(Neuf heures trente-deux minutes)
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 8, Loi modifiant le Code du
travail à l'égard de certains salariés d'exploitations agricoles.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Auger (Champlain) est remplacé par M. Billette
(Huntingdon); M. Péladeau
(Saint-Jérôme), par M. Villeneuve (Berthier); et M. Lamontagne
(Johnson), par Mme D'Amours (Mirabel).
Le
Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, ce matin, nous allons
débuter par les remarques préliminaires. Et nous recevrons ensuite l'Association des producteurs maraîchers du
Québec et l'Association des producteurs de fraises et framboises du
Québec.
Remarques préliminaires
Alors, sans plus tarder, j'invite le ministre du
Travail à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous avez six
minutes.
M. Sam Hamad
M.
Hamad : Merci, M.
le Président, et bon matin. D'abord, sincères salutations à tous mes collègues
du parti ministériel et à ceux des partis de l'opposition. Je vous souhaite une
bonne rentrée parlementaire, chers collègues. Bienvenue
à tous les représentants et représentantes d'organismes qui participent à ces
consultations publiques sur le projet de
loi n° 8. Votre point de vue est important, et c'est avec un esprit
d'ouverture que je suis ici pour l'écouter. Permettez-moi de vous
présenter les personnes qui m'accompagnent : Mme Anne Parent,
sous-ministre au ministère du Travail, et à ma gauche M. Steeve LeBlanc,
chef de cabinet.
Alors, nous
sommes ici pour tenir des consultations particulières sur le projet de
loi n° 8, la Loi modifiant le Code du travail à l'égard de certains salariés d'exploitations agricoles. Il
propose d'établir un modèle de relations de travail adapté aux petites
exploitations agricoles qui sont vulnérables en raison du caractère saisonnier
de leur activité. On parle ici précisément des fermes qui emploient moins de
trois salariés de façon ordinaire et continue.
Depuis sa création en 1964, le Code du travail
n'a jamais permis la syndicalisation dans ce type bien précis d'exploitation agricole. Toutefois, un jugement de
la Cour supérieure est venu changer la donne en mars 2013. La décision
du tribunal donnait un an au législateur pour régulariser la situation. C'est
ce que vient faire ce projet de loi.
En tant que
gouvernement responsable, nous avions l'obligation d'adapter le Code du travail
pour tenir compte de la réalité vécue par les petites exploitations
agricoles, entre autres les producteurs maraîchers. Ne pas les protéger
équivaudrait à mettre en péril les emplois de ceux qui y gagnent leur vie.
C'est pourquoi le projet de loi tient compte du
caractère saisonnier des activités agricoles. Les associations agricoles se
sont d'ailleurs toujours montrées préoccupées quant aux impacts des lois du travail sur la santé financière des
petites entreprises de ce secteur fragile et vulnérable.
Le secteur
agricole dépend d'abord des conditions climatiques, et la période pour
effectuer les récoltes s'avère très courte. La menace d'un conflit de
travail en pleine saison de récolte comporte donc de nombreux risques pour une petite entreprise
agricole. La situation
pourrait même s'avérer catastrophique si les récoltes ne sont pas engrangées
ou mises en marché à temps. Le projet de loi propose toutefois des mesures pour
assurer la protection du droit d'association des salariés agricoles et
pour leur permettre de formuler des observations à leur employeur. Le droit de
grève ou lock-out serait interdit en tout
temps. En cas de litige, la Commission des relations du travail pourrait ainsi
être saisie d'une plainte concernant l'application des nouvelles
dispositions.
En terminant,
M. le Président, je veux insister sur une chose : le projet de loi vient
baliser le droit d'association seulement dans les petites exploitations
agricoles, celles qui emploient moins de trois salariés de façon ordinaire et continue, et, M. le Président, je veux préciser
aussi, ce projet de loi là ne touche pas les travailleurs étrangers non
plus, les dispositions au Code du travail s'appliquent dans tous les autres
cas. Je tiens aussi à préciser que tous les travailleurs agricoles au Québec sont protégés par nos lois au
même titre que les autres travailleurs, qu'il me suffise de mentionner
le Code civil, la Loi sur la santé et sécurité du travail ou la Loi des normes
du travail. Le Québec est d'ailleurs à l'avant-garde en Amérique du Nord pour
ses lois du travail. De nombreux recours sont offerts aux travailleurs lorsqu'ils s'estiment
victimes d'abus de la part d'employeurs. Ici, les travailleurs sont traités
avec dignité, et les lois du travail ne sont pas seulement
avant-gardistes, mais elles sont aussi rigoureusement appliquées.
À cet égard, les interventions de la Commission
des normes du travail sont exemplaires. Cet organisme a à coeur de s'adresser de façon particulière aux
secteurs d'emploi jugés plus vulnérables; le secteur agricole en fait
partie parce que l'activité est saisonnière
et donc plus propice à une mauvaise application des normes du travail. La
Commission des normes du travail propose
depuis plusieurs années différentes mesures afin de sensibiliser les
travailleurs agricoles à ces questions
et de les informer quant à leurs droits et recours. Elle effectue également des
visites de surveillance sur les lieux de travail pour voir au respect des conditions de travail des employés.
Elle va aussi intervenir en amont du recrutement des travailleurs agricoles afin de s'assurer qu'ils
connaissent de façon adéquate les normes du travail en vigueur au
Québec.
Cela dit, M.
le Président, je suis prêt à entendre les remarques de mes collègues de
l'opposition et les observations des groupes invités. Je suis ouvert à
toute proposition qui nous permettra de bonifier le projet de loi. Merci de
votre attention.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre. J'invite
maintenant le porte-parole de l'opposition officielle à faire ses
remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s.
M. le député de Berthier.
M.
André Villeneuve
M. Villeneuve : Bonjour à
vous, M. le Président, ainsi qu'à l'équipe qui vous supporte au niveau de la
commission. Je salue évidemment le ministre et les collègues, ses collègues du
côté ministériel. Bonjour à vous tous. Bonjour
aussi, évidemment, à l'équipe qui est là, du ministère, pour regarder ce projet
de loi là. Je veux saluer évidemment la
deuxième opposition, la députée, donc, ainsi que son redoutable recherchiste,
je n'en ai nul doute, qui est à ses côtés. Je veux saluer aussi, bien sûr, mon collègue de Rimouski, alors, qui va
faire équipe avec moi pour... le temps de regarder ce projet de loi n° 8. Je veux saluer
aussi, bien sûr, les gens qui nous écoutent, je pense que c'est important, qui
nous écoutent ou qui nous écouteront
peut-être par la voie et la magie de la télévision ou autres médias, je salue
tout le monde. Je veux saluer, évidemment, les gens qui se sont
déplacés, présentement qui sont ici dans la salle pour justement assister à
cette consultation.
M. le Président, le Parti québécois et le
précédent ministre de l'Agriculture, le député d'Abitibi-Ouest, ont en 18 mois, par leurs actions, fait progresser
le secteur agricole québécois. À titre d'exemple, rappelons la Politique de
la souveraineté alimentaire, saluée presque unanimement par le milieu, donc,
pour accroître la part des aliments du Québec
dans l'assiette des Québécois tout en assurant la prospérité du secteur
agroalimentaire. Cette politique comporte plusieurs mesures pour ce secteur, et on espère d'ailleurs que le
gouvernement poursuivra dans la voie tracée par le Parti québécois en la
matière.
En plus de la Politique de la souveraineté
alimentaire, le Parti québécois a aussi adopté la Loi modifiant la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des
non-résidents, qui permet de protéger davantage les terres agricoles
afin qu'elles restent entre les mains des Québécois.
Le
gouvernement précédent a aussi déployé un plan de commercialisation et de mise
en valeur des vins québécois. On a pu
voir dans plusieurs succursales de la SAQ, donc, des espaces dédiés aux
produits du Québec. Ce plan a été un retentissant succès, et les ventes
de vin québécois ont explosé.
C'est pourquoi nous participons à cette
commission, M. le Président, dans un esprit d'ouverture et de collaboration — et là je vais vous parler d'équilibre — notre objectif étant justement de trouver un
juste équilibre, en tenant compte des
spécificités du secteur agricole, entre
la volonté et la nécessité d'assurer
la pérennité des fermes familiales au Québec et le respect des droits
des travailleurs garantis par les chartes québécoise et canadienne.
Comme le
projet de loi présenté par le gouvernement fait suite à un jugement de la Cour
supérieure, il nous semble incontournable d'aborder ces consultations en
ayant toujours en tête l'esprit du jugement rendu. En effet, les efforts et l'énergie déployés dans cette cause par les
parties impliquées exigent que nous soyons des plus vigilants afin
d'éviter tout risque de procédure judiciaire supplémentaire.
Évidemment,
comme je le disais d'entrée de jeu tantôt, je tiens à remercier les gens qui
vont venir, justement, nous présenter leurs réflexions et leurs
propositions quant au projet de loi n° 8. Ce sera tout pour moi, M.
le Président.
• (9 h 40) •
Le
Président (M. Cousineau) : Oui. Alors, merci, M. le député de
Berthier. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe
d'opposition en matière de travail à faire ses remarques préliminaires pour une
durée maximale de 2 min 30 s. Mme la députée de Mirabel.
Mme Sylvie D'Amours
Mme D'Amours : Merci, M. le
Président. D'abord, j'aimerais saluer le ministre et les députés ministériels ainsi que le premier groupe d'opposition, mes
collègues. Également, j'aimerais remercier M. Plante ainsi que
ses collègues, là, de l'Association des producteurs maraîchers du Québec
et tous les intervenants qui viendront nous faire part de leur point de vue d'ici la fin de la journée sur
le projet de loi n° 8. Nous avons pris connaissance de vos mémoires
avec intérêt. Nous vous remercions plus particulièrement pour la qualité des
documents ainsi que la rigueur avec laquelle vous les avez manifestement
rédigés.
En 2013, la
Cour supérieure a déclaré le cinquième alinéa de l'article 21 du Code du
travail inconstitutionnel. Le gouvernement a donc produit le projet de
loi n° 8 en réaction à ce jugement. Le projet de loi vient restaurer
le droit d'association
aux travailleurs de ferme. Il vient en même temps établir des balises
importantes aux relations de travail dans les petites entreprises de production agricole. Celles-ci tiennent
compte des particularités propres à ce type d'entreprise dont la
production est sujette à l'alinéa de la nature, entre autres facteurs.
L'un des
éléments qui nous font réfléchir en ce moment est l'étendue qu'aura ce projet
de loi. En effet, alors que l'alinéa
abrogé par le jugement de la Cour supérieure ne concernait que les travailleurs
de ferme, les définitions utilisées dans
le projet de loi n° 8 étendent la couverture des nouvelles mesures à
plusieurs autres champs d'activité tels l'horticulture, l'aquaculture ou même l'aviculture. Nous comptons
profiter des présentations aujourd'hui pour obtenir davantage
d'éclairage sur la nécessité de couvrir ces autres zones d'activité.
Le caractère saisonnier, nous, nous nous
réjouissons que le projet de loi garde en ligne de mire le caractère saisonnier
de l'industrie dont il est question ici. En effet, le fait que ces productions
soient soumises aux caprices de la nature et doivent être exécutées sur une
période de temps restreinte crée un environnement rigide hors duquel il n'existe que très peu, sinon aucune marge de
manoeuvre. Les alinéas que peut occasionner le cadre de travail habituel
nous apparaissent donc incompatibles avec le
domaine. Nous souhaitons conserver notre approche pragmatique, aussi
nous profitons des audiences de la journée pour mieux comprendre comment le
cadre de travail traditionnel pourrait s'agencer avec la précarité des milieux
agricoles.
Auditions
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, madame. Ça termine le temps qui vous était alloué. Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association des producteurs
maraîchers du Québec. J'inviterais les représentants à se présenter
et à faire leur exposé. Vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, et il y aura 50 minutes de questionnement de la part des députés de chaque côté de la table. Alors,
veuillez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. Je
crois que c'est M. Plante, hein?
Association des producteurs maraîchers du Québec (APMQ)
M. Plante (André) : C'est ça.
Exact. M. le Président, Mmes, MM. les députés, membres de la commission, à
titre de directeur général de l'Association des producteurs maraîchers du Québec,
permettez-moi, dans un premier temps, de vous présenter les gens qui
m'accompagnent aujourd'hui. À ma gauche, M. Jean-Marie Rainville, premier vice-président de l'Association des producteurs
maraîchers du Québec et producteur maraîcher de métier; à ma droite,
Benoît Désilets, directeur général adjoint à l'association.
À la lecture
de notre mémoire, vous réaliserez que notre association possède sans contredit
une grande force de représentation. En effet, plus de 80 % de la
production maraîchère du Québec provient de nos membres.
Pour entrer dans le vif du sujet, nous tenons
d'abord à vous remercier de nous permettre de participer à ces consultations
particulières aujourd'hui. Ce projet de loi représente, pour notre association
et ses membres, les producteurs maraîchers du Québec, l'aboutissement d'une
mobilisation sans précédent qui dure depuis maintenant plus de deux ans.
Tel que
précisé dans les remarques préliminaires du ministre, le projet de
loi n° 8 a pour objectif de répondre au jugement rendu par la Cour supérieure du Québec en
mars 2013 qui accordait au gouvernement un délai d'un an pour modifier l'article 21.5 du Code du travail
pour le rendre compatible avec l'article 2d de la Charte canadienne des
droits et libertés. L'article en question
octroyait un traitement particulier aux productions agricoles en matière de
relations de travail afin de tenir
compte de nombreuses particularités du secteur mais surtout de la réalité des
fermes familiales embauchant peu ou
pas de travailleurs réguliers à temps plein. Ce traitement particulier,
disons-le, excluait les fermes qui emploient moins de trois travailleurs à temps plein d'être assujetties au mode de
syndicalisation conventionnel. Pourquoi ce traitement particulier,
direz-vous? Parce que le travail à accomplir sur une ferme répond à des
impératifs qu'aucun autre secteur d'activité
n'a à prendre en compte. Et, s'il peut paraître difficile d'encadrer le travail
fait part des travailleurs saisonniers, parfois étrangers, dont le taux
de roulement est impressionnant, imaginez avoir à introduire dans une
convention collective des dispositions encadrant les aléas de la météo.
Aujourd'hui, notre intention est de vous faire
la démonstration que le traitement particulier qu'offre le projet de loi n° 8 aux producteurs agricoles
est et demeure essentiel au maintien de la compétitivité des fermes maraîchères
du Québec. Vous verrez que le projet de loi n° 8 vise également à
assurer la survie de plusieurs de nos fermes.
Dans un premier temps, il faut comprendre que la
nature même du travail agricole demande une grande capacité d'adaptation, d'engagement et de flexibilité, tant sur le plan
de l'intensité de la tâche que de l'horaire de travail. En effet, l'agriculture, contrairement à d'autres
secteurs d'activité, impose aux travailleurs de manipuler un produit
vivant, qu'il soit végétal ou animal. Cette fragilité du produit requiert des
soins et une attention de tous les instants afin que la qualité soit au rendez-vous et que le produit puisse être écoulé sur les
marchés. Un piment ramassé dans le champ sans précaution, donc abîmé ou
écrasé, perd nécessairement toute sa valeur aux yeux du consommateur. Dans cet
esprit, rien n'est plus important, pour le producteur, que de voir ses employés
dédiés à la tâche, manipulant les récoltes avec rigueur, doigté et minutie. En
fait, pour le producteur, la qualité de travail de chacun est synonyme de
succès et de rentabilité, et cette relation de confiance réciproque qui se
développe a toujours été à la base des relations de travail harmonieuses dans
les fermes familiales.
Une autre
caractéristique qui confère un statut particulier à l'industrie agricole est
que le produit récolté est périssable. À ce
titre, la période de culture est l'aboutissement de toute une saison de préparation
et de planification des activités de
production. Une fois le cycle engagé, impossible de faire marche arrière. Le
produit doit être récolté au bon moment, dans un
court laps de temps, et le producteur dispose habituellement de très peu de
temps pour écouler sa production sur le marché.
Les
difficultés liées aux opérations et les courts délais jouent toujours contre
lui, car le cycle menant aux récoltes et à l'écoulement des produits sur le marché ne peut être retardé, ni
menacé, ni ralenti. Dans ce contexte, le droit de grève ou même les
moyens de pression associés à la négociation de convention collective
pourraient avoir des répercussions importantes,
voire même désastreuses pour les entreprises agricoles. Il n'y aurait plus
d'équilibre dans le rapport de force entre employés et travailleurs,
d'où l'importance de l'adoption du projet de loi n° 8.
Sur un autre plan,
nous ne vous apprendrons rien en vous disant que la production maraîchère est également
fortement vulnérable aux intempéries et aux aléas de la météo. En effet, la
météo influence le rendement et la qualité des
produits, mais elle dicte aussi les exigences et les périodes de travail dans
les champs, notamment lors des récoltes. C'est dire que certains moments, parfois imprévisibles, doivent être
entièrement dédiés à la production, et le rendement de toute une saison
dépend de la qualité de la contribution, de l'engagement et des habiletés de
chacun des travailleurs. Par exemple, en pleine période de récolte des framboises, si
on prévoit de la pluie, du vent ou du froid, le producteur souhaitera par tous les moyens accélérer la récolte de ses
petits fruits pour éviter de perdre une grande partie de sa production.
Résultat, tant les propriétaires de la ferme
que les travailleurs iront au champ de façon intensive pour sauver
la récolte. Le producteur a besoin de cette flexibilité venant de la
part de ses travailleurs, et, cette flexibilité, il en a également besoin quand
vient le temps de gérer les relations de travail de ses employés. C'est ce que
propose le projet de loi n° 8.
• (9 h 50) •
Une autre caractéristique
propre à la production maraîchère qui justifie l'adoption du projet de
loi n° 8 concerne la saisonnalité des opérations agricoles. En
effet, la période de production s'étend à plus ou moins cinq mois, au Québec, et la durée de travail est, dans 56 %
des cas, inférieure à 10 semaines, des données que vous pouvez trouver
à la figure 4 en page 11 de notre
mémoire. 94 % de la main-d'oeuvre embauchée est donc de type saisonnier.
Les conditions de travail sont au minimum celles prévues par les lois
sur les normes du travail.
La réalité des fermes
et des travailleurs est donc la suivante : peu de stabilité chez les
travailleurs embauchés année après année, peu de temps de présence des employés
au sein de l'entreprise et un fort taux de roulement. Cette situation rend
difficile l'établissement de relations de travail durables, et les attentes des
travailleurs peuvent varier d'un employé à l'autre.
La
très grande majorité des fermes maraîchères québécoises sont également des
entreprises familiales autonomes avec des moyens financiers et des
ressources administratives limitées. Vous comprendrez que ni l'association ni
les entreprises familiales ne possèdent les ressources humaines ou financières
pour gérer des conventions complexes qui s'appliquent
à des employés qui ne travaillent avec eux que quelques semaines par année.
Cela démontre l'importance que le
régime de relations de travail entre l'employeur et l'employé soit adapté à la
réalité de la production maraîchère tel que le propose le projet de
loi n° 8.
Un autre enjeu vital
qui rend nécessaire l'adoption de dispositions particulières pour le secteur
agricole concerne la fragilité financière
des fermes maraîchères. Le coût d'intrant le plus important est celui de la
main-d'oeuvre, il peut représenter jusqu'à 70 % du coût total de
production. C'est évidemment le principal enjeu économique pouvant fragiliser
les entreprises maraîchères. À titre d'exemple, comme le démontre le
tableau 1 de la page 7 du mémoire, nous avons évalué l'impact d'un
changement de 8 % de la masse salariale sur des fermes de moins de trois
employés permanents qui font plus de
500 000 $ de chiffre d'affaires. L'impact de ce changement fait
diminuer de 50 % le bénéfice du producteur, c'est énorme. Faute de
rentabilité, l'entreprise doit limiter ses dépenses et réduire ses
investissements, ce qui a un impact négatif
non seulement sur sa position concurrentielle à long terme, mais également sur
la compétitivité de l'ensemble de la filière agricole.
Dans
le même esprit, il ne faut pas oublier que les producteurs québécois vendent
leurs produits maraîchers sur les
mêmes marchés que les producteurs de l'Ontario et que la compétition est
féroce. Et vous devez savoir que les fermes maraîchères ontariennes,
elles, bénéficient depuis 2002 d'une adaptation de leur régime de relations de
travail qui permet le droit d'association des travailleurs et qui l'encadre en
tenant compte des caractéristiques propres au secteur agricole. Pour rester compétitifs, les producteurs québécois doivent,
eux aussi, bénéficier d'une telle adaptation. C'est ce que propose le
projet de loi n° 8.
En terminant, pour
l'ensemble des producteurs maraîchers du Québec, il ne fait aucun doute que,
pour assurer la survie et maintenir la compétitivité de notre secteur vis-à-vis
l'Ontario, le Code du travail doit compter des dispositions particulières
similaires aux normes ontariennes et prendre en compte les caractéristiques
propres aux exploitations agricoles qui
emploient moins de trois employés à temps plein. N'oubliez pas que les fermes
maraîchères sont une activité sur une base
saisonnière, donc pendant quelques mois par année seulement. Les activités
comportent également des caractéristiques bien spécifiques qui commandent
beaucoup d'adaptation et de flexibilité de la part des travailleurs. Travailler
avec un produit vivant et périssable, c'est dépendre du bon vouloir de dame
Nature et de l'engagement des travailleurs. Les fermes maraîchères font
également face à un fort taux de roulement. Cela rend la négociation de
convention collective complexe et ardue.
Nous sommes donc
d'avis que, dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 8 répond à
nos préoccupations tout autant que celles de
la Cour supérieure. Il reconnaît, dans un premier temps, la nécessité
d'encadrer le droit d'association des
salariés d'une exploitation agricole de moins de trois employés à temps plein,
mais surtout il vient reconnaître et mettre en évidence les caractéristiques distinctives et les particularités d'un
secteur d'activité à l'équilibre fragile en permettant aux producteurs de petites fermes de gérer leurs
relations de travail de façon souple et harmonieuse sans compromettre la
survie de leurs entreprises agricoles. Les employés sont ce que nos entreprises
ont de plus précieux, nous avons donc tout intérêt
à entretenir des relations de travail harmonieuses avec eux. Dans cette
optique, au nom de tous les producteurs maraîchers du Québec, nous vous
demandons d'adopter le projet n° 8 tel que présenté. Merci de votre
attention.
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, merci, M. Plante. Nous allons maintenant passer à la période de
questions. Si vous voulez, M. Plante,
passer la parole à vos confrères pour répondre aux questions, bien vous devez
vous identifier pour fins d'enregistrement.
Alors,
le temps alloué pour les périodes de questions : 25 minutes à la
partie ministérielle, 15 minutes à l'opposition officielle et
10 minutes au deuxième groupe d'opposition. Alors, M. le ministre, la
parole est à vous.
M.
Hamad : Merci, M. le Président. Alors, M. Plante, M. Rainville,
M. Désilets et M. Borja, bienvenue à l'Assemblée nationale et
merci d'avoir pris le temps d'écrire un mémoire et venir présenter votre point
de vue. Vous le savez, M. Plante, vous connaissez plutôt... plus que moi le député de
Huntingdon qui a travaillé très fort dans le temps où on était à
l'opposition et maintenant, aujourd'hui, pour déposer ce projet de loi.
J'ai
vu dans les mémoires... Un des mémoires qui a été présenté, on parlait de la
ferme Fraisebec, et je voyais qu'ils parlaient
qu'ils avaient 300 employés. Ils ont des employés continus et permanents,
c'est moins que cinq. Alors, dites-moi comment
une ferme avec deux employés continus peut gérer 300 employés dans
l'ensemble. Est-ce que vraiment il y a deux employés permanents? Comment
ça marche?
M. Plante (André) :
Exactement. Vous voyez, ça, c'est un exemple de plusieurs entreprises
maraîchères dans notre secteur d'activité. Il faut comprendre que Fraisebec est
un producteur de fraises et de framboises et que cette production-là s'étale sur une longueur d'à peu près six mois par
année. Ça fait que, quand, l'article 21.5, on parle de moins de
deux travailleurs permanents ou moins de trois travailleurs permanents, bien
ça, ça n'inclut pas les gens de la famille.
Ça fait que, dans le cas de Fraisebec, bien il y a le mari, la femme et les
trois enfants, là, qui s'occupent de la gestion quotidienne de la ferme à l'année, mais, pendant la période
hivernale, on n'a pas besoin de ressources permanentes, parce qu'il
s'agit juste d'entretenir les bâtiments, et ainsi de suite. Sauf que, pendant
la période d'été, où est-ce que la concentration
de production va être extrêmement forte, effectivement, une entreprise comme
Fraisebec peut embaucher des centaines d'employés temporaires sur une
courte période. Et puis cette période-là, bien, étant très intense, cette entreprise-là doit faire son bénéfice sur quatre à
six mois par année. Et puis effectivement ça se limite à des
travailleurs saisonniers qui travaillent pour
l'organisation à un maximum à peu près de six mois, sept mois par année pour
quelques exceptions.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Hamad :
Dans les travailleurs saisonniers, il y a des travailleurs étrangers, hein,
c'est... Et, les autres, parlez-moi donc des
travailleurs étrangers. Comment ils sont gérés? Est-ce qu'il y a des règlements
clairs pour les salaires, pour le
traitement? Parce que, ces temps-ci, on entend beaucoup parler des travailleurs
étrangers, puis des fois on mélange les
conditions des travailleurs étrangers avec cette loi-là. Sachant très bien que
cette loi-là ne touche pas les travailleurs étrangers, peut-être
expliquer davantage.
M. Plante (André) :
Exactement. La venue des travailleurs étrangers, elle est extrêmement encadrée.
Il faut comprendre que ce sont des contrats qui sont négociés entre pays, entre
notre pays, le Canada, et le Mexique, avec le Mexique
et les Antilles dans un certain... pour le PTAS, qu'on appelle. Et puis il y a
un autre contrat qui est le contrat pour les... qui touche tous les
autres travailleurs étrangers des autres pays avec lesquels nous, on fait
affaire, c'est le... Le pays avec lequel on fait affaire majoritairement, c'est
le Guatemala.
À travers ces
ententes-là... Ce sont des ententes-cadres où les employeurs doivent tenir
compte vraiment des règlements ou sinon ils
ne seront pas... ils ne pourraient pas être considérés pour le programme. Ça
fait que le travailleur doit
accueillir... les employeurs, je m'excuse, doivent accueillir les travailleurs
à l'aéroport. Dans le contrat, les normes, c'est le salaire minimum, on ne peut pas aller en bas du salaire
minimum. On doit leur donner un minimum d'heures de travail, accorder un minimum d'heures, on ne peut
pas exiger plus qu'un maximum d'heures. Dans le cas des contrats, c'est
60 heures. On doit leur donner des temps de pause, une journée de congé
par semaine. Et puis, quand on reçoit les employés
à l'aéroport, bien on les reçoit avec des personnes qui leur parlent dans leur
langue, en espagnol, et on leur fait part
de leurs droits. On leur donne le numéro de téléphone de la Commission des
normes du travail, le numéro de téléphone des consulats. S'ils ont des questions, ils veulent faire des
observations ou quoi que ce soit, bien ils ont la liberté de le faire à
travers ces numéros-là.
Et puis, ces
travailleurs étrangers là, on a une structure qui est la fondation en
recrutement de main-d'oeuvre étrangère,
FERME, qui s'occupe de faire tout le pivot, hein, entre les relations
interpays, entre les relations employeur-employé et gouvernement pour s'assurer qu'il y ait une transition
parfaite et que ces employés-là, quand ils arrivent ici, ils soient parfaitement
confortables.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Hamad : Pour ma
curiosité, M. le Président, j'aimerais savoir, M. Plante : Le travailleur guatémaltèque qui est chez lui, il gagne combien là-bas par
rapport à ce qu'il gagne au Québec?
M. Plante (André) :
En moyenne, en moyenne, un travailleur étranger — les dernières informations
que j'avais, là — va
gagner en une heure ce qu'il gagnerait en une journée dans son pays, en une
journée de travail.
M.
Hamad : O.K.
Dites-moi, mettons... Il me semble que c'est beaucoup, là, votre affaire, là.
Êtes-vous sûr?
M.
Plante (André) : Oui, oui. Ça veut dire...
M.
Hamad :
En une heure une journée?
• (10 heures) •
M. Plante (André) : C'est ça. Ça
veut dire que, s'il gagne 11 $
de l'heure ici, bien il gagnerait 11 $ par jour dans son pays.
M.
Hamad :
O.K., par jour, c'est ça. Vous avez dit...
M. Plante (André) :
C'est ça, oui.
M.
Hamad :
O.K. Parlez-moi des conditions vulnérables dans la production. C'est-à-dire,
si, mettons, on a... l'employeur décide de
faire un lock-out, mettons, ou une grève, c'est quoi, l'impact? Comment ça se
passerait, là, si on a ce droit-là?
M. Plante (André) :
Bien, il faut comprendre que, dans notre secteur d'activité, là, on cultive du
vivant, hein, on cultive des plantes, on
cultive des produits périssables. Notre préoccupation, c'est que, si
nos producteurs avaient à vivre des
moyens de pression, bien il n'existe aucun rapport de force par rapport à l'employé. Si l'employé décidait de ralentir le travail ou de ne pas récolter le produit, bien souvent on a
24 heures ou 48 heures maximum pour pouvoir récolter le produit, quand le
produit, il est mûr à être récolté, ça fait qu'on est extrêmement vulnérable
dans ces situations-là.
Aussi,
il faut tenir compte aussi de la biosécurité, qui est un élément très
important, la sécurité alimentaire, comment est-ce que c'est important
dans notre secteur. Si, par des moyens quelconques, des travailleurs décidaient
de faire des moyens de pression en voulant
nuire à l'employeur, en posant des gestes qui pourraient nuire à l'hygiène du
produit, bien, encore là, on n'a aucun contrôle.
Il faut avoir
extrêmement confiance en nos employés, dans une entreprise maraîchère, parce
qu'on comprend bien que, les employés, on les
déploie sur des grandes surfaces de culture, on ne peut pas avoir un
superviseur à côté d'eux à tous les
10 ou 15 pieds. Ça fait qu'il y a un lien de confiance qui est énorme
entre l'employé et l'employeur, il faut conserver ce lien de confiance là. Et, si on vit des
relations de travail compliquées qui amènent des moyens de pression, bien
on devient très vulnérable à ces situations-là.
M.
Hamad :
M. le Président, est-ce que... M. Plante, vous comprendrez que, dans la
loi, on donne le droit d'association. Donc,
les travailleurs, ils vont se regrouper dans une association, et vous, comme
employeur, vous avez l'obligation de travailler de bonne foi avec
l'association.
M. Plante (André) : Exact. Et on encourage ça. Nous, s'il y avait un moyen de
pouvoir permettre à ces employés-là
de pouvoir s'associer d'une certaine façon pour présenter des observations...
On est extrêmement confortables avec ces formes d'association là parce qu'on pense que c'est important que
l'employé puisse faire valoir ses observations s'il n'est pas content de ses conditions de travail, s'il
veut avoir des améliorations. Je pense que c'est important. Puis on
travaille tellement fort pour les mettre à l'aise et les mettre en confiance
pour qu'ils puissent présenter ces observations-là par les voies qui leur sont
permises aujourd'hui.
Et puis il y a
beaucoup d'encadrement qui est fait aussi au niveau des employeurs. Tantôt, je
vous parlais de FERME, là, qui est
l'organisme qui s'occupe de pivoter toutes les relations entre les
gouvernements, les travailleurs étrangers
et les employeurs. Bien, on a mis en place un guide du bon employeur où on
sensibilise l'employeur à travailler convenablement avec ses employés,
bien les recevoir à l'aéroport, leur donner des logements convenables, et ainsi
de suite. Et d'ailleurs toutes ces choses-là
sont maintenant inspectées, vérifiées, et on s'assure que nos travailleurs
étrangers, quand ils s'en viennent chez nous, ils soient vraiment confortables
et puis qu'ils se sentent au moins... certainement mieux que dans leur pays.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Hamad :
M. le Président, je pense que mon collègue de Huntingdon, il avait une
question.
Une voix :
Quelques-unes.
M.
Hamad :
Quelques-unes.
Le Président (M.
Cousineau) : Oui, M. le député de Huntingdon, à vous la parole.
M. Billette :
Merci beaucoup, M. le Président. Je veux saluer mes collègues, également les
collègues de l'opposition et vous,
messieurs, M. Plante, M. Désilets, et votre président également, que
j'ai la chance de côtoyer par mes producteurs maraîchers. Vous savez que
le comté de Huntingdon inclut également Les Jardins-de-Napierville, communément appelés, donc, où la grande majorité
des produits maraîchers sont produits à la grandeur du Québec, aussi
bien pour la consommation interne que pour l'exportation. Et c'est devenu
maintenant des entreprises, et vous savez l'importance
également de ce secteur-là sur l'emploi, l'économie, que ce soit... pas juste
dans la région, on peut regarder également sur la Rive-Nord également,
où il y a d'importants producteurs maraîchers, on les oublie souvent.
Et,
je vais vous dire, c'est un dossier, on ne remontera pas dans l'histoire, juste
depuis août 2006, je pense, qui a fait couler beaucoup d'encre. Il y a
eu beaucoup de relations entre les différents acteurs dans ce dossier-là,
souvent judiciarisé, malheureusement, mais
on est en 2014 et on en est venu maintenant au projet de loi n° 8 qui
a été déposé par mon collègue. Et ce
que je déplore un petit peu, je lisais les médias ce matin, au cours des
dernières semaines, le dossier a beaucoup pris une tournure sur les
travailleurs étrangers, maraîchers, saisonniers, mais moi, je vais vous dire,
en regardant le jugement, je pense que ça s'appliquait à toutes les fermes. J'ai
fait la tournée du Québec, lors de notre campagne
électorale, et plusieurs producteurs en parlaient autres que le maraîcher,
mais, je pense, ça s'applique à toutes les cultures, aussi bien végétales qu'animales, à ce moment-là. Donc, c'est
un dossier qui a une importance majeure pas juste pour le maraîcher,
mais pour tous les travailleurs agricoles, peu importe leur origine, leur
provenance.
Je vous
écoutais, M. Plante. Vous sembliez appuyer, et également vos deux accompagnateurs,
le projet de loi de façon intégrale. Vous avez parlé également de la loi
de l'Ontario, la loi de l'Ontario qui a été mise en place en 2002, qui a fait
le test, je pense, de toutes les... qui a eu des modifications, qui est allée
jusqu'à la Cour suprême au niveau de la
constitutionnalité et qui a été reconnue comme constitutionnelle à ce
moment-là. Et, si on prend un parallèle, il y a eu la
loi n° 594, auparavant, qui avait été déposée par l'opposition, on a
maintenant la loi n° 8. Et, si on regarde la loi de l'Ontario, la loi de l'Ontario permet exactement
les mêmes choses mais n'a pas un nombre maximal d'employés de trois, à
ce moment-là, c'est-à-dire que toutes les fermes... Et vous, vous semblez
adhérer au fait que, trois, on est correct avec
ça, mais... Vous parlez beaucoup de compétitivité avec l'Ontario si on arrive
avec les grosses fermes ontariennes. Je pensais, ce matin, que vous
auriez un discours... dire : Pourquoi qu'on a «trois», l'Ontario ne l'a
pas? J'aimerais vous entendre sur ce point-là, s'il te plaît. J'aimerais
entendre les représentants, M. le Président, sur ce point, si c'est possible,
s'il te plaît.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci de vous adresser au président.
M. Billette : Toujours.
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, M. Plante.
M. Plante (André) : M. le
Président. Écoutez, comment je pourrais interpréter ça? On choisit nos
batailles. Depuis des années,
l'article 21.5, dans le Code du travail, protégeait nos entreprises de
moins de trois employés permanents. Et
puis, à travers ces années-là, il n'y a pas eu énormément de syndicalisation,
d'entreprises qui ont été syndiquées dans notre secteur d'activité. Je
crois que les derniers chiffres que nous avons... Je pense qu'il y a
15 entreprises, qui sont majoritairement des producteurs en serre, là, qui
ont une opération continue, 12 mois par année, où le Code du travail s'applique, là, où ces employés-là peuvent être
syndiqués. Ça fait que, nous, notre priorité, c'était d'au moins conserver
l'article 21.5 ou en tout cas avoir
l'équivalent de l'article 21.5 qui protège nos employeurs, parce qu'il
protège à peu près, au Québec, je dirais, pas loin de 75 % à
80 % de nos producteurs agricoles.
Mais effectivement vous avez raison,
M. Billette, on est dans une situation extrêmement vulnérable face à l'Ontario. L'Ontario, à cause de cette
protection-là, peu importe la grosseur des fermes, par le Code du travail les
fermes ontariennes ne peuvent pas être syndiquées. Et on comprend bien qu'à
travers les années l'Ontario est devenu un féroce
compétiteur. On est extrêmement préoccupés, surtout qu'on a les mêmes
acheteurs, et puis la plupart de nos acheteurs ont décidé de s'installer dans le marché de l'Ontario, ça fait que ça
complique davantage notre tâche. Ça fait que c'est pour ça que de se mettre dans une position non
concurrentielle face à l'Ontario, bien ça nous rend vraiment insécures et ça
risque de mettre nos fermes en péril.
M.
Billette : Merci beaucoup, monsieur... Puis là je voudrais savoir de
la part de M. Plante ou un de ses acolytes qui est avec lui aujourd'hui, savoir... Vous parlez beaucoup de
compétitivité au niveau de l'Ontario. Avez-vous mesuré l'impact qu'on
aurait... Parce qu'on sait que, depuis quelques années... J'avais assisté à une
représentation lors des Journées horticoles
à Saint-Rémi, donnée par M. Désilets qui est ici, où on parlait que l'Ontario
avait une augmentation de ses parts de
marché et que le Québec diminuait d'environ 0,5 % par année, qui allait
majoritairement à l'Ontario. Quel aurait été l'impact... Parce qu'il faut toujours voir un petit peu... Vous parlez
souvent de la... Puis il y a la Californie également en saison
hivernale, on comprend, question de climat également. Mais quel aurait été
l'impact? On parle actuellement que le
Québec baisse d'environ 1,37 % des produits, l'Ontario augmente à chaque
année de 1,48 %. C'est sur nos tablettes, là. On parlait tantôt avec... — j'écoutais le critique de l'opposition
officielle, là — de
l'impact, de s'assurer d'avoir les produits du Québec dans notre
assiette, et, si on regarde actuellement, au niveau maraîcher exclusivement, on
a une augmentation de l'Ontario, une diminution des produits du Québec sur les
tablettes. Première des choses, j'aimerais savoir
le pourquoi. Et, deuxième des choses, est-ce que vous avez figuré ou évalué
quel aurait été l'impact avec une clause comme... le retrait de l'article 21.5 du Code du travail aurait pu
avoir sur les produits Ontario versus les produits québécois?
M. Plante (André) : Si vous
permettez, M. le Président, je vais laisser la parole à M. Désilets, notre
directeur adjoint et agroéconomiste de métier, de répondre à la question.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Désilets.
• (10 h 10) •
M.
Désilets (Benoît) : M. le Président. Effectivement, le Québec, au
cours des huit dernières années, a eu une croissance de sa production.
Par contre, les concurrents immédiats, qui vendent sur les mêmes marchés, ont
eu une croissance plus importante, de telle sorte que la
part du marché du Québec dans l'Est du Canada a décru, a diminué d'environ
10 % en huit ans.
L'impact de ne pas avoir des règles de travail
semblables à l'Ontario : ça creuserait le fossé, tout simplement, ça accélérerait le phénomène. On ne peut pas
savoir exactement comment, mais c'est certain, c'est de nature à
accélérer le phénomène, parce qu'il y a
plusieurs fermes maraîchères au Québec qui abandonneraient tout simplement la
production, tout simplement. Alors, moi, je pense que la réponse, c'est :
On creuse le fossé.
M. Billette : O.K. Vous n'avez pas
d'évaluation à ce niveau-là, mais il y aurait un impact sûr et certain...
M. Désilets (Benoît) : Non, on n'a
pas fait d'évaluation spécifique là-dessus, parce que c'est quand même un
environnement économique qui comprend d'autres facteurs aussi.
M.
Billette : O.K. Autres que les employés. Mais c'est un facteur très
important parce que moi, je pense, c'est 60 % des coûts, dans les
documents que vous avez déposés, qui sont des coûts de main-d'oeuvre.
M. Désilets (Benoît) : Dans certains
produits, ça va jusqu'à 70 %.
M. Billette : 70 % qui sont des
coûts de main-d'oeuvre directs, à ce moment-là.?
M. Désilets (Benoît) : Dans certains
produits. 70 % des frais d'exploitation.
M. Billette : Parfait, O.K. Une
autre question également que j'ai pour vous, on avait déposé le projet de loi n° 594 lorsqu'on était dans
l'opposition, et j'aimerais avoir votre point de vue. Vous en parlez un petit
peu mais très vaguement, au niveau de votre mémoire qui a été déposé,
comparativement à l'article... Il y a eu une modification au projet de loi n° 594 — qui est devenu le projet de
loi n° 8 — avec
l'insertion d'un article qui rendait caduques toutes les accréditations accordées depuis le dépôt du projet
de loi ainsi que toute requête en accréditation. Vous avez dit :
C'est un des principes importants au projet de loi. J'aimerais vous entendre,
là-dessus, mieux définir, parce que c'était quand même très, très bref, cette ligne-là, dans votre mémoire, mais
j'aimerais vous entendre plus à ce niveau-là, s'il te plaît.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Plante.
M. Plante
(André) : Oui, M. le
Président. Lorsque le Parti libéral a déposé le projet de loi, ce qui était
vraiment, vraiment important, pour nous, c'est qu'on sentait qu'il y avait un
phénomène, en tout cas on avait tout au moins le... L'information sur le
terrain, c'est qu'il semblait y avoir une pression quand même assez forte pour...
avec le désir d'accréditer les fermes
agricoles, et, bien, c'est sûr que ça, ça nous préoccupait beaucoup. Et on
pense que les associations de
travailleurs attendaient à la limite, après la date qui avait été proposée par
le juge avant de prendre une décision, si on modifiait la 21.5 ou on
l'abrogeait.
Lorsque nous, on a appris que le gouvernement en
place l'année passée avait pris une orientation différente et avait décidé d'abroger le 21.5, pour nous,
c'était important de déposer un projet de loi privé pour essayer de
sensibiliser la population, sensibiliser le monde politique aux impacts, parce
qu'on n'est pas convaincus... on n'avait peut-être pas fait le travail qui aurait dû être fait pour bien sensibiliser, bien
faire comprendre au monde qui avait... aux personnes qui avaient à prendre des décisions, principalement au
niveau du ministère du Travail, des conséquences que ça pouvait avoir.
Ça fait que de là vient l'importance, si j'ai bien répondu à votre question, M.
le député.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. Plante. M. le député de Huntingdon.
M.
Billette : Oui, c'est bien répondu. J'ai une question peut-être qui
relève un petit peu plus du politique, à ce moment-là. Vous savez que le jugement a été rendu le 11 mars 2013
sur... Et on ne fera pas état du jugement du juge, je pense que
c'était clair que le législateur avait un an pour statuer, pour trouver une
façon dû au fait que le jugement rendait
l'article 21.5 anticonstitutionnel, donc de trouver une avenue. Et, je
vais vous dire, on vous a entendus très peu durant cette année-là, du 11 mars 2013 au 11 mars 2014. Dans
mon comté, j'en ai entendu parler beaucoup, et vous avez été
porte-étendard beaucoup de ce dossier-là au cours du mois de mars. On était en
pleine campagne électorale, vous vous en
souvenez. Dans le comté chez nous, c'est un dossier qui faisait l'actualité
politique de front à ce moment-là. Et j'aimerais savoir ce qui s'est
passé du 11 mars 2013 au 11 mars 2014 pour qu'on ne vous entende
presque seulement qu'une date, une semaine
avant le jugement, et rien pendant tout ce temps-là. Vous avez été le
porte-étendard. Est-ce qu'on cherchait un porte-étendard au dossier ou
si... Y a-tu d'autres circonstances qui ont amené que pendant un an on a peu
entendu parler de ce dossier-là?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Plante.
M. Plante (André) :
M. le Président. C'est parce qu'il faut comprendre qu'il y a eu énormément de
rencontres durant cette année-là, parce
qu'après la bataille juridique, là, on a décidé d'orienter nos énergies vers le
politique pour sensibiliser le ministère du
Travail et de l'Agriculture à notre situation. Et, durant cette année-là, il y
a eu énormément de rencontres qu'on a tenues avec les fonctionnaires, je
pense qu'il y a eu au moins quatre ou cinq rencontres avec les fonctionnaires du ministère de l'Agriculture,
quatre ou cinq rencontres avec le ministère du Travail, et à chaque fois
qu'on rencontrait les fonctionnaires on nous
disait qu'on travaillait là-dessus, qu'on préparait un comité de
consultation. On nous faisait... On nous reportait ça de mois en mois.
C'est sûr que, nous,
notre intention, ce n'était pas de sortir publiquement avec ça, parce qu'on
avait vraiment l'impression, la perception
qu'on était écoutés, qu'on comprenait nos préoccupations, puis on attendait
juste qu'on nous revienne avec une alternative, trouver une solution,
puis on était prêts à collaborer, être proactifs à trouver des façons comment modifier l'article 21.5 pour
permettre aux employés saisonniers d'avoir un droit d'association, donc un
droit de faire des observations. Sauf que ça, ça s'est éternisé. Là, quand on
voyait qu'on voulait...
Puis,
à chaque fois qu'on nous demandait plus d'information... On a fait des
démarches auprès du ministère des Finances,
on leur a présenté des études économiques comme un peu on vous a présentées
tantôt, en gros, sur les impacts que
ça peut avoir, une augmentation juste du surtemps dans notre secteur
d'activité, et même le ministère des Finances était très étonné, a fait des vérifications à répétition avec notre
bureau pour s'assurer que nos chiffres étaient vrais. À chaque fois, on
a validé nos chiffres.
Malheureusement,
quand est arrivé le moment, au ministère des Finances, de faire des
présentations au ministère du Travail et de
l'Agriculture, il est arrivé, à ce moment-là, la présentation du nouveau
budget. Les priorités ont changé, le temps des fêtes est arrivé. Et là
on a appris juste avant la période des fêtes que le gouvernement avait pris une orientation de ne pas modifier la 21.5, et,
les fêtes passées, bien on était déjà rendus en février, où là on a dit :
Bien, il faut faire de quoi, on est rendus à la limite. Tout ce qu'on a essayé
de faire, on a été proactifs dans tous les dossiers. Il nous restait une
dernière alternative, selon nous, et c'était de déposer un projet de loi privé.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Huntingdon, il reste trois
minutes.
M.
Billette : Oui, merci beaucoup. Un dernier point, M. Plante. On
s'est bien connus. Les gens vous reconnaissent également à une ancienne
organisation qui s'appelait l'Association des jardiniers maraîchers du Québec,
il y avait une autre association qui
s'appelait l'Association des producteurs maraîchers du Québec. Peut-être juste
me parler un petit peu de votre lien
entre les deux associations qui s'est fait, pour bien éclaircir, parce qu'on va
recevoir d'autres groupes qui sont
les représentants des fraises et framboises, également l'Union des producteurs
agricoles; pour que nos auditeurs et les collègues également
comprennent — même
s'ils comprennent déjà bien — le lien que vous avez avec ces
différentes associations là.
M. Plante (André) : M. le Président, je vais essayer de faire une image très
rapide, parce que c'est très compliqué, ces dossiers-là. Il faut comprendre que, depuis presque 18 mois, en
mars 2013, nous avons décidé... les producteurs ont décidé d'unifier les
deux organisations qui représentent le secteur. Il y avait, d'un côté, la
Fédération des producteurs maraîchers du Québec, fédération qui était affiliée
à l'UPA, et, de l'autre côté, il y avait l'Association des jardiniers maraîchers du Québec qui était une organisation
autonome. Chaque organisation représentait les producteurs maraîchers dans différents dossiers, mais, pour faire une
image, là, la fédération, c'était comme la production, puis l'Association
des jardiniers maraîchers, c'étaient les ventes. Pourquoi c'était comme ça?
Bien, l'Association des jardiniers maraîchers est
propriétaire d'une plateforme de commercialisation au marché central où on
accueille une centaine de producteurs maraîchers
pendant la saison de l'été, où on leur offre une plateforme de
commercialisation pour qu'ils vendent à leurs clients, aux petits et moyens détaillants, et en plus de ça on est
propriétaires d'un marché public. Ça fait que c'est sûr que nous, on a la relation avec les chaînes, ça fait
qu'on défendait les intérêts beaucoup plus au niveau de la
commercialisation; la fédération, eux, plus au niveau de la production.
Nous, on a la chance
d'avoir nos marchés qui nous donnent des sources de revenus, qui nous donnaient
les ressources pour défendre les intérêts des producteurs. Au niveau de la
fédération, étant donné qu'il n'y a pas de plan conjoint, de convention de mise en marché, malheureusement, ils étaient
un peu en manque de ressources, puis je pense qu'à cause... La compétence des gens était là, mais les ressources
financières n'étaient pas là. En fusionnant, bien on a le meilleur des
deux mondes... On ne fusionne pas, on parle d'unification, pour l'instant. On
verra plus tard s'il y aura une fusion, mais
là, présentement, l'unification, on a le meilleur des eux mondes, puis c'est,
pour nous, la façon idéale de représenter les producteurs.
Le
Président (M. Cousineau) : Oui. Merci, M. Plante. Il reste
20 secondes, s'il y a une autre question. De toute façon... Ça va
comme ça? Alors, nous pouvons passer maintenant au deuxième bloc. Oui?
M.
Hamad : Rapidement, le contrat de travail avec les
travailleurs étrangers, on a une version ici. Est-ce que c'est fait en
espagnol aussi?
M. Plante (André) :
Oui.
M.
Hamad : O.K. Merci.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, M. le député de Berthier, en
vous rappelant que vous avez une période de 15 minutes.
M.
Villeneuve : Merci,
M. le Président. Alors, bonjour, messieurs. Échange très intéressant. Alors, ça
permet vraiment de voir l'ensemble du
dossier, là, je pense, se déployer, en fait. Ça se déploie sous nos yeux et
c'est très, très intéressant.
Moi, je voudrais savoir... Vous dites dans votre mémoire...
c'est à la page 5 et à la page 6, entre autres, là, quand
vous parlez, là, que, bon, évidemment,
la production est un produit vivant, c'est un produit périssable, c'est
vulnérable au temps et au climat. Si on
disait que le droit de grève n'est pas pris dans l'équation, en quoi une
accréditation viendrait, en quelque sorte, nuire aux producteurs
maraîchers ou à la production comme telle? À votre connaissance, toujours en partant du principe que le droit de grève n'est
pas là, est-ce qu'il y a des éléments qui viendraient, justement, empêcher ou nuire? Est-ce que l'accréditation
empêcherait ou nuirait à certains éléments de la production maraîchère?
• (10 h 20) •
Le Président (M. Cousineau) :
M. Plante.
M. Plante (André) : M. le
Président. Notre principale préoccupation, M. le député, c'est le
ralentissement de travail, hein, parce qu'on peut ne pas avoir droit de grève,
mais, comme je mentionnais tantôt, les risques d'avoir des moyens de pression sont présents. Et puis j'ai
évoqué tantôt les risques que ça peut amener, le ralentissement du
travail. On parle d'un produit périssable,
et il faut qu'il soit cueilli très rapidement. Il y a des périodes où est-ce
que la température n'est pas au
rendez-vous, ça fait qu'on est comme deux, trois jours sans pouvoir aller dans
les champs à cause, exemple, de la pluie, et là il faut reprendre le
temps perdu. Ça fait que, s'il fallait que les employés, pour peu importe la
raison, décident de ne pas mettre un petit
peu plus de temps dans leurs heures de travail de la journée, bien là,
principalement après des extrêmes de température, là, ça ne prend pas de temps,
ça peut prendre 24 heures, la maladie s'installe dans la culture, et puis on perd le produit complètement.
Ça fait que vraiment, vraiment, où est-ce qu'on est très vulnérables,
c'est au niveau du rapport de force, M. le député.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Berthier.
M. Villeneuve : Oui, merci,
M. le Président. Mais, à ce compte-là, s'il n'y a pas de moyen de pression,
s'il n'y a pas de droit de grève, donc, ce
serait l'élément central, selon ce que je comprends de vos dires; que c'est
vraiment au niveau de moyens de pression...
Qui, soit dit en passant, peuvent aussi avoir cours à l'heure où on se parle ou
pouvaient avoir cours il y a deux ans. Et,
bon, on peut remonter jusqu'en 1964, là, mais on n'ira pas jusque-là, là. Mais
donc ces moyens de pression là, ils
peuvent quand même avoir cours à l'heure où on se parle. Mais, advenant le cas,
pas de droit de grève, pas de moyen de pression, ce seraient les deux
éléments, selon vous, qui feraient en sorte que l'accréditation ne serait pas
acceptable?
M. Plante (André) : M. le
Président.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Plante.
M. Plante (André) : Non,
c'est... L'autre aspect extrêmement important puis qui vraiment, vraiment,
vraiment nous inquiète, c'est tout ce qu'implique la gestion d'une convention
collective, la gestion des griefs. Il faut comprendre
que le profil de nos entreprises maraîchères, c'est des entreprises familiales.
Majoritairement, elles sont gérées par
le mari et la femme. Des fois, aujourd'hui, ce n'est plus des 10 puis
12 enfants, là, c'est un et deux enfants qui gèrent avec le père et la mère l'entreprise, avec aucune
structure administrative. Ça fait qu'on n'a pas des bureaux à part.
Souvent, tout est réglé, l'administration... tout se fait dans la cuisine de la
maison.
Ça fait que
vous vous imaginez, s'ils avaient à négocier des problèmes concrets de
relations de travail, comment est-ce que ces gens-là pourraient être
vulnérables. Surtout que, si on décidait de mettre en place ou de négocier une convention collective, on n'a aucune idée sur quoi
les associations de travailleurs souhaiteraient bonifier les
ententes-cadres. Puis il faut comprendre
que, dans ces situations-là, bien le producteur se retrouve entre l'arbre et
l'écorce, là, parce que ce sont des
contrats qui sont négociés entre pays. Ça fait que, si, exemple, un syndicat
décidait de dire : Bien, nous, on veut avoir de l'assurance-emploi pour les employés étrangers, par exemple,
bien nos producteurs n'ont aucun pouvoir pour ça. Ça fait qu'ils pourraient subir des moyens de
pression, du ralentissement de travail, à cause d'une convention
collective, et puis être vraiment, vraiment insécures, vulnérables au plus haut
point.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Berthier.
M. Villeneuve : M. le
Président, si vous voulez bien donner la parole à mon collègue de Rimouski.
Le Président (M. Cousineau) :
Ah! bien il n'y a pas de problème. M. le député de Matane-Matapédia.
M. LeBel : Non, c'est le voisin, ça.
Moi, c'est Rimouski. C'est...
Le Président (M. Cousineau) :
Rimouski. Effectivement, vous êtes voisins, vous là, là. D'accord.
M.
LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour, collègues. Si je comprends...
Puis vous êtes d'accord avec le projet de loi. Ça fait que, les questions, la balle se passait bien tantôt, c'est
bien correct, ça fait partie du jeu, c'est la game, mais je vais essayer
de voir, moi, différemment, me faire un peu l'avocat du diable.
Je connais un peu les producteurs aussi. J'en
connais, je sais l'implication. C'est un gros travail. Il y a des producteurs bios chez nous que je connais bien,
qui travaillent fort chaque jour, tout le temps, tout le temps, tout le
temps. La météo, comme
vous dites, c'est important, il faut être là quand c'est le temps. Puis les
enfants, le mari, la femme, tout le monde est au champ puis... Je
comprends tout le coeur qui est mis à ça.
Sauf qu'il y a
des choses, par exemple, qui me... Tantôt, on dit : Les employés étrangers, ils gagnent 11 $ par
jour, ici ils ont 11 $ de l'heure, bien ils devraient se compter chanceux
puis se la fermer. C'est un peu ça qu'on se dit, tu sais, c'est un peu ça, le message qui passait tantôt, tu sais, que les
gens sont chanceux, ils gagnent 11 $ de l'heure ici, ils étaient à 11 $ par jour chez eux, ça fait
qu'ils devraient se la fermer. Les employés, dans le fond, ça prend des
employés dociles, disponibles tout le temps. Moi... On jase, là.
Quelqu'un,
selon le projet de loi, qui est... un employé qui n'est pas trop content,
quelque chose qui ne va pas, il vous
fait part par écrit qu'il n'est pas content ou que ça ne marche pas, qu'est-ce
qui arrive après? Il fait quoi? On fait quoi après? Il se passe quoi? Il est-u défendu parce qu'il a fait une petite
lettre qu'il vous a envoyée? Comment ça fonctionne?
M. Plante
(André) : Bien, M. le
Président, si vous me permettez, je répondrai à la première partie et je
laisserai un producteur maraîcher répondre à la deuxième partie de la question.
Juste pour revenir à la question qui m'a été
posée, on me demande, selon mes informations, c'est quoi, la différence entre un travailleur qui... le salaire
qu'il gagne ici et ce qu'il gagne dans son pays. Moi, mon objectif,
c'était juste de répondre à la question. Il
faut juste comprendre que, quand un travailleur étranger vient ici, c'est comme
un travailleur local ici qui s'en va à la Baie James, hein, quand
il s'en va là-bas, il s'en va là-bas pour faire des heures puis il s'en va là-bas pour travailler. Ça fait que c'est ça
qui est intéressant pour lui, là, ce n'est pas juste le fait qu'il gagne plus
cher que dans son pays. Il s'en va dans un environnement où est-ce qu'on va lui
permettre de faire des heures, puis il va travailler sur une courte période de
temps, puis après ça il va s'en retourner chez lui avec un montant d'argent qui
est intéressant pour faire vivre sa famille.
Ça, c'est vraiment le... Ce n'est pas différent de ce qui se passe là-bas.
Puis, nos travailleurs qui vont travailler à la Baie James, je ne
pense pas que ce soient des travailleurs vulnérables puis qu'ils soient oppressés parce qu'ils travaillent sept
jours par semaine ou six jours par semaine puis ils n'ont pas d'autre
activité. C'est leur volonté de faire ça, c'est un choix.
Pour la... Je laisserais M. Rainville
répondre à la deuxième partie de...
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, M. Rainville.
M.
Rainville (Jean-Marie) : Merci. En 10 ans, j'ai eu à l'occasion,
là, à régler des conflits soit entre travailleurs ou entre travailleurs
et... relations de supérieurs. À l'arrivée de mon garçon après ses études, il y
avait un écart, là, lui, 22 ans, les
travailleurs, 40 ans, il y avait une difficulté avec ce rapport-là. J'ai
fait venir un de mes amis qui avait travaillé sept, huit ans au Venezuela, donc qui maîtrisait très bien la langue
espagnole, et ensemble on s'est assis, les deux parties, avec notre
intermédiaire, et le conflit s'est réglé.
Aujourd'hui, avec les expériences, bien le
groupe de travailleurs que j'ai chez moi, ils ont leur porte-parole. Alors donc, s'il y a une difficulté soit au champ
soit dans une habitation, il y a une personne qui est identifiée pour
venir faire part des besoins. Au début, ils
se déplaçaient à vélo. À un moment donné, ils avaient fini de faire le tour de
la région, donc ils voulaient s'éloigner. On a mis à leur disposition...
À tous les jours, à la fin de leur quart de travail, ils ont accès à deux
véhicules pour se déplacer, pour aller voir des amis qui travaillent sur
d'autres fermes, pour aller à des distances supérieures ou à des activités qui
leur sont dédiées, aux travailleurs étrangers, soit à une messe du clergé, une
activité, un pique-nique pour les travailleurs étrangers, etc.
Ça fait qu'au
fil des années ils font part de leurs besoins à travers ce porte-parole-là. Je
pense que c'est l'équivalent d'avoir un syndicat, sauf qu'on l'a fait
plus maison pour justement éviter les conflits qui pourraient perdurer.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. Rainville. M. le député de Rimouski? M. le député de Berthier?
M. le député de Berthier.
• (10 h 30) •
M.
Villeneuve : Merci, M. le Président. Toujours dans votre
mémoire, puis tantôt on a abordé le sujet, je crois que c'est M. Désilets qui... Et là je regarde
votre tableau, là, côté compétitivité avec l'Ontario et le Québec, donc il y
a une perte de part de marché du Québec. Le
tableau commence en 2004 et se termine en 2011. Donc, il y a un
fléchissement, là, constant par rapport à la compétitivité du Québec versus
l'Ontario.
Tantôt, je pense que c'est M. Désilets...
Puis là je ne veux pas vous mettre des paroles dans la bouche, vous me direz si
j'ai bien compris ce que vous avez dit, mais vous disiez qu'il y a un fossé qui
s'est creusé et que le projet de
loi n° 8 viendrait, d'une certaine façon, empêcher que ce fossé-là se
creuse davantage. Donc, à quoi attribue-t-on, à ce moment-là... Et je pense que c'est pas mal ça que
vous disiez, là. Donc, à quoi attribue-t-on, à ce moment-là, ce déclin
de part de marché du Québec? Parce que,
semble-t-il, selon ce que j'entends,
ce ne serait pas... Et de toute façon on sait que le projet de loi n° 8, versus la loi qui s'appliquait avant le
jugement, mettait sur un pied d'égalité, si on peut dire, l'Ontario et
le Québec. Donc, à quoi est-ce qu'on attribue cette perte de part de marché? Le
projet de loi n° 8 ne semble pas répondre
à cela, si ce n'est, comme vous dites, le fait qu'il pourrait creuser davantage,
mais difficile à voir que ce serait le cas, étant donné qu'avant le
jugement de la cour il était... la façon dont on devait fonctionner était
sensiblement la même qu'en Ontario.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Désilets.
M. Plante (André) : M. le
Président, je vais laisser M. Désilets répondre, oui.
M. Désilets (Benoît) : Bien, effectivement,
là, le secteur ontarien s'est développé plus rapidement que le secteur québécois,
c'est ce que j'ai dit. Effectivement, il y avait des règles pour les fermes de
trois travailleurs permanents et moins semblables, tu avais 21.5 au Québec, tu
avais la loi ontarienne de l'autre côté.
Ce
que je dis, par exemple, c'est que, si on ne remplace pas par une mesure équivalente
l'article 21.5... Puis nous, on trouve que le projet de
loi n° 8, c'est une mesure équivalente, mieux pour les employés parce
qu'ils ont un droit d'association puis ils ont le droit de faire des
observations sur leurs conditions, et même des observations, ce que je comprends de M. Rainville, sur des choses qui
ne sont même pas prévues aux normes du travail puis dans les contrats
internationaux pour les travailleurs immigrants, le droit de faire des
observations sur tout. Donc, si on remplace ça par au moins l'équivalent, sinon mieux, bien ce ne sera pas source de
creuser cet écart-là avec l'Ontario qui est un élément des plus importants du coût de production, O.K.?
70 % des frais, des frais d'exploitation, c'est de la main-d'oeuvre.
C'est entre 50 % puis 70 %. Alors,
si on maintient une mesure équivalente, on ne creusera pas l'écart plus
qu'actuellement, l'écart, le fossé ne
se creusera pas davantage, on va avoir la même tendance, sinon on met en place
des mesures pour se redresser. Mais, si on laisse tomber une politique
qui touche 70 % des frais d'exploitation, bien là le fossé va s'accroître
avec l'Ontario, c'est certain, parce que c'est le principal coût, frais
d'exploitation.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Berthier
M.
Villeneuve : Alors là, donc, si je comprends bien, c'est
vraiment dû à une production plus grande en Ontario, qui s'est
développée de façon plus rapide, plus grande.
M.
Désilets (Benoît) : ...plus de grandes fermes en Ontario, il y a plus
de grandes exploitations. Si on prend juste au niveau des serres, la production, en huit ans, elle a explosé, elle a
monté de sept fois. Et eux, ils ne sont pas... je dirais qu'ils ne sont pas... En fait, ils ont des régimes
d'encadrement et ils ont un incitatif gouvernemental qui sont un peu différents.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Berthier, il reste deux minutes.
M. Villeneuve :
D'accord. Ça répond à ma question, M. le Président. J'irais peut-être avec...
On sait que les dispositions transitoires du projet de loi n° 8
rendent caduques toutes les demandes d'accréditation accordées entre le début du projet de loi et son entrée en vigueur de
même que toutes celles en cours. Est-ce que vous pouvez nous dire si le nombre de demandes reçues... Est-ce qu'il y a des
demandes qui ont été reçues? Est-ce qu'il y a des demandes... Est-ce
qu'il y a eu, j'allais dire, un engouement? Est-ce qu'il y a eu beaucoup de
demandes qui ont été déposées ou reçues?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Plante.
M. Plante (André) : M. le Président, depuis le dépôt du projet de loi, on n'a
aucune demande qui est venue. Tout au moins, là, on n'a pas eu
d'information d'aucun employeur comme quoi il y a eu des demandes
d'accréditation.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Berthier.
M.
Villeneuve : Oui. Et je reviens tantôt à M. Plante qui parlait
de... En tout cas, moi, j'ai décodé vos propos par une perception, vous sembliez dire qu'il y avait
une perception, une volonté, depuis quelques mois, là, de
syndicalisation dans le domaine des fermes du Québec. Encore là, j'essaie
d'être prudent pour ne pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas
dites, mais moi, je vois ça comme une perception de votre part.
Est-ce
que vous avez des éléments qui démontrent que cette perception-là qui semble
être la vôtre était réelle... ou elle était tout simplement basée sur
des non-faits, si je peu dire ça comme ça?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Plante.
M. Plante (André) :
M. le Président, non, on n'a pas de preuve, comme tel. C'est des informations
que nous avions sur le terrain, que les
employeurs entendaient parler de leurs employés qui disaient qu'il y avait eu
du maraudage ou genre de chose comme
ça. Ça, c'est les genres d'information que nous avions, mais on n'a jamais eu
de preuve concrète ou d'accréditation, comme tel.
C'est sûr qu'il y
avait une préoccupation ou une insécurité importante à partir du moment que le
21.5 était abrogé. Bien là, ça permettait aux associations d'employeurs, là, de
pouvoir faire accréditer les fermes, ça fait que les producteurs étaient
extrêmement inquiets.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. Plante. Cette
dernière remarque termine le deuxième bloc de questions. Je vais maintenant passer la parole à la représentante du
deuxième groupe d'opposition, la députée de Mirabel, très belle région
agricole. Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Merci. Merci, M. le Président. Moi, d'entrée de jeu, je
vais vous dire que je suis députée mais
avant tout agricultrice. Donc, je vais poser des questions à M. Plante
dont je connais les réponses mais que j'aimerais que les collègues
puissent l'entendre.
J'aimerais ça, M. le Président, si
M. Plante pouvait nous dire s'il connaît le pourcentage de bénéfice d'une entreprise
maraîchère. Et, le connaissant, est-ce qu'il a les reins assez solides pour
avoir un syndicat dans sa cour?
M. Plante (André) :
M. le Président, vous permettez?
Le Président (M. Cousineau) :
Allez-y, M. Plante.
M. Plante
(André) : Écoutez,
selon les statistiques que nous avons, la moyenne du bénéfice net des
entreprises maraîchères, on parle de
3 % à 4 %, hein, Benoît, c'est à peu près les chiffres qu'on a. Quand
on prend la moyenne de toutes les entreprises maraîchères, là, à travers
le Québec, là, on parle d'une moyenne de 170 000 $ de revenus bruts.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Merci. Vous
disiez tout à l'heure, M. Plante, que vous choisissiez vos
batailles et que le projet de loi, tel qu'il est là, ça vous satisfaisait, et mon collègue
de Huntingdon parlait... s'est posé la question pourquoi vous n'êtes pas allés
plus loin, que c'étaient tous les employés.
Alors, mes questions, je vais vous en donner quelques-unes
en rafale pour que vous puissiez répondre. Donc, quand on a des employés qui viennent de l'étranger, est-ce parce qu'on
n'en trouve pas ici? Et quelles sont les raisons pourquoi les Québécois ne travaillent pas sur les fermes? Est-ce le
salaire? Est-ce les heures de travail? Est-ce les conditions de travail?
Et pourquoi on en est venu à avoir des travailleurs étrangers? J'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Plante
(André) : M. le
Président. Écoutez, effectivement, c'est la grosse, grosse problématique de
notre secteur. À travers les années,
on a été très proactifs, il y a eu plusieurs initiatives qui ont été mises en
place pour sensibiliser le travailleur local à venir travailler dans les
entreprises maraîchères. Il faut comprendre que c'est un travail qui est extrêmement exigeant, hein, on travaille pendant...
c'est la période de l'été. Et je vous disais, tantôt que, pour plusieurs
de ces fermes-là, les tâches sont de huit à 10 semaines, et plus que
50 %, c'est moins de 20 semaines par année. Ça fait qu'il n'y a pas nécessairement un intérêt, là,
très grand, pour un travailleur, de venir travailler seulement huit
semaines, 10 semaines, 15 semaines
sur une ferme. Il va préférer appliquer pour un travail, là, qui est beaucoup
plus annuel, où tout au moins il peut
se faire assez de temps, je présume, pour avoir de l'assurance-emploi à la fin.
Ça fait que c'est ça qui fait que c'est
vraiment très, très compliqué pour notre secteur d'aller chercher la
main-d'oeuvre locale. Il n'y a pas d'intérêt. Ils ont des opportunités
au Québec qui semblent être plus intéressantes pour eux d'aller travailler...
La plupart aiment mieux travailler soit à l'abri dans un bureau ou quoi que ce
soit.
Définitivement, la raison pour laquelle on va
vers des travailleurs étrangers, c'est parce qu'on n'a pas d'autre alternative qui se présente devant nous autres. Et
c'est encore tellement compliqué, puis il faut bien, bien comprendre ce phénomène-là, c'est qu'on ne sait jamais à peu
près... Parce que, des travailleurs étrangers, là, il faut commander ça
souvent quatre mois, six mois à l'avance, on
ne sait pas quel genre de saison on va connaître. Ça fait que, dans la saison,
souvent on a besoin de plus de main-d'oeuvre qu'on en a commandé, mais on n'est
pas capable. Ça fait que, là, on fait affaire avec
des agences de placement. Bien, c'est encore rendu un enjeu majeur, de trouver
des agences de placement qui sont prêtes
à nous amener des travailleurs sur nos terres pour dépanner les producteurs qui
sont vraiment dans des situations, là, où
est-ce qu'ils sont en manque de ressources puis ils risquent de perdre leurs
récoltes. C'est vraiment complexe, la gestion de la main-d'oeuvre dans
notre secteur d'activité.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée.
• (10 h 40) •
Mme
D'Amours : Donc, si vous
dites que le pourcentage de bénéfice d'une entreprise est de 3 % à 4 % environ et qu'on a de la misère à avoir des Québécois,
alors les producteurs ont aussi beaucoup de... je ne peux pas appeler ça
des contraintes mais des règles à suivre
avec FERME. À l'époque, on avait chez nous, à la ferme, des employés de
FERME. Je poserai tout à l'heure la question,
mais peut-être que vous pourriez me répondre, vous aussi. On devait payer
l'avion, on devait payer le logement, on
devait payer le... la moitié du billet d'avion, c'est-à-dire, le logement, le
permis de travail, on leur donnait un petit peu plus que le salaire
minimum à l'époque, et ils avaient une vie collective entre eux, là, qu'on devait respecter et que... Même nous, on s'était
donné un mandat d'amener les travailleurs, là, dans des endroits
différents. Et même avec tout ça, avec ces règles-là, on a d'autres règles
aussi, le CanadaGAP, qu'on appelle, je ne sais pas si vous connaissez ça,
CanadaGAP où on doit avoir, pour le travailleur, des toilettes chimiques dans
les vergers, que les barreaux d'échelle
doivent être nettoyés, que... Il y a un paquet de règlements qu'on doit
respecter en tant que producteurs agricoles, et là on nous amènerait un
syndicat pour les travailleurs.
Est-ce que
vous pensez que la gestion de l'entreprise va être en péril? Quand je parle de la gestion,
c'est que le producteur agricole a son PAF à remplir quand même, a à
remplir les documents pour CanadaGAP, a des contraintes à respecter avec FERME, et là on va arriver avec une convention
collective qui, à mon sens... Convention collective, là, j'ai beau
chercher, mais les conventions collectives vont travailler sur les heures de
travail, le salaire, l'ancienneté, le bien du travailleur. Alors, où est-ce que
le producteur agricole va se retrouver là-dedans, et qui lui, d'ailleurs, je
dois le signaler, est déjà un syndiqué par l'UPA?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Plante.
M. Plante (André) : M. le
Président. Mme la députée, écoutez, effectivement je l'ai dit depuis le
début : Les structures administratives des entreprises maraîchères, pour
la majorité, presque pour la totalité, ne sont pas structurées pour
pouvoir gérer des conventions collectives. On est vraiment vulnérables à ce
niveau-là.
Mais, au-delà de ça, notre grande,
grande préoccupation, c'est qu'on parle d'entreprises familiales qui sont
avec une gestion qu'on peut appeler, là, paternaliste, maternaliste face à
leurs employés, avec des relations de travail de proximité qu'ils... C'est
comme leurs enfants, les employés. Vous imaginez d'avoir à mettre un contrat
entre ça puis négocier des clauses de
contrat? Nous, on est extrêmement préoccupés par la détérioration des relations
de travail. On n'a pas besoin d'en arriver là. Jusqu'à date, de ce qu'on
constate sur le terrain, avec toutes les précautions qu'on prend, il y a déjà un travail colossal qui est fait pour
bien encadrer l'employeur et encadrer l'employé pour que les deux
parties, là, soient vraiment confortables dans leur environnement de travail.
Par contre, il peut y
avoir des exceptions, comme dans toutes les couches de la société, puis si,
pour ces exceptions-là, il y a possibilité,
ces gens-là, de leur donner des opportunités de pouvoir davantage mettre en...
de faire connaître leurs observations
parce qu'ils se sentent, je ne sais pas, maltraités ou on trouve qu'on leur met
trop de pression sur les épaules, peu importe, bien nous, là, on n'a pas
de problème à être proactifs dans ce dossier-là puis collaborer avec ça. Nous, on a besoin... Je n'arrête pas de
le dire, notre main-d'oeuvre, elle est précieuse. C'est de l'or, pour
nous. Elle est tellement difficile à aller
chercher, je ne vois pas pourquoi un employeur aurait avantage à maltraiter un
employé, qui fait des démarches incroyables pour l'amener chez lui pour qu'il
récolte ses fruits et ses légumes.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme la députée de Mirabel, il reste
1 min 30 s.
Mme
D'Amours : En fait, j'ai un commentaire sur ce que M. Plante a
dit, M. le Président, qui fait en sorte qu'il
ne faut jamais oublier qu'au Québec, effectivement, c'est des fermes familiales
où il y a, oui, effectivement une relation qui s'installe avec les
producteurs et les employés.
Et
ma dernière question — et je connais la réponse, M. Plante, mais j'aime autant la...
j'aime que vous le dites à mes
collègues — c'est
que, quand on a une ferme agricole où on emploie des employés de l'étranger,
c'est toujours les mêmes qui
reviennent à chaque année. On nous demande, là : Patron, patron, je veux
revenir l'année prochaine. Ils veulent qu'on inscrive, là... On a un
rapport pour remplir à la fin de leur travail, un rapport, là, qui dit
qu'est-ce qui a été, qu'est-ce qui n'a pas été, et ils veulent toujours
revenir.
Est-ce
que vous voyez là une façon où les employés, là... S'ils étaient maltraités ou
s'ils voulaient se syndiquer parce qu'ils sont maltraités, est-ce qu'ils
reviendraient à chaque année aux mêmes fermes?
Le Président (M.
Cousineau) : En conclusion, M. Plante.
M. Plante (André) : M. le Président. Oui, bon, bien, écoutez, en conclusion,
les statistiques qu'on a, FERME, la fondation de recrutement de
main-d'oeuvre étrangère, fait un sondage à chaque année. Encore les dernières
années, on a une moyenne d'à peu près
93 % au niveau du taux de satisfaction des employés, quand on fait un
sondage, et 84 % des employés,
des travailleurs étrangers, reviennent après année. C'est énorme, 84 %,
parce que, quand on comprend qu'il y en a, à cause de complexité
familiale ou peu importe... ou, dans leurs pays, ils ont une opportunité de
travailler à l'année puis ils décident de ne
pas revenir, bien, avec un taux de rétention de 84 % par année, je pense
que ça démontre l'efficacité du programme.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, voilà. Alors, je vous
remercie, M. Plante, M. Désilets, M. Rainville, pour
votre présentation.
Je suspends les travaux
pour quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
10 h 46)
(Reprise à 10 h 51)
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, nous allons reprendre nos
travaux. Avant de débuter, de passer la parole au prochain groupe, j'aimerais avoir un consentement, parce que nous
aurons probablement 10 minutes à reprendre à la fin. Donc, ça prend
un consentement des deux côtés de... Consentement? Consentement. Merci.
Alors,
je souhaite la bienvenue à l'Association des producteurs de fraises et de
framboises du Québec. J'inviterais les représentants à se présenter.
Donc, pour fins d'audition, là, d'enregistrement, veuillez vous présenter. Vous
avez 10 minutes de présentation, et par la suite nous passerons à
50 minutes de période de questions. Alors, la parole est à vous, en vous
présentant ainsi que la personne qui vous accompagne. Merci.
Association des producteurs de fraises
et framboises du Québec (APFFQ)
Mme Plante
(Yourianne) : Mmes, MM. les députés, membres de la commission,
bonjour. Je me présente : Yourianne
Plante. Je suis directrice générale de l'Association des producteurs de fraises
et framboises du Québec. Et c'est avec
plaisir que je vous présente Guy Pouliot, qui est membre du C.A. de notre
association, mais il est surtout producteur de fraises et framboises et
propriétaire de la Ferme Onésime Pouliot à l'île d'Orléans.
Le
Président (M. Cousineau) : Vous avez donc 10 minutes pour
votre présentation, tranquillement, sans vous...
Mme Plante (Yourianne) : Parfait. Donc, notre association est active depuis 16 ans. Elle
regroupe 700 producteurs de
fraises et de framboises provenant de toutes les régions agricoles du Québec.
Elle assure la réalisation de ses activités à travers un fonds de
recherche et de promotion. On gère la marque Les Fraîches du Québec, là, que
vous connaissez peut-être.
Je tiens à
vous rappeler que la cueillette, d'abord, est la seule façon de récolter nos
petits fruits et que la main-d'oeuvre représente entre 50 % et
70 % des dépenses de nos producteurs. La main-d'oeuvre est donc un enjeu
de compétitivité extrêmement important pour l'ensemble de nos producteurs,
autant ceux qui emploient exclusivement la
main-d'oeuvre locale que ceux qui emploient des travailleurs locaux et
étrangers. Donc, notre association est en faveur du projet de
loi n° 8 tel que proposé.
Depuis longtemps, nos producteurs souffrent
d'une pénurie de main-d'oeuvre, particulièrement en période d'abondance. Comme cette période est courte, les
producteurs accueillent toutes les personnes désireuses de travailler. Environ 600 producteurs emploient des
travailleurs saisonniers rémunérés au rendement. D'ailleurs, 80 % des
travailleurs saisonniers de notre secteur sont locaux. Cette saison, 117 producteurs
de fraises et de framboises emploient 2 012 travailleurs étrangers saisonniers. Par ailleurs, la production de
fraises d'automne, qui est en pleine expansion au Québec, exige une
main-d'oeuvre disponible pour plus de cinq mois.
Pour vous présenter la réalité terrain d'un
producteur qui emploie une centaine de travailleurs étrangers saisonniers, je
cède la parole à Guy Pouliot.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Pouliot, à vous la parole.
M. Pouliot
(Guy) : Merci. Donc, moi,
mon rôle, c'est un peu d'expliquer un peu le portrait de notre ferme
puis créer... de démontrer un peu comment se passe la gestion de tous les jours
à la ferme.
Je suis
propriétaire de la Ferme Onésime Pouliot avec mon frère Daniel. Mon frère
Daniel a un bac en économie; moi, j'ai un bac en administration. Donc,
on comprend que Daniel s'occupe plus de la production puis que moi, je m'occupe
plus de tout ce qui est papiers, ressources humaines, vente.
Alors, on est environ 150 personnes à
travailler chez nous. Il y en a 128 qui proviennent du Mexique et il y a quelques
travailleurs locaux, donc, pour se rendre à peu près à 150. En hiver, nous
sommes quatre personnes : moi et mon
frère plus deux autres personnes. On est 150 parce que les fraises et les
framboises, bien c'est très peu mécanisé. Donc, à partir du moment que
tu fais des surfaces un peu plus que la moyenne, ça prend vraiment beaucoup de
gens pour pouvoir tout récolter, tout planter ou faire le désherbage.
Dans le cas
de la framboise... Tantôt, on parlait de chiffres. La main-d'oeuvre représente 50 % de nos
dépenses pour les fraises, puis, dans le cas de la framboise, c'est 70 %.
Nous, ce qu'on fait, c'est essentiellement de la fraise d'automne, la moitié de notre chiffre d'affaires, c'est la fraise d'automne,
le tiers étant la fraise d'été. Le reste est divisé entre les framboises, qui sont produites sous
tunnel, ainsi que des patates sucrées. Nous sommes l'unique producteur
de patates sucrées au Québec. Patates sucrées et non pommes de terre, O.K., patates
sucrées.
On travaille avec des travailleurs mexicains parce
que, comme il a été mentionné, on a une pénurie de main-d'oeuvre au Québec.
Nous, comme on fait de la fraise d'automne, oui, c'est vrai, on a quelques
étudiants chez nous, mais souvent ce sont
des stagiaires qui sont plus pour le travail agronomique que de la plantation
ou de la récolte. Donc, à toutes les fois que, chez nous, on a des
étudiants qui appellent pour un stage, on les réfère à une ferme voisine qui,
lui, fait uniquement de la fraise d'été. Donc, ce voisin-là, qui reçoit ses
propres appels et aussi les appels que je lui transfère, réussit aussi à
manquer de main-d'oeuvre, O.K., mais, dans sa situation à lui, cinq semaines
faire venir des Mexicains, c'est moins évident à cause du prix du billet
d'avion, qu'il doit amortir sur seulement cinq semaines.
Nos travailleurs mexicains, on fait des sondages avec eux. Ça va faire
deux fois qu'on le fait. On l'a fait encore cette année puis on l'a fait il
y a trois ans. Quand on leur demande
combien d'heures ils veulent travailler
par semaine, ils parlent de 70 et ils
parlent de 80 heures. Nous, on fixe un 60 heures, parce qu'à un
moment donné, un 70 heures ou un 75 heures, on comprend que la
productivité, à la 11e heure puis à la 12e heure du travail par jour,
baisse. Donc, on essaie d'avoir un 60 parce
que c'est ce qu'ils désirent. Chez eux, quand ils travaillent — parce que souvent ils manquent de
travail — ils
font du 75 heures, chez eux, café ou canne à sucre.
Donc,
essentiellement, ces travailleurs-là sont aussi des travailleurs agricoles chez
eux. Ou ils travaillent pour quelqu'un
d'autre ou ils ont pratiquement tous un lopin de terre pour faire de la canne à
sucre, ou du café, ou du maïs. Donc,
ils comprennent déjà notre réalité quand ils arrivent ici, puis travailler avec
eux, c'est extrêmement facile. Bon, ça demande
beaucoup de démarches, c'est vrai, mais, avec eux, c'est extrêmement facile
parce qu'ils ont une motivation très
grande. Quand 90 % d'entre eux sont mariés... presque 100 % d'entre
eux sont mariés puis environ 90 % d'entre eux ont des enfants, et
qu'ils prennent la peine de s'expatrier de chez eux pendant à peu près... une
moyenne, chez nous, de 20 semaines — parce que souvent ça a été posé comme
question plus tôt — ces gens-là
ont une très grande motivation, une très grande motivation. Donc, ils
veulent venir pour gagner des sous, puis ils veulent revenir ensuite parce que
leur vie change, par la suite, à cause de l'argent qu'ils viennent faire ici.
Donc,
comme ils comprennent notre réalité, ils comprennent aussi qu'ils doivent être
flexibles et s'adapter aux aléas du
climat. Par exemple, nous, pour viser un 60 heures de travail par semaine,
bien on regarde nos historiques, on regarde... Si on s'aperçoit qu'en
2012 on a manqué de personnes... Comme dans notre cas, en 2013, il y avait
106 travailleurs mexicains chez nous. On a monté à 128 parce qu'on a
manqué de main-d'oeuvre en 2013, donc espérant revenir aux 60 heures
visées pour les travailleurs. Donc, ces gens-là, ils comprennent, mais en même
temps, quand on vise un 60 heures, on
pense à un 25 °C, à un 26 °C. Ça fait que, quand il fait 19°, les fruits rougissent moins vite, ça
fait que, là, on compense avec du désherbage qui n'a pas été fait pour
pouvoir compléter leur semaine, pour qu'ils fassent encore leurs 60 heures. Mais à l'inverse, c'est
vrai, il ne fait pas toujours 26°. Des fois, il peut faire 31° pendant cinq
jours. Donc, il va arriver que leur semaine de travail va être plus que
60, 60 n'étant pas une ligne... Je veux dire, ça fluctue dans le temps en
fonction de la température, mais on vise le 60.
Ces travailleurs-là
ont fait en sorte qu'aujourd'hui j'ai aussi des travailleurs locaux mais qui ne
font pas de récolte. On a une équipe de
recherche, on a deux personnes qui travaillent à temps plein, deux personnes de
maîtrise de l'Université Laval qui
font de la recherche. En début, j'ai mentionné qu'on avait des tunnels pour les
framboises. Ça, ce sont des
framboises qui ont été dans des pots, dans du substrat, je peux prendre le pot
puis le déplacer un peu comme une jardinière.
Bien, ça, c'est encore à l'étape embryonnaire. Au Québec, on travaille
là-dessus depuis à peu près sept ans. Puis
ça a fait sorte que... La stabilité que la main-d'oeuvre mexicaine nous a apportée
a fait en sorte qu'on a pu développer d'autres
postes de travail plus intéressants ou plus payants. Donc, on a deux personnes
en recherche et développement puis on
a une personne au bureau. Puis les autres travailleurs, pour arriver à 150,
bien c'est deux travailleurs locaux qui sont là à temps plein avec nous
pendant l'été, pendant les 20 semaines ou à peu près, puis les autres,
c'est des gens qui font de la livraison.
Mme Plante
(Yourianne) : Peut-être une parenthèse ici.
Le Président (M.
Cousineau) : ...deux minutes.
Mme Plante
(Yourianne) : Oui, deux minutes. Vous avez peut-être entendu parler de
notre association cette année, on s'est
battus pour conserver la rémunération au rendement. Je vous disais que
80 % de nos travailleurs sont de la main-d'oeuvre locale.
M. Pouliot a plusieurs travailleurs étrangers, mais il ne faut pas oublier
aussi toutes les petites fermes qui
emploient seulement de la main-d'oeuvre locale saisonnière pour tenir un
kiosque à la ferme, pour cueillir dans les
champs; tous les étudiants, évidemment, là, qui font de la cueillette de
fraises ou de framboises comme premier emploi d'été aussi. Puis ça a été, pour nos 600 producteurs qui emploient
cette main-d'oeuvre-là, une belle victoire de pouvoir conserver la rémunération
au rendement.
Le Président (M.
Cousineau) : M. Pouliot.
• (11 heures) •
M. Pouliot
(Guy) : Oui, tout à fait, parce que, sans cette rémunération au
rendement là, il aurait été difficile de
continuer à embaucher des jeunes, qui n'aurait pas fait le nombre de boîtes
minimum pour être rentable pour l'entreprise. Donc, le peu de boîtes
qu'ils peuvent faire quand ils sont jeunes, ça crée leur premier emploi, mais
au moins ça fait ça de récolté.
Mme Plante
(Yourianne) : Ce qu'on constate, pour notre secteur, c'est qu'on prend
vraiment toute la main-d'oeuvre disponible en saison. La saison est courte, on
est extrêmement dépendants de la météo, donc il faut... la flexibilité est
primordiale pour assurer la production et la récolte.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci. Alors, est-ce qu'il y a d'autres
interventions? Sinon, on peut passer immédiatement...
M. Pouliot (Guy) : Bien, je dirais que le reste, c'est comme les maraîchers, ça ressemble
un peu à notre secteur. Je dirais que le reste a été pas mal abordé.
Le Président (M.
Cousineau) : D'accord. De toute façon, s'il y a d'autre chose,
vous pourrez, en répondant aux questions, là, aller plus loin. Donc, pour le
prochain 25 minutes, je passe la parole au ministre. M. le ministre, à
vous la parole.
M.
Hamad : Merci, M. le Président. Mme Plante,
M. Pouliot, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci de prendre le temps de préparer un mémoire et de venir parler
de votre expérience, particulièrement votre expérience personnelle.
Tantôt,
on parlait de comparatif avec l'Ontario. Vous le savez, que la loi en Ontario
s'applique à tout le domaine agricole, il n'y a pas de limitation au
nombre d'employés? Je ne sais pas si vous savez ça. Donc, ce n'est pas juste moins que trois employés, mais c'est tout le
monde. Et aussi vous savez que vous, dans votre cas, quand il... le Code
du travail s'applique partout, vous savez ça? Vous appliquez ça aussi à vos
travailleurs étrangers et vos travailleurs... Et, quand il y a des problèmes,
est-ce que vos travailleurs s'adressent à la Commission des normes du travail?
M. Pouliot (Guy) : Les travailleurs, bien, nous autres, on les invite d'abord à venir nous
rencontrer, on leur dit : Même quand la porte est fermée, la porte
est ouverte, O.K.? On est là pour eux. Puis, quand je dis qu'on est là pour eux, c'est que, nous, quand on les reçoit, il y a
une présentation qui leur est faite, puis on leur dit qu'on est là pour
eux, au bureau; qu'à tout moment ils peuvent venir nous voir s'ils ont besoin
de quelque chose. Donc, normalement, oui, à toutes
les semaines, s'il y a des petites choses... Des fois, ça peut être des choses...
ça peut être anodin, tel que : Mon toasteur ne marche plus ou...
Vous savez, il peut y avoir plein de choses. Donc, ils viennent nous voir.
S'il y a des conflits
entre travailleurs, ce qui peut arriver aussi, on leur demande... Bien,
première étape, c'est : Essayez de vous
parler, sinon vous venez nous voir, O.K.? Mais après ça il y a encore le
consulat du Mexique qui est ici pour
les représenter. Donc, si ça ne fait pas avec l'employeur ou avec les employés,
ils peuvent aussi communiquer avec le consulat, qui est à Montréal.
M.
Hamad :
Puis vos travailleurs québécois qui sont... J'ai compris que vous en aviez
deux, plus deux à la recherche et deux qui font...
M. Pouliot (Guy) : Oui, on en a à
peu près une douzaine.
M.
Hamad : Alors, les
autres, comment ça va?
M. Pouliot
(Guy) : Ça va très bien, ça
va très bien. Même que je dirais qu'on a une excellente ambiance de
travail.
M.
Hamad : Est-ce que,
mettons, ils ont une association?
M. Pouliot (Guy) : Non.
M.
Hamad : Comment ça
marche? Ils vous rencontrent régulièrement quand ils ont des problèmes?
M. Pouliot
(Guy) : Ils nous rencontrent...
Bien, on est à bureaux ouverts, donc il y a beaucoup de communication entre
nous. Je vous dirais, s'il y a quelque chose, c'est de venir voir moi, ou mon
frère Daniel, ou encore Christiane qui est avec nous dans les bureaux,
Christiane qui est là pour, essentiellement, les travailleurs mexicains et
autres travailleurs locaux.
M.
Hamad : Est-ce
qu'ils gagnent le même salaire que vos travailleurs mexicains?
M. Pouliot (Guy) : Non, parce qu'ils
ne font pas le même travail, ils ne font pas le même travail. Mais les
travailleurs...
M.
Hamad : Ils sont
mieux rémunérés?
M. Pouliot
(Guy) : Les travailleurs locaux?
Bien, une personne de recherche avec une maîtrise, définitivement, O.K.? Une personne dans les bureaux qui fait les
travaux cléricaux et qui s'occupe des travailleurs mexicains aussi, oui.
Ils sont tous mieux rémunérés, mais ils ne font pas le même travail, c'est
différent. Ils n'ont pas la même formation.
Mme Plante
(Yourianne) : Mais on
s'entend qu'un Québécois qui ferait le même travail aurait le même
salaire.
M. Pouliot
(Guy) : O.K., excusez. Si on
parle... Si cette question-là est dans ce sens-là, oui, quelqu'un qui a
le même travail aurait le même salaire.
Le
Président (M. Cousineau) : Il faut faire attention, pour les
fins d'enregistrement, de ne pas parler en même temps, là, d'accord?
Alors, M. le ministre.
M.
Hamad : Est-ce que
la compétition, l'Ontario, est féroce envers vous?
M. Pouliot
(Guy) : La compétition est
féroce, oui, mais nous, on est dans le secteur de la fraise, d'accord,
puis le Québec fait 53 % des fraises du
Canada, l'Ontario en fait 23 %. Pourtant, ils sont plus de monde qu'ici.
Présentement, c'est nous qui essayons de faire une pression pour envoyer nos
fraises de l'autre côté, mais ce n'est pas pour remplacer la fraise ontarienne,
c'est pour remplacer la fraise californienne qui prend la place. Donc...
Pouvez-vous répéter votre question, s'il vous
plaît? Je ne suis pas sûr que...
M.
Hamad :
Non, vous avez répondu. Même si vous ne saviez pas c'était quoi, la question,
vous avez répondu.
M. Pouliot (Guy) : Oui? O.K., ça
marche.
M.
Hamad :
Mais on regarde, par exemple, des fois, chez Costco. Il y a beaucoup de fraises
qui viennent de la Californie, du Mexique, et des fois c'est...
Lorsqu'on goûte à la fraise québécoise, en tout cas, elle goûte mieux puis elle
est meilleure.
Qu'est-ce qui
vous manque pour rentrer chez Costco? Puis je ne parle pas de vous
personnellement mais le marché.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Pouliot.
M. Pouliot (Guy) : Ce n'est pas
faute d'avoir essayé, d'accord? Mais je l'ignore, je l'ignore. C'est peut-être des ententes à long terme qu'ils ont, je ne le
sais pas. C'est peut-être aussi une question de prix. La Californie peut
produire avec des produits chimiques qu'on n'a pas le droit d'utiliser, nous,
au Canada, tels que le bromure de méthyle. Le bromure
de méthyle, c'est un gaz qui vient tout tuer dans le sol, les vers de terre
comme les mauvaises herbes. Donc, les graines
de mauvaise herbe meurent, donc il n'y a pas une mauvaise herbe qui pousse, ils
n'ont pas de désherbage à faire, ce que nous, on doit faire parce qu'on
n'a pas ces produits-là. C'est un produit qui est, en passant, très nocif pour l'environnement, qu'au
Canada et en Europe on n'a plus le droit de l'utiliser depuis 1998, 1999. En
Californie, ils l'utilisent toujours
parce que toutes les fois qu'ils utilisent autre chose leur rendement baisse.
Ça fait que c'est ce qui fait qu'ils peuvent livrer ici à meilleur prix,
parce qu'ils utilisent des produits différents des nôtres.
M.
Hamad : Est-ce que
c'est arrivé que vous avez perdu votre saison?
M. Pouliot (Guy) : Perdu des champs,
mais la saison, non.
M.
Hamad : Des champs?
M. Pouliot (Guy) : Des champs, oui.
2013.
M.
Hamad : O.K. Comment
ça?
M. Pouliot
(Guy) : Parce qu'il s'est
mis à faire très chaud, puis à un moment donné il y a une limite
d'heures qu'on peut faire dans une journée,
surtout quand il fait chaud en plus. C'est encore plus éreintant, je vous
dirais. Donc, quand on ne peut plus
tout faire, à un moment donné, tu fais un choix à travers les champs qui te
paraissent les meilleurs, tu conserves les meilleurs puis tu laisses
aller d'autres, faute de main-d'oeuvre.
M.
Hamad : Qu'est-ce
que vous faites avec votre main-d'oeuvre quand les champs sont perdus?
M. Pouliot
(Guy) : Bien, j'abandonne un
champ parce que, là, j'ai trop de production en même temps. Donc, si j'ai, on va dire, huit champs, bien... et que, là,
il fait trop chaud, ils donnent tous des fraises en même temps — et plus il fait chaud, plus qu'ils
donnent des fraises encore en même temps — donc j'en abandonne deux, je
garde les six autres puis je continue.
M.
Hamad : Est-ce que
vous savez que... Vous avez plus que deux employés de façon continue. La loi ne
s'applique pas à vous, hein?
M. Pouliot (Guy) : C'est vrai, mais
je suis sur le bord de trois, par contre. Mais oui. O.K.
M.
Hamad : Oui. C'est
deux, en passant. C'est moins que trois, c'est-à-dire deux.
M. Pouliot (Guy) : C'est moins que
trois. Donc, j'en ai deux. O.K.
M.
Hamad : Je vais
laisser mes collègues... s'ils ont d'autres questions.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui. Alors, peut-être avant de... J'aurais peut-être une petite question, si
vous permettez.
M.
Hamad : Oui,
allez-y, M. le Président.
Le Président (M. Cousineau) :
Diriez-vous, étant donné que les normes environnementales ne sont pas les mêmes
ici, pour les producteurs québécois, que pour les producteurs californiens, par
exemple, que ça devient une concurrence déloyale?
M. Pouliot
(Guy) : Je dirais oui,
définitivement. C'est comme mettre une prise contre tes propres
producteurs locaux en commençant la bataille, là. Ils nous mettent un bâton
dans les roues avant de commencer, notre propre gouvernement.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci. M. le député de Huntingdon.
M.
Billette : Merci beaucoup,
M. le Président. Bienvenue. Toujours intéressant de vous entendre et
Mme Plante également, que lors de mon ancien mandat j'ai eu la
chance de rencontrer. Et, M. Pouliot, c'est toujours intéressant d'entendre les faits vécus, ce qui se passe dans
le champ, comme on peut dire, sur le terrain. Et je pense que le projet
de loi n° 8 vous interpelle de façon
personnelle encore plus importante. On voit le nombre d'employés que vous avez
sur votre ferme, 128 employés étrangers.
Moi, j'ai une
question plus par curiosité à vous poser au début : 128 employés
étrangers, vous les gardez combien de temps? Parce qu'on sait que la
saison des fraises et des framboises s'échelonne quand même sur un mois, un
mois et demi environ. Vous rajoutez
peut-être la fraise d'automne, qui vous mène beaucoup plus loin. Est-ce que
vous avez suffisamment... C'est
beaucoup plus de connaissance personnelle que d'impact directement de ce projet
de loi. Est-ce que vous avez du travail pour eux pour une période de
cinq à six mois?
M. Pouliot (Guy) : Il y a une
période... En moyenne, ils travaillent chez nous 20 semaines.
M.
Billette : 20 semaines.
M. Pouliot (Guy) : Donc, j'en ai qui sont là sept mois et demi, j'en ai qui sont là de
mi-juin à mi-octobre, donc quatre mois, 16 semaines, mais la
moyenne est de 20 semaines.
M.
Billette : O.K. Donc, ça veut dire qu'il y a de l'emploi beaucoup plus...
Parce qu'on a souvent le... comme votre voisin que vous parliez tantôt
c'était cinq semaines, mais, avec les nouvelles variétés, vous allongez la
saison, à ce moment-là, qui permet un travail...
M. Pouliot
(Guy) : On se rend... Oui, c'est ça. Ce qui nous arrête, c'est le gel.
À partir du moment qu'il fait moins
4 °C, notre saison vient d'arrêter. Parce que c'est encore chargé de
fruits, on pourrait continuer jusqu'à Noël, mais à moins 4 °C on
arrête. Ça...
M. Billette :
Ah! ça ralentit beaucoup le monde lorsque ça baisse en bas de zéro, je suis
d'accord avec vous.
M. Pouliot
(Guy) : On rachète des billets d'avion, oui.
M. Billette :
Vous êtes dans l'administration de votre entreprise. Votre frère semble
s'occuper beaucoup plus des champs; vous, de
l'administration et des employés en tant que tels. J'aimerais connaître, suite
au jugement qui a été décrété le
11 mars 2013, qui a été déposé par le juge à la Cour supérieure du Québec,
les impacts qu'il y aurait eu administrativement parlant, que ce soit au
niveau de la paperasse, de la gestion de ça. Est-ce que vous avez pris connaissance
des impacts ou vous avez une idée des impacts que vous auriez pu avoir dans
votre entreprise, que ce soit la gestion de
la main-d'oeuvre, gestion de convention collective? Est-ce que vous étiez
préparés à ça? Parce qu'on sait qu'il y a
eu — excusez-moi
l'anglicisme — un gap,
un trou du 11 mars 2013 jusqu'au dépôt du projet de loi par M. le ministre. À ce moment-là, il aurait
pu y avoir syndicalisation. Est-ce que vous avez évalué l'impact
possible qu'il aurait pu y avoir directement sur votre gestion d'entreprise si
le projet de loi n'avait pas été déposé?
• (11 h 10) •
M. Pouliot
(Guy) : Ce qui me faisait le plus peur dans tout ça, c'était l'impact
financier qu'aurait pu avoir une mauvaise
convention entre nous et les employés, parce que la moitié de mes dépenses
étant des salaires... Moi, si le pétrole
augmente de 10 %, ça ne me dérange pas bien, bien, mais, si mes salaires
augmentent de 1 %, 2 %, 3 %, ça affecte beaucoup plus mes
dépenses qu'une augmentation de pétrole de 10 %.
Donc,
tantôt, on a parlé de marge de profit de 3 % à 4 %; je vous dirais
que ça varie de 8 % à quelque chose de négatif de temps en temps. Donc, 3 % à 4 %, il est
probablement à la bonne place. Donc, des salaires qui augmentent de 1 %, 2 %, 3 %... ou si on
dit : À partir de 50 heures, à partir de 40 heures on paie du
temps supplémentaire, bien tantôt je ne fais plus de fraise d'automne.
On reste quatre personnes, on achète du terrain puis on fait des céréales, puis
à quatre personnes on va faire
1 000 acres de céréales. Ça, ce n'est pas grave, c'est mécanisé.
Mais, des salaires, la moitié de mes dépenses,
c'est des salaires. Si ça, ça augmente à cause d'une convention collective qui
s'avère trop dure à cause qu'on pourrait
demander du temps supplémentaire quand il fait 28 °C puis que je n'ai pas
le choix... Oui, j'ai le choix. J'ai le choix d'arrêter à 40 heures puis de laisser les fruits là. Mais,
pour moi, ce n'est pas un choix. Il faut que je les ramasse, les fruits, parce que, si je ne les ramasse pas, là,
je ne suis plus capable de payer les salaires. Puis, si je vais à 60 heures,
bien je ne suis plus capable de payer le temps supplémentaire.
Ça
fait que l'impact est sur... n'était pas, chez nous, de savoir comment qu'on va
le gérer. C'était de voir quel serait l'impact sur l'augmentation ou la
hausse de nos salaires.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Huntingdon.
M.
Billette : Donc, vous étiez présents tantôt, lorsqu'on a parlé avec
l'Association des producteurs maraîchers au niveau... C'est une question
qui va être très similaire. Vous êtes un cas, je pense, typique, vous avez deux
employés permanents. La compétition, on parle beaucoup des fraises qui viennent
de la Californie, mais on a également une compétition qui vient de l'Ontario,
question de climat. Il y a maintenant des nouvelles variétés qu'on a et qu'on
peut produire plus tôt, les fraises et les
framboises, et plus tard également, donc on rentre dans un champ de
distribution similaire à celui de l'Ontario maintenant.
Vous,
vous êtes à deux employés, et la loi qui a été déposée fait état que c'est de
moins de trois employés, et par la suite vous pouvez être syndiqué, à ce
moment-là. Vous êtes vraiment, comme on peut dire, sur le bord de la clôture.
À ce moment-là,
lorsqu'on arrive au niveau compétitivité, pour les trois employés,
comparativement à l'Ontario où il n'y a aucune limite de nombre
d'employés, est-ce que ça a un impact direct chez vous?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Pouliot.
M. Pouliot
(Guy) : Bien, ça peut avoir un impact à partir de... Oui, ça pourrait,
ça a un impact. Ça aurait un impact, c'est
sûr. Mais c'est sûr que, moi, quand je me suis déplacé, ce matin, ce n'était
pas juste pour représenter Ferme Onésime Pouliot, c'était pour
l'ensemble des producteurs. On n'est pas beaucoup, je pense, dans ma situation,
dans les producteurs de fraises. Par contre,
c'est une tendance. En agriculture, il y a deux tendances : ou bien tu
diversifies ou bien tu te spécialises. Puis, quand tu te spécialises,
bien tu fais plus de volume pour satisfaire aux grandes chaînes. Donc, des
entreprises comme la nôtre, bien, plus les années vont avancer, plus on va en
retrouver d'autres.
Donc, tantôt, quand vous
avez soulevé le point du deux employés ou du trois employés, bien pourquoi
deux? Pourquoi trois? Je n'étais pas venu
ici dans cette idée-là ce matin parce que je venais pour l'ensemble des
producteurs de fraises, mais vous avez
raison. Pourquoi trois? Pourquoi moins de trois? Pourquoi pas cinq? Pourquoi...
Je ne sais pas.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Huntingdon.
M. Billette : Oui, merci beaucoup.
Vous avez parlé tantôt de l'impact financier du jugement qui avait été rendu sur la non-constitutionnalité de
l'article 21.5 du Code du travail. J'aimerais vous entendre comme
administrateur, maintenant. Vous l'avez dit,
oui, au niveau des coûts que ça représente... bien, je pense, Mme Plante l'a
dit tantôt, c'est de 50 % à
70 % du coût des producteurs de fraises et framboises qui sont des coûts
de main-d'oeuvre, mais j'aimerais vous entendre,
M. Pouliot — ou
Mme Plante également — de l'impact administratif pour le gestionnaire, le gestionnaire
qui souvent... Vous l'avez dit, vous êtes
vous et votre frère. Souvent, ça va être la propriétaire qui est l'épouse ou le
conjoint ou la conjointe qui sont... C'est
des petites entreprises, on a un modèle de petite ferme qu'on tente de
conserver à la grandeur du Québec. Quel serait l'impact administratif
dans votre cas, au niveau personnel... ou si vous avez parlé avec d'autres producteurs également? Les connaissances au niveau
du Code du travail, gérer des conventions collectives, des griefs,
est-ce que vous y aviez pensé?
M. Pouliot (Guy) : ...j'y ai pensé
parce que, moi, ça s'adonne que j'ai fait mon bac en administration, j'ai fait ressources humaines, donc j'ai eu un cours un
peu, à un moment donné, sur les normes du travail. J'ai donc un outil de plus que, peut-être, une majorité de
producteurs. Si je pense à mon père, je recule — il n'y a pas tellement longtemps, c'était encore lui qui était gestionnaire de la
ferme — je ne l'aurais
pas vu gérer ça ou négocier une convention avec des employés. Il aurait fallu qu'ils embauchent
quelqu'un, probablement, il aurait fallu qu'ils embauchent un avocat
peut-être ou je ne sais pas qui, mais il
n'en serait pas venu à négocier ça seul. Ça, j'en suis convaincu. Ça fait que...
Ou sinon, s'il l'aurait fait seul, il aurait peut-être eu des résultats
qu'il n'aurait pas aimé avoir, donc...
Puis quand les fermes sont... Quand on dit qu'on
est 500 à 700 producteurs de fraises, ce sont des petites fermes que souvent, bon, ils gèrent ça sur le coin
de la table. Bien, négocier la convention... Donc, ça, ça veut dire
aussi que leur chiffre d'affaires n'est pas
très élevé. Donc, embaucher quelqu'un
qui arrive d'une firme d'avocats, qui va charger 225 $ de l'heure
pour je ne sais pas combien de temps pour en venir à une première convention
collective, oui, ça remet en question la survie de ces entreprises-là.
Puis, chez
nous, bien, on est peut-être un petit peu mieux outillés, mais je ne le ferais
pas seul pour autant. Là, ça s'adonne
qu'on est deux frères, puis une chance, parce qu'on a différents chapeaux,
hein? Il y a le chapeau des ressources humaines,
vente et marketing, opérations, finances. Moi, je le partage avec mon frère,
mais, dans la majorité des entreprises, ils sont un ou une. Ça, en plus, c'est très lourd. Déjà que c'est très
lourd... Puis c'est pour ça, d'ailleurs, pourquoi qu'il n'y a pas
personne qui... pas beaucoup de personnes qui viennent travailler en
agriculture, pour la même raison qu'il manque
beaucoup de relève en agriculture, c'est parce que les heures sont un peu
folles, il y en a beaucoup trop pour ce qu'il en reste. Donc, pour ces mêmes raisons là, vu qu'il n'en reste pas
beaucoup, donc, les salaires ne sont pas faramineux. Donc, comme les
salaires ne sont pas faramineux, donc, il y a moins de personnes qui sont
intéressées à venir travailler en agriculture, c'est certain.
Donc, pour toutes ces raisons-là, je pense que
ça serait très, très lourd pour une majorité d'entreprises, sinon toutes les
entreprises.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Huntingdon.
M. Billette : Merci beaucoup, M. le
Président. Tantôt, vous avez parlé de la réciprocité également avec la
Californie, puis, on le sait, la compétition, là, ce n'est pas le producteur de
fraises... votre voisin de chez vous. Je pense que vous avez des orientations...
La compétition, que ce soit dans le bleuet avec le New Jersey, que ce soit vous
avec la Californie et l'Ontario... Et peut-être juste nous imager, à ce
moment-là, les marges bénéficiaires, parce qu'on doit se battre, premièrement,
avec un taux de change, des normes de réciprocité qui ne sont pas similaires,
un taux de salaire également qui est
différent, principalement en Californie, où le taux de salaire minimum est en
deçà de ce qu'on retrouve ici, au
Québec, puis je veux savoir, dans votre cas, M. Pouliot — ou je ne sais pas si Mme Plante va
pouvoir nous répondre, à ce moment-là — ça représente quoi, les
marges bénéficiaires, actuellement. Vous avez parlé tantôt d'une augmentation
possible de 2 % à 3 %. On parle-tu d'une marge bénéficiaire, pour un
producteur de fraises, de 20 % ou de
3 % pour pouvoir entrer sur le marché? Parce que souvent, malgré les
bonnes intentions, souvent, d'acheteurs ou de distributeurs, puis que ce soit... pas juste dans les fraises et
dans les framboises, je vois les producteurs maraîchers ou n'importe quel produit que l'on retrouve sur le
milieu du Québec, souvent le prix est un facteur qu'on ne peut négliger
et qu'ils ne négligent pas, à ce moment-là,
qui est un facteur très important. Ça fait que je ne sais pas si vous avez une
idée, à l'heure actuelle, des chiffres, de la marge bénéficiaire, ce que ça
peut représenter, pour les producteurs de fraises et framboises, pour demeurer compétitifs comparativement aux producteurs
qui viennent d'autres juridictions canadiennes ou des États-Unis.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Plante ou M. Pouliot. M. Pouliot.
M. Pouliot (Guy) : Oui. Tantôt, je
disais que les marges bénéficiaires sont de peut-être plus 8 % à moins 3 %, O.K., plus 8 % à moins 3 %,
plus 8 % étant très généreux quand je dis ça. Donc, si les salaires
devaient subir des hausses
dû à des conventions collectives qui disent qu'à partir de tant d'heures il y a
du temps supplémentaire, bien, ça
remet la survie des entreprises en question. Moi, si on me dit que je signe une
convention collective... D'abord, je ne la signerais même pas. Puis, si
on me dit qu'à 40 heures tu paies du temps supplémentaire, c'est fini,
j'arrête, puis tous les producteurs vont dire probablement la même chose.
Si on va à La Financière agricole, puis
qu'on regarde les chiffres, puis qu'il y a en a qui font du 30 % de marge, bien ça, c'est parce que c'est une
entreprise enregistrée où est-ce qu'ils ne comptent pas le salaire du
propriétaire, parce que, s'il fait 30 %
de marge, son entreprise, puis qu'il a un chiffre d'affaires de
100 000 $, il lui reste 30 000 $, ça fait que ça,
c'est son salaire. Si tu mets 30 000 $ de salaire, je pense, ce n'est
pas exagéré. Ça fait que lui, il lui reste zéro.
Ça fait que,
la survie des entreprises, si on rajoute des conventions collectives qui font
en sorte qu'on peut avoir à payer du temps supplémentaire, bien c'est
fini pour les fraises d'automne, puis d'été probablement aussi.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Huntingdon.
• (11 h 20) •
M.
Billette : Je vais vous dire, j'écoute, puis on recueille beaucoup
d'information. Je pense que c'est important. Puis c'est important de
connaître les secteurs qui sont touchés ou qui sont inquiets, à ce moment-là,
de la situation.
Et vous avez
dit une phrase, tantôt, qui m'a marqué l'imaginaire un petit peu. Vous avez
dit : Ce qu'on va faire, on va
se tourner vers la grande culture. On a 1 000 acres. On va s'acheter
une moissonneuse-batteuse, un planteur et on va cultiver nos fermes, à
ce moment-là. Et, je vais vous dire, ça m'a un petit peu comme réveillé, parce
que, chez vous, vous êtes un employeur de
150 personnes; 128 travailleurs étrangers, 22 personnes, donc,
puis vos salaires à vous. Et c'est sûr
et certain que vous avez des retombées. Je veux dire, dans le comté chez nous,
on a plusieurs milliers de travailleurs étrangers, également de travailleurs dans le maraîcher, et, lorsqu'on va
à Saint-Rémi, que ce soit au IGA ou au Super C, pour ne pas faire
de publicité à aucun d'entre eux, on voit l'impact économique qui est très,
très important. Parce qu'il ne faut pas
oublier également, M. le Président, que plusieurs de ces travailleurs-là vivent
ici, vont consommer ici pendant la
période qu'ils sont ici. Donc, ça a
un impact économique important pour certaines
municipalités où on retrouve ces
150 travailleurs là. 150 emplois perdus demain matin sur une ferme...
Parce que vous avez dit la phrase : Ce qu'on fait, c'est qu'on va
se tourner vers la grande culture ou mécanisée. Je veux dire, je viens du milieu
de la grande culture également, je veux dire, à moi seul j'étais capable de
cultiver à forfait également une ferme au complet.
Et je voudrais savoir de votre part, parce qu'on
entend souvent le nombre... Je veux juste valider avec vous le nombre de
producteurs de fraises et de framboises au Québec — je sais que j'avais
déjà entendu différentes raisons, compétitivité également, réciprocité de
normes avec d'autres pays — savoir
à combien est le nombre de producteurs de
fraises et combien il était voilà environ 20 ans. Je ne sais pas si vous
avez ce chiffre-là, mais nous donner une idée. Est-ce qu'il y en a qui ont fait le choix de ce que vous nous avez parlé
tantôt? Et malheureusement on perd la diversification de notre agriculture et des emplois directs, qui ont
un impact économique dans des communautés rurales à ce moment-là.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui. Alors, la réponse, Mme Plante, oui.
Mme Plante
(Yourianne) : Le chiffre il
y a 20 ans, je ne le connais pas. Je sais qu'on a plus de
600 producteurs, près de 700 producteurs de fraises et/ou de
framboises. Puis les défis auxquels ils sont confrontés, là, outre la main-d'oeuvre, je ne sais pas si vous avez entendu
parler du dépérissement des fraisières, mais cette saison encore on a
plusieurs producteurs, petits producteurs autant que de grands
producteurs — on
parlait de Fraisebec tout à l'heure — qui ont dû labourer
complètement des champs parce qu'il y avait des virus puis le dépérissement de
leurs fraisières, leurs fraisières étaient
affectées. Donc, oui, il y a la main-d'oeuvre qui est un enjeu, mais il y a
aussi tous les autres problèmes qui peuvent survenir sur une ferme, puis
une ferme maraîchère de fraises et de framboises particulièrement.
Donc, je parlais justement à Fraisebec, qui me
disait : Moi, le projet de loi, s'il est adopté tel quel — c'était
Isabelle Charbonneau, de Fraisebec — bien ce serait un immense soulagement, parce
que je considère qu'avec les mesures actuelles,
l'encadrement actuel — il y a la Commission des normes du travail, il y a Service Canada,
il y a FERME qui est présente aussi,
il y a les consulats — mes travailleurs, ils sont bien encadrés, le système fonctionne
bien. Donc, pour moi, ce serait un grand soulagement si c'était accepté,
adopté tel quel.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci. M. le député de Huntingdon ou...
M. Billette : Bien, j'ai une
dernière question pour vous. Je pense qu'il faut situer exactement où se situe
la fédération parce qu'on va rencontrer
d'autres organismes, je pense que c'est important de savoir s'il y a des liens
ou quoi que ce soit. Puis cet
après-midi on rencontre... Je regarde votre adresse également qui est située à
Longueuil, boulevard Roland-Therrien, puis c'est la même que l'Union des
producteurs agricoles. C'est quoi, l'association, exactement, pour le bénéfice,
je pense, des auditeurs, le lien, à ce moment-là, et le nombre, la
représentativité que vous avez, là, au niveau... Je sais que c'est
700 producteurs. J'en suis étonné, je ne pensais pas qu'on avait tant de
producteurs de fraises au Québec. Et le lien, à ce moment-là, votre structure
de représentativité au niveau des producteurs agricoles dans votre secteur?
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Plante.
Mme Plante
(Yourianne) : On représente
tous les producteurs de fraises et framboises du Québec puis on est
affiliés à l'Union des producteurs agricoles comme le lait, le porc, le boeuf,
les bovins.
M. Billette :
O.K. Parfait.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui. Est-ce qu'il y a un autre intervenant du côté ministériel? M. le député de
Pontiac.
M. Fortin (Pontiac) : Oui, merci.
Merci, monsieur...
Le Président (M. Cousineau) :
Trois minutes.
M. Fortin
(Pontiac) : Parfait. On va faire ça assez rapidement, alors. Mais
j'écoute la discussion depuis tantôt, et mon collègue de Huntingdon a soulevé des inquiétudes par rapport à son
comté et par rapport à la région élargie autour de son comté pour l'avenir des producteurs
maraîchers. Et ce que j'entends en réponse, c'est un peu un cri d'alarme de
la part des producteurs, M. le Président, qui disent : S'il n'y a rien qui
est fait, ça peut mener à la fermeture éventuelle de plusieurs de nos opérations, votre opération mais également à travers la
province, et je pense que c'est important de se rappeler toute l'importance qu'a cette industrie-là pour notre province.
On parlait tout à l'heure de 53 % de la production des fraises
nationale. C'est quand même significatif et c'est un atout pour le Québec, un
atout duquel on ne peut pas se passer.
Mais il y a un point sur lequel vous avez touché
qui était particulièrement important pour moi, c'est l'ajout à l'administration. Vous avez parlé, M. Pouliot, des
différents chapeaux que vous portez en tant qu'administrateur, de
l'ajout d'une convention collective, comment
ça peut être difficile pour une entreprise comme la vôtre, mais est-ce qu'il y
a d'autres aspects par rapport à
toute la bureaucratie gouvernementale que vous avez à remplir que vous trouvez
particulièrement difficiles? Est-ce qu'il y
a d'autre chose au niveau du gouvernement qu'à chaque fois que vous le faites
vous dites : Bien, ça, c'est vraiment problématique pour notre
entreprise, ça pourrait être plus facile? Tant qu'à vous avoir ici, je pense
que ce serait peut-être intéressant d'entendre ça, M. le Président.
Le Président (M. Cousineau) :
Vous avez une minute pour conclure.
M. Pouliot (Guy) : Une minute, O.K.
Je n'étais pas préparé à cette question-là. Je suis à la limite d'être une entreprise
qui doit créer un comité de francisation, parce que j'ai 128 Mexicains
chez nous. On est quatre l'hiver, puis, eux,
quand ils viennent l'été, on est cinq personnes pour pouvoir traduire ce qu'ils
font. Est-ce que j'ai besoin de créer un
comité de francisation? Je crois que non, mais je suis à la limite. Il faut
juste que j'aie quatre, cinq gars qui arrivent un peu plus tôt l'année prochaine ou qui partent un
peu plus tard cet été, là, puis je suis un candidat à ça. Ça, je trouve
que ce serait une charge supplémentaire
inutile. Ceci dit, je suis correct... je suis d'accord avec la francisation,
puis tout ça, mais, je veux dire, je ne suis pas une entreprise, je
pense, ciblée pour ce genre de chose là.
C'est la
première idée qui me vient à l'idée suite à votre question, là. Sinon, je vous
demanderais votre courriel puis je vais vous envoyer quelques idées, là.
Le
Président (M. Cousineau) : D'accord. Alors, je vous remercie,
mais c'est tout le temps que nous avions pour le premier bloc. Nous allons passer maintenant aux questions du groupe de
l'opposition officielle pour les 15 prochaines minutes. M. le
député de Berthier.
M. Villeneuve : Merci, M. le
Président. Encore une fois, fort intéressant, ces échanges.
Je sais que vous avez donné beaucoup
d'information, mais je veux y revenir tout de même. Vous avez une entreprise.
Il y a des employés, que ce soient des employés immigrants ou des employés,
disons, locaux, du Québec ou d'ailleurs au
Canada, et vous avez donc inévitablement à gérer à l'occasion certains
conflits. Bien sûr, tantôt vous disiez qu'ils
étaient quand même bien encadrés, au niveau des employés immigrants, parce que,
bon, à la limite ils pourraient toujours se tourner vers le consul et
avoir l'aide nécessaire qui serait requise à ce moment-là, mais moi, j'aimerais
quand même savoir... Quand même, vous devez
assurément... J'ai eu une entreprise pendant 20 ans, alors j'ai une
petite idée de ce que c'est que d'avoir des
relations de travail et de gérer des conventions collectives, j'ai même une
très bonne idée. Et d'ailleurs, soit
dit en passant, on peut avoir des conventions collectives compliquées, mais on
peut en avoir d'autres qui sont fort
simples aussi. Alors, moi, j'aimerais savoir un peu plus en détail de votre
part... Vous avez eu à gérer assurément... et là je fais une affirmation, vous me corrigerez si je me trompe, mais des
conflits de travail, et vous avez réussi à gérer ces conflits de travail
là, assurément vous l'avez fait. Et...
Le Président (M. Cousineau) :
M. Pouliot.
M. Villeneuve : Oui. Et
est-ce que ça... Et je reviens à la question que j'avais posée tantôt :
Est-ce qu'une association accréditée où il y
aurait effectivement possiblement une convention collective à gérer... Parce
que j'entends les propos depuis tantôt sur une convention, et tout ce
que j'entends par rapport à une convention, c'est du négatif, à savoir : Ah! écoutez, ça pourrait mettre en
péril l'entreprise. Est-ce que l'employé a idée... ou a avantage à mettre en
péril une entreprise? Est-ce qu'il va tuer la poule? Je pense que non. Je ne
pense pas que l'employé ait avantage à faire ça, par ailleurs.
Et là je vous
envoie ça en vrac et je veux vous entendre par la suite. Et j'écoutais aussi
tantôt, vous disiez : Les difficultés
du travail au champ rebutent par ailleurs certains travailleurs locaux. O.K.,
on comprend, parce qu'effectivement, jeune, j'ai eu à travailler au tabac. Alors, je
peux vous dire une chose, c'est quelque chose d'assez difficile, la
cueillette du tabac. Et on faisait ça à pied
et non pas avec la mécanisation d'aujourd'hui, c'était à pied. Pour ceux qui
connaissent la différence, il y a
toute une différence. Alors, j'ai travaillé aux fraises, j'ai travaillé aux
framboises, j'ai travaillé aux... Bon, bref, lorsque j'étais jeune, j'ai
fait ce genre de métier là et je sais que ce n'est pas toujours facile. Mais,
le fait qu'ils soient rebutés, que les gens
d'ici soient peut-être rebutés au travail, est-ce qu'une convention collective
ou une association accréditée qui amènerait une convention... Est-ce que
cette convention-là ne ferait pas en sorte, justement, que, là, on aurait un cadre balisé dans lequel les gens
pourraient peut-être se retrouver davantage et avoir peut-être... Parce
qu'on saurait vraiment dans quel cadre toutes les opérations se font et quelles
sont les conditions des employés. On peut imaginer
que, dans une convention, il y aurait évidemment une façon de régler les
conflits, il y aurait un mécanisme d'établi pour régler si jamais il y avait des conflits qui se produisaient.
J'aimerais ça vous entendre sur l'oeuvre générale, parce que je ne voudrais pas qu'à défaut d'avoir regardé
plus avant les effets d'une convention... que d'emblée on dise : Bien
non, ça mettrait l'entreprise en péril, ça serait trop compliqué.
Et je sais que vous avez... Et, je tiens à
préciser, ce n'est pas une anecdote, M. le Président, mais c'est un fait avéré. Lorsque j'ai eu la chance d'être préfet,
tout comme vous, à la MRC de D'Autray, on avait été étonnés de voir que
les gens qui avaient le plus de diplomation, c'était chez les agriculteurs. Et,
je ne sais pas, je suis allé voir les statistiques tantôt, je n'ai pas trouvé. J'en
ai trouvé une autre fort intéressante : dans tous les cours à l'université présentement, ceux qui réussissent le mieux, je pense,
à 91,6 %, ils ont la plus haute note, c'est les agriculteurs.
Alors, quand
on me dit que ce serait compliqué de voir au cheminement d'une convention ou de
voir au cheminement de... je me
dis : À quelque part, c'est un peu l'aléa de toute entreprise aussi, de
gérer ce genre de chose là. Et le fait qu'on puisse avoir quelque chose
d'établi, d'entendu, peut-être, peut-être que ça pourrait... on pourrait le
voir peut-être un peu du côté positif, je vous dirais. Voilà.
• (11 h 30) •
Le Président (M. Cousineau) :
M. Pouliot.
M. Pouliot (Guy) : O.K., je n'ai
rien contre une convention. Ça va faire en sorte qu'au lieu d'avoir 100 personnes avec qui parler, ils vont
nommer un représentant, puis je vais avoir juste une personne à qui parler.
Mais ce n'est pas vrai qu'une convention va mettre les choses plus claires.
Quand la fraise est rouge, on la cueille. Pas besoin d'écrire une convention
pour ça.
Notre travail rebute, oui, c'est vrai, mais il
faut dire que, dans la région de Québec, le taux de chômage est à peu près à 4,5 % — je ne sais plus c'est quoi, nos stats — ça fait que du monde de disponible qui
veulent travailler, il n'en reste plus tant que ça. Quand on dit que le
plein-emploi, c'est 3 %, 3,5 %, dans ce coin-là, bien on est proche
du plein-emploi. Donc, les gens qui restent,
notre type de travail ne les intéresse pas. On est à genoux tout le temps. On
plante, au printemps, les fraises à genoux,
on les récolte à genoux, puis, quand c'est le temps de faire du désherbage,
bien on est encore à genoux. Ça fait
20 semaines à genoux, ça. Ça fait que les personnes qui font ce
travail-là, bien ils le gagnent, ils le méritent.
Puis, oui,
ils pourraient gagner plus cher, c'est vrai, ils devraient gagner plus cher,
mais on n'a pas les moyens de le leur
donner, ça fait que... on n'a pas les moyens. Puis là vous allez dire :
C'est facile, il est assis dans sa chaise d'employeur, puis tout ça. Le
salaire minimum vient d'augmenter d'à peu près 5,5 % pendant trois...
Avant cette année, là, il avait augmenté de
5,5 % trois fois de suite. Bien, nous, on a bloqué nos Mexicains à 82
pendant ces trois années-là parce qu'on ne savait pas si on allait continuer. Puis là ça s'est stabilisé, on a
dit : On continue. On est passé à 90, à 102 puis à 106, puis
maintenant à 128. Mais, quand il y a eu ces augmentations de salaire là...
Comme je disais tantôt, 10 % dans le pétrole,
moi, ça ne me dérange pas, parce que ce n'est pas grand-chose dans notre
chiffre de... dans nos dépenses, mais, quand
c'est 5,5 % puis que... Si tu as une masse salariale qui est de
2 millions, tu augmentes de 5 %, ça fait 100 000 $
d'augmentation de salaire avec les mêmes gars que l'année passée, ils viennent
de vieillir d'un an.
Ça fait que, quand tes marges de profit sont
déjà basses, en agriculture, on en a parlé tantôt, je vous dirais qu'on a arrêté de prendre de l'expansion, nous
autres, parce qu'on est une entreprise qui prend de l'expansion depuis...
En 2003, on a commencé avec cinq travailleurs mexicains. Aujourd'hui, de ces
cinq-là, on en a encore quatre... Ce n'est pas
vrai, il y en a un en sabbatique, il en reste trois, mais il y en a un qui
pourrait revenir l'année prochaine. Ça fait qu'on garde notre
main-d'oeuvre. Je pense qu'ils sont bien traités.
Est-ce qu'une
convention viendrait aider ça? Peut-être que ça ne viendrait pas nuire. Est-ce
que ça viendrait aider? Peut-être
aussi puis peut-être pas, mais c'est ce qui peut venir avec qui pourrait être
dérangeant, c'est-à-dire de mettre de la pression sur la situation
financière des entreprises.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Rimouski, je crois.
M.
LeBel : C'est bien ça. Merci, M. le Président. Vous savez, je suis un
nouveau député ici, là, j'essaie de voir un peu comment ça fonctionne,
les commissions comme ça, puis je m'aperçois qu'il y en a qui n'ont pas souvent
la parole ici, c'est souvent... puis
j'essaie de voir comment je peux faire pour donner la parole à ceux qui ne
l'ont pas souvent. Puis ce n'est pas des procès d'intention que je fais
quand je pose des questions.
Ça fait qu'au Québec la production québécoise,
la production agricole, c'est une affaire de fierté, là. C'est notre identité,
c'est notre culture, c'est... Il y a des marchés publics dans les
municipalités, on est toujours contents de
voir qu'il y a quelque chose qui vient de notre région. Moi, quand je vois le
fromage de Kamouraska ou les produits bios
de Rimouski, je suis toujours... je suis fier de ça. Puis je me dis : Il
faut continuer comme ça, ça fait partie de notre identité québécoise.
Puis
les fermes, aussi, c'est des fermes familiales. C'est des fermes de gens
volontaires, impliqués, fiers de leur héritage,
souvent, ou fiers de leur production. Puis tantôt j'entendais... Quand vous
parliez des travailleurs étrangers, c'était «mes travailleurs», tu sais.
C'est quasiment ma famille, tu sais, on devient... Ça devient un peu possessif
mais du bon côté de l'affaire, tu sais, un
peu : C'est ma gang qui vient puis qui travaille avec nous autres, puis on
les aime. Puis ils reviennent à chaque fois, ils nous aiment aussi, puis
on travaille ensemble. Puis, quand ils ont un problème, bien ils viennent me voir, mon bureau est toujours ouvert.
Ça fait que, s'ils ont besoin de quelque chose, d'un transport de plus,
je vais faire ça avec eux autres, je vais
arranger ça, puis ils savent que c'est comme ça que ça marche, puis il n'y a
pas de trouble. S'il y en a un qui
est malade ou quelque chose, bien il vient me voir puis... Puis, si ce n'est
pas moi, bien il y en a un autre à côté, puis ils savent comment ça
fonctionne. Ça fait qu'il n'y a pas trop de problèmes, on s'organise.
Puis ils
aiment tellement ça travailler chez nous qu'ils seraient prêts à faire
70 heures, 80 heures, parce qu'ils font des sous puis ils retournent chez eux. Puis ils
sont en difficulté plus chez eux, ça fait que ça fait des sous pour
ramener. Même s'ils ne gagnent pas très cher
ici, à notre vision à nous autres, là-bas c'est... Ça fait que tout ça, c'est
bien beau.
Puis on se dit : S'ils gagnent un peu plus,
bien ça déstabilise mon entreprise, la stabilité économique de mon entreprise, et tout ça, O.K. Ça, on peut
comprendre ça, sauf qu'on est au Québec, ici, puis au Québec, depuis la
Révolution tranquille, on veut aussi
protéger les travailleurs puis on veut que les travailleurs aient tout ce qu'il
faut comme protection, puis je pense qu'il n'y a pas de... Le milieu
agricole, il n'est pas dans un autre monde qu'ailleurs au Québec, tu sais.
Ça fait que j'essaie de voir comment on peut
assurer, comme ça se fait partout au Québec... comment on peut s'assurer de l'organisation syndicale pour les
travailleurs, qui peuvent se défendre autrement qu'à envoyer une lettre
au patron pour dire : Regarde, je ne
suis pas content, puis on attend la réponse du patron, ou aller le voir dans
son bureau puis dire... cogner à la porte. Une vraie organisation
syndicale, bien organisée, comment on peut faire ça avec des conventions tout
en protégeant l'économie de vos entreprises, en se disant peut-être : Pas de
droit de grève, pas de droit de lock-out? Il
y a des affaires qu'on pourrait faire. Mais pourquoi il n'y a pas de marge de
manoeuvre? Parce que vous dites : Tout le monde est bien content du
projet de loi. Bien, on va tout remballer puis on va s'en aller, là. Mais moi,
je pense... Y a-tu moyen, dans nos discussions, de trouver une façon de donner
plus de place à la défense des travailleurs,
à l'organisation syndicale des travailleurs sans mettre en péril le monde
agricole? Est-ce qu'il y a moyen, peut-être
en enlevant le droit de grève, tout ça, est-ce qu'il y a moyen de faire...
Est-ce qu'il y a de la place pour mieux défendre? Parce qu'il y a eu des cas, il y a eu des cas de... puis les
syndicats vont venir tantôt nous en expliquer. Il y a eu des cas où les
employés n'étaient pas bien défendus. Est-ce qu'on peut? Est-ce qu'il y a de la
place?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Pouliot.
M. Pouliot (Guy) : Vous savez...
M. LeBel : Sinon, on remballe nos
affaires puis on s'en va.
M. Pouliot
(Guy) : O.K., oui. Il y a eu des employés... possiblement qu'il
doit y en avoir eu, comme il y a des gens qui roulent à
140 kilomètres-heure sur l'autoroute. Ça, même s'ils n'ont pas le droit,
il y en a qui le font, ça fait que je peux
comprendre qu'il y a probablement un producteur à quelque part qui fait ce que
vous dites. Mais il y a déjà un contrat qui est négocié et qui n'est pas
négocié par nous, qui est négocié fédéralement, c'est le Canada qui parle avec le Mexique puis qui négocie, puis eux font les
règles, établissent les bases, puis voici maintenant les... MM. les
travailleurs, voici ce qu'on vous offre, ce qu'on a négocié. Puis, MM. les producteurs
ou Mmes les productrices, voici ce qu'on a négocié pour vous, puis vous
embarquez ou vous n'embarquez pas. Il faut que vous fournissiez une maison. Ça
vous prend un frigidaire pour quatre, une douche pour six, un poêle électrique
pour quatre. Ça prend des véhicules pour les
véhiculer; vous, vous allez payer l'essence pour les véhiculer. Vous allez
payer l'électricité, vous allez payer une ligne de téléphone mais pas les longues distances. Vous allez payer la moitié
du billet d'avion. Vous allez leur avancer de l'argent quand ils vont
arriver, parce que, quand ils arrivent, ils n'ont pas une cent. Je n'ai pas une
cent non plus, parce que les plantations... Puis là ça sort, dans ce temps-là,
il n'y a rien qui rentre, mais on va leur prêter pareil.
Ça fait que, pour les défendre, bien il y a le
consulat. J'admets que le consulat n'est pas l'entreprise, n'est pas le travailleur, il est à quelque part entre les
deux. Vous allez me dire : Ce n'est pas un syndicat. C'est vrai, mais il
est là pour les habitants de son pays, ça fait que je pense qu'il fait
une bonne job pour ça. Sûrement qu'il y a des Mexicains à quelque part qui vont dire que le consulat ne fait pas une bonne job,
comme dans tout pays il y a des gens qui vont dire que son gouvernement
ne fait pas une bonne job, mais...
Oui, il
pourrait y avoir une accréditation ou... je ne sais pas de quelle formulation
qu'il faut le faire. Ils le font en Ontario, puis ça a l'air de bien
aller, ça fait qu'on pourrait copier-coller ce qui se passe en Ontario.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Berthier... ou Rimouski.
Une voix : ...
Le Président (M. Cousineau) :
Ah! il reste trois minutes... 2 min 30 s, oui.
• (11 h 40) •
M. Villeneuve : Oui. Écoutez,
tantôt, lors des remarques préliminaires, le ministre a dit quelque chose, et
on attendait d'avoir le transcript pour être
certains de ce que le ministre a dit. Et je vous le lis parce que je trouve ça
intéressant, surtout avec le débat qui, finalement, semble bifurquer beaucoup
vers les travailleurs migrants. Alors, le ministre, attendez
que je le retrouve ici, il dit — bon, je l'ai perdu de vue, ce ne sera pas
long — que,
finalement, le projet de loi ne touche pas les travailleurs étrangers. Le mot
employé, c'est «étrangers», mais on s'entend qu'il voulait dire «migrants», j'imagine bien, là, travailleurs
migrants. Donc, si le ministre nous dit que le projet de loi n° 8 ne
touche pas les travailleurs migrants,
je pense que le débat qu'on a ici présentement doit se faire peut-être... ou en
tout cas on peut le faire comme on veut, bien sûr, je ne veux pas...
loin de moi l'idée de dire, bon : On devrait faire le débat de cette
façon-là, là, mais, à tout le moins pour ma
part, je me dis que tout le volet travailleurs migrants ne doit plus occulter
comme il le fait présentement... ne
devrait pas occulter comme il le fait présentement le débat qu'on a par rapport
au projet de loi n° 8, à moins que le ministre ait erré dans ses
propos, ce qui m'étonnerait beaucoup de la part du ministre.
Donc, tout ça pour dire : À ce moment-là,
vu de cette façon-là, comment vous voyez le projet de loi n° 8,
maintenant, par rapport à ce qu'on a avancé, de ce côté-ci, comme possibilités
autres que l'intégral du projet de loi n° 8 actuel?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Pouliot, il reste une minute.
M. Pouliot
(Guy) : O.K. Donc, tout ce
que j'ai dit demeure, excepté le fait que le consulat peut représenter
ses travailleurs, O.K.? Mais, pour le reste,
je suis toujours d'accord, s'il peut y avoir une accréditation, mais sous la
même façon qui se passe en Ontario. Ça a l'air de bien aller là-bas. Pourquoi
ça n'irait pas bien ici aussi?
Le Président (M. Cousineau) :
Merci.
M. Villeneuve : ...il n'en
demeure pas moins que les travailleurs migrants n'auraient aucun impact, là,
par rapport à tout le débat qu'on a eu tantôt.
M. Pouliot (Guy) : Il n'y aurait pas
d'impact?
M. Villeneuve : Le projet de
loi n° 8 les exclut d'emblée.
M. Pouliot (Guy) : Oui, ça a un
impact certain, parce que, là, on n'exclut pas les travailleurs mexicains, là, dans ça, là, on parle de tous les travailleurs. Ça
fait que le projet de loi couvrirait le travailleur local ainsi que le
travailleur étranger. Moi, c'est comme ça que je le comprends. Donc,
contrairement aux travailleurs...
Le
Président (M. Cousineau) : Donc, ça termine le deuxième bloc de
15 minutes alloué à l'opposition officielle. Je dois maintenant
passer aux 10 minutes du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de
Mirabel.
Mme D'Amours : M. le ministre
voulait apporter une précision. Est-ce que vous aimeriez l'apporter?
Le Président (M. Cousineau) :
Sur votre temps?
Mme D'Amours : Bien, j'aimerais ça
l'entendre.
Le Président (M. Cousineau) :
Il n'y a pas de problème. Bien sûr.
M.
Hamad : Bien, je
veux remercier mon collègue de Berthier. Il a bien compris, tout à fait. La loi
dit : Si tu as moins de trois
travailleurs continus, de façon continue. Un travailleur migrant, un
travailleur étranger, ce n'est pas un travailleur de façon continue,
c'est un travailleur saisonnier, donc ça ne compte pas dans la définition de la
loi. O.K.?
M. Pouliot
(Guy) : ...trois employés
québécois à temps plein pendant 12 mois, est-ce que les employés... À
ce moment-là, les employés étrangers sont-u syndicables?
M.
Hamad : La réponse,
c'est oui.
M. Pouliot (Guy) : Ça fait que ça
les touche à quelque part.
M.
Hamad :
Puis le code s'applique, là. Actuellement, même actuellement, deux et moins...
moins de trois, c'est la loi. En dehors de ça, c'est le code en général
qui s'applique à tout le monde.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Merci, M. le Président. J'ai aimé vous entendre dire que
vous aimeriez payer vos employés plus
cher. Et vous n'êtes pas le seul. Je pense que tous les bons employeurs peuvent
percevoir qu'un employé, c'est un investissement
et non une dépense, contrairement aux autres sphères d'activité, là,
commerciales où... L'agriculture est à part. Et, l'agriculture, les
employés sont malheureusement une dépense quand on arrive à 70 % de la
masse... du chiffre d'affaires.
Entre les 500
à 700 entreprises, combien sont à dimension familiale et combien sont à
votre dimension à vous?
M. Pouliot (Guy) :
La majorité, je ne pourrais pas vous dire combien...
Le Président (M. Cousineau) :
M. Pouliot.
M. Pouliot (Guy) : Oups! Est-ce que
je peux répondre?
Le Président (M. Cousineau) :
Allez-y.
M. Pouliot (Guy) : O.K. La majorité
sont... Ah! je suis en entreprise familiale, en passant.
Mme D'Amours : Oui.
M. Pouliot
(Guy) : O.K. C'est peut-être... Écoutez, il doit y avoir
20 % des entreprises qui doivent faire 80 % des fraises du
Québec, comme dans, probablement, la majorité des industries, là. Donc, il y a
une majorité qui est à plus petite échelle,
c'est vrai, mais il y a une tendance : la gang du milieu est en train de
rétrécir, puis ils prennent un côté ou ils prennent l'autre. Donc, on pourra penser qu'il va y en avoir un peu plus
de notre échelle bientôt. C'est ce qu'on a vu en Californie, puis ça se
passe dans les autres États américains, ça se passe en Ontario, puis ça va se...
c'est en train de se passer ici aussi.
Mme D'Amours : Est-ce que ça met en
péril votre entreprise, qui est quand même à dimension familiale? Ce que je voulais dire, moi, c'était une petite
entreprise et une entreprise comme la vôtre qui fait de la recherche et
du développement. Combien de ces
entreprises-là... Tout à l'heure, vous aviez mentionné que, si vous aviez une
augmentation de 1 %, ça mettait en péril votre entreprise. Combien sont
dans cette même situation-là, sur les 700 entreprises?
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, Mme Plante ou M. Pouliot.
M. Pouliot
(Guy) : Je ne serais pas
capable de donner de chiffre, mais toute personne qui fait des fraises,
autre que de l'autocueillette, là, parce
qu'on s'entend que tu as moins de main-d'oeuvre parce que tu le fais cueillir,
ils sont tous à peu près à 50 %
de leurs dépenses. 50 % de leurs dépenses, c'est la main-d'oeuvre. Donc,
le nerf de la guerre, pour l'entreprise, c'est ça. C'est sûr qu'on y voit, comme vous dites, un investissement,
puis qu'on essaie de leur faire attention, puis qu'on souhaite tous
qu'ils reviennent l'année prochaine parce qu'ils sont habitués, ils savent
comment ça marche, mais c'est 50 % de leurs dépenses pareil, qu'ils soient
plus petits ou plus grands. Ça fait que ça va les affecter autant dans leurs
dépenses, même s'ils sont plus petits.
Mme D'Amours : M. le Président,
j'aimerais ça entendre aussi les intervenants. Est-ce que de syndiquer un petit groupe dans votre entreprise, qui amènerait nécessairement la syndicalisation de vos employés saisonniers...
Est-ce que vous voyez là... Si jamais, comme mon collègue, tout à l'heure,
mentionnait, bon, bien il n'y aurait pas de moyen au niveau de la pression pour ne
pas faire de grève, on ne parlerait pas de temps de travail, on ne parlerait
pas... finalement, si on restait
comme on est là mais qu'on aurait un syndicat, est-ce que vous pensez que ce
serait bienvenu qu'il y aurait
une part d'argent de leur paie qui irait à
un syndicat, s'ils n'ont pas la défense de d'autres syndiqués ailleurs
qui défendent leurs heures de travail, leurs conditions de travail, qui
ont droit à des moyens de pression? Alors, est-ce que vous pensez, de votre part et de vos employés que vous avez présentement, qu'il serait bienvenu de donner une cotisation à un syndicat
mais qu'ils n'auraient pas les avantages que d'autres syndiqués ont?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Pouliot.
M. Pouliot (Guy) : Je pense que majoritairement
ils ne voudraient pas embarquer là-dedans, payer pour, finalement, ne rien
avoir en échange. Par contre, en se faisant l'avocat du diable, là, on pourrait
peut-être penser qu'il y a des gens qui sont
tellement gênés qu'ils seraient peut-être contents d'avoir un représentant. Ils
seraient-u prêts à payer pour ça, par exemple? Là, je ne suis pas sûr.
Mais c'est mon opinion.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée.
Mme D'Amours : Est-ce que, si à peu
près les 700 entreprises... Si on voyait noir, là, puis que, bon, il y a plusieurs entreprises qui diraient :
J'arrête, je reste à deux employés, on fait de la grande culture, on ne se
soucie plus, là, dans votre cas, des 125 employeurs... employés,
c'est-à-dire, avez-vous évalué le montant que l'économie perdrait? Toutes les
entreprises, premièrement, si elles faisaient toutes des céréales, on aurait
déjà un problème, là, parce qu'au Québec,
comme vous l'avez mentionné, on est tellement assujettis à des règles, mais, si
je reviens à ma question, est-ce que
vous pensez... est-ce que vous avez des chiffres qui démontreraient qu'on
aurait une perte d'économie importante à ce sujet-là?
Mme Plante (Yourianne) : Oui, bien...
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Plante.
Mme Plante (Yourianne) :
Oui. Au-delà du montant, parce qu'on peut l'imaginer assez élevé, vous pouvez
imaginer la perte que ce serait de ne plus avoir accès aux fraises du Québec.
C'est un produit auquel les gens sont attachés,
dont on ne pourrait pas se passer. Donc, c'est plus l'aspect terroir, saveurs
de notre région, de notre patrimoine culinaire qu'on perdrait, qu'on
pourrait perdre.
Puis, tout à l'heure, le débat, je crois que
c'était plus au niveau de si le projet de loi n'était pas accepté, les trois employés, on était dans l'expectative. Donc,
on parlait tantôt des trois employés, là. C'était plus si le projet de
loi n'était pas accepté.
Mais c'est ça,
c'est vraiment au niveau du produit comme tel, de toute sa symbolique qui
pourrait être éventuellement perdue, là, qu'on pourrait imaginer le
deuil.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée, il reste 2 min 30 s.
Mme
D'Amours : Je voulais revenir sur le même sujet que mon collègue de
Huntingdon a parlé tout à l'heure. Vous êtes un syndicat. Pour que les
gens comprennent bien, vous êtes, on va l'appeler, un syndicat spécialisé,
affilié à la confédération de l'UPA qui est le syndicat des producteurs
agricoles. C'est ça?
Est-ce que,
dans votre syndicat affilié, vous avez des normes à respecter? Est-ce que vous
vous êtes donné une charte que les producteurs de fraises ont entérinée?
Au niveau des travailleurs, travailleurs saisonniers, est-ce que vous avez discuté que... S'il y a des travailleurs
saisonniers, qui, à mon sens, sont payés au rendement, là, à l'heure
actuelle, est-ce que vous avez évalué le tournant qu'il y aurait si jamais
c'était évalué pas au rendement mais à l'heure? Est-ce que vous avez prévu
quelque chose à ce sujet-là? Est-ce qu'il y a quelque chose qui a été établi
déjà?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Pouliot.
• (11 h 50) •
M. Pouliot
(Guy) : Bien, c'est que... Bien, dans le passé, il y a
eu ce débat-là où est-ce que, là, il
y avait l'épée de Damoclès qui disait qu'on devrait éventuellement tous
tomber au taux horaire, puis ça, ça affectait essentiellement les petites entreprises
de fraises qui, elles, employaient des jeunes étudiants qui souvent, comme
premier emploi, non performants, n'auraient pas pu être payés à l'heure parce
que justement non performants.
Par contre, en tant qu'agriculteur, ce
non-performant-là, entre guillemets, la boîte qu'il ramasse, bien elle est
ramassée. Ça fait que, si j'en ai deux, trois comme ça, ils sont rendus à
quatre, cinq boîtes, puis c'est ça.
Donc, le taux
horaire, pour ces entreprises-là, c'est très grave, parce que
ça peut les amener, justement, à faire en sorte qu'ils ne pourront plus embaucher ces jeunes-là puis qu'ils n'en
auront pas d'autres, justement, pour les remplacer... ou peut-être un
travailleur mexicain, mais que, là, ça prend un billet d'avion, puis que, là,
pour quatre semaines, bien ça ne vaut pas la peine. Ça fait que, pour plusieurs,
ça aurait pu être la fin. Mais là...
Une voix : ...
M. Pouliot (Guy) : Pardon?
Le Président (M. Cousineau) :
En conclusion, parce qu'il reste 20 secondes.
M. Pouliot (Guy) : En conclusion,
les deux rémunérations cohabitent très bien ensemble. Donc, ceux qui peuvent
embaucher des travailleurs sur une plus longue période peuvent les rémunérer à
l'heure, puis ceux qui ont besoin de jeunes
pour une plus courte période, pour leur faire un premier emploi, bien ils
peuvent payer à la boîte, puis tout le monde est content là-dedans.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci. Alors, Mme Plante, M. Pouliot, merci pour votre présentation.
C'est bien agréable de vous avoir.
Alors, avant de fermer les travaux pour ce
matin, on m'avise que la salle sera sécurisée. Vous pouvez donc laisser vos
choses sur votre table.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
14 heures afin de poursuivre son mandat. Bonne journée à tous. Bon
appétit.
(Suspension de la séance à 11 h 52)
(Reprise à 14 heures)
Le Président
(M. Cousineau) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 8, Loi
modifiant le Code du travail à l'égard de certains salariés d'exploitations
agricoles.
Alors, cet
après-midi, nous recevons les Travailleurs et travailleuses unis de
l'alimentation et du commerce Canada conjointement
avec la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, suivis de
l'Union des producteurs agricoles, la Confédération des syndicats
nationaux et finalement le Conseil du patronat du Québec.
Je
souhaite maintenant la bienvenue aux Travailleurs et travailleuses unis de
l'alimentation et du commerce Canada et à la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Mesdames et messieurs,
je vous invite à vous présenter et à faire votre exposé d'une durée de
10 minutes, qui sera suivi de 50 minutes de période de questions. Alors, à
vous la parole.
Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du
commerce Canada (TUAC) et Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
M. Boyer
(Daniel) : Merci beaucoup. Bonjour, M. le ministre, Mmes, MM. les
députés. Je vous remercie de l'invitation
faite à la FTQ et aux TUAC de participer à ces consultations particulières et
de vous présenter notre analyse du
projet de loi n° 8. Je suis accompagné de Mme Anouk Collet,
directrice régionale des TUAC, syndicat qui a mené une bataille de tous les instants pour faire
reconnaître le droit à la syndicalisation et à la négociation collective des
travailleurs et travailleuses du secteur
agricole. Je suis également accompagné, à ma droite, de Mario Delisle, qui est
le secrétaire-trésorier de la section
locale 501 des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce. Et
moi : Daniel Boyer, président de la FTQ.
Les
TUAC, cet affilié de la FTQ, représentent 45 000 travailleurs et
travailleuses au Québec. Depuis les années 80, les TUAC luttent côte à côte avec les
travailleuses et travailleurs agricoles afin de faire respecter leurs droits au
travail. Leur lutte est d'autant plus honorable que, dans le cas des
travailleurs migrants, les conditions de travail s'assimilent à des conditions de vie, ce qui n'est pas le cas de la
plupart des travailleurs et travailleuses québécois. C'est pourquoi la
défense de leurs droits mérite la plus grande sensibilité de la part de tous
les intervenants.
En 2013, après cinq
ans d'âpres démarches juridiques, le syndicat a enfin gagné sa cause, la Cour
supérieure a reconnu le droit à la syndicalisation des travailleuses et
travailleurs agricoles saisonniers en invalidant le cinquième paragraphe de l'article 21 du Code du
travail. Cet article, rappelons-le, stipule que les employés qui travaillent
pour une exploitation agricole de moins de trois employés permanents
pendant toute l'année n'ont pas le droit de se syndiquer. Cette décision historique de la cour vient donc
corriger une injustice flagrante. Depuis cette décision, tous les
travailleurs et les travailleuses, qu'ils soient migrants ou citoyens, peuvent
adhérer à un syndicat, quelle que soit la taille de l'entreprise agricole où
ils travaillent.
Malheureusement,
plutôt que de suivre les orientations de la Cour supérieure, le projet de
loi n° 8 maintient un régime d'exception pour les travailleuses et
les travailleurs agricoles en leur retirant de manière injustifiée le droit à la syndicalisation et à la négociation
collective. Par conséquent, nous demandons la suppression de tous les articles
du projet de loi n° 8, sauf
l'article 2 qui abroge l'alinéa cinq de l'article 21 du Code du
travail qui a été jugé inconstitutionnel par la Cour supérieure.
Tout
le projet de loi s'appuie sur des prémisses dépassées selon lesquelles les
exploitants agricoles ne possèdent ni les ressources humaines ni les
ressources financières pour négocier avec un syndicat et que la syndicalisation
n'est pas viable dans le secteur agricole.
Or, la réalité est tout autre. Même si le nombre de fermes est en baisse au
Québec depuis plusieurs années, les
exploitations agricoles d'aujourd'hui sont devenues des entreprises
commerciales qui embauchent des centaines de personnes et exploitent des
terres de grande superficie. Vous, Mmes et MM. les députés qui avez la
responsabilité de faire évoluer les lois en fonction de l'évolution de notre
société et de son économie, nous vous demandons
de ne pas tomber dans le panneau d'un secteur agricole aux prises avec de
vieilles fermes familiales bucoliques. Les récentes données statistiques
indiquent que ce secteur dynamique est rentable et qu'il est composé de PME
tout à fait viables sur le long terme.
De par la nature
saisonnière de leurs activités, de grandes exploitations agricoles échappent à
l'application normale du Code du travail
alors que d'autres secteurs saisonniers y sont assujettis, comme par exemple
les centres de ski et les clubs de golf, voire même l'ensemble des
établissements liés au tourisme ou à la foresterie. Ces secteurs doivent aussi
composer avec un aspect saisonnier, ce qui ne les empêche pas pour autant
d'être assujettis au Code du travail.
En somme, bien que nous soyons d'accord
avec vous sur l'importance de traiter de
façon particulière les petites
exploitations à caractère réellement
familial, notre avis est que le secteur agricole est un secteur comme les
autres et, à ce titre, ne devrait pas faire l'objet d'un régime
particulier de relations de travail.
Mme Collet
(Anouk) : Le projet de loi n° 8 confine les travailleurs et les
travailleuses agricoles dans un régime de
relations de travail digne des années 50 qui nie la liberté d'association
et n'oblige pas l'employeur à négocier de bonne foi. Ils auraient effectivement
le droit de se regrouper en association, mais comment va-t-on reconnaître la légitimité
de ces associations de salariés? Il n'y a rien, dans ce projet de loi, qui
régit le caractère représentatif d'une association ou qui en limite le nombre. Il en va de même pour
le processus de négociation. Nous dénonçons vivement que le projet
de loi ne prévoie aucune mesure
contraignante afin de garantir que l'employeur ait l'obligation de donner suite aux demandes des salariés ou de négocier leurs
conditions de travail.
Le
projet de loi permet aux travailleuses et travailleurs
agricoles regroupés en association de soumettre oralement ou par écrit des observations concernant leurs conditions de travail. Cependant, l'employeur n'a pour seule obligation que
d'écouter ou de lire ces observations, dans
le cas de l'écrit, et de confirmer qu'il les a lues. Ensuite, que se passera-t-il?
Absolument rien. Aucun moyen de pression, dont la grève, ne peut être exercé.
L'employeur n'a aucune obligation
de négocier à la suite des demandes des salariés. Le dialogue proposé est ainsi
unidirectionnel et nie le principe même de la négociation.
Le fait est qu'il n'y
a aucune raison valable pour nier le droit des travailleurs et des
travailleuses agricoles à la syndicalisation
et à la négociation, des droits pourtant fondamentaux, reconnus par
nos chartes et par les conventions internationales. Si le gouvernement actuel persistait dans cette direction, il nous faudrait envisager reprendre
le chemin des tribunaux.
Pour nous, il n'y a
pas de négociation possible sur le principe même du droit d'association et de négociation.
Le Code du travail doit s'appliquer, pour ce
qui concerne la reconnaissance syndicale, avec le mécanisme
d'accréditation qui y est prévu et l'obligation pour les employeurs de négocier de bonne foi en vue de la conclusion
d'une convention collective qui comportera un mécanisme de résolution de
griefs. Nous envisageons une seule exception à cette règle : les
fermes réellement familiales. Mais, dans ce cas spécifique, nous nous référons
au Règlement sur la qualité du milieu du
travail, qui stipule qu'une exploitation agricole de type familial est une
exploitation agricole n'employant aucun autre travailleur que des
membres de sa famille.
Cela étant dit, en
dehors du droit d'association et de négociation, il y a divers autres aspects
qui peuvent être négociés. Nous savons et
comprenons qu'il y a des particularités propres au secteur agricole et nous en
tenons compte dans nos négociations. Les TUAC représentent aujourd'hui
près de 250 travailleurs et travailleuses agricoles, couverts par huit conventions collectives, et aucune de ces
entreprises concernées n'a cessé de prospérer. C'est bien la preuve que
les relations du travail peuvent fonctionner dans le secteur agricole.
M. Boyer
(Daniel) : En terminant, comme le dit ma collègue, nous voulons
exprimer clairement que nous sommes ouverts
à la négociation. Comprenons-nous bien, la FTQ va toujours défendre bec et
ongles le droit à la grève pour tous
les travailleurs et travailleuses, y compris dans le secteur agricole.
Mais — et
j'ajoute un «mais» — est-ce
qu'il faut modifier la définition de «ferme
familiale»? Est-ce qu'il faut encadrer le processus de négociation par un
processus... un calendrier de médiation, de
conciliation ou d'arbitrage de convention collective? Est-ce qu'il faut prévoir
une période de transition dans le but, justement, de voir l'évolution du
droit... des relations de travail dans le secteur? On pense qu'il y a des
solutions possibles.
Donc, on vous
remercie de votre attention. Et nous sommes disposés à répondre à vos
questions.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci. Alors, merci pour votre présentation,
M. Boyer, Mme Collet et puis M. Delisle.
Je céderais maintenant la parole au ministre pour une durée de 25 minutes.
Ce sera suivi de 15 minutes pour l'opposition
officielle et de 10 minutes pour le deuxième groupe d'opposition comme ce
matin. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.
• (14 h 10) •
M.
Hamad : Alors, M. Boyer, Mme Collet,
M. Lemieux, bienvenue à l'Assemblée nationale. Et merci de prendre
le temps de préparer le mémoire.
Et,
Mme Collet, je vous lis, là, depuis quelques semaines, là, depuis le début
de l'été. Je commence à connaître votre nom, je le vois et je vous suis
dans vos interventions. Et je comprends que vous avez mené une bataille depuis
cinq ans, donc vous prenez ça à coeur.
Et probablement que vous avez une très bonne connaissance de la situation de l'Ontario, la loi qui a été adoptée en Ontario.
Alors, est-ce que cette loi-là, actuellement, le projet de loi, parce que c'est
un projet... Est-ce qu'elle est moins étendue que l'Ontario, selon vous,
actuellement?
Mme Collet
(Anouk) : Ce qu'on m'a dit, c'est que ce projet de loi qui est ici, au
Québec, est très similaire à celui qu'on
retrouve en Ontario, et ce que je peux dire aussi... Parce que ce matin j'étais
très surprise d'entendre quand on nous
disait : Ah! écoutez, ça fonctionne très bien, cette loi, en Ontario.
C'est faux. Nous, on peut vous dire... C'est notre syndicat également
qui représente les travailleurs agricoles en Ontario, dans des centres d'appui
pour le moment, et il n'y a pas eu aucune entente de conclue suite à cette loi.
Donc, elle ne fonctionne pas du tout.
M.
Hamad :
Est-ce que vous savez... En fait, ce n'est pas identique à l'Ontario. C'est que
la loi de l'Ontario couvre tout le secteur
agricole, peu importe le nombre d'employés. La grande différence entre les
deux, c'est que, dans ce projet de loi là, on dit : C'est moins que
trois travailleurs d'une façon continue, en fait trois permanents, moins que
trois permanents. Cependant, l'Ontario, on couvre tout, et ce qui n'est pas le
cas au Québec.
Parce
que vous représentez huit conventions collectives, 250 travailleurs. Ça,
c'est dans des fermes où on a plus que trois travailleurs actuellement à
temps plein. Est-ce que je me trompe?
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Collet.
M. Boyer
(Daniel) : Bon, bien, écoutez, c'est probablement...
Le Président (M.
Cousineau) : M. Boyer.
M. Boyer
(Daniel) : C'est probablement vrai, M. le ministre. Mais, quand les
employeurs viennent vous dire, ce matin, que
ça va bien, c'est bien évident que, pour eux, ça va bien. Il n'y a pas
d'association syndicale reconnue, ça fait que c'est sûr que ça va bien.
Maintenant,
quand vous me dites... quand vous parlez de la définition des fermes
familiales, trois ou moins, bien, écoutez,
je vous ai fait une ouverture. Pour les fermes familiales, on est prêts à
regarder la définition de «ferme familiale», ce qui est véritablement
une ferme familiale, où c'est des employés... c'est du monde... des membres de
la famille qui y travaillent. On est prêts à
regarder ça, là, sauf qu'on... La définition, telle qu'elle apparaît au Code du
travail au moment où on se parle, est très restrictive et vise à peu
près toutes les fermes au Québec.
M.
Hamad : Je
comprends, je comprends bien. Mais
faisons la distinction avec l'Ontario.
L'Ontario couvre toutes les
fermes, peu importe le nombre d'employés, c'est important. Ici, on couvre moins
que trois. C'est important. Premier élément.
Le
deuxième élément : malgré la largeur de la loi de l'Ontario,
vous avez dit que ça ne passait pas, les droits. Et il y a eu une cause à la Cour suprême du Canada,
c'est la cause Fraser — d'ailleurs,
c'est l'Ontario — et
finalement la Cour suprême a reconnu... n'est pas allée contre cette loi-là
en Ontario. Donc, il
y a un aspect de constitutionnalité,
là, sur la loi de l'Ontario, qui est reconnu par la Cour suprême. Est-ce que je
me trompe dans ce que j'ai appris?
Mme Collet
(Anouk) : Bien, c'est-à-dire, M. Hamad, que je pense que, la Cour
suprême, ce que la cour a dit, c'est : Écoutez,
ce régime-là n'a pas été testé, alors comment pouvez-vous dire qu'il n'est pas
valide? Nous, ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est que deux ans plus
tard on l'a testé puis que ça ne fonctionne pas, d'où peut-être la porte qui est ouverte, pour nous, de recontester le projet de loi ici, au Québec, sur la preuve que ça ne fonctionne pas en
Ontario.
M.
Hamad : O.K.
Donc, ça va être en démonstration, mais personne ne le sait avant le prochain
jugement. Mais le jugement qu'on a en
main, il dit que c'est constitutionnel. Sinon, ils ne l'auraient pas adopté,
le projet, en Ontario, hein?
M. Boyer (Daniel) : ...il n'est pas dit qu'il n'y
aura pas de recours éventuel, là, compte tenu de la pratique, là.
M.
Hamad : On
n'empêche jamais les recours. Cependant, ce qu'on a en main,
le jugement qu'on a en main dit que c'est correct, ce qu'on a en main aujourd'hui.
M. Boyer
(Daniel) : Mais, M. Hamad, le Québec n'a jamais traité les travailleuses
et travailleurs de cette façon-là.
Premièrement, une association
doit être dûment reconnue en vertu du Code du travail. Et là je vous parle de nous,
c'est une obligation que nous avons. Pour représenter des gens, là, on doit
avoir 50 % et plus d'adhésion des travailleurs et travailleuses. Là, en
vertu du projet de loi n° 8, c'est à peu près n'importe qui qui va pouvoir
se dire représentation d'un groupe de
travailleurs puis de travailleuses. On a un peu de misère avec ça puis, je veux
dire, nous, on ne jouera pas à ce
jeu-là, là. Nous, on représente les gens quand il y a 50 % et plus des
travailleurs et travailleuses qui veulent
qu'on les représente, et c'est le régime de relations de travail qu'on s'est
donné au Québec, puis on pense que c'est dans cette voie-là qu'il faut
poursuivre également pour les travailleurs agricoles.
Et en même temps on
vient nier complètement le processus de négociation collective, parce que, oui,
il y a le droit d'association, mais il y a
le droit de négociation. Il n'y a aucune négociation prévue dans ce projet de
loi là. Je fais des recommandations
en principe à l'employeur, soit verbalement ou soit par écrit. Les seules
obligations qu'il a, c'est de m'écouter
ou de me lire. Il n'y a aucune rétroaction, il n'y a aucune négociation, il n'y
a rien. Ça fait que, l'employeur, une fois qu'il m'a écouté ou qu'il m'a
lu, on passe à autre chose, là, il a répondu à ses obligations et il n'a plus
aucune autre obligation. Donc, j'aurais bien beau monter sur le bureau, là,
puis faire n'importe quel beau show, il n'a aucune obligation en tant
qu'employeur.
Et ce n'est pas comme ça que le Québec a
traité les travailleurs puis les travailleuses depuis les
50 dernières années, 50 dernières années où existe le Code du
travail. On s'est dotés d'un mécanisme de reconnaissance des associations de salariés. On s'est dotés d'un mécanisme de
négociation, le Code du travail encadre ce mécanisme-là, et d'un pouvoir également...
un pouvoir d'exercer une pression autant d'une partie que de l'autre dans le
but de faire accélérer ce processus de négociation là, dans le but de
conclure une convention collective. On s'est dotés de contrats de travail, au Québec.
C'est dans ce cadre-là que les travailleurs et travailleuses évoluent, au Québec, et c'est dans ce cadre-là que les
travailleurs agricoles devraient évoluer.
M.
Hamad :
Vous connaissez ça mieux que moi, là. Le Code du travail existe depuis
50 ans, en 1964 il a été adopté, et l'article 25, ça existe depuis 50 ans. Donc, la situation
existe depuis 50 ans. Il y a eu juste un jugement il y a un an... deux ans, plutôt, et les travailleurs
agricoles, depuis 50 ans, ils suivaient le code qui était déjà en place.
Là,
ce qu'on amène dans le projet de loi, c'est qu'on donne le droit d'une association, ce
qu'ils n'avaient pas avant, oui, puis on donne aussi... L'autre élément,
ce que je vois, là, dans le projet de loi, l'autre élément, c'est qu'on
dit : Il faut donner bonne foi. Alors, si, mettons... J'aime ça, votre
exemple. Il est bon, votre exemple. C'est-à-dire que les travailleurs, l'association... Parce que c'est une association, ce n'est pas un syndicat
mais une association, c'est une nouvelle forme qu'on n'avait pas
avant. L'association présente des demandes à l'employeur; l'employeur ne veut
rien savoir. L'association a le droit
d'aller à la Commission des relations de travail puis dire : La loi
dit que tu dois regarder ça de bonne foi, puis ils vont démontrer qu'il
ne l'a pas regardé de bonne foi. Donc, il y a des recours pour l'association
envers l'employeur pour défendre leurs intérêts. Si, mettons, l'association
dit : L'employeur nous traite mal, il nous met dans des endroits pas
propres, etc., il ne veut pas comprendre que tous les voisins autour de nous
sont mieux payés, il veut... etc., puis là
l'employeur ne veut rien savoir, ils ont des recours encore, selon la Commission
des normes, selon la loi, pour la bonne foi.
Alors, est-ce que
vous reconnaissez qu'on donne plus de droits que ce qu'on avait avant, depuis
50 ans?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Bien non. Non, M.
le ministre, pour la bonne et simple raison qu'on n'est pas dans la même situation économique, pour le secteur agricole, qu'il y a
50 ans. Il y a 50 ans, des fermes familiales, là,
c'étaient vraiment des fermes familiales. Aujourd'hui, on ne se parle plus du tout de la même réalité, là. Là, on se parle de
fermes familiales, oui, qui sont détenues par une famille mais qui embauchent
10, 20, 30, 40 puis dans certains cas 100 puis 200 salariés. On n'avait
pas ça il y a 50 ans. Donc, il faut s'adapter, il faut que le droit évolue
en fonction de la réalité économique.
Puis c'est la première fois que j'entends qu'on
va donner un droit ou enlever un droit de se syndiquer ou de s'associer à un groupe de travailleurs parce qu'il y a une
situation économique particulière pour un employeur. Ça appartient aux
travailleurs puis aux travailleuses, le droit de se syndiquer. À partir du
moment où je ne suis pas dans une ferme familiale,
je suis embauché par la famille, et qu'on est cinq, 10, 20, 50, 100, et qu'on
désire s'associer, on devrait avoir le droit
au même titre que des travailleurs dans un centre de ski, des travailleurs sur
un terrain de golf, des travailleurs dans un parc, des travailleurs qui
travaillent dans le milieu touristique, des travailleurs qui travaillent dans
le milieu des arts, du cinéma, qui sont
aussi des travailleurs saisonniers, qui ont aussi le droit de se syndiquer.
Donc, les travailleurs agricoles devraient avoir le droit de se
syndiquer.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Hamad :
Vous comparez le secteur agricole, surtout le secteur, là, de petites fermes à
deux employés et moins au cinéma ou d'autres, mais vous comprendrez...
Est-ce que vous reconnaissez que le secteur agricole, c'est un secteur saisonnier mais aussi vulnérable parce
qu'il est affecté par les conditions climatiques, parce qu'il est affecté
par la saison? Imaginez, là, je ne sais pas,
moi, manquer la... C'est juste avoir un problème dans la saison où ils
ramassaient. Ce matin, il y a un propriétaire
qui nous disait : Ça prend... À telle heure, il faut aller chercher,
ramasser les fraises, etc. Vous savez
que c'est très délicat, c'est un secteur vulnérable, c'est un secteur sensible.
Alors, je ne le vois pas nécessairement comme les autres secteurs
d'activité que vous avez mentionnés.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Boyer.
• (14 h 20) •
M. Boyer
(Daniel) : Quel secteur
d'économie n'est pas sensible? Un centre de ski qui n'a pas de neige
l'hiver, là, c'est aussi sensible. Un terrain de golf qu'il pleut tout l'été,
là, c'est aussi sensible. Bombardier qui a de la misère à faire décoller sa
CSeries, là, c'est aussi sensible. Il n'y en a pas, de secteurs qui ne sont pas
sensibles.
Puis là vous
me parlez de l'économie, puis c'est ça, c'est le principe avec lequel on a un
peu de difficultés, parce qu'on tient compte de la... on veut tenir
compte d'une réalité économique d'un secteur pour empêcher le droit à la syndicalisation. Moi, ce que je peux vous dire, là...
J'ai des données. C'est des données canadiennes, on n'a pas réussi à mettre la patte sur des données du Québec. Je vous
fais grâce des données, mais je vous dis que de 2008 à 2012, là, le
secteur agricole, là, bien ses revenus d'exploitation ont été supérieurs à
l'ensemble des autres secteurs de l'économie. Les bénéfices d'exploitation,
dans l'agriculture, ça a été également supérieur à d'autres secteurs dans
l'économie, les marges bénéficiaires ont
aussi été supérieures. Là, je vous parle de 2008 à 2012, je ne vous parle pas
d'il y a 50 ans. On est dans un
secteur dynamique, qui marche. Puis, oui, effectivement, il y a des
soubresauts, il peut y avoir des soubresauts parce qu'on vit au Québec, puis ça se peut que les conditions
climatiques... Mais il y en a dans d'autres secteurs de l'économie.
M.
Hamad :
C'est parce que, M. Boyer, vous prenez le secteur de l'agriculture dans
l'ensemble, et ça, ce n'est pas le même sujet qu'on discute ce matin,
là. Là, nous, on parle ici des petites fermes de moins de trois employés. Là,
on ne parle pas d'Agropur, on ne parle pas
des grandes firmes québécoises qui réussissent... les coops qui réussissent
très, très bien à travers le monde. On parle...
Les données
que j'ai — puis je
vais vérifier avec vous — elles me disent que les fermes maraîchères moyennes
génèrent 170 000 $ de revenus, puis la main-d'oeuvre représente
60 % des coûts de... Là, on est dans un petit secteur qui n'est pas juste sensible, qui est vulnérable.
Tout le monde est sensible, mais on parle d'un secteur vulnérable. Et on
dit : La moyenne des revenus, dans ce secteur-là, c'est
170 000 $ seulement, et 60 % des revenus sont des salaires.
Est-ce que vous croyez toujours que le secteur
agricole, dans ce domaine-là plus particulier... Parce que ne mettons pas
l'agriculture dans l'ensemble, mettons juste ce secteur-là. Est-ce que vous ne
reconnaissez pas qu'il est vraiment différent que les autres secteurs?
M. Boyer (Daniel) : ...toujours sur
le même débat, là. Moi, ce que je vous ai fait comme ouverture tantôt, c'est de regarder la définition de «ferme
familiale». Effectivement, si on parle de petites fermes où c'est juste des
membres de la famille qui y travaillent, on
l'a mentionné, qu'on est prêts à regarder ça, là, on n'a pas de problème à cet
effet-là. Mais, je m'excuse, là, mais, quand on parle de fermes qui
embauchent 50, 100 puis 200 employés, là... Oui. Puis, oui, les coûts de main-d'oeuvre doivent être élevés, parce
que c'est de la main-d'oeuvre. C'est de la main-d'oeuvre, là, on cueille
des denrées, là. C'est bien évident que ça va coûter cher.
M.
Hamad : Mais on se
comprend qu'aujourd'hui, avec l'augmentation de la production, c'est que la
famille ne répond pas. Puis ce n'est pas
toute la famille qui est là-dedans, malheureusement, parce que, là, les
enfants, ils ne suivent pas tous nécessairement. La relève agricole est
un grand défi pour nous, au Québec, là, actuellement, et on partage tous ici, à
l'Assemblée, cette...
Mais là on parle des... D'ailleurs, quand on dit
«300 employés», là, ce n'est pas 300 employés à temps plein pendant
12 mois, là, on parle... Il y a une saison où on a besoin de ces
travailleurs-là. Après ça, ces travailleurs-là, la majorité, c'est des
travailleurs étrangers qui retournent chez eux après.
Là, ce que j'aimerais
comprendre de vous... Là, vous parlez familial, mais ce n'est pas tout
familial, là, c'est plein de gens qui sont
là qui ne sont pas nécessairement toute la famille, là-dedans, impliquée.
Est-ce que vous, là, avec votre
expérience, vous ne reconnaissez pas que le secteur agricole, dans ce
domaine-là, le trois employés et moins, n'est pas... n'ont pas des conditions particulières, ce n'est pas une
industrie vulnérable qui devrait être traitée différemment? Et pourquoi
les Ontariens, selon vous, le traitent différemment? Eux autres ont traité le
secteur au complet, ils sont allés beaucoup plus large, mais ils l'ont fait.
Alors, pourquoi vous ne le traitez pas de la même façon?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Boyer.
M. Boyer
(Daniel) : M. Hamad,
effectivement je vous l'ai dit, il y a 50 ans, là, les petites fermes
familiales, là... Il y a 50 ans,
des fraises, là, on en avait à partir de la Saint-Jean-Baptiste jusqu'à la
mi-juillet; aujourd'hui, on en a du mois d'avril aller jusqu'au mois d'octobre. Le maïs, là, quand j'étais jeune,
les épluchettes, ça se passait autour de la fête du Travail;
aujourd'hui, quasiment à la Saint-Jean-Baptiste on a du blé d'Inde.
Et les
travailleurs qui viennent ici... Puis qui viennent ici, il y a des travailleurs
d'ici aussi, parce qu'il faut faire attention,
ce n'est pas tous des travailleurs étrangers temporaires, là. Il y a 17 %
de la main-d'oeuvre qui sont des travailleurs étrangers temporaires. Le
reste de la main-d'oeuvre, là, c'est du monde du Québec, là, qui sont soit des
immigrants ou soit des Québécois, entre guillemets, je pourrais dire, pure
laine, je n'aime pas ça dire ça, là, mais c'est des gens du Québec, pour la plupart, et ils travaillent sur
ces fermes-là pendant cinq, six, sept mois par année. Donc, on est dans
le saisonnier pas mal long, là. On n'est plus dans une période d'un mois où on
cueillait des fraises en 1970, on est dans une période pas mal plus longue que
ça.
C'est pour ça que la réalité de ce secteur-là a
tellement changé, au fil des années, qu'effectivement vous avez tout à fait
raison quand vous mentionnez que la famille n'est pas capable de subvenir aux
besoins de la ferme. Bien évidemment. C'est sûr. Avec les grosseurs de ferme
qu'on a, avec les récoltes qu'on a aujourd'hui, il faut avoir des employés. Mais ces employés-là ne sont pas
différents dans le secteur agricole que d'autres employés dans d'autres
secteurs, et ils doivent avoir le droit... S'ils le désirent parce que le droit
de se syndiquer appartient avant tout aux travailleurs puis aux travailleuses.
S'ils le désirent, ils peuvent s'associer et ils peuvent négocier leurs conditions
de travail.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Hamad : Est-ce
que, si on était très, très
compétitifs, on aurait plus de fraises à Costco qu'avoir des fraises qui
viennent de la Californie?
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez,
on n'aura pas plus de fraises qu'en Californie, parce qu'en Californie ils en
cultivent 12 mois par année, là. Ça serait un peu... un peu fou, là, de
penser ça. Mais on a beaucoup plus de fraises qu'il y a 50 ans.
M.
Hamad : ...fournir
ici, au Québec? Chez Costco, là, de temps en temps il y a des... Ce que je dis,
moi : Si on était...
M. Boyer (Daniel) : Oui. Bien, je le
souhaite, je le souhaite.
M.
Hamad :
Mais c'est une question que je vous pose : Si on était plus compétitifs,
on aurait plus de fraises à Costco
que de fraises californiennes? Puis en passant elles goûtent meilleur, on le
sait tout de suite. À l'aveuglette, là, comme un vin, on le sent tout de
suite, que c'est une fraise du Québec. Il y a un goût différent.
M. Boyer (Daniel) : Surtout celles
de l'île d'Orléans.
M.
Hamad : Mais, si on
était très compétitifs, on aurait plus de fraises à Costco, de fraises
québécoises?
Mme Collet
(Anouk) : Je pense que... M. Hamad, pour venir comme je viens un peu,
là, du secteur de l'alimentation, je
peux vous en parler, parce qu'on a des marchands, par exemple, chez IGA, à un
moment donné, qui voulaient acheter
des produits plus locaux et qui se faisaient bloquer par la compagnie mère en
disant : Non, vous devez vous
approvisionner à tel endroit ou à tel endroit. Donc, je ne pense pas que la
provenance des produits qu'on retrouve dans nos marchés d'alimentation ait nécessairement à voir avec la
compétitivité du marché. C'est un choix que les entreprises font, d'où
ils s'approvisionnent.
M.
Hamad : Vous pensez
qu'une compagnie va payer plus cher un produit que, pour la même qualité des deux produits... Si j'étais une compagnie, je ne
sais pas, moi, IGA, Metro à Québec, pour donner une image du Québec, je vais aller acheter un produit plus cher
ailleurs? Ils ne resteront pas longtemps en business, je pense, là, s'ils
achètent tout le temps plus cher. Ils achètent parce que c'est le moins cher
pour eux, je pense, parce que le consommateur est très exigeant, là.
Mais, si on est plus compétitifs, si on l'est
aujourd'hui, plus compétitifs que l'Ontario et la Californie, je suis convaincu qu'IGA... Mais je vous pose la question.
Ils doivent acheter pour moins cher. Ils n'achèteront pas un produit californien parce qu'ils aiment la Californie ou
ils aiment Schwarzenegger, mettons. C'est parce que c'est moins cher.
M.
Boyer (Daniel) : Mais,
M. Hamad, vous avez peut-être raison, là. Moi, ce que je vous dis, c'est
qu'effectivement il y a des carottes de la
Chine qui arrivent, là, puis elles coûtent moins cher que les carottes
cultivées au Québec, bien évidemment, sauf que les conditions de travail qu'on
veut pour les travailleurs puis les travailleuses du Québec, ce n'est pas celles des Chinois puis des Chinoises. Donc, on
veut des conditions de travail acceptables, que les travailleurs, les travailleuses ont généralement
au Québec, puis c'est pour ça qu'on revendique le droit de s'associer
puis de négocier leurs conditions de
travail. Puis ça se peut, en bout de piste, que ça coûte un peu plus cher, mais
moi, je pense qu'il y a de plus en
plus de monde qui veulent acheter local, même si ça coûte plus cher. Puis on
encourage des jobs d'ici puis on encourage les gens qui paient des
impôts ici.
M.
Hamad :
...sur la même longueur d'onde pour la dernière phrase. Mais est-ce que... La
CRT, dans la loi, on dit que, si les
employés trouvent qu'ils sont maltraités, l'association d'employés, ils peuvent
avoir recours à la Commission des
relations de travail. Est-ce que vous trouvez que c'est une bonne voie? Est-ce
que... La commission, c'est un tribunal administratif qui va regarder, étudier les droits des travailleurs.
Puis, si les droits des travailleurs étaient menacés ou ils étaient
maltraités, la commission, évidemment, va juger en faveur.
Mme Collet
(Anouk) : Bien, le fait est que les travailleurs, à l'heure actuelle,
ont peur des représailles qui peuvent
s'exercer contre eux s'ils se plaignent. Je comprends que vous allez me dire
que dans la loi il y a une protection, que
justement il ne doit pas y en avoir, mais, dans les faits, on sait très bien
que bien souvent, surtout quand on parle des travailleurs migrants, qui
ont toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête à savoir s'ils vont
revenir l'année suivante ou non, bien
souvent ils n'oseront pas, justement, exprimer les problèmes qu'ils ont. Alors,
que ce soit par la voie de la CRT ou
d'un autre tribunal, on pense que ce n'est pas... ça prend un système en place
derrière eux pour les défendre si jamais, justement, il y a des
représailles.
M.
Hamad : Tantôt, un
employeur nous disait que 84 % de ses travailleurs étrangers reviennent.
Il dit... Ils l'appellent. Puis même la
députée de Mirabel me disait ça aujourd'hui, je pense que c'est elle qui disait
ça, qu'elle a eu des travailleurs
étrangers. Mme la députée de Mirabel, vous avez dit ce matin que vous avez eu
des travailleurs étrangers, puis à la fin de la saison ils venaient vous
voir. Est-ce que vous avez eu des travailleurs que vous n'avez pas ramenés
parce qu'il y a eu des problèmes avec?
Une voix : Jamais.
M.
Hamad :
O.K. Donc, c'est des cas... certains cas que ça arrive. Est-ce que c'est
généralisé dans l'industrie qu'on dit aux travailleurs étrangers :
Tu ne reviens pas?
• (14 h 30) •
Mme Collet (Anouk) : Bien, combien
ça en prend, M. Hamad? Moi, j'ai négocié dans un dossier, j'ai eu un travailleur agricole migrant, un seul qui a
finalement accepté de s'asseoir à la table avec nous, mais, c'est drôle,
l'année suivante il n'est pas revenu. Ça en
prend combien, des travailleurs comme ça contre lesquels on exerce des
représailles? Vous dites, oui : Il y en a
84 % qui reviennent, mais il y
en a un pourcentage qui ne revient pas non plus, et c'est ces gens-là
qu'on veut défendre.
M.
Hamad : Puis vous
pensez que les droits du travail, actuellement, ne protègent pas assez les
travailleurs, surtout sur, mettons, un
employeur qui trouve son employé en train de faire des recours, donc il va
dire : Moi, là, celui-là, je ne le prends plus? Vous pensez que ce
cas-là, il existe puis il est répandu?
Mme Collet (Anouk) : Oui.
Définitivement, oui.
M.
Hamad : Il est
répandu? Vous avez des statistiques là-dessus?
M. Boyer (Daniel) : Écoutez,
M. Hamad, c'est des... En tout cas, pour les travailleurs temporaires,
étrangers temporaires, là, c'est des
travailleurs et des travailleuses très vulnérables, on ne se le cachera pas,
là. Ils viennent ici, ils sont heureux de venir ici, bien évidemment,
parce qu'ils ne travaillent pas à ces conditions-là dans leur pays, sauf que c'est les conditions du pays, du Québec ici, là,
ce n'est pas les conditions de leur pays qu'on doit leur offrir. Donc,
c'est pour ça qu'ils veulent revenir ici.
Maintenant, s'ils n'ont pas d'association pour
les représenter, qui leur fait connaître leurs droits, qui leur fait dire comment ça marche, puis quels recours, puis
comment ils peuvent l'exercer, qui va le faire? Le Guatémaltèque ou le Mexicain qui s'en vient travailler ici, là, il
n'est pas au courant de nos droits puis il ne veut pas nécessairement
l'aide, là, il s'en vient ici pour travailler, puis il ne se pense pas
nécessairement exploité non plus, là, sauf que dans plusieurs cas ils le sont.
Vas-y, Anouk.
Mme Collet (Anouk) : Si je peux
rajouter, également ce qu'on observe, on a essayé justement avec le Mexique de faire des ententes pour essayer de
négocier de meilleures conditions sur les contrats, et tout ça, et, quand
on a commencé à faire ça, bien les
employeurs ont commencé à aller chercher les travailleurs au Guatemala, ils
regardent vers d'autres pays. Donc, ils mettent les pays en compétition
entre eux-mêmes.
Et,
quand j'entendais tout à l'heure aussi qu'on nous disait : Ah! bien ils
peuvent s'adresser au consulat, bien, justement, moi, je pense que le
consulat était comme en conflit d'intérêts, parce que lui, il a un intérêt à ce
que ses travailleurs y aillent. Donc, quand on se plaint au consulat, je ne
suis pas certaine que c'est vraiment un intermédiaire qui est neutre.
M.
Hamad :
Une question. J'ai vu le contrat de travail qui a été présenté en annexe dans
le mémoire de l'UPA, ils ont un contrat, les Mexicains ou les
Guatémaltèques, ils signent un contrat, puis j'ai demandé si c'était en
espagnol pour être sûr qu'ils... Et donc ils
ont un contrat un travail. Ils arrivent au Québec; c'est la Commission des
normes qui gère les contrats de
travail, les conditions de travail. Donc, si un travailleur, il a des
problèmes, il y a une association autour, il peut aller à la Commission
des normes et dire... Est-ce que je suis dans la théorie ou je suis dans la
pratique?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Boyer.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, une
association de... Qui les représente, ces gens-là, si le contrat n'est pas
respecté?
M.
Hamad :
FERME, est-ce qu'ils engagent? FERME, c'est eux autres qui gèrent un petit peu
les travailleurs étrangers,
l'organisation FERME? Ce n'est pas un syndicat, là, je comprends, là, ils sont
moins bons, mais ils sont... quand même ils s'occupent de l'association.
M. Boyer (Daniel) : Je suis content
que vous dites que c'est moins bon quand même, là.
M.
Hamad : Oui, oui,
c'est ça.
Mme Collet
(Anouk) : Mais, si je peux me permettre, les contrats de travail ne
sont pas régis par la Commission des
normes du travail, ce n'est pas la Commission des normes du travail qui est en
charge de mettre en application les contrats. Comme ils vous l'ont
expliqué ce matin, les travailleurs doivent se plaindre à leur consulat.
Donc, la
Commission des normes du travail n'a pas de droit de regard sur les contrats de
travail qui sont signés avec le
Mexique. Ils ont des... Il y a des minimums qui sont établis, par exemple, dans
la Loi sur les normes, en ce qui concerne
le logement, le salaire minimum, et c'est tout ce que la commission peut
regarder. Mais ils n'ont pas de droit de regard sur les contrats de
travail.
Le Président (M. Cousineau) :
Il reste une minute.
M.
Hamad : En fait,
leur contrat, c'est quoi? C'est le salaire, c'est le logement puis les
conditions, là. Alors, c'est ça. Donc, il
peut se plaindre sur les logements, sur le salaire, c'est exactement son
contrat. Je ne dis pas que sur la formulation
du contrat il peut se plaindre, mais, si, mettons, on lui a promis, à un
travailleur, de lui payer tant de salaire, donner un logement viable,
payer sa moitié de billet d'avion ou je ne sais pas trop, etc., puis il n'a pas
eu ça, il peut se plaindre.
Mme Collet (Anouk) : Pas à la
Commission des normes si ce n'est pas régi par la Loi sur les normes.
Le Président (M. Cousineau) :
...
M. Billette : Merci, M. le
Président. Parce qu'il reste très peu de temps.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, mais il reste 30 secondes. Alors, rapidement.
M. Billette : On parle beaucoup du
côté de l'employé, actuellement. Je veux dire, je viens d'une région, je pense
que vous le savez très bien, qui est très
bien représentée par les travailleurs étrangers mais travailleurs agricoles également. On se place du côté...
Il faut savoir la réalité également. Lorsque ces travailleurs-là arrivent à
l'aéroport, premièrement, il y a une entente qui les lie. Ils rencontrent la Commission
des normes du travail, il y a quelqu'un qui parle
espagnol. À l'UPA également, au bureau de Saint-Rémi — j'ai
vu le vice-président rentrer tantôt — ils ont également quelqu'un pour soutenir
nos employeurs à ce moment-là. Il y a des ententes relatives... Il faut se
mettre du côté du producteur maraîcher ou de
toute autre exploitation agricole qui ont des travailleurs migrants, à ce moment-là, temporaires...
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Huntingdon, malheureusement je dois vous arrêter.
M. Billette : ...ils peuvent perdre
ces employés-là puis ...
Le
Président (M. Cousineau) : M. le député de Huntingdon, le 25 minutes est terminé. Alors, mon rôle,
c'est de trancher ça. Donc, je passe au deuxième bloc. M. le député de Berthier,
vous avez 15 minutes.
M.
Villeneuve : Merci, M. le Président. Je ne sais pas si vous voulez intervenir en rapport à la remarque du
député. C'est pour vous, je vous laisse l'occasion. Non?
Moi,
j'aimerais beaucoup, là... Tantôt, vous preniez l'exemple de la loi
qui est en fonction en Ontario présentement et vous disiez que cette
loi-là ne fonctionne pas. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples
concrets, pratico-pratiques, qu'on sache qu'est-ce qui ne fonctionne pas présentement en
Ontario et qu'on puisse, évidemment, voir les lacunes que cette loi-là
qui a été... qui est là depuis 2002, je crois, là, hein, c'est depuis 2002,
alors qu'est-ce qui ne fonctionne pas et concrètement avoir des exemples, là?
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Collet.
Mme Collet
(Anouk) : Alors, ce qu'on m'a expliqué, les gens qui travaillent
là-bas avec les travailleurs, c'est que,
tout le problème, on dit qu'il faut que ce soit une association de salariés,
parce que nous, on les représenterait bien, mais, quand on arrive aux tables de négociation, les employeurs
disent : Bien, justement, on veut avoir un travailleur à la table. Alors, comme je vous expliquais tout à
l'heure, quand arrive le moment de dire à un travailleur : Tu vas venir
t'asseoir avec nous devant ton employeur
puis dire qu'est-ce qui ne va pas, bien c'est là qu'est le problème, parce que
les travailleurs, comme je vous
disais, ont peur des représailles, de ne pas revenir l'année suivante. Donc,
ça, c'est un des problèmes majeurs qu'on a avec ce projet de loi là,
donc.
Puis, de toute manière, comment est-ce qu'on
peut essayer des les convaincre, justement, de venir à la table alors que ça ne donnera... on sait que ça ne donne
rien, je veux dire, il n'y a pas d'aboutissement. On ne peut pas lui
dire : Bien oui, tu vas venir à la
table, tu vas pouvoir en parler, puis on va mettre par écrit... on va améliorer
tes conditions. Ça s'arrête là. L'employeur doit écouter, mais après ça
il n'y a pas rien. Donc, comment voulez-vous même convaincre quelqu'un sur
cette base-là?
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Berthier.
M. Villeneuve : Et qu'est-ce
qui ferait... Ce serait quoi, la différence, s'il y avait une association
accréditée? Qu'est-ce qui ferait en sorte
que le travailleur qui craint, finalement, d'aller s'asseoir à la table face à
son employeur en Ontario... Quelle différence ça ferait — et je
repose la même question, je veux qu'on reste un peu dans la même idée — si ça
serait une association accréditée mais non... qu'il n'y aurait pas le droit de
grève et qu'il n'y aurait pas le droit de lock-out, exemple? Est-ce que ça
ferait une différence, en Ontario, si on... Je ne sais pas si vous pouvez me répondre à cette question-là. Évidemment, on
est dans l'hypothétique, là. Mais, selon vous, si ça ferait une
différence, de quelle façon ça ferait une différence?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Boyer.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez, ce
que ça ferait comme différence, premièrement, il y a une association de salariés dûment reconnue. Il y a un contrat de
travail dûment négocié entre l'employeur et cette association de
salariés là. Dans la convention collective... puis dans le Code du travail, de
toute façon, il y a des recours quand la convention ou le contrat de travail n'est pas appliqué. Donc là, actuellement, il y
a des recours. Mais qui les exerce? Alors que le salarié, lui, se sent
un peu coincé parce qu'il a peur de représailles, donc, c'est lui qu'il faut
qu'il exerce ces recours-là, alors que, s'il
y avait une association pour le représenter, c'est l'association, au nom de ce
salarié-là, qui ferait ces recours-là.
Et c'est l'association qui négocie les
conditions de travail et qui a le devoir de voir à son application, il y a aussi un devoir qui vient avec l'accréditation
syndicale qu'on nous donne. Oui, on a un pouvoir de représentation, mais
on a un devoir également de représentation, puis c'est ce qu'on s'exerce à
faire à tous les jours. Donc, on a le devoir de représenter ce monde-là.
Puis, je veux dire, si ces gens-là avaient des
représailles par la suite, on a une plus grande poignée avec une convention
collective, un contrat de travail dûment signé, des recours prévus à cette
convention collective là. On a des recours, là.
Mme Collet
(Anouk) : Puis, si je peux me permettre d'ajouter, il y a un processus
pour reconnaître la légitimité de l'association, le 50 % plus un.
Quand on a mis dans le Code du travail en place les procédures d'accréditation,
c'est parce qu'on voulait mettre fin au
débat qu'il y avait à ce que les travailleurs, justement, devaient peut-être
sortir en grève pour se faire reconnaître
par les employeurs, pour dire : C'est moi, l'association en place. Puis là
on entend justement... De la part des employeurs, justement, on ne veut
pas, justement, avoir de conflit de travail. Mais comment on va faire pour se faire reconnaître comme association
légitime? Parce que c'est ça que l'employeur veut, justement, il veut
éviter les conflits, les ralentissements de
travail, les grèves. C'est ça, le processus qui a été mis en place dans le Code
du travail pour éviter que, justement, on retombe dans des conflits pour
reconnaître la légitimité des associations. Donc, il y en a un, processus, puis
il a été mis là en place pour une raison, justement.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Rimouski.
• (14 h 40) •
M.
LeBel : Oui, bonjour. Je suis un peu d'accord, tantôt, avec ce que le
ministre disait par rapport à... C'est des exploitations gérées par des familles, c'est très saisonnier, puis
effectivement, dépendamment de la météo, dépendamment de différents... ça rend les productions
vulnérables. Puis on le voit, là, dans la manière que ces gens-là s'impliquent
sur leurs fermes personnellement, les enfants, le père, la mère. C'est vraiment
un peu particulier, on ne peut pas comparer ça à l'ensemble du milieu agricole.
Je suis un peu d'accord avec qu'est-ce que disait le ministre là-dessus.
Mais,
en parlant de vulnérabilité, je trouve aussi très vulnérables les travailleurs qui sont là, qui sont... qui doivent être disponibles, puis ils doivent être dociles, puis ils doivent
travailler fort puis être là tout le temps, puis surtout ceux qui sont
les travailleurs immigrés, là. Ça, c'est... À matin, on disait : Ils sont
comme un peu chanceux, ils gagnent 11 $ de
l'heure ici puis ils gagnent 11 $ de l'heure... par jour chez eux, ça fait
qu'ils devraient se compter chanceux. Puis souvent ils se comptent vraiment chanceux, puis ils
veulent revenir, puis ils veulent faire plus d'heures parce qu'ils veulent
amener plus d'argent puis... Ça, ça me touche. Je trouve ça un peu... C'est
vrai que c'est des travailleurs vulnérables, qui ont besoin de ça pour leurs
familles, puis il faut les protéger, à mon avis, ces gens-là aussi.
Puis il y a
des cas... Je ne nommerai pas tous les cas, puis ce n'est pas dans le domaine
maraîcher, mais j'ai vu des cas où
ces gens-là sont transportés dans des conditions pas très correctes, qui
travaillent dans d'autres domaines, dans des milieux très difficiles,
puis ils ne disent jamais non, hein? Ils retournent parce qu'ils veulent gagner
de l'argent, ils veulent gagner des sous.
Moi, je pense qu'il faut quand même les
protéger, il faut trouver une façon de leur donner l'occasion de se protéger. Malgré que souvent les producteurs,
comme je voyais ce matin, c'est un peu... c'est leurs travailleurs, ils
les aiment, ces travailleurs-là, à chaque
année ils viennent, puis ils les protègent, puis leurs portes sont tout le
temps ouvertes pour, tu sais, jaser
pour voir si on ne peut pas améliorer leurs conditions, malgré ça, je pense
qu'il faut trouver une façon de protéger ces travailleurs-là.
Puis c'est
vrai que la situation économique peut être difficile, mais il ne faut pas
mettre ça sur le dos, toujours, des travailleurs.
Ce n'est pas à cause des travailleurs, des demandes des travailleurs que les
produits ne sont pas à Costco, là, il ne faut pas... À mon avis, il faut
regarder ça un peu autrement.
Mais comment on peut trouver... C'est quoi, la
solution? C'est quoi, la ligne qu'on pourrait avoir pour dire : Il faut protéger ces entreprises-là? Il faut
s'assurer... Tu sais, une grève pendant les travaux, ce serait catastrophique.
Les ralentissements de travail, ce serait
une catastrophe aussi. Comment on peut protéger ces entreprises-là tout en
permettant aux travailleurs de s'organiser? Est-ce qu'il y a un deal à avoir?
Est-ce qu'il y a un contrat social à avoir par rapport à ça pour s'assurer que
ça marche, pour avancer un peu là-dedans? C'est un peu ça, la question que j'ai
à poser.
Puis l'autre
affaire, ce matin — vous
allez m'expliquer comment ça marche, ces patentes-là — on me disait : Ce n'est pas les travailleurs immigrés, il y aurait
un autre système, là, ce n'est pas la même chose que les autres, il y
aurait comme deux... Ça, j'aimerais ça que
vous m'expliquez ça aussi, je n'ai pas trop compris, ce matin, comment ça
pourrait fonctionner. Et c'est mes deux questions.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Ça, c'est long à
répondre, hein? Bien, premièrement, géré par les familles, là, il faut juste
faire attention. Je vous l'ai dit tantôt. D'entrée de jeu, on a ouvert une
porte en disant : On est prêts à regarder la définition de «ferme familiale». Mais, géré par les familles, il faut
faire attention. Power Corporation puis Bombardier, c'est aussi géré par
des familles, là, donc il faut juste faire attention.
Écoutez,
on a tendance... Puis je vais répondre à la question, en même temps, du député de Huntingdon de tantôt. On a tendance à tout le temps penser aux travailleurs étrangers
temporaires, mais ces travailleurs étrangers temporaires là, là, oui, ils sont vulnérables, mais ils ne
représentent que 14 % de la
totalité de la main-d'oeuvre. Les autres, là, pourquoi on enlève des droits à tout ce beau monde là parce
qu'il y a des travailleurs étrangers temporaires qui ont soi-disant des
contrats? Puis des contrats à quelles conditions? C'est sûr qu'ils sont
contents de venir travailler ici à 11 $ de l'heure, parce que chez eux ils gagnent 11 $ par jour,
mais ils seraient aussi contents de venir à 15 $ par jour. Mais ce n'est
pas... Au Québec, on ne s'est pas donné ce
genre de relations là, on ne donne pas ces conditions de travail là aux
Québécois puis aux Québécoises, donc
il ne faut pas les donner à des travailleurs étrangers temporaires, ça n'a pas
de bon sens. On permet à l'ensemble des travailleurs et travailleuses,
au Québec, de s'associer puis de négocier leurs conditions de travail quand il y a une majorité de monde qui veulent,
dans un milieu de travail, se syndiquer. Bien, il faudrait permettre à
tout ce beau monde là aussi de le faire, il faudrait le permettre.
Là, vous parliez de grève. Écoutez,
premièrement, il y en a de moins en moins, de conflits de travail, il y a de plus en plus de règlements de convention
collective sans conflit. Les conflits qu'on... Puis là je ne ferai pas le
détail, mais, quand il y a des
conflits, bien souvent, ce sont maintenant des lock-out qu'on voit, on peut
penser à Québecor, à Rio Tinto et à Silicium Bécancour. Puis c'est des
conflits qui sont très longs, mais c'est des lock-out qu'on voit.
Puis,
écoutez, le jeu des relations de travail va se jouer de toute façon, il va se
jouer de toute façon. Pensez-vous que les travailleurs puis les
travailleuses qui travaillent trois, quatre, cinq, six, sept mois par année
sont intéressés à faire une grève pendant le
temps où ils vont avoir des sous? Bien, pas plus que l'employeur ne va être
intéressé à mettre en lock-out ses employés pendant qu'il récolte ses
fraises. Il y a une logique de relations de travail dans tout ça. Ils ont huit conventions collectives; il n'y a jamais eu
de grève dans ce secteur-là, il n'y a jamais eu de grève. Ça fait qu'il
ne faut pas voir des épouvantails à moineaux partout, là.
Puis, oui, on s'est dotés d'un système de
relations de travail, au Québec, qui fait que les parties, autant l'employeur que les syndicats, puissent mettre de
la pression dans le but, justement, de régler une convention collective,
et la grève puis le lock-out, ça fait partie
de ça, mais on l'exerce de moins en moins. Il faut croire qu'on se parle de
plus en plus puis qu'on trouve de plus en plus de règlements. Puis ça va
être aussi vrai dans le secteur agricole, c'est même aussi vrai dans le secteur
agricole.
M. LeBel : ...par rapport à ma
deuxième question, là, sur la façon qu'on... On parle-tu de deux conventions collectives, les travailleurs migrants et...
Comment ça peut fonctionner? Tu sais, mettons, on disait que ces
travailleurs-là n'étaient
pas... ils ne faisaient pas partie de la loi, là, du projet de loi, qu'ils
n'étaient pas visés par la loi. Comment ça peut s'organiser sur le
terrain?
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Collet.
Mme Collet
(Anouk) : Bien, écoutez, nous, notre compréhension, c'est qu'ils
étaient visés. Mais le problème qu'on
a, c'est que la définition, telle qu'elle est rédigée maintenant, qui dit qu'il
faut qu'il y ait trois travailleurs à l'année longue, là, ordinairement puis habituellement, là, fait en sorte qu'on
se retrouve avec la majorité des fermes qui ne tombent pas dans cette
définition-là, parce que ces travailleurs-là, premièrement, sont limités par
leurs contrats parce qu'ils ne peuvent pas être là plus que tant de mois par
année, ça fait qu'ils deviennent comme indirectement exclus.
Mais, nous,
notre compréhension, c'est que, si, par contre, on se retrouvait... On en a
une, ferme, en ce moment, où on a une dizaine de travailleurs à l'année
longue qu'on a syndiqués, qu'on a une convention collective, puis elle, elle tombe visée. Puis il y a des travailleurs migrants
dedans, puis ils sont couverts par la convention collective, parce qu'on
se retrouverait avec un méchant problème si
on disait à notre monde : Excuse-moi, tu es travailleur migrant, notre
convention collective ne te visera pas. Je pense que c'est nous qui nous
retrouverions avec une plainte de discrimination. Donc, c'est la compréhension
qu'on en avait.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Berthier... ou M. le député de Rimouski.
Une voix : Il reste combien
de temps?
Le Président (M. Cousineau) :
Il vous reste exactement trois minutes.
M.
LeBel : Bien, c'est ça, j'aimerais ça... Parce que ce midi je suis
allé vous voir, je suis allé chercher des fraises puis... aux maraîchers, là, d'entreprise
syndiquée, puis c'était très bon. Vous, vous travaillez dans... vous êtes un
travailleur?
Une voix : Non.
M. LeBel : Comment ça fonctionne? Tu
sais, parce qu'on me disait : Il faut donner 40 heures ou
60 heures, mais souvent ils ne prennent
pas les 60 heures ou souvent il y a plus de monde qui sont là comme en
stand-by, savoir s'il y a de la... Il
y a un mécanisme, là, je n'ai pas trop compris comment ça fonctionnait.
J'aimerais ça que vous m'expliquiez exactement comment ça fonctionne.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Delisle, peut-être.
M. Delisle
(Mario) : Oui. C'est au niveau
des arguments qu'on a entendus ce matin. Souvent, le maraîcher va nous arriver avec : On doit opérer les fermes,
puis le syndicat va nous limiter dans le temps ou dans les heures de travail.
Au contraire, nous, ce qu'on négocie présentement dans les conventions, c'est
qu'un minimum d'heures... Bien souvent, c'est
que les fermiers... On a vu grandir ce phénomène-là. C'est de prendre quelques
travailleurs en supplément, dans lequel il n'a pas de revenu puis
qu'il doit payer pour son logement. Ça fait
que ça crée une pression, là, sur le
travailleur. Puis là nous, on dit : Bien, écoute, ça doit... les
gens veulent venir ici pour travailler.
L'interprétation du côté patronal ou des fermes,
c'est de dire : Le syndicat veut limiter les travailleurs en nombre d'heures. Nous, ce qu'on impose ou qu'on
négocie avec le fermier, c'est de dire : Écoutez, vous devez faire
venir ces gens-là, correct, mais avec un minimum de 55 heures-semaine garanti.
Ces gens-là ne veulent pas venir ici puis qu'il
y ait 20 personnes en stand-by au cas où qu'il y ait un surplus, puis
qu'ils doivent, à leurs dépens, payer la nourriture, le logement et ces
choses-là sans aucun revenu, avec... quelques semaines, des fois, malgré que le
contrat prévoie, là, dans les différents
pays, soit du Mexique ou du Guatemala, ce que M. Hamad parlait, prévoie
des garanties d'heures dans certains
cas ou des avances d'argent dans l'autre cas du contrat. Ce n'est pas appliqué,
là. C'est pour ça que nous, on arrive avec
la convention, dans lesquelles où on est comme syndicat. C'est une de nos
revendications des travailleurs, d'ailleurs, là. Ce n'est pas le temps supplémentaire, on n'est jamais...
ce n'est pas avec ça qu'on vient, là, c'est souvent une garantie d'heures minimum. Le fermier va dire : Bien,
le syndicat veut limiter le nombre d'heures à 55 heures. Non, ce n'est
pas ça. Nous, c'est un minimum d'heures qu'on veut garantir aux travailleurs
pour qu'ils viennent ici puis qu'ils aient suffisamment d'argent quand ils vont retourner dans leur pays,
là. C'est un peu ça, le débat, là, qui est contradictoire, là.
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, ça termine le deuxième bloc d'intervention. Donc, je céderais la parole maintenant, pour les 10 prochaines minutes, à la députée
de Mirabel, du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée.
• (14 h 50) •
Mme D'Amours : Merci, M. le
Président. J'aimerais, d'entrée de jeu, commencer par la comparaison que M. Boyer disait tout à l'heure, là, que... Les entreprises agricoles, il les avait comparées à des centres
de ski puis à des centres de... des
clubs de golf. Bien, je dois vous dire qu'il
faut comparer des pommes avec des
pommes puis des skis avec des skis, parce qu'il y a des adhésions annuelles qui font
en sorte que le club de ski ou le... la pente de ski ou le club de golf
vient à bout d'arriver avec son chiffre
qu'il doit avoir pour fonctionner. Ils fonctionnent, naturellement, avec les
températures, comme les producteurs
agricoles, mais ils n'ont aucune réalité comparable avec les producteurs
agricoles, aucune.
Il y a 10, 15 ans, un centre de
ski avait, exemple, une passe de ski qui équivalait à peu près à 500 $,
là, environ. Aujourd'hui, c'est
1 000 $, ça fait que c'est le double. Cherchez un produit agricole,
depuis 10 ans, qui a doublé de prix, cherchez-le, vous m'en reparlerez l'année prochaine. On ne peut pas
comparer des entreprises comme ça, c'est impossible.
Effectivement, je
suis d'accord avec monsieur quand il dit que la réalité a changé. Oui, c'est
vrai. En 1950, on avait des familles de 10
et de 12 où c'étaient tous les enfants qui travaillaient, et la masse salariale
n'était pas autant... comme aujourd'hui. Aujourd'hui, on a une masse
salariale. Donc, les ventes ont peut-être augmenté, mais les profits ont
tellement diminué qu'il n'y a pas de marge de jeu importante. En 1972, là — j'ai
juste des données de 1972 — il
y avait 6 152 000 habitants au Québec. Aujourd'hui... en fait
2013, parce qu'on n'a pas les données de 2014, c'est 8 115 000. Effectivement, on produit plus, au Québec, parce
qu'il y a plus de monde à nourrir, ce n'est pas parce qu'on produit plus
pour le même monde, là. Ça fait qu'on n'a pas augmenté tant que ça notre
production, au Québec. On a juste survécu, hein, on a juste été dans la
cadence.
Et effectivement il y
a aussi une réalité qui a changé. En 1950, là, les producteurs, ils se
battaient... — en
fait, «ils se battaient», c'est un gros
mot — il y
avait la concurrence des voisins. Aujourd'hui, c'est la concurrence
mondiale. Alors, il faut qu'ils s'ajustent.
Alors, il faut que la ferme familiale qui a deux, trois employés qui... et
probablement les enfants de la relève...
Il faut qu'ils aient des fermes à une dimension beaucoup plus grande qu'elles
étaient pour être capable de bien vivre et de transmettre à chaque
génération la ferme, pour arriver à un chiffre d'affaires qui est important.
Mais,
moi, le contrat de travail, là, dont M. Boyer parle, le contrat de travail
négocié entre deux gouvernements, hein,
deux pays, qu'en plus on a l'organisme FERME qui s'est doté de règlements, qui
s'est doté de personnes qui vont visiter
les fermes pour voir que tout soit bien établi, que les producteurs aient leurs
logements, qu'on est allé les chercher, qu'il y a quelqu'un qui parle leur langue, tout ça, là, c'est établi,
puis de la façon dont je le comprends, c'est qu'encore ils croient que les travailleurs, ils sont brimés dans
tout ça. Il est vrai, il est vrai qu'ailleurs, dans leur pays, ils
gagnent — les
chiffres de ce matin, je vais les
répéter — 11 $
par jour versus 11 $ de l'heure ici, il est vrai qu'il ne faudrait pas
s'attarder à ça, mais, quand on parle de
contrat de travail, peu importe dans quel milieu, quand on signe un contrat de
travail, on est imputable de ce
contrat-là. On doit regarder le contrat, dire : Oui, c'est parfait, je
signe en bas et je vais respecter mon engagement du contrat.
Alors,
en plus d'avoir signé... Parce que les employés signent tous un contrat de
travail. Ils ont signé avant d'arriver ici le contrat de travail que les
employeurs ont envoyé au consulat, ils ont tous signé de bonne foi. Alors,
j'aimerais comprendre comment ça se fait que
l'organisme Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce
Canada et Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec croient encore
que les travailleurs sont brimés, parce que, dans
un organisme, dans n'importe quelle industrie, il y aura toujours des
employeurs... des employés, c'est-à-dire, qui vont se sentir brimés, mais dans l'ensemble, là... On
regarde l'ensemble. Nous, là, on parle des trois travailleurs ici qui
vont faire en sorte que... Parce que, depuis
ce matin, on se promène entre les trois travailleurs, les travailleurs
étrangers, les trois travailleurs. La
réalité, là, la réalité du milieu agricole, il faut en tenir compte. Si on veut avoir de la nourriture pour
mettre sur nos tables tous les jours, que nos enfants mangent des
produits qui sont mieux cultivés ici parce qu'on a des normes à respecter,
mais qu'on est obligés... que les producteurs sont obligés de se battre pour
arriver aux mêmes produits, que ça coûte
plus cher de coûts de production, alors je me demande comment ça se fait qu'on
croit encore que les travailleurs sont brimés.
Le Président (M.
Cousineau) : Alors, si vous voulez intervenir sur
l'intervention de la députée, M. Boyer.
M. Boyer
(Daniel) : Bon, écoutez, brièvement, là. Je sais qu'il n'y avait pas
de question, mais permettez-moi de...
Écoutez, en tant qu'organisation responsable, organisation de salariés
responsable — puis il
y en a d'autres ici dans la salle, je
vois mes amis de la CSN quand même, là — je veux dire, on tient compte de ces
facteurs économiques là aussi. Vous parlez de mondialisation. Il n'y a
pas juste le secteur agricole qui est pris avec une économie mondiale, c'est à peu près toutes les entreprises au Québec. Puis,
quand on négocie des conventions collectives, quand on négocie des
contrats de travail pour des travailleurs puis des travailleuses, on tient
compte de cette réalité-là, bien évidemment. Nous, notre but, là, ce n'est pas de saigner les employeurs puis ce n'est pas
de saigner les fermes, les fermes familiales, là. On veut juste qu'il y ait un juste partage des revenus et
que les employés soient traités correctement, qu'ils aient un droit
d'association comme tous les autres employés au Québec, qu'ils aient un droit de
négocier leurs conditions de travail comme tous les employés au Québec.
Et là je serais
curieux... On me parle d'un contrat, là. Est-ce que les employés qui sont visés
par ces contrats-là ont donné leur accord, se sont prononcés sur ce contrat-là?
On a négocié ça à leur insu, on a négocié ça à leur insu. Puis ils acceptent ces conditions-là parce
qu'effectivement, vous avez tout à fait raison, ils travaillent à des
conditions moindres dans leur pays, mais ce n'est pas les conditions qu'on veut
donner aux travailleurs puis aux travailleuses du Québec, ça, ce n'est pas ça. S'il y a un contrat de travail qui me vise,
il faudrait toujours bien qu'on me demande si je suis d'accord avec le contrat de travail. On fait ça...
Que ce soit un employé syndiqué ou pas, au Québec, là, il y a un contrat
de travail, l'employé s'est prononcé sur ce contrat-là. Mais eux autres, ils ne
se prononcent pas, là. Ils arrivent ici à ces conditions-là.
Bingo! Et il n'y a aucune façon de modifier ou d'améliorer ces conditions-là,
voici le contrat dont vous héritez,
puis peu importe dans quelles conditions ils vont exercer leurs fonctions, là,
peu importe. Quels recours ils ont? Ils n'en ont pas. Ils n'en ont pas parce qu'il y a une peine capitale au
bout qu'ils vont s'en retourner ou ils ne reviendront pas l'année
prochaine.
Le Président (M.
Cousineau) : Madame...
M.
Boyer (Daniel) : Puis, moi, je vous le dis, on est des organisations
syndicales responsables. On négocie je ne
sais pas combien de contrats de travail par année, à la FTQ puis à la CSN, puis
on pourrait nommer l'ensemble des organisations syndicales au Québec. On
est des organisations syndicales responsables. On veut des entreprises qui font
des profits parce qu'on veut se partager ces profits-là.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme la députée, il reste
1 min 50 s.
Mme
D'Amours : Le partage de revenus, ce matin on nous a dit que les
fermes, M. le Président, avaient entre
8 % et moins 4 %, ce qui veut dire environ de 1 % à 2 % de
revenu net. Comment nous partageons ça avec tous nos employés, le
1 % à 2 % de revenu net? On parle toujours d'entreprises, là, à trois
employés et moins.
Une voix :
...
Mme
D'Amours : De profit, pardon, de profit.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme Collet.
Mme Collet
(Anouk) : Oui. Pour terminer, moi, je vous dirais, si on avait ces
marges de profit là dans le secteur des
marchés d'alimentation, on serait très contents. Dans les marchés
d'alimentation, on parle de marge de profit entre 0,4 % puis
3 % puis on est capable d'arriver à des contrats de travail, alors...
Le
Président (M. Cousineau) : D'accord. Alors, merci,
Mme Collet, M. Boyer, M. Delisle. Merci pour votre
participation. Ça termine la présentation de ce premier groupe cet après-midi.
Merci.
Alors, je suspends
pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
14 h 59)
(Reprise à 15 h 3)
Le Président (M.
Cousineau) : Nous reprenons nos travaux. Alors, je souhaite la
bienvenue à l'Union des producteurs
agricoles. Je vous invite à faire votre présentation. Comme les autres groupes,
vous avez 10 minutes pour votre exposé,
et il y aura une période d'échange de 50 minutes, par la suite, des
différents parlementaires. Alors, à vous la parole, monsieur...
Présentez-vous, là.
Union des producteurs
agricoles du Québec (UPA)
M. Lemieux
(Pierre) : Pierre Lemieux, premier vice-président général de l'union.
Le Président (M.
Cousineau) : M. Lemieux. D'accord. Allez-y,
M. Lemieux.
M. Lemieux (Pierre) : Je suis accompagné de Denis Roy, qui est notre personnel technique
responsable, là, qui suit les dossiers de main-d'oeuvre chez nous, entre
autres.
Bien,
dans un premier temps, ça nous fait plaisir de venir s'exprimer sur le projet
de loi n° 8. J'aimerais commencer par décrire un petit peu, là, le secteur agricole au Québec. C'est
29 437 fermes qui sont un peu partout sur le territoire du Québec, et il y en a... Parmi ces fermes-là, nous
comptons 12 897 entreprises qui emploient des salariés, et le nombre
de salariés embauchés est de
57 488 travailleurs rémunérés. Ça représente 844 millions en
salaires qui ont été versés en 2010.
Compte tenu des
différentes particularités de notre secteur économique, il est essentiel que le
Code du travail demeure adapté au secteur
agricole afin de pouvoir produire et nourrir convenablement les citoyens d'ici
et d'ailleurs. Le marché des produits
agricoles est très compétitif. En effet, les producteurs agricoles du Québec
sont en compétition avec ceux de l'Ontario
et les autres zones de production en Amérique
du Nord. C'est donc pour ces raisons
qu'on accueille favorablement le projet de loi.
Je vais vous décrire un
petit peu le caractère particulier de l'agriculture. Premièrement, le climat,
qui joue un rôle, je dirais, hors de notre
contrôle et qui... aussitôt qu'on est capable de mettre une graine en terre,
nous avons très peu de contrôle sur le risque. C'est la température qui
dicte, dans le fond, autant les conditions de travail ou les temps de travail
que les temps de récolte durant lesquels... les périodes auxquelles on peut
travailler. Bon. Ça veut dire que l'agriculteur doit s'ajuster quotidiennement,
puis ça prend une souplesse tant dans la nature des travaux qui sont mécanisés
que dans les horaires de travail, qui est essentiel à la capacité de réagir
promptement aux aléas climatiques pour les entreprises.
C'est principalement
des fermes familiales. Pour 95 % des producteurs agricoles québécois, la
famille et l'entreprise sont des synonymes.
L'efficacité et la simplicité sont de mise dans les entreprises, qui reposent
généralement sur les épaules d'une seule personne, appuyée par sa famille.
La compétition des
marchés. Les producteurs agricoles sont tous soumis aux fluctuations de
l'économie mondiale. Le marché dicte le prix
qui sera payé pour la majorité des produits agricoles, et la compétition est
non seulement nationale, mais elle est aussi internationale.
C'est
des produits végétaux et animaux. Cette production est soumise aux règles
implacables de la nature. Dans le cas
des animaux, la régularité des soins qui leur sont prodigués font le succès
d'une entreprise, l'horaire de travail doit être planifié à la minute près. Quant aux végétaux, ils sont soumis aux
aléas du climat. L'horaire de travail doit donc être extrêmement
flexible afin de permettre l'atteinte des résultats.
C'est un produit à récolter. Tout retard dans la
récolte des produits, pour les animaux comme les végétaux, occasionne des
pertes importantes pour les producteurs.
C'est une
industrie qui est particulière, puis les travailleurs y jouent un rôle
essentiel dans l'atteinte des objectifs économiques de l'entreprise. Leur présence assidue, constante et adaptée
à la situation est indispensable. Ces éléments justifient donc la
présence d'un code de travail qui tient compte de ces particularités. La
fragilité des plantes et des animaux...
C'est des êtres vivants. Ça doit absolument être pris en compte dans le Code du
travail, car des mécanismes tels les
grèves, lock-out et moyens de pression ne peuvent, de façon réaliste,
s'appliquer et pourraient avoir des conséquences désastreuses tant sur
le plan économique que social.
Le présent projet de loi vise les très petites
fermes qui engagent moins de trois travailleurs à l'année et celles qui recourent aux employés saisonniers. Sur les
32 896 travailleurs saisonniers, il y en a 56,1 % qui oeuvrent neuf
semaines ou moins, soit 18 454 personnes, puis c'est principalement dans
le secteur des fruits — bleuets,
fraises, framboises et pommes — ce sont les principaux employeurs pour
ces travailleurs occasionnels là. Avec plus de 7 800 travailleurs étrangers temporaires qui sont venus au Québec en
2013, ce groupe de personnes est significatif parmi les travailleurs
agricoles saisonniers. Ils proviennent du Mexique et du Guatemala.
Les
programmes de travailleurs étrangers temporaires. Les deux programmes en place
sont extrêmement encadrés et surveillés, tant par le gouvernement
fédéral que par celui du Québec. Les employeurs doivent se conformer à une kyrielle d'exigences avant d'être autorisés à
embaucher des travailleurs étrangers. Ils doivent, entre autres, démontrer
que les salaires et les conditions de travail sont les mêmes que ceux auxquels
ont droit nos travailleurs locaux.
Les employeurs n'ont aucune marge de manoeuvre
et se voient imposer un contrat de travail qu'ils doivent signer avant l'arrivée des travailleurs. Ils
doivent donc simplement respecter ce qui a été décidé par les
gouvernements qui imposent ces contrats.
• (15 h 10) •
La protection
des travailleurs par les gouvernements. En plus de la surveillance régulière
des employeurs et du traitement des plaintes des travailleurs par la
Commission des normes du travail, d'autres mécanismes sont en place pour le secteur agricole. Dans les règlements
d'immigration, Canada et Québec, des dispositions empêchent les
employeurs qui ne respectent pas les
différentes lois liées au domaine du travail d'avoir accès aux programmes de
travailleurs étrangers temporaires. Un employeur sur quatre fera l'objet d'une
inspection annuelle du fédéral, et les employeurs fautifs peuvent avoir
des pénalités. Ils peuvent perdre leurs employés puis ils peuvent avoir des
pénalités allant jusqu'à 100 000 $. Ça veut dire que ça peut mettre
les... il n'y a pas de producteurs qui ont l'intérêt de faire ça, ça les met en
faillite.
Bon,
conclusion, nous avons démontré le caractère particulier du secteur
agricole : des petites entreprises familiales qui doivent composer chaque jour avec du vivant.
La souplesse et la simplicité de gestion des ressources humaines sont donc essentielles, particulièrement en ce qui
concerne le travail saisonnier. Il est impensable de pouvoir appliquer tel
quel le Code du travail à ces employeurs. Un
certain nombre de travailleurs saisonniers sont des travailleurs étrangers
temporaires visés par des programmes gouvernementaux qui balisent les
conditions de travail. Un contrat de travail est préalablement signé à cet
effet, et le non-respect peut carrément amener l'entreprise à la faillite.
Ça fait que
c'est pour ça que nous cherchons à obtenir un environnement réglementaire
similaire à nos compétiteurs, et le projet de loi n° 8 suit
cette logique en offrant à plusieurs fermes du Québec un contexte législatif similaire à nos voisins ontariens. Il s'inscrit
aussi en continuité avec le Code du travail du Québec en conservant un
régime particulier pour certaines fermes tout en permettant l'association des
travailleurs, s'ils le désirent. Le nouveau projet de loi, jumelé aux autres mécanismes actuellement en place,
est donc adapté à la réalité du travail dans le milieu agricole
québécois.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. Lemieux. Alors, vous
êtes dans le temps. Je passerais maintenant la parole au ministre pour
les 25 prochaines minutes. M. le ministre.
M.
Hamad : Merci, M.
le Président. M. Lemieux, M. Roy, merci d'être ici.
M. Lemieux, j'aimerais ça que vous nous
expliquiez un petit peu la... Vous parliez de vivant tantôt, que vous travaillez avec du vivant, et c'est écrit dans
votre mémoire aussi à la conclusion. Puis, vous l'avez répété, on travaille
avec des fleurs ou des plantes et on travaille avec des animaux.
Pourriez-vous nous expliquer, votre secteur,
l'agriculture, particulièrement dans le domaine de l'application de cette loi-là, là, pas l'ensemble, là, on ne
parle des grands producteurs comme Agropur, mais on parle plus des
petits producteurs... Est-ce qu'ils sont
vraiment différents ou ils sont pareils comme les autres secteurs d'activité?
Et, s'ils sont différents, pourriez-vous la faire, la démonstration
qu'ils sont vraiment différents?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Lemieux.
M. Lemieux
(Pierre) : Dans un premier
temps, j'aimerais vous dire qu'Agropur n'est pas un producteur, est un
transformateur. Les producteurs sont ceux-là qui produisent la matière première
à la ferme.
Bon, par
rapport au vivant, ce qu'on veut dire, c'est que, les plantes, pour les
récolter, si on veut aller chercher l'optimum de la qualité, bien il y a
des stades agronomiques qui sont prévus en ce qui concerne les fourrages pour
les animaux. Quand on s'en va dans le secteur maraîcher,
bien c'est le consommateur qui dicte la qualité des produits. Vous avez juste à prendre l'exemple, vous le vivez
au quotidien : quand vous allez chercher une salade, ça vous prend
une salade de première qualité. Vous allez chercher une pomme; ça vous prend
une pomme qui est fraîche, qui a été cueillie
à point, pas qui a été cueillie tardivement, qui est trop mûre. Vous voulez
avoir des fruits qui sont croquants, qui sont de qualité. C'est pour ça qu'on dit que c'est des êtres vivants,
parce qu'à chaque journée perdue il y a une dégradation. Quand on arrive à un maximum où la... le maximum
de la cueillette, si on dépasse dans le temps, bien il y a une
dégradation des fruits, et les consommateurs n'en veulent plus. Ça fait que
c'est pour ça que ça nous prend absolument une main-d'oeuvre qui est présente, qui est prête à travailler. On ne peut pas se
permettre une journée seulement de débrayage pour forcer, parce que
c'est vraiment toute une partie de la production qui est dégradée.
Et, quand
cette production-là est dégradée, ce qui arrive aussi, c'est qu'elle amène des
contaminations. Si elle n'est pas
récoltée, ça amène des contaminations aux autres produits qui sont dans le
champ. Ça fait que, là, c'est des maladies qui rentrent, et qui fait en
sorte que la production totale de l'entreprise peut être perdue.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Hamad : Puis en
quoi vous êtes plus vulnérables que d'autres industries, que d'autres secteurs
d'activité?
M. Lemieux (Pierre) : Bien,
regardez, on a entendu tantôt le ski ou le golf. Bien, ça ne se compare pas
avec nous autres. Le ski, bien, la
température, c'est-à-dire, l'hiver, elle est là, la température est là. On peut
y aller... On peut se déplacer des
fois, la température peut être plus tardive ou pas, mais, nous, vraiment la
journée précise il faut que ce soit ensemencé, récolté et mis en marché.
M.
Hamad : ...d'autres
secteurs à part le ski et le golf, mettons, d'autres secteurs? C'était un
exemple qui était cité, mais est-ce qu'il y
a d'autres secteurs qui ressemblent à votre secteur, est-ce qu'il... autant
vulnérables que vous? Pensez-vous qu'il y en a d'autres comparables à
vous?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Roy.
M. Roy (Denis) : Oui. Peut-être
rajouter aussi, là, la comparaison avec d'autres secteurs saisonniers qui ont
été mentionnés auparavant : Nous, notre actif se trouve à évoluer dans le
champ, dans la ferme, tandis qu'un centre de
ski, son actif, c'est sa montagne. Qu'il arrive une saison qui soit plus
pluvieuse, pour un centre de ski, l'actif demeure présent, les équipements demeurent fonctionnels,
donc... Mais par contre, nous, l'actif, c'est ça qui est produit dans
le champ.
M. Pouliot,
ce matin, donnait un très bon exemple, là, il s'agit de quelques
degrés pour faire une variation dans la valeur de l'actif. Donc, la production
agricole a à mettre... à rentabiliser l'actif qu'ils ont préparé.
Donc, la
comparaison avec les autres secteurs, qui peut être des petites PME, c'est...
va faire en sorte que l'actif demeure présent, même si c'est du caractère saisonnier, mais, nous, comme l'a dit
M. Lemieux, l'actif se dégrade s'il n'est pas récolté, s'il n'est
pas entretenu adéquatement.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Hamad : ...à mon
collègue le député de Huntingdon, M. le Président.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Huntingdon, à vous la parole.
M. Billette : Merci beaucoup, M. le
Président. Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. C'est toujours un plaisir de vous voir et revoir. On est habitués de
vous voir à la CAPERN, mais on a la chance de vous voir dans une autre commission parlementaire, et c'est toujours un
plaisir parce que vous connaissez bien votre milieu. Vous êtes présents
également, donc l'intérêt est partagé pour ce projet de loi là, que ce soit au
niveau de vos fédérations associées ou même
vous, l'UPA provinciale, à ce moment-là. Donc, merci beaucoup d'être venus.
Très intéressant comme mémoire.
Il y a un point que vous avez touché qui va
toucher M. et Mme Tout-le-monde, je crois. On parle depuis ce matin de
bien-être végétal. On parle, à ce moment-là, de la production végétale, du
maraîcher, des fraises. Il y a un point que
vous avez mis dans votre mémoire, vous êtes les premiers à nous en
parler : le bien-être animal. Le risque, vous avez parlé également à la page 5, je crois,
de votre mémoire des impacts économiques, sociaux également qu'une grève
ou un lock-out pourrait amener, puis vous
m'avez allumé une lumière : Qu'est-ce qu'il arrive des animaux en cas de
grève, de lock-out?
Est-ce que
c'est des choses que vous vouliez mentionner par rapport à l'article 5?
Parce qu'on parle beaucoup du maraîcher, des fraises, et vous avez
soulevé tantôt, là... Que ce soient des productions porcines, productions de boeuf, lorsque les employés... que ce soit un lock-out, une
grève, qu'est-ce qui arrive à
ce moment-là? Est-ce que vous vous êtes penchés sur le bien-être
animal? Vous m'avez allumé une lumière tantôt qu'on n'avait pas pensée, je
pense que c'est le but des consultations qu'on tient ici lors des projets
de loi. Puis on a entendu des histoires d'horreur au niveau du bien-être
animal depuis quelques années maintenant, puis, je vais dire, ça touche la
population. Et j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Roy.
M.
Roy (Denis) : Oui. Effectivement, bon, comme vous savez, le mandat de
l'UPA, on représente toutes les productions au Québec, donc autant les
productions animales que végétales. C'est certain que, comme organisation, quand on a fait l'analyse du projet de loi et
l'analyse des impacts, on l'a souligné, il y a des différences entre les
productions végétales ou les... Ça demande
plus de flexibilité dans les horaires, M. Pouliot l'a bien expliqué ce matin.
Par contre, et on l'écrit aussi dans
notre mémoire de façon plus détaillée, en production animale c'est calculé à la
minute. Une vache, si le producteur fait la traite deux fois par jour,
il ne peut pas dire : Bon, bien, ce soir, ça ne me tente pas, ou : Je
n'ai pas d'employé; les vaches, ça va aller
à demain matin. Impensable. De toute façon, ça va amener de la maladie,
ça va amener des problématiques dans le
cheptel. Et en plus, aussi, là, regardez, le lait, il faut que ce soit récolté,
donc il faut que la traite ait lieu. Et donc il faut faire...
Les produits
agricoles, ça fait partie de la mission des producteurs, là, il faut mettre en
valeur tous les fruits, les légumes et
autant tous les... au niveau des oeufs, du lait. Il faut donc récolter sur une
base presque quotidienne. Et on ne
peut pas se permettre le luxe, comme société, de perdre des produits agricoles.
Donc, le but, c'est d'alimenter sainement, avec des produits de qualité
la population d'ici.
Dans quelques
productions, il y a de l'exportation aussi. On l'a vu, par exemple, au niveau
de l'industrie porcine, qu'il y a des
répercussions au niveau du commerce international avec les sanctions en Russie.
Donc, à ce moment-là, il faut
s'assurer que... On a besoin de notre main-d'oeuvre de façon constante. C'est
pour ça que la possibilité de droit de grève
ou de droit de lock-out, pour les entreprises agricoles, là, c'est quelque
chose, je vous dirais, qui est impensable pour nous, parce qu'il faut absolument récolter presque sur une base
quotidienne, là, dans... ou il faut opérer nos fermes sur une base
quotidienne avec toute notre main-d'oeuvre.
Puis
il n'y a pas de main-d'oeuvre qui est là de façon supplémentaire. On l'a vu,
notre infrastructure de gestion, c'est
minimum. C'est des personnes-orchestres qui dirigent les entreprises. Ils font
une partie de l'administration, une partie dans le champ. Ils ont tous
les chapeaux. Ils sont V.P. Finances, V.P. Production, V.P. Marketing, V.P.
Ressources humaines, etc., V.P. Recherche et
développement. C'est tout sur les épaules de la même personne. À ce moment-là,
là, donc, on n'a pas 56 000 personnes
pour faire de la supervision. Donc, les travailleurs sont dans ce qui est le
plus important, c'est de travailler à préparer la production agricole et
voir à la récolte.
• (15 h 20) •
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Huntingdon.
M.
Billette : Autre question. On a parlé beaucoup, lors du groupe qui
vous précédait, à ce moment-là, de la ferme familiale. Eux avaient une
définition de la ferme familiale, c'est lorsqu'il n'y a aucun employé, aucun salarié,
que ce soient uniquement des gens de la famille qui y travaillent.
On
connaît maintenant les familles dans les milieux ruraux. Beaucoup,
premièrement, ont une pénurie de relève, on s'en est parlé très souvent. On en entend parler également, dans le
milieu, les gens qui abandonnent parce que c'est du sept jours-semaine,
à ce moment-là.
Est-ce que vous avez,
vous, une définition d'«entreprise familiale»? Est-ce que c'est la même que
vous avez, pour être une entreprise familiale il ne faut aucun employé, il faut
que ce soient uniquement les enfants? Souvent, ils ont un enfant; on va lui demander de traire les vaches sept
jours-semaine, le matin et le soir. Je pense que maintenant il y a des décisions à prendre qui malheureusement sont
prises au détriment qualité de vie versus entreprise familiale.
J'aimerais ça savoir, vous, c'est quoi, votre définition d'une entreprise
familiale.
M. Lemieux (Pierre) : Bien, au niveau de l'entreprise familiale, ce qu'on dit, ce qu'on
défend, c'est une entreprise dont l'ouvrage
est fait principalement par les membres de la famille, principalement les
tâches au niveau de la gestion, au niveau de toute la partie
responsabilités économiques de l'entreprise, toute la partie administratif,
liens, commerce, vente. C'est sûr qu'au
niveau des employés, on l'a dit, le monde agricole est quand même en évolution,
mais, si on compare les entreprises agricoles, même si elles ont
augmenté la... c'est encore aujourd'hui le propriétaire avec sa famille qui font
la majorité des tâches au niveau des entreprises. Nous, on gravite autour de
cette définition-là.
On
est conscients que, dans certains secteurs, la mécanisation aide à maintenir ce
principe, ce grand principe là. Dans
certaines tâches ou dans certains secteurs d'activité, la mécanisation n'est
pas encore assez avancée, et c'est pour ça que les gens recrutent de la main-d'oeuvre plus occasionnelle pour faire
la cueillette ou la récolte de certains produits.
M. Billette :
On parlait tantôt... On a reçu... C'est un de vos membres, là, effectivement,
qui représentait la fédération des fraises
et framboises du Québec, qui est membre de l'UPA également de facto, qui nous a
mentionné... Puis, je vais vous dire, ça m'a
fait un petit frisson dans le dos, ça m'a rappelé de mauvais souvenirs. Il
dit : Demain matin... Puis je
veux vérifier avec vous si c'est ce qui se passe sur le terrain. Vous êtes avec
vos producteurs, vous le savez. Le jour, qu'il a dit, qu'il y aurait syndicalisation, avec le peu de marge qu'il
aurait, il aurait un choix à faire entre la grande culture où il y aurait lui et son frère qui y travailleraient
versus 125 employés. Moi, je vais vous dire, là, comme législateur,
comme représentant d'une communauté qui est fortement agricole et également au
niveau des maraîchers qui embauchent des
milliers de personnes... Les travailleurs étrangers, chez nous, c'est près de
4 000, dans le comté chez nous, qu'on a. Je vais vous dire, j'ai déjà perdu 800 emplois sur une population
de 2 300, dans Huntingdon, dans le textile. Est-ce que comme élu je peux me permettre, pour la société,
les gens qui vont magasiner à Saint-Rémi, les gens qui consomment également, les travailleurs qui sont là, de
permettre à des fermes qui emploient actuellement 125, 200 personnes,
pour ces raisons-là, de se tourner vers la grande culture ou d'autres cultures
fortement mécanisées et perdre ces emplois-là? Je vais vous dire, on ne s'est pas relevés encore, dans Huntingdon, de la
perte de 800 emplois. Est-ce que je peux me permettre également de dire qu'il y en a qui vont faire des
transformations de leur type de culture et perdre encore des centaines,
voire des milliers d'emplois dans le comté?
J'aimerais savoir si ce
problème-là est réel, les marges sont si faibles que ça, de la part de certains
de vos producteurs, au risque d'avoir un changement de culture mécanisée qui,
en sorte, ferait qu'on aurait beaucoup moins d'emplois
et beaucoup moins de retombées économiques, parce que je ne veux pas revivre ce
qu'on a vécu au niveau du textile dans le comté chez nous. Je pense que
notre secteur économique le plus important, qu'on essaie de relancer, qu'on essaie de soutenir, c'est l'agriculture, et
je ne peux pas permettre ce que j'ai entendu tantôt, de dire : Nous, on
va se tourner vers la grande culture. Parce
que, le message que j'ai entendu ce matin de M. Pouliot, j'entends
exactement le même dans le comté chez nous et je voudrais savoir de
votre part si vous entendez exactement le même message à la grandeur du Québec.
M. Lemieux (Pierre) : C'est sûr que
nous, comme organisation, on veut avoir le plus grand nombre de producteurs
possible puis la plus grande diversification possible des produits agricoles
qu'on est capables de faire pour alimenter notre population. C'est nourrir
notre monde d'abord, puis par la suite si on est capables d'en exporter.
C'est sûr et certain que, si les gens se sentent
pris dans des mécanismes où est-ce que ça
va tellement mettre à
risque le patrimoine familial ou leur investissement, il va se poser des gestes, il va se faire des gestes qui vont probablement faire en sorte qu'ils vont s'en aller dans les secteurs où est-ce qu'ils vont
être capables de protéger plus leur patrimoine, ça peut avoir des conséquences comme vous avez entendu à matin.
Nous, ce n'est pas ce que c'est qu'on souhaite. C'est pour ça qu'on est
assis ici aujourd'hui, là, c'est parce qu'on pense que ce que c'est qui est
déposé est quelque chose d'intéressant pour permettre une continuité du secteur
agricole.
L'autre
élément que je rajouterais : Comme organisation, on est quand même une
organisation responsable, et, avant d'aller chercher les travailleurs
étrangers — parce
que, là, on parle beaucoup de travailleurs étrangers — nous,
on priorise toujours la main-d'oeuvre
québécoise en premier. Puis il y a des principes, il y a une façon de faire
pour arriver, avant d'arriver à avoir des travailleurs étrangers, il y a
des démarches. Les gens sont obligés d'afficher... sont obligés de faire des
démonstrations qu'ils n'ont pas été capables de recruter de la main-d'oeuvre
chez eux.
Ça fait que,
je te dirais, dans certains cas, même si on est dans des secteurs maraîchers,
il y a encore beaucoup de main-d'oeuvre locale parce qu'il y a de la
disponibilité. Nous, comme organisation, on privilégie ces mécanismes-là. On est très, très actifs au comité sectoriel de la
main-d'oeuvre justement pour faire avancer le plus possible nos
entreprises agricoles au niveau de nouvelles
façons de faire, de nouvelles approches au niveau de la gestion des ressources
humaines, pour permettre tout ce que c'est, l'encadrement dynamique, moderne,
dans le fond, qu'on peut essayer de retrouver dans d'autres secteurs ou dans
d'autres entreprises pour nos travailleurs.
M. Billette : Il y a... C'est à moi,
M. le Président? Merci.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Huntingdon.
M. Billette : Il y a un point important
que vous avez mentionné, je pense, qu'il est important de savoir ici au niveau
des législateurs, de la population en général également qui nous écoute, c'est
les responsabilités de la part de l'employeur.
Je pense que vous êtes le premier groupe de nous le soulever depuis ce matin,
les amendes, c'est 100 000 $, mais, au-delà de ça, je pense, ce qu'il est important de savoir, de
reconnaître, à ce moment-là, c'est la survie de l'entreprise également. Si une entreprise, demain matin, traite
mal ses travailleurs et selon les ententes qu'on a de signées, si on
parle pour les travailleurs migrants, et il
y a tous les travailleurs québécois qui vont à la Commission des normes du
travail ou quoi que ce soit, bien, lorsqu'il
y a un grand volume, principalement dans le maraîcher, je pense que les règles
sont assez claires, c'est
100 000 $ d'amende, et l'entreprise est bannie. Si demain matin le
maraîcher n'a plus de travailleur pour cueillir
les légumes, il y a d'autres... la seule solution qu'on entrevoit, c'est soit
la transformation radicale de l'entreprise ou la faillite, communément
appelée, la cessation de nos travaux sur la ferme à ce moment-là. Donc, je
pense, c'est un point important. Puis, lorsque vous parlez des impacts
importants que cette loi-là peut minimiser, je pense que c'est un impact
important puis de reconnaître le côté... la responsabilité des producteurs.
Avez-vous, de votre côté, eu plusieurs plaintes?
Parce que je pense que vous avez un service à l'UPA. Je vais à l'UPA à Saint-Rémi régulièrement, je vais
rencontrer vos gens; il y a des gens en bas qui traitent avec les
travailleurs espagnols et les relations avec les employeurs, et j'aimerais
savoir c'est quoi, votre fonction. Vous avez semblé faire un parallèle, selon ce que je comprends, entre
certains travailleurs et certains producteurs pour s'assurer de
l'arrimage, que ces gens-là soient bien traités. J'aimerais ça connaître, parce
que j'ai vu des gens qui étaient là... juste connaître un petit peu mieux le
travail qu'ils effectuent.
M. Roy
(Denis) : Oui, merci beaucoup. On a indiqué dans notre mémoire tout le
travail qui est déployé par l'UPA et on a
même mis concrètement, sur le plancher des vaches, comment ça se traduit. On a
12 bureaux, 12 bureaux régionaux, même 14 points de
service à travers le Québec, et chacun des points de service a ce qu'on appelle
un centre d'emploi agricole qui est supporté
par Emploi-Québec pour aider les employeurs agricoles à recruter de la
main-d'oeuvre locale auprès des communautés qui sont proches. Et aussi, à
Montréal, on a un bureau qui est supervisé par Agricarrières qui est le comité sectoriel, ça s'appelle Agrijob, pour
recruter tous les travailleurs intéressés par l'agriculture qui sont à Montréal, donc des gens de Montréal qui
veulent aller travailler dans la couronne alentour de Montréal. Donc, un
producteur agricole, par exemple, de votre comté, à Huntingdon, va appeler au
bureau de l'UPA à Saint-Rémi pour dire :
Bon, bien est-ce qu'il y a moyen que j'aie des travailleurs, j'aurais besoin de
tant de travailleurs pour telle date à telle date?, et à ce moment-là le
lien se fait avec le centre de recrutement qui est à Montréal. Les travailleurs
se présentent au métro Longueuil à chaque matin, il y a des transports qui sont
organisés. La moitié du transport est financée par le ministère de l'Agriculture, Pêcheries et
Alimentation pour aider. C'est une des rares mesures du MAPAQ pour
supporter, là, au niveau des ressources humaines dans le secteur horticole,
donc favoriser le plus possible les travailleurs locaux d'aller travailler sur
les fermes.
Et c'est certain que
l'UPA, on est en contact constant avec la Commission des normes du travail, la Commission
des droits de la personne, la CSST, le ministère du Travail, le ministère de
l'Éducation, Enseignement supérieur, Emploi-Québec, le ministère de
l'Immigration, Développement et Inclusion. On était...
• (15 h 30) •
Une voix :
...
M. Roy
(Denis) : Le MIDI, oui, excusez, avec l'ancien MICC. Donc, on est en
relation constante avec ces ministères-là
pour être capables de relayer comme il faut les bonnes pratiques. Puis, avec
Agricarrières, le comité sectoriel, on sensibilise le plus possible les
employeurs agricoles à nos meilleures pratiques pour retenir, faire la
rétention des travailleurs sur les fermes.
Ça fait qu'à ce moment-là c'est des choses qu'on s'emploie, là, de façon
quotidienne, à mieux sensibiliser,
mieux former les employeurs à comment composer avec la main-d'oeuvre, parce
que, la main-d'oeuvre, les producteurs agricoles, on en a parlé au cours
de la... on en a entendu parler au cours de la commission parlementaire, deviennent de plus en plus des employeurs. Avant,
c'était juste une affaire de famille. Les familles deviennent de moins
en moins grandes, donc on est obligé d'embaucher pour donner un coup de main.
Et on travaille en collaboration avec les différents organismes gouvernementaux
pour faire connaître les obligations des employeurs, leur faire respecter...
On les sensibilise
aussi en leur disant : Si vous ne respectez les normes du travail, vous
êtes condamnés... Ça, c'est le MIDI qui
administre ce programme-là. Donc, si un employeur se présente, dit :
J'aimerais avoir... fait une demande de
travailleurs étrangers temporaires, une des fonctions du MIDI, les agents du
MIDI vont regarder : Est-ce qu'il est sur la liste des employeurs fautifs, qui ont fait une
faute et qui ont été reconnus coupables par rapport à une des lois du
travail? Et, si c'est le cas, il n'aura pas accès à cette main-d'oeuvre-là.
Et
le fédéral a le pendant aussi de ce type de vérification là, si jamais les
employeurs étaient... — mais ce n'est pas le
cas, là — s'il y a
des employeurs qui sont visés par le fédéral, donc... Et le fédéral fait aussi
des validations de tout ce qui se
fait, là, tous les engagements qu'un employeur doit faire. On l'a mis en annexe
de notre mémoire, troisième annexe, il y a 23 engagements qu'un
employeur doit faire. Vous prendrez la peine d'y jeter un coup d'oeil. Je ne
suis pas sûr qu'il y a beaucoup d'employeurs
au Québec qui sont prêts à aller s'engager, signer en bas de la feuille puis
d'être certains que, dans les quatre
prochaines années, il y a un agent du gouvernement fédéral qui va débarquer sur
votre ferme pour aller vérifier ça,
puis ils vont aller six ans en arrière pour s'assurer que, si vous avez demandé
des travailleurs, ils ont vraiment été utilisés
à la fin qu'ils ont été demandés, ils ont été payés convenablement, selon les
barèmes qui sont prévus au programme, et si toutes les normes ont été
respectées.
M. Billette :
Je suis content d'entendre ça, parce que souvent on voit ces personnes-là, je
les vois lorsque je vais à Saint-Rémi, puis
il y en a de toutes les langues et de toutes les nationalités. Mais je
comprends maintenant que c'est un
service qui semble bien occupé, donc, les gens se préoccupent. Les gens ne sont
pas laissés seuls, lorsqu'ils sont sur une ferme, ils ont des services
que vous pouvez leur offrir, à ce moment-là, si l'employeur... Et encore plus
loin vous avez une autodiscipline de la part
des producteurs, que vous leur demandez. S'ils ne respectent pas ça, ils n'en
ont plus, de travailleurs, à ce
moment-là, étrangers... ou même des gens de Montréal, par votre service, que
vous allez chercher. Donc, c'est intéressant à savoir, ça.
J'ai une petite
question, ma dernière. J'ai posé exactement la même à vos fédérations. Il y a
un jugement qui a été rendu le
11 mars 2013 par la Cour supérieure, vous en avez été probablement
informés. Plusieurs producteurs dans le comté chez nous m'ont interpellé comme élu, comme représentant de la
population, de ces citoyens-là de la circonscription de Huntingdon. Rendus au 11 mars 2014,
c'est... On vous a entendus seulement à ce moment-là. J'aimerais savoir,
pendant l'année, où vous vous êtes situés, où vous étiez, parce que les gens
nous interpellaient — j'ai
posé exactement la même question à l'AJMQ, et ça a sorti en pleine campagne
électorale à ce moment-là — s'il
y a des démarches qui avaient été faites
auprès du gouvernement au préalable, parce qu'on s'est ramassé en pleine
période électorale, et il y avait, à ce
moment-là... et vous avez une position qui est claire, qui est tranchée, qu'on
voit très bien dans votre mémoire, savoir où vous étiez. Aviez-vous fait des représentations durant cette année-là?
Parce qu'il y avait un an, au sens du jugement, pour pouvoir légiférer
en ce sens.
M. Roy
(Denis) : Oui, effectivement, on a fait de nombreuses représentations.
On en a fait en collaboration notamment avec des associations qui ont présenté
ce matin, l'Union des producteurs agricoles est intervenue auprès du ministre du Travail à l'époque aussi pour faire
les représentations. On tient notre congrès annuel au mois de décembre, donc tout de suite, là, le congrès qui a suivi le
jugement, en décembre dernier, une résolution a été prise en demandant
au gouvernement du Québec, au ministère du
Travail de maintenir en place un régime particulier pour les petites
fermes. C'est pour ça qu'on apprécie, là, le
projet de loi qui a été présenté, ça cadre exactement avec la position qui a
été adoptée au dernier congrès de
l'UPA en la matière. Et, compte tenu des délais, c'est certain que l'UPA, on a profité de la campagne électorale pour
faire nos représentations et sensibiliser chacun des partis sur la situation, et
on a reçu une très bonne écoute de l'ensemble des partis lors de la dernière campagne
électorale.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci, M. Roy. Alors, il reste deux minutes. M.
le député de Pontiac.
M. Fortin
(Pontiac) : Merci. On va
tenter de faire ça rapidement, mais je veux commencer par une... Félicitations
aux gens de l'UPA pour leur événement portes ouvertes qui a eu lieu ce
week-end! C'est un concept qui fonctionne bien depuis nombre d'années, mais, chez nous,
l'UPA des Collines a pris une nouvelle approche qui a très bien
fonctionné. Eux, ce qu'ils ont fait, c'est
qu'ils ont fait La ferme en ville, et ça a été un concept très réussi, là, qui
a permis à plusieurs jeunes familles
d'avoir un premier contact. Alors, peut-être qu'on a identifié une relève
agricole éventuelle comme ça.
Mais on a beaucoup parlé aujourd'hui, jusqu'à
maintenant, de compétitivité avec l'Ontario. On l'a entendu ce matin, un petit peu tantôt. Et moi, je suis
député d'une région frontalière, donc ça me préoccupe toujours un petit
peu davantage. Et là où je suis inquiet, c'est qu'au cours des
10 dernières années il y a eu une diminution des parts de recettes — on parlait du maraîcher ce matin, là — d'environ 1,5 % par année, et ça, ça
s'est traduit en 3,3 millions de masse salariale perdus pour le
Québec.
Alors, on a entendu
ce qui arriverait sans ce projet de loi là, on a entendu le scénario de
l'Association des producteurs de fraises et de framboises ce matin, mais
voyez-vous une opportunité, vous, avec ce projet de loi là, avec d'autres
mesures, de renverser cette tendance-là, d'accroître notre production, de
combler cet écart-là?
Le
Président (M. Cousineau) : Le temps se termine, le temps alloué
pour le premier groupe, mais vous aurez quand même le loisir de
répondre. Je passe la parole maintenant au député de Berthier. M. le député de
Berthier.
M. Villeneuve : Oui, merci,
M. le Président.
Le Président (M. Cousineau) :
Pour 15 minutes.
M.
Villeneuve : Merci beaucoup. Bonjour, messieurs. Vous avez
parlé tantôt du contrat qui est accepté par le propriétaire de ferme agricole. Est-ce que c'est l'annexe 2,
Immigration et Communautés culturelles Québec? Est-ce que c'est de
celui-là dont vous parlez, qui est rempli... qui est répondu par le
propriétaire, l'agriculteur?
M. Roy
(Denis) : Vous l'avez à
l'annexe 1 et l'annexe 2, deux contrats différents. L'annexe 1,
c'est le contrat qui vise les
travailleurs mexicains, et l'annexe 2, c'est le contrat qui vise les
travailleurs du Guatemala, parce qu'ils sont issus de deux programmes
fédéraux différents. Et ces contrats-là sont traduits en espagnol, sont
disponibles en espagnol, les deux contrats.
L'annexe 3, voulez-vous que je la présente
un petit peu?
M. Villeneuve : Bien, juste
me dire, finalement, là... En fait, M. le Président...
M. Roy
(Denis) : Dans le fond... Parce que, vous savez, quand on
imprime... L'annexe 3, attendez un petit peu, j'arrive ici.
M. Villeneuve : M. le
Président, si vous me permettez, ma question est fort simple, peu importe
l'annexe. Vous pourrez le dire effectivement,
l'annexe 3, ce à quoi elle correspond, mais, moi, ma question,
c'est : Dans les trois cas, est-ce
que c'est des... est-ce qu'il y a des négociations, est-ce qu'il y a des
représentations, à tout le moins, qui sont faites pour en arriver à un document final? Dans les
trois cas, est-ce qu'il y a un organisme quelconque au Québec, exemple l'UPA, qui représente les agriculteurs... Est-ce
qu'il y a un organisme qui va faire des représentations, qui va être
consulté avant que le document comme tel, finalement, soit soumis pour
approbation ou pour officialisation?
M. Roy (Denis) : Pour
l'annexe 1, c'est un contrat qui est négocié entre le gouvernement
canadien et le gouvernement mexicain. Le
Conseil canadien de l'horticulture, donc un organisme auquel est affilié les
organisations agricoles provinciales, donc,
qui représente au niveau canadien, donc, les producteurs agricoles, les
producteurs horticoles, font valoir
leurs commentaires au gouvernement canadien, mais le gouvernement canadien est
souverain quand même pour convenir de la question.
Sur la
deuxième annexe, c'est une version qui a été... Donc, Immigration et
Communautés culturelles, c'est l'ancien nom du ministère. Donc, ça a été
développé par le ministère en collaboration principalement avec la Commission
des normes du travail. À la première mouture
de ce document-là, l'Union des producteurs agricoles a fait des
observations aux deux organismes, soit au MIDI et à la Commission des normes du
travail, afin de bonifier, parce qu'on laissait sous-entendre aux travailleurs qu'ils pouvaient avoir droit à du temps
et demi alors que c'est une exception, là, au niveau des normes du
travail, pour les travailleurs agricoles, que la semaine de travail de
40 heures, comme dans d'autres secteurs, là... Ce n'est pas dans tous les
secteurs que ça s'applique. Ça fait que le document a été modifié.
L'annexe 3, ça, c'est la demande que
l'employeur doit signer auprès du gouvernement
fédéral, mais ça s'achemine
aussi au gouvernement provincial parce que, quand on demande des travailleurs
étrangers temporaires, c'est une décision
conjointe en vertu de l'accord Canada-Québec sur l'immigration. Donc, dans un premier temps, le MIDI donne son acceptation. Par la
suite, c'est le fédéral qui donne son acceptation, et là ce document-là est
pleinement imposé, de façon, je vous dirais, unilatérale par le gouvernement
fédéral. Et ça, ça concerne les obligations, les engagements que les employeurs
font à l'égard des travailleurs étrangers qu'ils demandent.
• (15 h 40) •
M.
Villeneuve : Merci
pour la réponse. Mais ce que j'en comprends aussi, c'est qu'en quelque part les
employeurs ont quand même
fait quelques représentations, soit par des associations ou eux-mêmes, parce
qu'on ne peut pas non plus dire : Bien, je vais signer, oui. Il y a
quand même aussi une histoire, hein, qui s'inscrit, finalement, dans ce
contrat-là ou dans ces contrats-là. Mais merci pour la réponse.
Maintenant, je vous
amènerais, si vous voulez bien, à la page 12 de votre mémoire. Et ce matin
on en a parlé, j'ai posé la question à
plusieurs représentants d'organisme, et vous le dites ici, et je suis... En
fait, vous savez qu'on a eu votre document un peu avant, là, les... je
pense, avant midi, là. Et vous dites, donc, au deuxième paragraphe, en haut de page, que tels les... Bien, en fait, je vais
lire la phrase au complet, c'est plus simple, là : «Cette fragilité des
êtres vivants doit absolument être
prise en compte dans le Code du travail, car des mécanismes tels les grèves,
lock-out et moyens de pression ne
peuvent, de façon réaliste, s'appliquer...» Sinon, il y aurait des... ça
pourrait être désastreux, là, sur le plan économique et social.
Ici, on a
avancé l'idée d'une association accréditée, parce qu'on sait que dans le projet
de loi c'est «association» tout
simplement, l'idée d'association accréditée. On a avancé l'idée : Pas de
droit de grève, pas de lock-out, pas de moyen de pression, mais une
association accréditée quand même.
Vous vous situez où par rapport à cette idée-là,
cette hypothèse-là d'une association accréditée qui pourrait être... se retrouver dans le projet de
loi n° 8? Est-ce que... À part, évidemment, les éléments que vous
dites et qu'on a dits ce matin — c'est un pur hasard, comme je vous dis, on a
eu votre document avant midi puis on avait déjà amené l'idée avant — comment
vous vous situez par rapport... En tout cas, moi, je le lis puis je me dis que,
bon, il y a peut-être une ouverture de votre
part à ce sujet-là. On a vu qu'il y avait des intervenants qui avaient quand
même une ouverture par rapport à cette hypothèse-là.
M. Roy (Denis) : Bien, où on se
situe... Bon, s'il y a des améliorations à apporter au projet de loi, on est...
un projet de loi peut toujours être bonifié,
amélioré. Je pense que les principales préoccupations qu'on a, il y a par
rapport... Le droit de grève, le droit de
lock-out, moyens de pression, on a des hautes préoccupations, c'est certain.
Comme on l'a signalé ce matin aussi,
on cherche une simplicité de gestion. D'alourdir les... Je vous dirais que,
comme organisation, on ne cherche pas
d'aller négocier des conventions collectives, d'embarquer dans des procédures
de grief, etc. Donc, toute la lourdeur qui vient, pour nous, là, ça ne nous habille pas, comme secteur, parce que
c'est des petites fermes qui sont visées ici, donc on n'a pas
l'infrastructure ou le niveau de gestion pour être en mesure de composer.
Mais, s'il y
avait une question... En même temps, si ça a besoin d'être précisé, qu'il y
aurait une seule association pour représenter les travailleurs d'une
entreprise, on serait certainement confortables avec une proposition de ce genre-là,
parce que je pense que, sur une entreprise, on a vu, là, qu'il peut y avoir des
travailleurs... Si tu as 50 ou 75 travailleurs étrangers... ou en tout cas
travailleurs saisonniers, là, peu importe leur origine, sur une ferme, que l'employeur pourrait avoir des... il ne sera
certainement pas intéressé à composer avec six ou sept associations
différentes puis de recevoir des
représentations à gauche puis à droite. Ça fait que là-dessus on est... D'avoir
des choses pratiques pour qu'on soit
capables de travailler efficacement, d'avoir des bonnes communications avec nos
travailleurs, c'est des choses qu'on va regarder, on n'a pas de problème
avec ça, là.
Le
Président (M. St-Denis) : Merci. Merci, M. Roy. Alors, nous
allons poursuivre avec le député de Rimouski.
M. LeBel : Moi, ce qui me frappe,
depuis ce matin, puis j'ai eu un flash tantôt — le député de Huntingdon va être d'accord avec moi : Le problème,
c'est la météo, puis la météo, c'est de compétence fédérale. Encore la faute
du fédéral, encore une fois. Ça m'impressionne à chaque fois.
Mais, sérieusement, bonjour, tout le monde. Je
reviens un peu sur ce que mon collègue disait. Dans le fond, le fond de la question, c'est que le projet de loi
empêche les travailleurs de s'organiser dans une vraie association
accréditée, qui est capable de défendre puis de négocier. Vous êtes une
association accréditée, vous savez ce que ça veut dire. Et c'est ça, le coeur
de l'affaire.
Ce qui me
fatigue aussi, c'est qu'on revient souvent sur la bonne foi des producteurs,
qui vont agir en bons pères de famille.
Puis ça, je suis d'accord, j'y crois aussi. Je les connais, les producteurs,
puis effectivement c'est des... puis ce matin on l'a vu, c'est des gens qui agissent en bons pères de famille. Mais on
met le travailleur toujours comme le délinquant qui risque de tout faire
déraper. C'est ce bout-là qui me fatigue le plus.
Est-ce qu'on
peut aussi présumer de la bonne foi des travailleurs, qui ne voudront pas faire
souffrir les animaux, qui ne voudront
pas mettre en péril les entreprises parce que c'est leur travail? Est-ce qu'on
peut faire en sorte de présumer de la bonne
foi du travailleur puis de ne pas toujours le mettre comme : Le
travailleur égale menace? C'est à cause du travailleur si les fruits
puis les légumes ne sont pas à Costco, c'est à cause du travailleur si on...
Est-ce qu'on peut sortir de ce raisonnement-là et trouver un compromis qui va
faire en sorte...
Comme on est
au Québec puis que c'est des acquis importants, on doit permettre aux
travailleurs de pouvoir se syndiquer.
Ça, je pense, c'est important. Est-ce qu'on peut trouver le compromis — puis j'ai compris que vous êtes
capable de travailler avec nous
là-dessus — pour
s'assurer d'avoir des associations accréditées, qu'on permette aux
travailleurs de s'organiser syndicalement
tout en s'assurant qu'on ne mette pas en péril un secteur économique qui a
effectivement ses particularités par rapport au droit de grève, par rapport...
Est-ce qu'on pourrait arriver à ce compromis-là? Ce matin, j'ai compris par les gens qui sont venus qu'il y a
peut-être de la place pour trouver ce genre de contrat social, pour préserver
l'acquis social de protéger nos travailleurs et leur permettre de se syndiquer
en association accréditée comme vous mais en protégeant nos entreprises. Est-ce
qu'on est capables de travailler un compromis autour de ça?
Le Président (M. St-Denis) :
M. Roy.
M. Roy
(Denis) : Bien, on revient à la même chose que je venais de répondre,
là, que ça nous prend un environnement dans lequel on va travailler qui va être
compétitif, qui va être réaliste pour le genre d'entreprise qu'on a. Et puis je pense que
la... Je n'ai pas vu de mauvaise foi nulle part. Je pense que, dans le projet
de loi, il est fait mention de la
bonne foi de l'employeur dans ses relations, donc l'employeur a l'obligation
d'agir de bonne foi, et je ne pense pas qu'il y ait aucun employeur qui doute de la bonne foi de leurs
travailleurs. Les témoignages qu'on a vus, tout le monde a trouvé les
travailleurs très dévoués, dédiés aux entreprises puis qui collent à la
réalité.
Et
ce n'est pas seulement que pour les travailleurs étrangers temporaires, on l'a
aussi pour les travailleurs locaux. D'ailleurs, on a apporté quelques
exemplaires de La Terre de chez nous de cette semaine, et ce n'était pas
prévu, mais la première page, la une, c'est Des
travailleurs venus d'ici. Ça fait que ça fait changement, de voir des
articles, là, qui traitent des travailleurs d'ici. C'est des gens de
Montréal qui prennent l'autobus au métro Henri-Bourassa à tous les matins puis
qui vont travailler à Mirabel.
Ça fait que c'est des
gens de bonne foi, et je pense qu'on est là pour travailler de bonne foi, pour
trouver des solutions à ce que les relations de travail soient harmonieuses et
que les entreprises agricoles puissent atteindre leurs objectifs économiques.
Le Président (M.
St-Denis) : Merci. M. le député de Rimouski.
M.
LeBel : Je comprends, puis
c'est pour ça que je prends la balle au bond. Je pense que vous voulez
trouver le compromis, vous croyez à
la bonne foi de tout le monde, mais, dans le projet de loi, ce qu'on voit,
c'est que c'est à sens unique. Un travailleur qui n'est pas heureux, qui a quelque problème, il parle au producteur, il parle ou il
écrit une lettre, et ensuite il n'y a pas de
suivi. Tout ce que... L'obligation, c'est d'écouter ou de lire la lettre. C'est ce bout-là
qu'il manque quelque chose, là, parce que
c'est à sens unique. Si on juge de la bonne foi de tout le monde, il faut que les deux aient un pouvoir de négocier, de se
parler, de se parler de leurs problèmes, puis de se faire représenter, puis de
s'organiser. C'est ce bout-là qui manque. Est-ce qu'on est capables de trouver
la solution?
• (15 h 50) •
M. Roy (Denis) : Bien, en tout cas, moi, ce n'est pas de la façon que j'interprète
le projet de loi, là. Ce n'est pas une fois que les observations sont formulées que ça
finit là, là, l'employeur est obligé de faire quelque chose avec ces...
en tout cas, moi, de la façon que j'ai lu le projet de loi, parce que,
s'il n'agit pas de bonne foi par
rapport aux obligations qui
lui sont formulées...
Puis
ce n'est pas le travailleur qui va aller voir son employeur pour faire des
représentations, c'est une association. Donc, c'est un groupe, c'est une personne... Une association qui va aller voir un employeur, donc, c'est quelqu'un qui est mandaté, tu as un mandat
d'aller rencontrer le patron pour dire : Patron, il y a un problème, on
veut discuter de ça.
Si
le patron n'écoute pas, n'agit pas, alors il aura à faire... Je crois que le
fardeau de la preuve, il va se ramasser à la Commission des relations de
travail, et l'employeur devra faire la preuve de sa bonne foi à l'effet que...
il aura à faire la démonstration devant la Commission des relations de travail
à l'effet que peut-être que les... Mettons que... S'il n'y avait pas donné suite, puis ça se ramasse devant la commission,
il aura à faire la démonstration comme quoi que la demande n'est pas appropriée, ce n'est pas
justifié, ça ne reflète pas ce qui se fait dans le secteur. Le fardeau de la
preuve va se ramasser sur les épaules de
l'employeur, de la façon que le projet
de loi est rédigé actuellement. Et, si jamais il y avait une condamnation, si par
ailleurs ce producteur-là avait une réprimande de la Commission des relations
de travail, est-ce que ça aurait un effet sur son accès aux travailleurs étrangers étrangers temporaires? Pour nous, là, ça fait partie de la
réalité qui est possible avec ce projet de loi là.
Le Président (M.
St-Denis) : Il vous reste 1 min 20 s. Est-ce que vous
avez... M. le député de Berthier.
M.
Villeneuve : Merci, M. le Président. Écoutez, toujours à la page 12 de votre mémoire,
vous dites : «Pour des raisons
évidentes — pour
des raisons évidentes — il
n'y a pas eu de mouvement notable de syndicalisation du secteur
agricole.» Pardonnez ma naïveté, mais je suis plutôt néophyte, là, dans le
domaine. Pouvez-vous me préciser quelles sont ces raisons évidentes?
M. Roy (Denis) : C'est beaucoup, là, pour la question de la taille des entreprises.
95 % des entreprises
agricoles du Québec sont des fermes
familiales. On en a parlé, le Code du travail arrive à 50 ans, ça fait
50 ans que les entreprises qui ont
plus de trois travailleurs à l'année ont le droit de se syndiquer. Combien
qu'on en a, là? On a trouvé 21 conventions collectives qui touchent 774... Ça fait que, pour nous, c'est ça, il n'y
a pas eu de mouvement syndical, là. C'est justement, là... Les gens ne
font pas juste dire : On va être de bonne foi, on va agir de bonne foi,
là, je pense que les gens le font, travaillent de façon quotidienne. Nos
employés, là, souvent, là, ça devient... On parle des fermes familiales, là;
les employés font presque partie de la
famille. C'est des gens qui sont là six jours, sept jours par semaine, matin,
soir, donc, et ils travaillent dans des milieux ruraux. Donc, on a tout
avantage... Les producteurs agricoles, ils n'ont pas le luxe de perdre un
employé, encore moins le luxe de perdre un employé qui vient à tous les jours
pour l'aider à atteindre son objectif, à réaliser sa mission qui est de nourrir
ses concitoyens. Ça fait qu'on ne sent pas qu'il y a de tension dans le milieu
des entreprises agricoles pour faire en sorte que les gens sont portés d'aller
se syndiquer de façon spontanée.
Le Président (M.
St-Denis) : Merci. C'est terminé, c'est terminé.
M. Lemieux (Pierre) :
...j'aimerais quand même rajouter à la réponse.
Le
Président (M. St-Denis) : Peut-être que madame... C'est parce que, là,
je vais transmettre la parole à Mme la députée
de Mirabel pour une période de 10 minutes, et puis, en début, si vous permettez
à M. Lemieux de compléter...
Mme
D'Amours : Oui, j'aimerais bien que M. Lemieux intervienne, oui,
s'il vous plaît, M. le Président.
Le Président (M.
St-Denis) : Alors, allez-y, M. Lemieux.
M. Lemieux (Pierre) : Bien, moi, je voudrais quand même dire que, pour nous autres, le projet
de loi n° 8, on l'a affirmé en partant, il était correct.
Aller plus loin... On a quand même un historique de travail, au Québec, entre
les producteurs puis nos travailleurs. Ce
n'est pas d'hier, là, qu'il y a des travailleurs agricoles. Y a-tu eu des
plaintes tant que ça? Y a-tu eu des abus qui ont été dénoncés? Il n'y en
a pas eu parce que les gens, on vous l'a dit, tout est basé sur la relation
d'affaires, économique, puis une protection du patrimoine. Les entreprises, les
employés font partie de notre patrimoine, ça
fait qu'on a avantage à avoir une relation de travail qui est harmonieuse déjà
en partant. Les gens qui font le choix
d'aller dans des productions où est-ce que c'est, oui, durant une période de
l'année, parce qu'on parle de certains secteurs
d'activité où est-ce que c'est plus présent que d'autres, bien ils font le
choix de prendre des risques en fonction des travailleurs occasionnels qu'ils ont, ça devient un actif de l'entreprise
qu'il faut qu'ils traitent équitablement, convenablement, tout en étant
capables de réussir. Moi, je pense que le projet de loi n° 8, c'est
ce que c'est qu'il permet de faire, une continuité des bonnes relations qu'il y
a toujours eu dans le monde agricole avec les employés, avec les travailleurs,
puis au niveau familial.
Ça
fait que je trouve que ça tourne beaucoup autour des travailleurs étrangers
temporaires. Ces gens-là, il y a des gouvernements
qui les protègent de par les lois puis il n'y a pas personne qui les oblige à
venir. Leurs gouvernements les informent des contrats et des conditions
avant de partir, il n'y a pas personne qui les oblige à venir. Ce n'est pas moi
qui vais les chercher, ce n'est pas moi qui
leur tords le bras pour embarquer dans l'avion pour s'en venir, c'est eux
autres qui font le choix, à partir de
l'information qu'ils ont eue de leur gouvernement, pour faire le choix de venir
travailler au Québec.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Merci, M. le Président. On va continuer sur le côté économie.
M. Lemieux, j'aimerais ça vous entendre. Un salarié agricole étranger,
dont vous venez tout juste, là, de parler qu'il y a une entente avec les gouvernements, combien, selon vous, la portion de leur salaire, est envoyé dans
l'autre pays, dans leur pays d'origine?
M. Lemieux (Pierre) : Je ne suis pas capable de vous répondre d'une façon précise, mais c'est
sûrement un assez bon montant, un assez bon pourcentage
qui est retourné dans leur pays. Je ne sais pas si tu as des statistiques,
Denis, là-dessus, toi.
Mme
D'Amours : Donc, ça veut dire que l'économie dont on crée de l'emploi,
il y a une partie qui reste au Québec, mais il y a une majeure partie qui s'en
va dans l'autre pays.
Est-ce que
vous pouvez me dire si ça existe encore où les salariés qui venaient ici, ils
avaient un avantage que nous, on a
ici, là, le congé parental? Moi, j'aimerais savoir si c'est encore effectif, si
le travailleur saisonnier étranger qui venait travailler ici, et que sa
femme était enceinte et qu'elle accouchait pendant qu'il était ici... s'il
avait droit à son congé parental. Il l'avait à l'époque. Est-ce que c'est toujours
effectif maintenant?
M. Roy (Denis) : Je sais que ça a été remis en question,
mais, à ma connaissance, c'est toujours en place. Donc, c'est parce
qu'il cumule...
Mme
D'Amours : Donc, c'est un avantage.
M. Roy (Denis) : Oui. Il cumule du temps. Il paie, il paie des contributions, il paie
des contributions à l'assurance-emploi.
Il n'a pas droit à l'assurance-emploi, mais il y a une partie du régime... Il
va payer aussi le régime d'assurance parentale,
ça fait qu'il va y avoir droit, même si la naissance a lieu à l'extérieur.
Donc, il y a des travailleurs qui quittent même en pleine saison parce
qu'ils ont le droit de prendre leur congé.
Ça
fait que ces travailleurs-là, là, ils ont exactement le même traitement que les
travailleurs canadiens, que les travailleurs
québécois, et ils sont soumis aux normes du travail et même... Dans le fond,
ils ont le meilleur de trois conditions, soit les normes du travail de
la province, les normes du programme... Je peux vous donner, par exemple, les frais de logement. Les normes du
Québec font en sorte que les travailleurs peuvent payer jusqu'à 46 $
par semaine pour le logement, tandis que le
gouvernement fédéral, dans le programme, le limite à 30 $ par semaine.
Donc, tu as un avantage. Et le troisième,
donc, des... Ou, si les conditions sur la ferme ou... l'entreprise dans
laquelle le travailleur est à l'emploi a des conditions meilleures que
le programme ou les normes, c'est les conditions dans l'entreprise qui
s'appliquent. Ça fait que c'est sur cette base-là que les ententes ou les
programmes sont conçus.
M. Lemieux (Pierre) : Et, dans votre premier... Tantôt, vous avez posé votre première
question par rapport au pourcentage
d'argent qui peut aller dans... retourner dans le pays. C'est pour ça que,
nous, je vous disais... que je vous expliquais
le rôle de l'union de travailler toujours pour favoriser la main-d'oeuvre
québécoise, si elle est disponible, dans un premier temps. On fait un effort considérable pour ça, justement, parce
qu'on sait que l'agriculture, elle est supportée par la population
québécoise, ça fait qu'en retour je pense que c'est normal que nous, on offre
en premier l'ouvrage aux Québécois. Mais on
ne peut pas aller les chercher puis les amener de force, mais on leur offre,
puis on essaie de les avoir, puis on essaie d'améliorer nos conditions
puis de s'adapter le plus possible pour répondre quand même au volet agricole
et les demandes des travailleurs.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme la députée.
Mme D'Amours : Je vais finir avec l'économie.
Est-ce que vous, vous êtes d'accord avec moi de dire que, lorsque
le travailleur fait son rapport d'impôt, parce qu'il a une femme et
qu'il a des enfants, il y a un retour d'impôt qui s'en va aussi directement
dans son compte de banque ici, à Québec, mais qui peut être retiré dans son
pays?
M. Roy (Denis) : Bien, il est soumis
aux mêmes règles fiscales que n'importe quel travailleur. Donc, à ce moment-là,
il a droit aux mêmes déductions, s'il peut faire des déductions pour les
personnes à charge. Donc, c'est le même type de rapport d'impôt.
Mais, compte tenu que souvent ils vont venir pour à peu près huit semaines, les
niveaux d'imposition sont très, très, très
faibles. Donc, les salaires ne sont pas élevés et... le temps de travail étant
limité, donc, mettons que c'est très minimum au niveau de l'impôt.
Et, s'il y a des déductions qui ont été faites
en trop, bien, naturellement, il va recevoir... On ne reçoit pas un... On
reçoit un remboursement parce que c'est des sommes qu'on a payées, là, qu'on a
avancées, hein? Ça fait que, s'il y a droit, il va les retirer.
• (16 heures) •
Mme D'Amours : Et, au niveau de l'économie,
c'est retourné quand même dans leur pays. Ce n'est pas ici qu'ils vont le
dépenser.
Est-ce que
vous avez déjà analysé si c'est une situation
qui est temporaire, l'embauche de travailleurs étrangers, ou si cette situation va être permanente
dans l'avenir? Est-ce que vous avez déjà fait l'évaluation de ça? Parce qu'il y a des fermes
qu'il y a encore, oui, une relève, mais il y en a beaucoup
aussi qui n'ont pas de relève... ou soit qu'ils ont des gens qui sont de
la relève et que leur enfant est trop petit pour travailler, donc ils sont
obligés d'embaucher des gens, un, deux employés,
trois employés à temps... permanents. Est-ce
que vous prévoyez cette situation-là
permanente dans l'avenir?
M. Lemieux
(Pierre) : Bien, regardez,
c'est excessivement dur de prédire l'avenir. Si on se base sur le
passé, on voit quand même
une augmentation constante des travailleurs étrangers qui
viennent travailler chez nous. Ça
s'explique par le fait qu'il y a
moins de travailleurs québécois qui
sont disponibles pour faire ces travaux-là, qui veulent faire ces
travaux-là. Historiquement, il y avait
beaucoup de travailleurs, de... mettons, de jeunes étudiants qui étaient sur
les fermes. On les voit moins. Avec
tous les travaux... toutes les opportunités de travail qu'ils ont aujourd'hui
dans le réseau des services, ils sont un petit peu moins disponibles
pour travailler sur les fermes.
Politiquement,
peut-être qu'on pourrait dire aussi : On aimerait ça que ce soient juste
des Québécois, mais malheureusement le contexte démographique va
probablement évoluer vers une continuité de la croissance des travailleurs étrangers, à moins qu'il y ait un
changement au niveau des règles de l'immigration pour permettre à ces
gens-là qui ont le goût de travailler en agriculture de venir au Québec comme
immigrants pour travailler en agriculture. Là, on deviendrait avec des
immigrants qualifiés pour faire un travail agricole.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée, il reste une minute.
Mme
D'Amours : Tout à l'heure, on a parlé de 1 % à 2 % de marge
de profit d'une entreprise qui fait un revenu de 300 000 $ à
500 000 $. Est-ce que, pour vous, c'est comparable à une industrie
qui fait des milliards de dollars, où le mode de syndicalisation, là, pourrait
être bienvenu parce qu'ils arriveraient à payer leurs... Est-ce que vous, vous
pensez que c'est comparable?
M. Lemieux (Pierre) : Regardez, ça
ne se compare pas, une activité agricole primaire, avec une activité de transformation, c'est impossible. La période de
production aller à... Nos productions qui produisent sur une base
régulière, standard, à l'année, sont minimes
par rapport à celles-là qui, dans le fond, ont des conditions qui demandent des
tâches importantes ou de la main-d'oeuvre
importante sur des courtes périodes. Ça fait qu'on ne peut pas comparer
l'exploitation agricole avec d'autres
secteurs d'activité économique où... C'est sûr qu'il y a des secteurs où est-ce
qu'il y a de l'activité à temps partiel, mais ce qui nous différencie
par rapport à l'activité à temps partiel, c'est que nous, on travaille avec des
êtres vivants, comme on a parlé tantôt.
Le
Président (M. Cousineau) : C'est terminé. Alors, merci,
M. Lemieux, merci, M. Roy, pour votre présentation.
Alors, nous allons suspendre quelques instants
pour permettre aux gens de la CSN de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 3)
(Reprise à 16 h 5)
Le Président (M. Cousineau) :
Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux. Je vous invite à vous
présenter et à faire votre exposé. Vous disposez de 10 minutes comme les
autres groupes. Après le 10 minutes, il y aura 50 minutes d'échange
entre les parlementaires.
Alors, vous vous présentez. Je crois que c'est
M. Lortie. Présentez les gens qui sont avec vous, M. Lortie. Et vous
avez 10 minutes.
Confédération
des syndicats nationaux (CSN)
M. Lortie
(Jean) : Alors, bonjour, M. le Président. Merci aux membres de la
commission de recevoir la Confédération des
syndicats nationaux cet après-midi.
Je suis accompagné, à ma droite, d'Éric Lévesque, coordonnateur du Service juridique de la Confédération des syndicats nationaux, et, à ma gauche, de Me Anne Pineau, qui est
adjointe au comité exécutif de la CSN. Et moi-même : Jean Lortie,
secrétaire général de la CSN.
Alors, d'entrée de
jeu, je vous dirais que, pour la CSN, le projet de loi n° 8 n'est pas
un projet de loi qui offre véritablement un droit du travail aux gens qui sont
dans les exploitations agricoles. Et je rappellerais les trois piliers du droit du travail qui sont reconnus à travers
les chartes, les pactes internationaux, les pactes québécois ou
canadiens, les chartes québécoise ou canadienne, on reconnaît trois champs
majeurs : le droit à la syndicalisation, le droit de la négociation, et certains reconnaissent, certains
pactes internationaux — pas encore les décisions de la Cour suprême, on attend
celle de la Saskatchewan dans quelques semaines — le droit à la grève.
Dans le projet de
loi, sur le droit à la syndicalisation, bien on ne reconnaît pas, par ce projet
de loi, le droit à l'accréditation véritable qui permet à une organisation
syndicale d'avoir une existence légale, de pouvoir utiliser le précompte
syndical qui lui permet d'avoir des ressources financières indépendantes au
moment où elle syndique les travailleurs, avoir droit donc à... véritablement
voix au chapitre sur l'accès à une accréditation et une reconnaissance légale. Le projet de loi ne prévoit que le droit
de créer une association. Bien, une association vaut ce que ça vaut,
tandis que dans le Code du travail on reconnaît par l'accréditation une série
de pouvoirs à l'organisation qui reçoit formellement cette accréditation.
Le
droit de négociation, qui est un droit aussi fondamental, la Cour suprême a été
très claire, au Canada, là-dessus, elle
a dit : Le droit de se syndiquer permet le droit de négocier. On n'est pas
associés pour faire une ligue de quilles, on est là pour négocier des
conditions de travail des gens qu'on représente. On a des moyens de le faire.
On a des obligations légales de représenter
les gens, qu'on a comme obligations. Bien, effectivement, le droit de négocier,
on ne le retrouve pas dans le projet de loi. Ce qu'on retrouve, c'est le
droit de présenter des doléances sous une forme qui dit qu'on doit entendre, avec tout ce que ça peut avoir comme
dérives à ce niveau-là, et finalement, bien, de bonne foi on écoute.
Qu'est-ce que sera la bonne foi? Bien, la
Cour suprême, dans Fraser, a dit : On verra bien ce qui va se passer dans
les prochaines années. En d'autres
mots, sur le droit à la négociation, ce projet de loi là, d'ici quelques
années, cinq, 10 ans, on va être à la Cour suprême du Canada à la
contester, en disant : On ne reconnaissait pas véritablement le droit à la
négociation.
Le
droit de grève, j'entends, depuis ce matin, beaucoup de commentaires sur la
question du vivant. Moi, je suis un travailleur de la Fédération du
commerce de la CSN. J'ai représenté des travailleurs dans des champs d'activité
du milieu agricole, des crevettes en Gaspésie en passant par des fermes
avicoles et des couvoirs avicoles dans la région de Lanaudière, des abattoirs d'Olymel sur le territoire de Berthierville,
Abattoirs Z. Billette à Saint-Louis-de-Gonzague. Alors, bref, à travers le Québec, la question du
vivant, c'était notre métier au quotidien. Et, quand les pêcheurs
arrivent en Gaspésie, au mois d'avril, puis débarquent des chargements de
35 000 livres de crevettes, l'organisation du travail est faite pour que, dans les heures qui suivent,
les crevettes sont transformées, sont congelées puis sont envoyées sur
les marchés internationaux. Que ça se passe à Matane ou à Rivière-au-Renard, la
question du vivant, on repassera. Ce que
j'ai entendu, ce n'est pas du tout le cas. L'organisation du travail, quand on
a syndiqué les travailleurs des crevettes ou les syndicats dans les couvoirs et les fermes d'élevage, tout le
travail, par la suite, de négociation de convention collective a permis de faire en sorte de préserver c'était
quoi, le sens de l'entreprise, des conditions de travail décentes et la
survie de l'entreprise pour qu'évidemment les gens gagnent leur vie dans ces
milieux de travail là et puissent y faire carrière et y prendre leur retraite.
Alors, le droit de grève, il est balisé, au Québec, ça ne se fait pas n'importe
comment. On convient de... Il y a des règles, il y a des services, il y a des
mécanismes qui ont été adoptés.
Alors,
moi, je pense que, dans le projet de loi, pour la CSN, la déception que nous
avons, c'est que ça ne réglera pas la
question qu'une tranche complète de travailleuses et de travailleurs au Québec,
qu'ils soient migrants ou québécois d'origine, n'auront pas droit aux
mêmes droits que les autres travailleurs parce qu'on prétend que... Pour des
conditions économiques, on les prive d'un droit fondamental qui est reconnu par
la charte canadienne et la charte québécoise des droits. Je le dis, ça va être
un projet de loi qui, dans quelques années, sera devant les tribunaux.
• (16 h 10) •
Ce qu'on demande
véritablement à ces travailleurs, si je prends un adage, un vieil adage qui
peut faire sourire, c'est qu'on leur
dit : Donne-moi ta montre, je te donnerai l'heure. Et c'est à peu près ce
qu'ils vont avoir dans les conditions
de travail. On ne leur permettra pas
d'obtenir, quel que soit le contrat négocié entre le gouvernement mexicain, guatémaltèque ou, éventuellement,
hondurien... Et, quand on connaît la situation au Honduras des droits de
l'homme, c'est plutôt
inquiétant. Quels que soient les contrats, jamais ces gens-là n'ont voix au chapitre. On leur dit : Voici le contrat que
vous avez négocié au-dessus de vos têtes, et vous n'avez pas le choix.
Moi, je suis un travailleur
de l'hôtellerie à Montréal. J'ai le choix de mes conditions de travail. J'ai un
contrat de travail négocié avec mon
employeur, je le négocie. S'il n'en est pas content, il a des recours. Si je ne
suis pas content, j'ai des recours. Les travailleurs agricoles québécois
n'ont pas du tout ça.
Donc, on les met de côté.
On prétend, pour toutes sortes de considérations économiques : Une petite
ferme québécoise, elle ne pourra pas survivre. C'est curieux. Moi, la question
des portes ouvertes de l'UPA, qui est une initiative qui démontre aux Québécoises
et aux Québécois que la ferme québécoise n'est pas folklorique... On n'est plus
dans Les arpents verts puis chez Séraphin Poudrier. On est sur des
fermes modernes, exploitées par des gens qui sont des investisseurs, des
exploiteurs de produits avec des investissements colossaux pour faire
fonctionner ça. Par contre, ce qu'on dit,
c'est : Mais nos travailleurs n'ont pas droit, eux, à ce que les autres
travailleurs au Québec ont le droit d'avoir, des conditions de travail
négociées, des conditions de travail décentes et le droit de contester ces
conditions de travail là par arbitrage, par arbitrage de convention collective,
par droit de grief. Tout ça est nié à ces gens-là.
Alors,
on n'y trouve pas notre compte et on considère que ce projet de loi là ne
répond pas du tout à ce que... le souhait de
la Cour suprême du Canada. Même dans Fraser, la cour, même divisée, disait que
c'était... il y avait des choses à regarder. Bien, pour nous, à la CSN,
on pense que ce projet de loi devrait être modifié pour permettre une véritable
accréditation, un véritable droit à la
syndicalisation, un véritable droit à la négociation et éventuellement, selon
les règles qui seront déterminées par les parties, l'exercice de moyens
de pression, pour faire en sorte d'avoir des conditions de travail décentes
dans ce secteur aussi stratégique de l'économie québécoise.
Le Président (M.
Cousineau) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Ça
va?
M. Lortie
(Jean) : Pour l'instant, on répondrait aux questions, M. le Président.
Le
Président (M. Cousineau) : Bien, c'est très bien. Alors, nous
allons passer aux périodes de questions. Donc, le premier bloc de
25 minutes, M. le ministre, à vous la parole.
M.
Hamad : Oui. M. Lortie, Mme Pineau,
M. Lévesque, bienvenue. Très intéressant, et vous suscitez pas mal
de questions. Alors, une belle présentation.
Là, vous avez référé
souvent à la Cour suprême, et on va en parler, de la Cour suprême. La Cour
suprême, en passant, là, elle a approuvé, elle a reconnu que... pour la
législation ontarienne, pour la loi qu'ils ont proposée, qui est similaire à
nous, même ils couvrent plus que le droit d'association. Est-ce qu'on s'entend
là-dessus?
M. Lortie
(Jean) : C'était une division cinq à quatre, hein, la décision de la
cour.
M.
Hamad :
Non, non, mais là cinq à quatre... La décision finale...
M. Lortie
(Jean) : Mais, oui, oui, on doit vivre avec cette décision-là.
M.
Hamad :
Parfait.
M. Lortie
(Jean) : Et c'est ce qu'on a devant nous, guère plus.
M.
Hamad :
Donc, il y a une décision qui a reconnu le droit d'association, a reconnu que
la loi de l'Ontario est correcte, constitutionnelle. Êtes-vous d'accord avec
ça? O.K.
Deuxième statistique que je vous demanderais,
juste savoir : Est-ce que c'est possible que le taux de syndicalisation,
dans le secteur agricole, est inférieur à 1 % actuellement?
M. Lortie
(Jean) : Probablement, oui. Comparé aux 40 % de travailleurs
syndiqués québécois, oui.
M.
Hamad : O.K. Est-ce que, dans les exploitations agricoles de
26 employés et plus, le taux de syndicalisation est situé à
2 %? Ça se peut-u?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Lortie.
M. Lortie
(Jean) : Sans doute.
M.
Hamad :
O.K. Les données que nous avons ici, si on inclut les travailleurs saisonniers,
les travailleurs saisonniers étrangers, il y a autour de 100 000. Dans
100 000, il y a 600 employés syndiqués, à peu près.
Comment
ça se fait que... Parce que c'est vous qui va me guider, là. Ça fait
50 ans que l'article existe, depuis 1964 l'article existe dans le Code du travail. Et évidemment il y a eu des
problèmes, c'est sûr qu'il y a eu des problèmes, on ne peut pas dire qu'il n'y en a pas eu, de problème,
mais il n'y en a pas eu assez, des problèmes majeurs. Alors, pourquoi,
dans l'avenir, on aura plus de problèmes, ce qu'on n'a pas eu dans le passé?
Pourquoi vous voyez qu'il y aura plus de problèmes, donc qu'on devrait vraiment
travailler l'article?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Lortie.
M.
Lortie (Jean) : D'abord, je vous rappellerais qu'il y a 50 ans,
quand le Code du travail a été créé — on célèbre cette année son anniversaire — puis tout le monde l'a remarqué ici autour
de la table, à la commission, l'organisation de l'agriculture québécoise
n'était pas du tout celle qu'on retrouve aujourd'hui, où on voit des
entreprises hautement financées, des
entreprises utilisant les technologies, des entreprises qui emploient de plus
en plus de main-d'oeuvre, qui ne sont pas seulement les membres de la
famille. Les conditions ont changé sur le portrait à l'époque qui avait été... D'ailleurs, nous, la CSN, on réclame depuis des
années des modifications au code sur notamment les travailleurs
atypiques, parce que ça n'existait pas, ces
réalités-là. Alors, ce qui fait que
les conditions macros n'ont jamais permis la syndicalisation des travailleurs agricoles, sauf exception, dont nous en avons quelques-uns, des membres, là, dans des entreprises de fermes et de couvoirs. Et c'est très difficile, la syndicalisation, parce que
c'est des petites entreprises, souvent, en région, et c'est souvent
difficile... des entreprises que leur survie est... et des forts taux de
roulement de main-d'oeuvre parce que les conditions de travail sont aussi,
souvent, pénibles. Donc, les conditions ne se sont pas appliquées.
Ce qui est arrivé, c'est que, depuis quelques
années, ce qui est clair, c'est que les conditions ont changé. On parle beaucoup
de travailleurs migrants temporaires, qui sont arrivés
massivement pas seulement sur les fermes québécoises, mais ils sont dans nos usines. On les voit dans
les usines de plus en plus, ces travailleurs-là. Ça a probablement suscité beaucoup de questions sur leurs propres conditions de travail et à
deux vitesses par rapport aux travailleurs ou travailleuses québécois d'origine,
qui, eux, n'ont pas du tout ces mêmes conditions là.
Ce qui fait que, pour
nous, il est temps de revoir ou de revisiter cette question-là de la
syndicalisation des travailleurs du monde agricole. Pourquoi seraient-ils
exclus? Pourquoi n'auraient-ils pas droit aux mêmes conditions qu'ailleurs? Bien, le débat est ouvert, puis le
projet de loi n° 8 la permet, entre autres, cette discussion-là. De
réouvrir cette question-là depuis 50 ans, bien je pense que la
commission nous le permet. Et nous, comme organisation syndicale, on souhaite
que ces gens-là qui y travaillent soient des citoyens de première zone et non
pas de deuxième.
M.
Hamad : Là, aujourd'hui, on a parlé souvent des travailleurs
étrangers, puis là il faut améliorer leurs conditions, puis on va travailler pour l'améliorer. Ma
compréhension : c'est une entente signée entre trois pays, pas juste deux
pays, trois pays, les États-Unis aussi. Ces trois pays, chaque pays a consulté,
mettons... Parlons pour le Canada. Les autres, je ne le sais pas. Le Canada, par exemple, la Commission des normes du
travail du Québec a été consultée pour le type de contrat de travail qu'on a préparé. Alors là, il y
a un contrat qui a été proposé à ces gens-là, puis on a dit : Voici le
contrat, voici qu'est-ce qu'on vous donne.
Je ne pense pas qu'il y ait un gouvernement qui a obligé du monde à signer ce
contrat-là puis à venir ici, je ne pense
pas, là. Alors, ces gens-là, ils ont choisi de venir parce qu'il y a un contrat
qui semble, pour ces gens-là, ce
contrat-là... Et on comprend que ce contrat-là, c'est un plancher. C'est-à-dire
que, si un employeur veut donner plus, tant mieux. Mais je n'ai pas
entendu d'exploitation, c'est une entente internationale entre trois pays. D'ailleurs, ailleurs je ne pense pas qu'il y ait
autant d'ententes comme on le fait ici, au Canada, puis avec le Mexique.
Alors là, tu sais, je suis un travailleur d'un autre pays, il y a un contrat
qu'on me propose, une entente entre deux pays. Et la Commission des normes ont
regardé pour dire que le contrat respecte quand même les normes du travail, et
on a signé puis on l'a offert.
Là,
je pense qu'on devrait plus s'intéresser, pour le moment, plus aux travailleurs
québécois, parce qu'ils avaient le choix,
là. Mais, s'il y a un cas d'abus, personne ne va être d'accord avec ça, mais,
dans l'ensemble, les 30 000 ou 40 000
travailleurs étrangers qui viennent, ils ont tous vu le contrat, ils ont signé.
Puis, quand ils viennent ici, c'est sûr qu'ils viennent améliorer leurs
conditions, c'est sûr qu'ils travaillent fort puis ils veulent, parce qu'ils
l'ont vu, les conditions. Personne ne leur a
dit : Tu vas venir ici travailler trois jours par semaine puis tu t'en vas
chez vous après, ils connaissent les conditions. Puis même j'ai compris
par la députée de Mirabel... Il y en a plusieurs qui disent : Moi, je vais revenir, j'aime ça, je vais revenir. Et donc
là, tu sais, on peut faire cette bataille-là, on veut améliorer les choses,
mais je pense qu'on peut passer par d'autres moyens, de dire : On va
améliorer le contrat puis on va...
Mais
je reviens à nos travailleurs. 50 ans, les conditions ont changé, c'est
vrai : plus de population, plus... Les produits, la compétition est
là aussi. Et la question que j'ai posée à vos collègues : Pourquoi qu'on
n'a pas plus de produits à Costco, si on est compétitifs actuellement?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Lortie.
• (16 h 20) •
M.
Lortie (Jean) : Moi, je vous retournerais la question, M. le ministre.
J'aurais le goût de vous dire... Est-ce que le débat, c'est : Pourquoi on n'a pas plus de fraises Costco faites
au Québec?, ou : Est-ce qu'on reconnaît à des travailleuses et des
travailleurs des droits fondamentaux reconnus par les chartes? C'est ça, le
débat. Le projet de loi n° 8 pose la question brutalement : Est-ce qu'on doit reconnaître à ces hommes
et ces femmes, québécois ou d'origine étrangère qui n'ont aucun droit... Leur contrat de travail, ils
ne font que le signer. Ils n'ont pas le droit de négocier ce contrat par
l'outil collectif qui est un syndicat accrédité au Québec. Si vous êtes dans
une exploitation quelconque, dans un secteur économique
quelconque, puis vous vous regroupez, vous êtes reconnus légalement, vous avez
cet outil-là de négocier un contrat
de travail, vous avez le choix. Vous faites la discussion avec un employeur; il
doit reconnaître légalement, il doit s'engager dans un processus. On
peut aller en arbitrage de première convention, on peut avoir un conciliateur,
un médiateur. On s'est donné les outils. Ce
projet de loi dit clairement que, non, les gens qui seront dans le monde
agricole ne seront pas traités comme les
autres québécois. C'est ça, fondamentalement, l'enjeu, pas de savoir s'il y a
des fraises chez Costco. Alors, ma question... la question est là, c'est
que fondamentalement on ne reconnaît pas à ces gens-là les mêmes droits.
Et
l'argument économique est le seul utilisé. Je suis convaincu, M. le ministre,
pour terminer, qu'en 1873 — il y a certainement
un archiviste qui pourrait le trouver — quand on a décriminalisé le
droit d'association au Canada, il y avait
des gens qui disaient qu'économiquement on ne pourrait pas se permettre ça,
comme quand on a donné le droit de vote des femmes, comme quand on a
créé le Code du travail en 1944, la Loi des relations ouvrières en 1944 et le
code. Il y aura toujours des gens qui vont dire : On n'a pas les moyens de...
comme société.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Hamad : J'ai le privilège de vous poser la question, vous
avez le privilège de ne pas répondre. La question est simple. Pour moi,
là, il y a deux choses. Ce que vous parlez, le droit d'association, Cour
suprême, même si vous dites 5-4, la Cour
suprême a décidé là-dessus, ils ont dit : La loi de l'Ontario, vous avez
le droit. Vous avez dit : D'ici cinq ans, 10 ans, on va aller
se battre pour ça. Parfait, vous avez le droit. Aujourd'hui, dans l'état des
choses, la Cour suprême a décidé puis elle a réglé la question d'association.
Vous pouvez me le dire, que ce n'est pas correct; c'est la décision de la Cour
suprême. Vous avez le droit de contester. Pour moi, cette question-là est
réglée.
La
question que je vous pose : Selon vous, votre connaissance, pourquoi, si
on est compétitifs, on n'a pas de produits chez Costco, autant des produits
québécois, chez Costco, que les produits californiens? C'est ça, la question.
M.
Lortie (Jean) : ...répondre aussi à cette question-là en vous disant
que ce n'est pas les questions de conditions de travail qui déterminent
les politiques d'achat des géants de l'alimentation, hein? Ça d'abord. Et...
M.
Hamad :
...
M.
Lortie (Jean) : Oui, bien c'est la question, parce que pourquoi il n'y
aurait pas plus de produits québécois dans les étalages chez Costco,
même chez Metro ou Provigo qui achètent de Toronto par Loblaws? On a des
milliers de travailleurs qui sont là-dedans,
qui nous disent que nos fraises qu'on fait produire à Roberval pourraient être
vendues au marché à Roberval. Non, les politiques d'achat sont
déterminées ailleurs. Alors, ça n'a rien à voir avec le coût, c'est des politiques d'achat centralisées par des
systèmes de gestion. D'ailleurs, on l'a bien vu au Québec, M. le ministre.
Si on était à la Commission de l'agriculture, on en parlerait. Toutes les
grandes entreprises, au Québec, de distribution ont concentré de façon
importante toutes leurs opérations d'achat, alors...
M.
Hamad : Est-ce que je suis en train de comprendre de vous...
Une politique d'achat de l'entreprise ne tient pas compte du coût du
produit qu'ils achètent?
M. Lortie
(Jean) : Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M.
Hamad : Bien, vous dites que c'est... toute la politique
d'achat est concentrée à Toronto, puis ils ont décidé de ne pas acheter
des produits québécois.
M. Lortie
(Jean) : Ils vont certainement choisir des marchés de proximité. C'est
ce qu'ils font, d'ailleurs.
D'ailleurs,
c'est le débat de Provigo. Si vous regardez, Provigo, dans les dernières années,
a dit : Il faut racheter québécois,
il faut se réinvestir dans le marché québécois. Ils ont constaté qu'ils avaient
des limites à cette politique d'achat. Mais, je pense, ce n'est pas ça,
le débat.
M.
Hamad : Dans mon comté, il y a un IGA, et moi, j'ai
l'occasion souvent d'acheter des fraises du Québec à IGA. Puis souvent, quand il vient le temps des
fraises ou d'autres produits québécois, ils sont là puis ils sont
disponibles. Mais évidemment il y a des temps dans l'année qu'on en a. On n'a
pas ça, malheureusement, à l'année longue. Mais vous dites, vous, que c'est
parce qu'ils ont des politiques qu'ils n'achètent pas nos produits, tout
simplement.
M. Lortie (Jean) :
Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M.
Hamad :
Non?
M.
Lortie (Jean) : J'ai nuancé ça. J'ai dit : Les politiques d'achat
qui sont centralisées, c'est des coûts-bénéfices qui sont calculés à
Toronto sur des marchés de proximité qu'ils connaissent. On l'a vécu, nous,
dans nos propres négociations de conditions de travail quand on avait les gens,
en disant : Écoutez, nous, c'est Toronto qui détermine nos règles du jeu. Metro, parce que Metro a...
Quand il s'est enlevé l'accent aigu, Metro a décidé de faire la même
chose. IGA à Stellarton, en Nouvelle-Écosse, fait la même chose. Alors, je vois
mal comment la question des conditions de travail ou la capacité ou pas de
payer des fermes québécoises empêcherait un droit des travailleurs, qu'ils
négocient.
Pensez-vous
que les conditions de travail dans Les Crevettes Marinard ou les crevettes du
Bas-Saint-Laurent, c'est les
conditions de travail que vous allez retrouver dans la fonction publique
québécoise? Pas du tout. C'est celles que le marché est capable de
payer. Puis, quand il n'est pas capable de payer, les gens, c'est le salaire
minimum. Il y a des entreprises syndiquées... Je vais vous donner un exemple.
On pense souvent que la syndicalisation, ce n'est que des grandes entreprises. À la CSN, 80 % de nos
syndicats ont moins de 100 membres, et la moitié ont moins de
50 membres. C'est des PME. C'est des
PME, les syndicats chez nous. Alors, ce n'est pas des grandes entreprises
industrielles riches et puissantes.
Et, sur Fraser, mon
collègue aimerait amener une précision par rapport à la décision de la Cour
suprême.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre a quelque chose à...
Une voix :
Oui. Bien sûr.
M.
Hamad :
Je comprends... Parce que vous me donnez l'exemple des crevettes, vous
dites : C'est plus petit. Aujourd'hui,
on est encore dans le plus petit, plus petit, là. On est dans une ferme de deux
employés continus et on est dans une petite, petite, petite entreprise.
Les chiffres que nous avons ou qui ont été donnés peut-être ne sont pas bons.
La moyenne de chiffre d'affaires, c'est
170 000 $. On a 60 % du chiffre, 170 000 $, c'est des
salaires. On est vraiment dans la microentreprise. On peut l'appeler
micro, mais... pas micro mais petite. Et donc là on n'est pas dans les
crevettes, on est plus dans les maraîchers petits, et on sait que ces gens-là...
Est-ce que
vous pensez... Êtes-vous d'accord que ce qu'on vise, dans le projet de loi,
c'est vraiment, vraiment un marché unique, c'est un marché vulnérable et
délicat par rapport à d'autres types d'industrie?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Lortie.
Une voix : ...
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, M. Lévesque.
M.
Lévesque (Éric) : Oui. Parce
que, si vous le permettez, sur Fraser, il y a peut-être quelques nuances à
apporter. Bien qu'il soit vrai que la cour
constitutionnalise ou déclare constitutionnelle une partie de cette loi
ontarienne, il faut prendre en considération que le tribunal s'est livré
à un examen fort limité, portant sur la négociation, et n'avait pas à donner
une réponse ou à questionner le traitement que réservait cette loi ou... qu'on
réservait à la liberté syndicale ou au droit
d'association dans son ensemble. Donc, la question posée portait exclusivement
sur cette liberté de négociation et l'examen de certaines clauses.
Par ailleurs, il faut aussi tenir compte qu'on
est tributaires des faits. On se souviendra que, dans cet arrêt, la cour
mentionne qu'au simple examen de certaines dispositions portant sur la
négociation — et
je le mets entre guillemets — ça ne pose pas problème, mais cependant à
l'exercice peut-être que ça en posera. La cour laisse quand même une
porte ouverte.
Ici, ce qui
semble questionnable, au-delà de l'aspect de liberté de négociation, c'est le
traitement qui est réservé à la
liberté syndicale et au droit d'association dans son ensemble. M. Lortie a
fait référence à trois aspects fondamentaux qui sont reconnus en droit international : la reconnaissance
véritable d'une association, la liberté de négociation avec des mécanismes qui permettent un aboutissement à cette
négociation — et
ultimement ce sera la conclusion d'une convention collective — et, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille
pas, le droit international le reconnaît, l'existence véritable du droit
de grève pour assurer un levier, pour permettre un aboutissement véritable à
cette négociation, soit la conclusion d'une convention collective.
Et, en
terminant, ce que j'aimerais ajouter, c'est qu'après cet arrêt Fraser l'OIT, du
moins via un comité d'examen de plaintes, en est arrivée à certaines
conclusions et a mentionné... Mais ça m'apparaît assez important, puisque, là, c'est des organismes internationaux qui, malgré un
arrêt de la Cour suprême, viennent nous dire essentiellement ceci :
«...le comité demeure d'avis que l'absence
de mécanisme expressément cité de promotion de [...] négociation collective
destiné aux travailleurs agricoles constitue un obstacle...»
Le
Président (M. Cousineau) : M. Lévesque, M. Lévesque,
pour permettre un plus grand nombre de questions, il faudrait raccourcir les réponses. Alors, nous
n'avons que 50 minutes, alors je vous demanderais d'essayer de
concentrer un petit peu les réponses pour que ce soit plus court.
M. Lévesque (Éric) : Elle se voulait
courte, j'en suis fort désolé.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Hamad :
Vous pouvez parler de l'OIT, vous pouvez parler... La situation actuelle, telle
qu'elle est en Ontario, la loi a été adoptée en 2002, il y a une
décision de la Cour suprême. La loi n'est plus contestée en Ontario malgré que cette loi-là, elle couvre plus large. Et, si les
syndicats en Ontario, vous ne trouvez pas que la loi est bonne, là, dites-moi
pourquoi qu'il n'y a pas beaucoup de plaintes sur la loi en Ontario. Là, je
comprends, là, on s'en va à l'international. On
va revenir chez nous, là. Chez nous, là, en Ontario, il n'y a pas beaucoup de
plaintes en vertu du régime ontarien. Alors, si ce régime-là, il est
tellement mauvais pour les travailleurs, tellement... je pense que les
syndicats, comme devoir, prendront la responsabilité de faire des plaintes puis
contester, mais il n'y en a pas.
Est-ce que
vous pensez qu'il y a beaucoup de plaintes en Ontario actuellement? Est-ce que
ça va mal dans cette loi-là en Ontario actuellement? C'est juste ça que
je veux savoir.
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, Mme Pineau.
Mme Pineau (Anne) : Bien, on l'a vu
tout à l'heure avec les intervenants du TUAC, elle n'a pas permis la
négociation d'une convention collective, elle n'a pas permis d'établir un
contrat collectif de travail. Et c'est là tout le problème que pose aussi le projet de loi n° 8, il ne permettra
pas d'établir un contrat collectif de travail. Et, si tant est qu'il le permettait, quel statut aurait ce contrat-là?
Parce que, n'étant pas une convention collective au sens du code, il
serait pratiquement impossible de le mettre
en oeuvre, il n'y a pas de mécanisme de règlement de griefs. Et toute la
difficulté est là, M. le ministre. Et, pour les 50 ans du code, nous, nous
estimons qu'il faut en finir avec cette discrimination-là particulière aux
travailleurs agricoles au Québec.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
• (16 h 30) •
M.
Hamad :
Mais je reviens, là... On dit qu'on n'y permet pas... Oui, c'est vrai, il ne le
permet pas. Mais moi, je vous pose la
question. Il n'y a pas eu de plainte. Si ça ne marchait pas, là... Mettons ils
ne le permettaient pas, puis ça causait des gros problèmes, les travailleurs sont maltraités. Il y a quelqu'un
qui va déposer une plainte pour dire que ça ne marche pas.
Est-ce que vous pouvez me dire qu'il y a
eu des plaintes à l'Ontario sur cette loi-là? Puis, s'il y en a eu, des
plaintes, il y en a combien?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Lortie.
M. Lortie
(Jean) : Oui, rapidement.
Des plaintes, ça prend du courage puis ça prend des ressources
pour déposer ça, ça prend une structure pour supporter par des
ressources conseil. Vous ne pouvez pas imaginer. Un travailleur pas syndiqué, au Québec, qui s'en va à la Commission
des normes du travail, il s'engage pour un chemin de Damas incroyable. C'est tout... Quand on a un recours de quelque
façon que ce soit, quand vous vous engagez, vous êtes seul, vous n'avez
pas d'outil. Alors, c'est sûr qu'il n'y en
aura jamais beaucoup, de plaintes. Dans un milieu de travail non
syndiqué, c'est sûr que vous n'aurez pas beaucoup de griefs. C'est la
porte, ce n'est pas compliqué, c'est la porte. C'est la Commission des normes
du travail.
Alors,
l'équation est facile. Il n'y en aura pas en Ontario, parce que
les gens ont abandonné en disant : On n'a pas reconnu aux syndicats
le droit d'exister. Bien, on lève les bras puis, bon, on attend d'autre chose.
Alors, c'est la même chose qui va arriver au Québec.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Hamad : M. le
Président, je suis surpris d'un vice-président à la CSN qui dit que, si vous n'êtes pas syndiqué, vous ne
pouvez pas faire des plaintes à la Commission des normes du travail. La Commission
des normes du travail, il y en a plein, de
plaintes de personnes qui ne sont pas représentées
par un syndicat, mais ils ont le plein droit de le faire, la plainte. Et
il y en a, des plaintes, il y en a.
M. Lortie
(Jean) : C'est ce que j'ai dit, M. le ministre. J'ai dit : Ça
vous prend du courage puis un chemin de Damas pour passer à travers. Ça
vous prend de l'argent, un avocat.
M.
Hamad : Bien, en
tout cas, il y en a plein qui ont du courage, ce n'est pas une ou deux.
M. Lortie
(Jean) : Bien, il faut qu'ils se débrouillent, ils ont des moyens...
Nous, on syndique des gens... ou on aide
des gens par notre contentieux, des gens qui sont coincés, qui n'ont pas les
ressources pour le faire. C'est colossal, il y a un front commun de
défense... Il y a des gens, plein d'organismes qui viennent en aide à ces gens-là
parce qu'ils sont démunis, ils sont démunis.
M.
Hamad :
Mais ça permet quand même... Notre système permet à ces gens-là courageux de
faire des plaintes, et ils le font. Peut-être pas tous, mais le système
permet...
Mais je
reviens à ma question. Si le système de l'Ontario ne marche pas... C'est ça que
je veux savoir de vous. Aidez-moi, là, à trouver l'argument qui dit que
le projet de l'Ontario ne marche pas, puis il n'est pas bon, puis il y a des
plaintes, puis il y a des problèmes. C'est ça que je veux savoir. Je ne vais
pas aller à l'OIT, à Genève, pour savoir qu'est-ce
qui se passe là-bas. Ici, chez nous, là, quel est le problème? Y a-tu un
problème? Et pourtant c'est une loi encore plus sévère, là, tu sais, elle couvre tout le secteur. Pour vous, c'est
une loi... elle doit être une loi beaucoup plus sévère que celle-là. Mais y a-tu des problèmes particuliers
que vous avez vécus, vos collègues, les autres syndicats en Ontario qui
vous disent : Écoutez, là, c'est l'exploitation des travailleurs dans tel
domaine, puis ça ne marche pas, puis il y a des gros problèmes? Est-ce que vous
avez pris connaissance des plaintes, des problèmes dans le système? C'est ça
que je veux savoir.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Lortie, Mme Pineau.
M. Lortie (Jean) : Oui, rapidement.
Le problème, c'est qu'il n'y a pas de solutions qui sont proposées pour permettre... On ne reconnaît pas une accréditation
formelle avec un droit de négociation, un processus, M. le ministre. On
revient toujours à cet élément-là. On fait en sorte de distinguer un régime de
relations de travail avec pas de moyen pour
l'exercer. Donc, c'est un régime factice. Donc, pourquoi on embarquerait
dedans? Personne ne va embarquer dans ce régime-là, ils vont dire : Il est factice. Je m'expose sans les
moyens que la loi me permettrait de me protéger, qui est le Code du travail, à ce moment-là. Alors, les gens
ne s'exposeront pas, il n'y a aucun moyen... Ils n'ont pas
d'accréditation, pas d'arbitrage de
convention, pas le droit de négocier véritablement avec une conclusion. Ils ne
peuvent pas aller à la Commission des relations du travail, faire
décréter une convention collective par un arbitre. Ils n'ont aucun de ces
outils-là. Alors, les gens plient les livres.
C'est ça, le
problème de ces projets de loi là, autant en Ontario qu'au Québec. C'est qu'on
ne reconnaît pas les mêmes droits qu'aux autres travailleurs.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre.
M.
Hamad :
Il y a 1 % des travailleurs dans le secteur agricole qui sont syndiqués.
Trouvez-vous... Aujourd'hui, le
secteur agricole, au Québec, ça va mal? Est-ce que vous trouvez qu'il va mal
actuellement? Est-ce que les travailleurs agricoles au Québec sont
exploités, même s'ils ont à 99 % pas de représentation syndicale, comme
vous le dites, pour les représenter, les défendre?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Lortie.
M.
Lortie (Jean) : Il y a deux ans, M. le ministre, avant qu'on syndique
les employés de Couche-Tard, on aurait eu la même réponse qu'il n'y avait pas de problème. Quand on a commencé à
syndiquer les employés de Couche-Tard, on a découvert qu'ils avaient des
problèmes de conditions de travail. Les gens n'ont pas voix au chapitre
actuellement, personne ne peut parler. Ils n'ont pas voix au chapitre.
Moi, je viens
de l'hôtellerie, M. le ministre. Quand je me suis syndiqué, en 1981, à l'hôtel
chez nous, on n'avait pas... personne
ne pensait que, dans l'hôtellerie, les conditions de travail étaient aussi
épouvantables, parce qu'on n'avait pas voix au chapitre, on n'avait pas
le droit de parler. On était congédiés, on était... il y avait des
représailles. Le jour...
Un syndicat,
on l'a toujours dit, ça donne une colonne vertébrale à du monde de pouvoir
réclamer des droits, de pouvoir se
faire entendre et de pouvoir conclure des conditions de travail négociées avec
un employeur, avec la capacité du marché de payer, la capacité de
l'employeur de payer, parce que le monde veulent garder leurs jobs. Ils n'ont
pas les moyens de parler actuellement, on ne
leur donne pas cette voix au chapitre. Donnez-leur-la. Vous allez voir que,
dans les prochaines années, on va entendre
parler du monde agricole. Les gens vont dire : Bien, on pourrait peut-être
avoir un régime de retraite, on
pourrait peut-être avoir des assurances. On pourrait juste se faire entendre sur des conditions de santé
et sécurité au travail, il y a
encore eu des cas ce matin. À tous les mois, dans l'actualité, on entend des questions
à ce niveau-là.
Moi, je pense
qu'un véritable droit à l'accès à la syndicalisation, pour ces travailleurs-là, leur permettrait d'avoir voix au chapitre et de se faire
entendre, comme les autres travailleurs, d'ailleurs.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le ministre, il reste deux minutes.
M.
Hamad : Parfait. Une question simple :
Trouvez-vous que le secteur agricole, les petites fermes de moins de
trois employés, est un secteur particulier, vulnérable, différent que les
autres secteurs?
M. Lortie (Jean) : Ce dont je suis
prêt à reconnaître, M. le ministre, c'est que, lorsque c'est une ferme familiale — le
président de la FTQ l'a dit d'ailleurs
un peu plus tôt cet après-midi — là on est prêts à regarder, s'il n'y
a que des employés de la ferme familiale... La négociation, l'intelligence de
la négociation des parties va faire en sorte qu'on
va se trouver un terrain d'entente. Moi, je suis tout à fait ouvert à regarder
des conditions pour permettre un véritable accès à la syndicalisation et qu'un employeur se donne des moyens, parce
que beaucoup de ces fermes-là n'ont pas les moyens — puis
on l'a entendu de l'UPA — d'avoir
des services de ressources humaines. Ils peuvent se donner des organisations. Il y a plein de secteurs qui se
sont donné des mutuelles en santé et sécurité, des mutuelles
d'organisation de coûts. Ils peuvent se donner des mutuelles pour négocier les
conditions de travail sur une base territoriale, régionale, sectorielle. On peut inventer des choses qui font
en sorte que ces gens-là, autant les employeurs que les employés, y
trouvent satisfaction, avec intelligence et pragmatisme.
Le Président (M. Cousineau) :
Dernière question, M. le ministre.
M.
Hamad :
Oui. Pourquoi on laisse aller les fermes familiales, ne pas laisser aller une
personne qui n'est pas en famille
mais qui a peut-être un employé ou deux? Pourquoi, lui, il faut qu'on le
traite, puis la famille, les fermes familiales, on les laisse aller?
M. Lortie (Jean) : Je ne comprends
pas votre question, M. le ministre.
M.
Hamad : Vous avez
dit : Les fermes familiales, on va les traiter autrement...
M. Lortie (Jean) : Non, non, c'est...
M.
Hamad : ...mais,
les autres, on va les syndiquer. Mais pourquoi? C'est quoi, la différence?
Parce qu'ils sont en famille, eux autres, on ne les traite pas, puis ceux qui
ne sont pas en famille, une personne seule, lui, on va le syndiquer. Pourquoi?
M. Lortie
(Jean) : Ce n'est pas ça, M. le ministre, que j'ai dit. C'est que,
s'il y a des... On va regarder la question. Si, par exemple, il y a besoin d'aménager les dispositions du Code du
travail sur ces questions-là parce qu'il y a moins de trois employés,
etc., il n'y a que la famille qui travaille dans le dépanneur... On a déjà ça.
On a des dépanneurs où ce n'est que la famille qui travaille, etc., et on l'a
syndiqué parce qu'il y avait un ou deux employés, c'est arrivé. Et on a regardé les conditions, comment la famille
travaille. Dans les marchés d'alimentation, actuellement, c'est déjà prévu,
les membres de la famille travaillent avant les employés. C'est tout
conventionné puis c'est à la grande satisfaction des parties. Alors, c'est
possible de trouver des aménagements.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. Lortie. Le bloc est
terminé. Nous allons passer au deuxième bloc de 15 minutes pour un
député de l'opposition officielle. M. le député de Berthier.
M.
Villeneuve : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, madame.
Bonjour, messieurs. Encore une fois, je l'ai dit tantôt et je le répète,
c'est des échanges qui sont fort instructifs.
Dans votre
mémoire... Et, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, je vais le lire
quand même, le paragraphe, là, une
partie du paragraphe, et ça va comme suit : «Le projet de loi abroge [le]
21.5 du Code du travail — donc l'article 21, alinéa cinq
du Code du travail. L'exception relative aux travailleurs agricoles est malgré
tout maintenue, et même scandaleusement
étendue. En effet, le régime d'exception, autrefois limité aux personnes
employées à l'exploitation d'une ferme,
s'étend à toute "exploitation agricole", à savoir une entreprise qui
est exploitée par un producteur au sens de la Loi sur les producteurs
agricoles et qui emploie moins de trois salariés de façon ordinaire et
continue. Or, la Loi sur les producteurs agricoles — des productions
agricoles, pardon — définit
le producteur agricole comme une "personne engagée dans la production de tout produit de l'agriculture, de
l'horticulture, de l'aviculture, de l'élevage ou de la forêt, à l'état
brut ou transformé partiellement ou entièrement par le producteur ou pour lui,
les breuvages ou autres produits d'alimentation en provenant; le produit de
l'aquaculture est assimilé à un produit agricole".»
Est-ce que je
dois comprendre que ce que vous êtes en train de nous dire là, c'est que le
projet de loi n° 8 — et il y a des gens qui vont l'apprendre peut-être
aujourd'hui, là — viendrait
les empêcher, justement, de pouvoir avoir accès au droit à
l'accréditation?
M. Lortie (Jean) : Mme Pineau va
répondre.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Pineau.
Mme Pineau (Anne) : Oui?
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, Mme Pineau.
• (16 h 40) •
Mme Pineau
(Anne) : Oui, merci. Écoutez,
pour nous, effectivement, passer de la notion d'employé de ferme à la notion de producteur agricole, avec la
définition qu'on donne aux produits agricoles comme incluant notamment l'aquaculture,
c'est nécessairement étendre et de beaucoup le sens donné au
départ à la notion de ferme. Et, ne serait-ce qu'au niveau de la loi sur les relations du travail dans l'industrie de
la construction, la CRT a déjà eu à se prononcer sur le sens du mot «ferme» et elle n'y voit que les
produits qui relèvent de l'élevage ou de la culture mais non pas tout ce
qui concerne la transformation. On est à un autre stade ici, là, quand on parle
de transformation.
Or, ici, là,
on parle de tout produit de l'agriculture, de l'horticulture, de l'aviculture ou de la
forêt, à l'état brut ou transformé
partiellement ou entièrement par le producteur, et incluant, là, les breuvages.
Alors, pour nous, effectivement, il y
a ici une extension, on passe d'une
notion beaucoup plus : La ferme, ce que je fais pousser, ce
que j'élève, à un secteur beaucoup plus large. Et nous sommes scandalisés par ça,
par cette définition-là si large, d'autant qu'il s'agit d'exclure des
gens du bénéfice du Code du travail et du droit de la négociation collective.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Berthier.
M.
Villeneuve : Honnêtement,
je ne sais si votre lecture est la bonne. On aura l'occasion
de pousser le questionnement plus à fond pour avoir une réponse. Mais,
étant donné que vous avez eu cette lecture-là, avez-vous regardé, si jamais elle s'avérait exacte... Est-ce
que vous avez regardé on parle de combien de personnes qui pourraient, du jour au lendemain, perdre ce droit-là à
l'accréditation? Est-ce vous avez des chiffres? Est-ce que vous avez des
éléments, là, statistiques en main ou pas ou...
M. Lortie
(Jean) : Rapidement
vous dire qu'en tête j'ai déjà à peu
près cinq à 10 syndicats qui peuvent
être sous cette... Les fermes
avicoles, les couvoirs avicoles, l'exploitation de la crevette. On a des
syndicats forestiers, je pense,
en Abitibi, comme CSN, dans une de nos fédérations. Alors, rapidement, là, je
n'ai pas fait de statistique et je n'ai pas regardé, mais, dans les milieux de
travail que je connais, qui sont dans une de nos fédérations, à la CSN, il y a
des syndicats qui sont couverts, si on fait cette lecture. Nous, la lecture
qu'on fait de cette extension à la production, ça nous inquiète, effectivement.
M. Villeneuve : D'accord.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Berthier.
M.
Villeneuve : Alors,
si vous voulez bien, M. le Président, je laisserais la parole à mon collègue. Vous
pouvez lui laisser la parole.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui. M. le député de Rimouski.
M. LeBel : Oui, bonjour. Je vais
relancer une question que j'ai posée tantôt aux gens de l'UPA, juste pour
savoir comment ça marche. Dans le projet de loi, on donne quand même aux travailleurs
la possibilité de s'organiser par une
association, qui n'est pas accréditée, là, mais on parle quand même
d'une organisation. On prend un cas, là. Ces gens-là se rencontrent, les travailleurs se rencontrent, puis ils disent : Bon, il y a
une situation qui ne fonctionne pas. Ça fait que, selon
le projet de loi, ils ont le choix : ils peuvent aller parler au
producteur, au propriétaire de l'entreprise, ou ils peuvent lui écrire. C'est ça que dit le projet de loi. Le producteur, lui, son devoir, c'est de l'écouter ou de lire la
lettre.
Après ça,
qu'est-ce qui se passe? Mettons que les travailleurs sont contents de
la réponse puis... c'est bien correct, mais, s'ils ne sont pas contents
de la réponse, c'est quoi, la... Qu'est-ce qui arrive après ça? Qu'est-ce qu'on
fait? Selon, tantôt,
l'UPA, on disait que le fardeau de la preuve était sur le dos du producteur, il
fallait absolument qu'il donne une réponse. J'essaie de voir
comment... Est-ce que c'est votre lecture? Qu'est-ce qui se passe après? C'est
quoi, les... Où peuvent se virer les travailleurs?
M. Lortie
(Jean) : Évidemment,
l'employeur va devoir les écouter de bonne foi, c'est prévu dans le projet de loi.
M. LeBel : Tout le monde est sur la
bonne foi.
M. Lortie
(Jean) : Donc, la bonne foi,
bien alors on verra qu'est-ce que c'est que la bonne foi. C'est clair
qu'il va y avoir des décisions à un moment donné. Les gens vont... L'association, si elle peut, va aller quelque part
demander d'interpréter ce que c'est qu'une bonne foi et interpréter comment...
Alors, évidemment,
le conseil qu'on va donner au producteur, c'est d'écouter attentivement ce qu'on lui dit, mais il n'y
a pas de suite ou d'effet. Il n'a pas
l'obligation de dire : Dans les six mois... ou, par exemple : Il y aura un processus d'arbitrage, etc. Il n'a aucune obligation par la suite, ça se termine là.
S'il va devant la CRT ou devant quelque
tribunal administratif et dit : J'ai été de bonne foi, voici la preuve, je
les ai rencontrés dans tel local que j'ai, qui est mon bureau administratif, je les ai écoutés pendant deux heures, ils m'ont
remis un document, et je leur ai répondu par écrit, bien ça va arrêter
là. Ce n'est pas un véritable droit à la négociation. Il les a entendus très
respectueusement, ce qui est probablement le
cas, puis il va dire : Je ne donne pas suite à vos demandes parce que je
ne peux pas lui donner suite, point. Je
n'ai pas les moyens, ou je n'ai pas les conditions, ou je ne peux pas donner un
congé de ceci et cela. Je ne peux pas augmenter les salaires, etc., je
ne peux pas donner suite. Et il n'a pas été de mauvaise foi en répondant ça.
Bon là,
maintenant, un jour, est-ce qu'on va pouvoir dire : Oui, mais est-ce qu'il
a fait la démonstration qu'il ne pouvait pas? Est-ce qu'il a mis sur la
table des données factuelles? Est-ce qu'il... On n'est pas rendus là. Ce n'est
pas prévu, ça, il n'y a rien de prévu.
Quand on est
dans un processus de négociation de bonne foi, et le Code du travail est très
clair là-dessus, les parties, on peut
déposer des plaintes de négociation de mauvaise foi contre un employeur, on
peut demander l'aide d'un médiateur ou
d'un conciliateur. Il y a toute une série de mécanismes, dans le Code du
travail, qui permettent justement qu'il y ait une suite à ce qui a été fait par les parties. Et, dans le cas d'une première convention
collective, la ministre... le ministre, par contre, excusez-moi,
le ministre peut ordonner l'arbitrage d'une première convention collective avec
des paramètres qui sont très connus, très clairs. Le corridor est très mince à
ce niveau-là, mais il y a une suite toujours.
Dans ce
cas-là, il n'y en a pas. Il l'a écouté de très bonne foi, puis là il
va dire : Écoutez, non, je ne donne pas suite à vos demandes. Et les travailleurs ont à décider, avec le peu de moyens... Parce qu'ils n'ont pas non
plus de précompte obligatoire, donc
pas de ressources disponibles, à moins, là, qu'elles et ils contribuent et
décident de se donner ensemble... Avec les conditions de travail qu'ils
ont déjà, ils ont peu ce moyen-là. Vont-ils pouvoir s'associer à une
organisation, s'affilier? Ce n'est pas clair, tout ça, ce n'est pas clair.
M.
LeBel : Puis est-ce qu'ils sont protégés, les travailleurs? Est-ce que...
On jase. Les travailleurs, ils font une plainte, verbalement ou par
écrit. Le producteur dit : Moi, j'ai été de bonne foi, mais là ça... On
peut-u penser que le travailleur, l'été
prochain, il ne reviendra pas? Est-ce qu'on peut penser que... Est-ce qu'il est
protégé, s'il ose faire ça?
Parce que ce
matin j'entendais... les producteurs étaient ouverts un peu à ça. Il dit :
Ça se peut, des fois... Il y en a un
qui nous a dit : Ça se peut, des fois, que ça pourrait permettre aux gens
qui sont un peu plus gênés de venir défendre leurs affaires. Puis vous aviez raison, tantôt, quand vous parliez de
courage. Moi, je crois à ça, là. S'organiser, ça donne un peu de
courage.
Mais, s'ils ne sont pas protégés, si tu vas
dénoncer puis après... Est-ce que, dans le cas du projet de loi, les
travailleurs sont protégés s'ils font des...
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Pineau.
Mme Pineau (Anne) : Oui, merci.
Écoutez, la première section du chapitre I s'applique, là. Tout le champ jusqu'à l'article 19, les pratiques
déloyales, qu'on appelle, les mesures de congédiement pour activité syndicale,
tout ça, ce n'est pas exclu. L'exclusion commence à 20.1. Tous les
autres articles du code, à peu près, sont exclus.
Donc, il y a
éventuellement des protections. Par contre, sur la question du droit de retour
l'année suivante, ça, c'est une question qui en général doit être
conventionnée, à moins qu'on puisse bénéficer d'un deux ans de service continu
en vertu de la loi des normes. Et ce dont il a beaucoup été question cette
journée-ci, c'est le fait que des travailleurs migrants ne se plaignent pas de ne pas être rappelés l'année suivante,
et ça, c'est clair que le projet de loi n'apporte aucune réelle solution
à ce problème-là dans la mesure où on ne peut pas négocier un droit de rappel
au travail, un respect de l'ancienneté, des trucs comme ça.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Rimouski.
M. LeBel :
Moi, ce que je comprends, depuis ce matin, par exemple, et je pense qu'il faut
quand même convenir de ça : on parle
d'un secteur économique qui est assez particulier. C'est des fermes familiales
souvent mais... Puis souvent ça
devient une grande famille, les travailleurs autant Québécois qu'étrangers qui
viennent, puis effectivement très
souvent il y a un bon dialogue entre les travailleurs puis les producteurs qui...
Ni l'un ni l'autre n'a intérêt à tout faire déraper. Puis ces gens-là se
parlent, puis ils sont de bonne foi, puis... Ça fait que c'est un secteur qu'il
ne faut pas comme...
qu'il faut continuer à protéger, là. C'est des fruits, des légumes, des... qui
font la fierté du Québec, qu'on est contents de voir partout. C'est un
secteur économique qu'on veut voir progresser, puis on veut leur donner des
outils.
Mais là il y a une
crainte, là, on le sent, il y a une crainte que la syndicalisation ou l'organisation
peut mettre à mal cette entreprise-là qui
fonctionne en bon père de famille pour l'instant. Je pense que c'est ça, il
faut trouver la façon... Moi, je
pense... Moi, je crois à la syndicalisation des travailleurs. Je pense que
c'est un acquis social, au Québec, qu'il ne faut pas remettre en
question. Mais comment on peut faire ça tout en préservant ce secteur
économique puis la bonne entente qu'il
semble y avoir dans plusieurs entreprises? Comment on peut faire pour tenir ça?
Parce qu'aussi les travailleurs étrangers qui viennent ici,
effectivement, sont contents de venir. Souvent, ils trouvent leur famille ici,
ils trouvent un travail qui, pour eux
autres, est valorisant puis leur amène des sous. Personne ne veut remettre ça
en question. Ça fait que comment on peut assurer l'organisation
syndicale, pas remettre ça en question, tout en préservant une stabilité à ce
secteur économique là et en apaisant les craintes? Moi, j'essaie de voir
comment on peut trouver la solution.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Lortie, Mme Pineau.
• (16 h 50) •
M.
Lortie (Jean) : Bien, écoutez, rapidement dire : Il n'y a pas
d'adéquation entre mauvais climat de travail et syndicalisation, hein? J'entends : Arrivée, la syndicalisation, ça
va être mauvais. Puis le ministère du Travail pourrait... C'est plus de 95 % ou 97 % des
conventions collectives au Québec qui se négocient sans conflit de travail. Ça,
c'est un fait qui est là. Les gens,
en général, préservent leurs conditions de travail. Ça leur donne voix au chapitre
dans l'organisation du travail. Ils
souhaitent travailler, gagner leur vie. Ça ne sera pas différent dans le monde agricole, ce n'est pas
différent. Les gens qui souhaitent continuer
à avoir des relations harmonieuses
vont continuer à les avoir. C'est un outil supplémentaire qu'on donne à
des gens qui sont vulnérables.
Le
seul argument... Ce n'est pas de démolir la ferme familiale québécoise, bien au
contraire, mais il y a des relents de
langage qu'on entend depuis à matin comme si c'était un univers à part. Puis
vous parlez d'un paternel, bon père de famille.
Ça me fait frissonner, ce langage-là, parce que, bon père de famille, ça a
donné droit à tous les abus de l'organisation
du travail, en disant : L'employeur, le bon boss, le bon père de famille.
Yvon Deschamps en a même fait des monologues qui sont demeurés dans
l'histoire du Québec.
Ce que je vous dis,
c'est : Le XXIe siècle doit rentrer aussi dans le monde du travail,
dans l'organisation du travail, dans le
monde du travail... ou le monde du travail ou les relations du travail qui sont
au XXIe siècle doivent aussi rentrer dans le monde agricole
québécois. C'est un secteur complet. Quand on a syndiqué les RIRTF, les ressources
intermédiaires, les ressources de type familial, les ressources familiales en
service de garderie, les artistes, on a organisé — puis des journalistes indépendants — des multitudes de milieux de travail qui
sont atypiques, les organisations se
sont organisées pour faire en sorte de s'adapter à ces réalités-là, et ça marche,
il y a eu des succès dans ces secteurs-là. Et pourquoi il n'y en aurait
pas dans le monde agricole?
Le Président (M.
Cousineau) : M. le député de Berthier.
M. Villeneuve :
Merci, monsieur...
Le Président (M.
Cousineau) : Il reste 1 min 30 s.
M.
Villeneuve : Très rapidement, dans ce cas-là. À la page 7
de votre mémoire, vous dites qu'il y a un nouveau chapitre, le chapitre V.3, qui va venir
retirer... vous l'avez dit tantôt, je ne veux pas le redire, là, mais qui va venir
retirer plusieurs dispositions, donc notamment priver du droit
d'accréditation — on
en a parlé — négociation
collective. Bon. Mais je vous amène surtout
à la dernière ligne, j'aimerais avoir des explications : «Ils demeurent
toutefois couverts par les
dispositions sur les représailles patronales pour activités syndicales...»
Pouvez-vous m'expliquer ce que ça veut dire?
M. Lortie
(Jean) : À quel endroit, monsieur?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Lortie, Mme Pineau.
Mme Pineau
(Anne) : Bien, en fait, c'est ce que j'ai répondu tantôt. Vous voyez
les dispositions des sections II et III du chapitre II, O.K.? Alors,
ça, II et III du chapitre II, là, c'est les articles 20.1 et
suivants. Alors, les articles 3 à 20.0.1, eux, s'appliquent, ils ne sont
pas exclus, O.K.? Donc... En tout cas, c'est la compréhension qu'on a, que ça, ça s'applique. Et là vous avez tout ce
qui s'appelle congédiement pour activités syndicales, plainte
d'ingérence, plainte d'entrave. C'est ça, la réponse.
M. Villeneuve :
Parfait. Merci. Désolé si j'ai été...
Le Président (M.
Cousineau) : Alors, merci, Mme Pineau. Merci pour cette
réponse. Alors, nous passons au troisième bloc pour 10 minutes avec la
députée de Mirabel pour le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée.
Mme
D'Amours : Merci. J'aimerais, M. le Président, que Mme Pineau me
dise... Pour elle, une ferme qui produit, qui transforme, qui fait de la
vente directe à la ferme n'est pas nécessairement une ferme familiale?
Le Président (M. Cousineau) :
Mme Pineau.
Mme Pineau (Anne) : Il faut... Il y a deux notions, là. La notion de
ferme... Qu'est-ce qu'une ferme? Est-ce que la ferme inclut le stade de transformation? Alors, dans le langage
courant, non, et c'est notamment ce qu'une des décisions de la CRT relativement à l'application d'une autre
loi, là, dit. La ferme, c'est ce qui ressort de l'élevage et aussi de la
culture de produits, mais, dès qu'on rentre,
par exemple, dans la production de fromage ou la transformation des biens
produits par la ferme, on est à un autre stade qui ne rentre pas dans la ferme.
Alors, ça, c'est une question, parce qu'ici on ne parle plus de ferme, mais on parle d'exploitation agricole, et là ça nous
amène à la large définition qu'on a vue tantôt. Ça, c'est une chose.
Quel est le secteur couvert? Est-ce que ça inclut, par exemple, la
transformation?
La
question de petite ferme familiale, alors, pour nous, là, ça, c'est le moins de
trois, O.K., de façon continue. Et là... Et ce qu'on a vu ici
aujourd'hui, c'est qu'on parle souvent d'entreprises qui vont avoir 120,
150 employés dans la période de
production. Donc, ce ne sont pas des petites fermes, ce sont des entreprises
qui ont 150, 300 — on l'a
vu pour Fraisebec — 300 employés, évidemment, au moment où
elles produisent, au moment de leur production intense. Mais évidemment, au Québec, avec la température,
que voulez-vous, qu'on a, ces entreprises-là arrêtent un certain temps,
et ce qui fait qu'automatiquement ces
entreprises-là qui sont grandes basculent dans l'exclusion, échappent au code,
parce que, comme elles n'ont pas trois...
moins de trois employés à l'année longue parce qu'elles ferment un mois, deux
mois ou qu'elles n'ont besoin que de
deux personnes à une certaine période, bien elles viennent de tomber dans
l'exclusion du code et elles ne... et leurs travailleurs ne peuvent pas
se syndiquer, ce qui est une particularité, parce que toutes les autres
entreprises saisonnières au Québec ont le droit d'être syndiquées. Et
d'ailleurs le juge Davis de la Cour supérieure qui maintient la décision L'Écuyer le note, il dit : Ça place les
entreprises agricoles dans une situation privilégiée par rapport aux autres entreprises saisonnières. Et il donne
l'exemple du golf, il donne l'exemple de La Ronde, il donne
l'exemple... Alors donc, nous, on estime que, les entreprises ici, le critère
n'est pas bon, parce que c'est des grosses entreprises pour une certaine
période de l'année.
Le Président (M.
Cousineau) : Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Oui, M. le Président. J'aimerais aussi entendre
Mme Pineau sur... Moi, je reviens sur les fermes, là. Vous savez
qu'au Québec, M. le Président, on fait de l'agrotourisme, et souvent ce n'est
pas par choix, c'est par obligation. Et
souvent, par des valeurs comme le vice-président de l'UPA a mentionnées tout à
l'heure, il y a beaucoup de fermes au
Québec qui ont choisi cette avenue-là, pour avoir des travailleurs québécois,
de vendre directement leurs produits sur la ferme, qui ne sont pas
nécessairement des grosses fermes mais qui par leur production très diversifiée
vont être producteurs, parce que, pour faire
de l'agrotourisme, il faut avoir son statut de producteur, pour avoir le droit,
dans un milieu agricole, de pouvoir
transformer et de pouvoir vendre leurs produits directement sur la ferme. Ils
ne pourraient pas autrement, s'ils
n'étaient pas producteurs agricoles, s'ils n'étaient pas reconnus producteurs
agricoles, faire de l'agrotourisme dans le secteur agricole.
Donc,
ces petites fermes-là qui n'ont pas des gros chiffres d'affaires, qui ont
peut-être deux, trois employés ou moins,
durant la saison de la récolte vont être à 30, 35 employés, alors vous les
considérez comme des grandes entreprises? Je me pose la question parce que tout à l'heure on parlait... j'écoutais
mon collègue dire : On parle pour les employeurs et on ne parle pas pour les employés. Il y a des
employés qui connaissent leurs droits puis, j'aimerais aussi citer, il y a
des employés qui connaissent leurs
responsabilités. Quand ils viennent travailler sur une ferme année après année,
je pense qu'il y a une façon de faire
avec les employeurs qui est correcte, parce que, si ce n'était pas correct, ils
ne reviendraient pas. Alors, j'ai
beau essayer de chercher ce que vous dites, là, les... Vous dites qu'il y a des
conditions difficiles. À part celles qu'on connaît, là, les heures de
travail, la météo, pour ces petites entreprises que moi, je considère des
entreprises agricoles familiales, là, quelle
est... les conditions difficiles qu'on n'a pas vues, que les producteurs... que
les employés sont gênés de nous dire?
Quelles sont les conditions difficiles auxquelles vous avez fait face pour
avoir un discours comme celui-là?
Le Président (M.
Cousineau) : M. Lortie.
• (17 heures) •
M. Lortie
(Jean) : Oui, c'est... Bon. Comment répondre à ça? Bien, les
conditions de santé et sécurité au travail,
fondamentalement, les conditions de santé et sécurité, c'est les premières.
Moi, en tout cas, l'organisation qu'on a syndiquée dans le monde agricole,
c'est la santé et la sécurité au travail. Le respect. Ça peut ne pas être
quantifiable, mais le respect. Conditions de travail, bien sûr, les horaires,
les congés. L'accès à des logements salubres, parce que maintenant... Je vous
le disais, Mme la députée, un peu plus tôt. Je disais : On retrouve de
plus en plus de travailleurs migrants temporaires dans les usines, et là on
découvre la réalité de ces gens-là, les logements qui sont mis à leur
disposition, les conditions. C'est un réveil assez brutal pour beaucoup de gens
qui ne les connaissaient pas.
Mais, pour les
travailleurs québécois, on peut donner l'exemple des gens qui retournent à
toutes les années. Tant mieux, ça veut dire
que les conditions de travail sont intéressantes. Et ça, il faut souligner ça,
c'est des bons coups, et toute industrie devrait d'ailleurs faire la
promotion de ces bons exemples de bonnes pratiques de gestion là. Ça fait de
l'émulation pour l'industrie et ça donne des modèles à d'autres organisations.
Et, quand j'étais dans l'industrie du tourisme, je le faisais, on faisait
beaucoup de compétitions ou de prix annuels remis aux bonnes pratiques de
gestion.
Mais
les conditions de santé et sécurité, le respect, les conditions de travail et
d'avoir une voix collective, de parler, avoir des gens qui parlent
ensemble, qui sont protégés par ça, c'est fondamentalement ça, le droit
d'association qui existe depuis un siècle.
C'est d'avoir voix au chapitre dans l'organisation du travail, de pouvoir être...
d'avoir des porte-parole, de parler à l'employeur, d'avoir droit à avoir
voix au chapitre, de se faire entendre, et d'avoir des conditions de travail
écrites. C'est ça, fondamentalement, qui est en jeu.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Mirabel, il vous reste 2 min 30 s.
Mme
D'Amours : Êtes-vous d'accord qu'une entreprise économiquement, là,
non viable ou à peu près, qui est sur la corde raide, si elle arrive
avec des cotisations syndicales où que l'employeur et l'employé, bon,
s'entendent... Comment vont-ils rester en
affaires, ces gens-là? Parce que vous dites que vous allez vous asseoir pour
négocier avec des gens, vous allez
prendre des ententes, mais, si au départ... Parce qu'il faut toujours regarder
ça sur cinq ans, là, une entreprise agricole. Comment vous allez faire
pour négocier avec l'employeur sur les conditions de travail, et les conditions
salariales, et le fonds de pension que vous
parlez? Si l'employé, chez nous, est sur une entreprise de quatre à six
mois, revient à chaque année, c'est un choix qu'il fait, parce qu'il doit
peut-être travailler ailleurs. C'est peut-être un travail saisonnier, chez nous, temps partiel, un revenu
supplémentaire. Comment allez-vous faire en sorte de négocier avec un
employeur qui ne peut pas donner d'augmentation ou à peu près à une masse
salariale importante? Comment allez-vous... Quels sont les avantages d'un
employé si l'employeur ne pourra pas lui donner du 8 à 5? Parce que, si, dans l'après-midi,
à 2 heures, il fait 32° puis 34°, c'est peut-être mieux qu'on commence à
6 heures le matin. Mais, si la convention collective dit : C'est de 8
à 5, on fait quoi? Le salaire, ça va être quoi s'il n'y a pas de revenus?
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, une minute pour répondre, monsieur.
M. Lortie (Jean) : Ça se négocie au
quotidien. Ce que vous dites là, les horaires de travail, l'employeur et le syndicat s'assoient : À quelle heure que...
Je donnais l'exemple des crevettes. Quand les bateaux arrivent dans la
nuit, il faut que les employés soient là au quai de déchargement. Les crevettes
sont fraîches, il faut qu'elles rentrent dans l'usine.
C'est tout... C'est prévu, ça. Le monde travaille 12 heures de suite. Des
fois, ils travaillent sept jours 12 heures, ils ont une journée de
congé ou deux journées de congé. Tout ça, ça existe déjà dans la vraie vie.
Et si,
mettons... Le rappel au travail l'année suivante, des fois c'est seulement ça.
Dans les usines de pêche de morue en
Gaspésie — avant,
quand il y avait de la morue — c'était la seule bataille que les gens
faisaient, c'est d'être rappelés au travail l'année d'après. Ils n'en
demandaient pas, de salaire.
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, merci. Merci, M. Lortie. Merci, Mme Pineau. Merci,
M. Lévesque.
Alors, je
suspends pour quelques instants les travaux et j'invite les gens du Conseil du
patronat de s'avancer pour l'autre présentation.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 6)
Le Président (M. Cousineau) :
Alors, s'il vous plaît, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue...
Oh! juste avant, ça va me prendre un consentement, s'il vous plaît, parce que
nous risquons de déborder un petit peu 18 heures, de cinq minutes à peu
près, là. Consentement? Consentement. D'accord.
Alors, je souhaite la bienvenue aux membres du
Conseil du patronat du Québec. Je vous invite à présenter... à faire votre exposé. Vous avez 10 minutes
pour faire votre exposé, et il y aura 50 minutes de questions de la part
des parlementaires. À vous la parole, monsieur. Vous pouvez vous
présenter pour fins d'enregistrement.
Conseil du patronat du
Québec (CPQ)
M. Lamy
(Guy-François) : Bien sûr.
Bonne fin de journée, M. le Président, tous les membres de la
commission. Mon nom est Guy-François Lamy,
je suis le directeur des affaires juridiques du Conseil du patronat du Québec.
Donc, au sein du Conseil du patronat, je
suis responsable de tous les dossiers qui touchent notamment l'application des
lois du travail, notamment
l'application des normes internationales du travail, également, au sein de la représentation
patronale. Et, bien, je vous remercie
de nous avoir invités à cette consultation publique, je vous remercie de
m'accueillir aujourd'hui. Je sais que
je suis votre dernier intervenant, je sais que vous avez eu une longue journée.
J'espère que nos échanges pourront être à la hauteur de ce que vous
pouvez mériter à la fin d'une journée.
Le Conseil du
patronat, évidemment, comme vous le savez, n'est pas une organisation
d'employeurs agricoles, le Conseil du patronat, évidemment, représente
la très vaste majorité des employeurs québécois. En fait, à travers nos associations
sectorielles, puisque nous sommes d'abord une confédération d'associations
sectorielles... à travers nos associations sectorielles, c'est plus de
75 000 employeurs que le Conseil du patronat représente, à travers
ses différentes instances. Et une de nos
principales préoccupations, si ce n'est pas notre première préoccupation, au
Conseil du patronat, c'est de travailler à la prospérité du Québec. C'est de
s'assurer que les employeurs québécois disposent des meilleures conditions pour
prospérer et, ce faisant, que les salariés pourront aussi en bénéficier.
Et, pour atteindre cet objectif-là, une de nos
principales préoccupations, une de nos priorités, c'est de faire en sorte que nous disposions d'un cadre réglementaire
basé sur les principes de la réglementation intelligente. Vous nous avez
peut-être déjà entendus répéter ce
discours-là, vous expliquer ce en quoi constitue la réglementation
intelligente. Je me permets, puisque je n'ai que quelques minutes, de
vous le résumer très simplement en disant que c'est une réglementation — ou une législation, dans le cas qui nous intéresse ici — qui est axée sur les objectifs plutôt que
sur les moyens pour les atteindre. Et
le projet de loi que nous regardons aujourd'hui est un excellent exemple de
réglementation intelligente, et c'est pourquoi le Conseil du patronat l'appuie.
• (17 h 10) •
Pourquoi ce projet de loi est-il un
excellent exemple de réglementation intelligente? Eh bien, parce qu'il
constitue un juste équilibre entre le droit
fondamental des salariés de se regrouper pour exercer leur liberté
d'association, qui est constitutionnellement garantie, et la réalité de
cette industrie particulière... la réalité particulière de cette industrie, je devrais plutôt dire, qu'est l'industrie agricole.
Et qu'est-ce qu'on vient dire ici, dans ce projet de loi là, et pourquoi je
dis que c'est ciblé sur les objectifs plutôt
que sur les moyens? C'est qu'on vient exposer dans le projet de loi des mesures,
pour les employeurs et les salariés, pour
permettre la discussion, pour permettre cet échange-là qui est garanti
constitutionnellement en application de la liberté d'association tout en
respectant les caractéristiques du milieu, en n'imposant pas un régime
procédural rigide pour atteindre cet objectif-là.
Parce qu'il y a une
autre chose qu'il est important de souligner, c'est une autre observation à
laquelle je tiens aujourd'hui. C'est qu'on entend beaucoup discuter, en trame
de fond de tous les débats qui ont cours dans ce dossier-là — ce matin, j'écoutais la télé, avant de m'en
venir — et que
j'ai entendu dans les temps d'attente que j'avais avant de passer ici... On discute beaucoup des conditions
de travail des salariés agricoles, mais
je pense qu'il est important de ramener
aussi à l'essentiel que le Code du travail, ce n'est pas une loi qui traite de conditions
de travail. Ce n'est pas un vrai code du
travail qui codifierait l'ensemble des dispositions en
matière de travail, c'est plutôt une
loi de procédure en matière de
relations de travail, c'est un système procédural. Alors, on va prévoir comment
l'accréditation peut être obtenue par une
association, comment la négociation peut se conduire, qu'est-ce qui se passe avec le régime d'arbitrage,
de règlement des différends, etc.
Tout ça, c'est procédural. Les conditions de travail, elles ne sont pas
discutées par le Code du travail. Le Code du travail vise à encadrer la
façon de discuter des conditions de travail.
Dans le régime
législatif, les conditions de travail, elles, elles sont prévues par une série
d'autres lois, on en a discuté plus tôt
aujourd'hui, la Loi sur les normes du travail, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail par exemple. On peut
même pousser ça plus loin avec la Charte des droits et libertés de la personne,
on peut parler de la Loi sur l'équité salariale.
Ce sont toutes des lois en matière de travail qui traitent de conditions de
travail. Le Code du travail, lui, non. Le Code du travail est une loi
procédurale.
Et ce qu'on vient
dire ici, c'est qu'on a une industrie pour qui cette procédure-là est
excessivement lourde, et difficile à appliquer,
et peut même avoir des effets néfastes si on devait l'appliquer, si on devait
lui imposer cette procédure-là. Alors, l'arbitrage, sans jeu de mots,
l'arbitrage qu'on fait ici, dans le projet de loi, c'est qu'on vient prévoir
une mécanique plus souple où on dit au
milieu : Voilà, vous avez un milieu particulier, vous avez des
considérations qui sont inhérentes pratiquement uniquement à votre
industrie, là... Quand on parle des aléas de la nature, quand on parle de la météo, quand on parle du fait qu'on travaille
avec des produits vivants, il n'y a pas beaucoup d'autres industries,
même dans le saisonnier, là, même... Un centre de ski ou un terrain de golf a
peut-être les aléas de la météo mais n'a pas à transiger, si je peux me permettre, avec du vivant. Alors, on vient leur
dire : Vous avez toute cette pression naturelle là sur votre industrie; nous vous laissons donc le soin
de respecter les moyens... de prendre les moyens nécessaires pour
atteindre l'objectif que nous vous imposons, par contre, qui est de vous
assurer de pouvoir discuter en toute bonne foi avec vos salariés sur leurs
conditions de travail et sur les représentations qu'ils ont à faire.
Et ça, je pense que
c'est un autre élément qu'il ne faut pas éluder, la bonne foi, parce qu'on
beaucoup entendu aussi, dans le discours
critique à l'égard du projet de loi, que ce projet de loi là, dans le fond,
était un peu une mascarade parce que
l'employeur n'avait qu'à tenir compte des représentations des salariés et
simplement dire : Non, merci, et c'est terminé. Bien, l'enjeu ici
est aussi dans cette direction-là, à l'égard de l'exercice de la bonne foi,
parce qu'il y a un organisme qui est
responsable de le contrôler, il y a un organisme qui est responsable de
l'appliquer. Et la bonne foi, ce n'est pas un nouveau concept en droit.
La bonne foi, en droit civil, existe depuis des siècles, et il y a eu un
développement. Et on sait que la bonne foi,
ce n'est pas nécessairement seulement d'écouter et de hocher de la tête. La
bonne foi, c'est d'être actif. La bonne foi, c'est d'avoir un certain
caractère de sincérité dans l'étude qu'on fait des demandes qui nous sont
faites, dans ce cas-ci.
Alors, c'est pour ça
que je vous dis : Ce projet de loi là est intéressant, parce qu'il est une
des premières matérialisations, en fait, de réglementation intelligente en
matière de relations de travail. Et c'est pourquoi nous concluons d'ailleurs
notre mémoire en disant que c'est un esprit qui devrait d'ailleurs animer les
parlementaires, le ministre du Travail à l'égard d'autres secteurs en matière
de relations de travail, parce que chaque industrie a ses particularités — disons qu'on a un exemple très frappant
d'une industrie qui a ses particularités ici — et donc il y a un intérêt pour les
employeurs de façon plus large à ce que ce soit respecté.
Et finalement une
dernière observation que j'aimerais faire, c'est celle sur le dialogue social.
Le dialogue social, la culture du dialogue
social est intégrée au Québec, je dirais, depuis 1964 particulièrement, depuis
la création du Code du travail, on a
bien intégré une culture de dialogue social. Ça a commencé par, évidemment, le
système politique qui, par un
exercice comme celui qu'on fait aujourd'hui, consulte ses parties prenantes, et
ce qu'on observe, c'est que ça s'est intégré à l'intérieur des
entreprises et des organisations. Et, qu'on soit dans une entreprise syndiquée
ou non, aujourd'hui on assiste à ce réflexe,
je vous dirais, naturel de la part de l'employeur de consulter ses parties
prenantes. Dans les plus grosses organisations, ça s'intègre dans un
principe de responsabilité sociale, de saine gestion des ressources humaines,
et, dans les plus petites, ça s'intègre par une volonté de bien gérer, une volonté
très sincère d'être un bon employeur. Et ce que le projet de loi vient proposer
ici, dans le fond, c'est aussi une forme de codification de
dialogue social où on vient, dans le fond, expliquer comment on doit faire pour entamer cette discussion-là et y
poser certaines balises pour s'assurer effectivement qu'elle ait lieu.
Alors, ça complète
mes représentations, M. le Président.
Le Président (M.
Cousineau) : Alors, merci, monsieur... Le nom m'échappe.
M. Lamy?
M.
Hamad : Lamy.
Le Président (M. Cousineau) : Lamy. O.K.,
merci. Alors, nous allons passer à la
période de questions. Donc, vous avez, M. le ministre, les
25 prochaines minutes pour vous adresser à M. Lamy.
M.
Hamad : Merci, M. le Président. M. Lamy, bienvenue. Et je vois que vous
êtes passionné, là. On sent que vous l'avez, là, vous aimez ça. C'est
bien.
Je vous poserai une question
simple pour commencer : Si on ne fait rien, quels sont les impacts?
M. Lamy
(Guy-François) : Bien, si vous ne faites rien...
M.
Hamad :
Si on retire le projet de loi, quels seront les impacts?
M. Lamy
(Guy-François) : Si vous retirez le projet de loi, actuellement, le Code
du travail va s'appliquer intégralement aux
salariés des exploitations agricoles. Alors, une exploitation agricole va se
retrouver avec une requête en accréditation, par exemple, les salariés
décident de se regrouper. Alors, ils vont aller... ils vont se regrouper, ils
vont joindre un syndicat,
ils vont déposer une requête en accréditation. La requête va être étudiée, va
être reçue par la Commission des relations du travail.
Alors
là, on va devoir se prononcer sur la liste de salariés couverts par l'unité de négociation — premier
litige potentiel — alors
qui fait vraiment partie de... qui est véritablement un salarié au sein de l'exploitation
agricole ici pour être couvert par l'unité de négociation. Pourquoi? Pourquoi
on veut ça? Parce qu'on veut déterminer si on a une représentativité de
50 % plus un.
Alors,
si on arrive à la conclusion qu'on n'a pas une représentativité de 50 %
plus un, qu'est-ce qui peut arriver? On peut se retrouver avec une
représentativité de 35 % à 49 %. À ce moment-là, l'agent de relations
de travail à la CRT va ordonner la tenue
d'un vote. Alors là, on va devoir organiser le vote au scrutin secret pour
déterminer si les salariés souhaitent ou non faire partie de cette unité
de négociation là.
Supposons
qu'on arrive à la conclusion qu'effectivement les salariés sont accrédités, on
va ensuite passer à l'étape de la
négociation collective. Alors là, on va devoir tenir une, deux, trois, quatre...
et là je me mets trois petits points pour vous laisser deviner le nombre
de rencontres qu'on va devoir tenir pour en arriver à la conclusion d'une
convention collective, avec ce qui vient
aussi avec de première négociation de convention, qui pourrait se rendre
jusqu'à l'arbitrage, conciliation,
médiation, potentiellement grève, potentiellement lock-out, si on n'arrive pas
à s'entendre, et ultimement pour en arriver à des conditions de travail.
Et
peut-être un point que je pourrais préciser aussi là-dessus, puisque j'ai dit
tout à l'heure qu'on ne parlait pas de conditions de travail, mais
justement la négociation collective pas plus que le régime de discussion qui
est prévu, qui est proposé dans le projet de loi ici ne va proposer une
garantie de succès au niveau des conditions de travail, on va toujours en demeurer à ce que l'employeur peut
offrir. Alors, il ne faut pas non plus faire miroiter aux salariés des
conditions extraordinaires de par le simple fait de la syndicalisation.
Par
contre, une chose qui est certaine, c'est qu'on va devoir passer à travers ce
processus et cette procédure-là, qui, comme je le souligne, peut être
lourde pour une petite exploitation.
Le Président (M.
Cousineau) : M. le ministre.
M.
Hamad :
Est-ce que vous connaissez bien le code de l'Ontario?
M. Lamy (Guy-François) : Une certaine connaissance du code de l'Ontario.
Je ne suis pas juriste ontarien, mais...
M.
Hamad :
Est-ce que, selon vos connaissances, en Ontario les travailleurs sont
maltraités avec la nouvelle loi de 2002?
M. Lamy (Guy-François) : Ah! vous parlez de la... Non. Bien, à ma
connaissance, il n'y a pas eu de cas qui ont émané, en Ontario, de problèmes suivant cette loi-là. Et je vous
suggérerais qu'avant de conclure à une catastrophe, avant de conclure à... avant d'agir législativement face à
un problème, il est aussi important d'avoir des études appuyées et non
pas seulement de se baser sur de l'anecdote. Alors, je me méfierais, si on vous
souligne des cas problèmes en Ontario, de distinguer
l'anecdote du vrai problème. Je vais être honnête avec vous, peut-être que
l'anecdote peut être la puce à l'oreille qui nous amène à vouloir
étudier un problème, et ensuite de ça on peut passer à une étape législative,
là, mais, à ma connaissance, de ce que j'ai entendu, l'Ontario n'a pas de
problème, non.
M.
Hamad :
M. Lortie a fait une très bonne présentation puis a amené un argument, il
a dit : Vous ne pouvez pas savoir
maintenant les problèmes parce qu'ils ne sont pas syndiqués, mais, lorsqu'ils
seront syndiqués, vous allez voir les problèmes. C'est quoi, votre
réponse à ça?
• (17 h 20) •
M. Lamy (Guy-François) :
Je vous dirais qu'aujourd'hui, avec la culture du dialogue social, j'ai un peu
de difficultés avec cet argument-là, parce
qu'aujourd'hui on a une culture, dans les organisations, de discussion et de
dialogue. Alors, généralement, les employeurs sont au courant de ce qui se passe, et généralement les salariés sont assez capables de revendiquer leurs droits. Je
ne veux pas faire de la sociologie, je ne suis pas sociologue, et ce serait de
la sociologie de bottine, mais vous savez
aussi comme moi que la génération Y, sur laquelle je suis né sur la frontière,
est une génération assez revendicatrice, elle-même, et qui n'a pas peur
de faire valoir ses droits.
Alors,
là-dessus, c'est un argument que j'entends mais que je ne vois pas appuyé sur
quoi que ce soit. J'entends qu'il est
appuyé sur leur expérience, puis moi, j'ai envie de vous répondre : Écoutez,
moi, j'ai une expérience, et une vision, et une compréhension qui est
différente.
M.
Hamad : O.K. Vous faisez la distinction, dans votre présentation,
que... Vous dites, là, que l'application... les conséquences... Non, c'est l'autre paragraphe, là. Vous avez
mentionné que le Code du travail
devait encadrer la liberté d'association et qu'il n'était donc pas
question des conditions de travail, contrairement à d'autres lois d'ordre
public, normes, santé et sécurité, etc. Pourriez-vous faire la distinction?
C'est quoi que vous voulez dire exactement?
M. Lamy
(Guy-François) : C'est-à-dire que vous avez un droit constitutionnellement garanti qui est la
liberté d'association. Pour la mettre en
oeuvre, cette liberté d'association là, au Québec, on a un régime général qui est prévu par
le Code du travail. On a des régimes d'exception, régimes spécifiques, construction,
artistes, on en a entendu parler. Même au
sein du Code du travail, policiers et pompiers ont des régimes
particuliers aussi. Et là on en propose un autre pour les travailleurs
agricoles. C'est ce que je vous disais tout à l'heure quand je disais que c'est
un régime qui est procédural, en ce sens qu'on vient expliquer comment
s'articule la liberté d'association.
Alors, vous
pouvez vous regrouper au sein d'un syndicat qui va être accrédité, reconnu par
la Commission des relations du
travail, qui ensuite de ça va être le seul agent négociateur pour vous. Ça,
c'est un modèle d'exercice de la liberté d'association. Mais ce que la Cour suprême nous a dit... J'ai entendu mon confrère de
la CSN un peu plus tôt, alors que j'étais dans la salle, expliquer qu'il
a une vision différente et n'est pas d'accord avec la lecture que la Cour suprême a faite de la liberté d'association, mais il n'en demeure pas moins que c'est ça, l'état du droit. La liberté
d'association ne donne pas... ne garantit pas l'accès à un
régime aussi détaillé que ça. La liberté d'association, c'est le
droit de se regrouper pour discuter de ses conditions de travail.
Et je vais même pousser ça plus loin : La
liberté d'association, c'est une liberté qui va au-delà des simples relations de travail, c'est la liberté de se regrouper.
Le Conseil du patronat, on bénéficie, nous aussi, de la liberté d'association,
là, on est une fédération d'employeurs. Alors, ça, c'est la matérialisation.
Les conditions de travail, ensuite, au niveau
législatif, sont prévues par une multitude d'autres lois qui sont spécifiques aux sujets qu'elles veulent couvrir,
et elles sont d'ordre public, mais la liberté d'association et les conditions
de travail, ce sont deux choses.
M.
Hamad : On posait des questions pourquoi
il n'y a pas plus de fraises chez Costco puis d'autres, et une des réponses que nous avons eues, c'est que vos
membres, certains de vos membres, ils ont une politique d'achat à
Toronto puis ils achètent ailleurs. C'est quoi, votre réponse à ça? C'est quoi
que vos membres... Pourquoi vos membres achètent ailleurs, ils ont une politique
d'achat ailleurs?
M. Lamy (Guy-François) : Écoutez, il
faudrait poser spécifiquement la question à ces membres-là, qui sont les
détaillants en alimentation, mais je peux vous dire qu'il y a une multitude de
variables qui fait en sorte qu'on s'approvisionne
d'une façon ou d'une autre quand on exploite un commerce, quand on est un
détaillant en alimentation, par
exemple. Alors, ça va être la
facilité d'obtention des produits, ça va être le prix, ça va être les goûts de
la clientèle. Alors, il y a une multitude de facteurs qui peuvent
influencer.
Je n'ai pas
l'expertise pour vous donner, par
contre, un point précis, mais c'est certainement une suite de plusieurs autres... de plusieurs facteurs. Mais le
prix doit en être un, j'imagine.
M.
Hamad : Si on ne fait rien, est-ce que
la compétitivité de notre système...
Est-ce qu'il sera bon, il va être bon?
M. Lamy (Guy-François) : Il y a un
lien inévitable à faire entre le facteur... le poids réglementaire qui pèse sur
une entreprise et sa compétitivité. Alors, certaines entreprises, certaines
industries ont une capacité d'absorption d'un
fardeau réglementaire plus élevée que d'autres, bien que, pour toute
entreprise, ce fardeau réglementaire là devrait être limité au minimum,
comme je vous le disais en introduction.
Mais ce qu'on
constate, c'est qu'à plus forte raison l'industrie agricole est une industrie
qui est fragile et précaire, plus que
plusieurs autres. Alors, si on lui impose un fardeau administratif et
réglementaire plus élevé, ça a nécessairement un impact sur sa
compétitivité.
Et là, en
plus, on sait que... Vous l'avez soulevé dans le cas de l'industrie agricole,
Québec et Ontario, provinces limitrophes qui sont concurrentes entre
elles pour l'approvisionnement des détaillants en alimentation. Évidemment, si on sait que l'Ontario a un modèle de relations
de travail qui est à ce point allégé au niveau procédural, eh bien, il
est fort pertinent que le Québec ait la même chose, là, si on veut... C'est au
moins un pas dans la compétitivité, même si, il faut être honnête, il y a
d'autres facteurs, là.
M.
Hamad : M. le
Président, je pense que le député d'Argenteuil veut poser une question. Il
avait hâte de la poser, sa question.
Le Président (M. Cousineau) :
Oui, avec plaisir. Alors, M. le député d'Argenteuil.
M.
St-Denis : Bonjour, tout le monde. M. Lamy, la CSN, tantôt,
faisait état... parlait de l'OIT dans son rapport, puis tout ça, puis
disait que le comité estimait que la loi ontarienne était non conforme au
principe de la liberté syndicale.
J'aimerais ça vous entendre à ce sujet-là, vous avez l'air à connaître les lois
pas mal. Alors, votre opinion, là, en ce
qui concerne l'OIT puis par rapport aux conventions collectives ou... en lien
avec le projet de loi n° 8, évidemment?
Le Président (M. Cousineau) :
M. Lamy.
M. Lamy
(Guy-François) : Merci.
Effectivement, M. le député, j'ai une assez bonne connaissance du fonctionnement des règles internationales et de
l'OIT, je suis délégué des employeurs canadiens auprès de l'Organisation
internationale du travail dans le cadre de
mes fonctions au Conseil du patronat. Et j'étais assis dans la salle, j'ai
entendu les propos de Me Lévesque et
j'ai sursauté, mais je n'ai pas été surpris, j'ai sursauté, parce que c'est un
discours qui est poussé par les associations syndicales sur leur vision
d'application des conventions 87 et 89 de l'OIT, mais c'est leur vision à eux. Et il y a certains comités de l'OIT
qui partagent cette vision-là, mais il ne faut pas oublier que
l'Organisation internationale du travail est une organisation qui est
tripartite, donc employeurs, gouvernements, travailleurs, et qui fonctionne par
consensus.
Il n'est
nulle part écrit dans les conventions internationales du travail, sur la
liberté syndicale, qu'elle donne droit, par exemple, au droit de grève,
qu'elle donne droit à tout un régime procédural aussi détaillé que celui du
Code du travail, ce n'est écrit nulle part.
Certaines personnes ont fait une interprétation de ces conditions de travail là
pour arrimer ça avec leur vision de
ce qu'elles devraient être, mais cette vision-là n'a jamais été partagée par
les mandants dans aucune instance tripartite de l'OIT. Je pense que c'est
très important de le préciser, là. C'est une vision, c'est une position qui est tenue par certains groupes, notamment les
représentants des travailleurs et certains gouvernements au sein de
l'OIT, mais elle n'est pas partagée, et donc elle n'est pas encore une
véritable position de l'OIT.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député d'Argenteuil, est-ce que ça va?
M. St-Denis : Bien, peut-être... Et
vous nous diriez quoi comme conseil par rapport à leurs interventions?
M. Lamy
(Guy-François) : Bien, je
vous dirais que ce qu'ils tentent de faire, à mon avis, c'est de passer par
les États membres de l'OIT pour que la
législation nationale puisse pousser pour venir appuyer leur vision au niveau
international, pour rendre une
interprétation qui est conforme, à mon avis. Mais je vous dirais que c'est un
domaine sur lequel les délégations d'employeurs... notamment en tête
l'Organisation internationale des employeurs, avec laquelle je collabore et que
je connais bien, est opposée.
Le Président (M. Cousineau) :
Merci, M. Lamy. Rappeler aux députés du côté ministériel qu'il reste
autour de 13 minutes. Alors, M. le député de Maskinongé.
M. Plante
(Maskinongé) : Oui, merci, M. le Président. Donc, écoutez,
M. Lamy, tantôt vous avez parlé et vous avez reconnu d'emblée le caractère distinctif des entreprises agricoles,
donc, comme entreprises, oui, mais avec un côté très distinctif des autres, particulières. Et même, je
vous dirais... Et depuis ce matin qu'on entend «familial», «non
familial»; PME, pas PME et grosse entreprise. Tantôt, on était quasiment rendu
à la multinationale, dans certains propos, là, où est-ce qu'ils disaient qu'ils ne reconnaissaient pas le caractère
distinctif, ça m'a même sauté... en disant... Bon, il y en a qui disaient
qu'on avait peut-être une image bucolique ou un peu passée de l'agriculture.
Pour moi qui représente une circonscription très
rurale, je peux vous dire que j'ai été surpris de ces propos, puisque, pour moi, les entreprises familiales sont
encore... les entreprises agricoles, excusez-moi, sont encore des
entreprises familiales, mais j'aimerais
savoir, de votre point de vue... J'aimerais que vous m'expliquiez plus, de
votre côté, ce que vous reconnaissez comme distinctif au domaine de
l'agriculture ici, au Québec, présentement.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Lamy.
• (17 h 30) •
M. Lamy (Guy-François) : Merci.
Écoutez, je sais qu'il y a plusieurs personnes qui viennent de milieux, justement, agricoles, au sein de cette
commission-là. Je dois faire amende honorable : ce n'est pas mon cas. Je
suis un urbain... ou en fait un enfant de la banlieue, là. Alors, moi,
mes légumes, je les ai toujours achetés à l'épicerie, là.
Mais ce que
je comprends de l'étude que j'ai faite de ce dossier-là, préalablement à
analyser ce projet de loi là, c'est
que le caractère très distinctif de cette industrie-là vient du fait — et je suis d'accord avec vous, M. le
député — de son
caractère familial mais aussi de son caractère intrinsèquement relié à la
nature. Et, en 2014, il y a de moins en moins d'industries si
intrinsèquement reliées à la nature que ça. Alors, on parle un peu du tourisme,
on parle un peu de ce qui est loisirs et
sport, mais le mode d'opération agricole est et sera toujours
lié aux aléas de la nature, et ça, c'est une force incontrôlable. Donc, dans ce contexte-là, c'est là où est cette
particularité-là très, très inhérente à cette industrie-là, à mon avis,
et aussi, suivant ça, dans son organisation du travail.
Vous savez,
le Code du travail — et on le dit dans notre mémoire — le Code du travail est une législation
qui est basée sur un modèle que j'appelle
bien simplement, là, le modèle de l'usine ou du bureau, alors ce caractère de
relation continue entre un salarié et un employeur au sein d'un établissement.
Même s'il y a des contrats à durée déterminée, même si parfois ça peut être
saisonnier, le Code du travail est basé sur, quand même, cette relation
d'opération en continu, ce qui va nous
permettre, quand on est en opération en continu, de pouvoir prendre du temps
pour négocier une convention collective avec des délégués puis des
représentants en ayant une première rencontre à telle date, une autre rencontre à telle autre date qui va se suspendre
parce que, là, de part et d'autre, on doit aller vérifier ou contrôler
certaines choses et
revenir par la suite. C'est là où j'entends cette relation de continuité là. Et
cette relation de continuité là, elle est absente dans l'industrie agricole également. Alors, ça, c'est un autre
caractère très distinctif, si je le colle spécifiquement à l'application
du Code du travail ou d'une législation en relations de travail.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Maskinongé.
M. Plante (Maskinongé) : Ça va pour
moi.
Le Président (M. Cousineau) :
Ça va? M. le député de Huntingdon.
M. Billette : Moi, j'aurais une
dernière... une seule intervention, dans mon cas, je veux dire. Des propos très
intéressants. Réglementation intelligente, on en a appris beaucoup, donc c'est
très intéressant.
Et vous représentez le Conseil du patronat. On a
rencontré plusieurs personnes aujourd'hui, que ce soient des associations de
producteurs agricoles, des fraises et framboises, l'UPA; on a rencontré des
représentants, également, syndicaux. Et il y
a une phrase qui m'a beaucoup... qui a attiré mon attention, qui n'a pas été
dite de façon directe : souvent, on parlait beaucoup du surplus
administratif que devait apporter... Et je vous entendais tantôt, je vous ai
écouté. Tout le processus, à ce moment-là,
je m'imagine à la place du producteur. Le producteur, il y a quelqu'un qui nous
l'a dit, c'est le V.P. Production, le
V.P. Ressources humaines, le V.P. Fabrication, le V.P. Embouteillage,
opérations complètes sur sa ferme,
souvent assisté de son épouse... ou de son époux, si c'est l'épouse qui est
propriétaire. Donc, on voit un petit peu les nombreux chapeaux qu'il
doit porter au niveau de la ferme.
Si on fait le
parallèle... Vous représentez des entreprises. Vous avez des petites et
moyennes entreprises et des très, très petites entreprises, à ce
moment-là. Je vous écoutais tantôt, là, vous parliez, là, de négocier la liste
des salariés, des conventions collectives,
la conciliation, la grève, le lock-out. Je suis en train de m'imaginer à la
place de mon producteur qu'il vous a été démontré tantôt qu'il est le
V.P. de toutes les opérations sur sa ferme, la distribution, les ventes, la
production, et qui doit conjuguer également avec la température.
Et des propos
qu'on entendait d'autre part disaient : C'est très simple, ce n'est pas
administrativement... tant que ça. Et,
nous, ce qui est important, puis c'est souvent des choses qu'on a entendues
tout au long de la campagne électorale auparavant, c'est le surplus de
paperasse que l'on retrouve dans nos entreprises.
Est-ce qu'il
est vrai de mentionner qu'administrativement il n'y a pas un supplément, un
coût supplémentaire, des demandes
supplémentaires lorsqu'on arrive avec la syndicalisation dans une entreprise,
surtout au niveau de la petite entreprise? Et, dans ce cas-là, on parle
de trois employés permanents et continus sur une ferme.
M. Lamy
(Guy-François) : La gestion
d'une convention collective, et même, plus en amont, là, la gestion
d'une requête en accréditation, c'est nécessairement des suivis, c'est nécessairement
des formulaires, c'est nécessairement des rapports avec la Commission des
relations du travail, c'est nécessairement du temps pour la négociation de la
convention collective et, par la suite, la gestion des griefs dans les délais
qui sont imposés soit par le code soit par la convention collective elle-même.
C'est une série de procédures administratives.
C'est sûr que, quand on s'embarque dans une
procédure comme le Code du travail, on s'ajoute un fardeau administratif qui va être relativement en continu
au sein de l'organisation. Alors, oui, il y a cet aspect-là qui est là,
qui est inévitable dans le cas d'une convention collective ou d'une
accréditation syndicale.
Je vous donnerais par analogie le fait qu'au
sein des employeurs qui sont syndiqués il y a généralement quelqu'un qui est
dédié... au moins une personne qui est dédiée à temps plein, là, je ne parlerai
pas de très grandes entreprises où il y a un
département, là, de relations de travail, mais nécessairement il y a quelqu'un
qui doit s'occuper de ça. Dans une
plus petite entreprise, c'est là où ça devient plus ardu, parce que, comme vous
le soulignez, c'est aussi la même personne qui va faire la comptabilité,
qui va faire les ressources humaines, qui va faire les opérations. Alors, je
comprends...
Et j'ai été témoin récemment d'un exemple au
sein d'une exploitation agricole près de moi. Je vous disais que je ne viens pas de ce milieu-là, mais j'en ai
pas loin. J'ai dû assister à une
funéraille récemment dans le cadre
d'une famille... au sein d'une famille
agricole qui a dû reporter les obsèques en raison des aléas de la ferme. Donc,
on a attendu trois semaines de plus avant de procéder aux funérailles
parce que ce n'était pas le temps de procéder aux funérailles. Et, par la suite, l'inhumation a eu lieu deux mois
plus tard parce que ce n'était pas le temps à ce moment-là. Donc, j'ai
été sensibilisé aussi à cette réalité-là. Et
là c'est complètement à l'extérieur des relations de travail, mais, je me dis,
lorsque dans une entreprise familiale on a quelque chose d'aussi important
qu'une funéraille à faire et qu'on est coincé avec la réalité de son exploitation, j'imagine que de rajouter un fardeau
administratif plutôt que celui-là qui est simplement une contrainte de
temps sur quelque chose qui est très émotif, ça doit être assez percutant.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Huntingdon.
M. Billette : Ça me va, M. le
Président.
Le Président (M. Cousineau) :
Ça vous va? Est-ce qu'il y a d'autres... Oui, M. le député de Pontiac.
M.
Fortin (Pontiac) : Oui, pourquoi pas? Merci, M. le Président. Je
trouve que c'est intéressant, ce que vous apportez à la table, M. Lamy, et le Conseil du patronat a une
perspective un peu différente de ce qu'on a entendu des autres interventions
aujourd'hui. Et ce qui est particulièrement intéressant, dans la présentation
que vous nous avez faite et les réponses
que vous avez offertes à nos questions jusqu'à maintenant, c'est toute la
perspective que vous avez par rapport à l'allègement bureaucratique et
comment ça peut mener à une productivité plus intéressante pour les entreprises
d'ici, pour l'économie de notre province au complet.
Il y a un point dans
votre mémoire sur lequel j'ai accroché et j'aimerais vous poser une question
là-dessus, c'est quand vous parlez de la
comparaison avec la loi qui est en place en Ontario depuis déjà une dizaine
d'années, là. Le mémoire du conseil
précise que notre loi est similaire, mais, à la compréhension que j'en ai, la
loi de l'Ontario va beaucoup plus
loin, car elle inclut des exploitations agricoles qui sont beaucoup plus
grandes. Cependant, ce que vous dites, c'est que le projet de loi qu'on a en ce moment permet d'assurer que les
producteurs agricoles ne seront pas désavantagés par une législation
plus lourde que celle de la province voisine. Donc, peut-être que vous pourriez
élaborer sur les différences entre les deux
projets de loi et qu'est-ce que ça pourrait amener d'aller encore plus loin
avec un projet de loi québécois.
Le Président (M.
Cousineau) : M. Lamy.
M. Lamy (Guy-François) : Merci, M. le Président. En fait, ce qu'on dit
dans notre mémoire, c'est que le projet de loi est en substance la même chose. Effectivement, il y a certaines
nuances à apporter entre le projet de loi ontarien puis le projet de loi
qu'on étudie aujourd'hui.
Dans
le fond, ce que je comprends de votre question, c'est que vous dites : Si
on se collait complètement à la réalité
du projet de loi ontarien, qu'est-ce que ça apporterait de plus? J'ai compris
de par les représentations des représentants de l'industrie spécifiques, notamment les gens de l'Association des
producteurs maraîchers... J'ai compris que, pour eux, cet élargissement-là du projet de loi est relativement
minime, dans le sens qu'ils se satisfont bien... Alors, moi, quand
j'entends ça, j'entends que cette
industrie-là est satisfaite de la compétitivité que ça lui apporte. Alors, je
dis : Bien, tant mieux! Ils sont les experts pour se prononcer
là-dessus. Notre vision, au Conseil du patronat, c'est qu'on doit tendre vers
la compétitivité la plus grande, au Québec, par rapport particulièrement à nos
voisins. Et en fait, au Québec, on est en concurrence
avec le monde. C'est peut-être un peu moins la réalité dans l'industrie
agricole, quoique je sais qu'on trouve des produits d'un peu partout
maintenant sur nos tablettes, mais c'est sûr que l'idée de tendre vers une
compétitivité la plus... la plus adéquate, la plus arrimée, dans le fond, est
probablement la meilleure solution.
Mais,
cela dit, je tiens à le préciser, il ne faut pas que ce soit fait non plus
entièrement au détriment de la balance des droits des autres groupes ou
des autres individus qui peuvent être concernés, et puis, dans ce sens-là,
c'est là où on trouve que le projet de loi
est intéressant, parce qu'il vient poser un bon équilibre. On est au sein des
plus petites entreprises, celles qui emploient moins de trois salariés
de façon continue. Donc, on vise spécifiquement ces entreprises qui sont familiales là, tout en s'assurant — parce que c'est important, c'est très
important — que la
liberté d'association et la capacité des salariés de faire des
représentations sur leurs conditions de travail soient respectées, et qu'elles
soient réellement respectées, là, dans ce contexte-là. Alors, je pense qu'il
faut quand même s'assurer de préserver cet équilibre-là.
Je
ne suis pas en train... Malgré le fait que je représente les employeurs et que,
oui, je vous parle dans leur intérêt, je ne suis pas en train de vouloir nécessairement tirer à 100 % la
couverte du côté des employeurs, parce qu'en bout de ligne, ce qu'on veut, c'est être capables d'avoir aussi
des relations de travail qui sont harmonieuses, donc de pouvoir
permettre ce dialogue-là.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci, M. Lamy. Alors, peut-être une
dernière question. Il reste 45 secondes.
• (17 h 40) •
M.
Fortin (Pontiac) : Bon, bien
peut-être... J'apprécie votre position, mais... Je crois
que c'est bien réfléchi, et ça me semble tout à fait logique.
Dans votre étude
limitée, votre expertise limitée dans le monde agricole, est-ce que vous avez
aperçu des opportunités — je
posais la question à l'UPA tantôt, mais on a manqué de temps un peu — avez-vous
aperçu des opportunités pour renverser cette
tendance-là par rapport à la productivité et la compétitivité de nos
entreprises maraîchères? Est-ce qu'il y a des choses où on pourrait
aller encore plus loin, qui pourraient nous aider, que ce soit au niveau, là,
justement, de l'allègement bureaucratique ou autres, à renverser cette
tendance-là par rapport à ce que l'Ontario fait ou d'autres juridictions?
Le Président (M.
Cousineau) : En 10 secondes.
M. Lamy
(Guy-François) : Bien, en 10 secondes, je vous référerais à notre
plan stratégique, au Conseil du patronat,
dans lequel on voit nos cinq grandes priorités, qui concernent une main-d'oeuvre disponible, qualifiée, en quantité suffisante, la réglementation
intelligente, une fiscalité concurrentielle. Mais je n'aurais pas, ce soir, de
représentation spécifique à vous faire sur cette industrie-là, parce qu'on n'a
pas poussé notre étude de façon aussi spécialisée.
Le Président (M.
Cousineau) : C'est une bonne réponse de politicien.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Le Président (M.
Cousineau) : Donc, nous allons passer au deuxième bloc. M. le
député de Berthier, pour le prochain 15 minutes.
M. Villeneuve : Merci. Merci,
M. le Président. Alors, bonjour, monsieur.
M. Lamy
(Guy-François) : Bonjour.
M.
Villeneuve : Effectivement, votre point de vue, par
rapport à ce qu'on a entendu, est
différent, est différent, et je dirais
même... Bien là, tout dépendant de la réponse que j'aurai à ma question,
je le qualifierai peut-être autrement. Alors, je vais d'abord y aller
avec la question, avant de le qualifier autrement.
Dans votre
introduction du mémoire, vous dites : «Bien que ce projet de loi ne vise qu'une industrie spécifique, l'esprit qui l'anime est d'une importance déterminante pour l'ensemble
des employeurs du Québec.» Moi, j'aimerais vous entendre sur cette
phrase-là, là, parce qu'on peut imaginer plein de choses, hein, vous comprenez,
on peut imaginer plein de choses. Et
évidemment, si elle est dans l'introduction, elle a sa raison d'être, je pense
que c'est le premier clou que vous plantez. Alors, moi, j'aimerais en
connaître davantage sur la signification profonde de cette phrase-là.
Le Président (M. Cousineau) :
M. Lamy.
M. Lamy (Guy-François) : D'accord. Merci,
M. le Président. Je vous dis qu'elle est significative parce que c'est un pas, comme je l'ai dit en introduction,
c'est un pas vers une approche de réglementation intelligente en matière
de relations de travail. Alors, le projet de loi ne vise que cette
industrie-là, mais le message qui est envoyé est le bon, c'est-à-dire que le message qui est envoyé, c'est : Nous nous sommes préoccupés
de nous assurer que, lorsque nous prenons des dispositions à l'égard des employeurs, à l'égard des entreprises,
nous allons nous cibler sur les objectifs à atteindre plutôt que sur les moyens pour
les réaliser. Et, dans ce sens-là, ce
que nous disons dans le mémoire, c'est que c'est une bonne nouvelle pour
les employeurs. C'est inspirant, c'est rafraîchissant d'entendre et de lire ça
dans un projet de loi, parce qu'on arrive à ces objectifs-là.
M.
Villeneuve : Est-ce qu'on peut penser... Parce qu'on pourrait
penser... Bon, merci de l'explication, mais on pourrait penser aussi
beaucoup d'autres choses. Est-ce qu'on peut penser que, par cette phrase...
Vous dites que c'est de la réglementation
intelligente. Est-ce que cette phrase-là pourrait aussi faire penser que vous
verriez d'un bon oeil qu'elle puisse s'étendre dans d'autres domaines du
travail au Québec?
M. Lamy
(Guy-François) : Oui. Cette
phrase-là est aussi dans la conclusion de notre mémoire. Ce que nous
vous disons, c'est que, lorsqu'on a une approche de réglementation
intelligente, qui est ciblée sur les objectifs plutôt que sur les moyens, ce
n'est pas seulement pour l'industrie agricole que c'est bon, c'est pour l'ensemble
des employeurs.
Ce qu'on dit
aussi dans notre mémoire, c'est que ce qui est intéressant, c'est qu'on tient
compte de la réalité, ici, de l'industrie agricole. Alors, si on voulait
faire le même exercice à l'égard d'autres industries, il pourrait être
pertinent et intéressant de voir quelles sont les réalités de chaque industrie.
Donc, je ne
suis pas en train de vous annoncer aujourd'hui que ce que je souhaite, c'est
une approche mur à mur qui vise à mettre le Code du travail à la
poubelle et le recommencer avec... adopter ce qui est dans le projet de loi ici
pour tout le monde. Ce que je vous dis,
c'est que ça, ça s'applique bien à l'industrie agricole, à d'autres industries
qui fonctionnent avec d'autres cibles. Ce que je vous dis, c'est que cet
esprit-là est pertinent et est intéressant.
Mais de toute façon, le Conseil du patronat, on
ne se cache pas qu'on a aussi des suggestions et des pistes de réforme pour le
Code du travail de façon plus large aussi. Alors, c'est aussi dans cet
esprit-là qu'on vous dit ça.
M. Villeneuve : D'accord.
Merci pour...
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député de Berthier.
M. Villeneuve : Oui. La
réponse me satisfait, M. le Président.
Je vous
amènerais sur le principe de... — principe
ou valeur — au principe
de bonne foi. Vous savez que, dans le Code
du travail, on fait référence à la
bonne foi. Vous êtes au courant, vous le savez très bien. Et là je me risque
en vous paraphrasant peut-être,
à tout le moins en vous faisant part de ce qu'on a pu noter, là, de vos propos tantôt,
et on le verra aux transcripts, là, à
la transcription. Vous dites... bien en
tout cas vous parlez que le principe
de bonne foi impliquerait, selon vous,
qu'un employeur souhaiterait mettre
en place toutes les conditions pour
être un bon employeur. Vous avez dit ça. Vous revérifierez, je pense que c'est pas mal ça. Cette
rhétorique, est-ce qu'on ne peut pas aussi penser qu'elle
s'appliquerait aux travailleurs, dans ce sens que... Parce que, la bonne foi, je
pense qu'on en a parlé tantôt. On a parlé beaucoup de l'employeur et la bonne foi de l'employeur, mais en quelque
part la bonne foi s'adresse aussi et s'applique aussi... est aussi une
valeur portée par... — je
ne pense pas que personne ne doute de ça ici aujourd'hui, je veux juste le dire
et le redire — aussi
aux travailleurs.
M. Lamy
(Guy-François) : Mais, quand
je lis le projet de loi, pour moi, il est très clair que la bonne foi gouverne
les deux parties dans le cadre de leurs discussions. La bonne foi des
travailleurs, si je comprends que votre question, c'est : En quoi est-ce
que... je vous ai dit que la bonne foi des employeurs, c'est celle qui n'est
pas seulement que d'écouter d'une oreille distante mais qui est de faire preuve
de sincérité. Je vais préciser la façon que vous m'avez paraphrasé comme ça,
là, c'est cet élément de sincérité, pour moi, qui est la clé dans mon
interprétation de la bonne foi de
l'employeur. Bien, cette bonne foi là des travailleurs, des salariés, bien elle
va s'exprimer dans la façon de... dans la nature des demandes qui sont
effectuées, mais surtout, puisqu'on est ici dans une question procédurale, à
mon avis, ça va s'exprimer dans le moment,
l'opportunité pour formuler des demandes. On vient les baliser dans le projet
de loi en disant
qu'il faut tenir compte des périodes de récolte, la santé et la sécurité des
animaux, etc. Bien, cette bonne foi là, pour les travailleurs, elle
vient aussi s'exprimer de cette façon-là, de dire : Écoutez, vous devez
formuler vos demandes de manière, je
mettrais entre guillemets, responsable ou de manière qui ne soit pas excessive
à l'égard d'un employeur mais aussi dans la façon de le faire, dans le
moment approprié pour le faire.
Le Président (M. Cousineau) :
M. le député... Oui, M. le député de Rimouski.
M. LeBel : M. Lamy, bonjour.
M. Lamy
(Guy-François) : Bonjour.
M.
LeBel : Je pense
que c'est plus qu'une question de procédure, ce qu'on discute là. Il y a
une question de fond, fondamentale, puis qui peut
ouvrir sur d'autre chose; tellement que vous vous êtes embarqués déjà... vous
avez déjà commencé, dans votre mémoire,
à vouloir ouvrir sur d'autre chose, vous êtes entrés à deux pieds dedans en
disant : On pourrait faire ça sur plein d'autres domaines. Ça fait
que c'est pour ça que ce n'est pas qu'une question procédurale, ça vient de me
convaincre que ce n'est pas une procédure. C'est une question de fond, c'est
une question de choix de société, il faut regarder ça comme il faut.
Moi, aujourd'hui, ce que j'essaie de... j'essaie toujours de trouver une
solution, voir comment on peut s'organiser, mais les productions de légumes,
de fruits, ces fermes-là, ces travailleurs-là, les propriétaires, les familles,
pour moi, c'est important.
C'est la culture québécoise, l'identité québécoise région par région.
Puis, je l'ai dit souvent, on est fiers, quand on arrive dans des marchés, de dire : Ça, c'est des fraises,
tu sais, de l'île d'Orléans, ou : Ça, c'est des produits qui viennent de... différentes régions. Ça fait qu'il faut bien tenir ça, il faut
consolider cette industrie-là. Et c'est particulier, vraiment, c'est des
fermes... c'est des familles qui mènent ça, souvent. Il y a des travailleurs de
partout qui viennent, des travailleurs
québécois comme de l'étranger, ça forme une grande famille. Ils passent l'été
ensemble, ils travaillent très fort, des grosses journées, il y a de la...
Ça, je crois à ça, puis il faut continuer à consolider tout ça.
Mais je pense
quand même aussi que les travailleurs qui sont là sont souvent vulnérables,
qu'ils n'ont pas ce qu'il faut
toujours pour revendiquer leurs droits, et, à mon avis, on est capables de
trouver la ligne pour consolider l'entreprise, l'industrie et donner... ne pas remettre en question la syndicalisation
des travailleurs. Je pense qu'on est capables de trouver la solution. Puis, la bonne foi, un peu comme
disait mon collègue, moi, je crois à la bonne foi dans ces entreprises-là,
là, des propriétaires d'entreprise, des producteurs, mais je crois aussi en la
bonne foi des travailleurs, qui ne veulent pas mettre en danger, mettre en
péril les entreprises.
Quand je vous
écoute, c'est comme si vous veniez de trouver la huitième merveille du monde.
Le ministre vient de l'inventer,
c'est la meilleure chose qu'il ne peut pas arriver. C'est une société idéale où
on se base sur la bonne foi patronale puis
on s'organise. Les travailleurs peuvent s'organiser, pas trop, mais bien
organiser pour défendre leurs droits, mais la bonne foi patronale va
mener tout le reste.
Vous dites à quelque part : «...le projet
de loi reconnaît qu'une industrie, par son caractère saisonnier, fragile ou par
la petite taille de ses entreprises, peut ne pas être en mesure d'affronter le
régime procédural plus complexe du code...» Plus tard, à la fin, en conclusion,
comme disait mon collègue : «...ce projet de loi devrait inspirer aussi l'Assemblée nationale à adopter éventuellement une
réforme plus large du code...» C'est gros, ce que vous dites là, là.
Comment, dans
quel domaine... Je voudrais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'il y a d'autres
industries qui ont des caractères
saisonniers qui pourraient bénéficier d'un projet de loi aussi merveilleux, je
ne sais pas, moi, le tourisme, le forestier? Est-ce qu'il y en a
d'autres que vous voyez qui pourraient être couverts par ce genre de projet de
loi?
• (17 h 50) •
M. Lamy (Guy-François) : Je vais
commencer par faire une remarque sur le préambule à votre question : Pour moi, une question de procédure, ce
n'est pas incompatible avec des choix de société. On choisit, dans notre
société, comment on veut organiser notre régime de relations de travail, mais
un régime de relations de travail, la façon d'organiser
la discussion, c'est une question de procédure, ce n'est pas une question
de fond, à mon avis. Mais je respecte votre lecture différente, mais, cela dit... Et je considère aussi...
nous considérons, au Conseil du patronat, que cet équilibre entre la vulnérabilité des travailleurs et, je vous dirais, la
vulnérabilité de cette industrie-là, c'est ça que fait ce projet de loi là.
Maintenant, sur l'ouverture, ce vers quoi on
veut s'en aller, écoutez, les pistes de réforme au Code du travail, là, moi, je ne pense pas que j'arrive aujourd'hui
en surprenant tout le monde en disant que le Conseil du patronat a des idées de réforme du Code du travail. On n'a pas
réfléchi à ça dans notre garde-robe la semaine dernière, on est très
ouverts et très posés là-dessus. J'ai moi-même piloté un colloque sur les 50
ans du Code du travail et les pistes de réforme intéressantes qui pourraient avoir lieu au printemps dernier, et ça
remonte avant même mon arrivée au sein du Conseil du patronat et ça
remonte peut-être même avant ma diplomation en droit et peut-être même plus
loin dans ma vie, là, que le Conseil du patronat s'intéresse à ces questions-là
et à des pistes de réforme.
Quand on parle de réforme du Code du travail, je
pourrais vous sortir beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses. Si vous me parlez d'une industrie spécifique, je ne vous
ciblerai pas d'industrie ce soir, mais je peux vous dire que ce qu'on assiste, c'est une... on a une
transformation de l'économie qui est arrivée au cours des dernières décennies.
On est passé d'une économie qui est partie
d'un mode vraiment de production, plus près de la production manufacturière,
on a eu l'industrie du service, du bureau, mais là on a vraiment une économie
aussi émergente très importante en matière de créativité,
en termes d'économie du savoir qui a une réalité différente et une façon de
faire des relations de travail différente.
Et là je risquerais
de m'enliser et de déborder dans les normes du travail aussi, si on était ici
aujourd'hui... si je m'enligne trop dans cette question-là, donc je me
contenterai de vous répondre en vous disant qu'il faut surtout s'arrimer à la transformation de l'économie, l'émergence de
nouvelles économies pour se moderniser dans le Code du travail. C'est ça, mon point. Mais je pense qu'on déborde... C'est
une ouverture qu'on faisait. Vous voulez m'y amener, mais je pense qu'on
déborde de l'objet du projet de loi quand même, là.
M. LeBel :
...vous qui avez ouvert...
M. Lamy (Guy-François) : Oui, c'est moi qui ai ouvert, mais je veux juste
vous préciser que c'est une ouverture.
M. LeBel :
Vous avez embarqué dedans, j'ai embarqué dedans à mon tour. On va patauger
ensemble.
M. Lamy
(Guy-François) : Ah! ça me fait plaisir même, mais c'est pour les
membres de la commission que je précise ça.
M.
LeBel : Mais c'est parce que c'est ça, c'est assez gros. Moi, je viens
d'une région touristique, forestière, les pêches, c'est saisonnier. Si vous pensez que ce projet de loi est une
merveille, est-ce que ça pourrait vous inspirer, est-ce que ça pourrait
inspirer pour dans ces domaines-là, ce que je parle, tourisme, forestier,
pêches? Est-ce que, dans le fond, on ne
vient pas d'ouvrir une brèche pour d'autres secteurs que le secteur agricole?
C'est un peu ce que vous nous dites, c'est ce que... c'est votre
lecture. Il y a une brèche qui pourrait être ouverte.
M. Lamy
(Guy-François) : Ce qu'on vous dit, c'est : C'est un bon projet
de loi, qui a un bon esprit en matière de relations de travail et qui devrait être
inspirant. Mais vous vous doutez bien, en tant que parlementaire, que...
M. LeBel :
Je suis nouveau, je suis un peu naïf encore.
M. Lamy
(Guy-François) : ... — ah! ça va — mais qu'il faudra...
M. LeBel :
Je pose une question comme ça, moi, là, là.
M. Lamy (Guy-François) : D'accord. Mais vous vous doutez bien qu'il faudra étudier
chaque projet de réforme à sa face même et
à son mérite même. Ce qu'on vous dit effectivement, et c'est vrai,
ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a
là un esprit intéressant, dans ce projet de loi là, et c'est pour ça qu'on
l'appuie, on trouve ça intéressant. Et, oui, on vous dit : Cet esprit-là n'est pas uniquement ciblé sur l'industrie agricole, mais je répète ce que j'ai dit tout à l'heure, ce
n'est pas nécessairement ça qu'il faudrait appliquer intégralement à
n'importe quelle autre industrie, et ça ne devrait pas nécessairement devenir
le futur Code du travail.
Le Président (M.
Cousineau) : Oui. Alors, merci, M. le député de Rimouski. Est-ce
que ça va?
M. LeBel :
Est-ce qu'il reste un peu de temps?
Le Président (M. Cousineau) :
Bien, il reste un petit peu de temps, mais... Comme vous voulez. Il reste deux
minutes.
M. LeBel :
Ah! bien juste deux secondes. Dans le fond, ça veut dire que, dans notre
travail, je dois aussi me préoccuper de
l'ouverture que ce projet de loi pourrait avoir dans d'autres secteurs. Dans le fond, je devrais avoir ça un peu comme préoccupation.
M. Lamy (Guy-François) : J'aimerais que vous ayez ça à l'esprit, peu
importe ce projet de loi là, M. le
député.
M. LeBel :
C'est beau. Merci.
Le
Président (M. Cousineau) : Alors, voilà. Merci. Le député
de Rimouski dit souvent que c'est un
nouveau député, mais il arpente les murs de ce noble bâtiment depuis une
trentaine d'années... les corridors, disons, pas les murs. Ce n'est pas un
fantôme, quand même!
Mme la députée de
Mirabel, vous avez 10 minutes. À vous la parole.
Mme
D'Amours : Merci, M. le Président. J'aimerais tout d'abord remercier M. Lamy, du Conseil du
patronat du Québec, ainsi que M. Plante et M. Désilets, de
l'Association des producteurs maraîchers du Québec, pour leur
présence assidue à cette commission.
Vous avez suivi du tout début de votre radio, votre télé. Vous êtes arrivés
ici, vous avez écouté tout le monde, et vous êtes le dernier et non le
moindre. Alors, moi, j'aimerais saluer et remercier votre présence ici, et
ainsi que M. Plante et M. Désilets.
Moi, j'aurais une question
à vous poser. Je vais lire quelque chose dans votre mémoire qui me marque, qui m'a... Avec les cachets pour le rhume que je
prends, j'ai comme les idées un peu comme ça, ça fait que je vais vous
lire : «Rappelons que le projet de loi concerne précisément les entreprises
qui comptent moins de trois salariés de façon continue, pour lesquelles le
caractère de continuité est pratiquement absent.»
Selon vous,
le nombre d'employés serait de combien, pour lesquels le caractère de
continuité serait permanent?
M. Lamy
(Guy-François) : Je pense que le critère qu'on devrait prendre, c'est vraiment
ce qui est relié à l'exploitation puis à la production. Alors, ce que j'ai
compris, c'est que, généralement, les trois salariés ou moins sont des salariés
qui exécutent des tâches qui sont accessoires à la production. J'ai entendu ce
matin M. Plante parler d'entretien de
bâtiments puis de ces questions-là. Je
pense que c'est quand on s'intéresse spécifiquement à la mission même de
l'exploitation agricole, donc la plantation, la récolte, l'entretien de la
plantation avant sa récolte, où, là, on pourrait vraiment être... on pourrait
commencer à déterminer un certain nombre de salariés. Je n'ai pas de chiffre à
vous lancer et je pense qu'encore là ce serait aux représentants de l'industrie... qui seraient les mieux placés pour dire :
Bien, je pense que, là, on est capables de parler d'une entreprise
qui est dans un mode continu d'exploitation, assez permanent, avec ce nombre d'employés là. Parce que,
oui, il y a des entreprises... Si on sort de l'agriculture, vous avez des entreprises qui sont exploitées avec
10 employés, et qui sont exploitées en continu, et qui peuvent se
syndiquer, mais ça dépend de la nature de l'entreprise.
Alors,
là-dessus aussi, n'étant pas spécialiste de l'industrie agricole, je ne me
risquerai pas à vous sortir un chiffre spécifiquement, mais je vous
dirais que ce qui devrait inspirer, par contre, cette analyse-là, ce serait
probablement le nombre de salariés qui sont spécifiquement attitrés à la
production en tant que telle, à la raison d'être, là, en anglais le «core business»
de l'exploitation.
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Le projet de loi, selon la CSN tout à l'heure, étend une
couverture de dispositions des fermes à une variété d'autres domaines. La loi le disait, là, c'était sur
d'autres... avec les boissons, et qui... à mon sens, je crois, qui est
agricole. Comment vous, vous voyez cette extension-là?
M. Lamy
(Guy-François) : J'ai
entendu ma consoeur, Me Pineau, tantôt, vous faire l'exposé et j'étais...
Je ne m'étais même pas attardé, moi,
pour être franc avec vous, à cet aspect-là, lorsque j'ai étudié le projet de
loi, parce que, pour moi, c'est une question de couvrir une industrie.
Et le critère qu'on devrait prendre en considération, c'est : La définition de l'exploitation agricole, est-ce que
les types d'activité qui sont couverts ici constituent l'industrie
agricole?, par souci, je vous dirais même,
d'une certaine équité au sein de la même industrie, là, et d'équilibrer, en
fait, la pratique à ce qui est couvert par la même industrie. Alors, je
vous dirais que, si on a à se pencher sur cette question-là, à mon avis, le
critère qui devrait vous guider en tant que parlementaires dans cette étude-là,
c'est : Est-ce qu'on parle ici de la même industrie?
Le Président (M. Cousineau) :
Mme la députée de Mirabel.
Mme
D'Amours : Alors, je terminerais en saluant la rigueur de votre
mémoire. J'ai aimé d'entrée de jeu quand vous avez dit qu'on parle de
procédure, puis qu'on s'est extrapolé avec une question de fond mais on revient
à une procédure. Alors, pour moi, c'était très clair, et j'ai terminé, M. le
Président.
Le
Président (M. Cousineau) : Merci beaucoup, Mme la députée de
Mirabel. Et puis ça termine nos travaux. Je vous remercie, M. Lamy,
pour votre présence.
Et puis... Un
instant! La commission... M. le ministre, je vais... Dernière ligne. La
commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.
Maintenant, vous pouvez aller saluer.
(Fin de la séance à 18
heures)