(Onze heures trente-cinq minutes)
La Présidente
(Mme Richard) : Donc, à
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de l'économie et du travail
ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 173, Loi visant principalement à
instaurer un revenu de base pour des personnes qui présentent des contraintes
sévères à l'emploi.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs) remplace M. Lamontagne (Johnson) et
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) remplace M. Lefebvre (Arthabaska).
Auditions (suite)
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci. Ce matin, nous recevons la Chambre des notaires du Québec. Je vous
souhaite la bienvenue, messieurs, à
l'Assemblée nationale. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour faire votre exposé. Par la suite
suivra un échange avec les parlementaires. M. Bibeau, vous avez la parole.
Peut-être nous présenter également les personnes qui vous accompagnent.
Chambre des notaires du
Québec (CNQ)
M. Bibeau
(François) : Oui, tout à fait. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Donc, à ma droite, je vous présente Me Laurent Fréchette, notaire. Le
notaire Fréchette est administrateur à la Chambre des notaires du Québec et il
oeuvre en pratique privée depuis
25 ans. Il exerce en protection et transmission de patrimoine,
particulièrement en droit des fiducies. Me Fréchette fait figure d'autorité dans le domaine de la
transmission de patrimoine au bénéfice de personnes vulnérables. À ma
gauche, Me Nicolas Handfield, notaire, qui est chef des services
juridiques et des relations institutionnelles à la Direction du secrétariat et services juridiques de la Chambre des
notaires du Québec. Je me présente enfin, François Bibeau, président de
la Chambre des notaires du Québec.
Donc, Mme la
Présidente de la commission, M. le ministre, Mmes MM. les membres de la
commission, il me fait plaisir d'être
avec vous aujourd'hui à titre de représentant de la Chambre des notaires du
Québec. Je tiens à remercier la
Commission de l'économie et du travail d'avoir invité la Chambre des notaires à
faire des représentations dans le cadre de l'étude du projet de loi
n° 173.
En tant que
juristes de proximité travaillant auprès des collectivités vivant des situations
de vulnérabilité et en tant que
professionnels ayant développé une expertise en matière de planification
testamentaire et successorale, les notaires sont souvent appelés à conseiller des personnes présentant des
contraintes sévères à l'emploi ou les proches de celles-ci. Ce faisant, les notaires sont, depuis longtemps,
témoins de différentes problématiques vécues par ces personnes lorsque vient le temps de planifier leur succession,
problématiques le plus souvent dues à la trop grande rigidité des règles
concernant les programmes d'aide
financière dont plusieurs d'entre elles bénéficient en raison de leur
incapacité à occuper un emploi.
Afin d'accomplir sa mission de protection du
public, la Chambre des notaires est donc intervenue à plusieurs reprises auprès
du législateur québécois afin de soulever ces problématiques et apporter des
pistes de solution qui permettraient aux
personnes représentant des contraintes sévères à l'emploi de bénéficier des
programmes d'aide financière dont
elles sont admissibles tout en étant en mesure de cumuler certains montants,
notamment les revenus provenant d'une succession.
La chambre
est donc heureuse de participer à la présente consultation particulière sur le
projet de loi n° 173 et émettre ses commentaires sur les dispositions qui
y sont projetées, le tout en continuité avec ses interventions antérieures.
Précision
d'entrée de jeu que nous épousons le principe général du projet de loi voulant
instaurer un revenu de base pour les personnes présentant des contraintes
sévères à l'emploi. La chambre ne peut en effet que saluer l'initiative du législateur de vouloir, par les mesures
proposées, favoriser la participation sociale et l'inclusion économique de ces personnes. Cependant, la lecture des dispositions
proposées par le projet de loi n° 173 ainsi que des intentions
réglementaires déposées au même
moment par le ministre ne nous permet pas de trouver réponse à l'ensemble de
nos questions. Elle nous amène plutôt
à nous poser d'autres questions sur la façon dont seront concrètement
appliquées les nouvelles mesures qui nous sont présentées.
Aussi, notre
expérience passée ne nous rassure pas sur l'adéquation entre la volonté de
changement exprimée par le législateur et le résultat final que l'on
trouve dans le règlement. Par exemple, la chambre a clairement exprimé au ministre le caractère discriminatoire et
inéquitable de l'ajout, à l'article 164.1 du règlement, d'une limite
mensuelle de 950 $
à l'exclusion pour les revenus tirés d'actif de succession. Cette situation
allait à l'encontre de l'esprit de la loi n° 25 de 2016, communément appelé projet de loi
n° 70, laquelle prônait notamment un assouplissement des mesures en
matière de revenus tirés de l'actif d'une succession, et contrevenant du
même coup à la jurisprudence en pareille matière, qui s'objecte à un système
inéquitable entre les prestataires du Programme de solidarité sociale.
• (11 h 40) •
Ainsi, selon
les enseignements des tribunaux, on ne peut avoir un traitement différent entre
deux prestataires ayant une contrainte sévère à l'emploi qui recevraient
des revenus tirés d'actifs d'une succession soit par versement unique soit
par versements successifs. Malheureusement, malgré ces interventions, la chambre trouve qu'il est déplorable que
le ministre soit allé de l'avant avec cette mesure dans le règlement.
La chambre profite donc de son passage en commission particulière aujourd'hui
pour déposer un mémoire qui demande au ministre de clarifier différentes
dispositions contenues dans le projet de
loi n° 173, notamment à propos de l'adéquation entre le Programme de
revenu de base et les revenus enregistrés d'épargne invalidité ainsi que les
revenus tirés d'actifs de succession. Elle veut aussi que le ministre précise
plusieurs intentions réglementaires, car ce sont ces dernières qui
auront un impact considérable sur l'application des mesures proposées et, de ce
fait, sur les personnes présentant des contraintes sévères à l'emploi pour les
années à venir.
Donc, en
bref, il est impératif que les dispositions du projet de loi n° 173 et que
le règlement d'application qui sera présenté prochainement viennent assouplir
les règles beaucoup trop rigides des programmes d'aide financière dont bénéficient les personnes présentant des
contraintes sévères à l'emploi. Cet assouplissement est primordial si l'on veut
que ces personnes puissent accéder à une
certaine autonomie financière, s'émanciper et participer activement au
développement économique et social du
Québec. En d'autres termes, cet assouplissement des règles en vigueur est
essentiel si l'on veut que les
personnes présentant des contraintes sévères à l'emploi puissent jouer à part
entière leur rôle de citoyen dans la société québécoise.
En espérant
avoir su vous illustrer clairement la position de la Chambre des notaires du
Québec sur le projet de loi n° 173, je vous invite, mesdames
messieurs, à échanger sur ce sujet. Merci beaucoup de votre attention.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons débuter les échanges. M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Blais :
Merci beaucoup pour la présentation. Et, effectivement, c'est un point qui a
été relativement peu soulevé jusqu'ici,
là. Donc, le revenu de base, bien sûr, a un impact important sur le revenu
disponible, hein, de ces personnes. Mais
nous comptons aussi alléger des contraintes, alors, je pense que vous les
appelez aussi comme ça, les contraintes, donc notamment par rapport à
l'individualisation, là, du transfert et la question des avoirs, des actifs, du
patrimoine.
La proposition qu'on a retenue, c'est de faire
une exclusion unique de 500 000 $. Si je comprends bien, votre proposition, c'est qu'il n'y ait pas d'exclusion
du tout. Est-ce que je comprends votre position? C'est-à-dire que ça pourrait
être 1 million, 2 millions, il ne
devrait pas avoir d'exclusion idéalement ou je ne sais trop, là. Alors, je veux
comprendre votre position.
M. Bibeau
(François) : Pour aller jusqu'au fond de notre idée, puis, si vous
permettez, je vais vous bénéficier des lumières
de notre expert praticien ici, qui pourra peut-être vous éclairer un petit peu
plus sur ces questions-là. Me Fréchette, si vous voulez expliquer cette
position-là.
M. Fréchette
(Laurent) : Merci. Alors, au fond, on souhaiterait mieux comprendre
qu'est-ce qui en est exactement du fameux montant unique de
500 000 $. Il comprendrait quoi exactement? Est-ce qu'on parle du
219 000 $ qu'il y a actuellement
qui serait haussé à 500 000 $? Est-ce que ça comprend notamment les
sommes qu'une personne peut avoir dans
un REEI, puisque, dans le REEI, au moment où l'adoption de la loi fédérale a
été faite, en décembre 2008, à l'époque, le premier ministre avait clairement indiqué qu'il n'était pas pour y
avoir de considération des sommes qui étaient pour s'accumuler dans les
REEI, mais qu'au moment où il y aurait le décaissement il pourrait y avoir
certaines prises... on tiendrait compte des
montants que le personne pourrait recevoir, le fameux 950 $ de REEI qu'une
personne peut recevoir en rente actuellement? D'ailleurs, le montant n'a
pas été indexé depuis 2013, je vous rappelle.
Mais, au
fond, le 500 000 $, s'il est unique, est-ce que ça comprend également
le REEI? Auquel cas, on viendrait modifier
l'approche puis l'intention initiale qui avaient été présentées il y a
10 ans que jamais on ne viendrait considérer ce montant-là dans les
avoirs qu'une personne peut accumuler puisque l'intention derrière le REEI est
de permettre aux familles de pouvoir
accumuler en vue des vieux jours des personnes vulnérables qu'ils peuvent avoir
avec eux. Alors donc, dans un premier
temps, est-ce que ça inclurait ou pas? Et, sinon, bien, peut-on définir
qu'est-ce qui en est exactement, du montant unique?
M. Blais :
Je vais peut-être vous faire une remarque générale, puis ensuite je vais
laisser la sous-ministre adjointe, si
vous voulez, répondre, là. Bien sûr, pour nous, l'important, c'est de donner de
la souplesse aussi, ce n'était pas simplement de dire : Bien, pour une maison, c'est ceci, pour un autre actif,
c'est cela. Donc, c'est de donner de la souplesse, là, dans ce patrimoine-là, pour qu'on puisse maximiser, là,
les occasions. Les questions que vous posez sont un peu techniques,
donc, si vous voulez bien, Mme la Présidente, je vais demander à la
sous-ministre adjointe de répondre.
La Présidente (Mme Richard) :
Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente
(Mme Richard) : Il y a consentement. Mme la sous-ministre,
je vais vous demander de vous nommer, et le titre que vous occupez également,
pour les fins de l'audition.
Mme Maltais
(Chantal) : Oui. Bien,
bonjour, Chantal Maltais, sous-ministre adjointe au
niveau de la solidarité
sociale et l'analyse stratégique.
Alors, oui,
les intentions actuellement, ce qui est proposé au niveau
réglementaire, c'est vraiment un montant global incluant le REEI. Alors, c'est ce qu'on souhaite, c'est de la souplesse,
comme le dit bien M. le ministre. C'est quelque
chose de très global.
Ça fait qu'à ce moment-ci peut-être, oui, justement, si vous avez des particularités dont vous voulez
nous faire part au niveau
du REEI, par exemple, on souhaite les entendre parce qu'on est dans
les intentions réglementaires, mais ce qu'on propose vraiment pour amener une souplesse, bon, au niveau
de la résidence, au niveau même des sommes que les gens peuvent
détenir dans leurs avoirs liquides, c'est vraiment un montant global qui est
proposé actuellement.
La Présidente (Mme Richard) :
M. Bibeau.
M. Bibeau
(François) : Merci beaucoup de cette précision. Justement, c'était peut-être la petite particularité dans notre
approche, c'est qu'on pense, comme vous, qu'un montant global est important,
qu'il y ait une limite qui soit annoncée. Cependant,
comme le programme de REEI, c'est un programme qui ne peut qu'être
salué et encouragé pour permettre à
la personne une espèce de prise en charge de son futur quand il sera plus
vieux, quand il aura moins de revenus, puis
faire en sorte que l'État puisse ne pas avoir à supporter d'une manière
exagérée ces personnes-là, on aurait pensé qu'il serait envisageable et même souhaitable que
l'on exclue, s'il y avait quelque
chose à exclure, les REEI de ces
montants. Donc, tout en maintenant
la limite que vous avancez puis comme l'a expliqué Me Fréchette, bien,
c'est, à ce moment-là, de
venir dire : Mis à part les REEI, qui pourraient faire complètement cavalier seul au niveau de l'accumulation des sommes qui pourraient y être faites parce qu'il peut y
avoir des bons montants, là-dedans éventuellement, qui vont finir par éluder tout le reste. Et puis,
à ce moment-là, cet effort-là que vous auriez mis de l'avant,
là, puis qu'on ne peut que saluer, d'avoir un montant global qui ne fait pas... qui ne précise pas exactement
dans quel secteur du patrimoine il serait, bien, on se trouverait à complètement
le discarter de cette manière-là.
M. Blais : Vous avez des informations
là-dessus, sur, par exemple, les personnes qui détiennent un REEI au Québec
ou, en tout cas, avec qui vous faites affaire, les notaires, les
montants? Est-ce que vous avez ces informations-là?
M. Bibeau (François) : Encore
une fois, la personne la mieux placée pour répondre à ça, c'est mon collègue,
Me Fréchette. Je vais le laisser vous répondre.
M. Fréchette
(Laurent) : Actuellement, la problématique à
l'égard des REEI, et c'est un petit peu ce qui est décrié au fédéral,
le Québec fait... on se retrouve vraiment
à tirer de l'arrière par rapport au reste des autres provinces. Même, il y a d'autres provinces qui vont même donner des subventions
supplémentaires à celles qui sont faites par le gouvernement fédéral, ce qui fait qu'en ce moment on se retrouve peut-être
avec une trentaine de milliers de personnes qui vont avoir des REEI sur
l'ensemble, là, d'un potentiel qui devrait normalement être beaucoup plus important.
Il y a
toute une question de compréhension du système,
et puis de l'importance d'aller de l'avant, puis d'avoir la capacité de mettre des sous, mais, au-delà de
ça, c'est qu'il faut comprendre que c'est une mécanique qui est d'ordre fiscal. Les sommes sont gelées pendant le
temps qu'elles vont être dans le REEI. C'est un régime enregistré, un petit
peu l'équivalent d'un régime
d'épargne-études ou de REER, si on veut. Ce qui fait que de le considérer dans
le montant de 500 000 $,
alors que la personne n'y a pas nécessairement accès, je préfère l'approche
qu'on a actuellement, de venir considérer, au moment où la personne va
récupérer, toucher les retraits du REEI, pour venir le considérer réellement
parce qu'au fond, si on...
M. Blais : Ça fait des bonnes
sommes, hein? Un héritage, une assurance ou un décès, oui.
M. Fréchette
(Laurent) : Mais vous comprenez que le REEI, si on suit la mécanique,
normalement, une personne peut
contribuer jusqu'à 49 ans et doit attendre une période de 10 ans.
Donc, normalement, elle va commencer à retirer réellement à peu près à 59 ans, autour de 60 ans. Alors, ce
n'est pas tant au niveau de l'aide sociale que ça va se passer que plus tard, éventuellement. Et c'est des
personnes qui, pour beaucoup, n'auront pas contribué au niveau de la Régie
des rentes du Québec. Alors, c'est un revenu qui...
M. Blais :
Mais, si je comprends bien, là, votre préoccupation, c'est que la proposition
que l'on fait en ce moment, proposition,
donc, quand même, de relâcher et d'ouverture, pourrait être plus pénalisante
dans certains cas, c'est bien ça, votre point...
M. Fréchette (Laurent) : Oui.
M. Blais : ...dans certains
cas, elle pourrait être plus pénalisante que le statu quo.
M. Fréchette (Laurent) :
Absolument.
M. Blais :
Voilà. Très bien.
• (11 h 50) •
M. Fréchette
(Laurent) : On ne peut que saluer le fait de décloisonner et de
simplifier le processus, ça, je vous l'accorde. Maintenant, j'aimerais
bien comprendre, actuellement, une personne qui va accumuler dans le cadre
d'une succession, qui va recevoir des
revenus provenant d'une succession, l'interprétation que les tribunaux en font,
c'est que, tant et aussi longtemps
qu'on n'atteindra pas le montant de 219 000 $, qui seront sous le
contrôle de la personne, bien, la
personne n'est pas pénalisée à l'égard de la Solidarité sociale. Est-ce que je
dois comprendre que vous viendriez modifier l'approche ou ça serait
encore tant et aussi longtemps qu'elle n'a pas eu accès aux
500 000 $?
M. Blais :
Aux 500 000 $.
M. Fréchette
(Laurent) : D'accord. Parce que je vais vous donner un exemple, juste
pour bien illustrer. Imaginons qu'on
a quelqu'un qui reçoit un héritage dans le cadre d'une succession ou qui
recevrait 600 000 $ ou 500 000 $ d'un seul versement, si elle est en bas du seuil, elle
n'est pas pénalisée. Si on a la même personne qui a une structure de fiducie
testamentaire, par exemple, parce qu'on a un
handicapé intellectuel qui n'est pas capable de gérer, qui est vulnérable, et que la famille voit à ce que les sommes soient
utilisées pour cette personne-là, actuellement, l'interprétation des tribunaux,
c'est : tant et aussi longtemps qu'on
n'atteindra pas le seuil, la personne ne sera pas pénalisée. Est-ce que c'est
la même intention qu'on aurait encore à l'égard du 500 000 $?
M. Blais :
Ce qu'on me dit, là, ce qu'on me dit à l'oreille, là, on me souffle à l'oreille
qu'effectivement le REEI ne fait pas partie, là, dans nos intentions
réglementaires, ne fait pas parti, il est exclu.
M. Fréchette
(Laurent) : Alors, je ne peux que saluer cette approche-là.
M. Blais :
Vous semblez heureux, monsieur.
M. Fréchette
(Laurent) : Je suis très heureux, définitivement.
M. Blais :
On ne le fait pas pour vous, on le fait pour...
M. Fréchette
(Laurent) : Oui. Moi pareillement.
La Présidente (Mme Richard) :
Ça va, M. le ministre? Ça va?
M. Blais :
Oui.
La Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons maintenant du
côté de l'opposition officielle. M. le député de Rimouski, vous avez la
parole.
M. LeBel :
Merci, Mme la Présidente. Bien, bienvenue. Vous savez, quand on a un bureau de
comté, on reçoit des cas, on essaie
d'aider le plus possible, puis souvent, quand il y a des cas au niveau de
l'aide sociale, premier réflexe, on
va voir les groupes de défense de droit ou il y a des avocats de l'aide
juridique qui viennent nous aider. J'ai été vraiment agréablement
surpris de la défense que les notaires peuvent donner, nous aider à donner à
ces gens-là puis à faire respecter leurs
droits. Puis je n'avais pas comme idée que les notaires pouvaient puis...
qu'ils pouvaient nous aider beaucoup là-dedans,
et vous nous avez aidé souvent dans des cas ou vous avez donné des
informations. Et ça... Puis que vous soyez là aujourd'hui, je trouvais important que vous soyez là parce que vous avez
cette vision-là, qui est nouvelle, là, qui n'est pas dans... vous êtes probablement les seuls qui vont venir en
commission parlementaire nous parler de ces choses-là aussi précisément,
et je pense que ça va aider pour le projet de loi, pour l'améliorer et avoir
des lumières.
J'aimerais ça savoir
de vous autres, par exemple, vous avez eu plusieurs cas. Un que j'ai eu chez
nous, c'était quelqu'un qui était à l'aide
sociale, qui venait d'hériter d'une terre à bois. Et là ça a été bien compliqué.
Il aurait fallu... Il fallait qu'il vende tout de suite, qu'il se
débarrasse de ses affaires rapidement.
Vous
nous avez donné... Il y a un notaire qui nous a donné un coup de main
là-dessus, mais actuellement, dans le
projet actuel, avec l'aide sociale puis la solidarité sociale, les contraintes
sévères, c'est qu'est-ce que... les cas que vous vivez ou les choses que vous avez vécues, vous avez dit : Ça n'a
pas de sens, qu'il faut changer, des cas particuliers que vous avez pu
avoir?
M. Bibeau
(François) : Je vais juste prendre deux petites minutes pour vous
remercier, M. le député de Rimouski, pour
votre entrée en matière parce qu'effectivement à chaque fois que j'ai
l'occasion de le faire, puis mon homologue au Barreau, le bâtonnier, me
regarde toujours avec un sourire quand je fais ça, mais je prétends haut et
fort que les notaires sont encore et de plus
en plus les juristes de proximité partout au Québec, étant bien imbriqués dans
le tissu social québécois. Dans à peu
près tous les villes et villages du Québec, il y a un notaire ou pas loin.
Alors, ça va de soi pour nous. Et,
entre autres, le vice-président à la Chambre des notaires est un notaire de
Matane qui est très, très impliqué dans sa collectivité.
Pour aller
plus en détail sur la question que vous posez, encore une fois, je vais
repasser le flambeau à mon collègue de droite, qui pourra peut-être un
peu plus vous expliquer quels sont ses enjeux.
La Présidente
(Mme Richard) : M. Fréchette.
M. Fréchette
(Laurent) : Évidemment, dans ce cas-ci, on est dans un cadre
législatif. Le règlement, et c'est un des
éléments pour lequel on est ici aujourd'hui, on souhaiterait avoir des
précisions sur l'applicabilité des éléments, les détails, parce qu'on se rend compte en ce moment qu'on a souvent de très
belles intentions qui nous sont présentées à l'égard du projet de loi, puis, quand on arrive en matière
réglementaire, il y a un petit dérapage qui se fait. Et on dit que le diable est dans les détails. Je vous dirais
qu'à l'égard de la Loi de l'aide sociale ou de son règlement, c'est un petit
peu comme lire la loi de l'impôt, on
peut avoir beaucoup de plaisir à le faire. Et notre rôle, donc, à cet égard-là,
pour aller dans le sens de ce que
vous précisez, comme notaire, c'est vraiment un accès à la justice, donc de
rendre l'information accessible pour les contribuables.
Maintenant,
un exemple concret qu'on rencontre et pour lequel on aurait souhaité que, de
façon réglementaire, il puisse y
avoir des ajustements, et il me semble que ce n'est pas si compliqué à faire,
actuellement, une personne qui va recevoir
un héritage n'a le droit qu'à une seule transformation des sommes qu'elle va
recevoir. Alors, prenons l'exemple en
la terre que votre client ou votre citoyen a reçue et qu'il n'est pas nécessairement
en mesure d'administrer. Dans la mesure
où il vend la terre à bois et qu'il a les sommes d'argent, une fois qu'il l'a
vendue, il y a une transformation qui vient de se faire. Et, une fois
qu'il va prendre cette somme-là, s'il achète un immeuble, bien, il a fait une
deuxième transformation parce qu'il a pris une terre à bois, il l'a convertie
en argent, et là il rachète un bien, et là, avec la réglementation actuelle, ça sort du cadre successoral. Et on trouve
qu'il y a un élément un petit peu aberrant comme situation puisqu'on est dans un cas où on est en présence de
personnes vulnérables qui, souvent, sont un petit peu prises avec ça puis qu'elles peuvent essayer parfois d'acheter un
appartement pour essayer d'amener la personne à être plus autonome. Et
peut-être que ça fonctionnement et, parfois, ça ne fonctionne pas. Alors, dans
un cadre actuel, on rencontre une problématique.
Mais la
chambre avait proposé, lors du règlement d'applicabilité... de l'application
pour la loi n° 25, qu'on vienne modifier
un petit peu l'approche à l'égard de la transformation, un petit peu de faire
une transposition de ce qu'on voit en droit matrimonial à l'égard du remploi de
biens propres versus de bien acquêts ou de biens qui sont hors patrimoine
familial versus les biens du patrimoine
familial. Tout le cadre est déjà dans le Code civil, et ça serait somme toute
relativement simple pour les juristes
d'arriver à faire une transposition, ne serait-ce que pour respecter la réalité
à long terme de gens qui peuvent se retrouver à recevoir un héritage en
jeune âge, quelqu'un qui reçoit un héritage alors qu'il est dans la vingtaine et qui ne pourra pas faire de
transformation avec les sommes d'argent. Et encore là ça serait une façon
d'arriver à mieux respecter le fait
que quelqu'un qui, par exemple, va recevoir dans un cadre de fiduciaire, bien,
c'est la fiducie qui hérite, et la
personne, elle est bénéficiaire. Donc, la fiducie, elle, elle peut vendre un
bien, en racheter, et l'utiliser, et
modifier sa structure et sans que ça vienne pénaliser le prestataire, alors
que, si une personne reçoit personnellement, bien, elle, elle ne bénéficie pas de cette mécanique-là.
Alors ça, c'est un des irritants qu'on rencontre qui, pourtant, pourrait
être somme toute assez facile à corriger.
M. LeBel :
Vous savez, ici, on va travailler en collaboration avec le gouvernement, avec
le ministre pour améliorer le projet
de loi puis on va faire en sorte qu'il soit adopté aussi, mais j'ai beaucoup de
questions, là. Puis j'ai l'impression que,
pendant l'étude article par article, vos lumières, en cours de route,
pourraient aussi être intéressantes à aller chercher, les informations.
Le projet de loi, ce qu'il fait actuellement,
parce que, là, vous nous parlez de concrètement, actuellement, où il y a deux paliers, il y a l'aide sociale puis la
solidarité sociale, le ministre, on vient de rajouter un troisième palier, qui
est le revenu de base. Déjà que vous avez
dit tantôt que c'était bien compliqué ou presque aussi pire que l'impôt, là, je
pense qu'on vient rajouter aussi un élément de complication pour des gens, là,
qui ne connaissent pas trop la loi puis comment ils vont...
Les gens qui
sont à la solidarité sociale actuellement font face à des situations comme vous
venez de me dire. Je comprends du
projet de loi que, quand on va créer le revenu de base, on va assouplir
certaines règles, mais ces règles-là qu'on va assouplir dans le revenu de base,
elles ne seront pas assouplies dans la solidarité sociale. Et c'est ce bout-là
où ça peut être compliqué. Ça veut
dire que quelqu'un... puis on parle d'un délai de cinq ans et demi avant de
passer de la solidarité sociale à
revenu de base. Ça fait que j'ai l'impression que quelqu'un qui va vous voir,
qui a une situation de solidarité sociale,
tu lui dis : Toi, dans deux ans, dans un an et demi, tu vas passer à
l'autre étape, puis à l'autre, puis ça va être plus souple, pour vous, ça peut être compliqué à
conseiller. Moi, je pense que ça vient juste prouver qu'on complique les choses,
des fois.
M. Fréchette
(Laurent) : Si vous me permettez, un des éléments qu'on s'interroge,
c'est justement qu'est-ce qui fait
qu'une personne voudrait opter pour aller sur le Programme de revenu de base ou
de s'en exempter. Si on améliore la situation,
on se questionne pourquoi quelqu'un voudrait sortir de ça. Est-ce qu'au fond le
Programme de revenu de base, ce n'est
pas quelque chose qui devrait être généralisé? Ou peut-être nous préciser
qu'est-ce qui un exemple d'une personne qui ne voudrait pas opter pour
ce programme-là parce qu'actuellement on n'a rien qui nous permet de comprendre
pourquoi on irait ou on n'irait pas. Mais,
si c'est censé améliorer, normalement, c'est dur d'être contre la tarte aux
pommes.
M. LeBel :
Je suis plutôt d'accord avec vous. C'est plate parce qu'ils ne peuvent pas vous
répondre dans les règles du... mais
je suis plutôt d'accord avec vous puis je pense que c'est là-dessus qu'il
faudra trouver des réponses quand on fera
l'étude article par article. Mais j'ai l'impression que les gens qui ont des
contraintes sévères, qui sont à la solidarité sociale, il faudrait qu'il y ait au moins... en tout cas, au niveau des
conditions, entre autres, au niveau de la succession ou autre chose, il faudrait que les conditions soient
similaires à celles qui arrivent au revenu de base, sinon comment on va
gérer ça et comment les personnes vont défendre leurs droits?
La Présidente
(Mme Richard) : Monsieur... je pense, M. Bibeau.
M. Bibeau
(François) : Oui. Il y aurait Me Handfield qui aurait un
complément d'information.
• (12 heures) •
M. Handfield
(Nicolas) : Nicolas Handfield. Vous
avez amené un aspect aussi par rapport au délai de 66 ou 72 mois, et c'est quelque chose qu'on émet
aussi dans notre mémoire par rapport à ce délai-là. Il y a quelque chose qu'on
ne comprend pas par rapport à une personne
qui est jugée permanente, avec une contrainte permanente, que c'est sûr et
certain qu'il ne viendra... qui va pouvoir
faire un emploi. Puis il y a des personnes que c'est dès leur jeune âge. Donc,
quand ils arrivent à 18 ans, là, il
faut qu'on rajoute 66 mois après 18 ans où que la personne n'est pas
éligible au programme de revenu de
base, alors qu'elle ne pourra pas assumer un emploi. Et, la chambre, on n'a pas
complété l'analyse par rapport à ça,
mais on émet quand même une réserve de faire attention à la possibilité d'une
discrimination basée sur l'âge. Donc, ce serait quelque chose qu'il serait intéressant, à la commission,
d'analyser pour s'assurer que ce ne soit pas un critère de contestation
qui puisse être amené.
M. LeBel :
...ça un peu plus.
M. Handfield
(Nicolas) : Parce que, si on émet une limite de... une admissibilité
de 66 mois avant de pouvoir être
admissible à un programme administratif, alors que... donc, ça veut dire qu'on
vient éliminer de facto tous ceux qui sont
âgés entre 18 et 23 ans parce qu'il faut absolument avoir cinq ans et demi
au programme de solidarité sociale. Et en plus, pour toutes les personnes qui se font aider présentement par leur
famille, qui ne sont pas prestataires de la solidarité sociale, on vient
rajouter un autre cinq ans et demi après que leur famille ne peut plus s'en
occuper.
La Présidente (Mme Richard) : Merci. Malheureusement, c'est tout
le temps dont disposait l'opposition officielle. Nous allons...
M. Schneeberger :
Bien, je vais le laisser continuer. C'est intéressant.
La Présidente
(Mme Richard) : Oui? Avec le consentement, on peut tout
faire. Donc, allez-y, monsieur...
M. Schneeberger :
Bonjour à vous trois, quand même.
M. Handfield
(Nicolas) : Donc, une personne qui, présentement... parce que, comme
on indique... puis la situation pratique,
Me Fréchette pourrait continuer par la suite sur des exemples concrets, mais on
constate dans la pratique que ce n'est
pas toutes les personnes vulnérables ou ayant des contraintes sévères à
l'emploi qui sont prestataires de la solidarité sociale à la minute où qu'elles sont admissibles. Donc, de rajouter un
66 mois supplémentaire pour devenir admissible au revenu de base
pour ces personnes-là, alors que, présentement, elles sont à coût zéro pour
l'État, ça peut amener des contraintes supplémentaires, puis même pour les
familles, de les placer dans une situation éthique particulière.
Je
veux aider. Je ne veux pas que ma famille soit un poids pour l'État, donc je
fais des efforts, et tout ça. Mais, si ça
fait en sorte que, quand que je ne suis plus là et que mon enfant, par exemple,
n'a plus accès à un programme parce que
je n'ai pas voulu lui donner accès parce que je voulais faire mon effort,
est-ce que je suis mieux de le placer tout de suite sur ce programme-là
immédiatement pour être sûr et certain qu'il ait droit à toutes les
prestations?
M. Fréchette (Laurent) : Et, dans la pratique, il y a un élément culturel
qui est derrière ça. On le voit principalement
avec des familles italiennes, portugaises, qui vont soutenir mur à mur, qui ne
vont pas chercher l'aide sociale, même
si l'enfant est rendu à 30, 40 ans, déficient intellectuel, autiste, et
assument tout en bloc. Maintenant, on risque de se retrouver avec une espèce d'effet popcorn
éventuellement puisque, les familles vieillissant, ce n'est pas dit que la
génération suivante, les frères et
soeurs, eux, vont accepter ça. Et eux risquent de faire la demande. Et
maintenant, si on se retrouve qu'à
cause du fait qu'on a un délai pour attendre... bien, il se peut très bien
qu'il y ait des gens qui décident de devancer ou d'essayer de...
Et
là, on le dit, éthiquement, il y a un questionnement qui est à faire. Je ne dis
pas qu'on ira jusqu'à dire à nos clients d'aller demander l'aide sociale immédiatement, mais il faut se
questionner sur l'effet pervers de ne pas avoir fait la demande parce qu'on a pris le dessus financièrement, là,
au niveau de la famille. Mais il y a un élément culturel, ça, je peux vous
assurer de ça, dans la pratique.
M. Schneeberger :
O.K. Alors, bonjour. Bon, j'ai mentionné tantôt que vous étiez contre, un peu,
la limite mensuelle, là, vous parliez de 900
et quelques dollars. J'aimerais plus d'explications là-dessus parce que je n'ai
pas très bien saisi.
M. Fréchette
(Laurent) : Alors, il y a deux 950 $, il faut comprendre. Il y a
un premier 950 $ qui est lorsqu'une personne va décaisser son Régime enregistré d'épargne-invalidité, donc
le régime fédéral, et elle a le droit d'aller chercher une rente qui est
calculée sur une structure, là, comptable, là, prévue, là, par règlements
fédéraux, et la personne pourrait décaisser le montant qu'elle a accumulé
avec une rente sur une période de temps. Et, tant que le montant en question n'excédera pas 950 $, elle ne serait pas
coupée pour l'instant. Ça, c'est le premier 950 $. Et, je le réitère, on
souhaiterait ardemment que le ministre voie à indexer ce montant-là qui
date de mars 2014.
Maintenant,
le deuxième 950 $, c'est à l'égard de l'article 164.1. Alors, dans la loi n° 25, l'intention très manifeste était
d'assouplir les règles et de faciliter les choses. Et on ne pouvait que saluer,
et toutes nos attentes étaient à cet
égard-là. Maintenant, dans le cadre de discussions qu'on a eues avec les
gens du ministère, on a été très surpris au moment du règlement où, soudainement, ce
950 $ est sorti d'à peu près de
nulle part, et là qu'on venait ajouter une nouvelle condition que, oui, une personne pouvait toujours se
retrouver, avec le régime actuel, à moins de 219 000 $, mais par
ailleurs elle ne peut pas recevoir un revenu d'une succession qui va
excéder 950 $.
Et là on donne un
exemple qu'une personne qui recevrait un montant, 170 000 $ d'un
coup. Étant en bas de 219 000 $,
il ne se ferait pas pénaliser. Par contre, la même personne, pour laquelle le
testament aurait prévu qu'on doit ajouter
une rente sur une période de 25 ans, par exemple, bien, le montant en
question arriverait à 1 000 $. Et là la réponse qu'on a eue,
c'est : Vous allez être coupé de 50 $. Et ça, c'est discriminatoire,
je vous le dis.
M. Schneeberger :
C'est comme l'oeuf ou l'argent, tu sais, il faut que tu choisisses, là.
M. Fréchette
(Laurent) : Il faut se poser
une question parce qu'on fait une distinction entre une personne qui reçoit un seul versement versus quelqu'un
qui reçoit en différents versements, puis les tribunaux ont été très clairs là-dessus. Alors, on a été surpris, là, que
ce soit...
M. Schneeberger :
Ces régimes-là ne sont pas imposables, hein, étant donné qu'ils n'étaient pas
déductibles d'impôt à telle place?
M. Fréchette
(Laurent) : Le REEI? Oui, le REEI va être imposable.
M. Schneeberger :
Ah oui?
M. Fréchette
(Laurent) : La portion
contribution, qui a été versée par les parents, elle, ne le sera pas puisque
c'est un montant après impôt, mais le montant
accumulé, les subventions, etc., eux, le seront entre les mains de la
personne.
M. Schneeberger :
O.K., tout ce qui a été au niveau de placement.
La Présidente
(Mme Richard) : Je pense que, M. Bibeau, vous vouliez
rajouter quelque chose.
M. Bibeau
(François) : Oui, juste sur
la question du deuxième 950 $,
c'est qu'en pratique, là, pour le notaire en pratique qui conseille son client,
là, qui est en train de faire son testament puis qui prévoit laisser des sommes
à une personne ayant des
problématiques comme celle-là, là, cette personne-là, là, elle est tout à fait
concernée et très inquiète pour
l'avenir après son décès. Elle veut faire en sorte d'assurer la pérennité des
moyens de sa personne vulnérable qu'elle veut protéger. Elle veut le protéger contre elle-même, bien souvent,
puis contre l'abus que ses proches pourraient avoir sur elle parce que, trop bonasse, va accepter
d'aider un puis l'autre puis finalement va passer à travers son patrimoine.
Donc,
quand c'est des questions d'ordre fiscal ou d'ordre de projet pécuniaire qui
vient faire changer l'idée du testateur
par rapport à orchestrer soit une fiducie testamentaire ou une gestion du bien
d'autrui par un liquidateur pour éviter qu'il soit coupé, juste pour des
questions comme ça, c'est un peu...
La Présidente (Mme Richard) : ...M. Bibeau, parce que je pense
qu'il nous reste peu de temps, et vous avez une dernière question, M. le
député.
M. Schneeberger :
...une question, justement. Dans vos recommandations, vous demandez... en tout
cas, dans le fond, je vais le lire au
complet : «Que la période maximale d'enquête du ministère sur les avoirs
liquides...» Bon, pour faire vite, vous demandez qu'elle soit au plus de
deux ans. Pour quelle raison?
La Présidente
(Mme Richard) : 35 secondes.
M. Fréchette
(Laurent) : Actuellement, on a la possibilité, quand on est en enquête
pour des personnes, des prestataires qui seraient frauduleux...
La Présidente (Mme Richard) : Merci. Je suis vraiment désolée,
vous savez qu'on est régis par le temps. Merci beaucoup. Merci beaucoup
pour votre exposé.
Et je vais suspendre
les travaux quelques instants afin que les prochains groupes puissent prendre
place.
(Suspension de la séance à
12 h 9)
(Reprise
à 12 h 11)
La Présidente (Mme Richard) : Donc, nous reprenons nos travaux et nous recevons maintenant
L'Association des groupes d'intervention en défense de
droits en santé mentale du Québec. Bienvenue, mesdames, à l'Assemblée
nationale. Mme Morneau, je vais
vous demander de nous présenter la personne qui vous accompagne, et vous allez disposer
d'un temps de 10 minutes pour nous
faire votre exposé. Par la suite suivra un échange avec les parlementaires. Donc, je vous cède la parole, Mme Morneau.
L'Association des groupes d'intervention en défense de
droits en santé mentale du Québec (L'AGIDD-SMQ)
Mme Morneau
(Andrée) : Merci. Bonjour.
Moi, je suis la présidente de l'association. Ici, c'est Mme Chloé Serradori, qui
est agente d'analyse et de liaison à l'association.
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, tout d'abord, on vous remercie de nous recevoir afin que l'on puisse vous présenter
notre mémoire. Sommairement, notre association existe depuis 1990, et on lutte pour la reconnaissance et l'exercice des droits des personnes
qui vivent ou qui ont vécu un problème de santé mentale. L'association porte un regard critique sur
les pratiques en santé mentale et s'implique pour le renouvellement de ces
pratiques.
Donc,
l'action de l'association prend différentes formes, soit formation, information, prise de position publique et politique, diffusion,
publication, toujours sur le respect des droits en santé mentale, bien sûr.
Avant
de commenter le projet, l'association
souhaite faire quelques rappels : le Québec est un État de droit, donc ça
doit assurer l'égalité de tous devant la loi, la démocratie et le respect de
nos valeurs fondamentales. Le Québec a adhéré aux outils internationaux,
donc le premier devoir du gouvernement du Québec, c'est de respecter, protéger
et promouvoir les droits humains.
L'alinéa un de l'article 11 du pacte relatif aux droits économiques
sociaux et culturels indique que «les
États parties au présent pacte reconnaissent le droit de [la] personne à un
niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille». Donc, on veut
vous rappeler aussi l'importance des déterminants sociaux de la santé.
Parmi
nos commentaires, on va commencer par deux choses qui nous semblent positives
dans le projet de loi, c'est
l'augmentation du montant financier, qui va permettre une petite amélioration
des conditions de vie des personnes qui pourront bénéficier du programme
de revenu de base, et le fait que le chèque soit personnalisé.
Toutefois,
le traitement égalitaire entre toutes les personnes qui ont accès à une aide de
dernier recours, ça reste déficient,
et, tant qu'à ouvrir la loi, il aurait été intéressant que toutes les personnes
qui bénéficient d'une aide de dernier recours
bénéficient des mêmes conditions. De plus, l'accessibilité à une aide de
dernier recours ne doit en aucun cas être assortie d'obligations ou de
pénalités.
Mme Serradori (Chloé) : Alors, peut-être en lien avec ces rappels, on
voulait profiter aussi de la commission parlementaire pour souligner qu'en même temps qu'arrive ce projet de
loi, c'est l'application vraiment du programme Objectif emploi, et, dans nos recommandations, on va encore une fois
vous souligner notre indignation et demander peut-être de le retirer, M.
le ministre.
L'autre chose, c'est
que tout va se faire par règlement, toute l'application va se faire par
règlement. C'est une fâcheuse tendance,
depuis ces dernières années, des différents gouvernements, particulièrement de
le faire au mois de juillet. Mais il
est difficile pour nous de nous prononcer, alors que, finalement, toute
l'application va se faire par règlement.
En termes de
modalités qui sont prévues, on a plusieurs questions, auxquelles on n'aura
probablement pas de réponse, par exemple : Quelles sont les valeurs qui
vont être soutenues pour favoriser la participation des personnes? Est-ce que c'est celle qui est dans le plan
gouvernemental pour l'inclusion économique et la participation sociale? Comment
on prévoit l'inclusion économique de ces
personnes, à part une nouvelle réglementation qui modifie le montant accordé
de la prestation et celle d'un revenu de
travail? Pourquoi est-ce qu'on attend tant de temps, hein, 66 des derniers 72 mois, avant d'être
admissible à ce programme? Peut-être vous souligner que, déjà, obtenir vraiment
des contraintes sévères à l'emploi, c'est excessivement difficile pour les personnes qui vivent ou qui ont vécu un problème de santé mentale. Donc, il y a comme une dégringolade.
Pourquoi
attendre cinq ans si on estime que la mesure du panier de consommation devrait
correspondre juste à sortir un petit
peu la tête de l'eau? Là, on va
attendre cinq ans. Une chose qu'on a trouvé étrange, pourquoi on supprime
la mention d'aide de dernier recours, hein,
dans ce projet de loi? Le programme ne bénéficie plus de ce
qualificatif-là.
Quelles
sont les conditions assouplies qui vont être mises en place pour ce programme?
On ne le sait pas. Comment est-ce que
la personne va-t-elle exercer son libre choix? On ne le sait pas non plus. On
se posait une certaine... On disait : Mais comment ça se fait qu'on peut garder tous les revenus — merci — d'emploi
pour des personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi? Il me
semble qu'il y a une certaine incohérence là, il nous semble.
Donc,
tout ça... Aussi, tout ce qui touche les montants d'allocation
de dépenses personnelles, hein? On a vu ce qui s'est passé au mois de février. Donc, là aussi, comment garantir qu'il y ait
un montant qui reste à la personne puis un montant subséquent?
Alors, nous vous
avons présenté 10 revendications... recommandations, bon, une concernant
le programme Objectif emploi, et on espère
que, peut-être un jour, il sera retiré, mais on vous le demande immédiatement. Aussi, que les prestations... que le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale bonifie les prestations d'aide sociale, de
solidarité sociale et de revenu de base afin qu'elles atteignent rapidement
100 % de la mesure du panier de consommation.
Aussi,
que le ministre s'engage à ce que les personnes qui auront accès au programme
de solidarité sociale et au programme
de revenu de base aient accès aussi aux mesures d'employabilité. Il faudrait
que le ministre s'engage à bonifier les revenus de travail admissibles
de tous les prestataires, pas uniquement le dernier programme.
Aussi,
que vous vous engagiez à ce que l'allocation pour personnes hébergées aille aux
personnes hébergées, et non pas que la régie reprenne ce montant-là ou qu'il y
ait une petite augmentation de 3 $.
Aussi,
on se demandait... parce qu'on a eu, malheureusement, beaucoup de réformes dans
l'aide sociale, aussi, on
souhaiterait que le ministre s'engage à ne pas transférer ce programme dans le
futur à une autre institution, que vous mainteniez l'aide de dernier recours, et puis aussi que, pour lutter
réellement contre la pauvreté, de vous entendre avec tous les autres ministères afin de favoriser
l'application des déterminants sociaux de la santé, qui devrait permettre la
sortie de la pauvreté.
On
va vous déposer, à la fin de notre mémoire... la présentation de notre mémoire...
Si vous avez besoin d'argent, la
Coalition Main rouge fait des propositions au niveau de solutions qui
pourraient rapporter 10 milliards par année pour alimenter. Ça fait qu'on
va vous remettre... on remettra peut-être ça à Mme Plante, qui pourra
peut-être le remettre à la fin de notre mémoire.
Donc, je vais passer
la parole à Mme Morneau.
La
Présidente (Mme Richard) :
...conclusion.
Mme Morneau
(Andrée) : Donc, même si le projet de loi vise à améliorer la
situation de plusieurs personnes, incluant celles qu'on représente,
c'est-à-dire qui vivent ou qui ont vécu un problème de santé mentale, il y a
beaucoup d'incertitudes et de
préoccupations sur la réalisation et l'avenir de ce programme qui nous font
doute d'une réelle avancée. De plus,
comme le disait ma collègue, c'est lorsqu'on aura le projet de règlement qu'on
pourra réellement se prononcer un peu plus.
Diviser
la société, bien, ça n'a jamais été synonyme d'avancement des droits. Et
comment pouvons-nous nous réjouir quand une partie de la population
risque de ne même plus avoir droit à une aide de dernier recours?
• (12 h 20) •
La Présidente
(Mme Richard) : Merci, mesdames.
Document
déposé
Nous avons reçu ce
que vous nous avez déposé, votre document. Soyez assurées que tous les membres
de la commission en auront une copie. Et nous allons débuter les échanges. M.
le ministre, vous avez la parole.
M. Blais : Oui. Merci
beaucoup. Écoutez, j'ai peut-être
des questions de clarification. Si je
comprends bien, la mesure de la MPC, vous ne trouvez pas que c'est
une mesure adéquate ou un objectif
adéquat. Vous avez dit : C'est très peu comme augmentation finalement. J'aimerais... Comment vous voyez ça,
là? D'autres nous ont dit : Écoutez, c'est historique, là, qu'on ait identifié la MPC comme étant une cible, mais
vous ne semblez pas être... plus critique par rapport à cette
approche-là, non?
La Présidente
(Mme Richard) : Mme Serradori.
Mme Serradori
(Chloé) : C'est-à-dire que la critique ne s'adresse pas tant à la
mesure qu'à ce que couvre la mesure. Ce
qu'on dit, c'est que ça va prendre cinq ans, dans le meilleur des cas, pour que
la personne puisse obtenir 100 % de
la mesure du panier de services. Mais on sait que la mesure de panier de
services, bon, c'est une chose, qu'on ait pu l'établir, mais elle ne répond qu'à des besoins essentiels. Hein, on est
vraiment au niveau des besoins essentiels, pouvoir manger, pouvoir se transporter, pouvoir acheter
des vêtements, mais elle ne couvre vraiment pas... bon, bien, ça, c'est le choix. Mais ce qu'on veut dire, l'idée, c'est
d'attendre cinq ans pour obtenir 100 % d'une mesure qui ne couvre que les
besoins essentiels, on se dit : Le Québec a signé des outils
internationaux, a une Charte des droits et libertés où toutes les personnes devraient avoir un niveau de vie
suffisant. Donc, pourquoi attendre cinq ans pour appliquer cette mesure-là
et pourquoi l'appliquer uniquement à une portion des personnes qui vivent
difficilement?
M. Blais :
Je vais revenir là-dessus. Donc, à 35 ans, on l'a déjà dit, on va mettre
un comité sur place pour voir s'il
n'y a pas des situations évidentes qui pourraient faire en sorte que les gens
aient accès plus rapidement.
Donc, on a déjà annoncé, là, aux collègues ici puis à certains organismes
qu'on regarder ça d'un peu plus près.
Mais
aujourd'hui les mêmes personnes, si ce projet de loi n'est pas accepté, ces
mêmes personnes là attendent combien d'années? Ils attendent 47 ans
parce qu'il faut se rendre, au Québec, à 65 ans pour s'approcher d'un
revenu disponible, on s'entend là-dessus,
hein, de la MPC. Donc, c'est long, 47 ans, notamment pour des personnes
qui souffrent de santé mentale.
Mme Serradori (Chloé) : Bien, tout est relatif, hein? Oui, c'est long
pour obtenir un 18 000 $ par année pour pouvoir vivre décemment, mais, comme on vous le
dit dans notre introduction, le gouvernement et tous les gouvernements ont une responsabilité et, entre autres, de faire
en sorte que toutes les personnes qui sont en situation de pauvreté puissent
bénéficier d'un revenu de vie suffisant. Alors, c'est sûr que, si on compare
avec l'attente...
M. Blais :
Si le projet de loi n'est pas adopté, ça va être 47 ans. Est-ce qu'on se
comprend là-dessus? Pour moi, c'est clair puis, pour moi, c'est un
progrès historique, là, dans l'histoire du Québec, qu'on ait fait ça.
L'autre
élément encore un peu plus philosophique, c'est... vous semblez ne pas
reconnaître qu'il y a une distinction entre
les personnes qui ont des contraintes, des personnes qui n'ont pas de
contraintes. Et ça, c'est plutôt nouveau parce qu'en général les organismes, là, qui représentent
des handicapés, santé mentale ou autres, là, insistent quand même sur ce
que cette distinction-là, elle existe, elle
est importante, on doit la prendre en compte, là. Alors, comment vous
réconciliez ma perception avec la vôtre, là?
Mme Serradori (Chloé) : Eh bien, ça va être simple, c'est que les
personnes qui vivent en situation de pauvreté, parce que, là, on ne parle pas du ministère de la Santé et des Services
sociaux, hein, on parle du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, le ministère de l'Emploi et de la
Solidarité sociale devrait garantir, un, en premier à ce que toutes les personnes qui sont en situation de pauvreté
puissent avoir un niveau de vie suffisant pour vivre. C'est une aide de dernier
recours. Ça, c'est une chose.
Pour
les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, le montant supplémentaire
qui était accordé pour les personnes
qui ont des contraintes sévères à l'emploi était en lien avec l'accessibilité
de ces personnes à l'emploi, pas pour pallier
les limitations fonctionnelles, là. On est dans deux états de figure
différents, là, hein? La compensation qui était donnée pour les contraintes sévères à l'emploi, c'est une compensation
qui sert à compenser le fait que ces personnes ont des contraintes sévères à l'emploi. Donc, si elles
ne trouvent d'emploi, c'est pour ça que le montant est supérieur. Mais
le niveau de vie suffisant devrait être le même pour tout le monde, là. Je ne
sais pas si ça peut vous éclairer.
M. Blais :
Oui, je demeure dubitatif, mais on va réfléchir à ça. Merci, madame.
La Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons maintenant du
côté de l'opposition officielle. M. le député de Rimouski.
M. LeBel :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Vous êtes une association de groupes de
défense. Vous avez des groupes un peu partout au Québec qui...
Mme Morneau
(Andrée) : Dans toutes les régions du Québec.
M. LeBel :
Dans ma région, dans le Bas-Saint-Laurent?
Mme Morneau
(Andrée) : Oui.
Mme Serradori
(Chloé) : PLAIDD.
Mme Morneau
(Andrée) : PLAIDD-BF.
M. LeBel :
Ah! oui, PLAIDD. O.K., c'est bon. O.K. Bon, c'est beau. Ça fait que je sais de
qui on parle.
Ça
fait que vous savez exactement... parce que vous êtes sur le terrain. Quand on
parle de... Tu sais, là, on veut aider
les gens qui ont des contraintes sévères. On fait un revenu de base pour les
contraintes sévères. Quand il y a une personne
handicapée, puis, on a vu, les groupes de personnes handicapées, ils sont très
contents, là, puis je pense que c'est une
avancée, puis, comme j'ai dit depuis le début, on va travailler avec le
gouvernement pour faire adopter la loi, mais on veut l'améliorer, mais
l'expérience que j'ai, puisque je connais PLAIDD aussi, c'est que les
problématiques de santé mentale, c'est très difficile à faire comprendre
au ministère qu'il y a des contraintes sévères qui peuvent être liées à...
Mme Morneau
(Andrée) : Oui, les gens ont beaucoup de misère.
M. LeBel :
Ça fait que j'aimerais ça en entendre parler. Puis comment on pourrait faire
pour s'assurer que ça moins compliqué qu'on reconnaisse des fois des contraintes qui
peuvent être temporaires comme... mais qui sont là quand même dans le
moment, là? Je ne sais pas comment vous voyez ça.
La Présidente
(Mme Richard) : Mme Morneau.
Mme Morneau
(Andrée) : Oui, bien,
comment, je n'ai pas la réponse de
comment, mais je sais que l'expérience qu'on
a dans les groupes, c'est que c'est très long avant de l'avoir, la contrainte
sévère à l'emploi. C'est des expertises à n'en plus finir puis c'est très long
pour la réponse. La solution comment... c'est sûr qu'il y a de la
sensibilisation à faire, mais, quand on parle de santé mentale, ce n'est
jamais pareil, hein? On le sait. On dirait que c'est une classe à part.
M. LeBel :
O.K. Parce que, là, ce qu'on vient... on crée par le projet de loi, on crée un
nouveau palier à l'aide sociale.
L'aide sociale, solidarité sociale, puis on vient de créer revenu de base. Ce
que j'en sais, là, déjà quand tu arrives à l'aide sociale puis tu as un
problème de dépression difficile... puis, déjà là, faire reconnaître à l'aide
sociale que tu ne peux pas travailler parce
que... c'est déjà compliqué. Faire reconnaître que tu pourrais arriver à la
solidarité sociale, c'est encore compliqué. Ça peut être bien, bien long. Et là
on se dit que, si tu pourrais arriver à avoir un revenu qui a du bon
sens par le revenu de base éventuellement, bien, ça peut être encore bien
compliqué puis en plus ça peut te prendre cinq
ans et demi, six ans. Ça fait qu'en tout cas tes problèmes de santé mentale,
ils vont peut-être plus empirer que se régler à attendre après ça puis à
se battre avec la machine à tout bout de champ.
Mme Morneau (Andrée) :
Oui. Surtout si on regarde tous les déterminants sociaux de la santé, c'est sûr
qu'on ne favorise pas.
La Présidente
(Mme Richard) : Je pense que vous voulez rajouter quelque
chose, Mme Serradori?
Mme Serradori (Chloé) : Merci. Peut-être, nous, ce qu'on constate, c'est
que... et puis la Chambre des notaires, qui était là avant nous, expliquait que le diable est dans les détails,
là. Et la Loi sur l'aide sociale est hypercompliquée. La façon dont elle est appliquée, selon les
agents, c'est hypercompliqué et individualisé. Et en plus vient le... on va
dire le concours du médecin ou du psychiatre, qui, lui, va des fois
renouveler pendant quatre ans un trois mois de...
Donc, un, il faudrait
simplifier, hein, toutes ces règles-là puis peut-être sensibiliser les médecins
et le corps médical au fait qu'un
renouvellement de trois mois en trois mois, en trois mois, en trois mois pour
que ça dure plusieurs, plusieurs
années, bien, ce n'est peut-être pas acceptable, là. Parce qu'il y a une
volonté, souvent le médecin va dire à la personne : Bien, nous, on estime qu'il faut que tu retournes au
marché du travail. Mais la personne va retourner au marché du travail, puis là ça va marcher deux semaines, trois semaines, puis il va y avoir un clash. Ça fait que, là, on recommence tout à zéro, là, tu
sais.
La Présidente (Mme Richard) : Peut-être juste raccourcir vos réponses. Non? Ça va? O.K. Il
me semble que vous aviez beaucoup de questions, M. le député de...
• (12 h 30) •
M.
LeBel : Non, mais c'est parce que
je pense que c'est le défi, puis je pense
que les gens du côté du gouvernement
comprennent le même
défi, là, puis on va... ils veulent autant... tout le monde essaie de trouver
des solutions, mais le défi, c'est,
quand on veut identifier la problématique de la personne, bien, il faut se
coller à la réalité de la personne. Puis la problématique de santé mentale, c'est très difficile. Et il va falloir
trouver la solution parce que tu ne peux pas laisser de côté quelqu'un,
ou la laisser de côté complètement, ou la laisser entremêlée dans des dédales
d'administration puis juridiques à ne plus finir, là.
J'ai
une autre question, c'est... Dans votre mémoire, vous... puis ça, ça m'intrigue, là, pourquoi vous avez
posé cette question-là, le programme de revenu de base, on voit bien que
ça... bon, il s'adresse beaucoup aux personnes handicapées avec des contraintes
sévères. Vous dites : «Le ministère envisage-t-il un transfert du
programme de revenu de base à une autre institution?»
Qu'est-ce que vous avez en tête quand vous posez cette question-là? Vous avez
peur que ça transfère... ça s'en va au ministère de la Santé?
Mme Serradori (Chloé) : Bien, c'est parce que, malheureusement, un peu
comme on l'a dit, on en a vu de multiples,
de réformes et de propositions concernant l'aide sociale, entre autres, il y a
quelques années, une proposition faite
par le ministre de l'époque, qui était de transférer le Programme de solidarité
sociale à la Régie des rentes du Québec et avec non pas le même montant qu'offrait la Régie des rentes du
Québec, mais pour l'administration de ce programme.
Ça
fait que vous savez qu'en défense de droit une virgule qui change, ça a un
impact. Ça fait que... et on a quand même
une bonne mémoire et aussi le fait que la mention de dernier recours est
enlevée. Ça fait qu'on espère, en tout cas, et on espère que, M. le ministre,
vous n'envisagiez pas dans vos règlements ce transfert-là ou... on est quand
même... 2023 est loin, là, probablement deux élections plus tard.
M. LeBel :
Bon, bien, j'ai bien fait de poser la question, ça éclaire beaucoup de monde
autour de la table. Peut-être une dernière question, puis, dans le fond, c'est
une passe que je vous fais sur la palette, comme on dit.
Mme Serradori
(Chloé) : On ne joue pas au hockey.
M. LeBel : Mais vous allez comprendre pourquoi. C'est que je
connais PLAIDD chez nous, puis je connais les groupes comme ça, et je trouve que le programme qui est mis là,
malgré les effets positifs, complexifie un système d'aide sociale qui est déjà très complexe. Ça fait que la personne qui vit
des problématiques de la santé mentale ou la personne qui a peut-être de la difficulté à lire — moi, je suis surpris du monde qui ont de
l'analphabétisme au Québec, j'ai été surpris de voir des cas un peu partout — s'il n'y a pas de groupe comme PLAIDD chez
nous, s'il n'y a pas de groupe de défense de droits, il y a beaucoup de
monde qui vont passer à côté de possibilités.
Est-ce que, pour vous, vos groupes, les groupes de
défense de droits, est-ce que... puis avec un projet de loi comme ça, est-ce qu'au niveau du financement de ces
groupes-là, est-ce que vous... comment vous voyez ça? Est-ce que vous pensez qu'on devrait améliorer le financement de
ces groupes de défense de droits? Vous comprenez la passe sur la palette?
Une voix :
Ça, c'est vraiment une passe sur la palette.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme Serradori (Chloé) : Ça, c'est vraiment une passe. On vous invite à
aller voir la campagne de Engagez-vous pour le communautaire,
qui est notre... Et c'est bien évidemment que les groupes, surtout avec la
période d'austérité qui a été vécue par tout
le monde ces dernières années, se sont retrouvés avec énormément plus de
demandes, et il y a beaucoup
d'essoufflement. Mais on vous engage... on vous invite à aller voir nos
campagnes de mobilisation sur ce sujet-là.
M. LeBel : Merci.
Mme Serradori
(Chloé) : Merci.
La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup. Nous allons
maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. M. le député de
Drummond—Bois-Francs.
M. Schneeberger :
Bonjour à vous deux. Merci, Mme la Présidente. J'ai déjà un peu posé ces
questions-là hier parce qu'il y avait aussi d'autres groupes, là, qui étaient
un petit peu dans un domaine similaire à vous. La santé mentale, c'est une maladie, c'est une maladie des fois qui
peut être de courte durée, des fois être de longue durée. Mais il y a surtout
une chose qu'on sait, c'est que c'est des
fois plus dur à déceler, mais surtout à diagnostiquer et faire valoir cette
maladie auprès des institutions. Ça,
souvent, c'est la grosse problématique que les gens vivent, là. Puis, par la
suite, aussi, le suivi. Et ce que je
remarque souvent, c'est que, justement, c'est des personnes qui, des fois, qui
vivent une période de dépression ou
peu importe, ils se retrouvent à demander de l'aide sociale, et là s'ensuit
justement la chute, là, parce qu'au niveau financier, là... Et ça crée une pression énorme. Et souvent ces gens-là,
on voit que leur maladie, là, ne fait qu'augmenter, là, ça ne va pas dans le bon sens. Et le pire
qu'il peut arriver, c'est qu'ils n'ont même pas de suivi, O.K.? Ils sont un peu
laissés à eux-mêmes.
Est-ce
que, vous, justement, votre groupe, là, c'est-u des recommandations que vous
faites, de dire : Regardez, là,
il va falloir un meilleur jumelage avec la Solidarité sociale et les instances
au niveau de la Santé? Parce qu'actuellement ces gens-là se battent pour, premièrement, se soigner, mais aussi
souvent pour faire reconnaître leurs droits et leur mauvais état au niveau de la santé. Parce que c'est sûr
que, tu sais, quelqu'un qui a le bras cassé, ça paraît tout de suite, on le
sait, mais, au niveau de la santé
mentale, c'est beaucoup plus, des fois, dur à déceler, et aussi à
diagnostiquer, et pour soigner.
Et,
moi, ce que je voudrais savoir : Est-ce qu'on devrait avoir une approche
différente dans ces diagnostics-là pour justement pouvoir permettre à
ces gens-là de faciliter l'entrée au niveau de la solidarité sociale?
Mme Morneau
(Andrée) : C'est sûr qu'on ne fait pas une prise de sang, puis ce
n'est pas comme le diabète ou une
jambe cassée. C'est sûr que c'est plus comme subjectif un peu, l'évaluation,
là. Puis il y a une partie aussi où... des préjugés, hein? On le voit beaucoup dans les groupes où les personnes ne
sont pas crues. De ce côté-là, c'est ça, c'est sûr que ce n'est pas...
M. Schneeberger :
Bien, c'est pour ça que je vous demande ça. Ça, on peut dire qu'on est malade,
ça, on ne le sait pas. Mais, je veux
dire, moi, je peux dire : Moi, je suis malade, il faut que j'aille voir le
docteur. Mais, si je n'ai même pas accès
à ça, ou je n'ai même pas accès à un psychiatre, ou quelque chose comme ça, c'est
ça qui est le hic. Alors, on peut bien...
tu sais, on se démène tout seul, mais on n'a pas de preuve à amener. Et souvent
c'est ça, le problème. Et ça prend des mois, des fois, voire il faut
même des années. Et là le loyer, lui, à tous les mois, il arrive pareil, là,
puis le compte d'Hydro, là. Et c'est là. Puis là c'est pire parce que, là, il y
a un stress.
On
a vu, hier, une madame, là, qui était, tu sais, gravement malade avec un jeune
enfant en bas âge. Son cas, ça a été
la personne typique que c'était une chute parce qu'elle se battait contre le
système. Et puis des fois, bien, malheureusement, il y a des personnes, là, qui n'ont pas toutes les
mêmes capacités à se défendre et puis à aller de l'avant. Alors, ça peut...
c'est ça.
Moi,
c'est pour ça que je vous demande : Est-ce que, justement, on devrait
avoir une approche différente, mais au
moins faire le lien? Parce que, là, on le voit avec le projet de loi
n° 70, on a de bonnes vertus, mais actuellement ce que je vois, c'est qu'il manque encore des
courroies de transmission avec la Santé, là, pour amener les plus démunis à
avancer, là, au moins qu'ils aient une aide.
La Présidente
(Mme Richard) : Mme Serradori.
Mme Serradori (Chloé) : Mais nous, on voit l'inverse, peut-être parce
qu'on est en défense de droits, mais il n'est pas étonnant que les personnes qui nous contactent aient eu deux,
trois, cinq, sept diagnostics différents. La difficulté... Puis actuellement on travaille... bien, on
travaille, on sensibilise aussi le ministre, le ministère de la Santé et des
Services sociaux sur cette nécessité d'avoir des diagnostics pour
pouvoir bénéficier d'un certain service, hein, entre autres, par exemple, pour certains enfants, les étudiants,
qui, actuellement, pour avoir certains services, vont tous aller chercher un
diagnostic en santé mentale. Puis ils
risquent d'être pénalisés dans leur futur quand ils vont essayer de trouver du
travail, ils vont être pénalisés au niveau des assurances, etc.
Donc,
le problème, il n'est pas tant sur le fait d'obtenir un diagnostic, le
problème, il est sur le fait que, pour obtenir un service, ça nécessite d'avoir un diagnostic. En tout cas, nous,
actuellement, on travaille plus sur le fait que les services devraient
être accessibles, en particulier, bon, la psychothérapie, et pas uniquement le
traitement par médication.
Mais
le diagnostic, vous savez, il y a des médecins qui posent un diagnostic en
10 minutes, il y en a d'autres en six
jours. Et puis ce qu'on voit au niveau des jeunes puis la difficulté que
peut-être ils vont avoir s'ils veulent accéder à l'aide sociale pour une première fois, c'est que les jeunes ont rarement
un médecin de famille. Donc, ce qu'ils font quand ils vivent une crise, ils vont aller à l'urgence.
Là, de l'urgence, on va leur donner une médication, mais là ils n'ont toujours pas de médecin de famille. Donc là, ils prennent
une médication pendant des années, mais sans avoir vraiment le suivi jusqu'à...
Alors,
c'est tout ce système-là qu'il faut retravailler, mais pas forcément obtenir
plus rapidement un diagnostic. Ce qu'il faudrait vraiment, c'est obtenir
des services sans cette nécessité-là de diagnostic.
• (12 h 40) •
M. Schneeberger :
Bien, je comprends. C'est d'avoir un suivi. C'est ça qui est important, des
suivis.
Mme Serradori (Chloé) : Non, ce
n'est pas ça que j'ai dit, non, non.
M.
Schneeberger : Bien, vous dites qu'ils sont... avoir un
suivi. Ils prennent des pilules, ils prennent des médicaments sans avoir
un suivi.
Mme Serradori (Chloé) : Sans
avoir un suivi, oui.
M. Schneeberger :
C'est ça. Mais, moi... C'est important de l'avoir, le suivi, à ce moment-là.
Mme Serradori
(Chloé) : Bien, pour
certains. Pour certains jeunes, oui, mais tout dépend, là encore, du suivi.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup, Mme Serradori, Mme Morneau.
Et je suspends
la commission jusqu'à 15 heures, cet après-midi où nos travaux seront à la
salle Louis-Hippolyte-La Fontaine. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 41)
(Reprise à 15 h 7)
La
Présidente (Mme Richard) : Donc, à
l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour. La
Commission de l'économie et du travail
reprend ses travaux, et je demande à toutes les personnes présentes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Nous poursuivons les consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi n° 173, Loi visant
principalement à instaurer un revenu de base pour des personnes qui présentent
des contraintes sévères à l'emploi.
Je souhaite
la bienvenue aux représentants de Revenu de base Québec et je vous rappelle,
M. Gosselin, que vous allez
avoir un temps de 10 minutes pour faire votre présentation, par la suite
suivra un échange avec les parlementaires. Donc, je vous cède la parole, et, encore
une fois, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Revenu de base Québec
M. Gosselin
(Luc) : Merci beaucoup de m'accueillir, de nous accueillir, Revenu de base Québec,
à ces auditions. Avec le nom que nous avons, évidemment, le sujet nous intéresse
grandement.
D'abord, une
courte présentation de Revenu de base Québec.
C'est né d'une initiative
citoyenne toute simple, quelques personnes qui s'intéressaient au revenu de base, qui
avaient assisté, en 2014, à la conférence biannuelle du Basic Income Earth Network qui s'est tenue à McGill.
Alors, au cours de l'automne, on a fondé une page Facebook, ensuite on a fondé un site puis on est devenu une organisation sans but lucratif inscrite. Et notre but, c'est essentiellement de faire connaître le revenu de base tel qu'on l'entend généralement
mondialement. Et nous sommes une organisation affiliée au Basic Income Earth Network.
Nous sommes en contact régulier avec, évidemment, l'organisation canadienne
Basic Income Canadian Network et aussi avec
le Mouvement français pour un revenu de base. Donc, nous nous tenons informés
de tout ce qui se passe au monde sur le sujet.
Au Québec, nous cherchons à faire le plus
d'activités possible concernant le revenu de base, participer à des activités, présenter ce que c'est, alors, essentiellement. Et puis nous sommes des bénévoles, bien sûr, alors nous faisons
ça à la mesure de nos moyens, mais nous croyons que, donc, le revenu de base
devrait être... c'est l'avenir, disons, de nos sociétés, je pense. Et
nous cherchons à faire connaître le projet.
Alors donc, c'est ça.
Et puis, bien, dans notre mémoire, vous allez voir un peu les événements
qu'on organise ou auxquels on participe.
• (15 h 10) •
Évidemment,
je rappelle ici une chose qui est probablement assez bien connue de tout le monde ici, mais, pour bien savoir
de quoi il s'agit pour nous, le revenu de base, c'est évidemment un revenu qui serait universel,
individuel, inconditionnel, cumulable et à vie. Alors, c'est les
caractéristiques habituelles du revenu de base tel qu'on l'entend particulièrement au Basic Income Earth Network ou
Mouvement français pour un revenu de base, etc. Ça se présente sous différents noms. Bien sûr qu'il y a l'appellation
«allocation universelle» qui a été utilisée par M. Blais dans son livre et
par Philippe Van Parijs, qui est un des
grands défendeurs du revenu de base, mais nous avons adopté «revenu de base»
parce que c'est l'appellation la plus courante.
Et puis la
particularité de... Ça, on en reparlera au besoin, là, puis si vous avez besoin
de plus de détails là-dessus, mais
j'imagine que vous êtes assez bien informés. La particularité vraiment de cette
acception du revenu de base, c'est que
c'est un socle. Ce n'est pas un filet dans lequel on tombe, là. C'est quelque
chose qui serait destiné à tout le monde, qui serait comme un socle sur
lequel tout le monde se trouverait également. Alors, c'est ça, essentiellement.
Et puis rapidement... parce que peut-être que
mon intervention ne sera pas tellement longue parce que nos commentaires sur le projet de loi sont
relativement simples. Évidemment, cependant, d'entrée de jeu, il faut dire que
le revenu de base dont il s'agit dans
le programme ici, dans le Programme du revenu de base, ce n'est pas ce qu'on
entend par revenu de base nous-mêmes, hein, bien sûr, parce qu'il n'a
pas la caractéristique essentielle, les caractéristiques essentielles d'être
universel, inconditionnel, à vie, bien sûr.
Cependant,
nous avons été très heureux de voir l'appellation apparaître dans un document
officiel du gouvernement et maintenant
dans un projet de loi, dans le document, dans le... d'abord et avant tout le
plan qui a été déposé en décembre 2017, et puis maintenant dans le projet de loi, parce que, bon,
il reste quand même que c'est assurer une sorte de revenu de base aux personnes qui sont peut-être les plus à risque,
dans la situation la plus difficile qui soit dans notre société. Alors
donc, on ne peut qu'être contents de ça.
Et puis
l'autre chose aussi, c'est que nous ne sommes pas des tenants du Grand Soir,
là, nous ne voyons pas le revenu de base comme une chose qui arrive à un
moment donné puis qui est appliqué dans notre société. Nous avons parfaitement conscience que c'est un déroulement,
c'est toute une réflexion qui doit se faire autour de cette idée-là et des
idées qui sont autour du revenu de base.
Alors donc, nous voyons avec plaisir tout pas dans cette direction-là, et puis
nous acceptons de participer avec plaisir à ça.
La citation qui a été mise en exergue du plan
qui a été déposé en décembre, là, la citation Van Parijs qui dit, rapidement, donc : «Essayer d'en arriver d'un
seul coup à un revenu de base "complet" pour tous, peu importe sa définition,
serait de toute façon irresponsable.»
Irresponsable de toutes sortes de façons, bien sûr, mais surtout pour nous
parce que ça ne peut être que
l'aboutissement d'un processus de discussion, de réflexion par une grande
partie de la population. Il faut que l'acceptabilité de la chose soit
grande pour que ça fonctionne.
Pour ce qui
concerne nos commentaires sur le revenu de base... sur le projet de loi
lui-même, il y a deux choses qui nous ont plu dès le plan et puis dans
le projet de loi lui-même, c'est le côté, semble-t-il, individuel et cumulable qu'il y a dans la loi éventuelle parce qu'au cours
de l'année passée, justement, des discussions entre nous, à Revenu de base Québec, et puis des discussions avec des
collègues du Mouvement français pour un revenu de base, où on se demandait
quels seraient les premiers pas en direction
de notre vision d'un revenu de base... Et puis il nous est venu assez
rapidement que ça devait être
autant... que des programmes d'assistance sociale devraient être individualisés
et cumulables. Les côtés, donc,
individuel et cumulable de notre vision du revenu de base nous semblaient être
les premiers pas à faire dans cette direction-là.
Alors, quand on a vu ça dans le plan, on était très heureux de la chose, et puis on le voit dans le projet de loi
aussi.
Donc,
cependant, en lisant le projet de loi, nous qui ne sommes pas habitués à
consulter des projets de loi comme ça,
tout à coup on se demandait si, vraiment, c'était individuel et cumulable. On
n'en était plus sûrs parce que les... donc, la raison pour laquelle... pour revenir sur le côté individuel et le
côté cumulable, c'est qu'il nous semblait que c'étaient les deux sources d'injustice les plus flagrantes
de l'assistance sociale, telle qu'on la connaît dans notre société et dans
plusieurs autres sociétés occidentales
aussi, hein, parce que, bon, le fait que ce ne soit pas individuel, mais que ce
soit donc une chose qui s'adresse à la famille beaucoup, là, parce qu'on a
moins quand on est en couple, et puis avec toute la surveillance qu'il y a autour de ces choses-là,
là, et qui... Il y a des histoires d'horreur régulièrement qui sortent
là-dessus. Puis, le fait qu'il ne
soit pas cumulable, qu'en fait que tout revenu supplémentaire soit en quelque
sorte imposé à 100 % ou, en tout
cas, très près de 100 %, bon, ça nous semble d'une grande injustice. Et
c'est pour ça, donc, que, si les programmes d'assistance sociale allaient vers une individualisation, que les
revenus soient cumulables, bien là, il y aurait deux grandes injustices
qui seraient... qu'on ne trouverait pas dans le revenu de base, dans les
programmes d'assistance sociaux.
Alors donc,
les questions qu'on a à poser, en fait, c'est qu'on voit, par exemple, que le
revenu de base est cumulable au revenu de base, mais que la somme des...
tout autre emploi de revenu d'emploi, donc... tout revenu d'emploi est cumulable au revenu de base, mais que la somme des
deux est imposable. Donc, c'est comme diminuer l'efficacité du revenu de base, selon nous. En tout cas, on ne
voit pas pourquoi est-ce qu'il y a ce critère-là et que, par ailleurs, les
revenus provenant d'autres programmes
feraient que le revenu de base serait diminué dollar pour dollar. C'est ce
qu'on lit dans le projet de loi. Je
ne sais pas si on le comprend mal, mais ça nous paraît... Bien, il nous paraît
que ce n'est pas vraiment cumulable dans ce cas-là. On souhaiterait que
ça le soit.
Pour ce qui
concerne le côté individuel, on voit à l'article 18 : «Hausser
graduellement les prestations pour permettre aux ménages, [...]d'atteindre le seuil de faible revenu.» Et par
ailleurs on voit : «L'aide financière serait versée sur une base individuelle.» «Serait versée», pas «sera».
Alors donc, on était très heureux de voir que c'était individuel et cumulable,
mais, tout à coup, on lit le projet de loi puis on se demande si c'est vrai.
Alors, on aimerait avoir des éclaircissements là-dessus,
c'est ça essentiellement. Puis par ailleurs, bien, le délai, comme d'autres
l'ont dit, nous semble trop long, là. Mais
ça, bon, nos collègues du collectif et du front pour... et du front des assistés
sociaux vont sans doute décortiquer ça très bien.
Et puis,
bien, en conclusion, on souhaiterait aussi que la notion de revenu de base, la
notion de précarité que veut... auquel
veut pallier le revenu de base s'étende plus grandement parce que la précarité
de... la précarité extrême que veut... sur
laquelle va agir le projet de revenu de base, là, le projet de loi, la
précarité est grandissante dans nos sociétés avec le temps partiel, etc., puis les contrats, etc., là.
Alors, on souhaiterait élargir la discussion là-dessus. Il y aurait d'autres
éléments que je ferai valoir au moment des questions, parce que je crois
que le 10 minutes est arrivé.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci, M. Gosselin. On va commencer les échanges. M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Blais : Alors, je vous
remercie beaucoup de la présentation. Dans le fond, c'est vous qui nous posez
des questions plus que nous qui allons vous poser des questions. On va essayer
de répondre à vos questions, là.
Donc, beaucoup
de choses que je pourrais vous dire. Tout
d'abord, sur l'individualisation puis
le cumul, vous avez tout à fait raison. C'est la pierre angulaire de l'avenir de
la sécurité sociale, là. On jugera, à
mon avis, là, des progrès de la
sécurité sociale notamment
par ces deux éléments-là. Autant que sur la question traditionnelle
d'élever les niveaux de revenu disponible, ces questions-là
m'apparaissent aussi importantes que d'élever les revenus disponibles.
Donc, sur
l'individualisation, donc on peut l'entendre de façon... Il y a plusieurs
interprétations. Donc, c'est un pas important vers l'individualisation
au sens où... Premier sens administratif très simple, les chèques sont versés à
des personnes plutôt qu'à des ménages. Donc,
c'est des individus qui reçoivent leur chèque, non plus, là, le ménage qui le
reçoit puis qui doit
le gérer en ménage. Ça, c'est une première forme d'individualisation. Et la
deuxième, effectivement, c'est qu'on
ne considère pas les revenus des autres membres du ménage, là, jusqu'à un
seuil. François me rappellera. Il me semble
qu'il y a un seuil, là. Donc, pas entièrement individualisé, donc, mais,
voyez-vous, c'est des pas importants, là.
• (15 h 20) •
La question
du cumul, effectivement, là, le conditionnel est utilisé tout simplement parce
que, comme ce sont des intentions
réglementaires du gouvernement, il faut l'utiliser au conditionnel. Mais je le
redis ici toujours à mes... je vais le redire
à mes collègues quand on va en reparler, j'en suis sûr, là, en commission, là,
nos intentions sont claires, on veut aller
dans cette direction-là. Bien sûr, on peut les améliorer dans nos échanges avec
le collègue dans les prochains jours, prochaines semaines.
Mais le
cumul, effectivement, est possible. Et le but du cumul, finalement, c'est de
diminuer le taux marginal effectif de
taxation et de le faire passer autour de, quoi, 45 %, 40 %? Ça va
dépendre un peu à nous... Ça va être aux circonstances de décider, si je me souviens bien, là. Mais c'est
une diminution du taux marginal de taxation qui fait en sorte que les gens
vont être imposés sur le revenu de façon
semblable à ce que moi, je suis... le type d'imposition que j'ai sur mon
revenu, donc, et revenu gagné, bien entendu.
Et, pour la
question de pourquoi on a utilisé l'expression «revenu de base», je pense qu'il
y avait un message qu'on veut lancer aussi, c'est que c'est un socle,
hein? Revenu socle, ça fait un peu franchouillard, là, d'utiliser ça comme expression, donc, me dit-on. Mais donc c'est un
socle, ce n'est pas une aide de dernier recours. C'est un socle à partir
duquel on peut élaborer puis construire
d'autres revenus sans être aussi pénalisés qu'aujourd'hui. Alors, bien sûr, il
est largement conditionnel, largement, parce qu'il est lié à un groupe
particulier.
Il faut comprendre
que l'on faisait cet exercice-là dans le cadre d'un plan d'action de lutte
contre la pauvreté. Une des contraintes, entre guillemets, si je peux dire, de
ça, c'est de sortir des gens de pauvreté. Donc, on avait décidé qu'on voulait
faire un pas vers les personnes seules au Québec et qu'on voulait diminuer la
pauvreté chez les personnes seules. Et
il se trouve que cette catégorie-là, ils sont de loin les personnes qui ont la
liberté réelle la plus faible dans le monde. Mais on pouvait faire un geste historique pour les élever au-dessus de
la MPC. On aurait pu décider de faire... On a même regardé d'autres scénarios qui auraient eu un
impact différent sur la diminution de la pauvreté, qui auraient touché d'autres
personnes, hein? C'est un choix gouvernemental, politique de dire : Ce
groupe-là, on va...
Et on aurait
pu faire deux choses. On aurait pu aussi simplement faire un revenu de base
dans lequel on laisse les gens au même revenu qu'à la solidarité sociale, mais
on leur donne des composantes d'individualisation et de cumul. Hein, ça aurait été un progrès. Mais on a fait
deux choses. On leur donne ces composantes-là, qui sont un progrès, je pense,
sur le fond et qui indiquent vers où je
pense qu'il faut aller dans les prochaines années, mais aussi on a décidé qu'on
allait les élever au-dessus de la MPC, ce qui est deux éléments qui sont
contingents, mais qu'on a décidé de rassembler, là à l'intérieur de la
proposition. Donc, ça explique un peu la démarche générale.
La Présidente (Mme Richard) :
Ça va? Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le
député de Rimouski.
M. LeBel :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Bon, votre présentation confirme ce qu'on
dit, puis je pense, puis le ministre
a toujours été honnête là-dessus, ce n'est pas un véritable revenu de base
universel, inconditionnel, c'est un revenu de base, puis le projet de
loi est clair, c'est pour une catégorie de personnes qui ont des contraintes
sévères à l'emploi. Puis ce n'est tellement
pas un véritable revenu de base qu'hier le ministre laissait entrevoir, là,
s'il y avait un autre nom qu'on
pourrait lui donner. Mais effectivement «socle», c'est un peu... ce n'est pas
très bon. Mais juste l'ouverture de montrer qu'il aurait peut-être un
autre nom, je pense que ça démontre que ce n'est pas le revenu de base que vous
proposez ou ce n'est pas un revenu de base
qu'on voit dans d'autres pays qui sont en train de tester... ou dans certains
projets pilotes, comme en Ontario, et tout ça.
Il faut aussi
voir, le revenu de base qui est proposé, c'est un revenu de base qui... c'est
un élément... un autre... un troisième
niveau d'aide sociale, là. Tu as l'aide sociale, tu as la sécurité sociale. Là,
tu en rajoutes un troisième, un revenu avec
les règles de chacune des étapes qui vont se faire. Effectivement, il fallait
travailler sur les personnes seules, mais le revenu de base... les personnes seules, elles vont encore être à la
sécurité sociale. Les revenus de base, c'est pour les personnes qui ont des contraintes plus sévères. Ce
n'est pas l'ensemble des personnes seules, là. Puis en plus, avant d'arriver
au revenu de base, bien, tu as les fameux
délais, cinq ans, cinq ans et demi à vivre dans la misère avant d'arriver à
avoir ton revenu qui va t'amener au niveau de... pour sortir un peu la
tête de la pauvreté.
J'essaie de
voir, dans votre projet... Puis j'ai fait une tournée des régions, récemment,
sur la solidarité. Puis, en Gaspésie, le directeur de la...
Une voix : Yv Bonnier.
M. LeBel :
...Yv Bonnier, oui, m'a proposé un projet pilote de revenu de base pour la
région Gaspésie. On en a parlé aussi
pour la MRC de Témiscouata. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce qu'il y a
quelque chose qu'on pourrait faire
pour établir ou évaluer un vrai projet de revenu de base en passant par un
projet pilote régional comme ça? Est-ce que c'est faisable, selon vous?
M. Gosselin
(Luc) : Ce serait sans doute souhaitable pour deux raisons, l'une qui
est évidente, que ça donnerait tout à coup des données sur le Québec.
Alors donc... parce que les données qui... de ce qui s'est passé à Dauphin, au Manitoba, c'est dans les années 70, ce qui s'est
passé en Inde ou en Namibie, c'est en Afrique ou en Asie, ce qui s'est passé dans une communauté cherokee de Caroline du Sud, bon, c'est
un peu loin. Alors donc, d'avoir des données sur ce qui se passerait au
Québec, ça peut être extrêmement intéressant, mais ça a des limites aussi.
Le seul grand avantage de ça, selon nous,
beaucoup, c'est le côté communication. Ça ferait que, tout à coup, il y aurait des communications importantes qui
seraient faites sur l'idée et ça ferait que de plus en plus de gens
connaîtraient l'idée et en
débattraient. Alors, ça, ça, c'est bon pour l'idée parce que, s'il y a une
chose qui est certaine, c'est qu'il faut qu'il y ait une adhésion d'un
grand nombre de citoyens, là, à un projet comme ça. C'est un changement... ça
serait un changement de société vraiment extrêmement important, le revenu
universel inconditionnel, et tout ça, là. Ça serait extrêmement important. Mais ça ne peut pas se faire en criant lapin, ça.
Ça ne peut pas se faire très rapidement. Il faut que ça mature, il faut
que les gens en parlent, en discutent puis se l'approprient.
M. LeBel :
Ça pourrait peut-être se faire par... on pourrait mieux faire connaître si on
pouvait coller un projet dans une région bien déterminée.
M. Gosselin
(Luc) : C'est ça, oui, parce que, bon, on est en contact avec les gens
du Témiscouata, bien sûr, on est en
contact avec Yv Bonnier Viger, avec qui on collabore régulièrement. Ce sont des
idées que nous connaissons très bien.
M. LeBel :
Qu'est-ce que vous pensez de l'argument qui dit qu'un revenu de base qui nous
amène à un niveau de revenu, là, de
18 000 $, 20 000 $, là, selon la mesure du panier de
consommation, là, mettons que c'est ça, mettons qu'on travaille autour d'un projet comme ça, souvent,
l'argument qu'on a, c'est que, si on amène les gens à ce niveau-là, puis
c'est des gens qui sont capables de
travailler, bien, si on leur donne ce revenu-là, ça va décourager à l'emploi.
Ça ne les forcera pas à aller s'intégrer au marché du travail. Est-ce
que le revenu de base, à ce niveau-là, ça serait un genre de découragement à
aller travailler pour des gens qui... Dites-moi ce que vous en pensez.
M. Gosselin
(Luc) : Bien, les endroits où on a installé une sorte de revenu de
base, ça n'a pas provoqué ça. Ça a provoqué,
même, une augmentation de l'emploi à certains égards. Et puis, quand il y a eu
des diminutions d'emploi, ça a été,
par exemple, pour des jeunes qui, au lieu d'aller travailler, étudiaient plutôt
que d'aller travailler trop rapidement. Alors donc, les quelques
exemples qu'on a dans le monde tendent à prouver que ce n'est pas ça qui se
passerait.
Mais c'est
sûr que l'impression qu'on a, d'entrée de jeu, on se dit que ça se passerait
sans... pour... possiblement, ça. Et
puis il y a des sondages qui auraient été faits, tu sais, où les gens, se
faisant demander : Si vous aviez un revenu de base, est-ce que vous arrêteriez de travailler?, ils disent non.
Mais : Pensez-vous que les gens arrêteraient de travailler? Bien oui! Tu
sais, c'est comme 20-80, là. 20 % des personnes pensent que 80 %
des... 80 % des personnes que tout le monde... personne ne travaillerait ou, en tout cas, pas beaucoup, puis
20 % disent, bien... mais la majorité dit : Bien non, je
continuerais de travailler parce que ça ne serait pas assez, puis j'aime mon
travail, puis, en tout cas, bon. Et puis c'est oublier aussi que la... C'est bien connu, quand même, en psychologie,
là, que ce qui compte dans la vie de quelqu'un, après avoir... ses besoins de base, bien, c'est vraiment la cohésion
avec ses amis, le reste de la société, puis un accomplissement, ça ne
vient pas de s'asseoir sur son derrière à ne rien faire, là. Les gens,
spontanément, aiment faire des choses.
Et puis il y
aurait beaucoup, beaucoup de créativité qui exploserait, normalement, avec ça,
là. C'est ce qui se passe. Encore une
fois, c'est ce qui s'est passé quand on l'a fait, même si c'est avec des...
dans des circonstances qui ne sont pas proches
des nôtres. Et c'est pour ça que ça serait intéressant de voir si, au Québec,
les gens vraiment arrêteraient de travailler s'ils avaient... On a
l'assurance que non. On a la certitude que non.
M. LeBel :
Un revenu de base, on se comprend, là, c'est d'aller chercher les différents
transferts qui sont faits par les
gouvernements, revoir tout ça, revoir avec la fiscalité, revoir tout ça puis
développer un revenu de base. Dans les transferts,
il y a une partie des transferts qui nous viennent du gouvernement fédéral.
Comment on peut faire un véritable revenu de base sans avoir la
participation des deux gouvernements? C'est-u faisable?
M. Gosselin (Luc) : Sacrée
bonne question!
M. LeBel : Moi, j'ai une
solution, là, mais c'est autre chose.
• (15 h 30) •
M. Gosselin
(Luc) : Bien, Guy Caron, Guy Caron, là, qui se présentait à la
chefferie du NPD au fédéral, avait une
belle façon d'organiser ça. Ça me fait penser, Van Parijs dit qu'on a besoin de
trois sortes de personnes pour faire avancer
le revenu de base. Il dit : les utopistes réalistes, disons qu'on fait
partie de ça, nous autres, pas mal, là, les botteurs de culs, excusez l'expression, mais des gens,
donc, qui brassent la cage, et des bidouilleurs astucieux. Alors donc, c'est
dans le bidouillage astucieux
politique que se trouve la réponse à votre question. Et tout le travail, une
grande partie du travail va être là,
hein? Ça va être un bidouillage social, là. Comment est-ce qu'on réorganise les
choses? Comment est-ce qu'on fait que
ça se fasse? Et c'est pour ça qu'il y a un côté... c'est un des côtés
intéressants du projet de loi n° 173, là, c'est du bon bidouillage dans cette direction-là, c'est
approprié, ça va servir des gens qui vont l'avoir. Alors donc, on ne peut
qu'applaudir à ça.
M. LeBel :
Je pense que c'est la première fois que le ministre entend que son projet de
loi, c'est un bidouillage. Je ne pense pas qu'il soit d'accord.
M. Blais : ...bidouillage.
M. Gosselin
(Luc) : Il se trouve que, probablement, comme il connaît très bien
M. Van Parijs, que vous connaissez cette expression-là venant de
Van Parijs.
M. LeBel : Non, non, c'est...
Mais je pense que ce n'est pas si facile d'avoir un revenu de base.
M. Gosselin (Luc) : Non, non.
M. LeBel :
Même si on essaie de bidouiller la fédération, je ne suis pas sûr qu'on... je
pense qu'il faut... il y a une grande
démarche de gens comme vous qui croyez à ça, puis il faut continuer à
travailler pour faire comprendre les choses parce que je pense que, si on veut vraiment lutter contre la pauvreté,
il faut aller vers un système comme ça éventuellement.
M. Gosselin (Luc) : C'est ce
que nous croyons, oui.
M. LeBel : Bien, merci,
monsieur.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci, M. le député de Rimouski. Nous allons maintenant vers le deuxième
groupe d'opposition. M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.
M. Picard : Bon
après-midi, Mme la Présidente. Merci, M. Gosselin, de votre présence. Je
vais aller à votre mémoire, à la page 5,
lorsque vous mettez une citation en disant : «Essayer d'en arriver [en un]
seul coup à un revenu de base
"complet" pour tous, peu importe sa définition, serait de toute façon
irresponsable. Il y a une différence entre, d'un côté, la prochaine étape, qui nécessite un consensus compte tenu
des conséquences probables, et, de l'autre, le niveau de revenu de base
pouvant raisonnablement être présenté comme objectif, utopie mobilisatrice, but
ultime.»
Du jour au
lendemain, vous êtes ministre. C'est quoi, les prochaines étapes qu'on fait
après avoir adopté le projet de loi sur une vision de... Bien,
donnez-moi la vision, là, sur la séquence.
M. Gosselin
(Luc) : Il y en aurait deux
qui me sont venues personnellement, je dirais, en travaillant là-dessus, là, que je n'ai pas vraiment partagées complètement avec mes collègues, mais il y en aurait deux. L'une qui serait de
voir si on ne peut pas appliquer le
type de revenu de base que vous appliquez aux gens qui ont des contraintes
sévères à l'emploi, là, à d'autres
secteurs d'assistance sociale pour individualiser et rendre cumulables ces
revenus-là, donc en glissant en dessous de leurs revenus quelque chose qui rehausse le revenu qu'ils reçoivent par
l'assistance sociale, mais sans pénaliser, là, sans la pénaliser. Donc,
faire que, tout à coup, ils arrivent à un niveau qui est plus appréciable, là.
À qui ça pourrait s'adresser? Je pense
spontanément aux mères célibataires, par
exemple, avec leurs enfants. Je ne
sais pas trop, là. Bon, on peut... le ministère connaît certainement
mieux que moi à qui...
M. Picard : ...certaines
catégories, là.
M. Gosselin
(Luc) : Certaines catégories.
Bien, c'est-à-dire que, tant qu'à continuer dans la conditionnalité,
il faut continuer. Je veux dire, ça
ne pourrait pas devenir inconditionnel du jour au lendemain, là. Il faut
l'appliquer là où il y a des
besoins majeurs, bon, premièrement.
Alors donc... Parce que l'idée d'individualité,
de cumulabilité — je
ne sais pas si ça se dit — nous
semble extrêmement importante parce que
c'est deux sources d'injustice extraordinairement grandes dans le système
actuel, et pas rien qu'au Québec, là,
au monde. Nos collègues du mouvement français nous disent exactement la même
chose pour ce qui se passe en France.
Et, d'autre
part, une chose que j'aurais mentionnée si je n'étais pas arrivé aussi
rapidement à mon 10 minutes, c'est
que... l'aspect santé. C'est qu'il est assez bien établi, dans les
expérimentations de revenu de base, que la santé des populations où ça s'est fait s'est améliorée de
toutes sortes de façons, là. En Inde, en Namibie, c'était évident. C'était
évident aussi à Dauphin. À Dauphin,
8,5 % de moins d'hospitalisations à Dauphin, au Manitoba. Ça a été analysé
par Evelyn Forget, ça.
Alors, le
côté effet, efficacité sur le niveau de santé des populations qui le reçoivent
est donc lié à ça, et ça, c'est majeur.
Bon, Yv Bonnier Viger défend ça. Ici, à Québec, il y a Shelley-Rose Hyppolite,
qui est médecin-conseil, sauf erreur,
à la Direction de la santé publique ici, dont j'ai vu un document, que j'ai vu
dans deux conférences, qui est pour le revenu
de base à cause de ça, parce qu'il est bien établi, bien connu, documenté et
absolument certain scientifiquement que
le revenu est... il appelle ça un déterminant majeur de la santé. C'est connu.
À cause du stress, le stress que cause la difficulté de se nourrir, la difficulté de bien se loger, la difficulté de nourrir ses enfants, et
tout ça, bien, ça cause un stress qui, devenant chronique, rend malade.
C'est ce qui fait qu'il y a une dizaine d'années de différence entre les gens
des quartiers pauvres avec les gens des quartiers riches ici, comme partout au
monde. Alors donc, l'effet sur la santé.
Alors donc,
n'importe quoi qui se ferait autour de l'idée de l'efficacité d'un revenu de
base sur la santé pourrait être un
autre aspect. Et puis d'ailleurs une idée qui, là aussi, m'est venue après
avoir envoyé le mémoire, c'est que j'espère, j'imagine que vous allez le
faire au ministère, que l'effet sur la santé des gens qui vont avoir le revenu
de base du Programme de revenu de base sera
documenté, sera analysé, qu'on prendra en compte de façon à faire que... bien,
qu'on voit si ça s'applique, tout simplement. Normalement, ça va le
faire, là, parce que, je répète, le stress rend malade.
Il y a
Rutger Bregman qui a écrit un livre qui s'appelle Utopies réalistes où
il parle du revenu de base puis qui dit
d'une façon lapidaire : La pauvreté rend malade et elle tue. Un point,
c'est tout. C'est comme ça. C'est un fait. Donc, il y aurait ces deux
axes-là que je verrais.
M. Picard : O.K. Je comprends que votre dernier propos, c'est un
genre de reddition du programme pour voir s'il y a des impacts positifs qui permettent... Ça
pourrait même dire : Si on diminue le coût de médicaments, bien là, on
diminue la... je vais dire la facture de ce programme-là parce qu'il est
efficace, tout simplement, là.
M. Gosselin (Luc) : Bien, si le
8,5 %, il s'avère, là...
M. Picard : Oui, oui,
c'est ça. Exact.
M. Gosselin (Luc) :
...8,5 % de l'hospitalisation au Québec, ça chiffre, ça, là, ça chiffre
sérieusement.
M. Picard : C'est bon.
Merci beaucoup.
M. Gosselin (Luc) : Mais, bon,
ce serait à vérifier.
M. Picard : Oui, exact,
exact, mais c'est pour ça.
M. Gosselin (Luc) : C'est des
chiffres de 1970. Puis, bon, ce serait à vérifier.
M. Picard : C'est ça.
M. Gosselin (Luc) : Mais
j'aimerais que vous preniez cette direction-là, les législateurs.
M. Picard : Merci. C'est
tout pour moi, Mme la présidente.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière. Merci à vous,
M. Gosselin, d'avoir enrichi nos travaux.
Et la commission
ajourne ses travaux au jeudi 12 avril 2018, à 11 h 30, afin de poursuivre ses
auditions. Bonne fin de journée.
(Fin de la séance à 15 h 37)