(Neuf heures quarante-deux minutes)
La Présidente (Mme Morissette): Alors, bon matin, tout le monde. Alors, puisque tout le monde est là, nous allons pouvoir commencer. Je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demanderais, comme à l'habitude, à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Donc, le mandat de la commission, aujourd'hui, est de procéder à des consultations particulières et auditions publiques à l'égard du document de travail intitulé L'occupation du territoire forestier québécois et la constitution des sociétés d'aménagement des forêts.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements aujourd'hui?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Dubourg (Viau) est remplacé par Mme Gaudreault (Hull); Mme Ménard (Laporte) est remplacée par M. Reid (Orford); M. Sklavounos (Laurier-Dorion) est remplacé par Mme L'Écuyer (Pontiac); et M. Gaudreault (Jonquière) est remplacé par M. Pagé (Labelle).
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Donc, ce matin, nous allons débuter par les remarques préliminaires. Ensuite, nous aurons l'Association des producteurs de copeaux du Québec, la Conférence régionale des élus, Estrie, la Fédération des producteurs acéricoles du Québec. Nous suspendrons aux alentours de midi pour le lunch. À 14 heures, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, le Centre d'étude de la forêt, de l'UQAM, la Conférence régionale des élus du Nord-du-Québec, Administration régionale crie, et la Fédération des trappeurs gestionnaires du Québec.
Remarques préliminaires
Donc, sans plus tarder, nous allons débuter avec les remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez d'un maximum de cinq minutes pour vos remarques d'ouverture.
Mme Julie Boulet
Mme Boulet: Alors, merci, Mme la Présidente. Bonjour à tous les membres de la commission, aux partis d'opposition et leurs représentants. Bonjour également à mes chers collègues du côté ministériel. Bonjour à tous les gens, les partenaires du MRN qui sont avec nous. Alors, il me fait grand plaisir d'être ici aujourd'hui pour le début des travaux de la commission sur la refonte du régime forestier, donc le livre vert qui a été déposé par mon collègue.
Alors, les travaux que la commission amorce aujourd'hui sont une étape importante d'un processus qui nous conduira à moderniser le régime forestier. Cette étape fait suite aux premières démarches entreprises par mon collègue député de Kamouraska-Témiscouata, et je veux le saluer ici et lui souhaiter, au nom de nous tous, un prompt rétablissement. Aux membres de la commission, je vais exprimer ma conviction qu'ensemble nous allons faire avancer ce dossier majeur de la refonte de notre régime forestier, et cela, dans le meilleur intérêt du Québec. Je veux aussi remercier d'emblée les groupes qui vont présenter un mémoire ou qui se feront entendre lors des auditions publiques. Leur participation, votre participation à tous, est essentielle, car nous voulons que notre prochain régime forestier soit le reflet du plus large consensus possible.
Moderniser le régime forestier, c'est le transformer pour qu'il réponde aux enjeux socioéconomiques et environnementaux de la prochaine décennie. C'est aussi lui donner la souplesse nécessaire pour que les gestionnaires et les aménagistes de la forêt puissent relever le défi, qui se renouvelle constamment. Notre défi à nous, ici, sera de définir ce nouveau régime tant souhaité. Ce nouveau régime devra permettre de préserver la diversité biologique de nos forêts, de favoriser le développement de nos collectivités, d'assurer le respect des valeurs de la population, de contribuer à la relance de l'industrie des produits forestiers et de favoriser plus largement une mise en valeur durable du potentiel d'usage qu'offre chaque écosystème. C'est ce que nous propose le livre vert publié par mon collègue, M. Béchard, en février 2008, un livre vert qui a été bien accueilli mais qui en même temps a soulevé des interrogations légitimes.
Les gens, les organismes, les entreprises se sont demandé comment le gouvernement allait concrétiser ses orientations, par exemple en matière de régionalisation de la gestion forestière ou d'établissement d'un marché concurrentiel des bois. Le document de travail, c'est important de le préciser, ne vient pas se substituer au livre vert. Le livre vert demeure l'ouvrage de référence sur la réforme que le gouvernement propose. Par contre, le document de travail apporte des précisions sur certaines des orientations du livre vert, informant les personnes intéressées de la progression de la réflexion au sein du ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Ce travail de réflexion se fait donc en toute transparence. J'insiste pour dire que cette réflexion ministérielle est loin d'être achevée, que de nouvelles idées sont examinées et que nous sommes tout à fait ouverts aux propositions permettant d'améliorer le projet du régime forestier.
Et il va sans dire que j'écouterai avec beaucoup d'intérêt les recommandations et les suggestions qui pourront m'être faites au cours des auditions de la commission. Bref, les travaux progressent, mais il y a une large place qui doit être faite aux propositions qui émaneront des travaux de la commission et qui devraient nous permettre, comme le gouvernement le souhaite, de déposer à l'Assemblée nationale un projet de loi.
Je vous remercie, Mme la Présidente, et je souhaite à tous une bonne commission.
La Présidente (Mme Morissette): Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle à faire ses remarques préliminaires, pour une durée également maximale de cinq minutes. M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Claude Roy
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, Mme la Présidente. Je vous trouve fort courageuse de commencer cette commission dans l'état où vous êtes, et on espère que vous aurez le temps de finir la commission avant de justement lui donner un prochain travailleur forestier.
Mme la ministre, bonjour, messieurs du gouvernement, messieurs dames, les gens qui sont avec nous aujourd'hui. C'est important, aujourd'hui, on débute des travaux importants.
Bien que nous soyons en mode écoute, nous devons tout de même constater un certain degré d'échec dans la gestion de nos forêts. On a été comme un père de famille qui a donné la permission à ses enfants de faire un party dans la maison. Il a dit: Ce n'est pas grave si tu casses quelques assiettes. Mais, quand ils sont revenus, toute la vaisselle était cassée. Mais ce n'est pas grave, on a appris de nos erreurs et on espère que, la prochaine fois, ça ne se répétera pas.
Au même moment, dans une salle voisine, on discute de la reconnaissance de l'eau comme bien commun. Nous devrions prendre exemple et faire de la forêt un autre bien commun. Les arbres que nous coupons doivent l'être en pensant à demain. Les ressources que nous gaspillons sont celles d'un peuple qui vit sur une terre de plus en plus fragile, dont les écosystèmes sont facilement perturbables. Il faut se rappeler que, quand on a fait Manic-5, le mot «environnement» n'existait pas et que le mot «biodiversité» date de 1980, donc on est tout jeunes, et, l'erreur qu'on a faite dans le passé, on ne peut plus se permettre, aujourd'hui, de les répéter.
Nous investissons avec Hydro-Québec afin de combler nos besoins et ceux des autres. Nous devrions faire de même avec la forêt, qui est responsable de plus de 100 000 emplois directs et indirects. Un cultivateur doit préparer sa terre afin d'avoir le maximum de rendement. Mais qu'avons-nous fait avec nos forêts? Avons-nous cultivé pour demain? Avons-nous préparé l'avenir? Je ne crois pas. Nous avons toujours une vision de quatre ans en espérant que personne ne s'aperçoive, mais malheureusement, aujourd'hui, ça y est, on est en crise. Je comprends le contexte économique, la valeur du dollar, les importations massives, les maladies venant de l'Ouest, mais, tout de même, nous avons fait la cigale.
Nous recevrons des groupes qui nous parleront de leurs doléances respectives et nous devrons traiter ce dossier dans l'intérêt commun et non pas par considération individuelle. Une réforme de la forêt est importante et ce n'est certainement pas l'affaire d'un seul homme ou d'une seule femme. Ce n'est pas plus la responsabilité de fonctionnaires à qui on demande un rendement. Les considérations des uns et des autres doivent faire part du plus large consensus possible. Nous ne pouvons pas atteindre la perfection, mais nous devons y travailler.
Nous entendrons des groupes qui ont étudié le présent document de travail et qui nous rappelleront à l'ordre sur la façon d'atteindre les objectifs, mais nous devons exclure tout intérêt personnel avant d'y arriver. Nous serons en mode écoute, et toutes les idées venant de ces groupes devront être prises en compte, et on ne doit pas les ignorer. Aujourd'hui, nous connaissons nos erreurs. Nous sommes assez matures pour les reconnaître. Hier, on a fait ceci ou cela, avec les conséquences que nous connaissons. Comme rien n'est parfait, nous en ferons à nouveau, mais nous devons en minimiser les effets.
La forêt appartient à tous et à toutes. Nous prêtons le territoire pour exploitation, mais pas à n'importe quel prix et surtout pas à n'importe qui. Perdre de vue la beauté de la forêt afin de penser profit n'a plus sa place. Rentabiliser les travaux en forêt est primordial, mais il faut d'un même souffle travailler en harmonie avec le milieu. Nous sommes en retard sur les travaux sylvicoles, et la forêt de demain doit se préparer aujourd'hui. Nous devons entreprendre un travail de jardinage forestier à grande échelle. Il faut investir en forêt afin d'assurer aux générations futures la pérennité de la forêt québécoise. Des porte-parole des travailleurs de toute l'industrie nous parleront. Saurons-nous les écouter? Merci, Mme la Présidente.
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(9 h 50)
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La Présidente (Mme Morissette): Merci, M. le député. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition à faire ses remarques préliminaires, pour une durée également maximum de cinq minutes. M. le député de René-Lévesque.
M. Marjolain Dufour
M. Dufour: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, moi aussi, je tiens à vous saluer, à saluer l'ensemble des collègues de travail, la ministre, les députés du côté ministériel, l'équipe de la ministre, les collègues du côté de l'Action démocratique, et j'en profite pour faire un clin d'oeil au ministre en titre, puis je nomme son nom, M. Béchard, et lui souhaiter un prompt rétablissement parce que... Je vous dirais que, oui, M. Béchard est ministre, mais avant tout il est député de sa circonscription puis il est élu démocratiquement par l'ensemble de ses concitoyens, et on fait partie des 125 privilégiés. Alors, je tiens à lui souhaiter un prompt rétablissement.
Ceci étant dit, ça n'empêche pas qu'il faut quand même faire avancer les choses. On est une Assemblée nationale, il y a un gouvernement en place et il y a une certaine déception, au moment où on se parle, des intervenants. Puis je ne ferai pas le tour, là, de l'ensemble des communiqués de presse qui ont sorti, mais faisons une rétrospective de ce qui s'est passé depuis trois ans puis là où on en est aujourd'hui, puis je le dis immédiatement, là, ça fait un an que ça n'avance pas, au moment où on se parle. Alors, le régime forestier, ça a commencé voilà déjà trois ans, où il y a eu un projet de loi, en mars, un projet de loi qui a été dans le bâillon, au niveau du moins 20 % du rapport Coulombe, avec la mise en place de certaines recommandations, mais sans mesures d'atténuation. Il y a eu des consultations au niveau de l'ensemble des intervenants régionaux, et j'ai un document de la conférence régionale des élus, de 2005, qui fait en sorte qu'on retrouvait certaines choses dans le plan vert qui a été déposé puis dans le livre vert que le ministre a déposé, puis on est trois ans plus tard. On a crié haut et fort, au salon bleu de l'Assemblée nationale, d'avoir un sommet sur le régime forestier, sommet qui a eu lieu l'automne dernier. Il y a eu des consultations qui ont été faites par les conférences régionales des élus, l'automne dernier. Il y a eu des consultations que le ministre a faites avec l'ensemble des intervenants, il a attaché des ficelles. Il y a eu le livre vert. On en est à un document de consultation, aujourd'hui, et il y a une certaine déception d'intervenants au moment où on se parle.
Alors, y a-t-il aujourd'hui une crise forestière au Québec? Si je recule d'avant le sommet, là, puis je regarde le document qu'on a en avant de nous, là, on n'a pas avancé, on a reculé. Puis, Dieu sait qu'on a besoin, oui, de changements, et que ça fasse l'affaire de l'ensemble des intervenants. Mais on oublie certaines choses au moment où on se parle, c'est les fermetures d'usine puis les pertes d'emploi qu'on a. Alors, je peux comprendre effectivement... puis je me rappelle de certains ministres qui disaient qu'ils n'avaient pas vu venir la crise, là, mais on peut-u dire qu'il y a eu deux crises, puis ça a été un cocktail Molotov qui a fait mal? Parce qu'on a perdu 26 000 emplois, au Québec, au moment où on se parle, et des fermetures de 200 usines. Ça a été la crise structurelle, puis, s'il y en a un qui le sait, c'est moi, parce qu'on se doit de se consolider, chez nous, sur la Côte-Nord, puis on n'est, à certains égards, pas capables de s'entendre, ce qu'on peut appeler le comité Livernoche, mais aussi on a l'élément de la crise conjoncturelle qui fait en sorte que le marché n'est pas là. Alors, le cocktail qu'on a au moment où on se parle, qui est la crise structurelle et la crise conjoncturelle, donne la résultante qu'on a aujourd'hui.
Alors, il y a toujours du positivisme dans le négativisme. Alors, je tiens à confirmer à Mme la ministre que nous allons travailler positivement, qu'on est ici pour être à l'écoute des groupes qui vont venir devant nous, qu'on va être, comme parti politique, partie prenante du nouveau régime forestier. Le premier ministre dit souvent qu'on est un gouvernement de cohabitation, alors on va essayer d'avancer des choses, nous aussi, pour faire avancer les choses. Et l'important dans tout ça, c'est de penser aux municipalités et de penser à la classe ouvrière. Et il y en a qui vont le faire penser au gouvernement à 11 heures, ce matin. Il y a une manifestation des travailleurs et des travailleuses du Syndicat canadien de l'énergie et du papier, de la FTQ, qui vont être à l'Assemblée nationale à 11 heures pour démontrer l'insatisfaction qu'ils ont dans le cadre des consultations sur le livre vert. Les travailleurs s'inquiètent du fait que le gouvernement semble vouloir ignorer l'impact de la réforme sur les travailleuses et sur les travailleurs.
Alors, je tiens à reconfirmer à la ministre que nous allons entendre les groupes, on est là pour ça, et qu'on va travailler positivement aussi dans le dossier. Mais on voudrait avoir, nous aussi, une écoute de la part du gouvernement. Merci, Mme la Présidente.
Auditions
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Merci à tout le monde de votre discipline. Tout le monde a pris moins de cinq minutes, alors c'est parfait. Donc, nous allons pouvoir commencer à entendre les différents groupes, en commençant par l'Association des producteurs de copeaux du Québec. Alors, je vous rappelle que ce sont des blocs de 45 minutes, donc 10 minutes pour la présentation de la part des représentants, du représentant dans le cas de l'Association des producteurs de copeaux, et ensuite 35 minutes qui seront réparties entre les différents groupes parlementaires: 13 min 30 s environ pour le groupe formant le gouvernement, presque 12 minutes pour l'opposition officielle et un petit peu plus de 10 minutes pour le deuxième groupe d'opposition. Alors, M. Xavier Robidas. C'est bien ça?
Association des producteurs de
copeaux du Québec inc. (APCQ)
M. Robidas (Xavier): Oui.
La Présidente (Mme Morissette): Alors, allez-y. Vous disposez de 10 minutes pour votre présentation.
M. Robidas (Xavier): Merci. Mme la ministre, MM. les députés, Mme la députée, je suis bien heureux d'être le premier à passer aujourd'hui dans une consultation comme ça qui s'étire sur pratiquement un mois. Ceux qui vont passer en dernier, oui, habituellement, on les retient plus que ceux qui passent en premier, sauf que les gens vont être fatigués, puis je suis content, je vais être le premier en haut de vos notes.
Je me présente, Xavier Robidas. Je suis un ingénieur forestier diplômé en aménagement et environnement. J'ai une maîtrise en sciences de l'administration, un M.B.A. en gestion d'entreprises. Je représente l'APCQ. C'est un groupe de scieurs indépendants qui ne sont pas intégrés dans la structure des papetières. Je les représente pour défendre leurs intérêts au niveau des sous-produits, des produits conjoints du sciage qui sont les copeaux. C'est environ 1 million de tonnes par année, les sciures, les rabotures, les écorces. Ça correspond environ à 200 millions de chiffre d'affaires annuellement pour mes membres.
Tout de suite en commençant, j'ai déposé... j'ai redéposé mon mémoire que j'avais déposé durant le livre vert. J'inviterais ceux qui l'ont à aller voir en page 14. Si vous allez voir en page 14, il y a une page blanche, puis, si vous reculez à la page 13, il manque un bout. Dans la section Synthèse des consultations publiques, on a l'avis des conférences régionales des élus, l'avis des communautés, organismes autochtones et l'avis des organismes nationaux... national. Dans cette section-là, la seule place où on parle des industriels, qui sont les gens qui vivent de la forêt, c'est pour dire que les entreprises ne s'entendent pas avec les représentants des travailleurs. On n'avait pas besoin de faire des consultations publiques pour dire que les syndicats ne s'entendent pas avec les entreprises. Donc, je le redépose parce que selon nous, dans cette réforme-là, il n'y a rien pour aider l'industrie des pâtes et papiers. Ça, c'est important, c'est nos clients. La structure industrielle au Québec est très serrée, puis le rôle des papetières dans l'industrie du sciage est important, c'est les acheteurs de nos produits, de nos sous-produits, ainsi que les usines de panneaux.
Il y a un risque pour les PME québécoises, je vais vous en parler. Il y a le coût du bois qui risque fortement d'augmenter. Puis, pour nous autres, pour plusieurs entreprises, c'est le modèle d'affaires, c'est de contrôler les opérations pour arriver à produire une plus-value. Dans cette réforme-là, bien la réforme est peut-être bonne pour la forêt, je ne suis pas sûr, mais pas pour l'industrie. Je vais vous laisser les 50 autres intervenants vous parler pourquoi c'est bon pour la forêt.
Ce qu'il est important de comprendre, c'est que la crise actuelle qu'on vit en foresterie, dans le secteur forestier, est hors du contrôle du gouvernement du Québec. La construction américaine ne va pas bien, le gouvernement du Québec ne peut rien faire. La valeur du dollar, à part si on se sépare du Canada, je ne vois pas comment on peut baisser ça. La mondialisation des marchés, la concurrence étrangère, le «pine beetle», dans l'Ouest, les conflits commerciaux avec les Américains, c'est à Ottawa que ça se passe, la décroissance des marchés des pâtes et papiers. Le gouvernement selon nous a fait beaucoup pour nous aider déjà. Peut-être juste que la question de l'approvisionnement... il manque de bois. On ne tire pas toute la valeur qu'on devrait tirer de la forêt. Il y a des beaux exemples. Moi, en tout cas, mes membres... ils manquent de bois présentement pour développer plus davantage la deuxième et troisième transformation.
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(10 heures)
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Il y a un danger pour les PME, comme mes membres, ceux qui ont des petits volumes, ceux qui ont des petites organisations, parce que le projet ébranle la structure industrielle du Québec. C'est tissé très serré, comme je vous disais. Les entrepreneurs forestiers dépendent des scieries. Si on commence à jouer avec ça, le mode de financement de ces entreprises-là est en danger. Présentement, l'entrepreneur forestier va voir la banque avec un contrat d'une scierie et lui dit: J'ai une garantie que je vais pouvoir faire mes paiements. Puis la banque prête, à ce moment-là. Si on change cette structure-là, est-ce que c'est le gouvernement qui va endosser les entrepreneurs forestiers pour garantir, si on va en mode de soumissions, que ça fonctionne? Présentement, moi, j'ai de mes membres qui emploient des entrepreneurs, entre autres grâce au programme... Là-dessus, merci au gouvernement, le programme de construction de chemins permet de garder les entrepreneurs actifs. Parce que tantôt on va avoir un problème de main-d'oeuvre. C'est très important. J'ai des entreprises, qui sont membres chez nous, qui fonctionnent présentement pour garder leur main-d'oeuvre active, pour ne pas les perdre.
Les sociétés d'aménagement, c'est un vieux fantôme qui revient tous les 20 ans à peu près. Pourtant, le modèle d'affaires des gagnants au Québec présentement, qui sont toujours ouverts, je pense à Lebel, Matériaux Blanchet, à Maibec, c'est de faire les opérations en forêt puis de faire le lien entre l'opération, entre la forêt et le marché, de faire le lien pour donner ce que le client veut exactement. Si on enlève la gestion de la forêt aux entrepreneurs, aux usines de transformation, on risque de perdre cette carte-là puis on risque de détruire le modèle d'affaires de plusieurs entreprises. C'est un gros risque.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que le bois, c'est une commodité. Tout le monde en produit, sur la planète, du bois. On n'a pas de contrôle sur le prix qu'on va vendre le produit. Le seul contrôle qu'on peut avoir, c'est sur les coûts. Le projet de document de travail, avec les sociétés d'aménagement, nous enlève cet outil-là. Avec la vente aux enchères, avec les redevances qu'il va falloir payer, on perd cet outil-là où on peut contrôler nos coûts. C'est un des seuls facteurs, une des seules cartes qu'on a présentement au Québec.
Je vais parler vite de la méthode essai et erreur pour déterminer quels volumes mettre aux enchères. Le rapport Del Degan le dit, ce qui a été proposé de base, 25 % de l'excédent de 100 000 m³, ça ne fera pas assez de bois pour avoir un prix de marché. Bon. «Des études complémentaires sont requises afin de déterminer le volume optimal du contexte du Québec, et, pour ce faire, il faudrait débuter le processus d'enchère», en page 4, de l'étude. Combien de petites scieries vous êtes prêtes à fermer, là, pour savoir quelle quantité de bois il va falloir mettre aux enchères? Ça, c'est des scieries, là, qui paient leurs impôts ici, qui prennent leurs décisions ici, qui ont gardé le capital ici, présentement. Je trouve ça dangereux.
Le prix du bois au Québec. La ministre dit en introduction que le prix ne devrait pas augmenter. Ne regardons pas le prix du bois pour les entrepreneurs, pour les scieries, regardons juste une équation bien simple qui dit c'est quoi, le prix du bois au Québec. Le prix du bois, c'est les opérations: planification, transport, récolte, plus des droits de coupe, plus la remise en production, plus des coûts de système, le coût de transaction dans l'économie. La nouvelle équation, on rajoute le bureau de mise en marché du bois, les sociétés d'aménagement, la redevance du premier preneur puis le fonds d'investissement sylvicole. Si le prix du bois n'augmente pas, ça veut dire que j'ai des éléments négatifs à quelque part dans mon équation. Est-ce que le gouvernement va réduire les droits de coupe? Est-ce que le gouvernement va prendre en charge totalement la remise en production? Si on rajoute des éléments, on passe de deux intervenants à cinq intervenants dans le système. Si on rajoute des éléments, le coût de système va augmenter, c'est sûr, là, les coûts de transaction vont augmenter. Est-ce que c'est l'État qui va absorber ces coûts-là?
Moi et mes membres, on pense qu'il y a moyen de trouver des solutions autres qu'en mettant le système, je vous dirais, en sacrant le système à terre. On a des solutions dans nos centres de recherche. Je pense à l'Université Laval, qui a une forêt d'enseignement superbe. J'inviterais tout le monde à aller la visiter. Ils ont doublé le volume de production sur le territoire, ils ont fait des coupes de paysage, ils ont fait des coupes de protection des petites tiges marchandes, ils ont fait de l'aménagement écosystémique, ils ont fait de l'aménagement multiressources, puis ils ont doublé... si on prend la superficie exactement à côté, ils ont deux fois plus de productivité sur moins de superficie. On a le PAPRICAN, FP Innovations, qui nous développent des solutions, dans les pâtes et papiers, incroyables. Avec le CIPP aussi, à Trois-Rivières, c'est des excellents modèles pour trouver des solutions.
Il faut s'assurer aussi que nos meilleurs peuvent performer. Nos meilleurs, là, ils sont actuellement en opération, ils font de la deuxième transformation, ils n'ont pas exporté leurs capitaux à l'étranger, ils ont investi dans leurs usines, ils sont fortement impliqués dans leurs communautés, ils prennent leurs décisions ici, ils paient de l'impôt ici, ils n'ont pas de dette faramineuse, ils n'ont pas de papiers commerciaux dans leurs placards, puis ces meilleurs-là, c'est mes membres. C'est les Martel, les Lebel, les Cedrico, les Chantiers, les Barrette, Léo Lapointe, les Picard & Poulin, les Maibec, Lulumco, Boisaco, Saint-Elzéar. On a des coopératives de travailleurs qui sont des usines de transformation. Si on joue avec le modèle, on met en péril ces entreprises-là, qui n'ont pas la capacité d'aller se chercher des capitaux en Bourse puis qui ont l'avantage aussi de ne pas dépendre de la Bourse. Mais, en redéfinissant le modèle, la structure industrielle, on met en péril ces entreprises-là. Ces entreprises-là sont prêtes à relever le défi du XXIe siècle. C'est eux autres qui font la deuxième et troisième transformation, qui sont à l'étude, qui font les spécialités, qui font ce que le client veut.
Sauf que, dans les dernières années, ils se sont fait couper leur approvisionnement. Il leur manque de bois. On manque de bois au Québec. Pourtant, les autres pays ont augmenté leur productivité, bien plusieurs autres pays modernes, et ça prend plus de bois à un prix concurrentiel, là, si on veut développer le modèle d'affaires.
En conclusion, la réforme des années quatre-vingt, ça a pris des années de préparation, puis on l'a modifiée aux six mois après. Pourquoi? Parce que l'environnement, la société et l'économie changent, sont continuellement en changement. Vous pouvez faire une réforme, mais vous allez la modifier aux six mois encore parce que l'économie, l'environnement et la société vont changer. On n'a pas besoin de détruire la structure industrielle pour améliorer le système. On a fait des progrès fantastiques avec le système qu'on a présentement. On est passé, là, de ne pas connaître le mot «environnement» à avoir des commissions, puis, tout le monde, on s'en parle, ça, c'est excellent. Ça fait qu'il faut voir à moyen et à long terme, il faut miser sur les gagnants, il faut améliorer la productivité des forêts en respectant tous les usagers. Puis on a des modèles, c'est possible de le faire. Donc, je le répète, on n'a pas besoin de mettre le système à terre pour le moderniser, pour l'améliorer. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Morissette): Merci, M. Robidas. Ça met fin à la période de présentation. Donc, nous serons prêts tout de suite à aller ouvrir la période de questions en débutant par le parti gouvernemental. On dirait que je suis rouillée, hein, j'ai de la misère à rembarquer dedans.
Une voix: ...repartir.
La Présidente (Mme Morissette): Oui, oui, il faut repartir. Bon, donc, Mme la ministre, je vous cède la parole, ça va me sauver un petit peu.
Mme Boulet: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup pour votre présentation et votre présence, M. Robidas. Puis ce n'est pas parce que vous êtes le premier que vous serez moins entendu. On a une excellente mémoire puis on prend des notes, également. Alors, c'est important que vous soyez là, parce que, oui, on parle des scieries, mais on a également les industries de pâtes et papiers, qui sont un secteur économique très fort au Québec, et ces entreprises-là ont besoin de copeaux pour être approvisionnées, donc votre présence est tout à fait pertinente dans le contexte de la refonte du régime forestier.
J'aurais quelques questions. Dans un premier temps, les prix de copeaux au Québec, là, sont parmi les plus élevés en Amérique du Nord. Alors, êtes-vous capable de m'expliquer comment ça se fait que nos copeaux, on les produit, mais qu'ils sont si dispendieux, alors qu'en même temps plusieurs de ces producteurs-là sont déjà associés à des industries de pâtes et papiers? Comment se fait-il que, malgré qu'il y ait comme une garantie finalement d'acheteurs, comment se fait-il qu'on ne réussit pas à avoir un prix plus compétitif au niveau de nos copeaux? Parce que, pour l'industrie des pâtes et papiers, ça devient un coût qui augmente les coûts de production, donc qui diminue sa compétitivité par rapport aux marchés étrangers. Alors, pourquoi cette situation-là est comme celle-là, là, au Québec?
M. Robidas (Xavier): Bon, le prix des copeaux au Québec, il faut comprendre qu'au Québec on travaille avec du petit bois. Les copeaux, ils viennent des dosses. Les planches sont carrées, puis, les parties rondes, on fait des copeaux avec. Si on compare l'industrie du Québec avec l'industrie de la Colombie-Britannique, eux autres, ils ont des arbres beaucoup plus gros. Scier du gros bois, ça fait moins de copeaux. Pour une entreprise de sciage, l'importance de la valeur du copeau est beaucoup moins importante, parce qu'elle va scier 1 million de pmp, puis elle va sortir une petite fraction, si elle a du gros bois, en copeaux, puis, si elle scie du petit bois, bien elle va sortir beaucoup de produits conjoints. Les produits conjoints, c'est 50 % du bois à peu près, au Québec, présentement. Les meilleurs vont autour de 40 %, là. Première raison, c'est que c'est important pour les entreprises, donc ça a une valeur.
La deuxième, c'est que ça peut être une fausse perception de croire que le prix des copeaux est élevé. Présentement, les copeaux se vendent autour de 145 $ la tonne, les copeaux de scierie, puis, fabriquer des copeaux à partir du bois de la forêt privée, bien les prix varient, selon les droits de coupe, entre 180 $ et 245 $, selon toutes les sources que j'ai. C'est plus cher faire des copeaux avec du bois rond. Dans les autres provinces, dans les autres pays, le système n'est pas monté pour utiliser des copeaux de scierie, il est monté pour utiliser du bois rond. Mais mettre en copeaux du bois rond, là, sans le coût de la fibre, ça coûte très cher, là, juste l'opération de l'amener et de le transformer. Les prix des copeaux, les copeaux sont les moins chers, là, les copeaux de mes indépendants, c'est les copeaux les moins chers au Québec, là, parce qu'eux autres ne prennent pas du bois rond pour faire des copeaux. Ça fait que c'est une perception, là. Est-ce que c'est clair, qu'est-ce que je viens de vous expliquer?
Mme Boulet: Oui, oui, tout à fait, tout à fait. Par contre, il y a quelque chose que je ne comprends pas dans ce que vous affirmez. Vous dites dans un premier temps qu'on devrait libéraliser les produits conjoints du sciage, donc on devrait ne pas les réglementer ou permettre au libre marché finalement de pouvoir disposer de vos produits conjoints, alors c'est-à-dire ceux qui font des bûches écologiques, qui font du granule... Bon. Puis en même temps vous êtes contre le fait de libéraliser 25 % du bois de la forêt publique. Alors, je me dis: Pourquoi il faudrait libéraliser les produits conjoints, mais, quand vient le temps de libéraliser une portion de la forêt ou des arbres pour les mettre sur un marché public, là vous êtes moins pour, là? Alors, comment ça peut être bon pour un puis pas bon pour l'autre? Ça ne me semble pas très cohérent, là, comme position.
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(10 h 10)
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M. Robidas (Xavier): Nous autres, on est contre que 25 % du bois soit mis aux enchères. La formule qui est présentée, ça ne fonctionne pas, l'étude de Del Degan le démontre. Dans le système proposé, seulement 13 % des volumes de bois vont être dans un environnement économique viable, ce qui n'est pas assez pour déterminer un prix de marché. Nous, la proposition qui a été faite, c'est de protéger le premier 100 000 puis de mettre 25 % du reste, puis ça, ça ne marche pas, là, on va avoir... Dans le rapport Del Degan, le mot «manipulation» revient 41 fois, puis le mot «collusion» puis le mot «corruption» reviennent régulièrement, là...
Mme Boulet: Mais Del Degan...
M. Robidas (Xavier): ...parce qu'il n'y aura pas assez de volume de bois qui va être mis aux enchères.
Mme Boulet: Bien là, on peut discuter sur le volume disponible, là, pour permettre une saine concurrence, j'en conviens avec vous, mais Del Degan n'est pas contre le fait qu'on fasse une bourse de mise en marché pour favoriser la deuxième et la troisième transformation, pour aller chercher le juste prix de la ressource. Alors, Del Degan n'est pas contre le principe, mais loin de là. En fait, il se questionne sur la disponibilité ou la quantité de bois qu'on devrait mettre en mise en marché publique pour qu'on soit capable d'avoir le juste prix.
Mais, sur le principe de la libéralisation d'un certain volume pour permettre à des joueurs d'aller chercher une plus-value ou d'aller chercher une matière première en plus, qu'ils ont besoin pour leur production, là, il n'est pas contre ça. Mais c'est parce que c'est comme... Vous, vous pensez, là, au niveau des copeaux, qu'on devrait libéraliser puis permettre finalement à n'importe qui, sans protéger les papetières... Parce qu'à la limite eux ont besoin d'un minimum d'approvisionnement. Si on libéralise puis qu'on fait juste des granules énergétiques puis... des granules puis des bûches, là, c'est nos papetières qui vont avoir une difficulté d'approvisionnement, alors que c'est eux qui garantissent finalement... qui sont peut-être vos meilleurs acheteurs, là. Ils ont garanti finalement vos achats depuis des décennies, et puis là on ouvrirait la porte finalement pour toutes sortes de marchés parallèles ou complémentaires, là.
M. Robidas (Xavier): Nous, ce qu'on aimerait, c'est qu'il y ait plus de bois mis en marché. La structure forestière au Québec le permet. Le Forestier en chef est en train d'évaluer la possibilité de mettre plus de bois aux enchères, qui donnerait de la tarte un peu plus à tout le monde. On peut augmenter la productivité des forêts. Ça, ça donnerait plus de bois dans le système, ça aiderait tout le monde. Nous, on en a contre les permis d'usine qui ont... Ça a bloqué certains projets dans certaines régions, pour des raisons qui n'étaient pas nécessairement les bonnes, puis c'est des régions que présentement on a des problèmes, on a des surplus de matière, on voit un impact, entre autres, sur le rendement économique de la scierie, parce qu'elle a de la difficulté à vendre.
Le Québec, ce n'est pas une entité, c'est plein de régions. Le système, de la manière qu'il est proposé, c'est encore une réforme mur à mur qui va nous donner les mêmes résultats que l'autre. Elle va fonctionner peut-être à certaines places, mais, à d'autres places, ça va être catastrophique. Dans le Bas-Saint-Laurent, il y a une entreprise qui aurait du bois à mettre aux enchères, toutes les autres iraient «better» sur son bois à elle. Nous, on est contre la proposition de 25 % et 100 000 parce qu'elle ne marche pas. Mais, chez mes membres, je n'ai aucun consensus là-dessus, là. Je ne pourrais pas vous dire quel volume, je ne pourrais pas... Il y en a qui disent 100 %, il y en a qui ne veulent pas pantoute. Mais sauf que, dans la façon qui est proposée dans le livre vert, ça ne marchera pas. Puis l'étude économique le dit, là, puis, la question, je vous la repose: Combien vous êtes prêts à fermer de petites scieries pour savoir c'est quoi, le volume qu'on devrait mettre aux enchères? Parce que c'est ça qui va se produire.
Mme Boulet: Alors, l'important, là... Et ce n'est pas du mur-à-mur. Je pense que personne ici ne veut faire du mur-à-mur. On vient de trois régions différentes, là, les collègues ici, là, ou même plus que trois, parce qu'ils sont trois juste au Parti québécois. Alors, on représente je ne sais pas combien de régions, là, à nous tous ici, toutes des régions forestières, et je pense qu'on connaît toutes les réalités de notre territoire. Et le but ou l'objectif recherché par les sociétés d'aménagement, c'était justement de donner plus de pouvoirs aux gens des régions pour qu'eux nous disent comment on doit gérer leurs territoires, leurs ressources naturelles et comment on peut cohabiter de façon harmonieuse avec l'ensemble des utilisateurs du territoire. Alors ça, c'était un des objectifs de base. Alors, si la société d'aménagement n'est pas le bon outil, bien il faudrait nous proposer d'autre chose, mais on est ouverts à regarder ce qui peut être fait.
Maintenant, j'aimerais... Vous parlez également dans votre mémoire de l'abandon du principe de résidualité, qui aurait un effet positif pour le prix des copeaux. Tantôt, on aura la Conférence régionale des élus de l'Estrie, qui, elle, tient beaucoup au principe de résidualité parce qu'ils ont en grande partie une forêt privée. Alors, j'aimerais juste que vous m'expliquiez en quoi ça pourrait faire baisser le prix des copeaux.
M. Robidas (Xavier): Ça ne fait pas baisser le prix des copeaux, là, je ne crois pas avoir dit ça. Le problème de la résidualité, c'est que c'est un beau principe mais qui ne correspond pas à la réalité de la forêt publique puis de la forêt privée. Le plus gros avantage de la forêt privée ? puis, moi, je suis un producteur, j'ai deux terrains à bois ? c'est que je choisis à quel moment je mets mon bois en marché. Les terres publiques, le gouvernement, lui, il n'a pas le choix. Il ne peut pas dire: Cette année, là, le prix des marchés n'est pas assez bon, je ne vends pas de bois. Si le gouvernement fait ça, là, bien toutes les entreprises vont fermer. Il va y avoir des milliers de jobs qui vont être perdues. Ça va être la catastrophe dans les régions. On va avoir tout un problème. Le producteur privé a cette chance-là de décider s'il le fait ou il ne le fait pas. Aux États-Unis, il y a des terres privées, il y a des terres publiques, mais il n'y a pas de résidualité, là. Si le prix du bois n'est pas intéressant, les propriétaires ne vendent pas leur bois. Le principe de résidualité, on peut en parler, mais c'est toujours une entente entre... c'est une question de prix. Si l'acheteur puis le vendeur ne s'entendent pas sur le prix, bien il n'y aura pas de transaction. Sauf que, dans les terres publiques, il y a des incitatifs qui disent: Bien, fais-le, ton bois, sinon tu vas le perdre.
Mme Boulet: Il y a une question de prix, mais il y a aussi une question de disponibilité de bois. Vous disiez tantôt qu'on manquait de bois au Québec, alors je ne vois pas comment on pourrait ne pas se préoccuper du territoire privé, là. Je pense que la forêt privée au Québec, elle a un rôle à jouer puis je pense qu'on ne peut pas passer à côté, dans un contexte où je vous dirais même à la limite qu'il y a une meilleure productivité que sur la forêt publique. Alors, je ne vois pas comment on pourrait se passer des joueurs, là, du territoire privé.
M. Robidas (Xavier): Bien, ils sont indispensables, les joueurs de la forêt privée, sauf que les problèmes qu'on a présentement en forêt privée sont régionaux. Dans certaines régions, il y a des surplus. Pour des raisons économiques, ils ne sont pas achetables pour d'autres, dans d'autres régions, principalement à cause du transport. Mais, dans les régions... Je pense aux Cantons-de-l'Est. Il n'y a pas de surplus de bois là, là. Tous ceux qui veulent vendre leur bois le vendent, là, il n'y a pas de problème.
Le gros problème qu'on a, c'est les forêts feuillues, où on a... La structure industrielle est à terre. Le nombre d'acheteurs a diminué beaucoup. La qualité, en forêt publique, n'est pas là, puis il n'y en a pas assez pour maintenir un minimum. Là, il y a un problème de compétitivité. Mais c'est... Nous, dans le fond c'est...
Écoutez, les forêts privées demandent au gouvernement régulièrement de faire cesser les activités forestières en terres publiques, puis le gouvernement ne le fait pas parce que c'est toujours une question d'économique. C'est une question d'entente entre le vendeur et l'acheteur. S'il n'y a pas d'entente sur les prix, il n'y a pas de transaction. Présentement, la valeur du bois est très basse parce que les marchés ne sont pas capables de payer le prix. Comme je vous ai dit tout à l'heure, le bois, on n'est pas capable de déterminer le prix qu'on va le vendre. Nous, en tant qu'entreprise, là, on ne peut pas décider c'est quoi, le prix. C'est des grossistes qui achètent. C'est un marché mondial, c'est une commodité. Même si on fait de la poutrelle, même si on fait... C'est le marché qui dicte le prix. Tout ce qu'on peut faire, c'est contrôler nos coûts. Donc, l'acheteur de bois va dire au producteur de bois, il va lui dire: Bien, moi, mon prix, c'est ça. Puis le producteur, il dit: Bien non, moi, c'est... on ne s'entend pas. Bien, il n'y a pas de transaction. Ça, c'est l'ordre normal des choses. Mais le gouvernement ne peut pas faire ça avec les terres publiques, là. À cause de la structure 80-20, là, on a 20 % de la... un petit peu plus, là, qui est produit en terres privées, du volume de bois. Est-ce que ça répond à votre question?
Mme Boulet: Alors, Mme la Présidente, moi, je vais laisser la parole à une collègue, mais je voudrais remercier M. Robidas parce que vous avez dit d'entrée de jeu que dans le fond, en fait, la conjoncture structurelle, conjoncturelle, que c'était hors du contrôle du gouvernement du Québec et que le gouvernement du Québec avait fait beaucoup. Alors, je voudrais vous remercier. Parce que c'est facile de crier puis de critiquer. Il y a beaucoup de choses effectivement qui ont été faites, mais il y a beaucoup d'éléments qui sont hors de notre contrôle et sur lesquels on doit composer, et, autant pour les acteurs de l'industrie que pour les gouvernements, c'est un défi de tous les instants. Alors, je voudrais vous remercier. Et, Mme la Présidente, si vous me permettez, je vais laisser la parole à ma collègue.
La Présidente (Mme Morissette): Il reste cependant une minute seulement, donc allez-y rapidement, Mme la députée de Mégantic-Compton.
Mme Gonthier: O.K. Écoutez, juste rapidement, j'essaie de comprendre. D'un côté, vous nous dites qu'on manque de bois sur le marché, surtout pour l'industrie de deuxième, troisième transformation, et Dieu sait, moi, dans mon coin, en Estrie, c'est ce que j'entends, puis en quelque part vous êtes contre l'ouverture des marchés, qui rendrait du bois disponible pour justement cette deuxième, troisième transformation là. Alors, je ne comprends pas, là, exactement, excusez-moi.
M. Robidas (Xavier): Pour nous, là, dans la réforme proposée, s'il n'y a pas d'argent de mis dans le fonds sylvicole ? puis il n'y en aura pas, parce que les coûts vont faire qu'il n'y aura pas d'argent de mis dans... il n'y aura pas plus de bois, là ? la tarte ne sera pas plus grosse, on va se battre pour la même tarte encore, là. Il n'y a pas plus de bois dans la réforme proposée, là. Il pourrait y en avoir plus, et il y a des manières de le faire, mais il n'y en a pas plus, on va se battre pour la même tarte, là. Ça fait que les structures de coûts de marché vont faire qu'il n'y aura pas d'impact, là. Puis vous êtes dans une région où la structure industrielle est très forte, puis la structure de production est très privée aussi, puis il y a une entente entre les producteurs puis les acheteurs qui dicte le prix, puis c'est le prix de marché qui dicte s'il y a du bois ou pas. Puis, comme les industriels ne sont pas capables de payer cher...
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(10 h 20)
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La Présidente (Mme Morissette): Merci. Je m'excuse, c'est mon rôle de police que je suis obligée d'appliquer parce qu'on a plusieurs groupes qui vont suivre, toute la journée, et je ne peux pas permettre de dépasser trop souvent. Donc, ça met fin au bloc du côté gouvernemental. On serait rendus du côté de l'opposition officielle, M. le député de Montmagny-L'Islet, donc, pour un petit peu moins de 12 minutes.
M. Roy: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Robidas, bonjour. Merci beaucoup encore une fois de votre mémoire, et on sent bien le producteur en vous, on remarque l'intérêt que vous avez pour vos membres et l'inquiétude que vous suscitez. Dans notre coin de Montmagny-L'Islet, on a un groupe fort intéressant et qui travaille très, très bien, qui s'appelle groupe Forap, qui représente des entreprises que vous avez nommées tantôt comme des modèles. Quand on parle à Maibec, ou Daaquam, ou Matériaux Blanchet et autres, on se rend compte que ces gens-là travaillent très étroitement et sont habitués, premièrement, à acheter du bois sur le marché américain, où le bois est beau, alors que le bois qu'ils achètent ici est beaucoup plus petit, ils sont obligés de faire avec.
Donc, la question que je vous pose, c'est: Qu'est-ce que vous pensez des sociétés d'aménagement? Vous dites: C'est un syndrome qui revient aux 20 ans, là. Je voudrais savoir... je voudrais vous entendre un peu plus. Est-ce qu'on scrape le groupe Forap puis on met un autre groupe qui va superviser le groupe Forap, puis supervisé par le CRE, puis rentrer avec la MRC, puis dans chacun des villages? Comment vous voyez ça, les fameuses sociétés d'aménagement?
M. Robidas (Xavier): Je ne voudrais pas être péjoratif envers personne, mais, dans ce qui est proposé dans le projet, c'est de dire: On va aller chercher des gens qui sont habitués de faire la planification puis de la récolte, qui travaillent pour les entreprises privées, peut-être dans Forap, puis on va les ramener dans des sociétés d'État, une douzaine, dont certaines vont être immenses, je pense au Saguenay?Lac-Saint-Jean, puis là on va leur dire: Bien là, vous dépendez du gouvernement. Vous avez des critères de production qui sont fixés par le ministre, qui ne sont plus le rendement monétaire, et puis on me dit que le résultat va être meilleur. Les entrepreneurs, les entreprises, là, à 4 heures du matin, au mois de décembre, là, tu reçois un appel, puis ça dit: Il faut aller mettre du sable dans le chemin, là, je ne veux pas être péjoratif envers les fonctionnaires, mais ce n'est pas sûr qu'il y en a beaucoup qui vont vouloir se lever la nuit pour dire à l'entrepreneur Untel d'aller mettre du sable dans le chemin. Pour nous, c'est quelque chose qui... ça peut se faire, on peut faire ça, mais on n'aura pas les volumes, on n'aura pas la qualité de bois qu'on veut.
Quand je vous dis que, par exemple, le groupe Lebel, eux autres, l'entrepreneur qui coupe le bois en forêt, il se fait appeler dans la journée pour savoir quelle grosseur il coupe son bois, est-ce que c'est du 8 pi, est-ce que c'est du 10 pi, est-ce que c'est du sapin ou c'est de l'épinette, puis à quelle usine il envoie ça, puis c'est au jour le jour. Dans la structure proposée, il y a un délai de six mois entre la récolte puis... entre la planification, la vente aux enchères puis l'envoi à l'entreprise. L'entreprise, elle ne voudra peut-être plus cette dimension-là, à ce moment-là, là. L'attachement entre les deux va être très difficile.
La société d'aménagement Forap, c'est une initiative superbe, qui est entre des industriels qui ont réussi à s'entendre, puis qui ont créé quelque chose de vraiment bien, puis qui ont regroupé des petits volumes aussi, hein? La société Forap comme telle, ça ne ressemble pas aux opérations forestières qu'AbitibiBowater fait au Lac-Saint-Jean, là. Ça marche parce que ça a une certaine taille. Plus gros, je ne sais pas ce que ça donnerait. Est-ce que je réponds à votre question?
M. Roy: Oui, merci beaucoup.
M. Robidas (Xavier): Oui? Merci.
M. Roy: Dans un...
Une voix: ...
M. Roy: Ça va?
La Présidente (Mme Morissette): Oui, oui, oui.
M. Roy: Merci, Mme la Présidente. Dans un même ordre d'idées, on a parlé tantôt de la forêt feuillue. Toujours... revenons régionalement. Vous avez dit que ça va être mur à mur. Nous autres, c'est 87 %, Chaudière-Appalaches, 87 % de forêt privée, et on remarque bien que les bois sont beaux, la forêt est belle. Elle a été, contrairement à la forêt publique, elle a été jardinée. Les gens ont pris à coeur que c'était leur forêt, qu'ils laissaient... ils faisaient grossir le bois. Donc, on a un modèle qui est là, que malheureusement on n'a jamais appliqué en terres publiques, et c'est dommage, parce que le manque de bois d'aujourd'hui, c'est l'erreur de 15 ans passés. On aurait déjà dû le faire il y a des années passées, mais on travaille toujours à la pièce, sans mettre l'argent aux bons endroits. La forêt, c'est un endroit où on doit mettre de l'argent et non pas attendre les redevances pour en mettre. Il faut prendre l'argent, le mettre là puis faire ce qu'on a à faire. Et, le jardinage forestier, on va revenir, j'ai une question que je vais vous poser.
Mais vous parliez tantôt du feuillu. Est-ce que, dans la production des copeaux... Parce qu'on sait que les papetières ne prennent pas tous les feuillus dans leurs pâtes, et ça prend un certain degré d'assèchement, d'humidité. Donc, comment vous traitez ça à l'heure actuelle? Puis, est-ce qu'on ne pourrait pas transférer ces feuillus-là pour justement les granules, ou ça prend obligatoirement un type de bois pour faire granules et produits dérivés?
M. Robidas (Xavier): La problématique de la forêt feuillue au Québec ? puis, moi, je la vois bien parce que je la compare un peu à ce que la compagnie Irving fait avec ses terres privées dans le Maine ? c'est qu'elle est dégradée. Elle est fortement dégradée, pour toutes sortes de facteurs. Je ne lancerai pas de pierre à personne. Mais ce qu'Irving fait dans le Maine, c'est que, lui, il coupe puis il jardine au complet, là, il repart ça à neuf. Mais le coût que ça fait, là... La compagnie Irving, elle met de l'argent présentement pour faire ça. Le bois est sorti, la qualité est envoyée où elle peut, là, quand il y en a, puis le reste est envoyé, entre autres, à la compagnie Tafisa, qui fait du panneau de particules avec. Mais je suis convaincu qu'Irving perd de l'argent à faire ça, là. Il investit de l'argent, là, mais c'est son territoire.
Le gouvernement du Québec n'a jamais considéré la forêt du Québec comme une place où il pouvait investir pour récupérer plus d'argent. C'est un des seuls endroits que le gouvernement, à part l'éducation selon moi, là, où le gouvernement peut investir de l'argent et retirer plus de bénéfices qu'il n'en investit. Il n'y en a pas beaucoup, là, des secteurs comme ça. La forêt feuillue, on peut faire de la granule avec, mais pas au prix que ça va coûter à sortir, là. C'est ça, le problème, c'est une question de prix. L'industrie et l'économie, là, c'est toujours une question de prix.
M. Roy: Vous l'avez mentionné, on n'a jamais investi en forêt, et, même si on veut me dire le contraire, me prouver le contraire, je vous dirai qu'on ne l'a jamais fait. On a coupé. De temps en temps, on a replanté, on s'est décidé à replanter. On va parler de biomasse, on ne s'est jamais occupé de biomasse, alors qu'il y a des places, c'est depuis les années quatre-vingt qu'on chauffe déjà des hôpitaux, qu'on fait déjà l'utilisation de biomasse. On se promène en forêt, on a encore des montagnes d'andains partout. J'ai des photos, partout. On dit qu'on manque de bois, on manque de copeaux, on manque de granules. On ne manque de rien, on a été trop lâches pour les ramasser. On n'a pas investi l'argent pour aller le chercher, puis, aujourd'hui, bien on paie. Tout le monde, la société paie pour. Donc, c'est faux de dire que... On peut bien se glorifier d'avoir tout fait, là, mais il reste qu'on peut dire aussi ce qui n'a pas été fait. Comme j'ai dit déjà, on est au jour 1. On a commis des erreurs, il faut recommencer à zéro, mais il ne faudrait pas recommettre les mêmes erreurs.
Mais, quand vous parlez de modèle d'affaires chez vous, moi, j'ai rencontré, par exemple, les gens de Boisaco, j'ai rencontré différents groupes. Donnez-nous donc juste un modèle d'une petite compagnie chez vous qui risque de disparaître suite à d'éventuelles améliorations ou refontes du système.
M. Robidas (Xavier): Je peux vous en donner une très petite, la compagnie La Scierie Martel. Ils ont environ 30 000 m³ de CAAF. Dans un système, il garderait son 30 000 m³, mais il n'aurait jamais les moyens d'aller... d'avoir la structure pour payer le coût de système, pour entrer sur un marché d'enchères, qui risque d'être élevé. Même à ça, son coût de bois personnel va augmenter. C'est une entreprise qui est très proactive, hein? Ils font des fermes de toit. Ils ont un petit volume de bois, mais ils vont chercher le meilleur qu'ils peuvent de ce volume-là, puis ça fonctionne, ça va bien. Ils sont en activité, bien la section fermes de toit, là... La section sciage, c'est une autre affaire.
Dans le système qui est proposé, avec des certifications ? ça coûte de quoi, là, certifier les gens ? tous ces coûts-là, à un moment donné, ça devient trop gros. Je vous donne un exemple. Scierie Lachance, au Lac-Saint-Jean, viennent de cesser leur... ils viennent de libérer leurs CAAF. Ils les ont vendus à une autre compagnie parce qu'ils n'étaient plus capables de payer les coûts de système. Ça coûte cher, répondre aux normes du gouvernement. Je ne suis pas contre les normes, là, mais ça coûte cher, c'est dangereux pour eux. Si on leur enlève du bois, si on leur enlève de l'accès au bois, ça les met en danger.
Si on va dans les modèles plus gros, Boisaco est un bel exemple. Eux autres, ils ont la capacité, c'est des travailleurs, ils n'ont pas de dette. Eux autres, ils ont l'entreprise sylvicole, ils vont récolter en forêt, ils transforment, ils font du sciage, ils font des panneaux. C'est une des plus grosses usines de panneaux embossés de portes en Amérique. Ils font de l'ensachage pour la litière pour les animaux. C'est une entreprise, là, qui est florissante, mais elle n'a pas la capacité d'aller chercher des capitaux en Bourse, là, pour faire une guerre de prix, par exemple, pour avoir accès à certains marchés, là, qui risque de se produire. Si on parle à la compagnie Canfor, eux autres, ils sont très intéressés par la réforme du gouvernement parce qu'ils ont une scierie à Daaqam, puis ils vont pouvoir aller chercher le bois, puis: Tiens, cette année, je vais faire crever ceux du Lac-Saint-Jean, tu sais, cette année, je vais faire crever ceux-là en jouant sur les prix. Je vous mets en garde, là.
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(10 h 30)
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M. Roy: On a parlé de travaux de sylviculture. Les gens chez nous sont intéressés à ça, parce qu'aujourd'hui un employeur sylvicole va gagner en moyenne 600 $ par semaine, fournit son propre camion, scies à chaîne ? vous allez me dire que c'est normal ? fournit ses outils, mais je vous mets, tout le monde, au défi d'aller faire une journée de travailleur sylvicole en forêt, avec les mouches, la pluie, le froid, les intempéries, les branches, le fait que c'est coupé non pas tout croche, mais il faut qu'il y retourne. Comme le gouvernement n'a pas donné le droit d'y aller, ça a trop poussé, c'est intenable. La moyenne d'âge est de 50 ans, et là, aujourd'hui, on va aller dire à des entrepreneurs sylvicoles: Bien là, vous allez soumissionner puis vous allez travailler sur le terrain des autres. Comment on va faire pour conserver les travailleurs sylvicoles dans nos forêts, chez nous, alors qu'on va dire à des gens de l'Estrie: Venez travailler dans Montmagny-L'Islet, on a un contrat d'ouvert? Puis qui va coter? Il va falloir qu'ils restent où, ces gens-là, à quel prix, puis qu'est-ce qu'on va faire? On n'a pas de relève dans le milieu. Les gens ont 50 ans et plus. On va faire quoi avec le travail? Il va falloir redonner...
Est-ce que vous ne pensez pas qu'il faut absolument qu'on investisse en formation? Il faut surtout qu'on redonne une gloire aux gens d'aller travailler en forêt. Ce n'est pas des bûcherons, là, qu'on veut. Il faut enlever le mot «bûcheron» parce que c'est très péjoratif, la chemise à carreaux puis des bretelles, mais le travailleur sylvicole, ça peut être des ingénieurs forestiers en manque de travail. Donc, qu'est-ce que vous pensez au niveau des travaux sylvicoles au Québec?
M. Robidas (Xavier): Il n'y aura pas d'ingénieurs en manque de travail, il ne s'en forme pratiquement plus à l'heure actuelle, là, on va en manquer. Bien, pour les travailleurs sylvicoles, écoutez, je pense que le pire métier, c'est débroussailleur. C'est une job incroyable, hein? On a pris une décision d'arrêter d'utiliser des phytocides, pour des raisons qui étaient peut-être bonnes à l'époque. Maintenant, la recherche s'est développée et il existe des nouveaux produits. Peut-être qu'on devrait retourner vers ça, parce que, si on fait le cycle du produit du débroussaillage, là, il se brûle du... c'est des moteurs deux temps, beaucoup de transport, des camps forestiers, bien, bien de l'énergie mise pour aller faire du débroussaillage. Peut-être que ce serait mieux de le faire avec... Mais c'est une autre question.
Ce que vous avez oublié dans votre énumération de ce qui va être dur pour les travailleurs sylvicoles, c'est qu'ils vont devoir être certifiés maintenant, hein? C'est des gars de machines, là, c'est des gars de moteurs. Eux autres, ils aiment les gros moteurs. Ils aiment ça, ils sont bons là-dedans, ils réparent ça. Des certifications, j'en ai fait, j'ai fait du 14001, c'est toute une joie, c'est de la paperasse. Demandez à ces gars-là de faire de la paperasse, là, puis vous n'en aurez plus un, ils vont se sauver, ou bien ça va coûter une fortune parce qu'ils vont payer quelqu'un pour le faire, là, mais c'est du monde qui n'ont pas une... ils sont bons dans ce qu'ils font.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au bloc de temps du côté de l'opposition officielle. Nous sommes rendus au deuxième groupe d'opposition. Est-ce que ça va être M. le député de René-Lévesque?
M. Dufour: Oui.
La Présidente (Mme Morissette): Parfait, pour un petit peu plus de 10 minutes.
M. Dufour: Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, M. Robidas, merci pour la présentation de votre mémoire et votre présence. En titre: Mémoire sur le livre vert de février 2008, vous nous l'aviez signifié. Alors, ça prouve hors de tout doute qu'il y a du surplace au moment où on se parle.
Dans la page 3 de 4 de votre document, vous parlez qu'«il n'y a aucune urgence [de] modifier des modalités qui n'entreront en vigueur que dans cinq ans», et vous avez parlé d'une incertitude, vous parlez que ça va rajouter à l'incertitude actuelle. Et le ministre, dans son allocution devant le Conseil de l'industrie forestière, disait que le secteur forestier connaissait des jours difficiles et que «je veux avec vous mettre fin à l'incertitude». Alors, j'aimerais que vous élaboriez davantage par rapport à cet élément-là que vous avez mis dans votre mémoire.
M. Robidas (Xavier): Je l'ai abordé tout à l'heure, l'incertitude qu'il y a au niveau des entreprises présentement et des entrepreneurs forestiers, c'est au niveau financier, c'est le financement. Si on parle des garanties d'approvisionnement, en tout cas qu'il reste quelque chose, là, mais comment l'entreprise va faire pour financer ses investissements? C'est des bonnes questions, là. Dans la forêt publique, il s'est payé beaucoup d'argent pour acheter des volumes de bois qu'on pourrait avoir le droit de récolter, qui sont à un coût en soi que les entreprises de la forêt privée n'ont pas. Ils vont payer le bois à un prix plus cher, mais la compagnie qui a des droits d'approvisionnement, qui a payé pour en avoir, elle, c'est un actif. Là, on vient détruire cet actif-là. Cet actif-là, il servait à financer auprès des banques. L'opérateur de machine, là, un porteur multifonctionnel, ça prend... bien deux porteurs, une multifonctionnelle, ça coûte 2 millions environ, acheter ça. Il n'y a personne qui a 2 millions pour acheter une multifonctionnelle, là. La façon de procéder présentement, c'est que l'entrepreneur, il va voir la banque puis il dit: J'ai une entente de passée avec une scierie. Mais là, dans le nouveau système, c'est qui qui va garantir ça, si on va par soumissions, là? Qui va garantir l'entrepreneur auprès des banques? Moi, les banquiers à qui j'ai parlé, là, ils ne sont pas chauds, chauds, là. Ils disent: On ne sait pas trop.
Puis présentement, bien il y a des investissements qui ne se font pas au Québec parce que, bien: Là, on va-tu avoir du bois? Comment ça va coûter? L'incertitude, elle a été augmentée d'un cran, là. On était déjà dans une période horrible. En fait, c'est la pire crise qui n'a jamais été vécue, tout arrive en même temps, mais là, si on rajoute ça en plus, là, ça vient comme geler tout, là, tout le monde est en attente. La question, là, 100 000 m³ protégés, là, il y a des usines, là, qui ont fait: Oh! On était en train de regarder pour se consolider, mais là, oup! on arrête parce que, si on fait une usine avec deux usines, on va perdre 25 000 m³ de bois, parce qu'il va y avoir 100 000 m³ de protégés par usine. Mais, si on les met en une, il y a juste 100 000 m³ qui est protégé, on vient de perdre 25 000 m³, la consolidation est arrêtée, là. Il se fait du surplace au Québec présentement, puis on attend, là. C'est là-dessus, c'était mon point qui rajoutait à l'incertitude, là.
M. Dufour: Oui. Mme la Présidente, oui? Alors, je ne me trompe pas en disant que c'était la demande des partenaires, quand il y a eu des rencontres avec le ministre, ce qu'on a appelé le fameux lien juridique, pour enlever effectivement l'incertitude par rapport à l'avenir du secteur forestier. C'est ça?
M. Robidas (Xavier): Il y a eu une rencontre là-dessus, mais je n'ai pas été invité, là.
M. Dufour: Il y a eu plusieurs rencontres de toute façon, là.
Vous avez dit qu'on manque de bois. Il y a eu le moins 20 % du rapport Coulombe; il y a eu le moins 20 % aussi du Forestier en chef. Je vous donne l'exemple de chez nous, là, pour imager, parce que vous avez parlé en même temps des chemins forestiers, puis on appelle ça des «chemins de pénétration», parce qu'il ne faut pas qu'on se fasse ramasser par les États-Unis pour dire que c'est de la subvention, donc on appelle ça des «chemins de pénétration», qui font en sorte que c'est pour l'ensemble des usagers, O.K.? Il y a 90 %, si je ne me trompe pas, d'aide gouvernementale là-dessus, mais il faut savoir que l'entreprise va faire des opérations de chemins de pénétration s'il y a effectivement un avenir. S'il y a eu 50 % de coupe au niveau de la foresterie, ils ne s'en serviront pas, tu sais. De là vient le fait qu'il y a de l'incertitude dans l'air.
Est-ce que vous croyez qu'il y a plus de bois qu'on pense, au Québec? Et je pense, puis j'ai déjà dit, moi, parce que j'ai eu moins 50 %, moins 52 % à certaines places, sur la Côte-Nord, puis je vous donne un exemple concret, la Scierie des Outardes, ce qui est AbitibiBowater, est rendue aux 300 km en forêt pour aller chercher la ressource. Kruger, qui s'est retirée du territoire, était rendue sur une île pour aller chercher la ressource. Alors, le comparatif avec l'Abitibi-Témiscamingue, c'est qu'on était déjà entre 10 $ et 15 $ du mètre cube de plus pour aller chercher la ressource. Croyez-vous que j'en ai plus que ça, de la ressource, ou je suis rendu tellement loin qu'il n'y en a plus, de compétitivité? Puis, le prix du copeau chez nous, vous devez savoir que, tu sais... parce que vous disiez qu'il ne faut pas que ce soit du mur-à-mur. Alors, vous voyez ça comment, là, tu sais? Un, que ce n'est pas du mur-à-mur, puis, deux, bien je viens de vous faire le portrait d'une région comme la nôtre. Comment on doit se comporter?
M. Robidas (Xavier): Votre région est particulière du fait que c'est la pire région pour construire des chemins au Québec. L'aide a dû être bien appréciée là-bas, c'est du cap puis de la roche avec les arbres dans le fond des vallées, proche des rivières.
Quand je dis qu'il y a plus de volume au Québec, là, c'est que notre philosophie, au Québec, repose sur une forêt normale qui aurait des classes d'âge égales partout, mais ce n'est pas ça qu'on a, on a des volumes abondants dans certaines classes d'âge puis des volumes qui sont très bas dans certaines autres, puis, tant qu'il n'y aura pas un rapprochement, toute l'équation repose sur le fait que la forêt est normale, mais elle ne l'est pas. Ça induit une erreur, toujours. Les raisons pour lesquelles on a perdu des volumes dans le temps, c'est qu'on a protégé plus de territoire, on a fait des bandes un peu partout qui n'étaient pas économiquement récoltées, on a eu la tordeuse de l'épinette, là. Chez vous, faites attention, en Gaspésie, c'est 50 % du volume pratiquement, là, qui a sauté depuis 2000, puis beaucoup à cause de la tordeuse.
Quand je dis qu'il y a plus de volume, hein, on ne fait pas la première puis la deuxième éclaircie commerciale en forêt. Il y a du volume là-dedans, là, qu'on pourrait aller chercher, puis on n'y va pas, là, on ne la fait juste pas. Puis, la forêt feuillue, on l'a laissée se dégrader. Là, elle est dégradée, là, on ne sort pas de volume de là. Mais, si on travaillait à la remettre en valeur, elle produirait, là, la forêt feuillue, il n'y a pas de raison qu'elle ne produise pas. Il y a des manières d'aller chercher du volume de plus.
Le restant de votre question... Est-ce que ça répond à votre question?
M. Dufour: Ça répond, dans le sens que vous dites que... Bon, on parlait des copeaux. Moi, je vous dis qu'on est rendu loin pour aller chercher la ressource; vous dites qu'il ne faut pas que ce soit du mur-à-mur, alors... puis vous parliez du prix du copeau. Alors, chez nous, à 300 km en forêt, ça ne peut pas être pareil comme en Abitibi, vous voyez.
M. Robidas (Xavier): Non, non, chez vous, c'est la pire région. C'est chez vous que le bois est le plus cher au Québec, puis c'est principalement des contraintes géographiques, là.
La Présidente (Mme Morissette): Oui, Mme la députée de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, il reste trois minutes.
Mme Morasse: Une petite question. D'entrée de jeu, vous avez dit qu'il n'y avait pas besoin de mettre à terre tout le système au complet pour pouvoir renouveler le régime forestier. J'aimerais ça succinctement, là, que vous me disiez qu'est-ce qui met en péril ou en grand danger, là, notre régime forestier, si on abat ces volets-là du régime forestier. Et vers quels volets devrait-on s'attarder ou mettre plus d'emphase pour que le virage, au niveau du régime forestier, puisse être engagé ou entrepris de façon constructive et profitable?
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(10 h 40)
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M. Robidas (Xavier): Bon, tout de suite, de prime abord, ce n'est pas le régime forestier qui est en danger. Le régime forestier, c'est une conception de l'esprit. C'est la structure industrielle, c'est les entreprises qui sont en danger puis, à quelque part, les poches de l'État, là, parce qu'il y a quelqu'un qui va financer la réforme. Juste venir ici, moi, ça coûte de quoi, là, tout le monde ici, ça coûte de quoi, là. Il y a des coûts de système.
Dans la proposition, les orientations, il y a un paquet de choses qui se font sans tout mettre à terre, là. Favoriser la mise en valeur des ressources par l'implantation d'un zonage du territoire forestier, ce n'est pas... pas besoin de réformer.
Recentrer le rôle du ministère pour envoyer des affaires aux régions, on n'est pas obligé de le faire «one shot» dans un gros branle-bas de combat, là, puis... mais il y a des régions qui sont prêtes, il y en a qui ne sont pas prêtes. Allons-y avec les régions qui sont prêtes.
Des responsabilités, des entreprises d'aménagement certifiées, on peut certifier les entreprises, mais, comme je vous dis, pour les petits, petits joueurs, ça va être très difficile, ça va prendre de l'aide pour aider les entrepreneurs puis les petites scieries, ça va prendre de l'aide.
Promouvoir une gestion axée sur l'atteinte des résultats, ça fait 30 ans que les ingénieurs forestiers veulent ça. Il y a de la marge, on n'est pas obligé, là, de... on n'est pas obligé de tout faire dans un coup puis... Comme je vous dis, on va faire une réforme puis, à tous les six mois, on va la remodifier parce que l'environnement va avoir changé, parce que la société va avoir changé, parce que l'économie va avoir changé.
Droit de premier preneur, on l'a déjà, c'est les redevances.
Marché concurrentiel des bois provenant des forêts du domaine de l'État, ça, c'est... on ne sait pas c'est quoi.
Créer un fonds d'investissements sylvicoles, les Ontariens en ont un, on n'a pas besoin de faire une réforme du système, là, pour faire un fonds d'investissements sylvicoles, on peut en faire un demain, là, c'est une bonne idée. Il faut juste mettre de l'argent dedans, là, il faut s'assurer qu'il y a de l'argent.
Puis, se doter d'une stratégie de développement industriel axée sur des produits à forte valeur ajoutée, on est les champions en Amérique du Nord de la valeur ajoutée, on est les meilleurs. C'est nous autres qui en faisons le plus. C'est le marché, là, qui n'en veut pas plus. On peut faire une réforme, mais ça ne changera pas le marché. Le gouvernement travaille présentement sur le marché avec sa proposition, là, pour pénétrer le marché institutionnel et commercial. Ça, c'est une bonne approche, il y a un marché là, mais ce n'est pas en réformant le régime que ce marché-là va se développer. On est mieux de travailler sur le marché que sur le régime.
Mme Morasse: Autrement dit, il y a plein d'éléments qui vaudraient la peine d'être observés, mais de vouloir tout mettre dans la même poche puis tout faire en même temps, c'est là probablement que le bât blesse.
M. Robidas (Xavier): Ça va coûter cher.
Mme Morasse: Mais vous aviez dit, dans vos pistes de solution, qu'il y aurait peut-être lieu d'investir davantage pour augmenter la productivité de la forêt. Dans quelle mesure est-ce que le renouveau pourrait aider à cette solution?
La Présidente (Mme Morissette): Je suis désolée, j'ai laissé dépasser même quelques secondes. Vous ne me regardiez pas, je n'ai pas pu vous dire que votre temps achevait. Donc, ça met fin au temps qui était alloué à l'Association des producteurs de copeaux du Québec. On va suspendre quelques instants, saluer M. Robidas et accueillir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 10 h 43)
(Reprise à 10 h 47)
La Présidente (Mme Morissette): Alors, bienvenue à la Conférence régionale des élus de l'Estrie. J'ai cru comprendre que ça allait être M. Bernier qui allait nous adresser la parole en premier. Si vous voulez vous identifier quand la caméra va être sur vous et nommer les gens qui vous accompagnent, et ensuite vous disposez de 10 minutes pour votre présentation.
Conférence régionale des élus de
l'Estrie (CRE de l'Estrie)
M. Bernier (Maurice): Alors, merci, Mme la Présidente. Oui, mon nom est Maurice Bernier, je suis le préfet de la MRC du Granit et je suis également le président de la Commission des ressources naturelles et du territoire en Estrie.
Je suis accompagné, ce matin, devant la commission parlementaire par, à ma gauche, M. Jean-Guy St-Roch, qui est coprésident de la Commission des ressources naturelles régionale mais qui est également président de l'Agence de mise en valeur de la forêt privée de l'Estrie. Et M. St-Roch a passé neuf ans dans les corridors, ici, de l'Assemblée nationale, j'imagine que son esprit subsiste encore; alors, il a été député de Drummond de 1985 à 1994; alors ça, c'est pour le bénéfice des plus jeunes, évidemment. À ma droite, ici, M. Dany Senay, qui est chargé de projet à la Commission des ressources naturelles. M. Senay est ingénieur forestier et, pendant quatre ans et demi, il a été notre aménagiste au niveau de la forêt publique, chez nous, dont on va vous parler dans quelques instants, alors il connaît bien le domaine. À ma gauche, Mme Marie-Hélène Wolfe, qui est la directrice générale de la Conférence régionale des élus; et, à mon extrême gauche, M. Jean-Louis Blanchette, qui est le coordonnateur de la même commission.
Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, messieurs dames les députés, d'abord permettez-moi de remercier de façon particulière notre députée de Mégantic-Compton qui... Grâce à elle, nous sommes ici, aujourd'hui, puisque nous n'avions pas été invités, dans un premier temps. Je suis convaincu qu'après notre prestation vous allez convenir avec nous que vous auriez manqué quelque chose si nous n'avions pas été là.
Alors, on vous a déposé un mémoire, on vous a déposé un mémoire que l'on a... auquel on va référer. Je vais essayer de prendre une dizaine de minutes pour faire un résumé de ce mémoire-là, pour qu'on ait du temps pour échanger par la suite avec vous.
Alors, nous présentons, ce matin, la position des commissaires de la Commission régionale des ressources naturelles et du territoire de l'Estrie, position, et je vous le souligne, qui a fait l'objet d'un consensus général, qui a été discutée, et, malgré le court laps de temps que nous avions, nous en sommes venus à un consensus sur les positions que l'on vous présente. Nous souhaitons que l'État considère cette proposition dans un contexte d'adaptation régionale du nouveau régime forestier, en lien avec le principe de la modulation, qui est déjà inscrit dans la Politique de la ruralité. Alors, on a parlé tantôt qu'on voulait éviter le mur-à-mur, nous en sommes tout à fait d'accord.
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(10 h 50)
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D'entrée de jeu, permettez-moi de vous parler de l'Estrie. L'Estrie, contrairement à la croyance populaire, est une région forestière. En Estrie, c'est 75 % du territoire total qui est sous couvert forestier. C'est environ 93 % des superficies forestières qui sont de tenure privée, réparties entre 10 000 propriétaires, dont 4 000 font de l'aménagement. L'Estrie, c'est plus de 180 usines de transformation du bois qui sont implantées aux quatre coins de notre territoire et plus de 12 000 emplois qui sont directement reliés à la forêt et à la filière de transformation, soit 10 % de tous les emplois de l'Estrie et presque le quart de nos emplois manufacturiers. L'Estrie, c'est le leader provincial des régions du Québec en première transformation des feuillus durs. C'est l'une des régions les plus avancées dans le domaine de la deuxième et troisième transformation du bois. Il s'agit en fait de la seule région du Québec à avoir des usines dans toutes les catégories de produits. L'Estrie finalement, c'est également trois parcs nationaux et de nombreux territoires de plein air, une industrie récréotouristique reconnue pour son offre diversifiée, basée sur les valeurs paysagères et naturelles du patrimoine forestier de notre région.
Alors, comme vous le réalisez, notre présence à cette commission parlementaire nous semble incontournable, et la reconnaissance de cet acquis est grandement appréciée, c'est-à-dire d'être parmi vous aujourd'hui. Nous allons aborder rapidement six points avec vous.
Parlons d'abord de la forêt privée. Sa prédominance... sa présence dominante caractérise notre région, tandis que son absence totale du document de travail portant sur l'occupation du territoire forestier et la constitution des sociétés d'aménagement des forêts caractérise, quant à elle, un risque récurrent pour notre région. Nous déplorons donc cette absence qui est perçue comme une menace pour l'Estrie.
Il est essentiel pour les commissaires de la commission régionale que, malgré les changements apportés au régime forestier, les atouts de notre forêt privée, acquis si durement au cours des dernières décennies, soient préservés. Nos forêts privées sont situées dans les plus grands massifs méridionaux des forêts naturelles de la province, et, si nous devons investir en sylviculture au Québec, c'est en Estrie qu'on doit le faire, de par les rendements forestiers hautement productifs et la proximité des usines et des marchés. Nous réitérons donc notre position quant au maintien de notre agence de mise en valeur des forêts privées ainsi que des programmes d'aide financière destinés aux mêmes forêts privées, même si nous les jugeons plus souvent qu'autrement insuffisants. Le cas de la mise à jour des PPMV des agences au Québec en est un exemple dont le financement incertain inquiète grandement l'Estrie.
Maintenant, parlons de la mise en place d'une société d'aménagement des forêts. La proposition des commissaires est basée sur les positions suivantes reliées à notre forêt publique. D'abord, notre région n'est pas favorable à la mise en place d'une structure complètement nouvelle. La table des bénéficiaires de CAAF et la commission des ressources naturelles regroupent déjà une bonne partie des intervenants impliqués. Deuxièmement, il est démontré que les actions sylvicoles du ministère en région et des bénéficiaires de CAAF du territoire ont contribué à l'état actuel des forêts publiques estriennes, qui s'est grandement amélioré ? c'est rare que vous allez entendre ça par les temps qui courent; mais s'est grandement amélioré ? depuis la mise en place du régime forestier, en 1987, et qui ne se compare en rien avec l'état actuel des forêts publiques provinciales. Troisièmement, il est indéniable que la région désire garder le contrôle, le leadership et les retombées de l'aménagement forestier, passées et futures, des terres publiques de l'Estrie. En ce sens, la volonté régionale est toujours aussi présente en regard de la création d'une unité d'aménagement forestier respectant les limites administratives de notre région.
L'Estrie, avec ses 51 000 ha de forêt publique sous aménagement, est couverte par une superficie publique suffisamment grande pour y maintenir une activité durable et soutenue et générer des bénéfices pour la population locale et les entreprises à proximité. L'investissement en aménagement forestier crée des emplois à court terme en plus d'en maintenir de façon durable, à long terme. Nous sommes mieux placés que quiconque pour s'exprimer ainsi, car le ministère et les bénéficiaires de CAAF ont entrepris ce virage dès 1987, et la région commence déjà à en récolter les bienfaits. Et plusieurs parmi vous, et le président de la Commission de l'industrie forestière, M. Chevrette, sont venus visiter nos forêts publiques ? évidemment, on vous invite à faire de même ? et ont pu constater ce que l'on dit en termes d'améliorations. En ce sens, nous sommes d'avis qu'il faut construire à partir d'une base existante qui fonctionne, soit la Table des bénéficiaires de CAAF. La décentralisation doit se faire par le biais des élus, et les citoyens qui dépendent des ressources doivent prendre part aux décisions.
La région propose donc un modèle alternatif à celui décrit dans le document de travail. D'abord, la mise en place de la Société d'aménagement des forêts publiques de l'Estrie serait coordonnée par la conférence régionale de l'Estrie par le biais de sa commission régionale. Les liens structurels s'apparenteront à ceux décrits dans le document de travail, à l'exception du lien avec la Commission des ressources naturelles qui devra être clarifié et surtout resserré.
La société sera créée à partir de la Table des bénéficiaires de la région, laquelle sera bonifiée par les intervenants régionaux concernés ou qui dépendent de la forêt publique estrienne. Le conseil d'administration serait de 11 personnes représentant des bénéficiaires de CAAF, des utilisateurs des autres ressources du monde municipal concerné, du ministère en région et de la conférence régionale des élus.
Les mandats initiaux de la société concerneront d'abord la faune, la forêt et le territoire mais évolueront en fonction des enjeux de notre forêt publique et des mandats de notre commission régionale.
La Présidente (Mme Morissette): M. Bernier, malheureusement, je vous ai laissé dépasser un peu pour que vous finissiez votre phrase, là, mais...
M. Bernier (Maurice): J'aurais voulu... Je ne peux pas vous parler de fonds d'investissements sylvicoles?
La Présidente (Mme Morissette): Probablement qu'à travers les questions vous aurez l'occasion d'en parler, je suis persuadée, mais je ne peux pas vous laisser parler plus longtemps, malheureusement. Donc, je peux laisser la parole tout de suite à Mme la ministre qui pourrait vous questionner sur les sujets qui l'intéressent. Mme la ministre.
Mme Boulet: Merci, Mme la Présidente. Moi, je vais vous laisser un peu de temps, mais ne prenez pas tout mon temps, là, mais je vais vous en laisser un peu.
M. Bernier (Maurice): Donnez-moi une minute, puis je vais vous revenir.
Mme Boulet: Oui, ça me fait plaisir.
M. Bernier (Maurice): C'est parce que je voudrais vous parler du fonds d'investissements sylvicoles. Les commissaires de la commission de l'Estrie sont d'avis que le Québec se doit de modifier en profondeur les orientations, les connaissances et la vulgarisation du concept de sylviculture intensive. En effet, dans un contexte comme celui de l'Estrie, le fonds d'investissements sylvicoles doit servir à financer notamment des démarches de sylviculture intensive basées sur la dynamique naturelle des forêts visant à alimenter la valeur ajoutée sur pied, sans exclure le recours à des plantations à haut rendement. Ainsi, comme nos forêts sont hautement productives ? et c'est là la particularité de l'Estrie ? et qu'elles sont à proximité des usines et des marchés, nous considérons que tout le territoire forestier estrien privé et public devra avoir un accès assuré à ce nouveau fonds. En fait, on considère le territoire de l'Estrie comme une zone intensive de sylviculture, c'est le message qu'on veut vous passer.
Évidemment, forêt privée, brièvement, on a la forêt habitée, chez nous. Dans la MRC du Granit, on souhaite que le concept de forêt de proximité ne vienne pas mettre en danger la forêt habitée. Et le principe de résidualité, sûrement quelqu'un va nous poser des questions, parce que, nous, on y tient énormément. Mme la ministre.
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(11 heures)
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Mme Boulet: Alors, merci, M. Bernier. Bienvenue à la Conférence régionale des élus de l'Estrie. Vous avez une région magnifique mais une région effectivement exceptionnelle, qui est différente en termes de contexte forestier. Là, donc, je pense qu'il ne faut surtout pas que ce soit du mur-à-mur, il faut que l'Estrie soit partie prenante des décisions de cette refonte-là.
Vous parlez de sylviculture intensive, M. Bernier, et vous semblez craindre, là, finalement qu'on soit sélectif sur les terres publiques et que la sylviculture intensive dont on parle, on ne sera pas là pour investir sur les terres privées, là. Et ce qu'on me précise, et c'est important de le dire, c'est que, nous, on va choisir les territoires les plus appropriés pour faire de la sylviculture intensive. Qu'ils soient privés ou publics, là, regardez, on va choisir les meilleurs endroits, point à la ligne, et, si c'est chez vous, si c'est des terres privées, alors il y aura les mêmes investissements en terre publique que privée.
Ce qu'on veut, c'est favoriser une croissance plus rapide de notre ressource, donc lui donner le milieu avec les conditions gagnantes, et ce qui semble être le cas chez vous, et vous avez en grande partie des territoires privés. Alors, assurément, là, que ça inclut votre contexte forestier, ça inclut les forêts privées également, au niveau de la sylviculture intensive.
Je vais revenir, moi... Ici, vous nous avez proposé quelque chose pour les sociétés d'aménagement. Parce que vous me dites, à la page 4, vous dites... ou page 3, vous me dites que vous êtes contre. Vous n'êtes pas favorables à la mise en place d'une société d'aménagement, mais en contrepartie vous la mettez là pareil mais dans une enveloppe, là, qui n'est pas tout à fait la même formule mais qui est... J'aimerais juste que vous me décriviez... Parce que votre Commission régionale des ressources naturelles et du territoire a l'air être très active chez vous, alors j'aimerais juste voir... Finalement, la société d'aménagement dépendrait de la commission régionale. J'aimerais juste que vous m'expliquiez comment vous voyez ça, là. Parce que vous n'en voulez pas, mais en même temps vous la positionnez en bas de la commission régionale. C'est quand même une nouvelle structure. Vous pensez qu'elle aurait sa raison d'être, même si vous êtes contre le principe?
M. Bernier (Maurice): Bien, c'est-à-dire, on est contre la création de la nouvelle société telle que proposée dans le document. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on veut partir de ce qui existe déjà. Il y a déjà... Ça fonctionne chez nous, la Table des bénéficiaires de CAAF fonctionne, les gens sont là, s'entendent sur la façon d'aménager, sur le prélèvement. C'est déjà un acquis. Alors, ce qu'on veut, c'est bonifier cette table-là, en faire une société d'aménagement qui corresponde à nos besoins en Estrie, et, dans l'optique de la décentralisation, évidemment on veut que cette société-là ait un lien avec la Conférence régionale des élus et la Commission des ressources naturelles. Tout ce beau monde là est déjà assis autour de la table. Et je sais que dans certaines régions les commissions fonctionnent plus ou moins; nous, ça fait deux ans et demi qu'on est là, tous les intervenants sont assis autour de la table, et on... Évidemment qu'il y a des bonnes discussions, viriles, comme aurait dit une certaine ministre à l'époque, mais on finit par s'entendre. Donc, ce qu'on veut, c'est que le nouveau projet de loi qui viendra respecte la particularité de l'Estrie. Alors, peut-être que Dany peut renchérir là-dessus.
M. Senay (Dany): Ce que je peux rajouter, c'est que, quand M. Bernier dit que ça a fonctionné en Estrie, c'est que la table des bénéficiaires puis le ministère dans le fond ont créé des investissements en forêt publique, puis ces investissements-là ont déjà commencé à apporter des retombées. Comme exemple, quand on parlait, un peu plus tôt, de la forêt feuillue, bien la forêt feuillue, oui, dans le contexte provincial, c'est une forêt qui a été dégradée par on parle de 200 ou 300 ans de colonisation, là. On ne peut pas revenir sur notre passé. Par contre, nous autres, en Estrie, ça fait seulement 20 ans qu'on a commencé à faire de la coupe de jardinage. Puis on a la chance d'avoir, premièrement, un marché pour le bois de trituration, on parle de Domtar Windsor. Donc, tout le bois de faible qualité est envoyé directement là. Puis, deuxièmement, on a eu des intervenants, puis des industriels, et des fonctionnaires qui se sont dit, en 1987: Nous autres, on va faire de la coupe partielle, de la coupe de jardinage. Donc, on va aller chercher les moins bons spécimens puis on va laisser les meilleurs pour que la croissance soit meilleure. Ça fait que ce qui a fonctionné, c'est ça.
On se retrouve aujourd'hui avec une forêt publique qui est un exemple provincial, qui en soi amène déjà des retombées. Donc, ce qu'on ne veut pas, c'est repartir d'une nouvelle structure, dire: On prend cette structure-là, on la bonifie avec d'autres intervenants puis on continue le travail. Ce qui est important, c'est la continuité.
Mme Boulet: La continuité...
M. Bernier (Maurice): Puis on a donné des exemples, là. Les gens qui nous ont précédés, on a fait référence à Gestion Forap, là, en Chaudière-Appalaches. Alors, on veut s'inspirer de ce modèle-là de fonctionnement également. On pense qu'il y a de la place pour de l'adaptation au niveau de notre région, c'est ce qu'on dit.
Mme Boulet: La continuité puis la spécificité, c'est le message, là, qu'on reçoit de...
M. Bernier (Maurice): Tout à fait. On ne veut pas une société d'aménagement... un modèle unique qui desservirait l'ensemble des régions. C'est ça qu'on essaie de vous dire comme message.
Mme Boulet: Vous dites également dans votre mémoire que vous craignez l'érosion des atouts du régime forestier actuel. Quels sont les points, là, qui pour vous, là, semblent importants? Parce que, sur la Bourse, la mise en marché de bois sur la Bourse, là, est-ce que vous êtes en accord avec ça? Par rapport à l'ancien régime puis au nouveau, là, c'est quoi que vous souhaitez préserver dans l'ancien régime, que vous ne vouliez pas qu'il y ait d'érosion? Et qu'est-ce qui... l'ouverture au nouveau projet sur la mise en marché du bois public, là, est-ce qu'on peut vous entendre là-dessus, oui?
M. Bernier (Maurice): Merci, oui.
Mme Boulet: C'est ça, oui.
M. Bernier (Maurice): Je vais vous laisser...
M. Senay (Dany): Par rapport aux atouts du régime forestier, c'est sûr que, nous, on veut que ce soient encore les gens de la région qui décident. Tantôt, on en parlait, les gens qui dépendent des ressources doivent prendre part aux décisions. Ça fait que... Comme, chez nous, en région, c'est des industriels de la région qui ont pris la décision, avec les fonctionnaires régionaux et locaux, de bien aménager les forêts, de faire des choix qui étaient un peu différents de ce qui a été connu à l'extérieur de la région. Ça fait que, premièrement, un des atouts, c'est ça, on ne veut pas se ramasser avec une structure qui est trop grosse pour nous. On a toujours eu une petite structure sur de petites superficies de forêt publique.
Ensuite, au niveau des atouts, est-ce qu'on est ouvert à la mise en enchère de bois? Ça, ça n'a même pas été une question qui a été dure à débattre. On a des industriels autour de la table. Si les gens sont prêts à payer pour le bois de forêt publique puis qu'il peut y en avoir une certaine partie mise en enchère, nous autres, on n'est pas du tout contre le principe. Puis, même, ça peut... Exemple, en Estrie, on a 180 usines de transformation du bois en première, deuxième, troisième transformation. Dans l'industrie du panneau, dans la bioénergie également, on a des usines de cogénération, on en a deux ou trois. Donc, pour ce que la forêt peut donner, on n'a aucun problème.
La Présidente (Mme Morissette): Oui, Mme la députée de Mégantic-Compton. Il reste cinq minutes. Allez-y.
Mme Gonthier: Merci. Vous avez parlé de principe de résidualité, qui était bien important pour vous, et je pense que vous n'avez pas eu le temps de nous exposer votre point de vue là-dessus. Alors, j'aimerais ça vous entendre, et comment vous voyez ça.
M. Bernier (Maurice): C'est-à-dire, avec l'importance qu'a la forêt privée chez nous, évidemment qu'on souhaite que ce principe-là soit maintenu, sinon renforcé. On souhaite que les usines s'approvisionnent d'abord en forêt privée et par la suite en forêt publique. Alors, c'est un principe qu'on veut voir, je dirais, renforcé et non pas remis en question.
Alors, le potentiel... Tantôt, on parlait de possibilité forestière. Le potentiel, au niveau possibilité forestière, en forêt privée, chez nous, est plus grand que ce qui existe actuellement. Autrement dit, du bois, si on aménageait l'ensemble, si l'ensemble des propriétaires de boisés aménageaient leurs territoires et rendaient leur bois disponible... J'ai mentionné tantôt que c'est 4 000 sur les 10 000 propriétaires qui font de l'aménagement. Alors, vous réalisez immédiatement les possibilités qui existent en termes de disponibilité de la ressource. Alors donc, on veut préserver ça à tout prix, évidemment.
Mme Gonthier: Qu'est-ce qui selon vous pourrait amener... Vous parlez de 10 000 propriétaires, 4 000 producteurs. Comment on pourrait amener plus de gens à produire et puis...
M. Bernier (Maurice): Étant donné que ce n'est pas un one man show, je vais justement laisser notre ami de la forêt privée nous...
M. St-Roch (Jean-Guy): C'est un des grands défis de l'Estrie ou des Cantons-de-l'Est, parce que beaucoup des propriétaires privés ne sont pas de longue génération. Alors, la majorité sont des citadins qui, à l'âge de la retraite ou par héritage, vont prendre possession des boisés. Et, avec tout ce qui a été galvaudé dans le passé, le pillage des forêts puis le syndrome de couper un arbre, c'est catastrophique... Puis on le voit d'ailleurs dans une annonce d'une compagnie d'État, lorsqu'on coupe un arbre pour essayer de faire l'émotion. Nous, c'est un des défis de l'agence, de convaincre les gens qu'on peut faire de l'aménagement. Puis c'est pour ça qu'on insiste sur le PPMV, parce que la base du PPMV dans l'Estrie, il y a trois volets: un volet économique, un volet social et un volet environnemental. C'est ce qu'on met en évidence.
On a donné un coup de barre dernièrement en disant aux gens aussi: On peut aménager la forêt strictement pour la matière ligneuse, comme on peut l'aménager pour la protection de la faune, une espèce vulnérable, ou ces choses-là. Alors, on essaie de donner un coup de barre, dire aux gens: Quels sont tes objectifs d'aménager ta forêt? Et finalement, au bout, il y aura toujours la matière ligneuse, puis les générations passant... C'est ce qu'on apprend lorsqu'on quitte la politique pour aller en sylviculture: En politique, c'est du très court terme puis, en sylviculture, bien on parle de 10, 20, 30 ans en avant de nous.
La Présidente (Mme Morissette): Il reste deux minutes encore.
Mme Gonthier: Vous avez mentionné au début de votre intervention qu'on avait trois parcs nationaux en Estrie. Et puis comment vous faites l'équilibre entre la nature, les parcs nationaux et l'exploitation forestière, justement? Parce qu'on sait que, dans les parcs nationaux, on parle de faune aussi, etc. Comment vous vivez ça? Comment vous mettez tout ça ensemble?
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(11 h 10)
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M. Bernier (Maurice): Bien, je pense que l'Estrie est un modèle, dans ce sens-là, d'équilibre, si on veut, entre la protection des territoires, c'est-à-dire par la mise en place de trois parcs nationaux... Je crois qu'on a entendu parler de ça dans la région du député d'Orford, l'importance de maintenir ce parc-là. Je ne voudrais pas ouvrir une canne de vers, mais... Alors, comme on en a trois en Estrie: Orford, le parc national du Mont-Mégantic et évidemment le parc Frontenac ? deux sont dans votre comté, Mme la... j'allais dire Mme la ministre, Mme la députée, alors deux sont dans votre comté ? alors ça, l'aspect préservation est déjà très, très en place. On a dit tantôt, M. Senay l'a mentionné: L'Estrie est un modèle en termes d'aménagement de ses terres publiques, la façon qu'on a de le faire. On a amélioré le capital forestier dans nos forêts publiques de l'Estrie, ce qui n'est pas peu dire. Alors donc, cet équilibre-là est maintenu, et évidemment, je le répète, la présence du privé pour nous est un incontournable.
M. St-Roch (Jean-Guy): Comme complémentaire, Mme la députée, il faut se rappeler qu'il y a 3 000 ha de forêt privée qui ont été convertis en forêt publique, puis il n'y a pas eu de grandes manifestations, contrairement à d'autres projets dans la région. Je pense que la clé de ça, et ce qu'on essaie de faire, c'est de promouvoir les endroits publics comme étant des images de villégiature, de biens cultivés, puis de protection, puis d'accessibilité au public.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin...
Une voix: ...
La Présidente (Mme Morissette): Non, même, j'ai laissé dépasser de 15 secondes pour que vous puissiez finir votre phrase.
M. Bernier (Maurice): Ça donne envie au député d'Orford d'intervenir.
La Présidente (Mme Morissette): Il faudrait la permission des partis d'opposition. Je leur laisserai la liberté. Alors, du côté de l'opposition officielle, M. le député de Montmagny-L'Islet, pour un petit peu moins de 12 minutes.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, Mme la Présidente. Bonjour à votre groupe, merci beaucoup d'être là. J'ai dit au départ, dans les premières phrases: Cette consultation ne devrait pas être partisane. On devrait développer, c'est sûr, un sentiment de grande fierté, ce que vous avez en Estrie. Donc, chacun des députés ici peut avoir la même fierté pour son comté, et j'ai de même pour Montmagny. On est à 87 % de forêt privée, un petit peu en dessous de vous autres parce que le territoire est peut-être moins grand, mais on est quand même là. Donc, je dois vous dire que je comprends très bien votre opposition.
J'aimerais justement... Parce que ce qui m'a inquiété depuis tantôt, on va revenir sur la sylviculture, mais Mme la ministre vient de dire: Le gouvernement va décider des travaux de sylviculture autant dans les forêts privées que dans les forêts publiques. J'ai hâte de voir, moi. C'est ce qui m'inquiète, là, que quelqu'un va décider où on va mettre l'argent. On fait un fonds, on met de l'argent. Toutes les régions sont bonnes. Je pense qu'il n'y a pas de région au Québec où on ne doit pas faire de travail. Donc, si on divise en régions, il y aura ça par région, puis je vois tout le monde monter aux barricades en disant: Bien, on en veut plus chez nous, on en veut plus à l'autre. Ça fait qu'on verra ce que le fonds va décider.
Vous parlez de forêt de proximité et de forêt habitée. On a les deux dans notre comté. J'aimerais avoir votre définition à vous. En différence, est-ce que ce n'est pas la même chose, forêt de proximité et forêt habitée? Parce qu'on vit avec les mêmes choses: des moulins, forêt habitée, un parc des Appalaches, exactement comme chez vous.
M. Bernier (Maurice): C'est-à-dire que, quand on entend... Moi, je suis, je l'ai dit tantôt, là, je suis préfet de la MRC du Granit, donc je suis membre de la FQM, je participe aux travaux de la commission des ressources naturelles de la FQM, bon. Ce qu'on veut simplement signifier en lien avec la forêt de proximité, c'est qu'on ne veut pas que ça vienne compromettre, étant donné qu'on ne connaît pas les critères qui définissent la forêt de proximité, on ne voudrait pas que ça remette en question ce qui existe déjà chez nous et qui fait que tous les intervenants sont assis autour d'une même table pour gérer un territoire. Alors, c'est notre seule préoccupation, là. Si ça veut dire la même chose, si Mme la ministre nous confirme que forêt de proximité égale forêt habitée, et que ça va continuer comme ça, bravo. Je ne sais pas si je réponds à votre question, là?
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Oui, oui, absolument. On parle bien sûr de parcs régionaux, vous l'avez rappelé, ce sont des grands enjeux. Il y en a trois chez vous, il y en a un qui couvre la région de Chaudière-Appalaches, puis c'est justement le parc des Appalaches, dans lequel on coupe du bois, j'espère, en respectant les écosystèmes. Mais, quand on regarde au niveau d'un parc, on a deux vocations: on peut avoir une vocation récréotouristique et une vocation aussi où, dans ce parc-là... On l'a fait dans les réserves fauniques, on l'a fait dans plusieurs parcs au Québec, est-ce que vous avez des coupes qui se font dans vos parcs, chez vous, ou c'est simplement des parcs récréotouristiques?
M. Bernier (Maurice): Non. Mais, M. le député, je vous corrigerais, là, si vous me le permettez. D'abord, il s'agit de trois parcs nationaux qu'on a chez nous. Je ne veux pas diminuer les parcs régionaux, mais c'est trois parcs nationaux. Donc, il n'y a pas de foresterie, d'activités forestières qui se font dans les parcs nationaux.
On a, dans la région d'Asbestos, la MRC des Sources, la municipalité de Ham-Sud qui a l'intention de créer un parc régional autour du mont Ham-Sud, et là, évidemment, comme on est sur les terres publiques, elles sont déjà aménagées, on fait du prélèvement, il y aura une entente pour que ça puisse continuer de se faire, là. Alors, pour nous, quand on est au niveau des parcs régionaux, je crois qu'il faut continuer de prélever la ressource, évidemment.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Vous avez parlé de travail de sylviculture, on parle de forêt privée, résidualité. Est-ce qu'à ce moment-là on est obligés à tout prix, dans les forêts privées, d'offrir nos bois justement, encore une fois, à tout prix? Parce qu'on va faire des travaux de sylviculture, on va vouloir jardiner nos terres privées, et, si on parle de résidualité, vous avez, comme chez nous, énormément de terres privées. Chez nous, c'est 7 % que l'industrie vient chercher de bois uniquement sur nos terres privées. Bien sûr, la fédération, c'est le syndicat qui décide. Est-ce que c'est exactement la même formule chez vous? C'est eux autres qui vont décider ce que vous coupez, ce qu'ils ont de disponible, puis...
M. St-Roch (Jean-Guy): Le syndicat est responsable de la mise en marché.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Votre réponse est courte, là.
Des voix: ...
M. Bernier (Maurice): Votre question, c'est: Comment ça se passe chez nous au niveau...
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Oui. Au niveau de la sylviculture, de la vente de votre bois.
M. St-Roch (Jean-Guy): J'aimerais vous rappeler qu'une agence de mise en valeur regroupe quatre partenaires. Alors, le rôle de l'agence de l'Estrie, c'est de développer la pérennité de la forêt privée en vertu des trois critères que je vous ai mentionnés. Alors, ce qui touche la mise en marché relève du syndicat des producteurs, qui est aussi membre d'ailleurs à l'agence. Puis on a une agence qui est particulière aussi, parce que les organismes sont membres aussi, puis il y a une collaboration entre les deux qui est fantastique. Alors, on laisse ces critères-là au niveau de l'agence... au niveau du syndicat, à défendre la résidualité, tout en étant conscients que, s'il n'y a pas de mise en valeur du bois, bien tout le monde vont s'asseoir, il n'y aura pas de travaux qui vont être faits. Puis j'aimerais rappeler aux membres de la commission que c'est l'agence, avec son partenaire le syndicat, qui a mis de l'avant la première coupe d'éclaircie commerciale. Parce que l'analyse qu'on avait faite: que, si on ne faisait pas ça, c'était au niveau du volume de bois qu'on perdait dans les années à venir. Comme j'ai dit tantôt: Toujours 10 ans à l'avance.
On a une autre grosse préoccupation, en forêt privée. Si vous me posez la question laquelle que c'est, je vous en ferai part.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): On revient avec l'ingénieur forestier, s'il vous plaît, au niveau des travaux de sylviculture. Depuis des années et des années qu'on en parle... Aussi loin que je puisse me rappeler, je ne comprenais pas comment on pouvait laisser des forêts dans un état comme celui-là, c'est-à-dire qu'on dit: On coupe trop par certains moments, on ne coupe pas assez dans d'autres, parce qu'on aurait pu jardiner cette forêt-là. On a eu tantôt l'exemple de la forêt de l'Université Laval, et, moi aussi, j'inviterais les gens à sortir de chez eux, de se lever de leurs fauteuils puis d'aller voir comment ça se passe. Chez vous, vous avez dit que vous avez des résultats qui sont étonnants. Les travaux qui ont été faits, que j'ai visités, auxquels j'ai participé en tant que travailleur forestier, au niveau de sylviculture, on a vu l'accroissement des arbres dans des travaux qui sont faits.
De quelle ampleur vous voyez des travaux sylvicoles, au Québec, sur l'ensemble du territoire? On a une crise à l'heure actuelle au niveau des employés. On voudrait prendre les employés de bois ? c'est ce que j'ai mentionné à plusieurs reprises ? on voudrait prendre des employés de bois puis les envoyer travailler dans une mine. Quelqu'un qui est habitué de voir le soleil, il ne voudra pas se renfermer sous terre pour aller travailler dans une mine. Je n'ai pas l'impression que ça va durer longtemps, moi. C'est beau, le recyclage, là, mais on ne peut pas recycler ce monde-là indéfiniment. Est-ce que vous ne pensez pas qu'un travail sylvicole intensif au Québec est garant de l'avenir du bois qu'on va avoir? On en a parlé tantôt, mais est-ce que vous ne pensez pas que c'est qu'il faut qu'on fasse présentement?
M. Senay (Dany): Forcément, sauf que... puis, nous, c'est un peu sur... Le point qu'on a beaucoup insisté, c'est qu'il faut faire attention à la définition de la «sylviculture intensive», parce que souvent ça peut provoquer des montées aux barricades. Dans notre cas, nous autres, on est convaincus qu'avec ce qu'on a fait sur les forêts privées et publiques la sylviculture intensive peut passer par la dynamique naturelle des forêts.
Maintenant, on voit qu'il y a plein de démarches comme ça à travers la province. Autant en Abitibi que sur la Côte-Nord ou au Lac-Saint-Jean, il y a des démarches... dans le jargon, on appelle ça l'aménagement écosystémique. Donc, c'est s'inspirer de ce que la nature faisait déjà avant que Christophe Colomb arrive. Les forêts étaient très belles, là. Donc, c'est s'inspirer de ce qui se faisait avant puis essayer de reproduire les effets de ce que la nature fait.
Maintenant, est-ce que l'ampleur est colossale? Probablement, mais il faut d'abord changer les mentalités, puis il y a énormément de travail à faire autant dans les travailleurs forestiers mais d'abord dans la population. À notre commission, on a été mobilisés autour de la publicité d'Hydro-Québec qui démontrait qu'abattre un arbre, c'était criminel. On part de loin, là.
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(11 h 20)
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M. Bernier (Maurice): Alors, si vous me permettez, Mme la Présidente, je voudrais renchérir là-dessus parce que vous nous ouvrez la porte à insister sur le fait qu'il faut vraiment mettre beaucoup de ressources pour changer la perception que l'on a du travail en forêt. C'est vraiment une catastrophe. En tout cas, dans notre milieu, nous, chez nous, couper un arbre, c'est presque vu comme un crime, alors que notre devise, c'est plutôt: Ce n'est pas les arbres que l'on veut protéger, c'est la forêt. Alors, on doit couper des arbres, c'est évident, et il faut également...
Et ça, ça va avoir un impact sur l'attrait du métier. Les jeunes qui sont à l'école aujourd'hui et qui entendent... qui se font rebattre les oreilles à la journée longue avec le fait qu'il faut cesser de couper des arbres, bien ils ne sont pas très, très intéressés d'aller suivre un cours en foresterie. Donc, changer la perception, améliorer les conditions de travail aussi des travailleurs forestiers, ça a été mentionné, ça fait partie également de nos préoccupations.
La Présidente (Mme Morissette): Oui, il reste 1 min 30 s.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Ce qui me fait dire aussi ? écoutez, je l'avais en note, à vous parler ? que c'est inquiétant de voir qu'on se sert d'annonces publicitaires d'une compagnie qui vend de l'eau, en réalité qui nous vend de l'eau avec des pouvoirs hydroélectriques, dire: Bien, écoutez, c'est plus facile de faire votre publicité par Internet au lieu de papier, puis on voit un arbre tomber. C'est un très mauvais signal qu'on peut envoyer à l'industrie et à tout le monde qui écoute la télévision, en disant: Bien, couper des arbres, déjà, eux autres, ils le disent, que ce n'est pas bon. Pourtant, pour faire les travaux, il va falloir qu'ils en coupent un méchant paquet.
Donc, je pense qu'il y aurait tout intérêt à réviser cette publicité-là parce qu'elle n'est pas du tout d'actualité, puis de toute façon ils vont se la faire remettre sur le nez, parce que de faire un réservoir, il faut qu'ils coupent les arbres à l'intérieur, quand ils ont le temps, là, avant de... il faut qu'ils sortent le bois avant, là, tu sais.
M. Bernier (Maurice): Vous avez raison, M. le député, mais je dirais que ça part d'un bon naturel, là, hein? Tout le monde veut essayer d'améliorer l'environnement, puis, bon, de faire en sorte qu'on se serve davantage de l'Internet... Bon. On veut tous aller au ciel, là, il n'y a aucun problème. Ce qu'il faut qu'on retienne, c'est, je dirais... Il y a plusieurs grandes corporations qui font face à ce défi-là. Moi, je suis un dirigeant de caisse populaire chez nous et, à la dernière assemblée générale des caisses populaires, ici même, à Québec, j'ai soulevé cette question-là ? parce qu'également on est dans le réseau des caisses populaires ? on faisait presque un lien entre le fait de préserver la forêt et d'avoir nos relevés mensuels sur le Net. Moi, je pense qu'on peut avoir les deux, là; on a besoin des deux, là.
La Présidente (Mme Morissette): Ça va mettre fin au bloc de temps qui appartient à l'opposition officielle. Merci beaucoup de la discipline. Donc, du côté de la deuxième opposition, M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Oui. Bien, je prends la balle au bond par rapport à ce que le député de Montmorency-L'Islet disait, c'est qu'effectivement les perceptions puis... Tu sais, on a une côte à remonter par rapport à l'industrie forestière depuis les années quatre-vingt-dix. Tu sais, il y avait une mauvaise image, on est en train de remonter l'image. Moi, je pense qu'il y a du beau travail qui a été fait, et effectivement une publicité comme Hydro-Québec, qui est une société d'État, a fait là, je pense que ça aurait dû être regardé de plus près.
Ceci étant dit, je tiens, madame et messieurs, à vous saluer et à vous dire que vous êtes la première conférence régionale des élus à venir nous rencontrer ? il va y en avoir beaucoup d'autres ? de là vient le fait de l'importance de ce que vous avez dans votre mémoire. Puis j'y vais au niveau de la mise en place d'une société d'aménagement des forêts. Alors, M. Bernier disait que «notre région n'est pas favorable à la mise en place» d'une société d'aménagement des forêts à partir d'une complètement nouvelle structure. Par contre, vous allez un peu plus loin et vous faites l'organigramme de la vision que vous avez d'une structure effectivement qui serait mise en place ultérieurement, si on adhère au... bien sûr le plan vert, et qui est le document de travail qu'on a.
Alors, quand on va, au niveau du document de travail, à la page 18 ? alors ça, c'est la proposition 6, ou la recommandation 6 ? on parle des sociétés d'aménagement des forêts, les fonctions des sociétés, l'organisation et le fonctionnement ? on parle effectivement entre 11 et 13 membres; dans votre structure, vous en avez 11 ? inspection et enquête.
Alors, j'aimerais savoir de votre part... C'est que, bon, vous avez travaillé sur, oui, la vision de votre nouvelle structure, mais est-ce que vous adhérez picot par picot à l'ensemble, je dirais, de la nomenclature du document qu'on a ici? C'est important, parce que, même au niveau de la société d'aménagement, malgré qu'il va y avoir une panoplie de personnes, il y a aussi la philosophie d'imputabilité, l'argent qui va venir avec. Ça coûte de l'argent, là, des structures, tu sais. Alors, j'aimerais vous entendre parler là-dessus.
M. Bernier (Maurice): Bien là, vous me parlez au niveau des responsabilités de la société d'aménagement? C'est là-dessus que vous voulez m'amener?
M. Dufour: Effectivement. Oui, oui.
M. Bernier (Maurice): Oui? O.K.
M. Dufour: Parce que vous parlez, oui, que vous êtes d'accord à mettre une structure en place, mais avec les éléments, parce que vous avez une table qui travaille énormément bien chez vous. Mais, au niveau de la nomenclature des responsabilités, on la retrouve dans le document de travail, est-ce qu'on va la retrouver dans votre nouvelle structure?
M. Bernier (Maurice): Au niveau des responsabilités, on ne s'objecte pas au fait que non seulement notre société, mais les sociétés d'aménagement prennent en compte les responsabilités que l'on décrit dans le document. On n'a pas insisté là-dessus, pour une raison fort simple: à cause du court délai qu'on a eu pour nous préparer à venir vous rencontrer. Et, comme ce n'est pas, je dirais... on n'a pas d'objection majeure avec ce qui est écrit dans le document, nous, on voulait davantage insister sur la structure qui serait mise en place. Quant aux responsabilités, évidemment on pourrait souscrire d'emblée à ce qu'on retrouve dans le document, là. On veut que notre société ait les mêmes préoccupations, c'est au niveau de son fonctionnement que l'on propose un modèle différent ou une adaptation du modèle qui est proposé là.
M. Dufour: Oui, Mme la... Et est-ce que ce serait nommé par le gouvernement ou bien donc c'est vous autres qui allez être le maître d'oeuvre de la mise en place de cette structure-là?
M. Bernier (Maurice): Ce serait la CRE qui procéderait à... bien, qui s'impliquerait dans la mise en place, et par la suite, évidemment c'est une société qui est autonome, là, ce qu'on veut, ce qu'on décrit dans notre mémoire, c'est un lien qui... des liens de communication qui existent entre la nouvelle société à naître et la commission des ressources naturelles, qui relève de la conférence régionale des élus.
M. Dufour: Et la structure que vous mettez dans votre document, est-ce que c'est la table actuelle que vous avez? Puis, je veux dire, vous disiez tout à l'heure que vous vous entendiez tous, que c'était main dans la main. Puis, est-ce que c'est les mêmes personnes qu'on retrouverait là, au moment où on se parle?
M. Bernier (Maurice): Vous voulez dire la table des bénéficiaires de CAAF?
M. Dufour: Oui.
M. Bernier (Maurice): C'est à partir des représentants qui sont autour de la table des bénéficiaires de CAAF, amélioré, j'oserais dire, avec des représentants du monde municipal, des autres intervenants dans le domaine de la forêt, dont la faune, etc. Mais on part de ce qui existe actuellement et surtout, je dirais, de la façon qu'on a de fonctionner depuis plusieurs années, là. Et ce que...
M. Senay (Dany): Et ce que je pourrais rajouter, c'est qu'il ne faut pas oublier non plus que l'ampleur de la forêt publique en Estrie, quoiqu'on y tient énormément, on le répète encore, ce n'est pas la forêt publique du Lac-Saint-Jean. Puis, nous autres, le modèle...
Une voix: ...
M. Senay (Dany): C'est ça. Donc, on s'est dit: On n'a pas besoin d'un immense conseil d'administration avec des gestionnaires, avec des administrateurs. On veut que ce soient des gens qui dépendent des ressources. Ça fait que, des bénéficiaires de CAAF qui sont déjà présents, bien on rajoute les acériculteurs, on rajoute les deux zecs, on rajoute les sentiers pédestres qui sont déjà présents, les sentiers de ski de fond, les fonctionnaires du ministère en région, c'est important, le monde municipal, et, voilà, ce serait ça, notre société. Donc, les gens qui dépendent des ressources décident entre eux.
M. Bernier (Maurice): Alors, Marie-Hélène va ajouter également.
Mme Wolfe (Marie-Hélène): Oui. En fait, il faut s'assurer de limiter les problèmes de dédoublement qui pourraient être présents sur le terrain de par ces différentes structures là. Donc, et surtout pour la région de l'Estrie, une crainte immense, compte tenu de la proportion de notre territoire public, si le gouvernement du Québec décidait d'aller de l'avant avec un modèle d'organisation ou de structure, la crainte de voir notre structure avalée ou mixée avec celle d'une autre région. Sachez qu'on se bat depuis plusieurs années pour la préservation du territoire de notre région administrative. Donc, c'est une préoccupation fondamentale qui nous a amenés à dire ? parce que, dans d'autres régions du Québec, je suis consciente que ce sera un besoin ou qu'un type d'organisation sera nécessaire: S'il devait y en avoir pour la région de l'Estrie, le modèle qui conviendrait le mieux à ce que nous avons sur notre territoire, notre dynamique régionale, ce pourrait être celui-ci. Et c'était notre préoccupation qu'on voulait passer.
n
(11 h 30)
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M. Dufour: Trois minutes? O.K. Vas-y.
La Présidente (Mme Morissette): Mme la députée de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
Mme Morasse: Bonjour. Une petite question. Vous, vous avez dû être un petit peu, là... poser la même observation que bien des gens. Une des grandes lacunes face aux consultations qui se sont succédé, tant au niveau du livre vert que du document de travail, c'était la timidité que l'on attribuait au milieu de la forêt privée, puis là, vous, c'est 97 % de votre forêt qui est sous le régime...
Une voix: 93 %.
Mme Morasse: 93 %, 93 %. C'est 7 % sous forêt publique. Donc là, vous avez dû vous sentir un peu à part par rapport au reste...
M. Bernier (Maurice): On l'a mentionné, on l'a mentionné d'entrée de jeu...
Mme Morasse: C'est ça. Bon.
M. Bernier (Maurice): ...et ça, c'est un... disons que c'est un...
Mme Morasse: Mais j'en viens à ma prochaine question.
Une voix: Mais tu en as juste une.
Mme Morasse: Oui, juste une. La ministre nous a dit qu'elle serait aux aguets, là, elle serait tout aussi généreuse tant au niveau de la forêt publique que de la forêt privée. Mais on sait qu'il y a un grand combat qui se fait au niveau de RESAM et de la fédération des producteurs de bois privés... de boisés privés, qui réclament depuis au moins quatre, cinq ans. On pourrait doubler le financement qui va à la forêt privée, puis ce serait de l'argent extrêmement bien investi, parce qu'il nous a fait état de ce que... L'argent que l'on mettait au niveau de la sylviculture en forêt privée, c'est fabuleux ce que ça peut donner comme résultat. Et il pourrait nous faire état, là... On pourrait être ici encore demain puis nous dire tous les résultats excellents que ceci a apportés.
Donc, je voudrais savoir: Selon vous, qu'est-ce que vous apporte le document de travail quant à ce qu'on peut réclamer d'un gouvernement qui désire améliorer son régime forestier? Quelles seraient les attentes que vous auriez à l'endroit du gouvernement pour que l'on puisse améliorer les traitements du gouvernement à l'endroit de la forêt privée?
M. Bernier (Maurice): Bien, moi, je dirais que ce qu'on veut, ce qu'on tenait à venir dire en commission parlementaire, si on résume ça dans une seule phrase, c'est que l'Estrie représente vraiment une région... pourrait représenter une région modèle ou une région pilote en ce qui a trait à l'aménagement de sa forêt privée et de sa forêt publique. Parce qu'on l'a dit tantôt, M. Senay, ce qu'il disait, c'est que, sur la forêt publique, contrairement ou différemment, admettons, c'est différent de ce qui s'est fait ailleurs, nous, on a amélioré notre potentiel avec notre façon de faire l'aménagement, donc, que l'on retrouve en forêt privée également.
Alors, ce qu'on veut que l'on retienne, c'est que l'importance de la forêt privée ? vous l'avez mentionné tantôt, on l'a dit d'entrée de jeu ? ça nous apparaissait un oubli majeur dans le document, alors on est venus le dire. Mme la ministre, on a très bien reçu ses commentaires et on comprend que, dans les documents qui vont venir par la suite, on va voir apparaître la forêt privée pour le plus grand bien de notre région. Et évidemment, évidemment on entend également que les programmes d'aide vont suivre et que tout le monde va être heureux, finalement.
Une voix: Est-ce que ça vous a fait du bien d'en parler?
M. Bernier (Maurice): Ça nous fait du bien d'en parler.
La Présidente (Mme Morissette): Ça met fin au bloc du côté de la deuxième opposition également, ce qui met fin au bloc complètement de la Conférence régionale des élus de l'Estrie. Alors, on va suspendre quelques minutes pour vous saluer puis accueillir le groupe suivant...
M. Bernier (Maurice): Et permettez-moi de vous remercier, messieurs dames les députés et Mme la ministre, de nous avoir accordé ce temps. Et nous vous réitérons que nous croyons beaucoup en la décentralisation, une véritable décentralisation.
La Présidente (Mme Morissette): Le mot de la fin. Merci. On va suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 34)
(Reprise à 11 h 40)
La Présidente (Mme Morissette): On va commencer, s'il vous plaît, on a déjà du retard d'accumulé. Mme la députée de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, s'il vous plaît, on va commencer. On a déjà un peu... un peu beaucoup de retard d'accumulé, donc je vais avoir besoin du consentement de tout le monde pour que nous dépassions midi, qui était l'heure prévue pour la fin des travaux pour ce matin. Est-ce que j'ai le consentement de tous pour qu'on accorde le 45 minutes complet à la Fédération des producteurs acéricoles? Oui? Merci beaucoup. Je voulais juste avoir la confirmation, on l'avait fait au préalable.
Alors donc, nous avons avec nous la Fédération des producteurs acéricoles du Québec. Donc, vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation. Ensuite, les différents groupes auront chacun un bloc de temps pour vous adresser leurs questions. Alors, est-ce que c'est M. Beaulieu qui nous adressera la parole en premier?
Fédération des producteurs
acéricoles du Québec (FPAQ)
M. Beaulieu (Serge): Oui.
La Présidente (Mme Morissette): Oui? Si vous voulez présenter aussi la personne qui vous accompagne, puis ensuite le temps est à vous.
M. Beaulieu (Serge): La personne qui m'accompagne, c'est Anne-Marie Granger-Godbout, qui est directrice à la Fédération des producteurs acéricoles. Moi, je me présente, Serge Beaulieu. Je tiens à remercier la commission de nous entendre sur le mémoire qu'on voulait présenter à la commission. Je suis de la région sud-ouest de Montréal. Je suis producteur depuis 1980, acéricole. On a 23 000 entailles, puis c'est une ferme familiale, comme environ... presque 100 % des entreprises acéricoles au Québec, c'est des fermes familiales.
Ça fait que tout de suite je vais passer la parole à Anne-Marie, qui va présenter le mémoire, puis ensuite de ça on répondra aux questions de la commission.
Mme Granger-Godbout (Anne-Marie): Alors, bonjour, mesdames, bonjour, messieurs. Merci de nous entendre. Alors, je commencerais tout de suite par l'entrée en matière.
Alors, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune a entrepris de réformer le régime forestier au Québec, et notamment la gestion des ressources forestières du domaine de l'État. Cet exercice vise à revoir les façons de faire afin de répondre aux impératifs de la société québécoise, et, pour ce faire, une vaste consultation publique est amorcée depuis plusieurs années. La Fédération des producteurs acéricoles a suivi ces travaux et, en mars dernier, a uni sa voix à celle de l'Union des producteurs agricoles et celle de la Fédération des producteurs de bois du Québec pour soumettre ses commentaires et recommandations au ministère.
Malheureusement, nous déplorons que le document qui sert de base à la présente consultation ne fasse aucunement mention des activités acéricoles en terres publiques ou en terres privées ni des impacts d'une éventuelle réforme sur ces activités. Aujourd'hui, la fédération souhaite sensibiliser la Commission parlementaire de l'économie et du travail à l'impact économique de l'industrie acéricole et ses retombées sur les communautés rurales du Québec, au potentiel de développement de la production acéricole, et notamment par l'exploitation des érablières publiques, à l'importance de préserver le potentiel de ces érablières et à la nécessité d'envisager l'exploitation de ces érablières de façon cohérente et ordonnée.
Une brève présentation de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec. La Fédération des producteurs acéricoles du Québec a été créée en 1966 en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels pour défendre les intérêts des quelque 10 000 acériculteurs et acéricultrices du Québec. Ces producteurs et productrices exploitent plus de 7 300 entreprises acéricoles uniques. Elles sont regroupées par région, représentées par 11 syndicats régionaux, tous affiliés à la fédération. Ces entreprises de toutes tailles et de toutes les régions, avec leur originalité, leur complexité, sur terres publiques, sur terres privées, ont choisi de se regrouper pour prendre en main leur production et mieux vivre de leur métier.
En 1989, en vertu de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires du Québec, les producteurs et productrices ont demandé à la fédération de gérer un plan conjoint afin de prendre en charge et organiser les conditions de production et de mise en marché de leurs produits. Ils ont demandé à leur fédération d'être efficace, rigoureuse, visionnaire et ils s'attendent également à ce qu'elle soit rassembleuse et favorise la concertation des visions, des visions différentes des acériculteurs et acéricultrices.
Au total, à partir de leur contribution au plan conjoint, les acériculteurs investissent actuellement près de 7 millions de dollars par année dans le financement de projets ou d'activités qui servent les intérêts de tous les acériculteurs, voire même de la filière acéricole en entier, en favorisant une mise en marché efficace et ordonnée du produit visé. En plus de s'impliquer dans diverses organisations, la fédération est affiliée à l'Union des producteurs agricoles.
Rapidement, la collaboration qui existe et les intérêts communs avec le ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec. Au fil du temps, la fédération et le ministère ont développé une collaboration pour l'atteinte des objectifs qu'ils partagent. En effet, la fédération et le ministère investissent ensemble dans le Centre ACER. Le Centre ACER est un centre de recherche dédié à l'acériculture, et ils siègent ensemble au conseil d'administration de cet organisme. Et en outre la fédération en profite pour saluer les initiatives de recherche qui sont initiées par le ministère en vue d'améliorer les connaissances liées à l'aménagement optimal des érablières, notamment à la station de recherche Duchesnay.
Aussi, la fédération a réservé un siège pour un représentant du ministère sur ses comités de travail qui portent sur les terres publiques et le suivi de la politique d'augmentation des contingents acéricoles. C'est dans ce contexte que les projets d'attribution de nouveaux contingents acéricoles ont été discutés et ajustés pour tenir compte des contraintes administratives exprimées par l'une et l'autre des organisations, notamment par le MRN.
De même, au besoin, la fédération et le ministère collaborent pour assurer une communication efficace avec les acériculteurs. Et dans le fond, pour votre information, on a mis en annexe un Info-Sirop. Vous allez voir, on n'en fera pas la lecture évidemment, mais vous allez voir qu'il y a une page complète qui a été réservée... un peu plus d'une page complète qui a été réservée au ministère des Ressources naturelles.
Je passe à la section suivante, l'acériculture par les chiffres, donc un portrait de l'acériculture en bref. Le Québec, un chef de file sur les marchés du sirop d'érable. Le Québec fournit 80 % du sirop d'érable pour répondre à la demande mondiale; 14 % est fourni par les États-Unis, 6 % par les autres provinces canadiennes. 95 % de la production de vrac, donc en baril, est exportée dans 48 pays. Ces produits-là sont embouteillés à 70 % au Québec. Donc, quand on parle de valeur ajoutée au Québec, c'est quand même ici que ça se passe. Le sirop d'érable est le seul produit dont le prix est déterminé au Québec. 88 % de la production est commercialisée en vrac et visée par l'agence de vente et le contingent ? on y reviendra un petit peu plus loin. Il faut aussi se souvenir que 75 % du marché québécois est approvisionné par la vente directe à la ferme, donc la vente directe à la ferme qui n'est pas visée par la réglementation, par le contingent, par l'agence de vente, dont on va parler un petit peu plus tard. Donc, 75 % de nos consommateurs s'approvisionnent directement, sans que ce soit visé par la réglementation.
Au niveau des emplois et des retombées économiques en région, il faut savoir que le secteur acéricole représente... génère plus de 200 millions de dollars de chiffre d'affaires annuel à la ferme. C'est plus de 10 000 producteurs, productrices acéricoles au Québec, 8 000 entreprises acéricoles dont 7 300 qui détiennent un contingent acéricole. De ces entreprises-là, il y en a 467 qui exploitent sur des terres publiques. Le secteur représente... bon, la production représente environ 2 500 emplois à temps plein, et à ce nombre il faut ajouter 300 emplois directs liés à tout le secteur manufacturier d'équipement acéricole. Dans le secteur acéricole, on est un chef de file, je l'ai dit tout à l'heure. Au niveau de l'expertise et au niveau des équipements aussi, c'est au Québec que ça se passe.
Il faut aussi ajouter un peu plus de 350 emplois directs liés aux acheteurs-transformateurs ? je vois qu'on me dit que mon temps s'écoule rapidement ? 800 emplois temporaires liés aux autres emplois, là, la restauration dans la période des sucres, en plus de la centaine d'emplois au niveau des professionnels qui entourent le secteur, donc le ministère de l'Agriculture, Cintech Agroalimentaire, qui fait l'inspection de tous les barils de sirop d'érable en vrac, les clubs d'encadrement technique, etc.
Vous avez un tableau, dans le bas de cette page-là, qui présente le revenu à l'hectare, si on se concentre sur la production de sirop d'érable ou sur la production de matière ligneuse. Ce tableau-là est particulièrement intéressant parce qu'il vient démontrer en gros qu'annuellement la production de sirop d'érable peut générer un peu plus de 1 500 $ à l'hectare, sans compter les revenus complémentaires qui peuvent quand même être tirés de la récolte de bois sur cet hectare-là, comparativement aux revenus qui seraient tirés de la récolte de bois, qui peuvent annuellement ressembler à entre 95 $ et 284 $. Alors, c'est vraiment un rapport, là... Au niveau du sirop d'érable, les revenus peuvent être 10 fois supérieurs. Puis je vous épargne le détail, là, on pourra répondre aux questions.
En somme, les fermes forestières qui participent à l'occupation dynamique du territoire, la production du sirop d'érable assure un revenu annuel jusqu'à 10 fois supérieur à la production de matière ligneuse. Je l'ai dit, l'activité acéricole assure l'occupation dynamique du territoire de façon durable. Les infrastructures sont permanentes, sont entretenues. Les chemins, les bâtiments, les lignes électriques, ça peut servir aussi à d'autres utilisateurs de la forêt. La fédération considère que le ministère devrait tenir compte de cet impact positif dans l'établissement de ses politiques et priorités.
Vous avez ensuite deux graphiques, deux tableaux qui viennent présenter que le secteur acéricole est en plein essor. Il y a un potentiel de développement qui est encore, je dirais, encore à développer. Vous avez l'évolution des exportations: depuis 20 ans, une augmentation de 8 % par année. C'est sûr qu'il y a des cycles, des développements plus intensifs, de la stabilisation, mais de façon générale la tendance lourde est à la croissance, autant à l'exportation qu'au Québec.
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(11 h 50)
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Vous avez aussi des données ? je passe rapidement ? au niveau de la contribution des terres publiques. Ce qu'il faut retenir, c'est que le potentiel de développement au Québec, il y en a encore beaucoup en forêt privée, mais il y en a énormément en forêt publique. C'est extrêmement significatif. Pourquoi? Entre autres, parce que c'est sur les terres publiques qu'on retrouve des grandes érablières en un seul tenant, ce qui permet d'avoir une exploitation qui permet de réduire les coûts de production, d'être spécialisé. Donc, de telles érablières en terres privées s'avèrent de plus en plus rares. En terres publiques, c'est un avantage concurrentiel dont le Québec devrait tirer parti.
La section suivante ? je sais que mon temps est écoulé ? la section suivante, elle est très importante, mais j'espère qu'on va avoir l'occasion, dans les échanges, d'en parler. C'est toutes les étapes qui ont mené à la situation actuelle dans le secteur du sirop d'érable. C'est principalement... c'est l'organisation collective de la mise en marché des produits de l'érable qui a permis justement de sortir des crises cycliques de surplus, de sous-production, de variation des prix pour permettre d'organiser cette production-là, organiser cette mise en marché là, de développer les marchés puis d'avoir donc des perspectives qui sont si encourageantes. En somme...
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup.
Mme Granger-Godbout (Anne-Marie): Oui? Bon.
La Présidente (Mme Morissette): Je vous ai laissé dépasser, je ne voulais pas couper votre phrase. Je sais que c'est difficile d'évaluer le temps toujours. Donc, il y aura sûrement l'occasion, à travers les questions, de terminer la présentation, mais sinon votre mémoire papier de toute façon reste dans les...
Mme Granger-Godbout (Anne-Marie): ...au niveau des attentes, à la page 11. Vous pourrez les regarder, là, mais...
La Présidente (Mme Morissette): Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Boulet: Alors, Mme Godbout, M. Beaulieu. Vous poursuivrez, Mme Godbout. Là, je vais vous poser ma question, mais vous poursuivrez sur les éléments que vous jugez, là, opportun et important de nous donner.
Moi, je voudrais juste savoir, parce que vous nous avez présenté un portrait, là, puis je pense que l'industrie acéricole, on y croit tous, au Québec, on en est tous très fiers, je veux juste essayer de comprendre: Est-ce qu'il y a une cohabitation harmonieuse avec l'industrie forestière? Parce que, là, ici, on est avec... on parle de la refonte du régime forestier. Comment vous voyez ça sur le terrain, concrètement? Y a-tu des problèmes? Si oui, quels sont-ils? Qu'est-ce qu'on peut faire? Parce que vous dites: Le ministère devrait tenir compte de toutes les infrastructures qu'on a faites dans l'établissement de ses politiques. J'aimerais juste que vous me donniez un portrait, là, terrain, là. C'est quoi qui se vit? C'est problématique, l'industrie forestière puis les fabricants acéricoles? C'est problématique? C'est harmonieux? C'est... Si oui, qu'est-ce qu'on pourrait améliorer, qu'est-ce qu'on pourrait changer pour faire en sorte de ne pas nuire à votre industrie puis en même temps trouver l'équilibre également pour l'industrie forestière? Et je vous ouvre la porte pour poursuivre, là, sur les éléments que vous vouliez nous donner, Mme Godbout.
M. Beaulieu (Serge): Bien, je peux vous dire que, l'an passé et cette année, on a donné du nouveau contingent aux producteurs, et il y en a une partie qui est allée sur la forêt publique. Puis, une des raisons pour qu'il y ait entente, il fallait qu'il y ait des ententes de cohabitation entre les industriels et tous ceux qui bénéficient de la forêt publique. Je vous dirais que ces ententes-là, dans la plupart des régions, elles ont été signées, puis le développement est en train de se faire.
C'est sûr que, quand on est dans une période où est-ce qu'il y a un manque de produits par rapport à deux... les deux dernières saisons, qui ont été très petites, ça fait que, quand on réagit pour dire: Augmentons la production, bien il faut que ces ententes-là... il faudrait qu'elles se fassent un peu plus vite parce que, quand on est prêts à développer la production, ce n'est pas dans deux ans, dans trois ans, c'est ponctuel. Cette année, on a donné 11,3 millions de livres, puis ce qui a été fait avec le domaine public, c'est de dire: Bien, on va étirer sur une autre année pour que ces ententes de cohabitation là se fassent. Ce qu'on sait, c'est que, dans le moment, ça se fait assez bien, mais souvent c'est une question de temps, là, c'est le temps que ça prend pour que toutes ces ententes-là se finalisent. Mais je vous dirais que c'est sûr qu'il y a des lacunes, mais on est capables de travailler avec.
Mme Granger-Godbout (Anne-Marie):
...permettre de rajouter.La Présidente (Mme Morissette): Oui, allez-y.
Mme Granger-Godbout (Anne-Marie): Dans l'attribution de nouveaux contingents, c'est le cas... Là, en fait, il faut toujours garder en tête qu'au niveau du développement de l'acériculture en terres publiques il y a une espèce de cohabitation des responsabilités des différents organismes. Et je dirais que c'est là que réside le défi, d'essayer d'arrimer les façons de travailler, les contraintes de l'un et de l'autre. J'en ai parlé, mais je n'en ai pas parlé peut-être autant que je l'aurais souhaité, l'importance d'avoir une vision globale, l'importance de développer ce secteur-là vraiment en fonction de la demande des marchés puis d'y aller, là, vraiment d'une façon, là, visionnaire. Et c'est vraiment la vision que la fédération s'applique à développer, et c'est dans cet esprit-là que les contingents sont globaux. Il n'y a pas des contingents par région, il y a des contingents pour l'ensemble du territoire visé par le plan conjoint.
Quand on parle d'attribuer des nouveaux contingents, et notamment en terres publiques, là se rencontrent, je dirais, les contraintes au niveau de l'accès aux terres publiques, qui, elles, sont modulées en fonction des réalités régionales. Alors là, à ce moment-là, il y a un défi, je dirais, d'arrimer ces modalités-là. Quand on parle d'un développement ordonné, c'est souhaiter finalement qu'autant au niveau de l'accès aux terres publiques, l'accès qui, lui, relève du ministère des Ressources naturelles, c'est au ministère des Ressources naturelles d'attribuer ces permis-là, la fédération ne s'immiscera pas là-dedans, c'est au MRN donc d'attribuer des permis, c'est de s'assurer que cet exercice-là se fasse aussi de façon visionnaire, donc en cohérence, là, sur l'ensemble du territoire.
Dans le document de consultation, il est beaucoup question de dérégionalisation. La préoccupation qu'on soulève ici, c'est d'assurer que, dans cet exercice-là, il y ait quand même une espèce de cohérence provinciale. C'est un petit peu ça aussi, là.
Mme Boulet: O.K. Vous parlez également de zone de production acéricole intensive. Nous, on a parlé de forêts, d'investissements sylvicoles intensifs. Expliquez-moi comment ça se traduit sur le terrain. De la production acéricole intensive, y a-tu des endroits où on devrait concentrer la production ou laisser finalement, sur l'ensemble du territoire, à tout le monde qui veut bien ou tout le monde qui aurait le goût d'exploiter ce genre d'entreprise là? Comment vous voyez ça? Est-ce que ça devrait être ouvert un peu partout sur le territoire ou si on devrait concentrer ça sur des zones où il y a un potentiel peut-être un peu plus important de production?
M. Beaulieu (Serge): Bien, moi, je ne pense pas que ce soit mis par zone ou qu'il y ait des zones qui soient exclues. Je vais vous dire, aussitôt qu'il y a un potentiel acéricole, où est-ce qu'on dit: Il y a plus que 200 entailles à l'hectare, puis que la grandeur le justifie versus les investissements, bien la minute qu'il y a ça, peu importe dans la région... Moi, je vais vous dire, je suis dans la région du sud-ouest de Montréal, une région où est-ce qu'il n'y a pas gros d'acériculture versus la région du Bas-Saint-Laurent, ou Beauce, ou Montmagny, mais sauf qu'on retrouve des zones dans cette région-là. Moi, j'ai 23 000 entailles dans ma municipalité, puis, sur le long de la montagne où est-ce que ça s'est développé, l'acériculture, il y a plusieurs exploitations de 6 000, 7 000, 8 000, 10 000 entailles.
Ça fait que, moi, je ne voudrais pas que ce soit retenu qu'il y ait des zones qui soient privilégiées versus d'autres. C'est sûr que machinalement, s'il y a plus d'érables, bien il va avoir plus de production acéricole dans ces régions-là. Souvent, on l'a vu, dans les dernières années, où est-ce que le Bas-Saint-Laurent s'est développé plus vite que souvent d'autres régions où est-ce que c'étaient des plus petits volumes. C'est toujours la rentabilité qui fait ça, là. Si on est capables de trouver un bloc qui a plus que 5 000 à 10 000 entailles, bien la rentabilité est là, puis ces blocs-là sont faits en premier.
Puis j'aurais aimé ça revenir aussi sur la... Il y avait 25 000 ha, chez les forêts privées, qui étaient réservés à l'acériculture. Moi, je pense, l'acériculture, on l'a vu dans l'autre présentation avant, où est-ce que qu'on disait: On va faire de la sylviculture, mais, quand tu la fais pour l'acériculture, souvent bien c'est dans 40 puis 50 ans que cette production-là va être rentable. C'est ça qui est extrêmement important. Quand on fait de l'aménagement, bien, que l'aménagement soit fait en conséquence d'un aménagement acéricoforestier pour préserver le réservoir de potentiel pour les années futures. Ce n'est pas quand on a besoin de l'acériculture qu'on peut dire: Bien là, on va aller l'exploiter. Il faut avoir prévu d'avance que dans 10 ans, 15 ans, 20 ans, cette production-là va se développer.
Puis, dans les dernières années, elle s'est développée à des volumes de 10 % à 15 %. La production acéricole, là, c'est 10 % à 15 % de développement qu'il y a eu à chaque année depuis les trois dernières années. C'est la production agricole qui s'est développée probablement le plus dans le monde, parce que, quand on voit, dans d'autres productions, c'est 4 % ou 5 % de développement maximum. L'acériculture, c'est de 10 %, 12 %, 13 %. On a mis des efforts pour faire de la recherche, on a mis des efforts pour faire la promotion, mais cette production-là s'est développée, mais... Ça fait qu'en même temps il faut être capable d'être visionnaire puis de dire: Bien, ça va être quoi, nos besoins, dans 10 ans, dans 15 ans ou dans 20 ans?, parce que l'érablière qu'on aménage aujourd'hui, elle va être productive juste dans 20 ans.
Mme Boulet: Ça va, moi. Ça va être pour ma collègue.
La Présidente (Mme Morissette): Oui. Mme la députée de Mégantic-Compton, il reste cinq minutes.
n(12 heures)nMme Gonthier: Merci. Vous avez parlé tout à l'heure que la régionalisation vous fait peur un peu... ou en tout cas vous acceptez la régionalisation, mais vous voulez que ça reste cohérent sur une base provinciale. À quels éléments exactement... d'incohérence, excusez-moi, ou de cohérence vous faites allusion? Qu'est-ce qui vous... spécifiquement...
M. Beaulieu (Serge): Bien, spécifiquement... On a vu, cette année, on a donné du... Il y a eu des contingents nouveaux d'alloués. Bien, on s'est réunis, puis il y a un comité provincial, qu'on a dit: Bien, il y a tant de volume qui va être alloué pour la forêt publique. Bien, nous autres, ce qu'on ne voudrait pas, c'est que ça s'en irait dans les régions puis que tout le monde se débat pour essayer de tirer chacun sur leur côté. Nous autres, ce qu'on veut, c'est qu'il y ait une cohésion, plus que... une harmonie provinciale, où est-ce qu'on dit: Bien là, c'est de cette façon-là qu'on va faire, qu'on va aménager nos forêts pour qu'il y en ait un peu partout dans la province. Après ça, qu'on s'en aille puis qu'on dise: Il y en a 20 % dans le Bas-Saint-Laurent, moi, je n'ai aucun problème avec ça, là. Mais que ça vienne provincialement que de dire: Bien, c'est comme ça qu'on va développer l'acériculture, puis on va... dans la recherche, bien on va investir provincialement tant d'argent, pas juste régionalement.
Mme Gonthier: O.K. Vous avez mentionné, dans vos attentes, aussi que l'entretien et l'aménagement sylvicoles des érablières, vous aimeriez qu'ils soient confiés aux acériculteurs directement. Expliquez-moi: Quelle est la situation présentement puis quelle serait la situation idéale?
M. Beaulieu (Serge): Bien, présentement, c'est que souvent il est confié à des regroupements ou bien donc aux industriels. Puis souvent les industriels, bien ils vont arriver avec des machineries qui sont beaucoup plus lourdes, beaucoup plus larges, où est-ce que ça leur prend un chemin qui est deux à trois fois plus grand. Puis, ce chemin-là, bien, quand il est bâti, bien il n'y a plus d'érables qui vont pousser là. Ensuite de ça, même chose quand ils vont faire la récolte des tiges. Bien souvent, la machinerie, en étant plus grosse, bien ils vont maganer des arbres qui... avec ceux du transport. S'il est confié au producteur, bien, bien souvent le producteur, quand il arrive à côté des érables, des érables qui vont être son gagne-pain pour les 30 prochaines années, bien il va prendre cinq minutes de plus pour faire attention pour ne pas les maganer. C'est plutôt pour ça, là.
Je vous dirais, par exemple, que ça commence à faire son bonhomme de chemin. Souvent, il y a des... L'entente de cohabitation avec les industriels, on l'a vu cette année, souvent ils vont... l'industriel est même prêt à laisser l'aménagement au producteur, puis cet aménagement-là, souvent il va se faire à tous les 15 ans. Ça fait que ça revient... Que ce soit une érablière ou pas, l'aménagement se fait à tous les 15 ans, puis le producteur, lui, il est prêt à le faire parce que c'est prouvé que ce producteur-là, s'il l'aménage, l'érablière va profiter plus vite puis elle va être plus de rendement.
Mme Gonthier: Vous parlez également, pour les... acériculteurs, excusez-moi, d'une source de revenus additionnels. Présentement, si je comprends bien, quand vous faites des travaux ou... si vous en faites, ou s'il y a des érables qui tombent, qui meurent, ou n'importe quoi, vous n'avez pas accès à ce bois-là. Souvent, il n'y a rien qui se passe. Expliquez-moi la situation.
M. Beaulieu (Serge): Souvent, dans le passé, il était fait par les industriels. Ça fait que les industriels arrivaient dans l'érablière puis ils aménageaient l'érablière, puis, ensuite de ça, le producteur, il fallait qu'il remette ses tubes en place, puis il n'y avait aucun revenu de cet aménagement-là. Nous autres, ce qu'on voudrait dans le futur, c'est que le producteur soit privilégié de pouvoir faire l'aménagement. C'est sûr que, s'il n'a pas le temps de le faire, que l'industriel le fasse, on n'a aucun problème, mais qu'au moins, pour le même nombre d'entailles, bien ce producteur-là serait capable d'aller chercher un revenu dans l'aménagement de l'érablière, qui va être un plus dans le revenu qu'Anne-Marie a présenté tantôt, de près de 1 600 $ l'hectare, bien peut-être qu'il serait capable d'aller chercher le 150 $, 200 $ l'hectare de revenu annuel de l'aménagement de la forêt, puis en même temps ça sert toutes les parties: les industriels, le bois se rend à leurs usines de la même manière que s'ils le feraient eux autres mêmes.
Mme Gonthier: Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Il vous reste une trentaine de secondes.
Mme Gonthier: Non, ça va.
La Présidente (Mme Morissette): C'est bon. Alors, ça met fin au bloc du côté ministériel. Donc, du côté de l'opposition officielle, M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux, merci beaucoup. Bien sûr, on revient toujours d'une façon régionale. Quand on a une région qui est touchée par le sirop d'érable, on en est préoccupés. Vous me parlez de prix, de mise en marché, de structure qui est en montant. Puis, l'année passée, j'ai eu trois manifestations en avant de mon bureau, j'ai eu des bûches coupées avec des chalumeaux dedans, pour être sûr de dire: Occupe-toi-z-en, on n'a pas de prix de marché, on n'a pas de subvention, on est en train de crever, 10 érablières ont fait faillite.
Il y a deux façons: ou on... je suis vraiment... Dans une région comme la Gaspésie, qui a été fortement touchée par la neige, parce qu'on en a eu plus que notre voyage, donc qu'est-ce qu'on fait, à ce moment-là, avec un regroupement? Parce que, là, on veut bien travailler individuellement, puis on travaille avec un grand regroupement qui demande pour l'ensemble de ses membres, mais, quand un membre de ce corps-là est pénalisé, est-ce que l'organisme vient en aide ou si c'est toujours la faute au gouvernement, puis c'est le gouvernement qui doit subvenir aux besoins? Parce que, là, on a eu une augmentation. On disait: Bien, vous allez avoir plus de quotas. Le gars, il dit: C'est bien beau, avoir plus de quotas, mais je n'ai pas les moyens de les mettre, les tubes de plus, je n'ai pas les moyens d'agrandir mon territoire; je suis en faillite, cette année, là, si je ne vends pas mon sirop. Donc, comment on réagit à ça au niveau de la fédération?
M. Beaulieu (Serge): La première chose qu'on a faite, il y a des producteurs... On avait des cédules de paiement, puis ces cédules-là ont été devancées pour justement aider ponctuellement ces producteurs-là. L'acériculture, c'est assez jeune comme production agricole, malgré tout, là. Puis, dans d'autres productions, il y a les assurances agricoles, il y a des aides ad hoc quand il arrive des catastrophes. En acériculture, il n'y en a pas. La demande... Quand vous dites que vous avez eu des manifestations, bien c'est des producteurs qui demandaient à ce que... Que ce soit dans les grains ou que ce soit dans le sirop d'érable, quand il arrive une catastrophe, bien qu'au moins on soit capables d'avoir des programmes de couverture qui puissent aider ces producteurs-là. Ça fait que je pense qu'il y a un processus qui est en place comme c'est là pour regarder pour qu'il y ait de l'assurance récolte pour les producteurs acéricoles dans le futur. J'espère qu'on va être capables de mettre un programme en place, parce que ça fait des années qu'on demande à ce qu'il y ait un programme d'assurance récolte ou un programme catastrophe quand il arrive une catastrophe.
Moi, j'étais dans la région qui a été touchée dans le temps avec le verglas, là. Je vais vous dire que c'était aussi pénible dans ce temps-là que voilà deux ans, les producteurs de votre région et puis du Bas-Saint-Laurent, où est-ce qu'ils étaient pris avec une production de 1 lb à l'entaille. Ce que ça a fait, ça a écoulé des inventaires qu'on avait. Une chance, ces inventaires-là avaient été mis en réserve. On avait eu une vision à partir de 2000, où est-ce qu'on disait: On va les supporter, nos inventaires. Mais ces producteurs-là, l'an passé, ils ont reçu le fruit de leurs inventaires, puis, cette année... et c'est souvent ça qui a fait que ces producteurs-là ont été capables de passer au travers de la crise même s'ils n'avaient pas d'assurance récolte. Moi, je pense que, pour le futur, il faut regarder pour qu'il y ait un programme d'assurance récolte; quand il arrive des catastrophes comme ça, qu'on soit capables de pallier vite à ces choses-là.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): M. Beaulieu, ce n'était vraiment pas pour vous mettre en boîte quand je vous ai dit ça, c'était vraiment pour que les gens comprennent, au niveau de la télévision... voir qu'est-ce qui se passe au niveau des revendications des acériculteurs un peu partout, puis les différences qu'il peut y avoir. Oui, c'est vrai, vous avez été pénalisés au moment du verglas. Ceux des régions du Bas-Saint-Laurent?Gaspésie l'ont été au niveau de la neige. Et là j'ai deux cas de comté, mais un cas dans une région autre et un dans le mien, où les producteurs, où les propriétaires de CAAF ont dit aux érablières: À partir d'aujourd'hui, il va falloir que tu fasses d'autre chose; va voir au ministère; tu n'exploites plus, ou tu ne passes plus, ou... J'en ai même un qui a perdu son érablière dans l'Outaouais, où on a fait... On a fait une vérification juridique, on a un rapport d'avocat concernant ce dossier-là, qu'on va soumettre au ministère d'ailleurs parce que... On donne un territoire, on prête un territoire. Mais il a deux pages, le contrat. Et je vous inviterai, les parlementaires, à aller voir le contrat que les acériculteurs ont... ou les producteurs ont avec le gouvernement, ça a deux pages. Donc, c'est très perméable à n'importe quoi, à n'importe quelle interprétation.
Donc, c'est quoi, la cohabitation avec les propriétaires de CAAF à l'heure actuelle, qui, comme vous disiez tantôt, arrivent avec leurs gros sabots et disent: Bien là, regarde, toi, tu vas prendre ton trou, là, tu es juste un acériculteur, moi, je viens chercher du bois?
n(12 h 10)nM. Beaulieu (Serge): Bien, moi, je vous dirais, il y a un comité qui a été mis en place depuis un an et demi, un comité MRN puis fédération. Même, il y en a deux. Il y en a un que c'est le suivi sur les contingents, parce qu'on avait remarqué que, quand on avait du contingent alloué, bien il fallait qu'on se parle, les deux parties, pour essayer d'harmoniser ça, pour que ce soit vivable dans toutes les régions, puis il y a un comité, à la fédération, des terres publiques, où est-ce que depuis quelques mois, je dirais peut-être quatre, cinq mois, il y a un représentant du MRN qui siège au comité sur les terres publiques, où est-ce qu'il amène... où est-ce que, nous autres, on est capables d'amener des problématiques qu'on vit, style de ce que vous nous avez dit, et puis il y a quelqu'un qui est au MRN, où est-ce qu'il retourne, après ça, dans les bureaux régionaux, où est-ce qu'on dit: Bien là, il y a une problématique, essayons de la régler. Puis, à venir jusqu'à date, moi, je pense que ça fait un bout de chemin, là. C'est sûr que ça ne règle pas tous les problèmes. Comme vous dites, peut-être qu'il y en a deux. Moi, je pense que ces producteurs-là, on a à les prendre puis aller discuter ces cas-là.
Puis c'est sûr que, quand les producteurs investissent... On l'a vu dans le mémoire, on a investi 25 $ l'entaille. Quand on regarde provincialement, là, c'est 1 milliard d'investissement. C'est 150 millions qui s'investissent sur les terres publiques. Mais, quand tu as un investissement dans des entreprises de 500 000 $, 700 000 $, tu ne peux pas perdre ton contrat le lendemain matin, c'est impossible. C'est pour ça que ça prend des ententes à long terme, où est-ce que le producteur, il sait que, quand il investit, dans 20 ans, il va être encore producteur, puis il est capable d'investir.
C'est une des raisons pourquoi ça ne s'est pas développé au États-Unis. Moi, je vais vous dire, dans les années cinquante, c'était aux États-Unis qu'il y avait la plus grosse production acéricole. Pourquoi ça ne s'est pas développé sur les terres publiques? C'est parce qu'il n'y avait pas de contrat à long terme, c'est des contrats année sur année, tandis qu'au Québec c'étaient des contrats de cinq ans, renouvelables, et puis c'est pour ça qu'on est rendus aujourd'hui où est-ce qu'il y a 18 % de la production qui se fait en terres publiques, parce qu'on a été capables d'accorder des contrats à long terme à ces producteurs-là.
Ça fait que, si on veut que ça se développe, puis c'est là qu'est le potentiel pour le futur, il y a une grosse partie du potentiel qui est en terres publiques, si on veut, c'est qu'il faut donner des garanties à ces producteurs-là. Quand ils investissent un demi-million ou trois quarts de million dans une érablière, bien, que, dans deux ans, trois ans, il ne sera pas pris pour remettre cette érablière-là, ou qu'un industriel n'arrivera pas dans deux ans et dire: Bien, enlève tes tubes, puis j'arrive. C'est ces choses-là qu'il faut absolument harmoniser dans le futur.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Est-ce que vous ne pensez pas... Quand on regarde la richesse d'un produit comme le sirop d'érable, que les étrangers achètent par souvenir de ce qu'ils ont mangé quand ils ont fait le tour chez nous, qu'on ne leur a pas servi du sirop de poteau dans les restaurants ou du sirop de maïs, parce qu'il faut faire la différence entre les deux, là, où d'ailleurs on aura... Moi, j'avais recommandé au regroupement chez nous de forcer sur une Qualité Québec puis très bien l'identifier sur une qualité régionale. Ils se battent sur un circuit touristique, au niveau des acériculteurs; j'espère que c'est toujours sur les planches à dessin de chez vous, parce que c'est important. Les Beaucerons vont se vanter qu'ils ont le meilleur sirop d'érable. Nous, dans Chaudière-Appalaches, on est sûrs que c'est chez nous. En Gaspésie, ils sont bons. Donc, il s'agit de laisser aux consommateurs le plaisir et le désir de venir couvrir cette route-là, la grande route gourmande des producteurs de sirop d'érable. Est-ce que vous pensez que vous faites suffisamment d'efforts pour que, bien, avec les moyens que vous avez, bien sûr sans aide, pour qu'on connaisse plus le sirop d'érable et qu'on grossisse ce marché-là davantage au Québec?
M. Beaulieu (Serge): Bien, je vous dirais, c'est ce qui s'est passé depuis les dernières années. C'est qu'avant 2000 les producteurs investissaient, à part que personnellement, de leurs poches, presque zéro en promotion. Aujourd'hui, on investit, les producteurs, 2 millions. Ensuite de ça, on essaie de faire un partenariat, que ce soit avec les gouvernements provinciaux et fédéraux, puis on est capables d'aller chercher des sous pour faire la promotion. Avec La Financière aussi, dans le programme complémentaire, il y a un volet qui était pour la promotion. C'est toutes ces choses-là qui ont fait qu'aujourd'hui on a un développement qui se fait à la hauteur de 10 % à 12 % par année de cette production-là. C'est parce qu'on en a parlé. Puis, à mesure que tu en parles, ça fait une boule de neige puis ça se développe. Moi, je vais vous dire, une des... C'est par rapport à ça qu'on a développé depuis les dernières années, c'est parce qu'on en a parlé partout, partout avec les moyens qu'on avait, là. C'est sûr que, si on avait eu des moyens de l'ordre de 10, 15 millions, bien probablement qu'on se serait développés à de l'ordre de peut-être 20 % par année, là. Les producteurs, bien ils voient les bénéfices puis ils sont prêts à investir là-dedans.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Deux minutes. À l'heure actuelle, l'attribution des permis d'exploitation d'érablières, ça se fait comment? Quelqu'un qui nous écoute dit: Bien, moi, je voudrais me partir, là, ils me donnent le goût, ça a l'air à monter comme ça, tout le monde font de l'argent, ça a l'air à être intéressant, je vais me partir une business de fin de carrière. Comment on fait pour partir une érablière?
M. Beaulieu (Serge): Bien, il y avait... Justement, dans le document que vous avez, à la fin, on dit de quelle manière l'attribution du nouveau contingent a été attribuée dans la dernière année. Et puis le producteur avait... là, c'est terminé, là, il avait une limite de temps, la limite de temps finissait le 15 de septembre. S'il était inscrit puis il arrivait dans... Tous les nouveaux en démarrage, ils ont été comblés cette année. L'an passé, on a eu plus de demandes que qu'est-ce qu'il y avait d'offres de contingent, il y a eu un tirage au sort qui a été fait. Cette année, tous ceux de l'année passée ont été inclus, puis tous les nouveaux qui ont fait la demande, bien ils devraient être acceptés parce que... même, il restait de la place pour quelques nouveaux, si on aurait voulu, ce qui va représenter tout près de 300 nouvelles entreprises qui vont partir dans le sirop d'érable depuis les deux dernières années.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Je l'avais vu, hein? Encore une fois, c'est toujours pour les gens qui nous écoutent, parce qu'eux autres, ils ne l'ont pas, ce document-là, donc c'est important qu'ils puissent au moins essayer de le trouver à quelque part. C'est terminé?
La Présidente (Mme Morissette): Une trentaine de secondes.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Une trentaine de secondes. La cohabitation avec les périodes de chasse à l'heure actuelle. Avant ça, on n'avait pas de tuyaux; aujourd'hui, il y a quelques balles qui doivent se ramasser dans les tuyaux. Comment ça va avec la cohabitation au niveau du milieu de la nature? Est-ce que c'est parfait pour le moment?
M. Beaulieu (Serge): Les producteurs devraient être chasseurs, eux autres avec, parce que ce n'est pas là que le problème est.
Des voix: ...
M. Beaulieu (Serge): Ça, pour conter une petite anecdote, c'est déjà arrivé chez nous, c'est moi qui avais tiré, puis j'ai arrêté de chasser.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup, ça met fin au temps du côté de l'opposition officielle. Alors, dernier bloc, avant le lunch, pour le deuxième groupe d'opposition, M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Godbout, M. Ross, merci pour la contribution que vous apportez à cette présente commission parlementaire. Écoutez, comme député, je n'ai jamais eu la prétention de tout connaître, là, je n'ai pas d'érablière chez nous, là, mais je suis content d'apprendre, au niveau de votre document, que c'est aussi important au niveau des impacts, au niveau de l'emploi, au niveau de... C'est très impressionnant. Et ce que le député de Montmagny-L'Islet disait tout à l'heure, c'est vrai qu'il y a des hauts puis il y a des bas. On entend parler de vous à certaines occasions, puis on va le voir aussi, dans les annexes que vous nous avez données, aussi qu'il y a des années qui sont bonnes puis des années qui sont un peu moins bonnes.
Je disais que je n'ai jamais eu la prétention de tout connaître, mais j'ai souvent, dans mon verbatim qui est propre à mon moi-même... dire que les commissions parlementaires, c'est de l'«instruisance», alors je suis content d'apprendre, dans les annexes que vous nous avez données, au Journal de Montréal, le 2 avril, que le sirop d'érable est bon pour le palais et bon pour la santé. Alors, merci bien pour votre contribution.
Alors, une question. Il est très rare d'apprendre de groupes qu'ils ne sont pas tout à fait pour la régionalisation. Habituellement, ils viennent ici puis ils nous disent qu'ils ont un beau garde-manger, puis il faudrait décentraliser, puis il faudrait régionaliser. Le problème de la régionalisation, c'est la déconcentration. Parce qu'on a toujours l'idée de régionaliser et de...
Une voix: Décentraliser.
M. Dufour: ...décentraliser, mais on a un problème de déconcentration; c'est ça, le problème de la régionalisation. Mais, vous, c'est tout à fait le contraire. Je n'ai pas d'acériculture chez nous, là, c'est peut-être parce qu'il n'y en a pas dans toutes les régions du Québec, mais vous dites qu'il faudrait que ce soit coordonné avec une vision provinciale définie par le ministère, puis vous en avez parlé vaguement tout à l'heure. Alors, j'aimerais vous entendre plus approfondi là-dessus, parce que c'est la première fois que je vois ça, là, qu'on ne régionalise pas puis qu'on veut... on veut que ce soit plus centralisé.
M. Beaulieu (Serge): Moi, je vais vous dire, si on n'avait pas un peu centralisé, je pense qu'on ne serait pas rendus où est-ce qu'on est rendus aujourd'hui, la production acéricole. Parce que, quand j'ai commencé, moi, en 1989, il y avait quelques transformateurs, il y avait encore les 10 000 producteurs, et puis c'est en essayant de concentrer l'offre qu'on est arrivés, un, à augmenter nos revenus et, en deux, à prendre des décisions d'avenir en disant: Bien, s'il y en a trop, de sirop d'érable, on va l'entreposer, parce que ce produit-là est capable de se garder 10, 15, 20 ans. S'il est bien entreposé, il n'y a pas de problème. Ça fait que les décisions qu'on a prises, il a fallu les prendre provincialement. C'est pour ça que c'est assez important pour nous autres que... qu'il y ait des décisions qui se prennent régionalement, je n'ai pas de problème, mais que provincialement, qu'il y ait des orientations qui soient prises provincialement, parce que ça a été notre force dans la production acéricole depuis 1989, c'est qu'on a pris des décisions provincialement, tout le monde ensemble a contribué. Si on n'avait pas contribué, tout le monde ensemble, à supporter ces inventaires-là... Parce qu'en 2000 on était dans le contraire d'aujourd'hui, on avait 20 millions de livres de trop, on ne savait pas quoi faire avec, on l'a mis dans une bâtisse, puis, aujourd'hui, ça nous a servi. L'an passé, dans le temps de crise, les producteurs qui n'avaient pas produit ou presque pas produit, bien ils ont eu un revenu, puis ils sont encore en affaires aujourd'hui. Ça a été notre force. Puis c'est pour ça qu'on dit: Il faut faire attention de tout régionaliser. Il y a des choses qu'il faut qu'elles soient... en tout cas, qu'il y ait une harmonie provinciale. Ça, c'est assez important pour nous autres.
n(12 h 20)nM. Dufour: C'est ça qui fait que vous avez une réussite aujourd'hui. Et, dans le document, un peu plus bas, vous marquez: «Les modalités d'attribution des permis d'exploitation [...] sur terres publiques devraient favoriser la pérennité des entreprises acéricoles. Plus particulièrement ? puis vous mettez deux petits picots ? les permis d'exploitation devraient être à [plus] long terme[...] ? puis je parlais des contrats que monsieur parlait tout à l'heure, ça doit faire partie de ça probablement ? les tarifs doivent être prévisibles...» Alors, c'est un peu ça, là.
M. Beaulieu (Serge): C'est ça.
M. Dufour: Parfait. Alors, je laisse la place à mes collègues.
La Présidente (Mme Morissette): Oui. Mme la députée de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
Mme Morasse: Oui. En faisant une brève rétrospective de ce que madame nous a dit tout à l'heure, la grande critique face au monde acéricole et ce que l'on propose, là, dans le document de travail, c'est la lenteur de mise en oeuvre d'ententes ou de programmes. Puis je pense que l'exemple le plus éloquent d'une lenteur de mise en oeuvre, c'est la grande crise qu'a vécue le monde acéricole, vous l'avez dit tout à l'heure, ça a été la crise du verglas. Je ne sais pas combien de producteurs acéricoles ont été mis... réduits à pas grand-chose. Moi, au niveau du Témiscamingue, il y en a eu plusieurs, là, que ça a été un désastre. Puis là je voudrais savoir en quoi est-ce que le non-paiement, au niveau du fédéral, des millions de dollars qui sont encore à Ottawa, au niveau du règlement de la crise du verglas, comment est-ce que ça affecte les producteurs acéricoles présentement? Ça fait 11 ans de ça. Est-ce qu'il y a de l'argent qui dort au fédéral présentement, que le gouvernement actuel n'a pas encore réussi à aller chercher? Est-ce que ça vous affecte dans votre capacité de ne pas faire faillite ou...
M. Beaulieu (Serge): Non. Non, ça, là-dessus, je vais vous dire, pour quelqu'un qui a été touché, là, j'ai été touché à 65 %, moi, mon érablière, là, il y a eu des choses qui se sont mises en place avec les provinces et le fédéral, où les producteurs ont eu une enveloppe qui était réservée pour réaménager ces érablières-là. Même, d'ailleurs, c'est de là que, dans la région du verglas, qu'on dit, là, où la conscientisation d'aménager nos érablières a été prise. Moi, je vous dirais, ça, là-dessus, vu l'ampleur de la crise, probablement, là, les producteurs ont reçu une compensation puis ils ont été capables de se développer. Moi, la preuve, on s'est développé pareil, même si on a eu 65 % de notre entreprise qui a été affectée par le verglas. On a été capable d'aménager cette érablière-là, puis, aujourd'hui, elle est encore en production. Puis, si on n'avait pas eu ces aides-là, probablement qu'on ne serait plus en production ou presque plus, là.
Mme Morasse: Mais la rapidité de traitement aurait été bienvenue.
M. Beaulieu (Serge): C'est sûr qu'on aurait voulu que ça aille encore plus vite, mais ça s'est fait sur une base de deux à trois ans.
Mme Morasse: O.K. Une autre petite question rapide, rapide. Elle a été tout à l'heure très claire que ce qui avait réussi à sauver les cycles, c'était l'investissement en recherche et développement puis la recherche de nouveaux marchés. Est-ce que le plan vert ou ce qu'on nous propose comme document de travail, est-ce que ces pistes de solution là qui ont été très efficaces sont proposées dans le livre vert ou si vous êtes encore une fois complètement oubliés au niveau du privé, que représentent les producteurs acéricoles?
Mme Granger-Godbout (Anne-Marie): En fait, juste pour bonifier ce que vous venez de dire. C'est sûr que ce qui a permis de sortir du cycle de crise, là, récurrente, c'est évidemment l'organisation... c'est l'organisation de la mise en marché et évidemment l'investissement pour développer des marchés. L'organisation de la mise en marché, on parle de regrouper les ventes, on parle de gérer les inventaires et on parle de contingenter la production pour permettre d'ajuster au fur et à mesure de la croissance des marchés l'importance de la production. Bien, ces outils-là se font dans le cadre de la Loi sur la mise en marché. C'est sûr qu'il n'en est aucunement mention dans les documents de consultation. En même temps, c'est une loi distincte, c'est distinct.
Mme Morasse: ..pas là.
La Présidente (Mme Morissette): M. le député de Labelle.
M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie pour votre présence. Je viens de la région des Laurentides, alors vous imaginez, il y en a beaucoup chez nous aussi. Mon collègue de René-Lévesque l'a mentionné tantôt, là, mais les deux petits picots où on parle des modalités d'attribution, fort importantes évidemment ? quand on investit des capitaux importants, on veut avoir une certaine prévisibilité... Vous dites que les permis d'exploitation devraient être à plus long terme. Ce serait quoi, concrètement, là? Qu'est-ce que vous souhaiteriez?
M. Beaulieu (Serge): Bien, moi, je vous dirais, comme c'est là, c'est des permis de cinq ans, renouvelables.
M. Pagé: ...
M. Beaulieu (Serge): Pardon?
M. Pagé: Ce n'est pas suffisant.
M. Beaulieu (Serge): Bien, c'est sûr que, quand tu investis un demi-million, tu dis: C'est dans cinq ans, y va-tu finir? Habituellement, ils ne finissent pas non plus comme ça, là, mais il y a des ententes de cohabitation puis où est-ce que... des fois, l'industriel va arriver puis il va dire: Bien là, je suis dans mon cycle d'aménagement, bien j'arrive puis je vais faire l'aménagement. Bien, moi, je pense que ces ententes-là, elles devraient être que, le producteur, il puisse le faire, l'aménagement, puis qu'il y ait une cédule de mise en place, puis que ce soit plus que cinq ans. Ça peut être 10 ans, 15 ans, 20 ans.
Moi, je vais vous dire que c'est la même affaire comme dans le privé. Quand j'investis pour acheter une érablière, mais là au moins je sais que tant que je vais faire des paiements, là, elle est à moi, puis que je vais l'aménager, puis elle va être productive pour tout le temps. Moi, je pense que c'est ce bout-là qu'il faut essayer de trouver, là, comment sécuriser le producteur pour encore plus à long terme que les cinq ans, tout en sachant que c'est d'intérêt public.
Mme Granger-Godbout (Anne-Marie): Si je peux me permettre, ça va peut-être vous intéresser de savoir que la durée de vie de la tubulure est estimée à peut-être 15 ans, 20 ans. Ça joue là-dedans. Donc, c'est sûr que, s'il faut arrêter l'exploitation après cinq, six ans, sept ans, puis, quand on enlève la tubulure, on ne peut pas la réutiliser, là, c'est fini. Donc ça, c'est un élément important à prendre en considération.
La Présidente (Mme Morissette): Il reste une dizaine de secondes seulement. Ça met pas mal fin au bloc de temps qui appartenait au deuxième groupe d'opposition. Donc, nous allons suspendre les travaux jusqu'à 14 heures. Merci beaucoup de votre présence.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Morissette): Oui, vous pouvez laisser vos choses ici, sans problème.
(Suspension de la séance à 12 h 27)
(Reprise à 14 h 2)
La Présidente (Mme Gonthier): Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques du document de travail intitulé L'occupation du territoire forestier québécois et la constitution des sociétés d'aménagement des forêts.
Alors, le premier groupe que nous allons entendre cet après-midi est la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Alors, je vais inviter le porte-parole à se présenter et à présenter son organisme ainsi que les personnes qui l'accompagnent. Vous avez un exposé de 10 minutes. Par la suite, nous allons échanger, les différents groupes parlementaires vont échanger avec vous. Je rappelle que le groupe formant le gouvernement a un peu plus que 13 minutes; l'opposition officielle, un peu plus... presque 12 minutes, et le deuxième groupe d'opposition, 10 minutes environ. Alors, messieurs.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)
M. Roy (René): Oui. Bonjour, Mme la Présidente. René Roy, secrétaire général de la FTQ, une centrale syndicale bien connue, je pense que je n'ai pas besoin de la présenter plus que ça. Je suis accompagné, à ma gauche, ici, c'est Renaud Gagné, qui est un vice-président du Syndicat des communications, de l'énergie et du papier, dans le syndicat de la forêt; à sa gauche à lui, c'est Dino Lemay, qui est conseiller de la FTQ dans la région de l'Outaouais; et à ma droite, ici, c'est Gilles Chapadeau, conseiller de la FTQ dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue et Grand Nord, c'est ça?
Une voix: Nord-du-Québec.
M. Roy (René): Nord-du-Québec. Alors, on a un mémoire... on en a déposé un en mars, on a un nouveau mémoire. On va vous présenter ça en vous faisant une lecture... Je vais essayer de le présenter le plus possible en essayant de passer aussi à travers des sept, huit questions qu'on a à répondre. En tout cas, ça ne couvrira pas l'ensemble du mémoire.
Alors, avant tout, nous devons vous souligner à quel point nos organisations déplorent la manière dont se déroule la présente réforme du régime forestier. Tout comme nous l'avions dénoncé en mars dernier, à la suite du dépôt du livre vert, cette réforme demeure floue et imprécise. Même si nous croyons que le régime actuel n'est pas parfait et que des améliorations devraient y être apportées, à notre avis il serait irresponsable de faire des modifications sans auparavant en mesurer les répercussions. Malheureusement, alors que nous nous attendions justement à plus de précisions en juin dernier, tout ce que l'on nous a déposé est un document fragmentaire qui ne s'attarde qu'à certains aspects proposés par le livre vert sur la forêt.
Bien que nous le déplorions depuis le dépôt du livre vert sur la forêt, nous n'avons toujours aucune précision ou information sur ce qu'il adviendra du cadre juridique des relations de travail en forêt et en usine sous l'égide de cette réforme. Pourtant, selon les informations dont nous disposons actuellement, il est clair que ce nouveau régime aura des répercussions énormes sur l'emploi, les conditions de travail, les accréditations syndicales, la disponibilité, le coût de la fibre.
En fait, la dimension «travailleur» est complètement absente de toute cette réforme. À cet égard, nous croyons peut-être en avoir saisi les justifications. En effet, même si nous n'avons eu que très peu de temps pour prendre connaissance des deux études d'impact rendues publiques le 5 septembre dernier, l'étude réalisée par la CERFO, en page 86, nous apprend que l'un des modèles de gestion efficace et rentable que devrait s'inspirer la réforme est celui de Wal-Mart.
Alors, inutile de vous dire que c'est la compagnie la plus antisyndicale en Amérique du Nord, et ce n'est sûrement pas nos plus grands amis et ce n'est sûrement pas le modèle qu'on souhaite avoir dans la gestion de la forêt, Mme la ministre. On comprendra que, dans ce contexte, il soit impossible pour nous de nous prononcer en faveur d'une réforme qui ne tienne pas compte des droits des travailleurs et des répercussions sur leurs conditions de travail.
On l'a déjà vécu lors de la dernière grande réforme, à la fin des années quatre-vingt, alors qu'un vide juridique a entraîné la désyndicalisation massive des travailleurs forestiers, le dépérissement de leurs conditions de travail et la précarité des emplois dans ce secteur. Aujourd'hui encore, l'ensemble de nos accréditations syndicales restantes, en forêt comme en usine, sont menacées par les nouveaux principes d'allocation du bois, alors: le droit de premier preneur, les enchères, le scénario mixte.
Enfin, nous ne pouvons passer sous silence la carence d'un processus de consultation déficient: manque de temps pour nous préparer, alors que les consultations ont débuté deux semaines après le dépôt du livre vert sur la forêt; dépôt d'études d'impact totalisant 300 pages à une semaine et demie des actuelles consultations; consultations régionales biaisées et sélectives; absence de réponses claires des représentants gouvernementaux. Sans parler de l'absence d'un véritable avant-projet de loi sur l'ensemble de la réforme forestière. Parce qu'on s'attendait, en juin, à avoir un avant-projet de loi avant de tomber dans le projet de loi, parce que le ministre Béchard nous avait dit ? à qui on souhaite toute la santé possible; nous avait dit ? qu'il nous déposerait un avant-projet de loi.
Sur la première question, Stratégie d'aménagement durable, approche écosystémique et gestion intégrée des ressources, cette question est tendancieuse en ce sens qu'on ne peut pas être contre la vertu. En effet, si nous approuvons les grands objectifs élaborés dans le document de travail déposé le 19 juin, il nous apparaît difficile de donner notre aval à l'ensemble du processus proposé, parce que nous n'avons pas de détail sur la stratégie d'aménagement durable que la ministre pourrait adopter. Nous ne connaissons pas les orientations, objectifs et cibles de cette stratégie.
De même, au niveau régional, nous comprenons que ce sont les conférences régionales des élus qui élaboreront, en respect des orientations, objectifs et cibles établis par la ministre, les objectifs particuliers ainsi que les activités à réaliser, et ce, à l'aide notamment du plan régional développé par les CRRNT.
Alors, deux problèmes de fond se posent pour nous, à ce moment-là. Premièrement et encore une fois: quels sont ces objectifs régionaux de même que les plans de développement régionaux? Deuxièmement: où est la place des travailleurs et de leur organisation syndicale dans ce processus de consultation régionale?
La notion de «certification ? qui est une autre question ? forestière», que la ministre veut implanter, nous apparaît tout aussi nébuleuse, en ce sens que nous ne savons pas de quelle certification il peut s'agir.
Lors des travaux du Sommet sur la forêt et comme en fait foi la déclaration commune, nous avons approuvé l'implantation d'une certification précise avec des conditions tout aussi claires. Cependant, le document du 19 juin ne précise toujours pas les intentions du ministre à cet égard. Alors, inutile de vous dire que, pour nous autres, qu'il y ait une certification en forêt, c'est majeur, là, si on veut vendre nos produits... si on veut être capables de vendre nos produits à la grandeur du monde.
Deuxième question, la détermination des zones de sylviculture intensive. Nous ne sommes pas d'emblée contre l'implantation de zones spécifiques d'exploitation intensive. Cependant, nous ne pouvons approuver la manière en raison des imprécisions ou omissions du document du 19 juin.
n(14 h 10)n Alors, une fois de plus, nous sommes inquiets du fait que les travailleurs ne disposent d'aucune place dans le processus. En plus, nous sommes extrêmement inquiets des répercussions que la désignation de ces zones de sylviculture intensive aura sur les emplois et les conditions de travail de nos membres, puisque nous ne savons pas ce qu'il adviendra des accréditations syndicales en vigueur sur ces territoires.
Troisième question, les forêts de proximité et les ententes de délégation. Nous ne sommes pas contre le principe d'implanter ce genre de concept. Encore ici, nous n'avons pas d'information de base qui nous permettrait de nous prononcer adéquatement. Nous voulons clairement savoir ce qu'il adviendra des travailleurs et travailleuses qui effectuent des travaux forestiers sur ces territoires advenant que ces derniers soient désignés comme des forêts de proximité.
Régionalisation de la gestion des forêts et création des sociétés d'aménagement. Nous ne croyons pas que c'est en ajoutant un organisme supplémentaire que la gestion de la forêt québécoise sera meilleure. À l'heure actuelle, il existe déjà des mécanismes qui prévoient la consultation des acteurs régionaux, et, même s'il n'est pas parfait, nous ne croyons pas que les nouvelles sociétés d'aménagement des forêts puissent améliorer la situation de manière significative. Il nous semble d'ailleurs qu'il y a déjà assez de joueurs sur la patinoire sans en rajouter.
Obstinément, le bureau du ministre ou de la ministre refuse d'appliquer les consensus dégagés lors des travaux du Sommet sur l'avenir du secteur forestier au sujet des transferts de CAAF, alors que l'ensemble des intervenants s'étaient entendus pour que nous appliquions les principes suivants:
Premier principe: mise en place d'un programme de départ volontaire aux plus âgés pour permettre de conserver la main-d'oeuvre plus jeune, afin d'assurer la relève. De tels mouvements de main-d'oeuvre devraient être guidés par un plan d'affectation à l'échelle régionale prenant en considération l'ensemble des variables comme les départs à la retraite, les incitatifs financiers et fiscaux et la retraite anticipée.
Alors, ce sont des... des... des... je suis en train de lire des textes qui ont été retenus lors du sommet. En cas de transfert de CAAF, il faudrait prévoir que les activités d'exploitation forestière pour lesquelles des salariés sont déjà accrédités dans une ou plusieurs unités d'aménagement puissent: conserver la même unité de négociation pour les travaux à exécuter, peu importe la destination des bois; ou être fusionnés si toutes les parties concernées en conviennent, et ce, dans le cadre d'une entente écrite et en fonction d'une fourchette d'intégration des listes d'ancienneté au prorata des mètres cubes de bois transférés.
S'il y a fermeture d'une scierie et que la ministre transfère les allocations de bois vers une ou plusieurs scieries, il faudra appliquer la procédure permettant de fusionner les opérations en fonction d'une fourchette d'intégration des listes d'ancienneté au prorata des mètres cubes de bois transférés. Pourquoi ne pas profiter de cette réforme pour concrétiser les consensus dégagés par l'ensemble des intervenants du secteur forestier, Mme la ministre?
Remplacement des CAAF par une garantie d'approvisionnement. Pour nous, il importe de maintenir une stabilité dans l'organisation de travail afin de favoriser les conditions de vie et de travail nécessaires et adéquates au maintien et à la disponibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée. C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous insistions sur le maintien du lien CAAF?usine, car l'ensemble du droit du travail actuel s'articule actuellement dans cette réalité.
La Présidente (Mme Gonthier): Pardonnez-moi. Le temps de présentation est écoulé, alors on serait maintenant à la portion de questions, et, sur ce, je passerais la parole à la ministre.
M. Roy (René): ...conclure quand même en vous disant que...
La Présidente (Mme Gonthier): Très rapidement, s'il vous plaît.
M. Roy (René): ...en disant que, dans l'état actuel du projet de la réforme, il nous est impossible d'approuver une mise en oeuvre, qu'elle soit graduelle ou non. Alors, on s'oppose à la réforme telle qu'elle nous est présentée.
La Présidente (Mme Gonthier): Merci. Mme la ministre.
Mme Boulet: M. Roy, merci. Merci à vous tous d'être présents. Je vais dire d'entrée de jeu que, même si vous dites qu'on n'a pas parlé des travailleurs, évidemment ce sont des acteurs clés dans la démarche qu'a entamée le gouvernement. Il n'y a pas d'industrie forestière s'il n'y a pas de travailleurs. Alors, je pense qu'ici c'est un consensus là-dessus; alors, on reconnaît tous l'apport de ces gens-là dans les entreprises du Québec et dans l'économie également de l'industrie forestière. Alors, maintenant, il faut voir, là, à partir des éléments que vous amenez, qu'est-ce qu'il est possible de faire.
Maintenant, j'aimerais vous amener sur le point... Vous dites que la certification forestière... vous nous dites que la certification est essentielle pour les exportations, plusieurs pays exigent la certification. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça et est-ce que vous pensez que ça va permettre la reconnaissance des travailleurs sylvicoles? Est-ce que ça va leur donner une plus value, à ces travailleurs-là, dans le fait que les compagnies qui les embauchent soient accréditées? Est-ce que vous pensez que cette accréditation-là qu'on demande par rapport aux travaux sylvicoles va donner une plus-value à ces travailleurs-là en termes d'estime du travail, en termes de qualité de travail? Est-ce que vous pensez que ça va être un plus pour ces gens-là?
La Présidente (Mme Gonthier): M. Roy.
M. Roy (René): C'est sûrement, c'est sûrement... ce sera sûrement un plus, mais vous avez déjà des bons travailleurs dans la forêt, là, ils sont bien formés, puis je pense qu'ils font un excellent travail. Mais, la reconnaissance de la certification, bon, la FSC en est une. Il y en a différentes, puis c'est ça qu'on dit actuellement, là. Il n'y en a pas, de... il n'y a pas d'indication sur laquelle vous voulez aller. Même les entreprises ont déjà commencé à se certifier eux-mêmes parce qu'il y a des endroits comme, pour ne pas les nommer, des vendeurs de bois qui refusent même de vendre du bois ici, au Québec, qui n'est pas certifié, qui n'a pas les étampes de certification.
Quand on sait qu'est-ce que Greenpeace veut obtenir, quand on sait tous les mouvements écologiques veulent obtenir, alors il est absolument essentiel, je pense, qu'il y ait une certification dans la forêt, que ce soit effectivement pour l'écologie, que ce soit de la manière que la forêt va être régénérée, de la manière que la forêt va être coupée. Évidemment, on n'est plus à l'époque des coupes en blanc dans la forêt, alors il est absolument essentiel que les entreprises soient obligées à la certification.
Et ça va obliger... Vous avez raison, mais ça dépend des certifications. Il y en a une qui a été inventée ici, au Québec, qui n'est pas très connue, qui s'appelle le qualimètre, qui est une certification qui est très bien faite, qui est complète et même qui est plus complète qu'ISO, hein? On parle de d'autres certifications, comme... ISO en étant une, qui est même plus complète qu'ISO. Alors, quand vous tombez dans des certifications semblables, vous avez parfaitement raison, parce que là ça touche les relations de travail, ça touche la formation des employés, la manière qu'ils sont... la manière qu'ils sont traités, etc. Alors, pour nous, ça va dans la bonne direction, ça va dans la direction de ce qu'on cherche, oui.
Mme Boulet: O.K. M. Roy, vous nous dites que... en fait que... si on écoute, là, vous n'êtes pas d'accord avec beaucoup de choses, là, dans ce qui a été proposé dans le livre vert. Il y a un fait, puis je pense que vous êtes en mesure de le vivre au quotidien, c'est que l'industrie vit une crise, là, qui est profonde, qui perdure dans le temps. Nous, il nous semble, à nous, là, que le statu quo n'est pas acceptable, là.
Alors, vous, vous nous dites: Tout ce qu'il y a là, on pense que ce n'est pas dans la bonne direction, on pense que ce n'est pas la bonne chose. Mais est-ce que je dois comprendre que vous considérez que le statu quo est la solution? Et sinon bien dites-nous si vous avez des propositions, des choses à amener sur la table.
Mais sincèrement je pense que tout le monde ici convient que le statu quo n'est pas la bonne chose. Que ce soit par une refonte du régime forestier, que ce soit par une amélioration de celui qui est là actuellement, on fait ce travail-là, aujourd'hui, de commission parlementaire justement pour bonifier... Je l'ai dit d'entrée de jeu, on est ici pour améliorer le document, pour faire en sorte d'aller chercher le plus large consensus possible avec tous les partenaires. Maintenant, si tout n'est pas bon, le statu quo... la lecture que je fais de vos commentaires, c'est que finalement on ne devrait rien bouger puis tout laisser ça comme c'est là.
M. Roy (René): Alors là, vous nous lisez mal. Vous nous lisez mal, parce qu'on a été, Mme la ministre ? là, puis le sous-ministre, à côté de vous, le sait, ils nous ont vu la face souvent à bien des endroits ? sur la réforme de la forêt. Ça fait 20 ans qu'on en parle, ça fait deux ans qu'on en parle intensément avec tous les acteurs de la forêt puis avec les sous-ministres et les ministres de votre gouvernement. Alors, on n'a jamais prêché le statu quo. On a mis des solutions sur la table pour changer le régime forestier. On a réclamé une loi sur la forêt depuis 1986, la dernière qui avait eu lieu du gouvernement Bourassa, alors on réclamait une vraie loi sur la forêt.
On est d'accord avec vous, là: on ne peut pas vivre avec le statu quo, il faut vraiment gérer... ou faire une gestion de la forêt qui est complètement différente. C'est une ressource qui est trop essentielle pour le Québec pour la laisser aller comme ça. Maintenant, on dit qu'on n'est pas d'accord avec l'approche parce qu'il y a trop d'inconnues pour nous. Puis je vous répète: Le gros noeud du problème pour nous, qui nous fait rejeter la réforme actuelle, c'est la question des travailleurs. Vous dites que les travailleurs sont importants. Bon, je prends votre parole, je suis certain que vous reconnaissez l'importance des travailleurs.
Si on reconnaît l'importance des travailleurs, Mme la ministre, il faudrait reconnaître leur droit à la syndicalisation aussi. Pour être le droit d'être syndiqué, il faut qu'il y ait un employeur. Il faut avoir un lien juridique, il faut qu'un employeur soit reconnu, qu'on soit capable de déposer une demande d'accréditation syndicale. On ne demande pas au gouvernement de venir faire notre job de syndiquer le monde, on demande simplement au gouvernement de nous permettre de faire ce que le Code du travail nous permet de faire. C'est ça qu'on demande. Mais ça fait deux livres qui sont publiés ? le livre vert, le document de travail du 19 juin ? puis il n'y a pas de ligne... il n'y a même pas une ligne qui mentionne le mot «travailleur», les droits de travailleur. Il me semble qu'on est là, il me semble qu'on a été là... On a était là, au sommet; M. le sous-ministre, vous étiez là, on a été là, au sommet, on a réclamé ça, on a sorti des consensus. On est sortis avec des consensus. Puis je vais laisser mon ami Gagné nous parler de ce qu'on a, parce que, lui, il est venu au monde dans la forêt puis, lui, dans la forêt, il connaît ça 10 fois comme moi. Il va vous expliquer un peu qu'est-ce qu'on a proposé, nous, comme améliorations au régime de la forêt.
n(14 h 20)nM. Gagné (Renaud): Bien, écoutez, il y avait différents volets, là. Quand on parle d'obtenir une accréditation, c'est une chose, mais l'autre élément majeur, c'est comment on va la maintenir. Parce qu'actuellement on a fait des dépôts en matière de sylviculture, là, 14 requêtes en accréditation, il en reste une depuis 2004. Pourquoi? Parce qu'on change d'employeur comme on change de chemise, là. Et c'est aussi vrai dans les forêts où il y a plusieurs intervenants, plusieurs détenteurs de droits d'approvisionnement ou de CAAF, on se change de mandataire comme on veut. Donc, quand on dépose, l'année suivante, ça n'existe plus. Donc, ce qu'on demande, c'est une reconnaissance juridique. Ils sont où, nos droits? D'autant plus qu'on veut changer les termes, on parlera plus de CAAF, on va parler de garantie d'approvisionnement, droit de premier preneur, etc.
Au niveau de l'acériculture, bien c'est un peu la même chose, là. Je veux dire, si on confie, dans une zone donnée ou dans une unité d'aménagement, un contrat pour effectuer des travaux d'intensification sylvicole, bien en quelque part il va falloir retrouver un employeur. Puis, si cet employeur-là change l'année suivante, bien les travailleurs qui seront là devraient s'adresser à la nouvelle personne, le nouveau mandataire ou le nouveau responsable de ce contrat-là. Là, le problème, c'est que ça change comme ça change de chemise.
Donc ça, c'est tout le volet juridique qu'on a vraiment un problème parce qu'on ne sait pas à quoi se rattacher. Oui, on est en faveur d'une réforme. Si on prend le document de travail et lorsqu'on lit les grands principes, on ne peut pas être contre la vertu, on le dit. Par contre, quand on veut faire tout le tout ensemble, dire: Oui, on approuve 25 % de mise en marché, bien ce 25 % là a un effet direct sur les travailleurs qui coupaient ce bois-là pour les entreprises bénéficiaires de 100 % de leur volume. Donc, qui va effectuer ces travaux-là? On n'a pas de réponse.
Nos gens, ils demandent de la sécurité puis de la stabilité. Donc, ce qu'il faut s'assurer pour la relève dans le futur, il ne faut pas de précarité, il faut être capable de leur démontrer, si on veut valoriser les emplois... pas juste les ingénieurs forestiers puis pas juste les techniciens, mais les gens qui sont à la base, là, les gens qui interviennent en forêt, là, il faut qu'ils aient une stabilité puis des conditions de travail leur permettant d'avoir une certaine dignité au travail. Donc, on n'a pas les outils actuellement pour le faire et on pense sincèrement que, dans la réforme sur le régime, on peut faire exactement les liens nécessaires pour faire le lien avec le Code du travail sans modifier le Code du travail.
La Présidente (Mme Gonthier): Mme la ministre.
Mme Boulet: On lit également dans ce que vous avez déjà déposé que vous êtes un petit peu réticents, là, au fait qu'on donne des responsabilités aux milieux régionaux, là. La décentralisation vers les régions, les sociétés d'aménagement, je pense que vous avez certaines réticences à l'égard de... Et c'est à partir de quoi, là, que ce principe-là ou cette formule-là ne vous convient pas, de donner plus de pouvoir aux gens des régions, de leur permettre de gérer le territoire, de gérer l'ensemble des utilisateurs d'un même territoire, de planifier la sylviculture? Alors ça... Parce que ça plaît beaucoup, les gens des régions ont cette volonté-là de se réapproprier leur forêt, de savoir que ce qui se passe dans une région, ce n'est pas nécessairement ce qui se passe dans l'autre région, et d'avoir un rôle plus grand à l'égard du développement de cette forêt-là. Alors, ça semble inquiéter beaucoup, là, la FTQ, alors j'aimerais juste vous entendre sur le principe, là, de décentralisation ou de régionalisation, là.
M. Roy (René): Oui. On n'a jamais été des grands décentralisateurs, en passant, la FTQ. Parce que la province de Québec, c'est 8 millions de personnes, là, puis ce n'est pas la France, là, ce n'est pas 60 millions, là. Ceux qui veulent nous donner le modèle de la France ou des États-Unis des fois devraient penser à ça.
On n'est pas contre, Mme la ministre, que les régions soient impliquées, là. On n'est pas contre. Il y a des structures, au Québec, qui existent sur l'implication des régions dans ces processus-là. Moi, j'en connais un, là, je connais Emploi-Québec. On a créé la Commission des partenaires du marché du travail en 1996 ou 1998, en tout cas, mise en fonction en 1998. Il y a des conseils régionaux des partenaires du marché du travail qui établissent le plan... qui établissent le plan d'action du développement des ressources de travail dans chacune des régions. Chacune des régions est consultée, a son conseil, sa commission, et ils envoient leur plan, mais il y a un plan-cadre.
Il y a un plan-cadre, Mme la ministre, et, au-dessus de ça, il y a un ministre. Alors, le... pas le mandataire, mais le maître-d'oeuvre demeure le gouvernement. Et, nous, ça nous inquiète beaucoup quand ? mon ami Chapadeau pourrait aller là-dessus; quand ? une CRE devient responsable de régler les chicanes entre les différentes municipalités. On vient de le voir à Champneuf. Je vais le laisser parler. On pense que vous allez... ça va foutre davantage le bordel dans les régions.
Que les régions soient consultées, on est parfaitement d'accord qu'elles soient consultées, mais ça prend quelqu'un, en quelque part, pour arbitrer... prendre les décisions puis arbitrer les différends. Puis ça ne peut pas se faire... ça ne peut pas se faire, à un moment donné, entre les différents intervenants, qui sont très près, et chacun a des intérêts particuliers... pas particuliers... oui, particuliers dans chaque dossier. Or, c'est pour ça qu'on est contre.
On est contre... bien on ne devrait pas être contre, parce qu'on ne le comprend pas vraiment. Mais on est contre une affaire: on ne comprend pas vraiment le système que vous voulez mettre en marche, là, mais on est contre une nouvelle structure. Ça, on l'a dit, puis il y avait consensus là-dessus au sommet: Il y en a assez, sacrement, de structures, on n'en a plus besoin! Alors ça, on a le consensus, là. Mais je vais laisser à Gilles Chapadeau peut-être d'expliquer un peu comment que ça se passe.
La Présidente (Mme Gonthier): Rapidement, en une minute.
M. Roy (René): Une minute!
M. Chapadeau (Gilles) Ça va être court. Mais ce que je veux vous dire, c'est que dans notre région, en Abitibi-Témiscamingue?Nord-du-Québec, les gens sont fort préoccupés d'abord parce qu'ils ne connaissent pas ça va être quoi, le processus. Donc, face à l'inconnu, quand on propose des changements puis on ne donne pas nécessairement des réponses à ça va être quoi, le processus... Si c'est la situation actuelle, ce qu'on vient de vivre, Champneuf versus Senneterre, les gens n'ont pas confiance en la CRE, qui en fait aurait dû... ? puis on a interpellé la CRE là-dessus; aurait dû ? vous informer de l'existence d'un projet de deuxième transformation à Champneuf, qui requiert un CAAF, la CRE ne l'a pas fait. Donc, si... si... on a eu l'impression qu'ils avaient favorisé Senneterre par rapport à Champneuf.
Donc, c'est des exemples que les gens ont en région, de dire: On va décentraliser, mais cet organisme-là n'est pas nécessairement fiable pour transmettre les bonnes informations à la ministre. On est fort préoccupés. Donc, le point majeur, puis René en a parlé puis Renaud en a parlé, c'est que, durant les audiences sur le livre vert, les audiences publiques, on y a participé activement, mais, quand on a posé des questions sur l'ensemble des mesures proposées, on n'est pas allés là de façon négative, on est allés poser des questions à savoir: Ça va être quoi? Qu'est-ce qui va se passer avec ça? Ça va être quoi, les impacts économiques? On n'a jamais eu de réponse à nos questions...
La Présidente (Mme Gonthier): En conclusion, s'il vous plaît.
M. Chapadeau (Gilles): ...et l'avis qui a été donné au ministre Béchard ne reflétait en rien les préoccupations des travailleurs et de la population. La CRE donc vous a envoyé... a envoyé un message positif au ministre Béchard, mais ça ne reflétait pas en rien ce qui s'était passé sur le terrain. Donc, c'est difficile d'avoir confiance.
La Présidente (Mme Gonthier): Merci. Je passerais la parole maintenant au député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour.
Des voix: Bonjour.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): C'est la première fois que je vais m'adresser à un groupe syndical, donc vous comprendrez ou mon inquiétude ou le fait de devoir, non pas par obligation, juste poser mes paroles, poser mes actes correctement pour être sûr de ne pas choquer personne. Donc, vous m'excuserez si je dois chercher, mais je veux être sûr d'être bien compris puis je ne veux pas être mal interprété par les gens qui nous regardent.
Quand on a parlé, ce matin, de travaux de sylviculture et j'ai expliqué... Parce que j'ai rencontré les groupes chez nous et ailleurs, et bien sûr ces gens-là travaillent, et je l'ai dit ce matin, dans des conditions difficiles, avec un prix du marché qui est là. Le gars qui a le contrat de sylviculture, c'est le contrat qu'il a eu parce qu'il y avait cet argent-là dans le milieu.
Comment on va faire pour payer les droits syndicaux, payer leurs accréditations? Qu'est-ce que vous allez leur apporter? Qu'est-ce que ça va donner aux gens qui travaillent en sylviculture, 50 ans et plus? Puis c'est la moyenne d'âge. Qu'est-ce que vous allez leur apporter, vous autres, en tant que... Parce que vous dites: Vous avez déposé, puis que ça change, puis vous n'avez pas jamais assez de personnes pour vous imposer au niveau des travailleurs sylvicoles. Qu'est-ce que vous allez leur apporter s'ils sont syndiqués? Si déjà, à l'heure actuelle, le marché n'est pas là, déjà le marché n'est pas assez ouvert, puis il n'y a pas assez d'argent, comment ça va coûter de plus? Puis est-ce qu'on va être capables de le faire? Est-ce qu'on va être capables d'arriver avec des chiffres qui vont être comparables ou on va rendre le prix du bois abordable ou le prix des travaux en forêt abordable? Donc, c'est la question que je vous pose.
n(14 h 30)nM. Roy (René): Bien, c'est la grande question, vous savez, M. le député. Tous les secteurs qui sont syndiqués sont en compétition, en quelque part, avec... pas juste la forêt, là, partout dans le monde, là. Quand on produit, par exemple, du minerai de fer sur la Côte-Nord, il s'en produit au Brésil, il s'en produit en Afrique. Quand on produit... je ne sais pas, moi... Toutes les productions qui sont faites au Québec sont en compétition avec quelque chose dans le moment. Alors, les travailleurs syndiqués, ce qu'on fait pour les travailleurs sylvicoles, c'est la même chose qu'on fait pour les autres travailleurs: on les syndique et on va négocier des conditions de travail avec des salaires.
Et je n'ai jamais vu à date les syndicats fermer les entreprises. Au contraire, on veut les maintenir ouvertes, on les aide, les entreprises, on a le Fonds de solidarité pour investir dans les entreprises. Alors, on n'a sûrement pas l'objectif, dans la sylviculture, d'aller fermer les entreprises sylvicoles.
Maintenant, sur toute la question de la sylviculture, je vais demander à Renaud Gagné de vous parler un peu de l'approche qu'on veut obtenir là-dedans.
M. Gagné (Renaud): O.K. De façon plus particulière, il est évident que, si on met tous les gens au même niveau, dans le sens que, si on peut maintenir des accréditations dans un secteur aussi difficile à recruter, à maintenir ces gens-là au travail, puis qu'on les met tous au même niveau, bien on s'entend-u que les contrats vont être négociés de façon différente? Là, ce qui arrive, c'est qu'on négocie en cherchant toujours le plus pauvre, lorsqu'on veut intensifier de façon majeure l'intervention de la sylviculture pour doubler la ressource. Donc, si on veut investir vraiment dans le doublement de la ressource, ça va nous prendre des gens pour effectuer le travail, ça va prendre des conditions de travail qui vont faire en sorte que ces gens-là vont être intéressés par ces emplois-là. Parce que, là, ce qui arrive, au moment où on se parle, souvent les gens rentrent sur des programmes de formation payés par le gouvernement du Québec ou par Emploi-Québec. Puis, lorsqu'ils se sont qualifiés à l'assurance-emploi, bien: Merci, bonjour, bonsoir, on s'en retourne. Il faut recommencer. Comment d'argent qu'on investit là-dedans?
Donc, je pense qu'on devrait s'assurer de mettre des mécanismes en place pour que ces gens-là puissent accéder à une accréditation puis être capables de la maintenir. À ce moment-là, on va mettre tout le monde au même pied au Québec. On va faire le tour. Les gens qui ne voudront pas, bien de toute façon ils vont suivre la compétition. Dans une coopérative, tu peux soumissionner pour avoir un contrat. Si tu décides de ne pas te syndiquer, bien naturellement tu n'es pas plus fou qu'un autre, tu vas maintenir la norme des prix pour effectuer cette tâche-là. Donc, c'est comme ça que ça va se passer.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Quel va être... Vous parliez tantôt d'une accréditation pour la certification. Vous savez qu'à l'heure actuelle les compagnies vont demander, vont même exiger, dans certains cas, FSC. Et ils n'accepteront pas n'importe quelle accréditation. Il y a un processus d'accréditation, qui est cher, il y a un montant, par année, à être obligé de débourser par les compagnies. On est, à l'heure actuelle, en période de crise. Vous allez dire: Ça ne durera pas. Mais donnons-nous 18, 24 mois avant que ce soit atténué, là. Ils toussent, l'autre côté, on a la grippe ici; on le sait. Donc, pour le moment, on est redevables de... on est... Même si vous dites qu'à travers le monde on est compétitifs, là on fait face à une compétition qui... vous allez voir, elle n'est pas arrivée encore de l'Ouest, là, le «pine beetle» s'en vient, on n'a pas eu leur bois encore, là. On va vivre avec ça. Puis, leurs arbres sont gros de même parce qu'ils les ont travaillés, alors que les nôtres sont gros comme des chicots, qu'on passe en copeaux, là. Donc, quand ils vont arriver avec leur bois, on va encore frapper un autre noeud, puis c'est le cas de le dire.
Donc, comment vous allez aider, vous autres, à la crise qui est là? Comment vous pouvez apporter, au niveau syndical, un apport intéressant, là? Vous êtes des gens qui contrôlez beaucoup de monde, c'est-à-dire que vous avez beaucoup de monde sous votre gouverne, beaucoup de gens se fient sur vous autres pour avoir un certain standing, parce que vous leur apportez des choses. Mais, dans le domaine forestier, qu'est-ce que vous êtes capables d'apporter à l'industrie pour les aider à passer cette crise-là, en plein milieu syndiqué, là?
M. Roy (René): ...capables de leur amener des travailleurs et des travailleuses qui sont sans doute mieux formés, qui sont plus heureux de travailler dans ce domaine-là et qui vont développer de l'expertise dans ce domaine-là en restant au travail, en restant là. On a vu le secteur des mines, M. le député, à un moment donné, là, le secteur des mines est devenu pas compétitif, et les travailleurs ont quitté ce secteur-là. Et, quand le secteur des mines est reparti, il n'y avait pas de travailleurs pour les minières, il n'y avait pas de mineurs. On est en train d'en former, là. On a travaillé avec le gouvernement. On est en train de faire une formation. On a changé les formations pour en obtenir.
Dans le secteur de la forêt, là... vous allez dans les écoles, M. le député, il n'y a plus de jeunes qui sortent en forêt, là, plus de jeunes qui se dirigent vers ça, là. Ce n'est pas intéressant bien, bien de s'en aller vers la forêt, là. Alors, je pense que, si on fait en sorte que le milieu forestier soit plus accueillant, avec des meilleures conditions de travail, soit plus compétitif ? c'est à ça qu'on travaille ? soit plus compétitif... La compétition, là, souvent la rentabilité, ça ne fait pas, au niveau des... vous semblez un peu aligner ça, vous, sur les salaires des travailleurs, là, ça fait beaucoup plus la capacité de la productivité, sa capacité à... des capacités techniques de production qui sont bien plus élevées. Alors, c'est ça, dans la réforme, qu'on a discuté avec... On est avec tous les autres intervenants de la forêt, puis on discute de ces points-là. Il faut baisser le prix de la fibre au Québec. Mais vous avez raison: quand vous arrivez avec un arbre qui a 5 cm, 6 cm de gros, c'est difficile à compétitionner, par exemple, avec les bois du Gabon qui, en 30 ans, obtient des arbres de 2,5 pi sur la souche, là. On est obligés de vivre avec les arbres qu'on a. Mais on a quand même une histoire de la forêt qui a existé ici depuis 100 ans. On a des très beaux succès. Le papier a été excellent ici.
Maintenant, la compétition est à d'autres niveaux. On a tout le recyclage, on a l'eucalyptus du Brésil. Alors, il faut absolument faire en sorte que nos usines soient compétitives. Et, nous autres, on l'a dit souvent aux papetières, qui ont fait beaucoup d'argent, M. le député, elles ont fait beaucoup d'argent, on leur a dit souvent d'investir dans leurs machines. On le leur a dit souvent. Le gouvernement les a aidées des fois. J'ai vu, moi, pendant le début des années quatre-vingt, le gouvernement qui était là à l'époque leur donner des centaines de millions pour les sortir de la merde. On dirait tout le temps que c'est le gouvernement qui est obligé de les sortir de la merde. À un moment donné, c'est à eux autres aussi à investir dans leur machinerie.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, madame. Vous avez... On a travaillé, à l'heure actuelle, ou on va travailler, pour les prochaines semaines, sur un nouveau régime forestier. Vous dites qu'on a oublié le mot «travailleur», dans le mémoire. Et vous, de votre côté, je regrette, mais vous avez quand même oublié le mot «pérennité», pérennité de la nature, protection de la ressource, les arbres, la forêt. On parle aujourd'hui... on veut travailler dans le domaine de la sylviculture puis on voudrait donner une garantie de travail. Je m'excuse, mais je vais essayer de comprendre comment vous pouvez faire pour faire garantir à un employé syndiqué qu'il va avoir du travail en forêt avec un salaire que vous calculez décent, qui à l'heure actuelle est un salaire, pour les gens qui nous écoutent, là, de 600 $ par semaine en moyenne, quatre jours par semaine, parce que ces gens-là travaillent quatre jours par semaine. Donc, faites le tarif horaire. Ils commencent de bonne heure le matin, terminent fin de la journée. On sait qu'ils travaillent fort. Donc, c'est un salaire moyen, en général, de 20 $ de l'heure, qui aujourd'hui est un salaire qui est quand même potable dans l'industrie. Donc, qu'est-ce que vous allez leur apporter de plus?
Puis, la fameuse garantie de travail, comment on peut faire pour, en sylviculture, alors qu'on n'a jamais mis une cenne dans ça, ou très peu... On a mis par rapport aux redevances, mais on n'a rien mis, là, oublions ça, on n'a rien mis en... Comment vous allez faire, vous autres, pour faire que le gouvernement va en mettre tellement qu'ils vont pouvoir avoir une job stable en sylviculture?
La Présidente (Mme Gonthier): En une minute, M. Roy.
Une voix: M. Gagné.
La Présidente (Mme Gonthier): Ah!
M. Gagné (Renaud): Écoutez, je veux dire, dans les propositions du gouvernement, ce qu'on nous dit, c'est qu'on va mettre du bois en marché pour financer toutes ces activités-là. Donc, on devrait techniquement faire un zonage assez grand, dans le cadre d'une intervention, pour ne pas que ce ne soient que des petites parcelles qui vont m'assurer du travail pour quatre semaines, cinq semaines, six semaines. Donc, si on veut avoir des entreprises certifiées, il faut qu'il y ait une stabilité. Donc, si on fait une planification à moyen terme dans de l'intensification, j'imagine qu'on va être assez intelligents pour ne pas créer 75 entreprises s'il y a du travail pour en avoir pour six. Puis ces gens-là devraient travailler dans des conditions... Quand vous me dites 600 $ par semaine, je ne suis pas sûr qu'en Abitibi, là... On est en train de faire une étude justement sur le nombre de tiges à l'hectare mises à terre, là, parce que les tableaux ne correspondent pas du tout avec les tables du gouvernement. Donc, les gens ne font pas du tout les salaires que vous prétendez. Donc, c'est facile de lancer ça, là, 600 $, là. Il peut y en avoir un, deux, mais, quand on regarde la majorité des travailleurs, je suis loin d'être convaincu que c'est ces conditions-là puis c'est ces salaires-là.
La Présidente (Mme Gonthier): Il reste 30 secondes. Alors, M. le député de René-Lévesque, s'il vous plaît.
n(14 h 40)nM. Dufour: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, écoutez, M. Chapadeau, M. Lemay, M. Roy, M. Gagné, on n'a pas beaucoup de temps. Je disais ce matin, dans mes remarques préliminaires, que j'avais l'impression qu'on faisait du surplace puis qu'on avait reculé jusqu'avant l'avant-sommet, l'année dernière, par rapport au document de travail qu'on a au moment où on se parle. Vous avez fait la nomenclature puis, je regarde, vous avez manifesté en avant du parlement. Il y a un communiqué qui a été envoyé sur certains critères au niveau des droits pour les travailleurs, donner suite au consensus sur le sommet. Je regarde la Déclaration commune, où est-ce qu'il y a 15 personnes qui ont signé le document. Ce n'est pas à peu près, ça, là. Il y a 15 personnes qui ont signé ce document-là au sommet l'année dernière. Et, si je ne me trompe pas, il y a eu des consultations à aller jusqu'au mois de juin, parce qu'il y a eu des comités sectoriels qui ont été mis en place. Le monde ont mis la main à la pâte. Il y a eu des consensus qui se sont dégagés.
Grosso modo, ce que je veux savoir de vous, c'est quels sont les principaux consensus qu'ils avaient dégagés depuis la signature du sommet à aller jusqu'au document de travail, aujourd'hui, ce que... Puis j'ai l'impression que ce que vous avez discuté ne se retrouve pas dans le document de travail. Donc, c'est un recul pour vous, ce que je comprends. Mais ça ne veut pas dire que vous ne voulez pas avancer dans le dossier. Vous ne voulez pas du statu quo non plus. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Roy (René): Bon, vous avez résumé pas mal notre pensée, de la manière que vous l'avez dit, parce que c'est un peu ce qu'on disait à la ministre tout à l'heure. On avait un sommet, on a participé à ce sommet-là, même qu'on y avait été un peu de reculons parce qu'on trouvait que les choses n'avançaient pas dans la bonne direction. On s'est assis à ce sommet-là puis, avec les autres partenaires, qui, soit dit en passant, là, ne sont pas tous des prosyndicaux, M. le député, alors on a réussi à dégager des consensus après beaucoup d'heures de discussion.
Alors, nous, on pensait que ça, ça ferait la base, ce serait la base de tous les documents de travail qui ont sorti. Le document, le livre vert qui est sorti au mois de mars, bien, lui, il situait la situation largement, correctement, je pense. Et puis on ne s'attendait pas, dans le livre vert, à ce qu'ils reprennent chacun des consensus mais quand même qu'ils s'en aillent dans cette direction-là.
Alors, on en a fait part au ministre de l'époque dans une réunion après le livre vert, et puis, là, on nous avait dit: Il va y avoir un avant-projet de loi, vous allez être consultés, de l'avant-projet de loi. Puis l'avant-projet de loi va nous permettre, vous savez, de brasser tout ça, parce qu'on n'est pas si pressés que ça, là, les CAAF sont conduits et reconduits jusqu'en 2013, alors on a le temps de faire cette réforme-là. Elle doit être faite. Vous avez raison, on n'est pas en faveur du statu quo, puis elle doit être faite. Et puis on s'attendait justement dans... finalement, au mois de juin, que, dans l'avant-projet de loi, on retrouverait ça, on retrouverait plus les consensus.
Alors, on a été fort désappointés du document de travail, document de travail qui a été déposé le 19 juin, vous savez. En tout cas, juste le titre, si vous regardez le titre, ce n'est plus la réforme du secteur forestier, c'est l'occupation du territoire québécois. Comment est-ce que ça dit ça, là?
M. Dufour: C'est L'occupation du territoire forestier québécois et la constitution des sociétés d'aménagement des forêts.
M. Roy (René): Oui. Vous savez, c'est juste un aspect de toute la réforme forestière, ce document de travail là. On a eu deux... On était supposés avoir des études d'impact, on a eu deux études d'impact, une sur la mise en... C'est ça, une sur la mise aux enchères, c'est ça?
Une voix: Bureau de mise aux enchères puis sur l'évaluation des coûts de la fibre.
M. Roy (René): Les coûts de la fibre. On a deux études d'impact. Alors, on a progressé. Mais ce qui nous déplaît le plus là-dedans, c'est que les consensus ne sont pas là, puis les droits des travailleurs, c'était nulle part.
M. Dufour: Bien, pour... Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Vous pourrez renflouer, M. Gagné, mais il y a un élément qui est important, puis c'est une question que je me pose par rapport aux liens juridiques et les requêtes en accréditation, parce que ça me fait de quoi, ce que vous dites là, là. Parce qu'on est en 2008, aujourd'hui, puis j'ai déjà dit, dans des commissions parlementaires, qu'on est obligés de se cacher la nuit pour signer des cartes puis déposer, le soir, des requêtes en accréditation parce qu'il y a des mesures de représailles contre les travailleurs. Je le sais, comment ça fonctionne.
Alors, vous êtes en train de me dire que, dans la nouvelle réforme, ça va prendre un mandataire puis qu'on arrête de courir après des numéros pour savoir si c'est vraiment lui, l'employeur unique. Donc, ça prend un lien juridique pour faire sûr que, quand on dépose des requêtes en accréditation, il y ait une pièce maîtresse, que ce soit lui, le donneur d'ouvrage. Ça, je le comprends. Mais est-ce que, pour ça, on se doit d'ouvrir le Code du travail ou on a tous les outils nécessaires dans la loi sur la forêt? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Gagné (Renaud): Bon. Deux choses, là. Je voulais reprendre un peu à la suite de tantôt, là. Dans le cadre de la crise forestière, on avait une priorité de l'industrie, là-dedans, qui était de consolider l'industrie. Ça, je pense qu'on n'en a pas parlé beaucoup, là, mais ça, là, ça a été un élément majeur dans nos discussions, qu'on appelle les mesures à court terme. Donc, il fallait consolider, il fallait transférer des volumes de bois de l'usine a à l'usine b.
Mais le problème, c'est qu'on ne s'est pas donné les outils. On aurait pu faire ça aussi bien dans le projet de loi, au mois de décembre, l'année passée, l'intégrer puis dire: Regarde, quand il y aura consolidation, bing, bang, bang, ça va être fait. Mais, le problème, c'est qu'on n'en a pas besoin, parce que, votre seconde question, selon nos aviseurs légaux, on n'a pas besoin de toucher au Code du travail; on peut mettre dans la réforme les outils nécessaires pour gérer le cadre juridique qui va faire le lien avec le Code du travail. Donc, nos aviseurs légaux nous disent: Vous n'avez pas besoin de changer le code; faites l'harmonisation avec la Loi sur les forêts dans la réforme et vous allez pouvoir le faire.
Donc, c'est ça qu'on a demandé dans un premier temps. On a voulu consolider l'industrie, qui se plaignait qu'elle perdait de l'argent à tour de bras, on voulait que des gens puissent partir à la retraite et garder les plus jeunes pour ne pas avoir à réinvestir puis perdre ces employés-là, puis on a dit: Par la suite, on va développer.
Oui, on est pour le développement durable. Oui, on est pour les consultations élargies; on avait un consensus total là-dedans, y incluant avec les premières nations. Tu sais, on n'est pas contre ça, là. L'idée, c'est... Ce qu'on veut savoir, c'est: Si, dans le nouveau mode de tenure, qu'on appelle, là, on change les règles du jeu, bien les travailleurs vont se situer où? Comment on va répondre, nous autres, dans les milieux, autant le gars qui travaille en scierie, autant le gars qui travaille en forêt, autant la personne qu'on avait syndiquée en sylviculture, qui a perdu son emploi?
Donc, c'est quoi, les réponses? Le problème, c'est qu'on n'en a pas. On en a demandé. Tout le monde est sensible lorsqu'on en parle, au niveau des représentants, autant des gens qui siégeaient avec nous autres dans le cadre du sommet, ou de M. le ministre Béchard, mais le problème, c'est qu'on ne retrouve pas ça dans le document.
Donc, quand les gens, nous autres, sont en mesure de lire ces informations-là sur Internet, ils disent: Bon, bien, là, ça brouille nos affaires. Ça brouille nos affaires par rapport à la réforme de 1986 où, dans l'espace de quatre ans, on a perdu 2 000 travailleurs syndiqués qui avaient un beau petit régime à cotisation déterminée, qui avait été mis en place en 2004, puis que ces gens-là ont été obligés d'aller travailler à 50 % des conditions de travail qu'il y avait avant.
Donc, comment on va recruter la main-d'oeuvre future, c'est la grande question qu'on va avoir dans le temps, là, parce qu'il n'y en aura pas.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Dans les rencontres que vous avez eues, que ce soient sectorielles ou... puis vous avez parlé du ministre, le ministre en titre, bien entendu, est-ce que vous avez déjà formulé ces demandes-là au ministre, par rapport aux attentes que vous aviez? Ça, c'est un.
Deux, il y a eu des études d'impact qui ont sorti effectivement le 5 septembre, si je ne me trompe pas, CERFO et Del Degan, bon. On parle du transport du bois, des marchés des bois, mais il n'y a pas, au moment où on se parle, d'étude d'impact non plus par rapport aux travailleuses puis aux travailleurs.
M. Gagné (Renaud): Ça, c'est clair, c'est un élément qu'on pense qui devrait être là pour être capables d'expliquer à notre monde: Voilà ce que le nouveau mode de tenure va apporter. Quand on enlève 25 %, quand j'achète ce bois-là aux enchères, qui va le couper? Au niveau des opérations, comment ça va aller, mon accréditation? Comment je vais travailler là-dedans? Est-ce qu'on va tous tomber demain matin, comme ça a été le cas en 1986, 25 employeurs dans la même aire commune, puis là on se passe la balle?
Les forêts de proximité... On ne peut pas être nécessairement contre une forêt de proximité, mais les gens, dans le territoire où ils effectuaient ces travaux-là, est-ce qu'ils vont le conserver ou ils ne le conserveront pas? C'est toutes ces questions-là qu'on demande. On dit: Donnez-nous une étude d'impact là-dessus.
M. Dufour: Alors, écoutez, moi, ce matin, je disais dans mes remarques préliminaires: Au-delà du passé, qui n'est jamais garant de l'avenir... Et j'étais au congrès des ingénieurs forestiers, la semaine dernière, où est-ce que la ministre a intervenu devant les ingénieurs en disant qu'il y a des partenaires, elle est là pour écouter, on est là pour faire avancer le dossier, puis il faut que tout le monde mette la main à la pâte; on est dans un régime forestier, prenons les termes appropriés... Alors, est-ce que vous pensez que... Oui, effectivement, les contrats sont jusqu'en 2013, mais les allégations, où est-ce que vous nous dites, tout à l'heure: Il n'est pas trop tard pour faire avancer le dossier, même si c'est un document de travail, est-ce que vous êtes encore de la partie pour être capables de faire avancer correctement ce dossier-là? Parce que là on est en mode écoute, au moment où on se parle. Il y en a d'autres, organisations syndicales, qui vont venir, les conférences régionales des élus vont venir; le consensus qui s'avait dégagé peut toujours être là s'il y a du concret puis des écrits.
M. Gagné (Renaud): Moi, je pense qu'à ce stade-ci...
La Présidente (Mme Gonthier): En 30 secondes, s'il vous plaît.
M. Gagné (Renaud): Rapidement, là, là-dessus, là, c'est que, si on prévoit un régime forestier pour les 25 prochaines années, comme on vient d'en vivre un, là, bien il faudrait prendre le temps de nous donner tous les outils pour l'avancer. Actuellement, on continue à travailler avec les partenaires avec lesquels on a travaillé dans le cadre du sommet pour essayer de dégager d'autres pistes de solution qui n'ont pas été traitées, ou essayer de convaincre la ministre ou le ministère de nous fournir ces informations-là pour qu'on puisse avancer dans le dossier.
La Présidente (Mme Gonthier): Merci, messieurs. Alors, nous allons suspendre quelques minutes, le temps que les représentants du Centre d'étude de la forêt prennent place à la table. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 50)
(Reprise à 14 h 53)
La Présidente (Mme Gonthier): Alors, nous accueillons maintenant le Centre d'étude de la forêt, de l'UQAM. Je demanderais au représentant de s'identifier et d'identifier les personnes qui sont avec lui. Vous avez 10 minutes de présentation, et on a 35 minutes séparées entre les différents groupes pour l'échange. Alors, messieurs.
Centre d'étude de la forêt (CEF)
M. Messier (Christian): Oui. Bien, bonjour, merci de nous accueillir aujourd'hui. Comme vous l'avez mentionné, nous représentons le Centre d'étude de la forêt. Mon nom est Christian Messier, je suis le directeur du Centre d'étude de la forêt, je suis aussi professeur d'écologie forestière à l'Université du Québec à Montréal. À ma droite, Frédéric Raulier, professeur d'aménagement forestier à la Faculté de foresterie et de géodésie de l'Université Laval; et, à ma gauche, Hugo Asselin, professeur en foresterie autochtone, titulaire de la Chaire du Canada en foresterie autochtone de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
Bon, je vais vous donner quelques mots sur le CEF. On devrait... on aurait dû inviter les 51 chercheurs, donc on est 51 chercheurs répartis dans huit universités au Québec: Laval, l'UQAM, l'UQAT, McGill, Sherbrooke, Concordia, Université de Montréal, l'UQAC. Et le CEF est vraiment un centre d'étude qui vise à essayer d'améliorer nos connaissances sur le rôle fonctionnel des organismes et des processus dynamiques en forêt et aussi de trouver des alternatives innovatrices en matière de gestion des forêts.
Peut-être que ça ne vous dira pas grand-chose, mais, au cours des cinq dernières années, le CEF, les chercheurs du CEF, les étudiants, et tout ça, on a publié 760 publications scientifiques. En moyenne, on est 300 étudiants de maîtrise, doctorat, recherche postdoctorale, et on obtient en moyenne un subventionnement de 26 millions de dollars par année. Le centre, le CEF est vraiment le groupe de recherche le plus gros au Canada, reconnu mondialement et aussi reconnu et financé par un programme stratégique, FQRNT.
Donc, lorsqu'on a vu le livre vert et qu'on a vu le nouveau document, on a réagi, on vous a envoyé des commentaires, certains positifs, certains un peu moins positifs. Donc, on va essayer de faire ressortir peut-être les éléments autant positifs et négatifs de ce qu'on voit d'un côté scientifique. On est ici pour parler de science, parler de ce que... la science, comment elle peut nous aider à développer un régime forestier intéressant et qui tient en compte des connaissances actuelles.
D'entrée de jeu, on parle beaucoup de... enfin on définit la forêt souvent en fonction des ressources forestières, et ça, je vous dirai que, parmi mes collègues, c'est un terme qui nous agace un peu, et je vais revenir là-dessus un peu plus tard. Mais le terme «ressources forestières» fait souvent ressortir des fonctions seulement utilitaires de la forêt, et, la forêt, c'est beaucoup plus que ça, et c'est peut-être une des choses qu'on aurait aimé voir clairement ressortir du document.
Tous les services que les écosystèmes forestiers fournissent, des services qui sont souvent non quantifiés ou difficilement quantifiables, et là je parle biodiversité, qualité de l'eau, les échanges au niveau des grands cycles planétaires, autant carbone, azote, et aussi tous les aspects plus spirituels de la forêt... Donc, il ne faut pas définir la forêt seulement comme une ressource qu'on peut exploiter, mais vraiment comme un milieu de vie qui protège la biodiversité, qui maintient la qualité de l'eau et évidemment tous les grands cycles de carbone.
Si on va au niveau... D'ailleurs, j'aimerais proposer qu'on donne un mandat supplémentaire au chef forestier, qu'on lui demande de faire pas seulement l'évaluation du calcul de la possibilité forestière, mais le calcul de tous les services que les écosystèmes forestiers nous rendent, pour arriver à peut-être prendre une décision plus éclairée de ce qu'on devrait faire avec la forêt.
Actuellement, le Forestier en chef a le mandat seulement de calculer la quantité de fibre et non pas tous les autres services. Et il y a des organismes qui quantifient que les autres services ont une valeur, si on la met en termes de dollars, plus élevée que la quantité de fibre. Bon.
L'approche par objectifs, c'est quelque chose... D'ailleurs, au CEF, plusieurs chercheurs du CEF le mentionnent depuis plusieurs années, c'est quelque chose qui est très important. On doit sortir de ces réglementations-là qui sont très restrictives et aller par une approche par objectifs. Une des inquiétudes, c'est: Qui va s'assurer que ces objectifs-là sont bien remplis? Et certains ont mentionné que peut-être on devrait revenir à l'idée d'un vérificateur ou une vérificatrice des forêts qui aurait comme rôle de vérifier que les objectifs sont bien atteints, si on s'en va vers un aménagement par objectifs.
Sylviculture intensive. Oui, vous savez, plusieurs projets de recherche intéressants sur la sylviculture intensive, on pense que c'est une solution intéressante. On pense qu'on devrait développer ce volet-là encore plus, bien qu'on ne mentionne pas, et ça, c'est une inquiétude de certains membres, le mot «ligniculture». D'ailleurs, on a un réseau ligniculture Québec très dynamique. Il y a beaucoup de choses qui sont faites. Le Québec est beaucoup en avance sur d'autres provinces là-dessus, et on ne mentionne pas le mot «ligniculture», qui nous permettrait de produire de grandes quantités de bois sur de petites surfaces et en peu de temps.
Il y a quelques mentions du mot «changements climatiques», et ça, ça nous a étonnés, parce que je vous dirais que c'est une de nos grandes préoccupations, les changements climatiques. Et, dans les 50 prochaines années, le climat du Québec va être relativement... je dirais totalement même, différent du climat qu'on a actuellement. Et on doit déjà commencer à se poser des questions. Comment nos forêts vont s'adapter à ça? Et une des leçons ou peut-être des choses qu'on devrait retenir, c'est que, pour assurer que les forêts puissent s'adapter le mieux possible, on devrait maintenir le plus de complexité dans nos forêts. Ça, c'est vraiment un gage... Il y a plusieurs études théoriques, partout dans le monde, qui montrent que plus une forêt est diversifiée et complexe, plus elle a des chances de s'adapter à des grandes perturbations ou des changements. Donc, il ne faut surtout pas simplifier nos forêts, et ça, je pense que ça va être un objectif de l'aménagement écosystémique.
Un zonage fonctionnel. Il y en a qui vont me reconnaître, je suis aussi très impliqué dans un projet, Triade, en Mauricie. D'ailleurs, on a un colloque cette semaine, je vais faire de la publicité, on vous invite. C'est à Shawinigan, deux jours, venez en grand nombre. Bon. Voilà. Et je vous dirais que la plupart des membres au CEF sont très ouverts et aiment beaucoup l'idée de zonage forestier. Je pense que les travaux nous montrent que déjà c'est socialement, économiquement et même environnementalement intéressant.
n(15 heures)n Une chose qui nous avait agacés dans le premier livre vert, d'ailleurs qui est évacuée dans le nouveau document, c'étaient des pourcentages. Il ne faudrait pas déjà dire que dans l'ensemble du Québec, dans toutes les régions, il va y avoir un certain pourcentage d'aires protégées, d'intensif ou d'écosystémique. Ça devrait varier d'une région à une autre selon les besoins. Il faut être flexible puis il faut vraiment regarder c'est quoi, la situation de chaque région, et ça rentre un peu dans la gestion par objectifs. Donc, chaque région devrait définir c'est quoi, ce zonage-là selon les besoins.
Je vais lire en fait la conclusion de notre mémoire puis je vais laisser mes collègues peut-être dire quelques mots. Parce que, bien qu'on avait bien aimé le document globalement, je vais lire ce qu'on avait dit. Nous croyons qu'il est temps pour ce nouveau régime forestier de faire table rase de nos concepts forestiers archaïques, vieux de plus de 300 ans, de développer un régime qui reflète bien nos nouvelles compréhensions de la complexité des écosystèmes forestiers, des nombreux services sociaux, économiques et environnementaux, souvent non quantifiés ou quantifiables. De cette façon, le Québec pourra devenir un chef de file mondial en termes de son utilisation durable des forêts. Et on disait aussi que le Québec possède de nombreux atouts, mais qu'il faudrait apprivoiser ce qu'on a appelé les vieux démons forestiers. Ça veut dire qu'on a encore une vision très mercantile, forestière, la forêt fibre, bois. Et la forêt, pour l'ensemble de la population, c'est beaucoup plus que ça, et je pense que c'est le temps que le régime s'adapte à ces concepts-là. Donc, s'il nous reste quelques minutes...
La Présidente (Mme Gonthier): 1 min 30 s.
M. Messier (Christian): 1 min 30 s. M. Raulier.
M. Raulier (Frédéric): Donc, mon niveau de compétence se situe au niveau du calcul de possibilité forestière, donc il est très pointu, donc. C'est une bonne idée dans le fond, au niveau du calcul de possibilité, de distinguer la durabilité du besoin des industries forestières. C'est un peu ce qui avait causé un problème de manque de confiance au niveau du public, avec le rendement soutenu puis le calcul de possibilité, Donc ça, c'est vraiment excellent, je pense, au niveau de la réforme du régime forestier. Par contre, ce qui est mauvais, c'est qu'il n'y a aucune place qui est laissée à l'incertitude. Or, quand on fait un calcul de possibilité sur 150 ans, il faut bien se rendre compte que, bien, les forêts, c'est un système naturel fortement dépendant justement au climat. Je me suis dit que c'est très, très difficile de prédire le futur sur 150 ans, il faut bien se rendre compte.
Donc, ce qui veut dire que pourtant ça a des impacts dans le document de travail, que ce soit au niveau du zonage, puisqu'on va vouloir répartir des zones d'aménagement de sylviculture intensive avec... d'aménagement écosystémique, il va falloir penser au niveau de productivité ou même d'aires protégées; ça a des impacts dans les décisions prises par le ministre. Par exemple, dans le point 7.6, le ministre ne tient pas compte du niveau d'incertitude qu'il y a dans les calculs, c'est-à-dire qu'au moment de l'attribution des bois... C'est-à-dire qu'il ne se laisse aucune réserve, aucune chance dans le fond de se tromper. Or, la seule chose dont je suis certain, c'est que c'est sûr qu'on va se tromper, puisque c'est facile de prédire le passé, mais c'est très difficile de prédire le futur.
La Présidente (Mme Gonthier): En conclusion, s'il vous plaît.
M. Raulier (Frédéric): Donc, dans un cas de gestion par objectifs, où l'imputabilité de l'ingénieur devient beaucoup plus élevée, si on ne tient pas compte de l'incertitude, bien comment est-ce qu'un pauvre ingénieur, au bout de 20 ans, va être capable de se défendre face au fait qu'il n'y soit pas arrivé, donc?
La Présidente (Mme Gonthier): Merci. Mme la ministre.
Mme Boulet: Alors, merci beaucoup, M. Messier, M. Raulier et M. Asselin. Alors, très intéressant de vous entendre parce que vous êtes des spécialistes, des experts, des chercheurs, à la limite, là. On vous remercie beaucoup de prendre un peu de temps pour nous. Moi, j'ai trop de questions pour le temps que je vais avoir, mais je vais commencer, Christian, si tu me permets, par un commentaire que tu as dit, puis tu nous as dit qu'il faut maintenir plus de complexité dans la forêt. Moi, il me semble que c'est déjà assez complexe. Je ne sais pas, là, mais il me semble que ce n'est pas ça qui manque. Alors, en quoi ça pourrait aider d'être encore plus complexe que ce ne l'est actuellement?
M. Messier (Christian): Oui, c'est une très bonne question. C'est très complexe, mais il faut voir que, dans l'ancien régime, l'objectif, c'était de simplifier les forêts. Quand on parle de normalisation de la forêt, on parlait de transformer des forêts avec plusieurs espèces, en ayant une espèce ou quelques espèces. Donc, l'objectif forestier traditionnel a toujours été de simplifier les forêts, et là on sait que des forêts simplifiées sont plus susceptibles à peu près à toutes les perturbations, le climat, etc. Heureusement, et là je vais dire une petite critique, on n'a pas été assez bons, on n'a pas réussi à simplifier les forêts comme les Européens ont fait, heureusement on a encore des forêts assez complexes, mais il ne faudrait pas, dans le nouveau régime, justement continuer à viser cette simplification. On doit accepter l'incertitude, le fait que les forêts, c'est complexe, et chaque peuplement, là, essayer de prédire quelle va être la forêt de ce... Après une coupe de repeuplement, c'est presque impossible, et on devrait vivre avec ça, on devrait accepter cette complexité-là au lieu de la combattre en essayant de la simplifier ou en essayant de le prédire sans être capables de le faire.
Mme Boulet: J'aimerais savoir ce que vous pensez de la certification des pratiques forestières, là, le fait qu'on certifie, qu'on demande finalement aux entreprises qui font de la sylviculture d'être certifiées pour être certains d'avoir encore de meilleure qualité finalement des travaux qui seront faits, pour s'assurer du rendement éventuellement de ce qu'on réalisera comme plantation, pour s'assurer que... en fait qu'on mette toutes les conditions optimales pour qu'on ait les résultats escomptés au bout de 20 ans, au bout de 30 ans, là.
M. Messier (Christian): Je vais laisser mon collègue Hugo dire quelques mots.
M. Asselin (Hugo): Oui. C'est ça, la certification, c'est très important, et ce qu'il est important aussi de comprendre, c'est que la certification s'occupe des moyens de faire de l'aménagement forestier durable. Mais il faut aussi s'attarder aux fins et aux résultats, donc. L'approche qui est proposée, par résultats, est intéressante à cet égard, mais on ne dit pas nécessairement, ou en tout cas ça demeure trop flou à mon avis, comment on va vérifier si les résultats sont obtenus. Et il y a une approche, qui s'appelle les critères et indicateurs d'aménagement forestier durable, donc qui est une démarche un peu qui ressemble à la démarche de certification mais qui, au lieu de regarder qu'est-ce qu'on doit faire pour peut-être obtenir un résultat, regarde: Est-ce qu'on a obtenu le résultat, peu importe la façon dont on s'est rendu? Il faut regarder le problème par les deux bouts, là, si on veut. Et les critères et indicateurs nous permettent, et c'est ça qui est intéressant, de tenir compte des particularités locales et donc d'adapter à chaque région notre lorgnette, notre façon de voir les choses.
Alors, c'est important, la certification, et de toute façon c'est une roue qui tourne, et maintenant le train est parti, il faut embarquer, là. Il y a de plus en plus d'entreprises, de compagnies et même de pays qui sont tournés vers le bois certifié, et on ne peut pas se permettre de passer à côté, je pense.
M. Messier (Christian): Si vous me permettez, juste un petit mot là-dessus. Moi, j'ai déjà participé à des audits environnementaux de FSC. La situation canadienne et québécoise est un peu difficile. Imaginez-vous, vous avez un territoire forestier qu'un forestier de compagnie doit aménager, qui doit être évalué par les forestiers du gouvernement et souvent par d'autres experts venant d'une certification privée. Ça ne fait pas un système selon moi très efficace. Il y a beaucoup de gens qui travaillent à s'autovérifier, parce que personne ne se fait confiance, et on veut rassurer le public en disant: On s'autovérifie. Mais ce n'est pas très efficace, et je pense qu'on devrait essayer de trouver une façon de rendre cette certification-là plus efficace et ne pas avoir des dédoublements.
Et je vais vous donner un exemple de la réglementation, je voulais vous le donner, mais ça m'avait frappé. Vous imaginez qu'il y a une loi qui dit qu'il faut faire de la CPRS, de la coupe avec protection de la régénération des sols, partout. Vous avez un peuplement de pins gris, en Abitibi, qui ne se régénère pas, qui n'a pas de régénération sous couvert, mais la compagnie doit faire une coupe avec protection de la régénération et des sols, même s'il n'y a pas de régénération, malgré le fait que le traitement sylvicole approprié, dont tout le monde est d'accord, c'est d'aller scarifier ce site-là et d'aller planter. Et là vous avez deux ingénieurs, un, du gouvernement et, deux, de la compagnie qui se regardent en disant: Aucun bon sens, mais c'est le règlement. Donc, il y a de la place à amélioration.
Mme Boulet: Il faut se servir de son jugement dans ce temps-là, M. Messier.
M. Messier (Christian): Oui, mais il y a la réglementation qui nous empêche...
Mme Boulet: Oui, mais...
M. Messier (Christian): Oui.
Mme Boulet: J'aimerais vous entendre sur la biomasse. Parce que, quand vous avez remis votre mémoire au livre vert, vous avez dit que... en fait vous n'étiez pas... en tout cas vous n'étiez pas totalement en accord avec le fait qu'on utilise la biomasse pour des fins énergétiques, que, selon votre estimation, la biomasse servirait à protéger ou du moins à nourrir notre forêt, là, ou à l'alimenter. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que sincèrement, dans plusieurs pays à travers le monde, ils utilisent la biomasse forestière, ou que ce soit agricole, ou les résidus, déchets en fait pour diminuer la dépendance aux hydrocarbures, pour augmenter la compétitivité des entreprises. Alors, j'aimerais vous entendre au niveau de la biomasse. Quelle est votre lecture comme scientifique?
n(15 h 10)nM. Messier (Christian): Je vous remercie de m'avoir posé la question. Je voulais en parler, mais je savais que je n'aurais pas le temps. Mais là vous m'ouvrez la porte, c'est parfait. Oui, on est inquiets, puis on va vous expliquer pourquoi. Parce que la tendance actuelle en foresterie, quand on aménage la forêt de façon plus intensive, c'est d'enlever les bois morts, les chicots, de simplifier la forêt. Et, dans le livre vert, on nous disait qu'il y avait encore beaucoup de biomasse non utilisée qu'on pourrait utiliser pour faire de l'énergie, quand justement un des principes de base de l'aménagement écosystémique, c'est de laisser de la biomasse sur le terrain parce qu'il y a beaucoup d'organismes vivants: insectes, oiseaux, plantes, qui ont besoin de cette biomasse-là. Donc, quand on va faire de l'aménagement écosystémique, il va falloir retirer moins de biomasse de la forêt, en laisser plus en forêt pour maintenir l'intégrité écologique de nos écosystèmes forestiers. Donc, si on continue à produire du papier et du bois et on veut rajouter la production d'énergie, on va détruire nos écosystèmes forestiers, mais, si on remplace, parce que là il y a des usines qui ferment, il y a moins d'utilisation, on peut utiliser le bois au lieu de produire du papier journal, si la demande diminue, on pourrait faire de l'énergie. On pourrait avoir des aménagements intensifs en ligniculture et avoir des productions pour l'énergie, oui. Donc, il y a de la place, mais pas d'aller ramasser tous les débris qui traînent. J'ai vu ça en Finlande et en Suède. On enlève les souches, on enlève les racines des forêts pour faire de la biomasse, pour faire de l'énergie, quand il ne reste presque plus de biomasse, et eux ont des problèmes, des milliers d'espèces qui sont menacées de disparaître. Donc, il ne faut pas aller faire la même erreur. Donc, il y a de la place, mais il faut s'assurer qu'on protège les écosystèmes et qu'on maintient une quantité de biomasse pour la biodiversité.
Donc, c'était un peu le bémol. On ne pourrait pas produire du bois, du papier, du papier journal et en plus de la biomasse, à moins de produire de façon beaucoup plus intensive et investir beaucoup en ligniculture et en sylviculture intensive.
Mme Boulet: Mais, Christian, t'as-tu un pourcentage? Tu sais, est-ce que, mettons, il faudrait garder 60 % de biomasse sur le territoire, puis on pourrait à la limite prendre 40 %? Y a-tu un ratio qui pourrait être respecté, qui atteindrait les objectifs mutuels de la régénération de la forêt en même temps que la production d'électricité?
M. Messier (Christian): Je vous dirai: Il n'y a pas un ratio. Évidemment, ça varie selon les espèces, mais il y a beaucoup d'études là-dessus. Quand on parle d'aménagement écosystémique, justement il y a plusieurs essais qui se font d'ailleurs. Combien de biomasse on doit laisser pour satisfaire les besoins en biodiversité? On a des éléments de réponse, et ça varie d'un écosystème à un autre, évidemment. C'est complexe.
Mme Boulet: O.K.
M. Messier (Christian): Et, oui, on a des éléments de réponse, et c'est juste qu'on voulait s'assurer que, si on met de l'aménagement écosystémique en place, on ne va pas d'un autre côté aller en chercher, parce qu'on va dire: C'est vert d'aller utiliser la biomasse forestière, mais pas si on détruit les écosystèmes forestiers. Mais on a...
Mme Boulet: Mais j'aimerais... Oui, j'aimerais ça que vous me reveniez, Christian.
M. Messier (Christian): Mais on a des données là-dessus.
Mme Boulet: Puis, dernier point, vous parlez de Triade, et on en est très fiers, ce qui démontre que... Vous savez, ça a fait la preuve ou la démonstration qu'en région on s'est pris en main puis on a projeté ou on a eu la vision d'un développement de territoire. Alors, à ce sujet-là, je voudrais juste vous entendre: Est-ce que vous pensez, la décentralisation ou la régionalisation... Est-ce que les régions sont capables de prendre leur développement au niveau des ressources naturelles? Est-ce que vous pensez qu'ils ont... Bien, à la limite, c'est certain que ça va prendre des gens, des experts avec eux, là, mais est-ce que vous pensez que c'est bien de leur donner plus de pouvoirs à cet égard-là?
M. Messier (Christian): Bien, le mémoire, encore une fois, est un peu ambigu; oui et non. C'est sûr que c'est un bel exemple. Les gens sont pris en charge. D'ailleurs, les gens étaient tannés de réagir aux problèmes qui leur tombaient dessus, ils nous ont dit: On aimerait développer un projet pour être un peu à l'avant-garde, et c'est ça, le projet Triade. Et je pense que les gens se sont consultés, et c'est un bel exemple de mise en commun de l'expertise locale.
Une des choses qui nous inquiètent, au CEF, c'est qu'il ne faudrait pas penser que la forêt régionalement appartient seulement aux gens qui vivent en région. Et, bon, moi, étant un Montréalais, je sais, on est des gros méchants, à Montréal, mais j'ai quand même l'impression que les forêts de la Côte-Nord et les forêts de l'Abitibi, c'est mes forêts aussi, et que je ne voudrais pas que les gens localement aient tous les droits de faire ce qu'ils veulent avec ces forêts-là. Je pense qu'il faut garder une certaine balance. Mais, l'idée de décentraliser, on n'est pas contre, de donner beaucoup plus de latitude au niveau des régions, on n'est pas contre, mais il faudrait avoir des balises nationales pour s'assurer qu'il y a des objectifs de biodiversité et de maintien de la qualité des écosystèmes qui sont maintenus à l'intérieur de ces balises-là. On n'a évidemment aucun problème.
Une voix: ...
M. Asselin (Hugo): Oui. Bien, en fait, moi aussi, je suis pour une certaine forme de régionalisation ou de décentralisation. Cependant, ce sera important de donner aux régions les moyens de leurs ambitions. Et là ni dans le livre vert ni dans le document de travail on n'avance vraiment de chiffres ou même d'où va provenir l'argent et aussi les ressources humaines pour que ça se fasse harmonieusement et sans heurt. Il y a certaines suggestions très, très timides, mais ce n'est vraiment pas clair, et, sans moyens, il ne se passera rien, ça, c'est sûr et certain.
Et l'autre chose aussi, c'est qu'il est question... Il y a un mot clé qui revient souvent dans les deux documents, et c'est «gestion intégrée des ressources». Puis, dans «gestion intégrée des ressources», il y a le mot «intégrée» puis le mot «des» qui sont importants. Et donc «des ressources», ça veut dire qu'il n'y a pas juste la matière ligneuse, il y en a plein. Il faut en ternir compte, Christian l'a mentionné tantôt, mais je pense que c'est important de le répéter. O.K. Il y a plusieurs ressources dont il faut tenir compte puis il y a même plusieurs services qui sont là. Et «intégrée», parce qu'«intégrée» ça veut dire qu'il faut faire en sorte que tous les utilisateurs de la forêt se sentent à l'aise avec la façon dont la forêt est aménagée, elle est gérée. O.K.? Et jusqu'à maintenant il y a des tables de gestion intégrée des ressources qui existent un peu partout dans les régions. Ces tables-là ont des moyens ridicules pour travailler. Il leur manque donc les moyens. Et souvent c'est une façon... Malheureusement, tout ce qu'ils arrivent à faire, c'est de changer un petit peu le statu quo pour y ajouter une petite saveur intégrée, mais c'est très, très faible, par manque de moyens.
Et je terminerais sur la gestion intégrée des ressources en disant que ce ne sera jamais intégré si on laisse les communautés autochtones sur la voie de garage. Je sais que c'est des dossiers très complexes, qu'il y a des questions de territoire et des questions même qui relèvent de l'autre palier de gouvernement, mais ce n'est pas grave, on ne peut pas laisser les autochtones sur la voie de garage. Et ça m'a fait rire, et rire jaune un peu, de lire dans le document de travail, dans un paragraphe, un des rares paragraphes à propos des autochtones, où on dit que la sylviculture intensive est acceptable tant que les activités traditionnelles peuvent continuer d'être faites dans ces endroits-là. C'est complètement antinomique comme principe. Je ne peux pas comprendre que ça s'est retrouvé dans un document à ce stade-ci des consultations. Ça montre une profonde incompréhension de part et d'autre et des langages peut-être différents.
La Présidente (Mme Gonthier): En conclusion, s'il vous plaît.
M. Asselin (Hugo): Je conclus de cette façon-là.
La Présidente (Mme Gonthier): Bien, merci.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Gonthier): Non, malheureusement, le temps est écoulé. M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bienvenue. Félicitations. Parmi les groupes qu'on aimerait voir, pouvoir discuter pendant des heures et des heures, vous êtes probablement parmi ces groupes-là. Les gens qui ont un peu d'ouverture d'esprit vont comprendre que vous apportez des éléments importants, sensibles. Et j'ai bien dit ce matin, dans le discours d'ouverture, que la forêt devrait être traitée comme bien commun. Je comprends votre interrogation à vous, résidents de Montréal, qui nous voyez couper un arbre dans nos régions lointaines pour essayer de survivre, que vous avez un intérêt profond pour la forêt. Nous aussi, on en a, mais en même temps il faut essayer de voir quelles solutions vous pouvez nous apporter.
J'arrive avec une grande, grande question. Vous nous parlez de biomasse, et, moi, depuis déjà deux ans, je parle, dans ma région, de prendre toutes les terres qui sont non utilisées et de faire une plantation intensive de saules osier, qui donne un pourcentage de matières important à l'hectare. Donc, je voudrais que vous me parliez un peu de ligniculture pour que les gens comprennent bien qu'est-ce que c'est puis à quoi ça sert.
M. Messier (Christian): Bon. Je pourrais vous parler des heures de Réseau ligniculture, je ne le ferai pas. Je pense que le Réseau ligniculture ou la ligniculture, ça répond à un besoin au Québec. On a un potentiel intéressant. On pourrait produire une certaine quantité de biomasse, mais il faudrait évidemment le faire avec parcimonie. Ça veut dire qu'on ne peut mettre des plantations en croissance rapide partout, dans tous les sites au Québec. Et ça, je pense que c'est très, très important. Il va falloir faire ça en regardant, au niveau de chaque territoire, où est-ce qu'on les met puis quel impact que ça a.
Mais je vais vous donner des chiffres. Du saule peut produire 30 tonnes de mètres cubes par hectare par année; une forêt qu'on exploite actuellement, c'est 1,5 à peu près. Peupliers hybrides, ça peut aller jusqu'à 15, 20. Il y a beaucoup de potentiel. Je vous dirais que, partout dans le monde... La FAO d'ailleurs nous prédit que, d'ici 50 ans, 75 % du bois qu'on utilise dans le monde va venir de plantations parce que la pression dans le monde est de protéger de plus en plus les forêts naturelles qu'il reste et d'aller vers un système... on peut appeler ça agricole ou agroforestier. Il y a d'ailleurs des combinaisons qu'on peut faire avec le monde agricole: des coupe-vent, produire du bois avec des rangées. Il y a plein de choses qu'on peut faire. Et, oui, il y a un potentiel, il y a un potentiel intéressant dans certaines régions. Et même les changements climatiques... Je ne veux pas encourager les changements climatiques, mais, dans certaines régions, il va faire plus chaud, il va y avoir plus d'eau. Ça veut dire peut-être... vouloir dire qu'on va pouvoir produire plus. Donc, il y a un potentiel qu'on n'utilise à peu près pas, et je pense qu'on devrait le développer.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de Montmagny-L'Islet.
n(15 h 20)nM. Roy (Montmagny-L'Islet): Pour les gens ? de toute façon, vous, vous le savez; pour les gens ? qui nous écoutent, donc les producteurs de saules osier se heurtent au gouvernement en disant: Arrêter de planter des mélèzes qui prennent des années pour couper le vent. À Saint-Vallier, ils ont été plantés il y a 30 ans passés, puis on n'est pas encore capables de passer quand il y a une tempête de neige, alors qu'on ferait un mur avec du saule osier, puis, à la fin de l'année, ils auraient 18 pi, puis on aurait une clôture. Donc, on pourrait au moins voyager pour venir au parlement. Il faut que je vienne travailler, moi, donc il faut que je passe à Saint-Vallier. Donc, prenez une note, Mme la ministre.
Donc, de ce côté-là... Puis on a beaucoup de terres arables, beaucoup de terres qui sont enrochées, qui... les gens ont arrêté... Donc, ils cherchent une matière. Et vous parlez de régionalisation. Nous, c'est sûr que de notre côté c'est ce qu'on essaie de faire. Mais le saule osier est une matière incroyable qui va pour la biomasse, qui est un produit décontaminant, qui est un stabilisateur de sol phénoménal. On parle d'érosion des berges. Sur la Côte-Nord, on plante ça de travers, ça pousse partout. C'est extraordinaire, c'est rapide, puis ça a été développé par le Jardin botanique de Montréal. Donc, c'est sûr que, vous autres, vous auriez tout intérêt à nous pousser ça dans les dents puis de pousser un peu plus fort, parce qu'on en a besoin, de cette matière-là.
Vous avez parlé de biomasse, tantôt, en Suède et en Finlande. Et, moi, depuis les années où je me promène dans le bois, j'ai tellement vu de biomasse perdue, qui ne sert à rien puis qui a continué de pourrir, mais je ne vous dirai pas que ça a apporté plus... Bien, dans... Vous irez, je pourrais vous emmener avec moi, là, dans la Côte-Nord. Sur la Côte-Nord, il y en a pas mal, là. Il le sait, là, on a des andains monstrueux. Je peux vous amener plein de photos et d'images. J'en ai plein, donc je pourrai alimenter votre bagage aussi. Vous l'avez, je suis sûr que vous le connaissez, là. Donc, on ne peut pas... Il aurait fallu qu'on en enlève un peu, parce qu'aujourd'hui on parle de biomasse, on a déjà un fond forestier qu'on garde là, mais il y a un excédent, parce qu'il faut marcher dans le bois, être chasseur pour s'apercevoir qu'il y en a pas mal, de biomasse au sol, là. Il y a bien des places où on n'est pas capables d'aller, là.
M. Messier (Christian): Oui. Les andains, ça, c'est un gros problème, hein? Je vais vous dire clairement que, je l'ai déjà dit et je vais le répéter ici, c'est un crime de couper des arbres, et d'amener tout le feuillage et les branches sur le bord du chemin, puis de les empiler. C'est un crime contre l'écosystème, parce que c'est là-dedans qu'on trouve tous les éléments nutritifs, et on les enlève de la forêt, puis on les met sur le côté du chemin, puis ils ne servent à rien, puis il n'y a rien qui pousse, là. Bon, on est en train d'enlever ça, puis ça se fait tranquillement, pas assez vite, mais ça se fait quand même.
Mais je reviens sur la première phrase que vous avez dite, et ça, ça m'a un peu agacé. Il n'y a pas de gaspillage en forêt. Un arbre mort qui tombe, ce n'est pas un gaspillage, c'est un habitat pour plein d'organismes. Souvent, ça retient l'eau. Ça permet à certaines espèces... Vous savez, là, l'épinette blanche a besoin soit de sol minéral ou du bois pourri pour pousser. Si on l'enlève, on n'aura plus d'épinette blanche. Donc, il faut faire très attention. Le feu a un rôle important de maintenir des espèces, d'enlever des maladies, de créer des habitats pour plein d'espèces. Et c'est une des choses qu'on aimerait que, dans le régime, ça change, cette notion-là de gaspillage, de cataclysme. Ce n'est pas vrai. C'est vrai... quelquefois en compétition avec nous, mais, si on l'enlève, il y a des organismes qui ne vont pas l'avoir. Et il y a eu une expérience de faite à long terme, c'est la Finlande ? d'ailleurs, j'ai vécu là-bas un an. Pendant 100 ans, on a fait de l'aménagement intensif, et là on a des milliers d'espèces qui sont menacées de disparaître. Donc, on sait c'est quoi, la conséquence. On n'est pas rendus là. Je fais souvent l'analogie: On est comme un fumeur. On a 25 ans, on a fumé depuis 10 ans, on n'est pas encore malade, on pense qu'on peut continuer à fumer, mais, non, si on continue à fumer, on va tomber malade. Donc, on est mieux d'arrêter de fumer maintenant.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Combien de temps, madame?
La Présidente (Mme Gonthier): Il vous reste cinq minutes.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): C'est beau, parce que je vais avoir... je vais passer la parole à mon confrère. Quand on sait que le pin gris pousse massivement après un feu de forêt, puis il pousse dans le sable, donc c'est très difficile, juste de replanter du pin. On attend qu'il brûle ou on... On le prélève. Il n'y a pas grand-chose... Ça fait une belle forêt de toute façon au niveau du pin gris.
M. Messier (Christian): On peut planter aussi après, là. C'est ce qu'on fait maintenant. Oui.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Mais est-ce que la monoculture qu'on fait, parce qu'on... D'ailleurs, c'est ce qu'on fait, on plante sapins, épinettes, très, très peu d'épinettes blanches, un peu d'épinettes de Norvège, mais principalement sapins, épinettes. Est-ce que ça, ce n'est justement pas dommageable? C'est ça que vous nous parliez tantôt, qu'on... Parce que le reste pousse naturellement. Trembles, peupliers, trembles, bouleaux poussent naturellement, là. C'est les premières espèces qui prennent le dessus. Les autres viennent au travers, mais les premières espèces qui viennent... Donc, je ne vois pas en quoi ça pourrait déranger. Les forêts qui ont repoussé, à l'heure actuelle, elles ne sont pas uniquement... Même si elles ont été plantées, tout a poussé au travers quand même, non?
M. Messier (Christian): Oui, là, vous... C'est toute une question que vous me posez là. C'est un cours de 45 heures. Bon.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): J'irai le suivre.
M. Messier (Christian): Oui, oui, je vous invite. Planter un arbre, évidemment il n'y a pas de problème. Il faut faire attention qu'est-ce qu'on plante, comment on le plante, qu'est-ce qu'on fait après l'avoir planté. L'idée, la base de l'aménagement écosystémique, c'est justement d'essayer de maintenir la diversité de forêt qu'on avait naturellement, parce que c'est ça qui est le gage du succès. Donc, si on plante pour maintenir une certaine diversité qui était là avant, c'est correct; si on plante pour simplifier la forêt, ce n'est pas correct. Bon. Il y a plein de coupes forestières qu'on a faites qui ont favorisé le sapin. Le sapin se regénère naturellement. On pense qu'on a trop de sapins. Donc, il faut peut-être modifier nos façons de faire ou planter plus d'épinettes.
Mais il faut voir que la loi actuellement ne favorise pas le maintien de peuplements complexes parce que c'est difficile à calculer. Et là je reviens avec mon collègue Raulier. On a de la misère à calculer ça va être quoi, la production de ces peuplements complexes là, donc on les simplifie pour simplifier notre calcul. Peut-être qu'on devrait accepter que c'est complexe, qu'on n'a pas de valeur exacte, et vivre avec ça. Et ça, je pourrais vous parler aussi de toute la théorie des systèmes complexes, qui se développent énormément. Ce serait fascinant, les attracteurs, et tout ça, mais il faut voir qu'une forêt, c'est un système complexe. Et on s'est leurrés pendant longtemps en pensant qu'on pouvait prédire avec précision comment une forêt comme ça va évoluer. On ne peut pas le prédire; on peut se donner peut-être des approximations, dans quels genres d'enveloppes on va les trouver.
La Présidente (Mme Gonthier): ...un peu plus de deux minutes. M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Donc, j'ai terminé, je passe la parole.
M. Messier (Christian): Venez nous voir.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Il faut simplement aussi... On a parlé, ce matin, de la forêt de l'Université Laval donc, dans la réserve faunique des Laurentides, qui est un succès en soi. Donc, il s'agit simplement d'aller voir ce qui s'est fait là-bas. Je vais passer la parole à mon confrère.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de Chambly.
M. Merlini: Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, merci pour votre présentation, parce que c'est très rafraîchissant d'entendre parler de la forêt pas comme étant une ressource forestière, que ça va au-delà de ça. Vous avez aussi mentionné que vous souhaitiez faire table rase sur nos vieux concepts de la forêt qui datent de 30 ans. Mon collègue de Montmagny-L'Islet...
Une voix: ...
M. Merlini: Pardon?
M. Messier (Christian): 300 ans.
M. Merlini: 300 ans, excusez, oui. Mon collègue de Montmagny-L'Islet faisait allusion à ses remarques d'ouverture, dans lesquelles il parlait de la forêt comme étant un bien commun, et je fais un parallèle un peu avec le monde de l'énergie, qui est mon dossier de porte-parole: Est-ce que vous verriez un nouveau régime forestier qui incorporerait, à ce moment-là, un degré d'acceptabilité sociale? Parce qu'on a eu le point de vue des syndicats, tantôt, qui parlaient du côté des travailleurs; on a vu une CRE qui est venue ce matin nous parler du point de vue de comment ça fonctionnait bien dans leur région, de la concertation, et tout ça; et, vous, vous avez apporté une autre approche, complètement différente, qui disait: Ce n'est pas juste de la ressource forestière, là. Et on parlait justement de biomasse, et de ces choses-là, et des aires protégées, de rester flexibles dans certaines régions. Est-ce qu'on pourrait inclure, selon vous, dans un nouveau régime forestier cette condition d'acceptabilité sociale?
La Présidente (Mme Gonthier): Vous avez à peine 1 min 30 s pour répondre.
M. Messier (Christian): Je vais vous dire, c'est intéressant. J'étais au congrès de l'Ordre des ingénieurs la semaine passée, j'ai essayé de provoquer mes collègues en leur disant que la population maintenant voit la forêt de façon beaucoup plus diversifiée, beaucoup plus globale que peut-être ce qu'on nous a appris à l'école, que c'était juste de la fibre et qu'il fallait la simplifier, tout ça, et que, pour retrouver un peu, je dirais, le respect de la population, il faudrait que les forestiers et évidemment les gouvernements acceptent que la forêt, c'est beaucoup plus que juste une ressource pour produire de la fibre et de l'emploi, mais ça a des rôles qui vont jusqu'à des rôles spirituels. Je pense que ça devrait être considéré. Quand on fait le calcul de la possibilité, on devrait considérer l'ensemble des valeurs. Et ça, c'est un économiste qui m'a dit ça: Toute valeur se quantifie. Même la beauté, la vieille forêt, la biodiversité, si les gens en veulent, ça se quantifie, puis on peut mettre une valeur monétaire à ça. Et il y a beaucoup de nouveaux articles intéressants qui s'écrivent là-dessus, et ça devrait être évalué de façon globale comme ça: qu'est-ce qu'on veut faire avec notre forêt et comment on évalue les différents services, les différentes ressources? Et je pense qu'on aurait une meilleure, comment je dirais ça, acceptabilité sociale. D'ailleurs, la Triade, c'est un peu ça qu'on essaie de faire, de combiner les trois.
La Présidente (Mme Gonthier): Malheureusement... Merci. Merci. Je passerais maintenant la parole au député de René-Lévesque, s'il vous plaît.
M. Dufour: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, messieurs, merci beaucoup de la présentation que vous nous faites. Assez surprenant à certains égards. J'ai apprécié le finish de M. Messier concernant nos amis les autochtones.
Je veux donner la chance à M. Raulier, Frédéric Raulier, de finir, parce que ça m'a causé un petit déclic, là, au niveau de l'incertitude. Puis vous avez parlé du ministre, et il n'a pas de réserve de se tromper. Alors, j'aimerais que vous élaboriez, parce que vous aviez juste 1 min 30 s, puis après ça je vais passer la parole à ma collègue députée de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
n(15 h 30)nM. Raulier (Frédéric): Dans le fond, si on parle simplement... Imaginez que vous vouliez monter un plan d'affaires. Vous allez devant une banque quelconque pour pouvoir les persuader en fait que votre plan d'affaires fonctionne. Bien, vous avez fait des calculs de prévision de rendement, de rentabilité de votre entreprise, puis c'est clair que le banquier ne va pas accepter ça comme ça. Donc, la première chose qu'il va venir tester, bien c'est la crédibilité des hypothèses que vous avez utilisées pour pouvoir monter votre plan d'affaires.
Donc, fondamentalement, bien le ministre, s'il veut gérer comme un bon père de famille, par exemple, par rapport à la gestion des forêts publiques du Québec, bien il se doit de tenir compte qu'il a énormément d'incertitudes dans ses hypothèses. Donc, au moment où il prend une décision, il doit se rendre compte que... bien ça peut être n'importe quel type de gestionnaire, mais il peut prendre... il peut être à même de prendre du risque, mais il faudrait qu'il déclare publiquement qu'il prend une chance. Par exemple, que ce soit au niveau de la Colombie-Britannique, avec le dendroctone du pin, donc la situation est dramatique, on prend une chance sur la durabilité de la forêt pour pouvoir récupérer le bois aujourd'hui. Donc, publiquement en fait il le déclare, c'est-à-dire qu'il déclare que ses choix n'assurent pas la durabilité. Donc, il est prêt à prendre un risque.
Donc, on ne peut pas ne pas prendre de risque, dans le sens... Si on veut récupérer la crédibilité, donc si on veut que le ministre reste crédible face au public et puis dans ses décisions aussi, bien je pense qu'il faut gérer comme un bon père de famille, c'est-à-dire, avec ses enfants, on ne fait pas n'importe quoi non plus. Donc, probablement que, vous tous, vous avez des enfants, mais vous ne pouvez pas leur dire: Tu iras à cette école, tu auras ce copain-là. Ce n'est pas possible, voyons!
Mme Morasse: Pour poursuivre, prendre la balle au bond, comme dit mon collègue...
La Présidente (Mme Gonthier): Mme la députée de...
Mme Morasse: Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
La Présidente (Mme Gonthier): ...Rouyn-Noranda?Témiscamingue, s'il vous plaît.
Mme Morasse: Vous semblez avoir de sérieuses réserves quant à notre capacité de prédire sans trop de risques, mais il faut se poser la question: Pourquoi est-ce qu'on demande au chef forestier de faire un calcul de possibilité? C'est parce que notre régime actuel est basé sur une obligation de fournir un volume sur une surface donnée, là, dans une unité d'aménagement forestier. Donc, j'aimerais vous entendre, à savoir: Ce que propose, ce que proposait le livre vert... Ça devient de plus en plus flou. Je ne sais pas si on va garder cette notion-là de passer d'une obligation à produire un volume dans le cadre d'un contrat d'aménagement et d'approvisionnement forestier, parce que c'est ça qui se passe: le chef forestier calcule une possibilité, qui se traduit en une allocation, et le gouvernement a une obligation de fournir 400 000 m³ par année à une compagnie donnée. Là, ce que propose le livre vert, ou ce qu'il proposait, puis là ça devient de plus en plus timide, c'est plutôt de gérer notre forêt par notion de surface plutôt que de volume. Donc, ça mettrait moins de pression sur notre obligation d'arriver à un chiffre au iota près, puisque là l'obligation serait portée sur le sylviculteur ou la société sylvicole d'avoir un rendement sur une surface donnée.
J'aimerais vous entendre, vous, chercheurs et scientifiques, là, qui êtes spécialistes dans le domaine du calcul: Est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle ou si c'est encore trop flou?
M. Raulier (Frédéric): Bon, bien, un des premiers points, pourquoi est-ce qu'on ferait un calcul par superficie au lieu de volume, bien c'est très intéressant. Si on veut donc respecter la structure d'une forêt naturelle qui est perturbée de façon régulière, bien c'est parler le même langage que parler de coupe, par exemple, en termes de superficie que de superficies qui sont perturbées par les incendies ou de superficies qui sont perturbées par les insectes. Donc, on se rapproche beaucoup plus, dans la langue, si je peux dire, de la dynamique de succession naturelle, dans le fond, de la forêt. Donc, pour moi, c'est un bon point.
Le deuxième, c'est que vous faites moins d'erreurs en parlant de surface qu'en parlant de volume, hein? Je ne sais pas si je vous réponds...
Mme Morasse: Bien, il y aurait amélioration, là, au niveau du risque?
M. Messier (Christian): Oui. Si je pouvais rajouter, l'Ontario fonctionne comme ça, et, de ce que j'ai lu d'experts, les gens pensent que c'est beaucoup mieux d'aller par superficie que par volume. À ce moment-là, comme on dit, on diminue le risque. Évidemment, il y a peut-être plus d'incertitudes au niveau de quelle va être la quantité de bois qu'on va trouver pour l'industrie.
Mais je voulais revenir à votre question de base. Vous savez, on détermine c'est quoi, la possibilité forestière, puis il n'y a aucune erreur autour de ça. Pourtant, dans tous les calculs, c'est des suppositions après suppositions, et la valeur à la fin, qu'est-ce qu'elle vaut si on n'a pas l'idée de l'erreur? Est-ce que c'est 30 millions de mètres cubes, plus ou moins 15 millions? Ce n'est pas pareil que si c'est plus ou moins 2 millions. Il y a des sondages qui nous disent que c'est trop variable, il n'y a pas de différence significative, mais la même chose... Donc ça, on a besoin de connaître ça pour pouvoir prendre des décisions éclairées.
En plus, le fameux rendement soutenu, imaginez, il y a des papetières qui utilisent, disons, de l'épinette noire et qui doivent replanter de l'épinette noire en se disant: Dans 100 ans, je vais continuer à couper de l'épinette noire. Mais, dans 100 ans, qui sait quelle va être la situation de l'industrie? Donc, d'avoir ce rendement soutenu là à long terme est une aberration. Il n'y a pas personne sur la planète qui peut dire quelle va être la situation dans 100 ans, et pourtant, nous, on doit aménager de façon soutenue sur des périodes de 100 ans. Ça n'a aucun bon sens.
Mme Morasse: J'avais une autre petite question, en lien avec tout le charisme que vous mettez à pouvoir analyser, là, parce que, là, on sait qu'on a fait face au rapport Coulombe, au Sommet sur la forêt, au livre vert. Là, on est rendus sur un document de travail, puis on sait que la communauté scientifique s'est vraiment investie pour pouvoir... comme tous les autres intervenants, mais la communauté scientifique a été vraiment généreuse de son temps puis de sa cogitation pour pouvoir apporter des solutions innovantes. Parce que, vous l'avez dit tout à l'heure, notre capacité à pouvoir s'améliorer réside dans notre capacité d'innover.
Est-ce que vous sentez qu'après quatre, cinq consultations, où vous y avez mis tout votre génie, est-ce que vous avez l'impression qu'on est rendus à un point où on a avancé un petit peu, après nombre d'années de consultation puis de pédalage dans le yogourt?
M. Messier (Christian): Deux mots. C'est sûr qu'on a avancé. Moi, dans mes bonnes journées optimistes, je me dis: On avance. Est-ce qu'on avance assez rapidement? Non. Ça, c'est sûr et ça nous frustre énormément.
Et d'ailleurs je vous dirai peut-être la frustration et je vais vous parler d'aménagement adaptatif. En quelques mots, ce qu'on devrait impliquer, mettre de l'avant au Québec, c'est vraiment un aménagement qui apprend. À chaque fois qu'on fait un aménagement, on a un système de suivi où on apprend de nos erreurs, et on modifie l'aménagement en fonction de nos erreurs au lieu d'attendre de convaincre les gens du ministère de changer le règlement, où souvent, quand le règlement est changé, la science est déjà en avant puis ce n'est plus bon. On est toujours 10 ans en arrière, continuellement, au lieu de faire quelque chose qui est plus dynamique. Les connaissances, ça avance très, très rapidement, et on aimerait ça que, quand on fait des nouvelles découvertes et qu'il y a un consensus scientifique, il y ait un mécanisme pour que ce soit mis en oeuvre plus rapidement.
Et d'ailleurs c'est une des forces du CEF, et d'ailleurs on a un bon lien avec le Forestier en chef. Il nous a demandé un avis sur la coupe de vieilles forêts. On s'est assis ensemble, on a écrit un avis, on lui a envoyé ça. Il était très heureux parce que ce n'était pas l'avis d'une personne, c'était un avis d'une vingtaine de chercheurs qui faisaient un peu la recherche au niveau mondial, et lui va pouvoir l'implanter rapidement. C'est ce genre de rétroaction qu'on aimerait avoir, et je pense qu'on pourrait avancer beaucoup plus rapidement.
Mme Morasse: Mais est-ce qu'il y a quelque chose dans le document de travail qui vous...
M. Messier (Christian): Non, non, non, justement.
Mme Morasse: Parce qu'on sait que présentement, pour avoir travaillé sur certaines stratégies comme la coupe avec protection de la haute régénération, au niveau des obligations, on attendait qu'il y ait eu une croissance d'au moins cinq ans, si ce n'est pas deux quinquennaux, pour pouvoir se prononcer si on pouvait faire tel traitement. Donc, dans le livre vert, ce que vous dites, ça aurait dû... on aurait dû y retrouver là des mesures pour qu'on puisse plus rapidement arriver avec des applications terrain sur nos découvertes scientifiques.
M. Messier (Christian): Juste un petit point là-dessus. Oui, vous avez raison. Je vais prendre l'exemple de la Triade, où on fait des nouveaux types de traitement écosystémique: il faut demander des rapports de dérogation de 30 pages parce que ce qu'on fait, ce n'est pas dans les réglementations. Mais ce qu'on fait, c'est basé sur les dernières connaissances scientifiques, qui nous apparaissent le mieux, et il faudrait que la permission se fasse beaucoup plus rapidement, sinon ça décourage l'innovation. Les gens ne sont pas prêts à travailler des mois à avoir une dérogation pour pouvoir mettre de l'avant une nouvelle idée. C'est trop coûteux, c'est trop compliqué.
Donc ça, vous avez entièrement raison. Il y avait un commentaire que j'avais mis là-dessus, qu'il faudrait faciliter ce qu'on appelle vraiment un aménagement adaptatif, donc qui tire toujours profit de la recherche de façon continue et de façon beaucoup plus dynamique.
Mme Morasse: En lien avec...
La Présidente (Mme Gonthier): En 15 secondes, Mme la députée.
Mme Morasse: 15 secondes. La simplification de nos forêts, vous sembliez contre ça. Mais comment faites-vous le parallèle avec la promotion de la ligniculture, qui semble être une antithèse?
M. Messier (Christian): 10 secondes?
La Présidente (Mme Gonthier): À peine.
M. Messier (Christian): Pour moi, la ligniculture, c'est justement dans une zone intensive où, là, on accepte une simplification pour la production de bois. Et le gain, c'est une production très, très élevée, souvent 10 fois plus qu'on a en forêt naturelle, et là on se permet d'avoir plus d'aires protégées, de laisser de la biomasse en forêt pour l'aménagement écosystémique. Et, jusqu'à un certain point, c'est presque de l'agroforesterie ou de l'agriculture. On parle de forêt aménagée, ce n'est plus des forêts naturelles.
La Présidente (Mme Gonthier): Merci beaucoup, messieurs. Nous allons suspendre quelques minutes, et j'inviterais le prochain groupe à prendre place, la Conférence régionale des élus Nord-du-Québec.
(Suspension de la séance à 15 h 40)
(Reprise à 15 h 43)
La Présidente (Mme Gonthier): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'inviterais le représentant de la Conférence régionale des élus Nord-du-Québec à se présenter et à présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous avez 10 minutes de présentation. Par la suite, nous allons procéder à une période d'échange avec les membres de la commission pour une période de 35 minutes. Messieurs.
Conférence régionale des élus
du Nord-du-Québec,
Administration régionale crie
M. Saganash (Romeo): Merci. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je m'appelle Romeo Saganash, directeur des relations avec le Québec pour le Grand Conseil des Cris ainsi qu'aux affaires internationales. Je suis accompagné aujourd'hui de Geoff Quaile, qui est analyste en environnement pour nous, au Grand Conseil des Cris, Me Sébastien Clément, qui est conseiller juridique également pour les Cris, et Isaac Voyageur, qui est coordonnateur aux ressources naturelles de l'Administration régionale crie.
Alors, dans un premier temps, je tiens à remercier les personnes qui nous donnent l'occasion de parler de cet enjeu important ici, à l'Assemblée nationale. J'aimerais commencer par un bref exposé sur le régime forestier actuel de l'entente de la «Paix des Braves».
Pour les Cris, le germe de ce régime a été semé aussi loin qu'au milieu des années quatre-vingt, lors de la dernière refonte par le Québec de son régime forestier. Tout comme aujourd'hui, les Cris ont été appelés à exprimer leur avis sur un nouveau régime forestier qui était alors proposé pour l'avenir. Nos commentaires alors et les préoccupations que nous avons exprimées ont galvanisé et préparé la voie de ce qui allait devenir une tempête publique et juridique, qui a duré 15 ans, sur la refonte forestière, dans le Nord-du-Québec en particulier.
À l'époque, les Cris ont formulé de nombreuses mises en garde au sujet de la surcapacité de l'industrie, les taux de récolte insoutenables et de leurs répercussions sur les activités traditionnelles des Cris. Nous avons aussi exprimé les préoccupations que suscitait chez nous la manière dont on faisait fi de notre droit à une consultation efficace dans le cadre du régime forestier en vigueur.
Aujourd'hui, les Cris jettent avec fierté un regard rétrospectif sur nos efforts, parce que nous avons maintenant un régime forestier au moyen duquel nous contribuons à déterminer la manière dont se fait l'exploitation forestière sur notre territoire. Nous constatons qu'aussi bon nombre de nos mises en garde relativement aux pratiques insoutenables de l'ancien régime forestier se sont avérées exactes dans les conclusions de la commission Coulombe et à la lumière des révisions qu'a effectuées le Forestier en chef des possibilités annuelles de coupe.
Notre contribution à l'élaboration du régime de gestion des forêts au Québec a été positive pour tous les Québécois parce que notre conception de la forêt en tant qu'écosystème dynamique correspond à la notion populaire que portent les Québécois. Pour nous et la plupart des Québécois, notre perception transcende celle, étroite et plus régionale, voulant que la principale fonction de la forêt soit une réserve de bois d'oeuvre pour les usines.
Je vois que certains des points de vue les plus progressistes sur la forêt du Québec ont trouvé leur place dans le plan vert. Nous y voyons une évolution positive, évidemment. Cependant, cette évolution positive est sapée par l'intention du gouvernement de ne plus se mêler de la planification et de la gestion sur le terrain. Dans la même mesure où on ne peut s'occuper d'un jardin de l'intérieur de sa maison, on ne peut gérer la forêt en restant à Québec.
L'invitation qui nous a été faite pour cette présentation aujourd'hui était sous la bannière du conseil régional des élus, aussi appelé le CRE. Alors, je me concentrerai sur ce sujet dans le peu de temps que nous disposons aujourd'hui.
Il y a sept ans, j'étais, ici même, à l'Assemblée nationale, témoin de la signature d'une entente de principe entre les Cris et le gouvernement du Québec. Cette entente a mené à la signature de l'entente de la «Paix des Braves» à Waskaganish, en février 2002. Dans chaque cas, les noms qui ont été apposés sur cette entente représentaient deux peuples et deux nations. Il en est de même des signatures que porte la Convention de la Baie James et du Nord québécois. J'insiste sur ces signatures en raison des personnes qu'elles représentent et ce que représente le gouvernement du Québec dans l'exécution des obligations fiduciaires de son peuple, tous les Québécois, à l'égard des Cris. Aucune place exclusive n'est réservée, dans aucune de ces ententes, à la signature d'un représentant d'une municipalité, d'un conseil régional ou du maire d'une ville. Ils n'ont pas d'autorité fiduciaire en ce qui concerne ces ententes.
Ces deux nations se sont engagées réciproquement dans ces ententes où sont énoncées les diverses conditions dans lesquelles nos nations contribueront de concert au développement social et économique d'Eeyou Istchee et du territoire de la Baie-James. C'est ce qui, depuis toujours, a été la pierre angulaire de notre relation. Dans l'entente de la «Paix des Braves», on le résume en ces termes: Cette entente marque une importante étape dans une nouvelle relation de nation à nation fondée sur la transparence, le respect mutuel et une prise de responsabilité accrue, pour la nation crie, dans son développement, dans le contexte d'une plus grande autonomie. C'est l'article 2.3 de l'entente. Ces termes reprennent ceux de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, dans laquelle on confirmait les droits des Cris non seulement d'avoir une voix au chapitre des affaires du territoire, mais d'y participer directement.
Aujourd'hui, donc quelque 33 années plus tard, les Cris ont été invités à l'Assemblée nationale afin d'exposer leur point de vue sur le plan vert pour l'exploitation forestière, lequel est fondé selon nous sur un retour au système des réserves de la Loi sur les Indiens. Peut-être trouvez-vous cette déclaration dramatique, effrontée, même choquante. De fait, je l'espère, parce que c'est ce qu'ont ressenti les Cris quand ils nous ont appris ce que comptait faire le gouvernement du Québec en ce qui a trait au rôle des CRE sur son territoire. Le choc que nous avons éprouvé s'est rapidement transformé en un profond sentiment de trahison quand nous avons compris que, si peu de temps après que l'encre des signatures de l'entente de la «Paix des Braves» a séché, le Québec tournait le dos aux Cris. En rétrospective, nous ne pouvons seulement supposer que le gouvernement libéral n'a jamais eu l'intention d'honorer cet accord qu'il n'avait pas signé, du moins en ce qui concerne les ressources naturelles.
n(15 h 50)n Je vous épargnerai les subtilités juridiques. Il suffit de dire que, dans l'année qui a suivi notre entente de nation à nation, le gouvernement a commencé à faire adopter diverses lois et décrets dans le but de décentraliser son pouvoir. Malheureusement pour les Cris, toujours confrontés par l'esprit et la bonne volonté de l'entente de la «Paix des Braves», nous vous avons fait confiance. Nous pensions que cette démarche de décentralisation permettrait de concrétiser les termes, et je cite, «prise de responsabilité accrue par la nation crie dans son propre développement dans le contexte d'une plus grande autonomie». Fin de la citation. Ce n'est toutefois pas ce qui est ressorti.
C'est devenu clair pour nous en 2006, quand le gouvernement a fait adopter une loi établissant le réseau CRE pour le Québec, en leur octroyant le pouvoir d'agir comme principal interlocuteur pour le territoire qu'ils représentent en matière de développement régional. Pour notre territoire, cette loi formait un CRE pour les Cris et un autre pour la municipalité de la Baie-James, connu sous l'acronyme CREBJ. Cependant, en mettant sur pied ces deux entités, une mince mais néanmoins cruciale différence s'était établie: Québec maintenant prétend que le CREBJ a été nommé comme le principal agent du gouvernement pour les terres de catégorie II et III sous le régime de la Convention de la Baie James, tandis que le CRE cri ne faisait que prétendument de pouvoir en ce qui concerne les terres de catégorie I, c'est-à-dire la réserve même. Pour nous, c'est une trahison. C'est le gouvernement qui tourne le dos aux Cris et fait fi de nos ententes de nation à nation.
Comme je l'ai dit, déjà dit, cette loi constitue un retour à la Loi sur les Indiens, dans laquelle les intérêts des Indiens commencent et finissent aux frontières de la réserve: aucune voix au chapitre de la tarification régionale ni à celui du développement social et économique, pas plus en ce qui concerne nos terres ancestrales. Pouvez-vous nous dire en quoi cela nous permet de participer directement aux affaires du territoire? Pouvez-vous nous expliquer où est l'autonomie plus grande, là-dedans, pour nous?
Quels que soient les organes qui existent actuellement, le Comité consultatif pour l'environnement de la Baie-James, le Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage, le Conseil Cris-Québec sur la foresterie, etc., tous ces organes statutaires et le rôle des Cris en leur sein sont marginalisés par le régime des CRE, dans le cadre duquel on tente de valider le postulat selon lequel les collectivités cries n'ont aucun intérêt au-delà des terres de leur communauté.
La Présidente (Mme Gonthier): Conclusion, s'il vous plaît.
M. Saganash (Romeo): Je suis-tu déjà rendu là? Bon. Ce qu'on veut surtout vous dire aujourd'hui, Mme la Présidente, c'est que ce qu'on a mis en place avec les CRE, pour nous, constitue non seulement des pratiques ou des politiques inconstitutionnelles, qui vont à l'encontre de la Convention de la Baie James et qui vont à l'encontre de la «Paix des Braves», et qu'on retourne essentiellement à cette pratique coloniale qu'était la mise en réserve des autochtones, et que le reste, c'est tout le monde qui s'en occupe. C'est ce qu'on dénonce avec cette politique aujourd'hui. Merci.
La Présidente (Mme Gonthier): Merci. Mme la ministre.
Mme Boulet: Alors, bonjour à tous. Alors, merci d'être présents.
Alors, évidemment, là, je pense que votre présentation a porté davantage sur un dossier qui relève des Affaires municipales. Alors, je vais faire part de ce que vous m'amenez et de ce que vous m'apportez comme message à ma collègue, là. Évidemment, les conférences régionales des élus sont sous la juridiction du ministère des Affaires municipales, les territoires également, là, qui leur sont associés. Alors, je prends bonne note de ce que vous nous dites, de ce que vous nous apportez aujourd'hui.
Maintenant, on est après... En fait, on travaille très fort, tout le monde ici, là, sur le dossier de la refonte du régime forestier, qui date de plusieurs décennies. Et ce qu'on est très conscients, c'est que cette refonte-là ou ce nouveau régime doit s'articuler autour de l'ensemble des partenaires, des acteurs sur l'ensemble du territoire québécois, et assurément les autochtones sont des joueurs déterminants dans cette démarche-là. Alors, on est très heureux de vous accueillir.
Et en fait ce qu'on voulait avoir, c'était au niveau de la gestion du territoire forestier, c'était de voir comment ça se passe chez vous. On sait que la «Paix des Braves» a quelques années. On aurait aimé ça vous entendre, là, nous parler du bilan que vous tirez de votre capacité commune à concilier l'utilisation industrielle de la forêt et la protection de la culture crie. Comment ça se déroule? Est-ce que la «Paix des Braves» vous a apporté l'objectif qui était là au départ, lorsqu'il y a eu la signature de cette entente-là? Est-ce qu'il y a eu une protection du territoire? Est-ce que vous travaillez en harmonie avec les industries ou avec les gens qui sont sur votre territoire? Est-ce qu'il y a la création d'emplois, également, pour vos communautés?
Alors, est-ce que vous pensez que ce qui est là est correct? Est-ce que vous pensez qu'il y a lieu de modifier le régime? Et est-ce que le nouveau régime... en fait est-ce que vous croyez que le nouveau régime créé par l'entente des Braves contient des éléments qu'on pourrait regarder, qu'on pourrait inclure dans un nouveau régime, qu'on pourrait modifier? Est-ce qu'il y a des choses, dans ce que vous vivez au quotidien, est-ce qu'il y a des choses qui ont répondu aux objectifs? Est-ce qu'il y en a d'autres qui devraient être élaborées, qui devraient être développées?
En fait, c'était dans ce sens-là, parce qu'on est tout à fait conscients, ici, que le territoire... et on le dit, que les autochtones sont partie prenante des décisions qui doivent être prises dans l'aménagement du territoire. Donc, c'était de vous entendre finalement, chez vous, chez vous, sur votre territoire à vous, comment se fait... comment ça se développe et comment ça pourrait être amélioré, s'il y a lieu.
M. Saganash (Romeo): Bien, en termes de satisfaction du nouveau régime contenu dans la «Paix des Braves», c'est ce que nous avons négocié, c'est ce qu'on avait signé pour. Alors ça, on ne peut pas revenir là-dessus. Cependant, ce qu'on nous propose, ce que vous tentez de faire maintenant, c'est à nouveau changer ça, alors qu'en termes de principe juridique ça prend le consentement des Cris, qui sont partenaires et signataires de l'entente de la «Paix des Braves».
Ce qui est toujours difficile, ce qui est toujours difficile dans de nouvelles politiques, ou nouveaux projets de loi, ou nouveaux régimes que le Québec ou le Canada veut mettre en place, c'est qu'on oublie souvent, on oublie très souvent, même la plupart du temps, que nous avons affaire, dans le territoire de la Baie-James et le Nord-du-Québec, à un régime constitutionnel distinct. Et, si on veut changer ça, il faut le consentement des parties signataires à ces conventions.
Par exemple, juste pour donner un exemple, juste l'article 22.3.24 ou 22.3.22, je crois, parle du Comité consultatif pour l'environnement de la Baie-James, qui est l'interlocuteur principal et privilégié des gouvernements dans le territoire en ce qui a trait aux ressources naturelles et au développement dans le territoire. C'est une disposition qui est contenue dans un document constitutionnel qui s'appelle la Convention de la Baie James, et, pour changer tout cela, ça prend le consentement des Cris. C'est ce qu'on... C'est le point principal qu'on veut amener aujourd'hui.
Le 14 octobre...
La Présidente (Mme Gonthier): Mme la ministre.
Mme Boulet: Je vais juste vous interrompre parce que je pense qu'on ne prend pas la bonne tangente. On est tout à fait d'accord avec le fait que, si on veut changer des choses, c'est inscrit dans la loi puis ça prend le consentement des partenaires, et ici on m'assure qu'on ne veut rien changer. Alors, je ne sais pas vous craignez quoi ou vous pensez qu'on veut changer quoi, mais on m'affirme qu'il n'y a pas de changement à l'égard de ce qui se fait sur votre territoire par rapport au nouveau régime forestier.
Une voix: ...le livre vert...
Mme Boulet: Le livre vert s'applique, mais, s'il y a des choses, il faudrait que vous nous le disiez pour informer les gens, qui sont là depuis longtemps puis qui ont participé à la construction du livre vert, là. Mais on nous dit que, sur votre territoire, il n'y a pas de changement à l'égard du nouveau régime.
M. Clément (Jean-Sébastien): On va vous... Si vous me permettez, M. Saganash m'a pointé la parole.
La Présidente (Mme Gonthier): M. Clément.
M. Clément (Jean-Sébastien): Alors, Jean-Sébastien Clément. Je suis avocat.
Le ministère des Ressources naturelles, vous dites, n'a rien à faire avec les CRE. Ce n'est selon moi pas du tout le cas. Le ministère des Ressources naturelles a pris au moins huit actions très spécifiques suite... Il y a premièrement eu la commission Coulombe qui a recommandé d'utiliser le système des CRE dans l'ensemble du Québec, et notamment, évidemment, dans le territoire de la Baie-James. Ensuite, il y a eu trois décrets qui ont été adoptés par le gouvernement visant le nouveau programme, là, de commissions régionales et de développement du territoire et les nouveaux plans. Et non seulement ça a été fait pour les forêts, mais ça a été fait ensuite pour l'ensemble des ressources naturelles et du territoire.
À chaque fois que le MRN a fait ces actions-là, les Cris ont documenté et ont dit au ministre: Écoutez, il y a un problème, vous ne pouvez pas utiliser le système des CRE dans notre territoire, parce que, selon l'interprétation du MAMR, le ministère des Affaires municipales, les CRE... c'est ce qu'ils disent, moi, je ne suis pas du tout d'accord avec ça, mais c'est ce qu'ils disent, ils disent: La CREBJ a juridiction sur le territoire, et la CRE CRA, la CRE ARC ? dont les représentants sont ici ? n'a juridiction que dans leur communauté. Alors, c'est pour ça que M. Saganash vous a dit: Un instant, là, on revient en arrière. Alors, vous avez décidé délibérément, même si les Cris vous ont dit «vous ne devriez pas le faire», d'importer des structures municipales dans la gestion des ressources naturelles.
Alors, il y a eu trois documents de travail depuis ce temps-là. Il y a toutes sortes de choses, M. Saganash l'a dit au début de son allocution, il y a beaucoup de choses qui sont très positives dans les différents documents qu'on regarde, au niveau forestier, il n'y a aucun doute. On a entendu un petit peu ? on est arrivés en retard à la présentation précédente ? les affaires d'écosystème, etc. C'est positif.
Aujourd'hui, on ne sait pas qu'est-ce que vous allez déposer comme projet de loi, mais ce qu'on vient vous dire, aux gens de l'Assemblée nationale et aux gens qui décident ces choses-là, c'est que, si vous continuez à importer les système du MAMR dans la gestion des ressources naturelles pour le territoire, on va avoir un problème. C'est ça qu'on vous dit aujourd'hui. C'est très problématique.
n(16 heures)nMme Boulet: Le message n'est pas porté à la bonne personne, je vais transmettre tout ça. Mais, dites-moi, ces structures-là, indépendamment du fait qu'on importe, je comprends tout ça, mais elles n'auraient pas de gains chez... ce ne seraient pas des structures qui pourraient vous permettre... vous accompagner, vous soutenir? Des fois, ça peut être un outil complémentaire pour mieux faire les choses. C'est ce que ça va donner dans d'autres régions, alors ce ne serait pas bénéfique également pour les Cris? Je pose une question.
La CCRNT, je pense que, dans toutes les régions du Québec, je pense qu'il y a une belle expertise qui est après se développer. On a vu la Conférence régionale des élus de l'Estrie, avec leur commission des ressources naturelles et des territoires, qui sont venus, et je pense qu'ils ont su très bien composer et développer cet organisme-là ou cette structure-là pour bonifier finalement ce qui se fait en termes de développement, de gestion intégrée des ressources et du territoire. Je pense que les CCRNT, ce n'est pas juste en Estrie, je pense que, dans plusieurs régions au Québec, elles ont démontré qu'elles avaient leur raison d'être.
Alors, indépendamment du territoire ou de l'importation des structures, ce ne serait pas quelque chose qui pourrait être profitable aux Cris? Je pose une question, là. Est-ce que ça ne pourrait pas être un outil de travail pour vous qui pourrait être intéressant? Parce qu'il y a un territoire à gérer pareil, là. Il y a un territoire à gérer, il faut intégrer les ressources, c'est encore plus vrai chez vous. Intégrer les ressources, la chasse, la pêche, je pense que c'est chez vous que ça prend tout son sens. Est-ce que la CCRNT, même si elle est importée puis que ça vous déplaise, est-ce que ça ne pourrait pas jouer un rôle déterminant, qui pourrait bonifier finalement le développement du territoire cri?
M. Saganash (Romeo): Le problème avec les structures qui nous sont proposées... diminuent en fait la participation des Cris. Et mon propos à moi, ce n'est pas de dire si, oui ou non, ce serait profitable aux Cris. Mon propos à moi, c'est de vous dire: Nous avons déjà, en vertu de deux ententes importantes signées avec le Québec, une participation qui est prévue pour les Cris, dans la gestion des ressources naturelles, pour la protection des droits de chasse et de pêche des Cris, une activité traditionnelle, le développement social et économique. Ça existe déjà. Partons de cette base-là pour ce territoire qui nous concerne parce qu'il y a un régime constitutionnel distinct qui est là. C'est ça, le problème. Je vais laisser à Me Clément de vous expliquer pourquoi que je dis ça. On a préparé un... on s'est basés sur un organigramme pour se dire ça.
M. Clément (Jean-Sébastien): Vous savez, on a regardé évidemment les documents qui ont été faits par le ministère, et, quand on vous dit qu'il y a une importation des conférences régionales des élus, c'est qu'on se rend compte que notre lecture à nous en ce moment, c'est que ce qui est proposé, c'est ce qui est sur la table en termes de gouvernance, c'est que les conseils régionaux des élus blancs, pour la Baie-James, là, la municipalité de la Baie-James, où il n'y a aucune représentation autochtone, il ne faut pas se leurrer, là, agissent à titre de filtre entre les autochtones et l'État, alors que c'est clairement... pour toutes les relations autochtones-État et le développement du territoire, il ne doit pas y avoir de filtre comme ça.
Et qui est responsable des commissions régionales sur les ressources naturelles et le territoire? C'est la CRE. Qui est responsable de faire les plans? C'est la CRE. Et là, ensuite, on s'en va dans une société qui est une espèce de société semi-publique, une société d'aménagement des forêts, où on met un autochtone minoritaire sur une table d'au moins 11 à 13 personnes. Alors, importer ces structures-là, municipales, dans le cadre du développement des ressources naturelles, moi, je vous le dis, ce n'est pas une affaire d'aller consulter un autre collègue ou un autre ministre sur des affaires municipales. C'est le MRN qui a décidé de faire ça, et il a mis entre l'État et les autochtones des structures qui ne fonctionnent pas pour le développement du territoire et qui sont... Ce qui est proposé, c'est des structures qui ne fonctionnent pas. Nous, on vous dit: Écoutez, il y a un problème. Vous voulez faire une loi, il y a un problème. Puis c'est un gros problème. C'est un gros os qui est là. C'est majeur.
La Présidente (Mme Gonthier): Mme la ministre.
Mme Boulet: Ça va être correct pour moi.
La Présidente (Mme Gonthier): Ça va aller?
Mme Boulet: Oui.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, Mme la Présidente. J'aurais envie de commencer en vous disant: Oups! On vous a oubliés. Parce qu'on en a parlé déjà, après plusieurs rencontres avec le milieu autochtone, dans bien des cas, on a fait les réformes, on a fait les lois, on a présenté des dossiers, et tout d'un coup on a dit: Oups! On les a oubliés. Et je trouve ça dommage qu'on a commencé comme ça, parce que j'avais discuté avec M. Picard un jour puis je lui avais dit: Si on commençait à négocier autrement, en disant: Voici le territoire. Qu'est-ce que vous nous donnez, maintenant?, au lieu de faire l'inverse. Et il m'avait souri en disant: Ça fait une drôle de façon de commencer à négocier, mais ce serait différent. Peut-être qu'on pourrait avoir des arguments différents.
Donc, aujourd'hui, quand on regarde le développement de la Baie-James, pour connaître votre territoire très, très bien, pour y avoir été souvent, accompagné de plusieurs Cris, aussi bien au niveau de la chasse, de la pêche, du développement hydroélectrique, de tous les grands barrages, toutes les grandes réserves, tout le monde que j'ai vu là-bas, moi, je vous demande: Est-ce qu'avec les traités qu'on a signés à date, est-ce qu'on a augmenté... est-ce que vous sentez que la nation crie a émergé, a grandi, s'est améliorée, s'est structurée? Est-ce que vous pensez que vous êtes encore en arrière ou si vraiment vous êtes... Je connais une partie de la réponse, mais je voudrais vous entendre là-dessus, à l'effet de: Est-ce que vous pensez vraiment que la nation a évolué beaucoup avec les derniers traités? Oublions celui-là, je vais y revenir.
M. Saganash (Romeo): On pourrait dire, après 33 ans d'expérience avec le premier traité, là, celui de la Convention de la Baie James, la Convention de la Baie James et du Nord québécois, que le plus grand défi avait été jusqu'en 2002, quand on a signé la «Paix des Braves», parce que la «Paix des Braves» est en fait une mise en oeuvre du premier traité, la Convention de la Baie James. Alors, le plus grand défi a été la mise en oeuvre. Tu sais, c'est beau, signer des avantages, des droits, consacrer des droits dans un traité ou dans une entente, c'est très bien, ça. Le problème, c'est souvent la mise en oeuvre des dispositions qui sont contenues dans ces ententes. Ça a été ça, le problème avec la Convention de la Baie James, comme la «Paix des Braves». Des ententes négociées, ça, le mot le dit, c'est négocié. On n'est pas totalement satisfait ni d'un côté ni de l'autre. Mais, les mettre en oeuvre, c'est autre chose. Et c'est toujours un défi, cette partie-là.
Donc... Mais, depuis que nous avons signé l'entente la «Paix des Braves», je pense qu'on a remarqué une amélioration dans à peu près tous les domaines, en termes de création d'emplois, en termes de participation dans le développement des ressources, etc., le développement socioéconomique des communautés. Même après six ans, c'est des choses qu'on peut remarquer facilement. Donc, c'est bien dans ce sens-là. On l'a acceptée à 70 %, la «Paix des Braves». On l'a acceptée. Il n'y a pas tout le monde qui a été satisfait avec cette entente que nous avons négociée, mais je pense qu'on démontre maintenant, aujourd'hui, qu'on a bien fait de l'accepter. Cependant, il faut continuer à respecter ces ententes que nous avons.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, Mme la Présidente. Vous êtes un exemple, parmi plusieurs communautés au Québec, de développement économique. Vous vous êtes impliqués partout. Vous avez énormément de personnes maintenant qui sont très représentatives de votre milieu: avocats, médecins, banques, compagnies d'aviation. Vous avez su vous organiser, vous structurer. Vous avez su prendre votre place au sein du Québec. Peut-être, les gens ne le savent pas assez. C'est peut-être ça. Il y a toujours la communication qui aide dans tous les domaines. Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui, le développement de votre territoire au niveau forestier, vous devez en être le maître d'oeuvre et le seul maître d'oeuvre? Ou comment vous voulez qu'on aborde le sujet avec vous, sur le développement du territoire, au niveau d'une réforme forestière, contrairement à ce qui a été fait?
n(16 h 10)nM. Saganash (Romeo): Bien, dans un premier temps, je pense que jamais les Cris n'ont prétendu vouloir ou dit vouloir gérer le territoire au complet. Non, la Convention de la Baie James, on la voit comme un traité de partage entre les Québécois et les Cris, et ça a toujours été la politique des Cris. Les Cris ont toujours été partie prenante dans les débats publics que nous avons eus au Québec. Que ce soit le développement énergétique contre Hydro-Québec, que ce soit le régime forestier que nous avons en place, on a toujours voulu contribuer positivement à ces débats-là qu'on a eus au Québec, à notre façon, bien sûr. Nous, nous avions un traité qui consacrait plein de choses, en termes de droits dans ce territoire, qu'on a voulu respecter, et c'est uniquement dans ce sens-là. Oui, on veut participer au développement du Québec, on a toujours voulu participer au développement du Québec, mais, dans ce qui concerne le territoire couvert par la Convention de la Baie James et la «Paix des Braves», faisons-le dans le respect de qu'est-ce qu'on a négocié et signé ensemble. C'est uniquement ça qu'on veut.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci. Avec... bien sûr, avec votre appui, votre aide, vos considérations, celles de vos concitoyens, celles de vos amis, celles des gens que vous représentez, comment vous pouvez nous aider à travailler ou à établir une base solide pour le développement forestier dans votre... Premièrement, croyez-vous à un développement forestier? Est-ce que ça va respecter vos coutumes, vos cultures? Est-ce que ça va respecter vos possibilités de chasse, de pêche, de ressources naturelles? Et de l'autre côté est-ce que vous êtes capables de nous apporter un éclairage sur comment on devrait aborder la situation, donc nous apporter déjà un plan de départ de négociation, pour qu'on puisse bien comprendre vos préoccupations?
M. Saganash (Romeo): D'abord, c'est mon opinion. Je ne sais pas qu'est-ce que mon conseiller juridique en penserait, mais, lorsqu'on a négocié la «Paix des Braves», une des choses que j'ai dites à mon vis-à-vis... J'étais le porte-parole sur ce dossier-là pour les Cris, et, mon vis-à-vis, le sous-ministre, de l'autre côté, une des choses que je lui ai dites: Si on respectait à la lettre la Convention de la Baie James, la foresterie ne serait pas viable dans le territoire couvert par la Convention de la Baie James.
Alors, la réponse à votre question, la réponse à l'époque a même été: Oui, on en veut, de la foresterie, oui, on voit que c'est un secteur important non seulement pour l'Abitibi et le Nord-du-Québec, mais pour le Québec. Donc, on veut continuer avec ce type de développement, même si à l'époque on n'était pas partie prenante dans ce développement-là, mais, oui, on acceptait. Mais négocions des trucs qui vont permettre à certaines autres activités des Cris, en foresterie, en pourvoirie, activités traditionnelles, etc., puissent survivre, dans tout ça aussi. Parce que la façon qu'ils le faisaient à l'époque était tellement sauvage ? excusez le mot choisi ? que c'est l'autre partie qui était garantie dans un document, un traité qui était devenu non viable avec le temps. Alors, oui, on en veut, de la foresterie, mais faisons-la à partir de bases qui sont déjà consacrées dans des ententes. C'est tout ce qu'il y a à faire dans notre cas.
Pour les autres nations autochtones, peut-être qu'ils veulent autre chose. Nous, ce qu'on a accepté, c'est ça, avec le Québec. Pour les autres, pour les Innus ou les Attikameks, peut-être que ça va être d'autre chose.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Donc, c'est ce que je vous demandais au départ, est-ce que vous avez établi, avec les gens, avec votre organisme, est-ce que vous avez établi un plan de base que vous nous suggérez, même si vous dites: Tout est dans l'entente? On peut respecter l'entente, mais, en partant de la prémisse qu'on a une réforme forestière à faire, est-ce que, vous, vous avez une solution à nous apporter en ce qui concerne le début d'une entente avec vous autres? Même si vous dites que tout est dans l'entente, il ne faut pas changer l'entente, il faut juste changer l'approche forestière, parce que ce n'est pas nouveau, mais il faut la faire d'une façon différente. Il faut la faire en écosystémie, qu'on ne faisait pas avant. Donc, on ne respectait pas justement même nos droits à nous. Entre parenthèses, je n'aime pas dire «Blancs» ou «autochtones», mais c'était comme ça pareil, et, quand on allait dans le bois, on ne respectait pas plus nos droits en tant que Blancs que vous en tant qu'autochtones.
Mais est-ce qu'aujourd'hui vous ne pourriez pas nous donner, au lieu que ce soient nous autres qui apportons, est-ce que vous ne pourriez pas nous donner une base de négociation? Moi, je le dis pour nous. Que le gouvernement la prenne ou ne la prenne pas, moi, je dis: Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir un document de base qui nous dirait exactement sur quoi on doit commencer à travailler avec vous, non pas négocier, commencer à travailler, à regarder en disant: Voici ce qui ferait l'affaire, voici ce qu'on devrait faire? Et, à partir de là, on va regarder, voir si ça correspond au nouveau régime. Mais, surtout, c'est une question de régionalité. Donc, vous êtes dans une région très prisée, non pas privilégiée, mais très prisée, qu'on a besoin, au Québec. On a besoin de votre aide, de votre développement. Est-ce que vous ne pourriez pas nous apporter cet éclairage-là pour que, nous, on puisse commencer à travailler?
M. Saganash (Romeo): On avait un plan au début, quand on a commencé à négocier, le chapitre III, qui concerne la foresterie, dans la «Paix des Braves». J'ignore si ça peut servir comme modèle pour l'ensemble du Québec, parce que non seulement le milieu à la Baie-James est tellement différent du reste du Québec, ça ressemble peut-être plus à la Côte-Nord, mais il y avait des principes qu'on avait identifiés très clairement, entre autres le respect des droits des autochtones dans le territoire, que ce soient des activités traditionnelles ou autre chose, accès à cette ressource pour notre propre développement, selon nos besoins et selon notre rythme. Il faut également réaliser qu'à l'époque nous étions dans un contexte où il n'y a pas eu de commission Coulombe, il n'y a pas eu de nouveau régime avec un Forestier en chef, etc., on n'avait pas tous ces éléments, encore moins les connaissances que nous avons aujourd'hui. Alors, pour dire que ça ne peut pas vraiment servir, ce que nous avions pensé à l'époque, mais très certainement, avec ce que vous avez comme éléments aujourd'hui, comme politiciens qui avez à travailler sur les lois, et les règlements, et les politiques, avec l'aide des conclusions de la commission Coulombe, et il y a plein d'autres études qui ont été faites...
La Présidente (Mme Gonthier): En conclusion, s'il vous plaît.
M. Saganash (Romeo): ...je pense que vous avez beaucoup, là.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Je vous rassure, je ne parlais pas des autres nations, je parlais spécifiquement des Cris et votre territoire. Merci.
La Présidente (Mme Gonthier): Merci. Alors, M. le député de René-Lévesque, s'il vous plaît.
M. Dufour: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Saganash, M. Clément, M. Voyageur, M. Quaile, merci de votre contribution à cette commission parlementaire. Je vais vous dire, je suis surpris, là, mais je vais tenter de comprendre. Ça va faire cinq ans que je suis député, j'ai vu beaucoup de commissions parlementaires où on a beaucoup de nations autochtones qui sont venues nous déposer des mémoires faisant en sorte et nous signifiant qu'ils voulaient qu'on ait une certaine approche envers eux, et ils voulaient faire partie prenante de l'ensemble du développement du Québec, dans toutes les sphères d'activité. Je me rappelle, en commission parlementaire sur l'avenir énergétique du Québec, dans le domaine éolien, dans toutes sortes de domaines, ils veulent faire partie prenante du développement, puis ils veulent faire partie, puis ils veulent être une solution de l'ensemble de ces éléments-là.
M. Saganash, vous avez dit au départ que c'est une mise en garde que vous nous faites par rapport au Nord-du-Québec. Il y a des mots qui se sont dits de la part de votre conseiller juridique mais de votre part aussi, au niveau du régime actuel. On dit que c'est un régime constitutionnel distinct. Vous avez parlé de la Convention de la Baie James, vous parlez de la «Paix des Braves» en 2002. M. le conseiller juridique dit: Vous avez décidé délibérément, au niveau de certains décrets, le MAMR versus le ministère des Ressources naturelles. Vous dites que la CRE Blancs, c'est un peu le filtre qui agit entre les autochtones et l'État. Est-ce que vous êtes en train de nous dire... Puis c'est de là que vient le fait que je veux comprendre, parce que vous dites que vous pouvez transporter la négociation ou le résultat de la «Paix des Braves», au niveau du chapitre III, à l'ensemble du Québec, mais vous êtes en train de nous dire que le document de travail ou le projet de loi qui va venir suite aux consultations qu'on va avoir ne peut pas s'appliquer sur votre territoire, par rapport à la Convention de la Baie James et par rapport à la «Paix des Braves»? Est-ce que j'ai bien compris le message et la mise en garde que vous nous avez faits?
M. Saganash (Romeo): C'est-à-dire que c'est l'inverse, là. Le régime qui est contenu dans la «Paix des Braves», si les autres régions estiment que c'est un régime valable qui peut très certainement être importé dans d'autres régions, exporté vers d'autres régions, il n'y a pas de problème. Moi, je dis que tout ce qui se fait pour la province en général ne peut pas être transporté dans un territoire qui est couvert par un traité, parce que ça prend la participation et le consentement du parti signataire, autochtone dans ce cas-là. C'est ça, la mise en garde. On ne peut pas...
Moi, ça fait 20 ans que je viens à l'Assemblée nationale pour les commissions parlementaires, et pourtant encore on dit: Oups! On a oublié cette partie-là, on a oublié les autochtones, on a oublié qu'il y avait une convention. C'est tout simplement ce qu'on dit. La Convention de la Baie James a été approuvée, mise en oeuvre et déclarée valide par une loi de l'Assemblée nationale. Pourquoi vous ne respectez pas cette loi? C'est ça, mon point.
n(16 h 20)nM. Dufour: Alors, c'est exactement ce que j'ai dit. Je dis que la «Paix des Braves», chapitre III, peut se transporter à l'ensemble du Québec, mais les travaux qu'on fait actuellement ne peuvent pas s'appliquer sur votre territoire, au niveau de la Convention de la Baie James et de la «Paix des Braves». C'est ça?
M. Saganash (Romeo): C'est une proposition pour une application générale qui ne peut pas s'appliquer automatiquement, puisque ça va en conflit avec certaines dispositions de la convention.
M. Dufour: Non, mais, si, mettons, exemple, là, qu'on change le régime forestier, puis qu'il y a des bonnes choses, puis il y a des choses qui font votre affaire, est-ce qu'il y a moyen de dénouer l'impasse par rapport aux signatures qu'on a actuellement?
M. Saganash (Romeo): Bien, le problème, c'est qu'il fallait dès le départ approcher les chefs cris puis leur dire: Écoutez, voici ce qu'on a envie de faire, là, avec tout ça, et qu'est-ce que vous en pensez? Y a-t-il possibilité d'ajuster des choses, faire des amendements à la «Paix des Braves», si vous êtes satisfaits avec ça, ou la Convention de la Baie James? C'est ça, mon point. Mon conseiller juridique veut ajouter un commentaire. Il me demande la permission en tant que client. J'aimerais lui accorder.
M. Clément (Jean-Sébastien): Je veux simplement dire à la commission: Évidemment, une des raisons pour lesquelles on est ici aujourd'hui, c'est qu'il y a eu ? et je l'ai dit plus tôt ? beaucoup d'actions concrètes qui ont été prises par le gouvernement depuis au moins deux ans et demi. Ça a commencé par la commission Coulombe, il y a eu les trois décrets, il y a eu deux ou trois documents de travail. Alors, on ne vient pas ici, là, tout d'un coup sonner l'alarme. On ne s'est pas réveillés hier matin en disant: On va sonner l'alarme. Ça fait huit documents où on dit: Il faut s'attarder à ça. Et les parties ne se sont pas attardées à ça. Alors, ce qu'on vous dit aujourd'hui: On a bien lu, dans le document de travail, que le gouvernement du Québec voulait légiférer pendant l'automne. Bien, c'est un petit peu épeurant, quand ça fait cinq, six, sept fois qu'on dit: Écoutez, il y a un problème, il faut l'adresser, il faut s'asseoir, puis qu'on n'a pas de réponse. Alors, c'est le message qu'on a aujourd'hui.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Alors, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que vous n'avez pas été consultés. Parce que ça a déjà arrivé ici, à l'Assemblée nationale, qu'il y a un projet de loi qui a avorté justement parce qu'on n'avait pas consulté. Alors, vous êtes en train de nous dire... Puis vous dites qu'il y a eu huit documents là-dessus, trois décrets, que vous avez des approches. Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'il y a eu une fin de non-recevoir, vous n'avez pas été consultés. C'est ce que je comprends?
M. Saganash (Romeo): ...accusés réception.
M. Dufour: Non, non, mais ils vont nous répondre.
M. Saganash (Romeo): On a allumé la lumière rouge et on a reçu certes des accusés réception pour nos commentaires qu'on a faits par correspondance, mais jusqu'à maintenant pas de réponse de façon générale.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Bien, vous me dites que vous avez eu des accusés réception, mais il n'y a pas eu de rencontre entre le ministère des Ressources naturelles et vos représentants, au niveau d'une certaine approche?
La Présidente (Mme Gonthier): Me Clément.
M. Clément (Jean-Sébastien): Il y a eu des rencontres, mais il n'y a pas eu, je pense, de discussion, disons, du moins à mon niveau, là, où on a regardé les choses concrètement. Ça fait longtemps que les Cris se plaignent de cette situation-là, puis ils se sont plaints aussi d'une législation qui est relative à la législation sur les Cris, puis c'est en ce moment le sujet de vérifications sérieuses par les deux parties en vertu de la «Paix des Braves». Et tout ça est confidentiel, alors on ne peut pas en parler aujourd'hui.
Alors, oui, il y a eu des approches. Le problème qu'on voit, c'est que c'est la théorie du «roller coaster», là, c'est qu'à un moment donné on regarde les documents puis on voit que le temps presse. Ça fait deux ans et demi qu'on dit: Écoutez, il y a quelque chose là, il y a quelque chose là. Ça a été discuté généralement. On ne peut pas vous dire qu'il n'y a pas eu des discussions générales, mais, de là à aller, par exemple, et vraiment se poser des questions puis trouver des solutions à un problème, moi, je peux vous dire personnellement que je n'ai pas vu de discussions concrètes pour régler le problème. Le problème a été expliqué, réexpliqué et réexpliqué, on a eu des indices comme quoi les gens comprenaient, mais ce n'est pas assez, là. Il faut voir quelle est la prochaine étape.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Alors, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que vous venez de nous faire les doléances du fait qu'il y a eu des lacunes dans les consultations. Mais est-ce que, par rapport au travail qu'on est en train de faire, par rapport à l'écoute que nous allons avoir par rapport aux différents groupes qu'on va rencontrer, est-ce qu'il est trop tard pour dénouer l'impasse, ou il y a toujours moyen de mettre la main à la pâte?
M. Clément (Jean-Sébastien): C'est une bonne question.
La Présidente (Mme Gonthier): M. Saganash.
M. Saganash (Romeo): Oui. Merci, Mme la Présidente. Ce que je peux dire pour l'instant par rapport à tout ça, c'est que nous, notre rôle aujourd'hui, c'était de venir parler de façon générale de ce qu'on voyait, politiquement et juridiquement, dans la situation. On sait que, le 14 octobre prochain, le grand chef reviendra devant vous vous faire une présentation plus spécifique sur les points plus spécifiques dont vous devez vous attarder, alors...
M. Dufour: Merci.
La Présidente (Mme Gonthier): Merci. Alors, merci, messieurs. Nous allons suspendre pour quelques minutes, et j'inviterais immédiatement le prochain groupe, la Fédération des trappeurs gestionnaires du Québec.
(Suspension de la séance à 16 h 27)
(Reprise à 16 h 30)
La Présidente (Mme Gonthier): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, bonjour, messieurs. Je demanderais à votre porte-parole de présenter le groupe et de présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous allons procéder à une période d'échange de 35 minutes avec les députés. Alors, à vous la parole.
Fédération des trappeurs
gestionnaires du Québec (FTGQ)
M. Gravel (Lucien): Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Boulet. M. Dufour, M. Roy, bonjour. En même temps, bien, salutations à M. Bergeron. Mon nom est Lucien Gravel. Je suis le président de la Fédération des trappeurs gestionnaires du Québec. Les personnes qui m'accompagnent: M. Philippe Tambourgi, biologiste à la fédération; M. Jean-Claude Racine, ingénieur forestier, également de la fédération.
La Fédération des trappeurs gestionnaires du Québec a déposé un mémoire en mars, dans le cadre des consultations sur le livre vert de la forêt. Suite à la parution du document, nous constatons qu'aucune préoccupation ou attente des besoins des trappeurs n'ont été prises en considération.
Ce n'est que très récemment, au début du mois de septembre, que nous avons appris la tenue de cette commission parlementaire sur le document de travail. Puisque l'impact de la foresterie est très important sur la pratique de la rentabilité de notre métier ou de notre activité, nous avons demandé à être invités et présenter nos préoccupations et nos attentes, malgré le court délai de préparation.
Actuellement, nous travaillons avec plusieurs partenaires afin de dégager une position commune des attentes et des besoins des gestionnaires fauniques. La Fédération des pourvoiries du Québec, la Fédération québécoise pour le saumon atlantique, la SEPAQ de même que les zecs Québec font partie de nos partenaires avec lesquels nous élaborons présentement notre position.
Une partie de notre présentation réfère donc à une position commune actuellement dégagée par nos principaux organismes respectifs. Nous poursuivrons prochainement notre réflexion avec nos partenaires, qui vous présenteront, en octobre, leurs positions ainsi que la position commune des gestionnaires de territoires. Nous déposerons également notre mémoire en octobre, lorsque notre réflexion sera complétée.
Je laisse la parole à M. Tambourgi qui va vous présenter un résumé, là, de notre mémoire. Il présentera d'abord une brève description de la Fédération des trappeurs gestionnaires du Québec et du piégeage au Québec; ensuite, il parlera des préoccupations des trappeurs en regard de la gestion forestière; pour finir, les attentes des trappeurs relativement à l'exploitation des forêts.
M. Tambourgi (Philippe): Donc, bonjour. La Fédération des trappeurs gestionnaires du Québec, c'est un organisme sans but lucratif qui représente l'ensemble des trappeurs au Québec. Elle est constituée de 14 associations régionales de trappeurs réparties sur l'ensemble de la province. Sa mission, c'est de promouvoir le piégeage en tant qu'activité économique et professionnelle, d'en assurer la gestion, le développement ainsi que la perpétuation, dans le respect de la faune et des habitats.
La Fédération des trappeurs fait partie de la Table nationale de la faune et ses associations régionales, des tables régionales de la faune. Ces tables ont pour mandat de conseiller le ministre ou ses représentants régionaux sur la conservation et mise en valeur de la faune.
Le piégeage des animaux à fourrure, c'est un métier qui permet de fournir la matière première à une industrie très importante au Canada, celle de la fourrure. Historiquement, c'est le commerce de la fourrure qui a permis l'installation et le développement de notre société, et ce, bien avant même que l'on débute le commerce du bois.
Au Québec, le piégeage se pratique sur deux types de territoire. D'abord, un piégeur peut faire l'acquisition d'un terrain de piégeage enregistré. C'est un bail qu'il obtient avec le gouvernement. On retrouve 2 000 terrains de piégeage au Québec, d'une superficie d'environ 50 km². Ces territoires se retrouvent dans les réserves fauniques, dans les zecs, ainsi que sur le territoire public. L'autre façon qu'un piégeur peut pratiquer son activité, c'est d'utiliser le territoire libre. Donc, c'est constitué des terres privées et du reste du territoire où aucun droit d'exclusivité n'a été accordé.
Maintenant, on va passer aux préoccupations des trappeurs en regard de la gestion forestière. La première préoccupation, c'est la raréfaction des forêts mûres et surannées au profit d'une surabondance de jeunes peuplements. Ces forêts mûres et surannées abritent les espèces de fin de cycle comme la martre et le pékan, des espèces recherchées par les trappeurs.
La seconde préoccupation, c'est l'artificialisation de la forêt, qui entraîne des pertes importantes au niveau de la qualité des habitats de la faune. Cette artificialisation se reflète sur la population du lièvre en particulier, qui a diminué de façon drastique. Tous les prédateurs en sont affectés. Les biologistes suggèrent même de fermer le piégeage du lynx, une des espèces clés pour les trappeurs et l'industrie de la fourrure.
Comme troisième préoccupation, on a le projet de zonage pour la sylviculture intensive, où les meilleurs sites sont visés pour la production de matière ligneuse, projet qui entraînera des pertes au niveau des habitats et des pertes de revenus importantes pour les trappeurs. Cette priorisation accordée à la production de matière ligneuse ne trouve pas son équivalent du côté faune. Elle viendra confirmer l'absence d'aménagement forestier durable au Québec en soustrayant la production faunique en faveur de la production de matière ligneuse, 30 % du territoire productif. Une telle modification de gestion ne devrait pas être abordée sans en connaître tous les intrants et les impacts sur les différentes ressources et les différents utilisateurs.
Comme quatrième point de préoccupation, on a la raréfaction du bois mort dans les forêts aménagées. C'est un élément qui est essentiel à la survie de plusieurs espèces fauniques, dont la martre, la belette, le pékan. Ces espèces ne trouvent plus abri et nourriture et n'utilisent alors ces milieux aménagés que comme milieux de passage.
Comme cinquième préoccupation, on a les modes de récolte actuels où aucun égard n'est apporté à la protection de la haute régénération, causant un effet négatif sur les habitats de la faune, sur la possibilité forestière et sur le portefeuille des Québécois, qui auront à payer la note pour la préparation de terrains et le reboisement.
Comme sixième préoccupation, on a le niveau de récolte jugé trop élevé, tel que soulevé par la commission Coulombe et auparavant dans le documentaire de Richard Desjardins, ainsi que par d'autres écrits, dont celui de Donald MacKay, le niveau de récolte que l'on semble vouloir maintenir en artificialisant davantage la production de matière ligneuse, rendant ainsi les forêts du Québec non admissibles aux normes de certification reconnues sur le plan international.
Comme septième préoccupation, on a l'absence d'un représentant en chef pour la faune, relevant du gouvernement et ayant pour mandat la mise en valeur de la faune et la défense des droits des utilisateurs et gestionnaires fauniques.
Comme huitième préoccupation, on a l'absence d'orientations du MRNF en matière de mise en valeur de la faune.
Comme neuvième préoccupation, on a l'absence de réglementation appropriée pour encadrer l'exploitation des forêts avec un esprit de développement durable.
Comme 10e préoccupation, les trappeurs s'inquiètent également de la très grande place que le Forestier en chef a accordée à la production de la matière ligneuse, sans aucune considération pour les droits que le MRNF a accordés à ses partenaires de la faune, comme les trappeurs, les pourvoyeurs, les organismes gestionnaires de zecs et les réserves fauniques. Les trappeurs se demandent si le Forestier en chef ne devrait pas relever du gouvernement ou encore du ministère de l'Environnement.
Finalement, comme dernière préoccupation, les trappeurs ont également beaucoup d'inquiétudes à propos de la mise en place de sociétés régionales d'aménagement où ils ne trouvent pas de place pour leurs mandataires au niveau des conseils d'administration de ces sociétés.
On peut noter que la majorité des différents points de préoccupation soulevés se retrouvent dans la longue liste d'enjeux liés à la biodiversité, dressée par un comité scientifique pour la réserve faunique des Laurentides. Des 42 enjeux déterminés par ce comité, cinq ont été jugés prioritaires, soit la disparition de la dominance des forêts mûres et surannées, la raréfaction des forêts mûres et surannées, la raréfaction du bois mort dans les forêts aménagées, la perte d'intégrité des divers boisés riverains, l'uniformisation des structures horizontales et verticales des peuplements.
Maintenant, passons aux attentes des trappeurs relativement à l'exploitation des forêts. Donc, les trappeurs demandent, depuis plusieurs années, une réglementation couvrant la configuration et la composition de la forêt résiduelle à un niveau capable de supporter des populations fauniques à l'échelle locale, comme un terrain de piégeage, et ce, à un niveau permettant une récolte soutenue d'animaux à fourrure comme la martre. Ce point n'est pas couvert par l'actuel RNI, ce qui cause à nos trappeurs des problèmes insurmontables et des dépenses inacceptables chaque année, sans parler du mauvais climat utilisateur de la faune vis-à-vis les exploitants forestiers.
Comme deuxième attente, les trappeurs détenteurs de baux de piégeage demandent le maintien de l'article 54 de la Loi sur les forêts et demandent d'y être inclus comme le sont les pourvoyeurs, les réserves fauniques et les zecs.
Comme troisième attente, les trappeurs demandent l'obligation d'ententes écrites au niveau du zonage, des plans généraux d'aménagement forestier, des PQAF et des PAIF, incluant les travaux sylvicoles.
Comme quatrième attente, les trappeurs demandent une procédure pour le règlement des litiges où la ministre ou son représentant aurait le choix final.
Comme cinquième attente, les trappeurs demandent une réglementation appropriée afin de bien encadrer l'aménagement forestier durable, qui devrait prendre en compte le maintien ou l'amélioration de la qualité des habitats qui permettent une récolte soutenue des ressources fauniques à l'échelle locale.
Comme sixième attente, les trappeurs demandent l'arrimage de la Loi sur les forêts avec celle de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune afin que l'aménagement forestier durable puisse prendre en compte les besoins de la faune en matière d'habitat à l'échelle locale.
Comme septième attente, les trappeurs demandent qu'on applique des traitements sylvicoles qui permettent d'obtenir des structures verticales et horizontales des peuplements, produisant ainsi de la forêt et de la faune.
Puis, comme dernière attente, les trappeurs demandent un siège sur les conseils d'administration des sociétés d'aménagement afin d'être en mesure de désigner un mandataire sur chacun des C.A. en vue de participer pleinement à la gestion intégrée des ressources et d'assurer la protection de leurs droits.
n(16 h 40)nLa Présidente (Mme Gonthier): En conclusion.
M. Tambourgi (Philippe): En conclusion...
La Présidente (Mme Gonthier): Parfait.
M. Tambourgi (Philippe): Parfait. Nous considérons que la meilleure façon de maintenir les avantages multiples de la forêt est d'assurer la concertation entre les représentants des différents utilisateurs du territoire. Évidemment, le succès de la démarche repose sur la capacité d'intervenir des intervenants, d'où la reconnaissance de l'utilisateur par l'article 54 de la Loi sur les forêts, qui permet la participation en amont, le tout complété par une obligation d'entente.
La Présidente (Mme Gonthier): Merci. Mme la ministre.
Mme Boulet: Alors, merci à vous tous d'être présents cet après-midi. C'est un volet qui est différent, puis je pense que c'est un volet dont il faut tenir compte. Et, quand on parle de la gestion intégrée du territoire et des ressources, assurément, là, vous êtes des acteurs importants.
Moi, j'aimerais vous entendre à l'égard de la sylviculture intensive. Est-ce que, selon vous, ça peut être conciliable d'avoir de la sylviculture intensive puis en même temps de pouvoir protéger vos activités, ou si c'est quelque chose qui est irréconciliable puis que vos activités devront se faire en dehors des sites de sylviculture intensive?
M. Tambourgi (Philippe): Au niveau de la sylviculture intensive, habituellement la sylviculture comme elle se pratique actuellement, ce n'est pas vraiment conciliable avec la pratique du piégeage. Par contre, une de nos attentes, c'est vraiment qu'on applique des traitements sylvicoles qui permettent d'obtenir des structures verticales et horizontales des peuplements. Donc, il y a divers moyens de le faire: on peut favoriser la haute régénération lors des coupes ou favoriser la régénération naturelle, donc il y a moyen de développer les deux, là.
Mme Boulet: Êtes-vous capable de nous parler un petit peu... c'est quoi, les relations qui existent actuellement entre les trappeurs et les utilisateurs de la forêt, les industries qui viennent en forêt pour couper les arbres? Ou, à la limite, avec les autres utilisateurs, est-ce que c'est harmonieux? Est-ce que vous sentez que des fois vous dérangez ou que... Est-ce qu'à ce jour ça s'est fait de façon correcte ou si vous sentez vraiment que vous êtes brimés dans le temps où vous pouvez vous occuper à votre loisir?
M. Tambourgi (Philippe): C'est assez variable d'une région à l'autre, là.
Mme Boulet: ...
M. Tambourgi (Philippe): La reconnaissance ne se fait pas de la même façon. Souvent, on se fait dire: Vous n'êtes pas inclus dans l'article 54 de la Loi sur les forêts, donc vous ne faites pas partie des personnes qu'on va consulter, dans les plans généraux d'aménagement forestier. Souvent, ce qui se passe, c'est que l'industrie arrive puis: Ramasse tes pièges parce qu'on passe, puis tu n'as pas été consulté.
Donc, je ne dirais pas que la situation est harmonieuse entre les trappeurs et les bénéficiaires. Par contre, c'est sûr que la quantité de trappeurs qui sont touchés à la fois, ça ne fait pas... ça n'a pas de gros impacts directs, c'est un terrain de piégeage à la fois qui est touché, donc ce n'est pas tous les trappeurs en même temps. C'est pour ça que ça ne soulève pas vraiment de grandes crises toutes en même temps, là.
M. Gravel (Lucien): J'aimerais juste également ajouter une précision, Mme Boulet, concernant la question que vous avez posée. Le trappage, souvent, contrairement à la chasse, ou du moins un peu comme la chasse, va générer plusieurs activités pour le trappeur. Le travail en présaison souvent est plus grand que le travail pendant la saison. Les compagnies forestières ne se ruent pas, en plein été, pour procéder aux coupes. On va dire, généralement ça va commencer, puis une bonne partie de l'hiver, et puis le travail du trappeur, à ce moment-là, est fait. Dans certaines régions, dans certains cas, les difficultés qu'on a, c'est d'arrimer les efforts que le trappeur peut mettre avec les travaux des forestières ou des compagnies qui bûchent.
Mme Boulet: ...
M. Gravel (Lucien): Tes installations sont toutes faites; une partie de l'été, tu as travaillé pour réaménager de vieux sentiers forestiers à la débroussailleuse, et puis l'automne, pour voir arriver les coupes forestières, que tu te lèves un matin, la machinerie est rentrée, et puis toutes les installations qu'on a faites en présaison sont rendues inutiles. Et on rend inutilisables, comme ça, des parties majeures de territoire de trappe où les trappeurs ont mis des efforts.
Les impacts directs sur un territoire de trappe, souvent c'est des heures de travail qu'on a faites inutilement parce qu'un simple problème de communication... Mais également, si on parle des coupes précommerciales, puis tout ça, ça vient, pour des années, diminuer l'efficacité de certains secteurs, et puis on n'est pas toujours avisés ni consultés dans ces dossiers-là.
Mme Boulet: Alors, si je comprends bien, là, c'est le fait de ne pas être consultés ou le fait de ne pas être informés. Si je comprends bien, vous faites des travaux, et puis après ça la forestière débarque, puis, woups! c'est comme si vous n'étiez jamais passés. Et, juste le fait d'être informés qu'il y a des plans quinquennaux de coupes forestières qui vont se faire à tel ou tel endroit, ça vous éviterait probablement d'aller dépenser de l'argent, du temps et de l'énergie pour faire vos installations, là.
Moi, dites-moi, là... bien humblement, là, je ne connais pas beaucoup ça, le monde du trappage, mais on a l'impression, quand on entend les trappeurs vouloir avoir certains droits dans la forêt, on a l'impression qu'il faudrait garder toute la forêt à... pour servir finalement de zones de trappe.
Est-ce qu'il peut y avoir... est-ce que ça pourrait être envisageable d'avoir des territoires donnés? Est-ce qu'il faut que ce soit toute la forêt, ou si vous seriez capables éventuellement de dire: On peut avoir des zones désignées? Est-ce que c'est pensable ou est-ce que je suis complètement à côté de la track, là, je ne le sais pas? Oui?
M. Gravel (Lucien): Je vais répondre brièvement à votre question. Si on compare le territoire ontarien, en termes de territoires de trappe, et celui du Québec, ceux du Québec sont trois fois moins grands que ceux de l'Ontario, quand ils sont donnés en territoires de piégeage. Ou, si on veut déjà y aller en territoires désignés à l'intérieur d'un territoire de trappe, on va venir morceler un terrain qui est déjà au minimum dans sa rentabilité.
Par contre, concernant la question précédente, M. Racine, qui est ingénieur forestier, aurait une précision à vous apporter. Probablement plus facile pour lui de vulgariser, en termes de foresterie, là, les mouvements qui sont faits. Si vous êtes d'accord, je passerais la parole à M. Racine pour la question précédente.
M. Racine (Jean-Claude): En Haute-Mauricie, dans votre secteur, on a travaillé beaucoup avec l'association des trappeurs pour la protection, pas pour arrêter les coupes de bois, pour la protection des habitats, faire une dispersion des coupes qui permette, à ce moment-là, de protéger les habitats, hein?
On sait que la martre, par exemple, elle peut accepter, dans son domaine vital, des coupes sur 40 % de son territoire. C'est déjà beaucoup, mais ça, c'est possible. C'est prouvé, ça, on a des données scientifiques là-dessus. L'an passé, là, on a travaillé beaucoup à essayer à établir des alignements, lors des consultations pour les PQAF, puis on n'a pas eu d'écoute là-dessus. On n'a pas eu d'écoute là-dessus. On aurait été prêts à nous entendre sur des questions de détail, tu sais? J'ai, par exemple, une ligne de trappe, là, ici, là; y a-tu moyen de me garder un corridor? Des cas comme ça, de détail, voyez-vous? Mais, des questions de principe, de répartir les coupes, O.K., de faire la récolte en trois passes plutôt qu'en deux passes, ça, on n'a pas voulu toucher à ça. O.K.? Ça, c'est malheureux, là, mais on pourrait très bien... On ne dit pas de ne pas couper sur un terrain de piégeage, tu sais, on peut couper sur un terrain de piégeage. Là, il faudrait couper de façon particulière, O.K., pour laisser une forêt résiduelle qui convienne à la faune, voyez-vous? Autrement, on pourrait ? si on applique la réglementation telle qu'elle est; on pourrait ? couper un terrain de piégeage au complet dans l'espace de 10 ans, et puis le piégeur, bien il n'a plus rien pour... entre autres, dans les espèces de fin de cycle, il n'a plus rien pour peut-être 30, 40 ou 80 ans. O.K.?
Mme Boulet: J'aurais une question, puis probablement la dernière, là. La Table nationale faune a été consultée ou entendue dans le cadre de la conception du livre vert. Est-ce que vous pensez que les éléments qu'elle a apportés, est-ce que ça été tenu en compte ou si vous avez l'impression qu'il n'y a pas d'éléments qui ont été retenus de façon particulière ou...
Une voix: Ils font partie de la table...
Mme Boulet: Oui, c'est ça. Oui, je sais qu'ils font partie de la table, mais... C'est ça, la table a fait des... des... a été consultée pour construire ou bâtir le livre vert. Est-ce que vous pensez que les éléments que la Table nationale faune a apportés se sont retrouvés de façon... est-ce que ses préoccupations ont été tenues en compte dans le livre vert? Est-ce que vous retrouvez des préoccupations que vous m'avez soulevées, là, dans votre présentation? Est-ce qu'il y a des éléments que vous retrouvez là-dedans qui vont vous faciliter la vie ou qui vont faire et qui vont rendre la cohabitation plus harmonieuse entre vos gens et les utilisateurs, les autres utilisateurs de la forêt?
n(16 h 50)nM. Tambourgi (Philippe): Je ne me rappelle pas spécifiquement que la Table nationale de la faune ait été consultée précisément lors d'une réunion, là. En tant que membres de la table, on a déposé un mémoire, puis on n'a retrouvé absolument... dans le document de travail, on n'a retrouvé aucune réponse à nos préoccupations et attentes. Ça ne veut pas dire que le document de travail ne peut pas être bonifié, là, mais on n'a vraiment aucune réponse. Le petit paragraphe qu'il y a eu, c'est la gestion intégrée des ressources et du territoire, qu'on a ajouté, qui est assez simplifié que... Ça peut nous dire beaucoup de choses comme ça peut ne rien dire. Donc, on ne peut pas dire que ça répond à nos attentes.
Mme Boulet: Écoutez, on prend bonne note de ce que vous nous apportez. On est ici pour bonifier ce document-là. Alors, soyez certains que le message est bien reçu. Mais on regardera, là, ce qu'il est possible de faire, considérant les besoins de votre organisation. Merci beaucoup de votre visite.
La Présidente (Mme Gonthier): Merci. M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Gravel, messieurs, bienvenue à cette consultation. Simplement pour faire le point pour les gens qui nous écoutent, il n'y a pas plus mauvais vendeur qu'un trappeur, parce qu'un trappeur, c'est un grand rêveur. Un trappeur, c'est quelqu'un qui prend la forêt comme son bébé, qui la traite, qui la jardine, qui la cultive et qui va chercher le meilleur de cette forêt-là sans jamais prélever l'ensemble. Donc, si on était capables de gérer nos forêts comme les trappeurs le font, on serait beaucoup plus avancés aujourd'hui qu'on l'est.
Quels sont ceux et celles dans la salle, ici, qui peuvent se vanter d'avoir vu une martre, d'avoir vu un vison ? d'accord pour vous parce que vous vivez en forêt...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Très, très peu de personnes... très, très peu de personnes peuvent dire: En forêt, j'ai eu la chance de voir un lynx. C'est une belle chance, de voir un lynx. Et pourtant, quand on va... Puis je vous invite, au mois d'août, il y a tout le temps, là, Woodstock en Beauce, qui est une chose, mais il y a le Woodstock du trappeur, où vous allez trouver une confrérie de personnes, de gens, de femmes, d'enfants qui vivent une passion incroyable, celle de vivre en forêt non pas pour prélever des animaux, mais bien pour avoir un... Comme on fait des mouches, on pourrait tuer une poule pour faire des mouches. Bien, eux autres, ils vont prendre la peau de l'animal, ils vont prendre l'animal dans son ensemble pour en faire un loisir.
Et, contrairement à ce que les gens peuvent penser, la fourrure, on en aura besoin tout le temps, il y aura toujours des acheteurs de fourrure et de cuir. Et qu'on veuille les mettre à l'index parce qu'ils prélèvent, bien, à ce moment-là, encore une fois, on pourrait tous être chastes et purs, ne plus rien couper, ne plus rien tuer, ne plus pêcher, plus chasser... Dans le fond, on n'a même plus le droit d'aller marcher parce qu'on écrase des champignons. On n'ira pas parce qu'on tue des insectes, puis on ne va pas dans les marais parce qu'on tue des grenouilles. Donc, il faut arrêter de vivre, rester sur l'asphalte puis ne pas rien faire.
Je dirai simplement: Au niveau des trappeurs, la connaissance de la forêt, M. Gravel, quand vous trappez, vous avez une connaissance incroyable du milieu forestier dans lequel vous vivez. Et, quand vous disiez, tantôt, que la préparation de votre territoire est importante, combien de temps vous mettez à la préparation ou encore à l'examen d'un territoire de trappe?
M. Gravel (Lucien): Dans mon cas à moi, cette année, j'ai eu un petit peu moins de temps que d'habitude. J'ai dû travailler à date une dizaine de jours juste pour permettre, là, que, cet automne et cet hiver, je vais être capable de circuler dans l'ensemble des sentiers. L'observation des signes, parce que, quand on est sur la terre, c'est plus difficile un petit peu qu'en hiver sur la neige, mais c'est là qu'on installe nos sets quand même puis nos préparations, que ce soit pour le lynx, la martre ou autres. Facilement, là, au moins une dizaine de jours cet été.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Pour aller chercher combien de montant d'argent, M. Gravel, sur l'ensemble de votre année, sur... Mettons, l'ensemble des trappeurs, vous le savez, là, ils vont chercher combien par année pour leur loisir?
M. Gravel (Lucien): Généralement, ce n'est jamais la même chose d'un trappeur à l'autre. Et ça dépend également, là, de la durée où on va pratiquer notre trappe en hiver. Mais je suis quand même embêté d'établir une moyenne. Puis généralement on va dire, bon, aux environs de, je ne sais pas, 3 000 $ pour un trappeur. Souvent, ça n'excède pas le montant des dépenses. Ça coûte plus cher, aller trapper, que ce que ça peut rapporter. Mais c'est que, quand on se promène dans le Vieux-Port puis qu'on rentre dans des boutiques de fourrure, il faut se dire qu'elles viennent d'un endroit. C'est un travail qui demande beaucoup d'efforts, mais c'est quand même la base d'une grande industrie qui génère 800 millions au Canada.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): On avait... J'avais... Il y a un pourvoyeur, qui s'appelle Réal Massé, qui, lui, perdait trois jours... pas trois jours, trois semaines d'école à tous les ans parce que son père récoltait l'huile de mouffette. Et bien sûr il vendait l'huile de mouffette, puis, comme il transportait les mouffettes sur son dos, bien son corps devenait imbibé et on l'empêchait d'aller à l'école pour tout... pour... finalement pour vendre ça, cette huile-là, à des chasseurs qui voulaient se camoufler pour pratiquer la chasse.
Donc, quand on regarde, de façon écosystémique, ce qui se passe au niveau de la trappe au Québec, au niveau des gestionnaires, moi, je suis toujours fasciné de voir que des gens mettent autant d'efforts physiques ? c'est très, très dur, la trappe ? des grands marcheurs, mais surtout ce sont des gens qui ont un respect incroyable pour la nature et qui peuvent être, pour des tables de concertation, des alliés plus qu'importants en disant: Avez-vous remarqué, là-bas, il y a des lynx? On a un territoire de lynx, si vous laissiez telle bande, ça ne changerait rien pour vous et on pourrait avoir des gens ou qui vont en observer ou encore vont pouvoir en prélever, puis toujours dans le respect, parce qu'ils ne videront jamais un territoire. Ce n'est pas eux qui vident les territoires, c'est les gens qui ne connaissent pas la nature qui vont vider les territoires.
Quand on regarde au niveau des forêts surannées, moi, ça m'interpelle un peu, parce que là on dit: Forêts surannées, ou elles vont tomber malades ou elles vont brûler, et, vous, vous en avez besoin. Mais, jusqu'à quel point vous pouvez faire la conciliation d'une forêt surannée qu'on pourrait prendre avant sa détérioration et venir, bien sûr, avec vos activités de piégeage, qu'on puisse trouver un mariage assez convenable?
M. Racine (Jean-Claude): La forêt surannée, elle est très importante pour les espèces de fin de cycle, O.K.? La forêt surannée, elle commence à... il y a des arbres qui commencent à mourir pour laisser la place à des recrûs, à de la régénération, O.K.? Cette forêt-là, ce n'est pas une perte complète, elle joue son rôle dans l'écosystème, O.K.? Puis on parle d'écosystémique, bien l'écosystémique, il est là, là, hein? On est parti, là, d'une plantation ou on est parti d'un feu puis on a laissé pousser, et on est rendu au stade où la forêt commence à ouvrir pour laisser la place à un autre... à un autre type de végétation. Le pin gris, par exemple, va laisser sa place à du sapin et puis à de l'épinette noire. Il ne revient pas en pin gris, voyez-vous, il revient en sapin ou en épinette noire. Là, il commence à avoir une valeur faunique, pour la faune qui nous intéresse, beaucoup plus élevée.
Dans la forêt, mettons, mélangée qui commence à ouvrir, il y a des arbres qui tombent par terre. Ils deviennent l'habitat, la table de nourriture des insectes, des champignons, tu sais, de tous les petits mammifères, les rongeurs, de la martre, entre autres, qui vit sous la neige, qui va d'un arbre à l'autre, O.K., pour se nourrir des souris qui vivent des insectes et des petits champignons qu'ils vont ramasser là. Voyez-vous? C'est ça, l'écosystémique, là, voyez-vous? Enlevez le bois mort...
La Présidente (Mme Gonthier): Allez-y.
M. Racine (Jean-Claude): Oui. Enlevez le bois mort puis gardez une forêt propre, comprenez-vous, bien là vous nuisez drôlement à tout cet écosystème-là, voyez-vous?
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci, Mme la Présidente. Il y a une autre chose aussi qui m'interpelle beaucoup, c'est qu'on est les leaders mondiaux dans l'hydroélectricité. On a développé une technologie incroyable. On a développé... on espère développer des techniques dans différents domaines, et vous êtes, les trappeurs du Québec, les leaders mondiaux de la trappe bien sûr humanitaire, donc ce qu'on appelle le piégeage humanitaire. On est la référence mondiale dans ce domaine-là, et je voudrais que vous nous en parliez un peu, M. Gravel, s'il vous plaît, ou votre confrère.
n(17 heures)nM. Gravel (Lucien): Effectivement, M. Roy, le Québec se démarque non seulement au Canada, mais également en Europe, au niveau de la trappe. Il y a plusieurs années, la Communauté européenne a imposé des normes de piégeage sans cruauté aux trappeurs canadiens, américains, russes et tous les pays où il se faisait du trappage, où on a dit que, pour la continuité de l'activité, on devait adopter des normes qui étaient sévères, rigides et strictes.
L'Institut de la fourrure du Canada, il y a cinq ou six ans, a commencé à mettre en oeuvre un plan dans le but de tester l'ensemble des pièges qui sont utilisés par les trappeurs puis d'établir des normes avec des biologistes dans le but de connaître l'efficacité des pièges. Plusieurs pièges qui existaient, tels que les pièges à rétention au niveau de la patte, ont été bannis parce qu'il a été reconnu que ce type de piégeage là n'était pas, je ne dirais pas humanitaire, mais était cruel. Maintenant, l'orientation du trappage mondial, que ce soit au niveau de la Russie, de la Chine ou peu importent les pays, là, le Canada s'en va vers le trappage qu'on dit sans cruauté.
Le Québec est un leader mondial en matière de fabrication de pièges, puis ce sont des industries familiales. On parle de M. Bélisle, M. Sauvageau, puis Rudacovitch, qui sont des leaders mondiaux, qui exportent énormément de pièges en Europe. Ça a été fait... une industrie qui a été tenue à bout de bras. On a eu l'assistance également du ministère dans ça, dont la participation de techniciens de la faune qui ont amené beaucoup pour que l'industrie, que l'activité puisse continuer. Le piégeage, au Québec, est une base de notre industrie, ça se continue, puis c'est un héritage important.
La Présidente (Mme Gonthier): Il vous reste une minute, M. le député.
M. Roy (Montmagny-L'Islet): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, messieurs, moi, je vous dirais en terminant que, bien au contraire d'être délaissés au niveau des tables, moi, je conseille fortement au ministère de vous mettre en haut de la table, que les gens puissent au moins vous entendre avant de développer des territoires, pour être sûrs que, si on veut vraiment travailler dans un développement durable et en écosystémie, qu'ils aillent chercher les experts dans ce domaine-là, et vous êtes les experts dans ce domaine-là. De par le fait que vous respectez tellement la nature, pour l'investissement que vous passez, temps et argent, pour le peu de récolte, vous êtes des vrais amants de la nature, et là-dessus je vous en félicite. J'insiste auprès du gouvernement pour que le gouvernement vous tienne en considération, que vous soyez invités lors des consultations pour faire votre part dans ce nouveau régime forestier. Merci, messieurs.
La Présidente (Mme Gonthier): Merci. M. le député de René-Lévesque, s'il vous plaît.
M. Dufour: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, M. Racine, M. Tambourgi, M. Gravel, merci pour votre... Mais est-ce qu'on va être capables d'avoir votre document écrit, là? Parce qu'on n'en a pas au moment où on se parle. Et vous disiez d'entrée de jeu que vous n'avez pas été pris en considération, mais, avec la présentation que vous venez de faire et la prestation que vous venez de faire, je pense que vous venez de sensibiliser un peu le fait que, oui, il faut prendre en considération les éléments que vous nous apportez, puis on est là pour vous écouter, justement.
Vous nous avez dit que vous étiez des OBNL, que vous aviez 14 associations. J'avais une question, mais je ne veux pas élaborer tellement là-dessus, mais vous pourrez me le dire, là, dans l'élément de réponse que vous allez me fournir, mais comment on devient trappeur? Puis, à un moment donné, quand les forestiers ont passé, bien comment on change de territoire, là? Tu sais, un peu comment ça fonctionne, là?
Vous avez signifié que le Forestier en chef devrait être sous la responsabilité du gouvernement ou du ministère de l'Environnement. Est-ce que je me trompe en vous disant qu'il est, au moment où on se parle, au niveau du gouvernement, mais qu'il devrait être plutôt sous la responsabilité de l'Assemblée nationale? J'aimerais vous entendre sur ça et sur l'élément de la première question que je vous ai posée.
M. Tambourgi (Philippe): Peut-être une précision au niveau de l'Assemblée nationale, c'est peut-être dans ce sens-là qu'on parlait du gouvernement, parce qu'on... En ce moment, nous, notre impression, c'est qu'il relève plus du sous-ministre du ministère, donc on pense qu'il est redevable au gouvernement.
Au niveau de comment devenir trappeur, au Québec, depuis 1988, on a l'obligation de suivre un cours. Donc, on ne peut pas trapper... ce n'est pas n'importe qui qui peut trapper. Il faut vraiment suivre un cours, une formation. Puis, pour obtenir un terrain de piégeage, il faut soit l'obtenir par tirage au sort ou soit l'obtenir des droits de quelqu'un qui l'a déjà. Donc, une fois qu'on a notre terrain de piégeage, on fait nos installations, notre camp de trappe, tout ça. Si l'industrie forestière passe, on ne déménage pas notre installation, là, on est pris avec ce qu'il reste.
M. Dufour: O.K. Alors, c'est pour ça que vous dites, dans la prestation que vous nous avez donnée, vous parliez de vertical et horizontal au niveau des travaux sylvicoles. Je voudrais juste que vous élaboriez davantage. Je ne connais pas ça, moi, là, du vertical puis de l'horizontal, qui feraient en sorte que ce serait mieux pour vous autres, au niveau des territoires de trappe puis au niveau de ce que vous faites comme...
Une voix: ...
M. Dufour: Au congrès des ingénieurs forestiers, la semaine dernière, il me semble que je vous ai vu là.
M. Racine (Jean-Claude): Non, je n'étais pas là.
M. Dufour: Non?
M. Racine (Jean-Claude): Ça devait en être un autre. Non, la structure verticale et horizontale, qui est essentielle, là, il faut revenir un peu à l'évolution naturelle d'un peuplement, hein, qui part soit suite à une coupe ou encore d'une épidémie quelconque. On part avec des plants, là, de différentes tailles, déjà, là. Ça ne part pas nécessairement, comme on dit en foresterie, équienne, la même année, là. Ce n'est pas une plantation, là. O.K.? Bon. Ça, ces plants-là, qui ont différentes hauteurs puis qui ont ni plus ni moins un couvert complètement différent que l'uniforme, comprenez-vous, c'est là-dedans que la faune trouve sa nourriture et son abri, O.K.? c'est là-dedans. Ça, c'est très important. C'est dans cette évolution naturelle qu'on ne crée pas quand on fait une plantation ou encore qu'on fait un dégagement de régénération naturelle pour garder une tige à tous les deux mètres. Comprenez-vous? Bon. Là, on affecte ces populations-là qui en dépendent. On parle, à ce moment-là, du lièvre, hein, on parle de la perdrix, on parle des espèces proies aux animaux à fourrure. O.K.?
M. Dufour: Est-ce que c'est la même chose par rapport... Vous disiez, là: La forêt surannée, c'est des espèces de fin de cycle. Au niveau des chablis, mettons, il y a des gros chablis, là, on ne peut pas tous aller les ramasser. Mais ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que c'est bon pour certaines espèces quand il y a du bois mort, puis le bois mort fait partie des chablis, là? Les chablis, à un moment donné, là...
M. Racine (Jean-Claude): Un chablis, vous pouvez le ramasser en grande partie, pas de problème, parce qu'il n'y a pas d'abri. Voyez-vous? Dans un peuplement qui arrive en fin de cycle, voyez-vous, il y a un arbre ici et là qui meurt puis qui tombe, puis qui va jouer le rôle d'écosystème. O.K.? Mais, dans un chablis, il n'y a plus d'abri, là. Voyez-vous? Alors, vous le récoltez en bonne partie, puis ça ne change pas grand-chose, là, pour la faune. O.K.?
La Présidente (Mme Gonthier): Mme la députée de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.
Mme Morasse: D'entrée de jeu, vous avez déploré la définition nébuleuse de la «gestion intégrée des ressources», là. Dépendamment de ce qu'on lui donnait comme signification, ça pouvait vouloir dire plein de choses. Et vous avez également déploré la vision centrée sur la production ligneuse. Vous avez même suggéré que le Forestier en chef puisse intégrer dans ses responsabilités au-delà d'un calcul purement de production ligneuse... qu'il puisse y avoir, là, des préoccupations d'optimiser les autres ressources ou voire même avoir un Forestier en chef qui aurait la responsabilité de la faune, si je vous ai bien compris.
Laquelle des deux avenues serait préférable: que l'on donne la mission au Forestier en chef d'intégrer davantage d'optimisation dans ses calculs, davantage de ressources, ou s'il faut adopter une direction ou une chefferie par ressource aménagée?
M. Tambourgi (Philippe): Je pense que les deux sont possibles, là, que ce soit un Forestier en chef qui soit en mesure d'évaluer les besoins de la faune, si c'est possible. Mais en ce moment le Forestier en chef n'a pas ce mandat-là. Donc, nous, ce qu'on avait suggéré, c'est d'avoir un représentant en chef pour la faune qui, lui, va être capable de parler de mise en valeur de la faune et de la défense des droits des utilisateurs et gestionnaires fauniques.
À ce niveau-là, je ne dis pas que... Ça dépend du mandat qu'on veut donner au Forestier en chef. Si on décide de donner le mandat au Forestier en chef de gérer la faune également puis qu'on lui donne les outils et les ressources pour qu'il soit en mesure d'évaluer les populations d'animaux à fourrure ou d'autres espèces pour qu'il intègre ça dans sa possibilité forestière, bien, à partir de là, on ne devient plus une contrainte à l'exploitation forestière, parce qu'on va faire partie des calculs. Donc, les forestiers vont savoir que, sur le territoire, il y a une façon d'aménager le territoire qui répond aux besoins des trappeurs.
Mme Morasse: Merci. Vous avez mentionné qu'il y avait environ 2 000 terrains de piégeage. Combien de trappeurs vivent de leur trappe?
n(17 h 10)nM. Tambourgi (Philippe): Il n'y a pas de trappeur qui vit uniquement de la trappe. Ceux qui vivent de la trappe, c'est parce qu'ils font du piégeage à l'année, ils font également de la déprédation. Donc, ils vont aller récolter des espèces nuisibles, des castors ou des ratons laveurs, là, qui envahissent des fermes, tout ça. Le trappage, c'est un revenu important pour le trappeur dans son année, mais il ne peut pas en vivre uniquement, là. L'activité de trappage se déroule durant toute l'année, mais le temps fort de l'année, c'est quand la saison ouvre, vers la fin octobre jusqu'à la mi-janvier ou, dépendamment des espèces, un peu plus tard. Donc, par la suite, il fait seulement entretenir son terrain de trappe, il continue de travailler dans sa famille. Souvent, le trappeur a un autre métier ou... C'est un revenu secondaire.
Mme Morasse: En raison de la faible valeur des peaux, le trappeur a été confiné à un quasi-loisir plutôt que de pouvoir en vivre.
M. Tambourgi (Philippe): Bien, c'est sûr qu'il ne peut pas vivre uniquement de la trappe.
Mme Morasse: Puis, est-ce que l'État pourrait promouvoir la vente du produit de la trappe puis procurer une meilleure condition de vie au trappeur?
M. Tambourgi (Philippe): C'est sûr que, si l'État veut nous aider à se donner une meilleure visibilité dans le marché de la fourrure puis à expliquer à la population c'est quoi, la gestion des animaux à fourrure, qu'au Québec c'est bien fait, on va embarquer tout de suite dans le projet, là. C'est souhaitable pour nous autres, là.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de René-Lévesque, vous avez à peine... même pas une minute.
M. Dufour: Une petite dernière. Vous avez signifié que vous preniez en considération des sociétés d'aménagement, mais vous vouliez avoir une voix. Est-ce que je me trompe? Vous vouliez être entendus à ces tables-là.
M. Tambourgi (Philippe): On a demandé d'avoir un siège sur le conseil d'administration des sociétés.
M. Dufour: Parfait. Parfait.
La Présidente (Mme Gonthier): Messieurs, je vous remercie pour votre présentation. Alors, j'ajourne les travaux au 14 octobre, à 9 h 30, où la commission se réunira afin de poursuivre ce mandat. Merci beaucoup à tous.
(Fin de la séance à 17 h 12)