(Quinze heures vingt-sept minutes)
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, s'il vous plaît, à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Dans un premier
temps, j'aimerais vous dire que c'est l'anniversaire aujourd'hui de Karine
Plamondon. Alors, on va lui souhaiter un joyeux anniversaire!
Des voix : Bravo!
Le Président (M. Cousineau) :
22 ans aujourd'hui.
Donc, à
l'ordre s'il vous plaît, et, ayant constaté le quorum — puis là ça va être marqué dans les galées,
chère Karine, on est en ondes — ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande
à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 70,
Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et
l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration en emploi.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Turcotte (Saint-Jean) remplace M. Leclair (Beauharnois).
Le
Président (M. Cousineau) : D'accord. Alors, lors de notre...
Là, je vois que Mme la députée de Gouin n'est pas présente. Est-ce que
vous l'attendez d'une seconde à l'autre? Je m'adresse...
Une voix : ...
Le Président (M. Cousineau) :
Dans quelques minutes. Bon, alors, je pense qu'à ce moment-ci je vais être obligé de suspendre quelques minutes, parce qu'on
est sur le sous-amendement de Mme la députée de Gouin. Donc, je suspends
pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 28)
(Reprise à 15 h 32)
Le Président (M. Cousineau) :
Rebonjour à tous et à toutes, nous reprenons nos travaux.
Étude
détaillée (suite)
Maintenant,
comme je le mentionnais, lors de la dernière rencontre ensemble,
nous étions sur le sous-amendement
de Mme
la députée de Gouin,
et puis vous aviez eu le temps uniquement de lire votre sous-amendement, si je me
souviens bien. Alors, Mme la députée de Gouin, on vous laisse plaider, vous
avez 20 minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président, et merci aux collègues pour leur collaboration. Je vais peut-être répéter le sous-amendement, M. le Président, juste pour qu'on se rappelle tous ensemble de quoi on discute.
Donc, c'est d'ajouter, à la fin de l'amendement qui avait été présenté...
qui a été présenté par le collègue député de Saint-Jean, le sous-amendement suivant : «Ni ne porte atteinte au droit à la dignité visé à l'article 4
de cette même charte», parlant ainsi de la charte des
droits et libertés de la personne et de la jeunesse.
Alors, M. le
Président — bonjour,
M. le Président, nouveau président — pourquoi ce sous-amendement? Écoutez, je sais bien que ça peut sembler un peu
répétitif, mais le ministre nous dit : Il faudrait arrêter de porter notre
regard uniquement sur des personnes qui pourraient refuser de participer à des
programmes ou refuser d'occuper un emploi convenable,
et donc ces personnes-là subiraient des sanctions, parce qu'il faut penser à
toutes les autres personnes nouveaux demandeurs à l'aide sociale qui
vont accepter d'être partie prenante d'un programme ou d'une formation, d'aller
à l'école ou un emploi, etc., et donc ces
personnes-là — et là je
pense aux personnes pas encore en emploi mais en mesure d'insertion — auront des allocations mensuelles augmentées
de façon importante, en tout cas ces allocations seront plus importantes que ce qui est le cas en ce moment. Et
cela est vrai, cela est vrai pour les personnes qui vont participer.
Mais, pour celles qui, pour une raison ou
pour une autre, décideront probablement momentanément de ne pas participer ou
pour les personnes qui quitteront un
programme pour des raisons que l'agent jugera non conformes, parce qu'en
dernière analyse c'est
l'agent ou l'agente qui décide, bien là, ces personnes-là vont subir des sanctions,
et donc vont voir leur chèque, après plusieurs manquements, là, coupé,
et donc devront avoir un chèque, une prestation de base de 400 $ par mois.
À
mon avis, cela atteint à la dignité des personnes. Cela atteint à la dignité
des personnes au sens que l'on donne à ce mot-là en général, que ça soit
dans les déclarations internationales, que ça soit dans notre Charte des droits
et libertés. Il y a quelque part où les
personnes vivant sur un territoire ou dans un pays riche où... Normalement,
chaque être humain devrait pouvoir vivre, évoluer, s'épanouir avec un
revenu qu'on qualifierait de décent, tout simplement parce qu'il faut vivre. En lisant les journaux en fin de
semaine, je découvrais que l'inflation au mois de mars, finalement,
était plus élevée que prévu parce qu'il y a
des augmentations de prix de toutes sortes de biens de consommation et des
loyers, de la nourriture, etc. Donc, ça, ça atteint aussi les personnes
les plus pauvres, là, c'est clair. Et de condamner un certain nombre de ces personnes-là pour des raisons que
l'on croit justes... Mais on n'a pas demandé leur avis aux gens. Nous, parlementaires, nous qui... ou le gouvernement,
particulièrement, qui représente l'État québécois, croit juste d'obliger...
Je sais bien qu'il va me dire : Les
gens ont le choix, ils pourraient faire autrement. Oui, mais, à l'ultime
limite, lorsque le citoyen décide que, lui ou elle, ça ne lui convient
pas, c'est l'État qui décide, et l'État décide qu'il y a des personnes au
Québec qui vont vivre dans un état qui n'est pas digne... dans une situation,
je veux dire, qui n'est pas digne.
Il
me semble que vivre dans la dignité, c'est avoir le sentiment, jour après jour,
là, qu'on est capable de tenir la tête
en dehors de l'eau. C'est avoir le sentiment qu'on appartient à une société,
qu'on n'en est pas exclu. Et là, à mon avis, on est vraiment dans l'exclusion, et cela, que les personnes, à la
limite, aient choisi ou décidé de ne plus participer à un programme,
pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Il se peut parfois qu'elles soient
mauvaises. Je suis même prête à admettre cette idée-là. Mais, si elles sont
mauvaises, encore faut-il en débattre avec les gens, encore faut-il créer un
environnement favorable. De toute façon, l'allocation de participation disparaît.
C'est déjà quand même un montant appréciable
qui s'en va. On se retrouve avec la prestation de base. Puis là on
dirait : Mais, en plus, là, on va vous couper davantage, plaçant les gens dans une situation que
moi, je considère en dessous de ce qu'on doit obliger... ou ce qu'on
doit demander à un être humain. Et je trouve
très difficile d'accepter une situation où des êtres humains, des personnes
vivant dans mon quartier, vivant dans des
régions du Québec, à un moment donné, pour toutes sortes de raisons, là, aient
à vivre un certain temps, même si
c'est un certain temps, avec 400 $ par mois. En fait, il n'y a juste pas
moyen de vivre avec ça, c'est tout. Ce n'est pas plus compliqué que ça,
c'est juste impossible.
Alors, j'ai dit bien
des fois qu'on allait s'apprêter à vivre plein d'autres problèmes avec ça, qui
ne seront pas tellement gagnants pour la société québécoise, ça fait que je ne
le répéterai pas, parce que le ministre connaît mon argumentation. Mais là ce que je veux lui dire en cet instant, c'est que
ma conception, en tout cas, de la dignité humaine nous interdit, comme société... Si d'autres
sociétés le font, grand bien leur fasse. On vit au Québec, et, au Québec, il
me semble qu'on s'est donné une sorte de contrat moral, particulièrement depuis
la Révolution tranquille, c'est de faire en
sorte que chaque être humain, qu'il soit bon ou mauvais, qu'il soit jeune ou
vieux, homme ou femme, puisse vivre avec au moins un strict, strict minimum l'empêchant de sombrer dans une
misère qu'on ne voudrait pas vivre, personne d'entre nous, et qu'on ne
voudrait pas voir vivre par personne de notre famille.
Alors, pour le
moment, c'est ce que j'ai à dire sur le sous-amendement, M. le Président.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, Mme la députée de Gouin. M. le ministre.
M. Blais :
Très peu de choses, là, sur ce qui a été dit, parce qu'on a déjà eu l'occasion
de parler de ça, M. le Président. Mais, pour
faire suite à une discussion qu'on a eue lors de notre dernière rencontre, je
crois, j'aimerais déposer un tableau. J'ai des copies, là, pour les
collègues. C'est un tableau, là, qui indique un peu, là, ce que peuvent obtenir
les participants, là, à Objectif emploi.
Le Président (M.
Cousineau) : Vous en faites un dépôt officiel à la commission?
M. Blais :
J'en fais un dépôt officiel, M. le Président.
Documents déposés
Le Président (M.
Cousineau) : D'accord, bien, on va distribuer les copies aux
membres de la commission.
M.
Blais : Je pourrais le commenter pour bien comprendre, parce que c'est
un élément peut-être qu'on n'a pas regardé suffisamment encore.
Le Président (M.
Cousineau) : Alors, vous allez le commenter, là?
M. Blais :
Je vais le commenter tout de suite et, si... ou je peux le commenter plus tard
aussi, là, ça dépend des collègues.
Le Président (M.
Cousineau) : Bon, d'accord.
• (15 h 40) •
M.
Blais : Mais ça permettrait de comprendre un petit peu, là, les
montants auxquels auraient droit les
participants, là, à Objectif emploi.
Donc, vous avez des
colonnes. À l'extrémité de droite, vous avez une colonne qui est, finalement,
ce que peut... ce sur quoi peut compter une
personne, au Québec, qui est au salaire minimum, qui travaille
35 heures-semaine. Donc, son revenu est de 1 420 $. À cela, vous ajoutez, là, son
crédit d'impôt solidarité et crédit d'impôt TPS, là, qu'il peut
demander. Sur une base mensuelle, ça lui fait un revenu de 1 548 $.
Et,
à gauche, vous avez huit colonnes, selon les choix de participation, disons,
des personnes à Objectif
emploi. Et ça illustre un peu les éléments
que j'utilisais la semaine dernière. Prenons, par exemple, la troisième
colonne à partir de la droite, si
vous voulez bien. Objectif emploi, donc, quelqu'un qui est plutôt dans
le développement de compétences, en formation, qui est à Objectif emploi et qui va chercher un revenu de travail de
200 $ par mois, ça, c'est
l'équivalent de 19 heures de travail par mois ou quatre heures et
demie par semaine, bien, vous avez votre revenu de travail, vous avez droit à votre prestation d'aide sociale, vous
avez droit à votre crédit d'impôt de solidarité plus une bonification de
260 $. Ça vous donne tout près de 1 200 $ par mois.
Et,
pour 1 200 $ par mois, votre prestation de travail, elle a été
environ de 19 heures pendant un mois, si je ne me trompe pas. Et,
revenons complètement à droite, celui qui est au salaire minimum et qui faisait
35 heures-semaine, lui, ça veut dire...
j'y vais... donc, c'est à peu près 140 heures, un peu plus, par mois.
Donc, voyez-vous, le différentiel n'est pas énorme, hein, pour quelqu'un qui, finalement, n'a offert qu'une
prestation de travail de 19 heures-semaine par rapport à quelqu'un,
à droite, qui se lève à tous les matins aussi, qui travaille fort, qui trouve
la vie parfois un peu difficile, mais qui
apporte une contribution de 140 heures-semaine. Alors donc, c'est majeur
en termes de différence de temps de travail,
et on voit que la rémunération... À 1 200 $ par mois, on doit se rapprocher
à peu près des propositions du Comité consultatif
de lutte contre la pauvreté, qui proposait 80 % des seuils... pas des
seuils de faibles revenus, mais du panier de consommation, hein, la
mesure de panier de consommation.
Donc,
ce que l'on veut, je pense, tous, ici, ce que l'on veut, c'est que le plus de
personnes participent, à la fois pour améliorer immédiatement leur sort
du point de vue économique et aussi parce que toutes ces mesures-là, hein,
augmentent leurs chances, de façon importante, de pouvoir sortir de la
pauvreté. Toutes ces mesures-là.
Le
problème, c'est qu'en ce moment... On a déjà eu des mesures de ce type-là par
le passé, notamment Alternative jeunesse,
et le taux de participation était élevé au départ, et ensuite il y avait un décrochage
très, très, très important. C'est la raison
pour laquelle on en vient aux pénalités, pas pour les appliquer, mais pour
faire en sorte que les gens s'engagent, à la fois que les personnes s'engagent... et encore une fois, vous allez
voir, vous voyez bien, au net, elles améliorent leur situation immédiatement. On ne peut pas faire
beaucoup plus, parce que, faire beaucoup plus, il y a des gens qui
quitteraient leur travail pour aller à l'aide sociale, pour demander l'aide
sociale puis avoir les avantages qui sont ici. Je pense que ces gens-là peuvent
comprendre, on ne peut pas faire beaucoup plus au niveau financier. Et le
problème que nous avons — parce
que tout le monde va s'entendre là-dessus, c'est une bonne chose — c'est
que notre taux de participation à ces
mesures-là, il est faible, et notre taux, disons, de rétention, surtout, dans
ce type de mesures là, il est faible
si on n'utilise pas la possibilité, là, qu'il y ait des sanctions. Donc, ça
explique un peu la logique de notre démarche, M. le Président.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. le ministre. Alors, toujours sur le
sous-amendement de Mme la députée de Gouin, est-ce qu'il y a d'autres
interventions? Mme la députée de Gouin.
Mme
David (Gouin) : Mais, M. le Président, là je suis un petit peu
embêtée, alors je vais demander votre aide en termes de procédure. Ça me
fait un petit peu penser au graphique de l'autre jour, enfin une semaine
précédente, là où le ministre nous avait
apporté le tableau des différentes étapes, là, d'Objectif emploi, puis on avait
eu le loisir de poser un certain
nombre de questions sans que, si j'ai bien compris à ce moment-là, ça interfère
beaucoup avec les temps de parole. C'est sûr que je n'ai pas envie de
prendre mon 20 minutes à poser des questions, mais en même temps je trouve
ça intéressant, ce que le ministre nous
dépose, et j'imagine que ce serait intéressant qu'on puisse lui poser des
questions. Alors, je demande votre aide. Mais, si c'est pour interférer, bien,
on ne posera pas de questions, mais ça serait dommage.
Le
Président (M. Cousineau) : Mais, dans la procédure, si on ne veut pas hypothéquer le temps qui
vous est alloué pour le sous-amendement, ce qu'on peut faire — avec un consentement, on peut faire beaucoup
de choses — avec
un consentement des membres de la
commission, on peut prendre un temps, sans hypothéquer votre temps de
discussion sur le sous-amendement, pour discuter du tableau que le
ministre vient de nous donner. Mais ça prend un consentement.
M.
Blais : Il n'y a pas de raison, M. le Président, simplement parce que
c'est un élément dont on parle en 83.6, là, un peu plus tard, comme d'autres éléments dont on a parlé. Mais c'était
pour permettre une illustration, on pourra revenir là-dessus, là, quand
on sera rendus à 83.6.
Le Président (M.
Cousineau) : Donc, s'il n'y a pas de consentement, les
discussions se poursuivent sur le sous-amendement,
et le temps court. Alors, Mme la députée de Gouin, est-ce que vous voulez
continuer? On peut passer la parole à un autre membre de la commission,
toujours sur le sous-amendement déposé par la députée de Gouin. M. le député de
Saint-Jean, vous débutez votre 20 minutes.
M.
Turcotte : Merci, M. le Président. Bien, je crois que, bon,
pour se situer, là, effectivement, c'est toujours bien de... Pour se remettre un peu dans l'esprit, là, lors de notre dernière séance j'avais déposé un amendement
à l'article 83.1 qui fait partie de l'article 28 du projet de
loi, donc l'article 83 qui mentionne : «Le programme Objectif emploi
vise à offrir aux personnes qui y participent un accompagnement personnalisé, notamment
par la formation, en vue d'une intégration en emploi.» J'y vais de mémoire, là,
c'est à peu près ça. Il y a eu quelques amendements et quelques sous-amendements.
Il y en a de rejetés, pour la plupart, un certain nombre d'adoptés. Mais il me
semble que ça va à peu près dans ce sens-là.
J'ai déposé l'amendement
suivant : donc, d'ajouter, après cet alinéa que je viens de lire, l'alinéa
suivant :
«Aucune disposition du présent chapitre ne peut avoir pour effet que la prestation accordée
à un participant ne lui assure pas le niveau de vie décent visé à l'article 45
de la Charte des droits et libertés de la personne.»
Et là notre collègue la députée de Gouin avait
déposé un sous-amendement qui mentionnait : «Ni ne porte atteinte au droit
à la dignité visé à l'article 4 de cette même charte».
Donc, si on
fait référence à l'article 45 de la Charte des droits et libertés de la
personne, l'article 45, comme je le mentionnais dans mon amendement,
M. le Président, mentionne : «Toute personne dans le besoin
a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière
et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un
niveau de vie décent.»
Et, à l'article 4
de la même charte, la Charte des droits et libertés de la personne, dont notre
collègue députée de Gouin fait
référence, l'article 4 stipule : «Toute personne a droit à la
sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.»
Donc, M. le Président, je crois que... Et là le ministre nous dépose un tableau qui nous en dit long, au
fond, là, sur les intentions ministérielles. Je crois qu'actuellement on entre sur un terrain très délicat, un terrain
très dangereux, M. le Président,
parce qu'on s'est bien gardés, là, de ne pas entretenir, là,
des préjugés, là, durant les travaux de la commission jusqu'à maintenant, mais, avec le tableau qui est présenté aujourd'hui, au fond, le ministre
nous démontre l'intention qu'il a, ou l'intention du gouvernement, ou
l'argumentaire du gouvernement de dire : Bien, il y a les bons puis il y a
les méchants. Il y a
les bons qui veulent donner un montant de
plus aux plus démunis et qui veulent... qui désirent aider les gens à se sortir de la pauvreté, et il y
a les méchants, les députés d'opposition, qui empêchent qu'on aide les gens plus démunis.
• (15 h 50) •
Je crois, M. le Président, qu'on fait vraiment
fausse route, parce qu'en ce moment, là, avec les chiffres que nous avons là... Premièrement, ce n'est pas des
nouveaux chiffres, première des choses, et il y a une présentation des
chiffres qui est un peu douteuse, dans le sens où on laisse croire que des
gens, parce qu'ils sont à l'aide
sociale, ont des montants que
d'autres personnes n'ont pas. Parce que c'est un peu de ça qu'on parle.
Je vais vous
donner... Exemple, pour le crédit de TPS et crédit de solidarité
sociale, bon, quelqu'un qui travaille à 304 $, quelqu'un qui
travaille 19 heures-semaine, pourquoi présenter quelqu'un qui travaille
19 heures-semaine? Où ça vient,
ça, 19 heures-semaine? C'est-u une moyenne? Donc, pourquoi comparer
quelqu'un qui travaille 19 heures-semaine à quelqu'un qui a le
programme Objectif emploi? Moi, je me questionne là-dessus.
Moi, je vois
que, bon, il y a l'utilisation du 200 $ qu'on fait référence, quelqu'un
qui est à l'aide sociale a droit d'avoir
des revenus de 200 $ par mois. On a fait ce débat-là. On l'a mentionné à
plusieurs occasions. 200 $ par mois, ce n'est même pas
10 heures par mois. Sérieusement, M. le Président, là, sérieusement,
j'aimerais connaître beaucoup d'employeurs
qui vont engager quelqu'un moins de 10 heures par mois. C'est quand même
assez faible, là. Pourquoi? Je vais vous le dire, M. le Président, parce
qu'on a eu un amendement de notre collègue la députée de Gouin qui parlait justement de permettre à ce que le montant du
200 $ par mois soit sur une base annuelle, ce qui aurait permis
justement d'aller dans le sens où le
ministre veut le présenter avec son tableau. Mais là ce n'est pas ça, là. Donc,
quelqu'un qui va... un employeur qui
va se trouver un emploi à à peu près neuf heures par mois, c'est... il faut
avoir un horaire assez flexible, merci, là, ou avoir un emploi qui est
assez prenant certaines journées du mois. Dans le contexte où c'était un revenu
annuel, là on pouvait parler. Il faut que, premièrement, la personne ait le
200 $ par mois, ce qui n'est pas acquis.
Et l'autre
information, M. le Président, que j'aimerais voir, c'est... Le ministre nous
dit : Si on enlève... si on va plus que les montants qui sont
mentionnés, le 165 $ ou le 260 $, bien, on va inciter des gens qui
sont au travail à aller sur l'aide sociale.
C'est ce qu'il nous a dit. Nous, on n'est pas contre le 165 $, on n'est
pas contre le 260 $, on n'était pas contre le 195 $ à l'époque, on n'est pas contre ça. Ce n'est pas
ça, le problème. Nous, c'est comme... c'est la sanction qui est
d'affecter le 623 $ de base, donc le 623 $ du chèque.
Puis, M. le Président, juste pour ajouter, là, à
ce que je dis, même dans la présentation du tableau, quand la personne est à l'aide sociale, elle a une couleur
jaune, jaune-beige, de 623 $, et, quand la personne embarque sur
Objectif emploi, la couleur du 623 $ est vert lime. C'est pour vous
confirmer, M. le Président, que, quand la personne va embarquer — obligatoirement — à Objectif emploi — ce n'est pas par choix, c'est
obligatoire — elle ne
sera plus considérée comme à l'aide
sociale. Donc, il y a une volonté évidente du gouvernement de réduire le nombre
de personnes à l'aide sociale, du
moins sur le plan statistique, mais aussi... Et, au-delà de ça, c'est la
question des droits de la personne. On
a parlé des droits pour la révision, on a parlé de différents aspects, puis le
ministre, bon, il nous a dit : Oui. Puis après ça c'était non, puis, ah! mais c'est différent parce qu'eux, ils
sont sur un programme, le programme Objectif emploi. Donc, même dans la
présentation des couleurs, on le voit clairement que, lorsqu'on est à l'aide
sociale et qu'on est obligé d'embarquer sur Objectif emploi, ce n'est plus les
mêmes droits, ce n'est plus... on n'est plus dans la même colonne statistique
pour le gouvernement.
Donc, moi, je
crois qu'avec la présentation du tableau, à ce moment-ci, ça démontre encore
plus l'importance, M. le Président,
d'adopter le sous-amendement et, bien entendu, l'amendement que j'ai présenté
pour que les gens puissent avoir
droit à la dignité. Parce qu'on l'a mentionné à différents moments, M. le
Président, avec moins de 623 $ par mois, une personne peut difficilement vivre dans la dignité et, comme le fait
l'article 45, là, bon, on le mentionne
aussi, là, a droit de... à un montant, là, de base.
Donc, si la
personne n'accepte pas Objectif emploi, bien, la personne, elle n'a aucune aide,
elle n'a même pas l'aide sociale. Il y aurait dû avoir une catégorie,
une colonne aussi là-dessus, là. Une personne qui n'accepte pas, un primodemandeur qui n'accepte pas le programme
Objectif emploi, il y aurait dû avoir une colonne 0 $.
Puis ça, c'est la personne qui n'accepte pas d'avoir le programme
Objectif emploi. À moins que le ministre nous dit autre chose, mais, s'il y a une obligation d'embarquer dans
Objectif emploi, ça veut dire que, si elle n'accepte pas, bien, elle n'en
a pas, d'aide, elle n'a pas d'argent. Bon, peut-être
qu'elle a droit au crédit TPS puis le crédit solidarité, mais, on
s'entend, là, si elle a... je ne sais pas,
là, comment ça serait représenté, mais je crois qu'on ne serait pas... ça ne
serait pas des gros chars.
Donc, M. le
Président, moi, la seule chose que je vois de ce tableau-là, c'est que, bon, on
a les chiffres devant nous, ça fait
qu'on peut parler, là, des mêmes chiffres, et c'est très visuel, donc ça, c'est
apprécié. Mais, au-delà de ça, moi, j'ai beaucoup de réserves dans...
Premièrement, ça démontre vraiment le choix du ministre de séparer, là, les
gens qui sont à l'aide sociale et à Objectif
emploi, c'est deux catégories de personnes différentes, donc ce n'est pas les
mêmes droits. Et l'autre aspect,
c'est... puis là le ministre semblait me chuchoter une réponse, là, je pourrai
peut-être le laisser répondre, mais pourquoi qu'on présente
19 heures pour comparer une personne qui est en recherche active d'emploi
ou en développement des habiletés sociales et, dans le cas du... en
développement des compétences, formation, on présente comme comparaison quelqu'un qui travaille 20 heures? Est-ce que
c'est parce qu'on a essayé de prendre le chiffre qui se rapprochait le plus en fonction, là, de
10,75 $ de l'heure, le salaire horaire, le salaire minimum? Donc, en
tenant compte du salaire minimum, combien d'heures que ça prend pour
atteindre l'équivalent du programme? Si c'est ça, c'est une chose, mais, autre
que ça, je ne vois pas, là, la raison pourquoi qu'on présente 19 heures et
20 heures.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Saint-Jean. M. le ministre.
M.
Blais : On doit comprendre que le 19 heures, c'est pour avoir une
idée un peu de combien d'heures de travail ça prend aujourd'hui au
Québec pour accumuler 200 $ par mois, là, donc c'est autour de...
Une voix : ...
M. Blais : ... c'est ça, c'est
autour de 19 heures, une prestation de 19 heures par mois.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Je ne comprends pas, M. le Président, c'est écrit : «Travail 19 heures-semaine» puis là le ministre
nous dit : 19 heures... Je ne
comprends pas comment 19 heures, même par mois, 19 $... 19 heures
fois 10,75 $ de l'heure, parce que le salaire minimum est à
10,75 $, ça ne donne pas 200 $, 19 heures-semaine.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
Une voix : Bien, ça donne
835 $...
Le Président (M. Cousineau) :
S'il vous plaît! M. le ministre.
M. Blais : M. le Président, peut-être
que la sous-ministre va expliquer, là, pourquoi il y a eu 19 heures d'un
côté puis 20 heures de l'autre.
Le
Président (M. Cousineau) : Oui, d'accord. Ça me prend un consentement pour permettre à
la sous-ministre de s'adresser
à vous.
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci. Consentement, consentement. Mme la sous-ministre, votre nom puis votre titre, et puis
répondez à la question.
Mme
Maltais (Chantal) : Oui, Chantal Maltais, sous-ministre adjointe aux
politiques et à l'analyse stratégique et à l'action communautaire.
Alors, dans
le graphique qu'on vous a présenté, ce qu'on a tenté de démontrer, c'est
l'équivalent de quelqu'un qui est à
Objectif emploi, qui a un revenu de 200 $ par mois, ce qui équivaut à peu
près à quatre heures et demie par semaine. Donc, quelqu'un qui va aller, par exemple, soit en recherche active
d'emploi ou en développement de compétences va aller chercher un montant de 165 $. À ce moment-là, une personne
sur le marché du travail doit travailler 19 heures-semaine pour
avoir un montant équivalent au niveau de ses revenus globaux. On va chercher le
revenu net. On avait fait la même démarche
pour le développement des compétences. À ce moment-là, une personne doit travailler
20 heures par semaine pour avoir
un montant équivalent à la personne à Objectif emploi qui va aller chercher
l'allocation additionnelle. Ces
montants, des montants de revenus et les montants de prestations de... les
transferts, les CIS, et les primes au travail, etc.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, Mme la sous-ministre. M. le député de Saint-Jean.
• (16 heures) •
M.
Turcotte :
Merci, M. le Président. C'est effectivement ce que je pensais comme élément de comparaison, mais, premièrement, il faut
que la personne puisse... ait un emploi de 19 heures-semaine ou de
20 heures-semaine pour pouvoir atteindre ce montant-là.
Et, l'autre information, à moins que je me trompe, depuis le début, on parle d'Objectif emploi,
bon, sur une durée de 12 mois, qui peut s'étendre jusqu'à
24 mois, donc, encore là, en présentant ce tableau-là comme c'est
mentionné, ça laisse sous-entendre que c'est pour toujours,
ce qui n'est pas le cas. C'est dans les cas... Les chiffres, là, qui sont
mentionnés pour Objectif emploi, c'est pour 12 mois jusqu'à 24 mois,
si la personne, là, est, comme le ministre l'a mentionné, en progression, là, donc, si elle progresse. Ça fait que
c'est quand même aussi un peu difficile, là, de comparer
ces chiffres-là.
Mais, moi, la
question que je réfléchis puis qui m'est venue immédiatement à l'esprit : Voyant ces chiffres-là, quelle est la motivation de la personne? Si le ministre
dit que c'est assez près du montant, bon, 35 heures-semaine, et
puis que la personne... il faut
garder une zone, puis tout ça, quelle est la motivation de la personne, dans ce
cas-là, de quitter le programme
Objectif emploi puis d'aller travailler? Si le ministre nous dit que c'est ça,
sa crainte, avec les chiffres qu'il nous présente, là, et qu'il dit lui-même, là, que c'est très près du salaire,
puis tout ça, quelle sera la motivation de la personne dans ce cas-là?
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M. Blais : Il y a deux choses. Donc,
les phénomènes d'attraction sont très bien connus, sont très documentés, c'est-à-dire que, s'il n'y a pas un écart
suffisant entre ce que donne un salaire minimum à temps complet et des
bonifications à l'aide sociale ou l'aide
sociale elle-même, il y a un risque d'attraction, c'est bien connu. Pourquoi?
Parce que la personne à l'aide
sociale a peut-être moins de revenus, mais elle a plus de temps de non-travail
dont elle peut disposer. Ce temps de non-travail, bien sûr, la personne
qui est à temps complet en a moins.
Donc,
maintenant, ce que l'on recherche tous ici, je crois, c'est la sortie de l'aide
sociale, hein? On espère que les gens
vont pouvoir s'en sortir, et, pour ça, il faut développer leur capital humain,
il faut augmenter leurs compétences, il faut leur donner le goût du travail, il faut leur redonner le goût de la
dignité, il faut qu'ils trouvent les capacités qu'ils ont en eux, il faut les soutenir dans cette démarche-là.
Une fois qu'ils sont soutenus, là, on espère qu'ils arrivent à trouver
un travail au salaire minimum, mais, si
possible, même au-delà du salaire minimum, ce qui leur permet, là,
définitivement, de quitter la pauvreté.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Moi, je
n'ai toujours pas... je ne vois toujours pas la réponse à ma question :
Quelle sera la motivation de la personne? Le ministre me dit, au fond : La
personne qui est à l'aide sociale a plus de temps que la personne qui travaille
pour à peu près le même revenu, donc c'est un incitatif. Bon, bien, c'est ça,
la question que je pose : Comment... Si
le ministre nous présente ce projet-là puis ce programme-là... Puis là
j'essaie, là, d'enlever tout ce que je
peux penser, puis tout ça, puis tous les débats qu'on a eus, etc., puis je
regarde froidement le tableau, puis le ministre nous dit : Il faut faire attention, il ne faut pas
se rendre trop près du 1 548 $, là, par mois, parce que c'est ce que
quelqu'un qui travaille
35 heures-semaine a comme revenus, puis tout ça. Mais là le ministre
lui-même dit : On est à 1 200 $, donc on n'est pas très loin, puis tout ça. Le ministre n'a pas
des craintes que les gens décident de continuer le programme jusqu'à la
fin?
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Blais : Il faut faire attention, là. Oui, c'est... D'abord, les
personnes à Objectif emploi ont des obligations, ils ont une prestation, pas une prestation de travail,
mais ça peut être d'être en formation, donc il y a une prestation. C'est
pour ça, d'ailleurs, qu'on leur donne une bonification. Il faut rappeler aussi
que la durée est limitée dans le temps. Mais
ce que l'on sait très bien, ce qui est bien documenté, c'est que les personnes
qui arrivent à l'aide sociale qui sont des primodemandeurs sont ceux qui
sortent le plus rapidement si on les soutient et si on les soutient en
disant : Écoutez, on va vous donner
plus, mais on peut aussi vous enlever si jamais, là, vous ne respectez pas
l'engagement que vous avez pris,
hein? C'est ça, tout le principe qu'il y a derrière Objectif emploi, donc c'est
la sortie de l'aide sociale, hein, pour ceux qui sont en mesure de sortir le plus rapidement possible, et les
premiers demandeurs qui sont aptes, on se comprend bien là-dessus, sont
les meilleurs candidats pour une sortie rapide.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Saint-Jean, ça va pour vous pour l'instant?
M.
Turcotte : Pour
l'instant, oui.
Le
Président (M. Cousineau) : Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
Oui, M. le Président. Regardez, moi, je regarde le tableau puis moi, je suis
plutôt l'inverse de mes collègues à
l'opposition, je trouve que c'est beaucoup plus positif, dans le sens qu'en
même temps, mais, ça donne... On
parlait justement du programme Objectif emploi. Moi personnellement, si je
rencontre une personne qui me dit qu'elle est sur le programme Objectif emploi, je trouve que, pour elle, c'est
beaucoup plus positif, c'est-à-dire qu'elle va sur quelque chose, elle se crée son propre avenir. Elle va
éventuellement accéder à un temps plein sur le marché du travail. Et
puis, en plus, elle a un montant supérieur,
c'est-à-dire qu'elle a un montant supérieur pour justement acheter des biens,
et autres, dû à sa formation, et
aussi la nourriture, son linge, et autres. Et puis le but de ça, c'est
justement qu'éventuellement elle accède au marché du travail. Et puis là
il y a des comparaisons. Je veux bien que, bon, c'est toujours le maximum qu'on met. Mais M. le député de Saint-Jean nous
disait que trouver quelqu'un qui travaille cinq heures par semaine...
bien, moi, je peux vous dire que j'ai énormément chez nous, énormément, de
petits commerces qui cherchent des emplois pour combler le soir, les fins de semaine, et
autres. Alors, c'est sûr que ça je pense que, quand on est capable de
garder, je veux dire, un pied à terre dans un... sur un emploi, ça permet justement
de s'accrocher, d'éventuellement revenir au travail. C'est ça, le but.
Et puis, en même, temps, on pourrait aussi questionner aussi à l'inverse, c'est-à-dire que, si demain matin une personne
qui demande de l'aide sociale pour la
première fois décide, elle :
Moi, je veux m'en sortir, je veux aller plus loin, je veux faire de la formation, et que l'autre personne, peu importent les raisons, là, je
parle ici toujours des personnes qui, selon... entre guillemets, est
apte à l'emploi, on ne parle pas d'inapte ou de contraintes temporaires ou
majeurs... ou sévères, pardon, pourquoi,
elle... si elle déciderait qu'elle ça ne lui tente pas de rien faire, pourquoi
qu'elle aurait le même montant que
l'autre personne qui fait... qui veut s'en sortir, qui force? Là aussi, on peut
dire : Ah! c'est discutable, c'est l'approche. Moi, pour ma part, je suis à l'aise avec ça. Il n'y a rien
de parfait, mais, je veux dire, si on recherchait la perfection, mais on
ne la trouverait jamais, parce qu'il n'y a rien qui est parfait, parce que,
quelqu'un qui est parfait, là, je n'ai jamais connu.
Alors, moi,
je pense que le ministre, là-dessus, fait quand même preuve de bonne foi, là,
il nous donne des chiffres, il nous le montre. Moi, j'approuve le geste
là-dessus.
Maintenant,
si on voudrait parler de personnes de l'aide sociale, de dignité, moi, je
parlerais beaucoup plus des personnes
qui sont inaptes à l'emploi ou qui reçoivent de la solidarité sociale, et, eux,
ce n'est pas avec un chèque ou un revenu
de 1 050 $ par mois que, là, on a de la dignité pour combler nos
besoins. Ça, ça serait une autre discussion que moi, là-dessus, j'aimerais peut-être plus parler, parce
que, là, on parle des personnes qui ne peuvent même pas travailler, qui
sont peut-être confinées à vie là-dessus, puis on sait bien qu'avec
1 000 $ par mois à vie, là, la réalité, ce n'est pas, tu sais, encore...
on va côtoyer les comptoirs alimentaires, les soupes populaires, et autres.
Alors, ça, par contre, ça serait peut-être une autre discussion.
Mais ici on parle toujours des personnes qui
sont aptes à l'emploi, puis, pour moi, une personne qui est apte à l'emploi, mais je pense que c'est positif de
pouvoir accéder à ça, question de... On parle de dignité. Moi, je veux
dire, je ne veux pas me répéter, mais, peu
importe, je veux dire, vous avez une discussion, quelqu'un qui retourne aux
études, ce n'est pas mal vu. Quelqu'un qui
participe à un objectif de retour là-dessus en formation, je pense que ce n'est
pas mal vu. Au contraire, je pense
que c'est beaucoup plus encourageant. Maintenant, encore là, pour finir, c'est
sûr que, comme je le disais puis je le
redis encore, il faut que ces programmes qui vont être mis en place conviennent
aux gens qui vont en avoir besoin et il ne faudra pas que ces gens-là
travaillent pour avoir le programme mais travaillent pour réussir. Merci.
• (16 h 10) •
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Drummond—Bois-Francs.
Je passerais maintenant la parole à Mme la députée de Gouin. Mme la députée, il
vous reste 13 minutes sur votre sous-amendement.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Ce qu'il y en aurait, des choses à dire! D'abord, peut-être
sur le fameux tableau, moi, ce qui me
frappe le plus, en fait, dans ce tableau, c'est qu'on fait une espèce
d'admission collective ici, parce que
les chiffres sont très certainement exacts : quelqu'un qui travaille
35 heures-semaine au salaire minimum a un revenu annuel de 18 574 $. Wow! Il commence là, le problème.
On a un salaire minimum trop bas, ça n'a aucun sens. 18 574 $
pour quelqu'un qui travaille 35 heures-semaine, là, franchement, moi, je
considère que ça n'est pas sérieux. Alors, évidemment, c'est sûr que, si la
personne travaille 20 heures-semaine, c'est encore moins sérieux, là,
parce que cette personne-là va avoir 14 195 $.
Et est-ce que
je peux me permettre de rappeler ici, M.
le Président, que ce 20 heures,
25 heures, parfois 28 heures-semaine,
c'est le lot de très nombreuses personnes qui travaillent au salaire minimum,
dont beaucoup, beaucoup de femmes, qui travaillent, entre autres, dans la restauration, le commerce de détail et
l'hébergement? Ce sont toutes des choses que j'ai apprises grâce à un an de travail avec ce fabuleux
organisme qui s'appelle Au bas de l'échelle et qui m'a tout enseigné en matière de salaire minimum. Donc, on parle ici,
là, de femmes... Je sais que tout le
monde pense aux étudiants, mais plus de 50 % des gens au salaire minimum ne sont pas des étudiants, ce sont
des adultes, très souvent des femmes à qui on n'offre pas plus que 25 heures,
30 heures-semaine. Ce n'est pas parce qu'elles ne veulent pas travailler
35 ou 40 heures, non, non, non, c'est parce qu'on ne leur offre
même pas. Vous voulez être caissière dans une banque, vous allez travailler
entre 28 et 32 heures-semaine. Ça, c'est la réalité, puis il y a de
nombreuses caissières qui m'en ont parlé, et je les crois, je suis certaine que c'est vrai. La même chose, par
exemple, dans les supermarchés. On ne vous offre que rarement un emploi
35 heures-semaine. C'est la flexibilité, il faut être là au moment où les
clients sont là, alors vous allez peut-être avoir 25 ou 30 heures, vous
êtes au salaire minimum et vous ne franchissez pas le seuil de faibles revenus.
C'est là qu'il est, le problème.
Le ministre nous dit : Oui, mais,
attention! Il n'y aura plus d'incitation au travail si on finit par donner des montants trop élevés à l'aide sociale. Je
comprends, mais la meilleure manière d'inciter au travail, c'est de donner
des revenus de travail décents. Et donc,
évidemment, j'appuie fortement les diverses campagnes qui ont lieu en ce
moment et qui parlent, avec une certaine
progressivité, en franchissant les étapes nécessaires, mais d'arriver à un
salaire minimum de 15 $ l'heure, parce que, sinon, on est pauvre.
Deuxièmement,
je voudrais dire que, c'est sûr, je comprends un peu, là, du côté ministériel,
on prend les situations qui peuvent paraître les plus avantageuses.
Donc, oui, une personne qui, à la fois, travaille 20 heures par mois, est
à Objectif emploi, a donc sa prestation de
base plus le 260 $ — qui n'est donné qu'aux gens qui sont en formation, pas aux
autres, hein? — et
le 110 $, là, de transfert, cette personne-là qui a cumulé toutes ces
choses formidables, elle, elle a 14 314 $
par année. J'aimerais bien ça savoir le nombre de gens qui vont être capables
d'avoir tout ça : aller à l'école à temps plein, la prestation de base, bien sûr, et travailler — en plus de l'école à temps plein, là — pour 200 $ par mois. Je ne sais
pas comment ça se répartira, là, dans les semaines. Ça peut exister, je ne dis
pas que ça ne peut pas exister. Je ne suis pas certaine
que ça soit si fréquent que ça, quand on connaît, pour beaucoup de personnes,
beaucoup de jeunes, en particulier, toute la
difficulté qu'il y a à retourner à l'école. Là, on ne parle pas d'un étudiant
universitaire qui réussit bien dans
ses études, qui va dans une bonne université du Québec, à Montréal, à Laval, au
Saguenay ou Dieu sait où, et qui travaille souvent, effectivement,
20 heures-semaine en plus de suivre ses cours universitaires. Je suis bien
au courant de ça. Mais là on parle de jeunes — puisque le ministre insiste beaucoup sur les
jeunes — qui ont
de grandes difficultés scolaires.
Puis là on se dit : En plus d'être à temps plein à l'école, d'avoir des devoirs et des leçons, ils vont certainement
travailler, ils vont tout faire ça, là, à l'année longue. Bien, bravo s'il y en
a pour qui c'est possible, mais ça ne sera pas tout le monde.
Et je reviens
encore à la même chose. 14 314 $,
c'est mieux que rien, c'est sûr, c'est mieux que juste la prestation de base, tout le monde s'entend là-dessus, c'est
évident, mais le ministre nous dit : C'est l'équivalent de quelqu'un
qui travaille 20 heures-semaine. Alors, c'est quoi, la solution? Bien,
c'est d'augmenter le salaire minimum, ce n'est certainement pas de maintenir le plus bas possible les prestations, que
ça soit les prestations de base ou les allocations.
Deuxièmement,
je reviens à la notion de dignité. Dans les textes que j'ai pu lire là-dessus
et qui correspondent aussi aux
diverses conventions et ententes internationales, de même qu'à notre charte,
comment est-ce qu'il faut comprendre le mot «dignité»? Parce qu'on
l'emploie souvent, ce mot-là, mais je me suis interrogée sur ce que ça voulait
dire. Et là probablement qu'il y a diverses
notions, là, je n'ai pas fait, quand même, des recherches, je n'ai pas mis
40 heures là-dessus, on
s'entend. Mais, tout de même, ce que j'ai trouvé, c'est que quelqu'un qui se
sent digne, à qui on accorde ce droit à la dignité, c'est quelqu'un à qui on considère donner des droits, c'est
quelqu'un qui sent, qui pense, qui constate qu'il ou elle a des droits
dans une société, c'est quelqu'un qui se sent respecté, quelqu'un qui n'est pas
humilié de diverses façons, quelqu'un dont
on respecte... une personne dont on respecte l'intégrité corporelle, morale et
sa capacité d'épanouissement personnel.
Je sais que
le ministre va me dire : Mais justement c'est là-dessus qu'il est fondé,
le projet de loi, c'est de donner ça à tout le monde, de donner une
chance, de permettre de sortir de la pauvreté. Je ne conteste pas les
intentions. Je dis simplement qu'à partir du moment où une personne, quelles
que soient les raisons, doit vivre avec 400 $ par mois je considère que
nous ne sommes plus dans une situation de respect vis-à-vis cette personne. Je
sais, on lui a offert des choses. Je
comprends tout ça. Mais il peut y avoir, en parlant avec des groupes sur le
terrain, là, tellement de raisons qui font que cette personne-là, jeune ou moins jeune, à un moment donné,
abandonne un programme. Ça sera probablement pour y revenir ou revenir à
un autre programme, mais il faut questionner les raisons. Il faut comprendre ce
qui amène les individus à agir plutôt que de
leur dire au bout de deux ou trois fois : Bien là, c'est bien dommage,
mais ça va être 400 $ par mois.
Parce que, là, on les place dans une situation de non-dignité et de non-droit,
et, moi, ça, ça ne me paraît pas possible.
Dernier point, M. le Président, il ne doit plus
me rester beaucoup de temps, j'aimerais rappeler qu'Objectif emploi, là, c'est quand même l'aide sociale. On ne
se contera pas d'histoires ici, là. Je regarde, dans l'autre graphique
qui nous a été distribué il y a quelques
semaines, tout l'encadrement qui est fait des personnes à Objectif emploi, là,
elles sont extrêmement encadrées, ce
qu'on ne retrouve pas lorsqu'une personne va aux études, là. Quelqu'un qui a eu
de la chance, qui vient d'une famille
qui a pu l'aider, quelqu'un qui a été stimulé, cette personne-là se retrouve à
l'université, on ne va pas passer son temps à lui demander de la rencontrer
puis on ne va pas fixer avec elle des objectifs de vie, etc., là. La personne qui est à Objectif emploi, ne nous y
trompons pas, elle, elle sait fort bien qu'elle est à l'aide sociale, puis sa
famille puis ses voisins le savent aussi. J'aimerais juste ça qu'on ne se conte
pas d'histoires. Les changements de couleur, c'est bien gentil, mais ça ne
change rien à la situation de base.
Et je termine en disant que, quand on accepte
comme société qu'il y ait des personnes, et il y en a beaucoup trop au Québec, parmi nous qui vivent en situation
de pauvreté... Et là je parle même de gens qui sont au travail, hein?
Parce qu'on le sait, là, les banques
alimentaires nous le disent, à cause de la faiblesse des salaires, à cause de
la précarité des emplois, à cause des
heures de travail qui ne sont pas assez imposantes, bien, ce qu'on fait, en
fait, là... Et ça, c'est un fait, ça n'est pas une analyse, le fait est
que, depuis les années 80, on développe au Québec une énorme... moi, j'appelle
ça industrie de la charité. C'est ça qu'on fait. Puis je n'en veux pas une
miette aux personnes qui travaillent ou font du bénévolat dans tous ces
organismes qui aident les personnes appauvries. Non seulement je ne leur en
veux pas, mais il y a des moments où je vais
donner un coup de main, et on le fait tous, mais, entre vous et moi, là, plutôt que d'amener les gens — ce
qui n'est pas toujours, je
trouve, dans un esprit de grande
dignité — à
être obligés d'aller quêter littéralement la banque alimentaire, à aller se mettre en file devant Jeunesse au
soleil, à Montréal, pour aller se chercher un panier de Noël, une file qui s'étire sur deux coins de rue,
là... Il faudrait juste se mettre à la place des gens qui sont obligés de
faire ça, là, le 18 décembre, là. Est-ce que
ça, c'est vraiment, au Québec, ce qu'on appelle le respect de la dignité des
personnes? Je sais que les bénévoles, les
centaines de bénévoles qui font ça le font avec une immense attention. Les gens
sont très attentifs aux gens qui viennent, comme ça, chercher des
denrées alimentaires. Donc, ce n'est pas du tout ça que je remets en question, là, je veux être très, très bien comprise. Ce
que je remets en question, c'est le fait qu'on accepte trop facilement, mais là c'est nous tous et nous toutes
comme société, que, plutôt que de hausser le salaire minimum,
plutôt que d'avoir une loi... des normes
minimales du travail plus resserrées à l'égard de certains employeurs fautifs,
plutôt que d'avoir des prestations de
base à l'aide sociale plus élevées... Dans
le fond, oui, on a un objectif emploi
qui, en soi, est intéressant, mais on a aussi des centaines
d'organismes, à travers le Québec, qui font ce que l'État ne fait plus. Soyons
clairs et, au moins, assumons collectivement que c'est ça qu'on est en train de
faire.
• (16 h 20) •
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, Mme la députée de Gouin. Alors, je suis prêt à recevoir un autre
intervenant. M. le député de Richelieu, vous avez 20 minutes.
M. Rochon : Merci, M. le député... M.
le député de Bertrand et président de la commission.
Le Président (M.
Cousineau) : Sur le sous-amendement.
M. Rochon : Oui. Juste faire un peu
de millage sur la référence au salaire minimum qu'a faite ma collègue députée
de Gouin. Mon parti, la semaine dernière, a donné son aval à la motion
présentée par la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Et j'ai été heureux
tantôt d'entendre ma collègue de Gouin parler de ce qui progressivement allait
nous mener à cet objectif d'un salaire à 15 $ de l'heure. Parce que c'est
ainsi, nous, que nous avions interprété le
texte de la motion présentée par les gens de Québec solidaire, c'est-à-dire
d'un objectif de 15 $ de l'heure et de critères qui allaient
déterminer les montants d'augmentation annuelle pouvant mener à ces 15 $
là. Et, comme elle, je me préoccupe du sort des bas salariés, et effectivement
c'est un débat de société, me semble-t-il, que nous devons avoir.
Cela étant
dit, sur le sous-amendement, M. le Président, je vais être très, très, très
bref, là, sous-amendement greffé à l'amendement lui-même, à l'effet
qu'aucune disposition du présent chapitre ne puisse «avoir pour effet que la prestation accordée à un participant ne lui assure
pas le niveau de vie décent visé à l'article 45 de la Charte des droits
et libertés de la personne ni ne porte
atteinte au droit à la dignité visé à l'article 4 de cette même charte».
Eh bien, je constate que, de ce côté,
et j'en suis bien fier, je l'affirme avec conviction, nous en faisons une
question de principe. Nous ne nous élevons
pas, évidemment, contre ces mesures qui peuvent amener le participant, la
participante à parfaire ses compétences, à améliorer ses acquis, ses habiletés sociales, à se trouver un emploi.
Mais nous avons bien de la difficulté à avaler que quelqu'un, primodemandeur,
qui refuse d'adhérer au programme Objectif emploi se retrouve avec aucune
espèce de prestation, rien du tout. Nous le disons, puis nous le faisons à la
suite de bien d'autres groupes qui l'ont exprimé, et même la Protectrice du
citoyen : Ça risque de conduire des gens dans la rue, puis ça, on
n'appelle pas ça la dignité, et il me semble aussi que ça contrevient à notre
Charte des droits et libertés.
Alors, voilà,
c'était très brièvement ce que j'avais à vous dire. M. le Président, vous
comprenez que j'appuie donc avec enthousiasme le sous-amendement de mon
collègue de Saint-Jean et avec autant d'enthousiasme l'amendement lui-même.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Richelieu. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur
le sous-amendement déposé par Mme la députée de Gouin? S'il n'y a pas d'autre
intervention, M. le député de Saint-Jean, il vous reste cinq minutes.
M.
Turcotte : Merci,
M. le Président. Notre collègue la députée de Gouin a mentionné un fait effectivement
important, là, mais, pour être sûr qu'on
parle de la même chose, de ce que je comprends, c'est que quelqu'un
qui est dans le programme Objectif emploi n'aura pas nécessairement les
mêmes recours en révision, et autres, que quelqu'un qui est à l'aide sociale, sur la justification des absences, etc., parce qu'il est dans un programme. Puis ça, on le
voit, là, ça a été mentionné à plusieurs égards. Donc, oui, la personne
va être encore à l'aide sociale, mais le problème, c'est qu'elle va y être pas uniquement pour... Elle va y aller
pour le meilleur et pour le pire, comme on pourrait dire. Mais, dans ce cas-ci, c'est pour le pire et le pire, ou pour le
pire et encore pire. Donc, elle n'aura que les mauvais côtés de sa
présence... sa participation au programme d'aide sociale. Donc, effectivement,
je pense qu'on pourra revenir sur cet aspect-là, là, plusieurs questions
pourront se poser.
Autre
commentaire sur les commentaires de notre collègue député de Drummond—Bois-Francs. Effectivement, moi, je crois que les allocations spéciales qui
sont offertes pour la recherche active en emploi et le développement des
habiletés sociales, ainsi que pour le
développement des compétences et la formation sont très intéressantes.
D'ailleurs, ce n'est pas le bout du programme qui nous pose problème. Nous, de
notre côté, ce qui nous pose problème, c'est les sanctions. Donc, ce n'est pas la présence du programme Objectif emploi,
c'est les sanctions qui affectent le 623 $, donc la prestation de
base de l'aide sociale. On l'a dit, on le répète. Et c'est pour ça que je
considère que l'amendement, et le sous-amendement
de notre collègue la députée de Gouin, fait en sorte de maintenir le montant de
base de 623 $ par mois pour un
prestataire d'aide sociale, qu'il soit dans Objectif emploi ou non. Donc, un
coup qu'on affecte le 623 $ par des sanctions, c'est là que nous,
on considère qu'on atteint la dignité de la personne et ses droits qui sont
prévalus par la Charte des droits et libertés de la personne.
Donc, on
n'est pas contre les allocations spéciales, on n'est pas contre d'inciter les
gens à se trouver un emploi, bien au
contraire, bien au contraire. Nous ne sommes pas contre le développement des
compétences et de la formation, bien au contraire. Nous l'avons même demandé à l'époque à l'ancien ministre. Et
je vois l'intérêt et l'ouverture très grande du ministre actuel pour ce champ d'action, ce terrain d'action dans le
programme Objectif emploi, qui ne semblait pas être aussi présent ou même pas présent au départ. Donc,
là-dessus, on n'est pas opposés à ça, bien au contraire. Cependant, tout
ça, là, n'empêche pas qu'on peut affecter et
on peut couper, je dois le dire, couper le 623 $ par mois par les
sanctions qu'on voit, là, en fonction
d'absences. Et, si une personne est absente ou est sanctionnée pour diverses
raisons, bien, contrairement à quelqu'un à l'aide sociale qui peut
demander une révision de la décision d'un agent, dans le cas d'un participant
du programme Objectif emploi, ce n'est pas le cas.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député.
Une voix : ...
M.
Turcotte : Mais
dites-moi le contraire, là.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Saint-Jean. Est-ce qu'il y a une réaction? M. le...
M.
Blais : ...on a mentionné, il me semble, à quelques reprises, là, bien
sûr, un participant d'Objectif emploi a des mesures, hein, s'il veut contester une décision, hein? Donc, c'est déjà
prévu, ça, hein? On va le voir aussi, de toute façon, un peu plus loin,
là.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le ministre.
M.
Blais : ...la capacité de contester une décision. Sans ça, on serait...
Ça serait contraire à des principes qui sont bien admis dans les programmes,
là, du gouvernement.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions concernant le
sous-amendement? M. le député de Richelieu.
• (16 h 30) •
M.
Rochon : Oui. M. le
Président, il y a une lettre d'une femme bien connue, d'une militante engagée
pour les droits des prestataires d'aide sociale et des personnes moins
favorisées par la vie, qui vient d'être versée à la banque d'avis de la commission, une lettre de Vivian
Labrie. J'ai envie de vous en citer quelques extraits parce que je crois
que cette lettre pourrait éclairer nos
travaux et le ministre : «À mon avis — écrit Mme Labrie — le programme Objectif emploi tel
qu'annoncé fait fausse route un peu comme certaines mesures du gouvernement
Harper ont fait fausse route et sont présentement
en voie d'être retirées ou réparées par un Parlement canadien qui a repris ses
esprits. Beaucoup de personnes et
d'organisations ont exprimé ce qui fait problème. Depuis le début de vos
travaux, l'opposition a apporté des contributions utiles et
intéressantes pour proposer des voies de sortie à l'impasse.
«Le coeur du problème est clair pour ceux et
celles qui le signalent : revenir, dans le Québec de 2016, à une approche qui conditionne l'accès à l'aide de
dernier recours à l'acceptation d'un plan d'intervention obligatoire
assorti de pénalités sur les prestations de base est un non-sens. En s'appuyant
sur le chemin parcouru depuis 20 ans, la suite logique conduit plutôt à mieux garantir la couverture des besoins de
base dans une approche moins stigmatisante et à offrir séparément une
aide à la formation et à l'emploi de qualité.
«Dans ce
contexte, pour ceux et celles d'entre vous qui pensez toujours que l'approche
proposée par le ministère qui
conseille le ministre est viable, je me permets de vous soumettre quelques
pistes de réflexion, à la lumière de ce que j'ai entendu ces dernières
semaines — ça
vaut la peine de les entendre, ces pistes de solution.
«[Premièrement.] Il y a une pertinence à vouloir
aider des gens à s'en sortir, et notamment des jeunes au début de leur vie adulte, la question est comment.
Au cours des dernières semaines, j'ai pensé souvent à ces paroles d'une
femme de Rouyn à propos des vexations vécues dans les services d'aide aux
personnes : "[Il n']y a rien de pire que quelqu'un qui veut ton bien à ta place." La Loi visant à lutter
contre la pauvreté et l'exclusion sociale appelle à inclure les
personnes en situation de pauvreté dans les processus qui les concernent. Où
sont ici les études participatives et indépendantes
avec des personnes, dont des jeunes, qui pourraient éventuellement demander
l'aide sociale, pour savoir ce qui pourrait les aider et les soutenir
dans le contexte qui est le leur? Ces études montreraient peut-être aussi les problèmes de raisonnement qu'il y a à vouloir
augmenter la pression sur les premiers mois à l'aide sociale, vu que
c'est là que les chances statistiques de s'en sortir sont les plus grandes.
«[Deuxièmement.] Il y a une différence entre
réduire la pauvreté et réduire le nombre de personnes à l'aide sociale. Si le Québec et Terre-Neuve se démarquent
par rapport au reste du Canada par le fait de ne plus associer l'accès à
l'aide sociale à des mesures obligatoires,
quitte à avoir un peu plus de prestataires, ce peut être vu comme une qualité
et une innovation enviable et à imiter
plutôt que comme un défaut de système. Rendre possible d'accéder à un droit
dans la dignité, même si cela coûte
éventuellement un peu plus cher, est de l'ordre de la solidarité sociale et du
pas vers moins de pauvreté. Mieux vaut s'en honorer que s'en
défendre.
«[Troisièmement.] Il y a une logique à prendre
acte de l'esprit et de la lettre de lois fondamentales, même si elles n'ont pas juridiquement préséance sur le
présent projet de loi. C'est le cas de la Charte des droits et libertés de
la personne — à laquelle on référait il y a un
instant — et de la
Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Pourquoi
les diminuer comme si elles étaient sans valeur, comme on a pu l'entendre la
semaine dernière? En devant défendre cette partie
du projet de loi n° 70, le ministre est mis en porte-à-faux par rapport au
fait qu'il est aussi le ministre responsable
de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Il ne peut
pas à la fois défendre l'esprit et la lettre de cette loi et le
programme Objectif emploi tel qu'il est amené [en tout cas] à le présenter.
«[Quatrièmement.] Il y a un problème éthique à
approcher comme une expérimentation sociale un nouveau programme comportant de
possibles effets dommageables sur des personnes. Il a été mentionné à quelques
reprises dans l'argumentaire ministériel que
le programme Objectif emploi pouvait être vu comme une expérimentation
sociale, dont les personnes visées constitueraient en quelque sorte le groupe
expérimental. Si une telle expérimentation était proposée dans une université,
elle ne passerait pas l'étape du comité d'éthique en raison des contraintes
imposées et dommages possibles aux conditions de vie des personnes.
«[Cinquièmement.]
Il y a un problème de justice à découvrir les protections de base quand on a
les moyens de faire autrement. En
2011, il manquait au Québec 3,6 milliards de dollars aux ménages les plus pauvres pour
qu'ils puissent couvrir leurs besoins au niveau de la mesure du panier
de consommation, ceci alors que le revenu disponible total était de 191 millions de dollars. De
2002 à 2011, en dollars constants de 2011, le revenu excédentaire [...] s'est
accru de plus que ce qu'il aurait
fallu pour couvrir les besoins de base de tout le monde. À la place, les
standards ont été rehaussés en haut
de l'échelle sociale et diminués en bas. Il y a là un problème de
distribution et de redistribution qui ne peut être résolu en mettant davantage de pression en bas
de l'échelle. Le programme Objectif emploi l'accentue en diminuant la garantie
de revenu à l'aide de dernier recours dans le déni évident de ce qu'il en coûte
pour vivre.
«[Sixièmement] — et ça achève, M. le Président — quand des préjugés sont en cause, les
décisions comportent un double
langage de type "je t'aide moi non plus" et des impacts qui se
cumulent dans les conditions de vie des personnes. On aperçoit cet
impact au Québec dans la différence de traitement chronique fait aux ménages de
personnes seules et/ou sans enfant jugées
aptes au travail. Les dispositions du projet de loi n° 70 qui mettent en
place le programme Objectif emploi sont porteuses de ce préjugé.»
Et je
terminerai par une septième remarque de Mme Labrie : «Si la cause profonde
du problème est systémique, elle ne
sera pas résolue en concentrant l'attention sur le comportement des personnes.
C'est le cas avec ce qui cause la pauvreté. C'est ce que dit la Loi
visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale dans son préambule et
la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles à son article 2. Comme dans la
fable des animaux malades de la peste, accabler ceux et celles qui sont le plus en bas de l'échelle sociale ne réglera pas le
problème de l'échelle sociale. Or, l'essentiel du problème qui conduit
des personnes à demander l'aide sociale est là.»
Cela
constitue un fort bon résumé des propos qui ont été dits ici depuis des
semaines et des semaines, de tout ce que vous avez entendu aussi des
organisations proches des prestataires d'aide sociale. Je souhaite, encore une
fois, M. le ministre, que, si nous n'avons pas pu ébranler vos points de vue,
ces quelques lignes de Mme Labrie vous auront fait réfléchir plus avant à la catastrophe que pourrait annoncer l'adoption
de ce projet de loi là, qui n'a pas que des défauts, je ne veux pas dire
ça, il n'a pas que des défauts, mais il a celui, en tout cas, évident de priver
complètement de revenus un primodemandeur qui refuserait de participer au
programme Objectif emploi.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Richelieu. Une réaction, M. le ministre?
• (16 h 40) •
M.
Blais : Bien, moi, je pense que, malheureusement... le malheur, ce
serait de ne pas aller de l'avant, parce que, depuis cette loi-là, on
n'a pas progressé du tout, zéro, dans la lutte contre la pauvreté au Québec, et
il y a des sociétés qui ont progressé davantage que nous.
Ce dont on
parle ici, c'est des éléments de réciprocité qu'on retrouve dans toutes les démocraties
respectables dans le monde, hein, plus
égalitaristes, en passant, que le Québec, mais qui ont ajouté des éléments de
réciprocité. On a essayé de trouver
des formes de réciprocité qui convenaient à nos problèmes, donc à éviter
d'aller de bord en bord, mais de regarder des groupes, hein, qui sont
plus facilement mobilisables pour une sortie de la pauvreté.
Donc, je
pense qu'il faut progresser, tout le monde ici pense qu'il faut progresser dans
la lutte contre la pauvreté. Il faut trouver les bons moyens, cependant,
les moyens qui sont efficaces, qui pourraient donner des résultats. Ici, c'est 17 000 nouveaux demandeurs par année.
Là-dessus, il y a un certain nombre qui sortent de l'aide sociale sans qu'on
fasse quoi que ce soit, donc, on pourrait vous
donner les nombres, et on peut augmenter de façon importante,
probablement, avec ce type de mesure là, le nombre de personnes qui vont sortir
de l'aide sociale à court terme.
Donc, on est
vraiment dans le même esprit de lutter contre la pauvreté. Il s'agit de trouver
des moyens efficaces. Si le moyen
n'était pas efficace, vraisemblablement je le laisserais tomber, mais, quand je
regarde les pratiques partout dans le monde autour de ces enjeux-là,
puis quand je regarde ce que l'on propose comme mécanisme, là, il me semble
qu'à la fois ça ressemble beaucoup au Québec
dans sa façon de faire, beaucoup plus social-démocrate que les pays anglo-saxons,
par exemple, et, moi, j'en suis convaincu, on aura les résultats, là, probants,
là, assez rapidement.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. D'autres
réactions sur le... Oui, madame... M. le député de Richelieu, aviez-vous
terminé?
M. Rochon : Oui, j'avais une très
rapide sous-question. Comment, M. le Président, le ministre ne peut-il pas
cultiver de craintes — parce
que c'est surtout de ces gens-là que je lui parle, là... dont je lui
parle — à
propos des primodemandeurs qui refuseraient
de s'inscrire au programme Objectif emploi et qui seraient ainsi privés de tous
revenus?
M. Blais : Il faut faire attention.
Donc, on ne les prive pas de tous revenus, on les prive d'une partie de leurs revenus, là. Ici, là — il ne faut pas que je me trompe — toujours dans les chiffres, là, c'est
224 $ ou 226 $, le montant maximal,
là. Je vais aller le chercher. C'est 224 $, pardon. Donc, le minimum, là,
qu'une personne qui ne veut absolument rien,
rien savoir, qui veut se débrouiller dans la vie seule, là, ce serait
502 $ donc, avec le crédit d'impôt de solidarité.
Ce qui arrive
dans les faits, là, très concrètement, c'est que les gens... il peut arriver
qu'il y a des gens qui ne veulent pas
être en relation avec le gouvernement parce qu'ils ont d'autres activités,
etc., ils ne veulent pas, disons, rencontrer des personnes, ils ne
veulent pas avoir d'aide, ça existe, ces gens-là vont sortir de l'aide sociale
simplement parce qu'ils vont aller, hein...
Il n'y a personne qui va rester là à dire : Bien, moi, j'ai 502 $ par
mois et je reste là. En tout cas, on ne voit pas ça. Alors, les gens vont aller chercher des revenus, vont sortir
carrément de l'aide sociale en disant : Écoutez, moi, je préfère,
compte tenu des possibilités d'emploi qui sont importantes — on
parle des gens qui sont aptes quand même au travail — des
possibilités d'emploi qui sont importantes en ce moment, je préfère sortir de
l'aide sociale, ne pas prendre ces montants-là, puis aller commencer...
recommencer ma vie.
La
personne, le cas dur, là, de quelqu'un qui, en plus d'avoir 502 $ par
mois, décide de n'avoir aucune contribution, aucun effort de travail,
qui veut se limiter à ça, bien, il faut vraiment le structurer dans notre
pensée pour imaginer cette personne-là. Et,
cette personne-là qui voudrait aller là-dedans, bon, on sait que c'est pour un
temps limité, c'est pour un an.
Ensuite, si vraiment son projet de vie... Ici, personne jusqu'ici n'a dit,
autour de la table, qu'il y avait des gens pour qui leurs projets de
vie, c'était de vivre à l'aide sociale. Je n'ai jamais entendu ça ici, hein? On
sait bien que l'aide sociale est une forme
de revenu minimum garanti qui est très stigmatisante, qui est très
marginalisante. Il y a des formes de revenu non garanti qui le sont
beaucoup moins. Donc, il n'y a personne, ici, je pense, qui a dit
jusqu'ici : Il y a des gens qui veulent vivre de l'aide sociale, puis qui se contentent de ça,
puis qui sont heureux, et c'est leurs projets de vie. Moi, je ne crois
pas ça. Il faut cependant offrir des possibilités aux gens de s'en sortir.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? M. le député de Richelieu?
M. Rochon :
J'ai besoin de me faire préciser des choses par le ministre, là, parce que je
m'y perds. Primodemandeur, alors quelqu'un qui arrive pour la première
fois, là, au bureau de l'aide sociale, et qui requiert une prestation d'aide
sociale, et qui refuse de participer au programme Objectif emploi, il a ou il
n'a pas une prestation d'aide sociale?
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Blais : Bien, un primodemandeur qui arrive, donc il va être rencontré,
s'il refuse, s'il refuse, etc., à partir de... dans un certain nombre de mois, parce qu'on ne le fera pas
immédiatement, là... Premier mois, il refuse une rencontre, mais toute rencontre, il y a une première conséquence,
on en a déposé un tableau il y a quelque temps de ça, là, la conséquence,
si je me souviens bien, financière est de 56 $. J'y vais de mémoire, là.
C'est bien ça?
Une voix :
Oui.
M.
Blais : Oui? 56 $. Le mois suivant, si la personne dit :
Non, non, moi, vraiment, là, «give me the money», je ne veux vraiment pas, là, vous parler — parce qu'il s'agit de ça, hein, il s'agit
d'une rencontre de travail pour examiner ce que la personne veut — c'est 112 $. Le mois suivant, bon, ça pourrait aller jusqu'à
224 $, et ça s'arrête là. C'est les sommes qui sont déjà retirées des personnes qui ont commis
des fraudes à l'aide sociale. Ça existe
déjà, des gens qui vivent avec ces sommes-là, qui vont chercher des
revenus de travail par ailleurs pour améliorer leur sort.
Le Président (M.
Cousineau) : Oui. Mme la députée de Gouin. M. le député de Richelieu,
est-ce que vous aviez terminé? Parce qu'il vous reste encore un petit peu de
temps.
M. Rochon :
Oui, oui, ça va.
Le Président (M.
Cousineau) : D'accord. Mme la députée de Gouin, il vous reste
deux minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Le ministre nous parle souvent de
pays sociaux-démocrates où il y a
certaines obligations liées à la réception d'un chèque, qui ne
s'appelle pas d'aide sociale, là, directement, mais... puis tout ça est évidemment très
complexe parce que, dans ces pays, par exemple les pays scandinaves, tout ce
qui s'appelle formation, stage en entreprise,
formation continue, c'est tout imbriqué, c'est beaucoup plus développé qu'ici, donc
on est complètement dans une autre situation, premièrement.
Deuxièmement,
dans un dossier fort intéressant publié dans L'Itinéraire le
15 mars dernier, on a des statistiques sur l'investissement en pourcentage du PIB dans l'aide sociale et là on
découvre que, justement dans les pays qu'on aime bien citer, l'investissement est bien plus élevé qu'au Québec :
Danemark, 30 % en pourcentage du PIB; France, 31 %; Suède,
28 %; Allemagne, 25 %; et, quand on arrive au Canada, on est à
17 % d'investissement, là, dans ce qu'on appelle l'aide sociale. Qu'est-ce que je veux dire par là, dans le temps qu'il
me reste? C'est que ça n'est pas tout de dire : Il y a des gens qui
sont mal pris, c'est important de les aider, c'est important de leur proposer
des projets de vie. Puis là je dirais même qu'Objectif emploi les encadre pas
mal, puis, en tout cas, on les tient serré, mettons. Mais il est où? Si le ministre me dit : Là, finalement, depuis
l'adoption de la loi contre la pauvreté et l'exclusion, on n'a pas fait
beaucoup de pas dans la lutte à la pauvreté, bien, je suis obligée de
lui dire que, depuis l'adoption de cette loi, c'est le Parti libéral qui a été
au pouvoir au Québec puis qui aurait pu s'en occuper, de la lutte à la
pauvreté, M. le Président. Je reviendrai.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, Mme la députée de Gouin. C'est tout le
temps que vous aviez. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? On arrive au
bout, là, pour l'ensemble du temps. M. le député de Saint-Jean, il vous reste
1 min 10 s.
M.
Turcotte :
Parfait, je vais la prendre. Je veux juste comprendre. Le ministre vient de
mentionner qu'un primodemandeur qui
n'accepte pas d'embarquer dans le programme Objectif emploi, pour la première
sanction, ça sera comme le tableau
qu'il nous a présenté. Donc, la première sanction, ça sera de diminuer
l'allocation spéciale qu'il n'a pas parce
qu'il a refusé le programme. Donc, pour la première sanction, la personne
n'aura pas de sanction. Donc, le premier mois, ça lui donne 623 $
par mois. Pour la deuxième sanction, donc sûrement le deuxième mois, on va lui
diminuer de 56 $ son allocation de
base, ainsi de suite pour le tableau. Donc, si la personne accepte le programme
et qu'elle est absente pour
différentes raisons ou si la personne refuse et donc inévitablement est
absente, c'est la même chose. Est-ce que je comprends bien?
M.
Blais : Dès qu'il y a un refus de participation, parce que la question
c'est peut-être un refus de participation, ou des manquements à un engagement qu'il avait pris, mais finalement ces
manquements-là s'additionnent, donc ça donne ces résultats-là.
M.
Turcotte :
Donc, la seule différence, M. le Président...
Le Président (M. Cousineau) :
En conclusion, M. le député.
M.
Turcotte : ...la
seule différence, donc quelqu'un qui accepte d'embarquer dans le programme va
avoir l'allocation spéciale jusqu'à tant
qu'elle cesse de participer au programme ou qu'elle fait preuve de manquements,
là.
Le Président (M. Cousineau) :
Voilà, ça termine votre temps.
M.
Turcotte : C'est ce
que je comprends.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre, une réaction? Ça va?
M. Blais : Oui.
Le Président (M. Cousineau) :
Très bien. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants concernant le sous-amendement déposé par Mme la députée de Gouin?
S'il n'y a pas d'autre intervenant, est-ce que le sous-amendement déposé
par Mme la députée de Gouin est adopté?
M.
Turcotte : M. le
Président.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte :
J'aimerais procéder au vote par appel nominal... bien, que si on pouvait...
Le
Président (M. Cousineau) : Bien sûr. Alors donc, le
sous-amendement se lit comme suit : «Ni ne porte atteinte au droit à la dignité visé [par] l'article 4 de
cette même charte», à la suite de l'amendement déposé par M. le député
de Saint-Jean. Mme la secrétaire.
La Secrétaire : M. Turcotte
(Saint-Jean)?
M.
Turcotte : Pour.
La Secrétaire : M. Rochon
(Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
La Secrétaire : M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)?
M.
Schneeberger :
Contre.
La Secrétaire : M. Blais
(Charlesbourg)?
M. Blais : Contre.
• (16 h 50) •
La Secrétaire : Mme Sauvé
(Fabre)?
Mme Sauvé : Contre.
La Secrétaire : M. Drolet
(Jean-Lesage)?
M. Drolet : Contre.
La Secrétaire : Mme Simard
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Simard : Contre.
La Secrétaire : M. Polo
(Laval-des-Rapides)?
M. Polo : Contre.
La Secrétaire : M. Poëti
(Marguerite-Bourgeoys)?
M. Poëti : Contre.
Le
Président (M. Cousineau) : Je m'abstiens.
La Secrétaire :
C'est rejeté.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors donc, le sous-amendement déposé par Mme la députée de Gouin est
rejeté. Nous revenons à l'amendement de M. le député de Saint-Jean, et, le
temps restant pour votre amendement, M. le député de Saint-Jean, il vous reste
1 min 5 s, Mme la députée de Gouin, il vous reste
7 min 50 s, et, M. le député de Richelieu, vous avez un beau
20 minutes. Alors, qui prend la parole? S'il n'y a pas d'intervenant, je
vais mettre... Oui, Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : M. le Président, donc, excusez-moi, là, je reviens sur l'amendement
qui nous parle de l'article 45. Moi, j'aimerais apporter à l'attention
des collègues, donc, de la commission et à l'attention du
ministre que j'ai pu mettre la main sur un texte publié dans la
revue Érudit, un article d'Ysabel Provencher et Daniel Turcotte, où,
entre autres, on nous parle des raisons qui font que les gens abandonnent des programmes.
Parce que le ministre revient tout le temps là-dessus, hein,
c'est... Dans le fond, on va sanctionner des gens qui soit refusent carrément
de participer à des programmes ou des gens qui abandonnent des programmes
pour des raisons, en tout cas, qui nous paraissent... bien, qui nous paraissent, qui paraissent aux agents et
agentes comme des raisons qui sont non valables, mettons. Et, moi, ce
que je lis dans cet article-là,
c'est que, dans un peu plus de 40 %
des situations, l'abandon est attribuable à un motif qui ne relève pas de la personne elle-même, ce type d'abandon est
considéré comme non volontaire. Et là, dans 32 % des cas, par
exemple, on parle de problèmes de santé, on
parle de transférer à un autre programme, d'obtention d'un emploi, retour ou
poursuite des études, déménagement, décès,
accident de travail, etc. Donc, il y a déjà 40 % des situations, je pense
que le ministre en conviendra, où là
on voit bien que les personnes en cause ont été obligées d'arrêter le
programme. Alors, il en reste un 60 %.
Mais, dans le 60 % qui reste, dans le même article, on constate qu'il y a
un taux extrêmement élevé d'interruption dans certaines activités, en particulier la formation générale
secondaire, c'est-à-dire l'éducation des adultes, et là le taux
d'abandon dépasse, puis c'est vrai que c'est important, là, 71 %.
Mais,
moi, ce que j'aimerais demander au ministre, là... Parce que je vais arrêter de
lui parler de mon organisme, dans mon
comté, qui s'appelle Déclic puis qui est formidable, là, ça doit faire trois
fois que j'en parle, alors je vais essayer de ne pas me répéter, M. le
Président, mais je vais plutôt envoyer ma question au ministre... adresser ma
question au ministre, pardon : Si
71 % des gens abandonnent en cours de route la formation générale
secondaire, est-ce qu'il faut... de quelle façon faut-il réfléchir?
Est-ce qu'il faut se dire : Il y a vraiment 71 % des gens qui ne sont
pas sérieux, qui abandonnent en cours de
route, puis ça n'a pas de bon sens, puis il va falloir un petit peu, comme on
dit, serrer la vis, là, entre
guillemets? Ou alors il faudrait se demander : S'il y a plus des deux
tiers des gens qui abandonnent leur programme de formation générale secondaire, est-ce que ça se pourrait que ça soit
parce qu'elle n'est pas adaptée aux besoins de ces personnes? Il y a quelque chose qui ne fonctionne
pas. On ne peut pas traiter les problèmes de façon individuelle
lorsqu'ils sont systémiques. Un de mes collègues l'a dit, ça, tout à l'heure,
puis c'est tellement vrai : Quand un problème est un problème collectif, bien, il faut essayer d'en
trouver les causes et il faut le régler collectivement, pas en s'en prenant
aux personnes qui ont abandonné un
programme. Est-ce que ça se pourrait que la formation aux adultes, malgré ses
qualités, ne soit pas adaptée aux personnes
assistées sociales, puisque 71 % des gens abandonnent avant la fin? Est-ce
que ça se pourrait, là? Et c'est une question honnête que je pose au
ministre.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Blais : Bien, c'est toujours possible, hein, que les choses ne soient
pas bien adaptées... que les formations ne soient pas bien adaptées. Dans le cas de l'étude, là, qui intéresse ma
collègue, là, il faut comprendre que ça portait sur... Donc, première chose, si les gens abandonnent pour
des bonnes raisons... Un problème de santé, c'est une bonne raison pour abandonner, il n'y a personne qui va les
poursuivre pour ça. Donc, c'est déjà prévu dans le programme que, si
vous avez des problèmes de santé, vous avez
des motifs valables, tout de suite, là, c'est reconnu. Et il y en a, des gens
qui ont des problèmes de santé ou
encore qui sont sous-diagnostiqués. On l'a déjà dit, ça, dès le départ. Donc,
tant mieux, parce que, comme ils rencontrent des gens, on pourra
davantage se rapprocher éventuellement d'un diagnostic, qui sait, puis
reconnaître la profondeur de leurs difficultés.
Mais
il reste qu'ici le traitement des données s'est fait sur un programme, qui est
MFOR, qui est un programme qui va
uniquement, là, vers la formation. Et il y a beaucoup de débats là-dessus,
parce qu'on sait bien que, même si on veut valoriser la formation... peut-être qu'elle n'est pas toujours adéquate,
mais il faut bien reconnaître que, des gens qui ont quitté l'école secondaire avec de très mauvaises
expériences, ce n'est pas toujours la meilleure façon de les réintégrer
que de les retourner à l'étude. On
souhaiterait tous qu'ils retournent aux études, mais parfois la meilleure
possibilité pour eux, c'est un retour
au travail, c'est de se trouver un travail ou faire un stage qui apporte une
certaine qualification mais qui n'est pas une formation comme telle.
Donc, MFOR, c'est un
programme unique, qui s'adressait à différentes clientèles, dont des personnes
qui étaient à l'aide sociale depuis un certain temps. Là, on est dans tout
autre chose, on est dans quelque chose de plus pointu, les premiers demandeurs, avec trois cheminements possibles — MFOR, c'est la même recette pour tout le
monde, c'est un retour en formation — donc la possibilité d'aller
vers l'emploi puis d'être appuyé vers la reprise d'emploi, la possibilité
d'aller vers des mesures de formation, et aussi en préemployabilité, ce que ne
reconnaît pas MFOR.
Alors,
je pense que notre recette, là, elle est beaucoup plus gagnante parce qu'elle
laisse beaucoup plus de possibilités,
hein, que ce que l'on offre avec MFOR et elle offre des possibilités à une
catégorie qui est en principe la plus facile à mobiliser.
Le
Président (M. Cousineau) : Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Je comprends ce que me dit le
ministre, mais, je suis désolée, il y a
quelque chose qui ne fonctionne pas, à mon humble avis. Je lis, dans la même
recherche, là, qui a été publiée, que, lorsqu'on parle de formation
universitaire et de formation technique collégiale, le taux de complétion est à
73 %. Autrement dit, plus on est
éduqué, plus le retour aux études fonctionne. C'est assez logique, d'ailleurs.
Et là le ministre me dit : Oui,
mais, bon, la formation générale, ce n'est peut-être pas la meilleure formule
pour tout le monde. Je lui soumets que, parmi les primodemandeurs, nous
aurons des adultes ayant probablement travaillé, ayant probablement perdu un
emploi, des gens peu scolarisés, généralement motivés, et, parmi ces gens-là,
il y en a un certain nombre qui voudra retourner à l'école ou qui voudra avoir
d'autres types de formation. Et le ministre nous dit : Il y a pas mal de
jeunes, hein sur 17 000 par année, il y
a 11 000 jeunes, dont un certain nombre viennent de familles à l'aide
sociale. Ces jeunes-là n'ont probablement pas, dans bien des cas, terminé
leur secondaire, en fait n'ont probablement pas de diplôme, ni le diplôme
d'études secondaires ni le diplôme d'études professionnelles. Ce sont ces
jeunes-là, qui effectivement ont souvent détesté l'école à s'en confesser,
qu'on va vouloir quand même essayer de ramener à l'école.
Parce
que, M. le Président, je soumets que, si on veut que les gens développent des
projets de vie, je ne suis pas certaine
qu'il y a un gros projet de vie, là, à 18, 19, 20 ans, d'avoir une petite
formation courte, là, dans quelque chose, s'en aller travailler au bout de six mois, donc on est sorti de l'aide
sociale, on n'est plus dans les statistiques, le gouvernement est
content, mais on n'a pas de qualification, là, très peu, minime, minime,
minime. Est-ce qu'on pourrait faire le pari pour
notre jeunesse d'avoir un diplôme d'études secondaires, minimalement, ou
diplôme d'études professionnelles? Pour la majorité, il y aura peut-être... dans certains cas, ce n'est pas
possible, j'en conviens très bien, mais pour la majorité, quand je vois qu'en Finlande le taux de diplomation au
secondaire est à 90 % ou 95 %, là, dans les temps requis, je me dis
qu'au Québec on pourrait franchement faire mieux que ce qu'on fait en ce
moment.
Alors,
moi, j'aimerais ça qu'on ait de l'ambition pour les jeunes qui s'inscrivent à
l'aide sociale. J'aimerais ça que la majorité, oui, retourne à l'école,
mais ça, M. le Président, ça veut dire : pas la formation générale aux
adultes, qui convient à un certain nombre de
gens mais pas toujours à ceux et celles qui effectivement ont décroché,
détestent l'école puis... Ce n'est
vraiment pas facile d'aller à l'école pour ceux et celles-là. Il faut investir
dans une formation adaptée. Alors, moi, je plaide que ça va être plus
gagnant que les sanctions qu'on veut imposer à ceux et celles qui, oui, vont
essayer d'aller à l'école avec un soutien moyen et qui vont abandonner en cours
de route.
• (17 heures) •
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de Gouin. M.
le ministre, voulez-vous... Non? Ça va aller? Est-ce que... Oui, M. le
député de Richelieu. Vous avez 20 minutes.
M. Rochon :
Merci, M. le Président. Alors, je reviens, là, sur le thème qui a animé nos
derniers échanges, le ministre et moi, sur l'obligation du primodemandeur de
participer au programme Objectif emploi pour encaisser des prestations d'aide sociale. Ce fut toujours ma
compréhension. Et là, il y a un instant, j'ai entendu le ministre nier que
ce soit ça. Ce ne serait pas obligatoire de
participer au programme Objectif emploi pour un primodemandeur pour
obtenir des prestations. C'est bien ce que
vous m'avez dit tout à l'heure, M. le ministre? Est-ce que je comprends :
un primodemandeur n'a pas l'obligation de participer au programme
Objectif emploi pour que lui soit versé un chèque d'aide sociale?
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M. Blais :
Bien sûr, quelqu'un qui ne participerait pas du tout aurait droit à
l'assistance sociale, mais une assistance sociale qui est diminuée par rapport
à ceux qui participent.
M. Rochon :
Diminuée.
M. Blais :
Voilà.
M. Rochon :
J'ai donc du mal avec ce texte de l'article 83.1, qui se lit ainsi :
«Malgré les dispositions du chapitre I,
toute personne visée par règlement qui aurait droit de bénéficier d'une
prestation en vertu du Programme d'aide sociale pour le mois qui suit sa
demande d'aide financière de dernier recours doit d'abord participer au
programme Objectif emploi.»
Ça
me semble dire exactement le contraire de ce que le ministre nous dit cet
après-midi. Et je ne suis pas le seul à le lire comme ça. Je vois le Barreau du Québec qui écrit : «Outre le
fait que le programme Objectif emploi soit obligatoire pour certains,
ils risquent également, contrairement à ceux qui ne participent pas au
programme, de perdre leur aide financière s'ils ne se conforment pas aux
exigences liées à leur participation. Il ne ressort pas clairement du projet de
loi que ces derniers demeurent admissibles à
une prestation d'aide sociale en vertu des dispositions du chapitre I de
la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, suite à un manquement au
programme Objectif emploi. Considérant que l'article 83.1,
alinéa deux — celui
que je viens de lire — proposé par le projet de loi reconnaît que ces personnes
auraient normalement droit à une prestation
d'aide sociale, il semble inéquitable que leur participation à ce programme les
prive d'un droit reconnu. Le projet de loi mériterait d'être plus clair à cet
égard.»
Il
le mériterait, en effet, parce que... J'étais plutôt bon en français, là, puis
ce que je lis là, moi, c'est que, pour bénéficier du Programme d'aide
sociale pour le mois qui suit notre demande, il faut d'abord participer au
programme Objectif emploi. C'est écrit en
toutes lettres. Et le ministre me dit que non, me dit que ce n'est pas... on ne
doit pas d'abord participer, si on ne participe pas, on a quand même une
prestation d'aide sociale.
Et
c'est amusant parce que... «c'est amusant», ce n'est pas amusant, ce qui se
passe là, mais j'ai toujours fait état de cette compréhension que j'avais qu'il n'y avait pas d'aide pour
quelqu'un primodemandeur qui refusait de s'inscrire au programme Objectif emploi, et jamais, jamais,
jamais le ministre ne m'a repris. Je ne comprends pas, là, ou il
m'écoutait distraitement ou encore les
choses sont en train de changer, il révise son projet de loi. Il faudrait qu'il
révise le texte alors, parce que, ce texte-là, ce n'est pas ce qu'il
dit, là.
M.
Blais : Là, l'équivoque, je pense qu'il est facile à résoudre, là.
Puis il faut comprendre, là, le mémoire...
je pense que, la partie du mémoire
que vous avez lue, là, les intentions réglementaires
n'étaient pas encore connues, là les intentions réglementaires sont
connues, là. Je vous ramène au cheminement qui est prévu, hein, donc sous
Objectif emploi. L'équivoque est au niveau
de l'expression «participant». Donc, tous les primodemandeurs seraient
considérés comme à l'intérieur du programme Objectif emploi. Je ne peux
pas sortir du programme Objectif emploi, hein? Je peux ne pas participer aux mesures ou participer aux mesures,
mais je suis à l'intérieur d'Objectif emploi. Par exemple, vous ne
pouvez pas dire : Moi, je ne veux pas
participer à Objectif emploi et je veux mon aide sociale. Je veux exactement le
montant d'aide sociale auquel ceux qui ne
sont pas des primodemandeurs ont droit. Ça, c'est exclu. Donc, ils sont... Vous
êtes à l'intérieur, toujours, d'Objectif emploi au moins pour
12 mois, hein? Et là on voit bien, là, dans le parcours, vous êtes
toujours à l'intérieur de ça. C'est ce qui
permet d'appliquer à la fois des bonifications et ce qui permet aussi
d'appliquer des sanctions.
Alors, que
vous participiez ou pas — c'est important — que vous participiez ou pas, vous êtes à
l'intérieur du programme Objectif emploi. Vous ne pouvez pas en être
exclu, parce que vous avez droit à des prestations.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le...
M. Rochon : J'ai l'impression que
plus le ministre s'explique, moins c'est clair. Il faut que vous soyez à l'intérieur du programme Objectif emploi que vous
participiez ou pas. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas. Un premier demandeur... Je ne fais pas exprès de ne
pas comprendre, là. C'est parce que j'ai toujours cru comprendre la même
chose, et jamais le ministre ne m'a dit que
je faisais fausse route, que, pour qu'un premier demandeur de prestations
d'aide sociale ait un chèque d'aide sociale,
il lui fallait participer au programme Objectif emploi. S'il refusait d'y
participer : pas un cent. C'était obligatoire.
Et c'est ce
que dit le texte, d'ailleurs. Il faisait bien de m'expliquer ça, parce que
c'est exactement ce que dit le texte :
«Toute personne visée par règlement qui aurait [le] droit de bénéficier d'une
prestation en vertu du Programme d'aide
sociale pour le mois qui suit sa demande d'aide financière de dernier recours
doit d'abord participer au programme Objectif emploi.» C'est ce que je
lis. C'est ce que le Barreau comprend, c'est ce que la Protectrice du citoyen
comprend. Là, il va falloir, je crois,
clarifier. Alors, si ce n'est pas ça, il va falloir clarifier le texte de l'article 83.1,
là, parce qu'il dit le contraire de ce que le ministre affirme cet
après-midi, là. Il me semble, en tout cas.
M.
Blais : Bien, c'est assez clair, je n'ai jamais dit ici, une seule
fois, que quelqu'un se retrouverait sans aucune aide. Je n'ai jamais dit ça. Alors, regardez le parcours, il est assez
facile... Regardez le parcours, hein? Donc, le programme est obligatoire. On ne peut pas obliger quelqu'un
à participer s'il ne veut pas, à moins qu'on... Hein, on ne peut pas
obliger quelqu'un à participer s'il ne veut pas participer, mais il est
obligatoire. Vous êtes dans le parcours d'Objectif emploi nécessairement pendant 12 mois. Et, si vous voulez
savoir qu'est-ce qui va vous arriver, bien, regardez le cheminement selon... Selon le cheminement dans lequel vous
êtes, vous aurez des bonifications ou vous n'aurez pas de bonification.
Mais le programme est obligatoire.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Richelieu.
M.
Rochon : Alors, je reprends.
Je reprends. On ne peut obliger quelqu'un à participer au programme
Objectif emploi, mais ce programme est obligatoire.
M. Blais : Bien sûr.
M. Rochon : Alors, si... Oui?
M. Blais : Il est obligatoire au
sens où vous êtes nécessairement à l'intérieur de ce programme-là. Vous ne pouvez pas être, par exemple, à l'aide sociale.
Vous êtes dans le programme Objectif emploi. Il n'y a pas d'autre
statut, à moins que vous ayez une contrainte
ou quoi que ce soit. Mais, si vous êtes apte, il est obligatoire, et vous êtes
à l'intérieur du parcours qu'on a présenté il y a quelques semaines, là.
M.
Rochon : Bon, bon, bon.
Voilà qui devient un petit peu plus clair. Donc, pour le premier demandeur, il
n'y a plus de prestation sociale, il y a les prestations du programme Objectif
emploi. C'est ça?
M. Blais : Oui.
M.
Rochon : Et donc on a le
choix d'adhérer ou de ne pas adhérer au programme Objectif emploi. Si on n'y
adhère pas, bien, on n'a pas un cent, puisqu'on n'adhère pas, on ne pose pas sa
candidature à ce programme.
• (17 h 10) •
M.
Blais : On a le choix de réaliser des activités ou de ne pas les
réaliser. C'est ça, votre choix. Mais vous êtes dans Objectif emploi pendant 12 mois. Et, pendant cette période-là,
vous pouvez participer ou vous pourriez, hein, ne pas participer. Selon votre participation, vous aurez
droit à des bonifications. Si vous ne participez pas, vous aurez droit à
des réductions, mais on n'a jamais dit qu'il n'y aurait aucun montant, jamais,
jamais, jamais, hein? Donc, le minimum du minimum,
si vous ne participez pas, là, à Objectif emploi, que vous aurez par mois,
c'est 504 $ ou 502 $, là, je... 502 $, c'est dans notre
tableau, ici. Ça, c'est le minimum du minimum pour quelqu'un qui ne
participerait pas du tout.
Mais vous
êtes inscrit à Objectif emploi. Pourquoi? Parce que peut-être que vous avez
changé d'idée, peut-être que vous
avez décidé que, finalement, oui, ça vaut peut-être la peine de participer au
troisième mois, au quatrième mois. Et là vous acceptez de rencontrer un
agent d'aide sociale pour regarder exactement quels sont vos besoins, qu'est-ce
que vous aimeriez faire. Vous êtes réintégré à ce moment-là dans une
participation.
Le Président (M. Cousineau) :
Ça va, M. le député de Richelieu? Est-ce qu'il y a d'autres interventions
concernant l'amendement de M. le député de Saint-Jean? Alors, s'il n'y a pas
d'autre intervention, bien, nous allons mettre aux voix. Est-ce que l'amendement
déposé par M. le député de Saint-Jean, qui se lit comme suit : «Aucune
disposition du présent chapitre ne peut avoir pour effet que la prestation
accordée à un participant ne lui assure pas le niveau de vie décent visé à
l'article 45 de la Charte des droits et libertés de la personne», alors
est-ce que cet... M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Merci,
M. le Président. J'aimerais, si c'est possible, procéder à un vote par appel
nominal.
Le
Président (M. Cousineau) : Bien sûr. Alors, Mme la secrétaire,
vote par appel nominal sur l'amendement de M. le député de Saint-Jean.
La Secrétaire : M. Turcotte
(Saint-Jean)?
M.
Turcotte : Pour.
La Secrétaire : M. Rochon
(Richelieu)?
M. Rochon : Pour.
La Secrétaire : M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)?
M.
Schneeberger : ...
Le Président (M. Cousineau) :
Plus fort, s'il vous plaît.
M.
Schneeberger :
Contre.
Le Président (M. Cousineau) :
D'accord.
La Secrétaire : M. Blais
(Charlesbourg)?
M. Blais : Contre.
La Secrétaire : Mme Sauvé
(Fabre)?
Mme Sauvé : Contre.
La Secrétaire : M. Drolet
(Jean-Lesage)?
M. Drolet : Contre.
La Secrétaire : Mme Simard
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Simard : Contre.
La Secrétaire : M. Polo
(Laval-des-Rapides)?
M. Polo : Contre.
La Secrétaire : M. Poëti
(Marguerite-Bourgeoys)?
M. Poëti : Contre.
La Secrétaire :
C'est rejeté.
Le Président (M. Cousineau) :
Donc, l'amendement déposé par M. le député de Saint-Jean est rejeté. Nous
revenons à l'article 83.1, et je vous donne le temps restant pour les
parlementaires. Alors, sur l'article 83.1, M. le député de Saint-Jean, il
vous reste 2 min 40 s; M. le député de Richelieu, il vous reste
14 min 30 s; M. le député de Drummond—Bois-Francs, 14 min 45 s; et, Mme
la députée de Gouin, il vous reste 19 min 30 s. Donc, à qui la
parole? M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte :
Merci, M. le Président. J'aimerais déposer un amendement à l'article 83.1
de l'article 28 : Insérer, après le deuxième alinéa, l'alinéa
suivant :
«Le règlement, pris en vertu de l'alinéa 2,
doit faire l'objet d'une étude par la commission compétente de l'Assemblée
nationale, avant son adoption par le gouvernement, pour une durée minimale de
6 heures.»
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Saint-Jean.
Alors, nous allons suspendre quelques instants, le temps de faire des copies de l'amendement que vous nous déposez et
les distribuer aux membres de la commission. Alors, on suspend.
(Suspension de la séance à 17 h 14)
(Reprise à 17 h 18)
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Donc, M. le député de Saint-Jean, votre amendement,
alors on vous laisse plaider.
M.
Turcotte : Merci, M.
le Président. L'objectif de l'amendement, c'est de pouvoir étudier en commission
parlementaire, ici, à l'Assemblée nationale,
le règlement qui est prévu par cet article, mais aussi par différents
articles du projet de loi.
On a déposé... J'ai décidé de déposer cet
amendement parce que le ministre a encore mentionné, il y a de ça trois, quatre minutes à peine, une phrase qu'il a
répétée à quelques occasions, suite à l'intervention de mon collègue le député de Richelieu, qui citait un article... un
extrait du mémoire du Barreau du Québec, le ministre a mentionné :
Ça, ce mémoire-là, je l'ai lu — ou quelque chose comme ça — mais
ça a été écrit, présenté avant que nous déposions nos intentions
réglementaires.
• (17 h 20) •
Donc, moi, ce que je dis, M. le Président, c'est
que cette affirmation-là de la part du ministre confirme l'importance — et nous l'avions demandé dès le dépôt du
projet de loi à l'ancien ministre, l'actuel député de Louis-Hébert, et au ministre actuel — de connaître le règlement. Le ministre nous
a dit : Bon, je vais vous présenter quelques intentions
réglementaires quand on sera rendus à différents articles. Cette affirmation-là
du ministre sur le mémoire du Barreau confirme
l'importance, confirme l'importance de connaître le règlement ou les intentions
réglementaires du ministre pour bien
saisir le projet de loi ou, du moins, la teneur et l'ampleur du projet de loi.
On le voit avec le graphique, là, que... le tableau que le ministre nous a présenté il y a de ça quand même quelques
semaines, bon, toutes les étapes, le cheminement... même aujourd'hui, là, on apprend des nouvelles
choses, ou du moins le ministre n'avait pas été très explicite sur cette
question-là, parce qu'à plusieurs reprises nous avons mentionné cette
affirmation-là. Et c'est un peu paradoxal quand même, mon collègue l'a soulevé, mais on ne peut pas obliger
personne à participer à un programme qui, lui, est obligatoire, et donc, dans les faits, on peut se questionner
pourquoi ce programme est... Parce qu'il n'y a plus de nouveaux
demandeurs à l'aide sociale, ça n'existe
plus, l'aide sociale, pour un primodemandeur. Si la personne est considérée
automatiquement dans le programme Objectif emploi, ce n'est plus à l'aide sociale,
elle est dans le programme Objectif emploi.
Le ministre a aussi mentionné que la personne
peut reprendre les activités du programme Objectif emploi à différents moments
dans son parcours, dans son 12 mois, si elle souhaite. Donc, pour la
première année, là, le 12 premiers mois
que la personne n'est pas... n'embarque pas dans le programme Objectif emploi,
ne participe pas aux ateliers, ne s'inscrit pas dans aucun des trois
chemins, bien, elle est dans le programme Objectif emploi, mais elle ne participe pas. Donc, c'est ce que je comprends. Ça fait
qu'elle est à l'aide sociale, dans le programme Objectif emploi, mais elle ne participe pas au programme Objectif emploi
et elle a les sanctions, les conséquences financières qui en découlent.
Ça
existe déjà, ces sanctions-là, le ministre l'a mentionné, à l'aide sociale. Mais, au fond,
le ministre nous a aussi mentionné que, pour le ministère, pour le ministre ou pour les agents, il n'y avait
pas de possibilité d'obliger un nouveau demandeur d'assister à au moins une rencontre avec
un agent ou de pouvoir rencontrer quelqu'un, là, d'un centre local d'emploi, cette obligation-là n'existe pas dans la
loi. C'est ce que j'ai bien compris.
Donc, avec le
programme Objectif emploi, le ministre donne, si on peut dire, aux centres
locaux d'emploi les outils pour obliger la personne à assister à une rencontre
et de participer en fonction d'un des trois axes, sinon il y a sanction
financière sur son chèque d'aide sociale. Moi, c'est ce que je peux résumer
jusqu'à maintenant, là, avec les informations
que le ministre nous précise. Au fond, l'objectif, là, du... ce chapitre-là du
projet de loi, là, c'est principalement pour donner la possibilité aux
agents d'obliger un nouveau demandeur d'assister à une rencontre et de participer
à un parcours ou pas. Si elle ne participe
pas, si elle ne veut pas participer à une rencontre, bien, la personne sera
sanctionnée, mais elle va continuer de
recevoir son chèque d'aide sociale, mais amputé des montants des amendes, là,
consécutives, là, qui sont prévues, là, dans les
intentions réglementaires que nous avons eues de la part du ministre. C'est ce
que je comprends jusqu'à maintenant.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M. Blais :
Oui. C'est tout à fait ça, oui.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : O.K.
Merci. Donc, M. le Président, à
plusieurs occasions le ministre a mentionné qu'il a fait, là, des rencontres, il a visité, il a été sur le
terrain rencontrer des agents, il a dit ça à plusieurs occasions. Il a parlé,
la semaine passée, bon, de ses visites à Rimouski. Notre collègue le
député de Rimouski aurait bien aimé, là, pouvoir inviter le ministre à son tour à d'autres rencontres. À un
moment donné, peut-être que leurs faire-part d'invitation vont se
croiser, ils vont pouvoir s'organiser une rencontre avec les
différentes personnes qu'il a été question. Mais une chose est certaine,
M. le Président, c'est que le ministre nous dit : Moi,
j'ai la conviction que c'est une bonne chose parce que c'est ce que...
les agents, là, dans les centres locaux
d'emploi, que j'ai rencontrés, là, ils ont déploré le fait qu'ils ne pouvaient
pas obliger ou contraindre les gens à une rencontre, les gens ne
pouvaient pas forcer les gens à participer à de tels programmes, même si
c'était bon pour eux. Il a mentionné ce genre de discours là à différents
moments.
Cependant, M. le
Président, suite à ces nombreuses
interventions du ministre, le 20 mai dernier le Syndicat de la fonction publique du Québec a émis un communiqué de presse, et je
vais citer quelques extraits, M. le
Président, importants pour étudier l'amendement que je dépose. Je
dois le rappeler, Syndicat de la fonction
publique qui n'a pu être
entendu en commission parlementaire, M. le
Président, malgré le dépôt d'une
motion de notre part pour qu'il puisse être entendu, le gouvernement a voté contre, le ministre a voté contre notre motion pour entendre le
Syndicat de la fonction publique, pour qu'il puisse venir s'exprimer sur le
projet de loi, qui auront à appliquer, eux, le projet de loi. Le ministre nous
dit qu'il a rencontré des agents dans les centres locaux d'emploi. Voici la
réponse du Syndicat de la fonction publique, M. le Président :
«Le
Syndicat de la fonction publique du Québec tient
à rectifier les faits quant à un supposé appui des agentes
et agents d'aide des centres locaux d'emploi
au projet de loi n° 70 sur l'aide sociale et à l'approche
coercitive du programme Objectif
emploi. En commission parlementaire, le ministre de l'Emploi et de la
Solidarité sociale [...] a affirmé à plusieurs reprises avoir rencontré
des agentes et [des] agents d'aide qui lui auraient exprimé être en accord avec
sa réforme.»
Ouvre les guillemets :
«"Aucune consultation en
bonne et due forme n'a été menée auprès des agentes et
agents d'aide dans les centres locaux d'emploi — là, eux le mentionnent : Il y a des limites à
la désinformation !", s'indigne le
vice-président et responsable de la défense des services publics [du] Syndicat de
la fonction publique, Patrick Audy. "Au
contraire, depuis plusieurs mois, les membres du syndicat nous interpellent en
grand nombre au sujet de la diminution de
l'accompagnement aux citoyens et le manque de personnel pour donner les
services dans les centres locaux d'emploi. Depuis six ans, le tiers des
effectifs a disparu des centres d'emploi. De plus en plus, le ministère se
déleste de ses responsabilités en matière de prestation de
services !", ajoute-t-il. "Avec la nouvelle entente signée par
le ministre, c'est toute la mise en oeuvre
auprès des jeunes du programme Objectif emploi qui est confiée à une fonction
publique parallèle. Et les agentes et agents
d'aide à l'emploi applaudiraient ce virage vers plus de sous-traitance?",
ironise M. Audy.
«Les affirmations
du ministre sont d'autant plus choquantes que le Syndicat de la fonction
publique du Québec, malgré ses demandes
répétées, n'a jamais été reçu en commission parlementaire pour témoigner du
vécu de ses membres au ministère du
Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale et de ses préoccupations à
l'égard de l'implantation d'un programme de "workfare", tel
qu'Objectif emploi. Le Syndicat de la fonction publique...»
Une
voix : ...
M.
Turcotte : Pardon?
M.
Blais : ...du «workfare», quand même, là. Utiliser l'expression
«workfare» pour un programme comme Objectif
emploi, là, c'est tellement montrer tellement d'ignorance. Il ne faut pas
savoir ce que c'est que le «workfare».
M.
Turcotte : Bien, M. le Président, moi...
M.
Blais : Non, ce n'est pas mon collègue qui l'a utilisée, il lit une
lettre, là, bien sûr.
Une
voix : Ce n'est pas M. le député de Saint-Jean qu'il traitait
d'ignorant...
Des
voix : ...
Le
Président (M. Cousineau) : Non, un instant! Faites attention,
on parle tous...
Des
voix : ...
Le
Président (M. Cousineau) : Un instant! C'est le président qui
parle, là, on parle tous en même temps. Alors, je vous
redonne la parole, M. le député de Saint-Jean, poursuivez.
M.
Turcotte : Bien, moi, j'entends
le commentaire du ministre. Il est juste dommage qu'il me le dise à moi, mais il n'est pas capable de le
dire aux gens du Syndicat de la fonction publique en personne, ici, en
commission parlementaire. S'il les avait invités, il aurait pu leur
expliquer son point de vue, ce qu'il n'a pas voulu faire à plusieurs reprises.
Donc,
«le Syndicat de la fonction publique a même réclamé une rencontre avec le
ministre [...] pour éclaircir ses intentions quant au rôle
qui sera confié aux agentes et [aux] agents d'aide du ministère dans le cadre
du nouveau programme, mais n'a obtenu aucune réponse».
Bon. Peut-être, le ministre a
qualifié les gens du syndicat, peut-être que c'est parce qu'ils ne sont pas
assez intéressants ou ils n'ont pas la même opinion que le ministre, c'est
peut-être pour ça qu'il ne veut pas les rencontrer.
«Il est désolant que le ministre
refuse obstinément de considérer le point de vue du Syndicat de la fonction
publique et de la quasi-totalité des spécialistes et des groupes de la société
civile qui se sont exprimés sur le projet de loi
n° 70. "Le Syndicat de la fonction publique représente les
intervenants de première ligne [de] la prestation des services publics.
Si le ministre veut véritablement avoir un son de cloche du terrain, nous lui
suggérons d'accepter de nous rencontrer."»
Donc,
M. le Président, je crois que, bon, il faut l'expliquer, il faut le dire, les
gens du syndicat auront l'obligation de... eux aussi, hein, ce ne sera pas juste les
participants à Objectif emploi, les agents dans les centres locaux
d'emploi auront l'obligation d'appliquer le
programme Objectif emploi sans avoir eu l'occasion de donner leurs opinions. Et
on sait maintenant la véritable raison pourquoi le ministre ne veut pas les
entendre. Il les a qualifiés d'«ignorants». Donc, c'est peut-être la raison pourquoi il ne veut pas entendre les
représentants du Syndicat de la fonction publique, qui, je dois mentionner, M. le Président, dans les faits...
C'est quand même un manque de classe de la part du ministre responsable
de ces agences de centres locaux d'emploi de qualifier des agents de la
fonction publique d'«ignorants».
Ceci étant dit, M. le Président,
le Syndicat de la fonction publique n'est pas...
• (17 h 30) •
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Saint-Jean, il faut faire attention pour ne pas provoquer des débats inutiles. Je comprends ce que vous voulez
dire, mais il faut faire attention de ne pas amener des propos qui
peuvent être blessants. Poursuivez.
M.
Turcotte :
Mais je ne sais pas qui a tenu les propos les plus blessants ici, M. le
Président. Puis, dans les faits, le ministre n'a pas retiré ses propos
non plus, là, donc les propos demeurent encore.
M. Blais : Bien, écoutez, M. le
Président...
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Blais : ...peut-être qu'il faut faire attention quand on est en... Mon
collègue essaie, là, de m'inscrire, là, dans une polémique, hein? Je le dis souvent : C'est faire preuve
d'ignorance, mais malheureusement il y a beaucoup de gens au Québec, parfois, qui utilisent l'expression
«workfare», là, pour dire des choses qui n'ont mais aucun rapport avec
Objectif emploi.
Encore une
fois, le «workfare», c'est d'exiger une prestation de services en contrepartie...
un travail, pardon, en contrepartie
d'une prestation, donc, et vous n'êtes pas rémunéré pour ça. Dans Objectif
emploi, il n'y a rien comme ça. Donc,
c'est faire preuve d'ignorance d'associer Objectif emploi à du «workfare».
C'est tout. Je n'ai pas dit que le syndicat était ignorant en soi, mais
là-dessus, bien sûr, il y a une erreur assez grossière.
Le
Président (M. Cousineau) : D'accord. Alors, merci, M. le
ministre. Poursuivez, M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Merci,
M. le Président. Visiblement, le Syndicat de la fonction publique du Québec
n'est pas le seul. On a aujourd'hui la
Coalition Interjeunes, qui regroupe six organismes nationaux représentant
300 organismes jeunesse, qui demande au
gouvernement de retourner à sa planche à dessin et de ne pas adopter le projet
de loi n° 70 dans la forme
actuelle, car, selon eux, la réforme de l'aide sociale n'est qu'une punition au
chèque qui coupera les ailes des jeunes.
On l'a
mentionné tantôt, le ministre l'a confirmé : le projet de loi n° 70,
donc le programme Objectif emploi, vise pratiquement... Le but premier, c'est de donner la possibilité aux
agents dans les centres locaux d'emploi de forcer, de contraindre les
primodemandeurs à faire une rencontre et à embarquer, là, dans un des trois
chemins. Qui, on doit le mentionner, M. le
Président, n'est pas une mauvaise chose, de pouvoir retourner aux études, de
pouvoir développer ses habilités sociales ou d'aller dans un processus
de recherche d'emploi. Mais, on l'a mentionné, comme ça touche principalement les jeunes... Parce que le ministre
et l'ancien ministre n'ont pas arrêté de mentionner que c'étaient les
jeunes, les jeunes, les jeunes. Donc, on a ciblé, le gouvernement a ciblé, là,
les jeunes et a décidé de mettre en place ce programme-là, qui n'est pas
mauvais en soi, mais c'est l'obligation et les sanctions qui en découlent.
Je peux
mentionner ici, M. le Président... citer Isabelle Gendreau, du Regroupement des
Auberges du coeur du Québec, qui mentionne qu'il n'y a pas de mesure
dans ce projet de loi. «Le projet de loi ne fait que placer dans un carcan des
jeunes en présumant qu'ils ne veulent pas apprendre, qu'ils ne veulent pas
travailler.»
Par la suite,
il est mentionné ici, dans l'article, là, de Sara Champagne, du journal La Presse :
«Dans [cette] dernière mouture qui a été présentée en commission
parlementaire, des pénalités sont prévues au programme Objectif emploi pouvant aller jusqu'à réduire à 400 $ par
mois le chèque d'aide sociale. Les organismes qui font front commun
estiment qu'au lieu d'adopter des mesures coercitives, le ministre de l'Emploi
[et de la Solidarité sociale] devrait tabler sur l'accompagnement à travers
divers programmes, et investir dans la prévention pour prévenir le décrochage.»
Il
y a Danielle Goulet, du Regroupement des écoles de la rue accréditées du
Québec, qui mentionne : «"Il faut comprendre que les jeunes en difficulté ne décrochent pas parce qu'ils
n'aiment pas les mathématiques[...]. Parfois, les jeunes vivent entassés à quatre ou cinq dans un
petit logement. Quand il y a une chicane, un jeune peut se retrouver à
la rue. Ce n'est pas en coupant son chèque qu'on va [les] aider dans ses
aspirations."
«Selon Mme Gauthier, les programmes
communautaires existants en matière de soutien et de raccrochage scolaire ont
déjà [démontré] leur efficacité.»
Par la suite, il est mentionné : «On parle
de taux de réussite variant de 85 % à 110 %[...]. Plusieurs de ces regroupements n'ont toutefois pas d'entente avec
le gouvernement. Des projets ne sont pas reconnus. Il faudrait revoir
ces programmes. À l'heure actuelle, le gouvernement est en train de rater sa
cible.»
Et, bon, ils
mentionnent que le regroupement des organismes jeunesse du Québec «craint que
le projet de loi soit adopté sous le
bâillon». D'ailleurs, le ministre, d'emblée, dans les premières heures de
l'étude du projet de loi, avait déjà mentionné que le projet de loi
allait possiblement être adopté sous bâillon, donc les groupes peuvent s'en
inquiéter.
«Les organismes demandent au premier ministre de
rectifier la situation et d'assumer son rôle de responsable de la jeunesse.» On a eu cette discussion-là lors
de l'étude des crédits jeunesse, on a eu cette discussion-là lors de
l'étude des crédits d'emploi et solidarité sociale, M. le Président.
Mais tout ça
pour dire qu'il y a beaucoup de voix qui s'élèvent contre le projet de loi
n° 70, sur les sanctions, sur ce
qui se cache dans le règlement du gouvernement. Donc, moi, M. le Président, ce
que je crois, c'est qu'il serait sage et avisé d'avoir une véritable commission parlementaire. Nous pouvons
suspendre, là, pendant quelques heures, là, l'étude du projet de loi, le
temps d'étudier le règlement, et par la suite revenir à l'étude du projet de
loi. Parce que la plupart des éléments importants du projet de loi font
référence au règlement, et donc, sans connaître le règlement, nous ne pouvons
connaître l'ampleur du projet de loi. Et d'adopter le projet de loi sans avoir
eu un débat, et pas juste ici, les parlementaires,
là, mais il faut que les groupes puissent... entendre. Parce que, là, on reçoit
des documents, le ministre nous
dépose des tableaux ici et là, les groupes n'ont pas nécessairement accès à
toutes ces informations-là, la population n'y a pas accès.
Donc, moi, je crois, M. le Président, qu'il
serait plus sage, plus avisé, plus transparent, plus démocrate de la part du gouvernement, étant donné que c'est un
projet de loi qui va affecter la qualité de vie et la dignité des
personnes, on l'a mentionné dans le dernier amendement... je crois qu'il serait
plus sage et plus avisé que nous puissions tenir une telle commission parlementaire, compte tenu du fait que cet amendement
comme j'ai déposé, M. le Président, a été déposé lors de l'étude du
projet de loi n° 20, et le ministre de la Santé avait adopté cet
amendement. Donc, la question qui se pose,
c'est : Pourquoi le ministre de la Santé et des Services sociaux, dans le
projet de loi n° 20, accepte, en grand démocrate qu'il est, cet amendement-ci et que le ministre
actuel de l'Emploi et de la Solidarité sociale, qui a toujours été
gentleman, n'accepterait pas un tel amendement? Donc, M. le Président, la balle
est lancée.
Le Président (M. Cousineau) :
Vous êtes habile, M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Merci.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M. Blais : Peut-être clarifier deux
choses importantes. Donc, bien sûr, Objectif emploi touche des personnes qui
sont plus fragiles, hein, donc, et c'est pour ça que nous, on a dit qu'on
allait déposer toujours nos intentions réglementaires
pour vraiment savoir où est-ce qu'on s'en va. On aurait pu ne pas le faire et
on l'a fait, on va continuer de le
faire, article par article. Quand il y aura des intentions réglementaires qui
sont importantes, on va le faire. On l'a fait dans le cas de 83.1, on a
déposé, là, la liste des personnes qui étaient admissibles et des personnes qui
étaient exclues d'Objectif emploi. Ça a été
fait, là. Donc, on n'a pas du tout l'intention d'aller plus loin que le dépôt
de ces intentions réglementaires là. Ça permet, là, je pense, à la commission
de juger exactement de là où on veut aller.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jean, il vous reste
1 min 20 s.
M.
Turcotte :
J'aimerais les conserver pour plus tard.
Le
Président (M. Cousineau) : Oui. Alors, par alternance, M. le
député de Drummond—Bois-Francs.
Oui? Non?
M.
Schneeberger : Pas
tout de suite.
Le Président (M. Cousineau) :
D'accord. Mme la députée de Gouin.
• (17 h 40) •
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. J'appuie évidemment l'amendement de
mon collègue le député de Saint-Jean
et je résumerais ma pensée, dans le fond, mais je vais quand même prendre mon
temps, en disant que, comme chacun
sait, la formule consacrée, hein, qui s'appelle le diable est dans les
détails — sans
vouloir n'offenser personne, c'est
une formule consacrée — bien, c'est ce qui justifie mon appui à l'amendement. Le
règlement, dans ce cas-ci, va être tellement important, tellement
important que ça me paraît impossible qu'on adopte ce projet de loi sans avoir
pris le temps nécessaire de discuter des règlements. On a pu le voir dans les
graphiques, par exemple, que le ministre nous a déposés jusqu'à présent, on en a eu, des questions, puis on n'a pas
fini d'en avoir. Donc, tout ça a trait aux règlements.
Il nous a, à un moment
donné, distribué un autre texte, un autre document, qu'on aura peut-être l'occasion
de regarder à un moment donné, qui est la liste des catégories de personnes, par
exemple, qui pourraient être exclues des
obligations du programme Objectif emploi. C'est extrêmement important,
là, moi, j'ai déjà des idées sur d'autres groupes de personnes qu'il faut absolument
exclure de cette liste, en fait peut-être qu'à la fin de la liste il n'y aura
plus tellement de monde, finalement, à qui on devra imposer des
sanctions, parce que, finalement, les gens, même qui sont des primodemandeurs, même
jeunes, vivent tellement toutes sortes de problèmes que, dans le fond, on va vraiment,
à un moment donné, se demander collectivement : Mais pourquoi,
grand Dieu, on veut imposer des sanctions à ces gens-là?
Donc, moi, je
considère que c'est extrêmement important de pouvoir débattre du règlement,
et il y a d'autres raisons que je vais maintenant souligner. Tout le problème des rapports entre ce
que j'appelle l'État, dans ce cas-ci le ministère Emploi, Solidarité sociale, ses agents, hein, toutes ses institutions, tout son rapport avec les organismes
communautaires, ça, là, il faut
que ça soit extrêmement clair dans le règlement. J'ai déjà
posé des questions au ministre là-dessus, dans
certains cas, pas dans tous, mais dans certains cas, les réponses m'ont
satisfaite, sauf que je souhaite voir ça par écrit dans un règlement
qu'on aura pu regarder et qu'on aura pu débattre. Par exemple, quand le ministre dit : Les organismes qui ne sont pas dans le même rapport avec le ministère...
Mettons, d'un côté, on a les carrefours jeunesse-emploi,
ça, c'est une chose, mais, par exemple, les auberges du coeur n'ont pas d'entente contractuelle avec les centres locaux d'emploi. Et donc, si un jeune qui est dans une
auberge du coeur fait une fugue, etc., non, l'auberge du coeur n'est pas tenue
de se rapporter, en bon québécois,
au centre local d'emploi, là, pour
faire ce que certains pourraient apparenter à une forme de délation,
puisque ça conduit à des sanctions. Bien, moi, je voudrais voir ça par écrit,
je voudrais voir le libellé puis je voudrais qu'on puisse en discuter.
Quand je vois
que 344 organismes jeunesse sont sortis aujourd'hui pour dire au
ministre : «Vous faites fausse route»,
on ne peut pas traiter ça à la légère. 344 organismes jeunesse, ce n'est
pas deux ou trois comme ça, au coin de la rue, 344, des gens qui travaillent en décrochage scolaire, soit avec des
jeunes encore à l'école ou avec des jeunes après l'école, les écoles de rue, les auberges du coeur justement, le ROCAJQ,
regroupement des organismes communautaires jeunesse, 344. Est-ce que
tous ces gens-là ont mal compris le projet de loi, ou bien... En fait, moi, je
ne pense pas, je pense qu'ils ont très bien
compris. Et ce que je pense, c'est qu'ils sont très inquiets de l'effet des
sanctions sur les jeunes, parce qu'on
parle beaucoup de jeunes ici, puis justement ces groupes-là s'occupent des
jeunes, ils sont inquiets des effets sur les jeunes et ils sont inquiets des effets du projet de loi en général
sur leur propre existence, sur leur manière de travailler, sur une
autonomie qui leur est très chère, parce que ça fait partie de leur façon de
travailler.
Et ça, je
fais partie des personnes ici — il y en a d'autres, il n'y a pas que
moi — qui
devraient être très bien placées pour comprendre qu'est-ce que c'est,
l'autonomie du mouvement communautaire, parce que c'est une des valeurs fondatrices, c'est de pouvoir décider, à partir
des besoins exprimés par la communauté, de la manière dont on travaille
avec les gens, dont on s'occupe, dans ce
cas-ci, des jeunes. Mais là on un projet de loi qui, dans son principe, a de la
valeur mais qui, dans son application
pratique, au niveau des sanctions, à mon humble avis, fait fausse route, mais
là je m'aperçois que ce n'est pas
seulement mon avis, ce n'est pas seulement l'avis de l'opposition officielle,
c'est l'avis de 344 organismes jeunesse.
Alors, de deux choses l'une, ou ils se trompent
tous, ils n'ont rien compris, ils pensent que c'est du «workfare», ou alors ils ont compris et ils ne sont pas d'accord.
Ils sont d'ailleurs venus nous le dire, en passant, via leurs regroupements
nationaux, là, en commission parlementaire. Donc, en fait, ils récidivent.
Et ces gens-là, ces intervenantes et intervenants,
je pense, seraient extrêmement intéressés, tout comme nous, de savoir qu'est-ce
qu'il y a dans les règlements. Les règlements, là, ça complète les projets de
loi, on comprend tous ça comme parlementaires, mais les groupes le
comprennent pas mal bien maintenant aussi, et ils comprennent que, très
souvent, il n'y a pas une mégaconsultation au niveau des règlements, hein?
Alors, demander une durée minimale de six heures de discussion sur l'ensemble
des règlements sur ce projet de loi là, là, ce n'est pas énorme et ça
m'apparaît extrêmement acceptable.
Une autre raison pour laquelle ça m'apparaît
vraiment acceptable, c'est tout le problème du financement des organismes communautaires. C'est bien beau, là,
dire : On va mettre sur pied quelque chose de formidable, ça va
s'appeler Objectif emploi, là-dedans il y a une section qui est le
développement des habiletés sociales, alors on compte sur les groupes d'alpha, on compte sur les ACEF, on compte
sur tous ces organismes, là, qui aident les gens, effectivement, à se reprendre en main, oui, mais le problème, c'est
qu'ils manquent de financement. Ils manquent cruellement de financement,
ces organismes-là, et là on voit des reportages télévisés qui nous expliquent
qu'il y a des organismes qui vont devoir fermer
leurs portes quelques mois, faute de financement, puis c'est à ces
organismes-là qu'on veut faire affaire quand on veut aider les gens à développer
leurs habiletés sociales. Il y a quelque chose qui ne marche pas, là.
Alors, est-ce que, dans les règlements, nous
trouverons des indications nous amenant à penser qu'il y aura rehaussement du financement des organismes
communautaires? Ça serait fort intéressant. Je sais qu'un certain
nombre, la semaine dernière, ont eu la bonne nouvelle d'une augmentation de
3,5 %, mais ça, c'est loin, loin, loin d'être tout le monde. Alors, est-ce que le gouvernement a
l'intention d'augmenter de façon importante les subventions des
organismes communautaires, organismes de
plus en plus sollicités pour répondre à des tonnes de besoins psychosociaux
auxquels l'État ne répond plus beaucoup ou, en tout cas, moins qu'avant?
Disons-le comme ça, moins qu'avant.
C'est tout ça
qu'on veut savoir, M. le Président, et c'est pour ça que c'est important
d'avoir cette discussion sur le règlement
prix en vertu de l'alinéa deux, là. Il faut absolument avoir cette discussion.
Et je souligne que, si mon collègue prend le temps de déposer cet
amendement et si nous prenons le temps d'en discuter, c'est aussi parce que
tout l'article 83.1, c'est l'article de
base, c'est l'article fondamental qui est au coeur, là, de cette réforme de
l'aide sociale, qui ne veut pas dire
son nom, parce que c'est ça que c'est, une réforme de l'aide sociale, avec des
bons points, mon collègue de Richelieu
l'a dit, mais avec un problème, en fait, dénoncé par tellement de gens que de
deux choses l'une, ou tous ces gens-là ont tort, les organismes
jeunesse, la commission des droits, le Barreau, le Conseil du statut de la
femme, les syndicats,
en fait tous ces gens-là ont tort, ou ils ont mal compris, tous, ou alors il se
passe ici quelque chose qu'il ne devrait pas se passer, tout simplement.
Donc, M. le Président, j'appuie avec intérêt
l'amendement déposé par mon collègue le député de Saint-Jean.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, Mme la députée de Gouin. D'autres interventions sur l'amendement de M.
le député de Saint-Jean? M. le député de Richelieu.
• (17 h 50) •
M.
Rochon : Merci, M. le
Président. Alors, je l'appuie également, cet amendement, M. le Président, il
est plus que pertinent. Et, en effet,
tout à l'heure, mon collègue de Saint-Jean, qui recevait une confidence à
l'oreille de sa recherchiste toujours
bien informée, sa compagne de droite, là, à propos d'une affaire pareille lors
de l'étude du projet de loi n° 20, mon collègue de Saint-Jean n'a pas eu tort de signaler que le ministre de la
Santé et des Services sociaux — ou est-ce que je pourrais parler de jurisprudence? — avait accepté pareille idée qu'un règlement
du projet de loi soit étudié par la commission.
J'y ai siégé, à cette commission sur le p.l. n° 20, en compagnie de ma
collègue de Taillon et je puis vous dire que le ministre de la Santé et des Services sociaux, disons, ne nous
gratifiait pas très régulièrement de largesses dans cet exercice
démocratique d'examen d'un projet de loi. Et là, pourtant, il avait bien
convenu, je pense que c'était à l'article...
On étudiait l'article 68 du projet de loi n° 20, puis il y avait un
règlement là-dedans. Il avait convenu qu'il était pertinent que la commission l'examine, qu'il ne
pouvait rien invoquer qui puisse, là, constituer un argument en faveur
de l'idée contraire, c'est-à-dire de ne pas regarder de plus près ce règlement.
Alors, on est, je trouve, là, dans le même contexte exactement.
Le règlement pris en vertu de l'article 2,
il est important, hein? Lisons ensemble le deuxième alinéa du 83.1 : «Malgré les dispositions du chapitre I, toute
personne visée par règlement — règlement — qui aurait droit de bénéficier d'une prestation en vertu du Programme d'aide
sociale pour le mois qui suit sa demande d'aide financière de dernier
recours doit d'abord participer au programme Objectif emploi.» Alors, il faut
bien savoir c'est quoi, ce règlement-là. Il faut le voir, il faut l'examiner
très avant. Je sens que le ministre, là, a consulté ses...
Une voix : Son équipe...
M.
Rochon : ...son équipe et
qu'il y consentira, je ne vois pas comment d'ailleurs il pourrait ne pas y
consentir. C'est un grand démocrate — non seulement un gentleman, M. le député de
Saint-Jean — hein,
convenons que c'est aussi un démocrate et qu'il voudra qu'on examine ça
de plus près, puis mon collègue de Saint-Jean a raison de le dire, la sagesse élémentaire commande ça. Il faut le voir,
ce règlement, pour découvrir quelle personne est visée et qui aurait
droit de bénéficier d'une prestation en
vertu du programme... doit d'abord participer au programme Objectif emploi.
Alors, je ne crois pas que j'aie besoin
d'argumenter bien plus longtemps. Un petit peu encore, M. le ministre? Vous
n'êtes pas prêt encore à nous dire un beau oui, là. Bon, parfait, alors
je vais poursuivre un peu, M. le Président, pour que le ministre mûrisse bien,
là, sa décision, là. Hein, vous n'êtes pas certain encore.
Alors, c'est un six heures au maximum d'étude de
ce règlement pour lequel vous argumentez, collègue de Saint-Jean, c'est ça...
M.
Turcotte : Minimal.
M.
Rochon : Minimal, une durée
minimale de six heures, minimale de six heures, par cette commission
compétente de l'Assemblée nationale. Ah! mon collègue consentirait même à
maximale de six heures. Vous voyez comme il
est... il veut que nous allions de l'avant avec cet examen, là, du règlement,
par principe, mais aussi pour être certain,
là, que nous ne commettions pas d'erreur. Alors, voilà, M. le Président, je
pense que le ministre est bien mûr, là, pour nous dire ce beau mot de
trois lettres : «Oui».
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Richelieu. M. le ministre.
M. Blais : Moi, je n'ai rien à
ajouter, M. le Président.
Le
Président (M. Cousineau) : Vous n'avez rien à ajouter. Alors,
est-ce qu'il y a d'autres intervenants concernant l'amendement de M. le député de Saint-Jean? Bien,
si vous voulez poursuivre, M. le député de... parce qu'on a d'autres
intervenants et intervenantes ici, là.
M. Rochon : Si je peux me permettre,
M. le Président, je suis un peu déçu que le ministre n'ait rien à ajouter, quand bien même il ne s'agirait pas de ce
mot de trois lettres, «oui», que j'appelle de tous mes voeux, là.
J'aimerais... sérieusement, là, je badine un peu, mais j'aimerais ça l'entendre
m'expliquer pourquoi le ministre de la Santé et des Services sociaux a dit oui
à l'examen d'un règlement inscrit à l'article 68 du projet de loi
n° 20 et que lui dirait non à l'examen d'un règlement tout aussi important,
fondamental même, puisqu'il apparaît dès l'article fondateur du projet de loi n° 70. J'aimerais, là, sérieusement
l'entendre là-dessus, là. Je ne voudrais pas être limitatif et l'obliger à nous
dire oui ou non. Peut-être que c'est plus nuancé que ça, j'en conviens.
M.
Blais : Je dirais tout aussi sérieusement, là, cette fois-ci, là, tout
aussi sérieusement que, si jamais le projet avance bien et qu'on se
comprend bien, là, à la fois sur les autres articles, et tout ça... Parce que
ce n'est pas le temps d'inclure
une clause comme celle-là. Alors, si vous voulez que cette clause-là, elle
porte... Dans votre sensibilité, là, c'est de pouvoir regarder l'ensemble des règlements... je ne parle pas seulement
à 83.1 mais l'ensemble des règlements, que ce soit regardé à part. Si c'est ça que vous voulez, hein,
on le fera, mais on le fera à la fin du parcours, quand on aura terminé
le projet de loi. Je suis prêt à regarder ça à la toute fin. Mais ce n'est pas
le moment d'introduire une clause comme ça.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de... bien, c'est-à-dire que, par alternance, j'irais avec... Oui,
Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : M. le Président, je ne prends pas à la légère l'offre du
ministre, mais j'ose quand même avancer
que, là, on prend les choses, d'après moi, un petit peu à l'envers. Je ne
prends pas ça à la légère, mais le problème d'un pareil projet de loi, en plus de certains problèmes qui, moi,
m'apparaissent fondamentaux au plan des principes et au plan pratique,
le problème, c'est que le règlement, dans ces conditions-là, prend, occupe une
place extrêmement importante. Et donc
connaître et débattre l'ensemble des règlements une fois toute la discussion
terminée sur le projet de loi est
beaucoup moins intéressant, à mon humble avis, moins pertinent, nous apporte
moins, me semble-t-il, que d'avoir une discussion peut-être un peu plus
rapide, là, un peu plus rapide, certainement, en tout cas, avant l'adoption du
projet de loi. Ça, c'est sûr et certain.
Je ne sais
pas si c'est ça que le ministre a voulu dire. Est-ce qu'il a voulu dire...
Parce qu'il dit : Allons jusqu'à la fin, on le fera. Mais, «allons jusqu'à la fin», peut-être juste
pour être sûrs qu'on se parle clairement, là, est-ce que ça veut dire
avant adoption ou après adoption?
Le Président (M. Cousineau) :
On peut lui demander de préciser. M. le ministre.
Mme David (Gouin) : Bien, c'est ce
que je pensais, M. le Président.
M.
Blais : Bien, c'est-à-dire que je pense que, si les collègues... Il y a deux possibilités. Les collègues ont une objection
de principe, ils ne veulent pas qu'Objectif emploi soit adopté, c'est tout à fait possible, objection de principe, bien, à ce moment-là on n'a pas
besoin de discuter de ça. Mais l'autre possibilité, c'est qu'il
n'y a pas d'objection de
principe, mais il y a
des inquiétudes, notamment à l'intérieur de ce qui pourrait être dans des
règlements, compte tenu que ça a des conséquences
sur les personnes, ce qu'on a déjà reconnu. À
ce moment-là, bon, allons de l'avant
avec Objectif emploi, regardons-le,
toujours en présentant nos intentions réglementaires. J'ai toujours dit qu'on
allait présenter nos intentions réglementaires.
Mais, si les
collègues veulent un double tour, une protection double en disant : Quand
la loi sera adoptée, quand vous déposerez vos intentions réglementaires
de facto, approuvées par le Conseil des ministres, on veut revenir ici pour
avoir une discussion, si c'est de ça dont on parle, moi, je suis prêt à y
aller, mais il faut que les collègues me montrent
qu'ils n'ont pas d'objection de principe. Je respecte que vous ayez des
objections de principe, je suis totalement en désaccord avec vous, mais,
si vous en avez, on n'ira pas plus loin dans cette discussion-là.
Mais, si
jamais c'est vraiment les risques par rapport aux intentions
réglementaires qui sont problématiques,
avançons dans le projet. Moi, je vais
déposer mes intentions. Ensuite, le gouvernement va déposer ses intentions.
Puis on pourrait regarder la mécanique, là, qui pourrait vous satisfaire. Je
suis prêt à aller jusque-là pour qu'on avance, qu'on progresse.
Le
Président (M. Cousineau) : Compte tenu de ces dernières
paroles, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 17 h 59)