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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, January 27, 2016 - Vol. 44 N° 58

Special consultations and public hearings on Bill 70, An Act to allow a better match between training and jobs and to facilitate labour market entry


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. Sam Hamad

M. Dave Turcotte

M. Sébastien Schneeberger

Mme Françoise David

Auditions

Collectif pour un Québec sans pauvreté

Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre (RSSMO)

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

Regroupement des Auberges du coeur du Québec

Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ)

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Fédération des travailleurs et travailleuses
du Québec (FTQ), Confédération des syndicats nationaux (CSN) et Centrale des
syndicats démocratiques (CSD)

Autres intervenants

M. Claude Cousineau, président

M. Pierre Michel Auger, président suppléant

*          Mme Virginie Larivière, Collectif pour un Québec sans pauvreté

*          M. Serge Petitclerc, idem

*          M. François Fournier, idem

*          Mme Marie-Josée Dubois, RSSMO

*          Mme Sylvie Baillargeon, idem

*          Mme Karine Genest, idem

*          M. Eric Tetrault, MEQ

*          M. Benoît Malric, idem

*          M. Rémi Fraser, Regroupement des Auberges du coeur du Québec

*          M. Tristan Ouimet Savard, idem

*          Mme Roxane Blanchet, FCPASQ

*          Mme Monique Toutant, idem

*          M. Yann Tremblay-Marcotte, idem

*          M. Christian Loupret, idem

*          M. Yves-Thomas Dorval, CPQ

*          Mme Norma Kozhaya, idem

*          Mme Chantal Hains, idem

*          Mme Martine Hébert, FCEI

*          M. François Vincent, idem

*          Mme Louise Chabot, CSQ

*          M. Jean Lortie, CSN

*          M. Daniel Boyer, FTQ

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Cousineau) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 70, Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration en emploi.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Drolet (Jean-Lesage) sera remplacé par M. Huot (Vanier-Les Rivières); M. Leclair (Beauharnois), par M. Turcotte (Saint-Jean); et M. Therrien (Sanguinet), par M. LeBel (Rimouski).

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Parfait. Alors, nous débuterons ce matin par les remarques préliminaires, puis nous entendrons successivement, au cours de la journée, le Collectif pour un Québec sans pauvreté, le Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre, les Manufacturiers et exportateurs du Québec et le Regroupement des Auberges du coeur du Québec.

Remarques préliminaires

Alors, pour les remarques préliminaires, nous allons faire six minutes avec le gouvernement, 3 min 30 s avec l'opposition officielle, 2 min 30 s avec le deuxième groupe d'opposition et deux minutes avec Mme la députée de Gouin. M. le ministre, vos remarques préliminaires, vous avez six minutes.

M. Sam Hamad

M. Hamad : Bon matin, M. le Président. Chers collègues parti ministériel, chers collègues partis de l'opposition, bonjour, et je souhaite la bienvenue à tous les représentants, représentantes d'organismes qui vont participer à la consultation du projet de loi n° 70. Je suis accompagné ce matin, M. le Président, avec M. Matte, à ma droite, le sous-ministre en titre du ministère; et deux sous-ministres adjointes, c'est Mme Maltais, à l'arrière de moi, et Mme Bourassa; et aussi plusieurs du ministère qui ont travaillé très fort pour la préparation de ce projet de loi; ainsi que M. Steeve Leblanc, à ma gauche, mon chef de cabinet.

Le Québec fait face à un déclin démographique qui pose un défi sur le plan de recrutement de la main-d'oeuvre. C'est un enjeu important pour l'économie de la province. Déjà, des entreprises voient leurs projets d'agrandissement et de développement de nouveaux marchés être retardés en raison de la rareté de la main-d'oeuvre. Notre démographie ne peut constituer un frein à notre développement économique et aux projets d'avenir de nos entrepreneurs. Notre gouvernement a fait du développement économique sa priorité. Il faut assurer un Québec prospère pour les générations à venir.

Au cours des prochaines années, ce sont des centaines de milliers d'emplois qui seront à pourvoir au Québec. Assurer un meilleur arrimage entre les besoins du marché du travail et la formation fait partie de la solution, et c'est ce que propose le projet de loi n° 70. Ce projet de loi suggère des modifications à la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, et sur la Commission des partenaires du marché du travail, sur la CPMT, ainsi que la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre, appelée la loi 1 %.

L'intention est notamment d'élargir le rôle et la portée de l'intervention de la CPMT. Cette commission jouerait un rôle accru dans l'élaboration des politiques et des stratégies pour améliorer l'adéquation entre les besoins du marché du travail et la main-d'oeuvre. Cette commission se verrait aussi accorder le pouvoir d'exiger une reddition de comptes aux différents ministères sur la formation financée, et ce suivi permettrait à la commission de s'assurer que l'offre de formation est en lien avec les besoins du marché du travail. Nous souhaitons également améliorer la participation des employeurs à la formation en milieu de travail en les encourageant à accueillir plus de stagiaires.

La loi sur les compétences serait également revue afin de s'assurer que les dépenses de formation déclarées par les entreprises répondent aux objectifs de la loi. Nous voulons ainsi nous assurer que les entreprises comprennent clairement que des activités telles que des séances de rigolothérapie ne peuvent pas être considérées comme des activités admissibles en vertu de la loi.

Un autre point que je souhaite éclaircir concerne l'avenir d'Emploi-Québec. À la suite du dépôt de ce projet de loi, certains sont inquiets de l'avenir d'Emploi-Québec. Je vous rassure, Emploi-Québec demeurera visible et reconnu en ce qui concerne les services publics d'emploi et les services de la solidarité sociale.

Maintenant, le programme Objectif emploi est l'élément de ce projet de loi qui a suscité le plus de réactions. On l'a vu ce matin, M. le Président, on a de la belle visite ici. Le Québec doit compter sur la participation au marché du travail du plus grand nombre de personnes possible. C'est ce que nous souhaitons faire avec le programme Objectif emploi. Chaque année, environ 17 000 adultes qui sont aptes au travail font une première demande d'aide financière de dernier recours. Près de 60 % d'eux sont âgés de 29 ans et moins. Parmi ces jeunes, plus de 6 200 proviennent de familles ayant déjà reçu des prestations d'aide financière de dernier recours. Pouvons-nous nous permettre d'abandonner ces jeunes? La réponse, c'est non. Il faut briser le cercle vicieux de l'aide sociale, et l'emploi est le meilleur moyen de se sortir de la pauvreté, surtout de gagner la dignité.

J'insiste sur la clientèle ciblée par Objectif. C'est les premiers demandeurs d'aide sociale, c'est les personnes aptes au travail. Les mères monoparentales avec des jeunes enfants, les aidants naturels, les personnes qui ont un problème de toxicomanie, les gens qui ont une maladie ne sont pas concernés. Pour les personnes concernées par le programme, je tiens à souligner qu'elles bénéficieront d'un accompagnement intensif et personnalisé pour favoriser leur démarche et leur intégration. Chaque personne aura son plan d'intégration à l'emploi, élaboré à partir de ses compétences, ses intérêts et de ses aspirations.

Nous sommes sensibles au fait que tous et toutes ne seront pas prêts immédiatement à intégrer le marché du travail. Pour certains, le cheminement s'amorcera avec des ateliers pour développer leurs habiletés sociales. Pour d'autres, ce sera l'avenue de la formation qui sera retenue. Mais, peu importe le scénario, notre intention, ce n'est pas faire déménager des gens. D'ailleurs, nous comptons sur nos partenaires, les groupes communautaires, les carrefours jeunesse-emploi, présents dans chacune des régions, pour aider les jeunes à réaliser leurs plans d'intégration à l'emploi.

Les participants bénéficieront d'une allocation financière additionnelle pouvant atteindre 250 $ pour les appuyer dans leur démarche. En contrepartie, la personne qui ne respecterait pas les activités convenues à son plan personnalisé d'intégration en emploi pourrait se voir imposer des sanctions financières. Les contribuables québécois, par le biais de ce programme, investissent dans le potentiel des participants en leur offrant un incitatif financier pour les accompagner dans leur démarche d'intégration à l'emploi.

Je vois que vous me regardez, M. le Président, alors je vais faire la conclusion. J'aimerais terminer en vous lançant quelques pistes de réflexion liées à ce projet de loi et je regarde mes collègues de l'opposition ici. Est-ce qu'une société développée, généreuse, solidaire et ambitieuse peut se permettre de laisser tomber chaque année des milliers de jeunes dans la pauvreté et la détresse sans pouvoir les aider à accomplir leur plein potentiel et à réaliser leurs rêves? Est-ce que le Québec ambitieux d'aujourd'hui peut accepter que la seule destinée d'un enfant d'une famille à l'aide sociale soit de vivre à l'aide sociale? Nous voulons briser ce cercle vicieux et donner à nos jeunes la chance de réaliser leur plein potentiel et surtout de leur assurer un avenir meilleur.

• (9 h 40) •

Le Président (M. Cousineau) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je passerais maintenant la parole au député de Saint-Jean pour 3 min 30 s.

M. Dave Turcotte

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Salutations au ministre, à mes collègues de la deuxième opposition, à ma collègue la députée de Gouin ainsi que toute l'équipe du ministère. Salutations aussi aux groupes qui sont présents aujourd'hui. Salutations, malheureusement, aux groupes qui nous écoutent à la télévision parce qu'ils n'ont pas pu être ici pour s'exprimer. Nous avions demandé des consultations générales, car nous croyons, M. le Président, que c'est un projet de loi important, qui, selon notre lecture du projet de loi, s'attaque aux pauvres, qui ne s'attaque malheureusement pas à la pauvreté. Nous aurions aimé que plusieurs groupes intéressés, sur le terrain, puissent être ici présents pour donner leurs points de vue. Nous allons donc être en mode écoute des groupes qui sont ici, mais aussi en mode écoute des groupes et des citoyens qui ne sont pas ici et qui nous communiqueront leurs opinions et leurs points de vue.

Nous demandons de la transparence, de l'ouverture, un débat serein, dans un projet de loi où il y a malheureusement beaucoup de préjugés, et faire en sorte de ne pas tomber dans l'institutionnalisation de ces préjugés. Nous regrettons aussi, malheureusement, que le règlement du projet de loi, qui découle du projet de loi, où nous pourrions connaître davantage d'éléments de la position du ministre et du gouvernement, n'est pas connu à ce jour. Donc, les groupes qui sont ici aujourd'hui ont déposé des mémoires, vont donner leurs opinions sur des éléments où des décisions se prendront ailleurs, au Conseil des ministres.

Donc, M. le Président, nous allons poser beaucoup de questions, durant le projet de loi, aux groupes, mais aussi au ministre, pour avoir des éclaircissements et faire en sorte que ce projet de loi là, qui, nous, à notre lecture actuelle, n'est pas acceptable... fasse en sorte qu'on puisse aider davantage notre population à se sortir de la pauvreté et non pas entrer et rester dans la pauvreté. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Oui. Alors, merci, M. le député de Saint-Jean, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi et solidarité sociale. Je passerais maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition, à M. le député de Drummond—Bois-Francs... en emploi, solidarité sociale.

M. Sébastien Schneeberger

M. Schneeberger : Merci, M. le Président. Bien, tout d'abord, je voudrais saluer tous les gens ici présents, autour de la table, et aussi tous les citoyens présents dans la salle, en particulier M. le ministre et ses collègues ministériels. Le député de Saint-Jean, bonjour.

Nous entreprenons donc aujourd'hui des consultations particulières sur le projet de loi n° 70. Il s'agit d'un projet de loi rassemblant plusieurs changements en un seul texte législatif. En effet, on y abolit la structure administrative d'Emploi-Québec, on y ajoute le mandat de la Commission des partenaires du marché du travail et on y modifie le processus de nomination de ses membres. On y réforme... à l'aide sociale en créant le programme Objectif emploi et on y profite pour confirmer l'abolition du programme Alternative jeunesse, dont le financement n'avait pas été reconduit en juin 2014. Bref, on y fait beaucoup de choses.

Il y a des volets de ces réformes avec lesquels nous sommes naturellement d'accord. Ma formation politique et moi-même sommes disposés positivement face à l'abolition de la structure administrative d'Emploi-Québec. Cependant, et c'est là un principe qui nous est très cher, nous veillerons à ce qu'aucune réduction des services à la population ne découle de ce changement. Alors que nous voyons d'un bon oeil une réforme de l'aide sociale visant à offrir un accompagnement aux nouveaux prestataires, nous nous interrogeons sur la façon qu'est construit le nouveau programme Objectif emploi. Nous profiterons des consultations afin de bénéficier des avis des groupes qui seront entendus pour obtenir des clarifications sur le degré d'accompagnement nécessaire au retour de prestataires sur le marché du travail.

Également, au sujet de la réforme de l'aide sociale, nous sommes très inquiets par rapport à la notion de l'emploi convenable. Des questions que nous avions posées au ministre à l'automne dernier n'ont jamais été répondues clairement par le ministre. Quant au critère de distance, nous veillerons donc, au cours de ces consultations, à obtenir le plus de précisions possible sur la réalité des prestataires d'aide sociale afin d'inclure un tel critère au texte de loi.

Enfin, nous aurons plusieurs questions sur la portée des changements à la Commission des partenaires du marché du travail, notamment sur le processus de nomination. Nous pourrons donc bénéficier des commentaires de nos invités, à savoir comment éviter de nouvelles nominations, parfois partisanes, malgré les changements que semble vouloir opérer le ministre...

Le Président (M. Cousineau) : En conclusion.

M. Schneeberger : ...en cette matière. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Drummond—Bois-Francs, porte-parole en matière d'emploi, solidarité sociale. Je cède maintenant la parole, pour les deux prochaines minutes, à la députée de Gouin. Mme la députée.

Mme Françoise David

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Donc, moi aussi, mes salutations au ministre, aux députés du gouvernement, à tout le personnel du ministre, à mes collègues des oppositions.

Soyons clairs : La formation politique que je représente ne vise pas à perpétuer la pauvreté, bien entendu. La formation que je représente veut aussi qu'on crée des emplois au Québec, et des emplois de qualité. Ce que je vais dire aussi, c'est que, bien sûr, on voudrait un meilleur développement de la main-d'oeuvre, une main-d'oeuvre plus instruite, une main-d'oeuvre bien formée, c'est entendu, mais priver des personnes parmi les plus pauvres d'entre nous d'un revenu minimal déjà minimal, c'est non. C'est non maintenant et ce sera non jusqu'à la fin de la commission.

Les groupes qui vont venir nous voir sont, pour une bonne part, les véritables experts, ceux qui savent, sur le terrain, comment ça se passe avec les personnes assistées sociales, ceux qui savent comment aider des personnes à se sortir de la pauvreté. J'espère qu'on va vraiment les écouter. Parce que je sais que la plupart d'entre eux vont venir expliquer pourquoi la mesure punitive dont tout le monde parle est indigne, inefficace et inutilement punitive, je nous invite donc à les écouter, ces groupes. Et j'invite vraiment, dès maintenant, le ministre et son gouvernement à refuser d'appliquer une autre mesure d'austérité qui s'ajoute à toutes celles qu'on connaît déjà, avec tous les effets pervers que nous avons vus. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de Gouin. Alors, les remarques préliminaires étant terminées, nous allons passer à la section Auditions d'une durée de 45 minutes. Les 10 premières minutes sont consacrées à la présentation du mémoire par le groupe, et puis les 33 minutes suivantes vont se distribuer ainsi : pour les membres du gouvernement, 15 minutes; pour l'opposition officielle, neuf minutes; pour le deuxième groupe d'opposition, six minutes; pour la députée indépendante, trois minutes.

Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Je vous invite donc à faire votre présentation. Vous avez 10 minutes, le temps est à vous.

Collectif pour un Québec sans pauvreté

Mme Larivière (Virginie) : Bonjour, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires. Comment vous dire qu'on a vraiment l'impression de jouer dans un mauvais remake? Comment vous dire combien le collectif ne comprend pas qu'en 2016 on remette en scène l'approche du «workfare» via le projet de loi n° 70...

Le Président (M. Cousineau) : ...je vais vous interrompre. Est-ce que vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

Mme Larivière (Virginie) : Absolument. Désolée. Virginie Larivière, organisatrice politique au Collectif pour un Québec sans pauvreté.

M. Petitclerc (Serge) : Serge Petitclerc, analyste politique.

M. Fournier (François) : François Fournier, coordonnateur.

Le Président (M. Cousineau) : Poursuivez.

Mme Larivière (Virginie) : Merci. Alors donc, comment vous dire comment on ne comprend pas qu'en 2016 on remette en scène le principe du «workfare» et l'approche punitive via le projet de loi n° 70? Je commencerai par vous montrer ici le premier scénario de ce film-là qui semble avoir inspiré le projet de loi n° 70. Ce scénario date de 2004, c'est le projet de loi n° 57 que la Commission des affaires sociales a étudié, comme vous vous apprêtez vous-mêmes à étudier le projet de loi n° 70. Le projet de loi n° 57 propose, en 2004, le retour d'une approche punitive et le principe du «workfare», particulièrement pour les jeunes. On parle alors du parcours individualisé, une sorte de programme Objectif emploi de début du XXIe siècle.

Je vous montre maintenant le mémoire du collectif à la Commission des affaires sociales de l'époque, qui s'intitule Back to the future! On considérait déjà qu'on était dans un mauvais film. Vous vous dites sûrement que, bon, c'est normal que le Collectif pour un Québec sans pauvreté ait décrié le projet de loi n° 57, mais j'aimerais attirer votre attention sur le rapport de la ministre de la Solidarité sociale de l'époque, qui était Michelle Courchesne, et qui dit, dans ses constats généraux : «Le cheminement dans un contexte obligatoire conduit plus souvent à des mesures de courte durée que ne le fait l'approche volontaire.» Et que fait la ministre suite à ces constats et ce rapport? Elle fait disparaître le principe d'obligation du parcours individualisé et elle crée le programme Alternative jeunesse. Comment vous dire que le collectif ne comprend pas qu'on rejoue encore ce film?

• (9 h 50) •

M. Petitclerc (Serge) : En fait, on aurait pu limiter nos arguments à un seul, c'est-à-dire l'argument sur les droits humains. L'article 45 de la Charte des droits et libertés de la personne stipule que «toute personne dans le besoin a droit [...] à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales [...] susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent». Pour le collectif, ça, ça signifie que rien, mais absolument rien ne justifie de couper dans les prestations des personnes assistées sociales, des personnes dont le revenu, justement, n'est pas décent. La charte québécoise, ce n'est pas une loi ordinaire, c'est quasi constitutionnel. Ça a été adopté pour défendre les droits du peuple contre ses dirigeants, entre autres. Puis le projet de loi n° 70, quant à nous, c'est un abus des dirigeants sur la population. Punir les personnes assistées sociales parce qu'elles sont pauvres, c'est tout simplement immoral, sinon illégal.

Par ailleurs, on met de l'avant trois autres arguments contre le projet de loi n° 70, le premier étant que l'approche punitive ne fonctionne tout simplement pas. Des expériences similaires ont été tentées ailleurs dans le monde et elles se sont soldées par des échecs, parce que la majorité des personnes visées sont demeurées pauvres, exclues et sans emploi. Ce dont ont besoin les personnes sans emploi, c'est d'un meilleur revenu, de meilleures mesures d'aide à l'emploi et de plus d'accompagnement.

Lorsque le collectif et d'autres organisations ont critiqué la modification du règlement d'aide sociale concernant les centres en désintoxication, on nous a dit qu'on exagérait, on nous a dit que ça allait bien aller. Eh bien, il aura fallu des reportages télévisés montrant des personnes qui pleuraient à la caméra pour vous faire bouger. Cette fois-ci, ça va prendre combien de témoignages émouvants pour vous faire réaliser que l'approche punitive, ça ne fonctionne tout simplement pas?

Mme Larivière (Virginie) : Notre deuxième argument, il vise à dénoncer le supposé manque de volonté à se prendre en main. D'abord, les personnes assistées sociales ne manquent pas de volonté, elles manquent d'argent. Et affirmer qu'elles font le choix délibéré de vivre de l'aide sociale, c'est alimenter des préjugés mensongers. C'est faire croire que ces personnes sont paresseuses et profiteuses. Affirmer que les personnes assistées sociales font le choix délibéré de vivre de l'aide sociale, c'est les rendre responsables de leur pauvreté.

Le programme Objectif emploi, comme toute approche de type «workfare», fait de l'intégration au marché du travail une question de responsabilité individuelle, comme si l'intégration des personnes dépendait principalement de leur volonté. Et puis là, au-delà des études scientifiques qui prouvent déjà hors de tout doute que le «workfare» puis l'approche punitive ne fonctionnent pas, j'aimerais attirer votre attention sur un sondage sur les politiques sociales qui a été fait par la firme Léger et j'aimerais attirer votre attention sur le fait que, dans le sondage, les résultats démontrent que 61 % des Québécois et des Québécoises pensent que la prévention de la pauvreté, c'est une affaire collective et que 57 % des Québécois et des Québécoises pensent que le soutien aux plus démunis, c'est une histoire collective et non une responsabilité individuelle.

M. Petitclerc (Serge) : Le troisième argument porte sur les premières visées par le projet de loi n° 70, c'est-à-dire les personnes assistées sociales elles-mêmes. Comment on peut en demander plus à des personnes qui ont tout perdu, qui se trouvent à cogner à la porte d'un centre local d'emploi? La première des pénalités financières, c'est justement d'être à l'aide sociale. Les personnes doivent déjà porter le fardeau d'une prestation qui est nettement insuffisante. Pour les personnes jugées aptes à l'emploi, celles qui vont être visées par le projet de loi, vivre avec un revenu de 623 $ par mois, ça veut dire voir sa santé se dégrader et mourir plus jeune.

M. Hamad a annoncé que la pénalité financière pour non-participation à Objectif emploi pourrait aller jusqu'à la moitié de la prestation de base. C'est tout simplement insensé. En fait, moi, je serais prêt à vous parier 623 $ que la pénalité financière qui sera proposée dans le règlement va être moindre. On va nous proposer 40 $, 50 $, 60 $ puis on va essayer de nous faire croire que c'est plus modéré, que le ministre est magnanime. Bien, on ne sera pas dupes. On sait très bien que couper ne serait-ce que 1 $ dans une prestation insuffisante, c'est déjà intolérable.

Mme Larivière (Virginie) : En introduction, je me demandais comment on pouvait vous exprimer l'impression qu'on a de jouer dans un mauvais film. J'ajouterais qu'on ne comprend d'aucune façon ce qui justifie que le projet de loi n° 70 et le programme Objectif emploi soient étudiés ici et maintenant, alors qu'en parallèle a cours en ce moment même une consultation publique en matière de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale. Les consultations se terminent dans deux jours. Le chevauchement de la consultation publique et le dépôt du projet de loi et de la commission parlementaire qui l'étudie créent de la confusion, à tout le moins, et ne favorisent absolument pas un espace de discussion ouvert, un débat transparent. Et on se demande vraiment pourquoi le projet de loi n° 70, qui est odieusement rempli de préjugés, est déposé alors même que la consultation publique en matière de lutte à la pauvreté n'est pas terminée.

Donc, le collectif vous l'a dit, vous vous demandez ce qu'il faut faire pour lutter contre la pauvreté au Québec, commencez donc par cesser d'adopter des lois et des programmes qui appauvrissent les plus pauvres.

M. Petitclerc (Serge) : Lorsque le projet de loi a été déposé, il n'y a que quelques organisations patronales qui ont applaudi le dépôt du projet de loi. Elles ont salué le courage du gouvernement et du ministre, elles se sont réjouies de l'idée de forcer les personnes assistées sociales à se chercher un emploi activement. À part ces quelques organisations patronales, en fait, personne n'en veut, de votre projet de loi, M. Hamad. Ce ne sont pas les besoins des entreprises qu'il faut d'abord combler, ce sont les besoins des personnes. On ne le répétera jamais assez, maintenir des personnes assistées sociales jugées aptes au travail dans la misère, ça demeure l'obstacle numéro un à toute forme de réinsertion à l'emploi.

Maintenant, peut-être sur un ton un peu plus léger, là, pour terminer cette présentation-là, une petite session de questions-réponses. On va poser les questions puis on va offrir quelques réponses, «by the way».

Est-ce que c'est possible que le programme Objectif emploi, qui part sûrement d'une bonne intention, puisse aller contre l'esprit de la charte des droits et libertés du Québec? Je pense que c'est une question qu'il vaut la peine de se poser puis je pense que la démonstration qu'on peut faire juste avec l'article 45, qui, même s'il n'est pas judiciarisable, fait partie de la charte, qui dit que ça prend... «Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent.» Mais moi, je ne vois rien, dans le projet de loi n° 70, qui va dans ce sens, mais je vois plein de choses qui vont dans le sens inverse. Peut-être que la Charte des droits et libertés est trop contraignante. Ça pourrait être un autre débat qu'on pourrait faire ensemble, à savoir : Est-ce que c'est passé date, la Charte des droits et libertés? Parce que, quand on va voter, comme société, le projet de loi n° 70, c'est un peu ça qu'on va dire, que la charte est passée date.

On va parler d'un autre pacte qu'on a signé et qu'on n'arrive pas tout à fait à respecter, le PIDESC, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Dans la troisième partie, l'article 6 dit : «Les États parties au présent pacte reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté», puis, en plus, les États ont la responsabilité de prendre des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit.

Alors, la question, c'est : En quoi l'État québécois, avec le projet de loi n° 70, prend des mesures pour protéger le droit à un travail librement choisi si ce même État menace les prestataires d'aide sociale de couper leurs chèques de moitié à moins qu'ils ne choisissent librement de faire ce que l'on dit? Est-ce que c'est acceptable de demander à des personnes qui meurent tranquillement de leur pauvreté d'en faire un peu plus, de se priver un petit peu plus, de faire des efforts pour financer le déficit annuel de l'État québécois? A-t-on besoin de ces 50 millions là à ce point-là, mesdames et messieurs?

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci pour votre présentation. Nous allons débuter la période d'échange avec les parlementaires. Alors, peut-être une petite précision pour le groupe que l'on reçoit et les groupes que nous allons recevoir, c'est préférable de parler du ministre, ou du gouvernement, ou des députés plutôt que de nommer le nom de famille, d'accord? Alors, on vous demanderait de faire bien attention. Alors donc, le premier 15 minutes, M. le ministre.

• (10 heures) •

M. Hamad : Merci, M. le Président. Alors, M. Fournier, Mme Larivière, M. Petitclerc, bienvenue. Merci de faire l'effort, et j'apprécie votre effort.

C'est sûr qu'on ne s'entendra pas sur les principes, et je veux juste clarifier quelques points, parce que vous-mêmes, vous avez votre opinion, je respecte. Personne ici, dans la salle, et personne au Québec... Je ne crois pas qu'il y ait une personne au Québec qui veut appauvrir les pauvres. Personne, et le gouvernement encore plus, n'a aucune intention d'appauvrir. Au contraire, on veut donner la dignité, on veut aider les gens à sortir de la pauvreté, puis on va les aider et les accompagner. Ça, c'est le premier élément majeur et important. La preuve, c'est qu'on ajoute de l'argent. La société ajoute.

Deuxièmement, sur la responsabilité collective, personnelle, je vous rappelle que le gouvernement, la société a une responsabilité collective. Mais la personne a une responsabilité aussi sur elle-même. Il fait qu'on se prenne en main quand on est capable. Si on n'est pas capable, la société, elle est là pour aider la personne à se prendre en main.

Vous avez parlé de préjugés partout, et vous-mêmes, sans le vouloir, je sais, vous avez quand même des préjugés. Vous avez dit qu'on veut punir les gens parce qu'ils sont pauvres. C'est un préjugé. Vous avez dit que les patrons, ils n'ont pas de coeur, les entreprises n'ont pas de coeur, ont félicité ça parce qu'ils ne comprennent pas. C'est un préjugé aussi. Alors, il faut faire attention.

En fait, notre objectif ultime ici, et ce qu'on ne s'entend pas malheureusement, ce que nous, on n'accepte pas... Ce n'est pas acceptable aujourd'hui, dans notre société, de laisser tomber nos jeunes dans la pauvreté. Et, en passant, vous avez parlé de film, là, vous avez manqué pas mal un bout dans votre présentation, parce que vous avez parlé de 2004, vous avez oublié de parler de 2008, 2009, 2010, 2011... Parce que, rappelez-vous, dans ces années-là, on a fait le Pacte pour l'emploi, qui a été signé et salué par tout le monde. On a fait le Pacte pour l'emploi et le Pacte pour l'emploi Plus, 1 milliard, et après ça on a ajouté 500 millions, c'est 1,5 milliard. Et ce qu'on s'est entendus, tous, au Québec, c'est : aider les gens à sortir de la pauvreté. Puis on a dit : On va travailler sur une base volontaire. Puis on a travaillé tous ensemble. On a réussi quand même à faire face à la crise économique, on a eu des beaux succès, mais, les résultats aujourd'hui, après tous ces investissements-là, il demeure qu'il y a 12 000 jeunes qui arrivent à l'aide sociale pour la première année, pour la première fois. Il y a 6 200 jeunes issus d'une famille de l'aide sociale. Votre solution, c'est quoi? C'est de donner plus d'argent, puis on les laisse là? Notre solution à nous, là, c'est simple, c'est : on veut les accompagner, on veut s'occuper d'eux, on veut briser le cercle vicieux de l'aide sociale, de dire : Je suis un enfant, je m'en vais là. On ne veut pas ça. Puis on veut le faire avec la dignité des gens, on veut travailler avec eux.

Alors, dites-moi, votre solution, c'est quoi? On l'a fait, le volontaire. On a mis 1,5 milliard, on a travaillé tous ensemble. On a eu des bons résultats, mais ce n'est pas suffisant. Qu'est-ce que vous feriez avec les 6 200 jeunes issus de l'aide sociale, actuellement d'une famille de l'aide sociale? Qu'est-ce vous feriez avec les 12 000 par année — par année — qui arrivent? Et, en passant, c'est des gens qui sont aptes pour travailler. J'ai parlé des conditions, ils n'ont pas de problème de toxicomanie, pas de problème de santé, pas une femme monoparentale avec des enfants, aidants naturels. On parle des gens qui sont, en général, prêts pour être en mouvement.

Nous, on croit qu'on a quand même, comme personnes dans la société, une responsabilité. Puis la société, elle a une responsabilité.

Le Président (M. Cousineau) : M. Petitclerc.

M. Petitclerc (Serge) : Les organisations comme le collectif ne sont pas opposées aux mesures à l'emploi, on est les premiers à dire qu'on doit investir dans les mesures d'aide à l'emploi. Mais le cas des familles monoparentales, ce qu'elle a démontré dans les dernières années, c'est... À partir de 2004, avec le premier plan de lutte contre la pauvreté, où est-ce qu'on a mis en place la mesure de soutien aux enfants, quand on a mis en place aussi les services de garde à tarif réduit, ça a fait en sorte que ces familles-là, ce sont celles qui sont le plus sorties de l'aide sociale, justement parce qu'elles ont eu, oui, de meilleurs services, mais aussi une bonification financière. Donner plus d'argent aux personnes assistées sociales, ça fait en sorte que ces personnes-là peuvent sortir de la survie au quotidien et envisager un retour sur le marché du travail, juste pour la simple et bonne raison que ces gens-là peuvent se nourrir, ils peuvent s'habiller, ils peuvent peut-être habiter dans un logement un peu plus décent.

Vous dites que personne ne veut appauvrir les gens au Québec, je veux bien le croire. Mais, quand on parle d'une pénalité financière pour les personnes qui ne participent pas, ça, ça s'appelle de l'appauvrissement, sinon on n'utilise pas le même système d'arithmétique, là. Une personne qui va se retrouver avec une pénalité... vous avez dit, M. le ministre : «Jusqu'à la moitié du chèque» en conférence de presse, si ce n'est pas le cas, tant mieux, mais, quand on dit ça, on ne peut pas s'empêcher de voir qu'il va y avoir un appauvrissement. Et, quand vous me dites : Qu'est-ce qu'on doit faire?, on l'a souvent répété, il faut améliorer le revenu des gens, il faut que les gens aient accès à des mesures d'emploi. Actuellement, on coupe dans les mesures d'emploi. On a aboli le programme Alternative jeunesse, dans lequel il y avait plus d'argent, qui va être mis dans Objectif emploi.

Je veux dire, moi, je veux croire qu'on ne veut pas appauvrir les gens, mais le constat qu'on voit des mesures qui sont mises en place depuis quelques années, c'est un appauvrissement, je veux dire, sinon on ne lit pas la réalité de la même manière.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, monsieur, vous avez...

M. Hamad : ...je vais continuer. On a juste 15 minutes, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, mais allez-y, M. le ministre, puis après ça je passerai la parole... Soyez plus court, M. le ministre.

M. Hamad : Juste un petit rappel, parce que vous avez parlé d'Alternative jeunesse, et c'est le monsieur en face, ici, son gouvernement qui ont coupé là. Juste un petit rappel. Vous parlez des films, là, hein? Ça fait partie du film, là. Et aujourd'hui, bien là, il veut revenir.

Mais moi, je reviens, là, vous ne répondez pas à ma question, là. Moi, là, la société, là, le monde me disent, là, sur le terrain, là : Il y a 6 200 jeunes par année, est-ce qu'on peut les laisser tomber? Ce que nous offrons, nous, on offre... D'abord, vous parlez d'offrir des mesures d'emploi, ce que nous faisons dans le projet de loi. Vous parlez d'ajouter de l'argent, on ajoute de l'argent, 250 $ par mois si on participe à des activités. C'est exactement ce que vous dites, on le fait, mais vous êtes contre.

Mais votre objectif, je veux le savoir, moi. Est-ce que vous voulez sortir le monde de la pauvreté? Est-ce que vous voulez que les gens participent? Mais, quand la société investit, puis on demande un effort à quelqu'un, je pense que la personne doit faire l'effort, doit faire l'effort à sa mesure, à sa mesure. Puis, si la personne décide elle-même de ne pas faire l'effort, ce n'est pas la société qui a décidé de le couper, c'est elle-même, la personne, qui a décidé de ne pas faire l'effort et subir les conséquences, subir les conséquences pour des gens qui sont aptes pour aller travailler. Moi, je ne vous comprends pas. Comment vous pouvez être un collectif pour lutter contre la pauvreté puis accepter... Comment vous pouvez accepter qu'on laisse tomber nos jeunes?

Puis là vous dites : Il faut mettre des mesures d'emploi. On le fait. Il faut donner plus d'argent. On le fait. On les accompagne personnellement... On va le faire dans le projet de loi. Puis là : Bien là, non, il ne faut pas faire ça. Puis, on se rappelle, on a eu une bonne discussion à mon bureau, puis, j'ai trouvé, qui a été constructive puis très franche. Puis je me rappelle ce que vous me disiez : Non, il faut les laisser choisir, il faut les laisser choisir parce qu'ils doivent choisir. Choisir de rester, c'est... Mais je ne pense pas qu'on peut faire ça. Moi, je ne peux pas accepter, comme société généreuse, solidaire comme la nôtre, de dire : On accepte le fait d'avoir ces jeunes-là comme ça, de les laisser tomber. On a fait l'effort dans le passé. Dans votre film, il manquait un bon bout du film, là, c'est le 1,5 milliard, le Pacte pour l'emploi. Ça, ça été salué par tout le monde, a été signé par tout le monde, incluant la CSN, FTQ, tout le monde. Mais, dans le temps, on l'a fait, on a dit : On prend la chance puis on fait l'effort. Mais, si on n'a pas assez de résultats, il faut faire plus que ça.

Puis, en passant, là, huit provinces au Canada font plus que ce que nous suggérons, huit sur 10. Les seules deux provinces qui ne le font pas, c'est Québec et Terre-Neuve. La Norvège, la Suède, Danemark, les pays scandinaves, ils font aussi la même chose et d'une façon un peu différente, mais tout le monde fait le même principe. Ce n'est pas vrai, là, que... On ne vient pas d'inventer la roue à trois boutons, là, c'est qu'on vient de faire quelque chose pour aider nos jeunes. C'est une nouvelle expression, là...

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre, on va les laisser réagir un petit peu. Oui? Alors, M. Petitclerc, suivi de M. Fournier, d'accord?

M. Petitclerc (Serge) : La CSN et d'autres organisations qui ont signé le Pacte pour l'emploi, ils ont signé parce que c'était volontaire, justement.

Vous parlez de la participation. On regardait les statistiques en préparant notre mémoire, les statistiques qui viennent du ministère, il y a autour de 250 000 personnes qui participent... qui utilisent les services publics d'emploi. Et, sur ces personnes-là, il y en a autour de 116 000 qui sont des adultes à l'aide sociale. Donc, il y a à peu près le tiers des personnes assistées sociales adultes qui participent aux mesures d'emploi. Ce n'est pas vrai que les gens ne veulent pas participer. Ce n'est pas vrai que les gens veulent rester à l'aide sociale. Les gens veulent en sortir.

Dans la salle, là, avec nous, là, on a des gens du comité Avec, du Collectif pour un Québec sans pauvreté et d'autres organisations. On a travaillé tous et chacun dans des organisations de base avec des personnes assistées sociales. Le rêve numéro un des personnes, c'est de se sortir de l'aide sociale, mais, pour ça, il faut un accompagnement. On est d'accord pour avoir de l'accompagnement, ça, là-dessus, on s'entend, mais, mettre une pénalité financière pour ceux qui ne voudront pas participer pour quelque raison que ce soit, bien, on va enfoncer ces gens-là encore plus creux.

Le Président (M. Cousineau) : M. Fournier.

M. Fournier (François) : Bien, M. Petitclerc a pu voir un peu ce que je voulais dire, mais j'ajouterais que, 2014, avec les dernières données qu'on a trouvées sur la question, il y avait 42 000 emplois disponibles, puis là on dit : Il y a 116 000 personnes qui sont aptes à l'emploi, puis qui sont dans des mesures, puis qui veulent s'insérer. Je me demande c'est quoi qui amène l'idée qu'il faut forcer les 17 000 nouveaux par année, sous la menace de les couper, pour les rentrer en emploi, alors qu'en fait il n'y a même pas assez d'emplois pour tous ceux qui en veulent, des jobs, tu sais? Je pense que...

M. Petitclerc (Serge) : Des emplois adaptés.

M. Fournier (François) : Comment?

M. Petitclerc (Serge) : Des emplois adaptés à leurs capacités.

M. Fournier (François) : Bien oui, c'est ça. Puis c'est évident que les personnes assistées sociales qui ne sont pas qualifiées n'iront pas programmer des nouveaux jeux vidéo au centre-ville, là, tu sais, c'est évident de ce côté-là.

D'un autre côté, nous, ce qu'on dit, c'est : Continuons à faire des mesures d'insertion, mettons plus d'argent dans les mesures. Parce qu'en fait il en manque, des mesures. Et on est d'accord avec 90 % de ce qui est dit ici depuis tantôt, sauf le bout qu'il faut absolument les forcer. Il n'y a rien qui nous indique qu'on est rendus là. Puis, si on dit qu'on a fait d'autres stratégies dans le temps puis que, là, on y est rendus, ce n'est juste pas les mêmes personnes qui sont à l'aide sociale de voilà 15 ans, là. Il y en a, mais ce n'est pas eux autres qui sont visés pour être remis en action, là.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Fournier. Donc, il reste 3 min 30 s.

M. Hamad : M. Petitclerc, vous avez dit : Pour quelque raison qui soit, on s'oppose à ça. Vous venez de dire ça.

M. Petitclerc (Serge) : L'approche punitive, oui.

M. Hamad : Alors, vous avez dit : N'importe quelle raison qu'ils ont, ce n'est pas grave, on s'oppose à ça. Si quelqu'un dit : Moi, là, je ne veux pas participer, je ne vais pas m'occuper de moi-même, pour vous, là, ce n'est pas grave, on les laisse tomber. C'est ce que je comprends. En passant, il n'y a pas juste 40 000 emplois, il y a 500 000 emplois disponibles dans notre société. Et les mesures, ça, là, il faut comprendre ça, c'est que, demain matin, on n'oblige personne à l'emploi, on accompagne la personne dans la situation où elle est. C'est-à-dire, je comprends aussi qu'il y a des personnes qui ne sont pas prêtes demain matin à travailler. Pour ça, elles sont dans une situation difficile. Ces gens-là, on veut les accompagner. On veut les accompagner, ça se peut... au niveau social, par les groupes communautaires, qui font bien ça, par les regroupements jeunesse, ils font bien ça. On va les accompagner, on va les préparer, on va donner les outils à ces gens-là pour qu'ils se prennent en main, puis, un jour, peut-être aller à la formation et par la suite, s'ils sont prêts, s'ils sont rendus là, à l'emploi. Donc, ce n'est pas demain matin qu'on va exiger à tout le monde à aller travailler s'ils ne sont pas prêts, il faut les comprendre. Mais, imaginez, vous avez deux mots que vous avez dit : Il faut mettre des mesures, il faut donner de l'argent. On l'a fait, on l'a fait, puis là on met plus encore, mais on veut accompagner davantage.

Je ne vous suis pas sur un point, là. Vous, là, vous dites : Quelque raison qui soit, on s'oppose. Mais vous êtes en train de dire en même temps : Peu importe la raison, on va les laisser tomber, ce n'est pas grave. On ne peut pas laisser tomber. On a tout fait, maintenant il faut aller plus loin puis il faut les aider davantage. Pensez-vous que, le fait de choisir les premiers demandeurs, nous avons encore plus de chance à les aider, à les sortir de la pauvreté?

Le Président (M. Cousineau) : M. Petitclerc.

M. Petitclerc (Serge) : Écoutez, quant à nous, c'est en adoptant une approche punitive qu'on laisse tomber les personnes, justement. Je veux dire, enlevez les pénalités financières de votre programme, et on ne serait même pas ici en train d'en parler. Il est là, le problème. Je veux dire, les organismes communautaires qui travaillent en développement de la main-d'oeuvre, en santé et services sociaux, les gens qui travaillent avec les aveugles, les handicapés, les familles monoparentales, tout le monde va vous dire la même affaire : Il faut mettre en place des mesures pour accompagner les gens. Les menacer de pénalités, ça ne sert à rien. Ça ne sert à rien. Ça va faire peur au monde. Ça s'est déjà fait au Québec à d'autres époques. On a laissé tomber cette approche-là pour la simple et bonne raison que ça ne fonctionne pas.

Oui, il y en a des programmes similaires ailleurs dans le monde, mais, les études internationales, ce qu'elles nous disent, c'est que ça ne fonctionne pas. Je veux dire, les gens qui sont proches du marché du travail retournent sur le marché du travail. Les gens qui sont éloignés et qui refusent de participer, bien, ils s'appauvrissent encore plus. Et ceux qui participent parce qu'ils sont obligés, ils ne s'en trouvent pas, d'emploi. Ils demeurent pauvres, ces personnes-là, ils demeurent exclus, ils subissent de nouveaux échecs, ce qui les éloigne encore plus du marché du travail, d'un retour en formation. Et, au total, ces gens-là demeurent en situation de pauvreté.

Ce qu'on dit, nous, c'est que, oui, il faut combattre la pauvreté, mais combattre la pauvreté en pénalisant les gens, ça ne va pas faire en sorte d'améliorer leur situation.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, ça termine le temps que nous avions pour la partie gouvernementale, pour M. le ministre. Je vais passer la parole maintenant à l'opposition officielle, à M. le député de Saint-Jean, pour les neuf prochaines minutes.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Donc, bonjour à vous. Merci pour votre travail, d'avoir... Vous dites d'avoir... vous sentez rejouer le film. Donc, malgré tout, merci de contribuer à ce débat, parce que, si vous n'êtes pas là et que vous ne faites pas valoir votre point de vue, il y a peu de gens qui vont pouvoir le faire à votre place.

J'aimerais que vous élaboriez davantage sur les... Je comprends votre idée, qui est partagée par plusieurs, que ce n'est pas nécessairement une bonne idée, une bonne façon de faire, d'obliger des gens en espérant que ça va régler tous les problèmes. Mais est-ce que vous avez une analyse qui est faite là-dessus, que vous pourriez nous dire en quelques mots, pour que, rapidement, on puisse saisir puis, lorsqu'on sera article par article, qu'on pourra débattre avec quelques arguments que vous allez pouvoir nous donner?

Le Président (M. Cousineau) : M. Petitclerc.

M. Petitclerc (Serge) : Bien, écoutez, on se base à la fois sur la science, sur l'expérience terrain. Dans le cadre de notre travail, dans les dernières semaines, d'opposition au projet de loi n° 70, on a discuté, entre autres, avec des gens qui travaillent dans le milieu de l'employabilité. Ce que ces gens-là nous disent, c'est que l'approche volontaire, c'est une approche qui fonctionne, et les gens participent. La pénalité, ça fait des gens qui ne sont pas heureux de participer, lorsqu'ils participent, et ces personnes-là vont prendre des mesures plus courtes, moins adaptées à leur situation. Ils vont se trouver peut-être un emploi, mais ils vont le reperdre assez rapidement, parce que le problème de base qu'ils ont, c'est de finir un secondaire V, c'est d'apprendre à lire et à écrire, dans certains cas. Pour les immigrants, c'est de faire reconnaître leurs diplômes, c'est de parler un français acceptable. C'est ça que les gens ont de besoin. Je veux dire, les gens qui représentent les organismes de défense des réfugiés et des immigrants, ils vont venir dire la même chose. Des fois, ça peut prendre de nombreuses années, un accompagnement sur du long terme pour être capable de se sortir de la pauvreté. Les gens, ils s'en sortent aussi lorsqu'ils peuvent s'impliquer dans des organisations communautaires qui... Des fois, c'est la rencontre avec un intervenant ou une intervenante qui va faire toute la différence pour la personne. Mais ça, ça ne se fait pas du jour au lendemain.

Je veux dire, à une certaine époque, le gouvernement d'alors avait mis de l'avant des contrats avec des jeunes adultes pour qu'ils aillent chercher de la formation professionnelle. Il y en a tellement eu, de jeunes et d'un peu moins jeunes, qui ont voulu participer qu'à un moment donné le gouvernement a fermé le robinet parce qu'il y avait trop de monde qui le demandait. Les gens veulent sortir de la pauvreté et les gens veulent sortir de l'aide sociale, mais, pour ça, il faut de l'accompagnement, et ce qui a été démontré à travers les études depuis un bon nombre d'années, c'est qu'une approche obligatoire n'apporte rien de plus : les gens qui sont proches du marché du travail y vont.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Pourriez-vous... parce qu'on parle beaucoup des jeunes. Vous avez mentionné à plusieurs reprises le programme Alternative jeunesse, qui est aboli par le projet de loi n° 70. Comment le programme Alternative jeunesse pouvait répondre à, justement, ce que vous dites, une méthode volontaire, et faire en sorte que les jeunes puissent revenir, retourner sur le marché du travail ou entrer sur le marché du travail mais d'une façon pérenne et dans l'intégrité, dans le respect de la personne?

Le Président (M. Cousineau) : M. Larivière... Oui?

Mme Larivière (Virginie) : M. Petitclerc.

Le Président (M. Cousineau) : Excusez-moi.

M. Petitclerc (Serge) : Pas de problème. Écoutez, on n'est pas des experts du programme Alternative jeunesse, mais, nous, les échos qu'on a eus de ce programme-là, c'était que le fait d'accompagner les gens sur du long terme... Puis des fois accompagner des gens, là, ce n'est pas juste de la formation, là. Des fois, tu vas voir des personnes qui ont effectivement 18-19 ans, qui viennent d'une famille à l'aide sociale, qui ont probablement subi toutes sortes de difficultés. Les Auberges du coeur vont venir vous parler en fin de matinée des jeunes qui sortent des centres jeunesse, qui peuvent avoir des problèmes de comportement de toute nature, des gens qui ont... leur vie a été fuckée pour toutes sortes de raisons. Et, ces gens-là, ça va prendre peut-être des années pour qu'ils puissent se reconstruire. Et ces gens-là ne seront pas nécessairement considérés comme non aptes au travail, ils vont être considérés comme aptes au travail. Parce que, si la personne ne fait pas la demande d'avoir une contrainte sévère à l'emploi, elle va être jugée apte au travail. Une personne qui ne sait pas lire, qui ne sait pas écrire va être jugée apte au travail. Je veux dire, l'accompagnement, c'est la clé. Et un programme comme Alternative jeunesse, ça peut faire une différence pour ces personnes-là.

Votre propre gouvernement du Parti québécois avait mis en place un accompagnement personnalisé pour les personnes de 50, 56, 57 ans. Qu'est-ce qu'ils ont remarqué dès le départ? Des fois, tu avais des personnes qui n'avaient pas été contactées par leurs agents d'aide sociale depuis peut-être 10 ans. Les gens étaient laissés là à mourir à petit feu, comme disait François, sans accompagnement. Pourquoi? Parce qu'il manque d'agents, il manque de centres locaux d'emploi, il manque de mesures pour aider ces gens-là.

Écoutez, on a entendu dans les dernières semaines que les agents sont bien contents qu'il y ait maintenant, peut-être, une obligation de participation aux mesures d'emploi. Ce que nous dit le Syndicat de la fonction publique, qui représente ces agents-là d'aide sociale, ils disent : C'est le contraire. C'est eux qui vont porter l'odieux de couper des gens. Ils ne veulent pas faire ça, ils n'ont pas le goût de faire ça. Eux, ce qu'ils veulent... Ils ont été formés pour aider les personnes à se sortir de leur situation. Je veux dire, à chaque fois qu'ils subissent des coupes, des contraintes, ils se font ajouter des dossiers sur la pile. Ces gens-là n'arrivent plus à aider des gens. Même, en fermant des centres locaux d'emploi, il y a des gens qui ne peuvent même plus se rendre dans les centres locaux d'emploi parce qu'il n'y en a plus. Ils doivent aller dans des visioconférences. Ils veulent se faire accompagner par un organisme dans un certain secteur, l'organisme ne peut pas les accompagner, le centre local d'emploi dans leur secteur est fermé, il faut aller à la ville d'à côté. Dans la ville d'à côté, il n'y a pas d'organisme, ils ne peuvent pas se faire aider.

Je veux dire, c'est d'accompagnement que les gens ont besoin, et, en ce sens-là, le milieu communautaire, le milieu de développement de la main-d'oeuvre est bien placé pour le faire. Mais obliger les gens, ça ne sert à rien.

Le Président (M. Cousineau) : M. Petitclerc, on va permettre d'autres questions. M. le député...

M. Petitclerc (Serge) : Excusez-moi.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Saint-Jean.

• (10 h 20) •

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Dans un autre ordre d'idées, mais qui est quand même en lien, j'aimerais ça voir votre opinion sur la séquence que le ministre nous a proposée ou nous propose en ce moment, ou nous met devant ce fait. C'est-à-dire, au même moment où on commence la consultation sur le projet de loi n° 70 et son étude, il y a... moi, j'appelle ça des consultations derrière des portes closes dans le cabinet du ministre, pour le gouvernement, c'est des consultations publiques, mais, bon, sur le troisième plan de lutte à la pauvreté. J'aimerais ça voir avec vous qu'est-ce que vous croyez que ça a comme impact d'étudier le projet de loi n° 70 maintenant quand, au même moment, il y a une consultation derrière des portes closes sur un troisième plan de lutte à la pauvreté?

Mme Larivière (Virginie) : Ça crée très certainement de la confusion, même entre nous, hein? On parle de la consultation publique en matière de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, on parle aussi de la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi n° 70, des deux mémoires qu'on doit produire dans des délais assez courts, avec une période des fêtes entre deux et trois semaines, dépendamment des périodes de vacances. Donc, c'est d'une part beaucoup de travail à faire pour mettre de l'avant des mémoires puis des arguments qui tendent à démontrer que le projet de loi n° 70 n'est pas une bonne avenue. Mais, de faire se croiser... le chevauchement d'une consultation dite publique, mais, bon, les gens envoient un mémoire, envoient des formulaires via le Web, via la poste... La seule portion qui est publique, en fait, c'est l'appel au public et aux groupes à participer à la consultation, mais il n'y a pas de véritable débat ouvert comme on l'avait demandé au ministre. Il y a...

Le Président (M. Cousineau) : Merci.

Mme Larivière (Virginie) : Les gens ne sont pas invités à venir s'exprimer sur ces questions-là. Et de proposer un projet de loi qui nous semble représenter un grave recul en matière de lutte à la pauvreté...

Le Président (M. Cousineau) : Merci.

Mme Larivière (Virginie) : ...le projet de loi n° 70, ça nous semble complètement aberrant.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme Larivière. Alors, pour 20 secondes, un complément de réponse, M. Fournier.

M. Fournier (François) : Le prochain plan de lutte à la pauvreté, c'est... Chaque plan de lutte est un moment important dans la lutte à la pauvreté. Nous, on dit, on répète depuis plusieurs années que, pour éliminer la pauvreté au Québec ou pour même faire des pas significatifs dans la lutte à la pauvreté au Québec, il faut un grand dialogue social, il faut que tout le monde puisse contribuer. Or, peut-être que les consultations, comme elles sont faites présentement, ne favorisent pas la participation du plus grand nombre.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, merci. Alors, malheureusement, je suis obligé de vous couper parce que je dois passer maintenant au deuxième groupe d'opposition pour les six prochaines minutes. M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Merci beaucoup, M. le Président. Merci. Bonjour à vous trois. Vous semblez beaucoup... en tout cas vous mettez beaucoup de pression pour enlever le terme ou le critère d'obligation, là, de suivre des cours. Selon vous, au niveau du projet de loi, si ce mot-là de l'«obligation» était enlevé, comment vous verriez ça pour quand même favoriser l'intégration à l'emploi des nouveaux demandeurs? C'est-à-dire, mettons, je crois, un jeune de 18 ans apte à l'emploi avec une... non diagnostiquée? Parce que, la problématique, vous savez comme moi, il y a beaucoup de personnes qui sont aptes à l'emploi qui ont une maladie mentale, ou autres, non diagnostiquée. Vous parliez des jeunes qui sortent des centres jeunesse. Alors, c'est sûr que ces jeunes-là, là, ils ne sortent pas aptes à subvenir à leurs propres besoins, à être... Alors, c'est sûr qu'accéder à un emploi, c'est à une autre échelle.

Quelles mesures pour favoriser justement que ces jeunes-là accèdent un jour au marché du travail, si on enlèverait ce mot, «obligation»?

Le Président (M. Cousineau) : M. Petitclerc.

M. Petitclerc (Serge) : Bien, je dirais, de façon générale, dans la... Tout est question d'employabilité. Il n'y a pas de truc puis il n'y a pas de recette magique, hein? Ce que les gens ont de besoin, je le sais que je le dis tout le temps, les gens ont besoin d'accompagnement. Les gens ont besoin de rencontrer des humains. Un programme comme Alternative jeunesse avec les carrefours jeunesse-emploi, ça faisait en sorte que les gens qui débarquaient à l'aide sociale, bien, ces personnes-là étaient accompagnées. Les gens qui sortent du système de l'éducation puis qui n'ont pas été capables de finir leur secondaire V, ou tout ça, s'ils ont de l'aide pour terminer leur formation, peut-être même aller au cégep, avoir une attestation d'études collégiales, ça peut les aider. Il y a des gens, effectivement, qui peuvent avoir des problèmes de santé mentale ou des problèmes de toute nature qui ont besoin d'accompagnement sur ces questions-là spécifiques. Mais, pour ça, il faut rencontrer des humains, il faut que ce soient des agents d'aide socioéconomique dans un centre local d'emploi ou que ce soit même, de préférence, dans des organismes communautaires avec des travailleurs de rue, dans des maisons de jeunes. C'est ça qui va faire souvent la différence pour les gens.

J'ai travaillé pendant des années dans des groupes communautaires de base dans la ville de Québec, et souvent on a vu des personnes qui débarquaient chez nous qui avaient des problèmes de toxicomanie, un conjoint malade qui avait le cancer, des gens qui avaient des problèmes au niveau de l'alphabétisation. Ça a pris un, deux, trois, quatre ans pour qu'ils se démêlent là-dedans. Et puis, à partir du moment où cette personne s'impliquait, elle venait dans des cafés-rencontres, elle participait à des groupes d'échange de services, des systèmes de prêt, des cuisines collectives, la personne reprenait confiance et là elle était prête à retourner sur le marché du travail.

Et il y a plein de belles réussites. On a vu des gens qui, maintenant, occupent des emplois. Ce n'est pas nécessairement les grosses jobs à 100 000 $, mais tout le monde ne peut pas être spécialiste, médecin spécialiste, mais c'est des gens qui occupent des emplois raisonnables avec un salaire quand même pas trop pire, et ils s'en sortent. Mais ça prend du temps. Et les forcer à participer lorsqu'ils tombent à l'aide sociale... c'est le pire moment, ces personnes-là sont à terre, certaines sont détruites par la vie, et là on veut les forcer à retourner sur le marché du travail.

Mme Larivière (Virginie) : J'ajouterais en complément qu'il ne faut pas bouder la prévention, miser sur l'éducation, tu sais, mettre de l'argent dans le système d'éducation, subvenir aux besoins des professeurs qui sont surchargés, prendre soin des enfants qui ont besoin d'aide aux devoirs, d'assurer des services en éducation pour prévenir l'arrivée des jeunes à l'aide sociale. Il ne faut pas penser que c'est fait en silo, ces affaires-là, il y a des liens, puis il faut tenter de les faire.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député, allez-y.

M. Schneeberger : Oui, merci. Dans le projet de loi, il y a une mesure, justement, où est-ce qu'on prévoit une durée de 12 mois au niveau du suivi de la personne, qui pourrait être éventuellement extensionnée à un autre 12 mois. Est-ce que cela vous paraît adéquat ou vous augmenteriez la durée pour justement les personnes qui suivent un bon cheminement puis, tu sais, qui ont vraiment de l'avancement, puis là finalement on voit, comme on dit, qu'il va voir la lumière au bout du tunnel, là, qu'il va accéder à un emploi?

Je vous demande ça parce qu'on parle souvent... Bon, bien, souvent, les personnes qui ont peu de scolarité, tu sais, on les force beaucoup à aller... En tout cas, chez nous, comme Drummondville, on est une région très manufacturière, on a beaucoup besoin d'emplois spécialisés mais de type professionnel, là, de niveau professionnel. Par contre, je dirais peut-être plus, au niveau des femmes... Souvent, les femmes vont aller peut-être plus au niveau du technique. Et c'est peut-être... Puis je ne veux pas faire une division hommes-femmes, mais c'est la réalité, là, ce qu'on voit. Est-ce que, justement, pour permettre... parce qu'on parle d'une technique qui dure généralement trois ans. Est-ce que, justement, on devrait extensionner pour qu'ils puissent finir, à ce moment-là, leur formation, advenant qu'ils suivent une formation technique?

Le Président (M. Cousineau) : M. Petitclerc, 45 secondes.

M. Petitclerc (Serge) : Écoutez, ça dépend des personnes. Ça dépend des personnes. C'est évident qu'une personne qui était déjà en emploi, qui perd son emploi parce que son usine, elle ferme, cette personne-là va peut-être avoir besoin d'une formation, de deux, trois mois pour se spécialiser dans un secteur très précis de main-d'oeuvre où on a besoin de travailleurs et de travailleuses. Homme ou femme, peu importe.

Mais, dans bien des cas... Et là, quand on parle des premiers demandeurs d'aide sociale, il y a une partie de ces gens-là qui viennent, qui arrivent à l'aide sociale souvent c'est parce que le chômage est fini ou que le chômage n'est pas assez élevé. Mais il y a une bonne partie des personnes qui arrivent parce qu'elles ont fait des dépressions, ils ont une séparation, le conjoint ou la conjointe qui n'était pas sur le marché du travail qui se retrouve à l'aide sociale. Donc, il faut s'adapter aux besoins des personnes et non pas nécessairement aux besoins des entreprises.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, M. Petitclerc. Je passe maintenant la parole à la députée de Gouin pour les trois prochaines minutes.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Le ministre nous dit : On ne peut pas accepter de laisser des jeunes dans la pauvreté. On va tous être d'accord avec ça. Et il vous pose la question : Est-ce qu'on peut les laisser tomber? Mais moi, j'essaie de comprendre. On va se parler des vraies affaires. Je suis convaincue que ce dont on parle ici, là, pour vrai, là, ce n'est pas du jeune qui va avoir un diagnostic de graves problèmes de santé mentale, parce que c'est vrai que, lui ou elle, on va le laisser tranquille. On parle en ce moment de plein de jeunes... puis on a des images en tête, hein, qui tiennent beaucoup de préjugés aussi, mais on a des images en tête de jeunes qui ont des problèmes mais qui, dans le fond, s'ils pouvaient un petit peu se grouiller, là, hein, tu sais — j'ai déjà entendu parler de coups de pied quelque part, moi, pas de la part du ministre, là, mais j'ai déjà entendu parler de ça dans cette auguste enceinte — ça leur donnerait le petit coup de pouce nécessaire pour qu'ils se prennent en main. C'est ça, l'approche punitive, au fond, là, hein? Qu'est-ce que vous en dites?

Le Président (M. Cousineau) : M. Petitclerc ou... Oui? Alors, monsieur...

• (10 h 30) •

M. Petitclerc (Serge) : Bien, écoutez, on va se répéter, mais l'approche punitive, au fond, là, hein? Qu'est-ce que vous en dites?

Le Président (M. Cousineau) : M. Petitclerc ou... Oui. Alors, monsieur...

M. Petitclerc (Serge) : Bien, écoutez, on va se répéter, mais l'approche punitive ne fonctionne pas. Je veux dire, effectivement, M. le ministre a posé la question : Peut-on laisser tomber des gens? Non, mais l'approche punitive va faire en sorte qu'on va laisser tomber des gens. Les pénalités financières vont faire en sorte que des gens vont aggraver leurs problèmes de santé ou ils vont en développer. Quand je travaillais dans des groupes de défense de droits de personnes assistées sociales, ce qu'on disait, c'est : Si une personne arrive à l'aide sociale en santé, elle va en sortir malade.

Ce que les gens ont besoin, c'est d'un revenu décent pour ensuite envisager le... Un revenu trop bas, c'est l'obstacle numéro un à toute démarche de retour sur le marché du travail, en formation et l'ensemble de ce qu'il faut pour qu'elle puisse se sortir de la pauvreté.

Mme Larivière (Virginie) : J'ajouterais aussi qu'on...

Le Président (M. Cousineau) : Oui, Mme Larivière.

Mme Larivière (Virginie) : On dit souvent qu'il faut demander aux personnes assistées sociales de faire des efforts, comme si vivre avec 620 $ par mois, ça ne demandait pas un minimum d'efforts.

Le Président (M. Cousineau) : Mme la députée de Gouin, il reste une minute. Ça passe très rapidement.

Mme David (Gouin) : Je suis gâtée, M. le Président. Non, non, mais allons plus loin, là. Le jeune dont je vous parle vient d'une famille à l'aide sociale. Le jour de son anniversaire, le jour de ses 18 ans, il va chercher son chèque. Il est probablement décrocheur scolaire, il a probablement tombé dans certaines formes de dépendance qui ne le rendent peut-être pas 95 % malade, mais ça ne va pas bien dans sa vie. Il ne va pas bien. Je sais très bien que c'est de lui qu'on parle, puis je dis «lui» puis je fais exprès en disant «lui» et pas «elle». Qu'est-ce qu'on fait avec lui?

Le Président (M. Cousineau) : Il reste 20 secondes. Rapidement.

M. Petitclerc (Serge) : Bien, moi, je pense que, cette personne-là, on va la rattraper s'il y a des organismes qui peuvent lui venir en aide et on va la réchapper si cette personne-là, effectivement, est rencontrée et accompagnée. Et ce n'est pas des préjugés de dire que les personnes assistées sociales sont maganées, entre guillemets. Il y a deux fois moins de personnes assistées sociales actuellement que voilà 20 ans. Pourquoi? Parce qu'il y a eu de la croissance économique, il y a des jobs qui se sont ouvertes, la démographie a changé. Et les gens qui...

Le Président (M. Cousineau) : Alors, je vous remercie.

M. Petitclerc (Serge) : ...sont à l'aide sociale actuellement ont des difficultés.

Le Président (M. Cousineau) : C'est tout le temps que nous...

M. Petitclerc (Serge) : Il faut le reconnaître.

Le Président (M. Cousineau) : ...tout le temps que nous avions. Alors, Mme Larivière, M. Petitclerc puis M. Fournier, merci pour votre présentation.

Et je suspends pour quelques instants et j'invite le groupe suivant à se préparer, alors, pour la prochaine audition.

(Suspension de la séance à 10 h 33)

(Reprise à 10 h 37)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, nous reprenons nos travaux. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentantes du Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre. Alors, vous avez, comme le groupe précédent, mesdames, 10 minutes de présentation, puis par la suite nous allons passer à la période d'échange. Alors, la personne qui prend la parole en premier se présente et présente les deux autres personnes, et puis nous débutons. À vous la parole.

Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre (RSSMO)

Mme Dubois (Marie-Josée) : Alors, bonjour. Mon nom est Marie-Josée Dubois. Je suis présidente du Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre, le RSSMO, et aussi directrice du Groupe-conseil Saint-Denis, qui est un organisme en développement de l'employabilité à Montréal. À ma gauche, je vous présente Karine Genest, notre directrice générale du RSSMO, et, à ma droite, Sylvie Baillargeon, membre du conseil d'administration et directrice générale d'Intégration Jeunesse du Québec, qui travaille auprès des jeunes en employabilité à Montréal.

M. le Président, M. le ministre, chers membres de la commission, nous tenons à vous remercier de nous donner l'opportunité de présenter notre mémoire sur le projet de loi n° 70. Je vais débuter par une brève présentation du RSSMO, et par la suite mes collègues et moi se partagerons les points essentiels de notre mémoire.

Le RSSMO regroupe 49 organismes répartis dans 14 régions administratives du Québec. Notre mission première est le développement de l'employabilité visant l'intégration, la réintégration et le maintien en emploi des personnes ayant des difficultés particulières d'insertion socioprofessionnelle. Le RSSMO se distingue par la qualité et le caractère novateur de ses services ainsi que par la rentabilité et l'impact de ses interventions pour l'économie du Québec. Une récente analyse des impacts socioéconomiques du RSSMO en fait foi.

Finalement, pour compléter le portrait du RSSMO, nous venons en aide à plus de 25 000 personnes par année avec un taux de succès de 80 %. On parle ici des personnes qui s'inscrivent dans un processus de qualification par le biais d'un retour aux études ou des personnes qui intègrent le marché du travail. Alors, je vais passer la parole à Sylvie, ma collègue.

Mme Baillargeon(Sylvie) : Bonjour. Alors, le premier sujet qu'on va aborder... En fait, nous, on va aborder l'ensemble des trois volets du projet de loi. Le premier porte sur la responsabilité de la Commission des partenaires du marché du travail.

Alors, nous, à titre d'organisme en développement de la main-d'oeuvre, nous avons des représentants à la Commission des partenaires du marché du travail. Donc, c'est donc une instance, là, qu'on reconnaît et à travers laquelle on est impliqués dans différentes façons. Donc, concernant la nouvelle responsabilité qu'on veut donner à la Commission des partenaires, on est en accord avec ça. On trouve que c'est une bonne idée que la commission puisse davantage être orientée dans la définition des besoins de développement de la main-d'oeuvre en adéquation avec les besoins du marché du travail, les perspectives. Donc, on trouve que ça va de ce côté-là.

Nous, dans le fond, les préoccupations qu'on a par rapport à ce premier volet-là, c'est assez spécifique. D'abord, on pense que les rôles et les responsabilités des partenaires de la CPMT doivent être précisés dans ces nouveaux rôles là, et de leur donner les conditions nécessaires pour exercer adéquatement ce rôle-là. Il faut qu'il y ait une information qui soit exacte, qu'elle soit synthétique et actualisée aux différents partenaires. Il faut que ça circule rapidement. Il faut qu'il y ait un arrimage aussi entre le volet régional et le volet national en matière de représentation des différentes instances concernées, que ce soient les ministères ou autres, pour l'ensemble des processus. Et on souhaite aussi que la représentation des organismes en développement de la main-d'oeuvre puisse demeurer forte et reconnue puis élargir notre rôle de représentation aux instances décisionnelles qui sont en lien avec les ministères visés par les recommandations de la CPMT. Alors, voilà pour cette première partie.

• (11 h 40) •

Mme Genest (Karine) : Maintenant, je vais vous présenter très brièvement nos positions, qui émanent de notre mémoire évidemment, relativement à l'abrogation d'Emploi-Québec et sur l'adéquation formation-emploi.

La disparition de l'entité autonome qu'est Emploi-Québec nous inquiète et soulève un grand nombre d'interrogations, puisque ça remet en question possiblement l'organisation des services, mais aussi toute l'imputabilité et la reddition de comptes qui y sont rattachées. Cette dernière permet de s'assurer de l'efficacité des programmes et des mesures et permet aussi l'essentiel arrimage avec les besoins des clientèles sur le terrain. Ces composantes du modèle québécois sont, à notre compréhension, aussi une condition essentielle dans l'évolution de l'entente Canada-Québec dans le Fonds du développement du marché du travail. Pour nous, cette abolition ne doit en aucun cas diluer les besoins des clientèles particulières ou éloignées au profit des clientèles dites régulières.

De plus, il faut maintenir l'accessibilité et l'expertise développée dans les instances d'Emploi-Québec afin de s'assurer que la capacité d'accueil et de référencement des clients éloignés soit optimale. Déjà, avec les 359 postes coupés dans les quatre dernières années, la pression se fait sentir.

Aussi, depuis la création d'Emploi-Québec, les ressources externes ou en employabilité et l'agence ont toujours travaillé de concert et en complémentarité. Pour s'assurer du maintien des bonnes relations partenariales, il faut reconduire et réaffirmer le protocole de reconnaissance et de partenariat, un outil indispensable aux collaborations fructueuses et au déploiement optimal des services, et ce, tant au niveau régional que national.

Quant aux enjeux de l'adéquation formation-emploi, malheureusement, au Québec, ils sont souvent vus sous l'unique angle de l'éducation au sens des parcours scolaires traditionnels. Évidemment, le scolaire est un acteur central et essentiel, mais il ne peut à lui seul répondre à l'ensemble des besoins. Nous voulons aujourd'hui nous assurer que, pour répondre aux clientèles atypiques, une offre de formation accessible, diversifiée en termes de lieu et de type de formation — ici, on parle en entreprise, à distance, à temps partiel, en collaboration avec des organismes en développement de main-d'oeuvre — sera disponible et attractive.

On vous réfère ici à un projet novateur que nous avons réalisé dans la dernière année en partenariat avec 84 entreprises, des comités sectoriels de main-d'oeuvre, plusieurs partenaires, qui se nomme le projet FIT. C'est un modèle d'alternance travail-études qui s'échelonne sur 10 à 20 semaines, selon le type de poste. Nous avons aidé une main-d'oeuvre sous-représentée sur le marché du travail avec ce projet-là. Ici, on parle de 41 % qui étaient issus de l'immigration, 42 % étaient des prestataires, 11 % étaient des judiciarisés, et, à travers toutes ces catégories-là, on comptait énormément de jeunes.

Donc, ce projet-là a aidé à développer des compétences, des qualifications nécessaires à l'embauche et à l'intégration en emploi dans cinq secteurs d'activité en demande. Il y a 100 stages qui étaient visés, 90 ont été complétés et se sont conclus par une embauche. Et, de ces 90 là, on est retournés 12 semaines après pour s'assurer que notre intervention était durable, et 90 % de ceux-là étaient toujours en emploi.

Donc, c'est un exemple de projet... Ce projet-là, c'est un exemple concret des multiples pratiques innovantes et performantes en adéquation formation-emploi qui sont mises en oeuvre par nos organisations sur le terrain partout au Québec. Dans un contexte de rareté de main-d'oeuvre, il faut s'assurer de mettre au profit des entreprises ce bassin d'employés potentiels, mais il faut aussi pouvoir accompagner les employeurs, issus en majorité des PME, pour accueillir et favoriser l'intégration des personnes sous-représentées dans une approche optimale. Marie-Josée.

Le Président (M. Cousineau) : Poursuivez.

Mme Dubois (Marie-Josée) : Le programme Objectif emploi. Alors, malgré un taux de chômage qui a diminué de façon importante au cours des 10 dernières années, force est de constater qu'il y a un bon nombre de personnes qui ont besoin d'accompagnement malgré tout pour pouvoir intégrer de façon durable le marché du travail. Les membres du RSSMO se sont réunis pour vous présenter des conditions gagnantes.

La première est d'assurer l'aspect volontaire de la participation au programme. Notre expérience des 35 dernières années nous permet d'affirmer que la notion de volontariat est au coeur d'une démarche fructueuse d'identification d'un projet professionnel et d'intégration sur le marché du travail. Nous pensons qu'une mesure de coercition pourrait ne pas tenir compte de la situation personnelle des individus, qui comporte parfois des obstacles majeurs à la démarche proposée. Dans certains cas, les personnes doivent d'abord stabiliser leur situation personnelle avant de pouvoir être disponibles à une réflexion sur leur avenir professionnel.

Il va de soi également que la non-participation à la mesure ne doit pas conduire à des coupures dans les prestations de base des bénéficiaires. Ces dernières ne couvrent qu'une fraction des dépenses nécessaires pour vivre dignement. Cette pauvreté extrême est en soi un frein à leur intégration, et cette situation de survie est, pour eux, une occupation à temps plein. Réduire cette aide de base serait contre-productif.

Deuxième condition : pour être attractives, les procédures d'admission au programme doivent être simples, efficaces, et la capacité d'accueillir des centres locaux d'emploi au rendez-vous.

Troisième condition : on peut penser qu'Objectif emploi soit déployé par les CLE et les organismes en développement de main-d'oeuvre. Pour offrir les meilleures conditions possible, il faut une bonne collaboration entre les différentes parties.

Quatrième condition : reconnaître le temps et les ressources nécessaires pour évaluer, intervenir et accompagner les candidats au programme.

Cinquième condition consiste à mettre en oeuvre des conditions favorisant une intégration durable à l'emploi. On parle ici du libre choix de l'individu quant à son orientation professionnelle qui est un facteur de motivation important quand vient le temps d'intégrer un emploi. Le deuxième : un accompagnement soutenu qui permet d'accompagner la personne et de l'aider à faire face aux obstacles ou aux difficultés qu'ils vont rencontrer pendant leur parcours. Et finalement : l'insertion dans un emploi convenable, qui réfère à des critères divers, qu'on n'a pas le temps de parler.

On considère qu'Objectif emploi devrait être accessible à tous...

Le Président (M. Cousineau) : Merci...

Mme Dubois (Marie-Josée) : ...dans le but d'éviter que des personnes pourraient éventuellement devenir prestataires, faute d'avoir accès à cette mesure-là. Et finalement on propose de profiter du lancement d'Objectif emploi pour mettre en place une campagne de visibilité qui permettrait de présenter le programme et les ressources qu'ils sont en mesure de présenter.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, madame. Ça termine le temps de présentation. Si vous avez des éléments que vous n'avez pas eu le temps de présenter, vous pourrez le faire dans la période d'échange.

Alors, M. le ministre, pour les prochaines minutes.

M. Hamad : Merci, M. le Président. Mme Genest, Mme Dubois, Mme Baillargeon, merci d'être là. Moi, j'aime ce que vous faites comme travail, et c'est un travail important sur le terrain. Et d'ailleurs le projet FIT, qu'on appelle, c'est un beau succès. Vous n'avez pas dit que vous êtes financés pour 1 million de dollars par la Commission des partenaires puis... Alors, c'est de l'argent qu'on investit dans les gens, et on est bien contents, parce que le rendement, il est là. Et vous avez accompagné des jeunes, vous les avez pris, vous avez aidé, vous avez donné des stages avec les entreprises, puis on a réussi à les placer. C'est un peu le modèle qu'on cherche. Ce n'est pas compliqué, c'est le modèle qu'on cherche.

Évidemment, la nature humaine... On veut toujours faire l'effort nécessaire. On ne veut pas nécessairement tout le temps être forcé, tous les matins, à faire plus, faire plus. C'est sûr que, pour vous, lorsqu'on oblige les gens à faire une entente de réciprocité entre les deux, ça vous donne peut-être des gens qu'il faut qu'ils fassent l'effort, donc c'est plus difficile pour vous un peu. Donc, c'est pour ça que vous dites : Bien là, je ne veux pas avoir du monde qui sont obligés de venir chez nous, je vais plutôt choisir le monde qui veulent. Puis ça va aller mieux pour vous. Je comprends ça, c'est tout à fait humain, ce que vous dites là.

Mais vous savez très bien par contre que... Vous l'avez dit à la fin, vous êtes là pour Objectif emploi, parce qu'on en a besoin, là. Vous le savez, vous êtes sur le terrain tous les jours, ils en ont besoin, ces gens-là. Et vous êtes comme moi, probablement, vous ne pouvez pas accepter qu'un jeune à l'aide sociale, une jeune ou un jeune à l'aide sociale, qui vient d'une famille de l'aide sociale, la seule ambition, c'est avoir son chèque à l'aide sociale. On ne peut pas accepter ça, vous êtes d'accord. Alors, ces jeunes-là, cette jeune-là ou ce jeune-là... on va dire «ce jeune-là», comme ma collègue de Gouin, ce jeune-là qui a 18 ans et qui arrive, je pense qu'il a un plein potentiel qu'on peut travailler avec eux. Puis je pense que votre rôle sur le terrain, votre expérience sur le terrain, votre expérience humaine, quand même, ça a démontré des bons résultats.

• (11 h 50) •

Alors là, on est rendus là dans notre société. On est rendus là. On n'a pas le choix. Parce que, vous le savez, vous étiez avec moi lorsque... pas vous personnellement, là, parce que vous êtes jeune, mais il y avait du monde dans le Pacte pour l'emploi en 2008-2009, et vous étiez un acteur important avec nous. On a travaillé ensemble, on a fait le pacte, on l'a signé et on a mis les gens d'affaires d'un côté, on a mis les syndicats, Mme Carbonneau, la CSN, vous autres, plein de groupes qui étaient avec nous pour le lancement. Puis, la discussion, on l'avait déjà dans le temps puis on a dit : Bien, on va partir, on va essayer dans une base volontaire, puis on va faire tout l'effort pour les bases volontaires. Puis on l'a fait.

Là, tantôt, j'entendais des groupes... Puis, en passant, il y a 40 % des gens, ils abandonnent les mesures, et ils abandonnent... il y en a, probablement pour des bonnes raisons puis il y en a d'autres qui abandonnent pour peut-être des moins bonnes raisons. Mais là, tu sais, à un moment donné, nous-mêmes, des fois, on... Alors, ces gens-là, on ne peut pas les laisser tomber.

Puis là ce qu'on souhaite faire ici, c'est juste une démarche comme vous faites, là. On prend la personne, on la prépare. Puis ce n'est pas vrai qu'on va prendre tout le monde puis, demain matin, on les envoie travailler. Ce n'est pas vrai, ça ne marche pas, ça. Ce qu'on veut, là, c'est accompagner la personne. Comment ça va se faire? L'agent... En passant, j'en connais plusieurs parce que j'ai visité des locaux, j'ai visité la majorité des locaux de centre local d'emploi au Québec. J'ai parlé aux agents, parce que, pour moi, c'est eux qui sont les plus importants. Je disais souvent : Ces gens-là, pour travailler là, ils ont un grand coeur, parce qu'ils vivent avec la misère à la journée longue, mais ils ont des bons coups, ils réussissent à... Quand ils réussissent à sortir quelqu'un de la pauvreté, ils ont réussi sa journée, même ils ont réussi son année. Et ces gens-là me disaient : On va s'asseoir avec, on va discuter, on va faire ensemble un plan pour la personne. Puis évidemment, là, votre rôle va embarquer après, parce que vous êtes les groupes qui vont accompagner après.

Ce plan-là, on va le faire à deux. On ne va pas donner un plan déjà fait puis on dit : Voici ton plan, puis on va partir avec le jeune. On dit : Comment on fait ça? Là, on regarde... on sent que maintenant... On voit que, bon, tu as eu ça dur un peu, là, tu as un peu de misère. On te comprend puis on est là pour t'aider avec ta misère, sortir de ta misère, sortir... donner ta dignité, sortir de la misère. Tu n'es pas prêt, là, on voit, là, ta socialisation, ça ne va pas bien actuellement. Je comprends ça, puis ce n'est pas grave, ça. On a tous passé des périodes difficiles, il y en a qui passent... plus difficile, ils ne l'ont pas choisi. C'est clair qu'il n'y a personne qui choisit la misère dans la vie, mais ça arrive, à un moment donné, la misère. Là, on dit : On s'assoit ensemble, on regarde : Là, tu es prêt peut-être avec un groupe communautaire, des gens que tu aimes, on va s'asseoir, on va travailler. Voici le plan qu'on te propose. Tu l'aimes-tu? Oui, moi, je ne suis pas prêt à ça, fais ça. On fait ça ensemble puis après ça on s'engage, les deux. Ça va être plus facile à travailler après parce que, là, on l'a étudié, on l'a regardé. On dit : Là, là, en plus, on va t'encourager à faire plus d'efforts, on va te donner 250 $, jusqu'à 250 $, qui vont te préparer. Puis, en passant, là, on n'a jamais parlé de durée encore, là. On parle de 12 à 18 mois. S'il y a une formation, on peut aller à deux ans. Après ça, bien là, on revient au système global de l'aide sociale. Ça, c'est important de le mentionner, on n'en a pas parlé encore. Et là on travaille ensemble, puis on part, puis on va...

Alors, votre rôle, là, évidemment, vous êtes des organisations d'employabilité, mais, vous savez très bien, la clientèle qui vient n'est pas toujours employable demain matin. Alors, comment vous allez être dans cette situation-là, là? Il y a peu d'efforts de tout le monde, là. Pour avoir le 1 million de subventions que vous avez reçu pour votre beau programme, vous avez fait un effort, là. Vous n'avez pas eu ça un cadeau, là. Vous avez réfléchi, vous avez couru après la clientèle, vous avez fait un effort et vous avez demandé à votre monde de faire un effort. Alors, parlez-moi donc des efforts que vous avez faits, vous et votre clientèle.

Mme Baillargeon (Sylvie) : Des efforts qu'on va faire dans le cadre...

M. Hamad : Dans votre programme FIT, là. C'est un beau succès, là.

Mme Baillargeon (Sylvie) : Les efforts qu'on a faits?

M. Hamad : Oui.

Mme Baillargeon (Sylvie) : Ah! bien, écoutez...

M. Hamad : Puis l'effort que les gens aussi ont fait, parce que votre succès, c'est relié à l'effort de vos gens que vous avez aidés à embarquer dans les jobs.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Baillargeon.

Mme Baillargeon (Sylvie) : Bien, pour faire le programme FIT, dans le fond, c'est un projet qui a nécessité l'implication de tout le monde. Et la question de l'intégration des personnes en emploi, nous, c'est notre quotidien, là. Ça fait que, de travailler avec des clientèles qui ont des difficultés, on fait ça depuis 30 ans, là. Donc, dans le cadre du projet FIT, c'est ce qu'on a fait également.

Ce qui était nouveau pour nous, c'est de le faire au niveau national. Parce qu'on le fait tous individuellement dans chacun de nos organismes. Là, le RSSMO a fait un projet national, et là ça a demandé de la concertation puis de l'organisation. Et on a développé ça avec des regroupements d'entreprises et des comités sectoriels. La nature... Tu sais, l'organisation du programme était différente, mais les activités qu'on faisait à l'intérieur, c'est des activités qu'on fait tous les jours dans les organismes : travailler avec des personnes, les accompagner, les aider à se trouver de l'emploi, parler aux employeurs, les placer en stage, les accompagner et faire en sorte que ça donne des succès.

Ça fait que les efforts, oui, tout le monde doit en faire, et je pense que, dans le cadre d'Objectif emploi, les gens vont faire des efforts, mais il faut que les efforts se fassent dans une perspective où ils ont choisi de faire quelque chose.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre. Oui, complément de réponse, Mme Dubois?

Mme Dubois (Marie-Josée) : Non. Je reviendrai par la suite.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. M. le ministre.

M. Hamad : Mais choisir, là, c'est gros, hein, puis, des fois, il faut aider les gens à choisir, puis il faut s'asseoir avec eux autres, leur dire : Regarde, on va t'aider, là. On va travailler ensemble. Peut-être, au début, ça ne me tente pas, là. Puis, nous autres, ça arrive, là. Ça arrive, le matin, là, ça ne nous tente pas, là. C'est pour toutes sortes de raisons, là. Mais collectivement, là, quand vous vous assoyez avec les autres, là, à un moment donné, ça ne lui tente pas, là. Ça se peut que ça ne les tente pas. Ça se peut, eux autres... Il y en a d'autres, ils vont dire : Aïe! Moi, je suis prêt, là. Mais là il faut les aider à choisir, il faut travailler avec eux.

Ce que vous avez fait... Ce que je veux savoir de vous, là, parlez-moi donc... Là, vous avez parlé de vous, de votre organisation. Parlez-moi donc de votre clientèle, là, l'effort qu'ils font, eux autres, là, pour... Parce que vous avez dit : On l'a placé en stage, on a fait ci, on a fait ça. Mais la personne, là, elle a fait l'effort de se placer en stage. Elle a fait l'effort d'aller voir, elle a fait l'effort de s'asseoir avec vous. Mais parlez-moi donc de ces gens-là qui ont fait l'effort avec vous.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Dubois.

M. Hamad : Parlez-moi du monde qui ont fait l'effort.

Mme Dubois (Marie-Josée) : M. le ministre, il y a très peu de personnes qui se présentent ou qui font une demande d'aide sociale par paresse. On pense que le fait d'être issu d'un milieu plus défavorisé fait en sorte que les perspectives sont souvent très limitées, parce qu'on est dans un environnement qui ne nous a pas permis de se projeter dans l'avenir. Alors, c'est bien évident qu'il faut travailler auprès de ces personnes-là et il faut d'abord être en mesure de les rejoindre pour leur donner de l'information sur des services qu'ils pourraient recevoir.

Par contre, la question de volontariat est beaucoup liée au fait qu'il y a des gens parmi ceux-là qui ne sont pas disponibles actuellement pour entreprendre une démarche. Et je vous donne à titre d'exemple un jeune qui pourrait nous être référé et qui débarque un matin avec ses sacs verts. Les sacs verts, pour un jeune, c'est qu'il n'y a plus de place pour être hébergé. Il traîne son oreiller, sa couverte puis sa deuxième paire de pantalons. Évidemment, cette personne-là n'est pas disponible pour se demander ce qu'il veut faire dans la vie. Sa principale préoccupation, c'est de savoir où il va coucher ce soir-là.

Alors, la question de volontariat est importante pour s'assurer que les personnes qui entreprennent une démarche pour se projeter dans l'avenir puis trouver leur place sur le marché du travail soient dans des conditions pour le faire. On peut trouver également des gens qui, suite à des difficultés personnelles importantes, ont développé des troubles anxieux et qui, pour l'instant, rencontrent des difficultés importantes à se concentrer. Évidemment, une fois que leur situation émotive est stabilisée, là on est en mesure de pouvoir les aider. Alors, l'aspect volontaire est important, et on ne pense pas que les gens qui ne sont pas prêts le sont par paresse.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Hamad : Madame, quand vous dites qu'il arrive chez nous, il a son sac vert, puis il n'est pas prêt, puis là on ne le touche pas... Au contraire, nous autres, là, au contraire, on ne laissera pas tomber cette personne-là. On va s'occuper d'elle. Peut-être, vous, au niveau d'employabilité... mais justement il ne faut pas qu'il parte avec son sac puis qu'il reste dans la misère.

Ce que nous voulons faire... Il faut prendre soin immédiatement de cette personne-là. Évidemment, c'est normal, les premiers besoins primaires sont majeurs. Le logement, le gîte, la nourriture, c'est important, c'est fondamental. Mais on dit ici, là... C'est qu'il faut comprendre, on ne la prend pas... la personne qui s'appelle Sam, là, on ne la prend pas pour l'envoyer à l'emploi. Là, il est dans la misère. Psychologiquement il est affecté. Moralement, il est affecté. Il est affamé, il a de la misère. Il faut s'occuper de cette personne-là. Mais là, volontaire... parce que je te comprends, tu es dans la misère, mais reste là puis, quand tu es prêt, tu viens, il ne viendra jamais. Ça se peut qu'il ne viendra jamais.

Ce qu'on veut, nous autres, là... On prend soin. On le prend... Puis, l'autre, les perspectives, vous avez raison. Vous avez parlé : Quand on est dans la pauvreté, on a peut-être moins de perspectives. Vous parlez un petit peu d'un enfant peut-être de l'aide sociale, issu d'une famille de l'aide sociale. Il faut briser ça. On ne peut pas attendre puis dire : Bien là, tu n'es pas prêt, on va attendre. On va attendre. Attendre quoi? Il n'y a pas de temps d'attente pour la dignité d'une personne. Il faut s'occuper immédiatement.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Baillargeon.

M. Hamad : Peut-être pas vous directement, mais d'autres organismes. Puis après ça c'est vous, quand on se rend à l'employabilité.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre, on va leur permettre de répondre. Mme Baillargeon.

• (11 heures) •

Mme Baillargeon (Sylvie) : M. le ministre, on est d'accord qu'il faut aider ces personnes-là. On ne dit pas qu'il ne faut pas les aider, mais nous, on dit : Il faut inciter les gens. Quand on parle de volontariat, c'est de l'incitation qu'il faut faire. Il faut développer des stratégies créatives, Emploi-Québec et les organismes en employabilité, pour dire comment faire pour rejoindre ces gens-là et les inciter, au lieu de leur dire : Tu es obligé puis, si tu ne fais rien, tu vas être pénalisé. La nuance est importante, mais elle fait la différence.

Nous, on trouve que c'est de l'incitation... Il faut travailler en amont pour inciter les gens à participer, à se mettre en mouvement puis à dire : Oui, «let's go», on va faire des démarches puis on va t'aider. Mais c'est plus à ce niveau-là qu'on pense qu'il faut travailler, c'est-à-dire au niveau de la promotion des services possibles, au niveau de la valorisation du travail et de la formation avec les personnes, quoi.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Hamad : En fait, nous, là, c'est... Vous, vous êtes un petit peu à l'étape emploi. Nous autres, ce qu'on dit ici : On s'occupe immédiatement, même s'il n'est pas prêt pour l'emploi, ce n'est pas important. Ce qui est important, qu'on s'en occupe puis on l'accompagne.

Moi, j'ai vu un reportage à Radio-Canada, que tout le monde a vu, là, il y avait une jeune fille qui faisait l'entrevue avec le journaliste, puis, en passant, elle a l'air intelligent, tu sais, une personne capable de s'occuper d'elle, puis elle dit : Moi, je prends un break et je m'en vais à l'aide sociale. «Je prends un break.» C'est ça qu'elle disait, là. C'est public, là. On a vu ça, là. Mais là prendre un break, c'est... On peut prendre un break, mais on peut s'occuper de nous en même temps.

Alors, ce qu'on vous dit, nous autres, là, juste : On est... On vous le prépare, si vous voulez. Les gens, on va s'en occuper, là. C'est que moi, là, je ne peux pas dire, sur une base volontaire : Je ne veux pas, comme société... Puis après ça on dit : On va attendre que tu sois prêt pour venir. On l'a fait.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Genest. M. le ministre, on va...

Mme Genest (Karine) : Sauf que, pour nous aussi, c'est clair qu'il faut s'en occuper, même en préemployabilité. Mais je pense qu'il faut s'assurer que le continuum de services est disponible, orchestré, organisé pour que la clientèle puisse évoluer à travers ce continuum de services là, puis arriver à une mesure d'emploi, et pouvoir s'y intégrer avec...

M. Hamad : C'est ça qu'on veut faire.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Baillargeon, complément. Il reste 30 secondes.

Mme Baillargeon (Sylvie) : Actuellement, les centres locaux d'emploi, là, on doute, nous, de la capacité des centres locaux d'emploi de prendre en charge cette mesure-là. Actuellement on a, certains organismes, des cibles de prestataires de la sécurité du revenu, et les centres locaux d'emploi ne nous réfèrent pas de clientèle. On nous dit qu'il faut en avoir, on ne nous en réfère pas. Ça fait que comment ils vont faire...

M. Hamad : Mais vous savez pourquoi...

Mme Baillargeon (Sylvie) : Non, mais ce n'est pas parce qu'ils vont, comment dire, les obliger qu'ils vont être là.

M. Hamad : Vous savez pourquoi... Bien oui, c'est bon.

Mme Baillargeon (Sylvie) : Ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas, les prestataires.

M. Hamad : Pourquoi qu'ils ne réfèrent pas? Parce que les gens... il y a des gens qui ne veulent pas. Il ne faut pas les prendre par le bras puis dire : Hé! à matin, tu t'en vas voir les RSSMO. Si les gens disent : Je n'en veux pas, je ne vais pas y aller, bon, bien, O.K. Mais là vous n'avez pas de monde, puis on ne s'occupe pas de monde. C'est ça, le coeur du dossier.

Le Président (M. Cousineau) : Ça termine cet échange. Je passe maintenant la parole au député de Saint-Jean pour les prochaines minutes. M. le député de Saint-Jean, de l'opposition officielle.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais aussi vous questionner beaucoup sur justement la capacité de référencement des centres locaux d'emploi. Parce que, bon, vous le dites, les carrefours jeunesse-emploi le disent aussi, d'autres organismes d'employabilité aussi le mentionnent, c'est effectivement un problème parce que vous ne pouvez pas faire, à moins que je me trompe, dans votre cas, du recrutement direct. Donc, quelqu'un qui se présente directement à vos locaux, il doit avoir une approbation par Emploi-Québec pour pouvoir être aidé, à moins que je me trompe, dans votre cas.

On me dit aussi que, des fois, aussi, c'est compliqué, puis, bon, il y a des règles administratives qui vous empêchent de faire autant de publicité ou de promotion pour l'adhésion... que les gens viennent directement à vous. Est-ce que c'est votre cas?

Le Président (M. Cousineau) : Mme Baillargeon... Mme Dubois.

Mme Dubois (Marie-Josée) : Bien, dans les faits, les centres locaux d'emploi, je vous dirais, sont composés de personnes qui ont aussi à coeur l'intégration des personnes qui veulent intégrer sur le marché du travail, sauf qu'au fil des ans le nombre de ressources dans les centres locaux d'emploi a diminué de façon très importante, qui font en sorte que maintenant leur capacité d'accueillir et d'évaluer les clientèles est plus limitée et font en sorte que le référencement est plus difficile. Il faut quand même convenir qu'il y a des clientèles qui sont plus difficiles à mobiliser, mais il y a quand même des efforts importants qui sont mis. Et, de plus en plus, il y a une étroite collaboration avec les ressources en employabilité pour pouvoir essayer de trouver des solutions novatrices, pour pouvoir informer ces gens-là et leur donner le goût, là, de s'inscrire dans une démarche.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Baillargeon.

Mme Baillargeon (Sylvie) : Sur la question du recrutement direct, c'est partagé. Ça dépend des mesures. Il y a des mesures, oui, on peut faire du recrutement direct. Puis il y a des mesures que non. Ça fait que, dans nos membres au RSSMO, on a de tout. Des fois, oui, on peut faire du recrutement direct, puis, des fois, on ne peut pas. Puis là, bien, il y a toutes sortes de situations qui peuvent se passer quand on ne peut pas faire du recrutement direct.

Ça fait que c'est sûr que, nous, notre position, c'est de favoriser et de donner, dans l'ensemble des mesures, la possibilité aux organismes d'avoir du recrutement direct. Ça, c'est clair que c'est facilitant, parce que, si on fait nous-mêmes du démarchage, bien, il y a plus de chances que la personne, elle puisse accepter ou pas, ce qui n'est pas toujours le cas. Et, quand on ne peut pas faire de recrutement direct, effectivement, on peut avoir des obstacles. Parce qu'on peut repérer des gens qui se font refuser par la suite au niveau du centre local d'emploi. Et là c'est à géométrie variable, selon les programmes et les régions.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Ça, c'est très important, ce que vous venez de mentionner. Le ministre devrait écouter, parce que c'est une excellente idée qu'il devrait appliquer, ce que vous venez de mentionner, de vous permettre, pour tous les programmes, de pouvoir faire du recrutement direct. Parce que, moi, ce que je vois sur le terrain et ce qu'on me dit, c'est que c'est toujours plus difficile, hein, pour des gens, de se présenter au centre local d'emploi, parce qu'ils ont peur, bon, d'avoir des sanctions, ou autres, puis tout ça. Puis c'est aussi contraignant, hein, d'aller dans un centre local d'emploi. Tandis que vous, dans les organismes ou autres qui ne sont pas membres de votre réseau mais qui font à peu près la même chose, vous avez une approche différente, plus familière, plus personnalisée, plus peut-être... Dans certains cas, ça relève, hein, du milieu communautaire, donc une approche plus terrain. Vous allez aussi chercher les gens où ils sont, plutôt que d'attendre que les gens se présentent à votre porte. Donc, de pouvoir faire du recrutement direct permettrait d'avoir un impact significatif sur le nombre de personnes qui pourraient participer à vos programmes d'employabilité et éventuellement réduire le nombre de personnes à l'aide sociale, donc atteindre l'objectif que le ministre voudrait et veut... et que c'est louable, parce que l'objectif, c'est que tout le monde travaille. Mais il y en a qui partent de plus loin, effectivement, comme vous l'avez mentionné. Mais, pour les gens qu'on peut aider, d'avoir du recrutement direct pourrait être une bonne mesure pour avoir un impact significatif. Je comprends que c'est une de vos recommandations, puis nous considérons que c'est effectivement une bonne idée.

J'aimerais revenir sur la question... Vous mentionnez dans votre mémoire : «Que le non-respect des conditions du programme Objectif emploi ne conduise pas à des [coupes] dans les prestations de base des bénéficiaires de l'aide sociale.» Donc, vous dites ça parce que vous voyez que ça peut avoir un impact sur la dignité, mais aussi sur le niveau d'intérêt de la personne de s'impliquer, sur l'impact qu'elle peut avoir aussi sur les autres participants du programme ou l'impact qu'elle peut avoir dans le milieu de travail où elle est. Si elle est obligée de participer, elle peut, à certains égards, être dérangeante ou faire sentir aux autres que, finalement, ça ne lui tente pas d'être là, et avoir un impact. Mais est-ce qu'il y a d'autres facteurs que vous croyez pertinents de nous mentionner, qui justifieraient l'ajout, dans votre mémoire, de cette recommandation?

Le Président (M. Cousineau) : Mme Dubois.

Mme Dubois (Marie-Josée) : Bien, en fait, ce qui est important de savoir, c'est que les parcours d'insertion socioprofessionnelle, comme on l'a déjà mentionné, ce n'est pas linéaire. Alors, ça fait en sorte qu'il y a des gens qui s'inscrivent dans une direction puis, à un moment donné, qu'ils changent de direction. Et il peut arriver aussi que ces gens-là rencontrent des difficultés qui les amènent à suspendre temporairement leur participation, parce que leurs blondes les a lâchés ou parce qu'ils ont passé au feu. Alors, il y a des situations qui font en sorte que... Il ne faut pas que, suite à des situations personnelles, les gens puissent être pénalisés, parce que, s'ils s'inscrivent dans une démarche, c'est parce que la volonté est là. Mais il faut quand même convenir qu'il y a des situations qui font en sorte qu'ils peuvent être suspendus pour... la participation puisse être suspendue sans pénalité.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Baillargeon.

Mme Baillargeon (Sylvie) : Si quelqu'un entreprend une démarche, et que ça ne se résout pas par un succès, et qu'il y a une pénalité... Parce que ce n'est pas clair dans le projet de loi les montants exacts, etc., là, ça, il y a des questions là-dessus. Si quelqu'un entreprend une démarche et qu'il est pénalisé parce que la démarche n'a pas abouti à un succès, on trouve que ça, c'est négatif, non seulement pour l'individu... principalement pour l'individu, parce qu'il va y avoir des efforts qui vont avoir été faits — on parlait d'efforts tantôt avec M. le ministre — il va avoir fait des efforts, l'individu, pour s'inscrire dans quelque chose, il va peut-être avoir débuté un emploi, il va peut-être avoir débuté une formation, peu importe, il va avoir fait des efforts, et il y a d'autres acteurs qui vont être impliqués là-dedans. Et, si la personne, elle abandonne pour une raison ou pour une autre et qu'elle est pénalisée, c'est comme si ça peut mettre en péril les efforts que la personne va avoir faits en termes d'estime d'elle-même et ça peut aussi jouer sur les autres acteurs qui auront participé à ce processus-là, parce que, la personne, il y a comme un recul qui se passe, puis ça peut décourager les autres de continuer à s'impliquer, quoi.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Turcotte : J'aimerais vous entendre parler... Vous mentionniez aussi, comme recommandation, d'avoir davantage de soutien pour les entreprises qui accueillent, pour l'intégration et la rétention des nouveaux employés par le biais d'un accompagnement fourni par un professionnel de l'emploi qui détient cette expertise. J'ajouterais aussi, peut-être, en termes de soutien, quand vous parlez d'une séparation ou autre, puis tout ça, de l'accompagnement psychosocial dans certains moments pour que les gens puissent maintenir leur emploi durant le temps de l'application de la mesure Objectif emploi. Qu'est-ce que vous... Parce que vous voyez qu'il n'y en a pas assez, d'accompagnement, actuellement? Parce que vous n'êtes pas financés pour le faire? Emploi-Québec ne vous demande pas de s'assurer qu'il y ait un maintien en emploi? Comment ça fonctionne?

Le Président (M. Cousineau) : Mme Genest.

 • (11 h 10) •

Mme Genest (Karine) : Bien, en fait, oui, il y a des programmes qui existent, comme par exemple PRIIME ou les subventions salariales, mais l'accompagnement dans ces programmes-là est peu utilisé par les employeurs, donc il faut sensibiliser à la valeur ajoutée de cet accompagnement pour l'intégration des employés. Dans nos mesures régulières qu'on a à l'intérieur du panier de services d'Emploi-Québec, l'accompagnement en entreprise est peu possible. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est que, pour les clientèles éloignées, il faut travailler davantage avec les entreprises dans la gestion de la diversité. Puis la gestion de la diversité, pour nous, c'est, oui, parfois culturel, mais c'est aussi parfois intergénérationnel, ça peut être aussi une difficulté d'adaptation parce qu'on a travaillé des années dans un type d'industrie puis on travaille dans une autre entreprise qui a une culture différente.

Donc, par notre expertise puis notre expérience, on peut jouer un rôle de médiateur entre les employeurs et les clients pour s'assurer d'une intégration facilitante, durable et qui permet de régler des problèmes de perception. Quand qu'on rencontre les entreprises sur le terrain, ce qu'ils nous disent d'entrée de jeu, c'est : On a de la difficulté à gérer les problèmes d'attitude — c'est comme ça qu'ils nomment ça — ou de personnalité, on travaille dans un milieu... Le Québec, c'est des PME, et elles ont peu de ressources à ce niveau-là.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme Genest. Ça termine cette partie. Alors, je remercie M. le député de Saint-Jean. Je passe maintenant la parole au député de Drummond—Bois-Francs pour les prochaines minutes.

M. Schneeberger : Merci, M. le Président. J'avais d'autres questions, mais je veux justement que vous... Vous pouvez continuer là-dessus. Vous parliez justement des capacités des employeurs à garder des nouveaux employés, dans le fond, qui proviennent d'Emploi-Québec, ou autres, qui suivent un cheminement... justement, la capacité à garder ces gens-là ayant des problèmes de comportement, et autres. Et vous dites justement qu'actuellement il y a une problématique : ces entreprises-là ne sont pas équipées. Continuez là-dessus, puis après ça j'aurai une autre question.

Mme Genest (Karine) : Oui, bien, je pense qu'en amont il faut accompagner les individus qui sont plus éloignés du marché du travail pour développer les compétences puis les qualifications pour accéder aux postes, dans un premier temps. Puis, une fois qu'ils ont ces qualifications-là, il faut travailler de pair, de concert avec l'entreprise pour l'intégration de ces clientèles-là.

Je vous donne un exemple concret. Dans le cadre du projet FIT — c'est des stages qui s'échelonnaient entre 10 et 20 semaines — régulièrement, après deux, trois semaines, les employeurs nous disaient : Ça ne fonctionnera pas, ce stagiaire-là ne passera pas à travers le processus, ça ne va pas se conclure par une embauche. Mais, avec l'accompagnement soutenu, en les aidant à développer les aptitudes, en fournissant un plan de stage rigoureux qui permettait de faire évoluer les clients dans le développement de leurs compétences puis des qualifications, en dénouant les impasses communicationnelles ou de perception, bien, on arrivait à ce que ces gens-là passent à travers le processus et qu'il y ait un arrimage entre l'employeur et l'employé pour que ça se conclue en embauche.

Donc, pour nous, il y a quelque chose de porteur là qu'on fait peu, qu'on devrait faire beaucoup, davantage pour les clientèles éloignées. Pour nous, c'est clair.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Schneeberger : Bien, actuellement, ce que je vois, là, en tout cas, il n'y a rien qui nous dit dans le projet de loi qu'on s'en va dans ce sens-là, là.

Mme Genest (Karine) : Bien, à travers l'adéquation formation-emploi, c'est sûr que, nous, nos propos vont dans ce sens-là. Mais on pense aussi que... Dans des programmes tels qu'Objectif emploi, où on pense à des clientèles qui peuvent être plus éloignées, bien, on dit : Il faudrait penser à ajouter cette condition gagnante là dans la réflexion autour de ce projet de loi là.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Dubois.

Mme Dubois (Marie-Josée) : Puis j'ajouterais que, comme, à l'occasion et plus souvent qu'autrement, nos clientèles peuvent être atypiques, alors de les accompagner et de sensibiliser les employeurs, ça les rassure sur le risque à prendre ces clientèles-là, en sachant qu'ils vont pouvoir se référer à nous si jamais il y a une difficulté qui se présente. Alors, ça ouvre des portes qui autrement s'ouvriraient difficilement.

Mme Genest (Karine) : Tu sais, on comprend, là, les employeurs sont toujours à la recherche du meilleur employé. Donc, il faut déployer des services pour aider ces clientèles-là à leur ouvrir les portes, mais à les intégrer.

Mme Baillargeon (Sylvie) : Et que ce soit aussi davantage reconnu dans notre rôle.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : O.K. Parfait. Merci. C'est bon. M. le Président, dans le mémoire, il y a une mention qui dit justement que vous souhaiteriez avoir une approche globale, vous parlez d'une approche globale. Est-ce qu'actuellement vous croyez que le programme Objectif emploi permet cette approche globale, ou il y a des manques, selon vous, ou ça ne va pas assez loin, ou peu importe?

Mme Dubois (Marie-Josée) : Bien, en fait, l'approche globale, là, c'est notre vision de l'intégration. Alors, on n'est pas une personne au travail puis une personne en dehors du travail, là, on est une seule et même personne avec ses différentes composantes, ce qui fait que le programme qui est proposé par le ministre, bien évidemment, doit tenir compte de l'approche globale et des différentes composantes de la personne. Et, nous, c'est à l'intérieur de ça qu'on s'inscrit.

Alors, à partir du moment où on a la possibilité de les accompagner à travers leur processus et les aider à faire face aux différents obstacles qu'ils rencontrent, bien, ça nous permet de travailler en approche globale. Parce qu'intégrer un emploi, ce n'est pas juste de faire de la recherche d'emploi, mais c'est aussi comprendre c'est quoi, les éléments qui nous empêchent d'y arriver. Et c'est ça, le rôle qu'on fait, c'est de les aider, les personnes, à comprendre ça, à les identifier puis à trouver des solutions pour pouvoir s'intégrer de façon durable.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Schneeberger : Vous mentionnez aussi qu'il y aura peut-être une période de rodage, O.K., vous parlez d'une période de rodage dans votre mémoire. Il y aura des impacts, probablement. Avez-vous mesuré les impacts, puis c'est quoi, la période? On parle-tu de semaines, de mois, d'années, cette période-là de rodage?

Le Président (M. Cousineau) : Mme Dubois...

M. Schneeberger : C'est parce qu'on sait que, dans la vie d'une personne, les jours comptent, chaque jour compte, là, ce n'est pas... Tu sais, souvent, on a des programmes, finalement, qui s'étirent, qui s'étirent puis qui ne finissent plus de se mettre en place. Finalement, on a des personnes qui sortent de là puis qui sont un peu, comme on dit, maganées, excusez l'expression, mais c'est ça.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Baillargeon, il reste une minute.

Mme Baillargeon (Sylvie) : La question du rodage, c'est que c'est par rapport à l'ensemble, tu sais, de la mise en oeuvre d'Objectif emploi, là. Tu sais, nous autres, on pense, là, qu'il y a des conditions gagnantes qu'il faut mettre en place, puis on en a énuméré tout à l'heure. Ça fait qu'avant de dire : O.K., «let's go», c'est les 19 000 personnes qui vont tout de suite, demain matin, commencer à s'inscrire dans un parcours obligatoire, nous, on dit : Les réserves qu'on a, on les a mentionnées, sur l'obligation et la pénalité. Mais, au-delà de ça, il faut que les organisations soient prêtes au niveau des centres locaux d'emploi, il faut que les rôles soient clairs par rapport aux organismes, il faut que les procédures soient efficaces, il faut qu'il y ait de l'accompagnement. Tu sais, il faut mettre en place les choses de façon progressive pour pouvoir en faire un minimum de succès, quoi.

Puis la personne, si on parle de la durée... Quand on dit «rodage», si vous voulez parler de la durée du parcours, tu sais, tantôt M. le ministre disait : Oui, c'est 12 mois, mais ça pourrait aller à deux ans. Nous, c'est comme : tant que la personne a besoin, il faudrait qu'elle soit suivie.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Baillargeon... Mme Baillargeon, je suis obligé de vous interrompre. Le temps pour cette partie est terminé. Je passe maintenant la parole à la députée de Gouin. Mme la députée.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Mesdames, merci.

Je dois d'abord dire que, la semaine dernière, j'ai rencontré une douzaine d'organismes s'occupant d'employabilité, entre autres de personnes à l'aide sociale. Ce qui m'a beaucoup frappée, c'est que... Je comprends que, là, le ministère va nous apporter plein de chiffres, là, mais, à mon avis, les experts de l'intégration des personnes au marché de l'emploi, ce sont ces organismes, vraiment, parce qu'ils sont capables de nous dire concrètement comment ça se passe sur le terrain, qu'est-ce que vivent les gens qu'ils aident et comment on peut les amener ailleurs.

Alors, moi, il y a des choses qui me frappent beaucoup. Dans votre mémoire, vous parlez d'un taux de succès de 80 % des gens que vous aidez. Je ne sais pas, là, mais ce n'est pas mal, ça, 80 %. Mais vous parlez aussi d'à peu près 58 %, là, je ne veux pas aller trop long, mais de gens qui ont toutes sortes de problèmes, parmi les gens que vous aidez. Et là le ministre dit : Mais il faut s'en occuper, de ces problèmes-là, en faisant référence au jeune de tout à l'heure avec son sac vert. Moi, ma compréhension, c'est que c'est exactement ça que vous faites. Si ce jeune est venu vous voir avec ses sacs verts, ou s'il est allé voir une auberge du coeur, ou s'il est allé voir une entreprise d'insertion, c'est qu'il cherche de l'aide. On ne parle pas de quelqu'un qu'on va abandonner, il est venu vous voir. Et ce que je sais, comme députée de Gouin, c'est que vous l'aidez.

Alors, la question que moi, je vous pose en rapport avec ce projet de loi qu'on a sur la table, c'est : Quelles sont les conditions qui vous permettraient de les aider davantage?

Le Président (M. Cousineau) : Mesdames? Mme Baillargeon?

• (11 h 20) •

Mme Baillargeon (Sylvie) : Bien, il y a beaucoup de conditions qui nous permettraient de les aider davantage. Une des conditions, c'est l'assouplissement des mesures. Parce que, là, présentement, il y a un beau coffre à outils quand même, mais disons qu'il n'y a pas toujours de la souplesse nécessaire. Ça serait le fun, des fois, que les participants puissent chevaucher certaines mesures, c'est-à-dire être sur plus qu'une mesure à la fois, dépendamment de son parcours.

Ça, c'est des éléments. La question des stages est une autre. Là, on donnait l'exemple du projet FIT, mais c'est quand même un projet, par rapport à l'ensemble du Québec, c'est peu. Tu sais, les outils pour faciliter l'intégration, il y en a plusieurs. Aussi, les ressources qu'on a... Parce que, nous, la façon dont ça fonctionne, c'est qu'on a, comment dire, des ententes de services avec des nombres définis de personnes qu'on doit accueillir dans l'année, puis on a les ressources pour accueillir ces personnes-là. Mais, je veux dire, à un moment donné, on ne peut pas doubler puis tripler s'il n'y a pas d'autres ressources qui viennent. Ça fait que, pour les aider davantage, pour qu'on aide davantage de personnes, il faut qu'on ait, évidemment, davantage de ressources.

Donc, le chevauchement, l'assouplissement des mesures, la question des stages puis aussi l'accessibilité aux formations. Tu sais, on a parlé tantôt de comment, dans le fond, il y a des individus qui doivent développer des compétences professionnelles, et souvent ça passe par la formation. Et l'accès aux formations, à la diversité des lieux de formation, ça aussi, c'est des outils qui seraient intéressants.

Le Président (M. Cousineau) : C'est malheureusement terminé. Alors, Mme Baillargeon, Mme Dubois puis Mme Genest, je vous remercie beaucoup de votre présentation.

Je suspends pour quelques instants et je demande aux gens du prochain groupe, Manufacturiers et exportateurs du Québec, de bien vouloir se préparer.

(Suspension de la séance à 11 h 21)

(Reprise à 11 h 24)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, nous reprenons nos travaux. Nous accueillons les représentants des Manufacturiers et exportateurs du Québec. Alors, comme le groupe précédent, vous avez 10 minutes de présentation.

Mais je profite de l'occasion pour souhaiter un joyeux anniversaire à la seule parlementaire féminine que nous avons, la députée de Chauveau. Joyeux anniversaire.

Alors, nous allons débuter. Messieurs, présentez-vous et puis présentez votre organisme.

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

M. Tetrault (Eric) : Alors, merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci de solliciter l'avis de Manufacturiers et exportateurs du Québec. Qui sommes-nous? Nous sommes une association d'affaires, une des grandes associations d'affaires du Québec. Nous regroupons au-delà de 800 entreprises manufacturières, et, de façon plus large, 800 entreprises qui oeuvrent au sein de l'industrie québécoise, d'où notre slogan Nous représentons l'industrie.

Mon nom est Eric Tetrault, je suis le président, et, à ma droite, Benoît Malric, coordonnateur adéquation, formation-emploi. Je le mentionne parce que nous en faisons une priorité chez nous au point où ça se traduit par l'expression de nos cartes d'affaires. Alors, Benoît, son seul emploi dans la vie, c'est de s'occuper de l'adéquation entre formation et emploi.

D'entrée de jeu, M. le Président, nous voulons saluer la volonté du gouvernement du Québec de faire de la rareté de main-d'oeuvre qualifiée et du développement des compétences une priorité, et, je dirais même, une priorité d'État. C'est assez évident, il en va en fait de notre économie et de notre croissance, puisque 70 % des entreprises manufacturières au Québec identifient le manque de main-d'oeuvre qualifiée comme un obstacle non pas à leur développement, mais aux opérations quotidiennes.

On a vu, vous le savez, depuis quelques années déjà, les pancartes On embauche qui se sont multipliées devant les portes des usines, sur le terrain des usines un peu partout au Québec. Sachez que, dans bien des cas maintenant, la pancarte est permanente. Alors, il y a un besoin réel du côté de l'industrie, du côté des entreprises manufacturières d'aller chercher cette main-d'oeuvre qualifiée.

Par ailleurs, il faut dire aussi que l'entreprise manufacturière québécoise type a beaucoup changé. Nous n'en sommes plus au travail manuel de masse dans les usines. Les opérations sont de plus en plus complexes, de plus en plus diversifiées pour répondre à la demande mondiale. Et donc ça va chercher des compétences de plus en plus particulières et de plus en plus diversifiées. Que l'on soit un travailleur ou une personne à la recherche d'un emploi, la formation et le perfectionnement seront absolument, absolument nécessaires, et de façon continue, en usine dans les années qui viennent. Permettre, M. le Président, aux entreprises québécoises de compter sur une main-d'oeuvre qualifiée, c'est leur permettre de se développer, c'est permettre la croissance de l'économie québécoise.

Nous appuyons dans son ensemble, de façon générale, le projet de loi n° 70 déposé par le ministre, puisque les initiatives visant à intégrer davantage les personnes en aide de dernier recours au marché du travail nous apparaissent nécessaires dans la mesure où ni les prochaines cohortes de travailleurs qualifiés provenant du secteur professionnel ni le nombre d'immigrants pouvant exercer un travail qualifié ne réussiront, malheureusement, à combler les 700 000 postes disponibles dans les prochaines années au Québec. Je passe sous silence les mises à la retraite qui seront très importantes entre 2019 et 2025. Ça correspond à des cycles industriels, des cycles de production au Québec.

Nos premiers commentaires portent sur la nécessité d'arrimer les objectifs du projet de loi avec les besoins des entreprises. En d'autres mots, il faut absolument, absolument s'assurer que la formation qui sera offerte corresponde toujours aux besoins exprimés par les entrepreneurs manufacturiers du Québec quant à ce type de main-d'oeuvre et ce type de compétences. Nous comprenons que plusieurs organismes sont responsables de cette cueillette de données, mais, à notre avis, il y a des lacunes. Le portrait, malheureusement, n'est pas toujours complet, entre autres parce que plusieurs entreprises, beaucoup trop d'entreprises, ne participent pas à cette cueillette, aussi parce que plusieurs d'entre elles connaissent mal leurs besoins, c'est le cas plus particulièrement pour les petites entreprises, sans compter évidemment, comme je viens de le dire, que ces besoins sont appelés à changer constamment et de façon de plus en plus rapide pour suivre les cycles de production mondiale. Dans ce contexte, nous demandons au gouvernement de prévoir dans sa législation un mécanisme de dialogue permanent et direct avec les entreprises. Manufacturiers et exportateurs du Québec offre son concours en ce sens.

Nous voulons maintenant, à ce moment-ci, commenter brièvement les dispositions entourant le programme d'accompagnement qui sera offert aux personnes en aide de dernier recours. Vous comprendrez que, du côté de l'industrie, il faut absolument s'assurer que le participant ne choisira pas un emploi contraire à ses aspirations et aux compétences qu'il souhaiterait éventuellement développer en entreprise. Il y a un réel danger pour les employeurs à offrir un emploi à des personnes qui sont susceptibles de quitter l'entreprise peu après leur embauche. Dans bien des cas, c'est pire que de ne pas procéder à leur embauche, car il faudra une fois de plus réorganiser le travail, réorganiser la chaîne de production.

• (11 h 30) •

Après les difficultés de recrutement dont j'ai fait état en début de lecture, les problèmes de rétention de la main-d'oeuvre arrivent au second rang des préoccupations. 56 % d'entre elles l'évoquent comme un frein à leur performance. Alors, en d'autres mots, non seulement on a beaucoup de difficultés à aller chercher les travailleurs qualifiés dont on a besoin, mais on a quasiment autant de difficultés à les retenir. Vous comprendrez que, dans ce contexte-là, nous voulons nous assurer que les personnes qui seront mises au travail sont dans un emploi qui correspond à leurs aspirations.

Nous sommes donc heureux de voir que le ministre a prévu dans le projet de loi un accompagnement personnalisé pour ces gens qui intégreront le marché de l'emploi. Mais, dans la même optique, nous voulons nous assurer que le gouvernement définira précisément ce qu'est un emploi convenable et, par le fait même, définir précisément les conditions acceptables pour un refus de la part du participant.

Soyons clairs, nous ne sommes pas des spécialistes de l'accompagnement des individus. Nous comprenons que c'est au coeur du projet de loi, même si nous ne sommes pas des experts, mais, si je peux donner le point de vue de l'entreprise là-dessus, la distribution des rôles et des responsabilités de chacun ne nous appartient pas, mais on pourra juger aux résultats qui seront obtenus par l'entreprise. En d'autres mots, si le travailleur qui arrive en usine n'est pas dans un emploi convenable, n'est pas heureux et quitte l'entreprise, c'est pire encore que de ne rien faire.

Manufacturiers et exportateurs du Québec salue par ailleurs la volonté du ministre de préciser le rôle et les fonctions de la Commission des partenaires du marché du travail. Nous sommes heureux de voir que la commission sur laquelle on siège jouera un rôle plus stratégique. Nous voulons toutefois en appeler au ministre sur certains principes de gouvernance de la commission. Le mécanisme de nomination actuel sur les comités confère quasiment des postes permanents sur les instances. Nous aimerions voir une gouvernance roulante, où l'expertise de chacun pourrait être mise à contribution, particulièrement la nôtre, si je puis le dire ainsi, puisqu'au moment où, sur les 25 métiers à valoriser absolument au Québec, il y en a 16 qui sont des métiers manufacturiers, nous aimerions travailler plus étroitement avec le gouvernement et les membres de la commission sur la valorisation de ces métiers. C'est une urgence de nature économique, comme je le disais.

Un mot maintenant sur cette valorisation des métiers manufacturiers. Nous avons malheureusement, depuis 50 ans, décrit ces métiers quasiment comme des prix de consolation. Ça a été, depuis le rapport Parent... D'ailleurs, les paragraphes qui sont consacrés à la formation professionnelle dans le rapport Parent ne sont pas nécessairement flatteurs, soit dit en passant. On a évolué tranquillement dans les 50 dernières années, mais il faut sortir de ce contexte où on présente ça comme des prix de consolation aux jeunes. On n'y arrivera jamais si on ne valorise pas ces métiers manufacturiers là.

Je vous distribuerai, à la fin, un DVD qu'on a fait avec des gens en usine pour voir à quel point ils ont des emplois dont ils sont fiers et qu'ils aiment particulièrement. Alors, nous aimerions inviter le gouvernement à se lancer dans une grande campagne de valorisation des métiers, pas seulement lorsqu'on promeut un programme gouvernemental auprès des instances, mais on pense à quelque chose à grande échelle qui serait vu par l'ensemble des gens au Québec. Je pense qu'on en est là dans la valorisation des métiers manufacturiers.

Je vais terminer sur quelques remarques générales, M. le Président, puisque vous me dites qu'il me reste deux minutes, remarques générales sur la main-d'oeuvre qualifiée. Nous appuyons le projet de loi n° 70, mais nous considérons qu'il s'agit d'un élément dans une stratégie d'ensemble du gouvernement qui doit aller plus loin encore. D'abord, pour ce qui est de la mise en oeuvre des différents programmes, actuellement, par exemple, le FDRCM est distribué par appel de projets parmi les promoteurs collectifs. C'est bien. On n'a pas l'impression chez les manufacturiers que ces programmes-là s'additionnent et qu'on garde une vue d'ensemble sur l'horizon que le gouvernement cherche à atteindre. Bref, l'union ne fait pas nécessairement... l'union fait la force, en fait, et il s'agit de travailler sur des projets où plusieurs partenaires travaillent à la fois pour garder notre horizon. On n'a pas l'impression que c'est fait de façon maximale.

Voilà pour les remarques préliminaires, M. le Président. Je salue encore une fois la volonté du premier ministre de faire de la main-d'oeuvre qualifiée et le développement des compétences une priorité non seulement d'État, mais une priorité économique. Nous apprécions que ce soit dans le discours du trône, nous apprécions que ce soit dans son discours et nous espérons que ça va demeurer ainsi.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. Tetrault. Est-ce que je comprends que vous avez mentionné que vous vouliez déposer aux membres de la commission un DVD?

M. Tetrault (Eric) : En fait, j'en ai quelques exemplaires que je pourrai déposer à la fin. J'aimerais qu'ils regardent ça pour voir à quel point ces gens-là sont fiers...

Le Président (M. Cousineau) : D'accord, on va en faire une distribution.

M. Tetrault (Eric) : ...et voir ce qu'on pourrait faire si on travaillait à grande échelle. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, on va en faire une distribution aux membres de la commission. Alors, je passe maintenant la parole, pour les prochaines minutes, au ministre. M. le ministre.

M. Hamad : Merci, M. le Président. M. Tetrault, M. Malric, bienvenue. Merci d'être là ce matin. Et évidemment vous êtes au coeur des manufacturiers et exportateurs, vous êtes au coeur des entreprises, et on sait actuellement que ce n'est pas les jobs qui manquent, c'est les travailleurs qui manquent. Et on a un contexte actuellement, c'est ça qui justifie notre action aujourd'hui, dans l'ensemble, pas nécessairement celle-là uniquement, mais l'ensemble de l'oeuvre dans l'action pour la main-d'oeuvre, parce que ce que... On partage ça, d'ailleurs, nous deux, notre gouvernement et vous. En fait, là, actuellement, il y a 200 000 jeunes, dans notre société, qui ne sont ni à la recherche d'emploi, ni au chômage, et ni aux études. Et, dans ces gens-là, il y en a évidemment... et plus, si on regarde : chaque année, on a 17 000 personnes qui arrivent à l'aide sociale. Nous avons autour de 300 000 personnes aptes pour travailler à l'aide sociale, nous avons 300 000 personnes à l'assurance chômage ou l'assurance-emploi. De l'autre côté, lorsqu'on regarde les perspectives d'emploi, bien, on parle de besoins de 500 000. Et, chaque fois qu'on se promène dans les régions, dans les grandes villes, partout au Québec... Et d'ailleurs il y a un sondage qu'il y a eu récemment dans la région de Québec, et la première priorité des entreprises, c'est la main-d'oeuvre. Et évidemment on a un grand défi démographique, et malheureusement, mettons, le vieillissement de notre population est plus rapide que les autres sociétés, même au Canada, et on rejoint pratiquement le Japon, et notre défi est grand. Donc, on ne peut pas se permettre de perdre aucune, aucune ressource au Québec ou gaspiller aucune ressource.

Puis en même temps, comme société généreuse et responsable, il faut donner la dignité à nos gens. Et évidemment, le projet de loi, un des objectifs, c'est donner la dignité, mais l'autre objectif, dans toute la question de formation, adéquation, c'est vraiment répondre aux besoins du marché du travail. Mais, pour répondre aux besoins du marché du travail, ça commence par avoir la main-d'oeuvre. Puis les métiers manufacturiers... Et j'aimerais ça que vous en parlez.

Parce que, lorsqu'on regarde le modèle allemand dual... évidemment, on ne veut pas copier le modèle tel quel au Québec, mais, quand même, un modèle qui a démontré ses preuves. Il a fait ses preuves. Lorsqu'on regarde en Allemagne, les entreprises, elles prennent une responsabilité sociale, pour eux, d'embaucher, de prendre des jeunes de 14-16 ans et donner des stages dans le milieu de travail, et le taux de succès dans ce programme-là, c'est 95 %. 95 % sont placés après, des jeunes, des métiers dans le manufacturier. Et le 5 % qui reste, il y en a 3 % parce qu'ils retournent aux études, ils vont aller aux études supérieures, puis il y en a 2 % qui sont en changement. Alors, le taux de chômage le plus bas en Europe actuellement est en Allemagne, grâce à ce modèle-là. Et nous essayons actuellement de s'approcher de ce modèle-là, mais ça commence par les employeurs. Et évidemment il faut changer un peu la donne, la mentalité. Au lieu de dire : Envoyez-moi du monde... Parce qu'actuellement moi, je l'entends souvent : Envoyez-moi du monde, moi, je suis prêt à les embaucher. Partout, dans les régions : Envoyez-moi du monde, je suis prêt à les prendre. Là, à un moment donné, il faut dire : Tu vas t'en occuper, toi aussi, et, comme entreprise, tu as la responsabilité de t'occuper de ton monde, puis il faut que tu prépares le terrain pour avoir ces gens-là puis les recevoir.

Alors, parlez-moi donc... Je sais qu'un de vos chevaux de bataille, c'est la sensibilisation d'entreprises sur les stages, sur les métiers, sensibilisation... plutôt les jeunes, sur les métiers qui existent... aux entreprises, peut-être en parler un peu.

M. Tetrault (Eric) : En fait, j'en ai parlé un peu tout à l'heure puis...

Une voix : ...

M. Tetrault (Eric) : Oui, là, c'est bien sûr. Et puis on appuie totalement le gouvernement dans sa volonté de mettre le plus de gens possible au travail, évidemment, en raison des nombres.

Il y a effectivement un trait particulier chez les grandes nations qu'on appelle les grandes nations manufacturières, c'est qu'il y a une certaine fierté chez les jeunes dans le parcours à exercer ces métiers-là, et, à mon avis, c'est la pièce manquante, c'est l'éléphant dans la pièce. Il faut avoir voyagé, puis avoir rencontré, puis avoir regardé ce qui se passe du côté de l'Allemagne, du côté du Japon, du côté des États-Unis même pour voir à quel point ça commence par les choix de carrière chez les jeunes. Nous, par exemple, on a des programmes, qu'on a offerts par le passé, qu'on espère offrir de nouveau cette année, de sensibilisation des jeunes qui vont faire des visites en entreprise. Alors, c'est déjà quelque chose de très bien qu'on peut faire. Ils voient ce que c'est, ils s'initient à ces métiers-là et ils voient quel est l'univers.

Malheureusement, il y a d'autres freins. On s'aperçoit que, dans la majorité des cas où le jeune ne choisit pas une carrière dans le manufacturier, ce n'est pas lui qui prend la décision. Ça peut être son père, sa mère, ça peut être son entourage qui le décourage d'aller vers ces métiers-là parce que ce n'est pas, supposément, un métier d'avenir, pas un métier intéressant. Or, ça correspond à une vieille définition de ce que c'est que l'industrie au Québec. Ça correspond à l'image qu'on a d'une shop un peu malpropre, pour dire les vraies choses, avec beaucoup de travail manuel.

Écoutez, moi, j'ai effectué une centaine de visites d'entreprise depuis que j'ai été nommé en septembre l'an passé, je n'en ai pas vu une comme ça. Dites-moi où elles sont, moi, je ne les connais pas. Par contre, je vois beaucoup de gens qui ont un doctorat ou qui ont deux bacs, qui sont directeurs de production puis qui ont beaucoup de plaisir dans la vie, parce qu'en passant ça va prendre ça pour opérer les chaînes de fabrication de demain. Si on veut se lancer dans l'innovation puis être un très grand exportateur mondial, il faut non seulement travailler sur nos produits, il faut travailler sur la qualité de nos produits, sur les délais de livraison. Le secteur manufacturier québécois est appelé à une très grande transformation, et ça va nécessiter des gens qui ont de plus en plus de connaissances.

On vous suit totalement là-dedans, le gouvernement, sur votre volonté d'en mettre le plus possible au travail, et, j'en ai touché un mot tout à l'heure, il faut accompagner ça de programmes d'initiation au secteur manufacturier chez les jeunes le plus tôt possible, mais travailler aussi avec son entourage pour que lui puisse prendre la décision d'aller occuper cet emploi-là éventuellement.

• (11 h 40) •

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Hamad : Actuellement, là, notre programme d'adéquation formation, on essaie davantage de faire des stages en entreprise, faire des programmes de formation où ça va être donné par les cégeps, par les commissions scolaires, par les universités, puis accentuer, là, l'apprentissage dans l'entreprise. Et évidemment c'est un des mandats de la CPMT, puis, dans cette loi-là, on donne le pouvoir à la CPMT davantage, dont vous siégez, pour qu'elle puisse réaliser ça. C'est-à-dire, dans la loi, ce qu'on fait, on dit que la CPMT va établir les besoins, dans toutes les régions du Québec, en termes de jobs, d'emplois et de formation, et on va dire après : La CPMT va pouvoir demander au gouvernement une reddition de comptes sur les cours de formation qui étaient donnés à travers les régions pour répondre à la demande du marché. Alors, comment vous trouvez ça, cette initiative-là?

M. Tetrault (Eric) : Très bien...

Le Président (M. Cousineau) : M. Tetrault.

M. Tetrault (Eric) : Merci, M. le Président, je m'excuse. Très bien. Deux points qui ne sont pas nécessairement des préoccupations, mais deux points à soulever par rapport à ça.

D'abord, le rythme. Aussi efficace notre système d'éducation peut-il être pour former ces gens-là, il faut toujours garder à l'esprit qu'ils seront toujours, en quelque part, en retard sur l'entreprise. C'est la nature des choses, les métiers sont appelés à changer. J'étais à Granby l'autre jour, j'ai rencontré quelqu'un qui change de design dans sa chaîne de fabrication aux deux mois pour faire plaisir à son client qui est au Mexique. On ne peut pas demander au système scolaire de suivre ce rythme-là. Alors, il faut juste en être conscient puis prévoir des ponts efficaces entre les deux.

Le deuxième point, qui n'est pas encore une préoccupation, mais je vais laisser mon collègue Benoît terminer là-dessus : je ne suis pas certain qu'on a le bon mécanisme d'input chez les entreprises. Benoît, si tu veux peut-être épiloguer là-dessus.

M. Malric(Benoît) : Oui. À ce niveau-là, M. le ministre, mon complément d'information serait en deux temps. Premièrement, c'est au niveau de l'implication des entreprises. Je parlais justement avec une présidente de PME qui me disait qu'à partir du moment que les établissements d'éducation forment un employé potentiel, l'entreprise doit investir de trois à cinq ans en formation pour le rendre optimal, pour le rendre productif. Donc, déjà, de ce côté-là, l'entreprise considère avoir fait un bout de chemin.

Au Québec, présentement, on considère qu'il y a 890 entreprises qui ont une structure assez établie en ressources humaines pour pouvoir accueillir des stagiaires. Lorsqu'on a 23 000 entreprises manufacturières, on s'entend que c'est une goutte d'eau dans un océan. Donc, il faut, à mon avis, améliorer l'aide à la structuration des entreprises au niveau des ressources humaines en deux temps, c'est-à-dire les aider à accueillir des stagiaires, mais aussi les aider à identifier leurs processus de ressources humaines pour connaître leurs besoins au niveau de la gestion prévisionnelle de main-d'oeuvre. Donc, mon premier point.

Mon deuxième point, au niveau du modèle dual, une différence que... le modèle dual avec le modèle québécois, c'est que la formation professionnelle n'est pas un cul-de-sac. En Allemagne, elle permet, comme vous l'avez dit, de pouvoir poursuivre sa formation, alors que la majorité des jeunes considèrent aujourd'hui que les métiers manufacturiers sont des métiers où est-ce qu'il n'y a pas d'opportunité d'avenir par la suite. Ce qu'on se dit, c'est qu'en offrant, au niveau du ministère de l'Éducation, une structure un peu plus flexible on pourrait améliorer le système, et c'est ce qu'on est contents au niveau du projet de loi n° 70, c'est que la Commission des partenaires du marché du travail pourrait faire une suggestion en ce sens.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Hamad : Exactement. Et je suis d'accord avec vous et je voulais vous dire : Dans ce sens-là, on répond en partie, parce que, dans la loi 1 %, on va augmenter le pourcentage du mentor, de l'entreprise qui va suivre le stagiaire, à 125 %, là, parce qu'on est conscients que l'entreprise, en accompagnant les stagiaires, va faire un effort. Donc, on le donne, ce 125 %, et en plus on prévoit des bourses pour les stages pour les jeunes dans l'entreprise. Donc, on va l'encourager davantage. Plus, on prévoit aussi 10 millions par année pour faire les cours de formation. Alors donc, il y a 10 millions par année, plus 2 millions de bourses, plus le 125 % pour essayer de vraiment satisfaire tout le monde puis encourager tout le monde à le faire, et évidemment c'est travailler là-dedans, puis je pense que c'est important.

L'élément que vous avez mentionné est très important, là, la passerelle, là, après. On fait un stage d'études. On peut-u aller plus loin? C'est exactement le pouvoir que va avoir la CPMT pour exiger à l'Éducation et à d'autres, pour... Exemple, actuellement, ils m'ont dit que changer un cours à l'Éducation, ça prend sept ans. C'est inacceptable, puis ça, ça va être terminé. Comme les cours de clown vont être terminés, ça, aussi, va être terminé et donc... Et en même temps je vais vous dire une chose aussi pour vous. Évidemment, le 1 %, les cours de 1 %, vous savez qu'on va serrer la définition de 1 %, parce qu'on veut améliorer les compétences. Le 1 %, la loi de 1 %, c'est pour améliorer les compétences, hein? Si on veut faire d'autre chose, il ne sera pas inclus dans le 1 %. Vous avez le choix, une entreprise peut faire ce qu'elle veut, mais, quand elle va demander le 1 %, on va vraiment concentrer sur les compétences. Alors, qu'est-ce que vous en pensez de ça? Les cours de clown, pour des clowns c'est correct, mais cours de clown pour les compétences, c'est un peu difficile.

Le Président (M. Cousineau) : M. Malric.

M. Malric (Benoît) : Oui. Je suis totalement d'accord avec vous, M. le ministre, surtout que, présentement, une majorité des cours de formation qui sont donnés en entreprise visent à 52 % des postes de gestionnaire ou de cadre, alors que les personnes qui ont besoin de ces cours-là, c'est souvent des employés de plancher, des employés de production. Ce qu'on se rend compte au niveau de l'adéquation formation-emploi, c'est que c'est un problème systémique. D'un côté, vous l'avez dit, il y a environ 500 000 personnes qui pourraient intégrer le marché du travail. De l'autre côté, il y a des emplois disponibles. Mais, entre les deux, on n'arrive pas à trouver la bonne façon de faire concilier les deux parties du système. Ce qu'on se dit, c'est que les entreprises recherchent des gens avec expérience. C'est souvent ce que les 500 000 personnes n'ont pas, c'est l'expérience de travail. Ils peuvent avoir les qualifications, mais, s'ils n'ont pas les expériences, l'entreprise ne les sélectionnera pas.

Donc, en entreprise, il y a plusieurs personnes qui sont au seuil d'entrée du système, qui pourraient avoir des cours de formation pour prendre les métiers qui sont à prioriser par Emploi-Québec, la CPMT, et qui sont difficiles à recruter dans un bassin de main-d'oeuvre qui existe plus ou moins, ce qui permettrait de libérer le seuil d'entrée pour les personnes qui n'ont pas d'expérience, prendre de l'expérience. Et, à ce moment-là, on améliore le système, on améliore la mobilité en entreprise, on améliore aussi le sentiment d'appartenance, donc la rétention. Donc, on joue sur les deux tableaux en même temps, on réussit à concilier le système.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre, une minute.

M. Hamad : ...on suit les idées, et je... M. Tetrault, tantôt, disait que les entreprises, là, dans la formation ou dans la connaissance, sont en avance par rapport aux cours. Justement, les stages vont servir à permettre d'avoir une meilleure connaissance, puis même pour les professeurs qui vont donner des cours, parce qu'ils vont se mettre à jour, et c'est un avantage important. Et l'autre avantage, c'est que certaines commissions scolaires ou cégeps n'ont pas l'équipement à jour. Évidemment, c'est normal parce que ça coûte cher, avoir ces équipements-là à chaque année. Donc, le fait d'avoir des stages en entreprise, pour les équipements à jour, ça va permettre aussi aux jeunes de suivre la dernière technologie et permettre aux professeurs de suivre la dernière technologie.

Donc, notre défi, nous tous ici avec vous, c'est vraiment faire les liens ensemble. Alors, il ne faut pas qu'il soit juste : on prépare un cours puis on l'offre. C'est plutôt le travail entre les patrons, les compagnies, les entreprises et le milieu de l'éducation ensemble pour répondre aux demandes, et ça, c'est le rôle de la CPMT qui va le faire. Parce que vous siégez... Autour de la CPMT, il y a une bonne formule. Il y a vous, il y a les employeurs, il y a aussi les syndicats, il y a le milieu de l'éducation. Donc, on va s'asseoir ensemble, on va dire comment on le fait.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre.

M. Hamad : J'ai rencontré les cégeps récemment, puis ils sont très ouverts à travailler là-dessus, même ils sont très motivés.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. Ça termine cette partie des échanges. Alors, M. le député de l'opposition officielle, M. le député de Saint-Jean, à vous la parole.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Merci à vous d'être présents aujourd'hui. J'aimerais vous entendre sur la question de l'offre de formation qui est offerte sur le terrain, surtout celle qui nous concerne un peu plus avec le projet de loi aujourd'hui, la formation qui est reconnue par Emploi-Québec. Vous mentionnez que vous voudriez que cette formation corresponde toujours aux besoins expérimentés par les entrepreneurs manufacturiers et vous proposez un mécanisme de dialogue permanent entre les entrepreneurs, les manufacturiers et le gouvernement. Comment voyez-vous ça concrètement?

M. Tetrault (Eric) : Je vais débuter la réponse pour passer...

Le Président (M. Cousineau) : M. Tetrault.

• (11 h 50) •

M. Tetrault (Eric) : ... — oui, merci — la parole à Benoît ensuite.

Écoutez, mettez-vous à la place des entreprises. Je ne dirais pas la majorité, mais une bonne partie des entreprises, surtout les petites, que je visite, comment je pourrais bien vous dire ça, ne savent pas qu'elles ne savent pas. Et, étant dans cette position-là où elles ne connaissent pas à l'avance leurs besoins en main-d'oeuvre, parce qu'elles n'ont aucune idée où elles seront, tu sais, à quel rythme de croissance elles vont attaquer le marché, etc., c'est très difficile pour elles d'exprimer des besoins jusqu'à ce qu'on soit en situation d'urgence. Et là où vous avez une réponse des entreprises, quand vous effectuez des sondages à travers les différents mécanismes qu'on a, les entreprises qui vont vous répondre, ce sont les entreprises qui sont en besoin urgent, comme disait M. le ministre. Là, j'ai besoin de trois gars là-dessus. Est-ce que j'ai besoin d'avoir des gens qui sont scolarisés? Non, non, non, c'est du travail d'entrée, je sais quoi faire avec, donnez-moi-les. Évidemment, il est trop tard, ces gens-là ne sont pas toujours disponibles, ça ne s'est pas décidé deux ans à l'avance dans les cursus scolaires.

Alors, c'est ce que j'essaie d'exprimer. Souvent, les entreprises ne savent pas qu'elles ne savent pas. Elles regardent leurs bénéfices à court terme, d'où le besoin pour les entreprises d'être accompagnées, en quelque part, dans ce cursus-là.

Mais je vais vous donner les deux raisons pour lesquelles, à mon avis, il faut un mécanisme d'input direct avec les entreprises. Si je regarde, par exemple, les comités sectoriels de main-d'oeuvre, qui sont une très belle invention, là n'est pas la question, si on fait des diagnostics aux trois ans, on est déjà en retard. Imaginez-vous dans cinq ans, quand on va être obligés de suivre le rythme mondial, où est-ce qu'on va être avec les diagnostics aux trois ans. Ce n'est juste pas possible. C'est déjà des diagnostics aux six mois, on est en retard. J'ajoute à ça le fait qu'il y a 29 CSMO différents à travers le Québec, qui n'ont pas tous la même méthodologie. Donc, ça devient difficile pour nous, au sein même de l'industrie, de comparer les différents sous-secteurs. À un moment donné, ça s'en vient complexe, là, je ne suis pas sûr qu'on a les bonnes données.

L'autre cas que je pourrais vous amener, c'est celui de la CNPEPT. On siège depuis juin, nous, sur la commission. Notre première rencontre, ça va être le 2 février, on va avoir trois heures de discussion pour 15 programmes. Ce n'est pas assez. Je veux dire, ou bien, à un moment donné, on décide de mettre ces gens-là en usine, puis on répond aux demandes des entreprises, puis on a un bon tableau du genre de personnes qu'il faut former puis du genre de formation qu'on leur donne, ou bien on ne l'a pas. Benoît, si tu veux épiloguer là-dessus.

Le Président (M. Cousineau) : M. Malric.

M. Malric (Benoît) : Oui. En complément, M. le député, lorsqu'on regarde les mécanismes pour prendre l'information sur le marché du travail, il y a plusieurs organisations qui oeuvrent. Malheureusement, les entreprises, souvent, ce qui est difficile, c'est d'avoir l'information, parce que les entreprises sont sursollicitées par le marché et ne participent pas lorsqu'on leur demande de participer à un sondage, par exemple, parce que le temps est tellement important pour une entreprise manufacturière que de prendre du temps pour répondre à un sondage, c'est du temps qu'ils ne peuvent pas investir pour la croissance de leur organisation.

Alors, d'avoir un retour à court terme, c'est quelque chose qui est très important pour nos entreprises. Et ce qu'on se disait, c'est qu'au niveau de la gestion prévisionnelle de main-d'oeuvre c'est quelque chose qui est très difficile à faire pour une entreprise. Ils n'ont peut-être pas la capacité en ressources humaines, mais, si le gouvernement pouvait mettre un service d'aide à la gestion prévisionnelle de main-d'oeuvre, d'un côté, on aiderait directement l'entreprise à connaître ses besoins futurs et, de l'autre côté, avec les technologies de «big data», nous pourrions recueillir de l'information en temps réel sur le marché pour connaître les besoins futurs de l'ensemble de l'industrie. Donc, nous aurions un impact direct sur l'entreprise qui pourrait investir au bon endroit et un impact macro pour notre société, pour que les programmes répondent au marché du travail.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Turcotte : En termes de formation continue en entreprise ou, dans certains cas, de formation de base... Parce qu'à moins que je ne me trompe, là, pour en avoir visité quelques-unes, entreprises, des fois on a un certain nombre d'employés qui sont là depuis des années, qui n'ont pas fait de formation continue ou même qui ont, excusez-moi l'expression, un peu désappris, là, disons ça comme ça. Malheureusement, à certains moments, certaines entreprises ferment, se délocalisent, ces gens-là perdent leur emploi. Donc, ça devient pour eux difficile de se trouver un nouvel emploi, parce que, rendu à un certain âge, c'est moins tentant pour un entrepreneur d'engager quelqu'un sachant ce que vous avez dit, qu'on doit investir un certain nombre d'années pour que cette personne-là atteigne le plein potentiel, là, en entreprise. Donc, si la personne a 50, 55 ans, ça devient moins tentant, sachant que le 60, 65 ans arrive assez rapidement. Qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là?

Le Président (M. Cousineau) : M. Tetrault ou M. Malric.

M. Malric (Benoît) : C'est une très bonne question. C'est des personnes qui peuvent contribuer par leur expérience, c'est des personnes qui peuvent contribuer aussi par le fait qu'ils ont un savoir-faire peut-être un petit peu plus précis. J'avais un exemple d'une entreprise qui me disait que la personne qui s'occupait de sa machine savait au bruit quand la machine était prête et qu'il fallait la mettre... au lieu de 1, il fallait la mettre à 0,8. C'est de l'information que les nouvelles personnes qui rentrent en entreprise ne possèdent pas.

Souvent, ces personnes-là qui s'en vont vers la retraite sont des personnes qui ont envie de laisser un legs de ce qu'ils ont accompli dans leur entreprise, donc peuvent devenir des compagnons très intéressants pour les nouveaux, surtout au niveau des stagiaires. C'est souvent des personnes où on pourrait leur donner des habilités puis des compétences peut-être un petit peu plus au niveau du transfert de connaissances pour maximiser leur apport à l'entreprise. À mon avis, ces personnes-là pourraient contribuer de cette façon-là.

M. Tetrault (Eric) : J'ai été un peu pris de court à votre question parce que, pour nous, en fait, je ne dis pas que ce n'est pas une préoccupation, mais la préoccupation réelle autour des travailleurs, par exemple, âgés de 55 à 65 ans en usine, pour nous, à ce stade-ci, étant donné les priorités qu'on a, c'est de voir comment on peut retenir leur savoir. Ça va se faire, entre autres, par l'ajout du numérique, par de grandes politiques d'innovation. Je ne veux pas ouvrir un débat là-dessus parce qu'on aura l'occasion d'en parler sous d'autres auspices, mais il faut absolument que ce savoir-là soit retenu en quelque part, là.

Puis, dans la plupart des cas, les entreprises, là, ça a été des vagues d'embauche. Par exemple, quand l'entreprise a commencé en 1976, elle a engagé, par exemple, une dizaine d'hommes et de femmes qui sont encore là, mais c'est clair qu'en 2016, quand ils ont 40 ans de service, ils s'en vont tous en même temps. Problématique particulière autour de la rétention du savoir dont il va falloir se préoccuper.

Le Président (M. Cousineau) : Une minute, M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Bon, bien, dans ce cas-là, rapidement, qu'est-ce que vous pensez des services d'orientation — vous en avez parlé tantôt, là — dans nos écoles? Est-ce que nos jeunes sont bien outillés pour faire le bon choix de carrière ou d'avoir des outils pour pouvoir réfléchir au bon choix de carrière?

Le Président (M. Cousineau) : M. Tetrault.

M. Tetrault (Eric) : Je vais vous répondre très simplement, là. Il y a deux secrets là-dedans, là : il faut que tu les sortes de l'école pour leur montrer ce que c'est une usine. J'ai énormément de respect pour les conseillers en orientation, je pense qu'ils font une job formidable, je pense qu'il n'y en a pas assez. Mais, en quelque part, si tu veux t'intéresser à ce monde-là, il faut que tu voies comment ça fonctionne. C'est quand tu arrives sur le plancher que tu vois ce que c'est. Et, quand les jeunes arrivent, ils aiment ça. D'abord, ils voient que ça a changé, ce n'est pas le portrait qu'on leur en a fait dans leur entourage, puis, deuxièmement, ils prennent goût à ça. Il faut que tu les sortes du plancher.

Et, deuxièmement, je l'ai dit tout à l'heure, il faut travailler non pas autour du jeune, mais autour de son entourage, et la solution qu'on a, c'est de la valorisation à très grande échelle de ces métiers-là. C'est une priorité économique ou ce n'en est pas une, là, à un moment donné.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Tetrault. Alors, je passerais maintenant la parole au député de Drummond—Bois-Francs pour les prochaines minutes.

M. Schneeberger : O.K. Bien, merci beaucoup, M. le Président. Alors, bonjour à vous deux. Je viens de Drummondville. Vous connaissez Drummondville et toutes ses entreprises, et je peux vous dire que nous, on manque d'emploi énormément, surtout au niveau manufacturier, niveau professionnel, des emplois souvent dans le domaine d'usinage, surtout dans tout ce qui est métallurgie. Et ce que je vois, moi, en même temps... Je parle aux centres jeunesse, et autres, puis ils me disent toujours : On a des jeunes qui voudraient travailler, mais ils ont besoin d'avoir un suivi parce qu'actuellement ne sont pas à l'étape de pouvoir être autonomes. Tu sais, ça leur prend un suivi. Et ce que je vois maintenant, c'est qu'il y a vraiment un manque d'arrimage entre les instances publiques et le monde industriel.

Est-ce qu'à ce moment-là... Vous, avez-vous de l'ouverture? Avez-vous des discussions avec les gens des milieux pour dire : Regarde, nous, on est prêts à faire un effort, mais aussi aidez-nous de ce côté-là? Puis c'est sûr qu'il y a des places ça va s'apprêter mieux. Il y en a d'autres que ça s'apprêtera moins. Ça, c'est bien entendu.

M. Tetrault (Eric) : Je vais vous faire une réponse générale, puis je vais passer la parole à Benoît pour ce qui est plus spécifique.

Mais, en fait, j'étais à Drummondville il n'y a pas trois semaines encore, je suis allé visiter les gens de Soprema, qui font des membranes d'étanchéité, comme vous le savez, qui est une multinationale. Puis j'étais avec la chambre de commerce de Drummondville, sur un panel sur le manufacturier, d'ailleurs. Donc, je vois qu'il y a une grande préoccupation, dans la région de Drummondville et des Bois-Francs, là-dessus, une situation particulière, même, je dirais.

Le secret pour amener des jeunes en usine, c'est souvent l'espèce de jeu de chaise musicale par lequel il faut amener vos travailleurs qui sont déjà dans des jobs d'entrée depuis quelques années, qui ont bénéficié d'une entrée dans l'entreprise... ce sont ces travailleurs-là qu'il faut que tu amènes sur des postes supérieurs dans l'entreprise, des postes de travailleurs qualifiés. Ça libère de la place pour ceux qui sont capables de prendre des jobs d'entrée. Je vais laisser Benoît épiloguer là-dessus.

M. Malric (Benoît) : Oui, puis, au niveau de la problématique que vous avez parlée, M. le député, je trouve ça très intéressant parce que, souvent, les entreprises nous le disent, la caractéristique la plus importante pour un entrepreneur, c'est un employé avec un savoir-être adéquat. Souvent, les personnes qui ont de la difficulté au niveau du savoir-être sont les laissés-pour-compte de notre société. Mais on a un beau modèle au Québec, qui sont les entreprises d'insertion au niveau de l'économie sociale. Ces entreprises d'insertion là font un travail formidable pour justement prendre la personne qui, au niveau du savoir-être, a un petit peu de difficultés et leur enseigner un savoir-faire adéquat pour faire en sorte que cette personne-là puisse intégrer le marché du travail et ensuite être pleinement employable.

Je pense qu'au niveau de votre question les entreprises d'insertion pourraient améliorer leur contribution, étant donné qu'elles font déjà un très bon travail.

M. Schneeberger : O.K. Au niveau de l'Objectif emploi, est-ce que vous, vous seriez ouvert, justement, à ce que les... Objectif emploi, je veux dire, ça ne soit pas seulement axé sur les besoins de l'entreprise, mais aussi les besoins individuels? Parce qu'on sait aujourd'hui, justement, ce n'est pas juste les talents mais aussi la capacité à être. Tu sais, des fois, on fait des tests psychométriques à des gens qui ont plein de diplômes, c'est juste pour savoir s'ils sont capables de fonctionner en groupe et subir de la pression. Alors, ce n'est pas une question de diplômes, c'est souvent une question de capacité personnelle. Alors, ça se fait aussi au plus bas niveau et, entre autres, justement, au niveau de l'insertion à l'emploi des jeunes.

Le Président (M. Cousineau) : M. Malric.

• (12 heures) •

M. Malric (Benoît) : Donc, à ce niveau-là, je pense que c'est bénéfique, à la fois pour l'individu et l'entreprise, d'avoir une personne au bon endroit, c'est-à-dire qui a choisi son emploi dans le plan d'intégration. C'est ce que je trouve intéressant du projet de loi n° 70, c'est le plan d'intégration. Donc, la personne va être accompagnée, elle va pouvoir avoir un emploi qui est convenable.

Le Président (M. Cousineau) : Il vous reste une minute, M. le...

M. Schneeberger : O.K. Premièrement, je trouve ça très bien que vous dites : Ce n'est pas juste, comme on dit, là, une job de shop. Peut-être qu'avec l'historique du Québec, les usines de pâtes et papiers, c'est toutes des grosses industries. Mais aujourd'hui ça a changé énormément. Moi je le vois à Drummondville, on est passé du textile à une diversité énorme. Et, tu sais, c'est une différence quand on dit un «chauffeur de lift» et un «opérateur de chariot élévateur». Tu sais, c'est le terme anglophone, mais c'est... Il est diminutif. Comme je trouvais que, tu sais, c'est... Et ça, il faut changer ça, cette mentalité-là, parce qu'il y a du très bon travail en usine, et puis c'est vraiment la clé de notre richesse collective, c'est vraiment la production. Ça, là-dessus, je trouve ça très bien que vous le dites, là.

M. Tetrault (Eric) : Chez Soprema, où j'étais, le directeur de la production est un gars qui a un doctorat en biochimie, hein, parce qu'il fait des mélanges industriels. C'est une très, très grande spécialité. Moi, je ne ferais pas ça, là. Vous non plus, j'en doute. Et ce sont des emplois manufacturiers. Tu sais, on le connaît mal.

Le Président (M. Cousineau) : Il reste 20 secondes. Peut-être un complément de réponse? M. Malric.

M. Malric (Benoît) : Oui. Juste en complément. L'appellation des emplois est très importante parce que, présentement dans les entreprises, c'est souvent des logiciels qui trient les candidatures. Ils reçoivent plusieurs milliers de candidatures, le logiciel va les trier. Et souvent la problématique des gens qui sont sans emploi, c'est qu'ils n'ont pas le bon terme sur leur C.V., donc ils se font éliminer de facto.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, ça termine cette partie. Et je passe maintenant la parole à la députée de Gouin. Mme la députée, à vous la parole.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Bien, d'abord je constate qu'il y a une certaine bonne nouvelle ici ce matin — on en a besoin : mise à jour technologique dans les cégeps et les commissions scolaires, j'entends donc : réinvestissement dans l'éducation. Voilà une très bonne nouvelle. On attend le budget.

J'apprécie votre mémoire parce qu'il nous explique bien quelle est une bonne partie de l'avenir, en tout cas, économique du Québec et quels sont les besoins, particulièrement, si je comprends bien, des petites et moyennes entreprises, là, pour faire partie de cette croissance économique du Québec. J'ai vu, M. Tetrault, que vous disiez : Il va falloir préciser davantage puis de façon plus rapide à la fois les besoins des entreprises et leurs besoins en main-d'oeuvre. Donc, ce que je comprends, là, c'est que, si on veut avoir un projet de loi n° 70 qui tient la route, il va falloir... et là je n'ai pas parlé d'obligation, là, mais il va falloir parler de la vie réelle des entreprises, donc de quelle sorte de travailleurs et travailleuses nous avons besoin, quelles doivent être leurs qualifications. Puis après ça on pourra parler de combien de temps ça prend pour y arriver, du savoir-faire et du savoir-être. J'ai apprécié que vous parliez des entreprises d'insertion qui font un travail tout à fait extraordinaire.

Donc, je constate qu'on ne peut pas agir ici même, dans cette commission parlementaire, avec précipitation. Il va falloir être sérieux dans notre appréciation des besoins des entreprises. Il me fait plaisir aussi de constater que vous dites : Le participant à des mesures d'accompagnement doit choisir. En fait, vous le dites à l'inverse, mais ça revient au même, là : Il ne faut pas qu'il choisisse «un emploi contraire à ses aspirations». J'imagine que c'est parce que vous constatez que, si vous avez une main-d'oeuvre dans une entreprise qui est là par obligation, mais qui n'éprouve aucun plaisir à faire le métier qu'on lui demande de faire dans l'entreprise, bien, évidemment, ça doit manquer un petit peu de productivité puis d'enthousiasme.

Donc, je comprends que vous dites : C'est important que les personnes choisissent d'être là. Et vous demandez au gouvernement aussi, dans le projet de loi n° 70, de préciser ce qu'est un emploi convenable. Alors, tout ça, je trouve ça assez intéressant, mais j'ai envie de vous poser une question à vous.

Le Président (M. Cousineau) : Rapidement, Mme la députée.

Mme David (Gouin) : Oui, j'y arrive immédiatement. Qu'est-ce que c'est pour vous, un emploi convenable?

Le Président (M. Cousineau) : M. Tetrault.

M. Tetrault (Eric) : J'étais certain que vous me poseriez la question ce matin. Écoutez, je ne peux pas me qualifier d'expert, non, évidemment. Un emploi convenable, pour nous, du côté de l'entreprise, c'est un emploi qui va faire en sorte que l'employé pourra rester là et être heureux dans sa job. Je ne peux pas vous répondre autrement du point de vue de l'entreprise. Comme je vous dis, je ne suis pas un expert.

D'envoyer une mère monoparentale de Montréal qui a deux enfants travailler à Drummondville, est-ce que ça tient la route? Du côté de l'entreprise, probablement pas. Il y a bien des chances d'échec puis il y a...

Le Président (M. Cousineau) : Il faut conclure, s'il vous plaît, parce qu'on n'a plus de temps.

M. Tetrault (Eric) : Alors donc, je ne le sais pas. Je suis content de voir qu'il y a une démarche d'accompagnement qui est prévue. Puis on est pressés par l'urgence de mettre ces gens-là au travail, donc nous soutenons ce projet de loi là dans son ensemble. Nous avons voulu en parler et le soulever...

Le Président (M. Cousineau) : Merci.

M. Tetrault (Eric) : ...parce que je sais que ça fait partie du projet de loi, évidemment.

Le Président (M. Cousineau) : M. Tetrault, je dois vous couper la parole. Alors, M. Tetrault, M. Malric, je vous remercie beaucoup.

Je suspends pour quelques instants pour permettre aux gens du Regroupement des Auberges du coeur de se présenter à la table, s'il vous plaît. Alors, je suspends.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

(Reprise à 12 h 8)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, nous reprenons nos travaux. Nous accueillons les représentants du Regroupement des Auberges du coeur du Québec. Je crois que c'est M. Savard puis M. Fraser. Donc, comme les groupes précédents, vous avez 10 minutes de présentation. Alors, celui qui va prendre la parole, je lui laisse le soin de présenter...

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Pardon?

Une voix : ...

Le Président (M. Cousineau) : Ah! oui, bien, il n'y a pas de problème. Celui qui prend la parole en premier, présentez la personne qui vous accompagne. Merci.

Regroupement des Auberges du coeur du Québec

M. Fraser (Rémi) : Bien, tout d'abord, merci de nous avoir invités à venir présenter les positions du Regroupement des Auberges du coeur concernant le projet de loi n° 70. Je suis Rémi Fraser, voici Tristan Ouimet Savard, tous deux coordinateurs, mais pas des mêmes choses, au regroupement.

Très rapidement, le Regroupement des Auberges du coeur, ce sont des maisons d'hébergement jeunesse qui accueillent depuis près de 30 ans environ 3 000 jeunes par année, soit en hébergement soit en posthébergement, ce qui fait, depuis 30 ans, environ 70 000 jeunes qui sont passés par chez nous. L'objectif qu'on a avec les jeunes, c'est effectivement la participation et l'intégration sociale, que ce soit au niveau de l'emploi, de la formation, des familles ou du logement, la participation à la communauté ou le resserrement de liens familiaux.

Les jeunes qui viennent chez nous ont épuisé, la plupart du temps, à peu près toutes les ressources possibles. Nous sommes souvent le dernier recours auquel ils ont accès avant la rue ou bien le premier pour en sortir. Ils sont sans doute ceux qui devraient être les premiers concernés par les programmes vers l'emploi et vers la formation puisque ce sont souvent les plus à risque de se retrouver durablement sur l'aide sociale, pris en charge dans les programmes de santé ou de services sociaux, ou, à défaut, à la rue, ou encore entraînés dans des réseaux de type de petite criminalité, ou autres. Ils sont souvent aux prises avec des contraintes sévères, non seulement à l'emploi, mais aussi à une vie minimalement organisée, que ce soit en raison de décrochage scolaire, de toxicomanie ou autres dépendances, de faibles compétences sociales, de problèmes psychologiques, de violence, etc. Leurs vies se résument souvent à une suite d'échecs et d'occasions ratées. Ce sont ces jeunes qui sont souvent qualifiés, dans d'autres milieux, de multipoqués et de ceux qu'il n'y a plus rien à faire avec. Souvent, ils sont passés par tous les services et programmes gouvernementaux, mais rien n'a fonctionné. Curieusement, certains ont des C.V. extrêmement bien garnis, plus garnis que le mien d'ailleurs, mais constitués d'emplois de quelques jours à quelques semaines au mieux.

• (12 h 10) •

Puisque les services gouvernementaux et autres ont souvent baissé les bras dans leur cas, on fait alors — excusez-moi le terme anglais — du «damage control». Le «damage control», au Québec, ça veut dire quoi? Ça veut dire des pilules contre la détresse et le mal d'être, des pilules contre l'agressivité, contre l'hyperactivité ou l'apathie, contre les idées suicidaires, et tous les effets secondaires des premières pilules. Et ce n'est pas une ou l'autre, c'est souvent l'une et l'autre. Quelquefois, donc, on se retrouve dans des situations où il faut, pour ainsi dire, beaucoup reconstruire avec ces jeunes-là. Et on reconstruit à partir d'un projet de vie et non pas à partir des problématiques. Bien entendu, on doit travailler aussi les problématiques, on ne veut pas en faire abstraction, mais on les inclut à l'intérieur d'une démarche à mettre en place, un projet de vie à développer.

Ce projet de vie là, il est relativement simple et relativement facile à identifier, c'est : finir son secondaire, trouver un emploi, avoir un appartement, avoir une blonde ou un chum et tout ce qui va avec — donc nos vies, qu'on prend pour acquises en général. Ça prend du temps. Il faut créer un lien de confiance durable. Il faut être présent quand ça va aller mal, parce que ça va, des fois, aller pas si bien que ça. Il faut un minimum de sécurité aussi pour le jeune, il faut s'ajuster à la capacité du jeune à avancer à son rythme. Il faut donc prendre le temps qu'il faut pour le faire. Le projet de loi n° 70 ne permet... ne répond à aucune de ces conditions. C'est à toi.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, M. Ouimet? M. Savard?

M. Ouimet Savard (Tristan) : Oui, c'est moi.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, allez-y. C'est à vous maintenant.

M. Ouimet Savard (Tristan) : Vous avez compris, les jeunes qu'on accueille aux Auberges du coeur, ça va être les principaux visés, entre autres, par le programme Objectif emploi. Chez les 3 000 jeunes qu'on accueille chaque année, on en refuse autant. 70 % des jeunes adultes arrivent aux Auberges sans revenu ou sont déjà sur le revenu de dernier recours. Quand on a entendu arriver le programme Objectif emploi, on a eu l'impression que c'était un mauvais film qui se répétait encore une fois. On a eu le douloureux souvenir des anciennes tentatives des réformes à l'aide sociale pour imposer des mesures sous peine de sanction au chèque. Cette fois-ci, on va plus loin : ce n'est pas juste les bonifications financières qui risquent d'être touchées, mais bien le chèque de base, un chèque de base qui, on le rappelle, est en deçà de ce qu'il faut pour vivre dans la dignité.

On est farouchement et formellement opposés à ce projet-là dans son cadre proposé aujourd'hui pour quatre raisons. La première, c'est concernant le caractère obligatoire et les pénalités financières qui y sont liées. Il n'a jamais été démontré que ce genre de formule là, punitive, fonctionnait davantage que les mesures volontaires. Chez les Auberges du coeur, on travaille autour du volontariat, du développement autour d'un projet que le jeune a choisi lui-même, et ça fonctionne. C'est un critère fondamental pour que la personne soit motivée à se mettre en action, régler des difficultés. Et on parle de difficultés qui sont, disons, à différentes dimensions. On ne parle pas juste de ne pas avoir un emploi, on parle de stabilité résidentielle, stabilité émotionnelle, gestion de conflits, problèmes de santé mentale, une panoplie d'enjeux sur lesquels il faut travailler pour une réinsertion sociale durable. L'objectif de l'emploi est louable, mais c'est le processus pour s'y rendre qui compte, où on travaille sur un paquet de trucs. On parle de personnes qui sont jeunes. Est-ce qu'un emploi précaire, en n'ayant pas de secondaire V, c'est une réinsertion sociale qu'on peut présumer durable jusqu'à la fin de leurs jours? On en doute. Chez nous, on travaille sur différents aspects pour que tous les morceaux se mettent en place pour une affiliation sociale qui ne vise pas simplement l'emploi.

Les pénalités financières risquent de toucher considérablement les conditions de vie des gens. Je n'ai pas besoin de vous faire un dessin. Quand on a seulement 600 et quelques par mois et qu'on coupe ça, bref, on coupe les vivres. Ça va produire de l'itinérance, de la criminalité, ou autres. L'approche volontaire est beaucoup plus adaptée.

Parlant d'adapter, il semble que le programme Objectif emploi présuppose que les mesures actuelles de retour à l'emploi, de formation et de raccrochage scolaire sont suffisantes et adaptées à la situation de nos jeunes, à savoir ceux qui sont le plus éloignés du marché du travail. Cette présupposition-là, selon nous et selon les jeunes eux-mêmes, elle est fausse. Les programmes existants sont insuffisants et pas adaptés pour les personnes les plus éloignées du marché du travail, c'est ce que les jeunes eux-mêmes nous disent. Les cadres sont durs à suivre pour des jeunes qui sortent de la rue, entre autres. Voilà.

Je me permettrais un exemple. Il y a un trou actuellement entre le ministère de l'Éducation et celui du Travail, à savoir qu'une personne sans revenu qui souhaite terminer son secondaire V général, on parle du diplôme de base, ne peut pas le faire. Il semblerait que ce soit un problème auquel le projet de loi actuel aurait dû s'attaquer en priorité. Ce qui se passe, les jeunes vont voir un agent à l'aide sociale et ils se font dire : Bien, pour avoir un soutien, vous allez devoir lâcher l'école, faire une demande d'aide sociale et ensuite intégrer un programme de réintégration à l'emploi dans un secteur très précis en demande dans le marché dans votre région. Le jeune qui veut être psychologue, infirmier, on lui dit : Non, non, non, tu as eu un parcours parsemé d'embûches, bien voilà. Donc, bref, c'est un trou auquel on aurait aimé avoir des réponses.

Je vais essayer de faire vite. En ciblant les primodemandeurs, il semble qu'on va prioriser des places, dans les programmes existants, qui pourraient très bien être occupées par d'autres. Il manque de places. Nos jeunes, dans les programmes qui sont adaptés pour eux, ont des listes d'attente, ils attendent plusieurs mois. C'est à ça qu'il faut s'attaquer. Il n'y a pas un problème de participation aux programmes actuellement. Donc, il semble qu'on souhaite amener une fausse solution à un faux problème.

Je fais vite. Le programme prévoit augmenter le pouvoir des agents à l'aide sociale. C'est un problème. On ne peut pas imposer un projet de vie à un jeune, il doit le définir lui-même. Ce projet de loi là augmente ces pouvoirs-là.

Je manque de temps. On fait partie de la Coalition Objectif Dignité. On est parmi les membres qui ont initié cette coalition-là, qui rassemble, vous le savez, plus de 180 groupes et regroupements. On appuie les quatre revendications, qui sont les suivantes. Rémi, est-ce que tu veux bien les lire?

Le Président (M. Cousineau) : M. Fraser, poursuivez.

M. Fraser (Rémi) : Que le MTESS retire le projet de loi n° 70 visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration en emploi; que le MTESS renonce à mettre en place des mesures d'emploi obligatoires assorties de pénalités financières pour les personnes assistées sociales, et ce, qu'elles soient nouvellement admises ou non au programme d'aide sociale; et, enfin, que le MTESS retire les coupes à l'aide sociale adoptées en 2013 et 2015 et rehausse les enveloppes budgétaires de certains programmes d'insertion coupés dernièrement, tels que PAAS-Action et Alternative jeunesse, tout en respectant leurs orientations originales; que le MTESS bonifie les prestations d'aide sociale et la solidarité sociale pour tous et toutes.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, merci, M. Fraser, M. Ouimet Savard. Je passerais maintenant la parole à M. le ministre.

M. Hamad : Merci, M. le Président. M. Fraser, M. Ouimet Savard, bienvenue, merci. Tristan, moi, je suis très fier de vous, bravo, puis je vous félicite de venir ici. Même si on ne partage pas les mêmes idées, ce n'est pas grave, ce qui est important, c'est votre courage puis votre détermination de venir exprimer vos idées. Je suis fier de vous, moi, et continue, continue. Et, même si on ne s'entend pas, ce n'est pas grave, je suis fier de vous, voir un jeune comme vous qui a des idées puis qui est déterminé pour aider les autres surtout, pas pour lui, mais pour les autres.

En passant, l'auberge du coeur, on a une organisation, dans mon comté, depuis des années que je supporte, puis je suis allé plusieurs fois, j'ai vu, les jeunes, comment ils sont traités, j'ai vu le travail des bénévoles, et l'organisation, c'est une très bonne organisation. Moi, je suis fier de ça et je supporte ça depuis des années.

Je pense qu'on doit se parler un peu plus pour se comprendre. Parce que le programme s'appelle Objectif emploi, ce n'est pas demain matin qu'on prend le jeune que vous recevez, puis on lui impose un emploi, puis on veut l'amener à l'emploi. Ce n'est pas vrai qu'on va faire ça, personne ne va faire ça. On va casser ça, là, on va régler ça, là, ce n'est pas ça, l'objectif. L'objectif, c'est l'accompagner, comme vous le faites, c'est l'accompagner dans sa situation qu'il est.

• (12 h 20) •

L'autre élément — il faut briser ça tout de suite, là — on n'amène pas... il n'arrive pas pour rencontrer l'agent d'Emploi-Québec, puis l'agent d'Emploi-Québec va sortir de son tiroir un programme, va dire : Voici ton programme pour ta vie. Ce n'est pas ça que ça va se passer, ce n'est pas vrai, ça. Ce qu'on va faire, c'est qu'on fait le plan avec la personne, on l'aide. On aide à définir qu'est-ce qu'il veut puis comment on peut faire pour atteindre ce qu'il veut. C'est ça qu'on fait. Il n'y a pas de recette magique, chaque personne est une situation différente des autres, et chaque vécu de personne est complètement différent. Il faut s'adapter, ce que nous voulons faire. Puis, en plus, on veut les accompagner puis, en plus, on va les encourager à faire l'effort. C'est ça qu'on fait. Donc, on part par étapes. C'est un peu ce que vous faites. Maintenant, ce qu'on veut, on veut avoir plus.

Je vous donne un cas. On parle de participation des jeunes à des organismes, etc. Moi, j'ai un cas réel. Je ne vais pas nommer l'organisme, mais c'est un CJE. Nous avons fourni à ce CJE là — là, ce n'est pas récent — 100 noms de personnes, de prestataires, 100 noms. Ils ont appelé les 100, ils ont eu quatre à cinq personnes seulement qui ont accepté de les rencontrer. Dans les quatre, cinq qui l'ont rencontré, il y en a juste deux qui ont accepté de s'engager, sur 100. Ça, c'est un cas, là, réel. Ce n'est pas l'imagination, c'est le vécu. Ces deux-là qui ont accepté, c'est sûr que ça va être un succès, c'est sûr, je suis certain, parce qu'ils ont décidé volontairement d'aller là, puis travailler, puis s'occuper d'eux.

Mais, nous, ce qu'on veut faire... C'est dans votre mémoire aussi, quand vous dites : Ce n'est pas une génération en génération, l'aide sociale, ce n'est pas vrai. C'est vrai... peut-être que c'est vrai, mais il reste qu'une fois qu'on a parlé de ça, théoriquement, la réalité, c'est que notre société accueille 6 200 jeunes par année qui proviennent d'une famille à l'aide sociale. Qu'on essaie de dire pourquoi, on peut trouver des raisons, mais on ne règle pas le problème. Le problème, on va le régler lorsqu'on va s'occuper de ces jeunes-là puis on va les aider à s'en sortir. Aidez-les à s'en sortir, ces jeunes-là, probablement qu'il y a une partie qui va aller vous voir. Puis on est contents qu'ils aillent vous voir, puis on ne veut pas vous enlever ça, ce que vous faites, là.

Ne pensez pas qu'on vient changer votre mode de vie, là, ce n'est pas ça. On veut travailler ensemble pour s'occuper de ces jeunes-là, pour les amener plus loin. Et évidemment on veut aussi les responsabiliser. C'est un petit peu qu'on ne s'entend pas, les deux, là. Nous, on dit : La société, généreuse, elle a une responsabilité d'aider tout le monde puis surtout aider les plus démunis ou les plus vulnérables. Mais en même temps, c'est là qu'on ne s'entend pas, il y a aussi une responsabilité de la personne. Évidemment, la personne en situation de pauvreté, fragile, difficile, c'est difficile pour cette personne-là de se reprendre en main. On comprend tout ça. Mais on va l'aider à se reprendre en main. C'est ça qu'on veut faire dans ce projet de loi. Quand on parle des sanctions — c'est comme on est partis sur les sanctions — on prévoit juste 10 % des personnes qui vont peut-être avoir des sanctions. Mais le 90 % de ces gens-là n'auront pas nécessairement des sanctions, au contraire, ils vont travailler.

Puis ce n'est pas une invention. Vous parlez des films, là, vous répétez ce que vos collègues ont dit, là, puis, dans votre film, vous avez manqué un grand film, là, vous avez manqué 2008, 2007, 2009, 2010, 2011, 2012. Vous avez tout manqué ça. C'est le Pacte pour l'emploi qu'on a fait. On a mis 1,5 milliard sur une base volontaire. Vous n'en avez pas parlé, là, mais c'était gros. Puis tout le monde a signé, en plus. Puis on est embarqués là-dedans puis on a dit : On va aller le plus loin possible.

Sauf que, maintenant, il reste qu'on a 17 000 personnes par année qui arrivent à l'aide sociale. Alors, est-ce qu'on peut fermer les yeux? Impossible. Impossible, inacceptable, on ne peut pas, on ne peut pas. Il faut faire l'effort, il faut continuer. Mais on ne fera pas l'effort dans une tour quelque part, on va faire l'effort avec vous, avec Tristan, on va faire l'effort avec vous. Vous allez continuer à travailler avec vos jeunes, on va les supporter, on va les suivre. Vous allez travailler avec Emploi-Québec, puis on va donner à votre jeune 250 $ de plus, puis finalement... Au début, peut-être, il y a un problème, vous l'avez dit, socialisation, tout ça, on va l'accompagner, vous allez l'accompagner. Une fois qu'il est prêt, peut-être, aux études, on va l'encourager à aller aux études. Une fois qu'il est prêt pour aller en emploi, on va l'encourager à aller à l'emploi. C'est ça qu'on veut faire, pas plus que ça.

Puis on n'a pas inventé le modèle dans un petit coin, là. C'est huit provinces au Canada qui font ça, là, puis il y en a des beaucoup plus sévères. Huit provinces au Canada. Norvège, la Suède — là, on parle des pays développés — ils le font. Puis il y a en, des pays, qui sont plus sévères que nous lorsqu'on regarde la situation de pauvreté, l'itinérance, là. Ma collègue la députée de Gouin m'a parlé de Danemark. Ces temps-ci, on n'est pas fiers. Oui, c'est vrai. Actuellement, c'est le gouvernement actuel, mais ce qu'ils ont fait dans le passé, ce n'était pas mauvais. Alors, c'est ça qu'on veut.

Puis je ne peux pas comprendre que vous, les gens que vous êtes près, très près de ces jeunes-là, vous vivez leur... Quand vous avez un CJE, qu'on envoie 100 noms, puis on finit par deux, c'est... Si on me dit : Bon, bien, 98, là, qu'est-ce qui va arriver? Qu'est-ce qu'on va faire avec les 98 qui ne sont nulle part? Ils sont à l'aide sociale. Qu'est-ce qu'on fait? Ils seront peut-être chez vous après. Je comprends que vous allez les occuper jusqu'à l'âge de 29, je pense...

M. Fraser (Rémi) : 29, 30.

M. Hamad : Oui. Mais après qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce que vous faites? Qu'est-ce qu'on fait?

Le Président (M. Cousineau) : Bien, on va les laisser répondre, M. le ministre. Alors, monsieur...

M. Hamad : C'était la question, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Pardon?

M. Hamad : Qu'est-ce qu'on fait?

Le Président (M. Cousineau) : Oui, voilà. J'avais compris, là, je pense que... Alors, oui, M. Fraser.

M. Fraser (Rémi) : O.K. Par rapport à la dernière question, après l'hébergement, donc, qui va jusqu'à 30 ans, on continue, nous, à soutenir ce jeune-là en ce qu'on appelle le posthébergement. C'est-à-dire que le jeune qui est volontaire peut faire appel aux services des intervenants de l'auberge du coeur, et il continue à y avoir... Tant que le jeune en a besoin et fait valoir ses besoins, je le soutiens pour s'assurer qu'il poursuit ses démarches et qu'il ne se désorganise pas, parce que c'est souvent le problème qui peut arriver.

J'aimerais quand même, si vous me permettez, revenir sur un élément que vous apportez, M. le ministre. On travaille effectivement avec des jeunes qui proviennent, pour une bonne part, de milieux assez pauvres, donc souvent sur l'aide sociale. Le constat qu'on fait, c'est, sauf exception : les jeunes qui ont été élevés sur l'aide sociale sont les derniers à vouloir y demeurer. Les jeunes qui ont connu de vivre dans des situations de pauvreté, et d'être élevés dans des situations de pauvreté, et d'être aussi victimes des préjugés, des préjugés à l'école, des préjugés du milieu et des préjugés de tout le reste, ne veulent pas retourner à l'aide sociale. Pour eux, c'est un enfer, c'est un échec. Et, dans ce contexte-là même, bien souvent, quand on leur dit : Pour avoir accès aux programmes, il va falloir que tu t'inscrives à l'aide sociale, il y a un mouvement de recul, jusqu'à un certain point. Ça va arriver. Pour eux, retourner sur l'aide sociale, je le répète, c'est un échec.

Par ailleurs, on doit convenir que, souvent, s'ils ont été dans des familles sur l'aide sociale, c'est que c'étaient des familles qui vivaient dans des situations de pauvreté et, dans certains cas, étaient chez des gens qui étaient inaptes au travail, donc qui vivaient eux-mêmes des situations de problèmes de santé, problèmes de santé mentale, problèmes de toxicomanie, donc dans des familles où il y avait déjà un certain nombre de problèmes et qui sont inscrits dans le vécu du jeune. Le vécu du jeune fait en sorte que, quelque part, il ne veut pas aller sur l'aide sociale, mais il est un peu pogné pour passer par là parce que c'est le seul endroit où on va l'accepter, à la limite.

Donc, on se trouve avec une situation où un jeune est en difficulté pour se trouver une place pour aller de l'avant. Il ne veut surtout pas aller sur l'aide sociale, mais il n'a pas les moyens sociaux, économiques — il est en décrochage scolaire, etc. — pour s'en sortir. Il a besoin d'un soutien pour ne pas se retrouver sur l'aide sociale.

Donc, ce passage-là... Parce qu'à un moment donné, aux États-Unis, il y avait l'idée de sous-culture de pauvreté qui allait d'une génération à l'autre, notamment chez les Noirs. Ça n'existe pas. Quand on a connu l'aide sociale, on veut en sortir. Et effectivement on a besoin, ces jeunes-là et nous, pour travailler avec eux, des programmes que vous mettez en place. Et, par rapport à ça, les programmes que vous mettez en place, avec tous les défauts qu'ils ont, on les utilise. Et, lorsque le jeune est capable de travailler avec ce programme-là à son rythme, en comprenant qu'il va peut-être tomber puis qu'il va falloir le relever, que, quelque part, ça va aller... ça va peut-être prendre plus que six mois, un an, deux ans, des fois ça va prendre trois ans, quatre ans, on reconstruit souvent une vie. Si le programme lui donne le soutien suffisant, lui donne la confiance en lui suffisante, lui donne les outils suffisants puis que l'accompagnement... — et, vous l'avez souligné, l'accompagnement est extrêmement important, que ce soit le nôtre ou ceux des organismes autour — il va s'en sortir. Mais c'est long, ça prend du temps et ça prend de la flexibilité. Et souvent... et c'est la crainte qu'on a, que les coupures risquent de faire en sorte qu'aussitôt que le jeune va chuter, bien, on va le sortir. Et c'est déjà ce qui arrive, bien souvent.

Le Président (M. Cousineau) : On va permettre au ministre de réagir, M. Fraser. Une minute.

• (12 h 30) •

M. Hamad : Ceux qui participent, qui veulent participer, ce n'est pas ça, l'objectif, c'est ceux qui ne veulent pas participer. Quand vous dites : Lorsqu'on travaille avec, on réussit... Mais celui qui ne participe pas, qui refuse de participer, c'est ça, notre objectif, c'est ceux-là, pas ceux ou celles qui veulent s'occuper d'eux-mêmes. On veut encourager ceux et celles qui ne veulent pas au début, on veut les encourager à accepter.

Puis, en passant, pour les CJE, il y a 62 000 places disponibles. Actuellement, il y a juste 21 000 jeunes. Et donc c'est... Notre objectif, là, ce n'est pas ceux qui sont allés chez vous, puis ils ont eu le courage, puis vous êtes avec eux, puis on est en train de travailler ensemble. Non, c'est ceux qui ont refusé. Comment vous faites avec ceux qui refusent? Qu'est-ce que vous faites?

M. Fraser (Rémi) : Avec ceux qui?

M. Hamad : Qui refusent de l'aide.

M. Fraser (Rémi) : Les jeunes qui viennent chez nous, si vous permettez...

Le Président (M. Cousineau) : Excusez-moi, ça termine ce bloc-là. Donc, vous aurez peut-être l'occasion de répondre sur une autre question, là, à la question du ministre, mais, pour l'instant, cette partie est terminée. Je dois passer la parole au député de Saint-Jean, de l'opposition officielle. M. le député.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Le ministre vient de donner une information, on s'entend, là... À qui la faute, hein? À qui la faute? C'est le gouvernement actuel qui a revu les carrefours jeunesse-emploi, qui a fait la réforme et qui fait en sorte que, maintenant, un grand nombre de jeunes sont exclus et en fonction de critères très arbitraires d'une région à l'autre. Une région accepte d'aider des jeunes qui sont aux études, une autre région ne les accepte pas, des jeunes qui sont sur le marché du travail... bon, etc. Donc, à qui la faute? C'est le gouvernement actuel qui a causé cette grave erreur pour aider nos jeunes.

On va revenir sur le sujet du projet de loi n° 70. Vous avez dit précédemment qu'il y a des listes d'attente dans les programmes. Donc, ça, ça veut dire qu'il y a des jeunes qui veulent retourner sur le marché du travail, qui veulent retourner aux études, qui veulent sortir de l'aide sociale, mais qui ne peuvent pas parce qu'il n'y a pas assez de places dans les programmes concernés. Est-ce que vous pouvez élaborer un peu plus là-dessus?

Le Président (M. Cousineau) : M. Ouimet Savard.

M. Ouimet Savard (Tristan) : Oui, oui. Les listes d'attente dans les programmes, c'est dans les programmes qui s'adressent et sont davantage adaptés pour les jeunes qui sont éloignés du marché de l'emploi. Les programmes qui fonctionnent le mieux, c'est les programmes les plus en demande. C'est ceux-là qui, très souvent, ont des listes d'attente. Donc, c'est ce qu'on observe sur le terrain. Il y a un manque de diversité de programmes pour répondre aux différentes aspirations des jeunes. On emploie souvent le verbe «vouloir», mais il me semble qu'on manque la question. Tout le monde veut sortir de la pauvreté. Il n'y a personne qui veut rester dans la misère. Il n'y a personne qui souhaite rester sur l'aide sociale volontairement. On parle de capacité et de pouvoir, de moyens pour s'en sortir. C'est ça qui est déficient, ce n'est pas la volonté.

M. le ministre parle de l'accompagnement, qu'on va créer le plan avec la personne. C'est des beaux voeux, c'est des bonnes intentions. On les partage. Le problème, c'est là où les moyens ne sont pas au rendez-vous. Disons qu'un agent construit un plan d'intervention avec un jeune, et le jeune ne se reconnaît pas à travers ça ou souhaite prioriser autre chose, régler des problèmes personnels, ce genre de moment d'évaluation là, dans une optique strictement emploi, n'est pas suffisante. Ce genre d'évaluation là, nous, ça peut prendre des semaines avant qu'une personne s'ouvre, crée un lien de confiance. Il ne faut pas le prendre à la légère. Et il n'y a aucun mécanisme prévu de révision de ces plans-là. Si la personne refuse le plan qui lui sera proposé, excusez-moi l'expression, mais c'est «just too bad». Il n'y a aucune possibilité de réviser les plans qui seront déterminés par les agents. C'est l'agent qui va avoir le dernier mot sur la façon dont, la personne, on lui propose de se sortir de la pauvreté.

On parle de s'adapter aux jeunes. Tant mieux. Ça doit être un principe qui doit guider les programmes. Dans l'offre de services actuellement, la majorité, qui s'adresse à nos jeunes, ne le sont pas, adaptés. Donc, il faut miser sur ça absolument, mais les moyens en place pour le faire, actuels, ne répondent pas à la demande. Donc, nous, c'est ce qu'on observe. Puis, avec les investissements qui sont annoncés, on peut juste se dire que c'est insuffisant, considérant que, dans les dernières années, il y a eu davantage de coupures dans les mesures d'employabilité que ce qui est annoncé d'investissement. Donc, on fait un petit calcul logique. L'idée, ce n'est pas de dire que ce n'est pas... Bref, on s'entend sur les principes, mais c'est les moyens en place qui ne sont pas au rendez-vous du tout, là.

M. Turcotte : Vous avez mentionné précédemment, dans votre intervention, bon, la question du pouvoir discrétionnaire des agents. Ça, c'est quand on peut rencontrer un agent. Parce qu'un nouveau demandeur qui fait une demande, il ne rencontre pas un agent immédiatement, hein... et qui envoie sa demande, puis, à un moment donné, ça, c'est envoyé, là, par courriel, par fax, peu importe, là, dans un autre centre local d'emploi... Parce qu'on les ferme tous, les centres locaux d'emploi, dans les communautés, là, on les centralise dans... Moi, encore chez nous, bon, un certain nombre de nos agents sont transférés à Châteauguay ou à Longueuil. Ça fait que quelqu'un qui veut rencontrer son agent, là, il faut qu'il se déplace. Puis, entre Saint-Jean et Longueuil, bien, il n'y en a pas, de transport en commun, ça fait qu'il faut qu'il passe par Montréal pour se rendre à Longueuil par la suite. Ça fait que ça, c'est une heure et demie, deux heures d'autobus. On s'entend que c'est gagnant et optimal pour retourner des gens à l'aide... à retourner sur le marché du travail.

Comment que vous voyez le pouvoir discrétionnaire des agents dans le projet de loi? Parce que vous dites que ça va laisser davantage de pouvoir discrétionnaire pour les agents.

Le Président (M. Cousineau) : M. Fraser.

M. Fraser (Rémi) : Bien, en fait, un des problèmes qui se pose, c'est que l'évaluation qui est faite des situations ne tient pas compte de qui est le jeune. Je vais vous donner un exemple. Souvent, il peut arriver à l'occasion qu'une jeune fille arrive dans une auberge du coeur, parle de son vécu de façon très générale, mais on se rend compte qu'elle est toujours en manches longues, et puis tout le reste, et, au bout de quelques semaines, bon, elle va commencer à s'ouvrir, c'est de l'automutilation. Elle ne le fera pas de façon spontanée, elle va s'assurer qu'il y a un lien de confiance et elle va dire à tel intervenant plutôt que tel autre. Des situations de violence, on ne le dira pas spontanément, il faut créer un lien de confiance. Donc, ces situations-là qui sont importantes dans le vécu du jeune, ce n'est pas dans une entrevue d'une demi-heure, une heure qu'un agent va être capable de prendre en compte ces éléments-là. Premier élément.

Deuxième élément, moi, je porte attention beaucoup à ce que le ministre a dit par rapport à l'accompagnement qu'on fait. Par ailleurs, cet accompagnement-là, il semble qu'autant au niveau d'Emploi-Québec que des travailleurs qui vont travailler éventuellement avec le jeune, on en fait abstraction. Je vais vous donner un exemple qui s'est passé il n'y a pas très longtemps. Une jeune fille qui est donc sur un programme, elle est là depuis deux semaines, on constate qu'elle dérange ou qu'elle ne suit pas tout à fait, on la met à la porte. On n'appelle pas l'auberge du coeur pour savoir c'est quoi qui se passe avec le jeune, et puis tout le reste. On ne demande pas à l'auberge du coeur quel accompagnement supplémentaire on pourrait faire pour la conserver dedans le programme, on la met à la porte. Donc, le travail fait, que ça soit dans une auberge du coeur ou ailleurs d'ailleurs, parce qu'il y a beaucoup d'autres organisations qui soutiennent ces jeunes-là, on n'en tient pas compte. Le travail de collaboration, de travailler avec ce qu'on fait, on n'en tient pas compte. C'est comme si chacun faisait sa job dans son créneau et ne tenait pas compte du travail qui est fait à côté, alors que, du travail d'employabilité et puis de tout le reste, on en fait depuis 30 ans. On est capables de soutenir le jeune avec les programmes, et ça, on oublie de le faire, et ça, ce n'est jamais reconnu.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Fraser. Alors, maintenant, je passe la parole au député de Drummond—Bois-Francs pour les prochaines minutes.

M. Schneeberger : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous deux. Premièrement, je voudrais vraiment vous féliciter pour ce que vous faites en général. Moi, j'ai Habit-Action à Drummondville. J'ai eu la chance par le passé d'engager un attaché politique qui avait travaillé chez Habit-Action et puis qui m'a fait découvrir ce monde. C'est dur de le qualifier, là, parce que... un produit merveilleux, mais en même temps... merveilleux dans le sens qu'il amène cette lumière au bout du tunnel, des fois, pour certains. Parce que j'ai pris quelques... Quelques fois, j'ai pris le temps, justement, de m'asseoir aussi avec quelques jeunes qui étaient aptes à s'ouvrir, parce que, comme vous venez de mentionner, là, ce n'est pas évident de... ça fait mal de parler de ce qu'on a en dedans. Et puis je peux vous dire que, quand je retourne chez nous, je regarde ma fille de sept ans, elle est chanceuse, là, elle est très chanceuse. En tout cas, je l'espère, mais on ne sait jamais.

Mais, bon, c'est là qu'ils vont avoir... Des fois, ils ont des passages, ces jeunes-là, ce n'est pas évident, et c'est surtout sur ce point-là que je veux vous questionner, qui m'a été mis en réalité. C'est qu'actuellement... La problématique, c'est que, oui, ces jeunes-là veulent intégrer l'emploi, mais souvent, là, mentalement puis tout ça, ils ne sont pas rendus là. Et c'est vraiment le gros manque actuellement qu'il y a, justement. Puis ça prend du temps, là. On ne compte pas des journées, là, ça, c'est des mois et des fois voire même des années. Et c'est pour ça que, tu sais, quand on met des programmes, là, souvent, il y a des critères stricts. Mais ça prend des fois de la latitude, de la souplesse, et je pense que c'est ça que vous demandez.

Mais moi, je veux savoir concrètement, actuellement, c'est quoi, les principales problématiques que vous voyez avec Emploi-Québec, et autres, justement dans l'intégration de ces gens-là? Oui, il y a de la volonté, mais, on s'entend, quand tu prends connaissance de ces jeunes-là, ils ont beaucoup de chemin à faire, et puis, quand on les connaît un peu, on commence à comprendre les raisons pour lesquelles ce chemin-là est dur.

• (12 h 40) •

M. Ouimet Savard (Tristan) : Je réponds à la question. Quand les gens s'adressent à Emploi-Québec, c'est souvent pour faire une demande d'aide sociale pour prendre justement une pause, avoir un revenu minimum, largement insuffisant, mais pour justement faire ce travail-là, atterrir un petit peu, sortir la tête de l'eau puis entamer un travail sur différents plans que vous avez très bien nommés. Juste ça, en soi, si on pouvait conserver ça, ça serait déjà pas mal. Si on pouvait augmenter le chèque, ça serait encore mieux. Mais là on présuppose que c'est facile d'accéder à ce chèque-là, ce n'est pas le cas. Avoir un chèque à l'aide sociale, c'est davantage une course à obstacles qu'autre chose. Il faut saluer qu'il y a certains documents qui ne sont plus demandés, qui l'étaient avant, mais il y a beaucoup, beaucoup de travail à faire. Bref, c'est difficile d'avoir accès à un chèque, en premier lieu.

En second lieu, les critères ou, du moins, le cadre entourant la majorité des programmes d'employabilité ou des mesures qui sont offerts ne sont pas adaptés. Bref, je me répète, mais ça répond à la question.

Le montant du chèque, c'est lui, le problème numéro un pour se sortir de la pauvreté. Quand on vit avec 600 $ et quelques par mois, on survit, là. C'est difficile de même avoir la tête claire pour penser se présenter à un employeur, ou autres. Il est là, l'obstacle numéro un à entamer avec succès un retour à l'école, ou autres. Quand on a le ventre vide, comment on peut penser réussir ses cours, comment on peut penser être à l'heure ou être attentif? Comment on peut, bref... Je ne sais pas si tu veux compléter.

M. Fraser (Rémi) : Si vous permettez, je vais vous donner un exemple.

Le Président (M. Cousineau) : Une minute, M. Fraser.

M. Fraser (Rémi) : Une jeune fille que j'ai bien connue, qu'on avait réussi à remonter, qui participait à un projet où on faisait, entre autres, des vidéos puis tout le reste et qui avait réussi à allumer... C'est la première fois depuis peut-être toute sa vie qu'elle allumait sur quelque chose qu'elle voulait faire, et elle était bonne là-dedans. Elle voulait devenir, donc, vidéaste, bon, apprendre un peu comment ça se faisait, puis elle n'a pas nécessairement un objectif d'Hollywood, là, vraiment du travail de base. Elle est donc allée voir pour suivre une formation, et tout ce qu'on lui a offert, c'est préposée aux bénéficiaires. Elle est revenue chez nous puis elle a dit : Maudit, j'haïs les vieux!, puis : ils veulent me faire faire ça. Donc, on lui a donné un autre échec. La jeune fille en question, elle n'est plus là maintenant, plus dans les auberges, plus au Québec, plus nulle part. Je vous laisse...

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. Merci, M. Fraser.

M. Fraser (Rémi) : Donc, il y avait une occasion de l'attraper, il y avait une occasion de lui dire : Tu vas continuer à avancer, et on lui a dit non.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, M. Fraser. C'est un bel exemple. Moi, je dois gérer le temps, hein? Alors, je laisse les prochaines minutes à Mme la députée de Gouin.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Je trouve qu'on est, avec ce groupe, dans des témoignages, premièrement, touchants et, deuxièmement, criants de vérité. Moi, j'aimerais ça qu'on les entende, j'aimerais ça confirmer ce qu'ils disent au ministre : Oui, c'est très difficile de terminer un diplôme d'études secondaires quand on est à l'aide sociale. Je vous le confirme, j'ai des cas de comté, et je vous confirme aussi que la formation générale aux adultes est inadaptée pour un très grand nombre de jeunes qui doivent aller la suivre et que, non, ils ne la terminent pas. Et on a un organisme dans mon comté qui les prend en main puis qui les aide à finir, mais si vous saviez tout l'accompagnement que ça demande avec très peu de sous dans cet organisme. Donc, tout ce qu'on nous dit, là, c'est vrai. On a des experts terrain, là, qui nous parlent de choses vraies.

Alors, moi, j'ai une autre... j'ai une question à vous poser, une seule. Un jeune ou une jeune décide, pour toutes sortes de raisons que vous avez bien expliquées, que, pour le moment, là, il ne veut pas y aller, dans un programme. Son chèque est donc coupé jusqu'à la moitié. Selon votre expérience, qu'est-ce qui peut arriver? Qu'est-ce qui est plausible d'arriver dans ce cas-là?

Le Président (M. Cousineau) : M. Ouimet Savard.

M. Ouimet Savard (Tristan) : Je peux donner deux éléments — tu compléteras, parce qu'on peut aller très loin — bien, le premier : on lui coupe les vivres, la personne n'aura même pas de quoi manger. Elle va sans doute s'endetter davantage qu'elle est, sans doute qu'elle va se faire évincer de son logement, sans doute qu'elle va non seulement... En plus de la détérioration de ses conditions de vie déjà très, très basses et en dessous d'une vie digne, elle va perdre toute confiance en le système.

Sa principale porte d'entrée pour recevoir de l'aide, soit dit en passant et soulignons-le, de dernier recours, ça va être : C'est ça ou je te coupe. La personne, on vient de lui couper l'herbe sous le pied et même un bras puis une jambe. Tout l'espoir en le système... ou, du moins, les programmes de solidarité sociale viennent de tomber aux oubliettes, là. C'est un message concret qu'on lui envoie comme étant : Bien, on ne croit pas en toi, tes efforts ne sont pas suffisants, si tu es dans ta situation, c'est de ta faute, alors qu'on sait très bien que ces jeunes-là sont au bout d'une trajectoire parsemée d'embûches auxquelles ils ne sont pas responsables.

On le sait très bien, la pauvreté, c'est un phénomène social, et c'est même les publications du gouvernement qui le disent elles-mêmes, c'est des facteurs sociaux. La volonté des personnes a très peu à voir dans un parcours de pauvreté.

Donc, ça va détériorer les conditions de vie et ça va, sans aucun doute, créer de l'itinérance et davantage de criminalité. Au moment où on se parle, il y a un jeune dehors qui est en train de faire un témoignage exactement sur ça. Il s'est fait refuser son premier... il s'est tourné vers la vente de drogue, il s'est ramassé en prison.

Le Président (M. Cousineau) : C'est tout le temps que nous avions. Je vous remercie beaucoup, M. Ouimet Savard puis M. Fraser, de votre présence.

Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Vous pouvez laisser... Les parlementaires, vous pouvez laisser vos choses ici.

(Suspension de la séance à 12 h 47)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît! Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 70, Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration en emploi.

Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivant : le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, le Conseil du patronat du Québec, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Et nous aurons une audition conjointe avec la Centrale des syndicats démocratiques, la Centrale des syndicats du Québec, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et la Confédération des syndicats nationaux.

Alors, même modèle que ce matin, nous avons 45 minutes, dont 10 minutes de présentation pour chacun des groupes, suivies de 33 minutes d'échange avec les parlementaires. Alors, ce sera un 15 minutes pour le gouvernement, neuf minutes pour l'opposition officielle, six minutes pour le deuxième groupe d'opposition et trois minutes pour la députée indépendante.

Alors, nous recevons donc les gens du Front commun des personnes assistées sociales du Québec. Vous êtes le premier groupe cet après-midi. Vous vous présentez puis par la suite vous avez votre 10 minutes. Bienvenue.

Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCPASQ)

Mme Blanchet (Roxane) : Merci. Donc, je m'appelle Roxane Blanchet. Je suis militante salariée à l'Association de défense des droits sociaux de la Rive-Sud, située à Lévis, qui est un groupe membre du Front commun des personnes assistées sociales du Québec. Présente-toi.

Mme Toutant (Monique) : Alors, moi, je suis Monique Toutant, de l'Association pour la défense des droits sociaux, Québec métropolitain, et je suis militante.

M. Tremblay-Marcotte(Yann) : Bonjour. Yann Tremblay-Marcotte, du Front commun des personnes assistées sociales. Je suis coordonnateur là-bas.

M. Loupret (Christian) : Bonjour. Je m'appelle Christian Loupret. Je suis de l'Association pour la défense des droits sociaux de Québec. Je suis coordonnateur.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Allez-y. Vous avez 10 minutes.

Mme Blanchet (Roxane) : Oui. Donc, on est ici aujourd'hui, en fait, au nom du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, de ses membres et de ses alliés, qui ont écrit en collectif un mémoire au sujet du projet de loi n° 70. On est ici pour rappeler certains points importants de notre mémoire, donc, en commençant évidemment par le fait que toute coupure à une prestation de base, qui est déjà insuffisante, est clairement inacceptable. Pour nous, c'est un point qu'on martèle. Déjà, de vivre avec 623 $ par mois, c'est inacceptable, en considérant les coûts de la vie aujourd'hui. On sait que la prestation de base actuellement couvre à peine 50 % des besoins de base pour une personne seule, donc on ne peut pas cautionner, là, une telle mesure. Pour nous, ce point-là est très important.

Ensuite, au niveau du plan d'intégration en emploi, on considère que c'est une mesure de contrôle qui est disproportionnée. Il y a plusieurs éléments, dans le projet de loi, qui sont flous, donc des éléments qui ne sont pas réglés par le projet de loi, qui vont être réglés par règlement et qui sont sujets, donc, à un pouvoir discrétionnaire qui, pour nous, est problématique. On sait que les ressources au ministère sont déjà coupées. Comment les agents vont faire pour appliquer, donc, la notion, par exemple, d'emploi convenable? Donc, tout le côté discrétionnaire, là, dans le plan d'intégration, pour nous, est problématique, de même que l'obligation. Donc, l'obligation du programme Objectif emploi, tout le côté coercitif avec lequel nous ne sommes pas en accord, donc on reviendra un peu là-dessus avec mes collègues.

On soutient également que le projet de loi va à l'encontre des droits humains et outrepasse la loi n° 112. Donc, à ce sujet, mon collègue Christian Loupret vous parlera un peu du contexte, donc, du plan de lutte à la pauvreté, le troisième plan de lutte à la pauvreté, la loi n° 112, comment on est censés, en fait, éliminer la pauvreté au Québec, et que ce n'est actuellement pas le cas, et que le projet de loi n° 70 va carrément à l'encontre de la loi n° 112 et à l'encontre des droits humains et de la dignité humaine, qui doit rester. On parle, entre autres, de l'atteinte au travail librement choisi et de l'atteinte au droit à la dignité, avec le projet de loi n° 70.

Donc, je vais laisser la parole à mon collègue Christian.

M. Loupret (Christian) : Merci, Roxane.

Le Président (M. Cousineau) : Allez-y.

M. Loupret (Christian) : J'ai pris, dernièrement, connaissance du projet de loi n° 70. Je me suis demandé quel pacte, charte ou loi que ce projet pouvait invalider pour les personnes qui seront assujetties à Objectif emploi. Si on prend... si on commence par la Déclaration universelle des droits de l'homme, où est-ce que... à l'article 22, ça dit qu'«en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques...» Comme qu'on n'a pas beaucoup de temps, je vais faire court sur les articles. L'autre article qui suit le 22 : «Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail [et] à des conditions équitables et satisfaisantes...» Et un autre : «Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé [et] son bien-être et ceux de sa famille...»

Si, après ça, on s'en va dans le PIDESC, dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : «Les [...] parties [en présence] reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille...» Un autre article du PIDESC : «Les États parties au présent [acte] reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail [obtenu] librement choisi [et] accepté...»

Si on va dans la Charte des droits et libertés de la personne, qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec le 27 juin 1975, son article 45 dit : «Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et [...] des mesures sociales[...], susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent.»

La loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, elle aussi adoptée à l'unanimité en 2012 à l'Assemblée nationale du Québec, cette loi considère «que les personnes en situation de pauvreté et d'exclusion sociale sont les premières à agir pour transformer leur situation et celle des leurs...»

Et, deux ans plus tard, la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles reprenait le même article. Et, dans la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, la loi d'aide sociale d'aujourd'hui, selon l'article 59 : «La prestation accordée à l'adulte seul ou [...] la famille ne peut être réduite pour défaut d'entreprendre des démarches en vue d'intégrer le marché du travail, notamment en cas de refus, d'abandon ou de perte d'emploi.»

Depuis son adoption en 1969, l'histoire de la loi québécoise sur l'aide sociale a été périodiquement parsemée de tentatives gouvernementales pour affaiblir la reconnaissance qu'on y faisait du droit à l'aide sociale pour toute personne privée de ses moyens de subsistance quelle que soit la cause du besoin. Il me semble que le projet de loi n° 70 va à l'encontre des différents moyens que la société québécoise était en train de se donner pour soutenir les plus pauvres d'entre nous.

Dans la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, la stratégie nationale vise à amener progressivement au nombre des nations industrialisées comptant le moins de personnes pauvres... Pourtant, à première vue, avec ce projet de loi n° 70, on frémit de voir que des personnes n'auront pas d'autre choix que la rue. S'il vous plaît, faites qu'il n'y ait pas deux classes de citoyens : ceux qui seront assujettis au programme Objectif emploi, une zone de non-droit, où les chartes, les pactes et les lois cités ne s'appliqueront pas pour eux, il ne s'appliquera qu'une réglementation inconnue pour l'instant. Merci.

• (14 h 10) •

Le Président (M. Cousineau) : Est-ce que... Oui, poursuivez. Il vous reste trois minutes.

Mme Blanchet (Roxane) : Oui. Merci. Donc, on va poursuivre avec un témoignage de Monique Toutant, qui a vécu, donc, un parcours à l'aide sociale.

Le Président (M. Cousineau) : Allez-y, Mme Toutant.

Mme Toutant (Monique) : Je suis à Québec depuis une vingtaine d'années. Suite à mon arrivée à Québec, j'ai suivi un cours en cuisine, payé par l'aide sociale. J'ai essayé de trouver un emploi dans ce domaine. J'ai envoyé aussi des C.V. J'ai ensuite été engagée une fois, mais, après une semaine, on m'a congédiée parce qu'ils trouvaient que je n'étais pas assez rapide. C'était un obstacle numéro un à mon retour sur le marché du travail.

J'ai eu l'opportunité de participer à un programme intitulé Compagnonnage vers l'emploi. J'ai suivi ce programme pendant un an. Plus que le programme avançait, moins que je faisais d'heures. À un moment donné, ils m'ont annoncé qu'ils ne pouvaient plus me garder parce qu'ils n'avaient plus d'heures à m'offrir.

Je suis tombée sur le chômage. Une fois le chômage terminé, je suis retournée à l'aide sociale. Ce n'est parce que je ne voulais pas essayer de me trouver un emploi. Encore une fois, j'ai envoyé des dizaines de C.V., sans jamais recevoir de réponse.

J'ai trouvé cela difficile de refaire une demande d'aide sociale. J'ai quand même essayé de me placer sur le marché du travail, sans succès. J'ai fait des programmes PAI, une fois dans une cafétéria pour personnes âgées. J'ai participé à ce programme pendant 12 mois. Au bout du délai, ils m'ont laissée partir, sans me donner d'emploi. Ils m'ont dit qu'ils ne me garderaient pas parce que c'était plus payant pour eux d'engager des personnes sur des programmes. Je suis partie en pleurant parce qu'à mon avis j'avais tout donné pour mériter cet emploi.

Par la suite, je suis tombée malade. Je me suis battue pendant trois ans pour obtenir une contrainte sévère à l'emploi. Pendant ce temps, j'ai dû remplir des dizaines de formulaires pour contrainte temporaire. J'ai trouvé ça très long.

À travers tout ça, il y a les préjugés que j'ajoute à mon vécu. Je me suis déjà fait dire que je vivais en dessous de la jupe de ma mère. Voyons donc! Je me suis aussi fait dire que j'étais incapable de travailler parce que je ne faisais pas assez d'efforts, que je vivais aux crochets de la société, que je ne me levais pas le matin pour aller travailler, que l'esthétique, c'était important et que je n'étais pas dans les critères. Ça me frustre. Je ne crois pas que je n'ai pas essayé de m'en sortir. J'ai beaucoup fait d'efforts pour me trouver un emploi, mais, à force de me faire fermer la porte au nez, je me suis découragée, j'ai perdu confiance en moi.

Ceci n'est qu'une partie de mon histoire de vie. Je vous laisse imaginer mon passé, qui, lui aussi, est rempli d'obstacles et de préjugés. Ensuite, on dira encore que nous, les personnes assistées sociales, ne faisons rien.

Heureusement, aujourd'hui, avec le temps, mon implication à l'ADDS-QM m'a permis de retrouver confiance en moi. Ça m'a permis de me rendre compte que j'apportais quelque chose à la société, même si je n'ai pas un travail rémunéré.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, Mme Toutant. Alors, ça termine le temps pour la présentation. Nous allons maintenant passer aux périodes de questions. Alors, M. le ministre, pour les prochaines minutes.

M. Hamad : Merci, M. le Président. Alors, M. Tremblay-Marcotte, Mme Toutant, Mme Blanchet et M. Loupret, bienvenue, merci d'être là.

Mme Toutant, on se connaît depuis 10 ans à peu près, Mme Toutant. La première fois qu'on s'est rencontrés, lorsque j'étais ministre de l'Emploi et de la Solidarité, vous étiez active, dans le temps. Je dois vous féliciter parce que vous êtes toujours active, et vous exprimez... D'ailleurs, vous êtes membre du Comité consultatif pour la lutte contre la pauvreté aussi. Et je sais que vous travaillez très fort. Puis merci d'avoir le courage de présenter votre cas personnel, puisque vous l'avez dit et vous l'avez présenté.

Évidemment, dans ce projet de loi là, nous ne visons pas les personnes qui ont des contraintes sévères. Donc, demain matin, vous arrivez à l'aide sociale, vous n'êtes pas visée, premièrement.

Deuxièmement, si je reviens dans votre histoire que vous avez contée, quand vous êtes arrivée puis vous avez fait l'effort d'étudier pour trouver une job, dans cette période-là, vous avez tombé à l'aide sociale, bien, si on avait eu ce programme-là, donc on a pu vous donner plus d'argent et vous aider dans vos études pour consolider votre chance, augmenter votre chance à trouver un emploi.

Alors, c'est exactement ça qu'on vise. On vise que vous... Vous êtes comme un exemple pour nous dans notre projet de loi. Parce qu'on ne veut pas qu'il arrive ce qui malheureusement est arrivé. Mais vous, vous êtes forte, vous continuez à vous battre. Alors, ce qu'on veut, dans le fond, là, quand vous êtes arrivée il y a quelques années, c'est vous accompagner financièrement, vous aider à avoir une meilleure formation pour vous, parce que vous le désirez, vous l'avez fait, vous avez eu la volonté de le faire, puis vous l'amenez.

Maintenant, vous avez référé... Dans votre mémoire, vous disiez que les droits humains... ce projet de loi, c'est contre le droit au travail librement choisi, contre le droit à la dignité, contre le droit à un niveau de vie décent. C'est le contraire, parce que sortir quelqu'un de la pauvreté, puis l'aider à améliorer sa situation, puis lui permettre de choisir un emploi convenable, ce n'est pas contre son droit pour choisir un emploi. Sortir quelqu'un puis l'aider de sortir de la pauvreté, c'est donner sa dignité. Ce n'est pas contre le droit à la dignité. Aider quelqu'un à sortir de la pauvreté, c'est l'aider à donner un niveau de vie décent, ce que nous voulons faire.

Et j'ai vu dans vos messages que vous avez dit que... le 623 $, pas assez. Vous avez raison. Pour ça, il faut travailler pour qu'on l'améliore, la situation. Il faut travailler pour aider la personne à pouvoir avoir plus. Et surtout nous visons les personnes qui n'ont pas des contraintes temporaires, les personnes... pas les mamans monoparentales, les personnes qui ne sont pas malades, qui ont des problèmes de toxicomanie, des problèmes mentaux ou les aidants naturels. Ce qu'on vise, c'est des personnes qui sont prêtes, peut-être pas 100 % ni 50 %, mais des gens qui sont dans les premiers demandeurs de l'aide sociale. C'est ça que nous visons, puis on veut les aider à s'en sortir.

Puis en même temps, évidemment, on met l'effort, on donne des moyens puis on essaie de les aider pour gagner leur dignité. C'est ça qu'on essaie de faire. Alors, pourquoi vous ne voulez pas qu'on aide les jeunes qui arrivent, les premiers demandeurs, les 17 000 personnes qui arrivent chaque année? Pourquoi vous ne voulez pas qu'on fasse l'effort ensemble pour les accompagner? Puis, en passant, le programme s'appelle Objectif emploi. On ne veut pas demain matin, tous les 17 000, les obliger à aller trouver un emploi, ce n'est pas vrai. On va les accompagner.

Le Président (M. Cousineau) : Oui. M. Tremblay.

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : Bien, on peut faire assez simple, c'est-à-dire : enlevez votre obligation, enlevez les coupures à l'aide sociale, puis déjà on va mieux s'entendre.

Dépasser en dessous de 623 $, c'est complètement inacceptable, ça va mettre des personnes à la rue. On sait que ce n'est pas l'ensemble des prestataires qui vont réussir à se trouver un emploi. Quand vous dites qu'il y a des personnes qui sont aptes, la ministre Courchesne, lorsqu'elle avait parlé en 2005, avait dit : Seulement 10 % des prestataires aptes à l'emploi peuvent intégrer le marché du travail rapidement. La même chose avait été sortie en 2007 : les études à l'interne du ministère qui disaient que les personnes réellement aptes à occuper un emploi sans un accompagnement important, ça représentait seulement 7,5 % des personnes aptes. Alors, quand on dit que les personnes aptes peuvent rapidement intégrer le marché de l'emploi et améliorer leur situation, ce n'est pas vrai.

Puis l'autre commentaire que j'aimerais faire : Quand on parle des atteintes aux droits de la personne, on parle au droit à la dignité, droit à un revenu décent, un droit à un travail librement choisi. Quand on parle qu'une personne doit accepter et conserver n'importe quel emploi jugé convenable, on ne parle pas d'un emploi librement choisi. La partie sur la dignité, on parlait particulièrement des préjugés que, malheureusement, M. Hamad, vous avez propagés dans les médias pour faire passer ce projet de loi là.

Quand vous dites qu'il y a 6 000 jeunes que vous voulez aider à intégrer le marché du travail, bien, c'est plutôt 17 000 personnes, on sait, qui sont nouveaux demandeurs à l'aide sociale. Vous utilisez le préjugé répandu sur les jeunes pour faire davantage passer votre projet de loi, alors qu'on sait que c'est l'ensemble des prestataires qui sont visés. Vous dites : On veut aider les jeunes. Vous savez, les jeunes, ils viennent de familles à l'aide sociale. C'est l'ensemble de ces préjugés-là qui font mal aux personnes que vous avez utilisées dans votre argumentaire, et que c'est exactement ça qu'on parle de droit à la dignité, c'est un droit à la réputation des personnes assistées sociales.

Juste terminer. Quand on dit que ce n'est pas toutes les personnes qui vont réussir à se trouver un emploi, actuellement il y a 8,2 personnes qui sont en compétition pour chaque emploi disponible. Donc, il y a des personnes, malheureusement, qui vont rester à l'aide sociale. Puis on veut défendre le droit de ces personnes-là qui ne pourront pas se trouver un emploi.

• (14 h 20) •

M. Hamad : Malheureusement...

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Hamad : Malheureusement, je n'embarque pas dans ça, qu'il y a huit personnes pour chaque emploi, puis il n'y a pas d'espoir, puis il n'y a pas de travail, puis c'est difficile, là. Je ne suis pas votre partenaire là-dessus, pas du tout.

Deuxièmement, on parle des premiers demandeurs. On parle des premiers demandeurs, c'est les personnes, pour la première fois, qui s'en vont à l'aide sociale. On ne demande pas l'ensemble...

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : Bien...

Le Président (M. Cousineau) : Un instant! M. le ministre va terminer, puis vous réagirez par la suite.

M. Hamad : Et donc on parle de ces gens-là. Et les chiffres ne se trompent pas. Ils disent : Sur le 17 000, il y a 6 200 jeunes qui viennent d'une famille de l'aide sociale. Il faut briser ce cercle vicieux là. Nous, notre intention, c'est ça. Le vôtre, c'est correct, je respecte ça. Et aussi on veut s'occuper du reste aussi. Les 17 000 par année qui arrivent, tout ce monde-là, il peut y avoir des immigrants, en passant, il peut y avoir des gens qui sont d'autres aussi que les jeunes, parce qu'il y un pourcentage de jeunes, mais il y a un pourcentage aussi des gens... malheureusement, aussi, ils font partie du 17 000, on veut s'occuper de ces gens-là.

On ne peut pas partir avec une prémisse : Ah! il y a trop de demandes pour les emplois; bien là, on va rester comme on est. Puis vous, vous avez dit, en partant... M. le Président, ils ont dit que... si vous enlevez les coupures, si vous enlevez les ententes de réciprocité, on va être d'accord, ce qu'on fait aujourd'hui. Bien, la réalité, c'est qu'on ne changera pas la réalité d'aujourd'hui si on ne fait rien. La réalité, c'est qu'on a 17 000 par année qui arrivent, à chaque année. Puis on ne peut pas laisser tomber ces gens-là, il faut aller plus loin.

J'ai donné l'exemple avant-midi — vous n'étiez pas là : on a référé 100 noms à un CJE pour qu'on fasse un contact avec les jeunes pour qu'on... un CJE qui font un excellent travail d'ailleurs, et, sur les 100, ce qu'ils m'ont dit, il y en a cinq qui ont rappelé pour dire : Nous, on est peut être intéressés, puis, à la fin, il y en avait juste deux. Alors là, les 98 personnes, on fait quoi? On ne peut pas les laisser tomber. Bien sûr, la société ne les laissera pas tomber. On veut travailler avec eux. C'est ça, la différence entre nous deux.

Mais je veux juste corriger, pour terminer, une affaire importante, c'est qu'on ne veut pas les obliger à aller travailler demain matin. On veut les accompagner. Puis l'entente qu'on fait à deux, ce n'est pas une entente imposée. C'est qu'on s'assoit avec la personne, puis on bâtit un plan ensemble pour améliorer la situation, pour donner la dignité, pour sortir de la pauvreté puis respecter les trois droits où vous parlez, là : le droit de travail, le droit de dignité puis le droit d'une vie décente.

Le Président (M. Cousineau) : D'accord. M. Loupret, vous vouliez...

M. Loupret (Christian) : Moi, il me semble que... Quand on aide quelqu'un, puis qu'on veut l'accompagner, puis qu'on veut continuer avec, puis qu'on veut qu'il réussisse, comment ça se fait qu'en même temps on lui laisse une menace qu'il pourrait être pénalisé? C'est comme étrange, comme, pour partir. Puis il me semble qu'on serait peut-être mieux de les aider, ces jeunes-là, pendant qu'ils sont à la garderie, pas attendre qu'ils aient 18 ans puis que leur situation soit comme cristallisée, en quelque part, là. Tu sais, je ne suis pas sûr que c'est la bonne affaire.

Moi, je sais que, plus jeune, personnellement, vous auriez eu de la misère à me forcer à faire quelque chose. Parce qu'habituellement, dans la vie, on réussit parce qu'on veut y aller.

Puis je vous ai même entendu dire dernièrement que le programme Alternative jeunesse avait donné des résultats. Bon. On aurait pu établir un genre de programme puis le sortir plus que les 18-24.

M. Hamad : M. le Président, il me semble...

Le Président (M. Cousineau) : Oui, mais j'aimerais laisser la parole à Mme Toutant, qui voulait parler aussi, M. le ministre. Je reviens à vous après, là.

Mme Toutant (Monique) : Merci. Ce que je voudrais dire, moi, justement en parlant d'accompagnonnage, comme on entend dire : Quand j'ai fait, moi, justement, mon projet de compagnonnage, le mot le dit bien, «compagnonnage vers l'emploi», quand je suis rentrée à la cafétéria, je croyais d'avoir un accompagnonnage, et je n'en ai pas eu, de compagnonnage, il a fallu que je me débrouille par moi-même. Alors, moi, je me mets à la place des autres jeunes qui sont comme moi, là, qui feraient des programmes comme moi, là, puis j'aurais une crainte.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre, allez-y.

M. Hamad : Justement, on va faire mieux. Puis on fait une loi pour ça. Parce qu'on ne garde pas le statu quo, Mme Toutant. On veut faire l'effort. La société est prête à faire l'effort pour aider.

Puis, pour répondre à votre question tantôt, ceux qui étaient il y a 10 ans puis ils reviennent, le programme ne s'applique pas. On parle des nouveaux demandeurs pour la première fois. Je veux juste répondre.

Puis ce qu'ils m'ont dit, le sous-ministre, que votre organisation était contre Alternative jeunesse dans le passé. Je ne sais pas si vous avez changé de position, mais ce n'est pas important.

M. Loupret (Christian) : On est contre quoi, vous dites?

M. Hamad : Que vous êtes contre Alternative jeunesse.

M. Loupret (Christian) : O.K.

M. Hamad : Vous étiez contre Alternative jeunesse dans le temps. Mais ce n'est pas grave, là, tout le monde change d'idée, tout le monde change de position.

Mais je reviens, là, à l'essentiel. L'essentiel, c'est quoi? C'est que, là, on est devant deux choix. Le premier, on l'a fait. Le premier, on l'a fait. Le premier, on a investi, on a mis de l'argent, puis il y a eu des résultats. Il y a eu des résultats, mais il demeure qu'on n'est pas satisfaits, comme société, des résultats parce qu'il y a encore, malheureusement... Et il va en arriver tout le temps parce que les gens, malheureusement, ils ne choisissent pas d'être en situation de pauvreté, mais ça arrive qu'ils tombent dans une situation de pauvreté, puis, dans ce cas-là, la société doit faire un effort pour les aider. La différence entre moi puis vous... nous et vous, c'est que nous, on veut faire l'effort à deux. Puis l'effort du... la deuxième partie, elle va être vraiment graduée, là, en fonction de la situation de la personne.

Mais comment on ferait avec les 6 200 jeunes qui arrivent d'une famille de l'aide sociale? Comment on va briser ça? Comment vous feriez? Mettons, si vous étiez à la place du gouvernement, comment vous feriez ça pour briser ça demain matin?

Le Président (M. Cousineau) : ...Mme Toutant qui va...

Mme Toutant (Monique) : Étant une personne à l'aide sociale puis qu'on me dirait : Toi, tu es une personne à l'aide sociale, tu viens d'une famille... d'une personne à l'aide sociale, on te place là, moi, ce que j'aimerais, ça serait qu'on essaie de regarder avec moi pourquoi que je suis rendue là. Parce que c'est peut-être parce que la personne, là, quand ses parents étaient en situation de pauvreté, ils n'ont pas pu lui offrir les besoins qu'il avait, soit scolaires, soit culturels, ou peu importe. Cet enfant-là a grandi comme ça, oui, c'est vrai, mais ça ne fait pas de lui une méchante personne. Puis ce n'est pas parce que ses parents ont été à l'aide sociale puis que lui est à l'aide sociale que ça veut dire que c'est un cercle vicieux.

Moi, quand j'entends dire que c'est de père ou de mère en fille ou en fils, ça me répugne. Ça me répugne parce que je me dis : Les parents sont là, sont importants. Ils aident et ils essaient d'éduquer les enfants au meilleur de leurs moyens, de leurs connaissances, de leurs moyens financiers. Et, s'ils n'ont pas les moyens financiers nécessaires, le jeune a de la difficulté à intégrer le marché dit normal — moi, je l'interprète dans mes mots à moi, là, prenez-le comme vous voulez, là, mais a de la misère à intégrer le marché — la civilisation normale parce qu'il ne l'a pas apprise. Il n'a pas eu les possibilités parce que ses parents n'avaient pas les possibilités.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Toutant, là, vos deux voisins veulent donner des éléments de réponse sur la question du ministre.

M. Hamad : ...aussi. Parce que c'est intéressant, Mme Toutant, ce qu'elle dit, c'est important, la réponse. Excusez-moi, M. le Président...

Le Président (M. Cousineau) : Oui, c'est une bonne question, hein?

M. Hamad : ...mais, Mme Toutant, je trouve que vous avez raison, puis on est d'accord ensemble. C'est que, malheureusement, ce jeune-là qu'on parle, malheureusement il n'a pas eu la chance... Mais, comme société, on devrait lui donner la chance, on devrait l'aider puis on devrait aussi travailler avec cette personne-là, ce que nous proposons.

Puis, le plan, on le fait ensemble, mais après ça ce qu'on fait, ce qu'on demande de plus, c'est qu'on va faire l'effort, puis vous... Le jeune, il faut qu'il fasse l'effort à la mesure de ses capacités, mais il faut qu'il fasse l'effort. Puis je suis tout à fait d'accord : malheureusement, ce jeune-là, il n'était pas chanceux, vous avez raison. Mais, pour ça, on est là pour les aider, puis c'est une obligation de l'aider, mais on ne le laissera pas tomber!

Le Président (M. Cousineau) : Alors, ça termine le temps que nous avions sur le premier bloc. Maintenant, nous allons passer à l'opposition officielle, M. le député de Saint-Jean. Et, si vous aviez des compléments de réponse à donner, là, bien, vous pourrez, à ce moment-là, avec le député de Saint-Jean, en discuter avec lui.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. J'aimerais vous entendre parler... Vous avez mentionné tantôt la question d'aspects que vous n'êtes pas capables de juger pour l'instant, du projet de loi, parce qu'ils se trouvent dans le règlement, hein, dans le futur règlement que nous ne connaissons pas. On peut savoir, là... La question de qu'est-ce qu'un emploi convenable ou la question de la distance ou combien les gens pourraient être coupés sur leurs chèques d'aide sociale, tout ça, là, on spécule, là, on parle de quelque chose, là, qu'on... il n'y a pas d'écrit sur la table, là. D'un côté, eux, ils sont plus au courant que nous autres, là, puis que vous, là, mais, au-delà de ça, en général, là, on n'est pas au courant. Qu'est-ce que ça fait comme impact pour vous, là? Vous êtes venus ici, là, vous avez préparé un mémoire, vous avez travaillé, qu'est-ce que ça vous empêche, comme réflexion, d'avoir, de ne pas avoir tout le portrait global sur la question?

Le Président (M. Cousineau) : Alors, monsieur... Oui, M. Tremblay-Marcotte.

• (14 h 30) •

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : Bien, pour nous, c'est sûr qu'on vient avec peu d'information pour passer en commission parlementaire. On le sait qu'il y a un risque de couper le chèque au-delà de 623 $ par mois. Et les personnes qui ne seront pas en mesure de suivre le plan d'intégration, c'est ces personnes-là qui risquent de se faire couper au-delà de 623 $ par mois. À partir de ces informations-là, nous, on juge cela inacceptable.

Là, ça va être quoi, les choses qui vont être exigées de la part des personnes? Ça va être quoi qu'ils vont devoir accepter comme emploi convenable et conserver? Ça va être quelle distance qu'ils vont devoir déménager? On a entendu ça dans les médias, hein? Il y a un peu eu de confusion à travers tout ça, puis je pense que c'était entretenu volontairement, puis là on arrive avec ces informations-là. Ça fait que, pour nous, pour l'instant, on peut seulement s'opposer sur le fait qu'on ne peut pas descendre un chèque en delà de 623 $ par mois et que les personnes sont elles-mêmes en capacité de déterminer c'est quand pour elles le meilleur moment pour faire une démarche d'employabilité.

Le Président (M. Cousineau) : Oui, M. le député...

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : Juste répéter que le ministre Hamad dit qu'on est vraiment éloignés sur plein de points. Je ne crois pas que c'est le cas. On souhaite aussi que les personnes s'en sortent, qu'elles soient en meilleure posture pour obtenir un emploi. Seulement, la pénalité et l'obligation, ça, c'est quelque chose qu'on ne s'entendra pas et qu'on souhaite vraiment que ça soit enlevé. 623 $, ce n'est pas assez.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Saint-Jean.

Une voix : ...

M. Turcotte : Allez-y.

M. Loupret (Christian) : ...puis je me suis dit : Oui, c'est normal, les lois sortent puis après ça... Je me souviens, la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, on l'a attendu quasiment deux ans, le règlement. Bon, au début, je me suis dit : C'est normal, tout ça. Mais après ça j'ai comme poursuivi puis je me suis dit : Là, on va discuter d'une loi puis, dans le fond, on ne sait même pas comment ça va s'appliquer, on ne sait pas trop c'est quoi puis... Je trouve qu'il manque quelque chose. C'est comme ça que ça m'est venu par après.

Le Président (M. Cousineau) : Oui. Alors, M. le député de Saint-Jean.

M. Loupret (Christian) : ...Alternative jeunesse, je l'ai déjà suggéré à des jeunes que je voyais. C'était la place qu'il fallait qu'ils aillent aussi.

Le Président (M. Cousineau) : Allez-y.

M. Turcotte : Tantôt, le ministre disait que vous êtes éloignés sur plusieurs éléments du projet de loi. Dans votre mémoire, vous faites référence au revenu minimum garanti, que c'est une idée que vous proposez. Il y a un des membres du gouvernement actuel, le ministre de l'Éducation, qui a écrit un très bel ouvrage, à l'époque, hein, sur un revenu garanti pour tous, qui fait la nomenclature de ce que ça pourrait avoir l'air, le revenu minimum garanti. Je ne sais pas si, maintenant qu'il est ministre de l'Éducation, il est encore d'accord avec le revenu minimum garanti, mais, vous, concrètement, qu'est-ce que ça pourrait avoir l'air comme programme pour aider les gens?

Le Président (M. Cousineau) : Alors, qui? Mme Blanchet?

Mme Blanchet (Roxane) : Oui. Donc, en fait, le revenu social universel garanti est vraiment éloigné de la notion que le ministre Blais a déjà amenée. En fait, pour nous, le revenu social universel garanti, c'est vraiment la meilleure alternative pour assurer à tous les citoyens, à toutes les citoyennes, un revenu suffisant pour vivre dans la dignité, afin que les personnes puissent exercer leur citoyenneté puis se responsabiliser leur propre vie.

Donc, l'instauration d'un revenu social universel garanti, ça permettrait vraiment la reconnaissance des différentes formes de contributions citoyennes, et ce, peu importe ce que vous faites dans la vie, que vous fassiez du bénévolat ou que vous gagniez 500 000 $ par année. Donc, le revenu social universel garanti, c'est vraiment la reconnaissance économique de toutes les formes de contributions puis ça permet vraiment, en fait, le droit à la dignité. Pour nous, c'est aussi simple que ça.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Turcotte : On a parlé beaucoup du programme Alternative jeunesse. Il y a un autre programme qui semble être menacé, le programme PAAS-Action. Comment ce programme-là pouvait... ou peut actuellement, mais malheureusement, si le gouvernement va de l'avant en le modifiant, ou en le coupant drastiquement, ou en l'abolissant... pouvait aider les gens, justement, à se rapprocher davantage du marché du travail? Parce que l'objectif du gouvernement, c'est de remettre des gens au marché du travail. On est tous d'accord avec ça. Mais on s'entend qu'au nombre de personnes qui restent actuellement à l'aide sociale, c'est des gens qui sont beaucoup plus éloignés. Ceux qui étaient plus près du marché du travail ont pu se trouver un emploi ou sont sur le point de se trouver un emploi, mais là on parle de gens plus éloignés. Comment le programme PAAS-Action pouvait aider... ou peut aider ces gens-là?

Le Président (M. Cousineau) : M. Tremblay-Marcotte.

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : Bien, si on parle de PAAS-Action, on peut peut-être parler aussi de l'ensemble des mesures d'austérité qui ont été mises actuellement. Il y a différents... il y a certaines personnes qui vont avoir de la difficulté à intégrer le marché du travail tel qu'il est actuellement parce qu'elles n'atteindront pas les normes de productivité qui leur sont demandées. Il y a différents programmes qui sont très intéressants, comme les programmes PAAS-Action. Il y a des organismes communautaires qui se font davantage couper, qui sont un lieu de socialisation des personnes pour qu'ils brisent leur isolement, pour qu'ils rencontrent d'autres personnes, pour qu'ils échangent. Toutes ces mesures d'austérité là, ça va affaiblir ce tissu social là qui permet à des personnes qui peut-être n'obtiendront pas un emploi dans le court terme, mais qui vont pouvoir entrer en contact avec d'autres personnes, se faire valoriser par leur participation citoyenne, par leur implication dans la société. Puis les programmes PAAS-Action en sont un exemple, mais là on voit beaucoup de projets qui sont menacés par les programmes d'austérité. Ça fait que je pense qu'il faut plus l'inclure dans quelque chose de large.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Turcotte : Je comprends que vous êtes vraiment opposés à l'obligation, donc, de forcer quelqu'un à s'inscrire ou à adhérer à un programme d'employabilité ou de retour aux études, même si on s'entend que retour aux études, ce n'est vraiment pas dans la priorité du gouvernement actuel, là, de favoriser le retour aux études, surtout quand on est à l'aide sociale. Puis on s'entend que c'est assez difficile de finir son secondaire V quand on est à l'aide sociale. C'est plus facile d'aller au cégep à temps partiel quand on est à l'aide sociale que de finir son secondaire V, quand même un paradoxe en soi.

Mais, au-delà de ça, concrètement, là... Parce que le ministre a dit : Tout le monde peut changer d'idée, puis tout ça. Donc, on aura beaucoup d'heures de discussion dans l'étude du projet de loi. Donc, quel argument, là, massue qui pourrait faire en sorte qu'on pourrait tenter de convaincre le ministre de revenir sur sa décision?

Le Président (M. Cousineau) : Qui va répondre? Madame... Monsieur, allez-y.

M. Loupret (Christian) : Concrètement, là...

Le Président (M. Cousineau) : M. Loupret.

M. Loupret (Christian) : ...forcer quelqu'un à faire quelque chose puis le pénaliser, est-ce qu'on arrive vraiment à quelque chose à l'autre bout? Puis moi, j'en rencontre, des... Puis ceux qui sont à l'aide sociale, qui ne sont pas dans Objectif emploi puis qui en veulent un, programme, ils veulent être aidés pour s'en sortir, ils vont-u pouvoir y aller? En tout cas, moi, je pense qu'on devrait faire un programme qui serait ouvert à tout le monde, puis encourager les jeunes à y aller, puis leur donner 130 $ à 250 $ de plus, puis je pense qu'on va en avoir plein les bras avec ça.

M. Turcotte : ...il y a un groupe que nous avons rencontré... des groupes, bon, qui oeuvrent pour la main-d'oeuvre, pour l'employabilité, eux, ils nous disaient... bien, en tout cas, du moins, ils l'ont écrit dans leurs mémoires : Il y a différents programmes. Des fois, les programmes ne peuvent pas être combinés, ce qui fait en sorte qu'il y a des gens qu'on échappe, là, dans les craques, mais que, si on pouvait combiner deux programmes ensemble, on pourrait faire en sorte qu'on puisse aider certaines personnes qui sont effectivement plus loin.

Moi, là, je regarde, là, notre monde, là, des gens... Tantôt, je l'ai posée, la question, là. Un travailleur âgé qui perd sa job, là, soit à Prysmian, chez nous, une autre entreprise, puis qui a de la difficulté à lire, à écrire, bien, ce n'est pas vrai qu'il est capable de se trouver un emploi du jour au lendemain. Ça se peut qu'il ait besoin d'embarquer dans un programme d'alphabétisation. Ça se peut qu'il soit obligé de retourner aux études pour finir son secondaire V. Ça se peut qu'il soit obligé d'aller en formation professionnelle. Puis ce n'est certainement pas vrai qu'on va être capable de faire ça en 12 mois ou en...

Le Président (M. Cousineau) : Alors, à ce moment-ci... À ce moment-ci, malheureusement, M. le député de... je suis obligé de changer de groupe. Alors, je passe la parole au député de Drummond—Bois-Francs pour les prochaines minutes.

M. Schneeberger : Merci beaucoup. Bonjour à vous quatre. Tout d'abord, je voudrais juste... En tout cas, ça m'a éveillé quelque chose tantôt, vous mentionniez qu'il y avait 8,2 emplois disponibles ou, en tout cas, offres pour un emploi...

M. Hamad : Huit offres pour un emploi.

M. Schneeberger : Huit offres pour un emploi, c'est ça. En tout cas, je ne sais pas, là, d'où vous prenez ça. Pourriez-vous spécifier ou m'informer là-dessus?

Le Président (M. Cousineau) : M. Tremblay.

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : C'est le comité consultatif de lutte à la pauvreté qui a produit un document, en 2015, qui précisait qu'il y avait 41 700 postes vacants pour 340 300 personnes en quête d'emploi.

M. Schneeberger : O.K. Et ça, c'est tout confondu ou ça s'adressait juste sur des personnes qui étaient au niveau de l'aide sociale?

M. Tremblay-Marcotte (Yann) : C'est les personnes en quête d'emploi, là.

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

• (14 h 40) •

M. Schneeberger : O.K. En tout cas, moi, je peux vous dire que, si vous viendrez à Drummondville, ce n'est pas ça du tout, là. C'est pour ça que ça me surprend un peu. Je vous questionne parce que, des fois, les chiffres, on peut leur faire dire ce qu'on veut, mais c'est important de les préciser puis de les comprendre.

Mme Toutant, tout à l'heure, vous mentionniez que... Premièrement, je vais vous féliciter pour votre parcours, parce que vous êtes une battante, puis, moi, en tout cas, ça m'a touché, votre témoignage m'a touché beaucoup. Tantôt, vous mentionniez que vous aviez fait des procédures pour aller chercher des contraintes temporaires et que ce n'est pas évident. Et moi, je sais, j'ai couramment des personnes qui viennent à mon bureau pour le même aspect. J'aimerais peut-être que vous mentionniez ici un peu c'est quoi, la procédure et les délais, parce que je sais que les délais, c'est très long. Et, quand on est inapte à l'emploi pour une raison quelconque, et qu'on a toujours le chèque de base, et qu'on n'est pas apte à se trouver un emploi parce qu'on est malade et finalement ça prend des mois avoir la réponse, ça, c'est très long. Alors, j'aimerais ça que vous expliquiez un petit peu le processus pour dire aux citoyens qui nous écoutent, là, c'est quoi, la démarche.

Le Président (M. Cousineau) : Mme Toutant.

Mme Toutant (Monique) : En fait, moi, quand j'ai été voir mon médecin, un... pas un neurofibromatose, mais un neurologue, on m'avait dit que je faisais de l'arthrite rhumatoïde dans une jambe, dans la jambe gauche, et que, suite à ça, ça serait plus difficile pour moi de retourner sur le marché du travail, parce que, trop longtemps assise, ma jambe, elle fait mal — comme là, en ce moment — ou trop longtemps debout, ma jambe fait mal.

Ça fait que j'ai dit : Je vais faire quoi, moi, dans la vie? Ça fait que, là, elle a dit : Ça, ce n'est plus mon problème, organise-toi. Ça fait que je suis allée voir mon médecin de famille, j'ai demandé à mon médecin de famille qu'est-ce que je pouvais faire. Là, lui, il m'a dit : Ça me prend un formulaire, pour remplir, pour que tu puisses avoir la contrainte sévère. J'ai fait la demande du formulaire à l'aide sociale pour que je puisse faire remplir le formulaire par mon médecin. Mon médecin l'a rempli, j'ai eu la contrainte temporaire.

Suite à ça, aux trois mois, il fallait que j'aille voir mon médecin pour faire remplir toujours ce fameux formulaire, 8½ X 11, là, puis il fallait qu'il coche des cases quelconques pour que je puisse avoir la contrainte sévère. Bien, ça a pris trois ans. À tous les trois mois, il fallait que j'aille voir mon médecin, il fallait remplir le formulaire, renvoyer ça à l'aide sociale. Ça a duré comme ça trois mois de temps, monsieur, trois mois à être obligée d'aller voir le médecin à chaque fois, à tous les trois mois, pour revenir... pas trois mois, mais trois ans.

M. Schneeberger : À chaque trois mois, c'est ça.

Mme Toutant (Monique) : Je me suis trompée, je m'excuse. Trois ans, mais, à tous les trois mois, aller voir le médecin, faire remplir le fameux formulaire, coche la case, envoie ça à l'aide sociale, tatati, ta, ta, ta. À un moment donné, j'ai reçu une lettre me disant : Ah! on va réviser votre dossier, vous allez devoir passer devant quatre personnes. Moi, je croyais que je rencontrerais ces personnes comme je vous vois là, et ça n'a pas été le cas, ça a été par téléphone. Je parlais à des téléphones... à des personnes par téléphone, quatre personnes : un médecin, deux ou trois autres personnes du ministère. Puis là on me posait des questions par rapport à ma maladie et là on m'a dit : On va vous rappeler ou on va vous envoyer une lettre pour vous dire si vous avez été considérée comme contrainte sévère à l'emploi. C'est comme ça que ça a marché.

M. Schneeberger : Ça a pris trois ans.

5909 M.Schneeberger : Ça a pris trois ans.

Le Président (M. Cousineau) : Il reste une minute, M. le député.

Mme Toutant (Monique) : Ça a pris trois ans avec humilité, parce que ce n'est pas facile, ça n'a pas été facile pour moi de parler de ça à mon médecin et de lui demander de remplir le fameux formulaire en question, parce que ce n'est pas facile pour une personne. J'ai une amie, en ce moment, qui a des problématiques quelconques, puis elle, elle trouve ça difficile d'aller dans le bureau de son médecin et lui demander, à son médecin, de faire remplir le fameux formulaire en question.

M. Loupret (Christian) : Juste une parenthèse. Présentement, quand quelqu'un dépose un rapport médical... puis avoir une réponse avant que le service d'évaluation médicale, socioprofessionnel, il réponde, ça n'a jamais été long comme ça depuis 1996, parce que je suis juste là-dedans depuis 1996, puis il y a presque deux fois moins de monde à l'aide sociale. Essaie de comprendre ça. Tu sais...

Le Président (M. Cousineau) : Alors, ça termine le temps que nous avions avec la deuxième opposition. Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Gouin pour les prochaines minutes.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. J'ai beaucoup aimé la question de mon collègue de l'opposition officielle sur l'argument massue. J'y ajouterai que, c'est drôle, des fois, l'Assemblée nationale, hein, il y a des commissions où on discute de paradis fiscaux puis il y a des commissions où on discute de couper les chèques des assistés sociaux de moitié.

J'ai une question à vous poser. Pourriez-vous, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, expliquer qu'est-ce que ça veut dire concrètement vivre avec 623 $ par mois?

Le Président (M. Cousineau) : Mme Toutant.

Mme Toutant (Monique) : Bien, ce que je pourrais dire, c'est que c'est comme... Moi, je dirais que c'est inacceptable parce qu'avec 623 $ par mois les gens n'arrivent pas. C'est impossible, pas quand tu paies un loyer de 450 $ par mois. Il te reste à peine pour te nourrir. Comment voulez-vous qu'une personne qui a 623 $ par mois puisse arriver à payer son loyer, à se loger, à se nourrir, à se vêtir et à aller sur le marché du travail quand elle peine à subvenir à ses besoins pour manger décemment, convenablement, à tous les jours, sept jours-semaine, déjeuner, dîner, souper, quand elle ne peut même pas se payer ne serait-ce qu'une pinte de lait, un pain, du beurre de peanut.

Aujourd'hui, moi, je trouve ça inacceptable et déplorable parce que le coût de la vie a augmenté, les chèques d'aide sociale n'ont pas augmenté, et ces personnes-là sont dans une misère incroyable. On ne le voit pas, on ne l'entend pas, mais ils sont dans une misère incroyable parce qu'ils doivent se battre à tous les jours, comme moi ça m'est arrivé dans mon temps, avant que j'aie ma contrainte sévère.

Le Président (M. Cousineau) : Mme la députée.

Mme David (Gouin) : Je suppose donc, par votre réponse, que le ministre écoute attentivement, qu'il serait donc absolument impossible pour qui que ce soit même de survivre avec la moitié de ce chèque-là.

Mme Toutant (Monique) : Impossible, impossible.

Mme David (Gouin) : Merci, madame.

Le Président (M. Cousineau) : D'autres réactions? Il reste 50 secondes.

M. Loupret (Christian) : En 1994, quand on disait qu'on était disponible, on avait 550 $, donc... Je n'ai pas été voir, mais, si on va voir qu'est-ce que ça vaut, 550 $ en 1994, aujourd'hui, on doit se ramasser pas loin de 1 000 et quelques dollars, là.

Le Président (M. Cousineau) : Mme la députée, il vous reste quand même 30 secondes.

Mme David (Gouin) : Je pense que je vais prendre les 30 secondes, M. le Président, pour dire que j'apprécierais beaucoup, beaucoup que le ministre écoute les réponses des gens qui sont assis ici. Ce sont les personnes les mieux placées pour venir nous dire quelle est la véritable situation aujourd'hui, en 2016, d'une personne assistée sociale. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, Mme Blanchet, Mme Toutant, M. Tremblay-Marcotte ainsi que M. Loupret, je vous remercie pour votre présentation.

Je suspends pour quelques instants et je demande au prochain groupe, le Conseil du patronat, de se préparer.

(Suspension de la séance à 14 h 47)

(Reprise à 14 h 50)

Le Président (M. Cousineau) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux et nous recevons les membres... les représentants du Conseil du patronat. Comme le groupe précédent, vous avez 10 minutes de présentation. Par la suite, nous passerons à une période d'échange avec les parlementaires. Alors, vous faites la présentation... vous vous présentez pour les enregistrements.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bonjour. Merci, M. le Président. Merci aux membres de la commission de nous accueillir, et on pense que c'est un sujet extrêmement important. Tout de suite, d'entrée de jeu, mon nom est Yves-Thomas Dorval, je suis président et directeur général du CPQ, le Conseil du patronat du Québec. Et je vous présente les personnes qui m'accompagnent : d'abord, Norma Kozhaya, qui est vice-présidente à la recherche et économiste en chef au CPQ; ainsi que Mme Chantal Hains, qui est notre directrice responsable des Politiques de développement de la main-d'oeuvre.

Alors, mesdames messieurs, merci de nous accueillir avec vous aujourd'hui pour l'examen de ce projet de loi n° 70. Vous comprendrez que la disponibilité et la qualité de la main-d'oeuvre figurent en tête des listes des préoccupations des entreprises représentées par le CPQ. En fait, petit mot, le CPQ représente plus de 70 000 employeurs au Québec par sa structure confédérative, et des employeurs de tous secteurs, que ce soit dans le domaine des ressources naturelles, manufacturier, des services, tant secteur privé même que public. Alors, on représente quand même un large éventail d'employeurs. Et, quand on pose la question à nos membres : Quelle est la première priorité entre toutes que vous avez en termes de préoccupation?, c'est d'avoir accès à une main-d'oeuvre de qualité et disponible. Vous comprendrez donc que le projet de loi n° 70 est essentiel et très important, très stratégique dans la vie des employeurs québécois, et nous sommes très heureux d'être avec vous aujourd'hui.

Alors, une meilleure adéquation entre la formation de base et la formation continue en emploi et les besoins du marché du travail s'avère l'une des pistes principales les plus prometteuses pour répondre aux préoccupations des employeurs du Québec. Avant d'exposer nos commentaires spécifiques, peut-être juste un bref rappel. Pour la période 2013-2022, on estime au Québec qu'il y aura 1 358 500 emplois, le nombre de postes qui seront à pourvoir, dont 81 %, plus de 1 million, pour combler les départs à la retraite. Donc, c'est un enjeu collectif majeur pour l'ensemble de la société. Le ministre le mentionne souvent, d'ailleurs, dans ses communications, mais c'est l'affaire de tous et de toutes. Il s'agit d'une mutation sans précédent dans l'histoire du marché du travail au Québec.

Et les emplois de niveau technique... Quand on dit «technique», on parle, la plupart, une formation technique collégiale ou une formation professionnelle au secondaire. Dans le jargon, on utilise le mot «technique» non pas en termes de formation cégep technique, mais de façon générale. Ça formera 32 % des emplois à pourvoir, d'où l'importance stratégique pour le Québec et pour les individus travailleurs, les jeunes qui vont aller sur le marché du travail ainsi que pour les employeurs, pour l'ensemble de la société. C'est un enjeu stratégique extrêmement important pour la société.

Dans l'ensemble, concernant le projet de loi n° 70, on appuie les principes et on formule toutefois dans notre mémoire certaines mises en garde pour assurer que le projet de loi atteigne les objectifs et les résultats escomptés.

Alors, voici quelques commentaires plus spécifiques. Tout d'abord, en ce qui concerne les précisions de la loi quant à la mission de la commission, qui consiste à définir les besoins en développement de la main-d'oeuvre et qui s'appliquent également à la main-d'oeuvre future, alors le CPQ souscrit entièrement à cette nouvelle orientation. Selon nous, il est primordial que les partenaires du marché du travail, particulièrement les employeurs du Québec et les organisations qui les représentent, dont le CPQ, puissent définir les besoins du marché du travail dans l'ensemble de la structure industrielle et occupationnelle de l'économie québécoise afin que les orientations en matière de politique d'emploi et de main-d'oeuvre répondent aux besoins du marché du travail.

Il faut souligner par ailleurs que, dans son ensemble, le projet de loi n° 70 confie à la CPMT, la Commission des partenaires du marché du travail, une mission stratégique plus importante comportant l'objectif d'une meilleure adéquation entre les besoins du marché du travail et la formation des travailleurs actuels et futurs.

Alors, le projet de loi modifie la loi portant sur le MTESS et sur la CPMT en confiant à la commission la fonction de formuler des recommandations aux ministères qui y sont représentées en vue de répondre aux besoins du marché du travail. Alors, le CPQ, encore une fois, apprécie cette modification et l'ajout aux responsabilités de la CPMT. Nous souhaitons que cette nouvelle responsabilité permette concrètement que les politiques des différents ministères et organismes publics concourent à articuler une vision cohérente et globale de la politique de main-d'oeuvre et de l'emploi au Québec en fonction des besoins du marché du travail. Je pense qu'on avait grandement besoin de cela. Je pense que tous les diagnostics qui sont faits entre les partenaires visent à faire en sorte que les gens travaillent davantage dans un esprit de coordination et de cohésion. Donc, on appuie ça très fortement.

Le projet de loi n° 70, à l'article 17, stipule que «la commission a pour fonction de participer à l'élaboration des politiques et [des] mesures gouvernementales dans les domaines de la main-d'oeuvre et de l'emploi, en particulier celles visant à favoriser l'équilibre entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre sur le marché du travail, ainsi qu'aux orientations stratégiques dans ces domaines[-là].»

Alors, nous sommes particulièrement d'accord avec l'insertion, après l'article 17 de la loi, l'article 10 du projet de loi n° 70, du paragraphe suivant, celui...

«17.0.1. Lorsque la commission lui formule des recommandations en vue de répondre aux besoins du marché du travail, un ministère visé à l'un des paragraphes 2° [et] 5° du troisième alinéa de l'article 21 fait rapport à celle-ci, selon les modalités dont ils conviennent, des actions qu'il a prises ou qu'il entend prendre pour y donner suite. S'il ne donne pas suite à une recommandation, le ministère fait état des motifs de [ses décisions].»

C'est une première au Québec de voir une responsabilité aussi importante et une obligation, une imputabilité des différents ministères, et on appuie ça très fortement. Et évidemment on va tous travailler de concert à faire en sorte que ce ne soit pas qu'un objectif de reddition de comptes mais que les résultats suivent, comme on dit : Que les bottines suivent les babines. Il s'agit là d'une clause importante de reddition de comptes.

Donc, l'article 4 du projet de loi n° 70 habilite la CPMT à appliquer à une catégorie de dépenses un facteur de pondération permettant de comptabiliser celles-ci à un taux supérieur ou inférieur à leur valeur. C'est aussi intéressant de voir qu'il y a une certaine flexibilité qui est instaurée dans ce cadre-là par le projet de loi. Ça donne de meilleurs incitatifs pour une meilleure réponse aux besoins spécifiques du marché du travail. Parce que qu'est-ce qui arrive très souvent, c'est que le marché du travail évolue très rapidement. Alors, il faut être en mesure de pouvoir répondre avec des incitatifs, des moyens, des stratégies qui vont aller beaucoup plus rapidement répondre à ces besoins-là.

Enfin, le projet de loi n° 70 modifie aussi la loi actuelle visant à favoriser le développement de la reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre afin d'inclure la main-d'oeuvre future. Évidemment, quand on regarde, et on l'a dit d'entrée de jeu, le nombre d'emplois à pourvoir, c'est certain que, quand on regarde ça de façon globale, la majorité de ces emplois-là va être comblée d'abord par qui? Par les jeunes qui vont arriver sur le marché du travail, par ceux qui ne sont pas encore sur le marché du travail, qui vont arriver et combler ces besoins-là. Donc, c'est important que stratégiquement on y accorde évidemment une priorité.

Cependant, on voudrait juste vous faire rappel que, quand on a instauré la loi sur la formation et le développement des compétences, on a quand même identifié au Québec un enjeu majeur, c'est la formation même au sein du travail, c'est-à-dire auprès des gens qui sont en lien d'emploi. Alors, il ne faudrait pas quand même, même si on consacre et on doit consacrer beaucoup de priorité à la main-d'oeuvre future, il ne faut pas qu'on néglige... au contraire, il faut continuer, continuer d'accroître les programmes, l'aide à la formation continue, à la formation en emploi, la formation auprès de ceux qui sont en lien en emploi. Alors, je ne voudrais juste pas, parce qu'on regarde la main-d'oeuvre future, qui est une priorité, on en convient, qu'on néglige cet aspect-là également.

Alors, pour ce qui est, finalement, de la question de l'abrogation du chapitre III de cette loi, dont les dispositions créent une unité administrative autonome au sein du ministère, identifiée sous le nom d'Emploi-Québec, écoutez, la seule chose qu'on peut dire, c'est, bon : On espère que ça, ça va amener plus d'efficacité, etc., mais on doit dire que la réputation d'Emploi-Québec, elle est bonne auprès des employeurs du Québec. Les services sont bien accueillis. Alors, je ne pense pas que ce soit un désaveu. Je comprends qu'il y a une volonté de simplifier à l'interne. Ce n'est pas une demande, là, des gens à l'externe, mais il y a aussi un regroupement qui se fait au sein du ministère avec Services Québec, et tout ça. Alors, je pense qu'il y a un objectif sain derrière ça, mais il ne faut pas, il ne faudrait surtout pas que ça vienne affecter l'offre de services. Au contraire, il faut que ça continue à la bonifier.

Alors, dans ce sens-là, nous, on n'a pas d'objection contre ça. Enfin, on juge important, dans cet esprit-là évidemment, de garder cette même approche de services à la clientèle au sein de la restructuration.

Quant à Objectif emploi, qui a fait beaucoup et qui fait beaucoup l'objet des discussions autour de la table, il faut comprendre qu'on n'est pas des spécialistes, nous, nécessairement dans les mesures d'aide sociale. Cependant, vous me permettrez de déroger un peu à mon texte, M. le Président, et de faire un peu un parallèle.

Le Président (M. Cousineau) : Il vous reste une minute.

• (15 heures) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : On va faire un petit parallèle. Vous savez, dans le fond, moi, ce que je comprends de l'objectif que le gouvernement a puis que le ministre a là-dedans, là, c'est de faire en sorte de se sortir du cercle vicieux, du cercle qui fait en sorte que des gens sont, je dirais, dans un mode, puis je vais utiliser un langage que je connais mieux, celui de la santé et sécurité au travail. L'enjeu majeur au niveau de la santé et sécurité au travail, c'est quoi? C'est la chronicité. Et qu'est-ce qu'on a ici, dans le domaine de l'aide sociale, c'est un problème parfois de chronicité.

Alors, pourquoi je fais un parallèle avec santé et sécurité au travail? Parce que l'objectif, dans le fond, qu'on doit faire, c'est d'éviter qu'il y ait des clientèles qui se chronicisent dans l'aide sociale. Et c'est ça, je pense, qui est l'objectif, c'est de fournir des moyens pour faire en sorte que les gens... éviter que les gens tombent dans le cercle et le cycle de l'aide sociale et s'enferment là-dedans.

Et, au niveau de la santé et sécurité au travail, il y a un diagnostic qu'on fait très souvent, c'est celui de dire que plus vous êtes éloigné du marché du travail, plus c'est difficile de le réintégrer. Alors, de prendre le plus rapidement possible une clientèle qui se présente pour la première fois à des mesures d'aide sociale, de l'amener le plus rapidement possible à être en contact avec le milieu du travail, c'est clair qu'on va avoir des résultats positifs à la fin.

Le Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, je vous remercie, M. Dorval. M. le ministre, les prochaines minutes sont à vous.

M. Hamad : Merci, M. le Président. M. Dorval, Mme Kozhaya, Mme Hains, merci d'être ici et merci de votre mémoire. On partage pas mal l'ensemble de ce que vous dites. D'ailleurs, vous êtes un bon représentant des entreprises, parce que c'est exactement ce qu'on entend pour les entreprises, l'importance de la main-d'oeuvre, la formation et surtout les besoins criants, là, dans notre société, pour la main-d'oeuvre.

Je veux juste ouvrir une parenthèse sur Emploi-Québec, parce que vous avez soulevé un bon point pour mes collègues après, dans l'étude de projet de loi, le changement d'Emploi-Québec par rapport à Services Québec. D'ailleurs, on a demandé de faire une présentation aux deux caucus et on attend les réponses. En fait, on s'en vient avec un Services Québec, qui va être plus large qu'Emploi-Québec, pour les citoyens et les entreprises. Donc, c'est un changement de bannière. Mais, vous avez raison, M. Dorval, la bannière d'Emploi-Québec est très crédible, et on souhaite un jour que Services Québec devient encore aussi crédible qu'Emploi-Québec, et même plus. Donc, c'était vraiment un changement technique, mais il n'y a pas de changement dans les services, il n'y a pas de changement, au contraire, on veut encore faire mieux. Faire mieux, c'est-à-dire offrir un meilleur service plus large et plus efficace aussi. Donc, c'était vraiment ça.

Et je pense... Évidemment, lorsqu'on lit, des fois, les lois, ce n'est pas toujours clair, qu'est-ce qu'on veut puis c'est quoi, l'idée derrière ça. On voit un changement puis... Vous avez bien raison de poser la question là-dessus.

Vous avez parlé de manque de main-d'oeuvre, et tantôt on a eu une discussion... Je n'ai pas le droit de mentionner l'absence d'un député — elle n'est pas là, Mme la députée de Gouin — mais parce que j'aurais aimé ça qu'elle entende, elle aussi, les arguments que vous avez présentés, parce qu'elle me l'a demandé, d'écouter les autres. Puis elle peut, elle-même, aussi, écouter les autres.

Alors, dans le sens, peut-être, de présenter...

M. Turcotte : ...

Le Président (M. Cousineau) : M. le député de Saint-Jean soulève un point de règlement. Vous ne pouvez pas faire indirectement ce que vous ne voulez pas faire directement, là...

M. Hamad : O.K., merci.

Le Président (M. Cousineau) : Alors, faites attention.

M. Hamad : On va faire attention. Donc, ce que je disais, c'est que... Pourriez-vous nous expliquer un petit peu l'impact sur les entreprises, globalement, pas en termes financiers, si les entreprises ne comblent pas leurs besoins en main-d'oeuvre?

M. Dorval (Yves-Thomas) : En fait, les impacts sont majeurs. D'abord, la première des choses, c'est qu'évidemment, pour produire, ça prend de la main-d'oeuvre, hein, pour rendre des services, ça prend de la main-d'oeuvre. Et je ne vous cacherai pas que, dans le fond, aujourd'hui, de plus en plus, malheureusement ce n'est pas encore tout à fait intégré à tous les niveaux, mais, dans la majorité des entreprises, la question du capital humain — on va utiliser un gros terme, mais, dans le fond, c'est la question des ressources humaines, la question des gens, des travailleurs, des personnes en emploi — ça doit faire partie maintenant des stratégies de toutes les entreprises. Et c'est une stratégie non pas seulement pour subsister, mais également pour croître, et performer, et pour compétitionner.

Donc, la première des choses, c'est : avoir accès à une main-d'oeuvre de qualité et disponible, bien, c'est l'assurance que l'entreprise va pouvoir être pérenne, et va pouvoir croître, et va pouvoir aussi créer d'autres emplois, soit au sein de l'entreprise ou auprès de ses fournisseurs et de l'écosystème dans lequel il travaille. Donc, première chose, on a besoin de ça. Or, vous savez, beaucoup de nos membres nous disent constamment : Écoutez, mon problème, ce n'est pas mon carnet de commandes, mon problème, c'est mon incapacité d'avoir accès à tout le personnel qualifié dont j'ai besoin pour répondre à la demande. Quand c'est rendu que ton problème, ce n'est pas une question de marché, mais c'est une question de capacité en termes de ressources humaines, de potentiel, de capital humain, bien là, on a un problème majeur.

Deuxième élément, au Canada, et au Québec en particulier, quand on compare notre productivité, notre productivité est un peu plus faible que plusieurs des États comparables. Alors, si on veut compétitionner... Et puis on n'a pas le choix, le marché domestique n'est pas suffisant, donc il faut exporter, et, pour exporter, il faut être plus concurrentiel. Bien sûr, la devise va nous aider du côté États-Unis, mais il y a d'autres devises qui ont baissé en même temps que la nôtre. Donc, la devise, ce n'est pas nécessairement un avantage compétitif avec tous les États. Mais il faut être donc plus productif, puis, pour être plus productif, ça nécessite, de la part de l'entreprise, des investissements en capital technologique, numérique, automatisation, informatisation, etc., puis ça prend du personnel aussi formé, ça prend de la formation. Et, si on n'est pas capable d'avoir une main-d'oeuvre et une technologie suffisamment productive, bien, on rate le bateau, puis, pour l'ensemble de la société, bien, ça va faire moins de revenus pour l'État pour financer des programmes sociaux, puis ça va faire moins de capacité pour les entreprises de réussir.

Et tout ça fait en sorte qu'aujourd'hui, avec un vieillissement démographique accéléré, c'est clair qu'on a un enjeu, mais on a un enjeu pas seulement pour la nouvelle cohorte de gens qui arrivent sur le marché du travail, on a un enjeu, au sein même des entreprises, d'assurer une formation continue tout au long de la carrière de nos gens.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Hamad : Vous avez parlé de l'objectif des premiers demandeurs de l'aide sociale parce qu'on a plus de chances, en fait, d'aider ces gens-là rapidement de retourner sur le marché du travail. Peut-être donner votre point de vue là-dessus, de notre choix qu'on a fait, dans Objectif emploi, de premiers demandeurs.

M. Dorval (Yves-Thomas) : En fait, toutes les personnes, toutes les personnes, indépendamment de leur statut, qui sont éloignées du marché du travail doivent être prioritaires, qu'on ait un handicap, qu'on soit un immigrant, qu'on soit une personne qui a des problèmes d'adaptation sociale ou autres, c'est vraiment important. C'est sûr que l'effet de levier... Quand on prend des mesures gouvernementales, ce qu'on veut, c'est un effet de levier. Et, si on veut attaquer une situation — puis je parlais tantôt du mot «chronicité» — là, empêcher qu'on tombe dans une situation qui va se perdurer dans le temps, la meilleure façon — puis c'est vrai dans n'importe quel domaine, c'est vrai en environnement, c'est vrai dans le domaine de la santé publique, mais c'est vrai aussi, en même temps, de main-d'oeuvre — c'est d'éviter que la personne se chronicise dès le départ. On a beaucoup plus de chances à ce moment-là que la personne travaille.

Et l'expérience a démontré une chose. Vous savez, les gens parlent des fois des recherches. En fait, je n'ai pas vu de recherches qui sont tellement à l'encontre des propositions qui sont faites ici. En fait, on le voit aux États-Unis, dans d'autres provinces, dans d'autres pays, il y a différentes façons de le faire, mais on voit des mesures semblables. Mais l'idée ici, c'est de faire en sorte qu'une personne puisse être en contact avec le marché du travail, et, quand elle est en contact avec le marché du travail, même si des fois ce n'est peut-être pas la job idéale, cette personne-là, on a beaucoup plus la chance de la voir intégrer le marché du travail et progresser dans le temps, le marché du travail, que si on la tient... la laisse éloignée du marché du travail. Et, si on la laisse éloignée du marché du travail, ça va devenir beaucoup plus difficile de la réintégrer. Ça, on peut vous le dire par des études. En tout cas, dans le domaine de la santé et sécurité au travail, c'est le cas. Je sais que le parallèle n'est pas identique, là, mais il faut juste comprendre, j'essaie de vous apporter, là, un parallèle pour essayer de bien comprendre l'importance d'essayer de garder le lien du travail avec une personne, donc une nouvelle personne qui arrive, un nouveau demandeur, si on est capable de l'aider et de l'accompagner.

Et puis là le projet de loi... Je ne veux pas regarder le verre à moitié vide de la réduction, là, éventuellement si une personne refuse vraiment de participer à toute mesure, mais il faut regarder l'aspect positif aussi. Dans le projet de loi, ce qu'on propose, c'est une bonification aussi du revenu via l'aide sociale si on participe. Et ça, on n'en parle pas assez, là, on parle juste du risque inverse, mais il faut parler du verre à moitié plein, pas seulement du verre à moitié vide, là.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Hamad : Merci. Vous faites une bonne campagne de... on l'appelle «prospérité», puis je pense que c'est un élément, un facteur important de notre économie, la prospérité. Puis l'autre campagne que vous faites, c'est que les Québécois consomment au Québec. Et évidemment le but commun, c'est stimuler l'économie, créer de la prospérité. Le manque de main-d'oeuvre qualifié, quel est l'impact sur la prospérité?

• (15 h 10) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : Bien, comme je l'ai dit tout à l'heure, écoutez, le Québec est d'abord dans un vieillissement démographique, O.K., et ça, ça cause deux problèmes : un, pour les employeurs, une problématique, éventuellement, de main-d'oeuvre, mais c'est aussi un problème de consommation. Parce qu'une des caractéristiques d'une économie elle fonctionne aussi en fonction de la consommation. Alors, si vous avez des gens qui font un revenu décent, bien, c'est des gens qui vont également contribuer à la prospérité, ne serait-ce que par leurs achats de consommation.

Alors, c'est sûr que la question de la main-d'oeuvre... Tantôt, on a parlé de chiffres, de 1 million quelques. Dans le fond, ramenons ça plus proche de nous... Parce qu'il y a des chiffres qui ont été avancés ce matin sur, vraiment, c'est quoi, le besoin? Est-ce qu'il y en a tant que ça de disponibles? Écoutez, juste pour les quatre prochaines années, on parle quand même de 500 000 emplois à combler, c'est à peu près 120 000 par année, ça, un petit peu plus. Donc, il y a un marché. Ce n'est pas 40 000, ce n'est peut-être pas 500 000 dans une année, mais, par année, là, on a 120 000 postes à combler. Et ça, bien, on a les jeunes. C'est pour ça que le projet est important pour les travailleurs futurs. On a les immigrants. C'est pour ça qu'il y a un autre projet de loi qu'on discute, bien, en fait, cette semaine, qui a démarré aujourd'hui aussi, le projet de loi n° 77 sur l'immigration, comment faire une sélection plus adéquate.

Et, en passant, excusez-moi, M. le Président, mais je dois faire une allusion. Le fait d'avoir un portrait des besoins régionaux en matière de travail, ça a un effet multiplicateur, y compris, également, pour la sélection des immigrants et le succès de l'intégration des immigrants, quand on a un portrait. Et ça, c'est intéressant de voir ça dans le projet de loi n° 70. Petite parenthèse.

Mais, grosso modo, donc, on a besoin de travailleurs, on a besoin de travailleurs formés et qualifiés. Et j'ai mentionné tantôt les besoins qu'on avait sur le marché, plus de 120 000 travailleurs par année. Ça ne veut pas dire que tous ces gens-là vont arriver avec les meilleures conditions en termes de formation, de qualification, etc., d'où l'importance d'avoir une foule de mesures qui vient faire en sorte de combler les besoins à l'entrée pour ceux qui arrivent sur le marché du travail, ceux qui sont décrochés du marché du travail, les immigrants qui arrivent, mais également ne pas oublier — je vous le répète, je vais le répéter longuement — les gens qui sont déjà à l'emploi. C'est extrêmement important pour le succès d'une entreprise de continuer à investir dans la formation de son personnel.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Hamad : Est-ce qu'on devrait... Il y a quelques groupes ici... Puis mon collègue le député, il a posé la question : Est-ce qu'on devrait reculer puis enlever la réciprocité, c'est-à-dire que le gouvernement... la société fait un effort puis on demande aux personnes pour s'occuper d'elles-mêmes de faire un effort? Est-ce qu'on devrait enlever ça puis laisser au choix des gens de décider s'ils veulent participer ou non, s'ils veulent rester à l'aide sociale, ou travailler, ou faire un effort?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Première des choses, je suis convaincu que la grande majorité des citoyens veulent travailler. Donc, pour moi, ce n'est pas une généralité que de dire qu'il y a des gens qui ne veulent pas participer.

Deuxièmement, vous avez quand même une distinction dans les clientèles que vous mentionnez : il y a celles qui sont aptes au travail puis celles qui ne sont pas aptes au travail. C'est sûr que c'est une différence aussi. Dans celles qui sont aptes au travail... C'est sûr que, dans la vie, on a des droits et des responsabilités. On a des droits et responsabilités au plan collectif, on a des droits et responsabilités au plan individuel aussi. C'est très clair. Et puis je répète encore une fois l'importance d'essayer de ramener le plus vite possible les gens avec une expérience de travail. Ça va leur permettre aussi non seulement une dignité personnelle, mais également de parfaire leurs habiletés et leurs compétences pour travailler, pour être en milieu de travail.

Cela dit, je vais être honnête avec vous, M. le ministre : Le montant d'aide sociale, là, ce n'est pas grand-chose non plus, là. Alors, il faut penser que... C'est pour ça que j'étais très heureux de voir qu'on bonifiait l'aide sociale pour ceux qui veulent participer. Et là-dessus je peux vous assurer de notre complet appui de ce côté-là. Maintenant, c'est difficile pour un gouvernement de faire des mesures sans avoir une contrepartie. Et ça, je ne le sais pas si c'est la meilleure, on n'est pas spécialistes là-dedans, mais je peux juste vous dire : C'est sûr que ce n'est déjà pas élevé, là, le niveau d'aide sociale.

Par contre, quel est le moyen qu'il reste au gouvernement pour s'assurer qu'il n'y a pas des gens qui tombent dans la trappe à côté? Et ça, je n'ai pas le... Je ne suis pas spécialiste là-dessus, mais je pourrais vous dire que c'est certain qu'il ne reste pas grand-chose comme moyen, pour le gouvernement, pour amener les gens à participer à toutes ces mesures-là lorsque, pour des raisons qui ne sont pas... Mais, en passant, il y a des humains qui gèrent ça au sein des différentes agences du gouvernement pour ça. Et, si, par exemple, les syndicats, pendant les campagnes de négociation collective, sont si bons pour expliquer l'expertise, la qualité des individus qui travaillent dans le secteur public, moi, j'ai tout à fait confiance que les agents qui vont travailler à gérer ces dossiers-là, avec raison et avec raisonnabilité, sont capables de faire aussi une bonne évaluation des besoins des gens en question. Moi, je fais confiance aux gens de la fonction publique tout comme les syndicats font confiance à leurs membres. Je fais confiance aussi aux agents qui font le traitement de ces dossiers-là.

Le Président (M. Cousineau) : M. le ministre.

M. Hamad : C'est bien. Pour moi, c'est clair. Merci.

Le Président (M. Cousineau) : C'est bien. Est-ce qu'il y a d'autres... Il reste deux minutes, est-ce qu'il y a une... Non, ça va?

M. Hamad : C'est une position de... Ce que vous mentionnez aujourd'hui, ce n'est pas une nouvelle position, c'est une position maintenue par le Conseil du patronat depuis des années?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Laquelle position?

M. Hamad : Pour la main-d'oeuvre puis, là, votre accord pour qu'on amène les gens à aller sur le marché de travail, et tout ça, là.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Ah! écoutez, à ma connaissance... Norma, qui est notre vice-présidente à la recherche, est-ce que vous pouvez dire quelque chose par rapport à ça?

Mme Kozhaya (Norma) : Merci. Effectivement, je crois que c'est une position traditionnelle du Conseil du patronat, autant l'importance de la formation continue, d'une meilleure adéquation que les incitations au travail et l'importance d'une intégration au travail le plus rapidement possible.

Le Président (M. Cousineau) : Merci, madame. Ça va? Alors, nous allons passer à l'opposition officielle avec le député de Lac-Saint-Jean pour les prochaines minutes.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Merci à vous d'être présents aujourd'hui avec nous. J'aimerais poursuivre un peu sur ce qui a été discuté avec le ministre sur la question de... On parle beaucoup des jeunes, là, mais on pourrait parler aussi des immigrants, hein? Le ministre disait que 42 % des nouveaux arrivants sont des nouveaux demandeurs de l'aide sociale. Donc, on parle souvent des jeunes aujourd'hui, là, mais on pourrait aussi parler de d'autres... bien, pas de d'autres, parce qu'ils peuvent aussi être un jeune immigrant, là, mais il y a d'autres citoyens, avec des programmes plus spécifiques, qu'on pourrait aider. Mais, dans ce cas-ci, on parle des jeunes, mais ça peut être n'importe qui.

On a entendu tantôt un groupe... le Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre a mentionné qu'eux, ils proposent que le gouvernement augmente le soutien aux entreprises pour l'accueil, l'intégration et la rétention de nouveaux employés par le biais d'un accompagnement fourni par un professionnel de l'emploi. Ma question... On a parlé tantôt de jeunes qui arrivent avec un sac vert, soit à l'Auberge du coeur ou dans d'autres organismes, qui sont poqués : problèmes familiaux, peu importe, on peut tous les nommer, là, toxicomanie, alcoolisme, problème de jeu, peu importe. On s'entend, là, ce jeune-là, là, n'est peut-être pas prêt à aller travailler immédiatement dans une entreprise que vous représentez. Ça n'empêche pas que ce jeune-là ou ce citoyen-là peut vouloir travailler dans une de vos entreprises. Donc, soit qu'il embarque dans un programme d'employabilité puis qu'il va être aidé par un organisme pour se rapprocher du marché du travail puis de rentrer...

Ça se peut aussi qu'il suive ça pendant quelques mois, qu'il se trouve un emploi dans une entreprise que vous représentez. Mais ça se peut que cette personne-là vive encore des difficultés ou arrive... à un moment donné, rencontre une de ses anciennes connaissances, recontacte avec la famille, est en contact avec une bouteille d'alcool, peu importe, puis retombe dans une certaine situation. Qu'est-ce qu'on fait pour ces jeunes-là? Parce qu'on s'entend, là, souvent, là, au Québec, c'est malheureusement trop des petites, petites entreprises, là — on aimerait ça que ce soient des plus grandes — mais une petite entreprise ou une PME n'a pas toutes les ressources en termes d'accompagnement ou de... Puis on le sait, là, puis vous l'avez mentionné, puis c'est correct aussi, là, on peut être pour ou contre, mais je crois qu'effectivement une entreprise vise — puis c'est normal aussi — une meilleure productivité puis de faire en sorte qu'il y ait une rentabilité d'entreprise, là. L'objectif, c'est... Vous n'êtes pas non plus une auberge du coeur. Donc, qu'est-ce qu'on fait pour ce jeune-là, là?

Est-ce que vous trouvez que ça pourrait être une bonne idée qu'il y ait un suivi d'une ressource externe de l'entreprise? Parce que ça se peut qu'il y ait des entreprises qui n'aient pas ces ressources-là pour accompagner ces jeunes-là ou ces nouveaux demandeurs là, disons ça.

Le Président (M. Cousineau) : M. Dorval.

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, c'est une bonne question. Écoutez, il y a une question de principe que le CPQ essaie d'avoir le plus souvent possible, c'est : s'aider avant de demander au ciel de s'aider. On est très forts au Québec pour demander toujours l'aide gouvernementale. C'est sûr que les entreprises doivent aussi se prendre en main, et les gens qu'on représente, et les associations, souvent, les chambres de commerce ou autres, les associations sectorielles sont là aussi pour aider les entreprises.

Écoutez, moi, d'abord, un mot sur... Vous avez rencontré un regroupement. Les organismes communautaires qui aident à l'employabilité des gens, ils font un travail admirable. Il y a des gens, au niveau d'Emploi-Québec, au niveau du gouvernement, au niveau des services publics, qui viennent en aide aussi — on les oublie trop souvent — par exemple l'aide au niveau de la planification des ressources humaines, etc., au sein des petites entreprises, et ainsi de suite. Il y a les organismes communautaires. Il y a deux types ou trois types d'accompagnement. Il y en a, c'est d'aider une personne à l'emploi. Et, dans le cas que vous me présentez là, il y a aussi des programmes qui visent à aider... Puis on parlait au niveau de l'immigration, PRIIME a un volet aussi, là, pour l'accompagnement d'une entreprise, pour faire en sorte de favoriser l'intégration, et ainsi de suite.

Donc, moi, je veux juste vous dire : Le gouvernement, là, il a un coffre à outils extraordinaire, puis, quand je dis ça, le gouvernement actuel, passé. Au Québec, là, il ne manque pas d'outils. Il manque deux, trois petites choses. Un, les gens ne les connaissent pas, les outils. La promotion des outils, ça manque. Écoutez, si je vous disais qu'une entreprise que je connais très bien, qui est dans le domaine, notamment, du capital humain, avait des gens nouveaux arrivants, immigrants embauchés, puis ne savaient même pas que PRIIME existait ou, en tout cas, n'avait même pas considéré que PRIIME pouvait les aider. On l'a vu grâce à la crise... je dirais «grâce», mais, en tout cas, à cause de la question des réfugiés, là, tout à coup, on entend parler de PRIIME. Mais ça existe depuis longtemps, puis il y a des sommes d'argent là-dedans. Puis ce n'est même pas les contribuables qui ont payé là-dessus, c'est des immigrants investisseurs qui ont mis l'argent là-dedans. Alors, c'est pour vous dire à quel point on a un problème d'abord de promotion.

Deuxièmement, c'est sûr qu'on a besoin d'aide également. Écoutez, je vais dire juste un petit mot : J'ai à côté de moi Chantal Hains, qui est notre directrice, qui, elle, a fait ça dans toute sa carrière accompagner des PME dans leurs questions de formation de ressources humaines.

• (15 h 20) •

Mme Hains (Chantal) : Alors, je vous dirais...

Le Président (M. Cousineau) : ...

Mme Hains (Chantal) : Merci. Je peux continuer?

Le Président (M. Cousineau) : Oui, bien sûr.

Mme Hains (Chantal) : Alors, M. le Président, M. le député, donc, je vous dirais, oui, le soutien aux entreprises. Quand on parle de petites entreprises, si elles n'ont pas les ressources à l'intérieur, il y a toujours des organismes... Il y a des associations, il y a des ordres professionnels, il y a des gens autour de nous, quand on est dans une entreprise, qui sont là pour nous aider. Il y a des services d'aide aux employés, services d'aide aux employeurs. Alors, comme M. Dorval... je vais aller en complémentarité avec ce qu'il dit. Il y a beaucoup de ressources pour les entreprises, et on doit davantage en faire la promotion et davantage le faire connaître autant aux travailleurs, autant aux employeurs. Alors, je vous dirais que la lacune est à ce niveau-là et...

Parce qu'au niveau des services il y a d'excellents organismes, il y a d'excellentes ressources, il faut juste davantage identifier ces ressources et d'être, je vous dirais, aussi à l'écoute, parce que l'adéquation entre les besoins qui existent et ce qu'on offre... Autant au niveau scolaire, autant au niveau professionnel dans les entreprises, il doit y avoir une adéquation entre ça, et parfois on n'est pas toujours à l'écoute parce que... soit par manque de ressources ou par manque de disponibilité. Et pourtant il y a une très grande variété. Est-ce que ça répond à votre question?

Le Président (M. Cousineau) : M. le député.

M. Turcotte : Pour avoir parlé avec plusieurs organisations ou avec certaines écoles aussi soit des programmes comme le CFER ou d'autres organismes qui aident des jeunes à se trouver des stages ou à faire de l'immersion ou des présences en entreprise, tout ça, ce n'est pas toujours évident de trouver des entreprises qui sont intéressées ou acceptent de prendre de ces jeunes-là puis de les accompagner, parce qu'il faut qu'ils aient un suivi, puis tout ça. Et je me dis... je comprends ce que vous me dites, mais je ne sais pas jusqu'à quel point que... Puis, dans un monde idéal, oui, on devrait arrêter de demander au gouvernement puis qu'on devrait se... Mais en même temps je comprends aussi qu'une entreprise est là pour mener sa business, pas faire nécessairement de l'aide humanitaire.

Donc, vous croyez, en ce moment, là, que tout ce qui est disponible sur la table de l'offre gouvernementale, c'est suffisant pour aider nos entrepreneurs pour accueillir ces jeunes-là?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Si vous me permettez, M. le Président, la première des questions, il y a une table qui existe au Québec, qui s'appelle la Commission des partenaires du marché du travail. Et, à cette table-là, vous avez des gens qui ont bien une bonne connaissance du milieu des employeurs, une bonne connaissance du milieu d'offres, d'aide, d'employabilité, d'accompagnement, des organismes communautaires. Vous avez des gens du réseau de l'éducation, vous avez des gens du service public. Alors, vous avez une table, là, où il y a ces discussions-là, il peut y avoir ces discussions-là. Et c'est vrai qu'on peut toujours améliorer les choses. Alors, la réponse à la question...

Mais, si je vous disais, par exemple, qu'au ministère de l'Immigration il y a un coffre à outils extraordinaire pour gérer la diversité? Parce que vous avez parlé tantôt de nouvelles personnes, nouveaux arrivants, par exemple, qui arrivent de l'immigration. Si je vous disais que Montréal International a un coffre à outils pour gérer aussi les questions d'intégration de la diversité? La majorité des gens ne le savent pas. Puis là il n'y a pas juste Montréal International, le ministère de l'Immigration, il en a un, coffre à outils.

Alors, un des problèmes qu'on a, c'est que c'est... On a beaucoup d'outils, et les organismes communautaires font un travail admirable aussi, mais, à la fin, on peut toujours améliorer les choses. Alors, si une personne vit des problèmes... Puis je le vois dans certains programmes, par exemple, d'aide pour l'employabilité des personnes handicapées, surtout. On pense aux problématiques de santé mentale, par exemple, hein? Une personne qui a un certain degré d'autisme puis qui trouve un emploi, bien, c'est intéressant de voir que, dans certains cas, les organismes ont une subvention non seulement pour aider à l'employabilité, mais également pour le suivi, pour aider l'employeur à accueillir et à gérer certaines situations...

Le Président (M. Auger) : Merci...

M. Dorval (Yves-Thomas) : Donc, il y a des choses qui existent, peut-être pas avec toute la dimension qu'on voudrait avoir, mais il y a quand même déjà des bonnes pistes...

Le Président (M. Auger) : Rapidement.

M. Dorval (Yves-Thomas) : ...puis je suis convaincu qu'à la table de la CPMT on peut arriver aussi avec des belles suggestions.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup, M. Dorval, c'est tout le temps que nous avions pour l'opposition officielle. Je céderais maintenant la parole au député de Drummond.

M. Schneeberger : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Ce matin, les Manufacturiers et exportateurs du Québec soulevaient... bien, en tout cas, je pourrais appeler ça, peut-être, une problématique, ce qu'on appelle, au niveau de la formation, la loi du 1 %, où est-ce qu'ils mentionnaient que, souvent, la formation était souvent au niveau administratif ou supérieur et non au niveau de la formation de la main-d'oeuvre ou au niveau de la production, et autres. Vous, est-ce que vous soulevez le même constat? Et est-ce qu'il y aurait des améliorations à apporter là-dessus pour préparer la relève?

Le Président (M. Auger) : M. Dorval.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, M. le Président. C'est un défi national. On parle de formation de gens qui sont déjà en emploi, là, des personnes, c'est de ça dont je vous parlais. Et, quand on regarde dans l'enveloppe budgétaire, c'est une réalité, qu'une partie de la formation qui est faite, c'est pour de la gestion. Mais, soit dit en passant, il ne faut pas négliger ça non plus, parce que l'effet d'une bonne décision en gestion ou une mauvaise décision a un effet multiplicateur sur l'ensemble d'une entreprise. Donc, ça a aussi un impact énorme pour une entreprise.

La formation au niveau des gens, il y a toutes sortes de choses. Écoutez, nous... Je vous donne juste un exemple très simple. Au CPQ, là, on fait des programmes en collaboration avec la CPMT ou Emploi-Québec pour faire la promotion de différents outils. Tantôt, je parlais qu'il y a un coffre à outils, hein? Par exemple, le CQIF, qu'on appelle, le certificat de qualité en initiatives en formation est un exemple, parce que ça oblige les employeurs à développer des programmes de formation et de poser la question aux employés : Quels sont les besoins? Donc, il y a un travail à faire avec les employés pour identifier les besoins.

Actuellement, nous, on fait la promotion des PAMT, les programmes d'apprentissage en milieu de travail, un peu la question de l'accompagnement avec un compagnon, et ainsi de suite. Et on le fait donc, genre de chose que nous, au CPQ, on fait, avec l'aide d'un CPMT, avec l'aide d'autres organismes. Mme Hains, encore une fois, elle pilote plusieurs de ces programmes-là. Je peux peut-être la laisser vous en parler un peu.

Mme Hains (Chantal) : Je vous dirais qu'au niveau de la gestion de la loi c'est une excellente loi. Et, que ça soit pour favoriser le développement des compétences dans les entreprises, il y a l'aspect lourdeur — je crois qu'on a éliminé la lourdeur qui existait — et l'importance de la culture de la formation à développer au Québec, il y a encore beaucoup de travail à faire. Et, dans les entreprises, on croit qu'il est très important de faire le développement des compétences et des apprentissages des gens. Donc, la loi, je crois qu'elle est là pour... Malgré qu'on est encore une des provinces qui ont beaucoup de travail à faire, c'est la culture de la formation. Et la culture de cette formation-là viendra autant en incitatif de la part des entreprises entre elles qu'aussi de la part de l'administration publique.

Et je crois que les associations... Comme M. Dorval le disait tout à l'heure, l'association d'employeurs, les regroupements d'entreprises, la Commission des partenaires du marché du travail, nous sommes tous d'excellents acteurs. Et, quand on dit de briser les silos, je crois que l'essentiel de tout ça, dans cette loi-là, c'est d'être capable d'être en coordination avec ce qui se passe dans les établissements d'enseignement reconnus, l'excellent travail qui se fait, l'excellent travail qui se fait aussi dans les organisations parce que la... Il faut aussi identifier l'importance, pour un employé, qu'il soit motivé, engagé, mobilisé dans son emploi. C'est autant de croire en lui, et de le former, et de développer des compétences pour assurer la relève, pour assurer la compétitivité et assurer la prospérité au Québec.

Donc, je vous dirais, l'aspect lourdeur, il y en a toujours, comme dans toutes lois, mais il s'agit de le démystifier. Et, quand on la gère de façon efficace... Pour avoir travaillé avec plusieurs entreprises, je vous dirais, quand je fais réaliser aux entreprises l'importance de la formation et ce qu'ils font et ce qu'elles font sans vraiment reconnaître ce qu'est la formation, elles réalisent qu'elles ont fait un investissement incroyable. Et, comme M. Dorval le mentionnait tout à l'heure, la communication, la promotion, autant entre les employeurs, les employés, les gens de l'État, c'est excessivement important. Alors, l'atout à développer, c'est la communication et la culture de la formation au Québec.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Drummond—Bois-Francs, deux minutes à votre disposition.

M. Schneeberger : O.K., parfait. Est-ce que c'est... Bon, je vous écoute. Là, vous semblez dire... Pour connaître quand même assez bien le système de formation comme en Allemagne, Autriche, Suisse, qui est assez similaire, est-ce que, justement, on devrait s'en aller pas mal là-dessus au niveau de la formation? Je parle surtout au niveau de la formation plus professionnelle, je parle, là, étant donné... Moi, je sais que... Comme, je pense, en Allemagne ou Suisse, où c'est que 70 % des jeunes suivent une formation de ce style-là, il y en a plusieurs qui continuent par la suite, bien, ça fait en sorte que des jeunes qui... sans emploi est moindre, là.

Le Président (M. Auger) : M. Dorval.

• (15 h 30) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, écoutez, deux choses. La première, on a un problème de valorisation des métiers techniques au Québec, O.K.? On a tellement valorisé la formation universitaire qu'on a oublié les métiers techniques. Ça, c'est un enjeu que tout le monde reconnaît. Que ce soient les groupes communautaires, que ce soient les syndicats, que ce soient les employeurs, on a un grand enjeu à valoriser davantage la formation professionnelle et technique. C'est un grand défi. Donc, ça, c'est le premier point, c'est clair, puis ça, ça devrait être quelque chose qu'on fait tout le monde ensemble, toutes les parties prenantes au Québec : faire davantage pour la valorisation des métiers techniques. Donc, ça, c'est la première des choses.

Vous avez mentionné quelques endroits, la Suisse, l'Autriche, l'Allemagne. Le ministre est allé faire une petite visite aussi, là, du système dual, et il peut vous en parler probablement. La question qu'on a ici, c'est que, si on développe cette culture de formation que Mme Hains parlait tout à l'heure, si on développe cette valorisation, bien, on va sûrement, à ce moment-là, trouver les meilleures façons de le faire. On ne peut pas importer directement des modèles comme celui de l'Allemagne pour la simple raison qu'on a un système qui est plus centralisé au Québec, qui est plus d'inspiration, probablement, française, où est-ce qu'on a confié à l'État énormément de responsabilités dans le système d'éducation et de formation, hein? C'est les secondaires, c'est les cégeps qui sont responsables de ça. On n'a pas besoin d'aller très loin, là. Si vous allez en Outaouais, là, où les cégeps, qu'on appelle les «community colleges» en Ontario, là... c'est les conseils d'administration de ces collèges-là qui décident quels vont être les programmes techniques, etc., qui vont coller avec les besoins à la fois de la population et des individus puis à la fois pour les besoins du marché du travail.

Donc, on peut s'inspirer de différentes choses, ce qu'on doit surtout réaliser, c'est que la valorisation qui est faite dans ces sociétés manufacturières, particulièrement en Allemagne, en Autriche, en Suisse, c'est qu'on leur fait... mise au coeur, et on n'a pas bloqué les jeunes dans un processus où, lorsque tu fais un choix, tu es limité, là, pour le reste de ta vie. En fait, c'est un passeport, finalement, entre un système à un autre. Alors, ce que je pourrais juste vous dire, c'est qu'on a un effort à faire au niveau du système d'éducation et on a un effort à faire tout le monde ensemble.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Donc, je tiens à remercier les représentants du Conseil du patronat du Québec. Je vais suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 31)

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Auger) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je vous demande de bien vouloir, dans un premier temps, vous présenter. Ensuite, vous allez commencer votre présentation de 10 minutes, et par la suite nous procéderons à une période d'échange avec les groupes parlementaires. La parole est à vous.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Mme Hébert (Martine) : Merci, M. le Président. Alors, je suis Martine Hébert, vice-présidente principale et porte-parole nationale de la FCEI. Je suis accompagnée par M. François Vincent, qui est directeur des affaires provinciales pour le Québec.

Alors, M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission, on tient d'abord à vous remercier vivement, là, de nous donner l'opportunité de discuter avec vous du projet de loi n° 70. Comme vous le savez, la FCEI, on regroupe 109 000 PME au Canada, 24 000 au Québec. Nos membres sont présents dans tous les secteurs économiques et dans toutes les régions du Québec et du Canada.

Alors, vous vous en doutez bien, M. le Président, les enjeux liés à la main-d'oeuvre sont très présents dans les PME. En effet, je pense que plusieurs sont venus vous le dire ou viendront vous le dire, l'évolution démographique et économique fait en sorte que plusieurs entreprises se retrouvent avec des difficultés à trouver la main-d'oeuvre dont elles ont besoin. Selon nos dernières estimations, en fait, il y a actuellement 66 200 postes à pourvoir dans les PME du Québec. M. le Président, non seulement les PME ont un besoin criant de travailleurs, mais on peut affirmer qu'il n'y a pas une, mais plutôt des pénuries de main-d'oeuvre, parce que les difficultés de recrutement des PME se retrouvent dans certains secteurs d'activité, en fait dans plusieurs secteurs d'activité et dans plusieurs régions.

D'ailleurs, ça nous permet de vous dévoiler aujourd'hui certaines données sur les perspectives d'embauche au cours de la prochaine année dans les PME québécoises. Il y a près de trois PME sur quatre au Québec qui prévoient embaucher en 2016. Plus du tiers vont rechercher du personnel de production ou de corps de métier. Environ le quart, à peu près 23 %, là, des PME vont plutôt avoir besoin de professionnels de la vente ou du personnel administratif ou technique, et seulement 8 % vont rechercher des cadres ou des gestionnaires. Il apparaît donc clairement aussi, M. le Président, donc, que les besoins de main-d'oeuvre ne sont pas uniquement pour des emplois qualifiés, comme M. Dorval vous l'a exprimé précédemment, et donc, en ce sens-là, on a besoin aussi d'emplois de niveau d'entrée ou de main-d'oeuvre aussi pour des emplois moins qualifiés. Et, en ce sens-là, on pense que les mesures qui favorisent l'insertion en emploi et la mobilité de la main-d'oeuvre sont importantes. D'ailleurs, il y a déjà de beaux exemples qui existent au Québec, et ça marche dans plusieurs cas, des programmes ou des initiatives qui ont été prises par le gouvernement, et ça fonctionne bien.

Je sais que plusieurs intervenants aussi viendront sans doute faire l'apologie de la formation, puis c'est bien de viser haut à cet égard dans une société. Je pense qu'il faut le faire. Cependant, il faut aussi dire que ça se peut que l'université, ce ne soit pas pour tout le monde, que ça ne tente pas nécessairement à tout le monde et que les métiers techniques ou professionnels, c'est aussi bien. Et je crois qu'il est temps aussi qu'on les valorise davantage au Québec. Parce que je pense qu'on a beaucoup, beaucoup valorisé l'université, ce qui est bien, mais je pense qu'on a peut-être un petit peu laissé de côté d'autres domaines d'activité comme les métiers professionnels et techniques, et ce n'est pas nécessairement à l'avantage à la fois des employeurs comme des travailleurs qui occupent ces postes-là qui, soit dit en passant, sont aussi nobles, parce que je pense que l'être humain qui travaille, qui occupe un emploi, il est aussi noble qu'il soit bardé de diplômes universitaires ou pas.

Alors, cela étant dit, ça nous amène à certaines dispositions du projet de loi, notamment celles relatives à la Commission des partenaires du marché du travail. Je pense que, pour les raisons qu'on vient d'évoquer, on le voit, il y a des pénuries de main-d'oeuvre. Les PME peinent à recruter ou à trouver la main-d'oeuvre dont elles ont besoin. Donc, on est très contents notamment que la CPMT va se retrouver avec de nouveaux pouvoirs, notamment celui d'établir les besoins du marché du travail et de recommander des actions aux ministères concernés par ces besoins, comme le ministère de l'Éducation, de l'Immigration, etc. Je pense que c'est un forum unique qu'on a, au Québec, la Commission des partenaires du marché du travail. Ça réunit les patrons, les syndicats, les groupes communautaires, les institutions d'enseignement. Et c'est important de faire jouer à cette institution-là le rôle stratégique qu'elle devrait jouer dans tout ce qui touche la planification de la main-d'oeuvre, et on est contents de voir, là, que le projet de loi n° 70 vient recentrer la CPMT dans ce rôle stratégique là qu'elle doit occuper.

On a mis dans le mémoire... En fait, il y a peut-être des petites choses, là, qu'on a besoin de se faire préciser, M. le Président. On se questionnait sur certains autres pouvoirs qui semblaient avoir été retirés, comme par exemple l'abrogation, là, du paragraphe 4° de l'article 17 qui donnait le pouvoir à la CPMT de déterminer des critères de répartition des ressources afférentes aux mesures, programmes et fonds de main-d'oeuvre, d'emploi. Je ne suis pas sûre de bien saisir, là, qu'est-ce que ça veut dire exactement. Est-ce que ça veut dire que la CPMT ne pourra plus administrer le fonds de formation de la main-d'oeuvre? Enfin, j'aimerais ça avoir des petites précisions là-dessus parce que, quand on a un ministre de l'Emploi qui comprend bien les besoins des employeurs, ça va bien, mais ça peut aller mal quand ce n'est pas le cas. Donc, j'aimerais peut-être ça me faire préciser, là, au juste qu'est-ce que ça veut dire pour les pouvoirs de la CPMT, cet article-là.

• (15 h 40) •

M. le Président, quelques mots sur le programme Objectif emploi. On l'a vu, c'est clair, je pense que le Québec a besoin de tous ses travailleurs puis, en ce sens-là, je vous dirais qu'on voit d'un bon oeil le fait que, si une personne se retrouve à l'aide sociale, on va lui donner du soutien, de l'accompagnement pour essayer de la réintégrer en emploi. Évidemment, je ne suis pas spécialiste en intégration en emploi ni en problématiques multiples, mais je pense que c'est correct de se dire... puis qu'on a mieux à faire comme société... à un jeune qui se pointe à l'aide sociale, au lieu de lui dire : Bien, voici ton chèque puis va-t'en, je pense que c'est correct qu'on lui dise : Bien, voici ton chèque, mais on va aussi t'accompagner, on va te donner des outils, on va t'accompagner pour que tu tentes de retrouver ou réintégrer un emploi. Il me semble qu'en tout cas, pour nous, c'est une mesure, là, qui nous apparaît plus intéressante que de juste dire : Bien, voici ton chèque, puis bye-bye, on te laisse aller, on te laisse à toi-même. Je pense qu'on se doit d'aider et d'accompagner les gens pour moult raisons. D'autant plus, M. le Président, qu'on a la chance de compter sur plusieurs organismes spécialisés en employabilité dans toutes les régions du Québec, et on estime qu'il s'agit là d'une belle façon de les mettre à contribution, parce qu'ils sont parfaitement en mesure de fournir aux participants qui en ont besoin le soutien et l'accompagnement nécessaires à leur réinsertion en emploi.

Enfin, on prend également acte que le projet de loi inclut la notion d'emploi convenable et qu'il comporte aussi des dispositions qui permettent de tenir compte des situations particulières des participants. C'est en effet fondamental pour assurer la motivation et l'engagement des candidats qui intégreront un emploi. Donc, on comprend, M. le Président, que l'idée, ce n'est pas de forcer personne mais plutôt d'agir le plus rapidement possible pour aider et outiller les personnes qui se retrouvent à l'aide sociale et qui ne sont pas toujours nécessairement non plus au courant à la fois des ressources qui sont disponibles en matière d'employabilité et des besoins du marché du travail.

En conclusion, M. le Président, je vous dirais qu'il ne fait aucun doute que les PME ont un besoin criant de main-d'oeuvre. Avec le vieillissement de la population, notre démographie, on le sait, tout le monde le dit, les pénuries ne vont aller qu'en s'accentuant. Et c'est pour ça qu'il faut agir promptement, je pense, pour assurer que nos entreprises et leurs travailleurs puissent continuer de prospérer. Pour nous, à la FCEI, le projet de loi n° 70 jette des bases intéressantes pour relever ce défi avec succès, étant un des jalons, en fait, de l'ensemble des actions qu'on doit mettre en place pour assurer un Québec plus prospère pour tous. Je vous remercie.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons commencer la période d'échange, M. le ministre, pour 14 minutes.

M. Hamad : Merci beaucoup, Mme Hébert. Bienvenue, M. Vincent. Et c'est toujours clair avec vous, c'est concis, puis il n'y a pas beaucoup de paperasse autour, hein?

Mme Hébert (Martine) : On n'aime pas ça, la paperasse.

M. Hamad : Non, je vois ça. Je le sais et donc j'ai... D'abord, je vais répondre à votre question, parce que c'est une très bonne question. En fait, vous parlez des plans d'action Emploi-Québec, puis, ce qu'on veut, on voulait simplifier, parce que, là, on faisait deux plans de chaque côté. Là, on va demander de faire un plan puis on va simplifier. Mais tous les plans régionaux demeurent, l'idée demeure. Au lieu de faire des plans plus compliqués, on simplifie, tout simplement. Donc, on n'enlève pas, on simplifie puis on consolide.

L'emploi convenable, merci de poser la question... Je répète encore une fois, l'objectif, ce n'est pas de faire déménager le monde. Et on va le clarifier de toutes les façons, l'objectif, c'est : aider les personnes. Et, vous savez, les syndicats sont venus souvent pour dire : On a les personnes les plus compétentes. Puis moi, j'en connais plusieurs, agents d'Emploi-Québec. En passant, pour la mémoire de mes collègues, avant 2004, les agents faisaient ça. On n'a pas eu de révolte, on n'a pas eu des cas de cour puis on n'a pas eu beaucoup des problèmes à ce niveau-là. L'objectif, ce n'est pas nécessairement, je dis... L'objectif n'est pas clairement de dire à quelqu'un : Tu t'en vas travailler... Tu es à Québec, tu es à Rimouski, tu t'en vas travailler à Montréal; si tu n'y vas pas, on va... Absolument pas. Absolument pas, et il va y avoir des directives claires aux agents de tenir compte de tous les facteurs de la personne pour lorsqu'ils trouvent un potentiel emploi.

Emploi convenable, c'est convenable en termes de salaire, de responsabilités, d'impact aussi sur sa vie, de la personne. Et ça, avant, ce que j'ai compris, puis j'ai fouillé au ministère, ils en faisaient de ces choses-là avant. C'était une compassion avec les gens, en fait. Donc, je veux qu'on soit clairs là-dessus et que cette question-là... Moi, je suis prêt pendant les études article par article qu'on la règle très clairement. Ce n'est pas un enjeu, ça n'a jamais été un enjeu, et je ne voulais pas que ce soit un enjeu, parce que ce n'est pas ça, le but. Le but, ce n'est pas, en bon québécois, là, pousser le monde à d'autre chose qu'ils veulent. Donc, on veut vraiment travailler avec les gens. Puis «emploi convenable», il y a des définitions ou il y a une commission du... etc., mais ce qu'on veut, là, c'est vraiment... L'objectif, ce n'est pas pousser le monde, au contraire, on veut les rendre heureux, on veut donner leur dignité, on veut les aider à se valoriser. On ne veut pas écraser nos confrères québécois et québécoises. Donc, ça, c'est important.

Là, vous représentez 109 000 PME au Québec... au Canada, 20 quelques mille au Québec. C'est énorme. On faisait une présentation... J'ai fait une présentation la semaine dernière au cégep pour parler de l'adéquation formation-emploi, et une des directrices — d'ailleurs, je pense, c'est le cégep dans Drummondville, qui est dynamique — elle dit : Notre défi, c'est s'approcher des PME pour la formation, dans les stages puis... Puis, en passant, elle a raison parce que les PME... vous le savez, vous êtes la meilleure défenseure des PME, c'est que les PME, évidemment, sont petites, structures d'organisation plus petites, les ressources humaines sont partagées par responsabilités du président ou chef de la direction, donc ils ont moins de temps à consacrer à organiser des stages, à communiquer avec puis présenter leurs besoins. Et on a un défi. Comment vous voyez ce défi-là? Puis comment on peut... Évidemment, vous êtes membre de la CPMT, et on va vous voir partout, mais comment on va travailler ensemble pour faciliter l'approche de formation avec les PME?

Le Président (M. Auger) : Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine) : Je vous dirais, M. le ministre, que c'est important de se ramener, quand on parle de formation puis de formation dans nos entreprises au Québec, de se ramener à c'est quoi, la composition de nos entreprises au Québec. Trois quarts des entreprises au Québec ont moins de 10 employés, la moitié en ont moins de cinq. Alors, c'est évident que, dans une petite entreprise, si vous avez 10 employés, c'est difficile de vous dire : Je vais envoyer quelqu'un sur les bancs d'école pendant trois semaines se faire former. Vous venez de perdre 10 % de votre main-d'oeuvre. Donc, ce n'est pas nécessairement... Il y a des choses qu'on fait actuellement ou il y a des modèles de formation qui ne sont pas tous adaptés à la réalité des petites entreprises. Par ailleurs, aussi, ça ne veut pas dire que les PME ne font pas de formation. Ce qu'elles font davantage, c'est de la formation informelle, parce que, comme je viens de vous expliquer, les modèles ne sont pas nécessairement toujours adaptés.

Maintenant, je pense qu'à la CPMT ce sont des discussions que nous avons, comment est-ce qu'on fait pour essayer d'instaurer davantage de culture de formation dans les entreprises et tout ça, et je pense qu'on réussit quand même relativement correctement au Québec à faire ça. Je vous dirais que ce n'est certainement pas, en tout cas, par une taxe sur la masse salariale, comme celle du 1 % que nous avions, qu'on va inciter les entreprises à faire de la formation. Et j'en veux pour preuve que, depuis qu'on a instauré cette taxe-là au Québec, les données le prouvent, il s'est fait moins de formation au Québec qu'ailleurs au Canada. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on avait haussé le seuil de masse salariale à l'époque, rappelez-vous, de 250 000 $ à 1 000 000 $ et qu'on l'a fait à 2 000 000 $. Pourquoi? Parce que la petite entreprise, là, elle, là, au lieu de remplir de la paperasse, elle préférait envoyer un chèque à Emploi-Québec parce que ça lui coûtait encore plus cher de remplir toute la paperasse dont Emploi-Québec avait besoin. Et ce qui a fait, en bout de ligne, qu'on se retrouvait avec... c'est pour ça qu'on avait haussé les seuils. Et d'ailleurs je salue le fait, M. le ministre, que ce seuil-là a été haussé, dans le dernier budget, encore à 2 000 000 $ de masse salariale, parce que ce n'est pas approprié, ce n'est pas comme ça.

Et, quand on parle de formation, ce que je vous dis, c'est qu'il faudrait être en mesure de mieux reconnaître la formation informelle qui se donne dans les PME et, chez celles qui ont une structure suffisante pour pouvoir donner de la formation formelle à leurs employés, avoir des modèles de formation qui sont mieux adaptés à la structure des moyennes ou des petites entreprises, à savoir de la formation, par exemple, dans le milieu de travail ou des choses comme ça, qui permettent ou qui facilitent, en tout cas, de beaucoup la tâche des employeurs.

Le Président (M. Auger) : M. le ministre.

• (15 h 50) •

M. Hamad : La structure industrielle en Allemagne... Évidemment, il y a beaucoup plus de grandes entreprises, et elles emploient des... pas des vingtaines, des fois des centaines de mille d'employés. Donc, une grande, grande entreprise, c'est plus facile de mettre en place une structure de formation puis amener des stages, ce qui n'est pas le cas au Québec.

Vous avez mentionné, là : La majorité de nos entreprises, c'est des petites. Et on a constaté ça, évidemment, puis, dans le modèle qu'on a travaillé pour la formation adéquation, on a dit : Souvent, les PME sont... les petites aussi, sont une chaîne de sous-traitance aussi avec des grandes. On prend juste, exemple, l'aéronautique, là. L'aéronautique, dans la région de Montréal, exemple, ou d'autres, c'est vraiment la sous-traitance qui suit les grands joueurs. Et on a dit : Bon, bien là, pourquoi qu'on ne prend pas par secteurs d'activité, puis on fait la formation, puis on va encourager les grands à aider leurs PME? Pourquoi? Parce que, quand il y a une bonne qualité de leur sous-traitance, ça aide aussi leurs produits. Alors, on est tous liés ensemble dans la même chaîne de production, donc on devrait partager.

Et on a vu, d'ailleurs, en Allemagne, des entreprises, des grandes, ouvrent leurs... ils font des salles de formation, ils invitent leurs sous-traitants à venir aussi. Les employés et leurs sous-traitants viennent suivre des cours aussi. Et on veut quand même ce modèle. Nous, on est structurés un petit peu comme ça par, mettons, les... On a l'aéronautique, on a les technologies de l'information, quand même, les secteurs d'activité sont établis au Québec, puis on a des tables de concertation. Ces gens-là sont organisés. Puis on pense que c'est un bon moyen de partir avec ça et faire de la formation, mais il faut connecter avec le milieu de l'éducation. C'est là que j'ai besoin de vous, pour que vos PME travaillent aussi pour identifier les besoins, se mettent ensemble puis qu'on... En fait, le gagnant, à la fin, c'est qui, là? C'est l'employé qui va avoir la formation, mais ces entreprises aussi.

Donc, il faut trouver la formule avec la CPMT, la commission, comment on peut faire ce processus-là pour... Parce qu'encore là on n'est pas parfaits, là. Le milieu de l'éducation, c'est un peu plus difficile d'être proches des entreprises. On n'est pas proches des entreprises puis on n'est pas en connexion avec pour avoir la formation, puis les besoins directs, puis même la connaissance. Donc, il faut cette dynamique-là. La CPMT est vraiment bien placée. Alors, qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

Le Président (M. Auger) : Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine) : Bien, vous avez tout à fait raison, M. le ministre. C'est pour ça qu'on vous dit que c'est très important, le rôle stratégique qu'on vient confier à la CPMT, justement, et son rôle, son pouvoir de recommandation, là, aux différents ministères qui sont impliqués dans la question de la main-d'oeuvre.

Je vais vous donner... On serait allés demain, en principe, sur le projet de loi n° 77 sur l'immigration. Alors que nos PME au Québec, les besoins en main-d'oeuvre de nos PME, je vous l'ai dit, là, c'est pour des postes de niveau d'entrée ou encore de niveau technique ou professionnel, là, secondaire, là, j'entends, donc, ou encore technique, alors que nos besoins en main-d'oeuvre sont là, ce qu'on a accueilli au niveau de la clientèle immigrante, par exemple, au cours des dernières années, c'est davantage de diplômés universitaires. Donc, on a une espèce de dichotomie, là, entre...

Même chose pour les programmes aussi. Vous l'avez bien dit, le défi qu'on a, on a des entreprises, là, qui sont prêtes à embaucher demain matin s'il y avait des travailleurs spécialisés dans tel ou tel domaine, puis on n'arrive pas à les trouver parce que, nos cégeps, ils n'en sortent pas assez par année ou on n'est pas capables d'avoir des programmes, là, qui s'adaptent assez rapidement.

Donc, je pense, c'est des défis importants et c'est pour ça que, le rôle que vous venez de donner, dans le projet de loi, à la CPMT, je pense qu'il est fondamental, CPMT qui, rappelons-le, là, est un forum quand même unique, hein, assez extraordinaire. Ça regroupe les employeurs, les syndicats, les groupes communautaires, le milieu de l'éducation. Je pense que c'est intéressant d'utiliser ce forum-là à bon escient pour s'assurer que l'ensemble des ministères et des organismes qui sont concernés par les questions relatives à l'emploi puis à la main-d'oeuvre sont autour de la table et convergent dans le même sens, finalement.

Le Président (M. Auger) : M. le ministre, 3 min 30 s encore.

M. Hamad : Oui. Puisque vous parlez des immigrants, vous m'avez fait penser : on a fait une annonce ensemble juste avant Noël pour les réfugiés syriens et, très bonne nouvelle, on est rendus à 200 entreprises pour 1 000 emplois offerts par les entreprises pour les réfugiés avec un programme où l'argent provient des investisseurs immigrants. Alors, on n'enlève pas de l'argent de Jacques pour donner à Stéphane, mettons — j'essaie de trouver un nom syrien, mais on va dire Sam — mais c'est vraiment l'argent des immigrants qu'on utilise. Puis c'est un grand succès grâce à votre participation, évidemment. Vous avez été très généreux de faire ça, ça va très bien.

Mais là la prochaine étape, c'est quoi? C'est vraiment la formation, c'est les intégrer, c'est commencer par la francisation, c'est déjà commencé. C'est la capacité d'emploi, évidemment, les orientations... Je sais que mon collègue le député Hardy, il a fait un événement aussi en...

Une voix : Saint-François.

M. Hamad : Oui, Saint-François. Et il a fait une activité récemment dans ça. Alors, ça, c'est un autre élément de travail qu'on peut faire dans l'intégration, de donner... les gens finalement à l'emploi, mais ça prend la collaboration des entreprises. Puis, dans la loi n° 70, c'est le même, aussi, principe qu'on va utiliser à un moment donné, que les gens... quand on voit les jeunes qui vont à l'aide sociale, qu'on va essayer de les aider d'en sortir, à un moment donné, les entreprises, il faut qu'aussi elles offrent leur collaboration pour aller les prendre puis les amener... D'ailleurs, quand vous avez parlé des emplois, vous avez dit 60 000 emplois, juste pour les PME?

Mme Hébert (Martine) : Il y a 66 000 emplois... postes à pourvoir dans les PME au Québec au moment où on se parle.

M. Hamad : Actuellement. Puis ça, c'est des emplois à tous les niveaux, là. On a les métiers, on a...

Mme Hébert (Martine) : Principalement des emplois...

M. Hamad : Principalement des métiers. Donc, on est capables dans l'espace d'un an de former quelqu'un puis commencer à dire : Bien, il y a l'espoir, il y a des emplois disponibles. Puis, en passant, aujourd'hui, le travail de métier, ce qu'on a vu dans les statistiques, on peut aller chercher des bons salaires, là. Ce n'est plus les salaires minimums. On peut aller chercher 60 000 $, 70 000 $. Si on s'en va dans d'autres domaines, on peut aller chercher beaucoup plus que ça aujourd'hui.

Puis je reviens encore une fois sur les liens. Ce qu'on pense actuellement, à la CPMT puis ici, le gouvernement, c'est comment... Notre défi, en fait, là, c'est que les PME soient très proches du milieu de l'éducation pour qu'on puisse établir les besoins ensemble puis qu'on fait les connexions des besoins, en fait, l'appel.

Mme Hébert (Martine) : Tout à fait.

Le Président (M. Auger) : Mme Hébert. Une minute.

Mme Hébert (Martine) : Oui. Comme je vous dis, je pense que les modifications qui sont apportées dans le projet de loi en regard au rôle, notamment, de la Commission des partenaires sont importantes. Je pense qu'il y a des comités sectoriels de main-d'oeuvre aussi qui existent, hein, et qui, bon, certains, je pense qu'il faut le reconnaître, là, font un très bon travail. Je pense qu'il faut continuer dans ce sens-là absolument, puis, en tout cas, nous, on collabore du mieux qu'on peut, à la FCEI, là, dans le cadre de notre mission.

Vous savez, ce qui nous distingue beaucoup, à la FCEI, c'est que, chez nous, là, quand on dit : 24 000 membres, ce n'est pas des associations qui sont membres, là. C'est 24 000 propriétaires de petites et moyennes entreprises au Québec. Donc, on est branchés directement sur le propriétaire. C'est sûr qu'on a une courroie de transmission privilégiée, je veux dire, on communique par courriel, dans un bulletin mensuel à nos membres, donc on les informe. Mais d'ailleurs ça me permet de souligner que, quand on demande aux PME... On décrie souvent, à la FCEI, on n'aime pas les subventions...

Le Président (M. Auger) : En terminant, rapidement.

Mme Hébert (Martine) : ...puis les crédits d'impôt pour les entreprises, mais, parmi celles qui sont le plus utilisées, c'est les subventions, là, qui sont offertes pour l'insertion en emploi.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle pour à peu près 8 min 30 s. M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Merci beaucoup à vous d'être présents avec nous aujourd'hui pour nous faire part du point de vue de votre association. Effectivement, vous représentez de nos entrepreneurs qui sont sur le terrain, hein, qui vivent aux réalités des... au quotidien.

Cependant, vous avez mentionné un aspect... Puis, bon, on aura l'occasion, nous, d'élaborer davantage dans le projet de loi, là, lorsque nous serons rendus à l'étude article par article, et peut-être qu'on pourra préciser, le ministre pourra préciser, à ce moment-là, ses intentions, puis tout ça, mais moi, à la lecture du projet de loi, j'en suis venu à la conclusion que les membres des milieux communautaires et éducatifs, dans les comités régionaux, vont perdre de l'importance, ainsi que les représentants du ministère de l'Éducation et du ministère de l'Immigration. Donc, eux, qui sont des membres non votants, ces postes-là seraient abolis.

Donc, comment voyez-vous cette réalité-là dans les comités régionaux? Parce qu'on a eu des groupes tantôt qui nous ont dit : Il faudrait adapter davantage l'offre de formation en fonction de, bon, l'adéquation entre les besoins de la main-d'oeuvre, bon, l'offre de formation dans les régions. Parce que, nationalement, ça se fait effectivement, bon, les ministères se parlent, puis tout ça. Quand ça arrive localement ou régionalement, ce n'est pas toujours évident. Même le ministre le disait, bon, dans certains cas, ça prend un certain nombre d'années avant qu'on puisse modifier un programme de formation ou qu'on... D'autres intervenants nous ont dit : Souvent, les entrepreneurs n'ont pas nécessairement connaissance de leurs besoins de main-d'oeuvre d'avance. Ils le connaissent quand on est rendu, là, il manque quelqu'un, puis ils en ont besoin maintenant.

Donc, si, sur le plan régional, les représentants du ministère de l'Éducation, bon, ne sont plus présents puis qu'il y a... le milieu communautaire et éducatif est moins présent sur les comités régionaux, comment voyez-vous ça en termes de favoriser l'adéquation entre les besoins de la main-d'oeuvre et la formation?

Le Président (M. Auger) : Mme Hébert. Excusez. Vous avez terminé, M. le député?

M. Turcotte : Oui.

Le Président (M. Auger) : Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, je vais vous avouer que ça ne nous a pas frappés à la lecture, dans l'analyse du projet de loi, là. On n'est pas juristes non plus, là, peut-être que vous avez vu des choses qui nous ont échappées. Mais moi, je pense que ce qui est important dans ce qu'on vient faire avec la Commission des partenaires du marché du travail, comme je l'ai bien exprimé tantôt, c'est qu'on vient, dans le fond, lui donner un rôle de conseil auprès... mais de recommandation, hein? Même les ministères devront se justifier s'ils ne mettent pas en place les recommandations de la CPMT. Alors, ils ont même une notion d'imputabilité, là, dans le projet de loi, par rapport à ça.

Donc, je pense que... En tout cas, ça, pour notre part, là, ça nous semblait nous offrir des garanties intéressantes et suffisantes pour faire en sorte qu'il y ait plus de cohésion et de cohérence entre les actions des différents ministères, là, qui sont concernés par les questions liées à l'emploi.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Saint-Jean.

• (16 heures) •

M. Turcotte : Je comprends, quand on parle pour les... concernant les ministères pour faire le suivi, dans le projet de loi, c'est quand même... on modifie... à l'époque, les comités n'étaient pas consultatifs, ils faisaient des recommandations. Là, maintenant, ils sont conseillers, donc ils sont consultés. Il y a quand même une perte, on s'entend, là, de pouvoirs des comités régionaux. Je comprends ce que vous me dites par rapport au ministère. Encore là, au niveau national, c'est une chose. Moi, je me rattache toujours... L'entrepreneur, là, de Saint-Jean, là, bien, ce n'est pas vrai qu'il va avoir accès direct avec le ministère de l'Emploi ou avec le ministère de l'Éducation. Il va passer soit par la commission scolaire ou soit il va passer avec le centre local d'emploi à Saint-Jean, et c'est là, le contact, qu'il va se faire.

Est-ce que, sur le plan local et régional, le projet de loi actuel nous offre la ceinture et les bretelles pour s'assurer que les gens qui sont sur le terrain, c'est-à-dire nos entrepreneurs, puissent avoir les ressources adaptées en termes de main-d'oeuvre ou d'offre de formation?

Le Président (M. Auger) : Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, dans l'ensemble, nous, comme je vous dis, quand on a analysé le projet de loi, ça nous semblait suffisant, ce qu'on avait là-dedans. Maintenant, je pense que je vais laisser le soin, là, aux parlementaires qui sont autour de la table, ici, de s'assurer de ça dans l'étude article par article, là, comme vous dites. Puis je pense que le ministre a bien exprimé tantôt, là, qu'il était prêt à préciser certaines choses, ça fait que... Mais, pour nous, ça ne nous a pas... ce n'est pas ce qui nous a frappés, là.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Une autre question. Je comprends que, dans vos... 42 000 membres que vous avez mentionnés tantôt?

Mme Hébert (Martine) : 24 000.

M. Turcotte : 24 000. Bon, je doublais votre membrariat, je pense que vous auriez été contents. Donc, de votre nombre de membres, je comprends que vous devez avoir aussi des membres qui sont de différentes tailles et de différents horizons. Bon, à moins que je ne me trompe, là, vous avez peut-être des restaurations versus des entreprises, bon, un peu plus importantes, en termes d'employés aussi, flexibilité dans l'horaire des emplois, des fois, qui sont dits plus précaires, d'autres moins, temps partiel versus temps plein, puis tout ça, des emplois qui sont, malheureusement... ou peu importe, là, dits plus emplois d'étudiant versus des emplois permanents, là. Vous avez mentionné tantôt quelqu'un qui a, bon, fait une formation collégiale, ou autres, on s'entend, là, c'est un emploi qui... la personne l'a, puis son objectif, c'est de le faire toute sa vie, là, ou de progresser dans l'entreprise, d'autres, c'est moins le cas. Est-ce que vous vous sentez outillés, ou, du moins, vos entreprises? Je parle plus des petites, petites entreprises, là. Ce n'est pas un service de restauration, puis tout ça, ou autres, là. Est-ce qu'il a tout en sa possession comme outils pour aider et maintenir nos jeunes demandeurs de l'aide sociale en emploi ou si...

Tu sais, tantôt, on parlait, là... vous étiez peut-être là quand on en a parlé, là, le jeune qui arrive avec son sac vert, là, puis qui a plein d'autres problématiques que juste l'emploi, là. Est-ce que nos entreprises, surtout nos petites entreprises, où, des fois, bien, le boss d'entreprise, c'est lui qui s'occupe de la comptabilité, c'est lui qui fait tout, là, bon, bien, est-ce qu'il a tout en ses capacités ou l'accompagnement possible pour accompagner ces nouveaux jeunes là qui vont arriver, ou moins jeunes, parce que ça peut être aussi des moins jeunes?

Le Président (M. Auger) : Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, c'est évident que le petit propriétaire d'une petite entreprise, c'est-à-dire, il n'est pas outillé, lui, là, il n'est pas équipé pour traiter quelqu'un qui a des problèmes de toxicomanie, des troubles d'adaptation, de santé mentale. Puis je ne pense pas... en tout cas, moi, ce n'est pas ce que j'ai vu dans le projet de loi ici, là. Parce qu'on parle d'emploi convenable puis on parle... Il y a des dispositions aussi qui vont être prises pour s'assurer, je pense, que les cas particuliers, là, puissent être adressés et ne soient pas, là... L'idée, ce n'est pas de forcer personne puis de dire : Bien, on va prendre quelqu'un qui a des problématiques puis on va le mettre dans une entreprise, là. En tout cas, ce n'est pas ce que je comprends, là, des dispositions relativement à ça, du projet de loi. Puis un emploi convenable, là, c'est un emploi qui est... la définition du dictionnaire terminologique de l'Office québécois de la langue française dit : C'est un emploi qui est utile et avantageux pour quelqu'un. Alors, tu sais, il faut que ça le soit aussi pour l'employeur. Puis, comme je vous dis, les employeurs ne sont pas équipés pour faire ça, mais ce n'est pas le but du projet de loi.

Par contre, je sais qu'il existe... il y a des organismes qui sont spécialisés dans l'intégration. Parce que, le parcours en employabilité d'un individu, là, il y en a qu'on le sait, ils sont plus éloignés du marché du travail, ils ont besoin de davantage d'accompagnement, ces gens-là, ils ont besoin de passer des étapes, là, préliminaires ou, en tout cas, dans leur parcours d'employabilité, bien, il y a différentes étapes qu'ils doivent passer. Pensons à quelqu'un qui a un problème de toxicomanie, bien, c'est sûr que, si on le met dans un emploi, il ne restera pas longtemps. Le propriétaire de l'entreprise, il ne pourra pas le garder parce qu'il y a bien des chances que cette personne-là, elle ne soit pas efficace pour l'entreprise. Et je pense qu'il y a des groupes qui sont spécialisés là-dedans, il y a des programmes aussi qui existent, et les ressources sont là. Comme M. Dorval disait tantôt, le défi, c'est : Est-ce qu'elles sont toujours connues? Ça, c'est une autre question.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup, Mme Hébert. Donc, nous allons poursuivre avec M. le député de Drummond—Bois-Francs pour à peu près 5 min 30 s.

M. Schneeberger : Merci beaucoup. Bonjour. Un petit peu sur le même sujet, d'un axe différent. Bon, vous dites : Probablement que les entreprises, petites, moyennes, ne sont pas équipées. Ça, je pense que c'est comme normal, là, c'est un fait. Par contre, est-ce que vous pensez qu'une petite et moyenne entreprise serait plus souple à accepter des gens qui ont besoin d'être suivis, peu importe le degré, pour pouvoir intégrer à l'emploi, tu sais, quand on arrive sur une démarche finale, là, je ne parle pas d'une démarche première, là, mais une démarche finale, là, où est-ce que, là, vraiment, la personne est apte à vraiment intégrer le marché d'emploi? Par contre, bien, tu sais, ça lui prend encore un suivi, là, quelques mois, peut-être une année, c'est encore dépendamment ses besoins. Est-ce que, justement, à ce moment-là, une petite, moyenne entreprise, étant donné, souvent, qu'ils sont plus proches — hein, une petite, moyenne entreprise, c'est situé un peu partout, là, il y en a partout, des petites et moyennes entreprises — serait beaucoup plus apte à engager ces personnes-là?

Le Président (M. Auger) : Mme Hébert.

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, c'est sûr que la PME, elle offre une flexibilité puis une souplesse que, peut-être dans des grandes structures ou des plus grandes organisations, on ne retrouve pas. Est-ce que la question de l'accompagnement de l'employeur ou les ressources... Il y a quand même des programmes qui existent. Peut-être M. Vincent, là, François Vincent pourrait vous en parler, entre autres un qu'on avait appuyé récemment.

Le Président (M. Auger) : M. Vincent.

M. Vincent (François) : Oui, c'est le RSSMO qui était venu nous voir pour cibler des problématiques pour certains secteurs d'activité économique puis qui ciblait particulièrement les PME. Nous, ce qu'on leur a offert, c'est la donnée ou quels éléments... ou quelles PME avaient vraiment besoin de main-d'oeuvre et quel type de main-d'oeuvre, dans le fond, ce qu'on vous remet aujourd'hui aussi, avec des nouvelles données. Puis ce programme-là ciblait vraiment, là... c'est le programme FIT, Formation Intégration et Travail. C'est un programme qui a été financé par la CPMT, qui a été déposé et financé par la loi du 1 % et qui rejoint un besoin particulier. Et la majorité des emplois... des personnes qui ont été engagées dans ce programme-là sont restées en entreprise.

Mme Hébert (Martine) : Il y a un accompagnement aussi, c'est ça, dans...

M. Vincent (François) : Il y a un accompagnement qui est fait aussi.

Mme Hébert (Martine) : ...par les organismes, en fait, qui sont membres de ce regroupement-là. Il y a un accompagnement qui est fait auprès de l'employeur pour aider l'employeur, justement, et l'employé, si vous voulez, là, à faire une intégration réussie, finalement. Je pense que c'est des programmes qui sont intéressants. Et ça existe.

Le problème qu'on a toujours au Québec, c'est qu'il y a beaucoup, beaucoup de ressources, et malheureusement elles ne sont pas toujours connues. Et c'est ça qu'on aime dans ce projet de loi là. Parce qu'il y en a peut-être bien, du monde qui débarque à l'aide sociale puis qui ne sont pas au courant du tout, du tout, du tout qu'il y a des ressources qui existent, qu'ils pourraient avoir de l'aide, dans le fond, pour réintégrer le marché du travail. Et, moi, c'est ça que je trouve intéressant dans ce programme-là, dans le projet de loi, c'est-à-dire, parce qu'on vient, si vous voulez, faciliter justement ce maillage-là entre les ressources qui sont disponibles et la personne qui se présente à l'aide sociale.

Le Président (M. Auger) : M. le député, 2 min 30 s.

M. Schneeberger : Selon l'information que vous avez, est-ce que c'est un petit peu l'objectif du programme Objectif emploi, qui, enfin, crée un lien justement avec le milieu du travail beaucoup plus?

Le Président (M. Auger) : Mme Hébert.

M. Schneeberger : Parce que, là, on parle d'accompagnement, mais là ça va prendre des gens pour les accompagner. On ne peut pas juste dire : Bon, bien, «go» dans l'entreprise puis arrange-toi, là. Tu sais, ça, ça ne va nulle part, là.

Le Président (M. Auger) : Mme Hébert.

• (16 h 10) •

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, on ne peut pas présumer de comment ça va se dérouler, là, quand la personne va se présenter. Mais ce qu'on sait, c'est que, si on fait un plan... Moi, dans le projet de loi, ce qu'on parle, c'est d'un plan d'intégration en emploi. Ça fait que, si on fait un plan d'intégration en emploi puis qu'on voit que la personne a besoin d'être accompagnée par juste un simple club de recherche d'emploi, bien, j'imagine qu'on va l'aiguillonner vers ça. Puis, si on sent qu'elle a besoin d'un accompagnement un peu plus poussé, bien, j'imagine qu'on va l'envoyer, là, vers les ressources qui sont disponibles.

Puis, comme je vous dis, je réitère que ce qui est intéressant, c'est que les ressources, elles sont là, elles existent. Et, bien souvent, je suis convaincue que, comme c'est le cas pour les employeurs, il y a bien du monde qui ne les connaissent pas. Et ça va permettre justement de favoriser ce maillage-là, et cet arrimage-là, et une meilleure utilisation aussi de l'excellent travail que font nos groupes communautaires qui oeuvrent en matière d'employabilité au Québec.

Le Président (M. Auger) : M. le député, 1 min 15 s.

M. Schneeberger : Une minute. O.K. Bon, alors, très vite. C'est parce que je voudrais souligner justement une problématique, puis ça, à Drummondville ou ailleurs, justement. Ce qui est arrivé, c'est que, pour empêcher que des jeunes décrochent de l'école pour aller travailler en entreprise, on a augmenté, justement... ça va prendre un secondaire V, O.K.? Ce qui est arrivé, c'est qu'il y a des gens, 50 et plus, qui, finalement, ont perdu leurs emplois, ils n'avaient pas de secondaire V, mais c'étaient des gens qualifiés. Et ces gens-là, finalement, ils ne postulaient pas parce que, dans la demande, ça prenait un secondaire V. Et là ça a créé une problématique, parce que ces gens-là auraient pu accéder à cet emploi-là, ils ne postulaient pas, tout simplement pas parce qu'ils voyaient «secondaire V», alors que, finalement, ils avaient la capacité de faire le travail. Et ces gens-là, finalement, se sont retrouvés à l'aide sociale, à suivre des cours de français, et autres, pour éventuellement pouvoir accéder à ce job-là.

Et, c'est ça, des fois, on crée des programmes ou des barèmes pour essayer d'améliorer telle chose, mais on nuit à une autre clientèle. Vous, est-ce que... le percevez-vous aussi, ça?

Le Président (M. Auger) : Très, très rapidement, 15 secondes.

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, moi, ce que j'ai vu dans le projet de loi, là, ce qu'on dit, c'est que, si tu es un jeune, tu arrives à l'aide sociale, bien, on va faire d'autres choses que juste te donner un chèque : on va te prendre puis on va t'accompagner. On va te le donner, ton chèque, puis on va même te le bonifier. Puis, en plus de ça, on va te prendre, puis on va t'accompagner, puis on va te donner des outils pour que tu puisses te trouver un job.

Le Président (M. Auger) : Merci...

Mme Hébert (Martine) : C'est ça que je comprends. Et ça, dans ce sens-là, je veux dire, je ne vois pas pourquoi...

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup, c'est tout le temps que nous avions. Nous allons maintenant poursuivre avec Mme la députée de Gouin pour trois minutes.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Mme Hébert, M. Vincent, bonjour. J'aimerais d'abord vous dire qu'il y a un terrain sur lequel on est complètement d'accord, c'est la valorisation des métiers techniques. Et c'est vrai que ça fait longtemps qu'on en parle au Québec. Donc, pas de problème avec ça, pas de problème avec les diplômes d'études professionnelles à condition, cependant, que tous les jeunes du Québec aient accès quand même à un minimum de culture et d'instruction générales. Donc là, c'est : Où tracer la ligne dans tout ça? Mais valoriser les emplois que l'on retrouve dans vos entreprises, oui, pourquoi pas? Et je ne pense pas qu'on va trouver grand-monde qui va être en désaccord avec ça.

Donc, s'il y a dans ce projet de loi des mesures qui vous permettent, petit à petit, de combler vos postes disponibles, je pense qu'on va être d'accord. Mais il y a un problème. Je ne voudrais pas être un petit peu la casseuse de party, parce que je vous sens très optimiste, mais vous avez répété à deux reprises : On comprend qu'on ne veut forcer personne. Mais, en fait, je suis désolée de vous dire que, justement, on veut forcer des gens. Les gens de 18 à 30 ans se présentant à l'aide sociale vont devoir accepter immédiatement de suivre un parcours d'insertion, sinon leur chèque va être coupé, et ça peut aller jusqu'à la moitié du chèque.

Je veux vous dire aussi qu'en ce moment même, là, les agents d'aide sociale ne remettent pas des chèques seulement comme ça. Les jeunes sont informés des ressources qui existent, particulièrement les jeunes, d'ailleurs. Il y a les carrefours jeunesse-emploi qui travaillent avec les jeunes et toutes sortes de groupes s'occupant de l'insertion sociale et d'insertion à l'emploi, plusieurs déjà sont venus nous voir aujourd'hui, il y en a d'autres qui vont venir nous voir.

Donc, qu'il faille améliorer tout ça, bien sûr, on plaide pour qu'il y en ait davantage, de ces mesures-là. Mais la question qui nous divise aujourd'hui, c'est la suivante : Est-ce que c'est acceptable, au Québec — et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus — qu'on coupe jusqu'à la moitié d'un chèque d'aide sociale d'une personne, quel que soit son âge d'ailleurs, qui fait une demande, une nouvelle demande à l'aide sociale, un nouveau demandeur, quel que soit son âge? On coupe, on peut couper le chèque jusqu'à la moitié si cette personne refuse de s'engager dans un parcours, ce qui veut dire qu'elle passe de 623 $ par mois, à peu près, à 310 $. Trouvez-vous ça acceptable?

Le Président (M. Auger) : Mme Hébert, en 30 secondes.

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, en 30 secondes, c'est difficile à répondre à cette question-là. Ce que je vous dirais, Mme la députée, c'est que... En tout cas, moi, ce que je comprends du projet de loi, c'est qu'on a parlé de la notion d'emploi convenable. Et moi, je me souviens, j'ai très bien en mémoire, là, l'espèce de peur, là, que tout le monde avait avec la réforme de l'assurance-emploi. Souvenez-vous-en, là, la fameuse réforme qui avait été annoncée par le fédéral. Puis finalement... Même nos membres avaient peur aussi, de se dire : Bien, aïe, mes travailleurs que j'avais, ils ne reviendront plus parce que, là, etc. Et tout ça ne s'est pas avéré. Alors, je me dis : Je fais confiance, moi, aux gens qui travaillent à l'aide sociale, là, en première ligne, sur le terrain. Hein, je pense que les syndicats nous ont bien vanté d'ailleurs les qualités de ces gens-là au cours des dernières négociations. Je pense qu'il faut faire confiance et je pense qu'il y a...

Le Président (M. Auger) : Merci...

Mme Hébert (Martine) : ...les balises, dans le projet de loi, qui permettent, Mme la députée, justement d'adresser les situations particulières, de tenir compte des situations particulières des personnes qui sont peut-être inaptes à l'emploi ou qui ont besoin...

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions à notre disposition. Je tiens à remercier les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante pour leur collaboration aux travaux de la commission.

Je vais suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension à 16 h 15)

(Reprise à 16 h 21)

Le Président (M. Auger) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Centrale des syndicats démocratiques, de la Centrale des syndicats du Québec, de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et de la Confédération des syndicats nationaux.

Tel que convenu pour votre audition conjointe de 90 minutes, vous disposez de 20 minutes pour votre exposé, que vous allez répartir à votre guise. Et par la suite nous allons procéder à deux blocs d'échange avec les différents groupes parlementaires. Donc, dans un premier temps, vous présenter et par la suite commencer votre exposé. Merci.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ), Confédération
des syndicats nationaux (CSN) et Centrale
des syndicats démocratiques (CSD)

Mme Chabot(Louise) : Merci, M. le Président. Mmes, MM. les parlementaires, merci de l'invitation, merci de nous recevoir. Vous l'avez dit, je nous présente : Louise Chabot, présidente de la CSQ; Daniel Boyer, président de la FTQ; Jean Lortie, secrétaire général de la CSN. Et il nous manque un collègue, François Vaudreuil, président de la CSD, là, qui était dans l'impossibilité de se joindre à nous.

Mais quatre grandes organisations syndicales, toutes membres de la Commission des partenaires du marché du travail. À nous quatre, on représente plus de 1 million de travailleuses et de travailleurs dans plusieurs secteurs d'activité sur l'ensemble du territoire québécois. Et on participe activement, oui, tant à la CPMT que... On a des centaines de représentants, des représentants qui sont impliqués aussi dans les conseils régionaux des partenaires du marché du travail, dans les comités sectoriels de main-d'oeuvre. Je pense que ça témoigne de l'importance qu'on accorde sur les questions qui permettent d'améliorer le fonctionnement du marché du travail et de la qualité des emplois.

Il y a deux objectifs visés par ce projet de loi là : permettre une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi et favoriser l'intégration en emploi, deux objectifs ambitieux auxquels nous adhérons. Toutefois, les moyens identifiés pour atteindre ces objectifs nous semblent inadéquats, au point où ces moyens nous apparaissent même en viser d'autres... viser d'autres objectifs. La modification de plusieurs lois existantes — c'est ça, le projet de loi actuel — à notre avis, ça limite tant la portée du projet de loi que le débat public sur les enjeux cruciaux. On est inquiets du contenu du projet de loi qui, selon nous, constitue un déni du modèle partenarial québécois qu'on connaît depuis les années 90, et vous verrez que les modifications apportées à la loi sur les compétences en sont un bon exemple.

C'est la même chose avec les modifications envisagées à la loi sur le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale et sur la Commission des partenaires. Les modifications portent principalement sur le retrait de responsabilités à la commission et l'abolition d'Emploi-Québec comme unité autonome dans le ministère, à laquelle les partenaires sont associés. C'est le modèle québécois qui s'appuie sur la participation originale des acteurs de la société civile dans le développement et la mise en oeuvre des politiques et des services publics qui nous semble remis en question.

Finalement, on en a beaucoup parlé, avec raison, le projet de loi comprend des modifications touchant l'aide sociale, s'attaquant aux personnes les plus démunies de notre société en adoptant désormais une approche coercitive de l'intégration en emploi, ce avec quoi on est en total désaccord.

Vous allez retrouver dans le mémoire un rappel historique. Je vous invite à prendre le temps de lire ça, parce qu'on se rappelle très bien comment... Je pense que ça vient nous rappeler comment, avec le Canada, on a rapatrié, au niveau du marché de l'emploi, au niveau de la gouvernance, par rapport à ça, la création de la CPMT... Je pense que ça nous donne une idée quand on parle du modèle québécois partenarial unique au Québec. C'est ça qui nous semble attaqué.

En matière d'adéquation formation-emploi, ça traverse toute notre histoire partenariale, et c'est une préoccupation des acteurs du marché du travail. Et, quant à nous, on a toujours voulu nous assurer que les programmes de formation des réseaux de l'éducation soient adaptés mais non limités à la réalité et aux besoins du marché du travail. Parfois, on voit les employeurs se plaindre qu'il n'y a pas vraiment d'adéquation entre la formation et l'emploi. Ils ont même utilisé le terme «inadéquation» à certaines reprises. Au fond, on voudrait que les jeunes arrivent sur le marché du travail, là, prêts dès la première semaine, là, qu'on soit pleinement productifs. Et nombreux sont les employeurs, pas tous, mais qui considèrent qu'ils n'ont aucune responsabilité quant à leur formation ainsi qu'à celle de leur personnel, d'ailleurs.

C'est au niveau du Plan économique du Québec de mars 2015 que la question de l'adéquation entre la formation et les besoins des entreprises refait surface, dans un chapitre particulier qui porte sur les nouvelles initiatives pour favoriser la performance du marché du travail, dont l'intégration des stages plus longs dans des programmes de formation professionnelle et technique afin de se rapprocher du modèle dual allemand. Selon nous, des stages plus longs de même que des formations plus courtes ne garantissent pas une adéquation formation-emploi, ça passe aussi par un partenariat multiniveau et l'amélioration des flux d'information entre le marché de l'emploi et de l'éducation. Contrairement à certaines idées reçues, le ministère de l'Éducation a une grande collaboration avec les partenaires du marché du travail, notamment avec Emploi-Québec, les commissions sectorielles et l'évaluation des techniques et programmes.

Donc, je pense que l'adéquation formation-emploi, c'est une belle valeur, mais encore faut-il que... ce n'est pas par un modèle particulier qui répond juste aux besoins du marché du travail qu'on va y arriver. Il y a des nombreux postes qui demeurent vacants pour d'autres raisons que de l'adéquation, soit une réputation déclinante d'un secteur économique, des conditions de travail difficiles ou des salaires trop faibles. Donc, l'adéquation formation-emploi doit faire l'objet d'une attention particulière de tous les secteurs concernés par la formation des adultes, et en emploi et sans emploi. Puis on attend toujours la politique gouvernementale d'éducation des adultes et de formation continue, qui doit être revue.

M. Lortie (Jean) : L'autre partie de nos préoccupations dans ce mémoire présenté par les quatre organisations syndicales québécoises, c'est la question de la Loi favorisant le développement de la reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre. Depuis véritablement 12 ans au Québec, on assiste à un désengagement des entreprises québécoises, une déresponsabilisation des entreprises québécoises sur la formation de la main-d'oeuvre. Le Québec est un pays de PME. Les entreprises qui ont des masses salariales de plus de 2 millions de dollars ont souvent eux-mêmes leurs propres programmes maison de formation, ont déjà un cursus assez important, parce qu'elles ont les moyens d'avoir des bureaux de personnel, d'avoir des responsables, ce qu'on ne retrouve pas dans les PME. Et, au Québec, depuis 2003, au contraire, on assujettit de moins en moins les PME québécoises à la formation de la main-d'oeuvre et on transfère le poids de cette formation-là sur les contribuables québécois, qui maintenant assument de plus en plus cette responsabilité. Alors, dans le mémoire, nous soulignons que c'est un désengagement des entreprises, une déresponsabilisation des entreprises québécoises, et ça appartient maintenant aux contribuables de le faire.

L'autre partie de notre mémoire traite également des modifications à la loi, qui nous préoccupent absolument. C'est évidemment la question de l'abolition d'Emploi-Québec quand on voit... le chapitre III est biffé. Les partenaires syndicaux québécois considèrent que c'est, pour nous, une inquiétude de voir cette agence, cette unité administrative autonome, qui travaillait de façon très étroite avec les partenaires de la Commission des partenaires du marché du travail, de voir que cette unité administrative là est abolie. On n'a pas idée de ce qui la remplacera. Alors, nous, on souligne dans le mémoire notre inquiétude à cet effet-là.

On souligne également notre inquiétude dans le mémoire que non seulement la loi n° 70 veut s'occuper de la main-d'oeuvre actuelle, mais également de la main-d'oeuvre future. Alors, on trouve qu'on a déjà assez à boire et à manger à s'occuper de la main-d'oeuvre actuelle québécoise que, déjà, de demander à la commission de s'occuper de la main-d'oeuvre future. On trouve qu'il y en a trop, et ce n'est pas nécessairement une bonne idée. On considère également qu'au niveau des ensembles des éléments de la loi sur le ministère... une véritable culture partenariale québécoise... Mme Chabot le soulignait un peu plus tôt, la culture partenariale québécoise sort amochée de ce projet de loi n° 70, et on partage cet après-midi avec la commission parlementaire nos préoccupations à cet effet.

M. Boyer va suivre.

• (16 h 30) •

M. Boyer (Daniel) : Écoutez, je vais aborder le rôle et les mandats de la Commission des partenaires, parce qu'on laisse entendre que les grands changements du projet de loi donneront davantage de pouvoirs à la Commission des partenaires, puis on voit, nous, au contraire, une transformation en profondeur du mandat et des pouvoirs actuels de la commission qui aura pour effet de transformer la commission en un organisme consultatif au service du ministre plutôt que de la société en général et des membres que nous représentons. Ainsi, sous le couvert de l'objectif visant à améliorer l'adéquation formation-emploi, le ministre modifie profondément les rôles assumés par la commission en vertu de la loi actuelle. De plus, comme le travail de la commission a toujours été en relation avec Emploi-Québec, l'abolition du chapitre III, qui définit le mandat d'Emploi-Québec, remet aussi en question plusieurs responsabilités partagées actuellement avec la commission.

Durant les dernières années, les travaux sur la gouvernance ont amené la commission à recentrer ses activités, à ne plus participer aux décisions reliées aux opérations des services d'emploi. Il y a toutefois une grande différence entre ne plus se mêler de l'organisation des services et ne plus avoir son mot à dire quant à la mise en oeuvre et à la gestion des mesures et des programmes offerts. Comme partenaires représentant les travailleuses et les travailleurs, nous sommes préoccupés par la qualité et la quantité des services offerts et nous considérons que les orientations stratégiques se définissent très souvent au regard de l'évaluation des services offerts ou en l'absence de services. Les partenaires doivent pouvoir sentir qu'ils sont associés à la démarche, comme ce fut le cas dans le passé.

Quant au nouveau mandat que l'on souhaite donner à la commission, soit celui de formuler les recommandations à certains ministères en vue de répondre aux besoins du marché du travail, nous avons aussi certaines réserves et même un malaise à envisager que certains partenaires de la commission devront rendre des comptes aux autres. Nous sommes loin d'être persuadés que c'est la voie à privilégier dans un contexte de partenariat. Nous privilégions davantage la collaboration dont les modalités doivent être définies par les partis concernés et non imposées.

C'est aussi la composition et le processus de nomination des partenaires, tant au niveau de la commission que des conseils régionaux des partenaires, qui sont modifiés, puisque ce serait désormais par le biais d'une consultation que seraient nommés les représentants des travailleurs et des employeurs et non à la suite d'une recommandation des organismes représentatifs. Cela revient à donner au ministre le choix des vis-à-vis syndicaux et patronaux.

Lorsque la commission a été créée, tant les associations syndicales que patronales ont été interpellées afin que les hauts dirigeants des organisations siègent dans les nouvelles instances. On avait besoin d'une image et d'un partenariat forts pour implanter ces nouvelles structures, pour démontrer qu'au Québec le développement de l'emploi et du marché du travail s'appuie sur la concertation des principaux acteurs concernés, ce qui était d'ailleurs fort utile pour le Québec dans ses négociations avec le gouvernement fédéral. Ce qui est proposé aujourd'hui est donc un recul inacceptable pour cette institution de dialogue social. Comment oser parler de véritable partenariat quand le choix des partenaires relève d'une décision politique du ministre?

D'autres modifications soulèvent des interrogations dans nos organisations. Ainsi en est-il de l'intégration d'une personne représentant la Commission de la construction du Québec, la CCQ, qui nous apparaît injustifiée. L'expertise de la CCQ est d'ordre sectoriel au même titre que chacun des comités sectoriels qui pourraient, dans cette logique, aspirer siéger à la Commission des partenaires.

On note aussi comme proposition de modification à la composition des conseils régionaux l'ajout d'une personne qui représente la réalité régionale économique. Une question se pose : Qui peut vraiment prétendre représenter la réalité économique d'une région?

Enfin, dans le contexte actuel, nous avons de la difficulté à comprendre que l'on retire des conseils régionaux les personnes qui représentent le ministère de l'Éducation, mais aussi que l'on n'ajoute pas une personne représentant le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion.

Quant à la dernière partie, c'est-à-dire la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, comme dernier élément de notre analyse et de notre réflexion, nous sommes aussi préoccupés par les modifications prévues à la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, et ce, à un point tel que nous recommandons même que l'on retire ce chapitre du projet de loi. Avec le remplacement du programme Alternative jeunesse par le programme Objectif emploi, le gouvernement adopte une approche coercitive et punitive avec laquelle nous sommes en complet désaccord. De plus, on nous demande de nous prononcer alors que nous pouvons difficilement mesurer l'impact de ces changements puisque c'est dans les modifications réglementaires que nous saurons comment s'appliqueront ces nouvelles règles.

Il ne fait aucun doute, pour nous, que ces nouvelles mesures affecteront les personnes parmi les plus démunies de la société. Nous dénonçons donc les modifications projetées et n'adhérons pas à ce type de stratégie, d'autant plus que les mesures volontaires fonctionnent bien, voire très bien à l'heure actuelle. Nous croyons que l'objectif visé par le projet de loi peut être atteint mais par d'autres types de mesures, particulièrement des mesures de soutien. Par exemple, comme membres de la Commission des partenaires, nous avions appuyé la stratégie des pactes pour l'emploi, le Pacte pour l'emploi et le Pacte pour l'emploi Plus, du ministre Hamad lors de la dernière crise économique et financière. Ces pactes consistaient en un ensemble de mesures volontaires, une approche ouverte et généreuse pour faciliter l'intégration au marché du travail et pour soutenir les entreprises afin qu'elles préservent les emplois. Au terme de ces deux pactes, tous s'entendaient pour dire qu'ils avaient grandement aidé le Québec à traverser la crise.

Nous voulons aussi rappeler que le Québec a adhéré à des instruments juridiques internationaux, notamment la Déclaration universelle des droits de l'hommeet le pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, qui reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant. Envisager des coupures à des prestations qui sont déjà insuffisantes ne va sûrement pas dans le sens des engagements qui ont été pris.

En conclusion, on considère... Le projet de loi n° 70 est un projet de loi qui va dans le sens de la centralisation et de la coercition plutôt que celui du partenariat. Sous le couvert d'un titre généreux qui prétend viser à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi ainsi qu'à favoriser l'intégration en emploi,il confirme notamment les choix annoncés dans le discours du budget de privilégier la réduction des contraintes administratives pour les petites et moyennes entreprises au détriment des besoins des travailleuses et travailleurs ainsi que de la société en général. Le discours met aussi fortement l'accent sur un nouveau pouvoir délégué à la commission mais continue à nier que des pouvoirs très importants lui sont retirés.

Enfin, nous considérons que l'abolition d'Emploi-Québec dans sa forme actuelle constitue un recul majeur dans le partenariat développé durant les 20 dernières années. La commission perdra des pouvoirs dans le processus de centralisation et sera réduite à un rôle consultatif avec des partenaires qui seront choisis par le ministre et non désignés par les grandes organisations, à moins que les recommandations que nous faisons ne soient entendues. Là, je vous parle des recommandations 1 à 14 qui sont inscrites dans notre mémoire.

Et enfin nous considérons que le moyen choisi pour répondre à l'objectif de favoriser l'intégration en emploi, soit revenir à une approche coercitive plutôt qu'à des mesures incitatives, n'aura pour résultat que d'augmenter le niveau de pauvreté des personnes et de les marginaliser davantage alors même que les expériences antérieures ont clairement démontré l'efficacité des approches positives et généreuses.

Et, comme il y a une consultation publique en cours qui s'inscrit dans le cadre du troisième Plan d'action gouvernemental pour la solidarité et l'inclusion sociale et qu'il serait sage d'en attendre les résultats, nous recommandons purement et simplement le retrait de la partie II du projet de loi n° 70, qui modifie la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, et vous trouvez ça aux recommandations 15 et 16 de notre mémoire. Merci bien.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons commencer avec un premier bloc d'échange, M. le ministre, pour 15 minutes.

M. Hamad : Merci, Mme Chabot, M. Boyer, M. Lortie. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je me suis demandé si... Je me suis posé la question si vous ne vous êtes pas trompés de salle ou de loi parce que ce que vous me dites, là, ce n'est pas... mais on va clarifier ça. Je pense que c'est à nous à clarifier.

En passant, là, moi, je ne connais pas ça, une baguette magique qui va faire disparaître 6 000 employés d'Emploi-Québec, là. On n'abolit pas Emploi-Québec, et, peut-être, ce n'est pas clair, ce n'est pas écrit, là, mais on n'abolit pas 6 000 employés demain matin, là. Ça, là, je vous le dis, là, puis c'est... aucune intention d'abolir Emploi-Québec. C'est une question administrative de bannière, et uniquement ça, pas plus que ça, là. Les services sont maintenus, les gens vont rester dans le même bureau. Ce n'est pas ça qu'on fait. Puis on travaille avec un... plus tard, on est en train de travailler avec Services Québec. C'est juste : la loi, actuellement, qui était Emploi-Québec, il fallait qu'on change la loi juste pour ça, là. Alors, il n'y a pas, là... Demain matin, là, inquiétez-vous pas, là, il n'y a pas 6 000 personnes qui vont disparaître au gouvernement du Québec. Ça, là, on va être clair là-dessus. Donc, ça, c'est le premier point, là. Pour moi, c'est réglé, là, il n'y a pas de disparition. Puis pourtant vous siégez, les trois, à la commission, là. Je ne sais pas si... Tu sais, vous devriez le savoir, là. Vous êtes là, à la commission, les trois.

Diminution du pouvoir de la CPMT : on ne diminue pas le pouvoir, on les augmente. Puis comment on les augmente? C'est que, là, à partir... Si l'adoption du projet de loi... La commission va établir les besoins de formation, les besoins de main-d'oeuvre dans toutes les régions et en travaillant après avec tous les secteurs de la commission dans toutes les régions du Québec. Puis pourquoi il n'y a pas de représentant à la direction régionale de l'éducation ou direction régionale de l'immigration? Parce que, je ne sais pas si vous étiez au courant, on les a abolies, ces directions-là. Mais le milieu de l'éducation est représenté dans la région. Le milieu... les syndicats, vous êtes là, représentés.

• (16 h 40) •

Puis, en passant, on a toujours travaillé ensemble, puis ça a toujours bien été, puis on a toujours fait des grandes choses ensemble. Puis il y a le comité sectoriel de main-d'oeuvre, et on augmente la... Tout le monde avant vous sont venus dire qu'on augmente le pouvoir de la CPMT pour établir le besoin. Puis, en plus, trouvez-moi ça avant... dans aucune loi qui existe, qu'une commission demande au gouvernement de rendre des comptes. Il y a reddition de comptes sur les actions posées pour la formation. Et vous n'êtes pas des élus, vous demandez des redditions de comptes à la commission comme membres de la commission, vous demandez une reddition de comptes au gouvernement, au ministère de l'Éducation. Quel cours que vous avez fait? Quel cours vous avez fait en fonction des besoins des régions. C'est un pouvoir énorme qu'on vient de donner à la commission. Il n'y a aucune commission, dans l'entourage du gouvernement du Québec, qui a un pouvoir de reddition de comptes. Vous l'avez manquée, celle-là, là.

Et après ça on continue. La nomination à la CSST... On vient de faire les nominations. Vous avez recommandé, puis ça a bien été. Retraite Québec, vous avez recommandé des noms, la CSN, la CSD, la FTQ, puis ça a bien été. On a nommé des gens compétents, puis on les connaît, les gens compétents, chez vous, ils sont tous nommés là, puis il n'y a pas eu de problème, là. Puis, en passant, je vous le dis, il n'y a aucune idée pour donner de pouvoir... plus au ministre, tout ça. Ce qu'on veut, là, simplement, là, on veut que la commission, par la force de la commission, où vous êtes là, vos représentants, les travailleurs, les employeurs, le milieu de l'éducation, les groupes communautaires, ensemble on établit les besoins du Québec en formation puis en main-d'oeuvre. Après ça, là, ce qu'on veut, ce qu'on n'a pas eu dans le passé, c'est des résultats. Pour avoir des résultats, une fois qu'on l'a établi, on dit : Voici ce qu'on a besoin, mais on va faire la formation.

M. Lortie, on a ajouté 10 millions dans le budget, là. Le budget, là, on a ajouté 10 millions pour compenser, qu'on a soulagé les PME pour la paperasse. Le gouvernement a décidé d'ajouter pour la formation. En passant, les cégeps étaient bien contents d'avoir 10 millions par année pour la formation. Les commissions scolaires vont être contentes d'avoir 10 millions pour la formation. Puis on donne 2 millions de bourses pour les stagiaires dans les entreprises.

En passant, le syndicat allemand de 7 millions de membres, eux autres, la formation duale, là — j'ai laissé M. François Vaudreuil, qui était avec nous, pour regarder puis poser toutes les questions au syndicat allemand — ils sont très heureux de faire la formation puis l'adéquation, puis avec un modèle, en passant, que les chambres de commerce là-bas prennent un rôle important, ce qu'on ne fera pas ici parce qu'on va s'adapter à notre modèle.

On ne va pas abolir, on veut bâtir ensemble puis on veut simplifier les paperasses. On ne veut pas faire deux rapports, deux plans d'action, un plan de commission, un plan d'Emploi-Québec. Puis les lois exigent ça, ces papiers-là, dans le temps. On évolue aujourd'hui. On évolue comment? Parce que, là, les services au Québec, Services Québec va donner davantage, on veut qu'elle en donne davantage, des services aux citoyens. Emploi-Québec, les gens, ils sont importants puis ils vont jouer un rôle important, mais on va donner davantage des services dans les régions, dans les villes et partout.

Alors là, les modifications réglementaires, on va avoir le temps en masse d'expliquer ça, en passant. Je vous rassure, là. Je veux vous rassurer. L'idée, ce n'est pas abolir Emploi-Québec. L'idée, c'est vraiment ne pas enlever. L'idée, c'est renforcer puis donner le pouvoir pour avoir des résultats. Parce que moi, j'ai compris : si tu n'as pas de pouvoir pour avoir des résultats, tu n'as pas de moyen, tu n'auras pas de résultat. C'est ça qu'on fait. On ne s'est pas levés un matin, on a dit : On va tirer puis on va faire disparaître 6 000 employés. Bien non.

Puis Pacte pour l'emploi, maintenant, revenons au Pacte pour l'emploi. Le Pacte pour l'emploi, lorsqu'on l'a fait, on l'a fait puis on a dit : On base... Puis c'était une grande discussion dans le temps. C'est obligatoire ou volontaire. On a dit : On va commencer par volontaire, puis on va mettre le paquet, puis on a mis le paquet. Ça a marché, mais il reste encore des jeunes.

Vous, là, comme président syndical des leaders du Québec, vous ne pouvez pas accepter de laisser 6 200 jeunes qui viennent d'une famille à l'aide sociale, qui restent... qui font leurs demandes à l'aide sociale puis restent à l'aide sociale. Je pensais que votre objectif, c'est avoir plus de travailleurs au Québec. Votre objectif, ce n'est pas laisser ces gens-là à l'aide sociale, c'est les aider, les intégrer, les supporter, les suivre, et finalement, s'ils peuvent aller à l'emploi, bravo. C'est ça, gagner la dignité.

En passant, la loi que vous avez parlée, là, l'entente avec les droits de l'homme... les droits de l'homme, ils disent quoi? Ils disent : On veut que les gens aient un emploi, un bon emploi. On veut que les gens aient leur dignité, on veut que les gens reçoivent un revenu décent. Bien, c'est en les aidant à aller sur le marché du travail, en les aidant d'avoir une formation qu'on va réussir ensemble. Qui qui va faire ça? C'est plusieurs de vos membres qui vont faire ça. Les professeurs chez vous, Mme Chabot, vont aider à préparer des cours, puis on va réussir à donner la formation. Les travailleurs chez vous, à FTQ, ils vont aider des gens dans l'entreprise pour former les stagiaires. Chez vous, à la CSN... Vous, M. Lortie, je sais que vous venez d'un milieu de consommation, puis, les entreprises comme Metro puis ces gens-là, je pense que c'est votre expérience, si ma mémoire est bonne.

M. Lortie (Jean) : ...l'hôtellerie.

M. Hamad : L'hôtellerie, mais je pensais aussi dans le... on a fait la loi sur les... Bien, ils en ont besoin, de main-d'oeuvre. On va les former, puis ils vont devenir un membre chez vous. Puis je sais que, tu sais, c'est important pour vous, le membership, ça amène des cotisations pour vous autres et... Même, ce n'est pas ça, l'élément. L'élément, c'est donner la dignité aux gens.

Puis, en passant, lorsqu'on l'a fait à la CPMT, on a travaillé avec vous. C'est dans ça, vous rappelez-vous? Je suis allé vous voir deux fois, je vous ai demandé : Donnez-moi le plan, votre plan pour la formation. Puis, à un moment donné, je trouvais que ça n'avançait pas, je vous ai appelés, puis on a dit : Aïe! Il faut que ça avance. Puis je vois ça, parce que c'est le Québec qui va gagner là-dedans.

Alors, je veux rassurer, on va faire notre job, nous autres. Peut-être que la loi n'est pas claire, ce n'est pas grave, ça, ça se change, ça se modifie, on le travaille. Je vous rassure ici : Pas d'abolition, pas de disparition de 6 000 emplois, 6 000 travailleurs, puis le pouvoir de la CPMT, au contraire... Au contraire.

Là, pour les nominations, là, si vous, vous recommandez, vous nommez, là, à la fin, là, c'est quand même... le gouvernement est responsable, là. On finance, on est responsable, puis, à date, vous avez vu, la CSST, ça a bien été. La CNESST, la commission des normes, de l'équité salariale, santé et sécurité, ça avait bien été. Ça a bien été avec Retraite Québec, vous avez demandé des postes, puis on vous les a donnés. Vous avez soumis des noms, puis on a trouvé que vous avez soumis des gens compétents, puis il a été adopté, là, ils ont passé au Conseil des ministres. Ce n'est pas ça, l'enjeu. L'enjeu, c'est comment on peut ramener les gens, donner leur dignité, comment on travaille pour les aider à s'en sortir puis est-ce qu'on a les bons moyens.

La différence avec le Pacte pour l'emploi et ce qu'on a aujourd'hui, c'est que, malheureusement, aujourd'hui, on a 17 000 personnes qui arrivent à chaque année à l'aide sociale, qui sont aptes pour travailler, qui n'ont pas de contrainte, qui sont... ce n'est pas une femme avec un enfant, ce n'est pas quelqu'un qui a un problème de toxicomanie, ce n'est pas un aidant naturel puis c'est la première fois qu'il demande. Ces gens-là, la réalité est là encore en face. On a fait des efforts dans le passé, il faut régler ça.

Puis, en passant, je l'ai dit tantôt, on a référé 100 noms à un CJE au Québec, 100 noms de jeunes. On a dit : Regardez, là, pouvez-vous... Ils les ont appelés, tous, ce qu'ils m'ont dit, puis finalement il y en a cinq qui ont dit : Moi — parce que c'est volontaire — ça nous intéresse, votre affaire. Ils sont allés, il y en a deux qui sont engagés. On est rendus là.

Puis, en passant, ce n'est pas coercitif. C'est un plan, c'est un engagement des deux côtés : moi, je fais un effort comme gouvernement, la société met de l'argent ou donne plus, puis, de votre côté, vous allez faire l'effort à votre mesure, à votre capacité. Puis on va travailler ensemble, parce qu'il faut réussir dans la vie, réussir dans le sens... C'est relatif, réussir, là, c'est se prendre en main, gagner sa dignité. Ce qu'on veut faire... Puis là, évidemment, quand il y a un engagement puis il y a un plan qu'on prépare, il faut respecter. Et on ne pense qu'il va y avoir des sanctions autant qu'on pense. Parce que, là, on est focusés sur le 10 % qu'on pense, on oublie le 90 %, puis, dans le 10 %, c'est parce qu'avant de couper le chèque à 50 %, qu'on parle, c'est plusieurs récidives, ce n'est pas la première. Donc, il y a des gestes, il y a du travail qui va se faire entre...

Puis, en passant, les agents que... moi, je les aime beaucoup, moi, je suis fier d'eux, parce que ça prend un grand coeur pour travailler à Emploi-Québec. Ces gens-là, ils ont du coeur, ils savent puis... pour occuper ces postes-là, parce qu'ils ont du coeur. Puis ils vont, à un moment donné, bâtir une relation avec la personne. Alors, ce n'est pas vos membres syndiqués à vous, mais c'est des membres syndiqués qui ont les droits, puis ils connaissent ça, puis ils savent ça. Alors, voilà mes commentaires.

Le Président (M. Auger) : Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des interventions? Je n'ai pas entendu de question formelle, là, mais...

M. Boyer (Daniel) : ...il y avait-u une question? Je ne le sais pas, mais c'est correct. Je veux dire, c'est correct.

Le Président (M. Auger) : M. Boyer.

M. Boyer (Daniel) : M. le ministre, on s'est posé la question. Vous nous l'avez dit, M. Matte nous l'a dit, M. Francoeur nous l'a dit que ça ne diminuait pas les pouvoirs de la Commission des partenaires.

Nous, on s'est questionnés, on a requestionné nos responsables techniques. On a dit : Écoutez, lisez bien la loi, parce que je pense qu'il y a quelque chose que vous n'avez pas compris. Mais je me suis amusé à la lire pour le fun. Je ne veux pas faire une étude article par article, là, mais le coeur de la commission, là, c'est ce que vous avez à l'article 10 du projet de loi et c'est ce qu'on retrouve à l'article 17 de la loi actuelle. Ça commence en disant : «La commission a pour fonctions de participer», vous avez : «ainsi qu'à la prise de décisions relatives à la mise en oeuvre et à la gestion des mesures [de] programmes». Woups! On ne l'a plus, là. Ça, on n'a plus ça dans le premier paragraphe, là, à l'article 10, là. On n'a plus ça.

Si on s'en va à 4°, on abolit le paragraphe 4° : La commission «détermine, conformément à l'article 19, des critères de répartition de l'ensemble des ressources afférentes aux mesures, programmes et fonds de main-d'oeuvre et d'emploi». On abolit ça.

Au point 5° : par le remplacement de «identifie des» par «conseille le ministre». Donc, le 5°, là, c'est : La commission «identifie des cibles d'intervention des services publics d'emploi». Là, ça va être dorénavant : «Conseille le ministre relativement aux cibles». On n'est plus dans la même affaire, là. Là, on n'est plus dans les mêmes pouvoirs, pas du tout, là.

À 6°, à 6°, qui amende, c'est : «Examine les plans d'action». Dans la loi actuelle, c'est : «Examine et approuve» les plans d'action.

Ça, c'est des pouvoirs qu'a la Commission des partenaires au moment où on se parle. Donc, on a un peu de misère à dire qu'on ne perd pas de pouvoirs. Si on ne perd pas de pouvoirs, pourquoi vous ne laissez pas les articles tels qu'ils sont au moment où on se parle?

• (16 h 50) •

Le Président (M. Auger) : M. le...

Des voix : ...

Le Président (M. Auger) : Juste pour répondre sur le même sujet. M. le ministre.

M. Hamad : ...ça fait 13 ans que je fais de la politique, là, j'ai compris une chose, c'est que c'est l'Assemblée nationale qui est souveraine, c'est... les redditions de comptes, on fait ça à l'Assemblée nationale. Alors, vous pouvez faire n'importe quel plan, c'est que le responsable devant l'Assemblée nationale, c'est le gouvernement, parce qu'on finance puis on met de l'argent. C'est l'argent du public qu'on doit défendre, puis on doit le présenter à l'Assemblée nationale. Vous ne pouvez pas amener un plan...

À la fin, dans le processus actuel, c'est le ministre qui adopte le projet, vos plans, puis il va les présenter après. Alors, c'est la même chose. C'est juste, à la fin, là, le responsable devant... Puis, en passant, l'opposition, là, ils ne vous ont jamais parlé de quelque chose qui marche mal, là. Ils vont parler au ministre, puis ils vont critiquer le ministre, puis ils vont critiquer le gouvernement pour les gestes. Ils vont dire : Ça ne marche pas, puis tout ça. Ils ne vous ont pas critiqués, là. Je parle des affaires relatives à la commission, vous le savez très bien. Vous-même, vous avez une organisation, et, quand on amène un plan d'action de la CPMT ou Emploi-Québec, on le présente au comité ministériel, au Conseil des ministres, puis après ça on le dépose au Parlement. Puis le Parlement, il est souverain. Après ça, l'opposition peut critiquer, mais il faut qu'on l'accepte, le gouvernement, de déposer. C'est une question...

Mais, regardez, j'apprécie quand même, là. Je suis content malgré tout, là, de savoir que ce n'est pas clair puis c'est des enjeux, comment, la définition, etc., puis on va le travailler. Mais, à la fin de la journée, moi, j'ai compris une chose, c'est : à la fin, là, l'argent du peuple est géré au Parlement, puis le gouvernement est redevable devant le Parlement des dépenses, des plans d'action et des plans de dépenses, puis c'est ça qui fait la beauté de notre système démocratique, parce que ça permet à l'opposition de critiquer le plan. Puis qui qui le défend, le plan? Ce n'est pas vous, là. Êtes-vous venu défendre le plan d'Emploi-Québec déjà? Avez-vous répondu à une question d'un journaliste, du plan d'Emploi-Québec? Jamais, jamais. Avez-vous répondu à un problème de CLE, de centre local d'emploi, etc.? Jamais.

Mme Chabot (Louise) : Bien, M. le ministre, je pense que...

Le Président (M. Auger) : Très rapidement. Il y avait M. Lortie qui voulait intervenir.

Mme Chabot (Louise) : Oui. Bien, vas-y, Jean.

Le Président (M. Auger) : Excusez-moi, en 15 secondes, très rapidement.

M. Lortie (Jean) : Oui, rapidement. Bien, si ça marche, pourquoi changer? Alors, ça, c'est l'inquiétude que M. Boyer vient de vous dire, les articles pertinents.

Et, sur la question de la reddition de comptes, M. le ministre, effectivement, on est même mal à l'aise que la commission demande des redditions de comptes à d'autres ministres. C'est vous qui devez répondre devant le Parlement, c'est le parlementarisme britannique, et je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites là. Alors, pourquoi introduire cet élément-là?

L'inquiétude qu'on a, c'est que ce n'est pas à la commission ou les partenaires de demander des redditions de comptes à d'autres ministères, c'est à vous de le faire comme ministre de Sa Majesté, pour prendre cette expression. Alors, l'inquiétude qu'on a, c'est de retrouver tous ces articles-là et se dire pourquoi. La question des nominations, ça marchait très bien. Vous l'avez dit vous-même, les nominations... Bien, pourquoi changer dans le projet de loi puisque ça fonctionne très bien actuellement? Les décrets sortent, les gens sont nommés, encore récemment plusieurs sont arrivés à la commission, et ça ne pose pas de problème.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Donc, c'est tout le temps que nous avions, mais je pourrais vous proposer quand même de continuer, d'enlever du temps sur votre prochain bloc, si vous voulez continuer cet échange-là.

M. Hamad : ...c'est deux blocs, hein?

Le Président (M. Auger) : Oui. Donc, on revient?

M. Hamad : Oui.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Je céderais maintenant la parole au député de Saint-Jean pour neuf minutes.

M. Turcotte : Merci, M. le Président. Bon, je rappellerai au ministre que ce n'est pas que de l'argent du public, hein, il y a quand même aussi de l'argent des entreprises qui sont à la Commission des partenaires du marché du travail.

Je comprends aussi, avec ce que vous dites aujourd'hui puis ce qui est très détaillé et argumenté dans votre mémoire, qu'on aura un bon travail, un bon travail à faire, bon, je pourrais dire, pour tout modifier le projet de loi, là, mais on va y aller bouchée par bouchée, là, parce que, sinon, on n'y arrivera pas, là. Mais, dans la question de la Commission des partenaires du marché du travail, il y a un bon travail pour clarifier tout ça, parce qu'effectivement il y a beaucoup d'éléments que vous soulevez, là, entre autres, bon, la représentation du ministère de l'Éducation et de l'Immigration. Je peux bien entendre, là, que les directions régionales sont abolies, là, mais il y a encore du monde dans ces ministères-là, et on peut en envoyer, des représentants, de temps en temps, dans les comités régionaux, là.

J'entends aussi un autre argument sur Emploi-Québec. Nous aussi, à la lecture du projet de loi, on a eu beaucoup d'inquiétudes sur la fin d'Emploi-Québec, sa modification. Vous avez amené beaucoup d'éléments. Le ministre semble dire que, non, il n'y aura pas de problème, puis tout ça, mais en même temps, souvent, le diable se cache dans les détails, puis en même temps un législateur ne parle pas pour ne rien dire. Donc, si c'est dans le projet de loi, c'est parce qu'il y a quelque chose, là.

Donc, je comprends que vous avez des inquiétudes. À la lumière de ce que le ministre a mentionné précédemment, est-ce que vous êtes rassurés de ça ou vous avez encore la même inquiétude sur l'existence même ou les mandats qu'Emploi-Québec pourrait poursuivre?

Le Président (M. Auger) : Qui va répondre? Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Bien, écoutez, le ministre a voulu nous rassurer sur le fait qu'il ne se perdrait pas d'emploi. Ce n'est pas ça qu'on a plaidé ici, là. Tu sais, on n'est pas sur les 6 000 emplois, on vient questionner.

Actuellement, Emploi-Québec a une autonomie. Là, on nous dit : C'est juste administratif. Emploi-Québec ne sera plus autonome, il va être associé directement au ministère. Donc, je leur pose la question : Pourquoi ce changement? Là, on a levé le flag ici, là, que, là, on ne perdra pas 6 000 emplois, on n'abolit pas du monde, le monde est encore là, il va encore y avoir des services. Ce n'est pas ça qu'on questionne, là. Je suis convaincue de ça, que, demain matin, là, ce n'est pas l'idée de vider... Bien, c'est quoi, le but? C'est quoi, le but d'enlever une entité autonome, Emploi-Québec, qui joue un rôle majeur sur les objectifs d'un projet de loi, pour...

Une voix : Qui a une notoriété.

Mme Chabot (Louise) : ...oui, il a une notoriété. En plus, je pense que même le patronat a salué qu'il avait besoin de... Puis on n'est pas là-dessus. Pourquoi? Quand on dit qu'on réduit les pouvoirs puis on semble vouloir diminuer les forces vives de l'ensemble du réseau puis des secteurs en termes de marché d'emploi puis de formation, bien, Emploi-Québec en fait partie aussi. Donc, voilà.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, je comprends que vous n'êtes pas vraiment rassurés pour Emploi-Québec, et la question demeure, et nous avons la même question : Pourquoi modifier une structure qui, bon, semble fonctionner? Le ministre est fier d'être ministre de l'Emploi, donc pourquoi modifier Emploi-Québec en ce sens-là?

Une autre question. Vous mentionnez dans vos recommandations : «...accroître la responsabilité des entreprises en matière de formation en emploi en étendant la loi du 1 % à toutes les entreprises, peu importe leur masse salariale.» Ça va complètement à l'encontre de la volonté du gouvernement actuel qui, si je ne me trompe pas, dans le projet de loi n° 74, hein, demande, bon, de passer de 1 million à 2 millions. Donc, ça va complètement dans l'autre sens de qu'est-ce que le gouvernement fait actuellement.

Pourquoi que vous amenez ce... Je me doute pourquoi vous amenez cette recommandation-là, mais concrètement, vous qui êtes à la Commission des partenaires du marché du travail, il y a bien une raison pourquoi que vous amenez ce...

Le Président (M. Auger) : M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : Bien, il est clair que c'est un mauvais signal aux entreprises québécoises sur la responsabilité qu'elles ont de former la main-d'oeuvre, leur propre main-d'oeuvre, leur main-d'oeuvre future et ne pas attendre qu'elle soit pieds et poings liés, livrée, formée, formatée pour leurs besoins très pointus, pour une semaine après l'embauche. On l'a dit d'ailleurs dans notre mémoire, on fait une recommandation en disant : Depuis 13 ans, le signal qu'on envoie, c'est que les entreprises, sous l'épouvantail d'ailleurs de la fiscalité des entreprises...

On pourrait faire un débat ici, mais M. le ministre nous a rappelé qu'on n'était pas dans la bonne commission parlementaire à cet égard-là, mais, sur la question de la fiscalité des entreprises, je dirais que, cette question-là de la formation, il y a un «commitment» qui doit être fait. Et on trouve que c'est navrant que c'est seulement les entreprises de plus de 2 millions... C'est souvent celles qui font le plus d'efforts en termes de formation. Ce n'est pas elles qui devraient être les plus couvertes. C'est les PME, au Québec, qui ont besoin d'avoir un incitatif à former la main-d'oeuvre, à développer des programmes. C'est très exigeant, elles ont peu de ressources humaines pour le faire, mais ça ne se peut pas qu'on ne fasse pas ça.

Alors, nous, on envoie un signal fort que, pour nous, ce n'est pas bon pour l'avenir des PME québécoises.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Le ministre revient souvent avec, un peu à la blague, la formation pour les clowns, là. Bon, je comprends qu'il ne parle pas des clowns thérapeutiques de sa collègue, de son ex-collègue, mais, au-delà de ça, concrètement, là, la formation qui est offerte par la Commission des partenaires du marché du travail, ce n'est pas n'importe quelle formation, là. Il y a quand même...

Comment vous voyez ça, la volonté... bien, dans le projet de loi n° 70, mais aussi dans les autres projets de loi, là, parce qu'il y a quand même un message ambiant du gouvernement actuel, là, de revoir significativement la Commission des partenaires du marché du travail et, en termes de formation...

M. Lortie (Jean) : On s'est donné, à la commission...

Le Président (M. Auger) : M. Lortie.

• (17 heures) •

M. Lortie (Jean) : On s'est donné des règles. On a des règles de gouvernance parce qu'on dépense des fonds publics. On est très sensibles à cette question-là. On s'est donné des garde-fous au niveau du comité exécutif de la commission, au niveau du conseil d'administration, sur ces questions-là, l'exemple que vous soulignez. On s'est donné des règles et on en parle régulièrement pour assurer la crédibilité des dollars qui sont dépensés par la commission, soit des dollars du trésor public, parce que c'est le 10 millions du gouvernement, ou c'est les employeurs, pour s'assurer que ça soit étanche de ce côté-là. On se donne des règles constantes. Encore récemment, dans les dernières semaines, on a eu à traiter de ces questions-là, et je vous dirais que c'est encore plus préoccupant. Il faut que cette formation-là... Il faut accompagner les PME le mieux possible et leur donner le maximum d'outils pour qu'elles investissent à la bonne formation.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Saint-Jean, 2 min 30 s.

M. Turcotte : Vous dites que vous proposez de «mieux soutenir et [...] valoriser davantage l'offre de formation développée par les comités sectoriels de [la] main-d'oeuvre». Si vous dites ça, c'est parce que ça ne se fait pas ou ça ne se fait pas assez suffisamment. Comment ça? Puis ça veut dire quoi, là, cette recommandation-là?

Le Président (M. Auger) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Non, on ne vient pas minimiser du tout le rôle du comité, au contraire. Au contraire, on ne veut pas les affaiblir, parce que les comités sectoriels de main-d'oeuvre, dans toutes les régions, c'est majeur, là, leur rôle, en termes d'identification des besoins, en termes d'accompagnement, en termes d'acteurs du milieu autour.

M. Lortie (Jean) : J'en ai fondé deux, et c'est incroyable, incroyable, le travail qu'on a pu faire. Dans les comités sectoriels, c'est le forum partenarial impeccable entre employeurs et syndicats. C'est merveilleux comme outil. Et ça décrispe beaucoup les relations entre les employeurs, souvent, et les syndicats, et le communautaire dans ces forums-là.

M. Turcotte : Vous dites : «Mieux soutenir et valoriser davantage». Ça veut dire que ce n'est pas fait suffisamment.

Des voix : ...

Le Président (M. Auger) : Juste un instant. Je vais vous demander votre collaboration, une personne à la fois, parce qu'il y a un monsieur, là-bas à ma gauche, qui a beaucoup de difficultés à vous suivre, et pour les gens qui nous écoutent et qui nous regardent, s'il vous plaît.

Donc, est-ce qu'on peut recommencer votre question, M. le député de Saint-Jean?

M. Turcotte : Si vous dites : «Mieux soutenir et de valoriser davantage», c'est parce qu'à vos yeux ça ne se fait pas suffisamment ou ça pourrait se faire d'une façon différente qui serait plus efficace. Est-ce que je fais la bonne lecture de votre recommandation?

Le Président (M. Auger) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Bien... Oui. C'est bon, là?

Le Président (M. Auger) : Je m'excuse, là, je vous ai identifiée, là.

Mme Chabot (Louise) : C'est ça qu'on ne veut pas dans le projet de loi!

Des voix : ...

Mme Chabot (Louise) : Vous avez tout compris. M. Hamad, vous avez l'illustration parfaite.

Bien, je pense qu'on a voulu le souligner en raison particulièrement de notre lecture du projet de loi. C'est que ça vient affaiblir les mécanismes actuels qu'on connaît, qui sont à la fois le rôle et les pouvoirs de la CPMT, le rôle important aussi des conseils-partenaires au niveau des régions. Puis aussi, au niveau sectoriel, l'intervention sectorielle, ils sont trois éléments majeurs en termes de modèles qu'on s'est dotés, puis c'est tout ça qui nous semble remis en cause.

M. Turcotte : Juste pour... Ou bien vous le prendrez sur mon prochain bloc, là.

Le Président (M. Auger) : Oui. Allez-y.

M. Turcotte : Donc, je comprends que ce n'est pas tant ce qui se fait en ce moment que des craintes que vous avez que le projet de loi affaiblisse ce qui se fait actuellement. Là, c'est ce que j'ai cru comprendre?

Mme Chabot (Louise) : Oui.

M. Turcotte : O.K. Parfait.

Le Président (M. Auger) : Ça va, M. le député de Saint-Jean? Nous allons poursuivre avec le deuxième groupe d'opposition pour six minutes. M. le député de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Merci beaucoup. Bonjour à vous trois. Une question bien simple, en même temps, mais moi, en tout cas, je la pose depuis aujourd'hui, puis ce n'est pas clair. Beaucoup de groupes sont venus puis ils n'ont pas toujours d'emplois convenables. Bien, emploi convenable, là, c'est très large, en même temps, parce qu'il peut être très convenable pour moi, mais il peut être très mauvais pour un autre. Alors, l'emploi convenable, vous, dans votre définition, votre approche, là, vous êtes des représentants d'employés, là, pouvez-vous m'en dire plus, là, là-dessus?

Le Président (M. Auger) : M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : Bien, emploi convenable : député à l'Assemblée nationale. Je pense que c'est convenable. Je vous dirais qu'emploi convenable, c'est...

Des voix : ...

M. Lortie (Jean) : Non? Bon.

M. Schneeberger : ...très souvent, des patrons, des présidents d'entreprise, puis ils me disent toujours : Moi, je ne ferais pas ta job. Parce qu'ils voient ce qu'on fait. Alors, l'emploi convenable, pour certains, là, ça pourrait être bien le fun, mais ils ne nous voient pas quand on est à 10 heures le soir chez le club de ci...

Des voix : ...

M. Schneeberger : C'est ça. L'emploi convenable, c'est pour ça, je dis : C'est très large, là, tu sais? Parce qu'il y en a qu'emploi convenable il faut qu'ils finissent à 4 h 30 parce qu'à 5 heures ils veulent être à la maison. Ce n'est pas ça, nous autres, là.

Le Président (M. Auger) : M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : Emploi convenable : des conditions de vie et de santé, sécurité, qu'on ne meurt pas sur la job ou on ne sort pas avec les poumons, à 45 ans, maganés, quand on travaille dans un abattoir avec aucune façon de prévenir toutes les maladies qui finissent en «ite», avoir un minimum de salaire qui paie l'épicerie — le brocoli à 9 $ ces temps-ci. Ça, c'est ce qu'on appelle des emplois convenables.

Maintenant, si on va jauger des marges : Est-ce que ça prend absolument un plan d'assurance lunettes et dentaire? Ça, on fera le débat dans le cadre d'une négociation locale. Mais, emploi convenable, c'est que le monde gagne dignement leur vie, puis ils rentrent à la maison le soir, puis ils sont capables de faire vivre leurs familles. C'est à peu près ça, pour nous, qu'on juge comme emploi convenable.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Drummond—Bois-Francs. Quatre minutes à votre disposition.

M. Schneeberger : Mais convenez avec moi que, dans la vie, on essaie tous de faire un emploi qu'on aime, mais ce n'est pas toujours le cas, là. S'il y a quelqu'un qui me dit qu'il aime son job à tous les jours, il est très chanceux, mais souvent, là, ce n'est pas toujours le cas. Des fois, il faut accepter des emplois, et autres.

Puis moi, j'ai grandi sur une ferme laitière. Quand mon père me disait : Là, tu vas aller ramasser de la roche aujourd'hui, je savais c'était quoi, ma journée, là. Ça ne me tentait pas, mais on le faisait parce que, tu sais, il fallait le faire, c'est ça. On a tous des emplois... C'est sûr que je dis la notion d'emploi convenable, alors c'est sûr que, dans la vie, des fois, il faut que tu te forces. C'est comme à l'école, on n'aime pas toutes nos matières, mais il faut les faire pour passer au travers puis avoir notre note puis notre diplôme. Alors, c'est sûr que, tu sais, quand...

Je comprends le ministre de dire : Il faut aider tous les gens. En même temps, l'emploi convenable, moi, c'est très large, parce que, pour M. Bien-du-monde, ce n'est pas... tu sais, c'est dur à définir, un emploi convenable, pour chaque personne, c'est très différent. Alors, c'est là que moi, je mets... Autant c'est une question très simple, mais autant c'est du cas par cas. Et là, étant donné qu'on fait une loi générale, c'est complexe.

Le Président (M. Auger) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Bien, il y a plusieurs solutions. On pourrait parler de travail décent, ce qui est déjà défini par le Droit international du travail. Un emploi convenable, il me semble, comme individu, là, je peux comprendre... Quand on était jeunes, moi non plus, je n'aimais pas ça, aller ramasser des fraises à quatre pattes à 1 $ du casseau, là... bien, même pas, des fois gratuitement.

Un emploi convenable, dans le fond, on a répondu, là, c'est quelque chose qu'on peut s'assurer que c'est un emploi décent qui, pour une personne, va lui permettre de s'épanouir comme individu, mais aussi dans des conditions d'exercice du travail qui ne rendent pas... qui font en sorte que la pénibilité est plus grande que la motivation, là. On sait qu'il y a des emplois difficiles mais convenables. C'est un nombre d'heures convenable avec salaire convenable, avec aussi un milieu de travail qui valorise — on est dans la formation emploi — qui valorise aussi, pour ces employés, justement la mise à jour et de permettre de la formation, de faire en sorte que les employés puissent finalement trouver une motivation au travail. C'est ça, un emploi convenable.

Le Président (M. Auger) : M. Boyer, vous vouliez rajouter quelque chose sur l'emploi convenable?

M. Boyer (Daniel) : Bien, je voulais dire... Bien, sur l'emploi convenable, sans définir l'emploi convenable, je pense que ça mérite qu'on y réfléchisse, plusieurs personnes ensemble, plusieurs groupes ensemble, pour qu'on définisse un véritable emploi convenable. Ça me fait un peu gricher des dents, je vous avoue, parce que la dernière définition d'emploi convenable, c'est celle que le gouvernement conservateur nous a imposée avec sa réforme d'assurance-emploi. Et là je vous avoue que ça, ce n'est vraiment pas convenable. Si on s'en va dans ça, là, c'est vraiment qu'il faut accepter n'importe quoi. Mais on ne pense pas qu'un être humain dignement constitué, là, doit accepter nécessairement n'importe quoi. Moi, je ne pense pas. Je ne pense pas.

Et j'écoutais Mme Hébert, tantôt, qui disait que ça n'avait pas eu de conséquence. Bien, ça n'a pas eu de conséquence, mais, avant la réforme, il y avait moins d'un chômeur sur deux qui recevait des prestations et, après la réforme, il y a maintenant 38 % des chômeurs qui reçoivent des prestations. Donc, il y a moins de chômeurs qui reçoivent des prestations, tout ça lié à une définition, en partie, d'emploi convenable qui ne tient absolument pas debout. Donc, il ne faudrait pas accoucher de ce genre de définition là ici.

Le Président (M. Auger) : 30 secondes, M. le député.

M. Schneeberger : Je reviendrai peut-être tout à l'heure. Au pire, je prendrai ça sur mon autre temps.

Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Tout à l'heure, vous avez dit : Actuellement, on s'occupe de la main-d'oeuvre actuelle. On ne veut pas s'occuper de la main-d'oeuvre future, là. Je ne suis pas sûr d'avoir très bien compris. Peut-être revenir là-dessus, là. Vous devez savoir de quoi je veux parler. Moi, dans le fond, une fois ça dit, je veux savoir pour quelle raison vous ne voulez pas vous occuper de la main-d'oeuvre future.

Le Président (M. Auger) : M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : Oui. En fait, ce que je disais en préalable, c'est qu'il y a assez de travail à faire pour la main-d'oeuvre en entreprise actuellement, ou celle qui va rentrer dans les entreprises, qu'on trouve que la bouchée est trop grosse pour s'occuper de la main-d'oeuvre future, d'abord ce n'est pas le rôle de la CPMT d'aller dans les écoles puis de s'occuper de la main-d'oeuvre future dans 10, 15 ou 20 ans, on a déjà assez de travail de ceux qui sont en entreprise, qui ont besoin de formation sur les technologies, sur les nouvelles politiques d'apprentissage, etc., et qu'on pense qu'il y aura assez à travailler là-dessus que de s'occuper de rajouter un mandat qui est sur la main-d'oeuvre future. Nous, on pense véritablement... Occupons-nous de ceux qui sont en emploi ou ceux qui sont en difficulté pour retrouver un emploi, que la main-d'oeuvre, les étudiants en d'autres mots, les jeunes, dans 10 ou 15 ans. Ce n'est pas de rôle de la Commission des partenaires du marché du travail. C'est ceux véritablement qui sont en entreprise, en emploi dans les établissements, qui... on devrait prioriser notre travail.

Le Président (M. Auger) : Ça va, M. le député?

Mme Chabot (Louise) : Pour compléter?

Le Président (M. Auger) : Oui, Mme Chabot.

• (17 h 10) •

Mme Chabot (Louise) : En vraiment 10 secondes. Un, il faudrait trouver une définition à ce qu'on essaie de faire, là, cette notion-là de future. Mais de «future» est apparue, elle signifie quoi? Puis Jean a très bien répondu, il dit que ça ne sera pas que ça inclut les jeunes actuellement en formation sur les bancs d'école, là. Ça, il faut s'entendre là-dessus, là, ce n'est pas notre rôle, à la Commission des partenaires du marché du travail.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Drummond—Bois-Francs, encore sur le sujet?

M. Schneeberger : Je vous pose ça parce que, pour ma part à moi, si on veut prévoir l'avenir, pour les entreprises, c'est très important de prévoir la main-d'oeuvre future. Ce n'est peut-être pas, vous dites... Ce n'est peut-être pas votre caractère à vous, mais il faut le travailler, il faut savoir qu'est-ce qui s'en vient. Quand on parle de problématiques d'employés à des places, c'est parce que peut-être qu'on n'a pas prévu ça avant ou assez tôt, et c'est important. C'est pour ça que je trouve ça un petit peu spécial que vous nous dites ça aujourd'hui.

Le Président (M. Auger) : Dernière intervention, parce qu'on va continuer par la suite. M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : ...plusieurs années. Alors, mettons nos énergies, mettons le rôle de la commission... le mandat de la commission sur la main-d'oeuvre qui est là pour les 10, 15, 20 prochaines années. Elle a assez à faire de travail là-dessus avant effectivement d'aller sur les bancs d'école, de s'occuper... Parce que les gens qui sont à l'emploi, ils vont être encore là dans plusieurs années, et il faut absolument... Ils vont changer trois, quatre, cinq fois d'emploi, il faut qu'il y ait un parcours de formation professionnelle tout au long de leur carrière pour leur assurer des conditions de vie décentes. Et on pense que le coeur de notre mission, c'est celui-là.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Mme la députée de Gouin, pour trois minutes.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. Votre mémoire est vraiment intéressant et votre présentation aussi. Évidemment, vous m'avez fait énormément plaisir en proposant de retirer la deuxième partie du projet de loi n° 70. Vous n'êtes pas les premiers à penser, aujourd'hui même, que ça pose de très graves problèmes.

Ma question va tout de même s'adresser à Mme Chabot comme présidente de la CSQ, je ne peux pas quand même m'en empêcher, à cause de la deuxième partie du projet de loi. Dans cette deuxième partie, on présuppose qu'un certain nombre de jeunes arrivant à l'aide sociale, je ne sais pas, à 18 ans, 19 ans, 20 ans, doivent être aidés pour aller sur le marché du travail. Aidés, tout le monde est d'accord. Accompagnés, soutenus, tout le monde est d'accord. Mais vous savez évidemment que le ministre veut désormais travailler avec coercition. Bon. Je ne développe pas davantage, vous êtes au courant.

Moi, ce dont on me parle, c'est de jeunes qui n'ont pas terminé leur secondaire V. À Montréal, c'est un sur deux qui ne le termine pas en cinq ans. Beaucoup retournent à l'école en formation aux adultes, je suis certaine que vous connaissez ça très bien, et c'est difficile, pour un certain nombre de ces jeunes, de passer à travers la formation aux adultes et finalement de décrocher leur secondaire V. Parce que ça a beaucoup changé, la formation aux adultes, hein? Plein d'élèves dans une classe, chacun fait son cahier d'exercices, le professeur répond aux questions.

Est-ce que vous verriez une façon différente d'agir qui, justement, empêcherait peut-être l'arrivée à l'aide sociale de plein de jeunes qui, effectivement, à 18 ans, arrivent à l'aide sociale, n'ont pas terminé leur secondaire V, ont des difficultés, mais ça s'est passé avant leurs 18 ans, dans le fond? Est-ce que vous auriez des recommandations à nous faire pour prévenir cette situation?

Le Président (M. Auger) : Mme Chabot, en une minute.

Mme Chabot (Louise) : Oui, d'accord, mais j'aurai l'occasion d'en parler dans le projet de loi n° 86 aussi, là, où on va regarder la vision de l'éducation. Agir en amont sur ces jeunes-là, c'est majeur, parce qu'il y a des difficultés. Mais, à votre question bien précise, là, vous avez raison, la formation des adultes n'a d'adulte que le nom, c'est un secteur qui se rajeunit. Au niveau de la clientèle, on a beaucoup, beaucoup plus de jeunes. Avec les difficultés que ça suppose en formation des adultes, la composition des classes n'est plus du tout la même dans le parcours, d'où l'une de nos recommandations aussi : Que le plan d'action... ou la politique de formation des adultes, continue, doit absolument, puis c'est urgent, être revue.

Le Président (M. Auger) : Merci. 15 secondes.

Mme David (Gouin) : Autrement dit, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais vous partagez tout de même le point de vue qu'il vaut quand même mieux agir en amont, s'assurer qu'il y ait le moins possible de jeunes qui arrivent à 18 ans sans avoir terminé leur secondaire, et se ramassant souvent à l'aide sociale, plutôt que la coercition.

Mme Chabot (Louise) : C'est oui. C'est oui.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre avec un deuxième bloc d'échange. M. le ministre, vous avez à votre disposition 14 min 15 s.

M. Hamad : Juste un petit commentaire sur l'emploi convenable utilisé par la réforme de l'assurance-emploi : On n'a aucune intention de l'utiliser. D'abord, c'est fait pour des gens qui étaient en emploi, puis on compare l'emploi convenable par rapport à l'ancien emploi. Là, on est à l'aide sociale, il n'y a pas de comparatif, on va aller plus sur les définitions que vous avez données, en passant. C'est ça, dans le fond, un emploi convenable. Mais on va travailler ensemble pour le clarifier.

Là, vous avez dit un élément important. Je dois m'assurer, comme mon collègue de Drummondville, de bien comprendre, là. La Commission des partenaires du marché du travail s'occupe du marché du travail. Le marché du travail, là, c'est les travailleurs actuels et la possibilité d'avoir des travailleurs futurs de remplacement des gens. Alors, dans le marché du travail, lorsqu'on regarde globalement, il y a 52 % des... ceux qui vont remplacer, ils viennent des jeunes, 18 % viennent des immigrants, il y a des personnes au chômage et assurance-emploi, 8 %, etc.

Mais évidemment vous, là, vous êtes et vous allez continuer à être le conseiller en matière d'emploi, marché du travail, pour le gouvernement et la société, mais vous allez être obligés de regarder aussi qu'est-ce qui arrive dans le marché, c'est-à-dire regarder les jeunes, comment ils vont rentrer, comment on va les aider à rentrer sur le marché du travail et comment on va les préparer pour être qualifiés. Et évidemment, en même temps, on s'occupe aussi de nos travailleurs en place. Évidemment, nos travailleurs en place, c'est important les connaissances, la formation, les compétences, ça, c'est clair, là. Ça, pour moi, c'est acquis, tout le monde est d'accord. Mais je veux juste être bien compris, on s'occupe aussi... les jeunes vont arriver, là, sur le marché du travail, c'est important, là, c'est 52 % de remplacement.

Alors, comme visionnaires du marché du travail, il faut voir ceux qui vont partir. Puis, en passant, vous avez dit qu'il n'y en a pas beaucoup qui partent, mais malheureusement on a un vieillissement important, on a un défi démographique et on remplace... Puis, chez vous, là... Moi, là, je suis ici ça fait 10 ans, là, j'ai connu plusieurs présidents dans votre organisation, donc il y a un remplacement, et c'est normal. Donc, il y a un remplacement sur le marché du travail aussi. Alors, c'est ces gens qui vont arriver, évidemment, et les gens qui vont rentrer dans le marché du travail. Alors, ça, on se comprend là-dessus, là.

Le Président (M. Auger) : Oui. M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : Mme Chabot l'a bien dit tantôt : Définissons donc c'est quoi, la main-d'oeuvre future. Parce que, pour nous, la main-d'oeuvre future... On travaille fort sur l'information, sur le marché du travail. Ça, c'est un des défis qu'on nous a confiés. D'ailleurs, c'est votre gouvernement qui nous a confié le travail. Et moi, je préside un groupe de travail qui ne besogne, depuis pratiquement six mois, que sur ces questions-là, l'information sur le marché du travail, une bonne adéquation avant de passer à d'autres étapes, c'est-à-dire quels programmes puis quels types d'emploi.

Bien, c'est sûr que les clientèles que vous venez de me dire, c'est tout à fait le mandat qu'on a : connaître c'est quoi, les besoins des entreprises. Mais, Louise le disait un peu plus tôt, la main-d'oeuvre future, est-ce que c'est les jeunes qui sont sur le banc d'école en secondaire I ou on parle de gens qui arrivent au Québec comme immigrants reçus, qui veulent s'installer en région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, ils ont une spécialisation en industrie laitière? Ce n'est pas clair pour nous, ça, quand on parle de main-d'oeuvre future, alors on aimerait ça qu'on définisse. Parce que notre mandat, nous, véritablement, c'est la main-d'oeuvre actuelle, bien sûr. Je l'ai souligné au député de Drummond un peu plus tôt que les gens qui vont être à l'emploi sont là pour quelques années encore au Québec. Et la main-d'oeuvre future, bon, c'est ceux qui, par exemple, ont besoin de... Adéquation : tel type d'entreprise, dans une région, a besoin d'une main-d'oeuvre plus particulière. Comment on fait fitter le puzzle ensemble?

Alors, on avait un peu d'inquiétude, puis on l'a souligné dans notre mémoire, que le futur n'était pas très clair pour nous et...

Le Président (M. Auger) : M. le ministre.

• (17 h 20) •

M. Hamad : M. Lortie, là on est dans le fondamental. Je suis un peu inquiet, là, et ce n'est pas le futur, là. Ce n'est pas compliqué, là, c'est : les jeunes remplacent 52 % des gens qui partent. Les chiffres, là, ne se trompent pas, là. Sur plusieurs années, on a à peu près un remplacement de 18 % puis on est 8 %... ça peut être 10 %, là, ça peut être 20 %, ça peut être 48 % au lieu de 52 %, là, mais il faut s'occuper de nos jeunes pour les préparer au marché du travail.

Il faut que la commission, quand vous allez établir l'information sur le marché du travail, c'est quoi ... Voici les besoins, voici l'évolution de ma main-d'oeuvre puis voici les besoins en main-d'oeuvre et en formation qui vont répondre aux emplois disponibles. Donc, il faut que je regarde aussi mon potentiel en termes de formation. Formation, c'est qui? C'est mes jeunes à l'école, c'est peut-être aussi les immigrants qui arrivent, qu'on va établir... dans l'immigration, dire : Est-ce qu'on veut amener des gens à l'immigration? On va s'assurer que ces gens-là répondent aux demandes du marché du travail, parce que ça va encore donner une meilleure intégration. En plus, il faut que je travaille les gens qui sont à l'assurance chômage pour les aider à revenir sur le marché du travail. Les statistiques sont là, là, ça ne se trompe pas, ça, c'est connu.

Mais, comme ce qu'on demande à la commission après, c'est un rôle fondamental... Puis, en passant, vous allez être capables de le faire, je vous rassure, M. Lortie. Et ce que vous allez faire, c'est que vous allez établir les besoins, là. La clé, actuellement, qu'on a besoin, c'est établir les besoins, par régions, de formation et de main-d'oeuvre. Ça, là, c'est le mandat essentiel, en gros, là. Mais évidemment il y a les cours de formation, il y a tout ce que vous faisiez d'habitude, la gestion du fonds de 1 %, puis plein d'autres choses que vous faites. Puis, à partir de là, là, ça déclenche des mesures après. Les mesures, c'est quoi : Est-ce qu'on a la formation? Est-ce que les jeunes qui s'en viennent vont répondre à la demande du marché? Est-ce qu'ils ont la formation nécessaire? Non? Parfait, on commence à faire la formation.

Puis, en plus, vous allez demander... c'est un pouvoir additionnel, vous allez dire à l'Éducation : On vous a dit qu'on veut des cours de... je ne sais pas, moi, des soudeurs dans la région de Chaudière-Appalaches. Les demandes du marché, on a besoin 300 soudeurs, et il n'y en a pas 300 actuellement. On ouvre des cours, on donne des cours, on fait des stages avec les entreprises puis on travaille à répondre à la demande. C'est ça, l'avenir. C'est ça que la commission va faire un jour. Puis là, en plus, après ça, après qu'on l'a fait un an, là, vous, vous allez demander pour une première fois, vous allez dire à l'Éducation : Est-ce que vous avez donné la formation qu'on a parlée? Oui ou non? Si c'est non, dites-moi pourquoi vous ne l'avez pas fait, parce que c'est nécessaire. Ça, là, c'est un pouvoir d'élu que vous avez. Donc, dans vos comités, là, vous allez regarder le marché du travail, là.

Le Président (M. Auger) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Bien, le devoir d'élu que vous nous donnez, vous pouvez le garder, M. le ministre, parce qu'on ne demandera pas au ministère de l'Éducation, là, s'il a fait les affaires comme on voulait. Le ministère de l'Éducation... Le rôle de l'Éducation au Québec, là, c'est de former des jeunes, pas juste des jeunes aptes à entrer sur le marché du travail demain matin, qui vont répondre juste à une vision étroite des besoins de l'entreprise. On forme des jeunes qui seront bien sûr des futurs travailleuses et travailleurs un jour, mais aussi on forme des jeunes, les jeunes qui sont sur les bancs d'école, pour avoir un diplôme terminal, comme la formation professionnelle. La formation professionnelle, elle n'est pas juste axée pour répondre aux besoins... Chaudière-Appalaches, les soudeurs, là, j'espère que c'est réglé, hein? Non, O.K.

M. Hamad : Non, malheureusement.

Mme Chabot (Louise) : Tu sais, parce que c'est toujours le même exemple...

M. Hamad : Non...

Le Président (M. Auger) : Juste un instant! Une personne à la fois. Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Bien, c'est parce que...

M. Hamad : Parce que ce n'est pas réglé.

Mme Chabot (Louise) : On s'entend, l'adéquation formation-emploi, on vous a dit qu'on n'était pas contre l'objectif, là. Il faut s'assurer... C'est ça qu'on fait à plein temps dans notre rôle : de s'assurer que, dans une région, ça a besoin. Mais en même temps il y a le besoin des individus en formation aussi. Ça fait que vous avez beau leur dire, là, qu'ils devraient être soudeurs, si ça ne lui tente pas d'être soudeur puis qu'il veut faire un autre parcours, on ne viendra pas dévaloriser la formation des jeunes. Et c'est ce qu'on dit dans le mémoire : Oui, mais pas seulement les besoins du marché du travail. Là, on se trompe de cible, là.

Le Président (M. Auger) : M. le ministre.

Mme Chabot (Louise) : Votre main-d'oeuvre future...

M. Hamad : Là, quand vous avez parlé...

Le Président (M. Auger) : Oui, juste un instant! M. le ministre.

M. Hamad : Quand Mme Chabot a dit...

Mme Chabot (Louise) : C'est qui, votre main-d'oeuvre future?

M. Hamad : ...qu'elle ne veut pas que le ministère de l'Éducation... elle ne veut pas vous rendre compte, là, j'ai vu que vos deux collègues à côté ont bougé un peu. Je comprends, c'est vos professeurs, vous ne voulez pas demander à vos professeurs de vous rendre des comptes. Mais, globalement, pour l'intérêt de la société, là, si on veut que ça marche puis si vous travaillez des heures et des heures pour établir les besoins en formation, en emploi, à un moment donné il faut voir pourquoi ça n'a pas marché. Si ça a marché, qu'on se félicite, puis qu'on apprend, puis qu'on fasse les meilleurs coups.

Et, en passant, si vous parlez à vos... je sais que vous vous parlez tous les jours, mais, dans le milieu de l'éducation, eux autres, ils disent qu'il faut qu'on ait une facilité, une accélération pour mettre des cours en place. Demandez aux commissions scolaires, vous allez voir, et ils vont dire : Il faut répondre aux besoins; on a besoin de flexibilité, au ministère de l'Éducation, pour qu'on fasse ça. Puis, pour la première fois, on met un pouvoir qui dit : On veut que ça bouge, on veut que ça marche pour pouvoir, à vous, professeurs, à vous, travailleurs, des autres, avoir de la formation.

Maintenant, on s'entend tous ici, les soudeurs ou d'autres formations... des professeurs, mettons... Et on n'oblige pas le monde à devenir... un temps limité pour répondre à ça, mais on va offrir aux gens une opportunité, dire : Regarde, cette opportunité-là, si tu as le goût de devenir soudeur, il y a une opportunité. Ça peut aider les gens à choisir, des fois, des métiers, quand il y a un avenir, puis un espoir, puis un rêve qu'ils peuvent réaliser.

Puis c'est, en passant, ce que vous faites depuis quelques années, la commission. Je connais ça depuis... ça va faire un bout de temps, mais ça a toujours été la force de la commission, c'est tous les groupes dans les régions, c'est tous les comités sectoriels, c'est le pouls de la région en matière de marché du travail, c'est la commission qui l'a. Puis après ça, lorsqu'on fait des programmes, des subventions sur la gestion de 1 % de développement, on le fait en fonction des besoins, des projets économiques. On le fait en besoins de la formation, où on va prendre les comités sectoriels, on les finance pour qu'ils développent. Puis ils développent... Puis, en passant, ils sont très forts, ils sont très bons. Puis Emploi Métropole, qu'on a créé pour le marché du travail à Montréal, ça va très bien, ça. C'est une création de la commission, qu'on a mise en place en 2010 ou 2011... me souviens pas. 2010, j'étais là. 2010?

Une voix : ...

M. Hamad : Alors, c'est ça. Donc là, vous allez continuer avec plus d'argent, plus de pouvoirs. Et, la nomination, je comprends que vous voulez décider vous-mêmes, je comprends ça, là, c'est vous que vous voulez décider, mais, dans l'ensemble de l'oeuvre, là, on s'en va vers une modernisation.

Le Président (M. Auger) : J'ai une intervention, M. le ministre. M. Boyer.

M. Boyer (Daniel) : Moi, je veux dire... je vous dirais d'abord : Quand vous nous dites «plus d'argent», là, on est bien sceptiques. Mais en même temps, quand on vous dit qu'on est sceptiques quant aux pouvoirs qu'on a de demander à des ministères de nous rendre compte... puis ça, ça va aller que... Vraiment, dans ce que vous avez dit, c'est vous, le ministre, M. le ministre, là, puis je n'ai pas l'intention, là... Mais, quand j'ai l'intention de prendre votre place, comme dirait Éric Duhaime, là, je vais mettre ma face sur un poteau, moi aussi. Mais ce n'est pas mon intention. Ce n'est pas mon intention, mais pas du tout. Sauf qu'au lieu de concentrer tout dans votre bureau, on a certains pouvoirs au moment où on se parle puis on pense que la commission devrait les garder, ces pouvoirs-là.

Maintenant, vous nous parlez qu'on a de l'argent. Je m'excuse : on n'aura pas plus d'argent qu'on en avait. Parce que de désassujettir les entreprises qui ont une masse salariale inférieure à 2 millions, ça équivaut à peu près kifkif à ce que le... je dis le gouvernement, mais c'est l'ensemble de nos impôts qu'on va mettre ça dans le pot, là, au lieu que ça soit les employeurs qui avaient une masse salariale entre 1 million puis 2 millions, qui la mettaient auparavant. Et ça, on a toujours décrié ça, on a dit : Les employeurs ont un rôle social à jouer. Ils veulent avoir de la main-d'oeuvre, ils doivent contribuer. Et, qu'on soit une PME, qu'on soit une grande entreprise, les entreprises devraient toutes contribuer à ce fonds-là. Là, on n'aura pas plus d'argent dans le fonds, mais on a des mandats supplémentaires, semble-t-il, et pas de pouvoir supplémentaire, on nous en enlève, au contraire. Donc, c'est ça qui nous met un peu...

Moi, je veux bien, là, je veux bien. Puis, écoutez, on n'a rien contre les stages, hein, puis on n'a rien contre le système dual allemand, là, on n'a rien contre ça. De vouloir l'implanter demain matin ici, au Québec, bonne chance, bonne chance. Malheureusement, je n'ai pas fait partie de la mission, mais j'ai été en Allemagne à plusieurs reprises étudier le système dual. Ça ne s'implante pas demain matin au Québec, là, je m'excuse. C'est toute une révision, aussi, de notre réseau d'éducation qu'il faut faire. Donc, on a du chemin à faire. On a du chemin à faire, et ce n'est pas avec un projet de loi comme celui-là qu'on va réussir.

Puis là vous nous parlez de... Écoutez, la communication, elle existe déjà entre la Commission des partenaires et les différents ministères, et entre autres avec le ministère de l'Éducation, on le mentionne également dans notre mémoire. Est-ce que ça peut aller mieux? Oui, je pense que oui. Mais là vous nous parlez de reddition de comptes, alors que nous, on est dans un exercice partenarial. On n'est pas dans la même dynamique, là. Est-ce qu'on peut, tous ensemble, regarder ce qu'on a mis en place comme moyens et est-ce qu'on a des résultats? Sinon, quel autre moyen on peut mettre en place pour arriver à nos résultats? Mais ça, on le fait tous ensemble. Et on n'a pas besoin d'un pouvoir de reddition de comptes face à certains ministères.

M. Hamad : ...

Le Président (M. Auger) : Dernière intervention, excusez-moi. M. le ministre, une minute.

M. Hamad : Dual, là, c'est une formule allemande, mentalité allemande. Nous, on aura notre modèle québécois.

M. Boyer (Daniel) : Exact.

M. Hamad : Ça, là, on s'entend là-dessus? Réglé.

Deuxième chose : vous demandez des redditions de comptes à Emploi-Québec. Là, vous devenez gênés de demander des redditions de comptes à l'Éducation. On ne comprend pas, là. Actuellement, là, vous demandez des redditions de comptes à Emploi-Québec puis là vous pouvez être dégênés un peu pour demander à l'Éducation... ce n'est pas plus compliqué.

Puis, en passant, là, c'est pour... Si j'étais à votre place puis je pose des gestes, j'aimerais ça, moi, qu'ils me disent qu'est-ce qui est arrivé après. Il n'y a pas de temps à perdre. Je mets mon effort puis l'énergie, dites-moi où vous êtes rendus. Puis, si l'adéquation, actuellement, ça marche, on ne serait pas ici. On a besoin... et, pour faire, besoin deux choses : pouvoir...

Le Président (M. Auger) : En terminant.

M. Hamad : ...et argent, pour réaliser ce qu'on vous offre ici, sur la table.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre avec M. le député de Saint-Jean. Vous avez à votre disposition 8 min 50 s.

M. Turcotte : Bien, peut-être laisser le temps à nos invités de répondre aux commentaires du ministre, tout d'abord.

Le Président (M. Auger) : Qui prend la parole?

M. Lortie (Jean) : Le gouvernement...

Le Président (M. Auger) : M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : Emploi-Québec est le «bras séculier» de la CPMT, si je veux prendre une expression classique. Emploi-Québec opérationnalise les orientations politiques que la commission définit...

M. Hamad : ...

M. Lortie (Jean) : Bien, ils travaillent avec nous. Moi, je préside des groupes de travail, on leur donne des commandes de travailler sur ces questions-là. Puis ils le font, les gens. Évidemment, on ne travaille pas avec des... Ce n'est pas directionnel, là. Les gens qui sont là, on leur demande des travaux, puis ils font les travaux pour les groupes de travail, pour... La commission, elle travaille fort pour nous.

M. Hamad : C'est ça.

M. Lortie (Jean) : Bien, c'est ça.

M. Hamad : C'est la même chose avec l'Éducation.

M. Lortie (Jean) : Ah non, non, non! Alors, on n'a pas du tout la même relation. Alors, on n'embarquera pas dans un débat de sémantique, mais ce n'est pas du tout la même chose.

Des voix : ...

Le Président (M. Auger) : Juste un instant! Un instant! Est-ce que vous avez terminé, M. Lortie?

M. Lortie (Jean) : Oui, absolument.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Saint-Jean.

• (17 h 30) •

M. Turcotte : Merci. On parle beaucoup, bon, de la Commission des partenaires du marché du travail, de l'argent, bon. Mon collègue de la deuxième opposition, tantôt, vous a posé une question concernant la main-d'oeuvre actuelle versus future et qu'on ajoute, au fond, la main-d'oeuvre future. Les contributeurs, donc les entreprises d'une masse salariale de 1 million, maintenant ce sera à 2 millions... Moi, à première vue, là, je vois qu'il va y avoir moins de gens qui vont contribuer mais qu'on va devoir aider plus de gens, à la Commission des partenaires du marché du travail. Si on a la clientèle actuelle plus future, ça fait plus de monde à aider avec moins d'argent dans le pot. Donc, le gouvernement, ça va lui coûter plus cher ou il va avoir moins d'aide pour aider les gens.

Au même moment où on le voit... puis, dans les médias, c'est un sujet qui revient. Puis j'aime beaucoup votre recommandation, puis je sais que le ministre, bon, a dû dire que... Moi aussi, je ne suis pas dans la bonne commission parlementaire, mais, peu importe, je crois que c'est tout intimement lié. Quand vous dites : «D'actualiser dans les meilleurs délais la Politique gouvernementale d'éducation des adultes et de formation continue», moi, je crois que c'est très important de le faire, parce qu'au-delà de ce qu'on peut dire ici, quand on parle de formation continue, c'est aussi de s'assurer que notre main-d'oeuvre actuelle, dans une entreprise, bien, puisse rester en emploi, mais aussi qu'il y ait moins de gens qui demandent de l'aide sociale.

Tantôt, j'ai mentionné un exemple : une entreprise, exemple, chez nous, Prysmian, ferme, mais tous les travailleurs qui sont là, qui, malheureusement par le passé, n'ont pas eu de formation continue, ils n'ont peut-être pas les formations... les compétences de base, parce que, bon, à l'époque, ce n'était pas la même chose qu'aujourd'hui, donc difficulté de lire, écrire, etc. Mais, si ces gens-là ne sont pas accompagnés puis aidés, bien, ces gens-là vont se ramasser à l'aide sociale, vont être considérés comme des nouveaux demandeurs, puis c'est des gens qui vont être beaucoup plus éloignés du marché du travail.

Donc, quand le ministre dit : Ce n'est peut-être pas la bonne commission, moi, je crois que cette politique-là, là, est très importante dans le débat que nous avons actuellement. Je ne sais pas si vous avez d'autres éléments que vous voulez nous parler sur cette politique-là?

Le Président (M. Auger) : Oui. Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Bien, très importante, d'où l'idée, c'est notre deuxième recommandation, là. Bien, je pense qu'au niveau de la Commission des partenaires du marché du travail c'était comme entendu que cette politique-là allait pouvoir être ajustée aux nouveaux besoins. Ça, c'est majeur en termes de formation. Puis la formation continue, c'est ça, la... Ça nous permet de revenir sur la formation, je m'excuse, par votre question, parce que toute la question de la formation et de l'emploi, c'est majeur, là, puis il y a déjà un maillage ensemble, là, entre le ministère de l'Emploi puis le ministère de l'Éducation, ce n'est pas deux entités déconnectées. C'est vrai que, des fois, c'est lourd, les parcours sont lourds, mais, pour avoir des bonnes mesures, il faut bien identifier aussi, donner la bonne information sur le marché de l'emploi, puis être capables d'avoir les meilleurs parcours pour les jeunes. Mais la formation des adultes, oui.

Puis, sur les sommes d'argent, bien, vous avez raison, vous êtes dans la bonne commission. Ce qui a été coupé est perdu par le 1 %. C'est 8 000 entreprises, hein, soit dit en passant, là, qui n'ont pas à le donner. Mais, oui, le gouvernement le compense pour une période de cinq ans, je crois...

Une voix : ...

Mme Chabot (Louise) : ...si je me rappelle bien. L'inverse... Puis là on nous dit : Bien là... On nous a même dit au budget qu'on allait être contents, là, qu'on allait avoir plus d'argent puis qu'on aurait plus de pouvoirs. Bien, nous, on est ici devant vous pour dire : On a de l'argent... on a perdu de l'argent dans le fonds, là. Il a dit : Cet argent est compensé. Puis les pouvoirs que nous avons, bien, il y en a qu'on ne veut pas, puis, ceux-là qu'on avait, on aimerait les maintenir.

Le Président (M. Auger) : M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : Puis ce n'est pas le même dollar qui rentre. Le dollar qui rentre des entreprises par le biais de la CPMT, elles vont exiger que ce dollar-là serve, si c'est payé pour former la main-d'oeuvre, à développer. Quand c'est le dollar qui est versé par le trésor public, par le ministre, bien, l'imputabilité n'est pas la même. Le ministre qui va donner de l'argent pour compenser, par exemple, les entreprises, la reddition de comptes qu'il va exiger de la commission n'aura pas la même... ça ne sera pas la même chose que si c'est les entreprises, d'où le... Ça renforçait la culture partenariale, parce que, les millions qui arrivaient à la commission par les entreprises québécoises qui étaient assujetties, bien, elles avaient intérêt à pousser pour que cet argent-là soit investi en formation et le plus proche des besoins du marché du travail. Or, ça, c'est un risque également sur la moyenne portée, la déresponsabilisation des entreprises québécoises. Moi, je pense que ça n'annonce pas de bon pour les prochaines années, on va être encore plus en difficulté pour assurer une main-d'oeuvre qui est formée, compétente et capable de prendre les nouveaux défis. Quand l'entreprise va mal, on peut la déployer autrement, et ça, c'est un mauvais signal également.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Saint-Jean, trois minutes.

M. Turcotte : Je ne comprends pas ce que vous venez de dire, là. En termes de...

Des voix : ...

M. Turcotte : La différence d'imputabilité entre l'argent qui vient du gouvernement et versus l'argent qui vient de l'entreprise, je ne comprends pas, là, la différence.

Le Président (M. Auger) : On reprend. M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : Alors, quand M. Hamad va donner, comme ministre, de l'argent à la Commission des partenaires en compensation des entreprises qui ne versent pas, il va demander que cet argent-là soit utilisé en fonction de ses critères, en fonction de demandes. Il va dire : Je souhaite que. C'est de l'argent qui vient du gouvernement du Québec, 10 millions. Si c'est les entreprises québécoises qui contribuent au fonds de développement des compétences de la main-d'oeuvre, les entreprises québécoises naturellement vont avoir le réflexe de dire : Moi, je mets de l'argent là-dedans, j'en veux pour mon argent. C'est très différent. La responsabilisation des entreprises est beaucoup plus grande. Elles mettent de l'argent dans un pot et vont souhaiter que cet argent-là leur revienne aussi.

Quand j'étais dans des comités sectoriels de main-d'oeuvre, ceux qui payaient disaient : Bien, moi, j'en veux pour mon 1 %. Si je n'ai pas dépensé dans l'entreprise, j'en veux par le comité sectoriel. Donnez-moi-z-en pour que je sois capable d'avoir des programmes. Alors, c'est ça, cette différence-là. Les entreprises québécoises doivent investir dans le fonds.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte : Rapidement, votre dernière recommandation, la 16, sur la question de la «consultation publique large chaque fois qu'il est question de procéder à une modification aux règlements de l'aide sociale ou avant l'adoption de nouveaux règlements en cette matière», dans ce cas-ci, actuellement, on étudie un projet de loi qu'on ne connaît pas encore le règlement. Vous, ce que vous proposez, c'est pour ce règlement-ci et les futurs ou seulement que les futurs?

Le Président (M. Auger) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : ...pour celui-là, on demande de retirer du projet de loi, et pour les futurs, quand il y aura des modifications réglementaires, une consultation large. Je pense que notre position est claire : on est en désaccord avec ce qui est là. Si on regarde l'opinion publique, en général, avec ce qui se passe puis... On est membres du collectif de lutte contre la pauvreté puis de la nouvelle Coalition Objectif Dignité qui demandent très clairement qu'il y ait un débat public puis qu'ils soient consultés quand il y a des modifications majeures qui touchent les plus démunis de notre société, et non pas qu'il y ait un pouvoir réglementaire où on ait uniquement soit pas du tout ou le 45 jours pour réagir.

Le Président (M. Auger) : M. le député. 45 secondes encore à votre disposition.

M. Turcotte : Bien, je vous remercie. Vous avez répondu à plusieurs questions. Puis je crois qu'on va avoir d'autres occasions d'échanger sur ce projet de loi.

Le Président (M. Auger) : Merci, M. le député de Saint-Jean. Nous allons poursuivre avec le deuxième groupe d'opposition, M. le député de Drummond—Bois-Francs, pour 3 min 40 s.

M. Schneeberger : Merci, M. le Président. Je veux revenir sur la nomination des membres de la CPMT. J'ai entendu le ministre, je vous ai entendus, c'est sûr que, là, vous n'êtes pas vraiment sur le même point du tout. Moi, je suis ambivalent, pour quelque raison que ce soit, mais je voudrais vous entendre exactement, parce que moi, j'ai une crainte, c'est qu'il y a possibilité de nominations qui pourraient être peut-être d'apparence partisane, ou autres.

Et je ne connais pas tout le processus de nomination. Est-ce que vous pourriez m'informer plus clairement là-dessus, comment ça marche? Parce que, moi, la problématique souvent, c'est ça qui arrive, quand il y a... Parce que, là, le projet de loi donne plus de pouvoirs au ministre au niveau des nominations. Que le ministre ait plus de pouvoirs, ce n'est pas ça qui me fatigue, c'est qu'il n'y ait pas des nominations à caractère... qui pourraient devenir partisanes, où, tu sais, on a joué du coude, là.

Le Président (M. Auger) : M. Boyer.

M. Boyer (Daniel) : Bon. Bien, écoutez, brièvement, c'est parce que... Écoutez, à la CPMT... Premièrement, la Commission des partenaires, ce n'est pas un conseil d'administration. Ça, déjà, ça fait une nuance, là. C'est une place de dialogue social où les partenaires, employeurs, syndicats et organismes communautaires, en font partie.

Maintenant, c'est les organisations qui sont présentes à cet organisme-là. Donc, la CSQ, qui est présente là, elle a un poste CSQ, donc ça devrait être la CSQ qui nomme sa personne qui la représente. Au même titre que la FTQ, ça devrait être la FTQ qui nomme. Donc, ce n'est pas des postes, c'est des organisations qui y siègent par l'importance qu'ils ont, au Québec, au niveau du marché du travail.

Le Président (M. Auger) : M. le député.

M. Schneeberger : O.K. Juste une minute.

(Consultation)

M. Schneeberger : Bien, actuellement, vous nous dites que c'est fait par recommandation. Vous recommandez les membres et...

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez...

M. Schneeberger : Automatiquement?

M. Boyer (Daniel) : Bien, oui. Écoutez, le conseil...

Le Président (M. Auger) : M. Boyer.

M. Boyer (Daniel) : Oui. Pardon. Le Conseil du patronat, exemple, bon, c'est Yves‑Thomas Dorval qui représente le Conseil du patronat. Le Conseil du patronat a un siège à la CPMT. Donc, c'est le Conseil du patronat qui décide qui représente le Conseil du patronat à ce siège-là. Bon.

Et, le ministre, le ministre, il y a un décret, là, aussi — le ministre, par décret — mais c'est quand même l'organisation qui choisit son représentant. Mais c'est les organisations... Contrairement à la santé et sécurité, ce n'est pas des sièges attitrés aux organisations.

M. Lortie (Jean) : En complément.

• (17 h 40) •

Le Président (M. Auger) : Oui, M. Lortie.

M. Lortie (Jean) : Rapidement. À la CSN, on a fait le choix que ce ne soit pas la présidence. Contrairement à toutes les organisations, FTQ, CSD, CSQ, on a choisi le secrétariat général, pour d'autres types de raisons. Alors, vous voyez, c'est l'organisation qui recommande au ministre, évidemment. Et ça passe en Conseil des ministres, il y a un décret qui est publié à la Gazette officielle. Je reçois à la maison un décret — alors, évidemment, on le montre à tout le monde — un décret pour montrer qu'on est nommé officiellement. Et souvent on ne peut pas voter tant qu'il n'y a pas la publication à la Gazette officielle, c'est très formel. Eh bien, ils vérifient qui on...

Mme Chabot (Louise) : ...

M. Lortie (Jean) : C'est ça. Bien, c'est la CSN qui a écrit au ministre en disant : Le partenaire CSN sera désormais Jean Lortie.

Le Président (M. Auger) : Un dernier 30 secondes, M. le député.

M. Schneeberger : Oui. Là, ça me rassure. Alors, bon, 30 secondes, on va être trop court. Alors, merci beaucoup. Alors, je vous souhaite un bon retour à la maison. Merci beaucoup.

M. Lortie (Jean) : Merci.

Le Président (M. Auger) : Et finalement nous allons terminer avec Mme la députée de Gouin, pour 2 min 50 s.

Mme David (Gouin) : Je ne peux pas emprunter, M. le Président, les secondes non prises par les collègues?

Le Président (M. Auger) : Il n'y en avait plus. Il n'y en avait plus.

Mme David (Gouin) : Quel dommage!

M. Schneeberger : Vous pouvez lui donner, ça ne me dérange pas.

Mme David (Gouin) : Merci! M. le Président, tout à l'heure, les collègues des trois formations syndicales ont réagi franchement vivement, avec un non-verbal expressif, à propos des liens entre la Commission des partenaires du marché du travail — non, non, moi, j'aime ça, là, il n'y a pas de problème — et toute la question du ministère de l'Éducation en disant : Écoutez, franchement, ce n'est pas la même chose d'avoir des liens quasi organiques, là, avec Emploi-Québec qu'avec le ministère de l'Éducation. Et vous semblez penser que le projet de loi veut vous amener à avoir le même type de liens, mais visiblement, en tout cas, vous dites non. Moi, j'aimerais que vous expliquiez pourquoi.

Le Président (M. Auger) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Bien, le ministère de l'Éducation a sa propre mission, et plus qu'une mission, là, au niveau de l'État québécois, là, c'est le deuxième plus grand portefeuille après la Santé. Le ministère de l'Éducation joue son rôle dans la formation qui va faire en sorte que, demain, on aura, oui, des futurs travailleurs. Bien, le ministère de l'Éducation a lui-même à voir aux programmes, à faire en sorte que les programmes répondent effectivement aux compétences qu'on a à développer chez les jeunes, puis en même temps à développer des programmes... Là, je suis rendue plus au niveau de la formation professionnelle, disons, que... mais même, quand on parle d'adéquation formation-emploi, ça ne touche pas juste des emplois de métiers professionnels, si on les identifie, du marché de l'emploi, bon, avec des statistiques, ça peut être universitaires.

Donc, il y a une mission propre, l'Éducation, dans la société, liée avec d'autres missions du gouvernement. Et, dans ce sens-là, ce n'est pas à la Commission des partenaires du marché du travail, qui a un rôle à jouer en lien avec l'emploi, l'intégration en emploi et la main-d'oeuvre, à aller dire au ministère de l'Éducation... Par contre, c'est notre rôle, identifier, avec une bonne information du marché du travail, quels sont les besoins. C'est dans notre rôle d'identifier qu'il y ait une offre de programmes diversifiée dans les régions. On compte aussi sur les conseils régionaux pour être en mesure d'identifier. L'Éducation s'adapte à ça. De toute façon, l'Éducation, c'est son rôle. Mais nous, comme partenaires...

Ça aurait eu le mérite si, par exemple... Une chose : je pense qu'on ne connaît pas... Puis on a fait valoir quel était, la Commission des partenaires...

Le Président (M. Auger) : En terminant.

Mme Chabot (Louise) : ...du marché du travail, l'ensemble de ses acteurs dans les régions puis de voir que c'est unique au Canada, le modèle qu'on s'est donné, québécois, de partenariat. Quand on parle du dialogue social, c'est ça que nous sommes. Ça fait que, là, confions-nous les rôles qui nous sont attribués avec...

Le Président (M. Auger) : Merci.

M. Boyer (Daniel) : Le président va te couper le micro.

Le Président (M. Auger) : Oui! Sur ce...

Une voix : ...

Mme Chabot (Louise) : Je ne le regardais pas, Mme David. C'est un peu...

Le Président (M. Auger) : ...c'est tout le temps que nous avions à notre disposition. Je tiens à vous remercier, Mme Chabot, M. Boyer et M. Lortie, pour votre contribution aux travaux.

La commission ajourne ses travaux au vendredi 29 janvier 2016, à 9 h 30, où elle poursuivra ce mandat.

(Fin de la séance à 17 h 44)

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