(Onze heures huit minutes)
Le
Président (M. Cousineau) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour à tous et à toutes. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 70, Loi
visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et
l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration en emploi.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Turcotte (Saint-Jean) remplace M. Leclair (Beauharnois); M. Lebel
(Rimouski) remplace M. Therrien (Sanguinet); et M. Lemay (Masson) remplace M.
Lamontagne (Johnson).
Étude détaillée
(suite)
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la secrétaire. Alors, lors de notre dernière séance, nous avions
entrepris l'étude d'un sous-amendement du député de Saint-Jean à l'amendement
de la députée de Gouin à l'article 380... excusez-moi, 83.1 proposé à l'article
28.
Donc, nous en
sommes à la poursuite de nos interventions, mais je vous donne avant le temps restant.
Donc, pour M. le député de Saint-Jean, il vous reste une magnifique
1 min 35 s; Mme la
députée de Gouin,
vous savez, votre temps est écoulé pour le sous-amendement.
Mme David (Gouin) : Bien oui, M. le
Président.
Le
Président (M. Cousineau) : Bien oui. Voilà. Et puis, pour M.
le député de Rimouski,
qui remplace M. le député de Richelieu,
alors il vous reste 12 minutes sur le temps, quoique...
Une voix : ...
Le Président (M. Cousineau) :
Vous avez un beau 20 minutes, monsieur.
Une voix : Ah, non!
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M. Cousineau) :
Pas de problème, pas de problème.
Des voix : ...
Le Président (M. Cousineau) :
S'il vous plaît! S'il vous plaît! À qui la parole? Oui, votre minute...
• (11 h 10) •
M.
Turcotte : Je vais
faire une déclaration de député sur le sujet, M. le Président.
Le
Président (M. Cousineau) : Ah! c'est une minute, la déclaration
de député. Donc, il y a 35 secondes qui...
M.
Turcotte : Bien là,
prenez-moi pas tout mon 30 secondes, là, de plus, là, M. le Président.
Donc, juste
pour qu'on se remette un peu, là, dans le bain... Au fond, mon sous-amendement
vise à ajouter «d'une personne...»
Parce que l'amendement de notre collègue la députée de Gouin est très bon.
C'est suite à notre débat sur le fait
que, pour un couple à l'aide sociale, 965 $, s'il y a une sanction pour un
des deux membres du couple, ça ferait en sorte que le revenu du couple,
donc de la famille, serait amputé de la sanction. Donc, inévitablement, il y
aurait une conséquence pour l'autre membre du couple qui, lui, participe
peut-être au programme ou peut-être ne participe pas parce qu'il n'a pas à
participer au programme parce qu'il est peut-être déjà prestataire actuellement
de l'aide sociale.
Donc, pour
éviter qu'un individu, donc une personne d'un couple soit pénalisée par une
sanction due à l'autre membre du couple, la députée de Gouin dépose un
amendement qui règle cette question-là. Nous, on ajoute «d'une personne...» parce qu'on considère que, de toute
façon, obligation ou non, on ne devrait pas toucher à la prestation de base d'aide sociale, qui est de 623 $ pour
une personne, et on considère... Puis j'ai fait la nomenclature, là, de
témoignages, là, des gens, là, de la
Mauricie et du Centre-du-Québec et d'ailleurs aussi, je considère qu'à
623 $ par mois c'est déjà difficile de se trouver un logement, de pouvoir
s'habiller, se vêtir, se nourrir décemment, etc., donc on ne devrait pas
toucher au 623 $ par mois qui est la prestation de base.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Saint-Jean.
Vous êtes en plein dans le temps. M. le ministre, voulez-vous réagir? Ça
va? Très bien. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur le sous-amendement?
M. le député de Rimouski, vous avez 20 minutes.
M.
LeBel : O.K.
Oui, effectivement, l'amendement qui est amené par la députée de
Gouin, je pense qu'il va sous le sens, là, de dire qu'il ne faut pas diminuer le revenu d'une famille,
puis le sous-amendement amène «d'une personne...» — ce
qui est correct aussi — sous
le niveau de la prestation de base reconnue à l'article 56. Je pense,
ça va dans le sens surtout de
la loi qu'on... comme j'ai déjà expliqué, avait fait l'unanimité, là, le consensus
à l'Assemblée nationale, la loi qui vise à lutter contre la pauvreté et
l'exclusion sociale.
Moi,
bien, je vais en profiter, parce que moi, je trouve que le projet de loi qu'on travaille actuellement, à mon
avis, il ne va pas dans le sens du
grand consensus qu'on avait développé autour de la loi pour
lutter contre la pauvreté. Ce consensus, c'était
qu'on devait lutter contre les causes, quand
même, de la pauvreté. On devait
travailler sur ces causes-là. On devait essayer d'enlever la pauvreté,
de faire en sorte qu'il y a moins de gens qui tombent dans la trappe de la
pauvreté. Puis on luttait contre la
pauvreté, on ne luttait pas contre les pauvres, on s'attaquait à la pauvreté.
C'était ça qui était le sens de la
loi qui, je répète, avait fait consensus avec tous les partis qui étaient à l'Assemblée nationale à cette époque-là.
Puis,
depuis, la loi, même si ce n'était pas parfait... Parce que moi, je pense qu'il y
a bien des éléments de la loi, je
trouve que le gouvernement n'a pas
respectés, là. Il y avait des clauses d'impact pour certains projets de loi que je serais curieux de voir
si la clause d'impact avait été... ou on avait pris en compte la clause
d'impact sur la pauvreté dans beaucoup
d'actions que le gouvernement a faites dans tout le climat d'austérité, dans
les coupures qu'on a eues depuis un an. Je
pense, ça a eu des impacts sur la
pauvreté, puis je suis certain que, s'il
y avait eu vraiment
une analyse à partir de la lunette de
la loi pour lutter contre la pauvreté, on aurait pu voir que ces lois ou ces
interventions du gouvernement n'allaient pas dans le sens de l'objectif
de lutter contre la pauvreté.
Et
ce qu'on voit maintenant, avec ce projet
de loi qui nous est déposé, c'est que
ça vient briser ce contrat social qu'on
avait entre les groupes puis le gouvernement, où on voulait lutter contre la pauvreté. Puis la
grande mobilisation qui avait été mise en place dans tous les comtés du Québec,
on le voit... puis les députés, on le voit, dans nos bureaux de comté : le milieu de la santé, les groupes
communautaires, autour de tables de
concertation souvent qui avaient été comme encouragées par les CRE, les grandes tables de concertation, les gens se
sont réunis pour se poser la question : Qu'est-ce qu'on fait, dans notre communauté, pour lutter
contre la pauvreté? Il y a eu plein d'initiatives, plein de mobilisation
partout. C'était positif, c'était une mobilisation pour travailler sur
le transport en commun, sur le logement, sur les soupes populaires, l'alimentation. Plein d'initiatives du genre qui ont été
faites partout, une grande mobilisation depuis plusieurs années, des fondations, comme la Fondation Chagnon
aussi qui s'en est mêlée, qui est venue... ils participaient. Une grande
mobilisation positive pour lutter contre la pauvreté.
Puis
on essayait de sortir aussi du piège du préjugé, de dire : Si toi, tu vis
dans la pauvreté, c'est parce que c'est ton problème. Il y a eu quelque chose que tu n'as pas fait comme il
faut, là. Soit tu as lâché l'école trop de bonne heure, tu n'étais pas assez vaillant, tu t'es isolé...
l'alcool, la dope, n'importe quoi, mais c'était... on a essayé de se sortir des
préjugés puis de l'accusation,
toujours, de la personne, qui devait se sentir coupable un peu d'être à l'aide
sociale. Et ça, c'était souvent porté
par... Quand je parle de préjugés, c'est facile à dire, là. Quand j'entends, de
temps en temps, du gouvernement, de dire : Bien là, la personne, on va
l'aider à se prendre en main, là, il faut qu'elle se prenne en main, il faut sortir
de la pauvreté, il faut qu'elle se
prenne en main, il faut que la personne travaille, apprenne à se lever le matin
ou... comme si ces personnes-là ne le faisaient pas ou ils étaient
paresseux par définition parce qu'ils étaient tombés dans la trappe de la
pauvreté. Ça fait que, depuis quelques années, on travaille à se sortir des
préjugés.
D'ailleurs,
là, je l'ai oublié, là, mais, lundi, j'étais à Rimouski puis on m'a déposé un
guide... un groupe de citoyens de la région, soutenus par les alliances, là, de
comités contre la pauvreté, ont bâti un guide depuis trois ans, une pièce
de théâtre qui circule partout dans la
région, et un guide pour essayer de lutter contre différents préjugés qu'on
peut avoir par rapport aux gens qui
vivent de la pauvreté. Je voulais vous l'amener, vous le déposer, M. le
ministre, ça sera pour les prochains jours. Mais c'est intéressant de
voir cette action-là, que je dis encore positive. On dit : Comment on
peut, comme communauté, mieux intervenir?
Puis il y a des actions, là. Quand je parlais de transport en commun, là, si on
aide un peu... puis on permet, par différentes mesures, que des gens
moins en moyens puissent avoir accès au transport en commun pour se chercher un emploi, pour aller s'alimenter ou les
comptoirs alimentaires... tu sais, Moisson, chez nous, c'est hyper
important, bien, comment on peut les soutenir. Toute cette mobilisation,
c'était positif.
Là,
on arrive dans un projet de loi qui met un peu ça de côté, puis il dit :
Bien là, on va travailler sur la personne qui doit s'en sortir. Et là on le rend plein d'obligations où on pousse
l'individu à répondre à ces obligations-là. On le rend un peu comme responsable, là, de ce qu'il vit puis
on dit : Si tu marches dans le cadre qu'on te donne, bien, on va te prendre,
toi, puis ça... On ne parle pas de la
communauté autour, là, mais on parle de toi, on va te soutenir, mais il faut
absolument que tu participes parce
que sinon... laisser entrevoir qu'il pourrait comme ne pas participer ou qu'il
pourrait... Puis il y a des mots des
fois, comme le ministre disait... je ne me souviens plus c'était quel dossier,
mais il disait : À la CLE, on a fait des ouvertures pour des
informations, mais il y en a un sur 10 ou un qui venait se présenter pour venir
chercher de l'information, comme si, par définition, ça voulait dire qu'on ne
peut pas les laisser tout seuls vouloir s'impliquer ou s'investir, il faut
aller les chercher puis il faut les obliger, sinon ils ne viennent pas nous
voir.
• (11 h 20) •
D'un autre
côté, les groupes communautaires en arrachent, n'ont pas de soutien, ils ne
sont pas capables de soutenir leurs activités. On remet en question les
fonds comme le Fonds québécois d'initiatives sociales. Tout ce qui pourrait comme mobiliser du monde,
on met ça de côté, mais on dit : Là, vous allez embarquer dans la machine
bureaucratique, puis vous allez avoir
des obligations à livrer, puis... Puis les obligations, des fois, moi... je ne
sais pas, le ministre a donné des
ouvertures, là, mais toute l'idée du déplacement, d'obliger les gens à se
déplacer, là, plusieurs kilomètres pour aller chercher un emploi, ou embarquer dans le programme ou dans le stage qui
est proposé, ou... Dans des régions comme la mienne, là, c'est... quand
on dit : Se déplacer, là, c'est partir d'un village puis aller dans la
ville ou aller à Rimouski, à Matane, à
Rivière-du-Loup, ou partir à Lévis, ou Québec, ou je ne sais pas trop, mais c'est déraciner du
monde, des fois, des familles. Tu
sais, ce n'est pas magique comme entre quartiers de Montréal,
là, il y a une situation qui est différente. Mais c'est un genre de projet de loi encore, comme bien d'autres projets
de loi, qui est fait mur à mur, où on
intervient directement avec les mêmes obligations pour chacun, pour tout
le monde, qu'ils viennent de la ville ou de régions.
Puis, en bout
de ligne, c'est ça que l'amendement amène, c'est-à-dire que ces personnes-là, tout ça pour 623 $ pour
une personne seule, 965 $ pour une famille. Un couple, il faut voir ce que
ça donne, là. Tu sais, on a de la misère à arriver. Quand tu as payé un logement avec tout ça, comment tu veux...
Tu sais, je pense qu'avant de commencer à parler de tout ça il faut essayer de conceptualiser ou de réfléchir c'est quoi,
le revenu minimum qui est décent pour vivre, pour avoir accès à certains services puis accès juste à
de la bouffe. Je pense qu'il y a des discussions à avoir là-dessus, mais là
on ne parle pas de ça, on dit : On va
s'attaquer aux personnes puis on va dire : Vous êtes obligés ou pas
d'embarquer dans le programme ou pas.
Moi, depuis
le début, je me dis : On est à l'envers dans l'étude de ce projet de loi
là. On a un projet de loi de lutter contre
la pauvreté qui est là depuis 12 ans, je pense, on est rendus à la 12e année.
On devait, après 10 ans, se rasseoir puis l'étudier, on ne l'a pas fait. Il me semble qu'on aurait pu, comme
parlementaires, faire un bon bilan de cette loi-là puis de voir jusqu'où ça nous a amenés. C'est quoi, les
côtés positifs? Puis il y a plein de comités, là, qui ont déposé certains rapports
puis ça aurait été intéressant de voir.
Entre autres, il y en a un, moi, un comité qu'une de ses propositions que je
trouvais intéressantes, c'est qu'il
disait : Si la loi sur la pauvreté a réussi... on a eu des gains pour
lutter contre la pauvreté, c'est qu'on
l'a vraiment décentralisée puis on l'a démocratisée, tu sais, on a donné des
moyens à des groupes partout dans les régions
puis on a collé les interventions aux réalités des régions. C'est un constat
que, je pense, un des comités, là, qui conseille
le ministre, qu'il avait émis, que c'était un bon constat, mais on n'a jamais
eu l'occasion d'en discuter concrètement, du bilan de la loi sur la pauvreté. Puis, dans la loi sur la pauvreté,
on se donnait des cibles sur 10 ans. Des cibles, bien là, il faudrait
s'en donner d'autres. Ça n'aurait été pas mauvais non plus de s'asseoir puis de
dire : Tiens, c'est quoi, nos prochaines
cibles? On ne l'a pas fait. On a embarqué aussi dans un nouveau plan d'action
pour lutter contre la pauvreté, mais c'est fait sans véritable débat.
Et là, malgré
ce qu'on n'a pas fait vraiment, c'est qu'on ne s'est pas donné vraiment une
vision globale de ce que ça pourrait
être, lutter contre la pauvreté, puis à partir d'expériences qu'on a faites,
puis faire un bilan, puis se donner des nouvelles cibles, malgré qu'on n'a pas fait ça, on a tassé ça de côté
puis on embarque dans un projet de loi qui vient changer les règles au niveau du Programme d'aide sociale,
qui vient changer les règles au niveau de la solidarité sociale. Il me semble qu'avant de toucher à ça on aurait pu se
donner une vision. Mais là on a décidé de ne pas faire ce travail-là, ce
qui fait qu'aujourd'hui, bien, il faut agir
à la pièce puis on découvre, dans le projet de loi, différents articles, puis
il faut essayer d'améliorer.
Puis il me
semble que le ministre devrait en convenir, que l'amendement de la collègue de
Gouin, sous-amendé par mon collègue
ici, vient au moins donner une règle de base, là, de respect des gens qui
vivent la pauvreté, c'est-à-dire que,
pour nous autres, il ne faut pas que ça vienne diminuer le revenu de ces
personnes-là sous le niveau de la prestation de base; au moins, qu'il y ait un minimum qui est reconnu actuellement.
Si on n'est pas capables de reconnaître ça, bien, là, vraiment, on n'est pas dans le sens de tout ce
qu'on a pu faire comme avancées pour lutter contre la pauvreté depuis 10 ans.
Il me semble qu'on est partis du reculons.
Il me semble que ça va de soi que l'amendement de la collègue, sous-amendé
par mon collègue, vient au moins répondre à
certains enjeux ou certaines craintes que les gens ont un peu partout, que les
gens nous ont posés puis qu'ils ont envoyés dans les mémoires.
Ça fait que je ne sais pas comment le ministre
voit ça. Je ne vois pas le problème d'intégrer cet amendement sous-amendé, là, qui nous permet au moins de
reconnaître qu'il y a un revenu, là, qu'on ne peut pas... on ne peut pas aller
plus bas que ce revenu-là, là.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Rimouski. M. le ministre, voulez-vous réagir?
M.
Blais : Je regrette qu'on ne se soit pas vus à Rimouski, j'étais là
lundi. Donc, c'est assez intéressant parce que, bon... souligner tout
d'abord...
M. LeBel : Les Halles.
M. Blais : ...un petit café que vous
connaissez bien...
M. LeBel : Le Café des Halles.
M.
Blais : ...je pense, qui est bien charmant, le Café des Halles, avec
des propriétaires qui sont, hein, tout à fait méritoires parce que, depuis plus de 20 ans, ils embauchent des
personnes, là, dans leur cuisine, qui sont différentes, qui ont des handicaps. Ils bénéficient aussi d'un contrat
d'insertion au travail — tout à fait normal — pour financer une partie de la rémunération. C'est quand même des personnes
qui sont un peu moins rapides que d'autres, hein? Il faut que les collègues
employés tolèrent aussi la situation, hein?
Un petit peu moins rapides pour laver la vaisselle peut-être que son voisin,
mais, bien, ces
gens-là, ils sont, hein, dans la dignité du travail. Puis, ensuite, on est là
pour les aider, hein? On est allés faire un tour aussi au centre local d'emploi, on a parlé notamment avec les
agents... les agentes, parce que c'étaient pas mal des agentes qui
étaient là sur Objectif emploi, sur la façon dont ils voyaient les choses.
Je pense que
ce qu'ils appréciaient bien dans le programme. D'abord, ça s'adresse à des
nombres restreints de personnes.
Hein, il faut toujours rappeler que c'est des premiers demandeurs. Au centre
local d'emploi de Rimouski, c'est à
peu près 80 par année, qui sont des personnes qui seraient à l'intérieur de ce
programme-là. Le centre local d'emploi de
Rimouski, c'est un assez gros centre local d'emploi, c'est normal, ils sont
tout à fait capables de gérer ça. D'autant plus que ce qu'ils me disaient, c'est qu'ils ont déjà un bon taux de
participation. Ils sont contents de la participation des jeunes, au centre local d'emploi, dans les
activités, dans la réinsertion. Ils voyaient bien que ça permettait de les
mobiliser un petit peu plus parce que
là on a des montants supplémentaires qui sont intéressants, notamment pour
qu'ils puissent poursuivre leurs études.
Elles ont, puis je vais vous dire franchement,
elles ont un mauvais souvenir de la période du programme du Parti québécois à la fin des années 90 parce que
là c'étaient des pénalités qui s'adressaient à toutes les personnes aptes.
C'est des centaines de milliers de personnes
au Québec, et là ça pouvait devenir compliqué à gérer. Donc, là ils voyaient
bien, je pense, que, hein, une gestion, là,
d'un programme avec des petits nombres de personnes dont ils savent qu'il y a
des chances de retourner sur le marché du
travail, compte tenu quand même que le marché du travail peut être intéressant,
là, dans votre coin de pays... Je le
dis, je le répète, là, je pense que c'est nécessaire : Le projet de loi va
favoriser la sortie de l'aide
sociale. Ce que l'on veut, hein... Puis je ne pense pas que le collègue veut
que les gens restent à l'aide sociale, veut absolument les empêcher de sortir de l'aide sociale, je ne pense pas que
c'est ça qu'il souhaite. Il veut qu'ils sortent dans les meilleures
conditions possibles. Ça, on s'entend là-dessus.
Donc, cette
pratique-là d'avoir des éléments de réciprocité, ça existe aujourd'hui, partout
dans le monde, partout au Canada.
Est-ce que c'est toujours bien fait? Est-ce que c'est de la bonne façon? Hein,
ça, c'est une autre question. Mais, même
dans les pays sociaux-démocrates, on en a parlé hier, c'est une pratique
courante d'avoir des éléments de réciprocité, donc des possibilités... Il faut bien insister, c'est des possibilités,
là, de réduction pour une période de temps. Mais je vous rappelle que le programme que l'on a ici, c'est un
programme qui fait en sorte que, dès qu'une personne, bon, a eu un manquement ou deux manquements, a une diminution,
il est possible, ensuite, de se rattraper, de revenir à l'intérieur de sa
démarche sur laquelle on s'est entendus, et elle retrouve tous ses droits.
Je vous
rappelle que la formule, là, qui avait été mise en place par le Parti
québécois, la personne ne retrouvait pas
ses droits. Une fois que c'était perdu, c'était perdu pour une période de temps
qui pouvait aller jusqu'à un an. Donc, on
est vraiment dans la recherche de la lutte contre la pauvreté, de la sortie de
l'aide sociale. On ne s'entend peut-être pas sur les moyens, mais je peux vous dire que les moyens dont on dispose, c'est
des moyens qui sont réputés comme ayant un effet, disons, positif parce qu'on a bien sélectionné les personnes.
Encore une fois, les personnes qui sont aptes à apporter une contribution, on leur fournit des ressources,
on leur fournit un parcours aussi, là, pour qu'elles puissent s'en sortir. Donc, on est très, très loin, là,
du modèle, là, qui avait été mis en place, par le Parti québécois, à la fin des
années 90.
• (11 h 30) •
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le ministre. M. le député de Rimouski.
M. LeBel : Vous savez, je sais qu'en
politique ça ne se fait pas bien, bien, paraîtrait-il, mais il faut toujours défendre bec et ongles ce qu'on a fait depuis...
Moi, je ne suis pas gêné de dire qu'il
y a peut-être des choses qui ont
été faites, dans les anciens gouvernements du Parti québécois, qui auraient pu être faites autrement. Je ne suis
pas gêné de dire ça, puis c'est la façon que moi, je fais de la politique.
Ça fait que : Est-ce qu'il y a des choses qui auraient pu être faites autrement?
Je vous le laisse, peut-être, mais...
Mais, ceci
étant dit, maintenant, on est en train d'étudier un projet de loi qui va avoir
des impacts, là, puis... Ça fait qu'on
peut bien se dire : Bon, vous autres, vous avez fait ci, vous avez fait
ça... Moi, je vois les impacts comme député, parce que j'ai des gens qui viennent me voir. Puis, lundi, c'est vrai,
vous étiez à Rimouski, je l'ai su par la bande, on aurait pu se croiser, j'étais à l'autre bout de la rue.
Mais, si vous étiez resté un peu plus longtemps — je pense que vous êtes parti pour
Rivière-du-Loup en après-midi, là — je vous aurais fait
rencontrer le groupe qui lutte contre les préjugés. Dans un petit café, sur Saint-Germain... sur la Cathédrale, à Rimouski,
on s'est réunis, puis ils nous ont... Eux autres, depuis deux ans, ils font une pièce de théâtre pour
lutter contre la pauvreté. Et, dans les acteurs, là, il y a des gens qui vivent
la pauvreté, il y a des intervenants,
il y a toute sorte de monde. Puis là il y a les gens de Cogeco qui sont mêlés à
ça pour produire un genre de vidéo
avec un... C'est une belle démarche, là, collective, et, comme vous étiez là,
c'est dommage, vous auriez pu rencontrer ces gens-là puis ils auraient
pu vous témoigner de leur démarche.
Parce que
c'est un peu ça, quand vous dites... vous dites un peu : J'espère, ou je
n'en doute pas, que le député de Rimouski ne veut pas que les gens restent
à l'aide sociale. Bien, ça ne se pose comme pas, la question, là. Je ne veux pas que les gens restent à l'aide sociale, puis je
pense qu'il n'y a personne qui veut rester à l'aide sociale. Mais poser la
question, c'est comme laisser entrevoir
qu'il y a des gens qui voudraient peut-être rester à l'aide sociale. Puis,
quand on part de là... c'est cette prémisse-là, moi, qui me fatigue un
peu. C'est de dire : Peut-être qu'il y a des gens qui veulent rester
là-dessus, là, puis là on va aller les sortir de ça, là, un peu de force, là,
en leur disant : Bien, si tu ne participes pas, bien, tu vas avoir des problèmes. Parce que, si tu ne participes
pas, on va peut-être te couper puis tu vas être en bas de ce que tu
reçois déjà. Ça fait que, si tu veux en avoir un peu plus, participe, sinon, tu
es dans le trouble.
Mais être
dans le trouble... ils sont déjà dans le trouble : bien, les repousser
dans le trouble encore sur cette base-là que peut-être qu'ils ne veulent pas s'en sortir, moi, c'est ça qui me...
j'ai l'impression qu'il y avait comme un contrat social, depuis la loi pour lutter contre la pauvreté, où
on travaillait sur les causes, on ne travaillait pas sur accuser des individus,
tu sais. Puis, tu sais, là, il y avait une
série d'articles, là, en Gaspésie, là : Des compressions lourdes de
conséquences dans l'Est.L'austérité et l'éloignement, un cercle vicieux
pour les femmes de la Gaspésie.
Dans ces régions-là, quand tu vas voir un jeune, là, qui...
Le
CLE, là, c'est des gens qui travaillent fort, en passant. Le CLE de Rimouski,
c'est des gens qui accueillent le monde,
puis qui travaillent très fort, puis qui étaient aussi, il n'y a pas longtemps,
deux, trois ans, étaient comme partie prenante
dans la mobilisation communautaire. Quand il y avait des rencontres de
concertation pour savoir comment on peut faire pour soutenir un projet
ou mieux intervenir auprès de la clientèle, ils participaient aux rencontres,
avec les groupes communautaires, avec les
autres... Et on sait ce que c'est, dans ces communautés-là, là, on est tous des
chums, là, on essayait de voir comment on pouvait faire pour mieux aider
le monde.
À
un moment donné, l'année passée, j'étais un peu surpris, j'ai dit : Ils
sont où, les gens du CLE? Bien là, ils avaient eu la directive du Conseil
du trésor qu'ils ne pouvaient plus sortir de leurs bureaux, ça fait qu'ils ne
pouvaient plus participer aux activités.
J'ai dit : Bon, ça commence bien, tu sais. Mais c'est ça qui est comme un
peu brisé, ce genre de solidarité ou de mobilisation de la collectivité
pour lutter contre la pauvreté, travailler sur les causes.
Puis
on oublie souvent l'histoire de l'exclusion sociale, mais ça aussi, c'est un
élément important, là. Quand tu vis la pauvreté, tu t'exclus, puis, quand tu
vis des problèmes de santé puis des problèmes de... c'est un cercle vicieux
qui... Puis, quand tu es en région,
quand tu es dans un village... Moi, à Rimouski, les gens du Halles, c'est vrai
qu'ils travaillent très bien, là,
puis... C'est une ville assez importante puis là les gens... Mais, quand tu es
dans les villages, je ne sais pas, moi,
quand tu es à Trinité-des-Monts ou à Saint-Marcellin, tu es assez éloigné, là,
puis là il y a eu les coupures dans la forêt,
il y a les coupures en agriculture, il y a des difficultés, il a des gens qui
allaient chercher des petits revenus autour de ça, ils n'ont plus ces revenus-là, ils font face à l'aide sociale... Des
villages qui sont en difficulté, un peu dévitalisés, là, il faut que tu
embarques dans un programme comme ça, là, qui dit : Bien là, si tu restes dans
ton village, tu ne peux pas avoir accès.
Nous autres, on va te sortir de là, on va t'emmener ailleurs, on va t'emmener
en ville ou ailleurs. Tu sais, sur papier,
c'est beau, là, tu dis : Regarde, on va l'aider, on va l'encadrer parce que
là il ne veut pas vraiment s'en sortir, puis nous autres, on va
l'aider à s'en sortir.
Quand
tu vis dans ce village-là puis qu'à chaque année tu as travaillé à l'érablière,
tu as réussi à te sortir un salaire qui avait de l'allure pour continuer
à bien vivre dans ta communauté, mais là toutes les coupures qu'il y a eu dans
ces milieux-là, les difficultés... puis
la forêt privée, chez nous, c'est un problème majeur... mais là tu te retrouves avec plus rien... Et tout ça, ce qui est proposé là, bien,
la personne, dans sa famille, tu sais, là, elle se sent... c'est comme si tout
est focussé sur la personne,
dire : Tu sors de là, tu viens embarquer dans les programmes,
sinon on va te couper en bas de... Tu
es déjà dans le trouble, on va te mettre encore plus dans le trouble, tu vas
avoir moins d'argent au bout du mois. Moi, je suis un peu désolé, là, de travailler là-dedans. Je vous le
répète : J'aurais aimé mieux qu'on travaille sur la vision qu'on a
du Québec sans pauvreté.
Je
rencontrais Mgr Grondin, là, l'archevêché chez nous, puis c'était un peu ça, il
avait encore l'épinglette du groupe qui
avait proposé la loi sur la pauvreté, puis c'était une bonne discussion, on
avait une discussion plus large. Puis j'aurais aimé ça, parce que je sais que le ministre, on aurait eu une bonne
discussion avec lui aussi, puis il pourrait s'ouvrir plus puis donner un
peu plus sur la vision plus large qu'il voit d'un Québec sans pauvreté. Puis là
on est en train... dans la tuyauterie...
puis on frôle souvent les préjugés quand on part, en se disant que peut-être
qu'il y a des gens qui veulent rester sur l'aide sociale. Ça fait que
j'aurais aimé mieux qu'on ait un grand débat, mais je pense qu'on ne l'aura
pas. Merci.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. le député de Rimouski. M. le ministre.
M. Blais :
Peut-être une précision qui est importante, là, je pense que, jusqu'ici, il me
semble qu'on a eu des discussions... On a
été prudents, là. Je n'ai pas entendu beaucoup de personnes ici, hein, qui ont
énoncé des préjugés... que des gens
ne veulent pas s'en sortir ou que des gens ne savent pas comment s'en sortir,
hein? Parce que c'est souvent ça
aussi, les gens ne savent pas comment procéder, quelles sont les possibilités,
parce qu'ils ont vécu des échecs. Quelle que soit leur situation, disons, de départ, hein, ils ont besoin d'être
appuyés dans leurs démarches, encadrés, en même temps en leur rappelant que tous les efforts que l'on fait pour eux, en
contrepartie — oui, en
contrepartie — on a le
droit d'avoir des attentes. C'est
vraiment ça, les prémisses, je ne pense pas que ça parle... ou ça nourrit
quelques préjugés que ce soit.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Alors, est-ce
qu'il y a d'autres parlementaires qui veulent intervenir sur le
sous-amendement déposé par le député de Saint-Jean? Sinon, je vais mettre au
vote...
M.
Turcotte :
M. le Président?
Le Président (M.
Cousineau) : Oui, M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte :
J'aimerais qu'on procède au vote par appel nominal.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, vote par appel nominal. Mme
la secrétaire, sur le sous-amendement de M. le député de Saint-Jean, qui
propose d'ajouter, après le mot «revenu», les mots «d'une personne...»
M.
Turcotte :
«...ou».
Le Président (M.
Cousineau) : «...ou». Allez-y.
La Secrétaire : M. Turcotte
(Saint-Jean)?
M.
Turcotte : Pour.
La Secrétaire :
M. LeBel (Rimouski)?
M. LeBel :
Pour.
La Secrétaire :
M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)?
M.
Schneeberger :
Contre.
La Secrétaire :
M. Blais (Charlesbourg)?
M. Blais :
Contre.
La Secrétaire :
M. Hardy (Saint-François)?
M. Hardy :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Sauvé (Fabre)?
Mme Sauvé :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Simard :
Contre.
La Secrétaire :
M. Polo (Laval-des-Rapides)?
M. Polo :
Contre.
La Secrétaire :
M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys)?
M. Poëti :
Contre.
La Secrétaire :
M. Cousineau (Bertrand)?
Le Président (M.
Cousineau) : Je m'abstiens.
La Secrétaire :
C'est rejeté.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors donc, le sous-amendement est rejeté. Nous revenons à l'amendement de Mme la députée de Gouin. Le temps restant pour l'amendement,
je vous donne...
Une voix :
...
Le
Président (M. Cousineau) : Oui. Pour M. le député de Saint-Jean, il vous reste 1 min 30 s; M. le député de Drummond—Bois-Francs, vous avez 10 min 5 s; Mme la députée de Gouin,
c'est terminé pour vous; et puis, évidemment, il y a 20 minutes pour le député de Rimouski.
Alors, à qui la
parole? Oui. M. le député de Saint-Jean.
• (11 h 40) •
M.
Turcotte : Bien, je vous remercie, M. le Président. Je veux juste en profiter pour reprendre un peu
les derniers propos du ministre
lorsque, bon, il fait référence à la contrepartie. On a déposé... J'ai déposé
un amendement qui aurait pu justement montrer la volonté
du ministre d'aller dans ce sens-là : de faire en sorte que le ministre et
le gouvernement prennent l'obligation d'offrir les services à la population.
Quand
on voit, là, dans les reportages de Radio-Canada, actuellement, là : Lorsqu'un
organisme d'aide est au bord
du précipice, un organisme qui
aide des gens, là, qui ont des dépendances, des troubles de santé mentale, qui
sont sur le bord d'être obligés de
fermer leurs portes parce qu'ils n'ont plus les ressources financières pour
respecter leur mission... Mais ça,
c'est des gens, là, qui reçoivent de l'aide. Dans la case, là, habiletés
sociales du programme, là, que le ministre nous a déposé, Développement
des habiletés sociales, c'est un peu de ça qu'on parle.
Donc,
moi, j'entends le ministre qui nous dit : Oui, pour les nouveaux
demandeurs, ils vont être obligés d'embarquer dans le programme. Mais, quand c'est le gouvernement qui doit offrir des
services, de l'accompagnement personnalisé, là, pour les gens, là il n'y en a pas, d'obligation de les offrir, les
services, et c'est à géométrie variable. Donc, la contrepartie, moi, je crois que, si le ministre veut qu'on le
croie, je crois qu'il aurait dû accepter notre amendement. Ou il est encore
temps pour lui de déposer un amendement qui
dit que le gouvernement prend l'engagement et l'obligation d'offrir les
services à la population.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Saint-Jean.
Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement de
madame... Oui. Monsieur... Excusez-moi. M. le ministre.
M.
Blais : Juste pour un élément, là, parce que le collègue m'interpelle,
là. Donc, j'étais en désaccord avec son amendement, disons, pas sur le fond, mais sur la forme, parce que la
proposition était redondante. La formulation que nous utilisons très clairement crée des engagements au gouvernement. Ça
a été encore réaffirmé hier. C'est pour ça qu'on ne jugeait pas à propos
de la changer inutilement.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Alors, M. le
député de Rimouski, vous avez 20 minutes.
M.
LeBel : Oui. Merci, M. le Président. Mon collègue a parlé des
organismes en Gaspésie, et le ministre parlait de sa visite à Rimouski lundi, ça fait que j'ai juste le goût de lui
conter un peu ma journée de lundi. Bon, je parlais que j'ai rencontré Mgr Grondin. On a fait un peu le tour de...
on a parlé beaucoup de la pauvreté, de la lutte à la pauvreté. Puis, dans la région, vous savez comment l'archevêché,
ils sont souvent impliqués au niveau des comptoirs alimentaires, puis
tout ça. On a fait un bon tour d'horizon. Et j'ai rencontré aussi des gens de
l'UQAR, les retraités de l'UQAR.
Tu sais, le
ministre travaille sur un projet de loi où on vise les personnes, mais il y a
quand même un contexte autour, puis
le contexte est difficile de ce temps-ci. Quand les retraités de l'UQAR... il y
a beaucoup de pauvreté aussi chez les aînés.
Toujours, on essaie de travailler pour les soutenir puis pour soutenir les...
Tu sais, souvent, on fait ça, soutenir les aînés, là, briser un peu l'isolement, bien, c'est souvent
par des actions, des activités. Des activités, tu sais, on parle de villes et
villages amis des aînés, il y a plein
d'activités comme ça pour permettre aux aînés de sortir de leur isolement,
souvent parce qu'ils sont tout seuls, pas beaucoup de revenus.
Bien là,
actuellement, avec la fin des CRE, il y avait des ententes, il y avait des
enveloppes qui étaient données, dans
les régions, pour soutenir des activités avec les tables régionales d'aînés.
Bien, ces fonds-là n'existent plus avec la fin des CRE, et les programmes sont tous centralisés à Québec. Ça fait que
là on fait des appels d'offres, et les fonctionnaires, à Québec, étudient les projets qui rentrent, sans
vraiment savoir où ça s'intègre dans la région et est-ce que ça répond à la
région. Bref, beaucoup d'activités qui étaient dirigées auprès des aînés, entre
autres certains qui vivent la pauvreté, bien, ces activités-là ne sont plus soutenues. Et ça, ça faisait partie,
là, de la vision d'améliorer ou de soutenir notre monde dans nos communautés.
Maintenant,
si je parle des aînés, là, ce que les gens me disaient, là, c'est que toutes
les décisions sont centralisées sur
le bureau de la ministre, et on se demande par quel... si c'est tiré au hasard
ou je ne sais pas trop quoi, comment ça fonctionne pour avoir du soutien. La centralisation à outrance, comme
disait le ministre des Transports : C'est icitte que ça se passe, c'est à Québec que ça se passe, c'est
icitte que ça se passe. Pourtant, quand on prenait des décisions en région,
entre autres la... Je parle juste de la
table des aînés. Il y avait des initiatives le fun, des initiatives qui
permettaient aux aînés de briser l'isolement. Puis ça, quand on parle de
ça, c'est la pauvreté.
Après ça,
j'ai rencontré des gens de COSMOSS... je ne sais pas si le ministre a déjà
entendu... dans le Bas-Saint-Laurent. Il
y a les gens de COSMOSS qui interviennent pour les enfants... bien, les 0-30
ans, pour avoir une meilleure qualité de vie, des meilleures attitudes de vie. Et c'est sur la santé, ils travaillent
sur plein d'aspects. Bien, eux autres, ce qu'ils me disaient, c'est qu'ils perdent des gens parce qu'avant les CPE avaient un peu de temps pour s'impliquer pour
essayer de détecter des enfants de familles qui vivaient la pauvreté.
Ils avaient le temps de détecter puis ils avaient le temps d'intégrer des problématiques dans les tables de
concertation autour du projet COSMOSS Bas-Saint-Laurent. Bien là, les CPE, vous savez ce qu'ils vivent, bien, ils n'ont
plus le temps de faire ça, ils sont débordés pour essayer de trouver des façons
de financer leurs centres. Et ils s'étaient donné un genre de groupe régional,
que le ministère soutenait, mais que le ministère a décidé d'arrêter de
soutenir.
Ça fait qu'il
y avait une table régionale qui représentait les CPE, qui pouvait leur
permettre de travailler, dans des concertations avec des groupes comme
COSMOSS, pour des activités pour aider les jeunes à se sortir de la pauvreté ou détecter les familles qui sont en difficulté.
Bien là, les gens de COSMOSS venaient me dire : Bien, on aimerait bien
travailler là-dedans, mais les directrices
dans les CPE sont débordées, elles ne peuvent plus venir à nos rencontres. On
peut comprendre ça. Puis le groupe régional,
bien, il n'a plus de financement, ils sont tout seuls. Puis c'est la dernière
année, il n'y aura plus un cent, ça fait
qu'ils ne pourront plus participer à nos affaires. Ça fait que là on est en
train de perdre encore une expertise
qui pouvait peut-être permettre à... qui ne pouvait pas peut-être, mais qui
permettait de lutter contre la pauvreté puis l'exclusion.
Après ça, je
rencontre des gens de la ressource. Ça, c'est un groupe qui intervient auprès
des personnes handicapées, Bas-Saint-Laurent—Gaspésie. Bien, eux autres, la même chose, ils
viennent demander... Parce que c'est grand, la région, là,
Bas-Saint-Laurent—Gaspésie,
là. De La Pocatière jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine, là, c'est... Bon, eux
autres, ils interviennent auprès des
personnes handicapées, ils se financent par des téléthons, par toutes sortes
d'activités. Et là ils demandaient un
genre d'ajustement de leur financement parce qu'ils n'arrivent plus, il y a
beaucoup de demandes des personnes
handicapées. Encore là, souvent, les personnes handicapées, on le sait, c'est
l'isolement et, si on ne veut pas échapper personne, bien, ce groupe-là,
même chose, complètement désorganisé, si... Il y avait des bureaux à Matane, il y avait des bureaux à Rivière-du-Loup, il y
avait des bureaux à Gaspé, là ils vont tout fermer ça, ils vont essayer de tout
centraliser ça à Rimouski, essayer de sauver
des sous, mais, en bout de ligne, là, c'est des personnes qui n'auront pas les
services.
Ensuite, je
suis allé à l'activité pour lutter contre les préjugés. Ça fait que ça, c'est
des exemples, mais il y en a plein, d'exemples
comme ça, où on voit que, dans la communauté, ils sont déstabilisés, depuis un
an, avec l'abolition de certaines structures de concertation qui
permettaient de soutenir des projets. Avec la fin de ces structures-là, bien,
les gens sont démobilisés,
ils sont inquiets, ils sont à bout de souffle. Les aînés, les groupes de
femmes, c'est la même chose. Les centres de la petite enfance, différentes organisations comme ça qui venaient
comme lutter contre la pauvreté, qui venaient améliorer notre communauté, rendre une communauté plus
consciente de la pauvreté puis des actions qui pouvaient être faites...
Là, je pense aussi à d'autres groupes comme
Je raccroche, qui luttaient contre le décrochage scolaire, qui, à chaque année,
sont toujours en train de recommencer à sauver les meubles.
Moi,
quand on ne prend pas le temps de parler de cette situation-là, quand on ne
prend pas le temps de regarder ce... pour
faire une vraie photographie de ce qui se passe, ce que nos groupes
communautaires vivent... Dans le logement, c'est la même affaire : le logement social, là, avec AccèsLogis, c'est la
même chose, on est en train d'échapper plein de monde. Il me semble qu'on devrait prendre le temps de
regarder ça avant de se dire : Bien là, on va aller voir, là, pour aider
la personne qui veut s'en sortir, là,
ou qui ne veut pas s'en sortir, mais qu'on va l'aider à s'en sortir, puis... Je
trouve, comme je disais tantôt, on y va pointu, sans prendre le temps de
regarder le contexte plus large.
Puis
on ne peut pas faire comme si ça n'existait pas, s'il n'y avait pas un genre
de... On l'a vu, dans les articles, là, en Gaspésie, mais on le voit,
tous les députés le savent, là, vous autres comme nous autres, là, dans nos
bureaux de comté, on reçoit plein de monde,
là, de groupes communautaires qui sont débordés. Moi, c'est un peu un cri du
coeur, là, je ne sais pas trop, mais je suis un peu fatigué de voir ces
groupes-là venir dans mon bureau puis ne pas être capable de leur répondre, tu sais, leur dire : Non,
il n'y en a plus, il n'y a plus rien, il n'y a plus de programme, il n'y a
plus... Puis ça, je ne sais pas par
où prendre ça, je vais écrire une lettre au ministre... J'écris une lettre au
ministre, il n'y a pas de...
• (11 h 50) •
Il
y a une situation difficile qu'on vit, que les groupes vivent, puis ça, ça a
des répercussions sur les gens qui vivent la pauvreté, entre autres. Puis il me semble qu'on devrait se préoccuper
de ça avant de commencer à se virer de bord puis aller voir... Il faut faire
les deux, il faut travailler avec la personne. Mais il me semble qu'on devrait être capables de se préoccuper de ce qui se passe
autour de nous autres. On est en train d'échapper beaucoup de monde. Puis vous
ne réussirez pas à aller les chercher par ce programme-là, vous ne réussirez
pas à aller chercher tout le monde. On va en échapper, parce que les groupes
communautaires, les interventions faites dans nos communautés par différentes
organisations, comme je dis, aînés, femmes, tout le monde, bien, ça permettait
à des gens d'échapper à la trappe de la pauvreté.
Mais là on fait comme si ça n'existait pas, on fait comme si c'était comme il y
a deux, trois ans, là, qu'il n'y a pas
eu de changement, mais il y en a. La fin des CRE a donné un gros coup, puis la
fin de beaucoup de programmes, en habitation, entre autres,
ça a donné des coups.
La
fin de l'aide qu'on donnait dans nos communautés rurales, toute la Politique
nationale de la ruralité, ça faisait travailler du monde dans nos communautés
rurales. On a arrêté tout ça. Bien, ça engendre des conséquences. Puis ça a des
conséquences sur des individus que vous
allez essayer de rattraper en leur disant : Bien, si tu embarques, là, on
va t'aider, mais, si tu n'embarques
pas, bien, tu es dans le trouble. Il
me semble qu'on aurait dû, en tout cas, avoir un vrai portrait de la situation de ce qui se passe dans
nos régions.
Dans
tous les cas, si on revient... on m'en montre, là, il y a plein... des coupures
qu'il y a dans les régions un peu partout,
là, en Gaspésie, on le voit, là, l'impact, dans... Les CLD ont
travaillé avec du monde... tout le changement avec l'agence régionale de la santé, ça a eu des
impacts aussi. Je ne sais pas, mais comme si on est en train de travailler pour
essayer de dire : On va faire une loi pour aider des gens à se sortir de
la pauvreté sans se préoccuper ou faire comme s'il
n'y avait pas eu de changement dans nos communautés. Il y en a eu plein, M. le ministre, et il y a eu plein de monde, plein de groupes qui ont été
abandonnés puis qu'en bout de ligne c'est des individus qui sont abandonnés.
Ce n'est pas normal,
là, qu'on est obligés de, deux ou trois fois par année, faire des levées de
fonds pour les comptoirs alimentaires. Ce n'est pas normal qu'on... Là, tout le
monde aide, tout le monde fait quelque chose; bien, ce n'est pas un projet de société, ça, de soutenir des comptoirs alimentaires. Il
me semble qu'on devrait avoir une vision plus large. Mais là on est
pointus, pointus, pointus, en mettant toute la responsabilité sur l'individu.
Vous
avez raison quand vous dites que c'est partagé, chacun... des responsabilités, mais l'État a une responsabilité
aussi, une grande responsabilité. Puis je ne suis pas sûr que l'État prend ses responsabilités actuellement. Je suis loin d'être certain. Puis, comme parlementaire,
moi, pour avoir vécu... je n'étais pas parlementaire, là, j'étais chef de
cabinet à l'époque... mais, pour avoir vécu
tout ce qui avait été fait sur la loi sur la pauvreté, je regrette ce temps-là.
Tu sais, il me semble qu'on serait
capables, ensemble, de tout faire ça, prendre le temps de s'arrêter
puis de regarder ce qui se passe. Pourquoi on échappe autant de monde? Pourquoi
qu'il y a des jeunes qui décrochent quand on coupe dans les commissions scolaires puis il n'y a plus de
ressource dans les écoles? Les enseignants sont débordés. On perd du monde.
Bien, ce monde-là, il se ramasse où, vous pensez? C'est ce monde-là, là, que
vous allez essayer de rattraper, là?
Ça
fait qu'il me semble que ç'aurait été le temps d'avoir une vision plus
large, plus claire, plus honnête de ce qui se passe, qu'on aurait pu faire ça d'une façon transpartisane, sans se dire : Bien, vous
n'avez pas fait ci, vous n'avez pas fait ça. Il me semble qu'on aurait été capables de s'arrêter puis de penser à ça,
là. C'était ça, mon voeu, mais là on est embarqués dans un projet de loi
qui ne se donne pas cette vision-là puis je trouve ça malheureux.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. le député de Rimouski. Voulez-vous
réagir, M. le ministre?
M.
Blais : On est très, très loin de l'amendement, là. On est à quelques
années-lumière. Peut-être rappeler, là, au collègue, là, qu'il y aura un plan de lutte qui va être déposé le
printemps prochain. Il faut agir sur plusieurs fronts. Il a tout à fait raison, je ne dirai jamais le contraire. Il
faut aussi avoir une efficacité : même dans la lutte contre la pauvreté,
il y a des mesures qui sont plus
efficaces puis il y a des mesures qui sont moins efficaces. D'abord, il va
comprendre ça avec moi, puis il ne faut pas simplement faire plein de
choses, mais il faut faire des choses qui sont efficaces.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres réactions? Alors donc, est-ce
que l'amendement est adopté? M. le député de Saint-Jean?
M.
Turcotte :
M. le Président, j'aimerais qu'on procède au vote par appel nominal, s'il vous
plaît.
Le
Président (M. Cousineau) : Oui. Donc, je relis
l'amendement : Ajouter, à la fin de l'article 83.1, tel qu'amendé,
proposé par l'article 28, l'alinéa suivant :
«Aucune
disposition du présent chapitre ne peut avoir pour effet de diminuer le revenu
d'une famille sous le niveau de la prestation de base reconnue à
l'article 56 du Règlement sur l'aide aux personnes et aux familles.»
Mme la secrétaire?
La Secrétaire :
M. Turcotte (Saint-Jean)?
M.
Turcotte :
Pour.
La Secrétaire :
M. LeBel (Rimouski)?
M. LeBel :
Pour.
La Secrétaire :
M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)?
M.
Schneeberger :
Contre.
La Secrétaire :
M. Blais (Charlesbourg)?
M. Blais :
Contre.
La Secrétaire :
M. Hardy (Saint-François)?
M. Hardy :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Sauvé (Fabre)?
Mme Sauvé :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Simard :
Contre.
La Secrétaire :
M. Polo (Laval-des-Rapides)?
M. Polo :
Contre.
La Secrétaire :
M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys)?
M. Poëti :
Contre.
Le Président (M.
Cousineau) : Je m'abstiens.
La Secrétaire :
C'est rejeté.
Le Président (M.
Cousineau) : Avant de revenir à l'article 83.1, je reviens un
peu sur les derniers propos du ministre.
Lorsqu'on dépose un sous-amendement ou un amendement, il faut essayer de se
centrer sur ce qu'on dépose dans la
discussion. Parce que, là, ma grande générosité... puis je crois que c'est le
cas aussi de beaucoup de présidents et de présidentes, lorsque les discussions
se font bien, on permet une discussion assez large, mais n'oubliez pas qu'on
discute sur un amendement ou un
sous-amendement. Donc, il faut se ramener, de temps en temps, à ce qui est sur
la table. Alors, voilà.
Nous
revenons donc à l'article 83.1, et puis je vous donne le temps restant — parce qu'il y avait des gens qui avaient
commencé à discuter sur l'ensemble du 83.1 : M. le député de Saint-Jean,
il vous restait 3 min 60 s; M. le député de Drummond—Bois-Francs, 14 min 45 s; Mme la
députée de Gouin, vous avez 19 min 30 s; et puis évidemment, M.
le député de Rimouski, vous avez 20 minutes sur le 83.1.
Alors, qui ouvre la
discussion? M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte :
Merci, M. le Président. J'aimerais déposer un amendement. Ajouter, après le
premier alinéa :
«Aucune
disposition du présent chapitre ne peut aller à l'encontre de l'objectif de
renforcement du filet de sécurité sociale et économique tel qu'énoncé à
l'article 9 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion
sociale.»
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. le député de Saint-Jean.
Alors, je suspends quelques instants, le temps
de faire des copies de l'amendement.
(Suspension de la séance à 11 h 57)
(Reprise à 12 h 5)
Le Président
(M. Cousineau) : Alors, nous reprenons nos travaux. Donc, nous
avons un amendement qui est déposé, à l'article 83.1, par M. le député
Saint-Jean. Alors, à vous la parole, M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte :
Merci, M. le Président. Donc, l'amendement que je dépose actuellement, qui se
lit comme suit :
«Aucune
disposition du présent chapitre ne peut aller à l'encontre de l'objectif de
renforcement du filet de sécurité sociale et économique tel qu'énoncé à
l'article 9 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion
sociale.»
Si on se réfère à l'article 9 de la Loi visant à
lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, l'article 9 se lit comme
suit :
«9. Les actions liées au renforcement du filet
de sécurité sociale et économique doivent notamment viser à :
«1° rehausser
le revenu accordé aux personnes et aux familles en situation de pauvreté, en
tenant compte notamment de leur situation particulière et des ressources
dont elles disposent pour couvrir leurs besoins essentiels;
«2° favoriser
le maintien ou l'intégration en emploi des travailleurs à faibles revenus,
notamment par des suppléments à leurs revenus de travail;
«3° rendre
accessibles des services en matière de santé, de services sociaux et
d'éducation qui soient adaptés aux besoins spécifiques des personnes en
situation de pauvreté ou d'exclusion sociale;
«4° favoriser,
pour les personnes et les familles en situation de pauvreté, l'accès, en toute
dignité, à un approvisionnement alimentaire
suffisant et nutritif, à un coût raisonnable, de même qu'à une information
simple et fiable qui leur permette de faire des choix alimentaires
éclairés;
«5° favoriser l'accès à un logement
décent à un prix abordable par des mesures d'aide au logement ou par le développement du logement social, de même que par
le renforcement du soutien communautaire aux personnes plus démunies
socialement, dont les sans-abri.»
M. le
Président, l'article 9 fait partie de la loi sur la pauvreté et l'exclusion
sociale, loi qui a été adoptée à l'Assemblée nationale, pas par cette
législature-ci, bien entendu, mais par une législature précédente. Tous les
partis politiques à l'époque ont voté pour.
Je comprends que, bon, dans certains cas, c'est des nouveaux partis politiques,
mais, quand même, l'esprit était là.
Comme mon collègue l'a dit précédemment, il vient de le mentionner, notre
collègue de Rimouski... notre
collègue députée de Gouin qui, elle, était aux premières loges, là, à la
Fédération des femmes du Québec à ce
moment-là, mon collègue de Rimouski, je crois aussi qu'il n'était pas très
loin, là, dans les cabinets de ministres, etc., donc on a, ici, des
acteurs privilégiés, le ministre ne devait pas être très loin aussi, là,
dans...
M. Blais : ...
M.
Turcotte :
Pardonnez-moi?
M. Blais : ...
M.
Turcotte : Ah! bon.
Il était quand même là, dans l'actualité, si on peut dire.
Moi, je crois que — on l'a dit hier — l'article
83.1 est, à nos yeux, l'article fondateur — on le mentionne souvent, là — du programme Objectif emploi, qui donne
l'orientation, qu'est-ce que c'est, le programme Objectif emploi. Parce que le programme Objectif emploi, ça fait
deux budgets qu'on en parle, mais, à un moment donné, il faut le concrétiser,
et la concrétisation de ce programme-là, c'est dans un projet de loi, et là
c'est ce qu'on étudie.
Donc, nous,
ce qu'on dit, au même titre qu'on l'a mentionné hier, là, pour un autre article
faisant référence à la loi... je pense, l'article 15, si je me souviens
bien... on considère important, dans l'article fondateur, de donner quelques orientations au programme parce que beaucoup
d'éléments du programme Objectif emploi sont décidés ou décrétés par règlement... déterminés par règlement. Et le
règlement, on en a fait un long débat sur ça, sur le règlement précédemment,
et on en est venus à la conclusion,
réciproquement, que, même si nous connaissons les intentions réglementaires,
même si le ministre connaît ces
intentions puis, bon, a la voix au chapitre au Conseil des ministres, il n'est
pas exclu que le Conseil des
ministres peut décider d'aller dans une autre direction ou d'être plus
drastique, moins drastique, mais aussi un autre ministre, un autre gouvernement, peut passer par la suite
et changer le règlement.
• (12 h 10) •
Donc, on se
dit : Si c'est dans la loi, les principes de base... autant, hier,
l'article que nous avons déposé, l'amendement
concernant l'article, et là, aujourd'hui, ce que nous faisons, c'est qu'on donne des
balises, en disant au gouvernement, quel qu'il soit, peu importe le parti politique...
de dire : On ne veut pas aller en bas de ça ou on veut aller vers ça. Et là, dans le cas qui nous occupe, bien,
on dit qu'aucune disposition du programme Objectif emploi ne peut aller à l'encontre de l'objectif
du renforcement du filet de sécurité sociale et économique.
Dans
l'article 9, comme on fait référence dans l'amendement, on mentionne — le premier picot : «1° rehausser le
revenu accordé aux personnes et aux familles en situation de pauvreté, en
tenant compte notamment de leur situation particulière et des ressources dont elles
disposent pour couvrir leurs besoins essentiels.» Moi, quand je lis ça, je vois
le mot «rehausser», «revenu», «situation de pauvreté», etc. Donc, l'objectif,
le but, l'orientation, la vision de la loi sur la pauvreté et l'exclusion
sociale, dans l'article 9, c'est de rehausser le revenu des personnes, ce n'est
pas de le diminuer.
Donc, nous, on
considère que les propositions du ministre, notamment les sanctions, ne vont
pas dans cette orientation-là. Et je sais ce
que le ministre va me répondre — je suppose, là — il va me dire : Je comprends que
l'opposition officielle s'oppose aux
sanctions, je considère que ça tourne en rond. Il a même dit qu'on tournait à
vide, hier, puis tout ça, j'ai tout compris ça. Et, après quelques fois,
on vient qu'à comprendre assez vite, hein?
Mais,
je me dis, justement, quand on répète, ça a une vertu pédagogique. Ancien
professeur d'université, le ministre...
M. Blais :
...
M.
Turcotte :
Pardonnez-moi?
M. Blais :
Je l'ai dit souvent, honnêtement.
M.
Turcotte : Effectivement, le ministre l'a mentionné souvent.
Donc, notre façon, comme membres de l'opposition, qu'elle soit officielle, deuxième opposition ou
notre amie la collègue députée de Gouin, nous avons une responsabilité ici, à l'Assemblée nationale, de tenter, tenter,
hein... Nous voulons améliorer le projet de loi et, pour nous, le projet de
loi, à sa lumière, tant et aussi
longtemps qu'il y a le spectre des sanctions, nous pose problème. Donc, par cet
amendement-ci, nous disons : Il
peut y avoir des sanctions, à la rigueur, mais dans l'optique où ça ne va pas à
l'encontre du rehaussement du revenu accordé aux personnes et aux
familles en situation de pauvreté.
Parce
que des sanctions... il peut y avoir des sanctions autres que monétaires, à la
rigueur, là, hein? Le ministre peut
essayer de trouver une solution pour... Parce que c'était ça, sa grande
angoisse, là, que j'ai entendue, là, lors de la consultation particulière, même si elle n'était pas générale, là, quand
les groupes, là, étaient ici, là, hein, au micro à cette table-là, là, dans le milieu, là, bien, il
disait : Je vous entends. Certains groupes disaient : Nous sommes
contre l'obligation. Ça, ça réglait
la question. Certains groupes disaient : On est pour l'obligation, mais
contre les sanctions. Et le ministre disait :
Oui, mais comment on peut obliger quelqu'un s'il n'y a pas une sanction? Donc,
ça ne devient plus une obligation. Mais
là, ça, le ministre peut tenter de trouver une solution. Des fois — puis on l'a vu par le passé — par d'autres programmes, on considère que l'approche plus positive, parce
que, là, c'est un peu une approche... le bâton puis la carotte, là, donc c'est
pas mal le bâton... donc, des fois, une
approche plus positive peut permettre d'améliorer les choses, surtout que le
ministre l'a mentionné, en quelque
sorte, lui-même... J'avais retrouvé ça dans mes notes, là. Je n'ai pas cette
feuille-là, mais il a dit, hier... et
ça, ça m'a frappé. Ça m'a frappé, quand, hier soir, en terminant la commission,
ça m'est revenu que le ministre a
mentionné ça — et on
pourrait le lire dans les galées s'il
le faut, mais le ministre a mentionné : C'est sûr que, quand les gens font le choix eux-mêmes, c'est plus
facile. Il a dit ça. Il a dit ça : Quand les gens font le choix eux-mêmes,
c'est plus facile.
Donc,
moi, je comprends qu'au fond de lui, le ministre, il comprend notre
argumentaire, puis il l'entend, mais là
il y a une obligation pour lui d'essayer de trouver, là, une façon de
sanctionner les gens pour maintenir son obligation. Parce qu'il
l'a promis : il a dit, dans les médias, qu'il allait y avoir l'obligation. Donc là, il faut qu'il trouve une
solution pour maintenir l'obligation,
puis, pour ça, bien, c'est les sanctions, c'est ce qui paraît le plus facile. Mais moi, je crois qu'il y a d'autres
solutions, il y a d'autres solutions.
Puis,
si on va au fond de la question, M. le
Président, parce que c'est de ça
qu'il est question : Comment on peut faire pour aider les gens
à se sortir de la pauvreté? Le ministre nous a dit : Oui, par la
recherche intensive en emploi. Mais lui, il
a voulu ajouter la question de la formation et acquisition de compétences et le développement des habiletés sociales. Mais moi, quand je vois les trois blocs
qui sont présentés, qui... très intéressants, là, on l'a mentionné que le programme
Objectif emploi n'est pas que mauvais, là, c'est, bon, le bout de l'obligation
puis les sanctions qui posent problème, mais
le programme en soi est très bien... quand je lis ces trois blocs-là, que je vois ces
trois blocs-là, je reconnais beaucoup l'article 9.
Premièrement, bon, la question du revenu. Quand on voit le deuxième, bon,
«favoriser le maintien ou l'intégration en emploi des travailleurs à faibles revenus, notamment
par des suppléments à leurs revenus de travail», moi, je reconnais beaucoup
d'éléments là-dedans, parce que c'est le but, hein, de l'intégration en emploi; et
il y a des suppléments, effectivement.
Après ça, on parle de... ici, là, on
parle de «rendre accessibles des services en matière de santé, [et] services sociaux
et d'éducation qui soient adaptés aux besoins spécifiques des
personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale». Ça, c'est
l'article 9.
Je revois le bout sur
le bloc 7 : Formation et acquisition de compétences; puis il y a des
éléments du bloc 8 : Développement des habiletés sociales... Quand on voit des gens, là, qui ont des
dépendances ou des problèmes, dépression, peu importe, qui auraient besoin d'aide particulière... La collègue, hier — députée
de Gouin — mentionnait
que, bon, c'était difficile d'avoir
accès à un psychologue, là, si, bon, on n'a pas les moyens de se payer un
psychologue, d'attendre au CLSC. Moi,
j'ai quelques citoyens effectivement qui m'ont sensibilisé à cette question-là :
ils appellent au CLSC, ils vont au
CLSC, ils sont sur la liste d'attente, ça prend des semaines, des mois... c'est
plus des mois que des semaines avant d'avoir un rendez-vous avec le
psychologue. Moi, je vois des éléments du point 9, là, qui vont dans le sens du
programme... l'article 9, plutôt.
Quand
je vois «favoriser, pour les personnes et les familles en situation
de pauvreté, l'accès, en toute dignité, à un approvisionnement alimentaire
suffisant et nutritif à un coût raisonnable, de même qu'à une information simple et fiable qui leur permette de faire des choix
alimentaires éclairés», bien moi, ça me rappelle la discussion que j'ai eue
hier.
• (12 h 20) •
La discussion que j'ai eue hier, bien,
qui n'était pas vraiment une discussion, là, dans ce cas-là, c'était plus
un monologue, là, parce que
c'était pas mal moi qui parlais, mais où je reprenais des témoignages des gens de
Mauricie et du Centre-du-Québec qui nous ont rappelé certains cas où les gens
avaient, bon, le diabète, cholestérol, problèmes de santé, qui fait en sorte qu'ils doivent avoir une diète
particulière... Et on le sait, là, le prix des aliments augmente de plus en
plus. On le voit, là, dans... de tous
ordres. Et là, quand des gens ont une maladie, ont une situation
de santé particulière, bien entendu,
leur épicerie coûte plus cher, il faut en tenir compte. Puis souvent, malheureusement, c'est souvent les cochonneries, hein, qui coûtent moins cher, mais les bons aliments coûtent toujours
plus cher, et souvent les bons aliments, bien, c'est souvent ce qu'on
retrouve moins dans les comptoirs alimentaires parce que, bon, les banques
alimentaires sont aussi beaucoup dépendantes des dons, des dons que les épiciers,
que les supermarchés, que les citoyens donnent. Donc, souvent, c'est des aliments qui sont sur le point, là,
d'être périmés, ou autre. Donc, souvent, là, les denrées périssables, bon,
c'est plus difficile à conserver. Donc, moi, je vois qu'il y a
beaucoup d'éléments de l'article 9 de la loi sur la
pauvreté et l'exclusion sociale qui
se retrouvent dans les principes du programme Objectif emploi, à l'exception d'un point qui nous apparaît, nous, non négociable, la question
de l'obligation et les sanctions, qu'on voit que ça pourrait être
remis en question.
Donc,
sur ça, M. le Président, j'aimerais peut-être entendre, de la part
du ministre, ses intentions sur l'amendement
que j'ai déposé, voir s'il est d'accord
pour intégrer cet élément-là dans le projet
de loi, et sinon, bien, les raisons
qui le poussent à ne pas être favorable à notre amendement.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Blais : Il y a
deux difficultés avec la proposition qui est faite par le collègue député de
Saint-Jean. Tout
d'abord, le premier article de la Loi sur l'aide aux
personnes et aux familles est très clair, hein? Cette loi-là, elle se fait
«dans le cadre des principes et
orientations énoncés à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion
sociale». Objectif emploi est une
portion de cette Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, donc respecte l'article
1, là. Ça, c'est première chose.
Deuxième
chose, c'est possible que le collègue peut donner une autre signification à son
amendement. Je pense que c'est le cas, de donner une forme de statut,
là, hiérarchique à la loi-cadre... un
statut juridique, pardon, et une hiérarchie par rapport aux autres lois sociales, parce que la loi-cadre touche
l'ensemble des lois sociales et qui peut avoir une influence sur les conditions de vie des personnes, notamment
les personnes plus démunies. Et ce statut-là n'existe pas : la loi-cadre
demeure une loi-cadre qui vient, disons,
encadrer, aligner le gouvernement, là, sur ses orientations, mais la loi-cadre
n'est pas une référence juridique,
j'insiste, là, n'est pas une référence juridique à laquelle on peut faire appel
pour battre en brèche une disposition
ou une décision, là, du gouvernement. On peut toujours l'utiliser pour en
discuter, c'est ce qui est fait, là, en
ce moment, mais on ne mettra pas, dans la loi, un élément qui ferait en sorte
de donner à cette loi un statut qu'elle n'a pas.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte :
Bien, je ne sais pas s'il y a d'autres collègues qui aimeraient intervenir.
Le
Président (M. Cousineau) : Oui? On peut passer la parole à
d'autres collègues, évidemment. Par alternance, je passe à la deuxième
opposition. M. le député de Drummond—Bois-Francs, est-ce que...
M.
Schneeberger :
Ça va.
Le Président (M.
Cousineau) : Ça va pour vous? Merci. Alors, M. le... Excusez!
Mme la députée de Gouin.
Mme
David (Gouin) : Merci, M. le Président. Moi, je vais, bien sûr,
appuyer l'amendement du collègue le député de Saint-Jean. Je comprends très bien ce que le ministre vient de dire,
que la loi-cadre visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion n'a
pas un statut juridique, et moi, j'ajouterais, disons, comparable à celui de la
Charte des droits et libertés de la
personne, par exemple, je pense que tout le monde aura compris ça. Cependant,
il me semble que, lorsqu'on adopte
une loi-cadre... bien, en fait, le ministre le dit lui-même, hein, c'est qu'on
adopte une vision, une orientation, et je pense que c'est comme ça que ça a été compris en 2002, et cette vision
et cette orientation doivent guider l'ensemble de l'action gouvernementale
en matière de lutte à la pauvreté.
Donc,
de réaffirmer qu'aucune disposition du présent chapitre ne puisse aller à
l'encontre de l'objectif du renforcement du filet de sécurité sociale et
économique, bon, tel que prévu à l'article 9 de la loi, me paraît tout à fait raisonnable et me paraît conforme à l'esprit sinon
la lettre de cette loi adoptée en 2002. À moins qu'on décide que non seulement cette loi-cadre n'a pas de statut
juridique particulier, mais qu'au fond elle n'a plus beaucoup d'importance,
14 ans plus tard. Oui, on l'a adoptée, mais,
dans le fond, on ne s'en inspire plus. Bien, si c'est ça, il va falloir le
dire, mais ce n'est pas ça que j'ai
entendu jusqu'à présent. Jusqu'à présent, personne n'a prétendu que cette loi
de 2002 n'était pas importante dans, je dirais, la conception de tous
les paramètres, là, qui doivent nous guider dans la lutte à la pauvreté.
J'irais
plus loin. Bien sûr, on discute du projet de loi n° 70, on discute
particulièrement du programme Objectif emploi,
mais, à un moment donné, il faut faire des liens aussi, là. Le collègue député
de Rimouski parlait de sa journée de lundi à Rimouski. Moi, je n'étais
pas à Rimouski lundi, donc je ne parlerai pas de ça, mais moi, je vais vous
parler de quelque chose qui est lié directement à l'atteinte de résultat dans
le programme Objectif emploi. C'est comment on compte sur bon nombre d'organismes pour aider les gens, les accompagner,
les soutenir dans une recherche d'emploi et non seulement dans une
recherche d'emploi, mais dans le renforcement de leurs habiletés.
Et là il y a
vraiment un paradoxe, M. le Président, puis c'est pour ça que l'amendement du
collègue est important. Le paradoxe,
c'est le suivant. Pendant qu'on est en train de dire, ici, que, par exemple, on
veut permettre à des gens de renforcer leurs habiletés sociales dans un but
éventuel d'insertion à l'emploi, on ne donne pas aux organismes qui ont mission d'aider les personnes... et moi, je parle des
contextes, là, de préemployabilité... on ne leur donne pas les moyens
d'agir.
Alors,
en revenant de cette commission hier soir, j'ai, encore une fois, écouté les
nouvelles et j'ai, encore une fois, vu
un reportage tout à fait remarquable, mais déprimant, qui nous expliquait qu'en
Gaspésie — on n'est
pas loin de la circonscription de mon
collègue de Rimouski — bien là, il y a des organismes, là, qui ne veulent que ça, aider
des gens, et ils sont coupés. Des
gens avec des problèmes de dépendance à l'alcool, par exemple, mais là ils vont
être obligés de fermer quatre mois, à
partir de septembre, parce qu'ils n'ont pas assez d'argent pour accueillir les
gens, les mêmes gens que nous voulons
aider avec le projet de loi n° 70. Minimalement paradoxal, là, il y a un
problème. Puis c'est pour ça, à mon avis, l'importance de l'article 9 de
la loi contre la pauvreté et l'exclusion, puis c'est pour ça l'importance du
renforcement du filet de sécurité sociale et économique.
Si
on manque d'emploi pour les gens peu qualifiés, par exemple, qui est le cas de
beaucoup de gens à l'aide sociale, si les organismes communautaires ne
sont même plus capables de les aider alors qu'on leur confie de plus en plus de
mandats, mais de quoi on est en train de
parler, là? Le paradoxe est trop grand. Dans le même article 9, on parle, dans
un des alinéas, de s'assurer de la sécurité
alimentaire des personnes. Dans le reportage d'hier, on voit qu'il y a une
sorte de comptoir alimentaire, là,
dans la baie des Chaleurs, je crois, qui a de la difficulté à opérer, là,
pleinement puis à organiser ses cuisines collectives, encore une fois,
faute d'argent. Vraiment, on est dans la contradiction totale.
Dans
un autre alinéa de l'article 9, on parle de fournir à toutes les personnes qui
sont dans le dénuement, là, un logement,
hein, que les gens puissent se loger, là, décemment. Alors, avant-hier, les
femmes dont ces mêmes reportages parlaient,
franchement ne vivaient pas dans des logements décents; pour certaines
d'entre elles, en tout cas, c'était lamentable.
Mais, deuxièmement, je rappelle que le gouvernement actuel a décidé de diminuer
de moitié la construction de logements sociaux chaque année, là, pour
les prochaines années. Donc, paradoxe total.
Puis, pendant ce
temps-là, comme le disait le collègue tout à l'heure, on fait reposer sur les
individus la responsabilité de s'en sortir.
Et on est d'accord que les individus ont leur part de responsabilité, ça, c'est
certain, mais assumons-nous les nôtres, comme collectivité, comme État,
comme gouvernement? Moi, je pense qu'on les assume peu et moins bien qu'avant. Moins bien qu'avant : moins de
logements sociaux qu'avant, des organismes communautaires à qui on confie de plus en plus de mandats et
qu'on indexe à peine, à peine, des services publics — ça fait partie de l'article 9 aussi,
hein — qu'on
doit fournir aux gens vivant dans la pauvreté, des services sociaux, de santé,
d'éducation, même problème, difficulté
à rencontrer psychologues, médecins, travailleuses sociales, difficulté à avoir des
ressources pour aider les enseignants en milieu scolaire pour travailler
avec les jeunes.
Alors,
je pense qu'on ne peut pas décider à
la fois d'adopter un projet de loi qui, oui, va offrir des... enfin, qui dit qu'il va offrir des services aux personnes, mais, si j'ai bien compris, avec un grand total de 6 millions ou 5 millions — le
chiffre m'échappe, là — de
dollars de plus par année.
• (12 h 30) •
Une voix :
...
Mme
David (Gouin) : Cinq. Merci,
collègue. Cinq. C'est mince. C'est mince, M. le Président, là, pour remplir
l'ensemble de nos obligations
face aux gens en situation de pauvreté. En fait, ce n'est pas mince, c'est
famélique, soyons clairs. Et ce n'est
pas parce qu'il y aura 90 personnes équivalents temps complet de plus que ça, ça va
nous aider à offrir les services de santé et les services sociaux dans
l'éducation, dans le logement, soutien aux organismes communautaires. Ça, ça ne
fait pas partie, là, du 5 millions. Alors, moi, je ne sais pas ce qu'on va
faire avec tout le reste.
Donc,
je crois que nous devons soutenir vigoureusement l'amendement du collègue de
Saint-Jean. Il faut que ça soit
clair, là, que la loi qu'on veut adopter pour aider les personnes en situation
de pauvreté soit une loi qui tient compte de ce que nous dit la loi contre la pauvreté et l'exclusion et de ce
qu'elle est censée garantir aux
citoyennes et aux citoyens les plus démunis.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, Mme la députée de Gouin. M. le ministre,
voulez-vous réagir?
M. Blais :
Écoutez, donc, bien sûr, on a annoncé que le programme Objectif emploi allait
coûter des sommes supplémentaires, là, au gouvernement, puis on est prêts à les
investir parce qu'on y croit. Je rappelle : l'équivalent de 5 millions
par année pour ajouter 90 ETC.
C'est
difficile d'évaluer le coût des bonifications. Mais prenons un exemple simple,
là, faisons des mathématiques simples.
Si l'essentiel des primodemandeurs allait vers des mesures en éducation — en
formation, c'est bien ça — le coût du Programme d'aide sociale augmenterait de 56 millions de dollars dès
la mise en place pour la première année du programme.
À
cela, il faut ajouter qu'hier on a annoncé un rehaussement du financement de
l'ensemble des organismes externes avec
qui on fait affaire. On en a parlé, ici, souvent, hein? Les collègues avaient
des préoccupations — en
face — sur leur
situation. Donc, un rehaussement de 3,5 % sur un budget, Mme la
sous-ministre, de 200 millions, hein? Donc, ça doit nous faire quelque chose comme 7 millions — je fais un chiffre rapide; si j'induis en
erreur, là, vous me corrigerez tout à
l'heure — 7 millions
de plus. Ça, c'est les coûts des dépenses bien réelles, bien concrètes. C'est dire comment on y
croit. Et, encore une fois, je le répète : Aucune évaluation des économies ou des possibles économies qu'on pourrait faire
par des sanctions... parce que ça risque d'être mineur, ça ne vaut même
pas la peine d'être calculé.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Oui. Merci, M. le Président. Je remercie le ministre pour ses indications,
mais j'aimerais ça qu'il précise les informations qu'il nous donne. Quand le ministre nous dit : Si la majorité des
primodemandeurs — finalement, si
j'ai bien compris, là — se
retrouve dans le système d'éducation, ça coûtera 56 millions de plus.
Est-ce que ce 56 millions de plus, c'est le montant qu'il calcule en tenant compte
des allocations qui seront données aux primodemandeurs? Est-ce que c'est de ça que nous parlons lorsque
nous parlons du 56 millions?
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M. Blais : Oui. Donc, le 56 millions,
encore une fois...
Une voix : ...
M.
Blais : 54, pardon. Alors
54,5, c'est une évaluation sommaire,
c'est une multiplication du nombre de primodemandeurs moyens, là, par la
bonification, effectivement, de 260 $ par mois. C'est beaucoup d'argent.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Oui. Merci, M. le Président. Donc, je pense, j'avais bien
compris. 54,5 millions, c'est la somme totale qu'il faudrait pour qu'une
majorité, si j'ai bien compris, de primodemandeurs puissent bénéficier, là, de
services éducatifs, alors, j'imagine, formation aux adultes, formation professionnelle,
etc. Donc, c'est l'argent qui est calculé et
qui va directement aux primodemandeurs, mais je ne vois pas, dans tout ça,
d'argent supplémentaire donné au réseau de l'éducation.
Est-ce que,
par exemple, tout ce réseau, là, de formation professionnelle, d'éducation aux
adultes et d'organismes, comme celui
dont je parlais hier, qui essaient d'aller attraper des jeunes qui ont de la
difficulté à performer dans le système actuel
d'éducation aux adultes, est-ce qu'on pense soutenir ces organismes-là? Est-ce
qu'on va soutenir les organismes qui s'attaquent au décrochage scolaire? Il n'y
a pas que l'argent donné aux primodemandeurs au niveau de leurs
allocations. Ça, c'est bien, c'est intéressant, mais il faut aussi investir des
ressources financières pour que la manière d'éduquer,
pour que les jeunes, disons, là, qui vont se retrouver dans le système
d'éducation ne décrochent pas, justement, ou ne redécrochent pas, parce
qu'il s'agit souvent d'anciens décrocheurs. Est-ce que le ministre a pu parler
avec son collègue du ministère de
l'Éducation, le ministre de l'Éducation, pour s'assurer qu'au bout du fil, au
bout de la ligne, là, dans le système d'éducation, les services seront
au rendez-vous pour des jeunes qui ont des besoins particuliers?
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Blais : On a regardé ça un petit peu, hier, mais une bonne partie de
ces jeunes, c'est la formation des adultes. Parfois, ça peut être aussi vers la formation professionnelle,
certains... mais bon. Il faut rappeler que le système, quand même, le réseau de l'éducation a obtenu, au
dernier budget, la plus haute augmentation... je ne veux pas me tromper,
là, des fois, je me suis trompé, mais la plus haute augmentation de
tous les budgets des ministères du gouvernement du Québec, là, donc, hein, en meilleure situation que jamais pour
accueillir ça. D'autant plus que le financement, de toute façon, a
toujours un lien direct ou indirect avec la clientèle.
Donc, il y a
un intérêt. Moi, je sais bien qu'à Charlesbourg, là, c'est très clair, là, en
ce moment, les centres de formation aux adultes et professionnelle feraient
tout pour avoir plus d'élèves dans leurs murs, notamment, là, si le programme Objectif emploi pouvait leur en
apporter. Donc, moi, j'ai eu un soutien d'effectif d'une des directrices d'une
école de formation des adultes, à
Charlesbourg, sur Objectif emploi, parce qu'ils croient beaucoup qu'ils peuvent
vraiment aider ces jeunes-là.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Oui, je comprends, M. le Président, mais le réinvestissement
en éducation, il existe, mais il est
modeste. Il va couvrir à peine les coûts de système. On n'est pas dans un
réinvestissement réel en nouvelles capacités, par exemple, d'accueillir des jeunes en difficulté. Je ne doute pas un
instant de l'intérêt et de la motivation des centres de formation pour
adultes, des commissions scolaires qui l'organisent, tout ça. Je pense, la
question n'est pas dans la volonté des gens.
Je suis certaine que la volonté existe, mais je soumets que, pour un certain
nombre de jeunes, il va falloir des
ressources particulières, il va falloir soutenir les organismes communautaires
pour leur permettre de collaborer avec des
centres d'éducation aux adultes ou des centres de formation professionnelle
pour vraiment, là, aller chercher les jeunes qui ont de la difficulté à fonctionner dans un système qui est quand
même un peu rigide, là. Et ça ne tient pas à la bonne volonté ou à la mauvaise
volonté des gens, là. N'importe quel système, quand on met plein de jeunes dans
une classe, il y a des normes, il y a
des manières de faire, puis c'est difficile, à ce moment-là, de s'occuper de
chaque jeune qui a des difficultés
particulières. Donc, moi, je pense qu'on se trompe si on croit que le
réinvestissement en éducation va pouvoir garantir une aide réelle à ces
jeunes-là.
J'ai une
question aussi en ce qui a trait aux organismes, où le ministre dit,
hier : Nous avons annoncé un réinvestissement
de 7 millions. Je suis désolée, je ne l'ai pas vu passer, mais ce
7 millions concerne quels organismes? Je ne demande pas la liste, mais, je veux dire, quels types
d'organismes? Est-ce qu'on parle seulement des carrefours jeunesse-emploi, est-ce
qu'on parle de d'autres organismes? Je voudrais juste une précision.
• (12 h 40) •
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M. Blais : Donc, j'ai dit 7 millions, je n'ai pas le
chiffre exact, là, mais le chiffre exact, c'est une augmentation de 3,5 % des budgets des 399 organismes externes avec qui on a des
ententes. Comme le budget est autour de 200 millions, hein, cette année, j'ai fait un calcul mental qui
me permet de dire que c'est 7 millions;
on pourrait vérifier pour donner
le montant exact.
Ah! on me dit que
c'est 7,1 millions. Je suis encore assez bon en mathématiques.
Mme
David (Gouin) : O.K.
Donc, M. le Président, est-ce qu'on parle, ici, des organismes qui sont
sur la liste que le ministre nous a distribuée l'autre jour?
M. Blais :
Oui.
Mme
David (Gouin) : Bon, bien,
merci de le dire dans le micro, parce que ça représente un intérêt
certain, entre autres
pour des organismes de ma circonscription. Comme il y en a un qui vient nous rendre visite
cet après-midi, ils vont être contents.
Donc, on se parle vraiment de tous les
organismes qui sont là, on parle d'une augmentation, si j'ai bien compris, là, de 3,5 %, mais
est-ce que ce 3,5 % s'applique également pour chacun des organismes à partir, bien sûr,
de son budget actuel, là? On parle de... n'importe quel
organisme présent sur la liste, là, est assuré d'avoir une augmentation de 3,5 %. Est-ce que c'est une bonne compréhension?
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M. Blais :
On va vérifier. On est loin de l'amendement, encore une fois, M. le Président,
mais on va vérifier l'information.
Le Président (M.
Cousineau) : C'est vous qui avez ouvert sur ce dossier-là.
M. Blais :
Ah bon! C'est moi?
Des voix :
Oui.
Le Président (M.
Cousineau) : Oui, Mme la députée.
Mme David
(Gouin) : Il me reste combien de temps, M. le ministre? Ah! M. le
ministre... M. le Président?
Le Président (M.
Cousineau) : On va vous calculer ça.
M. Blais :
Alors, c'est 3,5 %, réparti également entre chaque organisme. Voilà.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci.
Mme David
(Gouin) : Merci.
M. Blais :
...bien raison, M. le Président.
Le Président (M.
Cousineau) : Il vous reste six minutes, Mme la députée de
Gouin.
Mme David
(Gouin) : O.K.
Le Président (M.
Cousineau) : Vous voyez que vous avez un président qui suit,
hein?
Mme
David (Gouin) : Mais
j'apprécie, M. le Président, que j'aie pu poser ces questions
et avoir ces précisions. Puisque le ministre
avait donné les chiffres, je pense que ça valait la peine de les faire
préciser, même si, en apparence, on s'éloignait de l'amendement.
En fait, je pense qu'on y est à plein parce que ce que l'amendement
nous propose, c'est de dire que rien,
dans le chapitre qu'on est en train d'analyser, ne doit aller à l'encontre de
l'objectif de renforcement du filet de sécurité économique et sociale, etc. Bon. Alors, le
ministre nous dit : Non seulement on n'en est pas loin, mais on s'en
rapproche parce qu'on met des sous. Je continue de plaider, quant à moi, que...
Bon,
je reconnais qu'il y a certains sous qui sont mis, effectivement, mais qu'on
est tellement loin du compte. Et je
voudrais, toujours dans le cadre de la discussion sur cet amendement, apporter
un point de vue sur un tout autre aspect. Dans tout ce qu'on est en train de discuter, il y a des chiffres qui
sont... on parle de principes, on parle de pratico-pratique aussi, et il
y a des chiffres un peu étonnants qui ont été amenés à ma connaissance et...
Parce que là on est en train de se parler de
renforcer le filet de sécurité sociale et économique. En ce moment, à l'aide sociale — et ça, c'est dans le petit fascicule ici,
là, du Régime québécois de soutien au revenu, bon, ça a été déposé au moment du budget. Lorsqu'on lit, à la page 49,
pour un couple qui a deux enfants, alors, actuellement, personne ne travaille, ce couple-là a deux enfants, avec
toutes les mesures dont on peut discuter, sauf les allocations familiales, les
allocations pour les enfants, ce couple a près de 30 000 $ par année,
c'est-à-dire 29 594 $ très exactement.
Donc là, on parle de ce dont disposent
deux adultes. Mais, quand on parle d'une personne seule à l'aide sociale,
puis on est évidemment dans la catégorie des
personnes qui n'ont pas de contrainte à l'emploi, on ne diminue pas ce montant
par deux. En fait, on le diminue énormément,
parce que cette personne-là a 9 192 $ par mois... Déjà, on est très,
très loin du compte pour ce qui est d'un filet de sécurité économique. Avec les
pénalités du projet de loi n° 70, on tombe à 6 024 $. Donc, on passe de la moitié de la couverture des
besoins de base, selon la mesure du panier
de consommation, au tiers de la
couverture de ses besoins de base. Moi, j'aimerais comprendre comment, dans ces
conditions, le ministre peut-il penser qu'on est en train de
renforcer le filet de sécurité économique des gens.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.
M. Blais :
Je ne veux pas discuter du fond, j'ai déjà indiqué qu'il y avait deux
éléments... deux objections peut-être,
plutôt, de nature juridique : le fait qu'Objectif emploi s'inscrit dans
une loi, la loi plus générale de l'aide sociale, donc il est soumis au premier
article, et le fait que la formulation qui est proposée donnerait un statut
juridique à une loi... et un statut
juridique et une forme de hiérarchie... créerait une forme de hiérarchie des
lois entre une loi-cadre et la loi actuelle. Ce qui n'est pas le cas,
là, du point de vue juridique.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Gouin? Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : C'est terminé, M. le Président.
Le Président (M.
Cousineau) : C'est terminé.
Mme David
(Gouin) : Oui.
Le
Président (M. Cousineau) : D'accord. On vous dira le temps
restant, là, dans quelques minutes. M. le député de Rimouski, je crois?
M.
LeBel : Oui. Dans le fond, là, ce qu'on essaie de faire, c'est de...
ce que la députée de Gouin amène aussi, c'est qu'on voudrait au moins s'assurer que ce projet de loi là, cette loi-là
respecte... ou s'intègre dans la vision consensuelle qu'on s'était faite de la lutte à la pauvreté, qui
est représentée par la loi-cadre, là, la loi de lutte à la pauvreté. C'est ce
qu'on essaie de faire, puis là
l'amendement, bien, ça vient comme rappeler que cette loi-là doit respecter
certaines balises ou certains principes qui avaient été adoptés sur la
loi qui luttait contre la pauvreté.
Pourquoi
on le fait? Parce qu'il y a un élément qui nous questionne, là, c'est l'élément
non seulement l'histoire de... comme
je disais tantôt, là, il y a un contexte plus large, mais, dans la loi, c'est
l'élément de coercition, là, d'obligation, qui est un peu fatigant, et là on se dit : Bon, peut-être, si on
intègre l'amendement, bien, on pourrait encadrer un peu cet élément de coercition là. Parce que l'article, là,
comme il a été proposé, on veut que les dispositions du présent chapitre
s'appliquent à tout adulte qui est tenu,
«dans les cas et aux conditions prévus par règlement», tenu de participer au
programme. Moi, ce bout-là, ça me
fatigue un peu, puis j'essayais de voir comment on pourrait faire pour
l'encadrer parce que je trouve que c'est un élément important, là, qui
est dans le projet de loi.
Il
y a un comité consultatif qui est là pour donner des avis au ministre, qui
s'appelle le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, différentes personnes de
plusieurs régions du Québec qui y participent, des gens du ministère aussi,
sans droit de vote, mais qui y participent. Et c'est intéressant d'aller voir
sur le site, là, il y a beaucoup d'avis sur la pauvreté, l'emploi au
Québec.
Dans
un des avis qui ont été faits, je vais vous en lire quelques bouts, là, puis on
pourra... «Le comité souhaite faire
part de sa grande préoccupation concernant certaines modifications proposées
[par la loi] Objectif emploi. Selon ses
analyses, la réinstauration de mesures obligatoires et de pénalités pour refus
de participer à ces mesures peut avoir un
effet négatif très important sur des personnes déjà en situation de grande
vulnérabilité, sans procurer par ailleurs [des] résultats escomptés.»
Bien, le comité — rapidement — plaide
contre les mesures de coercition. Le comité dit qu'il peut appuyer
l'intensification de soutien et l'accompagnement des nouveaux prestataires
d'aide sociale. Puis, «on le sait, plus une personne
demeure longtemps à l'aide, plus il lui devient difficile de s'en sortir. Par
contre, le comité s'oppose à toute mesure coercitive assortie de pénalités qui viendraient réduire une aide
financière déjà trop faible — c'est un peu ce qu'on proposait tantôt puis ce qu'on essaie de ramener — pour assurer la couverture des besoins de
base des personnes, compromettant ainsi
leur santé et leurs chances de s'en sortir. Cette façon de faire contrevient à
la législation en vigueur, notamment [à] la Loi [qui vise] à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, la
Charte des droits et libertés de la personne et le Pacte international
sur les droits économiques, sociaux et culturels.» Vous comprenez un peu
pourquoi on arrive avec un amendement, là. C'est pour essayer de
rattacher — c'est
ce que l'avis nous dit — la
loi à la loi-cadre.
• (12 h 50) •
«Paradoxalement,
malgré le caractère éminemment social des difficultés en intégration au marché
du travail de nombreux groupes de la population, on accorde souvent plus
d'importance aux causes attribuables aux caractéristiques ou aux soi-disant lacunes des personnes qu'à
celles qui découlent du marché du travail» ou de la communauté.
C'est un peu ce que je disais et ce
que la députée de Gouin a amené, là : on travaille sur la personne,
là, sur les lacunes de la personne, mais on ne regarde pas ce qu'il y a
autour.
Je rappelle,
là, ce que je suis en train de lire, là. C'est l'avis qui a été proposé, là,
qui a été déposé par le comité qui
est chargé d'informer le ministre. «Les mesures punitives sont selon le comité
injustes, inutiles, souvent peu concluantes [des
termes] de résultats et elles
risquent de détériorer la situation des personnes déjà très vulnérables.» Il me semble, c'est assez clair.
«Elles
sont injustes parce qu'elles sont en contradiction totale avec le respect de la
dignité des personnes et de leur libre
choix. Cette façon de faire s'appuie sur le préjugé selon lequel les personnes
choisissent librement l'aide sociale.» C'est ce que je disais un peu tantôt. «On reporte ainsi sur les personnes l'entière
responsabilité de leurs difficultés d'intégration à l'emploi alors que
dans les faits, le principal facteur est le marché du travail lui-même.»
On
dit : «De telles mesures sont aussi inutiles. Les statistiques le
prouvent : les prestataires veulent s'en sortir et font de nombreux efforts malgré les obstacles qui
leur barrent trop souvent la route. Année après année, des dizaines de milliers de prestataires participent
volontairement à des mesures d'intégration à l'emploi, soit quelque 88 000
nouveaux participants en 2014‑2015 dont [...] 21 000 jeunes [en]
moins de 25 ans.
«Les
mesures punitives — ce qu'on nous dit — sont
par ailleurs le plus souvent inefficaces. Elles ont déjà été appliquées sans résultats concluants. Selon des
spécialistes, de telles mesures n'ont pas tenu leurs promesses, notamment
celles d'intégrer les personnes dans des
emplois, certainement pas dans des emplois de qualité, ni de réduire la
pauvreté. Elles ne permettent
[certes] pas d'établir une relation de confiance entre la personne et l'agent
d'aide à l'emploi. Il faut par ailleurs
être prudent en s'appuyant sur les comparaisons internationales.
L'environnement [est] très différent, notamment en ce qui concerne les
règles du marché du travail, le niveau des salaires», etc.
«Des
mesures obligatoires assorties de pénalités ont déjà été [appliquées] au Québec
sans résultats concluants. L'une des
clés de la réussite des interventions, c'est d'offrir aux personnes la bonne
mesure, tant et aussi longtemps qu'elles ont besoin de soutien. Une autre clé,
c'est de s'assurer que le marché du travail est prêt — la communauté — à
accueillir ces personnes, dans des conditions décentes.»
Et
là le comité nous parle d'une étude. Il dit : Il y a
une étude réalisée par votre ministère,
«une étude réalisée par le ministère
de l'Emploi et de la Solidarité sociale, la réussite de la participation à une
mesure active semble être fortement influencée
par le choix éclairé et réfléchi de la participation, par la motivation et par
le niveau de présentation aux différentes activités. Selon cette même étude, les deux principales causes de
l'interruption ou [...] l'abandon de la participation à une mesure active sont le retour sur le marché du
travail et le manque de motivation. Quant à ce dernier motif, ce serait le cas
notamment pour les personnes qui s'inscrivent pour éviter une pénalité.»
Ce
que j'aimerais savoir, M. le ministre : Est-ce que vous avez pris
connaissance de cet avis-là qui va complètement à l'inverse de votre projet de loi puis qui dit que le projet de loi...
ils sont assez clairs que le projet de loi va à l'encontre des principes de la
loi pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale? On nous parle d'une
étude réalisée par votre ministère.
Est-ce que vous avez pris compte de cette étude-là? Et, si oui, est-ce qu'on
pourrait avoir cette étude, qui dit... C'est
une étude réalisée par le ministère, où on parle de la réussite de la
participation à des mesures actives, qu'est-ce qui pourrait influencer
la participation ou non. C'est inscrit dans l'avis du comité. Est-ce que cette
étude-là existe? Puis est-ce que vous avez aussi pris compte de l'avis du
comité?
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Blais : On va croire sur parole le comité, là, qu'il y a une étude qui
existe, là. On va vérifier, et tout. Parce qu'il y en a plusieurs, là, on va vérifier, là. Mais j'ai pris
connaissance du rapport, là. Je n'ai pas été impressionné par la rigueur, hein, scientifique et le contenu de ce
rapport-là, je peux vous le dire, là; il y a des amalgames et des confusions.
Ils ont tout à fait le droit d'écrire, hein?
Ils sont tout à fait autonomes et libres, ils ont le droit d'écrire ce qu'ils
désirent. Mais, disons, en termes de rigueur, là, c'est des
affirmations, là, assez fortes.
M. LeBel :
Et vous savez qu'il y a des gens de votre ministère sur ce comité-là.
M. Blais :
Mais ils n'ont pas droit de...
M. LeBel :
Sans droit de vote.
M. Blais :
Sans droit de vote, ils sont simplement observateurs.
M. LeBel :
Je n'ai pas nommé de nom.
M.
Blais : C'est tout à fait correct, d'ailleurs, hein? Un comité
consultatif doit être totalement libre d'écrire ce qu'il veut, ce qu'il désire. Et on peut être libre,
bien sûr, d'en faire un commentaire critique aussi, dans le but de
l'amélioration future, peut-être.
M. LeBel :
Je n'ai pas compris, excusez-moi.
M.
Blais : C'est important qu'un comité consultatif soit libre d'écrire.
Donc, les fonctionnaires n'interviennent pas de quelque façon, mais, des fois, les fonctionnaires peuvent aider,
je suppose, ils sont là un petit peu pour
soutien, hein, information, si c'est nécessaire. Ensuite, le comité, c'est des gens qui sont
libres d'écrire ce qu'ils veulent sur les sujets, ce qui est une bonne chose, là. Donc, on prend acte de ce qu'ils
ont écrit, mais, vraiment... surtout les extraits que vous me
lisiez, là, c'était presque déroutant, au niveau des études qui sont
disponibles sur ces questions-là. Voilà.
M. LeBel : Ce que vous dites, c'est
que...
Le
Président (M. Cousineau) : M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Excusez-moi, M. le Président. Ce que vous dites, c'est que le comité... ce que je viens de vous lire
du rapport du comité, vous dites : C'est un peu déroutant, ce n'est pas
réalité, là.
M. Blais :
Oui, parce que les études... ont déjà mentionné ici... Les études sur les
effets, là, des formes de réciprocité, là,
elles sont nombreuses. L'OCDE a fait des métaétudes même sur le sujet, là, pour
faire des comparaisons internationales. Ce que le Parti québécois a fait aussi,
à la fin des années 90, ça a été étudié, sur les effets, en termes de sortie, par des experts en économétrie, donc, pour montrer qu'effectivement il y a eu un impact sur les effets de sortie. Donc, voilà. Alors, c'est étonnant, ce qu'on a pu
lire. Mais, encore une fois, là, un comité consultatif, les gens ont la liberté
d'écrire à partir de leurs connaissances, de leur sensibilité et, bien
sûr, on a le droit aussi d'en faire un examen un peu critique, là, quand c'est nécessaire.
Il y a probablement eu des meilleurs rapports que celui-là, j'en suis certain.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Oui. C'est certain
que le comité est libre d'écrire ce qu'il veut, il a un mandat assez serré.
J'ai l'impression que ce comité-là
existe depuis longtemps. Je n'avais pas l'impression qu'ils écrivent
n'importe quoi. Puis, quand je regarde les membres du comité, c'est des
gens qui viennent d'un peu partout au Québec, puis il y a des gens là-dedans
qui connaissent leur métier, je...
M.
Blais : Mais, à la défense peut-être
du comité, hein, pour reprendre la balle au bond, là, si vous permettez,
là, à la défense du comité, je l'ai déjà dit
ici, c'est vrai que le projet Objectif emploi est parti, disons, d'orientations, au départ, qui étaient
assez, disons, travaillées, disons-le comme ça, et aussi où on pouvait craindre
des pénalités assez lourdes, assez
fortes, là, hein? Bon. Le Parti
québécois nous avait habitués à des
pénalités qui étaient le double des pénalités dont on parle ici. Donc, on peut comprendre un peu, là,
les gens qui sont dans le milieu, qui ont connu cette époque-là, d'avoir
ces craintes-là et d'être montés aux barricades, là, dans le rapport, en
disant : Écoutez, il ne faut pas revenir à ça.
M. LeBel :
Encore la faute au PQ! Non, mais la ligne est...
Le Président (M.
Cousineau) : S'il vous plaît, attention! Attention! Attention!
M.
LeBel : Excusez, M. le Président. Non, non, mais je trouve ça comique, mais... tu sais, c'est une bonne
ligne. Mais il faut être, comme dit le ministre, plus rigoureux un peu.
M. Blais :
Toujours.
M. LeBel :
Je dis ça d'une façon sympathique. Mais ce que le comité dit, il dit : La
«façon de faire [qui est proposée par le ministre]
contrevient à la législation en
vigueur, notamment
[à] la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion, la Charte
des droits et libertés...» C'est gros, là. C'est...
M. Blais :
Gros.
M.
LeBel : Mais il me semble qu'il faut regarder ça. Et, comme vous dites, là, le comité a la
liberté d'écrire ce qu'il veut, le ministre
a la liberté de ne pas écouter ce que le comité fait. Mais, bon, chacun est
libre de faire ce qu'il veut, sauf qu'on ne peut pas faire semblant, là,
ça existe, c'est là.
J'aimerais quand même...
le comité parlait d'une étude qui avait été faite sur... si c'était possible de
retrouver cette étude-là, là, je pense, ça pourrait nous éclairer.
Mais,
nous, quand on lit ce qu'il y a là... Puis moi, je suis porté à croire ce qui a
été écrit par ce comité-là. Puis je vous
dis, là, on pourrait déposer les membres du comité, là... la liste des membres,
c'est des gens, là, tu sais, qui n'écrivent pas n'importe quoi, à mon avis. Je me dis, ça fait juste plaider pourquoi on
veut amener cet amendement, pourquoi on veut rattacher un peu votre projet
de loi sur les grands principes de la
loi pour lutter contre la pauvreté. Ça fait juste nous convaincre qu'il
fallait faire quelque chose.
Le Président (M.
Cousineau) : Alors, compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à
12 h 59)
(Reprise à 15 h 8)
Le Président (M.
Cousineau) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il
vous plaît!
M.
le député de St-Denis, allez téléphoner dans... M. le député d'Argenteuil, vous
téléphonez dans le corridor.
La Commission de l'économie et du travail
reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Je
vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée
du projet de loi n° 70, Loi visant à permettre une meilleure
adéquation entre la formation et l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration en
emploi.
Lors de la
suspension de nos travaux avant dîner, nous avions débuté l'étude de
l'amendement de M. le député de
Saint-Jean à l'article 83.1 proposé par l'article 28. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur cet amendement? Alors, oui, bien, on peut débuter avec Mme la députée de Gouin. Alors, à vous
la parole, madame, en vous précisant qu'il vous reste
2 min 35 s.
Mme David
(Gouin) : Oui. Merci, M. le Président. Alors, juste assez de temps
pour apporter un sous-amendement à l'amendement de mon collègue le
député de Saint-Jean...
Le Président (M. Cousineau) :
Un sous-amendement.
Mme David
(Gouin) : Oui. Le sous-amendement serait le suivant : Ajouter, à
la fin de l'amendement, les mots suivants : «Ni risquer d'amener
les adultes seuls et les familles au dénuement total».
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, on va suspendre pour faire
quelques photocopies de votre sous-amendement, Mme la députée.
(Suspension de la séance à 15 h 9)
(Reprise à 15 h 12)
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, votre attention, s'il
vous plaît! Nous reprenons nos travaux.
Attention, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux.
Alors, Mme la députée de Gouin nous propose un sous-amendement à l'amendement de M. le député de Saint-Jean.
Mme la députée de Gouin, on vous laisse plaider.
Mme David
(Gouin) : Oui. Merci, M. le Président. Écoutez, en fait, la question
est la suivante. L'amendement du
collègue propose de faire en sorte, là, que ce qu'on appelle le présent
chapitre... en fait, de quoi on discute depuis quelques heures, ne puisse «pas aller à l'encontre de
l'objectif de renforcement du filet de sécurité sociale tel qu'énoncé à
l'article 9 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et
l'exclusion».
Pourquoi
est-ce que j'y ajoute le libellé suivant : «Ni risquer d'amener les
adultes seuls et les familles au dénuement total»? C'est parce qu'à l'article 49 de la loi sur le soutien aux
personnes et aux familles il y a ce qu'on appelle souvent dans le jargon, là,
la clause de dénuement total, qui est le fait que «le ministre peut accorder
une prestation à un adulte seul ou à une famille qui n'est pas
admissible à un programme pour un motif autre que [...] prévu» — bon,
dans un paragraphe — ou qui, bien qu'étant admissible, n'aurait
pas droit à cette prestation [si le ministre] estime que, sans cette prestation, cet adulte ou les membres de cette
famille seraient dans une situation qui risquerait de compromettre leur santé
ou leur sécurité [et] de les amener au dénuement total».
Autrement dit, dans certaines situations, le
ministre a la possibilité, vu cette espèce de clause de dénuement total, là, de clairement venir en aide à une
personne ou une famille qui est à l'aide sociale et qui, si le ministre ne lui
accordait pas une prestation
raisonnable, là, serait vraiment dans le dénuement total, et je pense qu'au
Québec on ne veut pas que personne
soit dans le dénuement total. Donc, l'idée de l'amendement que je dépose, c'est
de dire : Non seulement aucun article,
aucune disposition du présent chapitre ne doit aller à l'encontre de l'objectif
de renforcement du filet de sécurité sociale
et économique, non seulement ça, mais il ne faut pas risquer d'amener les
adultes seuls ou les familles dans une situation de dénuement total.
Et qu'est-ce que j'appelle le dénuement total?
Bien, le dénuement total, en fait, à mon avis, il est déjà présent à 623 $ par mois, ce qui fait qu'à
400 $, là, je trouve qu'on est même en... en fait, je n'ai plus de mot
pour le dire, M. le Président. Je
trouve qu'on est tellement en bas de ce dont une personne a minimalement
besoin, là, juste pour se loger, s'éclairer, se chauffer, manger... Même
pas : à 400 $ par mois, on n'a même pas ça, on est dans le dénuement
total.
Alors, le but
de mon sous-amendement, c'est peut-être — je le dis humblement — d'éclairer le ministre sur le fait
qu'on ne peut pas vouloir sortir les gens de la pauvreté, mettre en place un
programme, qui peut être un programme très
intéressant, mais, d'un autre côté, dire que, bien, s'il y a des gens qui, pour
des raisons qui vont nous apparaître ou apparaître aux agents d'aide sociale comme futiles ou, enfin, non
pertinentes ou, bon, etc., bien, qu'est-ce que vous voulez, il y aura des sanctions, puis, à la limite, ça fera
que les gens, ils auront 400 $ par mois. En faisant ça, on enfonce les
gens dans la misère et dans le dénuement total.
Je comprends
que le ministre nous disait : Mais, au lieu de parler seulement de ça,
pourquoi on ne parle pas de toutes ces personnes qui auront des
allocations majorées, intéressantes, plus substantielles et qu'on va aider à
sortir de la pauvreté? Je ne demande pas
mieux que d'en parler, M. le Président, ça me ferait tellement plaisir. Mais
mon plaisir est hautement gâché par
le fait que, oui, il y aura ces personnes-là, mais, à côté, il y en aura
d'autres qu'on aura plongées dans le dénuement total, sachant que, par
ailleurs, la loi permet au ministre d'agir quand il y a dénuement total.
Donc, on ne
veut pas d'un dénuement total, on ne veut pas ça au Québec. Personne ne veut
ça, tous partis confondus. Je suis
certaine que le ministre ne veut pas ça, nous ne voulons pas ça, mais n'empêche
que les dispositions du présent chapitre
peuvent... je ne dis pas que c'est certain, mais peuvent conduire au dénuement
total. Alors, est-ce qu'il faut donc qu'à chaque
fois le ministre intervienne pour dire : Ah! c'est vrai, hein, il y a le
dénuement total, donc j'invoque l'article 49
et puis là j'agis? Ça n'a aucun bon sens, hein, le ministre ne pourra pas faire
ça. Alors, je pense que le plus simple,
bien, c'est de ne pas mettre les gens à risque de tomber dans le dénuement
total, et c'est la raison pour laquelle je dépose ce sous-amendement.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, Mme la députée de Gouin. Alors, réaction,
M. le ministre?
M.
Blais : Bien, écoutez, la difficulté, là, encore une fois, elle est
législative, là, elle est sur la forme. Sur le contenu, on en reparlera aussi, là, sur la portée
exactement, mais, sur la forme... Donc, je rappelle aux collègues, là :
l'article 64 de la présente loi — donc la loi-cadre — ne peut être interprété de manière à
étendre, à restreindre ou à modifier la portée d'une disposition d'une autre loi, quelle que soit la loi. L'aide
sociale a beaucoup d'autres lois qui ont une portée sociale. Donc, c'est vraiment une loi-cadre. Donc, on
aimerait faire ce que les collègues nous demandent qu'on ne pourrait pas le
faire parce qu'on est en train de modifier,
là, la structure et la hiérarchie, là, des droits au Québec. Donc, c'est pour
cette raison, là, de forme... d'abord,
que la proposition ne fait que démontrer que... Disons, là, l'objection que
nous avons n'a pas été encore comprise, visiblement, parce qu'on ne fait
qu'empirer les choses.
Sur
la question de dénuement total, quand on avancera, on verra que j'apporterai un
amendement sur cet enjeu-là en
particulier, là où il doit se poser dans le projet de loi, mais pas ici, là où,
vraiment, il aura une plus grande efficacité que ce qui est proposé ici,
qui n'a aucune efficacité, aucune portée juridique.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Gouin.
Mme
David (Gouin) : Mais, M. le Président, comme le ministre nous met
quand même l'eau à la bouche, est-ce qu'il pourrait nous donner ne
serait-ce qu'une indication... sans peut-être pouvoir nous révéler le libellé
exact, mais est-ce qu'il peut nous donner
une indication de ce qui pourrait constituer l'amendement dont il nous parle et
dont il nous dit qu'il viendra plus tard?
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Blais : Essentiellement, dans la première version, là, du projet de
loi, là, on avait retiré des outils, au ministre, d'intervention discrétionnaire en situation de
dénuement total. On va réintroduire ces outils-là, on va vous indiquer comment
on va le faire.
Mme David
(Gouin) : D'accord. Merci, M. le Président. Est-ce que c'est à mon
tour, M. le Président?
Le Président (M.
Cousineau) : Oui, oui, allez-y, c'est vous qui êtes là.
• (15 h 20) •
Mme
David (Gouin) : Oui? D'accord. Donc, on verra ce que le ministre fera
à ce moment-là. Mais je soumets que...
En fait, pour être franche, je n'ai pas très bien compris l'argument juridique
par rapport au sous-amendement que j'apporte. Je ne fais pas exactement
le lien. Je suis sincère, là. Est-ce que le ministre pourrait me le
réexpliquer?
M. Blais :
Non, non, je comprends, là.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Blais : Donc, encore une fois... mais c'est ma propre compréhension du sous-amendement, là, bien entendu, là. Je me
suis déjà objecté à la proposition d'amendement parce que c'est une proposition qui n'avait pas de
force de loi, qui n'avait aucun
impact juridique, sauf, à la limite, de porter une confusion juridique sur ce
que c'est qu'une loi-cadre. Encore
une fois, le texte de la loi-cadre est très clair, là : «La présente loi ne
doit pas être interprétée de manière à étendre, restreindre ou modifier
la portée d'une disposition d'une autre loi.» Article 64.
Donc,
si vous voulez, disons, ajouter à l'amendement qui, en ce moment, est problématique du point de vue juridique, on n'a pas avancé
du tout, là, parce que, contrairement
à ce que vous recherchez, là, j'en
suis sûr, ça n'aura aucune portée, aucune influence juridique, ça va
mener à une confusion.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme la députée de Gouin.
Mme
David (Gouin) : Alors, M. le Président, si le problème du sous-amendement, mais, évidemment, qui est en
rapport avec l'amendement, est un
problème d'ordre juridique, le ministre... et, si ce n'est que ça, est-ce que
le ministre peut suggérer, à ce
moment-ci, une avenue permettant de rencontrer exactement le même objectif,
c'est-à-dire de nous assurer
qu'aucune disposition du présent chapitre pourrait ou bien non pas renforcer,
mais alléger, si j'ose dire ainsi, ou démanteler,
ou enfin porter atteinte au filet de sécurité économique, puis encore bien
pire, amener des familles ou des personnes
seules dans une situation de dénuement total? Si le problème n'est que
juridique, on peut sûrement le régler.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
(Consultation)
M.
Blais : Bon, je m'excuse, on me parlait, là, en même temps, là. Je
pense que, sur la question du dénuement total, là, puis les pouvoirs d'intervention, on va clarifier ça en temps
et lieu. Je vous ai donné l'indication, là, orientations générales, donc
la portée exacte, l'écriture juridique, là, sera déposée en temps et lieu.
Si ce qui est
demandé, encore une fois, c'est : Oubliez les sanctions, il ne faut pas
qu'il y ait aucune sanction, c'est difficile
pour nous, tout simplement parce que je vous rappelle le problème fondamental
que nous avons. Je vous rappelle, dans
le cas d'une personne seule qui va dans un parcours de formation... pourra
aller chercher jusqu'à 1 193 $ par mois. C'est, je pense, du jamais-vu, là, de l'aide
sociale. Et, en plus, on ajoute à titre expérimental, mais il faudra voir
ensuite, là, si on peut l'ajouter pour les autres prestataires, la
possibilité d'aller chercher plus d'argent sans être coupés à 100 %
immédiatement, après le montant d'argent habituel de 200 $.
Donc, pour
parler un peu plus techniquement, le taux marginal de taxation de ces
personnes-là serait réduit à autour de
50 %, alors qu'il est aujourd'hui, là, très élevé. On veut le faire pour
eux, on va voir comment on peut fonctionner. Parce que c'est un peu difficile, ça demande une intégration de la fiscalité
plus forte que ce qu'on a aujourd'hui. Donc, c'est beaucoup d'argent sur la table. J'ai mentionné que le coût
simplement des bonifications pourrait être autour de 56 millions.
Le paradoxe
dans ce que vous recherchez, puis là c'est là qu'il y a finalement un
désaccord, là, le paradoxe dans ce
que vous recherchez, c'est que, lorsqu'on ne met pas les pénalités, hein, le
taux de participation tombe très faible. Je vous rappelle qu'en ce moment les taux de participation pour les mesures
chez les jeunes 25 ans et moins — on pourra regarder d'autres groupes
si ça vous intéresse — au
bout du compte, c'est 14 %. Bon, plusieurs vont à une rencontre ou deux,
mais, lorsqu'ils s'engagent vers un parcours, le taux de participation est
extrêmement faible.
Le paradoxe,
c'est qu'il y a un effet d'avoir la présence d'une pénalité, sans la prendre
nécessairement, c'est-à-dire ce qu'on
appelle l'effet ex ante d'une pénalité, c'est là, c'est présent. Et, en majeure
partie, les gens n'iront pas dans cette direction-là, il s'agit de personnes qui sont des premiers demandeurs,
qui sont aptes. S'ils ne sont pas aptes, on les trouve simplement parce
qu'il y a des rencontres, donc on peut progresser avec eux.
Donc, le
paradoxe de ce que vous recherchez, c'est que les pénalités, même si elles ne
sont pas effectives parce que les
gens finalement participent, elles ont un effet de participation, puis elles
élèvent la participation à un seuil plus important, donc ils vont aller
chercher plus d'argent dans leurs poches et, éventuellement, qui sait, avoir un
parcours dans lequel ils vont pouvoir
sortir définitivement, là, de l'aide sociale, ce que l'on recherche tous ici,
autour de la table, bien entendu.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Je comprends ce que le ministre dit, M. le Président, mais
je ne peux quand même pas m'empêcher
de dire que — je
parlais de paradoxe, ce matin — on est quand même encore dans des paradoxes.
Non seulement personne ne souhaite
qu'une personne reste à l'aide sociale, à moins évidemment qu'elle vive
suffisamment de problèmes pour
n'avoir aucun autre choix que d'être à l'aide sociale... Et ça, je pense que
tout le monde va en convenir aussi, c'est sûr que c'est un projet de vie
qui, en tout cas, pour le moment, là, condamne à la pauvreté.
Puis je
rappelle au ministre qu'au bout de deux ans du programme Objectif emploi on va
s'entendre, hein, si la personne n'a pas réussi à trouver un emploi,
s'il n'y a pas d'emploi disponible dans sa région, si les choses n'ont pas beaucoup avancé, bien, tout ce qu'elle recevra,
c'est sa prestation de base. Alors, on est dans des situations difficiles, là,
à moins de s'imaginer que tous les
nouveaux demandeurs qui arrivent chaque année trouvent, dès l'année suivante,
un emploi vraiment convenable, là. En
tout cas, je ne pense pas que personne ne s'imagine ça, ici. Donc, on est
vraiment dans des situations de pauvreté.
Le ministre
nous dit : Moi, je veux faire tout ce qui est possible pour que les gens
puissent s'en sortir. C'est ce que nous
voulons tous et toutes, je sais, mais le problème, c'est qu'entre-temps on
accepte en ce moment — en ce moment, là — qu'une personne seule touche à peu près, à
l'aide sociale, une personne seule dite apte à l'emploi, la moitié de ce
qu'il en faudrait pour couvrir ce qu'on
appelle la mesure du panier de consommation. En ce moment, là, au moment où on
se parle, la moitié, 9 000 quelques dollars; avec les pénalités,
6 000 $. On est au tiers du panier de consommation.
Or, je
comprends que le ministre voit quelques vertus dans l'hypothèse de sanctions;
moi, il ne me convainc pas. Je n'ai
jamais été convaincue par les arguments du style la carotte et le bâton, là.
Là, je comprends que les carottes sont devenues
peut-être plus intéressantes, mais le bâton est quand même assez sévère. Oui,
il y a eu d'autres gouvernements qui
en ont fait autant par le passé, là, mais moi, j'étais dans l'opposition, je
m'opposais à ces mesures. J'ai quand même une certaine cohérence dans la vie. Mais c'est du passé. Là, en ce
moment, on peut faire mieux, disons. Disons ça comme ça.
Une voix : ...
Mme David
(Gouin) : Puis il semble que mes collègues de l'opposition officielle
sont d'accord avec moi. Donc, j'aimerais
juste demander au ministre... Dans un contexte où, par ailleurs, il s'est vu
confier, par le premier ministre...
Des voix : ...
Le Président (M. Cousineau) :
Allez-y, Mme la députée.
Mme David (Gouin) : Oui, les petits
copains, ils sont agités un peu, là.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui. D'ailleurs, c'est pour ça que je les ai rappelés à l'ordre.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cousineau) :
Poursuivez, Mme la députée.
Mme
David (Gouin) : Dans un contexte où le ministre s'est fait donner, par
le premier ministre, un mandat important, qui est celui de mettre en place un grand chantier de réflexion sur le
revenu minimum garanti, est-ce qu'au fond ce que le ministre est en train de nous dire, c'est :
400 $ par mois, ça pourrait être ça, le niveau du revenu minimum garanti
au Québec? Est-ce que c'est ça, là, qu'on est en train de se dire?
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Blais : J'ai déjà mentionné que l'aide sociale est une forme
particulière de revenu minimum garanti, ou que toutes les limites que j'ai déjà expliquées dans un ouvrage quand
j'étais plus jeune, je suppose, que toutes ces limites-là, notamment que ça a été fait pour répondre aux
personnes inaptes — on
appelait ça comme ça à l'époque — et ça a été fait avec peu de considérations pour l'incitation au travail, hein?
Quand on relit, là, les textes des fonctionnaires qui ont travaillé là-dessus à l'époque, ils ne pensaient
pas qu'il y aurait des personnes très nombreuses qui soient aptes au travail
là-dessus.
Donc, il nous
faut d'autres formes de mécanismes de transferts. On en voit certains à
l'oeuvre, on en a déjà parlé; par exemple, les allocations familiales
pour les familles ont un effet bénéfique parce qu'elles sont accordées à la
fois aux actifs et aux inactifs; donc, il
nous faut d'autres formes de transferts. Quelle que soit la hauteur de ces transferts-là,
même un transfert modifié, différent,
300 $, pourrait avoir un impact, bien sûr, sur son maintien à l'aide
sociale, hein, ou pourrait avoir un
impact sur la pauvreté plus important, là, qu'une augmentation, là, de l'aide
sociale de 300 $, qui aurait très, très, très peu d'impact sur la
pauvreté. Donc, c'est assez facile à démontrer, là, par un petit schéma.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Gouin.
• (15 h 30) •
Mme David
(Gouin) : M. le ministre... Excusez-moi.
M. le Président, je veux juste être sûre de bien comprendre,
parce que je pense que ça ne se peut pas,
là, le ministre... je veux être sûre d'avoir bien compris le ministre,
là. 300 $ par mois ne peut pas être le montant de base d'un revenu
minimum garanti, là.
M. Blais : ...
Mme David (Gouin) : En 2016, au Québec.
M.
Blais : ...proposition
sérieuse... comme en Europe, qui tourne autour de ces montants-là. Bien sûr,
il faut que vous mainteniez, pendant
la période de transition, des mécanismes sélectifs, aide sociale ou d'autres,
hein, de maintenir ces mécanismes-là.
Mais l'impact sur la pauvreté, à une autre époque, je l'ai mesuré, l'impact sur
la pauvreté, la diminution de la pauvreté était réelle. Parce que les
premiers, statistiquement, à sortir de la pauvreté, c'est ceux qui sont les
plus près des seuils. Ceux qui sont
les plus près des seuils, ce sont les actifs qui ont des faibles revenus. Et,
bien sûr, vous élevez aussi, en plaçant un socle sous leurs pieds, les
personnes qui sont... qu'on appelle les inactifs... en tout cas, les personnes
qui sont à l'aide sociale, notamment... peut
avoir un impact positif, mais tout dépend, bien sûr, des effets de substitution
des programmes que vous abolissez notamment pour financer cette mesure-là.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée.
Mme David
(Gouin) : Oui, je comprends, M. le Président, mais, pour faire une
histoire simple et courte, là, ma question au ministre est la suivante :
Estime-t-il qu'au Québec, en mai 2016, un montant de 400 $ par mois pour
une personne qui n'a rien d'autre...
M. Blais : ...
Mme David
(Gouin) : ... — rien d'autre — une personne seule, à l'aide sociale, apte au travail et qui n'a
rien d'autre... elle est seule, il
n'y a pas d'allocation familiale, tu sais, elle a 400 $ par mois. Est-ce
qu'il estime que ça représente une
forme de revenu minimal garanti... en fait, pas une forme de revenu minimal
garanti, mais la hauteur raisonnable d'un revenu minimum garanti? C'est
ça, le sens de ma question.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Blais : Oui... complexe, parce qu'encore une fois il y a différents
types de revenu minimum garanti. Si vous maintenez votre aide sociale comme elle est là aujourd'hui, c'est un
revenu minimum garanti. Si vous maintenez d'autres transferts, ça peut constituer des revenus
minimums garantis. La question, c'est : Comment vous agencez vos
transferts entre eux pour augmenter
la valeur — c'est ce
qui vous intéresse — la
valeur de ce revenu minimum garanti? Comment vous le garantissez à des personnes qui n'y ont pas accès aujourd'hui,
qui devraient y avoir accès? Et l'effet que ça peut avoir, notamment sur les taux marginaux du revenu
minimum garanti actuel? Donc, ça dépend des effets de substitution, là.
Mme David (Gouin) : Bon.
Alors, je vais poser ma question de façon plus simple, dans le fond, parce que
je pense aussi aux gens qui nous
écoutent, là, c'est un peu complexe, tout ça, hein, on s'entend? Le ministre
estime-t-il qu'au Québec aujourd'hui
une personne seule, quel que soit son âge, peut — je ne sais même pas si je dois dire «vivre»,
là — mais
peut vivre avec 400 $ par mois?
M. Blais :
Bien, écoutez, là — puis
c'est tout à fait différent comme question — on ne parle plus de revenu minimum garanti, là, on parle tout simplement de
savoir quel est le niveau financier qu'une personne doit avoir pour vivre, là. Moi, je ne veux pas me prononcer là-dessus. Ce
qui est important, là, ce qui est important dans le programme, ce n'est pas ce que l'on... hein, on ne veut pas que les
gens se rendent là. Et le programme n'est pas fait pour ça, hein? Ce n'est pas
un programme qui est fait...
Je
l'ai mentionné souvent, l'évaluation que nous faisons des coûts est au-dessus
de 50 millions — du programme — facilement, parce que les bonifications vont
coûter cher. Quelqu'un, là, qui est vraiment dans un parcours, après un manquement, deux manquements, trois
manquements, quatre manquements — je vous rappelle que, pour le PQ,
c'était deux manquements — si
quelqu'un décide, là, qu'il préfère ne pas faire affaire avec l'État et qu'il
ne veut pas rendre de comptes, je pense que tout le monde accepte... même ces
personnes-là souvent ont accepté qu'il y aura des conséquences puis... Et ça,
ça se fait, encore une fois, partout dans le monde, aujourd'hui.
Donc,
à un moment donné, les gens doivent faire des choix, choix que nous leur
proposons, à ces personnes-là, qui sont de loin les personnes qui ont une
capacité à sortir éventuellement de l'aide sociale et à bénéficier, pour le
reste de leur vie, hein, d'une
amélioration de leur capital humain. Bien, si jamais ces gens-là font ce
choix-là, c'est parce qu'ils vont aller chercher d'autres revenus
ailleurs, je suppose, hein?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme la députée.
Mme
David (Gouin) : C'est intéressant, M. le Président, ce que le ministre
vient de dire, parce que c'est exactement ce que je pense. Pour une fois
qu'on est d'accord, on va célébrer quelques instants.
Le
danger des fameuses conséquences — c'est drôle, je venais d'écrire le mot
«conséquences» — que le
ministre est en train de débattre
avec nous, là, bien, c'est qu'effectivement il y a des gens... je ne dis pas
qu'il y en aura des masses, mais il
peut y en avoir qui trouvent que tout ça est vraiment très compliqué, là, très encadré,
très suivi. La liberté, je vous dis
qu'elle n'est plus très grande dans
tout ça. Bon, finalement, je vais prendre le 400 $ puis, bien oui, je vais m'adonner
au travail au noir parce que c'est tellement plus simple.
M. Blais :
...
Mme
David (Gouin) : Je ne conseille pas ça aux gens, comprenez-moi bien,
ce n'est pas ça, pour toutes les raisons qu'on a dites hier soir, je crois, mais ça peut arriver, et je trouve
que c'est une conséquence indésirable, alors que ma pensée, c'est que, si on offre aux gens ce strict minimum,
et entendons-nous qu'on est vraiment dans le strict minimum, là, de 623 $
par mois, le risque est moins grand.
L'autre
chose que je veux dire au ministre, c'est qu'il nous dit souvent : Bien
là, il faut penser à tous ceux et celles qui vont bénéficier du programme —je suis d'accord avec lui — puis il faut penser à ceux et celles, et je
sais qu'il pense aux jeunes en particulier, que la menace d'une sanction
va amener à se mettre en mouvement — là, j'essaie d'utiliser un
petit peu les mots ministériels que j'ai souvent entendus de ce côté-là — et
puis que, dans le fond, il n'y en aura quasiment pas, des gens qui vont subir
des sanctions. Mais il va y en avoir, parce qu'en fait, vous savez, c'est comme
quand... je sais que la comparaison est risquée, mais je la tente quand même,
juste pour qu'on se comprenne.
On
est plusieurs, ici, à avoir des enfants ou des petits-enfants, les menaces de
sanctions, là, surtout de nos jours, sont
assez inopérantes, si, à un moment donné, il n'y en a pas, de sanction; tout le
monde sait ça. Et donc, lorsque, du côté ministériel, puis on a même
utilisé le terme «pardon» hier, lorsqu'on parle de sanctions, c'est parce qu'on
sait qu'il va y en avoir et on sait que le
fait qu'il y en ait va pouvoir avoir un effet, selon le ministre, incitatif sur
d'autres personnes pour ne pas se rendre aux sanctions. Donc, il va y en
avoir.
Il
va y en avoir parce que sinon, tout ça, ça serait comme une espèce de vaste
mise en scène pour dire aux gens : Attention! Si vous ne participez pas, si vous ne faites pas telle chose,
il y aura des sanctions. Puis il n'y aurait jamais de sanctions? Ça, ça
se sait assez vite, hein? Donc, ça ne marchera pas. Donc, il va y avoir des
sanctions. Et, s'il y a des sanctions, ça
veut dire qu'on va accepter qu'il y ait, au Québec, des personnes... Quel en
sera le nombre? Je ne le sais pas. Je
ne le sais pas. Est-ce que ce sera peu de gens, est-ce que ce sera plus de
gens? Je ne le sais pas. Mais il y en aura, et ces gens-là vivront avec 400 $ par mois, ce qui
est, à mon avis, parfaitement indécent. Ou alors, effectivement, ils vont aller
vers l'itinérance ou vers le travail au
noir, et je pense tellement qu'on ne sera pas plus avancés. J'arrête ici pour
l'instant, M. le Président.
Le
Président (M. Cousineau) : D'accord. Il vous restera
4 min 30 s pour avoir peut-être le dernier mot sur votre
sous-amendement, Mme la députée. Alors, je suis prêt à recevoir, par
alternance, l'opposition officielle.
M. Blais :
Oui?
Le Président (M.
Cousineau) : Oui.
M. Blais : J'ai une petite chose sur
ce qui a été dit, là.
Le Président (M.
Cousineau) : Allez-y.
• (15 h 40) •
M.
Blais : En fait, si vous
êtes préoccupée par le montant minimal, le revenu minimum, etc., là, donc, le
montant, là, accessible, dans ce qui
est prévu à Objectif emploi, c'est 502 $,
hein? Vous voyez, là, notamment, là, à la case 16, là, c'est le montant dont va disposer une personne qui
ne veut absolument pas, là, participer et qui préfère — libre choix — aller plutôt chercher ses revenus. Je n'ai pas dit qu'il va aller chercher des
revenus au noir. À vrai dire, on pourrait regarder plus précisément la conséquence de ça. Il va
probablement aller chercher des revenus au blanc : il va aller faire autre
chose, mais ce n'est pas 502 $.
Sur l'effet des incitations, ça, la littérature,
elle est abondante pour dire que l'effet de l'incitation, c'est plutôt simplement l'effet ex ante, c'est-à-dire le
non-exercice de... de la sanction... de la pénalité, pardon, c'est le
non-exercice de la pénalité, mais
savoir que, si c'est présent, que c'est dans l'ambiance, c'est aussi important
sinon plus important que l'exercice même de la pénalité.
Et je
rappelle à ma collègue, là, que la réciprocité, elle existe à peu près partout
dans le monde, dans toutes les provinces canadiennes, sauf le Québec et
Terre-Neuve. Elle existe, à ma connaissance, ce qu'on a vérifié, dans tous
les pays scandinaves. Les pays les plus
égalitaires au monde exercent une forme de réciprocité. Je ne dis pas que c'est
la même que la nôtre, il y a
différentes variantes, il y a différentes façons de fonctionner. On a essayé de
trouver un mécanisme qui va avoir un
impact positif sur la participation. Et je rappelle aussi que, si jamais
quelqu'un décide d'aller aussi loin
qu'elle le pense, là, c'est-à-dire de nier, là, toute forme de participation, au maximum, ça va durer deux ans, là, de
sa vie. Ensuite, elle redevient de
plein droit, là, bénéficiaire de l'aide
sociale, si c'est vraiment
son choix de vie, là, de continuer dans
cette voie-là. À un moment donné, les gens peuvent choisir ou ne pas choisir. On
leur offre des choses, on ajoute à la
fois des bonifications, on ajoute des conséquences. À un moment donné, les gens, je pense que vous avez raison là-dessus,
peuvent choisir, là. Ils refusent ça
puis ils vivent les conséquences pendant une période de temps qui est limitée quand même.
Le Président
(M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Alors, je passerais maintenant
la parole à M. le député de Saint-Jean, sur l'amendement.
M.
Turcotte : Oui.
Le Président (M. Cousineau) :
Sur le sous-amendement.
M.
Turcotte : Sur le sous-amendement, mais aussi j'aimerais reprendre quelques
éléments, là, que le ministre mentionne, bon, que, si les gens, au fond,
n'acceptent pas le programme ou n'embarquent pas dans le programme
Objectif emploi, bien, les gens, c'est parce, bon, soit qu'ils
travaillent au noir ou autres. Là, c'est un peu ça qu'il a mentionné.
Bien, moi, je
crois que c'est comme un constat d'aveu, de la part du ministre,
de confirmer que le montant, là, avec
les sanctions, etc., ça va inciter effectivement le travail
au noir, puis je pourrais même dire — on
l'a vu hier, je l'ai mentionné — la violence, etc., là, la criminalité, parce qu'inévitablement, quand on met les gens...
puis c'est un peu ça que notre collègue la députée de Gouin mentionne par son
amendement quand on dit : «...risquer d'amener les adultes seuls [ou] les familles au dénuement total.» Si on
amène les gens au dénuement total, bien, à un moment donné, les gens ont quand même une dignité, ont quand même un
besoin de vivre de base, là, avoir un toit, d'avoir des vêtements, d'avoir
un peu de nourriture — au moins pour s'alimenter — de base. Si on n'est pas capables de couvrir
ces besoins-là, bien, c'est là que
des mauvais choix, si on peut dire ça ainsi, se posent, puis ce n'est pas parce
que les gens désirent poser ces mauvais choix là, mais c'est parce
qu'ils y sont obligés et confrontés.
Le ministre
nous parle : Bien, avec 300 $ par mois, ça peut être ça, le revenu
minimum garanti. Bien, je m'excuse, là,
avec 300 $ par mois, au Québec, à l'heure actuelle, c'est impossible de
vivre, à moins que le ministre a des recettes magiques qu'il aimerait faire profiter, là, aux citoyens, là, et que les
citoyens puissent vivre avec 300 $ par mois. Si le ministre prétend
ça puis le croit, moi, je crois qu'on a un gros problème. On a un gros
problème.
Puis, en
plus, le même ministre qui nous dit ça... si je me réfère à l'article 19 de la
loi sur la pauvreté et l'exclusion, le
ministre dit souvent : C'est la loi-cadre, hein? Bon, c'est comme si,
parce que c'est une loi-cadre, on n'y réfère pas. On y réfère certain. C'est une loi importante, une
loi-cadre, ça donne aussi des orientations puis ça dit un peu une volonté,
là, pour le gouvernement.
L'article 19
de la loi-cadre mentionne : «Le ministre est d'office le conseiller du
gouvernement sur toute question relative
à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.» Le même ministre
qui nous dit qu'on peut pratiquement vivre avec 300 $ par mois, là.
M. Blais : ...
M.
Turcotte : Vous
aurez le temps de répliquer par la suite.
M. le
Président, le ministre, s'il veut répliquer, pourra répliquer, mais moi, c'est
ce que j'ai entendu. Peut-être que j'ai
mal entendu. Mais ma collègue a posé plusieurs fois la question : Comment
ça prend d'argent pour être capable de vivre?
400 $, 300 $, le revenu minimum garanti? Le ministre :
J'aimerais mieux ne pas répondre, je ne veux pas prendre ça
personnellement, puis tout ça, bon. Beaucoup de parenthèses pour finalement
arriver au fait qu'après toutes les sanctions,
là, bloc 16, Conséquences de l'absence, après quatre absences, bien, la
personne, elle va devoir vivre avec 399 $ plus le 103 $. Je vais le rajouter, parce que le ministre va tout
de suite me le sortir. Mais ça, même les gens qui ne sont pas à l'aide sociale ont le
103 $ par mois. Donc, ça fait 502 $ par mois. 502 $ par mois,
là, on n'est pas capables de se payer un
loyer, on n'est pas capables de s'alimenter, puis on a encore moins l'occasion
de subvenir aux autres besoins de base.
Je continue
l'article 19. «Le ministre est d'office le conseiller — le conseiller — du gouvernement sur toute question relative à la lutte contre la pauvreté et
l'exclusion sociale. À ce titre, il donne aux autres ministres tout avis qu'il
estime opportun pour améliorer la situation économique et sociale des
personnes et des familles en situation de pauvreté et d'exclusion sociale et il est associé à l'élaboration des mesures qui
pourraient avoir un impact
significatif sur ces personnes et ces familles.
«Il incombe aux ministères et organismes du
gouvernement de communiquer au ministre les renseignements nécessaires à
l'exercice de ces responsabilités.»
Moi, je lis
ça, M. le Président, et je
comprends que c'est le ministre
qui est devant nous actuellement, et c'est le même ministre
qui parraine un projet de loi important, le projet
de loi n° 70, qui, à nos yeux — et
on n'est pas les seuls, un grand
nombre de groupes sont venus ici, en commission
parlementaire, se faire entendre, un grand groupe d'organismes nous ont
envoyé des mémoires parce qu'ils n'ont pu être entendus en commission
parlementaire...
En passant,
je rappellerais, M. le Président, que peu de groupes ont sauté de joie à la
lecture du projet de loi actuel, là,
hein, on s'entend? Même les groupes qui étaient favorables au projet de loi
avaient des bémols, là, et même les groupes qui étaient favorables à l'obligation disaient qu'on ne devait pas
embarquer sur le terrain des sanctions. Même le Conseil du patronat a mentionné qu'il est très difficile
de vivre au Québec avec 623 $ par mois. Bon, on a entendu ça, ici, là.
Tous ceux qui étaient présents ont entendu ça.
Le même
ministre, qui est le conseiller, qui est d'office le conseiller du gouvernement
sur toutes les questions relatives à
la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, dépose ce projet de loi là
qu'on a, aujourd'hui, devant nous, qui, je dois le dire — je dois le dire — va créer de la pauvreté, va créer de la
pauvreté, parce qu'on le voit, là, avec les sanctions... Puis le ministre, c'est comme s'il nous dit :
Si les gens n'acceptent pas le programme ou si les gens sont absents... Et on
ne le sait pas, pourquoi, là. On
donne des exemples, on a donné quelques exemples puis, bon, souvent, le
ministre, bon : Ah! oui, peut-être, on ne sait pas.
On ne peut
pas connaître l'état de la vie de chacun des nouveaux prestataires et les
impacts que ça peut avoir sur leur
vie. Donc, moi, je dis qu'à l'heure actuelle, là, en s'attaquant à la
prestation de base d'aide sociale, inévitablement, ça va créer de la pauvreté et ça va à l'encontre de
différentes lois qu'on a mentionnées. D'autant plus qu'hier on l'a su — on l'a su, le ministre l'a lui-même
confirmé — que,
pour les nouveaux demandeurs, donc les prestataires du programme Objectif emploi, ils n'auront pas les mêmes droits
que les prestataires d'aide sociale actuels. Il nous a dit ça quand on a fait
référence à l'article 59, je crois, hein, de la Loi sur l'aide aux personnes et
aux familles, article 59 qui, je vais le citer, M. le Président, ça vaut la peine de le citer, article 59 : «La
prestation accordée à l'adulte seul ou à la famille ne peut être réduite
pour défaut d'entreprendre des démarches en vue d'intégrer le marché du
travail, notamment en cas de refus, d'abandon ou de perte d'emploi.»
• (15 h 50) •
M. le
Président, le ministre a mentionné que cet article-là, ça ne s'appliquait pas
aux participants du programme Objectif
emploi parce qu'ils n'étaient plus considérés dans la même case — même si je n'aime pas ça dire ça, mais c'est
quand même ça, le fait — que les prestataires actuels de l'aide
sociale. Moi, j'ai bien de la misère. Bien de la misère. On est en train
de créer deux catégories, même si on sait que ça se fait déjà parce qu'on sait,
bon, des participants à des programmes, puis tout ça, des fois, ont des statuts
particuliers. Mais ces participants-là aux programmes particuliers actuellement ne sont pas obligés de participer à
ces programmes-là. Il y a un choix qui se fait. Là, le programme Objectif
emploi est obligatoire pour les nouveaux
demandeurs et, s'ils n'acceptent pas, bien, ils n'en ont pas, de prestation.
Et, s'ils acceptent, et pour des
raisons qu'on pourrait énumérer, mais
on y reviendra, ils seront sanctionnés, en premier sur l'allocation
spéciale et, par la suite et à différentes fréquences, sur la prestation de
base. Donc, selon moi — selon
moi — le
sous-amendement de notre collègue la députée
de Gouin est très pertinent parce qu'effectivement nous voulons éviter
que les personnes, les adultes seuls et les familles soient confrontés au
dénuement total.
Je l'ai
mentionné hier et je le redis aujourd'hui : C'est pratiquement une clause
orphelin, hein? On le voit, là, on l'a vu
dans d'autres sujets, dans d'autres enjeux, et je crois qu'il y aura des
contestations de ce programme-là parce que c'est vraiment parce qu'on est nouveau demandeur, donc soit à cause de notre
âge... Puis le ministre dit toujours : C'est les jeunes, c'est les jeunes, c'est les jeunes. Mais
on sait qu'il y en a d'autres, mais, en même temps, de viser juste les jeunes,
uniquement les jeunes, ça serait vraiment considéré, là, discriminatoire. Donc,
on inclut un certain nombre d'autres personnes
pour montrer que ce n'est pas que les jeunes, mais le ministre — et le précédent ministre — s'attaque vraiment aux jeunes dans le
projet de loi, on le voit.
On a demandé
à plusieurs occasions, puis je crois que c'est notre collègue la députée de
Gouin qui, à l'Assemblée nationale,
au salon bleu, s'est levée durant son intervention pour demander une étude, une
analyse différenciée selon les sexes.
Elle l'a demandée. Elle a demandé de suspendre l'étude du projet de loi tant et
aussi longtemps qu'on ne connaissait pas
les résultats de cette étude. Ça a été refusé. On l'a mentionné, le syndicat de
la fonction publique a fait une demande d'accès à l'information pour
obtenir toutes les études et analyses des impacts du projet de loi. Je ne me
souviens plus exactement, là, mais je crois
qu'on en a... le syndicat a reçu une information comme quoi qu'il y en avait
peut-être 17, études, là, et
documents, et seulement qu'une a été transmise. Donc, peu importe le nombre,
là, sur tout le nombre, qui était
quand même important, seulement qu'une étude a été transmise. Et le ministre
nous a déposé, ici, la réponse ainsi que
le document en question, qui est un document quand même assez de base, là, qui
ne dit pas grand-chose sur l'impact du projet de loi, bien entendu.
Je pourrais
mentionner différents éléments, M. le Président, mais je pourrais citer le
RAPSIM, qui est le Réseau d'aide aux
personnes seules et itinérantes de Montréal, qui mentionne, dans la revue...
bien, ce n'est pas le RAPSIM, là, mais le RAPSIM est
impliqué indirectement, là, mais c'est dans la revue L'Itinéraire de
janvier 2016. Une citation, ici : «Dans
le Plan d'action interministériel en itinérance 2015‑2020, il est reconnu
pourtant que le niveau des prestations actuel permet à peine de couvrir la moitié des besoins essentiels d'une
personne, qui sont de se loger, de se nourrir, de se vêtir et de se déplacer. Le gouvernement envisage tout de
même de couper dans un niveau de revenu déjà largement insuffisant.»
Je l'ai mentionné, les groupes, bon, de la
Mauricie et du Centre-du-Québec ont fait un exercice, on pourrait mentionner plusieurs groupes comme ça qui ont fait
un exercice de rencontrer leurs membres, de rencontrer les participants pour voir leur opinion, ce qu'ils en pensaient,
comment qu'ils vivaient cette situation-là. Force est de constater qu'il n'y a
pas personne, il n'y a pas personne qui est capable de vivre après les
sanctions qui sont mentionnées.
Et, en
terminant, pour l'instant, M. le Président, le ministre aime beaucoup
l'histoire, j'aimerais rappeler une partie sombre de l'histoire de l'aide sociale au Québec, qui, malheureusement,
célèbre son 30e anniversaire ce mois-ci. Et vous aurez compris, M. le
Président, qu'il est question, bon... en mai 1986, le gouvernement libéral
engage une escouade d'environ 150 agents,
qu'on a appelés les boubous macoutes par la suite, et qui faisaient, au fond,
la chasse aux sorcières, hein,
rentraient dans les maisons et partout pour voir qu'est-ce qui se passait dans
les ménages. Effectivement, ça arrive, des
fois, qu'un gouvernement, qu'un parti politique fait des choses qu'on peut dire
regrettables, mais je crois qu'on a aussi la responsabilité de travailler à
améliorer notre présent et notre avenir. Puis je crois que le ministre a
actuellement une belle opportunité, effectivement — effectivement — d'aider
les gens à se trouver un emploi, effectivement, d'aider les gens à améliorer leur formation
et leurs compétences de base, puis j'inclurais beaucoup, principalement important,
l'alphabétisation, le ministre
l'a mentionné aussi, la francisation, et aussi, oui, si on peut faire en sorte de développer des habiletés sociales pour les gens puis que les gens
puissent être davantage autonomes, puis puissent participer davantage
dans la société. Mais tout ça, tout ça peut se faire sans obligation de la part
du ministre et sans sanctions.
Quand je
dis : Sans obligation, j'aimerais rappeler, M. le Président, le ministre a
refusé notre amendement, a voté contre
notre amendement qui visait à... Le ministre aime ça parler de la contrepartie,
hein, il parle souvent de la contrepartie. Dans ce cas-ci, là, le gouvernement avait une belle occasion de
démontrer que lui aussi, il prend une obligation de résultat, parce qu'en ce moment les seuls qui ont une
obligation de résultat sous peine de sanctions et d'en arriver, comme notre
collègue le mentionne, la députée de Gouin, dans le dénuement le plus total,
bien, le gouvernement avait une belle occasion
de démontrer que lui aussi, il a une obligation de résultat, puis de bien faire
les choses, puis de s'assurer que son programme
Objectif emploi soit performant, efficace, puis qu'il réponde aux besoins des
prestataires, des bénéficiaires.
Mais, pour
ça, il faut qu'il y ait les services, il faut qu'il y ait l'accompagnement.
Jusqu'à maintenant, on n'a pas eu, tant que ça, la preuve que c'est au
rendez-vous. Même si le ministre nous annonce, là, 3,5 % d'augmentation,
là, on s'entend, là, c'est beaucoup, hein,
dans l'indexation de base, là. Et, quand on voit tout le nombre d'agents qui
ont... qui, d'année après année,
diminue le nombre d'agents dans les centres locaux d'emploi, qu'on ferme les
centres locaux d'emploi... Hier,
notre collègue de Richelieu en a fait la nomenclature : Saint-Rémi,
Contrecoeur, etc., Granby, donc des centres locaux d'emploi qui ferment.
Sinon, quand il y a des centres locaux d'emploi, ça devient juste un comptoir
postal, là, hein? À Mirabel, si je ne me
trompe pas, à Mirabel, on rouvre la porte, c'est un comptoir avec une boîte aux
lettres, puis il y a un téléphone, et
puis, une journée par semaine, on a une agente, un agent qui est là et qui
accepte les demandes, prend les demandes puis il transfère ça ailleurs.
Donc, côté services, accompagnement personnalisé, de la difficulté.
Donc, moi, je
crois que le ministre, s'il veut être crédible sur sa volonté de résultat pour
le programme Objectif emploi, il doit
prendre l'obligation, lui aussi, sur ses épaules, et pour le gouvernement, de
dire que : Oui, les services seront au rendez-vous, oui, l'accompagnement sera au rendez-vous, puis, oui,
les places seront disponibles pour les formations, pour le développement des habiletés sociales et,
là, on pourrait commencer à jaser de quelque chose. Mais là on n'en est pas là : en ce moment, les seules personnes
qui ont le fardeau de la preuve, c'est les nouveaux demandeurs, les primodemandeurs, qu'on appelle. Et c'est déjà eux
qui ont à vivre, au quotidien, les réalités de leurs conséquences. Il n'y a
pas plus conscients des problèmes de la
pauvreté que les gens qui la vivent, ils la vivent au quotidien. Ils ont déjà
des enjeux d'être capables de se
nourrir, de se trouver de la nourriture pour finir la semaine, d'être capables
de payer le compte d'Hydro. On le
sait, c'est la période, là... là, c'est terminé un peu, là, mais, dans les
dernières semaines, les derniers jours, c'était la période du début des coupes à Hydro-Québec. Le
nombre de personnes qui a appelé à mon bureau de circonscription, j'en ai déjà parlé, j'en ai déjà fait référence,
M. le Président, ce n'est pas des gens qui vivent dans la richesse; des gens
qui vivent dans la pauvreté, puis c'est des gens qui ont des choix difficiles à
faire et, des fois, malheureusement, bien, n'ont pas assez d'argent pour
boucler leurs fins de mois.
Donc,
avec toutes les sanctions que nous avons là, M. le Président, moi, je crois que
l'amendement... le sous-amendement, pardonnez-moi, le sous-amendement de
notre collègue la députée de Gouin est d'autant plus pertinent. Bien entendu, il s'inscrit dans le cadre de l'amendement que
j'ai déposé. Et je crois que le ministre pourrait y réfléchir parce qu'il a la
responsabilité, selon la loi-cadre, d'être
le conseiller spécial du gouvernement dans toutes les matières. Et donc il a
cette responsabilité-là, il doit assumer le poids de cette responsabilité-là, il aura à appliquer le projet
de loi n° 70, mais il a aussi à
appliquer et à insuffler cette volonté-là de
la loi-cadre dans toute l'action du gouvernement.
Et moi, je crois puis je l'ai dit, je sais que le ministre a une sensibilité et
a développé une expertise dans la matière, je crois qu'il est la personne toute
désignée pour occuper ce poste-là.
Cependant, il faudrait que ça ne s'arrête pas qu'aux paroles, mais que ça passe
dans les actes et dans l'action. Merci, M. le Président.
• (16 heures) •
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Saint-Jean. M. le
ministre, voulez-vous réagir à ces
derniers propos, avant que je passe la parole à quelqu'un d'autre?
M.
Blais : Oui. Hein, soyez
prudent sur l'expertise, je suis juste un ancien professeur de philosophie, là,
donc soyez très prudent là-dessus.
Deux
éléments, donc. Je vais être obligé de corriger, là, le collègue. L'article
83.1 a une portée juridique en ce
moment et il oblige le ministre à offrir un accompagnement personnalisé. Il
l'oblige, et un prestataire pourrait avoir recours
contre le ministre. Donc, il a une portée juridique. L'amendement que vous proposez n'a aucune portée juridique. C'est la raison
pour laquelle j'ai considéré, là, qu'il était inutile.
Le Président
(M. Cousineau) :
Merci, M. le ministre. Alors, je suis prêt à céder... Oui. M. le député de Masson.
M.
Lemay : Bonjour, M. le Président, M. le ministre. Bien moi, j'avais juste une petite question,
là. En fait, la semaine dernière, là,
vous avez introduit le nouveau diagramme, là, qui explique ce qu'on discute,
tantôt, des absences, là, et puis peut-être
deux, trois questions rapides, là. Quand vous parlez, là, de s'absente
pour plus de cinq jours, est-ce que
vous mentionnez cinq jours consécutifs ou si c'est quelqu'un, exemple, qui
s'absenterait pendant cinq vendredis? J'aimerais juste avoir le détail, là.
Pour vous, cinq jours, est-ce que c'est cinq jours consécutifs?
M. Blais : Ça, ici, c'est un exemple
qu'on a utilisé, là. C'est un exemple de quelqu'un qui est plutôt dans un parcours de formation. Donc, ces cinq jours, ça
n'a pas nécessairement à être consécutif, puisqu'après cinq jours, là... Disons,
je suppose qu'ils sont assez rapprochés
quand même dans le temps, là. Il ne faudrait pas que ça soit cinq jours sur un
an, là, mais cinq jours à l'intérieur
d'une... deux semaines, par exemple, là. À ce moment-là, la personne est
rappelée uniquement pour voir s'il y
a un problème : il y a peut-être un problème de santé, il y a peut-être
une très bonne justification pour ça. Mais
effectivement, s'il n'y a aucune justification, donc là, il y a un
avertissement qui n'a aucune conséquence financière.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Masson.
M. Lemay : Vous mentionnez, là, à
l'article 83.2, là, qu'il va y avoir des conditions prévues par règlement. J'imagine que ce que vous venez de mentionner, ça
sera prévu dans le règlement pour préciser et encadrer, là, la durée de
cinq jours?
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M. Blais : Oui. On va essayer d'être
le plus... Bon, ici, là, les intentions réglementaires, on l'a utilisé comme exemple pour indiquer un peu comment ça peut et ça
doit fonctionner, là. On aura des éléments un petit peu plus précis, là, sur les autres parcours. Il faut comprendre
que les parcours peuvent être hétérogènes, hein? C'est-à-dire, tout d'abord,
si vous avez des problèmes à résoudre au
niveau de l'hébergement, hein, si vous n'avez pas d'endroit pour vous loger,
il faut régler ce problème-là avant de
penser à toute autre chose, et on va vous aider, avec des ressources, à trouver
une façon de vous loger correctement. Ça peut prendre un certain temps,
ça.
Ce qui est important dans Objectif emploi, hein,
moi, dans ça, une autre différence avec le programme du Parti québécois — parce que j'en oublie souvent, là, hein — c'est qu'il n'y a pas d'obligation de
résultat ferme, hein? On pourrait
même dire : Bien, le programme n'est pas très sévère là-dessus parce qu'il
n'y a pas vraiment d'obligation de résultat, il y a une obligation de
participation.
Vous
dites : Écoutez, moi, j'ai besoin d'aide pour trouver un logement, je ne
peux pas commencer une mesure tant
que ce n'est pas réglé. Je dis : Bien oui! Bien sûr, c'est tout à fait
normal, donc, trouve un logement. Parfois, ça peut être simple, parfois,
ça peut être plus difficile, selon les circonstances. Une fois que ça, c'est
réglé, on peut peut-être regarder quelle est la prochaine étape. Est-ce que la
prochaine étape, c'est de rencontrer des gens dans un carrefour jeunesse-emploi pour essayer d'identifier :
Bien, c'est quoi, ton projet? Qu'est-ce que tu aimerais faire? Veux-tu étudier,
veux-tu aller chercher une qualification?
Est-ce que tu préférerais plutôt travailler ou obtenir un stage? Ça aussi, ça
peut prendre un certain temps, hein? Ce n'est pas à la première
rencontre, nécessairement, que l'on... Donc, il n'y a pas de délai qui dit : Après trois mois, tu dois
être rendu à telle étape... Parce que, hein, il y a trop de variations dans les
situations humaines entre les
personnes. Certains partent de plus loin, certains ont un passé plus difficile,
d'autres partent de plus près. Donc, il n'y a simplement que
l'idée qu'une fois qu'on s'est entendus sur ce qu'on doit faire ensemble, bien,
tu acceptes de t'en tenir à ça, à moins qu'on se rencontre une autre fois pour
dire : Bien non! Finalement, le plan n'est peut-être pas le meilleur,
voilà ce que je propose comme nouveau plan. Donc, ça, c'est une différence
assez importante avec le programme du Parti québécois. J'avais oublié de
le mentionner, je m'excuse.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Masson.
M.
Lemay : Puis ce que je
comprends aussi, c'est que, dans le niveau de gradation des absences, là, les
absences prennent fin après 12 mois
si le ministre n'a pas décidé d'étendre ça pour une durée totale
de 24 mois. Donc, après 12 mois, la
personne, elle retourne à sa situation initiale. C'est ce qui est prévu dans la disposition que vous mettez en place, là,
par l'introduction de l'article 28, là.
Le Président (M. Cousineau) :
Mais là on n'est plus du tout...
M.
Blais : Oui. Là, il y a peut-être une confusion, là. J'essaie de bien
comprendre, parce que 83.2 porte sur la durée du programme. Le programme peut s'étendre jusqu'à deux ans, mais une participation continue est satisfaisante après 12 mois.
M. Lemay : Mais ce que je veux dire, c'est : Quelqu'un
qui se rendrait au quatrième niveau d'absence... Supposons, là, la personne, elle commence le programme, O.K.,
puis, dès le début du programme, elle décide qu'elle s'absente. Par exemple, là, que, rendu au sixième jour, là, il reçoit un
appel pour avoir une rencontre, puis là, le sixième jour, il ne se présente pas, ça fait que là... à sa
rencontre... Supposons qu'il l'avait fixée à la septième journée, là, là ça
peut aller vite, là. Si on se rend
compte, là, ici, on a au moins 20 jours d'absence plus les délais
administratifs, quelqu'un, à
l'intérieur de deux mois, peut déjà s'être rendu au niveau 4
d'absences. Donc, cette personne-là, elle serait dans une situation...
dans mon exemple, dans mon hypothèse
de travail, elle aurait au moins 10 mois de temps qu'elle devrait recevoir
cette même prestation, là, de 502 $, comme vous mentionnez. Après 12 mois,
cette personne-là, son programme a pris fin, elle retourne à la case
départ de l'aide sociale? C'est ça, elle retourne à son 726 $?
M. Blais :
Oui.
M. Lemay :
C'est ça, la théorie, là. Je veux juste savoir si c'est ça que vous êtes en
train...
Le
Président (M. Cousineau) : Attention pour ne pas parler en même
temps, là. Ne parlez pas en même temps.
M. Blais :
Oui.
M. Lemay :
Parfait.
M.
Blais : ...parler en même temps, parler vite, aussi. Donc, il faut
suivre, là. Le programme dure 12 mois, où il doit y avoir participation. Là,
vous, vous avez constitué un exemple où... Mais la personne, visiblement, ne
participe pas ou est...
M. Lemay :
C'est ça, aucune participation.
M.
Blais : À ce moment-là, si, après quatre mois — là, je ne veux pas commettre d'erreur, là,
on me corrigera — il
y a eu absence, il y a eu manquement à ses
engagements, etc., à un moment donné, bien, les pénalités s'accumulent. La
première, elle est de 56 $. En passant,
ce n'est pas des nouvelles pénalités, hein? On présente ça comme quelque chose
de nouveau. Ces pénalités-là existent déjà à
l'aide sociale, il y a déjà des gens qui vivent avec des pénalités exactement
du même type, donc, pour des cas de fraude,
alors que nous, dans ce cas-ci, les pénalités, on pourrait aussi les appliquer
aux participants... aux non-participants,
plutôt, au programme. Et, si quelqu'un se rend, là, volontairement ou non, là,
à une série d'échecs, là il aura une
prestation qui est coupée, pendant une période de temps qui ne peut pas excéder
24 mois depuis le début — c'est bien ça — de l'inscription de la personne. Donc, tu
sais, j'essaie de reprendre votre exemple. Si vous me dites : À
l'intérieur de quatre mois, elle a brûlé toutes ses chances, bien, il lui reste
encore 20 mois à avoir une prestation
diminuée, et, au bout de ces 20 mois là, bien, elle redevient éligible au
programme d'aide sociale, là, si c'est son souhait, là.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Masson.
M.
Lemay : Mais, M. le Président, ici, M. le ministre nous parle qu'il...
c'est pour 24 mois. Mais, en fait, on n'a pas encore étudié, là, l'article
83.2, mais, à 83.2, on dit que ça peut être prolongé sur un 12 mois
additionnel. Mais ça, c'est le
ministre qui en décide, ou son ministère, ou la personne qui est responsable,
là, et j'espère que, dans toutes les directions
régionales ou tous les CLE ou CJE, là, il y aura la même consigne. Mais, je
veux dire, quelqu'un qui a refusé d'obtempérer,
est-ce que ça va être mentionné par règlement? Dans un cas de refus
d'obtempérer, on va systématiquement, ça, étendre pour une période de 24
mois?
• (16 h 10) •
M.
Blais : Non, non! Là, on va
plus loin que... On va voir cet article-là, là, on en a déjà parlé un petit peu. Mais il y a une possibilité de prolongation dans des cas où la personne
participe où ça fonctionne bien. Pensons, par exemple, à un retour aux
études, où il y a une progression normale, une participation correcte, les bonifications sont pleines et entières. Après 24
mois, le programme n'est pas terminé tout à fait, mais tout progresse bien,
alors, à ce moment-là, on peut considérer
maintenir les bonifications pour que la personne termine son programme. Donc,
c'est plutôt pour les gens, disons, qui participent
bien, qui vont bien, qui progressent, qu'il peut y avoir une possibilité de
prolongation.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Masson.
M.
Lemay : Bon, j'essayais juste de comprendre un peu, là, quelqu'un qui
décidait de ne pas collaborer, il avait une pénalité de son aide sociale pendant combien de mois, là. Là, dans
la deuxième explication que le ministre vient de donner, je comprends qu'on parle d'une prolongation lorsqu'il y a
collaboration, et que quelqu'un n'a pas terminé, puis on sent qu'il
aurait besoin d'un 12 mois supplémentaires pour pouvoir arriver à avoir tout le
développement de ses habiletés sociales, ses
acquisitions de compétences, là. Donc, on ne ferait pas une prolongation pour
quelqu'un qui décide volontairement de ne pas participer au programme,
là.
M.
Blais : Non, c'est pour donner un petit coup de main à des gens qui
vont bien puis qui auraient besoin d'un peu plus de temps dans une bonne
démarche. Alors, on maintient la bonification pour ces personnes-là, pour
qu'elles terminent leur parcours. Et les cas sont explicités, là.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Masson.
M. Lemay : Merci pour les
éclaircissements.
Le
Président (M. Cousineau) : Ça va? Merci. Alors, vous avez remarqué
qu'on vous a laissé poser beaucoup de
questions sur le tableau qui a été déposé, mais on est sur un sous-amendement,
là. Mais, étant donné que... On vous a laissé quand même...
M. Lemay : Ça va. Merci.
Le Président (M. Cousineau) :
...la grande générosité du président, ça.
Mme la
députée de Gouin, voulez-vous poursuivre? Il vous reste quatre minutes. Ah!
oui, bien, j'y vais par alternance.
Mme David
(Gouin) : Oui? D'accord, M. le Président, merci. Quelques remarques,
donc. Quatre minutes. D'abord, dans
la loi sur la pauvreté et l'exclusion, à l'article 12, on dit clairement que
les mesures qu'on devra prendre — donc, dans le contexte de la lutte à
la pauvreté — devront
être «complémentaires et cohérentes».
Dans mon
esprit... ce n'est peut-être pas le cas du ministre, mais des mesures
complémentaires et cohérentes, ça veut
dire que, si l'on pense que les personnes doivent avoir, comme je le disais ce
matin, une sécurité alimentaire, le droit à la dignité, le droit au logement, doivent avoir une mesure d'aide
financière convenable, il me semble que des mesures complémentaires et
cohérentes, ça ne peut pas conduire à des sanctions qui privent les gens de
droits élémentaires.
L'autre chose
que j'aimerais dire, c'est que je comprends que le ministre nous dit : La
loi-cadre n'a pas une portée juridique
à l'infini, là, ça n'est pas la Charte des droits et libertés de la personne.
Mais, quand même, moi, je considère que
cette loi-cadre, depuis 2002, inspire les orientations des gouvernements qui se
succèdent. Elle n'a jamais été remise en question. Et, au fond, je crois que le ministre de l'Emploi et de la
Solidarité sociale, c'est celui qui est, quelque part, le fiduciaire de cette loi. C'est celui qui, je
pense, doit s'en sentir le meilleur représentant. Alors, je dis ça en réponse à
ce que le ministre a dit tout à l'heure.
Parce que le
ministre nous dit beaucoup, beaucoup : Vous savez, on est quasiment les
seuls au monde à rendre la prestation de base inconditionnelle — là,
je parle toujours des gens qu'on dit aptes au travail — et
que la menace ou l'hypothèse de sanctions,
de conséquences financières, donc, selon des études, je ne sais pas lesquelles,
mais des études, il serait démontré,
là, que ça, c'est vraiment extrêmement efficace pour que les gens acceptent de
suivre des programmes.
Or, dans son
mémoire déposé à la commission parlementaire, donc en auditions, la Protectrice
du citoyen disait que ce modèle — donc, le modèle de l'approche mesures
d'employabilité, sinon, sous peine de sanctions, là — «a été suivi
à la fin des années 1980, alors que la Loi sur la sécurité du revenu, puis la
Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale en 1998, assujettissaient les
prestataires aptes au travail à l'obligation d'adhérer à des mesures d'employabilité sous peine de sanctions
financières. Elle a été cependant abandonnée en 2005 par la sanction de la Loi
sur l'aide aux personnes et aux
familles, ses résultats ayant été jugés moins probants que l'approche volontaire.»
Intéressant.
Alors, comme
on continuera certainement toutes ces discussions, je vais aller me renseigner,
on va mettre une couple d'hommes là-dessus,
là, comme disait l'autre, pour — oui,
oui, «mettre un homme là-dessus», c'est dans une chanson de Richard Desjardins, là, bon — pour
aller trouver sur quelles études se base la Protectrice du citoyen,
puisqu'elle dit que les résultats
des menaces de sanctions, c'est moins probant que l'approche volontaire. Alors,
bon, je mettrai une femme là-dessus, s'il le faut.
Le
Président (M. Cousineau) : Ça, c'est beaucoup plus... Parce que de dire : Je vais mettre
un homme là-dessus, ça passe,
mais, s'il avait fallu dire...
Mme David (Gouin) : Chanson!
Le
Président (M. Cousineau) : ...qu'on précise «mettre une femme là-dessus», Mme Poirier
n'aurait pas aimé ça.
Des voix : ...
Le Président (M. Cousineau) :
Oh! la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Ceci dit — on s'amuse un petit
peu — une
réaction?
Mme David (Gouin) : ...
Le Président (M. Cousineau) :
Non, non, non! Une réaction, M. le ministre?
Des voix : ...
M.
Blais : Non, non, ça va. On
a demandé à la Protectrice du citoyen quelles étaient les études en question,
là. Finalement, ils avaient les mêmes, là, il y avait rien de nouveau,
là, dans les fameuses études en question.
Il faut faire
très attention, encore une fois, là-dessus. Ce n'est pas des choses qui sont faciles à
mesurer, du point de vue
méthodologique, l'impact d'avoir ou pas des sanctions sur la sortie d'aide
sociale. Parce que, finalement, c'est ce qu'on veut savoir, c'est : Est-ce que ça
augmente la sortie d'aide sociale ou si ça n'augmente pas la sortie d'aide
sociale? Ce n'est pas aussi facile
qu'on pense... à éviter absolument. Du point
de vue méthodologique, c'est, disons,
les enquêtes, où on fait des sondages
auprès des personnes, parce que les personnes sont biaisées par rapport à elles-mêmes et par rapport
à leurs motivations, hein, surtout dans des questions délicates comme ça. Ce
qui est mieux, c'est d'essayer de voir exactement concrètement les comportements. Vous ajoutez les
sanctions, est-ce que vous voyez les effets? Bien sûr, il faut que vous contrôliez toutes les autres
variables : Est-ce que votre population a changé ou elle n'a pas changé?
Ça, il y a des façons de contrôler ces variables-là pour éviter des
effets, disons, d'endogénéité des variables. Une fois que c'est fait — ce
n'est pas facile à faire — là,
vous en arrivez à des conclusions qui sont assez probantes.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Alors, je suis prêt à reconnaître maintenant
M. le député de Rimouski sur
le sous-amendement.
M.
LeBel : Merci, M. le Président. Là, tantôt, je souriais, là, la ligne du ministre
est revenue, là, sur la faute du PQ, mais mon collègue disait...
M. Blais : Je n'ai jamais dit ça.
M.
LeBel : Mais ça ressemblait
un peu à ça. Mon collègue disait : Hier, le ministre nous avait promis que
c'était la dernière fois hier. Ça fait
que je me disais : Ah! une autre promesse rompue des libéraux, une autre
qui s'est rajoutée sur la liste. On va prendre ça en note.
Une voix : ...
Le Président (M. Cousineau) :
Poursuivez, M. le député. Ne suscitez pas de débat.
M. LeBel : C'est bon, mais elle
était trop facile.
Mon collègue a aussi parlé du rôle du ministre,
là, comme un peu le chien de garde du gouvernement pour protéger ceux qui, malheureusement,
sont confrontés à la pauvreté. Puis je me souviens, quand on avait travaillé
sur la loi pour lutter contre la pauvreté,
un gain important, un gain de cette loi qui venait de la société
civile, là, qui venait des groupes qui nous le demandaient, puis ça
n'avait pas été facile à intégrer dans la loi, mais tous les partis avaient convenu de l'intégrer... Puis je le dis, là,
c'était vraiment un gain de la société civile, c'est la
clause d'impact, où, par la loi, on
disait : Bien, chaque projet de
loi du gouvernement dans tous les
domaines, bien, le ministre devait fournir une clause d'impact, analyser les projets de loi de tous les ministères avec la lunette, qu'est-ce que ça peut donner par rapport à la pauvreté, qu'est-ce que ça peut avoir comme effet.
Et je trouve ça spécial, des fois, quand je
regarde... Ce matin, je lisais le mémoire du comité consultatif. S'il y avait une clause d'impact avec un mémoire
comme j'ai lu ce matin, je ne sais pas, il me semble qu'on aurait dû réagir
ou se poser certaines questions. Ce matin
aussi, quand je lisais le mémoire, le ministre disait, bon, ça manquait de rigueur, et tout ça. J'ai essayé de voir qui était là-dessus,
mais je ne connais pas le monde qui sont là, sauf une personne avec qui j'ai eu la chance de travailler comme... J'étais
au cabinet de la Famille à l'époque, puis c'était M. Pierre Michaud, qui est
en Gaspésie, qui était un grand mandarin de
l'État, là. C'est quelqu'un qui était à la base des centres de la petite
enfance, qui... Ça me surprend, là,
connaître ce monsieur-là pour avoir travaillé avec lui dans le temps que
j'étais dans le cabinet de la ministre, ça me surprend que ce monsieur-là ait pu manquer de rigueur ou je ne sais
pas trop, mais je pense que, dans ce que j'ai pu lire ce matin, il y a
suffisamment de choses qui peuvent alerter, en tout cas, le ministre.
• (16 h 20) •
Parce que le sous-amendement parle du dénuement
total... il y a un élément, dans le rapport du comité consultatif, qui en faisait référence, puis j'aimerais ça vous le lire rapidement, puis après ça je vais vous parler d'un cas particulier.
«Au Québec...» Selon le comité, là. «Au Québec, le
montant des prestations est tellement faible qu'il s'agit déjà d'une
pénalité en soi. Des pénalités additionnelles, même de 10 %, sur un
montant déjà insuffisant pour assurer la couverture
des besoins essentiels, ne risquent-elles pas de fragiliser encore la situation
précaire de ces personnes, pouvant même aller jusqu'à en jeter certaines
et certains à la rue en cas de coupure plus drastique?
«En soi, un
revenu trop faible est un obstacle à l'intégration à l'emploi», selon le
comité. Il dit : «À preuve, les personnes
les mieux soutenues financièrement sont celles qui sont les plus susceptibles
de quitter l'aide sociale. Ainsi, entre
2004 et 2015, le nombre de familles monoparentales prestataires d'aide sociale
a chuté de quelque 27 % alors que le revenu avait augmenté de manière significative entre autres grâce à la
politique familiale québécoise. Pourtant, on peut penser que les femmes responsables d'une famille
monoparentale font face à des obstacles importants pour intégrer le marché du travail notamment en raison de la
difficulté d'accès à une place en [service de garde] à contribution réduite
et des difficultés de conciliation
famille-travail. Durant la même période, le nombre de personnes seules à l'aide
sociale a diminué de 6 %.» Ce
sont pourtant pour ces dernières que le revenu dont elles disposent est le plus
éloigné de ce qui est nécessaire pour couvrir leurs besoins de base.
«Les
prestations, surtout celles versées aux personnes dites sans contraintes à
l'emploi, sont si faibles qu'elles ne permettent pas de couvrir les
besoins de base de nombreux prestataires, tels que définis par la mesure du
panier de consommation, mesure retenue par
le gouvernement pour suivre l'évolution des situations de pauvreté. Cette
situation est pire encore pour les
personnes seules qui composent la vaste majorité des prestataires déjà à l'aide
financière de même que de celles et ceux nouvellement admis. Le revenu disponible d'une
personne seule à l'aide sociale, considérée sans contraintes à l'emploi — soit un revenu annuel disponible de
8 974 $ en 2016 — est loin du montant nécessaire pour couvrir les besoins de base. Ce montant était estimé à
17 246 $ en 2013, selon la mesure de panier de consommation.» Ce
chiffre n'est pas encore connu pour l'année 2016, mais il est
certainement plus élevé qu'en 2013.
Par ailleurs,
«la prestation de base versée est pourtant censée couvrir les besoins
suivants : alimentation, logement, entretien ménager, soins personnels,
communications, habillement, ameublement, transport, loisirs.
«Peut-on
sérieusement penser qu'une prestation de 623 $ par mois couvre l'ensemble
de ces besoins? Le montant pour ce
faire avait été établi à 667 $ en 1996 et n'a pas été révisé depuis,
malgré l'augmentation du coût de la vie. S'il avait été indexé selon le mode d'indexation des prestations versées aux
prestataires avec contraintes sévères à l'emploi, il s'établirait
aujourd'hui à quelque 925 $.
«Du temps où
des pénalités étaient appliquées, une personne pouvait se retrouver en
situation de dénuement. Il lui était alors possible de faire appel au
pouvoir discrétionnaire du ministre. Avec le programme Objectif emploi, tel que
mentionné précédemment, la possibilité de
recourir à la clause de dénuement [...] serait exclue, faisant ainsi fi du
droit à la sécurité économique, à la santé et la dignité des personnes.» En ce
sens-là, l'amendement déposé par la députée de Gouin a toute sa
pertinence.
Un groupe de
mon coin, qui s'appelle Action populaire Rimouski-Neigette, a déposé un
mémoire. Ils n'ont pas été entendus,
mais ils ont déposé un mémoire qui va dans le même sens que le comité
consultatif vient de nous dire. Ce qu'on dit, c'est : L'insuffisance de prestations empêche de combler des besoins
de base. Si on veut comme pousser, proposer de la coercition, couper,
bien, on vient augmenter la détresse personnelle de personnes qui sont déjà en
difficulté.
J'aimerais,
si c'est possible, M. le Président, parce qu'on en a parlé un peu tantôt, mais
ce groupe à Rimouski ont déposé, dans leur mémoire, un budget.
J'aimerais ça le déposer si c'était possible.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, c'est possible, certain.
M.
LeBel : Puis je vais vous en faire part... bien, c'est parce que je
pense que ça explique assez clairement, parce que, quand on ne le vit pas, on ne peut pas toujours bien comprendre,
mais c'est un budget d'une personne, là, «d'une personne seule sur
l'aide sociale. Prestations, 623 $. Crédit pour solidarité, 80 $.
Total des revenus, 703 $ par mois.»
Document déposé
Le
Président (M. Cousineau) : M. le député de Rimouski, bon, vous
l'avez déposé, là, à la commission, c'est très bien, on va en faire quelques copies avant que vous donniez les
explications, ça va être préférable pour les députés de la commission,
là, qui vont pouvoir suivre très bien avec vous.
M. LeBel : On va suspendre un peu
pendant...
Le Président
(M. Cousineau) : On va suspendre une minute, là, ou deux, là,
le temps de faire des copies. Donc, c'est déposé à la commission.
M. LeBel : Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 25)
(Reprise à 16 h 27)
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, nous reprenons. M. le
député de Rimouski,
donc, vous allez nous expliquer, puis c'est toujours en lien avec le sous-amendement,
là, hein?
M. LeBel : Oui, oui. Bien, le sous-amendement
parle du risque de dénuement total, puis on essaie de voir comment on pourrait
protéger les personnes.
Je viens de
lire un extrait du mémoire du comité
consultatif qui... puis, je rappelle, qui est reconnu par la loi qui
lutte contre la pauvreté, qui ont des bureaux ici, sur Saint-Amable, qui est
reconnu dans la structure pour conseiller le ministre. Puis ils font des bons
mémoires, puis ils doivent avoir... je ne sais pas quel budget qu'ils ont pour
faire ces mémoires-là. Ça fait que, dans ce
sens-là, je pense que c'est important qu'on prenne en considération ce qu'ils
peuvent proposer, et ils amènent, eux autres mêmes, l'élément du
dénuement et qui explique qu'il y a un risque.
Je parle de
ça et je parle d'un mémoire qui a été déposé par un organisme populaire de
Rimouski, Action populaire Rimouski-Neigette.
Tu sais, ces groupes-là, ce qu'ils font souvent, c'est qu'ils amènent des gens
en situation de pauvreté puis ils
font des agoras, des discussions et ils parlent de cas concrets. C'est ce que
j'aime, c'est concret, c'est des réalités vécues. Ça fait qu'eux autres, ce qu'ils ont fait, c'est que, dans leur
mémoire, ils sont allés chercher des cas concrets, et ce que je vous ai
déposé, c'est le budget mensuel d'une personne réelle, qui existe, une personne
seule à l'aide sociale à Rimouski.
J'expliquais
que cette personne-là a des prestations de 623 $, des crédits pour
solidarité de 80 $, total des revenus mensuels de 703 $. Les dépenses : elle a un loyer, un un et
demie chauffé, éclairé, 385 $ par mois. Ce qu'elle dit, c'est :
«J'ai eu de la chance,
c'est très petit mais décent, et je suis très loin... [parce que je suis très
loin] sur la liste des HLM... Il manque de logements sociaux» à
Rimouski.
«Télécommunications :
80 $.» C'est un cellulaire à carte pour des urgences seulement, pas de
télé, mais Internet, on est en 2016,
ça me permet de communiquer. «Assurances — meubles, vie : 0 $.» Elle dit : Il
ne «faut pas que le feu prenne!» «Frais bancaires : 5 $. Pas
d'erreur que mon compte soit à découvert [j'ai] — 50 $
de frais.
«Alimentation :
108 $. Je dois faire appel à Moisson» Rimouski. C'est le comptoir
alimentaire. «Il faut cuisiner les
spéciaux, oublier le Guide alimentaire canadien : rares la viande et les
légumes! Et je manque de nourriture à la fin du mois.
«Transport :
50 $. Pour aller à l'épicerie et chercher mon panier à Moisson. Le reste
du temps, on marche, heureusement que j'habite en ville!
«Vêtements :
20 $. [Aux] comptoirs de vêtements! Je cherche des bottes de marche...
«Produits
hygiéniques/nettoyage : 20 $. Strict minimum.
«Médicaments : 0
$. [Il ne] faut pas tomber malade[...].
«Coiffure : 0 $.
[On laisse] pousser. Je regarde les autres puis je me sens moche...
«Dentiste[...] :
0 $. J'aurais besoin de changer mes lunettes... [mais] on oublie ça!
«Alcool/tabac :
0 $. J'ai la chance de ne pas avoir développé de dépendance[...]!
«Loisirs,
sorties, sport : 23 $. Cinéma une fois à la fin des mois sans
imprévus, café au resto à l'occasion pour voir du monde, c'est pour ma
santé mentale, sinon je craque. Sport : marche[...] — c'est
tout.
«Livres, inscription
à un cours... 0 $.
«Entretien, déco du
logement : 0 $.
«Cadeaux :
0 $. J'écris quelques mots [puis je fais] un dessin [...] à la
main...
«Animal
domestique : 12 $. Juste un peu [pour nourrir] mon chat... jamais
malade...
«Électroménagers et
autres : 0 $[...].
«Imprévu :
0 $ = endettement assuré...
«Épargne :
0 $.» Elle dit : «Vous voulez rire???!!!»
«Total des
dépenses : 703 $.»
• (16 h 30) •
Ici,
la personne nous dit : «J'ai mis 6 mois à établir une routine pour me
permettre de survivre. S'il arrive un imprévu, je dois m'endetter. Emprunter à des amis ou parents, car bien sûr, je
n'ai pas droit au crédit dans aucune institution financière. Mes
possibilités de coupures sont au niveau de l'alimentation qui est déjà un poste
budgétaire insuffisant. Je pourrais emprunter
pour l'achat de lunettes à un fonds d'entraide, mais je n'ai pas de marge de
manoeuvre dans mon budget pour les remboursements.
«Je
ne mange pas à ma faim et je vis dans le stress continuel de vivre un imprévu.
Vais-je en perdre ma santé?»
Moi,
je pense que ça, c'est la base. On ne peut pas... Et ces personnes-là, si on
leur dit : Vous allez... Ils vivent déjà dans un climat de stress,
on leur dit : Vous allez embarquer dans un processus. Il faut vraiment
qu'ils soient bien accompagnés. Puis leur mettre sur le dos le risque d'être
coupés s'ils n'aiment pas ça, c'est des gens avec qui il faut travailler étroitement. Les groupes communautaires
le font bien, mais ce n'est pas des numéros, qu'on dit. On les place dans un continuum, là, puis, quand ils vont sortir
au bout de la machine, là, ils vont avoir un emploi ou ils vont être en... ce
n'est pas du monde qu'on prend comme ça.
Et
je pense que l'amendement a son sens parce qu'on ne peut pas aller plus bas, on
ne peut pas couper là-dedans, on ne
peut pas aller plus bas que ça. Ça fait que, oui, dans une démarche, mais
enlevons ça, l'épée de Damoclès, là, qui rajoute du stress à des gens
qui vivent déjà des situations qui ne sont pas acceptables.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Rimouski. M. le ministre.
M.
Blais : Peut-être,
je vais relever le défi du collègue, mais d'une autre façon, pour... Puis, s'il
veut prendre un crayon, là, pour peut-être réfléchir en termes
budgétaires? Alors, il ne faut pas que je me trompe.
M. LeBel :
...qu'il va le prendre...
M. Blais : Il ne faut pas que je me trompe dans les chiffres. Puis on va me
corriger si jamais je fais une erreur dans les chiffres. Un primodemandeur, là,
dans le projet actuel, s'il va chercher ses 20 heures, ou l'équivalent de 200 $, disons,
là, sans coupure, son revenu sera de 1 193 $ par mois, d'accord? Et,
pour ça, il doit travailler une vingtaine d'heures, 19 heures, à peu
près, pour aller chercher...
Une voix :
...
M. Blais : Pardon?
Une voix :
...
M. Blais :
Donc, quatre heures et demie par semaine.
M. LeBel :
...combien?
M. Blais : Les 200 $
auxquels il a droit, là, sans pénalité. Puis je vous rappelle qu'en plus, dans
le programme, il a la possibilité
d'aller chercher plus de revenus sans être coupé à 100 %, mais plutôt à
50 %, jusqu'à un certain seuil. C'est
un petit peu technique, on va rester peut-être avec la première partie, mais
c'est encore un autre avantage qu'on ajoute. Donc,
1 193 $ — c'est
bien ça — par
mois.
Un
travailleur à faibles revenus, hein, qui travaille 35 heures-semaine, disons,
141 heures dans un mois, donc, avec
l'ensemble des prestations — crédit d'impôt solidarité auquel il a
droit — et
d'autres prestations, on a les calculs ici : au Québec, a, au net,
1 547 $ par mois. Le différentiel, là, si je ne me trompe pas, c'est
354 $.
Alors,
je vous invite sincèrement, là... hein, on pourrait aller aux Halles de
Rimouski ensemble, faire un vox pop, hein,
peut-être pas auprès des groupes dont vous venez de parler, mais on parlerait
aux gens, là : Écoutez, en ce moment, là, à Rimouski, quelqu'un qui travaille temps plein, 140 heures par mois, 35
heures, il va chercher 1 547 $. Nous, on a un programme pour aider les jeunes ou les
primodemandeurs à s'en sortir, ils n'ont qu'à faire 19 heures par mois de
travail, de contribution... S'ils le
veulent. Parce qu'ils ne sont pas obligés de faire ces 19 heures là. S'ils
veulent augmenter leurs revenus, ils
vont chercher 1 193 $, donc ils font 120 heures, 121 heures de moins
que vous, là, puis là on parle à la personne qui est à faibles revenus, ils vont chercher un revenu de 350 $ de
moins seulement. Puis vous demanderez à cette personne-là : Est-ce que c'est raisonnable? Trouvez-vous qu'on
aide les gens à s'en sortir? Il n'y a pas beaucoup de monde, à Rimouski,
qu'on va rencontrer, un samedi, dans les
Halles, qui ne vous diront pas : C'est raisonnable. Quand on compare ce
que vous donnez à une personne, hein,
qui aura seulement 19 heures de contribution et qu'ici il n'est même pas obligé de les faire s'il le veut, et la personne, chez vous, qui en arrache, qui
travaille fort, au salaire minimum, c'est impossible, impossible... Je vous le dis : On frappe un
coup de circuit, à Rimouski, avec ça. Les gens vont dire : Oui, vous
faites un effort, vous voulez aider
ces gens-là, vous ne voulez pas leur nuire, vous ne voulez pas les appauvrir,
bravo! Il y a plusieurs personnes, à Rimouski, qui vont dire : Non, vous allez trop loin, vous
êtes beaucoup trop généreux avec ces gens-là, on n'embarque pas là-dedans. Nous, vraiment, là, on veut les aider, je l'ai mentionné,
c'est au-dessus de 50 millions de dollars qu'on met dans ces
bonifications-là.
Mais
c'est important de penser aussi à cet élément-là parce qu'on doit défendre ce
projet-là, pas uniquement du côté,
disons, des groupes qui ont une préoccupation par rapport aux personnes à
l'aide sociale, on doit défendre ça par rapport à l'ensemble de la société. Ceux qui ont un travail à temps
complet, qui ont des petits revenus ou des plus grands revenus, on doit
défendre ça. Et moi, je suis prêt à me lever, dire à la population du
Québec : Je sais que c'est important comme somme, ce qu'on leur donne, c'est pour une période de temps, mais
on va les sortir définitivement... en tout cas, une bonne partie, on va les sortir de l'aide sociale,
ça sera bien pour eux. Je pense que la population du Québec est prête à ce
qu'on aille aussi loin que ça. C'est une autre façon de voir le budget.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. le ministre. M. le député de Rimouski.
M. LeBel :
Je m'excuse de le dire comme ça, mais c'est un peu facile.
M. Blais :
Un peu facile.
M.
LeBel : Oui, c'est facile parce que... C'est sûr, vous allez voir tout
le monde, là, vous allez dire à quelqu'un qui est à l'aide sociale, qui refuse d'avoir un montant d'argent qui
correspond à peu près à ce que quelqu'un est au salaire minimum :
Est-ce que vous trouvez ça normal? Ça, là, c'est un peu ce que vous dites. Puis
c'est ce bout-là qui est...
M.
Turcotte :
C'est ça qui est grave.
M. LeBel : ...c'est ça qui est... C'est sûr que le monde, ils vont dire :
Bien non! S'il peut, il va aller le chercher, l'argent. Voyons, ça n'a pas de bon sens! Pourquoi il refuserait? Mais
ça, là, c'est là qu'on parle du préjugé. Là, les gens...
M. Blais :
...
M. LeBel :
Non, mais laissez-moi terminer.
Le Président (M.
Cousineau) : Ne parlez pas en même temps, s'il vous plaît!
M.
LeBel : On l'entretient parce qu'on dit à la population, là :
Bien, celui-là qui est à l'aide sociale, là, s'il refuse de faire son effort pour au moins avancer un
peu, parce que ça n'a pas de bon sens qu'il ne fasse pas son effort, parce
que quelqu'un qui est à salaire
minimum il va gagner presque autant, tu sais, c'est certain que tout le monde
vont dire : Ça n'a pas d'allure.
Mais il faut expliquer plus un peu. La personne qui vit ça, qui est isolée, ce
n'est pas un numéro, ce n'est pas
quelqu'un qu'on dit : Demain matin, là, toi, là, tu prends le montant de
plus puis tu vas travailler. Cette personne-là a besoin d'accompagnement puis elle ne peut pas travailler dans n'importe
quoi. Puis on parle d'emploi décent, on parle d'accompagnement, ce n'est
pas du bétail qu'on pousse. On dit : Il y a un programme, vous allez là.
Puis vous allez prendre l'argent parce que, si vous ne le prenez pas, vous êtes
coupable. Vous voyez, là, celui qui travaille au salaire minimum, qui travaille
fort puis qui paie des... Tu n'es pas capable de faire ton effort, toi, d'être
au moins au même niveau que les autres?
C'est là qu'on embarque dans une spirale populiste, qui passe bien, que les
gens disent : Oui, bien, ça n'a pas d'allure.
Mais, en bout
de ligne, ce n'est pas comme ça que ça marche, et c'est ça que les groupes
communautaires font, ils accompagnent ce monde-là, ils peuvent les
emmener dans un processus pour les aider à se sortir de la pauvreté, mais ils les accompagnent dans
un processus. Et ce n'est pas des numéros, c'est des personnes. Ah! il leur
dit, comme dit le comité consultatif,
comme je vous ai dit ce matin : Vous allez participer à des services, à un
continuum, vous allez vous intégrer,
il va y avoir des montants d'argent qui vont venir permettre de vous aider.
Mais on ne vous dit pas : Si ça ne marche pas demain matin, si tu t'absentes parce que tu craques, parce que ça
fait longtemps que tu n'a pas travaillé, puis là tu ne sais pas trop comment ça marche, puis là tu
t'absentes cinq jours, paf, tu es coupé. Toute cette pression-là sur ces
gens-là, là, c'est ça qui n'est pas acceptable, c'est ça que je vous
dis.
C'est sûr
que, si on va aux Halles puis on dit... Vous l'avez dit en partant : Ah!
on va rencontrer des gens qui... pas
des gens des groupes, parce qu'eux autres ils sont, tu sais... mais ces
gens-là, des groupes, là, ce n'est pas des bornés, ils savent aussi c'est quoi, les réalités, je
pense qu'il faut aussi les écouter. Puis je vous voyais venir avec ça — l'ancien ministre disait la même affaire : c'est la formule facile, là, tu
sais. Après celle que c'est la faute au PQ, là, c'est de dire : Bien, ceux qui sont à l'aide sociale, il faut
qu'ils fassent leur effort parce que le petit qui travaille au salaire minimum,
lui, il travaille fort, puis là il faut que
l'autre fasse son effort. S'il ne fait pas son effort, le monde ne comprendront
pas ça. Ça, cette ligne-là, là, elle
est facile, mais c'est parce que ce n'est pas ça, la réalité. La réalité, c'est
des gens qui sont dans le stress, qui
vivent proches du dénuement puis qui ont besoin d'être outillés, qui ont besoin
d'être accompagnés, puis ce n'est pas des numéros qu'on rentre dans une
machine.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. le député de Rimouski. M. le ministre.
• (16 h 40) •
M.
Blais : Écoutez, le problème dont on a parlé... Il y avait deux
problèmes. Il y avait un problème de : Est-ce que c'est suffisant? Est-ce qu'on leur donne
assez? Bien, écoutez, moi, ce que j'ai montré, c'est qu'on leur donne, dans
les circonstances, hein, beaucoup. Je pense qu'on n'a jamais donné autant, là.
Vous pourrez vérifier ça, là, au niveau historique, là, pour ce type de mesure
là.
Mais la
question de l'équité horizontale est une question fondamentale dans une
société. Pourquoi la sous-ministre adjointe
gagne plus que des membres du personnel? C'est parce que, bon, elle a plus de
responsabilités que d'autres personnes. C'est bien accueilli et c'est bien compris. Pour qu'une société fonctionne
bien, il faut que les citoyens aient le sentiment... Puis on peut les aider, nous, les politiciens, à
leur montrer qu'il y a une forme d'équité dans ce que l'on fait. Le jour où ils
ne sentent plus qu'il y a une équité
horizontale, hein, ou verticale, hein, à ce moment-là, il y a un décrochage
social, il y a une rébellion, etc.
Donc, ce que
je voulais illustrer, ce n'est pas du tout un faux problème, au contraire. Si
vous me demandez d'en faire plus,
c'est très compliqué d'en faire plus, simplement parce qu'à un moment donné les
gens vont décrocher, ils vont dire :
Regarde, là, c'est bien, ce que... Et là eux autres aussi il faut qu'ils
prennent un petit peu de responsabilités, compte tenu des ressources que l'on met à leur disposition. Encore une fois, ce
n'est pas du travail forcé, ce n'est pas une obligation de résultat. C'est différent de ce qu'on a déjà
connu par le passé. Je ne nommerai pas, là, des partis, là. Mais c'est
différent, mais il y a une obligation de participation, et les gens comprennent
ça.
Et ce n'est
pas du populisme. Les gens, là, je pense, qui sont le moindrement, là, ouverts,
comprennent à la fois que c'est
difficile de mobiliser certaines de ces personnes-là. Ça tombe bien, le
programme primodemandeur s'adresse à
ceux qui sont les plus facilement mobilisables. Et encore, on reconnaît que
c'est difficile. On met des ressources importantes, mais il y a une
limite aux ressources que l'on peut mettre. Et cette limite-là n'est pas
seulement une limite financière, il y a une
limite d'équité horizontale parmi les autres citoyens, puis je pense qu'on est
dans un bon équilibre. Et, encore une
fois, on pourrait faire l'exercice, aux Halles, un beau samedi, ensemble, pour
discuter avec les gens de ce qu'ils pensent du programme.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci. M. le député de Rimouski, il vous reste cinq minutes.
M.
LeBel : N'importe quand, on
pourrait aller aux Halles puis on fera ça ensemble, mais j'aimerais ça que,
cette fois-là, vous preniez un peu de temps pour venir rencontrer les
groupes aussi, à travers ça.
M.
Turcotte : Puis
qu'il t'invite aussi.
M. LeBel : Oui, puis qu'il m'invite
aussi, cette fois-là. Oubliez-moi pas comme la dernière fois.
Ce que je
dis, puis ça revient ensuite à ce qu'on s'est dit ce matin : On met beaucoup
de pression sur les demandeurs, puis
c'est correct, là, on peut leur proposer de s'engager dans un processus, puis
on leur dit : Regarde, on va vous aider. Et on les menace, de dire : Si vous craquez, vous allez payer le prix
si vous craquez. Puis là on dit à la population : C'est normal.
S'il a craqué ou s'il a décidé de lâcher, bien, on n'est pas pour continuer à
l'entretenir. Bien, écoutez, c'est un peu ce que vous laissez entrevoir.
Puis, pendant
ce temps-là, tout ce qui tourne autour pour accompagner les groupes, ils sont
comme laissés pour compte. J'en ai
parlé, à matin, du nombre de groupes communautaires qui sont coupés ou qui
n'arrivent pas ou que... Ça fait
que ce que je dis, ces personnes... Puis, en plus, vous dites à ces
personnes-là... il va falloir les intégrer, il va falloir que vous leur offriez quelque chose, là, pour les intégrer au travail. Puis je ne suis pas certain que vous
allez être capable, offrir à tout le monde, à tous les demandeurs, un travail décent puis à proximité de chez eux.
Déjà, on parle de déménager du monde.
Ce que je
dis, c'est que vous jouez avec des personnes qui sont déjà vulnérables. Et vous
leur mettez sur le dos toute la responsabilité, vous dites : On va
t'aider, mais, si tu lâches, tu es dans le trouble. C'est ça, le problème.
Votre programme, vous allez le passer, là, la loi, vous allez la
passer. Vous allez faire Objectif emploi, vous allez finir par y arriver,
mais, quand... Nous,
ce qu'on essaie de voir, au moins, protégeons un principe, c'est qu'on ne peut
pas aller plus bas que ça. On ne peut
pas faire des menaces à des gens qui vivent avec ça. Puis le budget, je vous
l'ai lu, là. On ne peut pas faire des
menaces pour dire : Toi, si tu n'embarques pas, là, si tu ne suis pas,
bien, tu vas avoir moins que ça, il va falloir que tu coupes en quelque
part. Bon, il n'y a
pas grand place à couper là-dedans. C'est ce bout-là que j'ai de la misère à
accepter.
Puis,
si, pour vendre ça, on dit aux citoyens : Bien, les gens à l'aide sociale, là, on va les faire travailler puis on va leur donner des affaires, puis, s'ils ne
participent pas, bien, tant pis... Tu sais, ça n'a pas de bon sens, parce que
ce qu'on leur donne, c'est
l'équivalent à peu près à des gens qui vivent au salaire minimum. Puis ça
n'a pas d'allure, s'ils lâchent... tu sais, c'est des gens qui n'ont pas
voulu prendre leurs responsabilités. Mais on leur met tout ça sur le dos. C'est
ce discours-là que j'ai un peu de
difficulté. Puis c'est ça, ce discours-là, qui est très loin de la mobilisation
citoyenne avec l'État autour d'une vraie vision de lutte à la pauvreté.
C'est dommage.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Rimouski. M. le
ministre, ça va? Ça va, M. le député de Rimouski?
M. LeBel :
Oui.
Le Président (M.
Cousineau) : Est-ce que... Oui?
M. LeBel :
Pas le choix.
Le
Président (M. Cousineau) : Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur le sous-amendement déposé par madame... Il n'y
a plus de temps pour... Non, vous n'avez plus de temps, Mme la députée.
Une voix :
...
Le
Président (M. Cousineau) : Oui. M. le député de Drummond—Bois-Francs, ça va pour vous aussi? Parfait.
Donc, est-ce que le sous-amendement déposé par Mme la députée de Gouin est
adopté?
M.
Turcotte :
M. le Président?
Le Président (M.
Cousineau) : Oui, M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte :
J'aimerais procéder à un vote par appel nominal, s'il vous plaît.
Le
Président (M. Cousineau) : Vote par appel nominal sur le
sous-amendement déposé par la députée de Gouin, qui dit d'ajouter, à la fin de
l'amendement... Amendement déposé par le député de Saint-Jean?
M.
Turcotte :
Non.
Le Président (M.
Cousineau) : De?
M.
Turcotte :
C'est la députée de Gouin, le sous-amendement.
Le
Président (M. Cousineau) : Oui, le sous-amendement, mais qui
vient modifier l'amendement déposé par le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte :
Je m'excuse.
Le
Président (M. Cousineau) : Bon, d'accord? Donc, ajouter «ni
risquer d'amener les adultes seuls et les familles au dénuement total».
Alors, Mme la
secrétaire.
La Secrétaire :
M. Turcotte (Saint-Jean)?
M.
Turcotte :
Pour.
La Secrétaire :
M. LeBel (Rimouski)?
M. LeBel :
Pour.
La Secrétaire :
M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)?
M.
Schneeberger :
Contre.
La Secrétaire : M. Blais
(Charlesbourg)?
M. Blais :
Contre.
La Secrétaire : M. St-Denis
(Argenteuil)?
M. St-Denis : Contre.
La Secrétaire : Mme Sauvé
(Fabre)?
Mme Sauvé : Contre.
La Secrétaire : Mme Simard
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Simard : Contre.
La Secrétaire : M. Polo
(Laval-des-Rapides)?
M. Polo : Contre.
La Secrétaire : M. Poëti
(Marguerite-Bourgeoys)?
M. Poëti : Contre.
La Secrétaire : M. Cousineau
(Bertrand)?
Le Président (M. Cousineau) :
Je m'abstiens.
La Secrétaire : C'est rejeté.
Le
Président (M. Cousineau) : Donc, le sous-amendement déposé par
Mme la députée de Gouin est rejeté. Nous allons revenir à l'amendement déposé par M. le député de Saint-Jean en vous précisant le temps restant. Pour M. le député de Saint-Jean, il vous reste quatre minutes sur votre amendement; M. le député de Rimouski, 10 min 15 s; et puis, Mme la députée de Gouin, il vous reste 2 min 35 s sur l'amendement de M. le député de Saint-Jean. Alors, M.
le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Merci,
M. le Président. J'écoute un peu ce
que le ministre vient de mentionner précédemment en réponse à mon collègue et, bon, pas d'accord
avec ce qu'il mentionne, là, du fait... effectivement, c'est bien sûr
que ce n'est pas des préjugés, mais
ça entretient les préjugés. C'est comme si affirmer que les gens, dans la population,
là, vont voir : Bon! C'est qu'ils ont juste à se forcer puis à se
lever le matin.
Donc, moi,
j'ai ici, là, des petites affichettes, hein, M. le Président, des petites
affichettes qui peuvent... un peu référence
à ce que le ministre mentionne. Je les ai retrouvées, là, dans mon
ménage cette semaine, puis je me suis dit : À un moment donné, je vais en avoir besoin, je vais les sortir,
puis ça s'adonne que c'est en ce moment.
Et c'est la
Table de lutte contre la pauvreté de Chicoutimi,
donc, sûrement le genre de groupe que le ministre ne voudrait pas avoir
à la rencontre où...
M. LeBel : Aux Halles.
M.
Turcotte :
...il voudrait parler de... aux Halles, là... parce qu'il a dit : Bon, pas
les groupes, là, qui sont contre l'obligation
et qui sont contre les sanctions. Mais c'est quand même des messages très
parlants, M. le Président. Vous avez la première : «Maladie, faillite, fermeture d'usine, divorce,
harcèlement, accident, vente, restructuration, on est tous à l'abri de la pauvreté... Le croyez-vous? On ne choisit
pas la pauvreté, on la subit.» J'en ai une autre, ici : «La pauvreté dans
une famille, c'est héréditaire. Le
croyez-vous? On ne choisit pas la pauvreté, on la subit.» La dernière :
«Quand je serai grande, je veux être pauvre. Le croyez-vous? On ne
choisit pas la pauvreté, on la subit.»
C'est le
genre de préjugés qui sont répandus, puis on doit continuer à se battre pour cesser
ce genre de préjugés là. Puis le
ministre l'a bien mentionné : Ici, autour de la table, depuis le début des
travaux, on n'a pas entretenu ces préjugés-là. Mais je crois que le terrain est quand même glissant. Donc, il faut se
rappeler qu'on travaille pour des gens, on travaille pour des gens qui ont des difficultés, puis c'est
pour ça qu'à chaque fois que je parle des absences ou je parle des moments où
les gens n'accepteraient pas d'embarquer dans le programme, j'avais toujours la
prudence de mentionner qu'on ne connaît
pas la réalité des gens, on ne sait pas ce qui se cache derrière cette
décision-là qui, des fois, est prise a contrario.
Donc, effectivement, ça se peut qu'une personne
perde son emploi pour maladie, faillite, fermeture d'usine, divorce, harcèlement, accident, vente,
restructuration d'une entreprise. On fait face à ces réalités-là. Puis ça se peut
aussi que ça ne soit pas juste une
personne, mais que ça soit aussi les deux du couple qui perdent leur emploi en même temps. Parce que, oui, ça arrive, on le sait, dans nos usines,
hein, les couples travaillent au même endroit puis, quand l'entreprise
ferme, bien, les deux y passent.
Je pourrais parler de la Prysmian, à Saint-Jean.
Je me suis battu. J'ai amené ici les travailleurs, ici, devant l'Assemblée nationale. C'était Nathalie Normandeau qui était ministre
responsable, à ce moment-là, d'Hydro-Québec. Parce qu'Hydro-Québec a décidé de faire faire ses
câbles d'électricité... les câbles, là, qu'on a devant nous, là, à tous les
jours, là. Mais, plutôt que de les faire produire à Saint-Jean-sur-Richelieu ou
à Saint-Jérôme, ou à La Malbaie, chez Général
Cable, puis à Saint-Jean, à Prysmian,
bien, elle les faisait faire en Ontario ou aux États-Unis — notre
société d'État. Mais
ces gens-là qui travaillaient à Prysmian, à Saint-Jean, ont perdu leur
job, puis c'est des gens qui travaillaient là depuis leur tendre
enfance. Ils ont rentré là quand ils étaient jeunes...
• (16 h 50) •
Le Président (M. Poëti) : En
terminant.
M.
Turcotte : En terminant? Donc, ces couples-là ont perdu leur
emploi, puis on ne sait pas ce qui arrive avec eux. Puis ça se peut
qu'ils ne soient pas capables d'embarquer dans un programme comme Objectif
emploi.
Le
Président (M. Poëti) : Merci, M. le député de Saint-Jean. Est-ce
qu'il y a d'autres intervenants sur... Mme la députée
de Gouin, la parole est à vous pour deux minutes.
Mme David (Gouin) : Deux minutes?
Le Président (M. Poëti) : Oui.
Mme David
(Gouin) : Ça va. M. le Président, on parle beaucoup de recherche, là, ici, aujourd'hui. Alors, je vais en mentionner
une au ministre — je
pourrai peut-être lui donner la référence — une
recherche impliquant six universités, en
Angleterre, qui parle effectivement du «welfare», c'est-à-dire de toute la question
de prestations conditionnelles. Alors, ça me fera plaisir de lui donner.
Et je veux lui souligner aussi que j'ai parlé, tout
à l'heure, d'études citées par la Protectrice du citoyen. Donc, il y a
une première étude issue du ministère
de l'Emploi et de la Solidarité sociale, c'est le Rapport de la ministre, là, du même
ministère, sur l'application de certaines dispositions de la Loi sur le
soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, Québec,
2005.
Je suggère
aussi au ministre une autre étude : Alain Noël, Priorité au
soutien du revenu : La mise en oeuvre de la Loi québécoise
visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, Réseaux
canadiens de recherche en politiques publiques, avril 2005, page 3.
Donc, les
recherches ne disent pas toutes la
même chose. Il y a
des recherches qui, effectivement, veulent apporter des preuves disant que les
sanctions ont un effet vraiment incitatif sur la volonté ou la motivation des
gens à participer à des mesures et d'autres recherches qui disent le
contraire.
L'autre chose
que je voudrais signaler au ministre dans la minute à peu près qu'il me reste,
c'est que j'écoutais son exemple, tout à l'heure, d'une personne à la sécurité du revenu versus une personne au salaire minimum. En tout cas, je
pense qu'il faudrait vraiment en
discuter, là, parce qu'une personne au salaire minimum, à 10,75 $ l'heure,
travaillant 40 heures-semaine, 52
semaines par année, reçoit 22 360 $. Il y a certainement des primes
et toutes sortes de choses avec ça,
là. Et la personne apte au travail, je comprends qu'elle peut — elle peut, ce n'est pas sûr, là, hein — gagner jusqu'à 200 $ par mois, puis, pour avoir le montant
que dit le ministre, il faudrait qu'en plus elle participe à plein temps aux
mesures d'Objectif emploi. Vous comptez juste le 200 $ par mois?
M. Blais : ...participe à temps
plein.
Mme David
(Gouin) : Ah! elle peut participer à temps partiel. Ah, bien! Ça,
c'est une nouveauté, par exemple.
M. Blais : Bien, c'est sûr!
Mme David (Gouin) : O.K., bien, on
en rediscutera.
M. Blais : Bien, c'est sûr.
Mme David
(Gouin) : Donc, elle participe à temps partiel, elle travaille à temps
partiel. Puis tout ça, là, ça lui ferait quelque chose...
Le Président (M. Poëti) : La députée
de Gouin, en terminant.
Mme David (Gouin) : ...qui se
rapprocherait du salaire minimum.
M. Blais : ...
Mme David (Gouin) : Hé que ça serait
à discuter!
Le Président (M. Poëti) : Merci, Mme
la députée de Gouin. M. le ministre, avez-vous une réponse?
M.
Blais : Surtout que les mathématiques sont implacables, hein, les
mathématiques sont implacables, mais bon.
Sur la question des études, là, puis je comprends que... pas faire un
combat... encore une fois, je réitère toujours que : Regardez la méthodologie, regardez les points de comparaison.
La Grande-Bretagne, par exemple, est allée très loin sur des sanctions. L'OCDE, même, reconnaît que, si
vous allez trop loin, par exemple, si vous coupez quelqu'un pendant très longtemps, ça peut avoir un effet contraire.
Donc, il faut y aller de façon... un peu comme on le fait, là, beaucoup moins
fort que ce qu'avait fait le PQ.
Encore une
fois, le monde entier ou presque, surtout le monde entier
social-démocrate — puis le
Québec est une social-démocratie, quand même — ne peut
pas se tromper. Et le Québec montre le pas, hein, ça serait assez étonnant.
Le
Président (M. Poëti) :
Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député,
la parole est à vous.
M.
LeBel : Bien, moi, je proposerais qu'à chaque fois que le ministre
nous parle, la faute du PQ, on mette 0,25 $ dans le pot, ça
pourrait aider peut-être à financer certains projets.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. LeBel : Je pense, ça serait une
bonne idée.
M. Blais : Y a-t-il du monde qui
fait ça?
M. LeBel : Oui, oui, surtout de
votre bord.
Le
Président (M. Poëti) : Donc,
je vais vous ramener à l'ordre, s'il vous plaît! Je m'occuperai de ramasser
l'argent ici.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M. Poëti) : Alors, si
vous voulez continuer, s'il vous plaît.
Une voix : ...du monde, à
Québec, qui fait ça.
M. LeBel : Oui, pas sûr...
Le Président (M. Poëti) : M.
St-Denis... M. le député, s'il vous plaît.
M.
LeBel : Moi, je viens appuyer l'amendement de mon collègue. L'idée
qu'on a derrière, c'est de dire : Là, on a un projet de loi qui est coercitif. À mon avis, il n'a pas de vision
pour lutter contre la pauvreté. Ça fait que l'amendement, c'est une façon de coller la loi au moins à la
loi-cadre, là, bon, la loi qui vise à lutter contre la pauvreté puis à lutter
contre l'exclusion.
L'article 9
de cette loi-là, qu'on aimerait qui soit respecté, bien, c'est assez clair, là,
c'est des objectifs... C'est positif, tu sais, rehausser le revenu accordé aux
personnes et aux familles en situation de pauvreté; favoriser le maintien
en intégration à l'emploi des travailleurs; rendre accessibles des services en
matière de santé, de services sociaux et d'éducation
adaptés aux besoins des personnes — des régions aussi; favoriser, pour les
personnes et les familles en situation de pauvreté, l'accès, en toute
dignité, à l'alimentation, au logement.
Moi, j'ai
l'impression qu'on est en train de faire un retour en arrière, que je trouve
dommage, puis qu'on ne se sert pas du
consensus qui avait été fait autour de la loi pour lutter contre la pauvreté,
qu'on fait comme si cette loi-là n'existait plus. Je trouve ça très dommage. Puis l'amendement faisait en sorte au
moins qu'on puisse en faire référence puis qu'on puisse... Si on veut travailler pour aider les gens à se sortir de la
pauvreté puis à aller vers l'emploi, c'est O.K., mais ça serait bien que ça soit intégré dans une vision
plus large de ce qu'on veut comme société sans pauvreté. Et ça, bien, c'est
l'emploi, mais c'est plein d'autres actions qui présentement sont abandonnées
un peu partout, dans plein de secteurs.
Ça fait que
j'étais plutôt favorable, j'ai essayé de... par l'avis du comité consultatif,
par des situations concrètes, là, de
gens qui vivent ça près des Halles à Rimouski... je pense qu'il y avait des
bons arguments pour intégrer ces éléments de vision de ce qu'on veut faire pour avoir un Québec avec moins de
pauvreté. Je suis toujours favorable à l'amendement, mais je ne suis pas
très optimiste.
Le
Président (M. Poëti) :
Merci, M. le député de Rimouski. Est-ce qu'il y a d'autres interventions
concernant l'amendement de l'article 28? S'il n'y a pas d'autre
intervention, nous allons procéder à la mise aux voix.
M.
Turcotte : M. le
Président?
Le Président (M. Poëti) : M. le
député de Saint-Jean, je vous écoute.
M.
Turcotte : M. le
Président, j'aimerais procéder au vote par appel nominal, s'il vous plaît.
Le Président (M. Poëti) : Bien sûr.
Alors, Mme la secrétaire.
La
Secrétaire : M. Turcotte (Saint-Jean)?
M.
Turcotte :
Pour.
La Secrétaire :
M. LeBel (Rimouski)?
M. LeBel :
Pour.
La Secrétaire :
M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs)?
M.
Schneeberger :
Contre.
La Secrétaire :
M. Blais (Charlesbourg)?
M. Blais :
Contre.
La Secrétaire :
M. St-Denis (Argenteuil)?
M. St-Denis :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Sauvé (Fabre)?
Mme Sauvé :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Simard :
Contre.
La Secrétaire :
M. Polo (Laval-des-Rapides)?
M. Polo :
Contre.
La Secrétaire :
M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys)?
Le Président (M.
Poëti) : Je vais m'abstenir.
La Secrétaire :
C'est rejeté.
Le Président (M.
Poëti) : Alors, nous allons reprendre nos travaux avec l'article...
Une voix :
...
Le Président (M. Poëti) : On revient à l'article 83.1. En fait, continuer
avec l'article 83.1. Est-ce qu'il y a des interventions? Le député de
Saint-Jean, la parole est à vous.
M.
Turcotte : Merci, M. le Président. J'aimerais déposer un
amendement à l'article 83.1. L'amendement se lit comme suit... Au fond, c'est ajouter un nouvel alinéa : «Aucune
disposition du présent chapitre ne peut avoir pour effet que la prestation accordée à un participant ne lui
assure pas le niveau de vie décent visé à l'article 45 de la Charte des droits
et libertés de la personne.»
Le Président (M. Poëti) : Merci, M. le député. On va prendre une pause
quelques secondes, le temps d'imprimer et de faire circuler
l'amendement.
(Suspension de la séance à
17 heures)
(Reprise à 17 h 4)
Le Président (M.
Poëti) : Pardon?
Une voix :
L'entendez-vous, le bruit?
Le Président (M.
Poëti) : Oui, je vous entends même au micro.
Une voix : Bon!
Le
Président (M. Poëti) : Il y a un bruit. Oui, effectivement, il y a un
bruit derrière. Écoutez, je suis désolé. Est-ce que le député de...
Une voix :
...
Le Président (M.
Poëti) : On a un bruit, monsieur... le son qui nous rentre...
Une voix :
C'est la construction.
Le Président (M. Poëti) : Ah! c'est les travaux de construction. Bon, bien,
c'est bon, c'est pour une bonne cause. Alors,
je suis désolé. Alors, M. le député de Saint-Jean, si vous voulez prendre la
peine de lire votre amendement, merci.
M.
Turcotte : Oui, je vais me donner la peine de lire ça,
effectivement, M. le Président. Donc, ajouter, après le premier alinéa,
l'alinéa suivant :
«Aucune
disposition du présent chapitre ne peut avoir pour effet que la prestation
accordée à un participant ne lui assure pas le niveau de vie décent visé
à l'article 45 de la Charte des droits et libertés de la personne.»
Au
fond, ce qu'on dit, bon, on reprend des éléments que plusieurs groupes ont
mentionnés lors de leur présentation ici,
en commission parlementaire, là, des gens qui se sont prévalu, là, de leur
droit de parole ici, en commission parlementaire,
entre autres la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse du Québec, qui fait référence à l'article 45 de la Charte des
droits et libertés de la personne à plusieurs endroits, là, dans leur mémoire.
Entre autres, bon,
ils ont même un chapitre, là, sur ça, sur l'article 45 de la charte : «À
l'instar du droit international, l'article 45 de la charte protège également le
droit à des mesures d'assistance financière et des mesures sociales, prévues
par la loi et susceptibles d'assurer un niveau de vie décent, pour toute personne
dans le besoin et sa famille. La commission
l'a d'ailleurs récemment rappelé, ce droit s'impose "comme critère
fondamental qui doit présider à
l'élaboration de toute la politique de sécurité du revenu". La commission
écrivait également à ce propos "qu'une loi de dernier recours ne peut exclure les personnes qui
bien que désignées ‘sans contrainte' ne peuvent atteindre un objectif donné d'autonomie économique [et] d'inclusion de
ses finalités sans nier son objectif intrinsèque d'assurer un niveau de vie
décent aux plus démunis".»
M. le Président, moi,
je crois que ça, c'est assez clair. Ça, c'est le mémoire... je vais juste le
reprendre, la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse qui dit ça, là, «qu'une loi de dernier
recours ne peut exclure les personnes qui bien que désignées "sans
contrainte" ne peuvent atteindre un objectif donné d'autonomie économique ou d'inclusion de ses finalités sans
nier son objectif intrinsèque d'assurer un niveau de vie décent aux plus
démunis». Moi, je crois, à la lecture du
projet de loi et à la lecture des intentions réglementaires, même si ce n'est
pas des textes, là, dans ce cas-ci,
c'est un graphique... on le voit qu'effectivement ça atteint le niveau de vie
décent des plus démunis.
Un
peu plus loin dans leur mémoire : «L'analyse du programme Objectif emploi
ne saurait donc [d']être [complétée]
sans réitérer l'importance des droits économiques et sociaux inscrits au
chapitre IV de la charte et parmi lesquels figure le droit garanti à l'article 45 de celle-ci. La nécessité de
renforcer la garantie juridique des droits économiques et sociaux
énoncés dans la charte en 1975 était d'ailleurs l'un des consensus les plus
forts à ressortir de la consultation publique organisée par la commission à l'occasion
du 25e anniversaire de la charte.»
Je
pourrais faire la nomenclature de différents endroits où la commission fait
référence à l'article 45 de la charte. On
le voit, c'est un principe important. D'ailleurs, lors de leur passage, la
commission, plusieurs collègues ici, députés, avaient effectivement souligné que les commentaires de la commission
étaient très clairs sur le projet de loi, mais en même temps on avait senti plusieurs grandes surprises,
de la part du ministre, à ces commentaires de la commission, en voulant minimiser ces commentaires, donc les commentaires,
l'opinion, là, de la commission. Mais, au même titre que les mathématiques
sont implacables, on dit aussi que les
chiffres sont têtus; dans ce cas-ci, les mots sont peut-être durs, mais sont
écrits et ils sont là. Il faut vivre avec cette opinion de la
commission.
Je
pourrais faire référence aussi, M. le Président, à d'autres organismes ou
organisations qui sont considérés comme étant plus légaux, qui ont une opinion aussi sur le projet de loi. Donc,
le Barreau du Québec : «Nous tenons donc à rappeler la forte dissidence dans l'arrêt Gosselin c.
Québec, qui considérait qu'une réduction du montant des prestations d'aide
sociale fondée sur l'âge violerait le droit à l'égalité prévue par l'article 15
de la charte canadienne.
• (17 h 10) •
«Outre
le fait que le programme Objectif emploi soit obligatoire pour certains, ils
risquent également, contrairement à
ceux qui ne participent pas au programme, de perdre leur aide financière s'ils
ne se conforment pas aux exigences liées à leur participation. Il ne
ressort pas clairement du projet de
loi que ces derniers demeurent
admissibles à une prestation d'aide
sociale en vertu des dispositions du chapitre I de la Loi sur l'aide aux personnes
et aux familles, suite à un manquement au programme Objectif emploi.
Considérant que l'article 83.1 alinéa 2 proposé par le projet de loi reconnaît
que ces personnes auraient normalement droit à une prestation d'aide sociale,
il semble inéquitable que leur participation à ce programme les prive d'un
droit reconnu. Le projet de loi mériterait d'être plus clair à cet égard.»
Peut-être
que le ministre a un amendement en ce sens. Nous aurons l'occasion d'y revenir peut-être
plus tard. Mais, en même temps, le ministre a eu quelques heures, hein, quelques heures que
nous étudions le 83.1. Donc, s'il a un amendement
en ce sens, il pourrait nous en faire part.
La Commission des droits de la personne, que j'ai mentionnée,
que j'ai citée tantôt, dit
aussi : «Suivant les circonstances, l'obligation de participer au programme
Objectif emploi et le non-accès au Programme
d'aide sociale qui s'en suit pourront donc s'avérer discriminatoires, en fonction non seulement du motif condition sociale prévu à la charte, comme nous venons de le voir,
mais également de l'[accroissement] de celui-ci à d'autres motifs de
discrimination interdite.
«[...]À
la lumière de l'ensemble de ces considérations la commission est d'avis qu'en
conditionnant, pour certaines catégories
de personnes, le droit à des mesures d'assistance financière et des mesures
sociales susceptibles d'assurer un niveau de vie décent à la
participation à des mesures d'aide à l'emploi, le programme Objectif emploi est
de nature à accroître la discrimination déjà
vécue par les personnes qu'ils visent à aider, sur la base du motif condition
sociale ou de l'[accroissement] de celui-ci à d'autres motifs de
discrimination interdite, et que, ce faisant, il porterait atteinte aux
articles 10 et 45 de la charte.»
La
Protectrice du citoyen, M. le Président, mentionne... ou recommande, dans ce
cas-ci... recommandation 4, «que la
notion de manquement à un engagement prévu au plan d'intégration en emploi soit
définie dans la loi»; recommandation 5, «que cette définition soit fondée sur une obligation de moyens du
participant et non de résultat, c'est-à-dire de fournir les efforts raisonnables, compte tenu de sa
situation, pour respecter les engagements prévus à son plan d'intégration en
emploi».
M. le
Président, tout ça pour dire qu'il y a des organismes, le Barreau du Québec, la
Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse, la Protectrice du citoyen, plusieurs organismes
sont venus ici, en commission, ont déposé des mémoires, ont écrit des
mémoires, ont fait des communications via les communiqués de presse, pour soit
remettre en question le principe même de l'obligation et des sanctions ou de
faire des recommandations pour baliser davantage
cette obligation et ces sanctions... pas les sanctions mais les obligations...
dans le projet de loi. C'est des gens qui
ont, par leurs interventions, par leurs rapports, par leurs réflexions
habituelles... bon, sont considérés davantage comme plus des gens, là, légaux, donc qui ne sont pas
partisans, là. Ce n'est pas des gens, là, qui appuient un parti politique, ce
n'est pas des gens qui se présentent à des
élections, là, comme nous, on fait ici, là. Bien, on ne le fait pas ici, se
présenter à des élections, on l'a fait avant. Si on est ici, c'est parce
qu'on a gagné des élections.
C'est pour ça
qu'on considère important de faire référence à l'article 45 de la Charte des
droits et libertés de la personne pour reprendre, justement, ce qui se
dit, ce qui s'est écrit. Et on l'a dit, c'est l'article fondateur, selon nous, du programme Objectif emploi. Donc, on désire que
le ministre puisse inscrire le principe de la Charte des droits et libertés
de la personne dans cet article-là.
L'article 45, M. le Président, si vous me permettez, je pourrais le lire, parce
qu'on y fait référence depuis déjà
quelques minutes, mais peut-être qu'on ne sait pas de quoi on parle. Je vais
vous le lire. Moi, je sais que vous
êtes au fait, là, mais peut-être que d'autres ici ne sont pas au fait. Donc,
pour être sûr que tous, on parle de la même
chose, l'article 45 de la Charte des droits et libertés de la personne stipule... bien, mentionne, dit, affirme :
«Toute personne dans le besoin a
droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des
mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un
niveau de vie décent.» Je crois que ça parle par soi-même.
Le Président (M. Poëti) : Merci, M.
le député. M. le ministre.
M.
Blais : Oui. Alors, moi, je
ne suis pas juriste, là, mais effectivement
j'étais surpris par ce que j'ai entendu parfois de la Commission des droits de la personne. Je me rappelle même d'un
échange où très clairement, là, on nous a dit que le fait d'accorder des
montants plus importants pour les personnes qui ont des contraintes sévères à
l'emploi devrait être considéré comme
étant... le bon mot, ça serait : discriminatoire. Bon, je m'excuse, un
effet de fatigue, là : discriminatoire, donc. Ce que je vous dis, c'est : J'en ai entendu pas mal dans ma
vie, mais je n'ai pas vu beaucoup, beaucoup de personnes aller aussi loin que dire qu'accorder des montants
différenciés pour tenir compte de situations de handicap pourrait être discriminatoire. Je vous le dis, là, dans ma vie,
j'ai déjà entendu ça peut-être de personnes plus téméraires, là, jeunes et peut-être
avec peu de formation, mais bon. Donc, j'étais resté un peu surpris de certains
échanges qu'on avait eus.
Il faut bien
comprendre que la Charte des droits, là, au Québec, il y a un certain nombre
d'articles qui ont une portée législative,
donc qui amène à des recours possibles. Et certains autres articles n'ont
aucune portée supralégislative, donc ne
peuvent pas imposer, ne peuvent pas conduire à des recours, notamment contre le
gouvernement. Donc, il y a certains articles qui peuvent amener des
recours, mais pas tous.
L'article 45,
et là-dessus, bien, le collègue fait référence à l'arrêt Gosselin... L'arrêt
Gosselin, c'est une décision de la Cour suprême où il y avait des
dissensions... pas des dissensions, mais des...
Une voix : Des dissidences.
M.
Blais : Des dissidences, pardon, encore une fois l'effet de la
fatigue, des dissidences sur plusieurs points, mais il y avait unanimité totale sur un élément, c'est
bien sûr que l'article 45 de la Charte des droits n'a pas de portée supralégislative et il ne peut pas y avoir de
recours. Ça demeure le législateur qui décide de ce que c'est que les niveaux
de vie, là, qui doivent être respectés, là,
et donc ça ne peut pas être d'aucune façon, là... l'arrêt Gosselin, de toute
façon, qui ne... pas l'arrêt
Gosselin, pardon, mais la charte qui ne le définit pas. Donc, on est dans le
même type de problème du point de vue
juridique, hein, formellement, du moins, là, dans le même type de difficulté
que l'amendement précédent.
Le collègue
cherche à s'appuyer sur une charte, une loi-cadre, etc., qui pourraient avoir
un impact supralégislatif et imposer
des contraintes, et ce n'est pas le cas. La Charte des droits n'impose pas du
tout un revenu quelconque, là, ou le maintien
d'un revenu quelconque. De toute façon, je vous rappelle que ce type de
pénalité là, sur le niveau de pénalité — hein, qui, je l'ai déjà mentionné, mais qui est de loin inférieur, hein, à ce
qu'avait fait le Parti québécois, là, dans son propre programme — il est déjà exercé dans les cas de fraude,
là, au Québec. Il y a déjà des gens qui ont ce type de pénalité. Donc,
on tourne en rond, encore une fois, M. le Président.
Le Président
(M. Poëti) : Merci, M. le
ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Saint-Jean,
la parole est à vous.
M.
Turcotte :
Bien, c'est parce que j'aimerais ça répondre un peu à ce que le ministre vient
de mentionner. Oh là là! Effectivement, il n'y en aura pas de facile, là. On
tente de trouver une voie de passage, mais là on semble s'éloigner pas mal, là.
Une voix : ...
M.
Turcotte : Vous
faites tout pour aider.
Le Président (M. Poëti) : Le oh là
là!, M. le député, a étonné le ministre. Alors, reprenez vos sens.
Des voix : Ha, ha, ha!
Le Président (M. Poëti) : Qui dit
qu'on ne s'amuse pas, quand même, en commission, hein?
• (17 h 20) •
M.
Turcotte : Non,
effectivement.
Le Président (M. Poëti) : Alors,
allez-y. Revenons sérieusement à...
M.
Turcotte :
Mais, M. le Président, le ministre nous dit, et il nous le dit à nous,
là : Le député tente de
s'accrocher à une charte. Bien, ce
n'est pas une charte, là, c'est la charte qu'on parle, là, on est assez clairs,
Charte des droits et libertés de la
personne... à une loi-cadre, là, on va revenir... on a fait un bout sur la
loi-cadre, là on va rester un peu sur la charte, là, parce que c'est de ça qu'on parle, la Charte des
droits et libertés de la personne, là, qui est adoptée puis qui est en
vigueur et qui, je dois le dire, a force de loi.
La charte, ce
n'est pas n'importe quoi, là, on doit la respecter, sinon, ça sert à quoi,
d'avoir une charte des droits et
libertés de la personne? Et la commission a fait un mémoire très rigoureux, là, une très
bonne analyse. Je vois que le ministre
semble ne pas partager mon analyse, là, sur la rigueur de la commission,
mais je lui donnerai l'occasion avec plaisir
d'élaborer davantage sur son appréciation du mémoire de la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse.
Mais moi, je
ne sais pas, je ne veux pas... moi, ce n'est pas mon genre de faire de la
politique, là, en disant des affirmations
ou en abaissant les gens, puis tout ça, là, puis je ne dis pas que le ministre
fait ça, loin de là. Mais c'est quand même
étrange : aussitôt qu'un député, ici, là, amène une étude, ou, bon, notre
collègue, ici, amène un rapport, là, d'un comité, qui est dans la loi, qui est prévu dans la loi-cadre, là, pour
amener des analyses... là, on a un mémoire de la commission... puis c'est comme si ça, ce n'est pas rigoureux, ce n'est
pas démontré selon la science, il n'y a pas de raffinement, là, dans ça.
Mais, en même
temps, moi, depuis le début, j'écoute le ministre. À plusieurs occasions,
plusieurs occasions, il nous fait
référence à la science, à la recherche sans citer, sans déposer même des études
ou des recherches documentées ici. On
n'en a pas, de dépôt d'études, de recherches que le ministre a fait souvent
référence, en disant : Moi, bon, je connais... Bon, c'est sûr que le ministre, tantôt, je l'ai
mentionné, il a une expertise. Moi, je ne nie pas ça. Le ministre est très
humble dans son expertise; moi, je
reconnais son expertise, je ne remets pas ça en question du tout. D'ailleurs,
il a fait des écrits par le passé, je
l'ai mentionné hier, il a même participé à un colloque du Parti québécois en
1997, j'ai la documentation, j'en ai
parlé. Il avait fait sûrement une très belle performance. Malheureusement, je
n'étais pas présent, j'étais au berceau, je l'ai dit hier, à ce moment-là. Mais, quand même, je ne remets pas ça
en question. Il est documenté, ça, il n'y a pas l'ombre d'un doute.
Cependant, je
crois que, dans un débat comme on a actuellement, il faut aussi reconnaître des
éléments qui nous proviennent d'organismes
ou de gens qui ont des missions claires selon la loi et qui ont une réputation
et une crédibilité. Je regrette, là,
mais la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, on
peut ne pas aimer ce qu'ils mentionnent, on peut ne pas apprécier leur
mémoire ou leurs écrits, mais on ne peut pas remettre en question le fond de ce qu'ils affirment. Et effectivement ils le
mentionnent, page 13 : «La commission est particulièrement préoccupée
par les impacts discriminatoires qu'impliquerait la mise en oeuvre du programme
Objectif emploi pour les personnes qui doivent avoir recours à un programme
d'aide financière. La commission tient à préciser trois choses à ce sujet. Premier élément : rappelons d'abord que la
Cour suprême définit comme suit la notion de discrimination interdite par
la charte :
"[...]une
distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des
caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus,
qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à
d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, [et] aux
bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société."»
M. le
Président, ce qui est mentionné ici, et que le ministre se questionne... Sur la discrimination, il disait : Ils ont
poussé fort pas mal, là, sur la discrimination. Parce qu'en disant : Il y
en a d'autres, programmes, puis je ne vois pas comment on peut dire que c'est discriminatoire, d'avoir un programme qui
bonifie l'aide, puis tout ça, ce n'est pas ça, le problème. Le problème, ce n'est pas la création du programme Objectif emploi; le problème, ce n'est pas d'avoir une allocation spéciale pour la recherche intensive
d'un emploi de 165 $, pour la formation et l'acquisition de compétences,
de 260 $, ou pour le développement des habiletés sociales, de 165 $.
Il n'est pas là, le problème.
Quand la commission dit que c'est
discriminatoire, ce n'est pas le programme en soi, c'est l'obligation et les sanctions qui en découlent. C'est de ça qu'on
parle. C'est très clair : «...une distinction, intentionnelle ou non, mais
fondée sur des
motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un
groupe d'individus — dans
ce cas-ci, ils sont nouveaux
demandeurs — qui
a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe — les
nouveaux demandeurs — des
fardeaux, des obligations ou des
désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux
possibilités, [et] aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres
membres de la société.»
On l'a vu,
les autres prestataires d'aide sociale auront des droits que les participants
du programme Objectif emploi n'ont
pas. Le ministre l'a dit hier. Et en plus, ils ont l'obligation
d'embarquer dans ce programme-là, quand on sait que les prestataires actuels d'aide sociale n'ont pas
cette obligation-là, mais ont la possibilité d'avoir 195 $ par mois pour
la formation et l'acquisition de
compétences. Donc, c'est véritablement deux poids, deux mesures, donc il y a effectivement discrimination. Et on l'a
dit, on l'a mentionné et on le répète, ça s'apparente à une clause orphelin.
Le Président (M. Poëti) : Merci, M.
le député de Saint-Jean. M. le ministre.
M.
Blais : Deux choses. Ce que
je voulais dire tout à l'heure, je ne me suis peut-être pas exprimé clairement,
c'est que le député recherche un
effet juridique qui n'existe pas. Donc, je comprends ce qu'il cherche, il
voudrait une protection par rapport à des conséquences ou des pénalités. L'article
45, il l'a invoqué, dans la loi, ne donnera pas cet effet-là, il n'a pas cet effet du pouvoir législatif. Ça, c'est au
niveau de la mécanique juridique, je dirais. Maintenant, s'il veut parler
au niveau des droits, ce qui a été testé
juridiquement, là, ce que je comprends, là, au Canada, là, par des décisions de
la Cour suprême notamment, il ne peut pas y avoir de décision des cours supérieures qui réfère à la charte des
droits, justement parce que la charte
des droits québécoise, l'article 45 n'a pas cette opérationnalité-là, ce
caractère supralégislatif. Mais c'est
deux choses. On n'a pas testé encore la question : Est-ce qu'une sanction,
c'est discriminatoire ou pas, hein? Donc, la commission dit : Oui, c'est discriminatoire. Mais je vous le dis
qu'à mon grand étonnement qu'elle a aussi dit, mais ce n'était peut-être pas fidèle à ce que l'ensemble
de la commission pense, que, même avoir des montants différenciés pour tenir compte d'un handicap, c'était aussi
discriminatoire. En tout cas dans l'échange étonnant que j'avais eu avec un
membre, je dois l'avouer, pas avec l'ensemble de la commission.
Donc, on n'a
pas de décision juridique forte de la Cour suprême sur les sanctions, les
sanctions sont présentes dans huit provinces...oui, voilà, huit provinces au
Canada. Il pourrait y avoir une décision un jour, mais en tout cas on ne peut
pas invoquer le droit sur ce plan-là. Là, il y a une décision de la Cour
suprême qui pourrait intéresser notre collègue, c'est sur la discrimination sur l'âge. Effectivement, si on avait ciblé
des âges en disant : Écoutez, Objectif emploi, c'est pour les 25 ans et moins ou les 30 ans et moins,
il est possible que le test juridique, il aurait été plus difficile. Mais,
comme il s'agit des primodemandeurs, on est aussi protégés, là, par
rapport aux décisions antérieures de la Cour suprême.
Le Président (M. Poëti) : M. le
député de Saint-Jean, d'autres interventions?
M.
Turcotte : Bien, je
pense qu'il ne me reste plus de temps.
Le Président (M. Poëti) : Vous avez
terminé.
Une voix : ...
Le Président (M. Poëti) : Il ne
restait pas tout à fait deux minutes, mais il n'y a pas de problème.
M.
Turcotte : Je reviendrai
peut-être.
Le Président (M. Poëti) : Alors,
merci. Mme la députée de Gouin, la parole est à vous.
• (17 h 30) •
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Bien sûr, je vais appuyer
l'amendement de mon collègue le député de
Saint-Jean. Avant de parler de la Commission des droits de la personne et
d'aller sur ce terrain-là, je voudrais rappeler qu'on parle ici de, bon, de niveau de vie décent. Le ministre, tout à
l'heure, nous a dit : Mais il faut faire quand même
attention : il y a l'équité horizontale, l'équité verticale. Il nous a
apporté des chiffres.
Alors, moi, j'ai fait vérifier tout ça, là.
C'est juste impossible qu'une personne à l'aide sociale, participant pleinement à une mesure de formation qui est la
plus payante, là, en termes d'allocations supplémentaires, puis en plus,
travaillant 19 heures par semaine... par
mois, en fait — attendez,
excusez-moi, je suis mêlée, je suis fatiguée, là — par mois,
puisqu'elle n'a pas plus que 200 $ de gains permis — c'est ça, par mois — c'est rigoureusement impossible que cette personne-là s'approche sérieusement de ce que
gagne une personne au salaire minimum, 40 heures-semaine, 52 semaines
par année. On en est très loin.
Et
j'ajouterais, je sais que ça a été longuement débattu cet après-midi pendant
que nous étions ici dans d'autres débats, que, de toute façon, ce n'est
pas tellement des prestations à l'aide sociale dont il faudrait discuter — quoique
oui — il faudrait discuter de la hauteur du
salaire minimum. Ça, ça aiderait pas mal, parce qu'évidemment, si on haussait
le salaire minimum à des seuils qui ont un
petit peu de bon sens, ça nous permettrait, tiens, sans risque, d'augmenter
aussi les prestations de base à
l'aide sociale, et là tout le monde pourrait avoir un niveau de vie décent tel
que visé à l'article 45 de la Charte des droits et libertés. Ça, c'est
la première chose.
Deuxième
chose, je voudrais indiquer que le ministre a raison sur un point, puis je
dirais quasiment malheureusement. Ce
n'est pas de la faute du ministre, mais l'article 45 de la Charte des droits et
libertés n'est pas, comme plusieurs le disent... je ne suis pas certaine que ce soit parfaitement français, là, mais...
judiciable. Autrement dit, on ne peut pas invoquer cet article pour aller devant le tribunal. Les 39 premiers
articles de la Charte des droits et libertés peuvent être invoqués devant un tribunal, le Tribunal des droits de la
personne, mais pas l'article 45. J'aimerais juste rappeler que ça doit faire
20 ans que de nombreux organismes demandent justement que l'article 45 puisse
être utilisé devant un tribunal.
Donc,
la question n'est pas de savoir si, oui ou non, l'article 45 permet d'aller
devant un tribunal. La question, c'est
que l'article 45 existe quand même, qu'il fait partie de la Charte des droits
et libertés de la personne, qui, je pense, jusqu'à nouvel ordre, est considérée comme un outil indispensable non
seulement à la vie démocratique au Québec, mais, je dirais, au vivre-ensemble,
au respect des droits de la personne, au respect des droits des minorités.
C'est indispensable au respect des
droits des personnes plus marginalisées. Bref, c'est un extraordinaire outil,
probablement perfectible, comme le
sont tous les outils, mais ce n'est certainement pas un outil qu'il faut traiter
à la légère. Je ne dis pas du tout que c'est ce que le ministre dit,
mais, en tout cas, c'est ce que moi, je dis. C'est un outil extrêmement
important.
Se
basant sur cet outil, la Commission des droits de la personne a effectivement
dit un certain nombre de choses qui devraient nous amener à réfléchir
sur le projet de loi actuel. Par exemple, la commission dit, dans son
mémoire : «Suivant les circonstances,
l'obligation de participation au programme Objectif emploi et le non-accès au
Programme d'aide sociale qui s'en
suit pourront donc s'avérer discriminatoires en fonction non seulement du motif
condition sociale prévu à la charte[...], mais également de
l'entrecroisement de celui-ci à d'autres motifs de discrimination interdite.»
Et la commission continue :
«À titre d'exemple, citons notamment le cas d'une personne devant s'inscrire au
Programme d'aide sociale et qui serait par
ailleurs en situation de handicap, mais sans que celui-ci soit reconnu au sens
de la Loi sur l'aide aux personnes et aux
familles.» Ça, ce sont des choses qui arrivent. «Une personne peut ainsi être
en situation de handicap au sens de
la charte puisque celle-ci commande une interprétation large et libérale de
cette notion, mais ne pas être considérée avoir des contraintes sévères
à l'emploi en vertu de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles. Elle pourrait alors se voir refuser
l'admission au Programme d'aide sociale ou au Programme de solidarité sociale
prévus à cette loi et être dirigée vers le
programme Objectif emploi sans que sa situation ne lui permette pour autant de
suivre une mesure d'intégration à l'emploi
non adaptée. Qu'arrivera-t-il à cette personne qui pourrait ne pas être en mesure de respecter certains engagements
que prescrirait le programme Objectif emploi ou devoir l'abandonner [ou] dont
la prestation d'Objectif emploi serait en conséquence réduite?»
Autrement dit, la Commission des droits de
la personne nous met vraiment
en garde contre des effets discriminatoires imprévus, certainement non désirés, du projet de loi n° 70, mais
effets qui peuvent arriver. Des personnes, par exemple, qui se sont
présentées à mon bureau avec vraiment des difficultés importantes mais non reconnues aux termes de la loi sur
l'emploi et la solidarité, la Loi sur l'aide sociale, bien, ça existe. Ce n'est pas facile, faire reconnaître par un centre local d'emploi ou par les personnes
en situation d'autorité, là, que l'on est, entre guillemets,
inapte au travail ou, en tout cas, que l'on a vraiment des contraintes
sévères qui nous empêchent d'accéder à un emploi. C'est très difficile. Et,
quand le ministre dit : Chaque personne sera évaluée, on
reconnaîtra ses besoins, et, s'il y a des personnes qui ne peuvent effectivement participer à des programmes, on va le comprendre, on va les laisser
tranquilles, si vous saviez comme j'aimerais que ça soit vrai. Mais le problème, c'est que, sur le terrain,
là, ce n'est pas comme ça que ça se passe. C'est extrêmement difficile
d'avoir cette reconnaissance-là.
Je
voudrais souligner aussi que, bien
sûr, la charte interdit la discrimination selon l'âge, et c'est la raison pour laquelle le ministre...
Une voix :
...
Mme David
(Gouin) :
Pardon, excusez-moi? Oui, M. le ministre?
M.
Blais : Bien, juste un petit
point, un tout petit point dans la discussion. Nous allons permettre à la collègue de reprendre son souffle. Je ne veux pas donner l'impression que je balaie
du revers de la main des avis. À vrai dire, l'extrait que vous avez lu, là, précisément, l'extrait que vous, vous avez lu, là, il y a des éléments là-dedans
qui ont beaucoup influencé les modifications qu'on a apportées, notamment,
bon, on revient sur les parcours, mais sur la question que ce soit avant
tout de la participation plus que des résultats; le fait aussi que la
préemployabilité soit importante; la reconnaissance qu'aujourd'hui il y a des
personnes à l'aide sociale qui ne sont pas diagnostiquées comme ayant des
contraintes et qui en ont, mais, pour le
savoir, il faut les rencontrer. Donc, le type de préoccupation qu'avait la commission,
là, en tout cas, ces éléments-là ont influencé les changements que
l'on a apportés. Cependant, il arrive parfois que je suis en désaccord,
là. La philosophie est le dernier refuge des sceptiques...
Le Président (M. Poëti) : Je m'excuse, peut-être si vous voulez répéter la fin de votre phrase, la députée de Gouin n'a
pas entendu, M. le ministre.
M.
Blais : Ah, non, j'ai dit
que la philosophie était le dernier refuge des sceptiques, et que j'avais des
désaccords sur plusieurs éléments, là, qui ont été apportés parfois,
mais plusieurs aussi des craintes qu'il y a eu, qui nous ont été présentées par les groupes. Parce qu'on
imaginait toutes sortes de choses. On a même parlé beaucoup,
beaucoup, dans les documents, de «workfare». Tout
ça, je pense qu'on a éliminé, je pense, ces craintes-là.
Le Président (M.
Poëti) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Il me reste combien de temps, M. le Président, s'il vous
plaît?
Le Président (M. Poëti) : Il vous
reste près de 14 minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. La philosophie est le refuge des
sceptiques, c'est vraiment...
M. Blais : Le dernier refuge.
Mme David
(Gouin) : ...le dernier
refuge des sceptiques, c'est vraiment intéressant, et j'annonce au ministre déjà que la semaine prochaine je vais faire
un peu de philosophie avec lui parce que je sais qu'il aime ça.
Mais revenons-en à l'article 45... Pardon?
M.
Turcotte : Tu viens
de faire sa semaine.
• (17 h 40) •
Mme David
(Gouin) : Ah oui? Revenons-en
à l'amendement de mon collègue le député
de Saint-Jean. Il y a quand même quelque
chose qui me frappe dans le projet de loi, que l'on veut non discriminatoire, hein, parce que la charte des
droits et libertés interdit la discrimination selon l'âge. Donc, j'aime beaucoup
le mot «paradoxe», le ministre l'aura constaté,
mais on est tout le temps dans le paradoxe avec ce projet de loi là. Pour éviter de se faire taxer de discrimination selon l'âge, le projet de loi ne dit pas, hein,
n'indique aucunement que les mesures proposées ne s'adressent qu'aux primodemandeurs, ne concernent que les
primodemandeurs, disons, 18-30 ans ou 18-25 ans, et je comprends très bien pourquoi.
En même temps, il faut quand
même se dire, là, que j'ai regardé
avec assez d'attention la liste des organismes qui collaborent avec le ministère, là, dans le cadre... bien, qui collaborent déjà
avec Emploi-Québec et qui vont continuer de le faire. Il y a beaucoup,
beaucoup, beaucoup de carrefours
jeunesse-emploi et d'organismes
jeunesse. Puis le ministre, de
toute façon, ne s'en cache pas, ce
qui le préoccupe énormément, ce sont les primodemandeurs, particulièrement 18-21, 18-25 ans, hein? Ça, c'est assez clair, même si ce n'est pas écrit
noir sur blanc dans le projet de loi, parce qu'on ne peut pas faire ça à
cause de la charte.
Mais moi,
j'aimerais ça qu'on parle des autres. On pourrait en parler de temps en temps,
des autres. Les plus de 30 ans, il y en a à peu près un tiers, un peu
moins d'un tiers parmi les primodemandeurs. Ils sont tout aussi touchés par le projet de loi, et leur prestation de base
pourrait être affectée par le projet de loi, donc on va être très loin du
niveau de vie décent, là. S'il y a un
niveau de vie décent, c'est d'essayer d'atteindre, je ne sais pas, moi, le
seuil de faible revenu ou au moins la mesure de panier de consommation,
là. On en est déjà à 50 %; avec les sanctions, on est au tiers.
Pour une
personne, mettons, qui a 40 ans, là, et qui considère que, mettons, pour un
certain temps, elle n'est pas en mesure
de participer à un programme, même si son agent d'aide sociale pense le
contraire, on se comprend, là, elle va vivre avec un revenu indécent, qui va
être en bas de 623 $ par mois. Puis ça, on en parle rarement, parce qu'on
est très, très concentrés sur la situation des jeunes, mais, en fait, le projet
de loi touche tout le monde. Le ministre, l'autre jour, m'a dit :
En bas de 58 ans.
Puis tout le
monde, ça veut dire des gens entre 30 et 58 ans, des gens, donc, par exemple,
le député de Saint-Jean en parlait, qui ont perdu leur emploi parce que
leur usine a fermé. Et ce serait intéressant de voir qu'est-ce qu'ils sont
devenus, un an ou un an et demi plus tard; j'espère que, pour un certain nombre
d'entre eux, ils ont pu se requalifier, retrouver
un emploi. Ce n'est peut-être pas le cas de tout le monde, puis ce n'est
peut-être pas possible pour tout le monde. Et qui va juger de ça? L'agent, le ou la fonctionnaire, au meilleur de
ses connaissances et avec ce que la loi et les règlements l'obligent à
faire. Ça, il faut quand même être clair, là.
Alors, moi,
ça me pose problème, parce que la personne, on ne parle pas de quelqu'un qui
n'a jamais travaillé, qui vient d'une
famille à l'aide sociale; tout ce que le ministre nous a décrit, on n'est pas
là-dedans, là. On est dans : Une personne
qui a un certain âge, qui a travaillé, qui a occupé un emploi dans bien, bien
des cas, dans l'immense majorité des cas,
et qui là, malchance, perd son emploi, n'a plus d'assurance-emploi, le délai
est terminé, et puis donc, tombe — tombe, comme disent les gens — à l'aide sociale. Alors là, tu participes,
parce que, si tu ne participes pas, tu es coupé. Je trouve ça un peu incroyable, M. le Président, quand on
parle de tenter d'assurer un niveau de vie décent aux gens, décent. Alors,
à moins que 400 $ par mois soit
jugé décent, je pense que là on travaille à l'encontre de la Charte des droits
et libertés.
Le
Président (M. Poëti) :
Merci, Mme la députée de Gouin. Est-ce que, M. le ministre, vous voulez ajouter
ou répondre à la députée de Gouin?
M. Blais : Ça va, M. le Président.
Le Président (M. Poëti) : La parole
est à vous, M. le ministre.
M. Blais : Non, non, ça va, M. le
Président, ce n'est pas nécessaire.
Le
Président (M. Poëti) :
Pardon, j'avais compris oui, désolé. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Oui? Alors, M. le député, la parole est à vous.
M.
LeBel : Bien, dans le fond, ce qu'on essaie de faire depuis ce matin,
c'est de trouver un amendement pour amener le ministre à respecter la
loi pour lutter contre la pauvreté ou les éléments de la loi. C'est une loi
qui, comme j'ai dit ce matin, avait adopté
une façon consensuelle, et tout ça, mais c'est une loi qui... On a été à
l'avant-garde, là. C'est une loi qui a été bâtie avec la société civile, avec
des gens qui se sont impliqués, avec les parlementaires transpartisans. C'est unique dans le monde. Puis le ministre est
un peu le gardien de cette loi-là, une loi qui essaie de définir c'est quoi,
un revenu décent, malgré toutes les
problématiques, là. Puis le ministre qui est gardien de tout ça, par cette
loi-là, vient de
dire, vient nous dire : Bien, moi, je ne suis pas capable de... je ne peux
pas, par ce projet de loi là... je pourrais aller en bas du... ce qu'on avait au moins convenu comme
revenu décent. C'est la première fois que ça arrive comme ça. Ça fait que nous, on essaie de trouver des
amendements pour, comme on dit par chez nous, patcher les trous, tu sais,
essayer de voir qu'il n'y ait pas de... qu'au moins on s'engage à garder
un revenu décent.
Puis la Commission des droits de la personne,
bien là, on essaie de le faire par la charte des droits de la personne, et je voudrais... Les gens de la
commission étaient intervenus puis avaient dit : «... la commission
"n'a cessé de souligner
l'importance d'aborder la pauvreté dans une perspective systémique..."»
C'est un peu ce que la loi pour lutter contre
la pauvreté faisait. Et, ce qu'ils rajoutaient, les gens de la
commission : Le programme Objectif emploi n'adopte cependant pas une telle perspective, il risque
d'accroître la discrimination systémique vécue par les personnes visées sur
la base de leur condition sociale.
Puis, ce
matin, quand je citais le mémoire du comité consultatif, comme je disais,
c'était gros... puis le ministre en
convenait, puis il trouvait, bon... il manquait peut-être un peu de rigueur, mais je vais le relire : «Le comité
ne peut qu'appuyer l'intensification
du soutien et de l'accompagnement des nouveaux prestataires d'aide sociale, car, on le sait, plus une
personne demeure longtemps à l'aide,
plus il lui devient difficile de s'en sortir. Par contre, le comité s'oppose
à toute mesure coercitive assortie de
pénalités qui viendraient réduire une aide financière déjà trop faible pour
assurer la couverture des besoins de
base des personnes, compromettant ainsi leur santé et leurs chances de s'en
sortir. Cette façon de faire
contrevient à la législation en vigueur, notamment la Loi visant à lutter
contre la pauvreté et l'exclusion sociale, la Charte des droits et
libertés de la personne, et le Pacte international sur les droits économiques,
sociaux et culturels.»
Ça fait que
c'est assez inquiétant pour dire : Est-ce qu'on est capables de trouver un
amendement pour essayer de se réconforter, tout le monde, essayer de
voir qu'on ne touchera pas aux besoins de base?
Je pense
qu'il y a eu beaucoup d'arguments qui ont été amenés. Moi, je vais rajouter un
autre élément. Je pense qu'on est dus
pour une bonne visite à Rimouski. Vous avez parlé des Halles; moi, j'ai rajouté
qu'on pourrait aller rencontrer des
groupes. On va rajouter l'Université du Québec à Rimouski, tiens. Il y a des
profs là-bas qui se sont réunis autour de la recherche en développement social, je pense que c'est exactement, puis
ils ont transmis une lettre au Devoir. Puis je vais vous lire
quelques éléments de cette lettre-là.
Bien, «dans
une lettre transmise au Devoir, des chercheurs en travail social [de
l'UQAR] soutiennent que la stratégie de
Québec pour réduire le nombre d'assistés sociaux repose sur de "fausses
prémisses". L'objectif du projet de loi 70, présenté [l'année passée], est noble — inciter
les gens à trouver du travail — mais ce n'est pas en coupant dans les prestations de l'aide sociale qu'on y
arrivera, estiment les signataires, professeurs
en travail social de l'Université du Québec à Rimouski.» Par mon petit
crochet par l'UQAR, on pourrait aller rencontrer les gens.
«"Nous
sommes ici dans l'univers des préjugés fortement
répandus dans la population à l'égard des bénéficiaires [de l']aide sociale — par exemple, dépendant, paresseux,
fraudeur", écrit Jean-Yves Desgagnés,
directeur du module de travail social de l'UQAR, au nom de cinq de ses collègues.
"Jamais, depuis l'existence de l'aide sociale en 1969, un gouvernement n'était allé aussi loin dans le «workfare» — travailler pour recevoir de l'aide — et la négation des droits fondamentaux des
plus pauvres dans notre société", ajoutent les signataires.»
M.
Turcotte : C'est
encore notre faute, là.
M. LeBel : C'est peut-être manquer peut-être
un peu de rigueur, mais c'est des gens de l'UQAR.
«Pour
Jean-Yves Desgagnés, il faut mettre en parallèle les coupes de 50 millions à l'aide sociale — donc
chez les plus pauvres — et les centaines de millions donnés aux
médecins», etc.
«Le gouvernement[...] — du
premier ministre ici, là, à Québec — fait appel à la carotte et au bâton pour limiter
l'accès à l'aide sociale. D'abord,
la carotte : les nouveaux demandeurs recevront entre [autres] 130 $ et 250 $ par mois, en plus de leur chèque régulier de 616 $, s'ils participent à des programmes
pour trouver un emploi ou retourner aux études, par exemple.
«En
contrepartie, ces nouveaux inscrits à l'aide
sociale seront pénalisés s'ils ratent
des étapes fixées par leur agent d'aide
sociale. Par exemple,
leur aide supplémentaire de 250 $ sera coupée s'ils omettent de se
présenter aux cours d'aide à
l'emploi. Ensuite, leur chèque régulier sera amputé», etc. Puis «les nouveaux
prestataires devront aussi accepter tout "emploi convenable"
qui leur sera proposé, sans quoi ils perdront l'aide de l'État».
On dit qu'on
veut «briser le "cercle vicieux"», on dit qu'on ne veut pas aller
dans les préjugés, mais l'ancien ministre
disait : «On ne peut pas, comme société,
accepter que je suis un enfant de l'aide
sociale et que mon ambition, à 18
ans, c'est d'aller chercher un chèque d'aide
sociale.» C'est un peu ce que
l'affichette démontrait tantôt, puis ça, c'était porté par le ministre. Une autre citation du ministre
de l'époque, qui rappelle un peu ce que vous avez dit tantôt : «La société fait un effort, on demande aussi à la personne de
faire un effort. Si on ne fait pas d'effort dans la vie, on n'a pas de résultat...» Bref, la pression sur le demandeur.
Je pense
qu'il y a assez de lumières rouges, un peu partout, qui
sont allumées pour dire qu'il faut faire attention. Puis est-ce qu'il y a vraiment moyen... est-ce
qu'on peut vraiment essayer de prendre le temps? Si on veut
aller pour aider les gens à se
trouver de l'emploi, c'est bien correct, puis on peut trouver des façons de les
aider, puis... Mais est-ce qu'on peut s'assurer que tout ça rentre dans une vraie vision qu'on s'était
donnée, une vraie volonté globale de lutter contre la pauvreté, puis sortir des préjugés, puis sortir du fait de toujours mettre la pression sur les
épaules du demandeur? Est-ce qu'on
peut se poser, comme société, la question : Est-ce qu'on a ce qu'il faut
pour accompagner ces personnes-là puis avoir
des communautés qui interviennent pour lutter contre la pauvreté? C'est un peu
ça, la question que ces gens-là nous disent, de partout, là, puis qu'on
essaie, nous autres, par nos amendements, d'assurer.
• (17 h 50) •
Le
Président (M. Poëti) : M. le ministre.
M.
Blais : Écoutez, j'avais lu l'article, là. C'est paru il y a quand
même quelques semaines, peut-être
même mois, là. Si je me souviens
bien, là, j'avais des désaccords assez importants sur certaines affirmations
dans l'article. Moi, j'ai eu le bonheur de travailler avec des universitaires, puis même être
le supérieur de plusieurs universitaires dans le domaine, pendant des années. Je leur disais que je n'avais aucune difficulté
à ce qu'ils s'engagent socialement, puis même que je le souhaitais, mais
que la première obligation d'un universitaire va toujours demeurer la rigueur.
Le Président (M.
Poëti) : M. le député de Rimouski.
M. LeBel :
Là, là, je vais rajouter un peu ce que... répéter ce que mon collègue disait
tantôt, là.
Tu
sais, on a amené plusieurs éléments, là, de mémoires qui questionnaient le ministre,
ou ils questionnaient le projet de
loi, pas le ministre,
mais le projet de loi — c'est
parce que ce n'est rien de personnel — puis, à chaque fois, bien, la réponse, c'est
que ce n'est pas assez rigoureux, ça manque de rigueur, ce n'est pas clair, ce
n'est pas... Ça se peut que ce n'est
pas... qu'il y ait des éléments que... Mais je ne peux pas croire que tout le
monde n'est pas rigoureux en même temps, là. Il doit y avoir quelque chose quelque part qui fait qu'il y a un
fond de vérité dans ce qui nous est dit. Puis moi, je ne suis pas un spécialiste de tout ça, je ne suis pas
un professeur d'université, je suis un député qui accueille des gens au bureau,
qui travaille avec mon milieu, puis, je vous
dis, là, la personne, là, que vous pensez intégrer dans un programme, là, de...
puis en leur disant : Là, tu vas avoir
un peu d'argent, puis tu vas t'intégrer dans ce programme-là, tu vas aller
chercher l'emploi, vous n'avez pas
conscience — assez — d'où part cette personne-là, puis qu'est-ce
que vous lui mettez comme responsabilité
sur les épaules par toutes vos déclarations, puis vos politiques, puis la façon
que la loi est écrite.
On
devrait travailler collectivement, on devrait travailler ensemble : les municipalités, le milieu communautaire, les intervenants, les fonctionnaires
en région. Tout le monde devrait travailler ensemble pour soutenir puis aider
ces personnes-là, et c'est ce qu'on ne
réussit pas à faire, puis c'est ce que vous ne faites pas par le projet de loi. Puis c'est ce que les gens, peut-être
par manque de rigueur, peut-être qu'ils disent autrement, là, comme vous dites,
mais c'est quand même des sons
de cloche assez sérieux pour nous dire qu'il faut trouver une façon de s'en
sortir.
Le Président (M.
Poëti) : Merci, M. le député de Rimouski. Est-ce qu'il y a...
M. Blais :
Peut-être... Ici, je pense qu'il n'y a personne jusqu'ici qui a nié — M. le
Président, pardon...
Le Président (M.
Poëti) : Bien sûr.
M.
Blais : ... — qui a nié la difficulté de la réinsertion sociale, hein? Personne,
je pense, n'a nié que c'était difficile. Puis, quand on rencontre les agents, il n'y a personne qui connaît mieux, je pense, certainement pas moi ni les collègues autour de la table, la difficulté que ça
représente, les parcours complexes. Mais personne ne nous a dit que, disons,
rester à la maison, c'était la
solution, mais que les gens avaient besoin d'aide, ont besoin d'être
rencontrés, qu'on peut leur rendre service.
Ce
qui est important, encore une fois, ce n'est pas de les obliger, parce que parfois on dit : Vous les obligez à suivre
un parcours. C'est eux qui vont décider. Il faut qu'ils se mobilisent, c'est vrai,
c'est de l'obligation, mais c'est eux qui vont décider de ce qui les intéresse. Encore faut-il que ce soit
réaliste, pertinent. Donc, il y a une discussion là-dessus, bien sûr. Mais c'est eux qui décident, dans Objectif
emploi, là, le parcours qu'ils privilégient. Ensuite, on met à leur service,
bien sûr, les meilleures ressources disponibles pour qu'ils puissent y arriver.
Le Président (M.
Poëti) : Merci, M. le ministre. Mme la députée de Gouin, la parole est
à vous.
Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. À ce stade-ci de la
discussion et parce que je pense qu'il y a vraiment un débat — j'écoute attentivement — qui n'est pas terminé, je voudrais apporter
un sous-amendement à l'amendement du collègue
député de Saint-Jean. Le sous-amendement se lirait comme suit : Ajouter, à
la fin de l'amendement : «Ni ne porte atteinte au droit à la dignité visé à l'article 4 de cette
même charte».
Une voix :
...
Le Président (M. Poëti) : Oui. Alors, nous allons suspendre quelques
minutes, le temps de faire des
copies. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 55)
(Reprise à 17 h 59)
Le Président (M. Poëti) : Alors, nous allons reprendre nos travaux,
cependant, pour à peu près 40 secondes, parce que je dois vous aviser que nous avons épuisé le
temps. Et nous avons quand même distribué le sous-amendement de la
députée de Gouin, lequel nous allons prendre connaissance dès le retour de la commission.
Donc, compte tenu
d'heure, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 18 heures)