(Onze heures trente-deux minutes)
La
Présidente (Mme Richard) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour.
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie
et du travail ouverte. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie
de leur appareil électronique.
La commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 152, Loi modifiant diverses dispositions législatives
concernant le domaine du travail afin principalement de donner suite à
certaines recommandations de la Commission Charbonneau.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Therrien
(Sanguinet) remplace M. Traversy (Terrebonne) et M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière)
remplace M. Lamontagne (Johnson).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Richard) :
Merci. Cet avant-midi, nous allons entendre le Syndicat québécois de la
construction et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
Donc,
bienvenue, messieurs, à l'Assemblée
nationale. Je vous rappelle que vous
disposez d'un temps maximum de 10 minutes.
Je vais vous demander de vous présenter et de présenter également
les personnes qui vous accompagnent. Donc, la parole est à vous.
Syndicat québécois de la
construction (SQC)
M. Gendron
(Sylvain) : Merci. Merci, Mme la Présidente, Mme la
ministre, membres de la commission. Alors, mon nom est Sylvain Gendron, président du Syndicat
québécois de la construction. À ma gauche, il y a M. Alain Bousquet, qui est secrétaire de la commission,
et, à ma droite, Charles-Olivier Picard, qui est conseiller syndical
auprès du syndicat.
Alors, le
Syndicat québécois de la construction est une association exclusivement dans
l'industrie de la construction,
qui est représentative en vertu de la loi
R-20, la loi qui chapeaute l'industrie de la construction. On représente
28 000 membres partout dans
la province, et, à ce titre, on siège à tous les comités de la Commission de la
construction du Québec, et son président,
c'est-à-dire moi-même, agit également à titre d'administrateur à la Commission
de la construction du Québec.
Alors, notre mémoire va être partagé en deux,
c'est-à-dire que moi, je vais traiter ou avancer au niveau de la gouvernance,
et M. Charles-Olivier Picard fera la suite par après.
Alors, le
projet de loi n° 152, son but est de limiter le nombre de mandats d'un
administrateur à deux mandats de trois
ans, et pour le Syndicat québécois de
la construction, l'instauration d'une dimension limitative du nombre de
mandats qu'un administrateur peut exécuter
s'avère contre-productif. En effet, la charge d'un tel mandat est relativement assez complexe et elle requiert le développement d'expertises précises. Il est évident que le
savoir-faire des conseils d'administration
risque d'être mis à l'épreuve si une telle dimension limitative est adoptée. Le
SQC croit qu'il est essentiel de ne
pas compromettre la stabilité de la
composition des membres des conseils
d'administration, puisque
celle-ci favorise le maintien d'une
mémoire organisationnelle. Là, je vous avise que nous, on va traiter uniquement de la gouvernance de la
Commission de la construction du Québec, étant donné que le SQC n'est pas à la
CNESST.
Ceci étant
dit, et je répète, la mémoire organisationnelle, ce qui est très important à
nos yeux... Le C.A. de la CCQ requiert, je l'ai dit, ça requiert une
expertise très développée. Sans être exhaustif, il faut être... il faut
développer des expertises en rapports collectifs de travail, en gestion des
avantages sociaux des régimes de retraite de l'ensemble de l'industrie de la construction,
170 000 membres, plus les employeurs, plus le régime d'avantages
sociaux, régime de retraite de la
commission, des employés de la Commission de la construction. Ça demande de
l'expertise en analyse réglementaire, en administration de société,
ainsi, ainsi. Il est donc clair qu'un administrateur membre de ce C.A. peut
parvenir à construire son expertise principalement qu'au fil de ses mandats.
De plus, le
C.A. de la CCQ s'est doté de plusieurs comités consultatifs. Ces comités ont
pour mandat de prendre en charge
certaines tâches spécialisées, comme dans tout C.A. Il ne se substitue pas à ce
dernier dans son rôle décisionnel, mais
prépare les dossiers afin que celui-ci puisse prendre des décisions éclairées
et documentées. Comité de vérification, comité de gouvernance et
d'éthique — important,
c'est un nouveau, il est là depuis 2011 — comité de placement, comité de technologie de l'information. Il va de
soi que les administrateurs, qui sont les mêmes qu'au C.A., pour la
plupart, doivent pouvoir acquérir eux aussi
des connaissances complexes dans un délai raisonnable, afin que les travaux
soient efficaces. Si la candidature doit
être soumise au gouvernement pour approbation, la nomination d'un
administrateur ou le renouvellement
d'un mandat n'a aucune raison de relever des dispositions limitatives de la
loi. Le gouvernement a déjà apporté certaines modifications au fonctionnement
du C.A. de la CCQ dans le contexte du projet de loi n° 33. Parmi
ces modifications, comme mentionné plus tôt,
on retrouve la création d'un comité d'éthique et de gouvernance qui
procède, entre autres, à une évaluation de la performance du C.A. Il devient
donc légitime de se questionner sur le bien-fondé des nouvelles modifications,
considérant celles qui ont déjà été mises en place en matière de gouvernance.
Qui plus est,
la recommandation 19 de la commission Charbonneau fait état d'un seul cas
pour appuyer la volonté de limiter les mandats des administrateurs, et
ce cas réfère à un contexte législatif antérieur à la Loi n° 30
où les us et coutumes et la gouvernance de
la CCQ évoluaient différemment. Les moeurs ont changé, les méthodes de gestion
aussi. C'est pourquoi le Syndicat québécois
de la construction recommande au gouvernement de ne pas limiter le nombre
des mandats des administrateurs, et rappelle
à ce dernier de reconnaître aux associations représentatives le droit de
recommandation de leurs candidatures, leurs candidats. Je laisse ça à
Charles. Merci.
M. Picard
(Charles-Olivier) : Je vais embarquer pour les dispositions pénales en
cas de violence et d'intimidation. Évidemment,
le Syndicat québécois de la construction est d'avis que toute action servant à
favoriser un climat de travail sain est nécessaire et va toujours le
penser. Cependant, quand on regarde le projet de loi n° 152, aux yeux de
notre organisation, l'expression
«susceptible de», aux articles 113.1 et 113.2 projetés de la loi R-20, laisse
place à interprétation. Selon les
dictionnaires — nous, on
a utilisé Usito — l'expression
«susceptible de» désigne «peut faire quelque chose, servir à quelque chose, produire un tel effet sur
quelqu'un, quelque chose ou éventuellement être capable de». Nous
croyons que le législateur pourrait errer en
droit avec un tel ajout. En effet, il risque de confondre la réelle volonté de
nuire avec un acte non intentionnel.
Le fardeau de démontrer l'intention d'un geste ou d'une action s'avère
relativement flou, avec ce qui est proposé. Il y a une incertitude sur
l'application future de cette loi et la justification irrationnelle.
• (11 h 40) •
Quand on va à l'article 16 du projet de
loi, qui fait référence à 113.3 projeté dans la loi R-20, on amène une dimension intéressante quand on parle du paiement
et du salaire, des avantages illégaux. On met une dimension où est-ce qu'on peut dire à un salarié : Bien, si tu
participes à un système où est-ce que tu reçois illégalement des systèmes de
salaire et d'avantages sociaux et que tu as
été de connivence avec ton employeur, tu peux faire l'objet de poursuites
également. À première vue, c'est bien, sauf que nous, qui représentons des
salariés, on sait très bien que souvent, les salariés sont victimes d'un système et n'ont pas le choix
d'y adhérer. Le syndicat qui a présenté hier... a amené cet exemple-là
aussi entre «tu veux travailler» ou «tu ne
veux pas travailler». Donc, nous, on croit que ce libellé distingue mal le
salarié qui est réellement de connivence avec un contrevenant réel.
Considérant que la sécurité d'emploi n'existe
pas dans notre industrie, ce genre de disposition là vient encore affaiblir le
lien qu'un salarié peut avoir avec son employeur. Le rapport de force est véritablement
démesuré. Nous, évidemment, on s'oppose à ce que des victimes soient
réellement mises à tort devant les tribunaux. Bien que le projet de loi apporte une certaine dimension sur la protection des sources, la
protection des «whistleblowers», on ne croit pas que c'est suffisant
dans le contexte actuel, où est-ce que le rapport de force est démesuré.
Je vais
ensuite aller à l'article 18. L'article 18 prévoit qu'une association de salariés, le représentant d'une telle association, qui tient une
réunion de salariés sur les lieux du travail sans le consentement de
l'employeur ou qui ordonne, encourage
ou appuie une telle réunion commet une infraction. Bon, cet article-là
vient limiter littéralement le pouvoir d'un représentant syndical sur les
chantiers de construction. Il faut savoir que l'industrie de la construction
est distincte de tout autre secteur
d'activité, c'est-à-dire que le syndicat n'est pas présent sur les lieux
physiques où s'exécute la prestation de travail. Les chantiers de
construction sont multiples à travers la province et les représentants
syndicaux sont appelés à aller vers ces
chantiers-là. Que ça soit pour faire de l'intervention au niveau
du respect de la convention
collective ou au niveau de la prévention en matière de santé et sécurité
au travail, il est nécessaire qu'on puisse garantir que le travail puisse être
fait librement, aux représentants syndicaux.
Actuellement, les conventions collectives disposent d'une certaine entente à cet effet-là
pour permettre, justement, aux
représentants syndicaux d'avoir accès à tous les chantiers au Québec.
Mais si la loi R-20 introduit une disposition qui vient contredire ce que la convention collective dit, on peut se retrouver dans une situation
où est-ce qu'il y aura encore un flou juridique et est-ce
qu'on devra aller devant les tribunaux avec une telle situation? Donc, on
saisit difficilement pourquoi le législateur
apporte ces modifications-là. Nous considérons qu'il risque d'y avoir plus de
conséquences néfastes que de bienfaits apportés. On considère c'est toujours
nécessaire de favoriser un climat de travail harmonieux sur les chantiers de
construction, mais ce n'est pas la bonne façon de s'y prendre.
Maintenant,
en ce qui a trait aux infractions à oeuvrer pour une association syndicale, évidemment, tout ce qui est cas de violence et
d'intimidation, la SQC n'entérine pas ça et ne l'entérinera jamais. On comprend
que les erreurs commises d'un représentant
syndical peuvent le limiter à agir dans son mandat. Les mêmes choses
s'appliquent également aux
administrateurs patronaux. Cependant, posons-nous la question : Est-ce que les
répercussions sont les mêmes pour un acteur
syndical qu'un acteur patronal? Évidemment que non. L'acteur syndical perd sa source de
revenus et doit retourner, à titre de
travailleur, sur les chantiers de construction. L'acteur syndical qui est au
sein de son association depuis plusieurs années n'aura pas la même capacité de se replacer en emploi, tandis que
l'entrepreneur va délaisser ses fonctions au sein de son association
patronale et pourra continuer d'oeuvrer pour son entreprise. On ne peut pas
comprendre que les répercussions ne sont pas les mêmes. Posons-nous la question :
est-ce que c'est vraiment équitable? Est-ce que, par exemple, une suspension de la
licence RBQ de l'administrateur pourrait être soulevée, soulevée dans le sens
qu'elle pourrait être... suspendue,
dis-je. Donc, est-ce que ça serait une solution? On lance la question,
et ensuite peut-être que ça pourrait être un ajout.
En
conclusion, on vous ramène qu'il y a d'autres situations qui peuvent être apportées
pour assurer un climat de travail sain sur les chantiers de
construction. Traditionnellement, les syndicats de l'industrie vous ramènent à
ce qu'il serait nécessaire que la loi R-20 soit modifiée
pour y ajouter les possibilités de négocier des clauses de rétroactivité lorsque vient de temps de négocier nos conventions collectives et d'introduire des dispositions antibriseurs de
grève. Ça serait des dispositions qui
seraient suffisantes pour assurer un maintien des relations de travail saines
et harmonieuses.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci pour votre exposé. Je veux juste vous souligner que je vous ai laissé
dépasser un peu plus votre temps, toujours avec le consentement. Mme la
ministre, on va débuter les échanges, et la parole est à vous.
Mme Vien : Merci
beaucoup, messieurs, de vous être
présentés ce matin, c'est un plaisir de vous recevoir. J'ai pris bonne
note de ce que vous nous avez transmis comme information, mais aussi ce que
vous nous transmettez comme inquiétude. Bon,
il faudrait vraiment avoir une perte
de mémoire assez importante pour ne pas se souvenir de ce qui a été dit
hier, puis je vois bien, là, que vous êtes... vous occupez la même position que
certains groupes qui ont fait des représentations hier, durant toute la
journée.
J'aimerais revenir, de façon plus particulière,
sur deux ou trois éléments, selon le temps que j'aurai, là. Vous semblez inquiets sur la protection des lanceurs
d'alerte, sur la protection qu'on veut apporter. Est-ce que j'ai bien
compris qu'on ne va pas assez loin?
M. Picard (Charles-Olivier) :
Bien, évidemment, on n'est pas contre la vertu parce qu'on a juste à regarder l'historique, l'historique qu'on a eu, autant au
Québec qu'au Canada, sur les dispositions de protection de lanceur
d'alerte qu'il y a eu. C'est des éléments qui sont nécessaires et importants,
mais on ne l'a pas abordé nécessairement dans le mémoire. Mais je me suis
permis de le faire dans la présentation. Dans le contexte où est-ce qu'on n'a
pas de sécurité d'emploi, comment on va
réellement protéger des sources, dans un cas de protection de lanceur d'alerte?
Si on ne parvient pas à protéger un
lien d'emploi, on peut s'adopter des meilleurs principes en termes de
protection de lanceur d'alerte, mais seront-ils applicables?
Mme Vien : Alors donc,
l'autre question qui vient : Comment on fait pour bien les protéger dans
le contexte où, comme vous le soulevez, les
travailleurs de la construction travaille dans un système qui est, disons-le,
dans le sens précaire, dans le sens qu'il n'y a pas... on peut avoir
trois ou quatre employeurs durant l'année, comment on fait ça?
M. Picard (Charles-Olivier) :
Eh bien, dotons-nous des mécanismes nécessaires puis on pourra le faire pour
protéger justement le lien d'emploi.
Mme Vien : Bon, parfait.
Tenir des rencontres sans le consentement du patron — je
vais dire ça dans mes mots — de
toute évidence, ça vous embête, cet élément-là.
M. Picard
(Charles-Olivier) : Bien, évidemment, ça nous embête parce que ces
dispositions-là, on les a protégées dans
nos conventions collectives. Nos conventions collectives font en sorte qu'étant
donné que c'est un item qui a été négocié
avec les associations sectorielles d'employeurs, ça fait acte d'entente. Donc,
si on introduit une disposition qui peut sembler contraire dans la loi, est-ce que ces dispositions-là seront
toujours applicables? Est-ce qu'elles vont rentrer en confrontation? Et
est-ce que le travail du représentant syndical, qui est là pour favoriser le
maintien des conditions de travail de ses
travailleurs et travailleuses et d'assurer un environnement de travail sain et
sécuritaire, vont toujours perdurer? Nous, on pense qu'au contraire il
faudrait renforcer le rôle du représentant syndical, au lieu de l'affaiblir.
Mme Vien : Je termine
sur toute la question du «susceptible», là. Ça aussi, ça vous inquiète. Quel
genre de dérapage vous inquiète avec cet élément-là?
M. Picard
(Charles-Olivier) : Bien, évidemment, on peut le voir sur différents
angles. Je pense que c'est une approche
holistique, même, rendu là. «Susceptible de», je traduis mal la façon dont on
pourra trouver l'intention derrière un
geste plutôt que de présumer qu'un geste peut avoir été commis. On éprouve la
certaine crainte qu'on risque d'accuser à tort des victimes ou d'accuser à tort des gestes qui n'étaient pas
répréhensibles chez des gens. C'est là, la difficulté. On comprend l'intention du législateur, toujours de
favoriser un climat de travail sain, faire en sorte que ça fonctionne
bien, mais on ne pense pas que c'est la
bonne façon de le faire. Et est-ce que la façon dont la loi R-20 est écrite
actuellement... est-ce qu'elle est suffisante? Bien, je pense qu'elle est
nécessairement meilleure que les propositions qui sont faites en ce moment.
Mme Vien : Merci
beaucoup, M. Picard, merci.
La Présidente (Mme Richard) :
Mme la ministre, merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition
officielle. M. le député de Sanguinet, vous avez la parole.
M. Therrien :
Merci, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord vous saluer, saluer la
présidente, la ministre et les députés de la
partie gouvernementale, ainsi que mon collègue de la deuxième opposition. Je
vous salue évidemment pour votre... je vous salue, et merci de votre
visite, ça nous aide à comprendre un peu plus les portées que peut avoir ce
projet de loi.
Moi, j'aurais quelques petites
questions. D'abord, le mot «susceptible», là, vous avez beaucoup insisté là-dessus,
puis, tout au long de votre texte, là, ça
revient souvent. Et j'aimerais porter à votre attention, à la page 13,
parce que je lis, et j'aimerais ça
vous entendre sur les conséquences que ça peut avoir, ce mot-là, entre autres,
et qu'il soit appliqué selon que ce soit dans un... les gens qui
appartiennent au monde syndical et les gens qui seront des entrepreneurs
peuvent avoir des conséquences qui sont différentes, et vous apportez une
solution. Honnêtement, j'aimerais ça vous entendre. D'abord, pourquoi c'est si
différent pour un entrepreneur que pour le monde syndical, et, ensuite,
qu'est-ce que vous proposez, et puis le lien
avec le mot «susceptible». Puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus parce
qu'honnêtement je sens que c'est important, mais j'ai de la misère à
saisir cette portée-là.
• (11 h 50) •
M. Picard
(Charles-Olivier) : Bien, en effet, l'expression «susceptible de»
vient s'imbriquer maintenant avec les nouvelles
infractions pour être inhabile à oeuvrer pour une association. Évidemment, le
représentant syndical, lorsqu'il est en
poste comme représentant syndical, c'est son emploi, c'est sa source de
revenus. Tandis que le représentant patronal qui siège pour une association patronale, d'abord et avant tout, c'est un
entrepreneur pour lequel a sa principale source de revenus avec cette
entreprise-là à titre d'administrateur, propriétaire, bon, on peut y aller sous
les différents titres qui existent. Donc, si on dit au représentant syndical :
Tu perds ton emploi pour cinq ans, bien, tu mets fin à sa source de revenus. Si on dit à un administrateur
patronal : C'est terminé pour cinq ans, bien, sa source de revenus
continue quand même. Mais la nature
du geste qu'il peut avoir commis n'aura pas la même incidence sur la sanction. Donc, nous, on
dit : Bien, écoutez, si on veut nécessairement punir, bien, allez le punir
avec son rôle d'entrepreneur.
M. Therrien :
O.K. Donc, je lis, là, que vous parleriez de l'exclusion du droit d'être dans
la Régie du bâtiment, en tout cas, de recevoir des contrats de la Régie
du bâtiment. C'est ce que je...
M. Picard
(Charles-Olivier) : Non, non, précisément...
M. Therrien :
D'avoir sa licence, là.
M. Picard
(Charles-Olivier) : Bien, c'est ça. Précisément, c'est une suspension
temporaire ou permanente. Ça serait à
établir peut-être en fonction de la gravité du geste ou de comment une loi
pourrait être réécrite. Mais nécessairement c'est de le punir avec son
rôle d'entrepreneur.
M. Therrien :
À ce moment-là, il ne pourrait plus effectuer de travaux dans la construction,
j'imagine, dans le sens large, là.
M. Picard
(Charles-Olivier) : En fait, il ne pourrait plus le faire en son nom.
Il faudrait qu'il soit au service de quelqu'un d'autre, et il ne serait
plus décideur.
M. Therrien :
Donc, ça a quand même une grosse portée.
M. Picard (Charles-Olivier) : En fait...
M. Therrien :
Comment les entrepreneurs accueilleraient ça, cet ajout-là, vous pensez? Je
vous pose la question simplement parce que c'est quand même important,
là.
M. Picard
(Charles-Olivier) : Évidemment, on est dans l'hypothétique, mais
probablement qu'ils l'accueilleraient de la même façon que nous, on
accueille ce qu'un représentant syndical pourrait avoir.
M. Therrien :
C'est ça, le but. C'est ça, le but. Je comprends très bien. Je comprends très
bien. Non, mais je ne veux pas...
honnêtement, je ne veux pas défendre quiconque. J'ai juste essayé de voir, là,
si, entre ces deux poids, deux
mesures que vous avez annoncées au départ, là, ça pourrait être corrigé avec
l'introduction de cet aspect, là, lié aux licences dans la Régie du
bâtiment.
Écoutez, vous avez
dit qu'une infraction, dans le cas où une personne travaille pour un employeur,
qui est en position de faiblesse, qui se met dans une situation compromettante,
bien, à ce moment-là, il pourrait être puni, pénalisé,
alors que, dans le fond, il n'avait comme vraiment pas le choix parce qu'il ne
voulait pas mordre la main qui le nourrissait. C'est ce que j'ai
compris.
M. Picard
(Charles-Olivier) : Bien, je vais pouvoir me recadrer un peu. Je ne
dis pas nécessairement mordre la main
qui le nourrit parce que, nous, ce qu'on veut faire, ce n'est pas punir la
victime. Si l'entrepreneur a imposé un système de rémunération illégal, bien, qu'on accuse l'entrepreneur, mais qu'on
épargne la victime. C'est à peu près ça qu'on dit. C'est déjà présent,
c'est déjà actuel où est-ce qu'on a des salariés qui sont victimes d'un
système, puis si on met cette disposition légale là, bien, j'ai peur qu'on
accuse à tort des victimes, là.
M. Therrien :
Je vais vérifier. Oui, vous avez parlé... j'avais une question par rapport aux
lanceurs d'alerte, je pense que vous avez répondu de façon assez, assez
intéressante, là, à cette question-là. Moi, je pense que j'ai fait le tour.
Vous avez
parlé du projet de loi n° 33 sur le changement de la gouvernance. Vous
avez glissé un mot là-dessus. Est-ce
que vous considérez que cet ajout de ce projet de loi là va améliorer, assainir
la gestion de contrats et la gestion du monde dans lequel vous oeuvrez? Est-ce que vous
pensez que c'était nécessaire? Est-ce qu'on en avait fait un bout avec
le projet de loi n° 33 ou vous pensez
que l'activité, ce qu'on fait actuellement, c'est extrêmement important pour
assurer que votre système... pas votre
système, mais votre domaine soit protégé contre toutes sortes de problèmes liés
à la gestion?
M. Gendron
(Sylvain) : Est-ce que je
dois comprendre... La question est au niveau de la limitation des mandats? Est-ce que la limitation des
mandats va améliorer la gestion à la Commission de la construction, c'est ça?
M. Therrien :
Oui.
M. Gendron (Sylvain) : Non, absolument
pas. Non, absolument pas. Présentement, la charge de travail ou d'expertise que doit acquérir un membre du conseil d'administration de la commission est immense. Elle est très grosse. Alors, un mandat de trois ans, on ne fait que
débuter à aborder... surtout si le membre, et je vais me prendre en exemple,
je suis également membre du comité de vérification, membre du comité de placement et du comité de TI, technologie
de l'information. C'est entre
trois, quatre rencontres par année. Entre trois, quatre rencontres par année,
avec une brique à chaque fois, où on
doit étudier, souvent les premières
années, dans des termes qu'on ne maîtrise pas. Si on doit discuter au conseil d'administration, nous, de ce qui est
perfectionnement dans l'industrie de la construction ou des métiers, pas
de problème, on est à l'aise. Le reste, on doit l'acquérir.
Alors, pour
un membre du conseil d'administration qui provient de l'industrie de la
construction, et ils doivent provenir de l'industrie de la construction,
lui, il doit acquérir des outils qui vont prendre un certain laps de temps. Donc, trois ans à acquérir, trois ans à exercer,
puis on sait qu'on doit quitter. En plus de ça, lorsqu'on quitte... et la
même chose est valable pour le membre indépendant. Le membre indépendant a
peut-être de l'expertise dans sa sphère de spécialité, mais elle n'a pas
l'expertise de l'industrie de la construction. Laissez-moi vous dire que ça leur
prend au moins un minimum de trois ans pour
avoir une bonne idée de comment fonctionne notre industrie. C'est une
industrie, ce n'est pas juste une facette de l'industrie. C'est une industrie
que la commission gère.
Maintenant,
ceci étant dit, si on met fin après trois ans, la mémoire organisationnelle,
celle qui est importante, des membres
du conseil d'administration, elle, elle doit être en mesure de pouvoir
continuer par la suite. Et là être en mesure de saisir la mission et l'histoire de... de la Commission de la
construction, excusez-moi là, mais ne pas arriver puis recommencer au début, je vais réapprendre. Parce
que qu'est-ce qui va arriver, c'est qu'on va avoir des exécutants à la commission. On n'aura pas des décideurs. On n'aura
pas les décideurs de l'industrie. Le danger, c'est qu'on va créer un conseil d'administration fantôme à côté... où les
vrais décideurs vont prendre des décisions puis ils vont dire aux
exécutants, bien, on est contre, on est
pour, faites ça. Ça fait qu'à chaque fois, le conseil d'administration, ça
n'avancera pas, à un moment donné. Parce que les vrais décideurs ne
seront pas présents à la table.
M. Therrien :
O.K. Puis je sens que c'est un des irritants les plus importants, parce que
vous avez commencé votre laïus avec
ça. Mais vous n'aviez pas aussi bien expliqué parce que le temps, aussi... vous
avez juste 10 minutes, mais vous n'aviez pas expliqué aussi
clairement, là, à quel point c'était devenu un irritant pour vous et...
M. Gendron (Sylvain) : C'est
vrai, mais étant donné que je... on est un peu redondants, vous l'avez vu.
M. Therrien :
Oui, oui, oui.
M. Gendron (Sylvain) : Toutes
les associations...
M. Therrien :
Bien, pas... non, vous n'êtes pas redondants, mais...
M. Gendron
(Sylvain) : ...n'acceptent
pas, mais considèrent que ça va être contre-productif pour la Commission de
la construction et, si on a bien entendu, également pour la CNESST. Alors,
c'est pour ça qu'on a passé moins de temps là-dessus.
M. Therrien : Mais
c'est... moi, je ne dirais pas que c'est de la redondance. On apprend souvent
en cognant plusieurs fois sur le même clou.
Alors donc, c'est très bien compris. Je vous remercie, moi, ça serait tout pour
les questions.
Une voix : Puis on reste dans
le domaine de la construction.
M. Therrien :
Oui, c'est ça, exact. C'est ça, le lien.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci, M. le député de Sanguinet. Nous allons maintenant vers le
deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chutes-de-la-Chaudière, vous avez
la parole.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) :
Merci, Mme la présidente. Merci de votre présence ici ce matin. Je vais y aller rapidement. J'ai quelques petites
questions. Lorsque vous parlez des nouvelles infractions, je comprends
que, pour les entrepreneurs, vous dites, il
y avait suspension ou annulation de la licence de la RBQ. Mais vous ne
considérez pas que vous allez pénaliser
quand même des travailleurs? Est-ce que vous avez pensé à un autre moyen de
pénaliser l'employeur sans que ça affecte les travailleurs? Parce que
cet employeur-là a des travailleurs.
M. Picard
(Charles-Olivier) : Bien, inévitablement, cet employeur-là a des
travailleurs, mais, chose est certaine, si cet employeur-là ne peut plus exécuter ces contrats-là, il y en a un
autre qui pourra les faire. Ça, c'est une chose. Et si l'intention réelle était de punir un représentant
syndical et l'intention réelle était de punir un acteur patronal, bien,
nous, ce qu'on dit, c'est allez chercher un
équilibre des sanctions. L'équilibre des sanctions, c'est de mettre fin
nécessairement, si c'est... si l'équilibre
des sanctions, au niveau syndical, est de mettre fin à ton emploi et à ta
source de revenus, bien, la même chose
doit arriver au niveau patronal. C'est une suggestion qu'on a faite. On ne vous dit pas nécessairement
que c'est la façon de faire. Si, justement,
il y a une prochaine étude de projet de loi qui vient là-dessus, on pourrait
en faire un autre débat, une autre présentation. S'il y a d'autres
angles que le gouvernement veut approcher, on pourra collaborer, là.
• (12 heures) •
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : ...vous
nous dites : Prévoyez quelque
chose, là. C'est ça
que vous nous dites. Mais vous êtes ouverts à ça.
M. Gendron (Sylvain) : En fait, si
vous me permettez, effectivement, là, c'est que nous, on considère que présentement
ce sont les travailleurs qui sont pénalisés. Ils sont pénalisés à tous les
égards, à ce niveau-là, parce que, lorsqu'un
employeur... Et des exemples, on en a
tous les jours. J'entendais quelqu'un hier qui disait qu'il y en avait
tous les jours, bien, nous aussi, on en a
tous les jours, où est-ce que des salariés subissent de l'intimidation, dans le
sens où tu le fais, tu acceptes ça ou
tu quittes, un point c'est tout, il n'y a pas... Mais, à ce moment-là, on se
retrouve où est-ce que tout le système de pénalisation, dans ce
milieu-là, on vise également le travailleur. Tu vas recevoir une pénalité; tu
auras à payer parce que tu as participé à un
système frauduleux, ou autre. C'est l'employeur qui a la gestion, c'est lui qui
a l'argent, c'est lui qui embauche, c'est lui qui paie, c'est lui le
responsable, c'est tout.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : O.K. Merci. Je vais revenir sur la
limitation des mandats. Je comprends lorsque vous dites qu'il y a une
perte d'expertise. Je comprends que, lorsque la commission Charbonneau a fait
ses recommandations, c'était dans un moment
donné. On a évolué depuis ce temps-là, on a appliqué certaines recommandations.
Mais il y aurait-u un moyen, peut-être, de
prévoir que... si on les limite, que ce soit rotatif, là?, il en part un ou
deux par année ou... Parce que, veux
veux pas, un jour, il y a une perte d'expertise, là. Ça arrive de temps en
temps, quelqu'un, un représentant, je
ne sais pas, qui prend sa retraite ou qui perd son poste syndical, il est
remplacé, ou côté patronal aussi, là. Il
y a déjà des mouvements qui se font. Mais, on pourrait peut-être les ordonner
en prévoyant une rotation, là, de départ. Je lance l'idée, là.
M. Gendron (Sylvain) : ...chose qui
est certain, c'est que la façon dont c'est présenté, on met fin justement à l'expertise au grand complet dans une shot. Après
deux mandats, on met fin. S'il n'y a pas de limitation de mandat, elle va se faire... Nos organisations, tant patronales
et syndicales, elles ont une vie. Moi, je ne suis pas là... je ne me
cacherai pas, j'ai 61 ans aujourd'hui,
là, je ne serai pas là pour 20 ans. Je vais quitter à un moment donné, là,
peut-être plus vite que plus tard, je
ne le sais pas. Mais moi, automatiquement, à ce moment-là, il y a un
remplacement, et ça, ça doit être pareil dans toutes les organisations,
là. Il y en a une qui se fait, mais il ne devrait pas y avoir de limitation.
J'entendais hier que, selon la pratique, il y a
des 12, 15 ans. Écoutez, pour moi, là, il ne devrait pas y avoir de limitation. Il n'y a plus moyen aujourd'hui, je
n'y crois plus... ou il est très peu probable qu'un administrateur au sein
de la commission, avec les outils qu'on
s'est donnés, le code de déontologie, ou autre, avec la façon qu'on fonctionne,
je ne crois pas qu'un administrateur serait en mesure d'avoir un effet
négatif. Au contraire, on a fait en sorte de donner des outils à tous les
administrateurs pour qu'ils aient un effet positif beaucoup plus fort qu'ils
l'avaient autrefois.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : Juste en terminant, une précision.
Actuellement, le gouvernement, c'est lui qui nomme, en bout de piste.
Donc, il y aurait quand même moyen, si quelqu'un... pour une raison quelconque,
le gouvernement dit : Non, on ne veut pas cette personne-là, il pourrait,
lors d'un renouvellement, s'assurer qu'il y ait une rotation.
Mais ce n'est
pas là-dessus que je veux vous entendre. Je veux vous entendre juste sur les visites
de chantier. Les visites de chantier,
si on mettait des périodes de temps, là, style sur l'heure du midi... Ou
comment ça se passe, une visite de chantier,
là? Parce que moi, en tout cas, j'ai l'impression que ça ne se passe pas sur
les heures de travail, ça se passe sur les breaks, sur les heures de
dîner? Allez-y donc là-dessus.
M. Picard (Charles-Olivier) : Bien,
en fait...
La Présidente (Mme Richard) :
Brièvement parce qu'il vous reste moins d'une minute. Je m'excuse.
M. Picard
(Charles-Olivier) : Bien, je
vais me faire bref. En effet, il faut quand même respecter l'ordonnancement
des travaux que l'entrepreneur a. Mais
d'aller constamment sur l'heure du dîner du travailleur, je ne suis pas sûr
qu'il va nous apprécier, c'est sa
période de repos, c'est sa période de repas. Nécessairement, il faut le faire
pendant l'exécution des travaux,
pendant qu'il travaille, pendant qu'il est là, pendant qu'il est dans le feu de
l'action, mais sans nécessairement induire
à retard les travaux. Et nos conventions collectives, on a négocié ces
dispositions-là avec les employeurs. Il y a déjà une entente qui existe là-dessus. Nous, ce qu'on dit : Il y a
déjà une entente qui existe, donc pourquoi introduire une dimension à la
loi R-20 qui pourrait aller en contradiction avec ça?
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : O.K. Merci.
La
Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, messieurs, pour
votre contribution à nos travaux.
Et nous allons
suspendre les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de
prendre place.
(Suspension de la séance à
12 h 6)
(Reprise à 12 h 7)
La Présidente (Mme
Richard) : Donc, nous reprenons nos travaux. Nous avons la Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante. Mme Martine Hébert, bonjour.
Bienvenue à l'Assemblée nationale. Nous allons vous donner un temps maximum de
10 minutes pour nous faire votre exposé. Par la suite va suivre un échange
avec les parlementaires. La parole est à vous, Mme Hébert.
Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)
Mme Hébert (Martine) : Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente. Merci de me recevoir ce matin. Je suis très contente d'être ici devant vous pour discuter, là, de certaines dispositions du projet de loi n° 152, malgré le fait que... Parlant de gouvernance, j'aurais préféré être ici pour parler de la gouvernance des
comités paritaires, dans le cadre du projet de loi n° 53, mais malheureusement ce n'est pas le sujet du jour.
Alors, je vais me concentrer sur le projet de loi n° 152.
Je
vous dirais d'emblée, Mme la Présidente, que j'ai concentré mes commentaires,
là, seulement sur la partie qui concerne
la commission des normes, de l'équité salariale et de la santé et sécurité du
travail parce que c'est la partie que je connais le plus, étant membre du conseil d'administration de la CNESST
et étant peu familière avec les structures internes, là, en vigueur au sein de la Commission de la
construction du Québec. Alors l'ensemble de nos commentaires portent sur
les dispositions qui touchent la CNESST.
Écoutez,
je pense qu'on reconnaît que la question de la gouvernance des organisations
est un facteur fondamental qui
conditionne le déroulement harmonieux des affaires au Québec. On accueille donc
favorablement les grandes orientations du projet de loi n° 152 qui
visent à donner suite au rapport de la commission Charbonneau.
Cependant,
la FCEI tient quand même à exprimer certaines préoccupations, là, à l'effet
qu'une application trop littérale de la recommandation n° 19 du
rapport de la commission Charbonneau, dans le cadre de ce projet de loi là,
pourrait comporter certains effets pervers. À notre avis, il y aurait lieu de
moduler l'approche sur cette question pour éliminer le risque de mettre
inutilement à mal le système de gouvernance de la CNESST.
Afin
de contextualiser l'intervention potentielle du législateur dans le système de
gouvernance de la CNESST, je pense
qu'il est important de ne pas perdre de vue qu'il est en évolution constante,
ce système de gouvernance là. D'ailleurs, au cours des dernières années, la quasi-totalité des recommandations du
rapport du Vérificateur général du Québec, intitulé Lésions professionnelles : indemnisation et
réadaptation des travailleurs,
publié en 2015, ont été implantées par le biais d'un plan d'action qui a
été mis en oeuvre au sein de la CNESST conformément aux attentes de la
Commission de l'administration publique.
Au
chapitre des améliorations, je vous en donne quelques exemples, Mme la Présidente :
la modification du code de
déontologie des administrateurs, la mise à jour et l'adoption d'un règlement
interne, la mise en place d'un programme de formation des administrateurs, la mise en place d'une démarche
annuelle d'évaluation du conseil d'administration, et j'en passe. Bref, ces modifications illustrent
bien que la structure actuelle de la gouvernance de la CNESST fonctionne
et que, notamment, la surveillance pratiquée par le Vérificateur général du
Québec est efficace et tend à faire évoluer et améliorer constamment les
pratiques du conseil d'administration, ce qui est une bonne chose.
• (12 h 10) •
Ainsi,
on prévient que le fait de modifier un système de gouvernance qui fonctionne
déjà bien constitue en soi un risque,
hein? Il y a un adage en anglais qui dit :
«If it ain't broken, don't fix it.» Alors, on aimerait que le législateur
adopte cette position-là par rapport au conseil d'administration de la CNESST.
Deuxièmement, Mme la Présidente, je pense que c'est important
de soumettre à la considération des membres de la commission aussi que
la recommandation de la commission Charbonneau a été émise avant la
constitution de la CNESST, au moment où la CSST n'était pas assujettie à la loi sur l'octroi des contrats
publics. Alors, je vous signale que depuis
la création de la CNESST, qui a fusionné trois organismes, la CNESST est
maintenant assujettie à la loi sur l'octroi des contrats publics.
Alors,
pour la FCEI, évidemment, vous aurez compris que l'élément central du projet de loi n° 152, qui doit être remis en question, est lié à l'article 24 dudit projet de loi, qui vient limiter la durée des mandats du conseil
d'administration. Pour nous, c'est préoccupant, particulièrement considérant la complexité d'une structure telle que
la CNESST, qui regroupe à la fois un
volet assurance, hein, dans la partie santé et sécurité du travail, et un volet
législation du travail, qui sont les normes et l'équité salariale.
Cette complexité fait
en sorte qu'il faut un certain temps avant que les administrateurs qui sont au
C.A. ne soient suffisamment à l'aise avec l'ensemble des dossiers pour exercer pleinement
et de façon optimale leurs rôles d'administrateurs.
À cela, ajoutons aussi les particularités qui sont liées au paritarisme, au
sein de la CNESST, ainsi que la nécessité d'assurer la représentativité
des organisations qui siègent au conseil d'administration, qui découlent de ce paritarisme-là. On constate donc que l'article 24
introduirait, donc, une orientation, si vous voulez, qui irait à l'encontre du
maintien de cette expertise-là au sein du conseil d'administration de la
CNESST.
Par ailleurs, Mme la Présidente, je vous dirais
aussi que ça semble être une politique de gouvernance, là, qui semble détonner
de celles qu'on retrouve dans d'autres organismes gouvernementaux. Un
inventaire sommaire de la durée des mandats des administrateurs
de plusieurs organismes ou sociétés québécois nous apprend en effet qu'un nombre important d'entre elles limitent beaucoup
moins la durée cumulative maximale du mandat des administrateurs siégeant à leurs C.A. que ne le propose l'article 24
du projet de loi. Je vous donne par exemple, là, comme exemple,
là : Revenu Québec, 12 ans, la durée maximale des mandats est
de 12 ans; Hydro-Québec, 12 ans; Régie de l'assurance maladie du
Québec, 12 ans. Donc, on comprend difficilement ce qui justifierait le
fait qu'au sein de la CNESST les mandats du conseil d'administration
doivent être la moitié de ceux qu'on retrouve dans plusieurs autres organismes
publics.
On note aussi
qu'il y a plusieurs écrits qui ont été réalisés au Québec.
Parce que, quand même, on a regardé un petit peu ce
qui s'est écrit au Québec, aussi, notamment à travers des instituts comme l'IGOPP, et tout ça, sur cette question-là des mandats, la durée des mandats et sur la
gouvernance des organismes publics. Bien qu'ils s'attardent souvent à
diverses questions qui sont liées aux conseils d'administration, plusieurs
études et plusieurs écrits demeurent complètement muets ou n'accordent que très peu d'attention au nombre optimal de
renouvellements de mandats au sein des conseils d'administration. Je pense à certains écrits, entre autres, qu'on a
consultés de M. Allaire, M. Dauphin au cours des dernières années, là, qui nous apparaissaient, comme je vous
le dis, un peu muets ou encore accorder très peu d'importance à ce
fait-là dans la gouvernance des organisations.
On attire
aussi l'attention des membres de la commission sur les conclusions des
commissaires, qui suggéraient que le
fait de prévoir une longue durée pour les administrateurs d'une organisation
inciterait à un relâchement des règles, de la vigilance ou encore de la surveillance de l'organisation. Mme la
Présidente, ce point de vue là ne semble pas faire consensus dans plusieurs écrits qui portent sur le sujet. Et
on a trouvé une étude économétrique très intéressante de l'Université de
New South Wales, qui a été publiée en 2015,
qui prouve en fait exactement le contraire. L'étude a été réalisée auprès
d'une population de
1 500 organisations inscrites à la cote boursière Standard &
Poor's 500, et ils sont arrivés à la conclusion, dans l'étude, qu'au contraire plus les mandats étaient longs, là, plus
ça améliorait la gouvernance au sein de l'organisation.
Je donne un
exemple, la présumée complaisance à l'égard de la direction. Les experts de
l'Université de New South Wales en
viennent à la conclusion suivante que dans l'ensemble les résultats démontrent
peu de preuves de la capacité du PDG de s'extraire de la question d'une
mauvaise performance si des administrateurs d'expérience siègent au conseil d'administration. On arrive à des conclusions
comme ça, là, sur les administrateurs d'expérience et le fait...
l'importance d'avoir des administrateurs d'expérience au sein du C.A. sur
plusieurs aspects comme ça de la gestion du conseil d'administration, autant en matière de participation, aussi, sur les
comités du conseil d'administration. On a démontré que plus les administrateurs étaient longtemps au
C.A., plus la probabilité qu'ils participent à un comité du C.A. était
grande. Et on sait d'ailleurs que... c'est
une autre étude qu'on a citée de l'OCDE dans notre mémoire, on sait que la
participation aux comités, là, fait partie des pratiques de saine gouvernance
qui sont prônées au sein de l'OCDE aussi.
Donc, Mme la Présidente, je pense que ce qu'on a
tenté de démontrer, c'est que pour nous, et c'est corroboré par des écrits, là, ce n'est pas juste nous qui le
disons, on pense que le fait de limiter les mandats, limiter le
renouvellement des mandats comme prévu à
l'article 24 du projet de loi n° 152, ça risquerait plutôt de miner
la saine gouvernance au sein de la CNESST et d'entraîner des effets
contraires à ceux recherchés.
C'est pourquoi, Mme la Présidente, comme
recommandation centrale dans notre mémoire, on a formulé la recommandation suivante à l'effet que, compte tenu
de l'importance du rôle de cette commission qu'est la CNESST au Québec,
on demande le retrait de l'article 24 du projet de loi n° 152. Je
vais m'arrêter ici.
La Présidente
(Mme Richard) : Ça
va? Merci, Mme Hébert. Nous allons débuter les échanges. Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme Vien :
Bonjour, Mme Hébert. Bienvenue. Si la fusion des organismes formant aujourd'hui
la CNESST avait eu lieu, avant les travaux menés par la juge Charbonneau,
avez-vous l'impression que sa recommandation aurait été différente ou n'aurait pas
du tout figuré à l'intérieur de son rapport?
Mme Hébert
(Martine) : Bien, j'aurais
l'impression qu'elle aurait été modulée de peut-être d'une autre
façon, en tout cas. Il y aurait peut-être des éléments, entre autres, par exemple, qui ont été formulés par le Vérificateur
général, au niveau de l'amélioration de la gouvernance, qui auraient été peut-être soulevés. Mais j'ai
l'impression... et je ne suis pas dans
la tête de la juge Charbonneau ni des membres de la commission Charbonneau,
mais c'est clair, pour nous, qu'en tout cas la loi sur l'octroi des contrats publics, l'organisme qu'était la CSST,
ce qu'on sait, c'est que ce n'était pas assujetti à la loi sur l'octroi
des contrats publics, ce qu'il est maintenant, et d'ailleurs qu'ils ont mis en
place plusieurs...
Mme la ministre, juste avant de faire ma
présentation ici, j'étais sur le site de la CNESST, là, dans la section Accès à l'information, où justement, là, vous avez une série d'informations très
intéressantes et assez exhaustives, là, sur l'ensemble des contrats et les appels
d'offres publics, là, qui ont eu lieu
à la CNESST au cours des dernières années. Donc, je pense qu'il y a beaucoup
d'amélioration depuis ce temps-là.
Mme Vien : On jase, là.
Mme Hébert (Martine) : Jasons.
Une voix : ...
Mme
Vien : Oui, c'est ça.
On laisse ça dans l'esprit de la recommandation, admettons, et on dit... Nous, on pense effectivement
qu'on doit limiter la durée des mandats des dirigeants. De mémoire, hier,
c'était à M. Stéphane Forget, de la Fédération des chambres
de commerce du Québec, à qui j'ai posé la question. Vous me corrigerez, les
collègues, là, mais on en a entendu huit ou
neuf hier, là, mais je lui demandais : Si je devais vous demander un
compromis... Vous l'avez souligné tantôt, il y en a plusieurs qui sont à
la limite de 12 ans, là. Seriez-vous à l'aise avec ça?
Mme Hébert (Martine) : Je vous dirais, Mme la ministre, qu'on parle
de 12 ans, là, dans les exemples qu'on a donnés, mais on parle d'organismes qui ont une mission unique, hein? On
parle par exemple de Revenu
Québec, qui a une mission unique, on parle d'organismes comme...
je vous les ai nommés tantôt, là, on parle par exemple de Loto-Québec, d'Investissement Québec, donc
des organisations qui ont une mission unique, une fonction qui est
unidirectionnelle.
À la CNESST... Il ne
faut pas oublier que la CNESST est une bête, une bibitte assez particulière qui
regroupe plusieurs fonctions. Il y a une partie assurance, il y a
une caisse d'assurance. La partie SST, là, c'est une caisse d'assurance,
donc, qui fonctionne comme une compagnie d'assurance à certains égards... à plusieurs
égards, et qui commande, évidemment, des notions assez particulières, et qui
est assez complexe aussi comme mode de fonctionnement, qui commande de
connaître c'est quoi, une politique de capitalisation, c'est quoi, etc.
Là,
ensuite de ça, dans cette même bête, vous avez les deux autres volets qui sont
le volet équité salariale, donc, qui voit à l'application de la Loi
sur l'équité salariale, et le volet normes du travail, qui sont des volets qui
concernent l'application de lois du travail. Donc, on n'est plus dans la
dynamique d'une caisse d'assurance. Donc, moi, je pense que, partant de là, avec le seuil minimal qui est fixé
de 12 ans dans les organisations unidirectionnelles, on peut très bien se dire que ce ne serait peut-être
pas suffisant.
Mme
Vien : Mais en quoi
un organisme qui a... Puis je vous dis ce que j'ai dit aux autres, là, je vous
repousse dans vos plus profonds
retranchements. Mais en quoi le fait d'avoir une mission unique, c'est plus
acceptable d'avoir des mandats de 12 ans qu'à la... Pourquoi?
• (12 h 20) •
Mme Hébert (Martine) : Bien, c'est ce que je suis en train de vous dire.
Bien, parce que, si vous avez une mission unique, ça prend bien moins de temps se familiariser
avec l'organisation. Je veux dire, là, vous avez à vous
familiariser avec trois volets complètement différents, donc, au sein d'un même organisme. Donc, c'est clair, pour
moi, que, si... C'est comme si vous me dites : Mais, Martine, c'est-u
plus facile, mettons, de travailler juste sur un dossier ou de travailler sur
plusieurs dossiers en même temps? Bien,
c'est sûr que c'est plus facile de travailler juste sur un dossier que
plusieurs dossiers en même temps.
Donc, en ce sens-là, l'acquisition de l'expertise, l'acquisition des
connaissances prend plus de temps parce que la mission, elle est
multiple.
Mme Vien :
Bien. Bien, merci beaucoup, merci.
La Présidente (Mme
Richard) : Merci, Mme la ministre. Donc, la parole retourne du
côté de l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois, vous avez la
parole.
M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Mme Hébert, salutations. Merci d'être avec
nous. Bien entendu, je pense que
c'est totalement nouveau, ce que vous nous apportez ce matin, tous les groupes
nous en ont bien parlé. Alors, bien entendu, je crois que les
commissaires, avec leurs suggestions... Il y en a certaines là-dedans...
Puis je pense que
vous en avez parlé pendant quelques minutes, de tout le côté du paritarisme,
qui a pris énormément son envol dans les dernières années, puis je pense que,
déjà, on est capable de reconnaître que ça a des bienfaits. Puis j'ose espérer que, dans un futur rapproché et lointain,
le paritarisme va toujours avoir son point de vue parce que je pense que c'est là qu'on fait
gagnant-gagnant beaucoup plus. Mais je pense que ça le prouve. On le voit, là,
dans plusieurs cas.
Donc,
effectivement, valoriser l'expérience, et tout. Vous n'êtes pas la première,
vous ne serez pas la dernière, je crois, à nous le dire. Alors, je pense
que le message est passé.
Je
me mets peut-être à la place de la ministre pour rien, mais elle a dit :
Là, moi, j'ai une recommandation, on dit qu'on fait ça pour répondre à la commission Charbonneau, donc on va
peut-être être obligés de mettre une date, pour ne pas dire : Bien,
ça, on le biffe complètement. Alors, je comprends bien vos explications, là,
qu'on mette 12 ans, c'est... Peut-être, pour certains organismes, ce
serait plus difficile, mais je crois qu'on serait mieux de mettre 12 ans
que de maintenir ce qu'on a d'écrit en ce moment pour, justement, perdre
l'expertise.
Mon
souhait, à entendre les groupes, si on représente bien ce qu'on a entendu, je
pense que ça va être de biffer le paragraphe.
Mais on aura la chance d'en discuter puis de trouver, justement, un chemin de
passage, je pense, face aux différents mandats.
Je
vous apporterais... Parce que ce que vous nous expliquez, on l'a entendu, on
l'a débattu, mais je vous apporterais à
la page 12 de votre mémoire. Vous apportez une recommandation du
commissaire. Puis hier il y a un groupe, hier soir, qui nous a allumés sur la... Je voudrais juste
avoir votre opinion là-dessus, là, vous n'avez pas eu le temps d'y
réfléchir, juste ce que vous en pensez. À la page 12, on parle de scission
ou... Excusez-moi! À la page 6.
Une voix :
...
M. Leclair : Excusez, oui. «Interdire que quelqu'un puisse être simultanément
administrateur de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, administrateur à la Commission de la
construction du Québec et président-directeur général d'une association patronale.» Il y a des gens qui nous ont
apporté hier... de dire : La D.G., elle ne devrait pas être la
présidente du C.A. puis en même temps à la CCQ. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Mme
Hébert (Martine) : Bien, écoutez, je vous dirais que...
M. Leclair : Je vous remets dans le contexte... Excusez-moi. Je vous remets dans le
contexte où est-ce qu'on a un peu à
répondre aux commissaires qui nous disent : Voici quelques recommandations;
si vous pouvez forger quelque chose, nous, on voit quelques bémols.
Alors, je veux qu'on garde cette tête-là, au-delà d'y aller personnel.
Mme Hébert (Martine) : Je serais tentée de vous répondre : Nous ne
sommes ni pour ni contre, bien au contraire.
M. Leclair :
C'est éclairant, c'est éclairant.
Mme Hébert
(Martine) : C'est éclairant, hein? Je le savais...
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Leclair :
Je vous remercie.
Mme Hébert
(Martine) : Mais, écoutez, je vous dirais que ce qu'on a écrit dans le
mémoire, là, un petit peu à l'instar,
peut-être, de nos homologues patronaux, c'est qu'il n'y a pas d'opposition
farouche, là, à une interdiction de cumul
de fonctions. Cependant, toutefois, comme je vous ai dit tantôt, M. le député,
en toute humilité, je ne suis pas assez familière avec les règles de
régie interne et le fonctionnement de la CCQ pour être capable de vous
apporter, là, un éclairage... l'éclairage, en tout cas, que vous recherchez sur
cette question-là.
M. Leclair :
Bien. Je vous apporte sur un autre aspect que vous n'avez pas tout à fait
débattu dans votre mémoire. Des groupes nous
disent... ça semble être unanime, là, des deux côtés de la table, si je peux
m'exprimer ainsi, autant patronal que syndical, de dire :
Intimidation, ça n'a plus sa place. Alors, de mettre des règles ou de mettre
des sanctions peut-être plus instructives,
un petit peu plus élevées, là, il y a des chiffres, des fois, là, qui font
friser un peu, mais tout le monde est
unanime là-dessus. Est-ce que vous êtes d'accord, vous aussi, de dire : Lorsqu'on parle d'intimidation,
bien, ça doit être des deux côtés
aussi, là? Si on met une règle ou une punition aux salariés, à des représentants syndicaux, bien, la même chose, si on a des menaces venant des entrepreneurs sur toutes sortes de... On voit, là, dans le milieu de la construction, je pense que c'est là que tout se passe. Tout est
possible, en tout cas. Tantôt, vous montriez votre téléphone. J'avais le goût de vous dire : Serrez ça, on
en a assez parlé, du téléphone
cellulaire. Mais bref, vous êtes d'accord que ces sanctions-là doivent être
des deux côtés de la table?
Mme Hébert (Martine) : Je vous dirais qu'on est d'accord
avec les systèmes équitables puis on est d'accord avec les mesures qui visent à
lutter contre l'intimidation. On ne peut pas être en désaccord avec l'équité.
M. Leclair : Exact. Bien, en ce qui me
concerne, à part de tuer du temps, je pense
que ça répond à mes questions. Alors, je vous remercie beaucoup de votre
passage, Mme Hébert.
La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député. Maintenant, le tour du deuxième groupe d'opposition.
M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, c'est à vous la parole.
M.
Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Hébert. Toujours
sur le sujet, sur le conseil d'administration, je ne
sais pas si vous avez entendu, tout à l'heure, j'avançais l'idée peut-être d'une rotation, là, de fin de mandat et de début de mandat pour s'assurer
de conserver une expertise. Parce
qu'on sait bien qu'il y a des gens qui sont là qui vont partir, il va y
avoir une perte d'expertise à un moment donné, là. Mais est-ce qu'on est mieux
de la structurer?
Et aussi, hier, je ne
sais pas si vous avez écouté... Actuellement, le gouvernement pourrait refuser
certains renouvellements de par la loi. Donc, si ce n'est pas dans la loi puis
le gouvernement décidait que, pour une raison quelconque,
telle personne ne peut pas être renouvelée, la perte d'expertise va se faire
puis le roulement va se faire aussi.
On
ne serait pas mieux de structurer un système de rotation, pour s'assurer du
sang neuf aussi, là? Puis, si on parle d'un
mandat de six ans, s'il y en a un ou deux par année, je ne pense pas que la CNESST
va s'écrouler, là. Donc, en tout cas, j'aimerais vous entendre
là-dessus. Parce qu'on essaie de trouver une voie de passage, là. Je comprends,
on peut aller à 12 ans. Mais tout ça, là... On discute, là. Allez-y.
Mme Hébert (Martine) : Je vous dirais deux choses par rapport à ce que
vous venez de dire. Premièrement, vous l'avez dit vous-même dans votre
question, la réponse, elle s'y trouve, dans le sens où vous dites : Il y a
une espèce d'attrition naturelle qui se
fait, un remplacement naturel. Parce qu'effectivement il y a des gens qui
quittent les organisations, hein? Je
suis à la FCEI, mais... je n'ai pas l'intention de quitter, mais peut-être
qu'un jour je n'y serai plus. Peut-être que c'est la même chose pour d'autres personnes qui sont autour de la table
actuellement. Donc, ça se fait de façon naturelle. Alors, pourquoi aller
provoquer quelque chose qui de toute façon est là?
Je
pense qu'au contraire, en provoquant encore plus, on risque de provoquer une
perte d'expertise encore plus grande
qui, en tout cas, jusqu'à présent, avec mon expérience, là, se fait de façon
relativement équilibrée, je vous dirais, naturellement, sans qu'on ait besoin de provoquer. C'est la théorie de
Darwin. Ça a l'air que c'est bon pour la gouvernance de la CNESST. Donc,
ça se fait naturellement.
Sur
la deuxième partie de votre question, et votre collègue député auparavant l'a
mentionné, on a tous l'air à être collés sur le 12 ans. Ce que je
souhaiterais soumettre à votre considération, c'est que le 12 ans, il est
bon pour les organisations que je vous ai listées tantôt mais qui ont seulement
une seule mission, hein, qui ont une mission unidirectionnelle. Et je ne suis
pas certaine que, dans le cas de la CNESST, comme je vous l'ai expliqué, là, où
il y a vraiment trois volets, que ce soit
le... Ça peut être une base de discussion pour les membres de la commission,
peut-être, mais je pense qu'il faut viser peut-être un peu plus que ça,
dans le cas de la CNESST, pour les raisons que je vous ai mentionnées, à savoir
que c'est une organisation tridimensionnelle.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
...pas de limites aussi. C'est ce que je comprends?
Mme Hébert (Martine) : Bien, c'est
sûr que moi, je vous dirais que ce... ma perspective et en fonction de la documentation aussi qu'on a, les études qui ont
été faites, et tout ça, qu'on aurait tendance à suggérer quelque chose
comme ça. Maintenant, je peux comprendre
qu'entre six ans et l'éternité les membres de la commission vont peut-être
avoir à trancher. Je vous dis : Si jamais, la commission, vous
décidez de trancher, de ne pas trancher pour l'éternité, bien, arrangez-vous au
moins pour que le passage, le purgatoire soit un peu plus long.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : Et hier il y a un témoin qui nous
suggérait qu'il y ait une scission au poste de président général et
président du conseil d'administration. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
• (12 h 30) •
Mme Hébert (Martine) : Écoutez, ça,
c'est une autre question. Je sais que ça a été abondamment discuté et documenté dans de nombreux rapports, entre autres,
notamment, sur les questions liées à la gouvernance. Visiblement, ce
n'est pas le choix que le gouvernement a fait, là, dans le cadre de la création
de la CNESST. Et je vous dirais qu'actuellement,
en tout cas, heureusement, fort heureusement, ça fonctionne très, très bien. Et d'ailleurs
j'en profite pour saluer le travail extraordinaire effectué par la présidente-directrice
générale de la CNESST, Mme Oudar, là. Depuis son arrivée, je crois
qu'elle a démontré de très grandes qualités et un excellent leadership.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
Je comprends. Oui, elle fait un excellent travail. Puis je ne visais pas
madame... Parce qu'hier on parlait de différentes organisations, là, ce n'est
pas... plus un principe de gestion, entre guillemets.
Tout comme vous, j'ai lu ce matin le Courrier
parlementaire, là, sur l'abandon du projet de loi n° 53, après beaucoup, beaucoup d'analyses, et d'études, et de
commissions parlementaires. Malheureusement, en tout cas, il semble
qu'on n'aura pas le temps. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Hébert
(Martine) : Je suis
extrêmement déçue, M. le député, la ministre le sait aussi. S'il y a des
problèmes de gouvernance au Québec, dans des
organismes, c'est bien dans les comités paritaires, qui ont une gouvernance
extrêmement défaillante. Alors, pour moi, la
pièce de la maison qui a besoin de beaucoup plus de rénovations, ça
aurait été beaucoup plus ça que la durée des mandats au sein de la CNESST.
Malheureusement, je pense que... et j'ose espérer qu'il y aura une solution qui sera apportée parce qu'effectivement, en
matière de gouvernance, c'est inacceptable, ce qui se passe
actuellement, et le statu quo est inacceptable aussi pour nous.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : Je comprends que ça va être le mandat du prochain gouvernement
parce que d'ici... il va y avoir des élections entre-temps.
Mme Hébert
(Martine) : On ne le sait
pas, là, qui... Je ne peux pas prédire l'avenir, je n'ai pas de boule de
cristal, malheureusement. Mais j'espère que la ministre entend notre cri...
notre cri d'alarme
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
Merci.
Mme Hébert (Martine) : Merci.
La Présidente (Mme Richard) :
Donc...
Mme Vien :
Il n'y a rien qui a été abandonné, là. Il n'y a rien d'abandonné, là. Je ne
sais pas comment ça, le député de la CAQ parle de ça. Mais ça sera mon
seul commentaire. Il n'y a rien d'abandonné.
La Présidente (Mme Richard) :
Bon, on ne débattra pas ici...
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
...
La Présidente (Mme Richard) :
Non, s'il vous plaît!
Mme Vien : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Richard) :
Nous ne débattrons pas ici...
Des
voix : ...
La Présidente (Mme Richard) : Chers collègues, vous ne débattrez pas ici entre vous. Merci, merci beaucoup, Mme Hébert, pour votre
contribution.
Et je suspends les
travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Merci beaucoup, tout le monde.
(Suspension de la séance à
12 h 32)
(Reprise à 15 h 3)
La Présidente (Mme Richard) : La Commission de l'économie
et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes
présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Et
nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le
projet de loi n° 152, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine du travail afin
principalement de donner suite à certaines recommandations de la
Commission Charbonneau.
Cet
après-midi, nous entendrons les organismes suivants : la FTQ-Construction,
la CSD-Construction et la Centrale des syndicats démocratiques, la
CSN-Construction et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
Dans
un premier temps, nous recevons la FTQ-Construction. Bonjour à vous,
M. Ouellet, ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent. Je vais vous demander de présenter les personnes
qui vous accompagnent, et, par la suite, vous allez disposer d'un temps maximum de 10 minutes pour faire votre
présentation. Suivra un échange avec les parlementaires. La parole est à
vous, M. Ouellet.
Fédération
des travailleurs et travailleuses du
Québec-Construction (FTQ-Construction)
M. Ouellet
(Yves) : Je vais commencer par vous remercier, Mme la
Présidente, saluer Mme la ministre, les membres
de la commission. Je vais présenter la personne qui est à ma gauche, qui est le
président de la FTQ-Construction, M. Rénald
Grondin, et à ma droite, j'ai Sylvie Vandette, qui est conseillère en relations
de travail à la FTQ-Construction.
D'entrée
de jeu, la FTQ-Construction considère que le projet de loi va avoir un impact
négatif sur le rapport de force des
travailleurs de la construction. Le projet de loi nous est présenté comme
faisant principalement suite à certaines recommandations de la
commission Charbonneau, ce qui peut vous sembler banal à première vue, mais
c'est tout le contraire. On y retrouve un
intérêt évident à transformer la loi R-20 en outil de prédilection pour
s'attaquer aux travailleurs et leurs représentants syndicaux.
En effet,
l'utilisation des mots «susceptible de» est dangereuse et ne devrait pas être
retenue. De plus, les conséquences ne sont
plus d'imposer une amende, mais aussi d'interdire à une personne d'exercer ses
fonctions syndicales pour une période
de cinq ans. On élève principalement les montants des amendes liés aux syndicats et aux travailleurs, on multiplie les sanctions pénales... le type de
sanctions pénales et administratives relatives aux syndicats et aux travailleurs
pour le même geste et on interdit les
réunions de toutes sortes sur les chantiers. Le projet de loi porte directement atteinte à nos droits et
libertés et incite les employeurs à entraver des activités syndicales qui ont
comme but d'améliorer les conditions de vie
et de travail des travailleurs et
travailleuses. La FTQ-Construction
s'oppose totalement à cette épée de Damoclès qui plane
au-dessus de la tête des représentants des travailleurs et des associations.
Les
questions qui se soulèvent avec le projet
de loi. D'abord,
nous précisons que nous sommes contre toute forme d'intimidation et de violence. Ça va de
soi, les syndicats ont tout le temps prôné ça. Le projet de loi vise les actes
d'intimidation, mais qui sont les
intimidateurs? Ceux qui font la collusion, la concurrence déloyale, le
blanchiment d'argent, la fraude, le travail au noir? Ceux qui font
défaut de déclarer les heures et les avantages, qui ne respectent pas la santé-sécurité ou les représentants syndicaux et les travailleurs qui revendiquent le respect des lois, des règlements
et des conventions collectives sur les chantiers?
Nous
remarquons que le projet de loi veut mieux soutenir et protéger les sonneurs
d'alerte. Nous saluons cette initiative car ça fait longtemps que nous
répétons que les travailleurs sont vulnérables et qu'ils doivent être protégés contre toutes mesures et représailles. Ce que nous
comprenons moins bien, c'est le fait que les représentants syndicaux
sont également des sonneurs d'alerte, mais, à la lecture du projet de loi, ils deviennent plutôt des intimidateurs qui méritent juste de
perdre leur emploi. Cela va à l'encontre du travail de la représentation
syndicale.
Je vous donne un
exemple. Je suis au quatrième étage sur un chantier, il n'y a pas de
garde-corps. Je dis à l'entrepreneur : Écoute, il faudrait que tu mettes un
garde-corps, là, ça peut être dangereux pour les travailleurs. Demande aux travailleurs... Faites attention, le temps qu'on parle au
représentant, tout. Et il ne le prend pas du bon bord et il dit : Bon, regarde, je ne veux pas te voir, tu pourrais
t'en aller. Ne reste pas ici, là, tu me nuis. Bien, je vais lui dire :
Écoute, il va-tu falloir que j'appelle la CNESST pour qu'on règle ça? Aïe! Tu
es-tu en train de m'intimider, là? Est-ce que tu me menaces?
Ça a l'air anodin comme ça, mais est-ce que
mon intervention est susceptible de perturber les travaux, parce que le monde autour va écouter? Bien, selon le libellé actuel du projet de loi, c'est oui. Et je vais perdre ma job et probablement que l'employeur va continuer de mettre en danger les travailleurs
qui étaient sur ce travail-là. Le projet
de loi va aussi loin que ça.
En
écartant l'intention du représentant, le projet
de loi porte atteinte au travail du représentant, et cette atteinte est encore plus grave quand ça lui fait
perdre son emploi pour cinq ans et plus. Est-ce que les employeurs subissent le
même traitement lorsqu'ils
menacent ou intimident les travailleurs? La réponse, c'est non. Voici le genre de
questions qu'on se pose quand on lit le projet de loi n° 152.
Ensuite,
quels sont les objectifs du projet
de loi? Si on convient que la commission Charbonneau, elle a mis en lumière des stratagèmes liés aux contrats publics, elle a fait des recommandations pour améliorer et prévenir les activités de prévention de ces
stratagèmes, elle n'a pas fait l'analyse approfondie des relations de travail
dans l'industrie de la construction, de la loi R-20 et de son système de
sanctions.
La
CCQ, elle, dans le projet de loi n° 152, elle cible l'intimidation sur les chantiers
provenant des syndicats. Elle n'est
pas satisfaite des dispositions pénales qui existent déjà dans la loi, elle veut
des outils supplémentaires. Pourquoi proposer des mesures qui ne
font qu'affaiblir les travailleurs et leurs représentants? La CCQ connaît
l'insécurité des travailleurs. Elle sait très bien que la source
première de l'intimidation et de menaces sur les chantiers ne vient pas
des syndicats. Un cas, un cas répertorié depuis 2016, selon le rapport annuel
de gestion. Elle vient plutôt des personnes qui sont en autorité. Elle sait
aussi que ce sont les représentants syndicaux qui dénoncent le plus les
stratagèmes dans l'industrie de la construction.
Le
rôle du représentant, c'est quoi? C'est d'assurer un équilibre entre
les travailleurs et l'employeur dans un régime de relations de travail qui génère de plus en plus d'inégalités,
de combattre les préjugés, d'identifier les stratagèmes et faire respecter la santé-sécurité et les conventions collectives, visiter les chantiers suite à des plaintes
provenant des travailleurs sur le
chantier ou suite à des visites aléatoires et faire appel aux organismes CCQ et
CNESST lorsque nécessaire. En partant, notre rôle dérange
certains employeurs qui ont des choses à cacher.
• (15 h 10) •
Ce projet de loi
déséquilibre les relations de travail dans une industrie déjà instable. La
FTQ-Construction représente aux environs de
77 000 travailleurs plus leurs
familles, avec 140 représentants syndicaux qui surveillent les chantiers, plus le personnel de bureau qui offre
des services de toutes sortes. Les représentants sont d'anciens
travailleurs de la construction qui ont
décidé de s'impliquer pour assurer le respect des droits des travailleurs. Le
projet de loi met des bâtons dans les
roues aux travailleurs et leurs représentants. Les dispositions pénales
incluses dans le projet de loi vont carrément faire balancer le rapport
de force du côté patronal.
Les réunions sur les
chantiers. Le projet de loi prévoit pénaliser un représentant ou salarié qui
tient, ordonne, encourage ou appuie la tenue
d'une réunion de salariés sans le consentement de l'employeur, le tout sous
peine d'amende allant... et je vais
vous éviter les chiffres, ils sont écrits. A-t-on déjà vu ça dans le monde du
travail? La loi vise tous types de réunion
sur les lieux de travail, sans plus de précision. C'est carrément excessif
comme mesure. C'est une chose de tenir une assemblée des membres sur le chantier et c'en est une autre de réunir
les membres lors de pauses pour parler de convention collective. Il faut
viser l'équilibre.
Le
travail au noir et les heures non déclarées de la CCQ. Depuis des lunes,
l'industrie se bat contre ces pratiques illégales, mais qui a l'intérêt
pour développer ces systèmes? Ces systèmes n'existeraient pas si les
entrepreneurs se conformeraient aux règles
et s'ils participeraient à dénoncer plutôt qu'à s'adapter à être
concurrentiels. Les premières victimes sont les travailleurs de la
construction. Pourquoi, alors, les pénaliser?
Exemple,
je vous donne un exemple, si la CCQ découvre une banque d'heures dans une
entreprise, le projet de loi va
permettre une infraction pour l'employeur et les travailleurs. On protège qui
dans tout ça? Dans cette situation, c'est drôle, on considère que le travailleur est égal au boss, parce que,
finalement, dans la construction, c'est la personne qui paie. Le jour où est-ce que l'employeur dit : Moi,
je paie selon les règles, selon tout, il n'y en a plus de travail au noir, là,
c'est fini, c'est lui qui signe le chèque, en bout de ligne, ça fait que c'est
lui qui décide.
Mais
le projet de loi, il ne reflète pas la réalité des travailleurs. Puis c'est
quoi, cette réalité-là? La réalité, c'est encore celle des années 70. Leur seule sécurité, c'est leurs compétences
et leur emploi du moment. Cette instabilité puis cette insécurité qui persistent dans l'industrie de la construction
s'accroît à chaque fois qu'on ouvre la loi. On parle de quoi? On parle
d'instabilité d'emploi qui amène l'instabilité financière; un taux de roulement
annuel de 12,7 %, soit 19 166
travailleurs qui quittent chaque année l'industrie de la construction;
l'absence de sécurité d'emploi, ce qui signifie que, si tu revendiques trop tes droits, on parle ici de simples
caprices, tu es en dehors et tu n'as aucun recours parce que tout à coup
il n'y a plus de travail pour toi.
On parle de
disparités régionales, on parle d'instabilité reliée à la santé et la sécurité.
20 accidents mortels en 2016, deux fois
plus qu'en 2015. L'industrie de la construction détient le record de personnes
décédées au travail. Même chose pour les accidents de travail. En
matière d'installations sanitaires, en 2018, il faut encore se battre devant
les tribunaux pour éliminer les toilettes
chimiques et avoir des installations sanitaires salubres comportant des lavabos
et du savon à main. Et là on parle
d'en 2018. Et des problématiques reliées à la conciliation travail-famille, les
horaires illogiques.
Mesdames
et messieurs, je vous demande, est-ce possible de trouver des solutions qui ne
vont pas accentuer la vulnérabilité des travailleurs de la construction?
On ne souhaite pas une guerre de mots, mais un équilibre dans les rapports de
force afin d'assurer à ces travailleurs un milieu de travail sain qui respecte
les droits fondamentaux de chacun. Dans mes
mots, je vous ai exposé un peu la réalité des travailleurs, mais le vrai, c'est
les menaces, l'intimidation de ne pas
se faire payer, de se faire congédier s'ils n'acceptent pas de se faire abuser
ou voler, s'ils n'acceptent pas qu'on ferme
les yeux sur les dangers pour la santé et sécurité. Ces travailleurs ont appris
à se taire pour mieux mettre du pain sur leur table. Nous ne prétendons pas que tous les employeurs sont mauvais,
au contraire, mais il est évident que plusieurs contournent les règles et que le travail des représentants est d'assurer
que ces règles soient respectées. Les membres de cette commission ne
peuvent ignorer une telle réalité vécue par les travailleurs et travailleuses,
et nous sommes en droit de demander que vous preniez position en faveur de la
protection de leurs droits. L'imposition et le maintien des règles répressives
ne sont pas la solution.
Quelles sont les solutions? Le fait d'adopter en
vitesse le projet de loi n° 152, tel que libellé, aurait pour but de laisser place aux interprétations diverses et
aux débats devant les tribunaux. Tant qu'à faire une loi, il faut faire
une loi qui soit
claire, prévisible et dans le respect des personnes concernées. La présence des
représentants syndicaux n'est pas toujours souhaitée par les employeurs
ou les donneurs d'ouvrage, mais ils sont essentiels pour garantir l'équilibre
des relations de travail. On recommande
aussi le retrait complet d'inhabilité de cinq ans et d'adopter une approche de
gradation des sanctions en fonction de la
gravité des gestes. Cinq ans, c'est une peine... on perd notre job quand on
perd cinq ans. Ce n'est pas vrai que c'est juste cinq ans. Tu ne
reviendras jamais au travail après cinq ans, c'est impossible dans une
industrie comme la nôtre.
Nous
proposons encore une table de travail chapeautée par le ministère qui serait
composée des acteurs principaux de
l'industrie et qui viserait l'amélioration du régime de relations de travail. Il faut arrêter
de mettre des plasteurs et soigner les bobos une fois pour toutes. Nous
proposons des dispositions antibriseurs de grève et le droit de pouvoir
négocier la rétroactivité dans nos conventions collectives, des dispositions
qui existent dans le Code du travail, mais pas dans la loi R-20.
Ces
revendications, que nous avons appuyées par une pétition comportant 40 000 signatures, ont été déposées à la
ministre du Travail le 11 mai 2017. Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci, M. Ouellet. Je vous ai laissé dépasser un petit peu votre temps,
avec l'accord de la ministre. Nous pouvons débuter les échanges. Mme la
ministre, c'est à vous la parole.
Mme Vien : Merci, M. Ouellet. On sent que... comme
d'habitude, parce que ça fait deux ans maintenant qu'on a, je ne
dirais pas l'habitude, mais qu'on se voit, je dirais, quand même
assez fréquemment, compte tenu de l'actualité qui est la nôtre, la vôtre et la mienne. Et je pense qu'on a toujours
eu d'excellentes relations, très cordiales. Je pense qu'on était capables de se parler puis je suis un peu dans la
même atmosphère, aujourd'hui et hier, c'est-à-dire qu'on a déposé une pièce législative, on le sait, là, qui peut être considérée
comme costaude, qui vient édicter un certain nombre de choses, qui peuvent venir changer aussi d'éléments qui créent
de l'inconfort, on s'en rend compte. On s'en rend compte depuis hier matin. Alors, moi, je suis carrément
en mode solution et je vais faire comme je fais à l'habitude, c'est-à-dire être en mode écoute, et j'ai bien entendu ce que vous nous avez
transmis comme information.
J'entends
aussi que vous profitez de l'occasion pour nous livrer un certain nombre de réflexions
qui sont les vôtres, notamment sur la rétroactivité. Sans doute faites-vous un
lien avec ce qu'on a devant nous, mais moi, j'irai plus spécifiquement
sur les éléments qui composent le projet de loi.
Mais moi
aussi, je veux en profiter pour faire un petit commercial, pour dire que... et
les syndicats et le patronat êtes bien
au courant, je pense qu'on est dus pour une rencontre ensemble sur une
réflexion qu'on doit mener, notamment sur le régime de négociations, puis on va le faire ensemble, et on devrait
se voir assez prochainement, comme on
se l'était dit avant les fêtes.
Bon, pour revenir au projet de loi n° 152,
de toute évidence, ce n'est pas bon.
M. Ouellet (Yves) : De
toute évidence, oui.
Mme Vien : Si je vous...
M. Ouellet (Yves) : On
partage la même opinion aussi. C'est une opinion.
Mme Vien : Non, non, on
ne la partage pas.
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme Vien : Ce que je
vous ai dit, c'est : Je vous ai bien compris...
M. Ouellet (Yves) : Je m'excuse, c'était facile. Pardonnez-moi.
Mme Vien : Non, non, mais on peut rire un peu. C'est permis,
là, hein? On peut se détendre. Des fois, je taquine mes collègues, là.
Ça les fait bondir, mais on se taquine.
M. Ouellet (Yves) : ...je vous apprécie, Mme la
ministre.
Mme Vien : Non, mais ça,
c'est enregistré, là.
M. Ouellet (Yves) : Correct. Je vis avec ça.
Mme Vien : Mais, blague à part, je comprends que, si je vous
écoutais, là, je mets ça au panier. Ce n'est pas un peu sévère? Puis
comme je dis aux autres, j'essaie de vous pousser dans vos plus profonds
retranchements pour sortir la meilleure matière possible de ce projet de loi là.
N'y a-t-il absolument rien de bon dans ce qu'on présente?
M. Ouellet
(Yves) : Non, pas du tout. Ce n'est pas vrai. Ce que je vous
dis, c'est que, bon, pour les sonneurs d'alerte,
oui, c'est vrai. Oui, il faut les protéger, puis je suis d'accord avec ça. Mais
je vous dis que les plus grands sonneurs d'alerte, c'est nos représentants syndicaux. Même Mme Lemieux ,
hier, a admis, elle a dit : Écoutez, c'est oui, c'est une de nos forces. Sauf que le projet de loi, de la manière qu'il est fait... et c'est ça que je trouve, à travers
du temps... Écoutez, ce n'est pas la
première commission qui se passe. À travers de toutes les commissions qui se sont faites, il y a tout
le temps eu les mêmes recommandations de régler l'instabilité qui touche les travailleurs. Et c'est ça, le
malaise de l'industrie de la construction, c'est que le travailleur n'a
pas de sécurité, autant financière... et, quand on regarde le projet de loi,
c'est comme si on dirait : Bien, tout va bien, il n'y a pas de décès, il
n'y a pas de travail au noir, et on tasse le représentant.
Pour
nous, le représentant syndical, on y met une sorte d'inconfort où dorénavant,
bien, tu peux perdre ton emploi cinq
ans si tu parles. Vous savez, le mot «susceptible», c'est énorme, énorme, parce
que ça apporte une interprétation qui est...
Mettez-vous à la place du représentant syndical, lui, qui va sur la job pour
protéger les droits de ses travailleurs. Il pointe, il va là, il va
dire : Écoute, ça, c'est dangereux. Ça, il y a un stratagème, on le voit,
on va... Mais, s'il utilise le mauvais
mot... C'est comment la personne en avant de lui se sent. Est-ce qu'elle se sent intimidée? Est-ce qu'elle,
elle prend ça, c'est... elle est frileuse,
c'est quoi? C'est quoi? Mais à partir de là, oui, peut-être qu'une fois, après
avoir été en cour, il va être déclaré non coupable, mais on s'entend-u
qu'à partir du jour 1, lui, là, c'est sa santé financière aussi à lui. Il a une famille, il y a du monde qui
viennent avec ça. Et on vient dire : Fais attention à la manière que tu
parles, parce que, de la manière que tu parles, tu pourrais perdre ta
job, mon petit homme, ou madame, dépendant si c'est une représentante ou
un représentant. Et c'est grave, ça.
• (15 h 20) •
C'est beaucoup. Mais
nous, on se dit pourquoi... Si on veut régler les problèmes, bien, qu'on règle
les vrais problèmes, qu'on aide le
travailleur à se sentir sécuritaire sur un chantier. S'il y a du travail au noir,
bien, qu'on s'implique là-dessus. Il y a des choses énormes où est-ce
qu'on pourrait travailler.
Mais
ce qu'on remarque dans le projet de
loi, c'est qu'on s'en va directement sur... on augmente les amendes aux travailleurs, on augmente les amendes au représentant syndical, on
limite ses droits sur les réunions de chantier. On met toutes des
embâcles pour qu'il se dise : Bien, ça devient plus dur, faire mon emploi.
Mais à qui ça sert? À qui ça sert, finalement? Pas au travailleur. Le travailleur a besoin de
son représentant. Parce que, je veux dire, hier, ça m'a surpris quand j'ai entendu : Le travailleur veut parler à
la CCQ. Bien, je m'excuse, le travailleur, il ne veut pas parler à CCQ, parce
que le travailleur, quand il voit
l'inspecteur rentrer sur le chantier puis qu'il s'en vient vers lui, il se
dit : Ah, wow! Ah! wow, wow,
wow! Là, le boss va me voir, puis je le sais, qu'il est croche. Ah! je suis
fait, plus de job, moi, là. Regardez, il ne lui dira pas le soir même : Tu es dehors. Mais je peux vous dire que le
premier slaque qu'il y a le lendemain, c'est lui qui est dessus. Présomption. Pensez-vous que ça lui tente?
Mais son représentant syndical, par exemple, il va aller le voir puis il
va lui dire : Écoute, il y a de quoi qui ne va pas icitte, là.
Il
y a des statistiques. Tantôt, je vous ai donné des statistiques quand je vous
ai dit pour... on a eu 20 décès, 10... le double de l'année 2015. Des statistiques, ça dit ce qui est arrivé, mais
il n'y a aucune statistique qui dit combien de décès ou d'accidents on a sauvés parce que le représentant syndical est sur la job puis il va dire : Regarde, ça, c'est
dangereux. Ça ne veut pas dire qu'il
se chicane avec l'employeur, mais il va dire : Regarde, tu n'as pas vu ça,
regarde, cette chute-là, ça peut être
dangereux pour des travailleurs. Il va arriver sur un stratagème. Parce que
l'industrie de la construction, ça peut être une job en Abitibi de quatre personnes comme ça peut être le CHUM à
Montréal avec 2 000. C'est
toutes des choses que ce monde-là sont en vase clos, sont tous isolés.
Si
le représentant syndical ne peut pas librement travailler, puis arriver, puis
dire : Écoute, je le sens... Écoutez, c'est quasiment... Si vous
allez sur un chantier, là, puis vous êtes un représentant syndical... vous,
vous avez vécu ça, vous savez ce qui se
passe. C'est quasiment écrit dans la face du monde quand il y a un stratagème
qui ne va pas bien, là. Et lui, bien,
il veut s'assurer que ça arrête là puis que ça se règle là. Parce que, quand on
n'est pas capables de l'arrêter en partant, ça s'étend comme une tache d'huile sur les chantiers de la construction,
et on vit avec du travail au noir qui ne suit pas.
Ça fait que oui, on
pense que le projet de loi, tel qu'il est là, brime et limite extrêmement. Il
met une épée de Damoclès au-dessus du
représentant syndical qui est le lien principal entre le travailleur puis ses
droits, parce qu'il sait que lui, il
est capable de faire quelque chose. Et ça, c'est important puis c'est ça qu'on
n'aime pas dans le projet de loi, c'est que ça va venir le mettre en
danger.
Mme Vien :
Et vous nous demandez d'en disposer, même si ça donne suite, en grande partie,
aux recommandations de la juge Charbonneau.
M. Ouellet
(Yves) : Mais il y a
des choses là-dedans que ce n'est pas la juge Charbonneau qui a demandé,
là. La juge Charbonneau n'a pas tout demandé ça.
Mme Vien :
Non, non, non. Vous avez tout à fait raison.
M. Ouellet
(Yves) : Il y a des
choses qui viennent de la CCQ, puis c'est le bout où est-ce qu'on ne comprend
pas. Moi, que la...
Mme Vien :
C'est l'augmentation de pouvoir d'enquête de la CCQ, c'est ça qui vous...
M. Ouellet
(Yves) : Puis c'est
correct. Non, mais sur les choses qu'ils utilisent, les vidéos, ces choses-là,
c'est correct. Que tu puisses éliminer la concurrence déloyale, je vais vous
dire, c'est ce qui peut arriver de mieux à nos travailleurs, parce que quand vous êtes un entrepreneur puis que vous
faites une soumission, sur le matériel, là, même si vous êtes gros entrepreneur, quand vous avez
réussi à aller chercher à peu près 2 %,
là, c'est à peu près le top que vous allez chercher. Mais c'est les travailleurs... quand vous en avez 20 en bas,
eux autres, là, ils paient leurs avantages sociaux, tout, vous avez un
monde vaste où est-ce que vous pouvez aller jouer.
Ça fait que c'est le travailleur qui
paie en bout de ligne. Puis savez-vous, il n'y en a pas de sécurité. Et lui,
là, quand il arrive, que ça soit le
travailleur ou la travailleuse, quand il arrive chez eux le soir puis qu'il dit
à sa femme ou qu'elle dit à son
mari : Écoute, oui, il va falloir que je dénonce... Oui, mais n'oublie
pas, là, tu sais, penses-y comme il faut, là, tu vas te faire mettre dehors. La maison, elle va
passer... Tu sais, la chance que tu as, c'est que le jeudi d'après,
normalement, ton nom, il sort à la banque,
hein, quand c'est le temps de payer ta maison puis ton auto. Ça, tu es
chanceux, ton nom sort tout le temps. Mais, quand tu n'as plus de job,
tu n'as pas d'argent pour payer.
Ça
fait que c'est toutes des choses, des situations qui mettent des familles en
danger, puis je veux que le projet de loi
ne fasse pas ça, qu'il n'ait pas cet impact-là. Le mot «susceptible de», c'est
dangereux. Ça donne une latitude où est-ce que l'employeur peut se dire : Pas de trouble, je vais l'accuser. Je ne
gagnerai peut-être pas, mais le temps qu'il est en cour, par exemple, il
ne m'achalera pas. Et ça, on ne peut pas se permettre ça.
Mme Vien :
...des dérapages, c'est ce que vous craignez. Il y a beaucoup de groupes qui
nous ont parlé... parce que le temps
file rapidement, on n'a pas tant de temps que ça, mais beaucoup de groupes nous
ont parlé de l'accès, là, aux appareils électroniques pour aller
chercher de l'information, avoir accès à tout ça, notamment les cellulaires.
Vous en pensez quoi, essentiellement?
M. Ouellet
(Yves) : Je vais vous
dire que ça touche plus les employeurs, et c'est pour faire des enquêtes sur
eux autres. Et je pense que tout ce qui peut être utilisé dans le but
d'aider à faire une enquête et à démasquer des stratagèmes, je suis d'accord avec ça. Il reste qu'il y a tout le temps aussi le côté personnel
qu'il faut faire attention, à la protection du public. Mais de là, je vais vous dire, j'ai entendu beaucoup de
commentaires depuis hier et je pense que je vais leur laisser ce
bout-là. Je pense qu'ils ont fait leur point, puis ce sera à vous d'en décider.
Mme Vien :
Merci beaucoup, M. Ouellet, pour votre présentation.
M. Ouellet
(Yves) : Ça me fait plaisir.
La Présidente (Mme Richard) : Merci, Mme la ministre. Maintenant,
au tour de l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois, vous
avez la parole.
M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Ouellet, les gens qui vous
accompagnent, merci d'être là. Bien entendu, je lis votre mémoire,
j'écoute un peu votre lecture de votre mémoire et vos commentaires. Bien
entendu, votre axe est naturel puis elle
dit : Moi, je vais aller jouer dans le projet de loi où est-ce qu'on
commence à limiter nos droits en
représentation des travailleurs. Puis je pense que vous avez le droit de venir
vous défendre, c'est écrit noir sur blanc.
Je
veux juste vous assurer que, lorsque le projet de loi n° 152 a été déposé
à l'Assemblée nationale, puis c'est des recommandations de la commission Charbonneau, qu'elle disait que pour
tout qu'est-ce qui est argent au noir, concurrence déloyale, les gens
peuvent soumissionner ou non sur des contrats, je pense que tout le monde a été
saisi de ça dans la communauté, incluant moi.
On
rajoute aussi, dans ce projet de loi là, l'intimidation. Je pense
qu'aujourd'hui, en 2018, personne ne peut aller à l'encontre de l'intimidation. Donc, moi, c'est mes
axes qui me guident. On a des amendements depuis qu'on a écouté tous les
groupes depuis hier, un puis un autre, parce que... je vais me référer tout le
temps à cet axe-là, on fait référence aux recommandations de la commission
Charbonneau, puis effectivement, dans ce projet de loi là, la CCQ offre à la ministre de dire : Bien, moi, tu me donnerais
peut-être quelques outils de plus pour venir m'aider, puis elle justifie
ses points à sa manière.
Sauf
qu'on voit... on a questionné des groupes, on a questionné la CCQ hier à
savoir... Effectivement, les sonneurs d'alerte,
là, tout le monde est d'accord avec ça, là, il ne faut pas taper sur ces
gens-là. C'est unanime, ça aussi. J'imagine que vous êtes du même sens, sauf que lorsqu'on a parlé de la représentation
des sonneurs d'alerte, la représentation syndicale, je n'ai pas vu aucun groupe venir nous dire :
Non, non, ces gens-là, c'est notre problème face aux recommandations de
la commission Charbonneau. Mais
effectivement, lorsqu'on regarde certains articles... puis on en a parlé à
certains groupes hier, plus patronaux, de dire «susceptible de
provoquer», là, ils ont dit : Oui, il restera à prouver de, de, de.
Mais
vous, dans votre mémoire, vous nous apportez sur des moyennes de griefs puis vous
le... Je vais vous trouver la page,
là. À la page 5, vous expliquez, là, les pourcentages de griefs. Puis je
regarde la plupart des griefs : travail au noir, instabilité d'emploi, délais de production trop
serrés. On n'est pas vraiment dans les problématiques qu'on tente
vouloir venir régler en modifiant la CCQ.
Alors,
«susceptible de provoquer», il y a des gens qui ont dit : Bien, le fardeau
restera lorsqu'on ira être jugé par un
commissaire du travail, par un juge, tout dépendant si on est rendus au civil.
Alors, vous, vous l'avez bien expliqué, puis je veux vous entendre, «est susceptible de provoquer», jusqu'où que
ça peut nous amener? Est-ce qu'on va augmenter le pourcentage de griefs,
qui aura une finale peut-être minable ou non recevable parce qu'on a changé un
mot, alors que je n'ai pas senti cette problématique-là, venant du patronal, de
dire «susceptible de»?
Puis on a demandé à
la présidente de la CCQ hier, elle nous a donné un exemple, si on barre une
route puis le chantier est à 400 kilomètres
dans le milieu du parc... Je pense que la ministre est franche quand elle
dit : On va tenter d'apporter un
projet de loi qui va être aidant au lieu de nuire. Alors, je ne pense pas qu'on
va prendre un deux-par-quatre pour tuer une mouche.
• (15 h 30) •
Mais je veux vous
entendre, parce que, j'imagine, lorsque vous parlez des amendes, vous nous...
c'est déjà prévu dans R-20, il y a déjà une
gradation, dans R-20, des amendes. Si vous me demandez mon opinion, moi, si on
parle d'amendes sur l'intimidation, sur la fraude, sur le
travail au noir, sur un représentant syndical qui va aller faire de l'intimidation, un boss qui va intimider un
travailleur sur ses taux... Hier, on avait cette discussion avec d'autres
groupes... Je ne sais pas si je le paie
temps double, temps simple. Les horaires,
des fois, c'est mêlant, c'est de l'interprétation. Je ne pense
que ce soit le coeur de notre problème d'intimidation, autre que de dire :
Si moi, je t'intimide, tu prends ce salaire-là, sinon tu ne travailles pas pour moi. Ça, on ne le voit pas. Il n'y a
pas moyen d'apporter ça en grief. Le gars n'a pas encore travaillé pour.
Donc,
j'aimerais vous entendre sur... Ces lois déjà prévues dans R-20,
pourquoi qu'on ne les bonifie pas ou qu'on ne les module pas, pour l'intimidation, à un taux plus élevé pour être
sûr qu'il n'y a plus d'intimidation, au lieu de venir ici,
dans ce projet de loi là, venir
toucher indirectement à R-20, qui est déjà prévu, mais juste sur le
sens de l'intimidation? On a demandé hier à un groupe patronal : Qu'est-ce
que vous voyez de ça, vous, lorsqu'il y a une réunion des salariés? Bien, il dit : Je ne sais pas qu'est-ce qu'ils veulent dire par réunion des salariés.
C'est-u pendant qu'ils sont en train de dîner, une réunion des salariés? Alors, expliquez-nous votre perception
des taux de gradation des amendes. Est-ce que vous êtes d'accord, si on parle d'intimidation, ou
fraude, ou autre, qu'on puisse les bonifier encore à la hausse pour
vraiment enlever ça dans l'idée des gens,
puis de voir le regroupement des gens... Comment vous voyez ça, vous, le
regroupement des gens sur un chantier?
M. Ouellet
(Yves) : Je vais commencer par votre dernière... Premièrement,
la visite des lieux, les réunions. Normalement,
quand on va sur un chantier, oui, quand on va réunir des travailleurs, on va
les rencontrer pendant leur pause, on
va les rencontrer pendant leur dîner, on va les informer. On va les informer
justement de ce qui s'est passé sur l'autre chantier à côté. On va leur poser des questions. S'il y a de quoi à
dire, ils vont nous le dire. Et c'est de l'information envers les membres, mais c'est de l'information qu'on
collecte aussi, que souvent on réfère aussi en disant : Écoute, les
travailleurs, là, ils disent qu'il y a des choses qu'ils ne font pas là.
Le
restant, il faut avoir accès au chantier. Il faut continuer à aller sur les
chantiers parce que, quand tu veux pointer une chose, une problématique de santé, sécurité, tu veux... Comme je
vous ai dit tantôt, c'est facile de voir quand il y a de quoi qui ne se passe pas bien sur un chantier. Ça,
ça ne se fait pas pendant la pause, ça se fait pendant que tu te
promènes, pendant que le monde travaille. Si
tu es — on
appelle ça le shack — dans la
place de repas du travailleur, c'est sûr que tu ne verras pas si le
garde-corps n'est pas là, là, ils sont en train de manger. Ça fait que je
disais l'importance qu'il se promène sur les chantiers.
Mais
le fait de dire à un employeur que, dorénavant, dans la loi, tu peux dire non à
une réunion, mais où que ce soit, même
pendant la pause, même pendant le lunch, attendez, là, on est rendus loin, là,
parce que l'employeur... Normalement, un employeur qui n'a rien à
craindre puis que son chantier est correct, ça va bien, mais il s'en contrefout,
sauf que, normalement, ça, ça arrive. Mais,
si tu prends l'entrepreneur que, lui, son chantier n'est pas correct, puis lui,
il n'aime pas ça te voir parce que
lui, il sait que tu vas pointer des choses, puis il y a des grosses chances
qu'une fois que tu es passé tu as la
CNESST qui va débarquer puis la CCQ parce qu'il est totalement illégal,
pensez-vous vraiment qu'il va dire : Bien oui, je te permets de faire une réunion, vas-y? Non, il ne
veut pas te voir. Mais là on lui donne la possibilité de dire, pas juste
pendant le travail, parce qu'il n'y en a
pas, de réunion pendant le travail normalement, là, même durant les
pauses : Tu n'as pas la
permission. Et c'est ça que le projet de loi, il dit. Il dit qu'il peut se
permettre de te dire ça dorénavant : Je ne veux pas que tu fasses de réunion pendant la pause puis je
ne veux pas que tu fasses de réunion pendant le lunch. Ah! pourquoi?
Mais pourquoi on lui permet ça? Parce que
c'est tout à fait normal que les travailleurs, si on veut entendre ce qu'ils
ont à dire, il faut qu'on soit là pour les entendre aussi, là. Ça, c'est
un.
Deux,
pour répondre à votre première question, qui était assez complexe parce qu'elle
était longue, mais je vais essayer
d'y aller dans mon sens, écoutez, ce que je trouve, et ça, c'est une opinion
plus personnelle, c'est que je pense que l'industrie de la construction a évolué. Je pense, la société québécoise
a évolué. Tout le monde a évolué à travers du temps. C'est vrai, puis je vais répéter ce qui a été dit
dans les dernières... hier, il y a des choses qui ont été mises en place
pour prévenir ci, prévenir ça, faire
attention à ça, faire attention à ça, et ça a été mis en place. Quand je vous
ai dit que, selon le rapport, il y a
une cause depuis 2016, en 2016, est-ce que ça se pourrait que, oui, ça s'est...
oui, ça se pourrait-u que ça soit enrayé? Oui, ça se pourrait-u? On
n'est jamais à l'abri d'un cas, mais est-ce que ça s'est amélioré? Est-ce qu'on
peut reconnaître que tout a évolué, tout est
rendu à une autre place? À cette heure, bien, hier, j'entendais : Oui,
mais on est en retard sur ce qui
aurait dû... Oui, mais, hein, on est en 2018, on a plein de choses qui arrivent
en ce moment. Ça, c'est réglé, c'est correct. On peut-u au moins
s'entendre que ça a bougé? Et, quand on fait des règlements, on peut-u faire
des règlements pour aujourd'hui, pas sur ce qui s'est passé voilà 15 ans,
là? On est aujourd'hui. Il y en a d'autres, problématiques.
Je pense qu'on devrait aller là. Ça a évolué, ça a changé. Et je crois
qu'augmenter les amendes... Quand tu plies encore plus, ce n'est pas ça
qui change. Ce n'est pas ça, la manière de faire. Je ne pense pas que c'est ça.
M. Leclair :
Bien, est-ce qu'on pourrait s'entendre pour...
La Présidente
(Mme Richard) : 30 secondes, M. le député.
M. Leclair :
Je suis toujours en bouts de secondes, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Richard) : C'est ça.
M. Leclair :
Ah! je pense qu'il ne me reste rien que 10 secondes.
La Présidente
(Mme Richard) : Le temps file.
M. Leclair :
Bien, je vais finir par vous remercier d'être de passage. J'aurai la chance de
poser mes questions. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci, M. le député. Désolée, mais vous savez que le temps, c'est ce qui
nous régit. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, vous avez la parole.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs dames.
Vous reprenez des arguments qu'on a entendus
depuis hier, là. Mais je vais vous donner mon sentiment général, là. C'est comme si on n'est pas capables de nommer l'éléphant
dans la pièce, là. Il y a quelque chose qui ne sort pas, là. Le travail au noir, y en a-tu, y en a-tu
pas? Il y a quelque chose, là, qui... On a de la difficulté à saisir... toutes
les personnes, là, ce n'est pas vous autres
en particulier, là, mais il y a un air de flottement dans les propos. En tout
cas, moi, je ne le sais pas, les gens
qui sont ici depuis hier, là... Puis, à un moment donné, il va falloir se dire
les vraies choses, là, puis, moi, dans les vraies...
Je regardais vos recommandations. Souvent,
c'est : Retrait, retrait, retrait. Mme la ministre, elle a un mandat. Elle a des recommandations de la commission
Charbonneau. Elle a eu la CCQ qui a passé certaines... Elle a dit :
Moi, j'aurais besoin de ça, ça pour faire
mon travail. Y a-tu des choses qu'on pourrait moduler, adapter dans le projet
de loi au lieu de seulement les
retirer, là? Parce que je comprends que Charbonneau, ça date de quelques
années, mais Charbonneau, lorsqu'elle
a écrit son rapport, elle devait se douter que ça n'arriverait pas de même,
tout en même temps, là. Elle a dû dire :
Dans le temps, ça va arriver, puis, même si ça va faire trois, quatre ans,
bien, ça va être encore utile, là. Moi, avant de dire que Charbonneau
est totalement dépassée, il faudrait le regarder, même si ça a évolué, on
s'entend bien, là.
Mais je
comprends tout ce que vous avez dit. «Susceptible», moi, je comprends que, pour
les représentants, il y a une épée de
Damoclès. Ça, il faut trouver un moyen... Peut-être que, pour les
représentants, qu'eux, là, le «susceptible», il ne s'applique pas aussi facilement. Je ne le sais pas, là, mais j'essaie
de trouver des pistes de solution, là, parce que je ne pense pas que Mme la ministre va dire : Bien,
O.K., on ferme les livres puis on s'en va, là. Il y a des choses à faire,
là. Non, mais j'aimerais vous entendre, là, puis allez-y.
M. Ouellet
(Yves) : Ce que je vous dis, c'est que, premièrement, pour des
amendes, il y en a déjà. La majorité des
choses qu'il y a là existent déjà et elles font la job. Où est-ce qu'on ne
comprend pas, c'est pourquoi tu les bonifies. Ça fait la job comme c'est là. L'amende est là. En ce moment, 113.2, tu
perdais ta job, c'est clair. C'est irréel. Je vous l'ai dit, tu peux être le docteur... oublié le scalpel dans
le corps de quelqu'un puis tu vas avoir un an. Cinq ans, on rentre dans
la vie du monde en maudit. Ce que je dis,
c'est qu'on n'a peut-être pas bonifié les bonnes choses. Que tu me dises que
tu as 11 000 $ d'amende... Puis
là, là, je donne des chiffres en l'air, là, mais je vais être plus dur que ça.
Demain, c'est 80 000 $. Pourquoi
pas 300 000 $? Pourquoi pas 4 millions? Parce que ce n'est pas
ça, la problématique, ce n'est pas le montant. Le montant, il est là. La loi, elle existe. Il y a
des lois qui prennent soin des choses déjà. Mais, quand on a bonifié, on a
bonifié le bout syndicat. Tout ce qu'on a
fait, c'est le bout syndicat. On t'augmente ton amende si tu fais ci, on fait
ça, ça. Arrêtez, là. Il y en a une,
amende. Elle est là. Il y en a, des dispositions, déjà, qui sont là. La loi est
déjà là. Elle existe puis elle fait la job. Honnêtement, regardez ce qui
se passe à cette heure. Elle se fait...
Je vais vous
répondre aussi à votre autre question. Est-ce qu'il y a du travail au noir?
Oui, monsieur, il y en a, du travail
au noir. Oui, il y en a. Il y en a et il y a du monde, il y a des travailleurs
qui le subissent, des travailleurs puis des travailleuses qui subissent
le travail au noir parce que ce n'est pas vrai que tu peux dire à ton... Puis,
tu sais, on peut bien mettre dans la loi
que, oui, mais là, s'il dit ça, l'entrepreneur peut... oui, mais c'est avant
qu'il rentre, ça, qu'il va lui dire
ça. Puis pensez-vous vraiment qu'il va lui dire directement : Je vais te
mettre dehors? Il y en a qui le font, là. Il ne le fera pas, ça. C'est
bien plus pernicieux que ça. Le premier slaque, tu es parti : Bye, «you're
gone».
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : C'est pour ça que, dans la loi, là,
j'aime bien le sonneur d'alerte. Puis le sonneur d'alerte, là, c'est le
représentant. On s'entend, là?
M. Ouellet (Yves) : Ah
oui!
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : Parce que le travailleur, là, lui,
s'il sonne l'alerte, il va la sonner une fois. C'est ce que je comprends
de vos propos.
M. Ouellet (Yves) : Puis
la deuxième fois, ça va être sa dernière.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
C'est beau.
• (15 h 40) •
M. Ouellet (Yves) : Mais
vous êtes... C'est réel. Le représentant, c'est son pare-feu.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
Exact, oui.
M. Ouellet (Yves) : Lui,
là, le représentant, c'est sa protection. Maintenant, ce qu'on dit, c'est
que... Est-ce qu'on peut admettre que... Même la CCQ l'a dit :
Ah oui, on a un rôle extrêmement important à jouer. Cette personne-là, le travailleur, la travailleuse, ils en ont
besoin. Maintenant, quand on lit le projet de loi, on dit : Il y avait
déjà des amendes, il y avait déjà des
choses de prévues. Mais la seule imagination qui est arrivée avec, c'est :
On va augmenter ça. Pourquoi? C'était déjà là. Parce que ce que ça peut faire...
Est-ce que c'est le but, puis c'est ce qu'on dit, de freiner le
représentant en lui disant : Attention! là... Et, quand on me disait...
Aussi ridicule qu'on dit «susceptible de», bien, une population... Il y a du monde, là, dans une région, là... Puis,
on l'a vécu, il y a du monde dans les régions qui disent : Aïe! là, ça ne
marche pas, là, on n'est plus là. Le monde
travaille à notre place. On peut-u manifester pour protéger nos droits en
disant : Bien, écoute, là, il y a
de quoi qui ne va pas chez nous? Bien non parce que ce que tu vas faire est
susceptible... puis, à 200 kilomètres de là, tu vas retarder les
travaux.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : Là-dessus, le «susceptible», là,
avant ça... Bien, le bout de texte qu'on veut changer, c'était «dans le
but de provoquer».
M. Ouellet (Yves) :
«Dans le but de provoquer».
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : Bien, je pense que le balancier
était peut-être à un bout, à l'extrême. Puis là la CCQ, moi, ce que je comprends, elle a dit : Bien là, c'est
difficile, nous, de faire notre travail, là. Mais là on s'en va à
l'autre bout. Il y a peut-être un juste milieu qu'on peut trouver.
M. Ouellet (Yves) :
Sûrement.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : C'est pour ça que je vous dis que ce
que je regrette de votre mémoire, c'est des retraits, des retraits. Il y a peut-être des propositions qui
auraient été... parce que de nous donner des idées, ce n'est pas
mauvais.
M. Ouellet
(Yves) : Mais, écoutez, je vous le dis, la proposition... Quand
on vous dit : Il est temps qu'on s'assise... L'industrie de la construction, c'est une
industrie mature. C'est du monde, des entrepreneurs, le syndicat... Il y a du
monde qui sont, là, responsables. On sait
notre rôle au sein de la population québécoise. On le sait, notre rôle, et on a
dit : On veut s'assire, on veut
parler et on veut régler des choses. Par les amendes... et ça, je ne pense pas
que c'est tout là que ça se fait. Mais
je vous dis une chose, c'est qu'on n'est pas fermés à tout ce qu'il y a là. Ce
qu'on vous dit, c'est que, quand il y a des amendes qui sont déjà là, ça
ne donne rien d'aller plus loin.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup, M. Ouellet, ainsi que les personnes qui vous ont
accompagné. Belle contribution à nos travaux.
Et je suspends les travaux quelques instants
pour permettre aux autres participants de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 43)
(Reprise à 15 h 44)
La Présidente (Mme Richard) :
Nous reprenons nos travaux. Merci beaucoup. Nous allons poursuivre nos travaux. Nous avons maintenant la CSD-Construction
et Centrale des syndicats démocratiques. M. Laterreur, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je ne sais pas si c'est
vous qui allez prendre la parole au nom de votre organisation, mais, en
tout cas, la personne qui va le faire,
peut-être se présenter et présenter également les personnes qui vous
accompagnent. Vous avez 10 minutes de présentation, par la suite suivra
une période d'échange.
Centrale des syndicats
démocratiques‑Construction
(CSD‑Construction) et Centrale des
syndicats démocratiques (CSD)
M. L'Abbée
(Martin) : Parfait. Mon nom
est Martin L'Abbée. Je suis vice-président de la Centrale des syndicats démocratiques. De plus, c'est un honneur pour moi
de pouvoir servir comme administrateur public au C.A. de la CNESST
depuis maintenant deux ans. Les gens qui m'accompagnent. Vous l'avez nommé
tantôt, Daniel Laterreur, président de la
CSD-Construction. On a suggéré son nom pour qu'il soit au C.A. de la CCQ. On est en attente de
nominations. J'ai, à ma droite, Luc
Vachon, président de la CSD, et, à mon extrême droite, Lyne Laperrière,
directrice nationale affectée à la CSD-Construction.
La CSD est
représentée au C.A. de la CCQ depuis 1994 et au C.A. de la CSST, CNESST, depuis
1982. Pour la CSD, les rôles de
représentation sont dévolus, principalement pour le C.A. de la CNESST, au
vice-président de la CSD, de par ses
responsabilités et son expertise, et par le président de la CSD-Construction au
C.A. de la CCQ, de par son expertise et sa connaissance du milieu.
La CCQ et la
CNESST : deux organismes paragouvernementaux qui sont de très bons
exemples du dialogue social québécois.
Le paritarisme qui se vit au sein de ces deux C.A. démontre bien l'implication
des acteurs les plus représentatifs du monde du travail au Québec.
En effet, prenons l'exemple du C.A. de la
CNESST, les membres nommés par le gouvernement parmi les associations les plus représentatives représentant
des employeurs et représentants des travailleurs. Qui de mieux placé que
les représentants des employeurs et représentants des travailleurs pour
connaître les milieux de travail, pour prendre les
décisions, adapter les règlements, budgets et autres orientations? Le dialogue
social qui s'en dégage nous amène à trouver
des solutions acceptables pour tous la plupart du temps. Des processus sont en
place pour la prise des décisions quand une impasse subsiste.
En plus du
C.A. de la CNESST, il y a plusieurs comités stratégiques et comités-conseils
qui travaillent les sujets pour qu'ultimement les décisions soient
prises au conseil d'administration. Ces décisions sont ainsi mieux supportées
par les parties, et l'acceptation des milieux de travail est plus simple
puisque c'est les acteurs qui les diffusent.
La limitation
du nombre d'années pour les administrateurs au C.A. est à six ans. Je vous
avoue que ce n'est pas simple
d'arriver au conseil d'administration de la CNESST et essayer d'être
fonctionnel au jour 1. Ma première année en fut une d'apprentissage. Dans la deuxième, quelques questions, quelques
interventions. Aujourd'hui, après deux ans, je me considère assez fonctionnel avec, en moyenne, dix conseils
d'administration annuellement et avec une moyenne de cinq heures par rencontre.
C'est environ 50 heures par an pour s'acclimater au conseil d'administration,
une semaine de travail en temps continu. En six ans, six semaines, ce n'est
quand même pas grand-chose.
Des travaux
peuvent s'échelonner sur plusieurs années juste sur un sujet. À titre
d'exemple, le cadenassage, qui a abouti
après 15 ans, donc ça aurait pris trois personnes au C.A. de façon cumulative,
tandis que, pour la présidence des deux commissions, les mandats
demeurent à cinq ans et aucune limitation dans le nombre de mandats. Pour les
administrateurs des C.A., on veut limiter à six ans les mandats. C'est beaucoup
trop court pour maintenir un conseil d'administration efficace. On ne tient pas
compte ici des absences, des démissions, des maladies ou des changements dans les représentants des associations. L'absence
d'expérience des membres du C.A. donnerait ainsi une grande influence à la permanence tant à la CCQ qu'à la CNESST, la
perte inestimable de l'expertise du terrain et de cet exemple de
dialogue social. Pour nous, le fait de limiter à six ans les mandats comme
administrateur au conseil d'administration de la CCQ et de la CNESST
n'améliorera pas la gouvernance.
La limitation
de cumul des deux conseils d'administration. La possibilité que, dans
l'histoire, une personne ait eu une
grande influence et que cela aurait pu causer problème a été soulevé par la
commission Charbonneau. La commission Charbonneau indiquait que c'était
le cumul, comme administrateur, de cette personne qui était le problème, le
cumul complet, je vous rappelle, comme
membre du C.A. de la CSST, de la CCQ, mais aussi comme membre des C.A. de
la SOLIM, du Fonds de solidarité et de la
FTQ-Construction. Depuis, des pare-feux ont été mis en place : code
d'éthique et de déontologie, des déclarations annuelles de conflits d'intérêts.
À notre connaissance, depuis que ces codes d'éthique existent et s'appliquent
aux deux conseils d'administration, aucun cas n'a été soulevé.
Il y a eu
aussi des changements législatifs et de règles internes à la CCQ depuis 2010.
Le mode de nomination des inspecteurs
a été revu. Depuis, les inspecteurs de la CCQ ne peuvent plus être représentés
par un syndicat affilié à une association
représentative présente au conseil d'administration de la CCQ depuis 2011. De
plus, les administrateurs des deux
conseils d'administration suivent des formations sur l'éthique, et c'est
maintenant donné à tous les administrateurs. Nous croyons que les
changements déjà effectués répondent à l'esprit des inquiétudes soulevées par
la commission Charbonneau.
• (15 h 50) •
Un lourd fardeau pour les associations de
salariés. L'article 86.1, la déclaration d'un dirigeant attestant de la véracité des renseignements de ses représentants,
que chacun d'entre eux respecte les conditions prévues à l'article 26
et, de surcroît, en 30 jours, le temps de
vérification, la lourdeur et les coûts qui peuvent y être consacrés sont
importants, sans parler de la responsabilité imposée aux dirigeants, qui n'est pas nécessaire, selon nous. Nous demandons que la déclaration du dirigeant et du représentant soit basée sur le
modèle de déclaration du délégué de chantier, en faisant les
adaptations nécessaires. La personne qui signe sa déclaration sera la seule
responsable de sa déclaration.
Il semble y
avoir une méconnaissance du milieu de la construction. L'industrie de la
construction a son propre écosystème. Malheureusement, dans cet écosystème, l'ancienneté ne
fait pas partie du portrait. C'est pourquoi un travailleur peut travailler pour plusieurs employeurs dans une
seule année. Plusieurs travailleurs sont aussi des travailleurs
saisonniers. Être en bons termes avec son
patron n'est pas facultatif, c'est essentiel. Sinon, pour n'importe quelle
raison, l'employeur ne rappellera pas le travailleur pour le prochain contrat
la prochaine saison. Il doit donc se plier en quatre pour être apprécié de son employeur. Les travailleurs ont
ainsi souvent peur de revendiquer leurs droits, un problème majeur pour
les travailleurs de l'industrie de la construction.
Nous sommes
inquiets des débordements possibles dans l'application de certains articles
du projet de loi. Entre autres, à l'article 113.3, nous ne pouvons accepter que les
travailleurs soient tenus responsables du paiement de salaires ou d'avantages non déclarés. Cela ne peut se faire.
Une réaction du travailleur à son employeur chez qui une pratique est en
place sur ce sujet pourrait faire l'objet de
représailles. Il pourrait carrément perdre son emploi.
Nous demandons que les mots «reçoit» et «participe» soient retirés de
cet article.
L'interdiction de tenir une réunion de salariés
sur les lieux de travail sans le consentement de l'employeur, à l'article
118.1, cela pourrait s'interpréter comme quiconque tient une discussion
syndicale sur le chantier pourrait être accusé. Imaginons que le conseiller CSD‑Construction se présente sur un
chantier pour venir rencontrer ses membres. C'est-u une réunion? Est-ce qu'il a besoin de l'autorisation pour venir
porter un document à un travailleur, voir l'évolution des travaux, voir le respect des règles en santé
et sécurité du travail? Parce qu'un
salarié qui se plaindrait pourrait aussi perdre son emploi. L'employeur l'aimerait un petit peu moins. C'est
pourquoi c'est les conseillers de la CSD‑Construction qui font les dénonciations à la CNESST. Le
conseiller de la CSD qui est dans une
roulotte de chantier durant les pauses ou le dîner, c'est-u une réunion? Devrait-il avoir le consentement de
l'employeur préalablement? Le conseiller de la CSD qui se dirige vers la roulotte, qui se fait arrêter
par un travailleur pour une question, c'est-u une réunion? Est-ce qu'il
aurait dû avoir l'autorisation de
l'employeur avant? Et finalement le délégué de chantier ou un simple membre
CSD‑Construction qui parle avec des
collègues de n'importe quel sujet en relation avec le travail, est-ce que ça
pourrait être considéré comme une réunion et est-ce qu'il aurait dû avoir
préalablement le consentement de l'employeur? Ce ne sont là que quelques
exemples de ce qui pourrait survenir et où n'importe qui, finalement, pourrait
être accusé.
Un autre
effet néfaste serait la limitation des interventions des représentants
syndicaux, l'employeur n'ayant qu'à ne pas
consentir à la présence d'un représentant syndical ou que les travailleurs discutent de
conditions de travail sur son chantier.
Pourtant, dans les relations de travail, n'est-il pas le rôle des parties, tant
patronale que syndicale, de se parler et de régler les problèmes à la
source, la prise en charge par le milieu de ses propres relations de travail?
Nous demandons le retrait de l'article 18.
Certaines dispositions du projet de loi touchent
l'établissement ou l'augmentation substantielle d'amendes pour les associations de travailleurs et les travailleurs, ce qui aura
comme effet de dissuader des gens d'agir, même, dans un cas, de voir leur bonne foi jugée par les
travailleurs. Pour ce qui est des amendes, tous n'ont pas les mêmes
moyens, employeurs, syndicats et travailleurs.
Au niveau
de l'élargissement des pouvoirs de la CCQ pour la prise de photographies,
d'enregistrements vidéo ou sonores,
nous sommes inquiets de l'application que cela peut signifier. Nous vous rappellerons, entre autres, l'article 5 de la
charte des droits et libertés.
En terminant, la CSD et la CSD‑Construction sont contre toute forme d'intimidation.
Nous sommes loin d'être rassurés
quant aux débordements que ces nouveaux articles dans le projet de loi pourront apporter. Sans vouloir être trop susceptibles, nous croyons que les tribunaux ne
sont pas la solution pour tout régler sur un chantier. Les parties
doivent pouvoir se parler et régler des problèmes au lieu de judiciariser les
relations de travail. Merci.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup, M. L'Abbée. Et la période d'échange va débuter
maintenant. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Vien :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs madame. Bienvenue, M.
L'Abbée. Je vois que vous n'êtes pas, vous non plus, comme groupe, très
favorables au 152.
M. L'Abbée (Martin) : Plusieurs
articles nous inquiètent, surtout pour les débordements, effectivement.
Mme Vien :
Oui, les débordements, notamment, liés à... et principalement aux pouvoirs
accrus qui pourraient être accordés à la CCQ?
M. L'Abbée
(Martin) : À ce niveau-là, ce n'est pas tellement là. C'est les
débordements au niveau de l'utilisation des téléphones et des autres
appareils. Imaginez-vous qu'un travailleur serait surveillé 24 heures sur 24...
Mme Vien : Comme les
délais de prescription, par exemple.
M. L'Abbée
(Martin) : Je comprends. Mais c'est ce que je vous dis. Mais sauf que
l'employeur ne mettra pas des caméras
partout. Mais il peut-u être filmé par ses pairs? Il peut-u être filmé par quelqu'un
sur le coin de la rue? Ce genre d'abus
là, à quoi il pourrait avoir accès, c'est beaucoup trop flou. On n'est
pas contre que les inspecteurs aient accès à plus de données pour pouvoir faire leur travail. Ce
n'est pas ça, mais c'est dans le débordement potentiel que ça nous fait peur.
Mme Vien :
Il y a quand même des recommandations qui nous viennent de Charbonneau. Il y a
des recommandations... pas des
recommandations, pardon, mais des éléments qui ont été ajoutés parce
qu'effectivement la CCQ nous
dit : Bien, nous, on aurait besoin, bon, entre autres, d'avoir un meilleur
accès aux documents, à des vidéos, enfin, à des documents
technologiques, comme on en connaît aujourd'hui, en 2018. Plusieurs groupes,
plusieurs personnes, maintenant, gèrent à
partir de ça. Donc, c'est des recommandations qui visent bien entendu à
diminuer l'intimidation sur les chantiers, à protéger les lanceurs
d'alerte. Je veux dire, il y a beaucoup de choses à l'intérieur de ce projet de
loi là. C'est parce que... Je vais reprendre
l'expression du collègue de Chutes-de-la-Chaudière. Mon sentiment général
après vous avoir entendu, c'est : Je retirerais cet article-là, je retirerais
cet article-là. Vous n'êtes pas à l'aise avec 152, là.
M. L'Abbée
(Martin) : On n'est pas à l'aise avec plusieurs éléments de 152. À des
endroits, on demande de retirer certains
mots, pas les articles au complet. Au niveau des lanceurs d'alerte, on n'est
pas contre. Vous voyez, dans notre mémoire, on n'a rien commenté sur les
lanceurs d'alerte.
Mme Vien : Oui. Bien,
merci beaucoup, M. L'Abbée.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le
député de Beauharnois, vous pouvez commencer vos échanges.
M. Leclair : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci, messieurs. Vous avez levé
quelques points qui n'ont pas été levés
fréquemment. J'aimerais vous entendre... Vous nous parlez de déclaration du
représentant de chantier par rapport à un autre type de déclaration.
Puis vous avez même pris le temps de dire que, malheureusement ou heureusement,
là, on l'appellera comme qu'on veut, on
connaît mal, un peu, peut-être, le métier de la construction. Et, je l'avoue,
effectivement, je ne suis pas un gars qui a
oeuvré dans ce milieu-là, donc j'aimerais savoir... On cherche, tu sais,
peut-être des pistes, des fois, puis
la déclaration du représentant de chantier, j'aimerais que vous me l'expliquiez,
là, avant que je vous donne ce que je pense ce que c'est. Bien, expliquez-moi ce
bout-là. Puis, s'il y en a deux types, là, s'il faut aviser l'entrepreneur
qu'on s'en vient, tu es aussi bien de mettre
tes barricades, et tout, là, je trouve que... Mais je voudrais vous entendre
là-dessus.
M. Vachon
(Luc) : Alors, bonjour, tout le monde. Merci de nous accueillir, Mme
la Présidente, Mme la ministre, les parlementaires.
Alors, pour répondre
à votre question, ce qui est soulevé, c'est que, dans le projet de loi
n° 152, il y a un élément de
déclaration et, en plus, d'engagement pour les associations d'être garantes de
la conformité de l'article 26 de la loi R-20, donc tout le volet qu'il puisse y avoir un rattachement
criminel ou autre. Alors, cette conformité-là, actuellement, elle n'est pas balisée. Ça, c'est l'ajout de 86.1
dans le projet de loi n° 152. Et là, maintenant, c'est l'association qui
devient garante non seulement à un moment donné, mais constamment, en
permanence, pendant toute la durée des gens qu'elle va identifier comme ses
représentants.
Mais il y a un autre
volet, c'est : Qui sont ces représentants? Parce que le projet de loi ne
le cloisonne pas, ne l'identifie pas. Et,
l'autre bout, des amendes sont données aux associations si jamais il y avait un
défaut de conformité. Donc, une
journée donnée, il faut être garant de la représentation de la conformité à 26.
Et, s'il y a des changements qui surviennent
pendant la durée, l'association est elle aussi garante d'une chose qu'elle peut
même ignorer. Et les amendes vont
jusqu'à 2 142 $ par jour où on identifie qu'on est en infraction.
Alors, tu peux te retrouver des mois suivants avec une infraction pour
laquelle tu es supposé être garant et des éléments que tu ne connais pas, alors
qu'actuellement il y a un processus pour les
délégués de chantier. Il y a un formulaire qui est déjà prévu, où la personne
identifie qu'elle a compris les
règles. Elle a compris ça et elle atteste les maîtriser. Elle atteste qu'elle
est conforme justement à l'article 26, la personne peut le
déclarer. Ce qu'on dit, c'est que ça devrait être la même chose qui s'applique
et ne pas soumettre les associations à une
chose qu'ils n'ont pas... C'est difficile et c'est un trop lourd fardeau, pour les associations, de garantir
ça en permanence.
Et là je rajoute que
ce qui vient aussi donner un autre élément, c'est la question des codes
d'éthique, de déontologie. Vous avez entendu
parler qu'il y a des déclarations d'intérêt qui sont là. Donc, toutes ces
balises-là sont déjà... Il y a déjà
des balises d'instaurées. Là, ce
qu'on vient, c'est... À part vouloir mettre les associations au front, et
risquer de prendre les gens en défaut sur
des choses qu'ils ne savaient même pas et qu'ils risquent d'apprendre en cours
de route, et de donner une facture de milliers de dollars, je ne sais
pas à quoi ça sert.
• (16 heures) •
M. Leclair :
Bien, vous êtes en train de me prouver que je n'ai pas bien écouté la
commission Charbonneau. Parce que je
ne souviens pas d'avoir entendu ça, dans la commission Charbonneau, des
déclarations de ce type-là. J'ose espérer que ça vient de la CCQ, là.
Puis je ne sais pas, c'est... Ils cherchent quelque chose, là, parce que...
M. Vachon
(Luc) : Je ne crois pas que ça fasse partie non plus de...
M. Leclair :
...la commission Charbonneau.
M. Vachon
(Luc) : ...cet aspect-là. Je ne pense pas, moi.
M. Leclair :
Mais, bref, je vous amène sur un autre point. Parce que je m'aperçois, là,
qu'on veut vraiment régler certains
conflits qu'on semble avoir entre la CCQ et le représentant syndical, puis le
but ici, alentour de la table, c'est de comprendre le problème pour
tenter de trouver la solution.
Parce
que, si je reviens encore au point premier, on dit : Si on veut que les
contrats soient équilibrés puis que les gens disent : Bien, ce contrat-là, tout le monde devrait être payé
au taux x, puis qu'il y en a un autre qui en paie en dessous de la table, bien, en bout de piste, il faut
peut-être être capable d'aller vérifier les gars puis les chantiers pour
s'assurer que tout le monde est payé
adéquatement puis justement qu'il y en ait un qui ne tire pas profit de ça.
Mais, ça, on n'en parle pas énormément, dans le projet de loi, de ce
petit bout là. Mais la commissaire, la commissaire ou la commission Charbonneau
nous dit bien que, pour intimidation puis tout ce qui est d'argent au noir, il
faudrait apporter certaines dispositions différentes ailleurs.
Mais
là vous avez la chance de siéger sur des comités paritaires. Puis ce n'est pas
dans votre mémoire, là, mais... un petit peu de redondance, là, après
deux jours, mais je vous pose la question suivante : Sur vos comités
paritaires, où est-ce qu'il y a du patronal
puis des représentants du travailleur, est-ce que vous les avez, ces
chicanes-là, de dire : Là, toi, lâche de brasser de l'argent au
noir? Ou c'est juste les meilleurs qui siègent là-dessus, puis les troubles
sont minimes à 10-12 %? Puis ces
gens-là, il n'y a pas quelqu'un de vous autres qui dit : Aïe! là, ça n'a
pas de bon sens, on s'en fait avoir? Autant pour les représentants
syndicaux, autant pour les travailleurs, vous devriez avoir ces discussions-là.
M. Vachon
(Luc) : Si les questions nous étaient soumises, ça nous ferait plaisir
de les traiter. Ceci étant, je siège sur deux comités qui sont paritaires, deux comités où le dialogue social est
extrêmement présent, qui seraient des tribunes extraordinaires pour utiliser... pour soumettre des situations comme
celles-là, et je dois dire, en toute honnêteté, que nous sommes très peu
sollicités et peut-être parfois pas suffisamment écoutés.
Ceci
étant, vous soulevez la question de la CCQ, et je vais vous soulever que la CCQ
a un conseil d'administration qui est
aussi paritaire. Et je ne crois pas que nous ayons eu le point de vue du
conseil d'administration de la CCQ par rapport aux pouvoirs qui sont demandés par la CCQ. Alors, ça aurait pu être
intéressant d'avoir la position du C.A., qui en soi est l'organisme qui administre et qui normalement est
capable d'identifier quelles sont ces difficultés, qu'est-ce qui devrait
être mis de l'avant. Et pour l'instant on a
peut-être la position de l'administratif, mais nous n'avons pas la position du
conseil d'administration.
M. Leclair : Très intéressant. Parce qu'on posait la question
à Mme Lemieux, hier, puis vous avez fait un peu un début de mémoire en disant que l'expertise est
importante, et tout. Je pense que je ne pose plus de questions là-dessus,
ma tête est déjà claire. Je pense qu'un tour
de table on comprend assez, là, que... Je ne suis pas convaincu qu'on s'en
allait dans le bon sens avec ça.
On tentera de trouver une solution équitable.
Mais effectivement, lorsque je demandais à la présidente, à Mme Lemieux, de dire : Bien, il y a des
gens qui suggèrent, à votre niveau à vous, que ça soit différent, qu'il y ait
d'autres choses d'appliquées, elle n'a même
pas voulu commenter. Alors, je crois que votre exemple est assez pertinent, de
voir, le C.A., s'il y avait eu les mêmes demandes.
Parce que je
trouve ça bizarre que... On le dit depuis... Moi, en tout cas, je ne l'ai
jamais aussi entendu, même si je le croyais
parce que, sur des régimes de retraite, et tout, j'ai eu la chance de côtoyer
quelques groupes paritaires, puis tout le monde dit, là, que le paritarisme est de mieux en mieux puis de plus en
plus sollicité. Alors, j'imagine que le C.A. de la CCQ voit les
bienfaits. Puis là on... je ne le sais pas. Je ne comprends pas, là, je ne
comprends vraiment pas le petit bout où est-ce que...
Puis hier on
demandait aux gens : Est-ce que les employeurs vont être aussi pénalisés?
Puis je reviens à mes points de
départ, là, si on parle de fraude, d'argent au noir, d'intimidation, que, moi,
ça vienne du syndicat, que ça vienne du patronal, si tout le monde se
dit : Non, bien, là, là, il faut fesser fort.
Mais, pour
toutes les autres affaires, si R-20 mérite d'être modifiée, bien, la ministre
vous a invités, là, gâtez-vous, jasez-vous,
modifiez R-20. N'utilisons pas la commission
Charbonneau pour venir tenter de
modifier R-20 parce que, sinon, ce n'est
pas équitable, ce n'est pas équitable parce qu'on va prendre les petits bouts
de R-20 qu'on veut modifier... On voit souvent
ça, dans le projet de loi. Mais souvent c'est quand les deux parties le
veulent puis ils disent : On va en profiter, parce que vraiment le législatif,
il faut qu'il change la loi.
Là, je sens
qu'on se fait prendre un peu de court. On aura la chance d'en discuter, on fera
l'ouvrage qu'il y aura à faire face à ça, mais je trouverais très intéressant si le C.A... la CCQ pourrait nous envoyer un mémoire, s'ils n'ont
pas le temps de venir siéger ou si on ne les
a pas invités, là, je ne sais pas qu'est-ce qui est arrivé en arrière de tout
ça, mais ça pourrait être intéressant de voir s'ils auraient la même
vision.
M. Vachon (Luc) : Puis, en tout
respect...
La Présidente (Mme Richard) :
...
M. Vachon (Luc) : Pardon?
La Présidente (Mme Richard) :
30 secondes vous sont allouées pour la fin.
M. Vachon
(Luc) : Bien, je ne
déborderai pas. En tout respect, la commission
Charbonneau avait un mandat
qui était sous un angle d'attribution par rapport aux contrats de l'industrie. Elle n'avait pas le mandat au niveau
des relations de travail qui
prévalent. Et c'est les relations de travail qui sont... Là, on essaie de
régler par la fin et non pas par les causes, par la source. Attaquons-nous aux sources, qui sont les relations de travail
et tout l'écosystème, tout le fonctionnement, ça va régler la suite. Mais c'est ça
qu'on ne fait pas, même pas par le projet de loi.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre contribution.
Je vais...
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
C'est beau. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Richard) : ...suspendre les travaux quelques
instants pour permettre au prochain groupe de prendre place...
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
Mme la Présidente, je pourrais intervenir.
La Présidente (Mme Richard) :
Oh!
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
J'ai dit : Je pourrais. J'ai été très poli.
La Présidente (Mme Richard) :
Vous avez totalement raison, M. le député de Chutes-de-la-Chaudière.
Des voix : Ha, ha, ha!
La
Présidente (Mme Richard) : Vraiment, c'est impardonnable de ma part. Vous savez que
je vous apprécie beaucoup.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
Bien oui, nous sommes de la même cuvée.
M. Leclair : Ah! plus que moi?
Wo! Wo! Wo!
La Présidente (Mme Richard) : Allez-y, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Vous savez, il faut tellement que je surveille le député ici, là, le député
de Beauharnois, qui des fois outrepasse le temps alloué, que,
là, j'étais obnubilée par le temps. Allez-y.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : Merci, Mme la Présidente. Plus sérieusement, là, comment ça va, vos relations avec la
CCQ? En général, là, juste... on jase, là, on jase ici, hein?
M. Vachon
(Luc) : Bien, moi, je n'en ai pas.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : Bon, ça va bien.
M. Vachon
(Luc) : Honnêtement, moi, je n'en ai pas. Si vous vous adressez à moi, je n'en ai pas.
Personne à la table en avant n'en a.
On est en attente de nomination. On a notre ancien président qui a pris sa
retraite, président de la CSD, qui siège toujours au C.A., puis on
attend la nomination de notre nouveau président.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : Oui. Mais là vous nous parlez de la relation de membres au C.A.
Moi, je vous parle des relations quotidiennes.
M. Vachon
(Luc) : ...de façon générale. Je peux vous dire, si vous voulez
connaître les relations qui peuvent prévaloir dans tout l'environnement, tout
l'écosystème, je vais vous dire, c'est facile de comprendre qu'il y a une problématique à quelque part. Regardez les deux dernières négociations, regardez le fonctionnement, l'atterrissage de ça. Alors, est-ce qu'on peut parler d'une relation qui
est à terme ou qui donne les résultats qui pourraient être escomptés? Je
pense que poser la question, c'est y répondre.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : Hier, il y a un témoin, il est ici encore, dans la salle, qui
a proposé... Oui, je vous entendais tantôt.
En tout cas, qu'est-ce que j'ai décodé de vos propos — si ce n'est pas vrai, vous me le direz — c'est comme si vous nous dites... Hier, la présidente, P.D.G. de la CCQ, elle
est venue témoigner, puis vous ne savez pas si le C.A. était d'accord avec ce qu'elle a dit. Moi,
c'est ce que j'ai compris comme... Puis une des solutions qui étaient
avancées par un témoin, ce serait peut-être que ce soit deux personnes
différentes, un président ou une présidente du conseil d'administration et une présidente ou un président-directeur général
pour l'administratif, là, et le C.A., vraiment, lui, il prend les grandes orientations, puis il passe les
commandes, puis on s'en va comme ça. Est-ce que ce serait quelque chose
de souhaitable?
M. Vachon
(Luc) : Bien, à mon avis, vous regardez plusieurs grandes
organisations, et il y a une séparation des pouvoirs entre la présidence de l'entreprise, par exemple, et la
présidence du conseil d'administration pour assurer une saine
gouvernance de l'organisation. Je pense avoir répondu.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : Non, vous avez répondu comme
un politicien. Vous n'avez pas répondu.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M. Vachon
(Luc) : Ce n'est pas ce que je voulais. Non, mais la réponse, c'est
oui, il devrait y avoir une séparation de...
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : O.K. Là, c'est répondu.
M. Vachon
(Luc) : La réponse est oui.
M. Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : O.K. Pour moi, ça va, Mme la
Présidente. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Richard) : Ça va pour tout le monde? Parfait.
Merci beaucoup, madame messieurs, pour votre présentation.
Et nous allons
suspendre pour permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à
16 h 10)
(Reprise à 16 h 13)
La Présidente
(Mme Richard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Donc,
nous reprenons nos travaux et nous recevons
maintenant la CSN. M. Lacharité, M. Brassard, Mme Pepin. Ça fait
que je pense que c'est M. Lacharité qui va commencer? Bienvenue à l'Assemblée nationale, messieurs, madame. Vous
avez 10 minutes maximum pour nous faire votre exposé. Par la suite
va suivre une période d'échanges avec les parlementaires. Donc, la parole est à
vous.
Confédération
des syndicats nationaux-Construction
(CSN-Construction)
M. Lacharité
(Jean) : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Mme la ministre, bonjour, Mmes, MM. les parlementaires, bonjour à toutes et à tous. Je me
permettrai de saluer d'abord M. Reid, qui est un député de ma région
d'origine, que je connais bien. On vous
remercie infiniment de nous recevoir comme CSN et CSN-Construction.
Alors, je vais vous présenter les gens qui
m'accompagnent : Pierre Brassard, qui est président de la
CSN-Construction, à ma droite, et Me Maude Pepin-Hallé, qui est du
service juridique de la CSN et qui a travaillé à la rédaction du mémoire que
vous avez entre les mains.
D'entrée de
jeu, on doit vous dire qu'on partage les objectifs louables, là, qui sont dans
le projet de loi à la suite des recommandations
de la commission Charbonneau. Cependant, on trouve qu'il y a certains
irritants, notamment eu égard aux droits fondamentaux des travailleurs
et des associations syndicales.
Et je vais laisser le président de la
CSN-Construction et notre avocate, Me Pepin-Hallé, vous faire quelques commentaires sur un certain nombre d'articles eu
égard à l'industrie de la construction. Et je vais conclure brièvement
sur la question de la gouvernance, parce que
beaucoup de choses ont déjà été dites, et je pense que ça va dans le même sens
que même les organisations patronales.
M. Brassard
(Pierre) : Merci, Mme la
Présidente. Je vais me présenter, Pierre Brassard, le président de la CSN-Construction. Merci, Mme la ministre, de nous
inviter, les députés, à... Si je regarde un peu, là, depuis deux jours, là,
qu'on est ici, là, présents puis
qu'on fait le tour, on cherche comment le p.l. n° 52
peut satisfaire un peu tout le monde, comment on peut donner un peu plus
de pouvoir, un peu moins de pouvoir, ou des choses comme ça. On discute de procédure, on rajoute — vous allez voir où est-ce que je m'en vais,
là — à un
moment donné, tu sais, on fait... on discute de procédure, on discute de comment faire la preuve, comment donner un peu
plus de pouvoirs à des travailleurs pour faire la preuve à la
CCQ, ou des choses de même. On parle de... tu sais, on rajoute de la lourdeur
judiciaire, administrative,
puis peu importe, des pénalités, des
difficultés de dénonciation. On veut avoir comme objectif de protéger... Parce
que je vous parle en tant que
travailleur, ça fait quand même... contrairement au député de Beauharnois, là,
j'ai quand même 28 ans de travail au
niveau de l'industrie de la construction, là, comme travailleur, ça fait que
j'en ai quand même vu pas mal, là, depuis 1989. Ça fait qu'on veut protéger les lanceurs d'alerte, les
travailleurs vulnérables puis le travail au noir, peu importe.
La commission en a parlé un peu, il y a beaucoup
d'organisations qui en ont parlé, le monde a toujours une peur, une crainte. Parce que, si vous lisez notre
mémoire, là, on a quand même brossé un grand tableau d'un peu tout ce
qu'il y a au niveau des argumentaires. Mais moi, je vais vous entretenir...
parce que le député de Chaudière, il disait : Il y a un éléphant dans la place, mais on dirait qu'on n'est pas capable
de le voir. On veut protéger tout ce monde-là, à la base, pour essayer de dénoncer des choses, puis de
provoquer des choses, puis monter des dossiers, mais, en même temps, on ne les protège pas plus qu'il ne faut parce
qu'il n'y a pas de sécurité d'emploi. La crainte de perdre sa job, là,
hein... Tantôt, on parlait de... les représentants syndicaux, ils vont sur les
chantiers, la suspicion, de dire : Ça a-tu l'air de ça, ça a-tu l'air de quelque chose, je fais-tu de
l'intimidation?, bien, à la base, le travailleur, lui, quand il va starter,
initier quelque chose puis que le lendemain
matin il va perdre sa job, ou la semaine d'après il va perdre sa job, ou il ne
sera pas réembauché, hein, pas de sécurité d'emploi, pas d'ancienneté,
pas de droit de rappel, ça fait que des statistiques, on n'en aura jamais.
On a essayé
de faire la démonstration, là, depuis 2009‑2010, on a une cause, sur la
Côte-Nord, là, d'intimidation puis de
discrimination. La lourdeur du système... On est rendus en 2018, on est encore
en train de se tirer la pipe d'un tribunal
à l'autre pour contester tout ça. Ça fait que la lourdeur judiciaire fait que,
moi, si je n'ai pas de sécurité d'emploi, pas d'ancienneté puis pas de droit de rappel, puis je fais une plainte
contre mon entreprise, puis je vois la lourdeur de tout ça, là, c'est
sûr que ça met un frein à rentrer dans les statistiques un jour que j'ai fait
une plainte sur le travail au noir. Mon employeur me dit : Tu vas
travailler 20 heures déclarées, 20 heures pas déclarées, sinon, tu
t'en vas chez vous. Si je le dénonce, je
m'en vais chez nous pareil. Donc, on dit que l'argent, c'est le nerf de la
guerre; ça fait que, si tu m'enlèves mon argent, je n'ai plus de guerre,
moi, je ne vais plus à la guerre, là.
Ça fait que
l'éléphant qui est dans la pièce, c'est la sécurité d'emploi. Tant et aussi
longtemps qu'on mettra plein de
plasteurs, plein de bobos sur monter des plaintes, monter des amendes, en
mettre plus, mettre le fardeau sur le travailleur, sur l'employeur, ça ne réglera pas le problème à
la base. À la base, si tu n'es pas capable de monter des statistiques,
si tu n'es pas capable de faire partie, un jour, des statistiques, de
dire : Il y en a eu, maintenant, j'ai une sécurité d'emploi, je suis
capable de dénoncer puis de garder mon emploi ou de réintégrer mon emploi, je
ne ferai jamais partie des statistiques, jamais.
Donc, l'éléphant blanc, c'est la sécurité
d'emploi, les clauses de rappel puis les mises à pied. Si je suis sûr de garder
mon emploi, ça va m'inciter à dénoncer, à dénoncer puis ne pas embarquer dans
le système de corruption puis de collusion
avec les employeurs. Parce qu'à un moment donné tu n'as pas le choix, tu veux
travailler, tu veux commencer à travailler quand tout le monde travaille
au mois de mai, juin. Si tu n'embarques pas dans le système de concurrence
déloyale des employeurs, tu ne travailles pas, puis, si tu veux le dénoncer, tu
ne travailleras plus, hein?
C'est pour ça
que, dans notre recommandation, la première recommandation, là, c'est de créer
un comité qui va statuer... qui va
faire des recommandations sur la sécurité d'emploi. Il y en a dans des
conventions collectives, il y en a un bout
dans le résidentiel, il y en a un bout dans l'institutionnel commercial, des
droits de rappel, des clauses d'ancienneté, des clauses qui pourraient
ressembler à ça. Donc, c'est là-dessus qu'il faut se pencher, plutôt que de
mettre un paquet d'amendes, monter les amendes : s'assurer qu'il n'y ait
plus de frein à la dénonciation, que le travailleur, à la base...
• (16 h 20) •
Le
lanceur d'alerte, là, si on ne le protège pas par ça, oubliez ça. Vous monterez
les amendes que vous voudrez, vous mettrez les pénalités que vous
voudrez, là, jamais qu'il n'y aura quelqu'un qui va dénoncer. Imaginez-vous les
femmes, sur les chantiers de construction.
Est-ce qu'elles ont le goût de dénoncer quand elles voient toute la lourdeur
des procédures? Est-ce qu'ils ont le goût de
revenir, l'année d'après, quand ils sont payés 20 heures-construction,
20 heures pas déclarées? Est-ce qu'ils
ont le goût de revenir? Jamais. Donc, encore là, c'est des statistiques que
vous n'aurez jamais.
Je vais m'arrêter là parce que je suis comme...
Des voix : ...
La Présidente (Mme Richard) :
Mme Pepin?
M. Brassard (Pierre) : Je vais
passer la parole à Mme Pepin-Hallé.
Mme Pepin-Hallé
(Maude) : Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, MM. les députés.
Effectivement, la solution qui a été
retenue pour protéger les travailleurs, les lanceurs d'alerte, d'importer
l'article 122 des normes du travail dans l'industrie de la construction, c'est une belle idée. Mais le
problème, c'est que l'article 122 des normes du travail s'applique dans le milieu du travail québécois
dans lequel l'ancienneté est reconnue. On importe une solution, mais
sans importer le contexte.
Or,
l'article 122 ne peut pas avoir la portée recherchée de protection des
travailleurs de l'industrie de la construction tant qu'ils n'auront pas la possibilité de démontrer que le déplacement,
leur fin de contrat, leur non-réembauche constitue une représaille. L'AECQ nous l'a mentionné hier — je pense que c'était l'AECQ — mentionnant qu'un déplacement ce n'est pas une représaille. Comment nous, nous
allons prouver que ce salarié n'a pas été réembauché, non pas parce que
le contrat était venu à terme, non pas parce qu'il n'avait plus besoin de
manoeuvre dans son type de travail, mais bien parce qu'il a été victime de
représailles?
Donc,
l'article 122, sans l'ancienneté, n'a pas la portée qu'on souhaite lui
donner. Au surplus, l'article 122, dans le monde du travail, prend
pour acquis qu'on a un poste de travail. Une fois qu'on obtiendrait une
décision, quand bien même on réussirait à prouver que la personne a été victime
de représailles, on ordonnerait quoi? Réintégration sur un contrat, un contrat
de trois jours, deux semaines, un mois et c'est fini après? Encore une fois, on
importe une solution qui n'est peut-être pas encore adaptée.
Et je pense
que la proposition qui est mise de l'avant ici aujourd'hui... Vous avez parlé
de solutions. On appuie la proposition de protéger les lanceurs d'alerte,
mais il faut trouver des solutions qui sont adaptées à l'industrie de la construction. Et un tel comité, un comité qui se
pencherait sur une recommandation que la CSN et la CSN-Construction portent depuis 1965, c'est-à-dire la création de
règles qui permettent de protéger contre l'arbitraire et la
discrimination des travailleurs, permettrait enfin d'atteindre les objectifs
recherchés notamment par la commission Charbonneau.
La commission
Charbonneau nous a mentionné qu'il fallait aller au-delà de la collusion. Pour
cesser la collusion, il faut donner
de l'indépendance aux travailleurs. Cette indépendance aux travailleurs, c'est
leur donner le droit de ne pas perdre
leur emploi s'ils dénoncent le milieu de travail dans lequel ils sont. Donc,
sur cet aspect de... on vous soumet que c'est un noeud gordien, que c'est finalement par cette voie qu'un comité
paritaire, qui pourrait trouver des solutions... On suggérait juin 2018
pour essayer de trouver des solutions adaptées telles qu'il en existe déjà dans
les conventions.
Dans un
deuxième temps, a été soulevé... et je pense qu'il y a des questionnements sur
le fait : Mais est-ce que vous appuyez
quand même le projet de loi? Oui. Mais quel est l'objet du projet de loi?
Est-ce que c'est vraiment d'assainir les relations de travail ou
d'ajouter... on l'a mentionné, plusieurs, d'alourdir et d'élargir la portée des
sanctions pénales? Mme la ministre, vous
travaillez... et vous êtes responsable de l'application du Code du travail, et
vous savez mieux que quiconque que
les sanctions pénales, c'est appliqué dans l'industrie de la construction. Plus
personne ailleurs, au Québec, ne dépose
des plaintes pénales au Tribunal administratif. Ça, c'est un temps révolu.
C'est il y a 15 ans, quand on a changé les pouvoirs du Tribunal
administratif ou la Commission des relations du travail.
Alors, à ce moment-là, on importe ici et on se
dit : On va continuer dans un chemin qui nous a prouvé être inefficace depuis toujours, c'est-à-dire les
sanctions pénales. On continue à coup de menaces à vouloir régir des
rapports collectifs de travail. On parle de
dialogue, les rapports collectifs de travail dans l'industrie de la
construction. On doit être capable d'établir de véritables dialogues
entre les employeurs, les syndicats et les travailleurs. Ce n'est pas à coups d'élargissement de sanctions pénales, je crois, et
on vous le soumet, qui pourraient entraver les droits d'association, de réunion pacifique tant des salariées que des
syndicats, qu'on va pouvoir atteindre et rétablir ce dialogue qui doit
naître, comme ailleurs au Québec, qui doit permettre d'instaurer des relations
de travail et des rapports collectifs de travail qui soient plus sains.
Et on soumet que le fait d'élargir et d'empêcher
potentiellement la tenue de... qui pourrait favoriser aussi la discrimination syndicale, la tenue de réunions de
travail sur les chantiers est là une entrave clairement au droit
d'association des travailleurs.
Donc, je vois
le temps qui s'écoule. Pour ma part, je pourrai revenir sur des questions sur
ce sujet. Et je céderais la parole à mon premier vice-président.
La Présidente (Mme Richard) :
Bien. Pour le mot de la fin, M. Lacharité?
M. Lacharité
(Jean) : Oui, brièvement,
sur la question de la gouvernance et de la limitation des mandats. Comme
plusieurs autres groupes qui se sont présentés ici, on est contre la limitation
des mandats parce qu'autant pour la Commission de la
construction du Québec que pour la CNESST les missions, dans les deux cas, sont
extrêmement complexes, et ce n'est pas vrai
qu'en limitant les mandats au bout de six ans on va améliorer la gouvernance.
Au contraire, on pense qu'on va l'affaiblir.
Moi, je siège au conseil d'administration de la
CNESST. Je siégeais au conseil d'administration de la défunte CSST. J'y étais depuis 2011. Mme la ministre, je
n'ai pas pris ça personnel, là, en prenant six ans maximum, mais... Et
récemment, Mme la ministre, vous nous avez donné le mandat, via le CCTM, de
vous faire des recommandations pour modifier
les lois en santé et sécurité, la LATMP. J'ai été de ces échanges-là, même sur
un comité restreint, avec mon collègue
de la FTQ, Serge Cadieux, dans un comité 2-2. Moi, je dois vous dire
que ça prend un certain nombre d'années d'expérience et une connaissance
assez fine des dossiers pour procéder à des discussions comme celles-là dans un
contexte paritaire.
Et ce sont
des organismes paritaires, là, ces deux organismes-là. On est dans une autre
«ball game», là, que dans plein
d'autres organismes. Et, si vous limitez ces mandats-là, vous allez vider de
l'expertise certaine, nécessaire au bon fonctionnement, à la bonne gouvernance de ces organisations. Vous allez
les vider de leur expertise et vous allez affaiblir la gouvernance, on
en est fermement convaincus.
La
Présidente (Mme Richard) :
Merci, M. Lacharité. Vous étiez sur du temps emprunté à la ministre, puis
je suis convaincue que vous allez continuer
les échanges avec celle-ci et qu'on va procéder justement à la période
d'échange. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Vien :
Merci beaucoup. Bonjour à vous trois. Merci d'être là cet après-midi. Je vais
continuer à faire du pouce,
M. Lacharité, sur ce que vous nous disiez. Donc, des mandats, vous ne
voyez pas ça d'un très bon oeil qu'on vienne les limiter. Cependant, je
crois remarquer qu'au niveau des cumuls entre la CCQ, la CNESST, ça, vous
seriez assez d'accord pour qu'il n'y ait pas d'interférence entre les deux.
Est-ce que j'ai bien compris? Est-ce que j'ai bien lu?
M. Lacharité
(Jean) : Bien, c'est dans
une de nos recommandations, là. Ça faisait suite à une problématique
qu'on a vécue dans le passé. Maintenant, écoutez, on ne déchirera pas notre
chemise là-dessus, là, mais c'était une des dispositions.
Mais, si on juge que le tout est réglé avec les nouveaux mécanismes dont on
s'est doté, avec les comités de gouvernance
et d'éthique dont la CCQ s'est dotée, comité de vérification... Puis on a la
même chose, hein, à la CNESST, puis on
a bien d'autres comités stratégiques, au niveau de la CNESST, qui ont été mis
sur pied, plus le Vérificateur général, hein, qui vérifie les livres à
la commission... à la CNESST, en tout cas. Bon, alors, nous...
Mme Vien : Je n'ai pas
compris, M. Lacharité. Le Vérificateur général, que vous avez dit?
M. Lacharité (Jean) : Le
Vérificateur général, chaque année...
Mme Vien : O.K.
d'accord. Oui, d'accord. Oui, oui, oui.
M. Lacharité
(Jean) : ...vient vérifier
le Fonds de santé et sécurité, qui est géré, et les finances de la
CNESST, et il fait ses recommandations à
chaque année. Et d'ailleurs il nous a fait des recommandations de correction
d'un certain nombre d'éléments, qu'on a mises en place très rapidement.
Donc, au niveau de la gouvernance, on pense qu'on a pas mal toutes les balises,
là, pour assurer une bonne gouvernance au sein de ces deux organismes-là.
Mme Vien :
Il y a plusieurs... en fait, aux groupes qui se sont présentés avant vous, il y
en a eu quelques-uns, puis il y a
plusieurs éléments qui reviennent. Évidemment, on sent, là, qu'il y a une trame
qui se dessine, là, tu sais? En tout cas...
M. Lacharité (Jean) :
...convergence.
Mme Vien :
Oui, c'est ça, sur certains points, il y a une convergence. Cependant, si on
devait continuer dans ce sens-là, au
niveau de la limitation du délai de mandat, je vais dire ça comme ça, là, la
durée du mandat à certaines sociétés d'État,
bon, Martine Hébert nous mettait en garde, disait : Oui, mais c'est
des missions uniques. Mais néanmoins, comme le président-directeur
général de la Fédération des chambres de commerce du Québec disait, bon, on
pourrait peut-être aller jusqu'à 12 ans. Est-ce que c'est quelque chose
avec lequel vous seriez à l'aise?
M. Lacharité
(Jean) : Bien, écoutez, ce
n'est pas la position qu'on a prise dans notre mémoire. Cependant, je
dois vous dire que c'est pas mal moins pire,
12 ans, que six ans, et ça fait un certain benchmarking avec d'autres
organismes d'État, là, où c'est 12 ans
aussi, là. Alors, je sais que mon collègue de la FTQ va vous en parler, alors
je vais lui laisser... Je ne veux pas lui voler son scoop.
Mme Vien : Vous
êtes-vous tous parlé, là, avant de venir ici, là?
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme Vien : Pour moi,
c'est ça, hein?
• (16 h 30) •
Une voix :
C'est ça, le paritarisme.
Mme Vien : C'est ça, le
paritarisme.
M. Lacharité (Jean) : Vous
savez, le paritarisme, ça fait en sorte que les organisations syndicales...
Mme Vien : Le dialogue
social, O.K.
M.
Lacharité (Jean) : ...on se
parle avant, les organisations patronales se parlent, puis on essaie de trouver
une convergence ensemble pour la suite.
M. Leclair : Il y a rien que nous
autres qui ne se parlent pas.
Des voix : Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Richard) :
M. le député de Beauharnois!
Des voix : ...
M. Lacharité (Jean) : On n'a pas
choisi le modèle de l'Assemblée nationale, là.
Des voix : ...
Mme Vien : C'était pour juste
le taquiner.
Des voix : Ha, ha, ha!
Mme Vien : Il me fait perdre mes fils, à part ça, là, tu
sais, il me fait perdre mes idées. Mme
la Présidente, le député de
Beauharnois, là... Non, mais, en tout
cas, on a fait... Non, mais je pense
que vous avez été assez clair, là, puis je vais dire comme le député, là, je ne travaillerai pas à brûler du temps
inutilement, là. Vous avez été assez clair, vous avez étayé votre position, vos positions. Plusieurs
de vos recommandations, de vos demandes recoupent celles de plusieurs groupes aussi qu'on a entendus,
puis je veux juste vous assurer que je vous ai entendus aussi.
Alors, merci à vous trois de vous être déplacés
cet après-midi. C'est très apprécié.
La Présidente (Mme Richard) :
Merci, Mme la ministre. La parole est maintenant à l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois, vous avez la parole. Profitez-en, maintenant
que vous avez la parole, et ne l'utilisez pas quand vous ne l'avez pas.
M. Leclair : Merci. On commence à se
parler, hein? Vous voyez, ça commence.
Alors,
mesdames messieurs, merci beaucoup d'être là. Vous avez apporté quand même
des petits points un peu nouveaux,
puis j'ai bien aimé, lorsqu'on parlait d'éléphant dans la pièce... puis vous
parlez d'assurer des gens à avoir une job
le lendemain puis... Lorsqu'on parle de lanceurs d'alerte, est-ce qu'il y a
une manière de dire... on pourrait protéger ces gens-là pour leur assurer une stabilité d'emploi, dire : Il y a-tu...
Je comprends qu'aujourd'hui, la manière que la construction fonctionne, c'est très difficile. Je pense qu'il faudrait
la réorganiser au complet pour s'assurer de ça, mais est-ce que vous voyez un sens de dire : Un
lanceur d'alerte, là... qui a raison, là, bien entendu, là, parce que je peux
me prétendre lanceur d'alerte demain matin,
juste pour avoir une assurance d'emploi. Mais est-ce qu'il y a
une voie possible là-dedans, avec... Parce que je pense...
Ma deuxième pensée, c'est de penser au placement
syndical. On a changé ça, on a modifié ça. Ma deuxième question, ou si vous voulez répondre en même temps : Le
placement syndical va comment? Puis est-ce qu'on pourrait rassurer ces gens-là, les lanceurs d'alerte, face
au placement syndical? De dire : Tu serais en priorité, ce n'est pas
vrai que tu vas perdre ta job parce que tu
as dénoncé quelqu'un qui va... dans les mêmes directives que la commissaire
Charbonneau.
M.
Brassard (Pierre) : Bien, au
moment où on se parle, là, le lanceur d'alerte, c'est une image. O.K.? Le
lanceur d'alerte, c'est tout le monde. Tout
le monde qui travaille sur un chantier de construction, hommes, femmes,
immigrants, autochtones, peu importe, là,
ça, c'est des potentiels lanceurs d'alerte, parce que c'est du potentiel monde
qui peuvent participer à un système de collusion avec les employeurs.
O.K.? Ça, c'est la première des choses.
Si on forme un comité qui se penche sur comment
on peut établir une forme de sécurité d'emploi, une réelle sécurité d'emploi, là, une ancienneté par
chantier, par entreprise, par compagnie, puis après ça il y aurait des clauses
de rappel, des clauses de mise à pied, des
façons de mettre à pied puis de rappeler le monde, quelque chose d'assez bien
fait, pas quelque chose qu'on fait à la
course puis qu'on se débarrasse du jour au lendemain, parce qu'on est poussé
par le temps, à cause qu'il y a une commission d'enquête dans
l'industrie de la construction puis que là on est obligés d'accoucher de
quelque chose...
Prenons le
temps, prenons le temps d'évaluer, d'estimer puis de regarder comment on peut
réellement régler le problème à la
base. Parce que, si moi, je n'ai pas de sécurité d'emploi, là, je ne dénoncerai
jamais, même si ça fait 20 ans. Parce que la force... ma sécurité d'emploi, là,
c'est la force de travail, la capacité de travail puis mes connaissances,
que je ne donnerai pas aux autres, parce que c'est ça qui fait la longévité du
terrain que je travaille. Ça fait qu'un coup que j'embarque avec l'employeur, puis que je ne suis pas trop à cheval sur
le temps supplémentaire, puis je ne suis pas ci, puis je ne suis pas ça, tu embarques dans le système,
là, puis tu ne dénonceras pas, parce que tu n'as pas le choix.
L'employeur te dit : Bien, tu vas durer plus longtemps que les autres, ça
fait qu'il y a un système qui s'établit comme ça.
Ça fait
depuis 1989 que je travaille dans l'industrie de la construction. J'en ai vu de
toutes les couleurs, tous les stratagèmes
inimaginables. Encore aujourd'hui, en 2018, là, il y a des entreprises qui
passent par la plateforme de référence de
la main-d'oeuvre, qui appellent le monde que la référence on réfère puis qui
déjà au téléphone disent : Moi, je paie 20 heures construction, 20 heures pas construction. C'est-u correct de
même pour toi? J'ai besoin... Mon chômage est fini... Ça fait que ça, tu
embarques dans le système.
Ça fait que,
si on avait une sécurité d'emploi, une clause de rappel au travail béton, là,
pas quelque chose de furtif, ça
aiderait à ne pas accepter des choses comme ça. Ça aiderait à dénoncer des
choses. Parce que je vous l'ai dit tantôt, là, peu importe ce que vous allez me mettre comme amende, comme pénalité
ici, à la base, il n'y a pas de dénonciation. Parce que je n'ai pas de
protection, je ne dénoncerai jamais.
M.
Leclair : Donc, permettez-moi
de douter... Hier, il y a des gens, des groupes... On y allait peut-être un
petit peu moins sur l'actualité du
«day-to-day», si je pourrais dire, mais donc c'est très fréquent, là. Lorsqu'on
parle... Le marché noir, de payer au
noir, de ne pas payer le bon taux puis que... Là, je peux comprendre les
représentants des syndicaux de dire : Enlevez-nous pas de sur les chantiers, on a déjà de la misère. Ça existe
à toutes les heures, à tous les jours, à tous les... un chantier sur deux. Enlevez-nous pas de là en plus.
Ça va peut-être être encore plus laid, malgré qu'il doit s'en faire
passer, parce que le gars, entre lui et
l'employeur, vu qu'il n'y a pas une structure vraiment, là, de rattachée, bien,
ils s'arrangent bien entre eux autres. Donc, ce n'est pas vrai, si on
parle que c'est rien que 10 %, ou 12 %, ou 15 % du marché de la
construction qu'on a... appelons-les fraudeurs ou bien donc nos petits
orphelins, mettons, là, autant patronaux que travailleurs. C'est plus gros que
ça, là, d'après vous. Ce n'est pas du 10 %, 15 %, là.
M.
Brassard (Pierre) : D'après
mon expérience, là, c'est beaucoup. C'est beaucoup d'entreprises. Ce n'est
pas tout le temps que tu mets tous tes
travailleurs au même niveau, là. Des fois, il y en a des entreprises, là, que
c'est un ou deux. C'est un ou deux de
tes poteaux qui passent un petit peu à côté des conventions collectives. Ça
fait que là ils en parlent quand même
à ce monde-là. Ah! bien, tu sais moi, je vais à telle place, tu sais, je ne
prends pas mon millage, je ne prends pas
mon kilométrage. Je ne me fais pas payer mon «travelling», je me fais payer
200 gallons de gaz, deux jours de pension. Toutes des petites
choses de même que le travailleur, s'il alerte, il n'aura plus ça. En plus, il
va être slaqué puis il ne sera pas réembauché.
Donc, c'est
ça qu'on dit, les lanceurs d'alerte... Un coup que tu as une sécurité d'emploi,
tu sais que tu vas être rappelé au travail. Tu es tel numéro pour
l'entreprise, là. Bien, quand il va être rendu à ce numéro-là, c'est toi qu'il embauche, même si tu as une grande gueule, même si
toi, ta santé et sécurité, là, tu veux arriver chez vous avec tous tes membres le soir, là, mais, si tu es pointu
là-dessus... parce que, sans ça, c'est les organisations syndicales qui font
ça, les permanents et les organisations syndicales.
Là, on vient
dire aux permanents : Si tu es susceptible, là, puis tu es le troisième
qui arrive dans la semaine, là, tu me tombes
sur les nerfs, là, bien là, tu es susceptible de faire ralentir mes travaux.
Donc, ça vient complètement débalancer le pouvoir d'être capable de
faire respecter les conventions. Aujourd'hui, c'est les organisations
syndicales qui ont cette obligation-là «at
large». Le travailleur ne peut même pas. La CSD en a traité un peu tantôt, le
travailleur, à la base, il ne peut même pas revendiquer ses conventions
collectives, il va se faire slaquer le premier.
Donc, si
j'avais une sécurité... Je vais tabler là-dessus, là, parce que c'est le
cheval... le nerf de la guerre, le rappel au travail. Puis tout le monde l'ont dit, la CCQ l'a dit, on n'est pas
capables d'avoir de dénonciations. Les gens ont peur.
M. Leclair : Est-ce qu'il me
reste un peu de temps? Une dernière question.
La Présidente (Mme Richard) :
Oui.
M. Leclair : Oui, il me reste du
temps? Mme la Présidente, vous êtes de plus en plus aimable envers moi.
La Présidente (Mme Richard) :
Quand vous êtes discipliné.
M. Leclair : Vous êtes discipliné,
vous avez du temps. J'irais à Me Pepin-Hallé. Vous sembliez vouloir nous apporter tantôt, vers la fin de vos secondes, sur
le regroupement qu'il peut y avoir sur des chantiers et tout. J'aimerais
vous entendre face à ça, vos inquiétudes face à ce qu'il y a. Puis on vient d'y
toucher un peu, mais peut-être sur un aspect plus technique...
Mme
Pepin-Hallé (Maude) : Sur
l'aspect plus technique, vous êtes bien au courant, MM. les parlementaires,
que le droit d'association protège désormais le droit de grève. En 2021, qu'est-ce qu'il dit si, par exemple, on devait exercer à nouveau notre droit de grève, mais que là
on voulait intervenir sur les chantiers, il y a une réunion qui se passe? Est-ce que rapidement les clauses, telles
qu'elles sont rédigées, pourront devenir des outils pour nous entraver à
exercer le droit de grève, pour nous entraver à aller rencontrer les gens?
• (16 h 40) •
Avant
les négociations, là... Aussi, les employeurs vont nous
dire : Ah non! je ne donnerai pas de consentement, là. Moi, j'ai autre chose à faire, ça roule. Alors, de
ces deux façons, tant communiquer, c'est essentiel aux associations de pouvoir communiquer, que les gens puissent communiquer entre eux sur
l'heure du dîner aussi. Les activités syndicales se passent autour du dîner. Alors, évidemment,
l'article 118.1, de la façon dont il est rédigé présentement, ouvre la porte de façon tellement large et, avec les sanctions
pénales qui y sont ajoutées, pèse tellement lourd sur les associations qu'il
entravera la possibilité de se rencontrer.
Alors,
évidemment, dans un contexte de grève, mais même avant, on vous soumet que ça
atteindra tant au droit de réunion
pacifique aussi des associations, ce qui est le «core business» des syndicats,
de pouvoir rencontrer, et on l'a dit, pour pouvoir protéger les travailleurs. Il faut les rencontrer, il faut
qu'ils puissent se parler entre eux, et ça va plus loin. On dit :
Interdit d'encourager les rencontres. Alors, si on demande à un salarié :
Écoute, parle-z-en avec les autres, voir, eux autres,
s'ils sont payés de la même façon que toi, sur l'heure du dîner, est-ce qu'on
vient d'encourager à tenir une rencontre? Alors, encore une fois, on
pourrait être en porte-à-faux avec la clause 118.1.
M. Leclair : Mais, dans la vraie vie
de tous les jours, là, j'enlève un deux, trois mois avant une négociation de convention collective qui est à terme, dans la
vie de tous les jours, en temps normal, là, j'imagine que les
représentants syndicaux qui se promènent sur
les chantiers, là, ce n'est pas pour aller faire un attroupement, justement
pour retarder l'emploi. C'est pour aller vérifier qu'est-ce qu'on ne
suit pas, les normes. Puis j'imagine que les gens qui siègent à la CNESST et tout ce beau monde-là disent : «Let's
go, les boys and girls», allez voir ça, là, c'est dangereux, ces
chantiers-là. J'imagine que c'est 90 % du temps, puis, dans une période de
négociation, bien là, c'est une autre game. Là, on la comprend tous.
La Présidente (Mme Richard) :
La réponse en quelques secondes.
M.
Lacharité (Jean) : Oui, vous
ajouter que... une maudite chance qu'il y a des représentants syndicaux qui
vont sur les chantiers, notamment pour...
La Présidente (Mme Richard) :
Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps qui était alloué à
l'opposition officielle.
M. Leclair : ...
La
Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député de Beauharnois. J'ai reconnu
votre professionnalisme. Merci beaucoup. Nous allons maintenant du côté
de la deuxième opposition. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, vous avez
la parole.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, dame.
Je comprends
vos recommandations, mais là j'aimerais que vous m'expliquiez travail au noir.
Travail au noir, là, je comprends,
tantôt, vous avez dit : On ne se fait pas payer avec des choses, mais vous
avez dit, à un moment donné : reçoit l'appel, 20 heures, selon
le décret de convention, puis 20 heures hors décret. Ça se paie comment
ces affaires-là, là? C'est-u des
chèques? C'est-u de l'argent... C'est-u du cash? J'essaie de comprendre, là, parce qu'il y a l'air à en avoir plus qu'on
pensait, selon certaines statistiques. En tout cas, c'est mon évaluation, à
écouter un peu partout, là. Mais ça se passe comment
dans la vraie vie, là? Il y a-tu deux chèques qui sortent? Parce que les
compagnies, là, il faut qu'elles passent ça dans leurs dépenses, là. Si elles ne passent pas ça dans leurs dépenses,
c'est que ça veut dire que leurs revenus ne sont même pas dans leurs
revenus, là, parce qu'en tout cas, il y a une dynamique, là.
Expliquez-moi ça pour que je comprenne bien ça,
là. Ce soir, je ne me questionnerai pas chez moi.
M.
Brassard (Pierre) : Vous
allez voir que c'est quand même assez rapide. Il y a un secteur d'activité qui
est encore plus propice à ça, dans le
secteur résidentiel. Ça, c'est un secteur qui est quand même assez affecté par
cette façon de faire là. Ils
déclarent 20 heures assujetties à des travaux de maison puis
20 heures qui sont des travaux non assujettis. Donc, le
travailleur, il y a 20 heures déclarées selon la réglementation,
20 heures non déclarées, avec...
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
O.K. Je vais juste préciser, là, dans votre exemple, dans le
résidentiel, une maison neuve... Donc, ce
n'est pas des rénovations, là. Une maison neuve, là, l'entrepreneur, s'il veut
la vendre 200 000 $, là, il
y a des coûts, puis, s'il paie de l'argent au noir, ça ne sort pas dans ses
dépenses. C'est ça je veux comprendre, là. Donc, son profit va être plus
élevé à quelque part, là.
M. Brassard (Pierre) : Vous, vous
avez travaillé pour le ministère du Revenu, hein?
Des voix : Ha, ha, ha!
Une voix : ...
M. Brassard (Pierre) : Oui, pas à peu près. Mais, en blague, je vous
tire la pipe, mais du côté administratif des employeurs, ce n'est pas moi qui fais leur comptabilité, mais nous, on a
ce que les travailleurs dans notre organisation nous rapportent. L'employeur me paie 20 heures
construction, comme si je travaillais 20 heures à bâtir une maison, puis
il me paie 20 heures comme si je faisais de
la rénovation. Donc, il y a un taux de salaire qui s'applique à
30 quelques dollars de l'heure. Après ça, ils le paient à 17 $
de l'heure les 20 autres heures, sans déclarer les heures à la commission.
Donc, quand il fait
de cette façon-là, c'est là qu'il y a une économie de bouts de chandelles sur
le...
M.
Picard
(Chutes-de-la-Chaudière) : O.K. Donc, sur les
fiches de temps, que je vais appeler comme ça, même si ça n'existe
probablement plus, là, il y a...
M. Brassard
(Pierre) : C'est les rapports mensuels.
M.
Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : O.K., sur le rapport
mensuel, il va y avoir des heures qui vont être sur la maison neuve, on
va en avoir d'autres sur la rénovation, mais dans la vraie vie, ce n'est pas
ça.
M. Brassard (Pierre) : Exact. C'est comme ça qu'il vient une concurrence
déloyale sur ces travaux-là. Quand c'est des travaux faits dans le résidentiel lourd, où il y a beaucoup de
métiers qui se côtoient, là, le monde se parle plus. Mais, en même temps, c'est ça qu'on disait, s'il y avait
une sécurité d'emploi ou quelque chose de même, là, le système pourrait
être dénoncé par le travailleur ou la travailleuse, pas juste par l'organisation syndicale qui dit : Bien, toffe ça puis,
après ça, quand tu auras quelque chose de mieux, bien, tu prendras ce qu'il
y a de mieux.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
Et dans les autres secteurs, ça peut exister aussi? Là, on parle du
résidentiel, là, mais dans les autres secteurs?
M. Brassard
(Pierre) : Oui, oui. Ça arrive.
M.
Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Mais là il y a-tu encore le même principe
de rénovation ou il y
a d'autres...
M. Brassard
(Pierre) : Noir.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
Comment?
M. Brassard
(Pierre) : Complètement au noir.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
Donc, c'est de l'argent cash, là, qui sort. O.K.
M. Brassard
(Pierre) : 20 heures construction puis 20 heures en cash.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
Donc, en tout cas, c'est...
M. Brassard (Pierre) : On l'a vécu sur un chantier institutionnel à Montréal, le CHUM. Il y avait des travaux
de nuit, il y avait des travaux de jour puis il y avait du travail au noir qui
se faisait.
M.
Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : C'est là que j'ai beaucoup de difficulté
à comprendre. On prend l'exemple du CHUM. Le contracteur, il a été payé
en chèque, j'espère. Donc, après ça, s'il n'y a pas de dépenses pour... En tout
cas, c'est beau.
Une voix :
Vous avez travaillé au ministère du Revenu. Vous n'avez pas l'air à vouloir
comprendre.
M.
Picard (Chutes-de-la-Chaudière) : Je
comprends beaucoup
plus que vous pensez. Je veux m'assurer que tout le monde comprend.
Une voix :
Il a été payé en PPP.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) :
C'est beau. Merci.
La Présidente (Mme Richard) : Merci beaucoup, M. le
député de Chutes-de-la-Chaudière. Merci également, madame messieurs, pour
toute votre contribution à la commission. C'est fort apprécié.
Je suspends les
travaux quelques instants pour permettre au groupe suivant de prendre place.
(Suspension de la séance à
16 h 47)
(Reprise à 16 h 48)
La
Présidente (Mme Richard) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous
reprenons nos travaux. Nous recevons la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec. Bonjour, messieurs. Bienvenue à l'Assemblée nationale,
M. Cadieux, M. Tardif. Vous allez avoir un temps
maximal de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite suivra un échange avec les parlementaires, et quand
j'alloue un peu plus de temps, je dois vous dire que je me fais valider
pour... si on me donne le consentement pour vous en allouer de plus, mais c'est
toujours... On commence toujours avec un 10 minutes. Je vous cède la
parole.
Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
M. Cadieux
(Serge) : Merci, Mme la Présidente. Mme la
ministre, MM, Mmes les députés, je suis accompagné de Me Claude Tardif, qui est un avocat
spécialisé dans l'industrie de la construction.
Donc, la FTQ
remercie la commission de l'invitation à s'exprimer sur le projet de loi n° 152. Étant
donné la densité de notre mémoire et le peu de temps dont je dispose, vous me
permettrez d'aller droit au but. Le mémoire de la FTQ a ciblé ses commentaires sur quatre dispositions :
les articles 4, 24, 18 et 20 du projet de loi. Je vais donc diviser ma présentation en deux parties. La première portera essentiellement sur l'article
24. Nous référons au mémoire de la FTQ-Construction quant à l'article 4,
et ma deuxième partie portera sur les articles 18 et 20.
• (16 h 50) •
En ce qui
concerne l'article 24, s'il était adopté, il aurait pour effet de
limiter à six ans la durée maximale du mandat des administrateurs de la
CNESST. Évidemment, la FTQ n'est pas contre l'idée de limiter la durée des
mandats des administrateurs. C'est une
pratique tout à fait acceptable, mais elle n'est pas du tout courante
au Québec. À la fin de notre mémoire, nous vous avons
fourni un tableau comparatif que je vous invite à regarder. Vous pourrez
constater que ce projet de loi créerait un précédent difficile à justifier puisque
seuls deux organismes publics ont des limitations de mandat, soit Hydro-Québec et Revenu Québec. Or, ces deux organismes ont une limite de durée
de mandat de 12 ans. 12 ans, c'est deux fois plus long que la
limite proposée par le projet de loi n° 152.
Cette comparaison permet de situer le problème clairement.
Le problème n'est pas l'idée proposée par la commission
Charbonneau de limiter le nombre des
mandats, mais bien de choisir une durée maximale inappropriée, surtout
une durée maximale qui est inadaptée à la réalité du mandat de l'administrateur
de la CNESST.
Personnellement,
il m'a fallu deux années sur le conseil d'administration pour être en pleine
possession de mon mandat, malgré ma
longue pratique légale comme avocat et comme dirigeant syndical. Ceci
s'explique par le fait que la gouvernance
de la CNESST est complexe. L'administrateur doit comprendre le fonctionnement
de huit comités stratégiques et de 16 sous comités-conseils chargés
de règlements spécifiques. Il doit comprendre les modalités d'application de cinq lois, des règlements qui les accompagnent
ainsi que d'un fonds de santé administré de plus de 16 milliards de
dollars.
Par
conséquent, nous sommes d'avis que ce projet de loi, s'il n'est pas amendé pour
tenir compte de cette réalité, risque
de produire un affaiblissement de l'institution, hein? Il faut se rappeler que
le rôle d'un conseil d'administration, c'est de challenger la direction,
de nous assurer que ce qui est mis au jeu par la direction a élaboré chaque...
tous les éléments. Donc, il est important.
On n'est pas là pour faire du «rubber-stamp», donc il est important de bien
maîtriser les dossiers. Nous
demandons donc au gouvernement d'écouter les partenaires, tant patronaux que syndicaux,
qui souhaitent tous une limitation
des mandats plus réaliste. Selon nous, l'esprit de la recommandation de la
commission Charbonneau ne serait pas trahi si cette limite était portée
à 12 ans comme dans les cas d'Hydro-Québec et de Revenu Québec.
J'aimerais
ajouter que le rapport de la commission Charbonneau ne tient aucun compte du
fait que la gouvernance de la CNESST
a été revue et corrigée à la suite de recommandations du Vérificateur général
en 2015 et jamais, dans ses recommandations, le Vérificateur général n'a
suggéré de limiter la durée des mandats des administrateurs. Pourtant, il avait
en sa possession le rapport de la commission Charbonneau. D'ailleurs,
récemment, en 2017, la CNESST a été primée
par le Prix d'excellence 2017 par l'Institut d'administration publique du
Québec pour avoir amélioré ses règles de gouvernance.
Autre élément
très important, Mme la ministre, le rapport de la commission Charbonneau, il
faut s'en rappeler, là, s'appelle Rapport
d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de
la construction. Ce rapport a été
produit avant le projet de loi n° 42 qui a créé la CNESST, et le projet de
loi n° 42 a modifié une chose très importante. Elle a assujetti... Le projet de loi a assujetti
la CNESST à la Loi sur les contrats des organismes publics, ce qui n'était
pas le cas de la CSST avant 2016. Ce n'est pas un fait anodin.
Donc, depuis
le 1er janvier 2016, la CNESST est assujettie à la Loi sur les contrats
des organismes publics comme plusieurs
autres organismes publics sont assujettis et que la durée des mandats des
administrateurs n'est pas limitée. Fort à parier que votre prédécesseur, le ministre Sam Hamad, avait pris
connaissance du rapport de la commission Charbonneau et, quand il a mis au jeu le projet de loi
n° 42, il n'a pas modifié la durée des mandats, parce qu'il introduisait, dans la loi,
l'assujettissement à la Loi sur les contrats d'organismes publics, ce qui
respecte en tous points les préoccupations de la juge Charbonneau quand elle
avait fait cette recommandation-là.
En terminant,
sur cet article 24, j'attire l'attention des députés sur la partie 1.3 de notre
mémoire. Une limitation de la durée
du mandat des administrateurs à
seulement six ans ne tient pas compte du caractère paritaire de cette
institution. La qualité du dialogue
démocratique au Québec découle aussi du respect par l'État de ce paritarisme et
de ses caractéristiques. Et, parmi
celles-ci, il faut tenir compte du rythme de la démocratie interne des
partenaires impliqués. Il faut se rappeler, là, c'est un modèle qui est primé par les autres provinces au Canada. On a
réussi, par le paritarisme, à instaurer un dialogue social qui a diminué les conflits de travail. Et
d'aussi longtemps que je me rappelle, tous les ministres ont toujours
souhaité voir siéger à la CNESST les plus
hauts dirigeants des organisations patronales et syndicales. Si le projet de
loi était adopté tel quel, là, il y a
au moins trois des quatre derniers présidents du Conseil du patronat qui n'auraient
pas pu siéger la durée des mandats
qu'ils ont siégé. Ce n'est pas ça, l'objectif qui est visé. C'est la même
affaire pour les présidents et secrétaires généraux de la FTQ. Il est
important que les principaux dirigeants où le dialogue social se passe soient
présents.
Maintenant,
pour la deuxième partie, les articles 18 et 20, je n'ai pas le temps
d'expliquer toutes les raisons pour
lesquelles nous demandons leur retrait, mais j'invite les députés à lire
attentivement les chapitres II et III de notre mémoire pour prendre connaissance de l'ensemble de nos arguments, qui,
soit dit en passant, sont solidement appuyés par la jurisprudence, plusieurs décisions rendues par la Cour suprême du
Canada. Tel que formulé, l'article 18 présente un problème de portée interprétative,
un problème de violation des libertés d'association et d'expression et, enfin,
une grossière disproportion des amendes.
Quant à l'article 20,
il est également problématique puisqu'il établirait la possibilité, pour un
représentant syndical, de perdre son emploi.
Dans la jurisprudence, ce n'est pas n'importe quel antécédent judiciaire qui
peut conduire à la perte d'emploi. Il
est donc question ici d'une punition excessivement sévère pour la personne
reconnue coupable, soit la
déclaration automatique d'une déclaration d'inhabilité à occuper une fonction
syndicale. On parle de son emploi et, la plupart du temps, son métier,
pendant cinq années, en plus d'une amende monétaire délirante. C'est d'autant
plus problématique que le texte du projet de
loi pénaliserait cette personne sur la base du fait que le geste reproché
serait, et là je souligne les
mots, susceptible d'être perçu comme une intimidation, alors que ce n'était pas nécessairement le but recherché.
Généralement, plus
l'infraction est gravement pénalisée, plus le niveau d'intention pour l'avoir
commise doit être élevé. C'est le concept de
la mens rea. À notre avis, un tribunal neutre et impartial serait mieux placé
pour évaluer les gestes reprochés et
en tirer des conclusions qui s'imposent selon le cas. On ne doit pas faire du
mur-à-mur. Quelle que soit votre
décision au sujet de cet article 20, il vous faudra éliminer toute incertitude à
l'égard de la non-rétroactivité et la non-rétrospectivité de la modification
adoptée.
Enfin, si l'Assemblée nationale devait
contribuer à améliorer les relations de travail dans le milieu de la
construction, à notre humble avis, ce
ne serait pas du tout de cette manière qu'elle s'y prendrait. En effet, pour
revenir à l'article 18, il met
en place une infraction pénale qui n'existe
nulle part ailleurs dans la législation québécoise.
Le Code du travail interdit la
possibilité pour une association de salariés de tenir une réunion formelle sur
les lieux de travail sans le consentement de
l'employeur, mais l'article 18 ne vise pas uniquement l'association de salariés. L'article 18 du projet
de loi n° 152 inclut le représentant d'une association de salariés et même tout salarié qui tient une réunion sur les lieux de
travail. Ça n'existe pas, ça, au Québec, ailleurs, dans d'autres
législations.
Où
le législateur veut-il vraiment en venir? Quelle est la portée de cette modification? Une loi se doit d'être précise. Nous avons fait lire l'article 18 à plusieurs professionnels des relations de travail et aucun
n'arrive à comprendre l'objectif du
législateur. Vise-t-on à empêcher toute forme de réunion sur les lieux de
travail? Et surtout qu'entend-on par réunion? Nulle part dans la loi
R-20, le législateur ne définit ce qu'est un lieu de travail. Est-ce un
chantier? Si c'est le cas, où commence le chantier? Où est-ce qu'il se termine,
le chantier? Un employeur pourrait-il plaider qu'une rencontre de deux salariés constitue une telle réunion? À partir de combien de personnes y a-t-il réunion et dans quel contexte? Si un chantier fait plusieurs kilomètres
de long, comme par exemple le chantier de La Romaine, si l'entrepreneur fournit des roulottes, à la
barrière du chantier, et que les travailleurs y parlent d'affaires syndicales en buvant leur café, sont-ils
sur les lieux de travail? S'agit-il d'une réunion syndicale? Le représentant syndical ou délégué
doit effectuer plusieurs interventions qui
l'amènent à rencontrer des travailleurs, à parler de griefs, de santé et de
sécurité, etc. Le législateur ne peut ignorer la nature particulière des
chantiers de construction en tant que lieux de travail.
Par
ailleurs, à notre avis, l'article 18 adopté tel quel risque de porter
atteinte directement au droit fondamental de la liberté d'association. Il porterait atteinte à la possibilité pour les
travailleurs de discuter entre eux de leurs intérêts collectifs et d'être représentés par une association
syndicale. Et c'est sans parler des montants d'amendes si grossièrement
exagérés.
• (17 heures) •
La Présidente (Mme Richard) : M. Cadieux, je vous ai laissé
dépasser votre temps qui était alloué. Là, vous êtes sur du temps
emprunté. Je vous demande de conclure.
M. Cadieux (Serge) : Oui. Bien, en conclusion, en terminant, j'invite
les députés à se poser la question suivante : Quels sont les faits
justifiants l'adoption des articles 18 et 20? Où est l'étude des faits?
La Présidente
(Mme Richard) : Désolée, désolée, je dois suspendre les
travaux. Les parlementaires sont demandés au salon bleu, et il y a un vote sur
la motion du mercredi. Vous pouvez laisser vos choses ici, la salle va être
sécurisée.
(Suspension de la séance à
17 h 2)
(Reprise à 17 h 26)
La Présidente (Mme Richard) : Donc, à l'ordre, s'il vous
plaît! Nous reprenons nos travaux.
Désolé, mais c'est le travail des parlementaires. C'est tout ça aussi,
c'est d'aller voter au salon bleu également et d'être en commission
parlementaire par la suite. Et on avait déjà dépassé le temps. Donc, on va
commencer la période d'échange.
Des voix :
...
La Présidente (Mme
Richard) : Est-ce que vous acceptez? Oui? 30 secondes.
M. Cadieux (Serge) : 30 secondes.
Bon, en terminant, j'invite les députés à se poser la question suivante :
Quels sont les faits justifiant l'adoption des articles 18 et 20? Où est
l'étude des faits survenus sur les chantiers? Les articles 18
et 20 ne s'appuient pas ou très partiellement sur le rapport de la commission
Charbonneau. Sont-ils plutôt le résultat d'une demande des associations patronales
ou de la présidente de la CCQ?
Rappelez-vous
que l'utilisation de briseurs de grève n'est pas interdite dans le secteur de
la construction. Cette absence mène à d'importantes tensions sur les
chantiers et déséquilibre le rapport de forces des travailleurs. Pourquoi refuse-t-on aux travailleurs et travailleuses de
la construction la même protection qu'on offre aux autres travailleurs
et travailleuses du Québec? Il faut arrêter
de sanctionner et plutôt trouver des solutions constructives et respectueuses
des libertés fondamentales. Voilà.
La
Présidente (Mme Richard) :
Parfait. Merci. Mme la ministre, on va débuter la période d'échange et
vous avez la parole.
Mme Vien : Merci beaucoup, M.
Cadieux et cher monsieur qui l'accompagnez. Merci de vous être déplacés aujourd'hui. Mais, en tout cas, on essaie de
remettre en place, là. Moi, j'aimerais revenir sur l'article 18, là, toute
la question de la tenue de réunions
sur le lieu de travail. Ce que vous nous dites, et vous avez raison de le
souligner, à l'article actuel, 99, là,
il est clairement dit, là, qu'«une association de salariés ne doit tenir aucune
réunion de ses membres au lieu du travail sans le consentement de l'employeur».
Vous, ce que vous nous dites aujourd'hui, finalement : Bien, ça, ça fait
déjà l'ouvrage, je ne vois pas pourquoi on en ajouterait.
M. Cadieux
(Serge) : Mais, ce que je
vous dis... Je faisais l'analogie avec le Code du travail, mais ce qu'il
est important de savoir, là, c'est, quand on
regarde le Code du travail, quand on parle de cette disposition-là, il y a un
syndicat qui est accrédité, et le modèle d'une accréditation, c'est un monopole
syndical, hein, donc ce qui est contraire dans l'industrie de la construction.
Les lieux de travail changent beaucoup.
Donc, ce que
je vous dis, c'est : Essayer d'adapter l'article du Code du travail dans
la loi R-20, c'est inapplicable. Parce
qu'en vertu du Code du travail une accréditation couvre un établissement
précis. Un chantier de construction, là, il n'y en a pas,
d'établissement. Puis il y a plusieurs syndicats, c'est le pluralisme syndical.
Donc, ce n'est pas le même régime syndical.
Mais, je vous
dis, même dans le Code du travail, où on est en présence d'un monopole
syndical, où on sait très bien c'est
quoi, l'encadrement de travail, parce qu'une accréditation vise un ou des
établissements spécifiques, le législateur n'est jamais été aussi loin que de sanctionner des travailleurs ou des
représentants des associations. Donc, on va loin, là, avec la
disposition de l'article 18 qui est proposée dans le projet de loi
n° 152.
Mme Vien :
Il y a quelque chose que j'ai peut-être mal saisi, puis je voudrais vous
entendre là-dessus. Je l'ai noté ici.
Avec l'article 20, toute la question entourant le mot «susceptible de»,
là, vous dites : Il faut s'assurer que c'est bien, en autant qu'on
n'ait pas de rétroactivité, puis là l'autre mot... J'ai de la misère à me
relire, je m'en excuse.
Une voix : Rétrospectivité.
• (17 h 30) •
Mme Vien : Rétrospectivité,
c'est ça. Qu'est-ce que vous voulez dire au juste?
M. Cadieux
(Serge) : Bien, écoutez,
ce que je veux dire, c'est que la lecture qu'on fait du projet de loi, il y a déjà des
articles dans R-20 qui prévoient que, s'il y a des salariés ou s'il y a des
dirigeants de syndicat qui ont obtenu des condamnations,
ils peuvent être inhabiles à exercer leur fonction de représentant syndical. À
ma connaissance, il y
en a eu, mais pas pour les
infractions, pas pour les futures infractions que vous proposez dans le projet de loi. Donc, ces gens-là, même s'ils ont été déclarés coupables, on ne peut pas
leur appliquer rétroactivement une sanction pour laquelle ils ne le
savaient même pas.
Mme Vien : C'est beau.
M. Cadieux
(Serge) : Donc, moi, je vous
dis, si vous allez dans cette direction-là, il faut le préciser que ça
n'a pas de portée rétroactive. Bien, je vous
dis la question de droit est... c'est surtout la question rétrospective. Il y a
une différence entre «rétroactivité» et «rétrospectivité», là, donc il
faut enlever toute ambiguïté par rapport à ça.
Mme Vien : C'est bien. Je vous comprends bien. Puis ce sera
une de mes dernières questions, là : Je comprends que vous n'êtes
pas à l'aise avec l'idée, comme plusieurs groupes d'ailleurs, de limiter la
durée des mandats.
M. Cadieux (Serge) : Absolument.
Mme Vien : Bon. Par
ailleurs, ce que vous nous dites : À 12 ans... si on devait faire un
pas, n'allons pas en bas de 12 ans.
M. Cadieux (Serge) : Non, parce
qu'en bas de 12 ans ça n'existe pas, là, au Québec. C'est très rare où il
y a une limite. Il y a deux sociétés
qu'il y a une limite, puis c'est 12 ans. Il ne faut pas aller plus bas que
ça. Puis la commission, là, vous le
savez, c'est quand même costaud, surtout depuis qu'on a regroupé la Commission
des normes, on a regroupé la Commission
de l'équité, il y a beaucoup de lois, beaucoup de règlements. Si vous voulez
que les administrateurs fassent véritablement leur travail d'administrateur puis
que ce soient les plus hauts dirigeants des différentes associations, ça
prend un minimum de 12 ans, ça m'apparaît évident.
Mme Vien :
Puis ça prend les plus hauts dirigeants?
M. Cadieux
(Serge) : Bien, à date, ça a toujours été ça, puis c'est toujours ça
qu'on a voulu. Moi, je me souviens, Mme la
ministre, le projet de loi n° 42, votre prédécesseur nous a demandé, tant
à la FTQ que... tant à la partie syndicale
qu'à la partie patronale, de proposer des noms autres que des techniciens des
organisations parce qu'ils voulaient voir
les plus hauts dirigeants des différentes organisations. Puis ça fait du sens,
là, parce qu'on veut que le dialogue social se discute là et qu'il
puisse descendre après ça partout. Donc, ce n'est pas normal qu'on ait ces
acteurs-là qui soient dans ces postes-là.
Mme Vien :
Merci beaucoup, M. Cadieux. Merci, M. Tardif. Merci de vous être
présentés cet après-midi.
La Présidente (Mme Richard) : Merci, Mme la ministre. Maintenant,
au tour de l'opposition officielle. M. le député de Beauharnois, vous
avez la parole.
M. Leclair :
Merci, Mme la Présidente. M. Cadieux, monsieur, merci d'être là. On vous a
gardés comme dessert aujourd'hui, et non les moindres.
M. Cadieux
(Serge) : On est des «closers». On est des «closers».
M. Leclair :
Des «closers»!
M. Cadieux
(Serge) : Au baseball, là, c'est important, ça.
M. Leclair :
C'est bon. À la dernière manche, il faut les mettre là. Vous nous avez apportés
sur un aspect tantôt que vous disiez
impossible à gérer dans le métier de la construction, de définir le chantier de
travail. Je voudrais vous entendre par
rapport à la réalité que le métier de la construction peut voir. Parce que le
chantier de travail peut être facilement défini mais peut être indéfini
par bouts. Alors, expliquez-nous ça face aux articles, là, qu'on veut vous
appliquer.
M. Cadieux (Serge) : Bien, regardez, je vous donne l'exemple du
chantier de La Romaine, c'est sur des kilomètres de long. Et il faut savoir que, dans l'industrie de la construction, les
salariés sont syndiqués. Ça doit vouloir dire de quoi, ça. Ça doit vouloir dire qu'ils ont le droit d'être
représentés. C'est ça, la liberté d'association, c'est le droit d'être
représenté.
Alors
donc, sur un chantier d'une longue distance, un chantier, là, comme La Romaine,
là, comment on peut faire notre job
de représentant syndical en demandant aux travailleurs de se rendre à la
brasserie le soir pour pouvoir discuter d'activités syndicales? Ça ne fait pas de sens. Ça ne fait pas de sens.
Il y a des gens qui vont devoir parcourir 100 kilomètres pour poser une question à leur délégué syndical
parce qu'ils n'ont pas le droit de lui poser sur les lieux de travail?
Écoutez, ça m'apparaît qu'il n'y a pas eu un exercice de fond qui s'est fait
sur ces dispositions-là pour voir concrètement comment ça peut s'appliquer.
Parce que ce qu'il faut, là, c'est un équilibre, là.
J'imagine
que le législateur, par le projet de loi, il ne veut pas brimer la liberté d'association. Elle existe, la
liberté d'association. Maintenant,
il faut permettre l'exercice de la liberté d'association, et, pour le travailleur, l'exercice de la liberté
d'association, c'est de se faire représenter et de poser les questions, s'il
pense qu'il est en danger dans le travail qu'il fait, s'il pense que l'employeur ne veut pas le payer selon le décret de la convention collective, etc. Donc, il faut qu'il soit... il faut
qu'il ait accès à un représentant syndical.
M. Leclair : Merci. Je reste un peu dans... là, on parle
d'accès à de la représentation puis on parle aussi, dans le projet de loi, de «tout regroupement de salariés». Il en a été question, je pense que tout le monde reste un peu perplexe face à
ça. Dans la réalité ou dans votre
vision des choses, avec toute l'expérience que vous avez, est-ce que vous
craignez qu'on veut éviter le
regroupement syndical, lors d'une approche d'une négo, ou éviter tout
regroupement syndical, incluant les représentants syndicaux, pour ne pas
qu'on voie les failles d'un chantier?
M. Cadieux (Serge) : Écoutez, je ne le sais pas c'est quoi,
l'intention, mais il y a une chose qui est claire que je peux vous dire, là, après une lecture attentive du
rapport de la commission Charbonneau, ce n'est pas une recommandation de
la commission Charbonneau. Ça, ça déborde largement les recommandations de la
commission Charbonneau. La commission
Charbonneau n'est jamais venue dire, là, qu'on doit limiter les réunions des
syndicats, puis elle n'a jamais parlé de
la liberté d'association et ces questions-là. C'est ça qui me fait dire qu'on
profite d'un projet de loi pour essayer d'amener des choses, ce que je pourrais dire, des demandes de certaines parties
en dénaturant complètement la nature du projet de loi.
Si
on veut s'attaquer aux relations de travail dans l'industrie de la
construction, là, on l'a vu, il y a des intervenants qui sont venus le dire, là, je veux dire, il y a
peut-être des choses à améliorer, j'en suis, là, il y a des choses à
améliorer, mais ce n'est pas par la
répression puis à la miette qu'on va le faire. On doit asseoir les acteurs puis
revoir le modèle. C'est là que ça va se passer. Et là on va débattre d'un projet de loi qui traite des relations de
travail dans l'industrie de la construction. On ne viendra pas, à la miette, grignoter les
droits des travailleurs, des représentants syndicaux, sous le prétexte qu'il y a un rapport qui a été rendu par
une commission. La commission Charbonneau n'a jamais traité de ça, jamais, pas
un iota dans tout son rapport.
M. Leclair : Je vous amène sur une question qui ne fait pas
partie de votre mémoire, mais qui a fait partie des discussions au groupe avant vous. On parlait de
sécurité d'emploi, et tout, et tout, puis encore là le projet de loi ne vient pas démontrer ça.
Mais peut-être, dans une vision future, la ministre
disait qu'il y aura peut-être une rencontre avec les groupes pour regarder l'ensemble de l'oeuvre. J'aimerais
que vous me parliez un peu... Il y a eu bien des modifications, on
parlait du paritarisme, et tout,
parlez-moi... Le placement syndical, là, depuis qu'on a changé ça à la CCQ, là,
est-ce que c'est du pareil au même? On a fait une autre trail, puis ça va bien, puis... J'aimerais
vous entendre là-dessus, si ça vous tente. Si ça ne vous tente
pas... Je vois que vous vous grafignez.
M. Cadieux (Serge) : Non. Bien, honnêtement, je ne suis pas la
meilleure personne pour vous parler du placement syndical. On n'a pas
orienté notre mémoire dans ce sens-là. C'est vraiment plus les gens de la
FTQ-Construction qui seraient en mesure de vous parler de ça.
M. Leclair : O.K. C'est bien. Donc, écoutez, en ce qui me concerne, bien entendu, «susceptible de provoquer»,
vous en avez parlé, les autres groupes en
ont parlé, on entend par là se donner un pouvoir peut-être grandiose. Puis
on avait demandé à Mme Lemieux,
là : «Susceptible de», donnez-moi un exemple, juste un, pour qu'on
comprenne. Elle avait donné à peu
près l'exemple que vous me disiez, La
Romaine. S'il y a un chemin pour s'y rendre, ça part de là, au
blocage de la rue. Ça fait qu'en partant on voit bien que c'est vers ça
qu'on veut tendre, aller dans l'extrême. Alors, on fera certains... pour
les gens, là, qui ont, comme quelqu'un
qui a dit, un épiderme sensible, avec les «susceptible de provoquer», on
s'assurera que, dans le projet de loi, là, ça sera bien défini ou complètement
biffé.
Alors, en ce qui me
concerne, je vous remercie de votre passage, c'est toujours très intéressant.
La Présidente (Mme Richard) : Merci, M. le député. Maintenant, au deuxième
groupe d'opposition. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.
• (17 h 40) •
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière)
: Merci, Mme la Présidente. M. Cadieux, Me Tardif, bien, je vais
poursuivre sur... Tantôt, vous avez
dit : Recherche... Vous recherchez l'équilibre. Vous n'en parlez pas, là,
du sujet de «susceptible», là, qui
remplacerait «dans le but de provoquer». Moi, ma lecture des choses, c'est que
«dans le but de provoquer», c'était un extrême,
puis là on s'en va à l'autre, là. En disant, là, «dans le but de provoquer», la
CCQ devait prouver, là, elle devait avoir
un dossier puis prouver... Dans «susceptible», là, ce serait très, très
facile. L'équilibre, il est où? Avez-vous quelque chose à
suggérer?
M. Tardif
(Claude) : Écoutez,
il me semble qu'on doit partir de la prémisse que quelqu'un
qui veut modifier un texte... Il y en a
un, texte, 113, là. Il dit «dans le
but de», hein? Il y avait
une intention. On s'était dit que ce texte-là était à ce point important qu'on reprochait... on voulait vraiment
cibler que ce n'était pas n'importe quoi, ça prenait une intention. Et là, y
a-tu quelqu'un qui a démontré que, lorsqu'il
y a eu des intentions de créer certaines intimidations ou menaces, qu'on
n'a pas réussi à obtenir des condamnations? Il y en a
eu, des condamnations. Il n'y a aucune démonstration qui a été faite à quelque
endroit que ce soit.
Je
l'ai lu dans son entièreté, Charbonneau. On l'a mis, les passages que ça se
recoupe, c'est sur trois quarts de page : aucune étude, absolument rien des décisions qui ont été rendues, qu'il y a
eu des condamnations qui ont été obtenues en quoi que la disposition qui est là, là, ne fait pas le travail. Pourquoi
qu'il faut amoindrir pour enlever... pour rendre cette disposition-là à
ce point facile à démontrer une culpabilité alors que ça devrait être
l'inverse?
L'objet, là, ce n'est pas d'obtenir des
condamnations. C'est d'obtenir des condamnations pour des bonnes infractions
parce qu'on veut reprocher un réel comportement. On ne veut pas reprocher n'importe
quoi pour obtenir des condamnations. Ça
ne fait aucun sens. L'objectif recherché est d'obtenir des condamnations plus facilement.
Pourquoi qu'il faut obtenir des condamnations
plus facilement? Ce n'est pas ça, l'objectif recherché. C'est
d'obtenir des condamnations alors qu'il
y a eu une réelle infraction avec une intention, un mens rea et quelque
chose de matériel.
Je
ne peux pas croire, moi, qu'on est à la recherche de chercher des coupables
pour montrer qu'on a de plus
en plus d'intimidation, parce que ça veut dire ne rien dire. Ce n'est pas ça,
la question. Et ça, là, je ne peux pas croire qu'on s'en va là pour chercher
des coupables. Ce n'est pas ça, là. Il y en a-tu un, problème? Personne ne nous
a démontré qu'il y en avait un, personne.
Une voix :
C'est ça, exactement. Exactement.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière)
: C'est beau. Pour moi, c'est tout. C'est très éclairant comme propos.
Une voix :
...
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière)
: Oui, parce que disons qu'on a fait le tour pendant deux jours, là. Vous
êtes les derniers.
M. Cadieux
(Serge) : Les derniers seront les premiers.
M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière)
: Exact.
La
Présidente (Mme Richard) : Merci.
Merci beaucoup, MM. Cadieux et Tardif, pour votre collaboration et
les échanges que nous avons eus.
Et la commission, ayant complété son mandat,
ajourne ses travaux sine die.
Merci, tout le monde. Merci également au
secrétariat de la commission et toute votre collaboration, les parlementaires.
Bonne fin de journée.
(Fin de la séance à 17 h 43)