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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Thursday, June 9, 2016 - Vol. 44 N° 100

Clause-by-clause consideration of Bill 70, An Act to allow a better match between training and jobs and to facilitate labour market entry


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Intervenants

M. Claude Cousineau, président

M. Guy Hardy, président suppléant

M. François Blais

M. Dave Turcotte

M. Sylvain Rochon

M. Harold LeBel

M. Sébastien Schneeberger

Mme Monique Sauvé

M. Yves St-Denis

Mme Caroline Simard

M. Saul Polo

Mme Françoise David

Journal des débats

(Dix-neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Cousineau) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 70, Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration en emploi.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M.Leclair (Beauharnois) est remplacé par M. Turcotte (Saint-Jean) et M. Therrien (Sanguinet) est remplacé par M. LeBel (Rimouski).

Étude détaillée (suite)

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, lors de notre dernière séance, nous avions débuté l'étude de l'amendement de M. le député de Rimouski à l'article 83.1 proposé par l'article 28 du projet de loi.

Alors, avant de vous demander s'il y a d'autres interventions, voici le temps restant pour chacun des parlementaires. Alors, M. le député de Saint-Jean, il vous reste 17 min 40 s, M. le député de Rimouski, 13 min 5 s, M. le député de Richelieu, 20 minutes, M. le député de Drummond—Bois-Francs, 20 minutes.

Alors, je suis prêt à reconnaître un premier intervenant. M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : ...

M. Turcotte : Je suis tout à fait sur l'amendement, vous allez voir ça. L'amendement est très clair : «Le ministre s'engage à rendre publiques les analyses d'impact effectuées, avant que n'entre en vigueur le programme Objectif emploi.»

Le ministre, à la dernière séance, nous a dit qu'il était d'accord avec le principe que ça se... c'est une nouvelle pratique du ministère, et cependant ce n'était pas au bon endroit que l'amendement était proposé. Vous comprendrez, M. le Président, que, bon, nous, nous disposons des services de notre recherchiste, de notre conseillère politique ici, Mme Plamondon, mais nous n'avons pas toute l'équipe qui entoure le ministre. Donc, nous sommes prêts, nous, à faire bon usage des conseils du ministre, mais vous comprendrez, M. le Président, que nous ne sommes pas prêts à retirer notre amendement maintenant parce que vous comprenez le jeu parlementaire, hein? Même si on dit «le jeu», on rit, mais on ne rit pas tant que ça.

Donc, moi, ce que je propose, et je l'ai proposé à la dernière séance, et je vais le proposer de nouveau, nous avons fonctionné de cette façon-là à plusieurs reprises dans la première partie du projet de loi, donc, moi, ce que je propose, nous pourrions suspendre l'article 83.1, nous pourrions nous rendre à l'article en question où le ministre nous a dit que cet article-là pourrait aller. J'ai cru comprendre que même le ministre avait un certain libellé à proposer. Nous pourrions adopter ce libellé et revenir à l'article 83.1, retirer notre amendement et poursuivre le travail, comme nous le faisons si bien depuis le début de l'étude détaillée de ce projet de loi. Donc, moi, c'est ma proposition, mon humble proposition dans le sens où nous avons éprouvé cette méthode de travail qui a bien fonctionné dans la première partie du projet de loi. Le ministre ne semble pas... en tout cas, n'a pas voulu utiliser cette méthode qui a fait ses preuves depuis tant d'années dans le parlementarisme, ici, à l'Assemblée nationale, pour notre amendement sur les règlements. Peut-être que, cette fois-ci, nous aurons la chance d'entendre un oui de la part du ministre. Du moins, la balle est dans le camp du ministre.

J'ai terminé, là, pour l'instant.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Alors donc, M. le ministre.

M. Blais : Merci, M. le Président. J'ai déjà eu l'occasion de m'engager, là, disons, par rapport à cette demande-là, de lui donner une forme, là. Cependant, au-delà de l'engagement que j'ai pris, là, je pense que, maintenant, on a près de 50 heures, tout près de 50 heures de faites sur seulement un article, là. On devrait l'adopter, continuer, puis, rendu, disons, aux éléments transitoires, hein, du projet de loi, à ce moment-là, on pourra l'intégrer avec d'autres éléments transitoires, d'ailleurs, dont j'aimerais parler quand on sera rendu là.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Pour une nouvelle fois, nous tendons la main au ministre pour faire en sorte que nous puissions progresser dans l'étude du projet de loi.

Je comprends que le ministre, peut-être, trouve le temps long et trouve qu'on tourne en rond, mais ça ne fait pas 50 heures que nous sommes sur cet article, ça ne fait que 35 heures que nous sommes sur cet article. Je comprends que le ministre trouve ça long, mais, en même temps, nos amendements, je pense qu'il y a 26 amendements que nous avons déposés à cet article, c'est des amendements très intéressants, très importants pour la suite des choses, d'autant plus que même le ministre lui-même a dit à plusieurs occasions que ces amendements-là, là, il les appuyait sur le fond, mais que, bon, ce n'était pas au bon endroit, ce n'était pas au bon article. Je crois que, si le ministre écoutait davantage les députés de l'opposition, la méthode de travail que nous avons proposée et que nous lui proposons encore aujourd'hui, nous aurions davantage progressé dans l'étude du projet de loi. Preuve est que, pour la première partie du projet de loi, malgré des oppositions sur le fond, nous avons quand même cheminé et avancé malgré tout assez rondement.

Là, nous déposons des amendements. Le ministre nous dit : On est d'accord, ce n'est pas le bon endroit. On dit : Bon, bien, allons l'adopter au bon endroit. Il nous dit : Non, je ne veux pas faire ça ainsi. Progressons et nous allons y arriver. Nous, nous disons : Progressons, adoptons des articles au bon endroit pour pouvoir progresser davantage. On est dans un dialogue de sourds actuellement, M. le Président. Donc, je vais recommencer mon argumentaire sur le fond, espérant que le fond primera dans ce débat.

• (19 h 40) •

Le fond de l'amendement est très simple, il s'inspire largement du mémoire du Syndicat de la fonction publique du Québec, qui a été très clair, qui a été très clair, M. le Président. Ils n'ont pas été clairs ici, en commission parlementaire, parce qu'ils n'ont pas pu être entendus ici, en commission parlementaire. Nous avons demandé des consultations générales, M. le Président. L'ancien ministre, actuel député de Louis-Hébert, le ministre actuel ont refusé d'entendre le Syndicat de la fonction publique. J'ai même déposé, M. le Président, une motion, ici avant l'étude détaillée du projet de loi, pour que nous puissions entendre le Syndicat de la fonction publique du Québec, que je rappelle, d'ailleurs, que, bon, le ministre a aussi traité d'ignorant.

Je rappelle que le Syndicat de la fonction publique du Québec représente les agents d'aide sociale, représente les agents d'Emploi-Québec dans les centres locaux d'emploi. Donc, c'est eux qui... ils seront aux premières loges pour appliquer le programme Objectif emploi, donc le projet de loi n° 70. Dans leur mémoire, M. le Président, le Syndicat de la fonction publique mentionne avoir fait une demande au ministère pour avoir, obtenir toute étude d'impact, analyse ou projection des retombées économiques et/ou sociales réalisée dans le cadre du dépôt du projet de loi n° 70, en lien avec tous les aspects du projet de loi.

M. le Président, si vous avez une bonne mémoire, vous allez être capable de me répondre à la question suivante : Combien y a-t-il de documents que le ministère a jugé pertinents pour répondre à cette demande d'accès du Syndicat de la fonction publique? La réponse est 39, 39 documents que le ministère a répertoriés. Combien de documents le ministère, et donc le ministre, a accepté de rendre publics au Syndicat de la fonction publique? Un sur les 39. Il nous en manque 38. C'est de ça qu'on parle, M. le Président, notamment. Là, on est au premier point, là. On est à «étude d'impact». Analyses, projections, retombées économiques, etc., on y reviendra plus tard, à ces aspects-là. Mais là nous sommes, bon, aux analyses d'impact effectuées.

Donc, un document sur 39. On a même dû, si on peut dire, faire la bataille, hein, faire bataille ici, M. le Président, pour, nous, parlementaires, pouvoir obtenir ce document-là. Le ministre, finalement, nous a remis le document en question, donc le seul document, jusqu'à maintenant, qui a été rendu public. Et ce document, que contient-il, M. le Président? Ce document contient une revue sommaire des différentes législations entourant l'assistance sociale dans le monde. Très intéressant, M. le Président. Très intéressant, mais, en même temps, ce n'est pas des données très confidentielles et stratégiques, là, pour la suite des choses.

Donc, la question qui se pose, M. le Président, et le Syndicat de la fonction publique le mentionne très bien dans leur mémoire : «Les propos du ministre laissent croire que celui-ci s'est contenté d'un simple calcul coûts-bénéfices, sans prendre la peine d'en évaluer les conséquences à plus long terme, sur le plan social et économique.» Pourquoi nous disons ça? Pourquoi le Syndicat de la fonction publique mentionne ça? Parce que le ministre a sûrement des documents. Il ne veut pas les rendre publics sûrement parce qu'ils ne vont pas dans le sens du projet de loi, M. le Président. Ou, s'ils vont dans le sens du projet de loi, bien, je me demande pourquoi que le ministre ne les rend pas publics. On aurait enfin des études, des documents provenant du Québec qui démontrent la plus-value du programme Objectif emploi, bien, du moins les sanctions qui découlent du programme Objectif emploi.

C'est elles, ces études que nous attendons depuis tant de semaines, que le ministre n'a toujours pas déposées. On a même déposé des amendements ici, vous le savez, M. le Président, pour obtenir de telles études, pour avoir ces documents. Donc, moi, je crois sincèrement, M. le Président, qu'il n'y en a pas, d'études. Le ministre n'a pas d'études qui démontrent que les sanctions au Québec sont une bonne chose pour lutter contre la pauvreté.

Et je vais reciter le chapitre I, le chapitre fondateur du livre du présent ministre, Un revenu garanti pour tous. Le ministre va apprécier cette belle publicité pour son livre avant la période d'été. Les gens pourront se le procurer...

Une voix : Pour lire sur la plage.

M. Turcotte : ...pour le lire sur la plage, exactement. Chapitre I, chapitre fondateur, Faire la guerre à la pauvreté plutôt qu'aux pauvres. Donc, M. le Président, je crois que, si le ministre... Et, je le sais, le ministre, il a un bon fond. Il n'a pas écrit ce livre-là pour rien, M. le Président. Le ministre a écrit ce livre-là, il a fait plusieurs études, il a fait des conférences, même, dans des colloques, des conseils nationaux du Parti québécois par le passé. Vous le savez, M. le Président, on en a parlé, de ça. Puis ce n'est pas parce qu'il est venu à une activité du Parti québécois qu'il a un bon fond, là. Ce n'est pas ça, là, M. le Président, quoique ça aide. Mais ce n'est pas de ça qu'il est question, M. le Président, c'est parce qu'il a des convictions, il a des valeurs, on le sait. À la lecture du livre, ça ne peut pas mentir, à moins que... bon, je ne pourrais pas dire ça ici, mais moi, je crois que le ministre est sincère dans son approche.

Cependant, la science est têtue, les études parlent, et il n'y a pas d'études qui parlent actuellement, des études québécoises, au Québec... Le ministre nous a cité des études d'un peu partout, comme il dit, dans les pays du monde, hein? Intéressant, très intéressant, mais il a lui-même mentionné qu'il fallait isoler les variables. Quand on isole des variables, ce n'est pas la même situation qu'au Québec nécessairement. La situation économique n'est pas la même. Peut-être que, dans ces pays-là, il y a des gouvernements qui ont des politiques économiques, ce qui n'est pas le cas du gouvernement actuel, M. le Président. Peut-être que, dans ces pays-là, le ministre l'a mentionné dans le cas de la Grande-Bretagne lorsque nous avons cité une étude de l'Université d'Oxford... le ministre l'a si bien dit, en Grande-Bretagne, ce n'est pas du tout la même chose qu'au Québec, hein? Les sanctions sont beaucoup plus difficiles. Ce n'est pas le même portrait, mais pas du tout. Il a raison, il a raison.

Cependant, on en a cité une, étude du Québec, cependant, hein? Notre collègue député de Richelieu a cité une étude d'une dame, d'une chercheuse de l'Université de Montréal, Deena White, hein? Donc, Vers une politique saine d'activation — L'impact sur la santé et bien-être des prestataires d'aide sociale, de l'intégration des services de sécurité du revenu et d'employabilité. C'est un rapport de recherche qui a été transmis, je crois, au ministre, du moins à un ministre. C'est, bon, dans le fonds de recherche sur la société et la culture. Donc, c'en est une, étude du Québec, faite au Québec. Et, si je me souviens bien, la conclusion était très claire sur les sanctions. Notre collègue avait lu un extrait à ce sujet-là, recommandation, du moins, aspect 3.1 : «Dans le design des politiques, programmes et mesures, un accent plus fort sur la carotte — par exemple, incitatifs, mobilisation, soutien prolongé — que sur le bâton — par exemple, des sanctions financières, [du] monitorat hautement exigeant, [des] règles ou informations communiquées de façon à être perçues comme des menaces ouvertes ou tacites — le bâton ayant pour effet de créer un climat et sentiment de précarité élevés pour le prestataire, conduisant au stress chronique. L'approche du bâton comporte aussi un plus grand risque de punition financière qui baisse encore le revenu des plus pauvres.»

M. le Président, le ministre l'a écrit, le ministre le croit, le ministre veut travailler dans ce sens-là, faire la guerre à la pauvreté plutôt qu'aux pauvres. Le problème, c'est que le projet de loi n° 70, tel qu'écrit, tel que présenté par son prédécesseur... Ce n'est pas lui qui a présenté le projet de loi n° 70, hein, c'est le député de Louis-Hébert. Mais les sanctions, M. le Président, vont créer davantage de pauvreté. Nous l'avons dit, nous l'avons répété, nous le répétons ce soir, tant et aussi longtemps, M. le Président, que le ministre ne se rendra pas à l'évidence et, comme il l'a mentionné pour d'autres groupes, il ne s'élèvera pas dans le débat actuel, M. le Président, c'est clair que nous ne pourrons accepter de telles sanctions.

Je crois qu'il y a peut-être d'autres collègues qui veulent intervenir, là, mais, M. le Président, c'est clair pour nous : les sanctions, c'est non négociable.

• (19 h 50) •

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Saint-Jean. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Richelieu, en vous rappelant, M. le député de Richelieu, que vous avez un beau 20 minutes.

M. Rochon : Ah! merci, M. le Président. À combien d'heures en sommes-nous, là, disiez-vous tantôt, là, au collègue de Saint-Jean?

M. Turcotte : 35 heures.

M. Rochon : À 35 heures. Bon, bien, je vais vous apprendre quelque chose. Je suspecte que puisse exister au sein de ce gouvernement, du parti ministériel, une norme, une norme politique ou une norme gouvernementale en vertu de laquelle on change de cap après 60 heures. En tout cas, c'est ce qui est arrivé dans le cas du projet de loi n° 59. J'ai eu le plaisir de siéger avec ma collègue de Taschereau à l'étude article par article, et, après 60 heures, le miracle tant attendu s'est produit, la ministre a décidé d'oublier la partie I de son projet de loi, contestée de toutes parts. À peu près tous les groupes que nous avions entendus, les experts, les analystes que nous avions entendus en commission parlementaire, auxquels se sont rajoutés plus tard des éditorialistes, des analystes, des journalistes, ont condamné à l'unanimité la première partie de ce projet de loi, y voyant tous et toutes une atteinte à la liberté d'expression.

Alors, oui, en effet, M. le Président, ce sera pratique pour vous aussi de savoir, il devrait nous rester environ 25 heures avant que le ministre ne change d'idée, ce qu'il a passé près de faire, cela dit, lors d'une séance pas très ancienne, hein? Rappelez-vous, nous avons tous et toutes assisté à la même chose, tant les collègues du parti ministériel qu'ici les gens des oppositions, il s'est mis à réfléchir. Ça vient de me faire penser à un sketch des Cyniques, ça, au sujet de Camil Samson. Vous souvenez-vous de ça? On va oublier ça. Alors, j'ai peut-être éveillé le souvenir chez certains téléspectateurs.

Il s'est donc mis à réfléchir à l'idée, effectivement, d'abandonner les sanctions au profit d'une autre approche. Vous vous souvenez, M. le ministre, vous m'avez dit habilement que c'est moi qui vous avais inspiré cette approche qui pourrait peut-être vous faire reconsidérer l'idée des sanctions. Je me suis absenté une séance, il n'y a pas eu de développements à ce sujet.

M. Turcotte : On t'attendait.

M. Rochon : Ah! il m'attendait sans doute.

Le Président (M. Cousineau) : Attention! Il n'y a seulement qu'une personne qui a le droit de parler. Pour les enregistrements, c'est préférable comme ça.

M. Rochon : Prenez ça pour de l'enthousiasme, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, oui.

M. Rochon : C'est ce que vous aviez conclu, hein? Qu'il s'agissait de ça? Mais, le plus sérieusement du monde, moi, j'étais heureux de voir cette porte s'ouvrir sur la fin des sanctions et une autre approche. Et on me dit, peut-être n'est-ce pas une analyse juste, que le ministre a depuis refermé la porte sur cette avenue-là. Je ne sais pas s'il l'a refermée de bon coeur, peut-être pas.

Il faut des ministres très forts, et là je ne propose pas qu'il n'en est pas un, là, mais je reconnais qu'il doit falloir des ministres extrêmement forts pour ébranler ces ministères, qui sont parfois de véritables temples. Alors, leur dire, là : Ce que vous nous avez préparé, là, je ne suis pas d'accord, moi. Comme ministre, c'est moi qui aurai le dernier mot, et les sanctions, oubliez ça, là, ça ne passe pas. Et en plus on m'a convaincu, on m'a convaincu, que ce n'était pas une bonne idée. Ça prend quelqu'un de très, très, très fort.

Encore une fois, je ne propose pas qu'il ne le soit pas, mais je comprends ses hésitations, je comprends ce qu'il doit vivre. Moi, j'ai l'ai senti vraiment s'ouvrir, là, sur la fin des sanctions et une autre approche, mais je suis capable de comprendre que ce n'est pas facile d'ébranler le temple et de le faire changer de direction.

Je reviens, M. le Président, avant que vous me le suggériez, sur l'amendement du collègue de Saint-Jean — ...

Le Président (M. Cousineau) : ...

M. Rochon : ...oui, il y avait des collègues du parti ministériel qui s'apprêtaient à vous demander de me donner cette directive — que «le ministre s'engage à rendre publiques les analyses d'impact effectuées, avant que n'entre en vigueur le programme Objectif emploi». On souhaite ajouter ça après le premier alinéa, à l'article 83.1. J'ai beau regarder ça de tous bords, tous côtés, puis j'imagine que les gens qui suivent nos travaux font la même chose et arrivent à la même conclusion que moi, et je vous la donne : Comment peut-on s'objecter à ça? Sur quel motif? «Le ministre s'engage à rendre publiques les analyses d'impact effectuées, avant que n'entre en vigueur le programme Objectif emploi.» Ce n'est, rassurez-moi, pas parce qu'il n'y aura pas d'analyse d'impact ou qu'il n'y a pas eu d'analyse d'impact d'effectuée. Ça, ce serait irresponsable. Alors, ce n'est certainement pas ça. Et quoi d'autre? Quoi d'autre? Que pourrait-il y avoir, dans ces analyses d'impact, qu'il est préférable que nous ne voyions pas, parce que c'est la seule conclusion possible qu'on puisse tirer : le ministre ne souhaite pas que nous voyions ces analyses d'impact ou, en tout cas, il ne souhaite pas que nous en discutions maintenant parce qu'encore là il a ouvert une porte. Peut-être celle-là aussi se refermera-t-elle brutalement dans un fracas terrible que tout le Québec entendra résonner. Il nous a ouvert une porte, il nous a dit : On pourrait imbriquer cet amendement-là à l'étude d'un article subséquent. Bien, mon collègue de Saint-Jean lui fait une suggestion, ma foi, tout à fait pertinente. Il lui dit : Bon, bien, c'est parfait! Suspendons l'étude de l'article en cours, s'il y a consentement de tout le monde, M. le Président, à moins que vous me disiez l'inverse, c'est possible de le faire, la commission est souveraine, et passons à l'article auquel le ministre souhaite imbriquer cet amendement. C'est raisonnable, la proposition du collègue de Saint-Jean.

Encore là, j'ai beau réfléchir, je ne comprends pas pourquoi le ministre balaie cette suggestion-là. Peut-il, M. le Président, m'éclairer?

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Richelieu. Alors, M. le ministre.

M. Blais : J'ai combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Cousineau) : Oh! vous avez tout le temps que vous voulez, vous, vous êtes le ministre.

M. Blais : ...prendre un petit peu de temps, si vous voulez, parce qu'on travaille ce soir, on a au moins trois heures, je pense. Demain, on a encore deux heures de travail, si je me souviens bien.

Le Président (M. Cousineau) : Demain, je ne sais pas si c'est annoncé.

M. Blais : Je pense que oui, M. le Président, mais, bon...

Le Président (M. Cousineau) : Bon, de toute façon, on ne débattra pas là-dessus.

Une voix : ...

M. Blais : Non? Ce n'est pas confirmé. Pardon, pardon. Alors, je vais en profiter ce soir, donc, raison de plus pour en profiter ce soir, peut-être pour essayer de faire un petit peu un bilan, là.

Le Président (M. Cousineau) : Allez-y, mettez le paquet ce soir.

M. Blais : Oui, oui, c'est ça. Pour ce qu'il en reste, M. le Président, pour ce qu'il en reste.

Le Président (M. Cousineau) : Je dois vous annoncer que vous n'avez pas 35 heures de faites, hein, vous avez, au total, 83 h 29 min de faites. Bien là, 29 minutes... Excusez-moi, on est à peu près à 39 minutes.

M. Blais : Ça a passé si vite en bonne compagnie.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, oui. Bien oui! Bien sûr!

M. Blais : Peut-être prendre un petit peu de temps puis donner l'occasion aux collègues d'en face de se reposer un peu.

Une voix : ...de supposer un peu?

• (20 heures) •

M. Blais : Se reposer un petit peu et faire un bilan. Puis, bon, je pense qu'on est à la fin d'un cycle. On verra, au retour des vacances, comment, là, on fait aboutir ce projet-là.

Tout d'abord, revenons très, très, très en amont, hein, parce que j'ai été interpellé sur ma démarche personnelle. Ensuite, on verra ensuite comment on peut s'associer à la démarche du gouvernement. Quand j'ai commencé à m'intéresser aux questions de transfert de politiques sociales, il y a assez longtemps, et quand j'ai commencé à travailler sur l'allocation universelle, moi, j'ai eu l'occasion d'avoir un maître, le maître sur le sujet, qui est un ami aujourd'hui, qui s'appelle Philippe Van Parijs, et on a souligné ses 65 ans la semaine dernière, qui est le créateur aussi d'un organisme international qui s'appelle Basic Income Earth Network, qui va souligner ses 30 ans d'existence aussi, je pense, l'automne prochain. Et donc, en travaillant là-dessus... Et il faut comprendre que l'allocation universelle, comme l'impôt négatif, d'ailleurs, est une forme de transfert qui a le grand avantage, par rapport à l'aide sociale, par exemple, que l'on connaît aujourd'hui, qui a quand même ses qualités, d'être un programme qui est beaucoup moins stigmatisant et surtout qui permet beaucoup plus facilement le cumul avec le travail que l'aide sociale. On en a déjà parlé. L'aide sociale n'a pas été faite à l'origine pour des personnes qui étaient sans contrainte, pour les inciter au travail, ça a été fait à l'origine pour des personnes qui avaient des contraintes, des personnes handicapées, disait-on à l'époque, pour qui on ne pouvait pas espérer qu'il y ait un retour... ou on ne voyait pas les choses de cette façon-là, qu'il y ait un retour à l'emploi. Tout ça a changé aujourd'hui, puis les personnes qui ont un handicap aspirent aussi, en tout cas, en grand nombre, à prendre leur place au soleil et avoir éventuellement un emploi.

Donc, c'est pour ça que le premier ministre m'a mandaté pour regarder si on pouvait moderniser notre système de transfert social pour le rendre plus accessible, plus cumulable aussi, là, au travail que les programmes actuels. Prenons, par exemple, les allocations familiales au Québec. C'est un programme qui est facilement cumulable au travail. Vous êtes à l'assistance sociale ou vous prenez un travail, vous gardez toujours votre allocation familiale. Donc, il n'y a pas de rupture, de désincitation. Et, quand on regarde l'histoire des politiques sociales des 25, 30 dernières années et des transferts au Québec, on voit toujours cet effort d'intégration pour faire en sorte que, quand vous choisissez le travail, vous n'êtes pas pénalisé à la fois du point de vue moral et économique, là, ça se tient très bien.

Et, dans les discussions que j'avais sur le sujet à l'époque avec Philippe Van Parijs, il me disait toujours que la principale critique à l'égard des mécanismes plus inconditionnels, comme l'allocation universelle, critique qui est faite par des économistes, par ailleurs, tout à fait de gauche, pas de droite, là, c'est que ce type de mesure pouvait être désincitatif au travail. Il y a différents arguments du point de vue moral et économique qu'on peut tenir à l'encontre de ce point de vue là, sauf, et c'est fondamental et ça revient, finalement, à notre discussion, curieusement, de ce soir — je n'aurais jamais pensé un jour que j'aurais ce genre de discussion là dans un contexte politique comme aujourd'hui — pour les personnes, disons, les plus jeunes, hein, qu'on ne pourrait pas accepter même une prestation inconditionnelle pour les plus jeunes, compte tenu, hein, que, lorsque nous sommes jeunes, il faut absolument forcer un peu la note pour développer son capital humain. Par exemple, on n'a pas d'objection, je pense, de principe ici, de ce côté-ci, comme en face, à ce que l'école soit obligatoire jusqu'à 16 ans, hein? Ça nous semble une évidence. Certains disent même 18 ans bientôt ou au moins, un minimum, un diplôme secondaire, hein? Des gens réfléchissent à ça aujourd'hui et pensent que c'est tellement important pour le reste de sa vie qu'on peut obliger, hein, forcer, forcer sous contrainte, pénalité, qui sait, les gens, pour leur bien, pendant un certain temps, là, à avoir un comportement qui va protéger leur avenir. On appelle ça une forme de paternalisme bienveillant. On fait ça avec nos plus jeunes et on peut penser qu'il faut faire ça avec des gens qui sont un peu plus fragiles dans la société.

Donc, même une allocation universelle, qui est beaucoup moins stigmatisante que l'aide sociale, moins marginalisante, mériterait d'être versée sous condition minimale, hein, comme je le mentionnais à la fameuse page 145 de mon livre. Je ne pensais pas que ça serait si utile aujourd'hui, hein, mais ça choquait beaucoup mes étudiants quand j'en parlais, que l'allocation universelle devrait être au moins conditionnelle au fait d'occuper un travail, d'être en stage ou d'étudier, donc d'être en train de développer son capital humain pour une période fondamentale de la vie.

Je vous dirais que ça, c'est un peu l'arrière-fond philosophique, là, de la démarche, mais c'est aussi un arrière-fond sociologique, c'est-à-dire beaucoup de personnes disent : Il faut vraiment pousser le capital humain à cet âge-là. Je lisais récemment un texte, je ne sais pas s'il est publié encore, mais, en tout cas, de Pierre Fortin qui disait que, si on termine son secondaire V, M. le Président, au Québec, on aura un revenu supplémentaire dans sa vie d'un demi-million de dollars de plus simplement parce qu'on a un diplôme et qu'on a accès à des emplois que d'autres n'ont pas. Alors, la prochaine fois que vous allez... Parfois, les députés, on va parfois à des remises de diplôme de fin d'année, hein, de secondaire V. Moi, j'en ai manqué une, ce soir, malheureusement, à Charlesbourg, parce qu'on était en Chambre avant souper, et je m'étais dit que j'allais dire ça aux jeunes, que vous avez 500 000 $ dans vos poches de plus, là, aujourd'hui parce que vous allez avoir un diplôme et, mathématiquement, là, vous allez avoir des emplois un peu mieux rémunérés.

Donc, il y a un argument de nature morale, une forme de paternalisme bienveillant, je n'ai pas trouvé de meilleur mot, là, je ne veux pas choquer personne en utilisant cette expression-là, pour dire : Il faut pousser les jeunes et les plus jeunes. Et ça, c'est un argument qui est encore, disons, décuplé quand il s'agit de l'aide sociale, encore une fois, qui est un programme qui, lui, est beaucoup plus marginalisant du point de vue économique qu'une allocation universelle ou qu'un impôt négatif.

Alors, c'est un peu le coeur de la démarche, hein? La démarche ici, ce n'est pas de sanctionner, ce n'est pas de punir. La démarche, c'est de savoir comment on peut pousser encore les gens, là, qui arrivent à l'aide sociale, qui n'ont pas eu une vie facile, les pousser un peu pour qu'ils atteignent... qu'ils aillent un petit peu plus loin. Et là moi, je suis prêt à entendre, je l'ai souvent dit, toutes les propositions des collègues d'en face. Si une sanction financière n'est pas le bon geste, on peut trouver d'autres gestes, mais il faut que ça soit efficace. Faut-il enlever le permis de conduire? En Ontario, les jeunes qui n'ont pas terminé leur secondaire V n'ont pas le droit à avoir le permis de conduire. Bon, hein? Alors, c'est une façon. Est-ce que c'est efficace? Je ne sais trop, mais c'est la façon dont ils se sont pris pour inciter les jeunes et envoyer un message fort. Donc, on peut regarder de différentes façons des mesures qui auraient une capacité, là, d'incitation pour les premiers demandeurs.

Maintenant, sur la question : Est-ce que les pénalités financières sont efficaces, évidemment, c'est une question complexe parce qu'on a eu l'occasion de déposer les recherches à notre disposition. Et, pour le moment, je le réitère, on n'en a eu aucune, sauf celle qui n'est pas publiée d'Oxford, qu'on est en train d'étudier, mais qui ne semble pas démontrer, disons, aussi fortement la thèse qui a été avancée ici, là, que ça aurait eu peu d'effet, notamment, là, sur l'employabilité. Mais on pourra y revenir. Nous, on a présenté des recherches qui montraient, mais ça répond à une intuition simple, que, bien sûr, si on force les gens, leur comportement va changer un peu quand même. Au Québec, on n'a pas d'étude... C'est-à-dire, tout ce que l'on a, c'est l'expérience qu'on a faite sous le Parti québécois. Je ne sais pas si je l'ai mentionné ici, j'oublie toujours... Je ne rappelle jamais si je l'ai mentionné, mais, en 1998, le Parti québécois...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Blais : J'en ai déjà parlé? Oui?

Une voix : Une fois ou deux.

M. Blais : Donc, c'est intéressant parce qu'en 1998 c'est Mme Harel, je crois, là, qui avait... — c'est en 1998, non? — ...

Une voix : ...

M. Blais : ...qui avait introduit, là, donc, une obligation de recherche d'emploi pour les personnes actives... les personnes, pardon, aptes à l'emploi. Ça devait faire à l'époque, quoi, 70 %, pas loin, des bénéficiaires de l'aide sociale, peut-être un 350 000, 400 000 bénéficiaires d'aide sociale. On parle de 17 000 dans le cas d'Objectif emploi. Mais disons que le Parti québécois a toujours été un parti qui avait beaucoup de vision puis beaucoup d'attentes, là, par rapport au potentiel des Québécois. Donc, ils avaient visé l'ensemble des bénéficiaires de l'aide sociale.

Donc, dans le cas de ce programme-là, essentiellement, il était tourné vers l'emploi, pas nécessairement vers le retour aux études. Pourquoi? On comprend bien, parce qu'il s'adressait à des personnes de différents âges. Donc, axé sur l'emploi dans un contexte où le chômage était quand même plus élevé qu'aujourd'hui. Il devait y avoir trois points à peu près de plus qu'aujourd'hui. Obligation, et, bien sûr, s'il y a obligation, la recette qui avait été trouvée par le programme du Parti québécois... Je l'ai dit que c'était le Parti québécois? Oui. C'était... Oui. La recette qui avait été trouvée, c'était des sanctions, à l'époque, qui étaient de 103 $, 103 $ en dollars d'aujourd'hui. C'est bien ça?

Une voix : Oui.

• (20 h 10) •

M. Blais : Et ça pouvait monter jusqu'à 412 $ en dollars d'aujourd'hui. Donc, la coupure était plus de 50 %. C'était une coupure du deux tiers de la prestation de base. Je vous rappelle qu'à l'époque le crédit d'impôt de solidarité, à mon avis, n'existe pas ou, en tout cas, il est embryonnaire. Donc, c'étaient des sanctions très sévères. Donc, il n'y avait aucune distinction entre les types de manquements.

Donc, on a cette expérimentation-là, si je peux dire, qui a duré un certain nombre d'années. Ça a été assez compliqué. Quand vous en parlez avec les agentes de l'aide sociale, puis ça, je le reconnais puis je pense que je l'ai déjà dit ici, le fait que ça s'adresse à autant de personnes et le fait que le programme ne pardonnait pas beaucoup, c'est-à-dire qu'une fois que la sanction était décidée elle s'appliquait pour une période de temps assez longue, différemment du programme que l'on propose, ça pouvait devenir assez lourd à gérer, là. Et ça devenait des grands nombres pour les agents. Donc, ils en ont un souvenir mitigé.

Mais, à cette époque, quand même, puis là je réponds directement à la question du député de Saint-Jean, on a vu une croissance de la sortie de l'aide sociale et une diminution de l'entrée à l'aide sociale. Donc, ça a fonctionné, si notre critère, bien sûr, c'est la sortie et entrée.

Notre critère est un peu différent parce qu'on s'intéresse à la fois, bien sûr, à la sortie de l'aide sociale, je l'ai dit souvent, mais c'est sûr que, comme on a aussi cette préoccupation-là de forcer, amicalement, mais forcer quand même la diplomation et la qualification, notre mesure, elle est différente.

Donc, c'est l'essentiel de notre démarche, M. le Président. Donc, hein, sur le plan des principes, il y a une volonté d'aider, et parfois, pour aider, il faut obliger, hein, les gens, malheureusement, surtout des gens qui n'ont pas eu l'occasion ou la chance de naître ou de se développer dans un environnement qui est aussi propice que la majorité d'entre nous, peut-être, dont on a pu bénéficier. Alors, tout ça, c'est un peu l'esprit qu'il y a dans la proposition, il me semble, qui la rend acceptable, d'autant plus qu'encore une fois contrairement, là, au modèle qui avait été développé par le Parti québécois, là, à la fin des années 90 le nôtre, c'est un modèle vraiment qui est très, très progressif, des pénalités qui sont presque la moitié de ce qui avait été mis en place par le Parti québécois, qui s'adresse exactement au bon groupe, c'est-à-dire des personnes aptes qui arrivent à l'aide sociale et dont on sait que, si on facilite la sortie avant la première année, les chances qu'ils reviennent vont avoir diminué beaucoup.

Alors, je vous remercie beaucoup, M. le Président, de votre attention.

Le Président (M. Cousineau) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, nous pouvons poursuivre avec M. le député de Richelieu ou M. le député de Saint-Jean.

M. Rochon : Oui, pour faire remarquer, M. le Président, et je ne lui en tiens pas rigueur, ce sont des choses que nous faisons peu souvent, nous, de notre côté, mais là, je ne sais pas si vous avez bien observé, mais jamais le ministre n'a référé à l'amendement qui est à l'étude actuellement.

Le Président (M. Cousineau) : Bien, indirectement, il a parlé d'impact d'une certaine époque.

M. Rochon : Ah! vous croyez? Oui, oui, oui, une certaine époque dont il se rappelle plus que d'autres époques, hein? Est-ce que quelqu'un se souvient ici... Ça m'amuserait de le savoir. Peut-être que c'est un rêve que j'ai fait, que ça n'a jamais existé. Hier, dans la nuit, je me suis réveillé avec l'image de boubous macoutes. Est-ce que ça a déjà existé, ça, ou c'est moi qui...

M. Turcotte : Il y a 30 ans cette année.

M. Rochon : Ah! il y a 30 ans cette année. Ah bon, bon, bon! Ça, je n'en avais jamais parlé ici, hein, je pense, des... Je pourrais parfois oublier et revenir là-dessus, mais je vais essayer d'avoir une mémoire fidèle.

Donc, puisque le ministre n'a pas bien, bien clairement réagi à l'amendement du collègue de Saint-Jean, qui, je le rappelle, souhaite voir le ministre s'engager à rendre publiques les analyses d'impact effectuées avant que n'entre en vigueur le programme Objectif emploi, puis-je, par votre entremise, M. le Président, souhaiter que le ministre nous donne des explications à l'égard de sa réticence?

J'ai tout à l'heure exprimé ne pas la comprendre, estimant raisonnable que des études d'impact soient effectuées au sujet d'un programme comme celui qui nous est soumis, le programme Objectif emploi. Alors, j'ai dit ne pas douter qu'il y en avait, des analyses d'impact, mais je me suis inquiété qu'elles ne soient pas rendues publiques. Alors, j'aimerais, M. le Président, encore une fois, en passant par vous, que le ministre explique à la commission pourquoi il résiste à rendre publiques les analyses d'impact effectuées avant que n'entre en vigueur le programme Objectif emploi.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Blais : M. le Président, j'avais l'impression que je l'avais déjà fait, mais je vais le refaire. Donc, tout d'abord, j'ai déjà mentionné ici que c'est un programme dont les intentions réglementaires sont assez importantes et lourdes de conséquences, hein? Donc, les montants, par exemple, sont définis par règlement, le parcours est défini aussi par règlement. Donc, c'est pour ça que j'ai annoncé très tôt qu'on allait déposer les intentions réglementaires, et Dieu sait que j'en ai d'autres après à déposer puis à présenter. Ce sera assez intéressant, d'ailleurs, si on peut se rendre là, là, ce soir. Donc, on va le faire par souci de transparence, même si on n'est pas obligés de le faire. On sait bien, là, que, disons, les règles parlementaires, à moins que je ne m'abuse, M. le Président, ne nous y obligent pas, mais, compte tenu de la sensibilité et de l'importance, on va le faire.

Même chose pour les analyses d'impact, on est à peu près dans le même type de situation. On n'a pas d'obligation de rendre publiques les analyses d'impact, mais je rappelle qu'après un impair qui avait été commis par la députée de Taschereau il n'y a pas si longtemps, je ne sais pas si j'ai déjà parlé de ça, mais il n'y a pas si longtemps, il y a une décision ou il y a une façon de faire au ministère qui a été prise, et moi, j'endosse cette façon de faire, que maintenant, si on change des règlements à l'aide sociale, on va aussi déposer publiquement, là, les analyses d'impact. Bien sûr, encore faut-il s'entendre sur ces règlements. La première étape, c'est qu'on discute ensemble des intentions réglementaires. Ça me permet à moi de prendre, bien sûr, les conseils des collègues, de parfois faire des changements, et ensuite que le gouvernement prenne les décisions finales sur les règlements. Et là on peut, à ce moment-là, déposer un certain nombre d'études d'impact et voir, valider exactement ce que ça peut donner.

Donc, je pense qu'on a toujours fait les choses de cette façon, en tout cas, ces dernières années au ministère, puis on va continuer à agir de la même façon.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Peut-on, M. le Président... Je voulais vous amener à solliciter des précisions, c'est ça qui a troublé mon articulation. Peut-on demander des précisions au ministre quant au moment où il déposera, rendra publiques les analyses d'impact effectuées?

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Blais : À mon avis, là...

Une voix : ...

M. Blais : Donc, après publication du règlement.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, vous avez votre réponse, M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Après publication du règlement. Règlement que, je lui rappellerai, nous souhaitons également pouvoir examiner, hein? Il se souviendra... Est-ce qu'on l'avait déjà dit?

M. Turcotte : Oui.

M. Rochon : On l'a déjà dit.

M. Turcotte : Mais répète-le.

M. Rochon : Ah bon! Je vais le répéter. Il se souviendra que c'est un...

Une voix : ...

M. Rochon : Oui, oui, oui, absolument.

Le Président (M. Cousineau) : L'enregistrement...

M. Rochon : Mais on voit quand même qu'il y a une trame ici, hein, des deux côtés, des deux côtés de cette table.

Le Président (M. Cousineau) : Moi, je protège le gars qui est en arrière, là.

M. Rochon : Oui, d'accord. Mais, puisque j'en ai déjà parlé, mais que, néanmoins, je peux le rappeler, je le rappelle, nous souhaitons pouvoir examiner ces règlements. Nous venons d'ailleurs d'entendre le ministre dire que bien des choses résident dans ces règlements, hein? Ils sont essentiels à l'application du projet de loi et ils en déterminent la portée, en quelque sorte, les personnes visées.

Alors, ces règlements, M. le Président, peut-on demander à nouveau au ministre à quel moment nous pourrons les examiner?

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Blais : Si je comprends bien la question... est-ce que c'est la même que tout à l'heure, c'est-à-dire à quel moment nous allons les déposer?

M. Rochon : ...

M. Blais : Alors, nous...

M. Rochon : Les règlements. Tantôt, nous parlions des analyses d'impact, nous parlons maintenant des règlements.

M. Blais : Ah! alors, les règlements vont être adoptés suite à l'adoption, là, du projet de loi.

Le Président (M. Cousineau) : C'est précis, comme réponse. Poursuivez, M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Absolument. Le ministre est égal à lui-même, ce qui semble le réjouir. Alors, j'en suis fort aise.

M. Turcotte : Il est constant.

• (20 h 20) •

M. Rochon : Il est constant, voilà, il y a une certaine constance chez lui. Mais cette constance, je le rappelle, pourrait, pourrait...

Le Président (M. Cousineau) : ...

M. Rochon : En effet. Cette constance pourrait, pourrait, disparaître dans maintenant... je ne sais plus à combien on est rendus, là. Je disais 35 heures encore tantôt... 25 heures, que je disais. On est peut-être rendus à 24 h 30 min. En 24 h 30 min, on va peut-être voir la constance, là, changer un peu de trajectoire.

Alors, nous, nous aurions donc souhaité que le ministre s'engage, là, à rendre publiques les analyses d'impact effectuées avant que n'entre en vigueur le programme Objectif emploi. Pourquoi? Parce que nous entendons beaucoup de voix s'élever pour nous dire que le projet de loi n° 70 va à l'encontre des résultats de la recherche sur les politiques publiques de l'emploi. Alors, ça, ce sont des gens qui font partie du groupe chéri du ministre, du groupe des 300 universitaires qui a appuyé le Collectif pour un Québec sans pauvreté. Évidemment, je rigole quand je dis qu'il s'agit du groupe chéri par le ministre, là. Alors, enfin, pour un certain nombre de signataires parmi ces 300 universitaires : «Le projet de loi [...] va donc à l'encontre des résultats de la recherche sur les politiques publiques de l'emploi, qui font de la sécurisation des trajectoires professionnelles, notamment par l'accès à un revenu adéquat, un devoir collectif dont l'État est le premier garant, particulièrement pour les publics menacés d'exclusion — peut-on lire. En effet, le passage par un nouveau programme, dénommé "Objectif emploi", plutôt que d'initier la démarche d'intégration professionnelle en sécurisant le revenu, deviendrait pour certaines catégories de personnes un préalable à l'accès au régime normal de l'aide sociale.

«Selon le projet de loi n° 70, serait "offert" — en réalité imposé, que j'ai l'air de le dire, moi, mais cette parenthèse, elle était des signataires — un "plan d'intégration en emploi" comprenant des "engagements" — en réalité des obligations, c'est aussi eux qui écrivent ça — définis unilatéralement par le ministre. On contreviendrait ainsi à l'un des principes de la STP : privilégier la liberté des personnes en leur donnant plus de pouvoir de décision sur leur parcours de vie, d'autant plus que le programme volontaire "Alternative jeunesse" disparaîtrait. Enfin, non seulement l'aide accordée demeurerait-elle insuffisante pour échapper à la détresse financière — 623 $ mensuellement pour une personne seule sans contrainte à l'emploi, soit 50 % du seuil de faible revenu — mais elle pourrait être réduite.

«Les dispositions du projet de loi n° 70 risqueraient en outre de porter atteinte à des droits garantis par les chartes : droit à la vie, à la liberté et à la sécurité et droit à l'égalité — articles 7 et 15 de la Charte canadienne; droit à la sécurité, à la vie et à l'intégrité, droit à un niveau de vie décent, droit à des conditions de travail justes et raisonnables, et non-discrimination dans la jouissance des droits — articles 1, 45, 46 et 10 de la charte québécoise. Le très faible niveau des prestations d'aide sociale a d'ailleurs été critiqué par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies, dont le dernier rapport sur le Canada appelle les provinces à les rehausser. Le droit international oblige les États à agir au maximum de leurs ressources disponibles pour assurer la réalisation progressive du droit à un niveau de vie suffisant et du droit à la sécurité sociale et prohibe — prohibe — toute mesure régressive. Les lois, politiques et programmes d'un État adhérant au PIDESC doivent donc permettre l'amélioration constante de la situation des personnes en regard de ces droits fondamentaux. Le projet de loi n° 70 ne va certainement pas dans ce sens.»

Il y a peut-être des gens qui, comme moi, n'affectionnent pas particulièrement les acronymes, le recours aux acronymes. Alors, le PIDESCJ, c'est le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le Président (M. Cousineau) : ...

M. Rochon : C'est bien, ça. Donc, voilà des universitaires qui, à partir des résultats de recherches sur les politiques publiques de l'emploi, émettent de grandes réserves, de grandes réserves relativement au projet de loi n° 70. Parmi ceux-là, il y a les Lapointe, Paul-André Lapointe, Sylvie Morel, Christine Vézina.

Alors, nous lisons cela, nous lisons des textes avec référence à des résultats de recherches, nous sommes inquiétés. Et, pendant ce temps, le ministre refuse de s'engager à rendre publiques rapidement, maintenant, les analyses d'impact effectuées avant que n'entre en vigueur le programme Objectif emploi. Nous avons de quoi nous inquiéter, mais nous n'avons rien pour nous rassurer.

À la place du ministre, s'il possède des études, des analyses rassurantes, qu'il ne fasse pas que les parcourir en nous les lisant, qu'il les produise. On pourrait même, je crois que la commission est équipée pour ce faire, s'il les dépose, les mettre en ligne. Est-ce que je me trompe, M. le Président?

Le Président (M. Cousineau) : Il n'y a pas de problème.

M. Rochon : Imaginez, imaginez le bénéfice en termes d'information du public qui nous suit.

Alors, encore une fois, je réclame et j'espère du ministre qu'il s'engage à rendre publiques les analyses d'impact effectuées avant que n'entre en vigueur le programme Objectif emploi, ce à quoi il souscrirait très, très, très clairement tout à l'heure, au moment où on va voter sur l'amendement de mon collègue de Saint-Jean pour que cette notion soit ajoutée après le premier alinéa de l'article 83.1. Hein, il souscrirait concrètement à l'idée en votant avec nous en faveur de cet amendement tout à fait pertinent du collègue.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Richelieu. M. le ministre.

M. Blais : M. le Président, peut-être faire un commentaire à mon tour, là, sur le texte qui est paru ce matin. C'est bien ce matin, là? Le temps passe vite, là, puis j'ai eu l'occasion de le lire et même prendre quelques notes là-dessus. Peut-être vous dire tout d'abord que j'ai été assez content de... j'ai vraiment l'impression que, malgré tout, là, au Québec, on progresse sur ce débat-là, c'est-à-dire qu'on ne refait pas les mêmes erreurs. Moi, en lisant le texte, je me suis rendu compte que les écueils dont j'ai parlé moi-même, dans un texte cette semaine, par rapport à Objectif emploi n'étaient à peu près pas repris dans ce texte-là. D'autres écueils, cependant, sont commis, et peut-être je vais corriger le tir un peu, là, si le collègue le permet, là.

D'abord, au sens strict, Objectif emploi ne s'inspire pas — donc, c'est le sous-titre de l'article — des pays nordiques, hein? Je n'ai jamais eu cette prétention-là d'avoir comme source d'inspiration les pays nordiques. Ce qui est arrivé dans le débat, disons, de société autour d'Objectif emploi, c'était qu'on a vu ce type de mesures là comme étant des mesures régressives, je pense que c'est une expression qui est utilisée dans le texte, ou des mesures de droite, de régimes qu'on voit aux États-Unis, en Angleterre et peut-être en Ontario parce que, hein, ce sont des gens, là, des Anglo-Saxons plus à droite que les Québécois, qui sont naturellement plus à gauche.

Ce que j'ai voulu montrer simplement dans l'argumentaire du débat de société, c'est que de telles mesures, donc, de réciprocité et d'imputabilité, elles existent aussi dans d'autres pays que l'on peut considérer facilement comme étant des pays de gauche, sociodémocrates. Il y a une raison sociologique pour ça, probablement, c'est que ceux qui connaissent un petit peu les pays scandinaves savent que ce sont des cultures protestantes, hein, et ce sont des gens très travaillistes, hein? Ça va, oui? Donc, hein, ils sont très travaillistes. Regardez, par exemple, le cas qui m'a toujours intéressé, de la Finlande, au niveau des droits de scolarité. Vous avez des droits de scolarité qui sont à zéro, à peu près, en Finlande, mais cependant l'accès à l'université est limité, là, aux meilleurs. Et, dès que vous n'avez pas un rendement suffisant, hein, vous pouvez perdre votre place à l'université. On n'a pas du tout cette approche-là au Québec où ailleurs, l'approche est un petit peu mixte.

Donc, premier argument, donc, Objectif emploi n'est pas d'inspiration sociale-démocrate, même s'il y avait une force dans l'argument à dire : Écoutez, tous les pays du monde le font, bien sûr, les pays peut-être un peu plus anglo-saxons, un peu plus exigeants, mais aussi les pays sociodémocrates, et ils le font de façon, disons, assez active et avec des exigences assez fortes.

• (20 h 30) •

Prenons, par exemple, le cas... Est-ce que je l'ai ici? C'est quand même assez fascinant, là, dans le cas de la Suède, hein, l'obligation, en Suède, là, pour les allocataires, les jeunes, c'est de se rendre à l'équivalent du bureau d'Emploi-Québec ici, du CLE, ça s'appelle le Jobcentrum, là-bas, et puis c'est une présence obligatoire au centre pendant trois heures par jour en alternance, matin et soir, d'une semaine à l'autre. Et là vous devez faire une recherche active d'emploi là-bas. Avant de sortir, vous présentez le travail que vous avez fait à la personne qui est l'équivalent du CLE pour montrer que vous avez fait une véritable recherche d'emploi, et puis que les emplois, pour le moment, que vous avez trouvés ne conviennent pas pour différentes raisons. On est en Suède, là. Les allocations sont généreuses, mais, bien sûr, les exigences de contrepartie sont très, très généreuses aussi. Mais j'aurais pu aller en Saskatchewan, j'aurais pu aller en Alberta, j'aurais pu aller en Ontario.

Donc, ce qui est intéressant, c'est que, si on essaie de faire un clivage gauche-droite sur cette question-là, c'est assez fascinant, si on essaie de faire un clivage gauche-droite sur cette question-là, on ne réussit pas vraiment à définir les sociétés, à dire : Bien, voilà, les sociétés plus à gauche ne feraient jamais ça, et les sociétés plus à droite le font, hein? Il n'y a pas vraiment de corollaire sur.

Dans les autres difficultés que j'ai vues dans le texte ce matin, qui sont des autres écueils, comme j'ai dit, qui méritent peut-être d'être corrigées, en espérant que le débat va continuer de progresser au Québec sur les véritables enjeux d'Objectif emploi, bon, on dit qu'on fait des omissions importantes en ce moment, on dit que la liste des participants, elle n'est pas définie. Au contraire, elle est très définie. D'ailleurs, on l'a déposée, elle est par règlement, bien entendu, mais elle est très claire. La liste des participants, comment je pourrais dire, elle n'est pas aléatoire, elle s'explique aussi assez bien. Je pense qu'on a eu l'occasion de faire quelques arguments là-dessus.

Contrairement à ce qui est dit aussi, ce n'est pas le ministre... Alors là, je pense que j'ai la citation des auteurs : Le ministre définit unilatéralement les engagements du nouveau prestataire. Donc, si on avait l'occasion de se rendre un petit peu plus loin dans la lecture du projet de loi, on verrait comment, hein, ce travail-là est fait. Et, bien sûr, ce n'est pas le ministre qui décide : Toi, jeune homme, tu vas aller aux études, tu vas finir ton secondaire V. Toi, jeune fille, c'est plutôt un emploi. On sait bien que c'est la personne qui décide, mais, bien sûr, elle décide en supervision avec un agent qui essaie de voir exactement qu'est-ce qui est le plus réaliste selon sa situation. Mais ce n'est pas le ministre qui décide unilatéralement. Donc, c'est probablement une petite erreur, là, d'enthousiasme que les auteurs ont causée à ce moment-là.

Alors, ce qui est aussi important dans le texte et ce qui n'est pas mentionné, là, on laisse entendre que les pénalités sont là pour longtemps. Le programme Objectif emploi dure 12 mois, et il est toujours possible pour les prestataires de se reprendre. C'est-à-dire, même ceux qui ont eu des manquements, dès qu'ils se reprennent, donc, dès qu'ils reviennent dans le parcours qu'ils ont décidé eux-mêmes, bien sûr, ils retrouvent leurs pleins droits.

Le projet de loi, on l'a mentionné ici, malgré ce qui est dit dans le texte, et ça, vraiment, là, on a eu une bonne discussion là-dessus, le projet de loi, il respecte la loi qui vise à lutter contre la pauvreté. Cependant, il y a un problème d'interprétation de cette loi-là. Il y a des gens qui disent qu'on ne peut pas du tout diminuer une prestation, même une prestation de base. On sait bien que ça se fait déjà aujourd'hui. Donc, on diminue les prestations de base dans certaines circonstances. Donc, on s'inscrit dans le même continuum.

Et il y a toute une section qui est rédigée, là, qui est un petit peu verbeuse, là, mais qui porte sur le droit, je m'excuse pour les légistes qui sont derrière moi, là, mais qui essaie de faire valoir qu'il existe une richesse juridique importante qui nous empêcherait de commettre des exigences de réciprocité. Encore une fois, je l'ai dit, ces exigences de réciprocité, au niveau international, elles sont plutôt la norme que l'exception. L'exception, elle est plutôt ici. Et tous les pays que j'ai déjà nommés ici, je peux les renommer encore une fois, le Danemark, la Suède, les Pays-Bas, la Saskatchewan, Norvège, Alberta, bon, les provinces canadiennes, l'Angleterre, la France, les États-Unis, tous ces pays-là font quand même partie, aux dernières nouvelles, des Nations unies. Ils sont considérés comme étant... oui, voilà, Saskatchewan, j'ai dit la Saskatchewan... sont considérés aussi comme honorables, là.

Donc, encore une fois, je peux comprendre qu'on utilise des leviers de déclaration qui sont... des déclarations qui ont une certaine importance, mais de là à dire qu'Objectif emploi est contraire, là, à la législation internationale, c'est pousser un peu la note, je pense, sur l'état du droit international, justement.

Alors, voilà quelques remarques sur le texte qui est paru ce matin.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Richelieu, en vous rappelant qu'il vous reste 1 min 26 s.

M. Rochon : Juste suffisamment de temps pour faire remarquer au ministre, qui présente le Québec comme une exception, que ce n'est pas un défaut d'être exceptionnel, hein? En quoi serait-ce un défaut d'être exceptionnel, être distinct, de faire les choses autrement, d'être meilleur, hein, de dépasser les autres sociétés? Je ne trouve pas que c'est un défaut, d'être exceptionnel si, tel que le ministre l'avance, le Québec constituerait plutôt l'exception.

Autre remarque brève, puisqu'il me reste une minute, je suis d'accord sur une chose avec le ministre. C'est vrai que ce n'est pas du tout inintéressant, cette discussion que nous avons et que les téléspectateurs et téléspectatrices peuvent suivre. Ce qui me fait penser à l'intérêt que constituerait une autre proposition que nous avons faite dans un amendement antérieur : soumettre l'examen des règlements à une période de discussion de six heures, maximale ou minimale, comme le ministre le voudrait, pendant laquelle nous pourrions inviter des experts et des chercheurs à se prononcer. Imaginez la conversation nationale.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Richelieu. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le député de Rimouski.

M. LeBel : Combien de temps?

Le Président (M. Cousineau) : Bien, vous débutez votre 13 min 5 s.

M. LeBel : O.K. Merci, M. le Président. J'aimerais commencer par... Le ministre a dit quelque chose tantôt, là, ça m'a frisé les oreilles. C'est le côté paternaliste, là. Puis là il a essayé de trouver un bon... paternalisme bienveillant, où il disait avec un petit sourire : On pourrait peut-être penser... On pourrait peut-être leur enlever le permis de conduire. On pourrait peut-être, je ne sais pas, moi, les priver de leur iPad le soir ou priver de dessert. Je ne sais pas, peut-être que ça pourrait les aider à s'intégrer. Ils ont besoin de quelque chose, là, pour... C'est ce genre d'idée, là, de Dieu le Père qui sait...

On parle de gens adultes, là, on parle de jeunes adultes, tu sais, on ne parle pas d'enfants, là. Il me semble qu'on ne devrait pas aller dans ce genre de discours là. Tu sais, on parle de personnes qui ont vécu des moments difficiles ou qui vivent un stress énorme, qui vivent avec pas grand-chose. On ne devrait pas faire ce genre de commentaire, à mon avis, là, là-dessus.

M. Blais : Moralisateur.

M. LeBel : Un peu moralisateur, oui. Tu sais, ces gens-là, on n'a pas besoin de les priver de dessert pour leur dire que ça ne va pas bien puis qu'ils seraient bien mieux avec un travail ou avec une démarche. Ils n'ont pas besoin de ça. Ils le savent. Ils le savent puis ils ont juste besoin d'être accompagnés. Ils n'ont pas besoin qu'on... Ils ont déjà assez de préjugés sur le dos. Qu'on commence à rajouter ça, je trouve que c'est un peu... ce n'est pas très drôle.

Mais il y a ce côté-là du gouvernement souvent, le côté Dieu le Père, là. Moi, je le vis dans les dossiers de régions, là. Je me rappellerai toujours une question que mon collègue de Gaspé posait au ministre des Transports sur les transports en Gaspésie, puis le ministre a dit : Voyons donc! Mais ce n'est pas en Gaspésie que ça se passe, c'est ici, là, c'est à Québec que ça se passe, c'est à Québec. Tu sais, le côté un peu paternaliste, là, de Dieu le Père, qui est à Québec, qui sait par-dessus tout le monde ce qui est le mieux pour les régions, puis le monde, puis etc., ça ne me rentre pas. J'ai de la misère à accepter ça. Bref, là, je l'ai dit. Une affaire de dite.

L'autre chose que je voulais... un rappel. Il y a une loi...

Le Président (M. Cousineau) : Sûrement que vous allez nous ramener à l'amendement.

• (20 h 40) •

M. LeBel : Éventuellement. Sûrement. Il y a un rappel que je veux amener, il y a une loi-cadre qui existe, la loi pour lutter contre la pauvreté. Puis je profite ici... Derrière, il y a la députée de Pointe-aux-Trembles, qui a travaillé sur cette loi-là puis, comme vous, M. le ministre, qui était assise de l'autre côté, qui a accueilli je ne sais pas combien de personnes qui sont venues témoigner, puis témoigner, puis témoigner, qui ont donné leur opinion sur... pour lutter contre la pauvreté. Puis il y avait toutes sortes d'opinions. J'expliquais, le Conseil du patronat, à l'époque — elle va s'en souvenir — qui disait : Après cinq ans d'aide sociale, si tu n'es pas sorti, là, dehors, tu sais, puis là dans la rue, puis...

Tout le monde a négocié, tout le monde a discuté ensemble — pas négocié, discuté — pour arriver à un compromis qui a été adopté par tout le monde partout, tous les partis politiques. Ça a été un... Mais cette loi-là, c'était le grand consensus québécois. Puis je veux saluer le travail de la députée de Pointe-aux-Trembles, à l'époque, qui a travaillé beaucoup là-dessus. Puis ça prenait beaucoup d'écoute, beaucoup d'écoute puis pas trop de préjugés, même pas de préjugés pantoute. C'est comme ça qu'on fait avancer les affaires. On a réussi à les faire avancer.

Depuis ce temps-là, ça, c'est début 2000, le gouvernement du Parti québécois perd le pouvoir en 2003, ça a été presque des gouvernements libéraux depuis ce temps-là. Mais les libéraux n'ont pas remis ça en question, ils ont travaillé avec ce projet de loi là, cette loi-là, parce qu'elle avait été adoptée unanimement. Là, il y a eu des plans d'action, des plans d'action pour arriver... Récemment, il y en a un autre, plan d'action qui a été déposé où la consultation a été un peu, on pourrait dire, ciblée, pas une grande consultation.

Puis je rappellerai aussi, sur le projet de loi de la lutte à la pauvreté, après 10 ans, là, il y a eu un rapport, mais ça aurait été bien de prendre le temps d'étudier ce rapport-là avec les parlementaires. Ça aurait été bon parce que ce projet de loi a été adopté par tous les parlementaires. Ça n'aurait pas été mauvais qu'on prenne le temps... parce qu'on voit que le Québec se situe meilleur pour lutter contre la pauvreté, meilleur que l'Allemagne, que l'Irlande, Royaume-Uni, pas mal meilleur que le Canada. Bon, il y a peut-être des questions. Les pays nordiques sont meilleurs que nous autres. Pourquoi? On aurait pu discuter, les parlementaires ensemble, puis avoir des réponses, mais ça, le gouvernement a décidé de ne pas faire ce genre de consultation.

Ensuite, il y a eu le plan d'action, consultations très serrées. Là, le projet de loi n° 70 qui nous arrive, il remet tout en question. Moi, je pense qu'il remet en questions des valeurs, pas toutes, mais des valeurs assez importantes de la loi-cadre. On fonce là-dedans tête première. En même temps, le premier ministre donne un mandat au ministre de travailler sur le revenu minimum garanti, le revenu de base. Ça arrive du champ gauche. Mais là il me semble qu'on aurait dû, avant, faire un vrai bilan de la loi-cadre, s'entendre sur un vrai plan d'action puis, à partir de là, faire un projet de loi pour lutter... pour aider les gens à l'aide sociale à partir de la grande consultation. Puis, peut-être, si on veut parler d'un revenu de base, c'est... Mais là on est à l'envers. On part tout de suite, on a un projet de loi n° 70 qui intervient au niveau de l'aide sociale, on a un mandat qu'on ne sait pas trop comment le ministre... comment il prend ce mandat-là, là, sur le revenu minimum. On n'en entend pas parler, mais tout ça sans qu'on puisse avoir le temps de discuter sur le bilan de nos dernières années de lutte à la pauvreté. Ce qui est un peu dommage parce qu'on aurait pu prendre ça autrement.

L'autre rappel, si je rappelle un peu la prémisse que j'ai expliquée ici hier ou avant-hier, je ne me souviens plus, la prémisse qui roule, même si ce n'est pas les mots du ministre, mais c'est un peu ça qui est dit, c'est que... quand il parle, tantôt : On pourrait les couper, il faut leur donner, il disait forcer, forcer la note, tu sais, il disait : Il faut forcer. Bien, ça laisse entrevoir que, pour aider une... quelqu'un qui a... si tu veux avoir ton chèque, il faut que tu fasses tes efforts. Tu veux avoir un chèque, fait des efforts. Mais ça, derrière ça, beaucoup, beaucoup de préjugés, comme si ceux qui ont des chèques, là, ne font pas les efforts. Mais on laisse entrevoir ça.

Après ça, on arrive par des statistiques qui ne sont pas toujours très claires, mais qui essaient d'expliquer que les gens qui sont à l'aide sociale, là, puis on ne sait pas trop si c'est des primodemandeurs, c'est l'ensemble, on ne sait pas trop, là, c'est plus large, mais il englobe tout le monde... prouver que ces gens-là ne participent pas d'eux autres même, ils ne répondent pas aux convocations, ils ne viennent pas, puis ceux qui viennent, ils débarquent, là, pour montrer que, si on ne les oblige pas, on les perd. Tu sais, il faut faire quelque chose pour les obliger, sinon on les perd. Là, il nous emmène plein de statistiques là-dessus pour arriver à la conclusion que, s'il n'y a pas de menace de couper, bien, il ne se passera rien. Ça fait qu'il faut forcer la note, comme dit le ministre.

Dans le projet de loi, le comité consultatif pour la lutte à la pauvreté, le comité qui est mandaté par le ministère, qui est à ses bureaux, à même le ministère, arrive dans son mémoire sur la loi n° 70, nous dit que, dans les règlements, c'est là que ça se cache, les détails — puis, j'explique souvent, le diable est dans les détails — c'est dans les règlements qu'on peut voir un peu plus ça va être quoi, les sanctions, c'est quoi, un parcours, c'est quoi, un emploi convenable, etc., c'est tout dans les règlements, puis que les règlements ne sont pas discutés, puis, là-dedans, il y a beaucoup d'arbitraire. Ça fait que c'est pour ça qu'on veut en discuter. On veut voir si c'est si fondamental. Puis ce n'est pas juste nous autres qui le dit, là, c'est le comité qui doit conseiller le ministre et c'est... il y a plein d'autres organismes, là, qui nous le disent.

Pour nous autres, c'est important d'aller voir exactement dans les règlements et c'est pour ça qu'on aurait aimé, puis on était proches, là, d'y arriver, mais on n'y est pas arrivés... mais c'est pour ça qu'on essaie de rajouter des amendements par-dessus amendements pour essayer de donner des garde-fous, donner certaines protections aux gens parce que, là, ce qu'on vient de travailler, ce qui était à l'encontre de la loi-cadre, ce que disait aussi le comité d'étude de la lutte à la pauvreté, c'est qu'on vient toucher ce qu'on appelait dans le jargon le barème plancher. Tu sais, arriver avec des sanctions sur le minimum de ce que les personnes peuvent avoir, on vient... On avait convenu au Québec qu'il y avait un certain niveau, on ne pouvait pas penser que les gens puissent vivre avec ça. L'autre jour, je déposais un budget, là, de quelqu'un de Rimouski à l'aide sociale, là. Vivre avec 700 $ par mois quand tu as un loyer à quasiment 400 $, ça ne marche pas, là. Ça fait qu'il y a un genre de minimum. Et là la loi-cadre disait : Bien, on ne peut pas aller plus bas que ça. Mais là le projet de loi qui nous arrive, selon les sanctions puis ce qui est prévu au règlement qu'on ne peut pas discuter, bien, on pourrait aller plus bas que le barème plancher. Ça fait que c'est pour ça qu'on veut en discuter.

Ce qui est fondamental derrière ça, le ministre le sait, puis...

Le Président (M. Cousineau) : ...

M. LeBel : Je vais finir rapidement, j'achève.

Le Président (M. Cousineau) : Poursuivez, M. le député.

M. LeBel : Le ministre le sait, ce qui nous accroche, c'est les fameuses sanctions. Puis les fameuses sanctions... Dans le rapport sur les 10 ans de la loi de lutte à la pauvreté, le Québec se situe à peu près au milieu, pas mal meilleur que le Canada, meilleur que l'Allemagne ou à peu près la même chose que l'Allemagne, Irlande, Royaume-Uni. Les pays nordiques, la Suède, la Finlande, Danemark, sont meilleurs que nous autres. Le ministre amène ça souvent.

Je vais juste rappeler, puis ça, souvent, on l'oublie, même nous autres, on l'oublie, là, on parle de pays. Nous autres, on est une province. On n'est pas un pays. On nous compare avec des pays. Tantôt, le ministre disait : C'est tous des membres de l'OCDE. Il mêlait la Saskatchewan avec l'Irlande, avec... bon. La Saskatchewan n'est pas encore à l'ONU, là, ou je ne sais pas trop quoi. Ça me surprendrait. En tout cas, s'ils y sont arrivés avant nous autres, c'est bien tant mieux pour eux autres, mais là on parle de pays.

Quand on compare avec la Suède... L'autre jour, j'ai écouté un reportage. Tu sais, en Suède, là, les garderies, c'est gratuit. Les gens, ils ont accès à des garderies. Les gens qui vivent dans la difficulté, les familles plus démunies ou les femmes qui veulent intégrer le marché du travail, il y a des garderies. Nous autres, ce n'est pas ça qu'on fait au Québec. Là, on est en train de détruire le réseau des centres de la petite enfance.

Il y a des éléments... Pourquoi que ces pays-là, ils ont réussi à protéger ou à sortir de la pauvreté? Ce n'est pas qu'une histoire de chèques aux bénéficiaires, c'est une communauté qui se prend en main. Et ça, on ne le voit pas dans... Ce n'est pas une affaire juste de sanctions, tu sais. Ça fait que c'est pour ça que j'aimerais ça... qu'on veut en discuter.

Puis là le ministre nous parle d'études. Ses collègues, là, des... Pierre Isalys? Paul...

M. Blais : Issalys.

M. LeBel : ...Issalys, que vous connaissez bien, Paul-André Lapointe, Sylvie Morel, Christine Vézina. Je vais vous lire la conclusion.

Le Président (M. Cousineau) : Deux minutes.

M. LeBel : Deux minutes? Je fais ça vite. «Selon la littérature scientifique, l'approche coercitive et punitive ne contribue pas à réduire durablement la pauvreté. Au contraire, elle accroît la part des emplois mal rémunérés, peu qualifiants et précaires dans l'emploi total, comme en témoignent les cas des États-Unis [...] du Royaume-Uni.» Je pourrai lire plus tard, mais là on se garroche des études. Non, il n'y a pas d'étude.

Moi, il me semble qu'on devrait réussir à discuter ensemble sur l'histoire des sanctions. Je pense que le ministre a des objectifs intéressants, c'est intéressant, ce qu'il veut faire, mais les sanctions, ça accroche. Est-ce qu'il y a moyen, par exemple... Le ministre ne sait pas, parce qu'il n'a pas les statistiques, il ne sait pas le... Je lui ai demandé des statistiques sur les primodemandeurs. Qui arrive ou s'inscrit en arrivant au bureau? Qui s'inscrit dans les cinq jours? Qui s'inscrit dans le mois? On n'a pas les statistiques. Vous ne le savez pas dans votre propre ministère, exactement, les statistiques. Je pense que ce serait bon de savoir ça parce que c'est là, c'est là que ça se joue. Quand la personne arrive au bureau, il ne faut pas l'échapper. Ça fait que c'est là que ça peut se jouer.

Est-ce qu'on ne pourrait pas s'assurer à l'entrée? Est-ce qu'il y a quelque chose à faire à l'entrée pour s'assurer qu'on n'échappe pas personne? Il me semble qu'il y a quelque chose à faire là. C'est là qu'il faut que ça se joue, pas sur les sanctions ou de leur dire qu'on va leur couper le dessert ou enlever leur permis de conduire pour s'assurer qu'ils vont trouver une job. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Rimouski. M. le ministre, voulez-vous réagir?

• (20 h 50) •

M. Blais : Bien, tout d'abord, il faut bien... Il y a plusieurs choses dans ce qui a été dit, là. La première chose, c'est que — ça, il faut le répéter — les sanctions et les obligations ne sont pas des fins en soi. Dans le fond, ce que l'on veut, ce que l'on aimerait, c'est un plus fort taux de participation à des mesures qui peuvent faire la différence, ne serait-ce que terminer ses études, ne serait-ce que chercher un emploi, ne serait-ce que faire le ménage dans sa vie parce qu'on n'est pas encore prêt, là, à ça.

Donc, les obligations, et parce qu'il y a obligations il y a sanctions sous une forme monétaire ou quelque autre forme, là, c'est simplement pour augmenter le taux de participation parce qu'on pense et on sait que, quand le taux de participation augmente, et ça, on a des bons chiffres là-dessus, quand on regarde tous ceux qui ont participé à nos mesures jusqu'à la fin, le taux de sortie est vraiment, là, très, très, très intéressant. Peut-être que je pourrais rappeler ces chiffres-là avant la fin de la soirée. Donc, ce n'est vraiment pas une finalité. Donc, je suis toujours prêt à discuter de ça, là, avec les collègues.

L'autre chose, il ne faut pas comprendre... Je n'ai jamais dit et pensé qu'il y aurait quelque chose comme une corrélation entre le taux de pauvreté dans les pays et le fait qu'il y ait des obligations parce que ce qu'on voit bien ici, c'est qu'il y a des pays qui ont un taux de pauvreté assez élevé où il y a des obligations, et il y a des pays où le taux de pauvreté est très faible, parmi les plus faibles, où il y a des obligations très fortes. Donc, on voit bien qu'il y a d'autres mesures qui font en sorte que des pays réussissent à mieux faire dans la lutte contre la pauvreté. Alors, je ne dis pas qu'il y a une corrélation forte à ça, mais je ne dis pas non plus que ça ne peut pas aider des gens à sortir de la pauvreté. Donc, il faut faire attention.

Donc, dans les chiffres les plus récents qu'on avait, mais ça va changer probablement cette année, la province canadienne où le taux de pauvreté était le plus faible, c'était l'Alberta. Pourquoi? Pas à cause des mesures sociales, je ne suis pas certain que, par exemple, le système de garderie soit très développé, hein, en Alberta, ça m'étonnerait, mais parce que l'économie et les salaires sont «boostés», bien sûr, par une économie du pétrole, en tout cas, un peu moins en ce moment.

Donc, pourquoi certains pays réussissent mieux que d'autres, là, ces différents types de mesures redistributives? Nous, on n'a pas le pétrole, on a autre chose, mais on a aussi des mécanismes de transfert qui opèrent assez bien quand on compare avec l'Alberta. L'Alberta, les revenus... Essentiellement, l'Alberta, les revenus primaires sont assez élevés, donc permettent à plusieurs personnes de sortir des seuils de faibles revenus. Au Québec, les revenus primaires sont moins élevés, mais les revenus secondaires, donc après effet redistributif, sont plus importants. On ne fait pas aussi bien que l'Alberta, mais on compense quand même de façon très intéressante. Donc, il n'y a pas de corrélation. Et je n'ai jamais voulu dire qu'il y avait une corrélation forte, en tout cas, dans ce qu'on peut voir, entre le fait qu'un pays ait des obligations et le taux de pauvreté.

J'ai prêté moi-même le mot, volontairement, là, à mon collègue, qu'il faut éviter d'être moralisateur, là, puis c'est vrai. Mais parfois, surtout dans une conception, disons, un peu libérale au sens philosophique, là, de la société, c'est-à-dire où on pense que, dans une société moderne, les individus doivent pouvoir choisir le type de vie qu'ils veulent mener — hein, c'est un peu comme ça que je définirais le libéralisme, le droit de chacun de définir sa vie — c'est difficile d'imposer des choses aux gens. Par exemple, on a eu un débat très intéressant sur les soins de fin de vie et l'aide... l'assistance... pas l'aide à mourir, l'assistance à mourir?

Une voix : ...

M. Blais : L'aide médicale à mourir? Bon, l'aide médicale à mourir. Bon, ça aurait été impossible d'avoir le même débat dans les années 60 dans la culture religieuse dans laquelle on est. Dans une culture plus libérale au sens philosophique, où on pense que les gens ont le droit aussi de décider du type de vie qu'ils veulent vivre et du type de fin de vie qu'ils veulent vivre, ça a été possible de dire : Oui, dans certains cas, les gens pourraient demander l'aide de fin de vie.

Donc, moi, je suis tout à fait d'accord qu'il faut éviter d'être moralisateur et laisser les individus... mais, en même temps, du point de vue philosophique, encore une fois, quand des gens n'ont pas eu la chance — et ça, le collègue va le reconnaître avec moi — que beaucoup d'autres ont eue d'être entourés, qu'ils ont eu des difficultés, etc., et compte tenu de l'importance, quand on est jeune, de définir de façon minimale son potentiel humain pour le reste de sa vie, on peut justifier, du point de vue des principes, une intervention, comme, par exemple, on accepte qu'il faut intervenir dans les cas des personnes qui sont suicidaires. Les personnes traversent une période difficile, et on va intervenir, si nécessaire, pour les protéger. Il y a des circonstances comme ça. Je trouve ça tout à fait acceptable de le faire, là, dans le cas des primodemandeurs. On leur donne une chance.

Je rappelle aussi qu'on insiste beaucoup sur des pénalités. Nous, on ne croit pas, hein, qu'il va y avoir beaucoup de gens qui vont aller vers les pénalités. Je vous rappelle que, dans la façon dont on fonctionne, hein, ça prend un certain temps avant d'aller chercher le maximum de pénalités. Donc, il y a plusieurs étapes à franchir, et les gens ont le temps de penser, de réfléchir. Et surtout que le programme est très généreux, c'est-à-dire que les bonifications que l'on donne... il ne faut pas l'oublier, hein? Essentiellement, ce projet-là, c'est un projet de bonification de l'aide sociale pour encourager les gens à s'en sortir puis faciliter leur vie dans cette période de transition. Le problème que l'on a, c'est qu'on l'a fait avec Alternative jeunesse, on a fait des bonifications, mais malheureusement les gens sont venus les chercher pendant un bout de temps, et puis abandonné pour toutes sortes de raisons qui étaient difficiles à comprendre. Donc, notre taux de rétention étant tellement faible, on a décidé de poser un geste supplémentaire, c'est ce geste-là, je pense, avec lequel on a un désaccord, pour essayer de les maintenir davantage, là, dans une démarche.

Moi, jusqu'ici, j'ai toujours essayé d'éviter de porter un jugement moral sur les attitudes des gens, dire : Les gens ne veulent pas faire d'effort. Les gens sont paresseux. Je n'ai jamais parlé dans ces termes-là, j'ai évité ça. C'est une réalité que l'on a, malheureusement. On offre beaucoup de programmes. Encore récemment, là, je ne sais plus de quelle région... Qui était là? Je ne sais pas si Johanne était là. Je pense qu'on a eu une rencontre avec des directeurs régionaux, et il y a une directrice qui disait qu'elle avait fait...

Une voix : ...

M. Blais : ...directrice des Laurentides, hein, qui a fait une convocation pour offrir les programmes disponibles pour les bénéficiaires de l'aide sociale. Je ne suis pas certain que c'était aux primodemandeurs, cependant, je pense que c'était une convocation pour un CLE. 60 personnes ont été convoquées, M. le Président, cinq sont venues à la rencontre pour se faire expliquer un peu les différents programmes, et deux ont commencé, je n'ai pas dit qu'ils ont terminé, deux ont commencé. C'est très, très, très insuffisant. Je pense qu'on peut faire un peu mieux. On peut être un peu plus exigeants puis croire dans le potentiel des gens.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Un autre intervenant? Alors, avant de passer à l'opposition officielle, est-ce que les... par alternance, la deuxième opposition? Non? M. le député de Drummond—Bois-Francs, peut-être?

M. Schneeberger : Oui, concernant... c'est parce que, là, je trouve qu'on est rendus très loin de l'amendement. Le principe est bon. Par contre, ce n'est pas un amendement qui devrait être placé au 83.1, c'est peut-être un amendement qui devrait être placé, là, sur les articles qui s'en viennent un peu plus tard. Alors, il faudrait peut-être placer les articles où est-ce qu'ils se doivent être placés... oui, les amendements, pardon.

Là, on entend beaucoup de discussions, les pays scandinaves, partout dans le monde, et autres. Vous savez, les politiques, là, ça marche aussi avec la mentalité. Et ici on n'a pas une mentalité scandinave. Puis je peux vous dire que je suis né à une autre place sur la planète, ça fait que je suis un peu placé pour savoir un peu les mentalités. Et puis, souvent, on voit les pays scandinaves, pays scandinaves, mais souvent, malheureusement, les parties ici qui se disent plus sociales ou à gauche prennent l'exemple des pays scandinaves ou la Suède dans les années 80. Mais les années 80, là, 70, là, la Suède, là, était sur le bord du gouffre. Puis aujourd'hui, avec les années 90, il y a eu des réformes énormes qui ont été faites en Suède. Puis aujourd'hui on a, en Suède, des hôpitals privés qui sont cotés à la bourse, M. le Président. Alors... Comment?

Une voix : Des hôpitaux.

M. Schneeberger : Des hôpitaux, oui. En tout cas...

Alors, il faudrait faire attention quand on parle de réforme ou autre parce que je pense qu'on... il faudrait peut-être comparer avec des données d'aujourd'hui, actuelles, et non 30 ans dans le passé. C'est bien important.

Puis il y a des réformes, il y en a énormément qui se sont faites en Suède parce que, financièrement, ça ne marchait plus. Alors, moi, à moins qu'on veut reprendre les mêmes erreurs, là, il faudrait faire attention.

Ça fait que moi, j'ai toujours un petit peu un problème quand on vient dire : Ah! la Suède, la Suède, la Suède. Mais, premièrement, ça n'a pas marché. Ils ont reviré de bord, puis, à l'époque, le parti socialiste, là-bas, là, a dû faire des grosses réformes qui étaient plus de droite pour quelles raisons? Parce qu'ils étaient dans le trou. Puis nous, on dirait qu'on regarde ça puis on veut faire pareil. Mais on n'est pas pire là-dedans, pour se mettre financièrement dans le trou, on peut dire ça, hein, une belle expression du Québec, là. On n'est pas pire. Alors, déjà, il faudrait déjà devenir un État plus riche, puis ça enlèverait un peu aussi de pauvreté, bon.

Alors, moi, j'aime ça, là, on a des belles discussions depuis des heures et des heures sur un article, mais la réalité, là, c'est qu'on n'avance pas. Il n'y a absolument rien qui se passe. Et puis on veut refaire le monde, là, mais la réalité, c'est que, là, on va encore finir ce soir à 22 h 30 puis on sera tous au même point. Bon, alors, bon, continuons, continuons. Je veux dire, on aime ça perdre du temps.

Je pense que, depuis le...

• (21 heures) •

M. LeBel : ...

Le Président (M. Cousineau) : Oui, M. le député de Rimouski, vous avez un point de règlement?

M. LeBel : On aime ça perdre du temps... Je n'ai pas l'impression qu'on perd notre temps. Si le député a l'impression qu'il perd son temps, c'est son problème à lui, mais je n'ai pas l'impression de perdre mon temps.

Le Président (M. Cousineau) : Parfait! Alors, poursuivez, M. le député de Drummond—Bois-Francs. Faites attention pour ne pas blesser les gens.

M. Schneeberger : Bien, c'est mon problème, c'est correct. C'est bon. Je suis capable de vivre avec.

Le Président (M. Cousineau) : Parfait!

M. Schneeberger : Alors, moi, ce que j'aimerais, c'est qu'on puisse avancer. Puis si maintenant on parle d'amendement d'article, bien, qu'on commence par parler de l'article, pas essayer de refaire le monde à chaque fois. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Drummond—Bois-Francs.

Avant de poursuivre, nous sommes à mi-parcours, je vais vous proposer une suspension de cinq minutes.

M. Turcotte : J'aimerais peut-être juste terminer ma 2 min 30 s qu'il me reste sur cet amendement-ci.

Le Président (M. Cousineau) : Ah! il vous reste beaucoup plus. 2 min 30 s?

M. Turcotte : Oui, c'est ce qu'il me reste.

Le Président (M. Cousineau) : Ah bon! Bien oui! Bien, on va vous donner votre 2 min 30 s. Allez-y, M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : En conclusion. Bien, le ministre me donne de nouveau l'occasion de revenir à la charge en mentionnant que son collègue, l'actuel ministre de l'Éducation, sur l'idée de mettre l'école obligatoire jusqu'à 18 ans, le ministre de l'Éducation actuel mentionne : «Je n'en suis pas là. Je n'ai pas entendu au Québec que les gens valorisent un modèle comme ça. La pénalité, la stigmatisation [...] pour moi, ce n'est pas l'avenue à prendre.» Il ajoute dans un autre article : «Ce que j'ai dit, c'est que j'étais contre les pénalités, contre le fait de punir des gens.»

M. le Président, le ministre nous dit, pour justifier les sanctions à l'aide sociale, que dans certains pays, dans certaines provinces, dans certains endroits, bon, on retire le permis de conduire, on oblige les gens à l'école jusqu'à 18 ans, etc. Son collègue, celui qui le remplace à l'Éducation, lui, il est contre les sanctions pour l'école jusqu'à 18 ans.

Je pourrais rappeler... Le ministre aime rappeler 1998. Le ministre aime rappeler 1998, bon, les mesures que nous avons prises à l'époque. Je pourrais lui parler de 2005, ministre Michelle Courchesne, qui a retiré les sanctions à l'aide sociale. Je pourrais vous parler de feu Claude Béchard, qui, assez direct, là : «"Au lieu de punir les gens, on y va par l'incitation. Un des axes majeurs et prioritaires de ce plan, c'est la valorisation du travail, de l'effort et de la participation", a affirmé hier le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille...» Il a retiré les sanctions parce qu'il trouvait qu'au lieu de punir les gens on y va par l'incitation, hein?

M. le Président, on est loin de l'époque où le gouvernement libéral avait à coeur d'aider les gens à se sortir de la pauvreté. C'est à peu près à la même époque où le ministre actuel a écrit son livre. Donc, s'il veut sortir les gens de la pauvreté, il doit éliminer les sanctions.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. le député de Saint-Jean. Un petit mot...

M. Blais : ...il faudrait que je regarde le texte de mon collègue, là, de l'Éducation, mais, si je me souviens bien, puis les collègues de la CAQ vont pouvoir me rappeler la teneur du débat, là, il y a eu un débat sur l'obligation d'aller aux études jusqu'à 18 ans, et donc «obligation» dit : Il doit y avoir une pénalité si on ne le fait pas. Si je me souviens bien, dans la première formulation de la CAQ, ça a peut-être évolué depuis, la pénalité, si je peux... ce n'est pas une pénalité qui était du gouvernement, mais c'était l'impossibilité pour quelqu'un qui quittait l'école d'avoir un emploi, si je me souviens bien de la pénalité qui était proposée.

Donc, vous vous rendez compte? Quelqu'un qui quitte l'école, qui ne peut pas avoir un emploi parce qu'on fait une loi l'interdisant plus le fait qu'il ne peut pas avoir d'aide sociale parce qu'il n'a pas 18 ans, vous comprenez que c'est amener quelqu'un dans une situation, là, de dénuement assez important. On n'est pas du tout au même niveau ici, là.

Et, si on veut, disons, favoriser les élèves à terminer leur secondaire V ou leur diplôme, il faudra trouver des formes d'obligation quelconque, des modifications à la Loi de la protection de la jeunesse, qui sait, mais ce en quoi, là, disons, mon collègue en avait, si je me souviens bien, c'était l'idée que quelqu'un qui quitte ne puisse même pas travailler et même pas avoir l'aide sociale. Donc, c'est le dénuement. On n'est pas du tout à ce niveau-là, là. On est tout simplement en train de dire : On bonifie l'aide sociale. Il pourrait y avoir des diminutions si l'engagement que vous avez pris n'est pas maintenu. Ces diminutions-là sont quand même assez limitées, là. Voilà.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Alors, à ce moment-ci, je vais suspendre, je vous dirais, un cinq, six minutes, là, pour que vous puissiez aller vous rafraîchir. À votre retour, votre café et votre breuvage sera sur votre table.

Alors, je suspends.

(Suspension de la séance à 21 h 6)

(Reprise à 21 h 17)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, nous reprenons...

Des voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Votre attention, s'il vous plaît! Votre attention! Nous reprenons nos travaux.

Alors, le temps qui nous était alloué pour l'amendement de M. le député de Rimouski est terminé, du moins pour les oppositions, l'opposition officielle et la deuxième opposition. Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté ministériel? Sinon, est-ce que l'amendement proposé par M. le député de Rimouski est adopté? Oui, M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Nous pourrions poursuivre nos bonnes habitudes et procéder par un vote par appel nominal.

Le Président (M. Cousineau) : M. le secrétaire, votre par appel nominal.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. LeBel (Rimouski)?

M. LeBel : Pour.

Le Secrétaire : M. Rochon (Richelieu)?

M. Rochon : Pour.

Le Secrétaire : M. Turcotte (Saint-Jean)?

M. Turcotte : Pour.

Le Secrétaire : M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)?

M. Schneeberger : Contre.

Le Secrétaire : M. Blais (Charlesbourg)?

M. Blais : Contre.

Le Secrétaire : Mme Sauvé (Fabre)?

Mme Sauvé : Contre.

Le Secrétaire : M. Hardy (Saint-François)?

M. Hardy : Contre.

Le Secrétaire : M. St-Denis (Argenteuil)?

M. St-Denis : Contre.

Le Secrétaire : Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?

Mme Simard : Contre.

Le Secrétaire : M. Polo (Laval-des-Rapides)?

M. Polo : Contre.

Le Secrétaire : M. le Président?

Le Président (M. Cousineau) : Je m'abstiens. Donc, l'amendement déposé par M. le député de Rimouski est rejeté, d'accord?

Nous poursuivons nos travaux. Et j'avais ici un amendement qui m'avait été déposé. Est-ce que ça vient de vous, ça, M. le ministre?

M. Blais : Je ne crois pas.

Le Président (M. Cousineau) : Ministre, distribué...

M. Blais : Je vérifie.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, j'avais ça ici, là, avant de discarter...

M. Blais : Ah oui! Donc, alors, il y a un certain temps de ça. Je pense qu'on est rendus au 26e amendement, je pense. Mais c'est après le sixième ou le septième, on avait donné ça, là, comme information, là, tout simplement.

Le Président (M. Cousineau) : Parfait! Parfait! Alors, merci.

Donc, étant donné que nous revenons sur l'article 83.1... Et puis, avant de poursuivre, je vais vous donner le temps restant pour l'article 83.1. M. le député de Saint-Jean, il vous reste 1 min 10 s, M. le député de Rimouski, 19 min 45 s, M. le député de Richelieu, 14 min 30 s, M. le député de Drummond—Bois-Francs, 14 min 45 s.

Donc, nous reprenons la discussion sur l'article 83.1. Qui prend la parole, s'il vous plaît? M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Oui. Je pense que l'opposition officielle va sûrement déposer un autre amendement. Alors, je les écoute.

Le Président (M. Cousineau) : C'est tout ce que vous aviez à dire?

M. Schneeberger : Oui.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. C'est ça, vous les avez, comme on dit en langage populaire, scoopés.

M. Rochon : M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Je ne sais pas si c'est une question de règlement, mais on vient de nous prêter des intentions.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Cousineau) : Non, non, ça...

M. Schneeberger : M. le Président, c'est de très bonnes intentions.

M. Rochon : J'ajouterais même que c'est un préjugé.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, bon, voilà. Alors, il est 21 h 20. M. le député... Qui est-ce qui va intervenir? M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Je pensais que vous alliez dire : Qui va proposer un amendement?

Le Président (M. Cousineau) : Non, non, non! Mettez-en plus, la cour est pleine. 14 min 30 s, M. le député de Richelieu.

• (21 h 20) •

M. Rochon : Oui. Alors, je ne voudrais pas, là, je ne voudrais pas étonner mon collègue de Drummond—Bois-Francs pour qu'ensuite il passe — ...

Une voix : ...

M. Rochon : ...oui, le décevoir — pour qu'ensuite il passe une mauvaise nuit, qu'il s'interroge sur : Comment ça se fait que l'opposition officielle n'a pas présenté un amendement? Alors, effectivement, l'amendement serait le suivant : Insérer, après le deuxième alinéa, l'alinéa suivant :

«Le programme Objectif emploi sera mis en vigueur qu'après le dépôt du prochain plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale.»

J'ai hésité pendant la lecture parce que je voulais vous dire, après avoir glané là-dessus, que vous alliez voir que ça a plein de sens, que ça a plein de sens. Je ne plaiderai pas tout de suite.

Le Président (M. Cousineau) : Mais, avant de le discuter, on va suspendre quelques instants, le temps d'en faire des copies pour tous les membres de la commission parce que je suis persuadé qu'ils veulent voir absolument cet amendement.

Alors, je suspends.

(Suspension de la séance à 21 h 21)

(Reprise à 21 h 24)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, nous reprenons nos travaux. Nous avons un amendement déposé par M. le député de Richelieu, d'insérer, après le deuxième alinéa, l'alinéa suivant :

«Le programme Objectif emploi sera mis en vigueur qu'après le dépôt du prochain plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale.»

M. le député de Richelieu, on vous laisse plaider.

M. Rochon : Tout à l'heure, le dépôt s'est fait sous une trame d'humour, étant donné la suggestion du collègue de Drummond—Bois-Francs que nous allions précisément, il sentait venir ça, déposer un nouvel amendement. Mais j'ai aussitôt dit, en le présentant, qu'il était... et qu'il ne pouvait pas se trouver plus pertinent que cet amendement de réclamer que le programme Objectif emploi ne soit mis en vigueur qu'après le dépôt du prochain plan de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

C'est tellement important que vous me permettrez, M. le Président, de vous suggérer ou de vous conduire à céder la parole là-dessus à mon collègue de gauche, le député de Rimouski, parce que c'est quelqu'un qui connaît bien, mieux que moi encore, bien mieux que moi encore, le plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Je sais qu'il y a des consultations en cours actuellement pour l'élaboration du prochain plan.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Richelieu. Alors, par alternance, avant de passer la parole à M. le député de Rimouski, est-ce qu'il y a d'autres interventions soit du parti ministériel ou de la deuxième opposition? Non? Alors, M. le député de Rimouski.

M. LeBel : Oui, merci, M. le Président. C'est comme je disais un peu tantôt, quand je suis intervenu, j'essayais d'expliquer qu'on fonctionnait un peu à l'envers avec le projet de loi, ce qui faisait qu'on n'avait pas de... les objectifs. On fonctionnait à l'envers parce qu'on s'est donné une loi-cadre, au Québec, qui a des grands principes qui sont clairement établis, qui a fait consensus à travers les partis politiques puis qui a mobilisé une grosse partie des groupes, des gens partout dans la société civile. Et ça, c'est le fondement, du modèle québécois de lutte à la pauvreté, puis un fondement qui n'a pas été remis en question par personne, là. J'explique.

La loi avait été mise en place en... la consultation a été faite par un gouvernement du Parti québécois, mais ça a été adopté unanimement. Et le gouvernement du Parti québécois a perdu le pouvoir pas très longtemps après, 2003, et c'est les gouvernements libéraux qui ont continué à travailler à partir de cette loi-cadre. Et les gouvernements libéraux, et là le ministre est... les gens pourront peut-être m'informer davantage, mais, à partir de la loi-cadre, ils avaient à mettre en place des plans d'action sur cinq ans pour lutter contre la pauvreté, des plans d'action qui donnaient des objectifs et impliquaient les communautés, impliquaient les régions. Dans ces plans d'action, il y avait des sommes d'argent qui étaient consacrées à des groupes communautaires, il y avait des façons de faire pour lutter contre la pauvreté.

Je pense qu'on est rendus au troisième plan d'action depuis, et le ministre ou... là, c'est l'ex-ministre, là, le député de Louis-Hébert, qui avait enclenché le processus. Je trouvais ça un peu spécial qu'on enclenche un nouveau plan d'action sans avoir évalué la loi-cadre parce que la loi-cadre, elle a 10 ans, ça aurait été bien, après 10 ans, c'est ce qui était prévu dans la loi, d'ailleurs, qu'il y ait une évaluation. L'évaluation a été déposée, mais les parlementaires n'ont jamais pu interroger ou avoir une discussion sur les 10 ans de cette loi-cadre-là. Ça fait que, bref, il n'y a pas eu de discussion, de consultation sur le bilan des 10 ans de la loi, mais on a enclenché un processus de consultation pour un nouveau plan d'action. La consultation sur le nouveau plan d'action, elle s'est faite, mais d'une façon très fermée, là, c'était assez ciblé, où on a demandé à des citoyens d'intervenir par Internet, là, par des mémoires, mais les parlementaires n'ont pas été mis à contribution dans cette consultation-là.

Ça fait qu'on ne sait pas où est-ce que c'en est rendu. Les consultations sont terminées, mais comment évolue ce plan d'action là, on n'en a aucune idée. Mais, pendant ce temps-là, on est en train d'écrire une pièce hyperimportante qui va intervenir, là, sur la pauvreté des personnes, sur l'intégration des personnes éventuellement à l'emploi, une pièce qui vient jouer dans un secteur ou... je ne sais pas comment on peut appeler ça, vient toucher à quelque chose qu'on s'était dit qu'on ne touchait pas, c'est-à-dire un barème plancher, tu sais. Et là on vient, par l'idée des sanctions, remettre en question ce barème plancher, remettre en question le fait qu'en bas de 700 quelques dollars on ne devrait pas toucher aux revenus des personnes. Ça fait que c'est assez gros comme démarche. Et, pendant ce temps-là, on travaille sur un plan d'action puis on ne sait pas où c'en est rendu.

Est-ce qu'on ne pourrait pas, au moins, si on n'a pas participé sur l'évaluation de la loi-cadre... au moins, on pourrait-u se dire que ce projet de loi qui va être adopté, il devrait être conforme au plan d'action puis aux consultations qui sont faites ou est-ce qu'il devrait au moins s'intégrer? La loi-cadre, les plans d'action, la loi, ça devrait fonctionner comme ça, pas à l'inverse. Et c'est un peu ça, là, l'idée de l'amendement. Est-ce qu'on peut s'assurer que la loi-cadre ne sera pas... pas la loi-cadre, mais le projet de loi n° 70, là, une fois adopté, pourrait au moins attendre la conclusion du plan d'action avant d'être mis en oeuvre?

Je rajouterais aussi par-dessus ça, ce qui rend encore l'affaire plus nébuleuse et compliquée, c'est que le ministre a aussi un mandat de mettre en place un... d'évaluer la mise en place d'un revenu de base. Ça, on ne sait pas où est-ce qu'on s'en va. Ça fait que, tu sais, on ne sait pas pantoute, là, comment ça va fonctionner, cette réflexion-là, mais ça vient comme rajouter à un peu l'improvisation, là, qu'on est en train de vivre en matière de lutte à la pauvreté. Et on a une loi-cadre, on a des plans d'action, s'il y avait un genre de ligne, est-ce qu'on ne pourrait pas au moins respecter tout ça? C'est un peu l'objectif de l'amendement.

• (21 h 30) •

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Rimouski. M. le ministre.

M. Blais : Écoutez, M. le Président, comme d'autres amendements, là, que les derniers amendements qui ont été faits, qui ont été présentés ici, là, c'était vraiment un type d'amendement que l'on met à la fin, là, du projet de loi, dans les dispositions transitoires, donc. Pour le moment, je n'ai pas de parti pris sur le fond, donc je ne peux même pas dire... Dans d'autres cas, je me suis avancé, j'ai pris position. Dans ce cas-ci, là, il faudrait que j'y réfléchisse, mais, de toute façon, on le regardera, là, à la fin, là, de la lecture du projet de loi pour voir exactement si on se comprend bien sur les dates, sur les contraintes. Mais je ne pense pas que ça soit le moment, là, de parler de ça en ce moment. On fera ça à la fin de la lecture du projet de loi.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Rimouski.

M. LeBel : Juste une question avant de... Est-ce que le ministre pourrait nous informer où il en est rendu avec son plan d'action? La consultation est terminée. Ça, au moins, on pourrait être éclairés là-dessus.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Blais : Non, M. le Président. Je ne pense pas que c'est le temps de parler de ça ce soir, là. On va continuer à travailler sur le projet de loi.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, merci. M. le député de Rimouski.

M. LeBel : Il me semble que ça n'aurait pas été compliqué, mais, bon, s'il ne veut pas nous en parler, on ne peut pas l'obliger. On pourrait... Je veux dire, pas de dessert, pas de permis de conduire, il pourrait peut-être nous... on pourrait l'obliger... certaines sanctions.

Le Président (M. Cousineau) : Vous vous attendiez à une réponse plus longue, là, le temps de brasser votre café, c'est ça, hein?

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Cousineau) : Mais vous ne réussissez pas. Alors, poursuivez.

M. LeBel : ...s'il n'y a pas de sanctions, on ne peut pas l'obliger, ne pas forcer la note.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Alors, M. le député de... Est-ce qu'il y en a d'autres qui veulent se prononcer, qui veulent prendre la parole avant que je passe la parole au député de Saint-Jean? Non? Ça va? M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Écoutez, je suis un petit peu surpris parce que le ministre trouve qu'on est imaginatifs dans nos amendements. Moi, je trouve qu'il est très imaginatif dans ses réponses qu'il nous donne. Je m'attendais qu'il allait me dire : Bien, on est pour ou on est contre. Mais là il est ambivalent, qu'il a dit, qu'il n'a pas d'opinion sur le fond.

M. Blais : Dubitatif.

M. Turcotte : Dubitatif. Donc, M. le Président, je vais avoir le loisir de tenter de le convaincre, dans ce cas-là, du fond. Par la suite, je lui expliquerai de... bon, on parlera de la forme, où qu'on le met, puis tout ça, là. Mais, si on est d'accord avec le fond, après ça, le reste... Mais je me dis cependant : Le temps file, M. le Président. Il nous reste peu de temps à la séance de ce soir. On ne le sait pas si, demain, nous allons siéger. Moi, je trouve qu'à force de toujours remettre, à pelleter en avant, à plus tard nos amendements... En tout cas, les dispositions finales, habituellement, c'est une section du projet de loi qui se passe assez rapidement. Là, je crois que ça va être long parce que, là, on remet ça toujours à plus tard. On pourrait très bien progresser, M. le Président, actuellement, ce soir, là.

Mais là je ne peux pas dire : On suspend l'article et on va l'adopter au bon endroit parce que, sur le fond, le ministre n'a pas d'opinion. Donc, nous allons parler du fond, et à votre plus grande satisfaction parce que nous allons être à 100 % sur l'amendement.

Donc, comme le collègue l'a très bien expliqué, le collègue de Rimouski... et je ne peux pas dire le ministre parce que M. le ministre n'en a pas parlé, de son plan d'action, son plan de lutte, donc on ne sait même pas si les consultations ont porté fruit, on ne sait pas si tout est terminé, là. Le ministre ne veut pas nous en parler. Moi, ce que je crois, M. le Président, et le député de Rimouski l'a si bien dit, il trouve qu'on ne travaille pas dans la bonne direction et on travaille quasiment à rebours. C'est un peu ça. On a une loi-cadre qui a été adoptée sûrement à peu près à pareille date il y a plus d'une dizaine d'années maintenant. J'ai eu l'occasion de revoir dernièrement une photo de l'ambiance dans le hall, ici, de l'Assemblée nationale le jour de l'adoption de la loi-cadre, et il y avait vraiment une ambiance de réjouissance où les groupes, les citoyens, bon, avec, à l'époque, la ministre Linda Goupil... On a eu l'occasion aussi d'avoir, ce soir, notre collègue la députée de Pointe-aux-Trembles, qui était ministre déléguée à ce moment-là, qui a fait le travail du début à la fin, a rencontré tous les groupes au Québec, etc., faire les arrimages, etc. On est complètement dans une autre ambiance actuellement, M. le Président.

Le député de Rimouski nous dit : Nous devions évaluer, après 10 ans, la loi-cadre. L'évaluation a été faite. Il n'y a pas eu de débat ici, en commission parlementaire, sur l'évaluation de cette loi-cadre-là. La loi-cadre dit qu'il doit y avoir des plans de lutte déposés aux cinq ans. Il n'y a pas de consultation ici, à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire, sur le plan de lutte, un peu la même stratégie qui a été utilisée sur plusieurs autres plans politiques, stratégies du gouvernement. Je pourrais parler de la Politique jeunesse. Nous, lorsque nous étions au gouvernement, j'ai fait le tour du Québec avec Léo Bureau-Blouin, le député de Terrebonne aussi, et nous avons pris l'engagement de déposer un livre blanc, ce que nous avons fait. Mme Marois, première ministre, Pauline Marois, de l'époque, a déposé à l'Assemblée nationale un livre blanc pour qu'il y ait une consultation ici, en commission parlementaire. Le gouvernement, nouveau gouvernement libéral, a plutôt préféré organiser une consultation derrière des portes closes. On a la même stratégie dans ce cas-ci.

Pourtant, pourtant, M. le Président, le plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale aura des impacts. Le projet de loi n° 70, inévitablement, aura des impacts sur le plan de lutte aussi. Nous, nous avons la prétention, nous croyons, avec ce que nous entendons, ce que nous voyons, entre autres, les sanctions, selon nous, vont créer davantage de pauvreté au Québec. Le ministre nous dit que ce n'est pas fondé, que ça va éliminer ou réduire la pauvreté au Québec. Moi, je crois que le ministre, ou nous, ou les citoyens, tout le monde, on a avantage à connaître le plan de lutte contre la pauvreté avant l'application du programme Objectif emploi. L'idéal, M. le Président, aurait été de ne pas étudier le projet de loi n° 70 avant le dépôt du plan de lutte contre la pauvreté parce que le projet de loi n° 70 a des répercussions inévitables.

On fait un plan de lutte, on se donne une loi, on adopte la loi, on va appliquer la loi. Par la suite, on va faire un plan d'action. Ce n'est pas sérieux, M. le Président. Ce n'est pas comme ça qu'on travaille. Un plan d'action, c'est une orientation... il y a une politique, bien entendu, mais un plan d'action, là, il y a une orientation qui est donnée pour les cinq prochaines années, l'action, les actions du gouvernement, actions 1, 2, 3, 4, les cibles, là, qu'on se fixe, tout ça, comment on fait, là, les actions pour y arriver. Et là, si besoin est, nous adoptons des lois, nous adoptons des éléments pour appliquer, pour appliquer ces recommandations-là, ces objectifs qui sont dans un plan de lutte, dans un plan d'action. Mais là on adopte une loi, en tout cas, on étudie une loi, on est loin de l'adopter, mais on étudie une loi, puis ça se peut que le plan de lutte pourrait aller à l'encontre de ce projet de loi là.

• (21 h 40) •

Moi, M. le Président, j'ai déjà un peu la réponse, là. Je ne veux pas imputer de motif à personne, là, mais j'ai l'impression que le plan de lutte va aller dans le même sens que le projet de loi n° 70 parce que, le plan de lutte, on ne le sait pas qu'est-ce que les groupes ont dit, on ne le sait pas c'est quoi, les mémoires, on ne le sait pas, qui qui a été consulté parce que ça se passe dans le cabinet du ministre. Donc, comme ça se passe du côté du ministre, le ministre va bien utiliser ou reprendre les idées qui font son affaire, M. le Président. Donc, je suis certain que tout ce qui pourrait aller à l'encontre du projet de loi n° 70, il ne les mettra pas dans le plan de lutte. Premier problème.

Faisons abstraction de ce premier problème-là, M. le Président. Dans les faits, si on veut démontrer une cohérence dans l'action, il n'y a pas 1 000 solutions, là. C'est s'assurer que le plan de lutte soit connu pour, s'il y a des actions qui émergent, qu'on n'a pas pensé ou que ça prend un outil législatif pour y arriver... le ministre aurait même pu les inclure dans le projet de loi, étant donné qu'on ouvre, là, la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. C'est rare qu'un gouvernement ouvre une loi existante en déposant un projet de loi, M. le Président. Ce n'est pas courant, là, qu'on fait ça. On a des milliers de lois au Québec, peut-être même plus, sûrement plus. Donc, avant de modifier une loi, il faut s'assurer, là... Et c'est pour ça que le ministre l'a fait lui-même.

Je pourrais sortir des articles, là, M. le Président, les articles du projet de loi actuel, là. Article 24, articles 26, 33. Tout ça, là, ces articles-là, là, c'est des articles qui n'ont pas du tout rapport avec ni l'intégration en emploi, ni l'adéquation formation emploi. C'est des articles, là, qui règlent des problèmes que nous avions dans la loi sur l'aide, entre autres... que j'ai parlé, mais sur peut-être d'autres lois aussi suite à des jugements des tribunaux, suite à des recommandations de la Protectrice du citoyen. On l'a vu, là, c'est le Programme de solidarité sociale pour les héritages, entre autres, puis tout ça, là. Des bonnes mesures, là. Bravo, là! Ça doit être un des seuls articles qu'on a adoptés à l'unanimité, là.

Mais peut-être que, si on connaissait le plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale avant d'appliquer le programme Objectif emploi... On est en solution de repli, je l'avoue, M. le Président. Nous, là, initialement, ça aurait été avant. Puis je l'ai dit en période de questions, je l'ai répété, puis on a même déposé une motion avec d'autres collègues. On a déposé une motion là-dessus, de retenir l'étude du projet de loi n° 70 tant et aussi longtemps qu'on ne termine pas l'élaboration du plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Donc, on a commencé l'étude du projet de loi. Donc, on doit vivre avec.

Donc, nous, ce qu'on dit, c'est : À tout le moins, à tout le moins, attendons, avant de mettre en vigueur le programme Objectif emploi, de connaître le plan de lutte pour s'assurer que, s'il y a des éléments qui vont en divergence, donc qui ne vont pas dans le même sens que le plan de lutte, bien, qu'on puisse modifier certains éléments. Puis peut-être que ces éléments-là, qui pourraient être modifiés par règlement... parce qu'entre vous et moi, M. le Président, pas une grosse confidence pour personne, beaucoup des éléments du programme Objectif emploi se retrouvent dans le règlement.

Puis là-dessus le ministre nous dit quelque chose tantôt, a dit quelque chose à notre collègue. Dans la lettre qui est parue dans Le Devoir du 9 juin, ça, c'est ce matin, aujourd'hui, dans la lettre, il y a un passage qui dit... Tu sais, le ministre nous dit que... un nouvel écueil, là, qu'il ajoute, là, dit : «Le projet de loi n° 70 est également inquiétant par ses omissions. Les éléments essentiels du nouveau programme se trouveront dans des règlements dont la teneur est imprévisible. Par exemple, son application uniquement à la personne présentant une première demande n'est pas précisée dans le projet de loi n° 70; [le] règlement pourrait y assujettir d'autres catégories de personnes. En outre, l'étendue exacte des nouvelles obligations — et donc l'exposition aux sanctions pécuniaires — dépendrait de déterminations discrétionnaires, faites par les agents de l'aide sociale, sans possibilité de recours.»

M. le Président, le ministre nous a dit : J'ai déposé... et c'est un écueil...

Une voix : ...

M. Turcotte : Bien oui! Bien oui! Pour le ministre, M. le Président, pour le ministre. Puis le ministre, il fait bien de nous rappeler à l'ordre là-dessus parce que ça nous permet justement de corriger ses propres écueils, parce que c'est un écueil du ministre, pas des chercheurs puis des professeurs d'université qui... Bon, Pierre Issalys, là, c'est une sommité, là, en la matière, là, dans les lois, dans l'interprétation des lois, dans la compréhension des lois. Je m'excuse, là, ce n'est quand même pas le dernier venu, là, hein, bon, M. le Président.

M. Blais : M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, M. le ministre.

M. Blais : ...rapidement. Donc, on l'a déjà dit, c'est un écueil parce que... c'est des choses, on en a parlé, puis, effectivement, il faudrait que j'en parle, là, que j'écrive peut-être une réponse, là, à ça, là, parce qu'on l'a mentionné ici, là, le droit de recours, quand même, est reconnu par la loi, là. Quand on dit que ce serait discrétionnaire et sans aucun droit de recours, là, ça n'est pas le cas. Voilà.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : ...rapidement. Mon Dieu! Je ne sais pas quoi dire à ça, M. le Président. Sérieusement, là, le ministre nous dit : Je vais lui écrire une lettre, là, une réponse à ça, là. On a tous lu sa lettre dans Le Devoir puis dans le Le Huffington Post, hein? C'est la même qui a été reprise. On a même vu son vidéo surFacebook. Peut-être que les gens... si les gens ne s'endorment pas ce soir, pourraient l'écouter.

Des voix : ...

M. Turcotte : Vous êtes peut-être mieux de ne pas le regarder.

Sérieusement, M. le Président, je crois que, si le ministre veut répliquer à cette lettre-là, bien, tant mieux, là. Ça va nous donner plus d'explications. Mais moi, je crois que, jusqu'à maintenant, là, moi, je les crois, là, parce que je l'étudie, le projet de loi, depuis le début. Et le ministre, oui, nous a déposé des intentions réglementaires de qui pourrait être exclu du programme Objectif emploi. Mais le ministre l'a si bien dit à plusieurs reprises : des intentions réglementaires. Je ne peux pas déposer le règlement ici parce que c'est le Conseil des ministres, donc le gouvernement, qui va décider. Ce n'est que mes intentions réglementaires. M. le Président, ce n'est que ses intentions réglementaires.

À la vitesse où les ministres passent dans ce gouvernement, moi, là, je ne sais même pas si quand on va revenir, en automne, ça va être encore le même ministre que je vais avoir assis devant moi pour... Peut-être que moi aussi je ne serai plus là, hein? Nous autres aussi, ça bouge un peu des fois. Mais, plus sérieusement, M. le Président, je crois que... je ne sais pas jusqu'à quel point que, justement, l'été va faire du bien au ministre pour avoir pas mal le temps d'écrire, de réfléchir, mais peut-être de réécrire des aspects du projet de loi puis de modifier son projet de loi parce que, je le mentionne, M. le Président, sérieusement, sans connaître... et c'est un peu formidable, là, mais pas positivement, là, de voir comment on peut lire des articles de journaux, ou des commentaires de gens, ou des commentaires de l'ancien ministre, et de lire des commentaires du ministre actuel, lire des commentaires de chroniqueurs ou de gens, de chercheurs actuellement, et de voir qu'on parle de deux choses complètement différentes, mais c'est toujours le même texte et le même projet de loi qui est devant nous.

Ce que ça veut dire, M. le Président, avec quelques amendements... Bien, en tout cas, ce n'est pas bien, bien les nôtres qui ont été retenus, M. le Président. C'est parce que c'est dans les intentions réglementaires que tout se joue. Sur la question d'un emploi convenable, c'est dans le règlement, ce n'est pas dans le projet de loi. Les distances, pas dans le projet de loi, c'est dans le règlement. Quel type d'emploi qui peut être accepté ou pas, c'est dans le règlement, ce n'est pas dans le projet de loi. Les parcours, recherche intensive d'emploi, formation, habiletés sociales, c'est dans le règlement, c'est les intentions réglementaires du ministre. Qui est exclus, qui qui est inclus, c'est dans le règlement, ce n'est pas dans le projet de loi. Les sanctions, pas dans le projet de loi, c'est dans les règlements.

Donc, tous ces éléments-là, les distances que le ministre... le ministre, qui nous dit : On pourrait permettre de payer le déménagement pour une personne, 1 000 $ pour le déménagement. L'ancien ministre n'a jamais parlé de ça, c'est le ministre actuel. C'est dans les règlements, ce n'est pas dans le projet de loi.

• (21 h 50) •

Une voix : ...

M. Turcotte : Peut-être que, là, il y a une exception, c'est dans la loi, mais je ne pense pas que le montant est fixe dans la loi, là. Je pense que c'est dans le règlement qui découle de la loi.

Donc, tout ça pour dire... Et je ne remets pas ça en question. Il y a des éléments qui, effectivement, c'est mieux que ça soit dans les... bien, dans les règlements parce que ça change avec le temps. Puis, je l'ai dit, une loi, on ne réouvre pas ça à tous les ans. Donc, c'est normal que des montants, des éléments se retrouvent dans le règlement, mais, en même temps, ce n'est pas normal qu'on ne connaisse pas l'ensemble des intentions réglementaires ou, du moins, le règlement et ce n'est pas non plus normal, puis là, dans ce cas-ci, je me rattache à l'amendement, M. le Président, du plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, que nous ne connaissons pas encore les intentions ministérielles, les intentions du ministre actuel sur son plan de lutte. Quelle est l'orientation? C'est quoi, le plan de match, là? Le gouvernement a fait, là, des rencontres, là, spéciales, des caucus, des conseils des ministres, etc., là. C'est très enlevant en ce moment pour les chroniqueurs, là, de suivre la politique sur le gouvernement actuel, et l'argument, moi, qu'on m'a servi...

Une voix : ...

M. Turcotte : L'argument qu'on m'a servi, c'est : On est à mi-mandat. On doit se donner un plan de match, là, pour la mi-mandat, pour la deuxième moitié du mandat du gouvernement.

Moi, ce que j'aimerais savoir, là, c'est : Le ministre, qui est le champion de la lutte à la pauvreté, là, parce qu'il est le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, il doit se donner ce titre-là, ce mandat-là, bon, c'est quoi, ses orientations? C'est quoi, son objectif pour lutter contre la pauvreté et faire en sorte qu'il y ait moins de pauvreté rendu à la prochaine élection? Bon, ça, c'est l'objectif, c'est l'orientation que le ministre doit se donner. Ça, là, je pense, à moins que je suis complètement dans le champ, ce qui m'étonnerait beaucoup, un des outils, c'est de passer par le plan de lutte contre la pauvreté. C'est sur cinq ans. Bon, habituellement, c'est un gouvernement. Là, dans ce cas-ci, ça sera peut-être deux gouvernements. De toute façon, même si c'est le même parti, ça sera quand même deux gouvernements différents.

Donc, moi, je crois que notre amendement est très pertinent.

Le Président (M. Cousineau) : En conclusion. Il vous reste une minute.

M. Turcotte : Notre amendement est très pertinent, et j'invite le ministre à voter pour qu'on puisse progresser dans l'étude du projet de loi.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Saint-Jean. M. le ministre, voulez-vous réagir?

M. Blais : Je vais revenir sur ce que j'ai déjà dit. Bon, tout ça, c'est des éléments de fin de loi, là, pour les dispositions transitoires. Donc, je pourrais les regarder quand on sera rendus là, bien entendu.

Sur le plan de lutte, peut-être quelques petites informations, là, additionnelles, là. Donc, on est en consultation en ce moment, puis les mémoires, notre intention, c'est de les rendre publics. Peut-être deux remarques sur les mémoires, qui sont, je trouve... qui me rendent positif. Tout d'abord, un des risques ou une des tentations que l'on trouve souvent quand on demande aux gens de déposer des mémoires sur un sujet quelconque, sur un problème quelconque, c'est que les groupes arrivent, et il y a un réflexe, disons, c'est humain, il y a un réflexe corporatiste, M. le Président. Les gens vantent ce qu'ils font, leur travail, etc., que ça soit un ordre professionnel, bon, c'est tout à fait normal, là. Les gens qui sont ici, là, comme députés connaissent bien ces réflexes humains là. Mais je trouve que, dans ce qu'on lit, en tout cas, parfois, il y a vraiment, là, dans certains cas, une volonté de prendre une distance un peu de ses intérêts ou sa vision propre pour... d'aller plus loin. Donc, ça, c'est encourageant.

Il y a un autre élément qu'on retrouve parfois, c'est aussi d'être audacieux dans les suggestions que l'on fait. Il faut rappeler qu'on a déjà eu deux plans, et malheureusement, quand on regarde le début... quand on compare l'évolution que l'on a faite au niveau de la lutte contre la pauvreté, si la métrique que l'on utilise — et je ne dis pas que c'est la seule métrique — mais, si la métrique que l'on utilise, c'est les taux de pauvreté, on est exactement au même point où on en était. Donc, la loi ne nous a pas aidés nécessairement. Ça ne veut pas dire qu'elle nous a nui non plus, mais il faut poser des gestes peut-être un peu plus concrets puis regarder des politiques qui pourraient avoir un impact.

Puis j'ai déjà parlé de la question des personnes seules. Je pense qu'il y a un grand consensus, au Québec, pour identifier qu'une de nos priorités devrait être de cibler un peu plus les personnes seules dans le prochain plan. Quelle est la solution? Par quel mécanisme? C'est encore en réflexion, en discussion, mais, à mon avis, il faudrait que, dans le prochain plan... puis c'est un appel que je fais aussi à ceux qui sont intéressés par la question à faire des suggestions, là, de nous amener des suggestions par rapport aux isolés, là, qui n'ont pas beaucoup progressé, là, au contraire, là, dans leur situation économique, socioéconomique ces dernières années.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Alors, d'autres intervenants sur l'amendement déposé par M. le député de Richelieu? Mme la députée de Gouin, vous avez 20 minutes sur l'amendement.

Mme David (Gouin) : Je ne devrais pas rire, mais... Merci, M. le Président. J'essaie de retrouver un minimum d'énergie pour peut-être poser certaines questions, et j'en avais même avant que le ministre fasse sa dernière intervention, mais j'aimerais ça commencer par là.

Le ministre n'a pas tort, M. le Président, de dire que, malgré l'adoption importante, là, c'était un moment important, du projet de loi contre la pauvreté et l'exclusion en décembre 2012, à certains égards, pas dans tout, mais c'est vrai qu'on n'a pas fait de grands pas dans la lutte à la pauvreté, mais c'est parce que, tout de suite après ce constat, au risque de me répéter un peu parce que je l'ai dit pour d'autres sujets, il faudrait comprendre pourquoi. Moi, je veux bien qu'on me dise ça, pourquoi. Et pourquoi? Bien, parce qu'il y a encore des gens au chômage, parce que le logement coûte beaucoup trop cher aux personnes à faibles revenus. On est à la veille de régler un petit problème, hein, au fond, qui touche quelques centaines de personnes âgées, mais c'est loin de toucher l'ensemble des personnes à faibles revenus, puis là je ne parle même pas seulement des personnes à l'aide sociale. Le problème du logement, dans les 10 ou 15 dernières années, est devenu un problème extrêmement important. Les gens ont des prestations extrêmement faibles et doivent payer des logements trop chers. Ce n'est pas trop compliqué à comprendre, ça. C'est très factuel.

Alors, une fois qu'on a dit ça, il va bien falloir s'y attaquer à un moment donné, il va falloir faire quelque chose, là. Je comprends qu'il y a les suppléments au loyer, mais c'est bien insuffisant. On coupe dans les logements sociaux. Moi, je veux bien qu'on se fasse dire : Vous savez, au fond, le taux de pauvreté, il n'a pas tellement changé. Mais oui, mais, d'accord, qui gouvernait, pas tout le temps, mais enfin la plupart du temps, et avec quelle prise de décision? Quand on augmente les frais de garde, on augmente les tarifs d'hydroélectricité, ça touche les plus pauvres aussi, en passant, ça, pas seulement la classe moyenne, là. Et quand le coût des loyers augmente, quand le coût de l'alimentation augmente... J'étais sidérée de voir un reportage dernièrement où on parlait d'augmentation du genre plus 21 % pour un chou-fleur par rapport à l'année dernière. Ça n'a l'air de rien, mais le chou-fleur, la laitue, les carottes, les carottes... les carottes, tu sais, ça augmente de 10 %. Voilà un mets normalement à très faible coût, là, pour des gens à faibles revenus. Bien là c'est rendu que les carottes sont chères, elles sont cuites aussi, pour pas mal de monde.

Mais tout ça, là, le ministre et son personnel le savent. Ils le savent très bien. Nous, nous avons des salaires qui nous permettent amplement d'acheter toutes les carottes qu'on veut, mais j'espère qu'on fait nous-mêmes notre épicerie, puis qu'on sait combien coûtent les aliments, et qu'on sait combien coûtent les vêtements et combien coûte le litre de lait, par exemple. Puis on s'aperçoit que, si on veut en chercher, des raisons à la non-diminution, là, de façon fulgurante, là, de la pauvreté, bien, on va regarder dans l'inflation puis dans le fait que le salaire minimum n'augmente jamais en conséquence, ni les prestations.

Ça fait que ça ne me satisfait pas de me faire dire... malgré l'adoption d'une loi, le ministre dit : On en est plus ou moins au même point. Mais est-ce que le raisonnement final, c'est : Bien, pour en sortir, on va s'assurer que tout le monde suive un programme, puis ceux qui ne veulent pas, on va faire des sanctions? À mon avis, réponse un peu courte à un problème très, très, très complexe.

• (22 heures) •

Par contre, là où je suis d'accord avec le ministre, c'est que c'est vrai que ce sont les personnes seules à l'aide sociale qui, actuellement, sont les plus pauvres, proportionnellement, davantage que les familles. Tout à fait d'accord avec ça. Et souvent ces personnes seules ont déjà un certain âge, ont des problèmes de santé physique et psychologique, des problèmes de détresse psychologique. Et, franchement, on aura beau dire : Il y a des emplois disponibles au Québec, les entreprises recherchent des travailleurs et des travailleuses, on sait tous très bien que beaucoup de personnes seules à l'aide sociale ne seront pas embauchées, en tout cas, pas facilement puis pas rapidement, par les employeurs actuels au Québec, qui demandent que chaque travailleur donne du 150 % à peu près, là, parce que c'est ça, maintenant, le marché du travail.         

Alors, d'accord avec le constat que les personnes seules sont les personnes les plus mal prises à l'aide sociale, mais il va vraiment falloir chercher comment permettre à ces personnes de vivre dans la dignité, et ce, même si, dans bon nombre de cas, on a beau dire que, théoriquement, ils sont aptes au travail, là... Oui, pour certaines tâches, oui, plusieurs vont faire, par exemple, 20 heures par semaine dans un organisme communautaire, puis ce sont des gens qui sont capables, dans un contexte pas trop stressé, là, d'être efficaces. Il y a plein de choses qui sont possibles à faire. Mais pour ça, il ne faut pas couper les PAAS-Action puis il faut continuer de travailler.

Maintenant, sur l'amendement plus directement, évidemment que je l'appuie, M. le Président, parce qu'il me paraît juste, plein de bon sens. Tu sais, le bon sens, c'est vraiment compliqué à comprendre. Quand on essaie d'avoir un raisonnement, là, je ne sais pas, ou on essaie... en tout cas, moi, j'essaie d'être un petit peu cohérente. Je ne comprends pas très bien comment il se fait qu'on ait un projet de loi qui pense apporter des solutions à des problèmes, dans le fond, d'exclusion économique et sociale, et tout ça, bon, oui, après une commission parlementaire, mais où à peu près tout le monde est venu dire : Ne faites pas ça. Oui, le programme, c'est bon, mais pas de sanction. Mais on ne les écoute pas. Et, oui, bon, il y a des mémoires qu'on va rendre publics. Donc, ma compréhension, c'est qu'ils ne le sont pas pour le moment, je ne sais pas pourquoi. Et on ne connaît pas l'hypothèse d'un plan de lutte global contre la pauvreté et pour l'inclusion.

C'est comme si on prenait toute l'affaire par un petit bout, on disait : On va faire ça, puis le grand plan, on vous le dévoilera, bien, je ne sais pas exactement quand, mais sûrement après l'été. Je pense, là, qu'on est à la veille de se quitter. Donc, c'est sûr que c'est après.

Pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas pu commencer par avoir un rapport ou des consultations sur le plan de lutte contre la pauvreté, avoir une discussion générale, puis après ça poser l'hypothèse de : Est-ce que, dans ce contexte-là, ce que le ministre appelle une réciprocité est, mettons, pertinent? Tu sais, est-ce que c'est pertinent? Parmi plein d'autres hypothèses, est-ce que celle-là est pertinente? Alors, moi, je ne comprends toujours pas pourquoi on a pris juste comme un tout petit morceau de la tarte, mais on n'a pas la tarte au complet, là. Et c'est pour ça que je suis pour l'amendement.

J'aimerais revenir sur une intervention qu'a faite, une autre journée, je ne saurais plus dire exactement laquelle, la députée de Fabre lorsqu'elle parlait de son expérience auprès des jeunes. Moi, j'avais demandé, ça, je m'en rappelle bien : Est-ce qu'on sait pourquoi un certain nombre de jeunes ne viennent pas dans les programmes? Et qu'est-ce qui arrive d'eux et d'elles lorsqu'ils ne viennent pas? Et qu'est-ce qui arrive quand les jeunes viennent? Et la députée m'a donné une réponse qui m'a interpellée. Elle dit : Les jeunes... enfin, je ne veux pas... Mme la députée pourra me corriger si j'ai mal interprété ses propos, mais ma compréhension a été : Il y a des jeunes qui ne viennent pas parce qu'au fond leur estime d'eux-mêmes est tellement faible qu'ils n'imaginent pas qu'ils puissent réussir, ils n'imaginent pas pouvoir aller vers le succès avec un accompagnement. Ils n'imaginent même pas que cet accompagnement existe, soit intéressant, adapté pour eux, etc.

Par contre, elle nous dit : Ceux qui viennent, ceux et celles qui viennent, là où ça fonctionne, si j'ai bien compris, c'est quand il y a un plan d'intervention personnalisé, que le jeune homme ou la jeune femme peut se l'approprier. On y va étape par étape, on réajuste le tir et, dans ces conditions-là, on a entre 70 % et 75 % de succès. Je voudrais moins intervenir sur toute cette partie-là puisque je suis pleinement d'accord avec la députée. Et, pour avoir visité de nombreux organismes, dans ma circonscription et ailleurs, qui travaillent avec des jeunes, donc en situation de projet, là, soit dans diverses mesures d'employabilité, dont les entreprises d'insertion, le taux de succès est effectivement très élevé. Donc, ça, c'est intéressant parce que ce que la députée nous dit, c'est : À partir du moment où il y a un accompagnement personnalisé, étape par étape, etc., ça marche.

Je souhaite donc que le ministre reprenne cette manière de travailler lorsque je lui parle de la formation générale aux adultes où beaucoup de jeunes adultes n'arrivent pas à passer à travers, et le taux d'échec est important parce qu'il n'y a pas d'accompagnement individualisé. Alors, ma compréhension, c'est que, si on veut que ça marche, il va falloir qu'il y en ait. Il y a des organismes communautaires qui l'offrent déjà, mais il y en a très peu. Il va falloir les multiplier. Dans cette mesure-là, je pense que, oui, plusieurs jeunes pourront terminer leur diplôme d'études secondaires.

Maintenant, quant à ceux qui ne viennent pas, au fond, je suis assez d'accord avec la députée. Je pense qu'un certain nombre de jeunes ont eu des vies tellement brisées, ils ont été tellement malmenés, souvent ils n'ont pas vécu tout le temps avec leur famille, ils ont été en famille d'accueil, en centre jeunesse... À 18 ans, ce n'est pas facile, hein, de faire face à tout ce qui nous attend dans notre vie d'adulte. Et je peux imaginer qu'un certain nombre, effectivement, n'imaginent même pas, hein, qu'il y a quelque chose pour eux.

Il y a en a plusieurs qui sont accueillis par Les Auberges du coeur. Ce n'est pas tout le monde, bien sûr, mais il y en a quand même plusieurs. Et là je ne connais pas les taux de succès, je n'ai pas ce chiffre-là, je ne prétendrai pas l'avoir, mais je peux imaginer que c'est probablement intéressant. Chaque jeune est pris en main, soutenu. J'en ai visité, des Auberges du coeur. C'est vraiment remarquable, le travail qui est fait. Mon collègue de Drummond—Bois-Francs a l'air de dire que oui. Ça va prendre, c'est sûr, un certain temps, mais, bon. Mais probablement qu'on en échappe d'autres. Je suis d'accord avec la députée. Ils ne viennent pas tous dans Les Auberges du coeur. Donc, on en échappe.

J'ai beaucoup, beaucoup, c'est là où je pense qu'on diverge d'opinion, de difficulté à penser que... Mettons, là, au-delà d'une première rencontre, il y a eu une journée, cette semaine, où une hypothèse a été soulevée par le ministre, là, d'une rencontre, hein, qui devait être... Pardon?

M. Blais : D'évaluation.

Mme David (Gouin) : Oui, une évaluation, mais, dans mon esprit, M. le Président, si on veut faire une évaluation, il faut parler avec la personne. J'appelle ça une rencontre et j'ose croire qu'elle est physique, en tout cas, dans la quasi-totalité des cas, à moins que ça soit complètement impossible pour diverses raisons, là. Et donc, oui, si cette rencontre a lieu, donc là le jeune homme, la jeune femme sait, il le sait, là, qu'on lui offre quelque chose. Il me semble que, là, il y a un écueil, qui avait été soulevé par la députée, qui est levé.

Alors, je ne sais pas, le ministre n'est pas revenu avec cette hypothèse, je ne pense pas qu'on va régler ça ce soir ni demain, mais, à l'instar de mon collègue de Saint-Jean, je dirais que, peut-être, la période d'été pourra permettre aux deux côtés de cette Chambre, de cette commission, de réfléchir à tout ça parce qu'à l'automne on va vouloir, je pense, atterrir. Et je m'avance un petit peu, mais, si tout ce qu'il faut, c'est une véritable rencontre physique d'une heure, 1 h 30 min, quelque chose de sérieux, là, avec un jeune homme, une jeune femme, réfléchissons-y, réfléchissons-y. Si c'est ça, l'écueil soulevé par la députée. Tu sais, elle dit : Ils ne savent même pas, ils ne peuvent même pas imaginer que ça existe. Bien, je comprends, il y a bien des cas où on ne leur a jamais proposé. Peut-être que, si on leur propose quelque chose... sait-on ce qui pourrait arriver? Je le soumets, moi aussi, comme hypothèse, et rien de plus. Rien de plus.

Mais je comprends ce que la députée a voulu dire, mais je trouve que la partie la plus importante, vraiment, de son intervention, en tout cas, à mes yeux, la plus parlante, c'est quand elle nous dit : Il faut un accompagnement personnalisé étape par étape et que le jeune ou la jeune sente qu'il est au coeur de tout ça puis qu'il peut faire des choix, il peut décider ce qui est bon pour lui ou pour elle. Ce n'est pas quelqu'un d'autre qui l'oblige à, c'est lui ou elle qui dit : O.K. J'embarque puis moi, j'ai envie de faire telle chose. Tu sais, faire confiance au jugement des jeunes. Je suis certaine que c'est ce qui se fait dans les carrefours jeunesse-emploi. Il y a de l'aide, il y a de l'accompagnement, il y a du soutien, mais je suis certaine qu'on fait confiance aux jeunes et à leur capacité d'agir.

Bref, M. le Président, je ne sais pas si ma collègue voudra réagir à mes propos. Je le souhaite, dans le fond, parce qu'il me semble qu'il y a dans ce qu'elle a dit des avenues intéressantes.

• (22 h 10) •

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Gouin. Mme la députée de Fabre, est-ce que vous avez des mots à rajouter?

Mme Sauvé : Bien sûr, M. le Président. Alors, je voulais revenir effectivement aux commentaires de la collègue de Gouin sur trois aspects qu'elle a nommés. Tout d'abord, revenir sur, effectivement, pour ceux qui ne viennent pas, à quel point l'obligation à avoir une rencontre et faire en sorte que rapidement, rapidement, c'est un mot important, là, parce que le délai, chez les jeunes, on est beaucoup dans le ici et maintenant... donc, un délai rapide. Ce qui se fait d'ailleurs maintenant. On est dans les 48 heures dans la réponse aux jeunes. De faire en sorte que le jeune qui ne croyait pas que l'accompagnement existait, qu'il pouvait être soutenu, aidé dans une aide très personnalisée... Il n'est absolument pas devant cette possibilité-là au moment où il vit toutes les difficultés qu'il vit. La rencontre obligatoire, qui se fait avec l'agent d'Emploi-Québec dans le CLE, rapidement, avec l'intervenant d'une ressource externe, que ce soit un carrefour ou un autre organisme en employabilité, je peux vous dire que, M. le Président, pour l'avoir vu des milliers de fois par année, ça fait en sorte... puis là je parle des milliers pour l'ensemble des jeunes, mais, disons, chez les primodemandeurs, c'est un nombre moins grand. Mais l'avoir vu très, très souvent, l'étincelle qui s'allume, qui fait en sorte que le jeune réalise avec l'expertise liée à l'accompagnement, le jeune qui vient et qui finalement réalise que, oui, il y a une aide possible, oui, on peut envisager un succès, mais on en discute avec le jeune et on regarde ça de façon...

Puis je sais que la préoccupation, ce que j'entends, la préoccupation de la collègue de Gouin, c'est de prendre le temps. Je peux vous confirmer que, du côté de l'équipe du CLE, en lien, en dialogue avec l'intervenant de la ressource externe, il y a vraiment le temps de faire un plan d'intervention personnalisé. Il y a le temps qui se prend à faire en sorte qu'il y a l'évaluation des besoins et une évaluation des besoins qui est faite de façon holistique dans l'approche globale à prendre en compte toutes les réalités du jeune.

Alors, oui, l'objectif, c'est l'employabilité, donc, éventuellement, l'intégration en emploi, le retour aux études, le développement des habiletés, mais c'est très clair que, s'il y a cet objectif-là, on tient compte de l'ensemble des réalités. Là, il y a tous les volets de l'autonomie fonctionnelle du jeune, mais je n'entrerai pas là-dedans. Mais c'est vraiment pris en compte et c'est là où s'élabore, après une écoute active, après une intervention experte, avec l'agent du CLE, avec l'intervenant de la ressource externe... où il y a finalement un plan d'intervention personnalisé. Et là le jeune réalise à quel point c'est une étape à la fois, c'est réaliste, c'est en fonction de ses intérêts. Et on se fixe des objectifs auxquels il consent, auxquels il consent, je reviens là-dessus. Donc, ça, c'était l'aspect que je voulais nommer.

La députée de Gouin a aussi nommé l'aspect de l'éducation, et je sais que ça a déjà été nommé précédemment, le volet... la réalité des jeunes qui vont vers la voie de l'éducation des adultes. Il y a beaucoup de jeunes, en fait, qui décrochent et qui voient en l'éducation des adultes la panacée. Or, on sait bien que l'éducation des adultes a une forme d'apprentissage qui est beaucoup dans l'approche modulaire. Ça demande une grande autonomie et une façon d'apprendre qui est un peu différente.

Moi, je vous dirais qu'encore là il y a des extraordinaires bonnes pratiques qui sont sur le terrain. Je vous dirais qu'il y a des ressources externes, il y a des carrefours jeunesse-emploi qui ont mis en place, il y en a à peu près dans toutes les régions du Québec, des passerelles d'accompagnement où il y a des partenariats avec les milieux scolaires entre le décrochage du jeune qui devient primodemandeur et son accompagnement, sa petite passerelle, il y en a qui appelle ça les programmes l'école au carrefour ou d'autres formules, qui font en sorte que le jeune est vraiment dans une formule d'accompagnement vers l'éducation des adultes avec un professeur, un enseignant qui est en partenariat avec la ressource externe. Et ça, ça existe. Je pense à plusieurs, là, collègues que j'ai connus dans ma vie passée qui ont cette formule-là. Et, les enseignants nous le disent, une fois qu'ils sont rendus à l'éducation des adultes, ça fonctionne, ils vivent un succès, il y a une passerelle très intéressante. Alors, ça, ce sont des bonnes pratiques qui sont déjà en place et qui donnent des très, très beaux succès.

Je veux revenir sur évidemment toute la notion des jeunes qui s'autosabotent. Et il y a un constat qui n'a pas du tout émergé tout au long des discussions, que je veux amener, qui me ramène beaucoup à la réalité des primodemandeurs dans ma région. Je vais me permettre encore une fois d'être un peu dans mon chauvinisme par rapport à ma région. Vous me permettrez, M. le Président. Mais, moi, il y a eu plusieurs années un état de choc parce qu'on disait : Les jeunes primodemandeurs que vous allez accueillir, bon, tout ça, dans des nouveaux programmes qui étaient en place à ce moment-là, que ce soit Solidarité jeunesse en particulier, on me disait : Vous allez voir, c'est beaucoup d'intergénérationnel, et, bon, et tout ça. Et force est d'admettre que j'ai eu à constater que ce n'était pas nécessairement uniquement, et loin de là, en tout cas, en ce qui a trait à ma région... les primodemandeurs n'avaient pas de façon majoritaire le profil de l'intergénérationnel et du milieu défavorisé. C'étaient des jeunes qui étaient simplement carencés affectifs dans des réalités dysfonctionnelles parentales, et autres, qui faisaient en sorte que ces jeunes-là sombraient dans la délinquance, dans la petite criminalité qui augmentait au fil des ans. Et c'était un peu un état de choc parce qu'on devait adresser avec le même accompagnement personnalisé, bien sûr, mais on n'était pas dans une réalité d'environnement défavorisé en termes de défavorisation sociale et financière. Donc, c'était très particulier.

Alors, je voulais amener juste cette notion-là de dire que le jeune primodemandeur qui est en décrochage social n'est pas uniquement dans un portrait ou un profil de milieu défavorisé, bien qu'évidemment il y a une réalité, là, qui est quand même importante. Alors, je ne sais pas si ça éclaircit certains aspects des préoccupations qu'avait la collègue de Gouin.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Fabre. Mme la députée de Gouin, je vous rappelle qu'il vous reste cinq minutes.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Je ne le prendrai même pas en entier. Je suis contente d'entendre ma collègue et je suis particulièrement contente de l'entendre me dire qu'il existe un certain nombre de ressources, là, qui permettent à des jeunes qui sont en éducation aux adultes ou qui veulent y aller, là, de réussir à passer à travers parce que je pense c'est la première fois, honnêtement, là, que j'entends quelqu'un de l'équipe ministérielle dire : Oui, c'est vrai, ce n'est pas facile, la façon dont l'éducation aux adultes est faite avec le système modulaire dont parle la collègue, et que, donc, oui, il faut qu'il y ait des ressources externes qui donnent un sérieux coup de main. Moi, j'en connais une dans ma circonscription. Vous en avez sûrement dans la vôtre. Il y en a d'autres ailleurs. C'est essentiel.

Et ce que je sais aussi, c'est que plusieurs, peut-être moins les carrefours jeunesse-emploi, mais, dans d'autres cas, il y a un manque criant de financement de ces ressources-là. Puis, dans le fond, on serait bien mieux de les financer plutôt que de retrouver les jeunes à l'aide sociale. C'est toujours la même chose, hein? Il vaut mieux, entre 16 et 18 ans, aller à l'école, même aux adultes, être aidé par un groupe à qui on va donner, je ne sais pas, moi, 10 000 $ de plus par année. Ça va nous éviter qu'à 18 ans le jeune tombe à l'aide sociale. On en économise plein, de sous, sans compter tout le bien qu'on fait, évidemment.

La dernière chose que je veux dire, c'est que, quand je parlais d'une rencontre qui était nécessaire entre quelqu'un du centre local d'emploi et la personne, dans mon esprit à moi, c'était cette rencontre-là. Ça ne veut pas dire que les autres, par la suite, ne sont pas importantes, mais vous comprendrez que je ne dirai pas là, ce soir, le contraire de ce que je dis depuis des mois, c'est-à-dire que je ne vise pas l'obligation, mais que l'État se donne comme obligation, dans ces centres locaux d'emploi, de rencontrer une personne qui vient pour la première fois, ça me paraîtrait être la moindre des choses, et que, oui, c'est une rencontre qui doit prendre le temps que ça prend, hein, pour faire le tour d'une question, puis dire à une personne qu'on est avec elle et qu'on va essayer de trouver avec elle ce qu'elle peut... ce qu'est sa vie, dans le fond, puis ce que sont ses difficultés, et ce qu'elle aurait envie de faire... Alors, voilà.

Quant aux jeunes dont la collègue parle, qui, effectivement, ne sont pas tous d'un milieu défavorisé, je suis complètement d'accord avec elle. Et parfois ce que ça veut dire, c'est qu'il aurait dû y avoir une intervention familiale, probablement, auparavant. On a échappé des jeunes. On en échappe, d'ailleurs, on le sait. Et donc, oui, on retrouve à l'aide sociale malheureusement des jeunes qui, en fait, tu sais, avaient... Au départ, on aurait pu penser qu'ils avaient tout pour ne pas y être, mais ce n'est pas tout, dans la vie, d'avoir des sous dans une famille, hein? Il faut bien d'autres choses que ça.

Alors, d'accord avec elle, mais je suis particulièrement contente de la mention de l'importance de l'accompagnement des jeunes lorsqu'ils sont à l'éducation aux adultes. Merci, M. le Président.

• (22 h 20) •

Le Président (M. Hardy) : Merci, Mme la députée de Gouin. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement qui a été proposé par le député de Richelieu? M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Oui, M. le Président. Je crains que le ministre n'utilise à notre égard, à nous, des oppositions, particulièrement à l'égard de l'opposition officielle et de Québec solidaire, cette méthode qu'il qualifiait, si je me rappelle bien, de paternaliste bienveillante, celle des sanctions, des punitions, des privations qui allaient mener à l'adhésion à quelque chose. Peut-être croit-il qu'en nous privant de règlements, d'études d'impact, de réponses, de plan d'action, on va finir par adhérer à sa méthode pour sortir les gens de l'aide sociale et les amener vers d'autres voies. Or, il serait intéressant que des chercheurs assistent à ce qui se produit ici. Ils pourraient conclure, comme nous le pensons, que ne marche pas, que ça ne marche pas, les sanctions, les punitions, les privations. Ce n'est pas ça, M. le ministre, qui nous fera adhérer à votre méthode. Au contraire, il faut, il faut, nous servir ces études auxquelles vous vous référez. Il faut produire ces règlements si déterminants dans une loi, le cadre réglementaire, les règlements, les études d'impact, et tout ça.

Je me raccroche, M. le Président, évidemment à l'amendement, là, qui est à l'étude, à savoir que le programme ne soit mis en vigueur qu'après le dépôt du prochain plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Je m'inscris là-dedans comme mes collègues parce qu'en effet, comme plusieurs le croient, l'application du projet de loi du ministre appauvrirait encore davantage des gens qui ont toutes les difficultés du monde à joindre les deux bouts. J'ai ici un texte signé par des gens dont certains sont de mon comté. J'avais souligné leurs noms tout à l'heure pour les saluer en même temps : Anne Rousseau, du Regroupement des assistés sociaux du Bas-Richelieu, et Dominique Gosselin, d'Action-Logement Pierre-De Saurel. Ils écrivent : «Le ministre ose [...] affirmer que son projet de loi n'appauvrira pas les plus pauvres, puisque les personnes qui participeront aux mesures obligatoires d'employabilité recevront des montants supplémentaires. Or, il [faut] mentionner que les personnes qui ne participeront pas à ces mesures verront leur maigre chèque [...] amputé d'un montant pouvant s'élever jusqu'à 224 $. Pour plusieurs raisons, bon nombre d'individus ne seront pas disposés à participer de façon continue aux mesures obligatoires, et seront placés en position d'échec. Pensons, par exemple, aux personnes aux prises avec des troubles de santé mentale non diagnostiqués...» Alors, ils ne sont pas nécessairement jugés inaptes au travail parce qu'on n'a pas diagnostiqué ces problèmes dont ils peuvent souffrir. «[Pensons aux personnes aux prises avec] des difficultés liées [avec] la toxicomanie ou en situation de ruptures de toutes [autres] sortes. Couper les prestations de ces personnes-là, c'est en quelque sorte les jeter à la rue.» Puis ça, on l'a lu bien des fois, on l'a entendu bien des fois et nous l'avons rappelé au ministre bien des fois.

«Qui peut, en 2016, combler ses besoins de base avec 399 $ par mois?», parce que c'est ultimement ce qui pourrait arriver aux gens victimes des sanctions du ministre, dont il croit, lui, que ça va les mener à adhérer au programme Objectif emploi.

Je poursuis, là, un extrait du texte des gens dont j'ai cité quelques noms tantôt : «Nous sommes bien d'accord sur le fait de bonifier les prestations et l'accompagnement pour les personnes qui participent à des mesures d'employabilité.» Ça aussi, nous l'avons dit ici. Nous ne cessons de répéter que tout n'est pas mauvais, de ce projet de loi. «Par contre, nous sommes totalement opposés à la démarche punitive [...] dans le programme Objectif emploi. Le montant de base déjà insuffisant ne doit être amputé d'aucune façon. Historiquement, ce type de mesures a démontré son inefficacité et ses nombreux effets pervers.»

Alors là, le ministre pourrait dire tout de suite : Je vous produis toutes les études que j'ai sur la question. Bien non! À un moment donné, là, il nous dit que, peut-être, il produira des études d'impact, il profitera de l'étude d'un article subséquent pour ce faire.

«...ce projet de loi — je poursuis le texte — vise à faire des économies sur le dos des [...] pauvres.» Et là j'ai donc le goût de ressortir la si belle citation : «Il faut s'attaquer — c'est ça? — à la pauvreté plutôt que s'attaquer aux pauvres.» Alors, je ne l'avais pas cité tout à fait correctement, M. le Président. Je vais le faire, là, au texte, là. C'est encore plus beau au texte parce que ça a l'air d'un slogan, là, qui suscite l'adhésion d'une société au complet dans la lutte à la pauvreté. Moi, j'y adhère.

Le texte précis, c'est, dans le livre Un revenu garanti pour tous, signé par le ministre : «Faire la guerre à la pauvreté...»

M. Blais : M. le Président...

Le Président (M. Hardy) : Oui. M. le député de Richelieu...

M. Blais : ...est-ce que je peux demander le dépôt du document?

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Hardy) : Est-ce que vous voulez déposer le document?

M. Rochon : Non, je... oui?

M. Turcotte : M. le Président, il y a des notes personnelles à l'intérieur, dont, M. le Président, des notes personnelles écrites de la main du ministre, qui m'a dédicacé son livre : «Dans l'espoir d'une lecture attentive et éclairante, François Blais». Donc, j'en fais une bonne lecture éclairante, M. le Président. Donc, comme il y a des notes manuscrites, je ne peux déposer le document.

Le Président (M. Hardy) : Bon, c'est parfait. Ça fait qu'on continue, M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Oui, oui, oui. Et je suis sûr que mon collègue de Saint-Jean voyait comme une sanction le dépôt du livre.

«Dans l'espoir d'une lecture attentive et — comment? — éclairante.» Ça, c'est intéressant, comme dédicace parce que ce que le ministre a souhaité se produit, s'est produit. Il incarne, mon collègue de Saint-Jean, quelqu'un d'attentif et d'éclairé à l'égard du sort des Québécois et des Québécoises qui ont été moins chanceuses et chanceux dans leur vie.

Alors, M. le Président, nous continuerons — je sens que mon temps s'écoule de même que celui de la commission — à mener cette guerre à la pauvreté et dirons non à cette guerre aux pauvres.

Le Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Richelieu.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 29)

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