(Douze
heures quinze minutes)
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Bonjour, tout le monde. Alors,
bonjour, tout le monde. Je constate que nous avons le quorum. Je déclare donc la séance de la
Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les
personnes qui ont un appareil dans la salle de bien le fermer.
Alors,
la commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et
aux auditions publiques sur le projet
de loi n° 33, Loi modifiant le Code du travail concernant le maintien des services
essentiels dans les services publics et dans les secteurs
public et parapublic.
Mme la
secrétaire, y a-t-il des remplacements ?
La
Secrétaire : Non, Mme la Présidente.
Auditions (suite)
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci. Alors, nous allons donc commencer
immédiatement avec le premier groupe que
nous recevons, la Fédération québécoise des municipalités, avec
Mme Desgagnés, M. Lepage, M. Soucy et Mme Harvey. Vous savez que vous avez 10 minutes, et je vous
inviterais aussi à vous présenter avant de commencer votre exposé.
Fédération québécoise des municipalités (FQM)
M. Soucy (Yvon) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc,
je me présente, Yvon Soucy, je sus le préfet de la MRC de Kamouraska puis premier vice-président
de la Fédération québécoise des municipalités. Je suis accompagné de notre directeur général, Me Sylvain Lepage,
également de Me Héloïse Desgagnés, Me Catherine Filteau,
Me Cassandra Nadeau et de Mme Mélanie Harvey, qui est
conseillère politique à la FQM.
M. le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale,
distingués membres de la Commission de l'économie et du
travail, MM. et Mmes les députés, merci d'accueillir la Fédération québécoise
des municipalités dans le cadre de cette commission
parlementaire sur le projet de loi n° 33. Fondée en 1944, nous célébrons
cette année nos 75 ans d'existence. La fédération est le porte-parole des régions et regroupe près de 1 000 municipalités locales et régionales au
Québec. Ce sont quatre municipalités sur cinq et la totalité des MRC
qui, sur une base volontaire, forment nos rangs.
Donc,
la FQM est consciente que le projet de loi n° 33
découle de l'obligation du gouvernement de procéder à certaines modifications au Code du travail, en
vertu d'une décision rendue le 31 août 2017 par le Tribunal administratif
du travail portant sur l'encadrement
du droit de grève des secteurs public et parapublic et que, dans ce contexte,
le gouvernement a également choisi
d'apporter des modifications au régime de services essentiels applicable aux
services publics, notamment aux municipalités.
D'entrée de jeu, la
FQM tient à souligner qu'elle est satisfaite des modifications proposées dans
leur ensemble. Toutefois, la FQM nourrit
quelques inquiétudes quant à l'application pratique de certaines dispositions
du projet de loi qui pourraient
favoriser une déresponsabilisation du Tribunal administratif du travail en
faveur d'une personne intéressée, telle une municipalité, qui pourrait
ne pas être en mesure d'assumer ces nouvelles responsabilités.
Dans
son mémoire, la FQM propose certaines modifications au projet de loi. En voici
les principales. Ce projet de loi prévoit essentiellement l'attribution de
nouveaux pouvoirs au Tribunal administratif du travail, qui se voit notamment
confier la responsabilité de déterminer
l'assujettissement ou non des services publics et des services publics et
parapublics au régime de services
essentiels. Cela aura donc pour incidence de réduire le fardeau gouvernemental
tout en permettant une réaction plus
rapide afin d'assurer le maintien des services essentiels aux citoyens. Cette
modification constitue en soi une amélioration. Toutefois, la FQM désire
s'assurer que celle-ci n'ait pas d'impact négatif imprévu.
La
FQM s'inquiète des conséquences sur ses membres du remplacement du décret
gouvernemental par une décision du
Tribunal administratif du travail. En effet, nous craignons qu'il n'y ait pas
de prise en charge automatique par le TAT permettant d'évaluer la pertinence d'ordonner le maintien des services
essentiels en cas de grève, de sorte qu'il reviendra aux personnes
intéressées d'en faire la demande.
Certaines
municipalités, faute de moyens et de ressources, pourraient ne pas accomplir
les démarches pour l'obtention d'une décision les assujettissant ou
assujettissant l'un de ses fournisseurs au maintien des services essentiels et
qu'en conséquence certains dossiers puissent
tomber entre deux chaises. De ce fait, il est important qu'il soit précisé
qu'un employeur ou une personne
intéressée puisse demander en tout temps au Tribunal administratif du travail
de se saisir d'un litige et de déterminer si un service est un service
essentiel.
• (12 h 20) •
Par ailleurs, le projet de loi n'est pas clair
sur les représentations qui peuvent être faites pour la détermination des services essentiels. Compte tenu des moyens limités
dont disposent certaines municipalités, la loi devrait prévoir des représentations écrites
et la tenue d'une audition lorsque le TAT le juge à propos après la réception
d'une demande d'une partie intéressée.
De plus, si
les démarches sont à la responsabilité de la municipalité, il est vraisemblable
que celles-ci entraîneront des coûts,
notamment en frais de représentation et d'administration. Il apparaît donc
nécessaire qu'une analyse soit faite des impacts de la mise en oeuvre de cette loi pour les municipalités au
cours des prochaines années, afin d'y apporter des correctifs, le cas échéant. Trop souvent, au cours des
dernières années, les municipalités ont dû assumer le coût élevé découlant des
choix législatifs gouvernementaux, sans compensation ni nouvelles ressources.
Selon
l'enquête de rémunération des élus réalisée par la FQM auprès de ses membres en
2019, 88 % des municipalités répondantes ont 30 employés ou
moins. Les municipalités ont un capital humain limité, et l'ajout de
responsabilités administratives pèsera certainement sur leurs épaules.
Par ailleurs,
la FQM est favorable à l'élargissement du pouvoir du Tribunal administratif
d'ordonner le maintien des services
essentiels à une entreprise non incluse dans la définition du service public.
Ainsi, certains sous-traitants des municipalités, par exemple, les
services de gestion des matières résiduelles
et de déneigement, pour ne nommer que ceux-là,
pourront être visés par les services essentiels. Cette modification permettra
d'assurer le maintien de services de qualité
à nos citoyens. Il s'agit d'un nouveau pouvoir qui sera certainement utile pour
les plus petites municipalités qui ont tendance à requérir ce genre de
services.
Ceci dit, il
apparaît incongru qu'une personne intéressée puisse demander à ce qu'une
entreprise soit déclarée service public
et ait l'obligation de maintenir des services essentiels sans par ailleurs
pouvoir intervenir sur l'étendue des services à maintenir. La FQM demande que la reconnaissance du statut de personne
intéressée conduise au droit d'intervenir lors de la définition du caractère
suffisant et approprié des services essentiels. D'ailleurs, à l'article 10
du projet de loi, le ministre propose
un élargissement au droit de requête en injonction actuellement réservé au
procureur général lors du refus de respecter la suspension de l'exercice
du droit de grève. La FQM est d'accord, mais croit qu'il est nécessaire d'aller
au bout de l'idée. Cette modification
rejoint notre argumentaire à l'effet que les personnes intéressées doivent
pouvoir intervenir sur la détermination des services essentiels. La loi devrait
donc prévoir qu'une personne intéressée peut demander une telle
injonction.
Quant à
l'assujettissement au régime des services essentiels, la FQM croit qu'il serait
intéressant d'alléger le fardeau administratif, tant pour le TAT que pour les
personnes intéressées, entre autres les municipalités, en maintenant en vigueur
les décisions du tribunal administratif
quant aux services essentiels à rendre par le service public jusqu'à ce qu'une
partie ou une personne intéressée en
demande la réévaluation. Cette modification vise à éviter qu'il n'y ait aucune
décision en vigueur lors de la réouverture d'une convention collective,
surtout qu'il est à prévoir que les réouvertures de convention collective
seront de plus en plus fréquentes, vu que la durée des conventions collectives
est plus longue dans le secteur municipal. La
FQM demande donc que les décisions du tribunal administratif soient maintenues
en vigueur jusqu'à ce qu'une partie ou une personne intéressée en
demande la révision.
Liste qui détermine les services essentiels. Les
syndicats sont actuellement soumis, en vertu du Code du travail, à maintenir des services essentiels en cas de
grève dans les services publics, seulement si le service public est visé par un
décret. Il revient au syndicat de déterminer
la liste des services essentiels à défaut d'entente avec le service public,
notamment les municipalités.
De façon générale, les associations syndicales
souhaitent avoir le plus grand nombre d'employés en grève et proposent des listes de services essentiels très
limitées, rendant difficile la prestation de services aux citoyens. Il est
également arrivé d'assister à une
situation inverse, c'est-à-dire que les associations syndicales établissent des
listes qui ne se limitent pas aux
services essentiels. Les municipalités se voient alors contraintes de rémunérer
des employés dont la présence est jugée inutile et excédentaire dans un
contexte de grève.
Les municipalités
se retrouvent alors dans une situation sans issue, étant donné que le Tribunal
administratif se contente de juger la
suffisance, et non la pertinence, des services essentiels proposés. Dans ce
contexte où le gouvernement apporte
des modifications au Code du travail relativement aux services essentiels, il
semble impératif qu'il modifie la loi afin
que le tribunal puisse se pencher sur le caractère approprié des services
proposés, et non pas seulement sur la suffisance, rétablissant du même coup le
rapport de force plus équitable entre les parties et permettant aux
municipalités de ne plus avoir à assumer un tel fardeau, surtout dans un
contexte où ce sont les fonds publics qui sont en jeu.
La FQM demande qu'à défaut d'entente entre
l'employeur et l'association accréditée dans le service public, le tribunal analyse la liste, non seulement quant à
sa suffisance, mais aussi quant à son caractère approprié et, à cette fin,
entende les représentations des personnes intéressées, le cas échéant.
La FQM est en accord avec les modifications
proposées aux articles 18 et 19 du projet de loi qui élargissent la portée du pouvoir d'enquête et d'ordonnance du
tribunal dans le cas où les services essentiels prévus s'avéreraient
insuffisants, et non plus seulement si ces derniers ne sont pas rendus.
Toutefois, la
FQM se questionne quant à la lourdeur de la preuve qui pourrait être exigée aux
municipalités pour faire la
démonstration que les services essentiels prévus... rendus sont insuffisants,
inappropriés ou à risque de mettre en danger la sécurité publique.
En conclusion, les modifications que nous proposons visent à assurer que les municipalités puissent assumer, même en cas de grève, les services auxquels
les Québécois ont droit.
Je vous remercie. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions,
et, compte tenu de l'aspect très technique, là, il est fort
probable que je réfère à mes collègues plusieurs questions. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Pas de problème pour vous référer à vos collègues
pour répondre à certaines questions. Merci pour votre exposé.
Nous donnons maintenant
la parole au ministre pour commencer la période d'échange. Alors, M. le ministre, vous avez 16 min 30 s.
M.
Boulet : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais, dans un premier temps, vous
remercier, non seulement pour la préparation
de votre mémoire, mais pour la qualité, M. Soucy, de votre
présentation et votre solide accompagnement, comme je l'ai mentionné un peu plus tôt.
Je
vais simplement vous faire des commentaires ou essayer peut-être de vous donner
certaines précisions. Dans votre mémoire, la recommandation 1, vous dites : «La FQM demande que
soit précisé dans la loi qu'un employeur puisse demander en tout temps, durant la phase de négociation, au
TAT de se saisir d'un litige et de déterminer si un service est un service
essentiel.»
111.0.17
répond, je pense, en bonne partie, quand on dit que... bien, moi,
ma compréhension, c'est que le tribunal peut intervenir en tout temps,
quand il est d'avis qu'une grève peut avoir pour effet de mettre en danger la
santé ou la sécurité publique. Donc, le
tribunal peut le faire, peut intervenir pour ordonner à des parties, dans un
service public, de maintenir des services essentiels en cas de grève.
Moi,
ma compréhension de la loi, du Code
du travail, de cet article-là me
permet de vous dire que c'est possible de le demander au Tribunal
administratif du travail.
M. Lepage
(Sylvain) : Si je peux me permettre, M. le ministre.
M. Boulet :
Oui, allez-y.
M. Lepage
(Sylvain) : Effectivement, comme vous l'avez dit, vous nous éclairez
sur la portée du nouvel article modifié,
111.0.17, mais, compte tenu que l'objectif notamment de la loi est de faire en sorte que des
personnes intéressées puissent
aussi faire ce genre de demande là, nous croyons que la loi devrait être
claire, parce que vous le faites par interprétation.
La loi devrait être claire pour préciser que l'une ou l'autre des parties, là,
c'est-à-dire l'employeur, le syndicat ou
une personne intéressée peut s'adresser à la commission... pardon, la
commission, ça reflète mon âge, au tribunal pour...
Une voix :
...
M.
Lepage (Sylvain) : Oui, on a pratiqué tous les deux longtemps dans une
commission, alors... donc peut demander, justement, au tribunal de se
saisir de la question, alors que ce qu'on comprend de ça, c'est qu'il y aurait
comme une vigie implicite du tribunal qui
suivrait, comme autrefois l'ancien Conseil des services essentiels, un peu ce
qui se passe. Alors, nous, on croit
qu'il ne devrait pas y avoir de débat possible sur le fait qu'une municipalité
ou une personne intéressée peut demander au tribunal de se saisir de la
question.
M. Boulet :
Oui. En même temps, la personne intéressée, vous savez que ce concept-là est
bien défini par les tribunaux puis est
soumis au respect de certains critères, là. Puis j'ai eu l'occasion d'en
discuter hier, ça prend un intérêt direct,
personnel, né et actuel, ça prend une question sérieuse, puis ça prend une
personne qui va être directement affectée...
M. Lepage
(Sylvain) : Affectée.
M. Boulet :
...par l'issue du conflit. Ça comprend l'employeur aussi.
M.
Lepage (Sylvain) : Oui, tout à fait, mais... On est tout à fait
d'accord avec ce que vous nous dites, mais je prends le cas d'une municipalité, par exemple, qui serait
en sous-traitance, O.K., l'employeur en grève peut être, par exemple, un
entrepreneur qui ouvre, excusez l'expression, des
rangs, comme on disait chez nous. Donc, un sous-traitant, mais la municipalité doit avoir le droit de dire à la
commission : Écoutez, nous, on veut que vous vous saisissiez du fait qu'il
y a deux pieds de neige dans les rangs puis que les routes ne sont pas
ouvertes, là. Puis c'est des situations très courantes dans les plus
petites municipalités.
• (12 h 30) •
M.
Boulet : Oui, oui, puis je comprends vraiment bien cette réalité-là,
puis ça touche deux sujets. Tu sais, quand vous disiez que vous étiez d'accord avec l'élargissement de la notion de
service public, ce n'est pas parce que ce n'est pas dans l'énumération qui apparaît au Code du travail
que nécessairement, en cas de grève, ça ne risque pas d'affecter la santé,
sécurité publique. Puis vous référiez à des entreprises notamment de
déneigement...
M.
Lepage (Sylvain) : Je peux vous donner plusieurs exemples. Ça peut
être le cas des matières résiduelles, bon, par exemple...
M.
Boulet : La gestion des matières résiduelles, c'est un autre exemple,
mais la personne intéressée, qui pourrait être la municipalité membre de la FQM pourrait faire une demande au
Tribunal administratif du travail. Puis 111.0.17 dit clairement que le TAT aurait, dans ce cas-là, le
pouvoir d'ordonner à l'employeur et à l'association accréditée de s'assurer
du maintien des services essentiels, donc à l'entreprise à qui, comme
municipalité, on sous-traite.
M. Lepage
(Sylvain) : Je vous entends parfaitement, M. le ministre, mais tout ce
que l'on dit, c'est que nous, ce qu'on
suggère, c'est de rajouter une ligne qui dise qu'à la demande d'une partie
intéressée, d'un employeur ou d'un syndicat, le
tribunal peut... Mais je suis d'accord avec vous quand vous me dites, par
implication nécessaire, c'est ce qui découle de 111.17.
M.
Boulet : O.K. Mais je sens le besoin de le préciser clairement, c'est
vraiment notre intention. C'est vraiment... Moi, dans mon esprit, c'est assez clair, mais je comprends votre...
quand vous dites : par implication nécessaire, mais c'est le
tribunal, de sa propre initiative, ou une personne intéressée, dans le cas que
vous nous soumettez, manifestement, la municipalité qui sous-traite la gestion
des matières résiduelles ou l'enlèvement de la neige.
M. Lepage (Sylvain) : Vous nous
rassurez, M. le ministre.
M.
Boulet : O.K. Merci. Je ne pourrai pas toutes les traiter, là, parce
que Mme la Présidente me donne une durée de temps limitée.
La Présidente (Mme IsaBelle) : Il
vous reste 10 minutes.
M.
Boulet : Donc, la recommandation 2, maître, vous dites : «La
FQM demande que la loi prévoie des représentations écrites et la tenue d'une
audition lorsque le TAT le juge à propos après réception d'une demande d'une
partie intéressée.»
M. Lepage (Sylvain) : Essentiellement,
comme vous le savez...
M. Boulet : On dit à 111.22 que le
TAT devrait, puis c'est probablement à ça que vous référez, devrait pouvoir disposer... pouvoir décider sur dossier, donc,
sans qu'il y ait nécessairement des représentations et une audience formelle.
Ce que vous souhaitez, c'est que les parties aient la possibilité d'être
entendues devant le TAT.
M. Lepage (Sylvain) : Oui, effectivement,
je reprends l'exemple précédemment... précédent, pardon. On veut que, lorsqu'une partie ou une personne fait une
demande, si les gens s'entendent ou si... parce qu'il arrive parfois que les situations ne sont pas
conflictuelles, comprenez-vous, les gens s'entendent.
Alors, si
nous, on fait une demande... parce que vous savez qu'on représente des
municipalités plus petites puis qu'on cherche à éviter des frais inutiles.
Bien, si on fait une demande écrite, puis, par exemple, la partie syndicale dit
carrément : Écoutez, oui, on est
d'accord, bien il ne devrait pas y avoir de convocation obligatoire puis
d'audition obligatoire des parties. Donc,
on devrait soumettre nos arguments par écrit, et là le tribunal décidera, parce
que ça peut être contesté, vous le savez bien, là, décidera s'il y a
matière à tenir une audition, là, compte tenu de la nature du dossier.
Évidemment, le tribunal... pardon, la loi
s'applique à une gamme de situations qui vont des situations les plus claires, hein... par exemple, dans le cas des
hôpitaux, je pense que personne ne va contester le fait qu'il doit y avoir des
services minimums de rendus, mais c'est sur la suffisance que le débat sera
davantage axé, là.
Donc, tout ce qu'on dit, comme vous venez de le
résumer, c'est que l'audition ne doit pas être nécessaire.
M.
Boulet : Non. On est d'accord, mais... audition si nécessaire, mais
elle ne devrait pas être nécessaire. On est, sur le fond, totalement d'accord. Ce qu'on souhaite, c'est que les
parties s'approprient la définition ainsi que les tenants et aboutissants des services essentiels. C'est ça,
d'ailleurs, qui est la pierre angulaire de tout ce qui concerne les régimes des
services essentiels, là, tant dans les
services publics que dans le... santé et services sociaux que la fonction
publique. Ce n'est qu'à défaut que la liste est soumise par
l'association accréditée.
Puis, en cas
d'intervention du TAT, il faut que le TAT ait la possibilité de s'exprimer sur
dossier. Puis vous le dites, quand
les deux parties sont d'accord... puis il n'y a rien qui empêche les deux
parties de soumettre une argumentation écrite, comme c'est fait... comme on a la possibilité de le faire dans plusieurs
lois du travail statutaires au Québec. Si nécessaire, moi, ma compréhension, c'est que les Règles de
preuve et de procédure du TAT permettraient au TAT de convoquer les
parties pour des compléments de preuve puis... et même par écrit.
Dans les
Règles de preuve et de procédure, l'article 47, on le précise même, ce que je viens de
mentionner : «Une personne — donc une municipalité membre
de la FQM — qui
prétend avoir un intérêt dans une affaire...» Ça va quand même
assez loin, là, puis on ne touche pas à ça avec le p.l. n° 33,
là, mais c'est important de le dire pour le bénéfice de vos membres. Donc : «Une personne
qui prétend avoir un intérêt dans une
affaire peut déposer une demande d'intervention au [TAT] au moyen d'un écrit [concernant] les renseignements prévus
[...] un exposé sommaire des motifs justifiant son intérêt» et obtenir un suivi, là, du TAT, là, qui jugera
de l'opportunité de convoquer ou non les parties. Mais je reviens à
votre commentaire de base, souhaitons que généralement les parties soient en
mesure de s'entendre.
Mais ça me
préoccupe puis ça me convainc encore plus de la pertinence d'élargir... qu'on
ait la possibilité d'élargir le
service public, parce que vous donnez beaucoup de contrats de sous-traitance,
là. Évidemment, ça dépend de la grosseur des municipalités. C'est superimportant. Puis, de deux, que vous soyez
clairement reconnus comme une partie intéressée qui peut faire des demandes au tribunal d'intervenir, moi, je pense
qu'on est pas mal sur la même longueur d'onde, là, sur ces points-là.
Est-ce que ça vous va sur ces recommandations, là?
M. Lepage (Sylvain) : Oui, tout
à fait, M. le ministre, oui.
M. Boulet : La 5, la... Il y en a une couple, là, qui
m'interpellent, là. Vous demandez que les décisions du TAT soient
maintenues en vigueur jusqu'à ce qu'une partie ou une personne intéressée en
demande la réévaluation.
M. Lepage
(Sylvain) : Jusqu'à
révocation. L'objectif, M. le
ministre, si je peux me permettre,
c'est évidemment d'économiser des frais. Il y a
une décision qui va être rendue... par
exemple, si on disait, reprenons mon exemple
de rang, que tel entrepreneur qui, en sous-traitance, ouvre le rang avec
sa charrue, comme on disait chez nous, bien, on ne voudrait pas, quatre ans
plus tard, lors d'un second conflit, ou 10 ans plus tard, huit ans plus
tard, devoir replaider cette question-là, à moins que l'une des parties ou une personne
intéressée soulève le fait que ça devrait être révoqué. Par exemple, la partie syndicale aura intérêt pour dire : Écoutez, nous, on pense que ce
n'est plus un service essentiel parce
que l'autoroute passe à côté maintenant... ou peu importent les
circonstances.
Mais ce qu'on
dit, c'est de demander à chaque fois de retourner au tribunal... il faut
comprendre que les gens qu'on représente
ont des moyens financiers limités. Donc, c'est extrêmement important que, si
on fait le débat, puis qu'on investit ces sommes-là, puis que le tribunal
décide qu'une situation x doit être assujettie à des services
essentiels... Un peu comme l'accréditation, vous le savez, ce n'est pas
révisé à... ce n'est pas pour quatre ans, hein? C'est de façon permanente jusqu'à ce que la situation...
M. Boulet : ...
M. Lepage
(Sylvain) : Oui, ou
changement de la situation factuelle qui peut amener un... puis vous savez
que c'est difficile.
Alors, nous,
ce qu'on dit, sans que ce soit aussi difficile que dans le cas d'une
accréditation, une partie pourra demander la révocation ou une modification. Mais, entre-temps, tant que ce n'est pas revu, quand la... un peu
comme les décrets. Vous savez, aujourd'hui, quand le décret est émis, le décret est émis, puis, tant que le gouvernement ne changeait pas d'idée, bien, le service y était assujetti, là.
M. Boulet : Absolument. On a vraiment la même compréhension. Et l'article 3
du projet de loi n° 33 a le même effet que ce que vous nous soumettez. C'est 111.0.17... Pour moi, c'est
maintenu, ces tenants et aboutissants là des services essentiels, à chaque phase des négociations, jusqu'à
révocation. Puis la deuxième phrase le dit : «Toutefois, le tribunal peut
[...] révoquer la décision d'ordonner le maintien des services essentiels.»
Mais nous,
on... C'est vraiment un des objets du projet de loi n° 33. On
vise à permanentiser le plus possible jusqu'à
ce qu'une nouvelle décision soit rendue ou jusqu'à...
permettez-moi, jusqu'à ce que les parties décident d'elles-mêmes de
réviser le contenu des services essentiels et de soumettre une nouvelle entente
au Tribunal administratif du travail.
• (12 h 40) •
M. Lepage
(Sylvain) : C'est parce que
notre compréhension, M. le ministre, concernant 111.0.17, c'est que c'est un pouvoir
d'ordonnance, hein? Pour le même motif, le tribunal peut, de son propre chef,
ordonner à l'employeur de, hein, de
maintenir les services essentiels. Mais pour nous, ce n'était pas clair que la
décision rendue par le TAT s'applique pendant un an, cinq ans,
10 ans, c'est-à-dire tant qu'elle n'est pas révoquée.
Oui, je
comprends bien le pouvoir d'ordonnance que vous m'indiquez, mais le pouvoir
d'ordonnance, c'est après — merci, Mme la Présidente — c'est après, comprenez-vous, qu'il y a eu
une première décision qui décide qu'il y a des services à maintenir.
Nous, tout ce
qu'on dit, M. le ministre, c'est que ça doit être clair que, quand la
commission décide qu'un service est assujetti, cette décision-là...
parce qu'on va signer au lendemain de ça, tôt ou tard, une convention
collective. À ce moment-là, il n'y a pas de
problème. Dans une grève subséquente ou des moyens de pression subséquents, ça
doit être clair qu'on n'a pas à retourner une autre fois. Là, à ce
moment-là, on retournerait simplement pour demander l'application... soit la détermination, parce que ça, selon les
circonstances, ça peut avoir changé, la détermination du niveau de services ou
encore pour faire appliquer l'ancienne
décision, mais pas sur la question de savoir si c'est assujetti ou non, à moins
que ça ait été révoqué.
Et je pense
que c'est extrêmement important, parce qu'il faut comprendre qu'une audition,
vous le savez, M. le ministre, pour
déterminer si, oui ou non, un service est un service essentiel, on ne parle pas
d'investir 5 000 $ ou 10 000 $, là, on peut investir facilement 50 000 $
ou 75 000 $ de fonds publics pour avoir une détermination comme
celle-là. Il ne faudrait pas qu'on recommence à chaque quatre ans, là.
M. Boulet : O.K. Je reviens, puis ceci dit avec respect, quand je
lis 111.0.17.1, ça m'apparaît quand
même assez clair. Le premier paragraphe, on dit : «La
décision du tribunal d'assujettir un service public au maintien des services
essentiels en cas de grève s'applique
à chaque phase des négociations.» Puis plus loin... bien, avant plutôt, à
111.0.17, là, on a le pouvoir d'ordonner une révocation. Mais je
comprends...
M. Lepage
(Sylvain) : Mais je vous
entends bien, mais vous et moi, on a gagné notre vie à plaider sur des
situations qui, au départ, devaient
être très claires quand on était assis ici puis... probablement que vous pouvez me sortir et je peux vous sortir plein de décisions où j'ai passé plusieurs jours en cour à
plaider sur des décisions très claires, là, sur des textes très clairs.
Alors, voyez-vous, on aime mieux quand c'est écrit puis... j'ai appris ça...
M. Boulet : On aura beau parler
pendant des heures... même la langue française à ses interprétations.
M. Lepage (Sylvain) : Que
voulez-vous, hein?
M. Boulet : Elle nous impose de
discuter puis...
La
Présidente (Mme IsaBelle) : M. le ministre, vous ne pourrez pas
en parler pendant des heures puisque votre temps est écoulé. Alors, nous
y allons avec l'opposition officielle avec le député de Vimont.
M. Rousselle :
Merci, Mme la Présidente. M. Soucy, M. Lepage, Mmes Harvey,
Desgagnés, Filteau et Nadeau, bienvenue.
Effectivement, vous êtes bien entourés, une bonne équipe. Merci de votre
mémoire. D'ailleurs, le mémoire, on l'a
vu, le professionnalisme, là-dedans. Vous avez échangé votre mémoire pour des
petites coquilles, donc vraiment ça démontre le professionnalisme de
votre part. Donc, merci d'être ici aussi.
Écoutez, vous
représentez des moyennes et petites, des très petites municipalités, vraiment.
Je regarde ça, le changement qui
arrive dans cette loi-là. Il y a des municipalités qui ont peut-être un D.G.,
peut-être une personne qui s'occupe de la voirie ou, en tout cas,
peut-être qu'il y a cinq employés seulement.
Vous, avec la
modification qu'on apporte aujourd'hui, est-ce que vous voyez un certain danger
ou un problème dû au fait que ces gens-là sont... là, je ne sais pas si,
vous, vous les accompagnez, à ce moment-là, dans des litiges, mais est-ce qu'il y a un mécanisme qui peut aider ces
gens-là à négocier? Parce que, là, on
parle de négociations soit avec leurs employés, mais aussi vous avez
parlé aussi de gens qui... des sous-contractants, là, parce qu'on comprend
bien, de ces municipalités que je parle,
elles n'ont pas de... elles ont une personne à la voirie, donc ça prend
vraiment plusieurs camions pour passer, donc sûrement qu'elles font
affaire avec des compagnies privées.
M. Soucy (Yvon) :
Effectivement, c'est la réalité, là, de plusieurs des municipalités qu'on
représente d'avoir quelques employés, mais on représente également des
municipalités de plus grande taille.
Comme je le
disais au départ, sur peut-être 1 150 municipalités au Québec, on en
représente tout de même 1 000, près
de 1 000. Mais, en fait, il y a toute la question... nos municipalités ont
beaucoup de sous-traitants, puis c'est ce qu'on trouvait intéressant aussi dans
le projet de loi, de pouvoir s'adresser comme personnes intéressées puis de
faire... d'avoir une décision pour
que les services essentiels à nos populations soient rendus. Mais
effectivement, il y a toujours une question de coûts. Pour des municipalités plus petites, ça peut être difficile, parfois, d'assumer également
là, toutes les charges qui sont inhérentes à des choses comme celles-là lorsqu'elles
se présentent.
M.
Rousselle : On a rencontré des syndicats, pas besoin de vous
dire, là, on rencontre tout le monde parce qu'on veut se faire vraiment une tête complète, pour vraiment avoir la
meilleure loi, pour satisfaire, justement, autant la population que les
droits des travailleurs, parce qu'il faut penser aussi aux droits des
travailleurs.
J'ai deux ou
trois syndicats qui m'ont parlé, justement, de l'avis de sept jours concernant
une grève. Eux, ils parlent qu'à un moment donné, si jamais qu'ils changent une
date, un exemple, qu'ils décident que c'est le 28, mais, pour peu importe la raison, ils décident que c'est le 29,
dans la loi actuelle, là, c'est qu'il faut que tu refasses un autre... il faut
que tu attendes un autre sept jours.
Eux autres trouvent ça comme inconcevable dû au fait que c'est... écoute, on
l'a donné, notre avis, c'est juste reporté le lendemain. Vous, vous en
pensez quoi?
M. Lepage
(Sylvain) : On n'est pas d'accord avec les syndicats, parce que la
logique de la loi, surtout en matière, évidemment,
de services essentiels, c'est que les gens soient en mesure de se préparer, et
ça devient une stratégie de dire : Bien, finalement, je vais être
en grève demain, mais je ne le suis pas, en grève, je le retire, mon avis, mais
je vais l'être après-demain.
Vous savez,
dans toutes les organisations publiques, puis surtout dans les nôtres, comme
vous l'avez dit, il n'y a pas beaucoup
de cadres. On ne peut pas garder les gens sur le qui-vive pendant
24 heures par jour, pendant sept jours, puis se faire remettre la grève de journée en journée, tu
sais. Ça fait que la logique de la loi, qui est compréhensible, c'est sept jours,
vous êtes en grève. Vous retirez votre avis? Parfait, on va vous permettre de
retirer votre avis.
Parce qu'il
faut savoir, vous rappeler que les municipalités n'ont pas le droit de
lock-out, parce qu'un employeur normal,
lui, va dire : Bien, tu retires ton avis mais tu restes dehors quand même.
Mais nous, on n'a pas cette latitude-là. Ça fait que, comme on n'a pas cette latitude-là, bien, c'est extrêmement
important qu'ils doivent donner un autre avis de sept jours. Mais s'ils veulent échanger ça contre le droit au lock-out,
ça, on peut peut-être en parler, mais je ne suis pas certain qu'ils vont
être d'accord.
M. Rousselle : Je regardais
votre recommandation 7... à moins que toutes les informations que le
ministre vous a données, ça vous a satisfaits,
mais votre recommandation 7 informe que la FQM demande que
l'article 24 du projet de loi soit
modifié pour les décrets pris en vertu de l'article 11.0.17 du Code du travail
avant la date de sanction et que la loi continue d'avoir effet jusqu'à
ce qu'une partie ou une personne intéressée demande sa révision et sa
révocation.
M. Lepage
(Sylvain) : Bien, écoutez, j'ai bien entendu les explications de M. le
ministre, puis ce qui est intéressant, c'est
que ça va être enregistré, vous le savez. Vous savez que les tribunaux
regardent ce que le ministre dit, normalement, dans l'interprétation des lois. J'ai sa parole où il nous a dit que
c'était l'effet de la loi. Je suis content de savoir qu'il n'y a pas un autre avocat que moi, parce que je ne vais
plus à la cour depuis que je suis à la FQM, qui n'aura pas à faire plusieurs
jours d'auditions pour convaincre le tribunal de... Mais, pour nous, je pense
que c'est souhaitable que ce soit le cas, que ce soit... Si c'est
l'effet actuel de la loi, évidemment, on est satisfaits de la réponse.
Je
pense qu'un des éléments aussi importants, sur lequel vous devez vous
prononcer, qui est extrêmement important, c'est le fait qu'une personne
intéressée, comme une municipalité, puisse intervenir aussi sur la suffisance,
hein, ou sur le caractère approprié
des services essentiels. Vous savez qu'actuellement le syndicat dépose sa liste
finale, et le seul rôle du tribunal,
c'est de s'assurer que c'est suffisant. Mais évidemment, il y a... personne ne
mesure à savoir c'est quoi le bon niveau approprié. À l'époque où il y avait une relation
employeur-syndicat, ça pouvait se valoir. Mais évidemment, dans la mesure
où il y a une tierce partie, maintenant, que
nous pouvons être, qui est une personne intéressée, il faut que cette
personne-là, une fois qu'on a reconnu
que mon rang doit être déneigé, bien, il faut que j'aie à dire un mot
sur : O.K., mais il va-tu être déneigé
quand il y a un pied de neige, six pouces de neige, trois pouces de neige, à
chaque semaine, à chaque mois, à... alors que, là, le projet de loi,
là-dessus, ne dit pas un mot, là. Tu sais, autrement... au contraire, il semble
laisser entendre qu'une fois qu'on a
déterminé qu'un service est un service essentiel, la personne intéressée, que
nous pouvons être, n'a pas un mot à dire sur la suffisance ou sur le
caractère approprié. Et ça, oui, c'est un changement par rapport à la
législation actuelle, mais, en ce qui nous
concerne, c'est la conséquence logique d'avoir décidé que ce n'est plus le
gouvernement qui décide ce qui est un
service essentiel et qui, dans certains cas, participait à définir le niveau de
service. Est-ce que je suis clair?
M. Rousselle :
Je vais passer la parole à ma collègue de Fabre.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Parfait. Alors, la parole est donnée à la
députée de Fabre. Il vous reste 4 min 20 s.
• (12 h 50) •
Mme Sauvé :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'étais pour vous le demander. Vous me... On
s'entend très bien.
Alors,
écoutez, bienvenue. Merci d'être là, M. Soucy, Me Lepage. La qualité de votre
mémoire, la qualité de votre présentation...
Écoutez, il y a un aspect sur lequel je veux mettre un peu l'accent, c'est
votre recommandation n° 3. Pour moi,
c'est de la musique à mes oreilles quand j'entends à quel point c'est important
pour vous de voir la suite des choses et l'application, et
l'impact de la loi, puisqu'évidemment la loi prévoit, on le sait, là,
l'élargissement de la définition des
services essentiels en incluant la réalité qui est la vôtre, de sous-traitance
et tout ça, et les services à la population. Moi, je suis tellement heureuse d'entendre ça, parce
que souvent, effectivement, il y a des lois qui sont adoptées, puis, au niveau
des impacts et tout ça, ce n'est pas toujours le cas où on se donne la vigie
nécessaire. Alors là, vous mettez un horizon de
deux ans, qui est un horizon très réaliste, et l'obligation de rendre compte à
l'Assemblée nationale par le ministre. Alors, je suis très, très, très
favorable à ça.
Dans le fond, ma question, c'est qu'habituellement, quand on
souhaite vraiment vérifier ou mesurer l'impact de l'application d'une loi, on y va justement sur des
indicateurs d'impact et tout ça, et je comprends bien que c'est une de
vos préoccupations. Mais il y a aussi toute la notion des bonnes pratiques que
va amener ce projet de loi avec un certain enseignement
pour les différentes municipalités qui pourraient s'en prévaloir. Je comprends
ça dans ce que vous avez écrit.
Comment on fait ça? Je veux vous entendre là-dessus,
parce que c'est une chose de se donner un suivi par rapport à l'impact direct
de la loi, mais comment on fait en sorte qu'on mesure ce qui mérite d'être
déployé, ce qui mérite d'être bonne pratique pour l'ensemble d'autres
municipalités qui pourraient en bénéficier, puis comment on le déploie après.
Alors, je voulais vous entendre là-dessus.
M. Lepage (Sylvain) : Bien, essentiellement,
évidemment, il faudrait voir si, dans une période de deux ans, on a eu suffisamment de dossiers pour
permettre de mesurer ça. Alors, est-ce que la période de deux ans est la bonne?
Peut-être que oui, peut-être que non.
Deuxièmement, nous, on a un service de relations de travail,
à la FQM, qui fait de la vigie, qui évidemment regarde les décisions qui sortent, qui les indexe. Alors,
évidemment, en fonction, je vous dirais, de ce qui va se passer, on va être
en mesure de se présenter devant cette
commission ou une commission pour expliquer : Écoutez, dans les trois
dernières années, par exemple, ça a fonctionné ou ça n'a pas fonctionné.
Pour reprendre ce qu'un de vos collègues posait comme question puis ce que M. Soucy vous a dit, c'est clair qu'il y a un
problème de ressources financières, parce que c'est souvent des litiges
très coûteux.
Alors, je pense qu'une des choses sur lesquelles la
commission devrait s'interroger, c'est : C'est beau, mais est-ce que les
gens auront la capacité financière de faire des combats comme ceux-là ?
Alors, ça, ça va devoir être mesuré, vous avez raison.
Mme
Sauvé : Merci beaucoup pour votre réponse. Ça va.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Il vous reste 1 min 16 s.
Mme Sauvé :
Ça va.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : C'est tout? C'est beau. Alors, nous donnons la parole maintenant
au député d'Hochelaga-Maisonneuve, au porte-parole du deuxième groupe
d'opposition.
M. Leduc :
Mme la Présidente, je me demandais si je pouvais utiliser le temps non imparti.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Donc, vous voulez utiliser le temps du Parti québécois,
de... Oh! pardon, du troisième groupe
d'opposition. Je m'en excuse. Alors, vous auriez donc 5 min 15 s
au total, mais on doit d'abord demander l'approbation. Est-ce qu'on a le
consentement? Oui. Alors, allez-y, vous avez 5 min 15 s.
M.
Leduc : Merci beaucoup. Merci d'être présents aujourd'hui, c'est très
apprécié. C'est, en effet, un mémoire très intéressant.
J'ai d'abord une question sur le concept de
service essentiel, parce que, quand il y a une entreprise qui est déjà syndiquée puis qui peut vendre une partie, il y a
une négociation qui se fait parfois sur le concept d'aliénation d'entreprise,
puis on doit vérifier
si la partie qui sort est partie essentielle de la mission et donc est-ce que
l'accréditation est demeurée. Bref,
je veux vérifier avec vous, quand vous parlez de déneigement, par exemple, qui
est en sous-traitance, n'est-ce pas là une mission essentielle à la base
d'une municipalité? Et, auquel cas, pourquoi est-elle sous-traitée?
M. Lepage
(Sylvain) : Bien, écoutez, je pense qu'en toute honnêteté, M. le
député, si on peut penser qu'une municipalité qui a un directeur général, un
directeur des travaux, deux cols bleus peut ouvrir les routes, des kilomètres qui ont des... par exemple, 5 000 kilomètres
carrés, là, de territoire, là... parce qu'il faut comprendre que souvent, les
plus petites municipalités ont des territoires immenses, là. Le Québec,
vous le savez, c'est très, très grand.
Alors,
c'est totalement impossible, si je peux me permettre, de penser que ces gens-là
ou que ces municipalités-là seraient en mesure d'assumer eux-mêmes le
déneigement sans recours à la sous-traitance. C'est totalement impossible.
M.
Leduc : Donc, une municipalité de moyenne ou grande taille n'aurait
pas ce même dilemme là, si je comprends bien?
M. Soucy (Yvon) : Si vous me permettez peut-être de compléter
également, il y a le volume, souvent, qui n'est pas là aussi pour offrir le service, donc la municipalité
n'a pas le choix d'aller en sous-traitance, ou parfois il y a également des
regroupements, des régies intermunicipales
qui sont créées, mais souvent aussi ce sont des sous-traitances. Puis ça se
fait régulièrement, là, dans
l'ensemble des municipalités du Québec, là, pour les services que les municipalités
offrent aux citoyens.
M.
Leduc : Parce que vous comprendrez que, dans plusieurs situations, la
question de la sous-traitance amène des débats par rapport aux conditions de
travail qui sont souvent beaucoup moins intéressantes que le même emploi dans
un contexte d'une fonction publique
municipale standard, syndiquée. Alors, c'est un peu dans ce sens-là que je vous
posais la question. Et je comprends
l'enjeu des petites municipalités, mais, pour les moyennes et grandes tailles,
donc la question pourrait quand même se poser.
Mais là où je voulais
atterrir avec ça également, c'est toute la question du lock-out. Je comprends
que les municipalités n'ont pas droit au lock-out parce qu'elles sont de facto
dans les services essentiels, mais là, si on étire...
M. Lepage
(Sylvain) : La loi interdit le lock-out dans les municipalités.
M.
Leduc : Parfait. Si on étire puis on va chercher d'autres entreprises,
notamment, donc, des sous-traitants, que vous désirez qu'ils puissent être
soumis à la loi des services essentiels, est-ce que ça veut dire qu'un
sous-traitant qui déneige, par
exemple, qui ouvre un rang, pour reprendre votre expression, et qui est dans
une entreprise syndiquée et qui exerce un droit du lock-out...
M.
Lepage (Sylvain) : Bien, évidemment, l'effet des services essentiels
va empêcher le droit au lock-out, parce qu'évidemment, si je vous oblige à
ouvrir, à conserver un nombre x de salariés, peut-être que vous aimeriez faire
un lock-out, mais la loi vise à la fois le syndicat et l'employeur. Alors,
évidemment, c'est l'effet direct d'assujettir ces services-là la loi puis aux règles du service essentiel. Mais c'est
ça la conséquence, effectivement, puis on est tout à fait d'accord avec ça.
M.
Leduc : Donc, juste pour reformuler, pour être bien certain de
comprendre, pour vous, cette logique-là de protéger les citoyens puis
d'assurer un service, peu importe si l'entreprise... en cas de grève ou de
lock-out, vous, comme partie intéressée, vous iriez demander à ce que ça soit
appliqué.
M.
Lepage (Sylvain) : Tout à fait, puis on va demander à s'assurer que
les services rendus soient non seulement suffisants, mais appropriés.
M. Leduc :
Je comprends. Maintenant, je vais faire du chemin sur ce que ma collègue...
M. Lepage (Sylvain) :
Même, si je peux rajouter, M. le député...
M. Leduc :
Oui, allez-y.
M.
Lepage (Sylvain) : Même si l'employeur n'est pas d'accord, parce que
ça peut arriver que l'employeur... On parle beaucoup, souvent, les gens
ont une perspective, tu sais, syndicale, mais l'employeur peut vouloir faire un
plein lock-out ou peut vouloir donner des services à la limite de la
suffisance. Ça, pour nous, c'est un débat qui oppose employeur et syndicat. Nous, dans ces cas-là, on est là pour s'assurer
que nos citoyens aient le service approprié dans les circonstances.
M. Leduc :
Votre explication est très claire. Merci. Je reviens sur ce que ma précédente
collègue mentionnait par rapport à l'analyse
d'impact. Je trouve ça intéressant aussi, souvent assez commun dans des types
de lois. Par contre, je voulais
vérifier avec vous... comme c'est une loi qui découle d'un jugement, l'arrêt
Flageole, ce n'est pas tout qui pourrait être considéré. Vous comprenez?
Donc, l'élément des pourcentages, on ne pourrait pas y revenir à l'issue d'une
analyse d'impact. Alors, est-ce que, vous, vous avez...
M. Lepage
(Sylvain) : Je vais être honnête avec vous, M. le député, je ne suis
pas certain de ce que vous dites. Qu'est-ce
que la cour va décider en fonction des résultats, ça, personne ne peut le
savoir à l'avance. Je pense qu'on peut prendre pour acquis
qu'actuellement la décision a été à l'effet de dire qu'on ne devrait pas fixer
à l'avance des barèmes. Ça va être très difficile de contester un jugement
comme celui-là. Puis normalement, la loi va permettre de régler cette question-là. Je serais surpris qu'on ait de
mauvaises surprises, si vous suivez les recommandations qu'on vous a fournies.
M. Leduc : Donc, l'analyse, selon
vous, selon votre perspective... combien?
La Présidente (Mme IsaBelle) : 30.
M. Leduc : Oh! Alors, selon vous,
cette analyse-là ne vise pas à rouvrir ce débat-là dans deux ou trois ans.
M. Lepage
(Sylvain) : Absolument pas. C'est de s'assurer que le régime mis en
place par la loi répond au besoin qui
est de faire en sorte que les citoyens ne se retrouvent pas entre l'arbre et
l'écorce, si je peux me permettre de prendre cette expression.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Bien, merci beaucoup à la Fédération
québécoise des municipalités, Mme Desgagnés, M. Lepage,
M. Soucy et Mme Harvey, pour votre contribution à la commission, très
apprécié.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 15 h 03)
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Nous allons recommencer. On s'excuse pour le léger retard. La Commission de l'économie et du travail
reprend ses travaux. Alors, tous ceux qui ont un appareil de sonnerie ou un
appareil électronique, de bien éteindre la sonnerie, s'il vous plaît.
Merci.
Nous poursuivons les consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi n° 33, loi modifiant le Code du travail
concernant le maintien des services essentiels dans les... services publics,
pardon, et dans les secteurs public et parapublic.
Alors, nous avons le premier groupe pour cet
après-midi, nous avons le groupe de la Centrale des syndicats du Québec
avec Mme Éthier, Mme Montour et M. Daoud. Alors, vous savez que
vous avez 10 minutes pour présenter, et, avant de présenter votre
exposé, je vous demanderais de vous présenter chacun. Merci.
Centrale des syndicats du Québec
(CSQ)
Mme Éthier (Sonia) : Merci beaucoup. Sonia Éthier, présidente de la Centrale des
syndicats du Québec.
Mme
Montour (Claire) : Oui,
bonjour. Claire Montour, présidente de la Fédération de la santé du Québec,
FSQ.
M. Daoud (Marc) : Bonjour. Marc
Daoud, conseiller syndical à la CSQ.
Mme Éthier (Sonia) :
Alors, M. le ministre, Mme la Présidente, membres de la commission, je vous
remercie beaucoup de permettre à la Centrale des syndicats du Québec
et à sa Fédération de la santé du Québec de faire entendre notre point de vue,
hein, concernant le projet de loi n° 33.
Comme vous le
savez, la centrale, quand même, représente 200 000 membres, et on compte 10
fédérations dans ses rangs, et, en particulier, pour ce projet de loi,
nous représentons 5 000 membres en santé et services sociaux.
Donc, dans
son ensemble, la CSQ accueille favorablement l'objectif général du projet de loi, au fond, de
s'adapter à la nouvelle réalité
juridique des services essentiels. Et évidemment, nous allons vous soumettre des commentaires — vous
avez probablement pris connaissance
du mémoire — et aussi des recommandations qu'on désire
soumettre à votre attention.
Premièrement,
il y a un principe général qu'il est important de se rappeler, c'est que... et
je pense que vous l'avez rappelé
vous-même, que le droit de grève, c'est un droit constitutionnel. Et si on cite
la Cour suprême, c'est que le droit de grève
n'est pas seulement dérivé de la négociation collective, mais il constitue une
composante indispensable. Et le juge dit :
Le temps me paraît venu de le consacrer constitutionnellement, et c'est dans
ces termes, tirés de l'arrêt Saskatchewan, que la Cour suprême reconnaît
au droit de grève une protection constitutionnelle. Donc, pour nous, ça, c'est
la base.
Et on est
d'avis aussi qu'il est vraiment important de rappeler que la notion de services
essentiels doit être restreinte à ce
qui est strictement et véritablement essentiel à la protection de la santé et
de la sécurité d'une partie de la population ou de son ensemble.
Alors, on
veut spécifier que certains services publics, tels que l'enseignement, la
petite enfance, à notre sens et au sens de la Cour suprême, ne sont pas des
services essentiels, et leur droit de grève ne s'en trouve pas affecté. Donc,
je vous réfère à la page 6 du mémoire pour retrouver les propos de la Cour
suprême là-dessus.
Il
faut aussi rappeler que la grève, même dans un service essentiel, doit être
exercée de façon à ce qu'elle ne passe pas
inaperçue, et cet aspect, entre guillemets, dérangeant permet de rétablir un
rapport de force entre les parties. Mais on sait que ce rapport de force, ce
retour à l'équilibre est quand même fragile, et le Code du travail encadre, de
façon très serrée, la notion de services essentiels limitant le droit de
grève.
Alors, pour
nous, il est important de distinguer les inconvénients, les incommodités qui
résultent de l'exercice du droit de grève, et on a aussi, par rapport à cet
élément-là, un énoncé de principe, une première proposition que vous avez... qui
sont regroupés à la toute fin, page 14 et 15, et que le projet de loi
intègre au Code du travail la protection et la
reconnaissance du droit de grève des travailleuses et travailleurs, etc.
Donc, le
deuxième point qu'on voulait aborder avec vous, c'est la négociation des
services essentiels à maintenir. Donc, le nouvel article 111.10.1, qui est
le coeur du projet de loi, vient remplacer l'article actuel, et les services
essentiels feront l'objet de négociations entre les syndicats et les employeurs,
et l'entente est soumise au TAT.
Donc, pour
nous, on est d'avis que l'article, dans son ensemble, est une réponse
législative adéquate au jugement Flageole
et à l'ensemble des recours judiciaires, mais on a quand même certaines
questions sur l'objectif recherché par la deuxième phrase du premier alinéa, où
l'objectif semble vouloir donner ouverture à une négociation à deux niveaux.
Donc, le
modèle qui nous est proposé par le gouvernement semble inspiré de ce qui existe
en Colombie-Britannique, et, dans cette province-là, les parties, sous la
supervision de l'équivalent du TAT, sont soumises à une ordonnance
globale au niveau provincial. Et ce qu'on
constate, c'est que ces ordonnances permettent d'encadrer la négociation qui se
fera au niveau local.
Donc, pour
nous, et on l'a déplié davantage, là, dans le mémoire, c'est impératif que le
cadre de négociation soit défini pour que le régime fonctionne dès l'adoption
du projet de loi. Et on pense que ce serait important d'obtenir un mécanisme
plus complet et similaire à celui de la Colombie-Britannique. Nous avons deux
recommandations, 2 et 3, en lien avec
cet aspect qui est de retirer le premier... la deuxième phrase du premier
alinéa de l'article 111.10.1, et qu'on pense que ce serait bien d'introduire, dans le projet de
loi, un mécanisme complet pour établir un cadre général de négociation.
• (15 h 10) •
Ensuite, le troisième aspect, c'est toute la
question de la transmission des informations. Le projet de loi oblige l'employeur à transmettre les informations au
sujet des salariés et ensuite de transmettre ces informations-là au syndicat.
On pense aussi que, dans ce projet de loi, les informations qui concernent les cadres devraient également
être transmises, parce que c'est
possible que plusieurs d'entre eux aient les connaissances, l'expérience
requise pour accomplir des tâches qui
sont dévolues aux salariés. Donc, on pense qu'il serait aussi important
de prévoir un délai pour transmettre ces données et aussi pertinent
d'inclure, dans le mécanisme qui met en place les ordonnances globales, le
délai et les informations concernant les salariés et les cadres.
Donc, on a
deux recommandations, pages 4 et 5 : que soit ajoutée, à
l'article 111.10.2, l'obligation de transmettre des informations concernant
les cadres, et qu'il y ait, la proposition 5, un délai.
Donc, à la
suite de ces recommandations, on
s'est attardé aussi à l'article 111.0.17 qui introduit la possibilité pour une
personne intéressée de demander au TAT, au tribunal d'intervenir en ordonnant que
soient maintenus des services essentiels en cas de grève. Alors, pour
nous, là, cette notion de personne intéressée, ça demeure vague et ça pourrait,
selon nous, permettre à des tiers de
s'immiscer dans un rapport de négociation au détriment des droits des
travailleurs. Et même si la demande
devait être rejetée par le TAT, ça oblige les parties à se présenter au
tribunal et de faire des représentations, alors que les parties avaient
préalablement convenu des services essentiels.
Donc, il faut
se rappeler que... rappelons-nous que le TAT possède déjà tous les pouvoirs, si
les modalités ou le Code du travail
ne sont pas respectés. Donc, pour nous, la question de la personne intéressée,
ça pose problème. Et d'ailleurs on a une recommandation, la recommandation
6 : que soient retirés les termes «ou à la demande d'une personne
intéressée» des articles concernés. Ensuite,
nous accueillons aussi favorablement l'objectif recherché par l'introduction de
ce projet de loi, qui répond aux décisions judiciaires, on l'a dit, tout à
l'heure, qui modernise la négociation du maintien des services publics,
tout en respectant les droits constitutionnels.
Mais il y a
toute la question d'entreprise, là, qui nous inquiète. On croit que le projet
de loi entrouvre une porte qui permet l'assujettissement de nombreux
travailleurs. Donc, le nouvel article 111.0.17, au second alinéa, introduit la possibilité de permettre au TAT d'assujettir une
entreprise, qui n'est pas un service public qui a l'obligation de maintenir
des services essentiels au sens où on l'a
mentionné tout à l'heure. Puis on dit aussi que le Code du travail, à l'article
111.0.16, définit expressément les entreprises qui doivent maintenir des
services essentiels.
Alors, on l'a
mentionné, ce projet de loi permettra d'instaurer une nouvelle dynamique de
négociation. Et toutefois, le projet de loi ne prévoit pas explicitement que
cette négociation doit commencer et se poursuivre avec diligence et
bonne foi. Donc, comme le prévoit
l'article 53 en regard de la négociation, pour nous, ça serait important
d'introduire cet élément-là, là, dans cette loi-là. On croit aussi que la
négociation des modalités qui entourent l'exercice du droit de grève devrait
recevoir la même protection que celle
octroyée par cet article au processus de négociation collective. Et on pense
aussi que, dès le départ, le tribunal devrait nommer un agent de
relations de travail, dès le départ, pour aider les parties à cheminer.
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion. Il vous reste 30 secondes.
Mme
Éthier (Sonia) : Bien, on a
deux recommandations supplémentaires, en lien avec la négociation de bonne foi, et aussi de désigner un agent de relations de
travail dès le départ. Alors, merci beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Parfait. Merci. Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant
débuter la période d'échange
et de questions. Alors, M. le ministre, à vous la parole. Vous disposez de
16 min 30 s.
M.
Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Éthier, merci à la CSQ pour la qualité de votre
présentation puis pour votre déplacement. On est bien heureux de vous
rencontrer.
Peut-être
quelques commentaires généraux, là, Mme Éthier, puis quelques
précisions. Sachez que ce projet de
loi vise fondamentalement à respecter ce qui découle de la décision
rendue par la Cour suprême dans l'affaire qui s'est déroulée en Saskatchewan. Le droit de grève découle du droit d'association qui est reconnu dans les chartes, et ça nous apparaît, nous, important de le redire. C'est un droit qui est extrêmement important dans un contexte de rapport collectif de travail,
et l'exercice du droit de grève confère un
rapport à un syndicat, un rapport de négociation qui est utile, qui doit parfois être
exercé.
Ça fait qu'il faut, le moins possible, le
limiter. C'est un droit constitutionnellement reconnu, et ça, je respecte totalement ça. C'est la raison pour laquelle on se
départit des seuils minimums. On évacue les pourcentages, on évite d'imposer,
on évite de faire des choses qui peuvent
être interprétées comme restreignant, de façon trop importante, l'exercice du
droit de grève d'une association accréditée. Donc, on veut le limiter,
mais le moins possible.
C'est la raison pour laquelle on s'inspire du
concept de santé, sécurité du public, qui est reconnu partout non seulement par la Cour suprême du Canada, mais par
toutes les juridictions modernes à travers... tu sais, même l'Organisation
internationale du travail reconnaît que
c'est le critère de base dans la détermination de ce qu'est et de ce que doit
être un service essentiel au moment
d'une grève. Ça fait que pour vos commentaires généraux au départ, soyez
rassurés, on va toujours être guidés par cette approche-là dans la
discussion qu'on aura avec les partis d'opposition article par article.
Sur une autre
de vos recommandations, tu sais, quand vous parlez de l'inspiration Colombie-Britannique, négociation à l'échelle
nationale, ce n'est pas notre intention qu'il y ait... eux autres appellent ça
un «global order» puis un «local order», là. Les négociations se font à deux niveaux. Ce qu'on dit, nous,
c'est que la détermination des services
essentiels, ça appartient, d'abord
et avant tout, aux parties qui ont une maîtrise et une connaissance complète de leur milieu de travail. À défaut d'entente, c'est l'association
accréditée qui fournit une liste de services essentiels, et le tribunal aura le
pouvoir d'apprécier.
Mais ce qu'on
donne comme option aux parties, c'est la possibilité de faire des regroupements. Ce n'est pas un regroupement
qui est imposé. Ce que nous dit 111.10.1, c'est plus que les parties pourraient
décider de se regrouper et d'établir des
paramètres convenus. Il faut que ces paramètres-là soient convenus, entendus
entre les parties, et ça, ça peut guider...
ça guide, en fait, le Tribunal
administratif du travail dans sa
décision. Mais ce n'est pas précisément le modèle de Colombie-Britannique.
On veut vraiment laisser la souplesse aux parties.
Puis il y a
des syndicats qui sont venus faire des représentations
ici, à la commission parlementaire, puis qui nous disaient l'inverse, il devrait y avoir une
négociation imposée au niveau national, parce que ce qui est un service, on ne
voudrait pas qu'il y ait trop de disparités dans les services essentiels,
dépendamment des régions puis dépendamment des établissements. Nous, on prend plutôt le pari de respecter les parties,
au niveau local, par établissement. C'est sur cette base-là, de toute façon, que s'appuie le processus
d'accréditation syndicale au Québec, c'est-à-dire établissement par
établissement. Si, cependant, il y a
des associations, ou des établissements, ou des associations accréditées qui
veulent se regrouper et convenir de paramètres nationaux, c'est ce que
le projet de loi n° 33 prévoit.
Est-ce que
avez, là-dessus, Mme Éthier, des commentaires additionnels ou est-ce que vous
comprenez ce que je vous mentionne? On ne veut pas imposer, mais on ne veut pas
empêcher... on ne veut pas prohiber puis on ne veut pas imposer non
plus.
Mme
Éthier (Sonia) : Je
comprends, le sens de ce que vous dites, c'est que... c'est parce que nous, on
disait, «le cas échéant», qu'est-ce que ça veut dire «le cas échéant»? Ça
prêtait à confusion, ça. Ça prête à confusion.
M. Boulet : Tout à fait, ça peut.
Mme
Éthier (Sonia) : Là, je
comprends que les parties, les associations qui veulent se regrouper peuvent le
faire, mais ce n'est pas comme on l'avait pensé ou lu, que c'était
absolument à deux niveaux.
• (15 h 20) •
M.
Boulet : Absolument, on se comprend très bien. On est vraiment, encore
une fois, sur la même longueur d'onde. Puis
s'il y a des précisions, bien, les partis d'opposition se feront certainement
un plaisir de nous le rappeler au moment de l'étude article par article, mais, sur le sens, on est d'accord. On ne
veut ni imposer ni prohiber. Puis ce qu'un autre syndicat nous mentionnait, on n'a pas l'intention d'aller
dans cette direction-là, c'est-à-dire d'imposer une négociation à l'échelle
nationale pour éviter une diversité de services essentiels en fonction des
établissements ou des régions.
Ça va...
L'autre, la notion de personne intéressée, Mme Éthier, vous savez que ce
concept-là, il est bien défini en jurisprudence et c'est vraiment limitatif. La personne intéressée doit démontrer
un intérêt direct, personnel, né et actuel, doit faire la preuve qu'il
s'agit d'une question sérieuse et, enfin, ce doit être une personne dont les
droits seront directement affectés par l'issue d'un conflit ou par l'occurrence
d'un conflit. Ça fait que ce concept-là, il est vraiment limité par la jurisprudence québécoise, et je ne voudrais pas interpréter ça comme
ouvrant la porte à n'importe qui. Mais il pourrait... puis ça existe dans la vaste majorité
des lois du travail statutaires au Québec, ce concept-là de personne intéressée, mais,
encore une fois, le fardeau de preuve est vraiment imposant. Donc, je
tenais à vous apporter ces précisions-là.
Vous me
parlez de... Là, j'amenais ça vous réentendre là-dessus. Tu sais, quand on
définit ce qu'est un service public, vous avez vu qu'on s'assurait d'actualiser
la définition de «service public» pour enlever, notamment, les agences
de services de santé et services sociaux, qui n'existent plus depuis la
création des CIUSSS et des CISSS, et on a enlevé l'entreprise de téléphone parce que
ça n'existe plus aujourd'hui. Est-ce que vous aviez... puis je pense que j'ai
compris que, dans votre mémoire, vous faisiez des commentaires
défavorables à l'égard de la possibilité pour le temps d'élargir ce concept-là
de services publics à d'autres organisations. Est-ce que j'ai bien compris?
Mme
Éthier (Sonia) : C'est ça. Dans le fond, on veut que ce soit
restreint, là. Comme on l'a expliqué dans le mémoire
puis comme je l'ai expliqué, c'est vraiment en lien avec la sécurité du public ou une partie
de la santé et de la sécurité d'une partie ou de la totalité de la population,
là.
Tu sais, on
ne voudrait pas, au fond, que ce soit élargi, comme je l'ai mentionné puis
comme on l'a écrit dans le mémoire, par exemple, au domaine de l'enseignement,
où... puis dans le mémoire, là, on cite,
je pense, c'est à la page 8, ce que la Cour suprême entend par... je
vais le retrouver, là, puis... puis je ne voudrais pas vous faire la lecture,
mais on dit : «On ne saurait
faire droit à la prétention selon laquelle, par exemple, le travail de
chacun des salariés de tous les ministères, de
tous les organismes, sociétés d'État, dans tous les villages, toutes les villes et de
tous les établissements d'enseignement
correspond à un service si essentiel que son
interruption mettrait en péril la santé et la sécurité de la collectivité.» Ça
fait que c'est dans ce sens-là qu'on spécifiait la restriction.
M.
Boulet : On s'entend bien
aussi là-dessus. En même temps, moi, je suis un partisan de quand
on définit, quand on ne veut pas que
le diable soit dans les détails, si on fait une énumération trop détaillée, on
va se perdre puis on n'est plus en
mesure de moderniser sans faire des amendements législatifs. Puis, tu sais, la
nature de la reddition de la
prestation de services, notamment en
santé et services sociaux, ça évolue, puis je ne veux pas qu'une définition
trop restrictive nous empêche d'imposer le maintien des services
essentiels en cas de grève.
Puis j'ai
donné des exemples hier, par exemple, une définition qui ne comprend pas les
services de transport des personnes
handicapées par véhicule automobile. Ce n'est pas prévu dans la définition,
mais le temps pourrait considérer qu'une
grève dans ce type de service là pourrait porter atteinte à la santé et
sécurité publique et donc que ça puisse être une définition qui s'adapte
à la réalité de cette situation-là.
Les
organismes communautaires, Mme Éthier, vous le savez, qui ne sont pas des
établissements de santé au sens de la Loi sur les services de santé et
les services sociaux, mais qui offrent, par exemple, des services à domicile
pourraient être considérés comme un service
public. Il y a des grèves au sein de certains organismes communautaires qui
font des services de première ligne,
qui désengorgent notre réseau traditionnel, qui pourraient être considérés
comme des services publics : les centres de désintoxication, les
offices municipaux d'habitation, il y en a plusieurs.
Ce matin, on rencontrait les gens de la
Fédération québécoise des municipalités. Il y a beaucoup de petites
municipalités qui donnent des sous-contrats à des entreprises de gestion des
matières résiduelles ou qui font déneiger les rues pour des raisons de sécurité
citoyenne. Il y a de ce type d'entreprises là qui pourraient être considérées
comme rendant un service public, mais il
faut que ce soit vraiment un service apparenté à une mission publique. Il faut
que ce soit des organismes de même nature. Mais je ne veux pas qu'on ouvre la
valve puis qu'on vienne limiter l'exercice du droit de grève un peu partout, le moins possible,
Mme Éthier. Et je vous le redis, on sera toujours guidé par le principe
que vous avez bien évoqué au départ, qui découle de l'application de
l'affaire Saskatchewan, là. Ça vous va là-dessus?
Mme Éthier (Sonia) :
Ça va.
M. Boulet : O.K. Peut-être,
dernier point, la désignation par le TAT d'un agent de relations de travail,
nous, on y voyait un moyen de facilitation
de l'atteinte d'une entente entre les parties sur les services essentiels. Vous
êtes d'accord avec ça, mais vous dites que ça devrait être plus
systématique ou...
Mme Éthier
(Sonia) : Bien, étant donné
que ça va changer les cultures, hein... Au départ, là, ça va être très
différent d'un pourcentage. Puis comme, dans le projet de loi, on prévoit par
unité ou, bon, par service, je pense que les parties auraient avantage à être accompagnées dès le
départ pour les aider, c'est ce qu'on pense, à cheminer vers une entente, pour
que ça procède rondement, là.
M. Boulet :
Moi, là-dessus, j'étais un partisan mais pas fermé. Moi, j'aime ça, une
commission parlementaire, parce que ça va nous permettre de s'entendre, puis il
y a un peu de négociation là-dedans. Moi, je suis un partisan de : si les
parties ont besoin d'un agent pour les aider, qu'elles le demandent. Puis il y
a des parties qui me disent : Jean, on... pas Jean, mais ils pourraient dire : On n'en a vraiment
pas besoin, on est capables de s'entendre. Puis, dans la vaste majorité des
cas, les associations accréditées
puis les établissements s'entendent. Il y a un respect mutuel. Il y a de la
négociation raisonnée qui se fait de
façon presque continuelle, puis, à l'amorce des négociations, elles s'entendent
sur les paramètres des services essentiels.
C'est pour ça que je disais : Mais, si les parties le souhaitent, ou à
leur demande, on va en nommer... que le tribunal en nomme un rapidement,
avec diligence.
Je ne pense
pas que ce soit nécessairement... ou requis que ce soit automatique dans tous
les cas. Mais la volonté que nous
avons, c'est d'aider les parties, et on a les ressources suffisantes au TAT. On
a fait les vérifications au moment des consultations,
on a suffisamment de monde. Puis si jamais, au départ, parce qu'on sait que les
conventions vont se terminer au 31 mars l'année prochaine, si jamais il y
a un goulot d'étranglement, le TAT va certainement s'assurer d'avoir le
nombre d'agents conciliateurs qui seront requis par la négociation des premiers
services essentiels, entre guillemets.
Mme Éthier (Sonia) :
Ça va.
M. Boulet :
Merci, hein, merci de votre présentation. Puis on a beaucoup de respect pour la
CSQ, hein, vous le savez, hein? Merci beaucoup.
La Présidente (Mme IsaBelle) :
C'est tout?
M. Boulet :
Oui. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Alors, nous
cédons la parole à l'opposition officielle avec le député de
M. Vimont. Vous disposez de 11 minutes.
M. Rousselle :
Merci, Mme la Présidente. Mme Éthier, Mme Montour et M. Daoud,
merci d'être ici. Merci d'avoir préparé
le document. Je sais que, des fois, ça prend du temps, mais merci de l'avoir
fait puis merci surtout de votre présence.
Je regarde
ça, vous êtes une centrale syndicale qui représente 200 000 membres
dans 11 fédérations, 240 syndicats affiliés. Donc, vous couvrez large tout de même. Vous allez à bien des
endroits. Moi, je voudrais... puis surtout avec 357 titres d'emploi, donc ça, ça vient mettre encore plus
compliqué, parce que, là, quand on parle de services essentiels, des fois, ça
peut être... c'est sûrement... c'est différent d'un titre d'emploi à un autre.
Dites-moi, vous, l'impact de cette nouvelle loi là,
vous devez l'avoir analysé sur votre quotidien, sur vos membres. C'est
quoi que vous pourriez me dire là-dessus?
• (15 h 30) •
Mme Montour
(Claire) : Bien, l'impact,
si je peux me permettre, pour les membres de la FSQ, c'est 100 % de nos membres. Je représente des infirmières, des infirmières auxiliaires, des
inhalothérapeutes qui travaillent dans le secteur public, ce qu'on connaît, la catégorie I. Donc, ce
projet de loi là couvre ou vise 100 % de nos membres. Tous nos
établissements qui sont appelés, s'il y a une grève, devront négocier
les services essentiels.
M. Rousselle :
Je veux savoir... c'est que la différence avec l'ancienne loi... bien, la loi
actuelle, là, parce que, là, elle est encore en vigueur, mais elle va changer.
Juste me dire, vous la voyez comment? Parce que j'ai entendu d'autres syndicats qui disent : Bien écoute, il y plus
de personnel en période de grève qu'en temps régulier. Donc, vous, vous le
voyez comment?
Mme Montour
(Claire) : Bien, plus largement, c'est sûr que, quand on regarde le
projet de loi, là... pas le projet de loi, mais la loi initiale avec des
pourcentages, on n'avait pas ou, je vais dire, à peu près pas à négocier le
pourcentage. Il était dans la loi. Puis
quand je dis à peu près pas, il y a, pour des employeurs, pour certains centres
d'activité où, là, les employeurs essayaient de nous amener à déposer
des listes avec des pourcentages plus élevés que la loi.
Je vais
donner l'exemple des CLSC, où ils étaient à 60 %. On a eu de bonnes
discussions, de longues discussions. Et
moi-même, j'ai dû me retrouver devant le TAT avec un employeur parce qu'il ne
voulait pas le 60 %. Il voulait 90 %. Ça fait que, là, c'étaient des négociations. C'est un peu comme ça que
ça se passait. Je n'ai pas d'autre expérience, c'est un projet de loi,
là.
Donc, il y
avait des pourcentages, mais toute la négociation des horaires de travail, de
qui est dans le département... Je vous donne un exemple. On sait tous,
bon, de me répondre... pour qu'un employeur me dise : Nous avons
14 postes. Ça ne veut pas dire que
les 14 sont remplacés. Ça ne veut pas dire qu'ils sont tout le temps là.
Est-ce qu'il y a des journées qu'il y
a plus de personnel pour toutes sortes de raisons? Exemple, en chirurgie, le
bloc opératoire est ouvert, on va avoir plus d'admissions. Il y a toutes
sortes de considérations comme ça, et c'est cette difficulté-là que nous
avions.
C'est pour ça
qu'une des recommandations visait à avoir un délai pour obtenir les documents,
parce que toute cette base de
négociation là, il faut quelle soit faite à partir de données objectives :
l'horaire de travail, des cédules, des postes remplacés, pas remplacés, des surcroits, pas de... Il y a toutes sortes
de données. Et là je vous rappelle que, maintenant, les CISSS et les CIUSSS... Ça fait que la connaissance
de tous les centres d'activité, de tous les services... Des départements
peuvent être totalement différents, même
s'ils donnent le même service. Quand on parle d'une urgence dans un grand CISSS,
les urgences ne sont pas toutes pareilles. Donc, ça va nous amener beaucoup de
travail à ce niveau-là et de discussions. Je
pense que quand on avait... la recommandation qui dit, oui, un délai pour
obtenir les documents, je pense que c'est ce qui va faciliter cette
négociation-là et arriver, de part et d'autre, à une entente dans un délai
raisonnable aussi, là.
Il ne faut
pas non plus retarder les discussions, puis faire durer le plaisir, je vais le
dire comme ça, puis ne pas être capable
de s'entendre. Et oui, on demandait quelqu'un, dès le départ, au niveau du TAT,
justement, pour accompagner les parties et non pas de devoir, de façon commune,
demander l'intervention. Et là est-ce qu'on s'entend tous les deux pour demander l'intervention? Quand je parle des deux,
c'est de part et d'autre. Est-ce qu'on veut l'intervention? Une partie ne veut
pas. Comment ça va arriver? Il faut essayer d'éviter, à notre avis, pour les
membres que je représente, de prendre beaucoup,
beaucoup, beaucoup de temps à négocier ou à s'entendre autour de ces
modalités-là avant d'arriver dans le vif du sujet.
Donc, oui, on
a déjà vu, à des moments, essayer d'avoir plus de personnel. Et là ça pose la
question aujourd'hui, avec tout ce
qu'on vit de pénurie puis tout ça. Mais quand on n'a pas les documents, tous
les documents nécessaires, bien... Puis oui, c'est vrai, je l'entends, puis on l'a déjà nous aussi, des fois, ça
nous tente de faire... demander l'intervention des services essentiels pour avoir plus de personnes qu'il y a
en temps régulier, parce qu'il manque de personnes, là. Ça, on ne cachera
pas personne, là. On a tous pensé à ça.
M.
Rousselle : Donc, vous me dites, effectivement, que tout tourne
alentour de la liste, de la rapidité d'avoir la liste pour pouvoir,
justement, avoir une entente entre les parties. Ça, ça va faciliter vraiment.
Mme Montour (Claire) : La liste, les
documents, les horaires, bon, tout ça, là.
M. Rousselle : Bon, bien,
merci. Ma collègue de Fabre va...
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, je laisse la parole à la députée de
Fabre. Il vous reste 4 min 32 s.
Mme Sauvé :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, Mme Éthier, Mme Montour et M. Daoud,
merci pour votre présentation, le rôle important que vous jouez et la
qualité de votre mémoire.
Je sais que vous avez
manqué un petit peu de temps à la fin, dans votre présentation, entre autres,
dans votre mémoire, sur toute la notion de
la négociation de bonne foi. Alors, vous avez fait ça rapidement, puis je
voudrais peut-être vous entendre. Je
sais, tantôt, que le ministre a un peu dialogué avec vous sur cette question-là
par rapport à la demande que vous
faites d'avoir un agent de relation de travail. Et là, au fil des discussions
avec mon collègue, j'ai bien compris qu'il y a la négociation de bonne foi, la demande qui est faite, de votre
côté, d'avoir un agent de relation de travail pour la négo puis conclure l'entente, mais, en même temps, bon,
le ministre mentionne, ça devrait être non systématique et à la demande.
J'entends de votre côté aussi que l'ajout de
l'agent de relation de travail, c'est non seulement dans le principe de
négociation de bonne foi, mais aussi
d'accompagnement face à une complexité, parce que, vous l'avez dit, c'est fort
complexe. Il y a une variante extraordinaire de la réalité des soins
d'un établissement à l'autre.
Alors,
qu'est-ce qui vous amène, dans un premier temps, à avoir à mettre de l'avant...
parce qu'il me semble que ça devrait être évident, mais la négociation
de bonne foi, pourquoi il faut le mentionner, pourquoi c'est important? Puis pourquoi, de façon systématique, pas seulement
pour la bonne foi, mais aussi pour l'accompagnement dans la complexité,
vous demandez un agent de relation de travail?
Mme
Éthier (Sonia) : Bien, je pense que je l'ai un peu expliqué au
départ, parce que c'est vraiment... c'est un changement
de culture, là, hein? On ne parle plus de pourcentage, on parle de la réalité
de ce qui se passe. Mme Montour l'a
expliqué tout à l'heure, c'est prévu, là, dans le projet de loi, les services
essentiels par unité de soins, catégorie de soins, c'est prévu à l'article 111.10.1, le
fonctionnement normal des unités des soins intensifs, le libre accès d'une
personne, bon, etc.
C'est
surtout les premiers... les points 1 et 2, et c'est nouveau, là, et ce pour
quoi on pensait important que l'agent de
relation de travail soit, dès le départ, pour accompagner les parties... Mais
évidemment, M. le ministre l'a précisé qu'à la demande, il y en aura un. Mais,
c'est vrai... Mais, tu sais, Mme Montour, tantôt, quand elle disait : Il
ne faudrait pas que ça retarde le processus, puis est-ce que, si une
partie désire être accompagnée, l'autre partie... Tu sais, il ne faudrait pas qu'il y ait une... que le processus retarde pour
compliquer les affaires. Ça fait que c'était un peu dans ce sens-là, mais
c'était spécifiquement sur la
question que... On change la culture, là, hein? Ça va être un... On modernise,
on fonctionne différemment, puis c'est un peu en ce sens-là.
Puis
sur la question, bien, de la bonne foi, bien, on disait que le projet de loi
n'en parle pas spécifiquement que la négociation
doive débuter et se poursuivre avec diligence et bonne foi comme c'est déjà
prévu à l'article 53. Donc, pour nous,
c'était une précision, puis peut-être que Me Daoud pourrait compléter, mais on
pensait que c'était important de la spécifier parce que, de part et
d'autre, il faut fonctionner de bonne foi pour y arriver à la toute fin.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Me Daoud, il vous reste 35 secondes.
• (15 h 40) •
M.
Daoud (Marc) : Oui, effectivement, c'est un principe quand même assez fondamental, le fait de négocier... de bonne foi, excusez-moi, et on sait
que l'obligation va être là. Mais l'article existe déjà dans le Code du
travail, l'article 53. Pourquoi ne pas l'élargir pour inclure la
négociation de bonne foi?
Et
je rajouterais, en complément à Mme Éthier, que l'agent... si on déjà un agent
de relation de travail avec un pouvoir d'enquête
de nommé au départ... on sait que l'entente, au final, doit être transmise au
tribunal pour approbation. Donc, si on a déjà un agent qui l'accompagne,
on sait que ça va faciliter l'approbation et réduire les délais.
La
Présidente (Mme IsaBelle) :
Merci. Merci pour le bel échange. Nous laissons maintenant la parole au député
d'Hochelaga-Maisonneuve. Vous avez 2 min 45 s.
M. Leduc :
Mme la Présidente, j'aimerais pouvoir utiliser du temps qui ne sera pas utilisé
par mes collègues.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Est-ce qu'on a l'accord? On a le consentement?
M. Boulet :
À l'arrachée.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Alors, nous y allons rapidement. Député
d'Hochelaga-Maisonneuve, vous avez 5 min 15 s.
M.
Leduc : Vous vous magasinez
une étude détaillée très difficile, M.
le ministre, très difficile. Bonjour, bienvenue. Bienvenue parmi nous.
Merci d'être là, merci d'avoir préparé un beau mémoire.
J'avais
ma première question concernant la question de l'élargissement des groupes ou
des accréditations qui pourraient être assujetties, donc, aux services
essentiels. Ma question s'adresse d'abord... en fait, je comprends que vous
n'êtes pas tout à fait favorables à ça, là,
vous recommandez de retirer un alinéa complet. Mais plus spécifiquement, pour
la CSQ, est-ce qu'il y a des gens qui sont membres de votre centrale qui
pourraient être assujettis à ça, si on élargit, ou si vous avez en tête des gens qui pourraient
éventuellement être membres de la centrale qui seraient touchés à ça, ou c'est
une position de principe plus générale?
M. Daoud (Marc) : En fait, c'est une position de principe générale parce que
la façon que c'est rédigé, éventuellement, ça pourrait donner une ouverture à ce
qu'un tribunal ou un juge décide de l'élargir à pas mal n'importe quelle entreprise. C'est vraiment
large. On dit : Toutes les entreprises qui ne sont pas inscrites à l'article 111.0.16 pourraient théoriquement être assujetties à ça. On sait aussi
que l'arrêt Saskatchewan délimite très bien, on l'a mentionné, restreint le
concept de service essentiel. Donc, d'un côté, on essaie de l'élargir et, de
l'autre côté, on a un principe, déjà, dans un arrêt de la Cour suprême, qui dit que ça doit être
restreint. Donc, c'est deux objectifs qui vont à l'opposé l'un de l'autre.
Et... juste un instant.
Et,
en fait, l'autre risque, c'est que même si, en bout de ligne, on sait que le
tribunal... ou on peut entrevoir que le tribunal va rejeter des demandes d'intervention qui visent à élargir
l'assujettissement des entreprises, c'est quand même de l'énergie qui va être dépensée à s'attaquer à des
tentatives théoriques. Donc, il pourrait... et surtout que la personne
intéressée pourrait le faire. On vous
a très bien entendu, au niveau de la personne intéressée, que oui, la
jurisprudence a tendance à le restreindre,
mais n'importe qui peut quand même tenter de se faire passer pour une personne
intéressée. Il va y avoir un débat, le tribunal va se poser sur la
question à savoir si cette personne-là a un intérêt ou non.
Donc,
les parties, alors qu'elles sont peut-être en grève, vont être obligées de
revenir et d'essayer de... bien, en fait, de, tout simplement, faire des représentations et de mettre de l'énergie
et du temps à éviter de perdre des droits qu'ils pensaient... étaient
déjà acquis.
M.
Leduc : Je comprends, dans votre mémoire, que vous vous inquiétez
qu'il n'y ait pas de critère par rapport à ça, à la personne intéressée.
Advenant que, dans l'étude détaillée, je ne réussisse pas à convaincre le
ministre de retirer l'alinéa, comme
vous le réclamez, est-ce que l'intégration de critères qui pourraient
restreindre la portée de cet élargissement-là pourrait être une forme de
compromis qui...
Mme Éthier (Sonia) : Au
niveau de la personne intéressée, là,
je les ai notés tout à l'heure, là, ça pourrait être un compromis, mais
on préférerait que ce soit retiré.
M.
Leduc : Peut-être
que M. le ministre va faire des devoirs préalables à l'étude
détaillée, il va nous arriver avec des amendements. C'est ce qu'il a
fait la dernière fois, donc on va s'attendre au même niveau de rigueur.
M. Boulet :
On a toujours des discussions raisonnées, hein? Je rappellerais à mon collègue
que...
M.
Leduc : Oui, tout à fait. Tout à fait. Et toujours, donc, sur personne
intéressée, vous... peut-être vous n'étiez pas là tantôt, mais on a eu
une discussion avec la FQM, Fédération québécoise des municipalités, qui
prenait l'exemple de sous-contractants qui
allaient déneiger, par exemple. Et là eux autres, ils disaient : Moi,
comme ville, si jamais il y a une grève
ou un lock-out entre le sous-contractant et ses employés, moi, comme personne
intéressée, je veux pouvoir intervenir, en matière de services
essentiels, pour le déneigement de ma ville.
Est-ce
que, là, dans ce cadre-là, c'est quelque chose qui, par principe, toujours,
vous aimeriez mieux écarter, ou avec des critères, si c'est un... La question
des sous-traitants, finalement, est assez centrale dans la question des
personnes intéressées. C'est un peu ça que j'essaie de dire.
Mme Éthier (Sonia) : On n'a pas entendu exactement, là. Vous nous
indiquez de quelle façon il voyait la notion de personne intéressée, mais — une minute — c'est peut-être un exemple, justement, qui
pourrait nous mener à un endroit où on ne devrait pas aller. C'est exactement l'exemple. Il y a, oui, du déneigement qui... puis, tu sais, ce
n'est pas dans notre expertise, là.
Mais,
dans le fond, ce que j'essaie d'exprimer, c'est qu'il ne
faut pas... Il faut faire attention de ne pas faire en sorte que le droit de
grève se trouve dilué parce que tout un chacun va déterminer qu'il est une personne
intéressée puis qu'on va venir
compromettre le droit de grève, qui est légitime.
M. Leduc :
Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci C'est bien. Alors,
M. Daoud, Mme Éthier, Mme Montour, de la Centrale des
syndicats du Québec, on vous remercie beaucoup pour votre contribution aux
travaux à la commission.
Nous
allons suspendre les travaux quelques instants, le temps de donner la chance au
deuxième groupe de s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à
15 h 46)
(Reprise à 15 h 48)
La Présidente
(Mme Jeannotte) : Alors, je souhaite la bienvenue à l'Alliance du
personnel professionnel et technique de la
santé et des services sociaux. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre
exposé.
Alliance du personnel
professionnel et technique
de la santé et des services sociaux (APTS)
Mme Dubé (Carolle) : D'accord,
merci. Carolle Dubé, présidente de l'APTS.
M. Comeau (Robert) : Je suis
Robert Comeau, vice-président.
M. Tessier (Guy) : Guy Tessier,
coordonnateur au sein de l'équipe de relations de travail de l'APTS.
Mme Dubé
(Carolle) : D'abord, M. le
ministre, Mme la Présidente de la commission et membres de la commission,
d'abord, je tiens à vous remercier de donner à l'APTS l'occasion de faire
valoir notre opinion sur le projet de loi n° 33.
L'APTS représente plus de 56 000 personnes
professionnelles techniciennes qui pratiquent dans la très grande majorité des établissements du réseau québécois de
la santé et des services sociaux. 86 % de nos membres sont des femmes. Nos
membres pratiquent dans plusieurs... dans plus d'une centaine de types d'emploi
différents, dans plusieurs centres d'activité,
secteurs d'activité. En fait, nos membres travaillent dans toutes les missions
que l'on retrouve, là, dans le réseau.
• (15 h 50) •
Je ne vous
cacherai pas que l'APTS accueille avec quelques réserves le projet de loi
n° 33, des réserves qui n'ont rien à voir avec l'intention, qui est
louable. C'est tout à l'honneur du gouvernement du Québec de prendre les moyens
pour se conformer aux décisions de la magistrature, notamment la décision de la
Cour suprême en 2015 et celle du tribunal du
travail en 2017. Ces deux jugements-là ont bouleversé l'ordre établi. Le temps est venu d'ajuster le Code du travail pour trouver un nouvel
équilibre entre le droit de faire la grève dans les secteurs public et
parapublic et naturellement le droit des citoyens et des citoyennes de
recevoir ces services.
Nous
reconnaissons que le projet de loi n° 33 contient des dispositions qui peuvent
améliorer le rapport de force des
syndicats, pour qui la grève constitue le seul moyen de pression efficace pour
servir les intérêts des personnes salariées. Nos craintes principales, avec
le projet de loi n° 33, c'est qu'il peut devenir
techniquement long et difficile à appliquer. Considérant d'abord le grand
nombre de titres d'emplois représentés par l'APTS et la complexité administrative
des nouveaux centres, les CI et les CIUSSS,
on peut s'attendre à d'interminables débats entre les parties quand viendra le
temps de définir les services essentiels dans le nouveau contexte qui
est proposé.
Le recours au personnel-cadre, on ne s'y oppose
pas, mais pourra aussi contribuer au maintien des services essentiels. On pense que ça ne sera pas simple non
plus. Ces considérations laissent entrevoir des risques de judiciarisation
de l'application des nouvelles règles. Si
les problèmes de mise en place d'ententes et de listes sur les services
essentiels s'accumulent, c'est carrément l'accès à la grève qui peut être
compromis. Mais nous pensons qu'on peut prévenir bien des litiges en
améliorant le projet de loi, et c'est le sens de nos recommandations.
D'abord, sur la détermination des services
essentiels, en cas de grève, le projet de loi remplace l'obligation de maintenir un pourcentage de salariés par corps de
travail par l'obligation de maintenir les services dont l'interruption peut
mettre en danger la santé ou la sécurité publique. Pour nous, c'est la
modification la plus significative du projet de loi, mais ça veut dire... ça
signifie qu'il faudra passer en revue toutes les tâches et les services assumés
par une personne salariée et se demander si
une interruption met en danger la santé et la sécurité publique. Si c'est non,
on va reconnaître, à ce moment-là,
que ces tâches-là ne font pas partie des services essentiels à maintenir
pendant une grève. Et ça, on devra répéter ça pour beaucoup de secteurs,
beaucoup de titres d'emplois.
Ça, c'est un
travail qui est quand même assez colossal. On pense que nous, on va y arriver,
mais on a des doutes, quand même, sur
la capacité des employeurs du réseau de la santé de déterminer ces services-là
pour s'assurer d'une bonne application. Parce qu'avec la création des CI
et la création des CIUSSS, on a noté, on a observé un manque de temps important, d'interlocuteurs dans les dossiers de
relations de travail. Et pour nous, les retards à prévoir pourraient venir
faire en sorte de priver l'APTS et ses membres de faire la grève au
moment jugé opportun. Donc, vous allez retrouver...
Puis on a vraiment un souci, comme je vous
disais, de faire en sorte de ne pas judiciariser l'application de ces nouvelles règles là. Donc, vous retrouvez, là, à
la page 7 de notre mémoire, plusieurs mesures qu'on vous propose pour
faciliter, donner des moyens, donner des
outils, des délais pour faciliter le travail au niveau local. Et à ce
niveau-là, parmi cette recommandation-là, ce qu'il est aussi important
de maintenir, c'est de permettre en tout temps à une organisation syndicale de pouvoir déposer des listes de
services essentiels. Même si le processus est en cours, si ça ne va pas bien,
on veut pouvoir garder cette possibilité-là.
Lors d'une
journée de grève, cette nouvelle façon de déterminer les services essentiels
pourrait faire en sorte qu'une personne salariée d'un centre d'activités assume
une partie de ses tâches, tandis qu'une autre doit faire toutes ses
tâches, tandis qu'une autre pourrait s'absenter totalement. Donc, ça va
entraîner nécessairement une grande variabilité dans le temps de grève pour les personnes salariées. Nous, on pense que
le projet de loi ne doit pas interdire que les parties s'entendent, par exemple, pour maintenir un
pourcentage, comme on peut le vivre, actuellement, de manière à ce que les
temps de grève soient égaux pour tout le monde. On est convaincus que le niveau
de grève doit demeurer une liberté d'action syndicale et que ça
appartient au syndicat de choisir, dans le respect, bien sûr, de ce qu'il y a
de prévu à l'article 111.10. Et c'est dans cet esprit-là qu'on vous propose
d'ajouter la notion, à 111.10, de dire que les services essentiels sont minimalement
ceux dont l'interruption... tel que c'est déjà prévu, là, dans votre
proposition.
On conteste
la formulation aussi du premier paragraphe de l'article 111.10.1, qui dit que
la négociation des services essentiels s'effectue selon les paramètres convenus
entre les parties. Est-ce qu'il faut comprendre que les paramètres
doivent obligatoirement être convenus comme
préalables à une négociation ou à un dépôt d'une liste? Bon, j'ai entendu tout
à l'heure vos commentaires. On pourra
y revenir, on pourra échanger, parce que pour nous, là, on ne peut pas accepter
que le droit de
l'APTS de déclencher soit limité par
une démarche, là, obligatoire qu'on devrait convenir pour établir les
paramètres. Et, dans ce sens-là, on
est d'avis que les services essentiels doivent pouvoir se négocier au niveau
local, même s'il n'y a pas de paramètre convenu et qu'à défaut d'une
entente, qu'on puisse déposer nos listes au tribunal.
Donc,
on a aussi... vous allez retrouver, dans notre mémoire, là, à la
recommandation 3, des propositions par rapport à cette
notion-là de paramètres, et on pourra y revenir tout à l'heure.
L'article 18
du projet de loi présente une modification d'importance à la
section 4 du Code du travail, qui élargit considérablement les pouvoirs
du tribunal. Quelqu'un, par exemple, qui jugerait que les services essentiels
ne sont pas suffisants pourrait demander au
tribunal de les ravoir après qu'il les ait autorisés. On est tout à fait contre cette proposition à
cause de son effet sur le droit de grève. On considère que le législateur
va trop loin puis que ça met en péril aussi le droit de grève. Il faut
donc limiter l'intervention du tribunal à ce niveau-là.
Mais
si le législateur persiste à vouloir imposer une reconsidération
des services essentiels, alors il faudrait établir une présomption que les services essentiels d'une
entente, une liste qui aurait été préalablement autorisée, sont suffisants de
manière à pouvoir maintenir la grève en cours le temps que le tribunal puisse
auditionner l'affaire. Donc, c'est l'essence de la recommandation n° 4, de retirer l'article 18 et de maintenir
l'article 111.16 du Code du travail sous sa forme actuelle.
La modification qui
est proposée par l'article 13 au sujet de la transmission de l'information
sur le nombre de personnes salariées qui
sont habituellement au travail pour une période donnée, c'est vraiment
bienvenu. On souligne aussi l'élément... on est parfaitement en accord,
ça répond aussi à des besoins, mais on recommande de préciser le délai à respecter par l'établissement pour transmettre
au syndicat lesdites informations. Et
on vous recommande, là, de fixer au plus tard à 15 jours suivant la
réception d'une demande.
Que
les établissements puissent compter sur les cadres pour assurer les services
essentiels, pour nous, c'est une bonne
nouvelle, puisque ça va permettre à davantage de personnes salariées d'être en
grève. C'est sûr que nous allons en tenir
compte au moment de faire les ententes puis de déterminer les listes de
services essentiels. On pense par contre que ça pourrait ne pas toujours
être simple pour autant, parce qu'il faut reconnaître... il va falloir voir les
connaissances et expériences. Beaucoup de nos membres sont des membres d'ordres
professionnels avec des activités, des obligations d'appartenir, par exemple, à un ordre professionnel, mais, dans
l'ensemble, je vous dirais qu'on est en faveur de cette modification.
Donc,
pour conclure, on ne conteste pas d'obligation pour pouvoir faire la grève de
respecter les étapes strictes qui sont
prévues aux articles 111.11 et 111.12 du Code du travail. Cependant, il ne
faudrait pas que les nouvelles règles viennent limiter l'accès à la grève. C'est pourquoi nous avons proposé d'ajouter
des mesures pour favoriser, faire en sorte qu'on puisse bien s'entendre
au niveau local pour déterminer les services essentiels.
Je terminerais en
vous disant que, pour ma part, j'ai participé activement à plusieurs grandes
négociations du secteur public. Je peux vous assurer que les membres qu'on
représente dans notre organisation sont des gens qui ne voudront jamais, qui ne voudraient pas être dans une situation où la
santé et la sécurité publiques sont menacées, et ça, même en période de transition avec... de tension,
pardon, avec la partie patronale. C'est dans ce sens-là que nous voulons
travailler avec les établissements
pour déterminer les services essentiels lorsque la grève s'impose. Donc, voilà,
merci de votre attention.
La Présidente (Mme Jeannotte) : Oui, merci. Je vous remercie beaucoup pour votre
exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Alors, M.
le ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 16 min 30 s.
• (16 heures) •
M.
Boulet : Merci, Mme la Présidente. Bravo pour la présentation,
Mme Dubé, puis je remercie l'APTS
d'avoir fait les efforts de préparer
un mémoire aussi bien structuré, de vous être déplacés pour
faire des recommandations. Et j'apprécie
beaucoup... sur le fond, je pense qu'on s'entend bien. J'aime bien vos remarques préliminaires et
vos remarques aussi de clôture.
On
le reconnaît, le législateur québécois le reconnaît qu'il y a une décision qui
a été rendue par la Cour suprême du
Canada puis que le droit de grève est...
Vous m'avez entendu tout à l'heure, là, je ne veux pas reprendre tout ce que j'ai
mentionné, mais j'aime bien quand vous dites
que les membres que vous représentez sont aussi soucieux du maintien des
services essentiels qui vont assurer la
santé, sécurité publique. Je pense qu'il y a un ordre social au Québec qui est
relativement important à respecter,
puis on a généralement un excellent climat de relations de travail. Je pense
que c'est de bon augure pour l'amorce des négociations dans le secteur
public et parapublic qui vont débuter bientôt.
Le critère général,
je suis assez prudent, hein, parce que l'ancien article 111.10, on avait
des seuils minimums, puis là ça vient
limiter, parce que ça vient imposer puis ça empêche aussi un tiers indépendant
de se prononcer sur la nature des
services essentiels. Parce que le TAT, je ne veux pas que ce soit vu comme un
organisme qui va peser lourd sur les épaules
des parties. Vous l'avez mentionné, les services essentiels, ça appartient...
c'est du domaine d'expertise des parties, établissement par établissement. Mais
le critère, qui est plus général, de santé, sécurité publique... du public est
comme un fardeau à supporter pour permettre
que les associations accréditées puissent exercer ce droit fondamental là
qu'est la grève, qui découle du droit
d'association. Mais il faut
que ce soit flexible, il faut que ce
soit ordonné, et ce que j'ai réalisé
dans les statistiques du TAT, c'est que, je pense, c'est au-delà de
80 %... dans à peu près 80 % des cas, il y a des... les négociations se sont soldées par une entente
entre les parties. 81 % des négociations de services essentiels, entre
1992 et 2007, puis je présume que ça s'est accru au fil des années.
Ça fait qu'on fait confiance aux parties, il faut
continuer de faire confiance aux parties, et on est convaincus que les modifications vont être un élément additionnel
qui va permettre aux parties de bien s'entendre, parce que, vous le savez,
les seuils minimaux, ça ne faisait pas l'affaire, puis il y a beaucoup de
syndicats qui me disaient : Jean, avec les seuils minimums, on se retrouve, en cas de grève, avec un nombre supérieur de
salariés syndiqués, donc ça ne marche pas. Puis c'est sûr que ça venait, selon les tribunaux, puis moi, je suis d'accord
avec ça, limiter de façon trop importante l'exercice du droit de grève. Mais je pense qu'il faut se
faire confiance au Québec. On va s'adapter à ce critère général là. Le TAT
est un organisme indépendant. Puis moi, je
suis extrêmement positif pour la mise en application de ce projet de loi là qui
va devenir une loi éventuellement.
Puis
vous avez fait référence aussi aux délais. Je pense qu'on a voulu, encore une
fois, faire confiance aux parties, mais
il va falloir agir avec diligence. Et le tribunal est contraint de se soumettre
à des règles de diligence. Est-ce que ça prendrait un délai, par exemple, pour forcer l'employeur à donner les
informations demandées par l'association accréditée? Ça, vous avez fait référence à ça, Mme Dubé,
hein? Puis est-ce que vous avez des cas, des exemples où vous avez témoigné
de négligence ou de retards indus par des établissements
de soumettre les informations demandées par l'association accréditée au
moment du début des pourparlers sur les services essentiels?
Mme Dubé
(Carolle) : C'est sûr qu'on
va le faire. Ce nouveau modèle là, on aura à le faire pour une première fois,
mais on le fera aussi pour une première fois
dans des établissements dont la composition a changé de façon majeure depuis
la dernière ronde de négociations, hein? On
est dans des CI, des CIUSSS, avec des milliers de membres du personnel étalés
partout dans une région.
Puis, comme
on l'a présenté dans le mémoire, c'est certain qu'on voit encore
malheureusement, dans le réseau, un manque
de... vis-à-vis des gens au niveau de nos vis-à-vis, où parfois ça manque...
traiter nos dossiers quotidiens de relations de travail. C'est certain que,
quand on voit ce que cette nouvelle loi là va amener en termes d'impact de
temps, de travail qui devra être fait
au niveau local... parce qu'on est d'accord que c'est un travail qui doit être
fait au niveau local. Nous, on va se
donner les moyens de le faire, mais on aimerait ça aussi que, de l'autre côté,
les employeurs aient aussi les moyens, donc les ressources.
Ça fait que
c'est pour ça qu'on pense que le projet de loi... la loi devrait prévoir un
délai qui va forcer les parties. Puis
peut-être qu'éventuellement vous aurez, comme gouvernement, à ajouter des
ressources pour qu'on puisse y faire face. Parce que, si on n'est pas capables de le faire au niveau local puis que
là tout est reporté au TAT, bien, ça va... votre objectif de donner un
accès plus grand à la grève, bien, on pense qu'il ne se concrétisera pas.
M.
Boulet : D'accord. Bon point, d'où l'importance de redire que, dans le
projet de loi, on prévoit que le TAT puisse assigner un agent de relations de travail pour accompagner les parties.
Puis cette espèce de mandat d'accompagnement là, il va s'imposer de
façon encore plus aiguë au début de l'application, pour la première ronde de
négociations.
Et on s'est
assuré, là... parce qu'au moment des consultations préliminaires, on s'est
assuré que le TAT avait des ressources suffisantes puis on nous confirme que
oui. Il y en a 76, actuellement, des conciliateurs puis des agents de relations
de travail, puis il y en a de 12 à 14 qui sont assignés plus spécifiquement aux
services essentiels. Il y en a six à Québec
puis de six à huit à Montréal. Puis, comme je vous disais, ça a mené, dans la
vaste majorité des cas, à des ententes entre les parties. Les agents de
relations de travail, ils reçoivent un signal clair qu'on veut agir avec
diligence.
Et, s'il y a
un goulot d'étranglement, je l'ai mentionné, si le TAT a besoin de ressources
additionnelles, elles seront ajoutées,
parce qu'on ne veut pas... je n'aime pas vraiment le terme «judiciarisation».
Je ne veux pas que ça complexifie, mais
je dis quand même qu'il y a un certain fardeau à assumer découlant de cette
décision-là. Il y en a qui disent : C'est facile d'appliquer des pourcentages, ou des chiffres, ou des seuils
minimums, mais, en même temps, je comprends que ça limite peut-être
indûment l'exercice du droit de grève. Mais donc, il faut assumer ce que
l'Organisation internationale du travail puis les tribunaux supérieurs reconnaissent
comme étant le critère classique, c'est-à-dire la santé et la sécurité du public. Mais je suis totalement d'accord avec
vous qu'il va falloir s'assurer que ça aille bien puis que ça se déroule de
façon fluide et harmonieuse.
L'autre volet, si je vous comprends bien, les
paramètres nationaux, ça, vous m'avez entendu tout à l'heure, à mes remarques,
les paramètres nationaux, c'est si les parties le veulent bien, parce que je ne
veux pas désapproprier la définition des services essentiels des parties. C'est
les parties qui sont en maîtrise complète de leur environnement de travail, mais... puis je le disais encore, je
pense que vous m'avez entendu, Mme Dubé, il y a des syndicats qui sont venus
nous dire : On devrait plutôt imposer
une négociation au niveau national, un peu suivant le modèle de la
Colombie-Britannique, là, l'ordre
global puis l'ordre local. Nous, on est allés un peu entre les deux. On laisse
la faculté aux parties de déterminer leurs
besoins... leurs services essentiels, puis, s'il y a des affaires au niveau
national, bien, les parties pourront décider. Puis c'est des paramètres qui ne s'imposent pas non
plus au Tribunal administratif du travail mais qui peuvent servir de guide.
Et ce qu'un syndicat nous mentionnait, hier, ça
devrait être imposé au niveau national, parce que, là, on s'expose à une
asymétrie dans les services essentiels, dépendamment des établissements et des
régions, alors qu'il devrait y avoir un
niveau national essentiel de services à maintenir. Ce n'est pas l'analyse qu'on
fait. Donc, vraiment, le niveau
local, je pense que c'est ça, d'abord et avant tout, le national, si les
parties le veulent. Est-ce que ça vous va avec cette approche-là?
• (16 h 10) •
Mme Dubé
(Carolle) : Oui. C'est juste
qu'on n'est pas certains que le texte dit exactement ça. On a l'impression
que le texte amène une obligation d'avoir
déterminé des paramètres au niveau national. Donc, elle est là, notre réserve.
On n'est pas en désaccord, puis,
écoutez, je vous disais tantôt, c'est une première fois, un premier exercice
qu'on va faire. On verra s'il y a des discussions.
Nous, on a un
syndicat national en plus. Est-ce qu'on va faire une approche par exemple
auprès de nos vis-à-vis de négociation? On va amorcer une réflexion après
l'arrivée du projet de loi. Mais ce qu'on ne veut surtout pas, c'est que
ça devienne une obligation, parce qu'en plus
il n'y a pas rien qui vient prévoir que, si tu ne t'entends pas... il n'y a
aucun mécanisme en plus pour en arriver à une entente.
Donc, pour
nous, ça ne doit pas être une obligation, ça doit demeurer optionnel. Mais on a une réserve par rapport au texte puis peut-être que Guy
serait meilleur que moi pour l'expliquer, là.
M. Tessier (Guy) : Tu penses?
Mme Dubé
(Carolle) : Oui, je suis sûre, Guy.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Tessier
(Guy) : Bien, si on regarde le texte, mettons, vu qu'on veut un peu se
pencher sur ce texte-là, c'est qu'on laisse
entendre, finalement, que... quand on veut déterminer des paramètres, on
dit : Ces paramètres-là, là, à 111.10.1, c'est... le cas échéant, cette négociation s'effectue, donc,s'effectue selon, finalement,
les paramètres convenus. Bien, il y a
un caractère impératif que, finalement, on aimerait éviter.
C'est pour ça que,
dans notre recommandation, finalement, on suggère au législateur de plutôt dire
que cette négociation-là peut s'effectuer. Donc, à ce moment-là, s'il y a à convenir de paramètres... Puis encore une fois, qu'est-ce qu'on entend par
paramètres, ce serait important de le définir, parce qu'on ne pourrait pas jouer,
finalement... Pour nous, ça n'a pas
de sens qu'on joue, finalement, dans les services essentiels au niveau
d'un paramètre qui pourrait être négocié au niveau national. Donc, on
pense que c'est plus de l'ordre logistique, qu'on met des balises pour
faciliter, finalement, les parties, au niveau local, de convenir, de
déterminer, finalement, leurs services essentiels.
Alors,
sur ce point de vue là, bien, c'est ça, donc on suggère,
dans la recommandation, finalement, de diluer, de ne pas, mettons, y aller avec le caractère impératif,
mais plutôt de dire : Oui, on peut, finalement. C'est
pour ça qu'on y va avec une suggestion qui dit : Bien, cette négociation-là peut s'effectuer. Donc, on pense qu'à ce moment-là les parties
pourraient convenir de quelque chose, mais, encore là, il faudrait peut-être s'entendre sur qu'est-ce qu'on pourrait convenir
au niveau, mettons, national, en termes de paramètres.
Je
vous écoutais hier, M. le ministre, puis je comprenais que... Vous parliez, quand
vous avez abordé la question des paramètres, à un
moment donné... Je vous relance un petit peu sur vos discussions d'hier, là. Tu sais, vous avez dit, bien, nature, peut-être, des services, vous
avez parlé de quantité. Donc, ce sont finalement des termes qui ont à voir avec
les services
essentiels. Et comme l'entente comme
telle n'est pas, mettons, sous le regard, mettons, du tribunal, on peut
s'interroger, finalement, si on veut... si vous voulez que, finalement, les
parties se substituent au pouvoir du tribunal pour
déterminer, en bout de ligne, ou d'approuver, finalement, en bout de ligne, quels seront les services
essentiels. Alors, bon, c'est à
peu près le commentaire que j'avais à faire.
M. Boulet :
Oui, je le comprends bien, puis vous êtes le deuxième groupe à faire une représentation
de cette nature-là. Moi, je redis que ce
n'était pas notre intention. Quand on dit «le cas échéant», ça réfère à une
faculté et non à une obligation, on
s'entend là-dessus. Puis quand on utilise le terme «paramètres convenus», ça
implique forcément qu'il y a une
entente entre les parties. Ça fait que c'est clair, dans mon esprit puis dans
notre esprit, que ce n'est pas une obligation.
Si cependant, puis là
on ne plaidera pas comme si on était des avocats devant un tribunal, mais si on
a besoin d'éclaircir pour que ça soit bien
compris... parce que le but, ce n'est pas de judiciariser, c'est que ce soit
simple d'application. Mais si, lors
de l'étude article par article, on convient, tout le monde ensemble, que c'est
mieux de l'écrire plus clairement... Nous,
on pensait que c'était suffisamment clair, mais je veux enlever toute
ambiguïté, là. Ce n'est pas un impératif, le national, c'est si les
parties le conviennent.
Deuxième
point, le TAT n'a pas à nécessairement dire : Les paramètres convenus, ce
sera ça. Il peut être guidé par ces
paramètres-là, mais il ne faut pas les isoler, ces paramètres-là, et faire
abstraction des autres critères qui permettent de mettre du contenu au
concept de santé et sécurité du public. C'est vraiment comme ça qu'il faut le
voir.
Il
y avait un autre élément, Mme Dubé. Je pense qu'à 111.10... je pense que
c'était clair, cependant, bon, évidemment, lors d'une grève, les parties sont tenues de maintenir les services
essentiels, puis ces services, c'est ceux dont l'interruption pourrait avoir pour effet de compromettre la santé
et sécurité du public. Mais on a bien mis «ces services sont minimalement»... oui, puis c'est votre suggestion,
d'ailleurs, puis à la suggestion d'autres aussi, là, mais les services
pourraient aller au-delà de ce qui... si jamais ça fait l'objet d'une
interruption, que ça pourrait mettre en danger la santé et sécurité publique,
là. Ça fait que je voulais le souligner, là, parce que c'est un bon point.
Je
voulais dire qu'actuellement aussi le gouvernement peut suspendre l'exercice d'un droit de grève
dans les services publics quand les
services essentiels ne sont pas suffisants, dont leur interruption pourrait
mettre en danger la santé et sécurité. Ça a été exercé seulement trois
fois, deux fois en 1986, une fois en 1987. Et donc ce qu'on maintient existait déjà
actuellement et c'est vraiment rarement utilisé. Alors, c'est un... Merci, Mme la... Merci beaucoup pour votre présentation,
très apprécié. Merci.
La Présidente
(Mme Jeannotte) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je cède
maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle. Vous disposez
de 11 minutes.
M. Rousselle : Merci, madame. Mme Dubé, M. Comeau,
M. Tessier, bienvenue. Merci pour l'exercice que vous avez fait, un
beau mémoire, puis je sais que c'est beaucoup de travail là-dedans, donc merci beaucoup.
Et comme le ministre le disait, justement, on voit le côté professionnel
là-dedans puis on peut le reconnaître, effectivement, de votre travail.
Écoutez,
je regardais, justement, vous représentez 56 000 personnes à travers
le Québec, donc 56 000 professionnels à travers le Québec.
Donc, vous couvrez beaucoup de différents CIUSSS, CISSS, et ça, partout dans
la province. Donc, on le sait qu'on
parle d'un hôpital qui est de Montréal, mais qui peut être aussi dans la région, puis
donc on peut tomber dans les petits hôpitaux. Et quand on parle de
services essentiels, bien, ça peut varier d'une place à l'autre. Et je le sais
aussi que ça peut varier justement
d'un secteur d'activité comme à l'urgence ou sur les planchers, on peut dire,
là. Ça peut être vraiment différent.
Je sais puis
je l'ai vu aussi dans votre conclusion comme quoi que... puis vous avez raison,
le droit de grève, c'est un droit
acquis, c'est un droit important. Mais aussi vous avez marqué aussi que vos
membres... je pense qu'ils ont une mission, mais aussi une vocation auprès de la
clientèle qu'ils desservent. Je veux dire... puis ça, on le reconnaît... je pense surtout
au milieu de la santé, les gens, ils l'ont vraiment à coeur, puis je comprends,
sauf qu'il faut penser aux travailleurs aussi. Donc, si on veut les garder à l'emploi, c'est une question... il
faut qu'ils soient bien rémunérés, mais il faut qu'ils soient bien
traités aussi.
Vous avez parlé de la
lourdeur, à un moment donné, parce que, là, oui, on parle... vous avez parlé de
lourdeur qui vous inquiète et, oui, ça peut
être inquiétant, effectivement, parce
que, là, tout ce que je viens de vous
énumérer, du fait que vous
représentez partout au Québec, c'est que ça va être différent. Puis c'est bien
beau qu'on peut être accompagné par quelqu'un du gouvernement, mais est-ce
qu'il va en manquer, à un moment donné, parce qu'on couvre le Québec? Comme je vous dis, des activités différentes... et
j'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que le droit de grève, il est là,
mais on veut donner le service essentiel.
J'aimerais ça que vous reveniez là-dessus, là, parce que la lourdeur, quand
vous m'avez dit ça, là, ça m'est resté dans la tête, ça.
Mme Dubé (Carolle) : Bien, c'est sûr que quand on regarde, à l'APTS,
le nombre de titres d'emploi qu'on représente, bien, on est présent dans tous les secteurs puis nos gens font un
travail aussi qui est différent, hein? Ils ont des titres d'emploi, ils
ont des responsabilités, des tâches. Donc, ça va être une première parce
qu'avant, c'était simple, hein, on définissait un pourcentage puis on ne s'interrogeait pas sur : Est-ce que le
travail qui continue à être fait, est-ce que c'est un travail qui répond à une définition de service essentiel? On
n'était pas dans ça, c'est un pourcentage. Là, on devra se questionner sur :
Est-ce que le travail qui est fait répond en fonction de la nouvelle
définition?
Ça
fait que ça, c'est pour l'APTS, mais il n'y aura pas que l'APTS qui va être en
négociation. Les négociations dans le secteur public... bien, on ne fera
peut-être pas tous la grève en même temps, ça, je ne le sais pas, je ne peux
pas vous répondre à ça aujourd'hui, mais je
pense qu'on sera quand même
en négociation, des services essentiels, presque tous en même temps.
• (16 h 20) •
Les
réserves qu'on a puis les craintes qu'on a, c'est la capacité des employeurs
actuels d'être en mesure, en fonction des ressources, qui... on le sait,
là, dans la restructuration des CI, bien, il y a eu des compressions au niveau
du personnel administratif, dans les
directions des ressources humaines. On le vit actuellement dans le travail
qu'on a à faire dans les établissements
pour les relations de travail. Ça fait que c'est certain que ce travail-là qui
est à venir puis qu'on va faire pour une
première fois... on aura une meilleure lecture après, mais à ce moment-ci,
aujourd'hui, bien, on a des craintes sur le fait que les employeurs
auront peut-être de la difficulté à répondre à cette tâche-là.
Et
ça, bien, pour nous, c'est... bon, c'est un nouveau droit que les gens vont
avoir. On pense que la grève pourra être utilisée d'une façon différente. Nos gens ont à coeur les soins, mais
ils ont aussi... c'est un moment pour eux qui est privilégié pour améliorer leurs conditions de travail. Donc,
on va chercher peut-être à utiliser la grève d'une façon différente, mais
il faut qu'on puisse l'exercer et non pas être empêchés parce qu'on ne sera pas
capables de négocier au niveau local.
M. Rousselle :
J'écoutais le groupe avant vous, on parlait d'une liste, justement, parce
que... dû au fait que, bon, on parle
de grosses structures donc... et ça va être nouveau, ça va être nouveau
pour tout le monde, là, l'importance de l'avoir rapidement, cette liste-là, pour pouvoir établir, justement, une entente
possible, là, entre les parties aussi, là. Et, comme je vous ai dit aussi, la complexité de votre groupe
d'être partout aussi, vous voyez ça comment, vous, le besoin d'avoir cette
liste-là?
Mme Dubé (Carolle) : Ça, comme on l'a dit dans notre mémoire, on est
contents de ça, parce qu'avant je pense que c'était transmis au TAT, puis il fallait aller les chercher au TAT
ou... mais là ça va nous être transmis. En même temps, bien, ça fait
partie des difficultés qu'on a dans les établissements par rapport aux listes,
par rapport aux commandes.
Donc, on pense que ça
serait intéressant qu'il y ait un délai de prévu à partir du moment où on fait
une demande, mais que l'employeur ait un
délai à respecter pour nous transmettre ces listes-là qui vont faciliter le
travail aussi au niveau local pour les deux parties.
M. Rousselle : Parlez-moi donc de pénurie d'emploi. Vous en avez, on le sait. Quand on parle de
négociation, quand on va parler,
justement, de services essentiels, ça va venir s'ajouter ça, là, là. Vous,
actuellement, est-ce que vous fonctionnez, tu sais, quasiment sur des services essentiels ou... comprenez-vous?
C'est que, là, j'essaie de m'imaginer dans votre place, à essayer de trouver des services essentiels avec
le patron. Et puis là, bon, bien, déjà dans... on a des manques dans certains
endroits. Voulez-vous me parler là-dessus?
Mme Dubé (Carolle) : Bien, c'est quand même un mal qui est assez
généralisé dans le réseau, qui est à la fois causé par des difficultés à recruter des gens, mais
c'est aussi par le fait qu'il y a beaucoup de personnel actuellement qui, entre
guillemets, tombe au combat. On a beaucoup de gens qui sont en absence maladie,
qui sont sur la CNESST. On a des difficultés
particulières, dans certains groupes, à recruter. Donc, c'est certain que,
bien, peut-être que ça sera sûrement des arguments que l'employeur va
nous amener aussi quand on aura à négocier les services essentiels.
M. Rousselle :
Dites-moi, justement... parce que, là, à un moment donné, vous allez jaser avec
le patron, vous allez vous entretenir,
justement, des services essentiels. Dans le domaine de que vous êtes, un
service qui n'est pas donné à quelqu'un dans la population, un jour ou
deux jours, des fois, ce n'est peut-être pas essentiel dans son cas, mais qui
peut devenir essentiel après une semaine, tu sais, j'imagine. Puis là je vous
parle juste d'un cas, mais ça pourrait être plein de choses. Avez-vous pensé à quelque chose ou... à nous
suggérer quelque chose là-dedans pour dire : Regarde, il faudrait
peut-être revoir à la pièce ou revoir... se rasseoir pour redéterminer
le service essentiel ou...
Mme Dubé
(Carolle) : ...vraiment bonne, votre question. On se la pose, nous
aussi. Non, mais c'est vrai, à un moment
donné, il faut... Puis je pense qu'on n'a pas fait l'exercice. Il y aura
sûrement aussi de la jurisprudence qui va se définir puis des... à la
lumière des discussions. Parce que, vous avez raison, peut-être qu'un service
qui est rendu, si la population en est
privée une journée, ça a un impact, mais si, après une semaine, l'impact sera
différent... C'est des bonnes réflexions
qu'on aura à faire puis qu'on aura à partager, puis je pense que ça va évoluer
en fonction des ententes, puis des discussions qu'on aura, puis
peut-être des décisions qui vont se transmettre, là, qui vont se faire.
M. Rousselle :
Surtout que vous couvrez très large, comme vous avez vu... j'ai vu dans votre
mémoire, donc, je lisais des secteurs
que vous êtes, là. Je suis persuadé, là, qu'il y a certains endroits,
effectivement, que, tu sais, des services... tu sais, une journée, deux jours, même trois jours, peut-être que ce
n'est pas grave, mais, à un moment donné, ça devient comme urgent puis
ça presse vraiment.
Il
y a des syndicats qui nous ont amené l'avis de sept jours. Eux autres, ils
mentionnaient que... C'est sûr qu'il y a d'autres groupes qui ont dit : Ne va pas là-dedans, c'est certain.
Mais sept jours, à un moment donné, si vous changez de date, par contre, là, il faut attendre un autre
sept jours. Vous, vous le voyez comment, vous? Est-ce que vous êtes d'accord
d'attendre un autre sept jours? Parce qu'il
y a aussi la complexité du patron à se réenligner. Il y en a d'autres qui
voient ça comme une stratégie syndicale aussi. Je voudrais vous
entendre.
Mme Dubé (Carolle) : Bien, c'est sûr que c'est une contrainte, quand
même, le sept jours, là. On n'a pas fait souvent la grève puis on ne l'a
pas faite pendant des longues périodes, mais c'est quand même une contrainte,
là. Mais je pense qu'on n'a rien dit par
rapport à ça dans notre mémoire, là. C'est déjà la disposition actuelle, puis
il n'y a pas de changements, je
pense, qui sont prévus dans le projet de loi. Mais, si vous pensez que ça
pourrait être raccourci, je pense qu'on ne dirait pas non, là.
M.
Rousselle : Dans toutes les choses que le ministre vous a... a essayé
de vous rassurer et tout, là, ou les échanges qu'on a eus avec moi aussi, là, c'est quoi qui serait vraiment le plus
important pour vous, là, tu sais, dire : Écoutez, là, ça, là, c'est primordial, cet article-là? La suggestion
qu'on a faite, là, ne sautez pas par-dessus ça, elle est importante. Puis je ne
dis pas que les autres ne sont pas importantes, on s'entend, là, mais celle-là,
c'est comme la majeure.
Mme Dubé (Carolle) : Bien, pour nous, en tout cas, les conditions qu'on a mises à la
recommandation 1, là, les différents
éléments pour faire en sorte de mieux encadrer, de donner des balises un peu
plus pour la négociation au niveau local,
pour nous, on pense que c'est très important, là. C'est là que ça doit se
passer, donc on pense qu'on a besoin d'outils supplémentaires.
Sur
la question des paramètres, bien, je suis un peu plus rassurée, mais, en même
temps, je pense que vous devriez vous assurer que le texte exprime bien
la pensée de ce qui a été dit, sinon...
M. Rousselle :
Faites-vous en pas, on est là pour ça.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Rousselle :
Monsieur allait parler, je pense, ou... Non?
Mme Dubé
(Carolle) : Tu veux-tu rajouter quelque chose, Guy?
M. Tessier
(Guy) : Non, mais j'ai... Pour le délai, finalement, de sept jours,
mettons, je pense qu'on se joint, finalement,
à la voix des autres organisations syndicales, là. Je pense que c'est important
que, finalement, on n'ait pas à attendre un autre sept jours, si jamais
on veut, finalement, changer un moment de grève.
Donc,
on ne l'a pas relevé. Par contre, on a entendu, finalement, nos confrères puis
nos consoeurs le relever, là, ici, en
commission, puis on est d'accord avec ça, que finalement on devrait peut-être
permettre, justement, que le... de ne pas attendre, excusez, de ne pas
attendre le délai, finalement, de sept jours pour...
La Présidente (Mme Jeannotte) : Je vous remercie. Je cède maintenant
la parole au porte-parole du deuxième
groupe de l'opposition. Vous disposez de 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente. Je
vais vous demander... comme présidente, je vous demanderais de pouvoir
avoir accès au temps non utilisé.
La Présidente (Mme
Jeannotte) : Alors, est-ce qu'il y a consentement? Donc, le temps est
accordé.
M.
Leduc : Merci. Bonjour,
bienvenue. Bienvenue parmi nous. À la page 14 de votre mémoire, vous vous
inquiétez des pouvoirs du TAT. C'est
bien ça... 13 et 14, le fait que ça pourrait aller trop loin, là, qu'il pourrait
aller rejouer dans des ententes déjà négociées.
Est-ce
qu'il n'y a pas là une espèce de petite contradiction pour ce
pouvoir-là du TAT, par rapport à l'intérêt, ou l'objectif, plutôt, du gouvernement, qui était un peu de dépolitiser le processus? S'il permet au TAT maintenant
d'aller rejouer dans quelque chose qui est déjà réglé, est-ce que ce n'est pas une
repolitisation, mais par un chemin différent? Ou est-ce que je fais des
analyses un peu trop...
M.
Tessier (Guy) : Abstraites.
M. Leduc :
Abstraites.
M.
Tessier (Guy) : Non, mais je
vous dirais, finalement... Non, mais moi, je vous dirais que l'idée,
c'est que, dans la notion de
suffisance des services, bon, l'article... là, on est à l'article 111.16, c'est bien
ça? Donc, c'est clair que, là, on est
dans un moment où la grève est enclenchée. Donc, si la grève est enclenchée,
nous, on pense qu'on devrait s'en tenir, finalement, aux interventions
du TAT, tel que le Code du travail le prévoit actuellement, c'est-à-dire dans
les limites, finalement, de ce qui a été convenu. Si ce qui a été convenu
n'est pas rendu, à ce moment-là, oui, je pense qu'il peut y avoir une intervention.
Si
on élargit sur la notion de suffisance puis on dit : Bien là, il y a
une intervention d'une personne intéressée qui vient nous
dire que : Ah! bien là, il y a une inquiétude par rapport à la suffisance,
mettons, d'une liste préalablement enquêtée, autorisée, bien là, on pense que
le tribunal, il va un petit peu trop loin. C'est pour ça qu'on recommande, finalement... le pouvoir du tribunal irait trop loin. C'est pour ça qu'on recommande,
finalement, de revenir plutôt sur le statu quo, pour
que, finalement, on n'enquête que sur les listes qui ne sont pas rendues, finalement.
M. Leduc :
Puis selon vous, c'était quoi, l'objectif du gouvernement, de permettre ça?
• (16 h 30) •
M.
Tessier (Guy) : Bien là,
j'ai entendu le ministre, tout à
l'heure, dire que c'est une pointe
d'aiguille, là. Il y avait trois...
il est arrivé trois cas. Ça fait que je me demande... peut-être
que c'est quelque chose qu'on ne devrait peut-être pas se soucier, justement.
Tu sais, à la limite, je pense, c'est peut-être le pointu du pointu, là, mais c'est parce qu'il y a le principe derrière. Le principe, c'est... bien, il y a une grève
puis interrompre une grève, bien, ça va contre le sens, finalement, qu'on a
d'un engagement de grève, là. C'est parce que, là, on s'en va en grève, là,
tout à coup, woup, il arrive quelque chose.
On ne sait pas ce qui va arriver, à la limite, mais ça pourrait amener le
tribunal de suspendre la grève pour faire l'étude.
Bien,
c'est pour ça que nous, on disait : Bien là, si on est dans cette... puis
là on est dans les technicalités, mais, si on est là-dedans, bien, nous, ce qu'on propose, ce serait peut-être
d'établir, finalement, une présomption pour que le débat se fasse
jusqu'au fond pour ne pas remettre en question, finalement, la grève qui a été
débutée, oui.
M. Leduc :
Donc, en fait, dans les faits, de retirer au TAT le pouvoir de suspendre une
grève, dans les faits.
M. Tessier
(Guy) : C'est en plein ça, exactement.
M. Leduc :
O.K. C'est très clair. Vous êtes assez nombreux, les centrales syndicales, à
vous être inquiété d'une éventuelle
insuffisance du TAT à fournir, là, par rapport aux requêtes qui seraient
déposées. Est-ce que c'est basé sur une crainte par rapport au futur ou un peu
basé aussi sur des difficultés actuelles avec le TAT sur ça ou sur d'autres
aspects du TAT?
M.
Tessier (Guy) : Bien, nous, on n'a pas soulevé cette problématique-là.
On a écouté le ministre, il a été rassurant. Il a dit qu'il y avait des ressources puis qu'il était pour aussi mettre
des ressources. Mais oui, on peut quand même penser qu'il va y avoir du travail au TAT, là, hein? Si,
justement, on n'est pas capables d'organiser les négociations entre les parties
au niveau local puis que, nous autres, dans
notre volonté d'accéder à la grève, on dépose des listes, bien, il pourrait y
avoir des contestations additionnelles, là, c'est clair parce que...
Mais, si on va sur le fond puis on va discuter de ça avec les employeurs, bien,
c'est clair qu'on va réduire cette possibilité-là. On va convenir d'ententes.
Donc,
c'est pour ça qu'on met beaucoup d'emphase sur notre recommandation 1 pour
organiser, finalement, les parties locales, à définir, finalement,
des... mais à les encourager, par des paramètres, à définir, finalement, les
services essentiels.
M.
Leduc : À la page 8 de votre mémoire, par rapport à la
variabilité dans les temps de grève et puis... à moins, sauf erreur, là, vos
prédécesseurs, hier, de la Fédération des médecins résidents du Québec avaient
des propos similaires par rapport à
pouvoir moduler le niveau de grève à engager. Ça fait partie de votre
recommandation numéro 2. Je
pense que j'ai un peu de la misère à comprendre ce que
vous entendez par là.
M. Tessier (Guy) : Bien, l'idée générale, c'est
de permettre une modulation, c'est-à-dire qu'on pourrait... Les parties pourraient s'entendre, puis je pense qu'on
le dit, là. Tu sais, on dit, nous autres, que, tu sais, un niveau de grève à
engager, ça peut dépendre d'un ensemble de facteurs, ça.
Ça peut dépendre de ce qui concourt à la table de négociation, ça peut dépendre aussi du contexte social, ça peut
dépendre d'un ensemble de facteurs. Donc, dans cet engagement-là, bien, nous,
on pense qu'il doit y avoir une possibilité
pour l'organisation syndicale de définir des minima, des maxima puis, à la
limite, de pouvoir justement moduler, finalement, à l'intérieur de ces
minima et de ces maxima-là, ces engagements au niveau de la grève.
Donc,
je ne sais pas si je suis un petit peu plus clair par rapport à ça, là, mais
ça, ça voudrait dire qu'on pourrait le
convenir aussi pour une même période avec l'employeur, mais il faudrait aussi
que ça soit compris aussi et approuvé par le tribunal, si ça devenait...
être aussi une liste, tu sais.
M.
Leduc : Vous voulez convenir d'avance pour ne pas avoir à la
renégocier à chaque fois pendant...
M. Tessier (Guy) :
Exactement. C'est ça.
M. Leduc : Je comprends.
La
Présidente (Mme Jeannotte) : Je vous remercie
pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux pour quelques instants afin de
permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de
la séance à 16 h 33)
(Reprise à 16 h 40)
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Parfait. Alors, nous souhaitons la bienvenue à la Fédération
des employés du préhospitalier du Québec,
avec MM. Venditti, Chouinard et M. Fradette. C'est bien cela? Alors, vous
connaissez les règles, vous avez 10 minutes pour votre exposé.
Avant de commencer, je vous inviterais à vous présenter.
Fédération des employés du
préhospitalier du Québec (FPHQ)
M. Fradette
(Michel) : Michel Fradette, vice-président exécutif de la fédération.
M. Chouinard
(Daniel) : Daniel Chouinard, président de la fédération.
M. Venditti
(Danny) : Danny Venditti, chez Roy Bélanger avocats.
La Présidente (Mme
IsaBelle) : Merci. Alors, vous pouvez commencer votre exposé.
M.
Chouinard (Daniel) : Alors, la Fédération des employés du préhospitalier du Québec remercie la
Commission de l'économie et du travail de lui donner la possibilité
d'exprimer son opinion sur le projet de loi n° 33.
La FPHQ regroupe
46 associations syndicales représentant plus de 1 500 paramédics
et répartiteurs médicaux d'urgence qui
assument les services ambulanciers au Québec. La FPHQ est dûment accréditée suivant le Code du travail pour représenter les
salariés de chaque association qu'elle regroupe.
Les
services ambulanciers sont offerts par des entreprises privées, coopératives et
OBNL qui sont représentés par quatre
associations patronales. La Corporation d'urgences-santé, qui oeuvre sur le
territoire de Montréal et Laval, relève directement du ministère
de la Santé et des Services sociaux.
Nous comprenons que
le projet de loi a pour objet d'adapter la législation aux décisions des
tribunaux quant à l'exercice du droit de
grève dans un contexte de services essentiels. À cet égard, nous n'avons pas de
commentaire par rapport aux
modifications proposées. Nous sommes cependant d'avis que le projet de loi ne
va pas assez loin pour se conformer aux décisions de la Cour suprême du Canada, notamment dans l'affaire
Saskatchewan Federation of Labour contre Saskatchewan.
En
matière de services essentiels, la loi doit prévoir un mécanisme véritable de
règlement des différends dans les cas où le maintien des services essentiels
rend utopique ou symbolique l'exercice du droit de grève. C'est le cas qui
nous concerne dans les services
ambulanciers. Dans l'affaire Coopérative des paramédics du Grand-Portage et
autres contre la Fédération des
employés du préhospitalier du Québec, décision du 9 août 2017 produite en
annexe du présent mémoire, le Tribunal
administratif du travail mentionne ce qui suit : «Considérant la nature
des services en cause, la plupart des tâches accomplies par les ambulanciers sont considérées comme essentielles.» En
fait, ce sont toutes les tâches de paramédic qui sont considérées comme
essentielles aux fins d'assurer la santé et la sécurité du public, les tâches
pouvant être écartées sont marginales et de
nature purement administratives. Pour la plupart, elles peuvent être remplies
par un cadre de l'entreprise.
Il
suffit de prendre connaissance de certaines dispositions de l'entente, jointe
en annexe à ce mémoire, pour s'en convaincre,
notamment les dispositions suivantes : en point 2 de services essentiels à
être maintenus, en a, nous retrouvons tous
les services des paramédics prévus aux horaires de jour, de soir, de nuit et de
faction de l'employeur seront couverts à 100 %, incluant les ajouts
demandés par l'employeur.
En c, les absences
seront comblées jusqu'à concurrence de 100 % des effectifs prévus, selon
le modèle horaire.
En
e, le syndicat pour l'entreprise des personnes désignées collaborera avec
l'employeur pour s'assurer de combler tout
besoin en cas de problème lors d'un remplacement, d'une absence, d'une
situation nécessitant du temps supplémentaire.
En f, tous les appels
de priorité 0, 1, 2, 3, 4, 5 et 7 seront traités de la façon habituelle. Toutes
les interventions impromptues seront traitées de la façon habituelle.
Et,
en h, tous les appels de priorité 8 seront traités de la façon habituelle, sauf
les retours à domicile qui, quant à eux, devront être effectués du lundi
au vendredi, entre midi et 17 heures.
Bref,
les services courants et usuels d'ambulance sont maintenus à 100 %. Les
effectifs sont également maintenus à 100 % et on comble même toutes
les absences et les besoins supplémentaires. Quelques couvertures ponctuelles
lors d'événements spéciaux et très
occasionnels ne sont pas affectées suivant l'article 3 de l'entente des
services essentiels. En a, comme
exemple, les relations communautaires; en b, les équipes affectées à la
couverture d'un festival, d'un salon d'exposition ou tout autre événement du même genre ayant déjà
un service de premiers soins sur place; en c, équipe affectée à la couverture
d'un événement sportif; en d, équipe
affectée lors d'un tournage de film ou autre plateau de tournage; en e, la supervision
des stagiaires; en f, les séances de
formation internes; et, en g, les équipes affectées à des transports
interhospitaliers ne feront aucun retour d'escorte médicale, sauf si un
patient est présent à bord du véhicule.
Ces
événements spéciaux ne sont pas à découvert comme tel, puisque les équipes
régulières sont disponibles pour répondre
à tout appel de service, sans être nécessairement stationnées sur place. Il
s'agit de situations dédiées et peu fréquentes, qui ne créent aucune pression
sur l'employeur. Elles ne permettent pas non plus aux salariés d'exprimer leur
mécontentement et de passer leur message. Enfin, quelques tâches ne sont pas
effectuées, selon ce qui est prévu à l'article 4 de l'entente, notamment
celles liées à l'entretien ménager de la caserne : vider les poubelles, le
recyclage, etc.
Ce sont
toutes les tâches qui peuvent attendre ou être remplies par des cadres, plus
certaines tâches concernant les formulaires
non essentiels et le fait de ne pas utiliser les cartes de points de l'employeur pour sa carte d'essence,
bref, les tâches marginales et strictement administratives davantage du
type moyen de pression que du type grève, que nous qualifions de moyen de
pression modéré, peu dérangeant et peu efficace.
Il ne faut
pas se surprendre que les conventions collectives et leur renouvellement
peuvent prendre entre trois et quatre
années pour aboutir. Dans l'affaire Saskatchewan précitée, la juge Abella, qui
a rendu jugement pour la majorité, fait siens les propos d'une autorité en matière des relations de travail,
comme suit : «La loi ne prévoit pas non plus d'autre moyen véritable, tel l'arbitrage, de mettre fin à
l'impasse des négociations. Paul Weiler explique de manière convaincante en
quoi l'existence d'un tel moyen est indispensable aux salariés qui
assurent des services essentiels.»
Nos
soulignements. Vu l'ampleur des services essentiels que les paramédics doivent
maintenir, soit l'ensemble des services
ambulanciers, il est évident qu'ils ne disposent pas d'un droit de grève véritable.
Le sachant, le législateur doit prendre
acte de leur situation, et, pour se conformer aux chartes du Canada
et du Québec, nous soumettons respectueusement qu'il
doit, dans leur cas, prévoir un mode alternatif de règlement de différend, soit
l'arbitrage.
Les
paramédics sont dans la même situation que les policiers et les pompiers. Ils ne peuvent
d'aucune façon réduire leurs services. Dans leur cas comme dans le cas des
paramédics, le temps de réponse est capital, tout comme le niveau de
couverture. Il n'y a aucune marge.
Lorsque,
comme dans le cas des paramédics, il n'y a pas de marge quant au niveau de
service qui doit être maintenu, les mécanismes de contrôle que le projet
de loi propose de mettre en place sont tout à fait inutiles. Devant le Tribunal
administratif du travail, il n'y a en jeu que des babioles sans importance
qui enlèvent tout son sens à l'exercice du droit de grève.
Le
législateur ne peut se contenter de modifier les dispositions du Code du travail relatives aux services essentiels sans prévoir ce qu'il advient dans le cas où les services doivent être
maintenus à 100 %. S'il s'abstient de le faire, sa loi porte
atteinte à la liberté d'association et viole ainsi la charte du Canada et sa
propre charte.
Le Code du travail doit s'adapter à cette
nouvelle réalité. Il ne peut pas faire abstraction. Les paramédics sont nécessairement
visés par le maintien des services essentiels, et la loi ne peut simplement les
soumettre à une décision du Tribunal administratif du travail, alors qu'il
est acquis qu'ils doivent maintenir 100 % des services qu'ils disposent.
La FPHQ est donc d'avis que le projet de loi
doit être modifié de façon à prévoir que l'arbitrage prévu à la section I du chapitre IV du Code du travail est obligatoire au règlement d'un différend impliquant des paramédics. Sur ce,
je cède la parole à Me Venditti.
M.
Venditti (Danny) : Mme la Présidente, M. le ministre et membres de cette commission, bonjour. Comme le
mentionne la FPHQ, la loi doit
prévoir l'arbitrage obligatoire pour les employés du préhospitalier. C'est la
conclusion qui s'impose.
Au même titre
que la décision rendue par la Cour
suprême du Canada dans l'affaire Saskatchewan, nous sommes en présence d'une négation du droit de grève pour ces
salariés. La situation n'est pas différente car 100 % des services
doivent être rendus à la population.
Dans la décision rendue par le TAT concernant
les CIUSSS, qui a, entre autres, mené à certains aménagements proposés par le projet de loi n° 33, le TAT avait conclu que maintenir à 90 % les services rend le
droit de grève purement symbolique.
Ils n'ont pas la faculté, les paramédics et les membres qu'ils représentent, de
cesser de travailler de manière concertée, qui est essentielle à une
négociation collective véritable.
L'imposition de la conciliation... pardon. Dans
le même ordre d'idées, l'absence du droit de grève, tant par son interdiction législative que par son caractère
purement symbolique, doit être compensée par le droit de recourir à son gré à
l'arbitrage de différend. C'est la seule façon de garantir l'exercice réel du
droit de négocier collectivement sur un pied d'égalité avec l'employeur.
Il ne faut
pas négliger les effets positifs de prévoir un tel mécanisme sur les relations
de travail, qui sont plus souvent qu'autrement brisées par des négociations
interminables qui génèrent une accumulation des tensions. Les négociations finissent par aboutir, mais ce n'est que le début
des hostilités entre les parties qui croisent le fer devant les tribunaux pour
débattre des litiges qu'elles ont occasionnés.
En effet, en
décembre 2018, la FPHQ a conclu une entente après 33 mois de négociations pour les paramédics. À ce jour, les négociations pour les
répartiteurs sont toujours en cours. Par la suite, ils auront des mois, si
pas des années, de litiges entamés par les employeurs devant la Cour
supérieure et les arbitrages de griefs.
L'article 74
du Code du travail pourrait prévoir qu'un différend est soumis à un
arbitre à la demande d'une association de salariés qui dispensent des
services préhospitaliers à la population.
La Présidente (Mme IsaBelle) : En
conclusion.
M. Venditti
(Danny) : À défaut de prévoir
de telles dispositions, nous avons deux recommandations, à la
page 5 et 6 du mémoire de la FPHQ, qui pourraient y substituer. Merci.
• (16 h 50) •
La Présidente (Mme IsaBelle) : C'est
bien. Merci. Alors, nous allons procéder à la période d'échange. Alors, M. le
ministre, vous avez 16 min 30 s.
M.
Boulet : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation,
membres représentant la Fédération des employés
du préhospitalier du Québec. Je pense que j'ai bien compris. Il m'apparaît que
le maintien des services essentiels
a un certain impact sur le droit de grève,
et, au-delà d'un certain niveau, je
peux comprendre la prétention que ça a un impact quand même assez important sur ce droit-là qui est maintenant, vous le
savez très bien, là, jugé fondamental. En même temps, j'ai toujours considéré
que le rapport de force pour les techniciens ambulanciers paramédics a quand
même été assez fort.
Est-ce
que je comprends de votre prétention que vous nous dites : Nous, dans
notre cas, abolissons le droit de grève et permettons à une seule des parties
de demander au ministre du Travail de nommer un arbitre de différend pour
entendre les parties et, le cas
échéant, rendre une sentence arbitrale de différend? Est-ce que vous êtes, à ce
point, rendus à nous dire ça?
M.
Chouinard (Daniel) : Bien, c'est qu'effectivement, comme on le prétend dans
le mémoire puis c'est ce qu'on vit
sur le terrain, c'est que, depuis que les services préhospitaliers sont comme
ils sont, il faut comprendre que, dans la province, mis à part Urgences-Santé Montréal et Laval, ce sont des entreprises
privées qui sont titulaires de permis qui sont émis par le ministère de la Santé. Donc, les entreprises sont
complètement, au sens du code... seraient tributaires de la négociation.
Par
contre, on ne vit pas cette réalité-là sur le terrain parce que leur budget
émane du ministère de la Santé. Donc, ils vont négocier avec nous, mais étant
donné qu'on a un pouvoir très limité de moyens de pression, dans le fond,
ou de choses pour les faire... dans le fond,
avoir une pression de négocier, ils peuvent, comme ça, attendre très, très
longtemps parce que les moyens qu'on peut utiliser ont très peu
d'impacts ou pas d'impact du tout.
M.
Boulet : Ceci dit, avec respect, je vérifiais, il y a eu une seule loi
spéciale qui a été adoptée pour mettre fin à une grève légale dans le secteur
ambulancier depuis 1964, et vous vous souvenez, c'était le fameux conflit dans
la région de Montréal. En 1984, le
législateur québécois a adopté une loi sur la continuité des services et sur
les conditions de travail des techniciens ambulanciers de la région de
Montréal.
Moi,
j'ai toujours vu et entendu des témoignages à l'effet que le rapport de force
était parfois bien à l'avantage des techniciens
ambulanciers, parce que, oui, c'est vrai qu'à peu près tout est un service
essentiel, mais, en même temps, ça protège
la rémunération des techniciens ambulanciers qui ne font plus... vous référiez
à l'entretien ménager, c'est une chose, mais il y a beaucoup d'aspects administratifs qui ne sont plus assumés.
Bon, vous référiez vous-même aux formulaires, mais il y a le transport
aussi.
Moi, ce que j'ai
souvent entendu, c'est qu'il y a des infirmières qui doivent accompagner les
patients dans les ambulances, puis on
appelle ça, dans votre domaine, un retour d'escorte, là. On les ramène à leur
lieu de résidence. Parfois, c'est des longues distances, c'est des frais
de transport importants pour les employeurs et ça leur met une pression
considérable. Moi, j'ai souvent entendu des employeurs dire : Mais le
rapport de force est totalement à l'avantage des techniciens ambulanciers
paramédics.
Ça
fait qu'il y a quand même des impacts, pas seulement financiers... oui, les
cadres, mais les cadres, ils ne peuvent pas tout faire, puis c'est des
surcharges de travail, puis c'est du temps supplémentaire, puis c'est des
coûts. Il y a des conséquences à ça. Ça, ça
m'apparaît extrêmement important de le souligner. Il y a un rapport de force,
moi, qui m'apparaît relativement
maintenu, il y a un assez bon équilibre. Je comprends votre position. En même
temps, vous dites : On maintient tout
puis donc on ne devrait plus avoir... à la limite, on aimerait mieux ne pas
avoir le droit de faire la grève puis avoir accès au processus
d'arbitrage de différend.
Mais,
à cet égard-là, moi, je saurai toujours un partisan de la position
traditionnelle des gouvernements du Québec, c'est-à-dire de ne pas... à moins de circonstances exceptionnelles, là,
les policiers-pompiers, il n'y a vraiment pas droit de grève. Puis, oui, il y a
accès à un arbitre de différend, mais
le gouvernement fait comme laisser le soin à un tiers de
déterminer le contenu d'une convention collective de travail. Puis c'est des conditions de travail, puis il
y a des incidences financières
aussi importantes.
Moi,
je pense toujours que les parties réussissent très bien
à convenir, et le droit de grève confère un certain rapport
de force aux techniciens ambulanciers paramédics, et que ça maintient un bon équilibre,
là. Puis l'espèce d'équilibre
qu'on essaie de trouver entre l'exercice du
droit de grève puis le respect de la santé et sécurité du public par le
maintien des services
essentiels, ça nous apparaît encore une belle façon de faire, même pour votre fédération.
M. Chouinard
(Daniel) : Bien, tous les
moyens que les paramédics peuvent utiliser sont purement administratifs,
comme on le disait tout à l'heure. Puis ça nous porte, des fois, à poser des gestes sur le terrain, des
fois, qu'on a de la misère nous-mêmes, comme dirigeants syndicaux, à essayer de contrôler. On a l'exemple souvent de la gouache
sur les véhicules, les choses comme
ça, mais souvent nos membres se retrouvent dans des mesures disciplinaires
parce que, si on met de la gouache sur un véhicule, c'est comme une
forme de vandalisme au sens de la loi et tout ça.
Ça
fait qu'il y a beaucoup de choses qui viennent exaspérer les travailleurs,
parce que, justement, toutes leurs tâches de paramédic qu'ils doivent
exécuter sur le terrain... Quand on parle des formulaires, c'est... on parle de
formulaires d'inventaire, mais les inventaires doivent se faire quand même, les
vérifications de moniteur-défibrillateur doivent se faire quand même. C'est le formulaire qui n'est pas rempli pour dire à
l'employeur qu'on l'a complétée, notre vérification.
Donc,
l'employeur, pour ces mesures-là, n'a pas une surcharge. Les non-retours
d'escorte, c'est une des seules choses qu'on
avait, mais qui nous a été retirée aussi par le tribunal, parce que c'est jugé
essentiel, parce que l'escorte doit... l'infirmière — je ne sais pas le bon terme, nous, on parle
d'escorte de patient dans ce cas-ci — on doit la ramener maintenant à l'hôpital parce qu'elle fait partie,
elle, des services essentiels du centre hospitalier. Et souvent elle doit être
de retour à l'urgence ou à l'unité de soins intensifs parce qu'elle part de là
pour le transfert.
Donc, à
chaque fois qu'on a eu des moyens où on a pu utiliser peut-être un certain
levier, on se les fait retirer en litige
avec les employeurs, devant le tribunal qui donne raison à l'employeur, qui
fait en sorte que c'est un moyen... un service essentiel qui doit être
maintenu.
M. Boulet :
Pourtant, il y en a, des moyens de pression qui peuvent être utilisés, qui ne
sont pas jugés comme étant des
services essentiels. Ça peut être des autocollants, ça peut être des
manifestations de l'expression de la volonté de vos membres. Et ça, il y a des coûts que ça engendre.
Mais je vous dirais qu'à la fin de ma réflexion, j'en viens toujours à la
même conclusion. En quoi c'est différent des
infirmiers et infirmières? Ce n'est à peu près que des services essentiels, et
les infirmières, elles doivent à peu près assurer l'ensemble des services qui
sont jugés comme étant essentiels pour assurer la santé et sécurité du public. Mais, en même temps,
la grève a quand même un impact. Il y a des incidences à l'exercice d'un
droit de grève, mais il faut tenir compte
des retombées pour la santé et sécurité du public. C'est pour ça qu'on
dit : Il y a des services essentiels.
Puis, à un
moment donné, on ne pourra pas se déresponsabiliser comme État puis dire :
Bien, on va commencer avec les
techniciens ambulanciers, puis après ça, c'est les infirmiers et puis les
infirmières. Puis dans le domaine de la santé, il y a beaucoup qui est jugé essentiel. Puis je sais que
les pourcentages puis les seuils minimums, c'est inopérant
constitutionnellement. Je respecte
ça, vous m'avez entendu le dire. Mais on ne peut pas dire, à un moment donné,
un groupe après l'autre, il n'y a plus
de droit de grève. Bien, il y en a qui ne seront vraiment pas contents, parce
que le droit de grève, vous avez fait, le monde syndical, une lutte
jusqu'en Cour suprême pour faire reconnaître ce droit-là comme étant un droit
fondamental reconnu par la Constitution, par les chartes. C'est quand même un
combat qui a donné des résultats quand même assez fracassants, ici, là, quand
on lit l'ancien article ou l'article actuel, 111.10.
Ça fait qu'on
ne peut pas, à la fin de la journée, je le redis, dire : On va prendre ça
groupe après groupe, on va leur enlever
le droit de grève puis on va dire à un arbitre, qui est un tiers : Décide
du contenu des conventions collectives de travail. Moi, je ne peux pas aller, vraiment pas, dans cette
direction-là. Puis là je vous exprime le fond de ma pensée puis, je
pense, la philosophie de notre gouvernement puis, à cet égard-là, des gouvernements
précédents, ceux qui nous ont précédés ici, à Québec, au pouvoir.
Alors, voilà.
Moi, ça compléterait mes commentaires, Mme
la Présidente, ceci dit, en vous
remerciant beaucoup, encore une fois, non seulement de la
qualité de votre mémoire mais de votre présence ici avec nous en commission parlementaire. Merci.
• (17 heures) •
La
Présidente (Mme IsaBelle) : Merci, M. le ministre. Merci pour l'échange. Nous y allons maintenant
avec le député de Vimont, de l'opposition
officielle. Vous disposez de 11 minutes.
M. Rousselle : Merci,
Mme la Présidente. M. Chouinard,
M. Fradette et M. Venditti, bienvenue. Bienvenue ici. Merci de votre mémoire. Ça demande toujours
un travail puis des fois dans des temps pas trop longs. Donc, merci de l'avoir
fait et puis merci d'être ici. J'apprécie beaucoup.
Je vous écoutai,s
justement, services... parce
que vous retrouvez... vous regroupez
tout de même 46 associations, 1 500 paramédics,
si j'ai bien noté. Pas nécessairement évident, hein, d'avoir le droit de grève puis protéger la
population, hein? C'est une ligne assez mince, hein? Dans mon
ancien travail, j'étais policier, donc je
comprends que... droit de grève,
là, je n'en avais pas, comprenez-vous.
Mais j'ai
compris... puis je vous écoutais... parce
que, là, vous parlez d'association et de regroupement, puisqu'on
enlève Montréal, Laval, comme vous avez dit.
Des fois, c'est dans des régions, dans des campagnes où, bien souvent, on
connaît le propriétaire parce qu'on est dans ce patelin-là. Et puis là vous me
direz si je fais erreur, là, mais, je pense, c'est
pas mal ça, je suis pas mal dedans. Et puis, bien souvent, bien, on se connaît,
hein? Dans un petit village, on se connaît tous et tout. Puis là, bien, justement, si Mme Tremblay a besoin
d'un transport, bien, on va le faire pareil puis, bon, on va le...
Si j'ai bien
compris... de votre intervention, c'est que le droit de grève, bien moi, je
n'en ai pas. Moi, c'est ça que j'ai compris, si j'ai bien compris. Parce
que dire : Écoutez, moi, je fonctionne toujours à 100 %, bien beau
que... Bon, service de police, quand on fait
une grève, tu n'as pas... Tu n'as pas le droit de faire la grève, mais tu ne
donnes pas de billets, tu fais des
choses, tu sais... on fait des choses qui ont quand même une connotation un
petit peu plus sérieuse. Je comprends, mettre des étiquettes sur les
autobus ou ne pas faire... ne pas ramasser les poubelles, ça ne dérange pas
trop, trop, ça. En tout cas, moi, à mon
avis, effectivement, vous avez raison de dire : Écoutez... Puis là je vous
entendais dire : Aïe! ça a pris 33 mois pour un résultat, puis
il y en a un qui fonctionne encore.
Moi,
j'aimerais ça vous entendre parce que... suite à qu'est-ce que le ministre a
dit, j'aimerais ça vous entendre un petit peu pour m'éclairer, là, parce
que... Dites-moi, premièrement, si j'ai bien compris. Et, si je suis dans le
champ, ramenez-moi à la bonne place, mais
c'est ça que j'ai compris, moi. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus,
puis allez-y.
M. Venditti
(Danny) : Oui, effectivement, vous avez bien compris. Puis le droit de
grève est si essentiel, c'est ça que
la Cour suprême nous rappelle, qu'il faut qu'il soit véritablement exercé. S'il
n'est pas exercé, s'il est symbolique ou s'il est purement académique, il doit être compensé par un véritable
moyen de régler les différends. Ici, c'est ça qu'on prétend.
Je comprends
que ça peut être... remettre entre les mains d'un tiers, ça peut engendrer un
risque, mais ça engendre également un
risque pour les paramédics. Mais ce risque-là est calculé dans le sens qu'il y
a des tensions. Il y a des tensions qui
s'accentuent en période de négociation, parce que ça prend 33 mois et,
dans le cas des répartiteurs médicaux d'urgence, c'est un an de plus. On
est rendu en septembre 2019 et ce n'est toujours pas réglé, depuis l'expiration
en 2015.
Donc, éventuellement, ce qu'on fait, c'est qu'on
attaque les... c'est qu'on prive les gens de s'exprimer de leur mécontentement, de faire un véritable moyen de
pression, de faire... d'avoir une véritable négociation sur un même pied
d'égalité parce que plus ça dure, plus c'est
dans l'intérêt de l'employeur. Ce n'est pas dans l'intérêt des travailleurs de
faire perdurer un conflit de travail.
Et, avec tout
le respect pour le ministre, ce n'est pas vrai qu'on peut apposer des
autocollants. Oui, on le fait. Oui, les
gens le font, même dans le milieu policier, ils le font, mais on se fait refiler
la facture par des décisions arbitrales par la suite, parce que ça constitue une violation du
droit de propriété de l'employeur, et il nous refile la facture, qui s'élève
parfois à des milliers de dollars, et il faut aller devant les tribunaux
pour débattre de ça.
Donc,
non seulement on négocie pendant 33 mois, pendant quatre ans, mais,
ensuite de ça, la convention collective négociée, elle expire un an après,
mais, pendant l'année qui reste, on se déchire les chemises devant les
tribunaux et on recommence les négociations dans ce climat-là.
Donc,
oui, le droit de grève est tellement essentiel que, s'il ne peut pas être
exercé, ce qu'on demande, c'est de
pouvoir avoir un véritable moyen de
pouvoir régler les différends qui perdurent puis qui font en sorte que les relations de travail en souffrent.
M.
Rousselle : Dites-moi, parce que...
tu sais, je reviens toujours que c'est dans des petits secteurs, dans des
petites municipalités, bien souvent, ça arrive, parce que
vous, vous êtes à l'extérieur de Montréal, Laval. Vous avez une pénurie d'emploi sûrement qui vient en plus alourdir votre problème,
justement. Donc, quand on parle qu'il faut
que vous couvriez à 100 % tout le temps, ça, en plus, ça vient
alourdir.
Et,
toujours en continuant toujours dans... parce que j'essaie toujours de trouver
une place pour un moyen de pression, dans
le sens quelqu'un va dire : Bien, moi, on va y aller sur le minimum staff.
Mais minimum staff, vous, c'est 100 %, que j'ai bien compris. Est-ce que les cadres, ce serait possible pour eux
d'aller sur le terrain ou ils ne sont plus accrédités pour aller sur le terrain? Parce que ça prend un cours.
Enfin, moi, je sais bien que j'ai bien beau... j'ai mon RCR, mais ça s'arrête
là, là, donc ça prend plus que ça.
Donc,
dites-moi, là, est-ce que les patrons qui pourraient, eux, aller sur le
terrain, à ce moment-là, remplacer les gens... ou qu'est-ce que je dis
ça n'a pas d'allure?
M.
Chouinard (Daniel) : Il y a certains chefs d'équipe ou superviseurs
qui pourraient toujours, qui le font déjà à l'occasion, là, aller faire du terrain pour maintenir leurs
compétences à jour, leur carte valide au registre national. Par contre, la
plupart, une fois qu'ils entrent dans le poste cadre de supervision, de
directeur des opérations ou directeur général, dans des entreprises en
région, n'ont plus le temps de faire du terrain et de faire les formations pour
maintenir leurs compétences, c'est-à-dire
que leur nom va être rayé du registre national. Il va falloir qu'ils
recomplètent une formation, un suivi dans un CISSS ou un CIUSSS pour
reprendre leurs privilèges de carte et être réinscrits au registre national.
Donc, effectivement, c'est très rare que les cadres ne vont pas faire les
tâches de paramédic sur le terrain.
M.
Rousselle : Dites-moi, un ambulancier doit suivre des cours sur une
base régulière sûrement pour maintenir une mise à niveau. Parce que vous me parlez comme quoi que c'est à
100 %, vous n'avez pas le choix, parce que si vous voulez... minimum
staff, vous le maintenez à chaque jour. Mais l, ces gens-là qui partent, parce
qu'ils doivent partir dans la semaine, sûrement,
ce n'est pas la fin de semaine qu'ils font ça, vous devez être en deçà du
100 %, à ce moment-là. Est-ce que ça, c'est accepté ou...
M.
Chouinard (Daniel) : Bien, effectivement, quand on est en temps de
grève et puis qu'il manque de personnel, les formations sont souvent réduites au minimum. Les CISSS, les CIUSSS
vont y aller au minimum des renouvellements de formation, mais souvent ils vont les reporter pour attendre la fin du
conflit, pour pouvoir exécuter ces formations-là. À ce moment-là, il y a comme... ce n'est pas
officiel, mais c'est comme une dérogation. Si tu n'as pas fait ton... si les
gens n'ont pas terminé leur... n'ont
pas fait leur formation dans l'année, exemple, en salbutamol ou des choses
comme ça, bien, ils vont le reporter dans le temps, puis ils vont le refaire
quand le conflit va être terminé, puis tout le monde repart sur le même
pied, là.
M.
Rousselle : Mais là on parle de 33 mois qu'il n'y a pas eu de
mise à jour, là...
M.
Chouinard (Daniel) : Mais il y en a eu. Il y en a eu quand même, des
mises à jour, parce qu'il y en a qui ne peuvent pas attendre. Il y a des cours qu'il faut qu'il se donne, quand
même, parce qu'il y a des endroits où, justement, les médicaments... il
y a des nouveaux médicaments qui ont entré en fonction dans les dernières
années, mais des fois les paramédics sont
tenus, sont obligés d'aller faire cette formation-là parce que... Ça a
justement fait partie d'un litige, à un moment donné. On ne voulait pas y aller, à cette formation-là, mais ça
fait partie des services essentiels. Il faut avoir la formation pour
exécuter notre travail sur le terrain.
M.
Rousselle : Dites-moi, dans votre mémoire, y a-tu d'autre chose qu'il
faudrait nous apporter à notre attention, vraiment, là, quelque chose
qui serait comme important, dire : Oui, on a oublié ça ou... peut-être en
écoutant les autres mémoires, ça vous a venu en tête, dire : Oui, on
aurait peut-être dû ajouter ça à notre mémoire?
• (17 h 10) •
M.
Venditti (Danny) : Non. Bien, ce n'est pas quelque chose
particulièrement au mémoire ou qu'est-ce que les autres ont dit avant,
mais il faut comprendre que... vous avez mentionné tantôt la pénurie de main-d'oeuvre.
Pour
être associé à la FPHQ depuis plus de 10 ans maintenant, on constate que
la pénurie de main-d'oeuvre, c'est parce
que les gens deviennent paramédics puis ils utilisent ce métier-là ou cette
profession-là comme tremplin pour s'en aller ailleurs dans le réseau de
la santé, parce que les conditions de travail pour eux ne sont pas suffisamment
adéquates pour exercer ce métier-là. Donc,
lorsqu'on assiste aux assemblées où les gens doivent voter sur leurs conditions
de travail, je dois vous dire que c'est en dépit des circonstances
qu'ils vont accepter.
Un des
chevaux de bataille de la fédération des paramédics, c'est les horaires de
faction. Les horaires de faction existent depuis 1989. C'est depuis 1989 que les paramédics tentent de faire abolir
ces horaires-là et ils ne réussissent pas. Ce n'est pas vrai qu'on va tenter de nous faire convaincre
qu'on négocie sur un même pied d'égalité que les employeurs quand, depuis 1989, c'était supposé être un projet pilote, et on
est en 2019, 30 ans plus tard, et nous sommes toujours avec ces horaires
de faction dans les milieux urbains.
Donc, ce
qu'on demande... pour ceux qui ne le savent pas, un horaire de faction, on
demande aux paramédics de répondre
24 heures sur 24, sept jours sur sept, à tous les appels, même en
période de grève. Et c'est les conditions que les paramédics considèrent qui sont indécentes. Même si
elles sont conformes aux lois, ils les considèrent indécentes et ils quittent le métier, ils quittent la profession,
et c'est ce qui cause une pénurie de main-d'oeuvre. Ce n'est pas mentionné dans le mémoire, mais je
crois que c'est une illustration
éloquente qu'on ne négocie pas d'un même pied d'égalité avec l'employeur.
M. Rousselle : Dites-moi... parce que, là, c'est sûr qu'on
parle toujours de services
essentiels. Est-ce qu'il y a de vos membres qui sont obligés de faire, des fois, des doubles
shifts? Vous, c'est-u des quarts de travail — excusez, shift, là, c'est des quarts de travail — de huit heures, de 12 heures, ou est-ce
qu'il y en a qui sont appelés à faire deux 12 heures ou...
M. Chouinard (Daniel) : Là, on
n'a pas encore de... bien, ça commence, le TSO, oui. Avec la loi sur le temps supplémentaire obligatoire, effectivement, on voit
une recrudescence de ça à cause qu'il manque de personnel, justement. Mais des quarts de travail, il y en a de tous les
nombres, là. On a des huit heures, des 12 heures, des 16 heures, des
24 heures, les horaires sept jours sur sept, 24 heures
également, là.
M. Venditti (Danny) : C'est
l'employeur qui confectionne les horaires unilatéralement. Dans la convention collective, la seule chose qui est négociée,
c'est le cadre de ces horaires-là. Mais l'employeur les confectionne tout seul.
M. Rousselle : Parce qu'à mon
avis, après, je ne sais pas, moi, mettons, un 12 heures, là...
La Présidente (Mme IsaBelle) :
En conclusion.
M. Rousselle : En conclusion. Après un 12 heures, ça
pourrait être dangereux, je pense, non? C'est la sécurité du public...
Merci.
La
Présidente (Mme IsaBelle) : C'est tout. Merci. Alors, merci, M. Venditti, M. Chouinard,
M. Fradette, de la Fédération des employés du préhospitalier du
Québec, pour votre contribution très appréciée.
Documents déposés
En terminant, je dépose les mémoires des
personnes et des organismes non entendus.
Je vous
remercie toutes et tous, membres de la commission, pour cette audience
publique. Alors, nous nous retrouverons.
Nous ajournons les travaux d'aujourd'hui et nous
nous retrouverons mardi le 24 septembre, après les affaires courantes,
afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi n° 27.
(Fin de la séance à 17 h 12)