(Neuf
heures trente et une minutes)
Le
Président (M. Cousineau) : À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Jean-Lesage, prenez place, s'il vous plaît! À l'ordre! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.
Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et
auditions publiques sur le processus ayant mené à la vente des actions
de RONA par Investissement Québec.
Mme la secrétaire,
est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Rochon (Richelieu) est remplacé par Mme Maltais
(Taschereau) et M. Lamontagne (Johnson), par M. Bonnardel (Granby).
Déclaration de la présidence
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la secrétaire. Avant de
débuter nos travaux puis de recevoir notre premier invité, j'aimerais vous faire part d'un petit message que nous
avons concocté ensemble ici, au niveau du secrétariat, mais j'aimerais
que ça soit bien entendu.
Alors,
le 15 août dernier, tous les membres de cette commission ont reçu une copie
papier du cartable transmis par Investissement Québec. La page
frontispice de ce cartable de même que le courriel envoyé par la secrétaire de
la commission pour informer les membres de
l'envoi de ces documents spécifiaient que ceux-ci étaient confidentiels. Donc,
vous avez tous reçu le cahier où c'est
marqué en rouge «confidentiel». Or, malgré ces mises en garde, des informations
contenues dans lesdits documents se sont,
tout de même, retrouvées dans les médias, situation que l'on ne peut que
regretter.
Cependant,
à titre de président de la commission, je ne peux que souligner à cet égard
qu'il appartient à chacun d'assumer la
portée des gestes qu'il pose. Alors, c'est tout ce que j'avais à dire ce matin.
Lorsque des documents confidentiels
sont déposés à la commission, en séance de travail, par des organismes, bien,
on doit respecter la demande. On a
les renseignements qu'on veut avoir. Mais, si, lors de l'audition, les gens qui
ont déposé le cahier font la demande pour
que ça soit rendu officiel, bien là, on acquiesce à leur demande. Évidemment,
ce sont les membres de la commission qui décident. Alors donc, à l'avenir,
soyez très prudents.
Donc, je vous
souhaite la bienvenue. Je vous demande de bien vouloir, d'abord, vous
présenter, monsieur.
Je
vais vous donner l'ordre du jour aujourd'hui. Parce qu'on a eu une séance de
travail ce matin — pour les
gens qui nous écoutent — et nous avons accepté, en séance de travail,
de recevoir une personne de plus aujourd'hui, ça sera M. Pierre Ouellet,
qui sera entendu à 16 heures, cet après-midi.
Donc,
nous recevrons ce matin la première personne invitée, M. Mario Albert, suivi de
M. Jean-Claude Scraire, suivi de M.
Yves Lafrance. Nous suspendrons jusqu'à 14 heures. Puis, cet après-midi, M.
Louis Roquet, le Vérificateur général du Québec — la
Vérificatrice générale — ainsi
que M. Pierre Ouellet.
Auditions
Donc,
veuillez vous présenter et votre titre. Vous avez 10 minutes de présentation.
Par la suite — je vous
donne immédiatement le temps de
parole pour les députés puis les groupes parlementaires — alors, la partie gouvernementale aura
23 min 30 s; l'opposition officielle, 14 minutes; le
deuxième groupe d'opposition, 9 min 30 s; et M. le député
indépendant, trois minutes.
Donc, monsieur, vous
avez, maximum, 10 minutes pour votre présentation. On vous écoute.
M. Mario Albert, ancien
président-directeur
général d'Investissement Québec
M. Albert
(Mario) : Oui. Merci, M. le Président. Mon nom est Mario Albert. Je
suis présentement directeur général de
Finance Montréal et, de juillet 2013 à août 2014, j'ai été président-directeur
général d'Investissement Québec.
En introduction,
j'aimerais vous résumer les interventions d'Investissement Québec...
Une voix :
Je m'excuse...
Le Président (M.
Cousineau) : Un instant, monsieur! Les micros fonctionnent
bien?
Une voix :
Oui.
Le Président (M. Cousineau) :
D'accord.
Une
voix : C'est allumé ici.
M. Poëti :
On entend très peu, là, le son n'est pas bon.
Le Président (M.
Cousineau) : Allez-y.
M. Albert
(Mario) : O.K. Je disais donc que, d'entrée de jeu, j'aimerais vous
résumer les interventions d'Investissement
Québec dans le dossier RONA au cours de la période où j'ai été
président-directeur général de la société.
À
mon arrivée en poste en juillet 2013, IQ détenait un peu plus de
12 millions d'actions dans RONA, pour une valeur d'environ 156 millions de dollars. Ces actions-là avaient
été acquises dans le cadre de plusieurs transactions qui ont eu lieu entre le 3 août 2012 et le
25 février 2013. À la suite de ces achats d'actions par
Investissement Québec, la société détenait 9,9 % des actions de
RONA.
Il
est important de rappeler que l'objectif d'Investissement Québec à l'époque
était de contribuer à créer ce qu'on appelle
une minorité de blocage, donc s'assurer que des investisseurs institutionnels
ou privés québécois favorables au maintien
du siège social de RONA au Québec détiennent au moins 33 % des actions de
RONA. À l'époque, la Caisse de dépôt
en détenait 17 %, Investissement Québec, comme je l'ai mentionné, en
détenait 9,9 %, le Fonds de solidarité en détenait environ 5 % et les détaillants et le personnel de
direction de RONA en détenaient quelque part entre 5 % et 10 %.
Donc, ces investisseurs-là, globalement, détenaient plus de 33 % des
actions de RONA.
Un
autre objectif d'Investissement Québec, c'était de rester sous le seuil d'initié.
Donc, dès que vous atteignez un seuil de détention de 10 %, bien,
il y a toutes sortes d'obligations qui s'enclenchent en vertu de la Loi sur les
valeurs mobilières, des obligations au
niveau de la divulgation publique. Donc, toutes les transactions qu'Investissement
Québec aurait faites sur le titre
auraient été publiques. Souvent, ce n'est pas souhaitable parce que ça peut
amener de la variation sur le titre,
dépendant des mouvements qui sont faits. Donc, bref, Investissement Québec
détenait à l'époque environ 10 % des actions de RONA et contribuait
ainsi à créer une minorité de blocage.
J'aimerais
aussi rappeler que, quand une entreprise souhaite faire une offre hostile sur
un titre, si elle n'est pas capable d'avoir les deux tiers des actions,
le dépôt des deux tiers ou la propriété des deux tiers des actions, elle est limitée dans les actions qu'elle peut faire. Par
exemple, elle ne peut pas changer le statut de la société, elle ne peut pas
procéder à une fusion, elle ne peut pas
changer la structure du capital-actions. Donc, en ayant un peu plus de
33 %, donc c'était une façon de
protéger la présence du siège social au Québec. Donc, c'est la situation qui
prévalait à mon arrivée en juillet 2013.
Entre
juillet 2013 et août 2014, la période pendant laquelle j'ai été
P.D.G. d'Investissement Québec, il n'y a eu qu'une seule transaction sur le titre de RONA, et cette transaction-là
est survenue en décembre 2013 suite à un programme de rachat d'actions par la direction de RONA. RONA
a annoncé à l'époque qu'elle souhaitait racheter 10 % de ses actions
en circulation. Elle souhaitait racheter et annuler 10 % de ses actions en
circulation.
Donc, pour éviter de
dépasser le seuil d'initié de 10 %... Je rappelle, Investissement Québec
détenait 9,9 % à l'époque. Pour éviter
qu'on dépasse ce seuil-là, sur recommandation de la direction — et ça a été approuvé par le conseil d'administration — il a été
décidé de se départir d'un bloc d'actions de 1 million d'actions, ce qui
faisait en sorte que la part des
actions de RONA détenue par Investissement Québec diminuait très légèrement,
passait de 9,9 % à 9,8 %. Donc, substantiellement, cette
transaction-là, qui était mécanique, pour éviter qu'on dépasse le seuil
d'initié, maintenait essentiellement la participation d'Investissement Québec
dans RONA en pourcentage.
Donc, c'est la seule
transaction qui a été effectuée sur le titre de RONA pendant la période où j'ai
été président-directeur général
d'Investissement Québec. Je dirais, par ailleurs, qu'au-delà de cette transaction-là,
dans les 14 mois que j'étais là,
il n'y a pas eu de recommandation par la direction d'Investissement Québec ou
de demande par le conseil
d'administration d'Investissement Québec de remettre en question la présence ou
la détention, par Investissement Québec, des actions de RONA.
• (9 h 40) •
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. Albert, pour votre
présentation. Nous allons maintenant passer à la période d'échange. Je débuterais avec la partie ministérielle. Je crois
que M. le député de Laval-des-Rapides veut parler le premier. En vous rappelant que le groupe
parlementaire ministériel, vous avez
23 min 30 s. Faites-moi signe si vous voulez avoir un
autre interlocuteur. Je commence avec M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Polo : Parfait. M. le Président, je sais que vous l'avez fait par le passé, en fonction de la longueur des questions,
vous permettez aussi une certaine longueur des réponses. Donc, j'imagine que
vous allez procéder de la même façon.
Bienvenue, M. Albert.
Je souhaite également la bienvenue à mes collègues ministériels et des
oppositions et, bien sûr, à tous ceux qui
nous écoutent ce matin. M. Albert, vous nous avez expliqué un peu la démarche,
pendant que vous étiez en poste, de
la vente de 1 million d'actions de RONA. Je souhaite un peu plus comprendre la
mécanique derrière cette vente-là à
l'époque parce que vous êtes à même de constater qu'il y a des nouveaux
éléments qui ont été divulgués la semaine
dernière, donc. Et vous avez amené un élément intéressant aussi dans votre
propos, que le conseil d'administration ne s'est pas opposé à la vente
de ces actions-là à ce moment-là.
Donc,
je commencerais par vous demander : Dans la mécanique, puisque c'était
dans le cours des choses pour, justement, ne pas dépasser le seuil
d'initié, le seuil de 10 %, parce qu'il y a des obligations qui viennent
avec un seuil de 10 %, peut-être expliquer pour mes collègues quelles sont
les obligations une fois que vous dépassiez, en tant que détenteur d'actions, le seuil de 10 %, quelles
sont les obligations qui viennent avec le fait de dépasser le seuil de
10 %.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Albert.
M.
Albert (Mario) : Oui, M. le Président. Quand on dépasse le seuil de
10 %, on est obligé de s'inscrire sur le système électronique de déclaration des initiés. Donc, la détention des
actions devient publique, et toute transaction qui est faite subséquemment doit être divulguée. Et,
souvent, une entreprise comme Investissement Québec ne souhaitera pas être publique au niveau de sa détention, tout
simplement parce que sa présence ou les transactions qu'elle peut effectuer
vont avoir un impact sur la valeur du titre.
Par exemple,
pour certains investisseurs, si le gouvernement augmente sa présence, ça peut
être un signal que le gouvernement
veut accroître son emprise sur la société et ça peut réduire la liquidité sur
le titre. Certains investisseurs peuvent
dire : Non, je ne suis pas intéressé à investir dans ce titre-là parce que
le gouvernement va bloquer. Et il faut se souvenir qu'à l'époque l'intention de la direction de RONA, c'était
d'augmenter la valeur de l'action pour se protéger contre une offre
d'achat hostile. Donc, c'était considéré souhaitable de rester en bas du seuil
de 10 % pour que les mouvements de
titres, les mouvements de détention d'Investissement Québec n'aient pas
d'impact sur la valeur du titre.
M. Polo : En effet. En effet.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci. M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Polo : Donc, ce que j'en
comprends, c'est qu'une fois... si le seuil avait été dépassé, à ce moment-là
toute transaction d'Investissement Québec sur le titre de RONA aurait, si on peut dire, été
annoncée publiquement, aurait été divulguée
publiquement selon les canaux de communication, là, utilisés dans l'industrie,
et, à ce moment-là, ça oblige un lien
politique entre la décision d'achat ou de vente ou, à tout
le moins, de répondre parce qu'il y a un lien public ou une information
qui doit être rendue publique à ce moment-là. Est-ce que c'est bien le cas?
M. Albert (Mario) : Absolument. Absolument.
M. Polo : Parfait. Parfait.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député.
M.
Polo : Excellent. Excellent.
Donc, puisqu'à ce moment-là la décision a été de rester sous ce seuil-là,
est-ce que le conseil
d'administration a été consulté, a été avisé à ce moment-là? Est-ce que
c'est une décision courante? Parce que, des fois, il y a des
transactions courantes qui se font, là, dans la gestion des portefeuilles,
est-ce que c'était une transaction courante
prévue à même le mandat initial? Dans le décret initial, si on peut dire,
est-ce que c'était prédéterminé qu'Investissement Québec voulait rester en
dessous du seuil de 10 %?
M. Albert
(Mario) : Oui. Écoutez, sur la mécanique, ce qui est arrivé suite
à l'annonce, par RONA, de sa volonté de
racheter une partie de ses actions, c'est le Comité de gestion des risques
d'Investissement Québec qui a été saisi de ça. Il faut comprendre qu'une détention de 160 millions de dollars d'actions
de RONA sur un portefeuille de 2,5 millions, c'est un montant très important. Donc, le Comité
de gestion des... Et il y a toujours le risque que le titre diminue, ce qui
aurait affecté le rendement de la société.
Donc, la position du Comité de gestion des risques, à l'époque, c'était de
dire: On n'a pas à détenir nécessairement plus d'actions de RONA que
nécessaire pour créer une minorité de blocage. Donc, c'est une recommandation du Comité de gestion des risques
d'Investissement Québec au conseil d'administration de vendre une partie, de vendre un bloc d'actions
de 1 million d'actions pour, encore une fois, rester sous le seuil de
10 %, mais rester juste sous le seuil de 10 %. Donc, à
l'interne, c'est un peu de cette façon-là que la décision s'est faite.
Maintenant, sur le seuil de 10 % — et
c'était vraiment la stratégie — ce que je comprends... Évidemment, ces
choses-là ont été décidées avant que j'arrive à Investissement Québec, mais ma
compréhension, à la lecture des procès-verbaux
des réunions du C.A. qui ont précédé mon arrivée, c'est que la stratégie était
vraiment de rester à 9,9 %, sous le seuil d'initié.
En ce qui
concerne le décret, le décret était confidentiel. Je ne l'ai pas vu, donc je ne
peux pas vous dire si ça faisait partie
du décret, mais ça faisait clairement partie de la stratégie qui avait été
discutée entre mon prédécesseur et le ministre des Finances de l'époque. Ce que je comprends, ces choses-là avaient été
discutées avec le ministre, et tout le monde était d'accord avec
l'approche qui était suivie par Investissement Québec à l'époque.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. Albert. M. le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Oui. Toujours sur la mécanique non seulement de vente, mais
également, là, de gestion, une fois que l'achat a été effectué, M.
Albert, quelle est la différence d'avoir utilisé les fonds propres versus
d'autres mécanismes, d'autres façons d'acquérir les actions à même
Investissement Québec? Quelle est la nuance? Quelle est la différence importante? Et quelles sont les... si on peut
dire, la marge de manoeuvre et les contraintes, ou les non-contraintes, ou la
liberté que ça emploie ou que ça donne à
Investissement Québec de détenir des actions de RONA sous cette forme-là?
M. Albert
(Mario) : En termes de protection, M. le Président, de RONA puis du
siège social, ça n'a aucun impact, un
dollar est un dollar. Une action détenue par Investissement Québec, fonds
propres ou Investissement Québec, Fonds de développement économique, ça n'a pas de différence. C'est clair que,
pour la société, il y en a une. Si, par exemple, l'action de RONA perd énormément de valeur, bien, si c'est dans les
fonds propres, ça va affecter directement le bénéfice de la société, alors que, si ça provient du Fonds
de développement économique, bien, c'est le gouvernement qui va être
affecté par la perte de valeur. Donc, c'est la nuance.
Bon, à l'époque, pourquoi ça a été fait dans les
fonds propres plutôt que dans le Fonds de développement économique, je ne pourrais pas vous le dire, je n'étais pas là. Mais
c'est clair que la situation au moment où je suis arrivé, c'est que
cette transaction-là avait été faite dans les fonds propres d'Investissement
Québec.
Le Président (M. Cousineau) :
...
M.
Polo : Merci, M. le Président. Ce que j'en comprends, c'est qu'en
utilisant les fonds propres, indépendamment que vous ayez fait partie de la décision initiale ou pas, l'utilisation
des fonds propres, dans l'acquisition des actions de RONA, vous donnait
une plus grande autonomie.
M. Albert (Mario) : Oui. Oui, c'est
sûr que...
M.
Polo : C'est ce que le rapport de la Vérificatrice générale laisse
sous-entendre... ou explique dans son rapport.
M. Albert (Mario) : Oui, c'est clair
qu'il y a une plus grande autonomie, mais pas une autonomie complète parce que, comme vous le savez, toute transaction
à l'intérieur des fonds propres d'Investissement Québec qui dépasse 2,5 % de l'actif de la société doit être
approuvée par le gouvernement. Et c'est le cas dans cette transaction-là,
2,5 %, c'est environ 60 millions. Donc, toute transaction à
Investissement Québec supérieure à 60 millions doit être portée à la
connaissance du gouvernement, qui doit l'approuver.
Donc, en procédant
par les fonds propres, on ne s'éloignait pas, si on veut, là, de l'obligation
d'avoir à en parler au gouvernement
et d'avoir l'approbation du gouvernement pour effectuer cette transaction-là.
Mais c'est clair qu'il y a quand même
un peu plus d'autonomie quand c'est les fonds propres d'Investissement Québec.
Par exemple, au niveau de la vente
d'un bloc d'actions par Investissement Québec, comme ça a été le cas,
1 million d'actions, en novembre 2013, on n'a pas eu à demander la permission au gouvernement pour le faire.
Maintenant, ce n'est pas interdit de demander la permission au gouvernement, mais, dans ce cas-là, ça n'a pas été fait
parce que c'était une décision purement mécanique, ça ne remettait pas en cause l'objectif de
maintenir la participation d'Investissement Québec juste en bas du seuil de
10 %.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. Albert. M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Polo : Bon, vous comprenez que
vous venez d'expliquer, effectivement, là, le mécanisme de reddition de comptes
ou pas. Vous avez pris connaissance des propos de la Vérificatrice générale sur
le processus en tant que tel. Qu'en
pensez-vous à ce niveau-là? Est-ce qu'il est nécessaire selon vous? Est-ce
qu'il serait utile, il serait important de se pencher... Puis je sais que la Vérificatrice générale aura l'occasion,
là, d'être interpelée à ce niveau-là, qu'avez-vous à dire par rapport à
l'utilité ou la pertinence, là, de...
Le Président (M. Cousineau) :
M. Albert.
• (9 h 50) •
M. Albert
(Mario) : Oui. Bien, écoutez, j'ai pris connaissance rapidement du
rapport de la Vérificatrice générale sur Investissement Québec. Écoutez,
je ne suis pas en poste à Investissement Québec, je ne lis plus ces
documents-là mot à mot, là. Moi, je dirais
que c'est clair que, dans le cas d'une transaction d'importance qui a un impact
économique important pour le Québec, il serait souhaitable qu'il y ait consultation
entre Investissement Québec et le ministre des Finances.
D'ailleurs, l'article 4 de la Loi d'Investissement
Québec dit : «La société a pour mission de contribuer au développement économique du Québec conformément à
la politique économique du gouvernement.» Donc, on peut lire cet article-là de différentes façons, mais, dans
ma tête à moi, dans des gestes majeurs à Investissement Québec, au-delà du fait que légalement il n'y a pas d'obligation de consulter le ministre sur une transaction de façon à s'assurer qu'on est conforme à la politique du gouvernement, ça peut
être souhaitable de consulter quand on juge que c'est une transaction importante.
Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Albert. M. le député de
Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Oui. En
effet, donc, lorsque vous avez procédé, là, à la vente d'un million d'actions,
là, en 2014, vous avez
informé le conseil
d'administration, mais vous
n'avez pas eu à consulter le politique ou à informer le politique de cette transaction-là comme telle.
M. Albert (Mario) : Non, parce que, de notre point de vue, il n'y avait pas de changement d'orientation,
l'objectif étant de
maintenir la détention d'Investissement Québec aux alentours de 10 %, tout près de
10 %. Suite à la vente du bloc
d'actions, c'est ce qui se produisait, on restait à 9,8 % au lieu de
9,9 %. Donc, il n'y avait pas de changement d'orientation.
Je rappelle
aussi qu'à l'époque il y avait un représentant du ministère du Développement
économique qui était membre du conseil d'administration d'Investissement
Québec, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Donc, pour une décision mécanique
comme ça, bon, on présumait aussi peut-être que le représentant du ministère
informerait le ministre de la transaction. Évidemment, si la disposition d'actions avait remis en
cause substantiellement la présence d'Investissement Québec, ça aurait
pu, à ce moment-là, être une approche différente.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. Albert. M. le député de
Laval-des-Rapides.
M. Polo :
Oui, M. le Président. J'aimerais savoir, M. Albert, entre le moment où, bon,
vous êtes arrivé en poste — l'action de RONA faisait déjà partie du
portefeuille d'investissement d'IQ, d'Investissement Québec — et le moment où vous avez quitté, dans vos échanges avec le comité d'analyse
d'évaluation de risques du portefeuille... Parce que vous avez mentionné
antérieurement que c'était une position substantielle, là, 160 millions sur un
portefeuille d'à peu près, quoi,
2,5 milliards en question, quels étaient... Vous avez été là quand même
pendant... P.D.G. pendant plus que 12
mois... ou à peu près, presque 12 mois, quels étaient vos entretiens, et les
discussions, et peut-être certaines des... Au-delà de la décision politique, quelle était l'évaluation de risques?
Compte tenu de la position de RONA dans votre portefeuille à l'époque,
quelle était l'évaluation du risque de cette action-là, compte tenu de toutes
les circonstances pendant la période où vous avez été P.D.G. à l'époque?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Albert.
M. Albert
(Mario) : Bien, écoutez, c'est relativement simple, le Comité de
gestion des risques, évidemment, regarde
l'impact que pourrait avoir sur les bénéfices de la société une baisse de la
valeur de l'action de RONA. Les actions étaient achetées environ, en moyenne, là... Ça s'est fait, comme j'ai
mentionné tantôt, en plusieurs transactions. Donc, le prix moyen à l'acquisition était d'environ
13 $. La situation de RONA était quand même assez difficile. Même si les
choses se sont quand même améliorées, là,
suite à la mise en place d'un plan de restructuration, il y a toujours le
risque que la valeur de l'action
diminue substantiellement, passe, par exemple, à 7 $, 6 $.
Évidemment, c'est tous des scénarios un peu théoriques, là, mais c'est
le risque.
Règle de pouce, par
exemple, si l'action de RONA perd la moitié de sa valeur, c'est un impact
d'environ 80 millions pour la société,
à peu près la moitié de la valeur du placement. Investissement Québec est une
société qui faisait à l'époque — puis là je n'ai pas tous les chiffres en
tête — un
bénéfice d'environ 50 millions, un peu plus en 2014‑2015. Donc, c'est clair que le simple fait d'avoir un
placement de cette taille-là — qui est toujours à risque parce que c'est
acheté au marché — pouvait avoir un impact important sur les bénéfices
de la société. C'est pour ça que je mentionnais tantôt que la volonté, c'était de ne pas en détenir
nécessairement plus que nécessaire pour être capable de maintenir, avec
d'autres investisseurs québécois, une
minorité de blocage. Mais c'est essentiellement ça, le risque qui était évalué,
c'était l'impact que pourrait avoir une perte de valeur de titre de RONA
sur les bénéfices de la société.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci. M. le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Oui. M. Albert, en fonction des états financiers, en fonction
des résultats trimestriels, en fonction de la performance du plan d'expansion ou du plan stratégique de RONA, en
fonction de la lecture du bilan pendant la période de 12 mois et par les membres de votre Comité, là,
de gestion de risques, quelle était l'évaluation du risque? Au-delà de décider
de ne pas augmenter la position de RONA à même votre portefeuille, quelle était
l'évaluation comme telle de l'action comparativement à l'ensemble des positions
d'Investissement Québec?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Albert.
M.
Polo : Et je vais préciser encore plus, je veux qu'on retire la
décision politique, et je voudrais entendre de votre part l'analyse
financière de cette position-là à même votre portefeuille.
M.
Albert (Mario) : Oui. Écoutez, vous passez mon cerveau au papier
sablé, là. Ça fait quand même deux ans, là, que j'ai quitté
Investissement Québec. Il y a eu, effectivement, certains... il y a eu des
évaluations faites à l'intérieur d'Investissement
Québec du titre de RONA. Il y a eu des rapports présentés à au moins une
reprise au conseil d'administration. Le C.A. avait demandé d'avoir une
espèce de bilan des actions de RONA.
Moi, ce que je
retiens, mes souvenirs des discussions à l'époque, c'est qu'effectivement il y
a un plan de restructuration de RONA qui avait été mis en place. Ce plan-là
donnait des résultats positifs. D'ailleurs, la valeur de l'action a progressé suite à la mise en place de
ce plan-là. On se souviendra, RONA avait fait une succession de déficits,
là, avant l'offre d'achat hostile de Lowe's
et la mise en place d'un plan de restructuration, RONA était revenue dans une
période de bénéfices. Ceci étant dit, la situation restait quand même assez
difficile, là, hein? J'avais rencontré, moi, Robert
Chevrier, le président du conseil d'administration, on avait échangé, là, sur
la situation de RONA. Il s'estimait satisfait
des progrès qui avaient été réalisés au niveau du plan de restructuration, mais
exprimait quand même aussi des défis importants, là, pour vraiment, là,
assurer la pleine valorisation de RONA.
Donc,
je dirais que, dans l'ensemble, écoutez, le marché semblait relativement
positif parce que la valeur du titre avait
progressé de 12 $ environ à 14 $, 14,50 $. Même, je pense que ça
a dépassé 15 $ à un moment donné pendant une brève période, mais ça restait une situation quand
même assez difficile. Et ces choses-là peuvent bouger très rapidement, hein? Donc, pour le Comité de gestion des risques,
le fait que l'action soit rendue à 14,50 $, 15 $, bon, c'est clair
que c'était un développement positif, mais la situation de RONA,
globalement, restait quand même assez sensible.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. Albert. M. le député.
M.
Polo : Compte tenu que l'achat des actions de RONA était éminemment
une décision politique à l'époque, est-ce
qu'en fonction des discussions que vous aviez avec votre Comité de gestion de
risques... est-ce que vous aviez un contact
avec le politique à l'époque pour les informer de l'état de progression de
cette position-là dans votre portefeuille et de l'éventualité, tôt ou tard, de se départir des actions de RONA,
compte tenu que c'était une position importante et que peut-être elle dépassait — ce que j'ai cru comprendre — disons, la moyenne des positions que vous
avez à même votre portefeuille? Et,
compte tenu de la situation précaire que RONA avait vécue et qu'elle semblait
se rétablir, et tout ça, et l'objectif,
ce n'était pas de détenir RONA ad vitam aeternam, est-ce que vous avez eu
des discussions avec le politique à l'époque ou avec le conseil
d'administration pour, éventuellement, identifier un plan ou une porte de
sortie sur cette position-là à terme?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Albert.
M. Albert
(Mario) : Pendant la période que j'ai été là, il n'y a pas eu de
discussion, autant que je me souviens, avec
le gouvernement sur la situation de RONA. Je pense qu'il y avait un plan qui
était en place, il y avait une certaine stabilité dans ce plan-là. La Caisse de dépôt, Investissement Québec, le
Fonds de solidarité, etc., la situation était stable, leur détention
d'actif était stable, la détention de titres dans RONA était stable, donc il
n'y a pas eu de discussion, à mon souvenir.
Bon, peut-être, à un moment donné, dans une rencontre avec le ministre, un
petit «touch-and-go», là, sur RONA,
mais, systématiquement, faire une présentation au ministre des Finances sur la
situation de RONA, ça n'a pas été demandé
et ça n'a pas été proposé par Investissement Québec. On était satisfaits, là,
de la situation de RONA, là, on ne voyait
pas d'enjeu. Au-delà, évidemment, des risques internes, là, au niveau de
l'ampleur du placement, là, puis ce que ça pouvait impliquer pour le
bénéfice de la société, on ne voyait pas de raison de le faire.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Polo : Combien de minutes?
Le Président (M. Cousineau) :
Il vous reste 4 min 9 s.
• (10 heures) •
M.
Polo : Dans l'éventualité où le résultat final des négociations qui
ont eu lieu, là, au début de cette année et qui ont abouti dans la transaction RONA et Lowe's, si ces discussions-là, si
ces négociations-là étaient arrivées sous votre mandat, à votre époque, quelle aurait été la séquence des événements, à
ce moment-là, que vous auriez mis en place, une fois que vous auriez
pris connaissance de la décision du conseil de RONA et de Lowe's d'en arriver à
une entente conjointe, là? Juste pour comprendre comment vous auriez géré, à ce
moment-là, vous, la situation à l'époque.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Albert.
M. Albert
(Mario) : Ah! ça, c'est un peu une question difficile parce
qu'évidemment, ne connaissant pas les faits détaillés, là, de...
Évidemment, c'est une offre substantiellement différente de la première, à
24 $... Une offre d'achat consensuelle,
en passant, là, qui est... C'est une négociation, là, ce n'est pas une offre
d'achat hostile à 24 $. Quelle aurait été la position d'Investissement Québec? Honnêtement, j'aime autant ne
pas me prononcer là-dessus parce qu'il faut avoir les faits, là.
Et je reviens un peu à ce que je disais tantôt,
on n'a pas jugé bon, à l'époque, d'en parler au ministre parce qu'on considérait que c'était la poursuite de la
stratégie qui avait été décidée avec le ministre. C'est clair que, disposer
du bloc d'actions de RONA, on nous aurait
probablement recommandé de consulter le ministre dans l'esprit de l'article 4
de la Loi d'Investissement Québec,
là, pour s'assurer que c'est compatible avec les orientations économiques du
gouvernement.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci. M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Polo : Je pense que ma collègue
de Fabre a une petite question pour vous, M. Albert.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Fabre, 2 min 30 s.
Mme
Sauvé : Je ne prendrai pas
tout ce temps. Merci, M. le Président, chers collègues. M. Albert, j'avais une
question reliée à la gouvernance du conseil
d'administration d'Investissement Québec pour la période où vous avez été là.
Pour arriver à la résolution à l'unanimité,
la décision unanime du conseil d'administration de vendre un million d'actions
de RONA, il y a, évidemment, eu un dépôt...
Vous avez expliqué la situation, vous avez légitimé tantôt la décision qui a
été prise. Je voudrais vous entendre un peu
sur la nature d'un document qui peut être déposé au conseil d'administration
pour soutenir de façon substantielle la réflexion et la décision telle que... à
l'unanimité.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Albert.
M. Albert
(Mario) : Oui. De mémoire, la façon dont ça a procédé, ça avait été
discuté avant le conseil — je pense, même, le matin
du conseil, mais ça, je ne peux pas vous l'assurer — au Comité de gestion des risques. Le
président du Comité de gestion des
risques a probablement fait une présentation au conseil sur la question, et, de
mémoire, je pense qu'un court document avait été déposé au conseil, là, présentant les
paramètres de la proposition de RONA de racheter les actions et les implications mécaniques, là, en termes de détention
pour Investissement Québec. C'est la mémoire que j'en ai. Je n'ai pas
ces documents-là, là, mais, de mémoire, c'est la façon dont ça avait procédé.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. Albert. Une minute, Mme la députée.
Mme Sauvé :
Non, ça va aller pour moi.
Le Président (M.
Cousineau) : Il reste une minute. M. le député de
Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Ce que j'en comprends, M. le Président, c'est que le décret a
été publié hier dans la Gazette officielle, là, si je ne me
trompe pas. Est-ce que vous pourriez me confirmer cette information-là, M. le
Président?
Le Président (M.
Cousineau) : Qu'est-ce que vous demandez?
M. Polo :
Le décret. Bien, une partie?
Le Président (M.
Cousineau) : Moi, je ne peux pas vous confirmer, là, il
faudrait qu'on vérifie.
M.
Polo : Donc, ce que j'en comprends, M. Albert, c'est que, pour vous,
il est très clair que se départir des actions de RONA, à votre époque, vous auriez eu, à ce moment-là, à avoir un
contact avec le politique et n'avoir pas juste un... Un contact ou une approbation? Faites-nous la
distinction, là, à ce niveau-là. Est-ce que c'est informer? Est-ce que c'est
par courtoisie? Est-ce que c'est...
Le Président (M.
Cousineau) : C'est tout le temps... Une réponse rapide, M.
Albert.
M. Albert
(Mario) : Bien, dans l'esprit de l'article 4 de la Loi
d'Investissement Québec, ça aurait été une consultation.
Et, dans l'éventualité où le ministre n'aurait pas été favorable ou le
gouvernement n'aurait pas été favorable à la vente d'actions, je pense que l'approche aurait été de revenir au
conseil d'administration, de l'informer de la position du gouvernement et, à ce moment-là, de laisser le
conseil d'administration se positionner à la lumière de la position du
gouvernement.
Évidemment, le
conseil d'administration d'Investissement Québec est souverain à l'égard de
l'utilisation des fonds propres. Mais de
prendre en compte comme élément d'information la position du ministre, moi, je
pense que c'est quelque chose qui aurait été souhaitable, là, par le
conseil d'administration.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. Albert. Concernant le
décret, M. le député de Laval-des-Rapides, on va sortir le décret en question, qui a paru dans la Gazette officielle
hier, et on le distribuera à l'ensemble des députés de la commission
pour fins d'information.
Alors,
ça se passe bien, M. Albert. Vous faites bien ça, vous êtes un bon élève. Les
questions sont courtes, les réponses
sont courtes. Alors, je vais passer maintenant la parole à l'opposition
officielle pour les 14 prochaines minutes. Je crois que c'est M. le
député de Sanguinet. M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien : Merci, M. le Président. Je salue tout le monde,
là. Bonjour, M. Albert. Écoutez, la question qui a été posée : Ça aurait été quoi, votre opinion
sur la vente de RONA?, malheureusement, on n'avait plus d'actions. Alors,
cette question-là est caduque parce qu'on
s'est enlevé le pouvoir d'amener, justement, le gouvernement à se positionner
dans une vente éventuelle de RONA. On n'avait plus le choix, on n'avait plus
d'actions. Donc, question qui est peu pertinente pour vous.
Question
par rapport au fait que vous auriez demandé une consultation auprès du
gouvernement si vous aviez voulu vendre
les actions. Vous parlez de fonds propres et de Fonds de développement
économique, là, deux fonds distincts. Si ça avait été inclus dans le Fonds de développement économique, d'abord vous
n'auriez pas eu de pression sur, justement, un désir de rentabilité puis d'éviter la volatilité. Si ça avait été
dans le Fonds de développement économique, vous n'auriez pas eu ce problème-là.
Et, de facto, si ça avait été dans le Fonds de développement économique, je
pense que le gouvernement aurait eu plus de pouvoir sur votre prise de
décision. Est-ce que je me trompe si je dis ça ou...
M. Albert
(Mario) : Bien, la décision sur la disposition et l'acquisition des
actions de RONA serait revenue entièrement au gouvernement. Dans le Fonds de
développement économique, le décideur, ce n'est pas le conseil d'administration
d'Investissement Québec, c'est le gouvernement.
M.
Therrien : Bon, ma question est de savoir pourquoi on a fait
les achats avec les fonds propres au lieu du Fonds de développement
économique?
M.
Albert (Mario) : Écoutez, je ne peux pas répondre à cette question-là,
je n'étais pas dans les discussions à l'époque, là. Tout ce que je
pourrais dire là-dessus, c'est de la spéculation, là, je ne peux pas vous le
dire.
M.
Therrien :
O.K. Donc, ça aurait été intéressant de savoir pourquoi on a décidé d'acheter
avec les fonds propres, et c'est sûrement le P.D.G. d'Investissement Québec de
l'époque qui pourrait répondre à cette question-là.
M. Albert (Mario) : Bien, écoutez,
il était là, je n'y étais pas.
M.
Therrien :
O.K. Bon, ça marche. Donc, M. Daoust pourrait nous informer là-dessus. C'est
une information précieuse parce que
ça aurait été de facto un pouvoir gouvernemental évident si ça avait été le
Fonds de développement économique. Malheureusement, la décision a été
prise autrement.
Par contre,
vous avez parlé de décret. Vous n'avez jamais vu le décret comme tel, je pense.
C'est ce que vous avez dit tantôt.
M. Albert
(Mario) : Le décret était confidentiel, donc n'a pas été publié. Donc,
on n'a pas eu copie du décret.
M.
Therrien :
O.K. Donc, on ne sait pas s'il y a une date d'expiration, s'il y a une limite
temporelle au décret, on ne sait rien de ça.
M. Albert
(Mario) : Bien, la portée du décret, c'était d'approuver une détention
ou une transaction supérieure à 2,5 %
de l'actif net d'Investissement Québec. C'est clair que le message qui a été
relayé, c'est que ça avait été approuvé par le Conseil des ministres, mais les détails du décret, en tout cas à
ma connaissance... Évidemment, c'est un décret qui a été passé avant que j'arrive à Investissement
Québec. Ce qu'on m'a dit à l'époque, c'est que ce décret-là était confidentiel,
et on ne l'avait pas.
M.
Therrien :
O.K. Bien, en tout cas, les conclusions de ce décret-là, si on dit, là,
techniquement, c'est avoir une minorité
de blocage. On sait que le gouvernement de Charest, M. Charest, avait insisté
sur ce blocage-là, le gouvernement du Parti québécois aussi.
Dans les
documents d'Investissement Québec, le 14 janvier 2013, le président de
l'époque, M. Daoust, informe les
membres du C.A. qu'il a discuté du dossier RONA avec le ministre des Finances
et de l'Économie, M. Nicolas Marceau, et
indique que la position du nouveau gouvernement est la même que celle du
gouvernement précédent et qu'il y a donc lieu de continuer d'acquérir des actions de RONA. Donc, le président de
l'époque va dire à son conseil d'administration et juge nécessaire de dire qu'il faut acheter des actions
de RONA parce que c'est une décision politique. Par contre, il nous dit plus tard que ce n'est pas pertinent d'avoir
l'avis du ministre en place pour les vendre. Donc, pour les acheter, on dit au
conseil d'administration que le gouvernement
veut qu'on achète des actions, mais, quand il s'agit de les vendre, on n'a
plus besoin de l'avis du gouvernement.
Le
Président (M. Cousineau) : Juste un petit rappel, M. le député
de Sanguinet, il faut parler de M. le député de Rousseau, et non pas...
M.
Therrien : Ah oui!
Désolé, c'est parce que je faisais une citation, là, M. le Président.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, oui, je comprends.
M. Albert
(Mario) : M. le Président, la Loi d'Investissement Québec est ainsi
faite que, quand on prend un risque, il
faut demander la permission du gouvernement et, quand on dérisque, quand on
dispose d'un placement, on n'a pas à le faire. Maintenant, je ne dis pas
que c'est correct ou ce n'est pas correct, je dis simplement que c'est ça.
Donc,
effectivement, pour acquérir des actions de RONA à hauteur que souhaitait le
faire Investissement Québec, il
fallait l'approbation du gouvernement. Légalement, pour vendre les titres de
RONA, on n'a pas besoin de l'approbation du gouvernement formelle.
Évidemment, ça n'empêche pas, comme je le mentionnais tantôt, qu'on puisse
souhaiter consulter le ministre pour avoir la position du gouvernement, mais
légalement on n'a pas à le faire.
M.
Therrien :
Mais vous mentionniez tantôt que, quand vous avez vendu les actions, vous avez
pris la peine de mentionner que ça ne
mettait pas en péril la minorité de blocage et donc que c'est pour ça que vous
n'aviez pas avisé le ministre de l'époque.
Mais, d'après ce que vous avez dit, c'est clair que, si vous aviez opéré une
vente qui aurait mis en péril et,
finalement, brisé la minorité de blocage, vous auriez avisé ou vous auriez
consulté le ministre. C'est ce que j'ai compris tantôt.
M. Albert (Mario) : La réponse,
c'est oui.
M.
Therrien : O.K.
Écoutez, vous êtes arrivé en 2013, vous avez été un petit bout de temps avec le
nouveau gouvernement. Est-ce que vous avez
échangé du dossier de RONA avec le nouveau ministre qui venait d'être mis en
place en 2014? Est-ce qu'on a discuté
de ça soit avec l'appareil administratif ou avec l'appareil politique? Est-ce
que vous avez eu des discussions avec eux?
• (10 h 10) •
M. Albert
(Mario) : Il n'y a pas eu de discussion avec le nouveau gouvernement
sur RONA, d'aucune façon. De
ma part, en tout cas.
M.
Therrien : O.K. Quand vous parlez au ministère — je
parle, le président-directeur général — vous vous adressez à qui
généralement?
M.
Albert (Mario) : Ça peut varier, chaque ministre va avoir ses canaux
de communication. Quand je parle au
ministère, ça peut être au sous-ministre. Souvent, sur les dossiers plus techniques, sur
les enjeux d'orientation, ça va le
plus souvent au chef de cabinet. À l'époque
où j'étais là, il y avait des réunions statutaires entre l'appareil
d'Investissement Québec et les ministres. Parce qu'il y avait deux ministres,
il y avait Mme Zakaïb à l'époque et il
y avait M. Marceau. Donc, dépendant des dossiers, on faisait affaire
avec les deux. J'ai eu beaucoup d'appels du chef de cabinet, et, quand
j'avais des questions pour le ministre, la plupart du temps on passait par le
chef de cabinet.
M.
Therrien :
C'est ça. Généralement, le canal de consultation au niveau politique, c'était
le chef de cabinet, puis là vous espériez, évidemment...
Quand vous parliez au chef de cabinet puis avoir l'avis du ministre,
vous vous attendiez à ce que le chef de cabinet parle au ministre?
M. Albert
(Mario) : Bien, à l'époque, on avait un accès assez facile au
ministre, hein? Il y avait, à chaque deux
semaines, des réunions statutaires. Deux semaines, trois semaines, il pouvait y
avoir un peu de variance, là, mais il
y avait des réunions statutaires avec le ministre pour les dossiers. Je n'étais
pas toujours là, j'étais là des fois. Des fois, c'était Yves Lafrance, qui était responsable du Fonds de développement
économique, qui était aux réunions. Mais on avait un accès assez direct au ministre. Donc, on peut
penser que, dans un dossier comme RONA, compte tenu de la façon de fonctionner de l'époque, que ça aurait pu se faire
par le biais de ces réunions statutaires là ou encore par le biais du chef
de cabinet, avec qui on avait des discussions courantes, là, oui.
M.
Therrien : O.K. Donc, vous rencontriez quelquefois le
ministre, mais, la plupart du temps, vous passiez par le chef de
cabinet.
M. Albert
(Mario) : Très souvent.
M.
Therrien : Est-ce que vous avez l'impression que, des fois,
dans un dossier comme RONA, qui est
un dossier quand même très,
très important pour un gouvernement au niveau économique, là, est-ce
que vous avez comme l'impression, des fois, que le chef de cabinet,
là, allait faire un tour en haut, au bureau du chef? Avez-vous cette impression-là,
des fois? Parce que le décret avait été une volonté du gouvernement, là.
M.
Albert (Mario) : Bien, là-dessus, je dirais, en passant par le chef de
cabinet, c'est clair qu'on ne souhaite pas avoir l'opinion personnelle du chef de cabinet, on souhaite avoir
l'opinion du ministre. Donc, pour la suite des choses, c'est en dehors
de notre contrôle, mais c'est clair que la mécanique de passer par le chef de
cabinet, c'est une façon correcte, là, d'atteindre le ministre.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci. M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien :
O.K. Dans les rencontres statutaires, est-ce qu'il y avait un ordre du jour?
M.
Albert (Mario) : Oui, il y avait toujours des ordres du jour, il y
avait la liste des dossiers qui devaient être discutés.
M.
Therrien : O.K. Et,
écoutez, dans le dossier de RONA, là, je veux dire, je vous ai posé la question
de façon un peu large, là, mais on s'attend, là, dans un
dossier comme ça, que le chef de cabinet, là, il aille directement en haut, là, si... Surtout s'il s'agit d'une vente comme ça, on s'attend à ce que le chef de cabinet, là,
passe par ces deux canaux, là, d'abord le ministre, mais aussi aller en haut voir qu'est-ce qui se
passe au niveau du chef de cabinet du premier
ministre. Je ne peux pas croire que le chef de cabinet du premier
ministre n'a pas été avisé dans le cas de RONA.
M.
Albert (Mario) : Écoutez, je
n'ai pas d'opinion sur cette partie-là. C'est clair que l'intention d'Investissement Québec ou mon intention quand
j'appelle le chef de cabinet, c'est d'avoir l'opinion du ministre.
Maintenant, de l'autre côté, c'est un bout que je ne contrôle pas, ça. Ça, je
ne veux pas me prononcer là-dessus, là. Qui décide de demander à qui, ça, je
laisse ça entre les mains de ceux à qui on a posé la question.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien : Bien,
tu sais, il serait possible qu'on... en
tout cas, possible et probable que
ces deux canaux de transmission là soient effectifs dans le cas d'une
transaction aussi grosse que celle de RONA. C'est quand même une transaction de 140 millions de dollars qui
a mis en péril un fleuron de l'économie
québécoise, là. Je ne peux pas croire...
M. Albert (Mario) :
Je n'ai pas d'opinion là-dessus, M. le député, là. Ça, c'est... vous
comprendrez.
M.
Therrien : O.K. Écoutez, vous parliez tantôt du 9,9 %. On a entendu, à un moment donné, dire
qu'il y avait eu des ventes d'actions
durant le mandat du Parti québécois, puis là vous avez démenti clairement que
ces ventes d'actions là n'avaient pas été commandées par le gouvernement, mais vous aviez été de
bon aloi, vous l'aviez fait parce que ça ne mettait pas en péril la
minorité de blocage.
La vente, par la suite, de RONA, si elle avait été dans une situation... Même si vous
dites qu'il y avait des avantages comparativement à un achat
hostile, bien, la vente de RONA, si on avait eu des actions comme on en avait à
l'époque, 9,9 %, est-ce que le gouvernement, un, aurait
été en position de bloquer la transaction? Deux, est-ce que le gouvernement
aurait pu demander des conditions qui
auraient permis de protéger des fournisseurs québécois, et des emplois au
Québec, et éventuellement le siège social? Est-ce que ça aurait été une possibilité pour le gouvernement de pouvoir négocier ce genre de choses là?
M. Albert
(Mario) : Bien, c'est clair
que le gouvernement aurait été en meilleure position. Mais là on
spécule, on s'entend, là, est-ce que Lowe's aurait souhaité... est-ce
qu'il aurait été intéressé à faire une entente avec RONA si des investisseurs institutionnels québécois,
des investisseurs, des particuliers québécois avaient détenu plus de 33 % des actions? On peut se poser la question parce que, bien, ce
que je mentionnais tantôt, ça limite la portée de la transaction. Par contre,
on voit des acquisitions où les gens
acceptent de ne pas avoir les deux tiers des actions, c'est-à-dire qu'ils vont
prendre une majorité des actions,
52 %, 53 %, et dans l'espoir, avec le temps, d'aller chercher les
autres actionnaires. Dans ce cas-là,
avec la Caisse de dépôt et Investissement Québec, c'est clair qu'il y a des
actionnaires qui auraient probablement, s'ils l'avaient souhaité, été très résilients à déposer leurs actions.
Donc, c'est clair qu'on peut penser que le gouvernement aurait été en
meilleure position pour bloquer ça.
Évidemment,
une offre à 24 $, c'est une offre qui est intéressante pour certains des
investisseurs institutionnels qui
étaient en place, là. La Caisse de dépôt, par exemple, qui est un fonds de
retraite, quand même, la caisse a fait beaucoup d'argent avec ce titre-là. Il y aurait eu des questions sérieuses à se
poser à la Caisse de dépôt sur la meilleure approche à prendre. Est-ce qu'on conserve le titre ou pas?
Est-ce qu'on privilégie de maintenir une minorité de blocage ou on réalise
le gain, qui était quand même important? Mais, évidemment, c'est des
spéculations, là. Ça, on peut réécrire l'histoire autour d'un bon café, là, mais,
effectivement, le gouvernement aurait été probablement en meilleure position.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Taschereau, il vous reste deux minutes.
Mme
Maltais :
Alors, M. Albert, je vais être brève, puisque j'ai seulement deux minutes.
Simplement, quand vous avez quitté la
tête d'Investissement Québec, les actions de RONA n'étaient pas à vendre. Il
n'y avait pas de plan de vente parce
que — et vous
l'avez dit tout à l'heure — le plan de restructuration semblait fonctionner. Donc, quand
vous avez quitté, vous, il n'y avait aucune
raison à vendre des actions de RONA ou à perdre cette minorité de blocage,
et vous n'avez jamais non plus eu besoin ou
senti le besoin d'en parler au nouveau gouvernement parce que le plan de
restructuration fonctionnait, si je comprends bien.
M. Albert (Mario) : Absolument. Il
n'y avait pas de... Comme vous avez mentionné et que j'ai mentionné plus tôt, le plan de redressement, même si ce
n'était pas parfait, semblait donner des résultats. Il restait des défis, mais,
quand même, la valeur de l'action avait
augmenté. Le dollar canadien n'avait pas encore commencé à chuter. C'est clair
que ça, c'est un élément qui a changé la
dynamique, hein? Donc, pour un acquéreur américain qui fonctionne en dollars
américains, la baisse du dollar canadien a
changé la dynamique de RONA. Donc, ils ont pu acquérir la compagnie avec...
Mme
Maltais : ...pas
sur l'américain, je parle du côté gouvernemental d'Investissement Québec, la
détention d'actions de RONA n'était pas remise en question parce que le plan de
restructuration fonctionnait.
M. Albert
(Mario) : La réponse, c'est oui, le plan de restructuration et la
détention des titres de RONA n'étaient pas remis en question quand j'ai
quitté.
Mme
Maltais : Merci.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée. Ça termine le
temps que nous avions pour l'opposition officielle. Alors, je cède maintenant la parole au représentant du
deuxième groupe d'opposition, M. le député de Granby pour
9 min 30 s. M. le député de Granby.
M.
Bonnardel :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Albert. M. Albert, si je ne me trompe pas,
quand vous avez remplacé Jacques
Daoust en juillet 2013, il avait été annoncé que M. Daoust allait vous
accompagner pendant presque six mois comme conseiller auprès de vous.
C'est bien vrai?
M. Albert (Mario) : C'est ce qui
avait été annoncé, oui.
M.
Bonnardel :
Est-ce qu'il vous a accompagné? Quelle a été la nature de son mandat jusqu'en
décembre 2013? Est-ce que vous avez
côtoyé, à tous les jours, toutes les semaines, M. Daoust? Est-ce que vous avez
eu des rencontres avec lui?
M. Albert (Mario) : Il y a eu peu de
rencontres avec M. Daoust. Écoutez, cette décision-là, ce n'était pas ma décision, ce n'était pas, je pense, la décision de
M. Daoust, et, au plan pratique, c'était extrêmement difficile pour M. Daoust, pour moi, je dirais, de cohabiter. On ne peut pas être assis
deux au bout de la table du comité de direction. Vous comprendrez que, quand on prend la tête d'une organisation comme
Investissement Québec, bon, on souhaite avoir les coudées franches, on a notre vision des choses. Il
y avait aussi un nouveau président du conseil, on avait entrepris de refaire
un plan stratégique pour Investissement
Québec, et, écoutez, M. Daoust était disponible pour toute question que je
pouvais lui poser, mais il y a eu très peu d'échanges entre moi et M.
Daoust au cours de cette période-là.
• (10 h 20) •
M.
Bonnardel :
Donc, si je comprends bien, M. Daoust était légèrement fâché de vous voir
arriver, vous l'avez... Bon, c'est un
peu normal, j'imagine. Mais, dans vos courtes discussions que vous avez eues
pendant ces six mois, est-ce qu'il
vous a parlé, donc, du mandat que M. Bachand lui avait donné d'acheter des
actions? Parce que j'ai le décret ici, là, décret qui mentionne, comme vous l'avez mentionné, qu'Investissement
Québec ne peut investir une somme supérieure à 2,5 % de la valeur nette de ses actifs et qu'Investissement
Québec avait été autorisée à investir une somme qui ne pouvait pas excéder
250 millions de dollars. Est-ce qu'il vous a parlé de ça? Est-ce qu'il
était content de ça? Pourquoi, dans
des discussions avec l'ancien P.D.G., l'ancien P.D.G. de RONA disait que M.
Daoust se foutait un peu de RONA? Est-ce que, dans vos courts échanges
que vous avez eus pendant ces six mois, il vous a fait mention de ça?
M. Albert
(Mario) : Il n'y a eu aucune discussion entre moi et M. Daoust sur
RONA dans la période de transition de six mois, là, à Investissement
Québec.
M.
Bonnardel : Aucune
discussion?
M. Albert (Mario) : Aucune
discussion là-dessus.
M.
Bonnardel :
Donc, quand vous avez dit tantôt que vous avez vendu, en décembre 2013, un
premier bloc...
M. Albert (Mario) : En décembre
2013, le 6 décembre, oui, 1 million d'actions.
M.
Bonnardel :
Décembre 2013, pour passer de 9,9 % à 9,8 %, M. Daoust, qui était,
entre guillemets, votre conseiller, vous ne
lui avez pas demandé l'autorisation, vous ne lui avez pas demandé :
Qu'est-ce que tu en penses, on commence
à vendre... Parce que, là, il ne faut pas oublier qu'on vient d'acheter pour
100 quelques millions de dollars d'actions.
Un an plus tard, l'offre d'achat hostile est encore fraîche dans la mémoire de
M. Daoust. Vous-même, vous le savez
très bien que ça peut... Vous êtes un homme qui est en affaires puis qui
connaissez la dynamique commerciale depuis longtemps, vous avez commencé
ça puis vous n'avez pas demandé, donc, l'avis de M. Daoust.
M. Albert
(Mario) : Monsieur, je vais être très transparent, dans les six mois
de cohabitation, moi puis M. Daoust, on
s'est parlé peut-être deux ou trois fois, et, après le mois de septembre 2013,
je ne pense pas qu'on se soit parlé. C'était évident que, bon, j'étais à l'aise avec l'orientation qu'on prenait à
Investissement Québec, le travail qu'on faisait sur le plan stratégique, la réorganisation de
l'institution, je ne sentais pas le besoin de consulter M. Daoust et je ne
crois pas que M. Daoust sentait le besoin de me faire part de ses... des
opinions sur Investissement Québec.
M.
Bonnardel : Donc,
si je comprends bien, pas d'information à M. Daoust en décembre 2013, de courts
échanges entre vous deux, deux, trois. Donc,
pour vous, M. Daoust, c'était quoi, c'était un fantôme dans la bâtisse pendant
ces six mois où vous ne l'avez pas vu?
M. Albert (Mario) : Il n'était pas
dans la bâtisse.
M.
Bonnardel :
Vous ne savez pas s'il a eu un mandat spécifique, il est resté chez lui pendant
ces six mois ou...
M. Albert (Mario) : M. Daoust
n'était pas dans la bâtisse d'Investissement Québec.
M.
Bonnardel :
Donc, il était encore payé, mais il n'était pas présent pour vous conseiller,
supposément comme les parlementaires, les Québécois l'ont lu, par
l'entremise du gouvernement qui était en place. Donc, on a un ancien P.D.G. qui est un peu fâché, frustré, vous
arrivez, puis vous le côtoyez, deux, trois fois, puis vous ne lui demandez pas
du tout ce qui s'est passé suite au décret confidentiel, puis...
M. Albert (Mario) : Bien, écoutez,
il y avait des gens qui étaient là à l'époque, et on avait les réunions, des décisions du Conseil des ministres. Il y avait
toute l'équipe d'Investissement Québec qui avait fait le dossier de RONA
entre bonnes mains, si on veut, hein, pour
avoir l'information sur ce qui s'était passé à l'époque. Évidemment, je n'étais
pas présent dans les discussions de l'époque, mais des gens comme Yves
Lafrance, que vous allez rencontrer tantôt, Yves
Bourque, Jean-Jacques Carrier, etc., avaient été de première main dans ces
discussions-là. Je pense qu'il n'y avait pas de valeur ajoutée de
consulter M. Daoust à ce moment-là.
M.
Bonnardel :
Puis les vice-présidents qui étaient là sous M. Daoust qui étaient encore là
avec vous, tout ça, il n'y a personne qui vous émettait des commentaires
à savoir M. Daoust était logiquement fâché de se faire imposer d'acheter pour 250 millions de valeur en
termes d'actions. Puis là vous me dites : Moi, je n'ai pas eu de
discussion avec lui
sur RONA. Il y a l'ancien P.D.G. qui dit : Bien, M. Daoust se foutait de
RONA, puis, si ça avait été juste de lui, pas de mandat spécifique du gouvernement, je pense qu'on l'aurait perdue
immédiatement. Donc, personne dans l'entourage, là... C'est un fantôme qui est là pendant six mois, puis personne ne
vous parle de la dernière année qui est encore toute fraîche pour les
membres d'Investissement Québec.
M. Albert (Mario) : Très sincèrement, l'opinion de M. Daoust sur
RONA, sur son manque d'intérêt pour RONA, si c'est le cas — évidemment, je n'étais pas là — ne m'apparaît pas très pertinente au
dossier. L'objectif d'Investissement Québec,
c'était de contribuer à créer une minorité de blocage, ce qui a été fait, de maintenir
une détention des titres un petit peu
en bas de 10 %. C'est là-dessus qu'on s'est concentrés, et tout le reste,
à mon avis, c'est du folklore. Bon, les déclarations de M. Dutton
sur les positions de M. Daoust, ça n'a pas été porté à ma connaissance
pendant que j'étais président d'Investissement Québec. J'ai vu ça récemment
dans les articles de presse quand M. Dutton a fait des commentaires. Et, dans ma tête, c'est un peu
folklorique, tout ça, là, dans la mesure où est-ce que, nous, notre objectif,
c'était, à l'époque, protection, minorité de blocage, et on se concentrait
là-dessus.
M.
Bonnardel :
Est-ce que je comprends aussi que, dans la Gazette officielle, donc dans
ce décret qui était confidentiel dans le
temps, vous n'avez pas dépassé le 9,9... Vous auriez pu dépasser 9,9 % parce que vous aviez droit
d'aller acheter jusqu'à 250 millions de dollars d'actions. Vous avez...
Bien, vous avez... vous n'étiez pas là, mais Investissement
Québec a pris la décision. J'imagine que les V.P. vous ont dit : On a le
droit d'acheter jusqu'à 250 millions, on ne va pas dépasser x
montant. Donc, ça va en lien avec le fameux 9,9%? C'est pour ça? Sinon...
M.
Albert (Mario) : Absolument. Puis ça n'aurait pas été pertinent de le
faire dans la mesure où est-ce que, pour avoir une minorité de blocage, c'était 33 %. Avec la caisse, Fonds
de solidarité puis les détaillants qui détenaient des actifs de RONA, on atteignait cet objectif-là. Compte
tenu des enjeux au niveau de la gestion des risques de l'organisation, aller
plus loin que ça, ça aurait été en donner plus que le client en avait besoin, là. Donc, à 160 millions, c'était très correct
puis c'était cohérent avec la décision du gouvernement de protéger RONA contre
une offre d'achat hostile.
M.
Bonnardel : Donc, dans la décision de commencer, M.
le Président, à vendre comme un
premier bloc, passer de 9,9 % à
9,8 %, est-ce que le conseil
d'administration s'est penché là-dessus,
ou vous avez pris la décision seul, ou c'est le C.A. vraiment?
M. Albert (Mario) :
Non, non, c'est le conseil. C'est une décision du conseil. C'est une décision
du conseil d'administration, oui.
M.
Bonnardel : C'est
le conseil d'administration, vraiment, qui a décidé ça. Mon collègue l'a mentionné, vous
avez dit que, pour vous, si vous aviez à vendre plus d'actions ou de blocs
d'actions pour être capable d'en arriver à vendre en partie... Parce que ce début de vente de blocs
s'est fait, là, si je ne me trompe pas, à partir de
novembre 2013, vous avez fait une seule transaction.
M. Albert
(Mario) : ...2013.
M.
Bonnardel : C'est ça.
Est-ce que le conseil
d'administration, dans votre première
démarche, était déjà dans un mode de se dire : On va en
vendre plus, là, on se prépare à ça? Est-ce que c'était le début?
M.
Albert (Mario) : Non. De mémoire,
il n'y a eu aucune... Comme j'ai
mentionné dans ma déclaration au début, autant la direction d'Investissement Québec que le conseil
d'administration n'ont jamais proposé, à l'époque, d'aller plus loin, de
vendre le bloc d'actions de RONA. C'est clair qu'il y avait une préoccupation
pour la gestion des risques, les impacts qu'une baisse de la valeur du titre
pourrait avoir sur les bénéfices de la société, mais cette hypothèse-là de
vendre davantage n'a pas été soulevée, à ma connaissance.
Le Président (M.
Cousineau) : Dernière question, M. le député de Drummond.
M.
Bonnardel : Oui, merci. Est-ce que, pour vous, c'était un
point majeur quand je lis ici qu'un rapport du Comité de gestion des risques, auquel participait
Louis Roquet, président du C.A., et Pierre Gabriel Côté, disait
que l'impact sur les profits d'IQ
résultant d'une baisse éventuelle de 20 % de son portefeuille boursier
créerait une perte de 19 millions, une partie importante de cette baisse serait attribuable à RONA? Est-ce
que c'était une inquiétude vraiment forte de la part du conseil d'administration et de vous-même à savoir on les garde,
puis c'est de spéculation, c'est sur le public, donc on commence à s'en
débarrasser immédiatement, même si l'offre d'achat hostile était toute fraîche?
M. Albert
(Mario) : C'est un élément qui était dans la discussion quand il a été
décidé de vendre 1 million d'actions. Je pense que ce point-là a été
soulevé, mais ce n'était pas un point majeur. Ce n'était pas un point majeur à l'époque. Ça l'est peut-être devenu par après,
mais à l'époque, pendant que j'étais là, ce n'était pas un enjeu majeur. La
priorité, c'était de maintenir la participation à 9,9 %.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, M. Albert. Nous
allons maintenant passer la parole au député de Mercier pour les trois
prochaines minutes. M. le député de Mercier.
M. Khadir : Merci, M. le Président.
M. Albert, en réponse à une question de mon collègue de Laval-des-Rapides
sur le fait qu'aviez-vous, oui ou non, à
consulter le gouvernement pour l'acquisition des actions de RONA, vous avez
clairement dit que non parce que, de votre
point de vue, il n'y avait pas de changement d'orientation de la politique du
gouvernement sur le maintien des sièges sociaux, et donc vous trouviez, donc,
important, dans ces grandes décisions, quand
même d'éclairer vos décisions, des décisions de votre conseil d'administration
au moins par l'opinion du gouvernement
sans nécessairement prétendre que les décisions étaient uniquement en vertu de
l'orientation. Ça, c'est très bien compris.
Donc,
vous auriez, j'imagine... La question que je vous pose : Avec la venue
d'un nouveau gouvernement en mars,
avril 2014 et avec les orientations que
ce gouvernement a clairement établies sur son intention de
diminuer l'interventionnisme du gouvernement, une fois arrivée la
période où, on a vu, une décision a été prise de vendre les actions de RONA en novembre 2014, est-ce que vous croyez
plausible que la direction d'Investissement
Québec ne consulte pas les plus
hautes sphères du gouvernement et prenne une décision sans l'aval des
plus hautes sphères du gouvernement?
• (10 h 30) •
Le Président (M.
Cousineau) : M. Albert.
M. Albert
(Mario) : Bien, écoutez,
ce que j'en comprends — et
je n'ai pas vu le procès-verbal qui rapporte la décision d'Investissement
Québec, là, suite à la disposition du bloc d'actions — c'était
la décision de vendre après consultation avec le gouvernement, et, probablement,
c'est la même chose que j'aurais fait si j'avais été là.
C'est
une décision importante. Je le répète, l'article 4, qui oblige Investissement Québec à être en cohérence avec les orientations économiques du gouvernement, moi, je pense que c'est de bonne guerre pour le conseil d'administration. Même si
le conseil, légalement, a le pouvoir de vendre le bloc sans demander la
permission du gouvernement, légalement, moi, je pense que, par souci de cohérence, c'était la bonne approche si
c'est ça, effectivement, qui a été fait, de demander au gouvernement
son opinion, son point de vue sur cette transaction-là.
Le Président (M.
Cousineau) : Dernière question.
M. Khadir : Sachant que les actions détenues étaient détenues
et achetées dans une perspective de minorité de blocage, et on comprend que la Caisse
de dépôt et ses investissements étaient importants dans cette minorité de blocage, est-ce que,
dans toute décision liée à des transactions de vente ou d'achat, Investissement
Québec effectuait aussi une consultation, demandait l'opinion de la Caisse de
dépôt, consultait la direction de la Caisse de dépôt?
Le Président (M.
Cousineau) : Réponse rapide, M. Albert.
M. Albert
(Mario) : Ça, c'est une question très difficile parce qu'il y a des...
au niveau de la réglementation des valeurs
mobilières il y a des contraintes sur les transactions où les investisseurs
agissent de concert. Si c'est démontré en
vertu de la réglementation des valeurs mobilières que deux investisseurs
agissent de concert, bien, à ce moment-là, tu es obligé de... Par exemple,
Investissement Québec, à 9,9 %, qui agirait de concert avec la Caisse de
dépôt, ça va être réputé comme étant ensemble. Donc, tu dépasses le seuil
d'initié.
Bon, il n'y a pas eu
de discussions, à ma connaissance, de discussions formelles — dans
mon temps, en tout cas — entre
Investissement Québec et la Caisse de dépôt, de façon à ne pas agir de concert,
mais c'est clair que les deux organismes avaient sensiblement le même objectif.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci beaucoup, M. Albert, pour votre
participation à notre commission parlementaire.
Alors, je demande au
prochain intervenant de se préparer, et nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à
10 h 33)
(Reprise à 10 h 36)
Le
Président (M. Cousineau) : Nous reprenons nos travaux. Nous sommes prêts à entendre
M. Scraire. Bonjour, monsieur.
M. Jean-Claude Scraire, ancien
président du conseil
d'administration d'Investissement Québec
M. Scraire
(Jean-Claude) : Bonjour.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, comme le précédent, vous avez 10 minutes, maximum,
de présentation. Par la suite,
nous passerons à une période d'échange avec les parlementaires. Alors, à vous
la parole M. Scraire.
M.
Scraire (Jean-Claude) : M. le Président, Mmes et MM. les députés et
membres de la commission, je vais donc
commencer par une brève déclaration d'ouverture, comme vous m'y invitez, et il
me fera ensuite plaisir de répondre à vos questions.
Mon
nom est Jean-Claude Scraire. Comme vous le savez peut-être, de 1981 à 2002,
j'ai mené une longue carrière à la
Caisse de dépôt et placement du Québec — c'est mon background — où j'ai occupé diverses fonctions, notamment
celles de président du conseil et directeur général de 1995 à 2002. En
ce qui nous concerne plus précisément ici aujourd'hui, j'ai assumé sans
rémunération pendant 10 mois la fonction de président du conseil
d'administration d'Investissement Québec du 3 juillet 2013 au
9 mai 2014.
Au début de
mon mandat, qui coïncide un peu avec celui de notre P.D.G., M. Albert, là,
que vous avez entendu tantôt, au
début de mon mandat, le 3 juillet, Investissement Québec détient donc
9,9 % des actions de RONA, soit environ 12 millions d'actions. Six mois plus tôt, pour vous mettre dans le
contexte, le 14 janvier 2013, avant mon arrivée, donc, le conseil d'administration avait adopté une
résolution qui stipule que la détention par Investissement Québec ne doit pas
excéder 9,9 % des actions de RONA.
Je vous donne
la lecture précise du texte : Il est résolu à l'unanimité d'autoriser
Investissement Québec ou toute filiale
détenue en propriété exclusive à acquérir des actions additionnelles de RONA
pour un coût maximal de 60 millions sous réserve que la détention en résultant ne dépasse pas 9,9 %. En
fait, les achats antérieurs à ce 60 millions se sont tous aussi
faits dans cette perspective de ne jamais excéder un maximum de 9,9 % du
capital de RONA.
En quelques
mots — et
M. Albert, qui est l'ancien P.D.G. de l'Autorité des marchés financiers,
est bien placé pour vous le
rappeler — l'un des
impacts de la possession de 10 % ou plus des actions d'une compagnie est
que l'actionnaire qui détient
10 % ou plus des actions en devient un initié. Il doit faire des
déclarations publiques aux autorités sur ses achats et les circonstances
et motifs de ses transactions. Cet actionnaire devient donc sujet à certaines
dispositions légales additionnelles qui, parfois, limitent donc sa marge de
manoeuvre comme actionnaire et investisseur.
Quelques mois
après ma nomination, soit à la mi-novembre 2013, RONA annonce à tous ses
actionnaires qu'elle souhaite
procéder au rachat de 8,5 millions d'actions ordinaires de son capital et
que ces actions rachetées seront annulées, ce qui signifie que le nombre
total d'actions en circulation diminuera d'autant et que les actionnaires non
vendeurs augmenteront de ce fait leur pourcentage de propriété.
• (10 h 40) •
Un tel rachat
d'actions par l'entreprise qui les a elle-même émises peut servir divers
objectifs. Le plus courant de ces
objectifs est d'indiquer au public et aux actionnaires que la compagnie
considère son titre sous-évalué. En achetant ses propres actions sur
faiblesse, elle indique sa confiance. La conséquence est souvent une remontée
du titre au-delà de la zone minimale de
confort de l'entreprise. En évitant ainsi que son titre baisse trop,
l'entreprise empêche de plus de potentiels
acquéreurs — ou
prédateurs si le prix est vraiment bas — de l'entreprise d'acheter des titres à très
bas prix.
La direction d'Investissement Québec a alors procédé à une analyse et recommandé au
conseil de collaborer au plan de
rachat de l'entreprise, à défaut de quoi Investissement Québec allait
se retrouver malgré elle, par son absence de mouvement, à augmenter sa position et à dépasser le plafond de 10 % déjà déterminé. On comprend, en effet,
que, si vous maintenez le même nombre
d'actions alors que le nombre total d'actions diminue, vous augmentez votre
pourcentage. La mathématique est simple.
Une semaine plus tard, soit plus précisément à
sa séance du 18 novembre 2013, le conseil d'administration d'Investissement Québec a étudié la recommandation
des dirigeants et a résolu à l'unanimité la disposition de 1 million
d'actions sur les 12 millions d'actions
qu'Investissement Québec détenait. Cette vente a permis d'assurer
mathématiquement, compte tenu de la
diminution annoncée du capital de RONA, de ne pas excéder la limite de
9,9 % qu'Investissement Québec s'était
fixée. Il suffisait, en effet, que, sur les 8 millions d'actions que la
compagnie voulait racheter, 1,3 million de ces actions soient
rachetées par elle pour qu'Investissement Québec dépasse le seuil de 10 %.
J'ajoute que cet ajustement s'est inscrit dans
la stratégie de la compagnie de valoriser ses titres. Et, comme anticipé, le titre a, effectivement, augmenté en
valeur, valorisant du même coup les 11 millions d'actions détenues encore
par Investissement Québec sur les 12, donc
valorisant ce 11 millions d'actions d'Investissement Québec, les actions
de la Caisse de dépôt comme celles de tous les autres actionnaires.
Alors, ça
fait le tour des événements. Je rappelle qu'Investissement Québec est une
compagnie à fonds social qui est
régie par sa loi et par la loi sur les sociétés. Et, comme ces sociétés, elle
est administrée par un conseil d'administration qui joue un rôle majeur.
Je souligne au passage la qualité et la
diversité des membres qui composaient le conseil d'administration
d'Investissement Québec au moment de mon mandat. Qualifiés, dévoués au
développement économique du Québec, diversifiés en termes d'expertise et
provenant de diverses régions, il y avait donc là une très bonne
représentation.
Pour
terminer, M. le Président, je me permettrai un commentaire de portée plus
générale. De la même façon que le conseil d'administration joue un rôle
important à Investissement Québec, il jouait un rôle important chez RONA. Beaucoup d'études sont faites sur les moyens à
prendre pour éviter les achats et prises de contrôle hostiles soit au Québec
ou ailleurs. Plus rares sont les études sur
le rôle et la responsabilité des conseils d'administration de sociétés
impliquées dans des circonstances de vente volontaire. L'achat de
l'entreprise RONA par Lowe's, qui s'est concrétisé et terminé le 31 mars dernier, tout récemment, ne fut
pas un achat hostile, car le conseil d'administration de RONA l'a accepté et
recommandé à ses actionnaires. Et, selon les
lois en vigueur, compte tenu du prix offert, le conseil d'administration de
RONA n'avait pas le choix de faire cette
recommandation. Je ne dis pas que c'était correct, je dis que les lois disent
que c'est ça qu'il faut qu'ils fassent, compte tenu du prix offert, qui
était très élevé.
Il me ferait
plaisir de commenter sur ce sujet, si tel est votre bon souhait, pour discuter
quelques-unes des façons dont le
législateur peut s'outiller pour éviter des ventes ou des disparitions
d'entreprises et de sièges sociaux et mieux assurer la pérennité de nos entreprises. Diverses mesures ont déjà été
recommandées et sont publiques. Une mesure comme des précisions législatives dans les lois des sociétés par actions et
dans les lois de valeurs mobilières sur l'obligation du conseil de tenir compte de toutes les parties
prenantes — toutes
les parties prenantes — dans des décisions de vente irait dans ce sens. Ces précisions devraient permettre
de rendre efficaces les considérations déjà émises par la Cour suprême, mais non supportées par les lois de valeurs
mobilières. De même, certaines dispositions relatives au rôle des rémunérations
excessives des dirigeants en cas de vente de la société dans certaines
circonstances où les intérêts de toutes les parties prenantes ne sont pas bien
protégés seraient certainement les bienvenues.
Je suis
d'avis, en effet, que la mondialisation ou ce qu'on appelle la globalisation
peut parfois être positive si elle bien
encadrée par les législations ou réglementations nationales dans le but
d'assurer la préservation des intérêts locaux. À défaut, elle comporte
des effets pervers ici, au Québec, comme ailleurs dans le monde. On est bien
contents quand Couche-Tard achète ailleurs,
mais il a les mêmes obligations éthiques que ce qu'on attend des acheteurs qui
viennent ici. Merci.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. Scraire. Je passe maintenant la parole au député
de Laval-des-Rapides pour le
bloc de 23 min 30 s.
M. Polo : Merci beaucoup, M. le
Président. Merci beaucoup, M. Scraire. Bienvenue. Merci d'avoir accepté
l'invitation de la commission.
Pouvez-vous
revenir sur un de vos propos à la fin de votre allocution? Je veux bien saisir,
là, la portée de ce que vous avez
mentionné en lien avec l'entente négociée ou l'offre d'achat négociée entre
Lowe's et RONA, le prix offert à ce
moment-là et, j'ai bien compris, le sentiment d'obligation d'accepter la
transaction. Pouvez-vous juste répéter parce que, compte tenu, là, des travaux, les rénovations et, des fois, les
bruits ambiants... on veut juste bien saisir vos propos, s'il vous plaît.
M. Scraire
(Jean-Claude) : Oui. C'est que les lois de valeurs mobilières au
Canada, au Québec, les deux, invitent et obligent les conseils
d'administration à agir dans l'intérêt des actionnaires, dans l'intérêt des
actionnaires. J'hésite à prendre toujours le
cas de RONA, là, parce que c'est au-delà de RONA. Bien, quand Alcan a été
achetée à 30 quelques milliards de
dollars, alors que la valeur ne dépassait pas 10, 15 milliards, comment
voulez-vous que le conseil d'administration dise : Ce n'est pas dans l'intérêt des actionnaires? Et à partir du
moment où le conseil d'administration ne doit pas tenir compte des autres facteurs, et à partir du moment
où la loi l'oblige, l'oblige à servir les intérêts des actionnaires, bien,
on arrive à des situations où le conseil
doit recommander de vendre. Il ne peut pas vendre, il faut qu'il recommande de
vendre. Et ça, c'est prévu par les lois de valeurs mobilières.
Contrairement
à cela, dans un autre champ, la Cour suprême a fait deux jugements très
importants où elle a dit : Il serait approprié que les conseils
d'administration tiennent compte ou puissent tenir compte des intérêts de
toutes les parties prenantes. C'est bien,
c'est un jugement de la Cour suprême, mais la loi ne le permet pas. Alors,
c'est ce que je souligne ici, que
c'est certain que, et dans la loi québécoise et dans la loi fédérale des
sociétés par actions, on pourrait être un peu plus clair et un peu plus
précis sur les obligations des conseils d'administration. Que ça soit une vente
volontaire... Parce qu'il y a des ventes volontaires, RONA est une vente
volontaire, puis il y a des ventes dans des circonstances hostiles. Bien, dans
un cas comme dans l'autre, de tenir compte de toutes les parties prenantes.
Et la même
chose pour les commissions de valeurs mobilières, qui sont les plus réservées
là-dessus. Les commissions de valeurs
mobilières ont le devoir de protéger le marché financier, de protéger les
actionnaires. Elles ne s'arrogent pas le pouvoir de parler au nom de
toutes les parties prenantes, des gouvernements, des collectivités, des employés et des fournisseurs, elles n'amènent pas
les compagnies à tenir compte de ça. C'est une question législative, ça.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Je comprends. Donc, ce que vous amenez avec votre propos, c'est
de nous inviter à nous questionner sur, justement, comment élargir à
travers nos lois, si possibilité il y a, la portée des considérations des
conseils d'administration dans une situation
similaire ou identique à celle de RONA où un conseil d'administration n'aurait
plus uniquement à tenir compte de
l'intérêt des actionnaires, mais également de l'ensemble des parties prenantes.
C'est bien ça?
M. Scraire
(Jean-Claude) : Oui. Je vous donne comme référence là-dessus le
rapport, qui est public, qui a été déposé
ici, c'est un rapport du gouvernement par le Groupe de travail sur la
protection des entreprises québécoises, de février 2014. Il y a un
chapitre qui résume très, très bien ce que je viens de vous dire.
M. Polo : Je comprends.
M. Scraire (Jean-Claude) : Et,
évidemment, il y a Yvan Allaire, le président exécutif de l'institut de la gouvernance, qui, également, a bien explicité ces
enjeux-là, il fait des recommandations qui vont dans le même sens. La
réserve au Québec, c'est souvent que les sociétés... Si vous permettez, là, je
ne veux pas...
M. Polo : Allez-y.
• (10 h 50) •
M. Scraire (Jean-Claude) : Bon, la
réserve au Québec, c'est qu'il y a une minorité des grosses sociétés commerciales qui sont enregistrées sous la loi
québécoise, la plupart sont sous la loi fédérale. Donc, les gens du Québec
craignent qu'en modifiant, en restreignant
ou en obligeant plus les sociétés enregistrées au Québec à un certain nombre
de contraintes que les compagnies
s'enregistrent encore plus au fédéral. C'est une préoccupation légitime si le
gouvernement fédéral
ne change pas sa loi. Par ailleurs, avec l'importance des mouvements éthiques aussi bien au Canada
que dans le monde, on peut penser aussi que, si le Québec était à
l'avant-garde, comme certains États américains peut-être, de la préoccupation des intérêts locaux, bien, que ce serait suivi ailleurs au Canada,
que la pression serait telle qu'on suive au Canada.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Parfait, M. le Président. C'est un débat, c'est un sujet, en soi, qui est en lien, bien sûr,
avec le mandat d'initiative, mais qui, selon moi, mérite d'être étudié
plus longuement ailleurs.
Moi, je vais
en revenir sur le processus de décision de vente et votre rôle en tant
qu'ancien président du conseil lors
de la vente du bloc de 1 million d'actions, là, pour rester en dessous du seuil
d'initié. Est-ce que vous avez également... Parlez-moi, parce que M. Albert nous
a mentionné qu'un membre du gouvernement siégeait au conseil à l'époque, ce qui
n'est plus le cas... Ce membre-là était-il du volet administratif ou politique?
M. Scraire (Jean-Claude) : Ah
non! C'est le sous-ministre de... Je ne me souviens pas exactement de ses responsabilités.
Je ne me souviens pas que ça soit statutaire, mais c'est stocké, disons qu'il y
a habituellement un sous-ministre lié au développement économique qui siège
comme membre régulier du conseil d'administration d'Investissement Québec, et
on conçoit que c'est pour assurer une meilleure liaison avec le gouvernement.
Quand ce membre-là se trouve clairement en position de conflit, il doit le
mentionner. Conflit d'intérêts ou autre, il doit le mentionner, ou s'abstenir,
ou il peut aussi indiquer la position du ministre, il peut...
M.
Polo : Parfait. Pendant
votre période de 12 mois, quelle était la fréquence des échanges que vous
aviez non seulement
avec ce sous-ministre en question, mais peut-être le ministre concerné ou les membres de son personnel politique
à l'époque? Et dans quelles circonstances?
M. Scraire
(Jean-Claude) : Oui. Avec le
sous-ministre concerné, rien d'autre que les réunions
habituelles du conseil, là, ce n'était pas un membre différent que les autres
membres du conseil, qui est un conseil de 15 membres. Mes contacts étaient avec le ministre des Finances ou le cabinet du ministre des Finances sur une
base d'à peu près... aux trois mois, à peu près. J'ai été là
10 mois, là, je dois l'avoir vu trois fois ou quatre fois.
M.
Polo : O.K. Vos
échanges avec lui traitaient principalement des positions dans le portefeuille d'Investissement Québec ou sur...
M. Scraire
(Jean-Claude) : Non. Quant à
moi, je n'étais pas opérateur, je n'étais pas le directeur général et je
n'avais pas à prendre ces fonctions non plus. Non, on est plus au niveau des
orientations puis des enjeux, des enjeux de
secteurs de développement, de plan stratégique, où on s'en va, qu'est-ce que...
Nous, on a été préoccupés pendant qu'on était là, et M. Albert et moi, de modifier les orientations d'Investissement Québec telle qu'on l'avait prise pour y introduire,
je dirais, des orientations plus, je dirais, dynamiques pour le développement
économique du Québec.
M. Polo : Donc, dynamiques
voulant dire plus fréquentes, plus...
M. Scraire
(Jean-Claude) : Introduire
dans les orientations d'Investissement
Québec des orientations, d'être plus actif... par exemple, plus d'achats d'actions de compagnies, pas juste de la dette. C'est des
éléments qui changent, un peu de
capital de risque, alors qu'Investissement Québec n'en faisait pas. Aller dans
des secteurs nouveaux, d'économie
sociale, par exemple, ou d'autres
éléments comme ça. Revoir aussi les modalités de prêts d'Investissement Québec
pour ne pas faire là ce que les
banques faisaient, là. C'est inutile de répéter ce que toutes les banques
peuvent faire. C'est de l'argent de
l'État, c'est de l'argent des contribuables qui est géré par Investissement
Québec, alors la mission d'Investissement Québec en est une d'appoint. Alors sur les prêts, il faut vraiment aller
dans les niches qui ne sont pas couvertes par les autres institutions. C'est un rôle complémentaire que
celui d'Investissement Québec, il faut essayer de limiter l'argent que le
gouvernement doit y mettre.
M.
Polo : M. Scraire, j'essaie
d'élaborer avec vous sur vos échanges par rapport à des positions... Bien sûr,
vous mentionnez que vous vouliez être en symbiose avec le ministre, à
savoir sur ses orientations, sur le dynamisme des interventions d'Investissement
Québec à travers d'autres outils d'investissement, à travers différentes entreprises
au Québec, mais les positions dans le
portefeuille comme tel d'investissement... Je sais que vous n'étiez pas
opérateur comme tel, mais que ce soit
RONA ou que ce soient d'autres positions dans le portefeuille d'Investissement
Québec, aviez-vous des échanges avec le ministre?
M. Scraire
(Jean-Claude) : ...je ne crois pas qu'on ait eu à échanger sur quelque
sujet là-dessus. Au niveau des
investissements spécifiques, là, c'est possible qu'il y en ait eu, mais pas ça.
RONA, ça n'évoque rien pour moi, il n'y avait pas d'enjeu RONA à ce
moment-là.
M. Polo :
O.K. O.K. M. Albert nous a expliqué que, puisque l'investissement a été
fait à travers les fonds propres, il
n'y avait pas une obligation de tenir compte... ou, enfin, il n'y avait pas une
obligation de prendre une commande du gouvernement,
mais qu'il y avait un sentiment de vouloir consulter, il y avait un devoir de
consulter le cabinet. Vous comprenez, vous
interprétez ce mécanisme, là, disons, de... ces actions-là de la même façon, à
savoir que, puisque c'étaient des
fonds propres, pour vous c'était important de consulter, mais qu'ultimement
vous aviez l'autonomie en fonction de la latitude que vous aviez en
utilisant les fonds propres?
M. Scraire
(Jean-Claude) : En fait, c'est une position stratégique qui était
détenue par Investissement Québec, et
«stratégique» voulant dire qu'il y a un impact possible dans l'économie. Oui,
je pense que j'adhère totalement à ce que M. Albert disait, que, comme... Et, en plus, l'initiative émanait
du gouvernement, donc de l'actionnaire et du ministre de l'Économie, le
ministre des Finances étant l'actionnaire. Je vous soulignais tantôt que
c'était une société par actions, de fonds social. C'est important parce qu'on a
un actionnaire, c'est le ministre des Finances. L'actionnaire commande — comment je dirais? — la ligne de fin. S'il veut avoir
30 millions de profits, on va s'aligner pour le produire. S'il accepte des déficits de 30 millions, on peut
s'aligner aussi. C'est l'actionnaire qui commande ça. Les politiques, ensuite,
doivent s'aligner là-dessus. Alors, oui, c'est ça.
M. Polo :
Donc, mais consulter veut également dire... Et, quand vous vous mettez sur la
balance entre le devoir de consulter et l'autonomie que vous confère
l'utilisation des fonds propres, comment vous analysez ça sur la balance?
M. Scraire
(Jean-Claude) : Alors, moi, je n'ai pas de difficulté avec
l'autonomie. Une consultation, c'est une consultation. Quand on doit avoir l'accord, on doit avoir l'accord. J'ai
travaillé assez longtemps avec le gouvernement pour connaître... avec l'État puis avec... pour connaître la différence.
Puis avoir l'opinion des gens, c'est toujours pertinent, là. Quand on est dans l'administration de fonds
publics ou dans des sociétés qui sont au service des citoyens, il faut avoir
l'opinion du gouvernement. Après ça, on administre
selon les obligations de type fiduciaire qu'on a, les obligations de type légal aussi, là. La loi nous encadre dans
notre démarche. Alors, moi, je n'ai aucune... Il y a une très grosse différence
entre consulter puis recevoir une directive.
La Loi
d'Investissement Québec prévoit quand est-ce qu'on peut donner des directives.
Le gouvernement peut donner des
directives selon la loi. Alors, ce n'est pas un problème de dire... Bien,
écoutez, là, moi, ça ne fait pas mon affaire, donnez la directive, puis
là je vais la suivre. Elle va être au livre des minutes ou bien donc elle va
être déposée à l'Assemblée nationale. Il y a une façon de faire pour ça. Alors,
je n'ai aucune...
Par ailleurs,
c'est très important de consulter parce que... surtout dans des contextes comme
ceux dont on parle. M. Albert
vous a souligné tantôt que, par exemple, Investissement Québec, investisseur
important dans le dossier, ne peut pas
parler avec la Caisse de dépôt. Il ne peut pas se mettre à agir de concert avec
d'autres actionnaires. Ça, ça veut dire, ne pas se parler. C'est ça que ça veut dire. Alors, au moins, peut-on
parler au ministre, qui, peut-être, parle à tout le monde puis qui sait un peu ce qui se passe soit à la
Banque Nationale, soit ailleurs. Mais le ministre est censé savoir, si c'est un
dossier stratégique, ce qui se passe.
M.
Polo : Parfait. Donc, ce que j'en comprends, c'est que,
pour vous, consulter n'a pas la même obligation d'action que de recevoir des directives du gouvernement ou
plus précises à travers le FDE, à travers le Fonds du développement économique.
C'est ce que j'en comprends, c'est ce que vous dites.
M. Scraire (Jean-Claude) : Oui.
M. Polo : Est-ce que je me trompe?
M. Scraire (Jean-Claude) : Si je
consulte, je demande : Quelle est votre opinion?
M. Polo : Ce n'est pas une
directive.
M. Scraire (Jean-Claude) : Je ne dis
pas : Voulez-vous que je le fasse ou pas, là? La question n'est pas là.
Avez-vous quelque chose à me dire sur ce sujet-là?
M. Polo : Parfait. Donc, pour vous,
c'est une courtoisie.
• (11 heures) •
M. Scraire
(Jean-Claude) : Nécessaire.
C'est une courtoisie, mais j'en ai besoin pour bien effectuer mon mandat,
pour bien comprendre dans quoi on joue, quel
est notre terrain de jeu, là, qu'est-ce
qui se passe, le gouvernement, les autres joueurs. C'est nécessaire, pour Investissement Québec, de savoir
qu'est-ce qui se passe. Alors, ça fait partie de l'information
nécessaire pour la prise de décision.
M.
Polo : Est-ce que c'est un élément
principal? Quand vous dites que ça fait partie des éléments nécessaires pour la
prise de décision, est-ce que c'est un élément fondamental? Je vous rappelle,
on est dans les fonds propres, donc vous avez une autonomie. Est-ce que c'est un élément fondamental ou un
élément d'information utile, sans obligation, sans devoir d'exécution?
M. Scraire
(Jean-Claude) : On parle de certaines décisions majeures, là, on n'est
pas dans le courant des affaires, là. À quelle décision vous référez?
Est-ce que vous référez à une décision en particulier?
M. Polo : Non,
non, on parle de la position de RONA, on parle de la position de RONA.
M. Scraire
(Jean-Claude) : Là, on ne parle pas de l'ajustement de 1 million,
on parle du bloc? Il y a une différence entre les deux.
M. Polo : Moi, ce que je cherche à
préciser, c'est les propos de M. Albert, qu'il considère que...
M. Scraire (Jean-Claude) : Sur le
bloc. Sur le bloc.
M.
Polo : Sur le bloc, mais de façon générale parce que, là, c'était le...
Le bloc, on s'entend que, le bloc, il y avait des restrictions très
précises par rapport au 10 % d'initié, mais, de façon générale, ce que je
veux comprendre, c'est : Au-delà du
10 %, le critère de consulter, donc le sentiment, l'obligation de consulter,
quelle est la répercussion, si on peut dire, l'élément ou l'action qui
suit suite à ça?
M. Scraire
(Jean-Claude) : Je veux juste qualifier ma réponse avant de la donner,
c'est qu'on parle de décisions importantes. Je partage totalement le
fait que, pour les ajustements dont on parlait, sur le 1 million
d'actions, pour tenir le 9,9 %, ce
n'est pas une décision stratégique majeure, qui a un impact. À la fin de la
journée, là, il n'y a aucun impact là-dessus
parce que le nombre d'actions va diminuer. Mais, sur des décisions majeures
comme la vente du bloc, oui, je partage aussi son opinion que, là, il
aurait fallu consulter, même si c'était dans les fonds propres.
M.
Polo : Parfait, j'entends. Puis vous l'avez mentionné il y a quelques
instants, M. Scraire, mais l'obligation de consulter, une fois que vous ramenez cette information-là au conseil
d'administration, elle est un élément additionnel dans la prise de
décision, mais est-ce qu'elle est l'élément fondamental?
M. Scraire
(Jean-Claude) : Je ne comprends pas le mot. C'est un élément
important, ça fait partie des facteurs. Ça dépend du contenu qu'il y a, ça dépend du sujet, ça dépend de
différents... «Fondamental», là, est-ce que ça veut dire qu'il passe
avant les autres? Non, ça ne passe pas avant les autres, ça fait partie du
paquet. C'est sûr que c'est lourd, l'opinion d'un ministre des Finances, c'est
certain, mais la réalité, les impacts économiques, financiers sont aussi des
facteurs importants, l'impact pour l'entreprise, il y a beaucoup de choses.
M.
Polo : En effet. Donc, par exemple, si on poursuit dans votre pensée,
si vous analysez, après deux ou trois ans, que le risque d'achat hostile, peut-être, n'est plus présent ou il est
moindre qu'il ne l'était à l'été 2012, que la situation financière de l'entreprise s'est améliorée parce
que le plan d'expansion ou le plan de restructuration fonctionne, tout ça,
c'est des éléments qui sont des facteurs à
considérer. Et, bien sûr, la position, l'élément de risque à l'intérieur de
l'ensemble du portefeuille, si on peut dire, le possible retour sur
investissement initial... Parce que j'en conviens, que c'était une décision éminemment politique au début, mais, par
la suite, vous gérez au quotidien la rentabilité de vos investissements.
Donc, on convient de cela, quand vous
analysez tous ces éléments-là, la consultation que vous devez faire auprès du
politique est un élément additionnel,
mais n'est pas un élément prépondérant, n'est pas un élément essentiel ou
fondamental, c'est un élément de plus. C'est ce que j'en comprends.
M. Scraire
(Jean-Claude) : Écoutez, c'est une réponse théorique, ce que je vous
donne. En pratique, sur le bloc de 1 million,
il n'y avait pas de consultation nécessaire, c'était un ajustement qui était
assez... Bon, on s'entend là-dessus. Maintenant,
le bloc de vente de RONA, moi, je n'étais pas là, c'est en dehors de ma
période. Je ne sais pas qu'est-ce que j'aurais fait. Je présume que, si
j'avais été là, je qualifie ça de décision importante, j'aurais consulté.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : On en convient, M. Scraire. Puis vous avez été longtemps à
la Caisse de dépôt, effectivement. Mais ce que j'essaie de comprendre, c'est qu'une fois que dans une... Vous avez
répondu de façon théorique, mais je vais vous poser aussi un exemple
théorique. Une fois que, si on peut dire, le portrait se dégage devant, si on
peut dire, le futur de RONA, contrairement à
l'été 2012 — et là on
remonte, disons, soit à l'automne 2013, lorsque vous étiez président du conseil, ou juste avant votre départ, à l'été
2014 — à ce
moment-là l'obligation de consulter est importante parce qu'effectivement il s'agit d'une décision
importante, il s'agit éventuellement, peut-être, de vendre ou de se départir de
la position de RONA à l'intérieur du
portefeuille d'Investissement Québec. Mais, à ce moment-là, le poids de cette consultation-là versus l'ensemble des autres
facteurs dans la prise de décision, et qui se sont améliorés en cours de route,
O.K., donc vous avez des éléments qui
s'améliorent en cours de route, là, le plan de restructuration, le fait que
Lowe's n'est plus dans le portrait ou l'achat hostile n'est plus dans le
portrait, le fait qu'il y a une nouvelle équipe de direction également qui est en place, etc., l'ensemble de
ces facteurs-là jusqu'à l'été 2014, pour vous, O.K., dans un contexte où,
justement, vous quittiez, est-ce que la consultation auprès du politique est un
élément prépondérant, essentiel à la prise de décision ou il reste
encore un élément de plus, mais qui n'est pas substantiel, n'est pas, si on
peut dire, l'élément fondateur de la prise de décision?
M. Scraire
(Jean-Claude) : Alors, à nouveau, ce que je vous dis, c'est que, pour
le million d'actions, l'ajustement en
question, tous les facteurs autres que la consultation que vous mentionnez sont
présents à ce moment-là : l'amélioration de la situation, il y a un nouveau président du
conseil qui a été nommé chez RONA, qui est M. Chevrier, en janvier 2013,
des modifications au conseil, P.D.G., tout
ça. Alors donc, le train semble sur les rails correctement, donc ça ne pose pas
de problème particulier à ce niveau-là, ce
qui fait que le plan de rachat d'actions de RONA est très crédible, ça va dans
le sens des intérêts de tous. Alors donc,
tous les facteurs que vous mentionnez, là, sont pertinents et sont tenus en
compte, disons.
Par ailleurs, comme
on disait tantôt, il n'y avait pas nécessité de consultation parce que c'est un
ajustement mécanique. Donc, à cet égard-là,
il n'y a pas eu de... En autant que moi, je suis concerné — et M. Albert vous disait la même
chose — on
n'a pas cru approprié ou nécessaire de consulter.
M. Polo :
Parfait. Il reste deux minutes?
Le Président (M.
Cousineau) : Une minute.
M.
Polo : Une minute. Bien, merci beaucoup, M. Scraire, parce que
l'interprétation que je fais de vos propos et des propos de M. Albert, juste avant vous, ce que
moi, j'en comprends, c'est que, oui, il y avait une obligation de consultation,
mais la réponse, disons, suite à ces
consultations n'est pas prépondérante dans la prise de décision, dans la prise
de décision. Je vous ai amené à deux,
trois reprises à essayer de répondre dans ce sens-là. Vous avez refusé, vous
vous en êtes tenu, disons, à dire que
c'est important de consulter lorsque c'est une décision importante, mais
qu'ultimement il y a d'autres facteurs qui entrent dans cette prise de
décision là et que le retour ou la réponse du ministre ou du cabinet n'est pas
prépondérant dans la prise de décision, dans l'utilisation des fonds propres,
dans le cas de RONA en question.
Le
Président (M. Cousineau) : Peut-être une petite observation
rapide, M. Scraire. Sinon, nous passerons à...
M.
Scraire (Jean-Claude) : Non, je pense que j'ai bien cerné, là, la
différence entre une décision majeure où on consulte puis une décision
qui ne demande pas consultation. Les différents impacts jouent dans les deux
cas.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. Scraire. Donc, nous
allons passer maintenant à l'opposition officielle pour 14 minutes.
M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien : Merci, M. le Président. Alors, M. Scraire,
je vous salue. Merci d'être ici. Écoutez, on va y aller avec une question... Au départ, on va faire un jeu
de rôle — et non
pas un jeu drôle, parce que ce n'est pas drôle — un jeu
de rôle. Vous êtes dans la situation qui a été vécue par Investissement Québec récemment,
ils envoient un courriel au cabinet
du ministre, ils passent par le chef de cabinet. Ce que j'ai compris, là, c'est
qu'Investissement Québec, avec le
nouveau gouvernement libéral, ils passent par le chef de cabinet pour parler au
ministre. Puis sûrement pour parler en haut
aussi, là, parce qu'il est branché sur le cabinet du chef, là, mais ils passent
par le chef de cabinet. Ils demandent : Est-ce qu'on a l'autorisation pour la vente de RONA, des actions de
RONA? Vous envoyez ce courriel-là, vous êtes à votre poste. Il revient
deux heures plus tard, puis il a écrit non. Qu'est-ce que vous faites?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Scraire.
• (11 h 10) •
M.
Scraire (Jean-Claude) : En tout cas, disons que c'est tellement
théorique, là... Dans mon cas, là, je
veux dire, je ne l'aurais pas initié comme ça, là.
M.
Therrien :
Donc, vous ne répondez pas à la question. C'est trop théorique, vous dites.
M. Scraire
(Jean-Claude) : Bien, c'est-à-dire que c'est hypothétique, là, je veux
dire, comment je me serais comporté. Disons, parlons d'un autre dossier,
qu'est-ce que j'ai fait dans... Quand on doit consulter ou quand on doit avoir l'accord, je conçois fort bien qu'on passe
par le chef de cabinet pour avoir l'accord du ministre. Pour moi, un chef
de cabinet, comme disait M. Albert
tantôt, ce n'est pas son opinion personnelle qu'on cherche. Parfois, ça peut
être son opinion personnelle, mais on
va lui dire, là, c'est l'opinion personnelle. Quand on demande la décision ou
l'opinion du ministère ou du ministre, bien là c'est l'opinion du ministère
ou du ministre, puis, habituellement, c'est l'opinion du ministre ou du ministère
qu'on cherche quand on a des démarches à faire.
Alors,
ça, je conçois fort bien qu'on passe par là, je n'ai pas de difficulté
avec ça. Les ministres se promènent puis font beaucoup de choses, alors on ne peut pas toujours
les rejoindre. Le chef de cabinet a habituellement plus de rapidité pour rejoindre son ministre
que...
M.
Therrien :
Oui. Peut-être qu'il a essayé de rejoindre d'autre monde aussi, là. Ça, c'est
clair.
Écoutez,
un des problèmes qu'on a, et je pense que vous l'avez bien soulevé... Quand
vous dites qu'on a le pouvoir légal de vente parce que c'est dans les
fonds propres que ça a été acheté, quand a été prise la décision d'acheter dans
les fonds propres? Qui a pris, d'après vous,
cette décision-là? Est-ce que c'est le ministre qui a suggéré ça? Est-ce que c'est le conseil d'administration? C'est qui qui
a le pouvoir de dire : On va prendre les fonds propres, et non pas le
Fonds de développement économique, qui aurait lié
Investissement Québec formellement, sans équivoque, à détenir des actions
de RONA tant et aussi longtemps que la
commande politique n'est pas passée? Qui, en 2012, d'après vous, a pris la
décision de prendre les fonds
propres? C'est à qui que ça revient, cette décision-là? Parce que j'imagine, là...
Écoutez, là, on n'est pas à La Binerie Mont-Royal, là.
M.
Scraire (Jean-Claude) : Oui. Disons que je vais vous répondre en
disant que, pendant le 10 mois où j'ai été président du conseil, il est arrivé que le gouvernement voulait faire
des opérations financières, puis la discussion pouvait se poser à savoir : Est-ce que c'est les
fonds propres ou c'est le Fonds de développement économique? Bon. Et parfois
c'est à la marge, hein, parfois c'est à la marge, le niveau de risque. Puis
est-ce que ça entre dans la mission d'Investissement Québec? Il peut y
avoir de saines discussions sur le sujet.
Mais, en bout
de compte, quand le gouvernement veut faire une opération... En tout cas,
pendant le 10 mois où j'étais
là, ma conception, c'était que, si Investissement Québec n'était pas à l'aise
que c'était dans son rôle, bien, ils ne le faisaient pas puis ils disaient au gouvernement : Bien, écoutez,
nous, ce n'est pas dans notre rôle, ce n'est pas dans notre niveau de
risque, on ne peut pas rentrer ça dans notre portefeuille, donc faites-le dans
le Fonds de développement économique.
M.
Therrien :
Voilà. Donc, quand c'est un ordre du gouvernement, c'est le Fonds de
développement économique qui est
généralement utilisé. C'est un peu stupéfiant de voir que c'est les fonds
propres qui ont été utilisés pour acheter ces actions-là.
M. Scraire
(Jean-Claude) : À moins qu'Investissement Québec soit à l'aise avec la
décision, auquel cas il n'y a pas de problème.
M.
Therrien :
Bon, bien, écoutez, s'ils sont à l'aise avec ça... J'imagine que, si vous avez
une commande politique... Puis même
le député de Laval-des-Rapides l'a dit : J'en conviens, que la décision
est éminemment politique. Mettons que la décision est politique, de
garder les actions de RONA. Vous, là, c'était tellement évident, là, de ne pas
vendre RONA, que ce n'était même pas sur la
planche, là. Vous m'avez dit, vous avez dit tantôt : Bien, nous, on ne
s'est jamais posé la question. Donc,
il y avait une commande politique pour ne pas vendre RONA. On avait accepté ça
d'emblée parce que le gouvernement
précédent, le gouvernement péquiste... le gouvernement libéral, à l'époque,
avait bien, bien été clair dans sa position. Puis même le décret, c'est
juste des balises qui permettent cette action politique là. Ça fait qu'en partant, là, il y a une décision politique claire.
Et là vous me dites en plus que vous disiez : Bien là, nous autres, c'est
clair, ça va bien chez RONA, M.
Albert l'a mentionné tantôt, ça va bien chez RONA, la position politique, elle
est claire, elle n'a pas changé
depuis deux gouvernements, vous dites : S'il a pris les fonds propres,
c'est parce qu'il est à l'aise là-dedans. Et bingo! il décide de vendre les actions. Pourquoi? Qu'est-ce qui s'est
passé pour qu'il décide de vendre des actions dans cette situation-là?
M. Scraire
(Jean-Claude) : Bien là, moi, je n'étais pas là à ce moment-là. La
vente du bloc, là, je ne peux vraiment pas vous... je ne peux pas vous
éclairer là-dessus.
M.
Therrien : Non,
mais, vous, là, je vous demande votre opinion. Vous êtes un expert, là, vous
avez un curriculum vitae, là, long comme le bras, là, moi, je vous dis :
Écoutez, vous, là, pouvez-vous, vous, expliquer ça?
Puis, moi, ce qui m'a frappé dans votre
présentation, c'est de dire : Nous, là, ça ne nous est pas passé par l'esprit, mais pas du tout, de vendre les actions
de RONA, vous l'avez dit tantôt. Et là bang! le nouveau gouvernement arrive, puis là Investissement Québec se réveille,
puis dit : Nous autres, on veut vendre ça, puis on a demandé au ministre,
puis... Bien, en tout cas, puis là le chef
de cabinet — on
connaît l'histoire, là, l'histoire d'horreur là — le chef de cabinet dit : O.K.
Allez-y, et on obtient une vente de RONA.
Vous, là,
trouvez-vous que c'est logique d'avoir vendu les actions de RONA à ce moment-là? Il y avait-u quelque
chose qui avait changé pour qu'on s'aperçoive que les actions de RONA
devenaient une difficulté dans les fonds propres?
Puis ils ont pris les fonds propres parce
qu'ils disaient qu'ils étaient à l'aise avec l'investissement, je prends vos
propos. Qu'est-ce qui s'est passé, d'après vous?
M. Scraire
(Jean-Claude) : Je n'ai aucune idée, je n'ai aucune idée. Je ne veux
pas spéculer, hein, il peut y avoir... Je ne veux pas spéculer.
M.
Therrien :
Bien, en tout cas, moi, je vous dis, écoutez, c'est extrêmement énigmatique.
Puis là on disait : Oui, mais
là, si on avait eu les actions de RONA, on n'aurait pas empêché la vente parce
que c'était une offre intéressante, ainsi
de suite. Sauf que, là, là, Investissement Québec détient 9,9 % des
actions, on s'entend, Lowe's décide d'acheter RONA. C'est quoi, les trois possibilités du gouvernement? Première
possibilité, il a des actions de RONA, il fait 120 millions de
profit avec ses actions. O.K.? Deuxième possibilité, il dit : Bien, moi,
j'accepte la vente de RONA, mais je veux des
engagements pour les fournisseurs, pour les employés, pour le siège social,
l'administration. Ce que la ministre de l'Économie a essayé d'avoir en vain,
elle est revenue avec un sac vide, mais là tu as 9,9 % des actions puis,
en plus, tu as d'autres partenaires qui
peuvent bloquer la transaction avec une opposition minoritaire, donc on peut négocier.
Ou troisième point, si on considère que
l'écosystème économique ne permet pas d'accepter logiquement une vente de
RONA, on bloque la transaction.
Alors, dans
les trois circonstances, voulez-vous me dire pourquoi on a vendu les actions de
RONA? Ça n'a aucune espèce de bon sens. Et je vais aller plus loin,
pourquoi le gouvernement libéral, que ce soit le ministre, ou le premier ministre, ou le chef de cabinet du premier
ministre, chef de cabinet du ministre, a pu accepter de vendre ces actions-là?
Il n'y a aucune logique à ça. Êtes-vous capable de m'aider, dire :
Bien non, il y a peut-être d'autres raisons puis... Moi, je ne vois rien dans
le radar qui me permette de motiver des ventes d'actions de RONA à ce moment-là
dans la vie de RONA.
Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que, si on avait gardé les actions de
RONA, ça nous aurait mis dans une position beaucoup plus confortable
quand est arrivée la fusion ou l'achat de RONA par Lowe's?
M.
Scraire (Jean-Claude) : Certainement que ça met dans une position
confortable si vous conservez un bloc important
et si le management puis la direction est d'accord aussi parce que, dans le
bloc important, habituellement, comme c'était
le cas ici, la direction de l'entreprise faisait partie de la minorité de blocage,
d'après ce que j'ai compris. Alors donc, le 10 %, oui, si vous arrivez à la minorité de blocage de 33 % ou
35 %, là — je ne me
souviens pas — alors,
oui, c'est une meilleure position
s'il y a une minorité de blocage en place. Si elle n'est pas là, vous n'êtes
pas là, vous ne pouvez pas la bloquer. Parce qu'il reste que cette
transaction-là, dans le cas de RONA, se terminait par le vote des actionnaires.
Il y a eu une réunion, puis ça s'est voté.
M.
Therrien : Bon, en tout cas, avec du recul, ex post, comme
diraient les économistes, on peut dire que c'est une mauvaise décision.
Fonds de
développement économique, dans la charte, là, d'Investissement Québec :
«Est institué, au sein du ministère du
Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, le Fonds [de]
développement économique.
«Le
fonds est affecté à l'administration et au versement de toute aide financière
prévue par un programme élaboré ou
désigné par le gouvernement et de toute aide financière accordée par la société
dans l'exécution [du] mandat que le gouvernement lui confie, ainsi qu'à
l'exécution des autres mandats que le gouvernement confie à la société.»
Ça,
là, entre autres à l'intérieur d'un décret, là, ça, là, est-ce que ça vous
convainc qu'on aurait dû mettre les actions d'Investissement Québec dans le Fonds de développement économique, quand
je lis ça? Est-ce que c'est ce que vous auriez fait, vous? Non, non, mais écoutez, à partir de ça, là, je veux dire,
est-ce qu'on peut convenir, là, que ça allait dans le Fonds de
développement économique? Je me trompe-tu, là, quand je lis ça? Vous êtes un
expert. Moi, je n'ai jamais été à Investissement
Québec, là, est-ce que je peux considérer qu'on devait s'attendre à ce que ce
soit le Fonds de développement économique qui achète ça?
• (11 h 20) •
M.
Scraire (Jean-Claude) : Malheureusement, il faut que je fasse un
détour pour vous répondre vraiment, là. Je ne sais pas, si ces acquisitions-là avaient été faites par le Fonds
de développement économique, qui aurait été l'acheteur qui serait apparu dans les livres, est-ce que ça
aurait été le gouvernement du Québec ou Investissement Québec et qui aurait
été le détenteur réel de ces actions-là. Et
je vous souligne juste ça pour dire ceci, c'est que les marchés financiers n'aiment
pas beaucoup voir les gouvernements
intervenir directement dans l'actionnariat.
Parce qu'Investissement Québec est un
mandataire, ça passe un peu mieux. La Caisse
de dépôt est totalement différente, elle est reconnue comme un investisseur
qui va au marché. Elle aurait eu de la difficulté aussi à ne pas vendre à
24 $, la Caisse de dépôt, parce que c'est un investisseur qui va au marché. Alors, à un moment donné, il faut que la
cohérence d'ensemble du portrait économique québécois ressorte quelque part, là. Je veux dire, bon, il y a des
choses qu'on fait, des choses qu'on
ne fait pas, on protège jusqu'à un certain point.
Donc,
tout ça pour vous dire que je n'ai pas tous les éléments pour dire qu'est-ce que j'aurais fait entre les fonds propres
et le Fonds de développement
économique. Par ailleurs, compte tenu de la nature du risque, c'est certain que j'aurais demandé probablement
un ajustement quelconque avec le gouvernement pour rentrer ça dans les fonds
propres.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien : Bien,
écoutez, plus on regarde le dossier puis plus on s'aperçoit, là, que ça
ressemble à une histoire d'horreur. D'abord,
au départ, de prendre le fonds propre, moi... En tout cas, les gens qui
passent ici, jusqu'à date, ne sont
pas capables d'expliquer pourquoi Jacques Daoust a fait ça. Puis nous autres,
on veut l'entendre en commission, Jacques
Daoust, parce que c'est à peu près le seul qui peut nous dire pourquoi il a
fait ça, parce que tout le monde nous dit,
y compris vous, puis ce qu'on lit de la charte, là, d'Investissement Québec, que ça doit passer par le Fonds de développement économique. Puis ça a mis justement,
si on veut, Investissement Québec un peu dans une situation problématique parce que ce n'est pas clair. Il y a
un pouvoir légal de vendre sans l'avis du ministre, mais, à quelque
part, moi, j'aurais consulté,
j'aurais été bien mal à l'aise de le faire sans son aval parce que
ça veut dire que tu arrives dans une situation qui rend la
chose plus floue.
Là,
vous dites : Oui, mais on aurait accepté la transaction probablement pareil. Mais c'est parce
qu'on n'a même pas eu la possibilité
de dire quoi que ce soit. Puis je vous l'ai dit, les trois possibilités qu'on a
perdues, là, choisissez n'importe laquelle, c'est mieux que ce qu'on a actuellement,
on s'entend.
Puis
là on arrive dans une situation où, si on veut maintenir les sièges sociaux au Québec
davantage, il y a... Nous, on
a demandé de faire un rapport — justement, vous l'avez mentionné tantôt,
là — pour,
justement, trouver des moyens de protéger les sièges sociaux au Québec
alors que, dans plein de pays sur la planète, ils le font. Bien, à ce moment-là, quand c'est rendu qu'un des
seuls moyens qu'on a, c'est d'arriver avec une opposition minoritaire, puis le gouvernement vient, tout simplement, disloquer cette possibilité-là, bien, ça veut dire que le Québec est à vendre, tu sais, c'est un peu ça, là.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, je vous remercie, M. le
député de Sanguinet,
c'est tout le temps que nous avions pour le deuxième bloc. Alors, je
passerais maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition,
à M. le député de Granby, pour
9 min 30 s.
M.
Bonnardel : Merci,
M. le Président. Bonjour, M. Scraire. M. Scraire, première question
rapide. Dans le fameux procès-verbal où on a autorisé le dernier bloc
d'actions, là, il est écrit : «Ils conviennent qu'une telle vente progressive des actions de RONA devrait être entamée, sous
réserve de consulter à ce sujet au préalable le ministre responsable de la société.» Pour vous, est-ce que
c'était normal d'écrire ça avant d'entreprendre la vente? Si vous aviez été
président du C.A. pendant ce temps, vous auriez fait la même chose?
M. Scraire
(Jean-Claude) : J'aurais d'abord consulté avant d'arriver à une résolution.
J'aurais...
M.
Bonnardel :
Donc, vous me dites : Avant d'en arriver à ça, je communique, moi, avec le
ministre.
M.
Scraire (Jean-Claude) : Oui,
parce que, là, j'ai de la difficulté à comprendre la résolution,
je ne sais pas... Puis, si je le
consulte, puis il dit non, là, qu'est-ce
que je fais? Je veux dire, c'est moi
qui ai la décision finale, puis là je le consulte, je suis mal pris.
Chacun
a ses façons de fonctionner. Moi, j'aurais consulté d'abord, puis
là j'aurais dit : Bien, le ministre dit ça, voici,
mais, quand même, la direction recommande ça, puis là nous, les
membres du conseil, on décide quoi? Ou le ministre est d'accord ou il n'est pas d'accord. Peu importe, il
donne son avis. Ça fait partie des facteurs dont on parlait tantôt, il y a toutes sortes d'éléments à considérer. Le ministre
a certainement beaucoup d'éléments à donner pour enrichir son commentaire, là, ce n'est pas juste nécessairement des oui et des non, là, c'est... Surtout si c'est un non, bien, c'est parce qu'il y a des impacts a, b, c, là.
M.
Bonnardel : Comme
président du C.A., vous dites : Moi, je vérifie avec le gouvernement. Vous appelez qui? Vous
appelez le ministre ou vous appelez le premier ministre? Parce que
c'est quand même une décision importante, là, en l'espace
de deux ans...
M.
Scraire (Jean-Claude) : Moi,
comme président du conseil, j'estime que le président du conseil parle d'abord avec le ministre des Finances.
M.
Bonnardel :
Le ministre des Finances.
M. Scraire
(Jean-Claude) : C'est lui, l'actionnaire, j'ai cette réaction-là. Ça
se défend tout à fait, d'aller au ministre du Développement économique aussi,
parce que c'est une matière de développement économique. Moi, ma réaction, c'est plus ministre des Finances, mais le
P.D.G. peut appeler le ministre du Développement économique. Moi-même, ça aurait pu être ça, là. Mais vous me
demandez : Vous appelez qui? Bien, comme je ne les appellerai peut-être
pas tous, je vais parler au ministre actionnaire.
M.
Bonnardel :
Vous avez été là...
M. Scraire
(Jean-Claude) : 10 mois.
M.
Bonnardel :
...oui, 10 mois, juste à peine un an avant que cette décision se prenne,
ou à peu près, là.
M. Scraire
(Jean-Claude) : À peu près.
M.
Bonnardel :
Avez-vous parlé au président du C.A. du temps? Pour comprendre un peu la
dynamique, est-ce qu'on vous a appelé?
M. Scraire
(Jean-Claude) : Non, non, non.
M.
Bonnardel :
On ne vous a pas appelé, on ne vous a pas demandé...
M. Scraire
(Jean-Claude) : Non, non. Quand j'ai terminé, j'ai terminé.
M.
Bonnardel :
O.K. Vous n'avez pas été une partie prenante de...
M. Scraire
(Jean-Claude) : Non, non. Puis je n'étais pas conseiller.
M.
Bonnardel : O.K. Je
posais la question à M. Albert tantôt, M. Daoust, qui a été
supposément un conseiller — peut-être pas proche, là — pendant
six mois, est-ce que vous, vous avez communiqué... est-ce que M. Daoust a
communiqué avec vous? Est-ce que vous l'avez vu pendant les six mois, donc entre...
M.
Scraire (Jean-Claude) : Non.
Non, non, je ne l'ai pas vu. Je me souviens d'une conversation avec M. Albert,
on a dit : Bon, bien, quels sont les
sujets sur lesquels il pourrait contribuer? Ce n'était pas évident, compte tenu du climat qui existait à ce moment-là, là, puis c'est certain...
M.
Bonnardel :
C'était malsain?
M. Scraire (Jean-Claude) : Bien, en fait, il n'était pas très heureux de la situation, alors ça rendait les communications un peu difficiles. Puis on
était — ce qu'a souligné
M. Albert — dans la
préparation d'un nouveau plan stratégique qui était très différent de ce
qu'il y avait avant, alors...
M.
Bonnardel :
M. Daoust ne participait à aucune rencontre stratégique spécifique...
M. Scraire
(Jean-Claude) : Non, non, non, je... Non, non.
M.
Bonnardel :
...même informelle, du côté du C.A., il n'était pas du tout là?
M. Scraire
(Jean-Claude) : Non.
M.
Bonnardel :
Il ne communiquait pas avec personne, même pas avec vous?
M. Scraire (Jean-Claude) : Non, puis on n'a pas communiqué non plus sur des
questions de conseil, là, hein?
M.
Bonnardel : Donc,
vous n'avez pas eu d'appel précisément avec M. Daoust pour dire :
Écoutez, là, M. Scraire, il faudrait peut-être prendre telle
décision, passer au-dessus de la tête de M. Albert ou...
M.
Scraire (Jean-Claude) :
Bien, c'était plus une question d'opération aussi. M. Daoust n'était pas
président du conseil avant, il était
P.D.G. Alors, c'est plus au niveau du P.D.G., ce n'était pas à moi à faire
appel à lui. Puis le P.D.G. ne voyait
pas, dans le contexte, là, en quoi M. Daoust serait intéressé à collaborer
puis en quoi il pourrait, effectivement,
collaborer.
M.
Bonnardel : Vous,
là, lors de la première vente du bloc d'actions... Comme M. Albert le
mentionnait tantôt, là, ça s'est fait
en décembre 2013, on est passé de 9,9 %
à 9,8 %, un premier bloc de 1 million d'actions. Là, on sort quand
même de l'offre d'achat qui date d'à peine un an, hostile, de la part de
Lowe's, là, ou à peu près.
M. Scraire
(Jean-Claude) : Oui, plus ou moins, là. Un peu plus, oui.
M.
Bonnardel : J'essaie de comprendre. Vous, là, étiez... Puis
là tout ça, c'est un processus où le bloc a été vendu dans un espace
d'un an. Étiez-vous pour qu'on commence à vendre un premier bloc d'actions,
vous-même?
M. Scraire
(Jean-Claude) : Non, ce n'est pas un premier, c'est un bloc qui est un
ajustement.
M.
Bonnardel :
Pardon, c'est?
M.
Scraire (Jean-Claude) : Ce n'est pas un premier bloc, c'est un bloc
qui est un ajustement, qui découle de la décision de la compagnie de mettre en place un programme de rachat.
Alors, la compagnie met en place un programme de rachat, on fait l'ajustement. Depuis le début, Investissement Québec
a clairement mis sur la table que son rôle était de détenir 9,9 %.
Ce n'était pas en termes de dollars, c'était en termes de pourcentage, pour les
considérations légales dont je viens de
parler. Donc, automatiquement, si la compagnie diminue... l'exécution du plan
de match initial, qui était de
9,9 %, commande qu'on fasse l'ajustement par des ventes parce que c'était
ça, le plan de match, dès le début, 9,9 %.
M.
Bonnardel : Dans l'analyse du risque, là, bon, on achète un
bloc d'actions x, puis Investissement Québec veut nécessairement faire des sous, hein, ne veut
pas en perdre. Est-ce qu'on vous a proposé pendant votre mandat, dit :
Bien, écoutez, l'action est rendue à tel
niveau, on va commencer à vendre de façon progressive puis on va être capable,
si tout va bien, d'aller chercher un
profit minimal? Si je me fie à mes documents, selon la VG, avec la vente de
12 millions d'actions, ça a été un profit d'à peu près
6,2 millions de dollars pour 4 %. Est-ce que c'était, pour vous,
primordial qu'Investissement Québec fasse...
M. Scraire
(Jean-Claude) : Bien, pendant les 10 mois où j'ai été là, ça n'a
pas été sur la table, il n'a pas été question de vendre le bloc d'actions.
M.
Bonnardel :
Donc, vous, vous avez quitté en avril 2014...
M. Scraire
(Jean-Claude) : En mai 2014.
M.
Bonnardel : ...mai 2014. Et, à peine six mois plus tard, on
décide de vendre complètement, puis vous me dites, vous, que vous n'avez
jamais entendu parler qu'Investissement Québec...
M. Scraire
(Jean-Claude) : Non. Ni au conseil d'administration ni par la
direction.
M.
Bonnardel :
Donc, en l'espace de six mois, tout ça a changé, puis on s'est dit : O.K.
On prend la décision de vendre. Puis vous, vous n'aviez jamais eu vent,
jamais eu vent de personne au C.A...
M. Scraire
(Jean-Claude) : Pas pendant le temps où j'étais là, non. On n'a pas
évoqué un problème, ou une opportunité, ou une...
M.
Bonnardel :
Parce que vous, vous étiez... Est-ce qu'on vous a déjà posé la question? Vous
n'étiez pas d'accord ou... Parce que c'est quand même particulier, en
l'espace...
• (11 h 30) •
M. Scraire
(Jean-Claude) : Non, il n'en a pas été question. Il n'en a pas été
question, ni de vendre ni d'acheter. Le bloc était là, c'est tout.
M.
Bonnardel : Et
vous, le conseil d'administration...
M. Scraire
(Jean-Claude) : Puis il y avait le suivi de gestion de risques. La
gestion de risques est consciente qu'on a un risque là. Ça, ce que ça veut dire, parfois, là, il faut décider
est-ce que, le risque, on l'accepte ou on ne l'accepte pas? Il avait été accepté visiblement depuis le début,
le risque. Donc, la question, c'est : Bon, comment on gère le reste de
l'actif, compte tenu qu'on a ce
risque-là? Le risque est simple, là. Ce n'est pas le risque de perdre, c'est le
risque des variations. Puis, comme le
rendement d'Investissement Québec dépend de la valeur au marché du titre, le
titre perd 2 $ deux jours avant la fin de l'année financière, bien,
vous perdez 22 millions de dollars, puis vos profits tombent à zéro.
Alors, le risque, c'est de cette nature-là, ce n'est pas...
M.
Bonnardel :
Mais, pour vous, là, il y avait quand même encore un danger. Vous n'auriez pas
autorisé la vente de ce bloc complet
parce que vous disiez : Aïe! ça ne fait pas un an. Vous venez de la
caisse, vous en avez vu pas mal...
M. Scraire
(Jean-Claude) : Écoutez, il n'en a pas été question. Il n'en a
vraiment pas été question, ce n'était pas sur la planche à dessin en
autant que le conseil est concerné. Puis M. Albert a dit qu'en autant que la
direction était concernée, non plus, ce n'était pas sur la planche à dessin.
M.
Bonnardel :
Si je vous comprends bien, le conseil d'administration chez Investissement
Québec se rencontrait une fois par mois?
M. Scraire (Jean-Claude) : Une fois
par mois.
M.
Bonnardel :
Donc, à votre départ, tout de suite après votre départ, on vous remplace, et
là, logiquement, ce processus de
vente ne s'est pas décidé deux mois avant, selon vous? On ne vous a même pas
appelé en disant : Écoutez, M.
Scraire, vous venez de partir, là, vous avez des antécédents importants, vous
avez travaillé à la caisse, qu'est-ce que vous en pensez qu'on décide de
vendre, on va aller chercher... Vous n'êtes pas actif...
M. Scraire (Jean-Claude) : Au point
de vue opérationnel et technique, il y a quand même des experts chez Investissement Québec qui sont capables de vous
analyser tout ça puis de vous dire qu'est-ce qui arrive puis qu'est-ce que ça veut dire, quels sont les impacts, le
légal, le financier, tout ça, là. Je pense que ce qui reste, c'est l'opportunité,
compte tenu des questions économiques, de l'impact économique. C'est ça
qui reste, ce n'est pas une question...
Le Président (M. Cousineau) :
Dernière question rapide...
M.
Bonnardel :
Puis rapidement, pendant votre mandat de près de 10 mois, vous n'avez jamais eu
de contact avec le gouvernement de l'époque, que ce soit le ministre des
Finances, que ce soit... Excusez, j'ai...
M. Scraire (Jean-Claude) : Non, j'ai
dit tantôt que j'avais rencontré le ministre des Finances probablement trois fois, là. Parce que j'ai été là 10 mois,
puis on avait convenu d'une rencontre à peu près aux trois mois. Alors, est-ce
que la troisième a été empêchée pas les
élections? Là, ce n'est pas clair dans mon esprit, mais mettons trois fois...
deux ou trois fois.
M.
Bonnardel : Merci,
M. Scraire.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, nous allons passer,
pour les trois prochaines minutes, à M. le député de Mercier.
M.
Khadir : Merci, M. le
Président. Je voudrais juste apporter une correction à ce qui est un lapsus qui
a été introduit sur les profits faits
par Investissement Québec lorsque, finalement, les actions ont été vendues en
novembre 2014. Ce n'est pas
120 millions, mais 20 millions si on se fie aux échanges de courriels
faits par M. Marc Paquet qui en informait M. Ouellet, le chef de cabinet
de M. Daoust à ce moment-là.
M. Scraire,
vous avez parlé de la rémunération excessive des dirigeants lors d'une
opération de vente. J'aimerais que
vous apportiez une petite précision. En quoi est-ce que, dans le cas qui nous
concerne, ça peut avoir un impact dans la décision qui a été prise par la direction de RONA, d'abord, de suggérer
à ses actionnaires, qui sont Investissement Québec et d'autres, de
vendre leurs actions?
Ensuite,
l'autre élément qui a été très important que vous avez mentionné, c'est donc,
dans votre perception, dans le fond,
cette vente a été faite dans l'intérêt des actionnaires, dans lesquels était
Investissement Québec, étaient plusieurs actionnaires privés, mais aussi la Caisse de dépôt et placement. Mais
vous avez quand même éclairé la commission que les décisions ne peuvent pas uniquement être prises en vertu de ça.
C'est pour ça, d'ailleurs, qu'il y a eu une stratégie de constituer une minorité de blocage pour la
protection des sièges sociaux. En fait, c'est le sujet de notre débat. Le fond
de l'affaire, là, c'est que, dans tout ça, il y a un siège social qui a
été perdu.
Est-ce que
vous, si vous étiez à la tête d'Investissement... c'est-à-dire président de son
conseil d'administration, est-ce
qu'en 2014 vous auriez accepté la proposition de RONA et vous auriez, au sein
du conseil d'administration, milité en
faveur de vendre ou plutôt consulter l'État québécois dans l'optique de voir
qu'est-ce qu'on peut faire pour bloquer cette vente et conserver RONA? Autrement dit, entre le profit à court
terme des investisseurs et des actionnaires et la vision à long terme,
pour le Québec, de garder ses sièges sociaux, quel aurait été votre choix?
M. Scraire
(Jean-Claude) : Sur la question
de rémunération, mon commentaire vise notamment... Je ne parlerai pas particulièrement de ce type de dossier là, là, parce que
je n'ai pas tous, avec précision, là, les chiffres dans ce dossier-ci. Mais mon commentaire vise les rémunérations qui découlent d'options d'achat d'actions qui
sont émises à des dirigeants et qui
vont amener le dirigeant à valoriser la compagnie par toutes sortes de moyens,
y compris des moyens artificiels, pour
obtenir un prix plus élevé et la mettre en vente. Alors, vous pouvez mettre sur
la table un paquet de bonifications qui peut atteindre plusieurs
millions de dollars pour un dirigeant qui a le choix, peut-être, entre
fabriquer une stratégie rapide pour encaisser
son bonus — bien,
son bonus sous forme d'actions, de bénéfice d'actions — ou
travailler longtemps à faire marcher la compagnie, puis la faire
progresser, puis à continuer, puis la rendre pérenne. C'est le choix que vous
offrez parfois à des dirigeants.
Alors, quand
on dit : Il faut aligner la rémunération des dirigeants avec celle des actionnaires, bien,
encore faut-il bien comprendre quelle
est la volonté des actionnaires. Si vous donnez un package... excusez
l'expression, là, je vais le corriger,
là, pour un paquet d'options à un dirigeant, bien, vous lui
mettez la tentation très forte de l'encaisser très rapidement plutôt que
de travailler de façon constante au bien, au développement de l'entreprise.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, je vous remercie beaucoup, M. Scraire, pour votre présentation puis votre
contribution à notre commission parlementaire.
Alors, je suspends pour quelques instants et je
demande au prochain intervenant de s'avancer à la table.
(Suspension de la séance à 11 h 37)
(Reprise à 11 h 40)
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, nous reprenons nos travaux. Bonjour, M. Lafrance. Vous êtes
notre prochain intervenant. J'aimerais, avant de débuter puis de passer la
parole à M. Lafrance, vous demander, par souci d'équité pour notre
prochain invité... Nous dépassons de 10 minutes notre temps. Nous devons finir
à 12 h 30, j'aimerais avoir un consentement pour prendre 10 minutes de plus pour déborder
jusqu'à 12 h 40. Consentement? Consentement. Très
bien.
Alors donc,
M. Lafrance, vous avez 10 minutes, maximum, de présentation. Par la suite, on va passer à la période
d'échange avec vous.
M. Yves Lafrance, ancien
président d'Investissement Québec
M.
Lafrance (Yves) : Oui. Tout d'abord, juste préciser que je travaille pour la société Investissement Québec depuis 1991 jusqu'à présent. Ça a été entrecoupé
d'une courte période de cinq ans où j'ai travaillé au ministère des Finances, où j'ai occupé le poste de sous-ministre adjoint, Projets économiques et
sociétés d'État. Au moment où j'étais au ministère des Finances, j'étais également membre du conseil
d'administration de la société pendant une période de trois ans à titre de
représentant du ministère des Finances. Je suis de retour à la société depuis
2007. J'occupe le poste de premier vice-président,
opérations. Et, au moment des événements qui concernent RONA, plus
particulièrement au cours du mois de novembre et décembre 2014,
j'agissais par intérim à titre de P.D.G.
Donc, pour
vous faire un court préambule, on a transmis un cahier à la commission qui
contient des documents dans
l'objectif de faciliter les discussions avec les membres de la commission ce
matin. Ce cahier-là contient notamment une
chronologie des événements à partir du moment où on a acquis les actions de
RONA à la demande du gouvernement en août 2012 jusqu'à la fin
décembre 2014, au moment où la société, le conseil d'administration a pris
la décision de procéder à la vente des
actions de RONA, sujet à ce qu'on consulte le ministre non pas pour avoir
une décision, un accord formel, mais
pour avoir sa position sur la transaction qu'on s'apprêtait à faire puis, évidemment, savoir s'il y avait des objections par rapport à une telle
transaction.
Et
finalement, pour accompagner la chronologie des événements, on a différents
documents, là, qui appuient le tout, des
extraits de procès-verbaux des assemblées du conseil d'administration où il y a
eu des décisions qui ont dû être prises à l'égard de RONA à compter du 1er août 2012 et puis également
des communiqués de presse, là, qui ont mené au rachat de deux blocs d'actions, un premier, sous l'égide
de M. Scraire et M. Albert en 2013, et le second, qui nous a amenés à
nous présenter au conseil d'administration
en novembre 2014. Je tiens à le mentionner, on allait au conseil
d'administration non pas dans
l'objectif de demander au conseil de vendre la totalité des actions de RONA,
mais plutôt de vendre un second bloc d'actions de 875 000 actions suite
à un programme de rachat qui venait d'être lancé par RONA la semaine
précédente. C'était le même type...
c'était la continuité, dans le fond, du premier programme de rachat, toujours
dans l'objectif de demeurer en deçà du seuil de 9,9 % qui avait été
décidé à l'origine.
Et
évidemment il y a les courriels qui sont subséquents, là, à la séance du
conseil de novembre 2014, là, où j'ai communiqué avec
M. Ouellet pour l'informer de la position du conseil, et connaître la
position du ministre, et savoir s'il y avait
des objections. Et il y a également des courriels qui ont été échangés — que vous avez dans le cahier — en novembre, le 21 novembre,
avec M. Ouellet, qui venait chercher de l'information à savoir quels
étaient les pouvoirs de la société en
matière de disposition d'actions et également d'acquisition d'actions, et
également le 26 novembre 2014, où on est revenu à la charge, vu qu'on n'avait toujours pas de réponse,
pour savoir si la position du ministre était connue, puis, ultimement, il nous est arrivé avec une
réponse, là, dans la même journée en nous donnant l'accord sous une forme
brève, là, qui est le mot «O.K.», là, mais
qui référait clairement au courriel précédent qu'on lui avait transmis, là, au
sujet de la transaction dont on parle.
Voilà,
c'est ce que j'avais à dire ce matin, puis je suis disposé à répondre aux
questions des membres de la commission au meilleur de ma connaissance.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. Lafrance. Alors donc,
pour le premier bloc, je passe la parole, pour
23 min 30 s, à M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Polo : Merci, merci.
Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Lafrance, d'avoir accepté notre invitation. Donc, vous avez agi à titre de P.D.G.
par intérim. Auparavant, vous étiez vice-président principal au financement mandataire et,
depuis 2015, premier vice-président aux opérations et stratégies clients. C'est
bien ça? Parfait.
Effectivement, on a pris connaissance
des documents, là, inclus dans le cartable puis, à la page 3 de 5 du
premier onglet, bien, on fait état, là, à partir de la date du
17 novembre 2014... Je vais vous lire la citation : «Par
ailleurs, les administrateurs ont engagé une
discussion sur l'opportunité de
vendre progressivement la totalité des actions détenues, étant donné que le contexte entourant la situation de RONA avait évolué depuis le moment où la
décision d'acquérir des actions de cette entreprise avait été prise.»
C'est bien le cas? Parfait.
En
tant que premier vice-président aux opérations et stratégies clients, est-ce
que le comité de... En fait, je vais revenir,
quelle est la procédure qu'Investissement Québec emploie en préparation pour
les discussions et les points d'ordre qui
sont discutés au conseil d'administration? Prenons l'exemple de RONA. Prenons
l'exemple de pas juste, seulement la
date du 17 novembre, mais les jours précédents. Donc, dans la mécanique de
gouvernance, il y a un certain nombre de
sujets qui sont élaborés qu'on souhaite que les administrateurs soient non
seulement informés, mais soient outillés pour la prise de décision.
Expliquez-nous la démarche.
M.
Lafrance (Yves) : Dans les jours qui précèdent et même dans la semaine
qui précède la tenue de la séance du
conseil d'administration, il y a des échanges entre le président du conseil et
le président de la société — le P.D.G. par intérim, au moment où moi, j'étais présent — pour discuter des sujets qu'on veut amener
au conseil. Au-delà des sujets, là, qui
sont des sujets de base, qui sont toujours présents à toutes les séances de
conseil, s'il y a des dossiers de financement qu'on veut amener, des sujets concernant les ressources humaines ou tout
autre sujet qui pourrait concerner la société, mais qui ne sont pas des éléments, là, qu'on retrouve de façon régulière
au conseil, on échange avec le président du conseil puis on introduit
ces sujets-là dans l'ordre du jour.
Dans le cas de RONA,
le sujet qui a été introduit, c'était la vente d'un bloc de 875 000
actions dans le but de demeurer en deçà du seuil de 9,9 %, là, qui avait
été prévu à l'origine, étant entendu que, quelques jours auparavant, RONA avait annoncé un second programme de rachat
d'actions qui, dans les faits, était la continuité du précédent — le précédent
se terminait le 18 novembre — pour faire, encore là, un rachat d'actions
jusqu'à concurrence de 7 %, 7,9 % de leurs actions, alors qu'on avait un document de présentation qui
avait été préparé par l'équipe, là, qui est dédiée à cette fin-là pour être présenté au conseil
d'administration, et les membres du conseil avaient ce document-là entre les
mains.
Ce
document-là ne faisait pas référence à une vente de la totalité des actions,
c'est un sujet qui est arrivé lors de la discussion sur la vente du bloc d'actions, où des membres du conseil se
sont interrogés sur la pertinence d'être encore présent dans le dossier
RONA, compte tenu des circonstances qui avaient évolué depuis le moment où on
avait fait l'acquisition des actions en août
2012. On se rappelle qu'on est rendu 28 mois plus tard, il y a des éléments qui
se sont produits entre-temps. Entre autres — puis il y en a qui l'ont évoqué auparavant,
autant M. Scraire que M. Albert — RONA avait retiré son offre hostile en septembre 2012. La direction avait été
remaniée. Il y avait eu des changements au niveau de la direction, il y avait un nouveau président
du conseil qui était présent. L'équipe de direction avait un nouveau plan
d'action qui semblait donner des résultats.
On était passé de pertes de l'ordre d'environ 75 millions de dollars par
année à un bénéfice. 100 millions de dollars, là, ce n'est pas énorme, là. 80 à 60 millions de dollars de bénéfice pour une société de la taille
de RONA, ce n'est pas très gros, mais c'était un changement de cap, là, qui
était évident.
Et
il n'y avait pas eu d'autres indicateurs à l'effet que Lowe's, là... Normalement,
quand ça se produit, les gens, quand
ils reviennent à la charge, ça ne prend pas trop de temps, on était rendu 28
mois plus tard. Donc, certains membres du conseil se sont posé la question
sur le fait qu'on devait ou pas demeurer dans le dossier RONA parce que,
d'autre part, comme il a été mentionné, on avait 156 millions. Le coût des actions, là, des achats, c'était 156 millions. Sur un portefeuille de 2,5 milliards, c'est lourd, c'est 6 % du portefeuille, et c'est là que s'est engagée la
discussion qui a mené à la décision dont on parle.
M. Polo :
M. Lafrance...
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député.
M.
Polo : Oui. Désolé de vous
interrompre. Allons-y étape par étape, sinon vous allez m'obliger à reformuler
d'autres questions, puis je vais manquer de questions d'ici la fin de mon 23
minutes.
Mais, ceci
dit, ce que j'en comprends, ce que je reprends de votre propos, c'est :
Oui, en préparation pour la réunion du
conseil, il y a une fiche ou une présentation qui est préparée
pour les membres du conseil sur les actions de RONA. Deuxièmement, dans cette fiche-là... J'essaie
d'interpréter vos propos et de m'imaginer qu'est-ce que cette fiche-là
ou cette présentation-là inclut, inclut un état de la situation qui parle du
plan de rachat d'actions, qui parle du plan de restructuration, qui parle du fait que le prédateur en question,
Lowe's, n'est plus dans les parages, disons-le comme ça, O.K., qui parle
ou qui explique qu'il y a une nouvelle équipe de direction qui est en poste,
etc.
Quel était
plus ou moins, si on peut dire, le coût ou le prix de l'action en bourse autour
de cette date-là versus la date initiale d'achat, là, en août... achat,
si on peut dire, récurrent, là, entre août 2012 et février 2013?
• (11 h 50) •
M.
Lafrance (Yves) : Petite
précision, il n'était pas fait mention dans le document en cause qu'il n'y
avait pas eu de nouvelle proposition de Lowe's, qu'il y avait un nouveau plan d'action. Ce n'est pas de ça
qu'on parlait, on venait pour vendre un bloc de 875 000 actions dans l'objectif
de demeurer en deçà du seuil de 9,9 %. Donc, on faisait un bref
portrait de la situation sans porter de commentaires, là, détaillés sur la situation
de RONA.
Et le prix de
l'action, là, de mémoire, était légèrement
supérieur au coût moyen d'acquisition, qui était de l'ordre de 13 $, je crois, qu'on a payé ou environ.
C'était légèrement supérieur. Pas beaucoup supérieur, mais légèrement
supérieur, sauf qu'il y avait eu une
remontée de l'action au cours des mois précédents, effectivement. Parce qu'il y
a eu un creux, à un moment donné, qui a amené le cours de l'action
autour de 10,50 $, à peu près.
M.
Polo : Parfait. Donc, la présentation en préparation pour la date du
17 novembre — puis
j'imagine que ces documents-là sont fournis aux administrateurs,
précédant la rencontre, pour leur donner l'occasion d'en prendre connaissance, et tout ça — présente un portrait qui sert à déterminer
la vente d'un deuxième bloc d'actions, 875 000 actions, là, si je ne me trompe pas, exactement, mais qui
est un portrait qui est éminemment positif de la situation de RONA en fonction de cette décision à prendre des
875 000 actions. Ça veut dire que — et c'est écrit ici — que la situation a évolué depuis le
moment où la décision d'acquérir des actions de cette entreprise a été prise.
J'essaie de
ne pas trop m'avancer, mais corrigez-moi si... Nécessairement, cette
recommandation-là ou le rapport en
question présenté aux administrateurs présentait, si on peut dire, un portrait
plus positif ou optimiste par rapport à la situation de RONA.
M.
Lafrance (Yves) : Un portrait qui était plus positif que celui qui
avait lieu au moment où l'acquisition des actions a été faite, oui.
M. Polo : Parfait. Donc, les
administrateurs arrivent au conseil, ils s'attendent à discuter de la décision
de vendre le bloc de 875 000 actions,
et ce que j'en comprends, c'est que le sujet de discuter de se départir de la
position complète de RONA à même votre portefeuille, c'est venu de façon
spontanée.
M. Lafrance (Yves) : Absolument.
M. Polo : Donc, de façon spontanée.
Est-ce qu'au-delà des membres statutaires du conseil d'administration... est-ce
qu'il y avait des invités, soit du ministère, soit du côté politique, lorsque
ce sujet-là a été abordé?
M. Lafrance (Yves) : Non.
M.
Polo : O.K. Est-ce qu'au préalable de cette rencontre du 17
novembre... est-ce que ce sujet-là a été abordé soit par vous-même ou par d'autres collègues auprès du cabinet de M.
Daoust, de M. Ouellet ou du cabinet de M. Daoust de façon plus globale?
M. Lafrance (Yves) : Non.
M.
Polo : Donc, pour vous, la décision en préalable à la recommandation
de se départir de 875 000 actions, c'était une opération courante, comme celle qui était arrivée précédemment, le
premier bloc en question, pour se maintenir en dessous, et la discussion
a été amenée de façon spontanée par des membres du conseil. C'est bien ça?
M. Lafrance (Yves) : Oui, c'est bien
ça.
M.
Polo : Donc, quand M. Daoust a répété à plusieurs reprises — puis c'est mon collègue de
Marguerite-Bourgeoys qui a fait le
décompte — qu'il
n'a jamais été consulté avant que le conseil d'administration évoque le sujet,
et discute du sujet, et statue sur le
sujet malgré la recommandation finale qui était par la suite de consulter au
préalable le cabinet, ses propos sont vrais, sont précis?
M. Lafrance (Yves) : Bien, moi, à ma
connaissance, jamais personne n'a parlé de ça. Je ne peux pas parler pour l'un ou l'autre des membres du conseil, mais
le conseil, en tant que conseil, n'a jamais évoqué à faire une discussion
ou a eu une discussion avec M. Daoust à ce sujet-là.
M.
Polo : Parfait. D'autre part, lorsque le sujet est amené de façon
spontanée au conseil d'administration d'aller plus loin que les 875 000 actions en tant que telles, avec les
éléments d'information qui sont soumis, qui sont présentés aux
administrateurs du conseil, est-ce qu'ils ont suffisamment d'éléments
d'information sur la position de RONA, la position d'IQ sur RONA? O.K.? Est-ce
qu'ils ont suffisamment d'éléments d'information pour élaborer ou ouvrir la discussion, et s'interroger, et même de statuer de
façon peut-être non finale, mais de statuer sur la position de RONA à
l'intérieur du portefeuille d'Investissement Québec?
M.
Lafrance (Yves) : Écoutez, le dossier de RONA, là, en dehors des
décisions qui ont été prises, faisait l'objet régulièrement, dans
d'autres séances de conseil... entre-temps, comment les choses évoluaient. Ce
n'étaient pas des rapports très, très détaillés, mais le sujet était évoqué,
les membres du conseil étaient au fait de l'évolution du dossier de RONA. C'était un dossier simple, quand même. On
détenait des actions qui avaient été faites... l'acquisition avait été faite à là demande du gouvernement. Je ne pense
pas qu'Investissement Québec, là — puis là je suis en train de donner une opinion — de sa propre initiative, aurait pensé, en
quelque part en 2012, à acquérir des actions de RONA au niveau dont on
parle de sa propre initiative.
Une fois que
c'est dit, ça a été évoqué également par M. Albert, il y avait une
préoccupation au niveau de la gestion des
risques. Un portefeuille de 2,5 milliards avec 156 millions, c'est
lourd. Il faut se rappeler qu'Investissement Québec, de par son plan stratégique, n'a pas le droit de
faire du financement dans le domaine du secteur du détail. RONA, secteur
détail, ce n'est pas notre secteur, ce n'est
pas un secteur dans lequel on a une expertise ou une expérience. Donc, toutes
les conditions étaient qu'on le faisait parce que c'était demandé.
Rendu en
novembre 2014, les gens, en voyant les événements qui avaient évolué, où le
danger qui existait au début ne
semblait plus être présent, semblait être écarté, de l'autre côté, la gestion
de portefeuille, 156 millions sur un joueur, sur un placement dans RONA... Et, pour votre
information, le 20 millions auquel référait le député M. Khadir, il y a un
profit de 6,2 millions qui a été,
effectivement, fait parce qu'en 2013 on a dû inscrire une perte de
22 millions uniquement due au
titre de RONA. Ça a réduit le bénéfice de la société de 22 millions. On a
dû dévaluer la valeur du placement qu'on avait dans RONA de 22 millions
dû aux cours boursiers qui avaient baissé considérablement.
Donc, c'est
une préoccupation qui était constante. Je ne dis pas qu'ils pensaient à ça à
tous les jours, là, mais, quand on
allait au Comité de gestion des risques, effectivement, il y avait une
attention qui était portée plus particulièrement à RONA. Alors qu'on
arrive en novembre 2014, il y a une deuxième situation où il y a un bloc
d'actions qui doit être racheté, le danger
semble être écarté, on n'entend plus parler du tout de Lowe's, ça fait 28 mois.
Les résultats s'étaient améliorés, il
y avait une nouvelle équipe de direction. Les gens ont jugé que le danger était
écarté et puis que, d'autre part, en termes de gestion de portefeuille,
c'était opportun de vendre les actions.
C'est là
qu'il y a eu une décision qui a été prise à l'unanimité des membres du
conseil — et ça
m'inclut — de
vendre. Mais ça, c'était une décision
d'affaires. On a dit : Ça, c'est la décision qu'on doit prendre. Par
ailleurs, là, malgré le fait qu'on
avait le pouvoir de prendre cette décision-là au conseil d'administration
d'Investissement Québec, on n'avait pas
l'obligation de consulter, il a été jugé, là, que c'était préférable d'aller en
parler au ministre. Je dois vous dire que j'ai été un acteur important là-dedans parce que j'ai travaillé longtemps au
ministère, je comprends la mécanique, puis on m'a demandé mon opinion,
et suite à... Je ne pense pas que c'est juste mon opinion, il y a beaucoup de
gens qui en étaient préoccupés. Il a été
décidé de consulter le ministre pour non pas lui demander un accord
formel — on
n'avait pas besoin de ça — mais de connaître sa position par rapport à
la transaction et, s'il avait des objections, qu'il nous les fasse savoir,
auquel cas je serais revenu au conseil pour
les informer de sa position, puis il y aurait eu une décision à prendre par la
suite, décision dont je ne peux pas présumer.
• (12 heures) •
M.
Polo : Merci beaucoup, M. Lafrance. Vos propos sont très pertinents,
en effet. Ce que je retiens de cela, c'est que, compte tenu qu'évidemment c'était une décision politique — puis je le reconnais, mon collègue a répété
mon propos — la décision d'achat avait été motivée de
façon politique, je comprends que, lorsque le sujet est discuté de façon
spontanée par les actionnaires et qu'une
décision est prise, il en va de soi que vous aviez à consulter de façon non
formelle... Je vais le dire de cette
façon, non formelle, parce que c'est quand même... il n'y a pas eu de lettre
officielle qui a été envoyée au
ministre pour lui demander de statuer de façon formelle. Et vous venez de dire
aussi, son accord, on n'a pas demandé un accord formel non plus. C'est
ce que vous venez de dire il y a quelques instants également.
Donc, je
reviens aux propos de M. Scraire. Puis je l'ai questionné longuement sur
la prépondérance de la réponse, une
fois que vous consultez le cabinet, O.K., une fois que vous consultez le politique,
une fois que vous avez analysé, que
vous avez pris une décision, éminemment, d'affaires — ce
qu'on comprend, vous venez de nous l'expliquer — et que
vous ajoutez à cela un élément d'information dans la prise de décision qui est l'élément politique...
J'ai demandé à de multiples reprises
à M. Scraire : Est-ce que, dans le cas des fonds propres, dans le cas
de la prise de position dans RONA par Investissement Québec... est-ce
que le fait de consulter le cabinet, de consulter le politique... est-ce qu'il
y a une obligation d'action ou c'est un élément parmi tant d'autres, comme tous
les autres éléments qui sont analysés dans la décision
d'affaires? Et, ultimement, quel est le poids, s'il y a poids, prépondérant ou
pas, dans la décision finale qui a été prise?
M.
Lafrance (Yves) : Moi, je ne
peux pas présumer de ce qu'aurait fait le conseil après parce que j'aurais dû
revenir puis les informer de la
position du ministre. Mais, s'ils ont pris la peine de demander qu'on
le consulte, je ne pense pas que c'est
un élément comme tant d'autres. C'est un élément important, et je pense que ça
aurait eu une influence. Mais je ne
peux pas décider ou prendre position en leur nom, là, parce qu'il aurait fallu
que je revienne. Donc, formellement, ils
n'avaient pas à demander l'accord, mais, si on le demandait, c'est que ça avait
un poids relatif, important, sinon on n'aurait pas fait ça.
Ça fait que la décision était en deux temps. Oui, la décision de gestion de
portefeuille, c'est celle-là. Puis, si on avait eu pleine liberté totale parce que ça aurait été un placement
qu'on aurait fait de notre propre initiative, on l'aurait prise, mais ce n'est pas le cas. Par conséquent,
on a demandé de faire l'exercice, et je ne pense pas que c'était anodin.
Est-ce que ça répond à votre question?
M.
Polo : Oui, oui. Oui, ça...
bien, en partie. Effectivement, on avance, M. Lafrance. Parfait. Donc, pour
vous, c'était un élément important
sans être un élément décisif, O.K., sans être un élément prépondérant. C'est ce
que j'ai essayé de comprendre dans
les propos de M. Scraire en tant qu'ancien président du conseil, est-ce
que c'est un élément prépondérant. C'est
un élément important. Donc, il y a là quand même une différence au niveau du poids... dans l'interprétation du
poids de la réponse qui est reçue à ce moment-là.
Mais, si,
pour vous, c'était un élément important, pourquoi avoir simplement demandé une
réponse par courriel? Est-ce que
c'était dans l'usage normal de recevoir... Est-ce qu'un courriel, pour vous,
c'est d'usage pour une décision importante?
Pourquoi, si les membres du conseil vous demandent de vous enquérir au
préalable sous réserve de la consultation du ministre responsable de la
société...
Le Président (M. Cousineau) :
M. Lafrance.
M.
Lafrance (Yves) : La première chose, c'est que j'ai appelé Pierre
Ouellet, là. Le 21 novembre, là, Pierre Ouellet, quand il a communiqué
avec Marc Paquet au sujet de RONA pour avoir de l'information... Moi, je ne
peux pas connaître la date exacte où
je lui ai parlé, là, mais fort probablement que, si la séance du conseil a eu
lieu le 17, si je ne l'ai pas fait le
17 au soir, je l'ai fait le 18, tôt le matin. Maintenant, je n'ai pas la
démonstration de ça, les registres téléphoniques ne permettent pas de
mesurer ça, mais c'est certainement avant le 21 novembre. Puis, le
21 novembre, Pierre Ouellet, quand il s'est levé le matin, il ne s'est pas
dit : Je vais appeler Marc Paquet pour m'informer sur RONA simplement parce que c'est quelque chose qui lui est venu à
l'idée, là, pendant la nuit, alors qu'il y a un événement déclencheur, et
l'événement déclencheur, c'est l'appel que
j'ai fait à Pierre Ouellet pour lui expliquer la situation clairement, comme on
le faisait dans bien d'autres dossiers, énormément d'autres dossiers.
Je réfère
dans un autre document aux rencontres statutaires. Et les rencontres
statutaires, c'était la même chose, verbales,
les courriels très courts, puis, très souvent, verbalement. Et, voyez-vous, là,
c'est la façon de faire. Donc, j'ai communiqué
avec le chef de cabinet par téléphone. Le 21 novembre, lui est revenu
auprès de Marc Paquet pour s'enquérir de
certaines règles en matière de décision et il référait... Et, quand Marc Paquet
lui a répondu, il lui a répondu «ton appel», l'appel de Pierre Ouellet. Et, par la suite, là, j'ai demandé à Marc
Paquet, là, de me rappeler pour que je lui fasse part de la conversation que j'avais eue avec Pierre Ouellet à
ce sujet-là. Alors, c'était la façon de faire, puis je dois vous dire que
c'est encore la façon de faire, puis c'était
la façon de faire avec tous les autres ministres auparavant. Les écrits, c'est
très rare qu'on en a un d'un
ministre, c'est extrêmement rare. Et je vous dirais qu'on est même chanceux
d'avoir les courriels dans ce cas-là.
Si on n'avait pas de courriels ici ce matin, là, pour démontrer ce qui a été
fait, là, je pense que ça ne serait pas
une journée facile. Donc, on a des courriels, dans ce cas-là, qui démontrent
qu'on a eu un contact sur ce sujet-là avec le cabinet et qu'on est
revenus avec une réponse sur ce sujet-là.
Le Président (M. Cousineau) :
Pour deux minutes. M. le député.
M. Polo :
Non, mais j'en conviens. Puis je l'ai mentionné aux collègues, ma position a
évolué entre le mois de juin et
aujourd'hui grâce, notamment, aux courriels et aux nouveaux éléments, et puis
j'en conviens que c'est des éléments importants. Donc, juste pour clore,
parce que mes collègues vont continuer à vous poser des questions, la décision d'affaires, indépendamment de la position
politique, la décision d'affaires, la recommandation à l'interne ou, si on peut
dire, la lecture de la situation de
RONA à l'intérieur du portefeuille d'Investissement Québec avait évolué entre
le moment de l'achat et cette
date-là, le 17 novembre, et, en aucun moment jusqu'à cette discussion
spontanée au conseil d'administration, le politique n'a été consulté.
Donc, la décision qui est ressortie de cette discussion-là s'est faite de façon
autonome, tel que la définition d'utilisation
des fonds propres chez Investissement Québec le permet. Et, comme élément
additionnel — important, mais additionnel — vous avez jugé important de consulter le
politique, mais la décision avait déjà été formulée par les membres du
conseil d'administration. C'est bien ça?
M.
Lafrance (Yves) : Oui, la décision du conseil, c'était : On doit
aller de l'avant, on devrait les vendre, là. Sur la base de gestion de
portefeuille, le rôle naturel qui est confié à Investissement Québec en
l'absence d'une situation où il y aurait eu
un mandat, il avait le pouvoir quand même de prendre la décision. Mais, compte
tenu des circonstances, il a été jugé
qu'il était nécessaire de faire la démarche auprès du ministre. Et, je le
répète, ce n'était pas anodin. Je ne peux pas prétendre par avance que ça aurait changé la décision s'il y avait
eu une réponse négative, mais je pense que ça aurait eu un poids
important.
Le Président (M. Cousineau) :
Il vous reste 30 secondes, rapidement.
M. Polo :
Donc, lorsque mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, qui a fait le décompte,
mentionne que M. Daoust a eu à
11 reprises l'occasion de s'exprimer et de répéter qu'il n'a jamais été
consulté sur la décision d'Investissement Québec de se départir des actions de RONA, vous, ce que vous répondez, c'est
qu'il répète correctement les propos de l'ancien ministre?
M.
Lafrance (Yves) : Moi, je vous dis que, le 17 novembre, quand on
est arrivés au conseil, on ne s'attendait pas à cette discussion-là, ça
fait que je ne vois pas pourquoi il aurait été consulté sur le sujet avant.
M. Polo : Excellent. Merci beaucoup.
Le Président
(M. Cousineau) : Merci, M. le député. Alors donc, nous passons
au deuxième bloc pour 14 minutes. Mme la députée de Taschereau.
Mme
Maltais : Merci,
M. le Président. Bonjour, M. Lafrance. Bienvenue à cette commission
parlementaire. Merci de nous aider à porter
un éclairage sur la vente des actions de RONA. J'ai entre les mains le document
qui a été fourni aux parlementaires
où, fort heureusement, Investissement Québec, de façon très transparente, nous
a écrit un peu la chronologie des
événements. Dans ce document que vous nous donnez, vous nous dites que, le
17 novembre 2014 — je cite,
là, le document — la
résolution a été adoptée d'autoriser «Investissement Québec à disposer des
autres actions de RONA qu'elle
détient, sous réserve d'une consultation préalable auprès du ministre
responsable de la société». Moi, quand un
conseil d'administration met une réserve, sous réserve, ça veut dire : On
a besoin de... Non seulement on a besoin de consulter le ministre... pas
le chef de cabinet, le ministre. Donc, l'obligation de consultation était
fondamentale à ce moment-là pour le conseil d'administration.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Lafrance.
M. Lafrance (Yves) : Oui. Oui, oui,
absolument.
Mme
Maltais :
Oui, tout à fait. Alors donc, ensuite, dans les mêmes documents, on nous décrit
dans l'onglet 13 le mode de
fonctionnement à Investissement Québec, cabinet du ministre Daoust. On nous dit
que le chef de cabinet du ministre de l'Économie était l'interlocuteur
avec qui la direction d'IQ communiquait pour discuter relativement aux dossiers d'intérêt pour le ministre. Donc, c'est
le chef de cabinet qui répondait pour le ministre, c'est vraiment... Donc,
en écrivant au chef de cabinet, c'était la
méthode habituelle pour consulter le ministre, d'après les documents. Les
rencontres étaient hebdomadaires, vous en aviez toutes les semaines.
C'est ce que vous...
M. Lafrance (Yves) : Oui, oui, oui.
Mme
Maltais : Toutes
les semaines.
M. Lafrance (Yves) : Chaque ministre
est libre de déterminer la fréquence.
Mme
Maltais : Oui,
j'ai été ministre.
M. Lafrance (Yves) : Dans le cas de
M. Daoust, c'était de façon hebdomadaire, sauf pour la période d'été.
Mme
Maltais : C'est l'usage, d'ailleurs. Et ça servait à
présenter aux deux l'état de la situation pour les dossiers d'actualité. C'est ce
que vous nous dites.
M. Lafrance (Yves) : Oui.
Mme
Maltais : Est-ce
que RONA était un dossier d'actualité, à votre avis, après le 17 novembre?
M. Lafrance (Yves) : O.K. Après le
17 novembre?
Mme
Maltais : Après
cette décision.
• (12 h 10) •
M. Lafrance
(Yves) : Ça aurait pu en
être un, oui, si on avait... Parce qu'entre le 17 novembre puis la
prochaine rencontre statutaire il y
avait un délai, puis on avait déjà agi auparavant en interpelant M. Ouellet. Donc,
ce n'était pas la seule façon de le faire. La rencontre statutaire, de
façon générale, ce que ça sert à faire, c'est pour tous les dossiers où il y a un financement qui est en négociation qui
est en cours, un montant à peut-être consentir, que ce soient des dossiers
qui puissent éventuellement faire l'objet
d'un décret ou des dossiers d'importance. Dans le programme Essor, c'est, plus
souvent qu'autrement, des filiales de multinationales, là, qui cherchent à
avoir des aides sous forme incitative.
Mme
Maltais :
Oui. M. Lafrance, vous expliquez bien, là. Si vous me permettez, c'est
parce qu'on a tellement peu de temps qu'on essaie de...
M. Lafrance (Yves) : O.K.
Mme
Maltais :
Vous dites bien dans les documents : À présenter l'état de situation pour
les dossiers d'actualité et les
recommandations relatives au financement. Mais est-ce que le fait de vendre des
actions de RONA aurait dû, à votre avis, être un dossier d'actualité tellement
important que ça aurait dû faire l'objet d'une discussion à ces rencontres, qui
sont habituellement des rencontres ministre,
sous-ministre ou, actuellement, le ministre était considéré représenté par le
chef de cabinet? Donc, est-ce que c'est revenu en discussion dans ces tables de
travail?
M. Lafrance (Yves) : Non.
Mme
Maltais : Ce n'est
jamais revenu?
M. Lafrance (Yves) : Non, parce
qu'on avait déjà entrepris la démarche auprès de Pierre Ouellet.
Mme
Maltais :
O.K. D'accord. Le 17 novembre, la décision est prise sous réserve de
consultation. Vous nous dites, entre le 18 et le 21 novembre, vous,
vous faites un appel à Pierre Ouellet.
M. Lafrance (Yves) : Oui.
Mme
Maltais :
Donc, la confirmation revient le 26 novembre. Donc, pendant une semaine
complète, le chef de cabinet savait
que les actions seraient à vendre, et vous... Ce n'est pas deux heures, là, la
confirmation, là, vous comprenez? Entre
le courriel où vous demandez une confirmation et le moment où le chef de
cabinet répond O.K., il y a deux heures — je vais
consulter. Mais ça fait une semaine que le chef de cabinet sait, à ce
moment-là, que les actions vont être à vendre. Si vous l'avez appelé,
vous l'avez avisé vers le 18 novembre.
M. Lafrance (Yves) : Oui.
Mme
Maltais :
O.K. Donc, depuis une semaine, vous avez demandé à Pierre Ouellet de consulter
le ministre?
M. Lafrance (Yves) : Exact.
Mme
Maltais : Selon la
résolution du conseil d'administration, votre demande était de consulter le
ministre.
M. Lafrance (Yves) : Absolument,
oui.
Mme
Maltais : O.K. Ensuite, vous avez la confirmation le
26 novembre. La décision arrive le 15 décembre à votre... Vous arrivez à votre conseil d'administration pour
transmettre le résultat de la consultation le 15 décembre, n'est-ce pas,
d'après vos documents?
M. Lafrance (Yves) : Exact, exact.
Mme
Maltais :
Donc, depuis le 18 novembre jusqu'au 15 décembre, pendant ce mois-là,
vous considérez que, pendant ce mois, il y a eu normalement consultation
du ministre.
M. Lafrance (Yves) : Bien, le
26 novembre, nous, on considère qu'on a eu une réponse.
Mme
Maltais :
O.K. C'est parce qu'il aurait même pu y avoir... Parce que, moi, ce que
j'essaie de comprendre, c'est comment le ministre peut dire : Je
n'ai jamais su qu'il y avait cette transaction-là avant la décision du conseil d'administration du 15 décembre. Parce que,
s'il l'apprend entre le 26 novembre... même après le O.K. de son chef de
cabinet qui est le 15 décembre, il peut toujours faire : Tu as fait
une erreur, mon Pierre, on va revenir sur ta décision. Mais là ça veut dire que, pendant un mois de temps, il y a une
transaction comme ça qui est sur la table, qui est débattue. À la demande du conseil d'administration, vous
faites les contacts nécessaires, mais la décision n'arrive que le
15 décembre. Donc, pendant un mois de temps, vous, vous êtes
convaincu que le ministre vous a dit oui.
M. Lafrance (Yves) : Bien oui, le
26 novembre.
Mme
Maltais : Ça dure
un mois, là.
M.
Lafrance (Yves) : Pour nous, le 26 novembre, là, il a rendu une
décision. Puis évidemment, moi, mon rôle, c'était de revenir au conseil d'administration le 15 décembre.
D'ailleurs, on n'a pas commencé à vendre les actions avant le
15 décembre, on a attendu après le 15.
Mme
Maltais : Tout à
fait, vous avez attendu après le 15. Donc, juste pour...
M.
Lafrance (Yves) : C'est ça, pour être bien sûrs, là, qu'il n'y avait
pas rien, là, qui pouvait changer en cours de route.
Mme
Maltais :
C'est ça. Donc, vous n'avez pas eu de signal contraire disant : Non, non,
non, c'est une erreur?
M.
Lafrance (Yves) : Non.
Mme
Maltais : O.K. Ça se serait pu si le ministre n'avait pas
voulu. Parce que je ne peux pas concevoir que, d'ici au 15 décembre, il n'y a pas eu d'avis au
ministre comme quoi les actions de RONA étaient à vendre. Pour moi, c'est...
J'ai été ministre, là, j'ai des relations
avec un chef de cabinet, là, et je vous comprends d'avoir affaire au chef de
cabinet, que le ministre, il court partout à travers le Québec. Le chef
de cabinet, c'est l'alter ego du ministre. C'est vraiment l'alter ego d'un ministre, puis un chef de cabinet
se doit d'informer un ministre des décisions importantes qui se passent,
surtout quand ça prend un mois entre l'appel
et la décision officielle du conseil d'administration. On ne parle pas d'un
courriel de deux heures, là, on parle d'un mois pendant lequel le ministre
travaillait, était sur place et était responsable d'Investissement
Québec. Évidemment, M. Lafrance, vous me permettez ces quelques
commentaires.
Il
y a eu des réunions subséquentes
ensuite entre Investissement Québec, les bureaux des sous-ministres et le chef
de cabinet?
M.
Lafrance (Yves) : Certainement. Je ne peux pas vous dire combien qu'il y a en a eu, là, mais, oui, il
y en a eu certainement... Ça
n'arrivait pas que ça dure pendant un mois sans qu'il y ait une réunion, c'est
certain.
Mme
Maltais : Vous
m'avez dit tout à l'heure : Il n'en a jamais été question. Ça n'a jamais été
inscrit à l'ordre du jour?
M. Lafrance
(Yves) : Non, parce que
le genre de sujets qui sont inscrits lors des rencontres statutaires, comment
ça commence, c'est que le cabinet nous
transmet un ordre du jour qui évolue en cours de semaine. Puis c'est souvent
des dossiers pour lesquels il y a
une décision à rendre de la part du ministre ou des orientations qu'il veut donner en termes
de mandats de négociation qu'il veut confier
à Investissement Québec et à son ministère pour les fins des discussions avec les entreprises en cause. Donc, s'il y avait eu quelque chose qu'il aurait voulu rediscuter sur RONA, il l'aurait inscrit. De notre côté, 26 novembre, on a une
décision, et pour laquelle on a donné suite à compter du 18 décembre seulement,
après qu'on ait été au conseil d'administration, mesure de prudence.
Mme
Maltais :
M. Lafrance, s'il vous plaît, dans le courriel où M. Carrier demande une approbation,
je vais lire le libellé, là :
Pourrais-tu nous confirmer... Dans le
mot «confirmer», déjà on comprend qu'il y avait eu des discussions avant. Donc, ça ne vient pas d'arriver, là, il y a
déjà eu des discussions, comme vous l'avez dit, avec M. Ouellet.
Donc : Pourrais-tu nous
confirmer par retour de courriel que le MEIE est en accord avec cette vente?
Quand on dit le MEIE, quand vous
écrivez le MEIE, en conformité avec la résolution du conseil d'administration,
c'est bel et bien du ministre dont vous parlez?
M.
Lafrance (Yves) : Oui. D'ailleurs, la conversation avec Pierre
Ouellet, c'était le ministre. Si on avait voulu parler au ministère
administratif, on aurait parlé au sous-ministre.
Mme
Maltais :
Oui, c'est ce que je pense aussi.
M. Lafrance
(Yves) : Ce n'est pas le cas.
Mme
Maltais : Ça a été
la réflexion que je me suis faite. Quand on parle au chef de cabinet, c'est une
décision politique qu'on cherche.
M.
Lafrance (Yves) : Et,
d'ailleurs, le sous-ministre n'a jamais été mis au fait de ça parce que c'était une transaction à part, là, qui avait été faite à part à
l'origine. Puis également, dans la deuxième étape, au moment de la vente, si on
voulait avoir la position du
ministre, ce n'était pas la position du ministère qu'on voulait avoir. Écoutez,
là, quand ça a été écrit comme ça,
là, dans une organisation, les gens ne connaissent pas tous la mécanique
gouvernementale, mais le fait est que celui qui reçoit le courriel
savait parfaitement de quoi on parlait et qu'il devait donner une réponse.
Mme
Maltais :
Parfait. C'est bien ma compréhension de la mécanique gouvernementale.
Une
dernière chose. Vous avez dit tout à l'heure : Quand j'ai appelé Pierre
Ouellet, c'était clair. Donc, quand vous avez appelé Pierre Ouellet,
c'était clair que c'était l'avis du ministre que vous vouliez avoir?
M. Lafrance
(Yves) : Madame, ça ne pouvait pas être plus clair que ça.
Mme
Maltais : O.K. C'est une chose importante. C'est bien ce que
je comprenais aussi dans le type de relation.
M.
Lafrance (Yves) : Je n'ai pas l'habitude de parler de façon ambiguë,
ma réputation n'est pas dans ce sens-là.
Mme
Maltais : Non, je le sais, M. Lafrance, c'est pour ça
qu'on voulait vous avoir ici. Je pense que vous avez une réputation aussi de
transparence et d'intégrité. Vous gérez les fonds publics, et je pense que
c'est une responsabilité.
Investissement
Québec est une société d'État. Donc, vous avez parlé tout à l'heure du fait que
vous n'aviez pas à en informer le
sous-ministre parce que la société d'État, dans l'organigramme, est directement
sous la responsabilité du ministre, si je ne m'abuse.
M. Lafrance
(Yves) : Oui, mais on travaille tous les jours avec le ministère, là.
Il faut être réaliste, là, les discussions
se font à la fois avec... Je parle des rencontres statutaires, les hauts
dirigeants du ministère sont présents, les responsables de ce genre de dossier là chez Investissement Québec sont
présents, puis, normalement, le ministre est là.
Dans le cas
de M. Daoust, lui, son choix, c'était de faire piloter ces rencontres-là
par M. Ouellet. Ce que je vous dis,
c'est qu'on travaille avec ces gens-là, mais il y a des circonstances où on va
s'adresser au ministre directement. Mais on ne fait pas le choix de lui
parler, c'est lui qui décide s'il nous parle.
• (12 h 20) •
Mme
Maltais :
Oui. Mon collègue, tout à l'heure, a parlé de la mission du Fonds de
développement économique : «Le fonds est affecté [...] au versement
de toute aide financière prévue par un programme élaboré ou désigné par le
gouvernement[...], à l'exécution [de tout autre mandat] que le gouvernement
confie à la société.»
Est-ce que vous êtes capable de me donner une
opinion sur le fait que ce mandat ait finalement été décidé par le P.D.G. d'Investissement Québec de l'époque,
Jacques Daoust, on a décidé de le confier à Investissement Québec dans ses fonds propres au lieu du Fonds de
développement économique? C'est important parce que, tout à l'heure, vous avez
dit que ça pesait lourd sur le budget
d'Investissement Québec. Or, si c'était allé au Fonds de développement
économique, on n'aurait pas eu cette contrainte.
M.
Lafrance (Yves) : Bien, écoutez, je n'étais pas présent lorsque la
décision a été prise. Moi, ce que je constate, c'est que M. Bachand s'est exprimé dans les journaux, là, je pense,
c'était le 31 juillet ou quelque chose comme ça, puis le conseil,
c'était une assemblée spéciale, 1er août. Ça ne donne pas grand temps, ça
donne une nuit.
Est-ce que
les gens, c'est par inadvertance qu'ils n'ont pas pensé à utiliser le Fonds de développement économique plutôt que les fonds propres? Je ne le sais pas.
M. Daoust pourrait répondre à ça. Si vous me poseriez la question
aujourd'hui, une transaction semblable, à quel endroit elle
devrait se situer, il n'y a pas de doute dans ma tête, c'est un dossier de
Fonds de développement économique, ça m'apparaît clair.
Mme
Maltais : O.K. C'est
un dossier de Fonds de développement économique. Malheureusement, nous n'avons
pas encore d'opinion des collègues sur la
présence de M. Daoust, mais je pense que votre commentaire nous amène à croire
qu'effectivement, M. le Président, la
présence de M. Daoust va s'avérer importante, surtout que le commentaire
que vous avez fait, c'était pesant sur les fonds propres
d'Investissement Québec.
M.
Lafrance (Yves) : Oui. Juste pour compléter, «pesant», ça veut dire
que, si ça va bien, tu peux faire beaucoup d'argent. On voit, d'ailleurs, là, qu'on a vendu pas... Les gens qui
parlent parfois qu'on a voulu faire un profit, 6,2 millions sur 152 sur deux ans, ça donne un rendement de
l'ordre de 2 %. L'objectif, ce n'était pas de faire de l'argent, il y
avait une fenêtre, la situation
semblait s'être résorbée, le danger qui était imminent à l'époque semblait ne
plus être présent, puis on pouvait
récupérer le montant qu'on avait mis là-dedans puis éliminer ce risque-là. On a
fait 6,2 millions, mais ce
n'était pas pour faire 6,2 millions. Sinon, si on avait voulu
spéculer — ce n'est
pas notre rôle — on
aurait attendu. Puis voyez-vous ce
qui est arrivé, finalement on aurait fait un gros gain d'argent, là. Donc, je
veux juste mettre en perspective que ça ne s'est pas fait dans un but
spéculatif ou de faire des bénéfices.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. Lafrance. Ça
termine le bloc que nous avions avec l'opposition officielle. Nous
allons passer maintenant à la deuxième opposition pour
9 min 30 s. M. le député de Granby.
M.
Bonnardel :
Merci, M. le Président. M. Lafrance, bonjour. M. Lafrance, vous avez travaillé
longtemps avec M. Daoust, un certain nombre d'années.
M. Lafrance (Yves) : Oui. Oui. Oui.
M.
Bonnardel : Vous
aviez, j'imagine, une relation où vous aviez échangé vos numéros de cellulaire?
M. Lafrance (Yves) : Bien, il avait
mon cellulaire, il avait tous mes numéros de téléphone.
M.
Bonnardel :
C'est ça. Vous étiez capables de vous appeler assez souvent rapidement sur les
numéros personnels.
M. Lafrance (Yves) : N'importe
quand.
M.
Bonnardel : O.K.
Quand est arrivée la réunion du 17 novembre 2014 où vous avez
entériné la vente de 875 000 actions,
plus à disposer des autres actions de RONA, M. Daoust était de l'autre côté, il
attendait de l'autre côté pour vous rencontrer par la suite.
M.
Lafrance (Yves) : Oui, il arrivait. Il venait à une séance à huis clos
avec les membres du conseil autres que ceux qui sont des employés de la
société. Donc, je n'ai pas participé à cette réunion-là.
M.
Bonnardel :
O.K. Vous n'avez pas participé, mais on vient quand même de prendre une
décision importante...
M. Lafrance (Yves) : Oui.
M.
Bonnardel :
...de vendre le bloc d'actions global de RONA. M. Daoust, le ministre, est de
l'autre côté. Vous venez de demander
d'autoriser Investissement Québec à disposer des actions, mais, au préalable,
il faut l'autorisation du ministre. L'aviez-vous vu, le ministre, juste
en sortant?
M. Lafrance
(Yves) : Je l'ai croisé. Il rentre, je sors, il prend place.
M. Bonnardel :
Même pas une petite poignée de main puis dire : Salut, mon Jacques?
M.
Lafrance (Yves) : Oui, oui, bonjour, Yves. Pop! Ça vient de s'éteindre,
là, je n'ai même pas eu le temps de discuter.
M.
Bonnardel :
On vient de prendre une grosse décision, on va t'en parler par la suite?
M. Lafrance
(Yves) : On n'a pas eu l'occasion de se parler du tout, du tout.
M.
Bonnardel : À votre connaissance, donc, dans cette rencontre
où M. Daoust était présent, tout de suite après, il n'y a personne
qui a parlé de ça?
M.
Lafrance (Yves) : Je ne peux pas répondre, je n'étais pas présent. Ça
s'est fait à huis clos, donc le contenu de ces discussions-là, là, ça ne
m'est pas donné par la suite.
M.
Bonnardel :
Les personnes qui étaient à huis clos avec M. Daoust, il y avait les
membres du conseil d'administration?
M. Lafrance
(Yves) : C'étaient les membres du conseil d'administration...
M.
Bonnardel :
C'étaient les membres du conseil d'administration.
M. Lafrance
(Yves) : ...autres que ceux qui sont des employés de la société.
M.
Bonnardel : Donc, eux viennent d'entériner une décision
majeure avec une possible offre d'achat hostile qui a eu lieu à peine voilà deux ans, puis là vous me
dites que vous ne savez pas si M. Daoust a été informé par les membres
du C.A.
M. Lafrance
(Yves) : Je vous affirme que je ne le sais pas.
M.
Bonnardel :
Vous ne le savez pas.
M. Lafrance
(Yves) : Je vous affirme que je ne le sais pas.
M.
Bonnardel : Donc, il n'y a personne dans la réunion qui a
dit : Bien, on a le ministre de l'autre côté, on va, au moins, lui
demander son opinion. Il est là, puis on demande dans la résolution...
M. Lafrance
(Yves) : Moi, je suis sorti tout de suite. Est-ce que la question que
vous me posez, c'est : Est-ce qu'après
coup il y a un membre du conseil qui m'aurait parlé qu'il y aurait eu une
discussion sur ce sujet-là? Personne ne m'a parlé de ça.
M. Bonnardel :
Alors, même pas pendant la rencontre du conseil d'administration, quand vous
savez que le ministre est de l'autre côté, il n'y a personne qui
dit : On va parler au ministre par la suite?
M. Lafrance
(Yves) : Personne n'a dit ça.
M.
Bonnardel :
Personne n'a dit ça?
M. Lafrance
(Yves) : Personne n'a dit ça.
M.
Bonnardel : Ce n'était pas, pour vous, particulier de
dire : Bien, écoutez, là, on a le ministre, on va demander son
autorisation tout de suite après? Vous avez le ministre de l'autre côté, là,
l'autre bord de la porte, là, puis là vous me dites qu'il n'y a personne
au C.A., puis même dans la rencontre à huis clos après ça, qui a levé le petit
doigt...
M.
Lafrance (Yves) : Moi, ce que je vous dis, j'affirme que personne au
C.A. n'a évoqué le sujet d'en parler avec M. Daoust lors de la rencontre qui aurait lieu par la suite à huis clos, qui était une rencontre demandée par
M. Daoust. Personne n'a dit ça. Ça, je vous l'affirme.
M.
Bonnardel :
Quelle pourrait être la raison principale que personne ne parle de ça à
M. Daoust? Il fallait garder ça secret?
M.
Lafrance (Yves) : Je ne crois pas. Écoutez, là, les raisons qu'ils
pouvaient avoir, est-ce qu'ils avaient d'autres choses à l'idée ou les discussions
avec M. Daoust, là, portaient sur d'autres sujets? Je ne connais pas les
sujets qu'ils voulaient parler, je ne peux pas vous répondre, là.
M.
Bonnardel : M. Lafrance, s'il vous plaît, vous avez dit
tantôt : RONA, là, pour nous c'était une préoccupation constante.
M. Lafrance
(Yves) : Oui, absolument.
M.
Bonnardel : Puis là vous essayez de me faire croire, là,
moi, là, que le ministre est de l'autre côté, et vous venez d'entériner une décision archi-importante
pour un fleuron québécois, puis M. Daoust n'est pas informé, le ministre
comme tel, puis, le lendemain matin, vous
appelez le chef de cabinet... Vous dites que, le 18 au matin, vous avez appelé
M. Ouellet?
M.
Lafrance (Yves) : Bien, je vous dis que, si ce n'est pas le 18... Ça
me surprendrait que je ne l'aurais pas fait le 18. J'ai dit entre le 18 et le 21, mais je crois que
c'est le 18. Je ne peux pas l'affirmer parce que l'appel de M. Ouellet
auprès de Marc Paquet s'est fait
le 21. Donc, je n'ai pas de preuve, je n'ai pas de registre qui précise ça,
mais ma façon de faire, c'est
qu'habituellement, quand j'ai quelque chose à faire, je le fais très
rapidement. Donc, je serais fort étonné que j'aie passé le cap du
lendemain matin. Ce que je vous dis, c'est ça.
Maintenant,
je vous réponds, j'affirme qu'il n'y a personne au conseil, pendant que j'ai
été présent, qui a évoqué le fait de
discuter de la situation de RONA avec M. Daoust lors de la rencontre
ultérieure. Je vous l'affirme. O.K.? Si je vous le dis, là, si je vous
dis ça, c'est que c'est la réalité.
M.
Bonnardel : Il n'y a personne au conseil d'administration,
vous l'affirmez sur la Bible, qui vous a dit: On a le ministre de
l'autre côté, on va lui en parler.
M.
Lafrance (Yves) : Qui a évoqué ça pendant que j'étais présent. Est-ce
qu'ils l'ont fait après? Je ne le sais pas, je ne peux pas vous le dire,
je n'étais pas présent.
M.
Bonnardel : Puis, le lendemain, vous n'avez pas pris la
décision de dire : Bien, écoutez, je vais appeler mon ancien chum,
je vais appeler M. Daoust, le patron, le ministre. Vous n'avez pas eu ce
réflexe-là?
M.
Lafrance (Yves) : Écoutez, là, on ne parle pas avec un ministre parce
que ça nous tente, c'est lui qui décide de nous appeler. J'avais une relation professionnelle avec
M. Daoust. Une relation professionnelle longue, mais une relation
professionnelle. Une bonne relation, ça s'arrêtait là.
M.
Bonnardel : Bien, M. Lafrance, excusez-moi, là,
excusez-moi, là, on vend un bloc d'actions important, il y a eu une offre
d'achat hostile voilà pas à peine deux ans. Vous prenez une décision, et le
ministre est de l'autre côté, puis vous
me dites, vous, là, que c'est une préoccupation constante, puis vous n'avez pas
pensé de parler au ministre. Tous les membres du C.A. qui étaient là,
motus et bouche cousue, pas un mot.
M. Lafrance
(Yves) : Je vous affirme, puis je pense que ça fait quatre fois que je
le dis, là, qu'en aucun cas je n'ai
entendu personne évoquer le fait qu'ils voulaient en parler avec le ministre
lors de la séance, le huis clos qui avait lieu après coup. Je vous affirme ça, là. Est-ce qu'ils en ont parlé?
Est-ce qu'il y en a deux qui s'en sont parlé dans le coin sans que je ne sois présent? Peut-être. Moi, je
vous dis que je n'ai pas entendu rien à cet effet-là pendant que j'étais
présent.
M.
Bonnardel : Alors, depuis que le ministre a démissionné
parce qu'il dit qu'il n'était pas au fait, vous n'avez parlé à personne
du conseil d'administration, dire : Toi, as-tu parlé au ministre pendant
qu'on le...
M.
Lafrance (Yves) : Non. Pourquoi je ne fais pas ça? Parce que je ne
veux pas être teinté. Moi, je viens ici dire les choses que je connais. Aller vérifier auprès des gens, faire ce
genre de choses là... Si les gens du conseil d'administration voudraient
me le dire, ils me l'auraient dit. Ils ne m'en ont pas parlé, puis je ne leur
ai pas demandé.
M.
Bonnardel :
C'est quand même grave.
M. Lafrance
(Yves) : C'était un huis clos, là.
M.
Bonnardel : C'est quand même grave, il y a un ministre qui a
démissionné. Vous, ça ne vous intéressait pas de savoir si...
M.
Lafrance (Yves) : Bien, écoutez, là, ce que je vous dis, quand il y a
une séance de huis clos, c'est un huis clos. Je ne suis pas censé être au fait des choses, puis ce n'est pas moi qui
vais solliciter de l'information, qui vais vouloir briser un huis clos en demandant aux gens : Écoutez, là, «by
the way», là, c'est un huis clos, mais je voudrais savoir ce qui s'est dit. Si eux veulent me le dire, c'est leur
liberté, mais moi, je ne vais pas leur demander. Puis ça fait partie de mes
façons de faire. Je suis une personne intègre,
une personne honnête, je ne fais jamais ça. Je ne forcerai pas la porte pour
obtenir une information que je n'ai pas le droit d'avoir. J'ai respecté ça
toute ma vie, je vais continuer.
M.
Bonnardel : Alors, pour vous, un banal O.K. était suffisant
de la part d'un chef de cabinet pour dire : On y va. Puis, quand
vous avez...
M. Lafrance
(Yves) : Ce n'est pas un banal O.K. Ce n'est pas un banal O.K.
M.
Bonnardel : Bien, pour moi, c'est assez banal, là, un O.K.,
là, pour autoriser la vente de ce bloc d'actions.
M.
Lafrance (Yves) : Ce n'est pas un banal O.K. Quand on parle au chef de
cabinet, on présume que lui, il parle avec
son ministre, d'autant plus que la façon dont on fonctionnait avec le chef de
cabinet lors des rencontres statutaires, ce qui est assez inusité, c'est qu'il ne prenait pas de décision, le
chef de cabinet, pendant les rencontres statutaires, il prenait ça en délibéré, il revenait après ça nous donner
les réponses après discussion, on présume, avec M. Daoust parce que c'est
dans l'ordre des choses. Si le chef de
cabinet nous répond : C'est O.K., puis qu'il prend la peine, deux heures
avant, de dire : Merci, parce
que je n'ai pas la réponse, je vous reviens «ASAP», «as soon as possible», je
présume qu'il est allé consulter quelqu'un. Et ce quelqu'un-là, ça
devait être son supérieur, j'imagine encore.
M.
Bonnardel :
Étiez-vous persuadé que le premier ministre était au courant?
M. Lafrance
(Yves) : Que le premier ministre...
M.
Bonnardel :
Que le premier ministre était au courant, quand même?
• (12 h 30) •
M.
Lafrance (Yves) : Je ne le sais pas. Le canal de communication, pour
nous, c'est le ministre. C'est à lui à juger s'il veut discuter avec ses collègues, avec le premier ministre d'un dossier.
Ce n'est pas à moi à valider par
après auprès d'une instance supérieure à savoir si le ministre en a
parlé.
M.
Bonnardel : Vous
disiez que vous aviez rencontré le ministre, je pense, une fois par semaine pendant...
C'était une rencontre statutaire avec le ministère ou une fois par mois,
une fois aux deux semaines?
M. Lafrance
(Yves) : En moyenne, c'était presque à toutes les semaines, là, avec
le ministère.
M.
Bonnardel :
Toutes les semaines.
M.
Lafrance (Yves) : Ce n'est
pas toujours à toutes les semaines, mais c'est ça
qui était le principe avec l'équipe de M. Daoust.
M.
Bonnardel : Puis
cette décision-là, subtilement, de vendre ce bloc d'actions ne s'est pas
décidée juste le jour du 17 novembre.
La semaine auparavant ou les deux semaines auparavant,
vous avez communiqué cette information que peut-être vous en arriviez avec le
C.A...
M. Lafrance
(Yves) : D'aucune façon. Le 17 novembre, quand on est allés au C.A.,
là, on allait là pour recommander la vente d'un bloc de 875 000 actions.
On n'avait pas à l'esprit du tout de vendre la totalité des actions, ça a été... Lorsqu'on a présenté ça, ils ont donné
le O.K., et la discussion s'est engagée entre les membres du conseil sur
l'opportunité de demeurer actionnaires de
RONA. Il n'y a aucune discussion, rien qui nous a laissé croire que, lors de la
séance du 17 novembre, les membres du conseil soulèveraient ce point-là.
M.
Bonnardel :
Donc, dans l'ordre du jour reçu une semaine auparavant, on sait qu'on va
liquider 875 000...
M. Lafrance
(Yves) : C'est tout.
M.
Bonnardel :
...mais on ne sait pas du tout qu'on va liquider l'ensemble des actions une
semaine avant?
M.
Lafrance (Yves) : Non, on n'a pas parlé de ça, c'est les membres du
conseil qui ont soulevé cette question-là.
M.
Bonnardel : Et, pour vous, ça ne prenait pas... de prendre
quelques jours, sinon de dire : Écoutez, un instant, là, c'est une décision qui est majeure, est-ce qu'on
peut l'entériner immédiatement ou on la retire du procès-verbal puis on attend? Parce que, tantôt, c'est M. Scraire qui
dit : Moi, jamais je n'aurais demandé d'écrire ça sans parler au ministre
avant. Alors, pour vous, c'était correct de l'écrire sans...
M. Lafrance
(Yves) : Écoutez, moi, je n'étais pas président du conseil, là.
M.
Bonnardel : Non, je
le sais. Je le sais.
M. Lafrance (Yves) : Il y avait un
président du conseil qui, s'il avait voulu faire ça, aurait pu le faire.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci. M. le député, c'est terminé. Donc, nous passons au bloc
suivant. M. le député de Mercier,
pour trois minutes.
M. Khadir : Un peu plus tôt cet avant-midi, M. Albert, qui avait été, donc, P.D.G. d'Investissement Québec, nous a
assuré que, lorsqu'il avait la conviction qu'une décision était
conforme à l'orientation générale prise par le gouvernement, il ne sentait pas le besoin
de consulter. Par exemple, dans l'ajustement opéré par la vente d'une fraction de 1 million
d'actions pour ramener les investissements d'Investissement Québec à un
niveau qui respecte le seuil — comment on appelle ce seuil, là? — d'initié, il ne voyait pas l'obligation de le faire. Mais, s'il sentait qu'il y avait un changement d'orientation, il le faisait.
Est-ce que, selon vous, M. Lafrance, au moment où il était question, donc, à votre connaissance, de vendre une partie ou la
totalité des sommes d'Investissement
Québec, compte tenu du décret auparavant, deux ans auparavant, qui avait été occasionné par la volonté du gouvernement de constituer une minorité de blocage... est-ce que, selon vous, ça
constituait vraiment un changement majeur et si ce changement majeur dans les orientations
était un changement de l'ensemble du gouvernement tel que vous le connaissiez
en 2014, en novembre 2014?
M. Lafrance (Yves) : Bon, le bloc de
875 000 actions, à mon avis, non, pas du tout, parce qu'on restait dans l'orientation qui avait été donnée. Vendre la
totalité des actions, c'est un changement de cap, et c'est la raison pour laquelle,
au-delà de dire : Voici la décision d'affaires...
M. Khadir : Vous avez pris le
téléphone.
M. Lafrance (Yves) : ...on va
consulter avant de donner suite.
M. Khadir : Très bien. Ma question, alors, est
plus... Je vais le poser précisément. Compte tenu que, finalement, il a fallu décider sur, oui ou non, on vend la
totalité du bloc, puis ça, vous
sentiez le besoin de consulter le gouvernement, est-ce
que, quand même... C'est sûr que
vous l'avez fait parce que vous sentiez le besoin de le consulter directement pour avoir le O.K.,
mais est-ce que, selon vous, ça correspondait à la stratégie
d'ensemble que ce gouvernement, de
toute façon, avait édictée, qui était
différente de l'autre gouvernement
libéral qui était au pouvoir deux ans
plus tôt? Est-ce que vous aviez
une lecture... Parce que M. Albert fondait ses décisions, ses choix à
partir d'une lecture qu'il faisait des orientations du gouvernement. C'était quoi, votre lecture
des orientations du gouvernement?
M.
Lafrance (Yves) : La lecture
qu'on avait de l'orientation du gouvernement, c'était qu'au moment où on a fait
l'acquisition il y avait un danger qui était imminent. Il y avait une situation
où il y avait une offre hostile qui avait été présentée, puis le conseil de RONA avait refusé cette
offre-là, puis il y avait nécessité d'agir pour éviter que Lowe's
puisse donner suite à son offre hostile d'une façon quelconque.
La lecture
qu'on en avait en novembre 2014, il y
avait 28 mois d'écoulés, Lowe's ne
semblait pas... Normalement, quand
ça se produit, là, des surenchères, ça se produit dans les mois qui suivent, et
là on était rendus 28 mois plus tard, et
il n'y avait pas eu de surenchère. Ils avaient retiré leur
offre, et la situation de RONA s'était améliorée. Ce n'était pas
la mer à boire, là, mais elle s'était améliorée.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci.
M.
Lafrance (Yves) : Donc, on
n'est pas là pour rester en permanence. Donc, la décision de gestion de
portefeuille, c'était de vendre, mais, compte tenu des circonstances...
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, M. Lafrance, je vous
remercie pour votre participation à cette commission parlementaire.
C'est tout le temps que nous avions cet avant-midi.
Je suspends nos travaux jusqu'à 14 heures
dans cette même salle. Merci. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
(Reprise à 14 heures)
Le
Président (M. Cousineau) : Votre attention, s'il vous
plaît! Donc, nous poursuivons nos travaux et nous avons comme invité M. Louis Roquet. Alors, M. Roquet,
comme les autres personnes ce matin, vous avez, maximum, 10 minutes pour faire une petite présentation, et puis, par
la suite, bien, les parlementaires vont discuter avec vous du sujet RONA. Alors, à vous la parole, M.
Roquet.
M. Louis Roquet, ancien président
du conseil
d'administration d'Investissement Québec
M. Roquet (Louis) : Merci beaucoup.
M. le président de la commission, Mmes et MM. les membres de la commission, en
tout premier lieu, j'aimerais préciser très brièvement que j'ai occupé, de 1996
à 2002, le poste de président-directeur
général de la Société de
développement industriel, SDI, qui est devenue en 1998 Investissement Québec. À l'époque, j'ai
participé activement à la rédaction de la loi et, à la demande du ministre d'État
à l'Économie et aux Finances, M. Bernard
Landry, j'ai également mis en place Investissement Québec. Par la
suite, j'ai assumé successivement
les fonctions de président-directeur général de la Société
des alcools du Québec de 2002 à 2004,
de président et chef de l'exploitation
de Desjardins Capital de risque de 2004 à 2009 et de directeur général de la ville de Montréal en 2010 et 2011.
Depuis 2012,
je travaille dans le secteur privé et je continue à siéger à différents
conseils d'administration. Ayant été
aussi appelé à présider le conseil d'administration d'Investissement Québec de juin 2014 à avril 2016, je suis heureux
de partager avec vous quelques
constats sur le modus operandi de cette société d'État créée en 2011
par la fusion de ses activités avec celles de la Société générale de financement,
de même que quelques réflexions inspirées par l'expérience
acquise au sein de la haute fonction publique québécoise.
Dès le
départ, il m'apparaît important, comme d'autres témoins l'ont fait, d'attirer
l'attention des membres de la commission sur le fait que les activités
d'Investissement Québec se divisent en deux grandes catégories,
soit, d'une part, les activités liées à ses fonds propres et, d'autre part, les activités
réalisées à titre de mandataire du gouvernement
du Québec.
Les activités
liées aux fonds propres sont inhérentes à l'offre de services d'Investissement Québec, qui comprend notamment des prêts, des
garanties de prêt ainsi que des investissements tels que des prises de participation par l'achat de
capital-actions. Dans ce dernier cas, la Loi sur Investissement Québec prévoit
que la société ne peut pas investir une somme supérieure à 2,5 %
de la valeur nette de ses actifs sans l'autorisation du gouvernement. Au moment
de la transaction de RONA, cette
valeur nette s'établissait à environ 2,5 milliards. Quant aux prêts et aux
garanties de prêt, ils ne sont pas assujettis
à une limite légale, mais la politique d'Investissement Québec prévoit une
limite de 100 millions de dollars pour le cumul des interventions
dans une même entreprise.
Investissement
Québec possède donc un portefeuille d'investissement qu'elle réalise avec ses
fonds propres et qui relève exclusivement de ses instances. Le
gouvernement n'intervient pas dans le processus décisionnel, sauf, comme je viens de le mentionner, si l'achat de
capital-actions nécessite une somme supérieure à 2,5 % de la valeur nette
des actifs. Il est important de
préciser ici que l'autorisation du gouvernement ne concerne aucunement la
pertinence, les termes et les conditions de l'investissement, mais
seulement le dépassement de ce seuil fixé par la loi.
Les activités
réalisées, d'autre part, à titre de mandataire du gouvernement du Québec
concernent l'administration d'aide
financière, de programmes et de fonds, la prospection d'investissements
étrangers ainsi que l'administration de mesures fiscales établies par le
gouvernement.
Pour ce qui
est de l'administration de fonds, le plus important est sans doute le Fonds de
développement économique, dont les
activités sont avant tout financées par des emprunts contractés auprès du
gouvernement du Québec. Investissement
Québec, dans ce cas, agit donc comme mandataire du gouvernement. Cette
situation a pour corollaire que les autorisations
incombent au gouvernement, et à lui seul, et que le conseil d'administration
d'Investissement Québec n'est même
pas saisi des dossiers relevant du fonds. De fait, le gouvernement est la seule
et unique instance qui détermine les modalités du financement accordé.
Pour ce qui
est de l'investissement dans RONA, qui intéresse les membres de la commission,
il faut d'abord rappeler que c'est à
la demande du gouvernement et à l'aide de ses fonds propres qu'Investissement
Québec s'est porté acquéreur, à compter d'août 2012, d'actions de cette
compagnie. Pourquoi par le biais de ses fonds propres plutôt que par le canal
du Fonds de développement économique? Une
des raisons, sans doute, est que le mécanisme de financement à travers le Fonds
de développement économique est beaucoup trop lourd pour permettre d'intervenir
rapidement.
En février
2013, IQ détenait 12 millions d'actions acquises au coût de
156 millions de dollars, soit un coût moyen de 13 $ l'action. Dans un courriel envoyé le 21 novembre au
directeur de cabinet du ministre responsable de la société, le vice-président aux affaires juridiques et
secrétaire d'Investissement Québec, Me Marc Paquet, a confirmé à M. Pierre Ouellet
que — et je cite — «pour vendre, dans le cas qui nous occupe,
la Loi sur IQ n'oblige pas de décision du Conseil des ministres».
La loi, à
l'article 12, obligeait qu'il y ait un décret pour qu'IQ puisse faire
l'investissement parce que le montant potentiellement
impliqué pouvait dépasser 2,5 % de la valeur nette des actifs d'IQ. La loi
permet au gouvernement de fixer dans
son décret des conditions à son approbation, ce qui n'a pas été le cas ici. Par
exemple, on aurait pu prévoir que la
vente de tout ou une partie des actions acquises nécessite l'approbation
préalable du gouvernement ou du ministre. Ça n'a pas été le cas.
L'interprétation donnée par Me Paquet est donc claire et non équivoque, la loi
prévoit l'obligation, pour Investissement
Québec, d'avoir en main une autorisation du gouvernement pour procéder à
l'acquisition d'actions dont le montant représente une somme supérieure
à 2,5 % de la valeur nette de ses actifs.
Il ne faut
pas faire dire à la loi ce qu'elle ne dit pas, l'acquisition n'inclut pas la
disposition, à plus forte raison quand
cette acquisition a été effectuée dans des circonstances tout à fait
exceptionnelles, à savoir à la demande du gouvernement, qui réclamait une intervention urgente de la société
d'État afin de contrer une offre publique d'achat non sollicitée, et d'une entreprise de commerce de
détail, un des secteurs dans lesquels Investissement Québec n'investit pas.
La Vérificatrice générale le reconnaît d'ailleurs dans son récent rapport à
l'Assemblée nationale du Québec pour la période 2016‑2017 tout en rappelant à
juste titre que la responsabilité de gérer le dossier par la suite incombait à
Investissement Québec, notamment en ce qui concerne la décision de vendre les
actions.
En novembre
2013, le conseil d'administration a autorisé Investissement Québec à vendre des
blocs d'actions afin que sa
participation demeure en deçà du seuil de 10 % de détention pour éviter
que la société devienne une initiée. Des actions ont été, effectivement, vendues le
mois suivant sans consulter le ministre responsable à l'époque, le ministre
des Finances et de l'Économie du Québec, M.
Nicolas Marceau. Un an plus tard, le 17 novembre 2014, pour la même raison,
les administrateurs ont résolu à l'unanimité d'autoriser Investissement Québec
à disposer de 875 000 des actions de RONA,
et ce, encore une fois sans consulter le ministre responsable de la société.
Ils ont aussi décidé à l'unanimité dans la même réunion du 17 novembre 2014 de vendre les autres actions de
RONA, sous réserve d'une consultation préalable auprès du ministre, selon ce qui est consigné dans le procès-verbal de
la réunion. Au moment de vendre le bloc total des actions de RONA, il
n'y avait plus d'offre publique d'achat dans l'air, 28 mois s'étaient écoulés.
Non
seulement Investissement Québec n'a-t-elle jamais reçu le moindre avertissement
réprobateur pour avoir vendu des
actions sans autorisation de son ministre responsable, mais le gouvernement
n'a, d'aucune façon, émis de directive enjoignant
à la société d'État d'obtenir dorénavant son autorisation préalable. Dans un
article publié le 11 février 2016 dans
Le Journal de Québec, le journaliste Régys Caron rappelait que — et je cite — «deux années se sont écoulées entre le moment où Investissement Québec a entrepris la
vente de ses actions dans RONA et l'achat de la chaîne de [quincailleries
québécoises] par Lowe's. IQ a écoulé ses
actions en 10 blocs vendus entre le 6 décembre 2013 et février 2015.» Or, rien
n'indique qu'une seule de ces 10 transactions ait été l'objet d'une autorisation
préalable du ministre responsable.
• (14 h 10) •
En
terminant, je tiens à attirer l'attention des membres de la commission sur la
façon dont Investissement Québec aborde
la question dans la description de son modus operandi avec le cabinet de
l'ancien ministre Jacques Daoust. Je cite : Pour donner suite à la résolution adoptée par le conseil
d'administration d'IQ le 17 novembre 2014, M. Yves Lafrance a utilisé le canal de communication habituel en
s'adressant à M. Pierre Ouellet, chef de cabinet, pour obtenir la position
du ministre Daoust à l'égard de la
disposition de la vente de la totalité des
actions détenues par la société. Non seulement
le mot «position» n'est pas synonyme d'autorisation, mais le fait de connaître
la position du ministre ne signifie pas nécessairement que la société d'État soit tenue de
la partager ou de la suivre. Selon moi, les procès-verbaux du conseil d'administration d'Investissement
Québec — et je
les ai signés, et c'est une erreur que j'ai faite — auraient dû référer non pas à une consultation du ministre, mais à son
information préalable. Ce faisant, la réalité aurait été adéquatement
reflétée, et l'imbroglio actuel aurait sans doute été évité.
Il demeure cependant
que la Vérificatrice générale a raison de recommander que soient précisés les
critères permettant de clarifier la
démarcation entre les interventions d'importance menées à même le Fonds de
développement économique et celles réalisées avec les capitaux propres
d'IQ. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M.
Cousineau) : ...M. Roquet. Alors donc, nous allons passer la
parole à M. le député de Laval-des-Rapides pour 23 min 30 s.
M.
Polo : Merci beaucoup, M. le Président. M. Roquet, bienvenue. Merci
d'avoir accepté notre invitation à moi et mes collègues.
M.
le Président, j'aimerais demander, avec la permission de M. Roquet... Ses
propos ont été très, très pertinents, et je pense que chaque mot qu'il a prononcé a été bien calculé de sa part
pour bien refléter sa pensée. J'aimerais savoir si c'est possible d'avoir une copie de son
allocution. Je sais que ça va être reflété dans les galées, mais j'aimerais, si
c'est possible, pour usage
aujourd'hui même — et nous
avons encore d'autres intervenants qu'on va recevoir — recevoir une copie de son allocution
s'il accepte.
Le Président (M.
Cousineau) : Ça vous appartient, M. Roquet. Est-ce que vous en
faites...
M. Roquet
(Louis) : ...volontiers.
Le Président (M.
Cousineau) : Est-ce que vous en faites un dépôt officiel?
M. Roquet
(Louis) : Pardon?
M. Polo :
Est-ce que vous en faites un dépôt officiel?
M. Roquet
(Louis) : Si vous voulez, oui, ça me fait plaisir.
Document déposé
Le Président (M. Cousineau) :
Après votre... D'accord, merci.
M.
Polo : Après ce... Parfait,
excellent. M. Roquet, vous venez de mentionner, à la toute fin de votre
intervention, que, si on peut dire,
en bon processus de gouvernance, vous avez signé le procès-verbal de la rencontre du 17 novembre. Et ici, nous, on a un résumé... même pas un résumé, en fait, on a une
citation qui mentionne qu'étant donné... Attendez. «Après discussion, les administrateurs
ont convenu que la vente progressive du solde des actions ordinaires devait
être engagée sous réserve de
consulter...» Et là je pense que vous venez d'apporter un élément important,
là, que, si vous pouviez retourner à ce moment-là, au lieu de préciser
le mot «consulter», vous utiliseriez le mot «informer». Pourquoi?
M. Roquet
(Louis) : Écoutez, ça pourrait être «consulter». Je vous explique.
C'est important de se représenter... et
M. Lafrance, ce matin, l'a fait, de représenter comment s'est déroulée cette
séance-là. Avant la séance, disait-il — et il a
raison — le
président, qui était par intérim à ce moment-là, et le président du conseil se
rencontrent pour établir l'ordre du jour de la réunion du conseil. Et l'ordre
du jour de cette réunion comportait un item qui était la vente de 875 000 actions de RONA, point, pour des
raisons techniques, et donc le document qui a été déposé était un document
qui référait exclusivement à cette
transaction, à cette décision. Par contre, le conseil d'administration qui
siégeait à ce moment-là était le conseil d'administration qui avait
autorisé l'investissement initial dans RONA et qui, par la suite, recevait du Comité de gestion des risques une mise
en état de l'évolution de la situation à chaque réunion du conseil ou à
peu près. Donc, ils étaient parfaitement au courant, ils n'avaient pas besoin
d'un papier ou d'un document pour être capables de prendre une décision
relativement à cet investissement.
Au
moment de la discussion, certains membres du Comité de gestion des risques,
dont c'était le rôle, dans le fond, d'évaluer
le niveau de risque du portefeuille et les gestes pouvant être posés pour le
gérer, ont dit : La situation a changé grandement, nous en faisons le suivi. Le risque d'une offre hostile
s'est estompé, n'existe plus, et la raison qui a présidé à notre
investissement initial, de créer une minorité de blocage, n'existe plus, et
nous devrions, en toute prudence, liquider
ce portefeuille, puisque ça n'aura pas
d'impact sur la propriété de RONA. Et nous devrions le faire parce que c'est
un titre boursier qui a manifesté une volatilité dans le passé. On a pris une perte de 20 millions de dollars
l'an dernier. Les profits de la
société sont de l'ordre d'environ 50 millions, ça veut dire que votre
profit disparaît de 40 % d'un coup et, possiblement, pourrait même être complètement oblitéré par des
fluctuations boursières sur lesquelles on n'a aucun contrôle. Donc, à ce
moment-là, séance tenante, une proposition a été faite aux membres du conseil
par le comité de liquider l'ensemble du
portefeuille. Je suis intervenu et j'ai dit qu'en saine gouvernance et en bon
sens, comme c'était un geste qui nous avait été demandé par le
gouvernement, nous devrions informer le ministre de cette décision.
Je vous ferais
remarquer que la résolution a été adoptée, elle n'a pas... Et elle a adoptée,
son application a été suspendue par le conseil jusqu'à temps qu'on ait un
retour d'information sur la position du ministre. J'ai confié à Yves Lafrance, séance tenante, le mandat de
s'assurer d'aller chercher l'information requise et de revenir au prochain
conseil, dans son rapport de P.D.G., au conseil avec les informations sur la
position du ministre.
Et, pendant ce
temps — là,
je m'excuse, la réponse est un peu longue, mais je pense que c'est important de
comprendre la séquence des événements — Investissement Québec avait commencé la
préparation de son plan stratégique, et une première présentation avait
eu lieu au conseil d'administration sur comment se déroulerait le travail, qui
serait consulté, etc. À ce moment-là, j'ai
proposé au conseil d'inviter le ministre à venir rencontrer des membres du
conseil en dehors d'une réunion du
conseil pour communiquer au conseil et à la direction les orientations du
gouvernement, celles que le gouvernement voudrait revoir ou retrouver
dans le plan stratégique de la société.
Alors, il a été
convenu qu'à la fin de la rencontre du conseil d'administration du 17 novembre
M. le ministre viendrait rencontrer en huis clos les membres du conseil
d'administration pour communiquer les orientations du gouvernement dans le futur plan stratégique. Alors, jusqu'à la fin de la
réunion, le ministre était dans le couloir... ou dans la salle
d'attente. Quand la réunion s'est terminée, après que les membres du conseil
aient décidé de ne pas tenir de huis clos,
O.K., à ce moment-là les membres de la direction qui étaient à la réunion du
conseil, etc., sont partis. Est demeuré le secrétaire, puisqu'il devait prendre des notes de la rencontre avec
le ministre et des orientations données par le ministre. Le ministre est entré dans la salle, a communiqué
ses orientations. Et, quand ça a été terminé, comme il avait un autre
engagement, il a quitté. Alors, ça, c'est vraiment la séquence des événements.
Donc,
premièrement, la décision de vendre l'ensemble du portefeuille, M. Scraire, ce
matin, disait qu'en toute logique il aurait demandé l'opinion du
ministre avant d'amener au conseil une telle décision. Logiquement, c'est ce
que j'aurais fait, mais ce n'était pas à l'ordre du jour, ça a atterri comme
ça, et c'est pour ça que j'ai demandé de surseoir à l'application de la
décision du conseil jusqu'à temps qu'on ait de l'information sur la position du
ministre. J'espère que ça vous éclaire un
peu, mais je pense que c'est important de comprendre la dynamique de cette
rencontre-là.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. Roquet. M. le député de
Laval-des-Rapides.
M. Polo :
Merci. Merci beaucoup. Effectivement, M. Roquet, ce matin, j'ai pris
l'opportunité de demander à M. Lafrance à savoir est-ce qu'en préparation... ou
est-ce que, dans la note de recommandation ou dans le rapport de recommandation
pour vendre le bloc de 875 000 actions... est-ce qu'on faisait état de,
justement, ce que vous avez mentionné, que
la situation avait changé grandement, que le risque s'était estompé, que le
risque n'existait plus, qu'en toute
prudence il fallait peut-être procéder. Il m'a dit : Écoutez, nous, pour
nous, c'était une décision d'opération, une décision quotidienne.
Ceci
dit, là, vous ajoutez également un élément très intéressant, c'est que vous
dites : Le 17 novembre 2014, les membres du C.A. qui étaient
présents étaient les mêmes membres du C.A. qui étaient présents à l'origine de
l'achat.
Une voix :
...
• (14 h 20) •
M.
Polo : En effet. Donc,
lorsque le sujet atterrit sur la table, comme vous venez de le mentionner, tout le monde ont accès plus ou moins à la
même information, connaissent la séquence des événements, sont informés, bien
sûr, du changement de la haute direction de
chez RONA, le plan de restructuration, le plan de rachat des actions, etc., et
tout le monde, en toute connaissance
de cause aussi, sont conscients que la menace qu'est le risque d'une offre
d'achat hostile par Lowe's n'était plus dans le radar. Est-ce que je me
trompe en disant ça?
M. Roquet
(Louis) : Oui, vous avez raison.
M. Polo :
Parfait. Et l'élément additionnel que vous venez de mentionner, c'est que,
séance tenante, une proposition a été faite.
Donc, tous les membres étaient pleinement conscients, comprenaient bien les
enjeux reliés à la position
d'Investissement Québec sur l'action de RONA. Séance tenante, une proposition
est présentée afin de vendre la totalité,
le solde de la position détenue dans RONA, et la résolution est adoptée avec
une application suspendue. Et c'est là que
vous avez corrigé vos propos. Plutôt que de consulter ou de demander la
permission, ce que vous souhaitiez et ce que vous avez annoncé aujourd'hui, corrigé vos propos, c'est de dire :
On souhaitait plutôt informer le ministre. Est-ce que c'est bien le cas?
M. Roquet
(Louis) : C'est le cas et c'est très clair. Parce que, si le conseil
d'administration avait dit : Nous ne prendrons pas de décision tant que nous n'aurons pas l'avis, l'opinion,
la position du ministre, etc., on aurait donc, à la réunion suivante du conseil, après l'information
reçue d'Yves Lafrance que le ministre était d'accord, O.K... on aurait eu une résolution en bonne et due forme qui aurait
été conservée au procès-verbal de la société, disant : Ça y est,
maintenant, on peut procéder à la
vente du solde. Or, ce n'est pas le cas. La résolution du 17 novembre était une
résolution qui était décisionnelle, et elle a été prise, et il n'y a pas
eu d'autre résolution par la suite.
M.
Polo : L'application s'est faite au mois de décembre. Mais la décision
ne s'est pas faite au mois de décembre, comme la députée de Taschereau
essaie d'insinuer publiquement.
M. Roquet
(Louis) : La décision a été prise au mois de novembre, et
l'application en a commencé au mois de décembre.
Mme
Maltais : ...
Le Président (M. Cousineau) :
Un instant. Un instant.
Mme
Maltais : ...M. le
Président...
Le Président (M. Cousineau) :
Question de règlement?
Mme
Maltais :
Question de règlement. On vient de dire que je tente d'insinuer des choses. Ça
va bien dans la commission parlementaire, là, restons polis entre
collègues. Ça va très bien, continuons comme ça, mon cher ami.
Le
Président (M. Cousineau) : D'accord. Alors, effectivement, M.
le député de Laval-des-Rapides, soyez prudent dans vos propos puis
adressez-vous à la personne qu'on reçoit.
M.
Polo : Donc, c'est ça. Donc, la décision a été prise le 17 novembre
dans votre... Pour vous, c'est très clair. Et donc de consulter ou
d'informer le ministre, pour vous, c'était un élément, comme M. Lafrance l'a
dit, un élément important, mais le gros de la décision... En fait, la
résolution a même été adoptée le 17 novembre. C'est ce que j'en comprends.
M. Roquet
(Louis) : Oui. Oui, la résolution a été adoptée le 17 novembre. Et, si
le ministre avait communiqué une
opposition violente à cette transaction — là, je fabule — j'aurais dû revenir au conseil, informer le
conseil de la position du ministre et
des motifs qu'il invoquait et demander au conseil, sur la base de cette
nouvelle information : Est-ce que vous modifiez votre décision, ou
si vous gardez votre décision, ou si vous la modulez? Mais le conseil est
souverain.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député.
M.
Polo : En effet. Et, M. Roquet, j'aimerais vous entendre à nouveau sur
la pertinence à l'origine... Parce que, là, on se questionne sur le processus de vente des actions de RONA,
mais, vous l'avez mentionné dans votre introduction, vous nous avez expliqué c'est quoi, les contraintes
prépondérantes d'utiliser un mécanisme comme le Fonds de développement
économique versus les fonds propres dans le cas d'achat d'actions, dans ce
cas-ci de RONA.
Premièrement,
moi, l'interprétation que je fais, c'est qu'en utilisant les fonds propres ça
venait d'autant plus donner un
élément de respect de l'autonomie de décision d'Investissement Québec dans sa
prise de décision, dans sa gestion du portefeuille,
mais vous avez également expliqué que l'alternative, en fait, aurait été
beaucoup plus contraignante et même aurait alourdi le processus de
gestion de cette position-là dans votre portefeuille.
M. Roquet
(Louis) : M. Scraire, ce
matin, a mentionné un autre élément qui est important. Il disait qu'en général, dans les sociétés publiques,
les actionnaires, surtout les actionnaires institutionnels, n'aiment pas beaucoup
voir des gouvernements actionnaires parce qu'ils trouvent que les gouvernements ont des motivations qui ne sont pas nécessairement les motivations
des actionnaires ordinaires ou, si vous voulez, des investisseurs
institutionnels.
La seconde
raison, c'est que, si c'est une décision dans le cadre du FDE, elle est
publique, on vient de télégraphier à
la communauté des affaires que le gouvernement du Québec est en train
d'organiser une minorité de blocage. Ça aussi, ce n'est pas nécessairement utile. De même, c'est une des raisons pour
lesquelles on essayait de ne pas devenir initié, pour ne pas être obligé
de télégraphier chacun des gestes qu'on posait dans ce dossier-là.
Et
la troisième raison, c'est que tout processus qui est un processus
démocratique, qui passe à travers le Conseil des ministres, etc., est nécessairement un processus qui est soumis à un
certain... et qui est beaucoup plus lent. On peut prendre une décision à Investissement Québec, même
une décision lourde, dans 24 heures. On est capables de faire travailler
les gens la nuit, préparer le dossier. Notre
conseil d'administration, qui est très volontaire, va accepter de se rencontrer
au téléphone le matin, à 8 heures, à 24
heures de délai, et il y a plusieurs instances où, effectivement, à cause de
fenêtres d'investissement comme ça, on a dû réagir très rapidement. On
ne peut pas demander au Conseil des ministres de fonctionner comme ça, ce n'est
pas possible.
Et il y a en quelque part... Là, là, je sors du
sujet, mais je pense que c'est une amélioration à laquelle... La Vérificatrice générale y a fait indirectement
allusion, il faudrait une façon de doter le FDE d'une mécanique correcte qui
lui permette d'agir dans des situations d'urgence, et actuellement ça
n'existe pas. Avec obligation, quand même, de rendre
compte au Conseil des ministres par la suite, mais que ça soit d'autoriser le
président du Conseil du trésor et le ministre
des Finances à autoriser, à l'intérieur de certaines balises, une intervention
d'urgence, quitte à ce qu'ils la ramènent au Conseil des ministres par la suite ou à l'Assemblée. Mais,
actuellement, on veut être tellement transparent qu'on s'attache les
deux mains. Ça, c'est un des problèmes.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Laval-des-Rapides, sept minutes.
M.
Polo : Oui. Merci beaucoup,
M. le Président. M. Roquet, pour revenir aux discussions et à
cette rencontre du conseil d'administration
du 17 novembre 2014, donc le sujet de la vente du bloc des actions de RONA est
amené à la table. Est-ce que ça a été
une longue discussion? Je comprends que vous me dites que tous les acteurs présents
connaissaient très bien le dossier,
mais est-ce que ça a été une longue discussion? Est-ce que vous avez vraiment
pris le temps d'aborder la question sur les différents angles, que ce soit l'angle
d'affaires, le timing, la possibilité, le risque d'achat hostile, etc.?
Est-ce que ça a été une discussion et, si on peut dire, un point qui a été
abordé sous l'ensemble de ses angles?
J'aimerais juste préciser également que ça n'a
pas été une discussion sur un coin de table où vous avez dit : Ah! bien, qu'est-ce qu'on ferait avec les actions
de RONA si on pouvait s'en départir? Donc, j'imagine — et
c'est ce que j'aimerais savoir — vous
avez vraiment couvert la question de la position de
RONA sous tous ses angles pour pouvoir amener une résolution, et pour
pouvoir l'entériner, et l'adopter en séance tenante.
• (14 h 30) •
M. Roquet (Louis) : Écoutez, la
discussion a été une discussion sérieuse, c'était une discussion d'affaires. Investissement Québec est une entreprise financière, donc on ne s'est
pas improvisés membres de l'Assemblée
nationale ou membres du gouvernement. C'est sûr que les gens étaient conscients de la raison pour laquelle
cet investissement-là avait
été fait, et leur jugement, c'était que cette raison n'existait plus. Et donc, à ce moment-là, une gestion prudente des actifs d'Investissement Québec exigeait
qu'on se départisse de notre investissement, et c'était la recommandation des
membres du Comité de gestion des risques.
D'autre part,
une disposition comme ça ne se fait pas dans quelques secondes ou dans une
seule transaction. Vous ne pouvez pas mettre 9 % des actions d'une
compagnie... c'est une façon idéale pour faire planter le titre. Donc, à ce moment-là, comme on pouvait difficilement
dire : Écoutez, vous allez vendre à tel prix, puis pas moins, puis pas
plus, puis pas ci, puis vous allez le
faire en huit tranches ou 10 tranches, c'est la raison pour laquelle on a
chargé le Comité de gestion des
risques de suivre cette disposition-là, qui s'est faite en 10 tranches,
effectivement, de façon à ce que, chaque fois qu'une transaction était envisagée, elle était discutée avec les
membres du conseil qui étaient des spécialistes dans ce domaine-là, en gestion des risques. Alors, ça a
été discuté. On a considéré, même, la mécanique à mettre en place pour
assurer un suivi et une gouvernance de cette disposition-là.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Laval-des-Rapides. Quatre minutes.
M.
Polo : Bien, vous venez de mentionner que vous avez eu plusieurs
discussions avec les membres du Comité de
gestion de risques. Vous avez mentionné quatre, cinq éléments, là, qui ont
servi, justement, à prendre cette décision-là, mais peut-être élaborer sur, justement, ces éléments-là, ces
discussions-là que vous avez eues avec les membres du Comité de gestion
de risques.
M. Roquet
(Louis) : Les investissements d'Investissement Québec sont assez
rarement des investissements dans des compagnies publiques.
Historiquement, on se souvient d'investissements dans Cascades,
d'investissements dans RONA, etc., mais ce
n'est pas courant, courant, courant, et Investissement Québec est relativement
averse à maintenir ou à détenir une position où, dans le fond, on n'a
aucun contrôle sur le comportement de l'action.
Quand la
Caisse de dépôt investit et prend une position dans RONA de 20 %, elle a
un représentant au conseil d'administration,
elle peut influencer la gestion de l'entreprise, elle a une poigne dessus.
L'aspect négatif, c'est qu'elle devient
initiée, puis, à ce moment-là, tous ses gestes sont publics. Mais nous, on
n'est jamais initiés. Donc, on est toujours dans l'impression que, quand on investit dans une société comme ça,
c'est vraiment parce que c'est un dernier recours, parce que c'est la seule façon d'assurer un
objectif, qu'il soit un investissement qui ne se réaliserait pas sans cette intervention. Mais ce n'est pas notre mode préféré
d'intervention et ce n'est pas notre mode préféré de clientèle, c'est relativement inusité. Donc, quand on a un
investissement comme ça, on le suit de près parce qu'on a l'impression qu'on
est à la merci du marché, d'une certaine
façon. Puis notre profitabilité est relativement mince. Le gouvernement ne nous
demande pas de faire de l'argent, le
gouvernement nous demande de faire du développement économique en s'arrangeant
préférablement pour couvrir le coût des fonds. Puis c'est ce qu'on réussit à
faire, mais ce n'est pas épais, ça.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de... il vous reste
1 min 50 s.
M.
Polo : Parfait. M. Roquet, considérez-vous que c'est le rôle
d'Investissement Québec d'intervenir à tout prix lorsque deux compagnies négocient, discutent, se mettent d'accord sur
les termes d'une transaction, que les actionnaires se mettent d'accord sur les termes de cette
transaction-là, qu'il y a une prise de profit importante de la part des
différentes parties concernées à
l'origine? Est-ce que vous trouvez que c'est votre rôle, disons, si je recule,
lorsque vous étiez président du
conseil, que c'est votre rôle, à tout prix, de faire achopper ou de faire
tomber une conclusion d'une transaction d'affaires de ce type-là?
M. Roquet
(Louis) : On n'aurait pas pu le faire, on n'aurait pas pu le faire. Je
veux dire, si j'avais eu 10 % des actions de RONA au moment où le
conseil d'administration de RONA a accepté l'offre... ou de recommander aux actionnaires l'offre à 24 $, j'aurais pu
dire : Je la refuse, mais je me serais ramassé avec Lowe's à 90 % et
Investissement Québec à 10 %
sans représentation sur le... et j'aurais été forcé de vendre. Je ne pouvais
pas bloquer cette transaction-là.
M.
Polo : Effectivement. Donc, ce que vous venez de dire, c'est que, si
la Caisse de dépôt accepte la transaction et qu'Investissement Québec
décide d'essayer de bloquer, à 10 % c'est impossible.
M. Roquet
(Louis) : En pratique, à partir du moment où le conseil
d'administration recommande aux actionnaires et que la majorité des actionnaires, au-delà de 66 %, accepte... Je
veux dire, on dit : Investissement Québec a vendu RONA. Non, Investissement Québec s'est départie d'un
investissement dans RONA. La caisse, la CDPQ, etc., ont recommandé aux actionnaires de vendre RONA et ont vendu leurs
actions dans le cadre d'une
transaction, d'une cession à Lowe's, mais Investissement Québec n'a pas
vendu RONA.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. Roquet. Alors, ça termine le bloc que nous avions avec le parti ministériel.
Maintenant, pour les 14 prochaines minutes, M. le député de Sanguinet.
M.
Therrien : Merci,
M. le Président. Bienvenue,
M. Roquet. Écoutez, d'entrée de
jeu, j'aimerais vous demander c'est quoi, la relation que vous entreteniez avec
M. Daoust. La relation que vous entreteniez avec M. Daoust, est-ce que
c'est purement professionnel ou on
peut dire que c'est une relation d'amitié aussi? C'est quelqu'un
que vous connaissez bien?
M. Roquet
(Louis) : Connaît bien...
Vous savez, la communauté des affaires, à Montréal, ce n'est pas grand.
Puis je roule dedans depuis à peu près
50 ans, alors il n'y a pas grand monde que je ne connais pas bien. J'ai toujours
entretenu avec les ministres avec qui j'ai travaillé, Bernard Landry d'abord,
beaucoup, et ensuite Jacques Daoust, une relation professionnelle, mais détendue, qui était fonctionnelle, et une
excellente relation, mais je n'ai jamais été invité à souper chez M. Landry puis je
n'ai jamais été invité à souper chez Jacques Daoust.
M.
Therrien : O.K. La Loi sur Investissement Québec, là, je reviens avec l'article 25, je le
relis : «Est institué, au sein
du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation,
le Fonds du développement économique.
«Le fonds est
affecté à l'administration et au versement de toute aide financière prévue par
un programme élaboré ou désigné par
le gouvernement et de toute aide financière accordée par la société dans
l'exécution d'un mandat que le gouvernement lui [donne], ainsi qu'à
l'exécution des autres mandats que le gouvernement confie à la société.»
Ce que vous avez fait tantôt, vous avez justifié
le geste de M. Daoust, qui a décidé de ne pas suivre la Loi d'Investissement Québec. Moi, c'est ce que j'ai
compris. Donc, vous avez dit : Il a enfreint la loi, et c'est tant mieux
parce que semble-t-il que c'est plus
rapide. En quoi utiliser les fonds propres, c'est plus rapide qu'utiliser le
Fonds de développement économique?
J'aimerais ça avoir une réponse courte parce que j'ai beaucoup de questions à
vous poser.
M. Roquet
(Louis) : Parce que vous ne
pouvez pas réunir le Conseil des ministres et lui soumettre un dossier, O.K., dans 24 heures, ce n'est pas possible,
mais vous pouvez le faire avec Investissement Québec puis le faire
correctement.
M.
Therrien : Il y a
eu un décret qui a été voté par le Conseil des ministres?
M. Roquet
(Louis) : Oui. Ce décret-là
portait sur une chose, et c'est vraiment une question de gestion des risques.
Quand la Loi d'Investissement Québec a été
révisée, en 2011, peu de temps après la fusion avec la SGF, on a décidé que,
pour un risque supérieur à 2,5 %, donc
la possibilité de perdre 2,5 % de ses actifs, Investissement Québec
devrait demander l'autorisation. Mais
c'est vraiment une question de gestion de risques, on accepte... Comme le
gouvernement est le seul actionnaire, je veux dire, bon, vous pouvez
aller jusque-là, mais pas plus loin.
M.
Therrien : O.K. Est-ce
que, quand on a voté ce décret-là au Conseil des ministres, ça aurait été très compliqué de voter en
même temps un deuxième décret pour
vous faire accéder rapidement au Fonds de développement économique?
Ça aurait été, je pense, assez facile. Non?
M. Roquet (Louis) : Il y aurait eu plusieurs
choses qui auraient été possibles. Il faut dire que des situations comme ça, ça ne s'est pas présenté souvent dans
l'histoire. D'ailleurs, si ma
mémoire est bonne, M. Bachand, à ce moment-là ministre
des Finances, s'était adressé à Investissement Québec en disant : Trouvez-nous une solution pour
régler cette situation-là.
Ça pourrait être un fonds. Monter un fonds, on part pour trois mois, O.K.,
même un fonds qui serait financé presque entièrement par le gouvernement. Et, dans
le fond, la solution la plus simple et la plus rapide, ça a été de
dire : On va y aller avec les fonds propres.
M. Scraire
a dit quelque chose ce matin qui est intéressant puis qui vaudrait peut-être la
peine d'être exploité...
M.
Therrien : Non,
bien, écoutez, c'est parce que j'ai beaucoup de questions à vous poser,
M. Roquet, honnêtement, là. C'est parce que, là, ça veut dire que, si on utilise les fonds propres... ça veut dire qu'Investissement-Québec a carte blanche pour manipuler les actions de RONA comme elle l'entend.
C'est ce que vous avez dit. Donc, ça veut dire que, bon, écoutez, on fait déjà
une faute au niveau de la Loi d'Investissement Québec, on prend les fonds
propres au lieu de prendre le Fonds
de développement économique, puis là on dit : Ah! vu qu'on a pris des
fonds propres, bien là, à ce moment-là, on a toute liberté de faire ce
qu'on veut.
Sauf que tous
les gens qui sont venus ici, en commission, nous ont dit qu'ils étaient
extrêmement mal à l'aise, voire même dans une situation d'impossibilité
de faire quoi que ce soit sans demander l'autorisation du ministre. Tout le monde a passé... Pourquoi? Parce que
c'était un dossier politique. Déjà, il y a eu une première erreur qui a été
faite en prenant les fonds propres, c'était une question d'heures ou de
jours, et là vous me dites : Bien, écoutez, on a eu la chance de mettre ça dans les fonds propres, ça
veut dire qu'on a toute liberté de faire ce qu'on veut et on a juste besoin
d'informer le ministre. Vous me dites que le ministre a été informé?
• (14 h 40) •
M. Roquet
(Louis) : Je vous dis que j'ai demandé au président par intérim, Yves
Lafrance, de s'assurer que le ministre soit informé.
M.
Therrien : Vous
avez dit tantôt que le ministre avait été informé.
M. Roquet (Louis) : Non.
M.
Therrien : Donc,
selon vous, il n'a pas été informé.
M.
Roquet (Louis) : Je répète : En séance du conseil, j'ai donné une
consigne à Yves Lafrance d'informer le ministre.
M.
Therrien : O.K.
M. Roquet
(Louis) : À la réunion suivante du conseil, M. Lafrance, dans son
rapport, a dit : Le ministre a été informé et il est d'accord. Ça,
c'est des faits auxquels j'ai participé.
M.
Therrien : Le ministre
a été informé et il est d'accord.
M. Roquet (Louis) : C'est ce que
M. Lafrance a dit, et il l'a répété ce matin.
M.
Therrien : O.K.
Parfait, super. O.K. C'est ce qu'on a compris aussi.
Procès-verbal
du 17 novembre, c'est écrit : «...d'autoriser Investissement Québec à
disposer des autres actions de RONA
qu'elle détient, sous réserve d'une consultation préalable auprès du ministre
responsable de la société.» Je veux vous entendre sur la définition de
«sous réserve». Ça veut dire quoi, ça, «sous réserve»?
M. Roquet
(Louis) : Ça veut dire que le conseil avait accepté de ne pas
effectuer de transaction avant d'avoir reçu l'avis du ministre.
M.
Therrien : D'accord,
l'avis du ministre.
M. Roquet (Louis) : Oui.
M.
Therrien : Vous
l'avez signé, celui-là... pas signé, mais vous avez accepté ce
procès-verbal-là, le 17.
M. Roquet (Louis) : Oui.
M.
Therrien : Donc,
vous êtes d'accord avec ça.
M. Roquet (Louis) : Oui.
M.
Therrien :
O.K. Pourquoi on n'a pas immédiatement... Si on n'a pas besoin de l'accord du
ministre, dans le fond, pour vendre
toutes les actions, là, pourquoi on n'a pas fait ça là, à partir du
17 novembre, puis on est revenu pour redemander par la suite l'avis
du ministre si on n'en a pas besoin, de l'avis du ministre, selon vous?
M. Roquet
(Louis) : Parce qu'on est une société d'État, parce que le
gouvernement du Québec est actionnaire à
100 % de cette société-là, parce que l'article 4 de la Loi
d'Investissement Québec dit qu'on doit agir à l'intérieur des orientations économiques
données par le gouvernement et qu'il m'apparaissait évident qu'une décision qui
pouvait... et, d'ailleurs vous êtes
la preuve que c'est une décision qui a eu des remous, alors, qu'une décision
qui, vraisemblablement, pouvait avoir
des remous devait être communiquée, une décision prise par le conseil devait
être communiquée au ministre, et que le conseil devait être informé de
la réaction du ministre ou de sa position.
M.
Therrien :
Merci. Lundi le 15 décembre 2014, autre procès-verbal :
«M. Lafrance fait état de l'accord donné par le ministre responsable de la société relativement à la vente de la
totalité des actions de RONA détenues par la société.» «Fait état de l'accord donné par le ministre», le
ministre a donné son accord. Vous avez signé ce... vous avez accepté ce
procès-verbal-là. Donc, le ministre, vous me confirmez qu'il a donné son
accord.
M. Roquet (Louis) : Non.
M.
Therrien : Non?
M. Roquet
(Louis) : M. Lafrance a confirmé que le ministre avait donné son
accord. Ce qui est enregistré, c'est la déposition de M. Lafrance,
et non pas la déposition du ministre.
M.
Therrien :
Donc, vous remettez en doute la parole de M. Lafrance et vous acceptez un
procès-verbal qui dit : «M. Lafrance
fait état de l'accord donné par le ministre responsable...» Vous dites :
Moi, écoutez, c'est ce qu'il nous dit, je
n'ai pas vérifié, je signe ça. Là, vous me dites : Bien, on n'est sûr de
rien, on n'est pas sûr que M. Lafrance a vraiment eu l'accord du
ministre. Vous êtes sérieux, là?
M. Roquet
(Louis) : M. Lafrance vous a tout expliqué ça ce matin. Je ne
vois pas pourquoi vous m'interrogez, moi, sur quelque chose qui le
concerne.
M.
Therrien :
Écoutez, écoutez, écoutez, au début, au début, vous nous dites, à cause que
c'est des fonds propres, qu'on n'a
pas besoin de demander l'avis du ministre, puis là, après, vous dites :
Bien, finalement, oui, on peut l'informer.
Là, vous me dites ici qu'on demande l'accord, le
17 novembre on demande «sous réserve d'une consultation préalable»... On
n'est plus dans l'information, dire : Aïe! «by the way», en passant, mon
ami, on a vendu les actions, c'est-u correct? Non, non, c'est dire : Il
faut qu'il nous donne son accord. Vous dites go à ce procès-verbal-là.
Ensuite, je vous en donne un autre, puis là vous
me dites : Bien là, c'est M. Lafrance qui dit ça, puis c'est un
procès-verbal. Tu sais, on n'est pas un club de chasse et pêche de Maniwaki,
là, ça, c'est Investissement Québec, là.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Sanguinet...
M.
Therrien : Non,
non, mais là, à un moment donné, il y a des limites, là.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Sanguinet, soyez...
M.
Therrien : Donc là,
écoutez, écoutez, dans le journal, dans le journal...
Le Président (M. Cousineau) :
...soyez posé dans vos propos, s'il vous plaît.
M.
Therrien : ... — merci,
M. le Président — dans
le journal... «Dans son rapport déposé hier...» Et je cite, là — c'est
La Presse, Denis Lessard, la date,
c'est le 3 juin : «Dans son
rapport déposé [...] à l'Assemblée nationale, la Vérificatrice générale Guylaine Leclerc indique que les membres du
conseil d'Investissement Québec "ne considéraient pas avoir toute la latitude pour autoriser la
vente sans avoir consulté le gouvernement", ils "ont obtenu en décembre 2014
l'accord du ministre — ça,
c'est la Vérificatrice générale qui dit ça — [M. Daoust responsable
du Développement économique à l'époque]
avant de vendre la totalité des actions".» Vous dites : «"...ce
n'est pas vrai", [résume] Louis Roquet, président du conseil d'administration d'Investissement Québec à
l'époque. Pour lui, la vérificatrice du Québec est dans l'erreur...
M. Roquet (Louis) : Oui.
M.
Therrien : ...quand elle soutient que le conseil d'administration d'Investissement
Québec a demandé l'approbation du ministre avant de vendre son dernier bloc d'actions de
RONA qu'IQ avait acheté — 10 %
des actions environ — deux
ans plus tôt pour protéger la société d'une prise de contrôle hostile.» Là, vous me
dites : Là, là, la Vérificatrice
générale est dans l'erreur.
M. Roquet (Louis) : Ça arrive.
M.
Therrien : Là, on a les deux procès-verbaux qui
disent : Bien oui, le ministre, on lui a demandé son accord, on a demandé
son autorisation. Vous avez dit : Oui, c'est parfait, procès-verbal
validé.
M. Roquet (Louis) : Non.
M.
Therrien : On a le courriel d'autorisation qui dit... Pierre
Ouellet nous dit : O.K. On a l'autorisation du ministre. On a
M. Lafrance qui est venu ici, en commission parlementaire, il nous a
dit : On a eu l'accord du ministre. Et là on a des gens qui sont passés
avant, qui étaient dans l'ancienne administration, qui disent : Nous, là,
on n'aurait pas touché aux actions sans demander le consentement au ministre,
même si c'étaient des fonds propres. Ils disaient : On ne se sent pas à
l'aise avec ça. Et vous, vous venez ici me dire...
Le Président (M.
Cousineau) : Non, ça va, ça va, ça va.
M.
Therrien :
Ça va, là, il n'y a pas de problème. Prenez une tisane.
Une voix :
...
Le Président (M.
Cousineau) : Non, non, vous avez... Oui, mais...
M.
Therrien :
Ça fait que, là, vous me dites, vous me dites...
Le Président (M.
Cousineau) : S'il vous plaît, un instant, M. le... Un instant!
M. le député de Laval-des-Rapides, ça va très bien, la discussion. Il a le
droit de poser les questions, alors on va le laisser aller. Ça n'a rien à voir
avec la députée de Taschereau.
Alors, poursuivez, M.
le...
M.
Therrien :
Alors donc, expliquez-moi comment vous pouvez nous dire en commission que le
ministre n'a pas donné son accord suite à tous ces faits-là qui sont
extrêmement révélateurs. Vous êtes le seul, à part le ministre Daoust... Puis
même, là, lui, il a dit qu'il n'avait pas été informé. Vous dites qu'il a été
informé. Ça fait que, là, vous dites, dans le fond, que le ministre, là-dessus,
aurait menti.
Pourquoi on n'a pas
besoin et on n'a pas eu l'autorisation du ministre, alors qu'on a toutes ces
preuves ici? Expliquez-moi ça, on veut vous entendre.
M. Roquet
(Louis) : Deux commentaires. Deux commentaires. La première chose,
c'est que vous employez sans distinction «autorisation» et «information»,
«avis», «opinion», etc. Il y a une colosse de différence entre l'autorisation
et les autres. «Autorisation», ça veut dire qu'il y a le pouvoir. Et le
ministre, dans ce cas-là, n'a pas le pouvoir de décision, c'est le conseil qui
l'a.
Et, quand je dis que
la Vérificatrice générale fait erreur, vous pouvez questionner les membres du
conseil d'administration et leur demander s'ils estimaient avoir le pouvoir.
Pour moi, la preuve qu'ils avaient le pouvoir, c'est qu'ils ont adopté une
résolution le 17 novembre et ils n'ont jamais adopté d'autre résolution
pour dire : Bien, maintenant qu'on sait
que le ministre est d'accord, O.K., on va... Non, ils ont décidé le
17 novembre, et le procès-verbal le dit. Ils ont suspendu
l'application, et, dès qu'on a eu l'opinion du ministre, on a procédé à la
disposition.
M.
Therrien :
Regardez, on va utiliser les mots qui sont écrits là-dedans, là : «...d'autoriser
Investissement Québec — 17 novembre — à disposer des autres actions de RONA — le restant des actions — qu'elle détient, sous réserve d'une
consultation préalable auprès du ministre responsable...»
Dans
celui du 15 décembre — et ça, vous avez donné votre aval à ça — ensuite, M. Lafrance fait état de
l'accord donné. Il n'a pas dit :
Ah! bien, j'en ai... Il a dit : «...fait état de l'accord donné par le
ministre responsable de la société relativement
à la vente de la totalité des actions de RONA détenues par la société.» C'est
écrit. Je n'ai pas inventé les mots, j'utilise les mots qui sont écrits
et que vous avez...
M. Roquet
(Louis) : Entre «je suis d'accord» et «j'autorise»...
M.
Therrien :
Vous avez donné votre aval à ce procès-verbal-là.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Sanguinet, c'est terminé, votre
partie.
M.
Therrien :
Merci.
Le Président (M.
Cousineau) : Si vous voulez ajouter quelque chose, M. Roquet,
allez-y.
M.
Roquet (Louis) : Écoutez, il y a une différence entre «je suis
d'accord» et «j'autorise». «J'autorise», c'est «j'ai le pouvoir de
décider». «Je suis d'accord», mon opinion, c'est un bon deal.
Le
Président (M. Cousineau) : D'accord. Merci, M. Roquet.
Alors, nous allons passer maintenant au bloc du deuxième groupe
d'opposition pour les 14 prochaines minutes...
Une voix :
...
Le Président (M. Cousineau) :
Pardon?
Une
voix : ...
Le
Président (M. Cousineau) : Ah! 9 min 30 s,
excusez-moi, j'avais la tête ailleurs. M. le député de Granby.
• (14 h 50) •
M.
Bonnardel : Merci, M. le Président. M. Roquet,
rapidement, je veux comprendre la décision qui a été prise lors de ce fameux
conseil d'administration où des personnes responsables de la gestion du
risque ou de l'analyse de gestion vous
ont convaincu qu'il fallait vendre. Est-ce qu'il y a eu un document
qui a été donné aux membres de la commission
pour comprendre? Et est-ce qu'on peut obtenir ce fameux document s'il y a lieu?
M. Roquet
(Louis) : Le seul document qui a été déposé au conseil est le document
relatif à la disposition de 875 000 actions.
Le reste de la discussion a été provoqué par l'intervention de membres du
Comité de gestion de risques qui ont
souligné au conseil que, les motifs qui avaient présidé à l'acquisition du bloc
de 12 millions d'actions n'étant plus valides, en saine gestion des risques, nous
devrions disposer de cet investissement. Si le sujet avait été inscrit à l'ordre du jour, la disposition de l'ensemble, de
la totalité... Ce que M. Scraire vous a dit ce matin, c'est qu'un
président du conseil, en telle
circonstance, consulte le ministre et partage avec le conseil d'administration, qui a tout pouvoir de décision, l'opinion du ministre dans le respect de l'article 4 de la Loi d'Investissement Québec. En l'occurrence, comme le sujet ne figurait
pas au procès-verbal, O.K.,
j'ai proposé aux membres du conseil qui voulaient adopter cette résolution-là
d'en suspendre l'application jusqu'à ce qu'on puisse revenir au conseil
et partager avec eux l'opinion du ministre.
M.
Bonnardel : O.K.
M. Roquet, il y a une rencontre à huis clos tout de suite après. Vous le savez, que le ministre
est à côté. Vous venez de prendre, par une
discussion qui a duré 30 minutes, une heure, je n'en ai aucune idée, une
décision extrêmement importante. Selon les analystes, selon les
personnes qui étaient là, le ministre s'en vient, rencontre à huis clos. Oui, il s'en vient énumérer les
positions du ministre, il semble être pressé. Vous le connaissez bien, ce n'est quand même pas banal comme décision, et là vous ne
lui indiquez pas... vous ne lui demandez pas du tout : Écoute, Jacques,
on vient de prendre une... on souhaite avoir
ton autorisation. Il n'y a personne qui lève le petit doigt ou qui dit :
M. Daoust, juste avant que vous
commenciez, on vient de prendre une décision, est-ce que vous pourriez nous
donner votre accord ou allez-vous
revenir avec une réponse suite à l'acceptation de cette vente par le premier
ministre ou son chef de cabinet? Personne ne fait ça?
M.
Roquet (Louis) : Non. Et une des raisons pour lesquelles on ne le fait
pas, c'est que j'avais donné le mandat au
président de le faire, puis, à ce moment-là, tu le laisses faire. La deuxième,
c'est que le président disposait de forums pour être capable de le
faire. Et la troisième, si je l'avais fait comme ça, il n'y aurait pas de
courriels. Il y en a.
M.
Bonnardel : Oui, mais, M. Roquet, là, vous êtes en affaires
depuis assez longtemps, faites-moi pas croire, là, que vous voyez M. Daoust, vous lui parlez. La
réunion se termine une heure plus tard, vous appelez M. Lafrance :
Mon cher M. Lafrance, je viens
de parler au ministre, laisse faire le courriel, on a l'autorisation. Ou il me
revient demain matin parce qu'il va demander le O.K. au premier ministre
ou à son chef de cabinet.
Alors
là, il n'y a personne, personne, après une décision aussi importante, qui a
levé le petit doigt puis qui a dit : M. le président, il faudrait peut-être qu'on demande... On a le ministre
devant nous, pourquoi ne pas prendre 10 minutes? Personne ne fait
ça. Moi, je ne comprends pas du tout, personne ne fait ça.
M.
Roquet (Louis) : Il faudrait interroger les 15 membres du conseil
pour leur demander pourquoi ils n'en ont pas parlé au ministre. Vous
m'interrogez, moi, puis je vous dis : J'avais demandé officiellement — c'est
dans le procès-verbal — au
président de le faire et je l'ai laissé faire. Et l'avantage, c'est que ça
laisse des traces.
M.
Bonnardel : M. Roquet, le 4 juin 2014, le
gouvernement, le ministre des Finances en tête, vous demande, au conseil d'administration, à la société, à
Investissement Québec, de faire un effort demandé de 7 millions de dollars
pour retrouver l'équilibre budgétaire. Vous vous souvenez de ça?
M. Roquet
(Louis) : Oui.
M.
Bonnardel : Est-ce qu'on vous envoie une lettre signée de la
part du ministre des Finances ou du ministre...
M. Roquet (Louis) :
Oui.
M.
Bonnardel :
On vous envoie une lettre?
M. Roquet
(Louis) : Oui.
M.
Bonnardel :
On vous demande de trouver 7 millions de dollars?
M.
Roquet (Louis) : Oui. Et on nous dit que le gouvernement s'attend à
une rentabilité, en 2014 et en 2015, de 52 millions de dollars.
M.
Bonnardel :
Est-ce que la vente de RONA, qui a rapporté un 6,2 millions de dollars,
n'a pas été un élément peut-être... Parce que, suite à cette lettre,
justement, en avez-vous parlé à vos V.P., en avez-vous parlé au conseil
d'administration, que vous aviez reçu ce mandat de 7 millions de dollars
du gouvernement?
M.
Roquet (Louis) : J'en ai parlé au président par intérim certainement.
Mais la préoccupation du conseil, ce n'était pas une préoccupation, et
en particulier du Comité de gestion des risques... ce n'était pas : On va
faire un coup d'argent, c'était : On va
éliminer un risque important. On a déjà vécu une perte de 20 millions à
cause d'une fluctuation du marché, et
c'est une situation qui n'est pas... Dans un contexte où le gouvernement nous
demande d'améliorer notre performance,
on n'a pas intérêt à maintenir des positions risquées si ce n'est pas
nécessaire de le faire. Alors, ce n'est pas de dire : On va faire un maximum de profit, et youpi! on fait
7 millions. La préoccupation, ce n'était pas ça, c'était : On
élimine un risque. Et la rentabilité aurait été de 1 million, puis ça
n'aurait pas changé la décision.
M.
Bonnardel : Et qu'est-ce que le président vous a dit quand
vous lui avez dit : J'ai reçu une lettre du gouvernement qui me demande d'aller chercher 7 millions
additionnels? C'est une coïncidence, vous allez me dire, j'imagine, là, mais,
quand même, on a une vente qui rapporte 6,2 millions à Investissement
Québec, on a un gouvernement qui demande rapidement,
là, dans l'année qui va se terminer, un 7 millions de dollars d'effort
supplémentaire. M. Lafrance vous répond quoi quand vous lui avez
dit ça quelques semaines plus tard? Vous avez eu quoi comme discussion
là-dessus?
M.
Roquet (Louis) : Écoutez, j'ai communiqué, et il s'est assis avec son
équipe de direction, ils ont discuté des projections qu'ils pouvaient faire. Il y a beaucoup d'incertitude dans
le bilan d'Investissement Québec. Même à quelques mois de la fin de l'année, c'est très difficile de
prédire quelle va être notre rentabilité parce qu'on a beaucoup de positions
à très haut risque, et certains
investissements, par exemple, vont nous demander de prendre des provisions très
élevées, en particulier en capital de
risque. Mais ce n'est pas, disons, ce n'est pas... la motivation était vraiment
une motivation de réduire le risque et la volatilité, et non pas
d'augmenter nos profits.
Puis
en pratique, écoutez, on a fini l'année beaucoup au-dessus de ça. Alors, le
7 millions, là, il n'a presque pas compté dans les profits. On a été chanceux, d'une certaine façon,
c'est-à-dire que des provisions importantes qu'on avait prises ont pu
être redressées, puis on s'est ramassé avec 90 millions de profit puis
au-delà de 52...
M.
Bonnardel : Alors, vous pensez que ce n'était pas une
préoccupation forte du président, de vous-même, surtout quand un rapport du Comité de gestion de risques...
Je le disais tantôt, ce matin, là, vous-même... M. Pierre Gabriel Côté,
qui «explique que l'impact sur les profits
d'IQ résultant d'une baisse éventuelle de 20 % de son portefeuille
[pourrait créer] une perte de 19 millions»? Ça, c'est...
M.
Roquet (Louis) : Oui, mais ça, je veux dire, ça, c'est de la gestion
de risques. Je veux dire, ce n'est pas de la maximisation de profit, là,
c'est d'éliminer les sources des fluctuations très, très importantes.
M.
Bonnardel : Quand vous avez rencontré M. Lafrance...
L'avez-vous appelé le lendemain ou le surlendemain à savoir... après la
réunion? Vous savez que vous devez rencontrer M. Daoust. Lui avez-vous
demandé : As-tu parlé à quelqu'un au
gouvernement, au ministère? L'avez-vous appelé pour savoir s'il avait eu la
réponse suite au procès-verbal qu'il est écrit «consultation»?
M. Roquet
(Louis) : Non. Au moment où...
M.
Bonnardel : M. Lafrance nous dit : J'ai communiqué
avec le cabinet du ministre le lendemain. Vous, est-ce que vous avez
voulu vous informer?
M.
Roquet (Louis) : Au moment où on a eu la réunion pré, dans laquelle on
étudie l'ordre du jour du conseil, j'ai vérifié avec lui : Est-ce
que tu as eu une réponse?, et il m'a dit : Oui, j'ai eu une réponse
favorable.
M.
Bonnardel : O.K. Donc, entre le 17 novembre au soir et
la réponse qu'il a eue, vous n'avez pas communiqué avec
M. Lafrance?
M. Roquet
(Louis) : Non.
M.
Bonnardel :
Pas du tout?
M. Roquet
(Louis) : Non.
M.
Bonnardel : Une semaine, vous n'avez pas rien demandé,
dire : Écoute, as-tu eu un coup de téléphone? Ça ne vous
intéressait pas de savoir s'il y avait eu...
M.
Roquet (Louis) : Sans doute, je l'ai probablement rencontré cinq fois,
mais on avait beaucoup d'autres sujets de discussion.
M.
Bonnardel : Puis celui-là, ce n'était pas important, de
savoir si le ministère avait donné son aval à vendre un bloc d'actions
aussi important?
M. Roquet (Louis) : Il m'a dit oui.
M.
Bonnardel :
Non, non, mais attendez, là, entre le 17 novembre puis le 15... M. Lafrance
nous a dit : Moi, le lendemain,
j'ai appelé le ministre, le cabinet minimalement, j'ai eu un courriel, on
n'avait pas de réponse. Le 26 novembre, on reçoit un fameux O.K. D'ici là, vous, ça ne vous tente pas de
comprendre, d'appeler le patron, M. Lafrance, puis lui
demander : On en est où là-dessus, là? Vous ne l'appelez pas?
M. Roquet
(Louis) : Écoutez, si lui a jugé que ce n'était pas important de
m'informer du fait que ça tardait à avoir une autorisation, tu sais,
pourquoi... J'avais bien d'autres sujets à discuter avec lui puis bien d'autres
préoccupations.
Le
Président (M. Cousineau) : Ça termine le temps qui était alloué
à la deuxième opposition. Pour les trois prochaines minutes, je
passerais la parole à M. le député de Mercier. M. le député.
• (15 heures) •
M. Khadir : Je pense, M. Roquet, que vos
propos sur le rôle que l'avis du ministère ou du gouvernement pouvait jouer dans la décision du conseil d'administration
d'Investissement Québec, vos propos et ceux de M. Scraire ne sont pas
en contradiction du tout. Aucun n'a prétendu qu'une décision du gouvernement pouvait renverser automatiquement la décision d'Investissement
Québec. En fait, c'est les mêmes
propos, c'est-à-dire que, s'il
y avait eu une opposition
ferme de la part du gouvernement, le conseil aurait été informé, puis on aurait reconsidéré à voir est-ce qu'on maintient la position ou pas. Voilà.
Maintenant,
j'ai compris par vos propos, M. Roquet, que vous teniez à connaître les orientations du gouvernement en matière de plan stratégique
d'Investissement Québec. Le 17, en plus, le hasard a fait que vous deviez donc
discuter de ce dossier de RONA, de la
vente, d'abord, d'une partie, 875 000 actions, puis ensuite possiblement
la totalité. Et le hasard, en plus, a voulu que le 17, le même jour, à
la fin de cette réunion, le ministre s'est présenté chez vous pour communiquer avec le conseil d'administration sans qu'il
n'y ait de possibilité d'échange, de communiquer les orientations du
gouvernement au conseil, puis il a quitté tout de suite après.
Donc,
peut-être que la réponse se trouve là. Est-ce qu'il est possible que, dans les
orientations communiquées par le
ministre au conseil d'administration, il était clair que l'idéologie du
laisser-faire du gouvernement actuel, l'idéologie, c'est-à-dire, où
l'État intervient le moins possible, ça voulait dire, pour Investissement
Québec, qu'ils n'avaient pas à considérer du
tout les conséquences de telles opérations sur le fait qu'on allait maintenir
ou pas un siège social d'une si grande
importance au Québec? Est-ce qu'autrement dit la réponse venait de là, c'est là
que vous étiez assuré que, dans le fond, l'approbation du gouvernement
était acquise?
M. Roquet
(Louis) : Non, écoutez, ce n'est pas possible de vivre dans un milieu
ou de ministère ou de société d'État sans être sensible, même si on est
une instance à vocation économique, aux réalités politiques. Et les réalités politiques ne sont pas toutes des réalités
abjectes ou des réalités partisanes, il y a des réalités qui sont des réalités
de l'intérêt de la population ou de
l'intérêt de l'économie en général, etc., mais qui dépassent ou notre mandat ou
notre capacité d'action, selon le cas.
Alors, oui.
Et c'est pour ça que j'ai insisté au moment où on a tous été pris de cours
devant la recommandation qui a été
faite devant l'ensemble des actions alors que ce n'était pas prévu à l'ordre du
jour... c'est pour ça que j'ai insisté pour qu'on ait l'avis du
ministre. Ça m'apparaissait essentiel.
Le
Président (M. Cousineau) : Voilà, c'est terminé. C'est tout le
temps que vous aviez, M. le député de Mercier.
M. Roquet, je
vous remercie pour votre participation et puis je suspends quelques minutes, le
temps de recevoir notre prochain invité. Merci, M. Roquet.
(Suspension de la séance à 15 h 3)
(Reprise à 15 h 7)
Le
Président (M. Cousineau) : Nous reprenons nos travaux. Bonjour, Mme la Vérificatrice générale. Alors, vous avez, comme les groupes précédents, 10 minutes, maximum,
pour votre présentation. Vous pourrez aussi nous présenter les gens qui vous accompagnent, et puis, par la
suite, nous allons passer à une période d'échange avec les parlementaires.
Mme Guylaine Leclerc,
Vérificatrice générale
Mme Leclerc (Guylaine) : Très bien.
Alors, M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, je réponds à votre invitation, soit de participer aux
audiences publiques relatives au processus ayant mené à la vente des actions de RONA
par Investissement Québec.
Tout d'abord, permettez-moi de vous présenter les personnes qui
m'accompagnent : M. Serge Giguère, vérificateur général adjoint; M.
Martin St-Louis, directeur de vérification.
D'entrée de jeu, je tiens
à mentionner que la vente des actions de RONA n'a touché qu'une petite partie
de la mission que nous avons effectuée chez Investissement Québec. En effet, la portée était beaucoup
plus large, puisque cette mission
concernait l'information liée à la rentabilité financière et à la
performance économique d'Investissement
Québec.
Mes
commentaires d'aujourd'hui sont basés sur l'un des volets propres à la
mission. Celui-ci visait à ce que des critères clairs permettent de
différencier les interventions financières d'Investissement Québec de celles
réalisées au moyen du Fonds de développement
économique, le FDE. En effet, les responsabilités de la société
ne sont pas les mêmes dans les deux cas.
Pour le FDE, Investissement Québec agit principalement
à titre de mandataire du gouvernement. Ce dernier demeurera imputable des décisions prises. Nos travaux nous ont amenés à
conclure que les critères ne sont pas précis. Ils ne permettent pas de
déterminer si les interventions financières d'importance doivent être réalisées
au moyen du FDE ou par l'entremise des
capitaux propres d'Investissement
Québec. Dans les faits, des
interventions menées entièrement à
même les capitaux propres de la société découlent de demandes provenant de représentants
gouvernementaux. Il devient alors
difficile de différencier la responsabilité qui revient à Investissement Québec de celle
qui incombe au gouvernement.
Dans le
rapport, trois exemples appuient notre conclusion et montrent quelles peuvent
être les conséquences de ce manque de
démarcation. Le premier exemple est relatif à une aide financière accordée en
mars 2015 aux Jeux équestres mondiaux.
Par sa nature, le projet répond à un programme du FDE qui appuie le développement touristique. Le fait que l'intervention
s'est effectuée au moyen de capitaux propres de la société
plutôt qu'avec l'aide du FDE a été justifié par l'urgence de répondre
aux besoins du comité organisateur des jeux.
• (15 h 10) •
Le deuxième
exemple concerne une aide financière accordée au début 2014 à RER Hydro.
L'intervention financière a été réalisée par l'entremise des capitaux
propres d'Investissement Québec plutôt que par le FDE. Au moment où RER Hydro a déclaré faillite en 2015, 5,1 millions de dollars demeuraient dus à la société.
Par la suite, cette somme a été, en
partie, remboursée par le ministère
de l'Économie, de la Science et de l'Innovation à même ses crédits budgétaires 2015‑2016.
Le troisième
exemple concerne l'acquisition et la disposition des actions de RONA. Un
communiqué publié par le ministère
des Finances le 31 juillet 2012
mentionne qu'un mandat a été donné à Investissement
Québec. La société devait
examiner les actions à entreprendre afin de contrer l'offre d'achat de Lowe's.
Cela a amené Investissement Québec à intervenir financièrement.
De l'été 2012
à février 2013, Investissement Québec a acquis des actions de RONA. À la fin, la
société détenait 12 millions
d'actions au coût de 156 millions de dollars, soit 6 % de la valeur
nette de ses actifs. L'intervention a été réalisée à même les capitaux propres d'Investissement Québec. Cependant, elle correspondait davantage
aux caractéristiques d'une intervention financière du FDE. En voici les
quatre principales raisons.
D'abord, des
directives internes d'Investissement
Québec s'appliquent aux
investissements de plus de 5 millions de
dollars. Celles-ci précisent que la société ne doit pas utiliser ses propres capitaux pour
effectuer des investissements auprès
des entreprises de commerce de détail. Ensuite, il s'agit d'un mandat donné à Investissement Québec à la suite d'une intervention gouvernementale alors que le FDE a été créé pour ce type
d'activités. D'autre part, le fonds a été mis en place pour que des projets gouvernementaux structurants qui ne cadrent
pas dans les programmes existants se concrétisent.
Or, l'intervention financière auprès de RONA avait pour objectif de contrer une
offre d'achat présentée par une
entreprise étrangère, ce qui correspond à ces caractéristiques. Et, enfin, le
montant de l'investissement est exceptionnel. Il s'est élevé à 156 millions de dollars, soit 6 % de la
valeur nette des actifs d'Investissement
Québec. D'ailleurs,
la loi constitutive d'Investissement Québec prévoit qu'elle ne peut investir une somme
supérieure à 2,5 % de la valeur nette de ses actifs sans avoir l'autorisation du gouvernement. La société a donc dû obtenir l'approbation de dépasser la
limite de la valeur des investissements prévue dans sa loi.
Mentionnons qu'elle n'avait jamais eu à le faire
depuis la fusion avec la Société générale de financement. L'intervention financière ayant été effectuée au
moyen de capitaux propres d'Investissement
Québec, la responsabilité de gérer le dossier par la suite lui incombait, notamment
la décision de vendre les actions. Par conséquent, la société n'avait
pas à recevoir l'autorisation du gouvernement pour disposer des actions. Dans
les faits, les procès-verbaux du conseil d'administration
montrent que les administrateurs ont soulevé à quelques occasions des préoccupations à l'égard de leur responsabilité liée à la vente des actions.
Les trois
exemples qui figurent dans le rapport — Jeux
équestres mondiaux, RER Hydro et RONA — montrent
qu'il est difficile de faire la différence
entre la responsabilité qui revient à la société et celle qui incombe
au gouvernement, étant donné
qu'une démarcation claire et précise n'est pas établie.
Voilà, pour
l'essentiel, les observations qui découlent de nos travaux et qui sont en lien
avec les préoccupations des membres de la commission. Je suis maintenant
à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, merci, Mme Leclerc, pour cet
éclairage. Nous allons donc procéder aux échanges avec les députés. Je commencerais avec le parti ministériel en
vous rappelant que vous avez 23 min 30 s. Je crois que
c'est M. le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Mme Leclerc, merci d'avoir accepté notre
invitation avec vos collègues également.
Je vais revenir rapidement à la fin de votre intervention, lorsque vous
mentionnez... Puis, d'ailleurs,
merci de nous avoir soumis votre allocution à l'avance parce que ça facilite
notre compréhension de vos propos.
Donc, vous
faites un certain nombre de remarques quant à l'utilisation des fonds propres
versus le FDE dans trois, quatre exemples, etc. Mais je vais commencer
par la fin. Donc, clairement, ce que vous statuez à la fin, c'est qu'une intervention financière
au moyen des capitaux propres d'Investissement
Québec, la responsabilité de gérer les dossiers lui
incombe uniquement, et notamment la décision de vendre les actions. Par
conséquent, la société n'avait pas à recevoir l'autorisation du gouvernement
pour disposer des actions. Vous réitérez ces propos-là?
Mme Leclerc
(Guylaine) : Effectivement.
M.
Polo : Parfait.
M. Roquet a siégé juste avant vous devant nous ici et puis, d'entrée de jeu, il
a expliqué qu'il avait, malheureusement pour lui, signé un procès-verbal
où le choix de mots, qui est important parce qu'ici c'est... Et lui-même a
invité le collègue de Sanguinet à faire attention sur l'utilisation de quels
mots il faut employer dans le cas particulier
ici, mais lui reconnaissait humblement qu'il aurait dû apporter une correction
au procès-verbal et donc, plutôt que de demander l'autorisation, si
je ne me trompe pas, parce que, dans le procès-verbal, on demande ici de
consulter au préalable... Attendez.
Après discussion, les administrateurs ont convenu que la vente progressive du
solde des actions ordinaires devrait être engagée, sous réserve de
consulter au préalable le ministre responsable de la société.
Vous,
ce que vous nous dites, c'est qu'Investissement Québec n'avait aucunement
l'obligation de le faire. Ils l'ont fait,
et M. Roquet l'a confirmé, lui, il l'a traduit par un geste de courtoisie.
Donc, ce geste-là, lui, il l'a traduit par geste de courtoisie, mais vous, ce que vous confirmez, c'est que ce geste-là,
posé suite à la discussion et à la décision du conseil d'administration le 17 novembre 2014, pour vous,
il n'y avait aucune obligation de procéder tel que M. Lafrance l'a fait
par la suite auprès, là, du cabinet de M. Daoust.
Mme Leclerc
(Guylaine) : Le fait que les investissements avaient été effectués à
même les capitaux propres d'Investissement
Québec par rapport à des sommes qui auraient été investies par le FDE, mais
pour lesquelles Investissement Québec
aurait été mandataire, bien, dans le cas d'un investissement à même les
capitaux propres, Investissement Québec n'avait pas à demander quelque
autorisation que ce soit, ni même informer, d'ailleurs.
M. Polo : Parfait. Donc, Investissement Québec était autonome dans sa prise de
décision de vendre non seulement le bloc de 875 000 actions, mais
le reste de la position de RONA dans le portefeuille d'Investissement Québec.
Mme
Leclerc (Guylaine) : Théoriquement, oui. Par contre, dans les faits,
on se souviendra que le 1er août, suite à une intervention gouvernementale, on
demande au conseil d'administration d'acquérir un bloc d'actions. Et, par la
suite, étant donné que
l'investissement est très important, un décret est émis, et, à cause de cette
situation-là, les membres du conseil
d'administration ont demandé à ce que le ministre soit consulté. Et ça, cette
intervention-là, dans les procès-verbaux, on la voit à quelques reprises. D'ailleurs, dans certains procès-verbaux,
on fait part d'une mention qu'on devrait peut-être tenir au courant le ministre des Finances, par
exemple, le ministre actionnaire. Alors, on voit cette préoccupation-là de la
part des membres du conseil d'administration, mais ils n'en avaient pas
l'obligation.
M.
Polo : Donc, c'est ce que je voulais entendre. Et donc, lorsque le
conseil se réunit le 17 novembre, il discute spontanément de la vente non seulement des 875 000, mais de se départir de la totalité des
actions. Le 17 novembre 2014, comme
j'ai dit, M. Roquet vient de nous dire qu'il aurait dû choisir, et employer, et
signer, confirmer par écrit qu'il aurait dû juste employer le terme
«informer». Selon vous, même informer n'était pas dans son obligation.
Mme
Leclerc (Guylaine) : Ce
n'était pas une obligation. Et je tiens à dire que, même si ça avait été
mentionné «informer» dans les procès-verbaux, nos conclusions seraient
arrivées aux mêmes.
M.
Polo : De préciser, donc,
d'améliorer, de préciser, de... parfait, mais ça, c'est... Et c'est le cas de
RONA, ça pourrait être le cas de n'importe quelle...
Mme Leclerc
(Guylaine) : Oui.
M.
Polo : Parfait. Excellent,
excellent. Donc, pour vous, ce que j'en comprends à ce niveau-là... Parce que
c'est très important,
ce terme-là, parce qu'ici notre mandat, il s'agit de déterminer le processus
ayant mené à la vente des actions. Depuis
le début, certains de nos collègues essaient, si on peut dire, de mettre encore
plus d'emphase sur la réponse qu'a donnée
M. Ouellet suite à la consultation faite par M. Lafrance en lien à la discussion, et
à la décision, et à la résolution adoptée le 17 novembre 2014.
Ce
que vous, vous nous dites, c'est que le conseil d'administration était
souverain de prendre cette décision-là, la décision a été mise par
écrit, elle a été adoptée avec... Et, dans leur cas, c'était par prudence. Peut-être,
M. Roquet dirait par courtoisie. Ils ont
voulu consulter ou même informer le ministre. Donc, le pouvoir de
blocage, en fait, revenait uniquement aux administrateurs
d'Investissement Québec. C'est ce que vous nous dites.
• (15 h 20) •
Mme
Leclerc (Guylaine) : Effectivement, étant donné que c'étaient les
fonds propres d'Investissement Québec qui étaient... ils avaient toute latitude pour prendre la décision. Comme
nous l'avons mentionné dans notre rapport, les membres du conseil
d'administration ont senti le besoin de consulter le ministre.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.
M. Polo : Parfait. Donc,
ce que je trouve de très intéressant, c'est que ça vient préciser,
effectivement, que non seulement le
ministre n'avait pas à être... Premièrement, le conseil d'administration
n'avait pas à recevoir une approbation. Ça, on l'écarte. O.K.? On l'écarte, il n'avait pas à recevoir une
approbation. Il n'avait même pas à être consulté. Ça a été fait, ça a été documenté. M. Lafrance a dit : Bien,
par devoir de transparence, on a voulu le recevoir par écrit, etc. Donc, ils
sont allés au-delà du mandat et les responsabilités qui leur convenaient.
Est-ce que c'est ce que vous nous expliquez?
Mme
Leclerc (Guylaine) : Ce que j'explique, c'est que la transaction de
RONA s'apparente beaucoup plus à une opération
qui aurait dû être exécutée par le FDE, Et, parce que c'était une opération qui
était semblable à une opération du Fonds de développement économique,
les administrateurs ont ressenti qu'ils se devaient de consulter le ministre.
M.
Polo : Parfait. Mme Leclerc, vous avez écouté les propos de M. Roquet
lorsqu'il a expliqué la distinction dans la gestion quotidienne des positions d'Investissement Québec, la
difficulté de faire un investissement aussi important à travers le FDE. Est-ce que ça incombe, donc, les
obligations qui viennent avec l'utilisation du Fonds de développement
économique, de prendre une position aussi importante versus des capitaux
propres?
Mme
Leclerc (Guylaine) : Malheureusement, je n'ai pas entendu le
témoignage de M. Roquet, j'étais en déplacement vers ici. Mais, si vous
voulez préciser, je pourrai peut-être répondre.
M.
Polo : Bien, essentiellement, ce qu'il nous a expliqué, c'est que,
dans le cas de sociétés publiques, donc, comme RONA, c'est très peu recommandable d'utiliser un mécanisme comme le
Fonds de développement économique à cause de toutes les contraintes qui sont associées au Fonds de développement
économique, notamment l'approbation du Conseil des ministres, O.K., donc l'information et l'approbation du Conseil des
ministres. Et, dans un scénario où des transactions doivent être effectuées à l'intérieur d'un court
délai de temps — il a
lui-même employé le terme 24 heures — le Fonds de développement économique
ne permet aucunement d'avoir cette agilité au niveau de la prise de décision.
Mme
Leclerc (Guylaine) : Je ne suis pas en mesure de vous dire si le
Conseil des ministres aurait pu se réunir rapidement. Je ne suis pas en mesure de répondre à ça. D'autre part, la
raison d'être du Fonds de développement économique, c'est de pouvoir aider des projets structurants pour le
Québec, et tout ça, dans la transparence, O.K., parce qu'il y a un décret qui existe par la suite.
D'autre part, Investissement Québec est imputable, lui, de ses propres investissements
et de ses propres activités. Alors, c'est pour ça que c'est important de
distinguer les activités du FDE par rapport à celles d'Investissement
Québec.
Alors,
est-ce que l'activité d'investissement de RONA aurait pu se faire suffisamment
rapidement dans le FDE? Je ne le sais
pas. Mais ce que je vous dis, c'est que de mêler les genres, c'est-à-dire de
confondre les genres, c'est-à-dire le
rôle du FDE avec Investissement Québec, ça complexifie l'opération, ça rend la
transaction moins transparente, je vous dirais, et ça fait en sorte
qu'on arrive devant une commission comme celle-ci.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Excellent. Bien, en effet, je prends connaissance, là, de votre
propos. Dans votre cas, cette position-là, vous ne faites aucune distinction entre une société privée et une
société publique et les contraintes que M. Roquet nous a mentionnées, les contraintes d'utiliser le Fonds
de développement économique, de faire ce type de transaction là, d'effectuer
ce type de transaction là dans le cas où il s'agit d'une société publique.
Mme
Leclerc (Guylaine) : Je vous dirais, le Fonds de développement
économique, comme ils l'ont fait, peut émettre
des décrets et différer la publication du décret. Donc, l'information peut
demeurer confidentielle, comme, d'ailleurs, elle l'est demeurée lors de l'émission du décret qui autorisait
Investissement Québec à dépasser les 2,5 % de ses actifs en
investissements.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Oui. Donc, vous avez émis des recommandations, ce que vous
recommandez. Je pense que vous allez revenir, vous avez une date
ultérieure où vous allez pouvoir expliquer vos recommandations en lien...
Mme Leclerc
(Guylaine) : Oui, effectivement, le 21 septembre.
M.
Polo : Exactement. Le 21 septembre, effectivement. Dans l'optique où
M. Lafrance a communiqué avec le cabinet de M. Daoust pour demander
l'opinion du ministre, ça s'est fait verbalement initialement et ça s'est
refait par courriel, est-ce que le courriel,
pour vous, était le moyen de communication approprié dans le contexte présent où
il s'agit d'une position importante dans le portefeuille
d'Investissement Québec?
Mme
Leclerc (Guylaine) : Écoutez, en tant que Vérificateur général, il est
certain que je vais toujours mentionner qu'il est préférable d'avoir des règles de gouvernance claires et
transparentes. Alors, plus les décisions sont faites de façon
transparente et claire, mieux je m'en porte, je vous dirais.
Alors, est-ce
que le courriel est un bon moyen? Je ne suis pas en mesure de vous le dire. Ce
que je peux vous dire, c'est qu'il est important que, premièrement, le bon
organisme fasse les bonnes opérations et qu'elles se fassent selon les règles qui régissent l'organisme. Si c'est le Fonds de
développement économique, c'est par un décret, donc c'est publié, normalement, à moins que ce ne soit différé. Et,
si c'est Investissement Québec, la transparence et la gouvernance font en sorte qu'un rapport annuel avec sa rentabilité
et ses actions sont déposés annuellement. Mais est-ce que le mélange des
genres, comme je me plais à le dire, favorise la transparence et la saine
gouvernance? La réponse est non.
M. Polo :
Mme Leclerc, un décret peut être maintenu confidentiel combien de temps?
Mme
Leclerc (Guylaine) : Bien, comme dans ce cas-ci, il n'y avait pas de
date qui était prévue, on aurait pu dire qu'on va le garder confidentiel jusqu'à un certain moment donné, là,
jusqu'à une date précise ou à un événement qui se produit. Dans ce
cas-ci, il n'y en avait pas.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Parfait, excellent. Écoutez, dans mon cas, M. le Président, je
vais terminer ici. Je ne sais pas si certains collègues ont...
Le
Président (M. Cousineau) : D'accord. Merci. Parce qu'il reste
9 min 30 s du côté ministériel, est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté ministériel? S'il
n'y a pas d'autre intervention, nous allons... Parce qu'on ne peut pas revenir,
là, on a décidé qu'on faisait le bloc
au complet. D'accord? Puis le temps restant pour un parti n'est pas transféré à
un autre parti. Alors, j'aime autant
vous le dire immédiatement. Donc, l'opposition officielle, pour 14 minutes. M.
le député de Sanguinet.
Question de règlement
concernant le dépôt d'un document
M.
Therrien : Merci, M. le Président. Bienvenue. Merci d'être
ici avec nous. M. le Président, avant toute chose, j'aimerais savoir si le document d'Investissement
Québec peut être rendu public pour que les gens qui le veulent bien
puissent suivre plus adéquatement notre commission. Ce document-là, est-ce
qu'il peut être rendu public, accessible?
Le Président (M.
Cousineau) : Ça, c'est le document d'Investissement Québec?
M.
Therrien :
Oui.
Le
Président (M. Cousineau) : Bon, il aurait fallu en jaser tantôt
avec les gens d'Investissement Québec, là. Pour l'instant, c'est non. Il
est au service de la commission, alors...
M.
Therrien :
Mais est-ce qu'il y a consentement pour la commission...
Le Président (M.
Cousineau) : S'il vous plaît, c'est moi qui le demande, le
consentement. D'accord? On va prendre ça en délibéré, là, puis je vais vous
revenir avec ça. D'accord?
M.
Therrien :
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cousineau) : Parce qu'il aurait peut-être fallu en discuter lorsque les gens d'Investissement Québec étaient ici, puis
c'est un document qui vient d'Investissement Québec. D'accord?
M.
Polo : M. le Président, parce que je pense que mon collègue de Mercier
a peut-être partagé son cartable avec des personnes présentes dans
salle, est-ce que c'est bien le cas? Est-ce que vous avez toujours votre
cartable?
Le Président (M.
Cousineau) : Non, mais là, pour l'instant... Un instant. Un
instant.
M.
Therrien :
Ça, c'est pris sur le temps du gouvernement, hein?
Le Président (M.
Cousineau) : J'ai mentionné que je prenais ça en délibéré, là.
Là, on est sur le temps de la première opposition. Vous avez 14 minutes, on va
faire le temps puis on vous reviendra avec une décision là-dessus.
• (15 h 30) •
M.
Therrien : M. le Président, je vous le demande en toute
amitié, là, je ne veux pas vous brusquer là-dedans, là. Donc, c'est pour
l'intérêt des gens qui nous écoutent.
Alors, je reviens à
vous, Mme Leclerc. Merci d'être ici avec nous. Bon, écoutez, je vais y aller
avec une réflexion que j'ai depuis le début,
là, depuis le début des audiences, là, puis dites-moi ce que vous en pensez.
O.K.? Ne soyez pas nerveuse, ce n'est pas compromettant. Alors donc, je
commence en vous disant qu'on regarde l'histoire au complet. Je veux dire, au début, le gouvernement
manifeste sa volonté de protéger RONA d'un achat hostile, éventuellement, de
Lowe's, alors demande à Investissement Québec : Il faut avoir des actions
pour avoir un bloc minoritaire qui nous permette
de bloquer la transaction. Donc, ils émettent un décret pour permettre à Investissement Québec de dépasser le plafond de 2,5 %. Et là
ils disent à Investissement Québec : Il faudrait en acheter pour, disons,
à peu près 9,9 % ou dans ce coin-là.
Et, évidemment, Investissement Québec sait que c'est un dossier politique. Il
dit : Bien, tabarnouche, c'est le gouvernement qui nous demande ça,
c'est une protection qui est claire pour un siège social qui est un joyau de
notre économie. Donc,
Investissement Québec comprend le message, mais il se trompe de tiroir. À la
place d'aller chercher l'argent dans le Fonds de développement
économique, ils vont dans les fonds propres.
Sauf que, là,
par la suite, tous les gens qui vont succéder à M. Daoust vont, tout
simplement, dire : Bien, écoutez, ils
se sont trompés de fonds... Parce que, là, la loi est claire — je l'ai lue tantôt, la loi, là — qu'il faut utiliser le Fonds de développement économique, puis vous, vous le
justifiez avec quatre arguments solides. Donc, on s'est trompé, mais on va
faire comme si le dossier avait été traité
par le développement économique, c'est-à-dire qu'il faut qu'on demande l'avis au gouvernement parce qu'au départ il y a eu une
erreur, puis il faut racheter notre erreur. Ça n'a pas de sens que ce soit les
fonds propres, alors on va gérer ce
dossier-là éminemment politique, comme l'a dit le député de Laval-des-Rapides,
pour qu'on puisse agir dans ce dossier-là avec l'intérêt que le
gouvernement va bien avoir à l'intérieur de ce dossier-là.
Donc, tout le
long, on a fait à peu près comme si on avait utilisé le Fonds de développement
économique parce qu'on s'est aperçu de l'erreur de départ. Qu'est-ce que
vous pensez de mon analyse?
Mme Leclerc (Guylaine) : Vous voulez
que je réponde quoi, que...
M.
Therrien : Bien, je
ne sais pas, mais c'est parce que vous dites qu'on aurait...
Une voix :
...
M.
Therrien :
Bien, on va y aller étape par étape d'abord. Au départ, on a utilisé le fonds
propre, on n'aurait pas dû. Selon ce que vous me dites, c'est le Fonds
de développement économique. Ça, on est d'accord.
Mme
Leclerc (Guylaine) : Oui, mais ce n'est pas Investissement Québec qui
décide si c'est le Fonds de développement économique ou pas, déjà en
partant.
M.
Therrien : O.K.
Étant donné qu'on a, au départ, fait cette erreur-là — en
tout cas, on n'a pas pris le bon fonds — est-ce qu'on ne l'a pas plutôt traité,
justement, de façon à ce que le gouvernement gère ce dossier-là comme s'il
était dans le Fonds de développement
économique, d'une certaine façon? Tu sais, parce que, regardez, les gens qui
sont venus ici, à Investissement
Québec, là, ils disent : Nous, là, on ne touche pas à ça... Oui, bien, ils
disaient ça à peu près, là. Je les paraphrase un peu, là, mais ils
disaient : Nous, on ne touche pas à ça tant et aussi longtemps que le
ministre responsable ne nous donne pas le
O.K. ou... Même, à un moment donné, M. Albert puis M. Scraire, avant,
disaient : Nous, on n'avait pas
l'intention de toucher à ça, bien pas du tout. Même si c'était un bout
important du portefeuille, ils avaient dit : Nous, on ne touche pas
à ça.
Mme
Leclerc (Guylaine) : Ce que je peux vous dire, c'est que, si c'est un
investissement qui est du Fonds de développement
économique, Investissement Québec est mandataire pour gérer l'investissement.
Dans le cas d'Investissement Québec,
bien, c'est même ses capitaux propres. O.K.? Donc, tout le long de l'opération,
je vous dirais, ça se gère... puis on
pourra me corriger, mais, à mon avis, ça se gère de façon similaire,
c'est-à-dire s'assurer d'une rentabilité, s'assurer que... bon,
plusieurs critères.
Où ça peut changer, c'est au moment de la
disposition, je pourrais vous dire, parce que, dans un cas, on est mandataire, donc on ne décide pas quand on achète,
on ne décide pas quand on vend, alors que, dans l'autre cas, si c'est à même nos capitaux propres, on décide quand on
achète et on décide quand on vend. Alors, peut-être que ça répond à votre
question.
M.
Therrien :
Oui, oui. Bien, exactement, c'est qu'à quelque part on ne voulait pas poser
d'action sans, au préalable, avoir
consulté et demandé l'aval au ministre. C'est ce qu'on sent, là, depuis qu'on a
les gens qui passent ici. Puis même, vous le mentionnez, là, je répète
les propos que vous avez déjà tenus, là : «Dans son rapport déposé hier à
l'Assemblée nationale, la Vérificatrice générale Guylaine Leclerc indique que
les membres du conseil d'IQ "ne considéraient
pas avoir toute la latitude pour autoriser la vente sans avoir consulté le
gouvernement", ils "ont obtenu en décembre 2014 l'accord du ministre [responsable, là, du dossier]
avant de vendre la totalité des actions".» C'est un peu ce que je
vous disais, là.
Mme
Leclerc (Guylaine) : J'ai entendu ce commentaire-là que vous avez fait
tout à l'heure, et c'est juste qu'il manque un petit bout de ce que j'ai
écrit et de ce que j'ai dit dans ce que vous avez dit, puisqu'effectivement je
dis : «Toutefois, les membres du
conseil d'administration d'Investissement Québec ne considéraient pas avoir
toute la latitude pour autoriser la vente sans avoir consulté le
gouvernement.» Et ça, c'est démontré par les procès-verbaux.
Et vous
connaissez tous la rigueur avec laquelle on exerce, on a rencontré beaucoup de
gens et on a fait valider notre rapport. Alors, ça, on sait qu'ils ne
sentaient pas qu'ils avaient toute la latitude pour... «sans avoir consulté le gouvernement». Mais ensuite nous disons : «D'ailleurs, selon les procès-verbaux du conseil d'administration, ils ont obtenu en décembre 2014 l'accord du ministre...» Alors, le «d'ailleurs»
est important parce que tout ce qui nous a été dit et rapporté et
ce que nous avons lu dans les procès-verbaux précédents vient être renforcé par
l'examen du procès-verbal de décembre 2014. Alors, c'est pour ça que, dans
la phrase que vous avez mentionnée, il manquait ce bout-là qui était le «d'ailleurs». Et qui est important parce que
ce n'est pas nous qui confirmons qu'ils ont eu l'accord ou non du ministre. Ce
que nous disons, c'est qu'ils étaient suffisamment mal à l'aise de demander la vente des actions
sans avoir l'accord du ministre ou sans, selon M. Roquet, informer
le ministre, et, d'ailleurs, les procès-verbaux en font état.
M.
Therrien : Donc,
quand vous dites : «Ils ont obtenu en décembre [...] l'accord du ministre»,
vous vous basez sur, j'imagine, les procès-verbaux pour dire ça?
Mme
Leclerc (Guylaine) : Exactement,
puis c'est ce que nous avons écrit textuellement, et c'est ce que nous
avons continuellement répété dans les entrevues.
M.
Therrien : O.K. Est-ce
qu'il y a d'autres choses que les procès-verbaux qui vous ont amenée aussi à
cette conclusion-là ou vous vous êtes vraiment basée sur les documents d'Investissement
Québec, sur les...
Mme
Leclerc (Guylaine) : Les procès-verbaux. On a fait plusieurs entrevues, comme toujours, avec des membres
du conseil
d'administration, avec des membres de
la direction d'Investissement Québec. Notre rapport a été relu, et par plusieurs
intervenants. Donc, naturellement, tous ceux qui pouvaient être impliqués dans le
dossier ont relu le rapport. Tous les gens chez Investissement Québec
ont relu le rapport et s'en disaient satisfaits, à moins qu'ils aient émis des
commentaires à la fin du rapport, comme ils ont fait pour d'autres sujets dans
le rapport.
M.
Therrien : O.K. Bien, juste vous dire, M. Roquet a mentionné dans
l'article que je vous mentionne, là : Ce n'est
pas vrai. Il a dit que vous n'aviez pas raison de dire ça.
Mme Leclerc (Guylaine) : Ah! bien
là, je ne peux pas commenter, là, les commentaires de M. Roquet, là.
M.
Therrien : Bien non, mais je fais rien que vous dire ça, là.
Non, non, mais je ne veux pas partir de débat. Je ne veux pas partir de débat ici, mais, bon, écoutez,
je pense que mes collègues auraient une ou deux questions à vous poser.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui. Mme la députée de Taschereau? M. le député de Beauharnois.
M. Leclair : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Cousineau) :
Il reste six minutes à votre groupe parlementaire.
M. Leclair : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue, Mme Leclerc, ainsi que les gens qui vous accompagnent. Bien,
comme vous avez pu voir, bien entendu, depuis ce matin on questionne les gens. La majorité nous disent que, pour eux,
c'est clair, lorsqu'ils parlent avec le chef du cabinet, qu'il nous
répond : Bien, on a l'accord du ministre.
Après, vous,
dans votre rapport sommaire, en ce
moment, vous dites : Nous,
d'après tout ce qui a été écrit — bien,
les procès-verbaux — pour
nous aussi, c'est clair qu'il y a un accord du ministre. Alors, on a eu
M. Roquet qui est venu tantôt. Lui, il dit : On interprète, on
utilise les mots. Mais, lorsqu'on parle de donner son accord ou bien donc on va
attendre, sous réserve de la position du
cabinet ministériel, pour vous, c'est clair, ça, là, là. Parce que,
depuis ce matin, nous, de notre
côté... puis je pense que, tout législateur,
on sait très bien
que, lorsqu'on parle avec un chef de cabinet, bien, on parle avec la haute direction et l'exécutif du
parti ou du gouvernement. Bien là, ici, pour la partie que nous jouons,
bien là on interprète des mots, puis certains semblent dire : Bien, ce
n'est pas tout à fait ça, les mots.
Alors, pour
vous, c'est tout clair, comme nous, que, lorsqu'on dit «donne son
accord» ou «sous réserve»... Même si
je comprends bien le fait qu'on ait utilisé un certain fonds au lieu d'un
autre, on ne critique pas ça, là. S'il
y a eu une erreur à
ce niveau-là, on ne critique pas ça.
Mais de dire que le cabinet a donné son accord et que le ministre
n'est pas au courant... Et c'est ça,
c'est là-dessus, là, on s'obstine toute la journée, on questionne
les gens. Alors, pour vous, c'est clair et net, lorsque vous voyez dans un procès-verbal «donne son
accord», bien, ça vient du cabinet du ministre qui a donné son accord.
Mme
Leclerc (Guylaine) :
Écoutez, je ne suis pas en mesure de savoir si le procès-verbal est exact ou pas. Ce que je peux vous dire, par contre, c'est
qu'un procès-verbal, c'est un document important. C'est un document qui est
important, et, basé sur l'expérience que j'ai, l'habitude qu'on a lorsqu'on
revoit un procès-verbal... Parce qu'on a une assemblée,
il y a un procès-verbal qui est fait, c'est envoyé aux administrateurs, qui le
relisent, et, plus souvent qu'autrement, on enlève des mots plutôt que d'en rajouter. Et, ensuite, le
procès-verbal est adopté, il est signé par le président-directeur général et il est signé par le président du
conseil d'administration, et ça devient,
à ce moment-là, un document authentique.
Alors, oui,
le procès-verbal est un document qui est important, mais nous,
notre conclusion n'était pas à l'effet est-ce
que le ministre a donné son accord ou pas. Notre élément était de
dire : Bien, c'était tellement important pour les membres du conseil
d'administration qu'ils ont fait part
de leur malaise au conseil
d'administration et ils l'ont
mentionné dans le procès-verbal.
• (15 h 40) •
M. Leclair : On est sur la
même longueur d'onde, effectivement, là, on voit l'importance que ça avait,
cette transaction-là. Alors, avec tous les
procès-verbaux, comme vous avez si bien expliqué, revérifiés et devenus plus
officiels, alors je reste perplexe
avec les gens qui tentent encore d'utiliser les mots pour dire : Bien,
«donner son accord» ou «sous réserve» ne sont pas officiels.
Je vais laisser la parole à mon collègue, là,
qui avait une dernière petite question.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui. Alors, M. le député de Sanguinet, il reste 2 min 29 s.
M.
Therrien :
Mme Leclerc, j'aimerais ça vous revenir sur une réponse que vous avez
mentionnée tantôt. Vous avez dit : Ce
n'est pas Investissement Québec qui a décidé d'utiliser les fonds propres.
J'aimerais vous entendre là-dessus, le choix.
Mme Leclerc
(Guylaine) : Ah! bien,
pouvez-vous me répéter exactement les paroles? Peut-être que j'ai mal...
M.
Therrien : Bien, tu
sais, je vous avais demandé en... O.K.
Mme
Leclerc (Guylaine) : Mais, en tout cas, c'est certain que ce n'est pas eux qui ont décidé que ce n'était pas
le fonds de développement. C'est eux qui décident pour eux, mais ce n'est pas eux
qui peuvent décider pour le Fonds de développement économique. Et chaque
organisation, chaque institution devrait décider pour elle-même.
M.
Therrien : O.K. Donc, le décret ouvre la porte à l'intervention d'Investissement Québec, ça, c'est clair. Si le gouvernement était arrivé avec un décret simultanément, ce
décret-là qui demande l'intervention d'Investissement
Québec et qui donne à quelque part son accord, il aurait pu, plus facilement,
utiliser le Fonds de développement économique s'il y avait un décret qui
justifie cette utilisation-là.
Mme Leclerc (Guylaine) : Le Fonds de
développement économique aurait émis un décret demandant à Investissement Québec de... Il aurait mandaté
Investissement Québec pour gérer l'investissement, et ce ne serait pas le
conseil d'administration qui aurait eu à prendre la décision.
M.
Therrien :
Il manquait seulement un décret, dans le fond, là, qui peut se faire assez
rapidement, parce qu'on avait déjà un autre décret sur la table. La clé,
là, c'était un décret supplémentaire.
Mme
Leclerc (Guylaine) : Bien, c'était une décision de la part du Fonds de
développement économique et une autorisation
du Conseil des ministres basée sur des analyses qui auraient été faites au
préalable, et le Conseil des ministres aurait émis le décret.
M.
Therrien : O.K.
Combien il reste de temps?
Le Président (M. Cousineau) :
Il vous reste 45 secondes, M. le député, le temps d'une question rapide.
M.
Therrien :
Bon, écoutez, rapidement, est-ce que, si on était arrivé avec deux décrets, là,
en même temps, on aurait fait en sorte
que l'urgence que parlait M. Roquet, là, on aurait pu agir de façon
urgente, de façon prompte pour, justement, faire agir Investissement
Québec dans l'achat d'actions?
Mme
Leclerc (Guylaine) : Je ne suis pas en mesure de répondre à l'argument
de M. Roquet, là, à l'effet qu'il n'y avait pas suffisamment de temps
pour le faire, je ne connais pas les délais.
M.
Therrien : Merci.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. le député de
Sanguinet. Alors, pour la suite des choses, je passe maintenant la
parole au député de Granby pour les 9 min 30 s suivantes. M. le
député de Granby.
M.
Bonnardel :
Merci, M. le Président. Mme Leclerc, messieurs. Mme Leclerc, le 3 juin
dernier, le ministre a continué de
nier qu'il n'avait pas été informé de la transaction. Il a dit en vous
citant... «À son avis, la Vérificatrice générale a travaillé avec des
"documents inexacts".» Est-ce que vous avez travaillé avec des
documents inexacts, selon vous?
Mme
Leclerc (Guylaine) : Bien, écoutez, nos façons de procéder, c'est de
travailler, oui, avec certains documents, mais aussi de faire des entrevues, de rencontrer des gens et aussi de
valider notre rapport auprès des personnes qui peuvent être impliquées dans le dossier. Alors, si les
procès-verbaux, les quatre procès-verbaux qui faisaient état des demandes ou
des préoccupations des membres du conseil d'administration étaient tous
inexacts, bien, oui, j'aurais travaillé avec des documents inexacts,
mais, d'autre part, on valide aussi l'information.
M.
Bonnardel :
Alors, pour vous, là, quand vous dites : «Ils ont obtenu en
décembre 2014 l'accord du ministre avant de vendre la totalité des
actions», j'imagine que vous avez eu accès à ces courriels, vous vous êtes
basée sur ce fameux O.K.?
Mme Leclerc (Guylaine) : Ce que nous
avons écrit et ce que nous avons toujours dit, c'est que, selon les procès-verbaux du conseil d'administration... Puis
il faut comprendre que, pourquoi on mentionne les procès-verbaux, c'est tout simplement pour appuyer une préoccupation
qu'avaient les membres du conseil d'administration d'autoriser la vente sans avoir — je veux utiliser le terme adéquatement,
là — consulté
le gouvernement. Alors, c'est pour ça que nous avons fait état des
procès-verbaux, parce
que ça venait appuyer la préoccupation que nous avaient mentionnée certains membres du conseil
d'administration et la lecture des procès-verbaux précédents aussi.
M.
Bonnardel : Donc, vous n'avez pas eu accès à ces courriels?
Mme Leclerc
(Guylaine) : Non.
M.
Bonnardel : Pour
vous, vous vous êtes basés sur la réponse de M. Lafrance au mois de décembre,
qui a dit, dans le procès-verbal de la rencontre : J'ai eu l'autorisation du ministère.
Mais vous ne le saviez pas, vous, que c'était un simple courriel.
Mme
Leclerc (Guylaine) : Au
moment où nous avons fait le travail, nous n'avons pas eu accès à ces
courriels-là.
M.
Bonnardel :
O.K. Vous avez eu accès aussi au procès-verbal de la rencontre, la fameuse
rencontre du 17 novembre, où vous
dites : Bien, les membres du conseil d'administration n'avaient pas toute
la latitude pour autoriser la vente.
Saviez-vous qu'il y avait eu une rencontre à huis clos quand vous avez
rencontré les membres du conseil d'administration pour certains...
Mme Leclerc
(Guylaine) : Mais c'est mentionné, d'ailleurs, dans... C'est
mentionné.
M.
Bonnardel :
Oui. Vous le saviez, qu'il y avait eu un huis clos juste par après?
Mme Leclerc
(Guylaine) : Oui, et que le ministre se joignait au huis clos.
M.
Bonnardel : Oui. Est-ce que
vous avez posé des questions aux membres du C.A. à savoir... En avez-vous
parlé? Déjà, vous attendiez une réponse du gouvernement, du ministère comme tel, vous aviez le ministre, avez-vous élaboré un peu avec eux
ou...
Mme Leclerc
(Guylaine) : Il faut comprendre que l'objectif, nous, c'était de
mentionner qu'il y avait peu de distinctions
entre le Fonds de développement économique et les activités d'Investissement
Québec. Donc, ce que le ministre ait
pu dire ou pas, ce n'était pas une préoccupation que nous avions. Alors, ce
n'est pas quelque chose qu'on a demandé.
M.
Bonnardel :
Donc, il n'y a pas aucun membre du C.A. qui vous a dit de vive voix : Bon,
on aurait aimé rencontrer... parce qu'ils l'avaient devant eux ou parler
directement au...
Mme Leclerc
(Guylaine) : Non.
M.
Bonnardel : O.K. Dans vos rencontres avec les membres du
C.A., est-ce que vous avez eu la chance de lire une analyse que les responsables de gestion du risque avaient en disant,
le jour du 17 novembre : Deux ans après cette offre d'achat hostile, on vous recommande, membres
du C.A., de vendre les actions? On allait initialement, pour
875 000 actions, prendre une décision, et, par la suite, le
C.A., unanimement, a dit : On vend la totalité sur 10 blocs sur les
prochaines semaines. Il y a quand même deux
personnes dans cette fameuse rencontre qui ont dit : Nous, là, on a la
lumière devant nous, on décide de vendre, puis voici pourquoi on devrait
vendre. Est-ce que vous, vous avez vu un document qui...
Mme
Leclerc (Guylaine) : Il faut que je demande à mon équipe, là, de
vérification, mais on est quand même assez...
Des
voix : ...
Mme Leclerc
(Guylaine) : Sur le 875 000, on a vu une analyse, et non pas sur
la vente du bloc en entier.
M.
Bonnardel : Donc, vous aussi, vous ne savez pas... À part
ces fameuses deux personnes qui ont convaincu tous les membres du conseil d'administration, il n'y a aucun document
que vous avez pu obtenir qui disait que, bien, c'était le temps de vendre la totalité des actions, donc,
pour un montant global d'à peu près 160 millions de dollars? Donc, ça
s'est décidé comme ça. Unanimement, tout le
monde a décidé qu'on vendait, puis vous, vous n'avez pas eu vent d'aucun
document?
Mme Leclerc
(Guylaine) : Bien, je ne suis pas en mesure de répondre, là, comment
ça s'est passé ou...
M.
Bonnardel : Donc, je trouve ça quand même inquiétant parce
qu'au-delà de ça le président du conseil du C.A., tantôt, qui nous dit : J'avais d'autres
préoccupations, je n'ai pas demandé plus de vérifications, on a deux personnes
qui s'y connaissent puis qui disent
qu'il faut vendre. Alors, moi, je trouve ça particulier qu'on ait décidé ça
comme ça sans que personne ne lève le
petit doigt puis demande une analyse plus approfondie des documents, et tout
ça. Alors, je trouve ça particulier, mais, bon, c'est pour ça que je
voulais poser la question. Moi, c'est terminé, M. le Président.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Granby.
Alors, nous passons au dernier bloc de trois minutes alloué à M. le
député de Mercier. M. le député.
M.
Khadir : Mme la vérificatrice, vous avez mentionné qu'après le
communiqué émis par le ministère des Finances
le 31 juillet 2012 à l'effet qu'il demandait... le ministère demandait
à Investissement Québec d'effectuer des démarches pour éviter une prise de contrôle hostile de la part de
Lowe's, donc il y a eu cette implication d'Investissement Québec, mais qui, selon les critères, trois
critères, fondamentalement, qu'au-delà de 5 millions Investissement Québec
n'avait pas autorisation d'utiliser ses
fonds propres, qu'en principe tous les critères étaient réunis pour que ça
soit... c'était dans le cadre de ce à
quoi était destiné le Fonds de développement économique, d'utiliser, donc, ces
moyens pour intervenir dans une prise de position pour tout projet qui
ne rentre pas dans le cadre habituel de ses investissements...
Est-ce
que c'est compatible avec cette volonté, d'une part, de demander ça puis, d'autre part, que la FDE ou le ministère des Finances, qui est responsable de la
FDE, n'autorise pas que ça soit le Fonds de développement économique qui serve à cet usage? Parce que vous avez dit, à
un moment donné, que la décision qui a amené Investissement Québec d'utiliser ses fonds propres, c'est que quelqu'un
d'autre a dû intervenir ou décider au Conseil des ministres que ça ne serait
pas avec le Fonds de développement économique, il y a une incompatibilité, là.
• (15 h 50) •
Mme
Leclerc (Guylaine) : Bien, ce que je dis, c'est qu'Investissement
Québec est une entité autonome et qu'elle peut prendre ses propres décisions. Donc, le conseil d'administration
d'Investissement Québec peut choisir de faire quelque investissement qu'il souhaite à la condition que
ça entre dans le cadre. O.K.? Donc, 2,5 % de son actif, il ne peut pas
investir plus que 2,5 %.
M. Khadir :
Ça n'entrait pas dans ce cadre.
Mme
Leclerc (Guylaine) : C'était évident que ça n'entrait pas dans le
cadre, et d'autant plus que, précédemment, le 31 juillet, le ministre a mentionné qu'on souhaitait
qu'Investissement Québec, bon, bien, investisse, agisse. Alors, c'est pour ça que c'est une activité qui, à notre avis,
semble beaucoup plus une activité du Fonds de développement économique
qu'une activité d'Investissement Québec.
M. Khadir :
Votre analyse vous porte à croire que, par ailleurs, le Fonds de développement
économique ou ceux qui sont responsables de ce fonds n'auraient pas donné
l'autorisation que ça soit utilisé. Bien, je ne comprends pas trop parce que...
Mme
Leclerc (Guylaine) : Bien, parce que ça aurait pris un décret pour que
le Fonds de développement économique...
M. Khadir :
Très bien. Donc, le décret a manqué.
Mme Leclerc
(Guylaine) : Oui.
M. Khadir :
C'est le décret qui a manqué. Donc, il y a une volonté ministérielle qui était
contradictoire, d'une part, avec sa
propre... Le ministre mandate Investissement Québec d'intervenir, mais ne lui
donne pas les moyens appropriés pour utiliser la FDE pour faire cet
investissement. C'est ça qu'on doit comprendre.
Mme
Leclerc (Guylaine) : C'est ce qu'on comprend de plusieurs dossiers
qu'on a analysés, hein, chez Investissement
Québec, des dossiers qui auraient dû être exécutés par le Fonds de
développement économique par rapport à des activités qui ont été
réalisées par Investissement Québec.
M. Khadir :
Très bien. Et, dans...
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, je m'excuse, mais c'est
terminé, M. le député de Mercier. Alors, c'est tout le temps
que nous avions. Mme Leclerc, je vous remercie, avec les gens qui vous
accompagnent. Merci de nous avoir éclairés à cette commission.
Alors, je suspends
pour quelques instants, le temps que l'autre personne se présente.
(Suspension de la séance à
15 h 53)
(Reprise à 15 h 55)
Le Président (M.
Cousineau) : Donc, nous allons reprendre nos travaux.
Une voix :
...
Décision de la
présidence sur une question de règlement
concernant le dépôt d'un document
Le
Président (M. Cousineau) : Oui, ce ne sera pas très long. Avant d'entendre M. Ouellet,
j'aimerais répondre un petit peu à la question qui a été posée par le
député de Sanguinet à savoir si on peut rendre public le cahier qui vous a été transmis. C'est un cahier de travail.
On vient de l'avoir, donc, d'Investissement
Québec, leur point de vue. C'est un document qui est
très, très clair. C'est marqué : «Les documents contenus au présent
cartable sont confidentiels et ne peuvent être reproduits sans l'autorisation
préalable d'Investissement Québec.» Alors, Investissement
Québec, ces gens-là sont très mal à l'aise à l'effet qu'on puisse le
reproduire. Donc, c'est un document de travail qui appartient aux membres
de la commission, et ça doit rester
aux membres de la commission, point à la ligne. Donc, on n'a pas
d'autorisation, c'est un document de travail. Voilà.
Donc,
bonjour, M. Ouellet. Bienvenue à notre commission
parlementaire. Vous aviez, M. le député de Granby, une intervention au départ?
M.
Bonnardel : Oui, M.
le Président. J'aimerais ça que M. Ouellet puisse être assermenté, s'il vous
plaît.
Le
Président (M. Cousineau) : Absolument. Alors donc, comme le précise l'article 52
de la Loi sur l'Assemblée
nationale, Mme la secrétaire, procédez à l'assermentation de M. Ouellet, s'il
vous plaît.
La Secrétaire : ...
M. Pierre Ouellet, ancien directeur de cabinet du ministre
de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations
Assermentation
M. Ouellet
(Pierre) : Oui. Alors, je, Pierre Ouellet, déclare sous serment que je
dirai toute la vérité et rien que la vérité.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. Ouellet. Donc, vous
bénéficiez, donc, de l'immunité pour le témoignage que vous allez nous
apporter.
Alors, vous
avez, comme les autres participants, M. Ouellet, 10 minutes, maximum.
Puis, par la suite, nous allons passer aux échanges avec les
parlementaires des différents groupes.
M. Ouellet (Pierre) : Parfait.
Alors, M. le président de la Commission de l'économie et du travail, Mmes et MM. les députés, bonjour. Je tiens à vous
remercier d'avoir accepté ma demande de venir devant vous aujourd'hui pour
m'assurer que les députés membres de la
commission soient en mesure d'obtenir de ma part les éclaircissements que je
peux apporter concernant la transaction des
actions que détenait Investissement Québec dans RONA. Merci aussi de m'avoir
reçu si rapidement.
Je suis
content de pouvoir venir rectifier certains faits parce qu'au cours des
derniers jours, selon ce qui a été dit et écrit, j'étais pratiquement
rendu la personne qui avait autorisé la vente du bloc d'actions de RONA que
détenait Investissement Québec et aussi le
responsable de l'achat de RONA par Lowe's. Entrons donc tout de suite dans le
vif du sujet et regardons la chronologie des événements, qui vous a été
distribuée.
Le
17 novembre 2014, j'ai eu un échange avec le ministre, échange lors
duquel il m'a demandé de vérifier quels étaient les montants au-delà desquels il fallait une autorisation du
ministre ou du Conseil des ministres pour procéder, et c'est ce que mes notes personnelles m'indiquent.
J'ai donc contacté M. Marc Paquet, qui est vice-président aux affaires
juridiques et secrétaire de la société, le
21 novembre 2014 pour lui demander quels étaient ces seuils. Il
m'écrit le jour même, comme vous avez
pu le voir dans l'échange de courriels qui a été rendu public. Nous constatons
donc que le conseil d'administration pouvait agir seul. La valeur de la
transaction étant sous les seuils, il n'avait pas à obtenir quelque avis de la part du ministre. On se rappelle encore
une fois que le conseil d'administration d'Investissement Québec a pris la
décision de vendre les actions de RONA le 17 novembre 2014.
Le
26 novembre, toujours en 2014, Jean-Jacques Carrier, qui est
vice-président et chef de la direction financière d'Investissement Québec, m'écrit par courriel pour
demander si le MEIE, le ministère de l'Économie, de l'Innovation et des
Exportations, était en accord avec la transaction. J'ai discuté du sujet de
RONA avec le ministre Daoust le 26 novembre 2014, et c'est ce que
m'indiquent mes notes personnelles.
Maintenant,
la question : Pourquoi ai-je répondu O.K.? Si j'ai répondu O.K., c'est
qu'après la discussion que j'ai eue
avec le ministre Daoust le 26 novembre 2014 la décision de vendre le
bloc d'actions devait venir du conseil d'administration. Le ministre
m'avait dit : C'est de leur responsabilité, ils vivront avec leurs
conséquences.
Il faut aussi
noter qu'il s'écoule plus de 15 mois entre la décision du conseil
d'administration d'Investissement Québec
de vendre les actions de RONA et la vente de RONA à Lowe's. Je tiens à indiquer
tout de suite que je n'ai pas été un
témoin de la vente de Lowe's à RONA. Il y a eu un remaniement ministériel le
28 janvier 2016, et l'annonce de la vente de RONA à Lowe's a
eu lieu le 3 février 2016.
On a entendu
des commentaires et des questions quant à la possibilité que j'aie pris une
décision seul. La réponse est non. Je
peux vous assurer que je demandais au ministre son autorisation pour des choses
bien plus anodines que la vente d'un bloc d'actions de cette valeur.
En terminant,
je tiens à dire que, tout le temps que j'ai été en politique, j'ai toujours agi
avec rigueur, honnêteté et loyauté pour
le gouvernement du Québec et ses citoyens. Alors, je vous remercie. Je suis
maintenant prêt à répondre à vos questions.
• (16 heures) •
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. Ouellet. Alors, je
passerais maintenant la parole à un représentant du parti ministériel,
en vous rappelant que vous avez 23 min 30 s. M. le député de
Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, merci beaucoup, M.
Ouellet, d'avoir pris l'initiative... En effet, je suis un de ceux... également mon collègue de Jean-Lesage et de
Marguerite-Bourgeoys, à tout le moins, ici, de la partie ministérielle, qui étions très intéressés à
entendre vos propos, compte tenu des nouveaux éléments qui ont été publiés la
semaine dernière.
Je
commencerais par vous poser la question parce que vous venez de le préciser.
Vous avez tenu à préciser que vous
n'êtes nullement le responsable de la vente de RONA auprès de Lowe's ou quoi
que ce soit, et je n'en doute point, mais pourquoi vous faites cette
précision-là exactement?
M. Ouellet
(Pierre) : Bien, c'est simplement pour faire écho aux reportages et ce
qui a été dit dans les médias, où on faisait des liens, là, entre... que
c'était pratiquement moi qui étais le responsable de ça, alors que la vente du bloc d'actions de RONA par Investissement Québec
relevait du conseil d'administration d'Investissement Québec, et la vente de RONA à Lowe's était la responsabilité des
conseils d'administration de ces deux sociétés-là. Alors, moi, là-dedans,
je n'étais pas responsable de ça, et c'est
pour ça que je tenais à venir ici pour le rectifier. Essentiellement, c'est
pour ça que je fais cette précision-là.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député.
M. Polo : Merci, M. le Président. Ce
matin, quand M. Lafrance est venu se présenter ici devant nous, je l'ai longuement interrogé sur la séquence des événements
qui ont mené à la rencontre du conseil d'administration du 17 novembre. Il nous a expliqué qu'il avait
régulièrement des contacts auprès du cabinet de M. Daoust, donc, j'imagine,
par votre entremise notamment. Est-ce que, jusqu'au 17 novembre 2014... est-ce
que, dans vos nombreux contacts, échanges,
etc., est-ce que la question de RONA, la position d'Investissement Québec... la
position de RONA à l'intérieur du portefeuille d'Investissement Québec
a-t-elle été discutée dans vos échanges?
M. Ouellet (Pierre) : Non, ça n'a
jamais fait l'objet de discussion entre M. Lafrance et moi, ni avec d'autres
personnes d'Investissement Québec. Le dossier de RONA est apparu dans le radar,
pour moi, le 17 novembre 2014.
M.
Polo : Parfait. Vous avez travaillé pendant un peu plus que deux ans
avec M. Daoust à titre de chef de cabinet. M. Daoust était P.D.G. d'Investissement Québec lorsque le gouvernement
l'a mandaté d'acheter et de prendre position... et donc il a procédé, à titre de P.D.G., là... supervisé les achats, la
prise de position de RONA par Investissement Québec. Est-ce que, dans vos deux... en fait, jusqu'au 17
novembre 2014, est-ce que le sujet de RONA, la position de RONA a fait
partie des discussions que vous avez eues avec M. Daoust?
M. Ouellet (Pierre) : Ça ne me dit
absolument rien.
M.
Polo : O.K. Est-ce que, suite à... le contact ou l'appel de M.
Lafrance afin de s'enquérir de la position du ministre sur les actions de RONA par Investissement Québec,
est-ce qu'il y a eu une discussion, une longue discussion, à savoir le contexte, le timing, les particularités, les
possibilités de Lowe's versus RONA? Est-ce qu'il y a eu une discussion élaborée
sur le sujet?
M. Ouellet (Pierre) : Alors, tout
comme M. Lafrance — j'ai
entendu, je pense, une bonne partie de son témoignage — je
n'ai pas de souvenir précis à quel moment on a pu s'en parler, mais c'est
certain, là, que c'est dans l'intervalle du 17 au 21 novembre 2014. Pouvez-vous
me répéter la question? Pardon.
M. Polo : En fait, ce que j'aimerais
savoir, c'est, une fois que M. Lafrance...
M. Ouellet
(Pierre) : C'était pour savoir s'il y avait eu des échanges élaborés
avec le ministre, pardon. J'ai eu deux
échanges avec le ministre, qui n'ont pas été très élaborés. Lui, il connaissait
bien le dossier, contrairement à moi, là. Donc, lui, il avait une bonne
idée de ce dont on parlait là.
M.
Polo : En effet, donc... Puis là on a reçu une copie, là, de vos
expériences précédentes, puis je sais que vous avez déjà travaillé avec un précédent ministre associé au développement
économique, etc. Mais, ceci dit, ce que j'essaie de voir, c'est au-delà... Et, dans le document, la chronologie que vous nous avez
déposée ici, ce que j'en comprends, c'est qu'une fois que vous avez reçu l'appel ou le contact de M. Paquet vous
en discutez avec le ministre, et le ministre et vous... ou peut-être vous, vous me préciserez, vous vous
êtes informé auprès d'Investissement Québec à savoir est-ce que la Loi
sur Investissement Québec vous obligeait à autoriser la transaction. Est-ce que
c'est bien ça?
M. Ouellet
(Pierre) : C'est une demande
que le ministre m'avait faite de vérifier auprès d'Investissement Québec, donc
auprès de M. Paquet, qui est aux Affaires juridiques, quels étaient les seuils
qui requéraient l'autorisation soit du ministre, soit du Conseil
des ministres. Il connaissait
l'existence de seuils, mais ne se souvenait pas avec précision est-ce que c'était en valeur ou en pourcentage de quoi...
Alors là, on a entendu aujourd'hui, si je ne me trompe pas, que c'est
2,5 % des actifs nets d'Investissement Québec.
Alors, le
courriel que M. Carrier m'achemine le 26 novembre fait référence à ce que M.
Paquet m'avait écrit. Donc, on parle du 2,5 % de la valeur nette
des actifs, mais ce que je tiens à ajouter, et c'est tout récent, là... J'ai
écouté les témoignages
aujourd'hui. Ce qui est nouveau pour moi, c'est que la
résolution du conseil d'administration d'Investissement Québec parlait de «sous réserve». Pour moi, c'est
nouveau aujourd'hui, c'est une information que je n'avais
pas. Et les courriels, tant celui de M.
Carrier que de M. Paquet, ne font nullement mention de la «sous réserve de
l'approbation du ministre». Et l'échange que j'ai eu avec le ministre
le 26 novembre, avoir eu le «sous réserve» à l'esprit aurait peut-être amené autre chose.
Mais là on
est dans des spéculations, et moi, je veux parler des faits. Mais ce que je
veux vous dire, c'est que c'est du
nouveau pour moi aujourd'hui, l'aspect de «sous réserve de l'approbation du ministre».
Mais je pense que M. Roquet a aussi tempéré, si on veut, l'aspect «sous
réserve», là. Lui, il le voyait plus comme information. Et les courriels de MM. Carrier et Paquet ne font pas référence à
l'approbation sous réserve de, on est plus dans : Dites-nous donc ce que vous en pensez. Et, comme je l'ai dit, le
ministre, n'ayant pas le «sous réserve», me dit, puisque je lui présente
l'explication des seuils, me
dit : Bon, c'est sous leur responsabilité, ils vivront avec les
conséquences parce qu'il n'était pas favorable à cette décision-là.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Oui. Merci beaucoup,
M. le Président. Et, comme vous, M. Ouellet, une des choses qu'on
a apprises avec le témoignage de M. Roquet, c'est que non seulement le
sujet a été discuté le 17 novembre 2014, mais qu'une résolution a été proposée séance tenante, adoptée avec, justement,
la réserve dans le cas de M. Roquet. Par la suite, il s'est corrigé. Il aurait
dû, à ce moment-là, corriger le procès-verbal et plutôt dire «avec l'information, avec le souci d'informer le ministre». Bon, ça a été présenté
autrement.
Ce que j'en comprends, c'est que, dans votre
discussion avec M. Daoust, une fois que vous avez obtenu la confirmation ou la précision de ce que la Loi sur
Investissement Québec prévoit, lui, il a très vite compris qu'il n'avait
pas, à ce moment-là, à autoriser. Est-ce que je me trompe dans cette
interprétation-là?
M. Ouellet
(Pierre) : ...je ne voudrais
pas interpréter, faire de l'interprétation, mais les faits sont... Moi, je lui
présente les seuils que MM. Paquet et
Carrier... dont ils me font part. Je présente ça au ministre,
il m'a dit : Bon, c'est sous l'autorité du conseil
d'administration, ils vivront avec les conséquences.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Laval-des-Rapides.
• (16 h 10) •
M. Polo : M. le Président, si vous
me le permettez... Parce qu'aujourd'hui on a vécu, à travers les différents témoignages, là, différentes, si on peut dire,
pistes sur lesquelles nos collègues ont voulu nous amener ou ont voulu amener
certains de nos invités également
à venir répondre sur certaines de leurs questions, mais le mandat comme tel, et
ça, c'est en fonction des discussions
que nous avons eues, là, le 9 juin 2016, le mandat comme tel, celui... Tel
quel, Mme la secrétaire informe la commission du remplacement... Il est convenu de permettre à certaines personnes de siéger. Et c'est
écrit en caractères gras soulignés,
l'organisation du mandat d'initiative concernant le processus
ayant mené à la vente des actions de RONA par Investissement Québec.
Pourquoi je
fais la précision? C'est parce que, quand je réconcilie les témoignages de M.
Lafrance, de M. Roquet, maintenant de M. Ouellet puis également de la Vérificatrice
générale lorsqu'elle nous dit que, par conséquent, dans l'utilisation des fonds propres, la société n'avait pas à recevoir
l'autorisation du gouvernement pour disposer des actions, lorsque M. Roquet nous explique qu'il aurait dû simplement
utiliser le mot «informer» et donc que la directive qu'il a donnée à M.
Lafrance était d'informer le ministre à travers le chef de cabinet, lorsqu'on prend
connaissance qu'Investissement
Québec est souverain dans la gestion des
positions qu'il prend à partir des fonds propres et lorsqu'on comprend que la résolution adoptée le 17 novembre 2014 est,
par la suite, entérinée ou appliquée, appliquée à partir du mois de décembre,
donc le 21 novembre — corrigez-moi
si je me trompe, M. Ouellet — le 21 novembre, lorsque vous vous
informez sur les précisions sur la Loi d'Investissement Québec, que vous en discutez avec le ministre,
votre interprétation à ce moment-là, c'est que la décision est déjà prise.
M. Ouellet
(Pierre) : Oui, parce que
le courriel de M. Carrier dit : Suite à l'approbation... On peut continuer
de lire... Je ne lirai pas tout le
reste, là, mais, suite à l'approbation par le conseil, pour moi, l'approbation
est donnée. Ça ne peut pas être beaucoup plus clair que ça.
M.
Polo : O.K. Est-ce que
le ministre, dans vos discussions suite... À partir du 21
novembre, est-ce que RONA a
refait partie... est-ce que ça a fait partie de discussions entre vous ou
quoi que ce soit... ou carrément il a voulu se dégager de cette responsabilité,
même si Investissement Québec relève du ministère de l'Économie à ce moment-là?
M. Ouellet
(Pierre) : Je ne suis pas
certain de comprendre votre question, mais je n'ai pas eu d'échanges avec le ministre entre le 21 et le 26 novembre sur le sujet. Mais
l'aspect de vouvoir prendre ses distances, là, je ne commenterai pas
s'il voulait, là. Moi, je suis ici pour les faits, pas pour les états d'âme et
les impressions.
M.
Polo : Parfait. Non, parce que
vous allez vous faire poser d'autres questions à ce
niveau-là, j'essayais de vous
préparer à ce niveau.
Ceci dit, M.
Ouellet, j'aimerais savoir... Parce que j'ai posé la question
à la Vérificatrice générale, vous avez eu un échange téléphonique sur
le souhait d'Investissement Québec de connaître l'opinion du ministre sur cette
vente-là. On vous
relance par courriel, O.K., et là j'ai demandé à la Vérificatrice générale tantôt si ce mécanisme-là devait être précisé,
amélioré, corrigé et bonifié. Est-ce que,
pour vous, c'était une façon commune, une façon normale? Est-ce que, si une communication officielle, par écrit, par la poste même, déposée
à votre bureau, à savoir connaître la position du ministre sur
les actions de RONA par Investissement
Québec... auriez-vous, à ce moment-là, interprété la responsabilité du cabinet autrement ou d'une autre façon
versus comment vous l'avez interprétée à ce moment-là?
M. Ouellet
(Pierre) : Là, on est encore une fois dans l'hypothétique, mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, le «sous réserve» est, pour moi, nouveau. Si on l'avait fait de façon
formelle, peut-être que le «sous réserve de» aurait été indiqué. Et je ne veux pas présumer de ce qui se
serait passé par la suite, mais ça aurait certainement amené des questionnements
qui auraient pu être différents. Mais, encore une fois, je préfère m'en tenir
aux faits. On a eu un courriel qui dit «suite à l'approbation», qui ne
fait nullement mention du «sous réserve», qui nous dit : Ça aurait des
avantages pour Investissement Québec, puisque ça éliminerait un risque.
M.
Polo : O.K. Votre réponse par courriel, le O.K. est très court. Est-ce
que, suite à votre courriel, il y a eu des échanges téléphoniques pour expliquer ou, si on peut dire, donner plus
de détails sur qu'est-ce que ce O.K. voulait dire? Vous n'avez pas eu de retour
d'appel ou quoi que ce soit à ce niveau-là?
M. Ouellet (Pierre) : Non. Ça, ça a
été ce qui a conclu l'épisode.
M.
Polo : Parfait. O.K. Est-ce que
l'ancien ministre de l'Économie, lorsqu'à
11 reprises — parce
que mon collègue de
Marguerite-Bourgeoys a fait faire le décompte — à 11 reprises, dit publiquement, ici même,
en Chambre, qu'il n'a pas pris part à la décision, O.K., de vendre les
actions de RONA par Investissement Québec, est-ce qu'il a menti?
M. Ouellet
(Pierre) : Ce n'est pas à moi à faire cette interprétation-là. Moi, je
vous dis, je vous ai présenté les faits que je connais. Maintenant, s'il
a menti, ce n'est pas à moi à déterminer ça.
M.
Polo : Avant le 21 novembre 2014, est-ce que le ministre était au
courant, soit à travers vous ou à votre connaissance, que le conseil d'administration avait délibéré, avait
discuté de la possibilité de se départir des actions de RONA par
Investissement Québec?
M. Ouellet
(Pierre) : Bien, écoutez, moi, j'ai une demande du ministre dans la
journée du 17 novembre qui me demande
de vérifier les seuils en lien avec la transaction du bloc d'actions
qu'Investissement Québec a décidé de faire sur les titres qu'il possède
dans RONA. Donc, le 17 novembre...
M.
Polo : Parfait. Excellent. Donc, une fois que la décision est débattue
et prise au conseil d'administration le 17 novembre, qu'il y a des contacts téléphoniques puis, par la suite, un
échange de courriels le 21 novembre... Mais, avant le 17 novembre, le...
Je vais reformuler ma question parce que, là, c'est clair qu'il y a deux dates.
Il y a des contacts téléphoniques après le
17 novembre puis un contact par courriel le 21 novembre. O.K.? Mais, avant le
17 novembre, où le ministre, à travers vous, n'est pas informé de la
possibilité qu'Investissement Québec...
M. Ouellet (Pierre) : Là-dessus, je
suis catégorique, non.
M.
Polo : Parfait. O.K. Vous avez entendu M. Lafrance nous expliquer que
le scénario avait complètement changé sur
la position d'Investissement Québec auprès des actions de RONA, à savoir que
Lowe's n'était plus dans le décor, que le
plan de restructuration fonctionnait, qu'il y avait eu un plan de rachat des
actions, que la haute direction avait changé entre-temps, etc., à ce
niveau-là.
Est-ce que,
selon vous, quand on regarde, justement, la séquence de ces événements-là...
Moi, ce que j'aimerais savoir : Est-ce
que le conseil d'administration avait tous les éléments nécessaires pour prendre
cette décision-là le 17 novembre?
M. Ouellet
(Pierre) : Ce n'est pas à moi de juger de ça, c'est aux membres... Les
membres qui ont pris la décision, c'est à eux qu'il faudrait poser la
question.
M. Polo : O.K. Mais est-ce que
l'opinion du ministre était indispensable pour prendre cette décision-là?
M. Ouellet
(Pierre) : Bien, la réponse que M. Paquet me transmet dit qu'il
n'avait pas besoin d'un décret, donc pas
besoin de la décision du ministre ou du Conseil des ministres. C'est écrit
assez clairement selon l'article 12, qui dit que ça prenait un décret pour faire l'achat parce que ça pouvait
dépasser 2,5 % de la valeur nette des actifs d'Investissement
Québec, mais...
M.
Polo : Parfait. Non, c'est bien, c'est... Il y a eu plusieurs questions
qui ont été posées aux personnes qu'on a reçues ce matin puis cet après-midi sur la différence entre les fonds
propres et le Fonds de développement économique. Vous connaissez la distinction, M. Ouellet, les obligations de l'un
versus l'autre, peut-être la latitude ou l'autonomie de l'un versus l'autre comme tel. Est-ce que, pendant
la période de presque 20 ou 22 mois où vous avez été chef de cabinet de M. Daoust à l'Économie, vous avez été témoin,
disons, de d'autres investissements en utilisant le Fonds de développement
économique? Et
peut-être expliquez-nous la différence, le mécanisme de reddition de comptes,
d'information, de communication, par exemple, FDE versus fonds propres.
• (16 h 20) •
M. Ouellet
(Pierre) : On peut faire ça assez simplement, là. Les fonds propres,
c'est Investissement Québec et son conseil d'administration. Le FDE,
c'est le ministre. Si on veut résumer ça, là, c'est comme ça.
M. Polo : Parfait. Parfait.
M. Ouellet
(Pierre) : Mais il y a une séparation claire. Quand c'est FDE, c'est
le conseil d'administration, c'est la société
qui décide toute seule. Et, quand c'est FDE, le ministre reçoit les
recommandations qui sont faites par Investissement Québec, mais ça
demeure que c'est le ministre qui décide.
Une voix : ...
M. Ouellet (Pierre) : Ah! pardon.
Le Président (M. Cousineau) :
S'il vous plaît, M. le député de Mercier. Non, je...
Une voix : ...
Le
Président (M. Cousineau) : Vous allez avoir un temps de parole
tantôt, je ne veux pas qu'on commence ce genre d'échange. Poursuivez, M.
le député de Laval-des-Rapides.
M. Polo : Excellent. Oui, terminez.
M. Ouellet (Pierre) : Alors,
peut-être juste pour préciser.
M. Polo : Oui, précisez.
M. Ouellet
(Pierre) : Alors, si c'est FDE, le ministre reçoit les recommandations
de la part d'Investissement Québec, qui prépare les dossiers, et c'est le
ministre qui décide. Lorsque ce sont les fonds propres, c'est Investissement Québec
eux-mêmes qui prennent les décisions, et c'est clair, «crystal clear», pour
bien parler français.
M.
Polo : Parfait. Est-ce qu'avant ou après le
17 novembre 2014, sur une autre position d'Investissement Québec,
à même ses capitaux propres, ses fonds
propres, est-ce que le ministre a été consulté ou informé sur la vente
partielle ou totale d'actions d'une position?
M. Ouellet
(Pierre) : Des positions boursières, ce n'est pas quelque chose qui
est fréquent, hein, chez Investissement
Québec. C'est ça, on est plus dans le prêt et la garantie de prêt. Alors, je
n'ai pas de souvenir d'autres transactions boursières.
M. Polo : Donc, une position
exceptionnelle ou une... telle que RONA... Et M. Daoust, qui était présent
en août 2012, lorsqu'il a reçu la commande
de prendre cette position-là, c'est clair que... Moi, ce que j'essaie de
comprendre, c'est est-ce que le même
processus a été suivi à ce moment-là versus d'autres positions à même les fonds
propres. Ce que vous, vous me dites,
c'est qu'Investissement Québec n'a pas l'habitude ou n'a pas beaucoup de
positions à même ses fonds propres,
et donc ça a été exceptionnel comme communication — c'est ce que j'essaie de savoir — de la part d'Investissement Québec.
M.
Ouellet (Pierre) : Écoutez, je ne connais pas avec détail ce qui se
passe dans les fonds propres parce que, comme je le dis, ce sont des choses qui sont gérées par Investissement Québec,
la société. On n'était pas informés. En tout cas, je ne veux pas...
M. Polo : C'était une communication,
si on peut dire, exceptionnelle. Je veux dire, c'était exceptionnel pour Investissement Québec. Ils nous l'ont dit, compte
tenu de l'aspect politique au tout début, ils jugeaient important de... C'est écrit ici, soit consulter, s'informer, etc.,
et donc, dans ce cas-là en particulier, pour vous, c'était important aussi de
clarifier quelles étaient les obligations du ministre en fonction de la Loi sur
Investissement Québec.
M. Ouellet
(Pierre) : C'est le ministre qui me demandait de lui préciser quels
étaient ces seuils-là pour savoir s'il avait à intervenir ou non.
M.
Polo : Parfait. Écoutez, moi, ça termine. Je ne sais pas si mes
collègues... Je sais qu'il reste un gros 45 secondes, là.
Le
Président (M. Cousineau) : Oui. Bien, en fin de compte,
écoutez, il n'y a plus de temps pour une question, il reste 10 secondes.
Alors donc, merci, M. le député de Laval-des-Rapides.
Nous allons passer maintenant au bloc
suivant, de l'opposition officielle, pour les 14 prochaines minutes. M. le
député de Sanguinet. Par la suite, madame... vous me ferez signe.
M.
Therrien : Oui. O.K. Merci, M. le Président. Alors, bonjour,
M. Ouellet. Bien, écoutez, le ministre nous a dit à maintes reprises qu'il
n'avait pas été informé. Il a même écrit dans sa lettre de démission qu'il
n'avait pas été informé. Vous nous
dites clairement qu'il a été informé, donc c'est clair que l'ex-ministre a
menti. Si on regarde le déroulement, là, ce que ça a l'air, c'est qu'Investissement Québec donnait un pouvoir au
ministre en disant : On doit demander l'accord du ministre. Et c'était sous réserve de son accord
qu'on pouvait faire la vente des actions. Ce que ça a l'air, là, c'est un
ministre qui ne voulait absolument pas se
mêler de ça, qui est allé chercher des avis juridiques pour essayer d'esquiver
l'accord qu'il pouvait donner à Investissement Québec.
Vous,
là, quand vous avez dit O.K., lui vous a dit : Bien, écoute, moi, je... ça
relève de la compétence du C.A. d'Investissement
Québec, O.K., puis ils se débrouillent avec ça. Donc, dans le fond,
Investissement Québec s'est dit : On
a l'autorisation du ministre, on a eu le O.K. C'est ce que j'entends, là.
Comprenez-vous qu'eux autres, ils interprètent ça de cette façon-là? Je veux dire, dans la tête au ministre, il
dit : Bien, moi, je m'en lave les mains, qu'ils se débrouillent. Bien, eux,
ils disent : Bien, on a l'autorisation du ministre. Ils demandent l'autorisation du ministre,
là, ce n'est pas n'importe quoi, là.
M. Ouellet
(Pierre) : Je reviendrais... Oui, allez-y.
M.
Therrien :
Allez-y. Allez-y. Bien, je veux juste entendre une minute ou deux là-dessus,
mais, après, j'ai plein de questions, puis ma collègue aussi. Donc, on
va vous écouter.
Le Président (M.
Cousineau) : M. Ouellet.
M.
Ouellet (Pierre) : Juste
comme je l'ai mentionné, ce qui est nouveau pour moi aujourd'hui, là, c'est l'aspect «sous
réserve», que je ne vois pas dans les courriels de M. Carrier et M. Paquet, qui
est un fait nouveau et qui aurait pu changer
des choses. Mais je ne peux pas spéculer quelles auraient été les intentions,
les actions. Moi, je suis ici pour les faits, là, aujourd'hui, mais
c'est un fait nouveau qui n'est pas banal.
M.
Therrien : Bien,
monsieur, écoutez, vous avez un appel téléphonique effectué par
Yves Lafrance le lendemain, qui vous
dit, là : Compte tenu du lundi 13 novembre et... lui demander de
vérifier auprès du ministre si celui-ci était d'accord. Pas d'objection à ce qu'IQ procède à la vente de
la totalité des actions qu'elle détenait dans RONA. Vous êtes avisé par
téléphone qu'on veut avoir l'accord du ministre, et c'est sous réserve de l'accord du ministre.
Oui, puis il est venu ici, puis il nous a dit : Bien, écoutez, il nous
a donné l'accord. On avait l'accord du ministre. Là, vous me dites : Bien,
le ministre, lui, il s'en est lavé les mains. Mais ce n'est pas ça qu'Investissement
Québec comprend là-dedans.
Le Président (M.
Cousineau) : M. Ouellet.
M.
Therrien : On a un
problème d'interprétation très important, là. Puis, écoutez,
regardez, vous, vous êtes un chef de cabinet. Vous étiez...
M. Ouellet
(Pierre) : Oui, j'étais.
M.
Therrien : ...chef
de cabinet puis un homme d'expérience, là, je n'en doute pas. Combien de fois
par semaine, à peu près, vous parliez au chef de cabinet de M. Couillard? M. le premier ministre, pardon. Ou au cabinet? Est-ce que c'était
fréquent? Une fois par mois? Une fois par deux mois?
M.
Ouellet (Pierre) : C'était
très peu fréquent. Je n'avais pas beaucoup de discussions avec le chef de cabinet du premier
ministre, le ministre
ayant plus d'occasions que moi de le croiser, que ce soit au Comité des
priorités, que ce soit au Conseil des ministres, les caucus le matin. On
ne se voyait pas ni s'appelait bien fréquemment.
M.
Therrien : Vous
parliez au moins une fois par semaine au cabinet du premier ministre? J'imagine, là, vous êtes chef de cabinet, vous relevez...
M. Ouellet
(Pierre) : Au cabinet du premier ministre, oui, mais à Jean-Louis
Dufresne...
M.
Therrien :
Oui, oui, mais au cabinet, là, oui.
M.
Ouellet (Pierre) : Bien,
parler au cabinet, il y a des aspects de communication, il y a
des aspects opérationnels, là, mais, dans les questions plus
stratégiques, non, je n'avais pas beaucoup d'échanges.
M.
Therrien : Est-ce
que la vente des actions de RONA, qui monte à peu près à 140 quelques millions de dollars, pour vous, c'est une transaction de haute
importance?
M. Ouellet (Pierre) : Je n'ai pas à
la qualifier.
M.
Therrien :
Bien, vous l'avez qualifiée tantôt, là.
M. Ouellet (Pierre) : Ce n'est pas
banal, là, mais c'est...
M.
Therrien : Bien, vous savez, c'est un dossier politique,
là. Durant la campagne électorale, M.
Daoust avait parlé de protéger les
sièges sociaux, ainsi de suite, c'est un enjeu électoral. Là, vous arrivez,
Investissement Québec dit : Qu'est-ce
qu'on fait avec les actions? On veut avoir l'accord du ministre. On va virer de
bord, le ministre, lui, il fait tout pour
ne pas se mêler de ça. Il demande des avis juridiques, il dit : Moi, je
m'en lave les mains. Vous, là, vous regardez votre ministre faire ça, là, vous savez que c'est un dossier politique
de première importance. En avez-vous parlé au cabinet du premier
ministre?
M. Ouellet
(Pierre) : La première fois que j'ai parlé de ce dossier-là au cabinet
du premier ministre, c'est après la publication du rapport de la Vérificatrice
générale.
M.
Therrien :
Ouf! Écoutez, le cabinet du premier ministre devait sauter des coches. Vous
n'en avez pas parlé avant ça?
M. Ouellet (Pierre) : Non.
M.
Therrien :
En aucun moment, une transaction de 140 quelques millions de dollars, vous
n'en avez pas parlé? Vous êtes chef
de cabinet, vous avez un lien direct avec le cabinet du premier ministre et
vous me dites que vous n'avez jamais
parlé de ça? En voyant votre ministre qui fait tout pour s'en laver les mains,
vous voyez, justement, Investissement Québec
qui vous fait de la pression pour que vous ayez l'accord du ministre, puis le
ministre se sauve pour ne pas le donner, puis vous, en aucun temps, vous
en parlez au cabinet du premier ministre? Pour vrai?
M. Ouellet (Pierre) : Je vous
répète, la première fois que j'ai parlé de ce dossier-là au cabinet du premier ministre, c'était après la publication du rapport
de la Vérificatrice générale, alors que j'ai indiqué à M. Dufresne que moi...
Et c'est le seul aspect qui a été couvert,
que je lui avais indiqué que j'avais demandé à Investissement Québec, notamment
à M. Paquet, quels étaient les seuils
qui requéraient l'approbation du ministre ou du Conseil des ministres pour
pouvoir procéder.
• (16 h 30) •
M.
Therrien :
Alors donc, ici, là, dans la campagne électorale : Protection des
sièges sociaux — Agir rapidement et simplement pour protéger nos entreprises et nos
emplois. Puis, là-dedans, là, ils
parlent du ministre... ou de l'ancien ministre
Daoust, et là vous me dites... Et moi, je suis abasourdi, là, parce que, nous,
quand on était au gouvernement, là, il y avait une communication
constante entre les chefs de cabinet et le cabinet de la première ministre, là,
c'était toujours, presque à tous les jours,
et vous nous dites : On a un dossier avec lequel Investissement Québec
nous demande l'autorisation du
ministre responsable, vous êtes le canal de communication entre Investissement
Québec et le ministre, vous avez la
responsabilité de faire le lien, le ministre se sauve pour ne pas avoir à
prendre ses responsabilités puis faire en sorte de garder les actions de
RONA pour éventuellement éviter une vente ou non de cette entreprise-là à des
intérêts américains... et là vous me dites
pour vrai, là — vous
êtes sous serment — que vous
n'avez pas parlé au cabinet du premier ministre de ce dossier-là à
l'intérieur de cette période-là.
M. Ouellet
(Pierre) : Je le répète, vous faites des interprétations sur ce que le
ministre voulait faire ou non. Et je vous
répète que, la première fois que j'ai parlé de ce dossier-là au cabinet du
premier ministre, c'est après la publication du rapport de la Vérificatrice générale, au moment auquel j'ai indiqué
au cabinet du premier ministre que j'avais fait des vérifications, comme
ça a été mentionné dans l'échange de courriels.
M.
Therrien :
Quand il y a eu la transaction de RONA puis Lowe's, là, on cherchait les
actions d'Investissement Québec en
février, là, on se posait la question : Où sont les actions
d'Investissement Québec de RONA?, vous, avez-vous parlé au premier
ministre ou au cabinet du premier ministre pour expliquer ce qui était arrivé?
M. Ouellet
(Pierre) : Comme je l'ai mentionné au départ, le 28 janvier il y
a eu un remaniement, on passe du ministère
de l'Économie pour aller au ministère des Transports, et l'annonce est faite le
3 février. On n'est plus là, je suis à bâtir un nouveau cabinet, on a du personnel à engager, prendre
connaissance de certains dossiers. Uber, par exemple, on a bien des choses. Alors, non, je n'ai pas parlé au
bureau du premier ministre avant la publication du rapport du Vérificateur
général.
M.
Therrien :
Puis moi, je demandais à Mme la ministre de l'Économie, là, où étaient les
actions, puis elle n'était pas
capable de répondre en Chambre à une question simple comme ça alors qu'elle est
ministre de l'Économie, puis vous, vous me dites : Bien, moi, je le
savais, mais ils ne m'ont pas posé la question parce que j'étais rendu
ailleurs, dans un autre... Eh, simonaque, c'est un gouvernement efficace, ça!
Je laisse la parole à ma collègue.
M. Ouellet (Pierre) : Tenons-en-nous
aux faits.
M.
Therrien : Pardon?
M.
Ouellet (Pierre) : Tenons-en-nous aux faits.
M.
Therrien :
Bien, c'est ça qui m'inquiète. On a tout un gouvernement si on n'est pas
capables d'avoir une information sur 145 millions de dollars
d'Investissement Québec. Vous me dites ça sans rire?
Le Président (M.
Cousineau) : Oui, c'est correct.
M.
Therrien :
Puis je passe la parole à ma collègue, là.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, il faut faire attention, M.
le député de Sanguinet, on ne fait pas le procès du gouvernement, là, on est sur un mandat bien précis. Bon, ça va.
Maintenant, je vais passer la parole à Mme la députée de Taschereau, en
vous disant qu'il reste 4 min 55 s.
Mme
Maltais : M. Ouellet, j'ai eu des cabinets. Ce que vous
venez de dire est inconcevable. Je veux juste vous le dire, là. Puis je peux bien vous croire que
vous êtes sous serment, mais c'est inconcevable. C'était la première nouvelle,
Lowe's achète RONA, et vous détenez une
information, et vous ne la transmettez pas au cabinet du premier ministre.
Est-ce que vous êtes en train d'essayer de faire avaler ça à la
commission parlementaire?
M.
Ouellet (Pierre) : Je ne suis pas en train d'essayer de faire avaler
quoi que ce soit à la commission parlementaire,
je suis ici pour vous parler des faits et je vous affirme pour la troisième ou
quatrième fois que, la première fois
que j'ai eu une discussion avec le cabinet du premier ministre sur le dossier
de RONA, c'est lors de la publication du rapport de la Vérificatrice
générale.
Mme
Maltais :
Je me demande qu'est-ce que...
M. Ouellet
(Pierre) : Et, la deuxième fois que j'ai parlé de ce dossier-là au
cabinet du premier ministre, c'est vendredi
matin dernier, après que j'aie entendu des entrevues dans lesquelles, là, on me
faisait porter des responsabilités qui étaient
bien au-delà des faits, et j'ai contacté le bureau du premier ministre pour
dire que, là, moi, je songeais sérieusement à contacter la commission pour venir rectifier les faits parce qu'on me
donnait des responsabilités qui ne me revenaient pas.
Mme
Maltais : Écoutez, la question de mon collègue, tout à
l'heure, est très importante, c'est un dossier majeur. Vous êtes un homme de cabinets politiques du Parti
libéral depuis nombre d'années, ça date du temps où vous étiez à la
Commission-Jeunesse du Parti libéral. Ça a été l'objet de la campagne
électorale. Vous êtes responsable, comme membre
d'un cabinet, des engagements du premier ministre, il y a eu des engagements
sur les sièges sociaux. Vous ne dites rien quand votre ministre se lave
les mains du dossier RONA?
M.
Ouellet (Pierre) : Moi, je ne suis pas ici pour faire de la politique,
là, je viens vous exposer les faits et je vous les répète.
Mme
Maltais : O.K. Maintenant, une chose qui m'a étonnée :
17 novembre, j'accompagne le ministre Daoust à la rencontre du C.A. d'IQ. Au cours de la
journée, le ministre Daoust me demande de vérifier si la vente du bloc
d'actions de RONA est sous les
seuils. Je vous remercie de votre sincérité. Vous dites, la... Je prends ça,
là, ce qui veut dire que, ce jour-là, à la réunion du conseil
d'administration, contrairement à ce qu'on nous a dit ici, il a été question de
la vente d'Investissement Québec, puisque...
M. Ouellet
(Pierre) : Alors, j'ai...
Mme
Maltais : Non,
mais attendez, ce n'est pas venu du Saint-Esprit comme par hasard la même
journée, là, vous avez dû vous dire,
vous, il s'est passé quelque chose, et vous avez dû demander à votre ministre
qu'est-ce qui s'est passé.
M. Ouellet (Pierre) : J'ai indiqué : Le 17 novembre, j'ai
reçu la demande du ministre de vérifier les seuils. C'est consigné dans
mes notes personnelles, le 17 novembre, j'ai vérifié si... Je n'ai pas le
«wording» exact en tête, là, mais le
17 novembre, dans mes notes, j'ai à vérifier les seuils. Donc, ça ne veut
pas dire que c'est... ça peut et ça doit avoir été fait après le conseil
d'administration.
Mme
Maltais : Vous n'êtes pas là pour faire de la politique,
vous l'avez dit vous-même, M. Ouellet, puis... Mais là, là, si le
ministre vous a demandé de vérifier ça, vous comprenez bien comme moi qu'il en
a été question au conseil d'administration d'Investissement Québec.
M.
Ouellet (Pierre) : Moi, j'étais au conseil d'administration, et, non,
il n'a pas été question de la vente de RONA durant la séance du conseil
d'administration.
Mme
Maltais :
Et la rencontre après avec le ministre, avec seulement les membres du conseil
d'administration, mais, comme par
hasard, vous me dites ça, puis, comme par hasard, le ministre vous a demandé
quels étaient les seuils où il fallait demander une décision au Conseil
des ministres.
M.
Ouellet (Pierre) : Oui, oui, mais, dans la journée, là, il y a
d'autres événements, là. Donc, on peut recevoir un téléphone dans la
journée, mais après le conseil.
Mme
Maltais : O.K.
Donc, vous avez reçu un téléphone? O.K. C'est le téléphone du 18 novembre.
M. Ouellet (Pierre) : Bien, comme
M. Lafrance, je ne me souviens pas du moment précis, mais il y a de...
Mme
Maltais :
Mais le ministre lui-même, ce jour-là, donc, savait, puisque c'est le ministre
qui vous a demandé de vérifier les seuils.
M. Ouellet
(Pierre) : Ce que je vous dis, c'est que, je le répète, le 17 novembre
le ministre me demande de vérifier les seuils.
Mme
Maltais : O.K. Ce
n'était pas votre devoir d'aviser le premier ministre, le cabinet du premier
ministre? Normalement, là, je vous le dis,
là, un chef de cabinet, devant une chose comme ça qui va faire les nouvelles,
qui engage la vie économique du Québec, se doit d'aviser le cabinet du
premier ministre.
M. Ouellet
(Pierre) : Non. Lorsqu'on est en novembre 2014 — et ça a été exprimé, je pense, plus tôt
aujourd'hui — l'idée de la vente... on ne parle pas de
perte de siège social, là, les comités de gestion de risques disent : Ça
serait une bonne chose, ça éliminerait un risque. Donc, on n'est pas... puis
les conditions ont changé depuis l'achat des actions, mais, en novembre 2014, on n'est pas du tout, du tout, du
tout dans la perspective que Lowe's va acheter RONA, mais du tout.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, merci. C'est tout le temps
que nous avions pour le deuxième bloc avec l'opposition officielle. Pour
les 9 min 30 s suivantes, je passerais maintenant la parole au député
de Granby, de la deuxième opposition. M. le député de Granby.
M.
Bonnardel :
Merci, M. le Président. M. Ouellet, bonjour. Première question rapide,
M. Ouellet : Avez-vous rencontré le Conseil des ministres pour
préparer votre témoignage aujourd'hui?
M. Ouellet (Pierre) : Non.
M.
Bonnardel : Vous ne
l'avez pas rencontré du tout?
M. Ouellet (Pierre) : Du tout.
M.
Bonnardel : Vous
n'avez pas parlé à aucun ministre ni à M. Dufresne?
M. Ouellet
(Pierre) : Non, non. Bien, je lui ai parlé vendredi matin dernier
après l'entrevue de M. Arcand, mais, non, je n'ai pas parlé à
personne.
M.
Bonnardel : Pour
lui dire que vous souhaitiez venir témoigner aujourd'hui?
M. Ouellet
(Pierre) : Je lui disais, vendredi matin dernier, que j'analysais la
possibilité de contacter la commission pour faire part des faits parce
qu'on me donnait une responsabilité qui n'est pas la mienne.
M.
Bonnardel :
O.K. On revient rapidement. Le 17 novembre, là, vous dites : J'accompagne
le ministre Daoust. Vous dites :
On n'a pas parlé de la vente de ce bloc d'actions lors de la réunion. Pourtant,
votre ministre vous demande dans la journée... Le conseil d'administration a
lieu dans l'après-midi?
M. Ouellet (Pierre) : À mon
souvenir, c'était l'avant-midi.
M.
Bonnardel :
L'avant-midi?
M. Ouellet (Pierre) : Oui.
M.
Bonnardel : Donc,
dans l'après-midi, M. Daoust est informé de la vente.
M. Ouellet (Pierre) : Dans la
journée. Dans la journée.
M.
Bonnardel :
Dans la journée. Donc, M. Lafrance vient tantôt, M. Roquet vient
tantôt, personne n'a parlé à M. Daoust, mais M. Daoust, dans
l'après-midi, est au courant, donc.
M. Ouellet (Pierre) : Pas pendant le
conseil, il n'a pas été question de la transaction.
M.
Bonnardel :
O.K. Pas pendant le conseil, mais, par la suite, il vous informe :
Pourrais-tu vérifier le seuil parce que j'ai été informé de? Non?
M.
Ouellet (Pierre) : Je voudrais m'en tenir aux faits. Je ne sais pas si
c'est «parce que j'ai été informé de», mais ce que je sais, c'est qu'il me demande de vérifier les seuils. Dans mon
cahier de notes, on indique : Le 17 novembre... oui, c'est ça, le
17 novembre, vérifier les seuils qui requièrent autorisation.
M.
Bonnardel : Le 18 novembre, vous recevez un coup de
téléphone de M. Lafrance le matin, selon M. Lafrance?
M.
Ouellet (Pierre) : Comme M. Lafrance, je ne me souviens pas du
moment de la conversation, et c'est ce que j'essaie de dire. Probablement, étant donné que j'ai de noté de vérifier
les seuils, probablement que l'appel était plus le 17 en après-midi.
Mais là on est dans les «peut-être», et moi, je préfère parler des faits.
M.
Bonnardel :
Oui, mais là... O.K. Le 18, vous nous avez parlé, le 18, le matin ou
l'après-midi, que vous avez parlé à M. Lafrance. Là, il y a entre
le 18 et le...
• (16 h 40) •
M. Ouellet
(Pierre) : Moi, tout comme M. Lafrance, je ne suis pas certain
qu'on se soit parlé le 18.
M.
Bonnardel : Bien, lui le confirme, en tout cas. Il l'écrit,
là, il dit qu'il vous a parlé. Donc, entre le 18 et le 26, vous savez qu'Investissement Québec attend
l'autorisation du ministre lui-même pour vendre ce bloc d'actions, «right»?
M. Ouellet
(Pierre) : Pouvez-vous répéter?
M.
Bonnardel : Non, mais vous savez, entre le 18 et le fameux
courriel où vous avez envoyé le O.K., entre le 18 et le 26 novembre, il se passe huit jours où vous savez que vous
devez demander l'autorisation au ministre, sinon au premier ministre, pour vendre un bloc d'actions
quand même assez important qui allait valoir 160 millions de dollars.
Vous êtes d'accord avec ça, là?
M. Ouellet
(Pierre) : Oui.
M.
Bonnardel : Vous parlez au ministre combien de fois
là-dessus? Vous lui dites : Écoute, j'envoie-tu le O.K.? On me demande l'autorisation de la part de
M. Lafrance. Le conseil d'administration, le prochain est le
15 décembre 2014, il faut répondre rapidement. Est-ce que vous lui
parlez?
M.
Ouellet (Pierre) : Je lui parle le 26 novembre après avoir reçu les
seuils, comme M. Paquet le confirmait dans son courriel le 21 novembre. Et M. Carrier, qui pose une question par courriel le
26 novembre, je lui parle le 26 novembre de ça.
M.
Bonnardel :
O.K. Le 26, là, vous envoyez ça à 14 h 18 : «Merci. Je vous
reviens ASAP.»
M. Ouellet
(Pierre) : Oui.
M.
Bonnardel :
Ça, c'est un mercredi. Mercredi, d'habitude, il y a un conseil des ministres.
M. Ouellet
(Pierre) : Oui.
M.
Bonnardel :
Vous êtes où? Vous êtes à votre bureau ou vous êtes à l'Assemblée nationale?
M. Ouellet
(Pierre) : Ah! bien, habituellement, je suis au bureau, oui.
M.
Bonnardel : O.K.
Vous faites quoi entre 14 h 18 puis 16 h 42? Vous essayez
de communiquer avec le ministre,
qui est dans un Conseil des ministres, ou vous dites : Là, il faut que je réponde rapidement?
Est-ce que vous lui parlez?
M. Ouellet
(Pierre) : Je n'ai pas de souvenir détaillé de ce que j'ai fait. Ce
que je sais, c'est que j'ai parlé au ministre. J'ai une façon de fonctionner. Quand j'avais un
10 minutes avec le ministre, je me faisais des listes avec des points — un,
deux, trois, quatre, cinq — et
mes notes m'indiquent que j'avais un point qui était «cinq, RONA», la journée
du 26 novembre.
M.
Bonnardel :
M. Ouellet, je suis d'accord, là, c'est important comme décision, là, on va
vendre un bloc d'actions d'un fleuron
québécois. Il y a eu une offre
d'achat hostile deux ans auparavant. Vous faites de la politique depuis assez
longtemps. Il y a deux heures qui se
passent, le ministre est au Conseil des ministres, j'imagine. Vous essayez de
le rejoindre, hein? Ça doit être ça, là.
M. Ouellet
(Pierre) : Bien, on ne peut pas rejoindre un ministre au Conseil des
ministres, là.
M.
Bonnardel : Non, mais, entre vous et moi, là, vous attendez
la réponse, vous devez envoyer un... Votre fameux O.K.,
là, il est banal, mais il n'est pas banal, là, à quelque part, là, vous
autorisez sur vos épaules. O.K.? C'est vous, le courriel. Vous avez donc
parlé au ministre, j'imagine.
M. Ouellet
(Pierre) : Oui, oui, j'ai parlé au ministre, mais on...
M.
Bonnardel :
Vous lui avez parlé, vous lui avez dit : Est-ce qu'on vend?
M.
Ouellet (Pierre) : Oui, j'ai
parlé au ministre, c'était le cinquième point des points dont j'ai
parlé au ministre.
M.
Bonnardel : O.K. Est-ce que
vous avez dit : M. le ministre, avez-vous demandé l'autorisation du premier ministre? Avez-vous parlé à
M. Dufresne? Est-ce que vous lui avez dit ça? Est-ce que
vous lui avez dit : Bien, Jacques... J'imagine que vous...
M. Ouellet
(Pierre) : Non, je l'ai toujours vouvoyé.
M.
Bonnardel : Non?
M. Daoust, avez-vous demandé l'autorisation du PM? Avez-vous parlé à M. Dufresne pour
que je puisse envoyer un O.K.? Est-ce qu'on le prend sur nos épaules?
M. Ouellet
(Pierre) : Il n'a pas été question de parler au premier ministre ou à
son directeur de cabinet.
M.
Bonnardel :
Pas du tout?
M. Ouellet
(Pierre) : Non.
M.
Bonnardel : Donc,
vous, là, puis le ministre Daoust, là, sur vos épaules, vous avez dit :
J'envoie un simple O.K., puis le PM n'est pas au fait, puis
M. Dufresne n'est pas au fait, puis tout le monde au Québec,
ici, là, s'est posé des questions qu'un fleuron québécois allait
déménager, être vendu, O.K., puis là...
M.
Ouellet (Pierre) : Oui, parce qu'on a un courriel qui nous vient d'Investissement
Québec, qui nous dit que, le seuil, ça prend 2,5 % de la valeur nette des actifs. Donc, c'est de la compétence du
conseil d'administration d'Investissement Québec de prendre la décision, et on n'est pas... Je rappelle qu'il y a
du nouveau pour moi aujourd'hui, là, on n'a pas le «sous réserve de». Alors, suite à l'échange, comme
j'ai dit tout à l'heure, j'ai répondu le O.K. parce qu'on avait... c'était
sous la compétence du conseil
d'administration d'Investissement Québec à procéder, et c'est ce que
M. Roquet a expliqué, je pense.
M.
Bonnardel : Rapidement, M. Ouellet, le 3 juin
dernier, vous dites : C'est la première fois que j'avise le premier
ministre de ça, moi. Il n'est pas au courant
du tout, du tout de la décision que vous avez prise sur vos épaules. La Vérificatrice générale dit : Voici le
rapport, on vous accuse... On vous accuse en disant que c'est vous. Le ministre
dit : Je dis la vérité. On se
rend compte aujourd'hui que le ministre nous a menti en plein visage, nous et
aux Québécois. Et là, M. Dufresne,
vous dites que vous avez rencontré M. Dufresne. Est-ce
qu'on vous pose la question :
M. Ouellet, vous étiez le chef de cabinet de M. Daoust, est-ce que
M. Daoust était au courant? On vous l'a-tu posée, la question?
M. Ouellet
(Pierre) : Et ce que moi, j'ai répondu, c'est que...
M.
Bonnardel :
On vous l'a posée, la question, donc?
M. Ouellet
(Pierre) : Pardon?
M.
Bonnardel :
On vous l'a posée?
M.
Ouellet (Pierre) : Mon
souvenir de la conversation que j'ai eue avec Jean-Louis Dufresne, c'est que je
lui mentionnais qu'à la demande du ministre
j'avais demandé à Investissement
Québec de vérifier les seuils qui
requéraient une approbation du ministre ou du Conseil des ministres pour
qu'ils puissent procéder.
M.
Bonnardel :
Attendez, là, M. Ouellet. Daoust contredit la Vérificatrice générale sur RONA. Vous dites le 3 juin :
Moi, je suis tanné, là, parce qu'on m'accuse, moi, d'avoir pris sur mes épaules la décision de vendre. Jean-Louis Dufresne dit : Viens à mon bureau. C'est ça que vous me dites, là, Jean-Louis
Dufresne disait : Viens à mon bureau ou vous êtes allé le voir ?
M.
Ouellet (Pierre) : Je ne me souviens pas qui a...
M.
Bonnardel : Bien, en tout cas,
vous êtes allé le voir. M. Dufresne vous a-t-il dit : Est-ce que
notre ministre dit la
vérité? Est-ce que M. Daoust savait, savait? Est-ce qu'il a donné son
autorisation lui-même? Vous me dites oui, là, parce qu'avec les
affirmations que vous me dites, là, le 17 novembre 2014 il était au fait.
Est-ce que vous l'avez dit à M. Dufresne que, oui, M. Daoust était au
fait?
Le
Président (M. Cousineau) : Écoutez, monsieur...
Des voix : ...
Le Président (M. Cousineau) :
Non, non, mais écoutez, là...
Des voix : ...
Le
Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît! S'il
vous plaît! Ça se passe bien, le député de
Granby a le droit de poser ses questions,
M. Ouellet répond, et puis on doit poursuivre de cette façon-là. Allez-y, M. le député de Granby, il reste 1 min 50 s.
M.
Bonnardel : Donc,
question fort simple : Vous avez rencontré M. Dufresne, est-ce que vous
avez dit à M. Dufresne : Mon ministre
était informé de la vente des... il a donné son autorisation? Est-ce que, oui ou non, vous avez dit ça à M. Dufresne?
M. Ouellet
(Pierre) : À ce moment-là, je n'ai pas de souvenir d'avoir mentionné que le ministre
avait donné son O.K. Ce que je me souviens, c'est d'avoir indiqué à
M. Dufresne que le ministre m'avait demandé de vérifier les seuils.
C'est le seul sujet qui a été abordé.
M.
Bonnardel : Bien, M. Ouellet, M. Ouellet, le ministre
était au courant, là. Vous faites de la politique depuis assez longtemps, là, ne me faites pas croire que le cabinet du premier ministre ne vous demande pas... Aïe! Là, là, vous avez Daoust qui contredit la VG, ce n'est pas banal. Daoust,
qui dit : Je dis la vérité, je dis la vérité. Vous dites le contraire
aujourd'hui. Est-ce que vous pouvez dire ici, à la commission,
que M. Dufresne vous a demandé si M. Daoust le savait ou non?
M. Ouellet
(Pierre) : Je répète que le
seul sujet dont moi, je me souviens, c'est d'avoir parlé des seuils. Je n'ai
pas de souvenir d'avoir échangé sur est-ce qu'il le savait ou pas, c'était
sur... Ce que moi, je lui ai dit, c'est : Il m'a demandé de vérifier les seuils. C'est la seule chose dont moi, j'ai un
souvenir clair. Et je veux parler de faits, pas de peut-être
ou de suppositions. C'est ce que je veux venir clarifier, là.
Le Président (M. Cousineau) :
Il reste 30 secondes, dernière question.
M.
Bonnardel : Qu'est-ce
qu'on vous a posé comme autres questions
quand vous avez rencontré le cabinet du premier ministre? Qu'est-ce que
M. Dufresne vous a demandé?
M. Ouellet
(Pierre) : Écoutez,
le 3 juin, là, j'étais dans une période qui n'était pas... j'étais dans un
état d'esprit particulier, je
venais d'avoir pas mal de brouhaha, je n'ai pas... j'ai cherché dans mes
souvenirs, là — et
je suis sincère, je suis ici sous serment, là — ce que je sais, c'est ce que je vous ai dit.
Le
Président (M. Cousineau) : D'accord. Alors, bon, merci pour cette partie du témoignage,
M. Ouellet. Nous allons maintenant passer à M. le député de Mercier
pour trois minutes. M. le député de Mercier.
M. Khadir : Merci, M. le Président. M. Ouellet, vous êtes conscient qu'un certain nombre d'affirmations que vous
faites ici, ajoutées à tout ce qu'on a entendu aujourd'hui, sont très
difficiles à croire, disons, sont difficiles pour nous d'accepter, par
exemple le fait que, sur une question aussi importante, une personne qui est comme
vous, qui est une nomination politique,
qui a des responsabilités politiques, comme ça a été mentionné, ne pense pas, ne
veuille pas aller plus loin pour
s'assurer que la décision du ministre corresponde véritablement à une décision
qui est en ligne avec le gouvernement.
Ma question
est la suivante : M. Ouellet, vous connaissez bien les positions du Parti libéral du Québec? Vous les connaissiez bien au moment où vous avez eu cette discussion avec M. Daoust sur la demande qui a été faite, s'il était, oui ou non, d'accord avec la vente des
actions? Vous connaissez bien les positions du gouvernement du Québec? Les
positions de votre parti, les
positions de votre gouvernement, les positions du premier ministre, vous les connaissez
bien?
M. Ouellet (Pierre) : Oui, mais, lorsqu'on
parle...
M. Khadir : Donc, si vous avez demandé à M. Daoust
et qu'il vous a dit... Vous nous avez
dit qu'il a dit : Dans le fond,
c'est leur responsabilité, ils vivront avec les conséquences. Si vous vous
êtes permis, à partir de cette question-là, de répondre
par un simple O.K. aux responsables d'Investissement Québec... Parce que
ce n'est pas la réponse du ministre
que vous leur avez offerte, vous n'êtes pas
allé dire : Écoutez, le ministre dit : C'est de votre responsabilité, c'est vous qui portez la responsabilité. Vous auriez pu écrire
ça, hein, ça ne prend pas beaucoup de mots pour dire ça. Vous avez plutôt dit : C'est O.K.
C'est O.K., ça veut dire que vous avez estimé, avec votre
jugement politique d'un homme politique d'expérience, que, dans le fond, compte tenu de l'ensemble
des choses, la décision que prend Investissement Québec est en accord
avec les orientations du premier ministre et de son gouvernement.
• (16 h 50) •
M.
Ouellet (Pierre) : La décision est en accord avec les intentions du législateur, qui a fixé à 2,5 % les seuils qui requéraient une décision du ministre ou du Conseil
des ministres. On était dans les fonds propres, c'était la décision...
M. Khadir : Non, attendez, vous avez dit O.K.
Vous avez dit O.K. à une décision, et vous savez très bien que ça a des conséquences politiques. Et votre
ministre, lui, il ne veut pas prendre de responsabilité, il dit : Moi, là,
ce n'est pas de ma responsabilité.
M. Ouellet (Pierre) : C'est votre
interprétation, là.
M. Khadir : Votre ministre vous a clairement
dit : Ils vivront avec, ce n'est pas de ma responsabilité. Mais, malgré
tout, vous avez donné le O.K. C'est-à-dire
que vous, vous aviez soit communiqué avec le bureau du premier ministre,
ce que vous dites que vous n'avez pas fait, soit que, compte tenu de vos
compétences politiques — vous
êtes avec les libéraux depuis longtemps, vous connaissez très bien les
positions du Parti libéral — vous
avez estimé que c'est parfaitement en accord avec l'orientation du premier
ministre et de son gouvernement. Est-ce qu'on peut dire ça?
M. Ouellet (Pierre) : Je ne sais pas
quoi répondre à votre question, je...
M. Khadir : Mais alors pourquoi vous avez dit
O.K. si vous n'étiez pas certain de ça? Pourquoi avez-vous donné votre accord?
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, ça termine...
M. Khadir : Votre accord
était un...
Le
Président (M. Cousineau) : M. le député de Mercier,
malheureusement, ça termine le temps que nous avions. M. Ouellet,
je vous remercie de votre présence, de votre éclairage.
La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 16 h 51)