la CNESST. Si je vous dis : En deux, trois mots, votre mise en garde par rapport aux pouvoirs accrus qu'on s'apprête à donner à la CNESST, à quoi on doit faire très attention dans l'étude de notre projet de loi?

Mme Poirier (Manon) : De s'assurer que ces responsabilités-là résident vraiment avec la CNESST, puis, si c'est bien le cas suite à votre analyse, de s'assurer de la compétence de ces gens-là et du nombre suffisant et peut-être... En fait, une piste de solution, c'est peut-être d'ouvrir un écosystème, de voir de la collaboration plus large de différents acteurs pour arriver à nos fins.

M. Derraji : Merci, Mme Poirier, merci, Mme Joyal. Je pense que, Mme la Présidente, mon collègue de Robert-Baldwin va continuer avec d'autres questions.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, à vous la parole. Oui, il vous reste trois minutes.

M. Leitão : Très bien, merci. Merci, mesdames, bonjour. Merci d'être là et de nous accompagner dans ce processus, dans cette étude de ce projet de loi. Vous avez soulevé une question qui n'avait pas encore été soulevée ici, et, je pense, c'est assez important. En ce qui concerne le retrait préventif, vous avez fait allusion à l'autre partie de cette question, qui est la problématique ou, enfin, la crainte que certaines personnes employées puissent avoir, que, si ce retrait préventif devient une espèce d'automatisme, cela peut aussi constituer une barrière à l'évolution de la carrière des femmes. Pouvez-vous juste élaborer un petit peu là-dessus? On n'a pas beaucoup de temps.

Mme Poirier (Manon) : Oui. Bien, en fait, il y a différentes études, recherches qui vont démontrer... On cherche à comprendre pourquoi les femmes ne sont pas nécessairement à un salaire égal, ne sont pas nécessairement dans des emplois de responsabilité, ou la progression de leur carrière se fait différemment. Bien, une des raisons qui est évoquée par les chercheurs, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est notamment cette pause-là que les femmes prennent souvent pour avoir des enfants et, bien sûr, là, toute... On peut reparler de charge mentale, et tout ça, mais ce n'est pas le propos.

Donc, c'est sûr que, dans un retrait préventif... Moi, je vous dirais, dans ce que j'ai vécu comme professionnelle en ressources humaines, il y a parfois des jeunes travailleuses que je ne voyais pas pendant à peu près quatre, cinq ans, donc, ou elles revenaient quelques mois puis elles repartaient parce qu'elles voulaient avoir deux enfants. C'est tout à fait légitime, mais on avait le retrait préventif, le congé de maternité, puis là elles revenaient, elles étaient enceintes, et tout ça. Imaginez ce moment-là où il n'y a pas de mise à jour de compétences, on ne sait pas ce qui se passe sur les milieux de travail, et tout ça. C'est sûr que ça a un impact.

Donc, parfois, on a l'impression... Quand on questionne le retrait préventif, certains se disent : Bien non, c'est absolument un droit fondamental. Eh oui, absolument, on ne remet pas ça en question. Il ne faut pas mettre les personnes en situation de danger. Mais on n'aide pas nécessairement les femmes en, systématiquement, les envoyant à la maison, alors qu'elles ont de belles compétences avec lesquelles elles pourraient contribuer au milieu de travail.

M. Leitão : Oui, alors, encore une fois, la flexibilité et une meilleure collaboration et coopération avec tous les acteurs, je pense que c'est très important. J'aimerais vous amener maintenant à l'autre bout du spectre, pas les travailleurs jeunes, les travailleurs plus âgés. Notre société vieillit. Notre main-d'oeuvre vieillit aussi rapidement. Nous avons de plus en plus de travailleurs de 55 ans et plus. Et je pense que c'est important de... Et là il y a tout un... encore là, toute une autre dynamique pour ces personnes un peu plus âgées aussi. Alors, dans ce contexte-là de vieillissement de notre population active, comment est-ce que vous voyez toutes ces questions de prévention et de promotion de la sécurité au travail? Je pense qu'on doit aussi repenser un peu à ces choses, non?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, mais en 20 secondes, s'il vous plaît, rapidement.

Mme Poirier (Manon) : Bien, en fait, je pense que les mécanismes de prévention vont prendre en compte l'ensemble des risques du milieu. Et donc je ne pense pas qu'on vise nécessairement une clientèle, mais je pense que ça peut servir à l'ensemble des clientèles au niveau de la prévention, mais ce n'est pas nécessairement là où on va particulièrement aborder la question, là, de la population active vieillissante.

M. Leitão : Très bien, merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

• (14 h 40) •

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Poirier et Mme Joyal, toujours un plaisir de discuter avec vous.

Je veux aborder l'aspect du télétravail. Vous avez un bon segment dans votre mémoire sur cet enjeu-là qui, je trouve, est assez fondamental dans l'époque où nous vivons. Bien sûr, on était loin de se douter que ça serait aussi généralisé il y a quelques mois à peine. Est-ce que ça va être autant généralisé dans le futur? Je ne le sais pas, mais certainement que ça occupera plus de place que ça en occupait avant.

Vous pointez quelques enjeux, notamment le fait que, si j'ai bien compris, 70 % de vos membres ne se sentent peut-être pas outillés ou n'ont pas assez de moyens pour appliquer des enjeux de santé et de sécurité notamment en matière de télétravail. Est-ce qu'il y aurait... Peut-être, ma question est en deux volets. Est-ce qu'il y aurait de la place dans ce projet de loi là pour aller faire des amendements supplémentaires ou aller bouger et faire une intervention législative? Et, sinon, est-ce que... Si d'aventure je convainquais notre ministre de faire un mandat d'initiative sur la question précise du télétravail, est-ce que ce serait le genre de chose sur laquelle vous pourriez venir nous éclairer davantage?

Mme Poirier (Manon) : Ah! bien sûr, ça nous ferait plaisir de collaborer puis de vous éclairer davantage s'il y a une telle initiative. En fait, le constat, c'est auprès de gens qui ont quand même une grande compréhension de la santé et sécurité, des généralistes, des gens de ressources humaines, il y a quand même beaucoup de questions qui demeurent en suspens. Ce n'est pas toujours clair, hein? Donc, on l'a vu en accéléré pendant la pandémie, ce n'était pas toujours clair, les responsabilités de tout un chacun, et c'est vrai que la jurisprudence, souvent, vient répondre à ces questions-là.

Mais là imaginez, là, c'est l'ensemble des employeurs qui n'ont pas nécessairement des gens de RH qui peuvent trouver les réponses. Parfois, peut-être que ça vaudrait la peine de venir préciser certaines choses, qu'il n'y a pas d'enjeu au niveau jurisprudentiel... mais qui vient, pour la personne qui va lire le projet de loi, qui ne va pas nécessairement aller voir toute la jurisprudence, parce que ce n'est pas familier... venir clarifier un peu...

C'est un peu... L'exemple que je fais... Le parallèle que je ferais, c'est au niveau du harcèlement. Ça faisait longtemps que le harcèlement psychologique incluait le harcèlement sexuel. C'est déjà établi pour les gens qui étaient initiés. Le gouvernement a décidé, à ce moment-là, de l'inclure spécifiquement dans la loi parce que, justement, ça rendait les choses plus claires pour tout le monde.

La préoccupation qu'on a, particulièrement par rapport au télétravail, c'est peut-être le lieu de travail. Là, aujourd'hui, tout le monde, quand il travaille à la maison, est pas mal chez lui ou au chalet, mais imaginez quand on va reprendre... Et le télétravail va être effectivement quelque chose qui va demeurer. 75 % des CRHA nous ont dit que c'est sûr que leur organisation va ouvrir le télétravail de façon plus large, peut-être en mode hybride, peu importe. Mais là le lieu de télétravail, ça va être la maison, le chalet, le coworking, le café du coin. Là, est-ce qu'on s'attend vraiment au même niveau de responsabilité des employeurs d'assurer cette sécurité-là en télétravail multiendroits?

M. Leduc : On s'écrira pour préparer des amendements, peut-être. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous disposez, vous aussi, de 2 min 45 s.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mmes Poirier et Joyal. Vous êtes favorables aux amendements 146 et 152, qui permettent à un employeur de mettre en place un seul programme de prévention pour un ensemble d'établissements et de former un seul comité de santé et sécurité pour un ensemble d'établissements. Donc, vous invoquez le gain d'efficacité.

Je vous amène un exemple, Produits forestiers Résolu, qui ont des papetières et des scieries qui ne sont pas situées au même endroit et qui sont des entreprises complètement différentes en termes d'environnement et en termes de danger potentiel, et plusieurs groupes se sont opposés à ces amendements-là. Est-ce que vous croyez vraiment que ces modifications-là vont amener une amélioration des stratégies de prévention en santé et sécurité?

Mme Poirier (Manon) : Bien, en fait, notre compréhension, c'est que, pour qu'il y ait un seul programme, il faut que ça soit quand même des activités de même nature. Donc, si, vraiment, c'étaient deux univers différents, bien, à ce moment-là, il devrait y avoir nécessairement différents programmes. Donc, c'est la condition, que ça soit de même nature, et je pense que c'est un gain d'efficacité. Et on pense aussi que les employeurs vont s'assurer de la représentation des travailleurs sur les différents sites. C'est déjà des pratiques qu'ils ont. Tu ne peux pas présumer que, si ce n'est pas une obligation, elle va complètement disparaître chez l'ensemble des employeurs. C'est vrai chez certains. Mais donc, pour le gain d'efficacité et le potentiel, donc, d'avoir plus d'impact, on trouvait que c'est une bonne mesure.

Est-ce que, Janie, tu voulais rajouter quelque chose là-dessus? Non? Ça va.

M. Roy : Et, dans le cas d'entreprises similaires, mais, bon, situées à des endroits différents, et, même si on parle d'entreprises similaires... On peut parler de scieries, mais, dans des scieries, il y a de l'amélioration continue, des problématiques de sécurité, de rampes, etc., qui sont liées à un microcosme organisationnel sur le site. Et moi, j'appuie quand même la position de certaines organisations qui parlent d'une détérioration de la protection. Donc, c'est sûr que vous l'appuyez, mais on a quand même certains doutes là-dessus. Merci beaucoup.

Mme Poirier (Manon) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Merci, Mme Poirier, Mme Joyal, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Nous suspendons les travaux quelques instants, le temps de préparer l'accueil du prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 45)

(Reprise à 14 h 50)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons. Et nous souhaitons donc la bienvenue au représentant d'Équipe SST. Je vous rappelle, M. Simard, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Avant de commencer, je vous inviterais à bien vous présenter et, immédiatement par la suite, à commencer votre exposé.

Équipe SST

M. Simard (François) : Je vous remercie. Donc, mon nom est François Simard. Je suis président et directeur général d'Équipe SST. Donc, merci, mesdames, messieurs, M. le ministre, merci de m'accueillir, de m'accepter à la commission parlementaire. Je suis vraiment content. Donc, mon nom est François Simard. Je suis gestionnaire. Je suis agent de sécurité sur les chantiers de construction. Je suis président et directeur général d'Équipe SST. Et je suis aussi représentant d'un groupe de concertation de cinq entreprises qui emploient présentement 275 spécialistes en gestion de la santé et sécurité sur les chantiers de construction. Nous couvrons, globalement, plus ou moins 400 chantiers annuellement.

Donc, dans un premier temps, je voudrais reconnaître le bon côté du projet de loi n° 59. On voit qu'il y a une reconnaissance des nouvelles maladies professionnelles. De notre côté, on trouve ça réellement important puisque, pour avoir connu même, là, des gens qui sont... qui ont été impliqués, qui ont été malades, ça va enlever beaucoup de soucis administratifs aux gens qui sont malades puis même, parfois, à leur succession. Donc, sachez que c'est un must pour tout le Québec.

Aussi, bien, le fait d'ajouter un comité scientifique, c'est sûr que c'est super, parce que, dans les faits, on va avoir... La loi va suivre les avancées scientifiques, et c'est génial. Il faut réellement... C'est une belle... C'est une bonne initiative. On va rester pertinent avec ce comité scientifique en place.

Je suis ici pour vous parler des agents de prévention, donc, un agent de sécurité sur les chantiers de construction. J'en suis un depuis longtemps. Les prérequis pour être agent de sécurité sur les chantiers de construction, première des choses, ça prend 10 ans d'expérience, donc, dans le domaine de la construction. Donc, une fois qu'on a 10 ans d'expérience ou encore un équivalent, on peut suivre une formation, au collège Ahuntsic, de 720 heures. Sinon, on pourra suivre un processus de reconnaissance des acquis. Donc, une fois que la formation est faite, on a, par la suite, le stage de 12 semaines en chantier. Donc, une fois que le processus est fait, on a un agent de sécurité sur les chantiers de construction qui est compétent. Donc, il a un... Il est en mesure de jouer son rôle en bonne et due forme.

Le rôle et les responsabilités de l'agent de sécurité sur les chantiers de construction, c'est simple, c'est de veiller uniquement à la santé et sécurité des travailleurs. Donc, c'est un rôle qui est important et c'est un rôle qui est... On est actifs sur un chantier de construction. Plus précisément, donc, quand on a un chantier de construction, l'agent de sécurité doit veiller à déployer un système de santé et sécurité, en commençant par s'assurer que le programme de prévention est bien fait, aussi qu'on ait un système de formation au niveau des travailleurs pour être sûrs qu'ils sont informés des risques et de mettre en place un système d'audit, donc, s'assurer qu'on contrôle le chantier et, par la suite, s'il y a des non-conformités, qu'on les ferme afin de s'assurer que le chantier reste sécuritaire. S'il y a des accidents, on enquête, on avise et on s'assure que les mesures correctives font qu'il n'y ait plus d'accident sur le chantier.

C'est un rôle qui est important. C'est un rôle que... L'agent de sécurité sur les chantiers de construction, bien, il est présent sur le chantier. C'est 80 % du temps que l'agent de sécurité sur les chantiers de construction va être... va passer son temps sur le chantier. Qu'est-ce qu'il fait? Bien, il fait des interactions de santé et sécurité avec les travailleurs, aussi avec les gestionnaires. Donc, il s'assure que tout le monde fasse son bout au niveau de santé et sécurité pour être sûr et certain que, d'un point de vue... que, si tout le monde joue son rôle et remplit ses responsabilités, bien, il n'arrive pas d'accident sur un chantier de construction. Donc, on doit s'assurer qu'entre ce qu'on dit qu'on va faire versus ce qu'on fait... que c'est bien fait.

Donc, quand est requis un agent de sécurité sur les chantiers? Présentement, le code de sécurité sur les chantiers de construction, bien, il dit qu'à l'article 2.5.3... qu'on a une obligation d'avoir un agent de sécurité sur les chantiers de 8 millions et plus. Donc, au Québec, sur les chantiers de 8 millions et plus, on a une obligation de structurer notre santé et sécurité avec l'aide d'un professionnel de la santé et sécurité. C'est un point qui est très important puisque les petits entrepreneurs qui viennent à faire des chantiers un peu plus grands, tôt ou tard, passent par le seuil de 8 millions et, au niveau de la maîtrise d'oeuvre, ils ont une obligation de se structurer.

Ce que le projet de loi amène, lui, ce qu'il dit, c'est que, bien, la fonction d'agent de sécurité sur les chantiers de construction, elle n'existera plus. Donc, on enlève l'agent de sécurité sur les chantiers de construction et on le remplace par un coordonnateur santé et sécurité. Le coordonnateur santé et sécurité va avoir une formation de 120 heures versus les agents de sécurité qui ont 720 heures. Le coordonnateur n'a pas d'obligation d'avoir une expérience pertinente en construction et n'a pas non plus d'obligation de faire un stage au niveau d'un chantier de construction. Donc, n'importe qui pourrait, à la rigueur, devenir coordonnateur santé et sécurité sur un chantier sans avoir mis les pieds sur un chantier de construction.

Pire encore, le projet de loi, ce qu'il fait, c'est qu'il ramène le seuil de 8 à 25 millions. Donc, c'est une problématique qui est réelle puisque, dans les faits, c'est 360 agents de sécurité, grossièrement, qui n'auront plus de place sur les chantiers de construction. C'est un agent pour un chantier à cette grosseur-là. Donc, il y a 360 chantiers de construction qui vont être littéralement abandonnés.

Le groupe de concertation auquel je participe, on a deux questions qu'on se pose. Il y a deux questions qui nous viennent en tête à chaque fois qu'on réfléchit au projet de loi. C'est comment peut-on prétendre améliorer le niveau de la santé et sécurité dans le secteur de la construction en baissant le niveau de compétence des ressources? C'est difficile d'imaginer que le projet de loi va augmenter le niveau de sécurité avec des ressources qui sont moins compétentes.

L'autre question qui nous vient en tête, c'est comment peut-on prétendre améliorer le bilan santé et sécurité en supprimant les agents de sécurité sur 360 chantiers globalement? Bien, poser la question, c'est un petit peu y répondre, qu'on pense. Dans les faits, ce n'est pas... On ne peut pas répondre à ça de manière bien, bien logique. On pense qu'il y a une problématique qui est réelle au niveau du projet de loi.

Le Québec est déjà dans une position, une situation qui est peu enviable au niveau santé et sécurité. Donc, juste faire une petite histoire. Donc, en Ontario, il y a deux fois plus de personnes, la population. Il y a effectivement environ deux fois plus d'entreprises en construction. Mais, au Québec, on a deux fois plus d'accidents, ce qui est un drôle de bilan. La CNESST déploie 40 % de ses effectifs en prévention sur les chantiers de construction. Pourtant, on n'a seulement que 12 % des entreprises du lot d'entreprises qui oeuvrent dans le secteur de la construction globalement.

Donc, on met beaucoup, beaucoup d'efforts sur le volet prévention dans la construction, mais pour un petit pourcentage d'entreprises. C'est sûr qu'on est inquiets, dans les faits, parce qu'au Québec, là, il meurt un travailleur par mois par accident de travail. À chaque mois, mois après mois, donc, il y a un travailleur qui décède. Pire encore, il y a un travailleur par semaine qui décède dû à des lésions professionnelles dues à leur travail au niveau du secteur de la construction. C'est réellement inquiétant. On est en 2021 et on a beaucoup de difficultés à comprendre que le projet de loi nous fait reculer dans ce sens-là. Ce n'est pas facile.

Par contre, on est conscients qu'il y a un réel problème au niveau de la construction, au niveau de la prévention. Présentement, il y a plus de chantiers qu'il y a d'agents de prévention. C'est un beau problème, plusieurs vont le dire, parce que ça veut dire que l'économie va bien. Mais, dans les faits, le problème reste entier puisque l'obligation d'avoir un agent de sécurité sur les chantiers de construction, bien, c'est une obligation légale.

Donc, pour régler le problème, bien, on ne doit pas le faire au détriment des travailleurs. Vous savez, 360 chantiers, ça équivaut à 15 000 travailleurs sur la construction, grossièrement. Si on fait un chiffre rond, là, une quarantaine de travailleurs par chantier, c'est au moins ça. La solution facile, bien, on fait une petite règle de trois puis on ramène le chiffre à 25 millions, puis, dans les faits, peut-être que ça règle le problème, mais ça amène une problématique qui est beaucoup plus réelle au niveau de l'augmentation du risque.

Afin de s'assurer qu'on... d'amener des solutions... Excusez, des solutions sont amenées au niveau du mémoire, puis c'est des solutions qui sont réellement simples. Ce qu'on vous demande, M. le ministre et les députés, c'est de ramener le seuil de 25 à plus ou moins 12 millions, grossièrement. On ne sait pas exactement le chiffre, mais on doit déterminer le chiffre avec le pourcentage d'agents de sécurité qui devraient travailler.

Donc, on dit que 90 % des agents devraient rester en poste afin de garder l'expertise sur les chantiers de construction. De 8 à 12 millions, ce qu'on suggère, c'est d'amener une nouvelle fonction qui est un conseiller santé et sécurité, qui, lui, sera formé avec les 120 heures qui sont proposées au projet de loi. Comme ça, on ne fait pas de vide puis on s'assure qu'il y a un suivi sur chacun des chantiers de construction au Québec de plus que 8 millions. Ce que j'ai...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion, M. Simard. Il reste 30 secondes.

M. Simard (François) : Oui. Donc, en conclusion, ce qu'il faut avoir en tête, c'est que, un, c'est une perte d'expertise qui est réelle au niveau du Québec. Puis, dans les faits, bien, il va y avoir 15 000 travailleurs qui vont être exposés à des chantiers qui vont être plus dangereux. C'est un net recul en santé et sécurité. Puis ce qui est triste en santé et sécurité, c'est que, lorsqu'il y a un recul, bien, ce n'est pas des sous, ce n'est pas du budget, c'est des décès, ultimement, puis ça, ce n'est pas super. Ce n'est pas dans l'essence de la loi. On est sûrs qu'on est capables de faire mieux. Sachez qu'on est disponibles aussi pour donner un coup de main à vos équipes afin d'améliorer le projet de loi, afin qu'on partage notre expertise, puis que ça soit aussi cohérent avec la réalité des chantiers.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous commençons la période de questions ou d'échange avec le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

• (15 heures) •

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. D'emblée, merci, M. Simard, de votre présence. Et sachez à quel point nous estimons le rôle que vous jouez à titre... parce que, là, vous portez plusieurs chapeaux, là, mais à titre, notamment, d'agent de sécurité dans le domaine de la construction. C'est un secteur qui est vital dans le produit intérieur brut, dans l'économie du Québec. C'est un secteur, vous le savez, même, en contexte de relance économique, qui va être toujours de plus en plus fébrile.

Juste vous dire qu'en 2018... Bon, ce que vous mentionniez, c'est qu'il y avait 25 % des décès au travail qui étaient dans le monde de la construction. C'est le tiers, en fait, c'est un peu plus élevé. En 2018, il y a eu 226 décès, dont 70 dans le domaine de la construction. Vous mentionnez, par ailleurs, que c'est près de 40 % des accidents de travail, mais c'est beaucoup moins que ça, là. Évidemment, c'est 7,9 % des lésions professionnelles au Québec, en 2018, qui sont dans le secteur de la construction, juste pour un petit peu remettre les pendules à l'heure.

L'objectif, évidemment, ce n'est pas de diminuer la sécurité sur les travaux de construction. Puis, souvenez-vous, M. Simard, vous connaissez les articles, je pense, 203 et suivants, là, de la loi santé et sécurité, là, pour les comités de chantier, puis le rôle de certains intervenants, combien de gouvernements ont dit : On va mettre ça en vigueur, mais ça n'a jamais été mis en vigueur.

Ça fait que c'est sûr que ce qui devenait l'assise légale, c'est le Code de sécurité pour les travaux de construction, mais il n'y a pas d'obligation, il n'y a pas d'impératif dans la loi santé et sécurité. Puis, la construction, si je me souviens bien, c'est dans le groupe... il me semble, c'était dans le groupe 4 ou 5, là, mais ce n'était même pas un des groupes prioritaires visés par l'obligation de mettre en place des mécanismes de prévention et de participation.

Bon, évidemment, on passe d'un rôle... L'agent devient un coordonnateur, mais, au-delà des libellés, il faut s'assurer que les responsabilités sont les mêmes. Et, quand vous référez à 2.5.3, là, pour les chantiers de 8 millions, évidemment... Puis vous savez probablement qu'en 1974, c'était 5 millions, ce qu'on m'a rapporté, et, en 1986, c'est passé à 8 millions, seuil au-delà duquel on doit avoir en place, notamment, un agent de sécurité. Bon, évidemment, ce qui a été fait, c'est un peu un automatisme. On a indexé le 5 millions de 1974, d'où le 25 millions.

Ceci dit, moi, je ne suis absolument pas fermé à ce que le seuil ne soit pas nécessairement 25 millions. J'ai certainement une ouverture à ce que ce seuil-là soit baissé. On verra dans quelle mesure... Mais j'aimerais vous entendre sur l'impact, là, parce que, si c'était cinq en 1974, huit en 1986, où on devrait normalement se situer en 2021? Puis j'aimerais ça avoir un peu de votre argumentaire, tenant compte de votre expérience, François... M. Simard.

M. Simard (François) : Oui, bien, dans les faits, tu sais, ce qui était vrai en 1985 puis ce qui était acceptable en 1985 au niveau de la santé et sécurité, bien, malheureusement, ça ne l'est plus nécessairement. Prenons l'exemple de l'amiante où est-ce que... Ça a grandement évolué, la gestion de l'amiante, la silice cristalline, même chose.

Et, au niveau des maladies professionnelles, tu sais, lorsqu'il y a un travailleur, exemple, qui chute de deux étages, ça passe aux nouvelles puis, tu sais, ça fait les choux gras, puis tout le monde est bien découragé de ça. Mais, dans les faits, pour chaque gars qui tombe de deux étages, il y en a trois qui meurent isolés dans une chambre d'hôpital, plus vieux, parce qu'ils ont été exposés à de la silice et à de l'amiante. Et ça, là, ce qu'on récolte présentement, c'est exactement ce qu'on a semé avant, et ce n'est pas beau, ce n'est pas chic, ce qu'on récolte présentement.

Donc, si on diminue notre niveau de prévention sur les chantiers... Puis, quand on parle, entre autres, des maladies professionnelles, c'est, entre autres, de la prévention, puis c'est elle qui est la plus difficile à faire parce que les conséquences ne sont pas immédiates. Tu sais, parler à un travailleur en disant : Regarde, si tu ne t'attaches pas, tu vas tomber de deux étages, c'est assez convaincant, mais dire à quelqu'un, quand il fait 30 degrés l'été : Fais de la captation à la source, porte tes protections respiratoires, puis il fait 30 degrés, parce que tu vas peut-être être malade dans 10 ans, ça, c'est de la prévention.

Puis fiez-vous sur nous, là, ça, ce côté-là, là, mis à part les agents de prévention, là, il y a, à peu près... Il n'y a pas personne qui fait ça sur les chantiers, puis c'est ce qui coûte cher, présentement, au gouvernement, parce que, un, on indemnise, puis, deux, il faut en prendre soin longtemps, de ces personnes-là, quand elles sont malades, parce que, vous le savez, c'est lourd, quelqu'un qui a l'amiantose, la silicose ou autres. C'est lourd de gestion.

Donc, ce qui était acceptable en 1985, en 1990, en 2000 ne l'est plus. Et, quand on... Tu sais, on se compare tout le temps un petit peu sur des chantiers industriels où on travaille avec des grands maîtres d'oeuvre, où ils ont des standards santé et sécurité qui sont plus inspirés au niveau international. Bien, dans les faits, il y a des choses qui ne sont plus acceptables. Juste au niveau du travail en hauteur, c'est différent, ça évolue. Ici, au Québec, bien, vous l'avez dit dans votre entrée que j'ai écoutée hier, ça fait longtemps qu'on ne l'a pas mise à jour, la loi sur la santé et sécurité, mais on est dus puis on...

En tout cas, moi, à titre de professionnel de la santé et sécurité, ce que je m'attends... c'est qu'on ait une amélioration du bilan santé et sécurité. Puis ce que je lis... À la lecture du projet de loi... Puis tous mes collègues qui ont des entreprises du même genre que nous ont dit : C'est sûr et certain que ça ne sera pas le cas, la résultante, elle ne sera pas... On n'aura pas moins de blessures avec ça puisque, malheureusement, au Québec, lorsqu'on a des chantiers qui ne sont pas couverts par des spécialistes, bien... Puis ça arrive, ce qu'on expliquait tantôt, qu'il y avait plus de chantiers que d'agents. Ça arrive, de temps en temps, qu'on mobilise un agent de sécurité sur un chantier qui est démarré, puis là on est obligés de faire du rattrapage. Ce n'est pas conforme, c'est difficile.

Et là ce qu'on prédit... ce qu'on dit, c'est que, bien, on va changer le seuil, puis, peu importe à quel montant qu'on le met, le seuil, ça va créer un vide, et ce vide-là... Lorsqu'il y a un vide, bien, la nature a horreur du vide, dans les faits, là, bien, il y a des entrepreneurs qui en profitent, malheureusement, parce qu'une entreprise, ça a une raison d'être, c'est de faire de l'argent, puis c'est bien normal, mais on le fait souvent au détriment de la sécurité des travailleurs. Puis le rôle du conseiller santé et sécurité ou de l'agent de sécurité, c'est de s'assurer de faire le lien entre les travailleurs et les gestionnaires. C'est le troisième oeil du chantier.

Donc, tu sais, on n'a jamais participé à des tables lors de la préparation du projet de loi puisqu'on ne fait pas partie du patronat puis on ne fait pas partie du syndicat. Nous, on navigue entre les deux. C'est pour ça qu'on dit qu'on est un beau laboratoire pour voir réellement ce qui se passe, puisque, dans les faits, là, nous, une fois qu'on a un mandat qui est donné par le maître d'oeuvre, on a à naviguer autant avec la conformité légale des travailleurs que des maîtres d'oeuvre. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Boulet : ...M. Simard, mais, bon, là, je le réitère, là, il y aura certainement une ouverture à baisser ce seuil-là, parce qu'il n'est pas du tout de notre intention, de mon intention, de faire de compromis en matière de sécurité sur les chantiers de construction. Puis je comprends de votre explication que la nature des risques a évolué. Il y a des nouvelles maladies professionnelles. La fréquence des lésions, on l'a vue évoluer dans le temps, et la durée d'absence provoquée par les lésions professionnelles. Ça fait qu'on verra. On va faire une étude après les consultations, mais on va s'assurer d'ajuster et que le seuil soit le plus compatible avec les impératifs de sécurité des chantiers de construction.

Est-ce qu'il y a un lien à faire aussi, M. Simard, avec le nombre de travailleurs sur un chantier de construction? Parce que c'est sûr qu'il y a, quoi, 80 % des chantiers au Québec où il y a moins de cinq travailleurs. Est-ce que vous avez une opinion sur ce point-là, l'impératif en matière d'exigence pour avoir un coordonnateur, agent actuellement? Est-ce que vous avez une opinion, sommairement, là-dessus?

M. Simard (François) : Bien, oui. Bien, dans les faits, là, c'est déjà pas mal établi puisque les chantiers de moins de 8 millions de dollars, il n'y en a pas, de supervision santé et sécurité, et ce n'est pas facile sur ces chantiers-là. Vous parlerez à vos inspecteurs de la CNESST, quand il n'y a pas de supervision santé et sécurité, ce n'est pas facile. Puis c'est effectivement beaucoup de travailleurs de la construction. C'est des petits groupes. Mais il y a une différence sur les chantiers lorsqu'il y a un professionnel de la santé qui est en place. Et, dépendamment de ce que veut avoir comme résultat le gouvernement, bien, évidemment qu'il faut prendre les mesures nécessaires, peu importe le seuil auquel on va le mettre ou on va le changer. C'est sûr et certain que, si, présentement, tous les travailleurs de 8 millions... sur les chantiers de 8 millions et plus sont couverts, bien, aussitôt qu'on va changer le seuil, on va créer des orphelins au niveau santé et sécurité, dans le sens qu'il va y avoir des chantiers qui ne seront pas couverts. Et, ça, aussitôt qu'on en a qui ne sont pas couverts... Plus on en a qui ne sont pas couverts, plus on augmente le niveau de risque, ça, c'est sûr et certain.

• (15 h 10) •

M. Boulet : Je voulais juste avoir votre opinion sommaire aussi... Évidemment, j'ai compris pour le seuil de la valeur des chantiers, mais, pour le nombre de travailleurs sur un chantier, en ce qui concerne l'impératif d'avoir un agent ou un coordonnateur, c'est quoi, votre opinion sur ce point-là?

M. Simard (François) : Le nombre de travailleurs... Dans les faits, il y a le nombre puis ce qu'ils font. Tu sais, avoir cinq travailleurs qui installent des armoires dans un bloc qui est fini, ce n'est pas la même chose que d'avoir cinq travailleurs qui sont à quatre étages de haut dans des échafaudages.

Donc, c'est difficile de répondre à cette question-là de manière très efficace. Dans les faits, là, il faut tout le temps regarder qu'est-ce qu'on fait comme travail. Et, ça, pour faire l'analyse de risque, ça prend des gens qui sont formés puisque... En tout cas, je ne sais pas s'il y a une solution miracle, là, pour faire une analyse de risque facile puis qui est accessible pour tout le monde, là, mais, une chose est sûre, on peut avoir un petit groupe de travailleurs qui sont réellement exposés à des dangers, et qu'on risque d'impacter, puis on peut avoir, à la rigueur, un groupe qui est plus grand, mais qui sont moins à risque.

Donc, tu sais, je suis ouvert à travailler avec votre groupe, exemple, à trouver des solutions, puis ça fait un certain sens, mais ce qui est important là-dedans, c'est l'exposition au risque. Nous, notre travail à titre de professionnels dans le domaine de la santé et sécurité, c'est tout le temps ça. On calcule le risque. On est des machines à scanner les risques quand on est sur les chantiers. Oups! Je ne vous entends plus.

M. Boulet : Excusez-moi. C'est à l'avance, d'ailleurs, du projet de modernisation, d'identifier les risques comme... vous connaissez l'article 2 de la loi santé et sécurité, les identifier pour bien les contrôler et les éliminer, là. Là-dessus, on est vraiment sur la même longueur d'onde.

Un autre point que vous avez soulevé... Bon, les agents, en termes d'heures de formation, vous référiez à 240 heures de formation théorique puis 480 heures de stage pratique. Puis je sais qu'on va faire une adaptation là-dessus, M. Simard, là. On va faire... Tu sais, le 240 heures, on va vraisemblablement aller dans cette direction-là, là. On comprend la demande ou la recommandation que vous faites et on va faire un examen là-dessus, là. Le stage pratique, c'est peut-être une autre réalité. On va voir comment aborder cette question-là. Mais les heures de formation théorique, là, j'ai bien compris votre questionnement puis... Bien, écoutez, oui, vous aviez un commentaire à faire, allez-y.

M. Simard (François) : Oui. Tantôt, je vous écoutais parler du comité de chantier et des items qui étaient liés un peu à ça. Il y a une particularité au niveau des chantiers de construction. Le projet de loi semble être bâti pour uniformiser les secteurs pour qu'on ait à peu près la même stratégie au niveau de la prévention.

Une des particularités qui est réellement importante à prendre en considération, c'est la notion de changement continuel sur un chantier de construction, et le comité de chantier, c'est un bel exemple, dans les faits, parce qu'un comité de chantier... c'est difficile d'obtenir un comité de chantier sans avoir quelqu'un qui est stable pour l'animer, exemple, un agent de sécurité, puisque les travailleurs, eux, changent continuellement. Puis ça, là, c'est un défi, là, qui est réel et qui est spécifique au domaine de la construction, et ça, c'est un défi qui n'est pas juste sur le comité de chantier, c'est dans la formation des travailleurs, l'accueil des travailleurs, dans le suivi des non-conformités. S'il n'y a pas...

Tu sais, l'agent de sécurité sur les chantiers de construction, c'est la pierre angulaire de la prévention présentement sur les chantiers. Quand tu enlèves la personne, malheureusement, bien, souvent, ça ne tient plus, parce que les gestionnaires, les surintendants, les contremaîtres, ils n'ont pas de formation, tellement, au niveau santé et sécurité. Puis d'ailleurs ça fait partie d'une des recommandations qu'on a dans notre mémoire. Donc, si on n'a pas de personnes qui sont formées pour tenir des comités de chantier, faire le suivi, faire des audits, même si on a un chantier, exemple, là, de 10 travailleurs ou 12 travailleurs qui est à risque, bien, ultimement, on n'aura pas des bons résultats.

M. Boulet : Puis, M. Simard, je vais juste vous corriger sur un point. Le projet de loi, ce n'est pas d'uniformiser, mais c'est de rendre plus équitable. C'est sûr qu'il y a des situations particulières à chaque environnement de travail. C'est pour ça qu'on réfère à l'importance de la prise en charge par chaque milieu de travail de la nature de ses risques. C'est sûr que, que ce soit le Code du travail, ou la loi sur les normes, ou peu importe la loi, en matière de relations de travail ou dans le droit social, il y a un minimum, mais ça n'empêche pas les parties, après ça, de s'adapter.

Mais actuellement ce qui impose, notamment, la modernisation, c'est qu'il n'y a pas de base, il n'y a pas d'obligation. La façon dont les mécanismes de prévention et de participation s'appliquaient, c'était en fonction de groupes prioritaires. Puis ça n'a jamais été mis en vigueur, ni les programmes de prévention santé, comme vous le savez, ni les comités de santé et sécurité, ni les représentants à la prévention. Donc, c'est d'assurer une équité, mais rien n'empêche de maintenir ce qui est en place, de bonifier ce qui est en place et d'améliorer pour ceux qui n'ont pas aucun assujettissement à des mécanismes de prévention et participation.

Puis, pour conclure, M. Simard, je trouve intéressante aussi votre remarque de : Il faut trouver un équilibre, là, entre le niveau de sécurité puis les compétences. Il ne faut pas, puis je l'ai entendu souvent d'acteurs patronaux et syndicaux dans le monde de la construction, faire de sacrifices en matière de formation ou de compétences. Et, pour moi, ça m'apparaît encore plus pertinent quand on parle de santé et sécurité au travail.

Ça fait que, voilà, M. Simard. Merci beaucoup de votre présence, bien apprécié vos remarques, puis au plaisir de vous rencontrer de nouveau.

M. Simard (François) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons maintenant avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. M. Simard, merci beaucoup pour votre mémoire. Vous êtes parmi les experts en gestion de la SST sur les chantiers de construction. Nous avons eu un échange tout à l'heure, du moins, très bref, par rapport au domaine de la construction. Je pense que le ministre a démontré une certaine ouverture par rapport à quelques aspects.

Je veux juste vous poser une question par rapport à la notion du risque. Vous êtes des experts au niveau du risque, et c'est surtout sur cet aspect que j'aimerais vous poser quelques questions. Votre mémoire, il est très clair, et vous avez très bien résumé... Vous avez même utilisé, à deux ou à trois reprises : Un net recul. Donc, pour vous, vous ne voulez pas qu'on recule. Surtout quand on dit moderniser une loi, il ne faut pas qu'on recule, mais il faut plutôt la bonifier.

J'ai devant moi la page 6 de votre mémoire... la page 5 et la page 6. On passe de 10 ans d'expérience dans le domaine de la construction à zéro expérience dans le domaine de la construction. En fait, tel que le projet de loi est rédigé aujourd'hui, on passe d'une formation, au collège Ahuntsic, de 240 heures à une formation de 120 heures. Donc, on passe de 240 heures à 120 heures. On passe de faire et réussir un stage de 480 heures sur un chantier de construction d'une valeur de plus de 8 millions de dollars à aucun stage en chantier. Est-ce que c'est comme ça qu'on évolue et qu'on modernise un projet de loi, selon vous?

M. Simard (François) : C'est sûr qu'on ne va pas dans le bon sens si on l'applique tel quel. Dans les faits, là, tu sais, on le voit, parce que, tu sais, lorsque les gens commencent au niveau de la prévention sur les chantiers de construction, malgré le fait qu'ils ont eu une formation, les agents de sécurité, avec le stage, tu sais, ils ont besoin, des fois, d'un certain accompagnement, et ils sont quand même informés avec un stage. Et, quand il arrive des situations qui sont plus délicates, bien, on est obligés de les coacher puis de les aider. Lorsqu'on va avoir des gens qui ne sont pas... qui ne viennent pas du milieu de la construction... Donc, ce n'est pas un conseiller santé et sécurité, qui n'a jamais vu une grue, qui n'a jamais vu un tunnel, qui n'a... C'est un milieu de travail qui est tout à fait unique et différent. Quelqu'un qui va avoir... qui va arriver sur un chantier de construction et qui va constater qu'il est en continuel changement... Donc, d'une semaine à l'autre, le milieu de travail évolue.

M. Derraji : Permettez-moi de vous arrêter, mais je vais vous dire qu'ils ont... bien, ils vont vous dire : Bien, écoute, il va recevoir une formation de 120 heures.

M. Simard (François) : Oui, mais ce n'est pas assez, parce que sur les... juste la gestion des risques critiques... Donc, un risque critique, là, c'est tout ce qui peut tuer ou impacter sérieusement un travailleur. Donc, la gestion des risques critiques, là, si on forme les... Il y en a environ une douzaine, au moins, qui gravitent sur les chantiers de 8 à 25 millions. Donc, il y a 12 risques critiques. Chacun des risques critiques, on doit être formé spécifiquement pour la gestion de ces risques-là. Si on n'a pas de formation spécifique à sujet-là ou... En tout cas, 120 heures, c'est un minimum. Puis là, bien, tu n'as pas fait de formation sur l'approche santé et sécurité, sur les interactions santé et sécurité. Bref...

M. Derraji : M. Simard, avant ce projet de loi, est-ce qu'on vous a appelé pour avoir votre point de vue par rapport à la sécurité sur les chantiers de construction?

M. Simard (François) : Non, parce que, dans les faits, tu sais, on n'existe pas officiellement. C'est un peu triste, là, parce que...

M. Derraji : En fait, c'est le projet de loi qui vous a donné vie, hein?

M. Simard (François) : On peut dire ça, oui.

M. Derraji : Donc, on peut déjà remercier le ministre de l'Emploi et du Travail de vous avoir donné l'occasion de vous regrouper.

M. Simard (François) : On peut dire ça.

• (15 h 20) •

M. Derraji : Et moi, je pense que, et je l'ai senti dans les propos du ministre, on doit plus vous écouter. J'ai devant moi... Vraiment, je tiens à vous remercier, parce que je ne sais pas si les collègues peuvent aller chercher votre mémoire en ligne, vous avez presque... De la page 11 à la page 19, vous avez carrément fait le travail pour nous. Il y a beaucoup d'amendements, et je tiens à vous rassurer qu'on va prendre le temps de les lire, parce que c'est des amendements qui nous éclairent un peu par rapport à la façon avec laquelle on doit voir la sécurité sur les chantiers de construction. Je vais continuer, mais je veux vous laisser avant de continuer... Allez-y, M. Simard.

M. Simard (François) : Oui, juste un petit point. Donc, dans les faits, là, au niveau des suggestions qu'on a faites, le premier bloc de suggestions, là, c'est juste pour garder le statu quo, donc, qu'on ne perde rien au niveau de la prévention puis malgré le fait qu'on considère qu'on n'est pas superbons au Québec. Le deuxième bloc de suggestions qu'on a fait, bien, c'est pour aller... faire un pas en avant pour mieux s'organiser au niveau santé et sécurité, qu'on ait un meilleur bilan.

M. Derraji : Mais, si on veut être cohérents avec le nom même et le titre même du projet de loi que le ministre veut, c'est moderniser. Moi, je pense que c'est un minimum, le statu quo, mais je ne pense pas que c'est la volonté du ministre ni les autres collègues. Je ne vais pas parler en leur nom, mais j'en suis sûr et certain, que la volonté qui nous anime tous aujourd'hui, c'est améliorer la sécurité sur les chantiers de construction.

Il y a un autre point qui m'a un peu marqué. Le projet de loi retire du comité de chantier le concepteur du devis. Est-ce que vous pouvez nous dire si c'est un retrait anodin ou si on peut vraiment se passer des connaissances du concepteur?

M. Simard (François) : Quand vous parlez du concepteur, excusez, je ne peux pas vous répondre sur cette question-là. Je ne suis pas... Je n'ai pas le...

M. Derraji : Au niveau du projet de loi, il y a le comité de chantier... il retire le comité de chantier. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez remarqué dans le projet de loi?

M. Simard (François) : Bien, la seule chose que je peux dire par rapport au comité de chantier, spécifiquement, au niveau de la construction, c'est que la notion de précarité des travailleurs, ça fait que cet outil-là est beaucoup moins efficace que dans les autres secteurs de l'économie. Ça, c'est sûr et certain, pour en avoir animé des centaines, de comités de chantier, c'est difficile d'avoir un suivi moyen terme, et puis, long terme, c'est quasiment impossible, vu que les intervenants changent continuellement.

M. Derraji : Je vais passer à la CNESST, parce que c'est quelque chose qui me préoccupe. On nous a informés que la... Bien, en fait, vous le savez, la CNESST n'a pas assez d'inspecteurs pour faire de la prévention. Et vous venez de nous dire qu'il n'y a pas assez d'agents de sécurité, donc, au début de votre présentation, pour couvrir l'ensemble des chantiers du Québec. Donc là, on n'a pas assez d'inspecteurs au niveau de la CNESST. Vous-mêmes... que vous êtes à la tête de ce groupe, il n'y a pas assez d'agents de sécurité. Donc, à votre avis, en date d'aujourd'hui, combien d'agents de sécurité et d'agents de la CNESST avons-nous besoin pour protéger la vie et la santé des travailleurs dans le domaine de la construction si on veut moderniser, mais aussi travailler en amont au niveau la prévention sur les chantiers de construction?

M. Simard (François) : Bien, la réponse est très large, là. Mais, dans les faits, au niveau des agents de sécurité sur les chantiers de construction, là, bien, il faut en avoir assez pour tous les couvrir, les chantiers de plus que 8 millions, donc, puis nous, là, on n'a pas les données spécifiques pour évaluer le nombre spécifiquement... On se fie à l'évaluation du projet de loi qu'il y a eu avec l'étude avant le projet de loi.

Évidemment, pour ce qui est des inspecteurs de la CNESST, je n'ai aucune idée comment ça en prend de plus, mais il faut qu'ils soient plus présents et plus... on va dire, pas pertinents, là, mais s'assurer qu'ils aient une meilleure connaissance et moins de tolérance, O.K.? Donc, le terme, là, c'est moins de tolérance, et ça, c'est superimportant, parce qu'au niveau de la gestion des risques critiques, tu sais, il ne faut pas prendre de chance. Quand il y a un risque critique, si on l'échappe, il y a des gens qui vont mourir, et c'est ça qu'on ne veut pas.

Donc, au niveau des inspecteurs de la CNESST, la quantité, je n'ai pas la réponse, à vrai dire, mais leur présence, elle doit être efficace sur le chantier. Et, quand on se compare aux autres provinces, ici, au Québec, il y a un niveau de tolérance qu'on ne retrouve pas ailleurs, et ça, c'est particulier, là, mais c'est une réalité.

M. Derraji : Oui, mais, M. Simard, quand vous dites que... Et j'ai senti que vous pesez vos mots quand vous parlez de la CNESST. Là, aujourd'hui, vous êtes en face d'élus. Donnez-nous la réalité. Pourquoi vous êtes gêné à parler et dire les vraies affaires par rapport à ce que vous constatez sur le terrain, surtout au niveau des chantiers? Parce que notre but, aujourd'hui, c'est s'améliorer et moderniser la loi. Donc, partagez un peu votre vécu, s'il vous plaît.

M. Simard (François) : Bien, c'est simple, c'est que ce qu'on constate sur les chantiers de construction, c'est que, quand l'inspecteur se pointe, bien, souvent, ça se finit par une petite tape sur l'épaule quand ça devrait se terminer par une infraction. C'est triste, là, mais c'est une réalité, et, ça, on le constate partout. Si on va en Ontario, là, il y a une différence qui est réelle. Pour des dangers qui sont beaucoup moins importants au niveau du risque, bien, il y a des infractions qui s'émettent. Ici, au Québec, on a tout le temps tendance à donner la petite tape sur l'épaule. Puis, quand on donne l'infraction, bien, le réflexe qu'ils ont, c'est qu'on va aller contester. On a une culture de contestation, les entrepreneurs, ici, au Québec, et, malheureusement, bien, l'imputabilité au niveau des gestionnaires n'est pas là. Et ça, là, c'est un point qui est réellement important, mais c'est assez complexe à gérer... à régler.

M. Derraji : Oui. Donc, ce que vous êtes en train de dire au ministre et à son équipe, c'est qu'arrêter de faire des petites tapes sur le dos, mais plutôt d'être en mode proactif et que la CNESST doit jouer son rôle. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

M. Simard (François) : Bien, ce qui est important, là, ce qui serait pertinent, là, c'est de rendre imputables les gestionnaires sur les chantiers. Ça, si vous faites ça, déjà là, là, bien, vous allez sauver bien de l'ouvrage à vos inspecteurs puis faciliter le travail des préventionnistes. Présentement, la santé et sécurité, c'est souvent l'affaire de d'autres personnes que les gestionnaires. Pourtant, c'est eux autres qui sont live. C'est eux autres qui contrôlent le chantier, mais ce n'est pas ça qu'on ressent, parce que, dans les faits, souvent, ils ont une avenue autre. On va faire des... Ah! ça prend juste cinq minutes, on va le faire comme ça. Mais c'est là où est-ce qu'on va tuer quelqu'un, et, ça, ils se donnent... ils sentent qu'ils ont le droit de le faire, en tout cas, qu'il n'y aura pas trop de conséquences. Et, dans les autres provinces...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion. Il reste 30 secondes.

M. Simard (François) : En conclusion, souvent, au niveau des autres provinces, bien, ce sentiment-là d'imputabilité, au niveau des gestionnaires, est beaucoup plus présent, et ça change toute la dynamique au niveau des chantiers de construction.

M. Derraji : Mais, M. Simard, je tiens à vous remercier parce que, pour votre première présence et participation, vraiment, là, c'est du très haut niveau, ce que vous avez ramené sur la table. Je vous remercie, au nom de notre formation politique, de nous éclairer par rapport aux chantiers de la construction et le rôle que vos membres et les agents de sécurité jouent sur nos chantiers. Merci encore une fois, M. Simard.

M. Simard (François) : Merci à vous.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Simard, très heureux de vous revoir. Vous avez, en effet, un rôle vraiment intéressant, dans cette industrie-là, qui nous permet d'avoir un regard particulier, et c'est très apprécié.

Je vais dans votre mémoire. Quand vous parlez que... Je vais citer une partie : «Lors d'un appel d'offres, [afin d'être plus concurrentiels, les entrepreneurs se doivent d'éliminer tous les coûts]. [...]malheureusement, lorsqu'il n'y a pas d'obligation légale, le budget de la santé et sécurité est systématiquement [amputé ou carrément enlevé] de la soumission. Si la nouvelle loi n'oblige plus les maîtres d'oeuvre à assurer la couverture de leurs chantiers par une ressource en santé et sécurité compétente et qualifiée à temps plein, la majorité des entreprises ayant la maîtrise d'oeuvre [...] ne prévoiront plus de budget pour couvrir [ce] volet...»

Puis, plus loin, vous dites que c'est un peu ce que vous observez dans le domaine de la construction résidentielle. C'est inquiétant, ce que vous nous annoncez là, comme... Si je comprends bien, il y a comme une culture dans les plus petits chantiers où, bof! ce n'est pas nécessairement l'exemple à suivre. Là, vous avez la crainte que ça va se contaminer à de plus grands chantiers vu qu'on lève la norme.

M. Simard (François) : Bien, malheureusement, sur les petits chantiers, là, de moins de 8 millions, là, il n'y en a pas, de professionnel de la santé et sécurité, mis à part l'inspecteur de la CNESST, qui passe rarement, et un conseiller en santé et sécurité d'une mutuelle, qui passe rarement. Donc, les surintendants et les gestionnaires sont laissés à eux-mêmes.

La problématique au niveau des appels d'offres publics, c'est que, sur un contrat d'une quinzaine de millions de dollars, ce n'est réellement pas rare qu'entre le premier et le deuxième soumissionnaire, c'est quelques dizaines de milliers de dollars, pas plus. Donc, un entrepreneur, ça a une raison d'être, c'est de faire de la business. Donc, à partir du moment où est-ce qu'ils sont en concurrence avec d'autres entrepreneurs, ils ne peuvent pas avoir le luxe de mettre autre chose que leurs obligations légales. S'il n'y a pas d'obligation légale au niveau de la santé et sécurité, bien, ils n'en mettront pas.

Pire encore, ceux qui sont organisés, parce qu'il y en a, des bons entrepreneurs, au Québec, en santé et sécurité, eh bien, ces mêmes entrepreneurs-là, bien, ils vont être obligés de laisser aller leur système de santé et sécurité puisqu'ils vont être en concurrence avec des entrepreneurs qui, eux, ne sont pas organisés puis n'ont pas nécessairement une conscience santé et sécurité qui est très élevée. Ça, c'est grave. Puis, quand on parle de recul, là, ça, c'en est un vrai.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci.

M. Leduc : Combien de temps, Mme la Présidente?

Mme IsaBelle : Il reste 30 secondes.

M. Leduc : Bon, bien, encore une fois, M Simard... Peut-être, rapidement... Vous choisissez le chiffre de 12 millions à la fin. Peut-être nous le justifier...

M. Simard (François) : Bien, 12 millions, c'est simple, c'est qu'à l'oeil, c'est à peu près ça. Mais, dans les faits, là, ayez en tête qu'il faut utiliser environ 90 % des agents de sécurité sur les chantiers de construction. Donc, le chiffre, c'est peut-être 10, c'est peut-être 14. Vous avez beaucoup plus de données que nous pour établir le montant.

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons avec le député de Bonaventure. Vous disposez également de 2 min 45 s.

• (15 h 30) •

M. Roy : Oui, merci, Mme la Présidente. Écoutez, bonjour, M. Simard. C'est extrêmement préoccupant, ce que vous nous dites, et, même, le dernier picot, là, de la page 10, vous nous dites que, si le projet de loi est adopté comme ça, bien, on va voir un nombre de morts augmenté sur les chantiers de construction. Tout à l'heure, vous nous avez dit que l'Ontario avait deux fois plus de monde, deux fois plus de chantiers puis deux fois moins d'accidents. Vous nous avez amené certaines explications, entre autres, le manque d'imputabilité puis le rôle de la CNESST, qui semblerait un peu dilué, et j'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus, parce que, là, ça ouvre un autre angle d'analyse, c'est que peut-être qu'il y a des gens qui ne font pas leur travail, une petite tape dans le dos... Est-ce que vous avez des données sur les sanctions ou ce qui se passe avec la CNESST, la gouvernance, je ne sais pas, là, il y a de quoi, là...

M. Simard (François) : Ce n'est pas compliqué, regardez, là, nous, là, on est sur le terrain. Tu sais, on n'est pas en mesure de compiler des données, évidemment, là, mais, nous, ce qu'on observe sur le terrain, c'est que, souvent, le travail de l'inspecteur va se terminer par : Bien, écoute, regarde, c'est correct, je ne le mettrai pas sur mon rapport, mais, la prochaine fois, organise-toi pour être correct. Ça, c'est malheureux, mais c'est typiquement québécois, là. Tu sais, on est des bons Jack puis on ne veut pas... Mais, d'un point de vue performance santé et sécurité, c'est mortel dans le vrai sens du terme, là, donc, puis, là-dessus, ça fait partie aussi de l'équation, d'avoir des gens qui sont... qui n'ont pas le sentiment d'imputabilité sur les chantiers, entre autres.

M. Roy : ...écoutez, préoccupant. Donc, merci beaucoup. Je pense que le ministre a bien compris, puis on espère qu'il va acquiescer à vos demandes et qu'il va faire des modifications dans le projet de loi. Merci, au revoir.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Merci, M. Simard. C'est tout... que nous avons pour l'échange. Et, sincèrement, merci pour votre prestation, c'était très bien, pour votre première, effectivement, là, vous avez bien répondu aux questions. Alors, merci encore pour votre contribution aux travaux de la commission.

Nous suspendons quelques instants la commission pour pouvoir accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 32)

(Reprise à 15 h 39)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Alors, je vous invite, d'abord, à bien vous présenter et, ensuite, vous pouvez poursuivre rapidement pour faire votre exposé.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

M. Vincent (François) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Mmes et MM. les députés, je me nomme François Vincent. Je suis vice-président pour le Québec de la FCEI, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je suis accompagné de Francis Bérubé, qui est analyste principal des politiques et le rédacteur principal de notre mémoire. Et je tiens à le remercier pour son excellent travail sur ce dossier qui... et ce projet de loi qui était volumineux.

• (15 h 40) •

La FCEI est l'association qui représente les PME au Québec, avec 24 000 membres, et elle a 110 000 membres au Canada. Nous vous remercions de nous recevoir aujourd'hui pour que nous puissions partager notre analyse du projet de loi n° 59, qui est un projet de loi qui fait suite aux importants travaux du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, le CCTM, qui est le forum québécois assurant le dialogue social, où nous siégeons.

Vous savez, selon le sondage de la FCEI, ce sont 99 % des PME qui disent que la santé et la sécurité de leurs employés est importante pour eux. Pour les dirigeants de PME, la santé et la sécurité est une priorité de tous les jours, puis on le voit avec la grande participation de ces PME... des mutuelles de prévention, qui est démonstratif de cet engagement. Les données de 2017, on voit qu'il y a 102 mutuelles qui regroupaient 28 581 employeurs, représentant 41 792 établissements.

Les dirigeants de PME sont ouverts à une amélioration du régime de santé et sécurité, surtout au regard des données publiées la semaine dernière par Morneau Shepell, qui démontrent que le Québec peut faire mieux que son régime assurantiel qu'est la CSST, parce qu'il se démarque pour son coût de réparation, son taux moyen plus élevé et des délais plus longs.

Nous tenons à saluer ici la volonté du ministre du Travail de moderniser le régime. Nous partageons les objectifs quant à la prévention, à la réduction de la durée des réclamations, à l'amélioration du soutien des employés et des employeurs, d'un retour au travail prompt et durable et de réduction des risques de chronicité des lésions professionnelles. Mais on ne peut pas vous cacher que nous sommes également inquiets de certaines avenues qui sont proposées. Notre mémoire vise à proposer des pistes pour atteindre une réforme équilibrée, qui répond à la réalité des dirigeants de PME, qui sont actuellement durement fragilisées par la pandémie. On va commencer par ce qu'on trouve positif.

D'abord, la FCEI tient à souligner que les organisations publiques cotiseront dorénavant aux normes du travail, ce qui fera diminuer le taux de cotisation de 0,1 % à partir de 2022. Dans le contexte actuel, une baisse de cotisation, si minime soit-elle, est une bonne nouvelle pour les employeurs. Nous accueillons aussi positivement les modifications relatives à la gouvernance et au virage technologique dans la prestation de services de la CNESST.

La FCEI désire souligner les mesures d'accompagnement et de soutien à la recherche d'emploi, qui vont dans le bon sens. Il est également stratégique d'utiliser la synergie des services d'emplois du ministère, et nous remercions le ministre de cette orientation. Aussi, nous sommes favorables aux orientations en matière d'assistance médicale pour déterminer les balises assurantielles, d'encadrer les fournisseurs et de déterminer les tarifs de remboursement. La FCEI tient également à souligner la proposition qui touche les travailleurs expérimentés.

Maintenant, nous désirons vous parler de nos inquiétudes, car, pour certains éléments, le projet de loi, à nos yeux, semble s'éloigner de certains principes mêmes de la loi et du régime assurantiel... assurantiel du régime, un régime basé sur les principes Meredith, adhésion des employeurs, qui s'acquiert lorsque les coûts devant être défrayés par ceux-ci sont directement liés aux lésions dues au travail et sur lesquelles ils peuvent intervenir en termes de prévention, ainsi que l'élimination des poursuites de part et d'autre.

Lorsqu'on voit que le régime prend la tangente qui ressemble davantage à un programme dit social, on s'éloigne de l'équilibre recherché par le régime. Dans le présent projet de loi, nous décelons certaines brèches à cet équilibre, puis, à cet égard, bien, je transfère la parole à M. Bérubé, qui va vous parler d'imputation.

M. Bérubé (Francis) : Merci, M. Vincent. Donc, en effet, nous percevons, dans le projet de loi, des modifications qui pourraient diminuer les droits des employeurs en matière, notamment, d'imputation, c'est-à-dire ne pas avoir à payer pour une lésion qui n'est pas due à leur responsabilité.

En 1990, dans le document de la CSST sur la politique d'imputation, on écrivait : «Pour qu'il y ait un transfert d'imputation, l'employeur doit démontrer, à la satisfaction de la commission, que l'accident en cause est dû à l'action ou à l'omission d'un tiers qui n'est ni son représentant ni son employé et que, conséquemment, il y a injustice de lui imputer le coût de cet accident.» Fin de la citation.

Donc, pour la FCEI, imputer un coût qui n'est pas de la responsabilité de l'employeur est tout aussi injuste aujourd'hui que ça l'était en 1990. Pour faire une analogie, si on achète une voiture d'un particulier, elle ne vient pas avec les billets de contravention du propriétaire précédent. Donc, c'est pourquoi la FCEI recommande de ne pas modifier les articles 326, 328 et 329 de la loi.

Les dirigeants de PME, comme François faisait mention, sont dédiés à assurer la santé. Ils prennent aussi en considération la réalité des maladies psychologiques. D'ailleurs, les entrepreneurs ne sont pas exempts. Ils sont des humains. En effet, selon un sondage de la FCEI, près du tiers des dirigeants des PME au Québec ont connu des problèmes de santé mentale. La santé mentale n'est plus taboue pour les dirigeants d'entreprises, mais ils veulent qu'on s'assure de bien faire les choses, et sans précipitation, pour éviter de recréer une situation similaire comme le PMSD, qui coûte 27 fois plus cher que ce qui avait été prévu au départ.

Donc, ne précédons pas les étapes. Il faut donc être prudent avant d'intégrer les lésions psychologiques à l'annexe des maladies professionnelles bénéficiant de la présomption. Le projet de loi propose de mettre en place un comité scientifique. Ce serait donc un mandat qui pourrait lui être confié.

Donc, je recède la parole à M. Vincent.

M. Vincent (François) : ...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Votre micro, M. Vincent. M. Vincent, votre micro.

M. Vincent (François) : Ça va aller mieux avec le micro.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Ça va, c'est bien.

M. Vincent (François) : Oui. Donc, je disais merci. Puis, comme je disais, les PME sont encore au coeur de la tempête des impacts économiques de la présente pandémie. On dévoilait, hier, un sondage, puis il y a 34 % des PME au Québec qui manqueront de liquidités d'ici l'été. La situation est critique. Ils sont neuf entrepreneurs sur 10 à compter sur l'appui du gouvernement pour les aider encore. Ils sont trois sur cinq à demander à Québec de poursuivre la réduction du fardeau administratif et réglementaire, puis ce qu'on constate ici, dans le projet de loi, c'est que le fardeau administratif va augmenter. C'est pourquoi la FCEI demande que soient respectées les dispositions du un pour un de la politique gouvernementale d'allègement réglementaire et administratif, c'est-à-dire de réduire d'autant les coûts aux entreprises que les nouvelles règles imposeront.

Outre les coûts d'implantation des deux premières années, allant de 1 700 $ à 3 750 $, la réforme apportera des coûts récurrents de 1 791 $ à 2 793 $. Ainsi, nous demandons un plan de diminution des coûts annuels de la réglementation du ministère, pour les entreprises, entre 2 000 $ et 3 000 $. La FCEI est persuadée qu'avec la même énergie qui a été déployée pour mener ce projet de loi jusqu'à l'étude le ministère peut trouver des moyens de réaliser de telles économies pour les employeurs.

Quant à l'assujettissement des entreprises aux mécanismes de prévention, nous sommes d'avis que plusieurs adaptations seront nécessaires. Le plan de prévention devrait se rattacher à la recommandation du CCTM de 2017 à l'effet que le programme ne s'applique qu'aux entreprises de 20 employés et plus.

En ce qui concerne la notion des comités de santé et sécurité et de représentants de santé et sécurité, pour nous, il y a un dédoublement de ces structures. Un représentant pourrait être nommé au besoin et à la discrétion d'un comité. Pour les petites entreprises, il est possible que ce soit un cadre aux ressources humaines, par exemple, qui désire s'engager activement au niveau de la prévention.

Par ailleurs, la façon dont est libellé le projet de loi, nous craignons que certaines entreprises soient assujetties, mais qui, normalement, ne le seraient pas, en fonction d'un barème proposé selon les risques, particulièrement à la taille de l'entreprise.

Nous avons, comme vous avez pu probablement le constater, d'autres éléments dans notre mémoire, comme sur le PMSD, programme de maternité sans danger, et la surindemnisation. Nous serons heureux d'échanger sur ces sujets, si vous désirez, à la période des questions.

En somme, la FCEI désire assurer des milieux de travail exempts de maladies, blessures ou décès. Elle désire collaborer pour arriver à l'adoption des meilleures mesures pour les employeurs et pour les employés. La FCEI croit que la clé pour y arriver est d'atteindre l'équilibre entre la réalité des employeurs et des employés, qui est très bien exprimé dans les consensus du CCTM. Ici, l'importance, pour nous, est le mot «équilibre», ce qui m'amène à conclure ma présentation sur cette citation tout à-propos du philosophe français Jean Grenier. Je fais la citation : «Il est aussi noble de tendre à l'équilibre qu'à la perfection; car c'est une perfection que de garder l'équilibre.» Merci.

• (15 h 50) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous allons commencer effectivement la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, j'aimerais remercier la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante pour son engagement auprès des PME au Québec et sa contribution à l'amélioration du projet de loi n° 59, et c'est démontré par votre présence. François, content de se revoir même si c'est virtuellement, et Francis. Et évidemment je remercie toute l'équipe de collaborateurs qui ont contribué à la rédaction de votre mémoire qui, par ailleurs, est extrêmement intéressant.

Il faut le répéter, François, Francis, les PME, c'est au coeur du développement économique québécois. C'est là que se retrouve la majorité des emplois. C'est là que se crée de la richesse au Québec. Et, pour côtoyer beaucoup d'entrepreneurs et pour avoir eu un père qui l'était, c'est important d'avoir un environnement qui est le plus léger possible au niveau de la réglementation. Puis il y a énormément de propriétaires et fondateurs de PME qui n'attendent pas après l'État, mais qui ne veulent pas que l'État crée des obstacles additionnels à l'atteinte de leur objectif qui est, par ailleurs, extrêmement noble.

J'apprécie aussi, François, que, d'entrée de jeu, vous réaffirmiez l'importance de la santé et sécurité dans les milieux de travail et j'aime aussi... tu sais, parce qu'on fait souvent référence au paritarisme et au dialogue social. Vous êtes membres du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et j'apprécie beaucoup que vous nous disiez, par exemple : Oui, on salue la volonté du ministre, mais... l'objectif de modernisation, et on est d'accord, on est à l'aise avec les points a, b, c, on est moins à l'aise avec d'autres. Je trouve que c'est une belle façon de mériter notre attention. Puis je ne réfère pas qu'à moi, mais je réfère à mes collègues du parti gouvernemental puis mes collègues des partis d'opposition. On a tous le même objectif de faire de ce projet de loi là une réussite pour le bénéfice de la santé des Québécois, des employeurs, et des travailleurs, et des travailleuses.

Cotisation aux normes du travail. Effectivement, même si l'incidence n'est pas très élevée, c'est bénéfique pour le niveau de cotisation. Bon, je ne reviendrai pas sur tous les points, François, mais je ne sais pas qui des deux peut me répondre, mais, tu sais, quand vous dites, dans votre recommandation 1 : «Permettre à l'employeur de s'opposer à l'opinion du médecin traitant en matière d'assignation temporaire via le processus du Bureau d'évaluation médicale», bon, on sait que, l'assignation temporaire, c'est un mécanisme extrêmement utile, qui permet aux employeurs de faire travailler quelqu'un qui a subi un accident de travail ou une maladie professionnelle. Ce n'est pas la réduction des coûts qui est le facteur premier, c'est de permettre à la personne d'avoir une réadaptation qui est plus diligente, que ce soit un travail qui correspond à sa capacité résiduelle de travail suite à son événement. C'est bénéfique pour tout le monde. C'est une prérogative de l'employeur, ce que les tribunaux disent.

Et j'aimerais vous entendre parce que je présume que ce que vous avez en tête, c'est que l'employeur demande au travailleur de faire une assignation temporaire, il va voir son médecin traitant, puis il refuse, puis il n'y a pas de mécanisme de... Est-ce que c'est ce à quoi vous référez, François, Francis? J'aimerais ça que vous me parliez de ça et de son impact au sein des PME.

M. Bérubé (Francis) : Bien, en fait, simplement, c'est d'offrir l'opportunité à un employeur qui s'interroge, dans le fond, sur la décision d'avoir un mécanisme pour avoir une possibilité de contester, donc, dans la mesure où il juge que, peut-être, l'avis qui est donné n'est pas représentatif de ce que ce devrait être. Donc, essentiellement, c'est d'avoir l'opportunité d'avoir un deuxième avis ou de contester l'avis qui est donné. Ce n'est pas plus complexe que ça, c'est donner un outil supplémentaire aux employeurs pour s'assurer que la bonne solution est mise en place. On est d'accord sur le principe. C'est vrai que c'est un principe extrêmement important. Ça, on appuie ça totalement, mais c'est de s'assurer que les décisions qui sont prises à cet égard-là sont les bonnes de part et d'autre.

M. Vincent (François) : Là, je pourrais apporter une précision. Admettons... Un employeur sait bien quels sont les risques associés au travail et aux différentes machines de son entreprise. Ça fait qu'admettons, là, il y a une machine, qui est la A-38, par exemple, qui n'exige pas énormément de manipulations, mais peser sur un bouton, mais que le médecin, qui n'est pas à l'intérieur de l'entreprise, ne l'aura pas nécessairement vue, bien, ce que mentionnait Francis, ça permettrait justement d'aller chercher peut-être une perspective plus près de la réalité entrepreneuriale de l'entreprise donnée.

M. Boulet : Oui, je trouve ça intéressant, François, Francis. Donc, si tu dis : Bon, ça fait deux jours que la personne est absente, puis tu aurais une assignation temporaire à lui confier qui est bénéfique, qui répond aux critères prévus dans la loi pour le permettre, puis que la personne dit : Je vais aller voir mon médecin, puis revient avec un certificat médical de son médecin, qui dit : Non, il ne peut pas faire l'assignation temporaire, que l'employeur puisse avoir l'opportunité d'obtenir une opinion de son médecin désigné, et, en cas de désaccord, que le BEM — excuse, Marie, pour l'acronyme — que le Bureau d'évaluation médicale puisse agir à titre d'arbitre et décider si la personne peut faire le travail, c'est bien ça?

M. Bérubé (Francis) : Oui, exactement.

M. Vincent (François) : Oui. Puis je rajouterais même... Je ne rappelle plus si c'est dans l'avis, ou dans le rapport du CCTM, ou dans l'analyse d'impact réglementaire, là. J'essayais de faire un Ctrl+f, mais je n'ai pas eu le temps. Il y a une place où on marque que le fait d'attendre avant d'arriver sur le milieu de travail... le retour au travail est aussi nuisible que la lésion en tant que telle, d'où l'importance de pouvoir ramener rapidement les travailleurs pour leur propre santé aussi. C'est soit dans l'analyse d'impact réglementaire ou soit... Je pourrai chercher puis vous envoyer la référence exacte, là, mais ça, c'est quelque chose qui m'avait marqué lors de l'étude du présent projet de loi.

M. Boulet : François, Francis, ça s'inscrit dans la philosophie du p.l. n° 59 d'assurer un retour le plus prompt possible du travailleur pour éviter les risques de chronicisation, et c'est dans la même approche que la possibilité d'accéder à des mesures de réadaptation avant la consolidation puis de mieux encadrer l'année de recherche d'emploi pour la personne qui n'est pas capable de revenir à son emploi prélésionnel. Ça fait que c'est particulièrement intéressant.

Un autre volet que j'aimerais aborder avec vous autres, bon, maintenir 326, 328, 329, deux éléments. Obérer injustement un employeur, comment vous interprétez ça? Puis je connais l'état de la jurisprudence, mais comment c'est... Est-ce que c'est bien utilisé au sein des PME québécoises? Et pourquoi vous revendiquez que ce soit maintenu?

M. Bérubé (Francis) : Je peux y aller. En fait, si on... Il y a deux principes. Dans le fond, il y a obérer injustement, le principe d'imputation. Au niveau... Le fait d'être obéré injustement, initialement, la compréhension puis, je pense, l'essentiel de ça, c'était de s'assurer qu'une entreprise qui compose avec une lésion puis... L'idée, c'est qu'elle n'ait pas une charge tellement lourde que ça mette en péril son entreprise, d'une certaine façon, et que cette charge-là soit limitative pour lui dans le développement de son entreprise. Donc, c'est vraiment la notion... En tout cas, pour les PME, nous, comment on le voit, c'est vraiment dans ce sens-là, c'est de s'assurer que la lésion n'engendre pas une charge tellement lourde sur l'entreprise que ça met à risque ses activités, essentiellement. Au départ, ce que je comprends, c'est que c'était vraiment à cet égard-là que le principe était appliqué.

M. Boulet : L'autre, là, la notion de handicap... mais il me semble qu'obérer injustement, pour les PME, au Québec, ça n'a pas véritablement d'incidence, parce qu'elles sont au taux de l'unité, parce qu'elles n'ont pas des masses salariales qui les assujettissent au régime rétrospectif et pas du tout, bien sûr, autopersonnalisé. Mais c'est pour ça que je me demandais, Francis... Il me semble que ça n'a pas d'impact pour les entreprises qui sont au régime financier qu'on appelle taux de l'unité.

M. Bérubé (Francis) : Oui, bien, en fait, l'idée, c'est que... Pour nous, l'idée est bonne. Donc, de la préserver pour s'assurer que, si un cas particulier se présente, cette notion-là soit toujours considérée, reste important pour nous, là. C'est plus... On va dire, ça maintient un caractère quand même... de maintenir cela, ça prévient des situations qui pourraient être graves dans certaines entreprises, qui pourraient subir des répercussions importantes, là, au niveau d'une lésion. Donc, on pense que c'est... le garder va assurément permettre d'éviter des risques ou, en tout cas, qu'une entreprise soit obérée injustement, comme la loi avait été faite au départ.

• (16 heures) •

M. Boulet : Oui. Puis effectivement ce que les tribunaux disent, que ça risque de mettre en péril la santé financière de l'entreprise, je comprends. C'est peut-être une question de principe, mais la répercussion financière, selon moi, là, n'est pas claire.

Mais l'autre volet, sur la notion de handicap, bon, on connaît les deux courants qui se sont développés sur... Bon, la notion de handicap, on la définit dans le p.l. n° 59 et on s'accroche à la définition qui est retenue par l'Office des personnes handicapées du Québec, alors que, là, il n'y avait pas de définition. Puis on a vu les tribunaux... un temps, le courant majoritaire, c'est qu'il fallait que... pour que ce soit un handicap permettant une désimputation suite à une demande de partage de coûts, qu'elle soit symptomatique, qu'il y ait une preuve que ça limitait la personne dans l'accomplissement d'activités personnelles. Là, évidemment, elle peut être asymptomatique. On associe beaucoup la notion de handicap de la Loi sur les accidents de travail à celle de la Charte des droits et libertés de la personne, et ça peut être une condition asymptomatique

Mais ce qu'on réalise souvent, c'est que les demandes de partage de coûts sont faites beaucoup par les grandes entreprises, qui disent : Il y avait un handicap même s'il n'y avait aucune déviation par rapport à la norme médicale généralement reconnue puis qu'il n'y avait pas de condition symptomatique, même si c'était asymptomatique. Et là c'est désimputé. Ça ne va plus dans le dossier de l'employeur, mais ça va dans le fonds général. Et j'ai toujours eu l'impression que les PME étaient comme laissées pour compte, absorbaient ça puis payaient, finalement, de manière globale, pour la multiplicité des demandes de partage de coûts qu'on avait particulièrement au sein de la grande entreprise. François, Francis, j'aimerais ça vous entendre sur ce point-là.

M. Vincent (François) : Je reviendrai sur qu'est-ce que vous avez dit. Vous avez parlé d'une question de principe. Si ça peut être utilisé par une grande, c'est bien, par une moyenne, c'est... une petite entreprise aussi, mais de là à pouvoir interférer sur ce droit d'entrepreneur là de désimputer un élément, un cas... c'est un principe sur lequel on tient.

Puis, quand on a regardé les revues de littérature par rapport à ça, bien, il y avait plusieurs bureaux spécialistes, Norton Rose Fulbright, il y avait également Langlois avocats, Morency avocats... Donc, on s'est dit : Probablement que plusieurs auteurs différents, spécialisés en droit du travail... Bien, il y avait un élément à prendre en considération.

On a aussi consulté différents experts pour mener notre mémoire, parce que, bon, moi puis Francis, on est des bons généralistes, mais on n'est pas des experts précis des droits du travail et de la jurisprudence là-dessus dans les 30 dernières années ou 40 dernières années, depuis la dernière grande réforme. Mais, quand on parle d'un principe d'un employeur qui... même, selon nous, du fait qu'il accepte un risque assurantiel, bien, on pense qu'il ne faudrait pas aller de l'avant avec les recommandations qui ont été proposées par les articles qui ont été mentionnés par Francis dans la présentation.

Pour faire un bond sur le principe, c'est aussi pour ça qu'on demande l'allègement réglementaire et un engagement précis que les coûts qui vont être imputés aux PME, dans le cadre de cette réforme-là, soient diminués aussi, le respect de la règle du un pour un, puis j'en profite pour réitérer cette demande.

M. Boulet : Je comprends très bien. On m'informe, François puis Francis... puis, pour le bénéfice de tout le monde, il y a seulement 5 % des coûts des entreprises imputées, des entreprises qui sont au taux de l'unité, qui sont désimputées en vertu soit de 326, 328, 329. Ça fait que ça n'a peut-être pas tant d'incidence, mais ce qui nous a motivés beaucoup, c'est la déresponsabilisation de certaines entreprises qui, dès qu'il y a un handicap, dès qu'il y a une condition asymptomatique qui précède la survenance de la lésion professionnelle, se déresponsabilisent puis font assumer par le fonds général, incluant les PME, les coûts qui sont désimputés pour des lésions, des fois, qui... Des fois, c'est des montants substantiels, là, quand on tient compte du facteur de chargement.

Le un pour un, oui, François, on en a déjà parlé. Peut-être, dernier élément, les lésions psychologiques, je comprends, François, Francis, que, bon, il va y avoir un comité de scientifiques qui va nous guider, qui va nous soumettre des recommandations. Vous faites même référence, dans une autre recommandation, au DSM-V, là, qui est la bible des psychiatres non seulement au Québec, là, mais qui est reconnue dans notre monde occidental, notamment, et vous recevez ça de manière favorable. Je comprends, François, Francis, qu'on n'embarque pas dans l'ajout de nouvelles lésions psychologiques dans la liste des maladies professionnelles présumées.

M. Vincent (François) : Je vais laisser Francis...

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste une minute.

M. Vincent (François) : O.K., très rapidement, juste sur l'intervention d'avant, 5 %, bien, c'est 5 % de trop. Si on enlève un droit... Un droit, on ne pense que ça soit 0,1 %. S'ils ont la possibilité de l'utiliser, que ça soit 5 %, on pense que c'est important que les entrepreneurs puissent y avoir recours, comme si... Puis, sur la question des maladies psychologiques, on pense qu'il ne faut pas... Il faut procéder par étapes. Puis, si on va justement dans le sens d'établir un comité scientifique, bien, qu'on leur donne des mandats qui sont pertinents, puis ça, ça pourrait en être un.

Puis, sur le DM-V, quelque chose, là, je laisserais Francis répondre à ça si je n'ai pas complètement répondu à votre question.

M. Boulet : Puis des mandats, là, je l'ai confirmé ce matin, pour... à ce comité de scientifiques là, oui, c'est véritablement mon intention de confier des mandats pour faire des analyses plus poussées, tenant compte de l'évolution des connaissances scientifiques et médicales, pour toutes les maladies de nature psychologique. Absolument, on va aller de l'avant avec ça. Excuse-moi, Francis, d'avoir pris un peu de ton temps.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Désolée, mais il n'y a plus de temps.

M. Bérubé (Francis) : O.K.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous poursuivons. Oui, alors, nous poursuivons cette fois-ci avec le député de...

M. Boulet : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui. Nous poursuivons avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes. Je vous invite à bien respecter votre temps, s'il vous plaît.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Donc, le respect du temps, c'est pour l'ensemble des membres. Donc, aucun problème. Si vous référez toujours à ce que je dois respecter le temps, je pense que je le respecte. Pour ma partie, je vais être moi et mon collègue le député de Robert-Baldwin. M. Vincent et M. Bérubé, merci pour le rapport très détaillé, des recommandations très claires.

Je vais aller directement avec ma première question. Quand, vos membres, ils ont vu ce projet de loi, ça a été quoi, leur première réaction, surtout avec l'année que nous sommes en train de vivre, avec la COVID et, vous l'avez mentionné au début, la situation économique qui est un peu difficile, le manque de liquidités? Je compte sur M. le ministre de faire un peu de pouce et ramener la même chose que vous venez de dire à son collègue le ministre de l'Économie. Donc, la situation est un peu problématique pour nos PME. Donc, c'était quoi, leur point de vue, messieurs?

M. Vincent (François) : Quand on a parlé à des experts, disons que la perception des employeurs était... Il y avait certaines grandes craintes vives de certaines pertes de droits. Je tiens à rebondir sur la question d'oblitérer, là, c'est quand même un potentiel de 29 000 employeurs en PME, en mutuelles, des PME qui pourraient utiliser ce droit-là. Donc, oui, peut-être 5 %, mais il y a quand même des risques qui y sont associés.

Quant à la situation économique, oui, disons, quand on regarde... Tu sais, je lis les 200 à 400 commentaires de membres sur les sondages qui sont émis, puis c'est vraiment extrêmement difficile, qu'est-ce qu'ils vivent actuellement. Puis c'est pour ça, ici, qu'on a fait des recommandations pour adapter ça au niveau de la petite entreprise, notamment, aussi, en s'assurant d'être conformes avec qu'est-ce qui se fait dans le reste du Canada, d'où nos recommandations sur les... de ne pas assujettir les moins de 20, comme c'était le cas des demandes du CCTM, et, bon, tout dépendamment des décisions des parlementaires, parce que vous êtes souverains dans votre décision par rapport à ce qui va être mis en application, bien, de vous assurer, à ce moment-là, bien, que ça va être à coût nul au niveau du coût de l'application du fardeau réglementaire pour les entreprises, parce que ce n'est pas le temps ici d'augmenter la paperasserie ou d'augmenter les coûts pour les entreprises, surtout quand elles sont 61 % à nous dire que le gouvernement devrait maintenir et poursuivre son allègement réglementaire.

• (16 h 10) •

M. Derraji : Oui, mais vous avez raison, et vous l'avez soulevé, et, au fait, je pense, même le gouvernement vous donne raison, parce que, le gouvernement, il est obligé de produire une analyse d'impact réglementaire, et, dans l'analyse d'impact réglementaire, c'est mentionné à plusieurs reprises.

Pour le bénéfice de... Une de nos collègues nous incite souvent de ne pas dire des acronymes. Donc, vous avez mentionné le CCTM, et le CCTM, c'est le Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Ma question. Depuis le début, il y a toujours un consensus au niveau des recommandations. C'est ce comité où il y a plusieurs personnes qui travaillent pour arriver à des recommandations. Donc, c'est des recommandations bien étudiées. Ce n'est pas une affaire d'un mois ou deux mois. C'est de longues discussions entre les partenaires au sein de ce comité.

Vous parlez, dans votre page 15, que la recommandation de 20 employés et moins... est qu'«il ne fait nul doute que le projet de loi s'éloigne significativement des recommandations consensuelles 10 à 12 de l'avis du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre de 2017. Le gouvernement devrait y revenir». Est-ce qu'on doit comprendre, aujourd'hui, que vos membres en bas de 20 employés refusent l'applicabilité de ce projet de loi sur cette catégorie?

M. Vincent (François) : Nos membres vont appliquer ce que les parlementaires vont décider. Maintenant, est-ce qu'il y a des manières de le faire différemment? Oui. Puis, dans la rédaction de notre mémoire, on s'est vraiment rattachés aux consensus qui ont été mis en place par le CCTM, qui est un forum de dialogue social. Donc, on est arrivés à faire une... c'est quoi... il y a eu une cinquantaine de rencontres, il y a eu des sous-comités, puis etc. Donc, les recommandations qui arrivent, qui sont consensuelles entre les syndicats puis les patrons, bien, on se dit : Bien, ça, il y a vraiment une entente claire sur ces éléments-là.

Sur les moins de 20, nous, on s'est rattachés à ce qui se faisait dans le reste du Canada, puis on pense qu'il y a d'autres manières de protéger les travailleurs, puis on a dit : 99 % des entreprises, des PME... dirigeants de PME étaient engagés en santé et sécurité au travail. Dans le reste du Canada, il y a notamment des programmes, comme en Ontario, le programme Excellence qui a été mis en place, en Alberta, le Personal Injury Reduction. On pourra vous envoyer les informations suivant la commission si vous voulez les avoir. Puis il y a aussi les mutuelles de prévention qui font un travail important, puis la FCEI est tellement engagée là-dedans qu'elle a la plus grande mutuelle de santé et sécurité au travail.

M. Derraji : Mais, M. Vincent, je comprends très bien vos arguments. Je les ai lus dans votre mémoire. Ma question, elle est très claire. Et je comprends que vos membres vont appliquer ce que nous, on va décider en commission parlementaire, mais, maintenant, ma question, elle est très claire. Aujourd'hui, je veux une réponse très claire par rapport aux entreprises en bas de 20 employés. Le consensus social, les consultations que vous avez menées au sein de cette table du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, dans l'avis qui est consensuel entre vous et les syndicats... stipule que ce n'est pas applicable pour les entreprises en bas de 20 employés. Vous maintenez toujours la même chose, le même discours qu'on ne peut pas changer, on ne peut pas aller au-delà de ça.

M. Vincent (François) : Bien, la recommandation 12 est superclaire. Elle recommande que, dans les établissements de moins de 20... Les recommandations 11 et 12 : «La FCEI recommande que le programme de prévention ne s'applique pas aux entreprises de 20 employés et moins.» On l'a dit, il y a d'autres manières de le faire. Il y a des mutuelles. La recommandation 12, également, ce n'est pas de lier un comité et un représentant. Puis ici, là, ce qui nous préoccupe, c'est la possibilité qu'il y ait des entreprises qui soient assujetties dès qu'elles vont passer un certain critère.

Bon, on a le tableau dans le mémoire, mais on peut donner un exemple, là. Il y a des entreprises qui sont catégorisées dans le niveau de risque moyen, qui vont avoir des obligations en bas de 20 : des bureaux d'agences et de courtiers immobiliers, hébergement des voyageurs, location de biens de consommation, services funéraires. J'ai travaillé dans l'industrie funéraire pendant quatre ans, mon premier emploi. J'ai été préposé à l'accueil. J'ai été préposé aux opérations. Puis je ne vois pas ça comme étant un milieu avec des risques qui sont moyens. Si c'est juste un petit salon, qu'il y a un préposé à l'accueil, disons, qu'elle répond au téléphone puis elle va rencontrer les personnes...

Donc, il y a une possibilité à ce qu'on alourdisse le fardeau administratif des petits entrepreneurs, et ce n'est pas le temps de le faire.

M. Derraji : Merci, M. Vincent. Le message est très clair, pas du mur-à-mur. Il faut absolument qu'on prenne le temps d'analyser cela. Mme la Présidente, mon collègue de Robert-Baldwin, je pense qu'il a d'autres questions. Merci à vous deux pour la présence.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, nous poursuivons avec vous. Il vous reste 3 min 30 s. Votre micro?

M. Leitão : Je pense, ça aiderait si le micro était ouvert. Merci, Mme la Présidente. À la fin de la journée, là, ça commence à dérailler un peu. MM. Vincent et Bérubé, une question, et je pense que c'est la seule parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Ça a été mentionné par d'autres, et je pense que c'est quelque chose qu'on devrait peut-être regarder d'un peu plus près, c'est cette différence, et vous y avez fait allusion au début de votre présentation, entre un régime d'assurance et un programme social. Le Conseil du patronat l'avait mentionné aussi hier. Pouvez-vous nous parler un peu plus de ça, concrètement, là, à quoi vous faites allusion quand vous dites ça?

M. Vincent (François) : Bien, deux exemples qu'on donne en dedans de notre programme de maternité sans danger, puis on n'est pas les seuls à avoir demandé ça. Le CPQ, qui a été le premier organisme, l'a proposé, d'aller... Tu sais, les employeurs ne sont pas contre ça, mais ils pensent que ça devrait revenir aux bons endroits, puis, ça, le Régime québécois d'assurance parentale est plus apte à recevoir un tel programme que la CNESST, où les cotisations sont à 100 %. Puis, dans le reste du Canada, il n'y a pas de tel type de programme. Puis je dirais peut-être aussi la surindemnisation, mais je laisserais peut-être Francis aller plus définir à quel moment on s'éloigne du principe assurantiel, au bénéfice des parlementaires.

M. Leitão : Très bien.

M. Bérubé (Francis) : Bien, en fait, l'essentiel, c'est qu'entre un niveau... La taxation, c'est : indépendamment du niveau de risque, indépendamment des actions qu'on met de l'avant, on est sujet à un prélèvement fiscal. Donc, comme, je dirais, exemple, le principe d'imputation s'éloigne... Justement, le principe d'imputation, ça donne l'occasion de vraiment représenter le niveau de responsabilité d'une entreprise par rapport à une lésion. Donc, c'est beaucoup plus près du principe assurantiel, tandis que, si ce principe-là n'existe plus, on parle plus de taxation, à titre d'exemple. Donc, voilà, je vous dirais que ça ressemble à ça.

M. Leitão : Très bien. Merci. Et, je pense, c'est quelque chose à laquelle on va faire attention quand on va avancer dans l'analyse du projet de loi. Il faut vraiment regarder ces deux choses différentes.

Un dernier commentaire : allègement réglementaire, bien sûr, le principe du un pour un, tout à fait d'accord avec vous. Donc, c'est clair qu'on va ajouter de nouvelles règles, nouvelles contraintes. Avez-vous des suggestions, des règles ou des réglementations à enlever? Qu'est-ce que la FCEI suggérerait? Quel serait le plus important, à votre avis, qu'à court terme le gouvernement puisse alléger pour compenser un peu les nouvelles contraintes imposées par ce projet de loi?

La Présidente (Mme IsaBelle) : En 15 secondes.

M. Vincent (François) : Oui, bien, c'est ça, ça ne va pas être nécessairement une règle à enlever. Ça va être un processus, un formulaire, etc. On est prêts à collaborer, une fois que le projet de loi va avoir été adopté, pour trouver les places pour le faire. Mais ce qu'on recommanderait, c'est d'avoir la même énergie qu'on a eue à amener ce projet de loi là jusqu'à l'étude pour mener ce plan-là, qui, selon la politique d'allègement réglementaire, doit être déposé 12 mois après l'adoption de la loi. Donc, je suis persuadé que le ministère et nous, on est capables de faire un travail extraordinaire à cet égard.

M. Leitão : J'en suis sûr. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Vincent, M. Bérubé. M. Vincent, on s'était picossés un peu en octobre sur le RQAP. On s'est lancés quelques passes sur la palette en décembre sur les restaurants. J'ai bien l'impression, malheureusement, que notre relation est en montagnes russes et que nous devrons retourner dans un rôle d'opposition aujourd'hui. Suite à la lecture de votre mémoire, il y a quand même plusieurs choses qui m'étonnent, pour être honnête, M. Vincent.

Quand vous réclamez, là, que les comités de santé et sécurité puissent être créés seulement s'il y a une entente, moi, j'y vois un droit de veto patronal. Quand vous parlez que... Verbalement... Tantôt, je ne l'ai pas retrouvé dans votre mémoire, mais, verbalement, vous avez évoqué qu'un représentant de santé et sécurité pourrait être un cadre. C'est une suggestion particulièrement surprenante. Je vous ai peut-être mal compris, et vous me corrigerez tantôt.

Vous proposez, donc, vous l'évoquiez tantôt, de transmettre le PMSD au RQAP, mais c'est une étonnante solution, surtout que vous avez remis en question, dans votre mémoire, en octobre, l'existence même du RQAP. Alors, je ne comprends pas cette solution-là. Vous proposez d'éliminer la prépondérance de l'opinion du médecin traitant. On revient au médecin patronal qui était là avant l'instauration du régime dans les années 70.

Je termine. Vous vous opposez à l'assignation temporaire lors des... de pouvoir contester les assignations temporaires. Mais là on va retourner à une surjudiciarisation de la santé et sécurité au travail qui est déjà... générale de votre mémoire, puis je me dis : Mon Dieu, mais c'est un cauchemar pour les travailleurs. Y a-t-il une seule recommandation dans votre mémoire qui soit une bonne nouvelle, qui soit une avancée pour les travailleurs et travailleuses qui font fonctionner les PME québécoises?

M. Vincent (François) : Pour répondre à vos interrogations, sur le représentant à la santé et sécurité, sur le cadre, ce qu'on dit, c'est que, pour une petite entreprise, ça pourrait être la directrice des ressources humaines qui peut le faire, mais elle ne pourrait pas parce que, le représentant, il faut que ce soit un employé. S'il y a une entreprise...

M. Leduc : Bien oui, par définition.

M. Vincent (François) : Mme la Présidente?

• (16 h 20) •

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, allez-y.

M. Leduc : Oui, allez-y.

M. Vincent (François) : Donc, s'il y a une entreprise, selon les risques, qui va tomber à avoir un représentant, puis, selon les risques élevés, ça peut être quand même assez bas, bien, le nombre de personnes qui sont intégrées à ce comité ou au représentant sont bas, puis ça peut, dans une petite entreprise, être un cadre. Puis c'est pour ça qu'on dit : Bien, le comité pourrait décider lui-même, s'il y a un représentant, de quelle façon il va y avoir...

Maintenant, sur le Régime québécois d'assurance parentale, on n'a jamais remis en cause le fondement du régime, là. Puis je vous invite à aller revoir notre mémoire même si, quand vous lisez certains de nos mémoires, ça vous donne peut-être des émotions particulières, mais il n'y a pas de place là où on a dit qu'il faudrait scraper le régime. Ce qu'on a dit, c'est qu'on... par rapport au RQAP, c'est que les modifications proposées avaient un impact qui était décuplé pour les petites entreprises, notamment par le partage du congé parental... les impacts concernant l'augmentation des coûts par le régime.

Mais, maintenant, pour le programme de maternité sans danger, pour revenir au principe de taxation, bien là les employés pourraient participer en partie, à 40 %, à ce programme-là, et non pas les employeurs à 100 %. Puis, quand on regarde les données, c'est, à la majorité, le secteur public qui profite de ce système-là. Puis donc c'est le privé qui finance pour une utilisation majoritairement dans le public.

Les autres questions, je passerais la parole, peut-être, à Francis, parce que je les notais, puis, après ça, j'ai peut-être manqué les deux autres interrogations que vous aviez.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En fait, vous n'avez vraiment plus de temps, là. Le député a été rusé. Il vous a posé plusieurs questions en bloc, mais vous n'avez pas le temps de toutes les répondre. Alors, on y va... Maintenant, on poursuit avec le député de Bonaventure. Vous avez 2 min 45 s.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Vincent et Bérubé. Écoutez, mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve a posé certaines questions que j'avais le goût de vous poser, mais je vais vous permettre de répondre à peut-être une ou deux questions.

Lorsque vous dites, dans la recommandation 1, que vous voulez permettre à l'employeur de s'opposer à l'opinion du médecin traitant en matière d'assignation temporaire via le processus du Bureau d'évaluation médicale, dans un contexte où on a le record de contestations en matière d'indemnisation au Québec, je pense qu'on va en rajouter une couche en matière de judiciarisation. Et, bon, certains spécialistes nous disent que le recours à la contestation augmente de manière significative la détresse psychologique. Et donc, dans votre mémoire, je crois que vous voulez que la détresse psychologique ne soit pas reconnue pour le moment et qu'elle soit traitée avec des comités de scientifiques.

Donc là, on voit que, bon, certaines choses se manifestent puis ne sont pas, je dirais, cohérentes avec les mémoires ou les autres acteurs qui ont présenté leurs mémoires. Est-ce que vous pensez réellement que vos propositions vont améliorer la santé et la sécurité au travail des employés des entreprises que vous représentez?

M. Vincent (François) : Oui, on pense qu'on peut améliorer la santé et sécurité puis que nos recommandations... le sont aussi. Puis, quand... Je vous réfère aussi au rapport de Morneau Shepell, là. Quand on regarde dans le reste du Canada, le Québec est en retard sur beaucoup d'aspects. Donc, ça, il faut regarder ça aussi, parce que ça reste un régime assurantiel, puis il faut être capable, en même temps, d'améliorer la prévention puis, en même temps, d'améliorer la performance du régime. Si on ne va pas là-dedans, bien, on perd l'équilibre qui est si important.

Sur la judiciarisation, c'est... travaillons pour raccourcir les délais, mais je ne vois pas pourquoi on enlèverait des droits, parce qu'on dit que ça augmente la judiciarisation. Je ne pense pas que ce serait un argument qui serait recevable au niveau de la justice. Je ne sais pas, la Cour des petites créances, c'est trop long, ça fait qu'on va empêcher certaines personnes d'y avoir recours. Tu sais, je veux dire, les employeurs, c'est important qu'ils puissent faire valoir leurs droits, puis c'est nonobstant le fait qu'ils peuvent faire de la prévention. Mais, une fois qu'il y a quelque chose qui arrive, puis que ce n'est pas de leur faute ou qu'ils peuvent désimputer, pourquoi on leur enlèverait un droit? Moi, je ne comprends pas.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 20 secondes.

M. Vincent (François) : Rapidement, sur le comité, ça sert à quoi, se fonder un comité, si on ne leur donne pas un mandat d'étudier puis qu'on met tout de suite quelque chose dans l'annexe pour la prépondérance? Nous autres, on dit : Bien, si on voulait vraiment la pertinence, qu'on lui donne un mandat puis qu'on ne mette pas... comme dit l'expression, mettre la charrue devant les boeufs.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est parfait. Je vous remercie beaucoup. Alors, merci beaucoup, M. Vincent, merci, M. Bérubé, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Nous suspendons quelques instants, le temps de se préparer pour recevoir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 25)

(Reprise à 16 h 33)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Alors, nous poursuivons et nous souhaitons la bienvenue aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous rappelle, messieurs, que vous avez 10 minutes pour votre exposé. Avant, je vous demande de bien vous présenter, et ensuite vous pourrez rapidement poursuivre avec votre exposé.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Boyer (Daniel) : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. le ministre. Merci, Mmes, MM. les députés. Alors, je suis Daniel Boyer. Je suis le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ, et je suis accompagné de Simon Lévesque, représentant en santé et sécurité du travail à la FTQ-Construction. D'ailleurs, la FTQ-Construction a aussi déposé leur propre mémoire, là, mais il y a des parties du secteur de la construction dans le mémoire de la FTQ.

La FTQ est la plus grande centrale syndicale au Québec. Elle est présente dans tous les secteurs d'activité, tant publics que privés. C'est la FTQ qui représente le plus de secteurs prioritaires qui ont réussi à prendre à charge leur milieu de travail et ainsi réduire les lésions professionnelles que nos membres subissent chaque jour. C'est aussi dans nos rangs qu'on constate quotidiennement la longueur des démarches et nombreuses difficultés que les victimes de lésions doivent affronter pour être reconnues. C'est à partir de ces connaissances que nous avons évalué le présent projet de loi.

Je vous dirais : Prévention, prévention, prévention. Pourquoi? Parce qu'on a besoin de main-d'oeuvre en santé et disponible. Plusieurs défis de main-d'oeuvre se posent pour plusieurs secteurs d'activité. Les contestations et la judiciarisation ne rendent pas la main-d'oeuvre disponible pour autant. Plus de 100 000 réclamations par année, plus de 250 accidents de travail par jour, plus de 200 décès par année, tout ça, c'est du monde dont on a besoin au travail et qui n'y sont pas.

En 2018, c'était l'équivalent de plus de 36 000 personnes à temps complet, une perte de productivité importante pour le Québec. On pourrait toujours dire que notre régime est trop généreux ou qu'il coûte trop cher, mais il n'en demeure pas moins qu'une partie de notre main-d'oeuvre dont on a besoin est estropiée. J'ajouterais que la contestation ne guérit pas, Mme la Présidente. C'est pour ça : prévention, prévention, prévention.

D'ailleurs, l'article 2 de la loi actuelle, la présente loi, ça dit : «La présente loi a pour objet l'élimination à la source même des dangers pour la santé [...] et l'intégrité physique des travailleurs.»

Donc, la prévention, sans distinction, ça doit s'appliquer à tous de manière égale, et pas seulement en 2023, 2024 ou 2025, mais bien le plus rapidement possible. Les milieux prioritaires ont démontré la pertinence et l'application efficace des mécanismes de prévention à travers un paritarisme présent à tous les niveaux. On doit les élargir à tous de manière égale, sans distinction selon le secteur d'activité. En 2021, on est rendus là.

Des niveaux de risque établis à partir des débours et des calculs actuariels, ça ne fonctionne pas. On aura beau inventer toutes sortes de calculs savants, il demeurera toujours que les acteurs sur le terrain sont les mieux placés pour évaluer les besoins en matière de prévention. Le paritarisme doit vivre dans tous les milieux de travail pour que l'ensemble des intervenants, autant patronaux que syndicaux, aient tous pour mission d'éliminer les dangers à la source, et ce, pour que tous puissent travailler en toute sécurité.

La loi prévoit déjà des balises, pour le nombre de rencontres du comité de santé et sécurité et le nombre d'heures de libération pour le représentant à la prévention, qui sont simples et faciles à appliquer et à comprendre pour tous. Le projet de loi n° 59 prévoit de baisser le nombre d'heures de libération et le nombre de rencontres, en plus de complexifier grandement la mise en place de ces mécanismes de prévention en les modulant par niveau de risque. Pour respecter l'objet de la loi, il faut maintenir les dispositions relatives au nombre de réunions des comités de santé et sécurité et au temps accordé aux représentants à la prévention et les appliquer à tous les milieux de travail.

Multiétablissements : pourquoi pas ce qui a été convenu au CCTM? L'application du multiétablissements doit nécessiter l'accord des travailleurs et travailleuses. Sinon, on vient réduire l'efficacité des mécanismes de prévention. La prévention passe par la connaissance aiguë des réalités du milieu de travail, ce que ne permet pas le multiétablissements. L'objectif de l'entente du CCTM était de permettre à certains milieux de se regrouper, de regrouper des établissements dans des cas où les travailleurs et travailleuses vivent des réalités similaires et où ils considèrent que ce serait avantageux de travailler ensemble pour aborder les enjeux de prévention.

Le projet de loi ne tient pas compte de l'intérêt des travailleurs et travailleuses, mais seulement celui des employeurs en permettant à ces derniers de décider de mettre en place des mécanismes de prévention multiétablissements, et ce, sans tenir compte des réalités différentes dans les milieux de travail, de la distanciation physique entre les établissements et de la capacité d'être proactif en prévention. Il faut respecter le consensus du CCTM ou carrément retirer l'article portant sur le multiétablissements. Niveaux de risque plus multiétablissements, bien, ça égale un méchant micmac à ne rien y comprendre.

Réparation, indemnisation, réadaptation. Je vous cite encore une fois l'objet de la loi sur les accidents de travail et maladies professionnelles, l'article 1 : «La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires», bénéficiaires qui sont ici les travailleurs. Il faut maintenir l'application large et libérale de la LATMP et la prédominance du médecin traitant. L'objectif de la réparation est d'offrir aux victimes de lésions professionnelles une indemnisation et une réadaptation. Si l'objectif était d'obtenir la même chose que la RAMQ, on n'aurait pas laissé sur la table nos droits de poursuite civile envers les employeurs.

• (16 h 40) •

Il faut respecter l'objectif premier de ce régime et assurer que les conséquences économiques et humaines des lésions professionnelles ne soient pas transférées à la société. Les travailleurs et travailleuses paient déjà très cher, comme l'a démontré l'IRSST, beaucoup plus que ce que les employeurs paient. En coûts humains, les travailleurs et travailleuses paient 1 milliard de plus que les employeurs. Il faut s'assurer que ces coûts humains diminuent. C'est pourquoi la prépondérance du médecin traitant est essentielle. C'est un acteur neutre, mais il n'a aucun intérêt financier en lien avec le traitement de la lésion. Il est celui qui est le plus à même de connaître les besoins de la victime et de recommander les traitements et les mesures de réadaptation les plus pertinents.

L'ajout de règlements encadrant la réadaptation aurait pour conséquence de limiter la capacité du médecin traitant à prescrire les traitements et la réadaptation les plus adaptés. De même, de ne pas tenir compte de l'opinion du médecin traitant pour une réadaptation avant la consolidation met à risque des travailleurs et travailleuses, alors même que l'assignation temporaire permet de réintégrer les victimes dans leur milieu de travail, mais en assurant le respect de cette condition.

Pourquoi diminuer l'importance du médecin traitant? D'ailleurs, le terme employé dans la loi, «médecin qui a charge», en dit long. Pourquoi ajouter des délais et des critères en matière d'indemnisation, de réadaptation et de maladies professionnelles? Une réelle modernisation doit prévoir des avancées et non des reculs. Le projet de loi sous étude ne permet pas de donner le nom de «modernisation» au projet de loi.

Sur ce, je laisserais la parole à mon collègue, Simon Lévesque, concernant le facteur de la construction.

M. Lévesque (Simon) : Mme la Présidente, bonjour, je me présente. Mon nom est Simon Lévesque. Je suis responsable de la santé et sécurité du travail à la FTQ-Construction.

Dans la LSST, les travailleurs et les travailleuses de la construction n'ont pas accès aux mécanismes de prévention prévus pour les autres industries. Les chantiers du Québec en auraient vraiment besoin, parce que la construction, c'est 5 % de la main-d'oeuvre active du Québec, mais 20 % des décès liés au travail.

Le projet de loi n° 59 introduit des mécanismes de prévention en créant un poste de représentant à la santé et sécurité, ce que nous demandions, mais la proposition dans le projet de loi n'est pas adaptée à la précarité de notre industrie. Les mécanismes de protection prévus à la loi de santé et sécurité du travail ne protégeraient pas les représentants de la santé et sécurité des représailles des employeurs.

La construction, c'est une industrie précaire. Il n'y a pas de garantie d'emploi. Il n'y a pas de permanence. Les chantiers durent, en moyenne, deux mois, et les travailleurs courent toujours entre deux emplois. Un employeur peut rapidement déguiser un congédiement en manque de travail ou ne simplement jamais rappeler son employé pour un autre emploi. Le projet de loi n° 59 maintient le RSS dans cette précarité. Cela laisse toute la place à des représailles des employeurs. Les bons RSS seront des parias qui ne seront pas réembauchés sur d'autres chantiers ou bien, pire, ils vont avoir peur de tenir tête à leur employeur de crainte de perdre leur emploi.

À la FTQ-Construction, nous avons développé une formule qui fait consensus parmi tous les syndicats de la construction et qui protégerait les RSS. En voici les grands principes. Le RSS doit être indépendant de tout employeur, présent dès le début du chantier et intervenir pour toutes les personnes présentes sur le chantier. Nous proposons de regrouper les RSS en équipes mobiles pour chaque région de la CNESST, qui pourraient intervenir sur des chantiers de 8 millions et moins. On maintiendrait ce que le projet de loi n° 59 propose comme heures de libération de chantier : 10 à 24 travailleurs, une heure par jour, 24 à 49 travailleurs, trois heures, et ça va en montant, jusqu'à 100 travailleurs et plus, où le RSS est libéré à temps plein.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste 30 secondes, s'il vous plaît.

M. Lévesque (Simon) : Mais, entre 10 et 100 travailleurs, si on veut que le RSS soit libéré à temps plein, ce qu'on propose, c'est que le RSS couvre plusieurs chantiers. Ces RSS seraient regroupés en équipes volantes par région de la CNESST et se répartiraient les chantiers sur le territoire, et ce seraient les syndicats qui créeraient une banque de candidats pour ces équipes. Comme ça, on assurerait une bonne présence de RSS partout dans la province et on bonifierait la prévention. À la quantité d'accidents et de décès sur les chantiers du Québec, nous n'acceptons pas les demi-mesures. Il est grand temps de se donner les moyens de protéger les bâtisseurs du Québec. Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous commençons la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Boyer, merci, M. Lévesque. J'ai eu l'opportunité de parcourir votre mémoire puis je tiens à remercier et féliciter ceux qui ont contribué à sa rédaction, sa préparation. C'est un projet de loi qui est quand même assez costaud. Il y a près de 300 articles. Vous savez que ces deux lois-là n'ont pas été revues depuis à peu près une quarantaine d'années, 1979 et 1985. Donc, il y a beaucoup à dire. Il y a beaucoup d'éléments qui vous concernent.

En même temps, j'apprécie beaucoup vos remarques aussi, préliminaires, que vous êtes en mode paritarisme. M. Boyer, Daniel, est membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. On essaie de dégager des consensus. Il y a eu un certain nombre de consensus qui sont reproduits dans la loi, d'autres consensus qui le sont en partie, certains où même les parties me demandaient de faire des arbitrages. Ce qui est important de dire, c'est que, globalement, on fait passer quand même le nombre de travailleurs protégés par des mécanismes de prévention et de participation de 25 % à 94 %. Les façons de le faire, on peut en discuter. Puis l'étude détaillée article par article va nous permettre de les revoir de façon plus concrète.

Mais Daniel soulignait un élément qui m'apparaît fondamental, c'est les milieux de travail qui doivent se prendre en charge. Quand on parle d'identification, contrôle, élimination de risques, ça appartient aux milieux de travail. Il faut arrêter de voir la loi comme étant une bible. La loi, je le disais même récemment à M. Boyer, c'est ce qui nous permet d'être utilisés comme référence. Il y a plus, il y a beaucoup plus que ça, dans des milieux de travail syndiqués et même dans des milieux non syndiqués, que ce que prévoit la loi. Les heures de libération, bien sûr, on va en parler, mais il n'y a rien qui empêche les parties...

Puis je connais les conventions collectives de travail dans le réseau de l'éducation, de la santé, des services sociaux. Il ne faut pas avoir peur d'avoir peur, là. Le multiétablissements, on réfère seulement à ce qui est de même nature, aux activités de même nature. Les employeurs y tiennent. Ça ne veut pas dire que ça va contaminer les accréditations syndicales. Les accréditations syndicales ne se font que par établissement en vertu du Code du travail du Québec, et il y en a, des mécanismes de participation des travailleurs par établissement. Donc, la loi ne refera pas ce qui a été fait. La loi ne rebâtira pas ce que la FTQ a contribué à construire dans les milieux de travail.

Puis votre préoccupation pour le nombre de décès en 2018, c'était le tiers, c'était 70 décès sur 226. Le pourcentage de lésions professionnelles, c'était autour de 7 %. C'est un milieu qui est fondamental pour l'économie du Québec, et je me plais à le répéter.

Je vais juste attirer votre attention, Daniel, Simon, sur quelques recommandations, puis je me dis : Bon, la recommandation n° 1 n'est pas là pour rien. Vous n'avez pas parlé, bon, de violence conjugale, des travailleurs domestiques, des étudiants, des stagiaires, d'autres mécanismes pour faciliter l'accès à l'indemnisation des travailleurs, puis la formation, puis, bon... Mais je vois quand même, dans vos recommandations, une certaine préoccupation. Vous dites : «La FTQ recommande que l'article n° 3 [...] soit modifié afin que les travailleuses [...] domestiques n'ayant pas travaillé le nombre d'heures requis puissent être couverts par la LATMP en tant que travailleurs et travailleuses autonomes.»

Bon, vous nous faites une recommandation. Vous savez que les travailleuses domestiques, qui sont extrêmement vulnérables, qui sont majoritairement des femmes originaires des Philippines, le seront dorénavant. C'est une avancée que j'aime dire... est considérable. Vous nous dites : Celles qui n'ont pas le nombre d'heures requis devraient pouvoir s'inscrire, devraient pouvoir être couvertes par LATMP. Bien, elles peuvent être couvertes par la LATMP. Elles peuvent s'inscrire à la LATMP. Puis il y en a 55 qui l'ont déjà fait. Même si elles n'étaient pas visées par la loi, elles s'inscrivent. Il y en a à peu près 26 970, en fait, des travailleuses qui ont des fonctions similaires au travail domestique au Québec. Qu'est-ce que la FTQ a fait pour assurer une couverture des travailleurs et travailleuses domestiques, surtout? Est-ce que... Pourquoi vous en faites une recommandation, Daniel?

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, M. le ministre, concernant les travailleuses domestiques, je vous avoue qu'on est partie prenante. Puis, écoutez, il y a eu plein de débats, là, au Bureau international du travail, sur la reconnaissance des travailleuses domestiques. Et je vous avoue que la FTQ était pionnière dans tout ça, concernant la reconnaissance du travail des travailleuses domestiques. Écoutez, si c'est clair comme ça, pourquoi on ne l'écrit pas dans la loi? C'est là, le problème. Là, on dit qu'il y a des travailleuses qui sont couvertes puis il y en a...

M. Boulet : Mais ça devient...

M. Boyer (Daniel) : Oui, mais, si le nombre d'heures n'est pas là, on ne sait pas ce qui arrive avec eux, avec elles. Pourquoi on ne leur permet pas de s'inscrire comme travailleuses autonomes?

• (16 h 50) •

M. Boulet : C'est déjà prévu, Daniel, dans la loi, comme travailleuses autonomes, puis il y en a malheureusement trop peu. C'est la raison pour laquelle les collectifs puis les regroupements de travailleuses domestiques ont demandé notamment d'être couverts.

Autre recommandation où j'aimerais vous entendre, c'est quand vous demandez l'abolition d'une étape de contestation, la DRA, puis j'aimerais ça que vous nous donniez des précisions. Puis simplement vous rappeler, Daniel, qu'en 2019 il y a eu 65 099 demandes de révision qui ont été reçues, un peu plus de 22 000 des travailleurs, un peu plus de 42 000 des employeurs. Évidemment, s'il n'y avait plus de DRA, tout ça se ramasserait au Tribunal administratif du travail. Puis on a été sensibles à la volonté de déjudiciarisation parce qu'on permet aux parties qui veulent contester les décisions de la CNESST d'opter entre la Direction de la révision administrative et le tribunal administratif dans les cas de questions médicales et les cas de financement. Est-ce que vous maintenez toujours qu'il faudrait abolir complètement la Direction de la révision administrative?

M. Boyer (Daniel) : Bien, ça, oui, c'est notre opinion, la DRA et le BEM... Écoutez, la DRA... Vous sortez des statistiques, M. le ministre, là, mais la DRA, là, le délai moyen, c'est 192 jours, et, dans 95 % des cas, on confirme la décision de la CNESST. Donc, ça nous donne quoi d'avoir cette instance-là quand on ne fait que confirmer la décision de la CNESST? À notre avis, c'est inutile, là. Donc, passons immédiatement au tribunal administratif. Le BEM, écoutez, vous n'êtes pas sans savoir que les délais sont immenses, 135 jours pour le BEM. Dans le cas des cas de nature psychiatrique, 500 jours de moyenne avant d'avoir une audition au BEM, c'est énorme. Puis, pourtant, dans 80 % des cas, la décision du BEM est renversée au TAT. Donc, on dit : Tant qu'à faire, là, ne perdons pas de temps, là, s'il y a un recours, exerçons-le au TAT.

M. Boulet : ...pour laquelle on permet d'opter, parce que les parties vont décider si elles veulent aller à la Direction de la révision administrative plutôt qu'au Tribunal administratif du travail. Puis je pense que c'est un sain équilibre entre la volonté de certaines associations de déjudiciariser... Puis je pense que, globalement, c'est un objectif que je partage, mais, en même temps, il y avait l'impératif administratif, le goulot d'étranglement et la capacité du Tribunal administratif du travail d'absorber ce volume-là. Mais moi, je suis, vous me connaissez, aussi un partisan de la déjudiciarisation.

Pour le BEM, Daniel, ce que je comprends, c'est qu'il y aurait une prépondérance absolue au médecin traitant du travailleur. Donc, si l'employeur... Puis là, évidemment, vous représentez des travailleurs et travailleuses, mais, si l'employeur n'est pas d'accord avec le diagnostic, ou la date de consolidation, ou la nature des soins, ou l'atteinte permanente, ou les limitations, il n'aurait pas la possibilité d'avoir un certificat de son médecin et de demander au BEM de trancher. Si on abolit le BEM, est-ce qu'on aboutirait à un résultat comme ça, Daniel?

M. Boyer (Daniel) : Bien, il demanderait au TAT de trancher, c'est tout, là, comme il le fait actuellement. Puis on n'abolit pas toute instance de contestation, là. Nous, on tient à ce que ce soit le médecin traitant. La prédominance de l'opinion du médecin traitant, elle est éminemment importante, mais on n'empêche pas ni la CNESST ni l'employeur de contester cette opinion-là. Ils feront... Il y aura une expertise, puis, si cette expertise-là va dans le sens contraire de l'opinion du médecin traitant, bien, le recours, ce sera le tribunal administratif, là.

M. Boulet : Donc, je comprends, Daniel, juste... puis c'est une précision, si l'employeur n'est pas d'accord, mettons, avec le diagnostic, qu'il obtienne un certificat de son médecin, puis, s'il est en désaccord avec le médecin traitant, au lieu d'aller au BEM, on va au tribunal administratif.

M. Boyer (Daniel) : Bien, c'est parce que j'imagine qu'il devra avoir une opinion médicale pour aller défendre son point au tribunal administratif, là. C'est pour ça que je vous dis qu'il a besoin d'une opinion médicale d'un expert qui va venir lui dire que le médecin traitant a tort sur certains éléments.

M. Boulet : Donc, on n'aurait plus de révision administrative, plus de Bureau d'évaluation médicale, et tout irait au tribunal administratif.

M. Boyer (Daniel) : Exact.

M. Boulet : Tu n'as pas l'impression, Daniel, qu'en voulant trop déjudiciariser on va accroître les délais, et, ultimement, les coûts, puis on va surcharger le tribunal administratif, qui ne sera pas capable de répondre à la demande et au nombre de contestations? Je ne te dis pas que je suis contre, là, mais je te pose la question. Avez-vous fait un examen de ça?

M. Boyer (Daniel) : Bien, c'est parce qu'il faut donner... C'est sûr qu'il faut donner les moyens au tribunal administratif, mais là, à notre avis, on va raccourcir les délais, parce que, déjà, à la DRA, on a 192 jours moyens... de délai moyen, puis, au BEM, on a 135 jours. Puis, quand on est dans des spécialités, on a plus que ça. Puis, si on veut aller au TAT par la suite, on a encore un autre délai. Moi, à mon avis, on réduit les délais, là. On réduit les délais parce qu'il y a une seule instance d'appel, là.

M. Boulet : Oui, puis tu obtiens un rapport d'expertise. L'employeur obtient un rapport d'expertise. C'est sûr que, s'il conteste, là, l'autre, le travailleur va devoir obtenir une expertise, et ça va être débattu au Tribunal administratif du travail.

Cependant, Daniel, tu sais, on parle souvent du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Moi, ce qui m'a été rapporté et ce que j'ai lu, c'est qu'il n'y avait pas eu d'accord des parties patronales et syndicales. Donc, le consensus du CCTM, c'était de maintenir le statu quo, donc, qu'il y ait un Bureau d'évaluation médicale. Avant, pour que ce soit plus facile à comprendre, on appelait ça un arbitre médical. Maintenant, ça s'appelle un Bureau d'évaluation médicale, et d'avoir des arbitres médicaux, là, qui sont des BEM, il me semble que ça donnait un caractère spécialisé au processus décisionnel et ça assurait des décisions... ça assure des décisions qui sont beaucoup plus appuyées.

Autre recommandation, Daniel, je pense, la 27, vous dites que le RP ou le représentant en santé et sécurité, comme il s'appellerait dans le p.l. n° 59, il pourrait dire à un travailleur : Tu exerces un droit de refus, tu arrêtes de travailler, alors qu'actuellement un travailleur qui a des motifs raisonnables de croire qu'il y a un danger dans l'exécution de son travail, ou un risque, il peut arrêter, puis là il appelle, bon, tu le sais, Daniel, son supérieur immédiat. On appelle le représentant à la prévention. On fait appel à un inspecteur qui rend une décision. Là, est-ce que je comprends que le RP ou le représentant en santé et sécurité se substituerait à l'inspecteur de la CNESST? Comment ça marcherait, Daniel?

M. Boyer (Daniel) : Non, c'est qu'actuellement c'est le travailleur qui doit exercer son droit de refus. Nous, ce qu'on dit, c'est que ça ne devrait pas juste être le travailleur, parce que les milieux de travail ont changé, hein? On a des travailleurs d'agences. On a des travailleurs immigrants temporaires. On a du travail précaire, des gens qui ont certaines craintes d'exercer un droit de refus, d'exercer leur droit au travail. Donc, on se dit : Si, véritablement, il y a un travail dangereux, il faut que ce soit arrêté. Donc, il faut que le représentant à la prévention puisse avoir le pouvoir lui aussi de dire : Écoutez, là, il y a un travail dangereux, on demande l'application du droit de refus, là.

M. Boulet : Le RSS ou le représentant à la prévention, il se promènerait. S'il considère qu'il y a des dangers ou des risques, il dit... il pourrait dire à un travailleur ou une travailleuse : Tu arrêtes.

M. Boyer (Daniel) : ...

M. Boulet : O.K., j'ai entendu.

M. Boyer (Daniel) : Bien, il avise l'employeur comme un travailleur le ferait lui-même au moment où on se parle, là. Bien là, c'est le représentant en prévention qui aviserait l'employeur qu'il y a une possibilité de danger importante puis qu'il faut exercer un droit de refus.

M. Boulet : O.K. Puis il aurait le même rôle. Les articles de la loi s'appliqueraient de la même manière. Il dit : Tu arrêtes de travailler. Le travailleur doit s'exécuter. Puis, après ça, on fait venir le supérieur immédiat, le représentant de l'employeur puis l'inspecteur.

M. Boyer (Daniel) : Tout à fait.

M. Boulet : C'est un point de vue. Tu me connais, moi, je respecte ce point de vue là.

La Présidente (Mme IsaBelle) : M. le ministre, il ne reste que 1 min 40 s.

M. Boulet : O.K. Sur le programme de maternité sans danger, vous référez, à la page 29 de votre mémoire, qu'on limite le retrait préventif et on l'assujettit au médecin chargé de la santé au travail, mais il y a peut-être une confusion, Daniel. C'est le médecin qui fait le suivi de grossesse. C'est toujours lui qui va émettre le certificat visant le retrait préventif. Évidemment, il va y avoir le protocole national pour les conditions et l'environnement global, mais la spécificité puis les particularités de la personne enceinte, c'est son médecin qui va émettre le certificat. C'était simplement une précision que je voulais apporter.

Ceci dit, merci de votre contribution. Je sais que vous êtes là parce que vous voulez qu'on améliore le projet de loi. Vous êtes là en mode constructif. Et j'apprécie beaucoup la présence de la FTQ, et au plaisir de se reparler bientôt. Simon, malheureusement, je manque de temps pour aller un peu plus dans la construction. On pourra s'en reparler. Au plaisir.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci. Nous poursuivons l'échange avec le député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

• (17 heures) •

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. M. Boyer et M. Lévesque, merci pour votre présence. Merci aussi pour votre rapport. Comme j'ai promis à vos membres, je vais parler de la campagne que je viens de recevoir. Donc, je pense que vous annoncez vos couleurs. Je ne sais pas, sur l'écran, si on voit ça, mais vous comprenez de quoi je parle, c'est, le titre, La santé et sécurité à rabais. Donc, vous utilisez tous les moyens pour envoyer votre message.

Je vais lire un court texte de la page 35, qui, pour moi, résume beaucoup de choses, et je suis très inquiet, et c'est pour cela que j'aimerais bien que vous clarifiiez la situation, parce que ce qu'on veut, c'est vraiment moderniser le régime : «Force est de constater que le projet de loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail porte très mal son nom. Au lieu de présenter de réelles avancées qui permettraient aux travailleurs et aux travailleuses du Québec de préserver leur intégrité physique et physiologique au travail, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale a plutôt voulu faire économiser de l'argent aux employeurs. En mettant ainsi à risque la pertinence des mécanismes de prévention qui ont pourtant fait leurs preuves et en excluant un plus grand nombre de victimes de lésions professionnelles de droits [et] qui [...] sont dus, le ministre rate la cible.»

Quand j'ai lu ça, j'ai pensé que c'était un peu fort, mais, écoutez, je vous donne le droit de nous expliquer pourquoi, surtout au niveau du volet de la prévention, le ministre rate sa cible.

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, c'est simple, c'est qu'au niveau de la prévention on aurait souhaité des dispositions plus généreuses. Donc, on sacrifie, puis, ça, on ne sait pas pourquoi, hein... On sacrifie... À notre avis, à la lecture qu'on fait du projet de loi, c'est qu'on sacrifie les droits des travailleurs accidentés ou les droits des travailleurs qui sont victimes de maladies professionnelles au profit de mécanismes de prévention qui sont très, très édulcorés. Donc, on souhaite plus en matière de mécanismes de prévention.

Puis, écoutez, j'ai entendu, là, les représentants patronaux qui disent que ça coûte trop cher, mais, écoutez, ce n'est pas en contestant, et en n'indemnisant pas, et en ne réadaptant pas correctement les travailleurs accidentés qu'on va réussir à économiser. On va réussir à économiser... C'est par les moyens de prévention, les mécanismes de prévention qu'on réussit à économiser. Il n'y a personne... Il n'y a pas un syndicaliste puis il n'y a pas un patron qui veut que ses travailleurs se blessent au travail. Donc, il faut mettre tout en oeuvre, là...

M. Derraji : Oui, merci, M. Boyer. C'est parce que je n'ai pas le temps que le ministre a. J'ai juste 11 minutes puis je veux tellement profiter de votre présence. Il y a un concept qui est fort présent au Québec, c'est le paritarisme. Vous avez dit un mot, «menace», au paritarisme. Je vais vous référer au comité consultatif du travail et la main-d'oeuvre. Vous comprenez de quoi s'agit-il, le ministre aussi. Aujourd'hui, ce que vous nous dites, c'est que 29 des 47 recommandations de ce même comité, de 2017, sur la modernisation de ce régime, n'ont pas été retenues, sauf 18 sur 47. Est-ce que c'est là où on va comprendre qu'il y a une menace au paritarisme et que le ministre, avec son projet de loi, il va trop loin que ce que les partenaires demandent autour de la même table et qui font un travail exceptionnel depuis plusieurs années?

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, tout à fait. Puis moi, je dois souligner le travail, là, qui a été fait depuis, je vous dirais, plus que deux ans, même, là, au niveau des deux avis qui ont été rendus par autant les partenaires syndicaux que les partenaires patronaux... puis je dois souligner le travail qui a été fait. Puis, quand on parle de menace au paritarisme, là... Écoutez, quand on vient mettre en péril l'opinion du médecin traitant, là, bien, c'est une menace au paritarisme. Ce qu'on ne veut absolument pas, là, on ne veut pas que la CNESST se transforme en IVAC ou en SAAQ.

M. Derraji : Absolument.

M. Boyer (Daniel) : Ça ne doit pas être un organisme payeur uniquement. C'est les parties qui doivent, dans les milieux de travail, s'arranger pour qu'il n'y en ait pas, d'accident de travail, puis qu'ils mettent en place les mécanismes de prévention, dans le but, justement, que les milieux de travail soient sains, sécuritaires et exempts de danger. Et c'est là qu'il faut le faire. Et, à notre avis, si on ne bonifie pas suffisamment les mécanismes de prévention, on n'atteint pas la cible. Tout ce qu'on va faire, c'est qu'on va tenter de diminuer les coûts en diminuant les droits des travailleurs accidentés.

M. Derraji : Oui, c'est très clair. Vous avez un autre point où vous avez même dit : «Ce n'est pas négociable.» Et, venant de vous, je sais que, parfois, quand vous dites que ce n'est pas négociable, vraiment, ce n'est pas négociable. «La LSST doit mettre en oeuvre tous les moyens permettant de préserver la dignité et l'intégrité humaines.» C'est la première fois, depuis le début de ces consultations, qu'un groupe me parle de la dignité et l'intégrité humaines. S'il vous plaît, c'est quoi, la dignité et l'intégrité humaines que ce projet de loi cible?

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, d'abord, j'en ai mentionné un petit bout, là, il faut que les milieux de travail soient exempts de danger, totalement sécuritaires, pour préserver justement cette dignité humaine là. Et, si, malheureusement, parce qu'il y en aura toujours... Malgré les mécanismes de prévention ultraefficaces qu'on pourrait mettre en place, il y aura toujours des gens, des accidentés du travail, des victimes de maladies professionnelles. Il faut qu'ils soient traités comme il faut. C'est-à-dire, il faut qu'ils reçoivent les soins appropriés à leur condition et il faut également leur permettre d'être réadaptés s'ils ont besoin d'être réadaptés, puis réadaptés, là, ce n'est pas juste d'être capable de reprendre un emploi, mais c'est également au niveau social, au niveau psychologique. Il faut être capable de réadapter les gens et de ne pas considérer les travailleurs accidentés comme des parias puis des abuseurs de système. Je pense qu'il faut... On a un devoir de société de réhabiliter ces gens-là puis de leur permettre de retrouver une pleine santé et un travail adéquat.

M. Derraji : Je vous entends, M. Boyer. Vous dites dans le même paragraphe : «Il est impératif que le ministre réaligne le tir vers une réelle modernisation.» Donc, vous, vous challengez même le nom du projet de loi, qu'il n'y a pas de modernisation. «Que les quatre mécanismes de prévention soient appliqués à tous de manière égale dans leur intégralité et que l'indemnisation et la réadaptation demeurent telles quelles dans la LATMP.» Mais, si ça demeure tel quel, comment on va parler de modernisation, M. Boyer?

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, savez-vous qu'on fait ce constat-là pour la bonne et simple raison que ce n'est pas notre job à nous d'écrire un projet de loi, là, c'est la job du gouvernement. Donc, on a analysé le projet de loi puis on constate que ce n'est tellement pas une modernisation qu'on préfère demeurer avec les dispositions actuelles au niveau de la LATMP. Donc, ce n'est pas peu dire, là. Ce n'est pas peu dire. Donc, ce qu'on dit, c'est : Ne charcutez pas la LATMP puis ne mettez pas en péril l'opinion du médecin traitant. Par contre, en matière de prévention, et là on est clairs, on est clairs depuis plus de 40 ans, il faut mettre en place les mécanismes de prévention dans les milieux de travail. Et ce qu'on nous propose comme niveau de risque, écoutez, c'est un méchant micmac, là. C'est un méchant micmac, je l'ai dit, puis je ne le sais pas, comment ça peut s'appliquer.

M. Derraji : Sur les niveaux de risque, vous n'êtes pas le seul qui a mis ça sur la table. Il y a plusieurs autres groupes qui nous ont avisés de cette problématique. Il y en a même d'autres groupes qui nous ont parlé de l'analyse différenciée, l'ADS, l'ADS+. Je vous comprends.

Permettez-moi de vous poser une autre question. En fait, c'est deux questions. La première, j'ai comme cru comprendre que, pour vous, le bureau de l'évaluation médicale... En fait, vous l'avez noté, les employeurs contestent davantage les opinions médicales. Vous avez même dit 74 %. Plus ou moins 80 % des contestations sont renversées. On sait que, si on reste avec le tribunal administratif, c'est un cul-de-sac, pour vous, le Bureau d'évaluation médicale, que ça va juste compliquer un peu les choses, ça ne va pas résoudre la problématique. Qu'est-ce qu'on doit faire? C'est quoi, votre suggestion?

M. Boyer (Daniel) : C'est des abolir, abolir la DRA et abolir le Bureau d'évaluation médicale, parce qu'on ne fait que judiciariser en multipliant les paliers, en multipliant les délais. Puis, de toute façon, exemple, la DRA, là, 95 % des décisions de la CNESST sont...

M. Derraji : Oui, renversées.

M. Boyer (Daniel) : Non, elles ne sont pas renversées... la DRA. Et le BEM, bien, au TAT, ces décisions-là sont renversées. Donc, écoutez, pourquoi on se donne des paliers? On judiciarise pour rien, là. Donc, si le palier final, l'instance d'appel finale, c'est le TAT, bien, allons directement au TAT, là.

M. Derraji : Terminons avec la CNESST. Vous voyez qu'au niveau de la CNESST il va y avoir beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses. C'est quoi, votre niveau d'aisance avec tout ce qu'on redonne et on rajoute sur la table de dessin de la CNESST? Qu'est-ce que vous en pensez?

• (17 h 10) •

M. Boyer (Daniel) : Bien, je vais vous répéter ce que je vous ai dit tantôt. Notre crainte à nous, là, notre crainte à nous, c'est que la CNESST devienne une IVAC ou une SAAQ, là. Ce n'est pas ça qu'on veut, là. On ne veut pas que ça soit un organisme payeur et blablabla. Il y a un paritarisme qui est installé en matière de santé et sécurité au Québec. Il faut continuer à maintenir cet aspect de paritarisme. Ce n'est pas le cas avec l'IVAC, avec la SAAQ, là, qui est un organisme payeur, une assurance. Je m'excuse, là, mais la CNESST... Le régime de santé et sécurité, là, ce n'est pas un organisme assurantiel, là. Ce n'est pas ça, là. Ça doit... C'est plus que ça, parce que les parties sont impliquées dans la démarche de santé et sécurité, et à tous les niveaux, là, de la CNESST jusqu'au milieu de travail, là, donc, puis vous avez des associations sectorielles paritaires. Donc, c'est important de maintenir ce paritarisme-là et de donner les outils à chaque étape du processus pour qu'effectivement le paritarisme puisse s'exercer adéquatement.

M. Derraji : Et ce que j'ai compris entre les lignes, c'est que vous ne voyez pas cela dans ce projet de loi actuel, c'est plus... On rend un organisme qui, normalement, doit jouer son rôle... mais qu'il risque de ne pas le jouer.

M. Boyer (Daniel) : Exact.

La Présidente (Mme IsaBelle) : En 10 secondes. Parfait, vous avez répondu en un mot, c'est beau.

M. Derraji : Merci, M. Boyer. Désolé, M. Lévesque. Et je comprends la problématique d'avoir 11 minutes, mais ne le prenez pas personnel. Le secteur de la construction est extrêmement important, et on va veiller à ce qu'on respecte vos recommandations que vous nous avez envoyées. Merci à vous deux, messieurs, au revoir.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Je tiens également à vous remercier de ne pas toujours... ou, du moins, d'expliquer les acronymes, tel que ça a été demandé par la députée de Châteauguay, pour le bénéfice de nos auditeurs. Alors, merci beaucoup.

M. Derraji : Est-ce que j'ai utilisé des acronymes, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme IsaBelle) : Non, c'est ça, vous n'avez pas utilisé... Vous les avez expliqués. Merci.

M. Derraji : J'ai essayé.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui, très bien, ainsi que le ministre. Alors, merci beaucoup. Nous donnons maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 45 s.

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Boyer et M. Lévesque. Je veux vous féliciter, d'abord, pour votre belle campagne. Je vois que même mes députés... mes collègues libéraux mettent la pancarte. C'est des bonnes nouvelles. Ça avance bien, ça veut dire.

Une question pour M. Boyer puis une question pour M. Lévesque. Rapidement, M. Boyer, sur le volet de prévention, il n'y avait pas de niveau de risque, à ma connaissance, dans l'ancienne loi. Il y avait, là, par contre, là, en effet, la discrimination de plus ou moins 20 employeurs. Est-ce qu'il y a des secteurs d'emploi, avec cette introduction-là de niveau de risque, qui ont perdu des moyens de prévention?

M. Boyer (Daniel) : Bien, tout à fait, tout à fait. Dans le secteur des mines, exemple, là... Il y a plusieurs secteurs qui perdent. Écoutez, je peux vous... Si je peux mettre la patte sur mon document, là, il y a plusieurs secteurs qui perdent. écoutez, industrie des engrais chimiques, industrie des explosifs et munitions, industrie des matières plastiques et des résines synthétiques. Ça, ça parle de secteurs prioritaires à risque faible, là. Puis là, écoutez, j'en ai une liste. Je pourrais vous la montrer. J'en ai une liste, là, il y en a plusieurs qui perdent.

Puis, pourtant, ce qui est plate, c'est que ces mécanismes de prévention là, là, ils ont fait leurs preuves. Dans le secteur minier, là, avant que ce soit un secteur prioritaire il y a 40 ans, là, bien, il y avait à peu près 20 décès par année dans le secteur minier. Là, maintenant, on en compte un ou deux par année parce qu'on a introduit justement des mécanismes de prévention.

Donc, c'est important d'introduire des mécanismes de prévention. Mais là ce qu'on fait... On décriait qu'il y avait des secteurs prioritaires puis qu'ils n'étaient pas tous prioritaires, mais là, en plus de ça, avec le projet de loi, on va réduire les mécanismes de prévention à ceux qui étaient prioritaires auparavant, bon.

M. Leduc : Ça fait que ça ne répond pas à vos attentes, si je comprends bien?

M. Boyer (Daniel) : Non.

M. Leduc : Une question pour M. Lévesque. Dans un mémoire de la FTQ-Construction, là, qui est en ligne, vous faites référence à une équipe mobile de représentants de santé et sécurité qui pourraient intervenir sur les chantiers de moins de 8 millions. Je trouve ça intéressant. Pouvez-vous développer un peu?

La Présidente (Mme IsaBelle) : En 40 secondes, s'il vous plaît.

M. Lévesque (Simon) : ...proposé, dans le projet de loi n° 59, pour les petits chantiers, là, les chantiers de 10 travailleurs et plus, c'est un représentant de santé et sécurité nommé par les travailleurs, mais qui va être sous la régie d'un employeur. Nous, ce qu'on voudrait, c'est... On propose des équipes de représentants de santé et sécurité qui vont faire plusieurs chantiers, qui vont couvrir plusieurs chantiers. Puis il faut comprendre aussi qu'un chantier de construction, c'est très, très, très évolutif. Donc, ça ne sera pas possible, dans la forme actuelle, d'avoir un représentant de santé et sécurité du début à la fin du chantier.

M. Leduc : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, je vous remercie. Nous poursuivons l'échange avec le député de Bonaventure. Vous avez effectivement 2 min 45 s.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Boyer et Lévesque. Écoutez, je ne suis absolument pas un spécialiste en santé et sécurité au travail. On a commencé les auditions hier. On a eu des mémoires. Puis je dois vous dire que j'étais dans... mais j'arrive à un constat actuellement. Et, selon les nombreuses organisations, et de nombreuses organisations qu'on a entendues, là, on assiste, dans ce projet de loi, à une opération de dislocation des mécanismes de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, au Québec, et de soutien aux travailleurs accidentés. Dans un contexte où on bat des records en termes d'accidents et de lésions, et je vais... c'est très général, ma réflexion, mais c'est à partir de ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, ce projet de loi là, là, il a été écrit par qui et pour qui, selon vous?

M. Boyer (Daniel) : Bien, j'imagine qu'il a été écrit par le ministre, là, mais, écoutez, pour qui? Nous, la lecture qu'on en fait, là, c'est qu'il a été écrit... Il favorise les employeurs, là. Il favorise les employeurs, parce qu'on vient mettre en péril la prépondérance du médecin traitant à plusieurs niveaux. Donc, quand on fait ça, écoutez, c'est sûr que ça favorise les employeurs.

Maintenant, c'est sûr que les secteurs qui ne sont actuellement pas prioritaires puis qui vont avoir une certaine obligation de mettre en place des mécanismes de prévention, bien là on pourrait dire qu'on l'a écrit un peu pour nous, mais, en même temps, ils ne sont pas à la hauteur. Avec le peu de moyens qu'on donne à ces milieux-là, ce n'est pas assez, là. Ce n'est pas assez.

Puis, écoutez, quand je parle d'un micmac, là, je peux prendre l'établissement de santé, là, dans le comté du ministre, là, le CIUSSS Mauricie—Centre-du-Québec, là, il y a 119 installations. Est-ce que c'est des niveaux faibles, moyens ou élevés? Je ne le sais pas parce qu'il y a toutes sortes de missions là-dedans. Je ne le sais pas, je ne le sais pas. Comment on va appliquer ça multiétablissements? Il y a 119 installations, imaginez-vous, là.

Puis c'est la même affaire dans le privé. C'est la même chose. On pourrait faire le même exercice chez ArcelorMittal ou chez Résolu. Chez Résolu, là, il y a des gens qui travaillent dans la forêt. Il y a des gens qui font de la pâte à papier. Il y a des gens qui travaillent dans de la production d'électricité. C'est tous des niveaux de risque différents, ça. On prend ça comment? Puis c'est-u des multiétablissements? Y a-tu un seul comité, un seul représentant en prévention pour l'ensemble des établissements de Résolu, d'ArcelorMittal ou du CIUSSS Mauricie—Centre-du-Québec? Je ne le sais pas. On ne le sait pas.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, on vous dit un merci.

M. Roy : Merci beaucoup.

M. Boyer (Daniel) : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Oui. Alors, merci, M. Boyer, merci, M. Lévesque, pour votre contribution aux travaux de la commission. Alors, c'est tout pour le moment.

Alors, nous allons suspendre quelques instants pour se préparer à accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 17)

(Reprise à 17 h 22)

La Présidente (Mme IsaBelle) : Bonjour. Donc, nous poursuivons. Nous souhaitons maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Avant de commencer, je vous demanderais de bien vous présenter.

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

M. Milliard (Charles) : Alors, merci, Mme la Présidente. Donc, M. le ministre, chers députés, membres de la commission, je me présente, Charles Milliard, P.D.G. de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné de M. Alexandre Gagnon, vice-président, Travail et capital humain, qui tente de se joindre à nous, là, en ce moment, virtuellement. Alors, ce sont les joies du virtuel, mais il sera avec nous, et c'est notre expert, à la fédération, sur la chose aujourd'hui.

Alors, je désire vous remercier pour nous donner l'occasion de nous adresser à vous ce soir dans le cadre de l'important projet de loi n° 59, qui vise à moderniser le régime québécois de santé et de sécurité du travail. Je sais très bien que beaucoup de groupes aimeraient être à notre place. Alors, sachez qu'on l'apprécie grandement et on va tenter de bien terminer votre journée qui, ma foi, a débuté assez tôt.

Alors, permettez-moi, d'entrée de jeu, de féliciter le ministre et son cabinet pour leur courage, ça vaut la peine de le dire, là, de mettre sur la table un projet de loi aussi structurant pour le monde du travail au Québec. Les discussions de cette semaine, vous le savez mieux que moi, ne constituent pas le fil d'arrivée, mais bien le point de départ d'une réforme ambitieuse. Reconnaissons, donc, la valeur de cette impulsion politique que donne le ministre en nous conviant ici aujourd'hui.

Si vous me permettez, de façon un peu bizarre, j'aimerais débuter cette allocution par la fin, parce qu'en conclusion, quand tout aura été dit et débattu, nous aurons collectivement un devoir politique, économique, social et moral de nous entendre, de réussir cette refonte trop souvent reportée.

Ce dont il est question ici, vous le savez, c'est bien plus qu'une réforme d'articles de loi, c'est une façon de repenser nos milieux de travail et notre façon de concevoir les modèles économiques qu'elle sous-tend, parce que, oui, c'est aussi une réforme économique. Vous serez d'accord avec moi, des pertes de productivité, au Québec, évaluées à 4 milliards de dollars, c'est inquiétant, c'est frustrant et ça exige de trouver des solutions.

C'est dans cet esprit de collaboration que nous avons siégé sur les différents comités ayant été tenus depuis 2015 sous l'égide du CCTM, dont on a parlé beaucoup aujourd'hui, et qui ont, donc, guidé le ministre dans l'élaboration du projet de loi. Le CCTM, je prends la peine de le dire parce que je le pense, a très bien alimenté ce débat social et raffermi sa pertinence, je pense, dans le dialogue, le fameux dialogue social, au Québec.

Soyons clairs, la FCCQ supporte les intentions du ministre et les principaux objectifs derrière le dépôt du projet de loi, mais, soyons aussi francs, plusieurs dispositions inquiètent grandement les milliers d'entrepreneurs que nous représentons. Leurs préoccupations sont parfois conceptuelles, tantôt techniques, tantôt économiques, et les recommandations consignées dans notre mémoire en sont le reflet. J'imagine, d'ailleurs, que c'est la raison pour laquelle nous avons été invités.

Ceci étant dit, il est possible, je pense, de transformer des critiques en pistes de solution et de parler du point de vue patronal sans le faire sur le dos de la partie syndicale. C'est, du moins, notre approche que... l'approche que nous avons eue dans notre mémoire et c'est le défi que nous nous donnons avec vous aujourd'hui.

Dans un contexte, et M. Boyer en parlait tout à l'heure, où le Québec connaît une rareté de main-d'oeuvre en raison de la démographie, il est dans l'intérêt des entreprises de s'assurer que les travailleurs demeurent en santé et productifs. C'est aussi simple que ça. C'est un facteur clé de la relance économique au cours des prochaines années, la fameuse relance économique qu'on espère tous cette année, et la prévention en milieu de travail constitue une des façons d'y arriver.

Cependant, et malheureusement, je dirais, il semble que l'un des consensus les plus importants survenus au CCTM en matière de la gestion de la prévention ait été oublié dans la rédaction du projet de loi. En effet, il était de l'avis de tous que les mécanismes de prévention prévus au régime actuel étaient lourds, difficiles d'application et devaient être allégés. Il était d'ailleurs inconcevable qu'ils puissent être transposés au sein des plus petits milieux de travail, spécifiquement ceux de moins de 20 travailleurs.

Imposer de telles obligations aux petites entreprises relève, selon nous, du voeu pieux. Les membres du CCTM avaient, dès lors, proposé de miser sur la formation, de miser sur l'accompagnement accru des milieux et sur l'accessibilité aux services de soutien. À notre connaissance, à notre humble connaissance, nulle part ailleurs, en Amérique du Nord, des employeurs se voient imposer d'avoir à la fois un représentant en santé et sécurité et un comité de santé et sécurité du travail.

La raison est bien simple. Les rôles et responsabilités de ces deux mécanismes s'entremêlent et se dédoublent. Il n'y a rien de méchant dans ce commentaire-là. C'est, selon nous, un fait acquis. La FCCQ conteste, donc, vivement la mise en place tous azimuts des représentants en santé et sécurité, et conteste d'autant plus cette obligation pour les milieux de travail qui ont déjà ou auront, donc, un comité paritaire en fonction.

Parlons maintenant de réparation. L'avis du CCTM recommandait d'alléger les mécanismes de contestation en abolissant, entre autres, l'étape de la révision administrative. Cette étape, qui change rarement la décision initiale de la CNESST, soit dit en passant, retarde indûment le recours à une décision finale du Tribunal administratif du travail. Le consensus était, donc, de miser davantage sur des processus de conciliation afin de régler plus rapidement la vaste majorité des dossiers contestés. D'ailleurs, les ressources qui seraient libérées permettraient de rehausser la rapidité de gestion des dossiers d'admissibilité des réclamations ainsi que d'augmenter les ressources dédiées à la conciliation au TAT. Nous souhaiterions donc retrouver cette idée dans le présent projet de loi.

Depuis les dernières années, le Québec est très préoccupé par les enjeux liés à la santé psychologique. Et, certains d'entre vous le savez, étant pharmacien de profession, je peux vous dire que cette situation me préoccupe au plus haut point. D'ailleurs, c'est au Québec que le régime de santé et sécurité indemnise le plus grand nombre de lésions psychologiques au Canada.

Plusieurs juridictions à travers le monde, vous le savez, ont tour à tour ajusté leur législation afin d'encadrer l'indemnisation des lésions psychologiques, généralement en admettant ce qu'on appelle une présomption pour le stress post-traumatique pour les premiers répondants. Elles ont également répondu... Elles ont également reconnu, pardon, la complexité des diagnostics, qui sont de plus en plus complexes, disons-le, des lésions psychologiques et ont désigné que seuls les psychiatres et les psychologues pouvaient l'émettre en se basant sur la référence scientifique internationale en la matière, le fameux DSM, publié par l'Association américaine de psychiatrie. Le recours à ce guide a d'ailleurs fait l'objet d'un autre consensus au CCTM, qui, encore une fois, n'a pas été retenu dans le présent projet de loi n° 59.

Les lésions psychologiques sont parmi les plus contestées au Bureau d'évaluation médicale en raison de la faible expertise des médecins traitants en la matière, parce que les diagnostics, on le sait, sont de plus en plus complexes, alors que le gouvernement et le CCTM peinent, en plus, à trouver des membres psychiatres afin de répondre à la demande. Il faut actuellement près de deux ans avant... afin, pardon, de pouvoir effectuer cet arbitrage médical en matière de lésions psychologiques, une situation, honnêtement, qui est intenable et qui est au désavantage de toutes les parties.

Parmi les avenues possibles, la FCCQ propose la mise en place d'un comité des lésions psychologiques, constitué, donc, de psychologues et de psychiatres, à l'image du Comité des maladies professionnelles oncologiques ou celui des maladies pulmonaires, pour analyser, donc, les réclamations.

• (17 h 30) •

Par ailleurs, la CNESST et ses partenaires reconnaissent depuis longtemps qu'un retour au travail rapide suite à une lésion, conjugué, évidemment, à un accompagnement médical centré sur la réadaptation, est un facteur déterminant afin d'éviter qu'un travailleur tombe dans la chronicité et conserve des séquelles. Malheureusement, de lourdes obligations administratives viennent souvent faire dérouter ce plan initial. Par exemple, le processus actuel d'assignation temporaire nécessite de nombreux et souvent inutiles allers-retours entre l'employeur et le médecin traitant afin de trouver des tâches qui respectent la condition du travailleur tout en favorisant la réadaptation. Le projet de loi n° 59 vient instituer une obligation au médecin traitant de définir les limitations fonctionnelles temporaires sur le formulaire d'assignation temporaire qui serait, dorénavant, donc, requis par la CNESST.

La FCCQ croit qu'une provision législative supplémentaire devrait également être mise en place, prévoyant l'obligation au médecin traitant de fournir le formulaire d'assignation temporaire dès qu'il remplit un papier médical et l'obligation au travailleur, évidemment, de le remettre à son employeur le plus tôt possible. Cela accélérerait évidemment le processus tout en rappelant à l'employeur son droit de proposer une assignation temporaire.

Finalement, la FCCQ demande de corriger certaines dérives du système d'indemnisation de la CNESST en limitant les coûts supportés par cette dernière aux impacts qui découlent des accidents ou des expositions à des dangers à la santé survenus dans le cadre du travail. Le régime actuel compense et indemnise tous les coûts subséquents à une lésion professionnelle même s'ils sont étrangers à l'accident de travail. Notre loi actuelle permet aux employeurs de mutualiser ces coûts en demandant ce qu'on appelle un partage ou un transfert de coûts.

Disons les choses clairement, et ça a déjà été dit dans les derniers jours, l'ensemble des employeurs au Québec, donc, supportent, donc, des coûts qui devraient logiquement être supportés par d'autres programmes : l'assurance-emploi, le régime d'assurance maladie du Québec ou le régime d'assurance collective. Non seulement le projet de loi n° 59 ne vient pas corriger cette situation, mais il vient plutôt l'exacerber en réduisant d'une façon considérable les situations où on pourra justement donner droit à ces partages de coûts.

Ces changements, donc, selon nous, vont à l'encontre de la justice naturelle et pourraient même nuire à l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap ou étant considérées plus à risque de développer des complications à la suite d'un accident de travail, notamment ceux ayant conservé des limitations ou des faiblesses. Clairement, ces dispositions...

La Présidente (Mme IsaBelle) : En conclusion.

M. Milliard (Charles) : Oui. Alors, le mémoire, donc, comprend près de 40 recommandations. Je tiens à remercier notre comité de travail sur la question. Et je termine en vous rappelant que plusieurs provinces canadiennes envient la qualité de nos forums sur le dialogue social. Alors, prenons soin de cet acquis social important et réussissons ensemble cette réforme. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, merci pour votre exposé. Nous allons commencer la période d'échange avec M. le ministre. Vous disposez de 16 min 30 s.

M. Boulet : Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, merci, Charles et Alexandre. Puis je vous prierais de remercier et féliciter toute l'équipe qui a collaboré à la rédaction de votre mémoire. C'est bien fait. Il y a des belles recommandations. J'apprécie beaucoup que vous souteniez ce projet de modernisation qui est revendiqué par tous les acteurs du marché du travail, toutes les personnes intéressées par la santé des travailleurs, la santé financière des entreprises.

Évidemment, je trouve intéressant de souligner que ça constitue aussi une forme de réforme économique. Tu sais, on le mentionnait, je l'ai mentionné souvent, en 2018, le nombre de lésions professionnelles, si on avait éliminé les absences découlant de ces lésions-là, ça représente à peu près 36 000 travailleurs à temps complet dans le marché. Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, c'est évident qu'il faut réduire le taux des lésions, la fréquence des lésions, la durée des lésions et les cotisations, ultimement, parce que ce régime-là est assumé exclusivement par les employeurs.

Je sais que certains disent : C'est un projet qui est un peu plus patronal que syndical ou moins pour les travailleurs, bon, mais ce n'est pas le cas. Charles, je suis un partisan du paritarisme. Je suis un fidèle croyant, comme vous, d'ailleurs, à la FCCQ, des travaux qui ont été faits par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Et je suis finalement quelqu'un qui dit, comme vous le mentionniez, qu'on peut toujours transformer des critiques en des pistes de solution.

D'ailleurs, quand on est à une table de négociation, on a des enjeux. Il y a des demandes d'un côté. Il y a des demandes de l'autre. Si tu plantes ton poteau puis que tu le déplantes pour t'avancer tranquillement vers l'autre, ce n'est pas une bonne façon de négocier. C'est très traditionnel. Il faut voir les intérêts derrière les positions. Et, en matière de santé et sécurité au travail, je suis convaincu que tous n'avons que des intérêts communs. Nous ne devons pas avoir des intérêts divergents.

Quant aux moyens pour atteindre les objectifs, bien sûr, on peut en discuter. Puis, la prévention, notre objectif c'était de passer de 25 % à 94 %. Puis, tu sais, il y en a qui disent : Dans le 6 %, il y a des groupes prioritaires où ils ne sont plus assujettis. Mais ils ont déjà des mécanismes de prévention et de participation, puis ce n'est que 2 %.

Et on ne souligne pas assez souvent... Charles, je profite de l'occasion pour dire que, les établissements communautaires de soins pour personnes âgées, les soins de santé ambulatoires, le traitement des déchets, les éboueurs, les marchands de matériaux, il y a plein de secteurs qui n'étaient assujettis à aucun mécanisme de prévention. Avec la tertiarisation de l'économie, la santé, les services sociaux en font maintenant partie, puis l'éducation.

Merci, Charles, Alexandre, pour le ton aussi. Les petites... Évidemment, le régime de prévention qui apparaît dans le projet de loi n° 59 dépend des niveaux de risque et du nombre de travailleurs. Puis vous avez fait référence aux petites entreprises de moins de 20 travailleurs. Et, vous me l'avez déjà souligné, bon, il y a des syndicats qui trouvent qu'on n'en fait pas assez puis il y en a d'autres qui trouvent qu'on en fait trop. Puis je ne suis pas en désaccord, Charles, avec le fait que, s'il y a représentant et un comité... pourquoi avoir deux instances.

J'aimerais ça que vous me parliez un peu, Charles, de comment ce serait accueilli dans les environnements de travail de n'avoir, par exemple, qu'un comité de santé et sécurité et pas de représentant? On appelait ça un représentant à la prévention, maintenant un représentant santé et sécurité. Quel est l'accueil qu'un projet de loi prévoyant la fusion des deux instances ou les responsabilités aurait?

M. Milliard (Charles) : Donc, vous voulez dire, si notre recommandation était acceptée.

M. Boulet : Exact, oui.

M. Milliard (Charles) : Bien, écoutez, ce serait la joie. Non, mais, plus sérieusement, j'ai envie de citer, pour les gens qui aiment la politique, là, le président Giscard d'Estaing, hein, qui a dit, dans un fameux débat politique : Vous n'avez pas le monopole du coeur. Il n'y a personne qui a le monopole du coeur autour de la table, que ce soient les patrons ou les syndicats. Tout le monde souhaite, bien sûr, que les milieux soient en santé, mais ce n'est pas vrai qu'on ne va pas venir ici, en commission, vous le dire quand on pense qu'il y a un dédoublement et une lourdeur administrative.

Moi, la dernière chose que je veux, c'est qu'on ait des programmes de prévention qui soient bien, qu'ils soient faits par la Santé publique ou pas, on pourra en reparler, mais qui prennent la poussière dans une garde-robe ou sur une tablette. Je veux m'assurer que les nouveaux processus qu'on aura... Il y a un concept en pharmacie aussi, puis ça fait deux fois que je réfère à ma carrière de pharmacien, qu'on appelle la dose minimale efficace. Donc, il faut trouver c'est quoi, la dose qu'on a besoin pour soigner le patient, mais qui ne va pas trop faire d'effets secondaires ou, dans notre cas, de pertes économiques trop importantes pour les employeurs.

Alors, Alexandre, je ne sais pas si tu aurais des commentaires si tu t'es joint à nous?

M. Gagnon (Alexandre) : Oui, bien sûr. En fait, je pourrais même répondre à votre question plus directement, M. le ministre. En fait, dans les travaux du CCTM, un des constats qu'on a faits, c'était qu'il y a beaucoup de rôles qui étaient complémentaires, disons, au départ, entre le comité de santé et sécurité et le représentant. Une des choses qu'on a proposées, qui a été mise dans le projet de loi, c'était justement de transposer plusieurs de ces responsabilités-là du représentant vers le comité de santé et sécurité, et ça, ça avait été fait dans le projet de loi.

Et, j'irais même plus loin, un comité de santé et sécurité, c'est plusieurs personnes, c'est la synergie des expertises de tous ces membres-là. Un rôle de représentant, ça met un fardeau unique à une personne plus spécifique. Donc, nous, ce qu'on propose, c'est que, dans le cadre du comité, évidemment, qu'on donne... que les personnes, entre eux, s'entendent sur des mandats à donner à chacun des membres du comité en fonction de leur propre expertise et de leur expérience personnelle. Donc, on considère que le rôle du comité est beaucoup plus porteur et qu'on pousse davantage à la discussion, là, aux échanges, au consensus, qu'une relation employeur-représentant, là, qui est unique, 1-1, un petit peu, à ce niveau-là.

• (17 h 40) •

M. Boulet : O.K., et, dans un contexte où on prêche beaucoup pour la prise en charge par les milieux de travail des risques pour les identifier, les éliminer, les contrôler, est-ce que vous pensez que ça ne pourrait pas être facultatif, par exemple, d'avoir une instance, tu sais, d'avoir un comité et pas... Est-ce que c'est une direction que vous proposeriez, Charles, Alexandre, que ça soit laissé à la discrétion de chaque milieu de travail?

M. Gagnon (Alexandre) : Bien, en fait, c'est un petit peu l'essence, un peu, des discussions qui ont eu lieu, c'est que, dans le cadre du CCTM, un des avis qui avait été fait, c'est de laisser un maximum de place aux acteurs de dire comment ils allaient opérer leurs mécanismes de prévention, notamment le comité, donc, de dire : Si, nous, il faut qu'on se rencontre une fois par année, parce qu'on est un bureau de professionnels où que les risques sont quand même bien contrôlés et quand même minimums, ou on a un milieu un peu plus à risque et qu'il faut qu'on en fasse plus, de rencontres, plus de... qu'on ait plus de temps nécessaire impliqué à ce niveau-là, bien, évidemment, on laissait toute cette latitude-là aux acteurs pour s'entendre entre eux sur la nécessité...

Et je vais vous revenir sur ce que vous avez dit. Auparavant, la loi disait que le comité de santé et sécurité peut être mis en place, donc, lorsqu'on atteint un certain seuil de travailleurs et lorsqu'on était dans les groupes prioritaires auparavant. Le projet de loi, ce qu'il vient faire, c'est qu'il vient dire «doit être mis en place». Donc, que les employeurs, les syndicats, les travailleurs ne veulent pas de comité, ils ne savent pas comment ça fonctionne, ils n'ont pas le temps de gérer ça dans une gestion formelle de comité, mais qu'ils ont d'autres façons de gérer leur santé et sécurité, bien, on permettait ça auparavant. Maintenant, on vient imposer la mécanique du comité avec sa lourdeur et sa façon de faire et on laisse peu de place à l'innovation dans nos façons de faire en santé et sécurité. Donc, pour nous, il y a un petit... peut-être un geste supplémentaire à poser à ce niveau-là pour laisser plus de flexibilité aux milieux dans leurs ententes possibles.

M. Boulet : En même temps, Alexandre, puis on pourra en discuter en étude détaillée, là, dans mon esprit, il pourrait y avoir une entente entre les parties, là, mais, si ça a besoin de clarification, ce sera clarifié, là. Mais je comprends très bien le point que vous soulevez.

Autre élément, Charles, bon, l'élimination de la direction de la révision administrative. Pour ceux qui sont moins familiers avec le régime, il y a trois paliers décisionnels en santé et sécurité. D'abord, la CNESST, qui rend la décision de première instance... Après ça, il y a un palier qu'on appelle la direction de la révision administrative. C'est ce que M. Boyer disait tout à l'heure. Généralement, 95 % des décisions de la direction de la révision administrative entérinent les décisions de la CNESST. Et, le palier final, c'est le Tribunal administratif du travail.

Donc, dans une perspective de déjudiciarisation, on souhaite notamment au conseil consultatif travail et main-d'oeuvre d'éliminer ce palier-là. Puis je vous dirais que je poursuis cet objectif-là. C'est la raison pour laquelle, Charles, on permet à la partie qui conteste de décider si elle va aller à la révision administrative ou au Tribunal administratif du travail, donc, une option qui est donnée à l'employeur ou au travailleur dans les cas de contestation, de questions médicales et de financement, donc, mais ce n'est pas pour toutes les décisions rendues par la CNESST.

On a fait un immense pas en avant, mais on a tenu compte que, tu sais, en 2019, il y a eu 65 000 demandes de révision. Il y en avait un peu plus de 22 000, bien, vous m'avez écouté tout à l'heure avec M. Boyer, provenant des travailleurs puis 42 000 provenant des employeurs, qui font des demandes de révision administrative. Ça fait que c'est sûr qu'il faut tenir compte de nos ressources humaines, de la capacité du système de bien gérer la déjudiciarisation. Mais ce que je trouve intéressant, Charles, vous référez à la conciliation, aux alternatives de disputes. Avez-vous une idée particulière sur la façon de raffermir le processus de conciliation qui précède l'audition devant le Tribunal administratif du travail? Je vous écoute.

M. Milliard (Charles) : Bien, juste avant de céder la parole à Alexandre, je suis content de voir qu'il y a une ouverture, parce qu'en bout de ligne c'est une question d'efficience aussi. Donc, même M. Boyer, aussi, pour ne pas le nommer, reconnaissait que... Moi, j'avais 97 %, je pense, des décisions qui ne sont jamais renversées. Alors, force est de constater qu'il y a sûrement une autre duplication là. En termes de conciliation, Alexandre, est-ce que je te laisse aller?

M. Gagnon (Alexandre) : Oui, bien sûr. En fait, ce qu'on mise beaucoup avec la révision administrative... Habituellement, beaucoup trop de personnes contestent la révision administrative pour gagner du temps, pour bien analyser les dossiers avant de le transmettre au Tribunal administratif du travail. Et puis donc, évidemment, en discussion avec la CNESST, avec différents experts, ce qu'on nous dit, c'est que, souvent, c'est par un manque d'information ou par un manque de temps pour échanger ensemble, pour en venir à un consensus ou pour s'informer de nos droits, ou de la réalité, ou de la pertinence du recours.

Donc, évidemment, pour nous, en obligeant peut-être à recourir à la médiation avant d'en arriver au Tribunal administratif du travail, en obligeant une séance préparatoire, bien, ça permettrait d'informer les différentes parties de l'état du droit, des réelles possibilités. Et puis, historiquement, les taux d'ententes suite à la conciliation au tribunal administratif sont très, très importants. Donc, on déjudiciariserait, on laisserait de l'espace à nos tribunaux, et on gagnerait de l'argent pour tout le monde, et du temps, là, ce qui serait très optimal, là.

M. Boulet : C'est un bon point, Alexandre. En même temps, tu le sais très bien, en pratique, les parties, elles ne veulent pas en faire, de conciliation, tant que leur cause n'est pas inscrite au rôle du Tribunal administratif du travail. Ils poussent ça dans le temps puis ils attendent à la dernière minute, ça fait que ça crée un goulot d'étranglement... parce que moi aussi, je suis un partisan de raffermir la conciliation. Puis la direction de la révision administrative, j'en parlerai avec mes collègues, mais il y a aussi la Loi sur la justice administrative, là, qui nous impose certains obstacles, parce que les décisions rendues par les organismes institutionnels de l'État font toutes l'objet d'une possibilité de révision administrative, et ça, c'est pour le bénéfice, bien sûr, des justiciables.

Dernier point, Charles, ça m'intéresse énormément, bon, les demandes de partage de coûts, la notion de handicap. Avec ta formation de pharmacien, tu connais bien l'enjeu qu'il y a eu entre qu'est-ce qui constitue un handicap... Est-ce que ça doit être une déviation par rapport à la norme médicale généralement reconnue ou si ça doit limiter... Bon, évidemment, on utilise une définition dans le projet de loi n° 59 qui est celle de l'Office des personnes handicapées du Québec. C'est sûr que ça limite les possibilités de désimputation suite à des demandes de partage de coûts.

Ce qu'on constatait, cependant, c'est que les demandes de partage sont concentrées parmi un nombre plus limité d'entreprises qui, à quelque part, se déresponsabilisent puis font assumer par le fonds général les coûts de lésions où il y a des conditions purement asymptomatiques, là, qui sont des handicaps, là, je le comprends, là, au sens de la Charte des droits et libertés de la personne, mais ça génère des déséquilibres. Puis c'est sûr que les PME qui sont au taux de l'unité, ils ne sont pas là-dedans, là. Il n'y a pas de... Il y a à peu près 5 % des coûts assumés par les entreprises qui sont au taux de l'unité, qui sont désimputés suite à des demandes de partage. Mais est-ce que c'est une demande qui vous apparaît... J'aimerais ça que vous mettiez un peu de contenu, là, parce que vous l'avez abordé assez sommairement. J'aimerais ça vous entendre, Charles ou Alexandre.

La Présidente (Mme IsaBelle) : J'aime bien ce que le ministre a dit, un peu de contenu, parce qu'il ne reste qu'une minute.

M. Milliard (Charles) : Alors, je vais transférer mon temps, là, d'expert, dans ce cas-là. Alexandre, vas-y.

M. Gagnon (Alexandre) : Merci beaucoup. En fait, lorsqu'un tribunal... hein, normalement, les partages de coûts passent presque systématiquement au Tribunal administratif du travail ou par des décideurs. Donc, on vient reconnaître que l'employeur, l'accident, n'est pas totalement responsable de la lésion qui est arrivée ou des conséquences de la lésion. Donc, la première question est à savoir pourquoi est-ce que le régime les indemnise. Pourquoi est-ce que c'est la CNESST qui indemnise ça si ce n'est pas l'événement qui est survenu dans le cadre du travail qui est responsable de cette lésion-là? Donc, c'est la première question.

Bon, évidemment, pour nous, ça devrait être couvert par d'autres régimes, mais, le cas échéant, permettez-nous de partager ce risque-là entre nous. Et la réalité, c'est que beaucoup de PME, je sais que ça a été mentionné auparavant, sont membres de mutuelles de prévention, membres de d'autres initiatives qui font qu'ils sont plus réactifs aux risques et que leur prime est plus touchée par les dossiers. Donc, nous respectons le droit naturel, qui est nouveau, du régime, qui était censé d'indemniser directement les conséquences de l'accident de travail, et, sinon, permettons à tout le monde de partager ces risques-là ensemble pour éviter les mauvaises nouvelles.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, je vous remercie beaucoup.

M. Boulet : Merci beaucoup, Charles, merci à Alexandre, encore une fois, de votre collaboration, puis au plaisir de se revoir bientôt.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous donnons maintenant la parole au député de Nelligan. Vous disposez de 11 minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. M. Milliard, M. Gagnon, merci d'être là. Merci pour la qualité de votre rapport très détaillé que j'ai apprécié, la lecture. Je vais partager le temps que j'ai avec mon collègue le député de Robert-Baldwin. Donc, je vais commencer.

Toujours au niveau de l'avis du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, j'ai posé presque la même question à M. Boyer, parce que le paritarisme est quelque chose qui est très important. Il y a des gens qui travaillent au sein de ce comité. Et je vais vous ramener à un point qui était... que vous avez cité vous-même. Il semble que l'un des consensus les plus importants survenus au Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre en matière de la gestion de la prévention ait été oublié dans la rédaction de l'avis. Il était de l'avis de tous les partenaires, autant patronaux que syndicaux, que les mécanismes de prévention prévus au régime actuel étaient lourds, et difficiles d'application, et devaient être allégés. Il était, d'ailleurs, inconcevable qu'ils puissent être transposés au sein des petits milieux de travail, spécifiquement ceux de moins de 20 travailleurs.

Imposer de telles obligations aux plus petites entreprises relève du voeu pieux. Les membres du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre avaient, dès lors, proposé de miser sur le développement d'outils supplémentaires. Je les résume : formation, accompagnement auprès des milieux et l'accessibilité aux services de soutien. Selon votre interprétation, est-ce que le projet de loi fait fausse route en ne s'attaquant pas aux vrais problèmes et s'attaque à un faux problème qui est l'imposition de mesures à des PME en bas de 20 employés?

• (17 h 50) •

M. Milliard (Charles) : Bien, écoutez, vous me... Je suis content que vous me la posiez. J'ai vu que vous l'aviez posée à d'autres aussi. Effectivement, on se réjouit qu'il y ait quand même un certain nombre de consensus qui font partie du projet de loi. Est-ce qu'il y aurait pu en avoir plus? Selon nous, oui, parce que ça a été un travail, quand même, d'arrache-pied qui a été fait. Maintenant, il y a sûrement des raisons qu'on comprendra au fur et à mesure des commissions

Mais, pour ce qui est de votre lecture de la partie sur les mécanismes de prévention, pour moi, c'est un des faits marquants de notre mémoire, c'est qu'on ne veut pas d'inefficience dans le système. Malheureusement, ça nous donne une posture où on a de l'air de vouloir avoir moins de problèmes pour les employeurs. Je vous avoue que ça m'indispose que ça nous mette dans cette situation-là alors que ce n'est pas le cas. Je veux dire, Alexandre et moi, on est ici parce qu'on a à coeur aussi la santé et la sécurité des travailleurs, donc, mais ce n'est pas vrai que d'avoir ces deux systèmes-là dans toutes les entreprises ou, en tout cas, dans les entreprises à faible risque, entre autres, c'est efficace. Et je ne veux pas répéter ce que j'ai dit tout à l'heure sur le danger que plusieurs documents ou outils prennent de la poussière. Alors, on aimerait beaucoup mieux avoir des formules interactives, comme la formation et l'accompagnement, qui pourraient être faites avec des organisations qui sont déjà en place.

M. Derraji : Bien, déjà, par rapport aux consensus, le ministre a très bien choisi les recommandations, mais il a choisi 18 sur 49 et il a laissé tomber 29 sur 47. Ça, c'est la conclusion de l'ensemble du travail du Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je veux juste pousser le raisonnement. Est-ce qu'aujourd'hui, quand on dit qu'on va moderniser le régime, on se donne les vrais moyens au niveau de la prévention? Oubliez les paliers en bas de 20, au-delà de 20. Est-ce que, du côté patronal, parce qu'on a entendu le point de vue du syndicat juste avant vous... Du côté patronal, est-ce que c'est très clair, le message que vos membres ont reçu quand ils ont vu la première mouture du projet de loi? On ne va pas parler des amendements. C'est quoi, le message reçu par vos membres?

M. Milliard (Charles) : Alexandre, tu veux y aller?

M. Gagnon (Alexandre) : Oui. Donc, est-ce qu'on va de l'avant au niveau... Est-ce qu'on va faire une meilleure prévention? Définitivement, oui. Il y a beaucoup plus de milieux de travail qui vont être accompagnés, qui vont être touchés par les obligations. On n'est plus uniquement dans les groupes prioritaires un et deux, là. On touche à l'ensemble des secteurs.

Donc, ça, pour nous, il y a quand même une avancée, là, au niveau de la prévention. Est-ce que nos milieux sont craintifs par rapport à ce que ça veut dire dans leur réalité? Oui, évidemment. Donc, nous, cette grande implication, pour l'ensemble des secteurs, venait avec le fait qu'on va mieux accompagner, qu'on va alléger les mécanismes de prévention, qu'on va les rendre plus simples, mais qu'on va les rendre plus applicables sur le terrain.

Donc, cette crainte-là est à ce niveau-là. Ce n'est pas que les employeurs ne veulent pas faire de prévention. Ils veulent en faire plus. Ils veulent utiliser les mécanismes existants, excepté, peut-être, le représentant en santé et sécurité, on va être bien honnêtes avec vous, qui est plus litigieux, mais les autres mécanismes sont bien acceptés. Mais il va falloir trouver un moyen à ce que ce soit facile d'utilisation et non pas une paperasse supplémentaire qui est, malheureusement peut-être moins efficace pour certains milieux.

M. Derraji : Combien de minutes, Mme la Présidente, parce que je ne veux pas prendre le temps... O.K., cinq, six? O.K. J'ai une autre question, désolé, mon collègue de Robert-Baldwin.

Parlons de la CNESST. Vos membres font affaire beaucoup avec la CNESST. Plusieurs groupes m'ont dit clairement que, déjà, ce que la CNESST a sur la table est énorme. Pensez-vous qu'avec ce que le projet de loi vient de rajouter sur la table de dessin de la CNESST... qu'on ne va pas créer une autre... je vais utiliser une expression très connue à l'Assemblée nationale, une patente à gosse, encore une fois, et une lourdeur?

M. Gagnon (Alexandre) : Écoutez, j'ai entendu plusieurs discours depuis que je suis à la fédération sur les appréciations de la CNESST, mais j'ai envie de vous dire que, dans le contexte de ce qu'on a exigé d'elle dans la dernière année, vous allez me trouver sur le chemin si on veut contester l'ensemble du travail de la CNESST. Donc, c'est quand même exigeant, ce qu'on leur demande. À plusieurs égards, ils répondent présents.

Bien sûr, on a des enjeux, entre autres, sur les délais de traitement, puis vous les connaissez. Vous lisez les articles de journaux comme moi. Mais c'est certain que, si, dans le projet de loi, on vise à augmenter le fardeau du travail, le fardeau de la preuve, des fois, sur la commission, il va falloir qu'il y ait des mesures qui viennent, parce que... Il va falloir qu'il y ait des mesures ou des outils qui viennent pour les aider, parce que c'est certain que la cour est pleine. Puis, comme vous le savez, moi, je suis sur le C.A. de la commission. Donc, on est à même de constater que ce qui est exigé, c'est très, très exigeant déjà. Alors, les moyens doivent suivre les objectifs.

M. Derraji : M. Milliard, je vois que vous êtes très diplomate, aucun problème, mais orientez-nous, aidez-nous en tant que membres de la commission. Ma question était très claire. Ce projet de loi... À la première lecture de ce projet de loi par vos équipes, est-ce que vous pensez qu'en date d'aujourd'hui... Je connais très bien la situation d'avant jusqu'à aujourd'hui de la CNESST. On a, donc, le projet de loi tel qu'il est aujourd'hui. Est-ce que ça va faciliter la tâche des gens qui sont à la CNESST maintenant ou ça va alourdir? Et, si ça va alourdir, c'est quoi, les moyens qu'on doit mettre à la disposition de la CNESST pour qu'ils puissent agir et respecter les délais?

M. Milliard (Charles) : Alexandre, peut-être, tu seras plus concret que moi.

M. Gagnon (Alexandre) : Oui. Bien, évidemment, il y a un secteur qui nous préoccupe puis qu'on a de la difficulté à voir comment la CNESST va pouvoir le mettre en place, c'est au niveau de la détermination de l'emploi convenable, donc, actuellement, qui est un rôle qui est octroyé à l'employeur, pour bien identifier les contraintes excessives de cet employeur-là à reprendre un travailleur qui a été victime d'une lésion professionnelle. Donc, à ce niveau-là, évidemment, pour nous, il y a un rôle supplémentaire qui est octroyé à la commission qui est peut-être très exigeant, qu'ils n'ont pas l'expertise actuellement pour amener... pour effectuer ça... et qu'on a des craintes par rapport à leur capacité, évidemment, malgré tout leur bon vouloir.

M. Derraji : Merci, M. Gagnon. Merci, M. Milliard. Je pense, mon collègue de Robert-Baldwin... sinon il va me chicaner.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Il reste trois minutes.

M. Leitão : Encore une fois, je vais le chicaner. Messieurs, bonjour. Merci d'être là.

Écoutez, je vais droit au point que je voudrais faire avec vous. Ça a déjà été soulevé, moi, j'ai soulevé la question plusieurs fois aujourd'hui et hier, c'était cette question... cette tension, si vous voulez, entre régime d'assurance et programme social. M. Boyer a été très clair. Il a toujours le mérite d'être très clair. Et je ne veux pas créer de chicane entre la fédération et la FTQ, mais M. Boyer avait dit, et il représente aussi un point de vue qui avait déjà été exprimé, que c'était un peu incompatible. Le rôle de la CNESST ne devrait pas être semblable à celui de la SAAQ, et donc, dans la tradition du paritarisme québécois, c'est incompatible de vouloir imposer un régime d'assurance comme tel. Comment est-ce que vous voyez ça? Moi, j'aimerais juste vous entendre là-dessus.

M. Milliard (Charles) : Vas-y, Alexandre.

M. Gagnon (Alexandre) : Oui, c'est ça. Bien, en fait, c'est dommage, parce que M. Boyer, quand même, aime beaucoup faire référence aux principes de Meredith qui sont à la base de création du régime et qui parlent spécifiquement que c'est pour un régime d'assurance. Donc, évidemment, il faut prendre le bon et le mauvais avec ça. Et le fait qu'on vienne donner une cotisation en fonction du risque et des événements, de l'expérience du milieu de travail, on peut difficilement faire autrement que ça soit un régime d'assurance. Sinon, ça serait un régime social. On n'a pas de problème, mais on va évidemment passer par un financement différent. Ça ne sera pas un fardeau uniquement à l'employeur, et on craint que ça soit un désincitatif à certaines activités de prévention, par le fait même.

M. Milliard (Charles) : On peut contester le véhicule de la mesure sans contester la mesure. On ne dit pas qu'il faut tout ôter le mérite social de la réforme. On dit juste qu'il y a peut-être un certain reclassement sur certains éléments. Mais le fait qu'il y a un débat prouve que ce n'est pas clair.

M. Leitão : Très bien, oui, absolument. Et, si, éventuellement, il faut bonifier certains programmes sociaux, et peut-être qu'il le faut, bon, faisons-le, mais essayons de ne pas mélanger les choses. En tout cas, merci beaucoup. C'était la question que je voulais... avec le peu de temps que mon collègue m'a laissé.

La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est bien. Alors, nous poursuivons avec le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez de 2 min 45 s.

• (18 heures) •

M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Milliard, M. Gagnon. Vos prédécesseurs, tantôt, à la FTQ, parlaient beaucoup... avaient beaucoup de craintes alentour du concept du multiétablissements, qu'une même personne ou un même comité pratiquaient des... qu'il y ait des enjeux alentour de ça. Puis, à votre recommandation 13, vous en parlez aussi. Vous faites référence au fait qu'il faudrait qu'il y ait entente entre les parties, et est-ce que c'est une... La FTQ disait à peu près la même chose, disait : Il faut qu'il y ait accord des salariés et des travailleurs, référait aussi au consensus du comité consultatif du travail. Est-ce que, dans le fond, on retrouve ce consensus du CCTM à la fois dans le mémoire de la FTQ et dans votre mémoire? Vous dites la même chose?

M. Gagnon (Alexandre) : Bien, évidemment, on est conséquents avec nos positions depuis le début. Alors, on a été autour de la table pendant plus de deux ans et demi pour trouver des consensus entre les différentes parties et différents partenaires. Pour nous, on va s'y tenir même lorsqu'il y a des positions qui pourraient peut-être sembler un peu plus patronales. Mais la réalité, c'est que, quand même, ces consensus-là n'étaient... du multiétablissements, les syndicats étaient également d'accord, et c'était oui à cette entente, mais pour l'ensemble des secteurs, peu importe le niveau de risque, donc, également pour les secteurs et milieux à risque modéré et les risques élevés. Donc, ça, à ce niveau-là, évidemment, pour nous, il y a peut-être une avancée qui pourrait avoir lieu pour l'ensemble des secteurs.

M. Leduc : Un peu plus loin, vous parliez du fait que, dans les fameuses catégories, là, plus ou moins 20 employés, vous aimeriez qu'on fasse des équivalences de temps complet, là, que deux temps partiels puissent équivaloir à un temps complet à peu près, là. Mais, plus tôt, il y a eu la commission des droits de la personne et de la jeunesse qui proposait aussi d'inclure les travailleurs des agences, les travailleurs saisonniers dans ces calculs-là. Qu'est-ce que vous pensez de cette suggestion?

M. Gagnon (Alexandre) : Bien, particulièrement pour les travailleurs des agences, il y a un problème, c'est qu'eux-mêmes, ils ont un employeur, puis ils sont également soumis aux mécanismes de prévention. Donc, pour nous, on voit un dédoublement que le même travailleur pourrait être soumis à participer à deux comités, donc deux représentants, deux programmes de prévention. Donc, ça, il faut faire attention.

Et ce qu'on voulait particulièrement faire attention... c'est de dire : Lorsqu'il y a une boutique, par exemple, qui a peut-être 10 travailleurs, bien, qu'une fois par année doit faire affaire avec quelques employés temporaires afin de faire leur inventaire, ça leur fait monter dans une autre catégorie au niveau du milieu. Ils auraient des obligations pour l'année complète. Donc, pour nous, ça crée des complications. Ça pourrait même nuire à l'employabilité des jeunes, des étudiants, des travailleurs saisonniers pour favoriser les emplois à temps complet pour éviter d'avoir ces obligations supplémentaires.

M. Leduc : Merci.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Nous poursuivons avec maintenant le député de Bonaventure. Vous disposez de 2 min 45 s.

M. Roy : Comme toujours, Mme la Présidente. Bonjour, MM. Milliard et M. Gagnon.

Recommandation 17 : «La fonction du représentant en santé et [...] sécurité [...] doit être [...] abolie sur les chantiers de construction.» Bon, sur quoi vous vous appuyez pour enlever le droit aux travailleurs d'avoir accès à une personne de confiance qui les protège contre de potentielles représailles face à un droit de refus? C'est-à-dire, si un employeur demande à des employés d'aller travailler sur, bon, des équipements qui peuvent être très dangereux et qu'ils ont peur des représailles, bien, ils n'ont personne à qui se confier. Donc, est-ce que vous considérez que c'est une amélioration de la protection des travailleurs?

M. Gagnon (Alexandre) : En fait, il faut comprendre que le... Nous, on reprend nos arguments par rapport à l'ensemble des secteurs, pas nécessairement en construction. On comprend, le représentant en prévention, malheureusement, trop souvent, c'est des postes élus au sein des syndicats. Ils ont également des pressions syndicales qui se manifestent trop souvent, malheureusement, et, plus souvent qu'autrement, malheureusement, on se retrouve qu'on fait des relations de travail plus que de la prévention, et personne n'est gagnant rendu là.

Donc, il y a une perte de confiance dans de nombreux milieux par rapport à ce rôle de représentant à la prévention qui fait qu'on requestionne un petit peu... Mais est-ce que ça empêche que l'employeur discute avec ses travailleurs? Il y a toujours une protection au niveau de la loi qui est là pour protéger contre les représailles de ceux qui exercent leurs droits en santé et sécurité. On peut peut-être en faire mieux la promotion. On peut peut-être mieux former nos travailleurs, notamment en construction, qui ont des formations obligatoires en santé et sécurité pour connaître et comprendre leurs droits en santé et sécurité. On a de la difficulté à faire la balance des plus et des inconvénients, là, par rapport à ce rôle-là qui est, pour le moins, mitigé, là.

M. Roy : Bien, écoutez, ça ressemble à une forme de désyndicalisation des travailleurs, et on leur enlève un levier de protection. Voilà, merci beaucoup.

M. Gagnon (Alexandre) : Évidemment, on les invite toujours... Ils ont des représentants syndicaux sur les différents chantiers, sur lesquels ils peuvent toujours faire affaire. C'est un secteur un peu particulier.

La Présidente (Mme IsaBelle) : Merci pour le bel échange. Merci, M. Millard et M. Gagnon, pour l'échange.

La commission... Sac à papier! On est fatigués, tout le monde, hein? La commission ajourne ses travaux jusqu'au jeudi 21 janvier 2021, à 9 h 30, pour poursuivre son mandat. Alors, merci beaucoup et à la prochaine.

(Fin de la séance à 18 h 05)

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