(Onze heures vingt-sept minutes)
Le
Président (M. Reid) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du
travail ouverte. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur les
normes du travail et d'autres dispositions législatives afin principalement
de faciliter la conciliation travail‑famille.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) remplace M. Lamontagne (Johnson) et M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)
remplace M. Lefebvre (Arthabaska).
Auditions (suite)
Le Président (M. Reid) :
Merci, M. le secrétaire. Nous entendrons cet avant-midi le Conseil du patronat
du Québec et le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du
Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal.
Alors, nous
commençons donc par le patronat. Je souhaite la bienvenue aux représentants du
Conseil du patronat. Je vous rappelle
que vous avez... vous disposez — vous connaissez la routine, évidemment — de 10 minutes pour votre exposé.
Et ensuite nous procéderons à une période d'échange. Je vous demanderais de
commencer, pour les fins de l'enregistrement, par vous présenter, présenter les
personnes qui vous accompagnent. M. Dorval.
Conseil du patronat du Québec
(CPQ)
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Merci, M. le
Président. Alors, mon nom est Yves-Thomas Dorval. Je suis le président et chef de la direction du Conseil du patronat du
Québec. Et je suis accompagné, à ma gauche, par Mme Norma Kozhaya, qui est économiste en chef et vice-présidente à la
recherche au CPQ, ainsi qu'à ma droite Mme Maude Grenier, qui est associée chez Norton Rose Fulbright et qui se
spécialise dans le droit du travail. Alors, merci, M. le Président, de
nous accueillir, merci aux membres de la commission.
Vous savez,
puis je pense que je l'ai démontré depuis à peu près neuf ans, le CPQ, à tout
le moins du temps où j'ai fait partie du CPQ, on a toujours été très
ouverts, très modérés, très équilibrés dans nos propos, cherchant à comprendre le bienfait ou les menaces qu'il y a
dans différents projets. Et aujourd'hui, évidemment, on ne niera pas
qu'il y a certaines bonnes choses, mais on va parler des menaces, et des
inconvénients, et des risques pour les employeurs.
Vous savez, le CPQ représente plus de 70 000 employeurs
au Québec, et on a fait une vaste consultation non seulement auprès de nos membres, mais auprès de l'ensemble des
employeurs du Québec pour mieux comprendre quels sont les enjeux
relativement au projet de loi et les impacts ou les inconvénients qui en
découlent.
• (11 h 30) •
Alors, tout
de suite, j'aimerais expliquer que, c'est très important aujourd'hui, nous ne
nous adressons pas seulement au
gouvernement ou à la ministre, on s'adresse à tous les élus parlementaires qui
participent à ce processus législatif. Et c'est important parce que vous avez tous été l'objet ou la cible de
différentes demandes, pressions, de différents groupes de pression particuliers, syndicaux, sociaux, etc.,
et ça fait partie de la démocratie. Nous, on pense personnellement que
l'aspect économique, l'aspect de
l'opérationnalisation, l'aspect du fonctionnement de tout ça n'a peut-être pas
été pris en compte de la même façon.
Oui, il y a eu une étude d'impact économique. On parle quand même de près de 700 millions
de dollars d'impact en matière de coûts économiques, et nous, quand on
regarde les hypothèses et la méthodologie, on croit très sous-estimés, en plus de ça, ces éléments-là. Et
la plupart de ces coûts-là sont récurrents, donc on parle de coûts qui s'additionnent d'une année à l'autre. Là, on parle
de plusieurs milliards de dollars d'impact de coûts économiques
sur plusieurs années.
Alors, le gouvernement a fait des bonnes choses concernant le milieu de travail, il va
annoncer aussi une stratégie nationale sur la main-d'oeuvre bientôt, on ne dit pas qu'il n'y a pas des éléments qui sont pris en compte, mais, quand on regarde le projet de loi, à sa face même,
avec ses dispositions, on a des craintes et on a des problèmes.
Il augmente les coûts, je viens de le
mentionner tantôt, et le gouvernement le reconnaît dans son étude, il
augmente le fardeau réglementaire, alors que la nouvelle politique d'allègement réglementaire devrait être du
un pour un. On devrait normalement, lorsqu'on
arrive avec un règlement, avoir
l'élimination d'un règlement semblable. Et il comporte des risques et des
inconvénients au plan du développement des employeurs des entreprises.
Je vais me
poser des questions tout haut, M. le Président, puis ça s'adresse évidemment
aux élus. C'est quoi, les principaux
enjeux actuellement qu'il y a sur le marché du travail puis auprès des
entreprises? Le premier enjeu, c'est d'avoir accès
à une main-d'oeuvre qualifiée. Puis je venais de Montréal tout à l'heure. Sur
le long de la 20, il y avait plein d'entreprises,
c'est marqué : Nous embauchons, nous embauchons, nous embauchons. Je suis
à Québec, c'est la même affaire. Et,
ce soir et demain, je serai sur la Côte-Nord, c'est la même affaire. Dans
toutes les régions du Québec, on dit : On a besoin de travailleurs.
Il y a une
hypothèse qui dit que ce projet de loi là pourrait aider à attirer la
main-d'oeuvre. En fait, on est déjà dans
un problème d'attraction de main-d'oeuvre. Ce n'est pas le projet de loi qui va
l'améliorer. Les employeurs sont déjà exposés à la nécessité de procurer
des conditions attractives qui permettent aussi la rétention de la
main-d'oeuvre.
D'ailleurs, à
peu près... je ne sais pas, c'est... 80 % des employeurs, si on regarde
les questions de conciliation travail-famille,
ont déjà des conditions plus significatives encore pour la conciliation
travail-famille. Quand on regarde en matière de différentes
dispositions, on s'aperçoit que la grande majorité des employeurs vont déjà
au-delà.
Le problème qu'on a, oui, il y a des entreprises
qui ne peuvent pas le faire parce qu'elles n'ont pas la marge nécessaire, si on crée davantage d'obligations, elles
n'auront pas nécessairement la marge, mais ce que le projet de loi ne dit pas, c'est qu'on frappe beaucoup également des
grands employeurs qui offrent des bonnes conditions, des bons emplois,
des bons salaires, qui vont être frappés et qui vont probablement réduire
l'intérêt d'investir davantage à cause des impacts qu'il y a.
Donc, avoir
une main-d'oeuvre qualifiée, on estime... et puis ce n'est pas nous, le CPQ,
c'est la consultation qu'on a faite
auprès de nos membres et auprès des employeurs, ils estiment qu'il y aura des
impacts sur l'attractivité et la rétention de la main-d'oeuvre.
Améliorer la
productivité, c'est le deuxième enjeu que les employeurs, les entreprises
mentionnent pour favoriser une
meilleure compétitivité. Est-ce que le projet de loi aide à améliorer la
productivité? Ce que nos membres, ce que les employeurs nous disent, c'est non. Oui, il y a une disposition en particulier
sur l'étalement des heures de travail qui ne va pas aussi loin que ce
qu'on aurait aimé, mais, si on regarde l'ensemble des autres éléments, on a un
problème.
Troisième
élément que les employeurs nous disent : Quel est l'enjeu principal? C'est
le fardeau réglementaire. Est-ce que le projet de loi vient réduire le
fardeau réglementaire? La réponse est non.
On parlait
d'impact économique tantôt, on n'estime pas non plus les impacts en cascade.
Vous savez, si on veut retenir puis
attirer la main-d'oeuvre, il faut offrir des conditions plus intéressantes. Ça
nécessite une certaine flexibilité. Les normes, ça doit être le
plancher. Or, si le seuil est encore plus élevé, qu'est-ce qui va se produire?
C'est que les employeurs, pour être en
mesure d'attirer la main-d'oeuvre, vont être obligés d'en mettre encore
davantage. Et ça, ces impacts économiques là ne sont pas estimés à sa
juste valeur.
Quelle sera
la réaction des investisseurs? Au Québec, tous partis confondus, on veut de
l'investissement au Québec. Quelle
sera la réaction des investisseurs dans le contexte où, en même temps au sud de
la frontière avec les États-Unis, il y
a moins de réglementation, les tarifs à la frontière sont de plus en plus à la
mode, et on a une baisse drastique de l'impôt sur les corporations?
Pendant ce temps-là, le gouvernement, dans son dernier budget, a essayé
d'aménager certains assouplissements au niveau des cotisations sur la masse
salariale, mais on visait principalement les PME.
Ce que le
projet de loi ne dit pas, c'est qu'il y a beaucoup de grands employeurs qui
vont être touchés directement. Comment?
Prenons la question des agences de placement ou l'accès à la main-d'oeuvre
qualifiée. Vous savez, on dit, comme
préambule, que le projet de loi veut offrir des conditions plus intéressantes
pour la conciliation travail-famille. Donc,
en théorie, on va offrir plus de vacances, plus de congés. Puis qu'est-ce que
ça fait, une agence de placement, dans la majorité des cas? Ça produit des travailleurs de remplacement pour permettre
aux travailleurs en entreprise de prendre des vacances dans le temps des fêtes, dans le temps de l'été, et aussi
assumer le volume de production, qui peut être inégal dans l'année, puis il peut être plus grand, puis
une entreprise ne peut pas assumer le plein recours à toute une main-d'oeuvre,
alors qu'il y a des creux dans tout ça. L'agence de placement est là pour
accompagner.
Or, dans les
règles qu'il y a là... Puis là ce n'est pas la question des permis. On n'est
pas contre les permis. C'est la question
de l'impact des obligations, notamment sur les questions de salaires, et ainsi
de suite, qui sont calculés, qui sont faits
par des employeurs qui sont des agences de placement en fonction de trouver la
main-d'oeuvre disponible, mais pour permettre
aux employeurs de dire à leurs employés aussi : Vous pouvez prendre des
vacances. Sinon, si on n'a pas des travailleurs
de remplacement d'agences de placement, qu'est-ce qui va se passer? Bien, on va
avoir moins de conditions à offrir.
Les absences rémunérées ou non. Quand on regarde
le préambule de la loi, là, c'est : augmente le nombre de semaines d'absence, définition de «parent» qu'on
élargit, prévoit que certaines journées d'absence seront rémunérées,
oblige les agences de placement à détenir un permis, seront dorénavant
solidairement responsables, des obligations pécuniaires.
On interdit que les taux de salaire soient différents, les disparités, les
différences de traitement, le nombre d'heures
supplémentaires et aussi on permet aux salariés de refuser de travailler. On
réduit tout ça. Donc, c'est toutes des contraintes
additionnelles, là. Il y a juste une disposition sur l'étalement des heures de
travail, puis évidemment les athlètes, dans les sports, qui sont encore
aux études. Bref, on a des enjeux.
Au niveau de
la productivité, j'en ai parlé tantôt. Les horaires de travail, pour des
petites entreprises, pour des entreprises
qui sont sujettes à la volatilité de la demande dans le tourisme, dans la
restauration, etc., ça devient un enfer. Pour les investissements aussi,
ça va représenter une interrogation pour les employeurs.
Finalement,
M. le Président, le fardeau, j'ai parlé tantôt du préambule, il y a des coûts
administratifs. Il y a une politique
d'allègement réglementaire où on devrait avoir un pour un. J'aimerais bien
qu'on m'identifie ici quels sont les règlements qu'on va laisser tomber
pour permettre ces nouveaux règlements là.
Et finalement
les régimes de retraite. Régimes de retraite, pour nous, c'est une question
qu'on aimerait bien aborder dans la
période de questions. Je ne peux pas aborder tous les éléments dans le détail,
mais c'est majeur. C'est majeur pour qui? Pour des employeurs qui
offrent déjà de très bonnes conditions. Ce n'est pas tous les employeurs qui
offrent des régimes de retraite différenciés. Les employeurs offrent de très
bonnes conditions dans ces entreprises-là. Et ce qu'on veut établir, finalement, c'est les obliger
à n'en avoir qu'un seul. Bien sûr, dans le projet
de loi, on a une clause qui
nous permet de maintenir, mais la pression
est énorme, et il y a des législateurs ici présents qui voudraient voir l'abolition d'une clause qui permet de
continuer les régimes existants, pour des raisons qu'on peut comprendre, sans
comprendre l'impact que ça va avoir.
Puis j'aimerais
ça que chaque élu puisse aller voir les employés qui ont 25 ans de
service, qu'il les regarde droit dans
les yeux. Puis le fait d'avoir voté pour abolir les clauses de différentiation,
ça va faire que, dans la majorité des cas, les employeurs n'offriront plus des régimes
à prestations déterminées pour des employés qui ont 25, 30 ans de service.
Là, je ne sais pas comment va être la
réaction des employés, mais je peux vous dire que les regarder droit dans les
yeux pour leur dire qu'on abolit ces...
par une disposition législative, qu'on va occasionner l'abolissement de ces
programmes-là, je ne suis pas sûr que ça va être bien reçu par les
employés.
Le
Président (M. Reid) : Merci beaucoup. Je voudrais dire,
pour ceux qui suivent les temps, les chronométrages, qu'on était déjà,
depuis quelques instants, avec permission gouvernementale, sur le temps du
gouvernement. Mme la ministre, à vous la parole.
• (11 h 40) •
Mme Vien : Bien, merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Dorval, et aux deux dames qui vous accompagnent. Bienvenue à l'Assemblée nationale.
Merci pour votre contribution. On vous sait très actifs suite aux
travaux de plusieurs ministres. Vous émettez vos opinions, vos suggestions, et
c'est très apprécié. Merci beaucoup.
Peut-être
rappeler un certain nombre d'éléments. D'abord, et vous en avez fait mention,
mais que, dans les lois sur les
normes du travail... Évidemment, c'est une pièce législative qui vient mettre
un seuil, hein, si vous voulez, en termes de normes pour les
travailleurs, de normes minimales pour les travailleurs. Mais, quand même, on a
eu, au cours des deux dernières années, des
discussions avec des gens de qui vous êtes probablement très près, notamment
l'Association des restaurateurs du Québec,
et on a acquiescé à une de leurs demandes, c'est-à-dire d'accepter qu'il y ait
un écart salarial entre le salaire
minimum au pourboire et le salaire minimum du taux général pour en arriver à un
écart de 20 % d'ici 2020 pour permettre justement
aux restaurateurs d'avoir les ressources nécessaires et les marges de manoeuvre
nécessaires pour augmenter le salaire des
personnes en cuisine, par exemple. Nous ne sommes pas allés à 15 $ de
l'heure, comme plusieurs personnes,
les groupes, nous le demandaient. Si nous l'avions fait au moment où la demande
était sur mon pupitre, c'est une augmentation
de 47 % à laquelle on aurait fait face, et je pense qu'on aurait créé un
tsunami, là, vraiment une instabilité certaine.
De mémoire de
femme, je pense qu'on en est rendu à 18 % de diminution en termes
d'allègement réglementaire. Je pense
que c'est une donnée qui est intéressante. C'est une donnée d'ailleurs qui
était portée à l'époque par ma collègue Mme Thériault. Et nous avons annoncé, dans le dernier budget par le
ministre des Finances, des allègements également de l'ordre de
2,2 milliards de dollars pour nos entreprises.
Tout ça en
marge des avancées que nous voulons... que nous proposons et qui sont dans les
normes du travail. Plusieurs
entreprises ou organisations qui représentent les entreprises au Québec, que ce
soit vous ou encore la FCEI, nous disaient :
Ça va prendre des mesures compensatoires, compensatrices, là, je ne sais pas
c'est lequel, le plus approprié, et je pense qu'on a répondu présent
dans le dernier budget de mon collègue le ministre des Finances.
Par ailleurs,
la Loi sur les normes du travail, ce n'est pas une loi qu'on ouvre à tout bout
de champ, vous l'avez vous-même souligné. De mémoire, elle a été mise en
place en 1979, ouverte en 1990, ouverte en 2002 puis ouverte maintenant, en 2018. Je ne pense pas qu'il y ait
de l'exagération. Je pense qu'effectivement on souhaite se coller sur un
monde qui évolue à vitesse grand V.
En fait, je
voulais faire un certain nombre de points pour dire qu'effectivement on est
quand même sensibles à la situation des entreprises du Québec, et on
essaie d'être intelligents dans nos propositions puis être équilibrés aussi. Notamment, en ce qui a trait au salaire minimum,
là, on n'a pas voulu l'augmenter puis on a une démarche qui est pragmatique,
qui est, sérieuse et qui est évolutive,
progressive. D'atteindre 50 % du salaire horaire moyen d'ici 2020, je
pense que c'est une bonne avenue.
J'aimerais
vous entendre, puis je vais vous donner l'occasion d'y aller de façon plus
approfondie, c'était votre souhait, sur les disparités de traitement,
qui sont dorénavant interdites dans la loi. Mais on a eu, encore une fois,
cette sensibilité pour les entreprises, des
collègues des oppositions, certains sont en désaccord avec ce que nous
proposons, c'est-à-dire que nous ne permettons pas la rétroactivité, qu'à
partir de l'année ou la date zéro il ne peut plus y avoir de disparité de traitement en ce qui a trait aux
régimes de retraite ou des avantages sociaux, mais que tout ce qui est
venu ou tout ce qui vient avant ne peut pas
être amendé, ne peut pas être touché, à moins que ce soit la volonté des deux
parties, parce qu'on se dit : Il y a eu
des négociations. Il y a quelqu'un qui a donné, il y a quelqu'un qui a reçu.
Donc, ça serait périlleux d'aller jouer là-dedans. Je présume que vous
êtes d'accord à ce qu'il n'y ait pas de rétroactivité.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Alors, M. le
Président, c'est clair que nous, on pense qu'on ne devrait pas toucher au statut actuel des régimes de retraite,
nonobstant le fait de ne pas revenir en arrière, etc., sur les régimes en
place, mais, effectivement, à tout le moins, ce serait absolument
invivable pour une entreprise d'être obligée de revenir en arrière.
Là, je vais quand même prendre le temps, M. le
Président, de préciser deux, trois choses. Vous savez, il y a plusieurs États à
travers le monde où les employeurs ont été aux prises avec la même décision. Ce
n'est pas compliqué, ils ont terminé les
régimes à prestations déterminées puis ils sont allés vers les régimes à
cotisations déterminées ou d'autres types de régimes pour lesquels les
employeurs n'ont plus à supporter le risque.
Et au Canada,
au Québec, beaucoup d'employeurs ont décidé d'être responsables à l'égard de la
promesse qui a été faite à des
employés dans le passé. Ça, c'est une question de responsabilité à l'égard
d'une promesse qui a été faite, mais, en même temps, ces entreprises disaient :
Mais je ne peux plus augmenter le risque parce que ce n'est pas mon,
excusez l'anglicisme, «core business». Mon
«core business», c'est de produire, c'est d'extraire, c'est de transformer,
c'est d'offrir des services, mais ce
n'est pas de gérer des régimes de retraite avec toute la volatilité, toutes les
choses imprévisibles qui peuvent arriver puis l'impact que ça peut avoir
sur mon bilan financier, et ainsi de suite.
Alors, les
entreprises ont regardé qu'est-ce qu'on peut offrir pour une nouvelle génération
de travailleurs, mais qui va répondre
encore plus spécifiquement à leurs besoins. Et la majorité des employeurs sont
arrivés avec des solutions. Puis ce
n'est pas juste des régimes de retraite et d'avantages sociaux parce que ça a
touché aussi des conditions salariales. Il y a même des employeurs qui ont
décidé d'offrir en contrepartie un régime d'intéressement à l'action de la compagnie, et ainsi de suite.
Donc, il y a
eu toutes sortes de décisions qui ont été prises. Revenir en arrière, ça serait
comme ce que la ministre a dit tout à
l'heure, comme très complexe, ça serait le chaos parce qu'il faut revenir en
arrière des décisions qui ont été prises. Puis la seule raison pour laquelle ça a été pris, c'est qu'il y a des employeurs
qui ont dit, soit suite à une négociation, parce qu'il y a des employés aussi qui ne sont pas dans les milieux de travail
syndiqués : Parce que j'ai fait une promesse, je vais la respecter. Puis, quand je vais embaucher
une nouvelle personne, ils vont savoir dans quel environnement on va
être. Puis en plus de ça je ne leur offrirai
pas des conditions minables, parce que la majorité des employeurs dont on
parle, c'est des employeurs qui
offrent de très bonnes conditions de travail, pas le seuil minimum, de très
bonnes conditions de travail, et
elles ont besoin d'attirer des nouvelles personnes. Ils vont dépenser, hein, de
l'imagination et de la créativité pour amener des nouveaux employés. Ils n'ont pas besoin d'avoir le gouvernement ou
le Parlement qui vient dire : Non, non, non, on va décider qu'est-ce qui est le mieux pour vous.
Puis, en plus de ça, en faisant ça, on va créer non seulement le chaos si
c'est rétroactif, mais, en plus de ça, on va
créer des conditions pour des conflits de travail plus longs, plus durs.
Pourquoi? Parce que ça va donner un
rapport de force différent entre les mains des syndicats. Puis l'employeur, de
son côté, qu'est-ce qui va arriver?
La grande majorité, ils vont dire : C'est fini, on n'en offrira plus pour
les anciens employés. On va terminer ça aujourd'hui
Vous savez,
depuis qu'ensemble les syndicats et les employeurs ont décidé, puis on a fait
partie de ça, le CPQ, de recommander
des nouvelles formules de financement pour les régimes à prestations
déterminées, il n'y a eu qu'un seul régime
qui a été fermé depuis ce temps-là, puis là je parle de deux ans. Ça veut dire
qu'on a réussi à trouver une solution. Mais, si on accroît les obligations pour
les employeurs, je vous le garantis, ça va être un impact majeur. Puis, en plus
de ça, il y a des employeurs qui ont des régimes pas juste
au Québec, ailleurs, puis ils vont dire : Moi, je n'embarquerai pas
là-dedans.
Le Président (M. Reid) :
Mme la ministre.
Mme Vien :
Merci, M. Dorval. Vous nous disiez tout à l'heure : Je ne suis pas
contre les permis en ce qui a trait aux agences de placement et les
agences de recrutement. Reconnaissez-vous qu'il y a des lacunes?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : M. le
Président, effectivement, il y a des agences de placement qui sont
extrêmement responsables, qui font un bon
travail et qui sont dans un milieu compétitif où parfois il y a des agences qui
ne respectent pas les normes, qui ne respectent pas les bonnes
pratiques. Ça crée un environnement concurrentiel désavantageux.
Ce qu'on dit,
c'est : On n'est pas contre un permis, mais, on spécifie, il faut quand
même que ça ne soit pas un alourdissement
réglementaire épouvantable pour obtenir un permis, que ça ne soit pas
extrêmement coûteux pour obtenir un permis.
Puis, en plus de ça, le gouvernement, en absence, avait créé l'obligation pour
les donneurs d'ouvrage d'avoir des autorisations
fiscales, la certification fiscale. Alors, ça, c'était la bretelle, puis là on
veut mettre la ceinture ou vice et versa. Là, ce qu'on dit, c'est : Bien, si vous faites un choix de permis
ou le certificat de conformité fiscale, bien là, c'est comme si vous
aviez la bretelle et la ceinture. On peut peut-être en choisir juste un.
Et, en
Ontario, ils l'ont, le permis, puis on se dit : On ne sera pas tellement
en compétition, à ce moment-là, de manière
désavantageuse. Ce n'est pas un problème. Nous, ce qui nous préoccupe sur les
agences de placement, c'est la question
de l'évaluation des salaires par rapport à des postes équivalents en emploi
parce qu'un travailleur permanent, il a de l'expérience, il a de la formation, il a un plan de carrière dans
l'entreprise, il y a un intérêt, pour l'entreprise, de l'attirer et de le garder. On va lui offrir des conditions
différentes, probablement, qu'une agence de placement qui va utiliser de
la main-d'oeuvre de manière temporaire et
spécifique pour certains besoins. Donc, ça ne sera pas nécessairement les
mêmes conditions salariales.
Le Président (M. Reid) :
Merci, M. Dorval. Mme la ministre.
• (11 h 50) •
Mme Vien :
Merci beaucoup, M. Dorval. J'y vais un petit peu plus rondement, là, parce
que... bien, c'est parce que le temps file beaucoup, puis les
oppositions, je les connais, ils ne me donneront pas leur temps. Ça fait que je
vais capitaliser sur le mien.
Juste vous
rassurer que le règlement, il est en élaboration actuellement, donc concernant les agences de placement, les agences de recrutement. La CNESST est au
dossier avec les gens du ministère. Et c'est un règlement... En fait,
les intentions que j'aurai seront déposées au moment où nous ferons l'étude
article par article, ce qui devrait se faire possiblement
à la fin mai ou début juin. À ce
niveau-là, ça, vous aurez l'occasion
de vous prononcer là-dessus parce
que tout règlement, il y a toujours
une période de 45 jours. Évidemment, on va venir encadrer de façon...
on va venir réguler de façon assez rigoureuse, mais tout en étant aussi
intelligent, encore une fois. S'il y a de la paperasserie, des papiers à
demander, des certificats de ci, de ça, on va essayer aussi de faire atterrir
ça de façon intelligente pour ne pas que l'entrepreneur ait à répéter des
envois inutiles.
Je vois bien que votre grande préoccupation au niveau des agences, c'est toute la question
des salaires. D'ailleurs, en Ontario,
c'est le salaire égal, hein, c'est ce qu'on me glisse à l'oreille, et quoiqu'en
Ontario l'encadrement des agences se soit fait sur une voie
légale, en fait, avec une pièce législative, nous, on a décidé d'y aller par règlement.
Mais
reconnaissez-vous, M. Thomas, quand même que... pardon, M. Dorval,
que des agences... tantôt, vous disiez :
C'est beaucoup pour du remplacement, mais qu'aujourd'hui on voit ça de plus en plus que c'est sur
une base aussi permanente qu'on engage le personnel d'agence? Ça se
voit. Vous voyez?
M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le
Président, il y a
tout un langage qui confond un peu les choses aussi entre les agences de placement puis de l'impartition, et ainsi de suite, hein? Il va falloir clarifier un peu des définitions
de tout ça.
Mme la ministre a parlé de certains cas où il
y a des employés temporaires qui sont
quasiment plus permanents que des
employés réguliers. La réalité, c'est que ce n'est pas la majorité.
La majorité des cas, ce n'est pas ça. La majorité des cas, c'est pour des besoins ponctuels qui sont soit liés à de l'absence
de personnes au travail ou de manque de travailleurs en emploi parce
qu'il y a un volume de travail plus
élevé. Ce n'est pas la majorité. Et, lorsque ça se produit, il y a plusieurs endroits où
les employeurs... par exemple, dans les milieux syndiqués, il y a
des conventions qui ont été établies entre les employeurs puis les travailleurs, dans certains endroits, pour dire :
Écoute, après deux ans qu'une personne sera dans un emploi, bien, on s'entend que l'employeur va soit être obligé de le prendre dans
son équipe ou soit que le contrat de cette personne-là va se terminer.
Il y a des moyens.
Et
c'est tout ça qu'on explique ici, c'est que, justement, le milieu du travail,
les échanges qu'il y a entre l'offre et la demande entre les employeurs et les employés dans un marché où on est
en pénurie de main-d'oeuvre pour au moins d'ici 2030, le marché joue et à l'avantage des employés actuellement. La
réglementation, ce qu'elle vient faire, c'est qu'elle vient toucher des organisations de manière
paramétrique qui n'ont pas besoin de cette nouvelle réglementation là
pour offrir des bonnes conditions. Et c'est
là où est-ce que le grand défi est, c'est que probablement qu'on veut protéger
les personnes les plus vulnérables. Puis le
CPQ est d'accord pour protéger les personnes les plus vulnérables, mais on ne
doit pas démolir des modèles économiques,
des modèles d'affaires parce qu'on veut protéger certaines personnes. Puis il
y a moyen de trouver des solutions pour
accommoder de part et d'autre sans nécessairement avoir une législation qui
vient imposer des mesures comme celles-là.
Et
la question de la durabilité dans un poste, le gouvernement lui-même fait face
à ces propres enjeux là avec ses employés
temporaires. Alors, on aimerait bien voir le gouvernement, des fois, régler ce
problème-là avant de commencer à s'intéresser aux entreprises privées.
Le
Président (M. Reid) : Alors, merci beaucoup. Nous allons
passer maintenant à l'opposition officielle. M. le député de
Beauharnois.
M. Leclair : Merci, M. le Président. Alors, M. Dorval, mesdames, merci d'être
là. D'entrée de jeu, M. Dorval, je vous dirais que, jusqu'à hier, j'étais environ au même point que vous,
au même avis que vous sur les agences de placement. Hier, on a entendu des groupes. Je peux vous dire
que j'ai passé du blanc au noir. C'est vraiment, vraiment un autre
portrait qu'on a de cette réalité-là. Que
l'on parle de permanence, ça semble être le cas dans beaucoup, beaucoup de cas,
surtout pour les gens qui sont immigrants ici, qui sont entre une attente de
permis de travail ou de reconnaissance, il semble y avoir un grand enjeu. En tout cas, je prends dans la région de
Montréal, là. Hier, les frissons, je les avais sur les bras parce que conditions de travail, normes du travail, salaire minimum, mettez-en, mettez-en, ça semble
être vraiment un vrai parc de jeu que ces dites agences
là utilisent.
Mais,
dans votre mémoire, je vais revenir à
vous quand même parce que vous êtes ici pour qu'on puisse questionner votre mémoire et vos idées... des gens que vous
représentez, vous parlez des agences de placement, vous sortez les
points que vous saluez, que la ministre va
encadrer, et tout. Je pense que ça ne fait pas d'objection de personne autour
de la table. Mais j'aimerais que vous
nous expliquiez un peu. À la page 10, vous dites : À propos de
l'obligation de détenir un permis délivré
par la CNESST — c'est en
milieu de page, là — vous
dites qu'il faudrait vérifier comme il faut, ça, avec Revenu Québec, et tout. Ça ne semble pas être clair en ce
moment dans le projet de loi. Alors, je voudrais vous entendre face à
ça, là, votre inquiétude que vous avez, ou
au moins la mise en garde que vous nous portez suite à l'adoption du projet de
loi.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci. M. le Président, d'abord, je veux juste
dire un mot sur l'immigration, et sur les agences de placement, puis des cas qui sont soulevés. Vous savez,
quelqu'un qui ne respecte pas les normes, que ce soit le salaire minimum ou les normes du travail
actuelles, ce n'est pas parce qu'on fait une nouvelle loi qu'ils vont agir
mieux. La réalité, c'est que, si elles
agissent déjà dans l'illégalité, ce n'est pas correct, et il faut intervenir
pour les en empêcher. Mais ce n'est pas en créant une loi qui va venir
frapper toutes les autres agences qui agissent correctement qu'on va régler le
problème. Les agences qui agissent illégalement vont continuer probablement à
agir illégalement.
C'est
pour ça qu'on n'est pas contre les permis parce que, là, c'est l'obligation,
pour un donneur d'ouvrage, d'exiger qu'il
ait un permis. Puis là, s'il a un permis, ça veut dire qu'il y a de
l'inspection ou de la vérification. Donc, il y aura à ce moment-là
davantage de contrôle.
Concernant les
immigrants, encore une fois, s'il y a des organisations qui exploitent de
manière éhontée des individus, ce n'est pas
correct, puis il faut régler ça. Puis c'est ça que les normes du travail... le
salaire minimum fait déjà. Mais les
immigrants ont besoin souvent des agences de placement pour aller chercher leur
première expérience de travail au Québec.
Puis qu'est-ce qu'un employeur va demander à une personne nouvelle arrivée?
As-tu de l'expérience de travail au Québec?
Et, si l'immigrant peut dire oui, finalement, ça a été, pour lui, le passage
par une agence de placement, une valeur ajoutée et non pas une menace. Ce qui ne veut pas dire que, dans tous
les cas, c'est bien fait. Mais la loi existe déjà, là, pour le respect
des normes.
Et
je reviens sur la question que vous avez mentionnée, la question de Revenu
Québec. Je vais confier la réponse à ma collègue, ici, Norma Kozhaya.
Mme Kozhaya (Norma) : Merci.
Effectivement, c'est la question du dédoublement. C'est qu'il existe en ce moment l'attestation de Revenu Québec qui est
exigée des agences de placement, comme pour le secteur de la
construction. Donc, comment ça va s'insérer?
Est-ce qu'on pense travailler ensemble ou abolir l'une ou... travailler
ensemble juste pour ne pas dédoubler, pour que ni l'agence ne soit
obligée de détenir les deux, et l'employeur, à chaque fois... le client... demander les deux, donc que ce ne soit pas un
dédoublement. Donc, j'imagine qu'il y aurait peut-être un choix à faire
ou un travail de collaboration à faire entre la commission et Revenu Québec
pour avoir un permis, mettons.
M. Leclair : Donc, vous nous
suggérez aussi que la CNESST devrait combler la tâche de communiquer avec
Revenu Québec au lieu qu'on ait à communiquer des... mettons, un dédoublement,
là.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : M. le Président... puis c'est conforme à la politique d'allègement réglementaire. Si tu fais une nouvelle réglementation, tu devrais
regarder qu'est-ce que tu peux éliminer, par ailleurs. Puis on comprend
bien que les deux réglementations ici, dans le fond, c'est comme je disais tout à l'heure, c'est la ceinture et les bretelles. Ça fait que, si on en choisit une qui est le permis, pas de problème avec ça. Alors, allons avec le permis, mais n'exigeons pas, en
particulier des donneurs d'ouvrage, des doubles responsabilités. C'est surtout
ça qu'on dit, M. le Président.
• (12 heures) •
M. Leclair : Merci. Je reviendrais à la page 7,
disparités de traitements. On a entendu des groupes, hier, nous parler
de disparités de traitements et de dire : Il faudrait s'assurer que ça ne
sera pas mur à mur, donc qu'il y aura un facteur d'équivalence lorsqu'on parle de disparités de traitement, soit dans les
régimes de retraite ou dans... que ce soit même pour les
avantages sociaux, et tout ça.
Donc,
certains groupes, des représentants des travailleurs, nous disaient, hier soir, qu'eux seraient prêts
à prévoir une table puis que les gens pourraient, à cette table-là, se
donner des guides pour dire : Trouvons, au minimum, des équivalences. Sans dire : C'est tout un
régime qu'on garde ou tout un autre qu'on va tendre vers. Puis, avec la réalité
de l'emploi aujourd'hui, il y a peut-être
même des groupes de travailleurs — parce qu'hier je posais la question — peut-être
des plus jeunes groupes de travailleurs qui vont être plus volatiles dans leur
milieu de travail. Puis on l'a entendu souvent
dans d'autres projets de loi. Vous avez eu la chance de nous l'expliquer,
M. Dorval, sous d'autres conditions, mais ça revenait à dire :
Bien, regardons un peu à l'avant, de dire : Est-ce qu'un travailleur
pourrait se promener avec son régime de retraite? Est-ce que ça existe? Si la
réponse est oui, est-ce qu'on peut adapter ça à la réalité d'aujourd'hui?
Donc, une
table comme ça, seriez-vous en faveur de ça, justement pour donner la latitude
autant à l'employeur autant aux
groupes? Si on dit que c'est équivalent, si on part de la prémisse que ça sera
équivalent à ce qui existe, moi, que ça
soit bleu, gris, jaune ou vert, si c'est équivalent, qu'il n'y a pas de perte
puis ça améliore la situation des deux côtés... Alors, j'aimerais vous
entendre sur ça.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : M. le
Président, d'abord, la question de l'équivalence, il y a des employeurs
qui ont fait vraiment ça dans la
transformation de leurs régimes pour avoir une... Aujourd'hui, ils ont des
régimes différenciés, mais ils ont
justement fait cet exercice-là. Dans d'autres milieux de travail, j'en connais
un en particulier qui a fait beaucoup la nouvelle, il y a eu une discussion, et les tribunaux ont reconnu que ce
qui était offert par l'employeur était effectivement équivalent.
La question,
c'est que, déjà, il existe des mécanismes de convention collective puis il y a
des discussions qui se font avec les
représentants des travailleurs puis les employeurs dans ces milieux-là. Alors,
ça existe, c'est là. Et ils peuvent trouver des solutions ensemble, et
il y en a qui ont trouvé des solutions ensemble.
Mais il faut se rappeler que ce n'est pas juste
une question de régime de retraite. Ce que le régime de retraite provoque, on a dit, c'est une augmentation
importante du risque aussi pour l'employeur, qu'il ne veut plus assumer
parce que ce n'est pas son «core business».
Et ce qu'on risque de faire, si on veut commencer à transposer le risque sur
d'autres employeurs, les employeurs vont
dire : Aïe! Un instant! Comment ça se fait que je vais supporter le risque
nouveau? Là, la complexité va devenir...
La transportabilité d'un régime à prestations déterminées, ce n'est pas de la
tarte. Alors, je peux juste vous dire qu'on s'en va dans des discussions
très, très, très difficiles. Mais, cela dit, c'est justement
le débat qu'il va y avoir.
Puis aujourd'hui on est dans un contexte, je le répète puis je vais le répéter tout le temps, où on est en pénurie de main-d'oeuvre au Québec, et c'est prévisible puis c'est au moins jusqu'en
2030. Donc, on a encore un bon 12 ans, là, où est-ce qu'on est en pénurie de main-d'oeuvre puis on ne connaît pas le futur. Alors, les
employeurs, là, ils vont se forcer pour
avoir les meilleures conditions dans la mesure de leur capacité financière pour
offrir aux employés, puis il y a
toutes sortes d'innovations qui vont se faire.
Puis la question
de l'équivalence, nous, ce qu'on dit, c'est que l'équivalence, elle est là dans
la plupart des cas, mais elle est
différente sur différents régimes. C'est vrai aussi sur de l'assurance
collective. Il y a des nouveaux employés qui ne veulent pas nécessairement avoir des types
d'assurance collective qui existaient avant puis qui demandent d'avoir, par
exemple, des flex — excusez-moi
l'expression — c'est-à-dire une espèce d'enveloppe globale, puis ils vont la prendre, alors
que, dans d'autres cas, ils veulent avoir de l'assurance.
Les
employeurs vont écouter puis ils vont trouver les façons d'accommoder les
employés, mais ils ne peuvent pas le
faire au détriment, un, de l'aspect financier, parce que l'entreprise, pour être durable, il faut qu'elle fasse des profits, puis, deuxièmement, ils ne peuvent pas le faire non plus au
détriment de la complexité et de l'opérationnalisation de la chose. Si on est obligé
d'embaucher une armée de consultants ou de personnel à l'interne pour administrer des clauses différentes, ça
devient très compliqué.
Alors,
M. le Président, je vous dirais, je crois qu'on a un mécanisme de négociation
collective qui fonctionne. Je crois juste que, si on bouleverse certains
éléments, on risque d'augmenter les conflits de travail.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous avons épuisé le
temps pour le groupe de l'opposition officielle. Nous passons maintenant
au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.
M. Picard :
Merci, M. le Président. Merci et bienvenue, messieurs dames. Je vais continuer
sur les clauses orphelin. Donc, tout
à l'heure, à votre première intervention, suite à la question de la ministre,
je sentais un frein assez... Là, lorsqu'on parle d'équivalent, vous avez dit à plusieurs reprises : On va
trouver des solutions, on va négocier. Donc, il peut y avoir... Parce que moi, dans la proposition de la ministre,
là, j'ai de la difficulté à comprendre, là, qu'une entreprise va avoir
des travailleurs qui ont les anciens régimes, je vais dire, ceux qui ont les
clauses orphelin, puis là on en rajoute une autre catégorie. Et vous dites à plusieurs reprises qu'il y a pénurie
d'employés. Vous ne pensez pas que les gens, là, qui sont dans... je vais dire dans le milieu, là, qui ont
des clauses orphelin, vont dire : Bien, je vais démissionner, je vais
aller ailleurs, puis là je vais avoir... J'essaie de comprendre votre
logique.
Je comprends la
logique financière. Ça, je la comprends facilement. Mais j'ai bien aimé, moi,
hier, comme le député de Beauharnois,
lorsqu'on parle d'équivalences, là. Je pense qu'il faut trouver une voie de
passage, là, parce qu'on ne peut pas, dans la solution de la ministre,
dire : Bien là, il y a 150 000 travailleurs, puis eux autres,
là, ils ne sont pas chanceux, ils sont dans cette catégorie, là, puis ils vont
rester là. À un moment donné, ça ne fonctionne pas ça, là.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Alors, M. le Président, le problème,
fondamentalement, vous dites : Ils ne sont pas chanceux. Et donc vous faites un jugement sur un
régime versus un autre régime. Et malheureusement, M. le Président,
ce n'est pas le cas. Les régimes sont différents, mais ils répondent à des
besoins différents.
Je
reviens encore sur les personnes que ça fait plusieurs années à qui on a promis
de quoi. Si on met un régime uniforme
pour tout le monde, qu'est-ce qui va se passer? Ils vont perdre ce qu'on leur
avait promis. Et là, à ce moment-là, ils
vont se poser la question : Si j'ai perdu ce que j'ai promis, pourquoi je
resterais pour cette entreprise-là? Je vais aller ailleurs. Ça fait que
la capacité de rétention va être moins grande, premièrement.
Deuxièmement,
les jeunes employés, on est toujours à l'impression qu'ils sont orphelins,
qu'ils ne sont pas bien traités. Mais
non, ils ont reçu d'autres types de conditions. Soit que les salaires ont été
basés en conséquence, donc les salaires
ont été soit plus élevés ou ont été maintenus dans un contexte difficile. On a
d'autres types davantage qu'on va offrir
pour les attirer. Ça peut-être être de la flexibilité au niveau des vacances
plutôt que d'avoir un régime à prestations déterminées.
L'autre
élément, c'est que peut-être que lui, le jeune employé, qui va changer
d'emploi... On dit, statistiquement, là, actuellement, que les nouveaux employés qui arrivent sur le marché du
travail, vont travailler, en moyenne, maximum cinq ans pour un employeur. Bien, quand il part, il part avec le total
du capital qu'il a reçu. Puis un régime en cotisation déterminée, souvent, la contribution de l'employeur
est plus importante dans les premières années qu'un régime à prestations déterminées parce que le régime à
prestations déterminées est calculé aussi sur les rendements des
placements à long terme, pour... faire une
promesse. Et le risque est assuré en fonction du salaire aussi en fin de
parcours. Donc, un régime à
prestations déterminées répond à certains besoins, un régime à cotisation
déterminée répond à d'autres besoins. Et, si on regarde, peut-être que
la...
Et
il y a plusieurs éléments. Je connais même un syndicat où il y a un vote chez
eux, puis ils ont choisi le régime à cotisation
déterminée. Pourquoi? Parce que, pour eux autres, ça répondait aux besoins des
gens en place, qui étaient plus flexibles. Ce qu'on dit essentiellement
ici, c'est : Il y a eu des ententes dans certains cas, il y a des
compensations, il y a eu une organisation,
il y a une offre, on ne peut pas revenir en arrière. C'est ce que la ministre
nous a dit, d'ailleurs, tout à l'heure. Et on est d'accord avec ça. Ça
serait l'enfer si vous reveniez en arrière.
Est-ce
que les milieux de travail pourraient modifier leurs propositions? À chaque
fois qu'il y a une convention collective,
ils vont discuter de ces questions-là. Si vous donnez un rapport de force plus
grand aux syndicats, en disant : Han han! Les employeurs, vous ne pourrez plus faire ça, qu'est-ce qu'on va
créer? C'est un débalancement, puis là il va y avoir des conflits de
travail beaucoup plus longs.
Le Président
(M. Reid) : Merci. M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.
M. Picard :
...M. le Président?
Le Président
(M. Reid) : 2 min 15 s.
M. Picard :
Merci. Donc, je comprends que vous êtes en désaccord, mais, en négociation, on
peut faire bien des choses. Et moi,
je reviens, c'est des régimes équivalents. On ne dit pas que les... avec
l'adoption d'une loi, qu'on... c'est le même régime. On parle toujours d'équivalences. Puis, quand vous dites
qu'il y a des gens qui n'ont pas le même salaire puis ils font le même
emploi, là, j'ai de la difficulté, là. Mais, en tout cas, on ne partira pas le
débat ici ce matin.
Là,
je vais aller dans vos remarques. Il y en a une, là, qui me titille assez fort,
c'est cumul de service continu en cas d'absence
prolongée. Vous recommandez que la Loi sur les normes du travail prévoie la
suspension du cumul d'ancienneté au moment de la prise de congé de
maladie ou parental d'un salarié. C'est-u bien ça, là? J'ai bien lu?
Pouvez-vous m'expliquer, là?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Je vais demander, M. le Président, à Me Grenier de
répondre à la question.
Le Président (M. Reid) :
Me Grenier.
• (12 h 10) •
Mme Grenier
(Maude) : Vous avez bien lu. Bon, M. le Président, vous avez bien lu.
Essentiellement, l'objectif ici est
de s'assurer de pouvoir... Le deux ans, c'est une période de probation, hein?
Et on veut s'assurer de pouvoir évaluer l'employé, déterminer si on peut le conserver à l'emploi, s'il satisfait
nos critères de rendement. Il est évident que, si un employé s'absente de manière prolongée, cette
période-là perd de son sens. Donc, l'objectif ici n'est pas de lui
enlever l'acquisition du 124, qui est la protection de congédiement sans cause
juste et suffisante, mais bien de permettre à l'employeur
de bénéficier de ces réels deux ans là. Parce que, si on a un employé qui est
absent pendant six mois, pendant un
an, pendant un an et demi, bien, pendant ce temps-là, il accumule son service
continu et, finalement, il acquiert ces deux ans-là, alors qu'on n'a pas
pu évaluer si, oui ou non, il était performant dans son poste.
M. Picard : C'est tout
pour moi.
Le Président (M. Reid) :
Il reste une dizaine de secondes, M. le député.
M. Picard :
Ah! non, je n'ai pas de... Lorsque j'entends ça, là, non, je n'ai pas d'autre
argument, là. Je l'encaisse, tout simplement.
Le
Président (M. Reid) : Merci, M. le député. Alors, merci à
vous, Mme Grenier, Mme Kozhaya et M. Dorval, de votre
contribution à nos travaux.
Je lève la séance pendant quelques instants, le
temps de laisser nos prochains témoins prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 11)
(Reprise à 12 h 13)
Le
Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite
maintenant la bienvenue aux représentants du Centre intégré
universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal.
Alors, vous
avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation, par la suite nous aurons un échange avec les membres de la commission. Je vous demanderais
de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne pour
les fins d'enregistrement. À vous la parole.
Centre intégré universitaire de
santé et de services
sociaux du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal
(CIUSSS—Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal)
Mme Drouin
(Mylène) : Bonjour. Merci,
M. le Président. Je me présente, Mylène Drouin. Je suis directrice de Santé publique pour la région de Montréal et je
suis accompagnée aujourd'hui du Dre Marie-France Raynault, qui est médecin-conseil au sein de notre direction, mais
aussi chercheuse au centre Léa-Roback sur les inégalités sociales de santé et l'auteure
de notre rapport du directeur 2016 sur les travailleurs invisibles, plus
spécifiquement les travailleurs d'agence.
Donc, merci
de nous accueillir aujourd'hui, MM. et Mmes les députés et Mme la ministre.
C'est un grand plaisir pour nous
aujourd'hui de vous présenter notre lecture du projet de loi n° 176 sous
l'angle de la santé publique en y regardant les impacts sur la santé, mais aussi sur la réduction des inégalités
sociales de santé. Comme directrice de santé publique, mon mandat s'inscrit dans la Loi sur la santé
publique, la Loi sur la santé et services sociaux et la Loi sur la santé et
sécurité au travail. Et, avec mes équipes,
donc, on a le mandat de prévenir, protéger et promouvoir la santé de tous les
Montréalais, mais aussi les travailleurs sur
l'île de Montréal. On a aussi comme mandat d'identifier les risques à la santé,
de trouver des solutions, évidemment,
avec les parties impliquées et de promouvoir les politiques publiques qui
favorisent la santé.
Évidemment,
la Loi sur les normes du travail représente pour nous une loi très importante,
puisqu'elle protège les travailleurs
les plus vulnérables de notre société. Et, pour nous... nous saluons d'entrée
de jeu le projet de loi n° 176. Pour nous, il répond à des lacunes
législatives présentes depuis de trop nombreuses années en lien avec
l'encadrement des pratiques des agences de
location de personnel et il propose aussi des mesures significatives pour
améliorer la conciliation travail-famille.
Nous avons
donc publié, en 2016, un rapport du
directeur, plus spécifiquement sur les travailleurs invisibles, ces travailleurs d'agence. La problématique était
venue à nos oreilles avec nos équipes sur le terrain, donc on a des
équipes qui sont dans les différentes industries, entreprises de la région. Et
on nous disait clairement qu'on avait de la difficulté à identifier ces travailleurs temporaires provenant
des agences. Et, lorsqu'on les
identifiait, clairement, il y avait des enjeux liés à la fois à l'absence d'équipements de protection, absence de
formation, faible niveau de supervision, et souvent, même, des tâches
dangereuses leur étaient confiées sans protection.
Donc, on a
planché sur ce travail et on a pu évidemment identifier différents risques à la
santé. Premièrement, avant d'arriver
sur les risques de lésions professionnelles, on voit clairement qu'il y a des
inégalités de revenus dans certains secteurs
d'agences de placement, mais on a aussi des risques accrus de lésions
professionnelles. La recension des écrits est très claire là-dessus, des taux plus élevés. Mais,
avec les données de la CNESST, on a vu aussi des gravités, donc des
lésions dont la gravité est beaucoup plus importante, avec des taux
d'indemnisation de durée beaucoup plus longue pour ces travailleurs d'agence de
placement.
Plusieurs raisons expliquent ça. Évidemment, on
a des travailleurs moins formés, peu formés, peu qualifiés. Souvent, la responsabilité entre... il y a une
certaine confusion de qui est responsable de les protéger entre
l'entreprise client et l'agence. Des
conditions d'instabilité et de précarité qui font souvent que les travailleurs
prennent des risques accrus et acceptent
certaines tâches. Et on peut imaginer de la délégation de certaines tâches
dangereuses à des travailleurs d'agence dans certains milieux.
Donc, une de
nos recommandations était évidemment de resserrer le cadre législatif, et c'est
pour ça que nous saluons aujourd'hui le projet de loi n° 176.
Donc, nous
sommes évidemment d'accord avec l'idée, à l'article 33, de mettre en place
des permis. Nous avons quelques
recommandations à vous faire pour bonifier le tout, la première étant vraiment
d'énoncer plus clairement les conditions d'obtention, de restriction et
de retrait des permis. Tel que formulé dans le projet de loi, il demeure... les
conditions ne sont pas si précises, et on
vous propose de se baser sur les conditions de la convention sur les agences
d'emploi privées adoptée en 1997 par
l'Organisation internationale du travail. C'est des têtes de chapitre dans
lesquelles on pourrait... on pense que ce
serait bien de l'inscrire dans la loi pour, par la suite, au niveau des
règlements, pouvoir mieux édicter, là, les différentes dimensions, que
ce soient l'horaire, les enjeux de sécurité au travail, etc.
Deuxième
recommandation et non la moindre, c'est celle de créer un registre public
disponible sur les agences de placement,
un registre qui pourrait servir à plusieurs fins, à la fois pour faciliter et
rendre plus transparent le processus de reconnaissance des agences par l'employeur client. Et, à cet effet, à
l'article 33, on donne un peu cette responsabilité à l'employeur client de s'assurer que l'agence a un
permis. Et nous, on recommande de retirer le mot «sciemment», puisqu'un registre nous permettrait et donnerait la responsabilité
à l'employeur client de s'assurer de faire affaire avec une agence qui
détient un permis valable.
La deuxième
raison pourquoi on souhaite voir un registre mis en place, c'est vraiment pour
pouvoir assurer la surveillance de ces milieux, pour pouvoir mieux
établir les niveaux de risque, et les interventions, et les mesures de
prévention à mettre en place. Dans le fond, ce serait un outil qui nous
permettrait de bien faire notre travail.
Troisième
recommandation, mieux expliciter les responsabilités de l'agence et de
l'entreprise client en matière de prévention
et de protection, mieux circonscrire qui doit fournir l'équipement de
protection, former, etc. Nos équipes sur le terrain nous le rapportent, c'est encore trop souvent... il y a trop
souvent de confusion dans le départage des responsabilités, ce qui fait
en sorte que, souvent, l'employé n'a pas la formation ou l'équipement
nécessaire pour faire son travail convenablement et en toute sécurité.
Quatrième
recommandation, explorer la possibilité d'établir des restrictions concernant
la délégation de certaines tâches
dangereuses aux travailleurs d'agence. Nous, on souhaite s'inspirer de la
France, qui a déjà interdit formellement aux entreprises clients de déléguer certaines tâches dangereuses aux travailleurs
d'agence. La CNESST est capable et a les données pour identifier ces tâches dangereuses là pour lesquelles il y a
des lésions ou des taux... des décès plus importants. Et on pourrait, donc, dès maintenant mettre un
moratoire sur l'embauche de travailleurs d'agence dans certains secteurs
plus dangereux pour lesquels on sait, de toute manière, qu'on a besoin d'une
formation et, des fois même, d'une surveillance médicale de ces travailleurs-là
due aux risques élevés liés à ces tâches.
• (12 h 20) •
Cinquième recommandation, baliser la parité de traitement des travailleurs d'agence. Nous sommes
tout à fait d'accord
avec l'article 5, donc, en termes de salaire
équivalent aux travailleurs permanents. Nous souhaitons par contre attirer votre attention et nous pensons qu'on devrait retirer dans ce
libellé «dans le même établissement». Pour nous, cette équité de salaire doit s'appliquer à l'ensemble de l'entreprise. En inscrivant «dans le même
établissement», ça implique peut-être
que certaines sections de l'entreprise pourraient être, donc... dans certaines
sections d'une entreprise, il pourrait y
avoir une concentration de travailleurs d'agence. Donc, à la fois on n'aurait
pas la parité, mais surtout, en concentrant dans certaines sections d'une entreprise des travailleurs d'agence, on
pourrait avoir plus de roulement, moins de formation, et donc accroître
le risque de lésions professionnelles dans ces secteurs. Donc, c'est une petite
brèche qu'on veut éviter dans l'interprétation.
Dernière
recommandation pour ce qui concerne les agences de placement, donc :
appliquer aux travailleurs d'agence
les mêmes protections octroyées aux travailleurs étrangers temporaires. Donc,
ajouter les travailleurs d'agence à l'article 33
afin que la CNESST puisse, après enquête, exercer tout recours pour le compte
d'un travailleur d'agence au même titre qu'un travailleur étranger
temporaire.
Du côté de la
conciliation travail-famille, on n'a que de bons mots à vous dire, donc on est
tout à fait en accord avec l'ensemble
des mesures qui sont mises de l'avant, des mesures qui permettent à la fois
d'avoir des gains économiques, mais aussi de permettre aux familles de
mieux concilier leurs obligations personnelles et familiales et aussi l'ajout
de certaines... l'élargissement de la notion
de proche aidant est certainement une modernisation à la Loi des normes du
travail qui est très appréciée.
Nous avons
une seule recommandation qui est celle au niveau des heures
supplémentaires : de mieux baliser, dans le fond, le droit de refus accordé aux travailleurs. Dans la législation
actuelle... proposée, plutôt, si un travailleur refuse un horaire, il
n'est pas clair quelles seront les conséquences associées.
En conclusion, donc, nous souhaitons vraiment
que le projet de loi puisse être adopté dans la présente session parlementaire. Nous offrons toute notre
collaboration pour travailler à mieux définir les conditions d'obtention des
permis pour les aspects qui touchent plus spécifiquement la santé et la
sécurité. Nous recommandons évidemment qu'une évaluation
d'implantation puisse se faire d'ici cinq ans des nouvelles mesures. Et nous
insistons sur le fait de l'importance de mener des actions de sensibilisation auprès de
la population pour faire connaître ces nouvelles normes tant au niveau
de la conciliation travail-famille, elles
sont très peu utilisées, méconnues, mais aussi il y a une norme sociale, une
pression sociale des fois à ne pas les
utiliser, et, du côté des agences de placement, de faire connaître les droits
des travailleurs et de mettre en
place des actions de sensibilisation qui incluent le volet de différentes
langues, différents moyens pour rejoindre les travailleurs immigrants.
Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Reid) :
Merci, Dre Drouin. Nous allons passer maintenant à la période d'échange avec
les membres de la commission. Nous commençons par le côté ministériel. Mme la
ministre, à vous la parole.
Mme Vien :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, mesdames, de vous être déplacées
aujourd'hui. C'est un grand plaisir de vous recevoir. J'aurais des
petites questions en rafale.
J'ai lu et je
ne suis pas sûre d'avoir tout le temps bien saisi tout le rapport avec la
France, là, en termes d'ouvrage à caractère
plus dangereux avec, en tout cas, un indice de dangerosité plus important.
Est-ce que c'est uniquement pour les travailleurs
étrangers? Est-ce que c'est pour les deux types de travailleurs, d'agence et de...
Puis c'est quoi, un ouvrage dangereux? Et ce que dit la France exactement,
je ne suis pas sûre d'avoir bien saisi.
Mme Raynault
(Marie-France) : Alors, en
France, les permis pour les agences de temporaires, là, puisqu'on appelle ça comme ça, excluent certains types de
travaux. Il est impossible en France, par exemple, que des travailleurs
d'agence travaillent dans le nucléaire ou travaillent dans les entreprises qui
manipulent de l'amiante.
La raison
pour laquelle cette disposition-là a été adoptée en France, et elle l'est dans
d'autres pays aussi, mais elle est
plus opérationnalisée en France, c'est qu'on a besoin d'avoir une formation
particulière pour des tâches particulièrement dangereuses. Ce n'est pas
n'importe qui qui, du jour au lendemain, peut s'improviser. Et, deuxièmement,
on a besoin d'avoir un suivi médical souvent pour des expositions, par exemple,
à la radiation ou, par exemple, à l'amiante. Il y a d'autres cas aussi, là, de
métaux lourds où il faut faire des prises de sang, des séances de dépistage
régulier pour ces travailleurs-là. Or, nos équipes sur le terrain, et c'est
l'expérience de la France aussi, a montré que c'est très difficile de
faire un suivi de travailleurs d'agence, puisqu'on les perd souvent au suivi. Donc, ce n'est pas
possible de faire les prises de sang, ce n'est pas possible de mesurer
la radiation cumulative, de sorte que certains travaux particulièrement
dangereux ne doivent être confiés qu'aux
employés réguliers de l'entreprise cliente et ne peuvent pas être impartis à des
travailleurs d'agence.
Mme Vien : ...dans
l'expérience québécoise, est-ce que la Santé publique a effectivement des
exemples qui démontrent que des personnes ont effectué des tâches qui,
franchement, étaient beaucoup trop...
Mme Raynault
(Marie-France) : On nous a
rapporté... Dans notre système d'information en santé au travail, il y a beaucoup aussi
de notes de nos intervenants sur des... Par exemple, un exemple qui me vient en
tête, un de nos médecins en santé au travail
arrive dans une entreprise, il y a des produits toxiques qui sont livrés.
L'employeur lui dit : Mais je
laisse les employés d'agence sortir les produits toxiques du camion parce que
c'est trop dangereux. Je ne veux pas exposer mes propres employés.
Alors, on comprend aussi qu'avec notre système
d'indemnisation de lésions professionnelles, les employeurs tiennent à avoir un bon dossier d'assurance auprès
de la CNESST. Et ça peut être malheureusement un incitatif à déléguer ce genre de tâche à des travailleurs d'agence où, dans le secteur service d'emploi, le taux de cotisation
est plus faible que certains secteurs plus à risque.
Mme Vien : Merci
beaucoup. Vous nous demandez, si je
vous ai bien suivi, d'enlever le mot «sciemment», je ne me souviens pas si c'est l'article 41
ou 42, là, où on met en relation l'entreprise cliente et l'agence de placement. Et on veut s'assurer comme ça qu'effectivement le... Nous, c'est bien beau d'imposer des permis, mais encore faut-il
demander aux entreprises clientes de faire
affaire avec des agences sérieuses, donc qui ont des permis. D'enlever le
«sciemment», ça amène quoi de plus pour vous?
Mme Raynault (Marie-France) :
Nous, en fait, on avait des craintes que, pour la CNESST, qui va devoir appliquer les prochains règlements,
elle doive faire la preuve que l'entreprise cliente a embauché une agence qui n'avait pas de permis. Alors, c'est pour ça qu'on
recommande de rendre public un registre des agences qui ont leur permis,
de sorte que ça serait très simple pour les
employeurs de vérifier si l'agence avec laquelle ils veulent faire affaire a vraiment son permis. Et ça enlèverait le
fardeau à la CNESST de prouver que l'employeur client a fait affaire sciemment
avec une entreprise qui n'aurait pas eu son permis.
Mme Vien : C'est sûr que nous, on ne voulait pas pénaliser
une entreprise, par
exemple, qui, de bonne foi, a
fait affaire avec une entreprise
pensant que... bon. Mais je comprends votre point de vue et je le trouve très, très, très intéressant. Vous m'amenez sur le terrain du registre, là.
Nous, on avait davantage pensé à rendre publique la liste des entreprises
parce que... O.K. C'est parce
que le mot «registre»... Hein, on a
le registre des armes à feu, tu sais. Des registres, c'est souvent
lourd, plus contraignant. Ça demande de la gestion, et tout ça. Mais on
s'entend que, pour vous, là, ce n'est pas... ce n'est pas un...
• (12 h 30) •
Mme Raynault
(Marie-France) : Mais on
aimerait qu'il y ait quelques renseignements qui soient présents, là. Notamment, quand on a fait le rapport sur les travailleurs d'agence, on
a rencontré à peu près tout ce qui bougeait, là, au Québec, d'associations et d'organismes
statistiques pour réussir à avoir des renseignements sur le nombre d'agences,
le nombre de travailleurs. Et c'était
impossible. Et pour nous, pour effectuer de la surveillance, on sait que, quand
c'est des travailleurs d'agence, les
durées d'indemnisation sont plus longues en moyenne. Mais on a besoin de
beaucoup plus que ça pour pratiquer,
la Santé publique. On a besoin de savoir combien il y a de travailleurs
d'agence au Québec, combien il y a
d'agences et puis quels genres d'assignation sont données. Et c'est pour ça
qu'on aimerait qu'il y ait des renseignements minimaux qui soient
demandés pour l'obtention du permis et que ces renseignements-là, on puisse
travailler avec les nombres qui seraient donnés pour établir des taux. Et nos
programmes de prévention seraient établis en conséquence.
Mme Vien :
Qu'est-ce qui, selon vous, devrait être impérativement accolé à une délivrance
de permis? C'est-à-dire que, qu'est-ce qu'on devrait demander ou exiger aux
agences?
Mme Raynault
(Marie-France) : En fait, nous, on... c'est basé sur la...
Mme Vien :
Vous n'avez pas pensé à ça?
Mme Raynault (Marie-France) : ...sur la convention de l'OIT, là, qui donne une
dizaine d'items qui devraient être
mentionnés. Moi, je pense qu'il devrait y avoir une espèce de code de
bonnes pratiques, hein? C'est comme quand on donne un permis de conduire. Il
y a le Code de la route, et puis on
s'attend à ce que les gens se conduisent comme ça, puis, à défaut, ils
risquent de se faire retirer leur permis ou d'avoir des amendes.
Alors,
nous, on pense que les têtes de chapitre qui sont mentionnées là sont des têtes
de chapitre importantes. On a vu
plusieurs pratiques qui ne nous semblent vraiment pas des bonnes
pratiques. Par exemple, et ça a été mentionné par le Conseil du patronat avec raison, les agences de
location de personnel sont souvent la première expérience de travail
d'un migrant ou d'un réfugié. Il faut qu'il puisse la faire valoir, donc il
faut qu'il puisse... qu'il n'y ait pas dans son contrat quelque chose qui l'empêche
d'être embauché par l'entreprise cliente après un certain temps. Il ne faut pas
qu'il y ait des clauses
de non-concurrence pour qu'il ne puisse pas faire une semaine de travail qui
soit suffisante. On ne doit pas exiger des
mises en disponibilité. On ne doit pas exiger qu'il fournisse ses équipements
de protection. C'est comme une espèce de
code de bonnes pratiques à suivre, comme on suit le Code de la route quand on a
un permis de conduire puis on s'attend à ce qu'on le connaisse.
Mme Vien : Merci, mesdames. Vraiment... en tout cas, moi,
ce que je peux vous dire, c'est que j'entends avec beaucoup,
beaucoup d'attention ce que vous nous dites. Et le
règlement est en élaboration actuellement. La CNESST est au dossier avec les spécialistes au ministère du Travail. Et je peux vous dire qu'un certain nombre de
choses que vous avez énumérées là, en ce moment, se retrouveront dans le
règlement.
Soyez
attentives parce que, quand on va étudier article par article le projet de loi,
je vais déposer les modifications souhaitées...
en fait, ce que... les intentions, merci, en lien avec un permis pour les agences de recrutement et de
placement.
Ça va compléter pour
moi. Merci beaucoup, hein, d'être venues nous voir ce matin. Merci.
Le Président
(M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant à l'opposition
officielle. M. le député de Beauharnois.
M. Leclair : Merci, M.
le Président. Bonjour, mesdames,
merci d'être là. Je regarde votre mémoire, mais j'irais sur une question générale, ma première question.
Je voudrais que vous me fassiez votre vision, le portrait global de ces dites agences là parce que moi, tout comme le
groupe précédent, je leur ai expliqué que, jusqu'à hier, moi, je pensais
que les agences de placement, on en avait peut-être
une, ou deux, ou trois, là, au Québec, là, que ça faisait... ça tournait les
coins rond. Mais, de ce que j'ai entendu
hier de plus qu'un groupe, c'est que ça a l'air d'être la cohue quasi
généralisée, et il y en a deux, trois qui sont bons. Alors, ça a
complètement viré le portrait. J'aimerais avoir votre spectre de ça.
Mme Raynault
(Marie-France) : J'aimerais bien vous arriver avec des statistiques,
hein? Notre première conclusion du rapport,
c'est qu'on manquait beaucoup d'information. Mais, il y a cinq ans, moi, je
pensais qu'une agence de placement, ça remplaçait une secrétaire ou une
infirmière quand il y avait un congé de maladie, et puis c'est tout. J'ai réalisé dans les trois dernières années, à
rencontrer beaucoup de travailleurs et à rencontrer aussi... à discuter
beaucoup avec nos intervenants de santé au
travail, que la situation, elle a augmenté depuis. C'est un secteur qui est en
forte croissance, forte croissance au
Canada et, dernièrement, forte croissance au Québec. Il y a des entreprises
dans lesquelles on intervient où
80 % des travailleurs sont des travailleurs d'agence. Alors, on n'est pas
dans le remplacement temporaire. 80 % sont des travailleurs d'agence. On a même vu des agences où il y avait... qui
fournissaient 99 %... en fait, l'entreprise cliente n'avait qu'une
secrétaire comme employé permanent, et le reste, c'étaient des travailleurs
d'agence.
Alors,
c'est un portrait qui est complètement différent, que j'aimerais beaucoup vous
chiffrer. C'est pour ça qu'on demande
d'avoir plus d'information. Je dois dire qu'on travaille avec l'Institut de la
statistique du Québec et Statistique Canada pour réussir à identifier
clairement. Et, actuellement, dans les données, on doit se fier à l'enquête que
la Commission des normes du travail a faite
en 2012. C'est une enquête
qui a le mérite d'être la seule actuellement qui donne un portrait, mais qui a présenté plusieurs biais puisque la
participation, évidemment, était volontaire, des agences, et on a de
bonnes raisons de croire que les agences qui avaient des pratiques déloyales,
qui nous ont été d'ailleurs notées par ACSESS, notamment, et par les
employeurs... qu'il y avait de la concurrence déloyale dans ce milieu-là.
Le
Président (M. Reid) : Merci. On va passer la parole à M.
le député de Beauharnois.
M. Leclair : Je vous remercie. Vous me rassurez parce que c'est un peu l'idée que
j'ai aussi, moi, depuis hier, là, que,
vraiment, on fait face à quelque chose qui fait très, très
peur, là, parce que, si je parle de conditions de travail, là, je pense
que, depuis hier, là... je reste très craintif.
J'aimerais
que vous m'expliquiez, à la page 5 de votre mémoire, vous semblez dire
qu'on devrait baliser et enlever les
mots «dans le même établissement», parce que j'ai bien compris tantôt
votre discussion avec la ministre, vous dites : Bien, après un certain nombre de temps, ça devrait être des travailleurs temporaires, et non qui deviennent permanents. Plusieurs
groupes nous ont dit ça depuis le début. Alors, vous, vous venez préciser...
enlever le terme «dans le même établissement». Je voudrais vous entendre
là-dessus, à l'article 41.2.
Mme Raynault
(Marie-France) : En santé et services sociaux, les établissements,
c'est extrêmement balisé légalement. C'est
en conseils d'administration, etc. En santé au travail, on n'a pas le même
portrait. Par exemple, une entreprise, à Montréal, qui fabrique des étuis d'instruments de musique
a deux établissements qui sont côte à côte dans le même lieu,
un qui s'occupe du revêtement puis l'autre établissement qui s'occupe de
l'interne.
Ma
crainte, notre crainte qu'on a partagée avec nos intervenants, c'est que le
fait d'attribuer la parité de traitement dans un même établissement amène le risque de concentrer les travailleurs d'agence dans cette partie-là, par exemple, une entreprise qui a trois entrepôts à ville Saint-Laurent, à
Saint-Léonard ou ailleurs, de mettre les travailleurs d'agence plutôt
dans un établissement plutôt que dans les autres, ce qui échapperait, selon le projet
de loi, à l'obligation de parité de traitement.
Mais, pour nous, non seulement ça fait que la parité de traitement ne serait pas
effective pour ces travailleurs-là, mais,
de plus, ça concentrerait des travailleurs d'agence, qui sont plus nouveaux, moins formés,
dans des établissements précis ou dans des lieux précis. C'est ce qu'on
voudrait éviter.
M. Leclair : Puis un petit peu plus haut, au paragraphe 1°, vous souhaitez
connaître aussi la manière qu'on va faire
des retraits de permis, là, lorsqu'on va mettre une réglementation, là, qu'est-ce qui va être les cadres pour retirer un permis à une agence. Vous semblez avoir une
inquiétude là-dedans. Mais, comme la ministre a dit, elle n'a pas encore déposé le détail, donc c'est assez dur à dire, je
pense, s'ils s'en aillent dans le champ ou c'est correct. On n'a pas vu
le détail. Mais vous nous mettez en garde,
de dire : Bien, il faudrait avoir quelque
chose, là-dedans, qui va retirer le
permis puis que ça soit plausible, dans le fond.
Mme Raynault (Marie-France) : On voudrait des têtes de chapitre explicites pour
les règlements, qu'il pourrait y avoir des retraits de
permis dans les règlements, mais que ça soit explicité clairement.
M. Leclair :
Et quelques représentants de travailleurs pour les agences sont venus, hier,
nous expliquer les relations tripartites entre les agences, l'entreprise, les
employés, que ça posait un problème d'application à la LSST, à l'AMPT, à l'ANT
aussi. Est-ce que vous voyez la même problématique?
• (12 h 40) •
Mme Raynault
(Marie-France) : Nous, quand on a fait des rencontres, on a eu des
gens qui nous ont dit exactement des choses inverses par rapport à la responsabilité en prévention. Par exemple, des agences nous
disaient : Pour nous, c'est clair que
c'est l'entreprise cliente qui est en mesure de mettre en place les mesures de prévention, alors qu'il y a de nos employeurs qu'on rencontre sur le terrain
qui disent : Bien, écoutez, moi, si j'embauche d'une entreprise
cliente, ce n'est pas pour avoir les mêmes contraintes que si j'étais...
Donc,
on sait qu'il y a eu de la jurisprudence là-dessus, la Cour suprême a essayé d'établir des tests de critères. Mais, sur le terrain, imaginez, ça, c'est pour les
employeurs, imaginez le travailleur migrant qui vient d'arriver, il se
fait dire que, non, ce n'est pas la
responsabilité d'un, ce n'est pas la responsabilité de l'autre. Alors ça, c'est
des choses qui ne sont pas claires
puis qui devraient être explicitées. Pour moi, il y a de la place pour des
responsabilités partagées entre un et l'autre,
mais il faut que ça soit explicité parce que, clairement, ni pour les
employeurs actuellement… je peux vous le dire parce qu'ils nous l'ont
dit séparément, les agences, les employeurs et les travailleurs ont des
perceptions souvent très différentes de qui est responsable de quoi.
M. Leclair :
Alors, on ose espérer que l'encadrement et la réglementation de la ministre va
venir clarifier ces points-là, parce que je pense que...
Une voix :
Deux minutes.
M. Leclair :
Il me reste deux minutes? Bien, en ce qui me concerne, ça fait le tour des
questions que j'avais. Je vous
remercie beaucoup pour votre mémoire, puis on attend la suite des choses. Par
contre, je pense que, face aux agences surtout,
là, bien entendu, là, je pense qu'il faut vraiment encadrer ça, là, plus
sérieusement. Puis je lève mon chapeau à la ministre parce que je n'avais pas vu ça si pire que ça, les agences de
placement. Mais, même vous, vous le dites, là, on est en train de prendre une tangente, surtout pour
les migrants, là, qui se retrouvent ici avec pratiquement pas de
ressources, on les laisse à eux-mêmes vaguer et flotter dans tout ça au risque
d'aller travailler puis gagner leur vie. Alors, merci beaucoup de votre
passage.
Le
Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Beauharnois.
Je passe maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition avec M. le
député des Chutes-de-la-Chaudière.
M. Picard :
Merci. Merci, mesdames. Mon premier réflexe, c'est dire que vous êtes, le terme
anglais, groundées sur le terrain.
Puis, pour moi, c'est important parce qu'hier, là, on a rencontré des gens qui
nous parlaient des sans-papiers, puis,
bien, je vais vous dire, j'ai découvert le phénomène des gens qui travaillaient
payés au noir, payés en cash, comme on dit tout simplement, là.
Vous
autres, j'aimerais avoir votre appréciation de qu'est-ce qu'il se fait
actuellement, l'ampleur de ce problème-là actuellement, là, parce que je comprends que vous avez rencontré des
travailleurs, des intervenants, là. Pouvez-vous nous faire un portrait
de cette situation-là?
Mme Raynault (Marie-France) : Encore ici, là, quantifier les sans-papiers, je
peux vous dire qu'à la Direction de santé publique on essaie de faire ça
depuis plusieurs années. C'est extrêmement difficile.
Si
je compare à la situation que j'ai vécue quand j'ai travaillé en Suisse puis la
situation européenne, la situation des sans-papiers
à Montréal est beaucoup moins importante en nombre. Il reste que, dernièrement,
on a vu une augmentation des... ce
que les intervenants nous rapportent — encore ici, là, je ne peux pas vous le
quantifier — c'est
beaucoup de gens qui passent d'un statut légal à un statut qui devient
flottant. C'est-à-dire des gens entrent ici, par exemple, comme travailleurs étrangers
temporaires. C'est pour ça qu'on demande, dans le projet de loi n° 76,
d'appliquer certaines dispositions, qu'on
salue pour les travailleurs étrangers temporaires, aussi aux travailleurs
d'agence. Alors, ils perdent... un exemple typique, il y a des gens qui
viennent sur un programme de travailleurs étrangers temporaires lié à un seul employeur. Ça se passe mal avec l'employeur, donc
ils passent dans une semi-clandestinité en attendant que la situation change pour eux, ou qu'ils fassent une demande, ou
qu'ils se fassent expliquer comment les statuts vont se régler.
Plusieurs de ces travailleurs-là vont finir
par avoir un statut au Canada. Mais il y a beaucoup de zones de flottement
entre les statuts. Et ça, on voit ça
davantage qu'avant. On le voit moins au Québec que ça ne se voit en Europe et
dans plusieurs autres parties du monde, mais c'est un phénomène mondial
qui est en augmentation ici comme ailleurs.
M. Picard :
O.K. Parce qu'il faut bien comprendre que, si les travailleurs sont payés en
argent comptant, c'est qu'il y a de
l'argent comptant qui circule dans notre société, là, parce que, normalement,
ça ne devrait pas exister. Donc, il y a un marché illicite, là.
Et
puis je vais faire le lien avec... vous proposez qu'il y ait un registre des
agences. Je pense que c'est une bonne idée,
bonne idée pour un travailleur qui cherche un emploi et, comme il y en a
partout, là, des agences de placement... Donc, s'il dit : Moi, je n'ai pas... je veux travailler pour une
agence ou un employeur, mais là il y aurait au moins registre. Puis il
serait administré par qui, là, votre registre? Si vous voulez élaborer sur
votre registre, allez-y, oui.
Mme Raynault (Marie-France) : Bien,
on pensait, comme la CNESST émettait les permis, elle pourrait tenir le registre. Mais, sur la mécanique de ça, on n'a pas
de recommandations particulières, du moment qu'il soit public. Actuellement, vous savez, il y a des agences, puis on a vu ça
aux États-Unis dernièrement,
il y a des agences qui se sont transformées en application. C'est une application qui te dit où est-ce que tu peux
aller travailler. Une enquête du Toronto Star a montré que c'était... puis on a vu ça à Montréal aussi, une
agence, c'est un numéro de téléphone et un prénom. Ça peut être beaucoup
de choses, là, actuellement, une agence, là. On est loin d'un statut officiel.
C'est pour ça qu'on trouve que le projet de loi
n° 176 est vraiment une avancée. On a appelé notre mémoire Une avancée
essentielle puis on pense vraiment qu'il y a une avancée à faire là.
M. Picard :
O.K. Très intéressant, qu'est-ce que vous venez de dire précisément sur la
fameuse application. Je pense qu'il
va falloir réfléchir à ça pour voir... pour s'assurer que... parce que, si
c'est aux États-Unis, c'est à nos portes, là. Donc, je pense que, comme on disait tout à l'heure, on ne révise pas la
loi à tous les cinq ans, là, il y a un bon délai, là. Même si vous nous dites qu'on devrait, dans cinq
ans, venir voir notre application, ça, en tant que parlementaires, on se
le donne... en commission parlementaire, on
va aller voir si les buts recherchés ont été rencontrés, mais de l'inscrire
dans la loi, ce serait encore mieux, là. Je vous remercie beaucoup, mesdames.
Le Président
(M. Reid) : Merci, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.
Dre Drouin, Dre Raynault, merci beaucoup pour votre contribution à
nos travaux.
La commission suspend
ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à
12 h 47)
(Reprise à 15 h 6)
Le
Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
de l'économie et du travail reprend
ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous
poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 176, Loi
modifiant la Loi sur les normes du travail et
d'autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la
conciliation travail‑famille.
Nous entendrons cet
après-midi la Fédération des chambres de commerce du Québec, l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec et la Centrale des syndicats du Québec.
Alors, je souhaite la bienvenue aux
représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Et, comme vous connaissez la routine, vous avez une
dizaine de minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Je vous
demanderais de commencer, pour les fins de l'enregistrement, par vous présenter,
présenter la personne qui vous accompagne.
Fédération des chambres de
commerce du Québec (FCCQ)
M. Forget
(Stéphane) : Merci. Alors,
bonjour à tous. Stéphane Forget, P.D.G. de la Fédération des chambres de
commerce du Québec. Je suis accompagné de mon
collègue Alexandre Gagnon, qui est directeur, Santé et sécurité au
travail, main-d'oeuvre, à la fédération.
Les
entreprises membres de la fédération et du réseau des chambres de commerce
locales emploient un nombre important
de travailleurs à travers le Québec. En tant qu'employeurs, ces entreprises
possèdent une expérience inégalée des relations
de travail, une vaste et profonde connaissance des enjeux et des besoins et
pratiquent la conciliation entre leurs enjeux
de compétitivité, les obligations personnelles et le travail au quotidien. Et
c'est avec eux que nous avons analysé et que nous vous déposons
aujourd'hui certains commentaires et recommandations.
Tout d'abord,
j'aimerais vous parler du contexte économique. Le marché du travail a beaucoup
changé depuis 50 ans au Québec
et s'approche du plein emploi. À cet égard, l'année 2017 a marqué un
tournant important, alors que plusieurs
records ont été fracassés. La pénurie de main-d'oeuvre se généralise et touche
maintenant des secteurs soumis aux fluctuations cycliques et
saisonnières où une telle situation paraissait impossible encore récemment.
Ce
resserrement plus rapide du marché du travail au Québec génère une inflation
des salaires et des avantages sociaux
plus forte au Québec qu'ailleurs au Canada. De ce fait, la rémunération horaire
moyenne relative du Québec est en hausse aussi par rapport au reste du
Canada.
Les
difficultés de recrutement se concentrent notamment dans les occupations qui
exigent un diplôme secondaire ou
moins et où le nombre de chercheurs d'emplois par rapport aux postes vacants
est le plus faible. Ainsi, l'effet des pénuries sur l'inflation des salaires et des conditions de travail s'exerce
fortement auprès des travailleurs non qualifiés. En somme, le marché du travail opère l'ajustement de lui-même,
et une intervention réglementaire additionnelle de l'État, de notre
point de vue, n'est pas requise. La
diminution des Québécois en âge de travailler s'amplifiera pour les
10 prochaines années, contrairement aussi aux autres provinces,
notamment l'Ontario.
Pour la FCCQ,
les mesures proposées dans le projet de loi semblent aussi et malheureusement
aller à l'encontre, dans certains
cas, de la volonté d'allègement réglementaire du gouvernement. Dans un contexte
où les employeurs doivent de plus en plus rivaliser d'ingéniosité pour
se démarquer en raison de la pénurie de main-d'oeuvre, les propositions contenues dans ce projet de loi ajoutent à la
pression de nombreux d'entre eux travaillant d'arrache-pied pour attirer
des employés et demeurer compétitifs et illustrent bien ce que je qualifie de
phénomène de sédimentation.
Les impacts
combinés des récentes décisions en regard du salaire minimum, de la
bonification du Régime de rentes du
Québec et du présent projet de loi augmenteront, selon différentes analyses,
d'approximativement 10 milliards de dollars sur cinq ans les coûts de main-d'oeuvre des employeurs québécois. Cela
ne tient d'ailleurs pas compte de la pression à la hausse des conditions
de travail déjà imposée par la pénurie de main-d'oeuvre.
• (15 h 10) •
Cela nous
amène d'ailleurs à questionner les travaux d'analyse d'impact réglementaire
effectués, puisque plusieurs données
importantes ne semblent pas avoir été prises en compte, notamment
l'élargissement de la portée de l'interdiction des disparités de traitement pour les travailleurs d'agence de
placement. Les commentaires de certains grands employeurs québécois nous portent d'ailleurs à croire que
l'estimation d'entre 600 et 700 millions de dollars par année d'impacts
du présent projet de loi est grandement
sous-estimée. À notre avis, il est essentiel que vous teniez cela en compte
dans la réflexion que vous allez mener au cours des prochaines semaines.
La FCCQ soutient le partage des meilleures
pratiques des employeurs en matière de gestion des ressources humaines afin que toutes les entreprises adoptent
une approche volontaire et économiquement viable qui permet de soutenir
la concurrence et de retenir leurs meilleurs atouts, c'est-à-dire les employés.
Des progrès ont été faits au Québec en matière
de conciliation travail-famille, il n'y a pas de doute. À titre d'exemple, une enquête réalisée en 2015 par le
ministère de la Famille du Québec indique que pas moins de neuf
entreprises du secteur privé sur 10 offrent au moins une mesure de conciliation
travail-famille.
Centrées dans
l'ensemble de nos recommandations dans mon allocution d'ouverture, nous sommes
particulièrement préoccupés quant aux
propositions entourant l'élargissement d'interprétation des clauses de disparité
de traitement et sur les mesures d'encadrement des agences de placement
de personnel.
Nous
demandons tout d'abord le statu quo concernant les disparités de traitement.
Les employeurs québécois, souvent
avec l'accord des représentants des employés, ont fait des modifications à
leurs régimes sur la base du principe du respect de la promesse faite aux employés embauchés précédemment et qui
sont couverts par des régimes à prestations déterminées. Au lieu de mettre fin à ces régimes, ces employeurs ont fait
le choix de transformer le type de régime de retraite offert pour les nouveaux employés tout en maintenant la
promesse faite aux anciens employés de maintenir le régime offert à leur
embauche. C'est une simple question de responsabilité et de respect à l'égard
d'un engagement fait aux employés déjà en place.
Les nouveaux
employés acceptent un emploi en pleine connaissance de cause des conditions de
travail qui leur sont offertes. Il
faut le statu quo pour les cas actuels et que cette protection soit pérenne
dans le temps et permette la mise en place de régimes équivalents.
Je souligne
enfin sur cette question qu'une des recommandations du groupe de travail sur la
question des clauses de disparité
recommandait de ne pas agir seul, la crainte de nuire ainsi à la compétitivité
des entreprises québécoises étant invoquée.
Concernant les agences de placement de
personnel, nous supportons tout d'abord toute initiative visant à mieux cibler les entreprises délinquantes qui n'agissent
pas dans le respect des lois. Cependant, il ne faut pas généraliser,
alors que de nombreuses agences sont de très
bons employeurs et sont une excellente façon de faire face aux défis de main-d'oeuvre
des entreprises en organisant le partage de
travailleurs entre entreprises. Il faut également prendre en compte que
tous travailleurs d'agence ne sont pas des
travailleurs peu qualifiés. Le travail par impartition est souvent le choix de
personnes très qualifiées et souhaitant une
plus grande flexibilité d'horaires et de mandats. Certains gagnent davantage,
même, que des travailleurs au sein de l'entreprise. Pensons aux secteurs
de l'ingénierie, aux technologies de l'information ou autres.
Toujours
au chapitre des agences de placement, le présent projet de loi ne considère que
le salaire, alors qu'il parle de
l'importance pour les travailleurs d'une plus grande conciliation
travail-famille. Il importe de regarder l'ensemble des conditions de
travail et de la rémunération si l'on veut évaluer la présence ou non d'une
iniquité.
Finalement,
nous sommes conscients que la législation québécoise sur les normes du travail
mérite d'être revue, nous le
constatons. Elle mérite d'ailleurs d'être revue dans son ensemble et de mener
un exercice permettant de maintenir un
juste équilibre entre les impératifs des mutations du marché du travail et la
réalité professionnelle, les exigences des employeurs et les attentes
des travailleurs ainsi que les droits et devoirs de chacun.
Plusieurs
demandes des employeurs faites au cours des dernières années sont toujours sans
réponse, et plusieurs articles de la
loi méritent, à notre point de vue, d'être revus à la lumière de la nouvelle
réalité du marché du travail. Vous trouverez d'ailleurs dans notre
mémoire plusieurs recommandations à ce chapitre.
En
conclusion, de notre point de vue, il est important de garder à l'esprit qu'il
faut continuer d'offrir des conditions de
travail justes et raisonnables afin de garder et valoriser la main-d'oeuvre,
mais sans empêcher les entreprises d'ici de continuer à se développer, à
créer de la richesse et, bien sûr, des emplois. Merci.
La Présidente
(Mme Richard) : Merci beaucoup, M. Forget. Nous
allons débuter les échanges. Et, Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Vien :
Merci beaucoup, messieurs. Bonjour, M. Forget. Bienvenue à la Fédération
des chambres de commerce du Québec. De
toute évidence, tout ce qui touche
les agences, on n'aurait pas dû toucher à ça, c'est ce que je comprends.
Est-ce que les permis... est-ce qu'il y a de l'ouverture, de votre côté, là-dessus?
M. Forget
(Stéphane) : Bien, tout d'abord, je pense que, pour les entreprises,
dans ce secteur-là, qui sont délinquantes, je pense
qu'il faut agir, il fallait agir, et ça, c'est une excellente nouvelle. En ce qui a trait aux permis, parce que vous mentionnez les permis, je pense
qu'il y a déjà une mesure qui est en place. Ce qu'on demande,
c'est d'éviter le dédoublement, hein,
ce qui est déjà exigé du côté de Revenu Québec versus ce qui
pourrait être exigé du côté notamment de la CNESST. Ça, c'est un
élément.
Deuxième
élément, c'est en ce qui a trait aux travailleurs étrangers temporaires. Là aussi on a une préoccupation
à l'égard du dédoublement entre la responsabilité du gouvernement
fédéral et celle que pourrait avoir dorénavant
la CNESST.
Donc,
en matière d'agences de placement, on
pense qu'il y a un encadrement nécessaire, certes. Deuxièmement, je pense qu'il faut reconnaître le rôle, dans
l'économie, des agences de placement, particulièrement aujourd'hui. Troisièmement,
on veut éviter certains dédoublements, que
ce soit eu égard aux permis ou eu égard au travail à faire, notamment
avec les travailleurs étrangers temporaires. Je ne sais pas si, Alexandre, j'ai
oublié des choses à cet égard-là.
M. Gagnon (Alexandre) :
Non, ça fait bien le tour.
Mme Vien :
Quand vous parlez des lourdeurs administratives, ce que je comprends de votre
propos, de Revenu Québec, vous
pensez... je ne sais pas si je le dis comme il faut, c'est le papier de la
conformité fiscale? Est-ce que je le dis comme il faut?
M. Gagnon
(Alexandre) : C'est l'attestation de conformité, oui.
Mme Vien :
L'attestation, oui, c'est ça, O.K. Mais effectivement je pense qu'on va
pouvoir, je le dis souvent, être intelligent,
là, dans la façon qu'on va réfléchir la chose, parce que le règlement est en
train de s'écrire, et je vais déposer mes intentions, à ce niveau-là, quand on va étudier article par article.
Mais il est évident qu'on va faire attention, effectivement, pour ne pas qu'il y ait du dédoublement puis des
doublons, là, en termes de demandes administratives, là. Ça, c'est
clair, mais en termes de nécessité de réguler ce secteur-là, vous êtes d'accord
avec ça, M. Forget?
M. Forget (Stéphane) : Oui, on est d'accord avec le fait qu'il faut
s'assurer que les agences délinquantes puissent être, bien, surtout décelées et que ces entreprises-là ne puissent pas
fonctionner. Cela dit, on veut rappeler que c'est un secteur important,
des entreprises qui ont un rôle à jouer très important dans l'économie, auprès
de très nombreuses entreprises, puis, à cet
égard-là, on pense qu'il faut être prudent en matière de dédoublement. Et
deuxièmement aussi, on a des
préoccupations à l'égard de ce qu'il y a dans le projet de loi concernant le
salaire équivalent avec les employés en entreprise. De notre point de vue, ça va avoir un impact négatif sur de
nombreuses entreprises, notamment les plus grandes.
Mme Vien :
On n'aurait pas dû faire ça?
M. Forget
(Stéphane) : On croit que non, pour deux raisons. La première, c'est
que, dans le cas des grandes entreprises,
vous allez probablement trouver des échelles salariales puis une capacité assez
simple peut-être d'évaluer ce que ça représente, le salaire équivalent, mais,
quand on va changer puis on va aller dans les entreprises plus petites,
ça va être un défi très important. Ça, c'est un élément plus technique.
Cela
étant dit, on pense que le travail qui sera fait par l'agence de placement ne
peut pas non plus être considéré seulement
sur la base du salaire d'un employé régulier dans l'organisation. Et là ça va
demander des modifications ou, en tout cas, avoir des coûts importants
dans de nombreuses entreprises. Alexandre, je ne sais pas si tu veux...
Mme
Vien : M. Forget, ce matin, le Conseil du patronat du
Québec, si j'ai bien entendu, si j'ai bien compris, nous dit... je n'ai pas le terme, je n'ai pas mes
papiers devant moi sur le Conseil du patronat, mais il disait : C'est de
l'emploi temporaire, hein? On vient pallier
à un besoin défini dans le temps de trois semaines, un mois. Puis, nous, ce
n'est pas toujours le son de cloche
qu'on a. C'est comme s'il y avait un nouveau modèle d'affaires, là, qui se
développait en marge de ce qu'on est
habitué de voir des agences de placement. Ça a peut-être une tendance à être
plus permanent, là, quand on fait
affaire avec des agences, là. Il y a comme un mouvement dans ce sens-là. C'est
quelque chose que nous a confirmé la Direction
de la santé publique ce matin. Elle nous disait qu'à sa connaissance c'est à
peu près 80 % des situations où il y avait de l'emploi permanent, sur une base permanente, des employés des
agences. Êtes-vous d'accord avec leurs données?
• (15 h 20) •
M. Gagnon (Alexandre) : Bien, on pourrait valider les données. Évidemment, là, je présume qu'ils ont bien fait leur travail d'évaluer, là, on n'a pas ces
données-là avec nous. Mais les entreprises qui font affaire avec des agences, elles
le font pour plusieurs raisons. Ce n'est
pas toujours pour économiser sur les coûts, c'est souvent pour
simplifier leur processus de
recrutement, leur processus de gestion des ressources humaines. Les entreprises
veulent se concentrer sur leurs actifs, sur leur production, sur leurs façons de faire, sur ce qu'ils font bien.
Elles n'ont pas toutes l'expertise au
niveau de la gestion des employés, au
niveau des ressources humaines. Ça peut être un des atouts qu'ils vont aller chercher, et ça, ça peut
être à plus long terme, effectivement.
Mais
il y a, de l'autre côté, effectivement... Comme vous le dites, ce n'est pas l'ensemble
des employeurs qui le font à temps
plein et qui le font de façon permanente. Il y en a beaucoup
qui le font dans le cadre de mandats. Lorsqu'on parlait qu'il y
avait des travailleurs d'agence qui sont des employés plus spécialisés, lorsqu'on fait
affaire avec une agence qui fait de
l'impartition, notamment au
niveau des technologies de l'information, ça peut être pour un mandat de quatre
mois, ça peut être pour un mandat d'un an, mais c'est une expertise que l'entreprise
ne serait pas capable d'aller chercher en recrutant, mais elle va aller le
faire avec une agence de placement, d'impartition, une compagnie qui fait des
services professionnels qui s'apparente à une agence de placement
quant à l'offre qu'elle fait au niveau des entreprises. Et ça, à ce niveau-là, bien, il faut
faire attention de ne pas empêcher ce genre de situation là.
Mme Vien : M. Forget, la Loi sur les normes du travail, elle n'est pas revue souvent, hein? 1979, son adoption, 1990,
une première modification contenant plusieurs modifications... première
ouverture en 1990, après ça, en 2002, aujourd'hui,
en 2018. Moi, je pensais, je pense toujours, que c'est une excellente idée qu'on se soit
attardés à cette tâche-là. D'ailleurs,
c'était un voeu du premier ministre lors du Rendez-vous national sur la main-d'oeuvre. Êtes-vous
d'accord, à la Fédération des chambres de commerce du Québec, que l'on
ait ouvert la Loi sur les normes du travail puis qu'on ait procédé à plusieurs changements, à plusieurs améliorations? Il y a toute la question entourant le harcèlement psychologique, il
y a... et sexuel, pardon, la
reconnaissance des proches aidants. Il
y a toute une série de mesures qui
sont intéressantes, qui sont très progressistes et qui étaient fortement
attendues aussi.
M. Forget (Stéphane) : En fait, comme je l'ai mentionné d'entrée de jeu, on est d'accord, on pense que cette loi-là mérite d'être revue. Cela étant dit, il y a beaucoup d'éléments qu'on pense qui devraient aussi être
revus dans le cadre de la loi. Et je dois malheureusement faire le
constat, aujourd'hui, qu'il y a plusieurs demandes qui viennent du côté des employeurs qui n'ont pas été retenues dans la
révision actuelle. C'est pour ça que nous suggérions qu'on ait une revue
beaucoup plus importante de la loi sur les normes.
Vous
avez entièrement raison sur les enjeux reliés, par exemple, au harcèlement psychologique, d'intégrer la notion de harcèlement sexuel, c'est très bien, c'est même nécessaire.
Quand vous parlez d'un certain nombre de congés, de la nouvelle réalité par
rapport aux aidants naturels ou autres, je pense que ça méritait d'être revu.
On ne remet pas ça en question d'aucune façon. Même que plusieurs employeurs le
font de plus en plus, considérant ce que j'ai mentionné précédemment. Cela dit, on pense qu'il y a un certain nombre
d'éléments, du côté des employeurs, qu'on aurait souhaité retrouver.
Mme Vien : L'étalement des heures, par exemple, c'est une mesure qui nous semblait intéressante, qui nous
semble toujours intéressante, pour les employeurs, bien entendu, mais aussi
pour les employés, là.
M. Forget
(Stéphane) : Absolument.
Mme
Vien : C'est sûr, de
pouvoir étaler ses heures, c'est plaisant aujourd'hui, là, surtout si
vous êtes dans une situation — je prends tout le temps le même exemple,
mais c'est ça, la réalité — de monoparentalité, une semaine sur deux vous devez vous
occuper de vos enfants, c'est plaisant, peut-être, de finir un peu plus tôt,
puis tu reprends ces heures-là la semaine
suivante, puis c'est d'être accommodant, là. Ça, c'était une demande que vous
aviez, ça, l'étalement des heures.
M. Forget (Stéphane) : Dans ce
cas-là très particulier, vous avez entièrement raison que c'est un souhait de part et d'autre. Cependant, on proposerait, déjà
aujourd'hui, puis vous allez le trouver dans le mémoire, une
modification qui va faire en sorte que ce sera beaucoup
plus facile d'application que ce qui est dans le projet de loi actuel. Si vous
permettez, je vais laisser mon collègue vous l'expliquer.
M. Gagnon
(Alexandre) : En fait, le
projet de loi, il fait mention de certaines contraintes à l'étalement des
heures de travail. Notamment, on parle d'une
entente écrite qui est signée 30 jours avant la première application de
cet étalement-là et sur une durée de six mois seulement. À la base,
évidemment, lorsqu'on embauche un employé, il n'y a pas nécessairement
30 jours entre le moment où on signe le contrat et où est-ce qu'il va
commencer son temps de travail. Donc, est-ce
que ça veut dire que, pendant 30 jours, il ne sera pas sous les mêmes
critères d'applicabilité que les autres... les mêmes horaires de travail
que les autres employés? Évidemment, il y a un enjeu à ce niveau-là. Il
faudrait que, du moment qu'il y a une signature, notamment à l'embauche, ça
puisse être appliqué immédiatement.
De l'autre
côté, il y a également la notion que c'est bon uniquement six mois. Lorsqu'il y
a des enjeux au niveau d'une
convention collective ou les horaires sont régularisés par les conventions
collectives, un contrat comme ça, révisé aux six mois, évidemment, ça sera impossible de se rasseoir, tout le monde,
et de resigner chacun des employés pour voir est-ce que cette entente-là tient encore. Et de l'autre
côté, avec les travailleurs non syndiqués, l'élaboration des conditions
de travail se fait par le contrat de travail. Et les moments où ce contrat de
travail là est revu, c'est soit à l'embauche ou à l'évaluation annuelle,
généralement. Donc, il faudrait tout au moins que... à la fois,
que ça soit dans le cadre de conventions collectives, que ça puisse être
appliqué sur une plus longue durée ou tout au moins pour une durée d'un an.
Mme Vien : J'ai vu ça
dans votre mémoire, effectivement, que c'est une demande qui est faite.
Je ne me
souviens pas si j'ai vu une clause, quelques groupes nous ont fait cette
demande-là, puis je trouve ça bien intéressant
parce qu'on voit ça de plus en plus
aussi, une espèce d'article qui nous dit : Bien, aux cinq ans, révisez
donc les éléments que vous avez changés,
ceux que vous avez apportés, les nouveautés, etc., aux cinq ans. Je ne me
souviens pas si vous en parlez dans votre mémoire. Non? O.K. C'est-u quelque
chose qu'il faut...
M. Forget (Stéphane) : Bien, je vous
dirais...
Mme Vien : ...qui vous
apparaît trop rapide aux cinq ans?
M. Forget
(Stéphane) : Bien, je vous
dirais, de façon générale, pas de façon spécifique, on pense que les clauses crépusculaires, c'est quelque chose qui mérite d'être dans une loi, dans un projet de loi. D'avoir la
capacité de réviser, je pense que, de toute façon, c'est positif. Est-ce que, dans le cas des normes du travail, cinq ans, c'est
trop court? Évidemment, le marché du travail évolue rapidement. Est-ce
que ça mérite une révision aux cinq
ans? Je vous dirais que, compte tenu d'un certain nombre d'autres
demandes qu'on aurait aimé trouver dans le projet de loi, peut-être que, dans
ce cas-là...
Mme Vien : Ça ferait
votre affaire.
M. Forget
(Stéphane) : Peut-être
que cinq ans, c'est trop dans le cas présent. Mais, plus sérieusement, je pense que, de façon
générale, d'avoir la capacité de se poser la question, après un certain nombre
d'années, si ce que l'on fait est toujours aussi bon, ça m'apparaît quelque
chose de logique.
Mme Vien : En tous les cas, merci beaucoup à vous deux de
vous être déplacés aujourd'hui, j'apprécie grandement. Merci.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci, Mme la ministre. Et je reconnais maintenant le porte-parole pour l'opposition
officielle en matière de travail et député de Beauharnois. M. le député.
M. Leclair : Merci,
Mme la Présidente. Alors,
M. Forget, M. Gagnon, bonjour, et bienvenue, et merci de votre
mémoire. Bien entendu, nous ne sommes pas à
notre première consultation avec différents groupes et ni avec vous,
bien entendu, mais j'irais sur des aspects, là, qu'on n'a pas trop, trop eu la
chance de discuter avec d'autres groupes.
Donc, je vous apporterais à la page 36 de
votre mémoire. Vous parlez de réintégration, là. C'est des cas très spécifiques, mais personne n'en a parlé, puis je
voudrais entendre ça un peu. Vous parlez de réintégration. Lorsqu'un cadre a eu un litige pour
congédiement, vous dites que ça devrait se limiter à une compensation financière
dans le cas d'une vraiment petite entreprise. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Forget (Stéphane) : Je vais
laisser mon collègue Alexandre...
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui. Effectivement, normalement, la Loi sur les normes du travail prévoit que la
mesure privilégiée lorsqu'il
y a un congédiement illégal, c'est au niveau de la réintégration. Lorsqu'on
parle d'un employé cadre, notamment dans les petites et les moyennes entreprises,
il y a une relation de confiance qui est assez primordiale, évidemment,
et qui est fragile entre un cadre et un propriétaire ou un président d'entreprise. Et, évidemment, lorsqu'il y a eu un litige qui a mené à
un congédiement qui est considéré illégal, là, c'est difficile de voir comment est-ce
que ce travailleur-là ou ce cadre-là pourrait être réintégré, que le
lien de confiance puisse être rétabli. Et les tribunaux, ce qu'ils prévoient actuellement, c'est qu'il
y a un test à faire pour voir : Est-ce que,
vraiment, c'est impossible d'avoir une réintégration? Évidemment, lorsqu'un
employé cadre... nous, on pense qu'à la base ça devrait être considéré que
cette possibilité-là est plutôt difficile, il devrait de facto être tout
simplement compensé au niveau financier.
M. Leclair : Bien, je comprends ce sens-là, mais je me
demande : Est-ce qu'on a affaire à ces dossiers-là très, très
fréquemment pour que vous preniez la peine de le mettre dans votre mémoire?
• (15 h 30) •
M. Gagnon (Alexandre) : Bien, comme vous le dites, évidemment,
ce n'est pas quelque chose qui se représente souvent. Mais, un peu
comme la ministre a dit, on ne revoit pas nécessairement la Loi sur les normes
du travail très fréquemment, donc il faut évidemment
voir l'ensemble des possibilités, des choses qu'on voudrait voir réviser et le
dire immédiatement. Donc, sans que ça soit un des enjeux majeurs de
notre mémoire non plus, il faut revoir cette partie-là, parce que
parfois ça peut amener des problématiques à certaines entreprises.
M. Leclair : Donc, d'avoir la possibilité... Une réintégration pourrait être possible,
mais, dans certains cas ou dans la plupart des cas, un aspect monétaire
pourrait aussi être la solution. Vous aimeriez voir ça.
M. Forget
(Stéphane) : Je pense... oui, notamment en considération de l'effet
sur l'entreprise aussi, là.
M. Leclair :
O.K. Je vous garde à la même page pour ne pas qu'on se promène trop, trop. On
remonte d'un paragraphe. On parle que la Loi
sur les normes du travail a le pouvoir d'aller chercher des sommes dues d'un
employeur envers un employé. Vous dites que
la Loi sur les normes du travail devrait aussi être capable de faire le
contraire lorsqu'un employé doit de l'argent à son employeur. Alors,
expliquez-moi quelle situation vous visez par ça.
M. Gagnon (Alexandre) : Bien, parfois, il y a des avances qui peuvent être
faites au niveau des vacances. Notamment,
au gouvernement parfois, c'est un exemple à utiliser, là, mais ils offrent une
année sabbatique, par exemple, où qu'ils accumulent avant et un peu
après, et il y a des remboursements comme ça.
Donc,
ces avances-là, si jamais l'employé quitte, le seul moyen que l'employeur peut
aller récupérer ces sommes, c'est au
niveau d'une poursuite au civil. Donc, on ne veut pas ça. Ce n'est pas
faciliter, c'est difficile ou ce n'est pas au bénéfice de personne. Mais ce qui est bon pour l'employé devrait être
aussi bon au niveau de l'employeur lorsque ces sommes-là sont dues.
M. Leclair : O.K. On parle de sommes qui sont reconnues et dues. Ce n'est pas des
arrangements entre personnes, c'est vraiment des sommes reconnues, là,
déclarées.
M. Gagnon
(Alexandre) : Effectivement.
M. Forget
(Stéphane) : Oui, oui, et déjà données à l'employé.
M. Leclair : O.K. Je vous suis. Après ça, je vous amène à la page 28 de votre
mémoire, là. Vous nous parlez ici que le
contrôle ne devrait pas se faire par les normes du travail. Attendez-moi deux
petites secondes, là, je vais me retrouver dans ma paperasse. Vous dites que «relativement aux agences de placement
[qu'ils] relèvent davantage [aux applications] de Programme des
travailleurs étrangers temporaires [ou] du Programme des travailleurs agricoles
saisonniers — la
PTAS — et non de la Loi sur les normes du travail».
Donc, vous, vous dites que, si on veut encadrer ça, ça ne devrait pas
être les normes qui est porteur du dossier.
M. Forget (Stéphane) : En fait, le Programme des travailleurs étrangers
temporaires est de juridiction fédérale, géré par le fédéral, et déjà les employeurs québécois, lorsqu'ils
décident d'employer un travailleur étranger temporaire, ont des obligations, en vertu du programme, vers le
gouvernement fédéral d'informer l'employé du travail qu'il fait, etc.,
quand il quitte, bon, etc. Il y a plusieurs
mesures. Et là ce qu'on vient faire, c'est ajouter à ce que l'employeur doit se
conformer au fédéral un deuxième niveau vers
le gouvernement du Québec via la Loi sur les normes du travail. Et, de notre
point de vue, on ne peut pas... c'est inefficace de faire les deux. Il y
a un dédoublement ici. Il faut déterminer lequel des deux.
Imaginez
qu'il y a une vérification par la suite. Là, il pourrait y avoir un inspecteur
du gouvernement fédéral qui débarque pour évaluer le travail, un
inspecteur de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité
du travail qui débarque. Donc, il y a plusieurs... il y a du dédoublement qui,
de notre point de vue, n'est pas utile.
Il
faudrait déterminer... On n'est pas en train de dire que ça doit être que le
fédéral qui doit le faire, mais on pense que ça doit l'un ou l'autre et certainement pas les deux. Et
actuellement c'est de juridiction fédérale. Alors, il faudrait déterminer comment on souhaiterait que ces
choses-là puissent s'appliquer parce que ça risque d'être assez
problématique, compliqué pour les employeurs qui ont besoin d'utiliser des
travailleurs étrangers temporaires.
M. Leclair :
Oui. Je vous suis sur le côté permis de travail temporaire qui serait donné par
le fédéral, mais, lorsqu'on parle d'application des normes du travail, et tout,
bien, quelque part, le Québec a sa place parce que c'est sa juridiction.
M. Forget
(Stéphane) : ...
M. Gagnon
(Alexandre) : Non,
effectivement. Mais, à ce niveau-là, c'est un employé comme les autres. Il
est soumis aux normes du travail comme n'importe quel travailleur au Québec.
Pourquoi faisons-nous une différence spécifique
au niveau des travailleurs étrangers temporaires pour voir est-ce qu'on
respecte les normes par rapport à eux, alors que le projet de loi exige
justement un enregistrement auprès de la commission des normes au niveau de sa
date d'arrivée, sa date de départ, son type
d'emploi, toutes des choses qui sont déjà demandées par le gouvernement
fédéral?
M. Forget
(Stéphane) : Donc, ce n'est
pas aux termes de l'application des normes au Québec, c'est aux termes,
comment dirais-je, de la réglementation autour de l'embauche et du travail du
travailleur étranger temporaire.
M. Leclair : O.K. Il me...
La Présidente (Mme Richard) :
1 min 30 s.
M. Leclair : Il ne me reste pas grand temps. Je vais y aller
avec une dernière question. Dans votre mémoire, vous dites que des ententes pour l'étalement des heures se fait déjà dans certaines
entreprises. Alors, qu'est-ce que vous nous suggérez de baliser, si vous dites que ça existe déjà puis vous semblez
dire qu'on ne prend pas tout à fait le bon chemin dans notre projet de
loi? Alors, je voudrais vous entendre là-dessus.
M. Gagnon
(Alexandre) : Mais, en fait,
il faudrait en premier lieu... effectivement, on a fait des
recommandations quant à l'application, là,
qui va être difficile, mais également reconnaître ce qui existe déjà dans les
conventions collectives où que les
deux parties se sont entendues sur la répartition des horaires. Des entreprises
qui répartissent déjà une semaine de 42 heures,
une semaine de 38, une semaine de 44 puis une semaine de 36, il y en a dans
plusieurs domaines actuellement qui le font.
Je
comprends... Actuellement, dans la Loi des normes du travail ce qu'on demande,
c'est : Il faut demander la permission
à la commission de la CNESST. Ce n'est pas toujours fait, il y a une
tolérance qui est faite, historique, là, à ce niveau-là. Le projet de loi vient reconnaître une situation qui existe déjà. Donc, on vient baliser quelque chose qui est en place ou qui est déjà appliqué dans certains milieux
de travail.
M. Leclair : Peut-être que je me trompe, mais moi, je pense
que la vision de la ministre derrière ça, c'est plus de baliser justement ceux qui n'ont pas de
convention, qui n'ont pas une entente réelle. On parle de plus petites PME,
là. Puis ils ne sont pas tous pas bons, là,
bien loin de là, là, mais c'est de baliser et mettre des normes face à ça pour
les plus petites. Je suis d'accord avec vous, où est-ce qu'il y a des
conventions collectives, c'est déjà assez bien établi.
M. Forget
(Stéphane) : Bien, c'est de
le reconnaître et de permettre que ça puisse se faire de façon efficace
et flexible, effectivement.
M. Leclair : Merci beaucoup,
messieurs.
M. Forget (Stéphane) : Plaisir.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci. Merci beaucoup, M. le député de Beauharnois. Et je cède la parole maintenant
au député des Chutes-de-la-Chaudière et porte-parole en matière de travail pour
le deuxième groupe d'opposition.
M. Picard : Merci, Mme
la Présidente. Merci, messieurs, d'être là cet après-midi. Dans votre mémoire,
vous indiquez... je vais résumer, là. C'est
que les modifications proposées, vous n'êtes pas très, très en accord, mais
vous dites : On aurait dû prendre le temps peut-être de faire une
bonne révision de la loi.
Sans rentrer dans le secret des dieux, entre
guillemets, là, vous êtes toujours en contact avec le cabinet de la ministre, puis il y a certainement eu des
discussions pour avoir peut-être plus de matière dans la révision ou vous
avez appris, là, qu'est-ce qu'il y avait
dans le projet de loi lorsqu'il a été déposé, là? Si vous me dites ça, je vais
dire : J'ai un petit doute. Mais
ce n'est pas grave, là. Mais allez-y, là, j'aimerais... parce que, oui, on dit
de revoir plus globalement, mais c'est...
plus globalement, là, c'est... il y a deux parties, là. Il y a les employeurs,
il y a les employés aussi. Donc, il faut que ça balance, tout ça, là.
M. Forget
(Stéphane) : Bien, c'est...
justement, dans le contexte puis comme je l'ai mentionné précédemment, il y a un certain nombre de mesures qu'on retrouve
dans le projet de loi qui vont de soi. Cela étant dit, il y a beaucoup d'autres demandes provenant des employeurs qui, de
notre point de vue, auraient dû aussi s'y retrouver pour appuyer les entreprises dans le contexte de pénurie de
main-d'oeuvre que nous connaissons, notamment aujourd'hui, le marché du travail qui est en transformation. Donc, il y a
une série de mesures qui, de notre point de vue, auraient dû s'y
retrouver.
Et
j'ajouterais à ça, puis je vais laisser Alexandre vous donner quelques exemples
dans quelques instants, mais il faut ajouter à ça ce que j'appelle
toujours le phénomène de sédimentation. C'est que chacune des mesures prises individuellement fait du sens. C'est quand on les accumule
une par-dessus l'autre que ça devient un poids extrêmement important sur les épaules des employeurs. Et c'est
là, notre préoccupation, parce que les employeurs québécois sont en compétition avec les entreprises ailleurs au
Canada et ailleurs dans le monde. Et déjà aujourd'hui nous avons les
normes du travail probablement les plus généreuses au
Canada avant même l'adoption du projet de loi dans les prochaines semaines,
possiblement. On va ajouter à cela.
Et là, à
cela, j'ajoute évidemment les impacts des taxes sur la masse salariale, et
autres, et ça commence à faire beaucoup
pour des entreprises qui sont en compétition avec d'autres. Et on est toujours
préoccupés par cela, préoccupés aussi
par les grandes entreprises qui sont souvent des filiales d'entreprises
étrangères qui sont en compétition avec d'autres usines dans le monde et puis qui ont des sièges sociaux qui comparent
les avantages des uns par rapport aux autres et surtout les coûts d'exploitation. Et c'est toujours dans
ce contexte-là qu'on a une préoccupation sur le phénomène de
sédimentation, qui finit par être un enjeu majeur.
Alors cela
dit, peut-être, tu pourrais ajouter quelques exemples de choses qu'on aurait
souhaité se voir retrouver dans le projet de loi, par exemple, ou dans
une révision plus générale.
• (15 h 40) •
M. Gagnon (Alexandre) : Donc,
notamment, c'est des vieilles recommandations qu'on a faites à quelques occasions, mais notamment au niveau des recours,
qui sont multiples dans certaines situations, notamment au niveau du
harcèlement. Quelqu'un peut à la fois décider de faire affaire avec un grief,
faire appel à la commission, si c'est du harcèlement
sexuel, peut faire également
à la... ce que je parlais, c'est la commission de la CNESST ou à la Commission des droits de la personne, si c'est du harcèlement
sexuel. Donc, il y a une multitude de recours différents. Et il faudrait
trouver, baliser que, lorsqu'il y a une
convention collective, bien, il faudrait prendre pour acquis qu'il faut passer
par le processus de grief afin de désengorger nos tribunaux
administratifs.
Au niveau du régime de représentation des
salariés, la commission des normes, la CNESST, défend les travailleurs. Puis c'est correct, on défend
l'accessibilité à la justice, sauf qu'il faudrait institutionnaliser un tri au
niveau de ces demandes-là pour éviter les
requêtes frivoles qui peuvent arriver à l'occasion et où l'employeur doit
lui-même engager des avocats pour se défendre contre la commission dans
des dossiers qui ne devraient pas aller plus loin.
Donc, il y a
une panoplie de petites recommandations comme ça, notamment au calcul des
vacances lorsqu'il y a des congés de maternité et paternité. Donc, on
pourrait vous en parler longtemps.
M. Forget (Stéphane) : Vous allez
les retrouver dans notre mémoire.
M. Picard :
Bien, votre mémoire, là, disons qu'il est... on voit des similitudes avec celui
qu'on a vu ce matin aussi, du Conseil du patronat, là. Je ne sais pas si...
M. Forget
(Stéphane) : Bien, ça me
rassure, parce qu'on défend les employeurs tout comme eux. Je vous
ajouterai qu'on a, le président du CPQ et
moi, cosigné des lettres ouvertes sur ces enjeux-là. Donc, c'est évident qu'on
a travaillé de pair sur plusieurs des enjeux dont on discute
aujourd'hui.
M. Picard : ...pour vous
taquiner. On dirait même que c'est le même auteur, des bouts, là. Mais...
M. Forget (Stéphane) : Bien,
ça, je peux vous confirmer que ce n'est pas le cas.
M. Picard :
O.K. C'est beau. Au niveau de... Dans
le mémoire, vous indiquez que la fédération propose que le pouvoir réglementaire relatif aux agences de
placement soit délégué à la CNESST. Ce n'est pas ça, habituellement?
Parce que, dans l'article de loi, là, nous,
on dit que le gouvernement peut, par règlement... lui, il détermine le
règlement, mais le pouvoir réglementaire, c'est la CNESST qui l'a ou je
suis dans l'erreur?
M. Gagnon
(Alexandre) : Le pouvoir
d'application de la... règlement, c'est la CNESST. Le pouvoir
d'élaboration de la réglementation, c'est le gouvernement.
M. Picard :
L'élaboration, elle devrait être où? Au gouvernement?
M. Gagnon (Alexandre) : Non,
elle devrait être à la commission, la CNESST.
M. Picard : O.K. C'est beau. Je comprends. Il me reste...
La Présidente (Mme Richard) :
Il vous reste 50 secondes.
M. Picard :
50 secondes? Je vais laisser ça à M. Forget. Une phrase très, très
lourde dans votre mémoire. Pour les clauses
de disparité, vous dites : «...cette éventualité n'est guère porteuse de
paix industrielle.» C'est fort comme mots, là.
M. Forget
(Stéphane) : Oui, vous avez
raison. Les régimes de retraite, comme je l'ai mentionné plus tôt, ont
été réfléchis. Il y a des entreprises qui
ont pris des décisions d'affaire, dans bien des cas avec les associations
d'employés. On a protégé les employés déjà
en place, souvent dans des cas de régimes à prestations déterminées, en sachant
que, si on ne le faisait pas de cette
façon-là, on serait obligé de modifier les régimes pour tous les employés. On a
pris des engagements auprès de ces
employés-là. Si on ne respecte pas le statu quo dans les cas présents et si on
ne protège pas pour l'avenir les situations
qui ont été signées ou qui sont actuellement signées, on va se retrouver dans
des situations où, lors des prochaines négociations...
La Présidente
(Mme Richard) : Merci beaucoup.
M. Forget (Stéphane) : ...on
pourrait avoir des conflits de travail...
La Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup, messieurs, pour votre contribution à nos travaux.
Et je suspends la commission quelques instants
afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 44)
(Reprise à 15 h 46)
La
Présidente (Mme Richard) : ...l'Assemblée
nationale. Donc, nous recevons la centrale syndicale du Québec...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Richard) :
Non, excusez-moi, non, je me suis trompée, c'est moi, c'est mon erreur.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Richard) :
Je ne pense pas du tout, là. Je viens de commettre un impair, désolée. C'est l'Association
des entrepreneurs en construction du Québec.
Bonjour,
bienvenue à l'Assemblée nationale. M. Joncas, je pense que c'est vous qui
allez prendre la parole. Peut-être nous présenter les personnes qui vous
accompagnent, et vous avez un temps de 10 minutes pour nous faire votre
exposé. Par la suite suivra un échange avec les parlementaires.
Association
des entrepreneurs en construction du Québec (AECQ)
M. Joncas
(Marc) : Oui, merci. Bonjour
à tous. Mon nom est Marc Joncas. Je suis président du comité exécutif et
du conseil
d'administration de l'AECQ, comme
vous disiez, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Je suis aussi
employeur dans le secteur du génie civil.
J'ai à ma
droite, ici, Mme Nicole Robichaud, directrice des relations de travail de l'APCHQ, j'ai à ma gauche, complètement à ma gauche,
M. Jean St-Onge, directeur des relations de travail de l'ACQ et administrateur
à l'AECQ également, et ici, à ma gauche immédiate, M. Dominic Robert,
directeur général de l'AECQ.
Rapidement, l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec, l'AECQ, regroupe la totalité des employeurs de la
construction de la province de Québec assujettis à la Loi sur les relations de
travail, la formation professionnelle et la
gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, qui est la
loi R-20. L'AECQ, dont le conseil
d'administration est formé de représentants désignés par les associations
d'entrepreneurs, soit l'Association de la construction du Québec, l'ACQ,
l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec,
l'ACRGTQ, l'Association des professionnels
de la construction et de l'habitation du Québec, l'APCHQ, la Corporation des
maîtres électriciens du Québec et la Corporation des maîtres mécaniciens en
tuyauterie du Québec...
Conformément
aux changements apportés à la loi n° 46 en 1995, l'AECQ a notamment le
mandat de négocier les clauses
communes aux quatre conventions collectives sectorielles. De par sa
composition, le conseil d'administration de l'AECQ constitue l'unique forum où toutes les associations patronales,
dans la loi R-20, peuvent échanger et développer des orientations et des positions communes dans le
meilleur intérêt du patronat de la construction. Je vais passer la
parole à notre directeur général, M. Dominic Robert.
La Présidente (Mme Richard) :
M. Robert.
• (15 h 50) •
M. Robert
(Dominic) : Mme la Présidente, Mme la ministre, bonjour. Merci, tout le monde. D'abord, on
vous remercie de nous entendre cet après-midi. C'est vraiment très apprécié.
Habituellement, on ne reçoit pas avec le même degré d'appréhension les modifications à la Loi sur les normes du travail que les modifications à la loi R-20. Comme vous le savez, l'industrie
de la construction, on a un régime particulier de relations de travail, et je pense que c'est une loi qui est spécifique, la loi R-20, et
il y a une raison à ça, c'est qu'on a des réalités spécifiques dans l'industrie de la construction. Et je pense qu'aujourd'hui on va vous donner quelques exemples qui font en sorte que ça illustre bien ce pourquoi on a une loi
particulière, dans l'industrie de la construction, pour répondre à des
réalités particulières.
Donc, en ce qui concerne le projet de loi n° 176, bien, généralement, on est en accord
avec le projet de loi n° 176,
même s'il y a très, très
peu d'articles qui touchent — et je vais vous expliquer comment, là — notre industrie, je parle de
l'industrie assujettie à la loi R-20. Et on s'est concentrés,
effectivement, dans notre étude du projet de loi, sur les modifications qui touchent les salariés et les
employeurs qui sont assujettis à la loi R-20, à la loi sur les relations
de travail dans l'industrie.
Donc, on est
d'accord avec ce qui est proposé par le projet de loi n° 176 sur la
modification de la définition au harcèlement
psychologique; ça s'applique à nous. On est d'accord avec l'obligation qui est
faite aux employeurs d'adopter une politique de prévention du harcèlement sur les
chantiers, bon, et ainsi de suite,
pas de problème avec ça. Cependant, le projet
de loi n° 176 a pour effet
d'accorder deux journées supplémentaires rémunérées reliées à la garde, à la santé et
à l'éducation des enfants. Et cette demande, on va vous expliquer pourquoi, évidemment,
là, mais on demande que cette modification ne soit pas applicable aux
salariés et aux employeurs qui sont assujettis aux dispositions de la
loi R-20.
Maintenant,
il faut comprendre que, bon, je fais une petite explication rapide, là,
l'application de la Loi sur
les normes du travail aux salariés et employeurs de la loi R-20,
en principe, ça ne s'applique pas, mais qu'il y a des dispositions,
par exception et de façon complémentaire,
qui viennent s'appliquer. C'est prévu à la loi sur les normes. Et, bon, il y a des exceptions qui sont prévues vraiment à l'article 3 de la loi sur les normes. On est touchés à peu près pour une douzaine d'articles. En fait, c'est l'hypothèse que je fais, c'est
que, dans sa grande sagesse, le législateur a considéré que c'était peut-être,
compte tenu de certaines réalités de notre industrie, notamment le fait que les
projets sont limités dans le temps, notamment le fait que les projets peuvent
être situés dans différentes régions, donc on n'est pas dans un contexte d'établissement, et aussi le fait qu'il y a une succession d'employeurs pour les salariés
durant la même année, parfois même durant
le même mois, il peut y avoir une succession d'employeurs... Donc, la réalité
qui est couverte par la Loi sur
les normes du travail n'est pas tout à fait... s'harmonise très, très mal avec
nos réalités à nous, bon. Et, dans le projet de loi n° 176, bien, il y a évidemment
des articles, qui sont particulièrement les articles
qui touchent des congés dans certaines situations spéciales, les articles qui touchent aux
congés qui sont reliés à la naissance, au décès et au mariage. Ça, ça
touche l'industrie de la construction.
Bon, maintenant,
pourquoi nous, on vient ici puis on vous demande, dans le fond, de faire en sorte que les dispositions sur les deux jours supplémentaires rémunérés ne
s'appliquent pas à l'industrie de construction? Bien, d'abord, je vous dirais que le premier motif, c'est relié
à, je vous dirais, la théorie de la négociation collective. Moi, je l'ai appelée comme ça, là. Dans le fond, c'est qu'on
vient de terminer un processus de négociation dans l'industrie de la construction. Vous le savez, tout le plaisir, Mme la ministre, qu'on peut avoir à faire la négociation, à être impliqué dans la négociation dans l'industrie
de la construction. Puis on vient d'arriver à la fin du processus. Et puis je
dirais que, moi, comme praticien des
relations de travail, l'encre n'est toujours pas sèche sur les conventions, on n'a toujours
pas publié, imprimé les conventions
collectives, mais de voir une intervention législative qui accorde deux journées de congé supplémentaires,
ça défait un petit peu l'équilibre qu'on a atteint. Tu sais, il faut comprendre
que... Puis je l'assimile un peu aussi à une augmentation
salariale parce que, dans le fond, deux journées rémunérées supplémentaires,
bien, c'est équivalent un peu à une augmentation salariale.
Donc, ceci
étant dit, ça s'insère ou ça vient s'intégrer un peu dans le... défaire un peu
l'équilibre qu'on a atteint, parce
qu'il faut comprendre que, chaque fois qu'on a une entente de principe dans le
cadre d'une négociation collective, à chaque
fois qu'on signe une convention collective, bien, ça veut dire que la partie
patronale puis la partie syndicale, on a atteint un équilibre qui nous
convient, puis qu'on est prêts à avancer, donc, avec les conditions de travail
qu'on s'est données, et que, bon,
effectivement, une convention collective, c'est un tout, et particulièrement
pour les clauses monétaires. C'est particulièrement difficile de trouver
l'équilibre dans les clauses monétaires. Et moi, les vacances payées, bien,
j'associe ça à des clauses monétaires.
Maintenant,
ce qu'il est important aussi de voir, c'est que, dans l'industrie de la
construction, je vais vous parler un petit
peu des conventions collectives, je vous disais qu'on avait des réalités
particulières. Puis ce qu'on a adopté comme mécanique dans l'industrie pour, dans le fond, prendre en compte ces
réalités-là, bien, c'est les vacances de la construction. Vous connaissez un peu le concept. C'est-à-dire
que les congés, les congés annuels, les congés fériés, bien, c'est payé
par un pourcentage. À chaque semaine, le salarié
reçoit un pourcentage qui est envoyé à la Commission de la construction,
donc à un organisme central qui ensuite
redistribue les sommes. Bien, dans le fond, c'est pour tenir compte que le
salarié peut travailler pour plusieurs employeurs durant la même année,
et donc, effectivement, bien, son argent transite par la Commission de la construction, et il reçoit
ensuite les montants. Il faut comprendre que... Puis cette mécanique-là,
bien, elle a été convenue avec la partie syndicale. Elle a été convenue dans le
cadre de la négociation collective.
En 2007, on
avait un pourcentage de vacances puis de jours de congé fériés qui était de
11,5 %. On l'a augmenté à 13 %.
Actuellement, il est à 13 %. Pourquoi? Bien, justement pour accorder
1,5 % ou l'équivalent, à peu près, de trois jours, 3,75 jours d'absence à un salarié durant une
année. Autrement dit, ça veut dire
que le salarié peut s'absenter actuellement, dans l'industrie de la construction, trois jours, puis ces trois
journées-là, bien, elles vont être rémunérées via l'indemnité de
vacances puis pour congés fériés. Donc, c'est une mécanique qui existe déjà.
Il faut
comprendre aussi que la convention, c'est un tout. Dans l'industrie de la
construction, il y a deux congés fériés
de plus que dans la Loi sur les normes du travail. Les congés qui sont déjà
prévus ou les journées rémunérées qui sont
déjà prévues dans les cas de congés particuliers que je vous ai parlés tantôt,
naissance, décès et mariage, dans le cadre de la négociation collective avec la partie syndicale, on a bonifié les
dispositions de la loi sur les normes, qui sont à la Loi sur les normes du travail. Je vous donne un
exemple. Dans certains cas particuliers, il y aura le remboursement de
frais de déplacement pour un salarié, donc, qui a à se rendre suite à un décès.
Donc, on a quand même réussi, ce que je veux vous
dire, dans le fond, c'est qu'on a quand même réussi, dans le cadre des
conventions collectives, à se donner des règles, avec la partie
syndicale, qui correspondent à nos réalités.
Vient
s'ajouter à ça... depuis 2013, les parties ont négocié des dispositions qui
visent, dans le fond, à favoriser la conciliation
famille-travail. Dans chacune des conventions maintenant, il y a une
disposition qui permet... donc qui vient ajouter à la souplesse qu'on avait déjà via le pourcentage d'indemnité
pour les congés fériés, ça vient ajouter une certaine flexibilité qui
permet au salarié qui a des obligations reliées à la garde d'un enfant de
commencer plus tard puis finir plus tard, dans le fond, sous certaines
conditions.
Puis ce pour
quoi, dans le fond, on est en désaccord ou qu'on demande d'être exclus des
dispositions concernant les deux
journées supplémentaires, je termine là-dessus, et c'est les éléments les plus
importants, c'est les aspects pratiques. Comment un employeur va savoir que les deux
journées ont déjà été prises chez un employeur précédent dans
l'industrie de la construction? C'est à peu
près... C'est impossible. Il y a des chantiers qui durent, particulièrement
dans le domaine des travaux publics,
des chantiers peuvent... ce n'est pas rare d'avoir des chantiers qui durent
plus que trois mois. Un salarié qui a
déjà pris les deux congés dans les trois premiers mois de l'année va
potentiellement les demander à un employeur pour les trois derniers mois de l'année. Comment l'employeur n° 2 peut
savoir que l'employeur n° 1 les a déjà accordés? À mon humble avis,
ça pose un problème pratique fondamental.
Autre
problème, c'est qu'il existe dans... tantôt, je vous disais que les projets ont
une certaine durée dans l'industrie de
la construction. Il y a quelque chose, dans le fond, qui s'appelle la
démobilisation d'un chantier. Ça, ça veut dire que, sur des chantiers qui durent longtemps ou qui
peuvent durer plus que trois mois, particulièrement encore dans les
travaux publics ou sur certains projets
industriels notamment, bien, vous avez ce qu'on appelle la mobilisation-démobilisation,
c'est-à-dire que la main-d'oeuvre rentre
tranquillement pas vite, les corps de métier rentrent les uns après les autres,
on atteint un niveau de travailleurs sur le
chantier qui est assez élevé puis ensuite, tranquillement pas vite, on diminue
au fur et à mesure de l'avancement des
travaux. Donc, je me dis qu'il y aurait peut-être une tentation pour certains
salariés qui sont en fin de travaux sur un
chantier, qui voient le chantier se terminer, et puis, forcément, bien,
évidemment, en phase de
démobilisation et de parachèvement des travaux, bien, il y a toujours des mises
à pied, il y a toujours des déplacements. Bien, évidemment, le salarié qui a deux jours de congé va peut-être être
tenté de les prendre en fin de chantier, ce qui peut occasionner évidemment des coûts quand même
importants puis débalancer aussi la force de travail qui est sur le chantier,
tu sais. Quand tu sais que tu vas être mis à
pied un vendredi puis que tu as deux congés peut-être potentiels à
prendre, c'est peut-être tentant de les prendre avant d'être mis à pied.
Alors, il y a
des problèmes pratiques réels qui sont associés à ça. Donc, c'est ça, ça
explique pourquoi, dans le fond, on
demande, comme d'autres dispositions à... ce n'est pas une mécanique qui
n'existe pas, c'est que cette disposition-là fasse partie des
dispositions qui ne s'appliquent pas à l'industrie de la construction, ce qui
est déjà prévu à la Loi sur les normes.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci. Nous allons débuter les échanges. Je veux juste vous mentionner
qu'on... vous avez quand même pris un peu
plus de temps. Donc, c'est du temps emprunté sur le gouvernement. Mme la
ministre est toujours consentante. C'est juste pour les personnes qui nous
écoutent, juste pour dire que...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Richard) :
Avec consentement, vous savez, on peut tout faire ici.
• (16 heures) •
Mme Vien :
Bien, non. Non, mais on s'est donné la consigne, Mme la Présidente et moi, que,
s'il y avait besoin d'un peu plus de temps, que c'était sur le temps
ministériel.
Merci d'être
là, c'est très apprécié. Vous êtes assez clairs dans vos propos, là. Ce ne sera
pas très long de mon côté, mais j'ai
quand même deux petites questions. La première : Comment ça fonctionne,
là? J'ai bien compris, là, que vous
avez, de votre côté... Si j'ai bien compris, c'est que vous avez un fonds qui
est alimenté, qui paie justement des congés pour maladie, pour absences,
pour familles, etc. C'est bien ça, oui?
M. Robert
(Dominic) : Dans le 13 %, il y a 11,5 % qui est là pour payer, dans le fond, les congés, les vacances, les vacances annuelles, les congés
fériés, et il y a 1,5 %, dans ça, qui est pour compenser, dans le fond,
3,75 jours de maladie ou d'absence.
Mme Vien : Donc, qui
sont rémunérés.
M. Robert (Dominic) : Ils sont
rémunérés.
Mme Vien : Nous, on en
demande deux. Si je comprends bien, c'est que vous allez déjà au-delà de ce
qu'on demande.
M. Robert
(Dominic) : On va déjà au-delà à certains égards, notamment celui-là,
puis on va au-delà, dans la Loi sur les normes, de ce qui est prévu pour
certains types d'absence, oui.
Mme Vien :
Et à qui se fait la demande à ce moment-là? Parce que vous disiez tantôt...
C'est vrai que c'est ça qui est
atypique, hein, au niveau du secteur de la construction, c'est qu'un
travailleur de la construction ou une travailleuse de la construction peut avoir plusieurs employeurs. Et
vous disiez tantôt : Nous, on fait comment pour savoir si,
effectivement... on pense que la très grande majorité des gens sont bien
corrects, là, mais quelqu'un, là, ou une quelqu'une qui voudrait faire trois ou
quatre jours... en tout cas, plus que ce que vous leur permettez. Je pensais
que la demande se faisait à la CCQ et que la
CCQ était capable de suivre, là, une espèce de traçabilité de l'employé qui
fait des demandes de congé. Est-ce que je ne comprends pas la mécanique?
M. Robert (Dominic) : Bien, en
fait, il y a un enjeu, dans ça, de protection des renseignements personnels.
Mme Vien : La personne
fait la demande à qui pour être payée pour un congé pour maladie?
M. Robert
(Dominic) : Bien, elle ne fait aucune demande. Elle reçoit un chèque
avant les vacances.
Mme Vien : Puis la partie dont vous parliez
tantôt pour des congés de maladie, tout ça, on lui paie automatiquement?
M. Robert (Dominic) : Exact.
Mme Vien : O.K. Donc,
elle n'a pas à s'absenter du travail pour maladie.
M. Robert (Dominic) : Exact.
Elles sont payées, même si elles ne sont pas prises.
Mme Vien : Merci. Bien,
parfait, merci beaucoup. Vous avez été suffisamment clair dans vos propos.
Merci beaucoup de vous être présentés cet après-midi. Merci.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci. Et je reconnais maintenant le porte-parole en matière de travail pour
l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois.
M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup de votre
passage. Vous me faites poser plein de questions. Votre mémoire a le mérite d'être clair, mais vous
parlez effectivement du métier de la construction, mais je me demande aussi comment on va faire avec la personne qui
n'est pas dans le domaine de la construction, qui dit : Moi, je travaille trois mois, pour prendre un exemple, au Metro, je
prends mes deux journées, puis je m'en vais travailler au Provi-Soir un
autre trois mois dans l'année, je prends deux journées, puis je me retrouve à
la patate du coin, puis je prends un autre deux
journées. Ce n'est pas évident. Dans le milieu de la construction, vous, c'est
plus clair qu'à 80 % de vos travailleurs ou des entrepreneurs c'est par contrats autres que des gros, gros contrats.
Donc, ça crée une problématique, mais ça nous fait poser la question de... pas obligé d'être dans le
métier de la construction pour avoir trois jobs dans une année. Donc,
qui va comptabiliser ça? Comment qu'on va faire ce compte-là?
Vos
questionnements que vous avez face à la loi R-20, je crois qu'elle
s'applique un peu plus large que ça puis je me pose vraiment la question. Puis c'est très clair, ce que vous dites,
puis je pense qu'il faut trouver une solution. Puis qui est-ce qui va le gérer? Comment que ça va être
géré? En tout cas, moi, je n'ai pas la réponse à ça. On regardera, dans
l'article par article, là, comment est-ce qu'on encadre ça.
Mais je vous apporterais sur une autre question
qu'un groupe d'avant avait mise dans son mémoire, qui représentait des patrons, puis je n'ai pas eu le temps, j'ai manqué de
temps. Je voudrais vous la poser à vous, la question, parce que vous représentez quand même les
entrepreneurs dans le milieu de la construction. Lorsqu'on parle de harcèlement, on dit qu'il va y avoir une politique
de plainte, et tout, alors... puis, dans leur mémoire, eux, nous
disaient : Bien, pour une plus grande entreprise, c'est un demi-mal, ils
ont le staff, ils ont tout pour mettre en branle tous ces systèmes-là. Mais un
plus petit entrepreneur qui, lui, a deux, trois employés, lui, ce fardeau-là,
pas qu'il est contre le harcèlement ou qu'il
ne veut pas l'appliquer, mais le fardeau administratif de tout ça risque, pour
lui, de voir ça comme une immense montagne.
Alors, j'aimerais
vous entendre là-dessus. Quels sont vos souhaits, là? Je sais que, tantôt, vous
disiez : Il n'y a pas de problème avec ça, le harcèlement, sauf que
moi, je parle beaucoup plus du côté administratif de la chose.
M. Robert
(Dominic) : Juste pour revenir... je ne sais pas si vous m'aviez
vraiment posé une question
sur votre première intervention, mais je ferais juste la distinction
que, pour la fille du Metro, là, puis tout ça, c'est vraiment des exceptions,
alors que, pour nous, c'est pas mal le principe, on s'entend?
M. Leclair : Je suis d'accord.
Je suis d'accord avec vous.
M. Robert
(Dominic) : O.K. Je
vous dirais que c'est... encore une
fois, la beauté de l'industrie
de la construction, c'est qu'on s'est
donné des outils pour vivre nos réalités, et, dans chacune des associations sectorielles, il y a déjà
beaucoup de travail qui a été fait pour fournir aux entrepreneurs des modèles
de politiques. Et, là-dessus, je dirais peut-être... je demanderais peut-être à Nicole de poursuivre, là, mais il y a vraiment
un travail qui est fait. Pour vous donner une image très, très, très facile à comprendre, là, c'est que, dans le fond, les associations sectorielles d'employeurs, elles agissent un peu comme
département des ressources humaines pour les entreprises de peu... pour les
petites entreprises.
Mme Robichaud
(Nicole) : Nous, ça fait déjà
depuis novembre 2017 qu'on a mis sur notre site Internet un modèle de politique sur le harcèlement, que les employeurs peuvent télécharger puis
personnaliser. Donc, ça fait déjà un petit moment, là, que... Puis je pense
que...
M. St-Onge
(Jean) : Peut-être aussi
rajouter, effectivement, on se souvient que, fin 2017, la Commission de la construction du Québec
avait aussi lancé une ligne au niveau du harcèlement. Et effectivement toutes
les associations patronales aussi avaient suivi le même mouvement. On a des
lignes aussi puis on a un support qu'on accorde aux entrepreneurs au niveau
de l'accompagnement, de comment mettre en place une politique
ou une procédure à ce niveau-là.
M.
Leclair : Bon, vous me
rassurez dans le sens que la Commission sur les normes
du travail peut quand même, elle aussi, offrir un modèle aux gens, aux entrepreneurs, puis dire : Voici un modèle de base, on n'alourdira pas le
système.
Alors, je pense que votre mémoire a le
mérite d'être clair puis je pense qu'on a fait le tour de ce que vous
aviez comme inquiétudes. Mais vous m'avez
fait porter questionnement à savoir, même pas juste dans votre milieu,
comment exactement on va s'assurer, lors de l'article par article, que ça soit justement applicable, parce que vous disiez... tantôt,
vous disiez très bien, là, si vous restez,
vous, dans votre «core business», bien, le côté pratique de tout ça, là, il
n'est pas vraiment applicable. Donc, on va s'assurer de voir, là, quelle
tangente ça va prendre. Merci d'avoir passé nous voir.
La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député. M. le
député de Chutes-de-la-Chaudière et porte-parole
en matière de travail pour le deuxième groupe d'opposition.
M. Picard : Merci. Merci, messieurs dames, d'être là. Oui,
votre mémoire est très, très clair, là. Donc, pour moi, j'ai eu les explications,
là. Je vais embarquer sur d'autres sujets.
Tantôt,
vous avez indiqué que, dans la conciliation travail-famille, là, les gens
pouvaient commencer plus tard, finir plus
tard. Il y a quelques années, lorsque ça s'était débattu, là, on avait
rencontré des gens qui nous disaient : Ça va être difficilement applicable, parce qu'un chantier de
construction, c'est une équipe qui travaille, là. Mais je voudrais
savoir comment ça se passe actuellement. Est-ce que pas mal tous les chantiers... lorsque quelqu'un
dit : Bien, moi, il faudrait que je parte plus tôt, puis je vais
reprendre mon temps, est-ce que ça fonctionne?
M. Joncas (Marc) : Bien, moi, je peux donner un exemple concret : sur les routes, les équipes de
pose d'enrobé, d'asphalte, c'est des équipes de 10 personnes, puis
nous, on a des métiers très spécifiques, opérateurs de... finisseur, opérateur de rouleau. Donc, on ne peut pas
échanger, on ne peut pas juste prendre une personne puis la changer
d'endroit. Donc, mettons que j'ai... en
général, on a un finisseur, puis ce finisseur-là décide ou il y a quelque chose à la maison, qu'il doit
rentrer plus tard, bien, c'est toute l'équipe qui en paie le prix parce qu'on
ne peut pas démarrer le chantier. Ça fait que, tu sais, on vit présentement des situations comme ça. Il y a beaucoup
de familles monoparentales, on les gère, mais c'est des cas
particuliers.
M. Picard : Donc, qu'est-ce que je comprends, c'est que c'est
faisable lorsqu'il y a plus qu'une personne pour faire le travail, donc, et là tu vas
remplacer, là. Dans votre exemple, il y a une personne, dans le groupe, qui peut faire ça, donc je
comprends que c'est... O.K., donc, ça confirme que... Dans le temps, c'est la
crainte qui avait été exprimée.
Autre question, puis
ça, c'est pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, tantôt, vous avez
indiqué, là, qu'il y avait des articles, dans R-20, qui sont... des
articles la loi sur les normes qui sont repris dans R-20. Les avez-vous?
Les savez-vous, comme ça?
• (16 h 10) •
M. Robert
(Dominic) : Bien, ce n'est pas le... c'est l'article 3 de la loi
sur les normes. Les articles de la loi sur les normes qui s'appliquent aux salariés de la construction, c'est 79.1,
79.7 à 79.16, donc les dispositions sur les deux congés sont incluses dans les 79.7 à 79.16, et 81.1 à
81.20. Donc, ça n'en fait pas beaucoup, là, sur les 100 quelques
articles de la Loi sur les normes.
M. Picard : O.K.
M. Robert (Dominic) : Oui. Puis peut-être ajouter sur la question que vous avez posée à
Marc, c'est que, dans le fond, bien que ça soit parfois difficile à
appliquer, on a quand même convenu avec la partie syndicale d'intégrer ces dispositions-là dans la convention collective,
mais ça a été fait évidemment dans un contexte de négociations où il y a
eu contrepartie. Donc, on est capables, avec
la partie syndicale, de négocier certains types de flexibilité, même si,
parfois, ça peut être difficilement applicable, mais dans le cadre de la
négociation.
M. Picard :
O.K. Merci.
La Présidente
(Mme Richard) : Ça va. Merci beaucoup, messieurs, pour
votre contribution à nos travaux.
Et je suspends la
commission quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place.
(Suspension de la séance à
16 h 11)
(Reprise à 16 h 14)
La Présidente (Mme Richard) : Donc, nous recevons maintenant la Centrale
des syndicats du Québec.
Bonjour, mesdames monsieur. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous avez un temps maximum
de 10 minutes, mais des fois on déborde
un petit peu, avec le consentement,
vous savez qu'on peut tout faire,
pour nous faire part de votre exposé. Par la suite suivra un échange
avec les parlementaires.
Mme Chabot, je
présume que c'est vous qui allez prendre la parole. Vous êtes une habituée des commissions
parlementaires. Peut-être juste nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Encore une fois, bienvenue à
l'Assemblée nationale.
Centrale
des syndicats du Québec (CSQ)
Mme Chabot
(Louise) : Merci. Bonjour,
tout le monde. Merci de l'invitation, de nous accueillir. À ma droite, M. Jean-François Piché, qui est
conseiller sur les questions, entre autres, de relations du travail. À ma
gauche, Nathalie Léger, avocate au sein du contentieux de la CSQ.
Mme la
Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires, bien, oui, écoutez,
ça nous fait extrêmement plaisir d'être ici parce que je ne vous
cacherai pas, puis je ne pense pas d'apprendre rien à personne, que, pour notre
organisation, c'est un projet de loi très
attendu. Déjà, lors du Rendez-vous national de la main-d'oeuvre, on a évoqué
cette possibilité de modifier la loi sur les
normes en vue de la moderniser, je dirais, à l'air de notre époque. D'ailleurs,
le titre n'est pas par hasard, Aller
plus loin pour moderniser la loi qui tient compte des nouvelles réalités du
travail. Ça fait 15 ans que la loi
des normes n'a pas été révisée. Puis, au
moment où elle avait été faite, on
était encore dans un type d'emploi qui était plutôt typique, alors qu'on sait maintenant que la réalité du
travail... de plus en plus d'emplois atypiques. D'ailleurs,
les dernières statistiques, tant chez les
femmes que chez les hommes, c'est à plus de 30 % qu'on parle d'emplois atypiques.
On dit aller
plus loin, mais on va quand même dire qu'on va saluer... il y a des avancées
dans ce projet de loi là : l'augmentation
du nombre de semaines d'absence autorisée lorsqu'il y a des responsabilités qui
impliquent les responsabilités familiales,
l'ajout de journées rémunérées en cas de maladie, l'élargissement de la
définition de «parent» pour les congés de raison familiale ou parentale, la réduction du nombre d'heures
supplémentaires que l'employeur peut imposer, on passe de quatre à deux, l'instauration de l'égalité de
salaire entre les personnes salariées embauchées par les agences de
placement de personnel et les salariés de
l'entreprise puis les obligations faites aux agences de placement de détenir un
permis d'exploitation.
Mais notre
première analyse, c'est qu'on semble s'être avancé, mais s'être arrêté en chemin.
C'est pour ça qu'on dit qu'on s'est
arrêté à mi-parcours, parce qu'on a aussi entendu très clairement par la
ministre, par le titre du projet de loi aussi et même par le premier ministre que c'était une loi voulant
favoriser la conciliation famille-travail-études, et nous en sommes. La
conciliation famille-travail-études aujourd'hui, c'est une réalité qui est
importante pour l'ensemble des travailleuses
et des travailleurs puis c'est une réalité du monde du travail qu'il faut être
capable de répondre parce que, s'il y
a une valeur forte encore, même chez les nouveaux travailleuses et
travailleurs, c'est bien celle de la conciliation famille-travail. Puis ça, à notre avis, on aurait pu aller
beaucoup plus loin, avec un peu plus d'audace, puis on aurait eu la
capacité d'être beaucoup plus progressiste sur ces questions-là.
Ça fait
qu'avant de vous dire... je pense que l'essentiel des modifications qu'on veut
vous présenter à ce chapitre et quelque chose que j'ai oublié bien
clairement, c'est qu'on a aussi... on tient aussi à vous réitérer, puis ça,
c'est pour l'ensemble des parlementaires,
que la pièce législative qui est devant vous, pour nous, ça devient essentiel,
après toutes ces années, qu'elle soit
adoptée avant la fin de la session. On sait que ça sera la dernière. C'est la
dernière session avant... il y a quelque
chose qui va se passer au 1er octobre, là. Et, pour nous, ça serait
vraiment désolant de voir que les travaux ne permettraient pas de faire adopter cette loi-là, qui va quand même
contribuer à des améliorations, certaines améliorations souhaitées.
Aller plus
loin. Bien, une des choses que vous allez retrouver, particulièrement aux
recommandations 4, 5, et 6 de notre
mémoire, c'est au niveau des horaires de travail. Puis là je fais toujours le
lien avec la perspective de conciliation. La CSQ est membre de la
coalition 5-10-15. On a fait une longue bataille puis on va continuer pour le
15 $ du salaire minimum, mais, sur la
question de l'horaire, à notre avis, là, vraiment, même... je pourrais même
dire que c'est un peu choquant
d'avancer l'idée que ça va appartenir au salarié de refuser si l'employeur
modifie son horaire ou ne lui donne pas l'horaire. Ça, pour nous, dans un contexte de rareté de main-d'oeuvre,
dans un contexte de conciliation, c'est un minimum. C'est un minimum qu'une salariée ou qu'un salarié
puisse connaître son horaire au moins cinq jours à l'avance. Puis on va
même plus loin, ça appartiendra à l'employeur, par des incitatifs financiers,
par une pénalité, que, s'il déroge à cet horaire-là,
il soit obligé de contribuer. Ça fait que, pour nous, ça, c'est une
recommandation extrêmement importante. Comment
on peut concilier si on ne connaît pas son horaire à l'avance? Puis d'avoir
l'odieux d'avoir à refuser, ça, je pense que, pour nous, c'est
inacceptable.
• (16 h 20) •
Deux jours de
congé payé pour maladie, puis tout ça, on va continuer à revendiquer
10 jours parce que, oui, on a élargi la notion de famille, mais je
pense que c'est important de pouvoir aller plus loin là-dessus aussi avec 10 jours
de congés payés.
Au niveau des vacances, je vais vous confier quelque chose. Moi, je disais
que, dans mon parcours syndical, si on réussit
à obtenir trois semaines de vacances dans la loi des normes, je ne dois pas
être toute seule à regarder autour de moi ce qui se passe, deux semaines de vacances en 2018 pour l'ensemble
des travailleuses et des travailleurs qui sont sous la loi des normes, c'est
bien peu quand on parle de conciliation. Ça fait que, oui, trois semaines, mais
là on va revendiquer trois semaines après un
an de service. Puis surtout, trois semaines après trois ans de service continu,
on sait que, pour les travailleuses et les travailleurs atypiques, accumuler une année de service
continu, hein, quand tu n'as pas un horaire de travail qui est à temps
complet, ça peut être long. Ça fait
que je pense qu'on a cette capacité-là au Québec,
dans l'esprit de la conciliation, d'être
capable de donner trois semaines à l'ensemble dès un an de service et quatre semaines après
cinq ans.
Repos
quotidien, nous, on pense que les travailleuses et les travailleurs ont droit à neuf heures par jour sur une
période de 24 heures de repos consécutif et, sur une semaine de travail, à
36 heures de congé consécutif.
Au niveau des agences de placement, bien, il
y a une bonne avancée sur ces questions-là.
Le permis obligatoire, pour nous,
c'est une belle avancée, mais ça va être bien s'il y a surveillance de l'application de ce permis-là, qui doit être obligatoire.
On souhaite aussi qu'il n'y ait pas de frais abusifs pour les travailleuses et les travailleurs, qu'il
n'y ait pas de clause de
non-concurrence et que les contrats entre l'agence de placement et... l'entrepreneur client et l'agence de
placement lui-même soient connus des travailleuses et des travailleurs en
termes de détails.
Ça
fait que je ne sais pas si j'ai utilisé mon 10 minutes, mais je vous
dirais que, bien, je conclus, qu'on vous a présenté l'essentiel. Bien qu'on a 20 recommandations, on vous
invite à toutes les lire, à toutes les adopter d'ici le 15 juin. Et
je pense qu'on a cette capacité-là, au
Québec, si on se compare, de se dire... On parle de normes minimales. On parle
du minimum des conditions qu'on veut donner
à l'ensemble de nos travailleuses et les travailleurs, puis, à notre avis, en
2018, considérant que ces lois-là ne sont
pas modifiées régulièrement, il ne faudrait pas passer à côté de changements
qui seraient beaucoup plus
significatifs et qui visent finalement l'objectif que vous avez vous-mêmes
soumis comme gouvernement, c'est-à-dire
une loi sur les normes, mais qui favorise la conciliation famille-travail. Mais
ça, ça prend de la volonté politique puis de l'audace, et je vous invite
à en faire partie. Merci.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci. Merci beaucoup, Mme Chabot. On va débuter les échanges. Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme Vien :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Chabot. Bonjour également
aux gens qui vous accompagnent,
Mme Léger et M. Piché. Merci d'être là cet après-midi. Je comprends
votre point de vue, Mme Chabot, puis il ne me surprend pas, hein, parce qu'on a quand même eu à quelques
occasions des échanges sur ce que souhaiterait votre organisation en
termes de changements à apporter à la Loi sur les normes du travail.
Moi, je
trouve qu'on en a fait quand même pas mal, de propositions, dans le projet de
loi que nous avons devant nous
aujourd'hui, le projet de loi n° 176. Je pense seulement au salaire
minimum où nous avons proposé une nouvelle approche, un nouveau calcul
du salaire minimum et de le positionner en fonction du salaire horaire moyen,
de sorte qu'aujourd'hui... Moi, depuis que
je suis arrivée au ministère, là, en janvier 2016, si ma mémoire est bonne, on
est passés de quelque chose autour de 10,75 $ de l'heure à
12 $ de l'heure, là, depuis moins d'un mois, depuis le 1er mai 2018.
Et pourquoi? Parce qu'effectivement on veut
se coller sur l'économie du Québec, on veut se coller sur le salaire horaire
moyen pour en arriver à avoir 50 % du
salaire horaire moyen au Québec. Alors, c'est, je trouve, une grande avancée.
Si nous étions allés tout de suite à
15 $ de l'heure au moment où je suis arrivée au ministère, comme le
demandait le collectif 5-10-15, c'est un bond important de 47 % que
nous aurions fait. Je ne suis pas sûre qu'on n'aurait pas créé un peu de chaos
avec ça.
Ceci étant
dit, avec tout ce que vous demandez en marge de tout ce qu'on a amené dans la loi sur
les normes, et peut-être avez-vous
entendu la Fédération des chambres de commerce du Québec ou encore le Conseil
du patronat du Québec, qui, eux,
trouvent que, franchement, on a ouvert assez large, vous nous demandez, de
votre côté... et vous nous dites :
On s'est arrêté a mi-parcours, le salaire minimum aurait dû être à 15 $,
c'est 10 jours payés qu'on aurait dû donner, trois semaines après un an de service, quatre
semaines de vacances après cinq ans, etc., est-ce que vous croyez
vraiment qu'on aurait été capables d'amener le projet de loi à une adoption
imminente, compte tenu du fait, effectivement, là, qu'il y a différentes forces en présence, autour de la table, ici, là,
et qu'il faut aussi avoir la préoccupation de la capacité de payer des entrepreneurs, en tenant aussi compte de
la recherche d'équilibre qu'on a toujours entre, justement... la
protection qu'on doit avoir, comme société,
pour les gens qui travaillent au seuil, au salaire minimum? Alors, vous ne
trouvez pas qu'on a quand même devant nous un compromis très, très, très
acceptable?
Mme Chabot
(Louise) : Bien, vous dire
qu'avant de... Non. Un compromis, ça dépend de quel côté nous sommes. Non. Je n'ai pas entendu, j'imagine, pour côtoyer
régulièrement le CPQ, la Fédération des chambres de commerce... J'ai même lu le communiqué du CPQ, qui parlait de
fardeau réglementaire. Je me suis dit : Il ne doit pas parler des
personnes qui ont juste les normes minimales
du travail. Moi, je pense que, dans un contexte... Puis il y a le contexte
budgétaire. Moi, je pense qu'au Québec on a
cette capacité-là. C'est notre point de vue à la CSQ aussi. Mais, dans un
contexte où, justement, on a un défi,
on a un défi, comme société, qui nous est particulier, de rareté ou de pénurie
de main-d'oeuvre, où on a un défi aussi...
parce que, là, je n'ai pas parlé de l'autre modification où, comme je le disais
au départ, l'emploi atypique est devenu plus la réalité de l'emploi que l'emploi typique. Nous, à notre avis,
l'équilibre, il doit être en faveur des travailleuses et des travailleurs, donc, et non pas en fonction des
employeurs parce que, somme toute, ils vont bénéficier de pouvoir
modifier ces conditions-là.
Et, comme je
le disais, ça peut sembler... Hein, passer de deux semaines de vacances à trois
semaines de vacances, c'est... Wow!
Ça peut paraître ambitieux, mais je pense que ce n'est pas de trop. Ce n'est
pas de trop dans notre société. Je
pense qu'on aurait été capables de faire ça. Si vous me demandez la
question : Est-ce que le projet de loi aurait pu être adopté à
court terme comme ça? Bien là, c'est une autre question.
Déjà, dans
l'état des lieux où il est, on est un peu inquiets. Ça fait que je pense que ça
ne serait pas une raison. On aurait
eu la capacité de poser les questions là puis d'aller plus loin. Ça vous
appartient, c'est un choix. Nous, on vient vous dire, sans avoir renié ce qui a été avancé, ce qui aurait pu aller de
l'avant. Puis je n'ai pas souligné où que je pourrais dire il y a des avancées aussi qu'on trouve importantes
sur les disparités de traitement. Mais on a une recommandation qui vient
vous dire, par exemple, sans rétroagir, parce qu'on comprend... Tu sais, on ne
pourra pas tolérer non plus qu'il y ait deux
types de régimes au sein d'une même entreprise. Ça fait qu'aussi il y aurait
des solutions. Vous avez eu un rapport là-dessus, qui est le rapport
Fortin.
Ça fait que,
voilà, là, tout en saluant ce qui est fait, nous, on pense que, oui, c'était
possible, dans un équilibre, d'aller plus loin.
Mme Vien :
Mme Chabot, merci beaucoup. Merci.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Et je
reconnais maintenant M. le député de Beauharnois.
M. Leclair :
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Richard) :
Porte-parole pour l'opposition officielle en matière de travail.
M. Leclair : Merci, Mme la
Présidente. Mesdames messieurs, merci d'être là, merci pour votre mémoire. Je débuterais par une petite question. Vous irez à la
page 16, concernant les agences. Vous parlez, à votre
recommandation 18 : interdire
les agences, là, «d'imposer à la personne salariée quelques frais que ce
soit — à part
ceux autorisés par la loi». Vous avez
quoi en tête comme exemples, là, qui sont peut-être abusifs ou, en pratico-pratique, que vous entendez,
puis...
La Présidente (Mme Richard) :
Mme Léger ou Chabot.
• (16 h 30) •
Mme Léger
(Nathalie) : C'est bon.
Alors, excusez, je ne voyais pas ma petite lumière qui s'allumait, là,
j'étais un petit peu inquiète. Donc, en fait, on n'a pas nécessairement d'exemple précis de frais. C'est sûr que les frais
devraient être interdits complètement dans la mesure du possible, sauf qu'on pourrait conclure que certains
frais seraient raisonnables dans
certaines circonstances particulières,
par exemple lorsqu'on a des formations particulières qui seraient très
coûteuses. Ça pourrait être une avenue qui
serait intéressante à explorer, mais il faudrait absolument que ces frais-là
soient encadrés par la loi et qu'ils
soient autorisés spécifiquement par la Loi sur les normes du travail pour
éviter que ça soit laissé à la discrétion de l'employeur de quel genre
de frais qui pourraient être imposés et dans quels cas ils pourraient être
imposés.
Donc, ce qu'on voulait faire par cette
proposition-là, ce n'est pas tant de dire qu'il faut imposer des frais, bien entendu,
mais beaucoup plus d'envoyer le message que c'est absolument essentiel, si
jamais vous décidez, comme parlementaires,
que certains frais pourraient être imposés, bien, qu'ils soient effectivement
encadrés de façon serrée par la loi.
M. Leclair : Bien. Merci. C'est sûr que je me demandais s'il y
avait vraiment un point litigieux, parce que de ce qu'on a entendu dans les dernières 24 heures
concernant certaines agences, puis je ne veux vraiment pas toutes les
mettre dans le même bain, parce que je suis
convaincu qu'il y a des agences qui font une job à la hauteur, puis on ne peut
pas toutes les mettre dans le même panier,
mais ce qu'on a entendu des groupes qui sont venus ici nous jaser hier et ce
matin, on n'est pas du tout dans les frais, là. On n'est même pas dans
les normes du travail, là, de base, là.
Alors, c'est
pour ça que je me demandais si vous, vous voyez quelque chose qui était
récurrent sur des frais qu'on ne
devrait pas faire, parce que, là, dans ce qu'on voit, dans les pires cas qui
semblent être, je ne sais pas, circonscrits dans la région de Montréal,
en tout cas, les agences ne suivent même pas les normes minimales. Alors,
j'imagine que, si on imposerait ou on
voudrait spécifier certains frais, on va, je pense, essayer de trouver une
mesure ou une manière de faire appliquer
au minimum les normes du travail pour certaines agences fautives, puis après
ça, bien... C'est pour ça que je voulais
savoir si vous aviez quelque chose de spécifique, parce que moi, je pense
qu'avec certaines agences on part de beaucoup, beaucoup plus loin.
J'aimerais vous entendre, ça a été le
questionnement par plusieurs autant côté travail et des représentants des travailleurs que le côté patronal, lorsqu'on parle
de la fameuse règle d'application de cinq jours à l'avance pour
connaître l'horaire. Vous dites, à votre
recommandation 5... là, vous, vous prévoyez une pénalité, là, une
indemnité équivalente à 50 % des heures perdues lors d'une modification de
l'horaire, délai inférieur à 48 heures. Je veux que vous
m'expliquiez où est-ce que vous voulez en venir avec la recommandation 5.
Mais, avant
ça, j'aimerais vous entendre. Vous avez sûrement des gens que vous représentez
qui travaillent soit dans le milieu agricole soit dans le milieu de la
restauration. Tu sais, au-delà de vouloir augmenter les normes du
travail, je pense que c'est un gain
collectif lorsqu'on fait ça, tout le monde s'enrichit collectivement, de dire
qu'on va avoir les moyens, un travail
décent avec des normes décentes. Mais je voudrais savoir comment vous voyez ça,
vous, les gens, des restaurateurs, qui
sont venu hier, là, on avait tous les grands restaurants, les grandes chaînes
qui étaient là, les Pacini, et autres de ce monde, qui nous disent : Bien, écoutez, nous, s'il ne fait pas
beau, ça se peut qu'on perde la moitié de la clientèle, puis si, tout à coup, qu'ils n'annonçaient pas beau, puis
il fait beau, bien, on vient de rentrer la terrasse à la grandeur. Votre
vision de ça, vous avez sûrement des
travailleurs que vous représentez. Puis eux nous disaient, puis je vous fais
une petite parenthèse : Si la
loi m'oblige à les afficher cinq jours, bien, je vais mettre le minimum pour me
couvrir, puis après ça j'aurai une liste de rappel, puis ainsi va la
vie.
Alors, le but, ce n'est pas de dire : On va
mettre une règle, puis trouvons une manière de la contourner. Malheureusement, ça se passe souvent dans le côté
fiscal. Mais, moi, ce que je dis, c'est qu'il faut finir la journée en
disant : Trouvons une règle qui est
applicable. Est-ce qu'on met des exemptions de certains créneaux? Est-ce qu'on
trouve une règle qui est applicable? J'aimerais vous entendre pour le
monde de la restauration et de la récréation, là.
Mme Chabot
(Louise) : On est dans le
monde de la récréation un peu, mais pas de la restauration à la Centrale
des syndicats du Québec. Vous dire qu'on
représente majoritairement des travailleuses et des travailleurs dans le
secteur public, éducation, santé et
services sociaux. Mais des questions de lois du travail, comme le code, comme
la loi des normes, bien sûr, ça nous interpelle, puis, non, on n'a pas
d'exemple concret parce qu'on n'est pas dans la restauration.
Mais ce qu'on
veut dire, c'est que c'est possible. Puis, si vous lisez notre mémoire, on va
parler beaucoup de la réalité. C'est
rendu qu'au nom de la flexibilité à tous crins le travailleur, lui, il peut
attendre puis il peut se faire modifier son horaire. Puis là je vous mets dans la perspective : Est-ce que ça
fait du sens? Moi, je suis une travailleuse, puis, justement, vous êtes dans des domaines assez précaires, où
ces questions-là sont importantes. J'ai deux enfants. Je ne sais pas mon
horaire à l'avance, puis en plus il peut le
modifier. Pour nous, ça, là, ça ne fonctionne pas. Puis on a donné
l'exemple, dans notre mémoire, de grands
États, aux États-Unis... ce n'est pas toujours des exemples, les États-Unis,
mais dans ce cas-là,
ça a été possible justement dans les domaines où vous parlez, Seattle, Oregon,
New York, où ça a été possible de mettre des horaires de travail.
Ça fait qu'on pense qu'avec un bassin de
main-d'oeuvre, oui, ça peut fluctuer selon la clientèle, mais ce n'est pas vrai qu'on va favoriser, dans des normes
minimales du travail, qu'à deux heures d'avis : Organise-toi, ma petite
ou mon petit, viens travailler, puis tu ne
seras pas... puis, si tu refuses, je passe à l'autre. Ça, pour nous, là, ça ne
fait pas de sens... des pénalités de
50 % des heures perdues. C'est une modification à la baisse à l'horaire
dans un délai de 48 heures. Puis, oui, une pénalité de versée, s'il y a un changement d'horaire, de verser une
indemnité, l'équivalent d'une heure de salaire à taux simple s'il n'y a
pas de préavis.
La Présidente (Mme Richard) :
Il vous reste 2 min 50 s.
M. Leclair : O.K. Est-ce que
vous pouvez me redonner l'exemple qu'en Oregon ils prennent face à des
restaurateurs?
Mme Chabot (Louise) : Seattle,
c'est 14 jours.
M. Leclair : 14 jours. Puis les
restaurants ne sont pas fermés? Ça marche bien?
Une voix : C'est sûr.
Mme Chabot (Louise) : Oh! non,
ça marche certainement bien là-bas.
M. Leclair : Je veux vous entendre, vu qu'il reste peu de
temps, sur... Vous avez salué le fait que la ministre va finalement avoir un début d'encadrement pour ces
dites agences là. Quels critères ou quels irritants vous voyez qui
mériteraient qu'on enlève un permis à une agence? Ce serait quoi, le critère,
là, qu'on dit : Bien là, ça, tu risques de perdre ton permis? De ne pas
suivre les normes?
Mme Chabot
(Louise) : Bien là, la
première... On a salué, là, mais, la première chose, on a quand même...
sur la question des permis, déjà là on
trouve que ça pourrait être plus encadré. Puis on avait de la difficulté à se
prononcer parce que, sur les
modalités, on a vu que c'était par voie réglementaire. Ça fait que, pour nous,
tu sais, il ne faudrait pas que ce soit un acte de foi, un permis. C'est ça qu'on veut dire. Ça fait que, si on
veut être capable de suivre ça, ça va prendre des règles, puis ces
règles-là, il faut les connaître.
M. Leclair : Effectivement. Vous avez entièrement raison,
parce que, tout comme les autres groupes... la ministre a dit qu'elle va tenter, avant qu'on fasse l'article
par article, d'avoir au moins le grand livre pour la réglementation sur
les agences, qui nous aiderait à soit le
critiquer ou le bonifier. Alors, on tentera de le faire à l'article par
article. Mais je pense que j'ai reconnu, en tout cas, de la part des
échanges, que la ministre est quand même assez ouverte à dire : On va les encadrer. Est-ce que ce sera 100 % de nos
compétences et connaissances? Mais je pense qu'on... j'ai confiance qu'on
devrait diminuer certaines choses qu'on a entendues dans les dernières
24 heures. Je le souhaite, en tout cas.
Alors, merci à vous. C'est le seul temps que
j'avais.
Mme Chabot (Louise) : Merci.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci, M. le député de Beauharnois. M. le député de Drummond—Bois-Francs, vous avez la parole.
M. Schneeberger :
Merci, Mme la Présidente. Est-ce que j'ai l'autorisation de prendre la parole?
La Présidente (Mme Richard) :
Oui, c'était déjà fait ce matin, donc vous pouvez, oui.
M. Schneeberger :
Ah! c'est fait? Bon, parfait, super!
La Présidente (Mme Richard) :
Je l'ai validé.
M. Schneeberger :
Bon, je suis président quelquefois, alors on commence à connaître les règles.
Bonjour à vous trois, bonjour à tout
le monde. Vous parliez... je vais poursuivre la même discussion que le député
de l'opposition officielle au niveau des heures de travail, au niveau
des personnes qui travaillent sur appel.
C'est sûr que
d'avoir son horaire à l'avance, je pense que tout le monde souhaite ça. Il n'y
a pas personne... Puis aussi pour les
employeurs. Je pense que même les employeurs... Je veux dire, c'est... Pourquoi
un employeur ne voudrait pas donner
son horaire à l'avance dans le meilleur des mondes? Par contre, il y a des
domaines... Moi, je viens du domaine de l'agriculture. On est dépendants de la météo. Sept jours à l'avance, là,
c'est impossible parce qu'il y a plein de contraintes. Je veux dire, à un moment donné, là, demain matin,
on prévoit ramasser le foin. Mais, si le foin n'est pas sec, là, on ne
le ramassera pas plus parce que l'employé
est là, là. Il faut qu'il soit sec. Ça fait que ça, c'est une belle volonté,
mais la réalité fait en sorte que, dans beaucoup de domaines, c'est
impossible à appliquer.
Puis
ce n'est pas parce que l'employeur ne veut pas. Lui, il aimerait bien mieux ça
de dire : Aïe! Moi, dans trois jours, je
ramasse mon foin, puis j'appelle mon
monde, puis je le sais, qu'il va être sec. Mais impossible de le savoir.
On aimerait bien ça, je peux vous le dire.
Mais
ça, c'est... mettre ça en loi, comme vous faites une recommandation, c'est impossible à appliquer dans ces cas-là. On ne parle pas d'une usine qui produit un
bien où est-ce qu'il y a déjà, deux mois d'avance, la production à faire,
puis elle peut déjà
être planifiée, là. Ce n'est pas la même chose. Il y a beaucoup
de places. En même temps, vous parlez de la restauration. Ça, c'est un autre cas. On est aussi dépendant de la
météo. Alors, est-ce que vous, vous faites quand même des différences à ce niveau-là?
• (16 h 40) •
Mme Chabot (Louise) : On est allés de façon globale, là, de façon
globale en disant... J'imagine que, même dans le monde de l'agriculture, de
prévoir sa main-d'oeuvre avec un horaire cinq jours à l'avance, ce n'est pas
beaucoup demander, parce que... il me
semble que ça va de soi, là, pour n'importe quel employeur. Vous me l'avez dit,
ça se peut qu'il y ait des à-côtés,
mais, pour ces travailleurs-là, ils devaient savoir qu'ils devaient
normalement, dans leur horaire... Vous les avez embauchés, ces employeurs-là les embauchent, ça fait qu'on demande
qu'il y ait un minimum de respect pour les heures de travail qu'on leur demande. Puis là, pour nous, non, on n'a
pas fait de distinction pour ces cas-là, très clairement.
M. Schneeberger :
Parce que, regardez, moi, j'ai grandi sur une ferme laitière, puis c'est sûr
que, l'hiver, on travaille à tous les jours
pareil, là, c'est du sept jours sur sept, là, il n'y a pas... c'est bien
spécial, mais c'est ça pareil. Mais l'été,
par contre, tu sais... L'hiver, on peut, quand on a une certaine grandeur
d'entreprise, on est capable de faire les horaires en conséquence, parce que ça, les vaches, à tous
les jours, là, il y a le lait qui coule, il faut faire la traite. Ça, c'est
comme ça. Mais l'été, par contre, l'été,
quand il y a les récoltes, les semences... Cette année, on a un printemps qui
se fait attendre, mais là, quand ça part, là, les journées de beau, je
peux vous dire que ça travaille 24 heures sur 24, là. On ne compte pas les
heures.
Alors,
ça, on n'a pas le choix. C'est la nature, là. Notre période de temps est très
courte. Alors, c'est impossible d'appliquer
ça. C'est la réalité. Puis ce n'est pas parce qu'on n'aimerait... Au contraire,
on aimerait ça pouvoir planifier ça d'avance, puis que madame Météo
est avec nous, mais c'est impossible à appliquer.
Alors,
oui, il y a des places, quand on fait de la production au niveau du poulet, des
choses comme ça, bien ça, c'est à tous les jours, on le sait. C'est du sept
jours sur sept, 24 heures 24, mais d'autres places, comme tout ce qui est
à l'extérieur, impossible à appliquer.
Beaucoup dans la construction aussi. Je veux dire, la construction, ce n'est
pas évident, appliquer ça. Alors, oui, ce serait une belle solution,
mais c'est très imaginaire pour malheureusement beaucoup de domaines de
travail. Le domaine de la construction, c'en est un.
Ça
fait que moi, j'aimerais ça qu'au moins vous puissiez, là-dessus, faire une
différence, parce que, sinon, bien, ce n'est pas... Tu sais, on veut
tous le mieux, mais à un moment donné nul n'est tenu à l'impossible, là.
Mme Chabot (Louise) : Bien, écoutez, je vous répondrais, à titre de parlementaire, que, tu sais, on est ici pour regarder
des conditions minimales de travail, avec des travailleurs atypiques, dans
un contexte où ça peut être un bénéfice, pour un employeur, de pouvoir embaucher puis de lui garantir des
conditions minimales, comme un horaire de travail, puis on l'a pensé global, puis c'est comme ça qu'on
va... Il y aura toujours des exceptions. Puis, s'il y a
un domaine qui est encore très, très, très fragile, là, puis que le monde se font balloter d'un horaire à l'autre,
là, c'est aussi la restauration. C'est aussi... Puis ça, c'est ça qu'on
vient dire, c'est inacceptable.
Puis,
après, moi, je siège aussi à la Commission des partenaires du marché du travail, là, on crie
au loup, dans certains secteurs,
qu'on manque de main-d'oeuvre. Bien, peut-être qu'il faut se poser des questions.
Comment on soigne la main-d'oeuvre? Puis là on est dans des conditions
minimales.
M. Schneeberger :
Encore un petit peu de temps?
La Présidente
(Mme Richard) : 40 secondes.
M. Schneeberger : Oui. Bien, ça, par contre, là-dessus, je
pense que je suis vraiment sur la même longueur d'onde. Je pense que le manque de main-d'oeuvre flagrant dans certains domaines va faire en sorte que les employeurs
n'auront pas le choix, justement, de mettre des conditions bien meilleures
qu'elles sont aujourd'hui pour justement conserver les employés. Ça, je suis tout
à fait d'accord avec vous.
En tout cas, j'avais encore une question sur... vous souhaitez modifier la définition de
«salarié». En tout cas, c'est très court, alors ça sera pour une autre
fois, malheureusement.
La Présidente
(Mme Richard) : Oui, allez-y, quelques secondes.
Mme Chabot (Louise) : Très rapidement. C'est une modification qu'on
avait déjà demandée en 2002, hein, je vous parlais d'emplois
atypiques...
La Présidente
(Mme Richard) : Parfait. Merci, Mme Chabot, je suis
désolée.
Mme Chabot
(Louise) : Ah! bien, O.K., d'accord.
La
Présidente (Mme Richard) :
C'est tout le temps dont disposait le deuxième groupe d'opposition. Je
retourne maintenant du côté du gouvernement. Mme la ministre.
Mme Vien :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, juste pour préciser à nos invités
qu'effectivement, comme l'a entendu à quelques reprises le collègue du
Parti québécois, quand on arrivera à article par article, je déposerai les
intentions en ce qui a trait au permis. Donc, vous devriez avoir une bonne idée
de ce que contiendra le permis et les conditions
entourant l'obtention, le maintien, la délivrance du permis. Alors, on fera ça
quand on sera rendus article par article. Il n'y a pas de cachette, on
est en train de terminer de rédiger ce règlement-là.
Et par
ailleurs, sur les cinq jours d'avance, effectivement, vous avez raison,
Mme Chabot, de le souligner, il y aura toujours des exceptions parce qu'on ne peut pas... Il y a certains secteurs
où c'est compliqué, là, notamment au niveau de l'agriculture, où on est tributaire de la météo. Moi, je viens d'un
milieu rural, agricole. Alors, souvent, ça va travailler jusqu'à 10, 11 heures le soir, quand il fait
beau, ils n'annoncent pas de pluie. C'est comme ça, hein? On commence
très tôt le lendemain matin. On peut
travailler l'avant-midi, l'après-midi, il pleut, on ne peut pas aller au champ.
Alors, il y a des considérations, comme ça, naturelles et qui tombent
sous le sens. Il y a ce secteur-là, mais aussi d'autres secteurs où
l'application du cinq jours d'avance risque d'être plus compliquée. Alors,
merci encore à vous tous.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci, Mme la ministre. Mesdames monsieur, merci pour votre contribution
à nos travaux.
Des voix : ...
Mme Chabot (Louise) : Non, on a
eu notre 45 minutes.
La
Présidente (Mme Richard) : C'est que ça dépend toujours
des parlementaires, le temps est réparti. Et donc merci encore
une fois.
Et la commission
ajourne ses travaux à demain, le jeudi 17 mai, après les affaires courantes, où elle poursuivra les
consultations particulières sur le projet de loi n° 176.
Bonne fin de journée, tout le monde. Merci.
(Fin de la séance à 16 h 47)