(Quinze heures vingt-cinq minutes)
Le
Président (M. Cousineau) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission de l'économie et du
travail ouverte. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre l'étude
détaillée du projet de loi n° 70, Loi
visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et
l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration en emploi.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le Président.
M. Iracà (Papineau) remplace M. Drolet (Jean-Lesage); M. Giguère
(Saint-Maurice) remplace M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys); M. Turcotte (Saint-Jean) remplace M. Leclair (Beauharnois); et M. LeBel (Rimouski) remplace M. Therrien (Sanguinet).
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, merci, Mme la secrétaire.
Étude détaillée (suite)
Donc, lors de
notre dernière séance de la semaine
dernière, nous avions débuté l'étude
d'un amendement du député
de Saint-Jean à l'article 83.1 proposé par l'article 28 du projet de
loi. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, M. le député de Saint-Jean,
je vais essayer de voir... Est-ce que nous avions le temps restant? Oui, je vais
essayer de voir... Et voilà. Alors,
le temps restant sur l'amendement :
M. le député de Saint-Jean,
il vous reste 5 min 55 s; M. le député de Richelieu,
13 min 25 s; Mme la
députée de Gouin,
20 minutes; M. le député de Drummond—Bois-Francs, 19 min 5 s. Alors... Oui, Mme la députée de Gouin.
Allez-y, madame. Sur l'amendement, évidemment.
Mme David
(Gouin) : Bien sûr.
Bonjour, M. le Président. Chers collègues, bonjour en ce début de semaine. Je voudrais donc intervenir, oui, parce que
j'aimerais soutenir l'amendement présenté par mon collègue le député de
Saint-Jean.
Lorsque, bien, j'ai été présente, la semaine
dernière, j'ai été vraiment
frappée par le fait que le gouvernement voulait s'engager
dans, bon, tout ce programme Objectif emploi mais dans une voie, v-o-i-e, qui,
moi, en tout cas — pas
seulement moi, tellement de gens — me
paraissait peu fondée au niveau
scientifique. Et là je n'en suis pas à une discussion sur les principes, nous l'avons fait abondamment. J'en
suis vraiment à une discussion sur le lien de cause à effet que l'on peut ou
ne peut pas établir entre le besoin que certains semblent avoir d'imposer des
sanctions à des gens qui refuseraient de participer
à des programmes, ou qui refuseraient un emploi jugé convenable, ou qui
quitteraient un programme sans raison jugée
valable et la motivation des gens à donc, oui, occuper un emploi, oui,
embarquer dans un programme et s'y maintenir.
• (15 h 30) •
Ce que je comprends de l'amendement de mon
collègue, c'est : Bien, avant d'en arriver là, ce serait pas mal intéressant d'avoir deux études indépendantes par des...
j'en comprends donc que c'est par des gens différents, évidemment, qui vont déterminer les besoins des personnes. Je
trouve ça d'autant plus intéressant que, du côté du ministère, les chiffres
qu'on nous donne sur le temps... la durée,
pardon, du maintien ou du stationnement, entre guillemets, là, à l'aide sociale
des primodemandeurs, là, tous les chiffres
me semblent relativement peu clairs, parfois contradictoires, mais surtout,
surtout les chiffres ne nous disent rien des besoins des personnes, et
c'est de ça ici qu'on parle, hein, déterminer les besoins d'accompagnement des
personnes.
Se
pourrait-il qu'il y ait des primodemandeurs qui n'aient pas de besoin
d'accompagnement? Est-ce que ça se peut,
ça? Moi, je pense
que oui. Quelqu'un peut avoir 45 ans, a perdu son emploi et n'a pas
de besoin d'accompagnement particulier, sinon que de se faire aider à très
court terme, par exemple, soit pour une recherche d'emploi soit pour
pouvoir se recycler, pouvoir être
formé de nouveau peut-être dans un autre domaine, mais cette personne-là
aura probablement moins besoin d'accompagnement... ou je ne
sais pas, moi, un jeune universitaire en chômage et qui malencontreusement a
besoin d'aide sociale un certain temps a peut-être moins besoin d'accompagnement
qu'une personne, jeune ou moins jeune,
vivant toutes sortes de problèmes psychosociaux, de santé physique,
psychologique, etc., ou d'analphabétisme, et qui, elle, aura besoin, donc, d'un accompagnement substantiel. Mais
tout ça ne me paraît pas clair dans les intentions du ministre, dans sa
manière de défendre son projet de loi.
J'ai lu d'ailleurs
avec attention ce qu'il en a dit dans Le Huffington Post. Alors,
je ne sais pas exactement à qui il répondait
lorsqu'il disait, mettons, je ne sais pas, moi : On va contraindre les
gens à travailler pour rien. Bien, c'est sûr. En tout cas, moi, je ne me reconnais pas là-dedans. J'ai très bien
compris depuis longtemps qu'on n'allait pas demander aux gens d'occuper
un emploi sans rémunération, là.
Mais par
contre c'était intéressant de lire l'article, parce que, dans le fond, le
ministre répétait à peu de chose près ce
qu'il nous dit en Chambre, mais je ne vois toujours pas, là, dans
l'argumentaire du ministre, je ne vois toujours pas d'argument basé... ou d'analyse, pour être plus
claire, basée sur ce qui se passe ici, au Québec, mettons, depuis la fin de la
crise, là, des années 2008, 2009. Parce que,
cette année-là, je pense qu'elle ne doit pas servir de période de référence,
étant donné son caractère très particulier, mais, tu sais, mettons 2009,
2009‑2016, ça fait six ans. Qu'est-ce qu'on sait des primodemandeurs? Je ne peux pas imaginer que le ministère ne le sache
pas, mais moi, j'aimerais le savoir. Qu'est-ce qu'on sait? Qui sont-ils et qui sont-elles? Quels sont leurs besoins?
Combien de temps ces personnes-là sont restées à l'aide sociale? Pourquoi? Ont-ils, ont-elles participé à
des programmes, oui ou non? Combien de temps? S'ils ou elles ont quitté,
pourquoi? Est-ce qu'on leur a offert autre chose?
Le ministre, dans son
article, dit : C'est quand même incroyable, on n'oblige même pas les gens
à une seule rencontre, comme si c'étaient
les gens qui ne voulaient pas participer à une rencontre, mais très souvent,
faute de ressources, dans les centres locaux d'emploi, on n'offre pas de
rencontre. Donc, il ne faut pas remettre ça sur la faute des gens eux-mêmes, là, des bénéficiaires ou futurs
bénéficiaires, on ne leur en offre pas parce qu'on n'a pas le personnel pour
leur en offrir. Moi, je pense que beaucoup
de gens seraient heureux d'avoir une vraie rencontre en chair et en os et pas
seulement se parler par Internet ou même par téléphone.
Donc,
tout ça est trop flou, M. le Président, et c'est la raison pour laquelle je
pense que l'amendement déposé par mon
collègue est très sensé. Ça permettrait à tout le monde de réfléchir, d'abord
d'avoir des études, de réfléchir ensemble, et là, par la suite, on
pourrait discuter de nouveau et se dire : O.K., quelle sorte de programme
il faut mettre en place? Jusqu'où il faut
aller? Des sanctions sont-elles nécessaires? Le ministre comprendra que,
personnellement, je ne puis être d'accord
avec l'idée de sanctions sur une prestation de 623 $ par mois, je trouve ça indécent, mais au
moins on aurait un argumentaire fondé
sur les faits ici, au Québec, là, pas en Scandinavie, là, ici, et sur une
analyse de ces faits. À moins que le ministre... — pardon,
excusez-moi — le
ministre les ait déjà. Mais, s'il les a, il ne nous les a pas données.
Donc, je trouve cet
amendement très intéressant, M. le Président, et j'y souscris.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, Mme la députée de Gouin. M. le ministre.
M.
Blais : Peut-être deux informations, M. le Président. Donc, à la
dernière rencontre, le député de Rimouski m'a demandé où est-ce qu'on en était, là, avec, disons, la lutte contre la
pauvreté au Québec, est-ce qu'on avait des données là-dessus. Il va trouver sur le site
Internet du ministère
des documents qui devraient l'intéresser, qui s'intitule La pauvreté, les inégalités et l'exclusion sociale au
Québec : état de situation 2013, un document synthèse. Vous avez aussi un document plus long sur le sujet, bien sûr, avec aussi des
tableaux, là, qui situent le Québec globalement au troisième rang, là, des
provinces canadiennes, donc, avec un taux de
pauvreté de 10,8 %, là, dont je le disais il y a quelque temps déjà, que
c'est relativement stable depuis une dizaine d'années.
Écoutez, sur les
chiffres et...
Une voix :
...
M. Blais :
Pardon?
M. LeBel :
...répéter le document?
M. Blais :
Oui. La pauvreté, les inégalités et l'exclusion sociale au Québec :
état de situation 2013.
Pour
ce qui est, maintenant, bon, des études ou... c'est une population, les
primodemandeurs, qui est assez connue, là.
Les prestataires aussi, il y a beaucoup d'études sur le sujet, là. Je vais
rappeler à ma collègue des chiffres, là, qu'on a utilisés, présentés il
y a quelque temps déjà. Depuis près de trois ans,
288 000 prestataires ont été convoqués à des rencontres, donc on ne peut pas dire que les CLE, là, se tournent les
doigts. Seulement 12,8 % — si elle juge que c'est
suffisant — seulement
12,8 % se sont mis en mouvement vers l'emploi.
Ce
matin, j'étais en rencontre avec les directeurs généraux... régionaux, pardon,
d'Emploi-Québec, il y avait, quoi, une
vingtaine de personnes à cette rencontre, et il y avait une directrice
régionale, plus tôt, qui me disait qu'effectivement les convocations ne
fonctionnent plus, ça ne donne plus rien, les gens ne viennent pas,
malheureusement. Alors donc, l'exemple qu'on
me donnait ce matin même, 60 personnes convoquées, cinq sont venues, et à
peine deux, je pense, je ne veux pas me
tromper — c'est
bien ça, deux, hein? — deux ont participé à des mesures quelconques. Donc, c'est très
sérieux parce que les 58 autres se mettent dans une situation de
fragilité, là, qui perdure.
Donc,
c'est un évènement... une discussion ce matin, mais on pourrait fournir des
chiffres là-dessus, là, immenses, sur
le fait que malheureusement on ne réussit pas à intéresser les gens à des
mesures qui pourraient vraiment les aider. La preuve, c'est, lorsqu'on voit une participation à des mesures — et on a une idée des mesures qui ont le plus
d'impact, les mesures qui ont le
moins d'impact, hein? — on voit là un bond important, là, au niveau de la sortie de l'aide
sociale, donc il faut les amener dans cette direction-là. Et malheureusement,
c'est ce que me disaient les directeurs régionaux d'Emploi-Québec, on ne
réussit plus, malheureusement, à le faire, et c'est des vies qui sont brisées.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. le ministre. Alors, Mme la députée de
Gouin.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Je ne conteste pas ces chiffres du ministre.
Pour ce qui est des premiers chiffres, il
nous les avait déjà donnés. Ce que je dis simplement, c'est que beaucoup,
beaucoup de primodemandeurs ne sont pas convoqués avant de recevoir un premier chèque. Là, moi, je
parle des primodemandeurs. Il se peut fort bien que, chez des personnes
qui sont à l'aide sociale depuis un bon moment, il y ait des difficultés de
convocation, je n'en disconviens pas.
Maintenant,
il faut dire que dans certains cas il
y a des choses qui se comprennent. Et
là je le fais rarement, en fait je ne
l'ai jamais fait, mais je vais me permettre de rappeler une disposition mise en place par le gouvernement du
Parti québécois, donc, autour de
2013, là, 2013, je pense que oui, c'est-à-dire que désormais les personnes
entre 54 et 57 ans n'étaient
plus considérées automatiquement comme ayant des contraintes temporaires à
l'emploi, et donc tout comme les
familles ayant de jeunes enfants où il y avait deux adultes dans la famille. Et
ce que j'ai trouvé intéressant, un an après, c'est d'avoir une sorte de rapport... bien, rapport... en fait on s'est
rencontrés, le centre local d'emploi de ma circonscription et moi, et il était arrivé à peu près ce que je
pensais qu'il arriverait, c'est-à-dire ça a fonctionné avec les jeunes
familles, les gens étaient convoqués, ils venaient, ils se mettaient en
mouvement, mais ça n'a pas fonctionné avec les gens de 54 à 57 ans, ce qui était hautement prévisible puisqu'il s'agissait en
général d'hommes seuls à l'aide sociale depuis 10 ans, en mauvaise
condition physique et psychologique.
• (15 h 40) •
Donc,
voyez-vous, c'est tout ça qu'il faut savoir avant de dire : On va faire
telle ou telle chose. Il faut savoir de qui on parle, il faut savoir qu'est-ce qu'on a à offrir, pourquoi on va
offrir telle chose plutôt que telle autre. Et là-dedans je pense que les gens des centres locaux d'emploi
sont effectivement précieux parce qu'ils connaissent bien la population à
l'aide sociale, ils connaissent les primodemandeurs, ils peuvent identifier les
besoins. Je pense que les organismes communautaires aussi connaissent bien les besoins. Donc, avant
de dire : On va mettre en place telle ou telle chose, je pense
qu'il faut pouvoir tenir ces études dont nous parlons.
Maintenant,
c'est non pas un désaccord, mais un ajout que je voudrais apporter à l'amendement de mon collègue, et ça va
prendre la forme d'un sous-amendement. Moi, j'aimerais qu'on parle de «double étude
qualitative et quantitative». Je
pense qu'on a peut-être par inadvertance oublié cet aspect des choses. Je
voudrais donc, M. le Président, déposer un amendement, qui est prêt.
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, Mme la députée, nous recevons votre amendement.
Je vais suspendre quelques instants, le temps
d'en faire des copies pour les membres de la commission.
(Suspension de la séance à 15 h 41)
(Reprise à 15 h 44)
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, nous reprenons nos travaux. Donc, Mme la députée de Gouin
nous dépose un sous-amendement à l'amendement déposé par M. le député de
Saint-Jean à l'article 83.1 proposé par l'article 28.
Alors, le sous-amendement de Mme la députée se lit comme suit : Modifier l'amendement à l'article 83.1 proposé par l'article 28 en
ajoutant, après le mot «qualitative», les mots «et quantitative».
À vous la parole, Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Bien, écoutez, ce ne sera pas très compliqué. Une étude qualitative,
c'est vraiment intéressant parce qu'au-delà des faits on prend le temps
nécessaire pour faire une analyse qualitative, c'est-à-dire une analyse qui va
au-delà des chiffres. Ça me paraît extrêmement important.
Mais on a besoin de chiffres aussi. Le seul chiffre
dont le ministre nous a vraiment parlé, me semble-t-il, là, à moins que j'en aie échappé, depuis le début de la
commission, c'est 17 000 primodemandeurs
chaque année; là-dessus, 11 000 jeunes.
Ça, c'est clair. Oui, mais encore? Quantitativement, qui sont ces jeunes?
Combien par région? Quel âge ont-ils?
Quelles sortes d'études ont-ils complétées? Combien viennent des centres
jeunesse? Combien viennent de familles à l'aide sociale?
Ensuite, je
dirais : Quelle est la proportion de ces jeunes — parce qu'il faudrait bien l'analyser — qui souhaitent un retour aux études? Ça prendrait quoi pour que
ce soit possible, pour qu'il y ait un accompagnement véritable? Sinon, bien sûr, comme d'habitude, on le sait, c'est
71 % qui abandonnent avant la fin, ça va être un échec. Combien ça prend
d'argent pour que ça marche? Combien
allons-nous avoir de stages en entreprise? Combien d'argent allons-nous avoir
pour des organismes d'employabilité? Et quels programmes plus diversifiés
pourront-ils offrir?
Il nous faut
des faits. En fait, on pourrait même dire une double étude quantitative et
qualitative, parce que je pense que
la première chose à faire, c'est d'avoir les faits, et la deuxième chose à
faire, c'est, après ça, d'être capable vraiment d'analyser, de mettre les variables en rapport les unes avec les autres.
Et là on saura, au terme de cet exercice, qui pourrait donc durer un an, qui sont vraiment les primodemandeurs, quelle proportion — là, je peux en rajouter, là — a des problèmes psychosociaux, quelle proportion a un handicap,
handicap léger, handicap lourd, quelle proportion a des problèmes de
dépendance.
Il me semble,
là, que, compte tenu de l'importance de la réforme visée par le ministre, si on
avait un portrait... Puis il faut
prendre le temps de le faire. Après tout, il n'y a pas urgence nationale, là,
d'ici trois mois, là, d'imposer des sanctions
aux gens, là, quand même. C'est tellement sérieux que je pense que c'est
préférable de prendre le temps nécessaire pour avoir l'ensemble des données, qui de toute façon permettrait à
nombre de gens de pouvoir avoir une discussion peut-être encore plus
intéressante et plus riche autour de cette réforme. Il vaut mieux faire ça que
de se dépêcher et de s'obstiner à
aller dans une direction dont personne ne veut, là, personne à part le
gouvernement du Québec, c'est quand même
beaucoup, là, et peut-être une association patronale sur quatre, une, mais
sinon, en fait, ce qu'on voit surgir et ressurgir toutes les semaines et de plus en plus, c'est une
opposition à l'idée des sanctions. Alors, ou bien tous ces organismes et
toutes ces personnes, chercheurs,
professeurs, éditorialistes et autres, sont absolument tous, je ne sais pas,
moi, un petit peu
ignorants, ou pas assez rigoureux, ou ils n'ont pas compris ou je ne sais pas
quoi, ou bien ils ont peut-être un petit peu raison. Et là, je me dis, plutôt que de poursuivre ce qui m'apparaît
être une sorte de dialogue de sourds, peut-être que, si on se donnait
collectivement le temps nécessaire pour avoir les études dont nous avons besoin
et donc avoir plus d'arguments — puis je considère que c'est au gouvernement
à les fournir, étant donné que c'est son projet de loi — bien là on aurait peut-être une autre
discussion, on pourrait peut-être franchir des pas, qui sait.
Mais, pour le
moment, je pense qu'en l'absence
d'étude quantitative et qualitative le ministre, vraiment, nous pose à tous et à toutes un problème important. Au-delà même des principes,
là, on ne peut pas souscrire à son orientation, parce
que rien ne nous y conduit.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, Mme la députée de Gouin. M. le ministre, voulez-vous...
• (15 h 50) •
M. Blais : Bien, c'est-à-dire qu'on
a pas mal de renseignements sur la population des primodemandeurs au Québec,
les caractéristiques hommes, femmes, sont-ils nés au Canada, sont-ils nés ailleurs,
est-ce qu'ils sont... quelle est leur situation familiale, en couple ou non, quelle est la
scolarité atteinte aussi, je pense que, ça, on en a parlé déjà, où est-ce qu'ils se situent dans les régions
du Québec. Donc, on a pas mal d'information.
Mais il faut comprendre que ce que recherche notre collègue,
c'est-à-dire, bien, qu'est-ce qu'ils préfèrent, quel est leur projet de vie, est-ce qu'ils
préféreraient plutôt un retour aux études, toutes ces questions-là, qui sont
pertinentes, qui pourraient donner
lieu, là, à une recherche que... à des entrevues notamment, on ne peut pas les
faire parce qu'ils ne viennent pas nous voir et on ne peut pas exiger
qu'ils viennent nous voir. Donc, on les laisse dans la rue ou chez eux.
Mais il faut
comprendre qu'on a... C'est extrêmement limité comme capacité, en ce moment, de
travailler avec eux, mais on a quand même pas mal d'information sur leur
profil socioéconomique.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Gouin.
Mme David (Gouin) : Non.
Le Président (M. Cousineau) :
Pour l'instant, ça va?
Mme David (Gouin) : Oui.
Le
Président (M. Cousineau) : Toujours sur le sous-amendement,
c'est-à-dire d'ajouter «quantitative» au mot «qualitative». M. le député
de Saint-Jean.
M.
Turcotte :
Merci, M. le Président. Tout d'abord mentionner que nous souscrivons au
sous-amendement de notre collègue la
députée de Gouin, parce qu'effectivement on a eu même le débat sur cette
question-là, de mémoire c'était jeudi
dernier, hein, lors de notre dernière rencontre, où on a déposé l'amendement en
soirée, et la question de pourquoi qualitatives, les études, plutôt que
quantitatives ou pas les deux.
Donc, notre
collègue, par son sous-amendement, au fond, nous invite à ajouter cet aspect
qui est quand même assez important,
qui est assez important parce que, si on veut s'assurer d'avoir un bon portrait
de la situation, oui, dans ce cas-ci,
une double étude qualitative est importante, parce qu'une étude qualitative, au
fond, ce que ça permet de voir ou d'avoir
comme information, c'est un peu ce que je plaidais la semaine dernière, c'est
le vécu des gens. C'est de faire en sorte
que, dans un monde idéal, si le ministre accepte notre amendement ainsi que le
sous-amendement... c'est que nous aurions deux équipes de chercheurs qui
auraient chacune une cohorte, un échantillonnage, si on peut dire, donc, des
primodemandeurs ou des gens qui demandent de l'aide sociale et pourraient voir
avec eux pourquoi ils sont confrontés à se
rendre, justement, à l'aide sociale, quels besoins ils ont en particulier,
c'est quoi, leur vécu. Bon, puis on en a parlé par le passé ici, là, à plusieurs occasions, les groupes qui sont
venus ici, en commission parlementaire, en ont parlé aussi largement, des différentes réalités que
peuvent vivre les primodemandeurs, on pourrait dire les gens à l'aide sociale
en général, mais, dans ce cas-ci, les
primodemandeurs, parce que le projet de loi s'adresse à eux, donc, puis on
revient souvent avec ces exemples-là,
là, peut-être que c'est parce que c'est ceux qu'on a le plus entendus, bon,
bien, des problèmes de dépendance,
problèmes personnels, problèmes familiaux. On a abordé aussi la question de...
La première partie du projet de loi concerne davantage l'adéquation
entre la formation et l'emploi, mais c'est aussi un facteur. Ça se peut qu'une personne ait un diplôme, une formation, mais que
soit que la personne n'a plus le goût parce qu'elle a vécu un échec ou une
difficulté dans son domaine ou parce qu'elle
n'est pas faite pour travailler dans ce domaine-là, sur le plan physique ou
autres.
Moi, j'ai une
amie à moi qui a fait son cours pour être assistante-pharmacienne, là, donc
pour donner un coup de main. Bien,
force est de constater qu'elle était excellente, elle avait de très bonnes
notes, elle a réussi son diplôme. Elle était
à l'aide sociale. À ce moment-là, là, je la côtoyais souvent puis je la
motivais pour qu'elle termine son cours, qu'elle suive une formation, qu'elle
puisse terminer son cours. Ce n'était pas facile, elle avait son jeune garçon.
Le matin, elle se levait aux aurores,
prendre l'autobus de Saint-Jean, se rendre à Montréal en plein hiver, etc. Son
conjoint, bon, n'aidait pas tant que
ça, de l'époque, et maintenant elle a changé de conjoint, tant mieux. Et ça a
fait en sorte qu'elle a terminé ses études,
elle a commencé à travailler, mais physiquement elle n'était pas capable de
faire le travail, pour la simple et bonne raison qu'elle ne pouvait pas rester
pendant toutes ces heures-là debout derrière le comptoir parce que physiquement
ses jambes n'étaient pas capables de vivre ça. Donc, ça fait en sorte
qu'elle a dû se trouver un autre emploi dans un autre domaine.
Donc, ça se peut que la personne ait
un diplôme, des diplômes, mais que, là, elle n'est pas capable de se trouver
un emploi. Le temps qu'elle se réoriente, etc., elle a besoin de l'aide sociale,
etc.
Donc,
d'avoir ce genre de vécu là, ça nous permet de dire : Bien, peut-être
que le problème, c'est dans l'orientation qui est faite peut-être
dans nos écoles ou ailleurs. Ce n'est pas comme s'il y avait beaucoup
de services d'orientation dans les
écoles, M. le Président. M. le
Président, le service d'orientation, dans les écoles, nos orienteurs tentent de faire un travail extraordinaire, mais ils sont tellement peu nombreux versus la demande qu'ils tentent, au
fond, d'y aller avec les cas les plus compliqués
ou les plus criants. Ce qui fait en sorte que cette étude-là, ces études-là,
là, on parle, nous, d'une double étude...
Pourquoi double? Parce
qu'on croit que d'en avoir deux ça permet, comme je l'expliquais un peu, de
valider certains éléments de l'étude plus rapidement.
Ça permet aussi d'avoir... si des données se répercutent ou sont similaires,
bien, de valider ces informations-là, mais aussi, dans une autre possibilité, de faire en sorte qu'on peut aller plus vite, plus rapidement. Si, justement,
ces deux études-là qui sont en parallèle... en autant qu'il n'y ait pas de contamination des études, mais, si les deux études sont en parallèle, ça peut permettre, justement...
si les données ou les résultats, les conclusions sont similaires, bien, ça permet justement de voir qu'elles
sont fondées, donc d'accélérer l'application des résultats de l'étude.
«Quantitative»,
ce que notre collègue la députée
de Gouin ajoute, bien, c'est intéressant. C'est intéressant parce qu'au-delà des vécus des personnes on va pouvoir
aussi avoir des données, hein, des données probantes, avoir des ordres
de grandeur aussi, dans certains cas, ce qui, il faut le dire, là, manque un
peu.
On
a posé la question la semaine dernière, puis là, bon, le ministre a dit,
bon : C'est peut-être dû à la fatigue, bon, là, il avait peut-être mal interprété notre question ou
il n'a pas été assez clair dans les données, mais, sur une question fondamentale : En ce moment, quelle est la
durée moyenne d'un primodemandeur à l'aide sociale?, bon, le ministre nous a
dit : 9,7 mois, pour par la suite nous
dire : Oui, mais là, ça, c'est pour les primodemandeurs. J'espère, c'est
la question. Donc, la réponse était très bonne, parce qu'en ce moment, à
moins que je me trompe, peut-être... ça fait quand même quelques heures qu'on siège sur le projet de loi, et je pense que c'est
pas mal sur les primodemandeurs qu'on travaille, donc la question s'applique à eux, bien entendu. On ne peut pas valider
une donnée des gens qui sont à l'aide sociale depuis, de mémoire, 1975 ou 1979, peu importe, en tout
cas, les années 70, et de valider avec des gens qui entrent à l'aide sociale,
leur première demande, la première fois,
c'est sûr qu'on ne peut pas comparer ça. Donc, en ce moment... Parce qu'à moins
que je me trompe, encore là, les gens qui
sont actuellement à l'aide sociale ne sont pas rejoints par le projet de loi,
même si on sait que même les groupes,
même les groupes qui oeuvrent auprès des gens à l'aide sociale ouvrent la porte
à ce que le programme Objectif emploi
puisse s'appliquer aux gens qui sont actuellement à l'aide sociale, bien
entendu, en autant que la partie punitive ne soit pas incluse.
• (16 heures) •
Ici,
j'ai le communiqué, M. le Président, du 7 juin — le 7 juin, ça, c'est aujourd'hui, donc
c'est du matériel neuf, M. le Président — le communiqué de la
Coalition Objectif Dignité, qui mentionne, je vais le citer, là, il y a
quelques éléments intéressants, bon :
«À trois jours de la fin des travaux intensifs à l'Assemblée nationale, la
Coalition Objectif Dignité fait appel au premier ministre du Québec pour que le
projet de loi n° 70 soit retiré du menu législatif ou, au pire, qu'il soit modifié radicalement. En effet, même si
le projet de loi fait présentement l'unanimité contre lui, la coalition est d'avis qu'il peut toujours être transformé
pour aider réellement — aider réellement — les premiers demandeurs d'aide
sociale : une condition sine qua non, le retrait de l'approche coercitive
introduite par le programme Objectif emploi.»
J'ouvre les guillemets, M. le Président : «Nous reconnaissons que les montants supplémentaires offerts aux premiers demandeurs d'aide sociale par le futur
programme Objectif emploi sont plutôt intéressants, mais en autant que les mesures soient appliquées avec toute la souplesse
dont parle le ministre [de l'Emploi
et de la Solidarité sociale] et que
la prestation de base reste à l'abri
[de ces] coupes.» C'est ce qu'on dit depuis le début, M. le Président. Très clair, là. On croit que
le programme Objectif emploi peut être un bon programme. Le problème qui accroche
ou qu'est-ce qui accroche, c'est les sanctions, la partie punitive,
surtout quand elle s'attaque à la prestation de base de l'aide sociale.
«Nous
sommes également d'accord avec le ministre lorsqu'il insiste sur l'idée que,
pour la majorité des premiers demandeurs, l'emploi n'est pas la
priorité, mais que c'est plutôt la formation.» Là-dessus, M. le Président, le ministre
actuel, du moins il ne m'a pas
contredit depuis que je le dis, je crois que c'est lui qui a tenu à ajouter ce
parcours possible dans le programme
Objectif emploi, parce qu'au départ, sous l'ancien ministre,
là, ce n'était pas une priorité, du moins on n'en parlait pas beaucoup,
de la formation, c'était vraiment Objectif emploi, emploi, emploi, emploi, un
peu... peu importe le type d'emploi. Le ministre
actuel, à plusieurs occasions, a mentionné qu'il considérait important
aussi d'ouvrir la porte pour la formation, pour s'assurer qu'on puisse
avoir une diversité, si on peut dire, dans les emplois possibles à pourvoir, parce que, quand on parle des emplois,
des milliers d'emplois qui seront disponibles, ce n'est pas qu'un type d'emploi, ce n'est pas qu'un domaine d'emploi,
c'est dans divers domaines, donc, effectivement, il faut offrir de la formation à ces gens, aux gens qui se cherchent un emploi,
si on veut être capable de répondre à ces besoins qui, bon, soi-disant seront
présents dans quelques années... ou si ce n'est pas déjà arrivé. Donc, il faut effectivement
offrir des formations.
Et
là j'ajoute : «"Cette approche devrait même être généralisée à toutes
les personnes assistées sociales souhaitant adhérer volontairement au
programme Objectif emploi", affirme Serge Petitclerc, porte-parole de la
coalition objectif [emploi].» Bien, Serge
Petitclerc, pour ceux qui le connaissent, ce n'est pas un grand fervent du projet de loi n° 70, ni la Coalition
Objectif Dignité. Cependant, ici, la phrase est très claire, là :
«"Cette approche devrait même être généralisée à toutes les
personnes assistées sociales souhaitant adhérer volontairement — ‘volontairement'
est important — au
programme Objectif emploi"...» Donc, ce
que ça veut dire, M. le Président, c'est que c'est une bonne approche, de favoriser
l'insertion en emploi des personnes, des
nouveaux demandeurs à l'aide sociale; ça, tout le monde s'entend là-dessus.
Ça peut être une bonne approche aussi de l'ouvrir aux autres personnes
qui sont à l'aide sociale.
Donc, moi, je
n'adhère pas à l'idée... Quand le ministre dit que certaines personnes au Québec
veulent maintenir les gens à l'aide sociale, moi, je n'adhère pas à cette
idée-là. Peut-être que le ministre a des gens en tête, des noms en tête, mais
moi, je n'adhère pas à cette opinion qu'il a.
Cependant,
moi, je crois qu'il est possible d'aider réellement les gens à sortir de l'aide
sociale avec un programme comme
Objectif emploi, mais les sanctions... D'ailleurs, le ministre actuel comme
l'ancien ministre ne nous ont jamais, jamais démontré quelconque étude,
document, analyse, cherchez le mot que vous voulez, M. le Président, pour nous démontrer l'efficacité des sanctions dans le retour au travail, donc en emploi des
primodemandeurs, des gens qui sont pour
la première fois à l'aide sociale. Jamais aucune étude ne nous a été déposée,
démontrée ici, en commission parlementaire, ou ailleurs sur cet aspect-là. Cependant, M. le Président, beaucoup
d'études, beaucoup de gens ont dénoncé l'utilisation des sanctions.
Le ministre nous a fait une nomenclature assez
intéressante de différents pays dans le monde qui utilisent les sanctions, l'approche punitive à l'aide sociale. Le ministre a aussi mentionné qu'il fallait isoler les
variables pour faire en sorte qu'il
ne faut pas généraliser ou appliquer selon... parce que la réalité n'est pas
la même d'un endroit à l'autre, mais
il a tout à fait raison, il a tout à fait raison. Donc, de
nous dire qu'un grand nombre de pays ou du moins un certain nombre de pays dans le monde appliquent les
sanctions et que ça fonctionne, bien, je crois qu'il faut aussi isoler la
variable de la sanction. Est-ce que
c'est véritablement grâce à l'utilisation de l'approche punitive, dans ces pays-là, que le
nombre de personnes à l'aide sociale a diminué ou pas? Est-ce que c'est peut-être
parce que le programme d'aide sociale de ces
pays-là est plus généreux qu'ici? Est-ce
que c'est parce qu'il y a une meilleure adéquation entre la
formation et l'emploi? Est-ce que
c'est parce qu'il y a plus d'emplois de disponibles? Est-ce que c'est parce
qu'il y a justement une plus grande proximité des lieux de travail et
des lieux de résidence? Parce que le facteur distance a quand même une
importance importante, au Québec, et la
question du transport, de l'offre de transport. Quand on fait une tournée, M.
le Président, quand on rencontre des
groupes soit d'employabilité ou de formation... Puis là, ça, moi, je parle de
ça, mais je ne suis pas le plus
crédible pour en parler, c'est mon collègue le député de Rimouski qui pourrait
aborder cette question-là facilement, sur
la question des distances, quand on sait que, dans sa circonscription, les
distances sont incroyables d'une municipalité à l'autre. Bien entendu,
ça a un impact sur la possibilité pour des gens d'être capables de se trouver
un emploi.
La semaine
dernière, la semaine dernière, M. le Président, notre collègue le député de
René-Lévesque a illustré la réalité
de sa circonscription ou du moins de sa région, donc de la circonscription de
René-Lévesque mais aussi de la circonscription
de Duplessis, et il nous a expliqué qu'il y a un nombre de municipalités qui
sont éloignées, qui fait en sorte qu'il
n'y a pas de transport possible, même dans certains cas il n'y a pas de route
possible, mais ça devient compliqué pour se trouver un emploi.
Donc, quand
on isole la variable des sanctions, on pourrait peut-être évaluer, voir
davantage si c'est vraiment parce que ces pays-là dans le monde ont
recours aux sanctions ou non.
Donc, M. le Président, à ce stade-ci, je vais
m'arrêter ici, parce qu'il me reste peu de temps, mais je voulais d'emblée dire
que nous allons appuyer l'amendement de notre collègue la députée de Gouin.
Le Président (M. Hardy) : Merci,
M. le député. M. le ministre.
• (16 h 10) •
M. Blais : M. le Président, ça
va peut-être intéresser mon collègue, là. Donc, dans la liste des recherches
économétriques, là, qui ont été déposées, des références économétriques qui ont
été déposées, là, sur la question de l'obligation,
hein, et de la réciprocité, là, puis des effets, et la mesure exacte de ça,
parce qu'encore une fois il faut savoir exactement ce qu'on a de mesure, c'est peut-être la recherche de Berg,
là, de 2010 qui va être la plus intéressante parce que c'est celle qui porte sur les provinces
canadiennes. Le Canada est un laboratoire en cette matière. Essentiellement,
dans toutes les provinces, il peut y avoir
des obligations de participation de différents ordres, avec différents types,
d'ailleurs, de sanctions. Puis là ils
mesurent assez bien les impacts. Quand même, la conclusion est très, très
forte, hein, parce que... Et on ne
dit pas qu'on veut aller nécessairement dans ce modèle-là, mais la conclusion,
c'est que ça peut amener à une diminution
d'un taux de 2 %, là. En ce moment, le taux est de 6,4 %, 6,5 %,
là, de population, là, à l'aide sociale. Imaginons. Même si on avait un
résultat de 1 % ou de 0,5 %, là, c'est des dizaines de milliers de
personnes qu'on vient de sauver, hein?
Donc, les
recherches existent. Et, dans ce que j'ai entendu jusqu'ici en commission
parlementaire, jamais on ne m'a
présenté une recherche, donc, économétrique qui maîtrise bien, là, les enjeux,
là, hein, qui sont nécessaires pour prendre des mesures qui montrait le contraire. Même, dans ce que j'ai pu voir,
mais je n'ai pas tout vu, là, des 300 universitaires, j'ai vu des affirmations, mais je n'ai pas vu de
recherche, là, nationale ou internationale qui montrait que l'obligation,
pour certaines clientèles, encore une fois,
encore faut-il définir les obligations et la clientèle, parce que ça peut
donner des résultats différents... on
ne nous a rien montré qui indiquait... et que ça ne donnait pas le résultat. Et
c'est un peu normal parce que
parfois, dans le domaine des sciences humaines, les intuitions rejoignent un
peu les faits, là. C'est assez clair que,
si vous demandez plus aux gens, vous leur donnez plus, ce que suggère l'OCDE,
bien, c'est assez clair que vous
aurez des résultats,
hein? Vous donnez plus aux gens en
termes de possibilités, vous vous attendez à plus, normalement, sur des grands nombres, vous devriez
avoir des résultats positifs, là, c'est assez intuitif.
Le Président (M. Hardy) : Merci,
M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
M. Turcotte : Je
veux juste dire...
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Saint-Jean.
M. Turcotte : Oui, très brièvement. Ce n'est pas nous
qui avons déposé le projet de loi n° 70, M.
le Président, c'est le gouvernement
actuel. Le gouvernement a la responsabilité de faire approuver par l'ensemble des parlementaires... du
moins tendre à avoir une majorité sur son projet de loi, sur son idée
qu'il met sur la table actuellement. Le problème, c'est que le ministre et l'ancien ministre n'ont jamais
été capables de démontrer par des études faites au Québec,
pour le Québec...
Ils ont cité des études d'un peu partout sur la planète qui ne s'appliquent pas
tout à fait à la réalité du Québec. Même le ministre a pris... nous a mis en garde, dit : Il faut
isoler les variables. Bon, bien, isolons la variable. Sanctions. C'est ça, la variable qu'on parle. Est-ce que le
ministre, le gouvernement peut nous démontrer qu'il a fait des études sérieuses
qui apporteront une réflexion, là, ici... Je
l'ai même fait il y a de ça maintenant peut-être trois semaines, j'ai demandé
au ministre de nous le déposer le
jeudi avant que nous partions dans nos circonscriptions pour la fin de semaine,
et à ça le ministre dit : Je vois une grande ouverture de la part de mon
collègue. La grande ouverture a ses limites, M. le Président. Ça fait maintenant trois semaines, je n'ai
toujours pas copie d'aucune étude faite au Québec sur les impacts ou qui nous
démontre noir sur blanc que les sanctions,
c'est une bonne chose pour faire en sorte de réduire le nombre de personnes
à l'aide sociale, pour s'assurer que ces gens-là soient en emploi. Parce qu'on
peut bien réduire le nombre de personnes à
l'aide sociale, mais, si ces personnes-là sont dans la rue parce qu'elles n'ont
plus accès à l'aide sociale, on n'est pas plus avancé, comme société. Le but
ultime d'un gouvernement, c'est de faire en sorte que les gens soient au
travail, que les gens puissent avoir
des revenus décents et une qualité de vie, ce n'est pas de les amener dans la
rue. Comme disait le ministre dans
son chapitre I, faire la guerre à la
pauvreté plutôt qu'aux pauvres, c'est
ça, l'objectif d'un gouvernement, M. le Président.
Donc, le ministre
nous dit : L'opposition ne nous a pas démontré des études qui nous
démontrent le contraire. Ce n'est pas
à nous à démontrer le contraire, M.
le Président, c'est au gouvernement de nous démontrer qu'il a raison, que son idée est bonne,
qu'elle est la bonne.
Donc, M. le Président, moi, j'attends. J'espère un jour peut-être, avant la fin de la
session, avoir accès à une, je n'en
demande pas beaucoup, là, une bonne étude au Québec qui démontre que les
sanctions, ça a bien du bon sens, et de préférence pas de l'Institut économique
de Montréal.
Le Président (M. Hardy) : M. le
ministre.
M. Blais : Bien, moi, M. le
Président, là, je suis prêt à prendre le pari, là. Si le collègue, là,
m'annonce qu'effectivement... Parce
qu'on sait bien, il y a eu des cas... il y a eu une période où il y a eu des
obligations de participation, des
obligations de résultat, c'est sous le Parti québécois. S'il me dit
qu'effectivement, si je peux montrer une étude sur cette époque-là qui a montré que les taux de
sortie, à l'époque, ont augmenté, et, lorsqu'on a mis de côté les obligations,
les taux de sortie ont diminué de façon
importante... s'il me dit que ce type de démonstration là, là, pourrait le
satisfaire, puis ensuite, là, il
accepterait de changer son fusil d'épaule, on va aller dans cette direction-là.
Mais, pour le moment, moi, j'ai
l'impression qu'on joue à un jeu, que parfois il me demande des études, puis,
quand on lui en présente, visiblement ce
n'est jamais suffisant. Mais, s'il me dit qu'il y a une ouverture de son côté
pour qu'on regarde ce qui a été fait à l'époque du Parti québécois et aussi des conséquences, tout ça, on va le faire,
mais il faut au moins, là, qu'on me dise qu'on est en train de sortir du
marasme, qu'on est en train de discuter puis de progresser. Je n'ai pas cette
impression-là.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Saint-Jean, je vous rappelle qu'il vous reste 40 secondes.
M. Turcotte :
M. le Président, peut-être que j'ai manqué une partie de la commission
parlementaire, et je ne crois pas.
Est-ce que le ministre a déposé ici, en commission parlementaire, une étude qui
démontre qu'au Québec... Et là il peut
nous dire, là, il y a 40 ans, tu sais, avant la naissance puis avant
l'arrivée de Jacques Cartier, là... Ce n'est pas de ça qu'on parle. On parle actuellement... Il a
dit : Isoler la variable». Donc,
en isolant la variable, bien entendu, ça s'applique dans les deux sens. Est-ce
que le ministre a déposé ici, en commission... Non. Quand je vais en avoir une,
on jasera.
Le Président (M. Hardy) :
Merci, M. le député de Saint-Jean. M. le ministre.
M. Blais : Non, non, ça va.
Le Président (M. Hardy) : Ça va, O.K.
M. Blais : Il n'y a pas d'ouverture
encore, mais éventuellement.
Le Président (M. Hardy) : Est-ce
qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Richelieu.
M. Rochon : Oui. Merci, M. le
Président. J'adore cette phrase que vient de nous partager mon collègue de Saint-Jean,
tirée du chapitre fondateur, me dit-il, du chapitre I de l'ouvrage du ministre,
Un revenu garanti pour tous. C'est très beau, ça, faire la guerre
à la pauvreté plutôt qu'aux pauvres. Enfin, c'est...
Une voix : Plutôt qu'aux
pauvres.
M.
Rochon : Plutôt qu'aux
pauvres, plutôt qu'aux pauvres. Moi, j'adhère à ça à cent milles à
l'heure, faire la guerre à la pauvreté plutôt qu'aux pauvres. Et, cette
guerre à la pauvreté plutôt qu'aux pauvres, je me permets de soumettre mon avis qu'elle n'est pas négociable. J'entends
très souvent le ministre avancer que, si nous faisons ci ou ça, il fera ci
ou ça. Je pense qu'il faut sortir de
cet esprit de marchandage et nous livrer à une profonde réflexion, là, sur le
sujet lui-même, sur les enjeux eux-mêmes.
Je
me rattache au sous-amendement de la collègue de Gouin, je trouve en effet
qu'il enrichit l'amendement présenté par mon
collègue de Saint-Jean. Alors, le ministre s'engage à tenir une
double étude, qualitative et quantitative, sur une période d'un an pour déterminer les besoins d'accompagnement des
personnes visées par le présent article. Cette double étude est préalable à l'application
des dispositions du présent chapitre et à la modulation des mesures offertes. Ça, ça nous permettrait vraiment de nous livrer, il me
semble, à une guerre à la pauvreté plutôt qu'à une guerre aux pauvres.
Tantôt,
mon collègue parcourait un texte qui nous rappelait la position de la Coalition
Objectif Dignité, qui dit non au
projet de loi n° 70 mais pas au projet de loi n° 70 dans sa totalité.
Cette coalition, comme nous le faisons, reconnaît, reconnaît des mérites au projet de loi. Elle est
d'avis, dit le texte, qu'«il peut toujours être transformé pour aider
réellement les premiers demandeurs
d'aide sociale» et qu'une condition sine qua non à ça, c'est «le retrait de
l'approche coercitive introduite par
le programme Objectif emploi», c'est cette approche coercitive qui mène une
guerre aux pauvres plutôt qu'une guerre à la pauvreté.
• (16 h 20) •
Le
ministre a lui-même commis un texte sur le projet de loi n° 70 en date du
6 juin, texte qu'il souhaite lui permettre de rétablir les faits. Sur les préjugés nourris à l'égard des assistés
sociaux, il demande : «Lesquels? Il s'appuie au contraire — je cite le ministre, alors le projet de loi,
le programme Objectif emploi s'appuient au contraire — sur des faits bien établis. Tout d'abord, après deux années consécutives à
l'aide sociale, les risques que la durée du séjour s'allonge augmentent dangereusement, nous dit le ministre.
Il faut donc agir en priorité en amont par un suivi personnalisé comme nous comptons le faire. De plus, le volontariat
dont certains vantent tant les mérites actuellement a démontré ses
limites : à peine 15 % des
jeunes à l'aide sociale au Québec ont participé à une mesure de réinsertion
sociale et une partie seulement l'ont
terminée. C'est trop peu, et pendant ce temps des milliers de jeunes
hypothèquent leur avenir. On se vante de respecter leur choix alors que plusieurs d'entre eux n'ont
jamais eu la chance de grandir dans un milieu leur fournissant un encadrement
suffisant pour réussir leur vie. Cette situation est devenue difficilement
tolérable alors que des milliers d'emplois ne trouvent
pas preneur partout sur le territoire du Québec.» Donc, à peine 15 % des
jeunes de l'aide sociale ont participé à une mesure de réinsertion
sociale, et une partie seulement l'ont terminée, nous informe le ministre.
J'ai
discuté, en fin de semaine, avec une ex-prestataire d'aide sociale et je lui
demandais : Quand l'on t'oblige à aller
cueillir ton chèque, ta prestation au bureau, au centre même, que te partage
l'agente? Est-ce qu'elle te parle de réinsertion sociale à l'emploi, de réinsertion en formation? Que vous dit-on quand
vous allez cueillir votre chèque? Elle me répond : Bien, on nous présente un formulaire vitement puis
on nous dit : Tiens, tu peux faire ça, si ça te tente, et l'entretien...
je ne sais pas si ça se passe comme
ça dans tous les bureaux, là, mais elle me disait : L'entretien se termine
comme ça. Je dis : O.K. Ça dure combien de temps? Ah! deux, trois
minutes, là.
Écoutez,
à peine 15 % des jeunes à l'aide sociale, au Québec, ont participé à une
mesure de réinsertion sociale. Bien
là, je comprends un peu, là. Si c'est à ce point expéditif que se déroulent les
entretiens... Peut-être la sous-ministre aurait-elle de l'information encore davantage que le ministre à nous
fournir là-dessus, mais en tout cas, moi, cette ex-prestataire m'a parlé
d'entretiens extrêmement expéditifs, pas du tout susceptibles de soulever
l'intérêt de l'interlocuteur ou de l'interlocutrice,
de l'agent ou de l'agente, et encore moins son enthousiasme. Alors, peut-on se
surprendre, devant cela, qu'à peine
15 % des jeunes à l'aide sociale participent à une mesure de réinsertion?
Alors, c'est une question pour le ministre, M. le Président.
Le Président
(M. Hardy) : M. le ministre.
M. Blais : Bien, je n'ai pas vraiment la réponse à ça. Il y
a différents types de rencontre. Il y a des rencontres parfois qui sont
simplement des rencontres de conformité, qui sont assez courtes. Il y a des
rencontres qui se veulent davantage des rencontres de discussion,
d'échange, d'offre de services. Je ne sais pas de quelle rencontre on parle
ici.
Le Président
(M. Hardy) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon : Je soulève ce cas... Je vois que quelqu'un s'installe à côté du
ministre peut-être pour nous fournir plus
d'informations, ce serait intéressant parce que ça permettrait à notre
réflexion d'évoluer, là, très, très honnêtement. Je soulève ça parce que je trouve que ça fausse un peu, là, les
statistiques. Affirmer qu'à peine 15 % des jeunes à l'aide sociale ont participé à une mesure de réinsertion,
creuser et se rendre compte que ces mesures-là, elles ne sont pas beaucoup
mises de l'avant dans les centres, on n'en
vante pas beaucoup les mérites, on est expéditif avec les prestataires, on leur
présente ça plutôt vaguement, bien
là, il me semble qu'à ce moment-là on ne peut pas trop se surprendre d'un tel
insuccès, aux yeux du ministre, là, de ce 15 % là.
Le Président
(M. Hardy) : M. le ministre.
M. Blais :
J'essaie de... Bon, on est dans un cas précis puis on ne veut pas aller trop
loin non plus là-dessus, là. On essaie de comprendre, là. J'ai cru
comprendre que la personne en question s'est fait remettre un chèque sur place.
M. Rochon :
Oui.
M. Blais :
Si c'est le cas, on est dans une situation de conformité, si c'est le cas,
c'est quelqu'un à qui on a retenu un chèque parce qu'elle ne se
présentait pas, hein, à des convocations. Donc, on me dit que c'est la
règle. Lorsque quelqu'un ne se présente
pas à une convocation de conformité, on s'entend bien, on peut retenir un
chèque. Quand on parle d'avoir une
obligation, un pouvoir d'obligation, le pouvoir d'obligation, il est là pour la
conformité uniquement.
Donc, c'était quelqu'un qui avait un
problème... Donc, quand je parle qu'elle avait un problème de conformité,
je ne dis pas qu'elle en est responsable, il
y a peut-être des informations qui manquaient au dossier, on voulait avoir ces
informations-là. Cette personne-là ne se
présentait pas, visiblement, donc elle a été interpelée en disant :
Écoutez, pour votre prochain chèque,
il faut que vous veniez sur place. Alors, à ce moment-là, ce n'est pas une
entrevue d'emploi, c'est vraiment,
là, des éléments de conformité, qui pouvaient être très, très, très simples à
valider, effectivement, qui ont pu durer deux ou trois minutes seulement
si on avait la bonne réponse à la question.
Mais
la sous-ministre adjointe est ici, elle peut aussi expliquer, là, comment se
déroule une entrevue habituelle puis le temps que ça dure à peu près, si
ça vous intéresse.
Le Président
(M. Hardy) : Ça me prendrait un consentement de tous les gens.
M. Rochon :
J'y consens évidemment, M. le Président.
Le
Président (M. Hardy) : Oui, consentement. Mme la sous-ministre,
si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît, et votre fonction.
Mme Bourassa (Johanne) : Oui.
Johanne Bourassa, sous-ministre associée à Emploi-Québec et secrétaire générale de la Commission des partenaires.
Alors,
effectivement, là, ce que dans notre jargon on appelle l'entrevue d'évaluation
et d'aide à l'emploi, on estime que
la durée moyenne des entrevues est de 45 minutes. L'objectif de
l'entrevue, c'est d'abord de faire un tour d'horizon des informations que la personne a déjà transmises
par son formulaire de demande, là, on pense aux informations qui sont pertinentes à l'emploi, donc ses formations, ses
expériences de travail ou autres compétences qu'elle aurait pu acquérir dans d'autres milieux, et par la suite on va
explorer avec elle ce qu'on appelle nos quatre domaines d'employabilité. Donc,
dans un premier temps, est-ce que la
personne... Est-ce qu'elle sait dans quel domaine ou elle sait quel emploi
rechercher? Est-ce qu'elle a un choix
professionnel d'établi? Si oui, est-ce qu'elle a les compétences pour occuper
cet emploi-là? Si oui, est-ce qu'elle
a des difficultés dans ses recherches d'emploi? Et finalement est-ce qu'elle a
des problèmes d'intégrer et conserver
un emploi? Si la réponse est non à un de ces domaines-là, bien là on va
investiguer davantage le domaine et, par
exemple, pour un choix professionnel, on pourra recourir à l'expertise, là, des
organismes communautaires en développement
de l'employabilité, qui ont développé des expertises pour faire des bilans de
compétences, des exercices d'orientation
qui permettront de déterminer le choix professionnel, et ainsi de suite. Si le
problème en est un d'acquisition de
compétences, bien, on va regarder, en fonction de l'objectif professionnel et des
services offerts sur le territoire, quel est le meilleur véhicule pour
aller acquérir les compétences qui sont requises pour exercer l'emploi.
Quand
il y a une entrevue de conformité, comme le disait M. Blais, on va les
solliciter pour effectivement avoir une
entrevue d'évaluation, d'aide à l'emploi, bien, à ce moment-là, il y aurait un
rendez-vous qui serait fixé pour que cette évaluation ait lieu. Elle
n'aura pas lieu au moment de la remise de chèque, puisqu'il y a plusieurs
personnes qui sont présentes à ce moment-là.
Le Président
(M. Hardy) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, cet ex-prestataire,
c'était — ça tombe
bien pour la démonstration que je
souhaite faire — une
jeune personne, 22, 23 ans. Peut-être y allait-elle, au centre, pour une
entrevue de conformité, je pense que
c'est votre jargon, mais je comprends qu'on ne profite jamais de ces entrevues
dites de conformité pour s'étendre
suffisamment longtemps sur les voies de réinsertion pouvant s'offrir à la ou au
prestataire, pour soulever chez elle
ou chez lui un tant soit peu d'enthousiasme. Jamais cela n'est fait. En tout
cas, ça n'a pas été fait dans son cas.
Mais
est-ce que vous me suivez? M. le Président, je veux juste m'assurer que ces
gens me suivent. Je crois que oui et
je vais expliquer, pendant qu'ils se consultent, pourquoi je pose cette
question. C'est qu'encore une fois, en regard des statistiques qu'on
produit ici, quand on nous dit que 15 % des jeunes à l'aide sociale
seulement ont participé à une mesure de
réinsertion, alors, s'il ne s'agit... si à chaque fois sont exclus les gens qui
se présentent pour obtenir leurs chèques dans le cadre d'une entrevue dite de conformité, ça ne contribue pas à
améliorer les statistiques en termes de réinsertion. C'est pour ça que
je pose la question. Je veux mieux comprendre, là, pourquoi que 15 % des
jeunes à l'aide sociale participent à une mesure de réinsertion.
Le Président
(M. Hardy) : M. le ministre.
• (16 h 30) •
M. Blais :
Alors, il faut comprendre qu'une rencontre d'évaluation, hein, d'évaluation
pour l'emploi, disons, là, dont a
parlé tout à l'heure, ça compte comme étant une participation. Vous vous rendez
compte que ce n'est pas beaucoup, hein,
demander, et ça compte dans nos faibles résultats. Alors, on parle encore... on
est loin d'un cheminement un peu plus
profond avec un accompagnement plus à long terme, avec des mesures, des
rencontres avec des groupes pour être en mesure de trouver des... de fournir des ressources, de l'aide, là. Une seule rencontre sur une base volontaire
d'exploration, hein, et d'évaluation des besoins, là, c'est quelqu'un qui participe à une mesure. Alors, on n'est pas
très exigeants. Puis on n'a pas à se vanter de nos résultats, M. le
Président.
Le Président
(M. Cousineau) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon : Oui, mais est-ce qu'on ne parviendrait pas à faire du judo avec ces insuccès-là ou
ces résultats trop maigres,
certainement trop maigres, là, je pense que c'est partagé par tout le monde,
cet avis-là, en explorant plus avant, comme
le proposent amendements et sous-amendements actuellement à l'étude, quels sont
les réels besoins d'accompagnement des
personnes visées? Il me semble qu'il serait intéressant de les entendre
là-dessus. Moi-même, je ne les connais pas, là. Et j'ai en tête des cas, dans
ma circonscription, là, de personnes absolument formidables, géniales,
brillantes qui pourtant vivent de
prestations d'aide sociale depuis des années et des années sans jamais réussir
à se décrocher un emploi. J'en perds
mon latin. Je ne sais pas pourquoi, j'aimerais le savoir. Et il me semble que
c'est une quête d'information qui devrait aussi intéresser le ministre
et le ministère plus largement, en tout cas qui intéresserait sûrement la
société québécoise.
Le Président
(M. Cousineau) : M. le ministre.
M. Blais :
Il faut faire attention, on n'est pas dans le noir absolu, là. Parlons avec des
agents, parlons avec des gens qui
travaillent avec ces clientèles-là, quel que soit... les carrefours jeunesse,
les groupes communautaires, et ils vont vous donner plein d'information sur qu'est-ce qui bloque, hein,
qu'est-ce qui fait qu'il y a des blocages, quelqu'un qui en l'apparence nous
semble quelqu'un qui a une certaine vitalité et pourtant qui est à l'aide
sociale depuis plusieurs années, qui ne se trouve pas d'emploi. Je pense
qu'effectivement, là, l'investigation, hein, nous permet de comprendre ça.
Peut-être
que j'ai senti une ouverture, là, je ne sais pas si je vais trop loin. Une des
possibilités, là, d'amender le projet
de loi, c'est de dire : Écoutez, en ce moment, dans les cas de
vérification, on retient le chèque au moins jusqu'à temps que la personne revienne, hein, nous voir,
puis donc la pénalité ou la sanction, c'est une retenue, et une obligation
d'un déplacement physique de la personne, et
aussi que la personne réponde à quelques questions. On est uniquement,
là, au niveau de la conformité. Est-ce qu'on pourrait faire un pas de plus?
Parce que ce que vous proposez, c'est que les personnes devraient aussi se
présenter obligatoirement pour des entrevues, d'emploi ou autres, d'évaluation,
et on retient aussi le chèque. Donc, encore
une fois, c'est une sanction, mais c'est une sanction qui n'est pas... Ce qui
est intéressant, là, dans la
proposition, si c'est la proposition, là, hein, c'est que ce n'est pas une
sanction qui est financière, parce que la personne, finalement, elle retrouve tous ses droits dès qu'elle se
présente, et que cette entrevue-là est faite, et que l'évaluation des besoins est faite. Moi, sincèrement, je n'y
avais pas pensé, mais... À vrai dire, j'y avais pensé un petit peu puis je
n'avais pas eu l'audace, là, d'aller
de l'avant. Mais on est sérieux, quand même, je pense que ça mériterait
peut-être d'être étudié. Pourquoi? Parce que curieusement, quand il
s'agit de la conformité, là on se dit : Oui, très bien, là, la conformité,
c'est sérieux, il faut vérifier si la
personne a droit... puis là il faut qu'elle se présente, on retient le chèque,
et, quand il s'agit, quand même, d'un
projet de vie, quand il s'agit d'évaluer les personnes, leurs besoins, là c'est
moins sérieux, les gens viennent, les
gens ne viennent pas, il n'y a plus aucune obligation. Et peut-être que ça
pourrait rendre service à beaucoup de
personnes, hein, de dire : Bien, écoutez, le type de pratique que l'on a
dans le cas de la conformité, on pourrait aussi l'exercer pour les primodemandeurs, disons, dans le cas aussi des
premières entrevues. Ça ne coûterait rien à personne, les gens ne perdraient pas, parce que les gens
viendraient, c'est sûr, là, participer à la rencontre, on augmenterait
peut-être notre taux de participation. Je ne sais pas si je m'approche
un peu d'une proposition que vous vouliez faire, là.
Le Président
(M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de
Richelieu.
M. Rochon : Oui. Le ministre, M. le Président, je dois lui donner ça, il est très habile. Je ne sais pas si vous avez
assisté à cette extraordinaire — je
le complimente, là, ce n'est pas... — gymnastique intellectuelle qui lui a fait
transformer une question que je
posais sur les statistiques et ce qu'elles cachaient en une proposition qu'il a
entendue de ma part. C'est incroyable! Vous êtes vraiment fort.
Mais je ne vous
proposais pas ce que vous venez d'énoncer, M. le ministre, je...
Une voix :
...
M. Rochon : Ça aurait été bon, souffle-t-il.
Non, je m'interrogeais, honnêtement, sur les faits auxquels attribuer ce maigre 15 % là, et c'est là-dessus que
j'aimerais voir le ministre lui-même s'interroger. Pourquoi seulement
15 %?
Évidemment, on peut
facilement régler la question en attribuant ce faible 15 % au manque de
volonté des prestataires, propos entendus
quelquefois ici, autour de cette table, et je ne vous les impute pas, M. le
ministre, ce n'est pas vous qui les
avez tenus, mais moi, j'ai entendu : Ah! moi non plus, ça ne me tente pas
toujours de me lever, mais je me donne
un coup de pied puis... Alors, ça, voilà, ça, c'est attribuer au prestataire la
volonté ou pas d'améliorer son sort. Alors, si nous nous éloignons un
peu des seuls prestataires et de leurs seules responsabilités et que nous
regardions un peu du côté des responsabilités de l'État, du ministère, il est
possible, il est possible que le ministère n'offre pas des voies intéressantes aux prestataires pour améliorer leur
sort, pour s'en sortir. Et je ne veux pas proposer ici que c'est la volonté,
là, du ministre, là, d'offrir des voies peu
intéressantes, loin de moi... Je suis certain, là, que c'est absolument
l'inverse, là. Déjà, les prestations supplémentaires, les allocations
supplémentaires pour adhérer à une des voies du programme Objectif emploi, c'est bien, ça peut certainement,
oui, soulever un intérêt. Mais ces prestations supplémentaires seules ne
peuvent pas être des déterminants... ce ne
sont pas des déterminants uniques de la possibilité que les prestataires s'en
sortent, découvrent soudainement un
intérêt pour l'acquisition de nouvelles compétences pour un retour sur le
marché du travail, il faut plus que
ça. Il faut du contenu, il faut une approche. Et c'est ce que permettrait, il
me semble, moi, de mesurer les études
qualitatives et quantitatives indépendantes, sur une base, on a dit, d'un an,
ça, ça peut peut-être être négociable, je ne sais pas, je ne veux pas ouvrir ce sous-amendement, mais peut-être
que nous pourrions être négociables, tiens, là-dessus, mais des études qui détermineraient justement les
besoins d'accompagnement des personnes visées. Il faut être bien certains
de leur offrir ce qui leur permettra de sortir de l'aide sociale.
Le Président
(M. Cousineau) : Merci, M. le député de Richelieu. M. le
ministre.
M. Blais :
Écoutez, mon collègue ne réclame pas la paternité de l'idée, mais l'idée, quand
même, a une valeur, puis je vais l'examiner, je vais y réfléchir. On est
déjà en train d'en parler un petit peu.
Mais pour moi ça va. Je pense que ma collègue,
de ce côté-ci, avait quelque chose, M. le Président.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, Mme la députée de Fabre.
• (16 h 40) •
Mme Sauvé : M. le Président, j'aimerais revenir un peu sur
les questions qui sont soulevées, des collègues de l'opposition, sur essayer de comprendre, dans le
fond, quelles sont les réalités des primodemandeurs qui font en sorte qu'on
est à 15 %. Comment se fait-il... Qu'est-ce qu'il manque? Pourquoi avec le
volontariat on n'y arrive pas?
Moi, je vous
dirais qu'il faut d'abord, là, bien constater que les expertises sont en place.
Les expertises sont en place, que ce
soit dans le personnel des CLE, les partenaires communautaires, les groupes en
employabilité, qu'ils soient des ressources externes, les carrefours
jeunesse-emploi. Donc, en termes d'expertise, c'est présent.
En termes de partenariat, tantôt on se
questionnait sur comment est reçu le primodemandeur dans son CLE, on a parlé de rencontres de conformité, M. le Président, mais il y a aussi des partenariats qui se sont faits entre le
personnel des CLE et les intervenants
des ressources externes. Lorsqu'il y a des remises de chèque, il y a
donc des ressources externes qui
participent, avec des kiosques, avec du personnel en place pour essayer de
faciliter la passerelle entre le primodemandeur et l'intérêt vers une
démarche. Alors, il y a ça qui est tenté.
Il y a aussi... Pour essayer de contrer
l'abandon des 15 % qui participent aux démarches, faire en sorte qu'ils demeurent dans la démarche, il y a eu des grands
travaux qui ont été faits par Emploi-Québec, il y a environ deux ans, à s'assurer, avec les ressources externes... à
trouver des façons de faire, des approches qui peuvent diminuer le taux
d'abandon.
Donc, tout ça a été tenté, des partenariats,
diminuer l'abandon dans les mesures, l'approche volontaire, mais forcément on n'y arrive pas. Et je pense que la
question qu'il faut se poser, je pense que ça a été soulevé, et il faut y
répondre, c'est de regarder un peu le profil de ces primodemandeurs; les
jeunes mais tous les autres primodemandeurs.
Alors, je
veux vous parler un petit peu de mon expérience terrain, qui apporte un élément
de réponse à tenter de comprendre un
peu la réalité de ces gens-là. J'en ai déjà parlé, plusieurs d'entre eux vivent
des difficultés nombreuses dans leur parcours de vie, que ce soit... À
vrai dire, ce sont souvent des décrocheurs, je dirais, du décrochage social,
auxquels on fait face, et ce sont des... Ces primodemandeurs arrivent donc pour
leur demande d'aide sociale. Très honnêtement,
une grande majorité d'entre eux ne peuvent non pas seulement se projeter dans
l'avenir, mais imaginer qu'ils peuvent être dans une réalité de succès.
Et j'appellerais cette réalité-là, qui est documentée, la réalité d'autosabotage,
donc des gens qui ont vécu des succès à
l'école, qui ont des difficultés dans leur environnement familial et autres,
dans les multiples facettes de leur
vie, et qui font la demande de l'aide sociale, mais, au-delà de l'aide sociale,
ils ne peuvent pas imaginer qu'il y
aura un accompagnement qui va leur faire vivre un succès. On en est là
beaucoup, dans la réalité de ces primodemandeurs-là, et c'est pour ça
que l'obligation à leur faire prendre conscience ou leur donner accès à
l'accompagnement, c'est tout à fait majeur et essentiel.
Je vous
dirais qu'encore une fois, l'expérience terrain, simplement l'exercice de faire
en sorte que des primodemandeurs qui
ont tous, malheureusement, ces constats d'échec dans leur vie... Ils n'ont pas
confiance en eux, et un simple exercice d'évaluation, leur bilan de compétences pour savoir vers où ils peuvent
se diriger, vers quel emploi ou quel programme d'études, c'est tellement laborieux en termes d'accompagnement parce
qu'ils ne sont pas là. Ils ne peuvent pas imaginer qu'ils ont des compétences, M. le Président, ils
ne peuvent pas imaginer qu'ils ont ces forces et qu'ils ont eu un vécu qui
leur a amené des compétences, malgré les
difficultés. Alors, on est bien loin, du jeune ou du primodemandeur de façon
large, à imaginer que quelqu'un va lui donner l'aide et lui faire vivre un
succès.
Ce n'est pas
anodin de penser que ces jeunes et ces primodemandeurs s'autosabotent aussitôt
qu'ils se rapprochent du succès. Pour
eux, malheureusement, et c'est terrible de dire cela, mais malheureusement,
pour plusieurs d'entre eux, la zone
de confort, ce sont les multiples échecs dans leur vie, c'est ce qu'ils
connaissent. C'est terrible comme constat, mais ça dénote bien tout le
travail que nous avons à faire pour les valoriser dans ce qu'ils sont et dans
leurs forces.
Alors, je ne sais pas si tout repose dans cet
exemple que je donne, mais, pour avoir vu suffisamment de primodemandeurs, M. le Président, je vous dirais
qu'en termes de confiance en eux, de capacité à imaginer qu'ils sont
dans une solution de projet de vie, je pense que l'obligation est un élément
qui devient de plus en plus fondamental.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, Mme la députée de Fabre. M. le député de Richelieu.
M. Rochon : M. le Président, j'ai trouvé ça très intéressant,
d'écouter la députée de Fabre nous dresser le portrait de plusieurs primodemandeurs, ce à quoi ils se butent, les insuccès qui ont été
présents tout au cours de leur
existence. Ce discours, je l'ai
entendu il n'y a pas longtemps d'un directeur de carrefour jeunesse-emploi, à
peu près le même discours, à peu près
le même tableau brossé. La différence, c'est que ce directeur de carrefour
jeunesse-emploi — je pense
que c'est le passé de la députée de
Fabre, la direction d'un carrefour jeunesse-emploi — il croit que les sanctions vont faire pire
encore pour la jeunesse québécoise, n'arrangeront rien.
Tout à
l'heure, le ministre, se livrant à un bel exercice de gymnastique
intellectuelle, tentait de me faire le proposeur d'un amendement que nous pourrions apporter au projet de loi. Je
l'interrogeais, souvenez-vous, là, sur les statistiques selon lesquelles il y a 15 % seulement des
jeunes prestataires d'aide sociale qui s'inscrivent à un programme de
réinsertion. Alors, je voulais savoir
à quoi rimait cette statistique-là, et c'était après avoir fait remarquer que
les prestataires convoqués pour,
ai-je appris, une entrevue de conformité, j'ai appris que ça s'appelait comme
ça, ne sont pas nourris, au moment de la rencontre, des bienfaits de la réinsertion.
Alors, le ministre de me dire tantôt : C'est intéressant, tiens, cette
suggestion-là, nous pourrions, dans
le cas de l'observation d'une non-conformité, avoir... parce que peut-être
notre opinion n'est-elle pas fondée qu'il s'agit de non-conformité,
mais, au moment de l'observation de cette non-conformité, non seulement convoquer le prestataire pour bien vérifier le
dossier, mais aussi pour un entretien, l'entretien dont nous parlait quelqu'un
du ministère tout à l'heure, de 40 ou de
45 minutes autour des projets d'avenir que pourrait faire cette
personne-là. Le ministre semblait
tellement enthousiaste à l'idée qu'il avait cru que j'avais que je vais lui
suggérer, si je le puis, M. le Président, il pourra peut-être réfléchir à ça au cours des prochaines heures ou
même séance tenante... je vais lui suggérer de l'apporter, lui, cet amendement-là à son projet de loi. Et je
vais enrichir sa réflexion sur cette avenue-là en lui disant qu'il pourrait
ne pas être bête de remplacer les sanctions
prévues au projet de loi par cette piste, d'alimenter le prestataire chez
lequel on note une non-conformité du
dossier et qu'on reçoit à cette fin, d'enrichir la rencontre avec ce
prestataire d'informations au sujet des programmes de réinsertion.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Richelieu. M. le ministre.
M.
Blais : Pour bien comprendre la proposition, là, donc, la proposition
du collègue, c'est abandonner l'obligation de parcours, hein, mais aller vers une obligation de participation à des
rencontres initiales, une, deux, on verra le nombre, des rencontres initiales qui permettent au
ministère de présenter notamment ces parcours-là, présenter ces mesures-là. Et,
bien sûr, on parle d'obligation, donc il y aurait des conséquences aussi
lourdes que la retenue de chèque jusqu'au moment où ces rencontres ont lieu puis on est conscients que les
rencontres se sont bien passées, là, puis que la personne a répondu aux
questions. Est-ce que c'est ce genre de proposition là que vous faites?
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Richelieu, en vous précisant qu'il vous reste 50 secondes.
• (16 h 50) •
M. Rochon : Ah! Excellent. Alors, dans son habilité, qui se
poursuit, le ministre parle encore d'une proposition que je fais. Je ne fais pas de proposition. Moi, là, j'essaie de nous sortir, M. le Président, de cette lutte aux pauvres pour nous amener sur le terrain de la lutte à la pauvreté. J'essaie de nous
sortir de ces sordides sanctions, dont on voudrait ne plus entendre parler et dont tout le monde que nous avons reçu ici ou à
peu près réclame qu'elles ne soient
pas présentes dans le projet de loi. C'est la seule chose que je fais. Et j'invite le ministre à réfléchir à des avenues qu'il pourrait
nous soumettre. Je n'en soumets pas,
je lui demande : Réfléchissez, M. le ministre, à quelque chose qui
pourrait nous sortir des sordides sanctions. C'est tout.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Richelieu. M. le ministre, voulez-vous réagir ou...
M. Blais :
C'est-à-dire qu'on l'a dit souvent, donc, les sanctions ne sont pas une fin en
soi, à la limite les obligations, parce
qu'il y a sanction possible parce qu'il y a obligation de participer. Ce ne
sont pas des fins en soi. La fin, c'est vraiment d'augmenter la sortie de l'aide sociale, parce que c'est un programme,
hein, qui est assez stigmatisant, marginalisant, on en convient tous.
Donc, cette
idée est là qui circule, là, qu'on pourrait aller peut-être davantage en amont sur des entrevues obligatoires, obligatoires, bien sûr, là, ce qui
est intéressant dans l'idée de mon collègue, en tout cas, même si ce n'est
pas la...dans l'idée, en tout cas,
qui a émergé, hein, spontanément, là, comme ça, là, ce qui est intéressant,
puis il faudrait vérifier des choses,
c'est que c'est bien possible que les premiers demandeurs... C'est même certain
qu'ils ne sont pas suffisamment informés à la fois de leurs droits,
hein, la possibilité d'avoir des parcours, d'avoir des bonifications, tout ça,
et qu'ils gagneraient... Et, comme mon
collègue comme moi, on veut minimiser le nombre de personnes qui pourraient
avoir des sanctions, hein, on ne se
lève pas le matin en disant : On en veut le plus possible, des gens qui
vivent des sanctions, mais au contraire on pourrait penser qu'être un peu plus
coercitif au niveau des rencontres préliminaires, ça permettrait d'avoir
un impact positif, et les gens ne s'enfermeraient
pas, disons, dans un refus un peu aveugle parce que les gens seraient mieux
informés des parcours possibles, mieux
informés aussi des conséquences peut-être plus négatives. Donc, on va réfléchir
à l'idée, sans donner la paternité à
personne, mais on le présentera éventuellement comme un renforcement, là, du
projet Objectif emploi.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Alors,
toujours sur le sous-amendement, M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Merci, M. le Président. Juste peut-être faire un rappel :
on est là-dessus depuis un bout de temps parce qu'on résiste aux sanctions, à l'idée de sanctionner des gens qui vivent
déjà avec le minimum, je l'ai démontré l'autre jour, avec un budget, là, qui... on se disait : Comment on pouvait
aller penser couper là-dedans? Et même les gens du Conseil du patronat le disaient aussi, là, c'est un peu
gênant d'aller donner des sanctions, couper dans un budget qui ne nous permet pas de sortir contre la
pauvreté. Dans ce sens-là, c'est vrai, on ne s'attaque pas à la pauvreté, en
faisant ça, on s'attaque aux gens, aux pauvres, aux gens qui vivent la
pauvreté.
La ligne
derrière tout ça, du gouvernement, puis l'ancien ministre portait cette
ligne-là, puis le nouveau un peu moins
fort, mais il le fait aussi, c'est, genre... c'est une ligne qui passe bien
dans la population en général, les personnes sur l'aide sociale doivent s'aider et ils ne doivent pas avoir de chèque
s'ils ne s'aident pas. Ça se résume un peu comme ça. Et là, bien, c'est sûr que
ça passe bien un peu dans la population. Tu sais, c'est vrai, pourquoi on lui
donne un chèque s'il ne s'aide pas? Ça
porte beaucoup, beaucoup de préjugés, c'est une ligne que moi, je n'accepte
pas, mais qu'il
faut convenir qu'au niveau marketing c'est une bonne ligne, ça passe bien. Mais
ce n'est pas la réalité. Puis le ministre
rajoute par ses tableaux qu'il nous propose pour prouver qu'ils ne s'aident
pas, que ces gens-là ne s'aident pas, parce
que les statistiques le démontrent, là, à peu près 12 % participent
d'eux-mêmes ou ils ne répondent pas à nos convocations, ça fait que
c'est une étape de plus pour démontrer que les gens ne veulent pas s'aider.
Bref, ils ne doivent pas avoir de chèque s'ils ne s'aident pas, puis nous autres,
on le prouve par nos statistiques. Il dit : Vous voyez, ils ne s'aident
pas quand c'est volontaire.
Alors,
on fait quoi? Bien, c'est la menace, le ministre dit : On en demande plus.
En demander plus, c'est quoi? C'est
couper dans des revenus, dans un budget qui déjà ne permet pas à la personne de
vivre décemment, dans la dignité, c'est
un minimum. Et ça, tout le monde, tout le monde, tout
le monde en convient, là, tous les
gens qui ont déposé des mémoires, les groupes communautaires qui travaillent en collaboration avec le ministre ou d'autres groupes communautaires qui travaillent sur le terrain aussi avec les gens
qui vivent la pauvreté, les syndicats, même le patronat, qui n'est pas chaud à
tout ça, il y a un genre de grand consensus.
Mais
le ministre, jusqu'à tout récemment... Et j'ai cru à de l'ouverture de la part du ministre,
découvrir un peu d'ouverture
de la part du ministre dans sa
proposition, il y a peut-être quelque chose à faire. Mais, quand la députée de
Fabre disait aussi que les gens qui étaient
à l'aide sociale, souvent, ils s'autosabotent, je trouvais ça un peu... c'est
peut-être un terme reconnu, là, mais je trouve ça difficile. Bref, il
faut...
Puis,
quand le ministre, en plus, nous sort des études... puis je suis content, là,
de donner la référence, tantôt je n'ai pas
eu le temps de tout lire ça, là, rapidement, mais ce que je peux voir, c'est
que son pays fétiche qui propose des sanctions, l'Allemagne, ne fait pas diable mieux que nous autres, hein, ils sont en
dessous... Par rapport à la pauvreté, ils sont plus bas que nous autres.
Ça fait que...
Une voix :
...
M.
LeBel : Oui, mais, l'étude que vous nous ameniez sur l'Allemagne, je
trouve que... Puis le Québec ne fait pas mal, hein? Entre autres, par rapport
au Canada, vous parliez des provinces canadiennes, le Québec fait beaucoup
mieux que les provinces canadiennes
au niveau des familles, en tout cas. Et ça, je pense que c'est un peu à cause
de la loi sur la pauvreté puis des plans d'action que les différents
gouvernements se sont donnés depuis le temps, dont les gouvernements libéraux. Ça, il faut se le dire. Sauf que moi, je
pense qu'on est dans... il ne faut pas tout perdre, tout jeter ce qu'on a fait
dans les dernières années, il y a des choses qui sont très bonnes, on le voit
dans les statistiques. Ça fait que les gouvernements, les gens des
ministères ont bien travaillé.
Mais
l'autre jour je demandais... Tu sais, la question qu'on se pose maintenant,
c'est... On travaille sur les... on parle
depuis le début des primodemandeurs, de ceux qui arrivent, qui demandent de
l'aide sociale. L'autre jour, j'ai posé la question : Comment on accueille les primodemandeurs? La
sous-ministre m'avait dit qu'il y avait trois façons de voir ça, là : la personne arrivait sur place,
pouvait être accueillie sur place, avoir une rencontre qui pouvait... bien là
on parle d'une moyenne de
45 minutes, mais pouvait être accueillie dans les cinq jours de sa demande
ou, s'il n'a pas été vu sur place ou
dans les cinq jours, dans les semaines qui venaient, on pouvait le convoquer
par lettre. Ça ressemblait à ça, il me semble,
la réponse, l'autre jour, M. le ministre? Juste pour être sûr que j'ai bien la...
On me disait que les primodemandeurs, quand
ils étaient accueillis, il y avait trois façons dans l'accueil d'un
primodemandeur, c'était soit sur place, il y avait une rencontre rapide
sur place, ou une rencontre dans les cinq jours, ou, si ce n'était pas sur
place ou dans les cinq jours, il y avait une
lettre où on convoquait la personne, étaient les trois façons de faire. C'est
ça qu'on m'avait dit, je pense, l'autre jour, si j'ai bien compris.
M. Blais :
...qu'on demande à la sous-ministre de répondre à ça, parce que, là, on est
peut-être dans le fonctionnement, là, le déroulement des rencontres, là,
si vous voulez bien, M. le Président.
Le Président
(M. Cousineau) : Mme la sous-ministre associée.
Mme Bourassa.
M. LeBel :
...
M. Blais :
Bien oui, on revient toujours à ça, hein, c'est une obsession, là.
M. LeBel :
...je m'en viens sur...
Le
Président (M. Cousineau) : Bon, un instant, ne parlez pas
en même temps. Mme la sous-ministre associée. Mme Bourassa.
Mme Bourassa
(Johanne) : Oui. Les deux premiers éléments, c'est effectivement ce
que je vous ai dit. Dans la majorité
des cas, ce qu'on vise, c'est de rencontrer les personnes en entrevue au moment
du dépôt de la demande, quand elle
est dans les bureaux. Si ce n'est pas possible de le faire à ce moment-là, on
va maximiser les efforts pour lui fixer un rendez-vous dans les cinq jours qui suivent le dépôt de la demande. Ça,
c'est pour la première étape. Ceux qui ne se sont pas présentés ou qui n'ont pas réalisé l'entrevue
dans le cadre de ces deux démarches-là, eux sont convoqués systématiquement
un mois après pour tenter une deuxième fois
de réaliser cette première entrevue là. Donc, ce n'est pas trois méthodes au
sens où vous l'avez invoqué.
M.
LeBel : Parce qu'il y a sur place, ou dans les cinq jours, ou, si ce
n'est pas réalisé, il y a une lettre, et c'est dans le mois.
Mme Bourassa (Johanne) : Oui.
M.
LeBel : O.K. Ça fait que c'est trois étapes. C'est important, là,
parce que c'est là qu'on accueille les personnes.
L'autre jour,
je demandais : Est-ce qu'il y a des statistiques sur le nombre de
primodemandeurs qui sont accueillis et
combien ont été vus sur place, dans les cinq jours ou il y a eu besoin d'avoir
une lettre dans le mois? Est-ce qu'on a obtenu ces statistiques-là? Je
l'avais demandé la dernière fois, je...
Le Président (M. Cousineau) :
Qui va répondre? Mme la sous-ministre associée.
Mme Bourassa
(Johanne) : Pas pour les primodemandeurs de façon spécifique, pour
ceux qui ont été convoqués. Pour les
nouveaux demandeurs, mais pas pour les primodemandeurs. On ne l'a pas pour les
primodemandeurs, mais on l'a pour les
nouveaux demandeurs, qui inclut des primos et des réitérants, donc des
personnes qui ont déjà bénéficié de l'aide sociale et qui déposent une
nouvelle demande, donc, dans ce contexte-là, qui ne sont pas des
primodemandeurs.
• (17 heures) •
M.
LeBel : O.K. Ça a de l'importance parce que, si on veut avancer dans l'ouverture qui vient de
tout le monde, là, il
faut savoir comment on les accueille, ces personnes-là. Si on dit qu'on est
prêts, comme disait le ministre, à retenir le chèque si la personne ne se présente pas, il faut savoir que... ce
serait bien d'avoir un portrait, et là je comprends qu'on n'a pas le portrait, au ministère,
des primodemandeurs qui arrivent. Est-ce
qu'il y a un gros problème? Est-ce qu'ils sont plusieurs à refuser de se présenter? On ne le sait pas, on
ne peut pas le savoir.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M. LeBel : Je parle des
primodemandeurs qui...
M.
Blais : Écoutez,
on a fait un petit peu d'humour tout
à l'heure, c'est de bon aloi, mais peut-être
pour... Il y a quand même une idée qui est intéressante, à laquelle il
faut réfléchir, c'est... En ce moment, tel que formulé, disons, le projet de loi, pour les premiers demandeurs, ferait en sorte que quelqu'un,
pour de très mauvaises raisons, mais ça peut arriver, notamment peut-être chez les plus jeunes, qui sait, dit : Non,
moi, ces gens-là, je ne veux pas les voir, je ne veux rien savoir d'eux, puis, bon... Ça peut vraiment
arriver assez souvent. Qu'est-ce qui
se passe? Notre compréhension, là, du
cheminement qui a été proposé jusqu'ici, c'est, bon, un avertissement, vous
vous rappelez de la séquence, la personne ne vient pas; ensuite, deuxième avertissement, là il y a une coupure;
troisième avertissement, il y a une autre coupure. Mais pendant ce temps-là il n'y a pas de relation,
hein, on est vraiment en train de gérer uniquement des sanctions. On n'a pas établi une relation, puis on n'a pas
évalué les besoins, puis on n'est même pas en contact avec cette personne-là,
dont on sait très bien que parfois ils ont
des problèmes cognitifs ou d'autres problèmes et qui mériteraient au moins
d'être rencontrés. L'avantage
de la proposition qui circule, là, en ce moment, hein, l'avantage de cette
proposition-là, c'est que, oui, c'est
vrai, il y aurait une retenue d'un chèque pour qu'il y ait une rencontre
d'évaluation, mais au moins cette rencontre d'évaluation là, elle nous permet d'entrer en contact avec la personne
puis de lui dire à la fois ses droits, ses responsabilités. Et probablement qu'on diminuerait, qui sait, il faudrait
y réfléchir ensemble, on diminuerait le risque que des personnes qui se sont un petit peu fermé les yeux, là, trop
rapidement sur les possibilités que l'on offre, hein, bien, ne se situent pas à
l'écart trop rapidement du processus.
Donc, on va y
réfléchir, puis là je suis sérieux, on va y réfléchir, parce que ça a un
certain mérite, je pense. Et on le fait
déjà, je pense, dans le cas de la conformité, on le fait déjà, et visiblement
ça ne semble pas choquer les gens, là, au Québec. Moi, je n'ai pas entendu de gens qui ont dit : Dans les cas
de conformité, c'est inacceptable. On pourrait aller un peu plus loin,
dans l'esprit du projet de loi mais aussi dans l'esprit de s'assurer que les
gens soient le mieux informés possible de
leurs droits avant de faire des choix peut-être qui seraient des choix
malheureux, nécessairement, de s'isoler ou s'écarter.
Alors, je le
dis le plus sérieusement du monde, là, cette fois-ci, on en a parlé, on vient
d'en parler un peu puis on va regarder
cette possibilité-là, on vous reviendra peut-être... Et ça pourrait avoir un
impact sur la suite des choses, hein, on pourrait réviser un peu, qui
sait, nos positions, là, on va y réfléchir.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le ministre. M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Bien, j'aime bien l'ouverture du ministre, là, on pourra en
discuter, mais je rappelle que... C'est un peu pour ça que je posais la question sur comment on accueille les
primodemandeurs. Si on avance sur l'idée que, les personnes qui sont convoquées, il y a un genre d'obligation
à participer, à répondre à la convocation, sinon tu peux avoir un problème,
là, c'est un peu... C'est pour ça que
j'aurais aimé savoir actuellement ceux qui passent soit sur place, ou dans les
cinq jours, ou par convocation
écrite; dans le mois, combien il y en a qui répondent. Ça aurait été bien de
savoir pour pouvoir juger, en bout de
ligne, est-ce qu'il y a un gros problème puis... ça aurait été bien de juger.
Ça, c'était une partie. On connaît mal, là, la réponse actuellement des
primodemandeurs.
L'autre
partie, c'est comment on accueille... Est-ce qu'on a les ressources pour
accueillir les personnes? Quand on dit
que, juste la dernière année, 13 % d'effectifs de moins dans nos CLE,
depuis 2010, 32 %, qu'on nous dit, 13 % juste la dernière année, il y a
aussi des inquiétudes à avoir, là. Si on demande ou on insiste avec une
sanction, là, ou je ne sais pas
comment on pourrait l'appeler, là, pour que des personnes se présentent à des
convocations, il faut être certain
qu'on a ce qu'il faut pour accueillir ces personnes-là. Si je me
souviens bien, quand vous avez répondu à mon collègue de René-Lévesque, ça ne
semblait pas être un gros problème, parce qu'on parlait de, je ne sais pas,
moi, 80 quelques personnes, ça fait qu'on a
l'impression que les CLE sont capables de vivre avec ça, mais il s'agirait de
voir région par région. Mais
peut-être qu'il n'y a pas un gros problème, mais il y a quand même un enjeu,
là, tu sais. Il faut que les gens répondent,
mais il faut qu'on soit capable d'accueillir ces personnes-là puis leur donner
le service d'accompagnement auquel ils ont droit.
Moi, je pense
que, si on est capable d'avancer là-dessus, si on est capable de livrer aux
gens qui se présentent, on pourrait discuter
un peu de la proposition qui est sur la table, mais je suis un peu... je trouve
ça un peu dommage de ne pas avoir le
portrait, actuellement, de comment on accueille nos primodemandeurs. Mais je
pense qu'on serait capables de
travailler pour peut-être définir un peu plus la proposition que vous avez, là,
il faudrait voir comment on peut faire ça.
Moi,
là-dessus, il y a peut-être de l'ouverture, mais je continue à dire qu'il faut
se sortir de l'idée que les personnes ne veulent pas s'aider puis qu'il
faut les obliger à s'aider eux autres mêmes, je pense qu'on est capables de
travailler autrement. Il y a peut-être de l'ouverture là.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Rimouski. M. le ministre.
M. Blais : M. le Président, je vais
demander un arrêt, s'il vous plaît. Quelques minutes.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, on peut suspendre pour...
M. Blais : ...cinq minutes, s'il
vous plaît, M. le Président.
Le Président (M. Cousineau) :
Un petit cinq minutes?
On va suspendre. Alors, suspension.
(Suspension de la séance à 17 h 7)
(Reprise à 17 h 21)
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, nous reprenons nos travaux. Donc, avant la suspension, c'est M. le ministre qui avait la parole.
M.
Blais : Oui. On a fait une
petite suspension, M. le Président, pour tester un peu des idées, de façon très ouverte, là, avec les collègues. On va y
réfléchir, de notre côté, puis je sais que les collègues aussi, là, vont y
réfléchir de leur côté. Moi, je
propose qu'on continue à travailler sur les amendements qui sont proposés,
là, hein, puis on reviendra peut-être éventuellement sur ce sujet-là.
Le
Président (M. Cousineau) : Très bien. Donc, nous sommes
toujours sur le sous-amendement. Alors, qui veut intervenir sur le
sous-amendement de Mme la députée de Gouin? Peut-être vous rappeler, Mme la
députée de Gouin, qu'il vous reste
14 min 55 s. Puis, le député de Saint-Jean, il n'y a plus de
temps, le député de Richelieu non plus, puis M. le député de Rimouski, évidemment,
il vous reste du temps.
Une voix : ...
Le
Président (M. Cousineau) : Bien, on va calculer ça, là. Alors... Mais vous pouvez commencer, là,
on va vous donner ça dans les prochaines... Oui, Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. J'ai écouté tout à l'heure avec intérêt... je n'oserais pas appeler
ça une proposition, mais, disons, on va appeler ça les propos du ministre, ça,
c'est sans crainte, là, faisant état d'une possibilité
peut-être, une hypothèse, disons, qui pourrait éventuellement être sur la table
d'aménager autrement, là, si j'ai bien
compris, toute la question des sanctions, de peut-être une ou plusieurs
rencontres obligatoires. Alors, effectivement, on n'est pas totalement dans le sous-amendement, mais, comme le ministre
s'est permis cette hypothèse, je pense qu'on peut déjà en parler, sous réserve, bien sûr, de consultations que
chacune des formations politiques a à tenir, mais il y a déjà, d'ores et
déjà, je pense, je dirais, certains éléments qui m'apparaissent
incontournables.
Dans l'amendement et le sous-amendement, on
dit : C'est très important de savoir de qui l'on parle, pourquoi est-ce
que les gens ont un certain nombre de difficultés, quels sont leurs besoins,
etc. Moi, je pense que c'est toujours important.
Et, dans cette optique-là, il est certain que, je dirais, de tenir une
rencontre avec quelqu'un qui à un moment donné arrive à l'aide sociale
ou... Quand je dis «arrive», là, je ne veux pas dire nécessairement
physiquement, mais, je veux dire, une
personne demande de recevoir de l'aide de dernier recours. On sait fort bien
qu'en ce moment il n'y a pas forcément
une rencontre. Le ministre nous l'a dit je ne sais plus exactement quand, mais
ça peut se faire par Internet, ça peut
se faire par téléphone. En soi, l'idée d'une rencontre physique est une bonne
idée. À mon avis, c'est l'État, ici, qui se donne à lui-même une obligation de rencontrer
quelqu'un puis de lui indiquer qu'au-delà d'un chèque on a autre chose à
lui offrir. Et, en ce moment, je ne dis pas que le ministère a tout faux, loin
de là, mais il ne s'est jamais donné cette obligation
à lui-même de rencontrer physiquement les personnes, et je
dirais qu'en fait il se le donne de moins en moins, puisque la
diminution des ressources fait en sorte qu'il y a moins de rencontres.
Il y a
un autre élément qui joue aussi et dont il faudra tenir compte, quelle que soit
la proposition ou l'hypothèse retenue, c'est qu'on me dit que dans plusieurs
régions on a fermé les centres locaux
d'emploi, et donc là il y a
des choses qui deviennent plus
difficiles. Si on dit : Il doit y avoir rencontre physique entre un
primodemandeur et un agent ou une agente
d'aide sociale, bien, il faut que ce soit possible. Est-ce que c'est toujours
possible? Bien, moi, je n'ai pas, évidemment,
avec moi la liste de tous les centres locaux d'emploi du Québec, donc je ne m'aventurerai pas trop à qualifier
l'état de la situation, mais je sais tout de même, et d'autres
députés en ont parlé, que, dans certaines régions, on a vraiment
diminué le nombre de centres locaux d'emploi. Alors, quand on parle de rencontre, je suppose...
Mais peut-être que le ministre pourra le clarifier à un moment donné, là, qu'on
ne parle pas d'une rencontre téléphonique de 15 minutes, parce que,
si on veut vraiment savoir où en est la personne, comprendre sa situation,
lui proposer quelque chose, je ne peux pas imaginer autre chose qu'une rencontre physique. Je comprends que toutes les
nouvelles technologies existent, là, mais il n'y a
rien qui remplace, à mes yeux à moi, en tout cas, la rencontre de deux êtres humains qui se parlent. Il y en a
un qui est en situation
d'autorité, il y en a un autre qui est en situation de demande, ils ne sont absolument
pas sur le même pied, mais il peut y avoir compréhension, je pense, de la part
de la personne en situation d'autorité, il peut y avoir empathie, il peut y avoir... et je suis certaine qu'il y a
un sens professionnel, là, du travail. Et ça, ça m'apparaît extrêmement important.
Donc, quand
on disait : On a besoin d'études, moi, je le pense encore. Le ministre
nous revient en disant : Écoutez,
on pourrait débattre de certaines hypothèses,
dont l'hypothèse d'une rencontre, que je crois déceler comme
obligatoire, donc ça, c'est à
discuter, mais, l'idée même de la rencontre, on ne peut pas s'opposer à ça.
Après ça, on discutera de son caractère
obligatoire ou non, mais il faut qu'il y
ait rencontre. Si on veut que les
gens sachent effectivement qu'il y
a des services qui leur sont offerts — et
il faut qu'ils leur soient offerts, ça, mon collègue de Drummond—Bois-Francs le rappelle souvent, hein, il
faut les offrir, les services, il faut qu'ils existent — donc,
si ça, c'est mis en place vraiment avec les budgets nécessaires, si une professionnelle ou un professionnel rencontre une
personne et prend le temps, là, ça peut prendre une heure, ça peut prendre une heure et demie, il faut
être sérieux, vraiment on fait le tour, là, il y a peut-être
quelque chose comme une avenue de ce côté-là,
sous réserve de bien, bien des vérifications, de choses écrites noir sur blanc. On sait ce
que c'est, une loi, hein, on dit que chaque
mot compte, donc il faudrait être
extrêmement, extrêmement attentif. Mais on en discutera.
Moi, après
avoir rencontré bon nombre, dans ma vie, de personnes soit à l'aide sociale ou
soit qui l'ont été, je pars du principe que l'immense majorité, là, du genre
90 %, 95 % des gens veulent s'en sortir. Ce n'est pas une colonie de
vacances, être à l'aide sociale. En fait, ce n'est pas drôle du tout.
• (17 h 30) •
C'est drôle, hein, je racontais à un collègue,
durant une autre pause, qu'à un moment donné j'ai dû recourir à l'assurance-emploi, dans ma vie, et que j'ai
trouvé l'expérience difficile. Ça m'a aidée à réaliser qu'est-ce que vivent les
gens qui viennent demander de l'aide
sociale, ce qui est souvent vu avec beaucoup plus de préjugés, hein, avec un
regard rempli de préjugés, que l'assurance-emploi parce que,
l'assurance-emploi, on se dit : La personne a travaillé, elle est momentanément sans emploi, elle a droit à
l'assurance-emploi. Dans l'imaginaire collectif, ça, c'est honorable, mais,
dans l'imaginaire collectif, aller à
l'aide sociale, pour beaucoup, beaucoup de gens, c'est tout simplement humiliant,
n'ayons pas peur des mots, c'est ça
que ça veut dire. Et donc
habituellement, là, dans l'immense, immense majorité des cas, ce n'est pas de gaieté de coeur que les gens
finissent par se résoudre à y aller, quel que soit leur âge. Puis ils sentent
bien, là, qu'ils sont devant un
système, hein... c'est l'État, c'est gros, puis eux, ils n'ont pas de pouvoir.
Donc, il faut comprendre ça, c'est tellement important.
Je me
souviens, M. le Président — je suis dans les souvenirs, coudon — qu'avant un certain sommet sur l'économie
et l'emploi, en 1996, j'avais été rencontré
un groupe de femmes dans un centre de femmes à Verdun, à Montréal, et c'étaient
toutes... une vingtaine de femmes à l'aide
sociale, des femmes, la plupart du temps, dans la quarantaine, dans la
cinquantaine, puis elles
m'expliquaient à quel point elles avaient cherché de l'emploi puis comment
elles n'en avaient pas trouvé. Je me souviens
d'une d'entre elles qui disait : Si j'avais 20 ans puis que j'étais
encore bien «cute», ça serait facile pour moi d'être serveuse, mais là il n'y a plus un restaurant qui
veut m'embaucher, tu sais, des choses difficiles à entendre, là. Puis à la fin
je leur avais dit, à un moment donné :
Mais qu'est-ce que vous trouvez le plus dur dans tout ça? Est-ce que c'est la
pauvreté? C'est quoi? Qu'est-ce que
vous trouvez le plus difficile? Et elles m'ont répondu unanimement : C'est
dur, être pauvre, on n'a pas
d'argent, on court tout le temps après l'argent, mais le plus dur, ce n'est pas
ça; le plus dur, c'est le mépris. Ça,
ça m'avait bouleversée et donné du courage pour la suite des choses, parce qu'à
un moment donné, quand on est à contre-courant
sur cette question de l'aide sociale, des fois il faut qu'on se nourrisse un
petit peu de la parole des gens, là.
Donc, je le
répète aujourd'hui parce que c'est ça, la réalité, pour l'immense majorité des
gens à l'aide sociale, c'est que ce
n'est pas plaisant, être là. Ce n'est pas plaisant, dire à l'entourage :
Bien oui, moi, je suis à l'aide sociale, ou que les voisins le sachent, ou que les organismes communautaires le
sachent. Ce n'est pas plaisant, aller quêter des paniers d'épicerie, là, il n'y a rien de plaisant
là-dedans, puis je pense que là-dessus on est d'accord. Il faut donc prendre
soin des gens. N'importe quelle
mesure proposée par le ministre qui va venir prendre soin des gens, on va être
d'accord, ce n'est pas compliqué, là,
on va être d'accord. Alors, il faut trouver — et, si on peut le faire ensemble, tant
mieux — les
meilleures façons.
Donc, pour l'instant,
je continue de proposer mon sous-amendement. Si on s'en va vers d'autres
avenues, nous accueillerons des avenues possibles respectueuses de la
dignité des gens, respectueuses de leurs capacités, de leur potentiel puis, je dirais, de leur... Quand je
dis «de leur capacité», c'est de leur capacité à choisir aussi. Il n'y a
pas que les gens qui travaillent dans les centres
locaux d'emploi qui savent ce qui est bon pour les gens à l'aide sociale, les
gens à l'aide sociale sont capables aussi de
le savoir pour eux-mêmes. Il y a donc un dialogue, là, qui s'établit, hein,
dans un certain nombre de cas, mais, je pense, qui est à renforcer.
Alors, pour l'instant, ce sera tout, M. le Président.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de Gouin.
Un autre intervenant? M. le député de Rimouski, en vous rappelant qu'il
vous reste 13 min 10 s.
M. LeBel :
Vous êtes trop généreux, M. le Président. Sur l'amendement, peut-être juste le
relire, parce que, là on s'est
promenés beaucoup, là, mais l'amendement disait que «le ministre s'engage
à obtenir une double étude qualitative indépendante
sur une période d'un an pour déterminer les besoins d'accompagnement des
personnes visées par le présent article.
Cette double étude est préalable à l'application des dispositions du présent
chapitre et à la modulation des mesures offertes.» Le sous-amendement de la collègue, c'est d'ajouter, après
«qualitative»... on parle de double étude qualitative... de rajouter «et quantitative». Le mot
là-dedans, dans tout cet amendement-là, c'est les besoins d'accompagnement puis
d'étudier exactement c'est quoi, les
besoins, qu'est-ce qu'on doit faire pour accompagner les personnes. Je ne
reviendrai pas sur l'ouverture
tantôt, là, par rapport à l'accueil des primodemandeurs puis quelle sorte
d'accompagnement le ministère pourrait
leur offrir, les gens des CLE, mais c'est sûr que c'est majeur. La députée de
Gouin, là, la collègue l'a bien exprimé, là, il y a une façon d'accueillir les gens, des gens, quand on parle de
primodemandeurs, qui sont déjà très affectés par la situation, ça fait qu'il y a une façon
d'accueillir ce monde-là, à mon avis, si on veut partir du bon pied. Si on veut les inscrire dans un processus, dans un cheminement, bien, il
faut que ces gens-là sentent qu'ils sont en confiance, qu'ils ne sont pas, un,
jugés, et qu'on ne commence pas tout de suite à leur dire : Si tu n'embarques pas dans le cheminement ou si tu
ne participes pas à telle ou telle
rencontre, bien, déjà la menace arrive. Moi, je pense qu'il y a une façon, là,
de faire, et c'est important
dans ce qu'on appelle l'accompagnement.
Et je rappelle les rencontres que j'ai eues avec
des gens dans les CLE qui accueillent les personnes, les primodemandeurs.
Souvent, ces gens-là qui accueillent sont très... Ce n'est pas toujours facile,
on rencontre des gens qui sont vraiment en difficulté, là, puis qui ont des
enfants, ça fait que ça vient nous prendre, là, c'est sûr que ça vient prendre ces gens-là aussi. Et, quand ils
sont poussés à faire une rencontre en dedans de 15 minutes pour faire un
bilan de la personne, bien, c'est... puis
après ça, le 15 minutes, ça part, puis il y a une autre personne qui
arrive ou on ne revoit pas le client
avant quelques semaines, souvent ça vient prendre... l'employé du CLE ou la
personne au CLE qui est l'agent qui rencontre ces gens-là, ça vient le
chercher, là, il se demande... Souvent, ils ont peur aussi d'échapper le
client, je n'aime pas ça l'appeler «client», mais la personne, le
citoyen qui vient demander de l'aide.
Ça fait que
toute cette partie-là, dans la machine gouvernementale, là, quand on va mettre en place le processus, bien, il faut vraiment s'intéresser à la façon qu'on accueille les gens
puis comment on travaille avec le milieu. Parce que j'ai aimé tantôt... Le ministre, quand
il parlait d'accueil, il parlait aussi de ses partenaires sur le terrain. Vous
avez ouvert, dans votre discussion,
vous avez dit : On accueille, mais on a aussi des partenaires, des groupes
communautaires qui sont en employabilité
qui travaillent avec nous autres; eux autres aussi, ils font partie de
l'accueil. Ça, je trouve ça intéressant parce que ça peut donner beaucoup d'alternatives au citoyen qui arrive,
là. Il peut être accueilli par le ministère, mais il peut aussi être référé à un autre organisme, puis
ça peut représenter ou ça peut respecter davantage ce que la personne
vit et puis ça peut améliorer ce qu'on
appelle ici, dans l'amendement, l'accompagnement. Il y a tout ça puis il y a
toute la machine, là, qui est prévue
par le projet de loi qu'on va essayer de travailler, de trouver la meilleure
méthode, les agents des CLE, les
carrefours jeunesse-emploi, les organismes d'employabilité qui sont liés, tout
ça, ça se tient, là, puis comment on va accueillir bien la personne.
Moi, j'aime
ça discuter de ça, mais en même temps à chaque fois je me dis : Ce n'est
pas que là que ça se passe, tu sais, il y a aussi des intervenants dans
le milieu, d'autre monde, là, qui doivent aussi accompagner les personnes, tu sais, leur offrir des emplois, se mobiliser
pour lutter contre la pauvreté. Puis, je ne sais pas, c'est un malaise que
j'ai, j'ai l'impression qu'on laisse
tomber ces structures-là parce qu'elles ne sont pas accrochées, là, d'une façon
systémique avec le ministère, mais c'est des partenaires sur le terrain
qui sont importants.
Juste les
centres de la petite enfance, les CPE, c'est un outil pour lutter contre la
pauvreté. Avec ce qu'on leur fait
vivre actuellement, on se tire dans le pied, et ce n'est pas une façon de
lutter contre la pauvreté. Et, quand on parle de pauvreté, on devrait être capable aussi d'avoir cette réflexion-là,
là. Qu'est-ce qui arrive avec nos centres de la petite enfance? Est-ce qu'ils sont toujours, aujourd'hui,
capables de lutter contre la pauvreté, aider les enfants mais aussi aider
des mères de famille qui veulent travailler
puis qui ont besoin d'espace? Ce qu'on me dit, même dans les haltes-garderies
on est rendu à couper, puis à demander des
statistiques, puis à s'assurer que les gens qui demandent la halte-garderie en
ont vraiment besoin puis... C'est un élément, un autre exemple.
• (17 h 40) •
Comme la Politique
nationale de la ruralité. Dans nos villages dévitalisés, il y a des problèmes
d'emploi. Il y a des jeunes qui se
ramassent sans emploi, qui... La politique de la ruralité aidait souvent ces
jeunes-là à trouver des emplois, des emplois dans leur communauté, dans
leur village. Ça permettait d'enrichir le village, mobiliser le village, puis
ça empêchait des jeunes de tomber dans la
trappe de la pauvreté, de s'expatrier en ville ou essayer de trouver des
emplois, souvent, qu'ils ne trouvent
pas ou qui les isolent davantage. Bien,
cette politique de la ruralité, dans les rapports que j'ai
lus sur l'impact de la politique
de lutte à la pauvreté, on en parle, de la Politique nationale de
ruralité, comme un élément qui a aidé à lutter contre la pauvreté. Ça,
c'est une chose.
Les CPE, j'en
ai parlé. Les CRE, les conseils régionaux des élus, qui, avec le gouvernement, parrainaient, signaient des
ententes dans différents domaines... Comme chez nous, les travailleurs de rue,
il y avait un budget qui était géré par la CRE avec le gouvernement pour engager des travailleurs de rue dans les
MRC, dans les huit MRC du Bas-Saint-Laurent. Bien, les travailleurs de rue, ça venait aider les gens des CLE puis ça
venait aider les gens qui pouvaient vivre la pauvreté, c'étaient des partenaires importants.
Même s'ils n'étaient pas dans l'organigramme du ministère de l'Emploi puis de
la Solidarité sociale, c'était un
joueur de la communauté qui était important, qui pouvait
détrousser, souvent, des personnes complètement désoeuvrées, qui ne savaient plus où se lancer,
puis le travailleur de rue pouvait aider ces personnes-là. Et ça, c'étaient des montants d'argent qui étaient
entendus entre la région et le gouvernement. Ça
fait que le travailleur de rue, dans le Bas-du-Fleuve, la manière qu'il travaillait, bon, ce n'était
pas de la même façon qu'en Abitibi ou en Mauricie, ça avait la couleur
régionale parce que c'était supporté par une concertation régionale.
Même
chose pour les aînés, le programme Villes et villages amis des aînés. Ça aussi,
c'était un programme qui aidait, qui aidait à soutenir souvent
des aînés, à ne pas s'isoler, qui venait lutter contre la pauvreté, contre,
souvent, l'intimidation ou d'autres éléments comme ça. Ça aussi, ça avait les
couleurs des régions.
Bon,
les carrefours jeunesse-emploi, j'en ai parlé, mais il y avait
certains travaux que les carrefours
jeunesse-emploi faisaient, comme dans
plusieurs régions on a ce qu'on appelle Place aux jeunes,
qui permet à des jeunes de revenir en région, de se trouver des emplois
ou de partir des entreprises qui créent de l'emploi.
Ça fait que lutter contre la pauvreté puis accompagner les personnes, ça ne peut
pas être que le gouvernement puis sa structure
en silo qui descend, qui... tu sais, le ministre a une politique, il donne la commande dans les CLE, puis ça descend avec les partenaires qui sont liés avec les CLE.
C'est une façon de faire, mais ça ne peut pas être que ça. Pour accompagner
vraiment les personnes, pour ne pas échapper les personnes, on a besoin du
reste, des autres groupes, des groupes qui vont aider entre autres au
niveau de l'emploi, des groupes de
ressources techniques, les Habitations populaires qui vont aider des gens à se trouver de l'habitation, un logement
dans le milieu coopératif, entre
autres, ça aussi, c'est un joueur important,
les organismes qui travaillent pour... Chez
nous, il y a un groupe qui s'appelle Je raccroche, qui essaie
d'aider les jeunes à raccrocher au monde scolaire.
Ça fait qu'il y a un genre de... il y a toute une
société, là, des gens qui travaillent pour lutter contre la pauvreté, qui travaillent et qui interviennent, qui ne sont
pas nécessairement liés avec le ministère mais qui sont importants. Et je sais
que ce n'est pas directement dans le projet
de loi, mais je ne peux pas m'empêcher de parler de ça quand on parle d'accompagnement. Le ministère a un rôle à jouer,
puis on va voir, là, comment on va accueillir les primodemandeurs puis comment qu'on pourra les accompagner, là, au
niveau de l'accueil, là, dans des CLE puis avec les partenaires, mais il
faut voir comment on accompagne comme société,
comment on accompagne les gens qui malheureusement sont tombés dans la trappe de la pauvreté ou sont sur le bord
de tomber dans la trappe de la pauvreté, qu'il ne faut pas laisser tomber,
comment on va aider nos commissions
scolaires à ne pas échapper les jeunes, comment on va aider nos communautés
rurales à ne pas perdre tous leurs jeunes, à
créer de l'emploi. Il y a toute une dynamique là qu'on n'a pas le temps assez
de discuter, mais qui fait partie de
l'accompagnement puis qui était dans... Quand je regarde les études du Centre
d'étude sur la pauvreté et
l'exclusion, là, c'est assez intéressant de voir tout ce qu'on a fait au Québec
depuis un an. On n'a peut-être pas
tout bien fait, mais ce serait dommage de tout jeter ça par-dessus bord et penser
que la seule façon d'aider les personnes qui vivent de la pauvreté, c'est par une livraison de services d'un
ministère, de l'État. On va réussir si tout le monde est impliqué puis si tout le monde se mobilise, mais
pas en silo; de façon concertée puis avec les couleurs de chacune des régions du Québec. Moi, je pense, c'est la façon
de faire. Mais c'est sûr qu'en même temps il faut que le gouvernement, dans son... — puis, le projet de loi, c'est un peu ça,
l'objectif — Objectif
emploi, bien, il faut qu'il se donne une mécanique gouvernementale qui va faire en sorte qu'on va
bien accueillir les personnes puis qu'on va être capable de les accompagner
dans un vrai cheminement. Merci, M. le Président.
Le Président
(M. Cousineau) : Merci, M. le député de Rimouski. M. le
ministre, voulez-vous réagir?
M. Blais :
Non, merci. Ça va.
Le Président
(M. Cousineau) : Non. Maintenant, est-ce qu'il y a un
autre ou une autre intervenante?
Sinon, nous allons
passer au... Est-ce que le sous-amendement de Mme la députée de Gouin est
adopté?
M. Turcotte :
M. le Président...
Le Président
(M. Cousineau) : Oui, M. le député de Saint-Jean.
M. Turcotte :
On aimerait pouvoir procéder au vote par appel nominal.
Le Président
(M. Cousineau) : D'accord. Le sous-amendement demande
d'ajouter le mot «quantitative» à l'amendement de M. le député de Saint-Jean
qui parlait de «qualitative». Alors, Mme la secrétaire.
La Secrétaire :
M. Turcotte (Saint-Jean)?
M. Turcotte :
Pour.
La Secrétaire :
M. Rochon (Richelieu)?
M. Rochon :
Pour.
La Secrétaire :
M. LeBel (Rimouski)?
M. LeBel : Pour.
La Secrétaire : M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)?
M. Schneeberger :
Contre.
La Secrétaire : M. Blais
(Charlesbourg)?
M. Blais : Contre.
La Secrétaire :
Mme Sauvé (Fabre)?
Mme Sauvé : Contre.
La Secrétaire : M. Hardy
(Saint-François)?
M. Hardy : Contre.
La Secrétaire :
Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Simard : Contre.
La Secrétaire :
M. Giguère (Saint-Maurice)?
M. Giguère : Contre.
La Secrétaire : M. Polo
(Laval-des-Rapides)?
M. Polo : Contre.
La Secrétaire :
M. Cousineau (Bertrand)?
Le Président (M. Cousineau) :
Je m'abstiens.
La Secrétaire : C'est rejeté.
Le Président (M. Cousineau) :
Alors donc, le sous-amendement de Mme la députée de Gouin est rejeté.
Alors, nous
revenons à notre amendement, à l'amendement de M. le député de Saint-Jean, en
vous précisant le temps
restant : M. le député de Saint-Jean, sur votre amendement,
il vous reste 5 min 55 s;
M. le député de Rimouski, 3 min 25 s;
M. le député de Drummond—Bois-Francs, 19 min 5 s; Mme la
députée de Gouin, vous avez 20 minutes sur l'amendement; et, M. le député de Richelieu, vous avez
13 min 25 s. À qui je passe la parole à ce moment-ci? Mme la
députée de Gouin, sur l'amendement de M. le député de Saint-Jean.
Mme David (Gouin) : Merci, M.
le Président. J'écoutais avec beaucoup d'intérêt mon collègue le député de Rimouski et je vais continuer dans la même
direction, parce qu'on parle ici d'avoir une étude qualitative pour déterminer
les besoins d'accompagnement des personnes.
Si on revient un peu en arrière, moi, je pense que ce dont on va se rendre
compte, c'est que... enfin, je n'ai pas ces chiffres-là, le ministre nous dit
qu'il les a, mais il y a probablement chez les primodemandeurs jeunes un bon nombre de personnes qui n'ont pas leur
diplôme d'études secondaires, je ne pense pas me tromper beaucoup en
disant ça.
Le
Président (M. Cousineau) : Mme la députée de Gouin, avant
d'aller plus loin, on me dit que ce n'était pas 20 minutes que vous
avez mais bien 9 min 55 s... 9 min 35 s. D'accord?
Mme David (Gouin) : D'accord,
oui.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, M. le ministre.
M. Blais :
Ça, c'est l'ensemble des primodemandeurs, ça ici? Oui, bien, c'est ce qu'on
veut, je pense que c'est ce qu'on veut, oui.
Donc, pour les primodemandeurs, là, les caractérisations
que l'on a, 2014‑2015, alors — il faut que je lise ça correctement — donc qui ont un niveau de scolarité atteint
primaire, c'est seulement 3,7 %; secondaire I à IV, 27,7 %;
secondaire V, 16,8 %. Donc, on a
déjà quoi, là, à l'oeil, tout près de 50 %, là, oui, 49 % qui n'ont
pas atteint leur... Donc, qui ont un diplôme secondaire, il y en a peut-être 50 %, à peu
près, si je fais bien les calculs, si je comprends bien le tableau qui est devant moi. Il y a même des personnes...
des primodemandeurs qui ont un diplôme universitaire, hein, 14,3 %.
Ça peut être un diplôme... un certificat,
cependant, là, ça, c'est reconnu comme tel. Et, collégial, c'est intéressant
parce que c'est 7,4 % seulement, donc, qui ont ce niveau de
diplôme.
• (17 h 50) •
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Oui. M. le Président, juste le dernier chiffre, j'ai mal compris. 7,4 % ont quel niveau
de diplomation, s'il vous plaît?
M. Blais : 7,4 % ont un diplôme collégial. Pour donner
les détails, là : le primaire, 3,7 %; secondaire I à IV,
27,7 %; secondaire V,
16,8 %; collégial, 7,4 %; universitaire, 14,3 %. Et il y en a beaucoup,
là, pour lesquels on n'a pas d'information,
c'est
30 % pour lesquels on n'a pas d'information. Je suppose que là-dedans il y a
un certain nombre d'immigrants, là, pour lesquels c'est difficile de
faire une classification ordonnée, là.
Mme David
(Gouin) : O.K. Ça,
ça me fait penser, M. le Président, que... je réalise tout d'un coup qu'on a très, très
peu parlé, à cette commission, de la situation des personnes immigrantes. Je
m'en veux un peu parce que, je me dis, on
aurait probablement dû en parler plus. Dans la région de Montréal, je sais très
bien que, sans avoir le chiffre en tête, il y a un nombre relativement, là, élevé de personnes à l'aide sociale
qui sont des nouveaux arrivants. Il se peut que ce soit pour des périodes très courtes, hein, à leur
arrivée, pour quelques mois, avant que les personnes se trouvent un travail,
mais, quand on sait à quel point les
personnes immigrantes que nous accueillons sont déjà scolarisées et qualifiées,
puisque notre grille de sélection
tient quand même largement compte du niveau de scolarité et de qualification,
pour moi, ça fait partie des
problèmes dont on va devoir s'occuper, et que, là, je ne pense pas du tout
qu'on soit devant des gens qui ne sont pas
intéressés à occuper un emploi. En tout cas, il ne doit vraiment pas y en avoir
beaucoup. Je pense que là-dessus le ministre et moi, on va être
complètement d'accord.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M. Blais :
Disons, l'enjeu, je ne dirais pas le problème, mais l'enjeu avec la clientèle
immigrante, là, qui fait partie des primodemandeurs,
pour des raisons... Il y a un bon nombre d'immigrants, on me dit souvent, là,
qui s'intègrent facilement dans les mesures et qui sont prêts à en
prendre. L'enjeu, c'est surtout la francisation. Et aujourd'hui c'est possible,
au Québec, d'être bénéficiaire de l'aide
sociale, d'avoir une petite famille de trois enfants, d'avoir un revenu, les
allocations familiales comprises et
l'ensemble des revenus, autour de 38 000 $, 38 500 $, pour
une famille de trois enfants à l'aide sociale,
là, et certains immigrants n'ont peut-être jamais eu autant d'argent, là, qui
sait, là. Et on n'a pas d'obligation de francisation comme telle dans la loi 101, et là, bien sûr,
l'intérêt d'Objectif emploi pour cette clientèle-là, ce serait quand même de les obliger, là, à aller en francisation,
c'est le premier pas pour eux, c'est d'aller en francisation, donc, et sous
contrainte, bien sûr, qu'il y ait des pénalités si jamais, là, ils n'y vont
pas.
Donc, ça
mérite d'être dit et discuté, parce qu'on n'a pas cette capacité-là, en ce
moment, de les obliger, on peut les inviter.
Plusieurs le font, cependant, là. Mais Objectif emploi permettrait de créer une
certaine obligation par rapport à la francisation
pour ceux qui en ont vraiment besoin, parce que, vous avez raison, avant de
trouver un emploi, il faut quand même maîtriser la langue d'usage, là,
du pays où on se retrouve.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Eh! que je sens que là on est en
terrain glissant! De toute façon, le ministre sait que je m'objecte aux
sanctions, et je vais m'y objecter tout autant en matière de francisation.
Comprenons-nous
bien. Je pense que le ministre sait très bien qu'on est tous, je pense, en
cette Chambre, et puis je vais parler
pour moi, en tout cas, extrêmement attachés au développement de la langue
française au Québec, et bien sûr que
nous souhaitons — je pense
que nous le souhaitons tous et toutes — que l'entièreté de la population du Québec
soit tout à fait capable de s'exprimer en français.
Il est possible que certaines personnes
immigrantes, pour un temps, en tout cas, ne voient pas l'intérêt, entre guillemets, d'aller en francisation, mais terrain
glissant parce que, si cela est possible, c'est que, oui, il est absolument
faisable de vivre et de travailler à
Montréal, et même autour de Montréal, et parfois dans l'Outaouais sans dire un
mot de français. Il y a des milieux de travail, maintenant, qui sont beaucoup plus laxistes, et pas seulement
les tout petits milieux de travail, il y a
des gros milieux de travail où l'utilisation de l'anglais est valorisée et où l'utilisation du français devient plus facultative.
Donc, je
pense qu'avant d'imposer des sanctions à des gens qui auraient théoriquement peut-être, tout ça étant à vérifier, hein, une réticence à aller dans des
cours de francisation, il faudrait savoir pourquoi, toujours la même question,
hein, savoir pourquoi, et peut-être se dire
que la société d'accueil devrait envoyer des messages clairs — et je trouve que comme société d'accueil on n'est pas toujours
clairs — sur le
fait que, bien non, on ne peut pas travailler au Québec si on ne parle pas français, parce que pour le moment ce
n'est absolument pas ça, la réalité, du moins dans une région que je
connais bien, qui est la région de Montréal.
Maintenant,
ce qu'on sait aussi, c'est que beaucoup de personnes immigrantes veulent suivre
des cours de français. Ces cours
existent mais pas toujours adaptés à la situation des personnes, des femmes en
particulier. Ça fait longtemps que beaucoup d'organismes représentant des
personnes immigrantes demandent d'avoir des horaires adaptés aux femmes,
des lieux de francisation plus adaptés. Donc, il y aurait vraiment des
réflexions à faire là-dessus.
Une chose me
frappe dans les chiffres que le ministre a donnés, oui, c'est ça, c'est qu'au
fond 50 % des primodemandeurs
n'ont pas un secondaire V, 50 % des primodemandeurs ont ou bien un
secondaire V — ça,
c'est près de 17 % — ou moins, soit un niveau primaire ou
secondaire I à IV. Si on a un secondaire IV, là, on n'a pas de
diplôme d'études secondaires. Donc,
il y a ce 17 % qui a atteint le niveau d'un diplôme d'études secondaires,
mais il y a 27 % plus 7 %, si je me souviens bien, là... donc, en
tout cas, quelque part comme le tiers des primodemandeurs qui a atteint soit la
fin du primaire, ce qui est quand même un
monde, là, ou soit un secondaire IV, c'est énorme, et finalement on se
retrouve avec 50 % des gens qui ont un secondaire V ou moins.
Bien, moi, je
pense que la question qu'il faut se poser ici, ce n'est pas seulement qu'est-ce
qu'on va faire une fois que les gens
vont être à l'aide sociale, c'est : Comment ça se fait qu'au Québec on
accepte d'avoir 50 % de primodemandeurs à l'aide sociale qui arrivent sans avoir le bagage de formation nécessaire
pour obtenir un emploi qualifié? Ça, c'est la vraie question. Et donc, pour le
temps qu'il me reste, qui doit être très peu, ce que je dirais, c'est : Si
on veut être sérieux dans la lutte à
la pauvreté, on va mettre de l'argent dans la petite enfance et dans l'école
primaire, secondaire, c'est par là qu'on va commencer. On aura
probablement bien moins de jeunes qui vont vouloir entrer à l'aide sociale.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci beaucoup, Mme la députée de Gouin.
Alors, compte
tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à 19 h 30, en
vous rappelant que les travaux, ce soir, auront lieu à la salle des
Premiers-Ministres, c'est-à-dire au 1.38.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 19 h 33)
Le Président (M. Hardy) : À l'ordre,
s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Je vous
rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 70, Loi
visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et
l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration en emploi.
Avant la suspension, nous avions poursuivi l'étude
de l'amendement du député de Saint-Jean à l'article 83.1 proposé par
l'article 28 du projet de loi. Est-ce qu'il y a des interventions sur cet
amendement?
Premièrement, je pense que je vais vous donner le
temps qu'il vous reste, avant de débuter sur l'amendement : le député de Saint-Jean, il vous reste
5 min 55 s; le député de Rimouski, 3 min 25 s; le
député de Richelieu, 13 min 25 s; le député de Drummond—Bois-Francs,
19 min 5 s; et la députée de Gouin, 2 min 45 s.
Est-ce qu'il y a quelqu'un qui veut prendre la
parole, il y a des intervenants sur l'amendement? Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Oui. M. le Président, je voudrais déposer un sous-amendement pour remplacer «un an» par «six mois».
Le Président (M. Hardy) : Nous
allons suspendre quelques instants pour faire des copies.
(Suspension de la séance à 19 h 35)
(Reprise à 19 h 41)
Le
Président (M. Hardy) :
Alors, nous revenons. Est-ce qu'il y a des explications à donner au sous-amendement qui a été proposé par la députée
de Gouin? M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Merci, M.
le Président. Donc, l'objectif,
de ce que je comprends, de l'amendement, initialement, juste pour se remettre dans le contexte, l'amendement que j'ai déposé
était : «Le ministre s'engage à tenir une double étude qualitative indépendante sur une période d'un an
pour déterminer les besoins d'accompagnement des personnes visées par le présent article. Cette double étude
est préalable à l'application des dispositions du présent chapitre et à la modulation des mesures offertes.»
Donc, avec
l'amendement proposé par notre collègue la députée de Gouin, au fond, de ce que
je comprends, c'est que peut-être que le ministre trouve qu'un an, c'est
beaucoup pour réaliser ces études-là avant de pouvoir appliquer le programme Objectif emploi, donc, en mentionnant
six mois plutôt qu'un an, ça donne une période plus courte d'étude, même si, bon, ça justifie encore plus de faire
deux études, là, vu que c'est plus court, mais en même temps ça permet au ministre, pendant que ces deux études-là se
fassent, bien, que le programme pourrait être élaboré, bon, attacher les
derniers détails, pouvoir
valider l'application du programme suite aux résultats de l'étude et pouvoir
par la suite l'appliquer.
Donc, ça
permet au ministre de penser que le programme Objectif emploi pourrait être
implanté plus rapidement. Donc, c'est
une tentative de compromis que nous faisons en disant «six mois» plutôt qu'«un
an» pour réaliser cette double étude qualitative indépendante.
Le
Président (M. Hardy) : M. le ministre.
M.
Blais : Je vais avoir le même type d'objection que j'ai déjà eu, là,
pour un an, mais je voudrais comprendre la proposition. Là, il y a quelque chose comme : Faisons des
études, validons si ça fonctionne, validons ce qui ne fonctionne pas, validons ce que sont les attentes, les
besoins, et on est prêts à aller au-delà de notre refus, là, qu'il y ait des
obligations de participation. Je ne
veux pas mettre le collègue, là, dans une position où il ne veut pas aller,
mais j'essaie de voir, là, si c'est des ouvertures qu'il fait, si c'est
un cran de sécurité additionnel qu'il veut mettre au programme ou...
M.
Turcotte :
M. le Président.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Merci. La proposition est simple. Nous considérons
que le programme Objectif emploi, en soi, peut être un bon programme dans la mesure où il augmente la prestation
d'aide sociale, donc il permet de dégager la tête de l'eau au nouveau demandeur d'aide sociale,
donc, pour avoir plus... donc moins à chercher, là, l'argent pour joindre
les deux bouts à tout prix, là, à la fin du
mois, donc de pouvoir effectivement faire une recherche d'emploi, de pouvoir
être en formation ou de pouvoir régler des problèmes personnels. Donc, ça,
c'est une première chose.
Mais la deuxième
chose, qui est la plus importante, selon nous, c'est que le ministre a
mentionné à plusieurs reprises... L'article
concerné, que nous étudions depuis quand même quelques heures, dit qu'il y aura
un accompagnement pour les nouveaux
demandeurs, et nous, en ce moment,
nous considérons qu'il y a un manque dans l'accompagnement qui peut être fait des personnes. On l'a dit
depuis le début, il y a de moins en moins d'agents dans les centres locaux d'emploi, il y a des centres
locaux d'emploi qui ferment, il y a des organismes qui sont sous-financés, etc.
Donc, on se dit, si on s'assure qu'on
connaît les besoins réels des personnes, donc les études pourraient nous
démontrer quels sont les réels besoins d'accompagnement
des personnes visées, et de s'assurer qu'il soit mis en oeuvre, parce que
l'article dit qu'il va y avoir un accompagnement qui sera mis en oeuvre, mais on met
toutes les chances pour que ça fonctionne et que les gens puissent
sortir de l'aide sociale pas pour être dans la rue mais pour se trouver un
emploi.
Quand le ministre
fait un lien avec les sanctions, nous, on n'y voit pas de lien, on peut très
bien avoir le programme Objectif emploi sans les sanctions. Le ministre nous
dit : Bon, il y a... Il a
ouvert peut-être tantôt, là, il a dit : Bon, on pourrait regarder. On regardera, mais en ce moment il n'y a rien
sur la table de concret, donc on continue à croire que c'est le projet de loi tel qu'il est
actuellement, qu'on a étudié depuis le début. Donc, nous, on dit : Faisons
le pari que le programme Objectif
emploi est un bon programme, assurons-nous qu'il soit le meilleur possible et
qu'il réponde aux réels besoins des
gens. Donc, c'est l'amendement que nous proposons. Et la députée de Gouin
dit : Bien, au lieu de se donner un
an pour le faire, faisons-le en six mois pour que le ministre et le
gouvernement aient... pouvoir appliquer le programme plus rapidement.
Ceci
dit, ça n'empêche pas que nous sommes contre les sanctions et nous sommes
contre l'obligation, mais... Et nous, on
le rappelle, nous sommes contre les sanctions qui touchent le chèque de base
d'aide sociale, donc qui diminuent le 623 $ par mois. Donc, nous,
on considère que l'amendement qui est présenté ne va pas à l'encontre de notre
opposition aux sanctions parce que ça permet de valider s'il y a vraiment les
services. Et moi, je crois que le ministre a tout à gagner d'accepter notre amendement parce qu'il s'assure
de faire un travail qui n'a peut-être pas été fait dans les dernières années,
de valider vraiment l'offre qui est mise à
la disposition des primodemandeurs dans l'accompagnement de ces personnes
pour se sortir de l'aide sociale. Beaucoup
d'initiatives sont faites, beaucoup d'actions peuvent être posées. Des fois,
les actions sont positives comme
négatives, on le voit, là, bon, tu sais, on ferme des centres locaux d'emploi,
puis tout ça, mais ça, c'était avant
l'application du projet de loi actuel. Peut-être qu'avec le projet de loi
actuel et avec l'obligation que les
gens à l'aide... les primodemandeurs devraient avoir des rencontres, ces
choses-là, peut-être, ça va augmenter l'achalandage de certains centres
locaux d'emploi qui ont été fermés, qui n'auraient peut-être pas dû être
fermés, etc.
• (19 h 50) •
Mais
là on est dans le pratico-pratique, mais ça peut être quelque chose de plus
englobant que... Peut-être que les trois
parcours proposés par le ministre, puis j'en ai mentionné... j'en ai parlé un
peu précédemment, à la dernière rencontre... Peut-être que les trois voies, ce n'est pas suffisant. Peut-être qu'il
pourrait y avoir une voie sur l'entrepreneuriat, par exemple. Peut-être qu'il pourrait y avoir, au fond, projet
personnel, soit entrepreneuriat soit pour un artiste qui veut faire un plan
d'affaires pour, je ne sais pas... pas un
plan d'affaires, ce n'est pas le terme, là, mais développer, bon... faire une
production d'un spectacle ou peu
importe. Je comprends que, pour le ministre, ce n'est peut-être pas une
priorité, mais je lance des idées comme ça, là. Je ne le sais pas. Si on
le savait, on n'aurait pas besoin de les faire, les études.
Nous,
ce qu'on dit, c'est que peut-être que ce qui, en ce moment, on croit qui est la
meilleure chose pour arriver au
résultat que le ministre espère, c'est-à-dire de diminuer le nombre de
personnes à l'aide sociale pour qu'elles se trouvent un emploi, bien, peut-être que les études
pourraient nous démontrer qu'il faudrait y aller d'une autre façon que ce qu'on
pense actuellement. C'est la contribution
que nous tentons de faire au projet de loi. Parce qu'il faut se le rappeler, M.
le Président, même si on est opposés
largement à... Je regarde les articles qu'on a adoptés, là, la plupart, on
les a adoptés sur division. Je crois qu'on a quand même une
responsabilité, comme parlementaires, de s'assurer qu'à la fin, dans les circonstances que nous avons, dans la force
politique que nous vivons actuellement... Le système parlementaire est ce qu'il
est, c'est-à-dire que, le gouvernement étant majoritaire, inévitablement le projet de loi sera adopté, que ce
soit sous bâillon ou autres.
Donc, on peut s'assurer malgré tout que le projet de loi, à terme, soit le
moins pire possible pour la population.
Le ministre
va dire : Bien, nous, on considère qu'il est très bon, qu'il est
excellent. Je comprends, c'est lui qui l'a déposé... bien, pas lui mais son gouvernement, mais nous, on
tente, par différents moyens, d'amener des amendements, des sous-amendements pour le bonifier. Puis des fois, bien, il faut répéter. Le ministre
a déjà été prof, donc il sait que, des fois, ce n'est pas parce qu'on
le dit une fois en classe que tout le monde comprend dans la classe. Donc, on
est comme un peu à l'école ici, au
parlement, on a même des cloches qui sonnent pour nous rappeler qu'il faut
aller en commission ou au salon bleu,
puis des fois, bien, les whips sont un peu comme les directeurs, ils prennent
les présences, etc., donc on est un peu dans le même contexte. Mais
l'objectif qu'on a, c'est, par la répétition ou par différents amendements ou différentes formes, à un moment donné, de trouver
une voie de passage. Puis, depuis le début, même si on est contre le projet de loi, puis pour plein de raisons, M. le
Président, pas besoin d'y revenir, là, largement, mais on le sait, je crois
que, si on veut s'assurer qu'à terme
les conséquences soient moins pire pour les gens, bien, c'est en trouvant des
solutions puis des voies de passage.
Puis nous, on
croit que ça, ça pourrait être une bonne idée, de faire cette double étude
qualitative indépendante. Pourquoi
indépendante? Parce qu'on considère que, si elle est faite par le ministère,
bien, c'est sûr qu'il peut y avoir un risque
de biais, pas parce que les gens au ministère ne sont pas compétents, mais
c'est juste qu'habituellement, naturellement, quand on met quelque chose sur la table, on est toujours portés à avoir
les mêmes réflexes que nous avons eus par le passé ou les mêmes habitudes, donc d'avoir un visage
neuf, un certain recul, hein... On a l'expression qui dit : Il ne faut pas
se mettre le nez trop proche de l'arbre pour voir la forêt. Bon, bien,
c'est un peu ça qu'on propose.
Il y avait
deux aspects qui pouvaient poser problème, selon nous... Bien, trois aspects.
Le premier aspect, c'est que le
ministre est complètement contre de faire ces études-là. Bon, ça règle la
question, mais on continue quand même à penser que c'est une bonne chose. Soit qu'il trouve qu'une double étude,
donc deux études, c'est trop ou qu'il trouve que la période d'un an, c'est trop long. Ça fait que, là,
on tente de trouver un compromis avec le six mois, c'est la proposition
qu'on fait actuellement.
Le Président (M. Hardy) : M. le
ministre.
M. Blais : Non, je n'ai pas de
commentaire. J'avais compris.
Le
Président (M. Hardy) : Est-ce que quelqu'un d'autre veut faire une
intervention sur le sous-amendement proposé par la députée de Gouin?
S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder... M. le député de
Richelieu.
M.
Rochon : Rapidement, M. le
Président, présumant que le ministre a été déçu que je ne commente pas à mon
tour... — oui, c'est ça, je continue sous le signe de
l'humour — que je
ne commente pas à mon tour, là, le sous-amendement de la collègue de Gouin, qui modifie l'amendement
de mon collègue de Saint-Jean pour qu'il se lise ainsi : «Le ministre
s'engage à tenir une double étude qualitative indépendante sur une
période de six mois pour déterminer les besoins d'accompagnement des personnes visées par le présent article. Cette
double étude est préalable à l'application des dispositions du présent chapitre et à la modulation des mesures
offertes.» Alors, ça va dans le sens de cet examen plus rigoureux auquel nous souhaitons que le ministre,
que son ministère se livrent pour bien déterminer cet accompagnement
dont ont en effet besoin les primodemandeurs et les prestataires d'aide
sociale.
Nous
engageons la conversation ce soir, «conversation» étant peut-être un terme un
peu léger pour des travaux aussi
sérieux, mais notre examen d'amendements, de sous-amendements et d'articles de
projet de loi dans le contexte d'une
ouverture en fin de séance cet après-midi. C'est certain que ça complexifie un
peu, si je peux me permettre, là, la poursuite
de nos travaux, n'ayant pas eu, là, d'indication, en tout cas, très précise du
ministre sur là où en est sa réflexion. Cependant, j'insiste sur le fait que ce
que contiennent sous-amendement et amendement actuellement sous nos yeux, ici, en commission, là, s'inscrit parfaitement dans notre désir maintes fois exprimé de bien
nous assurer que nous offrions aux
prestataires d'aide sociale, primodemandeurs et autres, là, les outils pour
qu'en effet ils améliorent leur sort, parce
que je crois bien que c'est là une volonté
commune, là, chez tous les parlementaires. Là où résident des divergences, c'est sur
les moyens.
Nous
n'insisterons jamais suffisamment sur le fait que les sanctions nous posent
problème. De notre côté, nous ne pensons
pas que c'est un bon moyen. Nous croyons au contraire qu'il s'agit d'un grand risque à courir, qui ferait en sorte, là, d'encore détériorer le sort de gens qui en
arrachent bien suffisamment déjà, là. Avec des prestations minimales de 623 $ par mois à l'aide sociale, ce n'est
déjà pas pouvoir vivre normalement et répondre à tous ses besoins.
Bon, alors, voilà, là, en gros, là, ce que je
souhaitais exprimer, là, à l'appui de ce sous-amendement.
Le Président (M. Hardy) : M. le
ministre, est-ce que vous désirez faire une intervention?
M. Blais : Non. Merci, M. le
Président. Ça va.
Le
Président (M. Hardy) : Tout est beau? Est-ce qu'il y a quelqu'un
d'autre qui veut faire une intervention sur le sous-amendement proposé?
M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : On est rendus là. Juste rappeler que le... je le cite souvent,
là, le comité d'étude — je ne me rappelle jamais
de son nom, par exemple — le comité d'étude sur l'exclusion et la pauvreté... le Comité
consultatif de lutte contre la pauvreté
et l'exclusion sociale, dans son mémoire sur 70, sur le projet de loi, il
disait : «Par ailleurs, en ce qui concerne plus spécifiquement certains aspects du projet de loi, il semble risqué
de reporter au règlement la définition de certaines règles, notamment ce qu'est un emploi convenable
et les situations considérées comme étant des contraintes temporaires à l'emploi pour raisons de santé. Il [...] est de
même de la décision de laisser au règlement le soin de déterminer quelles
seront les personnes
visées par [le programme]. Cette façon de faire comporte son lot d'arbitraire,
en plus de soustraire ces divers
éléments au débat public.» C'est à partir de là qu'on a discuté, là, il faut
voir l'historique, là, puis là on a essayé de trouver des façons, comme on ne pouvait pas discuter des règlements
puis entendre des... voir des études ou vérifier exactement qu'est-ce que le ministre entend par règlement. Parce que je
répète, là, les mots du comité, on parle que les règlements ont son lot de situations arbitraires. Bien, on essaie de
trouver des façons, là, on dit : Bon, peut-être en s'assurant qu'il y ait une étude qui soit faite, qu'on
s'assure qu'on n'échappe pas personne, parce que c'est ça, l'idée derrière tout
ça. Et c'est pour ça qu'on amène cette proposition, cet amendement qui, là, est
sous-amendé par la députée de Gouin, c'est pour essayer d'encadrer ou essayer de se donner des garde-fous pour ne
pas que les règlements, ça dérape, ça dérape dans les règlements, ou on
échappe du monde.
• (20 heures) •
Le
comité... Parce que, tu sais, je veux juste vous rappeler qu'on parle de gens
puis on parle de sanctions possibles, là,
ou d'obligation à participer à des emplois dits convenables qui ne sont
peut-être pas à la porte, là, des emplois ou un parcours qui peut être
difficile pour certaines personnes ou moins acceptable, mais on parle, là, de
mesures potentielles de sanction à des personnes qui vivent avec un
total de revenus de 703 $ par mois. J'ai déposé ici, en commission, un exemple de budget mensuel qui a été préparé par un
groupe de Rimouski qui s'appelle Action populaire Rimouski-Neigette. Je vais vous le rappeler, ce budget, je pense que
c'est important parce que c'est de ça qu'on parle, là. Quand on parle de
personnes qui vivent la pauvreté, on parle de situations difficiles puis on
parle de cas concrets.
Dans
le budget que j'ai présenté, la personne avait 623 $ de prestation plus un
crédit de solidarité de 80 $, pour un total de revenus de 703 $. Dans ses dépenses — puis ça, c'est vraiment un cas réel — un un et demie, chauffé, éclairé :
385 $. Déjà une grosse partie de son
revenu mensuel qui passe pour se loger, se chauffer, s'éclairer. Des
télécommunications, un cellulaire à
carte pour urgence seulement, pas de télé mais Internet, parce qu'on est en
2016 : 80 $ par mois. Les assurances pour meubles, vie : zéro, pas rien. Frais bancaires, on met
5 $. Alimentation : 108 $ par mois pour s'alimenter — ça fait que c'est sûr que la personne fait appel aux banques alimentaires, pas
le choix. Transport : une cinquantaine de dollars par mois pour aller à
l'épicerie, chercher son panier au comptoir alimentaire ou des choses du genre.
Vêtements : 20 $ par mois
de vêtements. Produits hygiéniques, nettoyage : 20 $ par mois.
Médicaments : zéro — on ne veut pas être malade. Coiffure : zéro. Dentiste : zéro. Alcool, tabac, bien, c'est
bien sûr : zéro. Loisirs, sorties, sports : 23 $ par mois — cinéma de temps en temps pour se changer les idées, un café au resto pour ne
pas vivre trop l'isolement. Livres, inscription à des cours : zéro. Entretien du logement, déco du
logement : zéro. Cadeaux : zéro. Animal domestique : un petit
12 $ pour un chat qui reste avec
la personne. Électroménagers et autres : zéro. Imprévus : zéro.
Épargne : zéro. Total de dépenses : 703 $. Ça arrive
pile.
C'est
de ces personnes-là qu'on parle, là, des personnes qui vivent déjà très
difficilement, avec un stress, on peut comprendre, là; quand tu vis
comme ça, tu as un stress à chaque mois. C'est ces personnes-là qu'on veut
accueillir éventuellement, qu'on veut aider,
qu'on veut amener dans un parcours. Ça fait que c'est clair qu'on vit avec des
personnes qui sont en situation
d'isolement, en situation difficile, et qu'on doit accompagner ou qu'on doit
amener participer à un parcours, bien sûr, mais qu'il faut bien
accueillir, bien accompagner.
Au
Québec, on s'était donné un modèle, un modèle de fonctionner, qui n'est pas
parfait, là, qui peut être amélioré, c'est
certain, mais qui faisait quand même ses preuves. Le même comité, le comité que
je parlais, sur l'exclusion et la pauvreté,
faisait un lien avec une autre étude, c'est une étude publiée en 2011 par le
fonds de recherche sur la société et la culture. Ce que cette étude-là... Je vais citer une partie : «Le
système en vigueur au Québec, en comparaison avec d'autres pays de l'OCDE ayant des systèmes intégrés d'aide
sociale et d'aide à l'emploi, est à l'avant-garde sur la majorité des
facteurs pouvant rendre un tel système plus positif que négatif pour la santé
et [le] bien-être des prestataires d'aide sociale.
Quelques-uns des éléments de ce système qui méritent d'être adoptés par
d'autres pays qui cherchent à ne pas contribuer à la dégradation des
personnes assistées sont : l'absence de l'obligation de participer à des
mesures et des sanctions financières pour la
non-participation — puis je
vais le relire, là, "l'absence de l'obligation de participer à des mesures et des sanctions financières pour la
non-participation"; la mise en oeuvre de mesures matérielles et
interventionnelles pour motiver la
participation — ça,
c'est bien; le recours à des organismes communautaires spécialisés dans la
prestation de services aux groupes
qui font partie de cette population, avec des professionnels en poste
d'intervention, et ceci, au lieu du recours à des entreprises privées
dont l'objectif premier est nécessairement le profit; un mode de financement
des services, non concurrentiel et évitant
la récompense selon la performance, basé sur le développement d'un rapport
entre le CLE et les organismes
communautaires et sur la clientèle desservie; une ouverture à la contribution,
par les organismes communautaires en
employabilité, au processus décisionnel au palier politique, et au partage des
connaissances, et au développement de programmes et [de] mesures au
palier administratif; [et] un souci pour l'évaluation, quantitative et
qualitative, des aspects divers [de] fonctionnement [du] système.»
Bref,
je pense qu'on a un modèle qui fonctionne, ce serait dommage de le remettre en
question complètement, là. Puis il y
a des éléments importants, là... Je pense qu'une des forces de notre modèle
puis qui... il a été reconnu par des études,
là, qu'une des forces, c'était l'absence de l'obligation de participer à des
mesures et des sanctions financières pour la non-participation, puis
l'une des forces aussi, c'était de travailler avec les organismes
communautaires spécialisés. Bien, je trouve
qu'on devrait écouter tout ça. Et l'amendement qui nous est proposé, bien, si
on veut changer un peu ces paramètres-là,
bien, donnons-nous au moins par des études, pour bien décider, là, dans le
temps, donnons-nous les moyens de
mesurer l'impact de ce changement de cap là, voir si l'idée de changer de cap,
bien, ça a rapporté à court terme ou il ne faut pas... il faut faire
attention.
Ça
fait que ce qu'on propose comme études, bien, ça nous permettrait de mesurer ce
qu'on est en train de faire actuellement, qui est un changement de cap
important sur ce qu'on a toujours fait au Québec.
Le Président (M. Hardy) :
Merci, M. le député de Rimouski. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le
ministre, avez-vous quelques mots à rajouter? C'est beau?
M. Blais :
Non, merci. C'est complet comme ça.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Oui. Le ministre, je sais qu'il aime les études. J'en ai une. Puis il n'a pas
tort de les aimer, là, c'est vrai que
c'est intéressant et c'est instructif. C'est pour ça qu'on tient tant,
d'ailleurs, à en voir une double, qualitative et... Non, là, elle ne
demeure que... elle ne sera que qualitative, indépendante, réalisée sur une
période de six mois, pour déterminer les
besoins d'accompagnement. J'en ai une ici réalisée par le fonds de recherche
sur la société et la culture. Elle dit
des choses très, très, très intéressantes, que nous avons intuitivement dites
ici, par ailleurs, je croirais nous entendre,
pour plusieurs d'entre nous, là : «La réussite des mesures
d'employabilité, comprenant l'insertion en emploi et le maintien en emploi, puisque l'emploi stable est
plus favorable à une bonne santé que le chômage. [...]est favorisé par,
entre autres — alors
la réussite des mesures, là, est favorisée par, entre autres :
«La personnalisation
des services : l'offre d'une gamme assez diversifiée de services pour
qu'il y ait la plus grande correspondance
possible entre les vrais besoins de la personne et l'aide offerte — ça,
c'est drôlement important, c'est un
peu ce que je soulevais plus maladroitement que l'étude ne le rédige, là, ce
que je soulevais tantôt, cet après-midi, en séance, alors plus grande
correspondance possible entre les vrais besoins de la personne et l'aide
offerte;
«Des
services qui n'abandonnent pas la personne aussitôt placée au marché du travail — alors
il y a un suivi pour que la personne n'abandonne pas après son insertion
en emploi;
«Des politiques
d'emploi et de lutte contre la pauvreté complémentaires telles que de création
d'emploi, de subventions salariales, de crédits ou transferts pour les
travailleurs à bas salaire, des allocations familiales[...];
«La
mise à jour des normes du travail, dont de salaire minimum — ah! c'est les collègues de Québec solidaire
qui seraient contents — et d'autres mesures pour favoriser une
meilleure qualité des emplois, incluant des protections adaptées au
marché du travail précaire.»
Autre
aspect très intéressant que nous portons, que nous portons, et on tente donc de
convaincre le ministre que nous avons
raison de le porter, alors là ça vient de cette étude, ce n'est pas nous qui le
disons : «Dans le design des politiques, programmes et mesures — et écoutez bien ça, M. le Président... pour
ne pas dire M. le ministre — un accent plus fort sur la carotte — par exemple incitatifs, mobilisation,
soutien prolongé — que sur
le bâton — par
exemple des sanctions financières — le bâton ayant pour effet de créer un climat
et sentiment de précarité élevé pour le prestataire, conduisant au stress chronique. L'approche du bâton comporte
aussi un plus grand risque de punition financière, qui baisse encore le
revenu des plus pauvres.
«La
qualité de la relation d'aide — ça, mon collègue de Rimouski l'a
souventefois abordé... bon, je ne sais pas comment je dois analyser l'air qu'il pose sur moi, là, mais... — contribue à la réussite de la participation
mais en plus constitue un soutien
social important et donc une contribution indépendante au bien-être. La qualité
dépend, entre autres, des outils
rendus disponibles, de la formation du personnel responsable des évaluations de
la situation globale des demandeurs d'aide de dernier recours et de
faire des références[...].
«La formation adéquate des agents d'aide
financière qui leur donne la capacité de reconnaître et de savoir comment
reconnaître les besoins et réagir à des personnes en situation de crise.
«Des évaluations
formatives régulières et pertinentes de la qualité des services, en CLE et en
organismes communautaires.
«Au
sein des organismes de première ligne, la concertation entre les responsables
de l'aide financière et de l'aide à
l'emploi, mais pas d'intégration des deux postes, ce qui risque d'entraver le
développement d'une relation de confiance, voire une "alliance" dans le cadre de l'aide à l'emploi, qui
est une contribution importante au soutien social.» Au soutien social,
oui, voilà.
Alors, voici, je trouve, moi, des avenues très, très, très éclairantes, des réflexions très,
très, très éclairantes, et je me
dis que d'études indépendantes pourraient
naître d'autres recommandations tout aussi éclairantes à l'égard des besoins
d'accompagnement des personnes visées. Il me semble que tout est
là, les besoins, le besoin et les besoins d'accompagnement. Alors, voilà pourquoi nous n'insisterons, à mon point de vue, jamais assez pour tenir cette double étude indépendante
sur, je me répète, les besoins des personnes visées.
• (20 h 10) •
Le Président (M.
Hardy) : Merci, M. le député de Richelieu. Est-ce que... M. le
ministre.
M. Blais :
Est-ce que je peux savoir qui a écrit le texte que vous lisiez?
M. Rochon :
Oui. Fonds de recherche sur la société et la culture, Deena White, de l'Université
de Montréal.
M. Blais :
Mme White. Très bien.
Le
Président (M. Hardy) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement de la députée
de Gouin? M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Merci,
M. le Président. Le ministre
nous a demandé de lui citer quelques études. Je pourrais citer une étude qui n'est pas faite au Québec, bon,
je m'en excuse, mon collègue en a cité une du Québec, mais je pourrais en
citer une qui est à l'international, le ministre nous en
a fait une certaine nomenclature d'un certain nombre. Donc, je pourrais citer Loopstra en 2015. Là, c'est une
traduction libre que je vais faire, mais ça dit, bon : «Nous avons également échoué à détecter une association
entre les taux de sanction et l'augmentation des taux d'emploi. En conclusion,
nos résultats indiquent que l'imposition de sanctions augmente la sortie de l'aide.
Nous avons été incapables de détecter un impact sur l'accès à l'emploi.»
C'est un peu
ce que je mentionnais précédemment. L'objectif du ministre n'est pas de sortir des gens de l'aide sociale pour les mettre à la rue. L'objectif
du ministre, à moins que je ne me trompe, et du gouvernement, c'est de sortir les gens de l'aide sociale pour les mettre en emploi, donc les intégrer en emploi. Donc, dans son
étude, ce qui est mentionné, c'est
que, oui, les sanctions ont eu comme impact de diminuer le nombre de personnes
à l'aide sociale, mais pas pour autant les mettre... les intégrer sur le marché du
travail, mais plutôt de les mettre à quelque
part, là, dans un no man's land qu'on
ne sait pas c'est où puis, bien, ça
s'appelle souvent la rue, et ça peut avoir comme impact des conséquences graves
sur les personnes.
«Pris
ensemble, nos résultats supportent les allégations à l'effet que l'usage
punitif des sanctions éloigne les gens du
support social. Nous avons été incapables d'identifier des raisons sur pourquoi
il en est ainsi. Toutefois, des études ont
montré que des individus sanctionnés qui finissent par être en déconnexion du
travail et de l'aide sociale ont un capital humain plus faible et
d'autres désavantages, suggérant qu'ils rencontreraient des obstacles à
répondre aux conditions extensives qui leur
sont faites pour recevoir des prestations. Tel que souligné, les conditions
d'accès aux prestations sont devenues
de plus en plus exigeantes en Grande-Bretagne. De même, l'augmentation d'individus recevant des sanctions par défaut de participer au programme a soulevé des préoccupations sur le fait que
les processus d'évaluation des besoins des demandeurs de prestations
sont inadéquats et peuvent résulter dans des placements inappropriés.
«L'usage des
sanctions a été mis en question sur la base de l'efficacité et de l'éthique.
À ce sujet, notre étude ajoute à la littérature qui suggère qu'alors qu'il
y a une évidence d'une association positive modeste entre les sanctions et le mouvement hors de l'aide vers l'emploi l'usage des
sanctions résulte aussi dans des taux plus élevés de décrochage de l'aide sociale et du travail. De plus amples recherches sont nécessaires
pour comprendre les conséquences sociales du décrochage de l'aide et du travail, incluant les risques potentiels
d'itinérance, de faim et de problèmes de santé mentale. L'incidence de
ces dommages sociaux peut vraisemblablement limiter toute visée d'économies
potentielles liée à la réduction des taux de présence à l'aide.
«Notre étude
de cas quantitative pour la Grande-Bretagne a d'importantes implications sur
les politiques. À travers l'Europe et
l'Amérique du Nord, les gouvernements expérimentent avec la conditionnalité et les politiques de sanction. À travers le design quasi naturellement expérimental
du durcissement du régime en Grande-Bretagne, nous trouvons un coût humain caché potentiellement large dans le constat
de personnes quittant l'aide tout en restant sans emploi. Il y a un besoin
pressant d'établir des évaluations non
seulement des conséquences économiques des programmes de sanction, mais aussi
de leurs coûts humains et sociaux.»
Bien, moi, je
crois que cette étude-là dit beaucoup de choses et est assez éloquente sur le
fait qu'effectivement les sanctions
peuvent avoir un effet sur la diminution du nombre dans la colonne Prestataires
d'aide sociale, mais je ne pense pas
que c'est uniquement l'objectif souhaité du ministre, l'adéquation doit aussi
se faire sur l'augmentation du nombre de personnes au travail. Donc, je
crois que cette adéquation-là n'est pas présente avec cette étude-là.
Et je suis
tout à fait conscient, M. le Président, que, si nous isolons la variable des
sanctions dans cette étude-là, il peut y avoir d'autres facteurs qui
font en sorte qu'en Grande-Bretagne c'est différent du Québec, d'où
l'importance d'avoir nos propres études au
Québec, et c'est le but de notre amendement. Cependant, M. le Président, à la
lecture de la conclusion de cette étude, et je m'excuse, là, à l'avance,
là, c'était une traduction libre, bien entendu...
Une voix : ...
M.
Turcotte : Ah!
Allez-y.
Le Président (M. Hardy) : M. le
ministre.
M.
Blais : D'abord, je le dis sans provocation, là, j'ai entendu
Mme White tout à l'heure, donc, son texte, mais ce que j'entends là, là, à mon avis, c'est la
première chose qui ressemble à une étude qui déferait un peu, là, les
prétentions du gouvernement, donc je
le dis avec tout respect, là. Et ça m'intéresserait d'avoir la référence. On va
la faire examiner, bien entendu.
Bien sûr, là, j'ai compris que c'était le
Royaume-Uni, j'ai compris que c'était l'Angleterre.
M.
Turcotte : Oui, la
Grande-Bretagne.
M. Blais : Il faudrait voir quelle
année.
M.
Turcotte : 2015.
M.
Blais : Bon. Puis il faut savoir que, dans le cas de l'Angleterre, là,
c'est un peu comme le système américain, en tout cas c'est plus près des États-Unis, disons, que de l'Europe,
c'est extrêmement sévère, là. Puis, quand vous dites... Finalement, ce qu'on disait ici, c'est qu'il y a
des risques de désoeuvrement, hein, avec l'application de ces mesures-là.
Dans le cas de l'Angleterre, ça peut aller
jusqu'à une demi-année complète. Vous vous rendez compte comment on est à des années-lumière de ce
que l'on veut faire, hein? C'est une demi-année complète sans un sou, là, sans
un seul montant, là, donc, un. Et,
dans le cas de l'Angleterre, c'est aussi, si je ne me trompe pas, puis on
va étudier l'article, là... Si je ne me trompe pas, c'était très, très lié à la prise d'emploi à l'intérieur
d'un laps de temps donné, et, là aussi, on est très, très loin de ce que l'on veut faire parce que, nous, ce qui
nous intéresse, c'est avant tout la participation dans un certain nombre
de mesures et dans un contexte, et là je vérifierai,
en 2015, 2014, où les perspectives d'emploi au Québec sont plus importantes
que les perspectives du Royaume-Uni. Mais je m'engage à ce qu'on jette un coup
d'oeil sur cette étude-là.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Richelieu... excusez, de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Bien, effectivement, l'étude que j'ai citée a pris en compte
plusieurs études que le ministre a citées la
semaine dernière. Et on pourra s'assurer, là, de lui transmettre la référence
de cette étude-là, qui date de 2015, donc qui est quand même assez
récente...
M. Blais : C'est une traduction?
C'est votre traduction, ça?
• (20 h 20) •
M.
Turcotte : C'est notre traduction, mais peut-être
que vous avez quelqu'un, là, qui peut la traduire, là... ou, si
vous avez une connaissance minimale de l'anglais, là, il ne devrait pas y avoir
de problème.
Mais, moi, ce
que je voulais dire, M. le Président, c'est que, dans cette étude-là, si on se fie à
la conclusion, qui est quand même
assez dure... Effectivement, comme le ministre le mentionne, bon, ce
n'est pas le même régime, on le sait, et c'est pour ça qu'on dit que c'est bon d'avoir une étude québécoise, mais
c'est quand même... elle reprend les études, là, largement
citées par le ministre et elle, bon, un peu déconstruit leurs conclusions.
Il y a une autre chercheure, cette fois-ci de
l'Institut de recherche et d'études féministes de l'UQAM, Sandrine Ricci,
je ne sais pas si je le prononce
correctement, qui a écrit une lettre d'opinion dans La Presse+,
en fin de semaine, qui est très
inquiétante, très inquiétante, M. le Président, j'aurai sûrement l'occasion d'y
revenir, mais qui fait un lien direct entre le projet de loi n° 70, donc, du moins les sanctions, et le fait que,
bon, les gens pourraient ne plus avoir accès à l'aide, et le fait qu'il pourrait y avoir une augmentation des
cas d'exploitation sexuelle des femmes migrantes, entre autres, mais aussi
des femmes en général. Donc, j'aurai
l'occasion d'y revenir, mais je crois que le ministre et le gouvernement, comme
ils ont dit qu'ils voulaient mettre une
priorité pour régler le problème de l'exploitation sexuelle chez les femmes,
doivent avoir une attention
particulière de posée dans le cas qui nous occupe. Mais j'aurai l'occasion d'y
revenir un peu plus tard parce que je crois qu'il me reste peu de temps
pour intervenir.
Le
Président (M. Hardy) : Il reste combien de temps pour monsieur? Ça, on
va vous dire ça, ce ne sera pas long.
Une voix : Une minute.
Le Président (M. Hardy) : Il vous
reste une minute, M. le député de Saint-Jean.
Une voix : ...
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Rimouski.
M.
LeBel : Oui. Je reviens à l'amendement. Tu sais, dans toutes les
études qu'on regarde, là, c'est sûr que l'impact, à un moment donné, de sortir de la... Sortir de la
pauvreté, une meilleure façon de sortir de la pauvreté, c'est que l'économie
aille mieux, là, qu'il y ait des emplois de
créés puis que... Ça fait que, là, quand on met en place une politique du genre
pour soutenir les personnes, si, d'un autre côté, l'économie s'adonne à aller
mieux, bien, c'est sûr qu'on va sortir du monde
de la pauvreté. Ça fait que les politiques vont dire : Bien, regarde,
c'est à cause... vous voyez, ce que j'ai proposé comme projet de loi, ça a eu son impact, mais des fois ce n'est pas
vraiment ça, là, c'est plus le contexte économique. Ça fait que c'est pour ça que d'avoir des études
pour vraiment suivre les primodemandeurs, les gens qui arrivent à l'aide
sociale, vraiment suivre le processus,
prendre le temps d'étudier comment on le fait puis les impacts sur les
personnes, je pense que ça a du bon sens.
J'ai essayé
de voir dans... de fouiller puis trouver ce qui pouvait être écrit sur
l'importance des sanctions et je suis tombé
sur un document écrit par Denis Fougère, du CNRS, Accompagnement des
chômeurs et sanctions : leurs effets sur le retour à
l'emploi.
M. Blais : Fougère?
M.
LeBel : Fougère, oui. Il a
étudié un peu ce qui se passe aux États-Unis, un peu en Europe. La conclusion est intéressante. Il y a des éléments que vous allez peut-être
trouver intéressants pour vous, là, mais... Et ce qu'il dit :
«Le renforcement des dispositifs de
vérification des droits à l'assurance chômage et de contrôle de l'activité de
recherche des chômeurs n'ont pas
d'effets sur la durée des périodes de chômage indemnisé et sur le montant total
des indemnités versées aux chômeurs[...];
«Le versement
de primes de retour à l'emploi incite les chômeurs à réduire la durée de leur
période de chômage indemnisé, mais
n'a aucun effet sur le niveau des salaires — bon, en
tout cas — il peut également faire augmenter le nombre
de demandes d'ouverture de droits.»
Ce
qu'il semble dire, c'est que, si on augmente ou on donne un montant pour ceux
qui veulent participer, un peu ce que vous proposez, bien, effectivement,
on se donne des chances de sortir de l'aide sociale, de sortir, d'intégrer au marché
du travail, plus que si on décide... on resserre la vis à l'entrée ou on menace
de sanctions. Parce que souvent ce qu'on
voit, c'est des gens qui décrochent. Et, si on arrive, on travaille sur un processus puis qu'en
bout de ligne on leur donne un coup de main, l'avantage, bien, on
réussit à sortir les gens de l'aide sociale ou du chômage dans ce cas-là.
«Les
programmes d'accompagnement individualisé des chômeurs sont préférables; ils
réduisent de façon significative la durée des épisodes de
chômage[...] — etc.;
«Les quelques
travaux ayant examiné les effets des dispositifs de sanctions mis en place dans
les pays européens concluent le plus
souvent à l'efficacité de ces dispositifs — certains toutefois trouvent des effets peu
significatifs — mais
ils souffrent [chacun] de défauts
méthodologiques sérieux...» Il dit : «...des études complémentaires
[devraient] être menées.»
Bref, ce n'est pas unanime, là, il y a
différentes écoles de pensée, mais tantôt je vous parlais de nos politiques
qu'on a mises en place depuis les dernières années, qui sont étudiées par
d'autres pays, qui sont basées effectivement
sur l'accompagnement, le lien avec
des groupes communautaires partenaires, des primes qui peuvent inciter les gens
à embarquer dans un processus. Je
pense que c'est les deux éléments qui sont gagnants. Les autres éléments, des
sanctions, des vérifications trop serrées à l'entrée, c'est
des éléments qui ne sont pas gagnants et qui peuvent nous amener à échapper
des personnes. Mais, encore là, la...
M. Blais : ...M. le Président, si je
peux juste...
Le Président (M. Hardy) : M. le
ministre.
M. Blais : Pour entretenir la
discussion, là, dans le fond, clairement on pourrait être dans un mode... c'est
peut-être le mode de l'Angleterre, là, il faudrait qu'on fasse des vérifications,
où il n'y a aucune bonification, donc il n'y a que des incitants négatifs. Tu as
ça, mais, tu ne le fais pas, tu perds.
Dans notre
cas à nous, il y a des incitants positifs, vous êtes favorables à
ça, vous dites : Ça peut donner un coup de main, et la pénalité, la
pénalité, elle opère notamment parce qu'elle incite un peu plus les gens à
participer, donc à bénéficier de l'incitant positif. Je ne sais pas si vous me
suivez. C'est-à-dire, l'incitant positif est là, mais, s'il y a une pénalité,
ça peut augmenter la participation — c'est ce qu'on
recherche — et
donc les bénéfices de l'incitant positif, paradoxalement, là, hein, se
présentent davantage.
Et, quand on
regarde les études sur ces questions-là, l'effet de la présence d'une pénalité
est aussi fort, sinon plus fort que
l'exercice même de la pénalité, hein? Donc, c'est un vieux principe de
criminologie que ce qui compte, c'est l'effet dissuasif, et non pas la force de la sanction. Dans le cas de ce qu'on
propose, c'est des sanctions très, très modérées, quand on regarde... on compare avec d'autres pays dans
le monde, là, ça n'a aucun rapport, bien sûr, avec l'Angleterre. Et moi, je suis plutôt de cette école de pensée, là, qui
remonte au père de la criminologie, là, Cesare Beccaria, qu'il est préférable
d'avoir l'assurance d'une sanction faible ou
d'une pénalité faible qu'une pénalité trop forte, hein? Moi, je pense, le
principal argument contre la peine de
mort, c'est qu'en général ça a un effet dissuasif assez faible, alors que des
sanctions très faibles mais qui sont sûres ont beaucoup plus d'impact,
là.
Donc, ça
participe un peu de notre approche. Notre approche n'est pas punitive, disons,
coercitive dure, là, au contraire on
essaie de créer une ambiance dans laquelle la personne va sentir qu'elle a un
avantage à le faire et qu'on prend ça au sérieux, là. C'est une question
de point de vue.
Le Président (M. Hardy) : M. le
député de Rimouski.
M. LeBel : Le ministre est sincère,
là, je suis certain, puis... C'est la façon de... Prendre une personne à l'aide
sociale ici, à Québec, là, ou... la personne
est capable de travailler, elle est solide, c'est un problème qui est arrivé
dans sa vie, son entreprise ou
l'organisme où elle travaillait... l'entreprise où elle travaillait est fermée,
manque de formation, se retrouve un
peu à être exclue, bon, se retrouve à l'aide sociale, ça, cette personne-là, on
la rencontre, on dit : Bien, tu vois,
tu as un programme, tu peux embarquer là-dedans, dans le programme, tu aurais
le droit à un certain montant d'argent, tu as un suivi à faire, ça,
c'est parfait, ça, puis la personne, elle va choisir ça au lieu de rester chez
elle. Puis en plus, s'il y a des sanctions, c'est sûr qu'elle va choisir de
participer.
Le problème,
il n'est pas là. Le problème, c'est que le Québec est grand puis les personnes,
elles ont des situations, chacune, différentes.
J'expliquais
l'autre jour quelqu'un, moi, que je connais, à l'aide sociale, qui dit qu'il
veut faire des efforts, il se trouve
un emploi puis il ne passe pas par l'aide sociale puis les CLE, tout ça, là,
c'est trop compliqué, là, appeler pour savoir :
J'ai-tu droit à une subvention en emploi?, tout ça, c'est trop compliqué, là,
ces affaires-là, eux autres. À un moment donné, il dit : Là, il faut que je trouve quelque chose, je suis
tanné, il sort puis il cogne à des portes. Puis c'est ce qu'a fait la
personne. Puis il est arrivé à une place, il dit : Oui, c'est un
Couche-Tard, je pense, je ne sais pas trop quoi, il dit : Je suis prêt à t'engager. C'est bon, bonne nouvelle. Il
s'est installé là, il est arrivé à la caisse enregistreuse; il a complètement
éclaté. C'était trop, tu sais, la pression était trop forte, là, il a cassé. Il
est retourné. Il a eu un échec, il est retourné puis il est retombé dans...
C'est une situation différente.
• (20 h 30) •
Puis il y a
des situations comme ça aussi qui existent... Comme je dis, dans des villages,
tu sais, je ne sais pas, moi, avant
tu étais engagé, il y avait des travailleurs forestiers, plus d'emplois, plus
de moyens, ils pouvaient engager le jeune,
dire : Bon, tu vas m'aider pendant l'été, tu vas... il faisait son
chômage, des affaires du genre. Là, il n'y a plus ça. Mais là il est dans son village, il a tout le temps... Là, il n'y a pas d'emploi là, là, puis il y a
un processus de... il faut que tu sortes de là, là. Là, il y a tout
un... tu sais, la pression est forte.
Ça fait que,
là, c'est pour ça qu'il faut voir ça différemment. Ça fait que chaque personne
est différente, puis chaque région a
des cas différents, des situations géographiques différentes qu'il faut... C'est ça
qui fait que c'est compliqué pour...
Puis, qu'il y ait
une sanction, une menace de sanction n'équivaut pas la même chose pour un et
l'autre. Les cas que vous prenez,
vous prenez le meilleur cas, tu sais, c'est correct aussi, il y a
des cas comme ça, là, mais il y a des cas beaucoup plus loin, là, ça fait que la menace de sanction,
plutôt que de les aider, va juste les écraser davantage. Puis ça, bien, moi,
c'est plus par expérience ou par feeling que je dis ça. J'essaie de voir dans
les études puis de ne pas...
Ça fait que
c'est pour ça que, quand on parle des différents règlements, je trouve
ça difficile, parce que ça va être dans ces règlements-là qu'on va identifier davantage
c'est quoi, les emplois convenables, c'est quoi, les mesures, et je trouve que c'est là, le noeud de
l'affaire. Ça fait que, plutôt qu'on joue avec des personnes qui vivent des situations difficiles,
bien, qu'on essaie de trouver des façons... On essaie de fouiller, trouver des
arguments qui vont vous convaincre.
Mais, si on
est capables de travailler sur le positif, là... Vous avez des points positifs,
là, vous dites : Les CLE, on va
les accueillir, les gens, ils vont venir, on va se donner une façon de les rencontrer,
de développer un processus, on a des groupes
communautaires qui sont prêts à
travailler avec ce monde-là. Tu sais, on est capables, là, de les... on peut le
faire, là. On veut le faire. Moi, je trouve
qu'on a coupé beaucoup dans les CLE, là, je trouve qu'on ne se donne pas
de chances, mais mettons qu'on trouve
une façon de travailler qu'on rejoint les gens, bien, ça, c'est du positif.
Faisons-nous confiance.
Au niveau des sanctions, pourquoi c'est si nécessaire?
Est-ce qu'il y a moyen de faire ça autrement? Là, on a ouvert, cet après-midi, sur une façon autre de regarder ça, là, mais je pense
qu'il faut prendre le temps de voir tout ça, de
mettre notre énergie sur qu'est-ce qui a été gagnant au Québec puis ce que le
ministre veut conserver, c'est-à-dire un bonus,
là; si tu participes puis tu embarques dans un mouvement, un accompagnement
solide des CLE, avec les groupes communautaires. C'est bon, ça,
continuons là-dessus.
Les
sanctions, ce qu'on nous prouve, les sanctions puis un accueil où on commence
tout de suite avec des sanctions, tout
ce qu'on fait, c'est qu'on va revirer des gens, qui vont avoir peur de
s'embarquer, qui vont trouver ça trop compliqué, qui vont vouloir trouver
d'autres façons de s'en sortir puis qui vont se frapper après un mur à tout
bout de champ... ou des gens qu'on va appauvrir davantage, puis qui vont
s'exclure davantage de la société, puis qu'on va avoir de la difficulté à aller chercher.
Document déposé
Le
Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Rimouski. M. le député
de Saint-Jean, vous vouliez déposer une copie de l'étude dont vous nous
avez parlé auparavant?
M.
Turcotte :
Exactement, je vais la déposer. Puis je crois qu'elle sera accessible, là, pour
les gens. Il faut rappeler que c'est
quand même une étude, bon, de différents chercheurs de l'Université d'Oxford,
quand même important, Département de sociologie, en 2015. Donc, j'invite
le ministre à en faire une bonne lecture.
Le
Président (M. Hardy) : Merci, M. le député de Saint-Jean. Est-ce qu'il
y a quelqu'un d'autre qui a des interventions sur le sous-amendement à
l'amendement de Mme la députée de Gouin?
S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons
procéder à la mise aux voix. Est-ce que le sous-amendement à l'amendement de
l'article 28, paragraphe 83.1, est adopté? Oui, M. le député de
Saint-Jean.
M.
Turcotte : ...procède
au vote par appel nominal.
Le Président (M. Hardy) : Nous
allons procéder. Mme la secrétaire.
La Secrétaire : M. Turcotte
(Saint-Jean)?
M.
Turcotte : Pour.
La Secrétaire : M. Rochon
(Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
La Secrétaire : M. LeBel
(Rimouski)?
M. LeBel : Pour.
La Secrétaire : M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)?
M.
Schneeberger :
Contre.
La Secrétaire : M. Blais
(Charlesbourg)?
M.
Blais : Contre.
La Secrétaire :
Mme Sauvé (Fabre)?
Mme Sauvé :
Contre.
La Secrétaire :
M. Iracà (Papineau)?
M. Iracà :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Simard :
Contre.
La Secrétaire :
M. Polo (Laval-des-Rapides)?
M. Polo :
Contre.
La Secrétaire :
M. Hardy (Saint-François)?
Le Président (M.
Hardy) : Je m'abstiens.
La Secrétaire :
C'est rejeté.
Le Président (M. Hardy) :
C'est rejeté, l'amendement est rejeté. Donc, nous retournons à
l'amendement 28. M. le député de... 83.1.
M. Rochon :
Oui. Pour lequel, M. le Président, je présenterai un sous-amendement ayant pour
effet de supprimer le mot «double».
Le Président (M.
Hardy) : Nous allons suspendre quelques instants...
M. Rochon :
Ah! M. le Président, je m'excuse.
Le Président (M.
Hardy) : Oui?
M. Rochon :
Une précision, là : «Double» apparaît deux fois dans l'amendement, alors il s'agirait donc plutôt de supprimer les mots «double».
Le Président (M.
Hardy) : Les mots «double».
Bon,
nous allons suspendre quelques instants pour recevoir... pour regarder la
recevabilité de votre sous-amendement.
(Suspension de la séance à
20 h 36)
(Reprise à 20 h 40)
Le
Président (M. Hardy) : Donc,
nous reprenons nos travaux. Nous sommes à l'étude du sous-amendement à l'amendement de l'article 28,
paragraphe 83.1, proposé par le député de Richelieu. M. le député.
M. Rochon :
Merci, M. le Président. Alors, l'amendement sous-amendé se lirait ainsi :
«Le ministre s'engage à tenir une étude qualitative indépendante sur une
période d'un an pour déterminer les besoins d'accompagnement des personnes visées par le présent article. Cette
étude est préalable à l'application des dispositions du présent chapitre et à
la modulation des mesures offertes.»
Alors,
nous passons d'une étude double à une étude simple, simple en termes numérologiques, évidemment, on ne
parle pas de simplicité ici.
J'espère
que le ministre se rend bien compte de tous les efforts que nous consentons
pour qu'il souscrive à notre opinion
qu'il faille effectivement étudier de façon extrêmement sérieuse et rigoureuse
les besoins d'accompagnement des
personnes visées. Alors, nous insistons là-dessus depuis plusieurs heures
maintenant et essayons de trouver une voie de passage qui permettrait que notre point de vue trouve preneur, du
côté du parti ministériel, car en effet le programme Objectif emploi n'aura de succès que s'il présente
de l'intérêt pour les personnes qu'il souhaite recruter dans ses rangs, qu'il souhaite voir suivre les trois voies qu'il
prévoit leur ouvrir, et, pour que ces voies soient alléchantes, il faut étudier
les besoins d'accompagnement des personnes que nous voulons intéresser, cela
nous semble couler de source.
Et
nous dégageons ici, en parlant d'une étude plutôt que d'une étude double, le
ministre, nous semble-t-il, de la lourdeur
qu'il aurait pu voir dans la réalisation, là, de ce que nous souhaitons pouvoir
avoir sous les yeux pour bien analyser, là, la qualité des voies et du
programme plus largement, là, offerts.
Alors,
voilà là une explication rapide, je pense que le sous-amendement, de toute
façon, parlait de lui-même, là. Je ne sais pas si...
Le Président (M.
Hardy) : M. le ministre.
M. Blais :
Non, c'est le même désaccord qu'il y a quelques jours, je pense, sur l'amendement.
Le Président (M.
Hardy) : Parfait. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le
député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Bien, peut-être
qu'au fond on pourrait passer au vote, et peut-être que le ministre
était d'accord avec une double étude sur une période d'un an,
mais je vais quand même tenter d'argumenter quelques
éléments, surtout sur le fait que... Je n'ai pas eu le temps,
précédemment, là, sur notre précédent sous-amendement.
On a cité l'étude de
l'Université d'Oxford, qui mentionnait principalement, au fond, que les résultats...
«Nos résultats indiquent que l'imposition de
sanctions augmente la sortie de l'aide à l'emploi. Nous avons été incapables de
détecter un impact sur l'accès à l'emploi.»
Donc, quand on mentionne ça, M. le
Président, ça veut dire quoi? Ça veut
dire que, oui, il peut y avoir une
diminution des gens à l'aide sociale par l'imposition des sanctions, mais ça ne
veut pas dire que cette diminution,
cette sortie de l'aide sociale ou cette non-entrée à l'aide sociale est automatiquement en lien avec une augmentation ou une entrée sur le marché du
travail pour ces mêmes personnes là.
Et
à ça j'avais abordé la question, je vais avoir plus de temps pour citer, effectivement, Mme Sandrine Ricci, là, la chercheure à l'Institut de recherches et d'études féministes de l'UQAM, qui
dans La Presse+ du 4 juin, donc en fin de semaine, mentionnait : «Lorsque nous
parviennent des nouvelles alarmantes mettant en lumière le recrutement de
jeunes fugueuses dans l'industrie du
sexe ou encore l'exploitation sexuelle de femmes migrantes dans des salons de
massage par de vastes réseaux de
traite humaine, on se demande comment de telles situations s'avèrent possibles
dans notre société dite
avancée et ce qu'on devrait faire pour les contrer.
«J'aimerais
insister sur l'idée que la lutte contre l'exploitation sexuelle passe par la
lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales.
«Dans cette
perspective, il est à craindre que la réforme annoncée de l'aide sociale
accentue gravement la précarité économique des personnes les plus vulnérables aux promesses des proxénètes ou aux
leurres des trafiquants.
«Je pense,
par exemple, aux femmes à la tête d'une famille monoparentale
ou faiblement scolarisées, aux prises avec diverses formes d'exclusion
sur la base de leurs origines ethnoculturelles ou de leur statut migratoire.
«Sous cet aspect au
moins, le projet de loi n° 70 défendu par l'actuel ministre de l'Emploi et
de la Solidarité sociale [...] entre en complète contradiction avec l'engagement de son gouvernement en
matière d'exploitation sexuelle, "un phénomène qui ne peut être
toléré dans une société qui défend des valeurs de justice et d'égalité",
comme ont pu l'affirmer[...] — et je vais mentionner... — respectivement ministre de la Justice et
ministre responsable de la Condition féminine dans un communiqué publié
en mars dernier.
«Fortes
de cette conviction, les politiciennes ont annoncé que la lutte contre
l'exploitation sexuelle se retrouverait au coeur de la prochaine stratégie gouvernementale pour prévenir et
contrer les violences sexuelles. Le lancement de cette politique se fait toutefois attendre, comme un
financement adéquat réservé à ces fins dans le budget gouvernemental, ainsi
que le déplorait [la] coalition de 21 groupes dédiés à [défendre] des droits
des femmes.
«L'équipe
de chercheuses dont je fais partie a pour sa part publié un rapport qui porte
largement sur la traite locale, à l'intérieur
des frontières du Québec et du Canada. Intitulé La traite des femmes à des
fins d'exploitation sexuelle : entre le déni et l'invisibilité — en 2012 — il contient une série de recommandations
pour contrer un phénomène qui, rappelons-le, cible majoritairement les femmes et les enfants et rapporte
approximativement 99 milliards de dollars américains par année à
l'industrie du sexe mondiale, selon l'Organisation internationale du travail.
«La hiérarchie des
profiteurs de ce terrible commerce peut compter sur un climat social de
banalisation de la marchandisation du corps
et de la sexualité des femmes qui va de pair avec la légitimité croissante pour
les hommes de se procurer du sexe tarifé au prix le plus bas possible.»
M. le Président, je
vais continuer la deuxième partie, Québec reste sourd : «Notre
équipe a donc notamment demandé au
gouvernement québécois d'appliquer réellement sa loi pour l'élimination de la
pauvreté et d'instaurer des mesures
visant à permettre aux femmes d'échapper à la pauvreté afin de pouvoir échapper
à l'exploitation sexuelle. Force est
de constater que l'État est demeuré sourd à nos recommandations. Son entreprise
de destruction d'un filet de protection sociale dont la solidité nous
apparaît pourtant le gage d'une société réellement avancée se poursuit
implacablement. Pauvreté, discrimination,
instabilité sociale, économique et politique sont des facteurs déterminants de
l'exploitation sexuelle, avec l'itinérance et la toxicomanie, sans
compter de lourds passés personnels.
«Pour
aider les femmes à sortir de la pauvreté, ne faut-il pas leur offrir des
conditions de vie et des solutions de rechange viables qui leur
permettront de résister aux promesses des pimps?
«Pensons
par exemple à la hausse du salaire minimum, à l'augmentation des prestations
d'aide sociale, à l'accessibilité des
logements sociaux. Bref, les différentes formes de violence à l'oeuvre en
matière d'exploitation sexuelle exigent de s'attaquer à leurs dimensions
structurelles et systémiques.
«Aussi,
il est impératif que notre société qui se proclame juste et égalitaire donne
les moyens à l'ensemble des femmes
non seulement de ne pas être acculées à entrer ou à rester dans le marché de la
prostitution, mais aussi de pouvoir en sortir si elles le souhaitent.
«Voilà pourquoi on peut concevoir le
projet de loi n° 70 comme un frein à la lutte contre l'exploitation
sexuelle, et, plus largement, les
politiques d'austérité dans lesquelles cette réforme[...] — il manque un mot — des entraves à la justice sociale et
à l'égalité.» Je crois que l'essentiel a été compris malgré le mot manquant, M.
le Président.
• (20 h 50) •
M. Blais :
...
M.
Turcotte :
Ah! bien oui, tout est possible.
Le Président (M.
Hardy) : M. le ministre.
M.
Blais : M. le Président, moi, j'ai lu l'article, puis on peut faire l'argument vraiment
contraire. J'ai été frappé par cet article-là
et par à la fois les conclusions puis les amalgames qu'on pouvait
y faire parce qu'il y a aujourd'hui
des femmes prostituées qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale, et l'argent qu'elles reçoivent de la
prostitution ou ce qui leur en reste,
du moins, s'il leur en reste, cet argent-là, c'est considéré comme du travail
au noir, hein, on comprend bien que ce
n'est pas déclaré, pas déclaré à l'aide sociale. Donc, ça arrive. Et la
meilleure façon de lutter contre ce phénomène-là, pas la seule, du moins, mais une des façons,
plutôt, de lutter contre ce phénomène-là, hein, ce n'est pas en augmentant
leur aide sociale, donc, ce n'est pas... ça
ne changera absolument rien, c'est en leur offrant des mesures de réinsertion
et, s'il le faut, les obliger, oui, à aller vers ces mesures-là.
Quand
on regarde les pays, là, qui créent des obligations pour les prestataires de se
présenter dans des mesures, de se
présenter aux centres d'emploi comme on fait, là, si je me souviens bien, j'y
vais, là, de mémoire, au Jobcentrum de
Suède... On oblige les jeunes, notamment, allocataires à se présenter trois ou
quatre fois par semaine, le matin ou l'après-midi, et le but, là, très clair, c'est de diminuer le
travail au noir, hein, parce qu'on leur oblige à se présenter à des heures
différenciées, pour faire en sorte que leur travail au noir, bien, soit
plus difficile à réaliser.
Et pourquoi il faut
lutter contre le travail au noir? Pas uniquement parce que, bon, c'est du
travail qui est non déclaré, donc c'est des
taxes qui sont non déclarées, mais parce que le travail au noir mène à la
marginalisation, mène au fait que les
personnes sont sans aucune protection sociale. Et la prostitution est une des
pires formes qu'on peut imaginer de travail au noir pour cette
raison-là.
Donc,
de penser que, si les jeunes femmes, par exemple, qui sortent d'un centre
d'accueil... si elles sont prises en
charge par un programme comme Objectif emploi qui commence par essayer de les
sécuriser, donc des rencontres qui permettent
de les sécuriser au niveau d'un logement tout d'abord, éventuellement les
sécuriser par rapport au groupe malsain dans lequel elles appartiennent... de penser que ce type d'encadrement
là peut augmenter la violence faite aux femmes, la prostitution, je trouvais que c'était assez fort, assez fort la dose,
puis je me permets de le dire, parce qu'on peut vraiment faire l'argument contraire. Ces gens-là ont besoin
d'être encadrés, ont besoin d'encadrement, pas qu'on augmente leurs
prestations d'aide sociale, qui de toute façon est en porte-à-faux avec le
travail au noir qu'ils pratiquent, là.
Alors, voilà, c'est
ma réponse un peu à ce curieux article que j'ai lu aussi en fin de semaine.
Le Président (M.
Hardy) : Parfait. Je tiens à vous souligner qu'on est toujours sur le
sous-amendement à l'amendement de l'article 28, paragraphe 83.1, qui est de
supprimer les mots «double». M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Merci, M. le Président. Je rappelle qu'on amène ces
amendements-là puis, à un moment donné, on essaie de coller des lois-cadres à l'article de la loi, là, on essaie de
coller une étude en se disant : Bon, ça pourrait être une façon de ne pas échapper personne, au moins une
façon de... Parce que, là, on parle toujours de règlements, là. Est-ce que
l'étude pourrait mesurer l'impact de ce que
le ministre est en train de faire, se donner des façons de... des lumières
rouges éventuellement, là, s'il y a des affaires qui ne fonctionnent
pas? C'est un peu ça, l'idée de l'étude.
Moi,
j'aurais le goût, là... Il commence à être tard, une grosse journée. J'aimerais...
Moi, ça fait longtemps, longtemps que je travaille dans ces milieux-là.
Les premiers temps, là, je travaillais dans un groupe qui s'appelait Action-Chômage, on travaillait... on essayait de
protéger les chômeurs, puis la première chose que j'avais faite, là, on avait une opération, on envoyait des tranches de
baloné au ministre à Ottawa dans des enveloppes, tu sais. Le temps que Postes Canada amène la tranche de baloné, ça ne
devait pas sentir bon bien, bien là-bas, mais c'était une façon de montrer
que vivre avec du baloné tout le temps, ce n'est pas...
Puis
ça, on s'était battus, on s'était battus beaucoup. Les groupes Action-Chômage
existent encore, là, on défend les droits des chômeurs un peu partout.
À
un moment donné, on avait comme ouvert
un genre de petit local pour accueillir les gens des soupes populaires, puis on avait accueilli
M. Bourassa, entre autres, il était venu nous voir dans notre local, c'était
assez particulier, puis on lui avait
expliqué un peu comment on travaillait, qu'est-ce qu'on faisait. Puis des fois,
quand je discute comme ça, je repense
à ça, j'essaie de voir, j'ai des flashs sur ce qu'on faisait, puis ça fait déjà
un bon bout de temps, là, mais, tu
sais, quand quelqu'un vient dans une soupe populaire, tu sais, il ne va pas à
son centre d'emploi, là, il ne va pas... Il vient à une soupe populaire
pourquoi? Parce qu'il vient manger, mais il vient aussi voir d'autre monde, tu
sais, discuter avec d'autres personnes. Puis
les animateurs comme j'étais à l'époque ou d'autres qui sont là, bien, ce
qu'ils font, c'est qu'ils mettent ce monde-là en contact, puis des fois
ils trouvent des personnes puis ils disent : Ça te tentes-tu de participer
à telle activité, de t'impliquer au Centre-Femmes ou de t'impliquer... C'est
des gens qui sont isolés. Ils finissent par
dire oui, ils s'impliquent. Puis là, à un moment donné, ils trouvent des
affaires, puis des fois ça aboutit par des emplois ou, tu sais, par un
processus d'intégration où, bon, ils brisent l'exclusion puis... Ça, là, il y a
plein, plein de groupes
communautaires, encore aujourd'hui, qui font ça, mais qui ont beaucoup de
difficultés parce qu'ils sont toujours à la recherche de financement.
Pour
faire une parenthèse, je suis membre du club Lions à Rimouski. Hier, j'avais
une réunion où on essayait de voir
les... — ah! j'ai
le temps de faire ça aussi — il y avait des demandes de dons de
différents organismes, puis c'est fou, là,
comment les organismes, là, ils se jettent sur les clubs sociaux pour essayer,
tu sais, d'avoir des... il y a des besoins partout. Bref, je referme la parenthèse. Parce que les groupes cherchent
l'argent partout puis ils essaient de s'en sortir, mais tous ces mouvements-là, ces groupes-là, ce
qu'ils font, c'est qu'ils brisent l'isolement, ils vont chercher les gens
puis ils les intègrent dans des processus des fois qui...
Un projet de
coop, j'avais parti un projet de coop d'habitation. Il y avait des logements
modiques dans cette coop-là, puis,
les personnes d'une coopérative, les gens doivent participer à la gestion,
alors il y avait des gens à l'aide sociale qui ont participé à la gestion. Mais
là il fallait la bâtir, la coop. Ils se sont impliqués comme bénévoles, puis
ils ont pris des cours de maçon puis des cours de menuiserie, puis ils
se sont trouvé des jobs là-dedans.
Au Québec, là, il y a plein de monde comme ça
qui bougent, qui veulent bouger, qui brisent l'isolement des personnes, qui les impliquent dans des mouvements,
puis j'ai l'impression, de ce temps-ci, d'être pris... Ça fait deux ans,
là, que je suis député, là, que j'accueille
des gens à mon bureau, des groupes de personnes handicapées, des décrocheurs,
des... tu sais, c'est difficile,
sous-financé, sous-financé. Puis, tu sais, là, on essaie de parler de
personnes, des demandeurs, et, si on
se donnait une chance en appuyant nos groupes communautaires puis notre monde
qui travaille sur le terrain, peut-être que ce serait une façon aussi de
ne pas échapper personne.
Ce n'est pas
automatique, ça, tu sais, on prend quelqu'un, là, puis on le met dans la
machine à saucisses, là, tu sais, tu
va t'organiser dans un processus puis, woups! tu vas sortir de là, tout est réglé,
tu es dans les statistiques, on est passé à un autre appel, tu sais, ce n'est pas comme ça que ça marche. Puis
l'étude qu'on propose, ça nous amènerait peut-être à voir un peu plus,
un peu mieux où est-ce qu'on s'en va, à avoir une vision.
Tu sais, il y
a un groupe à Rimouski qui s'appelle Je raccroche, à chaque année, là, ils ont
été financés par le fédéral. Le
fédéral les a laissés tomber, ça a été difficile, un an qu'ils ne
fonctionnaient presque plus. C'est Emploi-Québec qui les a récupérés. Bonne affaire, parce que... Avec la
commission scolaire, c'était... Mais, l'année qu'ils n'ont pas fonctionné
ou qu'ils fonctionnaient à moitié, les animateurs qui étaient là, qui
travaillent, qui sont des gens qui sont plus que des employés, là, c'est des missionnaires, tu sais, c'est des gens qui
croient à leur mission puis, même quand ils sont en chômage, ils continuent à croire à la mission, bien, les
personnes qui étaient là, là, les animateurs, l'année où ça ne fonctionnait
pas, leurs jeunes qui participaient, bien, ils se retrouvaient dans la
rue, tu sais, dans la rue à quémander, là. Ça fait que ces missionnaires-là, que j'appelle, là, ces
animateurs-là, qu'est-ce qu'ils faisaient? Ils n'étaient plus financés, ça ne
fonctionnait pas. Bien, ils allaient dans la rue chercher leurs anciens
élèves pour essayer de les sortir de là, tu sais, de les...
• (21 heures) •
Ça, là, partout, dans toutes les régions du
Québec, il y a du monde comme ça qui travaille à essayer de briser l'isolement, puis briser le cercle vicieux de la
pauvreté, puis de sortir le monde... Ça, je trouve qu'on n'en parle pas assez.
Puis on les échappe, on ne les prévoit pas
dans toute la belle mécanique, là, de tout ça, là, ils ne sont comme pas là,
là, tu sais. Je trouve ça un peu dommage, là.
Puis je ramène ça à chaque fois parce que
je trouve c'est important, dans notre... L'État
du Québec, là, quand il veut intervenir au niveau de la pauvreté, on n'a pas le choix, c'est
même un devoir de travailler avec ces groupes-là puis de voir à mieux les soutenir. Parce que,
tu sais, là, on parle de l'individu, la personne, le primodemandeur qui arrive.
Je rappelle, là, tu sais, le ministre
trouvait que c'était gros, là, mais, le comité consultatif, ce qu'il nous
disait : «Le comité ne peut
qu'appuyer l'intensification du soutien et de l'accompagnement des nouveaux
prestataires d'aide sociale, car, on le sait, plus une personne demeure
longtemps à l'aide, plus il lui devient difficile de s'en sortir. Par contre,
le comité s'oppose à toute mesure coercitive
assortie de pénalités qui viendraient réduire une aide financière déjà trop
faible pour assurer la couverture des
besoins de base des personnes, compromettant ainsi leur santé et leurs chances
de s'en sortir. Cette façon de faire
contrevient à la législation en vigueur, notamment la Loi visant la
lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, la Charte des droits et
libertés de la personne et le pacte international sur les droits économiques,
sociaux et culturels.» Tu sais, c'est là-dessus
qu'on travaille depuis le début, là. C'est pour ça qu'à chaque... on
intervient, on intervient puis on
essaie d'amener soit des études, comme le ministre nous demande... Comme
moi, j'essaie d'amener des exemples terrain
de mes groupes, des gens de chez nous qui travaillent, là... qui dans leurs
mots disent ce qu'ils sentent, ce qu'ils ressentent.
Parce qu'au Québec les partis politiques, tous les
partis politiques, là, confondus, je ne fais pas de partisanerie avec ça, là, on avait trouvé une base pour
travailler, pour aider les gens qui vivent la pauvreté, c'était la loi pour
lutter contre la pauvreté. Tout le
monde... M. Sirros était là dans les tribunes aujourd'hui, là. Quand je l'ai vu
dans les tribunes, là, ça m'a fait
penser à ça. Il était le critique de l'opposition à l'époque, des libéraux,
puis il avait collaboré à la mise en place de la politique. Il y avait un consensus, qui existe depuis une dizaine
d'années partout, autant au niveau d'ici, de l'État québécois... Puis là la loi
a été adoptée en 2002‑2003, puis le Parti québécois a perdu le pouvoir. Pendant
ce temps-là, ça a presque tout le
temps été les libéraux. Puis qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont bâti sur cette
loi-là. Ils ne l'ont pas remise en
question, là, ils ont bâti sur cette loi-là, ils ont fait le crédit de
solidarité, des choses intéressantes, là, toutes qui étaient poussées
sur cette loi-là, là, les plans d'action, les... Ça fait que, là, ça me fait
quelque chose de voir qu'on renie des principes
importants de cette loi-là. Puis les sanctions, c'est un élément
hyperimportant, qui remet en question tout ce grand consensus là. Parce que, je vous rappelle, là, j'ai été
chanceux, là, j'ai participé à l'adoption de cette loi-là pas comme parlementaire, là, comme directeur de cabinet,
mais j'étais là, là, quand tout le monde sont venus présenter leurs mémoires
pendant des mois, là, ça a été vraiment un
bel exercice. Il y avait des gens, là, je me rappellerai toujours, du Conseil
du patronat qui étaient venus nous
dire que l'aide sociale, cinq ans, c'est fini après ça, «that's it». Après cinq
ans, si tu n'avais pas réussi à
trouver d'emploi : dans la rue. Bien, il avait quand même eu le courage,
là, c'était... je ne me souviens plus du...
voyons, j'ai un blanc de... M. Taillon, qui était venu nous expliquer ça,
il avait eu quand même du courage de faire ça, parce qu'il s'est fait ramasser pas mal. Mais
il a participé au débat, puis c'est arrivé à un consensus. La
société civile était là avec le
collectif pour la loi sur la pauvreté. Bien, eux autres aussi, ils nous ont
amené leurs solutions. Ils ont mis de l'eau dans leur vin, ça n'a pas
été exactement comme ils voulaient, mais ils ont participé au consensus.
Puis on a
travaillé là-dessus depuis des années, puis ça nous... Quand je regarde le
rapport, là, j'ai regardé un peu le... ça
ne nous place pas en si mauvaise posture, là, on est... Je pense qu'il faut continuer
à travailler. Il y a des points, des principes
importants que plein d'autres pays viennent voir comment on fait. Bien, il faut
croire que ce n'est pas si mauvais. Je pense qu'il faut continuer à
travailler là-dessus.
Puis je pense
que le projet de loi, il ne va pas carrément à l'encontre de ce consensus-là,
sauf quelques éléments majeurs, dont
les sanctions, qui viennent comme appauvrir. On parlait d'un... on ne
l'appelait pas de même, là, mais, le barème plancher, là, à un moment
donné, il y a un certain niveau, tu ne peux pas baisser plus bas que ça, là.
Bien, les sanctions viennent toucher à ça,
puis ça, c'est majeur, là. Tu ne peux pas jouer là-dedans, là. C'est ce qui
fait que... C'est ça qui brise le
consensus. Pour le reste, que le gouvernement se donne des façons de faire, tu
sais, d'intégrer à l'emploi, un processus, des obligations de rencontrer
des... tu sais, qu'il travaille avec ça, ça va, mais là-dessus, là, toucher au barème plancher, là, aux prestations qui sont de
base, qui sont déjà minimales, toucher à ça, ça vient briser le consensus.
Merci.
Le Président (M. Hardy) : M. le
ministre.
M. Blais : Non, merci, ça va.
Le Président (M. Hardy) : C'est
beau. Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Oui, merci, M. le Président. La prostitution ou
l'exploitation sexuelle, c'est aussi un terrain glissant. Je ne sais
pas, on dirait que j'arrive au moment des terrains glissants.
J'ai lu, moi
aussi, l'article évoqué et lu, en fait, par mon collègue le député de
Saint-Jean, j'ai écouté la réaction du
ministre et je trouve qu'on a vraiment, dans cette discussion, donc, entre les
deux collègues, une illustration parfaite de la difficulté qu'on a à avancer dans la discussion. J'ai lu et relu
l'article, j'ai écouté le collègue de Saint-Jean, puis là j'ai écouté le ministre, qui dit : Bien oui, mais
ce n'est pas en augmentant les prestations d'aide sociale qu'on va aider...
je ne veux pas lui mettre les mots dans la
bouche, mais, enfin, ce que j'ai compris, là, c'est que ce n'est pas de cette
façon-là qu'on va aider les femmes
prostituées à s'en sortir, c'est par, bon, les mesures qu'il propose sur
Objectif emploi. Mais, voyez-vous, en
regardant l'article, là, moi, je ne comprends pas, je ne vois pas que la
chercheure, Mme Ricci, nous dit simplement :
Augmentez donc les prestations à l'aide sociale; ça, c'est un petit élément
dans l'ensemble de son propos. Et
c'est là où je me dis : Mais peut-être que le ministre a fait — puis je pourrais comprendre ça, là — une lecture un peu trop rapide, mais
c'est important, je trouve, quand on est devant des problèmes, entre autres,
comme ceux-là, puis on parlait tout à
l'heure de l'immigration... c'est important de prendre la mesure de
l'ampleur et de la complexité du problème. Et Mme Ricci le fait en
disant : Bien, attendez, là, la prostitution, c'est lié, oui, à la
pauvreté, aux inégalités sociales, mais
c'est lié à la précarité économique, à la monoparentalité, à la faible
scolarisation, c'est lié à l'exclusion, par exemple, sur la base d'une origine ethnoculturelle — ce qui est tellement vrai, puis, dans toute
la traite des personnes, toute la question des femmes immigrantes, c'est
tellement présent, même à l'échelle internationale. Mme Ricci nous dit
aussi : Bien, évidemment, il y a un
climat social de banalisation de la marchandisation du corps et de la sexualité
des femmes. Donc, elle a un point de
vue qui est loin d'être simpliste, là. Elle a un point de vue où elle fait part
de l'ensemble des conditions, si je peux m'exprimer ainsi, qui peuvent
amener des femmes à la prostitution.
Bien sûr, il
y a tout un débat sur cette question du travail du sexe ou de la prostitution,
des féministes estimant que c'est
important de respecter un choix que certaines femmes font, d'autres féministes
disant : Ce n'est pas un choix, c'est de l'exploitation sexuelle,
et il y a des raisons à ça. Moi, je ne veux pas entrer dans ce débat-là. Ce que
je veux simplement essayer d'expliquer,
c'est qu'en tout cas dans un bon nombre de situations — et souvent, en fait — les femmes vont s'adonner au travail du sexe ou à la prostitution déjà lorsqu'elles
sont mineures, et ça peut se poursuivre lorsqu'elles sont adultes,
majeures. Oui, dans beaucoup de cas, c'est lié à la pauvreté, là, tout ce qui
est écrit ici : discrimination, instabilité
sociale, économique et politique, itinérance, toxicomanie, lourd passé
personnel. Je pense que c'est un fait. Et, parmi les solutions proposées, oui, il y a l'augmentation des
prestations, mais il y a la hausse du salaire minimum, l'accessibilité
des logements sociaux puis évidemment toutes les luttes aux violences faites
aux femmes.
• (21 h 10) •
Alors, ce que
j'essaie de dire par là, puis c'est pour ça que dans certains groupes
d'opposition on insiste sur la question
des études, c'est qu'il n'y a aucune question simple, lorsqu'on parle de
pauvreté, lorsqu'on parle d'exclusion. Et,
s'il y en a une qui n'est pas simple, c'est vraiment la question de la
prostitution ou du travail du sexe. Que l'on augmente ou non les prestations... Mettons qu'on les
augmente, ce qui, à mon avis, serait une bonne idée, je ne pense pas qu'en soi
ça ne va ni augmenter la prostitution ni la diminuer sensiblement, mais
augmenter les prestations, c'est juste donner à tout le monde un minimum vital pour vivre, tout le
monde. N'est-ce pas un peu l'idée du revenu minimum garanti, d'ailleurs, en
passant? Mais je ne veux pas embarquer là-dedans, mais c'est ça, l'idée, là, d'augmenter les
prestations, c'est que chaque personne vivant au Québec doit pouvoir se
loger, se chauffer, se nourrir avec suffisamment d'argent.
Alors, quand
on parle des femmes... D'ailleurs, je remarque que, sur le projet de loi n° 70, il n'y a pas la moindre analyse
différenciée selon les sexes, ce qui va à l'encontre de ce que j'avais compris
comme étant l'orientation gouvernementale, qui disait : Lorsqu'on
aura des projets de loi, particulièrement lorsque ça touchera, entre autres, des femmes, on fera une ADS. Il n'y a pas d'ADS. Je pense
que, si on veut parler de prostitution, on va parler de l'ensemble des facteurs puis on va parler de l'ensemble
des réponses. Et, compte tenu de ce que le travail du sexe peut rapporter en
l'espace d'une semaine, honnêtement, je ne pense pas que maintenir les prestations, les augmenter, les
diminuer change quoi que ce soit. En
fait, ce que je veux dire, c'est que, si on pense permettre à des femmes de
choisir de sortir de la prostitution en
établissant la prestation au montant où elle est en ce moment ou même en la
diminuant, si la personne refuse de participer à quelque chose, on se
trompe lourdement. Il y a tellement de facteurs que je pense qu'on n'est pas là-dedans.
L'autre
chose qui me frappe énormément, le ministre a dit à
un moment donné : Quand il y a
des gens qui sont primodemandeurs qui viennent nous voir, qui sont aux
prises avec toutes sortes de difficultés, il faut faire le tour des problèmes avec eux, y compris la question
du logement. Bien, moi, je suis bien d'accord avec ça, mais, qu'il s'agisse de femmes vivant de prostitution ou d'autres
personnes, là, est-ce que je comprends de ça que réellement
le ministre, face à un primodemandeur qui a des
problèmes de logement, par exemple qui vit dans l'itinérance ou dans une très
grande précarité au niveau du logement ou qui vit dans une chambre
insalubre, que sais-je... Est-ce que le ministre est en train de dire : Oui, on va l'aider à se trouver un
logement convenable? Moi, je trouve que ce serait une très bonne nouvelle.
Est-ce que vraiment le rôle des agents
d'aide sociale va aller jusque-là... ou est-ce qu'on va confier ça à un
organisme communautaire à qui on va donner les moyens de le faire?
Puis,
tant qu'à y être, est-ce qu'on va construire plus de logements sociaux et/ou
réguler davantage le marché du logement?
Parce qu'il y a un certain projet de loi, là, qui est à la veille d'être
adopté, sur l'éviction des locataires aînés, mais le fond du problème, ça va bien plus loin que ça. C'est le coût des
loyers qui, dans un certain nombre de grandes villes du Québec, atteint des sommets, et les gens à l'aide sociale ne
sont plus capables de se payer un logement décent. Est-ce que le
ministre a l'intention de travailler là-dessus?
Le Président (M.
Hardy) : M. le ministre.
M.
Blais : Ce que j'ai mentionné, ce que j'ai toujours mentionné, là,
c'est que, dans Objectif emploi, là, il y a l'idée forte, là, qu'avant même d'aller vers l'emploi ou
vers les études, là, parfois il faut sécuriser la personne dans les éléments
de base comme le logement. C'est bien connu,
les carrefours jeunesse-emploi sont habitués à ça. Quand on rencontre...
On travaille parfois avec des jeunes qui
sortent des centres d'accueil, par exemple, là, le logement, ce n'est pas
quelque chose qui est réglé immédiatement,
et donc c'est habituel, dans certains cas, là, que l'on aide les jeunes tout
d'abord à sécuriser ces aspects-là de
leur vie, avant même de regarder des questions, là, plus à long terme comme le
retour aux études.
Donc,
pour nous, c'est évident, là, que ça fait partie d'une démarche, là, qui est
nécessaire. C'est pour ça que, dans Objectif emploi, je le réitère
souvent, on n'est pas dans un mode où on oblige les personnes à atteindre des
résultats quelconques, hein, vous avez x
nombre... vous, là, compte tenu de votre situation, on vous donne trois mois
pour trouver un emploi parce que
vraiment, là, vous n'avez aucune contrainte. Donc, il n'y a pas ce type
d'obligation là d'en arriver à des résultats nécessairement. Ce qu'on veut
cependant, c'est que la personne progresse dans le parcours, là, individualisé,
là, qui lui convient le mieux, là, que
lui-même a choisi, bien sûr en discussion puis en échange avec ou bien les
agents ou bien les organismes
d'employabilité, là, qui le... j'allais dire «qui le supportent», là, c'est un
anglicisme, là, mais, disons, qui l'appuient.
Le
Président (M. Hardy) : Merci.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le sous-amendement? M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Oui. Bien, moi,
c'est parce que je veux juste réagir. M. le ministre, il dit, tu sais : On va regarder ça, là, tu sais, vous, dépendamment... on regarde ça,
votre contexte, tout ça, on va vous donner trois mois, tu sais, pour vous
réinsérer, on va comprendre. Bien,
l'autre à côté, bien, vous, le contexte, c'est un peu différent,
mettons, deux mois pour vous, tu sais, puis l'autre, bien, peut-être
c'est plus compliqué, ça va être cinq mois. C'est ce bout-là, là, qui est
difficile à...
M. Blais :
Il faut bien...
M. LeBel :
Peut-être que je comprends mal, mais...
Le Président (M.
Hardy) : M. le ministre.
M.
Blais : Oui, c'est exactement
le contraire que j'ai dit, là. C'est-à-dire que justement on ne donne pas de délai de ce type-là pour dire : Écoutez,
vous, compte tenu de votre situation, vous allez devoir vous trouver un travail, vous
êtes à Rimouski; il y en a,
du travail. Donc, ce n'est pas du tout ça, hein, il n'y a
pas de délai dans l'accompagnement. L'important...
Puis on le sait bien, on sait que dans certains cas c'est long, hein, pour
différentes raisons, mais, encore
une fois, que la personne, au moins, soit à l'intérieur du parcours qu'elle a elle-même
choisi.
Le Président (M.
Hardy) : M. le député de Richelieu.
M. Rochon :
Mon Dieu! Vous devinez, vous devinez mon désir de parler, vous...
Le
Président (M. Hardy) : Je
devine... Mais je pense que votre collègue voulait parler un petit peu
avant vous, le député de Rimouski.
M. Rochon : Ah bon! Parfait.
M.
LeBel : J'aimerais ça que le
ministre m'explique, parce que depuis le début il dit : On va être
compréhensifs, tu sais, on va... Ça
fait que, là, à un moment donné, les sanctions vont tomber, à un moment donné, là. Ça fait que c'est quoi, elles tombent... ça
va être tout le monde en même temps ou...
M. Blais : Bien, ça dépend des...
Oui, c'est ça, ça...
M.
LeBel : C'est pour ça que je...
Je comprenais de la souplesse dans votre affaire, puis je me disais en même temps : Une souplesse comme ça,
c'est là où il y a de l'arbitraire.
M.
Blais : Bon, ça dépend. La
souplesse, elle intervient tout
d'abord dans le fait que la personne
décide, en principe, suite à la consultation, là, elle décide de ce
qu'elle veut faire quand elle est prête à le faire, disons, là, bon, elle veut retourner aux études, prenons cet exemple-là, puis...
elle le décide, mais en même temps il faut qu'il y
ait un accord avec l'agent, l'agent qui supervise, en disant :
Oui, oui, je pense que tu es capable, puis on t'encourage, vas-y, va
prendre une formation — là,
chez vous, à Rimouski, il me semble qu'il y a une école de formation
des adultes, je ne me souviens plus comment
ça s'appelle, là, mais il y en a une, sinon deux, peut-être, là — vas-y,
dans tel métier, c'est ça que tu as le goût de faire. Donc, ça, c'est la première souplesse. C'est que la personne
dit : Moi, je ne veux pas aller aux études... au travail tout de
suite, j'aimerais étudier, puis on juge que son engagement est sérieux.
Évidemment, il faut
qu'elle soit aux études. Si on la retrouve dans la rue, puis si les professeurs
ne la voient pas, on a un problème.
Là, vraiment, là, elle est à l'extérieur de l'engagement qu'elle a pris puis l'engagement que nous avons pris de payer pour ses études, de payer, on en a parlé un peu il y a quelques
jours, je pense... de payer pour ses frais de déplacement, si frais de déplacement il y a,
de payer pour rembourser ses effets scolaires. Donc, on s'engage vis-à-vis cette
personne-là, hein, on essaie de débourser ces frais pour lui faciliter la vie.
Un jour, elle n'y va plus et elle n'informe personne qu'elle n'y va plus, il
y a un bris de contrat. Bon, alors,
qu'est-ce qu'on fait, là? Est-ce que c'est fini pour la vie, on dit : Maintenant, on ne veut plus te
voir? Encore une fois, c'est possible, on l'a mentionné, c'est possible qu'une
personne dise : Écoutez,
non, ça ne va pas bien, mais, bon, je voudrais recommencer peut-être
dans une autre formation. Donc, le programme permet ça mais en
autant que la personne soit en action et qu'à un moment ou l'autre on sent
qu'elle progresse, plutôt, hein, qu'elle se moque du programme,
là, ce qui n'est pas nécessairement le cas, là, ce qui va arriver. Mais
l'important, encore une fois, ce n'est pas nécessairement qu'elle ait le
diplôme à partir de tel moment parce
qu'à partir de 12 mois c'est fini, le programme est beaucoup plus souple
que ça.
Le Président (M. Hardy) : M. le député
de Rimouski... ou Mme la députée de Gouin.
Mme David (Gouin) : Tu voulais y
aller?
M. LeBel : Bien... Non, vas-y,
vas-y, vas-y.
• (21 h 20) •
Mme David
(Gouin) : O.K. J'entends bien ce que dit le ministre, mais je me pose
la question suivante : Outre les
études en Scandinavie, là, ou aux Pays-Bas, pour en arriver à se dire qu'ici,
au Québec, ça prenait absolument cette menace
de sanction pour qu'un certain nombre de gens qui actuellement ne terminent pas
les programmes les terminent et, bon,
tout ce qu'on dit depuis le début, là, moi,
j'aimerais savoir si le ministre ou ses prédécesseurs, je ne sais trop, ont
piloté des études auprès de la population
à l'aide sociale au Québec — puis
là on peut dire moins de cinq ans, plus de cinq ans, il y a sûrement des situations très différentes les unes des autres, là — pour
essayer de comprendre pourquoi les
gens, particulièrement les jeunes, ne continuent pas dans les programmes.
Je reviens toujours avec la même question parce que, je me dis, si on ne cherche pas la réponse à
cette question-là, ça sert à quoi de faire toute une histoire
autour des sanctions? Le problème n'est probablement pas là.
Puis ce n'est
peut-être pas le problème, il y a peut-être une multiplicité de problèmes.
Pourquoi les jeunes qui dans, vous dites, trop peu de cas — c'est
possible — participent
à des programmes s'en retirent-ils?
Et tous les
autres, là, qui, semble-t-il, bon, ne participent pas du tout, hein, arrivent à
l'aide sociale et ne s'engagent pas dans un programme, ils restent
combien de temps à l'aide sociale? Éternellement? Quelques mois? Après quoi ils
trouvent un travail?
La vraie vie de ces jeunes-là, c'est quoi? Et
qu'est-ce qui amène le ministre ou d'autres collègues députés du ministre à la conclusion que particulièrement pour
les jeunes, là, si on veut les mettre en action, il va falloir les obliger
parce qu'ils ne le font pas d'eux-mêmes?
Avant
d'arriver à cette conclusion-là, moi, j'aimerais ça qu'on ne se demande pas
seulement comment ça se fait qu'ils
sont arrivés à l'aide sociale, je l'ai déjà dit, il y aurait des choses à faire
avant. Mais, une fois qu'ils font leur demande, qu'est-ce qui fait qu'ils ne s'engagent pas? Puis c'est sûr qu'on va me
dire : Bien oui, mais on ne le sait pas parce que... comme ils ne sont pas venus, on les a convoqués
puis ils ne sont pas venus, on ne le sait pas. Moi, je ne peux pas croire
que l'État, avec l'ensemble des moyens dont
il dispose, n'est pas capable de savoir pourquoi des gens participent ou non.
Il y en a plein, de jeunes, dans plein
d'organismes communautaires, il y a moyen au moins d'aller voir ceux-là puis de
leur dire : Puis, les gars, les filles, qu'est-ce que vous faites de votre
vie, là? Je suis sûre que... Ce n'est pas possible qu'il n'y ait pas moyen. Puis c'est pour ça qu'on en parle, d'ailleurs,
de faire des recherches pour comprendre quelle est la situation. Ça me dépasse, que ça ne paraisse pas
possible puis que donc, dans cette situation-là, bien, la seule solution,
c'est la menace de sanction.
Alors, je ne sais pas, si une réponse à cette
question existe. J'aimerais bien l'entendre, M. le Président.
Le Président (M.
Hardy) : M. le ministre.
M.
Blais : M. le Président, avant de donner la parole à ma collègue, là,
qui aimerait parler là-dessus aussi, je veux juste dire que, dans le fond, il y a la conjonction de deux difficultés.
La première difficulté... Puis moi, bon, il y a bien longtemps, dans mon autre vie, ce qui m'a fait
pencher assez rapidement pour qu'il y ait des obligations pour les jeunes
avant de recevoir un transfert, là, même
aussi inconditionnel qu'une allocation universelle, là, c'est que c'est en
jeune âge qu'on développe
essentiellement le capital humain qui va nous suivre tout le reste de notre
vie, en grande partie. Donc, l'intervention
chez les jeunes, là, pour les primodemandeurs, elle est fondamentale, parce
qu'on peut vraiment avoir un impact
qui va changer le reste de leur vie. Donc, il faut mettre le paquet, comme on
dit. Et mettre le paquet, ça peut être aussi avoir des obligations, donc
ça fait partie des incitants possibles.
Et,
deuxièmement, quand on regarde la courbe, donc, la durée moyenne à l'aide
sociale, on le disait la semaine passée,
au Québec, neuf ans et demi, ça, c'est la durée moyenne à l'aide sociale, mais
ce qui arrive, c'est qu'à partir de 12 mois
de séjour vous avez, là, à l'intérieur... Avant 12 mois, vous avez déjà
une sortie de l'aide sociale, il y a des gens qui sortent, il y a des gens qui rentrent, effectivement. Et, à partir
de 12 mois, s'ils restent plus longtemps que 12 mois, là vous
avez une baisse tendancielle du taux de sortie. À partir de deux ans, ça
continue, la baisse tendancielle continue, continue,
vous arrivez presque à une courbe plate, là, vers la fin, là. À partir de 42
mois, la courbe est presque plate, là.
Donc, il y a des raisons de penser à cette
conjonction-là à la fois de l'importance d'une intervention, serait-ce coercitive, mais aussi le fait que la sortie,
après un an, après deux ans, devient beaucoup, beaucoup, beaucoup plus
difficile. Donc, ça peut, disons, justifier une intervention un peu plus
forte, voilà.
Le Président (M. Hardy) : Mme la
députée de Fabre.
Mme Sauvé : M. le Président. Alors,
je voulais revenir sur des préoccupations qui ont été mentionnées par la députée de Gouin. Dans le fond, je voudrais
aborder les deux aspects, parler plus particulièrement
des jeunes, que je connais davantage,
dans les primodemandeurs, celui qui ne vient pas puis celui qui vient, donc,
dans le 15 %, qu'est-ce qui fait qu'il vient, il s'engage dans sa
démarche et il reste dans l'accompagnement.
Alors, si on
y va avec celui qui ne vient pas, j'en ai parlé cet après-midi, il y a
beaucoup, beaucoup, dans le profil, que
je connais davantage, ceux qui sont dans une grande difficulté de vie et qui
sont dans des constats d'échec. Pour eux, c'est très difficile
d'imaginer qu'il y a un accompagnement qui va leur faire vivre un succès.
Alors, dans
des mots forts, qui ont fait réagir, j'ai parlé d'autosabotage, mais il y a
beaucoup de ça. Vous seriez... En
tout cas, je sais que ça n'a pas été nommé, mais c'est incroyable de voir,
entre autres... Et un exemple concret de ça, de l'autosabotage : il
y a tellement de jeunes garçons qui terminent leur secondaire V et à la
dernière session de leur secondaire V
abandonnent, font tout pour que le diplôme ne soit pas à portée de main. Alors,
c'en est un, exemple très concret.
Donc, les jeunes qui vivent plusieurs constats
d'échec dans leur vie, bien, ils ne sont pas à l'aube de pouvoir imaginer qu'on va les accompagner vers un succès.
Pour eux, l'ensemble des zones de leur vie est lié à plusieurs échecs, et ils n'ont certainement pas confiance en eux ni
en une aide possible autre que l'aide sociale. Alors, ça, ça explique un
des éléments de celui qui ne vient pas.
Celui qui
vient, dans le 15 %, qu'est-ce qui fait qu'il s'engage? On en a parlé
beaucoup, le plan d'intervention personnalisé entre Emploi-Québec et les
ressources externes, les organismes, les carrefours jeunesse-emploi, et il est fondamental, ce plan d'intervention là, je veux le
redire, parce qu'il y a un dialogue qui est là, constant, continu entre les
agents d'Emploi-Québec et les intervenants terrain dans les organismes
communautaires, et c'est vraiment un plan d'intervention
qui se doit d'être très souple et très adapté. Ça, ça marche quand le jeune
s'approprie son plan d'intervention. Donc,
quand il est en discussion avec son intervenant et qu'il se sent à l'aise,
qu'il est capable de porter les objectifs qui sont liés à son plan d'intervention, que c'est véritablement un geste
conjoint, ça facilite grandement sa motivation vers la poursuite de sa
démarche. Ça, c'est un aspect.
J'ai
mentionné aussi cet après-midi qu'il y avait de grands travaux qui avaient été
faits par Emploi-Québec avec l'ensemble
des organismes en employabilité, il y a à peu près deux ans, sur diminuer le
taux d'abandon particulièrement des
jeunes et dans certaines mesures ciblées, parce qu'il y avait des évaluations
qui disaient : Dans telle mesure d'Emploi-Québec, les jeunes abandonnent beaucoup. Comment on peut travailler ça,
améliorer ça? Il y a eu un grand travail qui s'est fait dans toutes les régions du Québec, et on a
travaillé des plans d'action vraiment en partenariat pour essayer des choses.
Et, pour avoir contribué à la réflexion dans
ma propre organisation à l'époque, dans mon carrefour jeunesse-emploi, je peux
vous dire que ce qui fonctionnait puis qui
diminuait de façon très importante le taux d'abandon des jeunes dans la
démarche, c'est quand le plan d'intervention personnalisé était à court
terme, étape par étape, donc une vue à court terme où on s'adaptait avec le jeune, ce que le ministre
mentionnait tantôt, de pouvoir réajuster le tir, de pouvoir dialoguer avec
l'agent d'Emploi-Québec et tenir
compte de tous les aspects de la vie du jeune. S'il y a une difficulté qui fait
que l'inscription au programme de
formation est difficile parce qu'il vit une situation liée à sa consommation, à
la violence, peu importe, on est capable de regarder à très court terme
et réajuster le plan d'intervention.
Je vous
dirais que ça, de réajuster le tir à court terme dans le plan d'intervention,
ça a fait une grande différence dans
l'adhésion du jeune à son objectif en employabilité. Puis, je vous dirais,
c'est des chiffres qu'on n'a pas dit, et je le dis de façon... ce n'est
pas très précis, mais je peux vous dire que, quand les primodemandeurs
s'engagent dans une démarche, qu'on parle
avec les agents d'Emploi-Québec, qu'on travaille à l'adaptation du plan
d'intervention tout au long de la
démarche, les groupes en employabilité sont capables de faire vivre des succès
à cette clientèle-là — et je ne pense pas trop
me tromper — à la
hauteur de 70 % à 75 %. Et là je parle d'intégration en emploi, je
parle d'inscription à des programmes d'études, développement de leur
employabilité.
Le Président (M. Hardy) :
Merci, Mme la députée de Fabre.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne
ses travaux sine die. Bonne soirée, tout le monde.
(Fin de la séance à 21 h 30)