(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Reid) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques, s'il vous plaît.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 173, Loi visant principalement à instaurer un revenu de
base pour des personnes qui présentent des contraintes sévères à
l'emploi.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs) remplace M. Lamontagne (Johnson).
Remarques préliminaires
Le
Président (M. Reid) : Alors, nous débutons avec des
remarques préliminaires. J'invite d'abord M. le ministre, ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale
et député de Charlesbourg, à faire des remarques préliminaires pour une
durée maximale de six minutes. M. le ministre.
M. François Blais
M. Blais :
Merci beaucoup, M. le Président. Je salue les collègues qui sont ici, aussi les
représentants de différentes organisations,
l'équipe, bien sûr, du ministère et sa sous-ministre,
Mme Line Bérubé, qui ont travaillé très fort sur ce projet de loi qui s'inscrit à l'intérieur, bien sûr, de
la stratégie, là, pour lutter contre la pauvreté et favoriser l'inclusion
sociale.
Donc, cette loi vise à instaurer un revenu de
base pour des personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi. Comme vous le savez, notre gouvernement
a présenté, en décembre dernier, le Plan d'action gouvernemental pour l'inclusion économique et la participation
sociale 2013... 2017, pardon, 2023, dont le principal objectif est de
sortir de manière permanente, j'insiste sur le mot «permanent», plus de
100 000 personnes de la pauvreté.
Ce plan prévoit plusieurs mesures novatrices,
dont l'instauration d'un Programme de revenu de base pour des personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi.
La mise en place d'un tel programme serait une première au Québec et au
Canada. Cette mesure constitue une véritable révolution dans la manière
d'envisager la lutte contre la pauvreté et l'exclusion
sociale en introduisant un revenu socle favorisant la liberté réelle de ceux et
celles de nos concitoyens qui en possèdent
le moins. Notre gouvernement compte investir
1 250 000 000 $ pour instaurer cette première forme
d'allocation universelle qui, une fois
jumelée au soutien du revenu existant, permettra à des adultes ayant des
contraintes sévères à l'emploi d'augmenter
leurs revenus disponibles au-delà du seuil de faible revenu établi selon la
mesure de panier de consommation. À
terme, en 2023, le revenu disponible annuel d'un adulte seul admissible au
programme atteindrait plus de 18 000 $.
On estime à
plus 84 000 le nombre d'adultes qui seraient visés par le Programme de
revenu de base. Lors de la mise en oeuvre complète de ce programme, en
2023, le revenu de base prendrait la forme d'une prestation versée individuellement à tous les mois à chacun des
adultes admissibles. À cette prestation individuelle s'ajouterait un
ajustement pour les adultes sans conjoint de manière à compenser les frais
supplémentaires associés au fait d'être un adulte seul.
Le Programme
de revenu de base comprendrait des assouplissements de certaines règles
présentement appliquées à l'aide
financière de dernier recours, notamment à la prise en compte des revenus de
travail et des biens et avoirs liquides. Parmi les adultes qui seraient admissibles au Programme de revenu de
base, 93,2 % sont des personnes seules et 4 % sont des couples sans enfants. Ce programme
s'adresserait plus spécifiquement à la clientèle présente au programme de
solidarité sociale depuis au moins 66 mois au cours des 72 derniers
mois. Cette période permettrait d'évaluer la persistance des limitations
socioprofessionnelles de ces personnes ainsi que leur incapacité à intégrer le
marché du travail.
Le projet de
loi prévoit également une disposition qui accorderait un supplément
correspondant à 10 % du revenu de travail net qui excède les
exclusions applicables. Ce supplément serait accordé pour une période maximale
de 12 mois cumulatifs aux prestataires
de l'aide financière de dernier recours. Cette mesure, chiffrée à
8,9 millions de dollars, permettrait
de mieux soutenir les prestataires d'une aide financière de dernier recours qui
obtiennent un emploi. L'adoption de ce projet de loi permettrait de
faire une différence concrète et importante dans la vie des personnes visées.
Je suis
confiant que, tous ensemble, nous parviendrons à procéder rapidement à son
adoption. Je tiens d'ailleurs à remercier
mes collègues qui prendront part à ces travaux ainsi que les organismes et
personnes qui nous partageront leurs points
de vue. Je vous assure que nous prendrons le temps d'analyser tous les
commentaires émis afin que ce projet de loi réponde le mieux possible
aux besoins des citoyens qui en bénéficieront. Je vous remercie, M. le
Président.
• (10 h 20) •
Le Président (M. Reid) :
Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition
officielle en matière d'emploi, de
solidarité sociale et de lutte contre la pauvreté, le député de Rimouski, à
faire ses remarques préliminaires pour un maximum de
3 min 30 s.
M. Harold
LeBel
M. LeBel :
Merci, M. le Président. Saluer M. le ministre et les gens qui l'accompagnent,
les collègues du parti ministériel, mon collègue de la deuxième
opposition. On va bien travailler ensemble.
Quelques
mois après mon élection, en 2014, j'ai déposé à l'Assemblée nationale une
pétition, je ne sais pas si vous vous
en souvenez, pétition qui était initiée par des gens de Rimouski sur une
pension d'invalidité pour les gens
inaptes à l'emploi. Je relisais la pétition
ce matin et je crois vraiment que votre projet de loi répond en grande partie à
la pétition que j'avais déposée il y a déjà quelques années et je pense
qu'on va pouvoir faire certaines avancées. Et vous pouvez compter sur ma collaboration
là-dessus.
Cependant,
je pense qu'on va profiter de ce projet de loi pour faire certains débats. Je
trouve que, s'il y a
un chiffre à retenir, c'est le
chiffre trois. Aux deux catégories de personnes en situation
de vulnérabilité, on vient d'en rajouter une troisième. Après l'aide sociale, la solidarité sociale, on rajoute
«revenu de base». On vient encore complexifier les affaires, complexifier un système qui est déjà
très complexe. Dans nos bureaux de comté, on le voit souvent,
on accueille des gens, puis tantôt on
va rencontrer quelqu'un qui est passé, là, par mon bureau pour essayer de
régler ses dossiers. Même dans nos bureaux,
on a de la difficulté, puis même avec les fonctionnaires du ministère,
on a de la difficulté, souvent, à comprendre un système qui est supposé être là pour être humain et
rendre service à des gens, mais qui est tellement complexe
qu'il fait en sorte qu'il y a
beaucoup de personnes qui passent à travers la trappe et
réussissent mal à faire défendre leurs droits. Et ça, on n'évitera pas
ce débat-là pendant cette étude du projet de loi.
On va aussi profiter
du projet de loi pour relever certains débats. Tu sais, il y a certaines
promesses, certains engagements qui avaient
été pris, entre autres, sur le calcul des pensions alimentaires par rapport à l'aide sociale. Il y
a des choses là-dedans qu'on pourra, par le
projet de loi, que je pourrai questionner le ministre,
avoir un peu ses visions là-dessus
et comment on veut répondre aux engagements qu'on a déjà pris dans le passé.
Par rapport au revenu de base, vous savez, c'est assez... Les gens réfléchissent beaucoup
au revenu de base. Hier, j'étais dans
une assemblée citoyenne au Bic, et un
citoyen m'a parlé du revenu de base comme une façon de répondre à des besoins puis une façon d'aller vers la dignité
humaine. Mais, quand on parle de revenu de base, cette personne-là me parlait d'un vrai revenu de base, c'est-à-dire
inconditionnel, universel. Un revenu de base qui respecte ce que c'est,
un revenu de base. Et ce qu'on a devant
nous, ce n'est pas vraiment un revenu de base universel et inconditionnel. Ça
fait qu'il faudrait faire attention au
vocabulaire. Et j'aurais aimé qu'on... puis je pense qu'on pourra le faire, là,
discuter d'un vrai revenu de base,
comment qu'on... comment le ministre voit la situation, comment, lui qui a déjà
étudié là-dedans, qui a déjà même écrit... comment il voit l'avenir pour
qu'au Québec on se donne un vrai revenu de base.
Puis c'est sûr que
j'aurais aimé... Pour avoir participé, il y a plusieurs années, j'étais de
l'autre côté de la table, à l'adoption de la
loi pour lutter contre la pauvreté il y a plus de 15 ans, je me souviens
du beau... du débat, du grand consensus
social puis du débat où tout le monde voulait participer avec le milieu populaire,
parce que ça venait du milieu populaire,
à cette volonté qu'on se donne au Québec une vraie lutte à la pauvreté.
J'espère qu'un jour on pourra faire un vrai débat, non pas à la pièce,
mais un vrai débat sur comment on fait, au Québec, pour véritablement lutter
contre la pauvreté puis respecter la dignité humaine. Merci.
Le
Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Rimouski.
J'invite maintenant le représentant du deuxième groupe d'opposition en matière d'emploi et de solidarité
sociale, le député de Drummond—Bois-Francs, à faire ses remarques préliminaires pour un maximum
de 2 min 30 s.
M. Sébastien
Schneeberger
M. Schneeberger :
Alors, merci, M. le Président. Alors, je vais commencer par saluer le ministre
et toute son équipe aussi, les
députés ministériels, mon très sympathique collègue de Rimouski, toujours un
plaisir de travailler avec vous, et
aussi tous les gens qui vont, durant cette commission, venir présenter des
mémoires, personnes seules ou groupes, peu
importe, là. C'est important d'avoir vos commentaires, et puis, des fois, il y
a des choses que nous, on n'aurait pas pensées, mettre une petite puce à
l'oreille. Alors, c'est très bien, c'est très constructif.
Mais,
dans un premier temps, M. le Président... Ah oui! C'est vrai, et j'avais
souligné dans mes notes — excusez, un petit pince-sans-rire — j'avais aussi dans mes notes de souligner la
meilleure recherchiste au monde. Alors là, elle va rougir, hein? Mais elle faisait une farce, mais,
vous voyez, moi, je suis quelqu'un qui... j'aime ça, faire des farces.
Mais c'est très bien parce que j'aime
beaucoup travailler avec. Mais par contre je suis un peu déçu, elle n'a aucun
mot sur son député. Alors là, je suis un peu déçu, M. le Président.
Bon,
alors, farces à part... Et, vous savez, ce projet de loi, moi, je pense qu'il
va... premièrement, nous, on est pour ce projet de loi, pour l'approche
de ce projet de loi. Naturellement, on aura des questions. Mais il faut quand
même souligner que ce n'est pas un régime de
revenu minimum garanti. C'est un régime de base avec une clientèle ciblée,
ce qui est très bien. Par contre, c'est les
délais. On parle ici quand même jusqu'à 2023. Ça fait que, si on regarde
l'échéancier, on a le temps d'avoir deux
autres gouvernements avant 2023. Et c'est sûr que, quand on annonce des
politiques comme ça, on peut toujours se questionner, là, sur le long
terme d'un tel régime.
Mais
par contre je pense que la notion est noble. Je pense que c'est dans une bonne
direction. Pourquoi les délais de
cinq ans? Le délai aussi de 66 mois,
c'est questionnable. Par contre, j'apprécie d'avoir eu un briefing technique
avec les adjoints du ministre.
Et puis ça, je suis très reconnaissant là-dessus, très constructif. Mais, bon, on aura quand même des questions à ce niveau-là. Et puis je pense qu'on va même... on a été... on
a eu le projet de loi n° 70. Bon, c'était dans un autre domaine. Par contre, il faut le
souligner ici, ici, on parle des personnes qui sont inaptes à l'emploi. On aura
toujours des questionnements sur les
classifications parce que, malheureusement, comme le député de Rimouski
le disait, souvent, on a des
personnes qui arrivent à nos bureaux et puis qui ne sont pas classées de la
bonne manière ou on a des doutes.
Alors,
M. le Président, vous me faites signe que mon temps est écoulé.
Alors, je finis là et je remercie tout
le monde.
Le Président
(M. Reid) : Merci, M. le député de Drummond—Bois-Francs.
Auditions
Je souhaite maintenant la bienvenue au
premier groupe qui va participer à nos consultations. Il
s'agit du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Je vous demanderais de vous
présenter, présenter les personnes qui vous accompagnent et de prendre la parole pour une dizaine de minutes. Par la suite, nous aurons une période d'échange avec chacun des groupes
parlementaires. À vous la parole.
Collectif
pour un Québec sans pauvreté
M. Petitclerc
(Serge) : Oui, bonjour.
Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec
sans pauvreté. Je suis accompagné de Jacques,
qui est d'Action Dignité Lanaudière, qui est membre de notre comité exécutif,
qui est trésorier du collectif, on a
Yohann, du Regroupement contre l'appauvrissement Rimouski-Neigette, qui est un
des groupes membres du collectif, et Virginie Larivière, qui est
co-porte-parole du collectif avec moi.
Alors,
pour ce qui est de notre présentation, je vais partir de la fin de
ce que disait M. Lebel concernant justement la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui a
été adoptée en 2002 à l'unanimité par l'Assemblée
nationale. C'est une loi qui obligeait, entre autres, le gouvernement à se donner une cible à atteindre pour l'amélioration du revenu des personnes assistées sociales selon
l'indicateur qui allait être retenu. L'indicateur qui a été retenu, c'est
la mesure du panier de consommation, que M. le ministre vient de parler, un indicateur qui mesure le montant nécessaire
pour couvrir l'ensemble de ses besoins de base pour pouvoir vivre en santé.
Avec
le projet de loi n° 173, c'est la première fois que le gouvernement concrétise cet engagement, du moins pour les personnes étant reconnues comme ayant une contrainte sévère à
l'emploi dite de longue durée. Parce
que ça permet un premier pas vers l'élargissement de la couverture des besoins de base à toutes les
personnes en situation de pauvreté au Québec,
le projet gouvernemental de revenu de base représente pour nous un pas dans la
bonne direction, et c'est la raison pour laquelle on donne un appui au
projet de loi qui est sujet à discussion actuellement.
Toutefois,
comme le diable se trouve souvent dans les détails, on tient aussi à souligner
que le projet de loi mérite d'être
amélioré, tout le monde le dit. C'est la raison pour laquelle on va soumettre
une série de six recommandations à la commission.
Et, pour ce qui concerne les deux premières de ces recommandations, Jacques et
Yohann sont là pour illustrer justement,
dans le cas de Jacques, la difficulté d'obtenir une contrainte sévère à
l'emploi. C'est la raison pour laquelle on recommande que le gouvernement assouplisse les critères menant à la
reconnaissance des contraintes sévères à l'emploi. Et, dans le cas de Yohann, il représente bien toutes ces personnes-là qui, en théorie,
pourraient avoir droit au revenu de base, mais qui n'y auront jamais
droit parce qu'elles n'ont pas accès à l'aide sociale.
Alors, sur ce, je
vais donner la parole à Jacques.
• (10 h 30) •
M. Deslauriers
(Jacques) : Bonjour. Je
m'appelle Jacques. Moi, j'ai un DEC en horticulture puis un certificat
en écologie. J'ai travaillé 30 ans comme horticulteur.
En 2010, à un moment
donné, j'avais mal à la jambe gauche. J'ai été voir le médecin, il m'a donné
des médicaments. Deux semaines plus tard,
c'était la jambe droite qui m'a paralysé. Encore là, j'ai eu des médicaments,
puis là on m'a fait passer des
radiographies, résonance magnétique, on a trouvé de l'arthrose au niveau de la
colonne vertébrale, avec hernie
discale L4, L5. Donc, tout de suite, mon médecin me recommandait d'être en contrainte
sévère à l'emploi après mon 15 semaines de chômage.
Quand
je suis arrivé à l'aide sociale, on a refusé ma contrainte sévère en me disant...
J'avais l'impression que je venais
demander la charité. On m'a demandé ce que je venais faire ici avec le salaire
que je gagnais. Donc, j'ai été obligé de
me battre pendant quatre ans de temps pour avoir ma contrainte sévère. Le ministère
a contesté leur propre décision médicale. Sur les ordres du ministère,
j'ai été voir un médecin que le ministère m'avait prescrit, et ils ont contesté
la résonance magnétique de leur propre
médecin parce que, moi, ça ne paraît pas, c'est le dos. Je n'ai pas
de symptômes physiques apparents. Donc, à un moment donné, l'aide
sociale ne me croyait pas. On a même envoyé quelqu'un me photographier pour voir si, vraiment,
j'avais une contrainte sévère puis si, vraiment, je n'étais pas capable de travailler parce
que
ce que le ministère disait, c'est que je pouvais faire n'importe quel
autre genre de travail que celui d'horticulture, sauf que mes restrictions médicales sont : une
demi-heure assis, une demi-heure debout, une demi-heure à marcher. Ça
fait que je ne pense pas que je puisse aller
voir un employeur puis dire : Bon, bien là, j'ai besoin d'aller prendre
une marche une demi-heure. Je ne pense pas qu'il y ait un employeur qui
ait le goût de travailler avec quelqu'un comme ça.
Après
ça, du moment que j'ai eu ma contrainte sévère à l'emploi, encore là j'ai été
victime d'un paquet de choses, hein?
Ce que les gens ont comme vision d'une personne qui est à l'aide sociale, c'est
que tu es un paresseux, c'est que tu ne veux pas travailler, c'est qu'à
un moment donné tu profites du système.
Et c'est l'impression que j'ai eue aussi quand j'ai été rencontrer des fonctionnaires du ministère.
J'avais l'impression qu'ils voulaient me jouer dans la tête pour ne pas
que j'aille jusqu'au bout. Ça fait que ça a pris quatre ans avant de faire
respecter mes droits. Merci.
M. Morneau
(Yohann) : Bonjour. Mon nom, c'est Yohann Morneau. En 2011... Je suis
un ex-travailleur, je travaillais à temps
plein. Or, j'ai eu un accident de travail, donc je suis tombé sur la CSST,
autrement dit. La problématique, c'est...
le diagnostic qu'ils ont trouvé... ils ont gratté les bobos, ils ont fouillé,
ils ont trouvé une sclérose en plaques, ce qui fait que j'ai perdu mon droit à la CSST; paradoxe. Je me suis battu
contre la CSST, évidemment. Ça a été long, ça a été vraiment long,
toffe, comme on dit en bon québécois. Ça fait mal au portefeuille, ça fait mal
au moral aussi.
Ceci
dit, vu que je n'avais plus de revenus, il a fallu que je me tourne vers la
Régie des rentes du Québec. J'ai fait ma
demande, ça a pris trois ans, à peu près, avant toute l'acceptation, puis les
délais, puis ci, puis ça. Donc, j'ai eu un trou, là, financier incroyable. Je me suis reviré à l'aide sociale en
attendant. L'aide sociale? Ah! je ne peux pas en avoir. Ma blonde, parce que j'ai une conjointe, elle gagne
un petit peu trop. Ça fait que, là, pas de salaire, pas d'argent qui
rentre dans mes poches. Encore faut-il
vivre. Ça fait que ça a été dur. Ma blonde m'a super supporté. Ça a été des
années pénibles, je vous dirais. On
cogne à toutes les portes puis on n'a pas souvent de réponse. Puis il faut
valider les réponses qu'on nous donne, c'est quand même incroyable, là.
La
Régie des rentes, elle me donne 760 $ par mois. Calculez ça comme vous
voulez, là, moi, je travaillais plus de 40 heures par semaine. Les comptes qui rentrent, c'est des comptes de 40
heures semaine, là. Ça ne marchait plus. Puis en plus j'ai eu une période d'un trou noir, j'étais vraiment dans l'eau
chaude. À 760 $, ça fait dur. Je vais vous le dire, ça fait mal. Les batailles, ça n'a pas arrêté. La Régie
des rentes, on a forcé à gauche, à droite, comme je vous disais, cogné des
portes.
On
est pour, puis je suis pour le projet en tant que tel. Par contre, je pense
qu'il y a des détails qu'il faut peaufiner parce que, moi, c'est la Régie des rentes, je n'ai pas accès à l'aide
sociale, donc je suis exclu. Il ne faudrait pas que ça soit exclusif, il
faudrait que ça soit inclusif, vous comprenez?
Alors, je pense que
j'en ai pas mal terminé. Je voulais juste dire merci, quand même, là, j'ai
quelqu'un ici, là, Harold Lebel, c'est le
député de mon comté, puis il m'a vu souvent. Puis je voulais juste remercier
son bureau de m'avoir... vraiment, ils m'ont supporté, là, voire me
sauver la vie des fois, tu sais. Je n'allais pas bien, je les appelais, puis
ils répondaient. C'est toujours plaisant. Merci.
Mme Larivière
(Virginie) : Alors, vous venez de l'entendre avec les témoignages de
Jacques et de Yohann, hein, il y a encore place à l'amélioration sur le
projet de loi n° 173, qui vise à mettre en oeuvre le projet de revenu de
base.
Donc,
en plus des recommandations qui concernent l'assouplissement des critères qui
mènent à la reconnaissance d'une contrainte sévère à l'emploi et de
celles qui concernent l'accessibilité au revenu de base sans avoir à passer
nécessairement par le Programme de solidarité sociale, le collectif recommande
également à la commission et au gouvernement
que la reconnaissance d'une contrainte sévère à l'emploi soit l'unique critère
d'admissibilité au Programme de
revenu de base. C'est-à-dire qu'on recommande de retirer l'obligation de
présence au Programme de solidarité sociale pendant au moins 66 mois des 72 derniers avant d'avoir droit, donc, au revenu de base, l'idée
étant que, si on reconnaît une contrainte
sévère à l'emploi à une personne, on comprend mal pourquoi
on la laisserait patienter cinq et demi avant de lui donner accès à la
couverture de ses besoins de base. Pour le collectif, il s'agit là d'un
non-sens qu'on doit corriger.
Les
recommandations 4, 5 et 6 concernent surtout le processus
d'adoption du projet
de loi et du projet de règlement qui suivra. Donc, le collectif recommande que le montant des prestations
du Programme de revenu de base soit inscrit dans le règlement et que la mesure du panier de consommation y soit clairement identifiée comme le seuil auquel s'élèvera le revenu de base parce que, si, dans le plan de
lutte que le gouvernement a déposé en décembre dernier, on identifie la
MPC comme étant le seuil à atteindre, malheureusement, le projet de loi actuel n'y fait pas mention. Pour nous, c'est
important, là, de clarifier ces détails-là, hein, qui n'en sont pas.
Ensuite,
le collectif recommande que l'atteinte de la cible d'amélioration du revenu à
la hauteur de la MPC soit devancée.
En effet, pourquoi attendre 2023 pour permettre à des gens de mieux
couvrir leurs besoins de base? Et enfin, dernière recommandation, que le Programme
de revenu de base soit implanté dans
les plus brefs délais parce qu'on
l'a dit le collectif appuie le projet de loi et on considère que plus rapidement il sera implanté, eh bien, mieux ce sera pour
les personnes concernées. Merci.
Le Président
(M. Reid) : Merci. Merci pour votre exposé. Merci aussi
pour vos témoignages. Nous allons maintenant
procéder à une période d'échange avec les groupes parlementaires. Le premier groupe, le groupe gouvernemental. Et, M. le ministre, la parole est à
vous.
M. Blais : Oui. Alors donc, merci beaucoup
pour vos exposés, vos récits aussi, là, personnels. Je pense que ça
donne une idée assez précise, là, des démarches que vous avez entreprises.
Autour
de ce projet-là, je pense qu'il va y avoir beaucoup de discussions avec
des experts, avec ces gens aussi qui sont
passés par les processus sur la reconnaissance d'une contrainte sévère, ce
que c'est qu'une contrainte sévère, ce qui n'est pas une contrainte
sévère, hein, puis dans un contexte assez particulier parce que, vous avez
remarqué, depuis quelques semaines, on
parle... depuis l'affaire Walmart, hein, on parle aussi... Et je pense que les
organismes de défense des droits des personnes handicapées seront là pour dire : On veut aussi
l'intégration pleine et entière sur le marché du travail, si possible.
Vous savez, on a aussi des programmes qui financent l'intégration pour les personnes
handicapées. On met beaucoup d'argent, donc, là-dessus. On a une politique
qui s'en vient aussi. Donc, on sait qu'on va continuer parce qu'il y a un besoin de main-d'oeuvre.
Donc,
comment vous voyez cet arbitrage-là, là, entre la volonté pour plusieurs de se
maintenir sur le marché du travail ou
d'intégrer le marché du travail, bien sûr avec une aide de l'État, et la
nécessité aussi de reconnaître que, pour certaines personnes, là, ça va être très difficile, hein, et qu'il faut
leur assurer, à ces personnes-là, là, un revenu plus décent?
M. Petitclerc (Serge) :
Bien, c'est évident que la raison pour laquelle on appuie le projet de loi,
c'est parce qu'on reconnaît, en fait,
qu'effectivement la ligne à tracer, c'est la mesure du panier de consommation,
tout en conservant la possibilité pour les personnes d'avoir accès à des
mesures d'aide à l'emploi, parce que ce n'est pas parce qu'on a une contrainte
sévère qu'on ne peut pas occuper des petits boulots puis contribuer à la
société par un emploi salarié.
Par
contre, le problème qu'on voit puis une des choses qu'on a identifiées, si
c'est vrai que, dans certains cas, ça peut être évident qu'une personne
n'a pas une capacité réelle d'aller sur le marché du travail, il y a toute une
série de personnes à l'aide sociale qui
n'ont pas cette reconnaissance-là. On pense, entre autres, à toutes les
questions qui ont des contraintes temporaires en emploi et, dans
certains cas, depuis 10 ans. La moitié des personnes qui ont une
contrainte temporaire en emploi, c'est des contraintes à l'emploi de très
longue durée parce qu'on reconduit, de diagnostic en diagnostic, une contrainte
temporaire. Et actuellement j'ai cru comprendre qu'au gouvernement on étudie
les fameux diagnostics pour donner une
contrainte sévère à l'emploi. On pense qu'on devrait assouplir de ce côté-là
aussi pour faire en sorte qu'il y ait
des gens qui, actuellement, n'auront pas accès au projet de revenu de base pour
la simple et bonne raison qu'on ne
leur reconnaît pas une contrainte sévère à l'emploi quand on sait très bien
que, quand ça fait 10 ans que tu as une contrainte temporaire, là,
ça commence à ressembler à une contrainte sévère.
M. Blais :
Donc, la première suggestion que vous faites, là, disons très concrète,
c'est : Regardez donc du côté des contraintes
temporaires. Il me semble qu'après un certain nombre d'années on a la
justification que ça n'est pas si temporaire que ça.
• (10 h 40) •
M. Petitclerc
(Serge) : Bien, c'est qu'en fait un des... Dans toute la discussion
qu'on fait depuis quelques semaines autour
du Programme de revenu de base, on parle souvent des personnes lourdement
handicapées. Avec Walmart, on a entendu
parler des gens qui ont une déficience
intellectuelle. Mais, en fait, le plus grand nombre de personnes qui ont
une contrainte sévère à l'emploi, ce sont des
gens qui ont un problème de santé mentale. Et c'est très difficile
d'obtenir une contrainte sévère à
l'emploi lorsqu'on a un problème de santé mentale. Il y a des critères assez
stricts où tu dois avoir tel âge, une
schizophrénie de tel type, que tu aies occupé ou non un emploi pendant tant de
périodes dans les dernières semaines.
Regardez,
prenez la peine, comme parlementaires, allez voir les listes de reconnaissance de
diagnostics dits évidents pour avoir
une contrainte sévère à l'emploi. Et c'est très restrictif. Encore là, même
quand on parle de problème de santé physique,
Jacques en a donné une démonstration tantôt, tous les problèmes de dos, là, tous les
problèmes de fibromyalgie, je ne me suis pas trompé dans le mot, souvent, c'est des diagnostics
qu'on n'est pas capable d'avoir une contrainte sévère à l'emploi ou ça prend tellement
de temps pour l'avoir que ça fait en sorte qu'on dégrade sa situation,
sa santé, son estime de soi, ses
conditions de vie, ce qui fait que, lorsque la personne va finalement
avoir une contrainte sévère, elle va devoir attendre encore six ans pour avoir accès au revenu de base. Autant dire
que cette personne-là se retrouve dans une situation totalement
déplorable. Et on l'éloigne justement encore plus du marché du travail. C'est
ça, le côté un peu fou de la reconnaissance
des besoins en lien avec une contrainte à l'emploi, c'est que ça fait en sorte
que la santé des gens se dégrade, puis ça, ça les éloigne du marché du
travail.
Mme Larivière
(Virginie) : Je rajouterais,
pour vous donner un exemple assez concret, là, dans les diagnostics automatiques de contrainte sévère à l'emploi, quelqu'un
qui souffre de schizophrénie, par
exemple, et qui a 39 ans,
40 ans et moins, aura probablement une contrainte temporaire. Dès que cette personne atteindra l'âge de
40 ans, on va lui donner une contrainte sévère à l'emploi.
Alors,
pourquoi cet arbitraire basé sur l'âge par
rapport à un diagnostic de
schizophrénie? On ne comprend pas ce genre d'arbitraire là sur
l'admission d'une contrainte sévère à l'emploi.
M. Blais : Dans le
fond, c'est vrai que tracer la ligne,
c'est très difficile, hein? Alors, nous, on a accepté, là, je pense qu'on l'a communiqué, là, aux collègues, on a
accepté de mettre sur pied un comité, là, avec l'adoption du projet de loi, pour examiner l'enjeu, là, du délai de carence, appelons ça comme ça, de six
ans. Est-ce qu'on pourrait avoir des critères plus objectifs, entre guillemets? Et on a toujours
des images très fortes dans lesquelles on a un consensus immédiat, mais il y a aussi des endroits où il n'y a
pas de consensus, il est très faible.
Puis
vous avez raison quand vous dites : Il y a une grosse partie... puis ça,
ce n'est pas connu, une grosse partie des personnes qui sont aujourd'hui à la solidarité sociale, c'est 43 %,
sont des personnes qui sont... un diagnostic de santé mentale. Et je
pense qu'il faut se réjouir, malgré toutes les discussions qu'il peut y avoir,
d'avoir un programme qui reconnaît la santé
mentale comme étant... Parce qu'on imagine souvent les handicapés physiques
profonds, là, disons, comme étant les
seuls qui ont accès à la solidarité sociale, et encore au revenu de base, puis
je pense qu'il faut élargir. L'idée
du délai de carence, c'est que ça objectivait un peu la situation. Là, on sait
qu'il y a une permanence, alors que, notamment
dans les questions de santé mentale, plusieurs trouvent une solution, une
réponse, là, puis sortent de la solidarité sociale pendant un certain
temps.
Alors, nous, on a
accepté de regarder cet enjeu-là avec des organismes de défense des droits des
personnes handicapées, non pas parce qu'eux
pensent, en tout cas ils nous le diront eux-mêmes, qu'il y a une solution, puis
on connaît un critère sur lequel on
va tous s'entendre, puis que ça mériterait un tour de roue supplémentaire pour
qu'on vérifie si on peut avoir
quelque chose de différent que ce délai de carence qui a le mérite quand même
d'être assez inclusif... alors, qui est
exclusif parce qu'il y a une attente, mais regardez quelqu'un qui, aujourd'hui,
est handicapé. À 18 ans, il a accès à la solidarité sociale et il
va attendre d'avoir 65 ans, donc, pour passer à la sécurité de la
vieillesse et au supplément de revenu
garanti. À 65 ans, son revenu se rapproche de la MPC, parfois le dépasse.
Il va attendre 47 ans, là, pour sortir de la pauvreté, alors qu'avec la proposition ici, mais,
quand même, c'est à partir de 24 ans, là, qu'on y voit une
amélioration nette, là, de son revenu disponible.
Mais on accepte de
regarder ça, là. Bien sûr, on est très conscients, là, qu'on peut faire un tour
de roue supplémentaire pour voir si on pourrait changer des choses. On va
écouter aussi les propositions des collègues autour de la table.
Le
Président (M. Reid) : Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté gouvernemental? Alors, nous allons passer maintenant au groupe de l'opposition
officielle. Et, M. le député de Rimouski, à vous la parole.
M. LeBel : Oui, merci. Merci, M.
le Président. Tu sais, j'entends, dans les propos du ministre, qu'il est sous-entendu cette philosophie qui dit que, si on sort
les gens de la pauvreté trop, si on les amène au revenu de base, bien,
par le fait même, on les décourage d'aller
se trouver des emplois puis que, si on veut qu'ils intègrent le marché du travail, il faut les garder le plus bas possible parce que,
sinon, ils n'iront pas travailler. Moi, je trouve que c'est porté par un
préjugé comme de quoi les gens ne veulent pas travailler.
Moi, je ne suis pas sûr. Dans les pays qui se
sont donné des vrais revenus de base, les gens, ils prennent de la dignité puis ils réintègrent le marché du travail, ils ont le goût d'aller travailler. Je ne pense pas que c'est en les
gardant... en ayant moins de revenus puis en
les poussant vers la pauvreté plus extrême qu'on va s'assurer qu'ils
vont aller travailler plus. Puis le projet de loi n° 70 rajoute des pénalités à tout ça pour être sûr qu'ils
vont se forcer pour aller travailler. Moi, je trouve ça... Ça ne passe
pas, pour moi, en tout cas, ce genre de philosophie là.
Puis quand le
délai... Bon, les comités, on pourra s'en reparler, là, regarder comment ça
pourrait être fait, mais, tu sais, moi, quand je lis ça, là, c'est comme
on dit : Pour être sûr qu'ils sont avec des contraintes sévères, là, on va
leur imposer cinq ans de misère. Quand ils vont avoir fait cinq ans de misère
noire, là, bien là c'est sûr, sûr, là, qu'ils sont contraintes sévères. Mais, s'ils n'ont pas passé à travers leurs cinq
ans et demi de misère noire, bien, ce n'est peut-être pas vrai qu'ils ont des contraintes tant que ça, tu
sais. C'est ce bout-là que j'accepte mal.
Puis, pour
avoir travaillé avec Yohann, surtout à mon bureau de comté, là, mon
personnel qui travaillait très fort avec
lui, si on peut voir les effets de ce que ça fait, attendre, puis attendre,
puis attendre... Des fois, il venait à mon bureau puis juste pour jaser parce qu'à un moment donné il fallait, il avait besoin d'air, il avait besoin de quelque chose. Puis je félicite le
collectif d'avoir amené des cas concrets. Mais les cas que vous avez amenés,
leurs situations, c'est des situations physiques. Tu sais, on peut voir facilement, là,
tu sais, que tu as des problèmes physiques. Mais j'en ai aussi, dans mon
bureau, que c'est des cas de santé mentale. Effectivement, comme tu disais, c'est bien compliqué, encore beaucoup plus compliqué à essayer de faire
comprendre qu'il y a des contraintes sévères.
J'aimerais ça
que m'en parliez un peu plus. Comment qu'on pourrait faire? Comment qu'on
pourrait faire pour... Tu sais, cinq
ans avec des problèmes de santé mentale qui recommencent, puis qui
recommencent, puis qui
recommencent, et que les problèmes de
couple, que tu ne peux pas avoir une blonde, puis un chum, puis ci, puis ça.
Comment tu t'en sors? Puis comment vous voyez... Comment on pourrait
faire pour intégrer, pour améliorer le projet de loi, pour respecter ces
gens-là?
• (10 h 50) •
M. Petitclerc
(Serge) : Peut-être, une des choses qu'on pourrait dire par rapport à
ça, et ça nous ramène à tout le débat
sur Objectif emploi, c'est-à-dire l'importance de l'accompagnement, un des
problèmes avec l'aide sociale, c'est que les gens sont abandonnés à
eux-mêmes et à elles-mêmes.
M. Blais
disait souvent, en parlant d'Objectif emploi, qu'une personne peut être à
l'aide sociale depuis 10 ans, ne recevoir
aucun numéro de téléphone, on ne peut l'obliger à rien, on ne le rencontre pas.
Puis on est d'accord pour dire que c'est
effectivement un problème. Jusqu'en 2007, on avait ce qu'on appelait la
rencontre initiale où, lorsqu'une personne déposait une demande d'aide sociale, on le rencontrait pour compléter
son formulaire de demande, voir s'il n'y a pas des erreurs, et on expliquait aux gens c'étaient quoi,
leurs droits, c'étaient quoi, leurs devoirs, c'étaient quoi, les
programmes qui étaient accessibles dans leur centre local d'emploi.
On a des
personnes, on reprend un exemple des contraintes temporaires 10 ans, là,
ces gens-là, il faut les contacter, il
faut entrer en contact avec ces gens-là pour être capable de comprendre
pourquoi ils reçoivent des... Tu sais, des gens qui font des dépressions chroniques, là, et puis qu'à
tous les trois mois, je ne sais pas, d'un côté, on leur donne des
pilules puis, de l'autre côté, on renouvelle leurs contraintes temporaires, ça
devient un peu fou, ça. Il y a combien de milliers de personnes qui sont jugées
sans contrainte à l'emploi qui devraient avoir une contrainte sévère?
Je comprends
qu'on va peut-être en rencontrer une partie avec le nouveau programme Objectif
emploi, en tout cas, oublions la pénalité
pour tout de suite, il n'en demeure pas moins qu'une personne qui fait une
demande d'aide sociale pour une
deuxième, une troisième, une quatrième fois, avec ou sans contrainte temporaire
à l'emploi, bien, cette personne-là, il faudrait la rencontrer, il
faudrait étudier...
Parce que ce
que les gens ne savent pas souvent, c'est que, pour avoir une contrainte
sévère, oui, ça passe par un médecin,
mais il faut en faire la demande. Pour en faire la demande, il faut d'abord
savoir que ça existe. Et tu ne peux savoir si ça existe si tu ne
rencontres pas un être humain qui te l'explique. Et souvent ça, ça se passe
dans des groupes communautaires parce que
les gens se retrouvent dans la rue ou dans des situations pénibles. Ils se
retrouvent dans des groupes
communautaires, dans des bureaux de député, et puis là on leur dit que ça
existe. Combien de fois que j'en ai rencontré?
Dans une ancienne vie, où j'étais dans un groupe d'échange de services, on
rencontrait des gens qui faisaient des demandes de prêt, des demandes
d'aide, et puis on se rendait compte que ces gens-là recevaient une prestation
d'aide sociale, mais recevaient le petit
chèque, pour reprendre le terme qu'on utilisait à l'époque, mais on se rendait
bien compte que ces gens-là avaient
des problèmes de santé et, entre
autres, des problèmes de santé mentale qui, souvent, sont mélangés avec des problèmes de santé physique, avec, des
fois, des problèmes de violence conjugale, des problèmes avec son...
C'est tout un ensemble de facteurs qui font en sorte que la santé de cette
personne-là se dégrade. Et, lorsqu'on accompagne ces personnes-là qui sont capables d'avoir enfin
accès à une contrainte temporaire à l'emploi, même si on n'est pas
encore rendus au revenu de base, on est capables, des fois, de leur obtenir un
logement dans une coopérative d'habitation subventionnée, bien, la situation de
ces personnes-là s'améliore.
Alors, c'est
évident que, nous, à partir du moment où on dit que le minimum pour vivre,
c'est le revenu de base, bien, il
faut accorder à ces personnes-là le revenu de base, peu importe la durée de la
contrainte temporaire. Et là on va être capables peut-être de rattraper
ces gens-là qui ont des problèmes de santé mentale.
Et il ne faut
jamais oublier que le type de ménage qui sort le plus de l'aide sociale depuis
de nombreuses années, ce sont les
familles monoparentales. Pourquoi? Parce
que ce sont celles qui ont le
meilleur soutien financier. Plus d'argent dans tes poches, moins de soucis, plus de liberté mentale pour retourner
aux études puis se chercher un emploi. Puis, quand ça, c'est combiné
avec des bonnes politiques familiales, ça finit par avoir un effet positif.
Nous, on
considère qu'améliorer le revenu des gens ça va améliorer leur santé, puis, si
tu améliores leur santé et physique
et mentale, bien, ces gens-là vont avoir une meilleure capacité à retourner sur
le marché du travail, aux études ou faire d'autres choix de vie pour
contribuer à la société, mais, au moins, les gens vont être moins maganés.
Mme Larivière
(Virginie) : ...à la page 8
de notre mémoire, vous pouvez voir, il
y a un graphique qu'on a
copié-collé, qui est issu du plan de lutte
qui a été déposé en décembre dernier. Le taux de sortie de l'aide sociale, de
la solidarité sociale, en fait,
change très, très peu. À partir du 24e mois au 72e, le taux plafonne déjà dès
le 24e mois. Alors, on comprend mal
pourquoi on demande d'attendre 66 mois, minimalement 66 mois, des
72 derniers. Déjà la formulation est aussi un peu compliquée. On ne sait pas s'il faut rester
66 mois ou 72 mois. Peut-être qu'on pourra faire la lumière là-dessus. Mais donc,
voilà, le taux de sortie plafonne après 24 mois. Le comité d'experts qui
était chargé d'étudier la faisabilité d'un revenu minimum garanti, sans être très, très ferme sur
cette question-là, ne voulait pas se prononcer sur cette question-là,
mais se disait quand même... proposait le
deux ans, là, au Programme de solidarité sociale. Est-ce que c'est la bonne
ligne à tracer? Le collectif ne voudrait pas s'engager dans ce débat-là.
Nous, on considère que, dès qu'il y a une contrainte sévère à l'emploi qui est
reconnue, on devrait donner accès au Programme de solidarité sociale à ces
personnes-là.
Le Président (M. Reid) :
Il reste 1 min 30 s.
M. LeBel : Question technique,
là. Vous avez... Je m'excuse, j'aurais juste une petite question technique. Tantôt, j'ai parlé des pensions alimentaires, parce que,
dans le projet de loi, on parle du revenu de base, mais aussi on
veut corriger certaines autres choses. Vous,
vous avez étudié le projet de loi. Est-ce
que vous pensez qu'il y a
une ouverture, qu'il y a quelque chose là-dedans que je pourrais... une pogne que je pourrais... qu'on fasse
respecter l'engagement de tout le monde d'arrêter de calculer les
pensions alimentaires dans le calcul d'aide sociale? Voyez-vous quelque chose
que je pourrais faire, là, pour vous aider là-dessus?
M. Petitclerc (Serge) :
Écoutez, c'est la Loi visant principalement à instaurer un revenu de base.
Donc, «principalement», dans mon esprit, ça
veut dire qu'il y a de la place pour autre chose. Puis je pense qu'à partir du moment où il y a eu l'unanimité à l'Assemblée nationale
pour la fin du détournement des pensions alimentaires, moi, je pense que
ça peut être un bon moment au même titre que ça s'est discuté lors du projet de
loi sur Objectif emploi.
Une voix : Mais il y a
Jacques qui voulait ajouter quelque chose, je pense.
M. Deslauriers (Jacques) : Oui.
Une voix : Merci.
M. Deslauriers (Jacques) :
Quand on parle de santé mentale, si on se bat pendant quatre ans de temps pour
faire reconnaître une contrainte sévère à l'emploi, on vient qu'on développe
des problèmes de santé mentale. Puis là ce
n'est plus rien que des problèmes physiques, on rajoute des problèmes de santé
mentale parce qu'on est obligés de se battre
tellement longtemps puis parce qu'ils viennent tellement nous jouer dans la
tête qu'à un moment donné ce n'est plus rien qu'un problème physique que
tu as, mais c'est aussi un problème de santé mentale.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Nous allons passer maintenant au deuxième groupe d'opposition et à M. le
député de Schneeberger.
M. Schneeberger :
20 minutes?
Le Président (M. Reid) :
Vous avez six minutes.
M. Schneeberger :
Oui, ce n'est pas long. Bon, alors, j'aurais beaucoup de questions sur la santé
mentale, mais on aura la chance dans un autre regroupement. Alors,
j'irai là-dessus.
M. Morneau,
premièrement, je compatis beaucoup avec vous. Vous avez dit que vous étiez
atteint de sclérose en plaques, c'est ça?
M. Morneau (Yohann) : Oui, tout
à fait.
M. Schneeberger :
O.K. Ça fait que, malgré vos malchances, je vous trouve encore chanceux parce
que ma mère a ça, et puis elle,
malheureusement, est en chaise roulante, quadraplégique depuis plus de
20 ans maintenant. Alors, prenez soin de vous, c'est important.
J'aimerais
questionner... parce que, justement, vous, vous êtes passé dans une espèce
d'entonnoir, puis, quand on dit que
tu n'as pas été dans la bonne track, là, vous êtes un peu un exemple.
J'aimerais que vous précisiez un petit peu votre cheminement. C'est-à-dire que, quand vous êtes atteint d'une maladie, comme vous, qui n'est pas reconnue comme un
handicap physique au début, si je me trompe... corrigez-moi si je me trompe,
là...
M. Morneau (Yohann) : Ce qui est arrivé, c'est que j'ai eu un accident
de travail avant, préalablement. Et c'est là qu'ils ont découvert la sclérose en plaques. Mais j'avais déjà une
boiterie, évidemment, là, suite à l'accident de travail. Ça va de soi,
là, je veux dire...
M. Schneeberger :
Mais, justement, et, vous, votre problème, c'est que, bon, vous étiez sur la
CSST en étant en accident de travail. Ça
fait que, là, c'est toujours toute la routine technocratique, et autres. Ce
n'est pas facile. Mais là vous, vous
êtes le genre de citoyen que vous tombez entre deux chaises, étant donné que,
là, de plus du diagnostic avec votre accident de travail, vous avez un
autre diagnostic que, lui, n'est pas en lien avec l'accident de travail.
M. Morneau
(Yohann) : Et voilà.
M. Schneeberger :
Et c'est là que l'histoire commence.
M. Morneau (Yohann) : Tout à fait. J'ai passé à la Commission des
lésions professionnelles. Ça, déjà là, comme je vous disais tantôt, ça, ça a été une bataille extraordinairement dure,
là, c'est fou. On nous tire dessus à boulets rouges. On nous filme, comme Jacques en parlait tantôt, on
n'a pas peur de nous filmer puis d'écrire des rapports à la James Bond,
là, si je peux me permettre. Suite à ça,
j'ai reçu le rapport de la Commission des lésions professionnelles qui disait
que j'avais perdu, vu qu'il y avait
des plaques... ils ont découvert des plaques lors d'une investigation médicale.
Et là tout... C'est là, là, où le bât a commencé à blesser, comme on
dit, là. C'est là, là, où que ça ne fittait plus.
Je
me suis reviré de bord, j'ai essayé d'avoir de l'aide sociale, un soutien
financier minimum, là, puis je ne pouvais pas. Ils m'ont donné un mois,
puis je pense qu'il a fallu que je le rembourse, en plus, là. Après ça, il me
restait la Régie des rentes. Puis j'ai une
amie, Louise DesRosiers, qui m'a donné un gros coup de main. Elle a travaillé...
je ne sais même pas comment qu'elle a
fait pour travailler de même, là. Elle n'avait pas rien que moi comme cas puis
elle a travaillé vraiment, vraiment
fort pour me soutenir, déjà, mais elle m'a aidé mentalement, moralement,
presque physiquement. Quand tu as
moins de trucs dans la tête, quand c'est moins pesant, tu te sens plus léger un
petit peu. Les troubles psychologiques qu'on disait tantôt, c'est
quelque chose... on passe par là, on se pose des questions.
M. Schneeberger :
Vous, vous n'aviez pas d'assurance collective avant ça.
M. Morneau (Yohann) : Moi, j'avais une assurance collective, mais la
problématique avec la CSST, comment je peux
dire, je pense que c'est l'article 240, ça fait qu'à tous les deux ans... après
deux ans tu perds ton lien d'emploi en arrêt.
Il y a... Tout le monde perd son lien d'emploi avec la CSST parce que ça dure
plus que deux ans tout le temps. C'est un
«catch-22», là, tu sais. Tu y vas, là, puis tu as deux strikes. Ce n'est pas
compliqué, là. Alors, à partir de là, comme je vous dis, c'est dur
mentalement.
M. Schneeberger :
Bien, moi, c'est ça, c'est parce que vous, à quelque part, vous êtes capable de
travailler quelques heures par semaine. Le problème : trouver quelqu'un
qui veut vous engager. Personne. Et c'est ça, la problématique. Moi, j'ai un de mes amis personnels qui a une maladie,
qui sera malade toute sa vie, il n'y a personne qui veut l'engager. Puis là lui, il bénéficie d'une
assurance collective, mais il aimerait ça, travailler, mais, si, demain
matin, quelqu'un l'engage, il perd ses...
Puis, si, demain matin, l'autre le met dehors, il n'a plus rien. Il se retrouve
avec rien, avec un chèque de... comme vous. Et il est là, le hic. Elle
est là, la problématique.
Alors,
c'est sûr que ces gens-là, ils ne veulent pas faire de «move» parce qu'ils
disent : Moi, j'ai mes enfants, ils sont jeunes, je vais devoir vendre ma maison, je ne serai plus capable
d'assumer rien. Et c'est ça, la grosse problématique. Et vous êtes un cas typique de citoyen... Par chance, il n'y en a pas des centaines de
milliers, mais ceux qui sont pris comme ça, ils sont vraiment mal pris.
• (11 heures) •
M. Morneau
(Yohann) : Mais, si je peux me permettre, là, il y en a plus qu'on
pense. Il faudrait gratter, là, puis je vous
garantis qu'il y en a qui sortent, parce
que je parle beaucoup,
moi, dans ma région, j'ai de l'attitude, comme on dit, puis je vais cogner là où il faut des fois,
puis il y en a, il y en beaucoup qui ont sorti. Il y en a qui ont de la
misère, qui tombent, tu sais, c'est comme
entre deux chaises. Ils tombent là puis ils ne savent plus, ils n'osent plus
bouger, ils n'osent plus aller cogner aux portes, ils ne savent plus
quoi faire. Puis il n'y a personne qui les aide, là, il n'y a personne qui dit : Tiens, voilà le chemin à suivre. Là, tu
as du temps, des fois, pour des contestations. Contester tes affaires, là, tu
as 30 jours pour contester, mettons. Bon, O.K., mais il faut le savoir.
Comment tu fais pour contester? Il faut le savoir. C'est ça aussi, là, je pense,
là. La bureaucratie, là, c'est bien beau, bien le fun, mais aidons les citoyens
à s'aider. Je pense qu'à partir de là ça va être déjà un début.
Le Président
(M. Reid) : Merci. Alors, M. Morneau,
M. Deslauriers, M. Petitclerc, Mme Larivière, merci beaucoup
pour votre contribution aux travaux de la commission, contribution très importante.
Alors, je lève l'assemblée quelques instants
pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 1)
(Reprise à 11 h 5)
Le Président (M. Reid) :
Alors, nous allons reprendre nos travaux. J'invite maintenant à prendre la
parole l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des
personnes handicapées. Vous allez avoir 10 minutes
pour faire votre présentation. Pour les fins d'enregistrement, si vous voulez
commencer par vous présenter et présenter les personnes qui vous
accompagnent. À vous la parole.
Alliance québécoise des
regroupements régionaux pour
l'intégration des personnes handicapées (AQRIPH)
Mme Tremblay (Isabelle) :
Alors, bonjour. Isabelle Tremblay, je suis la directrice de l'Alliance québécoise
des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées, communément appelée l'AQRIPH.
Je suis accompagnée d'Ysabel Fréchette, de la table de concertation
régionale des associations de personnes handicapées de Lanaudière, et de Simone Forest, qui est stagiaire à l'AQRIPH
concernant le projet de loi n° 173. D'ailleurs, c'est Simone qui va
vous livrer un message au début de notre présentation.
Mme Forest
(Simone) : Bonjour à vous, chers députés et ministre. Je me présente,
Simone Forest, j'ai 18 ans et j'étudie présentement au cégep Garneau dans le programme du
baccalauréat international. Je suis actuellement stagiaire au sein de
l'AQRIPH concernant le projet de loi n° 173.
Je m'adresse à vous aujourd'hui pour vous
montrer mon soutien et notre soutien envers ce projet de loi visant principalement à instaurer un revenu de base pour
les personnes qui présentent une contrainte sévère à l'emploi. Je suis une citoyenne qui a la chance d'être née en bonne
santé et j'ai toujours pu faire mes choix en fonction de mes intérêts ou
de mes convictions. Mais, vous le savez, et je le sais aussi, ce n'est pas
vraiment le cas pour tous les Québécois et Québécoises. Des milliers de
personnes, en raison de leur handicap, vivent dans un état de précarité, voire
même de pauvreté. Pour moi, dans la société
dans laquelle j'évolue aujourd'hui, c'est inacceptable, et cette situation se
doit d'être améliorée.
Je crois
sincèrement que c'est avec ce projet de loi que nous aurons un Québec plus
juste et égalitaire. En effet, ce revenu
va permettre une meilleure participation sociale de ces citoyens au sein de
notre Québec. Il urge de faire quelque chose
afin d'avoir un véritable exercice du droit à l'égalité. L'augmentation du
revenu de base est cruciale afin de prouver que nous ne laisserons
jamais, et sous aucun prétexte, les personnes handicapées de côté.
Juste comme
ça, voici la une du Journal de Québec ce samedi : 12 portraits
de handicapés au travail, capables, travaillants,
et on les aime. Pourquoi, en 2018, on est encore obligés de prouver, avec des
articles comme celui-ci, qu'ils sont travaillants
et capables? On devrait être rendus un peu plus loin, et ce n'est pas vraiment
la définition que j'ai d'un Québec vraiment
inclusif. Je suis convaincue que le revenu de base permettra à ces personnes de
plus participer socialement et de se sentir vraiment plus intégrées dans
notre Québec.
À l'automne 2019, je vais probablement
commencer mes études à l'Université Laval en sciences politiques. Alors, dans 15, 10 ou peut-être cinq ans, je serai
peut-être à votre place, de l'autre côté de la salle, dans un de vos
sièges, et j'aimerais ça pouvoir dire que
mes prédécesseurs ont permis ce pas par une meilleure inclusivité sociale au
Québec.
Alors,
présentement, je m'adresse à vous tous, tous les parlementaires ici présents,
et ce projet de loi se doit d'être adopté,
et le revenu de base se doit d'être instauré. Votre vote en faveur de ce projet
de loi est crucial et capital. Investissez-vous pour que je sois fière de vous, que tous les jeunes en soient fiers et
que tous les Québécois le soient aussi. Merci beaucoup.
Mme Tremblay (Isabelle) :
Alors, après la jeunesse, ne pensez pas à la vieillesse.
Écoutez, ça
fait 20 ans que je dirige l'AQRIPH. Tout d'abord, je voudrais vous
remercier de nous avoir convoqués en
commission parlementaire pour pouvoir vous présenter le mémoire de l'AQRIPH. Au
mois de décembre, le ministre Blais a
déposé le troisième plan de lutte contre la pauvreté. À l'AQRIPH, on n'y
croyait presque pas quand on a vu qu'enfin les contraintes sévères à l'emploi allaient pouvoir bénéficier d'un
revenu de base. On a même été un petit peu sceptiques, et puis on l'a dit dans notre communiqué de presse,
on espère que ce ne sera pas une espèce de ballon et qu'on va décevoir
autant de personnes.
Non, au
contraire, le gouvernement a déposé son projet de loi dans un délai record.
J'ai peut-être compris pourquoi tantôt.
J'ai rencontré un collègue d'université qui a étudié avec moi en droit, qui est
législateur. Je me disais : Ah! O.K., on était... C'est pour ça que ça a été efficace comme ça, Pierre travaille
dans le dossier. C'est bon à savoir aussi. C'est bon à savoir aussi parce que, quand on était à
l'université, on nous disait : Les tribunaux sont là pour connaître les
intentions du législateur. Et moi, je me
suis toujours demandé : Comment ça se fait qu'on ne va pas leur demander,
aux législateurs? Ils sont là! Alors
là, on les a, les législateurs. On va travailler avec eux sur les intentions
réglementaires et au sein d'un comité de travail qui a été mis sur pied
par le ministre.
• (11 h 10) •
Le
message de l'AQRIPH qu'on veut vous porter aujourd'hui, c'est un message
unique. Habituellement, quand on fait
des mémoires en commission parlementaire, on va avoir certaines
recommandations, on va analyser en profondeur les projets de loi. Nous, ce qu'on veut, c'est que cette avancée majeure
pour les personnes handicapées soit instaurée au Québec, à savoir le revenu de base. Les personnes handicapées qui sont
contraintes sévères à l'emploi, on sait qu'il y en a quand même plusieurs. Et, pour
84 000 personnes, ce projet de loi là va être une nette avancée. On
sait que les personnes contraintes sévères sont moins scolarisées et
aussi qu'elles sont les plus défavorisées financièrement.
C'est certain
qu'il y a des éléments qui pourront être bonifiés. Et là-dessus on salue le
ministre. On a travaillé avec le
cabinet sur comment on pourrait améliorer les dimensions qu'il va y avoir dans
les règlements sur le projet de loi. Donc, on va pouvoir participer autrement pour améliorer le projet de loi. Sauf
que le message important, il est porté non seulement par la jeunesse, mais il est porté aussi par les
15 regroupements régionaux qui sont membres de l'AQRIPH. Vous
expliquer, et puis j'ai quand même nos
dépliants ici qui expliquent la structure de l'AQRIPH, c'est qu'on a comme
membres 15 regroupements
partout au Québec, qui, eux, rassemblent à peu près 400 organismes locaux.
À la page 17 de notre mémoire, vous avez une
lettre, qui est signée par la présidente de l'AQRIPH, qui a été adressée à tous les parlementaires. Et c'est le
message qu'on vient vous porter aujourd'hui, c'est qu'on veut absolument
que le revenu de base soit adopté en
commission parlementaire. On ne veut pas faire de... On ne peut pas, pour une
question de modalités, faire fi de l'adoption de ce principe-là.
Alors, ce qui
est particulier, c'est qu'il y a eu une grosse mobilisation au Québec
concernant le revenu de base, et vous avez, aux pages 18 et suivantes,
le résultat de cette mobilisation-là. C'est que, dans chacune des régions, les
regroupements régionaux ont rencontré leurs organismes locaux, et on s'était
dit : On va écrire un paragraphe aux députés
que vous voulez interpeller, aux gens de vos circonscriptions ou à tous les
parlementaires. Et c'est ce que vous avez. Vous avez 400 groupes derrière l'AQRIPH qui viennent vous dire que,
pour eux, c'est vraiment important, l'instauration d'un revenu de base
au Québec.
Alors, voilà
le message de l'AQRIPH. On pourra échanger ensemble sur certaines modalités
qu'il y a dans notre mémoire.
Le Président (M. Reid) :
Merci. Vous avez terminé votre présentation? Merci pour votre présentation.
Nous allons passer maintenant aux échanges
avec les groupes parlementaires. Nous allons commencer par le groupe
gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Blais :
Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue. À mon tour de vous
dire bienvenue. Alors, peut-être une
très bonne idée, Simone, d'aller en sciences politiques. En passant, faites des
cours de philosophie politique aussi, hein, parce que c'est assez
important, je pense, pour votre formation. Ça fait des belles carrières.
Peut-être que
je vais aller au coeur d'un débat qu'on a eu tout à l'heure, d'un échange qu'on
a eu tout à l'heure. Je vais le
formuler un peu autrement. On est dans un contexte de plein emploi ou presque
plein emploi à peu près dans toutes
les régions du Québec. Puis on voit les articles, là, dans les journaux depuis,
bien sûr, le malheureux événement qui s'est produit au Walmart, là. Je sais que les organismes de défense des droits
des personnes handicapées ont toujours travaillé pour l'intégration sociale, l'intégration au travail. Est-ce qu'il n'y a
pas des éléments dans le projet qui... vous dites : On est un peu en porte-à-faux, on est à contretemps,
ce n'est pas la bonne idée au bon moment ou, au contraire, vous voyez ça
comme étant réconciliable avec le contexte actuel de l'emploi, là, pour les
personnes, là, qui souffrent d'incapacités?
Mme Tremblay
(Isabelle) : Alors, évidemment que je ne vous dirai pas que ce n'est
pas le bon moment, je vais plutôt vous dire : Enfin, enfin, les
personnes handicapées vont pouvoir avoir une modalité pour sortir de la
pauvreté.
Je vais vous
donner un exemple, comment ça peut être une bonne nouvelle pour les personnes
handicapées. Vous avez vu, à la page 2
de notre mémoire, je ne travaille pas toute seule à l'AQRIPH, je suis
accompagnée des regroupements régionaux
et j'ai quelqu'un qui travaille avec moi, qui — je ne sais pas pourquoi je m'attire autant
des gens qui sont en sciences
politiques, mais, bon, on étudiera ça à un autre moment — j'ai Christian Généreux, qui a une maîtrise
en sciences politiques, qui travaille
régulièrement à l'AQRIPH. Christian est une personne handicapée qui a la
paralysie cérébrale et qui est
contrainte sévère à l'emploi. C'est un gars extrêmement brillant, mais qui a
énormément de difficulté à intégrer le marché
de l'emploi. Moi, j'ai essayé, à l'AQRIPH il y a quelques années, en
accommodant son temps de travail, en faisant du télétravail, mais c'est difficile parce que Christian va être capable
de travailler certaines périodes, mais d'autres, moins.
La contrainte
que j'ai actuellement avec le programme qui est sur pied, c'est que je dois
embaucher Christian à tous les mois pour un certain montant pour ne pas
qu'il soit pénalisé. Mais nous, on vous suit un peu dans les travaux parlementaires. Donc, des fois, j'ai des périodes
qui sont plus importantes puis je suis obligée de me priver des services
de Christian parce qu'il va être pénalisé
puis il va travailler pour rien. Donc, pour lui et pour moi particulièrement, c'est quand même une excellente nouvelle de pouvoir permettre à
ces personnes, en fonction de leurs capacités, d'exercer un
travail, puis après ils auront quand même
le revenu de base et puis ils pourront payer l'impôt au lieu d'être pénalisés,
là, comme ils le sont présentement.
Et je
passerais la parole à Ysabel Fréchette, qui est avec moi pour vous démontrer
l'impact sur le terrain, parce qu'Ysabel travaille avec les organismes
locaux, de cette nouvelle, de l'annonce du revenu de base.
Mme Fréchette
(Ysabel) : Bonjour. Moi, ça
fait 15 ans que je travaille dans un organisme de base, qu'on
appelle chez nous, donc un organisme local en Matawinie, dans la région de
Lanaudière. Dans ces 15 ans là, je dois avoir côtoyé au moins 1 500 personnes qui ont des
contraintes sévères en emploi. C'est ça, on en rencontre à peu près 100 par
année, c'est le minimum. Je pense que je connais assez bien leurs
enjeux, leurs besoins puis leurs difficultés.
Pour
répondre à votre question précisément, M. le ministre, c'est loin d'être en
porte-à-faux parce qu'Isabelle l'a exprimé mais, juste le fait de pouvoir
s'appuyer sur quelque chose de stable et de permanent pour ensuite pouvoir contribuer à la société à la hauteur de ses
capacités, ça change absolument tout. Je pourrais prendre les trois quarts
d'heure qui restent à vous donner des exemples concrets de personnes pour qui
ça changerait leur vie.
Nous,
quand la nouvelle est arrivée que le revenu de base s'en venait, c'était :
Wow! On s'est pincés, on s'est dit : Il ne passera pas, il va arriver une catastrophe, il y a quelque chose
qui va se passer, ça ne se peut pas, c'est trop intéressant. Ce n'est pas parfait, hein, on l'a dit, là, les
délais, bon, il y a des choses à améliorer, mais la base est là, puis c'est un
pas dans la bonne direction.
M. Blais :
...sur un point parce qu'encore une fois vous avez dit : Moi, je connais
beaucoup de gens, là, depuis longtemps,
puis on sait que, s'ils avaient ces conditions-là, pas seulement un revenu,
mais les conditions qui se rattachent à
ce revenu-là, ils pourraient faire plus de choses. Et ça, ce n'est peut-être
pas compris, là. Moi, je le comprends, là, mais je voudrais que vous
m'en parliez puis voir un petit peu pourquoi ça ferait une si grande
différence.
Mme Fréchette
(Ysabel) : Mettons qu'on part avec les personnes que tout le monde a
entendu parler chez Walmart, ils ont failli perdre leur plateau de travail.
Vous savez, chez Walmart, c'est un plateau de travail. Je ne vous ferai pas un
cours 101, là, mais ces personnes-là, elles ne reçoivent pas une rémunération
pour ce qu'elles font. On se comprend bien, là.
M. Blais :
...sociale.
Mme Fréchette
(Ysabel) : Oui, tout à fait. Ils vont travailler. Pour eux, ils vont
travailler parce qu'ils exécutent des tâches, mais ils ne sont pas
rémunérés.
Il
y a plusieurs personnes, surtout des personnes qui vivent avec une déficience
intellectuelle, qui sont dans cette situation-là. Soit ils sont sur un
plateau de travail ou dans un stage, un stage à vie, et qu'ils ne reçoivent pas
de reconnaissance financière pour leur
contribution à la société. Ils vont rester sur l'aide sociale, ils sont souvent
contrainte sévère à l'emploi, puis ils vont
aller faire des tâches de travail dans différents milieux, Walmart, organisme
communautaire, des fois c'est dans des
CHSLD, c'est un peu partout, ils n'ont aucune reconnaissance financière pour ce
qu'ils font. On ne peut pas leur en
donner. On a déjà essayé, l'aide sociale les a poursuivis en disant qu'ils
avaient des revenus de travail puis
qu'ils devaient rembourser. Vous comprenez que c'est de l'exploitation. Si on
se dit les vraies affaires, là, quelque part, c'est de l'exploitation parce qu'ils accomplissent des tâches. Ils
ne peuvent pas avoir un travail à temps plein puis ils ne peuvent pas
exécuter une tâche de travail normale, mais ils sont contributifs.
Le
revenu de base va permettre à ces personnes-là d'avoir une reconnaissance
financière de leur contribution, donc d'avoir
plus de sous dans leurs poches sans être pénalisées, sans perdre l'aide
sociale, sans être poursuivies, sans tout ce qui vient avec comme stress. Parce que, vous savez, pour une personne qui
vit avec une déficience intellectuelle, recevoir une lettre de l'aide
sociale, c'est la panique. Même si, en principe, ils sont capables de lire puis
de comprendre, ils ne comprennent plus rien, là, parce qu'ils sont sûrs qu'ils
viennent de tout perdre leur argent.
Donc,
si on enlève ce stress-là aux familles et aux personnes, c'est le bonheur,
c'est juste du plus, ils vont être capables
de contribuer à la société puis de contribuer en étant reconnus à leur juste
valeur. Est-ce que ça répond un peu?
M. Blais :
Oui.
Le Président
(M. Reid) : Est-ce qu'il y a d'autres questions, M. le
ministre?
M. Blais :
Pas pour le moment.
Le
Président (M. Reid) : Y a-t-il des questions du côté
gouvernemental? Pas pour le moment. Alors, nous allons passer maintenant
au groupe de l'opposition officielle. M. le député de Rimouski.
M. LeBel :
Merci, M. le Président. J'ai un fils de 17 ans qui va au cégep Garneau
dans le même programme que vous puis
je suis un père comblé. Je pense que c'est un bon programme, à vous entendre
vous exprimer. Je pense que ça va...
Une voix :
...
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. LeBel :
Non, non, non. Mais non, mais vous l'exprimez bien, effectivement, c'est bon.
Ah oui! C'est très bon.
Mais,
si on revient au Programme de revenu de base, vous allez l'étudier probablement dans... puis vous, vous savez
un peu c'est quoi, votre définition d'un véritable revenu de base, un véritable programme
de revenu de base comme on voit dans
des pays comme la Finlande, comme il
y a un projet pilote en Ontario,
comme il y en a déjà eu au Manitoba, comme il y en a en Norvège, je crois, un véritable programme
de revenu de base, ce qu'on appelle RMG aussi, revenu minimum garanti.
Votre définition de ce revenu de base là, c'est quoi?
Mme Tremblay
(Isabelle) : Tout va aller avec les résultats qu'on va atteindre avec
le revenu de base. L'an passé, il y a
eu une consultation sur le revenu de base qui a été faite en Ontario, vous
avez sûrement pris connaissance de cette consultation-là, et on a mesuré des résultats précis. Il y en a
10. Le premier qui ressort, c'est la santé, le logement, l'alimentation et le travail. Quand on parle d'un revenu de base, si on peut atteindre
une meilleure santé, des meilleures conditions de vie pour les
personnes, on va avoir atteint notre objectif.
C'est
certain que le panier de consommation, ce n'est pas la panacée. D'ailleurs,
on explique dans notre mémoire que, quand on parle de besoins, qu'on va quand
même combler les besoins des personnes, j'attire l'attention des parlementaires que, quand on parle de besoins de personnes handicapées, ce
n'est pas tout à fait les mêmes besoins que la population. Alors, se nourrir,
se vêtir, se loger, on comprend ça pour le panier de consommation, mais, pour les personnes handicapées, les besoins, ça peut être
aussi de se lever de son lit le matin, donc d'avoir droit à des aides à
domicile, d'avoir un transport adapté pour se rendre à son travail ou à
l'école. Donc, faire attention à la notion de besoins.
Nous, là, notre idéal
à l'AQRIPH, là, c'est d'avoir une société où on va répondre aux besoins des
personnes et des familles.
M. LeBel :
Je comprends ça puis, tu sais, j'ai de l'expérience aussi un peu en politique,
là, je sais comment ça s'organise
aussi. Je comprends que les groupements de personnes handicapées, vous êtes
heureux qu'il y ait un revenu de base
qui réponde aux besoins des gens que vous représentez et je suis d'accord avec
vous. Mais je voulais juste vous dire qu'un
véritable revenu de base, ce n'est pas ça. Un véritable revenu de base qui veut
lutter contre la pauvreté, c'est un revenu
de base universel et inconditionnel pour tout le monde. C'est ça, un véritable
revenu de base. C'est ça qu'il y a dans... les pays progressistes
mettent en place.
Ça
fait que je veux juste qu'on fasse attention quand on dit : Wow! On a eu
un revenu de base. Vous avez eu un revenu de base pour un certain type
de population, mais pas pour l'ensemble des gens qui vivent la pauvreté.
Tantôt,
vous avez écouté... vous étiez là quand... vous avez écouté les gens qui sont
venus présenter avant vous. Les deux
personnes qui ont présenté leur cas, tu sais, vous voyez, ça ne répond pas à
leur problématique, ce revenu de base
là. En plus, ça les amène à tenir dans la misère pendant cinq ans, cinq ans et
demi, avant d'avoir un certain revenu et connaître... Vous avez entendu leur témoignage. Est-ce que vous pensez...
Prenons pour acquis que c'est un gain pour les personnes handicapées, mais est-ce que vous pensez que ça répond
véritablement? Puis est-ce que le délai, vous trouvez ça acceptable que, pour comprendre, pour mettre...
essayer de... pour convenir qu'il y a un problème ou qu'il y a... pas un
problème, mais il y a des difficultés
d'intégration à l'emploi, des contraintes sévères, qu'il faut attendre cinq ans
et demi pour être bien sûr que c'est des vraies contraintes sévères?
Vous trouvez que c'est une bonne idée, vous?
Mme Tremblay
(Isabelle) : Bon, ce que je vais vous dire, c'est que, premièrement,
ce n'est pas toutes les personnes
handicapées qui vont avoir droit au revenu de base. Alors, on sait qu'il y a
une grosse partie de la clientèle qui ont
des déficiences intellectuelles légères ou des handicaps physiques qui n'auront
pas accès au revenu de base. Ce sont pour
les contraintes sévères à l'emploi. Les témoignages que j'ai entendus ce matin,
ces personnes-là ont eu de la difficulté avec les modalités pour se
faire reconnaître comme des personnes qui ont des contraintes sévères à
l'emploi. Alors, oui, effectivement, il faut revoir certaines méthodes pour
reconnaître les contraintes sévères à l'emploi.
Par
contre, oui, je vais dire encore wow, M. LeBel, pour le revenu de base. Et
puis j'ai tout le Québec derrière moi aussi
du milieu associatif de l'AQRIPH qui va le faire parce que, si on prend
l'exemple du métro, là, de Montréal, ça fait 50 ans qu'on en parle, du métro de Montréal. Ils ont commencé avec
trois lignes. On est rendu avec 70 lignes. Est-ce qu'on veut toute la tarte aujourd'hui? Oui, on aurait
aimé ça, avoir toute la tarte, comme on aurait peut-être aimé, il y a
50 ans, avoir tout le métro, puis
rattacher Longueuil, puis rattacher Laval. Mais est-ce qu'on peut se satisfaire
de faire ce pas-là? Pour nous, c'est plus qu'un petit pas, c'est une
avancée.
• (11 h 20) •
M. LeBel :
Je vous comprends, mais mon travail aussi, comme député, c'est de penser à ceux
qui n'ont pas atteint le petit pas
puis qui vont vivre dans la misère encore des années et des années. Moi, je
dois être capable de parler pour eux
autres aussi, c'est ce que je fais, puis je ne remets pas en question votre
«wow», je n'ai aucun problème avec ça. Puis on va collaborer, je l'ai dit tantôt, pour adopter le
projet de loi. Mais il y a des gens qui ont été échappés. Puis moi, je me
dis... Tantôt j'entendais la demoiselle de
Garneau parler de son projet de société. C'est quelque chose de bien. C'est
comme ça qu'il faut penser dans la société.
Il faut aller vers l'avant. C'est un pas, c'est parfait. Je le dis, c'est un
pas. Mais, si on veut avoir une véritable lutte contre la pauvreté, ne
laisser personne de côté...
Tu
sais, là, on parle beaucoup de Walmart. Tu sais, je connais les gens aussi à Rimouski
qui sont dans des associations de déficience intellectuelle aussi. Puis je
travaille avec eux autres puis je sais qu'ils sont capables d'intégrer
le marché du travail. Mais j'en connais
d'autres qui viennent à mon bureau, aussi costauds que moi, qui ont des
problèmes de santé mentale puis qui ont de
la difficulté à intégrer le marché du travail. Mais ça, on les
regarde moins, puis Walmart ne les
engagera jamais, ce monde-là. On n'est pas capable de les
défendre. Puis ce projet de loi là ne les défend pas non plus.
Ça fait que, moi, mon rôle, pour un Québec sans pauvreté un jour, il faut
que je défende ces gens-là, et c'est ce que je fais aujourd'hui. Puis je me dis : Quand on parle de revenu
de base, il faut être sûrs de ce qu'on parle. C'est un
revenu de base pour des personnes
handicapées qui ont des contraintes sévères, bien d'accord
avec ça, mais qu'on arrête de me parler d'un revenu de base qui est un
revenu de base équivalent à ce qu'on peut avoir dans d'autres pays, ça, ce
n'est pas vrai.
Mme Fréchette
(Ysabel) : Je suis d'accord
avec vous. Ce que j'aimerais vous dire, c'est qu'il y a des personnes
qui ont des problématiques de santé mentale
qui y ont accès, à la contrainte sévère en emploi. Pas tous, puis c'est
compliqué, puis c'est long. C'est un processus
très difficile. Je m'y connais aussi un
peu avec les personnes qui ont des
problèmes de santé mentale. Oui, le délai
est long. Le cinq ans et demi, là, puis les 66 mois, et tout ça, oui, c'est
long, puis on aurait aimé ça, c'est
sûr, que ça n'apparaisse pas, que ce soit une façon différente d'amener les
gens à avoir accès au revenu de base. Ce n'est pas la panacée. Ce n'est pas un
vrai revenu de base comme en Finlande, 100 % d'accord avec vous. Mais c'est un pas dans la bonne
direction.
Puis
je vais vous challenger. Si ce projet de loi là ne passe pas, là, j'aimerais
ça, moi, que ce soient les députés de chacune
des circonscriptions qui viennent expliquer aux gens dans leur circonscription pourquoi
ce projet de loi là a été rejeté puis pourquoi ils ont voté contre
l'amélioration de la qualité de vie des personnes visées.
M. LeBel :
Je viens de dire que je vais collaborer.
Mme Fréchette
(Ysabel) : Merci. J'espère vraiment.
M. LeBel :
Depuis le début que j'ai... Mais je veux que les choses soient dites comme il
faut. Quand on parle de revenu de
base, ça n'en est pas vraiment un, puis il faut continuer à le mentionner. Puis
je continue à dire qu'il y a... il faut faire attention, pendant l'étude
de ce projet de loi là, de mettre deux clans : les organismes représentant
les personnes handicapées, qui ont parlé
beaucoup avec le ministère puis se sont entendus pour des affaires, qui
viennent nous dire : C'est wow!
puis d'autres groupes qui défendent l'ensemble de la pauvreté, qui viennent
dire qu'il y a des problèmes. Je ne voudrais
pas qu'il y ait de dichotomie parce que vous travaillez pour le même monde, les
deux, dans le fond, puis vous avez le
même projet de société qui est pour un Québec moins de pauvreté puis avec plus
de dignité humaine. Vous portez le même
projet. Ça fait que j'aimerais ça... C'est pour ça que, quand je pose des
questions, moi, ce que je veux, c'est qu'on s'entende sur quelque chose. Le «wow!», bien, O.K., mais le «wow!, mais
d'autres choses à faire», puis qu'on va tous travailler ensemble pour
corriger les autres choses qu'il y a à faire.
Mme Tremblay
(Isabelle) : Absolument, puis je vais le faire avec mon collègue, mon
ancien confrère Pierre, avec plaisir.
Et puis je voudrais attirer votre attention, M. Lebel, à la page 16 de
notre mémoire, on reprend un peu... parce qu'à la page 19 du plan
d'inclusion économique le gouvernement nous dit que c'est une évolution, voire
même une révolution. Pour nous, ce n'est pas
une révolution, mais c'est une évolution. Pour qu'il y ait une révolution et
qu'on ait un véritable revenu de
base, c'est ce qu'on dit, il aurait fallu que ce soit instauré dès 2018 en
entier, qu'on n'ait pas le délai de
2023, que ça s'applique à une plus large clientèle, que toutes les personnes
soient admises, que les prestations accordées soient plus élevées, ce n'est pas avec 18 000 $ qu'on peut
combler nos besoins, que le soutien réponde véritablement aux besoins
des personnes et qu'on regarde les modalités d'exception des 72 mois, et
bien d'autres choses encore qu'on pourrait discuter.
Donc,
je ne suis pas du tout en dichotomie avec les autres groupes qui vont venir
parler puis qui vont parler des personnes qui ne sont pas dans le projet
de loi, pas du tout. Je pense qu'on dit la même chose.
Le Président
(M. Reid) : Encore une petite demi-minute.
M. LeBel :
Bien, je suis très content d'entendre ça, puis on va travailler ensemble. Puis
ce que je veux vous dire aussi, on
entend beaucoup parler de Walmart, j'espère qu'on ne passera pas les deux,
trois jours à parler de Walmart. C'est une
façon de voir les choses, mais il y a d'autres priorités, il y a d'autres
conditions de vie difficiles de nos gens qu'il faut parler aussi. Ça fait
que merci beaucoup pour votre présentation.
Mme Tremblay
(Isabelle) : ...pas de Walmart, parlons des personnes handicapées qui
pourraient accéder au marché du travail et
parlons que, pour éviter... Parce que, vous savez, les personnes handicapées,
là, pour l'AQRIPH, là, l'objectif, ce
n'est pas qu'il y ait le plus possible de personnes handicapées qui aient le
revenu de base au Québec dans l'avenir.
Ce n'est pas ça, notre objectif. Notre objectif, c'est qu'il y ait le plus de
personnes handicapées qui sortent de la pauvreté puis qui occupent un emploi. Donc, nous, là, quand on va s'en
aller, tantôt, là, on va penser à la Stratégie nationale pour
l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées. Ça, c'est la
voie pour éviter justement que les personnes se ramassent enlisées dans la
pauvreté et avec un revenu de base.
Le
Président (M. Reid) : Merci. Merci, M. le député de
Rimouski. Nous allons passer maintenant au deuxième groupe d'opposition
avec M. le député de Drummond—Bois-Francs.
• (11 h 30) •
M. Schneeberger :
Merci, M. le Président. Tout de suite en commençant, bonjour à vous trois. Vous parlez... on
parlait du panier de consommation. Par contre, vous, c'est... bon, vous trouvez
ça important mais est-ce que c'est une priorité
de l'intégrer aussi dans le projet de
loi ou qu'il soit... parce que
vous le mentionnez, mais, par rapport au groupe précédent, vous n'allez pas
aussi loin, là, si j'ai bien lu, là. Ou j'ai mal compris, peut-être.
Rectifiez-moi.
Mme Tremblay
(Isabelle) : Non, mais la
mesure du panier de consommation pour
tous les citoyens du Québec s'est
établie environ à 18 000 $, puis c'est pour les besoins de base, donc
s'alimenter, s'habiller, se loger, etc. Ce que je vous dis, c'est que les personnes handicapées sont des
citoyens comme tout le monde. Donc, la mesure du panier de consommation s'applique à elles aussi. Sauf qu'où j'attire
l'attention des parlementaires c'est que, quand on parle de besoins de
personnes handicapées, il y a quand même des
programmes et des mesures qui existent pour les personnes handicapées qui ont
des besoins plus grands que d'autres personnes qui ne seront pas handicapées,
comme, par exemple, l'aide à domicile, le transport
adapté, les services éducatifs. Donc, il y a plein de besoins comme ça qui ne
sont pas comblés. Donc, il ne faut pas penser
que le revenu de base va venir régler tous les problèmes des personnes
handicapées pour lesquelles il y a des besoins qui sont non comblés.
D'ailleurs, à presque
pareille date à l'année passée, je peux vous dire qu'à l'AQRIPH on avait le
taquet ou le «taquette» pas mal plus à terre parce que l'Office des personnes
handicapées s'apprêtait à publier quatre rapports sur l'évaluation de la
politique À part entière, et c'est là qu'on a comme eu des statistiques à
l'effet qu'il y avait 280 000 personnes
handicapées qui n'avaient pas une réponse complète ou qui n'avaient pas de
réponse du tout, là, à leurs besoins
au niveau des aides à la vie domestique et à la vie quotidienne. Donc, c'est
évident que, cette année, pour nous, c'est vraiment une bonne nouvelle.
Ça fait
d'ailleurs longtemps, moi, ça fait 20 ans que je suis à l'AQRIPH, ça fait
20 ans que je viens en commission parlementaire
à l'occasion, et c'est la première fois que je n'ai pas de recommandation
claire et que j'endosse comme ça l'instauration d'une mécanique au
Québec.
M. Schneeberger :
On dit des fois que le travail, c'est la santé, mais il y a aussi l'expression
«se tuer au travail». Alors, à un
moment donné, je pense qu'il y a un entredeux et je pense que vous avez une
clientèle, justement, qui sont jugées
inaptes au travail, par contre, surtout au niveau de la maladie mentale, et qui
veulent intégrer le travail. Pourquoi? Pour l'échange humain qu'il y a. Et c'est ça qui est important, et surtout
quand on parle de maladie mentale. À rester chez vous, seul, pas
d'échange avec d'autres personnes, ça n'aide pas du tout. C'est ça qui est
important de savoir, là.
Moi, ce que
je voudrais savoir de vous : Comment on pourrait améliorer l'accessibilité
au travail de ces gens-là? Parce que,
bon, on parle des problématiques de transport, souvent, pour se rendre au
travail. Il y a déjà beaucoup de choses qui se font, mais on voit qu'il y a encore du chemin à faire. Et puis on
regarde aussi maintenant, avec les besoins de main-d'oeuvre, on parle des fois des personnes qui sont
retraitées qui retournent au travail pour des besoins x. Et moi, des
fois, je vois là-dedans... il pourrait y
avoir des jumelages, tu sais, parce qu'on parle de personnes qui sont très
compétentes, qui ont beaucoup
d'expérience de travail et qui voudraient peut-être aider une autre personne
qui a des problématiques. Et ça fait des
fois des beaux jumelages au niveau du plan humain et c'est là que ça peut
aider. Et on pourrait avoir des groupes de travail de deux personnes dans des étalages de magasins
pour placer les produits, et autres. Tu sais, c'est toutes des choses
qui pourraient... Je ne sais pas, puis ça se
fait déjà peut-être, tant mieux. Mais est-ce que ça serait des choses qui
pourraient être faites avec justement une
souplesse du système qui pourrait être... améliorer ça? Parce que souvent, des
fois, ce n'est pas l'initiative qui n'est pas là, c'est que les
règlements ne le permettent pas très bien.
Mme Tremblay
(Isabelle) : C'est évident que, lorsqu'il y a eu l'adoption de la Loi
assurant l'exercice des droits des
personnes handicapées, en 2004 ou 2005, le législateur avait prévu que le
gouvernement adopte une stratégie pour l'intégration et le maintien en
emploi des personnes handicapées. Il y a eu une première phase de cette
stratégie-là de 2008 à 2013. Il devait avoir
une deuxième phase de 2013 à 2018. Bon, il y a eu des ratés au niveau de la
stratégie, puis on l'attend encore, mais elle devrait sortir
incessamment. Et le travail des personnes handicapées va passer beaucoup par la
stratégie.
Il y a des
mesures concrètes, des actions qui ont mises dans la première stratégie qui ont
quand même permis, là, d'améliorer
l'intégration et le maintien au travail des personnes handicapées. On a eu des
rencontres avec le cabinet et on leur
a parlé aussi de l'accompagnement qui est nécessaire, là, des personnes
handicapées, ce qui a peut-être manqué aussi dans les années passées.
Vous savez,
les personnes handicapées qui sont contraintes sévères, il y en a quand même
66 % qui ont 45 ans et plus.
Donc, c'est évident qu'on a échappé plusieurs personnes handicapées qui n'ont
pas pu avoir accès à la scolarisation puis
qui n'ont pas pu avoir accès au marché du travail parce qu'on n'avait pas ce
genre de programme là. L'idée maintenant, c'est d'avoir ce genre de politique là pour éviter que ces personnes se
retrouvent à la sécurité du revenu et qu'on puisse les intégrer dans le marché du travail. Donc, la
stratégie est vraiment la solution pour inscrire des actions et des
modalités pour intégrer les personnes.
M. Schneeberger :
O.K. J'ai encore du temps?
Le Président (M. Reid) :
Encore 30 secondes.
M. Schneeberger : 30
secondes? Oh! O.K. Bon, bien, en tout cas, si, des fois, vous avez d'autres
recommandations, des fois, des... tu
sais, des fois, c'est dans la vie, le concret de tous les jours, des fois,
qu'on apprend puis qu'on voit peut-être que, là, il y a des... que le
filet a... on a échappé quelques personnes. Alors, merci pour vos commentaires.
Le Président (M. Reid) :
Merci, M. le député de Drummond—Bois-Francs.
Je voudrais vous remercier, Mme Forest, Mme Tremblay,
Mme Fréchette, pour votre contribution aux travaux de la commission.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
15 h 30.
(Suspension de la séance à 11 h 37)
(Reprise à 15 h 34)
La Présidente (Mme Richard) :
Bonjour. Nous allons débuter nos travaux. La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux, et je demande à toutes les personnes présentes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de tous leurs appareils
électroniques.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 173, Loi
visant principalement à instaurer un revenu de base pour des personnes qui
présentent des contraintes sévères à l'emploi.
Je souhaite la bienvenue aux représentants de
l'Association du Québec pour l'intégration sociale. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous rappelle que vous
disposez d'un temps maximal de 10 minutes pour faire votre exposé.
Par la suite suivra un échange avec les parlementaires. Donc, je vous invite à
prendre la parole.
Association du Québec
pour l'intégration sociale (AQIS)
M. Duchesneau (Roger) : Merci. Mme
la Présidente, M. Blais, MM. et Mmes les parlementaires, mesdames et messieurs, je me présente, Roger Duchesneau. Je
suis président de l'association québécoise pour l'intégration sociale des personnes qui vivent avec une déficience
intellectuelle. Je vous présente Mme Anik Larose, qui en est la
directrice, qui est aussi parent d'une jeune dame de 23 ans, et je vous
présente Samuel Ragot, qui se trouve être conseiller à la promotion et la
défense des droits. Merci.
De façon
générale, le projet de loi n° 173 est un bon projet de loi à nos yeux. Il
s'agit d'une bouffée d'air que l'on n'attendait plus dans les groupes.
Rappelons que les groupes de défense de droits des personnes handicapées, dont l'association québécoise pour l'intégration
sociale fait partie, sont des représentants des plus vulnérables parmi les
plus vulnérables de la société. Ces
personnes vivent souvent dans une extrême pauvreté et sont exclues de toute
participation sociale et économique. Un tel
projet de loi est extrêmement bénéfique pour ces personnes puisqu'il leur
permettra de sortir de la pauvreté,
d'alléger la tâche pour leurs familles et favorisera la participation sociale
et économique des personnes en rendant la participation au marché du
travail plus facile et plus flexible.
L'AQIS
représente les personnes ayant une déficience intellectuelle et leurs familles.
En tant qu'organisme provincial, nous
avons plus de 80 associations membres partout au Québec. Les personnes
présentant une déficience intellectuelle représentent, selon les études,
entre 1 % et 2 % de la population au Canada. On parle ici de plus de
85 000 personnes. Parmi ces
personnes, 80 % des personnes qui ont une déficience intellectuelle légère
ne se qualifient pas au revenu de base.
Rappelons que, malgré tout, les personnes ayant une déficience intellectuelle
ont les mêmes droits que tous les autres citoyens, à l'exception des personnes faisant l'objet d'un régime de
protection, et qu'elles sont très majoritairement aptes à travailler et
à développer un potentiel humain, social et intellectuel.
Le reste des
personnes, celles ayant une déficience intellectuelle moyenne, sévère ou
profonde, sont diagnostiquées à la
naissance. Elles n'ont aucune possibilité de voir la déficience intellectuelle
disparaître. Ces personnes auront assurément des contraintes sévères et besoin d'accompagnement. Une partie sera apte
à travailler à temps partiel ou dans des emplois adaptés, mais ces
personnes ne pourront jamais travailler à temps plein pour couvrir leurs
besoins.
Mme Larose
(Anik) : Pour l'AQIS, la création d'un revenu de base couvrant le
panier de consommation est une avancée
majeure. D'une part, les personnes handicapées sont souvent dans les situations
plus précaires et sont plus exclues socialement et économiquement.
D'autre part, le fait de bénéficier d'un revenu de base devrait les aider à
voir leur niveau de vie s'améliorer. La
création du revenu de base semble être un excellent début pour aider ces
personnes à vivre plus dignement. Le
revenu de base, couplé à une indexation à l'inflation, devrait permettre aux
personnes handicapées admissibles de voir leur qualité de vie augmenter.
En ce sens,
l'AQIS demande aux parlementaires de bien vouloir adopter le projet de loi et
de rendre cette mesure permanente et pérenne pour les personnes les plus
vulnérables de la société.
• (15 h 40) •
M. Ragot
(Samuel) : Concernant les
montants accordés dans la loi, ceci couvre la mesure du panier de consommation.
Nous considérons que c'est un très bon
début. Évidemment, il faudra veiller à ce que ce montant-là soit indexé à
l'inflation et qu'il suive aussi la mesure du panier de consommation fixée par
Statistique Canada.
Notons aussi,
dans les points positifs, que les personnes bénéficiant du revenu de base
pourront travailler autant qu'elles
le voudront sans voir leurs prestations diminuer. Il s'agit, pour nous, d'un
réel gain permettant aux personnes de se tirer de la pauvreté. Rappelons que l'augmentation des revenus de
travail autorisés est une revendication de longue date pour l'AQIS. Une telle mesure devrait être
toutefois étendue au Programme de solidarité sociale, puisque bon nombre
de personnes en bénéficieraient également.
Soulignons également que le projet de loi
augmente de façon considérable les biens et avoirs liquides que les personnes peuvent détenir, ce qui est excellent
pour les personnes qui ont une déficience intellectuelle, tout en
excluant un ensemble de revenus du calcul du
montant de la prestation de revenu de base. C'est une avancée qui est très
satisfaisante et que demandions depuis longtemps.
Toutefois,
évidemment, il faudra faire plus. Favoriser une inclusion sociale et sortir de
la pauvreté les personnes handicapées
inclut notamment d'autres mesures. Par exemple, le chèque emploi-services est
loin de couvrir les besoins réels des personnes handicapées en soutien à
domicile. Mentionnons également que le crédit d'impôt pour personnes
handicapées est de plus en plus difficile d'accès.
De plus, bien
que l'AQIS comprenne les impératifs budgétaires du gouvernement du Québec, nous
aurions aimé voir les personnes sortir plus rapidement de la pauvreté.
L'échéance prévue au plan de lutte à la pauvreté et au projet de loi semble
encore loin pour bien des familles et des personnes qui devront probablement en
arracher d'ici là.
Malgré tout,
le revenu de base reste une mesure fiscale fondamentale et progressiste, mais
il en faudra d'autres afin d'arriver à réellement sortir de la pauvreté
les personnes handicapées présentant des contraintes sévères à l'emploi.
Par
ailleurs, en ce qui concerne le délai d'accès au revenu de
base, l'AQIS représente majoritairement des personnes ayant des contraintes légères à l'emploi. Alors,
elles ne seront pas concernées par le revenu de base, mais elles
devraient toutefois bénéficier de mesures d'accompagnement
et d'aide, comme c'est le cas, par exemple, avec le programme Objectif emploi.
Toutefois,
une partie de la population ayant une déficience intellectuelle présente, dès
la naissance, un diagnostic clair de
déficience intellectuelle. Pour ces personnes, il n'y a aucune possibilité de voir la
déficience intellectuelle disparaître au
fil de la vie. Il est également clair que ces personnes présenteront toujours
des contraintes sévères à l'emploi et auront besoin d'aide tout au long de leur vie. Ces personnes
devraient, pour l'AQIS, avoir accès dès leur majorité, dès l'âge de
la majorité, au Programme de revenu de base. Pour le reste des personnes
présentant des contraintes sévères, le calcul de
66 mois sur 72 semble être basé sur des études statistiques fiables, et l'AQIS ne compte pas demander un abaissement du
seuil d'admissibilité.
Enfin,
concernant l'individualisation des montants du revenu de base, l'AQIS est très
satisfaite. Le fait que le calcul de
la prime se fasse sur une base individuelle va grandement améliorer la qualité
de vie des foyers à faibles revenus qui se voyaient parfois pénalisés par le mode de calcul actuel. L'AQIS aurait
souhaité que l'approche individuelle soit étendue à tous les autres programmes compris dans la Loi sur
l'aide aux personnes et aux familles et appelle les parlementaires à
évaluer cette possibilité dans une loi future.
Mme Larose
(Anik) : Nous aimerions maintenant vous entretenir de la situation des
personnes hébergées en ressources
intermédiaires et en ressources de type familiales, ce qu'on appelle les RI et
les RTF. L'AQIS a reçu un grand nombre de plaintes suite à
l'augmentation de la contribution demandée aux personnes hébergées en
ressources intermédiaires et en ressources
de type familiales du même montant que l'augmentation de la prestation de
solidarité sociale. Au centre du problème se trouve le calcul de
l'allocation de dépenses personnelles. Ce calcul vient pénaliser tous les prestataires du Programme de solidarité sociale
qui sont hébergés en RIRTF puisqu'il fixe à 73 $ par mois
l'allocation de dépenses personnelles, nonobstant l'augmentation des prestations
de solidarité sociale. L'engagement pris dans les intentions réglementaires de revoir le calcul de ce montant et de
permettre une augmentation de l'allocation satisfait l'AQIS.
M. Ragot
(Samuel) : Concernant les autres dispositions réglementaires, la
fixation par règlement des critères d'admissibilité
est très pertinente et satisfaisante pour l'AQIS, puisque cela permettra un
assouplissement des règles au besoin.
Également, concernant le maintien des programmes d'accompagnement et d'aide,
l'AQIS est satisfaite, puisque de telles
aides aident de façon concrète les personnes qui bénéficient du Programme de
solidarité sociale ou du Programme de revenu de base quand il existera.
Enfin,
concernant le revenu de travail admissible, il aurait été plus pertinent
d'augmenter de façon importante le travail
admis. L'AQIS demandait une augmentation substantielle afin de permettre aux
personnes prestataires du programme de sortir des trappes à pauvreté,
mais la modification actuelle va déjà dans le bon sens.
Mme Larose
(Anik) : J'aimerais également vous entretenir, et là je mets mon
chapeau de parent, des contrôles du ministère. La question des contrôles
effectués par les agents du ministère a généralement été exclue. Si l'AQIS est satisfaite de la modalité de contrôle annuel de la
situation financière de la personne, il serait intéressant de veiller à
ce que les personnes bénéficiant du revenu
de base ne soient pas harcelées de questions et de vérifications comme cela
peut être le cas pour les prestations du Programme de solidarité
sociale.
Maintenant,
sur les suites à donner, l'AQIS participera aux travaux du comité de travail
annoncé par M. le ministre Blais.
Nous serons présents afin de favoriser un accès plus rapide au revenu de base
pour les personnes démontrant un diagnostic
clair de déficience intellectuelle moyenne, sévère ou profonde. L'AQIS s'est
également engagée auprès du ministre
à réfléchir à la question du statut des personnes hébergées et aux allocations
de dépenses personnelles qui leur sont accordées.
Nous
souhaitons que la loi soit adoptée dans les plus brefs délais afin d'aider les
personnes les plus vulnérables de la société à sortir le plus rapidement
possible de la pauvreté. L'AQIS se tient à la disposition des parlementaires et
du ministre afin de participer à tous les travaux que ceux-ci trouveraient
pertinents.
Enfin,
nous participons également aux travaux entourant l'élaboration de la Stratégie nationale pour l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées. Nous pensons que la
stratégie pourrait être un complément intéressant au plan de lutte à la
pauvreté. Le contexte des dernières semaines a prouvé que l'intégration
économique des personnes handicapées est un sujet sociétal faisant réagir. Je
vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Richard) : Madame messieurs, merci pour votre exposé. Nous allons débuter les
échanges, et, M. le ministre, vous avez la parole.
M. Blais : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup pour l'exposé, la clarté. Je veux
commencer peut-être avec la fin de vos remarques. Donc, vous avez
rappelé les derniers événements malheureux, là, avec bien sûr les congédiements de Walmart et la réaction très, très vive que ça a
suscitée et, à mon avis, très juste. Ce qui est plus difficile à comprendre pour la population, peut-être,
qui ne vit pas au jour le jour avec ces réalités-là, c'est quel est le lien que
l'on fait entre l'emploi
et le revenu de base. Parce que je
pense que, pour plusieurs,
le revenu de base, ça peut être comme une forme de pension qui éloigne
les gens du marché du travail. Vous autres, vous êtes sur le terrain. Vous avez
parfois des proches aussi. Quel lien peut-on
faire et quels sont peut-être aussi les limites du revenu de base par rapport à l'intégration sur le marché du travail des personnes
handicapées?
Mme Larose
(Anik) : Moi, je peux vous
dire que je trouve que c'est une excellente mesure. Il ne faudrait pas oublier par contre qu'une personne qui vit avec une déficience intellectuelle, très souvent, ce n'est
pas parce qu'elle ne veut pas travailler, c'est que c'est le milieu de l'emploi qui ne veut
pas d'elle. Donc, c'est sûr que c'est une aide qui est considérable, c'est une aide importante, sauf que
ce n'est pas... il ne faut pas que ça devienne une niche confortable sur
laquelle on va installer ces personnes-là,
et puis qu'elles ne pourront pas avoir un travail, avoir une occupation
valorisante, avoir une participation pleine et entière dans la société.
M. Blais : ...une niche
confortable. Comment vous voyez ça?
Mme Larose (Anik) : Bien, c'est
sûr qu'il y a toujours ce risque-là parce que, si, dans les décisions qu'on va prendre... et qu'on se dit : Bien, de toute
façon, on n'a pas à s'en occuper, ils reçoivent un certain montant, on les
oublie, on passe à un autre dossier. Mais
c'est plus fondamental que ça. L'emploi, le travail, bon, la façon qu'on le
nommera, c'est la meilleure façon d'être
intégré dans la société. C'est une façon aussi de se soustraire à l'isolement.
Au niveau de la santé, ça va coûter
beaucoup moins cher à une société d'avoir des gens qui sont actifs, qui veulent
se lever le matin, qui veulent aller contribuer à la société.
Nous, le
travail qu'on fait, c'est vraiment pour ça. Si on veut intégrer nos enfants à
la garderie, à l'école, le noeud qui
reste, je l'ai dit dans Le Devoir de samedi passé, le noeud qui
reste, c'est l'emploi. Donc, il faut essayer de défaire ces noeuds-là et trouver des façons pour que ces
personnes-là puissent avoir une place, une place qui leur ressemble, qui
n'est pas nécessairement calquée sur
peut-être ce que vous et moi, on fait, mais qui répond à leurs besoins et selon
également leurs capacités, puis leurs talents, et leurs désirs.
M. Blais :
Vous comprenez que je fais l'avocat du diable en ce moment parce que c'est une
perception que, dans le fond, on ne
parle plus d'intégration au travail, on va leur donner des sous, ils vont
rester à la maison. Et vous, vous trouvez ça comme complémentaire. Mais
de quelle façon ça peut être complémentaire, là, pour la personne qui le
reçoit?
Mme Larose (Anik) : On va se
partager la réponse.
La Présidente (Mme Richard) :
M. Ragot.
M. Ragot
(Samuel) : Bien, au plan législatif
et au niveau des règles d'encadrement du travail, le projet de loi est très intéressant puisqu'il permet d'avoir un revenu quasiment illimité. Il n'y a
pas de limite en tant que telle au revenu de travail qui est admissible. Ça va être sur les impôts,
comme tout le monde, comme n'importe
quel contribuable. Ça, c'est quelque chose qui, à notre avis, est un levier absolument fondamental pour sortir les personnes et pour les intégrer au marché du travail parce qu'actuellement dans le Programme
de solidarité sociale il y a une limite à ce qu'on peut gagner par mois.
Après cette limite-là, chaque dollar est enlevé pour chaque dollar gagné. Le
fait de ne plus avoir...
M. Blais :
...préférez que les gens paient de l'impôt, vous préférez que les personnes
handicapées paient de l'impôt.
M. Ragot (Samuel) : Oui.
Absolument. C'est sûr.
M. Duchesneau (Roger) : Bien, ça
fait partie de la participation sociale, ça, là.
M. Blais : Voilà.
• (15 h 50) •
M. Ragot
(Samuel) : C'est donc dans cette optique-là que ça va devenir une
mesure, si elle est adoptée, qui est une mesure très importante, puisque
les personnes ne vont plus se sentir prises dans une trappe à pauvreté. C'est
comme ça qu'actuellement dans beaucoup de groupes on appelle le Programme de solidarité
sociale, une trappe à pauvreté, puisque les gens ne peuvent pas
travailler tout en étant prestataires de ces programmes-là.
Un revenu de
base, tel qu'il est présenté actuellement, permettrait justement aux personnes d'avoir
accès au marché du travail, d'avoir
accès et de participer socialement. C'est donc, à notre sens, l'inverse d'une
niche. C'est leur ouvrir la porte toute grande pour qu'ils puissent,
après ça, aller s'épanouir puis participer à la vie sociale.
M. Blais : ...
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci, M. le ministre. Nous allons maintenant du côté de l'opposition
officielle. M. le député de Rimouski, vous avez la parole.
M. LeBel : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue. Bien, bienvenue à vous autres.
Je connais un
peu l'organisme, je connais l'organisme probablement membre avec vous à
Rimouski, là, l'ADIRR. Avec les gens de l'ADIRR, l'année passée ou
l'année d'avant, j'ai fait une expérience qui a été, pour moi, une
expérience... une des plus enrichissantes comme député dans mon mandat. C'est
qu'il y a un des jeunes qui vit avec la
trisomie, Joël, que vous connaissez peut-être, Joël Potvin. Joël, il est venu
ici, puis je lui ai laissé mon siège. Il a été le député d'un jour. Je
pense que ça a été la journée où il y a eu le meilleur député de Rimouski,
probablement.
Mais
Joël a été fantastique. Le message qu'il a donné, et puis je suis ému quand
j'en parle, qu'il a donné à mon caucus,
l'ouverture que le premier ministre avait eue avec lui, il est allé rencontrer
le premier ministre à son bureau, il s'est
assis au bureau du premier ministre, puis le message d'intégration qu'il a
passé, c'était très riche. Je pense que personne d'autre
n'aurait pu passer un aussi beau message et dire qu'à 21 ans vivre
avec la trisomie... il sortait de l'école, c'est compliqué, là, il y a un bout, là, vous savez ce que c'est, et il se
disait que lui, il voulait travailler. Il voulait travailler, il voulait
s'intégrer. Puis aujourd'hui il travaille, puis c'est un bon ami.
Ça
fait que je suis pour... Je veux... Ces gens-là, il faut les aider, puis il
faut les soutenir, puis il faut adapter notre réalité, notre société.
Puis ça, il faut travailler dans le sens que vous faites, c'est certain.
Aussi,
en 2014, une première fois que j'ai déposé une pétition ici, à l'Assemblée
nationale, c'était une pétition des
personnes handicapées qui demandaient une rente d'invalidité. Mais l'objectif,
c'était de leur permettre d'avoir un revenu
décent, et je pense que le projet de loi qui est proposé là actuellement répond
en grande partie à cette pétition-là, qui
a été... en 2014. Bon, mieux vaut tard que jamais, puis, je pense que je l'ai
dit au ministre, mon appui sera là pour faire avancer le projet de loi.
Mais sauf, quand
même, il faut dire que ce projet de loi là, il s'inscrit dans un processus de
lutte à la pauvreté générale. Là, on va
répondre à des gens qui vivent des handicaps qui leur empêchent de travailler à
temps plein, mais on laisse tomber
beaucoup d'autre monde, des gens qui ont des handicaps moins visibles,
peut-être, puis au niveau de la santé mentale,
ou on a vu ce matin des gens qui sont aux prises avec une complexité dans le
système pour faire reconnaître leurs maux
de dos. J'ai l'impression qu'on fait des avancées, on fait un pas, mais, en
même temps, on oublie une grande partie, parce que, moi, un bon revenu de base devrait être un revenu de base qui
est universel puis inconditionnel pour l'ensemble des citoyens. Ça serait ça, un vrai revenu de base
qui sortirait de la pauvreté. Il ne faut pas oublier l'objectif qu'on a
ici à travailler ensemble, c'est aussi sortir les gens, tous les gens qui
peuvent vivre de la pauvreté, de les sortir de la trappe de la pauvreté.
Ça
fait que je voudrais voir si vous avez une réflexion là-dessus, un peu sur...
pas que sur la clientèle que vous avez, mais sur l'ensemble du projet
social qu'on devrait avoir, c'est de sortir le Québec de la pauvreté.
M. Duchesneau (Roger) : Bon, nous autres, avec notre association, on a un
mandat assez précis, là, qui roule autour
de la déficience intellectuelle. Puis je pense que vous allez recevoir d'autres
groupes qui représentent les autres secteurs de la société. Ça fait que
c'est difficile pour nous autres de répondre pour d'autres.
Mais
par contre, sur l'ensemble, c'est toujours bien un premier pas dans la bonne
direction. C'est pour ça qu'on considère
que le revenu de base qu'on considère pour les personnes qui ont des
contraintes sévères à l'emploi est bon, leur permet possiblement d'avoir accès au marché du travail, parce qu'on
ne les limitera pas dans leurs possibilités. Mais, pour les autres, là, on s'en tient à notre secteur
puis on va laisser le soin aux personnes qui représentent les autres
secteurs de répondre à votre question.
M. LeBel :
Mais j'aime ça le dire puis je suis content de votre réponse, mais je pense
qu'il faudrait qu'on travaille tout
le monde ensemble, qu'on n'arrête pas le mouvement vers un revenu décent pour
les gens, un revenu décent qui, selon le mode de calcul, là, du panier
de consommation, que les gens, éventuellement, pourront avoir avec ça, ça va
laisser quand même en plan plein d'autre
monde qui ont des contraintes temporaires, qui ont des contraintes sévères,
mais qu'ils n'auront pas fait leur cinq ans ou cinq ans et demi de
misère noire avant d'avoir le revenu de base. Ces gens-là vont continuer à
vivre avec des montants d'argent qui n'ont pas d'allure, des gens qui arrivent
à l'aide sociale, qui ont des problèmes
de... vous savez, là, qu'il peut y avoir des problèmes de santé mentale, de
dépression, que ce n'est pas évident, là, et puis qui se sont ramassés à faire des parcours, puis qu'on pousse à
faire des parcours, sinon il y aura des coupures, puis on va leur
enlever de l'argent. Moi, je pense que c'est un débat qu'il faut continuer à
avoir aussi à travers ce projet de loi de là.
Ça
fait que ce que je veux vous dire, c'est qu'on va le porter, on va le supporter
puis on va essayer de l'améliorer, mais
le délai, ça me fatigue. Je ne comprends pas qu'on puisse... Puis là on parle
d'un comité. J'aimerais ça voir un peu comment
vous voyez ce comité-là. Mais le délai de cinq ans et demi avant d'être reconnu
pour de vrai contraintes sévères, c'est bien trop long.
M. Duchesneau
(Roger) : Avant de passer à ce point-là, je n'ai pas permis à Samuel de
rajouter un point à votre question.
M. Ragot
(Samuel) : Une des choses aussi qu'il faut retenir, c'est que la
politique À part entière : pour l'exercice d'un véritable droit à
l'égalité incluait le fait qu'il y ait des clauses d'impact, une clause
d'impact qui disait essentiellement :
Toute mesure gouvernementale devrait prendre en compte l'impact sur les
personnes handicapées. Cette clause
d'impact là, on l'a rarement vue appliquée. Mais, actuellement dans le revenu de base, on la voit, et elle
s'adresse aux personnes handicapées.
Ça
fait que, oui, il y aurait d'autres personnes qu'on aurait pu, que
le ministre aurait pu considérer. Cela dit, c'est un bon début, puis, en tant que groupe de personnes
handicapées, on considère que c'est déjà assez exceptionnel que ça nous arrive
d'être concernés puis d'être interpelés. Donc, essentiellement, en ce qui nous
concerne, c'est une bonne chose. On est
satisfaits de voir que, ah! tiens, les personnes handicapées n'ont pas été oubliées puis elles
font l'objet d'un projet de loi en tant que tel, ce qui est assez rare
et qui est quand même remarquable, au final.
M. LeBel :
Mais, pour le cinq ans et demi, le délai, qu'est-ce que vous en pensez?
M. Duchesneau
(Roger) : Alors, je pense que M. le ministre a permis qu'il y ait un comité
qui se développe là-dessus puis qui va se
pencher sur la question. Dans
un premier temps, c'est certain que
cinq ans et demi, c'est long, mais par contre je pense qu'il y a une
ouverture de la part du ministre pour travailler sur le sujet.
M. LeBel : Vous savez que, souvent en politique,
les comités, c'est pratique, tu sais. On dit : On met un comité, on va analyser la situation et on fera un
rapport, on prendra les mesures qui s'imposent au moment opportun. À quelques
mois des élections, je trouve qu'il est un peu tard. Mais travaillons
là-dessus, sur le pas en avant.
Mais
je ne peux pas faire autrement que voir qu'on arrive avec un revenu de base
pour certaines personnes, puis il faut
le mentionner, puis vous faites bien, là, ce n'est pas un revenu de base
universel, c'est un revenu de base pour les personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi. On dit
qu'on trouve, tout le monde ensemble, que cinq ans et demi, c'est un peu long, ça fait qu'on va mettre
en place un comité, on ne sait pas quand est-ce que ça va aboutir. Il y a une
stratégie d'intégration des personnes handicapées à
l'emploi qui retarde, qu'on va peut-être déposer...
on parle d'ici juin, une nouvelle
stratégie. Je trouve qu'il y a beaucoup de choses faites à la vitesse avant la
campagne électorale. Tout ce que j'espère,
c'est que ça va donner des réponses à vos revendications. Puis ce que j'espère
aussi, c'est qu'à travers tout ça on reste
solidaires avec l'ensemble des gens qui vivent de la pauvreté, pas que les
personnes handicapées, mais l'ensemble des
gens qui vivent de la pauvreté au Québec puis qui ont besoin d'une vraie
stratégie nationale de lutte à la pauvreté.
M. Duchesneau
(Roger) : Je veux juste dire...
La Présidente
(Mme Richard) : M. Duchesneau.
M. Duchesneau (Roger) : Excusez-moi. Le prochain gouvernement qui sera en place aura toujours la possibilité de le bonifier. C'est certain que les délais sont courts, les élections
sont à l'automne. Si on passe tout droit, quand est-ce que ça va aller?
Hein, c'est-u une question qu'on peut se poser, ça? Je vais laisser Samuel
répondre à votre question.
M. Ragot
(Samuel) : Il est évident
que le délai est effectivement long, et, pour des personnes, par exemple, qui ont un diagnostic, là,
clair de déficience intellectuelle, qui auront des contraintes sévères à
l'emploi dès leur sortie, dans le fond, de l'école, oui, c'est long,
c'est un long délai.
La
question du comité avant des élections, est-ce que c'est
une manoeuvre quelconque? On ne présupposera pas de ces intentions-là, et, en fait, même, ce qu'on va présupposer, c'est
que tous les partis politiques présents à l'Assemblée nationale,
qu'ils gagnent ou non leurs élections, vont maintenir ce comité-là, et vont
vouloir travailler avec les groupes de personnes handicapées, et vont
vouloir travailler sur cette question-là, et pourront, grâce au fait que ce
soit par voie réglementaire, pourront élargir l'accès, et voire écourter le
délai qui est demandé. C'est ce, en fait, en quoi on croit actuellement puis
c'est ce qu'on espère de la collaboration de tous les partis politiques.
La Présidente
(Mme Richard) : Il vous reste encore une minute.
M. LeBel : Vous pouvez compter sur moi, je vais aider à ce
que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. Mais je dois quand même dire les vraies
choses, à mon avis, c'est qu'il y a beaucoup de délais, de plus en plus,
puis là on rajoute un comité. Puis les gens,
ils vont avoir le revenu de base éventuel, là, quand qu'on va être bien sûr
qu'ils sont vraiment contraintes sévères. On parle de 2023, 2000 je ne sais pas
quoi, là.
Ça
fait qu'il y a beaucoup de délais,
mais, comme vous dites, il y a un pas, on va embarquer dans le
mouvement, et vous pouvez compter sur moi. Ça fait que merci pour votre
présentation.
• (16 heures) •
La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député de Rimouski.
Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. M. le
député de Drummond—Bois-Francs,
vous avez la parole.
M. Schneeberger :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous trois. Dans un premier
temps, on parle d'exclusion, là, au montant de 500 000 $, puis
vous dites que c'est bien parce que... peu importe. C'est sûr que l'approche, ici, a été faite surtout en cas
d'héritage, des choses comme ça, parce que, des fois, tu sais, on n'est même
pas capable d'accepter un héritage parce que,
là, on se disqualifie. Puis ça ne veut pas dire que l'héritage, ça nous donne
de l'argent nécessairement, là. Des fois, c'est plus des valeurs sentimentales.
Mais,
dans votre cas à vous, outre l'héritage, pouvez-vous me donner le genre
d'exemple qui serait un bénéfice, étant donné que l'augmentation est
quand même substantielle, là, avec le règlement actuel? C'est-u par... Parce
que, mettons... ici, on parle de personne
handicapée, j'imagine, d'installation, une maison qui est déjà installée, mais
qui vaut plus que le prix qu'on a ici, quelque chose comme ça?
M. Duchesneau (Roger) : Excusez-moi. Il y a une réponse assez simple, là.
De base, là, une personne ne peut pas
avoir plus que 2 500 $ dans son compte de banque, là, présentement,
qui est sur l'aide sociale, sur la solidarité sociale. Des fois, on a des enfants. Je suis père,
moi-même, d'une charmante jeune dame de 28 ans. Bien, on l'aide bien
souvent pour payer ses affaires parce
qu'elle n'en aurait pas assez pour payer son linge puis tout payer, si on se
fie à la limitation des dépenses
personnelles, là. Mais la... Excusez-moi, là, c'est un peu émotionnel, là. Mais
on essaie de lui faire mettre de l'argent
un peu de côté, mais, quand tu arrives à 2 500 $, si elle a
2 501 $, bien, on va lui enlever 1 $ de l'autre bord. Ça
fait que nous autres, on pense ça.
Puis
dans les personnes qui ont une déficience intellectuelle, là, ça ne veut pas
dire qu'elles sont limitées à rester à la maison, dans le fond d'une
garde-robe, là. Ils peuvent s'acheter une maison. S'ils s'achètent une maison,
bien, à ce moment-là, c'est de l'actif, ça. Ça fait que, tu sais, s'ils ont un
trop gros actif, bien, ils risquent de se faire couper.
M. Schneeberger :
La valeur des maisons augmente aussi. Ça fait qu'à un moment donné, si tu
dépasses la valeur, bien là, tu es
pénalisé, alors qu'on sait très bien qu'aujourd'hui une maison à
200 000 $, là, à part que dans un petit village, c'est... on a
vite atteint cette somme-là. Puis ce n'est pas un château, on s'entend, là.
M. Duchesneau (Roger) : Je vais
laisser Samuel répondre.
M. Ragot
(Samuel) : Une autre chose, en fait, qui est importante à savoir,
c'est que beaucoup de familles qui laissent
un héritage sont obligées souvent de passer par des stratagèmes de fiducie. Puis
ça, c'est complexe. Ça demande des connaissances. Ça demande des
ressources aussi, un notaire, accès à un avocat et potentiellement des régimes
de protection, etc., ce qui est complexe à
gérer. C'est quelque chose qui est difficile, et un assouplissement de la
limite va permettre à certaines familles de ne pas avoir à passer par ce
genre de stratagèmes là pour ne pas dépasser les limites.
Ça n'a l'air
de rien comme ça, mais, quand on rajoute ça par-dessus le fait d'avoir un
enfant handicapé ou qui a une déficience
intellectuelle, bien, ça peut devenir un obstacle de plus, ça peut devenir une
inquiétude de plus pour les parents, et c'est des frais qui vont
essentiellement être encourus. Cette modification-là est quand même
intéressante.
Puis, si on
va voir dans les intentions réglementaires, on voit aussi que ce
500 000 $ là est prévu par règlement. Et un règlement, ça se modifie facilement. C'est tout à l'avantage, en
fait, du gouvernement et des personnes, ultimement, de l'avoir dans un
règlement qui va pouvoir être bonifié, peu importe le gouvernement en place.
Ça fait que
nous, on pense que cette mesure-là est pertinente, qu'elle va dans le bon sens
puis qu'elle va enlever de la pression et du stress aux familles,
ultimement.
La Présidente (Mme Richard) :
Encore 2 min 45 s
M. Schneeberger :
Oui, O.K. Je vous écoutais tantôt puis j'aime beaucoup l'approche que vous
dites. Tu sais, l'augmentation du
revenu de base, c'est parfait, mais, en même temps, on ne veut pas être laissé
de côté. On veut participer à la
société, faire partie intégrante de la société. Puis moi, je trouve ça bien
parce que, justement, souvent, tu sais, l'aide sociale, malheureusement,
là, des fois, il y a eu une mauvaise image, alors que, dans le fond, ce que
moi, je disais au ministre... Puis ça,
l'aide sociale, pour un pays noble, c'est d'aider nos plus défavorisés puis de
les aider correctement, qu'ils ne
soient pas toujours dans un sens de quêter ou de se sentir redevables pour peu
importe ce qu'ils font parce qu'à un moment donné, malheureusement, ils
ont des malchances dans leur vie puis ils sont dans un état actuel.
Alors, est-ce
que justement, dans le fond, cette mesure-là devrait être pour tous les
bénéficiaires de la solidarité sociale,
tu sais? Parce que, là, des fois, on parle de handicapés physiques,
intellectuels, et autres, mais, tu sais, je veux dire, regardez, comment on pourrait... parce qu'être...
des contraintes sévères à l'emploi, ça ne veut pas dire que tu es inapte
au travail. Tu peux peut-être faire quelque
chose pour te rendre utile, pour aussi la valorisation de la personne. Puis je
pense que ça, ça devrait être élargi
beaucoup plus, pas juste, admettons, vous... bien, vous, vous êtes là pour
défendre les personnes qui ont des
handicaps, mais chaque personne... parce que c'est ça, quand on est rendu là,
on a tous un handicap en quelque part.
M. Duchesneau (Roger) : On le
crie sur les toits depuis qu'on existe, hein?
Mme Larose (Anik) : Qu'on a
tous des différences?
M. Duchesneau (Roger) : Qu'on a
tous des différences puis qu'on devrait tous avoir accès au marché du travail.
On est d'ailleurs membres d'une association canadienne où est-ce qu'il y a un
programme qui s'appelle Prêts, disponibles
et capables, puis ça ne représente pas juste... ce programme-là, c'est parce que
les gens sont prêts, disponibles et capables
de travailler. Puis ce n'est pas juste pour les personnes qui ont une
déficience intellectuelle, c'est pour toutes les personnes qui sont
capables de travailler, là, que ce programme-là existe, toutes les personnes
qui ont un handicap.
Mme Larose
(Anik) : Mais c'est important
de les supporter, ces personnes-là. Il ne s'agit pas de mettre quelqu'un
dans une situation puis de dire : Bien,
tu vas aller travailler. Ça demande une adaptation, ça demande un
accompagnement. Ça demande également un accompagnement en continu, là. Donc, ce
n'est pas nécessairement juste au début avec une
intensité, parce que par après, quand la personne, elle peut... il y a
une espèce de confort qui s'installe, mais, oups! s'il n'y a plus d'accompagnement, il peut se développer
certaines difficultés avec les collègues de travail, et ainsi de suite. Donc, il ne faut pas laisser les personnes à
elles-mêmes non plus. Il y a un accompagnement de base important
à faire, et il faut le garder en tête, là. C'est certain, ça ne se fait
pas de manière magique et instantanée, là.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup. Merci pour votre contribution à nos travaux.
Et je vais suspendre les travaux quelques instants
afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension à 16 h 7)
(Reprise à 16 h 10)
La
Présidente (Mme Richard) : Donc, nous allons reprendre nos travaux. Nous
recevons maintenant l'Office
des personnes handicapées du Québec.
Bonjour, bienvenue à l'Assemblée
nationale. M. Trépanier, je vais
vous céder la parole. Je vais vous demander de nous présenter les personnes qui vous
accompagnent. Et vous disposez d'un temps de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite suivra un échange avec les parlementaires. Donc, M. Trépanier, je vous cède la
parole.
Office des personnes
handicapées du Québec (OPHQ)
M. Trépanier
(Martin) : Merci, Mme la Présidente. M. le
ministre, Mmes, MM. membres de la commission. Je suis, à mes côtés aujourd'hui, accompagné de Mme Anne Hébert, directrice générale de l'Office des personnes handicapées du Québec,
et également, de la direction des projets interministériels chez
nous, M. Martin Bourgeois, directeur, et Mme Céline Marchand,
conseillère experte.
L'Office des personnes handicapées... La Loi
assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, la première loi, loi constitutive de l'office, aura
40 ans cette année. Donc, ça fait 40 ans qu'on se présente devant
vous pour ce genre d'exercice. Vous
comprendrez que je serai relativement succinct sur la présentation de notre organisation. Mais, quand même, je vous rappelle que l'office a pour mandat de
soutenir et de conseiller le gouvernement sur toute question qui pourrait avoir un
impact majeur sur la participation sociale des personnes handicapées.
Donc, pour ce
faire, il tire son expertise de différentes façons : d'abord,
des interventions auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leur famille, également
de ses travaux de recherche et d'évaluation, également de toute son action qu'il fait en collaboration, en partenariat avec des organismes tant au niveau
ministériel, gouvernementaux, publics, privés, communautaires. Et également il tire son expertise de son conseil d'administration, de sa composition, 16 membres nommés par le gouvernement, majoritairement
des personnes handicapées, de différentes déficiences, en provenance
de différentes régions également.
Quatre des membres également votant de l'Office des personnes handicapées sont issus du monde
associatif des personnes handicapées, du milieu syndical, du milieu patronal et des
principaux ordres
professionnels concernés par la participation sociale des personnes handicapées.
Aujourd'hui, donc, très rapidement, on est venus vous porter un message clair, très
court, précis : Nous sommes en faveur
du Programme de revenu de base et nous souhaitons ardemment qu'il soit adopté
dans cette session parlementaire. Vous
savez, on dit souvent que le chemin le plus court pour tendre vers une plus
grande justice sociale est de faire des choix équitables. Bien, nous sommes convaincus que le revenu de base est un
choix qui va dans cette direction. Et je vais laisser Mme Hébert
poursuivre là-dessus et vous en faire la démonstration.
Mme Hébert
(Anne) : Merci. Comme
mentionné par M. Trépanier, l'office est ici pour une raison claire,
soit celle d'exprimer son appui ferme au projet de loi présentement à l'étude.
Ce projet de loi propose une des mesures gouvernementales
les plus porteuses et ambitieuses des dernières années en matière de soutien au
revenu, soit l'instauration d'un revenu de base pour certaines personnes
qui ont des contraintes sévères à l'emploi. Cette mesure, qui vise des personnes qui sont dans une situation d'extrême
vulnérabilité financière, constitue une avancée majeure. Il importe de
ne pas laisser passer une telle opportunité.
Depuis les
40 dernières années, il faut se rappeler que des initiatives
gouvernementales ont été mises en place afin de favoriser la participation des personnes handicapées dans les milieux
de l'éducation, de l'emploi et des autres sphères de la vie sociale. Or, malgré tout, force est de
constater qu'il y a, encore aujourd'hui, des personnes qui sont confrontées
à plusieurs obstacles, que ce soit sur le
plan de l'instruction, de la socialisation ou de la qualification
professionnelle. Elles n'ont jamais
pu intégrer un emploi rémunéré de façon stable de sorte de s'y maintenir. Elles
n'ont pas pu accroître par elles-mêmes
leur autonomie financière, d'autant plus que les personnes handicapées,
comparativement aux personnes qui n'ont pas d'incapacités, ont
historiquement plus de difficultés à obtenir un emploi.
Selon les cas, les personnes visées par le
projet de loi bénéficient du Programme de solidarité sociale depuis plusieurs
années. En 2017, le revenu était d'un peu moins de 13 000 $, ce qui
constitue bien le dessous du seuil de la pauvreté.
Avec ce mince revenu qui leur procure près de 1 100 $ par mois, elles
doivent, comme tous les autres, payer leur loyer, elles doivent, comme
toutes les autres, parvenir à se nourrir et à se déplacer.
Par contre, comparativement aux personnes sans
incapacité, elles doivent aussi composer avec des dépenses supplémentaires liées aux conséquences de leurs
incapacités qui, souvent, ne sont que partiellement couvertes par des allocations financières ou autres programmes
publics. Ces coûts supplémentaires, qui ne découlent pas des besoins
habituels de consommation, viennent aussi
diminuer leur revenu disponible. Cette situation leur demande, encore plus que
toute autre personne, de mieux prévoir, de
mieux rationaliser leurs dépenses.
Concrètement, cela se traduit pour elles par des sacrifices sur des besoins essentiels : logement,
nourriture, soins de santé, déplacements. Concrètement, ces personnes
renoncent souvent à combler certains besoins
dans le but d'en privilégier d'autres tout aussi importants, voire essentiels.
Elles vont accepter de louer un
logement moins cher, mais moins adapté à leur condition, par exemple — on
connaît des situations où des
personnes vivent dans des conditions, là, où c'est très difficile pour elles de
se déplacer au sein de leur logement — ou, au
contraire, elles vont choisir de vivre dans un logement plus dispendieux, mieux
situé des services essentiels, à proximité de ceux-ci, quitte à sacrifier, à renoncer à une partie de leurs besoins
d'aide à domicile, d'accompagnement et de traitement.
L'instauration d'un revenu de base permettra à
ces personnes de bénéficier, à terme, d'un revenu de plus de 18 000 $, soit la valeur actuelle du
panier de consommation. La somme supplémentaire qui leur sera versée alors ne
les rendra pas riches, loin de là, ça, je
pense que c'est important de le souligner, là, toutefois, elle leur permettra
par contre d'obtenir une sécurité financière minimale, d'accéder à des
conditions de vie beaucoup plus décentes qu'aujourd'hui. C'est ça, l'impact
concret qu'aura l'instauration d'un revenu de base pour la plupart des
personnes admissibles.
Bien sûr, nous
croyons qu'il demeure important de continuer nos efforts afin que les personnes
handicapées puissent, en toute égalité,
avoir accès à une formation adaptée, mieux intégrer le marché de l'emploi et
s'y maintenir. Nous sommes persuadés
que l'emploi constitue le meilleur vecteur qui leur permettra d'améliorer leur
situation et leur autonomie financière. Nous
comptons d'ailleurs sur la future Stratégie nationale sur l'intégration et le
maintien en emploi pour personnes
handicapées afin de répondre à ces enjeux. Il est important que les personnes
handicapées puissent suivre et avoir
accès à des parcours appropriés leur permettant d'intégrer le marché du travail
et de s'y maintenir. Cela fera en sorte d'éviter que la situation des personnes à risque s'aggrave au point que
celles-ci aient recours au revenu de base. Donc, c'est important d'avoir... on ne cherche pas un parcours... d'amener les
personnes vers le revenu de base, on cherche à éviter qu'elles n'aient à
se rendre au revenu de base. Ça, c'est extrêmement important.
Cela étant dit, il
est nécessaire de ne pas laisser de côté les personnes qui ne parviendront pas
à emprunter de parcours menant vers
l'emploi, et ce, pour différentes raisons liées à leurs incapacités, à leur
situation socio-économique ou à leurs
parcours personnel et professionnel. Il importe de réaliser qu'aujourd'hui,
malgré l'effort collectif et gouvernemental qui a été fait, il y a
encore des personnes qui se trouvent dans une situation financière plus que précaire
et qui n'ont actuellement pas d'autre issue. Cet état de fait perdure depuis
maintenant trop longtemps, un changement s'impose.
Vous le savez
peut-être, mais une des trois priorités de la politique gouvernementale À part
entière, qui a été adoptée en 2009, est
d'agir contre la pauvreté des personnes handicapées et de leurs familles. Pour
ce faire, la bonification du soutien
au revenu est l'une des voies privilégiées, avec l'emploi. C'est inscrit mot
pour mot dans cette politique, qui, à l'époque,
a fait largement consensus, qu'il faut bonifier le soutien au revenu.
Aujourd'hui, vous êtes appelés à statuer sur un projet de loi qui s'inscrit pleinement en cohérence avec cette
politique. Ne laissons pas passer cette opportunité. Offrons aux
personnes concernées la possibilité de vivre dignement dans des conditions de
vie décentes.
Ce projet de loi,
pour nous, nous le voyons comme une façon de dire à ces personnes, dans le
Québec en tant que société, qu'on ne les
laisse pas tomber. C'est une façon de reconnaître la situation particulièrement
difficile dans laquelle se trouvent
les personnes qui y seront admissibles. C'est l'occasion de reconnaître notre
rôle collectif et celui incontournable de
l'État en matière de solidarité sociale. C'est surtout un moment important qui
nous fait réaliser l'impact que nous pouvons avoir pour soutenir l'autonomie financière et la dignité des personnes
figurant parmi les plus démunies de notre société.
Bien
sûr, nous sommes conscients que certains éléments de mise en oeuvre méritent
d'être examinés. Vous avez lu nos
commentaires et suggestions à cet effet dans notre mémoire. Mais, pour nous, en
aucun cas ces considérations — je pense,
entre autres, au délai de carence et à l'échéancier de 2023 — ne doivent remettre en question le revenu de
base, son instauration.
L'office
offre sa collaboration afin de travailler avec les parties concernées à
l'identification de solutions à ces enjeux
dans le cadre de l'opérationnalisation du revenu de base. Il importe que ce
projet de loi soit adopté rapidement dans le cadre de la présente
session parlementaire. C'est notre responsabilité collective, et nous vous
demandons de la saisir. Merci.
• (16 h 20) •
La Présidente
(Mme Richard) : Merci beaucoup de votre présentation. Nous
allons débuter les échanges. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Blais :
Je veux d'abord vous remercier de la présentation, de sa clarté. Je voudrais
aller sur deux éléments assez distincts.
On en a peu parlé, mais la question de l'individualisation. Dans le fond, c'est
une mesure qui est individualisée, il y
a différentes compréhensions possibles de l'individualisation. Quand on regarde
en ce moment les bénéficiaires de la solidarité sociale, la forte
majorité vivent seuls, hein, et donc très peu en couple, là. Alors, comment
vous voyez les bénéfices ou peut-être même
des inconvénients par rapport à l'individualisation d'une mesure de transfert
comme celle-là?
Mme Hébert
(Anne) : Je disais tout à l'heure que le projet de loi s'inscrit avec
très grande cohérence avec la politique À part entière. Dans la politique À
part entière, on invitait, là... une des priorités, c'était la considération,
le maintien des liens conjugaux et
familiaux, tu sais, dans la perspective du soutien au revenu. Et l'approche
individuelle qui est proposée dans le soutien au revenu, mais vient de
permettre aux gens de ne pas... de permettre d'avoir des liens conjugaux et de vivre en famille. C'est le premier
impact, là. Nous, on ne l'a peut-être pas dit assez fortement dans le...
parce qu'on le prenait comme pour acquis,
là, on voulait surtout défendre l'instauration du revenu de base, mais ça
va permettre aux gens de vivre en couple, et puis de garder des liens
familiaux.
Puis
c'est souvent, là, il faut penser, là, un impact très concret que le conjoint
est souvent le proche aidant. Puis là on pénalisait la personne quand il y avait un conjoint qui avait un revenu,
puis il n'y avait pas d'avantage nécessairement financier à être en couple. Puis on ne tenait pas compte du fait que le
proche aidant, il y a un investissement personnel dans le soutien aux
personnes. Donc, c'est un gain énorme, l'approche individuelle, pour maintenir
ces liens conjugaux et familiaux puis, pour nous, là, c'est en pleine cohérence
avec la politique À part entière.
M. Blais :
Donc, vous voyez que ça peut avoir des conséquences pratiques importantes. On
pourrait imaginer que, dans les
prochaines années, on va avoir des couples qui vont se former ou qui vont
résister plus facilement. Ça peut avoir des conséquences aussi pratiques
que ça.
Mme Hébert (Anne) : Oui, tout à fait. Ça veut dire que ça ne va pas
nuire à, justement, l'établissement... Il y a des gens, là, qui ne vivent pas ensemble parce que ça
a des conséquences financières ou s'appauvrissent. Actuellement, ce
qu'on constate plus, c'est l'appauvrissement
quand les gens maintiennent des liens conjugaux avec des personnes qui ont
des contraintes sévères à un emploi. Donc, c'est un impact très important. Puis
il ne faut pas... Puis la question de la participation
sociale au Québec, là, est en progrès. Il y a des avancées importantes. Il
reste encore beaucoup de choses à faire, puis il ne faut pas
sous-estimer l'importance pour ces personnes-là de vivre dans une famille, d'établir
des liens conjugaux puis le rôle que la
famille joue en termes de soutien. Ça fait que c'est aussi une... l'approche
individuelle, même si c'est individuel, c'est aussi une approche de
soutien à la famille intéressante.
M. Blais :
Dans les politiques sociales, il y a toujours deux véhicules : ou bien on
offre des services à des populations en gage
de solidarité ou on offre aussi des revenus, hein, on augmente leurs revenus,
puis là, bon, il y a un équilibre à
avoir dans tout ça, hein? Vous vous êtes battus beaucoup pour l'offre de
services que... Et là on parle davantage de revenus ici, dans ce projet
de loi là, que de services, disons.
Comment vous
voyez ça, cette intégration-là? Est-ce qu'aujourd'hui en 2018 on était
davantage dus pour donner un coup de
barre au niveau de l'augmentation des revenus? Quand on voit les... hein, il y
a tellement de choses à faire en termes de priorités, là.
M. Trépanier
(Martin) : Vous savez,
lorsqu'on réclame des mesures et des programmes
adaptés pour les personnes handicapées, il faut bien que les parlementaires se mettent en tête que ce n'est pas leur
réclamer une vie de luxe. C'est leur réclamer
une vie d'abondance en termes de possibilités de s'épanouir collectivement. Et le message fondamental qu'on veut vraiment
vous passer aujourd'hui, c'est : Pour nous, le revenu de base, là,
ce n'est pas un marathon, puis on dit : La ligne d'arrivée, toutes les personnes handicapées s'en vont là. Ça va être une minorité de personnes handicapées qui veulent... Nous, on veut qu'une majorité de personnes
handicapées acquièrent des
connaissances, développent des compétences, accèdent à un emploi régulier ou adapté et, ensuite, s'épanouissent dans
la société, mais également contribuent économiquement. On l'oublie souvent, que les personnes handicapées
contribuent, hein? Les entreprises adaptées ont sûrement un chiffre
d'affaires qui doit avoisiner les 150 millions par année.
Mais on
dit : Tous les efforts... Mme Hébert a parlé tantôt de la stratégie
nationale, ça va être très important parce que tous les efforts doivent être faits pour se diriger vers l'emploi.
On dit toujours que la récompense suprême du travail, ce n'est pas ce que ça nous permet de gagner, mais
ce que ça nous permet de devenir. Mais malheureusement il y a des personnes qui ne pourront jamais accéder à
l'emploi. Et, pour ces personnes-là, on n'embarque pas dans la
rhétorique de bon pauvre ou de mauvais
pauvre, mais on dit : Il y a des personnes défavorisées puis il y en a des
plus défavorisées que d'autres. Je crois que le revenu de base, bien, va
répondre à ces personnes-là.
Mais c'est
sûr que le projet de loi n° 173 n'est pas une réponse complète à tous les
démunis de la province, mais je crois
qu'il est une réponse complète aux plus démunis des démunis. Et, en ce sens-là,
j'étais très heureux d'entendre le représentant
du comté de Rimouski, moi qui viens d'un petit peu plus loin, en Gaspésie, dire
qu'ils vont appuyer ce projet de loi
parce que c'est très important, je pense qu'on va apporter le Québec ailleurs,
un Québec plus humain et un Québec qui...
Bien, justement, on ne demande pas au gouvernement de s'appauvrir, on demande
de répartir un peu plus équitablement sa richesse. Puis je pense que
vous avez choisi une bonne cible.
La Présidente
(Mme Richard) : Merci, M. Trépanier. M. le ministre. Nous allons continuer. M. le
député de Rimouski, vous avez la parole.
M. LeBel : Merci, madame. Bienvenue. Effectivement, moi, je répète toujours, le titre, c'est : Instaurer un
revenu de base pour des personnes qui
présentent des contraintes sévères à l'emploi. Ce n'est pas un revenu de base
national, universel, inconditionnel, c'est
un revenu de base pour une clientèle, une partie de la population
qui vit des contraintes sévères. Mais il faut voir aussi que ce projet
de loi là, il s'inscrit dans le processus de l'adoption, il y a une quinzaine d'années, d'une loi-cadre qui est là pour lutter
contre la pauvreté. Ça fait qu'il faut garder ça en vision, même si, on
sait, on ne pourra pas tout régler demain
matin, la vision d'un Québec qui aura moins de pauvreté, il faut garder ça. Si
on fait un pas de plus, un pas
d'avance pour aider les personnes qui ont des contraintes sévères, il faut
regarder le portrait plus global.
Puis le
portrait global, ça fait en sorte qu'aujourd'hui avec l'instauration du revenu de base on vient de
créer un troisième palier. Il y a
les prestations d'aide sociale puis il y
a des gens qui vivent sur la pauvreté
à 648 $ pour un adulte sans contrainte,
782 $ pour un adulte contrainte temporaire, les prestations de solidarité
sociale, un autre niveau, 1 035 $ pour un adulte avec des contraintes sévères à l'emploi, et
là on introduit un troisième niveau, ce qui fait en sorte que le délai
de carence pour pouvoir atteindre le revenu
de base, il faudra passer au moins cinq ans dans l'autre avant, là, dans la
solidarité sociale, la pauvreté, avant
d'arriver. Le délai de carence fait en sorte que, si on veut avoir un soutien
familial, comme vous dites, avec une
conjointe ou un conjoint, bien, il va falloir que le conjoint ou la conjointe
fasse son délai de carence aussi parce
qu'il ne pourra pas parce que, dans la prestation de solidarité sociale, tu
n'as pas le droit d'avoir un conjoint ou tu es coupé, tu sais.
Bref, je veux
qu'on voie ça dans... on fait un pas en avant, puis je vais appuyer le projet de loi, on va faire en sorte que ça
avance, mais je veux qu'on continue à avoir la réflexion sur comment on lutte
contre la pauvreté dans l'ensemble de la problématique au Québec.
Dans votre
mémoire, vous dites... puis l'exemple, c'est
ça, c'est qu'on sort
84 000 personnes, on veut sortir 84 000 en 2023, mais, si on calcule l'ensemble des personnes
qui vivent sous le seuil du panier de consommation, là, c'est
780 000. Ça fait qu'on va en sortir un huitième. C'est un bout de fait,
mais c'est quand même un huitième puis c'est en 2023.
Dans votre mémoire, vous revenez sur le délai de
carence à la page 17, et là vous dites : «...l'office est d'avis qu'il y
aurait lieu d'abolir la période de carence afin de pouvoir bénéficier du revenu
de base pour les personnes dont l'impossibilité
à intégrer [au] marché du travail est manifeste en raison de leurs
incapacités...» Là, vous dites d'abolir. Il n'y en aurait pas pantoute,
là, de délai de carence.
J'aimerais ça
que vous m'expliquiez cette position-là, puis c'est probablement cette
position-là que vous allez travailler dans le comité du ministre, j'ai
bien l'impression.
La Présidente (Mme Richard) :
Mme Hébert.
• (16 h 30) •
Mme Hébert
(Anne) : Oui. D'abord,
peut-être quelque chose d'important sur le revenu de base.
Effectivement, ce n'est pas un revenu de
base, ce n'est pas la prétention du projet de loi, mais, nous, qu'est-ce qu'on
trouve intéressant, là, puis qui est
cohérent avec ce que la politique À part entière dit puis ce qu'on a déjà
plaidé par rapport au revenu minimum garanti, c'est qu'il fallait une
modulation de l'aide selon la gravité des situations des personnes. Et ce qu'on
trouve intéressant avec l'approche qui est
retenue, c'est qu'on commence par s'intéresser à ceux qui sont dans des
situations les plus difficiles, on
commence... donc on priorise ça. Puis c'est dans cette logique-là qu'on dit,
dans notre mémoire, qu'il y a
certaines personnes qui ont des incapacités graves et multiples, ne pourront
peut-être jamais travailler, qu'il faudrait peut-être regarder pour elles comment elles pourraient accéder plus
rapidement. Puis on est prêts à le faire dans le cadre des travaux du
comité de travail. Mais, pour nous, ces questions-là, là, ça n'empêche pas
qu'il faut adopter le principe du revenu de base rapidement.
Mais, sur ce,
j'aimerais... pourquoi ça demande un certain temps de réflexion, là, on craint
une adéquation personne handicapée
égale inapte au travail. On a toujours plaidé pour ne pas qu'on se base...
qu'on ne fait pas cette adéquation-là. Ça
prend une complémentarité des actions. Il faut travailler sur l'emploi, il faut
travailler sur la scolarisation. Le revenu de base, c'est juste un des éléments de la lutte à la pauvreté. Ça vient
améliorer les conditions. Mais un plan de lutte, là, c'est qu'il faut
agir sur plusieurs fronts. C'est ça, ce que nous invite le plan de lutte, puis
c'est à ça que nous invite aussi la politique
À part entière. Il faut agir sur le logement, il faut agir sur l'emploi, il
faut agir sur les capacités de déplacement, le transport adapté, par
exemple, l'accessibilité physique de l'environnement. Donc, c'est
complémentaire à une action.
Mais ce qu'on
appuie beaucoup, c'est de dire : On commence par ceux qui sont dans des
situations de plus grande précarité.
Et c'est sûr qu'on va participer, dans les travaux, à essayer de voir comment
on peut assouplir ça, améliorer ça, l'instaurer,
mais ça demande une certaine réflexion. Mais nous, on est très contents qu'il y
ait une priorisation pour les personnes
qui sont en plus grande difficulté parce que je vous dirais que...
M. Trépanier disait que ça fait 40 ans, de la loi, mais on a été souvent confrontés aux grandes
politiques sociales qui s'occupent du groupe général puis ne voient pas
trop comment ils peuvent adapter ça pour les
personnes handicapées. Puis on vient souvent en commission parlementaire
pour dire : Oups! N'oubliez pas les
personnes handicapées. Ça prend des mesures adaptées si vous voulez atteindre
l'impact. Et là on est dans une situation où cette préoccupation-là est au
premier plan. Ça fait que, pour nous, c'est intéressant.
M. LeBel :
Et je vais vous dire le problème que j'ai, là, vous allez peut-être m'aider. Je
comprends ce que vous dites, puis je
comprends ce que tous les groupes de personnes handicapées sont venus nous
dire, puis je comprends que vous êtes
contents, puis je suis content avec vous autres. Mais ce que j'ai de la misère,
c'est que j'ai l'impression qu'on parle beaucoup, là, de la politique À part entière, de tous les gains, le
travail que vous avez fait pendant des années, mais en même temps on travaille sur un projet de loi qui vient
lutter contre la pauvreté puis qui vient aussi intégrer des choses sur
l'ensemble de la société, l'ensemble de la problématique de
la pauvreté dans la société. Puis moi, je ne veux juste pas qu'on oublie le
reste.
Puis j'essaie
de faire en sorte de dire que c'est bien difficile, ça, mettre la
ligne : Tu es-tu vraiment... Tu es-tu... Puis je ne veux pas dire que c'est juste les personnes
handicapées qui ont des contraintes sévères, je suis d'accord avec vous.
Mais c'est bien difficile, mettre la ligne.
Puis je trouve que dire à des personnes que toi, tu n'es pas vraiment en
contraintes sévères, tu n'es pas vraiment
assez handicapé, là, pour avoir le revenu de base, il faut que tu restes dans
l'autre programme de solidarité puis
que tu te fasses écoeurer par l'aide sociale à tout bout de champ parce que tu
as une conjointe, ou tu as ci, ou tu
as ça, puis tu as des règles à respecter, tu as gagné trop cher ou tu as fait
un héritage, ça, là, c'est un débat que je voudrais continuer à avoir. Mais, quand je le fais, ce n'est pas contre
vos gains que vous avez faits, mais j'aimerais ça qu'on ait tous une solidarité autour de ça, qu'il faut
vraiment, au Québec, lutter contre la pauvreté puis pour ceux qui sont
plus vulnérables, probablement. Mais on
parle de 80 000 sur 800 000, tu sais, c'est quand même... Mais on a
de l'ouvrage à faire.
La Présidente (Mme Richard) :
Mme Hébert.
Mme Hébert
(Anne) : On va être
solidaires de la poursuite du débat, mais ce qu'on est venus vous dire,
c'est : On tient absolument que le
principe soit retenu puis enchâssé si on veut qu'il y ait un débat parce qu'on
ne voudrait pas que le débat remette en question ça, là. C'est un acquis
extrêmement important, puis on veut que...
M. LeBel : ...
Mme Hébert (Anne) : C'est ça.
Mais donc, oui, on va être solidaires de la poursuite du débat. N'oubliez pas qu'il y a des personnes, là, handicapées qui n'ont
pas de contrainte, qui ne vont pas se qualifier nécessairement, puis il faut aussi améliorer leur situation. C'est pour ça
qu'on a aussi beaucoup d'espoir, d'attentes, qu'on travaille de très
près avec le ministère de l'Emploi et de la
Solidarité sociale à l'élaboration de la stratégie pour l'intégration et le
maintien en emploi. Oui, cette
stratégie-là parle d'emploi, mais elle va aussi aborder les questions de, tu
sais, comment mieux préparer ces personnes-là
vers un parcours. Il faut soutenir les personnes handicapées dans l'ensemble de
leur parcours qui mène vers l'emploi. Et là ça, ça touche beaucoup de
personnes. C'est vrai pour les autres personnes...
La
Présidente (Mme Richard) :
Si je peux me permettre, Mme Hébert, il ne reste pas beaucoup de temps
au député de Rimouski, et je pense qu'il veut...
M.
LeBel : Juste pour dire que je suis d'accord avec vous puis qu'il y a
une grande réflexion que vous avez... vous semblez avoir cette réflexion-là, puis je pense qu'on pourrait continuer
à travailler ensemble. Mais, il y a une quinzaine d'années, moi, j'ai fait la tournée du Québec pour adopter la loi
pour lutter contre la pauvreté, j'ai refait une tournée, là, comme député de l'opposition récemment et j'ai vu des choses
que je n'avais pas vues dans le temps. Être personne handicapée ou vivre dans la
pauvreté dans un village en Gaspésie, loin des dépanneurs, loin... pas des
dépanneurs, mais des marchés, c'est compliqué, c'est de plus en plus
compliqué. Vivre de la pauvreté dans les milieux ruraux, c'est compliqué. Vivre de la pauvreté quand tu es devenu
plus aîné, c'est compliqué. Il y a une grande réflexion à avoir, et c'est ça
que j'aimerais faire à un moment donné, un jour. Merci.
M. Trépanier
(Martin) : La recette à
appliquer est la même pour les personnes
handicapées que pour les
autres citoyens, c'est d'y aller vers l'emploi. On a toujours dit que le revenu de
base, c'était pour une minorité de... ceux qui ne pourront jamais
travailler.
M. LeBel :
...
M. Trépanier
(Martin) : Donc, et je
connais bien la situation de la Gaspésie, je viens de là, mais c'est
donc... L'État a mis vraiment
de très bons outils en place présentement, il ne faut pas tout refaire. On a des services
spécialisés pour les aider, on a des entreprises
adaptées, on a des programmes d'employabilité. On demande aux personnes handicapées également
d'avoir accès au programme
d'employabilité qui est offert à tous les autres citoyens. Vous voyez à quel
point les personnes handicapées veulent être considérées comme des citoyens à
part entière, donc, et d'en bénéficier.
Mais
c'est la même lutte. Vous avez raison dans ce sens, c'est la même lutte pour
les personnes handicapées que pour
les autres personnes qui veulent se sortir de la pauvreté, se donner un
meilleur sort. Mais on a un devoir quand même, je crois, moral, en tant
que société qui est en moyens, d'aider les plus pauvres et les plus démunis.
M. LeBel :
Je suis d'accord avec vous.
La Présidente
(Mme Richard) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant du
côté du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Drummond—Bois-Francs,
vous avez la parole.
M. Schneeberger :
Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous quatre. Dans votre
mémoire, je pense que tout le monde
autour de la table... je pense qu'au niveau du projet de loi, ça fait assez
l'unanimité. Par contre, vous, ici, vous êtes en une enceinte
gouvernementale, vous représentez les handicapés. On parle de handicapés, c'est
sûr qu'il y a des handicapés de plusieurs
niveaux. Il y a des handicapés légers, il y a des handicapés très sévères, et
que soit... surtout physique, mais mental aussi.
Malheureusement,
je trouve, votre mémoire fait un peu «too much». Je m'explique. C'est que, bon,
ici, on s'entend, vous venez
présenter votre idée face... au niveau du projet de loi, c'est correct. Mais on
s'entend que les handicapés, là, il y a plusieurs ministères qui sont
touchés, là, on parle de la santé. Mais malheureusement, pour connaître pas mal
bien les procédures, pour les handicapés plus sévères qui ont encore la chance
de pouvoir rester à la maison avec leur conjoint, conjointe, c'est un combat à
tous les jours pour arriver à avoir des services. Et ce que je peux vous dire,
par connaissance de cause, c'est : Ces
derniers temps, avec la réforme, ces gens-là, là, ils mangent un coup, là,
parce que moi, j'ai eu des cas, là,
les aides à domicile, là, qu'on appelle, là, ont diminué drastiquement. Alors,
quand on vient nous dire que, là,
c'est bien, mais c'est bien beau, là, mais le handicapé, là, ça touche plus
large. Puis, tu sais, j'aurais aimé ça au moins que vous le mentionniez
là-dedans que... je veux dire, regardez, là, on a fait un bon bout, mais il y a
encore des choses.
Alors,
on peut bien en sourire, mais il ne faudrait pas oublier certaines personnes
qui ne sont pas tenues... Puis je sais
que le député de Rimouski... je pense que ses commentaires, c'est ça aussi
qu'il voulait dire, il ne faut pas les oublier, ces gens-là. Puis c'est
des gens qui se battent, se battent contre... on peut dire contre le CLSC parce
qu'on vient les interroger pour savoir si
leur situation a changé, alors qu'on sait très bien que la situation n'a pas
changé du tout, pour finalement se
faire dire : Bien, finalement, regardez, nous, avec nos nouvelles mesures,
là, bien, votre aide à domicile est coupée
de tant. Ça fait que, là, celui qui vient ou celle qui vient vous aider dans le
jour, là, bien, arrangez-vous avec, là. Payez-le moins, alors qu'il est déjà payé pas loin du salaire minimum.
Ça, c'est toutes des choses que j'aurais aimé ça, en tant qu'office des
handicapés, que vous mentionniez également. Voilà.
La Présidente
(Mme Richard) : Mme Hébert.
• (16 h 40) •
Mme Hébert (Anne) : C'est sûr qu'on a centré notre propos sur le
revenu de base. Il n'y a pas eu d'occasion, dans les 10 dernières
années, de parler de soutien au revenu, de l'amélioration au revenu. Puis,
nous, c'était vraiment une question prioritaire, cet aspect-là.
Mais
vous avez raison de dire qu'il y a plein d'autres... le revenu de base, ça ne
réglera pas toute la question de la réelle
possibilité pour les personnes handicapées d'exercer leur droit à l'égalité
dans tous les domaines, là, d'exercer... d'atteindre la pleine
participation sociale. Ça, on est bien conscients de ça, mais ce n'était pas le
propos du mémoire.
Mais
je vous invite à lire... on a publié, au mois de juin dernier, quatre rapports sur l'efficacité de la politique À part entière. Ces rapports-là sont publics, sont
disponibles, et on fait le point... on répond à la question : Est-ce que, depuis l'adoption
de la politique À part entière, est-ce
que ça a amélioré... est-ce que
ça a réduit les obstacles? On parle du soutien à domicile, des déplacements, des communications. On a fait certains
constats, et vous allez retrouver, dans ces rapports-là, à la fois des données
administratives, des données d'enquêtes et des recommandations qu'on a faites
au gouvernement pour continuer d'améliorer la situation.
Donc,
l'office, là, se préoccupe de fournir des données puis d'avoir une lecture
précise des avancements. Je vous invite
à lire ces rapports-là. Et, si vous le souhaitez, on est prêts à venir faire
une présentation des rapports parce
que ça va vous
donner, dans quatre grands domaines, vraiment le portrait de la situation actuelle. Et nous
sommes déjà, là, nous sommes mandatés pour faire un suivi des recommandations qu'on a faites.
On est déjà, donc, actifs à la mise en oeuvre, là, de certaines des recommandations qui touchent le soutien à domicile, les déplacements, la
communication, et nous sommes actuellement à préparer d'autres rapports sur l'efficacité de la politique, qui va
toucher les questions de l'emploi, des services de garde, de l'éducation et j'en oublie un autre... des
loisirs et sports et l'habitation. Bien, l'habitation, on l'a fait dans le premier cas, là. Donc, ces
secteurs-là vont être couverts.
Vous
pouvez avoir, avec ces rapports-là, publics, qu'on a diffusés largement... puis qu'on est très intéressés à continuer
à faire connaître la situation plus précise. Mais on trouvait que c'était... On voulait avoir un propos
très précis pour la présente commission
parlementaire parce qu'au sujet du soutien au revenu il
n'y a pas eu beaucoup d'occasions pour faire progresser la situation.
M. Schneeberger :
...peut-être encore, oui?
La Présidente
(Mme Richard) : Oui, il vous reste
1 min 16 s.
M. Schneeberger :
Oui. Est-ce que vous avez des membres qui sont chez vous qui font partie des
tables de discussion avec les six... bien,
moi, je veux parler du Centre-du-Québec parce que je viens de cette région-là,
mais aussi partout ailleurs pour
justement, avec les... en cas qu'il y ait des mesures au niveau des soins de
santé, l'accompagnement, des choses
comme ça? Êtes-vous sur la table pour dire : Regardez, nous, c'est ça
qu'il a besoin? Parce que moi, je regarde actuellement ce qui se passe,
là, puis je n'ai pas l'impression qu'il y a de l'écoute beaucoup, là, de la
part des six, là.
Mme Hébert (Anne) : Bien, l'office agit par différents moyens. Un des
premiers... On a des services directs à la population. C'est-à-dire que les personnes peuvent appeler à l'office pour
avoir des informations sur les programmes qui existent, on les réfère au bon endroit puis on leur donne les
informations de base sur les programmes sur lesquels... ont droit. Puis on accompagne également les personnes
quand ils rencontrent des difficultés, là, d'accès aux programmes. Et on a beaucoup, beaucoup, beaucoup de demandes, là.
C'est en augmentation constante depuis les cinq dernières années, là. On est très sollicités, puis c'est un service
qui est très apprécié. Et ces interactions-là, qu'on a avec les personnes
qui sont en difficultés, nous donnent aussi une lecture des difficultés
rencontrées par les personnes handicapées.
La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup. C'est
malheureusement tout le temps qui était à la disposition du deuxième
groupe d'opposition. Je vous remercie pour votre contribution.
Et je suspends les
travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place.
(Suspension de la séance à
16 h 44)
(Reprise à 16 h 51)
La Présidente
(Mme Richard) : Donc...
Une voix :
...
La Présidente (Mme Richard) : Nous allons attendre quelques instants pour que les personnes qui
accompagnent Mme Bouchard puissent prendre place.
Donc, on va
resuspendre à nouveau.
(Suspension de la séance à
16 h 52)
(Reprise à 16 h 53)
La Présidente
(Mme Richard) : Donc à l'ordre, s'il vous plaît! On va
reprendre nos travaux.
Une voix :
...
La Présidente (Mme Richard) : Je pense qu'elle arrive, là, la personne. Donc, est-ce que,
Mme Bouchard, vous avez toutes les personnes...
Mme Bouchard
(Marielle) : Non, il m'en manque une encore. On est quatre.
La Présidente
(Mme Richard) : On va resuspendre à nouveau.
(Suspension de la séance à
16 h 54)
(Reprise
à 16 h 58)
La Présidente (Mme Richard) : Donc, à l'ordre, s'il vous
plaît! Je pense que toutes les
personnes sont arrivées. On peut débuter.
Donc, la commission
reprend ses travaux, et nous recevons le Front commun des personnes assistées
sociales du Québec. Mme Bouchard, je vais demander de présenter
les personnes qui vous accompagnent. Vous avez un temps de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la
suite suivra un échange avec les parlementaires. Donc, vous avez la parole,
Mme Bouchard.
Front commun des
personnes assistées
sociales du Québec (FCPASQ)
Mme Bouchard
(Marielle) : Merci. Bien, en
fait, je commence à ma droite. Yann Tremblay-Marcotte, du Front commun des personnes assistées sociales, moi-même,
Marielle Bouchard, du Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec, Denyse Thériault, également
du Regroupement des femmes sans emploi du Nord de Québec, et Stéphane
Bouchard — Stéphane,
ton groupe, excuse-moi, là.
M. Bouchard (Stéphane) :
Regroupement des assistés sociaux du Bas-Richelieu.
Mme Bouchard (Marielle) :
Bas-Richelieu. Voilà. Donc, tous membres du front commun.
M. Tremblay-Marcotte (Yann) :
Donc, oui, on va présenter en 10 minutes. Tout d'abord, essentiellement, le message qu'on va passer aujourd'hui, c'est que,
pour nous, ce n'est pas un véritable revenu de base. Pour nous, il
s'agit plutôt d'une solidarité sociale qu'on
se voit très sélective envers une partie de la population. Donc, vraiment, on
va alterner nos tours de parole, puis je passe déjà la parole à
Stéphane.
• (17 heures) •
M. Bouchard
(Stéphane) : Effectivement, ce programme n'est pas un revenu de base.
Une base, c'est un soutien, c'est une
fondation, c'est un minimum. Or, les autres programmes de dernier recours sont
en dessous de cette soi-disant base.
Si l'on prend, selon le principe de ce programme, que la base soit l'équivalent
de la mesure du panier de consommation,
on voit que les personnes sur la solidarité sociale n'en ont que 75 %, les
personnes à l'aide sociale, 52 %, et les personnes ayant à subir
des coupures d'Objectif emploi, 38 %. Ce prétendu revenu de base n'est en
fait qu'une majoration de la solidarité
sociale. Le vrai revenu de base devrait être universel et inconditionnel et
s'appliquer à toutes les personnes dans le besoin parce que vivre la
pauvreté, ça fait mal.
Mme Thériault
(Denyse) : Oui, moi, j'en vis, les conséquences de la pauvreté, et je
vous en parle. Mon nom, c'est Denyse,
et j'ai été chef de famille monoparentale. En étant sur l'aide sociale, on m'a
classée alors comme étant sans contrainte
à l'emploi. Mon chèque n'était pas suffisant pour faire vivre mon fils et moi.
Pour améliorer le montant de mon chèque,
on m'a imposé de participer à un programme d'EXTRA en même temps que je faisais
un programme d'études insertion en
milieu de travail. C'est à partir de là que ma santé est déclenchée. Le stress
causé par le programme, d'aller à
l'école, de m'occuper de mon fils et de ne pas arriver financièrement, tout ce
stress a fait exploser le nombre de crises d'épilepsie que je vivais par jour. Le fait de passer à cinq crises à
30 crises par jour, ma qualité de vie a pris un large détour, et
j'ai dû placer mon enfant au fait de ne pas... que mon enfant ne soit pas en
sécurité à la maison.
La pauvreté impose souvent de faire des choix
déchirants. Placer mon enfant en fut un. Ne pas avoir assez d'argent pour couvrir nos besoins quotidiens,
c'est la dure réalité qu'on impose aux personnes à l'aide sociale. Il n'y
a aucune place pour les imprévus dans notre
budget. Ce n'est pas vraiment par un choix d'être à l'aide sociale et ce
n'est pas vrai qu'on y reste en santé. On
juge et on dit à tort qu'on n'a pas de contraintes à l'emploi. Personne n'est à
l'abri de tomber à l'aide sociale. En tant qu'un vrai revenu de base n'est pas
garanti à tout le monde, on passe à côté de la solidarité sociale.
Mme Bouchard
(Marielle) : Effectivement, pour nous, la vraie solidarité sociale, ça
devrait garantir les droits fondamentaux
à tout le monde. En vertu de la charte québécoise des droits de la personne,
toute personne a droit à un revenu suffisant pour vivre dans la dignité.
Ce qui est
positif avec le projet de loi n° 173, c'est de faire, dans le fond, un
vrai pas vers la mesure du panier de consommation pour 2023. On se
demande pourquoi attendre aussi longtemps. Souvent, quand c'est pour soutenir
des compagnies privées, quand c'est le temps
de donner les crédits d'impôt, c'est immédiat et même rétroactif. On
s'entend, tous les individus ont les mêmes
besoins de base, tous les citoyens ont droit d'avoir des conditions de vie qui
ne mettent pas en péril leur santé.
Vivre à l'aide sociale au Québec aujourd'hui, ça met en péril la santé
physique, mentale et sociale.
Le point négatif, surtout, du projet de loi
n° 173, c'est l'exclusion, c'est vraiment le fait d'exclure certaines personnes à ce droit à une vie décente. On les
exclut essentiellement sur la base de préjugés. Puis la multiplication
des différents programmes dans la Loi sur
l'aide aux personnes et aux familles, ça garantit de moins en moins, en fait,
un accès équitable aux ressources
financières puis dans l'accès aux programmes également. D'un côté, on a
Objectif emploi puis, de l'autre, on
a le revenu minimum qu'on crée maintenant. Donc, on accentue avec ça la
distinction entre le bon pauvre et le
mauvais pauvre. Puis c'est vraiment discriminatoire et ça nie complètement les
causes systémiques de la pauvreté. Il n'y a personne qui mérite de crever
de faim, indépendamment des préjugés qu'une personne ou l'autre pourrait avoir
à son sujet.
Maintenir
une partie de la population dans la pauvreté, ça engendre des coûts sociaux et
humains qui sont dramatiques.
Permettre à des personnes d'arriver au niveau de la MPC, c'est vraiment bien
puis c'est moins discriminatoire pour ces personnes-là, c'est meilleur
pour leur dignité, c'est meilleur pour leur santé puis c'est moins coûteux pour
la société. Donc, pourquoi est-ce que ce ne
serait pas valable pour tout le monde? Donc, ça, c'est vraiment la question
qu'on se pose. Il y a plusieurs autres injustices qui perdurent malgré le
projet de loi n° 173. On peut penser aux pensions alimentaires pour
enfants ou encore la coupure de vie maritale qui touche les couples.
Mme Thériault (Denyse) : Ah
oui! La vie maritale. Le ministre avouait que la coupure pour la vie maritale est un problème. Effectivement, cette coupure fait
perdre l'autonomie économique et crée une dépendance envers l'autre conjoint à l'aide sociale. Pourtant, il n'y a rien
de réglé là, la coupure est encore là. Je ne comprends pas ce que ça
nous donne socialement.
M. Tremblay-Marcotte
(Yann) : Aussi, une chose qu'on ne comprend pas aussi, c'est toute la notion des gains de travail permis. On voit qu'il y a un pas qui est fait au niveau
du revenu de base, que les personnes qui travaillent pourront conserver l'ensemble
de leurs revenus. Par contre, quand on voit les autres programmes,
que ce soit Objectif
emploi, aide sociale ou solidarité sociale, les gens pourront travailler
pour 200 $ et après ça, selon le
programme, pourront garder 20 % ou 10 % des revenus supplémentaires. En d'autres mots, on
pourrait aussi dire que les personnes assistées sociales se voient
imposer à 90 % ou 80 % de leurs revenus.
Pourquoi l'histoire des gains de travail permis, ce n'est pas généralisé à
l'ensemble des programmes? Souvent,
on entend beaucoup, dans la population, que c'est les personnes assistées
sociales qui ne veulent pas
travailler, mais, nous, ce qu'on voit, c'est qu'il y a des obstacles, et on
empêche les personnes assistées sociales de travailler et on les empêche de conserver leurs revenus de travail. Ça,
c'est une chose qu'on ne comprend pas, pourquoi ça n'a pas été
généralisé à l'autre programme.
Ensuite, on
veut aussi parler des pensions alimentaires pour enfants. On se rappelle que,
le 29 novembre 2012, les quatre
partis politiques — il y
avait unanimité — ont
adopté une motion qui disait : «Que [le] gouvernement du Québec
[...] agisse avec diligence et équité afin
que les pensions alimentaires pour enfants cessent d'être traitées comme un
revenu pour le parent créancier...» Et on se rappelle que, récemment,
l'ex-ministre libérale Marguerite Blais réagissait le 15 décembre 2017, c'est très récemment, et se demandait : Que
valent les motions si elles ne finissent pas en projets de loi? À quoi
ça sert de se voter des motions si, au final, on finit par ne rien faire à
propos de ça?
2012, la motion. On est rendus en 2018. Comment
ça se fait qu'il y a eu encore une inaction par rapport à ça? Puis cette injustice-là, ce détournement de la
pension alimentaire, de l'argent qui passe directement du parent payeur
à l'État, comment ça se fait que c'est encore détourné de nos jours?
M. Bouchard (Stéphane) : ...que
fait-on pour les personnes travailleurs précaires? Les personnes assistées sociales et les travailleurs pauvres sont souvent,
en réalité, les mêmes personnes. Beaucoup ont un emploi précaire,
alternent les petits boulots et font des
allers-retours à l'aide sociale. Il y a une forte précarisation du travail, de
plus en plus temporaire et à temps
partiel, qui se joint au refus de mettre le salaire minimum à un niveau
suffisant. Les travailleurs doivent souvent se tourner vers l'aide
sociale pour combler leurs revenus.
Travailler ne
permet donc pas toujours de sortir de la pauvreté, et les travailleurs
précaires méritent, eux aussi, une sécurité
pour assurer leurs besoins essentiels. Alors, pourquoi limiter le revenu de
base seulement aux personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi
depuis plus de cinq ans et demi?
M. Tremblay-Marcotte
(Yann) : Donc, si — on a essayé de faire vite en l'espace du
10 minutes — on
avait comme conclusion... en fait, c'est
vraiment ça. Pour nous, le revenu de base, ce n'est qu'un nom. Ce n'est pas ce
qui se passe, en fait, avec l'idée de
ce programme-là. Comme on le rappelle, c'est vraiment une solidarité sociale
qui devient très sélective envers une partie de la population, qui, de
fait, continue à en mettre beaucoup de côté, qui maintient dans la pauvreté beaucoup de personnes que l'on pourrait
aider. On en a proposé, différentes solutions qui pourraient être
étendues. On n'aide, en fait, qu'une partie
de la population avec ce programme-là. On croit qu'il doit être modifié encore.
C'est encore possible de modifier ce revenu de base là pour que ça soit un
véritable revenu de base. Évidemment, c'est une question de volonté politique.
Merci.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci. Nous allons débuter les échanges. M. le ministre, vous avez la
parole.
• (17 h 10) •
M. Blais :
Alors, merci beaucoup pour l'exposé. Peut-être sur la question de l'utilisation
du terme «revenu de base», on peut
changer le mot, hein? C'est le mot. Chien ne mord pas, hein? Donc, on peut changer
l'expression. Ce qui était utile et
intéressant dans l'expression «revenu de base», c'est l'idée d'un socle,
c'est-à-dire d'un socle à partir duquel il peut essayer d'aller chercher d'autres revenus sans être pénalisé. Et donc,
si vous voulez, on peut appeler ça le revenu de base catégoriel parce que c'est un revenu de base
qui... donc, une allocation universelle qui s'adresse à une catégorie,
comme la sécurité de la vieillesse, au
Canada, est une allocation universelle catégorielle, elle s'adresse à une
catégorie. Puis on peut débattre
ensemble : Est-ce qu'on veut que l'allocation... la sécurité de la
vieillesse demeure universelle ou pas, là? Moi, j'ai des idées là-dessus. Peut-être que vous en avez aussi. Le
supplément de revenu garanti au Canada est un impôt négatif. Donc, ce revenu de base là n'est pas un impôt
négatif, ça, très clairement. Donc, il est beaucoup plus près d'une
allocation universelle catégorielle.
Ce qui
m'intéresserait un petit peu de mieux comprendre dans votre propos, c'est, je
pense, les réticences, le malaise, le
désaccord qu'il y a autour de l'idée d'accorder, disons, des revenus plus
importants à une catégorie, qui sont les personnes handicapées, en particulier
lourdement handicapées. Est-ce qu'il y a un malaise avec ça dans votre
approche, votre philosophie, que, hein, j'ai
cru entendre : Tout le monde devrait être traité de la même façon. Mais,
en même temps, les réalités sont bien
différentes, hein? Si vous êtes lourdement handicapé, je peux vous dire, ce
n'est pas facile, la vie, là, notamment pour avoir accès au travail.
Donc,
comment vous voyez cet arbitrage-là? Est-ce que vous reconnaissez qu'il y a des
personnes lourdement handicapées, qu'elles doivent être traitées
différemment, avoir les revenus plus importants, là? Comment vous voyez les
choses?
La Présidente
(Mme Richard) : M. Marcotte.
M. Tremblay-Marcotte
(Yann) : Oui. Bien, effectivement, on reconnaît que les personnes
handicapées ont des besoins spéciaux
du fait de la situation de handicap dans laquelle elles sont. Par contre, il y
a quand même un indicateur, je pense,
qui est mis de l'avant avec le revenu de base, hein, qui est la mesure du
panier de la consommation. Puis ce qu'on ne comprend vraiment pas dans tout ça, c'est, si on considère que c'est
une base, en fait, que ça permet de remplir aux besoins essentiels, pourquoi, si les personnes handicapées en méritent
100 %, pourquoi qu'il y en a que c'est 55 %, 75 % et d'autres 38 %? Donc, c'est à partir de là
qu'on ne comprend pas, mais on reconnaît effectivement que... puis c'est ça,
notre position, c'est-à-dire que les personnes handicapées ont des besoins
spéciaux supplémentaires à cette mesure du panier de la consommation, en fait.
M. Blais :
Donc, ça justifie qu'il y ait un montant plus important pour eux? C'est ça que
je veux... Dans votre approche, là,
c'est : Tout le monde devrait avoir le même montant ou on devrait
reconnaître cette catégorie-là, quelle que soit la façon dont on va le définir, parce qu'ensuite il faut
l'opérationnaliser? C'est ce bout-là que je veux essayer de saisir dans
votre approche.
M. Tremblay-Marcotte
(Yann) : On n'a pas le débat à savoir si c'est un montant ou si c'est
davantage de services, mais ça doit
être les deux, en tout cas. Mais, pour nous, c'est vraiment... il y a une base
qui doit être disponible à tout le monde,
qui doit être égale, et ensuite il y aurait, oui, effectivement un supplément
en raison de la situation de handicap, en raison des difficultés supplémentaires, les défis supplémentaires que
vivent les personnes handicapées. Donc, pour nous, effectivement, c'est
une reconnaissance de ces difficultés-là.
M. Blais :
Pas de difficulté de principe. De votre côté, est-ce qu'on dit : Bien,
voilà, il faut faire un effort financier supplémentaire pour eux, là? À la limite, par exemple, dans votre
modèle, moi, j'ai l'impression qu'il y aurait... tout le monde devrait être à la MPC, hein, donc que...
quelqu'un qui ait une contrainte ou qu'il n'en ait pas, tout le monde
devrait être à la MPC au moins, minimal, et,
bien sûr, quelqu'un qui a une contrainte devrait avoir plus que la MPC. Est-ce
que c'est un peu votre approche?
M. Tremblay-Marcotte
(Yann) : C'est-à-dire qu'il y a précisément une situation de handicap
qui exige, de fait, d'avoir une
compensation, tu sais. Pour nous, la notion de contrainte a toujours été
problématique, la contrainte à l'emploi, parce qu'il y a plusieurs personnes qu'il n'y a pas de contraintes qui
sont reconnues. Puis, pour nous, c'est l'ensemble des personnes qui ont
les besoins similaires. Mais la situation d'un handicap, c'est une autre chose,
en fait, ce n'est pas nécessairement la contrainte. Donc, c'est là que ça
mérite, en fait, compensation.
M. Blais :
Très bien.
Une voix :
C'est clair?
M. Blais :
Bien oui. Je pense que vous êtes favorables pas nécessairement au projet de
loi, mais vous êtes favorables au principe
qu'il devrait y avoir des montants, donc, supplémentaires reconnus, là, pour
les personnes qui ont des contraintes.
Vous n'êtes peut-être pas d'accord avec la façon dont on définit les
contraintes, mais vous ne dites pas que tout le monde a les mêmes contraintes, là. C'est ça que j'essaie de voir, là,
si, pour vous, cette catégorisation-là, parce que c'est vous qui avez utilisé l'expression, je pense, elle
est utile, nécessaire. Alors, ça nous permet de... ou bien c'est une
erreur de catégoriser entre contrainte et sans contrainte. C'est quand même
assez fondamental dans ce projet de loi là.
M. Tremblay-Marcotte
(Yann) : Mais je pense que la différence, c'est : on parle de
handicap et non pas de contrainte. Tu sais,
c'est un peu une distinction, dans le fond. Une contrainte à l'emploi, c'est
différent d'un handicap, tu sais. Puis c'est un handicap qui, après ça,
amène une compensation financière, tu sais.
M. Blais :
O.K.
La Présidente
(Mme Richard) : Ça va, M. le ministre?
M. Blais :
Oui.
La Présidente
(Mme Richard) :
Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le
député de Rimouski, vous avez la parole.
M. LeBel : Oui,
merci. Je pense que ce qu'on vient de vivre là, c'est exactement ça, le malaise
que je parlais tantôt. Là, si on veut
lutter contre la pauvreté, puis lutter contre la pauvreté de tout le monde
aussi, puis qu'on veut couvrir la pauvreté
de ceux qui ont des contraintes sévères, qui peuvent vivre des situations
particulières personnelles difficiles... Mais l'objectif, ce n'est pas de... l'idée, ce n'est pas de
savoir : Il y en a-tu un qui a plus de problèmes que l'autre?
L'idée, c'est de savoir : Est-ce qu'on
peut donner un revenu qui est humain, qui est permet aux gens de vivre? Puis, à
partir de là, quand on... si on a...
puis que c'est... dépendamment de leur situation, un revenu qui permet d'être
digne. À partir de là, si tu as des
problématiques plus particulières, là, il y a des mesures qui viennent
compléter l'intégration, comme les personnes handicapées disaient tantôt. Mais la base, ce n'est pas de commencer par
diviser le monde en catégories pour savoir : Bien, lui, il mérite
ça, il mérite moins ça, il mérite ça, c'est de dire : Quand tu es pauvre,
comment tu fais pour sortir de la pauvreté? Puis,
quand tu as réglé ça, l'autre bout devrait suivre. Puis c'est ça, le danger
d'ici, puis moi, je vais faire attention, là, de plus en plus c'est... Les groupes de personnes handicapées sont
contents dans des gains qu'ils ont obtenus, puis, en même temps, moi,
j'amène qu'il faut être content de ces gains-là, mais il faut voir encore
l'ensemble de la situation de la pauvreté.
Puis
vous avez raison, monsieur, quand vous dites : Là, on s'enligne dans des
affaires, il y a des bons pauvres puis il
y a des mauvais pauvres. Et ça, il ne faut pas sortir de la commission comme
ça. Il faut être solidaires, tout le monde ensemble, puis dire : Il
faut lutter ensemble, tout le monde, contre la pauvreté.
Puis, moi, ce que je
vois, comme député, là, quand je regarde, là, vous avez les trois paliers,
là : aide sociale, solidarité sociale,
puis là on rajoute revenu de base, puis vous, vous avez rajouté le quatrième,
qui est Objectif emploi, vous n'avez
pas tort. Et là, là, il faut se démêler là-dedans, là. Tu as droit à quoi là,
puis tu as droit à quoi là-dedans, puis, si ça, tu n'es pas dans le bon niveau, puis tu n'as pas le droit à cette
patente-là, puis là, là, tu aurais le droit, puis là il faut que tu appelles la bonne personne, puis qu'il
comprenne... Puis ce que ça amène, c'est, quand tu es à la solidarité sociale
puis tu fais ton calvaire de cinq ou six ans
de misère avant d'arriver au revenu de base, là, tu as plein de contraintes. Tu
sais, tu ne peux pas avoir de vie maritale, tu ne peux pas avoir ci...
Et là tu arrives au revenu de base, pouf! ça vient de se régler, ces
affaires-là.
Comment
vous pensez que ça peut se faire, ça? La personne, du jour au lendemain, sort
de la solidarité sociale parce qu'on
vient de lui détecter un gros problème de, tu sais, de... une contrainte
sévère, et là, paf! là, il peut se marier, il peut avoir... Comment vous voyez ça? Parce que, tantôt,
les gens de l'office disaient que c'était important, avoir un soutien familial. Mais c'est-u plus important pour les
revenus de base que prestation de solidarité sociale quand tu es... C'est
aussi important pour l'un puis l'autre, il me semble.
Une voix :
Pas sûre de comprendre la question.
M. LeBel :
C'est qu'il y a des mesures, dans la solidarité sociale, que c'est des mesures
qu'on connaît, qu'on aimerait ça que ça
change, entre autres la vie maritale. Mais, quand tu arrives à revenu
de base, ces mesures-là viennent de sauter,
n'existent plus. Mais comment qu'on fait? C'est quoi, c'est-u... ça arrive...
Tu sais, je me dis : Si tu as besoin d'un soutien familial dans le revenu de base, tu devrais en avoir aussi
besoin dans la solidarité sociale. Moi, c'est le débat que j'ai envie de
faire quand on fera l'étude article par article.
La Présidente
(Mme Richard) : Mme Bouchard.
Mme Bouchard
(Marielle) : Bien, les
besoins des gens sont les mêmes pour tout
le monde. Tu sais, je veux
dire, la pinte de lait coûte le même prix
pour tout le monde. Donc, couvrir ses besoins de base, c'est, à la
base, là, pour atteindre ce
niveau-là, c'est pareil pour tout le
monde. Puis là, comme on disait, s'il y a
un handicap, bien là, selon les besoins, les nécessités, bon, il y a des prestations spéciales qui sont disponibles pour ça. Puis effectivement... bien, en fait, comme on a pas
mal tout exposé ça, là, tu sais. Puis le but aussi, quand on veut que les gens
aient suffisamment, c'est, entre
autres, pour éviter que leur situation se dégrade, hein, leur santé, leur situation
socioéconomique.
Denyse
l'a vraiment bien expliqué, là, en quoi, là, ça affecte la
santé. Ça a brisé sa famille, ça a affecté sa santé physique, puis elle a fini par avoir sa contrainte
sévère puis elle est assez scrap pour y avoir droit. Puis effectivement aussi il reste des injustices dans la Loi d'aide sociale. Il y en a
certaines qu'on a tenté de soulager un peu avec ce projet de loi là, mais pourquoi on les laisse pour les autres? C'est la question
aussi qu'on se pose, effectivement. Il y
en a plusieurs dans la Loi d'aide sociale.
M. LeBel : Et je pense que le projet de loi va nous
permettre d'ouvrir là-dessus, là. En tout cas, dans les discussions, si tu dis... Si tu ouvres pour le revenu de base,
pourquoi tu n'ouvres pas sur la solidarité sociale? C'est les mêmes
besoins parce que tu parles des mêmes
personnes, à peu près, là, qui ont à traverser les cinq ans en solidarité
sociale avant d'arriver au revenu de
base. C'est ça que j'ai voulu expliquer tantôt. Puis la même chose pour les
pensions alimentaires. Moi, je suis
d'accord avec vous. Ce matin, j'en ai parlé en ouverture. On n'aura pas
d'occasion souvent d'ouvrir la loi. Il y a une opportunité là, je pense
qu'il faut y aller, effectivement, là-dessus.
Peut-être
une dernière chose aussi sur... Si on parle des contraintes sévères, mais j'en
vois souvent à mon bureau aussi, là,
des gens qui arrivent... Tout le monde peut arriver sur l'aide sociale, ça peut
arriver à tout le monde. On peut avoir une
«bad luck», une dépression, n'importe quoi, puis que tu perds ton emploi. Et là
les problèmes de santé mentale, c'est dur
à détecter puis ce n'est pas... Avant d'arriver à convaincre que tu es
contraintes sévères, tu passes par différents dédales puis tu appelles
d'un bord puis de l'autre.
Comment vous
voyez ça, vous autres, là? Quand on dit «contraintes sévères», comment qu'on
pourrait faire pour mieux comprendre, ou mieux détecter, ou mieux
connaître les problèmes de santé mentale?
Mme Bouchard
(Marielle) : Bien, en fait, notre position à nous, c'est que...
L'idéal, ça serait d'abolir les catégories
à l'aide sociale. Donc, la question de est-ce qu'il est assez malade, est-ce
qu'il a assez un trouble de personnalité limite, est-ce qu'il a assez de quatre différents syndromes ou de
problèmes de santé mentale, est-ce qu'on les compile, c'est-u plus, c'est-u moins, c'est... Tu sais, la
question, en fait, ce n'est pas vraiment : Est-ce qu'il fait assez pitié
puis est-ce que ça paraît assez,
hein? Le gars, il est sorti, il marchait sur ses deux jambes, bien, c'était
peut-être la bonne journée dans sa semaine ou dans son mois, bon. Ça
fait que c'est ça.
Ça fait que la question, ce n'est pas tant
ça. Tout le monde a droit à un revenu digne pour vivre. Puis, à
partir de là, on donne les moyens aux
gens de trouver eux-mêmes les solutions et de prendre le temps qu'ils ont
besoin aussi pour passer par-dessus
leurs difficultés familiales, leurs traumatismes, toutes sortes de
choses qu'ils ont vécus, qui n'est peut-être
pas sur un billet du médecin aussi, mais qui
fait partie de toutes sortes de contraintes à l'emploi. Puis, bien, le système actuel ne reconnaît pas toutes ces réalités-là. Puis, en ne respectant pas les
limites puis le rythme des gens, on aggrave leur situation, et ce n'est
pas constructif.
Donc, la
vraie question, pour nous, ça serait plutôt d'abolir les catégories.
Donc, si on améliore l'aide sociale
avec ce... En fait, si on crée ce nouveau projet de loi là, bien, pourquoi on n'abolirait pas l'aide sociale puis qu'on ne partirait pas sur un revenu de base?
• (17 h 20) •
M. LeBel : Un vrai débat. Peut-être une dernière chose.
Un vrai débat, puis je pense qu'on est rendus là. L'aide sociale,
c'est tellement compliqué, c'est devenu fou. Moi, j'en vire fou
des fois, puis une chance que j'ai un bon personnel qui finissent par comprendre toutes ces
affaires-là. Mais vous autres, vous êtes des groupes qui accompagnent les
personnes. Puis, on le sait, là, quand tu as
différents problèmes, puis tu arrives à l'aide sociale, puis là tu vois... puis là on vient de rajouter une catégorie, puis, avec Objectif emploi qui est là,
les gens ont besoin d'être aidés, ils ont besoin d'être informés de leurs droits, et tout ça. Vous, vous êtes des
groupes qui aidez les personnes. Est-ce
que vous pensez que
l'instauration de tout ça, là, puis un autre
programme va venir aider votre tâche ou va venir encore
compliquer votre tâche de bien conseiller les personnes? Moi, je trouve
qu'on vient compliquer l'affaire, là.
La Présidente (Mme Richard) :
Mme Thériault.
Mme Thériault
(Denyse) : Oui, tout à fait, on vient compliquer les affaires parce qu'à quelque part on veut abolir toutes les catégories dans le sens que vous autant que vous, vous
travaillez ensemble, mais on ne vous pénalise pas parce que vous travaillez ensemble. Mais nous, si nous,
on décide de vouloir travailler ensemble puis faire des choses ensemble pour mieux s'en sortir, bien, on a des pénalités à
vivre. Puis, je pense, en mettant tout le monde dans... bien, je ne veux
pas les mettre tous dans le même panier,
mais sur la même ligne de partant, je pense, ça donne la chance à tout le
monde de pouvoir exprimer la façon qu'ils
vivent puis se donner des propres outils parce que, si on dit : Bien,
vous, vous mettez des catégories,
vous mettez des préjugés, puis les préjugés, bien, c'est ça qui continue sur
notre terrain à nous... puis c'est ça
qu'il faut débattre à tous les jours puis dans notre quotidien de tous les jours.
Et c'est ça qui n'est pas facile parce que les gens voient... les gens
d'en haut qui parlent de haut puis ceux d'en bas, bien, ils ne les écoutent
plus, là. Mais les jugements sont déjà placés. Il faut démolir ça.
M. LeBel : Moi, je pense que ce
projet de loi là vient ajouter un argument de mieux financer les groupes de
défense de droits des personnes assistées sociales.
Mme Bouchard (Marielle) : Mais,
pour répondre à votre question aussi, effectivement, il y a toute cette inquiétude-là. Il y a toujours des coupures, les
gens ne savent pas d'où ça sort, ces coupures-là, n'ont pas
l'information. Donc, il y a un stress
constant avec l'aide sociale. Ça fait qu'effectivement le fait de ne jamais
savoir ce qu'ils ont droit puis
comment ça se passe, bien, ça, c'est une complication. Tu sais, il y a Objectif
emploi qui vient de sortir, il y a ça qui vient de sortir. Qu'est-ce qui me concerne? Quand est-ce que je vais
l'apprendre? Il y a-tu quelque chose qu'il ne faut pas que je fasse? Tu sais, évidemment, il y a beaucoup
de flou pour les personnes à ce sujet-là, là. Ça vient complexifier une
loi qui est déjà compliquée, effectivement.
M. LeBel : Merci.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci. Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. M.
le député de Drummond—Bois-Francs.
M. Schneeberger :
Oui, bonjour. Bonjour à vous. Je vous écoutais tantôt et j'ai l'impression que
ce que vous reprochez aussi, c'est peut-être
les délais, c'est qu'il y a trop de délais avant de pouvoir accéder ou, quand
vous arrivez, on dirait qu'on attend
à être au fond du baril avant de pouvoir vraiment vous aider. Et surtout dans
votre cas, madame, je vous écoutais,
vous êtes, je pense, un des cas nombreux souvent, des fois, des mères
monoparentales qui ont une maladie, ou un accident, ou peu importe, et se retrouvent... Et puis, veux veux pas,
quand on a un jeune enfant, tu sais, on veut son mieux, puis on vit dans la société, puis là on n'est pas
capable de l'habiller comme il faut, et autre. Ça fait que c'est...
Même, on a beau dire qu'il y a plein
d'organismes, et autres, mais ça reste qu'à un moment donné, tu sais, c'est
dur, je pense, au niveau... l'émotion puis de la personne de dire :
Bon, bien, je suis rendu là, puis il faut que j'y aille, ces aides-là.
Est-ce que,
justement... vous parliez justement que vous avez des personnes qui n'étaient
pas incluses. Là, il y a un peu deux
questions, mais, bon, premièrement, est-ce que, justement... est-ce que les
délais, il y aurait-u une meilleure façon de... on parlait de classification, mais, au
niveau des délais, qu'ils soient plus rapides, qu'il y ait une autre manière,
auriez-vous des idées à nous donner? Est-ce qu'il faudrait leur dire : Regardez...
Là, vous dites : Bon, il n'y aurait pas de classification, mais je pense qu'on n'est pas rendus là. Est-ce qu'il y
aurait des choses concrètes que vous pourriez
nous dire, admettons, comme vous parliez des
personnes qui n'étaient pas incluses? Auriez-vous des exemples
à nous mentionner?
M. Tremblay-Marcotte (Yann) :
Vous avez posé plusieurs questions en même temps.
M. Schneeberger :
Oui, bien, en tout cas, c'est assez large, mais, tu sais...
M. Tremblay-Marcotte
(Yann) : Oui, mais elles
sont toutes pertinentes, évidemment. Nous, on va le lancer, le débat au
niveau de l'abolition des catégories.
Après ça, bon, on l'affirme, puis, nous, c'est notre position. Je pense
que... Denyse, moi, je suis vraiment
content de connaître cette personne-là. Je la côtoie depuis des années. C'est vraiment une personne qui a été très
résiliente, c'est une personne qui a réussi à être active dans le milieu communautaire, en tout cas, à occuper toutes sortes de choses, mais c'est vrai
que son passage à l'aide sociale... Denyse est encore à l'aide sociale,
c'est ça qui a nui à sa santé. Puis ça,
quand on parle des différents visages qui existent à l'aide sociale, des
différentes personnes, il y a
beaucoup de personnes qui, parce qu'elles n'arrivent pas à combler leurs
besoins essentiels, hein, parce qu'on les maintient dans la pauvreté,
vont finir par détruire leur santé et se retrouver avec beaucoup plus de
problèmes de santé physique ou mentale.
Ça fait
qu'effectivement quand vous me parlez de délai, tu sais, le délai, c'est
combien de temps que la personne va
être sur l'aide sociale et combien de temps ça va prendre à la personne pour se
retrouver avec un revenu décent, tu sais. Si on prend une personne qui est à l'aide sociale actuellement, là, il faut
qu'elle se fasse reconnaître sa contrainte à l'emploi et ensuite, quand elle a fait reconnaître sa
contrainte sévère à l'emploi, il faut qu'elle attende un autre cinq ans avant
d'avoir le revenu de base. Et il y a tout ce
moment-là que... c'est un moment que la personne va handicaper sa santé parce
que c'est impossible de répondre à
l'ensemble des besoins de base avec les montants actuels à l'aide sociale. Si
je n'ai pas répondu à toutes vos questions, reposez-les.
M. Schneeberger :
J'ai pas mal... on fait quand même le tour. J'ai bien compris, on s'était vus
la dernière fois. Les pensions
alimentaires, alors, c'est un point que je retiens, je retiens fortement, et
puis j'aurai sûrement l'occasion d'en parler
avec le ministre et son équipe au niveau des pensions alimentaires, là. Je
pense que ce serait une belle avancée. Merci.
La
Présidente (Mme Richard) :
Ça va? Merci beaucoup, mesdames messieurs, pour votre contribution à nos
travaux.
Et, sur ce, la commission ajourne ses... suspend
ses travaux, c'est-à-dire, jusqu'à 19 h 30 ce soir. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
(Reprise à 19 h 31)
La
Présidente (Mme Richard) : Ça va, chers collègues? Donc, bonsoir. Nous
allons poursuivre nos travaux. Donc,
la Commission de l'économie et du
travail reprend ses travaux, et je
demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous poursuivons les consultations particulières
et auditions publiques sur le projet de loi n° 173, Loi visant
principalement à instaurer un revenu de base pour des personnes qui présentent
des contraintes sévères à l'emploi.
Et nous avons
ce soir parmi nous Mme Vivian Labrie. Bienvenue à l'Assemblée nationale,
Mme Labrie. Vous allez avoir 10 minutes pour nous faire votre
exposé. Par la suite va suivre un échange avec les parlementaires. Et je vous
cède la parole.
Mme Vivian Labrie
Mme Labrie (Vivian) : Je vous
remercie. Alors, bonsoir à vous. L'intention de ma présentation ce soir est d'introduire le mémoire plus détaillé, que vous
avez sûrement reçu déjà, dans lequel vous trouverez toutes les
références à ce que je vais apporter. Puis, dans le fond, je vais me contenter
de poser une question, la question étant : Le projet de loi n° 173
nous fait-il avancer vers un Québec sans pauvreté, riche pour tout le monde et
riche de tout son monde?
Alors, c'est
un point de vue qui est situé en raison du parcours qui est le mien. Je vous
indique qu'il est endossé par
l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, qu'on appelle
communément aussi l'IRIS, et il est appuyé par plusieurs publications de
l'IRIS. Il invite à continuer de porter la question que je vais poser à partir
de 12 recommandations. Alors, ma
présentation est vraiment comme pour mettre ces recommandations-là sur la
table, si vous voulez. Si jamais vous voyez que je n'y arrive pas en
10 minutes, je vous invite à m'aider à le faire dans l'échange qu'on aura
ensuite.
Alors, en gros, le projet de loi... Alors, comme
vous allez voir, je vais décortiquer ma question. Le projet de loi n° 173, on le sait, il vient changer la
Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Je mentionnerais qu'en passant
les derniers changements avec le programme
Objectif emploi, il faut travailler fort pour les intégrer parce qu'on ne les
retrouve pas sur le site Internet où on trouve la loi. Alors, il y a tout un
travail pour mettre tout ça ensemble. Il instaure une amélioration, qui est substantielle, de la protection du revenu pour les
personnes qui présentent des contraintes à l'emploi de longue durée. C'est une bonne nouvelle. Je
laisse l'analyse détaillée du projet de loi à ce sujet aux organisations
qui représentent les personnes en situation
de pauvreté. Et mon intervention ne vise certainement pas... En fait, mon
intervention est simplement pour présenter tout ça dans un cadre plus large.
C'est sûr que j'appuierai toujours l'augmentation des revenus des gens qui
vivent des situations de pauvreté.
Ceci étant dit, on ne peut pas prendre isolément
le troisième plan d'action... pardon, le projet de loi n° 173 du troisième plan d'action gouvernemental, et aussi
des deux premiers plans d'action, puis de l'application de la Loi visant
à lutter contre la pauvreté, qui a conduit à ces plans d'action là, et, allons
plus loin, du chemin citoyen parcouru depuis 20 ans,
depuis qu'il y a eu cette proposition de loi citoyenne, que vous connaissez
aussi. Alors, mon invitation est d'aller prendre ça plus largement.
Et là ça pose une question. Dans le fond, vous
savez, il y a 100 ans, on ne reconnaissait pas le droit des gens à la couverture de leurs besoins, et ce n'était
pas nécessairement normal de s'assurer que tout le monde couvre ses
besoins. Au cours des dernières décennies,
on a réussi à le faire assez bien pour les moins de 18 ans, pour les
65 ans et plus, pour les
familles, dans la période entre 18 et 65 ans. Et là la question qui se
pose, c'est, pour moi, en tout cas, et pour d'autres aussi : Est-ce
que le projet de loi n° 173, il vient continuer de nous habituer à ce que,
dans notre société, on ait la solidarité nécessaire pour couvrir les besoins de
base de tout le monde ou si c'est un pas qui laisse les autres de côté?
Alors, il n'y a pas de réponse avant à cette question-là,
d'où l'idée des recommandations qui vont venir... (Interruption) Excusez-moi, je
vais prendre un peu d'eau parce que j'ai la bouche sèche. Est-ce que ça peut devenir normal, dans notre société, que les besoins de base de
tout le monde soient couverts et qu'éventuellement tout le monde sorte
de la pauvreté, ce qui est une autre chose?
On peut penser à l'histoire du droit de vote où,
par exemple, au début c'étaient les propriétaires fonciers qui votaient, et
ensuite il y a eu les hommes, mais pas tous les hommes, dépendant de certaines
conditions de religion ou d'appartenance. Un
jour, il y a eu les femmes, et c'est devenu normal que tout le monde en haut de
18 ans aujourd'hui vote dans notre société. Est-ce qu'on est sur ce
chemin-là ou pas? Ça vous appartient, la réponse à la question.
Alors,
j'amène, premièrement, deux recommandations. Un, la Loi visant à lutter contre
la pauvreté et l'exclusion sociale
invite à un examen d'impacts. Est-ce que c'est possible d'obtenir cet examen
d'impacts ou de le produire pour le projet
de loi? Alors, c'est une première recommandation. Puis aussi l'autre
invitation, c'est d'adosser la proposition qui est faite au cadre de transformation qui est préconisé
dans la proposition citoyenne de 2000 pour une loi sur l'élimination de
la pauvreté en matière de garantie de revenu. C'est ce que vous allez trouver
dans le mémoire que je vous ai déposé, qu'on vous a déposé.
Alors,
deuxième recommandation qui a son importance : si on veut avancer vers un
Québec sans pauvreté, riche pour tout
le monde et riche de tout son monde, bien, ça suppose d'inscrire le projet de
loi dans une perspective plus large, où on n'appauvrit pas le cinquième
le plus pauvre de la population, ça semble aller de soi, où on vise l'accès de
toute la population à la couverture des
besoins de base et la sortie de la pauvreté quand on travaille en posant la
question de ce qui doit prévaloir
entre ces deux critères, à la retraite ou quand le travail rémunéré ne peut pas
être envisagé, et où on prépare, en même
temps, les transformations nécessaires à un Québec qui serait éventuellement
sans pauvreté, riche pour tout le monde et riche de tout son monde.
Je passe à la partie suivante de ma
question : Est-ce que ça nous fait avancer vers un Québec sans pauvreté? Ici, il y a trois parties dans mon questionnement,
dans le questionnement ici. D'abord, la première partie, il faut faire
un point sur les indicateurs parce qu'il est
beaucoup question de la mesure du panier de consommation. J'ai été membre
du comité de direction du Centre d'étude sur la pauvreté et l'exclusion. Quand
la MPC a été recommandée, elle a été recommandée
pour suivre les situations de pauvreté du point de vue de la couverture des
besoins de base et non pour la sortie
de la pauvreté, la sortie de la pauvreté supposant une meilleure couverture
parce que la MPC ne répond pas à tous les critères de la définition de
la pauvreté qui est donnée dans la loi.
Alors, autrement dit, il faut comprendre ceci,
la MPC ne se compare pas à un revenu après impôt. Il faut, en moyenne, ajouter 7 % à ses seuils si on ne
compense pas autrement les dépenses non discrétionnaires, comme les
frais de santé non assurés, les frais de
garde, les frais professionnels et pensions alimentaires. Elle ne sert pas à
évaluer la sortie de la pauvreté. Et c'est un indicateur qui manque et
pour lequel on devrait avoir éventuellement des travaux.
Alors, il y a trois recommandations qui suivent
ici, qui seraient très aidantes pour garder la rigueur dans notre compréhension
de ce dont il est question. Premièrement, donc, c'est la recommandation 3,
garder la MPC comme un indicateur de
couverture de base, et non de sortie de la pauvreté. On ne peut pas prétendre
que quelqu'un sort de la pauvreté quand son revenu atteint le seuil de
la MPC. J'irai plus loin.
Alors, on peut tourner la page, si vous êtes en
train de suivre le sommaire qui vous a été distribué. La recommandation 4, viser un revenu après impôt qui
correspond à la MPC plus 7 % ou l'équivalent quand on veut que les gens atteignent la MPC. Ce qui revient à dire,
dans le fond, que soit que... Alors, en moyenne, le CEPE a évalué qu'il
fallait 7 % de plus que la MPC pour
produire le revenu après impôt équivalent. Alors, soit le prévoir dans les
cibles, soit expliquer comment les dépenses non discrétionnaires qui
sont exclues du calcul aux fins de la MPC sont prises en compte ou couvertes
autrement.
Recommandation 5,
établir un indicateur de sortie de la pauvreté, lancer des travaux pour ça. Alors, vous trouverez toutes les citations utiles dans le mémoire et
dans l'avis du CEPE de 2009 pour justifier ça. Je viens dire ici que le ministère
lui-même utilise un autre seuil quand il fait les comparaisons internationales, qui est la MFR-60. Vous m'excuserez, je n'entrerai pas dans
les détails techniques, si ça ne vous dérange pas, mais ce qui nous importe
ici, c'est que la MPC à 18 012 $,
en 2017, plus 7 %, ça fait 19 273 $, et la MFR-60, qui sert aux
comparaisons internationales, c'est 24 000 $. Il y a probablement là une porte de sortie aux
incongruités qu'on a entendues aujourd'hui quant à la manière de couvrir ou
pas le seuil, ou de sortir de la pauvreté, ou d'aller vers l'emploi.
Alors, si on avait un
deuxième indicateur... et, en attendant, le ministère pourrait très bien
utiliser la MFR-60, il l'a fait dans le plan
d'action, et il pourrait aussi s'intéresser aux salaires viables de l'IRIS, qui
a aussi évalué ce que ça pourrait
vouloir dire, un salaire décent qui fait avancer, qui permet vraiment de se
dire : On est dégagés de la pauvreté.
Dans mon b,
et je vous amène à un autre point ici, c'est qu'au Québec quand les citoyens
ont voulu une loi sur la pauvreté, en
1998, la question n'était pas de viser un Québec sans pauvreté, mais plutôt
d'arriver à un Québec sans pauvreté en
dedans de 10 ans. Pour arriver à un Québec sans pauvreté en dedans de
10 ans, inévitablement, il faut quelque part que tout le monde
couvre ses besoins de base et, comme ce n'est pas assez, il faut aussi un jour
que tout le monde sorte de la pauvreté.
Alors, quelle
feuille de route pourrait nous amener à faire ça au Québec? La question est
posée. Et, dans ce sens-là, le projet
de loi n° 173 vient agrandir le nombre de personnes qui couvriront mieux
leurs besoins. On ne pourra pas dire que ces personnes-là vont sortir de
la pauvreté.
Vous me faites un signe voulant dire qu'on
approche des 10 minutes déjà, on les a dépassées. Alors, j'ai eu le temps de vous amener cinq recommandations, il en
reste donc sept à vous présenter. On pourra y aller peut-être par les
échanges. Je vais essayer de trouver le chemin pour me rendre là avec vous,
d'accord?
• (19 h 40) •
La Présidente (Mme Richard) :
Parfait. Merci beaucoup, Mme Labrie. On va débuter les échanges. M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Blais :
Oui, oui. Merci. Alors, je ne veux pas aller dans les considérations trop
techniques, mais ça nous permet de
revenir un peu sur la loi puis ses objectifs, là. C'est quand même un objectif
qui était assez ambitieux, là, c'est que le Québec se situe parmi les
meilleures sociétés industrialisées dans le monde. Ce n'est pas rien. On est
quand même en Amérique du Nord, bon, il y a une réalité. Et donc il faut faire
des comparaisons internationales si on veut savoir où est-ce qu'on se situe.
Moi, ce que
je trouve très bien, vous avez raison, là, ce qui est utilisé, c'est la mesure
de faible revenu, là, au niveau international,
60 % de la médiane, c'est bien ça, je pense. Alors, on sait bien que le
problème avec cette mesure-là, bien, elle
est intéressante, mais le problème avec cette mesure-là, c'est que changer la
configuration des dotations... puis là vous avez diminué la pauvreté, changé la configuration, vous avez augmenté la
pauvreté, mais, finalement, c'est simplement une configuration qui a
changé, là.
L'avantage de
la MPC, la mesure, c'est, bon, des chercheurs quand même assez proches de moi à
l'époque... moi, je ne travaillais
pas du tout là-dessus, mais qui avaient travaillé pour montrer que, si... on
voit c'est quoi, un panier de biens, qu'est-ce que ça prend. Puis je
trouve qu'il y avait une certaine objectivité là-dedans pour penser que ce
n'est pas suffisant.
Donc, on a
une loi qui nous dit : Faites des comparaisons internationales. Je pense
que vous êtes d'accord avec ça. Je pense que vous aimez... la mesure de
faible revenu au niveau international, vous l'appréciez, même si vous reconnaissez qu'elle a les défauts, donc, que j'ai
parlé, là, c'est qu'elle est très, très précaire, là, hein? Elle est liée à
la configuration des revenus plus que la
situation réelle des revenus. Et là, bon, j'arrive à ma question, là. Dans le
fond, dans le plan de lutte, il y a
eu la volonté de faire... faisons un bilan. Bon, et le bilan, puis j'aimerais
vous entendre là-dessus, les deux premiers plans de lutte ont eu un
impact positif sur les familles.
Je ne pense
pas que ce bilan-là, il a été très connu. Le bilan est fait, et là il y a une
décision politique au sens noble du
terme, faisons donc maintenant un coup, là, un travail plus fort sur les
isolés. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette priorisation qu'on a entendue beaucoup, là, autour de nous, même du Centre d'étude sur la pauvreté, qu'il fallait que
le troisième plan de lutte fasse un effort, là, sur la situation des personnes
seules?
Mme Labrie
(Vivian) : Les personnes
seules et les couples sans enfants n'ont pas vu leurs revenus
s'améliorer aussi bien que les familles. Et
donc, si on veut progresser vers un Québec où les besoins de base
sont couverts pour tout le monde, c'est sûr que ça fait partie des choix à faire,
sauf qu'il y a des personnes seules qui ont... Ce n'est pas
toutes les personnes seules qui
présentent des contraintes avérées à l'emploi. En fait, le problème qu'il y a,
c'est que, sous la MPC, une personne
est en déficit humain, et quelque
part ça vous a été dit cet après-midi,
vous pouvez le constater, ce n'est pas un
seuil... En dessous de ça, c'est pratiquement comme si c'était notre société
qui était en dette vis-à-vis des autres, en dette de services, en dette de mesures, en dette de formation,
en dette de toutes sortes de moyens. Et c'est là, je pense, qu'on
doit bouger pour avancer vers une meilleure couverture de tout le monde. Et il y a un enjeu dans le plan d'action, c'est que, si
55 % de la MPC, c'est un
plafond, ça bloque le chemin vers un Québec où les besoins essentiels
pourraient être couverts pour tout le monde.
Si c'est une étape, mais qu'on l'améliore peu à peu, c'est assez différent. Et ce n'est pas un problème de moyens, je vais le dire tout de suite, parce qu'avec un collègue,
Simon Tremblay-Pepin, on a regardé, par exemple, de 2002 à 2011, où se situaient les ménages au Québec par
rapport à la MPC. Ce qu'on a aperçu, c'est qu'en 2011, par exemple, il manquait 3,6 milliards pour que tout le monde
voie ses besoins essentiels couverts au Québec, ses besoins de base. Ce montant-là, en fait, dans
l'amélioration du revenu au-dessus de la MPC, il s'était produit, c'est-à-dire
que la croissance, au Québec, du revenu
au-dessus de la MPC en dollars constants avait été plus grande que le
montant qu'il manquait pour couvrir les besoins.
Ce qui
m'amène, d'une certaine manière, à mon deuxième point aussi, c'est : il
faut regarder la question des inégalités dans notre société. Et quelque part, je ne vais pas dans l'ordre, si
vous voulez, mais une autre des recommandations, c'est faire primer l'amélioration des revenus du
cinquième le plus pauvre sur l'amélioration des revenus du cinquième le
plus riche. Au Québec depuis 2002, on a fait
le contraire, au total, si vous voulez. Et, dans ce contexte-là... Et même les
dernières baisses d'impôt avant Noël vont en
ce sens-là. Au lieu, par exemple, d'avoir misé sur le crédit pour la
solidarité, pour la baisse d'impôt de 971 millions, on a plutôt choisi de baisser le
seuil d'imposition... pas le seuil d'imposition, mais le taux d'imposition de 16 % à 15 %. Ça va
avantager davantage les ménages qui ont de plus hauts revenus, alors qu'on
aurait pu utiliser le crédit pour la solidarité, par exemple, et donner une...
La Présidente (Mme Richard) : Madame... Je veux juste vous
interrompre, Mme Labrie, pour vous demander d'avoir des réponses
plus brèves...
Mme Labrie
(Vivian) : Plus courtes? D'accord.
La Présidente (Mme Richard) : ...pour permettre plus d'échanges
avec le ministre et les autres parlementaires.
Mme Labrie
(Vivian) : Je m'excuse aussi, j'essayais de répondre à M. le ministre
là-dessus. Mais tout ça pour dire :
il faut regarder ça dans un ensemble. Et c'est dans ce sens-là qu'il faut
regarder la couverture des besoins de base comme un objectif à atteindre
pour tout le monde, par tous les moyens fiscaux dont on dispose.
La Présidente
(Mme Richard) : M. le ministre.
M. Blais :
Oui. Deux questions brèves. La première : Dans le plan de lutte,
l'évaluation qui est faite, par les économistes,
de la pauvreté, là, c'est que le Québec se situerait à peu près dans le
deuxième groupe, là, de pays qui font le mieux et que le plan, tel qu'il
est présenté, ceteris paribus, on ne sait pas ce qu'il va arriver dans
l'avenir, mais pourrait nous conduire dans
le premier groupe, dans les cinq ou six premiers pays, là, en matière de lutte
contre la pauvreté. Est-ce que vous faites les mêmes calculs qu'eux?
Mme Labrie
(Vivian) : Non. Je pense qu'il y a une erreur de calcul ici. Je
n'entrerai pas dans des détails techniques,
mais on ne peut pas comparer une borne inférieure avec une borne supérieure.
Et, si on fait ce calcul-là, ça veut
dire que tous les pays qui sont au-dessus du Québec dans leur taux actuel pour
la mesure en question seraient déjà dans
le peloton de tête. Alors, ça me ferait très plaisir d'en discuter plus
longuement, mais je suis portée à penser qu'on devrait rester sur notre sujet de ce soir. Mais voilà ma réponse, M. le
ministre, à ce sujet-là. Ça me ferait très plaisir d'en parler parce que
c'est une question technique, par ailleurs, mais ça ne le fera pas comme ça, si
vous voulez.
La Présidente (Mme Richard) : Merci. Nous allons maintenant du
côté de l'opposition officielle. M. le député de Rimouski, vous avez la
parole.
• (19 h 50) •
M. LeBel :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, Mme Labrie. Comme je disais tantôt, on était hors d'ondes, ça fait longtemps
que je vous vois aller dans ce milieu-là. Puis, je veux juste témoigner, à
l'époque, quand la loi sur la pauvreté a été
adoptée, ça faisait déjà quelques années que vous revendiquiez avec les groupes.
Et j'ai toujours dit que cette
loi-là, même si elle a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, c'est une loi qui vient des citoyens.
Puis c'est ça un peu sa force, cette mobilisation citoyenne
qui a mené à la loi. Et c'est pour ça que je pense que la loi avait
porté ça, mais, 15 ans après, ça s'est comme
effrité. Puis je me souviens du temps, c'était comme un deal entre le gouvernement
et le milieu populaire. Des fois, je regarde : Est-ce que le deal a été
bon au bout de la ligne? Des fois, je me pose des questions, mais il faut
poursuivre la réflexion, ça, c'est certain. Je voulais témoigner de votre
présence depuis tout ce temps-là à faire le suivi de la loi.
Je
vais aller... deux, trois questions, puis je vous laisse aller après parce que
vous avez parlé de clause d'impact, parce
que la loi pour lutter contre la
pauvreté a une clause d'impact. Moi, je ne me suis pas posé la question,
mais j'ai l'impression que cette loi-là avait passé par la clause
d'impact, là, qui avait été évaluée... on avait évalué la clause d'impact sur
la pauvreté. Vous semblez en douter. En tout cas, je sais que les groupes qui représentent
les personnes handicapées, il y a une clause
d'impact aussi sur la vie, là, des personnes handicapées qui semble avoir été
prise en considération. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, pourquoi
vous doutez.
L'autre
élément, ce que je voudrais vous entendre, c'est : Le gouvernement veut
sortir 100 000 personnes de la pauvreté sur 800 000. Moi, je dis souvent... je dis que c'est un
sur huit, ce n'est pas beaucoup. Mais ce que je vous entends, c'est que
la situation, selon vous, c'est encore pire, là, ce n'est vraiment pas beaucoup
de monde de la vraie pauvreté qu'on va sortir.
Et dernier élément,
c'est votre recommandation 8. Peut-être que c'est une recommandation
qui — je
vais vous entendre l'expliquer — peut-être qui pourrait nous aider, là, parce
que, vous voyez, depuis le début de la journée, vous avez été là, vous avez assisté, il y a des gains
pour les groupes de personnes handicapées, des gains importants, puis je
suis content pour eux autres, puis on va
appuyer la loi pour ça. Mais, en même temps, il ne faut pas éviter le vrai
débat sur la pauvreté en général. Et
peut-être que votre recommandation 8 pourrait nous donner des pistes de
solution. Ça fait que je vous laisse avec ces questions-là.
Mme Labrie
(Vivian) : Je vous remercie beaucoup. Pour la clause d'impact, bien,
ce qui est compliqué, c'est qu'elle n'est
pas rendue souvent publique. On avancerait beaucoup au Québec, ça serait très
aidant, si, à chaque fois qu'il y a
une modification réglementaire ou une modification législative, qu'on y ait
accès. C'est arrivé dans quelques cas que
le ministère en a publié une. Puis je n'entrerai pas à nouveau dans les détails
parce qu'il y a déjà eu une contestation sur la façon d'interpréter la loi, mais, dans
l'esprit de la loi, ça serait très utile de toujours voir l'impact des mesures
sur les revenus des personnes qui vivent la pauvreté.
J'apprends à faire des réponses plus courtes.
Pour la question sur...
La Présidente (Mme Richard) :
Ça va très bien, Mme Labrie, vous avez encore près de sept minutes, là.
Mme Labrie
(Vivian) : C'est bon. Alors, pour la question de sortir
100 000 personnes de la pauvreté, d'abord ce n'est pas ça qui va se passer. Ce qui va se
passer, c'est qu'éventuellement il pourrait y avoir 100 000 personnes
qui couvrent leurs besoins de base, ce qui
est déjà un chemin intéressant et important, mais, pour sortir de la pauvreté,
il va falloir qu'on se donne un
indicateur qui fasse du sens. Et logiquement, au Québec, on devrait couvrir les
besoins de base dans les protections
sociales de base, et le salaire minimum à temps plein devrait faire sortir de
la pauvreté. Alors, est-ce qu'on en
est là? Non. En ce moment, le salaire minimum tient les gens à peu près au niveau
du seuil de la MPC, du revenu après impôt qu'il faut pour ça. Et,
quelque part, on est capables de mieux que ça au Québec, comme société.
Alors, il y a
comme un enjeu qui me conduit ensuite peut-être un peu à la
recommandation 8. Et donc il faut faire attention avec les chiffres. C'est sûr que c'est intéressant d'amener
des chiffres importants, mais la réalité, elle est différente, et puis ça va être plus facile de discuter si on
reste sur les choses telles qu'elles sont. En fait, il y a à peu près 17 %
de la population qui est sous le seuil de la
mesure de faible... la MFR-60 dont on parlait tout à l'heure. Alors, si c'est
ça, notre indicateur, qui est plus
haut que la MPC, pour parler de sortie de la pauvreté, on a 17 point
quelques pour cent des gens à qui il faut porter attention. C'est pour
ça l'idée de porter attention tout le temps au cinquième le plus pauvre de la population. On peut avancer. On a avancé déjà, on
peut continuer, puis là ça dépend de la volonté de l'Assemblée nationale,
si on est pour avancer un peu dans ce sens-là.
La
recommandation 8, c'est une revendication qui était là quand on a voulu la
loi sur la pauvreté. Alors, l'explication est la suivante et elle vous a été donnée par morceaux aujourd'hui, mais
c'est vrai que les besoins de base, la pinte de lait coûte la même chose pour tout le monde. Donc, je
suis un petit peu à l'ancienne avec ma pinte de lait, là, je devrais
parler du litre de lait, mais, autrement
dit, les aliments, tout ça, ça coûte la même chose pour tout le monde, mais il
y a des coûts de plus pour les gens qui présentent des limitations
fonctionnelles. Et parfois ce n'est pas les mêmes coûts, selon les limitations
qu'on présente.
Alors, l'idée
a été de se dire : Quel moyen on pourrait se donner pour assurer que, dans
notre protection du revenu, on
complète le revenu au besoin jusqu'à la hauteur des besoins de base et puis
que, par ailleurs, pour les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, on s'assure, en services, en revenus, et
tout ça, de couvrir ce qui est en plus? Vers un Québec sans pauvreté, il
y aurait une logique dans ça, si vous voulez. Alors c'est ça, le sens de cette
recommandation-là ici. Et il y a peut-être...
Ici, j'en
profite pour vous parler du crédit pour la solidarité, la recommandation 7
et la recommandation 6 aussi, parce
que, quelque part, l'endroit où on est tous contenus avec nos revenus depuis
2016, et c'est quand même intéressant, c'est
le régime québécois de soutien du revenu. C'est là qu'on a, dans le fond,
l'explication de comment on se garantit une base de revenu pour tout le monde. On y sépare la couverture...
l'aide financière de base de l'aide à l'emploi de l'aide à la famille. Alors, éventuellement, vers un
Québec sans pauvreté, c'est possiblement une belle base pour travailler.
Et l'autre base qui n'a pas été mise en
discussion dans les derniers mois, bien, elle est amenée dans le deuxième plan
d'action, c'est le crédit pour la
solidarité. Il est intéressant, ce crédit-là, parce qu'il s'adresse à une
variété de... disons une gamme de
personnes assez grande à faibles revenus, et, quelque part, on pourrait aller
vers des approches avec des crédits d'impôt remboursables.
Je vous donne
un exemple qui pourrait être mis de l'avant. Il y a un crédit pour déficience
grave et prolongée dans notre système
fiscal. Mais c'est un crédit non remboursable. Imaginez la différence si ça
devenait un crédit remboursable, parce
qu'à ce moment-là il y a plusieurs personnes qu'on a vues aujourd'hui qui
pourraient en bénéficier. L'idée, c'est de penser large quand on veut protéger nos concitoyens et concitoyennes
au niveau de leur revenu et de leurs besoins. Et, quelque part, n'y aller que par la Loi sur l'aide sociale ne suffit
pas pour couvrir toutes les situations, comme vous l'avez vu aujourd'hui
par tous les cas d'exception qui vont se présenter.
Une façon
d'aborder le projet de loi n° 173, c'est de le vivre en se disant :
Qu'est-ce qu'il faudrait qu'on fasse pour
qu'on devienne plus largement équitables dans notre approche de la couverture
des besoins de base et de la sortie de la pauvreté? Je ne sais pas si je
réponds bien à la question, mais voilà.
La Présidente (Mme Richard) :
Oui. M. le député de Rimouski.
M. LeBel : Combien de temps?
La Présidente (Mme Richard) :
1 min 50 s.
M. LeBel :
O.K. Mais rapidement sur la loi, moi, je... On vient de rajouter une strate,
là, l'aide sociale, sécurité sociale,
revenu de base, avec différentes règles pour chacune des strates. J'expliquais
tantôt que les groupes communautaires des
défenses de droits vont devenir de plus en plus importants pour essayer
d'accompagner des gens qui sont... tu sais, je parle des fois des gens qui ont... des analphabètes qui ont de la
difficulté à... tu sais, ils vont avoir besoin d'être accompagnés, ça,
c'est certain.
Vous
connaissez la loi. Est-ce que, pour vous, par 173 on vient de simplifier les
choses ou on vient de compliquer davantage les choses?
Mme Labrie
(Vivian) : Bon, ça m'amène à la question de riche pour tout le monde.
Il y a une situation... C'est sûr que
c'est très bien pour les personnes qui vont améliorer leur revenu. Mais il y a
toutes sortes d'effets connexes qui sont
liés au fait, à mon sens, qu'on ne sépare pas suffisamment le droit à un revenu
décent, et le droit à des mesures d'aide à l'emploi, et le droit au
travail. Je ne sais pas si je m'explique bien.
Ça, c'était
aussi une revendication qui était présente dans la proposition de loi citoyenne
de 2000. Je vous invite sérieusement
à la lire parce qu'elle est un peu oubliée, puis il y a de quoi au plan
historique à aller voir qu'est-ce que des centaines de personnes, des
milliers de personnes ont voulu à ce moment-là. C'est quand même une expertise
dont la société peut profiter, dont l'Assemblée nationale peut profiter, le
gouvernement aussi.
Alors donc, l'idée était que, quand on relie les
deux et qu'on conditionne la supplémentation des revenus à la question de l'emploi, on vient mêler les choses.
Et c'est ça, je pense, qui va se présenter tout au long de la commission
ou de votre étude. Ce serait très possible
d'installer à la fois le droit à un revenu qui couvre les besoins de base, qui
complète, et en même temps le droit à des mesures qui n'existent pas...
• (20 heures) •
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Labrie. Malheureusement, c'était tout le temps qui était alloué pour
l'opposition officielle. Nous allons maintenant vers le deuxième
groupe d'opposition. M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M. Schneeberger :
Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, Mme Labrie.
Bon, votre
mémoire est complexe, mais très détaillé, très technique quand même.
Vous avez une approche quand même très macro, là, au niveau de l'ensemble. Je
pense que vous, vous avez vraiment... Vous avez un mémoire qui englobe vraiment
beaucoup plus large. Par contre, au niveau
du projet de loi actuel, est-ce qu'il y a des recommandations
précises que vous mettriez ou que vous
dites : Regardez, ça, c'est bien, mais il faudrait que ce soit comme ça?
Il y a-tu des points? Admettons, je
vous dis un exemple. Tout à l'heure, on a parlé d'où est-ce qu'on a... ou on prend en
compte les pensions familiales. Est-ce que ça, c'est des points qu'on
pourrait mettre...
Une voix : ...
M. Schneeberger : Comment? Qu'est-ce que... Pensions alimentaires. Excusez-moi. Excusez-moi. Les pensions alimentaires. Est-ce que ça, c'est des points que vous... J'imagine que vous êtes
en accord, mais, je veux dire, il y a-tu des points comme ça, plus
précis, que vous pouvez dire : Regarde, ça, on aimerait que ça soit
modifié?
Mme Labrie
(Vivian) : Oui. Bien, je
pense qu'il y a une piste qui s'est ouverte aujourd'hui, qui est très intéressante, c'est
l'idée que c'est un projet de loi de dispositions modificatives qui s'adresse principalement à la question des personnes avec contraintes sévères à l'emploi, mais pas uniquement, de sorte qu'il serait tout à
fait possible, si vous étiez
d'accord pour le faire, d'ajouter cette question-là,
des pensions alimentaires, parce
qu'il n'est pas très logique de conserver ça. Ça fait partie aussi de ce qui était présent dans la proposition de loi
citoyenne. Et, dans ce sens-là, on ferait vraiment un pas en avant au
Québec si on réglait enfin cette question-là, des pensions alimentaires.
Alors, je
vous réponds comme ça. Je pense que c'est une très bonne idée. Vous avez été
quelques-uns à en parler aujourd'hui,
et ça suppose que quelqu'un amène... et je suppose que ça doit venir du
gouvernement puisqu'il y a des enjeux monétaires,
si je connais bien comment ça marche, le chemin des lois, mais pourquoi ne pas
le faire? Pourquoi ne pas en profiter
pour dire : Écoutez, on avance, là, on va régler aussi ce point-là, tant
qu'à avancer. En tout cas, ça serait un peu une réponse que je ferais.
J'amènerais
aussi, j'étais un peu là-dessus, je me permets de poursuivre sur ce que je
disais avec votre collègue, l'instauration
du droit à des mesures qualifiantes. J'étais en train de vous dire qu'au Québec
on impose à des gens, par exemple, au
programme Objectif emploi maintenant, on revient à une approche coercitive, ce
qui est très dommage parce que ce
n'est pas nécessairement productif, et on perd des gains citoyens qu'on a faits
avec la Loi visant à lutter contre la pauvreté
et la loi de 2005 où les pénalités ont été abolies. Au lieu de pénalités,
pourquoi ne pas instaurer le droit à des mesures à toute personne qui en demande, que ce soit au Programme de
solidarité sociale, ou que ce soit à l'aide sociale, ou que ce soit pour le revenu de base? Ça n'a
jamais été implanté au Québec. Il y a des coûts associés à ça, mais la
logique voudrait que, si on détermine que l'emploi est important, bien, on doit
aider les gens à s'y rendre.
Et en fait,
au Québec, on a désinvesti dans les mesures d'aide à l'emploi. J'ai discuté
avec des gens, aujourd'hui, qui étaient présents à la table, ici, puis
qui m'expliquaient que, dans leur milieu, il y avait des personnes avec des handicaps qui n'avaient pas accès à des mesures
d'aide à l'emploi. Alors, que le Québec se fasse un point d'honneur
d'offrir à toute personne qui en demande de
telles mesures, ce serait intéressant. Peut-être qu'il y a des chemins que vous
saurez trouver pour intégrer ça dans la loi,
parce que ce n'est pas normal de parler tant d'incitation à l'emploi et de ne
pas donner le soutien nécessaire.
Le deuxième
point que j'amènerais là-dessus, c'est ma recommandation 12, je vais y
arriver, à le tricoter, c'est pauvreté zéro au travail et responsabilité
sociale des entreprises. Quelque part, le gouvernement peut faire une chose, mais il peut aussi insister... et là c'est la loi
même visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale qui parle de
la responsabilité sociale des entreprises. Est-ce qu'il n'y aurait pas matière
à intégrer quelques articles à propos de la responsabilité sociale des
entreprises dans le projet de loi pour faire en sorte qu'on se donne des
objectifs un peu plus exigeants en matière
d'intégration à l'emploi au Québec? Ça pourrait être imaginé, ça, et ça ferait
du bien à tout le monde. Quelque
part, il n'est pas logique qu'une personne qui met son temps dans une production, dans une présence qui
nous rend plus riches collectivement, que
cette personne-là vive en bas du salaire minimum, par exemple, ce qui se produit parfois sur des
plateaux de travail. Est-ce que ça ne serait pas logique qu'on se dise, si on
tient tant à l'emploi : Bien, assurons
pauvreté zéro au travail par tous les moyens? Et là je ne parle pas de la MPC,
vous m'avez bien comprise, je parle d'un critère qui correspondrait à un
salaire viable. Alors, on a les moyens de faire ça.
En fait, au Québec, autre
calcul qu'on a pu faire avec mon collègue Simon Tremblay-Pepin, on a
pu voir qu'on a les moyens, au Québec,
de deux fois le seuil de la mesure du panier de consommation. En laissant les
ménages dans leur configuration actuelle, ce serait tout à fait possible
de diminuer un peu les écarts, de s'assurer... Vous savez, les médecins qui vont évaluer les personnes
pour les contraintes sévères à l'emploi sont allés se chercher... en disant
plus que ce que ça prendrait pour couvrir
les... pour compléter la couverture des besoins essentiels de tout le monde au Québec. C'est un peu un problème.
Est-ce qu'on a discuté autant pour l'amélioration du salaire, de la rémunération des
médecins, qu'on a discuté, depuis quelques années, avec le projet de loi n° 170
et qu'on va discuter avec celui-ci pour assurer la couverture des besoins de
base? Et, entre les deux, dites-moi, qu'est-ce qui améliore le mieux la santé?
Améliorer la rémunération des médecins ou améliorer le revenu de base des
gens pour qu'ils puissent couvrir leurs besoins de base?
La Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup, Mme Labrie, pour votre contribution à nos travaux.
Et je
suspends la commission pour permettre aux représentants du Réseau communautaire en santé mentale de prendre
place. Merci.
(Suspension de la séance à 20 h 7)
(Reprise à 20 h 8)
La Présidente (Mme Richard) :
...nos travaux. Donc, bonsoir, bienvenue à l'Assemblée nationale. Nous reprenons nos travaux. M. Rice, bienvenue à
l'Assemblée. Je vais vous donner un temps de 10 minutes pour faire
votre exposé et nous présenter également
la personne qui vous accompagne. Et par la suite, après votre
exposé, suivra un échange avec les parlementaires. Je vous cède la
parole, M. Rice.
Réseau communautaire en
santé mentale (COSME)
M. Rice
(Charles) : Oui, bien sûr.
Merci de nous inviter, M. le ministre, messieurs dames les députés. Je suis
accompagné de Claude Saint-Georges, qui est personne-ressource au Réseau communautaire
en santé mentale.
Peut-être vous présenter brièvement c'est quoi,
le Réseau communautaire en santé mentale. En fait, on fédère neuf regroupements régionaux en santé mentale au
Québec. En font partie les regroupements en santé mentale de l'Estrie, de la Mauricie—Centre-du-Québec, de la Capitale-Nationale, de
Montréal, de la Montérégie, de l'Outaouais, du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
de Laval et de Lanaudière. Les regroupements membres du COSME représentent
255 organismes communautaires,
soit plus des deux tiers des organismes reconnus par le ministère de la Santé
et des Services sociaux.
En fait, on
poursuit deux objectifs ici aujourd'hui. En fait, dans un premier temps, on
aimerait signifier notre appui au
projet de loi et en particulier la création du revenu de base. Et, dans un
deuxième temps, on aimerait profiter de la tenue de cette commission pour sensibiliser les parlementaires aux enjeux et à
l'importance que représente la santé mentale au Québec et dans la
société en général.
Donc, voilà,
le projet de loi vise 84 000 personnes. De ces
84 000 personnes, 36 000 ont des contraintes sévères à l'emploi en raison de la santé mentale. Donc,
c'est le groupe le plus important parmi les gens, là, qui sont visés par
le projet de loi. Selon nous, c'est une avancée considérable qui est amenée. Ça
représente pour nous un changement de paradigme important.
On apprécie
en particulier un certain nombre de clarifications qui nous ont été données,
entre autres, notamment, que les
prestataires de la nouvelle catégorie Revenu de base pourront conserver leur
revenu de travail et l'aide financière de
leurs proches sans déduction. Les personnes actuellement au Programme de
solidarité sociale depuis plus de cinq ans seront admises immédiatement à ce nouveau programme de revenu de base.
Les prestations pour les personnes admises à ce programme seront individualisées. C'est-à-dire que les revenus de
leurs conjoint ou parents ne seront pas pris en compte dans le calcul de la rémunération. Les
prestataires du revenu de base pourront conserver leurs prestations spéciales.
Les personnes hébergées en ressources
intermédiaires ou en CHLD verront leur allocation pour dépenses personnelles
haussée d'un pourcentage similaire aux prestations non hébergées.
Je cède la parole à mon collègue.
• (20 h 10) •
M. Saint-Georges
(Claude) : Alors, oui. Alors, le prochain sujet qu'on voudrait
aborder, c'est celui de l'attente de
six ans. Alors, je pense que, écoutez, la commission a été sensibilisée
passablement durant la journée à ce point, cette question-là. L'explication, qu'on ne trouve pas très convaincante,
finalement, c'est que, pendant cette période-là, on va évaluer la persistance des limitations des
personnes et voir leur capacité d'intégrer au marché du travail. Ce qu'on
conçoit, c'est que, dans le système actuel
du dispositif d'intégration au travail, cette prétention est plutôt une
illusion, puisqu'il y a beaucoup de
travail à faire pour développer les parcours d'emploi pour les personnes qui
sont à la solidarité sociale. Alors, je pense qu'on est un peu
optimistes en disant que, pendant les six années d'attente, il y aura des
occasions de développer les occasions d'emploi.
Maintenant,
on est, par ailleurs... des échanges qu'on a pu avoir avec le ministère, on a
un certain espoir du côté du fait
qu'il y a des travaux qui seront entrepris avec nos collègues du milieu des
personnes handicapées, la COPHAN, l'AQIS et l'AQRIPH, où on pourra examiner s'il n'y
a pas des catégories de personnes dont l'admission pourrait être plus rapide, immédiate, sans l'attente de six ans. On a
plusieurs types, là, de situations qui ont pu déjà vous être illustrées.
Nous, on pense qu'en matière de santé
mentale souvent les problèmes de santé mentale sont associés à des problèmes de
santé physique importants qui rendent, pour plusieurs personnes, très
improbable le retour au travail. Donc, on pourrait considérer qu'il y aura, parmi cette catégorie de personnes, des gens
qui pourraient accéder plus rapidement au programme suite aux travaux
dont je viens de faire mention.
M. Rice
(Charles) : L'autre élément
sur lequel on voudrait vous sensibiliser, c'est toute la question du
revenu de travail permis pour les personnes
qui présentent des contraintes sévères, en particulier les gens qui sont dans
le Programme de solidarité sociale. On
a fait des représentations auprès du ministre et aussi du premier ministre en
collaboration avec les associations de personnes handicapées que sont l'AQRIPH,
et la COPHAN, et l'AQIS.
Quand on
compare le... On a augmenté, quand même le revenu de travail permis de
100 $ à 200 $. Il y a quand même
un pas qui a été fait, mais on reste, au Québec, parmi les derniers quand on
compare à d'autres provinces. Pour vous
donner un exemple, le Nouveau-Brunswick permet aux gens qui présentent des
contraintes à l'emploi de toucher 500 $
par mois de revenus de travail sans être coupé. L'Ontario aussi... c'est
200 $ pour l'Ontario, mais elle permet aux gens de conserver 50 % des revenus excédentaires de ce 200 $
là. La Colombie-Britannique permet 800 $ par mois de revenus, de
gains de travail, là, sans être coupé.
Pour nous, ce
seraient des incitatifs extrêmement importants pour mettre les gens en
mouvement. Et l'enjeu auquel ça
soulève, puis c'est particulièrement vrai pour les gens en santé mentale, c'est
de permettre le travail à temps partiel pour les personnes qui présentent des contraintes importantes, qui ne
peuvent peut-être pas travailler 35 heures-semaine. La barre est peut-être un peu trop haute pour eux.
Mais nous, on fait le pari que, si on donne la possibilité aux gens de travailler à temps partiel et de conserver une
partie des revenus qu'ils pourraient toucher, ce serait un incitatif important
pour eux, ça nous permettrait de mettre ces personnes-là
en mouvement. Je pense qu'un des objectifs du projet de loi, c'est de mettre les gens en
mouvement comme ça, puis on pense que ça, vous pouvez y arriver, on pense que
ça pourrait être une mesure très importante.
D'ailleurs,
on salue, dans le projet de loi, l'inclusion ou l'addition d'un objectif
qui touche la participation sociale. Pour
nous, c'est un élément extrêmement important. Il reste à voir qu'est-ce que ça va vouloir
dire, comment ça va se traduire en
termes de mesures puis en termes de réglementation. Mais, pour nous, que la Loi de l'aide sociale poursuive comme objectif la participation
sociale, là, pour nous, c'est un gain, une avancée importante.
M. Saint-Georges
(Claude) : On a, depuis notre création comme réseau communautaire, qui
est assez récente, en fait, c'est
depuis 2012 qu'on existe, on a cherché beaucoup à illustrer le fait que... les
liens importants qui existent entre les
problèmes de santé mentale et la pauvreté. À la fois les problèmes de santé
mentale génèrent des situations de pauvreté, et la pauvreté, à l'inverse, crée des problèmes de santé mentale parmi
la population. Et la prévalence des problèmes de santé mentale, là, c'est quand même énorme. L'OCDE évalue qu'il y a à peu
près 5 % de la population qui a des problèmes... qui vivent des problèmes importants de santé mentale et
15 autres pour cent, des problèmes moins sévères. Alors, on est en face d'un défi colossal :
comment soutenir, avoir une politique vis-à-vis la santé mentale qui prend
en compte cette importante réalité là.
Et, quand on
regarde les grands programmes du gouvernement, que ce soit la lutte à la
pauvreté, que ce soit le plan
d'action sur la santé publique ou la prévention, ou la stratégie d'intégration
au travail des personnes handicapées, c'est très rare qu'on a des
mentions ou on a une attention particulière pour la santé mentale. Je pense
que...
Et nous, depuis qu'on existe, on a mis de
l'avant le fait que le gouvernement du Québec, à l'invitation de l'Organisation mondiale de la santé, de l'OCDE,
par exemple... que la politique de santé mentale d'un gouvernement
devrait être interministérielle, en fait. Et
là, pour l'instant, elle n'est confinée qu'au ministère de la Santé et des
Services sociaux, qui n'alloue qu'une
partie très minime de son budget à la santé mentale. Donc, il y a énormément
d'étapes ou d'actions à entreprendre
pour que la santé mentale devienne un sujet d'importance collective, et dans
tellement d'aspects, là, que... Et, bon, on pourra y revenir, mais ça,
je dirais que c'est un de nos souhaits. C'est qu'en fait on puisse sensibiliser
les parlementaires au fait que la santé mentale, il y a des efforts importants
à réaliser sur l'ensemble.
M. Rice
(Charles) : On aimerait
aussi conclure aussi... vous parler au niveau de l'intégration au travail. En
fait, le Commissaire à la santé et au
bien-être, dans son rapport très bien étoffé, là, qu'il avait produit sur la
santé mentale, disait que 80 % à
90 % des personnes qui présentent des troubles graves de santé mentale ne
sont pas sur le marché du travail, alors
que la moitié d'entre eux, 50 %, souhaiteraient retourner sur le marché du
travail. Donc, je pense que, tu sais, il y a un écart là qu'il faut
essayer de voir comment qu'on ne pourrait pas le combler. On est toujours en
attente de la stratégie nationale pour
l'intégration en emploi des personnes handicapées. C'est un peu le chaînon
manquant, ça, selon nous, dans la politique qui est là.
Je sais qu'on
a eu des discussions, entre autres, mais, tu sais, on espère que bientôt des
travaux s'amorcent pour mettre en
place cette stratégie-là. Puis on souhaiterait aussi que, dans le cadre de
cette stratégie-là, il y ait des mesures spécifiques pour la santé mentale, d'abord de par le nombre de personnes
que ça touche, puis c'est sûr qu'on s'entend que, quand on parle d'adaptation, là, pour nous, ce
n'est pas des adaptations physiques que ça prend, c'est de l'accompagnement.
C'est beaucoup de l'accompagnement.
Il y a des modèles
qui ont été testés ailleurs dans le monde, mais ici, au Québec, je pense, entre
autres, à nos collègues du Saguenay—Lac-Saint-Jean qui ont mis en place un programme
d'emploi accompagné qui fait ses preuves. 50 % des gens, puis on parle de gens qui ont des troubles graves de
santé mentale, là, 50 % se maintiennent en emploi. Donc, je pense qu'il y a
des modèles qui existent. C'est assez inégal d'une région à l'autre. Il
faudrait voir comment qu'on ne
pourrait pas étendre ces modèles-là plus largement dans d'autres régions du
Québec. Et ça, là-dessus, nous, on est très prêts à collaborer avec vous, là, pour mettre en place des programmes,
là, pour faciliter le retour à l'emploi des personnes qui sont loin du
marché du travail.
• (20 h 20) •
La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, monsieur, pour votre présentation. On va débuter
les échanges. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Blais : Oui. Alors, à mon tour de vous remercier. Donc,
récemment, on a vu un élan de solidarité à l'endroit, là, des travailleurs qui ont été congédiés, les employés... les
stagiaires, si vous préférez, qui ont été congédiés chez Walmart. Ce qui
m'interpelle dans ce qui est arrivé, donc, l'élan de solidarité était très
clair, très fort, puis on a eu des très, très beaux témoignages aussi, là, puis
on a un contexte, je pense, qui est exceptionnel pour parler de ce sujet-là.
Ce
qui n'est pas clair pour moi, j'aimerais vous entendre là-dessus,
c'est... il n'y a pas eu... des organismes comme le vôtre, il
n'y a pas eu, disons, un message fort
par rapport au programme, là, dans lequel sont encore ces
personnes-là. C'est-à-dire, c'est un programme, donc, administré par le ministère
de la Santé et des Services sociaux. Bon, on sait comment ça fonctionne, c'est
un stage, les stages se prolongent aussi, ça peut durer longtemps.
Comment voyez-vous la
maturité de ce programme-là? Est-ce qu'il est nécessaire sous sa forme actuelle,
on pourrait l'améliorer, et le lien que l'on
peut faire avec ce type d'aide là et, bien
sûr, l'instauration d'un revenu de
base pour les personnes handicapées?
M. Rice (Charles) : Oui. En fait, c'est sûr que l'arrivée d'un revenu
de base change un peu les perspectives puis les possibilités pour les personnes. Puis je vous dirais
qu'historiquement ce que je comprends, parce qu'on est plus dans le domaine de la déficience intellectuelle, avec
laquelle je suis un peu moins familier, mais ça m'apparaît comme étant
des plateaux de travail. On a un peu la même chose en santé mentale. Puis je vous dirais que c'est des modèles qui
existent encore aujourd'hui, qui répondent à certaines clientèles, mais, tu sais, qu'on a tendance
à s'éloigner de ces modèles-là puis
on souhaite davantage s'approcher du marché régulier du travail. Je te
dirais que ce n'est pas le genre de truc qu'on va faire du jour au
lendemain.
Tu sais, il y a des raisons historiques dans tout
ça, hein? C'est qu'on est parti d'un contexte de désinstitutionnalisation.
Donc, il y a des gens qu'on a sortis
des hôpitaux, qui avaient été
hospitalisés pendant 20 ans, 30 ans. On a mis en place des structures dans la communauté pour les
accueillir. Ces plateaux de travail là faisaient partie des structures qu'on
a mises, puis c'est correct, là, je pense,
tu sais, il fallait mettre en place des choses. Sauf que, présentement, les
gens qui sortent des hôpitaux comme
ça, avec un long passé institutionnel, il y en a de moins en moins. C'est une bonne
chose. Je pense que c'est une avancée
sociale extrêmement importante. Ce qu'on voit arriver, c'est des jeunes, O.K.,
qui ont des problématiques
importantes de santé mentale, mais ils n'ont pas ce lourd passé institutionnel
là, ce qui fait que moi, je pense qu'il faut adapter notre offre de
services en fonction de cette nouvelle réalité là.
Puis,
en ce qui concerne l'emploi, c'est-à-dire que ces jeunes-là ne veulent pas
aller dans des plateaux de travail puis
être dans un stage à vie, moi, je pense qu'il faut essayer de leur offrir des
parcours qui les rapprochent davantage du milieu du travail, des parcours aussi qui les ramènent aux études. Et ce
qui a fait ses preuves présentement, c'est beaucoup les approches d'emploi accompagné ou retour aux
études accompagné. Même ici, à Québec, on a, nous, développé des programmes, là, avec un organisme, là, pour le
retour aux études, puis, évidemment, je pense que ça, c'est beaucoup
plus porteur et beaucoup plus prometteur, ce
genre d'approche là, je dirais, surtout avec la nouvelle génération, que les
plateaux qu'on avait anciennement, même si,
je pense, ça répond encore à un certain nombre de personnes, mais de moins en
moins.
Donc,
on est dans un domaine qui est évolutif, hein, qui évolue dans le temps, qui est
beaucoup lié à l'évolution des
services en santé mentale au cours des 30 dernières années. Et moi, je
pense qu'il faut un peu s'ajuster par rapport à cette nouvelle réalité
là.
M. Blais :
On disait, ce matin, que 43 % des personnes à la solidarité sociale, au
Québec, sont, disons, dans des problèmes de santé mentale. Donc, c'est
beaucoup, là, comme vous le disiez tout à l'heure.
Alors,
moi, j'aimerais tester une idée avec vous, là. Mon impression, c'était que...
Bon, le débat sur le délai de carence,
hein, six ans, est-ce qu'on peut définir une catégorie pour avoir un accès plus
rapide, tout ça, on va examiner ça, mais
mon impression toute bête, c'était que ceux qui pouvaient le moins facilement
faire la démonstration qu'eux devraient finalement faire partie des
catégories qui devraient, de façon urgence, intégrer le revenu de base, c'était
en santé mentale. Alors, je vais vous dire
pourquoi, là, parce que je pense qu'en santé mentale il y a notamment des
sérieuses et graves dépressions,
hein, qui ne se règlent pas avec le temps, mais qu'il y a un réflexe normal de
penser, d'espérer qu'une partie de
ces dépressions-là peuvent se régler. Et ce qu'on voit, là, concrètement, là,
quand on voit qu'il y a un certain nombre de personnes qui sortent de la
solidarité sociale, c'est notamment parce qu'ils ont réglé ces problèmes-là,
partiellement du moins, de santé mentale.
Donc,
je pars de cette impression-là, là, je
ne connais pas le milieu comme vous, mais... alors que, quand il s'agit d'un diagnostic clinique rattaché à des problèmes
physiques, là, le consensus émerge plus facilement. Voilà. C'est
peut-être un biais, mais j'aimerais vous entendre là-dessus, c'est important.
M. Rice
(Charles) : Oui. C'est un
peu particulier à la santé mentale. Il faut dire que, tu sais, ce qui est
particulier à la santé mentale,
contrairement aux personnes handicapées physiques, c'est qu'on est devant une
problématique qui se manifeste de
façon épisodique, O.K.? Donc, la personne peut aller bien pendant un certain temps, puis après ça, pouf! Une personne bipolaire, par exemple, va tomber en pleine dépression puis, à une autre période, elle va être
plus en manie.
Donc, comment qu'on fait pour aménager
un environnement qui tient compte de ces réalités-là? Puis il faut
sortir un peu de la logique binaire apte,
inapte. Tu sais, il y a une zone grise entre les deux, là, qui est
énorme. Puis je me dis : Il faut
aménager un environnement où est-ce
que... tu sais, qui est beaucoup
plus compatible et propice au rétablissement des personnes. Donc, ça prend énormément de souplesse au niveau des programmes, puis
éviter que les gens tombent dans le piège, là, tu sais : c'est soit
que tu es apte ou tu es inapte, puis il n'y a aucun espace entre les deux où est-ce
que les personnes peuvent se réaliser, puis
peuvent évoluer, puis peuvent progresser. Donc, ça, il faut tenir ça en tête
quand on met en place des programmes puis quand on arrive avec...
Puis
je ne veux pas occulter la réalité des gens qui sont hypothéqués au niveau de
leur santé. Ça existe, là. Je ne dis
pas que ça n'existe pas, mais il faut aussi être conscient que, dans le temps,
tout ça peut évoluer. Une personne, là, handicapée physique lourd va probablement
plafonner. En santé mentale, ce n'est pas tout à fait comme ça. Donc, il y a
une évolution qui peut se faire. Puis, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut
mettre en place un environnement qui est favorable au rétablissement des
personnes. Je ne sais pas si ça vous éclaire.
M. Blais :
Oui, oui, ça m'éclaire. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Richard) : C'est bon? Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de Rimouski.
M. LeBel : Là, c'est intéressant, ça. Je vais continuer un
peu là-dessus. À la page 10, vous dites : «En
comparaison avec l'Ontario,
le Québec apparaît plus rigide à admettre dans son
Programme de solidarité sociale des personnes [ayant des contraintes
d'incapacités] physiques, [...]ou de santé mentale...»
Si on prend quelqu'un
qui arrive à l'aide sociale parce qu'il a un choc dans sa vie, puis là il fait
une grande dépression, quelque chose du genre, il arrive à l'aide
sociale. Là, l'expérience que j'ai
dans mon bureau de comté, ce n'est pas
évident de faire reconnaître que tu as une dépression. Il faut que tu te
débattes avec la machine puis faire reconnaître ça. Et là, en plus, maintenant, si tu es
primodemandeur, bien, il faut que tu essaies de t'inscrire dans un parcours que
tu vas probablement abandonner, puis là, si tu abandonnes, tu as des
pénalités parce que tu n'as pas réussi à... Et là tu vas vivre
ça pendant, quoi, un an, deux ans, trois
ans, puis là ta santé ne va pas beaucoup mieux. À
un moment donné, le médecin, on finit par comprendre qu'il est mieux d'aller à
la solidarité sociale parce que, là, il
y a des... Là, il arrive à la
solidarité sociale après plein de démarches,
puis de démarches où on a réussi par reconnaître qu'il avait une contrainte, et
là il faut qu'il attende cinq à six
ans pour arriver au revenu de base. Et là, si, pendant ces six ans-là, sa
condition s'est améliorée ou elle a recommencé, bien, tout est...
Comment
on pourrait faire... C'est un peu ça quand je dis que le revenu de base, ça
peut être intéressant, mais on vient
complexifier les affaires, là. Comment on peut faire pour améliorer ça?
Comment, selon votre expérience, on pourrait faire pour faire en sorte de ne pas échapper personne puis ne pas
obliger toutes ces personnes-là à confronter une machine gouvernementale
qui est souvent lourde et inhumaine?
La Présidente
(Mme Richard) : M. Saint-Georges.
• (20 h 30) •
M. Saint-Georges
(Claude) : Il y a quand même...
Quand on regarde les chiffres bruts, il
y a un déclin du recours à l'aide sociale. On est rendu à 6 % de
la population active actuellement qui est... qui a accès... qui bénéficie de
l'aide sociale ou de la solidarité
sociale. Il y a aussi, même, un déclin chez les personnes qui ont des... à la
solidarité sociale, reconnues avec des contraintes sévères. Le nombre
diminue d'année en année.
Le
regard qu'on a fait sur l'Ontario, il semble que la province de l'Ontario a un
mécanisme d'accès plus favorisant, et
il y a une proportion de la population... Et cette question-là a été un peu
soulevée dans le rapport des experts sur le revenu minimum garanti. Ils
parlent du non-recours. On a parlé ce matin aussi peut-être des embûches
bureaucratiques, là, la lourdeur du système,
le fait que des gens auraient des droits et auxquels... qui ne sont pas
répondus. Je pense, là, il y a... Et l'accès aux différentes catégories,
le problème des diagnostics, et tout ça, le fait que certains médecins peuvent
être réfractaires, même, à donner des
diagnostics qui donnent accès, je pense que ça doit ouvrir une réflexion à des
études sur pourquoi notre système
couvre de moins en moins de personnes, et pourquoi il y a des lourdeurs dans
l'accès, et pourquoi il y a des droits de personnes qui ne sont pas
comblés par l'état du système.
M. LeBel : En tout
cas, moi, je suis content du feeling
de M. le ministre. Je pense qu'il a une bonne observation.
Effectivement, il y a quelque
chose à voir là. Il a peut-être trouvé une solution pour ne pas
échapper ces gens-là puis essayer de
se connecter à des réalités qui sont un peu différentes que quelqu'un qui a des
handicaps physiques, là. Effectivement, ça peut être compliqué, mais
c'est quand même des gens, là, qui sont au bout de ça, qui ont besoin...
J'aimerais
ça que vous me parliez aussi de votre recommandation 5. Vous en avez parlé
un peu, là, mais j'essaie de comprendre
c'est quoi, votre affaire d'exclusion zéro puis comment ça fonctionne. Puis là,
en plus, vous parlez dans toutes les régions du Québec. C'est le genre
de chose qui m'intéresse.
M. Rice (Charles) : En fait, c'est une recommandation qu'on a recycle
d'un autre rapport qu'on a présenté, mais elle toujours aussi actuelle.
En fait, nous...
Une voix :
Elle est encore bonne.
M. Rice
(Charles) : Elle est encore
bonne. Mais, en fait, tu sais, la question de l'intégration au travail... On a
parlé tantôt de la stratégie, puis je pense
que ça, c'est un morceau important. C'est le chaînon manquant, selon nous,
c'est un morceau important.
Mais, au-delà
de ça, mettons qu'il y a des gens qui ne pourront pas... ils ne peuvent pas
immédiatement intégrer le marché du
travail, ça ne veut pas dire qu'on ne peut rien faire. Tu sais, vous parliez
tantôt... comme objectif du projet de loi, vous avez souligné la participation sociale. Moi, je pense que c'est un
élément important. Et d'ailleurs je vous réfère à un avis qui a été produit par le Comité consultatif
de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale, qui portait là-dessus. Le
titre, c'était : Au-delà de
l'emploi, reconnaître la participation citoyenne et le droit à la dignité.
Je vous invite à le lire. Je pense qu'il
y a des idées intéressantes là-dedans. Et, quand je vous parlais de mettre en
place un environnement qui est favorable au rétablissement, c'est mettre en place des trucs comme ça, qui
comprend bien sûr l'intégration au travail, mais qui va au-delà de ça aussi. L'idée, c'est de mettre les
gens en mouvement puis de donner une possibilité aux gens de se
réaliser. Puis, à partir de là, on construit, puis c'est là...
Tu sais, il
faut reconnaître que la santé mentale, tout ça est évolutif et peut changer
dans le temps aussi. Donc, peut-on
aménager un environnement qui est beaucoup plus propice et favorable au
rétablissement des personnes? Ce qui est défavorable au rétablissement
des personnes, c'est l'exclusion sociale, l'isolement. Ça, c'est des trucs...
c'est des déterminants importants sur lesquels il faut combattre. Donc, voilà.
M. LeBel : Ça fait que ça,
c'est un programme qui... il faut mettre de l'argent là-dedans, là, pour créer
ce programme-là, là. Il faut que ça soit présent dans toutes les régions.
M. Rice
(Charles) : Bien,
c'est-à-dire que, oui, il faut... Il y en avait un, programme, qui s'appelait
PAAS Action, hein, qui visait
beaucoup cette clientèle-là qui était très loin du marché du travail. Avec le
temps, PAAS Action s'est collé beaucoup
avec les programmes d'employabilité. Mais je me dis : Peut-on avoir un
programme... Moi, la compréhension que
j'avais avec PAAS Action, la compréhension que j'avais quand PAAS Action a été
créé, ça s'adressait vraiment à des gens
qui étaient complètement loin du marché du travail. Une personne qui est sans
abri, là tout de suite, demain matin, on ne pense pas l'intégrer sur le
marché du travail tout de suite, mais il faut commencer à faire des pas avec,
il faut commencer... puis peut-être,
éventuellement, on va se rendre jusque-là. Mais c'est sûr que, si on arrive à
un programme puis on dit :
Écoute, là, là, tu as cinq ans, puis, si... cinq ans, tu n'as pas trouvé de
job, bye-bye, c'est fini, je pense qu'on fait fausse route en faisant
ça.
Il faut
mettre en place... Il existe quand même un certain nombre de choses
présentement. Le milieu communautaire, pas juste en santé mentale, le
milieu communautaire «at large», je pense que ça, c'est des laboratoires
extrêmement extraordinaires pour les
personnes où est-ce qu'elles peuvent se réaliser. On l'a déjà ici, au Québec,
tu sais. Comment qu'on fait pour
bonifier ça, reconnaître ça, bon, là, on peut embarquer dans tout l'enjeu du
financement du milieu communautaire, mais
on dispose, au Québec, quand même d'un réseau qui est là, qui n'existe
peut-être pas ailleurs non plus, là. Puis je pense qu'il y a une
richesse, je pense, qui est à regarder, là.
M. LeBel :
Bien, moi, je suis complètement d'accord avec vous. Je pense que la meilleure
façon pour rejoindre des personnes
dans des communautés qu'on voit qu'ils vivent des situations difficiles, puis
qu'on ne veut pas échapper, puis on ne veut pas laisser partir dans des
dédales bureaucratiques, la meilleure chose, c'est qu'ils soient aidés par un
groupe communautaire de la place, de la
communauté, qui connaît puis qui est capable de lui offrir un accompagnement
qui est collé à sa réalité. Moi, je
pense que c'est encore la meilleure chose, c'est encore la meilleure affaire
qu'il faut faire, mais, pour ça, il
faut mieux financer nos organisations communautaires puis leur permettre
d'avoir un peu plus de latitude, arrêter de les financer par programme ou par objectif bien précis, mais avoir la
latitude pour adapter leurs interventions, parce que les régions ne sont
pas toutes pareilles.
Je dirais
aussi, tantôt, parce qu'on revient à ça souvent, à l'arrivée d'un revenu de
base, je vais toujours répéter que
c'est l'arrivée d'un revenu de base pour une certaine catégorie de personnes,
ce n'est pas un revenu de base universel pour tout le monde. Dans le discours, il faut le rappeler. Mais, en
terminant, j'aimerais ça juste que vous m'expliquiez, là, parce que ça n'a pas vraiment rapport au projet de loi, mais vous avez
pris le temps de l'écrire dans votre mémoire
puis vous en avez parlé un peu tantôt, quand
vous disiez que le MSSS n'alloue que 6 %
des dépenses au programme de santé mentale, ça me surprend. 6 %,
c'est...
M. Rice
(Charles) : La
Grande-Bretagne alloue 12 % de son programme de santé à la santé mentale.
Ça vous donne un ordre de grandeur.
On parle du simple au double, là, tu sais. Et l'Organisation mondiale de la
santé encourage évidemment... Je pense qu'il y a eu comme un éveil qui
se fait depuis une dizaine d'années. Puis il n'y a pas juste l'Organisation mondiale de la santé, l'OCDE aussi
a produit un avis récemment. Mais je pense que les gens sont de plus en plus conscients de l'importance que ça
représente dans nos sociétés puis que, finalement, il faudrait investir de
façon beaucoup plus considérable... ce qu'on
fait. Mais le Québec ne se démarque pas par rapport à ses investissements en
santé mentale. Ça, c'est un fait. Oui.
M. Saint-Georges
(Claude) : Un peu pour illustrer, je pense que d'autres juridictions
prennent plus en charge la question de santé mentale. Puis je pense
qu'il y a un éveil à faire au Québec. Par exemple, la Colombie-Britannique
maintenant a une ministre de la Santé et des Dépendances, alors, en titre...
M. Rice (Charles) : La santé
mentale.
M. Saint-Georges
(Claude) : Santé mentale, pardon.
M. LeBel :
Je vois que ce n'est... je n'ai pas beaucoup de temps, mais je vois que ce
n'est pas beaucoup d'argent qui est consacré à la santé mentale. Je
pensais que c'était plus que ça. Je suis un peu surpris. Mais aussi est-ce que
le ministère de la Santé... c'est le
ministère de la Santé qui a un peu le rôle de faire l'interministériel, de
s'assurer que les problématiques de santé mentale soient bien comprises
par les autres ministères? C'est-u la même chose?
La Présidente (Mme Richard) :
En quelques secondes, s'il vous plaît.
M. Saint-Georges
(Claude) : Bien, rapidement, je pense que les interfaces entre les
différents ministères, ce n'est pas
ce qu'on voit de plus profitable actuellement. Par exemple, le plan d'action,
le troisième plan d'action, on voit très, très peu la contribution du ministère de la Santé dans ce plan-là.
Alors, il y a beaucoup de choses à faire entre les ministères pour faire
avancer la cause de la santé mentale. Pour l'instant, c'est au ministère de la
Santé et des Services sociaux, avec peu de moyens.
M. Rice
(Charles) : Et si on
regarde, par exemple, l'intégration au travail, tu sais, là, on a vraiment une
jonction là. La partie travail relève de votre ministère, la partie...
La Présidente (Mme Richard) :
C'est malheureusement...
M. Rice (Charles) : ...il y a
une partie santé et services sociaux qu'il faut attacher...
La Présidente (Mme Richard) :
Je suis désolée, M. Rice. C'est malheureusement tout le temps qui était
alloué à l'opposition officielle. Nous allons maintenant vers le deuxième
groupe d'opposition. M. le député de Drummond—Bois-Francs, vous avez la parole.
M. Schneeberger :
Parfait. Bien, peut-être juste... Je vous laisse juste finir ce que vous
vouliez dire, là, si vous avez encore d'autres choses à...
M. Rice
(Charles) : O.K. Oui. Non,
ce que je disais, c'est que le maillage entre Santé et Services sociaux et
Emploi et Solidarité sociale, ça, c'est à retravailler, je pense.
M. Blais : ...dans la
stratégie.
M. Rice
(Charles) : Mais, tu sais,
comme on vous parlait tantôt, surtout les gens qui sont très éloignés du
marché du travail, je pense qu'il existe des
programmes... Tu sais, on parlait tantôt de l'emploi accompagné, mais, tu sais,
il y a une partie de ça qui relève de
la Santé puis une autre partie qui... Comment qu'on démêle les affaires
là-dedans? Tu sais, il y a un enjeu important.
• (20 h 40) •
M. Schneeberger :
Bien, en tout cas, moi, je vous écoute, puis là on ne parle pas juste de la
solidarité, on parle de toute l'aide
sociale au complet parce que, là, le nouveau programme qui vient d'être mis en
place, il y a aussi beaucoup de
travail à faire là-dessus, là, au niveau des nouveaux demandeurs, des jeunes.
Vous parliez des jeunes tantôt. Je pense que c'est un gros fléau. Puis, oui, c'est vrai, vous avez tout à fait raison
quand vous dites qu'on manque d'argent au niveau de la santé mentale. Puis, de toute manière, on le
dépense pareil parce qu'on le dépense d'une autre manière, par la
Sécurité publique. J'ai des bonnes
connaissances dans le milieu policier, puis souvent ils me disent :
Regardez, la nuit, souvent, la fin de
semaine, on a des interventions qu'on fait, puis des personnes qui ont des
problèmes de santé mentale, on les amène à l'urgence, puis, deux semaines après, bien, on les récupère encore,
puis on les retourne à l'urgence. Ça fait que c'est des portes tournantes. Pourquoi? Parce que c'est des
gens, malheureusement, qui ne sont pas suivis et qui coûtent au système pour rien, alors que, s'il y avait un suivi
adéquat, ils seraient beaucoup mieux. Puis justement... Alors, là-dessus,
c'est pour ça que... ma question, un peu.
On parlait des personnes qui ont des handicaps
physiques. Ça, ça paraît beaucoup plus, c'est visuel. En santé mentale, ça ne paraît pas toujours, tu sais, à
part des fois avec une personne... Est-ce que vous trouvez que,
justement, là-dessus, il peut y avoir une
sorte de discrimination, là, un peu technique, je dirais, parce que, justement,
il manque de ressources? Et puis ces
gens-là manquent d'encadrement, et puis ça se retrouve finalement au niveau de
la solidarité, où est-ce que les gens
sont là-dessus. Mais moi, je dis... Encore là, tu sais, je fais un exemple. Des
fois, vous avez un jeune qui a des
problèmes à l'école, le parent va avec puis il dit devant le professeur :
Ah! de toute façon, mon jeune, il n'est pas bon. Imagine-toi! Ça puis
une claque en arrière de la tête, c'est la même affaire, là, tu sais?
Alors, quand
tu as déjà des problèmes de santé mentale, puis, des fois, des... tu sais, les
gens, des fois, ils le savent, mais
pas tout à fait, puis, quand on vient leur dire : Bien là, tu es inapte au
travail, tu sais, c'est encore un autre
coup, alors que peut-être
que, comme vous dites... quand vous dites, tu sais, apte ou pas apte, bien,
regarde, on peut t'aider, je
pense qu'on... tu es capable de faire un
cheminement de retour au travail, mais on va t'aider. Tu sais, c'est plus
positif que dire : Tu es inapte,
mais après ça on va regarder si tu es crédible pour un programme. C'est tout là
que se joue un peu l'approche. Et
puis moi, je pense qu'au niveau de la santé mentale l'encadrement
puis la classification ne devraient pas être la même chose que d'autres personnes parce que,
justement, il y a un besoin d'un suivi avec le ministère
de la Santé, qui fait très défaut.
M. Rice
(Charles) : Oui, puis ça
commande beaucoup de souplesse. Je vous dis, je connais des
personnes, moi, qui sont dans des programmes... On parlait des stages à
vie, là, tu sais. Ils participent parce qu'ils veulent être actifs, ces personnes-là, là, pas parce que...
ils ne font pas ça parce qu'ils sont obligés de le faire, mais ils sont très
hésitants à embarquer sur le marché
du travail parce qu'ils se sont déjà pété la face en le faisant. Comment qu'on fait
pour mettre en place un environnement
qui soit beaucoup plus favorable puis que les gens disent : O.K.,
correct, je vais m'essayer, tu sais?
Mais il y a des gens qui... tu sais, pas parce qu'ils sont lâches, là. C'est à cause que,
tu sais, ils ont connu des échecs, ils se sont pété la gueule en
essayant d'intégrer...
Puis la
marche, elle est souvent trop haute. Puis on s'entend aussi que le marché du
travail devient de plus en plus difficile.
Il y a de plus en plus de monde qui tombe au combat, là, tu sais. Regardez les
primes d'assurance, là, ils vont vous
en parler, des gens, là, qui... On ne voyait pas ça 20 ans passés. Donc,
c'est tout ça qu'il faut regarder, tu sais, à la fois comment qu'on fait pour intégrer les gens qui ont des problèmes de
santé mentale au marché régulier et comment qu'on fait pour rendre ce
marché régulier là un peu plus, comment dire, un peu plus...
Une voix : ...
M. Rice (Charles) : Oui, voilà.
M. Saint-Georges (Claude) :
Brièvement, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Richard) :
...M. Saint-Georges.
M. Saint-Georges
(Claude) : Oui. Mais il y a
aussi la forte présence de la stigmatisation. Ça, je pense qu'il y avait
tellement de travail à faire de ce côté-là.
Ce n'est pas étonnant, dans le cadre de la culture actuelle, que des
employeurs soient si réfractaires à embaucher des personnes qui ont des
problèmes de santé mentale. Puis je dirais en passant que l'employeur qui n'est
pas le plus exemplaire, mais qui est pourtant le plus important employeur au
Québec, c'est le gouvernement du Québec,
c'est la fonction publique, c'est le réseau de la santé avec 400 000
personnes. Et les efforts qu'on fait
pour intégrer des personnes qui ont des incapacités, des handicaps ou des
problèmes de santé mentale, je pense qu'on ne prêche pas par l'exemple,
là.
La Présidente (Mme Richard) :
M. le député de Drummond—Bois-Francs,
ça va?
M. Schneeberger :
Non, ça va. Merci.
La Présidente (Mme Richard) :
Je veux vous remercier beaucoup, messieurs, pour votre contribution à nos
travaux.
Et la commission ajourne ses travaux au mercredi
11 avril 2018, à 11 h 30, afin de poursuivre les auditions.
Merci, bonne fin de soirée.
(Fin de la séance à 20 h 43)