(Quatorze heures six minutes)
La
Présidente (Mme Richard) : Bonjour. Je nous souhaite un bel après-midi.
Et, ayant constaté le quorum, je déclare
la séance de la Commission de
l'économie et du travail ouverte. Je
demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 176, Loi
modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions
législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille‑travail.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) remplace M. Lamontagne (Johnson).
Auditions
(suite)
La Présidente (Mme Richard) :
Merci. Nous entendrons cet après-midi le Syndicat de la fonction publique et
parapublique du Québec, la Fédération interprofessionnelle de la santé du
Québec, la Coalition pour la conciliation famille-travail-études,
la Fondation des entreprises en recrutement de main-d'oeuvre agricole
étrangère, FERME, et enfin Action Travail des femmes.
Donc, nous
allons débuter et nous recevons maintenant le Syndicat de la fonction publique
et parapublique du Québec. Madame
messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous rappelle que vous
disposez d'un temps maximal de
10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite suivra un échange avec
les parlementaires. Et je pense que c'est M. Audy qui allez prendre
la parole. Est-ce que c'est ça? La parole est à vous, M. Audy.
Syndicat
de la fonction publique et parapublique du Québec inc. (SFPQ)
M. Audy (Patrick) : Merci
beaucoup aux membres de la commission. C'est un plaisir d'être parmi vous aujourd'hui. Donc, je vous présente les personnes
qui m'accompagnent, donc, à côté, ma consoeur à ma gauche, Maryse Rousseau, vice-présidente, responsable de la
condition féminine, au syndicat. Et je suis accompagné du conseiller
politique à la défense des services publics et à la recherche,
M. Gabriel Arruda.
Le Syndicat
de la fonction publique et parapublique du Québec est un syndicat qui
représente 40 000 personnes. Nous,
on représente surtout les travailleuses et travailleurs du secteur public
québécois. On est aussi, comme organisation syndicale, engagés comme un
acteur social. Et c'est un peu à ce titre qu'on est ici aujourd'hui en
commission.
Donc, depuis
2002, depuis la dernière réforme, la transformation du travail, elle a beaucoup
évolué depuis ce temps-là. Ce qu'on
doit signaler, le vieillissement de la population, par exemple, qui a exposé le
nombre d'aidants naturels, la venue de la nouvelle technologie, la
précarité inquiétante qu'on doit remarquer chez les jeunes et chez les femmes,
notamment, et les normes du travail couvrent environ 1,9 million de
personnes au Québec.
Comme acteur
social, le SFPQ, on est engagés dans la Campagne 5-10-15. Je vous rappelle,
cette campagne met de l'avant, en fait, de connaître son horaire de
travail cinq jours d'avance, de bénéficier de 10 jours de congé pour responsabilités familiales ou pour la santé et
fait la promotion d'un salaire minimum à 15 $ de l'heure. Nous sommes
aussi actifs dans la coalition conciliation
travail-famille-études, qui, maintenant, cette coalition-là, représente plus de
2 millions de personnes. Et on est aussi membres de la l'Intersyndicale
des femmes, qui ont pris plusieurs fois position sur la place publique sur la
question du harcèlement sexuel en milieu de travail.
Donc, le SFPQ
accueille positivement les amendements proposés dans ce projet de loi là. Par
contre, on y voit certaines lacunes.
On trouve aussi que ça manque un petit peu d'ambition. Donc, c'est pour ça que
notre mémoire propose 14 recommandations
sur les angles suivants, donc : les pauses rémunérées, le congé annuel, le
contrôle du temps de travail, les
clauses de disparité de traitement, les congés de maladie pour responsabilités et pour responsabilités familiales et le rôle de la Commission des
normes, de l'équité, de la santé et la sécurité au travail, qu'on appelle la
CNESST.
• (14 h 10) •
Concernant
les pauses, ce que nous, on propose
comme amendement... Loin d'être du temps perdu, les pauses sont un moment privilégié pour retrouver la
concentration et l'intérêt dans les tâches à effectuer, comme le laissent
présager certaines études en psychologie. Donc, on en fait mention
dans notre mémoire. Donc, nous, ce qu'on propose, c'est une pause rémunérée de 15 minutes pour les
périodes de travail d'au moins quatre heures et de deux pauses rémunérées
pour les périodes de travail de 6 h 30 min.
Le
congé annuel rémunéré, ce qu'on appelle aussi les vacances. Donc, malheureusement, les propositions qu'il y
a dans le projet de loi actuellement n'amènent malheureusement pas le Québec
en peloton de tête. Si on se compare à d'autres
juridictions qui ont des productivités comparables à celle du Québec, notamment
le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suisse et
l'Australie, ces juridictions ont le double de vacances annuelles offert à
leurs travailleurs. Donc, dans ce contexte,
ce que nous, on propose, après une année de service, ça serait trois semaines
de vacances rémunérées, et après cinq
années de service continu chez le même employeur, quatre semaines de vacances
payées. C'est ce qu'on propose dans notre mémoire.
Le
contrôle du temps de travail. Alors, évidemment, le déclin de l'emploi stable à temps plein auprès d'un seul et même employeur amène des nouvelles problématiques.
Un nombre croissant de travailleuses et de travailleurs doit désormais
conjuguer avec des horaires atypiques avec multiples employeurs afin de combler
les fins de mois ou pour concilier les rémunérations avec les études. En 2013,
c'est quatre personnes sur 10 qui occupaient ce genre d'emploi.
Donc,
concernant les heures supplémentaires, nous, on pense que des mesures devraient
préciser que ce droit de refus de
travail après des horaires habituels doit être accompagné de garanties que les
personnes salariées ne seraient pas victimes de pénalités ou de
représailles.
Par ailleurs, le droit de refuser de travailler fait reporter le poids des décisions
sur les épaules des personnes salariées et non sur celles de l'employeur. Ainsi, afin d'équilibrer cette
relation, il faudrait instaurer un véritable droit de connaître son horaire de travail d'avance, tel que formulé
par la Campagne 5-10-15. Une telle mesure est loin d'être irréaliste. Par
exemple, en Saskatchewan, c'est entaché dans la loi et c'est sept jours
avant le travail qu'on doit divulguer, dans
le fond, l'horaire de travail. Les
normes de travail devraient introduire le droit de refuser de faire des heures
supplémentaires pour conflit d'horaire avec un autre employeur ou pour
les études.
Les
clauses de disparité de traitement. Donc, nos partenaires de la FTQ estimaient
qu'en 2016 150 personnes étaient touchées
par ces clauses. Donc, même l'article 32 du projet de loi interdit les
clauses de disparité de traitement relatives aux régimes de retraite et aux autres avantages sociaux. Bien qu'il s'agisse
d'une grande avancée pour l'ensemble des travailleuses et travailleurs,
nous, en tout cas, on considère que les clauses de mesures transitoires
devraient être interdites.
Congés
pour maladie ou responsabilités familiales. Donc, dans la loi, on introduit deux
jours de congé rémunéré pour cause de
maladie et pour responsabilités familiales. C'est quand même une avancée dans la
bonne direction, mais c'est loin des
10 jours réclamés par plusieurs personnes au Québec. On pense que cette
mesure-là, d'avoir 10 jours de congé rémunéré pour responsabilités familiales ou pour maladie, favoriserait surtout
les plus bas salariés de notre société. Puis, en absence de rémunération, effectivement, ça accentue les inégalités sociales et au niveau
de la santé. Donc, afin de faciliter la conciliation travail-famille, en
plus, ce que nous, on propose aussi, ces congés devraient être aussi
fractionnés en demi-journées ou en heures
sans avoir besoin du consentement de l'employeur, comme c'est actuellement proposé dans le projet de loi.
Le
rôle de la CNESST. Donc, nous, on propose une meilleure vérification puis un meilleur mode de prévention au niveau de la Commission
des normes du travail. Donc, si on améliore ces facettes... ne constitue une
réelle avancée qu'à condition
qu'elles soient connues par les personnes salariées. Donc, même si on met de
l'avant des nouvelles normes, si elles
ne sont pas connues des salariés ou si elles ne sont pas respectées des
employeurs, malheureusement, ces avancées seront vaines.
La
plus récente étude de la Commission des normes avait établi que 58 % des personnes salariées sont
victimes d'au moins une infraction aux
normes du travail, et 62,4 % des personnes salariées victimes d'au moins
trois infractions ont l'impression
que leur employeur respecte la loi. Le SFPQ, on fait deux constats, donc, qu'il
semble y avoir plus d'efforts pour la
diffusion et la vulgarisation déjà entreprise par... La CNESST devrait aller
plus loin dans sa façon de mettre de l'avant
ces réformes. Dans un deuxième temps, l'institution doit jouer un rôle plus
actif dans la défense des droits des travailleuses
et des travailleurs. Comme solution, on propose le délai de carence... de le
faire passer de 45 jours à 90 jours pour le dépôt d'une
plainte.
La
CNESST devrait jouer un rôle plus actif et préventif dans l'application des normes
du travail. Ce rôle plus actif devrait se manifester par le recours plus
systématique aux activités de surveillance et d'inspection. En ce sens, la CNESST devrait favoriser les enquêtes programmées,
c'est-à-dire des enquêtes menées par des inspections du travail sans que
des plaintes ou des dénonciations ne soient portées à son attention. En fait,
en Ontario, ils ont adopté le projet de loi
n° 148 en novembre 2017. Donc, dorénavant, les agents des normes d'emploi
effectuent de nombreuses inspections proactives.
Il peut aviser l'employeur par écrit de sa visite, mais il n'est pas tenu de le
faire selon la loi. Et leur cible est d'inspecter un employeur sur 10
par année.
Donc,
en conclusion, on considère quand même que c'est un pas dans la bonne direction.
L'encadrement par les agences de
placement... Par exemple, les mesures de conciliation travail-famille déjà
proposées, on le souligne, c'est quand même
important. Mais, quand même, deux réformes, en 1990 et celle de 2002... c'est
quand même des délais très longs. On voudrait
que ce délai-là soit quand même plus court dans le temps. Mais on voudrait
quand même que les bonifications actuelles soient plus actuelles, soient
plus, disons, courageuses un petit peu.
La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, M. Audy. On va
débuter la période d'échange. Mme la ministre, c'est à vous la parole.
Mme Vien :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Audy. Merci aussi aux gens
qui vous accompagnent.
Contrairement
à vous, moi, je trouve que nous avons une pièce législative qui est courageuse.
Très sincèrement, je pense qu'on a
fait le maximum que nous pouvions. Et effectivement, si on est en commission
parlementaire, c'est qu'on est quand
même à l'écoute des commentaires, des suggestions. Peut-être y a-t-il des
éléments qui nous ont échappé quand on a rédigé le projet de loi. Mais, ceci étant dit, M. Audy, je pense
qu'on a devant nous une pièce législative qui est costaude, qui est importante et, comme vous l'avez si bien
souligné, d'ailleurs, qui contient plusieurs éléments excessivement
positifs.
J'aurais deux ou trois questions pour vous. La
première, c'est au mouvement auquel vous adhérez, dont on a beaucoup entendu
parler aussi, cette campagne du 5-10-15. Évidemment, vous le constatez comme moi,
on ne va pas nécessairement
là où vous souhaiteriez que l'on soit aujourd'hui. Mais je pense quand même
qu'on a fait des avancées assez importantes,
comme le fait, par exemple, de permettre à un employé de refuser de travailler
s'il n'a pas été informé cinq jours à
l'avance de son horaire de travail, ce qui n'existait pas actuellement. Sur
10 journées qu'une personne peut prendre, nous demandons à
l'employeur d'en rémunérer deux. Alors, ça aussi, c'est une amélioration.
Tout ça pour
vous amener sur le salaire minimum, M. Audy, qui est quelque chose qui est
fondamental à l'intérieur des normes
du travail. C'est quelque chose dont on a beaucoup entendu parler. Il y a tout
un mouvement aussi qui a vu le jour.
Et, si nous étions allés à 15 $ il y a un an et demi ou quelque chose
comme ça, c'est un bon 47 % qu'on aurait mis en place, puis je ne suis pas certaine, moi, que les
entreprises du Québec, majoritairement formées de petites et moyennes
entreprises, auraient pu absorber ce choc-là.
Je pense
qu'on est arrivés avec une formule qui est assez modérée puis qui est assez
prometteuse aussi dans la façon de
calculer le salaire minimum, dorénavant, c'est d'avoir isolé, si vous voulez,
l'indicateur le plus important, soit celui de comparer le salaire minimum au salaire horaire moyen gagné au Québec
pour une année de référence et d'atteindre 50 % de ce salaire
horaire moyen là au Québec, de sorte que, d'ici 2020 — on
s'est donné quatre ans pour y arriver — nous devrions atteindre 50 % du salaire
horaire moyen. Or donc, pour suivre votre logique, nous aurons 15 $
de l'heure, évidemment, le jour où le salaire horaire moyen atteindra
30 $.
Ma question,
elle est très simple. Je comprends que vous auriez souhaité que nous
atteignions 15 $ de l'heure. Mais vous
ne pensez pas que notre plan qu'on a mis en place, c'est un plan qui est
modéré, qui est réfléchi et qui respecte et les travailleurs à bas
revenus et la capacité de payer de nos entreprises?
• (14 h 20) •
M. Audy
(Patrick) : Bien, à cette question,
effectivement, la coalition a quand même salué le salaire
minimum à 12 $. Ça a quand même
été reçu positivement. En fait, il faut quand même constater qu'à
12 $ de l'heure une personne qui travaille
à temps plein est encore sous le seuil de la pauvreté, malheureusement, au
Québec. C'est ça, la situation actuellement.
Deuxième des
choses, les études. Évidemment, on ne prétend pas que le marché de l'emploi est
le même qu'en Ontario, celui du
Québec, mais c'est quand même deux provinces qui sont souvent comparables à
bien des niveaux. Et le désastre appréhendé par plusieurs, du 14 $
de l'heure en Ontario, n'est pas arrivé. Et les données qui ont été rendues
publiques sont plutôt positives, en Ontario, sur le 14 $ de l'heure, puis
ils vont arriver à 15 $ l'année prochaine.
Ceci étant
dit, qu'arrivera-t-il avec nos villes qui sont limitrophes avec l'Ontario,
alors que l'Ontario va offrir du 15 $
de l'heure l'année prochaine, versus le Québec? Alors, en passant, même, aux
entreprises, là, je me demande quel genre de levier ils auront, eux
autres, pour pouvoir attirer la main-d'oeuvre. Avec la pénurie de main-d'oeuvre
qu'on connaît actuellement, je ne sais pas comment qu'ils vont faire pour s'en
sortir.
Déjà, nous,
les membres qu'on représente, là, ce n'est quand même pas des... On a quand
même quelques milliers de membres qui
sont en bas du 15 $ de l'heure. Mais ceux qu'on représente au niveau de
l'administration publique du Québec,
si vous faites des études, vous allez constater que la majorité des ministères
et organismes qui sont à Gatineau ont beaucoup
de difficultés d'attirer la main-d'oeuvre et même de la garder à cause de la
concurrence très forte de la province voisine.
Alors, c'est un peu mon commentaire que j'avais
sur cette question.
Mme Vien : M. Audy,
j'ai une question concernant les congés annuels rémunérés. Donc, à la
page 4 de votre mémoire, vous nous dites : Quand on regarde ce qui se
passe du côté européen, vous l'avez soulevé aussi dans votre présentation, c'est qu'on est en décalage, si je
vous suis bien puis si je lis bien, par rapport à l'Europe. On a bien
compris? Vous venez juste de nous
dire : On devrait se comparer à l'Ontario, notamment sur le salaire
minimum. Est-ce que vous avez fait ce comparatif-là pour les vacances
annuelles dans un contexte nord-américain et canadien?
M. Audy (Patrick) :
Malheureusement, on n'a pas fait ce comparatif-là avec l'Ontario.
Mme Vien : Merci
beaucoup. Mme la Présidente, je n'aurai pas d'autre question. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle, et je
donne la parole au député de Beauharnois et porte-parole en matière de Travail
pour l'opposition officielle.
M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Mes salutations à vous,
Mme la ministre, les gens qui l'accompagnent du côté gouvernemental,
ainsi que la deuxième opposition, et, bien entendu, les gens qui se joignent à
nous aujourd'hui. Merci d'être là, messieurs et madame.
Alors, bien entendu, on comprend bien que vous
auriez aimé qu'on débatte un peu plus en profondeur sur les normes du travail. Je pense que vous n'êtes pas
les seuls qui auraient aimé aller un petit peu plus loin, plus large dans
tout ça, vu la longévité, là, depuis déjà les années 2000 qu'on n'a pas
touché aux normes du travail.
Bien entendu,
vous le savez, qu'il nous reste peu de temps à cette législation-là. Alors, je
pourrais m'attarder à vos demandes
qui sortent du cadre, mais je vais m'attarder plus à ce qu'il y a dans le
projet de loi, pas parce que je n'ai pas le goût d'entendre... pas parce que je n'aimerais pas qu'on élargisse, mais
je pense qu'avec le temps qui nous est disponible d'ici la fin de la session, bien, je pense que je
vais m'en tenir à des questionnements face à qu'est-ce qu'il y a
actuellement dans le projet de loi, malheureusement.
Alors, vous
parlez... On a entendu plusieurs groupes. Comme vous le savez, vous avez
sûrement suivi la commission parlementaire,
on parle d'informer les gens cinq jours d'avance. Vous nous donnez, dans votre
mémoire, un exemple sur la Saskatchewan qui, eux, avisent sept jours d'avance pour les horaires de
travail. On a entendu des groupes, dans le monde touristique, dans le
monde de la restauration, nous dire : Bien, nous, ça peut nous causer un
problème.
Alors, j'aimerais vous entendre sur cette
vision-là, si vous vous placez un peu dans la peau de ces groupes-là qui travaillent en restauration ou dans les autres
milieux récréotouristiques de la province, à savoir ce que vous voyez,
et nous expliquer un peu la Saskatchewan,
comment qu'ils s'en sortent, eux, avec sept jours d'avance. Et est-ce qu'il y
a des exceptions à la règle?
La Présidente (Mme Richard) :
M. Audy.
M. Audy
(Patrick) : Merci. En fait, c'est dans la présentation de notre
mémoire au début. Le milieu de travail a beaucoup changé depuis plusieurs années. Les emplois atypiques, les
mesures de conciliation travail-famille qu'on veut amener de l'avant
sont un peu incompatibles avec l'idée d'avoir des horaires à la dernière minute
ou des horaires qui changent à 24 heures ou quelques heures d'avis.
Donc, nous, c'est plus dans une vision globale
qu'on amène cette proposition-là sur, plutôt, les mesures de conciliation travail-famille. Alors, comment
voulez-vous concilier des horaires, des rencontres d'école ou des
rencontres de parents avec les professeurs? On l'a dit, au début de notre
présentation de notre mémoire, que les
aidants naturels, il y en a de
plus en plus. Donc, on est de plus en plus sollicités pour être présents auprès de nos enfants et auprès de nos
parents qui sont vieillissants, les membres de notre famille.
Donc, de ne pas connaître son horaire d'avance,
c'est assez difficile, d'autant plus, si on prend les personnes étudiantes qui sont en études supérieures, bien,
eux autres aussi, ils ont des contraintes, de par leurs études, aussi
pour le travail. Donc, je comprends que, peut-être,
dans certains milieux de l'industrie, c'est quand même difficile d'avoir
des horaires cinq jours d'avance, mais, si
on voit ça plutôt du côté des travailleuses et des travailleurs, ça serait quand même une avancée assez importante.
À savoir si
la Saskatchewan, comment qu'ils s'en sont sortis sept jours
d'avance, je ne pourrais pas... On n'a pas validé... Vraiment, il ne semble pas, en tout cas, qu'on a vu des
études, quelque chose de marqué sur les problématiques ou les
réussites qu'ils ont connues à ce niveau.
M. Leclair : Bien, merci. Dans
votre liste de recommandations, il y a un autre aspect qu'on n'a pas parlé énormément,
là, durant cette commission-là, mais qui est une réalité, c'est votre
point 7. À votre point 7, vous dites : Il y a des
salariés qui cumulent plus qu'un emploi. Et je pense qu'effectivement, là, on
voit beaucoup de gens qui ont un cumulatif
de deux, trois emplois, puis je voudrais vous entendre pour nous expliquer un
peu votre vision de ça face à ces gens-là.
Une voix : O.K. C'est à
quelle page, ça?
M. Leclair : C'est le
point 7 dans vos recommandations.
M. Audy
(Patrick) : On voudrait
élargir un peu cette notion-là, dans la loi, d'avoir le droit d'invoquer le
non-travail pour des raisons de conflit avec
soit son horaire de travail ou l'horaire d'un autre employeur, ce qui n'est pas
reconnu présentement par les normes et qui n'est pas proposé non plus
dans le projet de loi. Alors, si on veut vraiment mettre des vraies mesures pour la conciliation
travail-famille-études, là, si on veut l'élargir, bien, il faut absolument
donner ce levier-là aux employés, aux salariés, de pouvoir invoquer ce
fait-là. En fait, c'est, oui, prendre congé pour des responsabilités familiales
ou pour sa santé, mais pour aussi l'élargir aussi à d'autres mesures, là, qui
favoriseraient la conciliation travail-famille-études.
M. Leclair : O.K. Bien, on va regarder s'il n'y a
pas un amendement qui pourrait être écrit pour rencontrer ça
parce qu'effectivement ça fait partie de la réalité et du quotidien de
plusieurs salariés ou salariées.
Je vous
apporte sur un autre spectre, la disparité de traitement. Plusieurs groupes ont
eu des pour, des contre. La disparité
de traitement, c'est sûr, si on se situe sur le côté de l'employeur, lui, il
dit : Bien... On comprend, la ministre veut dire : Il n'y en aura plus, mais l'aspect rétro ne semble pas
s'appliquer. On a entendu un groupe de jeunes, le dernier coup... la dernière journée, puis la ministre a semblé
avoir une petite ouverture à dire : Bien, est-ce qu'on pourrait regarder
ça si on apporte... peut-être ne pas briser
des conventions collectives, mais les apporter à terme puis après ça, bien,
prévoir peut-être des clauses? Alors,
quelle serait votre suggestion pour qu'on finisse par arriver... Même si on se
donne cinq ou six ans, je pense, le
temps n'est pas vraiment un obstacle. C'est juste de dire : Il faut
prévoir, dans un futur, qu'il n'y en aura plus, de clause de disparité
de traitement, dans aucune convention collective.
M. Audy
(Patrick) : En fait, oui, effectivement, on serait plutôt avec... de
laisser les parties négocier avec, peut-être, une date limite. Mais je pense que c'est important, quand même, de
laisser les parties négocier l'exclusion de ces clauses orphelin là.
Par contre,
c'est quand même un bon défi pour le nouveau projet de loi parce que moi, je
pense aussi aux salariés qui ne sont
pas syndiqués, qui ont peut-être des clauses de disparité de traitement dans
les régimes de retraite. Il y a des entreprises privées qui offrent
certains régimes de retraite, puis c'est des employés non syndiqués. Il y a un
paquet de mesures aussi que des entreprises
privées non syndiquées offrent aussi, et il peut exister aussi ces mesures de
disparité de traitement là.
Donc, oui, il faudrait que, dans la
loi, on permette justement aux salariés syndiqués de permettre aux parties
d'en arriver avec une négociation de bonne
foi entre les parties. Mais je pense aussi aux travailleuses et aux
travailleurs non syndiqués qui... Là,
il faudrait qu'il y ait un levier dans la loi justement, mettre une limite à
ça, mais trouver un moyen d'éliminer
les disparités de traitement pour les non-salariés qui ne sont pas représentés
par une organisation syndicale.
• (14 h 30) •
M. Leclair :
Puis, lorsqu'on parle de disparité de traitement, je pense qu'il y a
plusieurs... en tout cas, les oppositions
sont d'accord avec ça, de dire : Il faut que ça cesse. Mais je ne me
cacherai pas de dire que je ne pense pas que ça va être simple, exemple, que la ministre prendrait la tangente à
dire : On va donner maximum 10 ans
pour les régler, les disparités de traitement... même si elle ne donne
pas de temps, si elle dit : À terme, les conventions collectives...
Mais, moi, mon grand
questionnement, à savoir... c'est : Vous n'avez pas peur que, exemple, qu'il
y ait des cotisations à... comme des régimes
de retraite à prestations déterminées, à cotisations déterminées, vous n'avez
pas peur que ça parte quand même une guerre, même si on dit : C'est
plate qu'il y ait des gens qui ont une disparité dans leur convention collective actuellement, et, à partir de la prochaine, il n'y en aura plus? Mais j'ai comme un
petit peu de misère à percevoir... Même si on dit : On va attendre
que ça soit à terme, là, autant l'employeur, autant le représentant des travailleurs
vont tirer chacun leur côté de la couverte.
Pensez-vous que ça va être si simple que ça à régler, même si on se
donnerait ce temps-là?
M. Audy
(Patrick) : Les relations de travail, ce n'est jamais très simple, mais, blague à part, oui, mais je
pense que c'est un passage obligé pour les
personnes qui ont quand même négocié ces clauses-là. Je pense qu'il faut
laisser aux parties quand même de négocier. Mais, je le répète à la commission,
moi, je pense beaucoup aux salariés qui ne sont pas syndiqués actuellement. Comment éliminer ces clauses de disparité là? Comment qu'ils vont
faire pour être appliquées? Puis, j'insiste là-dessus, récemment, on a validé avant de venir ici, en commission,
présentement, des inspecteurs qui font de l'inspection en milieu de
travail, aux normes du travail, il y a cinq inspecteurs pour toute la province
de Québec.
Alors,
imaginez-vous comment qu'on va faire respecter ces clauses-là pour les salariés
non syndiqués. Ceux qui sont
syndiqués, bien, c'est sûr que les organisations syndicales, on est là pour les
représenter. Permettre la négociation de bonne foi entre les parties, je pense que ça, c'est la voie. Mais les
salariés non syndiqués, je le répète, eux autres sont un peu laissés
pour compte. Qui qui va s'assurer que cette disparité-là n'existera plus?
M. Leclair :
On a entendu des groupes nous suggérer d'avoir, peut-être suite à des négociations,
d'avoir au minimum des régimes équivalences, tu sais, d'équivalence. Alors,
admettons que ça serait ça, la voie, donc il faudrait absolument prévoir, si jamais
la ministre veut prendre cette tangente-là, de prévoir quand même
une portion arbitraire après, là, et de... Si on ne s'entend pas des
deux côtés de la table, là, il va falloir qu'il y ait un arbitre qui juge de
ça.
M. Audy
(Patrick) : Bien, peut-être prévoir des mécanismes de médiation...
La Présidente
(Mme Richard) : En quelques secondes, c'est ça. Il vous
reste 20 secondes.
M. Leclair :
Merci beaucoup.
M. Audy
(Patrick) : Merci.
La Présidente
(Mme Richard) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant du
côté du deuxième groupe de l'opposition. M. le député de Chutes-de-la-Chaudière,
vous avez la parole.
M. Picard : Merci, Mme
la Présidente. Merci, messieurs
dames. Moi, je vais aller à vos recommandations 3 et 4
pour bien comprendre. Je vais vous donner ma compréhension, là. Vous indiquez
que... et même 2, 3, 4, au niveau
des vacances, quelqu'un qui a un an
d'ancienneté aurait droit à trois semaines au lieu de deux. Quelqu'un
qui a cinq années de service, il
aurait quatre semaines au lieu de trois. C'est bien ça? Et, en plus, vous venez
modifier le pourcentage qu'il reçoit durant ses vacances, qui passe de 4 %
à 6 % et de 6 % à 8 %. C'est bien ça? Avez-vous comptabilisé le
coût de cette mesure-là? Selon moi, ça donne 2,5 %, là, un calcul rapide,
là, mais avez-vous calculé l'impact, je dirais, pour les employeurs du Québec, là? Parce qu'on parle de la
loi sur les normes, pour les gens qui sont... Mais est-ce que j'ai... Ma
compréhension est bonne, là, c'est environ 2,5 % de la masse salariale,
là?
M. Audy
(Patrick) : Bien, il faudrait le valider. Nous, on n'a pas fait ce
calcul-là à l'interne. On n'a pas validé ça, en fait. Ce que nous, on proposait, c'est d'améliorer quand même les
congés... les vacances par année et se rapprocher quand même, comme on
l'a mentionné, aux juridictions qui nous ressemblent un peu plus dans les pays
qu'on a soulignés. Mais le coût réel, ça, je ne pourrais pas vous dire.
M. Picard :
O.K. Puis à une autre question de mon collègue, là, vous avez indiqué qu'il y
avait cinq inspecteurs?
M. Audy
(Patrick) : Oui. Il y a cinq inspecteurs présentement, au niveau des
normes du travail, qui peuvent se déplacer
dans les milieux de travail pour faire de la validation. Les autres
inspections, de la manière que ça fonctionne, c'est les...
La
Présidente (Mme Richard) :
Juste un instant, M. Audy. Je demanderais à la personne que son cellulaire
n'est pas éteint de l'éteindre immédiatement
et de faire le message aux autres personnes dans la salle. Il faut que la
sonnerie de vos appareils électroniques soit éteinte. Continuez, M. Audy.
M. Audy (Patrick) : Oui, merci
beaucoup. J'en étais où, j'ai perdu mon fil.
Une voix : ...
M. Audy
(Patrick) : Ah oui! En fait, l'inspection, elle fonctionne beaucoup
par validation par téléphone, ou par retour
de documents de façon électronique, ou par lettre actuellement. Donc, il y a
très peu d'inspecteurs qui se présentent en milieu de travail pour faire la vérification de l'application des
normes. Ça fait que, même après le dépôt d'une plainte, souvent, ces plaintes-là sont réglées par
téléphone ou par transmission de documents, soit de manière électronique,
là, mais des inspecteurs qui se présentent en milieu de travail, là, il y en a
cinq au Québec actuellement.
M. Picard : O.K. Est-ce
qu'ils sont tous basés à Québec?
M. Audy (Patrick) : Ils sont
tous basés à Montréal pour l'instant.
M. Picard : À Montréal,
O.K.
M. Audy (Patrick) : Ils peuvent
se déplacer, là.
M. Picard :
Lorsqu'ils décident d'aller en Gaspésie, là, ça a le temps de changer pas mal,
là, en cours de route, là, hein? C'est ce qu'on comprend.
M. Audy
(Patrick) : Oui. Puis quand on comprend les normes présentement, c'est
sûr que les déplacements sont assez limités,
de plus en plus, au niveau de l'inspection. Donc, à mon avis, ces régions-là
sont souvent juste validées par des inspecteurs, qui sont dans le
ministère, puis c'est des validations faites par téléphone.
M. Picard : Ces
inspecteurs-là, c'est des membres chez vous?
M. Audy (Patrick) : Oui.
M. Picard :
O.K. Sans rentrer dans les secrets, là, est-ce que vous avez déjà eu des
représentations disant : Bien, ce
serait peut-être bien qu'on soit plus proactifs, là? Je vais prendre l'exemple
des gens du ministère du Revenu, ils se promènent à la grandeur du
Québec, eux autres, là, puis...
M. Audy
(Patrick) : Bien, il semble y avoir des différences de mentalité. Par
exemple, là, on a fusionné les normes du
travail, l'équité salariale, puis la CSST, là, la santé et sécurité au travail.
C'est sûr que la CSST, dans son approche, est beaucoup plus proactive, puis elle est faite à de très hauts niveaux, ce
qui n'est pas le cas des normes du travail, vraiment pas. Mais oui, effectivement, on est en train de
travailler sur un dossier sur l'inspection au Québec. C'est un dossier
qui est assez large, on va ratisser au niveau... je m'excuse de prendre
30 secondes pour ça, mais on va ratisser aussi sur l'environnement puis d'autres domaines de notre société. Mais on est en
train de documenter le dossier, actuellement, sur l'inspection au
Québec. On est en train de travailler là-dessus.
M. Picard : O.K. C'est
bon. Merci. Au niveau de l'article 123, vous dites, on devrait faire
passer le délai de 45 jours à
90 jours. Pourquoi? Bien, je comprends qu'il y aurait plus de délais, mais
après... si quelqu'un ne l'exerce pas au 90e, il y a-tu des... Je vais
reprendre. Est-ce que vous avez fréquemment eu connaissance de gens qui sont
arrivés, le 47e ou le 50e jour, vous dire : À 90, on va moins en
échapper, entre guillemets, là?
M. Audy
(Patrick) : Bien, en fait, les normes, pour les gens qui sont
syndiqués, c'est souvent 30 jours parce qu'il y a une organisation syndicale qui est là pour les
représenter. Les gens qui n'ont pas d'organisation syndicale, qui n'ont
pas de représentation de de côté-là,
souvent, la méconnaissance de la loi rallonge les délais effectivement, parce
que les gens ne seront pas proactifs.
Ils n'ont pas de représentant syndical dans leur milieu de travail qui peut
facilement les éduquer, ce qui est notre rôle un peu, nous, comme
organisation syndicale.
Puis, pour
les raisons qu'on a invoquées aussi dans notre mémoire, c'est que la loi est
peu connue. À très forte probabilité,
les gens, en plus, pensent que certaines infractions sont la norme et que c'est
la loi. Donc, on pense que de rallonger les délais permettrait quand
même aux gens de prendre plus de temps pour s'informer, là.
M. Picard : Vous avez
dit aussi avec beaucoup de justesse, parce qu'on l'a entendu il y a quelques...
lors de précédentes auditions, là, il y a un
travail de promotion à faire auprès des employés, puis beaucoup d'employés ont
peur de revendiquer leurs droits, puis souvent
ils ne les connaissent pas, puis souvent les gens qui travaillent à ces
normes-là, c'est des étudiants, des
gens qui rentrent sur le marché du travail. Ça fait que moi, je pense qu'il y a
un travail de promotion pour expliquer
aux gens leurs droits puis indiquer qu'au Québec il y a des normes minimales
qui doivent être respectées.
Avez-vous
un point de vue sur les pourboires, qu'ils soient partagés ou... si vous n'avez
pas de point de vue, ce n'est pas grave, là. Je sais que ce n'est pas
votre domaine, là, mais c'est parce qu'on a entendu ça il y a quelques...
M. Audy
(Patrick) : Bien, nous, on en représente quand même, des gens à
pourboire. Nous, ce qu'on invoque, c'est
que ce soit vraiment inclus plus pour leur régime de retraite puis... Il y avait-u
autre chose? C'est vraiment plus pour l'inclure
au régime de retraite, là. Pour le partage, nous, ça ne me semble pas être un
enjeu pour les gens qu'on représente pour l'instant, mais c'est surtout
les employés de la SEPAQ, qui sont à pourboire actuellement, là.
M. Picard : O.K. Merci
beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci, M. le député. Merci également, Mme Rousseau, MM. Audy et
Arruda, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Et je suspends celle-ci quelques instants afin
de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 14 h 39)
(Reprise à 14 h 41)
La Présidente (Mme Richard) :
Nous accueillons maintenant la Fédération interprofessionnelle de la santé. Mesdames monsieur, bienvenue à l'Assemblée nationale. Mme Bédard, je pense que c'est vous qui
allez faire la présentation. Peut-être nous présenter également les personnes
qui vous accompagnent, et vous avez un temps maximal de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite suivra
un échange avec les parlementaires. Et je vous cède la parole,
Mme Bédard, et, encore une fois, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Fédération
interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
Mme Bédard
(Nancy) : Donc, Mme la
Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, merci beaucoup de cette invitation aujourd'hui à cette commission
parlementaire. Donc, effectivement, je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent. Donc, à ma droite,
Sonia Mancier qui est présidente du secteur privé FIQ; conseillère
syndicale, aux côtés de Mme Mancier, Suzanne Prévost; j'ai
Me Bélanger, ici, qui est avocat à notre équipe juridique à la fédération;
et Shirley Dorismond, qui est
vice-présidente à l'exécutif de la FIQ, qui est en charge du secteur
sociopolitique et condition féminine.
Donc, on est
heureux ici de venir aujourd'hui pour vous partager l'analyse du projet de loi
qui vise à modifier la Loi sur les normes du travail. Nous allons le
faire avec notre lunette, bien sûr, des 75 000 professionnels en
soins qu'on représente et surtout sur la lunette de 90 % de femmes qui
font partie de notre organisation syndicale.
Donc, tout
d'abord, Mme la Présidente, nous souhaitons souligner les points positifs qui,
à notre sens, constituent des
avancées pour nos membres, qui sont, comme je le disais tout à l'heure, à
90 %, des femmes. Donc, l'intégration de la violence conjugale
comme motif d'absence, la définition inclusive de la notion de proche aidant et
l'inclusion du harcèlement sexuel dans la
définition de l'article 81.18 sont, pour nous, effectivement, de très
bonnes avancées. Vous le savez, la
doctrine et la jurisprudence reconnaissent déjà le harcèlement sexuel comme
étant une conduite vexatoire et donc couverte
par l'article 81.18 de la loi, mais nous croyons qu'à des fins de
sensibilisation au harcèlement sexuel en milieu de travail le législateur pose effectivement un très
bon geste en faisant mention explicitement de cette forme de
harcèlement. Cependant, nous croyons qu'il aurait pu aller plus loin dans ses
démarches de sensibilisation en libellant un article spécifique sur le harcèlement sexuel et en imposant aux entreprises de
mettre sur pied des mesures plus proactives pour les inciter à lutter
contre le harcèlement sexuel.
Pour le reste de la réforme sur les normes du
travail, bien, je ne suis pas la seule qui va l'avoir dit ici, mais, considérant qu'elle a été, à maintes reprises,
présentée comme une grande mesure de conciliation famille-travail-études,
bien, l'adoption de ce projet de loi qui
doit aussi... et qui doit avoir pour but de donner plus de temps aux familles,
bien, pour nous, on pense qu'elle aurait pu effectivement aller beaucoup plus
loin. On ne peut pas penser, pour nous, que les professionnels en soins bénéficieront d'une meilleure conciliation
famille-travail-études, si on continue de leur imposer d'effectuer des
quarts de travail à temps supplémentaire obligatoire sur une base régulière.
On croit
fermement que la Loi sur les normes du travail peut être une occasion à saisir
pour changer la pratique actuelle et
atténuer la crise que vivent les professionnels en soins depuis, notamment, le
déploiement du projet de loi n° 10. En effet, pour nous, il est essentiel d'amender l'exception comprise au
dernier alinéa de l'article 59.0.1. Juste pour vous dire, en 2014 et 2015, 4,5 millions d'heures de
temps supplémentaires ont été effectuées par les infirmières québécoises,
et là je ne vous parle pas des infirmières
auxiliaires ni des inhalothérapeutes. C'est donc réellement devenu un mode de gestion. Le nombre d'absences d'invalidité et de
diagnostics d'ordre psychologique connaît une hausse considérable, et je
suis convaincue que vous le savez. LeJournal de Montréal
rapportait, en 2017, qu'elles ont augmenté de 47 % au CISSS de l'Estrie,
37 % au CUSM et 31 % au CISSS de la Montérégie-Est, juste pour vous
nommer que ces derniers.
Nous sommes
donc très inquiets pour nos membres qui donnent tout ce qu'elles peuvent sur le
terrain, et, même si je sais que les professionnels
en soins font vraiment un travail remarquable pour y arriver, pour
arriver à donner le meilleur des
soins à la population, je ne peux pas m'empêcher et notre organisation ne peut pas s'empêcher d'être très préoccupée, oui, pour la
qualité des soins, mais pour cette situation qui se dégrade d'année en année.
Donc, la littérature aussi est assez
claire à l'effet que le temps supplémentaire et le nombre d'heures de
travail par semaine ont un impact
significatif sur le nombre d'erreurs commises. Les travaux de Christian
Rochefort de l'Université de Sherbrooke révèlent qu'il y a une
corrélation entre le recours systématique aux heures supplémentaires et le
risque de mortalité en milieu hospitalier. Puis là je vous fais fi de toutes
les zones grises sur les erreurs, accidents, incidents, et tout ça, là, mais le
risque de mortalité est quand même, là, un élément majeur.
La situation est extrêmement
préoccupante, et nous croyons vraiment que le législateur peut contribuer, par l'amendement à la Loi sur les normes du travail, à
changer la pratique actuelle. Donc, l'exception du dernier paragraphe de l'article 59.0.1 établit qu'une salariée ne
peut refuser de travailler, si ce refus va à l'encontre de son code de
déontologie. Les employeurs avancent
constamment qu'en vertu de leur code les professionnels en soins ont
l'obligation d'assurer la continuité
des soins et traitements, et je pense qu'au niveau du temps supplémentaire
obligatoire, vous nous avez entendus, à maintes reprises, dénoncer ce mode de gestion; à maintes reprises, dire
que les employeurs se servaient du code de déontologie comme arme contre les professionnels en soins pour
les retenir au travail des heures et des heures. Mais ce même code leur impose aussi de s'abstenir d'exercer leur profession
lorsqu'elles sont dans un état susceptible de compromettre la qualité
des soins et des services qu'elles dispensent. L'exception prévue à l'article
59.0.1 ne tient pas compte de cette dernière obligation
déontologique. Donc, dans l'obligation déontologique, l'employeur se sert juste
d'un élément du code, mais fait fi du deuxième élément et met énormément
de pression au salarié qui voudrait, si on veut, s'en prévaloir.
Pour
toutes ces raisons, on croit qu'il est essentiel de modifier l'exception
comprise au paragraphe 59.0.1. Nous recommandons
donc de le modifier de la façon suivante : Lorsqu'il y a danger immédiat
pour la vie, la santé et la sécurité des
travailleurs ou la population, un risque de destruction ou de détérioration
grave des biens immeubles ou autre cas de force majeure, la salariée doit aviser son supérieur immédiat au moins
une heure avant de manifester son refus, de son incapacité ou de son impossibilité de poursuivre sa prestation de
travail au-delà des périodes prévues au présent article. De cette manière, nos professionnels en soins ne
seront plus confrontés à choisir entre deux obligations déontologiques
susceptibles d'engager leur responsabilité.
Dans un contexte de
révision de loi des normes, conciliation travail-famille-études, et pour la
santé des professionnels en soins, et pour
la qualité des soins offerts aux usagers, nous ne pouvons plus tolérer cette
situation et nous demandons au
législateur de faire un pas de plus. Même Mme Lucie Tremblay, présidente
de l'OIIQ, rapportait, dans une entrevue
en février dernier, que le temps supplémentaire obligatoire semblait être
quelque chose d'assez répandu, alors qu'on
ne devrait y recourir qu'en situation d'exception. Les horaires de travail, ça
se planifie, puis c'est à l'employeur de le faire et de trouver des solutions. Nous partageons complètement
l'analyse de Mme Tremblay dans cette perspective... et c'est dans cette perspective, excusez-moi, que s'inscrit
notre recommandation. La responsabilité de combler un horaire et
d'éviter les ruptures de services revient à l'employeur.
Et
finalement, pour revenir à l'engagement de la ministre d'améliorer la
conciliation famille-travail, nous rappelons au gouvernement que le maintien de l'exception, telle que comprise à
l'article 59.0.1, prive les 75 000 professionnels
en soins que nous représentons d'une réelle amélioration de la conciliation
famille-travail.
Sur
ce, je succède la parole à Sonia Mancier, présidente de la FIQ-Secteur privé,
qui pourra vous entretenir des modifications qui ont un impact plus
direct sur les conditions de travail des travailleuses des établissements
privés.
La Présidente
(Mme Richard) : Merci. Mme Mancier.
• (14 h 50) •
Mme Mancier (Sonia) : Bonjour à
tous. FIQ-Secteur privé est une fédération qui regroupe environ
1 600 professionnels en soins qui travaillent dans les établissements
privés et privés conventionnés.
Il
faut comprendre que les enjeux des travailleuses dans les établissements privés
diffèrent de ceux qui sont liés au
réseau public. Les conditions de travail diffèrent également de celles du réseau
public, mais diffèrent aussi grandement d'un établissement à l'autre. Par
exemple, elles n'ont pas toutes accès à un régime de retraite ou à un régime
d'assurance collective. Bref, dans bien des
cas, leurs conditions de travail sont assez près du contenu de la Loi sur les normes du travail.
D'abord,
nous souhaitons aborder les modifications proposées à l'article 69. Trois
semaines de congé annuel après cinq
ans de services étaient nettement insuffisantes, et, comme l'a annoncé Mme la ministre, il était nécessaire de proposer davantage pour offrir du temps
de qualité aux familles. Nous considérons cependant que trois semaines,
après trois de service, n'est pas un changement très substantiel.
Le
congé annuel est un temps de repos et de récupération pour les travailleuses. La lourdeur actuelle de la tâche des professionnels en soins implique le besoin d'un réel temps d'arrêt pour
que les travailleuses puissent se reposer. De plus, l'engagement du gouvernement d'offrir plus de
temps en famille devrait s'appliquer à toutes les familles. Nous croyons
que les modifications apportées auraient un
effet bien plus considérable et seraient plus inclusives si le projet de loi
proposait d'offrir quatre semaines de congé
annuel à toutes les salariées bénéficiant d'un an de service continu, comme
cela est le cas pour la majorité des employés du gouvernement.
Nous saluons, aux
articles 79.1 et 79.7 du projet de loi, la reconnaissance de deux journées
de maladie ou de deux journées de
responsabilité familiale payées. Cependant, pour nous, cela demeure
insuffisant. Dans le secteur privé, les
postes à temps partiel sont vraiment nombreux. Cela place les travailleuses
dans une situation précaire. Certaines d'entre elles doivent même
occuper deux emplois pour subvenir à leurs besoins de base. Nous croyons que,
pour favoriser la conciliation
famille-travail-études, il faut rehausser le nombre de journées rémunérées aux
banques de congés de maladie et celles
de responsabilité familiale. C'est pourquoi nous recommandons que la Loi sur
les normes du travail offre un total de 10 jours de congé payé pour
maladie et responsabilité familiale.
Mme Bédard (Nancy) : Donc, en conclusion, bien, c'est sûr que nous
souhaitons porter à l'effet que, 15 ans après les derniers amendements puis potentiellement un
autre 15 ans à venir avant les prochains changements, c'est vrai
qu'on s'attendait à
beaucoup plus. On croit que le gouvernement a une véritable occasion à saisir
pour faire une différence pour les familles
aujourd'hui, mais dans les années futures, et on espère juste qu'il saura
vraiment saisir cette occasion. Bien qu'il ne soit pas tout à fait à la hauteur de nos attentes, nous souhaitons
vraiment que ce projet de loi puisse être adopté avant la fin des travaux de la présente session car il
constitue tout de même une avancée pour l'ensemble des travailleurs et
travailleuses du Québec. Merci.
La Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons débuter les
échanges. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Vien :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je me prends une petite note vite faite.
Mme Bédard, bienvenue. Bonjour à
vous tous. D'abord, d'entrée de jeu, vous souhaiter, bien sûr, une chaleureuse
bienvenue et vous dire à quel point aussi
on voit tous les jours, soit nous ou soit des gens dans notre entourage, à quel
point les membres que vous représentez font un travail extraordinaire,
puis je tenais à le dire ici.
Deuxième
des choses, vous savez, quand on présente un projet de loi comme celui-là, ce
n'est pas facile puis ce n'est pas
évident. On est mû par un désir de... par un objectif, par une vision. Nous, ce
qu'on veut, vous l'avez bien dit, vous l'avez dit à quelques reprises,
donner du temps aux familles, donner du temps de qualité aux familles,
permettre aux membres de cette famille-là de
pouvoir rencontrer les aléas de la vie puis puissent effectivement rebondir
rapidement, s'occuper d'un enfant, d'un parent malade, etc., puis prendre du
temps pour eux aussi, s'ils en ont besoin.
Le
défi qu'on a, Mme Bédard, c'est toujours de trouver l'équilibre, hein,
l'équilibre entre... c'est comme je disais un peu plus tôt à M. Audy, de trouver l'équilibre entre comment on
fait pour donner de meilleures conditions de travail à des personnes qui travaillent sous des normes qui sont
minimales, donc les normes du travail, comment on fait ça et qu'en même temps on vienne dire à nos employeurs, aux
petites entreprises... de mémoire c'est quelque chose comme 80 % ou
85 % des entreprises au Québec qui sont
des PME, donc qui ont une capacité, capacité financière, capacité de payer
dont il faut prendre compte quand on rédige un projet de loi comme celui-là.
Vous avez
rigoureusement raison quand vous dites : Il y a des grands espaces-temps
entre la mise en place, la première création
de la Loi sur les normes du travail et les quelques modifications qu'on a
faites. C'est vrai de dire qu'il y a eu des grands espaces-temps entre
chacun des gestes posés, mais il faut le faire avec sérieux et avec rigueur.
Alors,
moi, je pense qu'on arrive avec une
pièce législative... Vous nous dites : On aurait pu faire plus. Mais
les gens du patronat, eux autres, il y a deux semaines, ils me disaient :
Vous allez bien trop loin. Puis la Fédération des chambres de commerce puis d'autres organisations disent,
parallèlement... Je ne me souviens pas du groupe, mais qui me disait, entre autres, sur le harcèlement
psychologique, vous me corrigez si je me trompe, me disait : Vous n'avez
pas besoin de jouer là-dedans, là,
c'est déjà compris dans la loi, là. Tu sais, pourquoi vous en ajoutez, là? Bon,
tu sais, il faut faire les arbitrages, là.
Ça
fait que je ne suis pas en train de vous dire qu'on n'a pas de la difficulté,
ce n'est pas que je vous dis. Je vous dis qu'il faut arriver avec une pièce, un projet de loi qui va nous mettre
au bon endroit. Et, compte tenu des observations que vous nous faites, mais compte tenu aussi des
observations que d'autres groupes nous font puis qui sont un peu a
contrario par rapport aux vôtres, je me dis : On est peut-être, quelque
part, à la bonne place.
Ceci
étant dit, vous savez, les normes du travail, ce sont comme des normes
minimales. Pouvez-vous nous parler de votre fédération
interprofessionnelle de la santé du... Vous, madame, c'est la FIQ, F-I-Q, hein,
Mme Bédard?
Mme Bédard
(Nancy) : Oui.
Mme Vien :
Comment ça se ventile? Est-ce qu'il y a beaucoup de membres de chez vous — ou peut-être qu'il n'y en a pas du
tout — qui
sont au salaire minimum ou qui sont régis par les normes minimales du travail?
Peut-être que madame aussi... Peut-être nous démêler, là, parce que ce n'est
pas nécessairement toujours clair pour nous, là.
Mme Bédard (Nancy) : O.K. Bien, tout d'abord, après ça, je vais passer
la parole à Sonia, mais on a 75 000 professionnels
en soins, dont 1 600 qui sont au secteur FIQ privé, 1 600. Plusieurs
d'entre eux sont effectivement dans
une convention collective, là, qui est conventionnée comme le reste du secteur
public, mais elle a quand même des membres qui sont au privé, privé.
C'est
sûr que ce que je vous ai demandé et ce qu'on a demandé, notamment au niveau du
temps supplémentaire obligatoire, vous comprendrez que ça, ça touche les
75 000 professionnels en soins qu'on représente. Et, pour nous, il y a vraiment là une pièce qui manque dans la
révision sur les lois et qui serait drôlement importante. Pour le reste,
je vais laisser Sonia, là, au niveau de
votre question plus précise, vous répondre sur le nombre de membres qui sont au
privé et qui seraient plus au niveau des normes ou en dessous des normes.
Mme Mancier (Sonia) : Au niveau de la Fédération interprofessionnelle
du Québec, secteur privé, effectivement, elle regroupe à peu près
1 600 membres aujourd'hui. Un certain nombre, une grosse partie de
ces membres, en gros, 1 400, 1 500 membres, font partie déjà des
établissements, ce qu'on appelle privés conventionnés et qui sont sous la
gouverne de la convention collective actuelle. Donc, vous voyez qu'il reste
très peu de membres.
C'est clair que c'est
une fédération qui est amenée à grandir, donc on est obligés de prendre cette
question au sérieux. Et je ne vous cache pas
qu'avec le contexte politique et l'arrivée du privé au niveau du réseau, c'est
clair, cette fédération va grandir,
et elle commence déjà à prendre un petit peu de place. Elle est officielle
depuis le 15 mai, au niveau de son inscription, donc voilà.
Mme Vien :
Parfait. On ne vous a pas entendues sur les agences de placement, hein? Est-ce
que c'est un sujet qui vous interpelle dans vos organisations?
Mme Bédard
(Nancy) : Alors, pour les
agences de placement, ce que je pourrais vous dire, c'est que nous,
notre prétention, c'est : Quand il y a des professionnelles en soins qui
proviennent des agences, qui travaillent dans les établissements de santé, bien, elles sont comme incluses dans notre
unité d'accréditation pour cette journée. Donc, elles bénéficient des mêmes conditions de travail avec
lesquelles les gens où elles viennent travailler sont rémunérés ou les
conditions qu'elles ont pour travailler.
Alors,
considérant ça, au niveau des agences de placement et de mon organisation, on
n'est pas à la même place que d'autres organisations, si vous voulez,
là.
Mme Vien : Bien, merci
beaucoup. Merci. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup, Mme la ministre. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle, et je cède la parole au
député de Beauharnois et porte-parole en matière de travail pour
l'opposition officielle.
M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Bédard,
mesdames messieurs, bonjour et bienvenue, toujours intéressant.
Écoutez, je
vous apporterais à votre recommandation 8, là. C'est la première fois que
je l'entends, celle-là, puis je vous
laisserais vous expliquer, vu que vous aviez peu de temps. Vous parlez des
congés, que vous aimeriez que ça soit traité d'une façon indépendante,
lorsque c'est pour responsabilité familiale, par rapport au congé de maladie.
Alors, j'aimerais comprendre un peu votre vision face à ça et les
problématiques que ça peut causer ou engendrer.
• (15 heures) •
Mme Bédard (Nancy) : Bien,
c'est-à-dire que nous, ce qu'on souhaite, c'est que... On a demandé
10 jours, finalement, qu'ils soient
pris soit pour responsabilité familiale ou congé maladie, donc qu'il n'y ait
pas de discrimination, là, entre un
ou l'autre, mais on en faisait une demande globale. Cependant,
si on ne tient pas compte de ça et qu'on souhaite garder deux jours, tel que le projet de loi le spécifie, bien, ce qu'on souhaite, minimalement, c'est qu'il y ait
au moins deux jours pour congé
maladie puis deux jours pour congé familial. Pourquoi? Parce qu'on ne veut pas
que ça devienne un choix. On le sait,
là, je représente 90 % de femmes, et souvent, hein, on a quand même
une charge importante au
niveau de nos enfants, ce qui fait que, si
on prend nos congés de maladie, nos deux jours de congé pour maladie, on les
prend pour nos responsabilités familiales, bien, je peux vous dire qu'on va se présenter au travail
souvent malade et dans un contexte où,
parfois, on aurait besoin de ne pas se présenter au travail. On va les
monnayer, là, pour nos congés familiaux, c'est clair.
Et nous,
notre prétention, c'est de dire : Bien, c'est un avantage aussi pour
l'employeur, puis là je vais y aller
sur le 10 jours en tout, plus les
employeurs connaissent d'avance... Et on sait qu'un besoin minimal, dans une
année, peut être au moins
10 jours pour un des deux, bien, c'est pour l'employeur quelque chose de
positif de pouvoir savoir à l'avance, si on veut, quand on doit s'absenter, que le fait, du matin même, de
s'apercevoir que la personne doit requitter parce qu'elle n'est pas en mesure de faire son travail ou qu'elle ne
se présente pas puis qu'elle le sait soit la veille, tard, ou le matin
même.
M. Leclair : O.K. Si je
comprends bien, là, parce que je ne suis pas sûr, sûr que je vous suis, donc,
si je comprends bien, vous, dans vos conventions collectives, vous avez déjà
des banques de congés.
Mme Bédard (Nancy) : Oui.
M. Leclair : Là, ce que vous
nous dites, c'est que, si les normes du travail ajoutent deux jours... vous en
souhaiteriez 10, mais, s'ils en ajoutent deux, que ceux-là ne fassent pas
partie de ces banques de congés là.
Mme Bédard
(Nancy) : C'est-à-dire que,
non, je ne fais pas l'amalgame avec nos conventions collectives, là,
mais on a quand même quelques centaines «FIQ-Secteur privé», là, dans nos
privés, privés, là, qui, eux, bénéficieraient clairement
de cette avancée-là. Donc, ça, c'est important, et, en même temps, bien, c'est
comme une logique aussi, là, pour
tous les travailleurs et les travailleuses, là, qu'on souhaiterait, là. Mais,
pour nos conventions collectives à nous, au niveau, là, de congés maladie, on a quand même, là, quelques jours qui
sont pour des motifs personnels qu'on peut entrer, là, sur des raisons
familiales. Donc, il faut faire la différence entre les deux.
M. Leclair : O.K. Je reviens à votre recommandation
numéro 6. Vous dites que les employeurs, les patrons utilisent toute la forme... lorsqu'il y a danger pour la
vie, la santé d'un patient, qu'on est obligé de faire du temps
supplémentaire, vous dites que ça fait déjà
partie, quelque part, là, c'est déjà inscrit, mais ce n'est pas inscrit dans
les normes du travail. Donc, eux
l'utilisent à bon escient pour leur cause, et vous, de votre côté, vous
sembliez dire : Nous aussi, ça existe si on met en danger les patients. Est-ce que ça existe quelque part ou vous
voulez le voir inscrit dans les normes parce que ça n'existe pas dans
votre contexte à vous, si un employé pourrait mettre à risque ou à péril la vie
d'un patient?
Mme Bédard (Nancy) : Alors, c'est-à-dire qu'on a... nous, on est liés
par un code de déontologie. Donc, dans les normes du travail actuelles, on fait le lien avec le code de
déontologie, donc on vient parler de quand quelqu'un peut faire un refus de faire du temps supplémentaire. Cependant,
on vient dire que ce n'est pas le cas si vous être lié par un code de déontologie. Alors, nous,
on est liés par un code de déontologie, mais, avec juste cette phrase-là, qui
est là depuis des années, l'employeur
actuel se sert de ça, d'un article de notre code de déontologie, qui dit qu'on
ne peut pas quitter sans s'assurer d'une
relève, si la relève n'est pas là. Cependant, ce même code de déontologie vient
dire que, s'il y a un danger, si je ne me
sens pas apte à travailler, tel qu'on vous suggère de l'écrire, je pourrais
aussi aviser mon employeur puis dire que je ne peux pas faire du temps supplémentaire obligatoire. Sauf que, dans la
vie, depuis des années, l'employeur se sert comment de notre de
déontologie, sous l'article du fait qu'on doit, pour la continuité des soins,
rester au travail?
Donc,
ce qu'on demande au législateur, Mme la Présidente, c'est vraiment de
dire : Maintenant, pour essayer... Parce qu'on le sait, que c'est un fléau puis c'est un mode de gestion.
Donc, on a une occasion à saisir pour dire : On va clairement, quand même, donner une mesure pour
venir donner un appui aux professionnels en soins sur un élément de leur
code de déontologie qui va faire en sorte qu'il va être clairement... le
message va être clair que cet article-là est aussi important pour qu'une professionnelle en soins dise : Bien, moi, je
ne peux pas rester au travail dans ce cas x là. Donc, oui, le code de déontologie a des mesures qui permet ça, mais considération que l'employeur s'en sert
juste sur un côté, bien, ce qu'on
aurait apprécié du législateur, c'est venir de préciser : Voici dans
quel cas quelqu'un pourrait dire : Je ne ferai pas de temps supplémentaire
obligatoire.
Puis,
vous savez, là-dessus, pourtant, cet article-là, qui vient dire dans le projet de loi qu'on doit rester au travail si jamais la vie de quelqu'un est en danger, il est là pour tout le monde. Cherchez-moi du monde dans la vie qui font autant de temps supplémentaire obligatoire que les professionnels en soins, il n'y en a pas. Donc, pourtant, cet article-là est bon pour tout le monde. Donc, ça
veut dire qu'il y a un élément majeur, puis il faut venir donner des conditions
à ce groupe de personnes là, qui, elles, ne
sont pas traitées… et n'ont pas le droit de faire valoir des éléments qui, finalement,
sont conférés presque uniquement à elles.
M. Leclair : O.K. Puis dites-moi donc, les
gestionnaires, là, qui forcent les gens à faire du temps supplémentaire,
on le voit, que c'est un fléau, là, vous
n'avez pas besoin de nous le redire aujourd'hui,
je pense que c'est évident, ça,
depuis quelques années, ils se basent sur
quoi pour l'utiliser, là, cette clause obligatoire
là? Ils prennent toujours cette forme-là, cette phrase-là, dans votre code de déontologie puis que ça soit la
faute de manque de personnel, c'est ça qui en ressort tout le temps? Je
veux vous entendre.
Mme Bédard
(Nancy) : Malheureusement, oui. Alors, il y a 10, 15 ans, on a
commencé à avoir du temps supplémentaire
obligatoire par exception. Mais aujourd'hui, par réforme, par coupures, par
austérité, je vous dirais, je vais tout mettre ça là, les employeurs,
puis notamment la dernière réforme, bien, on n'a pas fait de planification de
main-d'oeuvre, puis je vous dirais que c'est
rendu tellement gros qu'il y a moins d'humains, hein, derrière les horaires de
travail, donc ce qui fait qu'on est beaucoup
informatisés, on a vraiment un problème à ce niveau-là, et là on a remis la
charge sur l'horaire de travail... et de
s'assurer qui va travailler, sur la professionnelle en soins, et ça devient...
et c'est vraiment un élément qui... C'est aux employeurs de s'assurer
qu'il y ait des gens à l'horaire, de faire les horaires. On est dans le
prévisible. La journée où on va être dans du temps supplémentaire qui ne sera
pas... qui va être sur des exceptions de dernière minute, je ne serai même pas
en train de vous en parler.
Aujourd'hui,
un employeur, quand tu ne fais pas de planification de main-d'oeuvre pendant
deux, trois ans, quand tu fais plutôt
des coupures, quand tu retiens des centaines de postes, bien, on se retrouve à
ne pas être capable de mettre des gens à l'horaire sur des manques, sur
des besoins qu'on pourrait planifier des semaines et des mois d'avance.
Alors,
je suis obligée de vous dire que, malheureusement, c'est un mode de gestion,
et, aujourd'hui, si on veut vraiment
forcer les employeurs à changer de courant, puis à revenir à il y a comme 15,
20 ans, et à avoir cette obligation-là, qui leur est conférée, de s'assurer de mettre des gens au travail, et de
confiner un horaire de travail adéquat pour le service qu'on a à rendre, bien, je pense que de légiférer
en ce sens-là serait un message extrêmement important. Je ne dis pas que
c'est le seul levier, mais, à un moment
donné, quand on fait une réforme de cette... avec une loi comme ça, on ne
peut pas dire qu'on fait fi de cette
réalité-là, et que le législateur ne devrait pas mettre un élément majeur pour
qu'on soit capables vraiment de délimiter à qui revient la tâche et le
fardeau de faire des horaires de travail puis de s'assurer que, dans un
établissement, on a des gens pour soigner les patients.
M. Leclair :
Mais si je vous comprends bien, si vraiment, dans votre code de déontologie, on
utiliserait cette phrase-là lorsque c'est
nécessaire, là, on n'aurait pas de problème avec ça. Tu sais, même si nous, on
vient l'ajouter dans les normes,
justement, pour protéger, se dire : Là, on va mettre à risque et à péril
des patients, j'entends bien aussi dire qu'il n'y a aucune infirmière au Québec, que si ça serait vraiment le cas pour
un cas spécifique de la vie d'un de ses patients, les gens accepteraient
de rester deux, trois heures, pour dire : Bien...
Mme Bédard
(Nancy) : Absolument, absolument.
M. Leclair : Tandis que là on comprend très bien que c'est un amalgame d'inconduites
ou de mal gestion qui nous apporte à utiliser ce terme-là. Bien, je
pense que c'est tout le temps que j'avais. Je vous remercie beaucoup.
La Présidente
(Mme Richard) : Il vous restait encore 20 secondes,
M. le député.
M. Leclair :
20 secondes? Bien, si vous voulez vous défouler, je vous le laisse, ma
chère dame.
Mme Bédard (Nancy) : Mais vous
avez raison. Alors, je pense que ça prend ça, un message fort, puis on va
changer le cours des choses avec des leviers comme ça.
La Présidente
(Mme Richard) : Merci, merci beaucoup. Et je cède la
parole maintenant au député des Chutes-de-la-Chaudière, porte-parole pour le
deuxième groupe d'opposition en matière de travail.
M. Picard :
Merci. Merci, mesdames et monsieur. Je poursuis un petit peu là-dessus, mais,
vous l'avez bien dit, c'est avant
tout un problème de gestion. Est-ce qu'il y a une pénurie d'infirmières au
Québec ou il y a une pénurie de postes pour les infirmières au Québec?
• (15 h 10) •
Mme Bédard
(Nancy) : J'aimerais
beaucoup vous répondre. Le problème, c'est qu'on n'est pas capables
d'avoir des données là-dessus. Et d'être
capables de dire combien il manque d'effectifs, au fait, là, bien, c'est très,
très difficile parce qu'actuellement
il y a beaucoup de postes qui sont retenus, qui ne sont pas affichés. On a
60 %, je dirais, 70 % de nos infirmières auxiliaires qui sont
à temps partiel, 50 % de nos infirmières qui sont à temps partiel. Puis là
je ne suis pas embarquée dans l'exception du
volontariat, est-ce que tout le monde veut des temps complets, pas du temps
complet. Moi, je fais une tournée
provinciale actuellement, là, la plupart des gens, 90 % me disent qu'ils
veulent des temps complets, puis, à
99 %, ils veulent des temps complets s'ils ne font pas du temps
supplémentaire. Alors, voilà la vraie réponse. Malheureusement, j'essaie de savoir puis on essaie de trouver les
données, mais, avec toutes les réformes des dernières années, les systèmes informatiques ne se parlent
pas, les employeurs ne sont pas capables de nous sortir 100 % des
données. Alors, l'écart réel, au final,
comment il manquerait de main-d'oeuvre si on faisait un réel exercice de
planification, avec des rehaussements
de postes, et on affichait l'ensemble de nos postes, ça, je ne suis pas capable
de vous le dire encore. On tente de le faire, on est en négociation
locale actuellement, donc les équipes sont affairées à travailler sur ce
dossier, mais aujourd'hui je ne suis pas encore en mesure de vous répondre.
M. Picard :
O.K., merci. Là, autre sujet. Tantôt,
on a abordé les agences de placement, là, mais, au niveau... Vous avez
dit... Disons une infirmière qui n'est pas là une journée, cette dame-là est à
l'échelon 12. Si une infirmière d'une agence
de placement vient travailler, puis, disons, c'est une jeune qui débute dans sa
carrière, quel salaire elle va recevoir? Est-ce qu'elle va recevoir le
salaire de la personne qu'elle remplace ou elle va recevoir le salaire selon
son niveau d'expérience? Est-ce qu'elle va
avoir l'échelon 2, 3 ou 12? Parce que ça fait plusieurs jours, puis on
entend toutes sortes de choses, là.
Puis je voudrais avoir... Tantôt, vous avez dit : Elle va avoir le salaire
de la personne remplacée. Puis je voudrais vraiment clarifier ça dans
mon esprit.
Mme Bédard
(Nancy) : Je me suis
potentiellement mal faite comprendre parce que, la plupart du temps, on
ne sait pas qui on remplace. On va se le
dire, là, en partant, là, parce qu'il y a tellement de besoins que, même à ce niveau-là,
on ne le sait pas.
Les règles,
c'est que, si cette personne-là a quatre ans d'expérience, on a des règles,
dans la convention collective, qui
vient dire : À tant d'expérience, on devrait être à tel échelon. Donc,
cette personne-là devrait avoir le salaire de l'échelon où elle est rendue avec son expérience qu'elle a.
Alors, ça, c'est notre prétention. Est-ce que je peux toutes les suivre?
Est-ce que je suis en mesure de tout vous
dire que toutes les professionnelles en soins qui se déplacent, qui viennent
travailler la journée, ou les semaines, ou
les mois, ou l'année, parce qu'il y en a qui viennent à l'année dans le même
établissement, elles sont tous régies de la même façon? Je ne suis pas en
mesure aujourd'hui, là, de vous dire ça. Mais nous, notre prétention, c'est à l'effet de dire que les
professionnels qui émanent des agences, les semaines, les journées, les mois
qu'ils travaillent dans un établissement, ils deviennent inclus dans l'unité
d'accréditation pour laquelle ils travaillent. Donc, ça, il y a la négociation nationale, puis il y a les conventions
collectives locales aussi parce que chaque établissement a aussi ses conventions collectives, là, des
établissements. Alors, c'est notre prétention. Est-ce que tout est fait
correctement? Ça, je ne pourrais pas vous dire que oui, actuellement.
M. Picard :
O.K., c'est bon, merci. Autre sujet, vous demandez qu'il y ait un article
spécifique sur le harcèlement sexuel.
La jurisprudence dit que du harcèlement sexuel, c'est inclus dans le
harcèlement psychologique. Donc, vous ne voyez pas que... Moi, je vois un danger de mettre un article différent
parce que, si la personne fait un recours puis elle invoque le mauvais article, ça peut avoir des
conséquences. Mais je voudrais vous entendre, là. Je ne suis pas fermé,
là, mais j'essaie de voir le plus... d'avoir
un article spécifique lorsqu'on voit que la jurisprudence l'englobe, là. Mais
allez-y.
Mme Bédard
(Nancy) : Bien, c'est
surtout un geste qui est très significatif, un message fort, un geste
politique, un message politique qu'on
demande parce que le harcèlement sexuel, si on avait un article qui soit bien
confiné, ça permettrait aussi
d'obliger les employeurs. Bien, nous, c'est notre prétention. Ce qu'on
aimerait, c'est d'avoir des politiques qui sont vraiment spécifiques sur le harcèlement sexuel, d'abord, les règles qui
régissent la violence, le harcèlement au sens large, hein? On sait que, parfois, on demande que ce soit
des gestes répétitifs, alors là, on a toute une série d'éléments. Pour
nous, le harcèlement sexuel, il y a un
élément de plus aussi. C'est-à-dire que, si je me fais siffler après une
journée, pourquoi ça me prendrait 34 jours pour être obligée de
dire que c'est un geste qui est inacceptable, qui est vexatoire et qui est du harcèlement sexuel? Donc, c'est juste pour vous
imager, là, c'est-à-dire qu'on a un message, on est contents, on le
sait, que c'est inclus, mais là, à partir du
moment où on vient dire que, maintenant, le harcèlement sexuel, c'est un
élément qui est vraiment proscrit par
la loi, bien, ça ferait le pont aussi pour s'assurer qu'on a des politiques
particulières sur le harcèlement sexuel.
Et, peut-être, la confusion dont vous avez peur, bien, il n'y en aurait plus de
confusion. Donc, le message est dans les deux côtés. Et ça demande aussi... Ça demanderait aux employeurs des
politiques majeures là-dessus. Puis, à mon avis, on devrait aussi différencier certains éléments pour
qu'on n'ait pas, là, à vivre à maintes reprises un élément qui soit
toujours, toujours répétitif avant de dire : Là, je vais prouver que
c'était du harcèlement sexuel.
M. Picard : O.K. Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci
beaucoup.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup, M. le député. Merci, mesdames monsieur, pour votre
contribution à nos travaux.
Et je suspends la commission quelques instants
afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 16)
(Reprise à 15 h 18)
La
Présidente (Mme Richard) :
Bonjour. Et nous recevons maintenant la Coalition pour la conciliation
famille-travail-études. Bonjour, mesdames.
Bienvenue à l'Assemblée nationale. Mme Lévesque, je pense que c'est vous
qui allez faire la présentation.
Parfait. Peut-être, en tout cas, dans un premier temps, nous présenter les
personnes qui vous accompagnent. Par
la suite, vous aurez un temps à votre disposition de 10 minutes, et suivra
un échange avec les parlementaires. Donc, je vous cède la parole,
Mme Lévesque.
Coalition
pour la conciliation famille-travail-études
Mme Lévesque
(Sylvie) : Merci beaucoup.
Oui, effectivement, Sylvie Lévesque. Je suis une des porte-parole de la coalition. Et, non, je ne fais pas ça toute seule
parce qu'on est quand même plusieurs à la coalition. Donc, il y a
Johanne Jutras qui va faire aussi une partie avec moi, qui a été notre
rédactrice du mémoire, et Annick Patriarca qui est co-porte-parole aussi de la
coalition, qui va faire aussi une partie. Ça fait qu'on va essayer quand même
de faire dans les 10 minutes, inquiétez-vous pas, même si on est trois.
Donc, d'entrée de jeu, les membres de la
Coalition pour la conciliation famille-travail-études remercient la Commission de l'économie et du travail de les
avoir invités à participer aux consultations particulières sur le projet
de loi n° 176. La coalition représente
près de 2 millions de femmes et d'hommes au Québec. Elle est composée des
principales organisations syndicales
québécoises et des organisations féministes communautaires et populaires
oeuvrant à l'amélioration des
conditions de travail et de vie des travailleuses, des travailleurs, des
parents étudiants ainsi que des personnes proches aidantes.
Bien que la
coalition reconnaisse certaines avancées dans le projet de loi, elle
s'attendait à ce que le gouvernement en
fasse davantage pour les familles et les personnes proches aidantes. En effet,
nous espérions une réforme plus généreuse à leur égard depuis très longtemps. Rappelons que la Loi sur les normes
du travail fixe les conditions minimales du travail et qu'elle est fondamentale pour 60 % des
travailleuses et travailleurs qui ne sont pas syndiqués. La coalition déplore
que les modifications proposées à la Loi sur les normes du travail soient
faites en dehors d'un plan complet en conciliation famille-travail-études. Nous craignons que le morcellement des diverses
mesures annoncées par le projet de loi ainsi que celui sur le projet de loi n° 174, visant principalement à
assouplir le Régime d'assurance parentale, qui, on pense, ne sera peut-être pas appelé en commission
parlementaire — enfin il
reste deux semaines, donc on attend impatiemment... un manque de vision
globale de l'intervention gouvernementale.
• (15 h 20) •
La coalition
considère que le gouvernement a raté une belle occasion de répondre
adéquatement aux besoins des familles
et des femmes. Une loi-cadre en conciliation famille-travail-études est
toujours attendue afin de revaloriser le travail invisible effectué dans les familles et afin de permettre aux personnes
d'assurer leurs obligations sans s'appauvrir. En effet, la coalition
rappelle que la conciliation n'est pas un problème individuel et qu'il existe
des solutions collectives.
Le gouvernement
doit s'engager à promouvoir et à soutenir la conciliation
travail-famille-études ainsi que les rôles
et les responsabilités des acteurs dans tout le milieu de travail et d'études.
Toutefois, la coalition reconnaît les efforts de précision et de bonification des conditions de travail des
travailleuses et travailleurs proposées dans le projet de loi et salue un certain nombre de modifications proposées
qui vont dans le sens nos demandes, notamment l'élargissement de la notion de parent comprenant le salarié qui agit à
titre de proche aidant auprès des personnes sans lien de parenté, la
réduction du nombre d'heures supplémentaires
que l'employeur peut imposer et la suppression de 60 jours de service
continu lors d'une naissance,
d'adoption ou d'une interruption de grossesse. Et on avait aussi une autre
liste dans le mémoire, mais, comme on a peu de temps, peut-être que dans
la période de questions, on pourra revenir sur les autres points.
Je passe
maintenant la parole à ma collègue Johanne, la rédactrice de notre mémoire, qui
va nous présenter les principales recommandations.
Mme Jutras (Johanne) : Oui,
alors, Mme la Présidente, j'aimerais attirer l'attention des membres de la commission à la recommandation 1, à la
page 6 de notre mémoire, qui traite de l'étalement des heures de travail.
Alors, la coalition a été surprise de
constater que l'étalement des heures de travail n'a plus à être autorisé par la
Commission des normes, de l'équité,
de la santé et sécurité du travail. Elle craint que cet étalement devienne la
norme alors qu'il devrait être exceptionnel
afin d'assurer la conciliation travail-famille-études au sein des entreprises.
Par ailleurs, la formulation de cet amendement
laisse entendre que l'employeur pourrait convenir d'une entente avec un seul
salarié. Qu'advient-il des autres salariés
de l'entreprise? Y aurait-il des ententes différentes selon le statut d'emploi?
Aussi, afin d'assurer une meilleure organisation collective du travail,
la coalition propose de maintenir l'étalement des heures de travail autorisé
par la Commission des normes, de l'équité,
et de la santé et sécurité du travail, soit avec une personne ou plusieurs
personnes, en
précisant toutefois qu'une semaine de travail ne pourrait excéder plus de
10 heures, la norme prévue effectivement par la loi ou les
règlements.
Ensuite,
voyons les recommandations 4, 5, 6 à la page 9 de notre mémoire qui
concernent les vacances. Bien que la coalition
reconnaisse une avancée sur la durée des vacances, nous considérons que la
proposition est insuffisante puisque les vacances payées sont des éléments importants à considérer, surtout
lorsque l'horaire quotidien de travail est surchargé et qu'il contribue aux difficultés de la
conciliation, des responsabilités du travail, du rôle des proches aidants, de
même que ceux des parents et des
étudiants. Ainsi, la coalition propose plutôt trois semaines de vacances après
une année de service continu, quatre
semaines de vacances après cinq années de service continu et le cumul de
1,25 jour de vacances pour chaque mois travaillé avant la
première... la fin de la première année de service continu.
Allons maintenant à la recommandation 7, à
la page 11 de notre mémoire, qui concerne la rémunération des journées d'absence. Alors, à l'article 16, on
prévoit la rémunération de deux jours de congé de maladie. Alors, on
considère que cela est insuffisant car il y
a plusieurs travailleuses et travailleurs malades qui vont au travail souvent
au détriment de leur propre santé
ainsi que de celle de leurs collègues. De plus, la Loi sur les normes du
travail autorise les personnes salariées
à s'absenter pendant 10 jours par année sans salaire pour des
obligations parentales ou familiales. Alors, cela est particulièrement problématique pour les personnes
qui travaillent au salaire minimum. En pratique, s'absenter du travail devient trop onéreux pour ces personnes qui ne
peuvent évidemment pas se priver d'une journée ou de plusieurs journées
de salaire. Donc, l'impact pour celles-ci
sont très importantes, à la fois pour les personnes de même que pour leurs
enfants dans un contexte, finalement, où ils
sont déjà défavorisés au plan socioéconomique. Alors, pour ces raisons, la
coalition propose que les
10 premières journées prises annuellement pour les congés de maladie et
les congés pour obligations parentales ou familiales soient payées.
Finalement, j'aimerais revenir à la
recommandation 2 de la page 7 de notre mémoire, qui concerne le
nombre d'heures supplémentaires. Alors, la modification que le gouvernement
propose à l'article 9 réduit de quatre à deux le nombre d'heures de
travail que l'employeur peut imposer en heures supplémentaires. Alors, on
considère que c'est insuffisant. Ce nombre devrait être réduit à seulement une
heure puisque de longues heures de travail et des heures supplémentaires rendent la conciliation famille-travail-études très difficile. Ces personnes
éprouvent d'ailleurs un sentiment de bien-être
moindre et des cas de problèmes de santé mentale, tel que l'a démontré
l'Institut national de la santé publique du Québec.
Alors, je
vais maintenant passer la parole à ma collègue,
Annick Patriarca, qui est également co-porte-parole de la coalition.
Mme Patriarca
(Annick) : Merci. Donc, actuellement, rien dans la Loi sur les normes du travail ne stipule à quel moment un employeur doit remettre l'horaire de
travail. Dans le projet de loi, on tente de remédier à la situation
en mettant le fardeau sur les travailleuses et les travailleurs de refuser les
heures de travail s'ils ou elles n'ont pas reçu leur horaire cinq jours à l'avance. Le droit de connaître à
l'avance son horaire de travail est fondamental parce que les
travailleurs et les travailleuses ne peuvent
tout simplement pas organiser leur vie personnelle, familiale, scolaire sans
savoir à l'avance quel sera leur
horaire de travail. De plus, on observe beaucoup cette tendance à fournir
l'horaire de travail moins d'une semaine à l'avance dans les domaines plus précaires, comme la restauration,
l'hôtellerie et le commerce au détail. Le fait de pouvoir difficilement planifier les activités des proches
aidants et familiales, ou même de devoir annuler celles qui ont été
prévues, entraîne des frictions entre les conjoints et les enfants. Les
employeurs doivent adopter une organisation du travail conséquente en
transmettant l'horaire de travail au salarié.
Aussi, nous
souhaitons... la coalition souhaite aussi une amélioration au niveau des jours
fériés. Donc, il n'y avait rien de
prévu, actuellement, dans le projet de loi, donc nous souhaitons ajouter une journée,
soit le 26 décembre, pour qu'elle
soit chômée et payée. Ça laisserait plus de temps aux familles pour se déplacer
et se rencontrer durant cette période de festivités. De plus, les congés de Noël, et du lendemain de Noël, et du
jour de l'An doivent pouvoir être reportés au jour ouvrable suivant ou
précédent ou à tout autre moment, selon la culture, la religion ou les vacances
du conjoint ou conjointe de la personne salariée lorsqu'il tombe un jour non
travaillé pour la personne salariée.
À la coalition,
nous considérons aussi qu'il faut avoir des vraies périodes de pause. L'absence
de période de pause au travail influe sur la santé physique et mentale
des travailleuses et des travailleurs, mais également sur la santé organisationnelle des entreprises, puisque la
productivité de l'entreprise est meilleure lorsque les salariés prennent un
temps de pause durant la journée. Les
périodes de pause sont essentielles pour les personnes qui ont la
responsabilité familiale et professionnelle,
puisqu'il s'agit d'un bon moment pour justement vérifier si tout va bien à la
maison, s'il faut prendre un rendez-vous
médical, ou scolaire, ou autre. Donc, nous proposons une modification afin
qu'une pause soit perçue comme obligatoire et payée au-delà d'une
période de trois heures de travail.
La
Présidente (Mme Richard) :
Ça va? Merci beaucoup. On va débuter les échanges. Donc, la parole est à
vous, Mme la ministre.
Mme Vien :
Merci, mesdames. Bonjour, Mme Lévesque, et merci à vos collègues également
de s'être déplacées aujourd'hui.
Je vais
commencer ça directement, hein? D'abord, vous avez été assez claires dans votre
présentation, puis on a quand même suivi vos réflexions au cours des
derniers mois.
Étalement des heures. Nous, on trouve que c'est
une bonne idée, l'étalement des heures parce que ça peut permettre effectivement de la souplesse pour
l'entreprise et... dans la gestion de son entreprise, mais aussi pour le
travailleur, parce que ça lui donne une
marge de manoeuvre, notamment pour quelqu'un qui vit dans la monoparentalité,
donc, pour travailler
peut-être plus d'heures la semaine où il n'a pas ses enfants, la maman ou le
papa puis, après ça, bien, on se reprend la semaine suivante.
Vous, ce que
vous me dites, c'est... vous n'êtes pas d'accord du fait qu'on enlevait
l'autorisation de la CNESST, donc...
Aujourd'hui, c'est possible de le faire, ça, en autant qu'on ait l'autorisation
de la CNESST. Ce que vous me dites... ce
n'est pas une bonne idée de l'enlever. Moi, je voyais ça d'un bon oeil, de
l'enlever, parce que je me disais : J'enlève une étape, tu sais, j'enlève une étape qui peut être
embarrassante pour les uns et pour les autres, et ça permet plus de
fluidité, plus de souplesse. Et vous, ça
vous inquiète, ça, c'est ce que je comprends, parce que vous avez peur qu'il y
ait un dérapage?
• (15 h 30) •
Mme Lévesque
(Sylvie) : Oui. En fait,
c'est ça, c'est que le principe d'étalement des heures, on n'est pas
contre ça, au contraire. Effectivement, ça
peut être positif. Le fait de l'enlever, notre crainte, c'est effectivement...
c'est que ça laisse juste, comment je
dirais... entre le privé, c'est-à-dire entre les employés et... tout seul,
l'employé et l'employeur, alors qu'avec
la commission, bien, à ce moment-là, l'employeur est obligé comme de faire une
démarche supplémentaire, et à ce moment-là
la personne se retrouve toute seule à... En fait, ça se passe juste entre les
deux personnes, puis ça fait en sorte que des fois il peut y avoir effectivement des pressions de l'employeur pour
ne pas le faire ou ne pas, justement, l'autoriser.
Ça fait que
c'est à ce niveau-là que nous, on a des craintes parce qu'on sait que... C'est
sûr que les gens, plus on va permettre
de souplesse, de flexibilité... On n'a rien contre ça, sauf que souvent, dans
les milieux, surtout quand on parle de bas
salariés ou à salaire minimum, on sait, c'est souvent des jobs... donc, les
gens, si tu manques une journée, tu peux perdre ta job, et tout ça. Donc, il y a beaucoup de pressions qui se font dans
ce sens-là, et ça fait que les gens, à ce moment-là, se retrouvent
souvent à négocier tout seuls avec leurs employeurs. Et à ce moment-là ça ne
permet pas une certaine collectivité puis
aussi que les gens puissent travailler entre eux pour essayer d'avoir un appui,
aussi, pour demander ces choses-là.
Ça fait que c'est à ce niveau-là qu'on a des craintes, juste le fait de
l'enlever à ce moment-là. Je ne sais pas si mes collègues veulent
compléter.
Mme Patriarca
(Annick) : Je voudrais juste ajouter qu'il ne voudrait pas non plus
que ça sert à élider les heures supplémentaires.
Mme Lévesque
(Sylvie) : En fait, ça
pourrait être comme une espèce de deal, si on peut dire, là, entre
l'employeur et la personne, de dire :
Bien, à ce moment-là, on peut peut-être réduire les heures supplémentaires ou,
en tout cas, tu sais... Plus on va
laisser, à notre point de vue, comment je dirais, de négociations toutes seules
entre l'employé et l'employeur... fait en sorte que ça peut...
Je ne suis
pas en train de dire que tous les employeurs, c'est des méchants, là, puis
que... bon. Au contraire, ils veulent
aider les gens. C'est juste que, des fois, on se retrouve, quand on a une
situation de fragilité, si on peut employer l'expression... Justement, vous parliez des gens monoparentaux, et tout
ça, bien, à moment-là, des fois, ça peut faire en sorte que la personne va laisser tomber parce que,
justement, elle ne veut pas perdre son emploi, et tout ça. Ça fait que
c'était plus à ce niveau-là qu'on a des
craintes, sur le fait d'enlever cette étape-là, bien que l'étalement des
heures, comme on disait tantôt, ce n'est pas...
Mme Vien : C'est une
bonne idée.
Mme Lévesque (Sylvie) : Ce
n'est pas sur le principe, mais c'est plus souvent... Souvent, les principes
sont intéressants. Ce n'est pas ça, le
problème. C'est souvent plus dans l'application et comment ça se fait dans le
quotidien qui fait en sorte que les gens se
retrouvent souvent dans une situation tout seul, puis, bon, à ce moment-là, on
abandonne. Ça fait que c'est plus ça.
Mme Vien :
Comme je vous ai dit tout à l'heure, on vous suit depuis un certain temps,
évidemment, et puis on entend
beaucoup de choses sur les normes du travail depuis plusieurs mois maintenant.
Vous faites plusieurs demandes, comme
d'autres groupes aussi, là, vous n'êtes pas les seuls. Mais j'ai aussi des
groupes qui font les demandes contraires aux vôtres, hein, vous savez.
Mme Lévesque (Sylvie) : Ça fait
partie de la démocratie, je pense. C'est correct, c'est de bonne guerre.
Mme Vien :
C'est ça. Puis moi, j'ai la responsabilité d'être au centre de tout ça, puis de
faire l'arbitrage qu'il faut. Puis
c'est souvent des petites entreprises, hein, qui embauchent des gens qui sont
au salaire minimum. Avec tout ce que vous
demandez, est-ce que vous avez quand même une pensée pour les entreprises, les
petites entreprises, au Québec, que... En fait, ce que j'essaie de vous dire, c'est : Est-ce qu'on n'a pas
une démarche modérée, là, un beau compromis entre la capacité de payer des entreprises et l'amélioration des
conditions de travail, les gens qui travaillent avec les normes du
travail?
Mme Lévesque (Sylvie) : Moi, ce
que je vous dirais, c'est que nous, on représente les travailleuses, je dirais,
principalement les travailleuses, parce que
la majorité est au salaire minimum, on l'a dit, puis vous le savez déjà,
c'est majoritairement des femmes, et on représente ces gens-là, ici,
aujourd'hui. On n'est pas en train de dire qu'à cause qu'on représente ces femmes-là ou ces personnes-là qu'on n'est pas
conscientes de cette situation-là. Sauf que nous, on se place toujours du point de vue des personnes qui
vivent la situation au quotidien, et effectivement, quand on passe... On
est dans un processus, on l'a dit, c'est un
premier pas. On n'a pas dit que c'était complètement mauvais non plus. Ce
qu'on dit, c'est que c'est insuffisant.
Et nous, notre travail,
notre job, quand on fait partie des groupes ou d'un groupe de défense de
droits, c'est justement de venir demander des choses, et après ça on est
capables de faire un arbitrage puis de voir est-ce que c'est suffisant ou
insuffisant. Donc, on représente ces gens-là aujourd'hui, et je pense que les
gens... quand on a fait notre plateforme ou
qu'on a présenté... on a fait ce travail-là, c'étaient les gens qui vivaient la
situation qui nous ont demandé de venir
aujourd'hui. Donc, à ce niveau-là, je pense que les employeurs font leur
travail de leur côté et je pense qu'ils font partie... ils font leur job aussi de leur côté pour demander des choses.
Mais je pense qu'aujourd'hui, nous, on représente les travailleuses,
aujourd'hui, et les familles. Et c'est dans ce point de vue là qu'on vient
aujourd'hui présenter.
Mme Vien :
Tu sais, aujourd'hui, on peut s'absenter, si on est victime de violence
conjugale... bien, avec le projet de
loi, évidemment, s'il est adopté. Et toute la notion de... la portée de la
définition de «parent» est élargie... serait élargie, si tout le monde s'entend bien, toute la question
aussi du congé de compassion, qu'on vient ici arrimer avec le fédéral,
la reconnaissance du proche
aidant. Enfin, je pense qu'à l'intérieur du projet de loi n° 176
il y a quand même plusieurs mesures qui
sont porteuses, puis qui sont nouvelles, puis qui étaient attendues, il n'y a
pas de doute là-dessus. Moi, ça va compléter pour tout de suite mes
questions, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Richard) :
Parfait.
Mme Lévesque (Sylvie) : Je vous
dirais qu'on les a nommés aussi dans notre mémoire. On reconnaît...
Mme Vien : Oui, oui,
oui.
Mme Lévesque
(Sylvie) : On n'est pas en
train de dire que... Comme on dit souvent, l'expression, on ne jette pas
le bébé avec l'eau du bain, là.
Mme Vien : Non, non.
Mme Lévesque
(Sylvie) : Je pense qu'à la
coalition on a rencontré aussi à plusieurs reprises des gens de votre cabinet, on a rencontré aussi des gens de
l'opposition, et je pense, dans notre travail, justement aussi, nous, on a
porté des choses aussi. Et je pense que le
fruit du projet de loi a fait en sorte que, collectivement, on a amené des
choses aussi. Donc, il ne faudrait pas penser aujourd'hui, parce qu'on
demande plus, qu'on ne reconnaît pas des avancées.
Mme Vien : Non. Je
saisis bien. Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Richard) :
Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Et je
reconnais M. le député de Beauharnois et porte-parole en matière de travail.
Allez-y, M. le député.
M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Alors, mesdames, bonjour.
Merci d'être là. Mémoire très intéressant, bien entendu. Manque de temps, manque d'argent, donc on doit éviter des
étalements. Alors, vous avez des belles mesures là-dedans, je pense, qui mériteraient d'être regardées en profondeur. Ce
n'est pas les premiers que vous nous parlez des pauses dans les normes du travail. Il y avait le deuxième groupe qu'on a
eu précédemment, il l'avait dans son mémoire. J'ai manqué de temps pour les questionner face à ça,
les normes du travail. Il nous dit : Des minutes payées après cinq
heures consécutives de travail. Donc, vous,
à votre recommandation n° 10, vous nous parlez des pauses et d'un
ajustement, là, qu'on devrait faire avec les normes du travail. Alors,
je vous donne la possibilité de nous expliquer ça un peu, votre vision face à
ça.
Mme Lévesque
(Sylvie) : Je voulais juste,
avant qu'Annick ou Johanne donnent la réponse... Quand vous dites manque
de temps, manque d'argent, bien, c'est aussi notre champ d'action. Juste pour
dire que la Coalition pour la conciliation
famille-travail-études, bien que le projet de loi n° 176 touche à
plusieurs aspects sur les normes du travail, nous, à la coalition, on a quand même un champ d'action qui s'appelle
conciliation famille-travail-études. Donc, ce n'est pas parce qu'il y a
un manque de temps qu'on n'a pas travaillé sur les autres articles du projet de
loi...
M. Leclair : Non, bien entendu.
Mme Lévesque
(Sylvie) : ...mais c'est
plus parce que notre mission, elle est dans ce sens-là. Et il y a
d'autres groupes, par exemple Au bas de
l'échelle, ou d'autres syndicats, ou des gens du milieu patronal, qui eux sont
intervenus là-dessus. Donc, nous, le
harcèlement sexuel ou des choses comme ça, ça ne faisait pas partie de notre
travail à la coalition.
M. Leclair : Je comprends bien.
Mme Lévesque (Sylvie) : Annick,
peut-être sur les pauses.
Mme Patriarca
(Annick) : Oui, oui. Bien, en fait, actuellement, dans la Loi sur les
normes du travail, ce qui est prévu,
c'est qu'on a le droit à une période de pause. Si c'est une pause café, elle
est payée, s'il y en a une. Et puis sinon, évidemment, la pause repas de 30 minutes après cinq heures, qui
n'est pas payée à ce moment-là. Donc, en fait, l'objectif ici, c'est de dire :
Bon, bien, on veut des réelles pauses. Puisqu'elles sont utilisées pour faire
des activités de responsabilité familiale,
prendre des rendez-vous pour les enfants, pour les parents, donc c'est des
moments privilégiés, là, pour... surtout pour les femmes d'ailleurs, pour faire ce genre de responsabilité là.
Donc, c'est pour ça que, pour nous, ça devrait être important, vu que ce n'est pas prévu comme tel
pour les pauses café. S'il y en a, elles sont payées, mais il faut qu'il y
en ait.
M. Leclair : Non, je comprends
très bien. Je pense que...
Mme Lévesque
(Sylvie) : Ça dépend des
milieux de travail, hein? Parce que, quand on parle, les normes, c'est assez large, là. Dépendamment où tu travailles ou
dans quel milieu, il y en a que c'est plus facile que d'autres, effectivement,
de pouvoir le faire. Mais Johanne, tu voulais compléter.
Mme Jutras
(Johanne) : Oui. En fait, il y a plusieurs études qui ont démontré
que, si on ne prend pas de pause santé,
pause café, finalement, ça réduit la productivité des employés. Donc, si vos
employés sont moins productifs, l'ensemble de l'organisation l'est moins aussi. Donc, c'est pour améliorer
l'efficacité ou la productivité des entreprises. C'est important que les salariés aient des pauses, des pauses
santé ou des pauses café qui soient rémunérées, mais que ce soit
vraiment... qu'ils aient droit à ça. Parce
qu'actuellement la loi ne dit rien là-dessus. C'est au bon vouloir de
l'employeur de donner une pause café ou une pause santé.
M. Leclair : Effectivement, je
vous rejoins à ce point-là, parce qu'effectivement il y a plusieurs études qui
confirment le tout, que lorsqu'on est capable de prendre un petit écart durant
nos heures de travail puis de revenir à l'ouvrage,
qu'on est plus efficace. Alors, je voulais vous entendre face à ça. À la
page 15 de votre mémoire, vous nous parlez des proches aidants puis vous dites : «...proche aidant en
matière de pratique interdite...» Alors, j'aimerais vous entendre face à ça, en pratique interdite, ce que
vous voulez en venir, là, puis vous donner le temps de nous l'expliquer
comme il faut.
• (15 h 40) •
Mme Patriarca (Annick) :
Essentiellement, on voulait que ça soit plus explicite, que le recours protège
les personnes proches aidantes. Mais aussi on voulait que les moyens
raisonnables prévus dans la loi pour que quelqu'un d'autre assume nos responsabilités familiales, lorsqu'on fait des heures
supplémentaires, bien, aussi soient
éliminés du texte, puisque le but,
ici, c'est de dire : Bon, bien, prendre les moyens raisonnables, c'est
quoi? C'est d'appeler son conjoint, sa
conjointe ou son ex-conjoint, conjointe, sa belle-mère, son voisin, sa voisine.
Et des fois ça devient un lourd fardeau pour les familles. Donc, essentiellement, ça touche à ça puis ça a une conséquence après
ça sur le 122, sur la pratique interdite, pour faire respecter la loi.
M.
Leclair : O.K.
Donc, dans votre vision des choses, lorsqu'on dit : Vu qu'on veut reconnaître le proche aidant, on reconnaît des blocs
d'heures, vous, vous dites : Si on a... On peut refuser du temps supplémentaire
lorsqu'on agit comme proche aidant, puis on n'a pas besoin de faire le tour de
la planète pour justifier notre cause.
Mme Patriarca (Annick) : C'est
ça.
M. Leclair : Grosso modo, là.
Mme Lévesque
(Sylvie) : Bien, c'est parce qu'un motif raisonnable, disons, les motifs,
ça peut être interprété de toutes sortes de façons aussi, là.
M. Leclair : Exact. Si on fait attention à la belle-mère, puis
lui, il n'aime pas sa belle-mère, bien, ça se peut qu'il juge que ce
n'est pas raisonnable.
Mme Lévesque
(Sylvie) : Oui, bien, en
tout cas, c'est comme... Tu sais, souvent, ces textes-là, des fois, ça
donne beaucoup d'interprétations et ça fait
en sorte que des fois... L'objectif initial est louable, mais, dans la
pratique, fait en sorte que des fois ça dessert plus les personnes que
ça les sert. Tu sais, c'est ça, l'idée, là.
M. Leclair : O.K. Puis parlez-moi, une dernière question...
Non, j'en ai encore deux. Mais vous nous parlez aussi du côté attestation du proche aidant. Vous croyez
que cela peut venir mettre un peu de procédurite, là, trop lourde. Parce
que vous expliquez bien dans votre
mémoire : Je peux être défini le plus proche proche aidant des proches
aidants, mais il y a peut-être mon
frère, ma soeur, mon voisin qui est proche aidant, puis on ne peut pas tout
avoir, au cas où que ça nous arriverait
qu'on vous remplace pour aller porter à la pharmacie ou à l'hôpital une
personne qui est dans le besoin, de dire : Bien là, je n'ai pas eu mon attestation de proche aidant. Donc, je veux
vous entendre là-dessus. Vous semblez dire qu'une attestation officielle
de proche aidant, ça semble causer certains problèmes dans certaines
situations.
Mme Jutras
(Johanne) : En fait, la
première question qu'on s'est posée, c'est quand le projet de loi dit «par un professionnel». Alors, un professionnel, on s'est posé
la question : Est-ce que c'est un professionnel au sens du Code des professions? Est-ce
que c'est juste un médecin traitant?
Pour nous, ça pose un problème parce
que le médecin traitant, on a
souvent de la difficulté à le voir, à avoir rendez-vous avec lui. Donc, comment
on fait pour obtenir une attestation du professionnel comme de quoi on est
aidant ou aidante naturelle... proche aidant, plutôt? Naturel, c'est au
fédéral.
Mais il y a cette question-là aussi
par rapport au statut du professionnel. On aimerait
mieux que ça soit davantage précisé
dans la loi. Est-ce que ça demandera une réglementation? On ne s'avance
pas jusque-là. Je pense qu'on laisse
le soin au gouvernement de voir dans quel
sens il peut aller, à ce niveau-là. Par contre, quand on va... quand la
personne proche aidante va être
attestée comme de quoi elle est en fonction, si on veut, auprès des ses
parents, ou de son voisin, ou d'une autre personne, l'attestation, elle va
être sur une base permanente, sur une base régulière, annuelle, mensuelle.
D'autre
part, on sait souvent que c'est les femmes qui assument le rôle de proche
aidant, à 80 %, je pense. C'est bon,
mais souvent les aidantes naturelles tombent aussi malades, hein? Donc, elles
doivent se faire remplacer par quelqu'un d'autre de la famille ou d'un autre ami. Donc, comment va s'articuler,
finalement, le statut de l'attestation pour chacune des personnes,
finalement, qui peuvent porter secours, qui peuvent porter aide, là, à la
personne en difficulté?
M. Leclair : Je vous entends très bien. Dans la procédurite, des fois, on peut
s'enfarger dans les virgules et les points.
Moi, je comprends que ça peut être un problème. Moi, j'ose espérer que de
mettre beaucoup d'emphase sur les proches aidants, tel que le projet de
loi des normes le fait, en donnant des semaines possibles et, oui, peut-être
une attestation — puis on verra comment ça se termine — bien, je pense que tous les employeurs vont
voir que là, là, au moins le
législateur, il dit : Regarde, le proche aidant, là, c'est une vraie job,
là, on a besoin de ces gens-là, puis il faut leur donner de la latitude, puis en autant que possible, bien
entendu. Mais il y a toujours l'exception, la personne qui veut abuser
du système, en disant : Je suis proche aidant de... Alors, c'est tout
arrimer ça ensemble pour avoir un juste équilibre.
Peut-être,
en quelques secondes : Fractionnement de ces semaines-là, comment vous
voyez ça, une exigence face au fractionnement où on a des blocs de
26 semaines?
Mme Lévesque
(Sylvie) : Bien, on n'avait pas de... spécifique...
M. Leclair :
Bien, c'est bien. Je vous remercie. Je crois que, de toute façon, on est...
Mme Lévesque
(Sylvie) : On n'a pas discuté de tout.
M. Leclair :
Discuté de tout.
Mme Lévesque
(Sylvie) : Désolée. Désolée.
M. Leclair : Non, mais il n'y a pas de problème. Parce que plusieurs groupes nous ont
dit : Bien, il faudrait que ça soit aussi possible de le
fractionner. Puis je voyais que ce n'était pas dans votre mémoire.
Mme Lévesque
(Sylvie) : Bien, c'est sûr que je pense aux regroupements des proches
aidants ou d'autres regroupements qui sont plus spécifiques dans cette matière-là,
qui sont membres de la... Excusez, je dis «fédération» parce que, dans ma
vie, dans ma job de jour, je travaille à la fédération des familles
monoparentales. Il y a d'autres regroupements qui sont plus spécifiques là-dessus. Donc, nous
autres, on est plus généralistes, au
niveau de la coalition. Mais, dans
ce sens-là, c'est plus eux qui pourraient répondre à ça.
M. Leclair :
Je vous remercie beaucoup de votre travail.
La Présidente
(Mme Richard) : Merci. Et je reconnais maintenant M. le
député de Chutes-de-la-Chaudière, porte-parole en matière de travail pour le deuxième
groupe d'opposition.
M. Picard : Merci, Mme
la Présidente. Merci, mesdames. Tout à l'heure, Mme Lévesque, lorsque vous avez fait votre présentation, vous avez dit : Il y a
des points que je n'ai pas le temps de dire. À un moment donné, dans votre
texte, vous avez dit : Il me resterait
des points, mais on va peut-être les aborder en questions. Est-ce qu'on les a
abordés? Ça ne vous dit rien?
Mme Lévesque
(Sylvie) : Ah! la conclusion. Annick, tu ne l'avais pas...
M. Picard :
La conclusion de madame, oui.
Mme Lévesque
(Sylvie) : Il y a certains points que tu n'avais pas touchés...
Mme Patriarca
(Annick) : Bien, en fait, je peux y aller pour la conclusion.
M. Picard :
Allez-y, bien oui, bien oui.
Mme Patriarca
(Annick) : O.K.
Bien, en fait, c'est ça, la coalition, on est engagés à la construction
d'une société basée sur l'égalité
entre les femmes et les hommes dans les sphères privées du travail et de la
collectivité. Elle considère que le projet de loi déposé par le gouvernement apportait des améliorations visant la
conciliation famille-travail-études. Il s'agit quand même d'une avancée.
Par contre, on désirait plus, comme ça a été mentionné.
Puis, bien, en fait, c'est sûr que
nous, on considère que ce serait important, là, de mettre
en place une loi-cadre en matière de conciliation
famille-travail-études, pour revoir tout ça de manière plus globale, notamment
avec l'autre projet de loi sur le RQAP qui a été déposé.
M. Picard :
O.K. Merci.
Mme Lévesque (Sylvie) : Mais on ajoutait aussi qu'on souhaite que le projet de loi, bien qu'il
n'est pas parfait puis, comme on
disait tantôt, qu'on veut plus de mesures, on souhaite quand même que, s'il y a
possibilité... On sait qu'il reste peu
de temps avant la fin de la session parlementaire, mais on pense, même si ça a
pris bien du temps, justement... comme ça
prend bien du temps avant de faire des nouvelles réformes, on souhaite nous
aussi, à la coalition, que le projet de loi, bien qu'il soit imparfait,
soit, si possible, adopté avant les élections. Parce qu'on sait ce qui se
passe, après. Il y a des élections, un nouveau gouvernement, ça traîne, etc.
Donc,
nous, on pense que, ne serait-ce que pour les familles qu'on représente, bien
qu'il soit imparfait, on pense que c'est
un pas dans la bonne direction. Puis il faudrait au moins, si possible... Je
pense que c'est un genre de projet, comment je dirais, projet de loi transpartisan. Je pense qu'il faut le penser
dans ce sens-là. Et, à ce niveau-là, on souhaite qu'il soit adopté avant
la fin de la session parlementaire.
M. Picard :
Mme Lévesque, je peux vous rassurer, vous assurer que mon groupe
parlementaire, on met toutes les énergies pour l'adopter d'ici la fin de
la législature, même si M. le premier ministre a dit que... je n'ai pas compris
sa déclaration, il disait qu'on mettait des
bâtons dans les roues, là, les oppositions, là. Je ne sais pas où qu'il a vu
ça, là. Il a peut-être été mal briefé, là. Parce que nous siégeons
lundi...
Une voix :
...
M. Picard :
Comment?
Une voix :
...
M. Picard :
Parce que, vendredi, nous allons débuter l'étude détaillée et, lundi prochain,
nous allons siéger en étude détaillée.
Donc, il reste deux semaines complètes. Donc, vous pouvez vous assurer que
nous, on va mettre toute notre énergie
pour l'adopter le plus rapidement
possible. Comme j'ai dit, moi, il y a certains points que je trouve qu'on ne va
pas assez loin.
Mme Lévesque
(Sylvie) : Vous pouvez en demander plus.
M. Picard :
Mais, dans le jeu parlementaire, je vais déposer un amendement, il va être
battu, puis après ça on passe à un
autre sujet. Donc, pour moi, c'est important qu'il soit adopté parce que, comme
vous dites, après ça, il va y avoir des élections, et on va se ramasser
en 2019, là.
J'aurais
une question. La recommandation 8, vous venez dire : «Un employeur
doit transmettre...» L'article 59.0.2 : «Un employeur doit transmettre au salarié son
horaire de travail au moins cinq jours ouvrables avant qu'il se présente
au travail.» Vous dites, vous
rajoutez : «Cet horaire de travail doit être conforme aux articles 52
et 53.» Pourquoi? Parce que l'article
de loi, là, tel qu'il est rédigé dans le projet, est assez parlant. On ne vient
pas... on n'a pas besoin de venir rajouter, dire : Il faut qu'ils
se conforment. La loi, c'est un tout. C'est à la page 12.
C'est
parce qu'à l'article 52, là, on parle... C'est la semaine de
40 heures, donc. Mais pourquoi on devrait préciser d'ajouter que ça doit être conforme à
l'article 52, 53? Ce n'est pas nécessaire, selon moi, là. Mais, si c'est
le sens... Je peux vous
rassurer que, qu'on l'écrive ou qu'on ne l'écrive pas, là, l'article 52,
l'article 53 va toujours... Oui?
• (15 h 50) •
Mme Jutras
(Johanne) : O.K. Donc, même s'il est effacé, la dernière phrase est
effacée, ça va couvrir quand même 52 et 53?
M. Picard :
Oui.
Mme Jutras
(Johanne) : Bon, tant mieux.
Mme Lévesque
(Sylvie) : C'est la lecture qu'on avait faite du projet de loi qui a
été déposé.
M. Picard :
O.K. C'est tout pour moi, Mme la Présidente. Merci, mesdames.
Mme Lévesque
(Sylvie) : On n'est pas des juristes, hein?
M. Picard :
Moi non plus.
La Présidente
(Mme Richard) : Ça va? Merci beaucoup, mesdames, pour
votre contribution à nos travaux.
Et je suspends la
commission pour environ 10 à 15 minutes. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 51)
(Reprise
à 16 h 1)
La Présidente
(Mme Richard) : Nous avons maintenant la Fondation des entreprises
en recrutement de la main-d'oeuvre agricole étrangère, FERME. Bonjour, mesdames
monsieur. Bienvenue à l'Assemblée
nationale. Je pense que
c'est vous, M. Borja, qui allez débuter? Donc, vous avez 10 minutes
pour nous faire votre exposé, Par la
suite suivra un échange avec les parlementaires. Peut-être en profiter, lors de votre exposé, pour nous
présenter les personnes qui vous accompagnent.
Fondation des entreprises en recrutement de
main-d'oeuvre agricole étrangère (FERME)
M. Borja
(Fernando) : Oui. Merci beaucoup de nous donner la parole. Alors, je suis accompagné aujourd'hui
de Nathalie Pouliot. C'est la directrice générale adjointe de FERME.
Mme Sylvie Gagnon, elle est une
productrice et elle est membre de notre conseil d'administration. Et
moi, je suis directeur général de FERME.
Alors,
FERME, on est un organisme qui a
commencé en 1989 et on représente à peu près 1 000 employeurs.
Et on fait venir près de
12 000 travailleurs agricoles, surtout du Mexique et du Guatemala,
pour travailler dans les fermes et dans
toutes sortes de secteurs. On est dans les régions près de Montréal surtout,
mais on a de plus en plus de travailleurs qui... On commence à avoir la
banque des travailleurs. Donc, on commence à monter aussi dans les territoires.
Quand j'ai commencé,
en 1992, à peu près, au consulat du Mexique, on avait des gens du Saguenay—Lac-Saint-Jean qui venaient près de Montréal pour
travailler dans les fermes, des familles québécoises qui descendaient
pour travailler près de Montréal.
Maintenant, on a des travailleurs étrangers qui sont dans ces régions-là. Donc,
on commence à monter un petit peu. Et
la pénurie reste très, très, très importante. Donc, pour cette raison, on
considère que notre travail, c'est très important, et, pour cette
raison, on vient ici vous parler.
Alors, je vais aussi
donner la parole à ma collègue Nathalie. Donc, on va expliquer un petit peu nos
besoins.
Mme Pouliot (Nathalie) : Alors donc, regard sur le projet de loi
n° 176. Voilà, les observations qu'on va vous communiquer aujourd'hui vont essentiellement
porter sur les dispositions qui traitent des travailleurs étrangers
temporaires. Donc, c'est une nouveauté, évidemment, dans la Loi sur les normes
du travail. Le projet de loi va de l'avant. Et certainement, de la façon dont on le comprend, le législateur a voulu,
ou veut, ou souhaite accorder une protection beaucoup plus claire,
beaucoup plus directe aux travailleurs étrangers temporaires.
Première observation.
Évidemment, en ce qui a trait à la notion d'agences de placement et aux agences
de recrutement, évidemment, on n'en fait pas mention dans notre mémoire, mais
force est de constater que la protection, qui
est le meilleur contrôle qui sera fait, évidemment, advenant l'adoption du
projet de loi, en ce qui a trait aux agences de placement, ce sont des dispositions à l'égard desquelles nous sommes
extrêmement favorables. Et on l'est également, FERME, favorables à
l'égard des modifications proposées en ce qui a trait aux agences de
recrutement.
Alors,
évidemment, ce sont des dispositions qui vont avoir pour effet d'assainir le
milieu, assainir l'industrie. On est rendus
là. C'est-à-dire qu'il faut contrôler la façon dont les pratiques d'affaires se produisent. Qui, en fait, sollicite la
venue des travailleurs étrangers
temporaires? Qui s'occupe de les placer dans les milieux d'affaires? Qui
s'occupe de leur trouver de l'emploi? Évidemment, tout ça, on tient pour
acquis que le milieu dans lequel...
En
fait, la venue des travailleurs étrangers, aujourd'hui, en 2018, n'a plus
rien à voir avec ce qui existait il y
a 30 ans. Il y a
30 ans, les travailleurs étrangers temporaires venaient essentiellement travailler dans le secteur agricole, ce qui n'est plus du tout le cas aujourd'hui. La pénurie a gagné du terrain. Et on a pour
habitude, nous, de dire, dans l'industrie, que le secteur agricole, en fait, s'est fait dépasser par la droite, de sorte que le travailleur étranger temporaire est devenu très attrayant pour plein de gens, et il y en a
qui ont de bonnes intentions et il y
en a d'autres pour qui les intentions
sont plus discutables. Alors donc,
oui, bravo à un contrôle de qui pourra avoir un permis d'agence de placement et
qui pourra avoir un permis d'agence de recrutement!
Évidemment, tout
n'est qu'une question de terminologie. Il faudra être très prudent sur les définitions.
Donc, qu'est-ce qui constitue une agence de recrutement? Il faut
comprendre qu'au Québec c'est rare que les gens partent et vont recruter eux-mêmes à l'étranger. Très souvent, ça
se fait par l'intermédiaire de partenariats qui sont déjà
dans les pays d'où proviennent les travailleurs. Donc, il y a beaucoup,
beaucoup d'ententes de partenariat. Il faudra prendre à bras-le-corps l'entière situation. Mais, quand même, avoir un permis... Si, par
exemple, nous, on rentre dans la définition d'une agence de recrutement, eh bien, oui, on salue ça parce que
le contrôle était devenu nécessaire. Il y a eu des cas d'abus, encore, dans les dernières années, des travailleurs étrangers qui se
sont fait promettre des emplois, qui se sont fait promettre toutes sortes de choses qui n'avaient rien à voir
avec la réalité. Alors, ça, il ne faut plus que ces situations-là se
produisent.
Par
contre, d'autres dispositions de la loi, bien, pour lesquelles on est... au
nom, évidemment, des employeurs que l'on représente, risquent de poser
davantage de problèmes.
J'aborde
tout de suite la question du projet de loi... en fait, de l'article qui prévoit
que l'employeur devra aviser la commission
du début du contrat, la date de début de contrat, la date de fin de contrat, et
les raisons qui conduisent à la terminaison
d'emploi. Écoutez, certainement que l'intention, encore là, est très louable,
mais on risque très rapidement de se retrouver
dans un délire administratif. Alors, évidemment, tel que rédigé actuellement,
l'article de loi ne donne pas du tout de
raisons sur l'objectif qui est derrière cette mesure-là, cette disposition-là.
Et il va être extrêmement difficile pour les autorités de suivre les
déplacements des travailleurs étrangers, plus encore dans le secteur agricole,
où, très souvent, en fait, il n'est pas rare de voir un travailleur étranger
occuper deux, trois emplois au cours d'une même saison.
Alors, tel que rédigé
actuellement, l'article, vraisemblablement, il y a plus de questions que de
réponses sur les objectifs qui sont
derrière. Les employeurs vont se retrouver avec un fardeau, encore une fois,
additionné quand on sait que, déjà, ils ont leur part de contraintes d'ordre
administratif. Et évidemment il y a toujours la création du double standard qui, en fait, soulève des questions,
parce que vous aurez compris qu'un employeur qui embauche sur une même ferme, par exemple — c'est sans doute le cas de Mme Gagnon,
assise ici aujourd'hui — qui embauche des travailleurs québécois pour l'aider à sa
production saisonnière et qui embauche des travailleurs venus de l'étranger
pour faire exactement le même travail pour
l'aider à sa production saisonnière, alors, à l'intérieur même d'une
entreprise, face à un même texte de loi, va se retrouver avec des
obligations qui n'ont aucune commune mesure.
• (16 h 10) •
Il y a d'autres
modèles. Il y a certainement d'autres outils qui auraient pu, en fait,
permettre encore une fois au législateur de
rencontrer l'objectif. Et qu'est-ce que ça va avoir comme impact sur le droit
de gérance de l'employeur? Donc, un
employeur qui embauche un travailleur, que le travailleur soit Québécois, que
le travailleur soit local ou venu de l'étranger,
eh bien, il a un droit de gérance. Il a le droit de regard sur la qualité du
rendement du travailleur. Qu'est-ce que cherchera à faire la commission
avec un tel article de loi et une telle obligation qui est additionnée, en
fait, à ce qui existe déjà?
Autre
chose, et ça, ça nous a causé certainement toujours des surprises, toujours au
nom des employeurs que nous représentons,
il n'y a pas de travailleur étranger d'origine mexicaine qui vient ici par le
programme général... de ce qu'on appelle le PTAS. Et là je fais ici
référence au programme qui existe, qui a été négocié en 1974 entre le Canada et
le Mexique. Alors, le programme du PTAS a
pratiquement une valeur de traité puisque c'est une entente entre pays.
Alors, au Québec, et c'est la même chose
partout ailleurs au Canada, il n'y a pas de travailleur étranger mexicain qui
quitte son emploi avant terme sans l'intervention du consulat du
Mexique. Alors, le consulat est obligé d'être une partie prenante et d'intervenir à toutes les fois qu'un employeur
veut mettre un terme au contrat avant terme ou encore lorsque
l'employeur manifeste le désir de retourner
dans son pays pour toutes sortes de raisons. Alors, qu'est-ce qu'on va avoir
ici? Est-ce qu'on va avoir une duplication des rôles? Est-ce que la
commission va substituer son jugement au consulat? Est-ce que la commission va substituer son jugement à celui de
l'employeur? Donc, des questions, très, très peu de réponses. Chose
certaine, un fardeau — et
j'insiste, un fardeau — encore
accru pour les employeurs.
Autre
disposition qui pose, quant à nous, un problème, alors cette intention
d'accorder, en fait, un pouvoir d'enquête et un pouvoir d'intervention à la commission à l'égard spécifiquement du
travailleur étranger. Donc, après enquête, la commission pourrait, sans
d'autres mesures, sans d'autres démarches, substituer son jugement, et, sans
plainte, donc intenter des recours à l'égard
de l'employeur. A priori, aucun problème avec ça. La loi est d'ordre public.
Les employeurs doivent la respecter
que ce soit à l'égard des travailleurs étrangers temporaires ou des
travailleurs locaux, bien sûr. Mais qu'est-ce
que ça veut dire? Qu'est-ce que ça va vouloir dire? Qu'est-ce que ça signifie
ici, la notion d'enquête? À quoi on réfère?
Pourquoi avoir ajouté à la loi, qui, déjà, comporte un mécanisme complet
d'enquête, de pouvoir d'intervention, de recours, etc.?
Alors,
le commentaire. A priori, ce n'est pas une question qui chicote un tant soit
peu les employeurs. Mais ce qui a
été, en fait, probablement la plus grande déception, je vous dirais, c'est que
c'est bien, et c'est louable, et c'est souhaitable de donner au
travailleur étranger temporaire la capacité de se défendre, d'exercer ses
droits, de comprendre comment fonctionnent
le mécanisme et le système du marché du travail et les lois applicables, etc.,
c'est très bien, on ne va pas contre ça
du tout, mais le projet de loi a pour effet de... En fait, c'est une
substitution au travailleur étranger. Quand on sait que le travailleur étranger, il fait partie du marché du
travail, il fait partie intégrante de secteurs entiers de l'industrie ici,
pour ne parler, par exemple, que des
producteurs agricoles, pourquoi ne pas avoir saisi l'occasion de lui donner
encore plus de place plutôt que... Oui?
La Présidente (Mme Richard) : Permettez-moi juste de vous
interrompre pour vous dire que vous êtes sur le temps de la ministre parce que vous avez dépassé le temps qui vous était
alloué pour votre exposé. Donc, peut-être encore une minute pour arriver
à votre conclusion, s'il vous plaît.
Mme Pouliot
(Nathalie) : Absolument. Donc, je termine rapidement pour aller rapidement
à la dernière proposition.
Donc,
oui, sans doute aurait-il été souhaitable de permettre au travailleur de s'émanciper davantage plutôt que de le confiner encore à un rôle d'une personne qui ne peut pas exercer ses
droits. Ce n'est plus véritablement le cas. Il aurait fallu sans doute aller
plus loin.
Dernière,
en fait, suggestion ou recommandation. La meilleure façon d'avoir un droit de regard et
un contrôle très efficace avec ce qui
se passe, avec la réalité d'un travailleur étranger temporaire, c'est d'aller
sur le terrain. Et il aurait été sans
doute extrêmement intéressant que le législateur donne et impose, en fait, ou
confie, plutôt, à la commission
tout le rôle de l'inspection des logements
qui sont confiés aux travailleurs étrangers parce qu'on aurait certainement fait une pierre deux coups, donc, aller sur le terrain, et il n'y a pas
meilleur outil de contrôle que celui de se déplacer et d'aller voir ce qui
se passe dans la réalité.
Merci beaucoup.
Désolée du...
La Présidente (Mme Richard) : Non. Avec le consentement, on peut
tout faire, mais je ne veux pas non plus emprunter trop de temps du côté
du gouvernement. Et on va débuter les échanges. Mme la ministre.
Mme Vien :
Merci beaucoup. Mme Pouliot et vos invités, merci de vous être déplacés
cet après-midi. Les agences de
placement puis les agences de recrutement, c'est hautement préoccupant.
Hautement préoccupant. Puis je peux vous dire que les collègues en face
sont tout aussi préoccupés, puis de ce côté-ci également, de ce qu'on a
entendu.
Nous, ça fait un
certain temps, là, qu'on entend des histoires à gauche, à droite. Et il me
semble important, en tout cas, de saisir la
balle pour, effectivement, venir réguler ce secteur-là, un secteur où on ne
peut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, c'est entendu. Il y a certainement
des entreprises qui sont des entreprises avec une responsabilité sociale
de haut niveau. Mais, de toute évidence, on sait que ce n'est pas le cas de
toutes les entreprises qui font du recrutement, notamment à l'étranger. Je comprends, de ce que vous nous avez dit, que
vous êtes assez satisfaits de l'enlignement que nous avons donné à
l'encadrement de ces agences-là.
Soit
dit en passant, je l'ai déjà dit, mais ce n'est pas inutile de le rappeler,
c'est qu'au Québec on est bon derniers, là, au Canada, puis c'est nous, ici, qui allons faire en sorte qu'on va
sortir un peu le Québec en venant réguler ce secteur-là comme ayant, à quelques... n'ayant plus, en tout
cas, dans l'avenir, espérons-le, de mauvais articles, de mauvaises
histoires, des histoires d'horreur qui concernent des gens qui travaillent sur
nos fermes.
Vous
savez donc que nous, on va y aller par permis. En Ontario, par exemple, ils y
allaient avec la voie légale. Nous,
on va y aller par règlement, un règlement sur les permis. Le règlement devrait
être déposé aux parlementaires lors de l'étude article par article.
Alors, je vous invite à être très attentifs parce que vous aurez une idée assez
forte de ce que contiendra un permis. Nous
sommes en train de le rédiger. Et certainement vous avez réfléchi à la
question : Qu'est-ce que devrait contenir ce permis-là, là? Quel
genre d'information on devrait exiger? Quel genre de... je ne dirais pas de contrainte, mais, tu sais, qu'est-ce qu'on va
exiger des gens... des agences, pardon, qui vont devoir se munir d'un
permis? Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là et est-ce que vous
avez des suggestions à nous faire à ce niveau-là?
• (16 h 20) •
Mme Pouliot (Nathalie) : Bien, écoutez, la réponse va varier. Si vous me
permettez, je ne vais pas répondre pour les agences de placement. Je vais plutôt y aller avec les agences de
recrutement parce que c'est plus lié à notre réalité.
Ça devrait beaucoup
ressembler aux permis qui sont, en fait, octroyés par le biais, parfois, de
l'OPC. Donc, il devrait y avoir des méthodes
de contrôle, tel un cautionnement. Par exemple, ça, ça serait quelque chose qui
permettrait également de nettoyer le
terrain, d'assainir le terrain, évidemment, les chartes constitutives aussi.
Donc, qui est derrière ces
agences-là, c'est, quant à nous, un élément essentiel, donc qui sont les
dirigeants, pour être capable éventuellement d'appliquer les
dispositions qui prévoient des responsabilités solidaires et conjointes.
Donc,
ensuite de ça, le permis devrait être renouvelé sur une base régulière. Donc,
ce n'est pas une lettre à la
poste. Une fois qu'on l'a, il faudrait être
capable de le mériter, son permis, donc peut-être ne pas non plus
passer à côté de la possibilité je ne dirais pas d'un examen, mais de justifier
pourquoi une agence de placement ou de recrutement mérite le maintien de son permis. Donc, il y a
les conditions d'émission au départ, mais il y a les conditions de
maintien et d'être capable, donc, de
présenter, en fait, une feuille de route sur la qualité de ses pratiques, et
qui est derrière, et de quelle façon les choses se passent.
Mme Vien : Vous avez tout à fait raison sur toute
la question des enquêtes, des antécédents judiciaires aussi,
pour montrer patte blanche à ce niveau-là.
Mme Pouliot (Nathalie) : Bien, absolument. Donc, en donnant l'identité des gens qui sont
derrière, ça permettra aux autorités de vérifier ce qu'il y a à
vérifier, tout à fait.
Mme Vien :
Vous soulevez des inquiétudes par rapport à la lourdeur administrative que
peuvent représenter certaines propositions
que nous faisons, notamment celle d'aviser la CNESST de la date d'arrivée et de
la date de départ d'un travailleur
immigrant étranger. Sincèrement, ça m'étonnerait qu'on bouge là-dessus, là,
parce que j'entends... bien être franche avec vous, là, j'entends bien ce que
vous me dites, là, mais je pense que c'est quelque chose qui peut se
faire assez simplement, là. Nous, notre objectif, ce n'est pas d'enfarger les
entreprises, mais pas du tout. Au contraire, au gouvernement du Québec, on souhaite un allégement réglementaire le plus possible pour nos
entreprises. Alors, le but, ce n'est pas de les enfarger puis de leur
donner une lourdeur administrative supplémentaire.
Mais
là on est dans un domaine et on est dans une voie où on veut protéger ces
travailleurs-là puis on veut les suivre à la trace aussi. Et, quand vous nous opposez l'information à l'effet
que le consulat mexicain, par exemple, est bien au courant que les gens
quittent avant, je comprends, mais ce n'est pas le consulat mexicain qui
applique les règles, les règlements puis les
lois au Québec, hein? Tu sais, je comprends ce que vous voulez me dire, là.
Mais, moi, ce que je vous dis, c'est
que, pour nous, c'est sympathique, là, mais ça ne remplit pas l'objectif que
nous, on poursuit. Enfin, mais
j'entends quand même ce que vous me dites, mais il n'y a pas beaucoup, dans ma tête à moi, en tout cas, d'espace pour qu'on puisse changer ce qu'on a mis en place.
Mme Gagnon, oui,
on me dit que vous voulez parler. Alors, je vous cède la parole, madame.
Mme Gagnon
(Sylvie) : Lorsqu'on fait nos demandes, on les fait six mois à
l'avance. Donc, moi, je fais mes demandes le
15 octobre pour mes premiers travailleurs qui vont arriver en avril. Je
regarde toujours, d'année en année, qu'est-ce qui se passe,
mais, comme je ne suis pas devin, c'est sûr et certain que je me base sur des
dates des années précédentes pour faire
revenir mes travailleurs. Le printemps, des fois, ici, il est hâtif, des fois,
il est tardif. Alors, les dates, elles
peuvent un peu changer au printemps et à l'automne aussi. L'année passée, on a
eu un très bel automne. Il y a
des années où ça gèle plus tôt, alors il
faut terminer plus tôt. Et on fonctionne comme ça. Je peux vous dire que mes
travailleurs, leur fin de contrat, elle est
le 15 novembre. Quand je les fais partir le 15 octobre, ils veulent
tous partir parce qu'ils ont
hâte de retourner chez eux et ils veulent
bien partir. Alors, j'y vais. Ceux qui lèvent la main, c'est les premiers qui
veulent partir, puis là on fait
partir des groupes comme ça. C'est un peu difficile de vraiment prévoir des
dates de contrats jour par jour pour savoir vraiment quand ils vont
arriver et quand ils vont partir.
Mme Vien :
Je comprends, Mme Gagnon. Puis, tu sais, on n'est pas dans l'absolu, là.
On peut comprendre qu'on est dans un milieu qui peut bouger. Bon, ce
sont des entreprises qui vivent au gré et selon les aléas de la température. Bon, il y a de l'humain
là-dedans. Comme vous dites, il y en a qui veulent peut-être partir un peu plus
tôt. On ne veut pas vous empêcher de
le faire, ça. Ce que nous, on veut, c'est avoir l'information. Parfait, ils
quittent un peu avant? C'est quoi, la raison, puis c'est... Bon, on veut
juste avoir le suivi, on veut avoir la traçabilité de ces gens-là.
Bien, moi, ça complète pour les questions, pour
le moment, en tout cas, Mme la Présidente. Merci beaucoup à vous trois.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle, et je cède
la parole au député de Beauharnois — M. le député, excusez-moi — et porte-parole en matière de travail pour
l'opposition officielle. Allez-y, M. le député.
M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Alors, tout d'abord,
merci d'être là. Bien entendu, je vais reprendre, je crois, la première phrase de la ministre, qui
était exacte. Je pense, les agences de placement nous ont donné le frisson
tout au long de cette commission parlementaire là, de ceux qu'on a entendus.
Je vois, en
entrée de jeu, dans votre introduction,
vous dites : Bien, nous, on n'a pas trop parlé... on ne s'est pas positionnés face aux agences de placement, parce que
vous êtes plus une agence de recrutement. Donc, vous dites :
Nous... Puis vous dites : Là, on n'a
pas de problème à ce que vous légifériez, encadrez, et tout. Je comprends bien ça. Puis après ça vous
nous dites, en conclusion, mais je vais revenir dans le milieu, en conclusion,
vous nous dites : Peut-être qu'on aurait pu avoir plus d'inspecteurs pour, justement, au minimum, aller voir où est-ce qu'ils logent. On ne parle même pas encore du travail qu'ils font, juste où est-ce
qu'ils logent. Dans certains cas, peut-être
qu'on n'aurait plus de poil sur les bras. Je vous entends très bien. On
a entendu ça souvent puis je pense que ça nous a porté une attention
particulière à ça.
Mais j'aimerais
savoir... Comme vous êtes une agence de recrutement, ceux
qu'on a entendus, c'étaient plus des agences
de placement, j'aimerais voir le lien que vous, vous avez directement avec ces agences de placement là, parce que je lis... Dans le début de votre mémoire, vous
dites : «Nous sommes reconnus à titre de référence dans le domaine.»
Donc, j'imagine que vous faites le moindrement ou pas mal bien les choses si
vous êtes une référence dans le domaine du recrutement.
Alors, j'en tire une conclusion : c'est-u vrai, c'est-u pas vrai? Ce n'est
pas grave, ça m'appartiendra. Donc, dites-moi
donc, vous, si vous faites du recrutement, que les gens viennent à vous, vous
allez les chercher, lorsqu'est le temps de faire affaire avec les
agences de placement, est-ce que vous vous assurez que les gens dont vous
recrutez vont, au minimum, avoir les normes du travail du Québec?
M. Borja (Fernando) : Disons,
nous, les employeurs qui sont membres de FERME, c'est eux qui font... les employeurs. Donc, nous, on reçoit la demande.
Comme Mme Gagnon a dit tantôt, elle va nous envoyer sa demande.
Nous, on envoie la demande à notre
partenaire, soit le gouvernement du Mexique ou notre partenaire au Guatemala,
qui va nous donner les travailleurs.
En général, il faut se rappeler que, dans nos membres, 85 % à 90 %
des travailleurs reviennent année après année. Donc, c'est les mêmes
travailleurs qui viennent année après année.
Donc, nous,
tout ce qu'on facilite un peu, c'est la logistique pour s'assurer que la
demande rentre dans les pays pour
préparer les travailleurs, que le travailleur fasse les démarches auprès de
l'ambassade pour obtenir son permis. On fait la logistique pour les transporter ici. On a un encadrement. On les
accompagne. On les reçoit à l'aéroport... s'assurer que les choses se
passent bien à l'immigration. On les accompagne à l'extérieur pour que les
employeurs soient là, à l'extérieur, pour
recevoir leurs travailleurs. On les donne aux employeurs. Et, pendant la
saison, les travailleurs sont ici. Ils peuvent
contacter nos employés chez FERME. On a un téléphone sans frais 24 heures
sur 24, à tous les jours de la semaine. Donc, il y a quelqu'un qui peut les écouter. Mais, nous, c'est
l'employeur et le gouvernement qui sont... L'employeur et le placement,
ça vient des... Nous, on fait un peu la logistique de ces matchs.
M. Leclair :
J'ai de la misère à voir c'est quoi, la différence entre une agence de
placement et vous, agence de recrutement,
parce que, j'imagine, l'agence de placement fait la même affaire. Elle passe
par où est-ce qu'elle veut. Elle prend
des gens puis elle les prête à un employeur. Dans ce cas-ci, on a cette chère
dame-là qui dit : Bien moi, j'ai besoin d'employés. Puis elle passe
via votre association, qui s'appelle FERME. C'est quoi, la différence entre
placement et recrutement dans ce cas-là?
Mme Pouliot
(Nathalie) : En fait, elle
ne passe pas à travers FERME. On va sans doute se qualifier comme... On va sans doute pouvoir répondre à la définition qui
sera dans le règlement, comme étant une agence de recrutement. Mais en
réalité ce qu'on est, on n'est ni une agence de recrutement et ni une agence de
placement. On se définit comme un organisme de
liaison. Pourquoi? Parce qu'on est un organisme pivot qui fait en sorte
d'accompagner le producteur agricole, par
exemple, qui va présenter ses demandes ici aux gouvernements, fédéral,
provincial, pour avoir la possibilité de recruter un travailleur à l'étranger. Une fois qu'il a
obtenu les autorisations, il vient chez nous. On prend le dossier et on va
faire en sorte de faire piloter le dossier à
l'étranger avec des partenaires, qu'ils soient paragouvernementaux ou privés,
pour qu'eux préparent le travailleur
étranger. Une fois que le travailleur étranger est prêt, c'est-à-dire qu'il a
reçu toutes les autorisations du gouvernement canadien pour entrer sur
le territoire canadien, on va coordonner la venue du travailleur avec l'achat
des billets d'avion et on va s'assurer de l'arrivée du travailleur.
Donc, on ne
répond certainement pas à la notion d'agence de placement parce qu'on n'a pas de lien direct avec l'employeur pour lui envoyer des travailleurs.
On n'a rien à voir avec ça. Mais on n'est pas non plus une agence de
recrutement purement et simplement parce qu'on n'est pas directement l'agence
qui va partir à l'étranger recruter des travailleurs.
• (16 h 30) •
M. Leclair : Oui. Vous ne m'éclairez pas beaucoup, mais je comprends ce que vous faites. Mais
j'essaie juste de vraiment voir.
Parce que je me mets à la place de la dame qui engage des gens. Elle vous
téléphone quand même pour dire : Moi, j'aurais besoin de
14 personnes cette année, puis à partir de là...
Mme Pouliot (Nathalie) : Non, elle ne nous téléphone pas pour nous dire
qu'elle a besoin de 14 personnes. Elle va prendre un document qui s'appelle Étude d'impact sur le marché du
travail, elle va demander au gouvernement fédéral et au MIDI, donc,
ministère de l'Immigration, elle va dire à ces deux instances gouvernementales
là : J'ai besoin de 14 travailleurs
cette année. Et ce sont eux qui vont, à l'issue d'une analyse conjointe, donner
une attestation, une approbation pour que Mme Gagnon puisse
éventuellement aller recruter à l'étranger.
M. Leclair :
Mais vous embarquez où, vous, dans...
Mme Pouliot (Nathalie) : Moi, j'embarque... Nous, on embarque quand
Mme Gagnon arrive avec son document. À ce moment-là on va
coordonner... on va prendre le document et on va l'envoyer au partenaire, à qui de droit,
qui va s'occuper de préparer les travailleurs que Mme Gagnon veut
avoir dans sa ferme.
M. Leclair : O.K. Et indirectement est-ce
que, dans votre conscience ou votre
éthique de votre association,
vous vous assurez que le travailleur XY va avoir au minimum les normes du travail où est-ce qu'il va aller travailler? Ou, vous, vous
dites : Ce n'est pas ma job de m'occuper de ça?
Mme Pouliot (Nathalie) : Ah! écoutez, absolument. Dans nos statuts
constitutifs, dans nos pratiques d'affaires, écoutez, FERME, on existe
depuis 1989, le conseil d'administration s'est doté de règlements internes, une
politique d'exclusion des membres. Il y a
toute une espèce de contrôle par les pairs qui se fait. N'entre pas qui veut
dans le bassin de membres de FERME. Ça prend des gens qui ont à coeur de
respecter l'ensemble des lois, parce qu'une fois que le travailleur étranger arrive ici il n'y a plus de distinction entre un
travailleur étranger temporaire et un travailleur local...
M. Leclair :
Excusez-moi de vous interrompre. Je comprends, là, que vous en prenez compte.
On a parlé des ententes tripartites.
Qu'est-ce que vous pensez de ça que le gouvernement, avec le projet de loi sur
les normes, on dit : Bien là, la
responsabilité va devenir autant à l'agence qu'à l'employeur, pour que les gens
ne disent pas : Bien, ce n'est pas moi, c'est lui, non, c'est lui,
non, c'est l'agence? Qui qui a la responsabilité de...
Mme Pouliot
(Nathalie) : Bien, à ce moment-là, ils peuvent...
La Présidente (Mme Richard) :
...réponse brève parce qu'il reste moins de deux minutes.
Mme Pouliot (Nathalie) : Oui. Alors, écoutez, il sera extrêmement
essentiel de distinguer la nature de l'agence de placement et l'agence de recrutement. C'est deux univers distincts et ça
n'a pas du tout le même rôle. Et l'implication de l'une n'est absolument pas le miroir de
l'implication de l'autre. Une agence de recrutement n'a pas droit de regard
sur la relation employeur-employé qui
s'installe entre Mme Gagnon et son employé. Tandis qu'une agence de
placement, on fait nous-mêmes des
fois appel à du personnel surnuméraire. Le travailleur, l'employé vient
travailler dans notre lieu de travail, mais est l'employé de l'agence de
placement. Et là, ça, c'est une autre réalité qui n'est pas la nôtre du tout,
du tout.
M. Leclair : Donc, où est-ce que les employés que vous faites affaire, que vous
réussissez... bien, pas à placer, là, parce
que vous n'êtes pas une agence de placement... Vous ne seriez pas inquiète,
vous, de voir des inspecteurs passer dans les endroits où est-ce qu'il
habite? Parce que vous dites : Nous, on s'en assure. On a quand même...
Mme Pouliot (Nathalie) : Non seulement on ne serait pas inquiets, mais on souhaite la présence des
inspecteurs. On souhaite un meilleur
contrôle des partenaires, des parties prenantes. Les inspections, on n'a pas...
ce n'est pas quelque chose qui nous...
Mme Gagnon
(Sylvie) : Les normes du travail sont venues chez nous. Moi, j'ai
108 travailleurs étrangers. Ils sont venus vérifier de A à Z,
comment ils vivaient, qu'est-ce qu'on faisait, s'ils aidaient...
M. Leclair :
Ma chère dame, je ne veux pas dire que vous faites partie de ces
malcommodes-là.
Mme Gagnon
(Sylvie) : Non, non, mais je veux dire...
La Présidente
(Mme Richard) : Juste un à la fois, s'il vous plaît!
Mme Gagnon
(Sylvie) : On n'a pas peur des inspecteurs.
Mme Pouliot
(Nathalie) : Je veux juste simplement terminer. Je sais que je
prends... Au bénéfice de Mme la ministre,
FERME, on est partenaires, on a une entente de partenariat qu'on renouvelle
année après année avec la CNESST, où
on donne le nom de tous les nouveaux membres chez nous pour des visites de
prévention. Alors, chez FERME, l'inspection, ce n'est pas quelque chose
qui nous empêche de dormir.
Avant
de vous quitter, Mme la ministre, encore une fois, je voulais simplement vous
dire, on avise à chaque année la RAMQ des arrivées et des départs de
travailleurs étrangers...
La
Présidente (Mme Richard) :
Juste vous dire, pour la bonne continuité de nos travaux, Mme Pouliot, je
sais que ce dossier semble vous passionner, je peux comprendre. Vous savez,
c'est moi qui donne le droit de parole, j'essaie d'intervenir le moins possible.
Avec la permission de la ministre, je vais aller sur du temps pour vous permettre
de conclure dans moins de, vraiment,
30 secondes parce qu'ensuite c'est la deuxième opposition qui va
échanger avec vous. 30 secondes.
M. Borja
(Fernando) : ...on vous
remercie du temps. Je pense que c'est très important pour nous que vous
sachiez que FERME, on est très, très
intéressés à ce que les travailleurs qui arrivent ici reçoivent les mêmes conditions
que les travailleurs québécois, et on veille à que les employeurs
respectent toutes les lois.
La
Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chutes-de-la-Chaudière,
vous avez la parole.
M. Picard : Merci. Merci, mesdames et monsieur. À la
page 4, vous nous dites de faire attention à la terminologie, pour
s'assurer de prendre la même définition de «travailleur étranger» que la notion
fédérale. Pourquoi?
Mme Pouliot
(Nathalie) : Bien, en fait, pour ne pas créer de dichotomie. Les programmes...
en fait, la venue des travailleurs étrangers temporaires, essentiellement, au Canada, ce sont des programmes fédéraux, donc il
faut s'assurer que le travailleur
étranger temporaire, dont la définition sera dans la loi, bien, réponde à la même réalité,
aux mêmes programmes qui existent au fédéral actuellement.
M. Picard : O.K. FERME,
ça vit avec des revenus perçus auprès des gouvernements, des employeurs?
M. Borja (Fernando) : Des
membres.
M. Picard : Des membres? O.K. Dans votre mémoire, vous
parlez de l'article 92.10, là, vous vous dites inquiets parce qu'il
y aurait des pouvoirs d'intervention à la commission. Pouvez-vous élaborer
là-dessus?
Mme Pouliot
(Nathalie) : Bien, tu sais,
en fait, on se pose des questions. Pourquoi avoir prévu une disposition additionnelle qui s'ajoute aux mécanismes déjà
prévus à l'intérieur même de la loi? Donc, qu'est-ce que ça va vouloir signifier, cette notion d'enquête additionnelle,
pour un employeur qui embauche des travailleurs étrangers temporaires?
Est-ce qu'il y a un fardeau additionnel? Qu'est-ce que ça va vouloir dire, dans
le concret? Donc, la commission va se substituer
de quelle façon aux travailleurs étrangers temporaires? C'est pourquoi on a des
inquiétudes, c'est qu'il y a des questions
auxquelles on n'a pas les réponses, actuellement. Qu'est-ce que ça veut dire?
Pourquoi avoir ajouté spécifiquement, alors qu'il y a un mécanisme déjà
prévu à la loi?
M. Picard :
O.K. Lorsque les travailleurs arrivent... je vais prendre chez Mme Gagnon, qui les informe de leurs
droits? Est-ce que c'est FERME ou c'est votre client?
M. Borja (Fernando) : Oui,
c'est ça. Donc, d'abord, les travailleurs, avant de partir du pays, reçoivent
une formation par le gouvernement et nos
partenaires. Au moment qu'ils arrivent à l'aéroport, pendant qu'ils attendent
leurs documents d'immigration aussi, on a un
personnel à l'intérieur de l'aéroport qui va donner un peu les explications
sur comment ça fonctionne ici au Québec. On
a des dépliants de la commission, de la CNESST, en espagnol, qu'on leur
remet aussi, chaque travailleur reçoit un
document. Et, dans les maisons... on a fait des documents en espagnol qui sont
souvent affichés dans les logements. Donc,
les travailleurs reçoivent beaucoup d'informations, ils reçoivent aussi en même
temps le téléphone du consulat de leur pays,
ils reçoivent les téléphones, comme on a dit tantôt, des gens qui travaillent
chez nous qui pourraient aussi leur
aider. Donc, les travailleurs sont informés. Au fur et à mesure qu'il y a des
changements dans la loi, aussi, on
envoie des messages en espagnol pour que ça soit affiché dans les logements.
Donc, on essaie de bien les encadrer.
M. Picard :
O.K. Tout à l'heure, vous avez dit : Pour l'organisme FERME, c'est pour
des travailleurs agricoles. Mais il y
a d'autres travailleurs étrangers qui viennent travailler aussi, mais ils ne
passent pas par FERME, il y a d'autres organismes
comme vous qui encadrent le processus ou qui est... Vous êtes l'agence de
liaison, là, c'est ce que j'ai compris tantôt, là.
M. Borja
(Fernando) : ...dans nos membres, on n'a pas que juste des membres
agricoles, on a des membres aussi qu'on
considère non agricoles ou dans les autres secteurs. Donc, ils font venir aussi
des travailleurs par nous. Et il y a trois
programmes qu'on utilise, donc, les PTAS, qu'on a dit que c'est les Mexicains,
les PTET, volet agricole, surtout du Guatemala.
Mais les travailleurs qui arrivent dans les bas salaires, donc ça, c'est les
travailleurs que vous parlez, ceux qui arrivent dans les programmes de
bas salaire.
• (16 h 40) •
M. Picard :
O.K. Tantôt, là, vous aviez l'air préoccupés sur la date d'arrivée et date de
départ, là. Je lance une idée, là, je
ne sais pas si ça ne pourrait pas être que le travailleur, on lui remette un
carnet, là, s'il change d'employeur. J'essaie de voir. On va en discuter avec la ministre,
peut-être, dans les formulaires on va
avoir quelque chose. Parce
que je comprends votre préoccupation, on les fait arriver... Vous devez dire d'avance à
quelle date qu'ils vont arriver, puis vous ne savez pas, la
récolte, ça va être... s'il va y avoir de l'ouvrage lorsqu'ils vont arriver,
puis vous ne savez pas non plus quand ça va se terminer, là.
Mme Gagnon
(Sylvie) : ...plutôt plus faciles parce que
c'est très rare qu'on va changer... à moins de, vraiment, un très, très
gros printemps très froid, là, mais normalement les travailleurs vont arriver vraiment
aux dates prévues, au début de saison. C'est plus à la fin de la
récolte, où des fois, avec les températures, on...
M. Picard : Ou des changements d'employeurs, là. Tantôt, je
voyais, dans le mémoire, des récoltes saisonnières, puis après ça un
autre producteur a un besoin, là.
Mme Pouliot
(Nathalie) : Tout à fait.
M. Borja
(Fernando) : Mais notre
inquiétude, c'était plus au niveau administratif. Parce que vous devez
savoir que nous, on est au courant des informations, on a l'information dans notre système, le moment où le
travailleur arrive, quand il transfère,
quand il part. Donc, tout ça, on a les informations. C'est juste comment est-ce que
ça pourrait fonctionner au niveau
administratif, à quel moment les données... est-ce que ça doit être exact,
est-ce que l'employeur doit respecter les dates exactes ou il y a une
certaine flexibilité?
M. Picard :
Dernière question rapide. Lorsqu'il passe des inspecteurs, là, est-ce qu'il
vérifie... Oui, il vérifie pour les
normes du travail. Est-ce qu'il vérifie pour le logement, les conditions ou
c'est la Régie du bâtiment qui devrait y aller? Je ne sais pas, là, je
pose la question.
M. Borja
(Fernando) : Au niveau fédéral, malheureusement, au Québec, il n'y en
a pas, des organismes qui vont faire
l'inspection des logements. Donc, nous, comment on fait, on a des inspecteurs
privés qui font des inspections des maisons.
C'est eux qui travaillent pour nous pour faire les inspections, suivant le
règlement édicté par le gouvernement canadien
au niveau des inspections pour les travailleurs étrangers. Donc, c'est nos
inspecteurs qui sont sur le terrain. Mais, c'est ce qu'on disait, ça serait bien aussi de peut-être... que le
gouvernement le fasse comme en Ontario. En Ontario, c'est le gouvernement, le ministère de la Santé qui fait
les inspections des logements. Donc, comme ça, vous pourrez avoir une...
La Présidente
(Mme Richard) : Merci...
M. Picard :
Merci beaucoup, merci.
La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, mesdames monsieur,
pour votre contribution à nos travaux.
Et je suspends la
commission quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place.
(Suspension de la séance à
16 h 42)
(Reprise à 16 h 45)
La Présidente
(Mme Richard) : Donc, nous recommençons nos travaux. Et
nous recevons le groupe Action Travail des femmes. Bonjour, mesdames, bienvenue
à l'Assemblée nationale. Je pense que c'est Mme Atif qui est directrice.
C'est vous qui allez nous faire la présentation?
Action Travail des femmes du Québec inc.
Mme Atif
(Katia) : Ça va être partagé.
La Présidente (Mme Richard) : Parfait. Peut-être, bon, nous
présenter aussi... ou je peux la nommer maintenant. Bonjour à vous,
Mme Estivaine.
Mme Estivaine
(Keïsha) : C'est bien ça.
La Présidente (Mme Richard) : Et vous avez un maximum de temps de
10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, c'est un échange
avec les différents parlementaires. Donc, je vous cède la parole maintenant.
Mme Atif
(Katia) : Bonjour. Merci beaucoup
de nous accueillir. Une fausse croyance veut que le harcèlement sexuel
soit inclus dans la définition législative du harcèlement psychologique. Le harcèlement sexuel est
juridiquement réputé être une pratique discriminatoire qui porte une atteinte au droit à
l'égalité et à la dignité des femmes. Il ne peut être inclus dans
l'interprétation du harcèlement psychologique sans en banaliser la portée.
Le projet de loi
n° 176 va à l'encontre de l'interprétation constitutionnelle du harcèlement
sexuel telle prévue dans la loi canadienne
et la charte québécoise des droits de la personne. En 1989, dans l'arrêt
Janzen, la Cour suprême a défini le caractère discriminatoire du harcèlement sexuel en milieu de
travail. Pourtant, depuis 2004, les normes du travail traitent un nombre important de plaintes pour
harcèlement discriminatoire totalement diluées dans la grande
statistique du harcèlement psychologique.
En
2015, dans un mémoire, la commission des droits s'inquiétait de cette nouvelle
compétence de la CNESST déduite du
harcèlement psychologique. Nous citons : «La commission estime qu'il est
nécessaire de définir le harcèlement sexuel
comme une discrimination systémique envers les femmes. Les préjugés, attitudes
et comportements sexistes qui caractérisent
les situations de discrimination fondée sur le sexe, comme le harcèlement
sexuel, doivent être compris comme des processus sociaux et historiques
sexistes, [...]et ne doivent pas être [appréhendés] comme des problématiques
individuelles ou personnelles.» Fin de citation.
Il
est important de questionner les pratiques actuelles de la CNESST et du
Tribunal administratif du travail, car la Loi sur les normes ne rend pas compte du caractère discriminatoire du
harcèlement ni de l'atteinte à un droit fondamental.
La
Cour suprême, dans l'affaire Robichaud, reconnaît que le harcèlement sexuel
commis dans le cadre d'un emploi constitue
de la discrimination fondée sur le sexe et rappelle essentiellement l'objectif
d'une loi en matière de traitement des actes discriminatoires et de son
obligation de répondre au caractère constitutionnel des droits protégés. Nous
citons : «Tout doute qui pourrait
subsister à cet égard est complètement dissipé par la nature des redressements
prévus pour donner effet aux principes
et aux politiques énoncés dans la loi. Cela est d'autant plus révélateur que la
loi, nous l'avons vu, ne vise pas à
déterminer la faute ni à punir une conduite. Elle est de nature réparatrice.
Elle vise à déceler les actes discriminatoires et à les supprimer. Pour
ce faire, il faut que les redressements soient efficaces et compatibles avec la
nature "quasi constitutionnelle" des droits protégés.» Fin de
citation.
La
Cour suprême rappelle qu'une loi doit avoir une action corrective pour
l'élimination de la discrimination. Or, la proposition de la ministre ne répond pas à cette obligation. Aussi
l'analyse des biais systémiques est indissociable de cette
interprétation. Il est à noter que ni la CNESST ni le tribunal administratif ne
disposent d'un cadre d'analyse de la discrimination systémique.
Cette
modification maintient un recours trop étroit qui ne répond pas aux exigences
établies par la Cour suprême, d'ailleurs,
dans le délai de dépôt d'une plainte et datant de 90 jours, qui tenterait
une entente à l'amiable dès l'accueil de la plainte sans enquête préalable, sans égard à la faute, à sa teneur ou à
sa gravité, qui impose le fardeau de la preuve sur la victime de
harcèlement, qui évalue la responsabilité d'un employeur par la présence d'une
politique de lutte contre le harcèlement et
non pas par son application, qui ne prévoit aucune correction visant les
comportements du harceleur, qui ne prévoit surtout aucune protection des
victimes contre les représailles du harceleur.
Les
autres victimes de harcèlement discriminatoire pourront bénéficier, par
l'entremise de la commission des droits, d'un régime de protection prévu par la charte et qui garantit un délai
de deux ans pour le dépôt d'une plainte, une analyse des biais directs, indirects, systémiques et, plus
récemment, intersectionnels de la discrimination, une préenquête dans
son processus de recevabilité, le caractère
volontaire de la démarche de médiation, y prévoyant compensation, réparation et
excuses, le respect de la charte, mais
surtout le refus de toute entente créant une situation de déséquilibre, la
protection des victimes contre toute forme de représailles.
Finalement, ce projet
de loi fait preuve d'une très mauvaise reconnaissance de la hiérarchie du droit
et du régime de protection associé à la
charte. À la suite de l'arrêt Caron prononcé par la Cour suprême, nous nous
attendions à une prise de conscience, de la
part de la ministre du Travail, à l'effet que toute loi ordinaire était soumise
à la charte. Cette récente décision
rend manifestement caduque la proposition de la ministre d'intégrer le harcèlement sexuel comme
élément constitutif du harcèlement psychologique, car il va de soi maintenant que ni la CNESST ni
le Tribunal administratif du travail
ne devraient ignorer cette décision, de sorte que des plaintes à double
dimension — harcèlement psychologique, harcèlement discriminatoire — doivent
être considérées dans leur entièreté et ne plus être amputées du regard de la
charte.
• (16 h 50) •
Mme Estivaine
(Keïsha) : Aussi, le recours
à la médiation à la CNESST est proposé tout au long du processus judiciaire, sans prise en considération des
principes prohibés à l'article 10 de la charte. Reconnu et applaudi pour
son efficacité, ce service n'est toutefois pas le vecteur idéal
pour rendre justice quand il est question de harcèlement discriminatoire et sexuel. La non-reconnaissance d'une quelconque responsabilité de l'employeur, le caractère confidentiel des ententes et la directive de neutralité du médiateur, imposant un
cadre de simple conflit de travail à des vécus et des enjeux qui sont
d'une autre nature, en sont les principales causes.
Les
arguments les plus utilisés auprès des plaignantes afin de faire valoir la
pertinence de la médiation et d'une entente
à l'amiable par l'entremise d'un service de médiateur expérimenté sont... cela
évite aux victimes un long processus judiciaire,
cela évite un processus judiciaire onéreux. La médiation permet de
dépasser les cadres légaux d'indemnisation. Il est possible d'obtenir des dédommagements non concédés par la loi. Les
compensations financières octroyées par le tribunal des relations de
travail n'excédant jamais les 10 000 $, il serait possible d'accéder,
par la médiation, à des sommes plus importantes.
Les
conditions socioéconomiques précaires dans lesquelles peuvent se trouver les
femmes influent sur leur décision de faire appel à la médiation, le fait
qu'elles ne soient pas protégées en cas de représailles aussi. Il y a une
fausse perception selon laquelle le processus
de médiation est en soi un accès rapide à la justice. Or, il n'est qu'un modèle
de dédommagement, à défaut de pouvoir rendre
justice dans les délais raisonnables, car il ne tiendra pas compte des situations
de déséquilibre existant entre les deux
parties, du caractère discriminatoire et des droits et obligations
conférés par la Charte des droits et
libertés de la personne, a contrario
du modèle de médiation appliqué à la Commission des droits de la personne. Cette réalité restera vraie et effective, car le projet de loi n° 176 ne propose aucun changement modifiant les
paramètres d'application de la médiation à la CNESST en matière du harcèlement
discriminatoire.
Action
Travail des femmes accueille de façon très défavorable la proposition de la
ministre de Travail d'intégrer le
harcèlement sexuel comme un élément constitutif du harcèlement psychologique.
Le harcèlement sexuel en milieu de travail est une violence à l'égard des femmes qui
porte atteinte à leur droit à l'égalité et à la dignité. Le harcèlement
sexuel agit aussi comme discrimination
systémique et d'exclusion d'une forte proportion des femmes dans différentes
sphères de leur vie, incluant le marché du travail. Nous nous opposons à une
division des recours des femmes en matière de reconnaissance à une atteinte à
leur droit fondamental à l'égalité, et à la non-discrimination, et à toute
forme de nivellement législatif du harcèlement sexuel et discriminatoire. Nos
recommandations sont les suivantes.
Le choix des
victimes de harcèlement discriminatoire à un recours adapté à leurs besoins et
réalités. Pour que le choix soit
réel, nous revendiquons que les femmes victimes de harcèlement sexuel au
travail puissent choisir le recours disponible
actuellement qui leur convient le mieux tel que déjà réclamé depuis plus d'une
dizaine d'années par la commission elle-même, par les groupes défense de
droits ainsi que par la commission Bouchard-Taylor.
Que la
commission des droits de la personne soit financée à la hauteur de ses
responsabilités et qu'elle assume dès
maintenant le rôle d'autorité qui lui revient en matière de lutte contre le
harcèlement sexuel et discriminatoire au travail.
Que la
commission des droits de la personne cesse de recommander les victimes de
harcèlement discriminatoire au travail
à des régimes concurrents qui ne font pas preuve de l'application de la charte
et dont les recours ne tiennent pas compte des discriminations prohibées
par la charte.
Qu'une femme
ou une personne victime de harcèlement discriminatoire au travail qui choisit
de déposer un recours en vertu des
dispositions sur le harcèlement psychologique dans la Loi sur les normes du
travail ou qui choisit de déposer une
réclamation en vertu de la LATMP bénéficie tout de même d'un traitement de son
dossier qui tient compte de son droit
à l'égalité en vertu de la charte, tant à la CNESST que devant le Tribunal
administratif du travail, tel que l'a récemment réitéré la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Caron — début de la citation : «...toutes les
lois du Québec doivent être interprétées conformément à la charte
québécoise», fin de la citation.
Que des
ressources soient spécifiquement injectées afin que la Commission des droits de
la personne ainsi que les partenaires
communautaires et des ressources spécialisées puissent offrir formation et
activités de sensibilisation auprès du personnel
de la CNESST et des décideurs du Tribunal administratif du travail sur les
enjeux liés au droit à l'égalité qui traversent le droit du travail et
plus particulièrement en matière de harcèlement sexuel au travail.
Qu'un
observatoire sur la mise en oeuvre du droit à l'égalité soit créé au sein de la
CNESST, notamment afin de colliger
des données sur les règlements à l'amiable et d'autres aspects des enquêtes sur
les plaintes et les réclamations impliquant
le harcèlement pour un motif interdit par la charte, et ce, pour s'assurer
notamment que le harcèlement sexuel au travail des femmes soit nommé et
traité en tant que tel.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci. Merci beaucoup, Mmes Atif et Estivaine. On va débuter les
échanges, et, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Vien : Merci
beaucoup, mesdames, de vous être...
Une voix : ...
Mme Vien : Pardon? Alors, merci beaucoup, de vous être déplacées cet après-midi pour
apporter votre contribution au projet de loi n° 176 qui
vise une révision de la Loi sur les normes du travail, une loi très importante,
je le dis depuis plusieurs jours
maintenant, les collègues sont assez d'accord avec ça, et avec des changements
apportés assez importants, en tout cas, à mon point de vue.
Et j'ai eu
l'occasion de recevoir des correspondances de votre organisation. J'ai eu
également l'occasion de vous répondre
sur l'essentiel de ce que vous soutenez cet après-midi. D'ailleurs, la
Commission des droits de la personne et de la jeunesse sera avec nous demain. Ça nous donnera l'occasion de discuter
avec leurs représentants des suggestions, en tout cas, des réflexions
que vous avez sur cette question-là du harcèlement sexuel.
Moi, comme je
comprends bien votre point de vue, j'en ai pris connaissance à plusieurs
reprises, et aujourd'hui aussi,
j'aimerais vous amener sur un autre sujet, le sujet concernant les... Parce
qu'ici c'est très préoccupant, là. Tous les sujets le sont, bien entendu. Mais vous vous rappelez qu'on a mis en
place le comité consultatif sur les normes du travail. De mémoire, ce comité-là devait être mis en place
suite à la fusion des trois organisations : normes du travail, équité
salariale et santé et sécurité au travail.
Et j'ai donné le mandat au comité consultatif de se pencher spécifiquement sur
l'encadrement des agences de placement et de recrutement.
Vous étiez,
Mme Atif, une signataire du rapport, en fait, des réflexions que vous nous
avez transmises sur ce que nous
devrions faire pour encadrer et réguler ce secteur-là. Vous avez très
certainement regardé le projet de loi n° 176 aussi sous toutes ses coutures, c'est-à-dire, oui, sur
le harcèlement psychologique et sexuel, comme vous en avez fait mention
cet après-midi, mais également sur ce que
nous apportons comme encadrement. Nous sommes les derniers au Canada, ou
presque, là, qui n'avons pas régulé ce secteur-là. Alors, on y va de façon
assez importante et assez costaude.
Je voulais
avoir votre point de vue sur le résultat que nous présentons dans la loi sur
les normes en ce qui a trait à l'encadrement
des agences de placement et de recrutement. Et certainement vous avez pu aussi
vous rendre compte qu'on a pris
plusieurs des recommandations que vous aviez soulevées dans ce rapport-là. Je
présume que vous êtes assez satisfaites du résultat.
Mme Atif
(Katia) : En fait, dans l'ensemble,
le projet de loi est très intéressant, que ce soit en matière, comment dire, de
régulation des agences de placement, mais aussi les questions liées à la
conciliation travail-famille. Donc, il n'y a rien à dire. En fait, on a préféré vraiment centrer notre analyse
explicitement sur la question du harcèlement sexuel parce que, dans le cadre du projet de loi, notre
préoccupation était principalement ces éléments particuliers dans le projet
de loi et qui est
effectivement... bien, je suis désolée, moi, je reviens sur le registre, sur
lequel on est là... qui sont très préoccupants en matière de recul du
droit des femmes.
Maintenant,
je veux dire, au niveau de l'avis qui a été demandé au comité consultatif, je
ne sais pas s'il a été rendu public
ou pas... c'est ça, donc je ne peux pas trop m'avancer sur le contenu. Mais
effectivement, en fait, moi, ce que je peux mettre en lumière, c'est que
ce qui est ressorti dans le cadre des travaux du comité consultatif, c'était
aussi la prise en compte des droits de la
personne à ce niveau-là. Donc, en fait, on en revient un peu à la question du
harcèlement sexuel, c'est qu'il y a un élément transversal dans le
secteur de l'emploi en matière de droits de la personne.
Et
actuellement, en termes d'efforts, nous, on considère qu'au niveau du ministère
du Travail et au niveau de de la CNESST,
d'ailleurs, l'arrêt Caron le révèle, c'est qu'il y a, comment dire, une carence
en matière de reconnaissance des droits
de la personne en milieu de travail, donc de la charte de façon globale. Et ça,
c'est un des éléments qu'on a soulevés dans
le cadre des travaux du comité
consultatif, c'est-à-dire qu'il est pris en compte des éléments, comment dire,
de droits humains. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
• (17 heures) •
Mme Vien :
Bien, j'aurais beaucoup aimé vous entendre sur les agences de recrutement et de
placement. Je n'aurai pas d'autres questions, Mme la Présidente. Merci
beaucoup.
Mme Atif
(Katia) : Bien, on a déposé un avis qui traite du...
La Présidente
(Mme Richard) : Nous allons maintenant du côté de
l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois, c'est à vous la parole.
M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames. Un mémoire très technique,
je vous l'accorde, et puis ça nous oblige à réflexion, bien entendu.
Comme vous l'avez bien présenté à la ministre, vous avez axé surtout sur le harcèlement sexuel et le harcèlement
discriminatoire. Donc, je vais m'en tenir à votre mémoire pour m'assurer de
bien le comprendre et voir si on peut apporter des changements ou des
amendements lors du débat sur le projet de loi.
Donc,
vous parlez d'entrée de jeu, la prémisse de dire : Bien, on devrait, au
minimum, avoir des définitions exactes puis
des définitions claires pour qu'on sache de quoi on parle, surtout face à la
CNESST. Alors, moi, je lis votre mémoire, je pense à ça, je dis : Bon, O.K., si on dit : Bon, bien, on va
sortir des définitions claires, exemple, qu'on se tendrait vers ça... Si
je lis plus loin votre mémoire, vous
dites : Oui, c'est bien beau, là, donnez-nous, mettons, une bonne, une
vraie définition qui est concordante
peut-être avec ce qui se passe au fédéral pour tenter de s'arrimer. Un coup
qu'on aurait fait ça, ça va beaucoup plus loin que ça, là, parce que,
là, vous dites : Ce serait un premier geste à faire, une définition
claire.
Après
ça, les mandats doivent être encore plus clairs face à la CNESST, parce que
vous nous dites : Pour qu'un projet
de loi ou qu'une loi soit valable, elle doit avoir des obligations correctives.
Alors là, je pense que, lorsque je regarde le projet de loi qui est
devant nous, on n'est vraiment pas au début d'une réflexion à ce point-là.
Alors,
j'aimerais vous entendre, premièrement, bien, peut-être sur la définition ou
surtout sur l'obligation corrective, donc...
dont vous y voyez... quelle référence qu'on pourrait y faire pour dire :
Bien, on va s'arrimer avec quelque chose d'existant, que vous jugez
valable? Alors, je veux vous entendre face à ça.
Mme Estivaine
(Keïsha) : Je vais juste commencer par rapport à la définition. En fait,
on juge qu'il y a déjà une définition
pour le harcèlement sexuel qui a été défini par la Cour suprême. En fait, ce
qu'on est en train de soulever dans le mémoire, c'est pourquoi ajouter
une nouvelle définition au harcèlement sexuel tandis qu'elle a déjà été définie
par le plus haut tribunal, ici, au Canada.
Donc
on ne comprend pas, en fait, la nécessité de la CNESST d'avoir une définition
propre du harcèlement sexuel, surtout
qu'à la CNESST et au Tribunal administratif du travail, il n'y a aucune reconnaissance
du harcèlement discriminatoire qu'est
le harcèlement sexuel. Donc, pour nous, la définition, elle est déjà existante.
C'est maintenant de savoir pourquoi
la CNESST, le Tribunal administratif du travail et ce projet de loi ne la
reconnaissent pas en tant que telle, comme étant une définition simple
du harcèlement sexuel.
Mme Atif
(Katia) : Oui. Je peux compléter aussi?
M. Leclair :
Oui, oui, allez-y, allez-y.
Mme Atif
(Katia) : Oui, tout à fait. Donc, en fait, la définition du harcèlement
sexuel, on la retrouve dans des jugements
de la Cour suprême, mais elle est clairement définie dans la loi canadienne des
droits de la personne et elle est définie dans la charte québécoise
comme étant une forme de harcèlement discriminatoire.
Donc, en fait, nous,
ce qu'on voudrait poser comme question à la ministre, c'est si... est-ce que,
par exemple, d'introduire les actes de
harcèlement raciaux ou homophobes dans la définition du harcèlement
psychologique, est-ce que ça serait
acceptable ou est-ce que ça passerait? Et, en fait, c'est de dire,
actuellement, le harcèlement sexuel est reconnu au même titre, selon la
loi, comme... au même titre que les autres types de harcèlement.
Alors, comment se
fait-il qu'on se retrouve avec une définition autre du harcèlement sexuel,
qu'on décide de transférer comme étant un
acte de harcèlement psychologique, et pas les autres types de harcèlement
discriminatoire tel que défini selon l'article 10 de la charte du
Québec? Donc, ce n'est pas seulement un arrimage entre le fédéral et le provincial, c'est qu'on risque de se retrouver
avec une définition non constitutionnelle. Donc, ça ouvre la porte à
quoi? À des contestations, à des recours. La
CNESST s'est fait un petit peu taper sur les doigts même à la Cour suprême à
travers l'arrêt Caron où on lui a rappelé ses obligations d'appliquer la
charte...
M. Leclair :
...québécoise.
Mme Atif
(Katia) : Voilà, et donc on se retrouve, encore une fois, à
dire : Bien, écoutez, vous avez l'obligation de reconnaître des
cadres légaux quasi constitutionnels ou constitutionnels, de reconnaître les
droits fondamentaux qui traversent, en fait,
le droit du travail et le cadre du travail. Et ce qui devient difficile, c'est
qu'on se rend compte qu'effectivement
le monde du travail veut créer ses propres interprétations et définitions puis,
depuis 2004, ce qu'on a constaté,
c'est qu'il y a beaucoup de cas de harcèlement racial, de harcèlement
discriminatoire en milieu de travail qui ont été traités uniquement sous l'angle du harcèlement psychologique et ce
qui nous paraît très grave et très préoccupant. Et ce n'est pas pour rien aussi qu'il y a eu une
espèce d'onde de choc, à savoir qu'à un moment donné, à travers le
mouvement #metoo, il y a eu un phénomène de dénonciation dont on ne réalisait
pas l'ampleur.
Pourquoi?
Parce que tous les... comment dire, toutes les plaintes de harcèlement sexuel
qui étaient déposées à la CNESST,
elles rentraient dans la statistique harcèlement psychologique. Donc, est-ce
qu'on veut un autre #metoo pour, par exemple,
le harcèlement racial? À un moment donné, il faut vraiment se pencher sur la
question et, oui, le projet de loi, dans les trois quarts, est très
intéressant, mais cette partie-là est très, très problématique.
M. Leclair : Elle reste trop
vague, reste trop vague à vos yeux, parce qu'il faudrait...
Mme Atif (Katia) : Pardon?
M. Leclair : J'ai dit :
Elle reste trop vague à vos yeux, là, dans le projet de loi.
Mme Atif
(Katia) : Elle reste très vague et elle abaisse les... comment dire,
elle abaisse l'interprétation ou la valeur de la discrimination, comment
dire, du harcèlement discriminatoire par le régime de protection qu'elle lui
accorde.
M. Leclair : Donc, si, au minimum... si je vous comprends
bien, il y a la loi canadienne, la charte québécoise. Si on va au minimum avec ces deux définitions là, au
minimum, on ne viendra pas donner la possibilité d'un juge d'interpréter
par rapport aux normes du travail, et la charte québécoise, et la charte des
droits canadienne.
Mme Atif
(Katia) : Bien, moi, ce que je suis en train de questionner, c'est,
un, dans un premier temps, le régime de
protection qui va être associé directement au harcèlement sexuel, c'est-à-dire
que, là, on est en train de formaliser que ça va être la CNESST qui va
traiter les cas de harcèlement sexuel en milieu de travail.
Puis il y a
un autre élément, c'est que maintenant on va continuer à ignorer les autres
traitements de harcèlement discriminatoire
qui sont faits sous le couvert du harcèlement psychologique et à qui on
n'accorde pas le bon régime de protection. Comme on dit, par exemple,
pour des victimes de harcèlement sexuel, le minimum requis, ça serait de les protéger contre les représailles du harceleur, par
exemple, dans le... d'offrir des délais qui soient cohérents. Pourquoi,
par exemple, pour une travailleuse non
syndiquée, on lui laisserait 90 jours pour dénoncer un cas d'une situation de
harcèlement, alors que toutes les
autres personnes victimes de harcèlement discriminatoire, on pourrait avoir ces
fameux deux ans?
M. Leclair : O.K. Puis on est en manque de temps. C'est très,
très intéressant. J'aimerais vous entendre sur les obligations correctives. Vous n'avez pas trop
glissé de mots là-dessus, là. Qu'est-ce que vous avez en tête? Ou un
exemple qu'on devrait regarder?
Mme Atif
(Katia) : Bien, en fait, au niveau des actions correctives, moi, ce
qui me semble important, c'est de rééquilibrer les pouvoirs en termes de
reconnaissance, c'est-à-dire que la commission des droits, c'est elle qui a la
compétence d'agir en matière d'actions correctives et le Tribunal des droits de
la personne.
On se retrouve avec une instance qui, comment
dire, est sous-financée, donc une instance qui a été largement carencée et on voit des espèces de transferts de
compétences vis-à-vis d'instances qui ne sont absolument pas
spécialisées et qui vont, comment dire, s'interpréter une forme de
spécialisation qui récemment a été questionnée même par la Cour suprême à
travers l'arrêt Caron.
Donc, nous,
par rapport aux éléments, comment dire, correctifs, ce qu'on estime, c'est de
pouvoir rééquilibrer les pouvoirs
d'action de la commission des droits afin qu'elle puisse avoir des actions
concrètes dans les milieux de travail et de laisser la porte ouverte à, par exemple, des personnes qui
souhaiteraient malgré tout porter plainte à travers la CNESST, à travers le recours de harcèlement psychologique,
même si, par exemple, leur situation revêt un caractère de discrimination. Mais de laisser des instances, comment dire, avec
des rapports de pouvoir d'un point de vue économique
si... comment dire, d'avoir une...
Une voix : ...
Mme Atif
(Katia) : Oui,
déséquilibrée. Entre autres, une instance comme la commission des droits qui a un budget annuel de 15 millions, alors que le volet des
normes a six fois le budget de la commission, il y a quelque chose de
pas acceptable là-dedans.
M. Leclair : Je vous remercie
beaucoup.
• (17 h 10) •
Mme Atif
(Katia) : Merci à vous.
La Présidente
(Mme Richard) : Merci. M. le député de
Chutes-de-la-Chaudière, pour le deuxième groupe d'opposition, vous avez la
parole.
M. Picard :
Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames. Très intéressant aussi. Vous avez abordé, tout à l'heure, les délais, là. On a le délai de 45 jours, 90 jours, deux ans.
Idéalement, il faudrait que ça soit uniformisé et à deux ans, probablement.
Mme Atif
(Katia) : Tout à fait.
M. Picard :
O.K. J'ai bien compris.
Mme Atif
(Katia) : Bien, c'est ça,
nous, on a écouté toutes les autres présentations puis on se posait des questions.
Pourquoi 90 jours? Bien, tel que le harcèlement psychologique le préconise. Il
y a d'autres groupes qui ont demandé
un peu plus, mais pourquoi, sur quelle base?
Bien, la norme, ça devrait être deux ans. Tant qu'à faire, il faudrait que ce
soit la norme de la commission, qui est proposée par la commission des
droits et la charte.
M. Picard :
O.K. Vous dites que vous avez écouté les autres journées d'audience puis, justement,
dans votre recommandation, là, vous nous parlez d'activités de formation,
de sensibilisation pour le personnel de la CNESST et des décideurs du TAQ. Mais, nous, il y a
des gens qui nous ont dit, justement, là, que ça prendrait peut-être
du personnel, soit dédié, mais du
personnel très sensibilisé à différentes causes. J'aimerais vous entendre
là-dessus, parce que, si vous en faites une recommandation, ça doit être
parce qu'il y a un besoin.
Mme Atif
(Katia) : Oui, oui, il y a
un besoin. Il y a un besoin à différents niveaux, au niveau de la
CNESST. Par exemple, pour l'arrêt Caron, ça a été au niveau
de l'interprétation des obligations d'accommodement. Sur la question du harcèlement psychologique, on
a étudié et accompagné plusieurs personnes où c'était évident que le harcèlement était à caractère discriminatoire. Qu'il soit à caractère sexuel, sexiste ou racial, c'était du harcèlement
discriminatoire. Pourtant, comment
dire, le plaidoyer de la CNESST, l'analyse du juge mettaient systématiquement
de côté le caractère personnel et les éléments discriminatoires dans les
jugements.
Donc,
on se rend compte qu'au niveau de la CNESST, au niveau du Tribunal
administratif du travail, il y a quelque chose à faire là pour qu'il y
ait une reconnaissance du cadre légal concernant les droits de la personne,
aussi de la reconnaissance de la hiérarchie
du droit. On n'y peut rien, il y a une hiérarchie du droit, c'est-à-dire que
les lois ordinaires, les tribunaux
ordinaires ont cette obligation de rendre compte des cadres constitutionnels,
donc d'ignorer... Bien, c'est ce qui a été relevé dans le cadre du
jugement de l'arrêt Caron. Donc, je ne sais pas si ça répond à vos questions.
M. Picard :
Oui, ça va. Mais il y a aussi... on parlait aussi de l'approche de certains
agents de la CNESST, lorsqu'ils recevaient,
là... Le premier contact, là, il y a des gens qui trouvaient ça difficile. Je
pense que... Je comprends, au niveau
légal, c'est très important, mais la première approche aussi, lorsque quelqu'un
ose porter plainte... puis là, s'il ne se sent pas écouté, là, si vous
voulez...
Mme Estivaine
(Keïsha) : Bien, en fait, c'est qu'il n'y a pas d'enquête. Ça fait
qu'on reçoit la plainte puis, sans préalablement
faire une enquête, on propose tout de suite à l'usagère, dans notre requête...
on est au service, justement, des
droits de la femme. Nos usagères sont confrontées à la médiation avant même
qu'il y ait eu enquête, en fait, sur leurs dossiers. Donc, on dépose la plainte, quelqu'un nous dit... en fait, m'appelle,
quelqu'un nous dit si c'est recevable ou pas, on dépose la plainte, puis, quelque temps plus tard, après que l'employeur
ait été informé, généralement l'employeur veut passer tout ça à la médiation, bien entendu, parce que, bon... parce
qu'à l'autre tribunal, ça coûte cher, puis ça pourrait prendre du temps, puis on joue justement sur
l'aspect... sur la vulnérabilité, en fait, des usagères, pour justement les
pousser à accepter une médiation, sans même, comme je disais, qu'il y ait eu,
en fait, préenquête, on...
M. Picard :
Et la médiation, le résultat est secret aussi.
Mme Estivaine
(Keïsha) : Mais bien sûr. Bien sûr, ce qui fait, comme ça, qu'il y a
justement... en fait, il n'y a aucune...
M. Picard :
Ça, c'est un problème, que ce soit secret, toujours?
Mme Atif
(Katia) : Bien oui, effectivement, c'est problématique. D'ailleurs, on se pose encore la question,
parce que la CNESST a donné un chiffre en
matière de pourcentage de traitements de plaintes pour harcèlement sexuel, elle a nommé un
7 %, mais techniquement, s'ils ignorent les... comment dire, s'ils n'ont
pas d'information sur les ententes de médiation, ils ont peu de données. Donc, en fait,
c'est plus de 80 % des plaintes qui sont traitées en médiation, c'est
des ententes pécuniaires, sans reconnaissance de faute et complètement
confidentielles.
Mme Estivaine (Keïsha) : C'est quelque
chose qui est très soulevé par la CNESST, le fait, comme ça, qu'ils règlent beaucoup de leur... ils vont donner un
pourcentage de... exemple, 90 % des plaintes que nous recevons, en
fait, finissent par
être en faveur de l'usagère, de la plaignante ou du plaignant, mais, en fait,
c'est parce que tout passe en médiation.
Donc, qui est
réellement gagnant dans l'histoire, à part que l'usagère... En fait, la
plaignante ou le plaignant est perdant,
parce qu'il n'y a aucune
reconnaissance, justement, des droits fondamentaux et aussi qu'en portant
plainte à la CNESST on, en fait, porte plainte contre l'employeur. Donc,
si le harceleur était un collègue, ce que ça fait...
La Présidente (Mme Richard) :
Juste pour signifier qu'il reste une minute dans le temps.
Mme Estivaine
(Keïsha) : O.K., pas de problème. Donc, c'est justement le problème
que ça amène, c'est qu'il n'y a
aucune protection, en fait, pour la plaignante, parce que la personne qu'elle
poursuit n'est pas nécessairement la personne qui la harcèle.
M. Picard : O.K. Merci beaucoup,
mesdames.
Mme Estivaine (Keïsha) : Merci
à vous.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup, Mme Atif, Mme Estivaine, pour votre contribution à
nos travaux.
Et la commission
ajourne ses travaux jusqu'au mardi 29 mai, à 10 heures, où elle
poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 176.
Merci beaucoup et bonne fin de journée.
(Fin de la séance à 17 h 16)