(Neuf
heures trente-quatre minutes)
Le Président (M.
Schneeberger) : Alors, bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de l'économie et du travail ouverte. S'il vous plaît, bien
vouloir fermer vos appareils électroniques et téléphones.
La commission est
réunie aujourd'hui afin de poursuivre les consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur
les normes du travail et d'autres dispositions législatives afin principalement
de faciliter la conciliation famille‑travail.
M. le secrétaire, est-ce
qu'il y a des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) remplace M. Lamontagne (Johnson).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Schneeberger) : Merci. Alors, ce matin, nous entendons
en avant-midi le Groupe d'aide et d'information
sur le harcèlement sexuel au travail, l'Association nationale des entreprises
et recrutement, placement de personnel, l'Ordre des conseillers en
ressources humaines agréés et le Regroupement des aidants naturels du Québec.
Alors,
bon matin à vous. Alors, je vous souhaite la bienvenue. Vous identifier, et
puis vous avez 10 minutes pour votre exposé, et par la suite il y a
une période de questions avec la ministre et les oppositions. Alors, à vous la
parole.
Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel
au travail de la province de Québec inc. (GAIHST)
Mme Séguin (Yvonne) : Bonjour, M.
le Président. Merci. Je suis ici avec
l'équipe du Groupe d'aide, ça fait
qu'ils vont se présenter chacun leur
tour. Mais j'aimerais remercier Mme Vien,
la ministre du Travail, M. Leclair porte-parole de l'opposition officielle en matière de Travail et M. Picard, porte-parole du
deuxième groupe d'opposition en matière de Travail, pour nous avoir
donné la chance de venir à vos consultations et de partager avec vous notre
expérience.
Je
suis la directrice générale du Groupe d'aide, je suis une des fondatrices et
j'ai plus de 40 ans d'expérience dans ce domaine. J'ai représenté, j'ai formé et j'ai travaillé avec beaucoup
des personnes qui sont intéressées à travailler sur la problématique. Aussi, à Montréal, on a été
assez chanceux d'avoir les universités, ça fait que le Groupe d'aide a été
bâti avec, sur le dos, des stagiaires en
droit, en criminologie, en sexologie, en travail social. Ça fait qu'on est très
contents de tous les stagiaires qu'on a eus pendant des années.
On
est ici aujourd'hui dû au mouvement #metoo et avec la belle volonté de notre
gouvernement. Nous sommes extrêmement fiers de toutes les femmes et les
hommes qui ont pris leur courage à deux mains et qui ont dénoncé des situations
pénibles et très personnelles, donc, qu'ils ont vécues sur le marché du
travail.
Mais,
avant de commencer dans notre mémoire, j'aimerais vous parler d'un premier cas
de harcèlement sexuel documenté ici, au Canada, et partager avec vous
comment les préjugés n'ont pas changé, mais les délais ont changé.
Nous parlons de... en
1915, à Toronto, une jeune femme, Carrie Davis, femme de ménage de 18 ans
venue d'Angleterre pour travailler, admet
avoir tiré sur son employeur car celui-ci aurait ruiné sa vie en lui faisant
subir des gestes à harcèlement
sexuel. La belle-soeur du harceleur a déclaré qu'il était impossible que
M. Massey ait eu un comportement déplacé
à l'égard de Carrie Davis et que, si tel était le cas, celle-ci aurait dû
parler plus tôt ou elle aurait quitté son emploi.
Lors
de son procès, Carrie Davis a raconté en détail les gestes et propos à
caractère sexuel qu'elle a subis de son employeur, malgré son
non-consentement. Elle a raconté aussi d'être sauvée chez sa soeur afin
d'obtenir un support. Sa soeur l'avait
encouragée à retourner chez son employeur pour qu'elle ne perde pas son emploi.
Déchirée entre son devoir et sa peur, Carrie Davis est retournée chez
son employeur ce soir-là. Lorsqu'elle le voit revenir de travailler, son
employeur, elle a été submergée par l'angoisse qu'il abuse de nouveau d'elle et
a tiré sur lui.
Entre
l'arrestation de Mme Davis et le verdict de non-culpabilité, il y a eu
20 jours. Le jury a délibéré, et ça a pris une demi-heure. Avant d'avoir des auditions à un procès, en 2018, ça
nous prend entre un an et demi et deux ans et des fois ça peut aller
jusqu'à trois ans. Une fois qu'on se rend jusqu'à la fin du procès on a encore
un autre 90 jours avant d'attendre le jugement.
Il y a encore
beaucoup des préjugés aujourd'hui dans les dossiers de harcèlement tels que la
déclaration de la belle-soeur de
M. Massey et la soeur de Carrie Davis qui lui dit de retourner travailler.
Depuis 1915, les préjugés sont les mêmes, et les délais sont encore plus
longs pour avoir des auditions que ceux que Carrie Davis a eus.
En
1976, le Redbook a publié une enquête portant sur le harcèlement sexuel
au travail. Les résultats obtenus sont révélateurs :
88 % des répondants ont affirmé avoir dû faire face à ce harcèlement. Le
Groupe d'aide, on me dit, aujourd'hui en 2018, c'est la même... les
chiffres sont encore très bons.
En
1980, le Tribunal des droits de la personne au Canada concluait que le
harcèlement sexuel constituait une forme de
discrimination basée sur le sexe. Avant cela, les femmes n'avaient d'autre
choix que d'endurer les comportements harcelants ou démissionner de
leurs emplois.
Au
Québec, la Loi sur les normes du travail nous fournit une définition du
harcèlement psychologique selon laquelle l'employeur a l'obligation
légale de prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement
psychologique, et, lorsqu'une telle conduite
est portée à sa connaissance, de la faire cesser. Donc, pourquoi pas pour le
harcèlement sexuel?
Une
plainte déposée selon cet article de loi est faite contre l'employeur qui ne
remplit pas son obligation et non pas
contre la personne qui a commis les gestes de harcèlement. Ça fait que, là, on
se demandait : Pourquoi qu'on ne pourrait pas élargir le mandat et
mettre les mis en cause responsables de leurs gestes?
• (9 h 40) •
Les
ententes hors cour permettent aux victimes de régler les dossiers plus
rapidement, mais elles ne permettent pas
de faire avancer la jurisprudence étant donné la confidentialité qui les
entoure. Ça fait qu'on pourrait peut-être travailler là-dessus aussi.
Une
étude, en 2018, d'EQCOTESST révèle que 46 % des petites entreprises au
Québec n'ont pas de mesures de protection
à l'égard de harcèlement sexuel. Ici, au Groupe d'aide, on va vous parler un
petit peu de l'effet que les employeurs veulent avoir de l'aide pour
régler les dossiers.
Dans
nos interventions auprès de la clientèle, nous constatons en effet que le
support d'un employeur suite à une dénonciation
est un élément clé pour le rétablissement de la personne ayant subi le
harcèlement. À l'inverse, le manque de support d'un employeur peut
affecter la victime tout autant que le harcèlement lui-même.
Notre
clientèle se tourne vers nous lorsqu'elle a tenté de régler la situation au
sein de l'entreprise, mais sans succès. En plus d'être fragilisées par les harcèlements subis et le manque de
support de l'employeur, les victimes sont souvent confrontées au
processus judiciaire complexe. Elles sont confrontées à un déséquilibre de
pouvoir et ont besoin de l'accompagnement.
Là,
je vais vous présenter Cindy Viau, qui est notre spécialiste ici, au
Groupe d'aide pour la formation dans les entreprises, et avec son
expertise elle a développé une autre expertise, une sous-catégorie où est-ce
que les petites entreprises appellent lorsqu'elles ont un problème avec un harceleur
pour qu'elle lui fasse de la sensibilisation, pour connaître c'est quoi, la
loi, c'est quoi, dans son comportement, qui n'est pas acceptable. Ça fait que,
Cindy.
Mme Viau (Cindy) : Donc, bonjour. Je vous remercie pour le temps que
vous nous accordez ce matin. Aujourd'hui, j'aimerais revenir rapidement sur l'importance de la sensibilisation en
matière de harcèlement au travail encore en 2018.
Avec
le mouvement #moiaussi nous sommes inondés d'appels, au Groupe d'aide, de la
part d'employeurs qui cherchent maintenant à prévenir les situations de
harcèlement au travail, contrairement à avant le mouvement, lorsqu'ils nous appelaient davantage pour gérer
des situations qui avaient déjà eu lieu. Ceci est une bonne nouvelle, mais
nous permet de constater, à travers nos
interventions, à quel point la notion de harcèlement au travail n'est pas
encore bien comprise autant par les employeurs, les employés et les
harceleurs.
De
plus en plus, je suis appelée à intervenir directement auprès des personnes
ayant été accusées de harcèlement, et nous avons développé un service de
formation en ce sens. Ce qui en ressort ne nous étonne pas. La majorité des individus croient que leurs gestes ne sont pas si
pires que ça et croient que, parce qu'il n'y a pas eu de violence physique
ou d'attouchements, ce n'est pas du
harcèlement psychologique ou sexuel au travail. La majorité croit que le
problème ne vient pas d'eux, mais plutôt du fait que la victime est trop
sensible.
Depuis
2004, la Loi sur les normes du travail garantit aux personnes salariées le
droit à un milieu de travail exempt de
harcèlement psychologique et incite les employeurs à prendre les moyens
raisonnables pour prévenir et faire cesser le harcèlement. Mais la promotion des milieux de travail sains et exempts
de harcèlement n'est toujours pas encore une priorité pour les
employeurs. D'où l'importance non seulement d'implanter des politiques internes
en matière de prévention et de gestion des
plaintes, mais aussi mettre de l'avant des solutions concrètes pour nos milieux
de travail pour faire véritablement changer les choses.
Et
pour compléter, je vais céder la parole à ma collègue Samia Belouchi, qui
a commencé au Groupe d'aide en tant que stagiaire en criminologie et qui
est intervenante au département des plaintes depuis huit ans. Elle est aussi
spécialisée en médiation dans nos dossiers. Merci.
Mme Belouchi
(Samia) : Bonjour. J'aimerais vous parler, en fait, des conséquences
du harcèlement au travail parce que celles-ci dépassent largement la
sphère professionnelle.
Lorsqu'une
personne fait face à des délais de trois ans et parfois plus avant
l'aboutissement de son dossier devant les instances juridiques, ça va
être la santé et la vie personnelle qui sont doublement affectées. Le stress
lié aux procédures et les longs délais de
traitement des plaintes ont pour effet de prolonger l'état
anxieux ou dépressif de notre clientèle
en plus d'engendrer des conséquences financières
importantes, puisque beaucoup n'ont plus d'emploi, soit qu'elles sont en
arrêt de travail ou qu'elles ont été congédiées.
Les
victimes doivent entreprendre de multiples démarches simultanément, par
exemple, auprès des différentes divisions
de la CNESST, auprès de leurs syndicats, auprès de la Commission des droits de
la personne, mais aussi auprès de l'assurance-emploi ou de leur
assurance salaire. Chacune de ces démarches implique en soi plusieurs étapes et
des délais par lesquels il faut
inévitablement passer. À travers ces procédures, les victimes doivent répéter
sans cesse ce qu'elles ont vécu, et elles se sentent très souvent
découragées par les délais interminables.
Nous croyons qu'il est primordial que les
dossiers de harcèlement au travail soient réglés rapidement car, comme l'a dit le juge Dickson, le travail est l'un
des aspects les plus fondamentaux de la vie d'une personne, un moyen de
subvenir à ses besoins financiers et, ce qui est tout aussi important, de jouer
un rôle utile dans la société.
Donc,
je vais céder la parole à mon collègue Yann Morin, qui est également
intervenant au département des plaintes depuis 2015.
Le
Président (M. Schneeberger) : Juste un instant. Là, vous êtes sur le
temps emprunté que la ministre veut bien vous laisser, alors ne pas trop
étirer non plus. Je vous remercie.
M. Morin
(Yann) : C'est parfait.
Bonjour. Bien, en plus du département des plaintes, j'ai aussi analysé et
rédigé la recherche Le harcèlement
psychologique : l'expérience des personnes non syndiquées, présentée
par le Groupe d'aide, mais réalisée
pour le comité de travail sur le harcèlement psychologique du Front de défense
des non-syndiqué-e-s. Dans le fond,
moi, aujourd'hui, je vais vous parler un peu plus de l'expérience terrain des
personnes qui vivent du harcèlement et pourquoi on a les recommandations
qu'on a dans le mémoire et qu'on va pouvoir vous parler aujourd'hui.
Donc, dans
cette recherche-là, on a eu la chance de parler à 13 victimes de
harcèlement psychologique ou sexuel au travail pour vraiment faire
ressortir les conséquences qu'elles ont vécues, comment ça s'est passé, de
dénoncer à l'employeur, et comment s'est déroulé les démarches à la CNESST.
Depuis cette rédaction-là, qui s'est terminée
l'année passée, je suis aussi... j'ai eu la chance de devenir le responsable
des cafés-rencontres au Groupe d'aide, dont je m'occupe, des rencontres de
groupe pour permettre aux victimes de briser
le mur du silence. Et cette année, en fait, je tenais à préciser que j'ai eu
une centaine de personnes, au courant
des cafés-rencontres, qui me rapportent toutes les mêmes choses que les
13 participantes de la recherche nous avaient parlé, du fait qu'ils ont vraiment peur de ne pas être écoutés,
de ne pas être crues et qu'effectivement, quand elles en parlent en milieu de travail, elles ne sont pas
crues, elles se font un peu rabrouer, comme disaient mes collègues. Puis,
quand ça se passe à la CNESST, des fois, ça
ne se passe pas mieux non plus, le manque d'information et autres jugements
de la part de certains employés aussi.
Puis, dans le
fond, tout ce que les victimes veulent, c'est que le harcèlement soit reconnu
et que ce soit pris au sérieux,
autant par la CNESST, que le gouvernement, que la population en général. Je
tiens à dire que c'est des travailleurs forts, intelligents et résilients, qui veulent que le harcèlement cesse,
que justice soit rendue. Puis tout ce qu'ils veulent, c'est pouvoir rester sur le milieu du travail ou y
retourner. En ce sens, aujourd'hui, on a Mme Monique Fortin qui nous
accompagne, qui est une des premières clientes du groupe d'aide dans les
années 80.
Le
Président (M. Schneeberger) : Alors, merci beaucoup pour vos exposés.
Alors, vous avez maintenant une période d'échange d'environ
14 minutes avec la ministre. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Vien :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, tout le monde. Bon matin. Bonjour à
vous quatre. Vous avez bien fait ça, vraiment.
Dans la Loi
sur les normes du travail, actuellement, harcèlement psychologique, la
jurisprudence fait en sorte qu'on comprend
qu'à l'intérieur de ça il y a le harcèlement sexuel. Mme Viau, vous avez
raison, il y a tout un mouvement, là, il y a... ma collègue appelle ça
le tsunami social, là, le #metoo, qui s'est soulevé. Puis on vient prendre
conscience collectivement qu'il y a des
choses qui clochent, là, au niveau du harcèlement sexuel. De sorte que nous, on
a voulu aller plus loin que seulement
le comprendre à l'intérieur de la définition de «harcèlement psychologique», le
harcèlement sexuel. On vient l'écrire.
Puis, comme ce n'est pas encore assez... Vous
disiez tout à l'heure que l'employeur doit prendre les moyens raisonnables, hein, pour faire cesser tout
harcèlement sexuel sur son territoire, dans son entreprise. Nous, on vient
dire : Dorénavant, vous devrez
avoir votre politique de prévention contre le harcèlement sexuel et qui va
comprendre aussi un processus de traitement des plaintes. Est-ce que,
selon vous, on est sur la bonne voie?
Mme Séguin (Yvonne) : Nous,
oui, on était très contentes quand on a vu cette initiative-là. On pense
aussi... Pourquoi qu'on dit : une
politique contre le harcèlement sexuel ou une définition contre le harcèlement
sexuel? C'est que souvent notre clientèle va nous appeler sur le biais de
harcèlement psychologique, puis c'est quand on les rencontre puis qu'on commence à faire leur version des faits
qu'on se rend compte aussi qu'il y a eu du harcèlement sexuel. Mais ils ne savaient pas qu'ils pouvaient se plaindre
pour ça à la Commission des normes du travail. Ça fait que c'est pour ça
qu'on dit : Une définition très claire
serait très bien. Les politiques, c'est toujours à faire, et la formation,
c'est nécessaire.
Mme Vien : Vous me
parlez de définition du harcèlement sexuel. Moi, je fais vérifier avec mes gens
ici, effectivement... On a une idée de ce
que c'est que le harcèlement sexuel, bien entendu, là, hein? Quand vous me
parlez de définition du harcèlement
sexuel, est-ce que vous m'en parlez parce que c'est une définition qui n'existe
pas, qui manque?
Mme Séguin (Yvonne) : C'est que
le harcèlement sexuel, il est inclus dans votre définition de «harcèlement
psychologique».
Mme Vien : Absolument,
oui.
Mme Séguin
(Yvonne) : Puis nous autres,
on vous propose d'avoir une définition de harcèlement sexuel dans la Loi
sur les normes du travail.
• (9 h 50) •
Mme Vien : Est-ce que
vous avez une proposition de définition de «harcèlement»?
Mme Séguin
(Yvonne) : On a une
suggestion. Ce n'est pas tout à fait une proposition, mais, compte
tenu qu'on trouve que les lois
sont vraiment mélangeantes pour toute la population en général, on vous
demanderait de vous inspirer de la définition qui existe déjà avec la Commission
des droits de la personne. Pourquoi réinventer une autre définition
quand il y en a une qui est déjà ici, qui appartient au Québec?
Ça fait que, si on pouvait adopter celle-là pour la Commission des normes
du travail aussi, ça pourrait être bien.
Mme Vien : Mme Séguin, je ne me souviens pas comment on
l'a libellée, là, dans le projet de
loi, les spécialistes me... j'ai un petit blanc de mémoire, là. Mais je
sais qu'il y a une plainte qui peut se faire effectivement à la commission des normes
du travail et de l'équité salariale,
de la santé et sécurité au travail, la CNESST. Puis nous, on demande à la
CNESST d'informer la CDPDJ, donc, la Commission des droits de la personne et de la
jeunesse, des plaintes qu'elle reçoit,
du nombre de plaintes, je pense, parce que
c'est quand même des informations nominatives, on ne peut pas... Est-ce que,
selon vous, c'est une bonne initiative, ça?
Mme Séguin
(Yvonne) : On ne l'avait pas
compris tout à fait, que c'est que ça voulait dire, le fait de juste
annoncer à la Commission des droits de la personne une plainte sur le harcèlement sexuel ou la discrimination systémique. Mais par contre
on vous fait une recommandation où est-ce qu'on pense que, peut-être,
il devrait y avoir un observatoire qui pourrait être créé et qui serait indépendant de la Commission des normes du travail ou de la CNESST et de la Commission des droits
de la personne, qui pourrait recevoir tous les jugements et les règlements
de dossiers pour, à la fin de l'année, nous faire un rapport à la population
pour qu'on sait où est-ce qu'on est rendus dans ces dossiers-là.
Mme Vien : Est-ce que
vous êtes en train de nous proposer d'avoir un autre organisme,
Mme Séguin?
Mme Séguin (Yvonne) : Pardon?
Mme Vien : Est-ce que
vous êtes en train de nous proposer un autre organisme ou je vous ai mal
suivie?
Mme Séguin
(Yvonne) : Je ne suis pas
sûre de qu'est-ce que c'est qu'on en train, légalement, de vous proposer,
mais je sais qu'on propose un observatoire
qui serait à l'intérieur de la CNESST. Nous autres, on ne pense pas que
ça, ça pourrait aider, on pense à l'extérieur.
Mme Vien : O.K. Oui,
M. Morin?
M. Morin (Yann) : Oui.
Peut-être que je pourrais peut-être un peu clarifier. Si je reprends les trois
questions d'affilée pour... Dans le fond, le projet de loi, ce qu'il prévoit,
c'est rajouter la phrase, pour plus de précision : «...le harcèlement psychologique comprend une telle
conduite lorsqu'elle se manifeste par de telles paroles, de tels actes ou
de tels gestes à caractère sexuel», ce qui,
pour nous, n'est pas encore très clair sur qu'est-ce qui peut être du
harcèlement sexuel, contrairement à
la définition, par exemple, de la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse, qui parle
vraiment... qui reprend un peu la même forme que le harcèlement psychologique,
mais qui donne des exemples un peu plus concrets de paroles, de
commentaires, vu que nous, ce qu'on voit dans nos dossiers, c'est souvent que
la clientèle ne réalise pas qu'ils ont vécu
du harcèlement sexuel parce qu'il n'y a pas eu attouchements. Donc, c'est juste
de pouvoir le rendre plus clair. Parce que,
souvent, les gens qui nous appellent ne réalisent pas qu'ils peuvent faire une
plainte à la CNESST. Ils comprennent plus la CDPDJ, parce que c'est clair,
comment c'est écrit dans cette... Voilà.
Pour la
question sur... que la CNESST informe la CDPDJ, lorsqu'elle reçoit une plainte
pour harcèlement sexuel, on n'a juste pas... en fait, on ne comprend pas
ce serait quoi, le but, la finalité de ça. Donc, on ne sait pas... peut-être
qu'il y avait une explication pour cette référence-là à la CDPDJ.
Et pour
reprendre un peu ce que ma directrice nous expliquait, en fait, c'est que nous,
ce qu'on a aussi beaucoup réalisé,
entre autres, en faisant la recherche, c'est la difficulté à obtenir des
informations, des statistiques sur le harcèlement au travail. Et on proposait, en fait, d'avoir
peut-être... on a appelé ça un organisme, mais, juste pour, en fait, prendre
les statistiques autant de la CNESST,
de la CDPDJ, comprendre il y a combien de plaintes de harcèlement sexuel, c'est
quelles sortes de propos?
Mme Vien :
Justement... M. Morin, je m'excuse de vous interrompre, le temps file
tellement vite, c'est tellement frustrant.
Justement, Mme Séguin, vous parlez d'un observatoire. Moi, je trouve ça
intéressant, là. Je ne sais pas si c'est quelque chose qui devrait être dans la loi, par exemple, là, tu sais?
Mais je comprends, je comprends où vous voulez nous amener. Selon vous,
est-ce qu'on connaît mal ce phénomène-là?
Honnêtement,
je pense que ce qu'on met sur la table, là, la balle au jeu qu'on envoie sur le
harcèlement sexuel, moi, je pense
qu'il faut le faire là. On n'est pas désincarnés de la réalité, là. Bon, je
n'irai pas plus loin que ça, là. Mais c'est
quoi... vous qui êtes dans ce milieu-là, vous recevez des femmes, peut-être des
hommes aussi, là, c'est quoi, la situation des milieux de travail en
termes de harcèlement sexuel? Avez-vous cette connaissance fine là? Vous me
parlez d'un observatoire. Je présume que
vous souhaiteriez qu'il fasse une veille de ce qui se passe, là. La CDPDJ, bon,
ça, vous nous en parlez, M. Morin. Mais c'est quoi, la situation?
Mme Séguin (Yvonne) : Bien,
c'est parce que, souvent, dans les dossiers de harcèlement, puis on présume... Nous autres, notre expertise, c'est le harcèlement
sexuel et psychologique au travail, mais, probablement, dans les autres dossiers aussi... Puis une grande partie de nos dossiers
sont réglés en médiation, et, une fois qu'ils sont réglés en médiation, ils
deviennent confidentiels. Ça fait qu'on n'a pas un vrai portrait de la réalité
québécoise sur les dossiers de harcèlement
sexuel. Ça fait que c'est pour ça qu'on avait pensé à quelque chose à part ou,
je ne sais pas comment le dire, là,
mais, tu sais, qui pourrait analyser tous les règlements hors cour, tous les jugements
qu'il y a eu, puis là on pourrait avoir un portrait réel au Québec des
dossiers de harcèlement.
Mme Vien :
Mais vous, là, qui avez 40 ans d'expérience, c'est quoi, la situation?
Vous me dites quoi? Me dites-vous :
Dominique, on est à peu près certains que c'est 50 %, 60 %, 70 %
des milieux de travail qui en vivent ou non? Ce n'est pas aussi poussé
que ça?
Mme Séguin (Yvonne) : Moi, je te dirais qu'au moins 88 % de toutes
les femmes sur le marché du travail vont avoir vécu une forme ou une autre de harcèlement sexuel pendant leur
carrière. Ce qui ne veut pas dire qu'on va porter plainte à chaque fois qu'on le vit. Souvent, ça va
nous arriver deux, trois fois avant qu'on décide que, là, on n'en peut plus, et on va porter plainte. Ça fait que ça, je
peux vous dire celle-là aussi. Je peux vous dire que la relation qu'on a eue
avec les petites entreprises, souvent, les
employeurs, ils veulent faire de quoi, mais ils ne savent pas quoi faire, ils
ne savent pas comment faire une
enquête, ils ne savent pas comment aller chercher la version des faits, ils ne
savent pas comment faire des sanctions.
Mme Vien :
En tout cas, moi, je peux vous dire que nous, de notre côté, là, on est bien
déterminés, puis les collègues aussi,
là, je ne pense pas que ça va causer bien, bien des problèmes, là. C'est la
CNESST qui va avoir à s'occuper de ça, puis,
au niveau de la politique, elle va accompagner les entreprises puis elle va
leur donner des modèles aussi de politique. Parce qu'on veut en même temps que ce soit simple, là, tu sais? Ça ne
sert à rien d'avoir une politique de 40 pages, hein, on s'entend,
là.
Mme Séguin
(Yvonne) : On est d'accord, oui.
Mme Vien :
Bon, c'est ça. Puis le traitement des plaintes, les accompagner puis comment...
Parce qu'on est dans une entreprise... Je discutais avec
M. Milette, là, quand on est dans une entreprise avec le boss puis une
adjointe, puis il y a rien que ce monde-là, puis elle est victime de
harcèlement sexuel, on a un problème.
Mme Viau
(Cindy) : Souvent, la personne va quitter...
Mme Vien :
Comment vous dites?
Mme Viau
(Cindy) : Souvent, la personne va finir par quitter le milieu de
travail.
Mme Vien :
Bon, je pense qu'il y a beaucoup de cas de figure, mais c'est la CNESST qui va
s'occuper de ça, puis elle a et aura
le mandat de faire ça simple, mais efficace et d'accompagner les entreprises et
en particulier les petites parce qu'elles n'ont pas de département de
ressources humaines, bon, elle n'a pas ces services-là à l'intérieur de son
entreprise.
Bien,
moi, je vous félicite. Merci beaucoup. J'ai beaucoup apprécié votre présence ce
matin. J'ai beaucoup apprécié les
échanges que nous avons eus. On aurait pu parler de bien d'autres sujets, mais
je comprends que, sur le projet de loi, c'est celui-là qui vous intéresse davantage, puis je le comprends très
bien. Et nous, on va aller, après ça, article par article, puis, si ça
va super bien, on devrait d'ici le 15 juin adopter ce projet de loi là.
Merci beaucoup à vous quatre.
Le
Président (M. Schneeberger) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors,
nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle avec le député
de Beauharnois. Bonjour.
M. Leclair : Bonjour, M. le Président. Merci. Bonjour à tous. Merci, mesdames et
messieurs. Merci surtout pour votre expertise parce que ça a le mérite,
dans votre mémoire d'apporter à notre attention plusieurs faits.
Je
vous dirais que, depuis le début des auditions, tout le monde salue le fait que
le harcèlement soit reconnu, encore une
fois, et qu'on met des écrits, encore une fois, pour tenter de pallier à ce
problème-là, comme vous l'expliquiez si bien dans vos mémoires, qui peut prendre des tangentes assez lourdes puis pas
trop, trop d'aide, là. Malgré qu'on sort des grands titres, le résultat
à la fin, quand je vous lis, ça ne semble pas toujours évident.
Mais,
au-delà de s'applaudir parce qu'on marque des écrits, vous nous portez à notre
attention, à la page 13 dans votre
mémoire, et je trouve ça très inquiétant, vous sonnez un peu l'alarme en disant
que même aujourd'hui, à l'heure actuelle,
avant même que le projet de loi soit là, lorsque les gens utilisent des
services de la CNESST, ça ne semble pas être en Cadillac, si je pourrais
utiliser ce terme-là.
• (10 heures) •
Donc,
je me questionne énormément à dire : Notre structure, même si on met des
écrits, vous dites, ça existe déjà à la CNESST. Je ne répéterai pas le
cas que vous expliquez, là, je vais vous laisser nous l'expliquer, mais c'est
très inquiétant, là. Parce que, si on
rajoute des pages à ce beau livre-là... Puis déjà en ce moment, aujourd'hui,
les gens, pour toutes sortes de
raison, est-ce qu'ils manquent de personnel? Est-ce qu'ils sont qualifiés ou à
moitié qualifiés? Ou ils se retrouvent
un jour dire dans leur analyse de tâches : Voici ce que tu as de plus à
faire puis, si tu n'es pas un expert,
bien, on s'aperçoit que ça peut prendre des tangentes.
Alors, j'aimerais vous
entendre face à ça parce que je pense que la ministre doit être saisie de ça, parce
qu'au-delà de rajouter des chartes puis des
normes, si, à chaque fois qu'on le traite, c'est à moitié bien ou pas bien du
tout, on n'est pas... Alors, expliquez-moi un peu vos craintes actuelles. Puis
là de venir en rajouter, là... Mais, plus tard, j'aurai d'autres questions sur la structure parce que vous
ne semblez pas être déjà rassurés que ça va être la CNESST qui devrait
gérer ça.
Mme Viau
(Cindy) : Mais je crois que
ça revient encore à un manque de sensibilisation et de formation même auprès des agents de la CNESST. Et ça revient
aussi dans notre recherche qu'on a effectuée, qui a été publiée en mai 2017,
que mon collègue va pouvoir approfondir avec vous. Mais c'est vraiment... On
l'a remarqué, c'est des agents, ou les personnes
qui font le traitement des dossiers, qui manquent d'empathie et de sensibilité,
qui ne saisissent pas très bien la complexité
justement de la notion du harcèlement sexuel, ce qui nous revient aussi à
dire : Si ce serait mieux défini dans le projet de loi, ce serait
gagnant pour tout le monde.
Mme Séguin
(Yvonne) : On le voit aussi
dans tous les paliers de la CNESST. Ça peut commencer à l'accueil, mais ça peut finir avec le contentieux, qu'ils
n'ont pas eu la formation sur le harcèlement discriminatoire. Ça fait que,
donc, quand on leur amène un dossier puis
qu'on amène un dossier, on va dire, avec des affidavits de témoins potentiels,
ils ne veulent pas les prendre parce qu'ils
nous disent : Bien non, ça ne prend pas ça. Nous autres, tu sais, on prend
une action pour tous les gestes qui
sont portés. Ça fait que je pense qu'il y a une éducation qui devrait être
faite tout au long de la CNESST.
M. Morin (Yann) : Oui. En fait,
le passage qui a été tiré à la page 13, c'était justement de la recherche
qu'on a réalisée avec le FDNS, et, en fait,
c'est un peu ce qui ressortait. C'est sûr que ce n'est pas tous les
intervenants, agents de la CNESST qui
ont des lacunes, nécessairement, mais, je pense, c'est surtout une question de
formation. Ils connaissent très bien la loi, les agents d'accueil. Ils
savent très bien la réciter. Tant qu'ils accueillent des plaintes, mettons,
pour pratique interdite, congédiement sans
cause juste, les gens sont un peu moins blessés aussi que suite à du
harcèlement qui peut avoir duré six, sept mois, deux ans.
Donc, je
pense, c'est plus une question qu'il faudrait qu'ils soient mis un peu plus au
courant sur c'est quoi, être une
victime de harcèlement au travail, entre autres, et comment un peu traiter et
gérer avec ces personnes-là qui nécessitent
des fois un peu plus d'information, un peu plus de temps pour répondre à leurs questions. Des
fois, quand ils appellent, oui, ils peuvent pleurer. Oui, c'est
difficile pour la personne au téléphone, mais c'est très, très important pour
la personne qui fait l'appel aussi. Que ça
soit au niveau de l'accueil, comme on disait, au niveau de la médiation, ce
qu'on remarque surtout, c'est un
manque d'information qui est donnée aux gens. Oui, on a un passage,
c'est vrai, à la page 13, de ce
manque d'information là. Je peux vous dire, par expérience du groupe
d'aide, que ce n'est pas arrivé juste une fois. C'est quand même assez récurrent. On a développé notre propre expertise d'explication de,
admettons, qu'est-ce qu'on peut
demander en médiation, parce que les médiateurs, de ma compréhension, ne
peuvent pas le faire. Donc, c'est un peu plus une question que, oui, on
croit que la CNESST offre et peut offrir de bons services, mais qu'il devrait y
avoir peut-être une formation un peu plus continue, vu la quantité de personnes
qui y travaillent et qui y cheminent aussi.
M. Leclair : Bien, merci. Vous me déstabilisez. Je vais vous
dire franchement, ce matin, je pensais bien vous poser des questions. Comment qu'on peut aider... parce qu'ici,
dans le projet de loi sur les normes, la plupart des groupes, comme je
vous disais tantôt, ont salué ce passage-là du harcèlement, mais la plupart des
employeurs ou des représentants des
employeurs voient plutôt le fardeau monétaire, le fardeau administratif, et tout, puis là ils nous
questionnent, à dire : Comment qu'on va se reprendre, et tout ça?
Alors, ce
matin, j'avais comme un angle à vous poser des questions, à dire : Bon,
comment qu'on peut aider les petites entreprises au-delà d'un formulaire
simple qu'on... On leur tendrait la main? Mais là, tantôt, vous nous parliez d'une table, un genre de table, là, à tous les
groupes qui s'en occupent pour s'assurer qu'on puisse faire l'éventail de tout
ce qui s'est passé annuellement puis rendre ça public. Mais là je m'aperçois qu'elle serait encore
d'autant plus pertinente, si ce n'est
que pour le fait de s'assurer que les gens, à tous les niveaux et à toutes les
instances, soient qualifiés pour traiter de ce dossier-là, parce que
comment qu'on peut sortir des données si on traite mal à la base?
Donc, je
crois qu'on aura vraiment une autre étape à faire pour s'assurer que, justement,
les compétences, ça ne peut pas être
donné... comme vous disiez si bien, de réciter la loi, de réciter la règle, là.
On parle d'une plainte. On parle, avant
même la plainte, de rassurer un travailleur, une travailleuse. Ça peut même être un employeur qui se fait
menacer, là. Alors, je pense
qu'on part de très, très loin dans le dossier. On le reconnaît, c'est
correct, plus qu'on en parle, plus qu'on avance quelque part dans la société,
mais je...
Mme Séguin
(Yvonne) : On pense qu'on a
acquis tout qu'est-ce que c'est qu'on avait de besoin. Puis, je pense,
le groupe d'aide, on essaie de dire
que la formation, il faut qu'elle soit là tout le temps et pas juste
avec la CNESST, tu sais, le public
«at large» aussi. Les types d'employeurs qui nous appellent, là, ceux qui nous
appellent, ce n'est pas les méchants, c'est
les bons qui veulent trouver une façon de traiter le dossier. Ils veulent le
faire vite aussi. Puis, quand on leur propose une politique puis tout ça... Puis c'est un investissement dans leur
futur, que, tu sais, s'ils ont des politiques où est-ce que c'est clair, net et précis, peu importe l'employé qui fait du
harcèlement, il sait que c'est contre les lois de la compagnie. Il sait qu'il court des chances à perdre son
emploi. Ça fait que c'est son choix. Ça fait que ça aide à l'employeur à faire
des décisions aussi. Parce qu'on a arrêté ça fait longtemps, là. Dans les débuts, où est-ce qu'on était
radicaux, on voulait que tous les
harceleurs perdent leur emploi, mais on a appris qu'ils vont juste aller
travailler ailleurs. Ça fait que c'est mieux de les aider à comprendre qu'est-ce
qui n'est pas acceptable.
M.
Leclair : Puis, dites-moi,
un groupe qui est venu nous rencontrer, la CSN, eux voyaient la possibilité,
là, de transférer la preuve du TAT
par rapport à la CNESST parce qu'eux autres disaient : Lorsqu'on arrive
jusqu'à l'arbitre pour arbitrer d'un
de ces problèmes-là, savoir si c'est fait au travail ou non... eux
disent : L'arbitre pourrait nous référer... dire : Bien, moi, ça ne s'est pas passé au travail directement,
même si c'est relié avec un employé, entre employés. Donc, on pourrait perdre toute la démarche de la preuve
parce qu'on a des temps limites, là, administratifs, de dire : On a 90
jours. Donc, eux disent : Il
faudrait s'assurer de transférer. Est-ce que vous avez une inquiétude face à ça
dans la démarche? Un coup que c'est
parti, le dossier, si on réussit à bien le prendre en main, il sera en haut
puis il n'est pas à la bonne place. Est-ce que ça vous inquiète?
Mme Séguin
(Yvonne) : Bien, pour la
CNESST, oui, parce que c'est complexe. Il faut que le monde sache dans quelle division que ça devrait aller puis où
est-ce qu'ils devraient y aller. Moi, quand j'ai commencé à travailler au
groupe d'aide, c'était avec la Commission des droits de la personne. Ça
fait que moi, je le savais, moi, j'ai appris avec ça comment répondre à ces questions-là. Mais ces questions-là ne sont pas
pareilles pour la CNESST. Ça fait que je n'ai pas la réponse que tu as
de besoin. Je ne sais pas si un de mes collègues, ils l'ont, là, mais...
M. Leclair : Je poserais une dernière question parce qu'il
reste 20 secondes. J'ai le frisson quand je vous lis à la page 19 : Les salariés devraient
pouvoir porter une plainte anonyme. Est-ce que vous me dites que ce n'est pas
anonyme?
Mme Séguin
(Yvonne) : Oui. Bien, quand
tu travailles dans une petite entreprise, puis il y en a quatre, personnes,
puis que celui qui te harcèle, c'est le
président de la compagnie, tu vas où pour porter ta plainte? Ça fait que, donc,
ça serait bien que tu aies un endroit
où est-ce que tu pourrais appeler pour dire : Je vis telle, telle, telle
chose, est-ce que c'est contre la
loi, est-ce que je peux faire une plainte? Mais pas après l'autre... pas tout
le processus, là. Ce n'est pas la confidentialité tout le long du
dossier, c'est la dénonciation qui devrait être confidentielle.
M. Leclair : Je comprends.
Le Président (M. Schneeberger) :
Alors, merci beaucoup. Alors, nous avons terminé l'échange. Alors, nous passons maintenant au deuxième groupe
d'opposition. Le député de Chutes-de-la-Chaudière, la parole est à vous pour
6 min 30 s.
M. Picard : Merci, M. le
Président. Merci d'être là ce matin. Mais je vais poursuivre. Pouvez-vous
continuer à expliquer? Parce que, moi,
lorsque j'ai lu les recommandations, là, sur le fait... anonyme, moi, j'avais
l'impression que vous disiez :
Lorsque quelqu'un porte plainte à la CNESST, l'employeur le sait, là. C'est ça
que... C'est peut-être mal rédigé ou
c'est ma compréhension qui n'est pas bonne, là, mais on va poursuivre sur la
question du député de Beauharnois.
Mme Belouchi
(Samia) : En fait, quand une personne dépose une plainte, si la
plainte est recevable, l'employeur va être informé qui a déposé une
plainte, puis c'est naturel parce que les parties vont devoir discuter, que ce
soit en médiation ou éventuellement devant
le juge. Nous, ce qu'on expliquait, c'est que, là, vous proposez une nouvelle
mesure qui est d'obliger les
employeurs à avoir une politique interne. Et nous, ce qu'on disait,
c'est : Pour consolider cette nouvelle obligation, ce serait
important qu'un employé puisse, s'il n'y a pas de politique mise en place dans
son milieu de travail, faire une plainte aux
normes du travail, mais sous l'anonymat pour éviter les représailles. Et ce
sera après aux normes du travail
d'aller faire les vérifications dans le milieu de travail pour s'assurer qu'une
politique sera mise en place, là, parce que, sinon, on n'a pas de
garantie, là.
• (10 h 10) •
M. Picard :
Exact. O.K. Merci. Je tiens à vous
remercier pour votre expertise et surtout votre travail que vous faites auprès des gens. J'ai vu aussi que vous
dites : Il faudrait que les gens à la CNESST soient formés, sensibilisés,
de l'accueil aux avocats. Est-ce que
vous pensez que... Formés, ils doivent l'être, là. Probablement qu'ils sont
formés parce que, lorsque la CNESST engage quelqu'un, elle le forme.
C'est peut-être un manque de sensibilité ou un manque de connaissance... Est-ce que vous croyez qu'il
devrait peut-être y avoir des agents, agents et avocats, tous spécialisés, qui
déterminent une certaine expertise, je vais dire, une certaine sensibilité, là?
Je pense... Parce qu'il faut comprendre qu'à la CNESST le spectre est large,
mais est-ce que vous pensez qu'on devrait en avoir des spécialisés, là, des
plus sensibilisés, je vais le dire comme ça, là?
Mme Belouchi
(Samia) : J'aime la proposition parce que je pense que le harcèlement
sexuel ou psychologique, c'est des dossiers à part entière. Il y a beaucoup de
choses qui distinguent ces dossiers-là des autres recours qui peuvent
être faits aux normes du travail, dont le fardeau de la preuve. Quand on parle
de harcèlement sexuel, on ne doit pas seulement
se référer à la jurisprudence qu'on a au Tribunal administratif du travail. On
doit reculer dans le temps, aller voir
qu'est-ce qui a été dit au Tribunal des droits de la personne. Donc, je pense
que c'est une expertise à part entière.
Puis la
sensibilisation, ça, c'est clair que c'est à tous les niveaux parce que les
mythes et les préjugés auxquels on fait face tous les jours dans les
traitements de nos dossiers, pour moi, c'est vraiment un des freins majeurs aux
dénonciations. C'est très décourageant. Il y en a qui vont abandonner parce
qu'on leur fait des remarques tout à fait déplacées, que ça vienne de l'accueil
aux normes ou que ça vienne des médiateurs.
M. Picard : O.K. Merci. J'ose espérer que, oui, le
ministre entende bien, comme toujours.
Dernier
point. Lorsque vous parlez des délais, vous dites que c'est mêlant parce que
c'est 90 jours à la CNESST pour les normes,
c'est six mois pour la santé et sécurité au travail, c'est deux ans pour la
Commission des droits de la personne. C'est quoi, le meilleur délai, là?
C'est quoi, le délai optimal pour avoir...
Mme Séguin
(Yvonne) : Bien, on recommande six mois parce que c'est déjà six mois
à la CSST. Tu sais, personnellement, je
pense, plus long, ce serait aussi bien, mais le six mois, ça aiderait beaucoup
la clientèle parce que souvent ils
vont déposer leur plainte ou ils vont appeler à la CNESST, mais avant qu'ils
nous appellent, c'est tout le temps en
urgence, puis ils ont tout le temps deux jours pour déposer leur plainte. Ça
fait que, tu sais, on a besoin... le temps de les rencontrer pour leur
aider avec leur version des faits. Leur version des faits, elle est bonne, mais
leur version des faits est pleine d'opinions, tu sais, puis elle n'est pas
assez claire, ça fait qu'on leur aide. On leur suggère comment la reformuler puis comment mettre les faits qui sont
nécessaires pour la commission pour comprendre qu'est-ce qu'ils ont
vécu, tu sais.
M. Picard :
Bien, oui, mais, je comprends, les victimes, elles arrivent avec tout le bagage
d'émotions, là, puis de mettre ça en ordre pour que...
Mme Séguin (Yvonne) : Bien, ils arrivent avec ça chez vous, mais, s'ils
passent par chez nous, c'est ça, ça fait que ça aide.
M.
Picard : Je vais vous dire que, dans nos bureaux de comté, pour
tous les différents cas qu'on peut traiter, là, peu importe le sujet, souvent, c'est ça, on arrive avec beaucoup... puis
là on est capables d'épurer parce qu'on a un oeil, je vais dire, neutre
d'observateurs.
Mme Séguin
(Yvonne) : C'est ça.
M. Picard :
O.K. Mais donc vous dites six mois pour la CNESST. Mais les droits de la
personne, on conserve le deux ans?
Mme Séguin (Yvonne) : Mais je ne pensais pas qu'on pouvait faire une
recommandation pour la commission. On voulait juste vous dire comment que
c'était mélangeant pour le monde. Puis c'est évident que la clientèle
qu'on rencontre, nous autres, c'est du monde
qui sont sur le marché du travail. Ils veulent retourner travailler. Ça fait
que, donc, ils vont tenter de choisir le recours qui va leur aider à
revenir sur le marché du travail.
On
comprend la Commission des droits de la personne, avec la discrimination... Je
veux dire, si tu vas dans un bar, puis tu vis de la discrimination, puis
ça leur prend trois ans à juger, ça ne t'empêche pas de continuer à vivre.
Mais, quand tu es victime de harcèlement au
travail, tu te fais congédier et tu veux retourner travailler, deux ans et demi,
c'est trop long, un an et demi, c'est
trop long. Les dossiers où est-ce que nous autres, on a... où est-ce qu'ils ne
passent pas par la CNESST, mais qu'on
règle à l'intérieur du groupe même, ça peut prendre entre deux mois et trois
mois, et la personne peut retourner
travailler. Ça fait que, là, le monde ne sont pas blessés. Il n'y a pas eu des
gros montants d'argent qui ont été échangés.
Probablement, si la personne a été en congé de maladie, l'employeur va lui
rembourser ses journées de maladie. Régler les cas vite va faire en sorte que le monde
peut garder leur emploi. Le harcèlement, ça ne fait pas partie de la job.
M. Picard :
Exact, exact. Est-ce que vous croyez que les gens sont au fait, sont au courant
de leurs droits? Est-ce qu'il y aurait un travail de sensibilisation à faire,
un travail important, là, pour...
Mme Séguin
(Yvonne) : Non.
Mme Viau (Cindy) : Moi, je crois qu'il y a encore de la
sensibilisation qui doit être faite. On va des fois dans des organismes communautaires, des groupes de
femmes, des groupes de réinsertion à l'emploi, puis les gens ne sont pas
au courant de la loi. On prend le temps de
définir avec eux qu'est-ce que le harcèlement sexuel, qu'est-ce que le
harcèlement psychologique, et ils sont surpris de connaître ça. Donc, je
crois que, oui, de la promotion... l'existence même... les dispositions
seraient une bonne chose.
M. Picard :
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Schneeberger) : Alors, merci beaucoup d'avoir contribué à nos travaux.
Je suspends quelques
instants pour permettre à l'autre groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à
10 h 15)
(Reprise à 10 h 17)
Le Président
(M. Schneeberger) : Alors, on reprend nos travaux. Alors, nous
recevons maintenant l'Association nationale des entreprises en recrutement et
placement de personnel. Alors, bonjour à vous trois. Seulement vous présenter
par votre nom et titre et vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire.
Association nationale des entreprises en
recrutement et placement de personnel
Mme McIninch
(Mary) : Bonjour. Merci beaucoup. J'aimerais d'abord remercier Mme la ministre Vien ainsi
que tous les membres du comité. Mon nom est
Mary McIninch. Je suis la directrice
générale avec l'Association nationale des entreprises
en recrutement et placement de personnel. On travaille étroitement avec les ministères
du Travail à travers le pays, notamment ici, dans la province de Québec.
Nous sommes
heureux de prendre part à la consultation générale sur le projet de loi n° 176. Compte tenu
de l'impact prévisible des propositions de modification à la Loi sur les
normes, nous estimons pertinent de soumettre notre position sur certaines des modifications qui sont envisagées dans ce projet de loi, particulièrement en regard de celles qui sont susceptibles de
toucher les agences de placement de personnel. Nous espérons que notre connaissance pratique dans ce domaine nous
permettra d'apporter un éclairage utile sur certains des enjeux soulevés par
les propositions de modification.
D'entrée de jeu, nous tenons à souligner que nous appuyons les objectifs
visés par le gouvernement à travers ce projet de loi, à savoir notamment
une meilleure conciliation
famille-travail. Il s'agit d'objectifs
importants, et leur atteinte devrait
assurément être favorisée. Toutefois, ces propositions importantes de modification ne devraient pas
occulter le fait que le système québécois
de placement de personnel se porte, à
notre avis, généralement très bien. Nous croyons que les propositions de modification devraient viser l'atteinte d'un équilibre
permettant de mieux faire tout en ne changeant pas inutilement ce qui
fonctionne bien.
Étant une association pancanadienne, l'Association
nationale des entreprises en recrutement et placement de personnel, qui a un établissement permanent, je
devrais dire, dans la province de Québec, représente
plus de 350 entreprises de placement de personnel, soit plus de
1 000 bureaux, à travers le Canada. Tant par la nature de son action
que par l'éventail de sa représentativité,
de sa diversité, de ses secteurs d'activité, de ses services et de son
implication à travers le Canada, l'association constitue l'interlocuteur
désigné pour représenter les entreprises de cette industrie.
• (10 h 20) •
Les objectifs de notre association sont bien
connus et se résument ainsi : promouvoir l'avancement et la croissance de l'industrie de l'emploi, du
recrutement et des services de dotation en personnel au Canada,
assumer un rôle de chef de file en matière d'autorisation et de
réglementation de l'industrie, être le porte-parole unique de l'industrie canadienne de l'emploi, du recrutement et des
services de dotation en personnel, coordonner les programmes éducatifs
et les conférences en participant à l'élaboration des normes requises du
rendement professionnel — on
a notre désignation CPC, qui est reconnue
dans la province de Québec, à travers le pays ainsi qu'aux États-Unis — et faire connaître l'industrie et
favoriser des relations publiques positives.
Le total des
revenus d'exploitation du secteur des activités d'emploi s'est élevé à plus de
15 milliards de dollars en 2016
au Canada. Le marché du placement de personnel ne cessera d'augmenter compte
tenu de la pénurie de talents à venir
au cours des prochaines années. L'industrie répond à un besoin crucial à titre
d'extension des départements des ressources humaines des entreprises
clientes de manière à supporter, dans leur travail quotidien, le recrutement de
personnes ayant les compétences nécessaires à la bonne conduite de leurs
activités.
Merci.
J'aimerais passer la parole à notre président du chapitre de la province de Québec,
Marc-André Robert.
M. Robert (Marc-André) : Merci,
Mary. Merci, les membres de l'Assemblée.
Effectivement, Mary McIninch nous a expliqué ou
vous a expliqué un peu quel était l'ACSESS, l'association nationale. Au niveau du chapitre du Québec, comme ça
se fait à travers également le Canada, comme tel, dans les autres
provinces, on met l'emphase beaucoup au niveau de tout ce qui est au niveau
formation au niveau des conseillers en recrutement avec une désignation CPC,
comme vous l'avez bien nommé, Mary, et également en faisant beaucoup de formation au niveau de la connaissance au niveau
de la Loi sur les normes du travail, donc, pour assurer des milieux sains
au niveau des milieux de travail, au niveau sécuritaire également.
Alors, pour
être membre, en fait, de l'ACSESS comme telle, il y a plusieurs critères
d'admissibilité. Ce n'est pas un
ordre professionnel. Donc, ce n'est pas une obligation, d'être membre d'ACSESS,
mais ça permet, en fait, de faire une
autoréglementation par rapport à qui devient membre, un suivi. On a un code
d'éthique à suivre également. Il y a un comité de vigie pour tout ce qui est les bonnes pratiques ou les moins
bonnes pratiques. On a entendu à travers les années des histoires
d'horreur au niveau de personnes qui étaient abusées ou, du moins, qui étaient
payées — communément
appelé — en dessous de la table, ou ainsi de suite.
On n'est pas contre la vertu, bien au contraire. Et ça nous donne une
mauvaise presse et ce n'est pas un reflet de l'industrie.
Évidemment, je ne vous cacherai pas que les...
Je n'ai même pas le goût de parler d'agences de placement de personnel lorsque ces entreprises-là, qu'on
appelle «fly-by-night», c'est des entreprises en haut d'un dépanneur, qui vont
faire semblant de faire du placement de
personnel. Ce n'est pas des membres d'ACSESS. Pour être membre d'ACSESS,
ça prend une vérification. Ça prend
également des normes de conduite qui sont reconnues. Et c'est pour ça qu'on
veut vraiment se distinguer par
rapport à c'est quoi, l'industrie du placement de personnel, et c'est quoi, ces
entreprises-là qui, des fois, sont confondues avec notre entreprise...
avec notre industrie, pardon.
Alors, je ne
vais pas rentrer nécessairement dans l'ensemble du mémoire qu'on vous a
présenté. On a dix minutes seulement
puis on est trois. Alors, il y a, par contre, certains points que je voulais
discuter avec vous, donc, particulièrement au niveau de l'exigence d'un
permis pour agir dans notre industrie comme telle. Je le répète, on n'est pas
contre l'encadrement, bien au contraire. On
fait déjà partie... Nous, avec Revenu Québec, on a mis en place... Il y a un
certificat de conformité qui existe pour que toute personne qui fait du
placement de personnel au Québec doit avoir, détenir un certificat de conformité pour s'assurer que toutes
leurs obligations fiscales... est en règle avec Revenu Québec. On a participé
à ça. On est d'accord avec ça.
Donc,
on n'est pas contre la réglementation comme telle. Mais il faudrait plutôt
aller voir c'est quoi, les exigences pour
obtenir un permis, par exemple, compte tenu effectivement qu'on fait déjà ce
«due diligence» là, cette vérification diligente,
lorsqu'il y a un nouveau membre ou pour les membres en place. En fait, si je
vous réfère au niveau du rapport qui
a été déposé, une modification proposée, la deuxième modification, au niveau du
permis, on croirait que les membres en
règle de l'association ou d'une association équivalente devraient obtenir ce
permis-là d'office en étant effectivement membres d'ACSESS. Et, en fait, compte tenu de... Comme Mary parlait, au
niveau des critères d'admissibilité d'ACSESS pour devenir membre, on a
déjà cette réglementation-là ou cette autorégularité-là.
Alors, ça, c'est
notre premier point, au niveau de la licence ou du permis comme tel, qui
m'amène sur notre troisième recommandation par rapport à la modification à
l'article 95 de la Loi sur les normes du travail, qui est déjà existante, au niveau de la responsabilité
solidaire des agences et de leurs clients. Encore une fois, on est loin d'être
contre la vertu. C'est certain que
des entreprises qui ne paient pas ou qui ne respectent pas leurs obligations au
niveau salarial ou des normes du travail, qu'elles soient effectivement
coresponsables, l'idée est bonne. Cependant, compte tenu que nous-mêmes, au niveau d'ACSESS, on a déjà cette
autorégularité-là, on soulignerait que... on ferait une suggestion de modification au niveau de l'article 95 comme
tel pour dire qu'évidemment tout ce qui est agence déjà membre de notre association n'encourt pas cette responsabilité
solidaire en vertu de l'article 95 puisqu'elle passe, d'entrée de jeu, une
étape au niveau de tout ce qui est vérification pour être membre
d'ACSESS.
Un autre point qui
touche particulièrement les agences, mais non pas seulement les agences, mais
également n'importe quelle entreprise qui
doit faire affaire au Québec, c'est la disparité de traitement, et c'était dans
notre point 1, une modification
qui était proposée au niveau de la disparité de traitement. Ce qu'il faut
comprendre, on ne peut pas être d'accord
avec ce point-là en disant que, oui, c'est certain que tout employé qui va
travailler pour une agence, qui rentre chez...
pour un client d'une agence, d'avoir exactement le même traitement ou le même
salaire. C'est des besoins sporadiques,
souvent, que les entreprises ont besoin lorsqu'ils font appel à nous. Et c'est
pour ça qu'on ne peut pas nécessairement,
au niveau de l'expérience, de la compétence, afficher ou octroyer un salaire
qui est identique. Je vous dirais
que, dans 80 % des cas,
probablement, le salaire est identique, mais il y a des cas où l'expérience, la
compétence ne peut pas justifier effectivement d'avoir le même salaire.
Alors, c'est un point qui, pour nous, était important à noter.
Et
je dirais que, dans l'éventualité où on veut maintenir cette non-disparité de
traitement au niveau des entreprises qui
font affaire avec une agence, au niveau de la rédaction du texte comme tel qui
est proposé, ça porte à confusion. Et je ne veux pas rentrer
nécessairement dans des notions plus légales comme telles, mais, au niveau du
libellé comme tel, lorsqu'on parle d'une
expression, «taux de salaire», est-ce que ça inclut le salaire seulement ou ça
inclut les bénéfices également? Alors, ça, il faudrait également que ça
soit peut-être précisé.
Pour
donner un exemple, je sais que, dans la Loi sur les normes du travail,
différentes dispositions, comme les articles 54
ou 55, traitent du temps supplémentaire, ou d'autres articles, comme
l'article 58 ou 99, au niveau du retour au travail, on parle du
salaire horaire habituel. Alors, peut-être, au moins...
Le
Président (M. Schneeberger) : Juste vous avertir, ça fait déjà une
minute que vous êtes sur le temps de la ministre. Alors, on fait ça
court.
• (10 h 30) •
M. Robert
(Marc-André) : D'accord. Merci. J'en prends bonne note. Alors, je
termine avec ça.
Alors, peut-être au
niveau... utiliser peut-être le même libellé, autrement dit, des autres articles
de la même loi. Donc, on parle de salaire horaire habituel versus, effectivement,
taux de salaire. Donc, peut-être juste s'assurer pour qu'on parle de la même
chose, au moins, et de garder une cohérence au niveau de la loi comme telle.
Et,
pour parler effectivement de cette disparité de traitement, l'article 41.2,
tel que dans le projet de loi, on parle d'avoir un salaire ou le taux de
salaire habituel qui doit être identique, mais on mentionne : Par contre,
il y a une exception notamment lorsqu'il peut y avoir d'autres considérations,
pour ne pas avoir, effectivement, cette disparité de salaire. Le «notamment», comme tel, est beaucoup trop large, selon
nous. On parlerait plutôt, par exemple, peut-être,
de mentionner... Au niveau du rapport comme
tel qui a été déposé, du mémoire, on parle d'une distinction fondée sur des
aptitudes ou qualités requises pour un
emploi et réputées conformes. Donc, autrement dit, ce qu'on proposerait à la ministre,
c'est de mentionner effectivement qu'au lieu d'y aller avec un terme, «notamment», plus générique, d'y
aller... de reprendre des termes,
autrement dit... qui est repris dans d'autres lois, dont, par exemple, sur la charte des droits de
la personne, qu'on reprend «distinction fondée sur les aptitudes ou
qualités requises».
Le
Président (M. Schneeberger) : Alors, merci beaucoup pour votre exposé.
Alors, pour une période d'environ un peu moins de 14 minutes, Mme
la ministre, vous avez la parole.
Mme Vien :
Merci beaucoup, M. le Président. Moi, en fait, j'ai deux questions pour vous.
Donc, merci, vous avez fait une très
belle présentation. Peut-être une petite question vite, vite,
Mme McIninch, c'est ça? Alors, le CPC, c'est quoi déjà?
Mme McIninch
(Mary) : Programme de formation qui est offert à nos membres, c'est
seulement disponible pour les membres
de l'association. On offre le programme depuis 1998, c'est très, très bien
reconnu. On a cinq volets à suivre pour
pouvoir recevoir la désignation CPC, il y a aussi un examen final. Les cinq
volets... Il y a beaucoup plus d'informations que je pourrais vous transmettre aussi, mais, en sommaire, on a deux
volets juridiques : un volet qui a trait à la Loi sur santé et sécurité au travail, tout l'aspect volet
santé et sécurité, un volet éthique et un autre qui a un focus sur la pratique
recrutement et placement de personnel.
Mme Vien :
Pour être membre de votre association, Mme McIninch, est-ce que les
entreprises doivent obligatoirement s'inscrire à ce cours-là et le réussir?
Mme McIninch
(Mary) : Pas pour devenir membre nécessairement. La majorité du
temps... On vient juste de célébrer
notre 20e anniversaire à Niagara Falls plus tôt cette semaine. Il y a en
fait 1 200 individus qui ont déjà reçu leur désignation CPC. Donc, pour répondre à votre
question, ce n'est pas nécessaire pour pouvoir devenir membre, mais la
majorité, je dirais peut-être même 85 % de nos membres ont leur
désignation, oui.
Mme Vien : On a eu...
M. Robert (Marc-André) : Et on
a eu...
Mme Vien : Pardon. Oui,
je vous en prie.
M. Robert
(Marc-André) : Pardon. Peut-être simplement pour vous mentionner :
Qu'est-ce que veut dire CPC? En fait,
là, c'est peut-être... c'est consultant en personnel certifié. Alors, c'est une
désignation qui est reconnue, comme disait Mary, à travers le Canada,
même au niveau des États-Unis.
Mme Vien : Reconnue par
qui?
M. Robert (Marc-André) :
Reconnue par les différentes associations de placement de personnel, non pas
seulement au Canada ou dans la province, mais ailleurs dans le territoire
nord-américain.
Mme Vien :
Mais ce n'est pas reconnu par un établissement d'éducation ou un ministère de
l'Éducation? O.K.
M. Robert (Marc-André) : Non,
non, absolument pas. C'est reconnu dans notre industrie ou en ressources
humaines en général, mais ce n'est pas une reconnaissance, par exemple...
Mme Vien :
On a eu, avec des groupes qui sont venus, depuis les derniers jours, une
conversation sur les temps qui
changent. On parle tous de ça d'ailleurs, c'est pour ça qu'on a une loi qui
révise la Loi sur les normes du travail puis qui est un projet de loi qui est
assez ambitieux. Et on est en train de comprendre que le modèle... que ce qui
devenait ou ce qui était, plutôt,
temporaire — une
entreprise qui fait appel à une agence de placement pour des congés annuels ou,
bon, quelqu'un est malade, il faut le
remplacer à pied levé, puis, dans le temps, c'est très, très, très
déterminé — on est
en train de comprendre que le modèle change,
là, qu'on est peut-être en train d'engager du monde par des agences de façon
plus permanente. Est-ce que c'est ça, la réalité, de plus en plus?
M. Robert
(Marc-André) : Absolument. Si tu me permets, Mary. Le marché du
travail a changé. Le marché du travail
tel qu'on le connaissait il y a quelques années, où mon père est demeuré
pendant 35 ans à travailler de 9 à 5 pour le même employeur, ce n'est plus ça nécessairement. Il y a beaucoup de
conciliation travail-famille. Et d'ailleurs votre projet de loi en fait
mention, puis on le salue. Donc, je dirais, traditionnellement, le rapport
bipartie, autrement dit, employeur-employé,
tel qu'on le connaissait depuis les 40 dernières années, ce n'est plus ce
qu'on voit maintenant. Je ne vous dis pas que ça n'existe plus, mais ce
n'est plus nécessairement la norme.
Ce qu'on
appelait avant le travail atypique, c'est parce que c'était en marge. Ce n'est
plus ça. Le travail atypique devient
de plus en plus la notion de travail typique où, effectivement, des entreprises
vont faire affaire avec des agences. Pourquoi?
Pénurie de main-d'oeuvre présentement, oui, effectivement, mais ce n'est pas
seulement à cause de la pénurie de
main-d'oeuvre. Moi, je dis tout le temps qu'une entreprise qui est spécialisée,
par exemple, à faire des boîtes de carton, ce n'est pas nécessairement
une entreprise qui est spécialisée à gérer du personnel, ce que les agences
font.
Une agence de placement de personnel solide et
véritable — je
ne parle pas de ce que je parlais tantôt, les «fly-by-night» — c'est eux qui embauchent, qui forment, qui suivent, qui disciplinent et qui s'assurent effectivement du milieu sécuritaire, qui
font les audits, ainsi de suite. Et ce modèle-là, on ne peut pas le freiner.
Nous, on ne fait que répondre, notre industrie,
à un besoin des entreprises. Ce n'est
pas nous autres qui l'avons créé. On répond aux besoins des entreprises.
Donc, je sais
que plusieurs groupes tentent de freiner cette tendance-là. Écoutez, je vous dirais qu'en Europe c'est la norme. Et de plus en plus, aux États-Unis
et au Canada, ça devient de plus en plus également,
je ne dirais peut-être pas la norme, mais un modèle qui est de plus
en plus populaire.
Mme Vien : À ce
moment-là, monsieur, qui devient le patron?
M. Robert
(Marc-André) : Le véritable employeur? Le véritable employeur, c'est
la personne qui va avoir le lien, justement,
ce qu'on appelle le lien de subordination. Donc, ce n'est pas juste de payer un
employé, c'est la personne qui va l'embaucher, le discipliner, le
former, maintenir un lien avec cette personne-là.
Mme Vien :
Moi, je comprends que, dans le cas d'une agence de placement, on m'a toujours
dit que le patron, c'était l'agence de placement. Mais, si le modèle
d'affaires change de plus en plus, où une entreprise engage une personne qui
nous vient d'une agence de placement et garde cette personne-là, pour dire
n'importe quoi, là, un an, deux ans, trois ans, on est peut-être en train de créer d'autres choses.
Je ne veux pas ouvrir une histoire en marge de ce qu'on est en train de faire, mais c'est parce que,
là, le modèle, il change. On apprend ça, là. Ce n'est plus ce qu'on pensait.
On va aller remplacer pour deux, trois semaines, puis après ça on s'en va
ailleurs.
M. Robert (Marc-André) : Oui,
mais le modèle... Je comprends ce que vous parlez, mettons, de relations tripartites en disant : Mais, écoutez, c'est
qui le véritable employeur, ainsi de suite. Il y a eu des épouvantails qui ont
été levés en disant : Il faut
faire attention à ça parce que qu'est-ce qui arrive... Puis on a fait, nous
autres, une recherche avec la
commission des normes, à savoir : Est-ce qu'il y a eu des problématiques
au niveau des tribunaux à savoir qui est le véritable employeur, et ainsi de suite? Dans les faits, là, les gens de
notre industrie et les avocats en droit du travail, dont je suis, il n'y a pas énormément de problématique
comme telle à savoir qui est le véritable employeur. Si on regarde le nombre
de causes qui ont été devant les tribunaux, au niveau des arbitrages de griefs
ou devant la commission...
Mme Vien : Qui demeure
l'employeur? C'est toujours l'agence.
M. Robert (Marc-André) :
Souvent, c'est l'agence, effectivement, oui.
Mme McIninch (Mary) : En ce qui
a trait...
Mme Vien :
Puis je ne veux pas prendre trop de temps là-dessus parce que j'ai vraiment une
question fondamentale à vous poser. Rapidement, Mme Mary. Vous
voulez faire un petit commentaire?
Mme McIninch (Mary) : Oui, juste vite,
vite. En ce qui concerne les assignations temporaires, l'agence est bien
reconnue comme étant l'employeur. Enfin, on
travaille étroitement avec le ministre Flynn, en Ontario, qui a récemment...
il a reconnu... en fait, ils ont codifié la
notion d'employeur pour les agences de placement, et aussi dans la province de
l'Alberta. Mais, je devrais aussi
mentionner, les clients ont toujours la liberté d'engager les employeurs... les
employés, je devrais dire, sur une
base permanente. Enfin, il y a des études qui ont été faites par l'Institut
économique de Montréal et aux
États-Unis, qui ont démontré que 65 % des assignations temporaires vont
être des postes permanents, des emplois permanents au sein des clients.
Mme Vien : Là, vous m'ouvrez une porte à vous poser la question : Est-ce que c'est vrai qu'il y a des agences qui ne veulent pas que l'entreprise engage de son personnel, qu'il
y a des clauses de non-concurrence ou je ne sais pas comment ils les appellent...
Une voix :
De non-engagement.
Mme Vien :
...de non-engagement? Est-ce que c'est courant, ça?
Mme McIninch (Mary) : Je ne dirais pas que c'est courant. Je dirais que
nos membres ne peuvent pas limiter le droit des employés ou des clients
d'engager.
Mme Vien :
D'engager. O.K.
Mme McIninch (Mary) : D'engager. Ça fait
partie de notre code d'éthique. Encore une fois, Mme la ministre, je parle pour
nos membres.
Mme Vien :
O.K. Je m'excuse! Je ne sais pas combien de temps qu'il me reste. On parle, on
parle.
Le Président
(M. Schneeberger) : Cinq minutes.
Mme Vien : Cinq minutes. Bon, cinq
minutes. Qu'est-ce que devrait contenir notre permis comme exigences?
M. Robert
(Marc-André) : Si vous me permettez. Bien, effectivement, évidemment,
le règlement n'est pas mentionné, donc, évidemment, lorsqu'on...
Mme Vien :
Mais ça s'en vient, on est en train de l'écrire. Nos intentions vont être
déposées prochainement.
• (10 h 40) •
M. Robert (Marc-André) : Oui. Ça serait
facile de vous dire : On va le voir avant. Mais je vais aller plus loin
que ça : on est ici pour vous aider si
nécessaire. C'est certain qu'on avait déjà effectivement, même, proposé à
l'époque, suite à notre comité consultatif
qui datait du 21 avril, ça fait pratiquement un an présentement, et on
avait mentionné que, dans un
règlement, on serait ouverts à une réglementation, effectivement, notre
industrie, avec un règlement qui parlerait, par exemple, de s'assurer
qu'un nombre déterminé, par exemple, prédéterminé de gestionnaires qui auraient
notre certification CPC, cela assurerait, effectivement, des bonnes pratiques
de gestion.
Également, au niveau de la vérification des
propriétaires, s'assurer que les propriétaires, les officiers ou les
administrateurs de ces entreprises-là n'ont pas nécessairement de passé
judiciaire au niveau fraude, ou ainsi de suite. Pour nous, c'est important, on fait cette
vérification-là également au niveau d'ACSESS,
puis de promouvoir également tout ce qui est au niveau des normes du
travail.
Donc, nous, dans notre formation, il y a un
volume... je dirais qu'il y a un chapitre qui prévoit effectivement... qui donne une formation à tous les gestionnaires
membres par rapport à comment appliquer les normes du travail. On parlait,
tantôt, de harcèlement sexuel. Bien,
justement, l'article 98, au niveau du harcèlement psychologique, harcèlement
sexuel, en matière de discrimination,
ce qu'il est permis de demander en entrevue, ce qu'il n'est pas permis de
demander, donc, faire également... de
promouvoir ces normes-là, donc, pour nous, il faudrait que ce soit détaillé
également au niveau de la réglementation.
Au
niveau également de sanctions, de, si jamais, par exemple, effectivement, les administrateurs
ne suivaient pas, autrement dit, les
critères dans la réglementation, bien, il pourrait y avoir effectivement des
sanctions qui sont prévues. Donc,
c'est vraiment... je vous parlerais d'un encadrement pour devenir un peu...
Autrement dit, pour être... le membership d'ACSESS, bien, nous autres,
on pense que c'est déjà une bonne façon, effectivement, d'épurer les gens,
donc, une expérience également ou une...
dans l'industrie, donc, demander un minimum de deux ans. Pas une entreprise qui
peut partir puis avoir une agence de
placement de personnel en disant : Ça a l'air à être intéressant. Ça prend
une expertise, c'est un métier, c'est
une industrie en soi. Alors, pour nous, ça ferait partie, effectivement, de la
réglementation aussi. Peut-être, Rhéaume, il y a d'autres points que tu
voudrais rajouter?
M. Perreault (Rhéaume) : Oui, bien, essentiellement, dans le fond, ce
serait effectivement de prévoir dans le règlement que l'association,
donc, est dûment reconnue par le gouvernement. Évidemment, la CNESST demeurera,
évidemment, l'instance, là, qui va
chapeauter le tout, mais de reconnaître, donc, l'association à titre... une
association, là, en règle et accréditée.
Et
ce que nous avions suggéré, même, devant le comité consultatif sur la réforme,
dans le fond, dont vous êtes saisis aujourd'hui, là, mais à
l'été 2017, ce qu'on suggérait, également, c'est donc que les gens qui
sont membres de l'ACSESS, donc qui ont déjà
passé à travers un processus de vérification diligente, entre autres, ne seraient
pas... et vous allez le voir,
d'ailleurs, ça ressort de notre mémoire, ils n'auraient pas, donc, à ce
moment-là, la responsabilité solidaire sous
95, là, qui est envisagée, en raison évidemment, donc, que les gens ont déjà
passé à travers une vérification diligente par l'association, qui,
évidemment, a une expertise de plus de 20 ans, là, déjà, juste au Québec.
Mme Vien :
Merci beaucoup à vous trois de vous être déplacés aujourd'hui. J'apprécie.
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Schneeberger) : Merci, Mme la ministre. Alors, nous
passons maintenant du côté de l'opposition officielle. Alors, le député
de Beauharnois, pour une période de 10 minutes.
M. Leclair : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, messieurs, bienvenue, madame.
Je vous attendais. Parce que, depuis
le début qu'on parle d'agences, on a rencontré des associations qui défendaient
des plaignants, puis là, bien, les agences,
là, je vous le dis tout de suite, vous y avez goûté puis pas à peu près, parce
que c'étaient les pires cas. Ça fait qu'effectivement
il y a des gens qui travaillent bien, là-dedans, puis, pour moi, vous faites
partie de ces regroupements crédibles là. Est-ce que le monde est parfait?
Il y a peut-être place à amélioration.
Mais
je voulais vous entendre. J'ai un peu de misère lorsqu'on parle de
responsabilité tripartite. Puis là on prend toujours le pire des cas, là. Comme vous dites, tantôt, il n'y a pas eu
tant de cas que ça, mais, s'il y a juste un cas, des fois, c'est un cas de trop. Puis des groupes nous
disaient : Bien, on appuie la ministre de dire qu'on va donner la
responsabilité aux deux, à l'agence et
à l'employeur. Alors, ce serait ma première question : Comment vous voyez
ça, cette responsabilité-là? Puis après je vais vous amener un cas de
figure, mais je veux d'abord vous entendre là-dessus, la responsabilité. Parce que vous, vous semblez
assumer totalement, dire : C'est nous, les responsables, c'est nous,
l'agence...
M. Robert
(Marc-André) : Absolument.
M. Leclair : ...on donne une information, et tout. Alors que, dans les cas de figure
qu'ils nous ont apportés, on disait : Ils se lancent la balle puis
personne ne veut être responsable.
M. Robert
(Marc-André) : Si tu me
permets, je veux juste répondre à «se lancer la balle». Je suis président du
chapitre d'ACSESS, mais je suis également
président d'une agence de placement de personnel. Je ne fais pas ça à temps
plein, d'être président d'ACSESS, au niveau du chapitre. Quand je rencontre mes
clients, la seule chose que je veux m'assurer,
c'est que, peu importe ce qui arrive, il
y a une plainte, il y a
du salaire... il y a une erreur sur la paie, c'est l'agence, on s'en occupe. C'est peut-être
une erreur ou peu importe. Peu importe, on ne passera jamais
le singe sur l'épaule du client. On
s'en occupe, on ne veut pas de «no man's land». C'est nos employés, ils sont
habillés avec les couleurs de l'entreprise,
ils font partie des partys de Noël, les barbecues d'été. C'est nos employés.
Alors, c'est pour ça
que j'ai tout le temps eu de la difficulté... en disant : Ils se lancent
la balle. Bien non, il faut y aller, devant
la commission des normes, il faut aller devant le Tribunal administratif pour voir que les vraies agences prennent tout le
temps fait et cause pour le client. Le client, il dit : Nous autres, on
vous paie un montant, puis vous prenez cette
responsabilité-là. Donc, c'est pour ça que les cas de figure que
vous mentionnez, nous, on a tout le
temps un sourire en coin. Voyons donc! Jamais je ne vais dire à un
client : Occupe-toi de mon employé. Ce n'est pas de même que ça fonctionne
dans la vraie vie. Je ne sais pas si...
M. Perreault (Rhéaume) : Oui. Et peut-être, juste si vous me permettez d'ajouter, nous
avions eu les mêmes discussions essentiellement sur... puis souvent, évidemment, il y a certaines organisations qui donnent
mauvaise presse aux agences, là, et c'est déplorable. Mais nous avions
fait une vérification exhaustive, à l'été 2017, sur le nombre de décisions
rendues et répertoriées par la Société québécoise d'information juridique, là,
communément appelée SOQUIJ. Et, sur
218 000 décisions, il y en avait moins de 20 qui portaient sur des
problématiques reliées à une relation tripartite, communément appelée.
Donc, on est à 0,00004 % environ, ce qui est... Force est de conclure, le
système fonctionne. Et il n'y a pas de débat vraiment, là, à savoir qui est le
véritable employeur, ou autre. Ce n'est pas une problématique omniprésente.
Une
fois que nous avons dit ça, par contre, nous déplorons avec vous effectivement
les situations d'horreur qui, parfois,
arrivent. À ce jour, ce ne sont jamais des gens, effectivement, qui sont
membres de notre association. Et d'où le fait que nous sommes tout à fait d'accord avec l'introduction... bon,
vous l'avez appelé permis. Évidemment, sous réserve de voir un règlement, je comprends, Mme la
ministre, là, que, donc, sous peu nous aurons au moins les grandes lignes,
mais nous sommes tout à fait en accord avec
cette approche qui va épurer, si je peux prendre le terme, là, effectivement,
l'économie de certaines organisations qui n'ont pas leur raison d'être.
M. Leclair : Parce qu'il y a un arrêt, l'arrêt Pointe-Claire, à la Cour suprême,
vous le connaissez sûrement bien. Mais
même eux disent qu'ils ont de la misère à définir la responsabilité, là. Ils ne
veulent pas dire que c'est la faute de l'agence
ou la faute du... Alors, si vous, dans votre tête, c'est très clair, ça ne
semble même pas, dans le cadre juridique, être si clair que ça. Même la
Cour suprême nous en parle.
Puis moi, je vous
apporte... J'ai de la misère à... Puis je vous trouve très bons de dire :
Je vais tout prendre la responsabilité.
Parce que je vous amène un cas de figure. Ça, ici, c'est mon entreprise. Je
n'ai pas le goût de faire de la gestion
de personnel. Je vous appelle. On a installé un beau tapis. Mais, en dessous du
tapis, là, il y a des trous gros de même
dans le plancher. Vous, je vous dis : J'ai besoin de deux personnes pour
venir travailler pour moi, puis je vous donne les critères que j'aimerais avoir. Vous me les trouvez. Vous prenez la
responsabilité, comme vous le dites, de tout et tout. Si une de
ces personnes-là passe sur le tapis et tombe dans le trou, vous, vous
dites : Bien moi, je prends la responsabilité de ça?
M. Robert
(Marc-André) : Absolument. Bien oui, c'est sûr. On est là...
M. Leclair :
Est-ce que vous refusez des entrepreneurs à dire : Bien nous, on ne
travaille pas avec vous?
M. Robert (Marc-André) :
Ah! Là, c'est une belle question, ça. Parce qu'effectivement...
M. Leclair :
Les autres n'étaient pas bonnes?
M. Robert
(Marc-André) : Oui, mais...
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Robert
(Marc-André) : Non, mais, c'est un terrain glissant, c'est un tapis
glissant, là, où vous m'amenez, là.
Il y a peut-être des trous, là, mais... Non. Avant de prendre un nouveau
client, il y a tout le temps, effectivement... Un de nos modules du CPC, c'est d'ailleurs justement
ça, c'est au niveau de tout ce qui est la sécurité des employés. Il y a un
coût associé à ça aussi. Ce n'est pas juste par altruisme qu'on le fait. On
gère bien notre santé-sécurité. Et notre santé-sécurité,
pour nous, c'est peut-être plus problématique parce qu'on la gère également
chez nos clients. C'est pour ça que chaque agence a un département de
ressources humaines et de santé-sécurité.
Et,
avant de prendre un contrat, il y a une vérification des lieux, effectivement.
Parce que, vous avez tout à fait raison,
quelqu'un qui se blesse après une heure chez un... Au Québec, là, on a un superbon
système au niveau de l'assurance publique
des accidentés du travail. Après une heure, l'employé tombe dans un trou en
dessous du tapis, il n'a même pas besoin
de savoir : Qui qui va me payer? La CSST va le payer et va nous réclamer à
nous, et on va le payer. Moi, maintenant, c'est ma job, en tant que bonne agence, de faire mon «due diligence»
avec le client en disant : Ce n'est pas vrai que je vais t'envoyer
des employés chez vous s'il y a des trous sous le tapis.
M. Leclair : Donc, on avait certains groupes qui disaient : On va profiter du
moment que la ministre, elle veut encadrer
ça en disant : En ce moment, là, on va mettre les deux responsables. On
est certain qu'on ne l'échappera pas, au pire. Ils s'obstineront entre
eux, mais au pire, la personne va être payée, rémunérée puis elle va suivre les
normes. D'autres groupes nous disaient : C'est bien, c'est bien, le pas
d'avant que la ministre veut faire, mais avaient une inquiétude, à dire : Bien là, c'est clair pour les normes du
travail. Mais eux nous disaient : Faites attention, ce n'est pas si
clair que ça pour la santé-sécurité et tout ce qui s'y rattache alentour des
normes du travail.
Comment
est-ce que, vous, vous voyez ça? Est-ce que, dans l'encadrement, on devrait
s'assurer... Vous, ça ne semble pas
vous inquiéter. Puis c'est bien correct comme ça. On voit que votre... c'est
très crédible. Mais est-ce qu'on devrait
prévoir pour les autres agences de dire, quelque part dans le cadre et dans la
définition, dire : Chaque agence devra suivre les normes de
santé-sécurité, au Québec, les normes du travail et blablabla, et on fait la
nomenclature des grandes lignes? Est-ce que vous croyez qu'on doit le
spécifier?
• (10 h 50) •
M. Robert
(Marc-André) : Bien, à mon humble avis, c'est... Une agence de
placement de personnel, à la base même, est une entreprise, une
entreprise qui a des employés. Et une entreprise qui a des employés doit se
conformer à l'ensemble
des lois, comme n'importe quelle autre entreprise, dont notamment la Loi sur la
santé et sécurité, la loi sur les
accidents et maladies professionnelles, la loi sur les normes. Alors, on peut
rajouter une couple de couvertures, pour être certains, mais on n'a pas
le choix de s'y conformer, alors...
M. Leclair :
Est-ce qu'on devrait le spécifier dans le cadre?
M. Robert
(Marc-André) : Bien, encore une fois... Parce que ça fait partie de...
Tu es une entreprise, au Québec, tu
es assujettie aux lois. Puis, juste pour revenir à... quelqu'un qui se blesse,
là, le débat, qui qui va payer puis va être imputé au niveau de sa facture CSST, l'employé qui est
blessé, lui, il ne voit pas ça, là. C'est par la suite, là, ça. Mais on est
dans un «no fault», la responsabilité
n'est pas importante. Un blessé au travail est indemnisé. Après, s'il y a un
débat, à savoir : À qui ça va... Mais...
M. Leclair : Il reste peu de temps. J'aurais une autre petite question. La plupart
des groupes nous ont dit — bien là, on parle des
pires agences — qu'ils
font signer des contrats : Tu ne peux pas devenir un permanent chez
l'employeur. Vous, tantôt, vous
sembliez dire : Nous, on n'a aucun problème avec ça. Alors, ma question
est à dire : Est-ce que ça devrait être dans le cadre, préciser que ce n'est que pour du temporaire? Ça
peut être pour du long terme, parce qu'il peut y avoir des mandats très
spécifiques, mais en aucun cas le salarié ne pourra pas... ou ne pourra
traverser d'agence à employé. Est-ce qu'on
devrait le spécifier dans le cadre de nos règlements des agences? Parce que
vous, vous semblez ne pas avoir peur
de ça, de dire : Nous... Vous avez sorti des chiffres, tantôt, je
pense : 80 % des gens, après trois, quatre mois, deviennent
permanents. Puis là vous, vous avez fait votre job puis vous continuez votre
«core business».
M. Robert
(Marc-André) : Bien, en fait, est-ce qu'on devrait le préciser? Nous,
on le prévoit déjà dans nos statuts et
règlements au niveau d'ACSESS. Moi, je vous dirais qu'en étant... en forçant
pour obtenir un permis, autrement dit, de
détention d'agence, de faire partie... Puis je dis d'ACSESS parce que c'est
l'association qui est la mieux représentée, que ce soit cette
association-là ou une autre. Nous, on l'a déjà, ça. Ça fait que moi, je... En
donnant de la facilité au gouvernement, en
disant : Soyez membre d'ACSESS ou soyez membre d'une association
équivalente, nous, de toute façon, on
la gère de cette façon-là, comme un ordre professionnel, finalement. Mais je ne
pense pas que ce soit nécessaire, pour répondre à votre question, que ce
soit explicitement prévu soit dans un règlement ou dans une loi.
M. Leclair :
Il me reste-tu du temps?
Le Président (M.
Schneeberger) : Oui, 10 secondes.
M. Leclair : 10 secondes? Donc, dans vos compétiteurs, c'est à peu près toute la
même chose? On ne parle pas des pires agences, mais tout le monde... Tu
peux passer de temporaire puis appliquer?
M. Robert
(Marc-André) : Absolument. Oui, oui, il y a...
M. Leclair :
Merci.
Le
Président (M. Schneeberger) : Alors, le temps est écoulé. Alors,
merci, député de Beauharnois. Nous passons maintenant du côté de la
deuxième opposition. Député de Chutes-de-la-Chaudière, à vous la parole.
M. Picard :
Merci, M. le Président. Merci d'être là ce matin. Si je résume, là, qu'est-ce
que vous avez dit, vous êtes une...
les agences, vous devenez un employeur, vous avez des employés qui vont
travailler sur différents établissements parce qu'il y a différents clients. Ça se résume pas mal à ça. Vos
employés, et vous avez certainement des statistiques, ils travaillent-u
sept, huit, 10 mois par année ou c'est plus trois, quatre mois puis après
ça...
M. Robert
(Marc-André) : Bien, écoutez, toutes les réponses sont bonnes. On a
effectivement des périodes de pointe
chez certains clients. Donc, il y a des clients qui vont, par exemple, nous
demander des... Écoute, on est débordés, on aurait besoin de 10 employés pour les quatre prochains mois.
Mais on a également des clients que ça fait 10 ans qu'ils sont avec nous puis que les employés travaillent
chez ce client-là depuis 10 ans. La beauté, c'est que la personne continue
à accumuler son service continu, ses
vacances, ses augmentations de salaire. Et, lorsque, par exemple, pour une
raison x, il faut... le client n'a
plus besoin, par exemple, de 15 personnes, mais de 10, nous, ces
employés-là, on peut les réassigner chez
d'autres clients, et le lien d'emploi continue, les vacances continuent à
s'accumuler, leurs bénéfices également, au niveau de l'assurance collective, au
niveau de REER collectif, ou ainsi de suite. Donc, cette personne-là travaille
pour l'agence, qui est assignée chez différents clients, autrement dit.
M. Picard :
...vous avez vos propres échelles de traitement chez vous.
M. Robert
(Marc-André) : Oui, tout à fait.
M. Picard :
C'est ça?
M. Robert (Marc-André) : Oui,
oui.
M. Picard :
O.K. c'est pour ça qu'on ne sent pas que vous adhérez au fait que, quelqu'un de
chez vous qui s'en va travailler pour
un de vos clients, il ait le même salaire, là, s'il a les mêmes compétences,
même travail, là. Vous dites : Nous, on a déjà nos propres échelles de
traitement.
M. Robert
(Marc-André) : Oui, mais ce que je disais aussi, tantôt, c'est
qu'effectivement on a notre rémunération, notre compensation pour nos employés, mais évidemment, selon le client,
dépendamment ce que l'employé va faire
chez un différent client, bien, le
salaire peut être différent. Ça fait qu'on prend en considération également
le salaire qui est gagné chez le client.
M. Picard : O.K. Puis, vous dites que, lorsque les gens
travaillent quelques mois, après ça, ils peuvent être en pénurie?
M. Robert (Marc-André) : Tout à
fait.
M. Picard : Ça fait que,
pour le calcul du service continu, comment ça se passe?
M. Robert (Marc-André) : Ah! ça
continue.
M. Picard : Ça continue?
M. Robert (Marc-André) : Absolument.
Je vous donne un exemple. Par exemple, il y a une mise à pied de quatre semaines, le temps de trouver, effectivement, une nouvelle assignation. Lorsque la personne va commencer une assignation chez un autre client, par exemple, son lien d'emploi demeure, là. Il n'est pas congédié puis il
ne recommence pas, là.
M. Picard : O.K. Dernière question. Lorsque vous suggérez au gouvernement d'exempter, là, toute agence de placement, là, d'une vérification de la commission, là, c'est un gros mandat, ça. Puis si, disons,
la ministre décidait de vous accorder ça, puis il y a un pépin, qui va être responsable? Est-ce que ça
va être le regroupement de l'agence ou ça va être l'agence?
M. Robert (Marc-André) : En
fait, le pépin serait quoi? Si, par exemple...
M. Picard : Bien, c'est parce que, là, on dit qu'on
exempterait de toute vérification. Mais, à
un moment donné, je ne sais pas, la commission
dit : Nous, on va aller vérifier, puis là on découvre quelque chose.
M. Robert (Marc-André) : Tout à
fait.
M. Picard : Qui a la responsabilité?
Est-ce que c'est l'association?
M. Robert
(Marc-André) : Non, ça
serait l'entreprise, l'agence membre, qui risquerait de se faire
suspendre son droit ou son membership
d'ACSESS et, par la suite, toutes les conséquences qui
viennent avec. Parce que nous, on est d'accord, effectivement,
d'avoir ce permis attitré avec cette obligation de...
M. Picard : Oui, mais, s'il y a une exemption parce qu'ils sont membres chez vous, moi, je
prends pour acquis que l'association va les vérifier, va s'assurer...
M. Robert (Marc-André) :
Absolument, absolument. Oui, oui, oui.
M. Picard : Donc, c'est
pour ça que je pose la question. S'il y a un problème, vous seriez un peu comme
mandataires de s'assurer que la loi est...
M. Robert (Marc-André) : Oui.
M. Picard : Donc, vous
avez une certaine responsabilité. J'essaie de comprendre, là.
M. Robert
(Marc-André) : Non, tout à fait, votre point est bon. En fait, oui,
effectivement, il y a ce comité de vigie
là, ce comité d'éthique là, un peu comme un syndic d'un ordre professionnel,
finalement, s'assurer que, si tu veux conserver
ton membership, si tu veux conserver tes acquis, tes privilèges, bien, il faut
que tu respectes, effectivement, les critères non seulement d'admission,
mais de maintien de ton adhésion également.
Alors, c'est
sûr que nous, on est... Puis on l'a déjà, cette espèce de vérification là.
Évidemment, ça serait beaucoup plus
formel puis ça serait réglementé, mais, oui, effectivement, il y aurait une
équipe qui s'assurerait que les membres... puis, évidemment, de concert
avec des audits également de la commission des normes, là.
M. Picard : ...une
imputabilité, là.
M. Perreault (Rhéaume) : Bien, peut-être juste pour compléter, peut-être,
la réponse, c'est que ça dépend où sera
la problématique. Et je m'explique. Si la problématique découle parce
qu'effectivement l'association n'aurait pas bien vérifié, par exemple,
le dossier antérieur judiciaire des dirigeants, effectivement, l'association en
sera tout à fait imputable. Par contre, si
la problématique découle parce qu'un employeur, qui, là, serait une agence, n'a
pas respecté, je ne sais pas, n'a pas
payé les vacances ou autres, bien, évidemment, c'est l'employeur qui en est
responsable. Donc, c'est pour ça, ça dépend où la problématique va
émaner, là.
M.
Picard : Mais si c'est une... Si... la, je vais dire
l'infraction, entre guillemets, là, si l'infraction, c'était quelque chose que
vous auriez dû valider, vous en seriez...
M. Perreault
(Rhéaume) : Bien, c'est sûr que ça pourrait entraîner une
responsabilité, absolument.
M. Picard : O.K., c'est beau. Merci.
Le
Président (M. Schneeberger) : Ça va comme ça? Alors, étant donné que
la ministre n'avait pas écoulé son temps, je redonne la parole à la
ministre... Non? Ça va?
Mme Vien :
...répondu.
Le
Président (M. Schneeberger) : Ah! ça a été répondu? Ah! O.K. Alors, je
vous remercie pour vos échanges.
Et on suspend
quelques instants pour accueillir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à
10 h 59)
(Reprise à 11 h 6)
Le Président (M.
Schneeberger) : Alors, nous reprenons nos travaux. Nous en sommes maintenant
à notre troisième groupe de ce matin, c'est
l'Ordre des conseillers en ressources
humaines agréés. Alors, bonjour,
mesdames. Vous présenter avec votre titre, et vous avez 10 minutes pour
faire votre présentation.
Ordre des conseillers en ressources humaines
agréés (Ordre des CRHA)
Mme Plamondon
(Marianne) : Alors, bonjour. Marianne Plamondon, je suis présidente de
l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.
Mme Poirier
(Manon) : Manon Poirier, directrice générale de l'ordre.
Mme Plamondon
(Marianne) : Alors, M. le Président, Mme la ministre et MM. les
députés, c'est un plaisir pour nous d'être ici et merci de nous avoir
invitées à discuter de la question du projet de loi. Rapidement, sur notre
ordre professionnel, l'ordre des
professionnels en ressources humaines agréés, on parle de
10 000 membres, le septième ordre en importance au Québec en
nombre, si on regarde sur les 46 ordres professionnels reconnus.
On est reconnus comme
étant les experts dans le milieu de travail, les incontournables en matière de
relations employeur-employé. C'est notre
domaine. Nos membres travaillent dans tous les types de milieu de travail,
autant dans l'entreprise privée, que dans le public, que dans la petite
et la grande entreprise, nous sommes partout. Nous avons également certains de
nos membres qui sont également...
(Interruption)
Mme Plamondon
(Marianne) : ...donc, il faut le mentionner.
Alors, la mission
numéro un de l'ordre, évidemment, la protection du public, comme n'importe quel
ordre professionnel, et ce qui est
intéressant avec notre perspective à nous, c'est qu'on offre une perspective
qui est neutre, qui est unique et qui est globale sur les enjeux du
milieu du travail, compte tenu de notre position.
D'entrée de jeu, je
souhaite souligner qu'on a un accueil très favorable au niveau des mesures en
matière de conciliation travail-famille.
C'est des choses très positives pour nos membres. Et sachez que... on voudrait
souligner, en fait, l'investissement positif que ces mesures-là vont
avoir. On parle beaucoup des coûts liés au fait des deux jours additionnels qu'on va ajouter en matière de congés
rémunérés pour maladie et obligations professionnelles et également pour
la troisième semaine de vacances, mais il s'agit que toutes les études
reconnaissent que le fait d'avoir cette conciliation vie-travail va réduire les
coûts d'assurance, les coûts en matière de santé-sécurité au travail, également
diminuer le taux de roulement,
l'amélioration de la santé des travailleurs et également amener une certaine
amélioration de la productivité, et
ça, c'est quand même des choses qui sont reconnues dans les études. Donc, on
voulait le souligner d'entrée de jeu.
Au niveau des agences de placement, on en a
parlé beaucoup, nous sommes très positifs par rapport à l'imposition de l'obligation d'avoir un permis. Ça va permettre de
garder l'oeil sur les abus, parce que, oui, il y en avait, et s'assurer du respect de
la loi sur les normes sur tous les enjeux. Également, nous sommes très
favorables au fait qu'il y ait une responsabilité
solidaire entre l'agence et l'employeur, de façon à s'assurer que l'agence ne
puisse pas se soustraire de ses obligations et doive respecter la loi en
tout temps.
Mais
maintenant, sur la question des taux de salaires, là, au fait que l'agence ne
peut pas payer de taux inférieurs, il faut être conscients du fardeau
très important que cela expose, et nous ne sommes pas convaincus que ce soit justifié. Il faut savoir qu'il y a une différence
entre... Parce que, nous, comme ordre, nos membres prônent l'équité au niveau
de la rémunération, une rémunération qui est
équitable, qui va tenir compte notamment de l'ancienneté, de l'expérience,
de la formation. Évidemment, un travailleur
qui a un an d'ancienneté ne peut pas être rémunéré comme celui qui en a
28 ans.
Alors,
quand on voit le libellé de l'article 41.2, qui dit que l'agence ne peut pas
payer un taux inférieur, bien, on se
dit, comme professionnels en ressources humaines avec une très grande
compétence en rémunération, on a beaucoup de nos membres qui oeuvrent en
rémunération, bien, comment... on parle d'égalité, alors que nous... il faut
quand même y avoir une équité. Alors, à ce
moment-là, au niveau d'avoir un taux de salaire inférieur, si on a un
travailleur qui est beaucoup plus expérimenté, évidemment, il devrait
recevoir un salaire supérieur.
• (11 h 10) •
Donc,
la façon dont l'article 41.2 non seulement pose un fardeau très important sur
les employeurs, mais, en plus, fait
en sorte qu'au niveau de la rémunération ce ne sera pas nécessairement
équitable. Donc, on veut vous soulever ça puis que vous ayez ça en tête pour la suite. Et donc nous, nous
suggérons de ne pas procéder à l'ajout de l'article 41.2, étant donné
ces commentaires-là.
Au niveau de la
disparité de traitement, évidemment, on veut que les travailleurs soient
traités équitablement. Maintenant, on sait tous qu'au niveau de la loi sur les normes il n'y a pas d'obligation
d'avoir un régime de retraite dans la loi
sur les normes, et on ne devrait donc pas limiter la flexibilité de l'employeur
et laisser libre cours à la négociation entre employeurs et employés sur
cette question-là.
Maintenant,
sur notre sujet fétiche, le harcèlement au travail, écoutez, on n'aurait pas pu
entendre plus parler de harcèlement
dans les derniers six mois. Ça a été un fléau de société. Encore cette semaine,
dans les médias, on avait des situations très graves en matière de
harcèlement. Sachez que nos membres sont au coeur de ça parce qu'ils sont les premiers répondants des questions de harcèlement, on
s'entend, dans le milieu de travail. C'est ceux qui ont mis en place des
politiques, qui les ont gérées et qui connaissent les méthodes de
fonctionnement à ce niveau-là.
Et,
pour être tout à fait honnêtes, on est un peu déçus du projet de loi à ce niveau-là
parce qu'on aurait voulu avoir une
force de frappe. Vous aviez l'occasion ici d'arriver avec des solutions
concrètes en matière de harcèlement, et ce n'est pas, évidemment, une politique qui va faire en sorte qu'on va assainir
véritablement nos milieux de travail. Pourtant, on ne pourrait pas plus
avoir comme sujet d'importance, à l'heure actuelle, le harcèlement. On les a
vus sur toutes les formes. Et aussi, le fait
d'ajouter harcèlement sexuel, les gens initiés du milieu savaient tous que le harcèlement
sexuel était inclus dans la définition de harcèlement psychologique.
Et sachez que les
conséquences au niveau du harcèlement, elles sont multiples. Il ne faut pas les
oublier. Souvent, on parle de harcèlement, on parle de la victime. Oui, il y a
la victime qui, souvent, va être atteinte dans son intégrité physique, dans son intégrité psychologique, qui va mener
probablement à une condition médicale, qui va devoir être traitée par notre système de santé. Il y a
également l'entourage, les collègues, l'organisation. Ça va créer évidemment
une perte de productivité, des coûts
financiers, des risques réputationnels. On l'a vu avec des entreprises qui ont
perdu toute la valeur de leur entreprise en quelques jours seulement,
étant donné des scandales de harcèlement sexuel, et également un gros impact
sur la société, et ça, c'est important qu'on le prenne en compte.
L'impact
du harcèlement sur la société, il est multiple, non seulement sur le système de
santé, parce que je vous le dis,
d'expérience, lorsqu'un travailleur est victime de harcèlement ou encore
quelqu'un est accusé de harcèlement, ça mène souvent à un congé de
maladie et donc à plusieurs consultations médicales et également au niveau
judiciaire. D'avoir des plaintes de
harcèlement à la CNESST, au lieu que l'employeur gère ça en amont, et le
prévienne, et s'assure que ça ne se produise pas son organisation, il y
a un coût énorme, et ça fait en sorte qu'en ce moment le Tribunal administratif
du travail, il est engorgé par ces plaintes-là.
Alors,
nous, on était fiers, au Québec, d'être les précurseurs en matière de
harcèlement en 2004, et, malheureusement,
on perd maintenant notre positionnement, et ce n'est pas avec ce projet de loi
là qui nous permet de reprendre cette place-là de précurseur rapidement. On
sait que le gouvernement fédéral vient d'adopter un projet de loi pour assurer une enquête sur tous les incidents de
harcèlement et de violence, donc il y a une obligation d'enquête au fédéral
désormais. Également, en Ontario, on a, en
septembre 2016, obligé l'enquête de harcèlement également pour s'assurer
qu'il y ait un... puis même pas juste obligé
l'enquête, on a obligé que ce soit fait par un professionnel compétent qui
puisse faire la lumière sur les faits
et rendre des recommandations pour vraiment assainir le milieu de travail et
régler la problématique.
Je
vous soumets également que, dans votre propre Loi visant à prévenir et à
combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements
d'enseignement supérieur, pour le secteur universitaire, vous avez mis en place
une politique avec une déclinaison de qu'est-ce qui devait se trouver. Alors,
ma question : Pourquoi est-ce que des travailleurs, parce qu'ils sont de
compétence, juridiction fédérale ou provinciale, n'auraient pas le droit d'être
traités équitablement et d'avoir un
processus qui, autant aux victimes qu'aux présumés harceleurs, permette de
véritablement régler ces problèmes-là
et minimiser les coûts qui en découlent ultimement? Alors, je vous soumets
qu'on a un devoir d'agir à cet égard-là.
Et,
sur ce, je cède la parole à ma collègue Manon Poirier, qui va vous parler, là,
de notre stratégie à ce niveau-là.
Mme Poirier
(Manon) : Merci, Marianne. Je pense que collectivement, si on regarde
derrière nous, on pourrait vraiment s'inspirer
de ce que le Québec a fait en matière de santé et sécurité au travail. Les
avancées puis l'amélioration de la santé et sécurité au travail a été fait
grâce à un effort collectif, un effort fait par le législateur, par une
réglementation, par les employeurs,
par les individus. Et, si on s'inspire de ça en mettant en place ce que l'ordre
vous suggère, une stratégie vraiment
plus globale, qui est basée sur trois piliers, on est assurés que, si on se
revoit dans 10 ans, on pourra regarder derrière nous puis
dire : C'est à ce moment-là qu'on a pris collectivement la décision
d'assainir les milieux de travail québécois.
Alors, la stratégie,
pour nous, repose sur trois piliers : bien sûr, la prévention;
deuxièmement, le soutien; et troisièmement, l'intervention.
Donc,
au niveau de la prévention, oui, d'exiger la politique et de la diffusion,
c'est bien, mais de ne pas prévoir, par loi ou par règlement, ce que
cette politique doit inclure, c'est nettement insuffisant. Une politique, j'en
ai vu plusieurs, au fil de ma carrière, des
politiques, et des politiques qui tiennent sur deux paragraphes, qui restent au
niveau de l'énoncé général de principe, qui n'a pas vraiment de dents et
qui n'est pas appliqué.
Imaginez
si, il y a 20 ans, au niveau de l'équité salariale, on avait dit aux
employeurs : Ayez une politique au niveau de l'équité salariale et on aurait laissé gérer ça aux organisations. Il
est clair qu'il y a plein d'employeurs qui auraient pris leurs responsabilités
et auraient appliqué des principes d'équité salariale, mais d'autres ne
l'auraient pas fait. Donc, si on a une
politique puis on est regardés par le monde entier au niveau de ce qu'on fait
au niveau de l'équité salariale, puis Dieu sait qu'il y a encore du progrès à faire, c'est grâce aux moyens qu'on a
mis en place, puis la réglementation, et les exigences législatives.
(Interruption)
Ça
m'indique que mon 10 minutes est terminé. Mme la ministre, puis-je
emprunter de votre temps pour terminer? J'ai environ deux minutes.
Mme Vien :
Avec plaisir.
Mme Poirier
(Manon) : Merci beaucoup. Deuxièmement, donc, outre la politique,
l'importance d'avoir de la formation
et de la sensibilisation. C'est sûr que, si on cherche des changements de
comportement, il faut s'assurer qu'on forme
les individus, que ce soient les travailleurs, les gestionnaires, et qu'on les
sensibilise. Tout ce qui est au niveau du soutien, je pense que c'est
clair, dans les médias, on a vu l'importance du soutien aux victimes dans leur
décision de dénoncer, mais aussi une fois
qu'ils ont dénoncé. Et je vous soulèverais le besoin de soutenir les personnes
contre qui une plainte de harcèlement
est logée, parce que parfois, malheureusement, la plainte n'est pas fondée. Il
faut faire attention aussi et soutenir cette personne-là.
Troisièmement,
l'intervention, qui, pour nous, est vraiment la pierre angulaire d'une
stratégie qui va être porteuse d'impact.
Et je veux bien clarifier que je ne parle pas du processus à la CNESST, de la
médiation, de l'enquête. On parle vraiment,
notre focus est vraiment sur ce qui se fait en entreprise. Donc, la pierre
angulaire d'une stratégie qui aurait de l'impact, c'est d'exiger l'enquête dès qu'il y a une plainte de
harcèlement, comme l'a fait le fédéral, comme le fait l'Ontario.
Donc, on se souvient
que, dans ce qui a été médiatisé, la problématique des gens de dénoncer, c'est
que, bon, il y avait une absence parfois de
politique, mais aussi, s'il y avait une politique, on ne savait pas ce qui
allait se passer. Donc, comme victime, si je prends la décision de
dénoncer un cas de harcèlement, il faut que je sache dans quoi je m'embarque. Donc, le fait d'avoir un chemin très
clair, tracé clairement, qu'il y aura une enquête, qu'elle sera faite par
quelqu'un de compétent et avec rigueur, ça
va inciter les gens à dénoncer les comportements, parce que le chemin va être
tracé. Puis ça va permettre aux employeurs, qui veulent souvent prendre leurs
responsabilités, de vraiment prendre action, parce que, souvent, c'est parce
qu'il n'y a pas de dénonciation qu'ils ne peuvent pas procéder et s'assurer
d'assainir les milieux de travail.
Donc, non seulement
on doit exiger l'enquête, mais on doit s'assurer qu'elle est faite par un
professionnel compétent comme les CRHA, CRIA
qui sont nos membres. Je pense que c'est un exercice complexe de faire une
enquête en matière de harcèlement, et
il y a faire l'enquête, puis, après ça, c'est le rapport de recommandation.
Donc, qu'est-ce qu'on fait? Oui, il
faut traiter la situation, mais il faut aussi mettre en place des mesures de
prévention pour ne plus que ça se
passe à l'avenir. Donc, il faut aller au-delà du simple règlement ou constat,
est-ce qu'il y a eu harcèlement ou pas, puis de gérer la situation avec
les parties. Il faut s'assurer de pouvoir prévenir d'autres comportements par
la suite.
Et, depuis l'automne dernier, étant donné que ça a
été très médiatisé, il y a des gens qui, maintenant, s'improvisent comme
enquêteurs et spécialistes en matière de harcèlement, alors qu'ils n'ont pas la
compétence, comme les CRHA membres de notre ordre qui, aussi, sont liés avec
leur code de déontologie, ce qui est absolument important dans un processus
aussi complexe et délicat qu'une enquête en matière de harcèlement.
Le
Président (M. Schneeberger) : Merci. Je vais vous couper, parce que
vous avez déjà 2 min 30 s et plus. Alors, excusez-moi. Alors, merci pour votre présentation.
Alors, je passe la parole maintenant à la ministre pour une période de
13 min 30 s.
Mme Vien :
Merci beaucoup. Bonjour à vous deux. Merci d'être là ce matin. On va aller
rondement. Je n'ai pas beaucoup de questions parce que votre
positionnement — vous
parliez vous-même de positionnement — est assez clair. Je comprends qu'au niveau de la politique sur le
harcèlement psychologique, sexuel, vous dites, si je vous ai bien comprises, on devrait imposer
directement... en fait, imposer une enquête. Si on impose l'enquête, est-ce que
ça veut dire qu'on laisse nécessairement tomber la médiation?
• (11 h 20) •
Mme Plamondon
(Marianne) : Non, pas du tout. Pas du tout. Même, dans plusieurs
politiques, on prévoit le processus
de médiation. Et là je ne parle pas du processus de médiation, parce que les
gens sont mêlés, à la CNESST, où c'est
souvent sur la question financière que ça se joue. Je parle de la médiation en
milieu de travail, c'est-à-dire on a un conflit entre deux individus, les gens se chicanent ouvertement sur la
place publique, ça se crie dans le milieu de travail. À ce moment-là, souvent, on va faire un processus
d'intervention, de médiation, où on va tenter, avec un médiateur, de régler véritablement les conflits et de trouver des mesures. Mais il y a
plusieurs employeurs, qui ont des politiques très élaborées et
sophistiquées, qui vont mettre même un processus de médiation ouvert.
Évidemment,
la médiation ne peut être faite seulement si on a l'accord et du présumé
harceleur et de la victime, mais, au niveau de la possibilité de faire
de la médiation en milieu de travail, ça ne l'exclut pas du tout, même au
contraire. Mais en ayant une enquête en bonne et due forme, ça permet de faire
la lumière et de mettre sur pied des recommandations,
parce que le problème avec la médiation à la CNESST, c'est
que souvent, ce qui arrive, c'est qu'il
y a un règlement qui est fait hors
cour, qui est évidemment confidentiel et dont on ne peut pas discuter, à
l'échange d'argent, et ça ne veut pas dire qu'on règle véritablement le
problème en milieu de travail. Souvent, même, ça va protéger une situation de
véritable harcèlement de la part d'un harceleur qui continue dans ses pratiques
un peu abusives.
Mme Vien : Et, quand vous dites : enquête faite par quelqu'un
de compétent, on comprend que c'est un de vos membres.
Mme Plamondon
(Marianne) : En fait, nous,
ça fait des années qu'on sollicite l'Office
des professions pour dire que
nos membres sont extrêmement formés. Évidemment, il y a de la formation à
l'université, il y a de la formation continue qui est obligatoire en matière de
harcèlement et d'enquête en harcèlement, et évidemment, nous, on est les
professionnels tout indiqués pour faire ça. Et déjà, dans les organisations,
les organisations sophistiquées qui ont un processus d'enquête établi dans la
politique, demandent à ces CRHA, CRIA, d'effectuer ces enquêtes-là.
Mme Vien : Ma dernière question pour... parce que
vous faites référence souvent à de grandes entreprises ou assez bien organisées, mais, quand on tombe dans la
petite, petite entreprise, ils sont deux, ils sont trois, est-ce que
le processus doit être le même?
Mme Plamondon
(Marianne) : Bien, en fait, il y a évidemment
possibilité de recourir à des consultants et il y en a, bon, évidemment,
à des taux horaires différents, mais chose certaine, même la petite organisation, puis on l'a vu dans les médias, qui ne gère pas une situation
de harcèlement risque de se retrouver avec des situations beaucoup plus graves
lorsque la situation devient médiatisée. Donc, un employeur a tout intérêt à
régler la situation.
Puis sachez
qu'il y a des enquêtes qui durent quatre, cinq heures,
étant donné que ce n'est pas une problématique large, puis il y a des enquêtes qui sont beaucoup
plus complexes. Donc, quand on a une problématique majeure dans une grande entreprise, j'ai vu des enquêtes durer 20 jours,
mais j'ai vu des enquêtes durer trois heures. Donc, évidemment,
le spectre d'enquête dépend de la complexité
et la grosseur de la problématique. Donc, évidemment, un professionnel
qui est compétent, qui est intègre, qui est
lié par un code de déontologie, va établir la grosseur de l'intervention à
faire, évidemment.
Mme Poirier
(Manon) : Et, si je peux me
permettre, souvent, on se préoccupe justement d'une perception, d'un fardeau de devoir
imposer, à une organisation qui n'a pas un CRHA au sein de ses rangs, peut-être
de faire affaire à l'externe avec un professionnel compétent. Mais, de la même
façon, vous savez, toutes les organisations, tous les dirigeants, tous les
gestionnaires vont dire que l'enjeu principal, ce qui est plus important, c'est
le talent, c'est leurs ressources humaines, c'est leur main-d'oeuvre.
Et présumons
que la PME, il y a quelqu'un qui accède à leur système informatique de façon
frauduleuse, c'est clair qu'ils vont
aller chercher un spécialiste pour s'assurer qu'on va protéger nos données.
S'il y a une fraude au niveau financier,
bien, c'est sûr qu'on va aller chercher un professionnel pour le voir. Alors,
pourquoi ce ne serait pas la même chose
quand on parle du capital humain, de la ressource la plus importante d'une organisation,
de s'assurer, quand il y a une
situation de harcèlement, d'aller chercher quelqu'un qui va nous accompagner
pour régler la situation et pour en prévenir d'autres?
Alors, je
pense que le parallèle est clair puis, si on veut être cohérent avec ce qu'on
dit au niveau du capital humain puis
les mesures qu'on doit prendre, je ne pense pas que ce soit un fardeau. En
fait, c'est une opportunité pour assainir nos milieux puis augmenter la
productivité, clairement, si les gens sont bien dans leur milieu de travail.
Mme Plamondon
(Marianne) : Si je peux me permettre, ça permet de le gérer aussi en
amont. Alors, au lieu qu'on se rende devant la CNESST, qu'on lave son
linge sale en public dans le cadre d'une audience qui dure parfois jusqu'à 10, 15 jours d'audience avec un juge
administratif, qu'il y ait eu, au préalable, une médiation, une conciliation
avec des négociations au niveau financier,
si l'employeur gère comme il faut ces situations-là, bien, après ça, on limite
les coûts autant au niveau judiciaire qu'au
niveau du système de santé, étant donné les dégâts, au niveau de la santé, que
ça peut créer.
Donc,
globalement, on est tous gagnants à avoir une véritable solution et, à l'heure
actuelle, avec le projet de loi, on
ne fait pas plus qu'écrire ce qu'on savait déjà, c'est-à-dire que harcèlement
sexuel est inclus puis qu'une bonne... une pratique de prévention, c'est
la politique, mais sans dire même qu'est-ce que ça inclut. Donc, nous, on vous
demande vraiment d'aller à la prochaine marche et de passer à l'action.
Mme Vien :
Merci beaucoup, mesdames. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Schneeberger) : Merci, Mme la ministre. Alors, nous
passons maintenant du côté de l'opposition officielle. Vous avez la
parole, M. le député de Beauharnois, pour une période de 10 minutes.
M. Leclair : Merci, M. le Président. Merci à vous, mesdames. J'aurais le goût de
vous amener sur les agences de
revenus, là, sur les agences de placement, mais je pense qu'on va rester dans le harcèlement, parce que... on
tentera de se trouver du temps à la fin.
Il y a
définitivement des groupes qui ont passé avant vous, puis ils nous parlent...
Face au harcèlement, vous êtes un
peu déçues, vous aimeriez ça qu'on aille beaucoup plus de l'avant que
ça, mais les gens nous disaient qu'en partant on n'avait pas une définition claire du harcèlement. Alors, ils ont
dit : Il faut vraiment utiliser une définition très, très
claire pour savoir c'est qu'est-ce qu'on traite.
Vous parlez beaucoup
de professionnels, que ça prend les gens compétents, la compétence. Les groupes
nous disent que, lorsqu'on est rendus à la
CNESST, la qualification des gens qui traitent ça peut être discutable. On ne
peut pas dire qu'ils ne sont pas bons
ou très bons... pourrait être discutable, puis vous parlez beaucoup, beaucoup de personnes qualifiées face au harcèlement.
Alors,
j'aimerais vous entendre face à la définition et votre vision ou votre expérience avec la
CNESST. Est-ce que vous dites : Bien, il y aurait place à énormément
d'amélioration, un peu d'amélioration?
Mme Plamondon (Marianne) : Alors, au
niveau de la définition,
elle est prévue à 81.18 de la loi sur les normes, elle est très claire. Il y a
amplement de jurisprudence sur la question qui a débordé. Alors, ça vous prend une conduite
vexatoire, il y a des exemples
jurisprudentiels de qu'est-ce qu'on entend par une conduite vexatoire avec une
atteinte à l'intégrité ou à la dignité, qui crée un milieu de travail
malsain. Et, une fois que la présumée... la victime a établi ces éléments-là, le fardeau se retourne sur les
épaules de l'employeur qui doit démontrer qu'il a pris les moyens pour prévenir
et faire cesser le harcèlement.
Donc, à mon sens, ce
n'est pas du tout un problème au niveau de la définition, et je comprends mal
ces groupes-là. Pour avoir moi-même procédé en audience des multiples fois en
matière de harcèlement, je ne vois aucun problème là. Puis vous parleriez aux juges administratifs du Tribunal administratif du
travail, ils maîtrisent sur le bout de leurs doigts la définition de
harcèlement psychologique, qui inclut le harcèlement sexuel.
Au
niveau de la question des professionnels, nous, il faut bien comprendre que la
solution qu'on offre avec nos membres pour mener des enquêtes, c'est en
amont, dans l'organisation, avant que ça devienne judiciarisé devant la CNESST puis devant le Tribunal administratif du
travail. Donc, nous, ce qu'on souhaite, c'est régler les problèmes pour de vrai, faire en sorte que ces situations-là ne
perdurent pas et, clairement, ne se reproduisent pas, en n'ayant pas seulement
des échanges d'argent avec un reçu quittance
et transaction, mais vraiment d'avoir des recommandations de la part d'un
membre qui est inscrit : Bon, bien,
désormais, pour ne plus que ça se produise, on doit faire tel, tel, tel élément
et donc faire en sorte que la situation soit réglée.
Une fois que... si, selon nous, au niveau de
l'enquête, si l'enquête est bien menée, on n'aura pas besoin d'aller devant la
CNESST puis on n'ira pas non plus devant le Tribunal administratif du travail.
Et, pour ce qui est des gens à la CNESST,
la CNESST arrive lorsque le dossier est déjà... il y a déjà une plainte en tant
que telle, c'est déjà une plainte qui est publique, qui est accessible, et
donc, déjà, les parties sont déjà... tu sais, il y a un élément adversarial,
étant donné que c'est déjà judiciarisé.
M. Leclair :
C'était plus sur le sens... côté professionnel de... Même si on est rendus à
une autre étape, rendu à cette étape-là,
est-ce que vous jugez les compétences suffisantes? Parce que le harcèlement, on
peut dire qu'on en parle de plus en
plus, comme vous dites, là, ça prend beaucoup de place, puis c'est correct
qu'on en parle, mais, d'après vous, est-ce que...
Mme Plamondon
(Marianne) : Bien, en fait, c'est que ce n'est pas tant leurs
compétences, c'est que leur angle d'analyse
n'est pas le même que les professionnels en milieu de travail. L'angle
d'analyse, c'est : Est-ce qu'on peut trouver un moyen de régler ce
dossier-là de façon à passer à d'autres choses?
Souvent,
à ce stade-là, la victime a déjà démissionné de son emploi, parce que c'était
intolérable et qu'elle n'arrivait plus
à fonctionner dans le milieu de travail, alors que, s'il y a une enquête en
bonne et due forme, des recommandations, on va trouver un moyen pour que la victime puisse continuer à oeuvrer au
sein de l'organisation. Alors, la personne qui intervient, qui est le médiateur, suivant ensuite le conciliateur et
finalement le juge administratif, oui, ils sont compétents, mais ils sont dans
un autre angle d'analyse. Eux, ils veulent trouver un règlement. Donc, combien
l'employeur veut verser pour ça?
O.K., 5 000 $, 10 000 $, parfait, tu es lié par la clause
de confidentialité. Mais, dans les faits, est-ce qu'on a réglé quelque
chose dans le milieu de travail? La réponse est clairement non.
M. Leclair : Puis dites-moi... je n'aurai peut-être pas assez de temps de revenir
dans les agences, parce que j'ai une
autre question face à ça. La FCCQ nous dit... lorsqu'il y a un conflit dans la
plus petite entreprise, ils doutent très fort de la réintégration du cadre par la suite, tu sais, de rapporter la
personne dans son milieu de travail. C'est un petit milieu de travail,
ce n'est pas une grande entreprise. Qu'est-ce que vous en pensez de cette
réintégration-là?
• (11 h 30) •
Mme Plamondon (Marianne) :
Bien, de réintégration, lorsqu'il y a un article 124, c'est-à-dire pour un
congédiement sans cause juste et suffisante, parce qu'il y a réintégration...
ce n'est pas parce qu'il y a une plainte de harcèlement
que quelqu'un est nécessairement... qu'il est exclu du milieu de travail. Donc,
je ne suis pas sûre que je comprends votre question.
M. Leclair : Bien, c'est parce que, tu sais, le harcèlement
part d'un point très primaire, puis ça peut en venir à des cas très graves,
mais, en partant, qu'on soit n'importe où à cette échelle-là, quelqu'un qui se
sent brimé ou harcelé, qu'on juge,
nous, que je pense que c'est primaire ou je pense que c'est très grave, la
personne perd le lien de confiance, c'est sûr et certain, de sa vision
de l'événement. Donc, de dire : Bien, on va négocier et on va trouver une
manière de réintégrer... On ne remet pas dans... devant le loup... devant le
fait accompli?
Mme Plamondon
(Marianne) : Bien, encore là, s'il y a une enquête qui est faite puis
qu'on trouve vraiment les vrais problèmes, puis on obtient vraiment la
preuve de ce qui s'est produit exactement, bien, les mesures, à la fin de
recommandations, vont tenir compte de ce qui s'est passé. Mais, si la personne
a été exclue du milieu de travail parce qu'il
y avait une véritable problématique, dans les recommandations de l'enquête, un
professionnel compétent dans le domaine
va établir des mesures pour s'assurer que le retour au travail, si
nécessaire... Parce que, des fois, ça mène à des congédiements, là, pour être honnête avec vous, lorsque les gestes sont
très, très graves, on peut aller jusqu'à la peine capitale du
congédiement. Mais, sinon, dans les recommandations de l'enquête...
M. Leclair : ...
Mme Plamondon (Marianne) :
Bien, si c'est le propriétaire...
M. Leclair : On parle d'une PME,
le propriétaire fait ça a son employée, puis il en a trois.
Mme Plamondon
(Marianne) : Le conseil
d'administration qui a mis de l'argent, puis qui a investi dans cette entreprise-là,
est-ce que vous pensez qu'ils ont le goût de voir la valeur
de leur entreprise diminuer? Moi, je vous dirais qu'on a reçu
beaucoup d'appels dernièrement pour justement que les conseils
d'administration... sont intéressés pour prévenir...
M. Leclair : Oui, mais c'est... Puis là je parle de quelque
chose de beaucoup plus petit, ma chère dame, là, je parle de quelqu'un qui n'a pas de conseil d'administration, là. Une
shop électrique avec deux trucks puis une secrétaire puis deux
électriciens, il se passe du harcèlement dans ça...
Mme Plamondon
(Marianne) : Bien là, à ce moment... bien, c'est sûr qu'à ce moment-là,
bon, c'est une situation bien particulière, mais, dans ce temps-là,
évidemment la personne a toujours accès à aller à la CNESST, qui demeure
toujours le recours en fin de ligne. Mais idéalement...
M. Leclair : ...
Mme Plamondon
(Marianne) : ...si le propriétaire tient à son organisation, veut
continuer à faire de l'argent, il veut continuer à être en affaires, il
n'a pas le goût non plus que la personne sorte dans les médias pour décrier une
situation totalement inacceptable. Donc, il y a un choix à faire.
M. Leclair : Je vous remercie. Vu qu'il me reste peu de temps,
je veux absolument vous questionner sur les agences de revenus... les agences de placement,
excusez-moi. Il y a des groupes qui nous ont dit : Bien, en Ontario, il y
a une forme, dans leur loi, il y a
vraiment un cadre que ces agences de placement là, ça soit vraiment pour des
cas temporaires. Est-ce qu'à vos
yeux, avec l'évolution du monde, du milieu de travail aujourd'hui, des PME, et
tout, est-ce que vous voyez qu'une agence
de placement, ce n'est que pour du temporaire autre que certains cas, là, qui
peuvent être précis, temporaires pour un an ou deux, mais définis?
Est-ce que c'est votre vision des choses?
Mme Plamondon (Marianne) : Je
pense qu'il y a vraiment plusieurs, plusieurs cas, puis c'est très, très diversifié selon le milieu, selon le type d'emploi
et selon le secteur d'activité. Donc, on voit vraiment de tout là, selon
ma compréhension.
M. Leclair : Est-ce
que vous êtes pour que, dans le cadre
qu'on va établir... de spécifier qu'une personne ne peut pas être liée à son agence, exemple,
plus de trois mois, pour qu'elle puisse avoir une permanence à l'entreprise
où est-ce qu'elle pourrait
avoir été affectée?
Mme Plamondon
(Marianne) : Bien, si vous faites référence aux clauses de
non-concurrence, de ne pas pouvoir aller
travailler chez l'employeur, je pense que c'est une portion des agences qui ont
ce genre de clause là, et non pas la majorité.
Donc, effectivement, ça serait des clauses qui devraient être jugées illégales.
Elles sont déclarées abusives si on va dans un processus judiciaire plus loin.
Mais je pense que c'est une opportunité dans le cadre que vous souhaitez
mettre pour les agences, de prévoir que ce type de clause là ne soit pas légale.
M. Leclair : O.K. Donc, vous
seriez pour ça, qu'on délimite, là?
Mme Plamondon
(Marianne) : Oui, bien sûr.
Le Président (M. Schneeberger) : Il
vous reste une minute.
M. Leclair : Une minute, une minute. Bien, je vais vous dire
merci de votre passage, et merci de votre mémoire, parce qu'on ne pourra
pas partir sur un grand débat. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Schneeberger) : Merci, le député de Beauharnois. Alors,
nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. M. le
député de Chutes-de-la-Chaudière, la parole est à vous pour
6 min 30 s.
M. Picard :
Merci, M. le Président. Merci, mesdames. Le système d'enquête en Ontario,
comment s'est effectuée l'implantation, puis avez-vous une idée déjà, je
vais dire, des résultats? Ça fonctionne-tu? C'est-u quelque chose qu'on devrait regarder ou on y va avec qu'est-ce
qu'on propose ici? Mais allez-y, là, parce que je l'ai lu, là, mais on veut
avoir un «statement», là.
Mme Poirier (Manon) : Oui, on a
fait des démarches du côté de l'Ontario pour voir s'ils avaient mesuré les résultats. Donc, on est quand même...
c'était septembre 2016, donc il n'y avait pas d'étude sérieuse qui venait...
qu'on pouvait vous citer parce qu'on était sûres de la source, pour venir dire qu'est-ce que
ça a amené, concrètement, dans les organisations. Mais on le voit, chez les employeurs qui ont de bonnes
pratiques, on le voit, qu'il y a une enquête qui est faite
de façon obligatoire, on le sait dans
ce qu'on voit, dans ce que nos membres nous disent, que ça a véritablement des
impacts parce qu'on est capables, un,
d'annoncer, comme employeurs, le chemin puis de faciliter la dénonciation, de faire
l'enquête et de mettre des mesures en place
pour prévenir qu'il y ait d'autres... Donc, on le sait, que c'est efficace
grâce à l'expertise de nos membres, puis on a hâte que l'Ontario puisse
venir documenter leurs pratiques.
C'est clair que le geste... Pour avoir eu la
chance d'échanger avec le gouvernement fédéral par rapport à leur projet de loi, donc, l'amendement du code canadien
aussi, qui vient exiger l'enquête par les entreprises de compétence fédérale, donc, ils ont beaucoup regardé ce que l'Ontario
a fait, et clairement en a jugé la pertinence parce que ce sera désormais, là, le statut pour les entreprises de
juridiction fédérale, incluant, donc, celles qui sont au Québec. Donc, on
aura un système qui aura deux poids, dépendant de quelle organisation
t'embauche, au Québec.
M. Picard : Merci. Si je
comprends bien le...
(Interruption)
M. Picard : Non, mon temps
n'est pas fini, moi, là. Je commence. Si je comprends bien, là, la beauté de ce
mécanisme-là, c'est que la personne, elle
connaît la route qu'elle devra suivre. Donc, c'est rassurant pour la personne.
Mme Plamondon
(Marianne) : Exactement, puis c'est évidemment un processus. Quand on
dit que c'est mené par un enquêteur
qui est indépendant et compétent, bien, on s'assure que la personne,
évidemment, mène l'enquête en toute
objectivité, et ne parte pas avec une prémisse déjà faite parce qu'à la fin
elle est rémunérée par l'employeur. Alors, il y a une objectivité, il y a un regard... il y a un devoir d'indépendance
aussi de la part de l'enquêteur. On parle d'un enquêteur qui est formé pour faire ça, qui connaît le
processus, qui sait quel genre de recommandations il peut mettre en place, qui
peut inclure des recommandations, comme
l'autre député nous demandait. Donc, il y a possibilité de mettre en place des
recommandations, et ils maîtrisent les façons d'assainir le milieu de travail.
M. Picard : Juste pour bien
comprendre : Qui paie pour le...
Mme Plamondon (Marianne) :
Pardon?
M. Picard : Qui paie
pour l'enquête?
Mme Plamondon
(Marianne) : Bien, ça dépend des situations, évidemment, mais parfois
ça va être le syndicat, parfois ça va être l'employeur, parfois ça va
être un regroupement des deux. Ça dépend. Mais, chose certaine, si la définition dit que l'enquête doit être faite par
un enquêteur qui est compétent et qui est indépendant, bien, automatiquement,
on se retrouve avec un enquêteur qui a des
obligations déontologiques de s'assurer que c'est fait en toute objectivité,
avec impartialité, et qu'on a des véritables recommandations pour régler
la problématique.
M. Picard : O.K. Mais un
employeur non syndiqué, c'est l'employeur?
Mme Plamondon (Marianne) : Oui.
C'est l'employeur qui paie dans ce cas-là, oui.
M. Picard :
...automatiquement, là. Vous parlez de sensibilité. Tout à l'heure, quelqu'un
nous disait que les employés à la CNESST qui
traitent les cas, des fois, ils ont de la difficulté avec ça. Avez-vous eu des
expériences? Et puis ce n'est pas... je ne dis pas ça méchamment, là.
C'est que, peut-être, l'organisation du travail fait qu'ils traitent plusieurs dossiers, puis un cas de harcèlement,
pour eux, c'est comme un autre cas, là. Puis, nous... tantôt, je lançais
l'idée, peut-être,
d'avoir des personnes dédiées pour ce genre de situations là parce que ce n'est
pas : Je me suis cassé un bras, là. C'est autre chose, là.
Mme Plamondon
(Marianne) : Moi, j'ai eu un cas récemment, effectivement, où je sais
que ça s'est moins bien passé. Et là
on parle de l'enquête de la CNESST, qui n'est pas une enquête comme nous, on la
veut, c'est-à-dire un processus en tant que tel pour assurer d'assainir le
milieu de travail, mais c'est vraiment une enquête qui est sommaire, et, effectivement, dans ce cadre-là, des fois, les
gens se prononcent, s'avancent sans maîtriser toute, disons, la complexité
que peut revêtir le harcèlement. Et parfois, effectivement, c'est malheureux,
parce que des fois, quand ça vient d'une victime
qui est déjà atteinte, qui est déjà dans une situation difficile dans sa vie,
bien, de ne pas avoir, là, justement, le soutien dont elle a besoin, ça
peut être quand même assez dévastateur.
Mme Poirier
(Manon) : Oui. Puis, au-delà de la question de la compétence ou la
façon de traiter le cas de médiation,
je pense que Marianne illustrait bien la posture qui est différente. Puis, si,
dans la majorité des cas de plaintes de harcèlement, les gens ne sont plus à
l'emploi, alors là, la réparation, elle est monétaire. Donc la problématique,
on ne la règle pas. Donc, ce qu'on vous
offre, comme opportunité ou comme idée, c'est, en amont, de prendre les moyens
pour vraiment traiter la situation
avant qu'on aille à la commission, qui a une autre perspective totalement, puis
on comprend leur travail. Donc, si on veut assainir les milieux de
travail, c'est de le faire en amont, dans les organisations.
• (11 h 40) •
M. Picard :
O.K. Donc, en tout cas, on va recommander que ça soit des gens chez vous. Donc,
je comprends qu'ils vont être formés. Bien, il y en a déjà, puis vous allez
vous spécialiser là-dedans.
C'est
parce que je veux aller sur un autre sujet, puis il nous reste une minute. Tout
à l'heure, sur le fait... le taux horaire
des employés d'agences de placement, vous dites : Enlevez ça complètement.
Moi, je pense que peut-être qu'on devrait
peut-être le modifier pour le clarifier parce que, pour... Je vais vous donner
l'exemple que j'ai donné hier, là. Un travailleur
d'usine, là, qui est remplacé par un employé d'une agence de placement, là,
puis que c'est un travail répétitif, là, je vois mal qu'il ne gagne pas
le même salaire. Mais je... Puis ce n'est pas au niveau... Puis là un employé
de bureau, bien là ce n'est pas de l'ancienneté. Mais quelqu'un qui fait le
même travail ne devrait pas avoir le même salaire?
Mme Plamondon
(Marianne) : Oui, mais, en même temps, là, on ne tient pas compte de
l'ancienneté, de la formation, de
l'expérience. Est-ce que c'est quelqu'un qui est gradué de... universitaire ou
c'est... Alors, il y a toutes sortes d'éléments
qui doivent être tenus... De dire : O.K., deux personnes doivent faire le
même salaire, mais il y a un ensemble d'éléments à tenir compte.
M. Picard :
Bien, c'est pour ça que je vous dis qu'il faudrait peut-être le modifier,
l'article, et non l'abolir.
Le Président (M.
Schneeberger) : Merci pour votre précieuse contribution.
Alors, nous
suspendons maintenant quelques instants pour accueillir notre prochain groupe.
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
11 h 41)
(Reprise à 11 h 43)
Le
Président (M. Schneeberger) : Alors, nous reprenons nos travaux. Nous
accueillons notre dernier groupe de cette
matinée, qui est le Regroupement des aidants naturels du Québec. Alors,
bonjour, mesdames. Dans un premier temps, vous nommer par votre nom et
titre, et puis vous avez une période de 10 minutes pour votre plaidoyer.
Merci.
Regroupement des aidants naturels du Québec (RANQ)
Mme Audet
(Johanne) : Alors, bonjour. Merci de nous recevoir, M. le
Président, Mme la ministre. Je suis Johanne Audet, je suis la présidente du
Regroupement des aidants naturels du Québec. Je suis accompagnée de
Mme Linda Bouchard, qui est administratrice, et de Mme Mélanie
Perroux, qui est coordonnatrice générale. Donc, le Regroupement des aidants naturels du Québec vous remercie de nous
inviter à participer à cette consultation sur le projet de loi
n° 176.
Le
Regroupement des aidants naturels du Québec rassemble 77 organismes
membres un peu partout au Québec, et
nous représentons actuellement plus de 20 000 proches aidants. Nos
objectifs sont de promouvoir les intérêts de tous les proches aidants au
Québec, de sensibiliser la population et les pouvoirs publics à leurs réalités
et à leurs besoins. Le RANQ s'est
donné — le RANQ,
c'est l'abréviation — s'est
donné comme priorité de lutter contre l'appauvrissement des proches aidants et l'épuisement. Une meilleure
conciliation entre les responsabilités d'aidant, la famille et le travail
est un des leviers possibles pour y arriver.
Alors, je vais
laisser la parole à Linda pour notre première recommandation.
Mme Bouchard
(Linda) : Alors, bien, bonjour. À mon tour de vous remercier de nous
recevoir ce matin. Bon, par sa définition du proche aidant, que vous
trouverez en page 3 du mémoire, le RANQ a identifié les prémisses
fondamentales à la réflexion qui doit être faite en vue d'établir un statut de
proche aidant. Voici quelques réflexions pour s'assurer d'un statut inclusif et
obtenu en temps opportun.
Dans
la stratégie nationale, le RANQ soutient qu'être proche aidant doit être un choix
libre et éclairé. Il est donc primordial que ce statut soit en tout
temps révocable par le proche aidant, qui doit avoir le choix de diminuer son
implication momentanément ou de façon permanente, et ça, peu importe la raison.
Le diagnostic
ou l'âge de la personne aidée ne peuvent suffire à déterminer le statut de
proche aidant. Trop souvent, la
proche-aidance est associée à une maladie dégénérative liée au vieillissement,
telle que l'alzheimer ou le parkinson, mais
qu'en est-il du tiers des aidants qui vivent au quotidien avec une personne
atteinte d'un trouble du spectre de l'autisme, d'une MPOC ou d'un traumatisme craniocérébral? Le statut de proche aidant ne doit pas être
relié seulement à la nature du soutien offert. En effet, beaucoup d'aidants n'offrent pas de soins de santé, mais
assument, au moins une fois par semaine, du transport, des opérations
bancaires et des travaux domestiques. Ils peuvent être de surcroît les premiers
appelés lorsqu'il y a détérioration de l'état de santé. Il y a
aussi des aidants secondaires qui offrent des services importants à la
personne aidée en soutien à l'aidant principal. Prenons l'exemple d'un fils
qui, pour alléger le fardeau de son père, accompagne
sa mère à ses rendez-vous médicaux ou demeure avec elle afin de permettre à
son père d'avoir un peu de répit.
Ayant de la difficulté à se reconnaître, les proches
aidants vont très souvent consulter pour eux-mêmes lorsqu'ils sont déjà en
réelle situation d'épuisement. Il importe donc de dépister
précocement le proche aidant et évaluer la charge de ce dernier avant l'apparition des premiers symptômes. Il est
de plus nécessaire qu'une évaluation des besoins de soutien soit effectuée régulièrement
pour tenir compte de l'évolution de la dyade aidant-aidé, des mesures qui permettront au proche aidant une meilleure
utilisation des services et qui auront un impact positif sur son rôle de travailleur.
En plus
d'être parfois imprévisible, ce rôle peut aussi être tenu de façon
provisoire ou épisodique. Prenons l'exemple d'une femme dont le conjoint doit vivre une longue réhabilitation suite
à un accident du travail. Outre les responsabilités liées
à son rôle, le proche aidant a également besoin de s'informer au sujet de la maladie de
son proche, de contacter les ressources nécessaires pouvant lui venir en aide, de rencontrer un
professionnel pour son propre soutien et de s'accorder un moment de repos. Compte tenu des différentes
réalités que représente le rôle de
proche aidant, le processus d'accès à un statut se doit d'être simple et
être accessible et révocable, et les critères d'inclusion clairs, adaptés aux
différentes réalités de proches aidants et
faisant consensus auprès de l'ensemble des professionnels du milieu de la
proche-aidance.
Notre
recommandation, c'est que l'application de cette loi soit complétée de la
création d'un comité interministériel de
travail incluant les différents acteurs de la proche-aidance, organismes
communautaires et chercheurs, ayant pour mandat de définir le statut de proche aidant ainsi que des paramètres de son
application afin de s'assurer qu'il soit inclusif, révocable et octroyé
en temps opportun. Voilà, merci.
Mme Audet
(Johanne) : Notre deuxième
recommandation touche la question du professionnel qui doit attester du statut de proche aidant. Dans
l'article 79.7, on ajoute, dans le fond, qu'un parent ou une personne pour
laquelle le salarié agit comme proche
aidant tel qu'attesté par un professionnel oeuvrant dans le réseau de la santé.
Nous, ici, ce qu'on voit, c'est une
amélioration, là, dans l'élargissement du concept de proche aidant. Donc, le
lien entre la personne aidée et la personne aidante, ce n'est plus
seulement la famille proche. Donc, on trouve que c'est une amélioration
intéressante. Cependant, on se questionne
sur le fait que le rôle de proche aidant doit être attesté par un professionnel
oeuvrant dans le milieu de la santé et des services sociaux.
On veut juste
souligner que le réseau de la santé a trop souvent une vision médicale du
soutien offert par les proches aidants.
Cette vision-là vient exclure tout ce qui est fait par les proches aidants,
mais qui n'est pas un acte médical ou qui entoure, dans le fond, le proche aidant dans son rôle. Le projet de loi
ne détermine pas quels professionnels seront attitrés pour attester le statut de proche aidant. Donc, on
s'inquiète du fait que tous les proches aidants ou toutes les personnes
aidées n'ont pas nécessairement de médecin ou de travailleur social pour
s'occuper d'eux.
On croit que
les intervenants dans les organismes communautaires qui interviennent auprès
des proches aidants sont beaucoup
plus aptes et formés à les repérer. Ils sont sur le terrain, ils peuvent les
repérer plus précocement. Nous croyons
que ça peut apporter une diminution de l'épuisement évidemment. Donc, il ne
faut pas se limiter. On pense à la distribution de l'attestation aux
médecins et au réseau public. Les organismes communautaires peuvent jouer un
rôle important, et il y a aussi des
professionnels au sein de ces équipes-là. Donc, ce sont des travailleurs
sociaux en grande partie.
Donc, on souhaite aussi que l'attestation du
statut de proche aidant doive aller de pair avec le déploiement de services de
soutien. Donc, ce n'est pas le simple fait d'attester, mais il faudrait aussi
leur offrir toute la panoplie de services
qui existent actuellement puis qui sera développée. On pense que c'est le
moment de le faire, quand le proche aidant
se reconnaît d'abord, hein? Si on lui donne une attestation, il devrait se
reconnaître. Donc, ça serait un moment opportun.
Notre deuxième recommandation, c'est que les
intervenants des organismes communautaires, tout comme les autres professionnels de la santé, aient la
responsabilité d'attester le statut de proche aidant, que l'application de
cette loi soit complétée par un plan
d'action global pour les proches aidants où la sensibilisation et la formation
des professionnels du réseau de santé soient améliorées afin de les
outiller pour mettre en place cette nouvelle responsabilité.
Finalement,
en plus d'avoir la responsabilité d'octroyer le statut de proche aidant, ces
professionnels auront aussi la
responsabilité d'informer les proches aidants sur les dispositions de soutien à
leur égard et les organismes pouvant les accompagner. Je laisse la
parole à Mélanie pour la dernière partie de notre allocution.
• (11 h 50) •
Mme Perroux
(Mélanie) : Merci. Donc, concernant maintenant les dispositions qui
sont spécifiques aux normes du travail, nous allons parler seulement de
celles qui touchent spécifiquement les proches aidants. Tout d'abord, nous souhaitons remercier Mme la ministre et ses
collègues d'avoir agi dans le sens de la protection du lien d'emploi pour que
les proches aidants, quand ils s'absentent
momentanément de leur travail, puissent ne pas s'en inquiéter. C'est quelque
chose qui est important. Nous notons
cependant qu'il existe peu de mesures pour lutter, pour diminuer l'épuisement
et l'appauvrissement des proches aidants.
Par
exemple, l'article 79.7 va permettre effectivement que les employés, les
employeurs et les syndicats connaissent ce droit à des journées
rémunérées de proche aidant, mais seulement deux journées, ce n'est pas
suffisant. 44 % des proches aidants s'absentent en moyenne huit jours par
année. Nous recommandons donc que ça soit les 10 journées complètes de proche aidant qui soient rémunérées
et qu'elles soient aussi fractionnables en demi-journées ou en heures.
La phrase
stipulant que l'employeur puisse demander une justification de l'absence nous
inquiète. Selon nous, la justification de l'absence est le statut de
proche aidant. Par la suite, le proche aidant devrait pouvoir utiliser ces journées-là comme il est nécessaire pour lui, que
ça soit pour accompagner son proche à un rendez-vous, pour un propre rendez-vous pour le proche aidant, ou pour aller à
un groupe de soutien. De plus, n'oublions pas qu'un certain nombre de maladies sont encore stigmatisées, et ce n'est pas
tous les proches aidants qui veulent que leurs collègues ou que leur employeur sache qu'ils accompagnent une personne
qui a le VIH-sida ou que leur conjoint a un trouble santé mentale.
L'article 79.16
est, selon nous, problématique. Nous comprenons dans cet article qu'un proche
aidant pourrait avoir le droit à deux
journées rémunérées pour proche aidant, mais qu'il ne pourrait pas ajouter deux
journées rémunérées pour maladie. Or,
être proche aidant n'immunise pas contre la maladie. C'est même, au contraire,
un facteur de risque. Selon nous, ces deux dispositions, journées
maladie et journées proche aidant, doivent s'additionner.
Concernant
les absences prolongées pour maladie grave ou accident, nous saluons
l'harmonisation avec les mesures fédérales,
qui est importante, mais nous souhaitons porter à votre attention qu'il y a
besoin d'une meilleure définition de ce qu'est une maladie grave. Actuellement, cette mesure-là est trop souvent
utilisée, trop souvent comprise pour les cas de décès imminent. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle est très peu
utilisée. Nous recommandons donc que soit ajoutée l'idée de détérioration majeure de la situation de
la personne aidée qui nécessite un soutien accru du proche aidant qui
agit... qui est aussi employé.
Enfin, dans
ce genre de situations très complexes, il faut reconnaître qu'il n'y a pas
seulement un proche aidant par
personne aidée. On pense, par exemple, à des parents qui... il y a deux parents
quand il y a un enfant en situation de handicap. Ça fait qu'il serait
nécessaire que ces congés-là soient ouverts au moins pour maintenir le lien
d'emploi de plusieurs proches aidants autour d'une même personne.
Concernant les absences pour cause de décès,
qu'il soit suite à un suicide ou non, nous proposons leur ouverture aux proches aidants. En effet, jusqu'aux
derniers moments de la personne qu'ils aident, ils l'ont accompagnée, ils ont mis de côté leur propre vie de personne
dans un élan d'altruisme, et ont vécu tout un tourbillon d'émotions. Selon
nous, ils méritent aussi le droit aux absences rémunérées pour vivre leur deuil
et se recentrer.
Plusieurs
points manquent à la loi selon nous. En plus du télétravail dont il a déjà été
question ici, il est aussi possible de
regarder du côté de la France, le don de jours de congé entre collègues. Mais
ce que nous souhaitons soulever ici, c'est le fait que les proches aidants, quand ils doivent réduire leurs heures
de travail ou carrément cesser leur emploi perdent souvent leur
assurance collective dans un moment où ils sont plus susceptibles d'en avoir
besoin, et surtout ne cotisent plus au
régime des rentes, ce qui signifie que non seulement ils s'appauvrissent
aujourd'hui, mais, en plus, dans le futur, dans un moment où ils seront
peut-être encore proches aidants et eux-mêmes en situation de fragilité.
Pour conclure, cette loi, c'est un premier pas
qui va avoir des effets très positifs sur la reconnaissance par les employeurs et par les proches aidants eux-mêmes de
leurs droits et de leurs responsabilités. Nous ne pouvons qu'espérer
que, d'ici les prochaines années, de plus en plus de proches aidants se
prévalent de ces mesures essentielles.
Mais il
nécessaire d'agir beaucoup plus globalement pour les proches aidants. Bien que
cette loi amène des avancées non
négligeables, elle touche seulement 57 % des proches aidants actuellement.
Il demeure qu'elle ne couvre pas les proches aidants étudiants, retraités, les travailleurs autonomes ou les jeunes
proches aidants de moins de 18 ans. Elle ne répond pas non plus à
tous les enjeux de la proche-aidance qui touchent la santé, la retraite,
l'éducation. Et alors que les proches
aidants assurent les deux tiers des soins et qu'ils font économiser entre
4 milliards et 10 milliards de dollars au gouvernement en soins de santé, nous sommes
conscients qu'ils en coûtent cependant aux employeurs du fait de la baisse
de productivité et du nombre d'heures travaillées.
Quand nous parlons de proche-aidance comme une
responsabilité familiale et collective, nous entendons les employeurs, mais aussi le gouvernement. Face à
l'épuisement des proches aidants, nous proclamons l'urgence d'agir sur
les facteurs systémiques contribuant à la santé et au bien-être et, par
ricochet, aux personnes que les proches aidants soutiennent.
Le
1er mars dernier, nous avons lancé une stratégie nationale qui vise à
mettre en place, donc, un plan d'action inclusif et transversal qui permettra au Québec de devenir un chef de
file au niveau canadien et au niveau international dans ce domaine et démontrer qu'il tient à coeur
les avancées sociales améliorant le bien-être de tous. C'est l'avenir des
soins offerts aux Québécois qui en dépend.
Le
Président (M. Schneeberger) : Merci pour votre présentation. Alors,
nous allons maintenant passer à une période d'échange avec Mme la
ministre pour une période d'environ 13 min 30 s. Mme la
ministre, à vous.
Mme Vien :
Bien, merci beaucoup. Bonjour, mesdames, Mme Audet, une dame de mon comté,
alors bien contente de vous retrouver ce matin.
Mme Perroux, je vais vous prendre la balle
au bond, là, vous nous parlez de 57 personnes qui ne sont pas couvertes...
excusez-moi, 57 % des personnes qui ne seraient pas sous la coupe de ce
que nous présentons.
Mme Perroux (Mélanie) : Qui le
sont.
Mme Vien : Qui le sont.
Mme Perroux
(Mélanie) : Qui le sont. 57 % des proches aidants sont aussi
employés.
Mme Vien :
Vous êtes consciente que ce dont on parle ici, c'est de la Loi sur les normes
du travail.
Mme Perroux
(Mélanie) : Bien sûr.
Mme Vien :
Donc, ce sont des gens qui sont au travail et qui évidemment sont touchés par
la Loi sur les normes du travail.
Mme Perroux
(Mélanie) : Mais, dans ces... Cette loi-là, elle a un impact sur les
gens qui ont quitté leur emploi parce
qu'ils n'ont pas réussi à faire cette conciliation-là. Elle a un impact sur les
retraités qui, pendant qu'ils étaient en emploi, ont été obligés de diminuer leurs cotisations et leur temps de
travail. Bien sûr qu'ici on est à la Commission des lois et des normes du travail, mais... et on veut
saluer cet effort-là. Ce qu'on veut mettre de l'avant aussi, c'est ce que c'est
un premier pas mais qui a besoin d'aller
au-delà, qui a besoin de regarder la proche-aidance dans une vision globale, et
c'est vraiment ce qui est important aujourd'hui.
Mme Vien : J'aimerais ça que vous nous parliez davantage
de ce qui est en place en France. Évidemment, vous en parlez, de cette possibilité
d'échanger des congés, vous avez brièvement abordé la question.
Mme Perroux
(Mélanie) : Oui.
Mme Audet
(Johanne) : Bien, en fait, c'est que, depuis janvier 2018, en fait,
c'est tout récent, en France, les employés peuvent échanger des journées de
congé. Donc, si moi, je ne les utilise pas, je peux les donner à une collègue
qui est proche aidante. Donc, c'est quand même une mesure très intéressante
qui, dans le fond, n'amène pas nécessairement de frais supplémentaires et qui vient toucher
toute la question de la solidarité collective, au niveau
des proches aidants, donc on trouve que c'est très intéressant. Je ne
sais pas si, Mélanie, tu veux compléter, là.
Mme Perroux
(Mélanie) : Bien, ça permet effectivement que la personne soit rémunérée par
le fait du salaire que son collègue
lui donne, ça fait que c'est effectivement quelque chose qui est très bien
reçu, en France, qui existait en fait déjà, préalablement, pour un petit
nombre de proches aidants, et qui a été ouvert à tous les proches aidants.
Mme Vien :
Merci. Vous nous parlez de la reconnaissance du proche aidant — c'est une première, hein, dans ce que nous présentons aujourd'hui — de l'attestation du proche aidant par un
professionnel de la santé. Vous, vous nous dites : Ça ne va pas assez
loin, on devrait, bon, élargir la portée aux organismes communautaires. Mais je
veux juste apporter une précision,
là, qu'on pourra apporter lors de l'étude article par article, c'est que ce à
quoi nous, on pensait, c'est tout
professionnel de la santé, puis là le spectre est quand même assez large, qui
font partie d'un ordre professionnel. Ça
fait que, juste pour vous donner des exemples, là, des dentistes, diététistes,
ergothérapeutes — je sais
que vous en faites mention dans votre
mémoire — infirmiers,
infirmières, médecins, opticiens, optométristes, pharmaciens, psychoéducateurs,
psychologues, sages-femmes, sexologues,
etc., des travailleurs sociaux, bien sûr. Donc, le spectre est assez large,
mais vous soutenez quand même que c'est...
• (12 heures) •
Mme Audet (Johanne) : Bien, en fait, les travailleurs, dans les
organismes communautaires... Par exemple, moi, j'emploie, là, je suis directrice du Regroupement des proches aidants de
Bellechasse. Dans mon équipe, j'ai deux intervenantes sociales qui ont une technique en travail social
mais qui ne sont pas membres de l'ordre des travailleurs sociaux. Par contre,
ce sont quand même des professionnelles qui oeuvrent dans le réseau de la
santé.
Vous
savez, quand on parle d'un réseau intégré de santé et de services sociaux,
bien, les organismes communautaires en
font partie, et souvent on intervient en amont, donc on pense que ça pourrait
être très gagnant, de pouvoir inclure les intervenants des organismes communautaires parce qu'on est en précocité,
hein, parce qu'on peut agir sur l'épuisement avant que la personne soit complètement dépassée par la situation,
donc... puis on est beaucoup plus accessibles, là, je crois que nos portes sont ouvertes et il n'y a pas
de délais d'attente actuellement pour avoir recours à nos services. Donc, c'est vraiment un milieu ouvert sur
sa communauté, un organisme communautaire, donc on pense que ce serait stratégique
de pouvoir les inclure.
Mme Vien :
Vous nous parlez d'un comité interministériel. D'abord, je vais vous dire
qu'étonnamment... Pardon?
Une voix :
Il en existe déjà un.
Mme Vien :
Un comité interministériel? Oui, c'est ça, il en existe déjà un. Vous souhaitez
quoi, exactement, avec ce comité-là? Des plans d'action? Concrètement,
là, à l'issue des travaux, ça donnerait quoi?
Mme Perroux
(Mélanie) : Le comité qui est actuellement en place a pour mandat la
définition des proches aidants. Pour
nous, la raison pour laquelle on l'a ramenée ici, c'est qu'il faut que cette
définition-là, elle soit présente avant que la loi soit mise en place.
On ne peut pas demander à des professionnels de la santé de définir qui est
proche aidant, si eux-mêmes ne sont pas en
mesure de savoir qu'est-ce que c'est, un proche aidant, qu'est-ce que ça fait.
Ça fait que, pour nous, c'est l'idée de faire coïncider ces deux
mesures-là.
La définition de proche aidant, c'est
une définition qui est très difficile, c'est un équilibre de haute voltige. Ce
n'est pas tous les groupes qui ont une
définition consensuelle actuellement, ce n'est pas tous les domaines non plus.
Pour nous, c'est important qu'il y
ait ce consensus-là, et ce consensus-là, il ne va pas se faire en quelques
semaines. Ça fait que c'était
vraiment l'idée de dire : Il faut arrimer ces deux... et le comité
interministériel et la Loi des normes du travail sur la définition.
Un comité
interministériel aussi, incluant les organismes communautaires et les
chercheurs, pour nous, permettrait de faire
le point sur quelles sont les mesures qui s'appliquent ou qui peuvent
s'appliquer actuellement aux proches
aidants et à quel point elles sont utilisées ou pas. Ce qu'il savoir, c'est que
le Conseil du statut de la femme a sorti, il y a quelques semaines, une étude qui montre que seulement 6 %
des proches aidants utilisent les services qui leur sont dus, les services gouvernementaux et le service de
répit. Ça fait qu'il y a clairement un besoin d'aller regarder qu'est-ce
qui fonctionne, qu'est-ce qui ne fonctionne
pas, et ensuite, dans le besoin, d'aller dire : Bien, qu'est-ce qu'on n'a
jamais abordé, actuellement,
concernant la proche-aidance? Quelles sont les mesures qui permettraient de les
soutenir, que ce soit sur le travail, que ce soit sur la retraite,
l'éducation? Il y en a beaucoup là-dedans.
Ça fait que, pour nous, c'est vraiment ça qui est
important pour qu'on puisse aller de l'avant vers les proches aidants,
et ce n'est pas seulement la conciliation famille-travail qui est
problématique, c'est aussi tout ce qui va autour.
Mme Vien :
En tout cas, moi, je veux vous rassurer là-dessus, le comité interministériel
existe déjà. D'ailleurs, c'est
évidemment les travaux, entre autres, du comité qui ont mené aux changements
que nous abordons aujourd'hui au niveau des proches aidants, puis ils se
poursuivent dans le temps, là.
J'aimerais
vous amener un peu plus sur... parce que vous avez pris quand même le temps de
vous pencher sur un certain nombre d'éléments du projet de loi sur les normes
du travail, notamment les 10 jours. Vous avez bien vu qu'on a
augmenté le nombre de jours auxquels on peut avoir accès. Également, toute la
notion de violence conjugale, on peut s'absenter pour ces motifs-là, etc., sans
perdre... sans avoir peur de perdre son emploi en fait.
Et
nous, la démarche qu'on a essayé d'avoir avec ce projet de loi, parce que ce
n'est pas une loi qu'on ouvre très souvent,
là, c'est d'abord une approche quand même pragmatique, mais une approche
équilibrée. Parce que, oui, c'est des
normes minimales pour les employés, mais il y a quelqu'un aussi qui doit payer
la note. Et moi, je ne peux pas ne pas
le considérer, comme les collègues ne peuvent pas aussi en faire fi. C'est la
raison pour laquelle, par exemple, on n'a pas tout retenu du 5-10-15, là. Le salaire minimum, par exemple, on a décidé
de l'augmenter, d'avoir une autre formule de calcul qui est très
intéressante, de sorte qu'on est partis de 10,75 $, je pense, depuis que,
moi... 10,45 $...
Une voix :
...
Mme Vien :
...10,55 $, depuis que je suis arrivée au ministère du Travail, nous
sommes rendus à 12 $, et on veut atteindre le 50 % du salaire
moyen d'ici 2020. On a élargi également la notion de parent, hein? Alors, ça,
ça touche bien sûr les proches aidants quand vient le temps de s'absenter du
travail.
Vous
apportez des mesures qui sont très, très, très... en fait, qui font en sorte
que les employeurs se mettent en porte-à-faux par rapport à ça, là. Je
ne vous cacherai pas que... je ne sais pas si vous avez suivi nos travaux, mais
les employeurs, le CPQ, etc., là, pour eux,
on va beaucoup, beaucoup trop loin dans ce que nous proposons. Vous, vous y
allez, par exemple, avec la
rémunération des 10 jours de congé. Est-ce que vous ne trouvez pas quand
même qu'on a une pièce législative
qui est relativement équilibrée puis qui fait un beau compromis entre les
demandes des groupes communautaires, par exemple, et les employeurs,
ceux qui paient la note à la fin de la journée?
Mme Perroux
(Mélanie) : Bien, nous sommes bien conscients que cet exercice-là, ça
se fait avec différentes parties prenantes
qui ont différents enjeux et qu'effectivement vous êtes dans... pour que ça soit accepté par tout le monde, il faut effectivement que ça convienne au plus grand nombre. Ça fait
qu'on amène toujours vers une solution gagnant-gagnant.
Nous,
maintenant, ce qu'on se dit, c'est qu'effectivement ce n'est pas une loi qui est ouverte souvent, et donc c'est important,
quand on a la possibilité de l'amener, de dire : Il y aurait besoin de
plus. Parce que c'est ça qu'on dit, dans le fond, ce qu'on dit, c'est que oui, deux jours,
c'est... ça va être bénéfique. Et effectivement, c'est peut-être le nombre qui est tombé sur... Tout le
monde est d'accord sur ces deux jours-là. Mais, quand on regarde les chiffres,
quand on regarde, récemment, les dernières données scientifiques, ce
qu'elles nous montrent, c'est que deux jours, pour les proches aidants,
bien, ce n'est pas suffisant.
Et
c'est ça que nous, on veut amener. On ne veut pas rentrer en opposition avec
qui que ce soit, on veut juste dire : La situation, elle est celle-là. La situation, elle est que souvent, les
proches aidants, ils utilisent d'abord leurs vacances avant d'en venir à utiliser leurs jours de congé,
avant d'en venir à utiliser leurs maladies, avant d'en venir... Et c'est ça qui
crée l'épuisement des proches aidants. Ça fait que nous, c'est de notre devoir
de le dire. Voilà. Deux jours, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant.
10 jours, ce serait réellement mieux.
Mme Vien :
Merci beaucoup, mesdames, de vous être présentées ce matin. C'est très
apprécié. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Schneeberger) : Alors, merci, Mme la ministre. Alors,
nous passons maintenant du côté de l'opposition officielle avec le
député de Beauharnois. M. le député, la parole est à vous.
M. Leclair : Merci, M. le Président. Alors, mesdames, merci
d'être là. Je regarde votre mémoire, face aux proches aidants, et c'est sûr et certain que, si la
ministre aurait un mandat clair, avec un budget énorme, puis elle dirait :
Il faut que
j'encadre les proches aidants, moi, je pense qu'elle prend ça, puis elle
l'applique au complet, puis je pense qu'on aurait couvert les proches
aidants à 100 % avec votre mémoire.
La réalité des choses : bien entendu, il y
a des coûts reliés à ça. La ministre en parlait. Juste d'augmenter à deux jours, on entend les employeurs. Alors, pour
la vertu et le fond, bien entendu, je pense que vous cadrez très bien :
vous ciblez le proche aidant, ça peut aller
jusqu'à où, puis l'aide, il faudrait qu'elle rentre un peu partout. Parce que,
qu'on aide ou on n'aide pas, aujourd'hui,
bien entendu, il y a des gens qui vivent toutes ces situations-là dont vous
expliquez dans votre mémoire. Mais je
peux comprendre que le monde est imparfait, donc vous nous sensibilisez à
dire : Il faudrait aller jusque-là. La ministre fait un pas dans la
bonne direction, et je dois aussi reconnaître que les montants seraient
astronomiques, si on dirait oui à toutes vos demandes, mais le proche aidant
serait effectivement très bien couvert.
Alors, moi, je pense... j'aurais une question.
Parce que je ne peux pas vous faire répéter tout ce que vous demandez là-dedans, mais j'aurais une question
pour vous, justement sur la reconnaissance des proches aidants. Comme la ministre dit, si on se fie aux professionnels,
puis vous, vous ajoutez certains organismes communautaires... Alors, je me
demande comment que l'employeur va être capable de faire le lien avec
l'organisme communautaire, tu sais? Parce qu'il y en a, des organismes communautaires, qui parfois se partagent
certaines tâches face aux proches aidants, face aux aides. Donc, comment que l'employeur va reconnaître ça,
lui, dire : Bon, bien, ce papier-là, il est valide, s'il ne vient pas du
monde de la médecine?
Mme Audet
(Johanne) : J'aimerais ça
réagir sur votre propos au niveau d'«astronomique», comment ça serait
astronomique pour le Québec. Mais actuellement, ça l'est pour les proches
aidants, là, quand on parle d'appauvrissement des gens. Donc, si ce n'est pas l'employeur qui paie les congés, bien,
c'est des congés sans solde, c'est de la diminution d'heures de travail. Donc, je pense que ça... vous
reflétez bien : Oui, ça serait astronomique si c'était transféré dans la
cour du gouvernement ou des employeurs, mais
actuellement, la charge est portée entièrement par les familles, par les
femmes, en majorité, donc, qui s'appauvrissent.
Puis pour
revenir à votre question au niveau des organismes communautaires, c'est qu'il y
en a spécifiquement, des organismes
pour les proches aidants, qui sont reconnus par le ministère de la Santé et
Services sociaux, qui ont la mission dédiée
ou qui ont un volet de leur organisation dédié à ça et qui sont là en soutien
psychosocial pour les proches aidants, qui offrent différents services
de répit. Donc, si on connaît ces gens-là, on va pouvoir leur offrir non
seulement une attestation, mais une panoplie
de services qui pourraient venir les aider dans leur quotidien et qui
viendraient diminuer l'épuisement,
qui amélioreraient la productivité aussi au niveau du travail. Donc, si on est
en équilibre dans notre vie de proche aidant, on est en équilibre dans
notre vie au travail. Je pense que c'est gagnant.
Ce n'est pas
facile à chiffrer tout ça, mais quand même,
quand on fait de la prévention, je
pense qu'on atteint des cibles
importantes. Et malheureusement ce n'est pas nécessairement visible, mais on
croit sincèrement que les organismes, là... C'est un réseau qui est
quand même bien organisé, les organismes communautaires pour les proches
aidants sont présents depuis quand même
plusieurs années, donc ils pourraient attester. Puis les employeurs, bien,
l'attestation, on la donne au proche aidant, là, si j'ai bien compris la
façon que c'était formulé.
• (12 h 10) •
M. Leclair : Oui, effectivement. Tu sais, c'est parce que je
regarde le côté pratique, là, lorsque... Même si toutes les demandes ne seront
pas rencontrées, il y a quand même certaines demandes qu'un proche aidant aura
le droit, là, à certains congés moins
rémunérés, bien entendu. Mais je me mets à la place... dans le côté pratique,
là, moi, je suis un proche aidant,
puis je dis : Bon, bien, mon employeur, là, s'il me donne ça, bien, ça me
prend un papier. Donc, moi, je me mets dans le côté pratique, la
ministre va définir un cadre, puis il va falloir qu'elle dise, là, qui est-ce
qui reconnaît.
Parce que
l'employeur, là... Puis je suis totalement derrière vous quand vous
dites : Il y a des organismes communautaires
qui sont professionnels, qui aident déjà ces gens-là. Mais, je me mets dans la
place de l'employeur qui lui ne connaît pas les organismes
communautaires, puis lui, il dit : Bon, bien, c'est Mme Leduc, là,
l'organisme, souvent... avec son acronymie
ACPPQ. Puis là, lui, il va dire : Bon, bien, ça, c'est bon. Alors, dans le
côté pratique, c'est ce côté-là, je pense qu'il faudrait peut-être... si
on veut mettre le communautaire, c'est de préciser que ça doit être un
organisme qui est relié aux proches aidants, sinon je pense que...
Puis je
terminerais puis je conclurais en vous disant que je pense qu'à partir du
moment qu'on aura reconnu qui qui
peut attester qu'on ait un proche aidant, bien, la journée qu'on donne ce
papier-là à notre employeur, qu'on veuille prendre ou non tout ce qu'il a prévu, là, dans les journées de congé, moi,
je pense qu'on va avoir faire un grand pas de l'avant parce que l'employeur va être saisi de ta réalité, alors
qu'aujourd'hui, vu qu'il n'y avait pas grand-chose pour les proches
aidants, on en parle ça fait des années, moi, je pense que c'est un pas dans la
bonne direction.
Parce que
l'employeur, au-delà qu'on dise : Bien, les normes t'obligent à, bien,
l'employeur, en étant sensibilisé à,
bien, il va peut-être être beaucoup plus ouvert d'esprit pour un certain temps,
là. Il a ses réalités, lui aussi, qu'il faut que tout le monde comprenne, mais... Ça fait que, je pense, c'est un
grand pas dans la bonne direction d'avoir un papier qui reconnaît un proche
aidant. Alors, pour le reste, bien, votre mémoire est très, très clair. Mais,
si vous voulez rajouter, je vous laisse la possibilité.
Mme Perroux
(Mélanie) : Bien, juste sur cette... sur l'attestation de papier
formulaire, il y a déjà quelque chose qui existe pour le crédit d'impôt
pour aidants naturels. Je veux dire, ce n'est pas la personne qui s'autodéclare
aidant naturel puis qui touche du coup le crédit d'impôt. Il y a déjà un
formulaire TPXYZ, là, ce qui est très difficile à aller chercher. Moi, pendant la période de crédit d'impôt, là, mon téléphone
sonne à tous les jours pour ça. La plupart des proches aidants sont comme : C'est qui qui me le
donne, ce formulaire-là? C'est où que je vais le chercher? C'est comment que
je fais?
Ça
fait que là, si c'était à l'intérieur d'un organisme communautaire, à
l'intérieur du bureau du médecin, de l'infirmière,
un travailleur social, ergothérapeute, il y a quelqu'un qui vient, il y a un
diagnostic qui se pose ou une suspicion de diagnostic; il y a M. Untel, Mme Unetelle qui est à côté,
ah! on discute un peu, on voit, vous êtes proche aidant; je sors mon
formulaire, je le signe, mon formulaire, puis c'est le proche aidant lui-même
qui va le donner à l'employeur; l'employeur, il l'a. Ce n'est pas si compliqué
que ça, ce bout-là.
Le côté plus
compliqué que ma collègue Linda voulait mettre de l'avant, c'était le fait
qu'il faut que ça soit révocable, et c'est
là où on va rentrer dans des processus administratifs qui vont peut-être être
plus compliqués. Comment on fait pour s'assurer que, si le proche aidant
dit : Je ne suis plus capable parce que la tâche est trop lourde, parce
que j'ai déménagé, parce que j'ai un nouvel
enfant, parce que je deviens trop âgé, je ne suis plus capable d'être proche
aidant, je ne veux plus utiliser ce
statut-là... Il faut effectivement que l'employeur, en bout de ligne, il soit
informé. Il faut... Mais donner l'attestation, ce n'est pas si
compliqué.
Concernant
maintenant le fait que ça coûte des millions. Ça coûterait des millions, un
plan d'action pour les proches aidants.
Il y a un fait que ça coûte des millions actuellement aux proches aidants
eux-mêmes. Mais ça coûte aussi énormément au gouvernement. Il y a une étude qui
est sortie au niveau du Canada qui montre que c'est des milliards qui sont non
collectés en impôts, en taxes pour des entreprises, et qu'au final c'est
fort... Puis nous, c'est quelque chose qu'on demande, qu'il y ait des études qui soient faites là-dessus. Mais c'est
fort probable qu'en ne faisant rien, collectivement, on perde plus qu'en
agissant pour les proches aidants.
M. Leclair :
Bien, ça me va. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Schneeberger) : Merci, M. le député de Beauharnois. Nous allons maintenant du côté de
la deuxième opposition, et la parole est au député de Chutes-de-la-Chaudière.
M. Picard : Merci,
M. le Président. Merci, mesdames,
d'être là. Merci pour, on va dire, la clarté de vos propos. C'est direct. Moi
aussi, je suis d'accord avec votre demande que ça soit des organismes communautaires reliés aux
proches aidants parce que, lorsque je vois, là, les professionnels de la santé,
là... C'est déjà difficile de les voir. Si on rajoute
une couche, là, ça va être encore plus difficile. Tantôt, j'ai compris que Mme
la ministre avait une liste, là, mais je
pense que ça peut être des organismes communautaires, comment je dirais,
identifiés par un ministère, dire : Eux peuvent le faire, là; mais
qu'il y en ait, là, que ça ne soit pas difficile pour les gens qui ont ce
besoin-là, malheureusement.
Mais
j'aimerais vous entendre... Ça, c'est une avancée, là. Mais, avec tout ce qu'on
demande, au Québec, aux proches aidants, là, je pense qu'un jour il va
falloir faire plus. Puis vous avez entièrement raison, tantôt, pour les crédits d'impôt, là, on a fait sortir des
statistiques, là, puis c'est... il y a beaucoup de gens qui ont peut-être droit
et qui ne le demandent pas. Il y a la complexité provincial-fédéral, plus de
70 ans, selon ton revenu, on en rajoute. Personnellement, je trouve qu'on lance des programmes pour la galerie
puis là, après ça, on met toutes des petites embûches qui compliquent
les choses. Puis les proches aidants, là, ça le dit, là, ils mettent du temps
pour aider, ils ne mettent pas du temps pour essayer de trouver qu'est-ce qui
pourrait faciliter leur travail. D'où l'importance du travail que vous faites.
Donc,
j'aimerais... dans un monde idéal, là, comment vous voyez ça, là, le support
que la société devrait donner, tout simplement donner à ces gens-là qui
allègent le fardeau, je vais dire, global que le réseau devrait supporter?
Mme Audet (Johanne) : Bien, en fait, c'est pour ça qu'on a sorti, le
1er mars dernier, notre Stratégie nationale de soutien aux proches
aidants, parce qu'on veut que ce soit traité de façon globale, la réalité des
proches aidants. Et il y a cinq axes
actuellement sur lesquels on souhaite que ce soit travaillé. Donc, être proche
aidant, ça devrait être un choix libre,
éclairé et révocable. Il faut absolument aussi augmenter l'intensité des
services à domicile pour les proches aidants. Il faut aussi lutter contre l'appauvrissement des proches aidants, là,
je pense que la loi du travail permet ça. Mais il y a d'autres aspects aussi, des frais directs reliés
au stationnement, reliés aux protections d'incontinence, qui peuvent devenir
quand même assez astronomiques. On souhaite aussi que la recherche soit
davantage poussée sur cette question-là. Là, j'en oublie, là.
Une voix :
...
Mme Audet (Johanne) : Oui,
l'expertise aussi du proche aidant, qui est peu considérée dans le réseau de la
santé, actuellement. Les proches aidants, ce sont les experts de leur situation
puis de la situation de la personne aidée, donc il faut les considérer. Et, trop souvent, les
professionnels arrivent à domicile et se posent en experts, eux, et écoutent
très peu les proches aidants. Donc,
on pense qu'en les écoutant, en les intégrant dans tout le réseau de la santé,
on serait très, très gagnants, puis il se sentirait considéré aussi, le proche
aidant, à travers tout ça, et ça permettrait vraiment de travailler en
équipe, alors que, là, les mesures sont souvent un peu à côté des besoins parce
qu'il n'y a pas nécessairement de communication
puis il n'y a pas d'évaluation des besoins des proches aidants non plus. Donc,
un dossier ouvert au nom du proche
aidant dans le réseau de la santé, on croit que ça permettrait d'aller plus
loin dans l'analyse de leurs besoins et dans l'offre de services,
effectivement, là.
Mme Bouchard
(Linda) : Puis peut-être pour faire du pouce, en tout cas, sur la
stratégie nationale, tu sais, vous l'avez
mentionné tout à l'heure, tu sais, les proches aidants, souvent, ils ne se
reconnaissent pas et ils utilisent très peu les services. Et c'est pourquoi on se disait : Bon, tu sais, ce
serait bien qu'il y ait une évaluation, à tout le moins, bon, de façon ponctuelle, une évaluation des besoins des
proches aidants qui les guiderait vers les différents services qui leur sont
destinés et puis aussi d'avoir une formation
pour les différents intervenants du réseau, pour qu'on parle le même langage.
Tantôt,
Mélanie disait : Bon, ce n'est pas toujours si simple, parfois, de se
retrouver, là, tu sais, avec les formulaires de crédit d'impôt, tout ça. À titre d'exemple, j'ai une dame qui s'est
présentée, pas plus tard que la semaine dernière, elle, elle souhaitait avoir... pouvoir trouver le
formulaire pour pouvoir obtenir un crédit d'impôt. Elle s'est présentée auprès
de son médecin. Son médecin, en tout cas, il
n'a pas pu la renseigner, il n'a pas trouvé le formulaire en question. Elle
s'est présentée dans un autre
organisme, et un autre organisme, puis finalement, bon, elle est arrivée à
nous, et, en quelques clics, bon, on a imprimé le document, puis elle
est repartie chez son médecin. Mais, tu sais, il reste que ce n'est pas toujours si simple que ça de se retrouver. C'est
pour ça que la formation serait, à nos yeux, pertinente, tu sais, d'avoir un
plan de formation provincial pour l'ensemble des intervenants qui oeuvrent
auprès des proches aidants aussi, là.
• (12 h 20) •
M. Picard : Ou, minimalement, une documentation disponible dans différents organismes, disant : Vous êtes proche aidant, vous avez ces possibilités-là, là. Parce qu'actuellement, là, ce n'est pas tout le
monde qui fait ses impôts, là, qui connaît
le système fiscal, là, ce n'est pas tout le monde qui... En tout cas, moi, je
pense qu'il y a un travail de sensibilisation, de formation, puis c'est un des rôles du gouvernement d'informer la
population des services qui sont disponibles. Puis je suis entièrement d'accord avec vous, les
professionnels de la santé, lorsqu'ils interviennent... je veux dire, pas tout
le temps, là, lorsqu'ils
interviennent, ils interviennent sur la personne aidée plus que sur la personne
qui est aidante. Puis, comme vous dites, c'est la personne aidante qui vit au
quotidien, là, donc, O.K.
Bien,
je tiens surtout à vous remercier pour tout ce que vous faites pour ces
personnes. C'est très important. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Schneeberger) : Alors, merci, le député de
Chutes-de-la-Chaudière. Alors, merci à vous trois pour votre généreuse
contribution à la commission.
Alors, la commission suspend ses travaux
jusqu'au lundi 28 mai, 14 heures.
(Fin de la séance à 12 h 21)