(Quinze heures quarante-sept
minutes)
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 70, Loi
visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi
ainsi qu'à favoriser l'intégration en emploi.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le
Secrétaire : Oui. M. Leclair (Beauharnois) est remplacé par M.
Turcotte (Saint-Jean) et M. Therrien (Sanguinet) est remplacé par M.
LeBel (Rimouski).
Auditions (suite)
Le Président (M. Cousineau) :
Merci. Alors, cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : le
Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité,
la Fédération des cégeps et la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse.
Ça me
prendrait un consentement pour prolonger de 15 minutes les travaux
concernant les auditions de groupes parce
qu'on a pris un retard d'à peu près 15 minutes. Alors, ça me prend un
consentement. Merci, j'ai le consentement.
Alors, voici
de quelle façon que ça se déroulera : on a un exposé qui dure
10 minutes, la période d'échange de 33 minutes; les membres du gouvernement, M. le ministre, les
membres du gouvernement, vous avez 15 minutes; l'opposition officielle, neuf minutes; le deuxième groupe
d'opposition, six minutes; et puis Mme la députée indépendante, trois minutes.
Donc, je
souhaite la bienvenue au premier groupe, alors, c'est le Regroupement québécois des organismes pour le développement de l'employabilité. Vous avez 10 minutes de présentation. Vous vous
présentez pour les fins d'enregistrement, puis par la suite, bien, on vous donne
10 minutes. À vous la parole.
Regroupement québécois des organismes pour le
développement de l'employabilité (RQUODE)
M.
Petrarca (Martin) : M. le Président, M. le ministre, mesdames
et messieurs de la commission, merci de nous recevoir. Je me présente, Martin Petrarca, président du RQUODE, le
Regroupement québécois
des organismes en développement
de l'employabilité. Je suis également directeur général de Cible-Emploi, située
dans les Basses-Laurentides.
Pour vous
présenter notre mémoire, je suis accompagné de trois autres membres du conseil d'administration du RQUODE et de la direction générale du
RQUODE : donc, à ma gauche, Mme Sam Dahmé, directrice générale de P.S. Jeunesse et des CJE Huntingdon et Châteauguay; Nicole Galarneau, directrice
générale du RQUODE; Josée Jamieson,
directrice générale d'Espace Carrière et du CJE Maskoutain, en
Montérégie; et de Claudia Savard, directrice
générale de Portage Québec.
Avant toute
chose, je me permets de vous présenter très brièvement notre regroupement. Le
RQUODE célébrera ses 30 ans
d'existence l'an prochain. Nous comptons 88 membres, qui sont répartis dans 15
des 17 régions du Québec. Nos
membres desservent une clientèle de plus de 80 000 personnes par année.
Les membres du RQUODE gèrent des budgets totalisant 80 millions de dollars et embauchent plus de 1 400
personnes. Leur impact dans la communauté est substantiel, et les programmes qu'ils mettent en oeuvre ont des
retombées significatives sur des clientèles variées, telles les personnes
immigrantes, les jeunes, les personnes
judiciarisées, les autochtones, travailleurs expérimentés, des personnes avec
des troubles de dépendance, et j'en
passe. Je cède maintenant la parole à ma collègue Sam pour débuter la
présentation de notre mémoire.
• (15 h 50) •
Mme Dahmé (Sherolyn) : Bonjour. Je
vais d'abord adresser quelques commentaires sur la Loi favorisant le
développement et la reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre, appelée
la loi du 1 %. Donc, on accueille favorablement
l'ouverture à la main-d'oeuvre actuelle et future, c'est un changement positif.
Cependant, la source de revenus de ce fonds-là est en diminution parce
qu'on a fait le choix de taxer les entreprises qui ont une masse salariale de 2 millions et plus, donc il y a moins
d'argent là, et l'impact de la diminution est sur les travailleurs vulnérables
en emploi. Et le fonds finançait des
activités de formation en francisation, alphabétisation, donc il y a un impact
là. La recommandation, c'est
d'assurer un revenu pour avoir assez d'argent dans ce fonds-là pour développer
des compétences des travailleurs.
Ma deuxième
intervention concerne la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité
sociale et la Commission des
partenaires du marché du travail. Je ne sais pas si Martin l'a mentionné, je
suis membre de la CPMT depuis environ neuf ans, neuf années. Donc, on accueille
favorablement les responsabilités accrues de la commission en matière d'adéquation, formation avec d'autres ministères.
Puis une recommandation qu'on fait, c'est de rendre publique... de faire
la reddition de comptes de ces activités-là de façon régulière et publique.
Et j'en
profite aussi pour dire que la commission est une instance partenariale qui est
recommandée, par exemple, par l'OCDE
en 2016. Ils ont fortement recommandé la création de ce type de partenariat
pour aider le développement du marché
du travail, et puis je pense que la commission a fait l'envie des autres
provinces lors de la négociation... je pense que c'est à l'époque de Mme Maltais, les ententes sur le marché du
travail. Les autres provinces étaient envieuses qu'au Québec on avait
une Commission des partenaires du marché du travail. Ensuite, je cède la parole
à Nicole.
Mme Galarneau (Nicole) : Merci. Je
vais, de mon côté, vous parler des...
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Galarneau, hein?
Mme Galarneau (Nicole) : Oui.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci.
Mme
Galarneau (Nicole) : Je vais, de mon côté, vous parler des changements
annoncés dans le projet de loi n° 70 relativement à la structure des services publics d'emploi. Le RQUODE
puis ses membres sont beaucoup préoccupés par le rapatriement des services et mesures d'Emploi-Québec à l'intérieur du
ministère de l'Emploi. Il est primordial que ces changements de
structure ne compromettent pas la qualité des services offerts à la population.
L'évaluation
des besoins des personnes qui désirent obtenir des services d'emploi ne doit
pas être affectée ainsi que le niveau
d'implication des organismes en employabilité, qui sont des partenaires de
choix d'Emploi-Québec et contribuent grandement
à l'atteinte des cibles de l'agence. Le RQUODE a identifié, dans le cadre d'une
récente recherche-action, qu'un des
principaux freins pour l'accès de l'emploi des individus plus éloignés du
marché du travail, c'est la méconnaissance des services publics
d'emploi.
Nous recommandons donc au gouvernement
d'effectuer une promotion ciblée des services publics d'emploi offerts à la
population dans le cadre du déploiement de Services Québec. Merci. À vous. À
Martin.
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, madame... Ça va?
Mme Galarneau (Nicole) : Oui.
M.
Petrarca (Martin) : Parlons maintenant du programme Objectif emploi,
qui est annoncé dans le projet de loi n° 70, qui ciblera les
primodemandeurs de l'aide sociale. Nous accueillons positivement l'idée
d'intensifier l'aide offerte aux nouveaux
demandeurs d'aide sociale dans le but de leur permettre d'apporter leur
contribution au marché du travail.
Nous croyons que ce programme aura des effets positifs sur l'estime de soi des
primodemandeurs, qui, en intégrant Objectif emploi, ne se verront pas
attribuer l'étiquette de prestataires d'aide sociale.
Cependant, il
est difficile, actuellement, pour nous d'analyser les impacts et retombées de
ce nouveau programme, puisque les
règlements déterminant le cadre d'application ne sont pas encore connus. Il
semble acquis, cependant, que le
programme Objectif emploi sera obligatoire et qu'il y aura des sanctions
financières pour les personnes qui refuseraient d'y participer ou qui ne
respecteraient pas leur plan d'intégration en emploi. Nous sommes d'avis que
ces sanctions financières peuvent démotiver
les participants à poursuivre leur parcours d'intégration professionnelle et
peuvent même devenir un obstacle supplémentaire à l'intégration sur le
marché du travail. Vous n'êtes pas sans savoir que l'aide financière consentie aux personnes éloignées du
marché du travail pour intégrer un parcours vers l'emploi contribue à leur mise en mouvement et à leur motivation. Ce
soutien financier répond à leurs besoins de base, mais aussi à couvrir
des frais engendrés par leur démarche, tels les frais de garderie et les frais
de transport.
Le RQUODE conteste les sanctions financières
annoncées dans le projet de loi n° 70, qui auraient pour effet d'appauvrir certains participants à ce nouveau
programme de même que leurs familles. Misons plutôt sur des mesures incitatives et sur le contexte favorable du marché
du travail et les besoins futurs de main-d'oeuvre pour que les personnes
éloignées du marché du travail qui participent à un parcours intègrent
durablement le marché du travail.
Nous nous
questionnons également sur les éléments suivants. Il est estimé que 17 000
personnes seront visées annuellement
par Objectif emploi. Est-ce que la structure publique actuelle a la capacité
d'accueillir tous ces nouveaux participants?
Quels mécanismes seront mis en place pour assurer la persévérance des
participants? Aussi, qu'est-ce qu'un emploi convenable? Comment les
organismes d'employabilité seront mis à contribution?
Pour assurer
le succès de ce nouveau programme, nous croyons qu'il est nécessaire que les
organismes spécialisés en
développement de l'employabilité soient consultés lors de l'élaboration des
règlements déterminant le cadre d'application. Je cède maintenant la
parole à Josée Jamieson.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Jamieson.
Mme
Jamieson (Josée) : Une des
premières conditions de réussite du programme Objectif emploi est l'évaluation adéquate des besoins des personnes qui y
participeront. Il est essentiel de bien évaluer le besoin de la personne afin
de la référer dans une mesure
adéquate selon la formule «la bonne mesure à la bonne personne au bon moment».
Nous demeurons donc
vigilants en ce qui a trait au type d'évaluation que recevront les
primodemandeurs. Les personnes éprouvant des difficultés sur le plan de l'emploi sont souvent des personnes vulnérables
qui nécessitent une évaluation rigoureuse et exhaustive de leur situation afin de faire ressortir l'ensemble de leurs
besoins dans toute leur diversité et leur complexité.
Ainsi, nous
vous recommandons de faire appel à l'expertise des ressources
spécialisées en employabilité, qui sont bien outillées pour identifier
les besoins de ces personnes.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci. Mme Savard.
Mme Savard
(Claudia) : Oui, alors,
bonjour. Il y a plusieurs facteurs clés qui doivent être réunis pour
assurer une mise en mouvement
efficace des personnes éloignées du marché
du travail et, par le fait même, du programme
Objectif emploi. En premier
lieu, nous aimerions nommer la mobilisation. On aimerait aussi rappeler qu'avec
les années les organismes d'employabilité ont développé des techniques
de recrutement et des outils performants pour rejoindre, mobiliser et intégrer en emploi les personnes visées par ce programme;
aussi l'accompagnement, qui en plus d'être bénéfique pour la personne l'est également pour l'employeur
lors de l'intégration en emploi; finalement, une approche globale, puisqu'il
faut tenir compte de toutes les dimensions
de la personne dans l'intervention, soit les plans personnel, familial,
éducationnel, notamment.
À ce titre,
nous aimerions mentionner qu'une recherche québécoise pilotée par le
RQUODE, conjointement avec l'Université de Sherbrooke, a été déposée en 2012 au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Cette recherche-action identifie les conditions essentielles pour intervenir efficacement auprès
des personnes qui éprouvent des difficultés sur le plan de l'emploi. Il s'agit du projet Personnes et
communautés en mouvement. Ce projet a permis de développer une approche novatrice dans le domaine de l'employabilité
destinée à une clientèle éloignée du marché du travail et vise à améliorer
la manière de mobiliser cette clientèle dans
un parcours vers l'emploi. Le rapport de recherche fournit donc de nombreuses
pistes de solution quant aux orientations
futures des mesures d'employabilité. Par le fait même, nous vous suggérons de
mettre en application les connaissances
acquises dans ce projet pour accroître l'efficacité et l'efficience du
programme Objectif emploi.
Alors, je vais laisser, pour la conclusion, Martin...
Le Président (M. Cousineau) :
Conclusion rapide, s'il vous plaît.
M.
Petrarca (Martin) : Très rapide. Nous vous remercions pour votre
écoute et nous réitérons que vous avez toute
la collaboration du RQUODE et de ses membres pour aider à l'amélioration de la
situation des personnes éloignées du marché du travail. Merci.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, je vous remercie pour votre
présentation. Alors, nous allons passer maintenant à la période de questions. Je cède la parole au ministre
responsable d'Emploi et Solidarité pour les 15 prochaines minutes.
• (16 heures) •
M.
Blais : Merci beaucoup, M. le Président. Je salue les collègues, tout
d'abord, qui sont là, bien content de vous revoir. Merci aussi aux gens du RQUODE d'être là aujourd'hui. Vous jouez
un rôle assez important, vous êtes des figures de proue quand on parle,
bien sûr, de retour vers l'emploi, d'employabilité.
Une question
de clarification pour commencer. Au tout départ, là, on a dit : Le fonds
pour le développement de la main-d'oeuvre est en diminution, hein? J'essaie de
bien comprendre ce qu'il en est, parce qu'on sait bien que ce fonds-là, il est rattaché à la structure
salariale, qui est en augmentation. Donc, à chaque année, je suppose, les
employeurs du Québec, hein, contribuent davantage non pas au fonds lui-même,
mais en dépenses, hein, en dépenses en formation. Comme les salaires augmentent, bien sûr,
les dépenses en formation, nécessairement, augmentent.
Je comprends
ce que vous m'avez dit par rapport aux petites entreprises, hein, qui ont une
masse salariale, si je me souviens bien, de moins de 2 millions,
mais vous êtes d'accord avec moi que le gouvernement du Québec supplée ce manque à gagner là. Vous êtes en train de me dire
qu'il ne le supplée pas suffisamment. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, Mme Galarneau, M. Petrarca? Mme Galarneau.
Mme
Galarneau (Nicole) : Je pense
que le fonds a fondu au cours des années, a été utilisé toujours
à des fins de formation à l'intention des entreprises. Et là, dans le
cadre du dernier budget, il a été annoncé, effectivement, que le gouvernement venait compenser le manque à gagner à hauteur de 12 millions pour les prochaines cinq années. Il n'en demeure pas moins qu'il y a quelques années le fonds était quand même
à hauteur de 95 millions, qui a été utilisé dans d'autres programmes,
dans des programmes, toujours, de formation pour répondre aux besoins des entreprises
et des travailleurs et que le rehaussement
du niveau d'assujettissement fait en sorte que l'argent n'est plus là pour
desservir de plus petites entreprises. C'était dans le sens où est-ce
que, oui, effectivement, il y a moins d'argent...
M.
Blais : Mais il y a
eu davantage d'investissement. Ce n'est pas parce qu'il y a eu moins d'entrées, mais il y a eu davantage
d'investissement.
Mme Galarneau (Nicole) : Ah non! Il
y a eu davantage d'investissement. On a utilisé, au cours des années
antérieures, le fonds à d'autres programmes, puis cet argent-là a servi, sauf
qu'il ne se renfloue pas aussi rapidement.
Le
Président (M. Cousineau) : M. le ministre.
M.
Blais : Très bien. Sur la question des organismes que vous
représentez, une des questions que je pose souvent, c'est de savoir : Est-ce qu'il y a, au
Québec, au niveau de l'offre, disons, de services... ou bien, selon vous, des
manques, du point de vue territorial,
des faiblesses, disons, ou encore des faiblesses au niveau du type de services
offerts? Je pense à des clientèles
spécifiques, là. J'ai commencé à faire un peu... à rencontrer des gens dans les
centres locaux d'emploi, on m'a
dit : Oui, il manque peut-être de certains types de services plus
spécifiques, des besoins qui n'étaient peut-être pas aussi forts il y a
20 ans et qui le sont devenus aujourd'hui. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
Le Président (M.
Cousineau) : Qui répond? Mme Jamieson.
Mme
Jamieson (Josée) : En fait, peut-être,
parmi les éléments de réponse, on peut observer qu'actuellement, dans l'offre
de service d'Emploi-Québec, on voit différentes ententes, mais qui sont très
normées, très cadrées. Et ce qui serait
intéressant, puisque notre clientèle n'a pas toujours
un parcours linéaire, c'est qu'ils puissent passer d'une mesure à une autre, ou qu'ils puissent avoir donc un
certain décloisonnement, ou pouvoir interrompre une participation, revenir dans une participation, parce que les clientèles n'ont pas toutes — et très loin de là — un parcours linéaire. Donc, en ce sens-là, il y a quand même une certaine offre de
services qui est considérable et qui peut répondre à plusieurs besoins,
mais elle n'est pas toujours adaptée.
M.
Blais : Est-ce que c'est une façon différente de dire qu'il y a une
évolution de la clientèle? Est-ce que c'est ça que vous êtes en train de
me dire?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Jamieson.
Mme
Jamieson (Josée) : En fait, on peut observer que la clientèle
s'alourdit, mais je vous dirais qu'au-delà de ça je pense que, depuis le nombre d'années où on travaille avec le mode de
financement et les ententes telles qu'on les connaît actuellement, on a
acquis une expérience qui nous permet de dégager les constats, là, que je vous
présente.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci. M. le ministre.
M.
Blais : Peut-être une autre question. Je pense que vous avez commencé
d'entrée de jeu en disant : On a une préoccupation par rapport à des mesures qui pourraient être des mesures,
vous dites, punitives ou des incitants négatifs, appelons ça comme vous voulez, on a une préoccupation, et en même temps,
à la fin, on sentait qu'il y avait aussi... C'est difficile de saisir la nature de votre
préoccupation. Est-ce que c'est d'ordre factuel — ça ne fonctionne pas, ça a été essayé
ailleurs, donc ça ne fonctionne pas, si ça
fonctionnait, il faudrait le faire, donc — ou si c'est une autre nature, votre
préoccupation?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Petrarca.
M.
Petrarca (Martin) : Notre préoccupation, essentiellement, c'est
l'aspect, qu'on pourrait appeler coercitif, d'amener les gens à entreprendre des démarches ou à accepter des emplois
qui ne leur conviendraient pas tout simplement par crainte de perdre leur
allocation de base, leur prestation de base, déjà, qui, à notre avis, n'est pas si élevée. Alors, on préférerait de beaucoup — on
pense que c'est ce qui fonctionne le mieux — d'avoir des mesures incitatives pour encourager
les gens, rendre les mesures d'emploi
attrayantes pour les personnes éloignées du marché du travail et non pas les
rendre craintives, là, d'avoir des pertes financières si elles ne
participent pas.
Donc,
travaillons avec les gens qui ont des projets professionnels, qui sont
intéressés à participer à nos mesures et
offrons-leur les incitatifs pour les encourager à participer et de pouvoir,
oui, subvenir à leurs besoins de base, mais pouvoir pallier aux autres
dépenses que leurs démarches peuvent engendrer. On parlait tantôt de frais de
garderie, de frais de transport, mais les gens vont devoir souvent investir au
niveau vestimentaire, s'alimenter mieux, etc., donc...
M.
Blais : Alors, vous dites — puis j'aime bien l'expression, je l'utilise
moi-même, là : Il faut qu'il y ait un projet, hein, il faut définir un projet avec la personne.
Ça ne se fait pas dans une rencontre de 15 minutes, ça évolue, tout ça,
hein, et ça prend du temps pour
définir ce projet-là. Parfois, c'est des projets qui sont loin de l'emploi,
hein, parfois, c'est des personnes
qui sont dans une situation, qui sait, de dépendance, qui sait, de harcèlement.
Donc, avant même de commencer à
réfléchir sur un projet de retour à l'emploi ou retour aux études, il faut
élaguer ces situations-là pour... — hein, je suppose que c'est comme ça
que vous travaillez un peu — donc,
élaguer ces situations-là avant de travailler sur autre chose.
Lorsque
le projet est mieux défini, mieux compris... et surtout, vous avez dit, il doit
être réaliste, il doit être à la portée
de la personne et à la portée, hein, des conditions qu'il y a autour de lui,
bien sûr, du support qu'il a ou qu'il n'a pas, et des institutions qui
sont présentes, là, dans le milieu. Lorsque ce projet-là est défini, lorsque la
personne est en processus, et même quand ça
va bien et quand ça évolue, qu'est-ce qu'on peut faire pour s'assurer que ça
continue, que ça chemine, hein? Quels
sont les moyens que l'on peut utiliser? Vous avez certainement... Vous avez
tous été sur le terrain, vous avez eu
des rencontres, notamment, avec des jeunes. Un jour, il dit : Bon, c'est
fini. Bien, pourquoi c'est fini? Bien, ça ne m'intéresse plus. Ah! bien, qu'est-ce qui se passe?, etc. Donc, on a
mis beaucoup de sous, de ressources, on a fait en sorte d'ouvrir une classe pour qu'une formation
puisse être offerte, etc. Quels sont les moyens que l'on a... Quand on sent
que le projet, il est bon, on connaît bien
la personne, elle traverse un petit creux — ça nous arrive, à tout le monde — pour le tenir, là, qu'est-ce qu'on peut
faire?
Le
Président (M. Cousineau) : M. Petrarca.
M.
Petrarca (Martin) : Je vous dirais que... Spontanément, je vous
répondrais de miser sur de l'accompagnement de ces personnes-là, qu'il y ait un bon lien de confiance avec une
ressource en employabilité, un intervenant, et que la personne puisse compter sur cette personne-là tout
au long de sa démarche, et qu'on puisse compter sur une continuité de services. Ça, c'est bien important. Comme vous
disiez, il y a des choses à régler avant d'entreprendre la démarche :
Est-ce que la personne va avoir besoin de
francisation? Est-ce qu'elle a besoin de clarifier son objectif d'emploi?
Est-ce qu'elle a des problèmes de
dépendance à régler?, et, ensuite de ça, qu'il y ait rapidement une continuité
de services pour en venir à effectuer l'intégration sur le marché du
travail.
Et
ce qui manque aussi, je crois, c'est un accompagnement lorsque la personne est
en emploi. Souvent, bon, la personne
se trouve un emploi, on a l'impression que le travail est terminé, mais ce
n'est pas terminé. Surtout, les personnes éloignées du marché du travail peuvent avoir de la difficulté à maintenir
leur emploi, peuvent éprouver des difficultés avec l'autorité, avec les collègues de travail, donc, s'il peut compter
sur un intervenant externe pour l'aider à garder son emploi... Parce que
c'est beau, d'en trouver un, mais, si tu ne le gardes pas, tout est à
recommencer.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
• (16 h 10) •
M.
Blais : Oui. J'y vais avec des cas que vous avez bien connus, là, j'en
suis sûr, là, chacun d'entre vous, là. La personne ne se rend même plus à une rencontre, hein, vous avez demandé à
le rencontrer, puis il dit : Écoutez, moi, c'est fini, je... Vous aviez développé un lien, je
pense, un projet, vous avez des spécialistes autour de vous qui savent mesurer,
hein, ces projets-là, mais il ne vient plus,
et pour des raisons qui sont peut-être, bon, difficiles, là, à comprendre, là,
mais c'est le cas. Qu'est-ce qu'on
peut faire de plus pour s'assurer qu'ils vont venir, qu'ils vont continuer? Et
admettons que le projet n'est
peut-être pas bien défini, qu'on en donne un second, un deuxième, peut-être que
celui-là, c'est le bon, comment on
peut faire aboutir ça, ne serait-ce que venir à une rencontre? Parce que, moi, ce que j'entends, là, c'est que, souvent,
la difficulté, c'est qu'ils ne viennent même pas à une première
rencontre. La grande majorité ne viennent pas, intimidés ou pas. Puis, quand je vous regarde, je trouve que
vous avez l'air à la fois à connaître les affaires, vous avez l'air de bien
saisir, là, la difficulté,
mais les moyens qu'on doit mettre à notre disposition. Qu'est-ce qu'on peut faire pour s'assurer qu'ils soient dans une situation plus active? Et je ne parle pas de pénalités du tout, là, je
veux savoir comment vous vous y prenez, là, pour y arriver.
M.
Petrarca (Martin) : Bien, je
peux tenter un début de réponse, Sam va compléter, Sam Dahmé. On a parlé tantôt d'évaluation de besoins. Pour moi, c'est ce qui fait toute la
différence. Si on a bien pris le temps d'évaluer les besoins de la personne et qu'ensuite on a les outils pour
lui offrir l'aide qui va répondre à ces besoins-là, j'ai l'impression que
la motivation de la personne va être au
rendez-vous. Et, si une personne ne se présente pas à ses rendez-vous, pour
moi, ça sonne un manque de
motivation. La motivation, ce n'est pas nécessairement de ne pas être
motivé à contribuer au marché du travail.
Moi, je ne crois pas beaucoup à ça, que quelqu'un n'est pas motivé à
contribuer au marché du travail.
Quelqu'un n'est peut-être pas motivé aux perspectives qu'elle voit
devant elle. Donc, il faut essayer de trouver qu'est-ce qui va l'intéresser
véritablement, et, pour certaines personnes, le chemin peut être un peu plus
long que pour d'autres.
Le Président (M.
Cousineau) : Un complément de réponse, Mme Dahmé,
peut-être?
Mme
Dahmé (Sherolyn) : Oui. Il est possible aussi... Quand on entretient
une relation privilégiée avec un client qui est à la recherche d'un emploi, on l'accompagne. Son chemin peut
changer, peut faire des détours, son projet professionnel peut changer. C'est normal, surtout pour les personnes qui
ont un manque de compétences, et tout ça. Elles sont à la découverte des possibilités. Et ces personnes-là ont souvent
aussi des vies personnelles perturbées, la vie familiale, il peut arriver un événement marquant durant le
processus d'intégration. Ce qu'on
fait avec, une fois qu'on établit un lien de confiance, on a les numéros de téléphone, les numéros des e-mails,
les numéros des tantes, les voisins — souvent,
ils n'ont pas de téléphone — une lettre par la poste, on essaie de
maintenir un lien. Puis souvent il est arrivé des clients qui ont dit : Dans ma vie, quand j'ai abandonné,
il n'y a personne qui s'est préoccupé de moi, sauf vous, les groupes d'employabilité, vous ne m'avez jamais abandonné.
Ça fait que, si on reprend la personne, on la soutient — des fois, c'est une pause, besoin d'aller régler des choses personnelles puis
revenir par la suite — je pense que c'est ça, la clé du succès, c'est... Je pense, Josée a mentionné : Ce n'est pas un
chemin linéaire, c'est une démarche,
des fois, avec des détours, des
arrêts, on revient. Il y a des clients avec qui on travaille pendant trois
années avant d'établir un... d'avoir une insertion durable — c'est un gros mot, là — un peu stable en emploi. Les clients éloignés
peuvent intégrer un emploi puis changer d'emploi six fois dans une
année. Ça fait partie du processus.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre, il reste une minute.
M. Blais :
Oui. J'aimerais revenir sur les modifications, là, à la loi sur la formation de
la main-d'oeuvre et la possibilité — vous l'avez évoquée tout à l'heure — que les sommes qui sont à la disposition
d'une entreprise — donc
la contrainte de dépenses, finalement — puissent être allouées à des personnes qui
ne sont pas dans l'entreprise encore, qui
sont en formation, qui pourraient devenir dans cette entreprise-là, mais pourraient aller aussi dans une autre entreprise.
Est-ce que, là-dessus, votre, disons, bénédiction est complète? Parce que
même moi, j'étais très favorable à cette idée-là quand ça commençait à être discuté. Je sais qu'il y avait
un petit peu de réactions parfois contraires, notamment
au niveau syndical. Est-ce que votre bénédiction est complète sur cet
usage-là de la dépense des entreprises?
Le Président (M.
Cousineau) : En 30 secondes, Mme Galarneau.
Mme
Galarneau (Nicole) : Sur la
question de l'utilisation, je pense qu'on est très en faveur de l'utilisation du fonds dans des programmes comme
les stages, les stages de formation, les stages d'expérimentation. Et, à cet
égard-là, je peux vous témoigner des
projets de stages rémunérés que nous avons réalisés au courant de la dernière
année et qui donnent d'excellents résultats.
Sauf qu'à quelque part ces résultats-là sont tributaires de l'embauche d'une personne
par l'employeur avant le début du programme, et puis... Mais, une
fois que ça a été fait puis qu'on est entrés, on a réalisé des projets — je pense aux plus récents — avec une dizaine d'entreprises en techniques
d'usinage, le centre de formation Anjou, et sont sortis de là neuf
participants qui sont encore en emploi.
Le
Président (M. Cousineau) : Mme Galarneau, je dois vous
arrêter. Je dois passer la parole, maintenant, aux membres de l'opposition officielle. Je crois que
c'est le député de Saint-Jean, je crois. M. le député de Saint-Jean, à vous
la parole pour les neuf prochaines minutes.
M.
Turcotte :
Merci, M. le Président. Tout d'abord, saluer M. le ministre pour votre retour,
si on peut dire, au ministère. Donc,
ça nous fait plaisir. Déjà, on sent un changement de ton ici, en commission,
donc c'est agréable d'entendre ce changement de ton.
J'aimerais
vous saluer d'être avec nous aujourd'hui. À la lecture de votre mémoire, je
comprends que vous êtes opposés aux pénalités que le projet de loi
n° 70 impose aux nouveaux demandeurs d'aide sociale. Est-ce que j'ai bien
compris votre position?
M. Petrarca (Martin) : Oui.
M.
Turcotte :
O.K. Vous dites, dans l'échange avec
le ministre, que vous souhaitez avoir un accompagnement des personnes qui se trouvent un emploi pendant qu'ils se cherchent un
emploi, mais aussi après qu'ils aient trouvé cet emploi-là, pour le maintien. Un accompagnement uniquement auprès du travailleur, mais aussi auprès de l'entreprise ou de l'employeur? Est-ce que vous incluez
ça aussi?
M.
Petrarca (Martin) : Tout à fait. Bien, ça se fait dans certains programmes, ça s'est fait dans le cadre de certains projets pilotes, c'est gagnant de pouvoir avoir un contact aussi
avec l'employeur. J'ai vu des rencontres tripartites ne serait-ce
que pour essayer de comprendre d'où proviennent les insatisfactions de
l'employeur, les insatisfactions peuvent provenir de l'employé aussi, donc
d'agir un petit peu comme médiateur entre l'employeur et son employé, puisque
c'est quelqu'un qui est en intégration au marché du travail. Ça fait que, tout
à fait, c'est une approche qui peut être gagnante et très intéressante.
M.
Turcotte :
Je ne sais pas si vous avez suivi les consultations d'il y a déjà quelques
jours, l'exemple d'un jeune qui
arrive avec un sac vert soit à Emploi-Québec ou on parlait, dans ce cas-là,
dans une auberge du coeur. On s'entend que
ce jeune-là, qui est poqué, qui part de loin, qu'il n'est pas nécessairement
prêt dès maintenant à se trouver un emploi, mais qui peut être, avec de l'aide, de l'accompagnement, éventuellement
amené, oui, à accéder à un emploi, puis c'est l'objectif comme société que nous visons tous. Est-ce que les organismes
que vous représentez ont, en ce moment, un centre, de l'aide ou de l'accompagnement de d'autres ressources pour
aider ce genre de jeunes là à progresser vers soit un projet d'études ou
le parcours de l'emploi?
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Jamieson.
Mme
Jamieson (Josée) : En fait, je pense qu'une des richesses de nos
organisations, c'est de travailler en étroite collaboration avec les
partenaires de nos milieux, et on dispose quand même de compétences et, en
fait, d'équipes qualifiées qui nous
permettent d'intervenir sur toutes les sphères de vie. Mais un des enjeux
importants, c'est aussi de nous
permettre d'intervenir, comme on l'a dit et on le répète, d'une façon qui ne
soit pas linéaire parce qu'un participant, quel que soit son âge, peut vivre
des difficultés qui l'amènent à devoir bénéficier d'un accompagnement ou de
services dans une autre ressource,
mais ça lui prend un intervenant pivot qui s'assure qu'il y ait une continuité
puis qu'il y ait un lien de confiance
qui se maintienne. On en parlait tout à l'heure, on parle de motivation, le
manque de motivation, souvent, pour un intervenant, c'est une
conséquence à une problématique beaucoup plus importante, et on a besoin de
pouvoir intervenir sur ces problématiques-là.
Mais il y a un lien de confiance essentiel qui doit être construit, et, pour
ça, il faut un accompagnement dans
toutes les étapes de son parcours, que ce soit en préemployabilité, en
recherche d'emploi, ou, comme mon collègue le disait, au moment où il
intègre l'entreprise, ou même en formation.
M.
Turcotte :
Puis, quand vous parlez de cet intervenant-là, là, est-ce que c'est un
intervenant d'un de vos organismes que vous représentez?
Mme Jamieson (Josée) : Tout à fait.
• (16 h 20) •
M.
Turcotte :
Est-ce que vous amenez le parallèle jusqu'à souhaiter, pour le demandeur de
l'aide sociale, qu'il puisse aussi y
avoir une personne, un agent qui lui est attitré auprès d'Emploi-Québec ou du
centre local d'emploi pour pouvoir le cheminer? Parce que, quand vous dites un «intervenant
pivot»... Vous me dites : Nous, on est des organismes, on peut avoir une certaine aide. Le ministre vous
a parlé. Est-ce qu'il y a d'autres organismes, tout dépendant du type de la
problématique que la personne qui demande de
l'aide sociale peut avoir? Ça se peut qu'elle ait besoin d'une autre ressource,
soit, d'abord, d'un carrefour
jeunesse-emploi ou du SEMO, peu importe. Donc, si c'est un intervenant d'un de
vos organismes... Puis des fois ça
peut être aussi complexe de faire des liens avec d'autres organisations.
D'avoir un agent qui lui est attitré par le centre local d'emploi, qu'il
puisse avoir un contact, est-ce que ça serait aussi une bonne chose?
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Jamieson.
Mme
Jamieson (Josée) : En fait, c'est judicieux qu'il y ait une personne
du centre local d'emploi, mais il faut toutefois reconnaître l'expertise
des organismes en employabilité, qui, au fil des ans...
M.
Turcotte : Ça, je
ne remets pas ça en question du tout.
Mme
Jamieson (Josée) : ...pour l'évaluation des besoins puis
l'accompagnement dans leur parcours, tout à fait. Mais, oui, qu'il y ait
une personne au centre local d'emploi m'apparaît judicieux.
M.
Turcotte : On va
aller dans... Allez-y.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Galarneau.
Mme
Galarneau (Nicole) : Je voudrais ajouter que l'expérience nous a
démontré l'importance de l'intervenant pivot. Quand on vous a fait mention, tantôt, du projet sur lequel on a
travaillé... On a travaillé aux Habitations Jeanne-Mance, et, si vous connaissez les Habitations
Jeanne-Mance, c'est quand même quelque chose au niveau des 68 communautés
culturelles, des gens qui sont à l'aide
sociale. C'est le plus gros HLM, le premier HLM au Canada. Et puis, quand on
dit «intervenir sur toutes les
sphères de la vie d'une personne», alors nous sommes intervenus au niveau du
CLSC, au niveau du logement, de la dépendance, mais toujours avec une
directionnalité emploi. Alors, quand on dit : Est-ce qu'on est capables de
le faire?, oui.
Puis le lien
qui se crée avec l'intervenant pivot est drôlement essentiel. Puis, quand on
dit que l'intervention n'est pas
linéaire, bien, c'est aussi s'assurer que cet intervenant-là va venir le
raccrocher à un moment où est-ce que ça va être moins intéressant pour la personne parce qu'il y a un autre problème à
régler ailleurs. Et je pense qu'on ne peut pas le répéter suffisamment que de
faire de l'intervention en employabilité, c'est aussi prendre soin d'une
personne de A à Z.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Combien
il me reste... pratiquement...
Le Président (M. Cousineau) :
Il vous reste 1 min 30 s.
M.
Turcotte : Je vais
céder la parole à mon collègue de Rimouski, qui a une question pour vous.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Rimouski.
M. LeBel : 1 min 30 s, go, go! Vous avez des groupes qui viennent des régions,
probablement? J'ai vu Sept-Îles dans vos groupes. Il y en a plusieurs
autres?
Mme Galarneau (Nicole) : On en a
même d'Inukjuak.
M.
LeBel : Bon, bien, c'est bon, ça. Ça fait que, moi, la question que je
me pose... Parce qu'on parle souvent du jeune qui arrive, du jeune qui arrive, mais moi, je pense que le jeune
en question... le suivi qu'il y a à avoir avec ce jeune-là, c'est bien différent s'il vient de Saint-Pamphile,
Sainte-Anne-des-Monts ou qu'il est à Montréal, ou à Laval, ou... Puis, quand vous parlez de communautés, de partenaires
du milieu, quand tu vis dans ces villages-là, c'est encore plus important.
J'ai déjà été sur un C.A. d'un plateau à
Saint-Cyprien, il était membre du RQUODE, puis c'était ça, s'il n'y avait pas
eu des forestiers autour de la table, des groupes communautaires, on
n'aurait jamais pu accompagner.
Bref, pour
sortir quelqu'un de la pauvreté puis lui donner un coup de main pour qu'il ait
un emploi convenable, il ne faut pas
juste focusser — j'arrive
sur la question — sur la
personne, il faut intervenir dans le milieu, il faut se concerter. Et là on a coupé des CLD, il n'y a plus de liens
avec les CLE, comment on va faire... Puis
vous êtes là-dedans comme des groupes communautaires sur vos C.A., vous avez le milieu qui y
participe. Est-ce que vous pensez que c'est... Si on veut sortir
avec des emplois convenables, pas juste de l'occupationnel, des vrais emplois
qui vont valoriser les personnes, comment que ce lien-là avec la communauté va
se faire dans ces villages-là, entre autres?
Le Président (M. Cousineau) :
Réponse. Alors, Mme Jefferson, Mme Galarneau, Mme Dahmé?
Mme Dahmé (Sherolyn) : Je peux bien
y aller.
Le
Président (M. Cousineau) : Allez-y rapidement.
Mme
Dahmé (Sherolyn) : Je vous
dirais : Ça dépend de la situation économique. Moi, je suis dans la Montérégie-Ouest, Huntingdon. La fermeture des
usines, difficultés de transport, ça
fait que, quand il n'y a
pas d'emploi, c'est l'exode, hein? Et
ceux qui quittent, c'est ceux qui ont les meilleures chances de trouver un
emploi. Ça fait que les gens
très vulnérables, vous avez tout à
fait raison, c'est les communautés,
c'est les églises dans les petits milieux qui se rallient, qui tentent de trouver des solutions pour ces personnes-là,
jeunes, les personnes immigrantes. C'est un grand défi.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, madame. Merci. Alors, nous allons passer maintenant
aux questions en provenance du deuxième groupe de l'opposition. Je cède
la parole au député de Drummond—Bois-Francs,
je crois.
M.
Schneeberger :
C'est ça. Merci, M. le Président. Bonjour.
Le Président (M.
Cousineau) : Il vous reste six minutes.
M.
Schneeberger :
Bonjour à vous. Premièrement, tantôt, vous disiez que vous aviez une clientèle
de plus en plus lourde. Quelle
est votre clientèle qu'on pourrait appeler, peut-être, cible ou plus populaire,
là, la plus courante?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Galarneau.
Mme
Galarneau (Nicole) : Bien,
les clientèles, l'alourdissement de la clientèle, je trouve que c'est un petit peu comme le vieillissement d'une personne. On arrive tous, à 50 ans, à
devoir porter des lunettes. Bien, à
un moment donné, la clientèle, elle aussi, arrive avec plus de problèmes,
de problèmes de santé mentale et puis de problèmes
de stress vis-à-vis le marché du travail. Les organismes membres au
RQUODE ne sont pas des organismes qui ont des clientèles nécessairement uniquement spécifiques — je
pense au Réseau des carrefours, au Collectif autonome des carrefours, où est-ce que
ce sont des jeunes, je pense au
ROSEPH ou personnes handicapées, je pense aux entreprises d'insertion — mais
ce sont vos voisins, ce sont des gens tout à fait dans votre société.
Alors,
on travaille, oui, avec des jeunes, des personnes immigrantes, des femmes, des
groupes de femmes, je pense à nos
groupes de femmes dans le non trad, on travaille avec des personnes qui ont des
problèmes de dépendance, des problèmes
de jeu, des hommes — on
a vu apparaître au courant des dernières années des ressources
spécifiques pour les hommes, ce qu'on
n'avait pas vu par le passé — je
pourrais continuer l'énumération, mais les gens n'arrivent pas avec une
étiquette. Et, quand on fait de l'employabilité,
qui est retrouver un emploi, qui est un déterminant pour la vie, je pense que
c'est toute clientèle.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
Bon, ce que je comprends, votre clientèle est assez large, là. Elle vient de
tous les domaines. Vous parliez
tantôt qu'il y avait peut-être un manque au niveau des premiers
demandeurs ou... mettons, en aide sociale, ou les services... parler, une méconnaissance de Services Québec au niveau des services qui sont offerts aux gens pour
l'employabilité. Actuellement, quand on a un demandeur d'aide sociale, ou peu importe, là, est-ce qu'il y a automatiquement ces... il
passe par un cheminement où est-ce
qu'on lui offre tous les services qui
sont offerts pour dire : Regarde, on le dirige bien, ou si c'est
facultatif, selon vous?
Le Président (M.
Cousineau) : Qui va répondre? Mme Jefferson?
Mme
Jamieson (Josée) : En fait,
on ne peut pas dire que, systématiquement, les gens bénéficient d'un accompagnement,
peut-être certains groupes ciblés, mais beaucoup
de gens, je vous dirais, peuvent avoir accès à des ressources,
c'est vrai, mais ça demande
qu'eux-mêmes se mettent en action, d'où l'idée pour nous... On accueille
favorablement l'idée d'inciter les gens à se mettre en action, de les
diriger vers les bonnes ressources, de les conseiller et de les accompagner parce
qu'effectivement on pense qu'il y a des gens
qui mériteraient de... du moins, qui auraient tout intérêt à bénéficier de cet
accompagnement-là, puis on ne peut pas dire que, systématiquement, tout le
monde reçoit, actuellement, ce type d'accompagnement.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député.
M.
Schneeberger :
Oui. Quand vous disiez tantôt, dans les échanges avec le ministre au niveau des
mesures... ce qu'on appelle l'évaluation des besoins, qui, selon vous,
actuellement, est le mieux placé ou le mieux qualifié pour l'évaluation des
besoins d'une personne qui vient chez vous, autres? C'est-à-dire autant sur le
point... autant sur le psychologique...
Parce que le problème, il y a ça, là, tu sais. On parle beaucoup des mesures
d'employabilité, ça fait qu'on pense
que, bon, bien, on va chercher un cours, mais des fois, là, on est loin d'aller
chercher un cours, là, c'est carrément, moi, ce que j'appelle l'école de la vie, là, la personne n'est pas en
mesure d'aller sur le marché du travail pour quelque raison que ce soit. Alors, qui, selon vous, est le
mieux placé pour ça? Parce qu'on parle d'un lien de confiance avec la
personne, c'est assez large. Ce que je décèle, là, actuellement, là, avec les
gens qu'on voit, il y a un manque assez grand là-dedans.
• (16 h 30) •
M. Petrarca (Martin) : Qui
est le mieux placé? C'est une bonne question. Je peux vous dire que les
organisations d'employabilité sont
très bien placées pour le faire, possèdent toute l'expertise. On le fait tout
le temps, de bien évaluer les besoins
de nos gens avant de commencer à intervenir avec eux. L'important, je dirais,
c'est que l'évaluation de besoins se fasse.
Elle ne se fait pas toujours, malheureusement, dépendamment des mesures et
services. Il faudrait que chaque personne puisse avoir un moment où il
va y avoir une vraie évaluation de besoins qui va être faite et qu'après ça les
différents intervenants du milieu, autant
les organismes d'employabilité que
les agents d'Emploi-Québec, puissent travailler avec cette évaluation-là. On travaille un petit peu en silo, actuellement. L'évaluation qui est faite dans un organisme ou qui est faite dans un bureau d'Emploi-Québec n'est pas nécessairement partagée avec les autres intervenants, et ça va amener souvent
à recommencer l'évaluation de besoins, alors qu'on pourrait sauver un temps
si on travaillait avec les mêmes outils et qu'on se partageait l'information.
Le Président (M.
Cousineau) : Une dernière question très rapide, M. le député.
M.
Schneeberger :
Oui, alors, je dirais... Vous parliez tantôt des critères d'emploi convenable,
avez-vous des pistes de solution — parce que c'est un peu l'énigme de beaucoup de groupes, c'est très dur à encadrer, ou peu
importe, c'est très large — selon vous?
Le Président (M.
Cousineau) : ...dernière réponse.
Mme
Galarneau (Nicole) : Je pense
que la question de la définition de l'emploi convenable, on
aimerait vous la retourner, puisque
c'est vous qui l'avez avancée. C'est quoi, un emploi convenable? Est-ce que
votre emploi comme député est convenable? Est-ce qu'il vous convient?
M.
Schneeberger :
Pour moi, oui, pour d'autres, non. C'est ça.
Mme
Galarneau (Nicole) : Alors, c'est à peu près... On a hâte de voir,
dans la réglementation, qu'est-ce qui sera défini comme un emploi
convenable.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, sur ce, on va poursuivre avec
la députée de Gouin, et sûrement qu'on va avoir des bonnes questions
convenables. Alors, Mme la députée de Gouin.
Mme
David (Gouin) : Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais souligner
à l'organisme toute mon admiration pour
son travail. J'adore entendre des gens qui nous disent : On prend soin des
gens, et je pense que c'est ça que vous faites. J'ai deux questions.
Moi, je suis obligée d'aller très vite parce que je n'ai pas beaucoup de temps.
La
première question, c'est la suivante. En page 10 de votre mémoire, vous
abordez toute la question des sanctions financières, puis, quand je tourne la page, il n'y a pas, comme tel, de
recommandation précise sur ce sujet-là. Alors, si vous aviez — je vous le demande maintenant — une recommandation à faire en rapport avec
cette question des sanctions financières, ce serait laquelle?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Galarneau.
Mme
Galarneau (Nicole) : On n'a pas répondu à la question des sanctions
financières parce qu'on n'a aucune idée
de qu'est-ce qu'elles représentent. Par ailleurs, on aurait une suggestion à
faire : plutôt que de parler de sanctions, pourquoi ne parlerions-nous pas d'avoir une contribution plus positive
tout au long du programme? Je pense que, quand une personne se met en mouvement puis que, pour une raison x, y, z,
elle doit s'arrêter ou elle s'arrête, ce n'est pas très motivant de revenir dans un programme puis de se
faire couper. Peut-être qu'il y a eu une erreur de parcours. Peut-être qu'on pourrait partir avec une contribution, un
incitatif s'il se maintient, et puis, s'il arrive au bout de son programme,
bien, à quelque part, de lui bonifier son allocation ou sa contribution plutôt
que de lui couper.
Je ne sais pas si ça
répond à votre question, mais c'était une autre piste.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme la députée de Gouin.
Mme
David (Gouin) : Je vous
remercie. Vous dites, à la dernière phrase de la page 10 : «Le
montant que recevront les
participants d'Objectif emploi — [et là] une fois les sanctions
imposées — ne doit
pas être inférieur au montant de base
octroyé comme prestation d'aide financière de dernier recours.» Je ne veux pas
vous mettre des mots dans la bouche, mais
je veux juste bien comprendre. Est-ce que ça veut dire que vous vous objectez à
toute coupe qui amènerait la prestation actuelle de 623 $ par mois
en bas de 623 $ par mois?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Petrarca.
M.
Petrarca (Martin) : Notre
position est très claire là-dessus. Il ne devrait pas y avoir... la personne ne
devrait pas voir sa prestation de
base amputée. Déjà que ce n'est pas très élevé, c'est tout un défi
d'arriver avec ce montant-là, je pense que ça va amener la personne dans
le cercle vicieux de l'appauvrissement.
Le Président (M. Cousineau) : Malheureusement, ça termine, Mme la députée de Gouin, il
restait trois secondes, alors...
Mais, M. Petrarca, Mme Dahmé, Mme Galarneau, Mme Jamieson
et puis Mme Savard, merci pour votre présentation.
J'invite
les gens du prochain groupe, je crois que c'est la Fédération
des cégeps, à se préparer et je suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
16 h 35)
(Reprise à 16 h 37)
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, nous reprenons nos travaux et nous accueillons les gens de la Fédération des cégeps. Alors, vous avez, comme le groupe précédent, 10 minutes
de présentation. Par la suite, nous allons passer aux périodes de
questions de la part des parlementaires. Alors, présentez-vous et les gens qui
vous accompagnent.
Fédération des cégeps
M.
Tremblay (Bernard) :
Excellent. Merci, M. le Président. Mmes,
MM. les députés, bonjour. Alors, je
vous présente, à ma droite, donc, la
présidente du conseil
d'administration de la Fédération
des cégeps, Mme Marie-France Bélanger, qui est également directrice
générale du cégep de Sherbrooke et aussi présidente du Conseil régional
des partenaires du marché du travail
de l'Estrie, et, à l'extrême droite, donc, Mme Isabelle Laurent, qui est
la directrice des affaires pédagogiques à la Fédération des cégeps, et
je suis Bernard Tremblay, donc, le président-directeur
général de la Fédération
des cégeps.
Alors,
évidemment, la Fédération des cégeps, qui est le porte-parole des 48 collèges publics québécois, tient à remercier
les membres de la commission de lui donner l'occasion de faire part des commentaires du réseau collégial public sur le projet de loi n° 70.
Les
cégeps sont implantés dans toutes les régions du Québec et offrent l'accès
universel à un système éducatif performant,
démocratique, égalitaire et
diversifié. Les cégeps servaient, en 2014, plus de 173 000 étudiants du
secteur régulier, dont 47 % étaient inscrits à l'un des neuf
programmes préuniversitaires; 47 %, à l'un des 132 programmes techniques; et 6 %, au Tremplin DEC. Et il
est important de souligner que, de 1967 à 2010, les cégeps ont permis à plus
de 1,6 million de jeunes d'obtenir un
diplôme d'études collégiales. En outre, en 2014, quelque 27 000 adultes
étaient inscrits à la formation
continue créditée et plus de 25 000 personnes en situation d'emploi ont
suivi une formation sur mesure en entreprise.
Les
cégeps permettent déjà au Québec d'afficher le plus haut taux de diplomation postsecondaire
au Canada, soit 48 %, et ont contribué au développement d'un système
d'enseignement supérieur original, simple et ouvert. Ainsi, la fédération croit que le réseau collégial est un
partenaire de premier plan au regard des attentes ministérielles en matière
d'adéquation entre la formation et l'emploi.
La Fédération des cégeps comprend la volonté, donc, du gouvernement de faire
de la CPMT le lieu privilégié de
concertation des différents partenaires rassemblés autour de la mission du
développement des compétences de la main-d'oeuvre et de l'arrimage avec
les besoins du marché du travail.
D'entrée
de jeu, nous réitérons l'engagement du réseau collégial à la réalisation de
l'objectif de l'adéquation entre la
formation et l'emploi ainsi qu'à l'intégration en emploi. Les cégeps
travaillent déjà en étroite collaboration avec les entreprises et les
différents organismes du marché du travail de manière à s'arrimer aux besoins
locaux et régionaux.
Toutefois, les
cégeps, forts de leur expertise en matière d'identification des besoins de
formation, souhaitent disposer d'une plus
grande autonomie leur permettant de modifier, d'ajuster, d'ajouter des
compétences aux programmes pour les
harmoniser plus efficacement aux besoins de leur milieu. La lecture de notre
mémoire vous aura permis de constater que
des stages sont déjà intégrés aux programmes de D.E.C. et d'A.E.C., mais leur
nombre et leur durée peuvent encore être
renforcés. À ce chapitre, la Commission des partenaires du marché du travail et
ses conseils régionaux constituent un lieu important de concertation et
d'échange qui peut favoriser la mobilisation de tous les acteurs concernés.
Le Président (M.
Cousineau) : Alors, Mme Bélanger.
• (16 h 40) •
Mme
Bélanger (Marie-France) : Alors, bien que l'offre de formation des
cégeps soit diversifiée et qu'elle réponde bien aux attentes du marché du travail, les besoins des organisations, des entreprises et des adultes en recherche de formation technique
de courte durée ne peuvent actuellement être complètement satisfaits. La CPMT peut également,
à cet égard, contribuer à la mise en
place d'une solution durable. Par
ailleurs, une meilleure concertation
entre le ministère de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et le ministère
de l'Emploi et de la Solidarité sociale
ainsi qu'avec la CPMT est essentielle
afin de lever les contraintes que posent certains paramètres administratifs et
financiers. Les cégeps, forts de leur
expertise en formation technique et des liens développés avec les entreprises,
sont souvent en mesure d'identifier des
fonctions de travail en émergence et de proposer une réponse adéquate,
qualifiante, entre autres sous la forme d'une A.E.C.
Cependant,
nous voulons mettre en lumière qu'il est souvent difficile de faire valoir que
des besoins de formation existent pour une nouvelle fonction de travail, notamment
si elle n'est pas cataloguée dans la base du code national des professions.
La mise à jour des codes CNP se traduit par un délai important
qui a des conséquences pour les entreprises, qui
doivent attendre pour avoir accès à une main-d'oeuvre adéquatement qualifiée dans des secteurs qui évoluent rapidement.
Dans
un contexte de forte demande de main-d'oeuvre qualifiée de niveau technique, la volonté
ministérielle de favoriser
l'intégration socioéconomique des personnes éloignées du marché du travail doit être complétée par celle de soutenir la formation des personnes ayant déjà une qualification si
celle-ci ne correspond plus adéquatement aux compétences recherchées par le marché
du travail.
Nous notons aussi qu'au-delà de l'intégration professionnelle des diplômés les cégeps doivent également,
dans leur mission, contribuer au développement personnel, culturel et social de chacun de nos étudiants. Bien que la question de
l'adéquation entre la formation et l'emploi soit au coeur des préoccupations des cégeps, la mission des cégeps dépasse cette préoccupation, aussi importante soit-elle. Ainsi, il ne faut pas
oublier que l'enjeu de scolarisation et de persévérance scolaire implique de rendre accessibles des formations
sur l'ensemble du territoire québécois, même si celles-ci ne font pas partie des priorités ponctuelles d'une région.
Si le Québec souhaite maintenir un haut niveau de
scolarisation, l'offre de formation collégiale doit être suffisamment intéressante
pour stimuler l'inscription des étudiants.
Le
rôle des cégeps doit s'inscrire dans une perspective actuelle, mais également
future. Par exemple, les cégeps doivent anticiper les fonctions de travail déclinantes ou émergentes et
harmoniser leur offre à ces réalités. Il
y a des dangers certains de ne pas entretenir de perspectives plus
larges. Malgré les analyses les plus rigoureuses, il reste parfois difficile
de déceler les fonctions de travail en
émergence. Par exemple, personne ne prévoyait l'essor du secteur
multimédia il y a 20 ans,
et aucun programme n'existait dans ce domaine.
Enfin,
il est reconnu qu'il existe une très grande variété de services de formation
au Québec et que cela permet de couvrir la plupart des besoins en matière de main-d'oeuvre et de compétences. Toutefois, la Fédération des cégeps réitère l'importance
de confier cette responsabilité au réseau de l'éducation. Elle souhaite émettre
des réserves au sujet de la multiplication
des services, firmes privées et entreprises qui investissent le champ de la formation
sans toujours détenir l'expertise requise entre autres
en ce qui a trait à l'identification des besoins et à l'élaboration des formations.
Il est important de garantir une formation de qualité reconnue et accessible
partout au Québec qui favorise l'adaptation des employés aux nouvelles tâches, la polyvalence et la mobilité au sein de l'entreprise ou dans le secteur d'activité auquel il est rattaché.
Nous
proposons donc que soit reconnue, dans la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale et sur la Commission des partenaires du marché du travail, l'importance d'offrir une diversité de programmes de formation
qui ne se limitent pas uniquement aux
secteurs actuellement en demande et de maintenir une perspective
globale pour favoriser l'innovation, renforcer l'expertise au Québec et
demeurer à l'affût des besoins de formation émergents.
M.
Tremblay (Bernard) : Par ailleurs, les mandats et les responsabilités confiés à la CPMT doivent susciter la mobilisation des partenaires du marché du
travail autour des enjeux les plus importants.
L'ensemble des partenaires qui siègent à la commission le font par intérêt
collectif. L'abrogation de l'alinéa 4° de l'article 17
de la loi sur le ministère et
sur la commission, soit de permettre à la commission de déterminer, «conformément
à l'article 19, des critères de répartition
de l'ensemble des ressources afférentes aux mesures, programmes et fonds de
main-d'oeuvre et d'emploi», vient limiter cette autonomie, ce qui pourra
entraîner, à terme, un questionnement sur la mobilisation des membres.
Actuellement,
la CPMT prépare le plan d'action annuel avec le ministre. Le projet de loi
prévoit que la CPMT y collaborera, mais perd le pouvoir de cibler les
interventions nécessaires. Elle conseillera le ministre à cet effet, mais
elle n'interviendra pas directement. C'est pourquoi nous proposons que les dispositions contenues
dans la loi sur le ministère et sur la commission reconnaissent le rôle central de la CPMT comme
lieu d'échange, comme lieu de concertation. La fédération croit qu'il
faut s'assurer que la loi traduise bien l'autonomie souhaitée pour la CPMT.
La
disparition des directions régionales, par
ailleurs, du ministère de l'Éducation et de l'Enseignement
supérieur ainsi que les changements survenus au ministère de
l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion entraînent des modifications à la composition des conseils régionaux des partenaires du marché du
travail. En plus d'insister sur l'importance
au regard des cibles gouvernementales en
matière d'immigration, qu'un représentant du MIDI puisse se joindre aux
conseils régionaux...
Le Président (M.
Cousineau) : En conclusion.
M.
Tremblay (Bernard) : ...la Fédération des cégeps souhaite que le siège
laissé vacant à la suite de l'abolition des directions régionales du ministère de l'Éducation et de
l'Enseignement supérieur soit pourvu par un représentant du monde de l'éducation qui soit bien au fait des
réalités régionales. La représentativité du secteur de l'éducation au sein
des conseils régionaux, considérant le rôle
prépondérant de celui-ci sur l'adéquation formation-emploi et le fait qu'il est
déjà faiblement représenté dans ces instances,
est essentielle. De plus, rappelons qu'il n'existe pas d'autres mécanismes
de cette nature. Une présence plus grande des acteurs des réseaux de
l'éducation facilitera un réel arrimage avec les représentants des milieux socioéconomiques et permettra aux conseils
régionaux de demeurer des lieux de concertation et de collaboration.
Les
réseaux de l'éducation entretiennent des relations de proximité avec les
milieux socioéconomiques dans lesquels ils
oeuvrent. Ils sont donc au fait des réalités du marché du travail, que ce soit
l'adéquation de la formation avec la fonction de travail, les problématiques des secteurs, les contraintes des
entreprises, etc. Ils sont des acteurs importants sur les plans locaux,
régionaux et nationaux. La présence d'un représentant additionnel du milieu de
l'éducation dans la nouvelle composition des
conseils régionaux en provenance des cégeps ou des commissions scolaires
s'avère donc une nécessité, selon nous.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, M. Tremblay.
C'est tout le temps que nous avions pour la présentation. Maintenant, je
vais passer la parole à M. le ministre pour les 14 prochaines minutes.
M.
Blais : Merci bien, M. le Président. Bonjour, bien content de vous
voir ici aujourd'hui. C'est sûr que vous êtes des partenaires assez importants, là, auprès de la Commission des
partenaires du marché du travail, compte tenu, hein, de votre
contribution à la formation, là, à la fois la formation générale, mais bien sûr
la formation technique.
Dans
le projet de loi — on en a
parlé tout à l'heure — on modifie la loi sur la formation de la main-d'oeuvre pour
avoir un peu plus de souplesse pour la formation, qui sait, de personnes qui ne
sont pas encore en entreprise, dans les organisations.
Est-ce
que, selon vous, à des établissements de formation comme le vôtre, on vous a
donné des outils suffisants pour
développer des projets avec les entreprises? Est-ce que vous êtes plutôt
confiants que ça peut donner des résultats intéressants? Est-ce que vous avez peut-être déjà eu des approches dans
ce sens, là? Est-ce que l'outil que l'on prépare est convenable?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Tremblay ou Mme Bélanger?
M. Blais :
J'en ai des plus faciles si vous voulez, hein? Je sais que vous êtes...
M.
Tremblay (Bernard) : Oui, écoutez, bien, c'est une excellente
question. Je vous dirais, et je laisserai Mme Bélanger compléter, qu'à première vue on est encore un peu
sceptiques, hein, et, je vous dirais, surtout du fait que c'est important,
ce travail de collaboration — on l'a souligné dans notre mémoire — entre le ministère de l'Éducation et de
l'Enseignement supérieur, le
ministère de l'Emploi, la CPMT, et cet arrimage-là, il reste, effectivement, à
être complété et, je vous dirais, non seulement au niveau des
programmes, mais au niveau du financement.
On
a cette préoccupation, évidemment, de ne pas voir multiplier les initiatives
avec des règles différentes qui font en
sorte qu'on a de la difficulté, effectivement, à proposer des projets qui
soient des projets porteurs et qui répondent, selon nous, à des besoins qui sont identifiés dans les différentes
régions. Donc, à première vue, on est encore
assez préoccupés, effectivement, de cette réelle capacité à mettre de l'avant
des projets et à obtenir un financement qui permette de pousser ces
projets-là vraiment très loin.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Bélanger, un complément de réponse?
• (16 h 50) •
Mme
Bélanger (Marie-France) : Bien, écoutez, effectivement, les rouages
sont un peu lents à se mettre en place, alors c'est sûr qu'on a beaucoup d'idées, il y a beaucoup de projets qui
sont sur les tables de travail, beaucoup de projets qui ont été mis en place qui ne sont pas financés.
On aura besoin de souplesse. Je pense qu'il faudra prévoir des mesures qui ne soient pas trop restrictives. Je comprends
bien le besoin d'encadrer, mais, si on encadre trop, il y a de l'argent qui
va rester. Par exemple, en Estrie, dans le fonds d'adéquation formation-emploi, il y a
de l'argent qui est resté là parce
que les projets ne cadraient pas tout à fait, bien que c'étaient des projets qui recevaient l'aval de l'ensemble des
partenaires de la région. Donc, il faudra s'assurer de pouvoir bien les
utiliser dans nos régions.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Blais : Je vais continuer
là-dessus parce que je ne suis pas encore certain qu'on se comprend bien. Il y a
l'aspect légal, hein, c'est-à-dire qu'on change la loi. Est-ce qu'on la change correctement? Puis là vous êtes bien placés pour nous en parler. Est-ce ça permet, permettra de financer des initiatives? On a
parlé des stages, oui, très bien, c'est inclus, mais permettrait de financer des initiatives qu'on ne
peut pas financer aujourd'hui? Alors, est-ce que la loi ou les transformations conviennent?
Et je comprends aussi
qu'il y a un autre enjeu, c'est le milieu lui-même, la réception, ses
priorités. Puis je comprends que c'est d'un
tout autre ordre, là, mais, comme on prépare un projet de loi ici, c'est sur
ce plan-là que j'aimerais vous entendre aujourd'hui, mais, qui sait, peut-être
plus tard, si des améliorations, là, sont possibles.
Le Président (M.
Cousineau) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Oui,
alors, vous voyez que, dans notre mémoire, on est quand même
relativement peu critiques,
hein, effectivement, de la loi et que le message principal qu'on a
voulu vous adresser, c'est plus, effectivement,
notre préoccupation dans sa mise en
oeuvre. Et donc, pour répondre à votre question, je vous dirais, je pense que
le cadre légal proposé, oui, il est
porteur dans le fait qu'on élargit, dans
le fond, la clientèle dont devra se
préoccuper la CPMT, qu'on prévoit toujours
que la CPMT est un lieu de concertation et de collaboration. On vous met
quelques bémols en disant : Assurons-nous
par ailleurs, dans la mise en oeuvre de ce projet de loi là, qu'on ait le souci de garder cet esprit de collaboration, une dynamique d'échange d'égal à égal entre ministères, par exemple, et avec les partenaires. Donc, moi, je vous répondrais :
Je crois que la loi va permettre ça.
Maintenant, la
principale contrainte, on le sait, c'est souvent dans la mise en oeuvre, le
fait d'avoir des programmes avec des
conditions, donc, très, très spécifiques
ou d'avoir des règles de financement qui ne sont pas harmonisées entre les différents ministères, qui font que, finalement, un projet très porteur, comme dit
Mme Bélanger, qui reçoit l'aval de tous, n'est pas financé parce
que, bon, on est entre deux programmes.
Alors
donc, une approche plus ouverte qui émerge, dans le fond, ou qui permet
aux projets qui émergent des milieux d'être
présentés et financés nous semble plus intéressante qu'une approche, je dirais,
par programmes, où là on doit rentrer dans des cases et, finalement,
comme on dit des fois, ne pas répondre à ça.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M. Blais : Mon collègue,
peut-être...
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, M. le député de
Laval-des-Rapides, je crois.
M. Polo :
C'est bien ça. Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour votre présentation.
À titre de député de Laval-des-Rapides — un des cégeps de votre fédération siège...
bien, en fait, est situé dans mon comté, dans ma circonscription — j'aimerais m'attarder particulièrement à votre première recommandation,
où vous mettez l'emphase sur
l'importance d'offrir une diversité de programmes de formation qui ne se
limitent pas uniquement aux besoins actuels, mais également en fonction des besoins futurs. J'imagine, bon, vous
parlez pour l'ensemble des membres de votre fédération, vous êtes à même de savoir qu'un cégep comme le
cégep Montmorency... ou le collège Montmorency vit des problèmes, une
difficulté de surpopulation, si on peut dire, à même ses murs.
Comment
vous conciliez ou comment vous analysez votre proposition, justement, de
s'assurer d'offrir un éventail de
programmes de formation assez intéressants pour garder nos jeunes en région,
maintenir aussi cet intérêt ou ce souhait de nos jeunes de se former en région plutôt que de se rapprocher des
centres urbains, mais, de l'autre côté, l'aspect aussi de cette décroissance de la participation des
jeunes en région vers les cégeps en région versus certains cégeps, soit à
Montréal ou dans les centres urbains,
qui vivent une surcapacité ou une surpopulation? Comment vous faites cette
analyse-là ou ce constat, disons, en tenant compte de ces deux
éléments-là?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Oui, merci, M. le Président. C'est vraiment une
question d'équilibre, hein? C'est sûr qu'il
n'y a pas de réponse simple. La population, effectivement, étudiante, elle
n'est pas répartie également dans la province, elle se déplace. C'est un
débat, effectivement, qui dépasse aussi le débat de l'adéquation
formation-emploi. Ce qu'on souhaite, dans le
fond, mettre en lumière, et ça met en... Ça amène, votre question, des
préoccupations, un débat beaucoup plus
large que celui du projet de loi. Mais, je vous dirais, je pense que ce qui est
important ici de souligner, c'est le fait qu'il faut qu'il y ait un équilibre entre, effectivement, les besoins
d'une région en main-d'oeuvre, mais aussi les aspirations du jeune à se former. Un jeune, si on veut, quand
il arrive au cégep... Il n'est pas
obligé, évidemment, d'aller au cégep, hein? Le défi qu'on a, c'est de l'amener au cégep et de le garder au
cégep. Il faut donc le motiver, et on doit le motiver en lui offrant des formations qui répondent à ses
aspirations, même si ces aspirations-là ne sont pas en adéquation parfaite avec le marché du travail, en sachant que, de toute façon... On sait
tous aussi que, dans 10 ans, ou dans 15 ans... ou si on faisait le constat aujourd'hui, autour de la
table, quelles sont nos formations initiales versus les fonctions qu'on a
exercées dans notre vie, il y aurait
probablement une différence parce que la vie nous amène des fois dans des
secteurs auxquels on n'avait pas...
comment dire, prévus au départ. Et c'est pour ça que, pour nous, tout le volet
de la formation continue, qui est sous-estimé, je dirais, au Québec, et
qui est sous-financé, devrait être poussé plus loin.
Alors,
je vous dirais, il n'y a pas de réponse simple à votre question, mais ayons le
souci, évidemment, malgré notre souci d'adéquation formation-emploi, de
regarder l'offre générale de formation pour toutes les régions. Merci.
Le Président (M.
Cousineau) : Oui, ça va? M. le ministre, on revient à vous. Il
reste cinq minutes.
M.
Blais : Oui. Cette fois-ci, je voudrais parler un petit peu de la
question des stages et le développement de l'offre de stages en début de formation, qui sait, c'est
des stages d'observation, et, bien sûr, jusqu'aux stages terminaux. On sait
que le Québec a plutôt l'habitude d'offrir
les stages en fin de formation. Ça nous distingue même de la formation
professionnelle au Canada. Je pense
qu'il y a une vision, là, qui est en train de se faire, se former, puis il y a
déjà des choses très intéressantes, notamment, si je me souviens bien, à
Sherbrooke par rapport à ça.
La difficulté de
réformer la formation est pour introduire des stages à l'intérieur de la
formation. Est-ce que la principale difficulté vient d'organisations? Je
le dis sans aucune arrière-pensée, mais on sait bien que les organisations résistent au changement, le milieu de travail,
pour lequel c'est difficile de s'engager, encore aujourd'hui, auprès de stagiaires. Quelles sont les plus grandes
difficultés qu'il faut surmonter, qui sait les conventions collectives,
qui sait autre chose?
Le Président (M.
Cousineau) : Oui, qui répond? Mme Bélanger?
Mme
Bélanger (Marie-France) : Oui. Il y a effectivement plusieurs enjeux
autour de ça. Je pense que, globalement, quand on amène les gens à travailler ensemble, on a plus de chances d'y
arriver. Alors, si on peut faire travailler ensemble des entreprises, des enseignants, on réussit à
développer des modèles qui peuvent être intéressants. Il y a toujours un peu de
résistance au changement. Quand on sort les gens de leur zone de confort, ce
n'est pas anormal qu'il y ait des préoccupations parce que, tout d'un coup, on devient moins compétent, donc, c'est vrai
pour nos enseignants, c'est vrai pour les entreprises. Accueillir tout d'un coup un groupe d'étudiants
qui sont en formation, qui ne sont plus en stage d'observation, mais qui
viennent acquérir des compétences et non
plus les appliquer, c'est tout un changement de dynamique pour les entreprises,
pour nos enseignants aussi et même pour les étudiants.
Donc, je pense que
les changements sont tout à fait faisables, mais ça va demander un peu de temps
et ça va demander d'impliquer les gens dans
les changements, et je pense que, là, on va avoir besoin d'être un peu
soutenus, de pouvoir faire des expérimentations. Et il faudra voir, à
terme, est-ce que ça s'applique mieux dans certains secteurs, moins bien dans d'autres. Il faudra voir, là, je
ne suis pas convaincue. Bien, déjà, dans le domaine de la santé, par exemple,
nos programmes sont à plus de la moitié déjà
en enseignement clinique dans les milieux de la santé. Du côté des techniques
humaines, on est déjà à un très fort
pourcentage — pas
autant qu'en santé, mais pas très loin — et les stages sont échelonnés sur
toute la formation.
Donc, on a déjà plusieurs
expérimentations, on a déjà de l'expérience à faire ça. Il faut voir comment on
est capables de la transposer dans
d'autres milieux. Et je pense qu'il ne faut pas négliger le fait d'amener nos
étudiants vers les entreprises pour
faire des apprentissages, mais on peut aussi amener des entreprises à
l'intérieur de nos murs pour faire des projets avec nos étudiants. Donc, je pense qu'il y a toutes sortes de formules
intéressantes, et ça, ça existe beaucoup déjà dans le réseau, hein, il
faut s'en servir comme un levier.
Le Président (M.
Cousineau) : M. Tremblay?
M.
Tremblay (Bernard) : Si vous permettez, il faut quand même aussi
souligner que, selon une collecte de données qu'on a faite récemment,
près de 80 % de nos programmes comportent des stages, hein? On oublie
qu'il y a déjà, effectivement, une part, qui
pourrait être améliorée, c'est sûr, mais une part importante, très importante
de nos programmes qui comporte une partie de stage.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre, il reste 1 min 40 s.
• (17 heures) •
M.
Blais : On comprend bien, dans le milieu de la santé, il y a une
culture, il y a même un sentiment de responsabilité
des organisations par rapport à la formation, hein? Ça va de soi, hein? Les
hôpitaux accueillent des infirmières depuis
toujours. Et il y a des organisations qui ne voient pas leur rôle de cette
façon-là, disons-le comme ça. Comment
ça va, sur le terrain? Ça se négocie de mieux en mieux? Est-ce que
la rareté de la main-d'oeuvre, le besoin, la recherche de main-d'oeuvre
fait en sorte que ça augmente l'intérêt ou ça stagne encore?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Je
pense qu'on peut le dire, effectivement, le fait qu'on soit dans un contexte de rareté
de main-d'oeuvre
incite beaucoup d'entreprises, effectivement, à prendre une part plus active.
Et je pense que, là aussi, par le
travail qui se fait par le biais de la CPMT, ça peut être un lieu,
effectivement, pour créer ces liens qui existent, mais qui n'existent peut-être pas autant qu'ils
devraient exister entre le monde économique et le monde de l'éducation. Moi,
je constate déjà, effectivement, une
transformation de ce côté-là. Je pense que l'appel du gouvernement a été
entendu. Et déjà nous, on travaille
beaucoup à développer ces liens-là, et je pense que ce sera porteur pour le
futur pour plus de stages.
Le Président (M.
Cousineau) : Rapidement, M. le ministre.
M.
Blais : Du côté du futur élève ou de l'élève qui est en réflexion sur
sa destination, est-ce que la présence de stages, et encore plus la présence de stages rémunérés, qui sait, est un
facteur d'attraction ou c'est plutôt neutre dans sa décision?
Le Président (M.
Cousineau) : Réponse rapide, s'il vous plaît.
Mme Bélanger.
Mme
Bélanger (Marie-France) : Écoutez, c'est assez difficile à mesurer à
ce moment-ci. Je ne suis pas convaincue que ça fait une très grande différence dans leur réflexion préalable.
Une fois qu'ils sont dans nos programmes d'étude, je pense que c'est un
facteur important de rétention et de persévérance scolaire jusqu'à la
diplomation.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, merci. Ça complète
cette partie. Alors, je vais maintenant passer la parole, pour les
8 min 30 s suivantes, au député de de Saint-Jean, de
l'opposition officielle. M. le député.
M.
Turcotte : Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous
aujourd'hui. J'étais, hier, avec la directrice générale du cégep de ma circonscription, Mme Denis, et
on échangeait, justement, sur tout ce qui se fait en ce moment dans le réseau
collégial, et, bon, plus particulièrement au
cégep Saint-Jean-sur-Richelieu, mais aussi ce qui se fait un peu ailleurs.
J'écoutais Mme Denis, hier, je
vous écoute aujourd'hui, je réfléchis à ça depuis un certain temps. Qu'est-ce
qu'on ne peut pas faire actuellement
pour améliorer l'adéquation formation—main-d'oeuvre qu'on a absolument besoin d'avoir un
projet de loi pour faire? Parce que je vous écoute, là, puis vous dites
qu'il y a plein de choses qui peuvent être faites : on peut augmenter le nombre d'heures de stages en
entreprise, on peut faire ci, on peut faire ça. Est-ce qu'on a vraiment besoin
d'un projet de loi pour faire ce que vous nous dites aujourd'hui?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Tremblay.
M. Tremblay
(Bernard) : Je pense qu'on peut quand même souligner le fait qu'on
élargisse la clientèle, évidemment, dont se
préoccupera la CPMT. Le fait de cet élargissement-là, ça peut faciliter quand
même le travail, là, que font
l'ensemble des acteurs, là, pour l'adéquation formation-emploi. Il y a
effectivement différentes mesures, là, qui sont quand même proposées dans le projet de loi, qui peuvent contribuer.
Maintenant, je vous dirais, c'est un peu à vous de juger s'il y a nécessité ou pas de modifier la loi, mais, au moins
sur l'aspect que je viens de mentionner, je pense que ça ajoute quelque
chose d'utile.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Bélanger.
Mme Bélanger (Marie-France) :
Sur la question de la Commission des partenaires du marché du travail et de
leur pendant régional, des conseils
régionaux... Bon, vous savez, la concertation régionale est un peu mise à mal,
là, elle est à se redéfinir, compte
tenu de la perte de nombreux organismes qui faisaient ça. Est-ce que le conseil
régional, qui demeurera probablement, à terme, la seule instance
formelle de concertation régionale qui restera, pourra, grâce à un enrichissement de son mandat, permettre d'assurer
un meilleur arrimage, de permettre aux jeunes et aux adultes de nos régions de pouvoir se former et aux entreprises de
pouvoir avoir de la main-d'oeuvre qualifiée dont elles ont besoin? Alors,
je pense que, de ce point de vue là, ça peut
être intéressant de maintenir cette concertation régionale là. Si on ne
travaille pas ensemble, on n'y arrivera pas.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte : Mais, en ce moment, ça existe déjà, là, les
conseils régionaux. Donc, ma question : Qu'est-ce que ce projet de loi là amène de plus qui, à vos yeux,
est essentiel, que vous êtes bloqués en ce moment? Bon, moi, j'entends plein de choses, là, qui se font. On a des
nouveaux programmes de formation, on fait des partenariats avec des entreprises.
J'ai visité, en Beauce, le centre extraordinaire, là, avec le centre de
formation professionnelle, le cégep...
Une voix :
...
M.
Turcotte : Bon, exactement. Il y a plein de choses qui se
font en ce moment au Québec, puis le projet de loi n'est pas adopté. Qu'est-ce que nécessite
absolument l'adoption de ce projet de loi là pour réaliser ce que vous me dites
qui se passe bien?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Bien, en plus de ce qu'on a mentionné comme
éléments, j'ajouterais quand même, par rapport aux conseils régionaux :
La disparition, donc, encore une fois, des directions régionales du ministère
de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur crée quand même une sous-représentation du réseau de l'éducation
qu'il nous semble utile de combler. Donc, ça, je vous dirais, c'est
aussi un élément que je tiens à souligner à nouveau.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte :
Là-dessus, je suis tout à fait d'accord, effectivement, je crois que l'éducation
doit être partie prenante du comité régional.
La
première recommandation de votre mémoire, vous mentionnez «l'importance — puis à la lecture aussi de votre communiqué que vous avez émis — d'offrir une diversité de programmes de
formation qui ne se limitent pas uniquement aux secteurs [actuels] en demande et de maintenir une perspective
globale pour favoriser l'innovation, renforcer l'expertise au Québec et demeurer à l'affût des besoins de
formation émergents». Si vous écrivez ça, c'est parce que vous avez des inquiétudes ou vous avez des souhaits par rapport
au projet de loi qui est sur la table. J'aimerais
vous entendre là-dessus.
Le Président (M.
Cousineau) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Alors, je reprends l'exemple, qu'on citait tout à
l'heure, des multimédias. Vous savez, lorsque le domaine du multimédia a
commencé à éclore au Québec, il a fallu que les cégeps se battent pour offrir
des formations dans ce domaine-là parce
qu'on considérait que ce n'était pas un emploi. Et donc, les premières
formations, on s'est fait dire par le
ministère de l'Éducation : Bien non, vous ne pouvez pas donner des
formations là-dedans, ce n'est pas
quelque chose de qualifiant, c'est une fonction de travail qui n'existe pas.
Alors, c'est sûr que, quand des entreprises viennent nous voir en disant : On a des besoins ou, telle
formation, on doit l'adapter parce que le besoin se transforme tranquillement, bien, évidemment, nous, on dit :
Il faut être en mesure de répondre à ça. Et on en a, donc, des exemples de ce type-là. À l'inverse aussi on sait que... On
en est, sur l'adéquation formation-emploi, on est d'accord avec ça, ce souci de planification, de voir venir, mais on
sait aussi que notre planification, elle est toujours imparfaite. Parce qu'on
a beau prévoir, on a connu dans le passé des
situations comme un surplus d'infirmières qui s'est traduit par une pénurie
d'infirmières, on a connu des situations où
on avait besoin de monde pour le domaine minier, et là, présentement, il y a un
ralentissement. Donc, soyons conscients de
ça et ayons le souci d'adéquation, mais ayons toujours à l'esprit qu'un système
d'éducation, ça ne se limite pas à
l'adéquation formation-emploi. Ça nous semble important de le dire ici, je
pense que c'est notre rôle, et c'est pour ça qu'on a tenu à le dire
fortement.
M.
Turcotte : Il y a un débat, dans le monde de la science, en
termes de recherche, entre la recherche fondamentale puis la recherche appliquée, bon, où on doit
investir, favoriser, etc. Moi, je le vois aussi en éducation : faire en
sorte qu'on forme un travailleur pour
une machine en particulier ou une entreprise en particulier ou on forme une
personne qui va avoir des aptitudes, des compétences, des habiletés
pour, par la suite, s'adapter à différents milieux de travail.
Est-ce
que vous considérez important qu'on favorise davantage la formation comme
citoyen, faire en sorte qu'on développe
des habiletés, des compétences aux personnes plutôt qu'un lien directement avec
une entreprise ou avec une machine en particulier?
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, alors, Mme Bélanger.
Mme Bélanger (Marie-France) :
Bien, écoutez, je pense qu'il faut maintenir un bon équilibre entre une formation
de base qui va permettre aux étudiants
d'évoluer, de continuer à apprendre, d'être mobiles, d'être agiles sur le
marché du travail et une formation plus spécialisée qui permet de se
préparer à occuper une fonction de travail, peu importe l'entreprise, d'ailleurs.
Donc,
de penser qu'on forme des étudiants pour une entreprise, une machine, un geste,
ce n'est pas ce qu'on fait dans notre quotidien. Donc, on offre des
formations un peu plus pointues, mais ça reste des formations qui sont pour plusieurs entreprises. Ce qu'on vise, c'est former
des étudiants, de former des personnes qui seront à la fois des citoyens
et des travailleurs. On ne catégorise pas
les étudiants lorsqu'ils sont dans nos classes, et je pense qu'on essaie
d'avoir des formations qui soient le
mieux équilibrées possible. Maintenant, l'équilibre, ça reste ce vers quoi on
tend, on n'est pas toujours capables
de bien le faire partout. Mais je pense qu'il faut tout à fait maintenir les
deux pôles et surmonter la tension qui existe entre les deux.
Le Président (M.
Cousineau) : Dernière question, M. le député de Saint-Jean.
M.
Turcotte :
Bien, je pense que vous vouliez ajouter un élément?
• (17 h 10) •
M.
Tremblay (Bernard) : ...simplement, je voulais juste mentionner,
effectivement, l'importance de la poursuite de la formation une fois la personne, évidemment, ayant complété sa
formation initiale. Et ça, au Québec, on a un grand défi, hein, parce qu'on n'a pas développé cette
culture-là, et ça, il faudra évidemment pousser pour amener, effectivement,
les gens à faire en sorte que leur formation
initiale puisse s'enrichir, parce qu'au cours d'une carrière on sait que
l'évolution des fonctions de travail
va être telle que, la personne, sa formation initiale sera un petit peu
obsolète si elle ne l'a pas complétée. Et moi, je pense qu'au Québec on
devrait, donc, pousser, effectivement, sur la formation continue.
M.
Turcotte :
D'où l'importance d'avoir une politique d'éducation des adultes.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, ça termine ce bloc, et je
passerais maintenant la parole, pour les 5 min 30 s suivantes,
à M. le député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger : Merci beaucoup. Alors, bonjour. Vous parliez
au niveau des tendances du marché au niveau du travail. Moi, je voudrais savoir, premièrement, juste pour
spécifier : Est-ce que vous consultez toujours les employeurs,
généralement, quand vous planifiez des nouvelles formations?
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Laurent.
Mme
Laurent (Isabelle) : Bien, écoutez, je pense qu'il y a deux mécanismes
assez distincts : celui qui concerne les D.E.C., les diplômes d'études collégiales, puis les A.E.C. Les
D.E.C., il y a tout, évidemment, un processus avec le ministère de l'Éducation qui fait en sorte qu'on
fait une analyse de situations de travail, etc., on consulte les employeurs,
c'est évident. Les A.E.C. aussi, qui sont
plus des formations de type attestation d'études collégiales, qui s'adressent
vraiment aux adultes, donc des
personnes en emploi, recherche d'emploi, spécialisation, tout ce que vous
voulez, ce sont aussi des formations
qui sont élaborées en étroite concertation avec les employeurs. On se base sur
la formation du D.E.C., qui vient d'un
long mécanisme de réflexion et d'analyse, on reprend des compétences, mais on
les valide régulièrement. Et c'est ça,
je pense, qui fait la force aussi de ces formations techniques, mais de plus
courte durée puis qui s'adressent vraiment à des personnes, comme je
disais, qui veulent se spécialiser, rehausser leurs compétences.
Puis
je pense qu'on posait la question, tout à l'heure, de l'intérêt aussi de ce
projet de loi. C'est d'élargir, de donner plus de ressources pour, justement, former plus dans ces A.E.C., puisque
le 10 millions qui est prévu devrait permettre de former plus de personnes dans des formations de
courte durée, techniques, mais qui sont vraiment, vraiment en lien avec
les besoins du marché du travail.
M.
Schneeberger : Les employeurs que vous côtoyez, est-ce
qu'habituellement c'est vous qui les choisissez sur le volet, ou c'est
eux qui viennent vous voir, ou les deux? C'est un peu des deux ou c'est...
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Laurent.
Mme
Laurent (Isabelle) : Bien, ce que je peux dire, c'est que, là aussi,
ça se fait de toutes les façons possibles, et je rappelle aussi qu'il y a des enseignants qui vont dans les
entreprises, donc qui vont superviser des stages, accompagner, etc., donc ils vont être aussi au fait direct, en lien
avec les entreprises. Il y a des entreprises qui vont appeler les collèges pour
avoir des stagiaires, etc. Il y a des liens
qui sont là depuis fort longtemps, qui se multiplient, c'est tout un
partenariat qui est déjà établi.
Donc, quand vous dites «choisir», notamment dans le cadre des analyses de
situation de travail, etc., c'est quand
même... ce n'est pas... il y a des mécanismes qui sont prévus pour assurer une
certaine représentativité de l'ensemble des entreprises de la région ou
au niveau national.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député.
M.
Schneeberger : Dans
le projet de loi, le ministre, au niveau du CPMT, se donne le privilège de
nommer lui-même les membres. Que pensez-vous de ça?
Le
Président (M. Cousineau) : Mme Laurent ou monsieur...
comme vous voulez.
M.
Tremblay (Bernard) : Je pense que c'est déjà, de toute façon, quelque
chose qui... Les nominations sont de cet
ordre-là, c'est-à-dire qu'il y a des recommandations qui sont formulées, mais
c'est une décision du ministre, donc, nous, ça ne nous créait pas de
problème, là.
M.
Schneeberger : O.K., c'est bon. Parfait. Dans le programme
Objectif emploi, le programme lui-même vise justement à venir en aide, sur une période de 12 mois et
éventuellement une prolongation jusqu'à 24 mois, pour des jeunes. C'est sûr que, si on regarde ça, ça vise peut-être
moins la formation technique. Est-ce que vous, vous devriez peut-être voir... Est-ce que ça serait une demande de votre
part de dire : Regarde, si la personne va bien, on pourrait... Est-ce
qu'elle prolongerait jusqu'à 36 mois ou, à ce moment-là, il y a le
programme, toujours, au niveau des prêts et bourses, là?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : On n'a pas de demande particulière à cet
égard-là. Effectivement, c'est sûr que les gens qui sont plus éloignés du marché du travail, souvent, ont besoin
d'une formation, je dirais, initiale qui est plus de base que le diplôme
du cégep, alors, effectivement, on n'a pas de demande spécifique.
M.
Schneeberger : On parlait de formation qui pourrait être
donnée, justement, à des personnes qui viennent de l'aide sociale ou autre. On parle de personnes qui
ont des problèmes, des fois, mentaux ou, tu sais, des fois on en a qui viennent... le cheminement, il est très long.
Est-ce qu'actuellement vous vous sentez, comment dire, bien munis pour venir
en aide à ces gens-là? Avez-vous du
personnel au niveau du cégep lui-même ou vous faites affaire... ou vous avez
des liens avec des organismes qui les suivent, pas au niveau académique,
mais dans leur vie de tous les jours?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Laurent.
Mme
Laurent (Isabelle) : Bien, c'est sûr qu'on a des services pour
l'ensemble des étudiants, qui s'adressent, bon... On a tout un réseau d'intervenants psychosociaux dans les
collèges qui assurent un encadrement, un accompagnement pour des
situations, notamment, liées à tous les problèmes de santé mentale. Ce n'est
pas, comment dire, l'objet de la rencontre
aujourd'hui, mais c'est sûr qu'actuellement on est en grande difficulté. Les
compressions budgétaires dans les collèges ont fait en sorte que ces
intervenants psychosociaux sont aujourd'hui moins nombreux. Mais il reste qu'on
continue d'accueillir des personnes adultes
qui sont issues de l'aide sociale, qui, bon, après, vont être soutenues dans le
cadre des programmes, des mesures avec Emploi-Québec, etc., pour venir
en formation.
Ce
qui manque aussi, souvent... Oui, c'est peut-être des personnes qui...
Généralement, on va les faire rentrer plus au niveau de la formation
professionnelle parce qu'au niveau de la complexité des apprentissages... en
fait, bien, au niveau des
apprentissages, c'est moins complexe, mais il reste qu'on a là aussi des mesures
importantes de mise à niveau, tout ce qui concerne la littératie, la
numératie.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, Mme Laurent. C'est tout le temps que
nous avions.
Mme Laurent
(Isabelle) : Excusez, j'étais...
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, je vais passer maintenant la
parole à la députée de Gouin pour les trois prochaines minutes.
Mme
David (Gouin) : Merci, M. le Président. Mesdames monsieur, bonjour,
très heureuse de vous rencontrer de
nouveau. Je suis contente que le mot «compressions budgétaires» ait quand même
été prononcé après toutes ces discussions. Parce que tout ça, c'est bien
beau, mais, si on continue d'affamer les cégeps, ça va être un peu compliqué.
Mais
ma question va porter sur tout autre chose. Je regardais vos chiffres, c'est à
peu près du moitié-moitié, dans les
cégeps, formation technique, formation générale préuniversitaire. Pourtant,
vous le dites au début, mais après vous n'en parlez plus, vous ne parlez que — vous en parlez bien, là — de tout ce qui est adéquation programmes
techniques, milieu du travail.
Alors — M. Tremblay
ne sera pas surpris — moi,
ça m'inquiète un peu. Ça serait comme de dire que votre formation générale, qui, je le sais, est fort bonne, ne préparerait pas
ou n'aurait pas de rapport avec l'importance pour le Québec d'avoir des jeunes qui se rendent à
l'université et qui deviennent donc des professionnels qualifiés dans toutes
sortes de domaines. J'imagine qu'on est d'accord là-dessus.
Le Président (M.
Cousineau) : M. Tremblay.
M.
Tremblay (Bernard) : Tout à fait. Moi, j'aime dire, à la boutade un
peu, là, qu'on ne fait que ça, de l'adéquation formation-emploi parce que, quand on prépare les jeunes pour
l'université, on fait aussi de l'adéquation formation-emploi. Alors, effectivement, on s'est concentrés, vous
avez raison, 10 minutes, c'est court, hein, pour présenter des choses, donc on s'est concentrés sur le volet technique.
Mais je pense que vous avez raison de dire que ce que font les cégeps en
matière de formation générale, de programmes préuniversitaires, c'est aussi une
façon d'assurer une main-d'oeuvre qualifiée au Québec.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme la députée.
Mme David
(Gouin) : Merci. Une autre question. J'étais heureuse de vous entendre
dire : L'éducation, ça ne se limite
pas à l'adéquation éducation-emploi, là, justement. Donc, très heureuse de vous
entendre dire ça, mais je vais quand même
continuer de m'inquiéter un tout petit peu de ce que vous demandez, dans le
fond, qui est un petit peu... bon, ouvrir l'enveloppe financière allouée aux programmes menant à une A.E.C. parce
que vous considérez qu'elle est trop limitée. Puis on sent, là, qu'il y
a une demande, puis je pense que cette demande vient beaucoup des gouvernements
aussi, de multiplier des programmes courts
pour amener des jeunes sur le marché du travail. Qu'est-ce qu'on fait, à ce
moment-là, de leur formation
générale? Qu'est-ce qu'on fait des cours de français, des cours de philo, de ce
qui va permettre à des jeunes de développer d'abord une bonne
connaissance du français puis, deuxièmement, une pensée critique?
Le Président (M. Cousineau) :
Une réponse rapide, s'il vous plaît.
M.
Tremblay (Bernard) : Oui. En fait, moi, je vous dirais : Je pense
qu'à chaque fois qu'un jeune ou un adulte s'inscrit à de la formation on fait un pas en avant. Il faut maintenir
la valorisation du D.E.C., ça, c'est sûr, mais, si on peut l'inciter à retourner sur les bancs d'école ou à
suivre une formation de type A.E.C., on fait déjà un pas de plus que de le
laisser sans formation. Là, c'est à nous,
après ça, à faire en sorte qu'il ait le goût de compléter et de rendre
attrayante la formation générale au-delà de la formation spécifique.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, je vous remercie. C'est tout
le temps que nous avions. Alors, Mme Bélanger, Mme Laurent
puis M. Tremblay, merci pour votre présentation.
Je suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 20)
(Reprise à 17 h 22)
Le
Président (M. Cousineau) : À l'ordre! Alors, nous reprenons nos travaux et nous recevons les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse.
Avant de
procéder et d'entendre ces deux personnes, j'aimerais avoir un autre consentement, s'il vous plaît, pour dépasser
18 heures, parce que, 18 heures étant l'heure que nous avions sur
notre programme, j'aimerais avoir un autre consentement pour dépasser 18 heures de quelques minutes, là. Ça peut donner un cinq, 10 minutes,
mais je veux avoir un consentement. Merci.
Alors donc, je crois
que c'est Mme Dupuis puis Mme Pedneault. Bienvenue à cette commission.
Vous avez, comme le groupe précédent, les groupes précédents,
10 minutes de présentation. La parole est à vous.
Commission des droits
de la personne et
des droits de la jeunesse (CDPDJ)
Mme Dupuis
(Renée) : Merci, M. le Président. Je suis Renée Dupuis, donc, vice-présidente responsable du mandat charte de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse du Québec, et je suis accompagnée de
Me Evelyne Pedneault, qui est conseillère juridique au Service de
recherche de la commission.
Permettez-moi d'abord de
vous remercier de l'invitation faite à la commission de participer aux
présentes consultations particulières. Vous le savez, la commission a pour mandat d'assurer le respect et la promotion des
principes énoncés dans la Charte des
droits et libertés de la personne, et l'année qui vient de se terminer a marqué
le 40e anniversaire de l'adoption de la charte par l'Assemblée
nationale du Québec. À cette occasion, le législateur québécois a choisi de protéger certains droits d'une façon particulière
dans cette loi, la charte, donc, dont le caractère quasi constitutionnel est
reconnu. La commission assure par ailleurs
la protection de l'intérêt de l'enfant ainsi que le respect et la promotion des
droits qui lui sont reconnus par la Loi sur
la protection de la jeunesse. Enfin, elle veille à l'application de Loi sur
l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics.
Dans le cadre
de son mandat, la commission a procédé à l'analyse du projet de loi n° 70,
et on s'est intéressés particulièrement à la modification proposée à la
loi sur l'aide aux familles et aux personnes, qui vise l'instauration du programme Objectif emploi. La commission l'a déjà
souligné, et nous le réitérons, l'objectif d'insertion à l'emploi des personnes exclues du marché du travail est
louable, et l'offre de mesures d'aide dédiées à cette fin est nécessaire. Nous
sommes néanmoins d'avis que l'approche
préconisée dans la deuxième partie du projet de loi, plus particulièrement dans
le cadre du programme Objectif emploi, va à l'encontre de droits reconnus par
la charte.
Les travaux
menés par la commission depuis près de 40 ans ont mis en lumière les
causes sociales et structurelles de
la pauvreté et de l'exclusion sociale. Ces phénomènes constituent des dynamiques
de discrimination interdites par la charte
et portent atteinte à plusieurs droits qui y sont protégés. Le Comité des
droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies se dit d'ailleurs convaincu, et je cite, que «la
pauvreté constitue un déni des droits de l'homme». Parce que, sur le plan international, on parle toujours
de droits de l'homme, alors qu'ici on a compris que les droits fondamentaux
sont à la fois les droits de toute personne.
Les solutions dépassent donc la volonté individuelle des personnes en situation
de pauvreté. Elles sont d'ordre systémique et doivent être fondées sur les
droits et libertés de la personne.
Nous
avons donc un mémoire qui se présente en deux parties. Dans un premier temps,
nous rappelons que les prestations offertes
en vertu de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles constituent les
mesures d'assistance financières susceptibles d'assurer un niveau de vie
décent auquel toute personne dans le besoin et sa famille ont droit en vertu de
l'article 45 de la charte. Ces
dispositions s'inspirent d'ailleurs largement du droit international en vertu
duquel le Québec s'est, entre autres,
engagé à respecter, à protéger et à donner effet au droit à un niveau de vie
suffisant. Conditionner l'octroi d'une
aide financière de dernier recours pour certaines catégories de personnes sans
égard à leurs besoins reviendrait à leur nier un droit protégé tant par
la charte que par le droit international.
La
commission est également préoccupée par les impacts discriminatoires que
pourrait impliquer la mise en oeuvre du
programme Objectif emploi. Retenons que l'article 10 de la charte protège
le droit à l'égalité. Ce faisant, il interdit toute discrimination dans la reconnaissance et l'exercice d'un droit à
un niveau de vie décent, notamment sur la base de la condition sociale.
Un rapport de recherche récemment rendu public par
la commission confirme encore une fois l'ampleur des préjugés qui ciblent les personnes inscrites à un
programme d'aide sociale. Ce rapport révèle notamment que 49,1 % des Québécois affirment entretenir une opinion
négative à l'égard des prestataires de l'aide sociale et que, je cite le
rapport, «la figure de
"l'assisté social" est clairement l'objet d'une forme de
stigmatisation». Ces préjugés constituent une toile de fond à la discrimination que ces personnes vivent,
notamment en matière d'assistance financière, d'emploi, de logement ou
de services.
On
parle d'ailleurs de discrimination systémique, dans la mesure où ces attitudes
empreintes de préjugés conduisent à
des décisions, des politiques ou des pratiques qui contribuent à leur tour à
renforcer cette exclusion. C'est pourquoi la commission n'a cessé de souligner l'importance d'aborder la pauvreté
dans une perspective systémique, ce que ne fait pas, selon nous, le programme Objectif emploi. Et, en ce sens, selon
nous, il risque d'accroître la discrimination systémique vécue par les
personnes visées sur la base de leur condition sociale.
Par
ailleurs, le projet de loi ne tient pas compte du cumul des précarités
auxquelles font face plusieurs personnes en situation de pauvreté en fonction, par exemple, de leur sexe, de leur
état de santé, de leur origine ethnique ou nationale, de leur état civil ou de leur âge. C'est ce qu'on
appelle, en discrimination, l'intersectionnalité des motifs de discrimination
ou l'entrecroisement des motifs de
discrimination. Cette approche permet de reconnaître la pluralité des
expériences de discrimination et d'y remédier.
Suivant les
circonstances, l'obligation de participation au programme Objectif emploi
pourrait donc s'avérer discriminatoire en
fonction non seulement du motif condition sociale, mais également de
l'entrecroisement de celui-ci avec
d'autres motifs de discrimination interdite, par exemple le cas d'une personne qui
doit s'inscrire au programme d'aide sociale
et qui serait par ailleurs en situation de handicap au sens de la charte sans
que ce handicap soit reconnu aux fins du
programme de solidarité sociale. Une telle personne pourrait alors se voir
refuser l'admission à un programme d'aide financière sans que sa
situation ne lui permette pour autant de suivre une mesure d'aide à l'emploi
non adaptée à son handicap. Il pourrait en
être de même d'une femme mère de famille monoparentale contrainte de demander
une prestation d'aide sociale, mais
dont les obligations familiales ne lui permettraient pas nécessairement de
garder un emploi pourtant jugé
convenable au sens du projet de loi. C'est pourquoi la commission recommande de
modifier le projet de loi de façon à
ce que la participation aux mesures d'aide à l'emploi proposées ne conditionne
pas la reconnaissance et l'exercice en pleine
égalité du droit à des mesures d'assistance financière et des mesures sociales
susceptibles d'assurer un niveau de vie décent.
• (17 h 30) •
Dans
un deuxième temps, la commission souhaite souligner que les mesures d'aide à
l'emploi doivent être conçues dans le
respect du droit au travail et des droits et libertés de la personne
applicables en matière d'emploi. Elles doivent en outre tenir compte des obstacles systémiques à
l'emploi. La commission conclut à cet égard que certaines exigences du programme Objectif emploi risquent de compromettre
certains droits protégés par la charte. L'obligation d'accepter tout emploi
convenable sous peine de sanctions contrevient d'abord au droit à la liberté de
sa personne, qui, dans le contexte du
travail, se traduit par la liberté du travail.
Le consentement dans le contexte du contrat de travail est en
outre nécessaire sous peine
d'atteinte à la dignité de la personne.
Le
droit international des droits de la personne attache d'ailleurs
une importance particulière à la liberté du travail. Rappelons qu'en 1998 le Comité des droits économiques,
sociaux et culturels des Nations unies, dans ses observations finales sur le rapport du Canada, a noté avec préoccupation l'adoption de programmes de travail obligatoires
conditionnant le droit à l'aide sociale. Il avait alors exhorté le gouvernement
du Canada ainsi que les gouvernements provinciaux et territoriaux «à réviser
leurs législations respectives en matière de travail obligatoire».
L'obligation
de maintenir son lien d'emploi sous peine de sanctions est également
susceptible de porter atteinte au
droit à la liberté de sa personne, au droit à la sauvegarde de sa dignité et au
droit à des conditions de travail justes et raisonnables, tous protégés par la charte. L'impact de ces exigences sur
les droits garantis par la charte est d'autant plus inquiétant que la loi sur l'aide aux familles et
aux personnes prévoit que les principales garanties offertes par le droit du
travail ne s'appliquent pas aux mesures
d'employabilité. La commission a déjà fait part de ses craintes quant aux effets
d'une telle exclusion sur la liberté
d'association et le droit à des conditions de travail justes et raisonnables
prévues à la charte. Nous les réitérons aujourd'hui.
C'est
ce qui nous amène à recommander que, sans préjudice à leurs droits à des
mesures financières et à des mesures sociales qui leur assurent un
niveau de vie décent, lequel constitue un droit autonome, les participants au
programme Objectif emploi puissent d'abord
contribuer à la détermination du caractère convenable de l'emploi qui leur est
offert, notamment en fonction de leurs caractéristiques et situations personnelles;
deuxièmement, de conserver leur faculté de démission sans pénalité sous réserve des dispositions du droit du
travail applicable; et enfin de jouir des normes minimales de travail et
du droit d'appartenir à un syndicat.
Toujours dans le cadre d'une approche
d'intégration à l'emploi fondée sur les droits et libertés, les mesures d'aide
à l'emploi doivent être définies en tenant
compte des facteurs d'ordre systémique qui caractérisent le marché de l'emploi
et constituent des obstacles pour les
personnes inscrites à un programme d'aide sociale. Nous notons la
discrimination présente sur le marché
de l'emploi. Et, selon nous, il existe un paradoxe entre, d'une part, la
responsabilisation individuelle qui
sous-tend les mesures d'aide à l'emploi proposées et, d'autre part, le fait que
la situation déplorable de certains groupes sur le marché du travail
tient à des facteurs complexes d'ordre global davantage que des choix
individuels.
Le Président (M. Cousineau) :
En conclusion.
Mme Dupuis
(Renée) : C'est ce qui nous amène à recommander que les programmes
d'accès à l'égalité déjà existants soient renforcés et élargis à la fonction
publique du Québec et aux entreprises privées.
Le
Président (M. Cousineau) : Je vous remercie, madame. Alors, nous allons maintenant
passer à la période de questions. M. le ministre, pour les
14 prochaines minutes.
M.
Blais : Merci beaucoup,
madame. Une grande densité, il y a beaucoup de choses dans ce que vous avez dit. Peut-être
essayer de préciser, là, certains éléments. Peut-être que la commission
s'est déjà prononcée sur ces questions-là. Nous avons une loi au Québec,
une loi de lutte contre la pauvreté, disons, hein, qui doit être remise à jour
avec des interventions, avec un plan d'action, là, sur une base
cyclique. Cette loi-là prévoit qu'il peut y avoir des diminutions à l'aide sociale sous certaines conditions, mais
ces diminutions-là ne peuvent pas aller à plus, je pense, d'une valeur de 50 %, à peu près, de la prestation.
Est-ce que, si je comprends bien votre propos, cette loi-là n'est pas conforme
à la charte?
Mme Dupuis (Renée) : Ce que l'on dit, c'est que, dans le projet de loi qui est devant nous,
le projet de loi n° 70, on a
l'air de créer, à côté de deux programmes existants — programme d'aide sociale et de solidarité
sociale — un
programme, qui est présenté comme
Objectif emploi, dans lequel on va créer des conditions qui vont être
obligatoires pour recevoir une prestation,
qui est par ailleurs une prestation considérée comme une prestation pour
assurer un niveau de vie décent. Et
c'est ça qui est protégé dans la charte, le droit d'avoir, donc, des mesures
d'aide et des mesures d'assistance financière fondées sur les besoins
des personnes pour leur assurer un niveau de vie décent.
M.
Blais : Donc, notre actuelle loi de lutte contre la pauvreté, qui
prévoit qu'il puisse y avoir des pénalités, mais qui limite ces pénalités-là, n'est pas conforme à la charte? Moi, c'est
ce que je conclus. Pas obligée de conclure comme moi, là, mais j'essaie
vraiment, vraiment de voir le pourtour de votre positionnement.
Mme Dupuis (Renée) : Bien, la position de la commission, je pense qu'elle est assez claire. Vous avez deux types de législation. Il y a une loi de lutte à la pauvreté et il y a
un projet de loi n° 70, dont une partie porte sur l'intégration en
emploi, l'adéquation de la formation et de
la main-d'oeuvre, et l'autre s'intéresse à la question
de mesures d'assistance, c'est-à-dire la modification à la Loi d'aide aux personnes et aux familles. Et
ce qu'on vous dit, c'est que ce qui est dans ce projet de loi là, à
notre avis, contrevient à des droits
qui sont par ailleurs garantis d'une manière particulière dans la
charte, des exigences qu'on s'est données, donc, il y a 40 ans maintenant
et qui doivent faire partie de l'analyse dans l'établissement d'une nouvelle législation
comme le projet de loi qui est devant nous.
M. Blais :
Je vais en tirer une conclusion, mais je comprends, oui.
Mme Pedneault (Evelyne) : Ce que la commission a maintes fois répété à ce sujet-là, c'est que le
critère fondamental qui doit servir pour définir les prestations...
C'est que les mesures, en fait, d'aide
sociale correspondent à des mesures
d'assistance financière et des mesures sociales pour les personnes dans le
besoin qui sont garanties à l'article 45 de la charte. Donc, l'article 45 de la charte doit devenir ou doit
être tout simplement le critère fondamental qui permet de définir ces
prestations-là. Et ce que l'article 45 nous dit, c'est qu'elles doivent
être définies en fonction du besoin des personnes — et c'est ça, le critère fondamental — de façon à assurer un niveau de vie décent,
mais en fonction du besoin des personnes. C'est ça, le critère de
catégorisation ou de définition des prestations.
M.
Blais : Ça va pour ça. Alors, maintenant, je comprends que, si c'est
le besoin qui définit, à ce moment-là, on peut justifier qu'il y ait
deux programmes, premièrement un programme de solidarité sociale pour les
inaptes, entre guillemets, un programme
d'aide sociale pour les aptes. Ça, du point de vue des droits, la distinction
apte, inapte n'est pas, disons, problématique. Est-ce que je... On se...
Mme Dupuis (Renée) : C'est-à-dire, en matière de discrimination, l'aspect déterminant n'est
pas nécessairement l'aptitude ou
l'inaptitude. L'aspect déterminant, c'est : quand vous déterminez la
mesure ou que vous décidez de mettre en place une mesure, vous devez le faire de manière à ne pas discriminer un
certain nombre de citoyens en fonction d'une caractéristique
personnelle, que ça soit le handicap, que ça soit la condition sociale, que ça
soit le sexe. Donc, il y a une série de
motifs qui sont énoncés dans la charte. Donc, la question de l'aptitude peut
mettre en cause un autre motif de
discrimination interdit, le handicap, et, dans ce sens-là, ce n'est pas le
critère déterminant de validité du point de vue de la conformité à la
charte, si vous voulez.
M. Blais : Donc, c'est une
distinction qui est assez robuste entre le fait qu'on ait deux programmes qui
donnent, disons, des allocations
différentes, qui tient compte des besoins, pour revenir à l'expression de
madame, là. Ça peut être conforme à la charte.
Mme Dupuis (Renée) : C'est-à-dire que le principe d'établir des mesures n'est pas, en soi,
non conforme à la charte. Ce qu'on
dit, c'est que ça doit être fait d'une manière qui ne crée pas une
discrimination fondée sur une condition caractéristique personnelle de
la personne, que ça soit la condition sociale, ou le handicap, ou d'autres.
M. Blais :
Je m'en viens avec des choses plus difficiles, donc. Mais parce que, si on crée
un programme, un troisième programme, comme
vous le dites si bien, qui, lui, majore les allocations pour un groupe
particulier puis ne tient pas compte,
visiblement, du besoin, hein — il y a d'autres motifs, notamment,
probablement dans une perspective qui est peut-être un peu plus conséquentialiste, la possibilité pour ce
groupe-là d'éviter, disons, d'aller vers l'aide sociale — donc on parle vraiment de majorer, là, de donner plus en allocation, de donner
plus en supervision, est-ce que l'on est discriminatoires, dans votre
perspective?
• (17 h 40) •
Mme Dupuis (Renée) : Ce que l'on dit, c'est que la mesure que vous voulez instaurer, d'après
ce qu'on a devant nous, dans le texte
de loi qu'on a devant nous, elle impose d'abord une condition. C'est-à-dire
que, quand on dit : On veut prendre
des gens puis les amener au marché du travail, on parle quand même de gens qui
sont considérés comme prestataires d'aide
sociale au départ et qu'on veut traiter d'une manière différente des deux
programmes existants pour les faire entrer dans le troisième programme. Et on a tout de même, au départ, les mêmes
personnes qui ont les mêmes caractéristiques qui, selon leurs besoins,
leur donnent droit à des mesures d'aide financière pour leur assurer un niveau
de vie décent. Autrement dit, ce n'est pas tellement l'objectif...
Et je ne suis pas en train de dire que c'est quelque chose de simple, mais
l'objectif que vous vous fixez dans l'adoption de cette mesure-là doit tenir compte des caractéristiques des personnes, dont leur condition sociale, et ça ne peut pas
servir, l'objectif en question, à créer de la discrimination.
M.
Blais : Oui, donc, ce n'est
pas... Parce que votre collègue me faisait un signe de tête tout à l'heure quand j'ai dit : Est-ce
que c'est discriminatoire, pour un groupe particulier, les premiers demandeurs,
qui n'ont jamais été à l'aide sociale, de
les amener vers un programme différent, notamment de majorer l'aide
financière — très
clairement c'est ce que le projet veut faire — majorer
aussi le soutien, l'encadrement? Je ne parle pas encore de pénalités, mais simplement
de ces éléments-là. Est-ce
que c'est discriminatoire? J'avais l'impression que votre collègue me
disait : Oui, c'est discriminatoire.
Mme Dupuis (Renée) : C'est ce qu'on dit. C'est que le fait de conditionner l'obtention d'un
avantage... Parce que, de
la façon dont vous le présentez, c'est un avantage, puisqu'on majore. Donc, le
fait de conditionner l'accès à un avantage
en fonction de la caractéristique de la personne qui est sur l'aide sociale
constitue une discrimination fondée sur
la condition sociale. Ce sont des exigences... Quand vous dites que c'est
complexe, ce qui est certain, c'est que, 40 ans plus tard, la question qu'on doit se poser,
c'est : De quelle manière les exigences qu'on s'est données il y a
40 ans en termes de
protection particulière... Parce que c'est ça, une loi antidiscrimination, on a choisi
de consacrer et de protéger de façon
particulière certains droits. Alors, comment
est-ce qu'on ajuste nos programmes, nos législations, nos règlements, nos pratiques,
même le regard social qu'on porte sur des gens ou une catégorie
de personnes? C'est clair que ça
vient ajouter des exigences supplémentaires.
M.
Blais : Oui, mais le chemin est difficile, hein, vous me comprenez
bien. On a déjà une loi-cadre. Je pense que tous les députés avaient,
disons, encensé puis avaient accepté cette loi-cadre-là qui permettait, là,
quand même des diminutions selon certains
principes — je
n'étais pas là. Elle existe, en tout cas, on la considère comme une loi-cadre.
Sur la question de la distinction entre
apte, inapte, vous me dites «c'est possible», mais vous ne me dites pas
clairement «c'est non discriminatoire».
Et,
sur la question de majorer, de prendre un groupe particulier, les premiers
demandeurs, compte tenu de leur passé,
compte tenu de leur futur potentiel, ce que je comprends, c'est que c'est
discriminatoire d'aborder les premiers demandeurs de cette façon-là.
Mme Dupuis (Renée) : C'est la position que la Commission des droits de la personne a adoptée en commission. D'ailleurs, vous savez — peut-être pas toujours, en tout cas, je
tiens à le rappeler — que la
commission est composée d'un ensemble de citoyens qui ont été nommés, en
principe, pour leurs intérêts particuliers et leurs connaissances des questions de droits de la personne. Et donc il y a
un débat à l'intérieur d'une commission, et il y a une position qui est
prise, et c'est le reflet de la discussion qu'il y a eu à la commission.
M. Blais :
...à mes collègues, je pense que j'ai des collègues...
Le Président (M.
Cousineau) : Il vous reste 3 min 30 s. Oui, M.
le député de...
M. Hardy :
Saint-François.
Le Président (M.
Cousineau) : ...Saint-François. J'avais un blanc de mémoire. Je
m'excuse.
M.
Hardy : Oui, bonjour, Mme Dupuis, Mme Pedneault. J'ai une
question. Selon vous, quelle approche devrions-nous
prioriser avec les personnes aptes à l'emploi qui refusent d'entreprendre des
démarches pour intégrer le marché du travail?
Mme Dupuis
(Renée) : Vous savez, le
mandat de la Commission des droits de la personne, c'est d'abord
et avant tout d'examiner les projets de loi qui sont devant nous et de l'examiner d'un point de vue particulier, qui est : Est-ce qu'à notre avis le projet de loi qui est devant nous est conforme à la charte ou,
au contraire, pose un problème du point
de vue de la discrimination? Et, dans ce sens-là, la question que vous posez sur le refus d'entreprendre...
L'expérience qu'on a vécue à la commission
et qu'on vit depuis 40 ans cette année — 2016, c'est 40 ans de création de la Commission
des droits de la personne — c'est une expérience où on reçoit, chaque
semaine, chaque jour, des plaintes de gens qui ont des problèmes d'embauche, qui ont des problèmes de maintien en emploi, qui
ont des problèmes de congédiement, qui ont des problèmes de ne pas être
capables de revenir au travail, soit parce qu'elles ont contribué au
renouvellement de la population,
l'accroissement démographique du Québec, c'est-à-dire été enceintes, soit parce
qu'ils ont une forme de maladie, soit
une forme de handicap. Et donc la
question de l'accès au travail est une question qui est très complexe mais
qu'on doit examiner, et c'est ce
qu'on s'est créé comme exigence, qu'on doit examiner en tenant compte des
droits qui ont été consacrés de façon particulière dans la charte.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, une dernière question, parce
qu'il... Oui, M. le député de Jean-Lesage?
M. Drolet : Oui, c'est ça,
oui.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, alors, allez-y.
M. Drolet : Écoutez, bien, je vous écoute, madame, et puis
je... parce que vous ne répondez pas à la question qui vous a été posée par mon collègue. Et, vous
comprenez, on est députés, on est dans des circonscriptions où on vit
cette réalité-là. Et vous avez dit en
entrée de jeu tout à l'heure qu'il y
avait un pourcentage de population qui avait un certain regard négatif
à ce sujet-là. Alors là, la question qu'on pose, c'est que : Comment on
peut faire, en tant que législateurs, pour
améliorer, améliorer cet aspect-là qui existe puis qui... On est très
conscients de ceux qui en ont vraiment besoin. On est très conscients de cela,
sans partisanerie, tout le monde est touché par ça. Mais il faut avoir quand
même une solution pour ceux qui sont peut-être
capables de faire mieux et d'avoir mieux pour, justement, donner à ceux qui
en ont peut-être le plus besoin, une réalité. Alors, qu'est-ce qu'on fait, nous autres, en tant que législateurs à ce
moment-là? C'est ça, la question qui est posée.
Le Président (M. Cousineau) :
D'accord. Une réponse rapide, Mme Dupuis.
Mme Dupuis
(Renée) : On a une recommandation, dans notre mémoire, qui a trait à un mécanisme qui existe déjà, d'ailleurs. Il y a un mécanisme qui existe qui s'appelle les
programmes d'accès à l'égalité et qui, s'il était totalement appliqué au Québec, permettrait à beaucoup de gens qui ne sont
pas sur le marché du travail à
l'heure actuelle d'y avoir accès. Ce qu'on est en train de vous dire,
c'est : Est-ce que c'est possible que vous considériez — c'est une recommandation qu'on
fait — d'élargir
ces programmes d'accès à l'égalité? Parce qu'ils vont permettre à des gens, des
groupes très ciblés — des femmes, des minorités visibles ou
ethniques, des personnes qui ont des handicaps ou des autochtones — d'entrer dans le marché du travail.
On comprend très bien que la question est complexe et que votre mandat est
complexe.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, Mme Dupuis. Je
dois passer maintenant la parole à l'opposition officielle, le député de
Saint-Jean, pour 8 min 30 s.
• (17 h 50) •
M.
Turcotte :
Merci, M. le Président. On va tenter d'avoir des échanges constructifs. J'ai
entendu une phrase de votre part qui
m'a marqué. Vous avez mentionné : Nous avons un mandat d'étudier des
projets de loi qu'on nous soumet ou
qui sont ici, déposés à l'Assemblée nationale, et de faire des recommandations
ou d'évaluer ces projets de loi là. Donc, de ce que je comprends, vous analysez ce qui est sur papier et non pas
des interprétations ou des questions qui relèvent d'analyses qui ne sont pas fondées sur une
décision formelle d'un projet de loi. On a eu l'occasion, depuis le début des
consultations et avant, d'entendre plusieurs éléments tant de l'ancien ministre
que du ministre actuel. Donc, il est dur et
difficile peut-être pour vous, encore plus pour nous, d'analyser exactement
maintenant on en est où dans ce projet de loi là et qu'est-ce qu'il
restera de ce projet de loi là lors du début de l'étude des consultations.
J'ai pour exemple la question du règlement. Il y
a beaucoup d'éléments dans le projet de loi qui réfèrent au règlement. Nous ne connaissons pas, actuellement,
le règlement en question. Il est dur d'analyser et d'avoir une opinion sur quelque chose qui n'est pas connu, exemple,
une distance jugée acceptable. Qu'est-ce qu'un emploi convenable? Les pénalités,
de quel ordre? Qu'est-ce qui arrivera
à un couple... Parce que
vous parlez, dans votre communiqué de presse, mais aussi dans votre mémoire, d'un exemple d'une mère monoparentale qui
pourrait avoir de la difficulté à accepter ou à garder un emploi dit convenable s'il est de soir, par exemple, bon, pour pouvoir s'occuper de ses enfants. Qu'est-ce qui arrive avec un couple où un homme ou une femme refuse un emploi dit
convenable? Quand on sait que le calcul de l'aide sociale pour un couple est comptabilisé comme couple,
donc, est-ce que l'autre personne va être pénalisée? Est-ce que c'est considéré comme une attaque aux droits de cette personne-là qui n'a pas, elle, choisi de ne
pas accepter, c'est son conjoint ou sa conjointe, etc.?
J'aimerais vous entendre sur :
Est-ce que vous auriez trouvé pertinent d'avoir plus d'éléments pour raffiner
votre position ou amener une position
peut-être plus nuancée sur certains éléments en ayant plus d'informations sur,
comme je vous l'ai mentionné, des
éléments qui sont dans le règlement, ou que le règlement soit déposé, ou qu'il
soit connu avant le début des
consultations? Parce que, là, en ce moment, on est devant plusieurs, plusieurs
zones floues dans ce projet de loi là.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Dupuis.
Mme Dupuis (Renée) : Est-ce que je peux attirer votre attention sur la page 2 de notre
mémoire où on énumère les modifications qui sont proposées dans le
projet de loi et qui prévoient justement que les critères seront définis par règlement? Et c'est ce qui nous amène à ajouter
qu'«il s'avère difficile de se prononcer eu égard à la conformité à la charte
de plusieurs des modifications proposées dans la deuxième partie du projet de
loi avant d'avoir pris connaissance des mesures
réglementaires auxquelles les dispositions de celui-ci renvoient dans la
plupart des cas». Et nous rappelons, nous nous permettons de rappeler que «la charte lie l'État — parce que c'est la charte qui le dit — et que les mesures réglementaires à venir devront respecter — donc — les droits et libertés qu'elle garantit».
Alors, dans ce sens-là, on note la difficulté de se prononcer sur un
certain nombre d'éléments parce qu'ils seront à être déterminés ultérieurement
par règlement.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député.
M.
Turcotte : C'est tout à fait le but de mon intervention.
C'est pour ça que je vous pose cette question-là, qui... effectivement, vous le mentionnez très bien, puis
je crois que c'est important que tout le monde entende, là, si on n'a pas
fait la lecture de ce bout de votre mémoire,
qui est quand même assez documenté, hein — 48 pages, là, il faut le faire, là,
en peu de temps — l'importance d'avoir toute la même
information et de savoir de quoi on parle. Parce que, dans le projet de loi, à la lecture, on ne sait pas ce qui
arrive, c'est quoi, un emploi convenable, c'est quoi, la distance, etc. Puis je
donne ces exemples-là parce que
j'essaie de mettre des choses très simples pour avoir un début de réponse parce
que, si je pose des questions trop
compliquées, des fois, ça peut être plus difficile. Mais donc je comprends de
votre intervention que l'importance d'avoir tous les éléments et d'avoir
le règlement aurait été pertinente.
J'ai un autre... à
moins que vous ayez quelque chose à ajouter là-dessus, là, mais je crois que
vous avez déjà mentionné beaucoup d'éléments. J'aimerais vous entendre sur la
question de la discrimination de l'exemple que j'ai nommé, d'un couple où un des deux conjoints refuse, pour plein de
raisons qui peuvent être très louables, là, un emploi dit convenable, que l'autre conjoint soit
pénalisé. Qu'est-ce que vous pensez de cette situation-là? Est-ce que vous
considérez que ça va à l'encontre de la charte?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Dupuis.
Mme Dupuis (Renée) : Dans l'hypothèse où... Ce que je peux vous dire en tout cas... Je ne
veux pas me prononcer de façon
définitive sur la question, mais ce que je peux vous dire, c'est que l'état
civil est aussi un motif de discrimination interdit. Donc, on doit s'assurer, si on veut établir des mesures, qu'on
ne pénalise pas, par association de couple ou maritale, si vous voulez,
le conjoint ou la conjointe d'une personne qui est visée par une prestation.
M.
Turcotte : Vous avez mentionné, tantôt, plusieurs exemples
ou vous avez fait une énumération de différentes personnes qui peuvent
avoir recours ou être éligible à des programmes d'égalité vers l'emploi, etc.
Vous n'avez pas mentionné les jeunes.
Pourtant, le ministre ou le gouvernement prétend que la cible principale de ce
projet de loi là est les jeunes.
Est-ce que de cibler les jeunes, ça pose problème en fonction de l'âge ou ça
peut être des gens qui peuvent être ajoutés dans des programmes vers
l'égalité en emploi?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Dupuis.
Mme Dupuis (Renée) : Parce qu'ici le législateur avait choisi d'identifier certains groupes
cibles qui faisaient l'objet de programmes... Parce qu'en fait les programmes
d'accès à l'égalité, ce sont des programmes qu'on appelle de discrimination positive, où vous décidez de vous
attaquer à la discrimination dont certains groupes ont fait preuve, ont subi,
donc, et de leur permettre d'accéder à...
donc, de sortir d'une situation de discrimination. Est-ce que le législateur
pourrait aller jusqu'à considérer
d'inclure, dans un programme d'accès à l'égalité, des jeunes pour x, y, z
raisons? Ce n'est pas impossible de le considérer.
M.
Turcotte :
Parce que je comprends de votre intervention que la principale façon d'arriver
à l'objectif du gouvernement serait l'utilisation de tels programmes.
Mme Dupuis (Renée) : C'est-à-dire que je ne veux pas dire que c'est la seule façon ou c'est
la solution idéale. Ce que je dis,
c'est qu'il y a déjà, en réponse à une question, des programmes qui sont un des
moyens, si vous voulez.
M.
Turcotte :
O.K., ça va. Merci.
Le Président (M.
Cousineau) : 30 secondes.
M.
Turcotte : Bien, je vous remercie beaucoup pour la lecture
que vous apportez, la lumière à notre étude du projet de loi. Je vous
remercie beaucoup.
Le Président
(M. Cousineau) : Merci, M. le député de Saint-Jean. Alors, je
passerais maintenant la parole au deuxième groupe de l'opposition, à M.
le député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Schneeberger :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, bonsoir à vous deux. Dans votre
mémoire, vous faites des liens au
niveau... vous parlez de discrimination au niveau des programmes. Ce que je
voudrais savoir... Mettons, un fait
type, qu'est-ce qui est le plus discriminatoire, admettons, est-ce que c'est le
fait de couper une prestation ou que cette prestation, une fois coupée,
serait en bas de 623 $?
Mme Dupuis (Renée) : C'est le
principe, d'abord, de conditionner l'accès à une mesure d'aide financière de l'obligation de travailler, c'est le fait
d'obliger la personne à travailler dans un emploi qu'elle n'a pas consenti ou
qu'elle n'a pas choisi librement et
c'est le fait d'obliger quelqu'un à travailler dans des conditions de travail
qui ne sont pas les mêmes que celles qu'on reconnaît à des travailleurs,
par ailleurs. C'est ça qu'on dit.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député.
M.
Schneeberger : O.K.
Sous le même angle, le programme Objectif emploi, ça veut dire, il s'applique à
la clientèle jugée, entre guillemets — moi, je dis toujours «entre
guillemets» — apte à
l'emploi, parce qu'on sait bien que, là-dedans,
ils ne sont pas tous aptes à l'emploi, peu importe la raison. À ce moment-là,
est-ce que ça pourrait être, vous dites,
discriminatoire pour ces personnes-là parce que c'est des nouveaux demandeurs?
À ce moment-là, est-ce qu'ils ne devraient
pas tous être sous le même programme ou encore, actuellement, avec le programme
Alternative jeunesse, qui est pour
les 30 ans et moins, cela aussi signifie une forme de discrimination parce
qu'à 31, 32 ans, selon les règles, tu n'y as plus droit?
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Dupuis.
Mme Dupuis
(Renée) : Il y a des motifs,
dans la charte, pour lesquels on interdit de la discrimination. Il y a des
motifs qui sont, par ailleurs, tempérés, si
vous voulez, la protection contre la discrimination est tempérée du fait qu'on
prévoit, dans le texte même de la loi, que
l'âge, par exemple, c'en est un. Tu ne peux pas discriminer en fonction de
l'âge, sauf dans la manière prévue
par la loi. Alors, il y a un élément là qui est différent par rapport à l'âge
quand on établit la mesure et quand on examine si cette mesure-là est
conforme ou non à la charte.
M.
Schneeberger :
O.K. Je reviens encore... Je l'ai posée souvent, cette question-là, puis les
réponses sont rares. Vous, selon
votre organisme, est-ce que vous avez des critères ou une section, dans vos
nombreux livres ou, en tout cas, mémoires
que vous avez, qui définit un emploi convenable? Est-ce que c'est balisable?
Excusez l'expression, mais est-ce qu'on peut le baliser, un emploi qui
est dit convenable?
• (18 heures) •
Mme Dupuis (Renée) : Ce qu'on a
essayé de faire, dans le mémoire qu'on a déposé devant vous pour votre examen, c'est de référer à des outils juridiques,
que ça soit des documents de droit international, que ça soit la Charte des
droits, où on explique, par exemple, qu'un
emploi ne peut pas être considéré comme convenable s'il est forcé. Alors, ça devient
des critères qu'on adopte parce qu'on est dans le domaine des droits de la
personne, et qu'on s'inspire aussi de ce qui est dit, et que le Québec, des fois, s'est engagé à respecter ces documents
internationaux. Alors, les critères ne sont pas nécessairement les nôtres,
c'est des critères qui ont été définis soit par des jugements de tribunaux soit
par des organismes internationaux qui se sont penchés et qui sont
responsables de définir les règles qui nous amènent à considérer qu'un emploi est convenable ou non, donc la liberté de
choisir son travail, le fait d'être protégé par les lois du travail. Et je vous
inviterais donc, dans notre mémoire, à
retrouver ces textes-là où on vous donne ces espèces de balises, si vous voulez. Ce n'est pas des critères
formels, mais c'est des balises pour considérer qu'un emploi est convenable ou
non.
Le Président (M. Cousineau) :
Dernière question.
M.
Schneeberger :
O.K. Vous, avez-vous eu connaissance, dans votre fonction, face à des
personnes, quand on parle de
contraintes sévères, quand on parle «aptes à l'emploi», qui ont été jugées
aptes à l'emploi, mais que, finalement, après moult rencontres ou autres, finalement, ils sont inaptes à
l'emploi, mais qu'ils ont toujours été jugés aptes à l'emploi? Est-ce qu'il y en a beaucoup, des personnes comme
ça? Parce que c'est un petit peu là que la problématique se pose, les aptes et inaptes, avec les problèmes, des fois,
non diagnostiqués de personnes qui souffrent soit de maladie mentale ou
autre, puis finalement ces gens-là...
Le Président (M. Cousineau) :
Rapidement, M. le député.
M.
Schneeberger :
Comment?
Le Président (M. Cousineau) :
Rapidement, s'il vous plaît.
M.
Schneeberger : O.K. Alors, je n'irai pas plus loin.
Le Président (M.
Cousineau) : Une réponse rapide. Mme Pedneault, peut-être?
Mme Pedneault (Evelyne) : Selon les dernières données de Statistique
Canada, il y a environ 50 % des personnes en situation de handicap... Donc, la notion de handicap au sens de la
charte doit être interprétée de façon large et libérale, et il y a environ 50 % des gens qui ont un
handicap qui sont jugés aptes au travail au sens de la Loi sur l'aide aux
personnes et aux familles.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, merci. Là, je passerais
la parole, pour les trois prochaines minutes, à Mme la députée de Gouin.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. En fait, je sens un peu de
perplexité dans la salle puis je peux comprendre
pourquoi. La Commission des droits de la personne nous amène sur un terrain
complètement différent que ce qu'on a
entendu jusqu'à présent, c'est le terrain des droits. Moi, je suis contente
qu'on entende enfin ici le mot «droits». Je trouve ça, personnellement, plutôt intéressant. La commission nous
oblige à une réflexion aussi sur les causes sociales de la pauvreté. La commission nous dit : On
ne peut pas stigmatiser les gens un par un parce qu'ils sont pauvres. La
pauvreté, c'est un problème social.
Oui, bien sûr, les individus là-dedans, on pourrait discuter longtemps de la
part qu'ils peuvent ou qu'ils
devraient avoir, là, mais c'est un problème social, comme la violence faite aux
femmes est un problème social. Après,
oui, on parlera des responsabilités individuelles. Donc, c'est sûr que ça
colore, toutes ces notions-là, totalement le mémoire de la Commission
des droits de la personne.
Alors,
moi, je vais vous poser une question qui, je l'espère, va répondre aux
questions posées par certains collègues du gouvernement : Est-ce que, oui ou non, au Québec, en vertu de la
Charte des droits et libertés, chaque personne vivant sur notre territoire — disons chaque personne adulte, pour faire ça
plus simple, là — doit
avoir inconditionnellement un revenu
lui permettant de payer son loyer, de manger, de se chauffer l'hiver, ce qu'on
appelle vraiment les besoins archi de
base? Est-ce que chaque personne au Québec a ce droit à ce qu'on pourrait
appeler un revenu minimum décent... enfin, il est plutôt indécent en ce
moment, le 623 $ par mois, là, mais considérez-vous que c'est un droit?
Mme Dupuis
(Renée) : C'est ce qu'on a essayé de vous dire aujourd'hui, et ce
n'est pas pour rien que j'ai commencé en
disant : Il y a 40 ans. Il
y a 40 ans, les législateurs comme vous ont décidé qu'on ne
pouvait plus discriminer des individus
quand ils constituent un groupe social vulnérable, désavantagé. C'est ça qui a
été décidé. Et, quand on a dit
que la charte lie l'État, ce que l'on a
ajouté dans la charte, c'est que le législateur que vous êtes aujourd'hui, dans sa grande difficulté à
établir des mesures pour régler des vrais problèmes sociaux, doit tenir
compte des contraintes que le législateur s'est données il y a 40 ans, et ça, c'était en 1975. Et ce que
la Cour suprême a précisé en 1987 — j'attire votre attention, c'est à la page 15 de notre mémoire :
«La discrimination [fondée sur la condition sociale] est alors renforcée par
l'exclusion même du groupe
désavantagé, du fait que l'exclusion favorise la conviction, tant à l'intérieur
qu'à l'extérieur du groupe, qu'elle résulte de forces
"naturelles"...»
Le
Président (M. Cousineau) : Merci beaucoup, c'est tout le temps
que nous avions. Merci, Mme Dupuis, merci, Mme Pedneault.
Avant
de suspendre, je demanderais aux membres de la commission, ceux qui sont
membres de la commission, de bien vouloir rester ici parce que nous
avons une autre étape importante à faire.
Alors, je suspends
pour deux minutes.
(Suspension de la séance à
18 h 6)
(Reprise à 19 h 30)
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Bonsoir à tous et à toutes. Alors, la Commission de l'économie et du travail
reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous
poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi
n° 70, Loi visant à permettre une meilleure adéquation
entre la formation et l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration en emploi.
Alors,
ce soir, nous entendrons les organismes suivants : le Protecteur du citoyen, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec et le comité
consultatif des Premières Nations et des Innus sur le marché du travail.
Alors,
comme cet après-midi, vous avez 10 minutes de présentation de
votre mémoire. Par la
suite, nous allons passer à une période de questions avec les parlementaires
d'une durée de 33 minutes.
Alors,
bonsoir, Mme Saint-Germain. Alors, vous pouvez nous présenter les
personnes qui vous accompagnent, et le prochain 10 minutes vous
appartient.
Protecteur du citoyen
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. Alors, à ma gauche,
Mme Marie Despatis, qui est la directrice
des enquêtes en administration publique au bureau de Montréal; à ma droite, Mme Marie-France
Archambault, qui
est la coordonnatrice aux enquêtes, notamment en matière d'emploi et de
solidarité sociale, donc connaissance très fine du terrain; et
Me Stéphanie Julien, qui est notre avocate spécialisée au dossier.
Alors,
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je
vais concentrer ma présentation sur
l'enjeu du programme Objectif emploi, mais, avant de le faire, je tiens à
saluer la modification qui introduit le
projet de loi à ses articles 26 et 33, qui concernent les héritages reçus
par versements pour les prestataires de la solidarité sociale. C'est une modification qui donne suite à
une recommandation du Protecteur du citoyen. Et je pense qu'on comprend tous, et c'est l'objet de la modification, que des
parents prévoient par testament des versements successifs, de petits montants
de leur héritage pour protéger cet héritage
qui pourrait soit être dilapidé par leurs enfants ou encore faire l'objet
d'abus par des personnes qui ne
respectent pas le caractère vulnérable de cet enfant. Alors, j'insiste
simplement pour vous dire que j'aimerais
que ces modifications aient un caractère rétroactif à la date de la
recommandation en 2012, et que très peu de dossiers — en fait,
on parle de moins de 200 dossiers au ministère — seraient visés par cette recommandation.
Alors, je pense que ce serait une
question d'équité. Je fais aussi remarquer que les décisions du Tribunal
administratif du Québec, depuis 2012,
allaient toutes dans le sens de ce que sera dorénavant, si l'Assemblée
nationale l'adopte, la nouvelle pratique du ministère.
Sur
le programme Objectif emploi, maintenant, qui vise l'intégration en emploi des
personnes qui participeraient à ce
nouveau programme, je comprends que ce sont des nouveaux demandeurs d'aide
sociale qui n'ont pas de contraintes à l'emploi,
dont près de 60 % auraient 29 ans ou moins et 38 % viendraient
d'une famille qui reçoit déjà des prestations. Alors, convenons d'emblée que cet objectif d'intégration en emploi est
louable et qu'il est important d'assurer la plus grande inclusion et la
participation sociale de ces citoyens.
Ce
programme serait, cela étant, mis en oeuvre dans un contexte économique et
social que l'on ne peut dissocier des
réalités des personnes qu'il vise à aider. J'insiste sur le pluriel, les
réalités, car le profil des personnes visées n'est pas monolithique, et plusieurs éléments qui fondent
ces réalités ne sont pas d'emblée connus. Cela appelle, en conséquence, beaucoup de prudence avant de tirer des
conclusions et la plus grande précaution dans la mise en place d'un tel
programme.
Nous avons analysé le
projet de loi en portant une considération très attentive à certaines de ses
modalités, en cherchant à comprendre leurs fondements et en nous plaçant dans
le contexte concret de leur mise en oeuvre.
Je
partage avec vous les résultats de notre analyse, lesquels vont m'amener à vous
formuler certaines recommandations d'amendements
au projet de loi. Premier facteur qui nous a interpellés, celui de l'aptitude à
l'emploi. Le projet de loi est muet
quant aux critères d'évaluation de l'absence de contraintes à l'emploi. À notre
avis, il ne suffit pas de constater qu'une personne ne présente pas, par exemple, de condition médicale reconnue,
qu'elle n'est pas en thérapie pour guérir d'une dépendance ou qu'elle
n'est pas monoparentale, par exemple, pour conclure qu'elle n'a pas de
contraintes à l'emploi. D'autres facteurs
peuvent influencer l'aptitude d'une personne à intégrer le marché du travail.
Des contraintes sévères non reconnues
ou des contraintes qui, sans être sévères, nécessitent d'être prises en compte — une faible scolarité, un vécu difficile ou des comportements inadaptés au
monde du travail — sont
autant de facteurs qui peuvent empêcher une personne d'accéder à l'emploi. Tous ces facteurs devront pouvoir être pris en
compte par les agents d'emploi. Et je souligne l'importance du règlement
d'application, lequel devra être clair quant aux balises qui
entoureront la détermination des contraintes
à l'emploi, tout en permettant aux agents d'emploi de faire preuve de souplesse
dans l'appréciation de l'aptitude au travail pour tenir compte des
situations particulières.
Quelques
mots maintenant sur l'emploi convenable. Le projet de loi énonce que le
participant pourra être tenu d'accepter
tout emploi convenable. Cependant, il ne définit pas cette notion d'emploi
convenable qui guidera les importantes décisions
dans ce contexte. Il existe des exigences minimales relatives aux normes du
travail, à la santé et à la sécurité que doit respecter tout emploi.
D'autres lois, pour leur finalité propre, définissent ce qu'est un emploi
convenable. Cette définition est d'autant
plus importante qu'il s'agira d'un élément clé du plan d'intégration en emploi
de certains participants.
Par
ailleurs, les participants pourraient devoir accepter des emplois même si cela
implique pour eux un déménagement. Le
cas échéant, les impacts familiaux, sociaux et financiers d'un tel déménagement
seront-ils évalués? Il n'est pas
anodin, pour une personne déjà fragilisée financièrement, de devoir quitter son
milieu et de perdre le soutien de son
entourage ou de devoir prendre, dans ce contexte, des arrangements familiaux,
par exemple en cas de garde partagée d'enfants.
En fonction du contexte que je viens de décrire,
je vous recommande que la notion d'emploi convenable soit définie dans la loi, que cette définition énonce les
exigences relatives aux normes du travail ainsi qu'à la santé et à la sécurité
qu'un tel emploi devra respecter, que
l'emploi convenable tienne compte du profil d'employabilité de la personne, notamment
sa formation, ses expériences de travail, ses champs d'intérêt et ses capacités
physiques ainsi que des répercussions d'un déménagement sur elle et sur sa
famille, le cas échéant.
L'enjeu du manquement
à un engagement est très important. Le défaut de respecter les engagements du
plan d'intégration entraînera des pénalités financières importantes, pénalités,
dois-je souligner, qui viendront diminuer un revenu
déjà sous le seuil de la pauvreté. Qu'arrivera-t-il advenant le renvoi par
son employeur d'un participant, en dépit de la bonne volonté de ce dernier? Il est crucial de clarifier les
circonstances qui seront assimilées à un manquement au respect des engagements du plan d'intégration afin
de prévenir que le participant soit injustement sanctionné. En fait, le
participant devrait avoir une obligation de moyens et non de résultat quant au
respect des engagements de son plan d'intégration en emploi.
De
l'avis du Protecteur du citoyen, les pénalités financières non seulement ne devraient pas être appliquées au-delà de ces exigences, mais
devraient viser les seules situations de mauvaise foi.
C'est pourquoi je
recommande que la notion de manquement à un engagement prévu au plan
d'intégration en emploi soit définie dans la
loi et que cette définition soit fondée sur une obligation de moyens du
participant et non de résultat,
c'est-à-dire de fournir les efforts raisonnables, compte tenu de sa situation,
pour respecter les engagements prévus à son plan d'intégration en
emploi.
Les recours. Je constate, et cela me
préoccupe, que le seul recours que prévoit le projet de loi pour contester un
plan d'intégration en emploi soit la
reconsidération, qui correspond à un réexamen administratif de la part du ministère. On ne pourrait en appeler de ces décisions devant
le Tribunal administratif du Québec. À défaut de pouvoir contester en révision les conditions de son plan d'intégration,
un participant pourra demander la révision de la réduction du montant de ses prestations imposée pour sanctionner un
manquement à l'une de ses obligations. Le cas échéant, la révision devra
s'attarder aux motifs ayant mené à la
sanction, c'est-à-dire au manquement lui-même. Dans ces conditions, pourquoi ne
pas prévoir dans la loi que le manquement
soit révisable? C'est pourquoi je recommande que l'article 83.10 de la Loi
sur l'aide aux personnes et aux
familles introduit par l'article 28 du projet de loi soit modifié afin que
la reconnaissance d'un manquement
fasse l'objet d'une décision du ministre, que cette décision soit révisable au
même titre que la réduction du montant de prestation.
• (19 h 40) •
L'enjeu
de la prévention du dénuement total des participants. Dans l'attente de la
décision, le participant devra vivre
avec très peu de moyens, aussi peu que 311 $ par mois, selon certains scénarios. Pourquoi interdire aux participants l'accès au pouvoir discrétionnaire du ministre?
À tout le moins, pour parer aux risques que ces personnes vivent dans des
conditions de grande précarité pendant plusieurs
semaines, voire quelques mois, il
y a lieu de s'assurer que les
demandes de révision soient traitées
en priorité. À ces fins, je recommande que les participants au programme
Objectif emploi aient accès au pouvoir discrétionnaire du ministre,
prévu à l'article 49 de la Loi sur l'aide aux personnes et aux
familles, de rétablir leurs
prestations en cas de risque de dénuement total et qu'à défaut la loi contienne
une disposition prévoyant la suspension de la sanction dès que sa révision est demandée, et ce, tant
que la décision en révision n'est pas rendue et que cette sanction n'ait
pas d'effet rétroactif.
L'intégration
durable en emploi. Pour qu'elle ait un effet positif sur l'intégration en
emploi des nouveaux demandeurs d'aide,
une approche obligatoire comme celle que propose le projet de loi doit offrir un accompagnement réellement adapté au
profil de chaque participant. L'objectif doit être l'intégration durable en emploi et non
un retour rapide et à n'importe
quel
prix sur le marché du travail. Je pourrais vous citer des statistiques
du Comité consultatif de lutte contre la pauvreté — je
pourrai y revenir, parce que je constate qu'il me reste peu de temps — mais
je constate que le tiers des nouveaux
ménages admis à l'aide sociale au cours des 10 dernières années l'a été en
raison de la perte de l'emploi soit sans
avoir droit aux prestations d'assurance-emploi soit après épuisement de
celles-ci. Alors, il importe de se rappeler ici qu'un peu plus de la moitié des prestataires de l'aide sociale n'ont aucun diplôme et que les
conséquences de cette perte d'emploi traduisent bien le caractère
précaire des emplois qui sont occupés.
Alors,
cela amène à conclure à l'importance, pour le succès du programme, que
l'évaluation des besoins de chaque participant relativement à sa
capacité à intégrer le marché de l'emploi soit adéquate et que les mesures et
les services d'emploi soient disponibles.
Alors, je recommande donc que le ministère s'assure que les budgets alloués aux
mesures et services offerts par le
programme Objectif emploi soient suffisants pour répondre aux besoins de la
clientèle du programme.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci.
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Et je conclurais, rapidement...
Le Président (M.
Cousineau) : Oui, on va vous laisser conclure.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : ...que le projet de loi comporte quand même
beaucoup d'inconnu et une certitude :
l'éventuelle loi autoriserait le ministère à exercer des sanctions qui peuvent
entraîner le dénuement total de personnes
vulnérables. De surcroît, les modalités d'application les plus essentielles et
aux impacts les plus déterminants seront prévues par règlement. Alors,
le respect des recommandations du Protecteur du citoyen dans son mémoire à la commission est, à mon avis, essentiel à son
adhésion au principe du caractère obligatoire de la participation au programme
Objectif emploi.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci. Merci,
Mme Saint-Germain. Alors, je passerais maintenant la parole au ministre
pour les 15 prochaines minutes.
M.
Blais : Eh bien, tout d'abord, je veux vous remercier, madame, pour
votre lecture très fine du projet de loi et des suggestions que vous nous faites. C'est des suggestions sérieuses.
Je peux vous garantir, là, qu'on va les... nous en prenons acte, bien entendu, et, bien sûr, on verra
comment on peut, avec les collègues ici, en face, hein, améliorer le projet
de loi. Quand on comprend bien les
finalités, ensuite, l'enjeu, c'est de prendre des moyens — je pense que vous l'avez mentionné à quelques reprises — des moyens qui sont appropriés et qui sont
équilibrés, là, selon les objectifs que nous recherchons.
J'aimerais
savoir tout d'abord si le fait que ce programme ait une durée, disons, qui est
limitée dans le temps change l'appréciation
globale que vous en faites du point de vue des droits, disons, du respect des
droits des uns et des autres, hein?
On sait que c'est, normalement, pour une participation pendant au moins un an,
ensuite il y a la possibilité de... Est-ce que ça change quelque chose dans l'appréciation que vous faites de son
caractère acceptable du point de vue du droit?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Ce n'est pas sous cet angle-là que nous
considérons que le délai d'un an avec prolongation possible jusqu'à un
an maximum pourrait poser problème, c'est sous l'angle, au contraire, du plan d'intégration pour une
personne qui aurait besoin de plus de temps pour être accompagnée et qui
pourrait, si le programme se termine
trop tôt pour elle, être abandonnée aussi par un employeur qui a quand même un
avantage, l'employeur reçoit une partie,
une forme de subvention dans le cadre de ce programme-là. Alors, c'est sous cet
angle-là où on dit : Attention à
des évaluations ou à des mesures mur à mur, alors que certaines personnes qui
auraient progressé, mais à un rythme plus
lent, auraient besoin d'être accompagnées plus longtemps par les agents
d'emploi, par un plan d'intégration qui se poursuit avec des modalités qu'on aura ajustées. Alors, c'est vraiment
sous cet angle-là, ce n'est pas sous l'angle d'un droit ou de la
négation d'un droit que cela pose problème.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, Mme Julien, voulez-vous... Oui?
Mme Julien
(Stéphanie) : Je n'ai pas de nouveauté, là, à ajouter à ce que
Mme Saint-Germain vient d'ajouter. On ne voyait pas de problème,
là, du côté de la brimation des droits quant à la durée, en autant,
effectivement, que le programme ou le plan soit personnalisé, tout dépendant des
besoins de la personne qui participera à un tel programme.
Le Président (M. Cousineau) :
D'accord. M. le ministre.
M.
Blais : Bien, moi, je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait que la notion d'apte,
d'aptitude est une notion, à l'aide sociale, qui est, disons, assez large, généreuse. Quand on regarde qui sont ces
personnes aptes, etc., on se rend compte
qu'il y a un travail de fond à faire avec eux avant même de
penser à une perspective de retour à l'emploi. Donc, je l'ai reconnu, donc, ça nécessite probablement qu'on s'ajuste — puis,
si nécessaire, relire le projet de loi — à cette réalité-là,
qu'il ne s'agit pas d'avoir un délai d'une
semaine pour régler les choses, mais que l'accompagnement peut être
plus long. Ça doit peut-être être reconnu même explicitement.
Est-ce que le fait que... Parce qu'on parle, bien sûr,
Objectif emploi, mais on pourrait dire aussi objectif scolarisation, objectif
qualification, hein, que... Est-ce
que ça change quelque chose dans l'approche, encore une
fois, du point de vue de l'équilibre des droits, hein? Parce que moi, je considère, là-dessus,
il faut aller un peu plus loin, peut-être, dans le projet
de loi — en tout cas, dans ma vision des choses — pour
que les propositions de scolarisation, de fin de scolarisation — et
Dieu sait que c'est un public, là, qui en a besoin — et aussi de qualification
soient aussi des objectifs qui soient aussi importants, sinon plus importants, qui sait, hein,
que la question de l'emploi. Est-ce que ça, ça change un
peu l'équilibre du point de vue des droits des uns et des autres?
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Saint-Germain.
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Encore
une fois, M. le Président, à notre avis, ce n'est pas l'enjeu, dans ce cas-ci, de l'équilibre ou d'une forme de discrimination. Au contraire, c'est l'enjeu d'avoir un programme qui soit adapté
et qui
n'exige pas des participants des obligations de résultat qui vont les pénaliser
en dépit de leurs capacités. Et je me permets
de dire : Certaines plaintes sur lesquelles nous avons enquêté concernant
emploi, c'étaient, justement, des mesures d'aide à l'emploi qui ont été refusées à des bénéficiaires. Dans
certains cas, on constatait, évidemment, que c'était par manque de ressources, mais, dans d'autres cas, on
refusait à des bénéficiaires, puis ça peut sembler paradoxal, par rapport
aux objectifs du programme, des
scolarisations ou des formations adaptées en présumant qu'ils ne seraient pas
capables, en disant : Non, ce
n'est pas vraiment dans un domaine où on voit votre aptitude, ou encore on
disait : Bien, il n'y a pas vraiment
d'emploi dans ce domaine-là, en dépit de vos aptitudes. Alors, il y a un
équilibre à trouver dans le respect, je dirais, dans ce sens-là, des
aptitudes, mais aussi des intérêts, de la motivation de la personne.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Fabre.
Mme
Sauvé : Tout d'abord,
bonjour, bienvenue, merci pour votre présentation. Tantôt, on a parlé... le
ministre a mentionné la question de
la qualification. Je veux revenir, tantôt, sur un propos qui m'a fait un petit
peu réagir, et je voulais vous
entendre là-dessus, quand vous avez posé des questions quant à l'élément de la
contrainte, la définition de la contrainte face à l'emploi, vous avez parlé de
la réalité de la faible scolarité, en fait, comme pouvant être un
élément de contrainte à l'emploi. Moi, j'y vois davantage un défi
d'accompagnement, alors... Et puis ensuite, quand j'entends vos propos, puis la souplesse qui est nécessaire, prise
également par le ministre... Alors, je voulais vous entendre sur... Dans le fond, je m'attendrais à des
précisions par rapport à vos propos quant à cette notion de faible scolarité
comme étant une contrainte à l'emploi. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Saint-Germain.
• (19 h 50) •
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : C'est bien. Merci, M. le Président. Alors,
effectivement, la faible scolarité par
rapport à des exigences croissantes du marché de l'emploi, qui demande de plus
en plus une scolarité, en tout cas, certainement
technique, spécialisée, adaptée, devient une condition, justement, qui vient
limiter l'aptitude à l'emploi et induire la nécessité de mesures
d'accompagnement plus grandes vers l'emploi qui passent par la scolarisation,
une scolarisation adaptée. Alors, dans ce
sens-là, plus la personne est éloignée du marché de l'emploi dans ses
aptitudes, plus la période
d'accompagnement va être importante et plus la qualité de cet accompagnement
adapté aux besoins, aux intérêts, aux
capacités de la personne, capacités physiques, capacités intellectuelles, va
être déterminante. Et, quand vous dites «souplesse», oui, et ça peut sembler paradoxal... Quelque part, on
dit : Définissez dans la loi des définitions fondamentales, oui, parce qu'on a trop
l'habitude ou l'expérience, au Protecteur du citoyen, à l'aide sociale, mais plus largement, de voir
des interprétations très strictes et
rigides. Et, quand ce n'est pas prévu largement dans la loi, bien, c'est
difficile de faire changer sur le
terrain. Et par ailleurs il faut une souplesse aux agents d'emploi. Puis, je
pense, Mme Archambault me disait qu'on
reconnaît que, dans plusieurs situations, les agents d'emploi bénéficient d'une
capacité d'exercer un jugement, d'une marge
de manoeuvre. Et ça, c'est vraiment
important, on insiste là-dessus. Et, en même temps, cette marge de manoeuvre, il ne
faut pas qu'elle soit limitée par des contraintes budgétaires
qui font que certains programmes, à un
moment précis, il n'y a plus la marge pour permettre la formation d'appoint.
Alors, c'est tout ça qui est mis ensemble. Il y a beaucoup de jugement,
beaucoup de nuance. C'est du sur-mesure, ce n'est pas du mur-à-mur.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, M. le ministre.
M.
Blais : Dans le fond, on est au coeur d'un des défis que nous avons
dans ce projet de loi là. Moi, j'ai commencé à faire une petite tournée, là, des centres locaux d'emploi, donc, où on
retrouve des intervenants. Ils nous disent : Écoutez, faites-nous confiance, faites-nous confiance, dans
notre capacité professionnelle, d'appliquer ça de façon intelligente. On sait très bien, dans certains cas, avant la
mise en marche, ça peut prendre des mois, tout simplement parce qu'il faut
tracer, de la vie de la personne, des
problèmes divers. Mais, si on essaie de normer trop, du type : après deux
semaines, il doit arriver telle
chose, ou : s'il n'y a pas de nouvelles, ou il n'y a pas de réception d'un
appel téléphonique, ou un visite après un mois, il va arriver telle
chose, là on perd beaucoup, du point de vue de notre capacité d'intervention.
Alors, cet
équilibre-là... parce que je comprends que vous recherchez à ce qu'on soit un
peu plus descriptifs... oui, plus
explicites, pardon, dans le projet de loi, sur un certain nombre de choses,
mais, en même temps, vous reconnaissez qu'il
faut qu'il y ait une capacité d'évaluation par des professionnels de la
situation pour décider à quel moment exactement, là, on peut infléchir
ou changer la situation de la personne. Ce n'est pas évident, hein?
Mme Saint-Germain (Raymonde) : Oui,
mais, en même temps, pour nous, il paraît fondamental que la loi définisse la notion d'emploi convenable. Parce que
ça, si ce n'est pas bien défini — la notion aussi d'engagement et de respect — ça peut donner lieu à toutes les dérives
dans l'application, que ce soit pour des raisons budgétaires, que ce soit
en raison d'une mauvaise évaluation d'une
personne. Alors, ce sont des notions fondamentales, mais, oui, une marge de
manoeuvre dans l'application pour que le programme soit adapté. Le plan
d'intégration, il est fait en fonction d'une personne
qui a un nom, qui a un vécu, qui a des caractéristiques et non pas d'apte à
l'emploi, moins de 29 ans, là. Ça, ce n'est pas un profil, ça, ce
n'est pas suffisant.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Blais : Est-ce que je peux résumer votre position — hein, vous savez que les politiciens, on
aime ça résumer les positions des
autres — en
disant que vous ne considérez pas le projet de loi ou, disons, les grands
objectifs du projet de loi comme
étant en soi discriminatoires, mais que la pratique ou l'exercice et son
application pourraient l'être si on ne clarifie pas un certain nombre de
choses, dont celles que vous venez de mentionner?
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
M. le Président, la notion de discrimination, évidemment, relève beaucoup
de la Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse dans l'application de la charte. Pour nous, c'est
un enjeu surtout de respect d'une personne et de ses droits d'être accompagnée
vers l'emploi et de ne pas être sanctionnée injustement pour des conditions ou des manquements qui ne seraient pas
de sa volonté, qui échapperaient à sa capacité de bien faire... Parce qu'il y
aura des échecs, certainement. Il y aura des succès, mais des échecs aussi, et
des échecs... on peut dire qu'il y a
des échecs de bonne foi, la personne a donné tout ce qu'elle pouvait donner,
mais ça ne fonctionne pas. Et c'est
ça qui, dans ce projet, à mon avis, paraît être contraire au respect des droits
de la personne. Et surtout certaines sanctions
avec aucun recours, sinon un recours en considération interne, bien, peuvent
donner lieu à mettre des gens quasi dans
la rue, des compressions, vraiment, qui mènent au dénuement total. Alors, c'est
ça qui, manifestement, mérite qu'on regarde ça avec le plus grand
principe de précaution.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Blais : Je vais aller un petit peu plus loin. Est-ce que vous avez
examiné des pratiques ou des bonnes pratiques dans le domaine qui existeraient ailleurs, qui sait, même au Canada ou
ailleurs, et qui seraient peut-être
des modèles que l'on pourrait examiner davantage?
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Archambault.
Mme
Archambault (Marie-France) :
Écoutez, on a fait un tour de littérature, effectivement, et les avis
sont très partagés sur la question.
Il y a plusieurs études, c'est vrai, qui dénoncent le type de programmes
qui obligent des gens à adhérer à des
mesures d'emploi. Et, étant très sensibles à ces préoccupations-là, on a senti
le besoin, justement, de dire : Nous, on n'adhérera pas s'il y
a une application essentiellement coercitive. On est en faveur de mesures qui vont tout faire pour amener les gens à développer leur
employabilité, comme l'a dit Mme Saint-Germain, mais avec toutes les
balises qu'on
met dans notre proposition. On pense que cela éviterait, justement,
d'en arriver à des sanctions pour des gens. Ça, c'est une chose.
Par ailleurs, les études qu'on a examinées, plusieurs disent que ce genre de programmes
ne donnent pas les effets escomptés,
ne donnent pas d'effets... on ne peut pas conclure qu'ils sont efficaces. On ne
dit pas qu'ils ne sont pas efficaces, on
ne peut pas conclure, conclure qu'ils sont efficaces. Par ailleurs, il y a d'autres études où des expériences semblent
avoir donné certains résultats positifs, je pense à la Suède, au Danemark.
Je
pense qu'en fait il faut être très prudents quand on veut utiliser des
comparaisons avec ce qui se fait ailleurs dans d'autres Administrations. Il
faut tenir compte de tout le
contexte, de toutes les mesures sociales qui sont prévues dans chaque Administration. Voilà. Donc, je pense
qu'il faut qu'on regarde ce qui se passe au Québec,
quelle est la situation au Québec,
quels sont les besoins de la clientèle au Québec et aller vraiment en fonction
de ces besoins-là.
Le Président (M.
Cousineau) : Dernière question, M. le ministre, rapidement.
M.
Blais : Oui. En Suède, je pense qu'il y a la notion de contrat moral,
d'une certaine façon, c'est-à-dire qu'on finance de façon assez importante, financièrement, la personne, on lui
donne des possibilités, et il y a un contrat moral qui se dégage entre l'État et la personne. Puis
ça, vous ne considérez pas le résultat aussi important que le processus par
lequel c'est fait. Est-ce que, cette notion
de contrat moral, vous la reprenez de quelque façon dans votre vision des
choses?
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Oui. Je vais vous demander, Mme Archambault, encore
une fois.
Mme
Archambault (Marie-France) : Écoutez, je pense que, la façon, dont le
projet de loi est énoncé — mais, encore une fois, ça va être dans son application
qu'on va vraiment pouvoir se prononcer — tout devrait être basé, en principe, sur un engagement entre l'agent et le
participant. Évidemment, tout va dépendre de la façon dont on va arriver
à cet engagement-là. Il ne faudra pas que le
participant se sente contraint de signer un engagement parce qu'il risque de
perdre ses prestations. Encore une fois, ça
va dans l'application, dans la réglementation qu'on va pouvoir se prononcer
plus précisément là-dessus, mais, oui, on est conscients de la notion
d'engagement.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, Mme Archambault. Je vais
passer la parole à l'opposition officielle, au député de Saint-Jean. M.
le député, pour les neuf prochaines minutes.
M.
Turcotte : Merci, M. le Président. Merci à vous, Mme la protectrice, ainsi que
toute votre équipe, d'être avec nous ce soir. Avant de vous poser des questions
sur le projet de loi et sur votre mémoire...
Une voix :
...
M.
Turcotte : Est-ce qu'il y a
quelque chose? Non? Ça va? O.K. J'aimerais savoir, un
ordre de grandeur, là, le nombre de cas que vous avez à traiter
concernant l'aide sociale.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) :
Alors, M. le Président, la question concernant l'aide sociale précisément, je
vais laisser la parole, encore une fois, à Mme Archambault. Pour l'emploi,
je pourrai répondre ensuite.
Mme
Archambault (Marie-France) :
Il y a deux grands volets, effectivement, il y a vraiment l'aide sociale et la solidarité sociale. Et je ne vous cacherai pas que c'est le gros, gros
volume de plaintes que nous recevons, puis c'est tout à fait compréhensible
parce que les prestataires sont à la merci d'une décision de coupures de leurs
prestations pour un trop d'avoirs
liquides dans leurs comptes, un revenu qui, pourtant, n'est pas exclu. On sait
qu'un prestataire d'aide sociale a droit de gagner jusqu'à 200 $ par mois de travail, de revenus de
travail. Ce montant-là n'est pas... c'est-à-dire est exclu du calcul des prestations, mais certaines
personnes, sachant que ce montant est exclu du calcul des prestations,
pourraient penser que ce n'est pas
nécessaire de le déclarer, et effectivement on sait que c'est obligatoire de le
déclarer. Donc, ce qui fait que...
M.
Turcotte :
En termes de proportions par rapport à l'ensemble de vos...
• (20 heures) •
Mme Archambault
(Marie-France) : Je vous dirais que les plaintes en aide sociale et en
solidarité sociale constituent vraiment
le gros, gros volume de plaintes. Je vous dirais qu'on a à peu près
800 plaintes par année, par
rapport à une soixantaine de plaintes en employabilité.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député.
M.
Turcotte :
Est-ce que vous voyez... Est-ce que c'est stable dans les années, dans le
temps, ou il y a une recrudescence, ou il y a une diminution du nombre de
plaintes concernant l'aide sociale et la solidarité sociale?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Archambault.
Mme
Archambault (Marie-France) :
Règle générale, ça se maintient.
Évidemment, quand il y a un nouveau programme
qui est implanté, on observe tout de suite une recrudescence du volume de
plaintes dans le cadre de l'application de ce programme-là. Bon, évidemment, l'an dernier,
il y a eu les modifications au Règlement sur l'aide aux personnes et aux familles, et je ne vous cacherai pas que
cela a suscité un surcroît de plaintes chez nous, mais, bon an, mal an, on
est toujours dans ces proportions-là en
termes de volume de plaintes. C'est vraiment les mesures d'aide sociale qui
sont notre plus gros volume de plaintes.
M.
Turcotte : Et, en général, est-ce que ces plaintes-là, vous
les considérez comme fondées ou, après un traitement, vous vous
apercevez qu'elles ne sont pas fondées?
Mme
Archambault (Marie-France) : En général, je vous dirais que notre taux
de plaintes fondées, ce que l'on considère comme fondé, est autour de
30 %. Bon an, mal an, en aide sociale, c'est à peu près le taux qu'on
observe à chaque année.
M.
Turcotte : Vous mentionnez que vous souhaitez, comme
recommandation, de prendre véritablement en compte les besoins de chaque participant. Ça, c'est ce
que vous écrivez. C'est facile à dire, facile à écrire, mais ce n'est pas si
facile que ça à déterminer. Comment on peut
déterminer les véritables besoins de chaque participant? Comment on peut
faire ça?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : C'est la clé du succès. Le projet de loi
prévoit un plan d'intégration en emploi qui soit adapté, personnalisé. Alors, les agents d'emploi sont là pour
ça, connaissent le marché du travail connaissent le profil de chacune des personnes, doivent les
rencontrer. Ça, c'est très important, il faut avoir une rencontre, il faut
s'informer des besoins, de la
situation, faire l'arrimage avec l'écart... la volonté aussi des personnes. Ça,
c'est important. Le programme est
obligatoire, mais on ne peut pas mettre de côté la volonté, les intérêts, la
motivation, les aptitudes d'une personne. Alors, c'est tout ça qu'un agent d'emploi doit faire et après ça préparer un
plan d'intégration, un plan d'accompagnement qui mène éventuellement jusqu'à une intégration à l'emploi, et c'est ça qui
est modulé. À défaut... On ne peut pas faire ça autrement que personnalisé. Si ce n'est pas personnalisé, ça va être un
échec, d'où l'importance de cet accompagnement-là et des ressources
nécessaires au niveau des services d'emploi.
M.
Turcotte : Sur le terrain, on peut constater, étant députés,
et mes collègues pourront sûrement en témoigner s'ils le souhaitent... on voit une certaine tendance, avec le temps...
bon, une fermeture de centres locaux d'emploi dans différentes régions, une centralisation, du moins
une régionalisation. Sur le volet aide sociale, on voit que maintenant les
gens qui font une demande d'aide sociale ne
rencontrent pas un agent, là, c'est par téléphone ou par Internet, ce n'est pas
toujours le même agent. Quelqu'un qui veut
avoir une information ou qui veut valider des éléments sur sa demande, où
elle en est, c'est en fonction du centre... je ne me souviens plus du nom
exact, là, mais on va l'appeler le centre de...
Une voix :
...
M.
Turcotte : Hein, pardon? Non, pas le centre local d'emploi,
mais le centre téléphonique, là... peu importe, là. Donc, on appelle là, puis là on a un agent au bout du fil, puis ce
n'est pas l'agent qui est dans notre dossier, notre dossier, bon, il est ailleurs, le dossier physique n'est
pas nécessairement au centre local de proximité, hein, de la personne. Donc,
je vous écoute, je comprends qu'il y a une
nuance aussi entre les agents d'aide sociale puis un agent d'employabilité. Ça,
on comprend tous ça. Mais comment on peut
assurer un suivi puis une évolution quand la personne n'a pas son lien de
confiance avec son agent? Quelqu'un qui...
Ce n'est pas en une rencontre qu'on peut déterminer les véritables besoins
d'une personne, la complexité des cas, vous
l'avez mentionné, mais d'autres groupes l'ont mentionné, où les gens, bon,
peuvent avoir différentes facettes, différentes problématiques. Ce n'est pas
vrai que quelqu'un va arriver dans un bureau
puis dire : Ah! moi, je suis toxicomane, j'ai ci, j'ai ça comme problème,
puis voici, en toute ouverture. Non, ça prend un certain lien de confiance, hein, qui se crée. Donc, je suis
curieux de vous entendre. Comment on peut vraiment avoir un bon portrait de la personne puis de
l'aider dans son cheminement quand on
n'a pas toutes ces informations-là?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Saint-Germain, il reste deux minutes.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : M. le Président, je veux quand même attirer l'attention sur la recommandation 10,
qui va un peu dans l'esprit de ce que vous soulevez,
c'est qu'il faut que le ministère s'assure que les budgets alloués aux mesures et services offerts dans le cadre du
programme Objectif emploi soient suffisants. Il y a
aussi d'autres programmes au ministère.
Objectif emploi remplacera Alternative jeunesse, mais il y a quand même d'autres types de programmes, des mesures de formation, programmes d'aide et
d'accompagnement social qui peuvent aussi servir. Il y a des intervenants
externes qui doivent venir appuyer le travail
des agents d'emploi. Il y a tout un enjeu aussi de services sociaux, qui...
encore là, plus il y a des
compressions, moins le service est accessible. Alors, c'est quand même une
chaîne de services et c'est vraiment
essentiel que cette chaîne-là puisse agir de manière adaptée pour, justement,
que la personne se sente comprise, que
le programme va bien avec elle, que le programme est vraiment adapté et qu'il
va durer le temps qu'il faut et qu'elle ne sera pas sanctionnée, pénalisée. Ce n'est pas dans un processus qui
doit mener à un jugement négatif, mais au contraire à un accompagnement le temps qu'il le faut par les
moyens qu'il faut. Alors, c'est là un enjeu important, effectivement.
M.
Turcotte :
J'ai mentionné qu'il y a plusieurs programmes. D'autres groupes nous ont
interpellés en nous disant que,
souvent, il y a un cloisonnement entre les différents programmes. Qu'est-ce que
vous pensez de ce cloisonnement? Est-ce qu'on devrait pouvoir permettre une
mixité de programmes pour répondre à un cas qui est multiple, hein, ou des
réalités multiples d'une personne?
Le Président (M.
Cousineau) : 40 secondes.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : L'enjeu du cloisonnement avec les
programmes, ça, on l'a moins documenté. Ils sont spécialisés, mais on
peut avoir accès à des programmes de façon concomitante. On a plus mesuré
l'enjeu du cloisonnement entre des organismes publics, des services de santé
qui ne sont pas accessibles. Les psychologues, les travailleurs sociaux, il n'y
en a pas suffisamment. C'est plus ça que nous avons mesuré.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. le député de
Saint-Jean. Je passe maintenant la parole au député de Drummond—Bois-Francs pour les six prochaines minutes.
M.
Schneeberger : Merci beaucoup, M. le Président. Alors,
bonsoir. Avant de commencer, j'aimerais... puis c'est un peu une
nouvelle notion, on en a peut-être déjà parlé, mais, vraiment, vous en parlez
vraiment plus que les autres. Premièrement,
je voudrais aussi vous féliciter pour votre mémoire. Il est très bien fait,
avec des bonnes remarques, et autres, c'est bien.
Quand
vous parlez de contraintes sévères non reconnues... Et je pense que c'est
vraiment là le point, là, fort du projet
de loi, c'est-à-dire qu'on oblige, on parle d'obligation de suivre ou de
recherche d'emploi pour les personnes qui sont aptes à l'emploi, mais là vous dites «des contraintes sévères non
reconnues», et là c'est important, là. J'aimerais ça vous entendre
là-dessus, là, plus largement.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Saint-Germain.
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Je vais simplement débuter pour dire que nous recevons
des plaintes là-dessus, et que les personnes
qui vont arriver à l'aide ne sont pas nécessairement connues, et ce n'est pas
parce qu'en apparence il n'y a pas de
contrainte sévère qu'il n'y en a pas. Et je vais laisser Mme Archambault
parler de certains types de plainte
et de situation, là, que nous avons dans des dossiers concrets, là, des
visages, des noms, des personnes précises.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Archambault.
Mme
Archambault (Marie-France) : Je vous dirais qu'un nombre important de
plaintes qu'on reçoit, ce sont les
délais à se faire reconnaître des contraintes temporaires, mais surtout des
contraintes sévères à l'emploi. Donc, on peut très bien imaginer la personne qui fait sa première demande d'aide
sociale, qui, à première vue, se fait considérer comme n'ayant pas de contrainte parce qu'elle n'a pas de
diagnostic médical, elle rencontre un agent d'emploi et, idéalement, pour reprendre l'idée que Mme Saint-Germain a
commencé à développer tout à l'heure, un groupe — on voit vraiment ça comme un groupe — d'intervenants, l'agent d'emploi avec des
intervenants de l'extérieur aussi pour évaluer vraiment le profil de la personne. S'il n'y a pas ça, s'il
n'y a pas cette évaluation qui est bien faite, une personne qui pourrait avoir
une contrainte, que ce soit médical ou des
problèmes de comportement qui font qu'elle est inemployable ou même incapable
d'aller dans une formation, bien, c'est
certain qu'elle risque de se trouver coincée et obligée d'aller vers la mesure
d'emploi.
Je reviens à la
question de la reconnaissance des contraintes sévères. Ça, c'est effectivement
un problème, actuellement, qu'on constate
souvent. On a beaucoup de plaintes, comme je le disais tout à l'heure, des gens
qui... ça fait deux ans, trois ans
qu'ils envoient des rapports médicaux, on leur donne des contraintes
temporaires, on renouvelle les contraintes
temporaires et, au bout de trois ans, finalement, on leur reconnaît la
contrainte sévère qu'ils avaient depuis longtemps, mais que le comité d'évaluation médicale ne reconnaissait
pas. Alors, ça, ça place les gens dans des situations parfois très
difficiles parce qu'ils se sentent un peu ostracisés. Ils se disent : Bien
là, moi, je suis à l'aide sociale, je voudrais...
on me dit que je devrais travailler, moi, je sais que je ne suis pas capable.
Et c'est des situations que l'on constate régulièrement et c'est ça qu'il faudrait éviter lors d'une rencontre
d'évaluation avec quelqu'un qui fait une première demande. Il faudrait
vraiment que le portrait global de la personne soit évalué. Voilà.
• (20 h 10) •
M.
Schneeberger : Ce que vous dites, c'est qu'il faut vraiment
faire un bon portrait, une bonne situation médicale ou autre, mais par contre avec beaucoup plus de
rapidité. Parce que ça met dans des états précaires financièrement beaucoup
de personnes, puis ça, je peux vous
l'accorder. J'ai régulièrement des cas, à mon bureau, qui viennent nous voir,
puis on parle... Peut-être je
voudrais demander les délais. Moi, j'en ai quelques-uns à vous donner. Mais,
dans votre cas, peut-être étant donné que...
Mme Archambault
(Marie-France) : Ça se compte parfois en années, effectivement.
M.
Schneeberger :
Oui, c'est ça. Moi, j'avais un 18 mois. C'est long, c'est long quand tu
vis avec quelques centaines de dollars par mois, là.
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Incidemment, M.
le Président, les bureaux des députés de toutes les formations, vous pouvez nous référer des dossiers, qu'on
traite avec, vraiment, la bonne collaboration du ministère, là. Mais le lien
entre ces délais, et cette évaluation qui va
par étape, et la sanction, si on dit : La personne n'est pas évaluée sans
contrainte sévère, refuse de
travailler et que, là, il y a la sanction 50 %, aucun recours, il y a là
un enjeu qui est très préoccupant. Et,
au lieu d'accompagner et d'intégrer vers l'emploi, on risque de créer des
décrocheurs, là. Alors là, c'est un enjeu majeur.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député.
M.
Schneeberger : Oui. Tantôt, vous mentionniez qu'il fallait
absolument définir les règles, les critères au niveau d'un emploi convenable. Est-ce que le salaire
devrait faire partie des critères de la notion d'un emploi convenable? Et je
parle ici pas être payé en bas du salaire minimum, là, ce qui est contraire à
la loi, mais je veux dire vraiment, tu sais, admettons que quelqu'un pourrait refuser
un emploi à 16 $ de l'heure parce que, selon lui, ça ne lui convient pas.
Le Président (M.
Cousineau) : 40 secondes.
Mme Saint-Germain
(Raymonde) : Bien, c'est certain que la personne doit avoir un
incitatif financier pour travailler. Ce n'est
pas le seul facteur de valorisation, le salaire, mais c'est quand même un
facteur qui est important. Mais c'est
surtout que, si l'emploi convient à la personne, et qu'elle est correctement
évaluée pour pouvoir le faire, et que l'emploi est convenable, bien, l'enjeu n'est pas d'abord le salaire, l'enjeu est
un emploi convenable, motivant et bien rémunéré.
M.
Schneeberger :
O.K. Ça va. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Cousineau) : Voilà. Merci, M. le député de
Drummond—Bois-Francs.
Je vais passer la parole maintenant à la députée de Gouin pour les trois
prochaines minutes.
Mme
David (Gouin) : Merci, M. le Président. Mesdames, bonsoir. D'abord, je
confirme, comme députée, qu'il y a pas
mal de personnes à l'aide sociale qui viennent nous voir, qu'elles sont aux
prises avec des problèmes vraiment dramatiques
de délais indus, de refus de donner certains parcours, de refus d'Emploi-Québec
de les laisser terminer leur secondaire alors qu'elles ne demandent que
ça. Il y a vraiment des choses bizarres qui se passent en plus des cas que vous avez mentionnés, et vous nous aidez beaucoup.
Moi, je veux vous remercier parce que, vraiment, sans vous, il y a des
moments où, franchement, on serait un petit peu démunis. Donc, merci.
En
fait, premièrement, je voudrais dire qu'en 2005 le projet de loi
n° 57 — faisant
suite à un plan d'action de 2004, faisant
suite à l'adoption de la loi n° 112, loi-cadre contre la pauvreté et
l'exclusion sociale — a adopté
le principe d'une prestation minimale
pour toute personne assistée sociale en bas de laquelle on ne pouvait aller à
moins qu'il y ait eu fraude, évidemment,
bon, ça, c'est clair. Donc, on s'entend pour dire que le changement proposé,
qui est l'introduction d'une conditionnalité
dans la réception de la totalité du chèque d'aide sociale, est un changement
majeur. Vous ne vous objectez pas à
ce changement, mais vous mettez énormément de conditions à son application,
conditions qui, pour l'instant, à vous entendre,
ne sont pas réunies, puisqu'on fait si souvent appel à vos services. Ne
serait-il pas plus simple de commencer par
répondre à tous les besoins que les gens expriment, tous ces gens qui veulent
participer, qui veulent, tu sais, suivre des parcours avant de s'en
aller vers des sanctions très punitives?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Saint-Germain.
Mme
Saint-Germain (Raymonde) : Dans un premier temps, je veux témoigner
que l'équipe du Protecteur du citoyen
est vraiment dédiée et formidable, et je vois des noms et des visages de personnes qui aident tous les jours.
Alors, je vous remercie de vos commentaires et je vais les leur
transmettre, quoique probablement que ça se fait en direct.
L'élaboration de notre mémoire a donné lieu à plusieurs échanges virils, même, je
dirais, entre femmes, ça a été... puis
il y a des hommes du bureau qui étaient là aussi. Ce n'est pas si simple que
ça. Par contre, vous voyez toutes nos réserves face aux sanctions, et on dit : Au fond, la
sanction devrait être ultime et liée à la mauvaise foi. Mais, en même temps, le
besoin d'un programme comme Objectif emploi,
si ça peut se faire, si, si, si — c'est
pour ça qu'on veut plus de garanties dans
la loi — s'il y a
cet accompagnement, s'il y a cette chance de finir son secondaire,
s'il y a cette chance d'avoir une formation
dans un domaine où la personne est intéressée, a des aptitudes et peut se
trouver un emploi et devenir autonome, on se dit : Ce serait vraiment
très bien.
Ce
qui nous préoccupe face à la sanction, vous y avez référé, c'est qu'au fond le projet de loi vient rétablir une capacité
de sanctionner qui n'était plus dans la loi depuis 2005. Ça, il faut bien le
reconnaître et il ne faut pas que ce soit l'objectif premier. Que cette
sanction-là, lorsqu'elle est pertinente dans les cas de fraude ou de mauvaise
foi réelle, amène à ce que des gens
ne soient pas admis au programme ni à l'aide sociale si ce sont des
situations abusives, c'est une chose, mais
que ça devienne presque la conséquence de situations qui n'auront pas
fonctionné en dépit de la bonne volonté, ça, pour moi, c'est vraiment
inacceptable, et c'était la conclusion de notre présentation.
Le
Président (M. Cousineau) : Je vous remercie beaucoup, Mme Saint-Germain, pour votre mémoire, et
puis les gens qui vous accompagnent,
les personnes qui vous accompagnent. C'est toujours un très grand plaisir
de vous recevoir.
Alors, je suspends
pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 20 h 17)
(Reprise
à 20 h 19)
Le
Président (M. Cousineau) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux et nous
recevons la Confédération des
organismes de personnes handicapées du Québec. Bienvenue à notre commission parlementaire. Alors, comme
le groupe précédent, vous avez 10 minutes de présentation, et par la suite
nous passerons à la période de
questions. Alors, vous vous
présentez, et puis on vous laisse les 10 minutes qui viennent.
Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
M. Lavigne (Richard) : Merci, M. le Président. Alors, à ma gauche, il y a
Mme Audrey-Anne Trudel, qui travaille à la COPHAN, qui est responsable du dossier dont on va parler ce soir,
et moi, je suis Richard Lavigne, et on dit que je suis directeur général
de la COPHAN.
Considérant que je
n'ai pas une très bonne mémoire visuelle, j'aimerais ça savoir qui est autour
de la table. Pour moi, j'aimerais ça savoir parce que, si j'ai le goût de
parler contre quelqu'un, je veux m'assurer qu'il est là.
• (20 h 20) •
Le Président (M.
Cousineau) : Bien, écoutez...
Une voix :
...
M. Lavigne
(Richard) : Ah! il est là.
Le
Président (M. Cousineau) : Oui. Mais, en face de vous, vous avez le président, qui est le député de
Bertrand, et
vous avez, à ma droite, le ministre,
le ministre qui est responsable du
dossier, ainsi que les parlementaires du Parti
libéral, et, en face, les parlementaires du Parti québécois, et de la CAQ, ainsi que la députée indépendante, Mme la députée de Gouin. Mon Dieu!
M. Lavigne (Richard) : Oui, O.K. Ça ne m'en dit pas tellement long parce que
je savais qu'il y avait les libéraux, puis le PQ, puis la CAQ, puis Québec
solidaire. Ça, je
le savais, M. le Président. J'aurais aimé ça savoir, mais on perd du
temps, on perd du temps.
Le Président (M.
Cousineau) : Oui, mais, si vous voulez, pour vous aider, je
vais permettre aux gens de se nommer, et leur comté, et leur nom. Je vais
permettre ça.
M. Lavigne
(Richard) : Oui, s'il vous plaît, puis après ça, bien, on pourra
commencer notre mémoire.
Le Président (M.
Cousineau) : Bien, d'accord. Alors, nous allons commencer avec M.
le ministre.
M. Blais :
Alors donc, bonjour, M. Lavigne. François Blais, député de Charlesbourg.
M. Lavigne (Richard) :
Bonjour.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme la députée.
Mme Sauvé :
Ah! excusez-moi. Monique Sauvé, députée de Fabre.
M. Polo :
Saul Polo, député de Laval-des-Rapides.
M. Hardy :
Guy Hardy, député de Saint-François.
M. Poëti :
Robert Poëti, député de Marguerite-Bourgeoys.
M. St-Denis :
Yves St-Denis, député d'Argenteuil.
M. Drolet :
André Drolet, député de Jean-Lesage.
Le Président (M.
Cousineau) : Et, de l'autre côté, madame...
Mme David
(Gouin) : Françoise David, députée de Gouin, bonjour.
M.
Schneeberger :
Sébastien Schneeberger, député de Drummond—Bois-Francs.
M.
Turcotte :
Dave Turcotte, député de Saint-Jean.
Le Président (M.
Cousineau) : Et moi-même, Claude Cousineau, le député de Bertrand
et le président de la commission. Alors, on vous laisse...
M. Lavigne
(Richard) : O.K., on
part le meter. Bien, la COPHAN, la Confédération des organismes de personnes handicapées, c'est un regroupement
de 65 organismes de toutes les régions et qui représente toutes les
limitations fonctionnelles, et notre job,
bien, c'est d'essayer de faire la promotion des intérêts et la défense des
droits des personnes qui ont
des situations de handicap.
Parmi les gens
qu'on représente, il y en a qui travaillent puis il y en a pas mal qui ne
travaillent pas. Puis, parmi celles
qui travaillent, bien, comme de raison, il y en a qui sont à temps plein dans
des fonctions qui correspondent à leurs aspirations, à leur formation, à leurs intérêts puis il y en a d'autres
qui occupent des emplois qui ne correspondent pas à leur formation ni à leurs aspirations, puis encore
moins à leurs intérêts, mais ils travaillent quand même. Pourquoi? Dans beaucoup de cas, c'est parce que ces gens-là ne
sont pas capables de se faire embaucher dans le domaine qui les intéresse
ou ils font face à, je dirais, des barrières
au niveau de l'organisation du travail, notamment, qui les empêchent de progresser.
Celles qui ne travaillent pas, bien, ça, il y en
a qui ont des contraintes à l'emploi, des contraintes sévères à l'emploi — mais
je pense que vous connaissez ça — il y a des gens qui vivent de l'aide
sociale, qui n'ont pas de contraintes
reconnues, ou qui ont des contraintes
temporaires, ou qui, par leur vécu, se trouvent à avoir des contraintes... ils
ont des responsabilités soit familiales ou autres, mais ce n'est pas
reconnu comme des contraintes sévères à l'emploi, O.K., il y en a qui
touchent de la RRQ, divers régimes de revenus, puis malheureusement il y en a un bon paquet qui sont... ici, c'est marqué «qui dépendent», moi, je dis qu'ils sont
obligés de vivre aux crochets de leur conjoint parce que, même s'ils ne
travaillent pas, ils ont un conjoint qui
gagne, souvent, un petit salaire, mais, compte tenu des règles, bien,
ils n'ont pas droit à l'aide sociale. Alors, le conjoint à petit salaire, souvent, il sert de bailleur de
fonds, souvent d'aidant naturel dans le
maintien à domicile, etc. Alors, ça, c'est le portrait. Et il y en a
qui sont obligés de cesser de travailler parce qu'ils doivent
prendre soin de leur famille.
Avant de laisser la parole à ma collègue,
simplement vous dire de façon très précise, là, qu'il est temps qu'au Québec
on réfléchisse à une chose, c'est qu'il
y a des gens qui sont trop loin du marché du travail. Malgré ce qu'on a essayé de
faire depuis 30 ans, il y en a qui seront toujours trop loin. Il faut qu'à un moment donné on en parle, de ces gens-là, qu'on
trouve des moyens de les sortir de la pauvreté une fois pour toutes. Et ça,
c'est une déclaration qu'on fait, là. On n'est pas les premiers qui le disons, mais on veut ajouter notre voix à
ceux qui le disent. C'est fini, à un
moment donné, de se mettre la
tête dans le sable. Il faut qu'on trouve des solutions.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Trudel.
Mme Trudel (Audrey-Anne) : Oui,
bien, simplement mentionner, pour compléter, que c'est très difficile de chiffrer le nombre de personnes qui font partie de
ces catégories-là parce qu'on dispose de très peu de données au sujet des personnes qui ont des limitations
fonctionnelles, et, lorsque ces données existent, elles sont souvent très
disparates, manquent d'uniformité, donc sont peu utilisables aux fins de
comparaison.
Concernant
le projet de loi n° 70 dans son ensemble, la COPHAN considère que ce projet de loi incarne deux préjugés, le premier étant que la pauvreté est un choix.
Donc, en adoptant une approche coercitive, le gouvernement envoie le message
qu'il considère que ces personnes préfèrent
vivre de l'aide sociale plutôt que de travailler. Le deuxième préjugé qui est
incarné par le projet de loi n° 70 est
celui voulant que les personnes ayant des limitations fonctionnelles ne
puissent pas ou ne veulent pas
travailler. Et la COPHAN constate que la vision qui est véhiculée par ce projet
de loi entre en contradiction avec
d'autres actions du gouvernement, notamment la consultation solidarité et
inclusion, qui vient de se terminer, ainsi que la Stratégie nationale
pour l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées.
Je vais
commencer par les modifications à la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la
Solidarité sociale et sur la Commission
des partenaires du marché du travail. Premièrement, concernant les plans
d'action qui sont prévus au projet de
loi, la COPHAN voit d'un très bon oeil l'obligation qui est donnée au ministre
de produire un plan d'action annuel en
matière de main-d'oeuvre et d'emploi. Cependant, afin de s'assurer que les
personnes qui ont des limitations puissent bénéficier des retombées de ces plans d'action là, il faut s'assurer que
les membres de la Commission des partenaires du marché du travail ainsi que le ministre puissent bénéficier d'une
expertise par rapport aux enjeux spécifiques reliés aux personnes qui ont des limitations fonctionnelles.
Donc, pour ce faire, le processus de consultation doit prévoir une interface
qui permet une interaction avec le milieu communautaire des personnes ayant des
limitations fonctionnelles, notamment la COPHAN.
Deuxièmement,
le projet de loi n° 70 ajoute à la commission la fonction de formuler des
recommandations à divers ministères
en vue de répondre aux besoins du marché du travail, ce marché du travail qui,
rappelons-le, a deux composantes, donc
les entreprises et les travailleurs, donc une offre et une demande. Et
malheureusement la commission, dans sa composition actuelle, ne permet pas de refléter cette réalité,
car elle ne permet pas une représentation adéquate des personnes qui sont précisément visées par le projet de loi
n° 70, c'est-à-dire les personnes qui peuvent travailler, mais qui, pour
une raison ou pour une autre, ne sont pas en emploi, dont les personnes
en situation de handicap. Et la COPHAN croit que ces personnes doivent avoir
accès à un espace pour défendre leurs intérêts et exprimer leurs suggestions.
Juste un
petit point, rapidement, concernant la gratuité des services. La COPHAN se
questionne concernant la proposition
d'ajouter l'article 3.2 à la loi, un article qui nous semble mettre en jeu
la gratuité des services, une chose avec laquelle nous sommes totalement
en désaccord.
Je vais
passer maintenant au programme Objectif emploi. La COPHAN saisit l'intérêt de
ce programme et est tout à fait
d'accord avec le fait d'accorder des mesures incitatives aux personnes qui
décident d'entreprendre des démarches d'employabilité afin de ne plus dépendre de l'aide
sociale. C'est, selon nous, un moyen efficace pour contrer l'éloignement
du marché du travail. Par contre, afin
d'être pleinement cohérent avec les autres actions gouvernementales en matière
d'emploi, le programme Objectif emploi
devrait être ouvert à toutes les personnes, y compris les personnes qui
bénéficient du Programme de
solidarité sociale, donc celles qui ont des contraintes sévères à l'emploi. Eu
égard au droit à l'égalité et au
devoir d'accommodement raisonnable qui est protégé par les chartes, ces
personnes qui ont des limitations devraient avoir un accès égal à ce programme et aux avantages qui y sont reliés.
Partant de l'idée que le programme devrait être ouvert à tous, la COPHAN
rejette le caractère obligatoire de ce programme et considère que les personnes
devraient pouvoir y participer sur une base
volontaire. En effet, les circonstances individuelles des personnes en
situation de handicap, notamment
relativement au transport, au logement accessible, qui est difficile à trouver,
au besoin de congés pour réadaptation, rendez-vous
médicaux, etc., font en sorte que les exigences actuelles du programme
pourraient être difficiles à rencontrer pour ces personnes.
Finalement,
j'aimerais aborder les modifications à la Loi sur l'aide aux personnes et aux
familles. LA COPHAN salue la
possibilité qui est accordée au ministre de prévoir des assouplissements à
certaines règles applicables aux prestataires du Programme de solidarité sociale en ce qui concerne les biens et
l'argent reçu par succession. Par contre, la COPHAN considère que cette restriction est arbitraire et
que la possibilité de prévoir des assouplissements aux règles de l'aide sociale
devrait s'étendre à d'autres situations.
Cette réflexion-là nous vient du fait que les personnes en situation de
handicap doivent assumer des dépenses
supplémentaires qui sont liées aux situations de handicap, notamment défrayer
des coûts relatifs aux aides techniques
qui sont non couvertes par les programmes ou encore à des médicaments qui sont
non prescrits mais obligatoires, et,
pour assumer ces coûts supplémentaires, les personnes doivent trouver des fonds
en provenance de diverses sources extérieures, notamment des dons
provenant de leurs proches ou de fondations. Or, sous le régime actuel, une personne ne peut recevoir plus de 100 $ sans
voir sa prestation totalement coupée. Soulignons que la même règle du
100 $ s'applique concernant les
revenus d'emploi, ce qui empêche les personnes qui ont une contrainte sévère à
l'emploi, qui peuvent et qui veulent le faire, de travailler quelques
heures par semaine pour améliorer leur sort.
Finalement,
un peu en marge du projet de loi, nos membres ont soulevé à plusieurs reprises
que les modalités du Programme de
solidarité sociale relativement au conjoint de fait posent problème. On pense
que le calcul du montant des prestations
ne devrait pas tenir compte du revenu du conjoint lorsqu'ils vivent sous le
même toit parce que ça revient à nier l'autonomie
financière des personnes qui ont des limitations en leur imposant une situation
de dépendance vis-à-vis de leur
conjoint, qui est une logique qui, selon nous, relève d'une autre époque et
fait en sorte que plusieurs personnes qui ont des limitations font le
choix de ne pas avoir de vie affective ou amoureuse ou de ne pas faire vie
commune avec leur partenaire pour éviter de voir leurs prestations coupées.
Donc, en
gros, le message que la COPHAN souhaite véhiculer, c'est que, pour la plupart,
les personnes qui ont des limitations
fonctionnelles ont la volonté de travailler et qu'elles sont en mesure de le
faire à condition qu'on leur apporte le soutien nécessaire.
• (20 h 30) •
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, Mme Trudel puis
M. Lavigne. Nous allons maintenant passer à la période de
questions. Alors, nous allons débuter avec M. le ministre, avec
14 min 30 s.
M.
Blais : Oui, alors, merci beaucoup pour la présentation. Je vous
écoutais tous les deux et puis je me disais : Visiblement, il y a probablement une évolution
dans la réflexion sur ces questions-là. À la fin des années 60, on a créé
le Programme d'aide sociale. À l'époque, on
voulait unifier une série de programmes catégoriels d'assistance aux mères
nécessiteuses, aux aveugles — hein, M. Lavigne, ça s'appelait comme
ça — et
d'autres. Donc, on voulait unifier ça. On appelait même ça un revenu minimum garanti à l'époque. C'est une forme,
là, de revenu minimum garanti parce qu'on voulait vraiment coordonner ça
et, bien sûr, c'était essentiellement pour les personnes... aujourd'hui on
appelle ça contraintes sévères à l'emploi,
mais inaptes. Et on ne pensait pas qu'il y aurait autant de personnes aptes au
travail qui iraient sur ce programme-là au début. Au début, il y a eu
jusqu'à 70 % de personnes aptes au travail à l'aide sociale. Aujourd'hui,
c'est en diminution, c'est autour, peut-être, de 60 %, là, si ma mémoire
est bonne.
Est-ce que
vous êtes en train de nous dire qu'il faut changer notre mentalité par rapport
à la notion de contraintes sévères à
l'emploi? Est-ce que ça signifie qu'il y a des gens, aujourd'hui, qui ont des
contraintes sévères à l'emploi qui sont disponibles et intéressés par le
marché du travail et peut-être beaucoup plus qu'on ne le croit?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Lavigne.
M. Lavigne
(Richard) : Oui, bien, je
pense que vous avez raison. Contrairement à ce que vous venez de dire, nous, on considère que les gens qui sont sur l'aide sociale, on ne parle
pas des gens, là... Souvent, quand ça fait plusieurs années qu'on est sur l'aide sociale, qu'on soit reconnu ou
non, on finit par en développer, des contraintes à l'emploi. C'est le mot «sévères», là, à un moment donné, ça a été un
choix qui a été fait, là. On ne refera pas l'histoire aujourd'hui. Ce que je peux vous dire, c'est que,
parmi le monde qu'on représente, il y en a qui ont des véritables
contraintes majeures à l'emploi qui ne
pourront pas travailler. Ça, il faut le dire, là. Ça, ces gens-là, il faut qu'on
trouve une manière de les sortir du
carcan de la pauvreté en ouvrant un certain nombre de choses, et ça, il faut en
discuter. Il faut arrêter d'avoir peur d'en parler.
Pour les
autres, les personnes qui ont des limitations, il y en a qui ne sont pas reconnues
comme ayant des contraintes sévères à l'emploi, les gens qui ont des
problèmes de santé mentale, par exemple, les personnes sourdes, certaines limitations qui ne sont pas reconnues, notamment
la fibromyalgie et d'autres. C'est gens-là, ils ont des contraintes, mais
ils ne sont pas reconnus. Ça fait que c'est
pour ça qu'à un moment donné les chiffres... Quand on disait qu'on voulait des
chiffres tantôt, il
faut qu'on fasse un peu un ménage là-dedans. Puis effectivement, dans la gang
dont on parle, de contraintes sévères
à l'emploi ou de contraintes sévères non reconnues, la majorité, si on exclut
ceux qui ne sont pas capables, là, ils voudraient bien travailler, mais c'est
parce qu'à un moment donné ça ne marche pas pour toutes sortes de raisons,
hein? Les programmes de soutien au salaire
sont insuffisants, les entreprises, pour toutes sortes de raisons, refusent
encore. Et les gens, quand on les maintient dans l'inactivité, ils en
développent d'autres, contraintes.
Alors,
vous avez raison, peut-être qu'on devrait revoir ça, mais je crois que la
contrainte doit être toujours présente dans
l'esprit des gens qui revoient les programmes parce que c'est vrai qu'il y a
des contraintes. Il y a toutes sortes de manières de répondre à une contrainte, à le laisser chez eux à ne rien
faire ou à lui donner toute la chance qu'il faut pour qu'il aille
travailler.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci. M. le ministre.
M.
Blais : Oui, merci. Vous
avez dit : Finalement, il y a des gens qui ont développé des contraintes parce que leur
capital humain, avec le temps, s'est déprécié, hein? Ils sont à l'extérieur du marché du travail et puis, bon, ils sont dans une logique de vie tout à fait différente de celle du marché du travail. Et donc c'est un peu le programme
lui-même qui a créé ça, là,
une forme de dépendance.
Je reviens maintenant
au projet de loi. Vous comprenez bien que l'intention — il y
a les moyens et il y a l'intention — c'est
d'éviter que des personnes, hein, aillent à l'aide sociale si, justement,
elles ont un potentiel et une capacité de ne pas y aller si on investit rapidement
sur elles, hein, sur leur capital humain, que ce soit par la formation ou par l'occupation d'un emploi. Donc, l'intention, ce
n'est pas porteur d'un préjugé. Parce que moi, je ne vous ai pas dit tout
à l'heure que vous aviez un préjugé en
disant qu'il y a des personnes qui, trop longtemps à l'aide sociale, déprécient
leur capital humain. Alors, il n'y a
aucun préjugé à penser que, si, hein, on pousse les gens, on s'assure, là,
qu'ils soient dans une démarche le plus possible volontaire, mais que
cette démarche-là, elle est nécessaire pour ne pas que leur capital humain se
déprécie de façon définitive, il n'y a pas de préjugé non plus de penser ça,
hein?
M. Lavigne (Richard) : Parce que, nous, quand on parle de préjugés,
c'est qu'on regarde ce qui est écrit. D'un côté, il y a du monde qui sont exclus du programme, là — vous me pardonnerez, le nom, je ne me le
rappelle plus, là, du programme — ...
Une voix :
Objectif emploi.
M. Lavigne
(Richard) : ...Objectif emploi, des gens sont exclus. Les personnes
qui sont reconnues ayant des contraintes,
là, on est exclus de ça. Pourquoi qu'on les exclut, ces gens-là? Est-ce que
c'est parce qu'on va trouver d'autres choses
ou c'est parce qu'on pense qu'on ne peut pas? Puis, d'un autre côté, on oblige
d'autre monde... Là-dedans, il y a des
gens qui ont des contraintes à l'emploi. La majorité, selon nous, a des
contraintes. Est-ce que c'est mineur, majeur, ça, c'est une autre question. Et on dit : Si tu
ne fais pas ce qu'on te dit, tu vas perdre de l'argent. Alors, c'est
qu'autrement dit, si tu ne fais pas
ce qu'on te dit, tu veux être pauvre, donc tu choisis d'être pauvre. C'est dans
ce sens-là que nous, on a compris que c'était possiblement porteur de
préjugés.
Mais,
pour notre gang à nous, lorsqu'on voit que c'est impossible, dans l'état des
choses actuel, si la loi n'est pas changée,
que quelqu'un qui est reconnu contraintes sévères à l'emploi puisse bénéficier
d'un programme et des avantages qui
viennent avec, ça, pour nous, c'est porteur d'un préjugé très... À moins qu'on
ne comprenne rien, ce qui est possible, là. Mais ce qu'on comprend, nous, c'est que c'est porteur de préjugés et ça
va à l'encontre de la stratégie sur l'emploi — qu'on attend toujours, d'ailleurs, M. le ministre, là — et ce qu'on vient de finir comme exercice,
sur toute la question de la lutte contre
l'exclusion, et tout ça, là, la lutte à la pauvreté. C'est parce que, dans ces
documents-là, notamment le dernier, on en
parle, des personnes qui ont une limitation fonctionnelle. Ce n'est pas qu'on
n'en parle pas, là, c'est juste qu'à un moment donné il faut que ça se
tienne.
Puis
on pense qu'on pourrait travailler, là, non seulement dans une stratégie
particulière... Parce que ça, c'est une autre chose. Les stratégies
particulières, qui ne sont pas connectées sur les stratégies globales, ça
risque de maintenir des systèmes
parallèles, du monde du travail parallèle, des communautés parallèles, des
personnes à côté des autres. Nous, ce
qu'on pense, c'est que, si le ministre... dans la loi, ça fonctionne, là, les
plans d'action, puis tout ça, bien, allons-y, intégrons tout le monde, les gens qui sont défavorisés sur
l'emploi. Il y a, dans ces gens-là, des personnes qui ont une limitation
fonctionnelle. Je ne dis pas qu'on n'aura
plus besoin de stratégies particulières pour l'emploi des personnes handicapées,
mais la stratégie globale pour tout le monde pourrait être inclusive.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Blais : Est-ce que l'état des lieux actuel... Par exemple, pour une
personne qui a une contrainte reconnue, mais qui veut faire affaire avec Emploi-Québec, qui voudrait travailler, qui
sait, sur un projet de réinsertion à l'emploi, est-ce que c'est
possible? Est-ce qu'on leur ferme la porte, à ces personnes? Est-ce qu'on leur
dit : Écoutez, non, vous avez une contrainte sévère à l'emploi, vous
n'êtes pas prioritaire? Comment ça se vit, là, sur le terrain?
M. Lavigne (Richard) : Si une personne qui a des contraintes sévères à l'emploi, qui a des
limitations fonctionnelles va à
Emploi-Québec, la première chose qu'on fait, c'est qu'on l'envoie dans un
service spécialisé : Merci, monsieur,
vous êtes aveugle ou bien vous avez une déficience, on ne connaît pas ça, nous,
allez-vous-en dans le service de main-d'oeuvre spécialisée. Ça, c'est la
première chose. Ça, ça devrait peut-être, à un moment donné, être réfléchi.
M. Blais : ...une
bonne chose? Je vous écoute, j'essaie de mesurer, là, si c'est bien ou pas,
puis je...
• (20 h 40) •
M. Lavigne
(Richard) : Non, ce n'est
pas une bonne chose de faire ça. M. le Président, ce n'est pas une bonne
chose de faire ça systématiquement. Nous, ce
qu'on dit, c'est que des services spécialisés, c'est utile lorsque c'est
nécessaire et non pas un réflexe
naturel, parce que, si les services publics d'Emploi-Québec n'acceptent pas de
recevoir des personnes différentes, comment ils vont la développer, leur
expertise? Ça, c'est la première chose.
Deuxième
chose — et ça,
je ne dis pas que ça n'a pas évolué, mais il faut que ça évolue encore — c'est l'accès à l'ensemble des programmes pour les personnes qui
ont une limitation fonctionnelle. Je m'excuse de le dire comme ça, là, il n'y a pas juste les programmes de handicapés
qui devraient être offerts aux personnes qui ont une limitation fonctionnelle,
c'est des programmes pour tout le monde.
Et les
programmes de handicapés, comme on dit, devraient être là non pas pour les
subventions salariales, mais bien
pour les besoins d'accommodement liés aux limitations fonctionnelles. Mais là
on a tout mêlé ça. Alors là, on est rendus
qu'on dit que les CIT, les contrats d'intégration, c'est des mesures
salariales. Le contrat d'intégration au travail, c'est une mesure d'accommodement, ce n'est pas pareil. Mais ça, ça
dépend à qui vous allez parler parce que chacun va venir vendre son service, puis ça, c'est correct,
mais, pour la personne... on devrait accéder aux mêmes programmes que
tout le monde, avec des accommodements. Et, en même temps, les employés
d'Emploi-Québec puis les dirigeants d'Emploi-Québec pourraient mieux saisir les dimensions plutôt que de se débarrasser du problème
en envoyant ça dans un service
spécialisé, qui font leur possible, là, je ne dis pas qu'ils ne font pas leur
possible, mais c'est encore un monde parallèle.
Puis ça, ça fait 40 ans qu'on parle d'intégration ou d'inclusion puis on
est encore dans des mondes parallèles. Ce n'est pas sérieux.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Blais : Un des enjeux importants,
je suppose, c'est aussi d'avoir un milieu de travail qui est adapté à la situation, hein? Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus parce que
vous avez commencé en disant : Écoutez, il y a des capacités qui sont sous-exploitées par beaucoup de personnes qui ont des limitations, mais encore
faut-il adapter les milieux de travail. Est-ce qu'on a progressé là-dessus,
sur l'adaptation?
M. Lavigne (Richard) : Ce que je
vous dirais, ce qu'il reste à faire, de façon très complexe, mais il faudrait peut-être le... c'est l'organisation du travail.
Organiser les milieux de travail, c'est souvent assez technique, un ordinateur,
une rampe d'accès, bon, des affaires comme
ça, organiser les bureaux, et tout ça, mais, lorsqu'on arrive dans
l'organisation du travail, là on
arrive dans des règles de fonctionnement des entreprises, des conventions
collectives, les processus de mutation,
de promotion, tu sais, c'est là-dedans, là, qu'il y a des barrières systémiques
qui viennent barrer le chemin aux personnes
qui ont des limitations fonctionnelles. Et ça, ça va demander... Et on avait
rêvé à ça voilà 20 ans, que ça pourrait se faire, dans un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre, puis, bon, ça
n'a pas marché parce qu'à un moment donné il faut voir les intérêts de
tous et de chacun. Et je dois dire que la force de frappe des personnes qui ont
des limitations fonctionnelles... disons
qu'il y en a qui sont un petit peu mieux gréés que nous autres pour faire
passer leurs intérêts. Alors, il faudrait
peut-être qu'à un moment donné on s'assoie puis qu'on les trouve, les
solutions. Il y a eu, dans les années 80, une enquête sur les barrières des conventions collectives en termes de
participation à l'emploi des personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Nous, ça fait des
années qu'on demande à refaire cette enquête-là pour savoir si ça a progressé
puis qu'est-ce qu'on peut faire, mais on attend encore.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Blais : Ça a été intéressant tout à l'heure parce que vous avez été
assez provocant en disant que, dans le fond, le projet de loi n° 70 et ses mesures, c'est très bien — en tout cas, les mesures sont très
bien — il en
faut plus, il faudrait même qu'on puisse y participer. Est-ce qu'en ce
moment ce que vous trouvez, c'est que les mesures ne sont pas bien adaptées à
la situation ou il en manque, il manque d'offres?
M. Lavigne
(Richard) : Bien, il manque
de mesures, ça, c'est sûr, il manque de budget dans les mesures, je pense
qu'on s'en est déjà parlé dans un autre
bureau, O.K., et il manque aussi toute l'ouverture de l'ensemble des mesures
aux personnes, comme je l'expliquais
tantôt, et effectivement il y a peut-être des choses qu'on devrait réfléchir
pour tout ce qui est question de
l'emploi. Mais ce qui manque surtout, ce qui manque surtout, je vous le répète,
c'est un soutien, je dirais, potable,
respectueux, digne pour les personnes qui sont exclues, pour toutes sortes de
raisons, à vie ou presque, de l'emploi. Et ça, il va falloir qu'on fasse la distinction entre ça. Il s'agit de
donner la chance à tout le monde de se faire valoir et, dans la mesure
du possible, en évitant de lui mettre un «gun» sur la tempe ou bien de prendre
soin, entre guillemets, financièrement, d'arrêter que les gens qui sont
vraiment mal pris, pour des raisons personnelles, ils ne peuvent pas travailler, soit de dépendre de la charité
publique ou de son conjoint. Vous savez qu'un conjoint, là, une personne qui a
un conjoint qui doit servir en même temps de soutien financier, d'aidant
naturel, de soutien à domicile, de transporteur, puis de psychologue, puis tout ça, je pense qu'on est loin d'une vie
normale d'un conjoint quand on est rendus là, là. On est de l'ordre de
l'intervention plus que de la vie amoureuse, entre autres, là.
M. Blais : Peut-être en terminant,
M. Lavigne, vous êtes un exemple de quelqu'un qui n'a jamais lâché, qu'est-ce qu'on peut faire pour une clientèle
comme les personnes qui ont des contraintes sévères, ceux qui ont lâché,
ceux qui pourraient,
qui auraient un potentiel, vous l'avez dit tout à l'heure, mais qui ont
peut-être lâché parce qu'ils se sont habitués au système, etc., aux programmes?
Qu'est-ce qu'on peut faire pour peut-être les inciter et, qui sait, les
réveiller, leur offrir des perspectives? Comment vous voyez ça?
M. Lavigne (Richard) : Bien là, on devrait commencer par regarder ceux
qui s'en viennent parce que ceux qui sont
là depuis 15, 20, 25 ans, je pense que, là, M. le Président, là, on peut
jaser, mais ça va être difficile, hein? Et je vous dirais que les gens que moi, je connais, ce n'est
pas des gens qui se sont habitués à un système, ils ont vécu les effets néfastes
d'un système qui les a exclus du marché du
travail, O.K.? Ça, c'est la première chose. Alors, ces personnes-là, on devrait
peut-être penser à un régime ou une
modalité, je m'excuse, là, pour les laisser tranquilles. Quand ça fait
20 ans que tu es exclu, on peut bien faire des plans d'action, mais
je pense qu'on devrait commencer par aider ceux que ça ne fait pas longtemps
puis ceux qui s'en viennent, parce
que des jeunes qui ont des
limitations fonctionnelles, de plus en plus, il y en a qui vont être formés,
de plus en plus, les gens vont être habitués de sortir, vont être habitués de
s'intégrer, puis ils vont arriver
vers le marché de l'emploi, puis, si on ne fait rien, ils vont frapper un mur,
puis ces gens-là, là, c'est grave, c'est du gaspillage social, qu'on
fait...
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. Lavigne. Je vais passer maintenant la parole au député de
Saint-Jean, de l'opposition
officielle, M. Turcotte.
M.
Turcotte : Merci, M. le Président. Merci, M. Lavigne. Merci à vous deux de
venir vous exprimer, hein, au nom de citoyens du Québec, sur ce projet
de loi.
Si
j'ai bien compris ce que vous avez dit, M. Lavigne, en résumé, puis peut-être
que vous pourrez m'expliquer si je n'ai pas bien saisi votre point de vue,
il y a des gens qui, actuellement, sont sans contrainte qui devraient être considérés avec contraintes pour plusieurs
raisons, soit des contraintes sévères ou des contraintes temporaires, là, mais,
disons, qui ne sont pas reconnus et ils
devraient être reconnus, et il y a des gens qui, actuellement, sont considérés
avec contraintes sévères ou autres,
mais qui souhaitent travailler, à condition qu'il y ait une adaptation
soit des lieux physiques ou de l'aide qui peut leur être offerte pour
pouvoir aller sur le marché du travail. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Lavigne (Richard) : Oui. Je veux juste être sûr qu'on se comprend
bien, alors je vais le répéter. On va parler des personnes qui sont actuellement reconnues ou qui sont potentiellement... avoir
des contraintes sévères reconnues. C'est bien important, le «reconnues», parce qu'il y a quelqu'un
qui reconnaît ça sur toutes sortes de bases qu'on discutera si vous
voulez, mais d'abord
médicales, pas trop, trop sociales, souvent. Alors, parmi ces gens, plus c'est
récent, plus ces gens-là vont être motivés pour, malgré toutes leurs
contraintes, vouloir travailler.
Je
suis déjà venu ici dire que les personnes handicapées
voulaient payer de l'impôt. Je pense que c'est assez rare que vous avez entendu
ça, les personnes qui ont une limitation veulent payer de l'impôt. Bien, pour
payer de l'impôt, il faut être bien riche ou
bien travailler. Puis je pense que les paradis
fiscaux puis la 6/49, ce n'est pas
notre dada à nous, là, alors on veut
travailler. Pour travailler, les gens doivent avoir des outils. Le milieu de
travail, l'organisation du travail doivent être accommodants, comme on dit, dans le sens légal du terme,
là, hein? L'accommodement doit être
présent. Ça prend du support, hein,
ça prend des services de réadaptation, du transport qui fait en sorte qu'on
n'est pas en retard à tous les
matins. Moi, j'arrive en retard régulièrement au travail. Je suis chanceux, je
suis le directeur, hein, je suis chanceux. Puis hier je n'ai même pas
été capable de repartir, en plus. Ça, mon boss, il était content, par exemple.
O.K.?
Puis,
pour ce qui est des contraintes non reconnues, il y a toutes sortes de raisons
que les gens vivent. Ce n'est pas juste
d'avoir une maladie, les gens, ils ont des contextes familiaux compliqués, ils
prennent soin de quelqu'un, ils sont responsables
de quelqu'un, je veux dire, ou ils ont des enjeux, des limitations ou des
maladies qui ne sont pas reconnues par
la petite madame ou le petit monsieur qui dit que c'est contrainte ou que ce
n'est pas contrainte, beaucoup de personnes sourdes, entre autres. Tu sais, on dit : Une personne sourde, tu
n'as pas de contrainte, mais on ne paie pas d'interprète pour qu'elle aille travailler. Comment est-ce
qu'elle va faire? Je veux dire, à un moment donné, c'est... Elle n'est pas
reconnue.
Oui, Audrey-Anne veut
rajouter quelque chose?
• (20 h 50) •
M.
Turcotte : J'ai un
jeune de ma circonscription, j'ai rencontré ses parents lors d'une activité,
il a gagné un prix récemment, un prix national pour son implication dans
la communauté puis sa détermination, puis ce jeune-là, en ce moment,
est aux études, il veut se trouver un emploi étudiant, éventuellement avoir un emploi dans le domaine où il étudie. Il a beaucoup de difficultés à se trouver un emploi, et les gens qui peuvent
lui offrir un emploi souvent le font par pitié et disent : Bien, on
va te donner une petite jobine parce que tu fais pitié.
Ce que je comprends
de votre intervention, on a beaucoup de travail à faire, dans un premier temps,
sur l'adaptation physique des lieux, ça, c'est une chose, mais aussi sur peut-être
la perception que l'État a des personnes handicapées,
mais aussi de l'aide qui peut être apportée à ces gens-là. Quand vous parlez du
transport, entre autres, il y a
beaucoup que c'est les municipalités qui offrent, dans certains cas... Donc, il y a
un travail à faire de concertation qui ne se fait pas, selon vous, entre
les ministères ou entre les paliers de gouvernement, pour faciliter l'accès au
travail.
Et
actuellement ce jeune-là en question, lorsqu'il
aura terminé son cégep, puis il
rushe, là, puis il veut le faire, mais,
s'il ne se trouve pas un emploi puis qu'il se ramasse à l'aide sociale, bien il
peut être considéré comme contraintes sévères,
il est en fauteuil roulant, il a de la difficulté à se déplacer par lui-même,
mais ça ne sera pas par choix, c'est parce que la société ou parce que les paliers de gouvernement n'auront pas
offert un service adéquat à lui pour qu'il puisse se trouver un emploi.
M. Lavigne (Richard) : Vous savez que, vous avez raison, le travail en
silo, c'est encore ce qui mène le monde, hein? Au Québec, en tout cas. Alors, chacun veut faire ses petites
affaires indépendamment les uns des autres. Alors ça, je ne sais
pas qui, à un moment donné, va avoir le courage de dire que c'est fini. À un
moment donné, ça serait la première chose.
Pour
ce qui est de choix, je ne connais pas tout le monde, là, mais moi, je n'en
connais pas un qui a choisi d'être pauvre
puis d'être exclu. Je n'en connais pas un, je n'en connais pas. Vous allez me
dire : Je ne connais pas les 7 millions de Québécois, et vous aurez raison. J'en connais une
couple. Puis les gens, ils sont victimes de la pauvreté, ils sont victimes
de l'exclusion. Puis des fois, à un moment
donné, on pense qu'ils ne veulent rien faire, mais, à un moment donné, quand
tu viens à bout de la vie, là, tu n'es pas
capable. Puis ce n'est pas en leur donnant un coup de masse dans le front qu'on
va les aider, c'est en leur donnant de
l'encouragement. Et je crois que c'est là-dessus qu'on devrait miser. On veut
lutter contre la pauvreté, il ne
faudrait pas lutter contre les pauvres, là, quand même, là. Puis ils sont déjà
pauvres, là, il ne faut pas... Puis, en plus d'être pauvres, il y en a
qui sont exclus.
Alors,
le monde que nous, on représente, de façon plus pointue, ce sont des gens qui
sont pauvres et exclus pour des
raisons. Et une personne qui a des limitations fonctionnelles, là, c'est bien
dur d'arrondir ses fins de mois, hein, si elle n'a pas une vraie job. Je pense que vous savez ce que je veux dire,
là. Les gens, ils ont toutes sortes de trucs, des fois, pour compenser.
Puis, quand on dit qu'on va aller dans les soupes populaires, bien, les soupes
populaires ne sont pas accessibles, hein? Alors, tu sais, à un moment donné, la
personne, qu'est-ce qu'elle fait?
Mais il y a
Mme Trudel qui voulait parler de quelque chose tantôt. J'aimerais ça
qu'elle parle de...
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Trudel, allez-y.
Mme
Trudel (Audrey-Anne) : Oui, bien, en fait, c'était simplement pour
clarifier, quand on parlait des personnes qui ont une contrainte sévère à l'emploi reconnue et qui souhaitent
travailler, c'est des personnes... Oui, il y a certaines personnes qui ont une contrainte sévère à l'emploi
qui ne sont pas en mesure d'occuper un emploi à temps plein qui leur permettrait de subvenir à leurs besoins, mais ce
qu'on veut dire, c'est que ces personnes-là, peut-être qu'elles sont capables
de travailler un cinq heures par semaine
pour contribuer à améliorer leur sort. Parce que, vous savez, le montant
qu'elles reçoivent en ce moment, ça correspond à environ 22 heures
de travail par semaine au salaire minimum, donc ce n'est vraiment pas un gros montant. Si elles pouvaient
avoir la possibilité de travailler un cinq, 10 heures par semaine, à la
mesure de leurs capacités, pour
contribuer à améliorer leurs conditions de vie sans voir leur chèque
automatiquement coupé, ça serait déjà un bon pas en avant.
Le Président (M.
Cousineau) : Il reste une dernière question, M. le député de
Saint-Jean.
M.
Turcotte :
Tantôt, le ministre a mentionné que, selon son analyse, vous adhériez aux
principes d'Objectif emploi ou au programme
d'Objectif emploi. Je veux valider avec vous votre recommandation. Quand vous
dites que le programme Objectif
emploi se fasse sur une base volontaire, est-ce que c'est vraiment votre
position, que ça soit sur la base volontaire?
M. Lavigne (Richard) : Bien, c'est ça qu'on a écrit, alors ça doit être
ça qu'on pense. Et on est pour ça, nous, que le gouvernement puis les acteurs fassent tout pour développer
l'emploi. On est pour. Moi, ça fait 30 ans que je suis militant, puis je ne sais pas ça fait combien de
fois qu'on vient le dire ici, là. Je pense qu'on est tous pour, c'est juste
qu'il faut se donner les moyens et il
faut essayer de viser un exercice de dire un peu les mêmes choses dans les
stratégies d'un bord, puis les lois de l'autre, puis les règlements de
l'autre. C'est ça qui est...
Puis forcer les gens, bien... Il y a une manière
de convaincre quelqu'un, c'est de le convaincre que c'est mieux pour lui. Si on le force avec des contraintes sur
les déplacements, sur accepter des emplois convenables... C'est quoi, ça,
un emploi convenable? Pour moi puis pour
vous, ce n'est probablement pas la même chose. C'est comme le raisonnable,
ça. Convenable, raisonnable, comment qu'on
fait pour mesurer ça? C'est qui qui va décider ça? Puis après ça la personne,
souvent, a d'autres contraintes, a des
contraintes... Qu'elles soient minimes ou importantes, elle a des contraintes
qui font en sorte qu'elle ne
travaille pas. Est-ce qu'on peut l'aider à régler ces contraintes-là puis après
ça, après ça lui offrir un parcours, lui
offrir un parcours en disant : C'est mieux pour toi? Je comprends qu'à un
moment donné il faut faire quelque chose, mais je ne suis pas sûr que...
Le
Président (M. Cousineau) : M. Lavigne, je vous arrête, là,
parce qu'il faut que je passe la parole au deuxième groupe
d'opposition...
M. Lavigne
(Richard) : Oui, oui, excusez-moi.
Le Président (M.
Cousineau) : ...au député de Drummond—Bois-Francs, c'est
M. Schneeberger.
M.
Schneeberger :
Schneeberger, oui. Merci. C'est plus facile Drummond—Bois-Francs, finalement,
hein?
Le Président (M.
Cousineau) : Oui, oui, oui.
Des voix :
Ha, ha, ha!
M.
Schneeberger : M. Lavigne, bonsoir. Je vais vous parler
d'un plan d'intégration à l'emploi. Moi, j'aimerais ça que vous nous donniez des mesures concrètes,
vous qui vivez un handicap. Ce serait quoi, des plans d'intégration à l'emploi pour une personne, mettons, qui a un
handicap physique, admettons quelqu'un qui est en chaise roulante, tu sais?
M. Lavigne
(Richard) : Bien, un plan
d'intégration en emploi, ça réfère à l'ensemble
d'une réalité d'une personne. Moi, je pourrais vous parler de mon plan à
moi si je n'en avais pas. Moi, j'ai été chanceux, j'ai trouvé une job. Je me considère très chanceux de travailler, dans le
contexte. Alors, c'est difficile pour moi de répondre à cette question-là.
Un plan d'intégration en emploi doit
tenir compte des particularités des personnes, de leurs besoins, de leur formation,
de leurs intérêts et de leurs capacités et aussi trouver une façon de
contourner les incapacités.
Je ne peux pas bien, bien aller plus loin,
monsieur, là-dessus, c'est trop personnalisé, le plan d'intervention. C'est ça, l'idée. On ne fait pas ça dans une
heure, par exemple. Ça, je sais qu'on ne fait pas un plan
d'intervention efficace dans une
rencontre, ça, c'est clair. C'est comme les fameux plans de services, là, c'est
comme le père Noël, ça, on parle de ça, mais on ne l'a jamais vu, à part
que dans la télé, tu sais.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député.
M.
Schneeberger : O.K. En tout cas, vous avez perdu votre vision, mais
vous n'avez pas votre perdu votre sens de l'humour, alors, ça, ça fait
plaisir de vous entendre.
M. Lavigne (Richard) : Bien, je
commence à le perdre, là.
M.
Schneeberger : Oui?
M. Lavigne
(Richard) : Oui, je commence
à le perdre, là. C'est ça. On commence à être un peu désespérés avec le
contexte, actuellement. Nous, à la COPHAN, on reçoit des appels, nous, on a toujours
milité pour vraiment favoriser la participation sociale, l'intégration au travail, mais je vous dis que, depuis deux,
trois ans, là, ce qu'on se fait dire, c'est : Aïe! Vous autres, la COPHAN, là, c'est vrai ce que
vous dites, mais il faut qu'il se passe de quoi pour ceux qui sont
vraiment dans le trouble. Et c'est
pour ça que je le répète, il faut qu'on fasse quelque chose pour ces
personnes parce que, là, à un
moment donné, ça suffit, la philosophie, il faut que ça roule dans le concret.
M.
Schneeberger : O.K. Je peux vous dire qu'en même temps vous nous
surprenez. C'est qu'il y a beaucoup de personnes
qui sont venues nous dire : Nous, on ne voulait pas faire partie de cette
loi, on ne veut pas être dans ces mesures-là, et vous, vous nous dites ce soir : Nous, on aimerait ça, là, pour
intégrer, de nous faciliter à intégrer le marché du travail.
Alors, en même temps, c'est très positif.
Puis moi, je
peux vous dire, je connais un peu la réalité parce que ma mère est
quadriplégique, et puis je connais un
peu le... Je dis «je connais un peu» parce que je n'habite pas avec; mon père
le connaît plus, ma soeur beaucoup plus, mais
je peux vous dire que ce n'est pas évident. Puis souvent des gens comme vous,
vous êtes des battants, vous ne lâchez pas.
Et je peux vous dire que moi, j'aime ça quand il y a des gens comme vous qui
viennent ici puis nous disent : Nous, là, on veut être partie intégrante de la société, on veut que vous
puissiez nous donner les moyens. Et c'est un message très positif, et
j'espère que le ministre, dans son projet de loi, en tiendra compte parce que
c'est très important.
Et on ne
parle pas de... Au-delà du salaire,
au-delà de ça, c'est vraiment la personne en aide, le développement de la personne qui est beaucoup plus important.
Ça, c'est le gros du salaire pour une personne qui veut faire partie de la
société, qui veut donner, parce qu'on a tous
des capacités, puis donner à la société son meilleur de lui-même. Alors, je
vous remercie.
M. Lavigne
(Richard) : Simplement un
commentaire pour le salaire, si vous permettez. Ça fait toujours un peu rire quand le monde dise : Le salaire, ce
n'est pas si important que ça. Tous ceux qui me disent ça, là, ce n'est pas des
pauvres, hein, c'est ceux qui en ont, de
l'argent. Moi, en tout cas, je vais vous dire que le salaire, c'est un maudit
bon motif pour aller travailler, il faut arrêter de dire que c'est juste
pour la dignité. Oui, c'est la dignité, mais c'est pour payer la bouffe puis d'arrêter de se priver. Ça fait que le
salaire, oui, c'est important. Le cheap labor, on devrait oublier ça, là. À un
moment donné, tout le monde a le droit de
vivre, je veux dire... En tout cas, on l'entend, ça : Ah! le salaire,
c'est bien beau, mais c'est la
reconnaissance. Mais moi, je le dis tout le temps : La reconnaissance,
moi, je l'ai dans mon compte de banque à toutes les deux semaines puis
je suis bien content.
M.
Schneeberger :
C'est bon. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Drummond—Bois-Francs. Alors, je passerais maintenant la parole, pour les trois prochaines minutes, à la députée
de Gouin, Mme David.
Mme David (Gouin) : Oui, bonsoir à
tous les deux. Moi, j'aimerais ça qu'on se parle un petit peu plus des personnes — vous
en parlez dans votre mémoire — non
employables en raison de limitations trop importantes. Je suis très contente que vous ayez attiré notre attention
sur la situation de ces personnes-là parce qu'effectivement depuis quelques années,
particulièrement depuis un an et demi, deux ans, ce que je
constate, c'est que l'objectif du retour à l'emploi est tellement
obsessionnel chez les ministres de l'Emploi et Solidarité sociale, et donc au
ministère, que les gens non employables, disons, entre guillemets, là, sur un marché du travail
régulier, semble-t-il, bien, c'est moins payant, toujours entre
guillemets, là, de s'en occuper.
Alors, c'est
comme ça qu'on voit, par exemple, des coupures dans le programme PAAS-Action,
hein? Pourquoi? Parce qu'on se
dit : Mais, au fond, pourquoi est-ce qu'on attribue des montants d'argent
à des personnes qui vont travailler, travailler
à leur rythme, avec leurs capacités, là, 20, 21 heures-semaine? On leur
donne 130 $ par mois, là, franchement, ce n'est pas exorbitant.
M. Lavigne (Richard) : 3 $ par
jour, hein?
Mme David (Gouin) : Pardon?
M. Lavigne (Richard) : 3 $ par
jour. Ça, c'est gratifiant pas mal.
• (21 heures) •
Mme David
(Gouin) : C'est ça. Et on
sait que ces personnes-là, pour un
certain nombre, ne retourneront pas
sur un marché du travail régulier.
Conclusion du ministère : Bien, on devrait transférer le programme
au ministère de la Santé et
des Services sociaux. Mais ça va être sans compensation financière, j'en suis
bien certaine.
Moi,
j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Qu'est-ce
qu'on devrait offrir qui soit décent,
là, qui soit digne, et qui mette un
peu de beurre sur le pain à des personnes non employables qui ont des
limitations importantes, mais qui ont envie de contribuer à
l'effort social?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Lavigne.
M. Lavigne
(Richard) : Bien, écoutez,
moi, je n'ai pas de chiffres, Mme David, vous comprendrez. Je pense
qu'il existe des seuils, là, pour
mesurer le panier de consommation, la pauvreté. Il y a des bases qui existent,
et je pense que vous
les connaissez beaucoup mieux que moi, et je pense qu'il ne faut pas... Il y a des chiffres autour de
17 000 $, des affaires
comme ça. Mais ce qui est important, c'est... Vous avez touché un point et
effectivement, dans le mémoire, on n'en
a pas parlé... On en a parlé un peu, mais pas dans notre présentation. Mais
tous ceux et celles qui font des activités valorisantes... Vous savez que,
pour certaines personnes, là, qui ne peuvent pas espérer travailler, si on leur
permet d'effectuer des activités
valorisantes et qu'on les reconnaissait
avec une reconnaissance digne de ce nom, je pense qu'on
avancerait.
Et je dis
souvent, moi, que le ministère dont on parle aujourd'hui, c'est le ministère de l'Emploi et de quoi, donc? De la Solidarité sociale. La solidarité sociale
devrait passer par... Ah! ce n'est pas de l'Emploi, on envoie ça à la Santé.
Moi, je ne comprends pas. C'est de la solidarité
sociale que ces gens-là ont besoin. Et le PAAS-Action, O.K., on avait, en 2009,
réussi à convaincre les gens, dans certains cas, notamment des personnes qu'on
représente, qu'il y avait un objectif non pas d'emploi, mais de
participation sociale, d'autonomie personnelle, et on l'a perdu, ce bout-là.
C'est désastreux. Puis ça retombe sur qui?
Sur les familles, sur les groupes communautaires, qui n'ont pas plus d'argent,
puis sur les personnes elles-mêmes,
qui souvent sont laissées... Je trouve ça grave, je trouve ça grave, puis en
même temps je ne sais pas si c'est ça qui met le Québec en péril, là, au
niveau financier. Je ne suis pas sûr, mais...
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, on vous remercie.
M. Lavigne
(Richard) : Mais ce que je
me dis : C'est un ensemble de questions, et on doit travailler là-dessus.
Et, pour les personnes difficilement
employables, je répète pour la cinquième fois, il faut qu'on fasse quelque
chose. J'en appelle à la commission et à tous les parlementaires.
Le Président
(M. Cousineau) : Merci, M. Lavigne. Merci,
Mme Trudel. On vous remercie pour votre présence.
Alors, je suspends pour deux minutes et j'invite
l'autre groupe à se présenter à la table, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 21 h 3)
(Reprise à 21 h 5)
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Alors, nous recevons, comme
dernier groupe ce soir, le Comité consultatif des Premières Nations et
des Inuit sur le marché du travail. Bienvenue à notre commission parlementaire.
Alors, comme
les groupes précédents, vous avez 10 minutes de présentation, et puis vous
pouvez vous présenter, puis on vous laisse aller pour 10 minutes.
Par la suite, nous allons passer à une période de questions.
Comité consultatif des
Premières Nations et des Inuit
relatif au marché du travail (CCPNIMT)
M. Cleary
(Ralph) : Merci. Alors, je
vais commencer par me présenter. Je suis Ralph Cleary, je suis président
pour le comité consultatif Premières Nations et Inuit sur le marché du travail,
mais aussi directeur général pour la Commission de développement des ressources
humaines des Premières Nations du Québec, qui est un organisme régional,
là, au niveau de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador.
Mme Paul
(Claudie) : Alors, bonjour, je me présente, Claudie Paul, je suis une
Innue de la communauté autochtone de
Mashteuiatsh. Je fais partie du comité consultatif et je suis directrice
générale adjointe du Regroupement des centres d'amitié autochtones du
Québec.
Mme Loiselle (Solange) : Bonjour, je
suis Solange Loiselle, je suis vice-présidente du comité consultatif Premières Nations et Inuit sur le marché du
travail. Je suis aussi agent de liaison pour l'Administration régionale
Kativik. C'est l'organisme
supramunicipal qui est au Nunavik, qui représente les Inuits. Ça fait
30 ans que je travaille pour les Inuits.
M. Cleary
(Ralph) : Au départ, on tient à vous remercier d'avoir accepté notre
invitation. Je le dis de cette façon-là parce qu'il a fallu demander à être invités à cette commission-là.
Souvent, les groupes autochtones, c'est un groupe qui est un petit peu oublié. En fait, c'est pour ça
qu'on travaille avec le gouvernement, actuellement, au niveau du ministère
de l'Emploi pour mettre en place une stratégie ministérielle au niveau des
autochtones.
Le comité
consultatif Premières Nations et Inuit, c'est quatre groupes juridictionnels,
c'est-à-dire autochtones, signataires
d'ententes avec le gouvernement fédéral au niveau de la région du Québec, mais
c'est aussi tous ses membres associés,
là, qui créent le comité consultatif. Alors, pour les Premières Nations et les
Inuits au Québec, ça se trouve à être un comité, là, qui nous permet,
là, de se faire reconnaître, de démontrer, là, qu'on est dans le besoin.
Alors,
évidemment, considérant qu'on est, les groupes, Premières Nations et Inuits
concernés, des experts dans le domaine
de l'emploi et de la formation, bon, évidemment, là, on a la compétence, là, et
les connaissances approfondies, là,
tant au niveau des contraintes que des besoins pour les personnes autochtones,
là, qui sont à la recherche du marché du travail.
Alors, notre
rôle, évidemment, c'est de mettre en place, là, des stratégies, des mesures en
place, offrir des services et développer, là, des façons de faire pour
intégrer, là, les Premières Nations et les Inuits au marché du travail.
• (21 h 10) •
Mme Paul (Claudie) : Donc, je vais
poursuivre. Je vais présenter un petit peu le portrait de la situation des Premières Nations et Inuits assez rapidement.
Donc, on sait que le taux d'emploi, au niveau des Premières Nations et Inuits,
est plus faible que la population québécoise
en général, le taux de chômage étant deux fois plus élevé chez les populations.
La croissance démographique des Premières
Nations est six fois plus rapide que la population québécoise en général, donc
beaucoup, beaucoup de natalités au niveau des Premières Nations et des Inuits.
Au niveau
urbain, ce qu'on remarque, de 2006 à 2011, il y a une augmentation importante
du phénomène de migration des
populations vers le milieu urbain, donc on parle, en 2011, de 53,2 % de la
population des Premières Nations et Inuits qui vit maintenant en milieu urbain. C'est un phénomène qui est souvent
méconnu, hein? Les gens pensent que les Premières Nations sont sur communauté, mais non, de plus en
plus, pour plusieurs raisons, dont le taux de natalité important et les
problèmes de logement dans les communautés.
Ensuite de
ça, naturellement, les gens qui vont vers la ville se dirigent majoritairement
vers les grands centres, donc vers
les villes de 100 000 habitants et plus, donc Montréal, Québec. Les
grands centres sont les sites d'accueil pour les Premières Nations et Inuits. Pourquoi que les gens quittent? J'en ai
parlé un petit peu, c'est pour améliorer leur situation, naturellement,
donc, on parle souvent pour avoir accès à l'emploi. Étant donné qu'il y a un
faible développement économique au niveau
des communautés, il y a difficulté d'avoir accès à l'emploi. Ils vont venir
vers la ville pour aller aux études, pour plusieurs raisons, que ce soit
la santé aussi.
Quand ils arrivent en ville, naturellement,
malgré le fait qu'ils y vont pour améliorer leur situation, ils sont confrontés
à plusieurs barrières, dont l'accès au logement, les limites financières, naturellement,
tout ça, et toutes les problématiques de discrimination et racisme. Donc, c'est
une réalité qui est vécue.
Donc, les Premières Nations constatent, de façon générale,
une situation de vulnérabilité lorsqu'ils arrivent vers la ville. Il y a tout, aussi, le choc culturel,
l'isolement. Donc, ils se retrouvent dans un environnement méconnu, et leur
culture est aussi méconnue, donc il y a tout le choc culturel qui s'ensuit.
Naturellement,
au niveau de la langue, trois quarts des Premières Nations connaissent le
français, donc trois quarts des
Premières Nations et Inuits au Québec, Premières Nations parlent français, mais
c'est seulement un quart des Inuits qui
parlent le français. Donc, au niveau des Inuits, c'est une problématique majeure
au niveau de la barrière de la langue. On
constate que ceux qui parlent plus ou moins français, c'est plus au niveau des
communautés éloignées, donc comme les Innus, par exemple, donc, où la
langue innue est très, très prédominante au niveau de la communauté.
Au niveau des
conditions socioéconomiques, donc, on sait que c'est très précaire au niveau
des communautés. Il y a plusieurs raisons qui expliquent ça. Je vais
n'en nommer que quelques-unes, dont la Loi sur les Indiens, toute l'autonomie gouvernementale, bon, tout le
phénomène de juridiction, hein, fédérale, provinciale, on est toujours comme
entre deux chaises. Naturellement, hors
réserve, on... C'est sûr que, bon, les chefs... On parle du territoire, tout
ça, mais au niveau des services,
quand la population autochtone est hors réserve, le phénomène juridictionnel
est beaucoup moins intense parce
qu'on relève des services du Québec. Donc, normalement, les gens devraient se
diriger vers les services du Québec.
Naturellement, il y a des barrières d'accès à ces services-là. Donc, il y a
tout le phénomène aussi des pensionnats qui est une des raisons de précarité, qui contribue à la désaffectation,
bon, au niveau de la scolarisation. Il y a tout l'accès aux services. Malgré la disponibilité des services,
nous, ce qu'on dit, c'est qu'ils ne sont pas accessibles aux Premières Nations et Inuits. Il y a plusieurs raisons qui
expliquent ça, dont les mauvaises expériences du passé. On parle de, bon,
discrimination et racisme, on parle de la culture, hein, la culture. La réalité
des Premières Nations est méconnue, Premières Nations et Inuits, de par les services
existants, mais de par aussi les employeurs. Donc, ça devient des obstacles
majeurs d'accès et aux services et à
l'emploi pour la population des Premières Nations et des Inuits. Je passerais
la parole à...
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Loiselle.
Mme
Loiselle (Solange) : Oui.
Moi, j'aimerais vous faire part de quelques enjeux qui nous inquiètent au
niveau de la loi n° 70. On n'a
pas l'intention de vous répéter que la loi n° 70 va stigmatiser la
pauvreté chez les gens qui sont déjà
pauvres. Je pense que vous l'avez déjà entendu plusieurs fois dans des groupes.
On va essayer d'être plus spécifiques et positifs pour essayer de
construire autour de ça.
Le premier
point qui est très important, je crois, c'est qu'on voudrait qu'il y ait
l'utilisation des ressources puis des centres des Premières Nations et
des Inuits pour recevoir la clientèle. Comme Claudie l'a mentionné, c'est une
clientèle qui est très éloignée du marché du travail, avec toutes sortes de
problématiques. Ce n'est pas les gens qui ne connaissent
pas la culture qui peuvent arriver dans un centre d'Emploi-Québec, par exemple,
puis être capables de recevoir la clientèle, puis de bien comprendre la
problématique, les multiproblématiques que ces gens-là ont.
Il serait
très important, dans le projet de loi, qu'il y ait une reconnaissance de ces
ressources externes là. Nous autres,
on pense... Chez nous, par exemple, bon, l'Administration régionale
Kativik, on en est une, les centres d'amitié, la commission de développement des premières nations, c'est important
que ces ressources-là puissent aider la clientèle puis conseiller, après
ça recommander au ministère, oui ou non, la personne peut aller sur une mesure
ou pas.
Tantôt, la présentation avant nous autres, bien,
on parlait beaucoup de...
Une voix : ...
Mme Loiselle (Solange) : Oui?
Le Président (M. Cousineau) :
Allez, allez, il reste une minute.
Mme Loiselle (Solange) : Oh,
tabarouette! O.K. Je vais faire très rapide. Donc, utilisation des ressources, préemployabilité, cours de langue, très important
d'entrer ça dans la loi n° 70. On pense aussi que... Pour nous autres,
c'est très important qu'il y ait — on est présents dans plusieurs régions du
Québec — un
siège dans les commissions régionales des
partenaires du marché du travail. Étant donné que vous retouchez à cette
loi-là, je pense que c'est un moment d'ouvrir
une porte aux autochtones puis en région. On pense que, si toutes les
adaptations étaient faites au programme Objectif emploi, il pourrait être utilisé pour les Inuits, les Premières
Nations sur une base volontaire, naturellement. On voudrait aussi que...
On suggérait aussi qu'il y ait...
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Loiselle. Mme Loiselle...
Mme Loiselle (Solange) : Fini?
Le
Président (M. Cousineau) : Oui, je suis obligé de vous arrêter, mais vous pourrez donner d'autres éléments de votre mémoire
durant vos réponses. Alors...
Mme Loiselle (Solange) : O.K. Ils
pourront me poser des questions.
M. Blais : M. le Président, est-ce
que je peux lui donner quelques minutes?
Le Président (M. Cousineau) :
Bien, absolument, il n'y a pas de problème...
M. Blais : Mme Loiselle, je
suis prêt à vous accorder quelques minutes, là, pour conclure, bien sûr.
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, la générosité du ministre.
M. Blais : Et voilà.
Le Président (M. Cousineau) :
Poursuivez, Mme Loiselle.
Mme Loiselle
(Solange) : Bon, O.K.,
merci. Oui, donc, le programme Objectif emploi, comme je disais, je pense qu'on est ouverts à ça, si on peut participer à
son élaboration, si on peut être des décideurs avec nos clientèles. Il faut
aussi penser que, de la manière qu'il
est bâti dans le moment, c'est que ces gens-là vont revenir à notre clientèle à
nous autres. Avec les ententes
fédérales qu'on a, qui n'ont pas augmenté depuis 20 ans, on n'est pas
capables d'assumer le remplacement
de ce financement-là qui est donné à chaque mois aux personnes.
Puis, pour
terminer, j'aimerais aussi dire que, peut-être si vous ouvrez les changements au niveau
de la commission des partenaires du milieu du travail, ça serait peut-être
l'occasion d'avoir un siège qui représenterait les comités consultatifs clientèles. Ça a toujours été demandé, vous
avez toujours dit non. Peut-être un siège pour tout le monde. Quand on
commence à parler de plus en plus
d'adéquation formation-emploi, bien, je pense que les gens qui connaissent vraiment
la main-d'oeuvre qui
est disponible, c'est les gens qui représentent la clientèle, dont on est une
de ces clientèles-là. C'est ça. Je ne veux pas prendre... Je vais
laisser aller les questions, puis... Merci.
Le Président (M. Cousineau) :
D'accord. Alors, merci, madame. Et puis donc, M. le ministre, il vous reste
12 min 43 s.
M.
Blais : Bien, merci bien. Écoutez,
merci pour votre présentation. Moi, je n'ose pas résumer, vous me corrigerez,
là, en disant que, tout d'abord, la clientèle,
bon, autochtone, c'est une clientèle particulièrement éloignée du marché du travail
pour différentes raisons, à la fois un passé, à la fois parfois au niveau
de l'éducation, etc., des échecs. Donc, les ressources qu'il faut mettre à la disposition de ces personnes-là pour penser, là, les amener vers l'emploi ou ne
serait-ce que terminer un diplôme, là, c'est des ressources
considérables. Je pense que c'est un peu votre point de vue.
Quand on
regarde un peu tous ces enjeux où les sociétés qui ont investi beaucoup, peut-être
même plus que le Québec, dans ce type de ressources là, il y a
presque toujours, chez les jeunes — j'insiste,
chez les jeunes, là, peut-être parce
que c'est quand même une partie, là, importante pour la loi n° 70 — une contrepartie, c'est-à-dire que, quand on
affecte beaucoup de ressources, hein, ne
serait-ce que, par exemple, ouvrir des classes particulières pour suivre,
permettre une fin de formation, etc.,
ça coûte beaucoup, beaucoup d'argent, il faut s'assurer, à un moment ou l'autre,
qu'il y a un engagement, qu'il y a un
contrat moral entre la personne pour qui on fait ça et puis les coûts que ça
représente, l'effort que ça représente.
Comment vous
vous situez là-dessus? Parce que, je comprends, vous dite, bon : C'est
stigmatisant, on ne veut pas
stigmatiser personne, mais, en même temps, l'enjeu, la difficulté, moi, quand
je parle avec les gens qui sont sur le terrain — puis je pense que vous êtes des gens sur le
terrain — c'est de
voir trop souvent des prestataires qui abandonnent, hein? Pourtant, tout allait bien, et puis oups!
Alors, qu'est-ce que l'on peut faire? Quels sont les moyens? On recommence
à zéro, on réinvestit encore ou on arrête
complètement? Qu'est-ce qu'on peut faire pour renforcer ce contrat mutuel là
entre les personnes? Comment vous voyez ça?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Cleary? Mme Loiselle?
• (21 h 20) •
M.
Cleary (Ralph) : En fait, on a quand même une expérience, hein, dans
le domaine de l'emploi et de la formation. Ça fait 20 ans qu'on travaille là-dessus. C'est sûr que moi...
Parce qu'à travers nos organisations on a chacun nos groupes : Solange s'occupe beaucoup plus des Inuits; moi, au
niveau des Premières Nations; et puis Claudie, au niveau du regroupement,
alors, au niveau des services, souvent, hors réserve.
Moi, je peux vous dire qu'en 20 ans on a
développé une belle expertise. On est très, très conscients de notre clientèle, tant sur que hors communauté. On
s'aperçoit rapidement que cette clientèle-là, souvent, nécessite de la préemployabilité. On parle d'employabilité, mais tout ce qui va avant ça
fait en sorte que souvent ça va au-delà de 12 mois comme plan
d'action. On rencontre des clients, on a 33 points de service, chez nous, à
travers le Québec, 29 dans les communautés,
quatre dans les centres urbains. Il y
a 6 000 mesures par année qui sont mises en place, alors on a une certaine
expertise. Mais maintenant, pour être
capables d'aller plus loin, ça nous prend des ressources pour le faire. C'est
un peu ce que traitent nos recommandations.
Puis, quand
on parle de ressources, on parle de ressources humaines, mais on parle aussi de
partenariats avec le Québec. Le
Québec a mis en place déjà des ressources, des spécialistes. On pourrait
s'organiser, développer des partenariats ensemble pour être capables de
cheminer auprès de la clientèle pour obtenir des emplois, là.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Blais : Très bien. Et comment vous réussissez à maintenir, disons, le
contact? Parce qu'il doit y avoir beaucoup d'échecs, hein? Je suis certain que
c'est pavé d'échecs, des gens qui viennent et qui ne viennent plus pour
différentes raisons. Comment vous,
vous réussissez, par des moyens, des incitants quelconques — est-ce des incitants financiers, est-ce des
incitants d'un autre type — à maintenir quand même une participation?
Parce que c'est le grand enjeu, quand on a à offrir quelque chose, que
les gens soient là, bien sûr, pour le recevoir.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Loiselle.
Mme Loiselle
(Solange) : Je pense que,
dans un premier temps, ce qui est très important, c'est d'avoir un programme qui est adapté culturellement. Je vais
vous donner l'exemple, à Montréal, on a un centre qui s'appelle Ivirtivik, qui
est spécifiquement pour les Inuits. Parce que souvent les gens pensent que les
Inuits sont comme les Premières Nations. Non, c'est culturellement très différent. Puis vous avez reçu le RQUODE
aujourd'hui, puis ils ont commencé à s'occuper d'un de nos centres, Ivirtivik, justement, il y a deux ans. Puis, quand
ils nous ont rencontrés : Inquiétez-vous pas, on est les experts en employabilité puis on sait comment ça
marche, des gens éloignés du marché du travail, on en a vu. Au bout de six mois, ils sont revenus nous voir puis ils nous
ont dit : Tout ce qu'on a comme outils, ça ne marche pas. Il faut trouver
une nouvelle manière parce que, culturellement, ce n'est pas comme ça que ça
marche avec les Inuits.
Puis, quand
on est capables de développer quelque chose de culturel, qui est adapté, qui
est holistique puis où on fait le
suivi, là, de A à Z, même quand la personne est rentrée au travail, on continue
à faire un suivi, on a des succès. C'est sûr qu'il y a des Cadillac qui fonctionnent super bien. Quand on
travaille dans le domaine minier, puis qu'on est capables d'avoir des
subventions, puis on est capables d'avoir un employeur qui met beaucoup
d'argent dedans, puis qui a une approche holistique, c'est une clé de succès, là. Travailleur social,
intervenant dans les communautés, cours de préemployabilité sur le site, cours de français, formation en emploi,
apprentissage, ça fonctionne, ça. Mais on ne peut pas toujours se payer ça, je suis bien consciente. Par
contre, si on se payait juste de quoi de simple, de base, qui est adapté
culturellement, qu'on donnait la possibilité aux organisations qui sont
reconnues pour être capables de le faire, écoutez,
ça marcherait. Mais il faut que ça soit sur une base volontaire, il faut que ça
soit adapté puis il faut aussi que le Québec
arrête de penser qu'il est le second payeur, après le fédéral, pour les
Premières Nations puis les Inuits parce que ça, c'est un irritant
majeur.
Moi,
par exemple, je vais vous donner l'exemple au Nunavik, on arrive puis on fait
une demande pour les projets économiques d'envergure ou les projets
majeurs, on nous demande qu'on ait une participation du fédéral, sinon le provincial n'y va pas. Bien, on ne demande pas ça
à aucune autre clientèle, on ne demande pas ça à aucun autre Québécois au Québec, d'aller se chercher de l'argent du
fédéral pour avoir le droit à des programmes provinciaux. Pourquoi on le
demande aux Premières Nations puis aux Inuits?
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Blais : Est-ce que, dans les approches que vous avez — vous avez parlé de préemployabilité tout à
l'heure — en
général, vous travaillez davantage sur la
qualification, sur la formation ou, dans plusieurs cas, il est préférable
d'aller plutôt sur le front du
travail, d'une expérience de travail ou une introduction progressive sur le
marché du travail? Comment vous choisissez, un petit peu, vos
stratégies?
Mme Loiselle (Solange) : Bien, ça, on a peut-être des différences. Je vais
laisser Ralph répondre, après ça, ou Claudie.
De
notre côté, au niveau des Inuits, ce qui fonctionne superbien, c'est les
programmes d'apprentissage en milieu de
travail. Nous autres, quand on finance dans le moment, à l'Administration
régionale Kativik, n'importe quel programme qui a déjà un PAMT, on l'exige, que l'employeur l'utilise. C'est ça qui
fonctionne bien, le pratico-pratique. Les Inuits, c'est des gens qui apprennent en regardant faire,
en le faisant, pas assis sur un banc d'école avec plein de papiers. Ça les
décourage puis ce n'est pas dans leur
culture. Ça fait que ça, c'est une très bonne manière que nous autres, on
l'utilise, là, plus que de la formation. Ensuite de ça, le savoir-faire,
le savoir-être, bien, encore là, c'est la préemployabilité, les compétences essentielles, qu'il faut
donner aux gens qui sont bien éloignés du marché du travail avant de
commencer à penser de les faire travailler, là.
M.
Cleary (Ralph) : Qu'il y ait, évidemment, un éventail de services, là,
les compétences essentielles, c'est la même
affaire au niveau des Premières Nations. Ce qu'on s'est aperçu aussi, c'est que
nos gens, pour s'en aller en formation professionnelle,
souvent n'avaient pas le secondaire nécessaire. Alors, on a développé, avec le
ministère de l'Éducation, des centres
en éducation des adultes Premières Nations, des centres régionaux. On en
quatre, actuellement. Le quatrième, là, va être ouvert officiellement bientôt à
Uashat mak Mani-Utenam. On en un à Restigouche, un à Kahnawake puis un à
Lac-Simon. Ça fonctionne bien, ça, on s'en aperçoit.
Vous
savez, quand on a fait une demande ministérielle, d'ailleurs on vous avait
rencontré à l'époque, M. Blais, du
côté politique, pour mettre en branle cette stratégie-là, les travaux sont en
cours, il y a plusieurs recommandations à l'intérieur de ce document-là, que je vous propose sincèrement d'aller
voir, qui déterminent, qui définissent clairement, là, la stratégie qu'on devrait mettre en place entre
les deux gouvernements, Premières Nations, Inuits, là, et le gouvernement
du Québec.
M.
Blais : Question simple et peut-être compliquée à répondre :
Quels sont vos taux de réussite? Est-ce que vous comparez vos taux de réussite à quelque chose, à ce qui se faisait, par
exemple, auparavant avec d'autres méthodes? Ou comment vous vous
évaluez, là, disons, avec une certaine objectivité?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Loiselle.
Mme Loiselle (Solange) : Bien, je ne veux pas me vanter, mais, dans le
moment, il y a une étude qui a été faite par un chercheur, Cost of Living Standard Center à Ottawa, qui ont pris
les quatre régions inuites du Nunangat puis qui ont fait des comparaisons à l'emploi, les programmes qui sont utilisés,
puis tout ça. Puis, à leur grande surprise, au Nunavik, c'est l'endroit où les gens sont les moins éduqués
puis où il y a le meilleur taux d'emploi. Ça fait que, là, on va faire des
recherches plus poussées, mais on se
dit : Peut-être qu'on fait quelque chose de correct aussi, à quelque part.
Et il n'y a rien de blanc, il n'y a rien de noir, mais sûrement qu'on a
des succès qui sont quand même importants.
On
fait beaucoup aussi de formations pour des gens déjà à l'emploi pour les aider
à maintenir leur travail puis à devenir
compétents dans leur travail. Puis je dirais que le taux de succès, il dépend
beaucoup du programme qu'on utilise. Si
on est capables de prendre quelqu'un puis de l'envoyer tout de suite sur un
programme d'apprentissage en milieu de travail,
on a des bons taux de succès, ça va être 80 % et plus; quand c'est
quelqu'un qui est plus éloigné du marché du travail puis qu'on doit le mettre sur une mesure pour la
préemployabilité, c'est sûr qu'on n'a pas des 80 % et, pour vous dire la vérité, peut-être qu'on roule entre
40 %, 50 %, mais peut-être que la deuxième fois qu'elle va revenir,
la personne, elle va finir par le faire. Mais tout le monde finit par
réussir, mais il faut donner, des fois, plus de chances à certaines personnes
que d'autres.
M.
Cleary (Ralph) : Puis il faut se dire que, dans ce processus-là, de
réussite, si vous me permettez, il y a un environnement, aussi, hein? L'emploi
se crée, se maintient dans un environnement, et puis cet environnement-là, ce contexte-là, il n'est pas facile. Dans les communautés, vous le savez, sur le plan
économique, là, pour différentes raisons, là, ce n'est pas évident, entre autres pour toute la question
territoriale. Mais, en plus de ça, quand tu sors, que cet individu-là, ce Première Nation, Inuit là s'en va dans la
société québécoise, bien là on vit des barrières, là, extrêmement importantes,
là, comme l'intégration en emploi, le racisme, la discrimination.
M.
Blais : J'ai compris, au début de votre exposé tout à l'heure, que
vous étiez présents aussi dans les villes, hein? Je ne fais pas
d'erreur, hein?
Mme Paul
(Claudie) : Oui.
M. Blais :
Et là c'est autre chose, hein, c'est une autre approche?
Mme
Paul (Claudie) : Bien, la CDRH a des points de service dans quatre
villes. Nous, les centres d'amitié, on est
présents dans 10 villes. Donc, nous, on travaille beaucoup en
préemployabilité. De plus en plus, on collabore ensemble parce que les mesures d'emploi sont beaucoup
portées par la CDRH dans les quatre centres urbains. Nous, on a des modèles
qui fonctionnent très bien. Nous, ce qu'on
demande, c'est de bonifier puis de reconnaître ce qui est fait à l'intérieur
des centres d'amitié. On parle d'une
clientèle qui est très éloignée du marché du travail, donc ça prend un
environnement... On parlait de la
sécurité culturelle, mais ça prend un environnement, aussi, où il y a un
ensemble de services. C'est des clientèles
qui vont arriver avec des clientèles multiproblématiques. Donc, de penser que
d'avoir seulement un agent d'emploi pour
supporter notre monde dans ces démarches-là, c'est... Donc, on le voit de plus
en plus. Donc, à l'intérieur des centres d'amitié, c'est un continuum de plus de 40 services. Donc, nous,
quand une personne rentre, elle a une famille, elle a de la misère à se trouver un logement, les enfants ont
besoin d'une garderie. Donc, vous savez, avant de seulement penser à faire un retour aux études ou en emploi, encore
faut-il prendre la personne dans son tout puis être en mesure de l'accompagner. C'est ce qu'on offre à l'intérieur
des centres d'amitié, ça fait que c'est ce qui permet de faire le tremplin.
• (21 h 30) •
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, Mme Paul. Je dois
absolument passer à l'autre groupe. Alors, je passerais la parole au
député de Saint-Jean, de l'opposition officielle, pour
8 min 24 s.
M.
Turcotte : Merci, M. le Président. À la fin de votre
mémoire, vous nous présentez le classement des régions. On voit, bon, 26 685 pour le Nord-du-Québec,
10 425 pour la Côte-Nord, quand même, deux régions avec une très grande
superficie, et aussi la notion de région
éloignée, et tout dépendant d'où on se situe, là, bien entendu. Qu'est-ce qui
en est de l'offre de formation pour les Premières Nations sur le
territoire québécois? Est-ce que la formation qui est offerte, actuellement, ou la proximité, ou la
disponibilité, l'accès à la formation, tant professionnelle, collégiale,
universitaire... Parce qu'on
s'entend, universitaire, c'est sûr que ça doit être encore plus difficile dans
le Nord-du-Québec, là. Ça a de l'air de quoi au Québec, actuellement?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Loiselle.
Mme Loiselle (Solange) : Encore là, ça varie beaucoup. Je vais parler pour
les Inuits, donc la région du Nunavik, qui
est au nord du 55e parallèle, qui, quand même, représente le tiers du
Québec. Les Inuits, 14 communautés isolées sur la côte, accessibles
seulement en avion, il y a des écoles dans chaque communauté. Naturellement, le
niveau scolaire n'est pas le même
qu'on va avoir dans le Sud. Puis aussitôt qu'un jeune veut faire, par exemple,
des sciences, souvent ce n'est pas
donné dans une petite communauté. Naturellement, tout ce qu'on parle de
formation professionnelle, on a un centre de formation professionnelle à
Inukjuak qui donne certains cours, mais c'est très limité, puis les gens
doivent venir à Montréal, puis là, bien,
c'est tout le changement de la grande ville, ce n'est pas le même monde, là.
Donc, c'est très limité et très peu
accessible. Il y a une question de langue aussi, là. La plupart des Inuits
parlent anglais, de plus en plus français, mais l'anglais est quand même
prédominant, là. Il y a une raison historique à ça, là, mais...
M.
Turcotte : Est-ce que c'est par manque de clientèle, manque
de volonté, manque d'intérêt ou par manque de ressources qu'il y a ce
manque de formation là ou moins...
Mme Loiselle
(Solange) : Manque d'infrastructures.
M.
Turcotte :
Manque d'infrastructures?
Mme Loiselle
(Solange) : Oui.
M.
Cleary (Ralph) : Ressources aussi au sens large, hein? Vous
comprendrez que la clientèle Premières Nations et Inuits, si on parle d'éducation, aime aller dans ses propres
structures avec un enseignement, là, culturellement adapté parce qu'on aimerait bien que les Premières
Nations éduquent nos étudiants de Premières Nations. Ça, ça suit dans tout le
processus, là, au niveau de l'éducation, tant au niveau de la formation
professionnelle.
M.
Turcotte :
Vous mentionnez dans vos recommandations : «En complémentarité avec les
ententes fédérales, des ententes
devraient être signées afin de permettre à nos organisations d'obtenir des
fonds supplémentaires pour une structure de services et une prestation
de services adéquats, qui tiennent compte de nos capacités de savoir-être et de
savoir-faire.» Vous avez quand même déjà effleuré un peu la question, mais,
concrètement, ça veut dire quoi, ça?
M.
Cleary (Ralph) : Nous, actuellement, du côté des Premières Nations, on
signe une entente avec le fédéral pour les
services urbains. C'est ce qui nous permet d'avoir développé quatre centres. Ce
qu'on fait, c'est que... Évidemment, les
budgets sont limités, alors on donne le service hors communauté. À un moment
donné, quand le service n'est plus là, quand
on n'a plus le fonds, on offre quand même le service, mais les programmes ne
sont pas là, alors on est appuyés par Emploi-Québec pour poursuivre les
activités. C'est-à-dire qu'à un moment donné le client, lui, il est habitué de
venir chez nous, d'être desservi par les mêmes personnes de la même culture. Ça
a l'air banal comme ça, là, mais un client autochtone,
où est-ce que le français est sa deuxième puis des fois sa troisième langue
parce que l'anglais était la deuxième, qui
arrive dans un centre local d'emploi, qui veut avoir un service, l'agent va
faire son possible, mais, s'il ne connaît pas de quelle façon que
l'autochtone pense, ça va être assez souvent qu'il se retire puis qu'on le
perde.
Alors,
nous, ce qu'on dit, c'est qu'on est les mieux placés pour desservir notre
clientèle parce qu'on les connaît, étant
nous autres mêmes autochtones. Mais ça, ça veut dire que, concrètement, il faut
être capables de le faire pour toute l'année. C'est un peu ça,
finalement, qu'on essaie de faire avec le Québec, on essaie de s'organiser et
développer des partenariats.
M.
Turcotte : Et la structure de services, c'est vraiment une
structure de services pour l'employabilité ou pour aider des parcours de
formation?
M. Cleary
(Ralph) : C'est tout ça.
Mme
Paul (Claudie) : C'est tout
ça. C'est de reconnaître l'expertise des organisations des Premières
Nations dans ce qui va être développé
pour qu'on puisse mettre à profit nos connaissances pour répondre à cette clientèle-là, qu'on
connaît bien.
M.
Turcotte : Quand
vous mentionnez : Un certain
nombre habitent dans les réserves, d'autres ne sont pas dans les réserves, dans certains cas, ça dépend, est-ce
qu'il y a une différence en termes de besoins de ces personnes-là? Est-ce
que, disons, étant peut-être en dehors de la
réserve, ils ont plus de contacts avec le reste de la société québécoise, donc
peut-être le centre local d'emploi, ils ont
développé plus de connaissances du français ou autre ou ça n'a pas
nécessairement d'importance hors ou à l'intérieur de la réserve?
Mme
Paul (Claudie) : Bien, il y a une différence. C'est sûr que, quand tu
es sur réserve, les services vont être culturellement pertinents, là,
mais, quand tu arrives hors réserve, c'est une réalité... Puis c'est une
réalité qu'on voit dans tous les domaines,
hein? Ce n'est pas juste en emploi, c'est en éducation, c'est en santé, en
services sociaux. De plus en plus, on travaille pour développer en partenariat.
On veut être complémentaires à ce qui se fait déjà.
Mais,
je veux dire, il y a une certaine reconnaissance du réseau québécois à
dire : Bien, cette clientèle-là, je n'arrive pas à la rejoindre pour plusieurs raisons qui sont
bien culturelles. Ça fait que, donc, ils viennent, on travaille ensemble,
on fait des partenariats, on détermine des
zones de complémentarité. Ça fait que nous, on vient faire le pont entre notre
clientèle puis le réseau québécois.
Donc, écoute, il y a
des résultats en matière de santé, c'est des choses qui se font. Il y a moyen
de travailler ensemble, de collaborer. Nous, on offre déjà des services. Il y a
des services qui sont offerts via la CDRH, il y a des services... Donc, comment mieux collaborer puis déterminer des zones de
complémentarité afin de permettre au réseau québécois de rejoindre cette
population-là puis aussi d'avoir des résultats positifs?
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député.
M.
Turcotte : Vous avez mentionné, dès le départ, d'entrée de
jeu : Les Premières Nations ont un taux de chômage beaucoup plus élevé que le reste du Québec,
pratiquement le double. En même temps, vous avez beaucoup plus de jeunes,
toutes proportions gardées, que le reste du
Québec. Donc, l'objectif premier du projet de loi est vraiment de faire en
sorte qu'on sorte les jeunes de
l'aide sociale, pour les premiers demandeurs. Donc, vous êtes, si on pourrait
dire, doublement touchés. La
pertinence d'avoir des représentants des Premières Nations à la Commission des
partenaires du marché du travail, est-ce que c'est dans ce sens-là ou
pour d'autres éléments que vous considérez que c'est pertinent?
Le Président (M.
Cousineau) : 40 secondes.
Mme Loiselle (Solange) : Bien, c'est pertinent, oui, c'est dans ce
sens-là. C'est important d'être dans les régions. Les décisions se
prennent dans les régions. Dans le moment, au Québec, il n'y a qu'en
Abitibi-Témiscamingue où la CRPMT a accepté
de faire une place au Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or, c'est la seule
place au Québec, puis c'est parce
qu'ils ont accepté, là... ils ont tricoté pour pouvoir les faire passer, mais
ailleurs il n'y en a pas. Puis, tant que les gens ne se parleront pas...
M.
Turcotte : Vous
souhaitez être dans tous les comités régionaux?
Mme
Loiselle (Solange) : Pas nécessairement.
M.
Turcotte :
Non?
Mme Loiselle (Solange) : Parce qu'il y a des places où... C'est pour ça
qu'on a mis la liste un peu, là. Ça dit un petit peu...
M.
Turcotte :
Où vous êtes sous-représentés.
Mme Loiselle (Solange) : Oui, oui, c'est ça. Les endroits où il y a une
structure, là. On ne demande pas d'être à des endroits... Le
Bas-Saint-Laurent, peut-être qu'il n'y a pas lieu, là, tu sais.
Le
Président (M. Cousineau) : Ça termine le temps alloué à
l'opposition officielle. Je vais passer au deuxième groupe d'opposition,
M. le député de Drummond—Bois-Francs,
pour 5 min 36 s.
M.
Schneeberger : Merci beaucoup. Bien, tout d'abord, bonsoir à
vous trois. Puis en même temps ça me fait plaisir de dire que mon collègue qui travaille avec moi,
Philippe Girard, est aussi originaire de Mashteuiatsh, alors des fois on
a des bonnes discussions, des fois, sur le
monde autochtone. Et puis, pour avoir aussi été à Kuujjuaq, pour ceux qui n'ont
jamais eu la chance d'aller dans le Grand Nord, je peux vous dire que c'est une
réalité totalement différente, c'est un dépaysement
total. Des fois, on va à l'autre bout du monde, mais je peux vous dire qu'à
2 000 kilomètres,
là, ou, en tout cas, à peu près,
c'est très dépaysant. Puis ce qui est, je
trouve, très déplorable, c'est que ça
coûte deux fois le prix d'aller en Europe pour aller là-bas, alors qu'on
est dans la même province. C'est très plate.
Vous vivez une
réalité particulière. Un autochtone qui reste dans un centre, qui décide de
retourner dans sa communauté, le programme,
est-ce qu'il va suivre, actuellement? Est-ce que
c'est une possibilité ou c'est des coupures? Parce
que, si je fais un lien avec
certaines mesures sociales au niveau
de la santé, malheureusement il y a une coupure. Tu traverses la réserve — je
n'aime pas ça dire «la réserve» parce
qu'on dirait que... moi, j'appelle ça
un village — tu
traverses le village, puis finalement ces mesures-là coupent, alors que
tu es dans la même province, là.
• (21 h 40) •
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Loiselle.
Mme Loiselle (Solange) : Écoutez, moi, je peux, rapidement, vous dire que c'est
difficile. Les Inuits, quand on peut,
on les relocalise dans des communautés quand ils veulent y aller. Mais, avec la crise
du logement, il y a déjà 15 personnes par maison de deux, trois chambres, c'est impossible, là. Les gens
sortent du Nunavik parce qu'il n'y a
plus de possibilité de loger.
M.
Cleary (Ralph) : En fait, ça reste leur choix, hein? Si tu as un
individu qui part dans un milieu urbain, à un moment donné, pour différentes raisons, il va vouloir retourner dans sa
communauté. C'est pour ça que nous autres, on pense que les conseils régionaux, là, c'est vraiment une structure qu'on
trouve intéressante parce qu'il faut aussi développer toutes ces relations-là. Et puis, à partir de ce
moment-là, si... Parce qu'on s'est aperçus, là, d'une région à l'autre, les
services ou les relations qui sont
développées avec les communautés sont complètement différentes. Ça, c'est
extrêmement important, là. Tu vas sur
la Côte-Nord, en Abitibi, ces relations-là se font assez bien; dans d'autres
régions, c'est un petit peu plus
compliqué. Ça fait qu'on s'aperçoit qu'il n'y a pas uniformisation de ces
services-là. Ça, ça veut dire que, pour M. Tout-le-monde, autochtone ou Premières Nations et Inuits, qui demeure
à l'extérieur, qui veut avoir un service, le centre régional a plus ou moins de relations avec les
communautés autochtones, bien, souvent, il ne sera pas avantagé dans ce
processus-là. Alors, ça devient, à la limite, un petit peu, là, difficile pour
le participant, là, d'obtenir un emploi ou de participer à une mesure.
M.
Schneeberger :
O.K. Tout à l'heure, vous mentionniez, Mme Loiselle, que les Inuits
avaient une capacité d'apprentissage qui est
un peu différente, ils apprenaient sur le terrain, alors que, des fois, avec le...
Mais est-ce que c'est assez général
ou... Parce que, quand je vous écoute, là ça me dit que peut-être qu'il y
aurait des limitations au niveau des choix
de carrière pour ces gens-là parce que, veux veux pas, à un moment donné, tu as
de la théorie, malheureusement, à faire aussi. Alors, est-ce qu'il y a
des programmes qui sont adaptés pour ces gens-là?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Loiselle.
Mme Loiselle (Solange) : Il y a quelques programmes qui sont adaptés,
comme, par exemple, il va y avoir des cours
pour les professeurs, qui sont donnés à McGill, qui sont adaptés, mais, en
général, les cours ne sont pas adaptés. C'est sûr qu'à un moment donné on n'a pas le choix, hein, d'aller sur
les bancs d'école. Mais, pour la grande majorité des gens, si vous prenez une population comme les Inuits, qui sont à peu
près 14 000, dans un village, 14 000, il n'y a pas tant
d'universitaires que ça. Ce n'est pas différent. On ne diplômera pas tous
universitaires les 85 % des Inuits qui sont là. Donc, la plupart des emplois restent quand même des emplois
techniques, des emplois de métiers qui sont accessibles à peu près à
tout le monde.
C'était quoi, votre
autre question? Je m'excuse, il me semble que j'en ai perdu un bout.
M.
Schneeberger : Bien, c'était ça vraiment, les programmes,
s'il y a des programmes qui existent spécifiquement pour les Inuits qui désireraient, justement...
Bon, là, c'est ça que vous dites : À un moment donné, ils n'ont pas le
choix, il faut qu'ils s'expatrient. Mais en même temps il y a des
besoins dans ces communautés-là, où est-ce qu'il y a des... Parce que, souvent,
il y a des... Moi, je le sais, ma conjointe a été enseigner à Salluit.
Mme Loiselle (Solange) : Ah oui?
M.
Schneeberger :
Oui. Mais il y a toujours, justement, cette espèce de... Les gens de là-bas,
ils nous disent : Ah! bien, les
blancs viennent, mais ils repartent. Et les gens s'attachent là-bas, mais ils
repartent. Alors, c'est pour ça que je
dis : Regarde, si, maintenant, on peut former leurs propres professeurs
qui vont vraiment rester dans la communauté. C'est ça qui est...
Mme
Loiselle (Solange) : Il n'y
en a pas beaucoup, c'est ça, c'est pour ça qu'il y a de l'enseignement qui se
donne pour essayer de développer des professeurs en inuktitut. Mais,
dans le moment, ça se fait dans le premier niveau du primaire, là. Après ça, il n'y en a pas, puis c'est sûr que c'est un
problème. On a le problème des pensionnats résidentiels. Le lien avec l'école, ça a beau avoir touché le
parent ou le grand-parent, ça t'affecte encore, toi, le jeune qui est à
l'école. Il y a ce rapport-là puis il y a le rapport aussi que les
professeurs changent constamment. Ça fait qu'effectivement ils s'attachent, puis, woups!, la personne part. Mais,
quand tu te fais faire le coup quatre, cinq fois, là, à un moment donné,
tu es plus prudent.
Le
Président (M. Cousineau) : Mme Loiselle, on va passer
maintenant la parole à la députée de Gouin pour les trois prochaines
minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, M. le Président. Bonsoir, monsieur mesdames. La
notion de contrat moral a été abordée
quelques fois ici, aujourd'hui. Moi, je veux vous dire clairement, comme
députée québécoise, que je considère que la nation à laquelle
j'appartiens doit avoir un contrat moral avec les Premières Nations. Compte
tenu de 400 ans d'histoire partagée, pour le meilleur et pour le pire, je
pense qu'on a ensemble un contrat moral, ce qui m'amène à la question
du racisme, parce que vous l'avez évoquée. C'est une question
qu'on est toujours un peu mal à l'aise, hein, de soulever, parce qu'on se sent un peu concernés. Mais moi, je voudrais qu'on prenne la
dernière minute de la soirée pour en
parler. Parce que vous dites dans votre mémoire : «...les préjugés, la discrimination et le racisme sont autant d'obstacles
importants», etc., là, pour l'accès à l'emploi.
Dites-nous donc un peu comme ça, dans la
dernière minute qu'on a, qu'est-ce qu'on pourrait faire, nous, les parlementaires
québécois? Qu'est-ce que vous attendez de nous pour combattre le racisme à
l'égard des autochtones?
M. Cleary
(Ralph) : Oui, on pourrait peut-être
commencer le débat, mais en fait il y
a des choses qui avaient déjà été
commencées. Je sais que le Secrétariat des affaires autochtones avait mis une table
en place dans le temps du Parti québécois,
qui était au pouvoir, pour, justement, là, essayer de voir qu'est-ce qu'on peut
faire ensemble, où est-ce qu'on peut aller plus loin. Et puis là, à ce
moment-ci, on a l'impression qu'il n'y a rien qui a bougé. Je pense que ça
serait important que cette table-là revienne, qu'on puisse asseoir les acteurs
concernés par ça ensemble puis essayer de voir ensemble de quelle façon qu'on peut faire les choses. Parce que le
racisme, là, c'est une pensée, là, c'est quotidien, ça, là, là. C'est
incrusté dans les gens. Les gens chez nous... Écoutez, là, vous l'avez vue tout
comme nous autres, la crise de Val-d'Or,
puis ça a fait en sorte qu'à un moment donné, là, il y a les choses sur la
Côte-Nord qui ont sorti. C'est omniprésent partout, puis c'est un problème majeur, puis je pense qu'il doit être
pris au sérieux, puis il doit être priorisé, là, au niveau du
gouvernement.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Paul.
Mme Paul
(Claudie) : Oui. Il y a des moyens quand même assez simples. Nous, on
le travaille beaucoup au niveau de la
santé. Vous savez, préjugés, racisme, discrimination, c'est souvent fondé sur
de la méconnaissance. Donc, il y a toute cette méconnaissance-là de part
et d'autre. Donc, nous, on travaille beaucoup à former, hein, à sensibiliser,
bon, nos partenaires, que ce soit en santé et services sociaux, en éducation,
que de changer cette fausse pensée, ces fausses croyances là, ça fait tomber quand même beaucoup de barrières. Ça fait
que le volet communication dans tout ce qu'on développe, on se rend compte que c'est d'une importance primordiale dans
toutes les mesures qu'on met en place, les services, pour ne pas que les gens disent : Bon, encore des
services pour les autochtones. Pourquoi que ça prend des services
culturellement pertinents? Donc, il faut que les gens comprennent.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. Cleary,
Mme Loiselle puis Mme Paul. Merci pour votre participation.
La commission
ajourne ses travaux au mercredi 10 février 2016, à 11 h 30, où
elle poursuivra son mandat. Merci. Bonne fin de soirée à tous et à
toutes.
(Fin de la séance à 21 h 48)