(Neuf heures trente-cinq minutes )
La Présidente (Mme Morissette): Bonjour tout le monde. Je m'excuse du rappel à l'ordre, je suis désolée de mon retard. Donc, puisque nous avons quorum, je vais déclarer la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Comme à l'habitude, je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie aujourd'hui afin de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard du rapport du ministre du Travail sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'équité salariale.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements aujourd'hui?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Sklavounos (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Tomassi (LaFontaine); Mme Ménard (Laporte) est remplacée par M. Marsan (Robert-Baldwin); M. Gosselin (Jean-Lesage) est remplacé par M. Therrien (Terrebonne); M. Merlini (Chambly) est remplacé par Mme Lapointe (Groulx); M. Dufour (René-Lévesque) est remplacé par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve); et Mme Morasse (Rouyn-Noranda?Témiscamingue) est remplacée par Mme Maltais (Taschereau).
Remarques préliminaires
La Présidente (Mme Morissette): Merci. Donc, à l'ordre du jour aujourd'hui... je ne vous le lirai pas, pour sauver quelques secondes, et on va débuter dès maintenant avec les remarques préliminaires. Donc, je cède la parole à M. le ministre du Travail, qui dispose de cinq minutes pour ses remarques d'ouverture.
M. David Whissell
M. Whissell: Alors, merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, permettez-moi de saluer mes collègues parlementaires des deux formations politiques, également mes trois collègues libéraux qui se joignent à moi pour ces travaux de trois jours que nous allons entamer.
Également, permettez-moi de vous présenter les gens qui sont avec moi à la table: à ma gauche, la sous-ministre au Travail, Julie Gosselin; et également, à ma droite, j'ai la présidente de la Commission de l'équité salariale, Louise Marchand, qui est accompagnée de ses deux commissaires, Mme Rinfret et Mme Robertson.
Également, je tiens à saluer les membres des équipes autant du ministère, de la commission qui sont avec nous pour ces trois journées. J'ai également Nathalie Genest, de mon bureau politique, qui est avec nous, qui va nous aider dans ce travail.
Alors, Mme la Présidente, nous sommes réunis ici afin de discuter du rapport que mon prédécesseur avait déposé en novembre 2006 sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'équité salariale. Comme vous le savez, il avait été prévu, lors de l'adoption de cette loi, que le ministre du Travail devait faire rapport au gouvernement au plus tard le 21 novembre 2006 de la mise en oeuvre de la loi et sur l'opportunité de la maintenir en vigueur. C'est dans ce contexte que nous sommes donc réunis aujourd'hui pour discuter ensemble de ce rapport, des constats et des pistes de réflexion qui y sont présentées.
Ainsi, à partir du portrait tracé dans le rapport, il me fera plaisir, tout au long de cette consultation, d'écouter, d'échanger avec les différents partenaires qui ont développé, au cours des 10 dernières années, des connaissances et une expertise à l'égard de l'équité salariale. Cela nous permettra tous de mieux cerner les voies de développement qui pourraient améliorer la mise en oeuvre de la loi, dans le respect de l'équilibre recherché, pour permettre la réalisation de l'équité salariale au Québec.
À cet égard, je peux vous donner déjà l'assurance qu'il est de mon intention de maintenir l'application de ce droit fondamental que nous avons au Québec qu'est l'équité salariale. Il me semble clair que ce principe fait l'unanimité dans notre société, tout comme il l'était lors de son adoption en 1996 ou lors, en 2002, du dépôt du premier rapport, et rien, aujourd'hui, ne permet d'en dire autrement.
Je pense aussi que nous pouvons tous être fiers du chemin qui a été parcouru au cours de ces 10 dernières années. Par contre, force est de constater que certains organismes, entreprises n'ont pas toujours complété leur exercice d'équité salariale, et en ce sens, Mme la Présidente, il reste du chemin à parcourir. Nous avons été en mesure de constater que, parmi les employeurs et les organismes qui ont réalisé leur exercice d'équité salariale, plusieurs y ont vu des avantages dans la gestion de leurs entreprises. Par exemple, le sentiment pour les salariés d'être équitablement rémunérés améliore certainement leur satisfaction au travail et leur productivité. En somme, malgré des insatisfactions évoquées par certains intervenants, il ne faut pas oublier que la Loi sur l'équité salariale constitue un instrument majeur dont le Québec s'est doté pour atteindre l'équité entre les hommes et les femmes dans notre société. D'ailleurs, sur ce point, Mme la Présidente, le Québec est certainement à l'avant-garde en cette matière sur le plan international.
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(9 h 40)
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Les 10 premières années ont été marquées par des changements appréciables, changements de mentalité et de culture, et je suis conscient que certains éléments sont plus facilement réalisables, d'autres demandent plus de temps, de ressources et finalement que certains peuvent représenter des problématiques plus difficiles. Le travail accompli au cours des 10 dernières années a permis aux entreprises en général d'être mieux outillées pour réaliser leur exercice d'équité salariale. C'est donc grâce à cette expérience acquise qu'il sera possible de voir comment nous pouvons faire évoluer les choses et aller vers la mise en oeuvre optimale de la loi. Ensemble, nous trouverons les meilleurs moyens afin que tous puissent compléter leur exercice d'équité salariale.
À l'occasion de cette commission parlementaire, nous aurons donc la chance d'écouter les principaux partenaires sur cette loi. Je tiens à vous dire qu'outre la reconnaissance du principe d'un salaire égal pour un travail équivalent je n'ai pas d'idée préconçue quant aux actions qui pourraient éventuellement être mises en place sur la suite des choses. Je suis ici pour écouter, Mme la Présidente, et c'est avec beaucoup d'attention que nous entendrons les groupes et toutes les personnes sur les six pistes de réflexion et autres avenues qui sont déterminantes pour l'avenir. C'est le cumul de nos expériences et de nos connaissances qui nous permettra ensemble d'identifier, le cas échéant, quels sont les ajustements à apporter à la loi.
En terminant, Mme la Présidente, j'invite donc les parlementaires des deux formations politiques à travailler avec nous à l'amélioration de cette loi et également à mettre en place davantage, au Québec, le principe de l'équité salariale qui est cher autant au Parti libéral du Québec mais également à l'ensemble de l'Assemblée nationale. Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Merci, M. le ministre. Alors, j'inviterais, du côté de l'opposition officielle, M. le député de Terrebonne à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez de cinq minutes également.
M. Jean-François Therrien
M. Therrien: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais saluer Mme Gosselin, sous-ministre, Mme Marchand, présidente de la commission, ainsi que l'équipe ministérielle et tous mes collègues parlementaires et leurs équipes.
La Loi sur l'équité salariale, adoptée il y a 10 ans, a certainement eu des répercussions positives pour les femmes en faisant prendre conscience à plusieurs que le travail des femmes n'était pas toujours évalué à sa juste valeur. Autant dans le secteur public que dans le secteur privé, la Loi sur l'équité salariale a contribué à mettre au jour une discrimination camouflée à l'intérieur des systèmes de rémunération et a aussi contribué à y apporter une correction.
Lorsque cette loi proactive a été votée, il était difficile d'en prévoir la réelle portée, car c'était une loi innovatrice et il existait peu de références et d'expertise en la matière. Forts de 10 ans d'expérience, nous sommes à même de constater que la démarche d'équité salariale n'a pas toujours été facile d'application, mais, grâce à l'effort concerté du patronat, des syndicats et des employés, nous avons fait un pas en avant.
Le travail que nous entreprenons aujourd'hui est fort important et doit être fait avec rigueur. À ce sujet, je voudrais remercier les organisations qui ont pris le temps de rédiger des mémoires. De notre côté, nous avons pris le temps de les lire attentivement, nous sommes heureux de pouvoir compter sur l'expertise et l'expérience concrète de ces groupes, et nous comptons pleinement les écouter.
L'article 130 de la loi prévoit que le ministre, et je cite, «doit [...] faire au gouvernement un rapport sur la mise en oeuvre de la présente loi et sur l'opportunité de la maintenir en vigueur ou de la modifier». Fin de la citation. Déposé en novembre 2006, ce rapport nous laisse par contre perplexes. Perplexes parce qu'il y a des contradictions entre certaines données. Par exemple, pourquoi est-ce qu'il y a un écart si grand entre le 68 % des entreprises qui affirment qu'ils ont terminé leur exercice d'équité salariale, alors que la commission affirme que c'est moins de 50 %? Pourquoi la commission utilise des critères plus serrés que ce que la loi prescrit avant d'affirmer qu'une entreprise est réputée avoir fait son exercice? Comment se fait-il que la commission ait mandaté une firme d'enquête qui n'est pas experte précisément en système de rémunération plutôt que d'utiliser l'Institut de la statistique du Québec? Et aussi on se questionne sur le rôle de la commission en tant que juge et partie.
Il y a donc un ensemble de facteurs avec lesquels nous ne sommes pas à l'aise avec ce rapport. Ce rapport, écrit avant la nomination de l'actuelle présidente, nous semble discutable, du moins au niveau quantitatif. Par conséquent, c'est avec beaucoup de prudence que nous allons y référer. Nous regrettons que le ministre n'ait pas su faire preuve de plus de rigueur dans son rapport. Nous souhaitons que les groupes que nous entendrons seront à même de nous donner un meilleur éclairage de l'avancement des programmes d'équité salariale et des solutions facilitantes. Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup, M. le député de Terrebonne. Donc, du côté de la deuxième opposition, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, pour cinq minutes également.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Je voudrais vous saluer, Mme la Présidente, ainsi que mes collèges de la commission parlementaire, M. le ministre, Mme la présidente de la Commission sur l'équité salariale, mesdames et messieurs.
Alors, Québec a fait oeuvre de pionnier en 1996, et c'est un privilège pour moi d'assister à cet examen 10 ans après l'adoption de la loi, puisque j'en fus la marraine et j'en suis très fière. Alors donc, s'il y avait un thème à développer ce matin, en introduisant l'examen de la Loi sur l'équité salariale, je dirais que c'est celui qui est connu et qui se dit comme suit: Ça n'est qu'un début? n'est-ce pas ? continuons le combat. Alors, j'étais heureuse d'entendre le ministre signaler qu'il entendait maintenir en vigueur cette loi. C'est une loi proactive qui aura permis d'amorcer un processus intéressant de mise en marche de l'équité salariale. Des résultats intéressants sont notés, je pense en particulier aux secteurs public et parapublic, mais il demeure que des résultats demeurent mitigés dans le secteur privé. Alors, nous aurons l'occasion, durant cette commission parlementaire, de voir comment il est possible de renforcer cette loi. Moi, je considère que c'est là finalement le devoir et la responsabilité des membres de la présente commission parlementaire de voir comment il va être possible de renforcer la Loi sur l'équité salariale 10 ans après son adoption.
Je disais donc que des progrès importants ont été réalisés, je cite à cet égard le mémoire qui nous sera présenté par la Confédération des syndicats nationaux, n'est-ce pas, alors qui disait ceci: 10 ans après l'adoption de la Loi sur l'équité salariale, les données, mêmes incomplètes, nous permettent de constater la réduction des écarts salariaux entre les femmes et les hommes. Cet écart entre le taux horaire moyen des femmes et des hommes s'est réduit: de 16,1 % qu'il était, il est passé à 13,4 % en 2006. C'est donc dire qu'il y a du progrès, mais il demeure encore insuffisant.
Et, on le voit, il faut renforcer la loi. Bon. Il y a divers aspects que nous allons étudier certainement en échangeant avec les divers intervenants qui nous présenteront leurs points de vue, notamment l'année de référence dans la loi, cette année de référence qui fait que beaucoup d'entreprises ont échappé à l'exercice de la Loi sur l'équité salariale. Alors, nous verrons également s'il est opportun ? ce que nous croyons de prime abord ? de donner un statut juridique à la conciliation, conciliation qui doit toujours demeurer volontaire mais qui a quand même donné de bons résultats.
Nous saluons l'expertise que la commission a développée, la Commission sur l'équité salariale. C'est une expertise qui aura permis d'entériner en fait 90 % des 1 800 décisions qui ont été prises. C'est là, disons, certainement un résultat assez emballant, mais nous notons cependant, dans ce rapport-là qui est à l'étude, que malheureusement, contrairement à ce que le législateur a voulu en 1996, 10 ans après l'adoption de la loi, une entreprise privée sur deux seulement s'est conformée à ses obligations. C'est donc dire qu'une entreprise sur deux s'est soustraite de ses obligations. Alors, il y a là vraiment un examen très, très vigilant à faire de manière à ce que la loi soit respectée. Et je pense que la commission va avoir un rôle important à jouer, elle devra, et c'est ce que...
Je termine en vous disant, Mme la Présidente, que nous souhaitons, à la fin de cet exercice, entendre ceux et celles qui, à la commission, font ce travail et qui nous diront pourquoi une entreprise sur deux a réussi à se soustraire à cette obligation que la loi lui crée. Alors, voilà essentiellement ces quelques notes de préambule. Alors, je conclus: résultats intéressants mais encore trop mitigés.
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(9 h 50)
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La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Alors, merci à tous pour ces remarques préliminaires et pour votre discipline. Avant de débuter, simplement faire un rappel de la répartition du temps. Les groupes qui se présenteront devant nous auront une quinzaine de minutes pour faire la présentation de leurs mémoires. Une fois la présentation terminée, chacun des groupes parlementaires disposera d'un temps qui est déterminé selon la répartition des sièges à l'Assemblée nationale: donc, du côté ministériel, le gouvernement disposera de 17 minutes; à l'opposition officielle, 15 minutes; et le deuxième groupe d'opposition, 13 minutes. Chacun de ces blocs inclut tant les questions des membres des différents groupes que les réponses qui vont être faites par les organismes qui sont présents devant nous. On fera les ajustements de temps nécessaires. On va vous tenir au courant, au fur et à mesure, s'il y a des modifications au temps réparti.
Auditions
Donc, puisque nous avons déjà notre premier groupe qui est en place, je vous inviterais à vous présenter et à présenter la personne qui vous accompagne. Donc, nous avons avec nous le Conseil du statut de la femme. Vous avez 15 minutes devant vous pour votre présentation.
Conseil du statut de la femme (CSF)
Mme Pelchat (Christiane): Merci, Mme la Présidente. Alors, Christiane Pelchat, présidente du Conseil du statut de la femme. Je suis accompagnée de Nathalie Roy, qui est chercheuse au conseil depuis quelques années, qui a préparé le mémoire, qui a rédigé le mémoire qui est devant vous.
Alors, le Conseil du statut de la femme est un organisme créé par la loi et qui fête, cette année, ses 35 ans. Le conseil est le seul organisme mandaté par la loi pour conseiller le gouvernement sur la condition féminine et sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Je dois dire d'emblée que nous sommes très heureuses des propos que le ministre a tenus, en notes liminaires, sur le maintien de la loi, et des acquis de cette loi, et la poursuite de son application.
L'examen du rapport du ministre sur l'application de la Loi sur l'équité est l'occasion unique de prendre la mesure de l'atteinte de ses objectifs et donc des objectifs d'égalité entre les femmes et les hommes. Cette loi vise à corriger des écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l'égard des personnes qui occupent des emplois à prédominance féminine. L'adoption de cette loi constitue un acquis pour la société québécoise, et pour les femmes salariées en particulier, en posant comme prémisse l'existence de la discrimination systémique.
Dès 1993, le conseil constatait que la présence de l'article 19 de la charte québécoise des droits et libertés, même en conjonction avec son corollaire, l'article 10, supposé protéger les femmes d'une discrimination selon le sexe, n'avait pas réussi à donner effet à l'égalité entre les femmes et les hommes. Le conseil invitait donc le gouvernement à adopter une loi sur l'équité salariale dans le but d'améliorer les salaires des travailleuses. On se rappellera qu'avant cette loi les travailleuses étaient obligées de prouver devant la Commission des droits de la personne, et éventuellement devant le tribunal de la personne, que leurs employeurs pratiquaient la discrimination systémique à l'égard de l'emploi qu'elles occupaient. Bien peu avaient les moyens de suivre la procédure prévue.
L'inefficacité de l'article 19 et de l'article 10 de la charte québécoise démontre deux choses. La première, c'est qu'il n'est pas inutile de renforcer l'égalité entre les femmes et les hommes dans la charte québécoise des droits et libertés, comme le propose le projet de loi n° 63 qui est en ce moment sous analyse en commission parlementaire: pour la première fois, on y énoncera le mot «femme» et l'expression «égalité entre les femmes et les hommes» dans le préambule de la charte, et on y introduit un article interprétatif analogue à la charte canadienne, qui renforcera l'article 10 qui prévient la discrimination selon le sexe. Deuxièmement, le gouvernement ne peut se satisfaire que des mesures législatives pour éliminer les discriminations systémiques dont sont victimes majoritairement les femmes. Des mesures proactives comme la loi adoptée en 1996 sont essentielles pour l'atteinte d'une égalité réelle.
Comme l'a reconnu la Cour supérieure, peut-être que c'est à cause de la présence de l'article 19 dans la charte québécoise que le Québec avait pris un certain retard en matière d'équité salariale en 1996. La juge Carole Julien décrit fort bien ce qu'est la discrimination: «[La discrimination systémique] est associée aux stéréotypes sexistes qui affectent la structure des relations de travail, notamment les exercices d'évaluation des emplois. Elle est le fruit d'un processus inconscient. Elle est cachée. Elle pervertit les structures de rémunération. [Et] les experts en rémunération la véhiculent. Les lois du marché ? elles ? la nourrissent.» Ce retard a été exacerbé par la décision du gouvernement de ne pas se soumettre à sa propre loi et d'exclure les grandes entreprises, les universités et les municipalités. La loi a eu son plein effet donc à compter du jugement de janvier 2004, qui a réinstitué les travailleuses du secteur public dans leurs droits et qui força le gouvernement et les grands employeurs à faire un réel exercice d'équité.
C'est au nom de l'égalité entre les femmes et les hommes, protégée par la charte canadienne à l'article 15, renforcé par son article 28, que la Cour supérieure a déclaré inconstitutionnel le chapitre IX de la loi. Elle ajoute au passage que, même si le gouvernement tentait de justifier l'atteinte à l'égalité entre les sexes à l'article 15, il serait très difficile de le justifier en raison de la présence de l'article 28 qui renforce la garantie d'égalité entre les sexes et marque l'interprétation de l'article 15. Heureusement, le gouvernement n'en a pas appelé de ce jugement et s'est employé à corriger les écarts salariaux. Des gains tangibles ont été faits pour près de 370 000 travailleuses de la fonction publique et parapublique. Le conseil souligne particulièrement le règlement auquel en sont venus le gouvernement et l'Association québécoise des centres de la petite enfance, dont les ajustements salariaux pour les éducatrices en garderie sont de l'ordre de 9 %. Les éducatrices en garderie sont des témoins vivantes de la longévité et persistance des stéréotypes sexistes dont sont affublés les emplois de type féminin. Ces emplois, qui requièrent une aide personnelle pour les soins, la garde des enfants en bas âge, des personnes malades, etc., méritaient moins à cause des compétences dites innées des femmes à remplir ces rôles. Bien que les services de garde à contribution réduite ont été mis sur pied en 1997, ces emplois étaient quand même sous-payés parce que non reconnus à leur juste valeur.
Malheureusement, comme le souligne le bilan, seulement 47 % des entreprises se sont conformées à leurs obligations, tandis que 38 % n'ont entrepris aucun exercice d'équité salariale. Parmi celles qui ont complété l'exercice, et c'est ce qui nous inquiète beaucoup, 32 % seulement ont constaté des écarts salariaux. Donc, ça voudrait dire que seulement 15 % des entreprises qui ont complété leur exercice... des entreprises visées, pardon, ont constaté des écarts salariaux, et ça, ça nous inquiète. Et on interpelle directement la commission là-dessus, à savoir: Comment peut-on vérifier la qualité des exercices d'équité salariale qui ont été menés dans ces entreprises? Permettez-nous d'avoir un certain doute alors que, dans la fonction publique, les écarts salariaux ont été quand même assez importants, ou en tout cas plus importants qu'on l'aurait pensé dans un premier temps.
Face au faible avancement des travaux d'équité salariale, alors qu'il y a déjà six ans que l'ensemble des employeurs auraient dû, en vertu de la loi, avoir complété l'exercice d'équité salariale, le conseil considère important que l'esprit de la loi continue à guider l'application et que la démarche entreprise en novembre 1996 se poursuive efficacement au moyen des mécanismes améliorés.
En plus de révéler que la moitié des entreprises visées ont complété l'exercice, seulement, ce bilan nous apprend que 80 % des entreprises qui se sont engagées dans la démarche disent l'avoir fait parce que la loi les y forçait.
Nous constatons que la répartition des emplois montre que la concentration des femmes dans un nombre limité de secteurs ne s'est pas modifiée depuis 1998. Les femmes demeurent majoritairement dans les secteurs suivants: les soins de santé, assistance sociale, finance, assurance, immobilier, location, services d'enseignement, hébergement et services de restauration. Parmi les constats que fait ressortir le portrait du marché du travail, le conseil retient en outre: l'accession à un niveau de scolarité supérieur permet aux femmes de combler une partie de l'écart entre leur salaire et celui de leurs collègues masculins, tendance qui s'affirme avec le temps. Les établissements de plus petite taille sont en moyenne ceux qui affichent les écarts salariaux les plus élevés entre les sexes. L'écart s'est à peine rétréci dans les établissements depuis 1997. Je souligne, M. le ministre et Mmes, MM. les députés, vous le savez certainement, que les femmes constituent une forte proportion des employés d'entreprises de petite taille. Les établissements de 100 à 500 employés ont effectué la plus grande correction dans l'écart salarial, une diminution de 5 %.
n(10 heures)n C'est dans l'hébergement et la restauration que le salaire moyen est le plus bas. C'est aussi dans ce secteur, où les femmes sont largement représentées, que les augmentations salariales les plus faibles ont été accordées. Et c'est aussi dans ces domaines où se trouve malheureusement le travail atypique dont le rapport Bernier a fait grand état, et encore une fois les femmes sont les victimes, disons-le, de ce type de travail. À l'inverse, les plus fortes augmentations salariales, doit-on s'en étonner, ont été observées dans les secteurs où les femmes sont peu présentes: construction, transport, entreposage, services aux entreprises, services relatifs aux bâtiments. L'écart salarial est moindre dans les emplois syndiqués que dans les autres, il est même favorable aux femmes dans les emplois syndiqués à temps partiel.
La loi institue la Commission de l'équité salariale, qui a pour fonction de veiller à l'établissement des programmes d'équité salariale ainsi qu'au maintien de cette équité. La commission possède des fonctions décisionnelles et administratives, dont celle de donner un avis au ministre sur toute question relative à l'équité salariale. Il est essentiel, tant dans l'intérêt des travailleuses visées que dans celui des employeurs et de la collectivité tout entière, que la commission poursuive son travail aussi longtemps que l'objectif ne sera pas atteint. Le conseil est heureux que le gouvernement n'ait pas donné suite aux recommandations du rapport Geoffrion prévoyant le démantèlement de la commission au profit des commissions des normes du travail et des relations de travail.
Bien que j'aie obtenu ces assurances de vive voix de plusieurs personnes, nous n'avons rien trouvé, au conseil, qui nous permette de détailler cette position du gouvernement. Alors, j'aimerais bien entendre le ministre encore une fois, là, dire que la commission est là pour rester. Pour nous, c'est un acquis qui ne doit pas disparaître et c'est un élément de l'application de la loi. Et, comme le disait la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, l'expertise de la commission est inégalée, et je pense que c'est important pour poursuivre l'application de la loi.
Bien peu de travailleuses non syndiquées exerçant des emplois à prédominance féminine ont eu droit à des ajustements salariaux consécutifs à l'application de la loi. On note que seulement 24 % des entreprises complétées dans les milieux non syndiqués ont permis de constater des écarts salariaux. Dans ce contexte, la Commission de l'équité salariale a un rôle particulièrement important à jouer auprès des entreprises où aucun syndicat n'est implanté. Le rapport indique que la commission instituera un comité dont le mandat sera d'élaborer un plan d'action à l'égard des travailleuses les plus vulnérables. Le conseil salue cette orientation et souhaite que le comité, qui a déjà amorcé ses travaux, alimentera de façon fructueuse les travaux de la commission sur la situation des salariées non syndiquées afin d'identifier les meilleurs moyens de les rejoindre.
La loi prévoit que la manière de réaliser l'exercice d'équité ne relève que de l'autorité de l'employeur. L'exercice est donc en soi subjectif et pas nécessairement collé à la réalité. La loi confère certes à la Commission de l'équité salariale un droit de regard sur les rapports de l'équité salariale préparés par des entreprises, mais elle laisse aux soins des salariées et des syndicats la vérification de la qualité des programmes.
Même si, dans le cas d'un établissement de 100 personnes salariées et plus, un comité statutaire doit être mis sur place pour contrôler l'évaluation des emplois et la réalisation de l'équité salariale, les procédures prévues par la loi font qu'en dernière instance l'employeur a droit de regard sur l'ensemble de la démarche. Le phénomène est encore plus net dans les établissements de moins de 100 personnes salariées. En l'absence d'un comité d'équité salariale, comment croire que l'intérêt de l'employeur ne primera pas de façon directe dans le processus? Le conseil recommande que les entreprises comptant de 10 à 49 personnes remettent le rapport d'équité salariale à la Commission de l'équité et que celle-ci procède à une vérification aléatoire de la conformité à la loi du programme d'équité salariale.
La Loi sur l'équité salariale ne s'applique pas aux entreprises qui comptaient moins de 10 personnes salariées au cours de la période de référence. Le ministre envisage de revenir sur le caractère définitif de l'exclusion pour y inclure les entreprises qui ont dépassé le seuil de 10 employés. Le conseil est favorable à une telle modification de nature à permettre au plus grand nombre de salariées de bénéficier de l'application de la loi.
Bien que la loi demande le maintien de l'équité pour les entreprises qui l'ont réalisée, elle ne prévoit aucune des modalités de ce maintien. On envisage de modifier la loi pour eux et de prévoir un examen périodique de l'équité salariale. La réalisation de cet examen serait confiée aux entreprises elles-mêmes, de la même façon que ce sont elles qui sont chargées de réaliser au départ les démarches de l'équité salariale. Pour nous, il y aurait lieu de prévoir la participation des personnes salariées au maintien de l'équité salariale, que ce soit par le biais d'un comité mis sur pied pour établir le programme dans les grands établissements ou par un mécanisme approprié à la situation des établissements comptant moins de 100 emplois. Nous recommandons aussi de doter la commission de pouvoirs de contrôler ce maintien. Le conseil appuie en outre le choix d'exercer un contrôle aux quatre ans.
En terminant, nous croyons qu'il ne peut y avoir d'égalité véritable entre les sexes sans une réelle autonomie économique des femmes. L'équité salariale est un des moyens d'y arriver. Nous saluons la volonté gouvernementale de renforcer la Loi sur l'équité et de maintenir la commission avec ses pleins pouvoirs afin de poursuivre le travail colossal qu'il reste à faire. Les femmes doivent jouir d'un accès équitable et entier au marché du travail pour être en mesure, à l'égal de la population masculine, de combler leurs besoins et d'assurer leur bien-être tout au long de leur existence.
Lorsque les femmes ont accédé au marché du travail, surtout après les années cinquante, elles étaient vues comme une main-d'oeuvre à qui on pouvait payer des salaires moindres. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, et on doit se débarrasser de ces archétypes pour une réelle égalité. Comme le disait de manière fort éloquente la présidente de la Commission de l'équité salariale, la semaine dernière, à la Commission des affaires sociales, la capacité à subvenir à ses besoins financiers et l'autonomie économique constituent par ailleurs des éléments importants de la dignité humaine, que vise notamment à protéger le droit à l'égalité.
Le conseil prend ainsi position pour la poursuite de l'atteinte de l'autonomie économique des femmes, la réduction des écarts de revenus entre les sexes, un accroissement de la main-d'oeuvre et la diminution des coûts sociaux associés à la fragilité économique des femmes et à leur plus grande dépendance financière. Le CSF prend position enfin en faveur de la contribution de toutes les forces vives de la société au financement des services publics et au développement économique et social du Québec. Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup, Mme Pelchat. Alors, côté ministériel, on vous cède la parole immédiatement, M. le ministre, j'imagine. Allez-y.
M. Whissell: Oui. Alors, merci, Mme la Présidente. Mme Pelchat, Mme Roy, merci de votre présence. C'est vous qui avez l'honneur de casser la glace ce matin, avec les trois journées que nous avons devant nous. Et merci pour la rigueur de votre présentation.
Je tiens à vous rassurer, Mme Pelchat, sur le questionnement que vous aviez. Et je vais revenir au document qui avait été présenté par mon prédécesseur parce que c'est un document qui lie le gouvernement, qui présentait une position dans le fond gouvernementale. Puis je vais juste, pour ne pas qu'on l'oublie, vous ramener à la page 14 ? je pense que c'est important de le faire dès le départ ? pour vous dire qu'on terminait l'introduction en disant: «La Loi sur l'équité salariale porte ses fruits mais, comme d'autres lois, elle a besoin de temps et d'engagement pour donner sa pleine mesure. La Loi sur l'équité salariale est donc un acquis à maintenir.» Alors, c'était il y a un an et demi, et je tiens à vous rassurer que, malgré qu'il ait pu y avoir un changement de ministre, c'est le même gouvernement et c'est la même cohérence qui nous anime. Et la position que j'ai est celle que j'ai exprimée dans mes remarques préliminaires, et cette loi est là pour demeurer.
Je vous amène également à la conclusion dudit document pour vous dire qu'on réitère justement cette position parce que c'est fondamental pour nous. Je vous amène à la page 108, la conclusion du rapport, qui se terminait en disant: «De ce fait, la loi et ses acquis doivent maintenant s'inscrire dans la durée.» Et je me permets de revenir un peu en arrière lorsqu'il y a un peu plus de 10 ans la loi avait été adoptée. Il faut le rappeler également, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve le disait tantôt, était la marraine du projet de loi, mais l'opposition officielle à l'époque, le Parti libéral du Québec, avait voté avec la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et le gouvernement. Et je me permets de souligner que le député de l'opposition officielle actuelle, lui, était absent lors du vote sur l'adoption de la Loi sur l'équité salariale.
Alors, de notre côté, Mme Pelchat, il n'y a pas d'ambiguïté. En avant de moi, j'ai deux oppositions: l'ADQ et le Parti québécois. La députée d'Hochelaga-Maisonneuve a exprimé clairement les vues de sa formation politique, et j'espère que, durant nos trois jours de travaux, l'ADQ aura l'occasion d'exprimer clairement sa position, à savoir: Est-ce qu'elle est prête à maintenir la loi? Est-ce qu'elle est prête à maintenir la commission? Parce que de notre côté, je tiens à vous le dire, il n'y a pas d'ambiguïté.
Mme Pelchat (Christiane): ...je peux me permettre...
M. Whissell: Allez-y. On a...
Mme Pelchat (Christiane): Non, mais vous parlez du maintien de la loi. Je suis très, très heureuse. Mais est-ce que vous affirmez aussi la même vigueur, le maintien de la commission avec sa compétence décisionnelle et sa compétence administrative?
M. Whissell: Bien, c'est-à-dire que la commission est là pour rester. Je pense que c'est un outil important. C'était au coeur de l'essence même de la loi qui a été adoptée il y a une dizaine d'années. Par contre, on est ici pour regarder comment on peut bonifier et faire davantage d'équité salariale parce que, tout comme vous, quand on regarde en arrière de nous, on fait le constat, il y a des entreprises qui l'ont réalisée. Est-ce qu'elles l'ont maintenue? Ça, c'est une autre question. Est-ce qu'elles ont fait un exercice continu dans le temps? D'un autre côté, il y a des entreprises qui ne l'ont pas commencée du tout. Alors, c'est à elles qu'il faut s'attaquer d'abord.
Du côté du gouvernement, bien, heureusement, le gouvernement de M. Charest a fait cet exercice en 2006. Il y a eu rétroactivité, il y a eu l'argent qui a été réservé, qui a été donné aux femmes. Puis je vous rappelle que c'est plus de 300 000 femmes qui ont vu leurs salaires ajustés à l'intérieur du gouvernement. C'est une opération qui coûte de façon récurrente plus de 800 millions de dollars, aujourd'hui, au gouvernement. Mais, si on l'a fait, c'est parce que, comme formation politique, on y croyait. On avait adopté la loi avec le gouvernement à l'époque, et, une fois au gouvernement, on a continué dans la même logique, et on a su réserver les argents pour réaliser cette équité salariale.
Dans vos remarques, Mme Pelchat, vous mentionnez beaucoup l'importance de soumettre un rapport à la commission, hein? Bon. On sait, la commission a des ressources qui sont limitées. Tout le processus pour gérer ces rapports, les administrer, également faire des enquêtes, les vérifications qui peuvent s'y rattacher... Mais, dans le rapport, que voyez-vous comme données qui devraient être transmises à la commission?
n(10 h 10)nMme Pelchat (Christiane): D'abord, comment le processus d'équité salariale... On parle surtout des entreprises, par exemple, de 100 emplois et moins. Les plus problématiques, pour nous, sont les entreprises de 10 et 49 employés. Ce qu'on aimerait voir là-dedans, c'est comment le processus d'équité salariale s'est fait, s'est-il réalisé et comment aussi... Ce serait intéressant d'y joindre le témoignage des salariées, des femmes qui sont impliquées dans ce processus. Et en fait ce qu'on souhaite, c'est peut-être des vérifications aléatoires de la commission. On ne pense pas que la commission devrait aller vérifier chacun des rapports, mais seulement que le fait qu'une entreprise soit obligée de déposer un rapport sur un exercice d'équité, déjà en soi c'est une forme de reddition de comptes. Même s'il n'y a pas un contrôle juridictionnel qui s'effectue par la suite, il y a quand même la possibilité pour nous... Je pense que la commission pourrait faire des vérifications aléatoires, ne serait-ce que pour vérifier la qualité et la véracité des faits qui y sont soumis.
M. Whissell: O.K. Je ne sais pas si... Est-ce que les collègues veulent participer? Pierre?
La Présidente (Mme Morissette): Oui. S'il vous plaît, ne pas oublier de nommer les députés par...
M. Whissell: J'ai dit «collègues».
La Présidente (Mme Morissette): Oui. Non, vous avez dit «Pierre». Tantôt, vous avez dit «M. Charest».
M. Marsan: C'est Robert... c'est Robert-Baldwin.
La Présidente (Mme Morissette): Alors, M. le député de Robert-Baldwin.
M. Marsan: Oui. J'ai entendu beaucoup... D'abord, je veux vous saluer et vous remercier d'être avec nous ce matin. Vous avez fait beaucoup de commentaires sur la Commission de l'équité salariale, et j'aimerais vous entendre. C'est quoi, votre perception de cette commission-là? Quelle devrait être son rôle? Je sais qu'il y en a qui l'ont déjà accusée d'être juge et partie, d'autres... Est-ce que vous pensez qu'il y a un rôle vraiment clair, autant pour les salariés que pour les employeurs, à la commission?
Mme Pelchat (Christiane): Vous savez, quand on parle de juge et partie pour des commissions qui ont à la fois un rôle administratif et à la fois un rôle décisionnel, ça vaut pour toutes les commissions qui, au gouvernement du Québec, dans notre structure juridictionnelle au Québec... toutes les commissions ont ce rôle-là. Donc, d'une certaine façon, ces commissions sont à la fois juge et partie.
Mais il y a eu une décision de la Cour suprême du Canada sur l'étanchéité justement des pouvoirs décisionnels des commissions, et ça visait la commission... la Régie des loteries et courses ? je ne me souviens pas exactement le nom de la commission ? et d'emblée je pense qu'on peut dire que la bonne foi des commissaires et de l'administration n'est pas mise en doute. Souvent, quand on parle de juge et partie, je pense qu'il faut se rappeler l'esprit de la Loi sur l'équité salariale. Premièrement, c'est la prémisse qu'il y a une discrimination systémique. Et c'est la beauté de cette loi. En fait, c'est la force, la grande force de cette loi. Ce n'est plus un rapport contradictoire, c'est-à-dire les femmes salariées n'ont pas à prouver qu'elles sont discriminées. Alors donc, d'emblée, on dit qu'elles sont discriminées. On invite les employeurs à s'asseoir avec les travailleurs justement pour trouver une solution. Donc, ce n'est pas vraiment un rapport contradictoire qu'il y a entre les parties visées par la loi. Donc, pour moi, dans ce cas-ci, le danger de juge et partie est, sinon limité, sinon en tout cas inexistant.
Je vous dirais que, de par la nature de la représentation des sièges à la commission, il y a une personne qui vient normalement du milieu syndical, une personne qui normalement... une femme qui vient du milieu syndical et une femme qui vient du milieu patronal. Donc, je pense qu'il y a cet équilibre-là. Et, moi, je ne vois pas comment il y a des problèmes d'objectivité. En fait, je n'en vois pas et je ne pense pas avoir vu de décision ou en fait des requêtes qui soulevaient la subjectivité. Peut-être que Mme la présidente pourra éclairer par la suite, mais je ne me souviens pas d'avoir vu cette problématique. Je ne pense pas que ce soit un problème.
La Présidente (Mme Morissette): M. le député de Viau, vous avez une question?
M. Dubourg: Ah! d'accord. Bien, excusez-moi.
La Présidente (Mme Morissette): Avez-vous terminé, M. le député de Robert-Baldwin?
M. Marsan: Bien, j'avais une autre question.
M. Dubourg: Allez-y, allez-y.
La Présidente (Mme Morissette): Enchaînez. Moi, je donne la parole quand ça change d'interlocuteur, sinon allez-y.
M. Marsan: Rapidement. O.K. Alors, merci, Mme la Présidente, merci encore. Vous parlez de recommandations. Vous revenez au moins deux fois sur une meilleure sensibilisation qui pourrait être faite par la Commission de l'équité salariale. J'aimerais ça comprendre mieux. C'est facile, dire: Bien, on va passer une commande à la commission. Mais qu'est-ce que vous visez vraiment par «sensibilisation»? Qui vous voulez rejoindre? C'est-u la population en général, les entrepreneurs, les syndiqués, les employeurs... les travailleurs?
Mme Pelchat (Christiane): Non. Merci, vous me permettez de préciser notre pensée là-dessus. Dans un premier temps, encore une fois, les femmes, les salariées, les travailleuses les plus vulnérables donc, la plupart du temps, ce sont les femmes non syndiquées. La commission a commencé un travail de réflexion sur comment joindre ces femmes. Ce qui arrive, c'est que, dans des entreprises de petite taille où il n'y a pas de syndicat, il n'y a pas vraiment de porte-parole pour les employés. Et, comme la tâche de faire l'équité salariale revient à l'entreprise, il n'y a pas d'interlocuteur collectif. Ça, c'est un manque pour les femmes dans les entreprises de petite taille.
Donc, si la commission s'adresse, par exemple, au moins à la fédération des petites entreprises, la fédération ? je ne me souviens pas du nom, là ? des plus petites entreprises, elle pourra au moins sensibiliser les hauts dirigeants et à l'occasion aller voir particulièrement dans les secteurs où il y a le plus de femmes, dont notamment en hébergement, pour sensibiliser les employeurs à l'importance de faire une réelle procédure d'équité salariale mais en plus de bien informer les femmes de leur entreprise de cette équité salariale ou de ce processus d'équité salariale.
Eh bien, on a une recommandation d'ailleurs sur l'affichage, qui ne touche pas nécessairement ce secteur, les entreprises non syndiquées, mais quand même. Pour nous, un des gros travaux que la commission a à faire, c'est la sensibilisation auprès des entreprises qui ont des travailleuses vulnérables, des entreprises souvent qui emploient des femmes à temps partiel, dont le salaire est le salaire minimum. Ces femmes-là n'ont pas les mêmes ressources que les employés syndiqués pour défendre leurs droits. Alors, pour nous, c'est un des volets les plus importants du rôle de sensibilisation que la commission devrait avoir.
La Présidente (Mme Morissette): Alors, M. le député de Viau, il reste cinq minutes au bloc de temps.
M. Dubourg: Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous tous. Bonjour, Mme Pelchat. Je voulais vous ramener à votre rapport, à la page 8, où est-ce que, bon, vous citez que «le rapport nous apprend ainsi que, dans l'ensemble, 47 % des entreprises se sont conformées à leurs obligations, tandis que 38 % n'ont entrepris aucun exercice d'équité salariale. [Et de plus,] parmi celles qui ont complété l'exercice, 32 % seulement ont constaté des écarts salariaux et 31 % ont commencé à verser des ajustements.»
Donc, moi, j'aimerais savoir c'est quoi, les pistes de réflexion que vous avez à ces sujets-là, comment est-ce que vous pourriez nous aider à bonifier cette loi-là.
Mme Pelchat (Christiane): Dans un premier temps, il faut dire qu'effectivement la Commission sur l'équité salariale a fait un travail remarquable dans les décisions qui lui sont soumises. Ce que l'on demande maintenant, c'est que la commission puisse renforcer la sensibilisation et son travail auprès des entreprises pour augmenter ce chiffre assez peu agréable à lire: moins de 50 % des entreprises visées par la loi ont complété l'exercice d'équité salariale.
Vous savez, M. le député, vous êtes d'une minorité visible, vous savez combien les préjugés sont tenaces, les stéréotypes sont tenaces. Les femmes sont victimes de stéréotypes et de préjugés depuis fort longtemps. Comme je l'ai dit tout à l'heure, comme les femmes étaient, à ce moment-là... Et votre ancienne collègue la députée de Mégantic-Compton pourrait vous raconter, lorsqu'elle était enseignante... Elle était enseignante dans un village et elle avait le droit d'enseigner jusqu'à ce qu'elle se marie. Quand elle s'est mariée, elle a perdu son permis d'enseignement parce que les femmes mariées, c'était d'aucune raison qu'elles travaillaient, pas besoin d'apporter un salaire. Et en plus, donc, elle a été obligée de quitter son emploi. Quand elle est revenue à Montréal, elle a enseigné à la commission scolaire de Montréal quelque peu, pas longtemps, mais elle avait un salaire nettement inférieur à ses collègues masculins enseignants.
n(10 h 20)n Tout ça pour vous dire que ces préjugés-là sont tenaces. Les entreprises au Québec tiennent aussi à certains privilèges de payer des employés le moins possible pour faire le plus de profits possible. Si l'État n'a pas ce rôle de gardien de l'équité sociale, malheureusement ça ne se fera pas. C'est pour ça que cette loi-là existe. Donc, le 47 % est certainement l'illustration des grands préjugés qui persistent.
Et j'attire votre attention sur le fait que la majorité des emplois où il y a une forte discrimination et où les salaires sont très bas sont occupés par des femmes mais beaucoup de femmes de minorités visibles aussi. Comme vous le savez, à Montréal, dans le secteur de la fabrication, on n'a qu'à aller sur Chabanel pour s'apercevoir que la communauté haïtienne est en forte proportion. Et donc, pour nous, c'est le rôle de la commission, c'est un des rôles fondamentaux, quand on parle des femmes vulnérables, d'aller sensibiliser ces entreprises-là. Et je ne pense pas qu'on puisse être fier du score de 47 %. Et, comme je le disais tout à l'heure, on ne peut pas être fier, quand on le décortique, de savoir que seulement 15 % de ces 47 % ont trouvé un écart salarial. C'est encore plus inquiétant.
M. Dubourg: Donc, d'accord, merci. Je comprends, O.K., d'accord, qu'il faut augmenter effectivement le rôle de la commission. Mais en même temps, dans vos recommandations, vous avez dit tout à l'heure, en réponse à la ministre... au ministre plutôt, excusez-moi, qu'il fallait...
Mme Pelchat (Christiane): ...excuser, moi, pour moi, le féminin inclut le masculin, il n'y a pas de problème.
M. Dubourg: D'accord. Je vais lui demander s'il est de votre avis.
Mme Pelchat (Christiane): On a décrété ça, au conseil.
M. Dubourg: Voilà. Donc, la question que je voulais poser, c'est en rapport avec la vérification. Tout à l'heure, vous avez parlé de vérification aléatoire. Est-ce que ça ne vient pas contrecarrer cette conformité-là? C'est-à-dire, si on veut que plus d'entreprises, là, favorisent l'équité salariale, donc, en parlant de vérification aléatoire, est-ce que ça ne fera pas augmenter la non-conformité, non?
Mme Pelchat (Christiane): En ce moment, la commission n'a pas de pouvoir ou de devoir de vérifier ou de recevoir même... C'est-à-dire que les entreprises de 100 employés et moins n'ont pas de devoir de donner un rapport. Donc, premièrement, il y aurait un devoir de... et donc elle n'a pas ce pouvoir-là, elle ne reçoit pas de rapport d'application de l'équité et, deuxièmement, elle n'a même pas le pouvoir d'aller vérifier pour l'instant parce que, puisqu'elle n'a pas de rapport, elle ne peut pas aller vérifier comme ça. Et nous sommes très conscientes de la difficulté, comme disait le ministre, à donner des ressources, dans le fond, sans fond à la commission. Donc, je pense que c'est pour ça qu'on dit «aléatoire», c'est pour ne pas exagérer non plus. Mais je vous dis que... bien, en tout cas, je pense que l'exemple des entreprises qui ne se conforment pas à la loi peut faire plus mal des fois que de forcer à rendre des comptes.
M. Dubourg: Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au temps du côté ministériel. Donc, nous serions rendus du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de Terrebonne, j'imagine.
M. Therrien: Oui. Merci. D'entrée de jeu, j'aimerais confirmer que, de notre côté, à l'opposition officielle aussi, nous sommes pour le maintien de la loi. Par contre, comme, d'entrée de jeu, dans nos remarques préliminaires, c'est le rapport qui nous laissait perplexes et à des interrogations. Donc, pour préciser pour le ministre, s'il n'avait pas bien compris, là, nous sommes aussi dans le maintien. Et j'aimerais que le ministre fasse la différence, c'est flou un petit peu, à l'entendre, là. Puis, entre le droit à l'équité salariale garanti par la charte, ça, c'est une chose, et la Loi sur l'équité salariale, qui est une autre chose, et, la troisième, la Commission de l'équité salariale, on dirait qu'il mélange les trois facteurs.
D'entrée de jeu, j'aimerais vous poser une question sur le 47 % que vous soulignez. Quand je vous disais qu'on se questionne sur la validité du rapport, les chiffres qui nous sont fournis, on a un tableau qui nous est fourni en partie B, qui est les faits saillants, donc un résumé du rapport, puis on a deux données, une côte à côte, qui nous disent que 68 % des entreprises privées de 10 personnes salariées et plus déclarent que leur exercice d'équité salariale est terminé versus la Commission de l'équité salariale est en mesure d'affirmer qu'une entreprise privée sur deux s'est conformée à ces obligations-là. Comment vous expliquez la différence du 20 % ici?
Mme Pelchat (Christiane): Dans le rapport, M. le député, en bonne civiliste que je suis, je dois vous dire que la bonne foi se présume. Je vois Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve sourire, mais c'est parce qu'on a tellement étudié ça en commission parlementaire lors de l'amendement au Code civil. La bonne foi se présume, alors, moi, je présume de la bonne foi de la commission dans les données qui sont devant nous. Et la commission explique cette distorsion, cette digression, je devrais dire, entre le fait que le 68 % vient d'un sondage qui a été fait auprès des entreprises. Donc, les entreprises, elles, quand on parle de l'exercice d'équité salariale, certaines ont confondu entre un exercice complété et un exercice commencé. Ce que dit la commission dans le bilan, c'est qu'il y a 68 % qui déclarent avoir fait l'exercice d'équité salariale. Cependant, quand on regarde si la loi a été effectivement appliquée, c'est 47 % qui ont terminé la procédure d'équité. Donc, c'est une distorsion qui est tout à fait normale entre un sondage et une vérification de fait.
M. Therrien: O.K. À ce niveau-là, quand vous parlez de sondage, est-ce que vous savez comment c'est fait, l'atteinte des résultats de ce rapport?
Mme Pelchat (Christiane): Qu'est-ce que vous voulez dire?
M. Therrien: La méthodologie du calcul de ces données-là qui sont rentrées dans la rapport aujourd'hui, est-ce que vous êtes au courant comment ça a fonctionné?
Mme Pelchat (Christiane): Le 47 %? Le 47 % ou le 68 %?
M. Therrien: L'ensemble du rapport. Il y a eu une firme qui a été engagée pour justement produire les chiffres qu'on voit aujourd'hui. Est-ce que vous êtes au courant comment ça s'est produit?
Mme Pelchat (Christiane): Écoutez, je ne suis pas membre de la Commission de l'équité salariale. Ce que je peux vous dire, c'est que Nathalie et d'autres experts, chez nous, en économie se sont penchés depuis longtemps... Vous savez, les chercheurs, les chercheuses au conseil... Nathalie est une jeune chercheuse, mais on a des chercheuses qui sont au conseil depuis bientôt 33 ans. Donc, elles aussi, je leur fais une grande confiance. Et les chiffres qui sont dans le rapport de la commission ne sont pas contestés, en tout cas pas de la part du conseil. Le 47 %, je présume que la façon dont la Commission de l'équité salariale a procédé avec une entreprise, contractuelle ou pas, ça s'est fait avec les règles de l'art statistique et les règles de l'art de la compilation statistique.
Je ne sais pas si vous avez des informations qui pourraient nous indiquer que ces chiffres ont été malmenés ou en tout cas qu'ils ne représentent pas la vérité, la véracité. Nous, on aimerait bien ça le savoir parce qu'effectivement, s'il y a des chiffres qui ne sont pas exacts, probablement que ce sera les femmes qui seront encore les victimes de ces chiffres-là qui ne sont pas exacts. Alors, j'aimerais ça si vous pouviez nous dire si vous avez des informations que c'est plus ou moins que le 47 %.
M. Therrien: La seule chose que je voulais préciser, je voulais vérifier avec vous si vous étiez au courant parce que, quand vous parliez du sondage, vous disiez que, bon, il y a des marges d'erreur.
Mme Pelchat (Christiane): C'est ce que j'ai lu dans le rapport.
M. Therrien: Oui, c'est ça, exact. Par contre, il faut préciser que l'enquête de rémunération a été faite aussi par la commission, par un sondage téléphonique. Donc, c'est bon de savoir qu'on compare des pommes avec des pommes. Ça s'est fait par enquête téléphonique aussi.
Mme Pelchat (Christiane): Le 47 %?
M. Therrien: Bien, les deux. C'est ça.
Mme Pelchat (Christiane): Bien, en fait, ce qu'on a vérifié...
M. Therrien: Le 47 %, c'est ça.
Mme Pelchat (Christiane): Le 47 %, si vous me permettez, c'est bien inscrit dans le rapport qu'on a pris les éléments de la loi dont les entreprises étaient obligées de se conformer, et c'est à la lumière de ces réponses-là qu'on a vérifié si les entreprises s'étaient conformées.
M. Therrien: O.K. Pour éclairer, là ? je pense qu'on est ici tous pour ça ? pour vous, la définition exacte d'une entreprise qui a terminé son exercice d'équité salariale?
Mme Pelchat (Christiane): C'est une entreprise qui a suivi toutes les étapes de la loi et, j'ajouterais comme présidente du Conseil du statut de la femme, une entreprise qui a suivi toutes les étapes, et qui en est venue à la conclusion qu'il y a un écart de rémunération entre les femmes et les hommes, et qui a versé des ajustements salariaux, un peu ce que le gouvernement du Québec a fait avec ses employés.
M. Therrien: Donc, si un employeur qui est de bonne foi, qu'on présume de bonne foi fait son exercice complet et que par malheur il ne trouve aucun écart possible dans son étude, pour quelque raison que ce soit, il est réputé ne pas avoir fait son exercice d'équité salariale?
Mme Pelchat (Christiane): Je ne pense pas qu'il soit réputé... Je n'ai pas le libellé de la loi comme tel, là. En fait, écoutez, moi, ce que je vous dis, c'est qu'une entreprise qui n'a pas suivi toutes les étapes, qui n'a pas procédé comme la loi l'indique, qu'elle n'ait pas constaté d'écart salarial, je vous dirais que ça me surprendrait énormément. Bon. Quand c'est le cas, que voulez-vous, le Conseil du statut de la femme demande à la commission justement peut-être éventuellement d'évaluer la qualité des exercices d'équité salariale, particulièrement ceux dans le domaine où se concentrent les emplois féminins et particulièrement ceux qui n'ont pas donné d'écart. Nous sommes très surprises de cela.
Alors, non, je vous dirais qu'on se conforme à la loi. Si les étapes ont été franchies et qu'il n'y a pas de reconnaissance par hasard, dirait-on, d'inéquité ? enfin, ça me surprend, mais la loi n'exige pas d'arriver à un résultat tel ? donc je ne peux pas vous dire que c'est réputé non complété.
M. Therrien: Merci. Je vais laisser la parole à ma consoeur de Groulx.
La Présidente (Mme Morissette): Oui. Mme la députée de Groulx, allez-y.
n(10 h 30)nMme Lapointe (Groulx): Merci, Mme la Présidente. J'aimerais saluer M. le ministre et tous les gens qui se sont présentés aujourd'hui. Bonjour, Mme Pelchat. C'est avec plaisir que je suis ici, aujourd'hui, en tant que femme et ex-employeure d'une PME qui avait 75 employés. Alors, quand vous parlez de l'exercice d'équité salariale, je l'ai fait, et Dieu que ce n'était pas facile! Ce n'était vraiment pas simple. C'était quelque chose qui, à mon sens à moi, était très compliqué. C'est sûr qu'on l'a fait; on était guidés, on avait des consultants qui nous ont aidés. Mais ce n'est pas pour ça que vous voulez m'écouter aujourd'hui.
Entre-temps, quand vous parlez qu'on a fait du chemin, je suis contente, le Conseil du statut de la femme. Ma mère a été une des victimes, elle était enseignante dans un village. Quand vous parliez tantôt de la députée, ma mère a été ça. Et, voyez, à force de constance, bien, on élève nos filles, qui sont égales aux autres. Juste un exemple. Mais on n'est pas là pour ça non plus.
Mme Pelchat (Christiane): Bien, ça fait partie de l'égalité.
Mme Lapointe (Groulx): Ça fait partie. Mais je suis contente d'être ici.
J'ai une question très terre à terre, parce qu'on analyse toujours l'équité salariale avec des emplois soit à prédominance féminine, à prédominance masculine. Est-ce que le fait de segmenter les professions selon justement prédominance féminine ou masculine, ça ne fait pas que renforcer les stéréotypes qui sont déjà existants?
Mme Pelchat (Christiane): Certaines personnes disent que oui. Je serais tentée de dire que oui. Cependant, la discrimination systémique dont sont victimes les femmes et les personnes qui travaillent dans les emplois à prédominance féminine, le problème que l'on a, c'est que, pour comparer et pour analyser cette discrimination et analyser l'écart, il fallait prendre des emplois à prédominance masculine pour vérifier si, effectivement, à travail égal, à compétence égale, il y avait un salaire égal. À la longue, peut-être que nous sommes en train ? il faudrait peut-être que la commission l'examine ? à la longue, de faire une autre discrimination. Mais nous n'avons pas... C'est un premier commentaire que je vous fais: On n'a pas analysé cette question-là à fond, mais il reste quand même que c'est un élément qui pourrait être intéressant à examiner. Mais il reste qu'on n'a pas le choix, il faut comparer avec des entreprises qui sont à majoritairement des hommes et qui peuvent témoigner d'un travail égal et donc d'un salaire supérieur.
Je prendrais, à un moment donné, la comparaison qui avait été retenue pour les centres de la petite enfance. Il n'y avait pas de comparateur masculin qui existait, puisque ces centres étaient nouveaux, relativement nouveaux. Alors, il a été difficile pour l'employeur, l'AQCPE, de trouver des comparateurs masculins. Finalement, ils se sont entendus sur le comparateur du concierge. C'est certain que les éducatrices avaient un peu de mal avec la comparaison du concierge, puisque les tâches qu'elles font, qu'elles ont à combler dans les CPE sont autrement... en tout cas plus demandantes, au point de vue relationnel, que celles du concierge, sauf qu'il n'y avait pas de comparateur masculin dans les CPE alors qu'il fallait en trouver un. Ça peut être un élément qui est à examiner. Justement, vous soulignez cette question, et je pense que ça pourrait être intéressant de l'examiner si à rebours il n'y a pas aussi une nouvelle discrimination qui pourrait effectivement resurgir.
Mme Lapointe (Groulx): Merci. Je trouve ça intéressant quand vous parlez des comparatifs, là. Vous parlez du concierge et en même temps les éducatrices. Quand on part que c'est de prédominance féminine, c'est difficile à comparer. À partir de quoi qu'on compare? Vous dites «concierge», c'est sûr que ce n'était pas correct, là. Mais il y a plusieurs exemples que c'est très féminin ou très masculin. C'est les références. On part d'où au début? C'est ça qui est compliqué, puis c'est un petit peu ce que vous me confirmez. Donc, il y aurait d'autres questionnements à se poser? Qu'est-ce que vous voulez dire?
Mme Pelchat (Christiane): En fait, je ne veux pas devancer. Le conseil ne s'est pas prononcé là-dessus, c'est une opinion personnelle. On n'a pas vraiment réfléchi à cette question. Mais j'apprécie la piste que vous nous lancez, peut-être qu'on ira plus en profondeur, peut-être même avec la Commission de l'équité, se pencher sur le danger de discrimination à rebours que vous soulignez.
Mme Lapointe (Groulx): Merci.
Mme Pelchat (Christiane): Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Ah bon! je venais de mentionner le temps qu'il restait. Ça a bien tombé. Donc, on aurait terminé du côté de l'opposition officielle. Donc, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, du côté de la deuxième opposition. Allez-y.
Mme Harel: Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors donc, ce qui a guidé, il y a déjà 10 ans, l'adoption de cette loi... Et je dois rappeler que, n'eût été de la solidarité de toutes les femmes parlementaires qui siégeaient dans ce Parlement, il aurait été sans doute beaucoup plus difficile d'adopter à l'unanimité une telle loi. Et c'est le constat que j'ai fait il y a 10 ans, c'est que finalement la ligne de parti est parfois très utile. En tout cas, elle le fut, c'est mon constat, dans l'histoire des progrès juridiques que les femmes québécoises ont connus. Heureusement qu'il y a eu la ligne de parti parce que ce n'était pas toujours évident, n'est-ce pas, de faire adopter une telle loi à l'unanimité. Alors, ceci étant dit, bien, il faut se rappeler le contexte, il faut savoir qu'autant à ce moment que maintenant, si une femme est célibataire et universitaire, elle peut compter sur un salaire égal, finalement, mais on ne peut pas proposer à toutes les femmes du Québec d'être célibataires et universitaires pour connaître l'égalité, d'où la nécessité d'une loi sur l'équité.
Qu'est-ce qu'elle introduit, cette Loi sur l'équité? Elle introduit l'idée que non seulement les emplois non traditionnels peuvent être occupés par des femmes... Parce que les années soixante-dix et quatre-vingt ont vu la promotion par les organismes que nous entendrons d'ailleurs ici même... je pense au Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au marché du travail, le CIAFT, qui ont fait la promotion des emplois considérés non traditionnels occupés par des femmes. Mais, tout à coup... en fait, la découverte, ça a été de dire: Pourquoi est-ce que les emplois à prédominance féminine, s'ils étaient beaucoup plus payants, ne seraient pas aussi occupés par des hommes, hein?
Une voix: Voilà!
Mme Harel: Alors, c'est ça, l'enjeu, parce que, dès qu'un emploi, même à prédominance féminine, s'avère plus payant, il est occupé aussi par des hommes. Alors, où en sommes-nous? Je comprends qu'on est à mi-parcours, hein? 10 ans après l'adoption de la loi, on est à mi-parcours dans la quête de l'équité salariale. Alors, vous proposez divers ajustements pour renforcer cette loi.
Alors, j'aimerais vous entendre sur la question de la reddition de comptes. Il m'apparaît que cet aspect-là est important. Dans votre mémoire également, vous recommandez qu'en matière de programme unique par entreprise, là, la décision prise par la commission ? qui est devant la Cour supérieure, je pense, hein, présentement...
Mme Pelchat (Christiane): Je pense que oui.
Mme Harel: ...qui est contestée, je pense, hein, devant la Cour supérieure ? mais que la décision de la commission soit comme entérinée dans la loi. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Pelchat (Christiane): Sur la reddition de comptes... Ah! 16, pardon.
Mme Harel: ...à la page 11, là, je pense, hein, de votre mémoire?
Mme Pelchat (Christiane): Oui, si vous avez la page qui a été changée, c'est 16, mais... Excellent. Encore une fois, pour nous, le problème, ce sont les entreprises de 10 à 49 employés. Comme la loi exige que les employeurs de 100 emplois et plus, 100 salariés et plus, fassent un exercice avec un comité sur lequel les femmes salariées sont membres, le syndicat, quand il y en a un, se prononce, etc., il y a un programme d'équité qui doit être confectionné et donné à la commission. Il n'y a pas trop de problèmes de ce côté-là. Les entreprises de 10 à 49 employés n'ont pas cette obligation de créer un comité, donc les femmes salariées ne sont pas nécessairement bien représentées autant que dans les entreprises de 100 employés et plus, surtout s'il n'y a pas de syndicat. Le problème... Donc, on ne peut pas vérifier comment l'équité salariale se réalise dans ces entreprises, contrairement aux entreprises de 100 personnes et plus.
Et on sait que la majorité des femmes... en tout cas, les petites entreprises embauchent en majorité des femmes. On sait que plus que le tiers des... 33 % ou 34 % des employés d'une entreprise de 20 et moins sont des femmes. Donc, de là l'importance de la reddition de comptes, de demander à ces entreprises de produire un rapport sur comment l'équité salariale s'est effectuée dans leur entreprise. Et là la Commission de l'équité salariale pourrait aléatoirement faire des vérifications et identifier si ce programme a été bien fait et, s'il y a lieu, de corriger. Encore une fois, nous sommes sceptiques et on le redit: Face aux entreprises qui ont réalisé leur programme d'équité salariale et qui disent ne pas avoir identifié d'écart salarial, surtout dans l'entreprise privée, nous sommes assez sceptiques.
Mme Harel: Bien, le fait est qu'on regarde les résultats dans les entreprises de 20 personnes en emploi et moins, et on se rend compte qu'il n'y a eu finalement quasiment aucune amélioration, hein?
Mme Pelchat (Christiane): Presque rien.
n(10 h 40)nMme Harel: Entre 1997 et 2004, en fait, l'écart de 16,7 % est devenu un écart de 16,5 %.
Mme Pelchat (Christiane): C'est ça, et...
Mme Harel: Alors, c'est extrêmement décevant, ça.
Mme Pelchat (Christiane): Très inquiétant aussi.
Mme Harel: Concernant les programmes par entreprise: les programmes par entreprise, en sachant qu'une catégorie d'employés peuvent demander d'être exclus, j'aimerais vous entendre sur votre proposition à l'égard d'une disposition, dans la législation, qui pourrait faire en sorte qu'il y ait ce programme unique.
Mme Pelchat (Christiane): Oui. En fait, le problème que l'on a avec la possibilité d'avoir plusieurs programmes dans la même entreprise, c'est que l'on dilue les comparateurs, ce qui fait que l'entreprise peut certainement dire que les hommes... En fait, en diluant les comparateurs, je pense qu'on dilue la possibilité de bien identifier quand les femmes sont victimes de discrimination systémique. Et je pense que, malheureusement, autant peut-être du point de vue syndical que patronal, je n'ai pas l'information là-dessus, mais des demandes de multiplicité de programmes dans une entreprise quelquefois sont devenues la règle plutôt que l'exception, et, nous, cela nous inquiète évidemment parce que, comme je vous dis, c'est dangereux pour diluer la force de la comparaison d'un programme unique.
Quand vous avez, dans une entreprise... une grande entreprise par exemple, la majorité des employés de bureau, les secrétaires, les réceptionnistes, des employés de bureau sont des femmes, et des entrepôts, les employés d'entrepôt sont à majoritairement des hommes, ou bien qu'il y ait à majoritairement des hommes dans la production, mais dans le shipping ? passez-moi l'expression anglaise ? ce sont des femmes, etc., si on divise l'unité de... de... de... j'allais dire d'accréditation, l'unité de comparaison, on risque de diluer. Parce que c'est certain que, si on compare les femmes avec les hommes dans la production, probablement que les femmes sont payées aussi bien que les hommes, ou en tout cas on le souhaite, parce que c'est un secteur traditionnellement occupé par les hommes, donc il n'y a pas vraiment de discrimination. Donc, c'est là le danger que voyait le Conseil du statut de la femme face à cette... appréhende...
Mme Harel: En fait, dans votre mémoire, à la page 13, hein, vous nous dites: Déjà, la décision de la Commission de l'équité salariale, qui a été entérinée par la Commission des relations du travail, empêche l'élaboration de programmes distincts pour les unités d'accréditation qui ne compteraient pas de comparateurs féminins. Et tout ça se trouve, je pense, devant la Cour supérieure. Mais c'est bien évident que le danger, c'est de dire: Vous êtes égales, un peu comme les tribunaux l'ont fait dans le passé, en matière de discrimination raciale. Même si vous êtes discriminée, si vous êtes une femme noire puis que vous êtes égale aux autres femmes noires, donc il n'y a pas de discrimination...
Mme Pelchat (Christiane): ...exactement ça.
Mme Harel: ...vous êtes égale dans votre catégorie. Et c'est là le danger, là, finalement, hein?
Mme Pelchat (Christiane): Exactement. Exactement.
Mme Harel: Bon. Je sais que ma collègue la députée de Taschereau a aussi des questions, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Morissette): Oui, pas de problème. Il vous reste un petit peu plus de quatre minutes.
Mme Maltais: Ah! merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme la présidente du Conseil du statut de la femme, bienvenue, je suis heureuse de vous retrouver avec toute votre équipe. Je salue aussi les collègues qui sont ici pour une opération importante, je pense, pour les femmes du Québec: voir où on est rendu à date sur cette loi qui a apporté de tels bienfaits.
Vous dites deux phrases qui, pour moi, sont importantes et retournent à la source de pourquoi on a voté, adopté à l'unanimité cette Loi sur l'équité salariale, d'abord: que l'équité salariale est un droit et non un privilège. Alors là, on parle de droit. Je peux comprendre qu'il y ait difficulté parfois d'application dans des entreprises, qu'on cherche à enlever des embûches administratives, mais ici on parle de droit, et une Assemblée nationale doit protéger les droits, les droits de ses citoyens et de ses citoyennes, c'est fondamental.
L'autre: que la discrimination systémique n'est pas intentionnelle et que par conséquent elle passe inaperçue la plupart du temps. Je trouve qu'il faut dire... J'ai sorti cette citation de votre mémoire parce qu'on en est rendu là, c'est-à-dire que les gens ne font pas exprès de discriminer à l'intérieur de leur entreprise, ils sont de bonne foi, mais ça prend un regard extérieur pour prendre fait et cause pour les femmes et pour leurs droits. Donc, notre travail est d'essayer de dégager cet espace de jugement, ce recul sur les entreprises.
Mais, pour ça, ça prend des ressources, parce que c'est du travail. Je remarque qu'en page 10, dans une de vos recommandations, la deuxième d'ailleurs ? c'est assez important, déjà la deuxième ? vous dites que la Commission de l'équité salariale doit avoir les ressources nécessaires pour accomplir son mandat. Je note que, dans le rapport annuel de gestion 2006-2007 de la Commission de l'équité salariale, en page 36, on voit qu'il y a 66 ETC, 66 emplois à la Commission de l'équité salariale, mais je note aussi qu'on dit que 12 postes sont vacants actuellement, soit 19 % des effectifs sont vacants, si je lis les chiffres. Bon. Je pense que je fais un appel comme parlementaire à ce qu'on regarnisse un peu les rangs de la Commission de l'équité salariale. Quand je vois le rapport que nous avons et quand je vois les chiffres que vous nous dévoilez aujourd'hui, ils sont assez alarmants dans certaines catégories. D'autre part, s'il y avait des ressources supplémentaires, quand vous lisez ces chiffres, où serait la priorité, où est-ce qu'il faut agir maintenant?
Mme Pelchat (Christiane): Bien, je vous dirais que ce serait particulièrement auprès des femmes les plus vulnérables et la sensibilisation auprès des entreprises non syndiquées où se retrouvent les travailleuses les moins bien payées au Québec et en situation de vulnérabilité parce qu'elles occupent des emplois atypiques. Parce que, même si souvent ça ne devrait pas être des emplois à contrat déterminé, ce sont des emplois à contrat déterminé, des postes à contrat déterminé. Donc, s'il y avait des ressources additionnelles à la commission, ce serait d'abord pour sensibiliser les entreprises et, deuxièmement, pour vérifier la reddition de comptes pour des entreprises de 10 à 49 employés. Pour moi, c'est fondamental.
La Présidente (Mme Morissette): Il reste une minute. Je ne sais pas si vous voulez l'utiliser. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault: Oui. D'abord, bienvenue et merci d'être là et aussi de la qualité de votre travail. Je suis extrêmement sensible à toute cette problématique de la question de la discrimination systémique, et, pour moi, ça relève d'une question culturelle. Donc, la meilleure façon au fond de lutter contre une discrimination systémique est aussi de viser le long terme pour éventuellement éveiller des consciences et changer des cultures. Et vous dites dans votre recommandation n° 6: «Que la Commission de l'équité salariale mène une réflexion globale sur la situation des salariées non syndiquées afin d'identifier les meilleurs moyens de les rejoindre par [les] campagnes de sensibilisation ou de publicité auxquelles s'ajouteront des mesures de formation, pour faire en sorte que la loi s'applique vraiment à elles.» Alors, j'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus sur comment on pourrait faire ces campagnes de sensibilisation, et, pour travailler en amont justement en vue de changer cette culture, est-ce qu'on ne devrait pas aussi agir dans le monde de l'éducation?
Mme Pelchat (Christiane): Certainement.
La Présidente (Mme Morissette): ...répondre de façon très rapide.
Mme Pelchat (Christiane): D'accord.
La Présidente (Mme Morissette): Merci.
Mme Pelchat (Christiane): Certainement, et le conseil travaille particulièrement sur un document qui sera rendu public d'ici quelques mois sur les stéréotypes sexuels et sexistes qui subsistent dans notre société. Et cela pourrait aider la commission justement ou en tout cas le ministère de l'Éducation à élaborer des programmes de formation auprès des jeunes pour identifier déjà quels sont nos stéréotypes et nos préjugés auxquels on adhère sans se poser de question et qui font en sorte qu'on voit plus facilement... Comme un jeune homme qui faisait un stage dans une entreprise où je travaillais, qui disait qu'il voulait devenir enseignant du français au secondaire. Alors, je lui ai demandé: Mais pourquoi tu ne voudrais pas devenir enseignant du français au primaire ou enseignant au primaire? Il dit: Voyons donc, il dit, les enseignements du primaire, c'est fait pour les filles, ça. J'ai dit: Pourquoi tu dis ça? Bien, tu sais, il faut prendre soin des petits, puis tout ça. J'ai dit: Eh, mon Dieu, on a encore du chemin à faire! Ça, c'est un jeune homme qui a 21 ans ou 22 ans. Alors, l'éducation, je pense que c'est fondamental. Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Alors, merci au Conseil du statut de la femme.
Nous allons suspendre quelques minutes, le temps de vous saluer et d'accueillir le prochain groupe, Drakkar & Associés. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 50)
(Reprise à 10 h 52)
La Présidente (Mme Morissette): Alors, rebonjour, bienvenue aux gens de Drakkar et Associés. Nous allons continuer. Nous avons toujours quorum et nos porte-parole sont présents. Donc, comme annoncé ? je ne sais pas si vous étiez présents? ? vous disposez de 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et ensuite les groupes parlementaires pourront vous interroger chacun leur tour dans des blocs de temps déterminés. Donc, s'il vous plaît, vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne, puis ensuite c'est à vous pour 15 minutes.
Drakkar & Associés inc.
M. Deschamps (Denis): Merci. Alors, Denis Deschamps, président et chef de la direction de Drakkar, une entreprise que j'ai fondée il y a environ 17 ans, entreprise experte en gestion des ressources humaines, qui a des ramifications au Québec, en Ontario et à l'international, de 50 millions de chiffre d'affaires. Et j'ai accepté l'invitation de Paul Tremblay, qui est directeur de la pratique de rémunération chez nous, notre expert, à venir présenter le mémoire aujourd'hui dans l'optique vraiment d'aider le gouvernement dans l'évolution de sa loi. Alors, sans plus tarder, là, je cède la parole à Paul, qui va nous faire la lecture.
M. Tremblay (Paul): Donc, Paul Tremblay. Mme la Présidente, MM. les députés et Mmes les députées, bon matin. Donc, comme Denis vient de mentionner, ma connaissance dans le domaine de la rémunération a commencé il y a une trentaine d'années suite à mes études universitaires, diplômé des HEC en ressources humaines, spécialisation par la suite en développement organisationnel et en droit des affaires, donc. Et je travaille depuis 30 ans dans le domaine pratique, là, l'intervention au niveau des entreprises en implantation de programmes de rémunération et principalement de l'équité salariale.
Donc, je ne reprendrai pas tout le document du mémoire, le lire phrase par phrase, je vais plutôt aller à certains endroits que je trouve peut-être plus importants à l'intérieur du 15 minutes qui nous est accordé. Donc, je vais plutôt sauter à la page 7 de mon document, vers le milieu, où on indique... et je vais faire une présentation plutôt pratique de terrain et non pas regarder les grandes orientations et les bien-fondés de la Loi sur l'équité salariale pour laquelle Drakkar supporte à 100 %. Et une des raisons pourquoi, comme bureau intervenant au domaine de la rémunération, nous sommes ici, c'est parce que nous croyons au bien-fondé de la loi et nous voulons plutôt regarder le côté pratique et le côté journalier, si on peut dire, que les entreprises vivent sur une base quotidienne et quels sont les problèmes qu'ils rencontrent. Et c'est ce que je fais ressortir à l'intérieur du mémoire, de façon à assouplir la loi, la rendre plus facile au niveau de son interprétation.
Et, comme j'ai entendu tantôt, on disait ? puis comme j'indique en page 7 de mon document: Les experts dans le domaine de la rémunération, ce ne sont pas des monnaies courantes, il n'y en a pas beaucoup. Les gens qui sont vraiment connaissants de la rémunération à l'état profond, ça n'existe pas beaucoup, et c'est confirmé dans le rapport du ministre.
Par la suite, je vais plutôt sauter en page 10 de mon document pour regarder les retombées de l'application de la loi. Donc, basé sur mon expérience et mon expertise d'intervention avec des comités de travail qu'on mentionnait, des entreprises de 10 à 49, des 50 à 99 et des plus de 100, il me semble surprenant, si je résume en page 10, là, que seulement 32 % des exercices conduiraient à des ajustements salariaux. Qu'est-ce que ça signifie? Ça signifie qu'il y a 68 % des entreprises où il n'y avait aucun ajustement salarial qui était fait. Donc, qu'est-ce que ça me pose aussi comme question? Dans les entreprises, ça veut dire qu'il y avait des systèmes en place qui étaient respectueux de la Loi sur l'équité salariale de façon indirecte en 2001, même s'il n'y avait pas d'expert de la rémunération. Donc, on a implanté des systèmes et des programmes dans lesquels l'expertise était absente, et on conclut que le programme était bon, ce n'est pas nécessaire d'avoir des ajustements salariaux. Au dernier paragraphe de la page 10, je dis, bien: Quelles sont les chances qu'une entreprise où 10 % des emplois étaient des emplois à prédominance féminine ne doive pas ajuster la rémunération totale ? pas juste le salaire de base, mais tous les avantages et toutes les autres considérations ? d'au moins un de ces emplois? Poser la question, c'est y répondre.
D'autre part, Drakkar était heureux et content de lire, à l'intérieur du document du rapport du ministre, que nous sommes en avance sur l'Ontario et sur le reste du Canada, ce qui est intéressant pour nous donc comme collectivité et comme amélioration de la condition des salaires des femmes à l'intérieur des organisations. On a trouvé ça très... content.
Au niveau du salaire horaire, on lance certaines statistiques au niveau des données. Beaucoup de tableaux sont présentés. La question que je me pose: Est-ce qu'il y aurait moyen, à l'intérieur des publications qui sont faites et des coûts de main-d'oeuvre, d'indiquer quels sont les salaires moyens selon les niveaux hiérarchiques? Parce que je pense que la donnée peut être très différente lorsqu'on ajoute le salaire des présidents ou des vice-présidents ou des directeurs qui sont... pour différentes raisons ? je ne suis pas là pour analyser les raisons qui ont fait qu'ils sont dans des postes de président ou de vice-président d'entreprise ? qui vont faire augmenter la moyenne des salaires. Donc, à ce moment-là, y aller par strates hiérarchiques pourrait être intéressant.
Au niveau des frais engendrés, je peux vous dire qu'on indique en page... que ça a coûté 1 000 $ de moins... pour le tiers des entreprises, c'est 1 000 $ de moins, 70 %... de 5 000 $ de coûts pour les entreprises d'implanter l'équité salariale. J'ai lancé une liste de questionnements ici, là, qui fait, par rapport aux coûts... dans laquelle, pour avoir vécu avec des entreprises depuis 1999 en équité salariale, je me pose la question par rapport aux coûts qui sont indiqués.
Si on regarde, par la suite, en page 14 de mon document, au niveau de la taille de l'entreprise, il y a effectivement certaines tailles d'entreprise qui peuvent modifier dans le temps. Et un des problèmes que ça cause: lorsqu'on arrive en l'an 2008 et on essaie de retrouver la taille de l'entreprise en 1996-1997, dans certains cas c'est impossible, ils n'ont pas de dossiers d'employés, ils n'ont pas l'information pertinente qui peut leur permettre de prendre une analyse correcte et de se classer dans la bonne catégorie. Est-ce que c'est une 10-49, une 50-99 ou une 100, comme le demande la loi? C'est assez embêtant pour eux.
Par contre, on mentionne que le fait de changer ou de modifier en fonction du changement de catégorie, selon la modification de la taille, en tant que spécialiste de la rémunération depuis une trentaine d'années, je peux vous dire qu'il y a des moyens de couvrir cet aspect-là, de bloquer, au travers d'une structure salariale que je parlerai un petit peu plus loin, il y a moyen de sauver toute la problématique qui est engendrée par les changements de taille ou tous les changements qui peuvent être apportés au niveau des salaires des employés à l'intérieur de l'organisation.
Un des grands problèmes aussi à l'intérieur des entreprises, c'est la définition de «cadre supérieur», qui n'est vraiment pas facile, surtout dans le cas des entreprises où c'est des ? excusez le terme anglais ? holdings ou des filiales de d'autres de nos entreprises de l'extérieur, c'est très compliqué. Et je peux vous dire qu'il y a des batailles assez intéressantes des fois dans la définition de quels sont ceux qui sont inclus et quels sont ceux qui sont exclus.
Je regarderais aussi l'importance au niveau de la fusion des entreprises et l'acquisition d'entreprises. Et tous les exemples que je vous donne, là, c'est des expériences de terrain, des expériences pratiques que je vis avec les entreprises, sur des bases quotidiennes, depuis 1999, au niveau de l'application de la Loi sur l'équité salariale. Donc, encore là, il y a des difficultés qui sont engendrées. Est-ce que c'est la plus grosse au niveau du temps? C'est important.
Données de rémunération. Encore là, dans beaucoup de cas, j'ai vu des dossiers d'employés que ça faisait 15 ans qu'ils travaillent dans une entreprise: l'épaisseur d'une page. Donc, les entreprises ont bien de la difficulté à faire savoir quel poste que les gens occupaient, quand est-ce qu'ils ont changé d'emploi. Donc, il n'y a pas de donnée de ce côté-là. Donc, c'est d'autres difficultés qui ne sont pas faciles pour les entreprises.
Au niveau du nombre de programmes, bien, je dis une proposition, c'est que je suggère que, vu que les syndicats peuvent demander d'avoir un programme séparé, une des mes suggestions: Est-ce qu'un l'employeur n'aurait pas la même possibilité de demander à exclure les syndicats?
L'identification des catégories d'emploi. Les trois critères, c'est qu'on parle de qualification, on parle de rémunération. Et, si on regroupe les emplois selon la rémunération, est-ce que l'objet de l'équité salariale, c'est justement de corriger la rémunération des personnes qui ont mal été payées, donc des emplois à prédominance féminine? Donc, si un des critères de qualification pour déterminer la catégorie d'emploi, c'est le taux de rémunération, je pense qu'il y a une dichotomie entre les deux. D'un côté, on dit: On veut améliorer le salaire, mais de la façon que je te regroupe, c'est selon ton salaire qui est mal qualifié. Donc, pour moi, c'est assez embêtant de ce côté-là.
n(11 heures)n Au niveau de l'évaluation des emplois et de la pondération des facteurs, pour moi, c'est peut-être la partie la plus importante de tout, tout, tout le processus. Pourquoi? Parce qu'on aura beau avoir les plus beaux principes et les choses les plus intéressantes, si les outils d'évaluation des emplois et de comparaison et la pondération ne sont pas faits de façon adéquate, les résultats de l'exercice vont faire des résultats qui sont surprenants. Pour moi, comme spécialiste et expert en rémunération, c'est là que tout se joue, parce que, tout le reste, on a beau vouloir défendre un poste féminin ou un poste masculin, si la façon qu'on l'évalue, si la façon qu'on y attribue des points est mal faite, le résultat n'arrivera pas au résultat escompté. Peu importe qu'on veuille le faire ou non, on n'arrivera pas au bon résultat. Donc, comme je mentionne ici, c'est important, à l'intérieur de l'évaluation des emplois, de bien la faire. Cependant, au niveau de la détermination des biais sexistes à l'intérieur des méthodes qui sont proposées, je trouve qu'il est dangereux de faire une évaluation selon les biais sexistes dans le temps, à savoir: Bien, si le poste change de prédominance, est-ce qu'on va changer le biais sexiste ou non?
Un autre problème qui est engendré, c'est que les outils qui ont été utilisés en 2001... Donc, on a vu, mentionné antérieurement que les outils utilisés en 2001 avaient été développés par des spécialistes qui n'étaient pas nécessairement connaissants de la rémunération, parce que peu de personnes l'étaient. Donc, les outils qui ont été utilisés à l'époque, je pense qu'il serait important qu'une entreprise qui réalise, aujourd'hui ou dans le temps, que ces outils ne sont pas adéquats ait la possibilité d'aller rechanger quelque chose qui a été mal fait. Donc, pour moi, faire un travail, c'est faire un travail de qualité. Lorsqu'un travail n'est pas avec un résultat de qualité, il nous est retourné. À ce moment-là, le travail n'est pas fait. J'envoie une pièce, par exemple, de machinerie à une entreprise, si elle n'est pas de qualité ou ne répond pas aux spécifications, ils vont la retourner, donc le travail n'est pas terminé. Donc, dans le cas présent, je trouve que c'est important d'avoir les bons outils.
Au niveau des écarts salariaux ? je suis rendu en page 19 ? juste pour mentionner ici que ce n'est pas nécessairement facile pour les gens d'avoir de l'information sur l'ensemble de la rémunération, surtout lorsque, dans les petites entreprises où Drakkar intervient, principalement les PME, ils n'ont pas ce genre d'information là. Beaucoup... dans les grandes entreprises, ils les ont, mais ils ne l'ont pas nécessairement aussi très bien structurée.
Au niveau des résultats obtenus, donc ce qui est important pour moi en tant que consultant ou personne qui intervient auprès des entreprises, c'est que les données qui sont fournies au niveau des coûts d'implantation de l'équité salariale, c'est ce sur quoi les entreprises vont budgéter, c'est ce sur quoi les entreprises vont se mettre des réserves et ce sur quoi les entreprises vont dire: Bien, voici comment ça va nous coûter, l'équité salariale, et c'est important d'avoir les bons chiffres et les bonnes précisions.
Donc, on voit que les entreprises trouvent que c'est important de faire l'équité salariale, mais ils s'attendent aussi ? puis là ça débute au niveau du rôle de la commission ? à ce que la commission joue un rôle de vérificateur. Et, pour moi, je pense que la commission doit aller revérifier, surtout qu'il est important, lorsqu'on favorise, par exemple, une entreprise qui n'a pas fait son équité salariale au niveau du coût de ses produits... En faisant l'équité salariale: augmentation des salaires, augmentation des coûts de main-d'oeuvre, l'autre entreprise, qui est ma compétitrice, qui ne l'a pas fait, à ce moment-là ses salaires n'augmentent pas, le même produit ne vient pas au même prix, je deviens non compétitif. Donc, implanter l'équité salariale pour les entreprises qui ont respecté la loi en 2001 a fait que le coût de main-d'oeuvre a augmenté et, de l'autre côté, celle qui ne l'a pas fait, son coût de main-d'oeuvre a diminué, donc des chances d'avoir des contrats. Donc, je pense que c'est un élément important, c'est un élément que j'entends de la part des propriétaires d'entreprises et des entrepreneurs sur une base quotidienne. Donc, cet élément-là, pour moi, est fondamental. Donc, je pense qu'au niveau du rôle de la commission il devrait être important de regarder... rôle de la commission qui doit quand même regarder au niveau de l'interprétation de la loi et aussi appliquer les principes directeurs.
En page 24, je reviens sur le poste qui est devant la Cour supérieure... Mme Harel, oui, c'est devant les tribunaux, en Cour supérieure, actuellement. Par contre, même s'il est devant la Cour supérieure, je pense qu'il est important de le mentionner. Au niveau de la loi, dans les tout débuts, dans les années 2000, lorsque j'ai eu à intervenir dans des situations, la réponse qu'on a eue de la commission, c'est que, oui, on pouvait faire un programme sans nécessairement avoir une présence féminine. À l'intérieur d'un groupe, s'il y avait juste des syndiqués, à ce moment-là, on pouvait faire le programme. Donc, des entreprises ont fait le programme suite à de l'information qui nous a été transmise. Par contre, je trouve difficile d'arriver plus tard, de dire: Bien, refaites votre programme rétroactif, parce qu'on a suivi les informations de la commission.
Je pourrais vous démontrer, avec des statistiques à l'appui, que le fait d'intégrer des fois des emplois syndiqués à prédominance masculine dans les groupes de non-syndiqués, je pourrais vous prouver avec des... démontrer, là, d'une façon pratique que ça désavantage les emplois féminins, le fait d'intégrer les postes à prédominance féminine à l'intérieur des postes masculins. Je pense que c'est important, ce que je viens de dire, c'est majeur comme conclusion. Mélanger des emplois à prédominance masculine seulement avec des emplois à... des non-syndiqués, ça peut défavoriser les emplois à prédominance féminine en termes d'évaluation des emplois. Très pratique, très terre à terre, ce commentaire-là.
Donc, au niveau du maintien, on parle de... à toutes les fois qu'il y a des changements au niveau des statuts, de la rémunération, de tous les nouveaux emplois, et tout le reste, le fait d'implanter une structure salariale dans une entreprise selon les principes de bonne gestion de la rémunération enlève à toutes les entreprises le besoin de faire tous les ajustements et les recalculs qui sont nécessaires et requis par la loi. Je pense que c'est la solution qui pourrait être implantée, en autant que c'est fait de façon adéquate, la structure salariale.
Des fois, on se dit: Oui, on n'est pas capable d'attirer des employés. Bien, je pense, comme je l'indique en page 26 de mon document, qu'il y a des principes qui s'appellent des primes de rareté, que personnellement j'utilise depuis les années quatre-vingt-dix, des primes de rareté qui font que c'est une prime et non pas intégré au salaire. Mais c'est une prime, un peu comme du temps supplémentaire.
Les outils de pondération. En page 27, je parle des outils de pondération de la commission. Je pense que la commission devrait se concentrer principalement... informer les gens, à titre de formateur; par contre, elle ne devrait pas mettre des restrictions au niveau des utilisations au niveau de la pondération, au niveau des outils d'accès. Et aussi la commission devrait faire attention, lorsque, par exemple, dans son rôle de vérification ou dans son rôle d'enquêteur au niveau, par exemple, de la façon qu'on fait les mélanges à l'intérieur des choses... donc de ne pas mélanger les conditions de travail avec... par exemple, le fait de monter une entreprise manufacturière versus une informatique, le fait de respecter la confidentialité, comme des fusions d'entreprises, qui est le propre d'un poste d'adjointe administrative, avec le fait de monter dans un tabouret... donner le même nombre de points, je suis surpris.
Et l'objectif recherché par Drakkar, je pense que l'objectif de Drakkar, c'était de vous présenter un peu les problèmes concrets qu'on rencontre sur une base journalière avec des solutions possibles. Et, comme j'indique en page 29 de mon document, dans le dernier deux minutes qu'il me reste... donc je pense que la situation féminine pour nous est un élément important. Et pourquoi on a pris le temps, à Drakkar, de venir vous le présenter: parce qu'on trouve que valoriser la rémunération des femmes est un élément important. Pour nous, c'est quelque chose qu'on veut faire et qu'on continue de faire à l'intérieur des entreprises, par contre, il ne faut pas oublier la discrimination à l'intérieur des postes à prédominance féminine, ce que des bons outils d'évaluation font, mais il faut aussi regarder le contexte économique de 1997 versus l'année 2008, où la mondialisation et la compétitivité internationale est rendue différente.
Donc, en terminant, on croit fermement que la loi peut être assouplie dans son côté pratique et au niveau des interprétations qui sont faites. Nous sommes certains que vous allez prendre les mesures appropriées pour faciliter le travail des entreprises, des syndicats, des travailleuses et des travailleurs à l'intérieur des organisations. Par contre, on devrait tenir compte des éléments suivants lorsque vient le temps de la réflexion: rémunération équivalente pour des emplois équivalents ? ça fait 30 ans que je fais ça dans les entreprises; raison d'être de l'entreprise; capacité de payer; et mondialisation.
En terminant, Drakkar remercie la Commission de l'économie et du travail de lui avoir donné l'opportunité de présenter son mémoire. Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup, M. Tremblay. Pile dans les temps.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Morissette): Prenez une bonne gorgée d'eau, là, vous allez avoir le temps.
M. Tremblay (Paul): J'ai le droit à un deux secondes de gorgée d'eau?
La Présidente (Mme Morissette): Absolument. De toute façon, M. le ministre va faire une introduction probablement à sa question, ça vous permettra de reprendre votre souffle un peu.
M. Tremblay (Paul): Quand je me suis pratiqué, je me suis dit: Je ne peux pas lire tout ça.
La Présidente (Mme Morissette): Non, effectivement. Alors, M. le ministre, allez-y pour un bloc du côté ministériel.
M. Whissell: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci pour la présentation, M. Tremblay, M. Deschamps, bienvenue avec nous. Vous êtes une organisation qui réalisez l'équité salariale avec les entreprises. Je pense que c'est intéressant. Vous le faites depuis plusieurs années. Au niveau des entreprises, quel peut être le coût, pour une entreprise, disons, de 10 à 49 et prenons le cas aussi de 50 à 100, quel est le coût de réaliser un exercice d'équité salariale? Vous arrivez, là. Je suis une entreprise, je vous ai appelé, j'ai dit: Venez faire l'exercice d'équité salariale chez moi. Puis vous débarquez avec vos valises puis vous venez faire un exercice. Ça coûte combien?
M. Tremblay (Paul): Pour les 100 employés et plus, je vous dirais, un exercice, là, on peut aller dans les... incluant le temps des... de l'entreprise, toute la passation, là, le temps de tout, là, on peut aller dans le 50 000 $ à 100 000 $, 125 000 $.
M. Whissell: Pour une entreprise de?
M. Tremblay (Paul): Pour une entreprise de 100 employés et plus. Parce que, si on inclut, à l'intérieur du processus, les honoraires, par exemple, de quelqu'un de l'extérieur, un spécialiste, si on inclut, à l'intérieur de ça, le temps dévolu par l'ensemble des employés qui vont participer au processus, toutes les réunions qui sont faites, la préparation, le développement, aller rechercher des données, qui ne sont pas toujours présentes, sur les employés en 2001, quelle était la liste des employés, les salaires versés, faire le maintien de l'équité salariale par la suite, je veux dire, à toutes les fois qu'il y a un changement d'emploi, il faut aller revérifier, il faut refaire les calculs, à toutes les fois qu'il y a une modification dans les échelles salariales ou les... beaucoup d'entreprises n'ont pas d'échelle salariale, aller refaire les calculs, tout l'ensemble au complet, là, ça peut aller chercher, comme je mentionnais tantôt, là, aux alentours de 100 000 $ pour une entreprise. Lorsqu'on calcule tout, là, tout le détail au complet.
M. Whissell: Mais, si on prend la plus petite. Là, vous nous avez dit 100 et plus, mais, si on prend une entreprise de 12...
M. Tremblay (Paul): Si on prend une entreprise...
M. Whissell: Vous arrivez, là, une entreprise, je ne sais pas, moi, une pharmacie où il y a une vingtaine d'employés?
M. Tremblay (Paul): Bien, c'est-à-dire que, si on ne prend pas de... si on y va juste à l'interne, un des dangers, c'est que... Puis la question que je me pose, c'est: Quelle est la qualité de l'exercice qui a été fait, ne sachant pas quel genre d'outil et sachant aussi que, les outils qui ont été utilisés, on ne sait pas s'ils sont adéquats ou non?
M. Whissell: À qui il n'y a rien de fait, là.
M. Tremblay (Paul): Il n'y a rien de fait. Puis on prend un outil extérieur, il faut qu'ils développent...
M. Whissell: Il faut que vous évaluiez chaque poste. Vous nous dites...
M. Tremblay (Paul): Avec moi, vous voulez dire, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Paul): Bien, je vous dirais, ça peut peut-être aller chercher, une petite entreprise, peut-être un 5 000 $ à 10 000 $, avec le temps des employés et tout le monde, là. Puis, je vais dire, c'est un estimé, là; estimé, là, je ne pourrais pas mettre ma main sur l'eau, là, parce qu'il n'y a pas de feu, mais peut-être 5 000 $ à 10 000 $. J'inclus le temps des employés, là, et le temps de préparation, le temps d'évaluation et le temps aussi qu'il faut faire au niveau du maintien. Parce qu'il ne faut pas oublier que, si on fait ça aujourd'hui, on est rétroactif à novembre 2001, ce qui n'est pas toujours facile. Donc, la mémoire, il faut qu'elle se rappelle ce qui a été fait à cette époque-là.
n(11 h 10)nM. Whissell: Alors, vous dites qu'au départ, lorsqu'il est le moment de faire l'exercice pour la première fois, ça demande plus de temps, donc plus d'honoraires. Pour une petite entreprise, vous dites que ça pourrait aller jusqu'à 10 000 $ faire un exercice?
M. Tremblay (Paul): Ça peut aller, oui. C'est parce qu'il y a le maintien aussi, dépendamment de la façon que...
M. Whissell: Justement...
Une voix: ...
M. Whissell: Pardon?
Une voix: C'est déductible d'impôt.
M. Whissell: C'est une dépense qui est...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Whissell: C'est une dépense, oui, effectivement, Mme la députée. Mais, une fois que l'exercice a été fait, là, par la suite, c'est de maintenir l'équité en vertu de la loi.
M. Tremblay (Paul): C'est plus difficile maintenir que la faire.
M. Whissell: Pourquoi?
M. Tremblay (Paul): Au niveau du maintien?
M. Whissell: Oui.
M. Tremblay (Paul): Bien, au départ, souvent, dans les petites entreprises, puis vous ciblez les 10-49, c'est qu'ils n'ont pas nécessairement des dossiers d'employés qui sont à jour, ils ne savent pas exactement quand est-ce qu'ils ont changé les responsabilités du poste. Je viens d'en terminer un, justement: C'est-u en 2004 que j'ai eu ça, ou c'est-u en juillet 2004, ou bien c'est en juillet 2003, ou c'est en novembre? Donc, on ne sait pas trop à quel moment ça s'est produit parce qu'il n'y a pas de dossiers d'information. Donc, aller fouiller dans des dossiers qui n'existent pas ou essayer d'aller à la mémoire... Puis plus on avance dans le temps, plus c'est difficile d'aller chercher l'information.
Au niveau des recalculs, par exemple, il faut intégrer à toutes les fois qu'il y a des changements... Donc, lorsque l'entreprise a décidé d'étaler, sur quatre années, cinq versements, les ajustements salariaux, tel que prévu par la loi... À toutes les fois qu'il y a un changement dans les salaires au cours de cette période-là, il faut refaire les calculs. Et, comme le dit la loi, à toutes les fois qu'il y a un changement dans une condition... théoriquement, ça dit qu'à toutes les fois qu'il y a quelqu'un qui a un nouveau salaire dans un poste il faut refaire les calculs, ce qui est quand même très complexe et très compliqué. Ça dit: J'embauche du monde à tous les mois dans des postes masculins avec des salaires différents, mais il faut que je refasse les calculs. Très complexe et énormément de temps pour les entreprises. Tantôt, je parlais d'assouplissement, celui-là est...
Donc, une façon que je suggérerais, c'est qu'à toutes les fois qu'il y a des augmentations générales à l'intérieur des entreprises, pour simplifier le travail, à toutes les fois que les 21 novembre arrivent jusqu'au 21 novembre 2005... pourrait être une réponse à votre question. Parce que changement dans les tâches, changement dans les responsabilités et changement de prédominance, changement dans les salaires, ajout d'un salaire, ajout d'un avantage social pour un groupe, donc tout ça fait que ça commence à faire beaucoup de calculs, et les entreprises n'ont pas l'information nécessairement disponible.
M. Whissell: Est-ce que vous faites des entreprises qui sont syndiquées également?
M. Tremblay (Paul): J'ai fait tous les styles d'entreprises.
M. Whissell: Règle générale, est-ce que c'est de pratique, lorsqu'ils vont renégocier leurs conventions collectives, de faire l'exercice d'équité salariale en même temps?
M. Tremblay (Paul): Je ne pourrais pas dire que c'est de règle générale, parce qu'il y en a qui se disent: Bon, on l'a fait en 2001, puis le maintien est fait. Donc, je ne pourrais pas vous dire de quelle façon que le maintien a été fait. Il n'y a pas nécessairement de réévaluation et de réajustement de ces choses-là. Mais il y a un certain nombre d'entreprises qui le font de façon très adéquate, oui. Mais à savoir les pourcentages, je n'en ai aucune idée, au niveau des pourcentages.
M. Whissell: Puis est-ce que c'est réalisable de penser d'avoir un maintien perpétuel de l'équité salariale ou ça devrait être des exercices ponctuels dans le temps, plus rigoureux?
M. Tremblay (Paul): La réponse à votre question, c'est oui.
M. Whissell: Oui, quoi?
M. Tremblay (Paul): Oui, c'est faisable et par une structure salariale bien développée, bien implantée. À ce moment-là, la structure salariale répond à toutes les problématiques qui ont été soulevées dans lesquelles on n'a plus besoin de s'occuper des changements dans les prédominances, dans les... parce qu'on a une structure qui va dire: Tel pointage, ça vaut entre tant et tant. Donc, restructure avec des classes, des regroupements au niveau des classes d'emploi. 30 ans d'expérience en rémunération me font dire oui à votre question.
M. Whissell: O.K.
M. Deschamps (Denis): Vous me permettez d'ajouter un complément à la réponse de Paul?
M. Whissell: Oui.
M. Deschamps (Denis): La structure salariale dans le fond devient un outil de gestion. À partir du moment où un travail a été bien fait sur l'équité salariale, ça devient facilitant pour tout gestionnaire, quelle que soit sa provenance. Et puis c'est toujours en lien avec le fait de dire et d'identifier un emploi, quelle que soit son origine, quelle que soit sa prédominance, c'est en lien avec la capacité de payer de l'organisation et ça devient pratique de pouvoir entretenir et maintenir. C'est vraiment un outil de gestion pratique, et je pense que c'est un élément clé que la commission devrait regarder en termes d'évolution de sa loi pour faciliter la tâche aux entreprises, mais toujours dans le respect de la loi.
M. Whissell: J'ai une dernière question, Mme la Présidente, avant de céder la parole à mes collègues. Vous avez fait référence aux facteurs de pondération qui sont la clé de l'exercice lui-même. Est-ce que vous avez l'impression que le législateur ou la commission a suffisamment donné de balises au niveau des facteurs de pondération?
M. Tremblay (Paul): Je suis obligé de dire que j'ai une certaine difficulté avec les balises qui sont données par... par les pourcentages qui ont été accordés, en tant qu'intervenant, là, d'une façon... Lorsqu'on me dit, par exemple, au niveau des quatre grands facteurs de la commission que les efforts peuvent se rendre jusqu'à 40 % du total, alors que l'imputabilité et les responsabilités dans une entreprise peuvent se rendre à un maximum de 30 %, j'ai une certaine difficulté à... L'exemple, là: quelqu'un qui peut fermer une usine, qui prend une décision de fermer une usine versus quelqu'un qui travaille très fort physiquement, j'ai une certaine difficulté à voir que l'effort est plus valorisé que l'imputabilité et les responsabilités.
M. Whissell: Et votre solution serait quoi?
M. Tremblay (Paul): Une solution?
M. Whissell: Présentement, il y a un cadre qui a été donné par la commission avec des balises, paramètres. Mais vous feriez quoi? On est ici pour regarder vers l'avenir puis les solutions possibles. Vous feriez quoi pour baliser davantage les...
M. Tremblay (Paul): C'est qu'au lieu de mettre des pourcentages y aller, par exemple... La méthode que personnellement j'utilise, là, qui est une méthode dans laquelle... qui rencontre les comités, c'est qu'on regarde la raison d'être de l'entreprise et on établit, par exemple... on met les questions une à la suite de l'autre selon l'importance dans laquelle le comité devient d'accord. Donc, on ne part pas par des pourcentages, mais on fait plutôt par la question ou les facteurs d'évaluation, on les met en ordre, et par la suite on attache un pourcentage, par la suite. Non pas se limiter par une balise, à dire, par exemple, 40 %, jusqu'à 40 % des efforts et jusqu'à 30 % des responsabilités. Au lieu de se mettre des balises de pourcentage, d'y aller par une mise en ordre, si on peut dire. Si on a 30 facteurs d'évaluation ou 30 questions, bien on les met un à la suite de l'autre en disant, bien, lequel qui est le plus important au sein de notre entreprise, selon la raison d'être, selon le groupe dans lequel on intervient. Donc, c'est une façon qui est différente; à l'inverse, beaucoup plus difficile à faire, beaucoup plus compliquée, ça demande la maîtrise des éléments de rémunération. Par contre, si on y va dans des balises, bien, mettre 40 % sur les efforts et 30 % sur les responsabilités, je pense que ça pourrait être revu.
M. Whissell: Est-ce que l'article 67, comme actuellement il est dans la loi, est convenable, selon vous?
M. Tremblay (Paul): Je vais aller le lire parce que je ne me rappelle pas, par contre.
M. Whissell: C'est ce qui n'est pas pris en compte.
M. Tremblay (Paul): Bien, c'est-à-dire, si je regarde 67, l'ancienneté, pour moi, est tenue en compte à l'intérieur, de la façon qu'on fait le calcul des ajustements salariaux. Donc, à l'intérieur, il y a des moyens de le faire de façon à en tenir compte. L'affectation temporaire, pas de problème. La région, dans certains cas, la région, c'est sûr que, si on regarde, par exemple, certaines régions du Québec, bien ce n'est pas nécessairement facile, mais dans l'ensemble on se dit que partout au Québec... J'ai eu à travailler dans un dossier, entre autres, où on a demandé des disparités régionales, ce qui n'est pas nécessairement évident. Une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, pour moi, bien, tantôt, la solution que j'ai donnée, c'est la prime de rareté, donc l'intégration se fait à l'intérieur du salaire. Mais à une prime de rareté je réponds oui. Un salaire étoilé, le salaire étoilé cause beaucoup de problèmes dans les entreprises. Je pense... Non, dans l'ensemble, 67 me semble adéquat.
M. Whissell: O.K. Merci.
La Présidente (Mme Morissette): C'est bien, M. le ministre? Donc, on avait... c'est M. le député de Robert-Baldwin, je crois, M. le député de LaFontaine aussi m'avait fait signe. Voulez-vous vous chicaner ou...
M. Tomassi: On ne se chicane jamais.
La Présidente (Mme Morissette): Non, hein?
M. Tomassi: Mais je vais y aller.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Morissette): Alors, M. le député de LaFontaine, allez-y.
M. Tomassi: Alors, merci, Mme la Présidente. Bienvenue à M. Tremblay et M. Deschamps. Je vous écoutais parler tantôt, et, lors des remarques préliminaires des partis d'opposition et lors de la présentation du Conseil du statut de la femme, on remettait des fois en cause... ou certains groupes, je devrais plutôt dire, le fait que la Commission de l'équité salariale est juge et partie en même temps. Je pourrais être tordu et vous poser la même question. Vous êtes aussi juge et partie, dans le sens où est-ce que vous venez défendre une position aujourd'hui avec une volonté d'une mise en application d'une loi quand, en bout de ligne, vous en retirez un certain avantage. Vous l'avez dit tantôt, des entreprises spécialisées dans la rémunération sont peu nombreuses, alors le travail que vous faites, là, il ne doit pas y avoir une quantité impressionnante... Et, si l'obligation ou le renforcement de la loi est mis en place, ça veut dire plus de clients pour vous, en bout de ligne. On pourrait être tordu... Mais vous n'en voulez pas, je pense que vous n'en voulez pas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tomassi: Je serais très surpris parce que d'habitude on cherche toujours des nouveaux clients.
Mais les questions où est-ce que je veux m'en venir... Parce que, nécessairement, lors des deux jours de présentation, trois jours, là, nous allons avoir différents groupes: ceux qu'on a entendus ce matin, le Conseil du statut de la femme; les syndicats qui vont venir nous dire nécessairement qu'il faut un renforcement de la loi, il faut l'étendre de quelque façon que ce soit pour que l'équité soit faite; et on va nécessairement avoir des groupes qui vont venir nous parler pour dire que c'est un coût, c'est un coût pour une entreprise qui, en bout de ligne, avec tout ce qui se passe économiquement, pas seulement au Québec, mais mondialement, ça fait en sorte que ça a un coût pour une entreprise.
Vous faisiez mention tantôt: deux entreprises qui fabriquent le même produit, celle qui a mis en place la procédure d'équité salariale et qui a ajusté ses salaires, son coût de production pour son produit x est beaucoup plus dispendieux que l'entreprise Y qui est à côté, qui, elle, ne l'a pas fait. Et nécessairement, dans un monde de compétition, les entreprises québécoises sont en compétitivité non pas seulement avec des entreprises québécoises, mais aussi avec d'autres compagnies, ontariennes et américaines. Dans un marché, le dollar américain... on pourrait rajouter le dollar canadien et américain, où est-ce que le dollar canadien a atteint la parité et l'a même dépassé à quelques occasions depuis les derniers mois, vient faire en sorte que ça a un coût supplémentaire pour une entreprise québécoise.
n(11 h 20)n Vous répondez quoi à ces entreprises-là ou à ces groupes-là qui vont venir nous voir nécessairement? Puis je vous pose la question parce que je veux entendre votre réponse pour qu'on puisse par la suite débattre avec ces gens-là. Et j'écoutais tantôt la députée d'Hochelaga-Maisonneuve qui disait: Oui, oui, mais le processus, c'est un crédit d'impôt. Je comprends que votre processus, c'est un crédit d'impôt, l'entreprise a droit à un crédit d'impôt. Mais, une fois que la charte salariale va être mise en place, le coût pour l'entreprise va toujours rester, là, ce n'est pas un crédit d'impôt, là, c'est un coût de production qu'elle va devoir assumer, comparativement à une autre entreprise qui n'aura pas fait ce processus. J'écoutais la députée tantôt dire que, dans son entreprise de 75 employés, ils l'ont fait, c'est compliqué, c'est complexe. Je pense que beaucoup d'entreprises ou de groupes qui vont venir nous voir au courant de ces consultations vont venir nous dire la même chose. C'est complexe, c'est énorme, c'est un coût supplémentaire que beaucoup d'entreprises ne peuvent pas... ou, même en le voulant, ça causerait ou ça mettrait en péril l'entreprise. Vous répondez quoi dans ce...
M. Tremblay (Paul): Au départ, je voudrais répondre peut-être juste... Trois minutes. Au niveau, par exemple, du coût pour les entreprises, c'est sûr qu'au-delà du coût il y a une volonté quand même collective... au niveau de l'ensemble des choses qui est à considérer. Un peu comme il était mentionné tantôt, quand ça a été développé avec les intentions... dans lesquelles je supporte, sans ça je n'interviendrais pas comme consultant à implanter de l'équité salariale devant la complexité. Rendu à la carrière où je suis rendu, je pourrais me permettre d'autres dossiers, je pourrais en faire des différents dans lesquels... les programmes de bonification de commissions, je pourrais aller avoir tout ça. Me ramasser avec des syndicats, me ramasser avec des entreprises non syndiquées où ça joue dur, où: Viens régler ça avec les poings l'autre bord de la clôture, donc c'est des réalités de tous les jours. Donc, à savoir: Est-ce que ça m'intéresse, ces choses-là, devant le degré de difficulté?, c'est parce que je crois à la chose. Je pense que c'est important de faire la mise au point. Donc, de ce côté-là, au niveau des coûts de l'entreprise, oui, il y a des coûts de l'entreprise, mais socialement on en a, des coûts, pour toutes sortes de choses.
Et, lorsque, par exemple, une bonne équité salariale avec les employés... qu'ils sont traités avec équité, un peu comme je mentionne dans mon document, avec équité avec respect en fonction de la contribution qu'ils font au sens de l'organisation, le mot «contribution» est important... Les bons outils, la bonne pondération évaluent la bonne contribution. Quand la bonne contribution est faite, la personne se sent valorisée parce qu'elle dit: C'est moi, non pas comme individu, mais la tâche que je fais. Donc, pas une évaluation selon les compétences, mais c'est une évaluation selon le travail et non pas... J'ai un doctorat, je fais un travail où ça demande un secondaire V, bien je vais être payé en fonction d'un secondaire V, je suis trop qualifié. Très différent, l'approche dans la gestion des compétences, la gestion du travail effectué, la Loi sur l'équité salariale valorise les responsabilités et le travail. Donc, je pense que c'est important, les gens... Il y a une satisfaction, il y a une fierté de dire: Mon travail est reconnu financièrement par une entreprise.
M. Deschamps (Denis): Si tu me permets, je vais apporter un complément. Le grand défi des organisations aujourd'hui, c'est d'attirer une main-d'oeuvre qualifiée. Je pense que toute organisation qui se respecte a avantage à mettre en place les éléments qui vont respecter cette équité, quel que soit le contexte, là, qu'on parle de discrimination... demain matin, la problématique de la diversité culturelle va amener un autre lot de problématiques. Toute organisation qui se respecte et qui veut respecter cet enjeu-là a avantage effectivement à regarder un peu le milieu, les valeurs qui la composent, puis c'est de cette façon-là qu'elle va être capable d'attirer une main-d'oeuvre qualifiée.
Le fait de l'équité salariale, je pense qu'effectivement aujourd'hui... pour ma part, dans mon organisation, j'ai des femmes de valeur extrême pour toutes sortes de compétences dont l'organisation a besoin. Et je peux vous assurer que l'exercice qu'on a fait, malgré un coût à l'origine, est très rémunérateur pour l'organisation aujourd'hui. Est-ce que toutes les organisations y croient? Je ne pense pas. Je ne pense pas que la société soit rendue là. Est-ce qu'il y a de la place à l'évolution encore pour permettre aux organisations de se mettre à niveau? Je le crois.
Après ça, on peut rentrer dans des contextes de compétitivité, mais, à la base, si on veut être conséquent avec les propos que la majorité des entreprises entretiennent, on a un grand défi: recevoir et accueillir une main-d'oeuvre qualifiée à la hauteur des talents que l'organisation requiert. Et je pense que l'équité salariale, dans le respect d'une quantité encore quand même très importante de femmes qui sont encore au foyer, qui ne travaillent pas... Quand on regarde le contexte économique vers lequel on s'en va, ce sera d'autant plus important que les femmes qui rentreront sur le marché du travail soient respectées dans l'aspect des qualifications qu'elles ont pour le bénéfice des organisations. Alors, est-ce qu'effectivement il y a un coût? Oui?
La Présidente (Mme Morissette): Je vais vous demander de conclure rapidement, on a déjà dépassé le temps.
M. Deschamps (Denis): D'accord. Alors, pour moi, il y a un coût de départ, c'est certain. Après ça, comment est-ce que la commission peut assouplir, comment elle peut aider l'organisation à voir ces éléments-là et à mettre en place les outils qui vont lui permettre de toute façon, au bout de la ligne... quand vous avez à embaucher un nouvel employé, quelle que soit son origine, avoir un document, avoir des éléments de base qui sont des outils de gestion qui te permettent de définir c'est quoi, le salaire que tu veux payer à un homme ou à une femme, ou à quelque autre personne, je pense qu'à la base c'est des organisations... et d'assouplir dans ce sens-là tout en essayant de s'assurer que la loi est respectueuse, là, des enjeux tels qu'ils sont définis.
M. Tomassi: Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Malheureusement, on a dépassé de plus d'une minute le temps qui était...
Une voix: ...
La Présidente (Mme Morissette): Non, je suis désolée, je ne peux vraiment pas, M. le député de Robert-Baldwin, même si je voulais. Alors, on va aller du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député de Terrebonne.
M. Therrien: Oui, merci. J'aimerais un petit peu continuer à faire du pouce sur l'idée du député du gouvernement. Le contexte économique, je pense, c'est très important dans un contexte de mondialisation... Même si la députée d'Hochelaga-Maisonneuve précisait plus tôt que, oui, il y aurait une dépense fiscale, un crédit fiscal qui pourrait être imposé, mais faut-il encore que l'industrie ait une santé financière. Donc, je pense que c'est important. Allez dire ça aux dirigeants des entreprises manufacturières aujourd'hui, je ne suis pas sûr qu'ils vont être très heureux d'entendre cette affirmation. Comment le rapport qui nous est fourni peut arriver à une conclusion que le tiers des entreprises privées qui ont terminé leur exercice n'ont pas eu de dépenses ou ont défrayé moins de 1 000 $, selon vos évaluations?
M. Tremblay (Paul): Vous êtes en page 10 de mon document. C'est une question que je me suis posée aussi parce que c'est une question... dans le fond, c'est... L'information vient du rapport du ministre, dans le fond, qui nous donne l'information nous disant que c'est des coûts qui sont indiqués là. Personnellement, j'ai indiqué tantôt les coûts, là, que je pensais, et ça me surprend énormément, les chiffres qui sont indiqués. Je ne peux pas expliquer votre question. Si vous prenez, par exemple, en page 12 de mon...
M. Deschamps (Denis): Si tu me permets, peut-être en complément. Il faut comprendre que l'évaluation que, nous, on fait, puis je vais vous parler moi-même, là, comme entrepreneur... Quand vous avez une mission propre à l'organisation, de prendre du temps de production, de prendre du temps de gestion pour pouvoir composer avec la loi, c'est du temps en organisation, du temps des employés à composer, c'est de l'argent. Alors, c'est un petit peu dans ce contexte-là qu'il ne faut pas négliger que le coût n'est pas juste les coûts extérieurs, quand on va chercher le concours d'un consultant, d'un expert externe, mais c'est aussi le temps de qualité qu'on ne compose pas à la mission principale de l'organisation ou livrable. Alors, je pense qu'il ne faut quand même pas négliger ces éléments-là. Mais, quand on parle de gestion, il y a toutes sortes d'enjeux, il y a des rencontres périodiques pour toutes sortes de points de vue que l'organisation doit effectuer. Celui de l'équité salariale compte dans le lot, mais il faut quand même considérer qu'il y a un coût associé à ce temps-là de tous les employés impliqués.
M. Therrien: Merci. Donc, si je comprends bien, vous, M. Tremblay, qui êtes expert reconnu par la commission, vous arrivez à la conclusion que vous ne comprenez pas ce chiffre-là du tout?
M. Tremblay (Paul): C'est pour ça que j'ai posé un certain nombre de questions et que je demande: Est-ce que ça inclut ces éléments-là? C'est sûr que, si ça inclut toutes les... Si ça n'inclut pas toutes les choses qui sont listées en page 12 de mon document, bien, à la limite, ça pourrait peut-être être possible.
M. Therrien: Merci. Je vais laisser la parole à mes confrères.
La Présidente (Mme Morissette): Oui. Mme la députée de Groulx.
Mme Lapointe (Groulx): Merci. Bonjour, M. Deschamps. Bonjour, M. Tremblay. C'est avec plaisir qu'on entend ce que vous avez dit tantôt avec autant de vitesse, et de vigueur, et de dynamisme. Vous parlez d'assouplir la loi, ça m'intéresse beaucoup de vous entendre parler là-dessus. Tantôt, vous avez parlé de balises, vous avez parlé de la raison d'être de l'entreprise, les facteurs d'importance qui devraient être évalués en fonction de la raison d'être de l'entreprise. Vous parlez, bon, à un moment donné, du 40 % qui était évalué sur l'effort, 30 % qui l'était sur les responsabilités. Bon. Vous avez parlé de ce bout-là et aussi assouplir... Vous en aviez parlé un peu, M. Deschamps. Si, vous, vous aviez à choisir où vous assoupliriez la loi, par où vous commenceriez, puis quelles seraient vos démarches que vous prendriez?
M. Tremblay (Paul): Bonne question.
Mme Lapointe (Groulx): Vous avez la chance, vous êtes ici, aujourd'hui, on vous écoute. Où vous commenceriez?
M. Tremblay (Paul): Parce qu'il y a deux orientations. Il y a l'orientation qui s'appelle l'orientation Expertise de rémunération, les outils, et ces choses-là, qui est un élément qui peut être fait d'une façon complémentaire. Au niveau de la loi... par exemple, au niveau des modalités de la loi et de la façon que les comités sont formés, des balises de fonctionnement et d'orientation, c'est deux choses complètement différentes. Donc, est-ce que vous me demandez sur les deux côtés ou...
Mme Lapointe (Groulx): Moi, je vous dirais: Commencez par ce que, vous, vous privilégiez, puis on va continuer, on a 10 minutes?
M. Tremblay (Paul): Dans le fond, au départ, ce qui est important, c'est que, pour les entreprises, un des irritants, c'est de savoir c'est qui, l'entreprise, comme par exemple dans le cas d'entreprises où c'est des regroupements d'entreprises, des «holdings», des gens qui sont des succursales par exemple d'une multinationale, qui ont un président au Québec, qui fonctionnent de façon autonome avec des vice-présidents, selon la définition de «cadre supérieur», ce n'est peut-être pas des cadres supérieurs au sens de la Loi sur l'équité salariale. Donc ça, c'est un irritant au niveau des entreprises.
Mme Lapointe (Groulx): Il y a toujours la juridiction provinciale, il y avait aussi cet élément-là.
n(11 h 30)nM. Tremblay (Paul): Moi, je parle juste dans le cas d'entreprises. Je ne parle pas de ceux qui sont de juridiction fédérale, là, mais je parle de la loi provinciale d'équité salariale ? parce que j'ai eu aussi à travailler avec celle de l'Ontario dans les années quatre-vingt, puis j'ai touché aussi à la fédérale, là. Mais, pour l'équité salariale au Québec, la définition de quels sont les cadres supérieurs et de l'entreprise, ça, c'est une chose qui n'est pas facile. Donc, au niveau de...
Et, lorsque vient le temps, par exemple, de définir la taille de l'entreprise, bien je pense que ça, c'est un autre élément, la variation dans le temps, là, en fonction de la difficulté d'aller rechercher l'information au niveau des entreprises. Parce que demandez à une entreprise, aujourd'hui, d'aller évaluer le nombre d'employés qu'il y avait avant novembre 1996 et novembre 1997, beaucoup d'entreprises ? puis on voit qu'il y a beaucoup de PME et de petites entreprises ? ils ne sauront pas s'ils étaient 49 ou 53, ils vont prendre une chance puis ils vont peut-être tomber dans une catégorie qu'ils n'étaient pas.
Une des suggestions que je fais, je dis: Bien, pourquoi ne pas prendre... vu qu'on est rendus en 2008, pourquoi ne pas prendre la... savoir au moins qu'est-ce qu'il y avait en 2001, donc c'est juste sept ans en arrière et non pas 11 ans en arrière. Donc, c'est un élément qui est important, prendre la réalité de novembre 2001 au niveau, par exemple... faciliterait énormément le travail, et non pas retourner en arrière.
Au niveau, par exemple... Puis là je sais que c'est en Cour supérieure, là, qu'il y a une cause qui est pendante, là, au niveau de la détermination, mais, selon ma connaissance de la rémunération, des techniques de rémunération, le fait de mélanger les deux ensemble peut défavoriser les emplois à prédominance féminine. Donc, je sais que c'est une cause qui est débattue, mais il y a des façons techniques, là, d'éviter le problème... m'aventurer devant les tribunaux, là, je ne pourrai pas aller plus loin non plus, mais...
Mme Lapointe (Groulx): On ne peut pas discuter des choses qui sont... je comprends ça, mais là vous parliez de la grosseur, de la taille de l'entreprise qui semble être un gros problème, là. Je veux dire, dépendant de notre date de référence, si on parle de... On parle toujours de 1996?
M. Tremblay (Paul): Novembre 1996, novembre 1997, pour celles qui ont été fondées là.
Mme Lapointe (Groulx): 1997... C'était pour savoir. Mais la moitié des PME, ils n'existent plus, ou ils n'existaient pas, ou... Bon. Donc, vous, vous suggérez peut-être de partir d'une autre date, de modifier ou assouplir, peut-être plus regarder à changer cette date de référence là.
M. Tremblay (Paul): Prendre la date, par exemple, du 21 ou du 20 novembre 2001 à titre de référence, par exemple.
Mme Lapointe (Groulx): Donc ça, ce serait une de vos premières suggestions d'assouplissement. Est-ce que vous en avez d'autres à suggérer aussi? Bien, je sais que vous en avez plusieurs, je les ai lues avec beaucoup de plaisir.
M. Tremblay (Paul): O.K. Bien, c'est-à-dire, pour faciliter le travail, l'implantation de structures salariales, ça, c'est très technique, là, mais ça résout à mon avis tous les problèmes de changement de titre, de changement dans la rémunération, la réévaluation des recalculs au complet. Implantez une structure salariale bien faite, avec des bons principes de rémunération, vous allez résoudre énormément et faciliter le travail. Ça, ce serait un gros élément de l'assouplissement.
Mme Lapointe (Groulx): Une autre chose que vous souleviez, vous disiez: En fonction de ces références-là et ces dates-là, quand est-ce qu'on regarde l'étude, ça peut même discriminer de façon négative les femmes avec les emplois à prédominance féminine. C'est ça que vous tentiez de dire?
M. Tremblay (Paul): Bien, c'est parce que, je vous dis, c'est que, lorsqu'on inclut les deux ensemble, là, au niveau des... mais ce qui arrive, c'est: lorsqu'on fait une pondération puis on inclut, par exemple, dans un poste où il n'y a aucun... il y a un groupe de syndiqués où il n'y a aucune prédominance féminine, on va prendre les valeurs comme l'effort physique, par exemple, qui est très important, mettons, je mets l'effort physique à 10 % de la note, supposons, puis je l'inclus à l'intérieur de l'évaluation de l'autre côté, bien c'est qu'il y aura 10 % de la note que je vais enlever à d'autres facteurs, comme par exemple l'effort visuel ou, par exemple, les responsabilités, les communications ou le stress apporté par le travail. Je vais en prendre 10, je vais aller sur l'effort physique, alors que, si je n'ai pas cette partie-là, je vais peut-être mettre 1 % ou 2 % dans Valeur relative à l'effort physique, donc, à ce moment-là, le 8 %, bien je vais le donner sur d'autres facteurs ou d'autres critères qui peuvent être regardés. On pourrait aller plus en détail, mais en gros c'est le principe.
Mme Lapointe (Groulx): O.K., je me souviens de ça.
M. Tremblay (Paul): Donc, le fait de fusionner ensemble fait qu'on donne plus d'importance à des points.
Mme Lapointe (Groulx): Je me souviens du pointage, là, je me souviens de tout ça.
M. Tremblay (Paul): Oui?
Mme Lapointe (Groulx): C'était assez intéressant.
M. Tremblay (Paul): Mais de donner l'effort physique, qui est un des éléments et conditions de travail, l'appui de... donner ça... mettons, du 10 % ou du 15 %, bien, quand je donne ça à un groupe, bien, ça veut dire, c'est des points que j'enlève à d'autres critères et à d'autres facteurs.
Mme Lapointe (Groulx): Vous avez parlé un peu de la loi au niveau... vous avez fait une comparaison avec la loi en Ontario. Au sujet des programmes distincts, qui est l'article 31, comment vous voyez ça? Comment vous traiteriez ça, l'obligation? Parce qu'il y a une différence entre l'Ontario et le Québec: ici, c'est juste si on veut bien, mais, en Ontario, c'est distinct, les obligations. Vous me suivez?
M. Tremblay (Paul): Oui. J'ai l'article de loi devant les yeux, oui. Bien, c'est-à-dire, c'est qu'au niveau... Pour moi, faire un programme distinct, par exemple, c'est que ça... à l'intérieur d'un groupe de non-syndiqués... je veux dire, où il n'y a aucun non-syndiqué, je ne fais pas de programme distinct. C'est juste dans le cas où il y a présence d'un syndicat ou non, je fais un programme distinct dans lequel il y a possibilité à l'employeur de demander d'avoir un programme distinct pour ses syndiqués, alors qu'il n'y a pas la possibilité, à l'heure actuelle, de le faire. C'est seulement sur demande d'une association accréditée qu'il peut y avoir un programme distinct. Donc, ce que je dis, c'est: Pourquoi ne pas offrir aussi à l'employeur la possibilité d'avoir un programme distinct, au moins des deux côtés que ça puisse se faire?
Mme Lapointe (Groulx): L'obligation?
M. Tremblay (Paul): Bien, le choix ou la possibilité à l'employeur de dire, bien: Groupe syndiqué, aie ton propre programme, et non pas juste le syndicat qui peut en faire la demande. Des deux côtés, en d'autres mots.
Mme Lapointe (Groulx): Avec toute l'expertise que vous avez, vous avez sûrement vu des endroits où est-ce qu'il y avait deux accréditations ou plus qu'une accréditation syndicale. Est-ce que ça amenait des problèmes?
M. Tremblay (Paul): Bien, c'est-à-dire, c'est qu'ils n'ont pas nécessairement les mêmes valeurs, pas nécessairement les mêmes façons, ça règle les... ça crée des fois des conflits entre les centrales syndicales, parce que, lorsque vient le temps d'évaluer, par exemple, la pondération, donner l'importance relative ou de développer les outils d'évaluation, bien ils n'ont pas la même façon de regarder les choses: un va tirer pour avoir du capital pour gagner, puis, à ce moment-là, oui, c'est beaucoup plus complexe.
Mme Lapointe (Groulx): Donc, à quelque part, quand on parle que le programme d'équité salariale, quand il est bien fait, ça va rendre les relations de travail meilleures, mais ça, ça ne tend pas à avoir deux...
M. Tremblay (Paul): Bien, c'est-à-dire...
Mme Lapointe (Groulx): Ça, ça va venir contre les relations de travail, ça va diminuer la collectivité, là, le bon roulement.
M. Tremblay (Paul): Bien, c'est-à-dire, c'est sûr qu'avec la Loi sur l'équité salariale qui remplace, dans la convention collective, la section salariale, rémunération directe et indirecte, bien c'est sûr que, lorsque tous les syndicats se voient, par exemple par l'équité salariale, obligés de suivre l'équité salariale, leur style de négociation, leur pouvoir de négociation change complètement les données de relations de travail. À l'article 2 de la loi, ça a préséance sur toutes les conventions collectives, préséance sur tous les contrats individuels de travail. Donc, c'est sûr que ça change les relations entre les syndicats lorsqu'ils sont mélangés ensemble, ce qui n'est pas nécessairement facile. Donc, que ce soit la même centrale syndicale avec différents numéros, si on peut dire, qui a le même programme, au moins c'est la même forme de pensée.
Mme Lapointe (Groulx): Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Morissette): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants du côté de l'opposition officielle? Oui, M. le député de Johnson.
M. Charbonneau: Tout à l'heure, vous parliez un peu de structure salariale, vous disiez qu'avec une bonne structure tu risques d'avoir une bonne équité salariale. Vous avez dit aussi que, si un nouvel employé arrive, généralement on vérifie la structure. Présentement, avec le dollar canadien, on voit souvent les nouvelles... bien, des entreprises investir dans le changement technologique. Donc, la technique de production, là, peu importe, n'est pas la même. Ça fait qu'il faudrait qu'ils refassent une autre structure salariale au complet? Ou...
M. Tremblay (Paul): Non. C'est-à-dire, c'est qu'il y a une différence entre ce qui s'appelle l'outil d'évaluation, donc la détermination, exemple, que je fasse... Par exemple, je solutionne des problèmes de complexité, mettons, de niveau 5, que je le fasse avec tel genre de machinerie ou tel autre genre de machinerie, c'est que je vais toujours quand même solutionner le problème, le problème restera le même. Donc, l'outil de support est différent, donc ça ne changera pas nécessairement la façon d'évaluer, d'accorder un pointage, exemple: tel emploi vaut 400 points, tel autre emploi féminin vaut 425 points, basé sur les résultats de l'évaluation. Donc, que je change des fois les équipements, ça ne change pas nécessairement l'évaluation, là, de l'emploi.
M. Charbonneau: Ça peut changer, ça peut affecter.
M. Tremblay (Paul): Ça peut, mais ça ne change pas nécessairement.
M. Charbonneau: O.K. Tout à l'heure, vous parliez aussi de prime de rareté. On a un peu le phénomène, un peu, avec les infirmières, qu'on y va avec la sous-traitance. Ça donne des irritants pour les autres employés, étant donné que les infirmières sont payées plus cher, étant donné qu'on passe par une firme. Vous voyez ça comment un peu, vous? Parce que la rareté d'une main-d'oeuvre, ça ne se résout pas en dedans de six mois, un an, là, ça peut prendre des années.
M. Tremblay (Paul): Disons que je suis plus expert ou intervenant, là, dans le milieu non gouvernemental, plus dans les entreprises, les PME, là, les entreprises, les multinationales, et ces choses-là, donc je ne suis pas à la fine pointe de l'information au dossier des infirmières. Par contre, si je fais une comparaison, je suis dans un certain secteur, puis il n'y a pas de main-d'oeuvre disponible, et mon échelle salariale, donc le maximum de l'échelle salariale, offre, par exemple, 50 000 $, et, si je regarde, par exemple, les gens que je rencontre en entrevue, il n'y en a pas un qui est en bas de 60 000 $, donc je ne serai pas capable d'attirer quelqu'un de qualifié pour faire le poste. Si, par exemple, c'est un poste en recherche et développement puis ma recherche et développement permet à mon entreprise de maintenir sa compétitivité, bien, si je n'ai pas cette personne-là dans le poste, je risque de perdre ma compétitivité puis éventuellement je risque d'avoir des méchants problèmes.
Donc, le fait qu'à 50 000 $ je suis bloqué, en mettant la prime de rareté, par exemple, de 10 000 $ ou 15 000 $... qui n'est pas intégrée au salaire mais considérée comme une prime, donc comme une prime de temps supplémentaire et non pas augmentation du salaire, lorsque la rareté diminue, ça signifie, en d'autres mots, qu'il est possible que la prime change. Donc, la prime est fonction de la rareté, un peu comme le temps supplémentaire, ou une prime de nuit, ou une prime de soir. Donc, c'est un élément qui est important. Donc, c'est ça, la prime de rareté, non pas intégrée au salaire, mais ajoutée au salaire comme prime.
M. Charbonneau: Vous, vous avez fait plusieurs entreprises syndiquées, non syndiquées, j'imagine.
M. Tremblay (Paul): J'en ai fait un certain nombre.
M. Charbonneau: Au niveau de l'ajustement salarial, au niveau de l'équité salariale, y a-tu un plus gros écart entre les compagnies ou les entreprises qui sont syndiquées versus aux compagnies non syndiquées ou c'est semblable?
n(11 h 40)nM. Tremblay (Paul): Vraiment, je ne vous ferai pas une catégorisation aussi directe que syndiquées, non syndiquées. Ça dépend de la façon que les salaires ont été gérés au sein de l'entreprise, ça dépend de la façon que ça s'est négocié à l'intérieur de la convention collective. Je pense que des fois, lorsqu'on met en place un certain système d'évaluation qui respecte les principes de l'équité salariale, on arrive avec des pointages qui sont différents de ce qu'on a valorisé tout le temps.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça va mettre fin au temps. Il reste quelques secondes seulement. Donc, ça fait une belle finale. Alors, du côté du deuxième groupe d'opposition, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. En mon nom, au nom de mes collègues, je voudrais vous souhaiter la bienvenue également, M. Deschamps, M. Tremblay, et vous dire qu'on profite de votre contribution, de votre expertise. Moi, je comprends que, ce matin, vous plaidez pour des ajustements pour favoriser l'implantation et non pas pour une remise en question de la législation.
M. Tremblay (Paul): Exactement.
Mme Harel: Alors, à ce sujet, je voudrais peut-être juste rappeler un élément, qui peut-être a été oublié par le député de Terrebonne au moment où il a pris la parole, à savoir que la Loi sur l'équité salariale permet des ajustements salariaux sur une plus longue période de temps si l'entreprise ne peut pas en fait respecter ses engagements vis-à-vis la loi et qu'elle... L'entreprise doit demander à la Commission sur l'équité salariale de pouvoir prolonger finalement les versements. Est-ce qu'il y a eu beaucoup d'entreprises qui l'ont utilisé?
M. Tremblay (Paul): La possibilité de l'extensionner sur sept ans? Je n'ai aucune entreprise qui a fait la demande dans le cas présent. C'était une des possibilités de. Ça a passé proche dans un dossier, mais, en fin de compte, suite à la fin de l'exercice, le propriétaire de l'entreprise a réalisé que les ajustements étaient quand même... le fait qu'il pouvait l'étaler sur cinq versements, c'était correct. Et non pas l'extension sur sept ans.
Mme Harel: Alors, dans votre mémoire ? je pense que c'est aux pages 7 et 8 ? vous nous parlez des effets positifs de l'équité salariale. Vous savez, c'est de la musique à mes oreilles, évidemment. Mais c'est intéressant parce que ce que vous dites, c'est que ça introduit un climat où le sentiment de favoritisme est écarté et c'est un climat qui augmente le sentiment d'une plus grande équité. Et vous dites: Le rapport du ministre, en page 80 ? le ministre qui a précédé l'actuel ministre du Travail ? parle d'une amélioration du climat, des relations de travail et de la productivité pour 44 % des entreprises et une plus grande équité pour 40 % des entreprises. Vous avez repris ces chiffres-là dans votre mémoire, les croyez-vous fondés?
M. Tremblay (Paul): Sans nécessairement... Au niveau du pourcentage, je pense que la Commission de l'équité salariale est capable de... les pièces justificatives. Mais, si je regarderais au niveau de perception, je pense qu'il y a deux façons de regarder la Loi sur l'équité salariale, au niveau des femmes: les femmes qui sont travailleuses, si on peut dire, à l'intérieur des entreprises, c'est des employées, je pense qu'elles sont contentes, comme je disais tantôt, de voir que leur contribution est reconnue à leur juste valeur; et je regarderais un peu au niveau de la femme à la maison qui, après sa journée de travail, va discuter avec son mari, ou l'inverse, à l'intérieur, qu'ils discutent ensemble puis que les deux échangent et disent: Bien, c'est le fun, à mon travail, on reconnaît ma contribution. Donc, ce n'est pas juste la reconnaissance au milieu de travail, à la maison aussi. Mais, lorsque je parle avec mon conjoint ou ma conjointe, bien le fait d'avoir de la diminution de favoritisme, qui diminue à l'intérieur des entreprises, je pense qu'il y a beaucoup d'avantages: la personne est valorisée, la personne se sent plus rémunérée en fonction de ce qu'elle apporte à l'entreprise, basé sur des critères qui sont neutres.
Mme Harel: En matière d'implantation, est-ce que vous avez utilisé la procédure de conciliation qui a été mise en place? Parce que je lisais dans certains autres mémoires que c'est une procédure qui a été couronnée de succès. On dit qu'il y a eu plus de 270 procédures de conciliation qui ont été mises en oeuvre, taux de succès de 85 %, que, selon les données rapportées justement dans le rapport qui est à l'étude en commission maintenant, il y a eu 1 600 décisions rendues par la commission ? ça, c'est en général, là ? et 90 % qui n'ont pas été contestées. Alors, j'aimerais vous entendre sur ça, sur la conciliation. Vous, vous ne l'avez pas utilisée, la conciliation?
M. Tremblay (Paul): Bon. On m'a appelé avant l'affichage final dans une entreprise, et j'ai eu à... dans le cas présent, on a eu des contestations de toutes sortes de choses. Et je dois mentionner, à titre de conclusion, que, le conciliateur de la Commission de l'équité salariale qui a été dans le dossier, je le félicite du travail qu'il a fait à l'intérieur du processus dans lequel... Moi, j'étais impliqué juste avant, je ne connaissais pas le dossier, on m'a impliqué juste avant l'affichage final. Donc, on m'a demandé de venir voir ce que ça avait l'air. Groupes syndiqués avec des employeurs, ça ne fonctionnait pas du tout en termes de résultat. En tant qu'expert, je suis allé analyser. Contestation. On s'est ramassés en commission... en conciliation de l'équité salariale. Et je peux vous dire que ça s'est très bien déroulé, à la satisfaction des deux parties à la fin. Une très grande centrale syndicale de la province de Québec.
Mme Harel: Mais est-ce que...
M. Tremblay (Paul): Donc... Excusez.
Mme Harel: Non, non, allez.
M. Tremblay (Paul): Je sais que Mme la présidente de la commission est ici. Je voudrais juste dire que, dans le dossier présent, le conciliateur a fait un excellent travail.
Mme Harel: Est-ce que vous croyez que ça devrait être introduit dans la loi, cette possibilité? Elle est offerte présentement sur une base volontaire, elle doit rester sur une base volontaire, mais il n'y a pas de statut juridique actuellement à la conciliation en matière d'équité salariale. Est-ce qu'il devrait y en avoir?
M. Tremblay (Paul): Je ne suis pas expert en droit du travail, mais je peux vous dire, par mon expérience que je viens de vivre, là ? c'est dans les dernières semaines que ça s'est conclu, là ? je peux vous dire que j'ai eu une très bonne expérience, parce que, la relation qu'il y a eu entre le syndicat, l'employeur, le consultant ? si on peut dire, moi ? et le conciliateur, on a eu une très bonne relation, on a réussi à résoudre un problème très complexe au départ. Avec des bons outils d'évaluation et une bonne pondération, on est arrivés avec des résultats satisfaisants, que tout le monde se sent confortable. Donc, à savoir est-ce qu'on devrait rendre ça obligatoire, moi, je peux vous dire que ce qui a été utilisé, ça a été... Puis quelqu'un comme moi, là, qui a vu le dossier, puis ça fait 30 ans que je patauge dans ça, je peux vous dire que j'ai été très satisfait de la façon que ça s'est déroulé.
Mme Harel: D'autre part, dans votre mémoire, vous insistez sur le rôle de la Commission de l'équité salariale. Vous dites que la commission doit intensifier son programme de vérification dans les entreprises. Et vous mentionnez que ce n'est pas qu'un point de vue de votre entreprise, mais c'est celui qui est partagé par bon nombre d'entreprises, dites-vous, qui ont complété l'implantation de l'équité salariale et qui désirent rester concurrentielles en termes de coûts et d'honoraires, et que c'est un souci d'équité entre entreprises également de s'assurer que toutes doivent satisfaire la loi et ne puissent pas y échapper. J'aimerais vous entendre à nouveau là-dessus.
M. Tremblay (Paul): Au départ, il y a deux éléments qui sont importants. Il y a ce qui s'appelle l'implantation de l'exercice ou du programme, ou peu importe le terme, en novembre 2001, qui est l'exercice au niveau de la date. Par la suite, il y a le maintien. Le maintien, je ne pourrai pas commenter, mais je pense que la partie la plus difficile, et je ne suis pas certain que beaucoup d'entreprises l'ont fait de façon adéquate...
Et par contre je vous mentionnerais que le fait de le faire dans les entreprises a fait que certaines entreprises, un, ont passé du temps à le faire. Un peu comme mentionnait Denis tantôt, les entreprises ont pris 50, 100, 200, 300, 400, 500, 1 000 heures, 2 000 heures, 3 000 heures du temps de leurs employés, qui étaient pour réaliser l'équité salariale et non pas des heures de productivité, donc non-productivité, les produits ne sortent pas, qui ont eu des coûts des ajustements salariaux qui ont été faits, qui ont eu des coûts des honoraires s'ils ont pris des gens de l'extérieur. Donc, l'ensemble de ces coûts-là, pour les entreprises qui ont fait l'équité salariale, qui se sont conformées à la loi, a fait que le prix de leurs produits ou le prix de leurs services a augmenté. Les autres de l'autre côté, bien ils n'ont pas fait ça, donc ils n'ont pas eu 1 000, 2 000 ou 3 000 heures de non-productivité à faire l'exercice d'équité salariale. Quand je parle de 1 000, 2 000, là, je parle de grandes entreprises, des fois ça peut être 500, 1 000, 6 000 employés, là. Donc, il y a cet élément-là qui est important.
Donc, pour moi, lorsque je prends le rôle de la Commission de l'équité salariale, et j'entendais dire tantôt qu'ils ont 66 personnes au niveau de leurs ressources, mais il y a beaucoup de postes vacants, personnellement, je trouve qu'il devrait y avoir plus de ressources au niveau de l'équité salariale pour justement aller aider. On parle de facilité, on parle de mondialisation à l'intérieur des entreprises, au moins que les entreprises ne se sentent pas défavorisées. Le principe d'équité salariale, c'est être équitable entre les employés à prédominance masculine versus les employés à prédominance féminine. Est-ce que la loi ne devrait pas être équitable envers les entreprises qui ont fait l'équité salariale et celles qui n'ont pas fait l'équité salariale? Donc, c'est deux formes d'équité qui à mon avis sont importantes, et on ne devrait... et je pense que la commission devrait avoir un rôle important de ce côté-là.
Mme Harel: Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Oui. Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais: Merci, Mme la Présidente. M. Tremblay, M. Deschamps, bienvenue. C'est extrêmement intéressant de vous entendre, et vous êtes vraiment des gens qui, comme on dit, ont les deux mains dedans quotidiennement. C'est extrêmement pointu comme rapport, vous allez dans les détails, ça va nous être utile sûrement pour les travaux qui vont venir autour des modifications potentielles à la loi.
En page 6 de votre rapport, vous nous rappelez quelque chose qui est peut-être une évidence pour les gens dans le monde du travail mais qui, moi, comme membre de l'Assemblée nationale, qui à ce titre désire le mieux pour les citoyens et citoyennes du Québec, me fait toujours un peu sauter, c'est-à-dire que la loi est une loi qui porte sur la rémunération des personnes occupant des emplois au Québec dont l'employeur est sous juridiction provinciale. Donc, la juridiction fédérale échappe à la portée de la loi, donc, si je ne m'abuse, le secteur des banques, certains secteurs des transports, les ports, les aéroports, et tout ça. Donc, il y a quand même un certain nombre de personnes, au Québec, qui échappent à la portée de la loi.
Je serais curieuse de savoir d'abord s'il y a eu un effet d'entraînement et si, vous qui avez reçu plusieurs demandes de travaux dans des entreprises... Est-ce qu'il y a eu un effet d'entraînement qui fait qu'il y aurait eu des banques, par exemple, ou d'autres types d'entreprises sous juridiction fédérale qui vous auraient demandé votre expertise?
n(11 h 50)nM. Tremblay (Paul): Bien, ils vont le demander probablement à des personnes comme moi et à d'autres personnes au niveau du développement de structures salariales. Parce que la structure salariale, je le répète, c'est une façon de gérer les salaires d'une façon qui facilite le travail de tout le monde, qui assouplit la façon de travailler. C'est-à-dire, par exemple, on a des emplois qui varient entre 200 points et 250 points, bien ça, on dit: C'est une classe I, par exemple, et le niveau salarial rattaché à cette classe-là, bien c'est de 20 000 $ à 40 000 $ par année, supposons; à ce moment-là, tout emploi nouveau qui rentre dans cette classe-là, bien voici l'échelle salariale qui est rattachée.
Donc, au niveau des banques, lorsqu'on parle de structures et d'organisation, c'est dans ce sens-là que c'est fait. Donc, eux autres, ils ont fait ces choses-là, on n'a plus à se questionner sur l'équité salariale. En appliquant et en maintenant ces choses-là en place, une fois que les outils sont bien, la pondération est bien faite, l'évaluation, la structure est bien bâtie, à ce moment-là, vous n'avez plus à vous poser la question. C'est pour ça qu'une de mes recommandations majeures, c'est: implanter ça va faciliter tout le travail de calcul des réajustements. Parce que, qu'un poste change de prédominance, que la loi... ou l'interprétation de la loi a fait... un poste pouvait être féminin en 2001, devenir masculin en 2005, bien, dans une structure salariale, qu'il soit masculin ou féminin, on ne s'en occupe plus. Entre, mettons, la borne 200 et la borne 250, c'est une classe I, que tu sois masculin, féminin, ou peu importe, voici ton échelle salariale. Donc, les banques qui utilisent ces choses-là, à ce moment-là, oui, ils peuvent nous demander de faire ce genre de travail là. Les compagnies de transport vont le demander aussi dans ce genre de choses là.
Mme Maltais: Pour terminer simplement, ce n'est pas une question, pour vous dire... je comprends qu'ils n'ont pas d'obligation mais qu'il y a un autre type de travaux qui ont un impact qui peut être similaire. Je serais curieuse de savoir du ministère du Travail s'ils ont des données sur le personnel... sur le nombre de personnes qui échappent... le nombre d'employés qui échappent à la loi, qui sont sous juridiction fédérale, au Québec. On pourrait peut-être avoir ça pour plus tard, on pourrait peut-être nous transmettre ces données-là.
La Présidente (Mme Morissette): Alors, M. le député de Jonquière, il reste environ deux minutes.
M. Gaudreault: Ah! O.K., c'est suffisamment pour faire part d'une préoccupation importante. Parce qu'un des éléments importants de votre mémoire concerne l'aspect de la mondialisation. Vous dites, à la page 18: «Un des éléments de base pour une entreprise est sa rentabilité, nécessaire à sa survie et permettant de compétitionner sur le marché international.» Plus loin, vous dites qu'il faut tenir compte des services de qualité à un prix de compétition, il ne faut pas entrer dans la subjectivité. Et en même temps, dans le rapport de 2006 de la commission, dans un tableau, à la page 79, on parle de l'impact des ajustements salariaux sur la masse salariale de l'entreprise en fonction du type d'exercice et de la taille de l'entreprise, et on évalue l'impact moyen à 0,9 % pour l'ensemble des entreprises.
Alors, on s'aperçoit clairement ici que la loi n'entrave pas le marché et ne conduit certainement pas des entreprises à des faillites, là. Et, moi, j'ai en tête des exemples d'entreprises, par exemple dans le secteur du textile, qui font à la fois des produits au Québec et qui en font faire en Chine ou ailleurs en Asie. Et je me dis: Cette loi qui a été adoptée il y a 10 ans au fond correspond à des valeurs profondes du Québec, qui sont celles ? et vous l'avez mentionné ? de l'équité, hein, et non pas d'égalité, qu'on parle ici, là, par rapport à des comparatifs internationaux. On parle bien d'équité. Alors, est-ce que le rôle du Québec... est-ce qu'on ne doit pas être exemplaires et chercher, dans cette mondialisation, non pas à niveler vers le bas, mais à contribuer à augmenter les standards internationaux?
La Présidente (Mme Morissette): Je vais vous demander de répondre de façon très rapide, s'il vous plaît.
M. Tremblay (Paul): Très rapide. Au niveau du 0,9 %, il y a 22 000 des 45 000 entreprises qui l'ont terminé. La question qu'on s'est posée à l'intérieur du document: Est-ce qu'ils ont utilisé les bons outils? Je questionne aussi au niveau des... le 68 % qui n'ont pas eu d'ajustement, donc, à ce moment-là, est-ce que le chiffre est bon? Si on avait les 45 000 entreprises qui ont fait l'équité, est-ce qu'on aurait les mêmes chiffres? Est-ce que celles qui sont retardataires, parce qu'ils ont des craintes au niveau des coûts... Est-ce qu'on devrait prendre le «lead» déjà, au niveau de la Commission de l'équité salariale? Je pense qu'elle fait un rôle extraordinaire de ce côté-là, au niveau de l'information qu'il se donne au niveau international. Nous sommes consultés par l'extérieur, différents pays, pour voir comment le Québec fonctionne. Il y a la Nouvelle-Zélande, l'Angleterre, les États-Unis qui sont venus nous voir de ce côté-là. Donc, je pense que la commission fait quelque chose de remarquable.
Je pense que mon rôle ici n'est pas un rôle au niveau de regarder sur la mondialisation, mais je regarde plus, sur une base terrain, quelles sont les problématiques qu'on rencontre au niveau de la compétitivité, et du coût des produits sur la mondialisation ? mondialisation, des fois, il y a des entreprises qui s'en vont à l'extérieur ou des entreprises qui peuvent venir ici, donc il faut regarder ça aussi dans ce contexte-là ? et des capacités de payer de l'entreprise.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup, vous... Non, malheureusement, on a déjà dépassé de plusieurs minutes, puis on a un autre groupe après, puis on doit impérativement finir à 12 h 45, pour le Parti québécois qui a un caucus. Donc, désolée, ça met fin à votre période. Alors, merci beaucoup à Drakkar & Associés, M. Deschamps, M. Tremblay. On va suspendre quelques minutes, mais on va reprendre très rapidement.
(Suspension de la séance à 11 h 55)
(Reprise à 11 h 59)
La Présidente (Mme Morissette): Alors, bienvenue au Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Donc, vous allez disposer de 15 minutes pour présenter votre mémoire. Ensuite, les différents groupes parlementaires vous poseront des questions, selon un temps qu'on va être obligé de recalculer parce que malheureusement on a accumulé un petit peu de retard. Donc, on vous cède la parole pour 15 minutes, ça, ce n'est pas coupé, puis on fera l'ajustement du temps à la suite de ça. Alors, à vous, si vous voulez vous présenter, présenter la personne qui vous accompagne. Merci.
Conseil d'intervention pour l'accès
des femmes au travail (CIAFT)
Mme Tourangeau (Stéphanie): Merci. Alors, bonjour. Je suis Stéphanie Tourangeau, responsable du dossier de l'équité salariale au Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, ci-après le CIAFT. Avec moi, Annick Desjardins, membre du conseil d'administration du CIAFT et avocate au Syndicat canadien de la fonction publique.
Alors, depuis sa création en 1982, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec, le CIAFT, oeuvre à la promotion, l'égalité des femmes dans les champs relatifs au travail, à l'éducation et à l'économie. Regroupant près de 70 groupes de femmes et organismes communautaires et syndicaux ainsi qu'une centaine de membres individuels, le CIAFT a développé une expertise reconnue par ses différents partenaires socioéconomiques sur les questions relatives à l'équité salariale, au Programme d'accès à l'égalité, à la formation et au développement de l'employabilité et de la main-d'oeuvre féminine.
n(12 heures)n Notre philosophie d'intervention repose sur le principe que l'autonomie économique des femmes est largement tributaire de leur accès au travail, à condition que ce travail soit rémunéré à sa juste valeur. Le CIAFT est impliqué dans la lutte pour l'équité salariale depuis ses tout débuts avec la Coalition en faveur de l'équité salariale.
Alors, le CIAFT remercie les membres de cette commission parlementaire de l'avoir convié à exprimer ses préoccupations et ses recommandations concernant cette importante loi, qui représente une valeur fondamentale des Québécoises et des Québécois. Nous espérons vivement que cette consultation permettra l'amélioration et la pérennité du droit à l'équité salariale au Québec. J'aimerais aussi mentionner que neuf groupes joignent leurs voix à la nôtre aujourd'hui, puisqu'ils ont souligné leur appui à notre mémoire, et donc c'est en leurs noms également que nous nous exprimons devant vous aujourd'hui.
Comme vous avez eu l'occasion de le remarquer à la lecture de notre mémoire, le CIAFT tient à souligner l'importance de plusieurs grandes avancées qu'a permises la loi actuelle. La première force de la loi est qu'elle reconnaît de façon claire la nature systémique de la discrimination que rencontrent toujours les femmes en matière salariale et que conséquemment elle renverse le fardeau de la preuve sur les employeurs. Ainsi, la Loi sur l'équité salariale marque un passage important du droit formel à l'équité salariale que conférait la Charte des droits et libertés au droit réel.
Une autre grande force de la loi est qu'elle affirme que les salaires doivent être déterminés selon des critères objectifs et transparents qui visent à mesurer la valeur du travail et non des personnes qui l'accomplissent. Ce faisant, elle permet aux employeurs, qui appliquent une démarche d'équité salariale dans leurs entreprises, de mieux structurer leur système de rémunération. Dans les milieux non syndiqués, où il n'y a souvent pas de structure salariale cohérente, surtout dans les petites et moyennes entreprises, la loi permet l'élaboration d'une structure salariale et de critères pour établir cette structure. Pour les travailleuses, l'exercice fait la lumière sur le processus de détermination des salaires ainsi que les préjugés et les pratiques, volontaires ou non, qui ont des effets préjudiciables sur leurs rémunérations.
Enfin, la troisième grande force de la loi concerne l'existence et le rôle crucial qu'elle réserve à la Commission de l'équité salariale, en lui conférant de larges pouvoirs de promotion, d'enquête, de vérification et d'intervention pour tout ce qui concerne l'application et l'interprétation de la loi. Nous tenons d'ailleurs à féliciter la commission pour son travail et pour le rôle proactif qu'elle a su jouer, ces dernières années, en élaborant des outils et des documents pour les travailleuses, mais aussi pour le caractère novateur et original de son programme de vérification ainsi que son règlement sur l'équité salariale dans les entreprises où il n'y a pas de comparateur masculin.
Pour nous, l'approche proactive de la commission était absolument incontournable pour favoriser l'application de la loi surtout dans les milieux non syndiqués. Par exemple, la commission a mis sur pied un comité pour les travailleuses non syndiquées, qui se charge d'examiner les obstacles que rencontrent ces femmes, donc, non syndiquées dans l'exercice de leurs droits et de proposer des pistes de solution. Parmi celles-ci, le CIAFT trouve spécialement intéressante l'idée voulant qu'une entreprise désirant contracter avec une agence gouvernementale soit soumise à l'obligation de démontrer à la commission que son programme en équité est bien conforme à la loi. Il y a fort à parier, selon nous, que, parmi la moitié des employeurs qui n'ont toujours pas appliqué la loi, certains détiennent des contrats ou des subventions d'une agence gouvernementale, comme c'est le cas pour un bon nombre d'entreprises dans le secteur de la santé et des services sociaux.
De plus, depuis plusieurs années déjà, la commission travaille en collaboration avec les organismes communautaires, comme le CIAFT, qui sont en lien avec des travailleuses non syndiquées, et puis cette collaboration-là nous a permis de rejoindre à ce jour plus de 550 travailleuses non syndiquées et de les former sur la loi et les droits et recours qu'elle confère. C'est pourquoi nous sommes d'avis qu'il est absolument primordial que la commission ait toutes les ressources nécessaires pour continuer son important mandat et intensifier son programme de vérification, programme qui constitue souvent le seul réel mécanisme de contrôle qui permet aux non-syndiquées d'avoir l'assurance que leur employeur s'est conformé à ses obligations légales.
Ici, j'aimerais prendre quelques minutes pour bien expliquer l'ampleur des difficultés qui se posent aux non-syndiquées lorsqu'elles veulent s'assurer que leur droit en équité salariale est bien respecté. Tout d'abord, il faut rappeler qu'une lacune importante de la loi concerne le fait qu'elle institue quatre régimes distincts d'obligation selon la taille des entreprises et donc quatre niveaux différents de droit pour les travailleuses. Les entreprises de neuf salariés et moins en sont exclues, les 10 à 49 doivent simplement déterminer si, oui ou non, il y a des écarts salariaux discriminatoires dans leurs entreprises, les 50 à 99 doivent mettre sur pied un programme, et les 100 et plus doivent mettre sur pied un programme et en plus former un comité pour réaliser la démarche.
À cela il faut aussi ajouter le fait que la loi a été élaborée à partir d'une logique de rapports collectifs de travail et que cela fait en sorte qu'en pratique les travailleuses non syndiquées ne sont souvent pas en mesure d'exercer les droits de participation et de recours que la loi leur confère. Par exemple, la loi tient pour acquis qu'à travers les affichages les personnes salariées sont capables de surveiller adéquatement l'application de la loi dans leurs entreprises. Or, notre expérience auprès des non-syndiquées nous permet d'affirmer que le contenu des affichages requis par la loi n'est pas suffisamment étoffé, surtout dans les entreprises de 10 à 49, où l'on retrouve la majorité des travailleuses non syndiquées, pour leur permettre de déterminer si cet exercice est réellement conforme à la loi. De plus, toujours selon notre expérience, les travailleuses ne possèdent pas une connaissance suffisante de la loi pour que les affichages leur permettent réellement de juger si leur droit est bien respecté.
Comme l'affichage est le seul mécanisme permettant aux travailleuses des entreprises de 10 à 49 employés de s'assurer que leur droit fondamental à l'équité salariale est respecté, nous demandons que la loi précise davantage l'obligation de transparence des employeurs, en faisant en sorte que l'affichage dans les entreprises comptant entre 10 et 49 employés comprenne les mêmes informations que les deux affichages requis pour les entreprises de 50 personnes salariées et plus, soit les résultats de l'évaluation des catégories d'emploi, de leur comparaison, de l'estimation des écarts salariaux, du calcul des ajustements et des modalités de versement de ceux-ci. On aimerait aussi que chaque employeur soit tenu de permettre aux personnes salariées de consulter tous les documents et données nécessaires pour déterminer si leur droit à l'équité est bien respecté et que la possibilité de consulter ces documents soit obligatoirement affichée en même temps que les autres informations que l'employeur doit afficher. Et enfin nous souhaiterions que la loi interdise à l'employeur d'exercer des représailles à l'égard d'une personne salariée qui aurait demandé à consulter ces documents.
Enfin, lorsqu'on regarde l'efficacité de la loi pour les non-syndiquées, il faut aussi prendre en compte le fait que la grande majorité des travailleuses n'ont pas un sentiment de sécurité assez fort face à leur employeur pour réagir ouvertement à un affichage et encore moins pour exercer un recours à la loi. Donc, la grande majorité des travailleuses qu'on rencontre craignent réellement de perdre leur emploi ou de subir d'autres représailles de la part de leur employeur dans ces situations-là. C'est pourquoi nous croyons qu'une solution intéressante qui permettrait d'élargir l'accès des travailleuses non syndiquées à la loi serait de mettre sur pied un service d'intervention juridique pour les soutenir, un peu comme ça s'est fait en Ontario.
En ce qui concerne le maintien maintenant, il est important que la loi prévoie des obligations claires pour maintenir la pérennité du droit à l'équité salariale. L'élimination de biais sexistes à la base des écarts salariaux demande un changement de mentalité de la part des employeurs, et tout changement de mentalité implique un processus qui demande du temps et de l'expertise. Les résultats du rapport du ministre du Travail révèlent d'ailleurs que 70 % des entreprises n'ont pas relevé d'écart salarial. Ceci nous semble spécialement étonnant lorsque l'on sait que c'est un problème de nature systémique et donc qui affecte l'ensemble de l'économie. Les conclusions du même rapport nous apprennent que les difficultés d'application que rencontrent les petites entreprises tiennent justement au fait qu'il reste encore beaucoup à faire pour arriver à bien saisir que la démarche en équité nécessite d'évaluer les emplois, et non les personnes, et au fait qu'il y a souvent un manque de connaissance du contenu réel des emplois et des fonctions qui s'y rattachent dans ces entreprises. C'est pourquoi il faut, selon nous, prendre garde à l'idée qu'une seule démarche en équité salariale serait suffisante pour éradiquer tous les résidus d'une discrimination qui perdure depuis des siècles. Pour nous, ce n'est qu'en répétant cet exercice périodiquement que l'on arrivera à peaufiner notre analyse de la discrimination et à en enrayer tous les résidus.
Le maintien de l'équité salariale nous renvoie aussi au fait que le contexte économique actuel est marqué par l'évolution constante de la structure des entreprises, de leur hiérarchie interne et de leur système de rémunération. Une pratique d'équité salariale exemplaire pourrait être rapidement compromise à la suite d'une restructuration importante ou se révéler lentement inadéquate avec l'introduction de nouvelles catégories d'emploi ou à la suite de mutations dans des postes déjà existants. Comme la loi ne prévoit aucun mécanisme pour assurer le maintien de l'équité salariale dans les entreprises après la démarche prévue à la loi actuelle, nous appuyons les recommandations énoncées par la commission à l'effet que la loi prévoie un examen périodique à tous les quatre ans, à compter de 2008, de la structure salariale de chaque entreprise assujettie, afin d'assurer que cette structure demeure exempte de biais discriminatoires et que les principes d'équité salariale soient toujours respectés. On aimerait aussi que la loi prévoie l'affichage du bilan de cet examen périodique et de son contenu. Mais, pour nous, il est aussi très important que cet exercice soit réalisé conjointement par l'employeur et les personnes salariées, selon les modalités prévues lors de l'exercice initial d'équité salariale.
n(12 h 10)n En ce qui a trait aux entreprises de 10 employés et plus, nous constatons que les entreprises qui ont atteint le cap de 10 personnes salariées après leur première année d'opération ne sont toujours pas assujetties à la loi. Selon nous, cette exclusion n'est pas cohérente pour les fins d'assujettissement de la Loi sur l'équité salariale. La commission estime qu'entre 1997 et 2004 c'est 6 000 entreprises qui ne seraient toujours pas assujetties parce qu'elles ne comptaient pas une moyenne de 10 salariés lors de leur année de référence. La commission estime aussi que, si la tendance se maintient, c'est 850 entreprises par année qui s'ajouteront aux 6 000. Étant donné que le droit à l'équité salariale est un droit fondamental, nous jugeons qu'il faut faire en sorte que les travailleuses de ces entreprises aient les mêmes droits que celles dans les entreprises qui comptaient 10 salariés lors de leur première année d'opération et donc nous recommandons que la loi soit modifiée en ce sens.
En terminant, bien qu'il faille, selon nous, se réjouir de l'existence d'une loi proactive en équité salariale, le rapport du ministre nous permet de voir qu'il est encore trop tôt pour prétendre que l'équité salariale règne dans l'ensemble des entreprises du Québec, et c'est pourquoi nous demandons au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour en assurer le maintien et le plein respect. Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Avant la fin de votre temps! C'est merveilleux. Donc, on irait tout de suite du côté du ministre, qui aura certainement plusieurs questions à vous poser. Alors, M. le ministre, allez-y.
M. Whissell: Oui. Eh bien, bonjour, Mmes Tourangeau et Desjardins. Merci de votre présentation.
Tout d'abord, vous parlez beaucoup au niveau de l'affichage, surtout pour la petite entreprise, là, 49 et moins. Comment l'employé pourrait avoir accès à l'évaluation qui a été faite à l'exercice d'équité salariale, sachant qu'en même temps il y a des données qui sont nominatives qui doivent être aussi protégées en vertu d'une autre loi? Alors, comment l'employé pourrait s'intégrer à l'exercice et aller voir dans le fond ce qui a été fait sans en même temps donner trop d'informations?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Je pense que je demanderais à ma collègue, qui a une meilleure expérience terrain, de répondre à cette question.
Mme Desjardins (Annick): Les catégories d'emploi sont évaluées, et non les personnes, alors il n'y a pas de donnée nominative dans les affichages. Les affichages comportent un titre d'emploi, et généralement l'employeur va donner le résultat non pas de l'évaluation, mais plutôt le résultat de l'ajustement qui sera apporté à l'emploi. Alors, ce qu'il est nécessaire pour une salariée d'avoir comme information, c'est de savoir avec quels emplois ou quel emploi le sien a été comparé et sur quelle base d'évaluation. Si on fait juste regarder... Par exemple, je suis secrétaire et je constate que j'ai 5 % d'augmentation. Ça ne me dit pas si l'exercice a été réalisé conformément à la loi. J'ai besoin, à tout le moins, des salaires et des évaluations de chaque catégorie d'emploi pour apprécier si mon droit est respecté. Et, à notre point de vue, comme il s'agit d'un droit fondamental, on ne pourrait pas dire que les contraintes liées à la confidentialité des salaires doivent... que ce droit fondamental doit céder le pas à la confidentialité des salaires, par exemple. On ne voit pas en quoi cette logique-là devrait prévaloir.
M. Whissell: Parce que, vous conviendrez, surtout pour la petite entreprise, souvent il peut y avoir une seule personne dans une catégorie d'emploi. Donc, connaissant le salaire, on sait indirectement qui est la personne, là.
Mme Desjardins (Annick): Encore une fois, il n'y a pas de principe fondamental dans notre société qui commanderait qu'un salaire doive rester confidentiel vis-à-vis le respect d'un droit fondamental qui est le droit à l'égalité des femmes en emploi. La confidentialité des salaires, ce n'est pas une valeur fondamentale des Québécois. Si on est syndiqué, les salaires sont connus, et c'est transparent, et ça ne pose pas particulièrement de problème. D'après nous, si un salaire ou des données salariales sont gardés confidentiels, simplement ça peut masquer une inéquité, ça peut masquer l'arbitraire. Et je ne crois pas que notre société souffrirait de davantage de transparence au niveau de la rémunération des salariés des entreprises.
M. Whissell: C'est un point important. Puis en même temps, si on veut que l'employée puisse justement évaluer, de son propre chef, la pertinence de l'exercice qui a été fait, il faut qu'elle ait accès, je veux dire, à plus d'informations possible, incluant justement les salaires puis comment l'évaluation a été faite. Puis il y a un certain paradoxe effectivement, à savoir que, lorsqu'il y a une unité d'accréditation, donc une convention collective, bien tout le monde connaît un peu le salaire de tout le monde parce qu'on sait dans quelle catégorie d'emploi normalement la personne se situe. Donc, par ricochet, à tout le moins, sans avoir sa prestation annuelle, on peut connaître son salaire horaire qui lui est consenti.
Alors, je pense, ça, c'est important de le rappeler. Puis ce que je salue dans le fond, c'est votre ouverture à dire: Bon, on peut peut-être mettre de côté un peu toutes les questions, je vous dirais, de nominatif. Parce que, veux veux pas, par ricochet on se rapproche aussi des questions de protection de l'information personnelle. Alors, là-dessus, vous n'avez pas d'ambiguïté, vous seriez très ouvertes à ce que, si on pousse l'exercice loin, d'ouverture des livres, que ça puisse justement compromettre, à une certaine mesure, l'accès à des informations personnelles.
Mme Desjardins (Annick): Oui. Ce n'est pas nécessairement un renseignement nominatif protégé par la loi, le salaire d'une catégorie d'emploi.
M. Whissell: ...le salaire de la personne.
Mme Desjardins (Annick): Mais est-ce que c'est quelque chose qui relève de sa vie privée? Il faut se poser la question. Mais, si c'est le cas, alors on pourrait dire que le seul fait d'être syndiqué, ça porterait atteinte à notre vie privée puisque nos salaires seraient publics. Je ne crois pas que ce soit le cas, donc...
Mme Tourangeau (Stéphanie): Est-ce que je peux me permettre de rajouter peut-être un point?
Une voix: ...
Mme Tourangeau (Stéphanie): O.K. Aussi, quand on parle de la démarche en équité salariale qui vise à faire en sorte que ce sont les emplois, c'est la valeur des emplois qu'on étudie et non la valeur des gens qui occupent l'emploi, donc, le salaire, on peut aussi dire en fait que le salaire est rattaché à la valeur de l'emploi. Donc, de là à dire que c'est un élément de la vie privée de quelqu'un, dans un système où les critères sont transparents et objectifs, ça reflète la valeur de cet emploi-là et non la valeur de cette personne en fait, si on pousse le raisonnement logique jusqu'à la fin.
M. Whissell: Sur un autre sujet, il y a toute la question de la défense des droits des travailleurs, particulièrement lorsqu'il n'y a pas de syndicat. Bon. Une fois qu'on a la prétention qu'on peut avoir été lésé dans nos droits, qui nous défend devant la CRT? Bon. Présentement, il y a un mécanisme qui est connu. Il y a beaucoup de gens qui vont venir à votre table nous dire qu'ils réclament une séparation entre la commission et justement l'application de la loi. Mais à ces gens qui, pourrions-nous dire, va défendre le droit des travailleurs lorsqu'ils se sentent lésés?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Est-ce qu'il y a moyen de rephraser la question? Je ne suis pas certaine... Si j'ai bien compris, vous voulez savoir: À ceux qui disent que la commission devrait avoir un rôle très défini...
M. Whissell: ...
Mme Tourangeau (Stéphanie): Pardon?
M. Whissell: Oui, une indépendance par rapport... justement.
Mme Tourangeau (Stéphanie): C'est ça.
M. Whissell: Qui défendrait, à ce moment-là, le droit des travailleurs?
Mme Desjardins (Annick): Actuellement, notre point de vue, c'est que la commission doit assumer ce rôle parce qu'il n'y a pas d'autre structure en place pour assumer ce rôle-là. Dans la mesure où le scénario envisagé serait retenu, il faudrait absolument qu'il y ait un bureau d'assistance juridique pour représenter les travailleuses. On pense que ce serait nécessaire déjà, à ce moment-ci, d'avoir ce système, qui serait semblable à celui de l'Ontario. Mais évidemment, dans la mesure où ce bureau n'existe pas, la commission est la seule qui puisse défendre les travailleuses non syndiquées si l'employeur conteste des mesures qui ont été déterminées par la commission. Et forcément son rôle est absolument essentiel devant la CRT. Sinon, un employeur qui n'est pas d'accord avec les mesures que détermine la commission pour l'atteinte de l'équité salariale peut aller contester et n'aura personne devant lui pour apporter le point de vue contraire. Donc, c'est fondamental que la commission ait l'intérêt pour représenter non pas la travailleuse, mais défendre sa décision devant la CRT. Et, de notre point de vue, il faudrait également que les travailleuses soient représentées par une structure, qu'on ait une structure d'appui juridique pour elles.
M. Whissell: Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Est-ce que vous passez la parole à vos collègues, M. le ministre?
M. Whissell: Oui.
La Présidente (Mme Morissette): Alors, M. le député de Viau, il reste un peu moins de cinq minutes.
M. Dubourg: Pour vous remplacer aussi.
La Présidente (Mme Morissette): Oui, exact.
M. Dubourg: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue. Moi, la question que je voudrais vous poser, c'est concernant l'examen périodique à tous les quatre ans. Donc, oui, on est d'accord pour dire que, bon, ça prend cette structure salariale de chaque entreprise pour s'assurer que c'est exempt de discrimination. On est d'accord là-dessus. Et puis vous avez aussi longuement parlé de l'affichage. Mais comment pouvez-vous nous dire que cet examen à tous les quatre ans va favoriser... ? comment dirais-je? ? va empêcher de constater qu'il y ait discrimination? Comment est-ce qu'on pourrait le faire, là, cet examen périodique là?
n(12 h 20)nMme Tourangeau (Stéphanie): Bien, en fait, nous, on croyait simplement refaire une démarche, comme la première, en équité, donc de refaire la même démarche. Peut-être, je demanderais à ma collègue de compléter.
Mme Desjardins (Annick): Bien, c'est ça, c'est le même processus, mais évidemment il est bien raccourci parce que les catégories d'emploi sont déjà identifiées, la plupart ont été évaluées, et ce que ça demande, c'est simplement d'actualiser les évaluations, savoir s'il y a eu des changements qui justifient un changement d'évaluation pour les catégories d'emploi. Généralement, le travail est fait avec un chiffrier Excel, hein, c'est souvent comme ça. Alors, on change la colonne des salaires pour mettre les salaires de l'année de l'examen périodique, on retrace la courbe, si c'était un examen global, et on voit s'il y a des nouveaux écarts qui se sont créés. S'il y en a, on les corrige. Donc, c'est un exercice semblable au premier, mais beaucoup plus court parce que la majeure partie du travail a été faite.
M. Dubourg: O.K. Mais, tout à l'heure, nous avons eu le groupe Drakkar, et c'est ça qu'ils nous disaient, par exemple, Drakkar Ressources humaines, qui nous disaient qu'il y a tellement de variables, c'est-à-dire au niveau des tâches, au niveau des salaires, des prédominances... Et là vous nous dites qu'avec le chiffrier Excel pour les quatre ans donc c'est facile de préserver... pour les travailleurs et pour les entreprises. Point.
Mme Desjardins (Annick): Évidemment, ça demande une discipline de conservation des données, ça, c'est clair. Mais je crois que c'est une recommandation aussi qui est faite dans le rapport du ministre, qu'il y ait des obligations de conservation des données. Ça va de pair. Et c'est vrai qu'on a tendance à présenter l'exercice d'équité salariale comme quelque chose d'extrêmement complexe. Ce n'est pas si complexe que ça. Et, je veux dire, on vit avec les lois fiscales, là, qui sont hautement plus complexes, et puis on entend rarement des gens dire que c'est donc compliqué de faire les rapports d'impôt. Mais ce n'est pas si complexe que ça. Il peut y avoir des problématiques particulières dans des entreprises où est-ce qu'on ne sait pas trop comment traiter le cas. La commission est là pour prêter une assistance dans ces cas-là, il y a de l'assistance spécialisée, et on dénoue les impasses des fois en conciliation. Donc, ça paraît complexe parce que c'est un processus qui est long, dans ces cas-là, quand il y a des difficultés particulières, mais, dans la majorité des cas, une fois que l'exercice, il est fait et bien fait, l'actualiser, ce n'est vraiment pas complexe, ce n'est pas long.
M. Dubourg: Donc, admettrez-vous que, par exemple... Oui, je comprends qu'il y a des difficultés particulières, mais admettez-vous que, bon, dans des situations de fusion, d'acquisition, bon, ce n'est pas tous les jours que ça arrive, mais là, dans ce contexte-là, ça devient un peu plus difficile de faire l'exercice?
Mme Desjardins (Annick): C'est comme d'actualiser les structures de salaires. Même s'il n'y avait pas de Loi sur l'équité salariale, quand il y a une fusion d'entreprises, aux ressources humaines, ils vont être très occupés à harmoniser les salaires. Donc, ce n'est pas plus complexe parce qu'on a la Loi sur l'équité salariale.
M. Dubourg: D'accord. Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Il vous reste une minute. Oui, M. le député de LaFontaine, il faudrait vraiment respecter le une minute.
M. Tomassi: Oui. Merci. En termes de lois fiscales, la complexité, je peux vous dire que mon collègue ici, en étant comptable de formation, il en prend un, plaisir, à déchiffrer cette complexité.
Vous avez parlé tantôt, là, de la structure, là, pour défendre les travailleuses. Je sais qu'il y a eu des exemples qui ont été faits en Ontario. Vous voyez ça comment, là? Parce que, là, c'est une structure. Il va falloir du financement, il va falloir avoir un mécanisme de gestion, là. Vous voyez ça comment? Je sais que la commission en est responsable jusqu'à une certaine limite. Madame parlait tantôt en disant qu'il faudrait aller encore un peu plus loin. Vous voyez ça comment?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Bien, nous, enfin, dans ce qu'on propose, on s'est vraiment inspirées de l'expérience ontarienne, donc ce serait une structure indépendante et donc qui apporterait un soutien juridique. Donc, les travailleuses non syndiquées en priorité auraient accès à un service... pourraient être représentées par un avocat ou une avocate, à ce moment-là.
M. Tomassi: Est-ce que la structure ontarienne existe toujours?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Non. Elle a été abolie en 1995. C'est une structure qui a bénéficié d'une enveloppe de 1,9 million sur quatre ans.
Une voix: ...
Mme Tourangeau (Stéphanie): Pardon?
M. Tomassi: Est-ce que ça a donné les résultats escomptés?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Oui. Bien oui. En fait, comme on l'avance dans le rapport, ça a eu des effets parce que, dans un cas, dans une seule décision qui a été rendue, ça a affecté à peu près 1 000 femmes. Les écarts variaient entre 13 000 $ et 16 000 $.
M. Tomassi: Si ça donnait les résultats...
La Présidente (Mme Morissette): Merci. Je m'excuse, le temps est déjà largement dépassé. Je suis vraiment désolée d'être obligée de bâillonner les gens comme ça, mais c'est mon rôle. Alors, on va passer du côté de l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.
M. Therrien: Oui. Bonjour, mesdames. Merci d'être présentes ici et d'avoir présenté un mémoire assez complet. À la page 16 de votre mémoire, on parle du maintien. À partir de quel moment vous jugez que l'exercice d'équité salariale entre en maintien, donc est terminé?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Bien, c'est sûr que, selon nous, après une première démarche, quatre ans après... enfin d'avoir terminé la première démarche et de verser les ajustements, le maintien, ce serait à cette période-là. Donc, après avoir terminé une première démarche, d'avoir trouvé ou non les ajustements, puis... En fait, le maintien est continu, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de période où on n'est pas obligés de maintenir nos droits. Mais l'exercice comme tel serait à tous les quatre ans à partir de la fin de la première démarche. Donc, à chaque quatre ans, on refait une démarche.
M. Therrien: Donc, quand vous parlez de démarche, est-ce que vous pouvez préciser... Plus précisément, une démarche, elle commence quand et elle termine quand, avec quel contenu exactement?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Je vais demander à ma collègue encore une fois de répondre sur l'aspect plus technique.
Mme Desjardins (Annick): Actuellement, quand on fait l'exercice d'équité salariale, on parle généralement du portrait. On prend un portrait, une photo de l'entreprise, des catégories d'emploi à une date donnée. Actuellement, la date du portrait pour la majorité des entreprises, c'est le 21 novembre 2001. Dès le 22 novembre 2001, on se situe en maintien. Et, s'il y avait une augmentation de salaire qui était accordée à certaines catégories d'emploi au 30 novembre 2002 ou au 30 novembre 2001, bien cette augmentation de salaire là ne faisait pas partie du portrait au 21 novembre 2001. Donc, on regarde son effet dans le cadre de l'obligation de maintien.
Donc, actuellement, chaque changement entraîne une modification des droits, si vous voulez, au quotidien, et c'est ça qui est, d'après nous, difficile à gérer, autant pour les entreprises que pour les personnes dont les droits sont affectés. C'est très difficile d'avoir des yeux partout, à tout moment, pour voir s'il y a des changements qui affectent les écarts salariaux entre catégories féminine et masculine, d'où la nécessité de procéder à un examen périodique. Et c'est beaucoup plus facile pour les entreprises et pour les employeurs de s'en tenir à cet examen-là pour ajuster les salaires s'il y a eu des modifications aux écarts salariaux.
M. Therrien: Merci. Si on arrive à la conclusion, suite à cette démarche, qu'il n'y a pas d'écart, comme vous le soulignez dans votre rapport, dans certaines entreprises, c'est possible, donc est-ce que l'on peut dire, à ce moment-là, selon vous, que l'exercice est réputé complété ou bien, comme dans le rapport, on considère que l'exercice n'est pas complété ou qu'il n'y en a pas eu du tout?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Vous voulez dire, si on n'a pas trouvé d'écart?
M. Therrien: Exactement.
Mme Tourangeau (Stéphanie): Bien, enfin, l'exercice est complété dans une première fois, mais ce n'est pas une garantie qu'il n'y en a pas qui vont se créer et se recréer dans le futur. Et donc l'exercice aux fins de la loi actuelle est complété, mais, enfin, que l'équité, dans cette entreprise-là, va être fixée à tout jamais? Non.
M. Therrien: Merci. Vous spécifiez, à la page 10 de votre rapport, vouloir évaluer selon des critères objectifs et transparents. J'aimerais savoir votre comparaison avec le dernier paragraphe de la page 11 du même rapport, qui dit que vous appréciez... Nous mentionnons également l'originalité dont a fait preuve la commission en adoptant des critères, des comparateurs fictifs. Donc, je pense que c'est des termes qui sont un peu en contrariété. Est-ce que vous pouvez... «Objectifs et transparents» versus «des comparateurs fictifs», j'aimerais avoir votre position là-dessus.
Mme Tourangeau (Stéphanie): Bien, en fait, moi, je vais d'abord dire que, quand on dit «objectifs et transparents», on fait référence à des choses qui sont mesurables, tandis que les deux comparateurs que nous propose la commission, ce sont des choses fictives au sens où les deux comparateurs n'existent pas physiquement dans l'entreprise. Mais on peut très bien... le règlement demande d'imaginer, O.K., ces emplois-là au sein de notre entreprise et de leur donner une mesure enfin pour chacun des critères que la loi nous demande de mesurer, c'est-à-dire responsabilités, tâches, qualifications, efforts, conditions de travail. Donc, on peut quand même mesurer pour chacun de ces facteurs-là, toujours dans notre façon de nous projeter, d'imaginer qu'est-ce que ça représenterait au sein de notre entreprise, ce serait quoi, le travail d'un concierge, ce serait quoi, le travail d'un contremaître. Donc, personnellement, je ne vois pas de contradiction entre...
M. Therrien: À partir du moment où on rentre dans l'imaginaire, est-ce qu'on ne rentre pas dans le suggestif assez intensément?
n(12 h 30)nMme Tourangeau (Stéphanie): Bien, en fait, oui, mais c'est toujours dans un contexte qui existe, le contexte de l'entreprise présente dans laquelle la personne travaille, donc on n'est pas dans un imaginaire absolument ouvert. Est-ce que ma collègue... Non?
M. Therrien: C'est beau? Question... On va sortir un peu de votre rapport. Nous avons constaté qu'au Canada les écarts avaient baissé également, et, ailleurs au Canada, il y a seulement que la loi ontarienne qui peut se rapprocher de la nôtre, là, dans les faits. Donc, est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir d'autres facteurs qui pourraient améliorer l'équité salariale, étant donné que d'autres provinces canadiennes n'ont pas de loi et que les écarts baissent également?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Bien, évidemment, tout d'abord... Vous voulez dire d'autres mesures pour assurer que le droit à l'équité salariale est bien respecté? Parce qu'il y a plusieurs façons de mesurer un écart. Je veux dire, il y a des...
M. Therrien: Oui, on voit ça dans le rapport.
Mme Tourangeau (Stéphanie): Bien, à notre connaissance, une loi proactive comme le Québec, c'est la seule vraiment qui amène des résultats, enfin, qui permettent aux travailleuses dans l'ensemble de l'économie d'en profiter. Tandis que, si on se fie... par exemple, d'augmenter le salaire minimum, ce serait quelque chose qui pourrait faire diminuer les écarts salariaux entre les hommes et les femmes, mais ça n'attaque pas la source du problème qui est la discrimination systémique. Donc, si c'est ce problème-là qu'on veut adresser, ça prend, enfin, un remède de même nature, c'est-à-dire qui va s'adresser à l'ensemble du système.
M. Therrien: Dernière question pour moi. À la page 22 de votre mémoire: «...l'employeur n'est pas obligé de les inclure quand il élabore le programme avec [le] syndicat.» Vous parliez des programmes gouvernementaux plus tôt. Est-ce que vous pouvez nous entretenir plus précisément?
Mme Tourangeau (Stéphanie): J'ai mal compris.
M. Therrien: Au niveau des programmes distincts, là, quand vous dites que «l'employeur n'est pas obligé de les inclure quand il élabore le programme avec [le] syndicat», page 22, deuxième paragraphe.
Mme Tourangeau (Stéphanie): Vous voulez avoir des exemples d'entreprises? C'est ça?
M. Therrien: Exact.
Mme Tourangeau (Stéphanie): Je demanderais encore une fois à ma collègue... des exemples d'entreprises.
Mme Desjardins (Annick): Bien, c'est-à-dire que, dans une entreprise où on a un groupe qui est syndiqué, c'est fréquent qu'il reste des travailleuses ou des travailleurs non syndiqués également. Si le syndicat demande un programme distinct, les employés non syndiqués ne seront pas visés par ce programme et les emplois syndiqués masculins seront exclus à titre de comparateur pour les emplois féminins qui demeurent. Alors, ça pose un problème parce que souvent les unités de négociation reflètent la ségrégation professionnelle hommes-femmes. Par exemple, dans une entreprise manufacturière, les employés de production vont être... le groupe va être à prédominance masculine, va être syndiqué; les employés de bureau, des femmes pour la plupart, ne seront pas syndiqués. Et on ne fera pas de comparaison entre les emplois féminins non syndiqués et les emplois masculins syndiqués. Et ça, bien, c'est le maintien d'une source de discrimination systémique et qui ne sera pas corrigée à cause de l'existence du programme distinct.
M. Therrien: ...
Le Président (M. Dubourg): Oui, d'accord. À ce moment-là, je passe la parole à la députée du comté de Groulx, il vous reste trois minutes.
Mme Lapointe (Groulx): Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Pour continuer un petit peu sur ce que mon collègue disait, on parlait des prédominances masculine et féminine, est-ce que le fait justement de segmenter les professions selon les prédominances féminine ou masculine lorsqu'on les évalue ne renforce pas justement les stéréotypes masculin et féminin?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Le but de la loi, ce n'est pas d'éliminer les stéréotypes, c'est de comparer la valeur des emplois à prédominance féminine avec la valeur des emplois à prédominance masculine. Et donc, pour ce faire, il faut reconnaître que la ségrégation professionnelle existe, donc on peut... il faut la reconnaître pour faire le...
Mme Lapointe (Groulx): Les segmenter, vous ne croyez pas que ça encourage justement à entretenir ça?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Mais on ne les segmente pas... on les segmente aux fins de l'application de la loi, on ne les segmente pas... Ils sont déjà segmentés dans la réalité. Donc, pour les fins de la démarche, on prend cette réalité-là, puis on regarde, on prend un regard transversal.
Mme Lapointe (Groulx): Pour revenir un petit peu sur ce que vous disiez précédemment, la difficulté qu'il y a à analyser lorsqu'on met de côté une accréditation syndicale qui peut être possiblement plus masculine, comment vous voyez ça, quand il y a plus qu'une accréditation syndicale, pour faire l'évaluation justement du programme d'équité salariale? Comment vous souhaiteriez voir ça? Est-ce que vous souhaiteriez voir l'ensemble des employés d'une même compagnie ou d'avoir différentes études?
Mme Desjardins (Annick): L'idéal aurait été qu'il n'y ait pas de possibilité de demander des programmes distincts. Dans un monde idéal... la discrimination, elle est dans l'ensemble de l'entreprise. D'ailleurs, l'objet de la loi, l'article 1 le dit bien, l'objet de la loi, c'est d'enrayer la discrimination à l'échelle de l'entreprise, donc non pas à l'échelle interentreprises. Mais, dans l'entreprise, la discrimination, elle dépasse les frontières des unités d'accréditation. Et l'idéal aurait été que les exercices, s'il y en a qui sont faits par différents groupes syndiqués, ils soient comparés entre eux par la suite. C'étaient d'ailleurs les revendications des groupes à l'époque de l'adoption de la loi. Ça n'a pas été maintenu. Et effectivement ça désavantage dans certains cas les emplois féminins, pas dans tous les cas.
Dans beaucoup d'entreprises, on a fait des programmes qui regroupent des syndiqués, des non-syndiqués. Dans le rapport, c'est dit que c'est là où les ajustements étaient les plus significatifs. Donc, dans les entreprises où les syndiqués étaient comparés avec les non-syndiqués également. Quand il y a plusieurs accréditations, des fois c'est le même syndicat qui a plusieurs unités d'accréditation, et on devrait pouvoir joindre les deux programmes distincts pour fins de comparaison. Des fois, c'est des syndicats différents, mais, autour d'un comité, chacun est représenté. Ça se fait et ça ne pose pas de problème majeur. C'est sûr que ça demande plus de discussions quand il y a plus de monde autour d'une table et ça peut prendre un peu plus de temps, mais l'exercice, il va être bien fait au bout de la ligne, il va avoir enrayé la vraie discrimination dans l'entreprise. Merci.
Le Président (M. Dubourg): Merci. Merci, Mme la députée de Groulx. Donc, je passe donc la parole au deuxième groupe d'opposition, et je reconnais la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. À vous.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bonjour, mesdames du CIAFT. Le CIAFT a un long historique et une très grande expertise en matière d'intervention des femmes sur le marché du travail, notamment en faisant la promotion, promotion des emplois non traditionnels pour les femmes, et puis en ayant fait aussi la promotion de la Loi sur l'équité salariale. Alors, je vous salue, Mme Desjardins et Mme Tourangeau.
Il y a deux questions, là, qui reviennent constamment depuis le début de nos travaux, ce matin, la première étant: Est-ce qu'on renforce les stéréotypes en les corrigeant? En fait, c'est ça, la vraie question, dans le sens où, contrairement, disons, à l'impression qui est donnée... c'est parce que les stéréotypes font partie de la rémunération qu'il faut les corriger. Alors, les stéréotypes font partie de la rémunération, en considérant que les emplois qui sont des emplois au service des personnes, qui traditionnellement ont toujours été occupés par des femmes depuis des millénaires et qui les ont occupés pas payées en fait, que ces emplois valent une rémunération moins grande que ces emplois qui font appel à la force physique ou au déplacement des personnes, etc. C'est ça, la discrimination systémique. La discrimination systémique, c'est de considérer que la rémunération est différente parce que le stéréotype, c'est-à-dire l'évaluation qu'on fait est différente de l'importance des qualités, si vous voulez, dont on a besoin. C'est fondamental, ça. Donc, l'idée, ce n'est pas de segmenter, c'est de corriger la rémunération qui, elle, a intégré malheureusement les stéréotypes. Je pense que ça, c'est le premier aspect le plus important.
Le deuxième étant également le fait que c'est une démarche qui, d'une certaine façon, ne sera jamais finie. On ne peut pas penser qu'il y a une seule démarche ponctuelle sur l'équité puis après ça c'est compris pour la vie. Il y a une sorte de pérennité, là, à maintenir, si vous voulez. On le voit bien ici même, à l'Assemblée nationale: on était 40 l'an passé, puis on est rendues 33. Donc, il n'y a rien d'acquis, vraiment acquis. Et, vous le dites dans votre mémoire, en fait il faut assurer la pérennité de ce droit à l'équité salariale et, pour en assurer la pérennité, il faut des instruments, des outils, et notamment la commission. Et je voudrais vous entendre là-dessus. Dans votre mémoire, vous vous inquiétez de l'examen qui est fait actuellement devant la Cour supérieure de la capacité juridique de la commission de représenter des employés devant la Commission des relations de travail. J'aimerais vous entendre là-dessus.
n(12 h 40)nMme Desjardins (Annick): Oui, bien, effectivement, on l'a un peu mentionné tout à l'heure, c'est que, si la Commission de l'équité salariale n'a pas le statut de partie dans les procédures devant la Commission des relations de travail où ses décisions sont contestées, il y a un fort risque qu'il n'y ait pas de partie qui puisse apporter un autre point de vue que celui de l'employeur. Alors, forcément... Et ce n'est pas que ça, il y a aussi toute la question de l'expertise de la Commission d'équité pour éclairer la Commission des relations de travail qui, elle, ne fait pas ça à tous les jours, de l'équité salariale. Et je crois que les commissaires de la Commission des relations de travail, et je ne sais pas s'ils vont ou s'ils ont présenté un mémoire, mais je crois qu'ils apprécient que la Commission de l'équité salariale soit là devant eux pour les éclairer lorsqu'ils prennent des décisions en matière de droit à l'équité salariale.
Mme Harel: Mais, comme ma collègue la députée de Taschereau me l'a fait remarquer, je ne sais pas s'il y a une coïncidence seulement ou si vous avez été associées, mais le mémoire du Barreau reprend presque entièrement toutes vos recommandations. Avez-vous été associées à la préparation du mémoire du Barreau?
Mme Desjardins (Annick): Oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Ah! c'est intéressant. Alors, vous êtes des femmes d'influence.
Mme Desjardins (Annick): Alors, vous allez trouver certaines phrases même, je pense, qui sont identiques entre le mémoire du Barreau, celui du CIAFT et celui du Syndicat canadien de la fonction publique. Il y avait une source commune qui était un mémo que j'avais rédigé.
Mme Harel: Bien, écoutez, vous êtes une experte qui est reconnue, parce que ce n'est pas simple toujours d'être reconnue...
Une voix: ...
Mme Harel: Oui, d'avoir cette influence-là. Alors donc, il y a des rumeurs à l'effet que la commission pourrait être considérée comme n'étant plus nécessaire et que ce serait confié à la Commission des normes du travail. Vous qui travaillez beaucoup avec les normes... Et, moi, ce qui m'a décidée, si vous voulez, d'aller de l'avant sur l'équité salariale, c'est de comprendre qu'on n'avait pas à demander à toutes les femmes du Québec, pour avoir l'équité, d'occuper des fonctions dites masculines, que ça peut être un choix de vie, qu'il fallait finalement que ce soit aussi payant d'occuper des fonctions dites féminines, que dans le fond il y ait là un choix qui ne doit pas être imposé du fait qu'une rémunération est différente. Mais j'aimerais vous entendre sur cette question: Est-ce que les normes du travail, ça satisferait, disons...
Mme Tourangeau (Stéphanie): Enfin, de notre expérience, je dirais: Absolument pas, parce que c'est une expertise qui est très fine, qui est évidemment... qui porte encore à confusion, alors que ça fait 10 ans qu'on a la loi. Puis on ne peut pas simplement fondre la question de l'équité salariale dans les autres droits du travail. C'est un droit particulier, c'est un droit qui est au confluent des droits de la personne et des droits du travail. C'est important d'avoir une commission qui reflète bien, justement, la nature de ce droit-là, et donc je dirais que non, ce n'est pas souhaitable.
Mme Harel: Parce qu'en fait le troisième principe étant qu'il ne faut pas juste avoir un droit sur papier, mais il faut pouvoir l'exercer, n'est-ce pas?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Tout à fait.
Mme Harel: Donc, ces lois proactives que le Québec a adoptées, y compris la commission elle-même des droits et libertés de la personne puis ensuite le tribunal des droits et libertés de la personne, qui n'existent pas du côté fédéral, et de la Charte canadienne des droits... Est-ce que je comprends qu'au fédéral l'équité salariale existe en droit mais qu'il n'y a pas d'outil, d'instrument pour la faire appliquer chez les employés, si vous voulez, qui sont de juridiction fédérale?
Mme Tourangeau (Stéphanie): Oui, puis d'ailleurs on voit qu'au niveau fédéral c'est un très grand problème. On regarde les causes qui sont pendantes en ce moment, il y en a... des grandes compagnies, ça fait... Par exemple, Postes Canada, ça va faire 25 ans qu'ils sont en cour à essayer... dont les travailleuses essaient de voir leur droit à l'équité reconnu, et puis ça ne fonctionne pas, donc.
Mme Harel: Et pourtant la discrimination salariale est interdite par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Alors, elle est interdite, mais il faut faire valoir ses droits devant les tribunaux, avec les coûts énormes que ça représente.
Mme Desjardins (Annick): Pour les entreprises aussi.
Mme Harel: Pour les entreprises aussi.
Mme Desjardins (Annick): Les entreprises sont prises avec des procès qui durent des années et des années, des objections préliminaires, des appels, etc. On a aussi Air Canada qui est un cas patent, une histoire d'horreur de ce genre. Et ce n'est pas à l'avantage d'une entreprise que le système repose sur des plaintes non plus. Et il y a eu un groupe de travail au fédéral qui a analysé tout le système qui n'est pas proactif et qui repose sur des plaintes et sur les épaules des travailleuses. Et il y avait un consensus chez les personnes consultées qu'il fallait réformer ce système-là et adopter une loi proactive.
Mme Harel: Je vous remercie.
Le Président (M. Dubourg): Je vous en prie. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre? Non? Ça va?
Mme Maltais: Non. Merci.
Le Président (M. Dubourg): Bon. Bien, alors, merci. Donc, je voudrais remercier Mme Tourangeau et Me Desjardins pour avoir participé à cette commission. Donc, je comprends que, Me Desjardins, on va retrouver certaines de ses conclusions un peu plus tard, encore une fois. Donc, merci.
Donc, on va suspendre quelques minutes pour reprendre à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
(Reprise à 14 h 2)La Présidente (Mme Gonthier): ...le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Je vous rappelle que la commission est réunie afin de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard du rapport du ministre du Travail sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'équité salariale.
Alors, nous allons entendre, dans un premier temps, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour procéder à votre présentation et que par la suite vous pourrez échanger avec les membres de la commission pendant 45 minutes. Je demanderais au porte-parole de l'organisme de s'identifier et de présenter la personne qui l'accompagne.
Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante (FCEI)
M. Prévost (Simon): Merci, Mme la Présidente. Alors, mon nom est Simon Prévost. Je suis le vice-président pour le Québec de la FCEI, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je suis accompagné de Mme Audrey Azoulay, qui est analyste principale des politiques au sein de mon équipe.
Alors, comme c'est d'usage pour nous, je vous présente très brièvement la FCEI. Nous sommes une organisation qui défend essentiellement les intérêts des petites et moyennes entreprises et qui les représente auprès des gouvernements. Nous avons 105 000 membres à l'échelle canadienne, dont 24 000 au Québec uniquement, dans tous les secteurs d'économie et de toutes tailles aussi évidemment dans l'univers des PME.
À la FCEI, on est particulièrement intéressés, Mme la Présidente, à fournir nos commentaires dans le cadre de cette consultation. Plusieurs des pistes de réflexion qui sont développées dans le rapport du ministre touchent en effet, là, essentiellement les 10-49 employés, qui sont une part importante du membership de la FCEI. Donc, c'est particulièrement important pour nous de vous faire valoir quelle est cette réalité qui est vécue par les entrepreneurs, là, dans cette catégorie d'entreprises.
C'est d'autant plus important que, 10 ans après l'adoption de la loi, deux rapports ministériels plus tard, ce qu'on constate, c'est que l'application de la loi demeure extrêmement laborieuse dans les PME. Au cours des dernières années, on a souvent évoqué cette complexité, là, d'application de la loi au sein des plus petites entreprises. Évidemment, il y a des coûts directs qui sont liés à cette complexité-là, des coûts qu'on appelle, nous, de conformité réglementaire.
Il faut aussi ajouter que, depuis 10 ans, le contexte économique global a changé: concurrence internationale, pénurie de main-d'oeuvre, marché du travail largement différent que ce qu'il était il y a 10 ans et, même, je dirais, importance des PME dans l'économie beaucoup plus grande maintenant qu'il y a une dizaine d'années. Et cette situation-là, ce nouveau contexte économique n'est pas sans poser certains problèmes dans l'application de la loi.
En fait, quand on parle à nos membres, quand on leur pose des questions, on se rend compte, nous, de notre côté, à la FCEI, que l'équité salariale, dans sa complexité, la loi, en fait, dans sa complexité, est, dans une certaine mesure, un frein à la flexibilité puis à la capacité d'adaptation des PME, flexibilité et capacité d'adaptation dont ils ont absolument de besoin dans le monde économique actuel. En ce sens, Mme la Présidente, il faut trouver les moyens qui permettent d'atteindre les objectifs de la loi sans que ça devienne un fardeau difficilement surmontable pour les PME. Et, comprenons-nous bien, là, la FCEI ne remet pas en cause le bien-fondé de l'équité salariale, c'est plutôt l'application de la loi qui pose problème à nos membres que sont les petits entrepreneurs. Dans ce sens-là, les commentaires qu'on veut faire à la commission aujourd'hui, c'est des commentaires qui sont basés en grande partie sur l'expérience vécue par les entrepreneurs, donc le point de vue des entrepreneurs qui doivent appliquer la loi et qui souvent se trouvent démunis face à leurs obligations à cet égard-là.
On veut attirer l'attention des membres de la commission notamment sur les façons de faire des PME, les façons de faire informelles, tant dans la gestion de leurs ressources humaines que dans leurs opérations comme telles, la façon dont ils vivent leur vie, l'entreprise, au jour le jour. Et pourquoi on veut faire ça? Pour illustrer les difficultés d'application, hein, l'espèce de dichotomie qu'il y a entre la loi et ses obligations, la façon dont ça se passe, là, la vraie vie dans les PME, la vraie vie où notamment la polyvalence des ressources humaines est fondamentale.
Donc, 10 ans après, où est-ce qu'on en est, Mme la Présidente? Vous conviendrez avec nous que le fait même qu'au départ, lorsque la loi a été adoptée, on ait prévu une période de cinq ans avant l'entrée en vigueur de plusieurs des dispositions de la loi témoigne de façon assez éloquente des difficultés d'application qui étaient appréhendées à l'époque. Alors, c'étaient des difficultés appréhendées; maintenant, on peut vous dire, Mme la Présidente, que ce sont des difficultés qui se sont avérées réelles. C'est effectivement très compliqué d'application dans les petites organisations, et d'ailleurs ce sont des éléments, là, plus détaillés, à cet égard-là, que je vais vous mentionner, mais c'est clair que le ministre lui-même, Mme la Présidente, est au courant de ces difficultés-là.
Alors, pour des raisons sans doute évidentes, lorsqu'on a créé cette loi-là, lorsqu'on l'a adoptée, en fait toute l'économie de la loi repose sur un haut degré de structure dans la gestion des ressources humaines au sein des entreprises. Bon. Et, comme chacun sait, là, la plupart des PME visées par la loi, et là spécialement les 10-49, ne gèrent pas leurs ressources humaines de manière structurée.
Mme la Présidente, si les PME ne gèrent pas leurs ressources humaines de manière structurée, ce n'est pas parce qu'elles ne sont pas capables de les structurer, c'est parce qu'elles n'ont pas besoin de ce degré de structure. Dans des petites organisations, plus il y a de structures et plus c'est inefficace et plus c'est coûteux. Si les propriétaires de PME pensaient qu'ils fonctionneraient mieux avec une structure très détaillée de leurs ressources humaines, bien ils se structureraient, ce ne serait pas plus compliqué que ça. Ils s'adapteraient à la réalité. Maintenant, ils ne l'ont pas fait parce qu'ils n'en ont pas besoin, normalement. Alors là, encore une fois, vous voyez que, dans l'économie même de la loi et de la réalité des PME, il y a une difficulté, là, fondamentale.
Au fil des ans, on a fait plusieurs sondages justement pour voir comment ça se passait dans les entreprises. Et plusieurs sondages, en 2002 et en 2005 notamment, nous ont démontré, d'une manière très répétée, que la très grande majorité des propriétaires de PME gèrent leurs ressources humaines de manière très informelle. En fait, il y en a moins de un sur cinq, dans les propriétaires de PME, qui gèrent ça de manière plus formelle. Et un vrai service de ressources humaines, c'est moins que 3 % des PME. Mais là on comprendra que ce n'est pas les 10-49, hein? Ici, c'est probablement les PME, là. Nous, notre échantillon, ça dépasse largement les 10-49. Donc, c'est probablement une entreprise de 100, 200, 300 employés.
Les besoins, par ailleurs parfois limités dans chaque aspect du travail au sein d'une entreprise de petite taille, font en sorte que les dirigeants de PME veulent avoir à leur emploi des gens polyvalents en mesure d'accomplir plusieurs fonctions de travail dans l'entreprise. Ça peut être, par exemple, le camionneur qui, une fois qu'il a fini sa livraison, va être le manutentionnaire au sein de l'entreprise et éventuellement même peut-être le mécanicien qui va réparer la machinerie, dans le cas d'une industrie manufacturière. Donc, non seulement c'est une réalité qui se vit, la polyvalence, mais c'est une réalité qui est recherchée par les dirigeants de PME. Alors, comme les besoins peuvent être très variés, il devient difficile de cantonner un employé, qu'il soit féminin ou masculin d'ailleurs, dans une seule fonction de travail. Et c'est cette réalité-là qui est difficilement compatible, Mme la Présidente, avec la réalité de la loi, avec ce que la loi prévoit, parce que la loi évidemment ramène ça à des fonctions de travail plutôt qu'à des individus.
n(14 h 10)n Et là je veux vous faire mention de quelques problèmes qui nous ont été rapportés par nos membres. Évidemment, on pourrait en discuter des heures et des heures. J'ai 15 minutes, il ne m'en reste plus à peu près que 10, donc on va faire ça court. Mais il y a quand même cinq points en particulier que je voudrais faire, qui sont très, très concrets, là, techniques, si vous voulez, là. D'abord, l'absence de structure salariale formelle dans les PME, dans la très grande majorité des PME, rend difficile l'identification des catégories d'emploi et forcément l'estimation des écarts salariaux.
Deuxièmement, du point de vue du dirigeant d'entreprise, le manque de connaissance du contenu réel des emplois dans l'entreprise, donc, c'est-à-dire vraiment une structure formelle ? on a décortiqué, là, les emplois ? et aussi le fait que plusieurs tâches qui sont accomplies... la polyvalence dont je parlais tantôt, bien ça rend évidemment, à sa face même, difficile l'évaluation d'un emploi.
Sur le plan plus concret, les dirigeants de PME nous ont mentionné qu'ils sentaient qu'ils manquaient d'outils simples, plus vulgarisés, plus accessibles afin de faire en sorte que l'exercice qui est prévu par la loi soit réalisable, je dirais, à moindres coûts. Quand on parle de coûts, je ne parle pas nécessairement de coûts monétaires, hein, mais tout le temps qu'on va passer à se conformer à la loi, ce sont des coûts... des coûts, évidemment.
D'autre part, sur juste un petit point, en passant, sur l'obligation d'affichage, les propriétaires de PME sont assez mal à l'aise avec ça. Dans une entreprise de 15 employés, lorsqu'on va afficher le résultat de l'exercice d'équité salariale, ça commence à être assez délicat sur le plan de la confidentialité de la situation de chacun, là, par rapport à son salaire.
Et finalement, de manière très fondamentale, ici, à la FCEI, je dois le dire, à la FCEI, on a essayé de travailler là-dessus au fil des années. Et puis je pense que c'est un rôle aussi majeur de la commission. Il existe... Il demeure, dans les PME, une incompréhension de la loi et de sa portée en tant que telle, une difficulté à comprendre la discrimination systémique ou à débusquer les biais sexistes, à faire la différence entre l'équité, l'égalité. Puis ça, là, ça vient depuis qu'on est tout petits qu'on nous dit de comparer des pommes avec des pommes, puis là, tout d'un coup, il faut comparer des pommes avec des oranges. Alors, c'est un exercice qui est extrêmement complexe et qui est complexifié dans des petites organisations.
Une difficulté majeure pour les propriétaires de petites entreprises dans la réalisation de l'exercice, c'est de cantonner les salariés, tant féminins que masculins, dans une seule fonction de travail, comme je disais, alors qu'en principe et souvent ils en occupent plusieurs.
Un autre problème aussi, c'est le bassin de travailleurs. Souvent, il y a très peu de travailleurs dans chaque catégorie d'emploi, et ça rend les évaluations difficiles. L'exercice est encore plus difficile.
Une des étapes évidemment fondamentales, c'est la description des tâches dans l'entreprise. Alors, non seulement, lorsqu'on s'attaque à l'exercice, il faut définir chacune des tâches réalisées par une personne salariée, il faut voir éventuellement aussi quelle est la qualification que le titulaire du poste devrait détenir pour pouvoir occuper ces fonctions-là. Là, ça paraît assez simple lorsqu'on a devant nous des travailleurs qui ont plus ou moins une formation reconnue. Lorsque c'est un employé qui n'a pas de formation reconnue, qui a travaillé depuis des années au sein de l'entreprise souvent dans des tâches polyvalentes, ça devient extrêmement plus complexe de réaliser l'exercice.
Alors, dans ce contexte-là, Mme la Présidente, on se dit qu'avant de voir dans quelle mesure la loi pourrait être révisée ou même de voir la portée de la loi étendue ou quoi que ce soit il faut la revoir dans le sens des problématiques que ça pose pour les petits entrepreneurs, les petites entreprises, alors qu'on sait très bien que ce sont elles qui se sont possiblement moins conformées à la loi depuis son entrée en vigueur.
Et ça, c'est, disons, la première portion, en amont. Maintenant. En aval, il y a la question du maintien. La question du maintien est extrêmement importante en général, je dirais, mais, pour les PME, encore davantage. C'est un défi de taille pour les petites entreprises que le maintien de l'équité salariale.
Bon. Comme vous savez, Mme la Présidente, la loi précise que le dirigeant de PME a le devoir de s'assurer qu'aucun écart salarial dû à la discrimination systémique fondée sur le sexe soit réintroduit dans l'entreprise, là, à la suite de changements ou de modifications aux emplois existants. L'énorme fardeau de cette disposition, voire, je dirais même, son inapplicabilité dans les PME, va apparaître de plus et plus évident au fur et à mesure que la pénurie de main-d'oeuvre va se faire sentir.
Dans sa définition actuelle, la loi semble considérer que tout biais provenant d'un changement à la structure de rémunération est sexiste, peu importe qu'il soit justifié ou acceptable en raison des circonstances. Par exemple, dans le cas d'emplois où il n'y a à peu près personne de disponible sur le marché, des employés qui sont difficiles à dénicher, à partir du moment où on doit aller chercher ces employés-là et qu'on doit introduire un biais dans la rémunération, est-ce que ça signifie qu'on vient d'introduire un biais sexiste? L'économie de la loi semble vouloir le dire. Ça pose un problème fondamental pour les PME. Et le fait que, dans le rapport du ministre, on propose un maintien de l'équité selon une périodicité convenable, ça ne change rien au fond du problème. Le marché du travail est dans un équilibre précaire. Les entreprises doivent s'adapter à la réalité et une réalité qu'ils ne contrôlent pas, qui est souvent extérieure à leur entreprise, et ça a un impact sur la rémunération, sur la structure de la rémunération.
Il y a tout l'autre aussi phénomène de la question des nouvelles pratiques en rémunération, hein, boni à la performance, bon, etc. Tout ça est difficilement pris en compte par la loi. Et ce sont des pratiques qui sont utilisées de plus en plus dans toutes les entreprises, peu importe la taille d'ailleurs, mais aussi dans les PME.
Alors, dans un contexte qui est de plus en plus concurrentiel, comme je disais, on doit modifier nos méthodes non pas basé sur le sexe, mais basé sur la valeur sur le marché du travail d'un employé, qu'il soit féminin ou masculin. Évidemment, comme je disais, ça pourrait introduire un biais, mais, pour comprendre comment adresser cette problématique-là, il faut à notre avis revoir la notion de maintien de l'équité salariale. Par exemple, est-ce qu'on désigne par le maintien, O.K., le maintien de pratiques respectueuses du droit à l'équité salariale, un peu comme, par exemple, si l'équité était plutôt un droit qui est inscrit dans la Charte des droits et libertés, ou vise-t-on plutôt, par «maintien», le maintien permanent ou périodique d'une démarche d'équité salariale pour les femmes en... en fait une démarche d'équité salariale? Et la question qui se pose ici, O.K., qui est fondamentale, dans le cas du maintien, et à laquelle d'ailleurs je n'ai pas non plus nécessairement de réponse directe, là, c'est: Qu'est-ce que c'est que le maintien ici? Est-ce qu'on pose ici la question du droit à l'équité salariale pour les femmes ou on pose la question du droit à l'exercice de l'équité? Or, la nuance est assez significative.
On est d'avis que les intentions du législateur à l'époque, lors de l'adoption de la loi, étaient tout à fait dans le sens du droit à l'équité, mais pas nécessairement du droit au maintien à perpétuité d'un exercice d'équité salariale qui, à sa face même, pour les PME, ne serait pas loin d'un cauchemar bureaucratique. La logique du maintien est sans doute inébranlable pour plusieurs, et même théoriquement on serait prêts à le reconnaître, mais, dans le plan pratico-pratique, sans doute intenable pour les PME.
Finalement, avant de conclure, Mme la Présidente, j'aimerais aborder rapidement la question du rôle de la Commission de l'équité salariale. En fait, les pistes de réflexion qui sont proposées dans le rapport du ministre sont à notre avis tendancieuses puisqu'on y propose d'élargir les pouvoirs de la commission, alors qu'à notre avis elle a tous les pouvoirs dont elle a besoin, et même, je dirais même, plus de pouvoirs qu'elle devrait en avoir.
La réalité de la loi... Tant que les mécanismes de la loi, pardon, ne sont pas adaptés aux PME, ça va être assez difficile de voir dans quelle mesure on peut élargir les pouvoirs de la commission, dans quelle mesure un élargissement de ces pouvoirs-là par exemple décisionnels pourrait permettre une meilleure atteinte des objectifs, c'est-à-dire que les entreprises de 10 à 49 s'y conforment.
Donc, évidemment, dans ce contexte-là, accorder plus de pouvoirs à la commission n'aurait certainement pas pour effet d'accroître le sentiment de confiance des employeurs à l'égard de la commission. Le fait que la commission soit juge et partie n'est pas étranger à cela. Comment croire qu'un employeur soit à l'aise d'ouvrir ses livres à la commission dans son rôle de promotion et d'assistance à la réalisation d'objectifs d'équité, alors que la même commission a le pouvoir de porter plainte contre l'employeur de sa propre initiative ou à tout le moins de juger d'une plainte qui pourrait être portée contre lui par un salarié qui ne serait pas satisfait de l'exercice qui aurait été réalisé?
La Présidente (Mme Gonthier): En conclusion, s'il vous plaît, en conclusion.
M. Prévost (Simon): Donc, la commission, dans ce sens-là, ne peut être biaisée qu'en faveur des salariés au détriment des employeurs.
Donc, finalement, en conclusion, je pense qu'il y a une grande réflexion, et, à la FCEI, c'est ce qu'on croit, qu'il y a une grande réflexion qui doit être faite sur la manière dont la loi fonctionne, la façon de l'appliquer plus facilement, et aussi des questions fondamentales de maintien et de rôle de la commission. Et, dans ce sens-là, vous trouverez une série de recommandations, là, qui peuvent baliser un peu cet exercice de réflexion: notamment trouver des outils simples pour les PME, et puis permettre, par exemple, que des modifications à la structure salariale puissent être introduites en fonction d'un contexte particulier sans qu'on juge qu'elles soient sexistes; revoir l'interprétation à donner au maintien de l'équité salariale; et, finalement, restreindre les pouvoirs de la commission pour qu'elle se concentre sur sa mission de promotion de l'équité salariale et d'information auprès des employés et des salariés. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Gonthier): Merci beaucoup. La parole est maintenant au ministre du Travail.
M. Whissell: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, Mme Azoulay, M. Prévost, merci de votre présentation. Première question, M. Prévost. Vous avez un registre des entreprises que vous représentez. Avez-vous sondé voir quelle proportion des entreprises qui sont membres de votre fédération ont réalisé, à tout le moins, l'équité salariale?
La Présidente (Mme Gonthier): C'est à vous...
M. Prévost (Simon): Alors, le dernier sondage qu'on avait, à cet égard-là, Mme la Présidente, c'est un sondage qui date de 2005, et évidemment ça évolue en fonction de la taille de l'entreprise. Pour les 10 à 49, à cette époque-là, on avait 40 % environ de nos membres qui l'avaient réalisée. Et, globalement, dans l'ensemble, là, c'était 55 % des membres. Parce qu'évidemment, quand on allait dans le 50 à 99 ou les 100 et plus, là, la proportion était beaucoup plus importante, là. Donc, au total...
Alors, écoutez, Mme la Présidente, j'aimerais faire un petit retour sur ma réponse. Il paraît que, dans ma formation, je n'ai pas appris à lire un tableau. Donc, en réalité, c'est 60 % des 10 à 49 qui l'auraient fait. Et, globalement, quand on regarde les autres pourcentages pour les plus grosses, là, ça tourne autour du 85 %, 86 %.
M. Whissell: Mais est-ce que c'est en regard à l'application de la loi ou qu'ils ont fait un exercice de relativité salariale à l'interne?
n(14 h 20)nM. Prévost (Simon): Bien, je vous dirais que c'est assez évident, du point de vue d'un propriétaire de PME, que, dans ce cas-là, c'est en fonction de l'application de la loi, parce qu'à sa face même, avec les difficultés que ça représente, là, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de propriétaires de PME qui auraient fait un exercice, disons, organisé d'équité salariale. Mais, à la fin du processus, ce qu'il est intéressant de noter quand même, c'est qu'on a regardé les ajustements, et, dans le cas de nos membres, l'ajustement était minime, là, qui était beaucoup plus faible en moyenne que la moyenne même des données de la commission, là, ou qui sont reprises dans le rapport du ministre. Donc, nous, les ajustements sont de 1 % à 2 % en moyenne chez nos membres. Donc, ça signifie que, malgré le fait qu'ils aient ou pas fait d'exercice d'équité salariale, il n'y avait pas de biais important.
M. Whissell: Vous dites qu'il y en a la moitié qui ont réalisé l'équité salariale en vertu de la loi, c'est ça?
M. Prévost (Simon): Oui, en fait un peu plus que la moitié, 60 %.
M. Whissell: O.K. Puis pourquoi l'autre moitié ne l'a pas fait?
M. Prévost (Simon): Bien, Mme la Présidente, les raisons pour lesquelles il y a certaines PME qui ne se sont pas conformées peuvent être multiples. Là, je vous ai fait ressortir, dans ma présentation, un bon nombre de difficultés pratico-pratiques. Dans notre mémoire, il y a plus de détails encore sur les difficultés qui sont vécues de manière courante par les propriétaires de PME, et je dirais, Mme la Présidente, ce qu'il est intéressant de noter, c'est que... En tout cas, il y a une règle du pouce à la FCEI, hein? Quand une législation, une réglementation génère la création de toute une industrie de la consultation, comme ça a été le cas dans le cas de l'équité salariale, ça veut dire que la législation ou la réglementation est trop complexe, il faut la simplifier, et c'est ce qu'on a constaté. C'est qu'effectivement, un, c'est coûteux; deux, la plupart des entreprises ont dû avoir recours à des consultants pour passer à travers. Et donc ça, ça peut être une des raisons, les difficultés que j'ai mentionnées en long et en large, le coût qui est occasionné par ça, mais aussi, il faut le dire, un manque d'information par rapport à leurs obligations. Donc, il y a encore du travail, je dirais, de communication à faire auprès des plus petites entreprises, là, pour qu'elles se conforment à la loi.
M. Whissell: Ce matin, on avait l'occasion d'entendre des consultants et on leur a posé la question, pour une PME de 10 à 49 employés, quel était le coût de réaliser un premier exercice d'équité salariale. On nous disait entre 5 000 $ et 10 000 $ par entreprise. Est-ce que c'est des figures qui vous semblent réalistes?
M. Prévost (Simon): Bien, écoutez, nous, les données qu'on a, ça tourne autour de ça, peut-être plus près du 5 000 $ en moyenne que du 10 000 $, mais, encore là, c'est... Évidemment, c'est une fourchette, hein? Disons que, pour nous, ce ne sont pas des données, Mme la Présidente, qui sont extrêmement nouvelles, là, ça ressemble aux données qu'on a entendues.
M. Whissell: Alors, vous nous dites que, bon, il y a un coût relativement peu élevé, on va s'entendre, 5 000 $ à 10 000 $, et également vous nous dites qu'il y en a la moitié qui l'ont réalisé. À votre connaissance, est-ce qu'il y a des entreprises qui ont fermé ou qui ont cessé leurs opérations parce qu'ils avaient réalisé leur exercice d'équité salariale?
M. Prévost (Simon): En fait, je ne pourrais pas répondre à la question du ministre, Mme la Présidente, tout simplement parce qu'à partir... si ça avait été le cas, elles ne seraient plus là pour me le dire. Donc, effectivement, bon, blague à part, je n'ai pas cette information-là.
Ce qu'il faut savoir, là, c'est que... et ce n'est pas... La question du coût initial est importante. À partir du moment... D'abord, soit dit en passant, un propriétaire de PME, je comprends, là, qu'on peut peut-être toujours trouver un 5 000 $ à 10 000 $ dans un bas de laine, en quelque part, là, mais ce n'est quand même pas complètement négligeable pour une entreprise. Ceci dit, de là à la mettre en faillite, je pense que ça serait exagéré de le croire, mais il faut ajouter à ces coûts-là ? parce que ça c'est un coût direct ? les dizaines et dizaines d'heures passées, le dirigeant d'entreprise avec le consultant, pour voir à comprendre l'exercice, parce que le consultant ne peut pas faire ça tout seul, là. Donc, il y a des coûts de conformité qui dépassent largement le coût direct du consultant.
D'autre part, ce n'est pas juste ça. Quand on introduit la question du maintien ? puis c'est pour ça que j'ai insisté là-dessus tantôt ? ça aussi, ça a un coût. Si effectivement le maintien devait être vu dans une application rigide, eh bien, c'est un peu comme le jour de la Marmotte, Mme la Présidente, c'est-à-dire qu'à intervalles réguliers il faut refaire l'exercice et puis avec les coûts qui y sont associés.
Et aussi ça peut introduire une rigidité dans la façon même de gérer ses ressources humaines par la suite, si, par exemple, encore une fois, dans le cas que je mentionnais tantôt, on devait réagir à la nécessité d'engager quelqu'un qui occupe une profession assez rare sur le marché et devoir le payer substantiellement plus. Par exemple, un cas concret: Si je réalise l'exercice d'équité salariale dans mon entreprise puis je me rends compte que le soudeur, qui est un emploi à prédominance masculine, et la commis aux vente, par exemple, qui est un emploi à prédominance féminine, seraient équivalents et donc je rémunère chacun 15,00 $ de l'heure ? et ça, j'ai fait l'exercice il y a trois ans ? le marché maintenant a considérablement changé pour les soudeurs, si je devais devoir en chercher un rapidement, par exemple, mon soudeur vient de quitter puis j'en ai besoin d'un autre et que le marché, dans les environs, c'est rendu 18 $ ou 19 $ de l'heure pour ce même employé là, qu'est-ce que ça signifie pour l'entrepreneur? Alors, il va payer ça, puis après ça il va se dire: Je suis obligé de tout revoir ma structure salariale, parce qu'il va falloir que l'emploi équivalent à prédominance féminine soit ajusté en conséquence.
Alors, non seulement c'est une rigidité; sur le plan purement économique, ça ne ferait aucun sens dans le sens que ça ne tient pas compte de la réalité du marché du travail. Parce qu'il y a des éléments extérieurs qui ne sont pas du tout liés à un biais sexiste, c'est-à-dire qu'il y a un métier où il n'y a à peu près personne qui se forme et il y a d'autres métiers où la main-d'oeuvre est disponible largement.
Alors, je n'ai pas de réponse à cette question-là, mais forcément, je veux dire, on a une problématique où la loi introduit une rigidité qui ne permet pas à un employeur de s'ajuster à la réalité du marché du travail. Mme la Présidente, M. le ministre m'amène sur des questions de coûts directs, c'est vrai que ce n'est pas négligeable, et les coûts de conformité qui sont cachés, qui sont aussi importants, mais c'est beaucoup plus que ça, la difficulté et même éventuellement le coût pour une entreprise, là, de petite taille de se conformer au maintien notamment.
M. Whissell: Une dernière question, Mme la Présidente, avant de céder la parole à mes collègues. Vous remettez en cause la présence de la loi. Vous dites: Pour le maintien, il y aurait peut-être lieu de penser à revenir à la charte. Comment pouvez-vous penser vous rendre à un tel point, alors qu'avec une charte, avec une loi, à peine 50 % des entreprises l'ont réalisé? Est-ce qu'on peut penser vraiment que, juste avec la charte, les entreprises auraient assez d'obligations pour la maintenir ou, à tout le moins, la faire, s'ils ne l'ont pas déjà faite? Et également, pour vous entendre également sur l'aspect où il y aurait seulement la charte, toutes les contestations seraient gérées comment, dans le fond? Parce que, là, il n'y aurait plus une commission, il n'y aurait plus un organisme pour prendre les plaintes des plaignants, des plaignantes? Alors, comment, dans votre monde, on pourrait tendre vers l'équité alors qu'il y aurait simplement la charte?
M. Prévost (Simon): D'abord, Mme la Présidente, j'aimerais, j'aimerais simplement ramener les choses dans une juste proportion, là. M. le ministre va plus loin que ce qu'on propose nous-mêmes, là, et c'est une piste qui est, je dirais, au mieux, évoquée, là, dans notre mémoire, à savoir de ramener ça à la commission. Ceci dit, ce n'est pas une... on l'évoque quand même. Maintenant, c'est clair qu'il faudrait que ça se... ça ne peut pas se faire maintenant, ça va se faire au moment où on aura réussi à faire en sorte qu'une très forte majorité d'entreprises se soient conformées à la loi, ce, dans un premier temps. Deuxièmement, la charte elle-même, donc effectivement il y aurait eu un exercice, il va falloir que l'exercice soit complété avant qu'on puisse éventuellement penser ramener ça à la charte.
Ceci étant dit, la charte, ce n'est pas négligeable, Mme la Présidente. Il y a un autre ministre qui est en train de proposer une modification à la charte, que tout le monde applaudit à l'heure actuelle. Je ne vois pas pourquoi... Et, dans ce sens-là, le fait de reconnaître, par exemple, l'équité salariale dans la Charte des droits et liberté, c'est à notre avis extrêmement puissant et ce n'est pas anodin, et maintenant il faut que ça se fasse une fois que l'exercice est fait. Et, deuxièmement, il existe une Commission des droits de la personne qui reçoit les plaintes en principe en vertu de la charte et pourrait le faire.
Mais, ceci dit, il y a d'autres mécanisme puis il y a toutes sortes d'autres options. Nous, on évoque des possibilités simplement en faisant référence aux difficultés intrinsèques que l'économie de la loi pose pour les PME. Parce qu'il faut que je le rappelle, en terminant, que cette loi-là, quand on la lit, quand on la regarde, c'est évident qu'elle a été conçue pour des grandes organisations essentiellement syndiquées dont les postes sont extrêmement bien déterminés par convention collective, que ce soient gouvernementales ou autres. C'est évident que la loi s'attaquait à ça d'abord et avant tout. Et, à sa face même, maintenant, c'est très compliqué de l'adapter à une réalité de petites entreprises, et c'est ce qu'il va falloir faire, d'une manière ou d'une autre, si on veut que ça se réalise, l'équité.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de Viau.
M. Dubourg: Merci, Mme la Présidente. Bon après-midi, bienvenue à notre commission. M. Prévost, à la page 7 de votre rapport, vous présentez un certain nombre d'irritants liés à la nature même des PME, bon, par rapport à cette loi-là. Vous parlez de structure salariale, qu'il n'existe pas de bassin, tout ça. Bien, vous n'êtes pas sans savoir que, bon, l'objet de cette loi-là, ce n'est pas d'augmenter le fardeau administratif des petites et moyennes entreprises. Vous le savez, on parle d'équité, qu'il y a une discrimination qu'on souhaite corriger. Est-ce que, vous, dans vos réflexions, est-ce que vous avez déjà pensé à des pistes de solution qui pourraient aider ces petites entreprises là à se conformer à la loi?
n(14 h 30)nM. Prévost (Simon): Disons que c'est un chantier en soi, hein, ce que vous me... En fait, ce que M. le député aborde, Mme la Présidente, c'est un chantier en soi. Et je peux vous dire que, nous, en tant que tels, on n'est pas arrivés ici avec une solution clés en main.
Ce qu'on a fait ressortir, c'est ce qui était problématique. Par exemple, quand on aborde la question du maintien, c'est évident que, s'il y avait une définition ou même si on allait plus loin puis on poussait la logique, là, d'amener l'équité salariale comme un droit fondamental de la charte et une fois que l'exercice aurait été réalisé dans la plupart des entreprises, bien ça, en soi, c'est un irritant, en tout cas, comme on dit, un irritant futur qui disparaîtrait. Ceci dit, ça ne change rien aux irritants originaux, là, c'est-à-dire faire un premier exercice, là, dans la nature de la chose.
Alors, je pense qu'il faudrait décortiquer chacune des étapes, s'assurer de voir qu'effectivement on pense à l'employé en termes d'un être humain et non pas en termes de quelqu'un qui occupe une fonction de travail. Je ne sais pas comment on peut travailler la loi, honnêtement, il faudrait s'asseoir avec des spécialistes et des juristes. Mais je pense que le noeud du problème, c'est de la façon dont on définit les emplois, les fonctions de travail et l'espèce de dichotomie avec une réalité des PME où ça ne se fait pas comme ça pour de bonnes raisons et aussi où la polyvalence est à peu près fondamentale. Donc, il va falloir qu'on puisse, d'une manière ou d'une autre, associer des principes de l'équité ? encore une fois, je le répète, avec lesquels on n'est pas en désaccord, mais loin de là ? avec des principes économiques.
Alors là, il faudrait mettre ça dans un blender, mélanger et voir ce qui va en sortir. Mais c'est clair que pour l'instant on a une loi qui, dans ses intentions très louables, dans son application, pour des petites organisations est difficilement applicable et aussi qui n'évolue pas avec l'évolution économique et du contexte économique dans lequel évoluent les plus petits joueurs, les plus petites entreprises, et même, je dirais, les plus grandes entreprises. Mais en tout cas ça, ce n'est pas à moi de les défendre, là. Mais il reste qu'il y a une difficulté fondamentale là. Si on pouvait trouver une façon de régler cet aspect-là, de trouver une façon d'appliquer la loi dans le respect de la situation, de la précarité dans laquelle vivent les PME, je pense qu'on aurait certainement, à la fin, un processus beaucoup plus simple.
M. Dubourg: Donc, si je comprends bien, si on prend les entreprises de 10 employés et plus, la loi telle qu'elle est, vous semblez être en accord avec ce qu'il y a dans la loi, c'est-à-dire que ce soient les mesures de vérification... Mais, quand vous prenez les plus petites entreprises, là... il y a un facteur économique qui vous fait dire qu'on devrait exclure les petites entreprises, là, à cette loi-là.
M. Prévost (Simon): D'abord, ce n'est pas ce que j'ai dit, Mme la Présidente. Alors, je n'ai jamais, en aucun temps, mentionné qu'on devrait exclure les 10-49. D'ailleurs, soit dit en passant, on a posé la question à nos membres, et eux-mêmes, dans les 10-49, il y a une majorité d'entreprises qui ne veut pas, qui ne désire pas que la loi soit éliminée.
Ce qu'on a toujours dit, c'est que c'est un continuum, hein? Si on part à 10, puis déjà on est rendus à 45, ce n'est pas exactement pareil. Puis, à un moment donné, ça devient arbitraire un peu parce qu'entre 48 puis 52, là... Mais c'est sûr qu'il faut mettre une limite quelque part. Mais il reste que c'est un continuum. Et effectivement la manière dont les entreprises fonctionnent, et même, je dirais, quand on a 15 employés, c'est clair que la polyvalence est beaucoup plus importante dans la définition des tâches que lorsqu'on en a 55. Et, dans ce sens-là, encore une fois, je n'ai pas une solution toute faite. Mais c'est clair et net qu'il y a une rigidité dans la loi qui rebute les employeurs et qui rend l'exercice difficile. Même si ça ne les rebute pas nécessairement, ça rend l'exercice extrêmement compliqué. Et c'est une des raisons pour lesquelles il y en a encore un bon nombre qui ne se sont pas conformés. Mais, comme je disais, il y a aussi la question de l'information de base.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de LaFontaine, je pense.
M. Tomassi: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Prévost, Mme Azoulay, merci d'être ici. Puis je voudrais peut-être revenir à la discussion que vous avez eue avec le ministre tantôt concernant la charte. Et, avant le dîner, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve a eu une discussion avec le groupe qui vous précédait, le CIAFM...
Une voix: FT.
M. Tomassi: ...FT, excusez, qui est venu nous parler jusqu'à la limite, là, que la Charte canadienne des droits reconnaît cette question d'équité en termes de salaires. Et la limite, eux autres disaient... et Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, et les dames qui étaient assises à votre place sont venues le dire aussi, c'est difficile d'application. Pourquoi? Parce que c'est un juge qui devra trancher. Et, d'un côté, au Québec, on a la Commission de l'équité salariale qui entre en jeu et qui fait un suivi, de l'autre côté, c'est les juristes. En réalité, là... Puis je ne suis pas juriste, là, puis des fois je me compte chanceux, puis des fois moins chanceux. Mais le fait est de dire: Quand qu'on embarque dans la procédure judiciaire, les délais peuvent être très longs. Les coûts rattachés à ces délais-là sont énormes. Et ces coûts-là, ce n'est pas M. et Mme Tout-le-monde qui vont en défrayer les coûts, là. L'entreprise qui est obligée d'engager une firme d'avocats pour faire le suivi de ce dossier en cour, qui peuvent prendre plusieurs années, il y a un coût qui est...
La Présidente (Mme Gonthier): En conclusion, M. le député.
M. Tomassi: Oui. Il y a un coût qui est rattaché à ça. Dans les deux sens, je me dis, moi, il y a un coût que l'entreprise doit supporter. Vous ne pensez pas que le coût qu'on impose ou qui est imposé par l'entremise de la loi québécoise est à la limite... on donne, un, un résultat beaucoup plus concret, et, de deux, les coûts associés à cette démarche-là sont beaucoup moindres que ceux que d'autres entreprises, encore aujourd'hui, subissent...
La Présidente (Mme Gonthier): Merci. Merci. Malheureusement, le temps est écoulé. Je suis désolée. Alors, j'inviterais M. le député de Terrebonne.
M. Therrien: Merci, Mme la Présidente. Bon après-midi à vous deux. Dans un premier temps, à la page 3 de votre mémoire, j'aimerais faire un lien. Parce qu'il y a beaucoup de mémoires où est-ce qu'on a porté attention... et le fameux débat des 10 employés et moins revient. Et, à la lecture de votre mémoire... Et je vous crois, puis je suis quand même assez sûr que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve va vous appuyer parce que, si je cite ses paroles lors de l'étude détaillée de l'article par article du projet de loi n° 35, «il serait abusif d'imposer à ces entreprises de moins de 10 salariés une obligation par la loi». Je crois que j'aimerais vous entendre à ce niveau-là. Vous, qu'est-ce que vous pensez? Est-ce qu'il serait possible... une application à 10 employés et moins? Si oui, pourquoi? Et, sinon, le pourquoi et les raisons qui seraient... que ça alourdirait le système où est-ce que ce serait possible.
M. Prévost (Simon): Alors, écoutez, d'abord, je m'excuse de vous voler exactement 10 secondes de votre temps, là, mais, pour répondre à l'intervention précédente, là, je veux simplement dire que, dans un cas, c'est un coût certain, c'est-à-dire la façon dont le système fonctionne actuellement, versus un coût incertain, qui est peut-être élevé mais qui n'est pas... En clair, il n'y aura pas des... si on fait le maintien tel que prévu à l'heure actuelle, c'est sûr qu'il y a un coût puis il est régulier pour les entreprises. Les contestations devant la charte, c'est un coût incertain, disons.
Bon. Ceci dit, pour ce qui est de la question des 10 employés ou moins, c'est évident que, pour nous, ce n'est pas quelque chose qui est envisageable. Je pense que le législateur l'avait bien évalué à l'époque, que c'était une difficulté considérable, la manière dont les entreprises sont structurées, d'imposer un exercice d'équité salariale pour les 10 et moins. Et je pense avoir été, en tout cas j'espère, au moins clair, sinon convaincant, là, en vous mentionnant les difficultés d'application même pour les entreprises un peu plus grosses. Donc, pour nous, encore une fois la législation ou toute législation peut avoir des intentions nobles. À partir du moment où ça a des effets indésirables, il faut se poser des questions. Clairement, pour les 10 et moins, ça deviendrait quelque chose pas loin d'un cauchemar, là. Je pense que ça serait très difficile d'application. Et, avant qu'on soit en mesure de s'assurer qu'une entreprise de 10 employés ou moins applique une telle législation, là, en tout cas ça assurerait, au moins dans son premier rôle, là, qui est d'information et d'accompagnement, là, une très longue vie à la Commission d'équité salariale, il n'y a pas de doute, parce que ça n'en finirait pas.
M. Therrien: Merci. Dans le contexte actuel économique présentement que l'on commence à vivre et que l'on prévoit dans les prochaines années donc de pénurie de main-d'oeuvre dans différents milieux et où on va avoir de plus en plus besoin d'une main-d'oeuvre qui va être polyvalente, est-ce que vous pensez que ça peut influencer l'application d'une telle loi si on ressert les critères d'admissibilité?
n(14 h 40)nM. Prévost (Simon): Bien, je vais revenir sur ce que j'ai dit tantôt, mais je pense que c'est évident puis je pense qu'il y avait une très grande problématique au sein de grandes organisations au Québec lorsqu'on a adopté cette loi-là et que, d'abord et avant tout, même si on avait quand même considéré la question des plus petits, là, pour ne pas leur imposer un fardeau trop grand, d'abord et avant tout, on s'attardait à une structure d'entreprise où chaque poste est très bien défini, conventionné, et là la loi évidemment est beaucoup plus simple d'application, dans ce cas-là.
Et qu'est-ce qui s'est passé depuis 10 ans sur le marché du travail? Sans faire un énoncé d'histoire économique, la pénurie de main-d'oeuvre est un phénomène assez récent, un phénomène qui, avec l'évolution démographique, ne va pas aller en se résorbant. Nous, pour juste illustrer la chose, il y a 10 ans on posait la question à nos membres: Quelles sont vos priorités? Et la pénurie de main-d'oeuvre, là, ce n'était même pas dans les 10 premières priorités des entreprises. Il y a cinq ans, on a commencé à la voir apparaître, et maintenant, de manière régulière depuis trois ans, c'est dans le top trois des priorités de nos membres. Ça, pénurie de main-d'oeuvre, ça signifie encore davantage de polyvalence dans les entreprises, mais ça signifie des problématiques, comme je le mentionnais, quand on parle du maintien. Il y a une évolution du marché du travail qui est liée simplement à une bête situation d'offre et de demande, hein? L'offre et la demande, ça n'a pas de biais systémique, là, cette affaire-là. Et cette bête situation là fait en sorte que ça devient extrêmement compliqué d'assurer le maintien, et, un, coûteux ou, deux, compliqué, à tout le moins.
M. Therrien: Vous parlez de complexité à plusieurs occasions dans votre mémoire au niveau de l'application de la loi. Qu'est-ce qui vous apparaît, vous, le plus complexe? Et quelle serait votre priorité pour un allégement, si on parle, là, dans l'immédiat?
M. Prévost (Simon): Bien, je vais être obligé de répondre un peu comme j'ai répondu tantôt, c'est-à-dire que, pour nous, la principale préoccupation, évidemment c'est la question de comment on définit un emploi, donc des descriptions de tâches, l'identification des catégories d'emploi. Tout ça, ce sont des problématiques qui sont... C'est tout un corpus, là. Je pense que, si on s'assoyait puis on regardait comment la structure proposée dans la loi aborde la question de la définition des tâches puis des fonctions de travail au sein de l'entreprise, je pense qu'on aurait là évidemment... C'est le noeud du problème pour une PME, donc on aurait, encore là, probablement ces... Ma réponse, dans le fond c'est: Voici ce à quoi il faut s'attaquer. Je n'ai pas de réponse qui dit: Voici exactement comment on doit s'y prendre. Mais, encore là, moi, ce que je comprends, d'une part, de la consultation qu'on tient aujourd'hui et aussi, je dirais, de l'ouverture généralement manifestée par la commission, l'idée ici, c'est de discuter évidemment des problématiques pour pouvoir ensuite, peut-être, éventuellement, dans un groupe de travail... Parce que ce serait peut-être une situation intéressante de partir de ça et de voir, d'aller chercher un groupe de travail qui va vraiment creuser ça, trouver des solutions aux problématiques qui sont soulevées.
M. Therrien: Merci.
La Présidente (Mme Gonthier): Mme la députée de Groulx, s'il vous plaît.
Mme Lapointe (Groulx): Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Bienvenue. C'est avec plaisir qu'on vous voit aujourd'hui représenter les PME. Je suis sensible à ce que les PME vivent. Puis, quand tantôt on a discuté un petit peu, quand vous parliez, dans vos conclusions... quand on parle de la commission qui est juge et partie, pour vous ça faisait un problème. J'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus.
M. Prévost (Simon): Bon. Je sais très bien, Mme la Présidente, que cette notion-là ne fait pas l'unanimité, en tout cas, certainement pas à la Commission de l'équité salariale, mais d'autres intervenants aussi ne sont pas sensibles à ça. À sa face même... D'ailleurs, j'ai expliqué un peu, là, c'était quoi, la problématique. À partir du moment où non seulement on doit aider, accompagner et informer les entreprises de leurs obligations et comment réaliser l'équité salariale, mais en même temps, du même souffle, on peut inciter... porter plainte, et éventuellement on va se retrouver face à l'entreprise dans un processus où on accompagne une salariée qui serait mécontente, et éventuellement on aurait un pouvoir décisionnel, c'est clair que, là, on est des deux côtés de la clôture en même temps. Et, si on sortait du contexte de l'équité salariale et qu'on regardait ça dans un contexte simplement de gouvernance de base, fondamentale, même dans notre société démocratique, c'est quelque chose qui apparaît assez incongru. Puis on ne voit pas pourquoi, nous, c'est largement accepté en tout cas par bien des intervenants dans le cas de la Commission de l'équité salariale, alors que ça ne l'est pas dans bien d'autres situations. Et ça ne l'est pas non plus, soit dit en passant, dans le monde des entreprises, et ça rend évidemment les entrepreneurs encore plus circonspects, disons, face à cette situation-là, disons. À tout le moins, ils se posent des questions.
Mme Lapointe (Groulx): Donc, si je comprends bien, vous sépareriez ça, vous souhaiteriez voir ça séparé.
M. Prévost (Simon): Bien, nous, je pense que ce qui est évident... Puis le rôle le plus important pour la commission, à notre avis c'est son rôle d'accompagnement puis d'information, un rôle qu'elle joue à merveille. Et, d'autre part, pour tout ce qui est pouvoir décisionnel, on pense qu'indépendamment, là, des questions de renvoi à la charte, là... Je pense qu'il y a d'autres outils au Québec, que ce soit la Commission des relations du travail... Ça peut être une option, mais il peut y avoir d'autres forums pour entendre les plaintes et d'autres instances décisionnelles qui rendraient des décisions à cet égard-là.
Mme Lapointe (Groulx): Merci. Puis tantôt vous reveniez un peu sur ce que vous aimeriez voir la commission être centrée... Vous venez de l'effleurer un peu. En votre conclusion, vous disiez: Faire la promotion de l'équité salariale auprès des petites entreprises. Qu'est-ce que ça veut dire pour vous? S'assurer que... Quelle sorte d'information souhaiteraient avoir les petites entreprises pour les accompagner, pour que ce soit plus facile pour elles?
M. Prévost (Simon): Bien, d'abord, dans un premier temps, comme je le disais, il y a des concepts qui sont difficiles à comprendre. Tout ça, il faut que ça se fasse de manière concurrente, soit dit en passant. Parce que, si on ne change absolument rien à la loi, on aura beau informer, les difficultés fondamentales d'application vont demeurer. Ceci dit, c'est mieux d'être informé face à des difficultés importantes que d'être mal informé. Donc, ça ne manque pas d'intérêt qu'on informe bien les entreprises, même si la loi n'est pas modifiée dans le sens d'une application plus facile pour les plus petits joueurs.
Ceci dit, ce rôle-là, c'est effectivement de faire bien comprendre aux entreprises dans le fond quel est le principe d'équité salariale, et je pense qu'il y a encore du travail à faire à ce niveau-là. Tantôt, je parlais de difficulté de compréhension entre l'équité puis l'égalité, puis les pommes puis les oranges, etc. Ça a l'air un peu école primaire, là, comme comparaison, mais on est vraiment au ras des pâquerettes, hein, dans le milieu des PME. Et, pour eux, ce qu'ils ont toujours eu en tête, c'est: à travail égal, salaire égal; ce n'est pas: à travail équivalent, salaire égal. Et ça, c'est encore très difficile à comprendre. Je pense qu'il y a du travail à faire à cet égard-là pour bien faire comprendre aussi qu'est-ce qu'on entend par une discrimination systémique et, bon, toutes les notions qui sont fondamentalement à la base même de l'économie de la loi.
Mme Lapointe (Groulx): Bien, merci, ça m'aide beaucoup. Puis vous parliez en même temps ? c'est des outils simples, comme vous disiez ? de trouver des outils simples qui vont aider ces employeurs-là, qui ont une réalité très différente des grandes entreprises et ceux qui sont très structurés. Bien, merci beaucoup.
La Présidente (Mme Gonthier): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais, en mon nom et au nom de mon collègue le député de Jonquière, vous souhaiter la bienvenue, M. Prévost, Mme Azoulay. M. Prévost, il y a longtemps que vous êtes à la FCEI?
M. Prévost (Simon): Ça fait presque deux ans.
Mme Harel: Deux ans. En fait, c'est que je me demandais si vous... Ah! vous n'y étiez pas au moment de l'adoption de la loi. Vous étiez à l'université, j'imagine, à ce moment-là?
M. Prévost (Simon): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve est trop gentille avec moi. Mais non, effectivement je n'étais pas à l'université à ce moment-là. Ceci étant dit, si je peux me permettre d'anticiper un peu sur l'évolution de l'intervention, je pense qu'on peut quand même être relativement bien renseigné sur les motifs et les aspects historiques, là, sous-jacents à l'adoption de la loi.
Mme Harel: Tout à fait. D'ailleurs, je voulais simplement constater une évolution heureuse, une évolution favorable tout au moins au principe du projet de loi sur l'équité salariale. Vous disiez tantôt qu'une majorité de vos membres ne veulent pas que la loi soit éliminée. Et vous rappeliez d'ailleurs en présentation de votre mémoire que la FCEI ne remet pas en cause le bien-fondé de la Loi sur l'équité salariale. Moi, j'ai souvenir il y a 10 ans, Mme la Présidente, du président de la FCEI de l'époque, qui a fait une tournée à travers toutes les régions du Québec en brandissant de manière apocalyptique le coût, qui représentait des milliards, que ça allait représenter pour les entreprises, l'équité salariale. Alors, chaque région, chaque quotidien, chaque hebdo avait sa manchette sur des coûts vraiment... C'est une revue de presse qui éclairait la commission sur cette époque. Ceci dit, je constate avec bonheur, joie que cette époque a changé et que maintenant la FCEI non seulement est en accord avec le principe de la Loi sur l'équité salariale, mais qu'une majorité de ses membres ne voudraient même pas qu'elle soit éliminée.
Alors, première chose étant dite, est-ce que vous pouvez nous signifier, chez vos membres, combien il y en a qui représentent des entreprises de 10 employés et moins, 10 à 49, 49 à 100 et 100 et plus en pourcentage?
M. Prévost (Simon): Bien, écoutez, Mme la Présidente, le pourcentage des membres de la FCEI, c'est le même pourcentage essentiellement... on est comme une image de l'économie du Québec. Donc, essentiellement, 10 et moins, c'est environ 70 % du nombre d'entreprises au Québec, donc c'est à peu près ça. Pour les 10 à 49, là, on parle d'environ 15 %. Bon. Ça évolue, là, d'une année à l'autre, là, mais donc... Et après ça, évidemment, là, les 100 et plus dans le fond, en général c'est un très petit pourcentage du nombre d'entreprises au Québec. C'est différent du pourcentage d'emplois, là, mais en termes de nombre d'entreprises, là... Puis, nous, quand on parle de 50 % l'ont fait, on parle du nombre, là, normalement, là, on n'évalue pas le nombre d'employés sous-jacent.
n(14 h 50)nMme Harel: Peut-être juste... Tantôt, vous remettiez en question les compétences en fait de la Commission de l'équité salariale en regard de ses diverses responsabilités. Vous sembliez en tout cas laisser entendre que c'était inusité. Et vous disiez ? en fait je ne sais si c'était dans la question ou la réponse ? que la commission était juge et partie. Mais, en matière de droit, cela se reproduit très souvent. Prenez la commission des droits et libertés de la personne. Alors, la commission, une fois qu'elle a entendu, par exemple, une plainte, qu'elle l'a jugée, peut décider ou pas de la transférer au Tribunal des droits de la personne et se trouve, à ce moment-là, à la fois à avoir décidé de la plainte et à avoir choisi de la poursuivre.
M. Prévost (Simon): Si je peux me permettre, Mme la Présidente, ce n'est pas exactement le même situation dans la mesure où... Bon. En tout cas, disons qu'on est dans une dynamique différente avec la Loi sur l'équité salariale, où la commission a un rôle carrément d'implantation de la loi, alors qu'il y a quand même une légère distinction avec la Commission des droits de la personne, qui effectivement est le premier organe qui reçoit une plainte quelconque. Mais elle n'est pas... elle ne va pas... Comment dirais-je? Là où le bât blesse, c'est que la Commission de l'équité salariale va devoir, et c'est son rôle, accompagner les entreprises pour faire le processus et du même souffle peut changer de bord et devenir elle-même plaignante. Donc, c'est là que ça devient plus problématique, et je pense que ça fait une distinction par rapport à la situation que vous évoquez.
Mme Harel: Je pense que la commission a aussi un rôle que la loi lui attribue, par exemple pour introduire des programmes d'égalité, si tant est qu'elle constate, disons, une situation systémique de discrimination. Bien, j'en veux à preuve le rapport qui a été rendu public il y a quelques mois sur la question des jeunes Inuits, par exemple, dans le Grand Nord. Mais en fait, moi, ma question ? on revient sur le maintien ? c'est sûr que ce que je reçois comme message, c'est que, oui, il faut se conformer à la loi un temps, mais pas tout le temps. Est-ce que c'est ça, votre message?
M. Prévost (Simon): Non, ce n'est pas le message, mais en fait le message, il est double. Le message est que, même si sur le principe... Et c'est ce que je disais, là, très exactement: Pour certains, l'idée du maintien, ça ne peut pas être remis en cause. Et même je disais que, sur le plan théorique, on peut comprendre pourquoi, à un moment donné, là, ne serait-ce que, tu sais, en termes d'évolution économique, pourquoi l'idée du maintien est intéressante, à savoir, par exemple: si on ne fait pas de maintien, dans 20 ans, après l'évolution normale de l'économie, un certain nombre de nouvelles entreprises puis d'autres entreprises qui auront disparu effectivement, on pourrait se trouver à avoir des entreprises de moins en moins nombreuses en proportion qui auraient fait l'exercice.
Ceci dit, il y a une différence entre le maintien de ceux qui l'ont déjà réalisé et les obligations des nouvelles entreprises qui arrivent. Ça, c'est une chose. Et ça, là-dessus, si on ne met pas en cause le principe de l'équité, on ne peut pas être contre le fait qu'une nouvelle entreprise qui serait dans la catégorie d'entreprise visée doive éventuellement faire un exercice. Ceci dit, une fois qu'on l'a fait une première fois et que les salariés ont été dûment informés du résultat de l'exercice, nous, ce qu'on souligne, c'est que le maintien pose des problèmes, d'abord, sur le plan purement de la conformité réglementaire, deuxièmement, il pose un problème parce qu'il ne tient pas compte de la réalité du marché du travail, donc il est déconnecté de la réalité économique, et, troisièmement, ça devient... ? comment dirais-je? ? on se trouve à avoir une situation où l'entreprise finalement est toujours en train de faire des réajustements salariaux, ou en tout cas à intervalles réguliers, et là à la limite, je dirais, ça devient quasiment... en tout cas ça introduit une autre sorte de discrimination, jusqu'à un certain point, là. Et donc, dans ce sens-là, je n'ai pas la réponse, et ma recommandation, c'était de réexaminer toute la question du maintien parce qu'il y a des problématiques. Comment on va réussir à, je dirais, conserver les objectifs de la loi, hein, parce qu'ultimement l'objectif de la loi, c'est avoir de l'équité salariale, avec une réalité...
Dans le fond, je pense, si on résume le message principal de nos membres, là, c'est qu'ils ne veulent pas nécessairement... ils ne sont pas contre l'équité, ils ne sont pas en train de vouloir faire disparaître la loi.
Ceci dit, juste un petit clin d'oeil sur ce que vous me disiez tantôt sur la tournée d'un de mes prédécesseurs, peut-être qu'effectivement on a démontré de l'ouverture. D'ailleurs, on a travaillé à informer nos membres sur leurs obligations. Ce qui est clair par contre, c'est que les difficultés pour les PME, elles, malgré l'évolution peut-être de notre vision de la chose, elles sont demeurées, elles sont toujours là. Donc, il y aurait peut-être lieu de refaire une autre tournée. Vous venez me donner une bonne idée. Mais, au-delà de ça, blague à part, je pense qu'à la fin le message, c'est que l'équité, c'est important, c'est là pour rester. À l'heure actuelle, ça ne fonctionne pas, dans les PME. Le maintien est un des éléments particulièrement problématiques. Alors, assoyons-nous et trouvons des solutions pour qu'à la fin on ait l'objectif qu'on recherche avec la loi parce qu'actuellement on ne l'atteint pas.
Mme Harel: Alors, s'il n'y a pas une régulation ou un ordonnancement quant au maintien, il y a donc danger du statu quo ante, là, de revenir à la situation antérieure. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il pourrait y avoir des recours collectifs, à ce moment-là?
M. Prévost (Simon): Bon. Écoutez, je ne veux pas me prononcer sur...
Mme Harel: Et on revient au point de départ que décrivait le député...
M. Prévost (Simon): Moi, je pense que c'est une vision, Mme la Présidente, un peu...
Mme Harel: ...de LaFontaine.
M. Prévost (Simon): ...un peu apocalyptique, là. Je pense aussi qu'il ne faut pas négliger l'évolution même de la société québécoise au fil des années. Les gens savent maintenant que ça existe, l'équité. Il y en a qui le savent très concrètement dans leurs comptes de banque. Je pense que les salariés sont très au fait de leurs droits quant à l'équité. Ça m'étonnerait énormément qu'on puisse retourner au statu quo ante dans ce contexte-là. Et, quant à des recours collectifs, là, vraiment, là, je pense que, pour l'instant, c'est de la politique-fiction en fait, là.
Mme Harel: Écoutez, dans un des mémoires qu'on nous a soumis ce matin, on fait référence à cette étude qui a démontré que quatre employeurs sur cinq confirment que, s'il n'y avait pas eu l'obligation dans la loi, ils ne l'auraient pas fait. Alors, je pense que, si on s'était fiés à l'évolution, on n'en serait pas aux résultats même mitigés qu'on obtient maintenant.
Je voulais simplement aussi avoir une idée de la conciliation. Vous savez que c'est une procédure qui a donné des bons résultats. Est-ce que vos membres l'utilisent?
M. Prévost (Simon): Sur la conciliation, non, on n'a pas de donnée là-dessus. Honnêtement, je ne sais pas s'ils l'utilisent ou si ça a fonctionné. Effectivement, les données qu'on a eues, nous aussi, c'était ça, que c'était positif.
Ceci dit, quatre sur cinq ne l'auraient pas fait normalement, je pense que c'est à côté du débat qu'on fait, nous, parce que, que la loi ait existé, qu'on demande à toutes les entreprises de s'y conformer, et même si on poussait plus loin la logique en disant: Il faudrait qu'éventuellement ce soit aussi important que l'égalité des hommes et des femmes puis que ce soit inclus dans la charte, tout ça, ce n'est jamais avant, Mme la Présidente, que l'exercice ait été réalisé. Et donc, dans ce sens-là, on ne remet pas en cause cette idée même de dire qu'à un moment donné, quand il y a une discrimination systémique par exemple, il fallait peut-être qu'il y ait effectivement une législation. Ce qu'on dit, c'est que la législation actuelle n'est pas appropriée. C'est très différent.
La Présidente (Mme Gonthier): M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault: Oui. Merci. Merci, Mme la Présidente. Bon. Vous dites que, sur la question du maintien de l'équité, vous avez une ouverture, là, pour faire le débat, pour revoir l'économie de la loi à cet égard. Ce matin, on a reçu ici le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Et, elles, elles proposent, par exemple, de revoir le maintien de l'équité salariale à tous les quatre ans. Alors, est-ce que c'est, par exemple, une proposition qui pourrait vous sourire?
M. Prévost (Simon): Je ne peux pas me prononcer sur cette proposition-là comme telle. Je dois vous dire que, moi, si c'est le maintien tel qu'il est prévu à l'heure actuelle dans la loi, sans autre analyse, ça ne peut pas être une proposition avec laquelle on va être d'accord. D'ailleurs, c'est écrit dans notre mémoire, à l'effet que ce n'est pas parce qu'il y a une périodicité convenable qui était prévue dans le rapport du ministre qu'on juge que les problèmes de fond ont été réglés. Donc, à cet égard-là, quatre ans, huit ans, six ans, si on n'a pas réfléchi plus fondamentalement à comment on le fait, le maintien, je pense que c'est non pertinent, là, pour nous, de se prononcer sur une périodicité, comme tel.n(15 heures)n
M. Gaudreault: ...j'essaie de trouver ? comment je pourrais dire? ? une piste d'atterrissage, pour reprendre un peu une expression consacrée. Parce que l'objectif de la loi ? vous dites que vous êtes d'accord avec ? est au fond de lutter contre une discrimination systémique en matière d'équité en emploi pour les femmes. Et en même temps je suis conscient de ce que vous dites. C'est que le changement depuis 10 ans, dans le marché du travail, a eu lieu, les conditions ne sont pas les mêmes. Vous faisiez référence à la pénurie de main-d'oeuvre. Alors, comment on peut faire en sorte qu'on ne fasse pas indirectement ce qu'on essaie d'empêcher de faire directement, là, c'est-à-dire de recréer ou de perpétuer cette discrimination systémique à l'égard de l'emploi?
Puis, sur le même sujet ? puis après ça, je vais laisser compléter le temps ? toujours au fait que le marché du travail a évolué depuis 10 ans, par exemple, la situation des femmes immigrantes surtout est très présente dans les petites entreprises de 10 employés et moins. Alors, encore une fois, comment lutter contre cette discrimination systémique à l'égard des femmes dans une situation de changement du monde du travail, donc, mais aussi par rapport surtout aux femmes immigrantes, là, dans les petites entreprises, vous comprenez ce que je veux dire? Alors, j'aimerais essayer de voir quelle piste d'atterrissage nous avons à cet égard pour ne pas faire en sorte que la loi devienne désuète, là.
La Présidente (Mme Morissette): Ça va prendre une très courte réponse aussi.
M. Prévost (Simon): Très courte réponse, ça va faire mon affaire. Alors, bien, l'idée, là, de l'évolution du marché du travail, ce n'est pas l'idée de faire indirectement ce que la loi ne prévoit pas... prévoit, essaie de contrôler. Parce que, si effectivement, là, on a une discrimination systémique, là, ça veut dire que c'est toutes choses étant égales par ailleurs, c'est-à-dire que j'ai autant de soudeurs disponibles que de commis de bureau disponibles, et puis, à ce moment-là, je paie mes soudeurs de manière plus importante que mes commis de bureau. Ou, par exemple, le cas bien connu des journalistes de Radio-Canada, il y en a autant d'un côté féminin que masculin, en général les masculins étaient mieux payés, ça, c'est de la discrimination systémique. Quand le marché du travail introduit une rareté dans une compétence et que cette compétence-là, ça s'adonne qu'elle est de compétence masculine, c'est tout autre chose qu'un biais, qu'une discrimination systémique. Il va falloir résoudre cette équation-là.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup pour la courte réponse. Alors, merci à vous. On va suspendre quelques minutes, le temps de vous saluer puis d'accueillir le groupe suivant.
(Suspension de la séance à 15 h 1)
(Reprise à 15 h 4)
La Présidente (Mme Morissette): Alors, bonjour à l'Ordre des CRHA et des CRIA du Québec. Donc, la façon de fonctionner est que vous allez avoir 15 minutes pour présenter votre mémoire. Ensuite, les groupes parlementaires vous adresseront leurs questions en différents blocs de temps, répartis de façon correspondant aux sièges à l'Assemblée nationale. Donc, c'est plus ou moins 17 minutes pour les députés ministériels et le ministre, 15 minutes pour l'opposition officielle et 13 minutes pour le deuxième groupe d'opposition.
Alors, j'imagine que ça va être M. ? peut-être ? Francoeur qui va débuter. Si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. Vous disposez de 15 minutes.
Ordre des conseillers en ressources humaines et
en relations industrielles agréés du Québec
(Ordre des CRHA et CRIA du Québec)
M. Francoeur (Florent): Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, je vais effectivement me présenter. Florent Francoeur, le président-directeur général de l'Ordre des conseillers en ressources humaines et relations industrielles agréés du Québec, que vous connaissez peut-être sous Ordre des CRHA et CRIA du Québec. Et, pour aujourd'hui, on va parler de l'ordre pour les fins de la présentation.
Alors, permettez-moi d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Alors, j'ai à ma gauche M. Alain Desgagné, qui est président du conseil d'administration de l'ordre et qui est, dans la vraie vie, directeur des ressources humaines à l'Union des producteurs agricoles, l'UPA; également, à ma gauche toujours, M. Jean-François Dallaire, qui est administrateur de l'ordre et qui est vice-président Ressources humaines et formation chez le Groupe Promutuel; et, à ma droite, vous avez Mme Paule De Blois, qui est présidente de notre conseil régional de la région de Québec et qui est vice-présidente Affaires corporatives chez DiagnoCure.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés membres de la commission, alors je vous remercie de nous permettre de vous présenter, aujourd'hui, le point de vue de l'ordre sur le rapport du ministre du Travail sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'équité salariale. Afin de mieux vous situer et très rapidement, j'aimerais d'abord vous dire quelques mots sur l'ordre.
Alors, comme vous le savez, et cela vaut pour les 45 ordres professionnels au Québec, alors nous avons comme mission fondamentale la protection du public. Alors, nous ne sommes pas un organisme patronal ni un organisme syndical. En fait, nous sommes un regroupement professionnel consacré à l'avancement des ressources humaines, et ce, dans l'intérêt du public. Des professionnels, nous en regroupons près de 9 000, dont plus de 7 500 sont agréés puis sont présents dans tous les milieux: entreprises, organismes gouvernementaux, syndicats, universités, cabinets de consultants. Ils exercent bien sûr en relations de travail, en gestion des ressources humaines, mais aussi en rémunération et en formation en entreprise. Alors, nos réflexions sur le rapport et sur les voies de développement qu'il propose reflètent donc le point de vue de ces praticiens de tous les horizons.
Mentionnons d'emblée que nous appuyons entièrement le principe de l'équité salariale. D'ailleurs, bien avant l'entrée en vigueur de la loi en 1996, de nombreux professionnels de la gestion des ressources humaines avaient acquis une expertise pointue en matière de rémunération et d'équité salariale. De son côté, dès que la loi a été adoptée, l'ordre a agi comme relayeur d'information auprès des entreprises, mais surtout comme formateur. Alors, Marie-Thérèse Chicha, qui est ici présente, qui est une experte dans le domaine et que vous entendrez, je crois, tout à l'heure, se souviendra certainement d'avoir participé à la formation de plusieurs centaines de nos membres dans des sessions allant de deux heures à cinq jours.
L'ordre a aussi réalisé diverses actions. Par exemple, en l'an 2000 et en 2001, alors que l'essentiel des démarches pour réaliser l'équité salariale devait être complété, l'ordre a réalisé des sondages sur l'état des travaux sur l'équité salariale. Plus précisément, en octobre 2000, un sondage SOM réalisé pour l'ordre nous disait que 65 % des entreprises disaient avoir commencé les travaux. En 2001, un sondage CROP nous disait que c'était encore 65 % des entreprises qui disaient avoir commencé des travaux. Nous avons alors avisé le gouvernement, et nous avons eu de nombreuses discussions à cet égard, que la principale raison évoquée par les répondants pour ne pas avoir commencé les travaux était le manque d'information. Et nous avons alors offert notre aide. Dans son rapport, le ministre du Travail estime aujourd'hui à 68 % la proportion d'entreprises conformes à la loi. 68 % aujourd'hui, c'est donc à peine plus élevé que ce que nous disaient les deux sondages réalisés en 2000 et 2001. Alors, collectivement, nous croyons qu'il n'y a pas de quoi être fiers.
Plusieurs organisations n'ont donc pas encore amorcé ou terminé leur exercice d'équité salariale. L'ordre croit que la priorité devrait être accordée à cette problématique plutôt qu'à la création de nouvelles obligations pour les organisations, notamment sur le plan du maintien de l'équité salariale. Il est clair pour nous que le rétablissement de l'équité sur le plan salarial entre les hommes et les femmes est un élément fondamental de l'équilibre et du maintien de la paix industrielle. Cependant, la loi, dans sa facture actuelle et dans l'interprétation qu'en fait la commission, pose de nombreux problèmes d'application sur le terrain. Les difficultés que nous avons relevées sont telles que parfois elles vont à l'encontre de la gestion moderne des ressources humaines et peuvent conduire à des aberrations et des incohérences.
Quant au contenu du rapport réalisé par la commission, nous pensons que certaines questions problématiques auraient dû faire l'objet d'études indépendantes et plus approfondies, ce qui aurait permis d'établir un bilan plus complet. Par exemple, la commission n'évalue pas les coûts directs de conformité à la loi. Or, nous l'avons fait en commandant une étude économique des 10 premières années de mise en oeuvre de la Loi sur l'équité salariale à la firme Groupe d'analyse, conseils en économie, finance et stratégie. Le premier objectif de cette analyse était d'estimer ces coûts. Notons tout de suite que notre objectif aujourd'hui n'est pas d'entrer dans les détails de l'approche méthodologique retenue par les auteurs de l'étude économique pour en arriver à leurs résultats. Nous nous contenterons donc d'exposer les principaux constats de leurs études.
Donc, les auteurs de cette étude ont estimé que, pour les entreprises ayant atteint l'équité salariale, l'ensemble du processus a généré un coût direct moyen de 161 $ par employé. Le coût direct inclut les heures consacrées à l'équité salariale pour tous les employés, les honoraires payés à des consultants et les frais en matériel. Ce coût unitaire, il faut le souligner, est de 68 $ dans les firmes comptant 100 employés et plus, de 115 $ dans celles qui comptent entre 50 et 99 employés, mais surtout de 413 $ dans les firmes, dans les entreprises comptant entre 10 et 49 employés. Autre exemple, dans son rapport, la commission mentionne que l'écart salarial entre les hommes et les femmes a connu une diminution au cours des dernières années, sans être en mesure de préciser la contribution de la loi à cet égard. Encore là, nous l'avons fait.
n(15 h 10)n Un deuxième objectif de l'analyse que l'ordre a commandée était précisément d'évaluer l'impact effectif de la loi sur les écarts salariaux entre les hommes et les femmes. Selon les auteurs de l'étude, l'équité salariale a effectivement contribué à la réduction des écarts salariaux entre les hommes et les femmes du Québec. Ce constat a été vérifié sur une base à la fois macroéconomique et microéconomique. L'analyse macroéconomique a examiné l'évolution relative des écarts salariaux entre les hommes et les femmes depuis l'entrée en vigueur de la loi. Elle a notamment démontré que la loi a eu un effet positif et significatif, puisqu'elle a contribué à un redressement de 1,4 % du ratio salarial hommes-femmes du Québec par rapport au même ratio en Ontario, qui est pour nous probablement le meilleur point direct de comparaison de notre économie. Quant à l'analyse microéconomique, elle a révélé une diminution de 2 % des écarts salariaux entre les hommes et les femmes au Québec entre 1997 et 2005.
Cela dit, il serait incorrect, selon les auteurs de l'étude, d'attribuer entièrement la réduction des écarts salariaux à l'instauration de la loi. Ainsi, la place croissante des femmes sur le marché du travail, les forces du marché, les changements de mentalité et d'autres facteurs non observables ont pu influencer l'évolution des écarts salariaux au Québec. Par exemple, l'Ontario, qui dispose depuis 1987 d'une loi sur l'équité salariale mais où il n'y a pas eu aucun changement législatif notable en ce domaine, a tout de même enregistré une progression à ce titre de 1 %. Même constat en Colombie-Britannique, où aucune loi n'oblige les entreprises à entreprendre un processus d'instauration de l'équité salariale, la diminution des écarts y est malgré tout pratiquement la même qu'au Québec, soit 1,9 %.
Ainsi donc, si on se résume, entre 1997 et 2005, l'analyse microéconomique a révélé une diminution de 2 % des écarts salariaux entre les hommes et les femmes au Québec, de 1 % en Ontario et de 1,9 % en Colombie-Britannique, où il n'y a pas de loi. En fait, les auteurs de notre étude attribuent à la loi au plus la moitié de cette réduction des écarts salariaux, soit 3/4 à 1 point de pourcentage. Ce sont d'autres facteurs, telle l'évolution des mentalités et des marchés, qui pourraient en expliquer le reste. Cela dit, et il faut le souligner, nous sommes tout de même convaincus qu'au-delà de la réduction concrète des écarts salariaux la loi a certainement eu pour effet de conscientiser les employeurs à l'importance d'une plus grande équité salariale.
Un autre point que j'aimerais maintenant aborder concerne les modifications suggérées par la commission et qui, selon nous, risquent d'alourdir et de complexifier encore plus la gestion de la loi. Par exemple, dans ses pistes de réflexion, la commission propose de modifier la loi pour obliger les employeurs à conserver pendant cinq ans après l'échéance de la période de référence les données nécessaires au calcul de la taille de leurs entreprises ainsi qu'à la réalisation ou au maintien de l'équité salariale. Nous ne pouvons nous rallier à cette proposition en raison de la complexité et de la lourdeur d'une telle mesure pour les organisations. D'autre part, nous sommes aussi préoccupés par la recommandation de modifier la loi pour apporter des précisions sur l'affichage des résultats des exercices d'équité salariale. C'est pourquoi nous recommandons d'effectuer une analyse plus approfondie des tenants et aboutissants de l'extension des obligations relatives à l'affichage aux entreprises comptant de 10 à 49 employés avant d'amender la loi.
Il y a un autre aspect du rapport que nous souhaitons aborder aujourd'hui, c'est la question du maintien de l'équité salariale. La commission souhaite notamment faire modifier la loi pour prévoir un examen à tous les quatre ans de l'équité salariale par les entreprises, tout en maintenant l'obligation d'assumer le maintien de l'équité salariale. Nous constatons que la question du maintien de l'équité salariale, quoique définie dans la loi, est devenue un sujet de débat et d'interprétation. L'orientation actuelle de la commission est à l'effet que le maintien de l'équité salariale est un nouveau processus régi par la loi, qui débute dès la réalisation du programme d'équité salariale et qui, tout comme la mise sur pied des programmes initiaux, demeure encadré par la loi et la commission.
Selon notre analyse, cette orientation va à l'encontre de l'esprit de la loi et de l'intention du législateur à l'époque de son adoption. En effet, la loi n'oblige pas l'employeur à maintenir le programme d'équité salariale. Elle vise à assurer que l'équité salariale atteinte par les programmes ou démarches soit maintenue. L'obligation faite aux employeurs est la suivante: une fois l'équité atteinte, il faut veiller à ne pas réintroduire de biens sexistes dans les systèmes de rémunération de l'organisation.
L'ordre est convaincu qu'il faut s'en remettre à l'expertise des professionnels de la gestion des ressources humaines et spécialistes en rémunération à cet égard. Leurs responsabilités et leurs fonctions commandent en effet qu'ils veillent au maintien de l'équité salariale tout en assurant, selon le contexte dans lequel ils évoluent, un niveau approprié d'information et de participation des employés. Soulignons que les membres de l'ordre sont soumis à diverses obligations telles que le respect d'un code de déontologie, la mise à jour de leurs connaissances et l'adhésion obligatoire à un régime d'assurance responsabilité professionnelle.
Les résultats d'un sondage effectué dans le cadre de l'étude économique, auprès des membres de l'ordre, démontrent qu'au moins 80 % des entreprises disposent des mécanismes nécessaires pour assurer le maintien en continu de l'équité salariale. Quant aux entreprises qui ne disposent pas de mesures particulières pour assurer le maintien de l'équité salariale, elles réussissent tout de même à la préserver et demeurent dans une meilleure posture d'équité que celles qui n'ont pas complété ou amorcé les travaux relatifs à l'équité. Selon les auteurs de l'étude économique, à partir du moment où l'employeur a instauré l'équité, avec toute la formalisation des processus que cela implique, il est peu probable que le diagnostic d'équité change de façon marquée à court terme. L'équité sera maintenue de facto si la composition du personnel et la description des postes restent stables, si aussi la croissance des salaires se fait uniformément dans les différents types de postes. Il n'est donc pas nécessaire, selon nous, d'encadrer le maintien ou de prévoir une périodicité pour vérifier si l'équité a été maintenue ou non. Bref, encadrer le maintien de l'équité salariale et prévoir une périodicité est une approche contraignante, qui ne correspond pas à la manière avant-gardiste dont sont gérées les ressources humaines dans les entreprises au Québec.
Pour terminer, j'aimerais aborder le rôle de la commission. Celle-ci propose de prévoir spécifiquement son droit d'intervenir comme une partie à part entière devant la Commission des relations du travail dans les recours déposés en vertu de l'article 104 de la loi. Nous constatons que divers problèmes naissent du rôle joué dans l'application de la loi par la Commission de l'équité salariale. Elle est en effet l'organisme qui détermine et établit les orientations, et parallèlement elle arbitre les litiges d'interprétation.
Concernant le rôle de la commission, nous recommandons de s'inspirer de la recommandation du Groupe de travail sur l'examen des organismes du gouvernement en 2005-2006. Ce groupe propose de transférer, à la faveur d'un rapport positif sur la mise en oeuvre de la loi, la fonction décisionnelle de la commission à la Commission des relations du travail. La possibilité de prévoir un appel des décisions de la CRT devrait aussi être envisagée. Une telle modification aurait comme effet de réserver les fonctions d'application de la loi à la commission et de laisser à une instance indépendante le soin de trancher les litiges entre les parties. La mesure que nous proposons redonnerait aux parties patronale et syndicale, comme aux personnes salariées non syndiquées, un forum impartial pour résoudre leurs différends. En effet, selon nous, la loi n'offre pas, dans sa facture actuelle, les garanties procédurales et les garanties d'indépendance et d'impartialité requises.
En conclusion et de façon générale, nous croyons que les modifications suggérées à la loi par la commission sont prématurées, compte tenu du fait que certains de ces constats mériteraient, dans un premier temps, d'être documentés de façon plus exhaustive. Les modifications proposées doivent donc être revues en détail et leurs répercussions étudiées avec soin. De façon à favoriser l'essor des organisations et l'épanouissement des ressources humaines, il est impératif que les modifications proposées s'inscrivent dans le sens déployé par le Québec en matière d'allégement réglementaire.
D'autre part, plusieurs entreprises n'ont pas encore entrepris ou complété leur exercice d'équité salariale, alors que l'échéance prévue dans la loi est le mois de novembre 2001. La priorité devrait donc être accordée à cette problématique plutôt qu'à la création de nouvelles obligations pour les organisations, notamment sur le plan du maintien de l'équité salariale. À notre avis, ce sont vers ces catégories d'entreprises que devraient d'abord porter les efforts, si l'objectif est d'améliorer l'équité salariale au Québec.
Enfin, de son côté, l'ordre poursuivra ses efforts pour faire respecter le principe de l'équité salariale et pour développer l'expertise de ses membres en matière de rémunération et d'équité salariale. Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup, très discipliné, parfaitement dans les temps. Alors, on irait tout de suite du côté de M. le ministre, qui va certainement avoir plusieurs questions à vous poser.
M. Whissell: M. Francoeur, madame, messieurs, merci de votre présence. Dans votre présentation, vous nous dites... puis j'aimerais ça que vous résumiez, puis y revenir, parce que, si je comprends bien, vous dites que c'est nécessaire de faire un exercice au moins une fois, et après ça la loi ne devrait pas contraindre à un maintien.
M. Francoeur (Florent): C'est tout à fait ça, je suis content, on part bien. Alors, c'est tout à fait ça. Alors, dans le fond, l'objectif est de dire: Il faut s'assurer que toutes les entreprises du Québec, ou la plupart, là, 10 employés et plus, ont passé à travers le processus. Et, une fois que ce processus-là a été réussi, alors, nous, ce qu'on pense, c'est que la structure qui est mise en place pour établir l'équité salariale, alors la structure qui est mise en place permet ensuite d'en assurer assez facilement le maintien ou, à tout le moins, a tellement de contraintes qu'il est difficile ensuite de perdre le processus.
M. Whissell: Est-ce que c'est une règle que vous pensez qui s'applique à toutes les tailles d'entreprises, autant pour la petite que pour la grande?
M. Francoeur (Florent): Bien, en fait, on s'est prononcés, je dirais, pour élargir dans le fond aux entreprises de 10 employés et plus, selon la moyenne. On s'est montrés favorables dans le fond à la méthode que vous avez utilisée, en se disant que les entreprises du Québec devraient passer à tout le moins une première fois... l'ensemble des entreprises du Québec de 10 employés et plus, selon la moyenne, alors, devraient passer au moins une fois... bien, c'est-à-dire une fois à travers le processus.
n(15 h 20)nM. Desgagné (Alain): Puis la mécanique comme telle, là, d'un processus d'équité fait en sorte que, lorsqu'on évalue un poste et qu'on tient compte... que ce soit un poste avec toutes ses caractéristiques, les quatre facteurs qu'on doit tenir compte dans la loi, on va le faire dans le temps et on va toujours le faire pareil, que ce soit une femme qui occupe ce poste-là ou un homme qui... en fait que ce soit une catégorie à prédominance féminine ou une catégorie à prédominance masculine. Puis normalement les entreprises, la majorité des entreprises ont réalisé, une fois l'équité faite... elles ont réalisé l'équité interne, parce que, comme on le voit, comme on le montre aussi dans notre mémoire, l'exercice d'équité comme tel a créé certains biais, c'est-à-dire qu'on a fait, dans l'entreprise... Malgré toute la bonne volonté, on a découvert des injustices ? entre guillemets ? qui n'existaient pas toujours, et, en faisant ça, par la suite les entreprises ont réalisé l'équité interne en s'assurant que l'ensemble des emplois de l'organisation étaient évalués de la même manière et avec le même genre de pondération.
M. Whissell: Vous ne pensez pas qu'au fil des années peut s'installer un certain laxisme et que les entreprises cessent d'avoir une bonne pratique? Je veux dire, ce n'est pas tous les organismes ou entreprises qui sont structurés avec un département de ressources humaines. Je veux dire, il y a souvent... La PME, là, on sait comment c'est géré. Alors, il n'y a pas un danger de revoir s'établir, après un certain nombre d'années, justement des distorsions au niveau de l'équité?
M. Francoeur (Florent): Tantôt...
M. Whissell: Ce n'est pas une crainte pour vous?
M. Francoeur (Florent): Non, ce n'est pas une crainte pour nous. Parce que tantôt vous avez déjà évoqué avec les gens qui nous précédaient la question des pénuries de main-d'oeuvre, et c'est un bel exemple dans le fond. À partir du moment où, je dirais, on a corrigé la question de l'équité salariale une première fois, alors je vous dirais que le processus est établi. Et ensuite ce qui préoccupe les entreprises, c'est de demeurer compétitives pour attirer et retenir les employés. Alors, ce n'est pas dans le fond, là, je dirais, en défaisant le principe de l'équité salariale qu'on va pouvoir mettre en place des politiques de rémunération adéquates et des politiques dans le fond où on est capables de démontrer que, dans notre entreprise, je dirais, l'équité salariale est respectée. Alors, je dirais, ce n'est pas vraiment la pression de la loi, c'est surtout la pression du marché qui fait en sorte que par la suite ça devient assez difficile, pour une entreprise, de ne plus respecter le principe.
M. Whissell: Il y a presque une entreprise sur deux qui n'a pas fait l'équité. C'est les données, là, qui se recoupent d'un peu partout. Vous avez fait référence à des situations problématiques, dans votre présentation, tantôt. Vous avez donné aussi, également, une variation au niveau du coût par employé à faire l'équité salariale. Pourquoi il n'y a pas plus d'entreprises, 10 ans plus tard, qui ont réalisé l'équité salariale?
M. Francoeur (Florent): Bien, je dirais, il y a plusieurs raisons. Je dirais, la première, qui est probablement une des plus larges, c'est le fait que ce n'est pas une loi qui est simple, hein? Lorsqu'on regarde, dans son application, ce n'est pas pour rien qu'il y a eu des... Quand on vous donnait l'exemple que, nous, pour implanter l'équité salariale, pour permettre à nos membres d'implanter l'équité salariale dans leurs entreprises, on allait jusqu'à donner des formations de cinq jours, alors ça vous donne juste quand même une idée de la complexité de la chose. Alors, pour la PME de 10, 15, 20 employés, ça demeure quand même un mécanisme qui est assez compliqué.
Deuxièmement, il y a les coûts. On en a parlé. Quand on parle de 417 $ en moyenne pour les entreprises de 10 à 50 employés, alors ça peut être évidemment rebutant aussi. Et il y a les aspects, là, je dirais, plus spécifiques à la loi même, là. Tantôt, je mentionnais les aberrations. Je ne sais pas si tu veux en mentionner quelques-unes, là.
M. Desgagné (Alain): Bien, dans les entreprises, c'est encore plus compliqué, dans les petites entreprises, là, où il y a des actionnaires puis de la famille, là, entre autres. C'est peut-être une des raisons, là, sans vouloir l'évoquer. En termes de problématiques qu'on peut voir dans les organisations, par rapport aux outils que... les outils ou les articles de la loi, on peut voir qu'à certaines occasions, lorsqu'on a à faire l'équité...
À titre d'exemple, si vous marquez sur vos papiers, là, une colonne, 22, 18 ? juste pour le fun, là ? et ça, ce serait le salaire de deux catégories à prédominance masculine, et, à côté, une petite colonne, là, vous remettez 23 puis 19, et ça, c'est deux autres catégories à prédominance féminine, et ces quatre catégories-là sont toutes de la même valeur, hein? Vous voyez, mettons qu'elles ont toutes la même valeur, elles sont comparables, on va se retrouver... En faisant l'équité, en comparant les taux, la catégorie à 19 $, féminine, avec les deux, celles à 22 $ et à 18 $, on va devoir faire la moyenne des deux et, dans notre processus d'équité, on va devoir augmenter la catégorie, la dernière, celle à 19 $, à 20 $, exactement, pour pouvoir... On va devoir faire la moyenne de la catégorie masculine et ramener la catégorie féminine plus élevée, alors que, dans la réalité, ce sont des groupes comparables qui mériteraient... et des salaires qui sont relativement comparables. Donc, on est obligé de monter la catégorie féminine.
Si on élimine, à travers les années, à titre d'exemple, la catégorie d'emploi à 18 $, la catégorie masculine, si vous vous rappelez de votre petite colonne, il reste seulement le chiffre 22 $, c'est un salaire horaire, ce qui veut dire qu'une fois disparue cette catégorie-là vous allez devoir monter celle qui était à 19 $, qu'on a montée à 20 $, vous allez devoir la monter à 22 $ pour tenir compte de l'équité salariale. Vous voyez un peu les aberrations, alors qu'il n'y a pas de discrimination nécessairement dans ce cas-là, pratique, là. Et il y a plein d'exemples comme celui-ci qu'on pourrait démontrer, qu'avec les courbes...
On a deux courbes: une courbe des hommes, une courbe des femmes, sur une échelle où on a le salaire et les points d'un individu, et ces deux courbes peuvent se juxtaposer parfaitement. Donc, à première vue, on voit que les hommes et les femmes, dans l'organisation, ont une rémunération qui est comparable. Toutefois, quand on fait le processus, qu'on doit faire le processus, on doit tenir compte des catégories à prédominance masculine, ce qui est correct, là, c'est le processus qu'on nous a donné. Et là on va devoir faire des changements, des modifications dans les catégories à prédominance féminine. Et après, quand on va comparer les deux courbes, si on sépare les hommes des femmes, on va se retrouver avec la courbe des femmes qui va être au-delà de celle des hommes. Et, quand on regarde la courbe de l'ensemble des employeurs et des travailleurs, on va se retrouver avec toutes les femmes sur la courbe ou au-dessus de la courbe et des hommes en dessous de la courbe. Ça, c'est le processus qu'on fait, là.
Ça fait que, quand je vous dis: Après ça, on réalise l'équité interne, là, pour réaliser l'équité interne, on ramène les hommes sur la courbe, ceux qui étaient en dessous de la courbe. Mais il reste que ce processus-là, dans quelques entreprises, ça a amené à modifier les... Puis là on ne parle pas encore de pénurie de main-d'oeuvre. Quand on va en parler dans quelques années, on va se retrouver avec un portrait où: Comment est-ce qu'on va faire pour tout ajuster ça? Qu'est-ce que les entreprises vont faire pour réussir à augmenter un certain groupe de travailleurs à prédominance féminine ou à prédominance masculine sans détruire l'ensemble de cet équilibre-là, qui a été maintenu mais que... Surtout en région, moi, je le vois dans mes organisations ? l'UPA, c'est une grande organisation, 1 100 employés au Québec ? on a des employés en région puis on voit poindre le moment où on va être obligés d'engager des travailleurs avec une plus grande spécialisation. Parce que, dans le passé, les employeurs qu'on a engagés, dans les années quatre-vingt ou dans les années soixante-dix, étaient moins spécialisés. Pour le même genre de poste, maintenant on va aller chercher quelqu'un avec un bac puis une maîtrise, mais on va aller le chercher dans une autre entreprise où les échelles salariales sont plus élevées. Comment est-ce qu'on fait pour maintenir tout ce processus-là dans le temps, avec les.. C'est une parenthèse.
M. Whissell: Mais je vous écoute, je vous écoute. Est-ce que c'est réalisable, l'équité, selon vous?
M, Desgagné (Alain): Bien, ça l'est, réalisé.
M. Whissell: En partie. Il y a quand même...
M, Desgagné (Alain): Non, non, ça a été réalisé, ça a été réalisé.
M. Whissell: Il y a quand même une proportion assez forte d'entreprises qui ne l'ont pas faite. Et je ne crois pas que ceux qui ne l'ont pas réalisée à ce jour, c'est parce qu'ils l'ont essayée et ils ont trouvé des aberrations, c'est parce que souvent ils ne l'ont pas essayée.
M. Francoeur (Florent): Lorsqu'on posait la question, en 2000 et en 2001, aux entreprises, en leur demandant pourquoi ils n'avaient pas commencé, la plupart utilisaient l'argumentation de l'information. Et je pense que c'est encore le cas aujourd'hui, pour avoir entendu des personnes qui étaient en train, je dirais, de répondre au sondage téléphonique. Ce qu'on entendait, là, c'est: Je n'ai pas besoin de faire l'équité parce que je paie bien mon monde. C'est encore la réalité d'aujourd'hui et c'est d'ailleurs pour ça que, nous, on dit: Il faut concentrer les efforts de la commission sur la promotion, l'information. Il y a encore beaucoup de travail à faire à ce niveau-là.
M. Whissell: Souvent, c'est une méconnaissance de l'équité elle-même.
M. Francoeur (Florent): ...en complément aussi, moi, je l'ai instaurée dans quelques entreprises, l'équité, et, pour mettre le point sur l'information, effectivement, c'était extrêmement problématique, et ça, ça a sûrement découragé un certain nombre d'employeurs. Moi, j'ai utilisé, dans ma pratique, des consultants. Souvent, j'avais des réponses différentes de chacun des consultants, qui, eux autres, étaient allés se faire former à un endroit, quelque part, ils avaient eu de l'information, et on a eu des réponses souvent différentes de la commission. Ça fait que cette information-là, là, quand on arrive dans les petites entreprises où les moyens pour mettre en place l'équité, utilisation de consultants et autres choses, sont moins là, c'est compliqué évidemment. À ce moment-là, souvent ils vont dire: Bon, laissez faire, puis on verra puis on va attendre ce qui va se passer.
n(15 h 30)n Je voudrais juste rajouter, si vous le permettez. Aujourd'hui, en 2008, les problématiques liées à la rémunération, oui, comme praticiens en entreprise, en ressources humaines, il faut garder à l'esprit l'équité, puis il faut la maintenir, puis il faut y travailler, ça, j'en suis convaincu. Et, moi, je l'ai fait dans ma pratique, dans les entreprises où j'ai travaillé. Les problèmes liés à la rémunération sont liés à la pénurie de main-d'oeuvre. Et, quand on me parle, moi, de rémunération, je me dis: O.K., c'est quoi que je vais faire pour garder mon monde puis c'est quoi que je vais faire pour aller en chercher d'autres? La pénurie de main-d'oeuvre dans le domaine de l'assurance, dans lequel je travaille, est une pénurie qui est vraie, qui est réelle, à tel point qu'actuellement on organise des missions de recrutement en France pour aller chercher des gens dans ce domaine-là, et en assurance et même en informatique, parce qu'on affiche des postes ici puis on a de la difficulté. Donc, quand on me parle, comme praticien, de problématique, de rémunération, elle est liée à ça beaucoup plus qu'à l'équité, et je ne veux pas négliger l'équité en disant ça.
M. Whissell: Dans votre mémoire, vous faites référence beaucoup à l'affichage, principalement dans les entreprises de 10 à 49 employés. Vous avancez que l'affichage alourdit le fardeau du processus d'équité salariale. Pouvez-vous commenter davantage?
M. Francoeur (Florent): Bien, en fait, au niveau de la location de l'affichage, ce qu'on a mentionné surtout, c'était qu'il fallait... avant de pouvoir, je dirais, modifier ces choses-là, on suggérait fortement de pouvoir étudier en détail ce seraient quoi, les conséquences. C'est déjà très lourd pour les organisations, on l'a montré, en termes de coûts, en termes de compréhension, en termes de fonctionnement. C'est déjà très lourd pour une entreprise entre 10 et 50 employés de l'implanter. S'il faut qu'en plus on complexifie les choses, on ne s'aide pas, là. On dit plutôt: Concentrons-nous, d'abord, là, sur, je dirais, l'implantation. Expliquons, démocratisons le processus, et après ça on verra.
M. Whissell: Comment fait-on pour informer, dans le fond, du travail qui a été accompli les employés...
M. Francoeur (Florent): Bien, en fait...
M. Whissell: ...qu'ils puissent porter un jugement à savoir est-ce que ça a été un exercice rigoureux? Est-ce qu'ils sont capables, par leur jugement, leurs vérifications, à la commission ou ailleurs... si l'exercice qui a été fait dans leur propre entreprise a été juste et équitable?
Une voix: En fait...
M. Whissell: Tu sais, juste se fier au bon jugement de l'employeur ou?
Mme De Blois (Paule): Si je peux donner un peu un son de cloche au niveau de l'expérience, je suis dans une PME de moins de 50 employés, donc c'est tout à fait à propos. La communication auprès des employés, ça ne se fait pas juste par un affichage. Ça peut se faire par des présentations, ça peut se faire par un manuel d'employé qui est bien expliqué. Et, aujourd'hui, les employés veulent savoir comment ils sont payés, pourquoi ils sont payés, pourquoi le voisin est payé plus cher ou moins cher, qu'est-ce que vous prenez en considération.
Nous, on a un laboratoire. Donc, on a des scientifiques, des jeunes scientifiques, des scientifiques plus d'expérience. Ils veulent savoir: Quand je sors de l'université, pourquoi tu me places là? Puis, quand j'ai cinq ans d'expérience, pourquoi je suis rendu dans cet autre poste là? Donc, c'est très important de leur expliquer comment on évalue les postes, dans quel poste ils ont... leur poste est évalué sur quels critères, la pondération qui est utilisée, les échelles salariales qui sont appliquées, comment on arrive à ces échelles salariales là.
Et, quand la communication, elle est bien faite, elle n'a pas besoin d'être affichée dans le tableau de la cafétéria, elle a besoin d'être communiquée. Et souvent, dans une petite entreprise, c'est le verbal qui est le plus important. Et, de cette manière-là, les gens finissent par développer une compréhension d'un système qui par ailleurs est très complexe et viennent à développer un certain niveau de satisfaction par rapport à la façon qu'ils sont payés, aussi.
M. Whissell: Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Oui?
M. Whissell: ...céder la parole à mes collègues.
La Présidente (Mme Morissette): Oui. M. le député de Robert-Baldwin. Il reste trois minutes.
M. Marsan: Oui, je vous remercie beaucoup. Je vous salue et je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui. Une question qui demande un peu d'information, c'est... Vous demandez que certains pouvoirs soient transférés de la Commission de l'équité salariale à la Commission des relations du travail. Et j'essaie de comprendre pourquoi. Est-ce que c'est parce que, d'après vous, certaines tâches dévolues à la Commission de l'équité salariale ne sont pas bien faites? Elles vont être mieux faites si ça va au niveau de la Commission des relations du travail? J'aimerais ça avoir des éclaircissements là-dessus.
M. Francoeur (Florent): En fait, il y a deux éléments là-dedans. Le premier, c'est l'inconfort qu'on a entre, je dirais, être juge et partie. On l'a mentionné tout à l'heure, là. Lorsqu'on se ramasse dans des situations où on reçoit, je dirais, un avis préliminaire de la commission et que cet avis-là change en cours de route ? ce qui est arrivé ? lorsqu'on ne sait pas du tout quelle serait la bonne réponse, même si on veut, je dirais, de bonne foi l'interpréter, alors il y a tout un processus qui est établi à ce niveau-là, et on dit: Il faut éviter d'être juge et partie, il faut laisser dans le fond une autre instance prendre la décision finale, parce qu'en quelque part il faut trancher. Ça, c'est le premier volet.
Le deuxième volet, c'est, pour nous, encore une fois, de ramener sur l'importance de s'assurer que les entreprises qui n'ont pas encore réalisé l'équité salariale le fassent. Je vous dirais que, si au départ la première obligation d'informer, et de former, et de s'assurer que les entreprises aient réalisé l'équité salariale aurait été précisée de façon plus... précise, si vous me permettez le double, on pense que probablement qu'on n'en serait pas à parler encore de seulement 68 % des entreprises qui ont réalisé. Alors, on dit: Vraiment, il faut concentrer les efforts de la commission sur le volet information et réalisation de l'équité, et ensuite, lorsqu'il y a des décisions qui doivent se prendre, elles se prennent à la Commission des relations du travail.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. C'est parfait, c'est pile dans les temps. Je m'excuse, j'ai l'air de la police, mais c'est mon rôle de veiller au temps. Alors, on serait rendus du côté de l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.
M. Therrien: Bon après-midi, messieurs, M. Francoeur et vos acolytes. Dans un premier temps... J'aurais une question en deux volets. Vous n'étiez pas là tôt ce matin, mais, nous, de notre côté, ce qu'on a dit ce matin, c'est qu'il y a des données du rapport qui nous laissent perplexes, donc une des données que le ministre, depuis plusieurs occasions, répète, à dire qu'il y a 50 % des entreprises qui n'ont pas fait l'exercice. Par contre, dans le rapport lui-même, on a deux données contradictoires: donc une qui dit que les entreprises ont fait à 68 % leur exercice, et on a le fameux 50 %, là, qui nous est répété depuis ce matin. Dans un premier temps, vous, est-ce que le 68 % est plus crédible que le 47 % ou 50 % peut l'être? Et pour quelle raison qu'on voit un écart? Et est-ce que c'est relié à ça, d'entrée de jeu, dans votre mémoire, que vous spécifiez avoir fait votre propre enquête et ne pas avoir utilisé les chiffres qui vous étaient fournis dans le rapport?
M. Francoeur (Florent): En fait, c'est parce que, là, on parle de différentes dates, hein? Je vous dirais que, globalement, là, lorsqu'on regarde l'étude économique, ce que les économistes qui ont regardé les données nous disent: que, je dirais, le chiffre de 68 % du rapport, ça se tient. On a nos résultats, mais les résultats dans le fond sont une année avant ou une année après. Mais, je dirais, grosso modo, là, on s'entend pas mal pour dire que le chiffre de 68 % est probablement le bon chiffre.
M. Therrien: Et, d'entrée de jeu, comme je vous demandais en deuxième temps, le pourquoi d'avoir, vous, spécifié précisément... fait votre propre enquête, pourquoi ne pas avoir utilisé le rapport qui vous était fourni par la commission?
M. Francoeur (Florent): Bien, parce qu'en fait on voulait vérifier... Il y avait différentes affirmations qui étaient là-dedans, on voulait d'abord vérifier si effectivement c'était vrai. Et ce qu'on vous confirme aujourd'hui, c'est que, oui, c'est vrai. Ça ressemble à... Dans le fond, nous, on est partis du principe que, s'il y avait 65 % des entreprises qui, en 2001, nous disaient avoir commencé les travaux, on est restés un petit peu surpris de voir le chiffre de 68, je dirais, six ou sept ans plus tard. Et là on se questionne, mais là ce qu'on vous dit, c'est que, oui, à notre grande surprise, le chiffre est bon. Et c'est pour ça qu'on vous disait que collectivement on n'a pas de quoi être fiers de tout ça, là.
M. Therrien: Dans un deuxième temps aussi, au niveau des coûts pour les entreprises, on arrive, dans le rapport, à nous dire qu'il y a des entreprises qui n'ont encouru aucuns frais ou jusqu'à 1 000 $. Donc, vos chiffres sont beaucoup plus précis par employé, et, par tranche d'employés, vous avez vraiment défini que même un entrepreneur de 10 à 49 employés allait jusqu'à 413 $. Donc, le 1 000 $ qui est fourni par le rapport, est-ce que vous jugez qu'il est approprié aussi ou si encore là il y a une variation à faire?
M. Francoeur (Florent): Bon. Je vous dirais, il y a un flou artistique, là. Je ne sais pas si c'était voulu ou pas, là. Mais ce que le rapport mentionne, ce sont des frais indirects. Nous, ce qu'on spécifie dans l'étude, c'est que le 400 $ est en frais directs. Et tantôt, là, dans ma présentation, je vous ai spécifié qu'est-ce que ça voulait dire.
Ceci dit, il serait assez difficile de croire qu'une entreprise peut réaliser l'équité salariale sans, je dirais, à tout le moins s'asseoir autour d'une table avec des employés et établir la démarche sans qu'il n'y ait pas de coût. En bas de 1 000 $, là, je vous dirais qu'honnêtement on n'en a pas vu beaucoup qui ont été capables de nous dire qu'ils l'avaient fait en bas de 1 000 $ ? quand ils l'ont fait.
M. Therrien: Merci. On peut dénoter que vous avez une très bonne expertise au niveau des ressources humaines. Est-ce que vous avez une relation quelconque de partenariat avec la Commission de l'équité salariale?
M. Francoeur (Florent): Oui, dans le sens que, à l'origine, lorsque... pas à l'origine, mais, quelques années après, je dirais, après 2001, dans le fond, au moment où la loi est devenue réellement en vigueur, il y a eu un comité consultatif qui a été créé, on a participé à ces travaux-là. Par la suite, il y a eu différents, je dirais, appels qui nous ont été faits par soit la commission soit le ministre ou la ministre du Travail de l'époque pour aider au niveau du relais de l'information, ce qu'on a fait aussi.
Ceci dit, on pense aussi qu'on serait capables d'en faire plus. Dans le fond, là, on se définit beaucoup, nous, comme un relayeur d'information. Je dirais, à partir du moment où une loi est en vigueur, on ne se questionne pas, nous, sur l'opportunité ou pas, on dit: La loi est là, et on va faire en sorte, on va faire en sorte... on pense que c'est notre devoir de s'assurer que, je dirais, la loi soit respectée. Alors, c'est pour ça que, nous, on est toujours disponibles pour pouvoir aider à ce niveau-là.
M. Therrien: Vous m'avez devancé, c'était ma prochaine question.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Therrien: Et dans quelle mesure que vous pensez pouvoir fournir une plus grande collaboration au niveau de la commission?
n(15 h 40)nM. Francoeur (Florent): En fait, il faut préciser deux choses, là. Je vous dirais, nous, on parle de directeur des ressources humaines, disons, là, alors on parle généralement d'entreprises, disons, de 200 employés et plus... ou, je dirais, c'est à peu près notre profil, là, 200 employés et plus puis, je dirais même, 300 employés et plus dans beaucoup de cas. Alors, c'est évidemment le marché que, nous, on est capables de couvrir. On ne peut pas couvrir, nous, je dirais... On peut aider, mais le marché, disons, des 10 à 50 employés, ce n'est pas un marché qu'on connaît, ce sont d'autres organisations qui le connaissent. Alors, ce qu'on dit par contre, c'est: Dans nos membres qu'on est capables de rejoindre, là, les 9 000 personnes qu'on est capables de rejoindre qui en général touchent de près ou de loin la question de réalisation de l'équité, alors, nous, on peut jouer un rôle, là, de formation, d'information, d'aide, de rôle conseil, de référence. Alors, il y a plusieurs endroits où on peut jouer un rôle actif.
M. Therrien: Merci. Je reviens à tout à l'heure quand monsieur parlait au niveau de la pénurie d'emploi. Si j'ai bien compris, c'est qu'on s'en va vraiment vers une pénurie d'emploi. Donc, ça va créer un genre de levier économique qui va faire que l'équité va s'autoréguler à quelque part, là. Si j'ai compris vos propos?
M. Desgagné (Alain): Bien, il est clair que, dans des secteurs où il va y avoir des... Et là ce n'est pas un secteur... Parce qu'encore j'expliquais ça, la semaine dernière, chez nous, au Conseil général de l'UPA, là, je leur disais: Ce n'est pas des secteurs, parce que ce que l'on voit, c'est quelqu'un qui a une formation universitaire dans un domaine, s'il y a pénurie, il va changer de secteur, là. Il va aller vers les endroits où il y a une demande puis où la rémunération et les conditions de travail sont plus intéressantes. On ne peut pas nécessairement cibler les... Mais ce que ça va faire, c'est: il va sûrement y avoir un effet de levier sur les courbes des entreprises au niveau de l'équité salariale.
M. Francoeur (Florent): En fait, la question de la pénurie de main-d'oeuvre, il faut juste faire attention pour ne pas en parler comme étant, je dirais, une situation généralisée. Alors, quand on parle de pénurie de main-d'oeuvre en général, on va parler pour des emplois très spécifiques dans une organisation, ce qui fait, entre autres, que la question du débalancement que pourrait créer, je dirais, la rémunération de certains postes peut affecter la question de l'équité salariale dans l'organisation.
M. Therrien: O.K. Moi, je vais y aller pour une dernière question. Quel serait, selon vous, l'avantage de prendre une stratégie d'information plutôt qu'une stratégie plus de compression législative?
M. Francoeur (Florent): Bien, en fait, la question, c'est un peu bizarre parce que, je dirais, c'est une loi. Alors, dans le fond, comment on réagirait si on disait que 68 % des employeurs, au Québec, ne respectaient pas la Loi sur les normes? Alors, je dirais, c'est, pour nous, là, un peu comme une question d'aberration là-dedans, là, où on ne respecterait pas la Loi sur la santé et sécurité du travail. C'est une loi. C'est une loi, elle est faite pour être appliquée, et on dit: Bien, à ce moment-là, la priorité est à ce niveau-là.
Il y a une question aussi de justice dans le fond, parce que là on se trouve à comparer des entreprises, je dirais, équivalentes: un a réalisé l'équité; l'autre ne l'a pas réalisée, l'équité. On a parlé tantôt de coûts quand même lorsque, je dirais, le ou la chef d'entreprise qui est dans un parc industriel quelconque et qui se trouve dans une situation où il faut qu'il paie en moyenne 417 $ par employé pour réaliser son équité, il a, je dirais, fait preuve de bonne foi, il a fait la démarche, mais il est un petit peu peut-être désavantagé dans son coût de production si son voisin ne l'a pas fait. Et alors, nous, pour la question de l'équité, là, je dirais, avant de parler d'équité salariale, on parle d'équité.
M. Therrien: Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Oui. Mme la députée de Groulx.
Mme Lapointe (Groulx): Merci. Bonjour et bienvenue. J'aimerais ça qu'on puisse revenir à votre mémoire, à la page 6. Tantôt, vous en avez parlé un petit peu, vous avez survolé, vous dites: «Il serait incorrect, selon les auteurs de l'étude économique, d'attribuer entièrement la réduction des écarts salariaux à l'instauration de la loi. Ainsi, la place croissante des femmes sur le marché du travail, les forces du marché, les changements de mentalité ou d'autres facteurs non observables ont pu influencer l'évolution des écarts salariaux au Québec.» Vous avez parlé du Québec, de l'Ontario et aussi de la Colombie-Britannique. J'aimerais ça que vous puissiez aller un petit peu plus loin dans ces propos-là.
M. Francoeur (Florent): En fait, ce qu'on a souligné, c'est qu'en comparant le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique ce qu'on en arrive, par exemple, c'est à déterminer que, je dirais, la diminution de l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes, sur un horizon 1997-2005, cette diminution-là est à peu près égale entre le Québec et la Colombie-Britannique. Un a une loi, l'autre n'a pas de loi. Alors, on pourrait présumer dans le fond qu'à ce moment-là la loi n'a aucun effet. Alors, on dit non. Dans une autre partie de l'étude, ce qu'on démontre, c'est que la loi a eu un effet.
Maintenant, je dirais, les auteurs ont eu à trancher, en disant: Bon, bien, là, dans le fond, j'ai les données macro qui me disent 1,4 %; j'ai des données micro qui me disent, je dirais, autour de 2 %. Alors, ce qu'on détermine, ce que les auteurs ont déterminé, c'est que l'effet direct de la loi était de 1 %. Autrement dit, s'il n'y avait pas eu la loi, bien l'écart serait supérieur de 1 %.
Mme Lapointe (Groulx): Merci. Tantôt, vous avez parlé juste un peu que vous n'étiez pas tellement dans le créneau des petites entreprises. Est-ce que c'est quelque chose, pour vous, que la loi est très difficile d'application? Vous parlez beaucoup que c'est 68 % qui est appliqué, que c'est terrible qu'il y a 32 % qui ne l'ont pas fait. Est-ce que, selon vous, le 32 %, c'est plus des petites entreprises? Et puis pourquoi c'est difficile d'application? Ça semble difficile d'application dans les petites entreprises. Et comment on pourrait faciliter la loi ou rendre les outils plus faciles pour que ces gens-là puissent l'appliquer?
M. Francoeur (Florent): En fait, un peu comme... je me répète, mais ce n'est pas une loi qui est simple. Alors, à partir du moment...
Mme Lapointe (Groulx): Je comprends, j'ai été employeure, moi aussi, auparavant...
M. Francoeur (Florent): Bon. C'est ça.
Mme Lapointe (Groulx): ...dans une petite entreprise, et c'était très complexe. Le but est légitime, mais comment faire pour que ça soit facile et compréhensible pour que les gens passent à l'acte, là?
M. Francoeur (Florent): Bien, nous, en fait, je vous dirais, c'est un vieux dada qu'on a, à l'ordre, et on n'était pas seuls, là. Mais, depuis les années 2000, dans le fond, ce qu'on a toujours préconisé, c'était l'utilisation des relayeurs d'information. Alors, je me souviens, par exemple, d'avoir eu une rencontre avec Mme Diane Lemieux, qui à l'époque était la ministre responsable, qui avait rencontré les chefs patronaux, les chefs syndicaux et nous et qui nous avait demandé de l'aide pour pouvoir dans le fond...
Parce que, nous, là, ce qu'on disait, ce que personnellement, moi, je prônais, c'était de dire: Une invitation, dans un journal local, de la Commission de l'équité salariale pour venir apprendre comment faire l'équité, ce n'est pas nécessairement sexy. Alors, nous, on disait: Pourquoi vous ne passez par la FCEI? Pourquoi vous ne passez pas par la chambre de commerce locale? Pourquoi vous ne passez pas par ces instances-là pour agir comme relayeurs? Ces personnes-là sont crédibles, autant crédibles que la commission. Et l'aide de la commission et de ce relayeur-là de l'information va permettre dans le fond de pouvoir asseoir souvent des entreprises du même genre, hein? Parce que la problématique, lorsqu'on assoit trois entrepreneurs qui ont 15 employés versus trois autres qui en ont 500, ce n'est pas du tout la même. Alors, ils sont capables dans le fond d'établir, je dirais, les profils de leurs membres, ils sont capables de répondre de façon plus précise à leurs besoins. Mais, nous, on pense que la collaboration des relayeurs d'information, est un... je dirais, est un outil qui est majeur.
Mme Lapointe (Groulx): O.K. Selon vous, ça serait une piste à envisager pour essayer de solutionner le 32 %, là, que vous mettez en...
M. Francoeur (Florent): Tout à fait, et d'ailleurs, tantôt, je vous ai parlé du... Dans le rapport, on le mentionne aussi, il y avait eu un comité consultatif qui avait été créé, qui a été abandonné, pas par les joueurs autour de la table, qui a été abandonné par la commission. Mais, nous, on pensait que ce comité consultatif là pouvait jouer un rôle important, pouvait aider la commission, je dirais, à comprendre ce qui se passait. On est, nous, le reflet de ce que pensent nos membres, alors toutes les associations qui vont venir vous voir aujourd'hui ont des sondages, ont le pouls de leurs membres et sont capables de le transmettre. Alors, nous, on pense que ces outils-là, je dirais, de partage d'information sont très utiles.
Mme Lapointe (Groulx): O.K.
La Présidente (Mme Morissette): Il reste 2 min 30 s.
Mme Lapointe (Groulx): Combien?
La Présidente (Mme Morissette): 2 min 30 s.
Une voix: ...
Mme Lapointe (Groulx): Non, vas-y.
M. Charbonneau: O.K. Si on prend pour acquis que 68 % des personnes ou des entreprises ont mis en place l'équité salariale, si on prend comme prémisse, selon le rapport qu'on a reçu, que, de 1997 à 2004, le taux de survie des entreprises est de 50 %, donc ça va tout le temps être: il y a des entreprises qui vont arriver sur le marché, il y en a d'autres qui vont disparaître. On ne pourra jamais arriver avec 100 % des entreprises qui ont mis en place l'équité salariale.
M. Francoeur (Florent): C'est vrai, mais, en même temps, de pouvoir poursuivre cet objectif-là, c'est relativement noble aussi, dans le sens où, à partir du moment où une entreprise arrive à 10, 15... arrive à une certaine maturité, que cette entreprise-là passe à travers le processus d'équité salariale, ça nous semble une démarche, je dirais, qui est équitable, dans le fond, pour l'ensemble des organisations au Québec.
M. Charbonneau: D'où ma deuxième question. Au niveau de la structure salariale, tu as des entreprises qui sont là qui ont fait... Ça revient un peu aussi au niveau de la pénurie de la main-d'oeuvre. Tantôt, on a eu un groupe qui sont venus pour nous dire: Un coup que la structure salariale est établie, qu'on arrive avec une certaine pénurie de main-d'oeuvre, on peut installer une prime de rareté pour attirer la personne sans défaire ta structure salariale. Une nouvelle entreprise qui arrive dans le secteur, sa structure salariale risque d'être fort différente, étant donné que la main-d'oeuvre va être plus rare, ou peu importe. Qu'est-ce que vous pensez de la prime de rareté pour essayer de faire une structure salariale équitable dans une entreprise qui était, mettons... qui existait en 2000 par rapport à une entreprise qui va exister en 2008?
M. Desgagné (Alain): Bien, la prime de rareté ? tantôt, Florent en a parlé, là ? c'est une explication et ça permet justement aux entreprises, lorsqu'ils ciblent un domaine où il y a une pénurie de main-d'oeuvre, de pouvoir hausser les salaires pour permettre justement d'avoir la main-d'oeuvre nécessaire, là, ça fait que c'est un excellent point, là. Sauf que, la problématique, je l'ai exprimée tantôt, là: il y a rareté dans un secteur, comme on sait qu'au niveau de la comptabilité, présentement, au Québec, il commence à y avoir une pénurie de main-d'oeuvre, et il y a rareté d'une main-d'oeuvre qui peut être changeante aussi dans différents secteurs.
Une voix: ...
M. Desgagné (Alain): Vas-y, Jean-François.
M. Dallaire (Jean-François): Dans le milieu... dans un secteur industriel, la prime de rareté, à partir du moment où elle s'établit un petit peu partout, là, elle a moins de pertinence.
Une voix: Elle est moins rare.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Desgagné (Alain): Non, M. le député, là, le point est bon, tantôt, en disant que deux entreprises côte à côte peuvent avoir aussi des courbes d'équité ou des structures salariales qui sont différentes mais statiques aussi dans le temps. Et la rareté, justement, par rapport au voisin, peut drainer aussi du personnel d'une entreprise à l'autre. Il peut y avoir une problématique.
n(15 h 50)nLa Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au temps de l'opposition officielle. Donc, on serait rendus du côté de la deuxième opposition. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de l'ordre, en mon nom, au nom de mon collègue le député de Jonquière, M. Francoeur, M. Desgagné, Mme De Blois et M. Dallaire.
Alors, tantôt, on parlait de la complexité de l'application de cette loi. Ça me faisait penser à une remarque qu'un des groupes qui a présenté son mémoire ce matin nous a faite, à savoir: La loi de l'impôt est une des lois complexes, mais personne ne plaide pour qu'elle ne soit pas appliquée avec toute la rigueur voulue...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: ...
Mme Harel: ...et cela introduit de l'équité entre les contribuables. Alors, la question est de savoir comment introduire de l'équité entre les entreprises elles-mêmes. Drakkar & Associés, ce matin, ont plaidé pour que les entreprises aient un message clair qu'elles doivent réaliser ce programme d'équité, à défaut de quoi il y aura une sorte de relâchement parce qu'il y a une concurrence déloyale, là, qui peut s'instaurer, surtout peut-être dans certains types d'entreprise, peut-être pas toutes, mais dans certains types. Je ne sais pas ce que vous en pensez.
Mme De Blois (Paule): Je trouve que la notion d'équité aide aussi beaucoup les entreprises. Et, si les entreprises peuvent arriver à comprendre que c'est même un moyen pour être plus compétitif... Plus compétitif au niveau de l'emploi, je parle. Parce que 413 $ par employé, pour une entreprise de 50 employés, si je ne m'abuse, ça fait à peu près 25 000 $. Pour quelqu'un qui a quand même quelques millions de revenus, ce n'est pas la fin du monde, là, O.K.? Et je pense que nous avons, comme entreprise, un très grand avantage à s'embarquer dans l'équité, mais pas juste hommes-femmes, l'équité pour les générations, l'équité pour l'expérience que les gens ont, pour les études qu'ils apportent, pour l'apprentissage qu'ils ont. Je pense que nos jeunes... J'ai énormément de jeunes en bas de 30 ans dans mon entreprise. Ils ne se préoccupent pas de savoir si les gars puis les filles gagnent la même affaire. C'est deux tiers de filles qui sortent de l'université. Combien vous pensez que j'embauche de filles? Les deux tiers, c'est des filles, puis elles ont des salaires aussi forts que ceux des gars. Il n'y a pas de différence, c'est basé sur combien que ça vaut, un jeune qui sort de l'université.
Alors, je pense que, si les entreprises pouvaient comprendre que l'équité est à leur avantage et non pas quelque chose qui leur coûte des sous, mais qui à long terme ou même, je dirais, à moyen terme va être un avantage concurrentiel pour aller chercher des employés, ils embarqueraient beaucoup plus facilement là-dedans.
M. Francoeur (Florent): C'est pour ça d'ailleurs qu'on est, je dirais, un petit peu plus réticents au niveau du maintien. Parce qu'on se dit: Il y a tellement de pression actuellement sur la compétition au niveau des salaires qu'à partir du moment où l'entreprise a passé à travers le processus, à partir du moment où l'entreprise a réalisé que ça pouvait être une démarche qui somme toute était faisable, ça n'avait pas, je dirais, là... le monde... la terre n'avait pas arrêté de tourner à cause de ça, que ça pouvait avoir un avantage au niveau, je dirais, de devenir un employeur de choix, faire la promotion des bonnes pratiques, ça facilite le recrutement, alors il y a différents avantages qui sont à ce niveau-là, on dit: Bien, je dirais, la culture est en place, ce qui fait en sorte que, soit par les systèmes qui sont déjà en place soit par, je dirais, la pression naturelle du marché, l'équité demeure par la suite.
Mme Harel: Bon. Alors, revenons à cette question-là, justement. Je lisais, dans le mémoire que vous présentiez ? Mme De Blois, ça confirme le point de vue que vous exprimiez ? que, selon les professionnels en gestion des ressources humaines et membres de l'ordre qui ont été sondés, la loi a eu des effets bénéfiques structurants sur les systèmes et pratiques de dotation et de rémunération pour les entreprises qui s'y sont conformées. Alors, en fait, ce que vous nous dites, c'est que l'établissement d'une structure salariale, finalement ça évite le favoritisme puis ça établit ce climat d'appartenance peut-être même des employés à l'entreprise.
Mais vous avez beaucoup insisté, M. Francoeur, sur la question du maintien. À la page 11 de votre mémoire... Vous faites référence à l'étude dont il a été question, là, dans l'échange avec des membres de la commission. Mais, si je lis bien, à la page 11, au paragraphe, là: «Selon les auteurs de l'étude économique, à partir du moment où l'employeur a instauré l'équité, avec toute la formalisation des processus que cela implique, il est peu probable que le diagnostic d'équité change de façon marquée à court terme.» Bon. Et là on continue: «L'équité sera maintenue de facto, si...» Alors, je lis, moi, trois conditions. D'une part, à court terme ? personne ne s'engage à moyen ou long terme; deuxièmement, si la composition du personnel reste stable; ensuite, il y a si la description des postes reste stable et puis si la croissance des salaires se fait uniformément dans les différents types de poste. Alors, c'est une étude dans le fond qui additionne pas mal de «si», là, hein?
Je reviens à la page 23, je pense, ou 26 de votre mémoire et sur les... Vous, ce que vous proposez, ce que je comprends, à la page 26, quand vous dites: «...un certain laps de temps doit s'écouler avant que la situation change et soit évaluée de nouveau. À ce titre, une période de trois à cinq ans à compter de la date de l'atteinte de l'équité représente un intervalle raisonnable pour vérifier la situation d'équité»... En fait, ce que vous proposez, c'est quand même une vérification de la situation de l'équité pour être sûr qu'elle a été maintenue.
M. Francoeur (Florent): Oui, mais...
Mme Harel: Parce que, sinon, vous dites qu'il faut corriger, parce que, vous-mêmes, vous dites, dans votre mémoire ? je vous en félicite, là ? qu'on ne peut pas juste se fier à la pensée magique que tout va rester égal, par ailleurs. Vous-mêmes, vous dites, je pense, qu'une entreprise peut se retrouver en situation d'inéquité salariale qu'elle devra corriger. Bon. J'aimerais ça, là, que vous nous précisiez quelles sont, vous, de votre point de vue, les vérifications qui devraient être faites. Vous parlez d'un logiciel. Vous le décrivez, le logiciel de vérification. Je pense que c'est à la page 23, hein? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Francoeur (Florent): En fait, vous avez raison de mentionner ça, mais ce qui nous préoccupe, nous, c'est la question, je dirais, de mécanisme simple. Lorsqu'on regarde les intentions de ce qu'on peut décoder, je dirais, des suites à donner au niveau du maintien, on perçoit que c'est un mécanisme qui était compliqué et qui va le demeurer, et non seulement qui va le demeurer mais qui risque de se complexifier. Ce qu'on veut insister là-dessus, c'est, pour qu'on puisse se donner des mécanismes simples... Dans le document, on a parlé, par exemple, d'un calculateur, ça veut dire quelque chose qui est relativement simple dans le fond, qui va faire en sorte qu'on s'assure que, je dirais, on est corrects.
Mais, encore là, ce n'est pas la pression légale qui nous amène à faire ça, c'est la pression, je dirais, naturelle du marché. L'employeur moyen, au Québec, aujourd'hui n'a pas le choix, il doit s'assurer que sa rémunération est compétitive par rapport à son et ses voisins. Et dans le fond c'est un outil supplémentaire qu'on se donne, mais, pour nous, la pression du marché est beaucoup plus forte que la... je dirais, la pression de la loi une fois que la première étape a été faite. Et c'est pour ça qu'on pense que ce n'est pas nécessairement utile de pouvoir, je dirais, enchâsser ça dans un texte de loi.
Mme Harel: Bon. C'est bien évident, quand Mme De Blois a parlé tantôt ou vous-même, M. Francoeur... Vous nous parlez d'employées, disons, féminines qui ont un diplôme universitaire et qui occupent des emplois bien rémunérés. Moi, je disais que, si, il y a 10 ans, on regardait, l'écart était inexistant entre les hommes et les femmes si on était célibataire et universitaire, ça, à ce moment-là, il n'y avait pas d'écart, mais qu'on ne pouvait pas envoyer comme message à la société québécoise que, pour avoir l'équité, il fallait être célibataire et universitaire, d'où l'importance d'apporter des correctifs.
Mais là, vous, ce que vous nous dites, c'est qu'il faudrait quand même, à tous les trois à cinq ans, vérifier. Vous nous proposez un calculateur, vous nous dites: Ça devrait être rendu disponible ? c'est à la page 24, hein, je me suis trompée tantôt ? sur le site Internet de la Commission de l'équité salariale. C'est une version simplifiée du progiciel qui existe présentement. Alors, vous dites: Les utilisateurs pourraient y entrer certaines données; vous décrivez tout cela. Est-ce que cela, une fois, ça fait... Vous dites: Il pourrait y avoir, à ce moment-là, constat ou pas, là... constater qu'une entreprise auparavant équitable ne l'est plus est une chose, ensuite de ça ramener à une situation équitable en est une autre, hein? Bon. Mais, vous, vous avez quand même comme objectif que la situation demeure équitable.
n(16 heures)nM. Francoeur (Florent): Tout à fait. Et c'est pour ça que, nous, on est plus enclins à parler de culture dans l'organisation que de parler d'outils à mettre en place pour. Lorsqu'on a parlé, par exemple, du progiciel, on a aussi, dans notre mémoire, mis en garde, je dirais, le législateur contre la promotion abusive de ce progiciel-là simplement en disant que le progiciel est un outil mais qu'il faut tenir compte aussi de son importance relative. Ce n'est pas une fin en soi, que j'ai passé à travers le progiciel et que j'ai déterminé que j'étais correct. La rémunération dans les entreprises, ce n'est pas juste ça, c'est beaucoup plus complexe que ça. Et ce qu'on dit: Dans le fond, il y a des outils qui sont en place.
Alors, il peut y en avoir d'autres, mais encore une fois ce qu'on dit aussi, c'est: À partir du moment où l'équité a été établie dans les organisations, la culture de l'organisation fait en sorte que, je dirais, les réflexions hommes-femmes ont tendance à disparaître. Et, dans la plupart des cas, on va parler de corps d'emploi, on va parler de catégories d'emploi, on va parler de postes à combler, mais on ne parle plus par la suite, là, d'hommes-femmes.
Mme Harel: On va revenir. Sur la conciliation... Je voudrais revenir à l'UPA tantôt pour savoir combien il y a d'hommes et de femmes qui occupent des emplois d'administration, ou de gestion, ou de direction sur les 1 100.
Mais, dites-moi, l'utilisez-vous, la procédure de conciliation? Parce que la commission a mis en place une procédure de conciliation. On me dit qu'il y a eu 287 décisions. Elles ont été respectées à 85 %. Est-ce que c'est une bonne façon de faire, la conciliation?
M. Francoeur (Florent): Je dirais: Moi, je n'ai pas l'information pour nos membres pour savoir si elle a été utilisée ou pas ou qu'est-ce qu'ils en pensent, là.
Mme Harel: Bon. l'UPA.
M. Desgagné (Alain): L'UPA. Vous m'avez demandé la question, c'est-à-dire comment étaient partagés les hommes et les femmes. Je n'ai pas de statistiques là-dessus. Je vous dirais que c'est probablement l'équivalent de 60-40, 60 % de femmes, 40 % d'hommes.
Mme Harel: C'est surtout les fonctions occupées qui m'intéressent.
M. Desgagné (Alain): Chez les gestionnaires, ça doit être environ, je dirais, un quart de femmes et trois quarts d'hommes; puis, chez les professionnels, c'est un partage d'à peu près 50-50; au niveau des employés de bureau, c'est presque 100 % des femmes.
La Présidente (Mme Morissette): Il vous reste environ une minute.
M. Gaudreault: Oui. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Morissette): Bienvenue, M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault: Juste une petite question, page 9, concernant l'utilisation des données pertinentes à l'application de la loi. Vous dites que la conservation de toutes les données nécessaires à la réalisation ou au maintien de l'équité salariale est lourde et vous recommandez que d'autres solutions soient explorées. Alors, vous me voyez venir. Vous dites que vous voulez explorer d'autres solutions, lesquelles?
M. Francoeur (Florent): Bien, en fait, c'est un peu contre culture, hein? Le gouvernement ne cesse de parler de diminuer la paperasse, de diminuer la réglementation, et là on a un endroit où, pour, je dirais, pratiquement une des rares fois dans les lois que vous voyez passer, là, on ajoute la paperasse. Et ce qui nous inquiète... Dans le fond, on dit: La limite, là, c'est probablement la limite fiscale. À partir du moment où l'employeur, je dirais, a eu des obligations fiscales de ramasser certains papiers, c'est probablement là qu'on ne devrait pas aller plus loin. Je prends, par exemple... Je siège à la Commission des partenaires du marché du travail, et la loi que vous connaissez comme la loi du 1 %... Je dirais, il y aurait eu des efforts considérables qui ont été faits pour réduire la paperasse dans le fond des organisations tout en s'assurant que les entreprises respectent la loi. Et là on a instauré, par exemple, les possibilités pour les entreprises d'être exemptées sous réserve de pouvoir vérifier sur une base aléatoire leurs résultats. Mais, je dirais, c'est plutôt rare, là, qu'on voit maintenant, là, des projets où on va augmenter la paperasse, et là on est dans un cas comme ça. Je vous avoue que ça nous surprend beaucoup.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au bloc de temps. Alors, on va suspendre quelques instants pour vous saluer puis accueillir le groupe suivant.
(Suspension de la séance à 16 h 4)
(Reprise à 16 h 7)La Présidente (Mme Morissette): On va commencer. Notre porte-parole va être de retour dans quelques instants, il va, au pire aller, manquer vos présentations. Donc, vous disposez de 15 minutes pour nous présenter votre mémoire, et ensuite les groupes parlementaires auront chacun une période de temps pour vous adresser leurs questions. Donc, Mme Chicha, Mme Déom et Mme Lee-Gosselin, alors allez-y. Je ne sais pas qui va prendre la parole, mais présentez-vous mutuellement. À vous pour 15 minutes.
Mmes Marie-Thérèse Chicha,
Esther Déom et Hélène Lee-Gosselin
Mme Chicha (Marie-Thérèse): Merci, Mme la Présidente. Moi, je suis Marie-Thérèse Chicha, et je vais présenter une partie du mémoire, et chacune de mes collègues, Esther Déom et Hélène Lee-Gosselin, va présenter également une partie. Donc, nous allons essayer de nous en tenir aux 15 minutes prévues.
Une voix: Réglementaires.
Mme Chicha (Marie-Thérèse): Réglementaires, c'est ça.
Donc, nous sommes ici à titre d'abord de membres du comité de consultation qui avait remis un rapport à Mme Blackburn en 1995, rapport qui a constitué la base de la Loi sur l'équité salariale. Nous sommes là également parce que nous nous sommes engagées envers l'objectif d'équité salariale et que nos recherches, notre enseignement depuis avant cette date et jusqu'à maintenant continuent à porter sur les questions d'égalité, d'équité et de diversité de la main-d'oeuvre.
Ce que nous voulons souligner, c'est qu'en dépit des progrès réalisés en matière d'équité salariale celle-ci n'est pas assurée au Québec, à l'heure actuelle, et que des efforts importants restent à faire, d'où le titre que nous avons choisi pour notre mémoire, Un droit fondamental encore inachevé au Québec.
L'équité salariale est un choix de société qui a été constamment réaffirmé et un droit fondamental au Québec. Depuis l'entrée en vigueur de l'article 19 de la charte, cela a été considéré comme un droit fondamental, et l'élimination de la discrimination salariale subie par les femmes constitue un enjeu de société important qui a été reconnu comme tel depuis 1975.
L'adoption de la Loi sur l'équité salariale a été faite parce qu'on a constaté que justement l'approche de la Charte des droits était une approche qui avait un impact limité et qu'il fallait passer à une approche proactive qui avait fait ses preuves déjà ailleurs, notamment en Ontario. Et le cours des événements qui ont suivi l'adoption de la charte ont montré que c'était un choix... l'adoption de la Loi sur l'équité salariale ont montré que le choix était judicieux, puisque des progrès importants ont été réalisés, surtout lorsqu'on les compare à ceux qui avaient été réalisés sous l'article 19 de la charte, qui étaient des progrès assez limités.
n(16 h 10)n Il faut revenir à l'idée que l'équité salariale est un droit fondamental qui a été consacré par la Convention n° 100 de l'Organisation internationale du travail, depuis 1951. Donc, déjà, depuis plus de 50 ans, ce droit est consacré et ce droit a été ratifié par un très grand nombre de pays, par la presque totalité des pays. Il est également inclus dans la déclaration des principes et droits fondamentaux du travail. Donc il a été réitéré en 1998, c'est pour souligner son importance. Et, au Québec, ce droit qui a été revendiqué depuis la fin des années 1980... la revendication d'une loi proactive jusqu'à l'adoption de la loi en 1991 était une revendication d'un droit fondamental. Il est important de rappeler ça aujourd'hui, parce que le groupe de travail sur l'examen des organismes du gouvernement du Québec recommandait purement et simplement l'abolition de la Commission de l'équité salariale en avançant le fait que l'équité salariale pouvait être considérée comme une norme du travail comme les autres normes du travail. Si on revenait à cette optique, ça constituerait un recul important, parce que le fait de considérer l'équité salariale comme une norme qui devrait être remise à la Commission des normes du travail avait été proposé dans l'avant-projet de loi qui avait été présenté en 1995. Et cet avant-projet de loi justement... cette disposition avait été combattue par la plupart des intervenants et elle avait été rejetée à l'époque. Alors, si elle a été rejetée à l'époque, il n'y a pas de raison, si on l'avait trouvée incohérente à l'époque, de l'adopter aujourd'hui.
La discrimination salariale est un principe clair et précis, mais c'est un phénomène qui est complexe à contrer. Il nécessite des compétences spécialisées. Pourquoi il nécessite des compétences spécialisées? Parce que la discrimination salariale est due en grande partie à l'invisibilité du travail des femmes, l'invisibilité des responsabilités qui sont rattachées au travail féminin, des responsabilités de personnes, alors que les responsabilités financières rattachées au travail masculin sont toujours visibles. Elle est due aussi à l'invisibilité des efforts qui sont rattachés aux travaux des femmes, des emplois à prédominance féminine, alors que les efforts qui sont propres aux emplois à prédominance masculine sont toujours visibles. Cette invisibilité rend le travail plus complexe et demande également une expertise et une spécialisation dans le domaine, et cela, il faut vraiment se rappeler de ça.
Et les stéréotypes qui sont à l'origine de cette discrimination salariale et de cette invisibilité du travail féminin ne disparaissent pas complètement. Et c'est pourquoi nous allons insister aussi sur la question du maintien de l'équité salariale. Les stéréotypes sont toujours présents, on peut le constater, et ils reviennent assez rapidement. Et ce sont ces stéréotypes qui entraînent l'invisibilité dans les méthodes d'évaluation dans les systèmes de rémunération. Et donc l'équité salariale n'est pas quelque chose qui est acquis une fois pour toutes.
Je laisserai maintenant la parole à Esther Déom qui va poursuivre sur un point de l'application de la loi.
Mme Déom (Esther): Oui. Alors, je me situe, pour que vous puissiez bien me suivre, à la page 4 de notre mémoire. Je vais parler essentiellement des premières années d'application de la loi, qu'on qualifie de départ hésitant et teinté de controverse. Sans vouloir faire une histoire trop longue, il faut rappeler que l'application de cette Loi sur l'équité salariale a connu un départ plutôt lent. Nos observations des 10 dernières années mettent en lumière les limites importantes auxquelles la commission a dû faire face à ses débuts. Il y avait des restrictions tant au niveau des ressources humaines que des ressources financières. Et le début de l'implantation d'une loi comme la Loi sur l'équité salariale, c'est une époque charnière. C'est là où on doit faire de la sensibilisation, de l'information. C'est là qu'il faut faire comprendre quel est l'objectif de la loi, comment on procède, etc. C'est là qu'on doit fournir aux entreprises les outils qu'ils peuvent utiliser pour réaliser l'équité salariale. Malheureusement, ça n'a pas été le cas au Québec. La Commission de l'équité ne s'est pas acquittée de ses fonctions notamment au niveau de la sensibilisation, de la formation et du soutien qu'avec une très grande lenteur et de façon très restreinte. Ça peut expliquer, entre autres ? mais je ne reviendrai pas là-dessus, plusieurs l'ont fait avant moi ? pourquoi certaines entreprises n'ont pas encore réalisé l'équité salariale au Québec.
Le bilan aussi des 10 premières années d'application de la loi a été alourdi par des contestations juridiques, notamment au niveau du chapitre IX sur les relativités salariales, où la Cour supérieure a tranché comme étant... ? je veux aller trop vite, excusez-moi ? comme quoi le chapitre IX était inconstitutionnel, et le gouvernement n'a pas porté en appel cette décision-là.
Bon. Plus récemment... Et là je me situe au niveau du rattrapage qu'on qualifie, dans notre document, de rattrapage efficace mais partiel. Depuis quelques années, la commission a quand même fait un travail considérable, là, au niveau de la mise en application de la loi. Elle a connu plusieurs succès, comme certains sont mentionnés d'ailleurs dans le rapport que vous avez tous et toutes en main. Bon. Cependant, nous, on veut souligner certains aspects encore. Malgré le fait que certaines données semblent dire qu'il y a environ 50 % des entreprises qui ont fait l'équité salariale ? si ces données sont bonnes, tant mieux ? d'autres données montrent aussi que le tiers de cette moitié-là seulement a procédé à des ajustements, ce qui est quand même un petit peu surprenant. Mais quand même, même s'il y a 50 % des entreprises, on ne peut pas considérer que l'application de la loi est terminée si c'est 50 % des entreprises.
Il reste également toute une partie des catégories d'emploi à prédominance féminine, et là je fais référence de façon plus particulière aux catégories d'emploi qui sont dans des milieux sans comparateur masculin et qui ont dû attendre presque 10 ans, sinon 10 ans, que la commission adopte un règlement pour traiter ce cas-là. Or, à l'époque, vous vous en souvenez probablement, mesdames, à l'époque des travaux de la commission, l'emploi de travailleuses en garderie, par exemple, était un des emplois forts des revendications en matière d'équité salariale. On comparait les travailleuses de garderie aux travailleurs de zoo, si vous vous souvenez, et on comparait les rémunérations, puis on disait: Ça n'a toujours bien pas de bon sens que quelqu'un qui s'occupe des enfants gagne moins que quelqu'un qui s'occupe des animaux. C'était ça qu'on disait. Bien, ces travailleuses-là, là, elles n'ont pas encore l'équité. Donc, juste pour vous situer un petit peu, là, en perspective, mettre tout ça en perspective.
Et les travailleurs... Quand on parlait tout à l'heure des... Je pense que je vais prendre quelques minutes, si vous me permettez. Quand on parle des caractéristiques d'emploi qui sont souvent oubliées ou occultées, bien il y a des caractéristiques comme... Marie-Thérèse a soulignées tout à l'heure, mais il y en a qui semblent évidentes: l'effort physique qu'on retrouve dans tous les systèmes d'évaluation des emplois... C'est facile d'évaluer l'effort physique. On l'évaluait d'ailleurs, comment ça vaut en points de soulever une boîte de carton de 25 kg. Mais, quand c'était le temps d'évaluer les emplois de travailleuses en garderie, même si le facteur était présent sur papier, on savait qu'on devait l'évaluer, les gens qui évaluaient étaient incapables de voir que ça représentait un effort de soulever des enfants parce que c'est un geste qui se fait dans le milieu familial et c'est un geste maternel. Donc, ce n'est pas un effort. C'est quelque chose de naturel, donc on n'a pas à rétribuer en termes de points, et donc en termes de rémunération. Donc, ça va beaucoup plus loin que les instruments. On touche au niveau de la sensibilisation.
Ceci étant dit, donc l'équité est loin d'être atteinte. Il reste encore des groupes qui ne l'ont pas, des entreprises qui ne l'ont pas faite. Et c'est très, très vulnérable, l'équité salariale. Dans la plupart des cas, des entreprises qui l'ont faite, ça a déjà été dit, ont fait appel à des consultants. L'expertise ne s'est peut-être pas développée au sein de l'entreprise. Quand on va arriver au maintien, cette expertise-là, elle ne sera peut-être pas là. Elle ne sera pas au rendez-vous. Donc, l'expertise, là, à ce moment-ci, elle est au niveau de la Commission de l'équité salariale. C'est là qu'elle s'est développée, c'est là qu'elle doit être.
Au plan des succès, parce qu'il y en a eu, il faut quand même le mentionner, les dernières années d'application de la loi ont permis le développement de l'expertise, comme je viens de le mentionner, et de la compétence du personnel de la Commission de l'équité salariale. Ça se voit dans le nombre croissant de décisions rendues par la commission. Ça se voit aussi dans la procédure de conciliation, on en a parlé à plusieurs reprises, qui a été mise en place et qui connaît un succès quand même intéressant. On indique aussi: Les données présentées dans le rapport indiquent que, sur 1 600 décisions rendues par la commission ? ce n'est quand même pas rien ? près de 90 % n'ont pas été contestées, donc quelque part il y a quelque chose qui se fait bien dans cette commission-là. Cette expertise-là, elle est unique et très précieuse. Et je pense qu'à l'époque de l'adoption de la loi l'expertise était très, très limitée. Elle ne se situait pas au niveau de la commission, mais la commission a le mérite de l'avoir développée, cette expertise-là.
Je passe très rapidement, parce que je vois que le temps file puis ma collègue veut parler aussi, sur la décision du commissaire Vignola, que tout le monde connaît, qui a quand même assis l'expertise de la commission et qui a permis de bien montrer que la commission peut, de son propre chef, intervenir pour exiger des correctifs, etc., c'est une décision très importante. Mais, malgré tous ces succès-là, nous considérons, pour faire court, là, qu'il reste encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail à accomplir, notamment ? et ma collègue Hélène Lee-Gosselin en parlera ? au niveau de la sensibilisation et de la formation. Merci.
Mme Lee-Gosselin (Hélène): Mme la Présidente, messieurs mesdames du comité. Je tiens à rappeler que les travailleuses non syndiquées ne peuvent pas, elles, bénéficier du soutien des syndicats qui ont aidé les travailleuses syndiquées à réaliser l'équité salariale dans leurs milieux. Donc, l'expertise de la commission est absolument cruciale pour que ces femmes non organisées puissent avoir accès à un droit qu'on leur connaît comme étant fondamental.
n(16 h 20)n Cependant, je pense que le travail de la commission doit être plus large que ça. Le travail d'information et de sensibilisation doit porter sur la société québécoise. Ce qu'on a dit tout à l'heure, c'est que les biais sexistes sont profondément enracinés dans nos représentations des choses. Et personnellement je pense qu'un des plus gros problèmes que nous avons en matière d'équité, c'est celui du déni qui y est maintes fois constaté, que ce soit chez les employeurs, que ce soit chez les employés, que ce soit dans les médias, que ce soit dans la population en général. La société québécoise a fait des progrès remarquables en matière d'égalité et d'équité. Toutefois, il est plus confortable pour la majorité d'entre nous de croire que nous sommes rendus là plutôt que d'examiner concrètement les écarts et d'y travailler. De sorte que cette volonté d'être équitables introduit donc un blocage à faire l'exercice, les gens voulant croire que ce n'est pas nécessaire désormais. Donc, la sensibilisation que doit faire la commission est à tous ces niveaux, et c'est extrêmement important.
Elle doit de plus surveiller l'application complète de la Loi sur l'équité salariale. Ce n'est pas parce que les gens le font qu'ils le font nécessairement bien, et ce n'est pas parce qu'ils ne le font pas bien qu'ils étaient de mauvaise intention, si on reconnaît l'hypothèse que j'émettais tout à l'heure à l'effet que les préjugés et les biais ne sont, plus souvent qu'autrement, pas conscients.
Les travailleuses immigrantes, on l'a évoqué plus tôt, elles, elles sont aussi encore plus tributaires de l'aide que la commission peut leur apporter pour que leurs droits deviennent une réalité. On a parlé d'un bon nombre d'entreprises qui n'ont pas réalisé l'équité. Il faudra trouver une façon de les rejoindre, et il est fort probable qu'il va falloir trouver des façons innovantes et autres de les approcher non seulement pour leur faire reconnaître l'importance de l'exercice, mais aussi... On a parlé des coûts tout à l'heure, je l'ai entendu à maintes reprises. On n'a pas beaucoup parlé des avantages que ça a pour elles, pour ces entreprises. Ma collègue Marie-Thérèse va y revenir tout à l'heure.
Le travail de formation doit faire en sorte que la société québécoise va maîtriser cette notion et va vouloir s'engager à faire les efforts. Vous me rappelez qu'on arrive à la fin, alors je passe à Marie-Thérèse les avantages...
La Présidente (Mme Morissette): En fait, non, c'est la fin du temps, je suis désolée. Vous aviez 15 minutes pour faire votre présentation, et ça fait 15 minutes. Mais je suis convaincue que vous aurez l'occasion de revenir, à travers les questions qui vont vous être posées, sur les points que vous n'aurez pas eu le temps d'aborder. Alors, on y va immédiatement du côté ministériel. M. le ministre, à vous la parole.
M. Whissell: Merci. Bonjour mesdames, merci de votre présentation et bienvenue parmi nous. Juste avant vous, il y a des gens qui nous disaient que le maintien serait probablement non requis dans l'avenir, compte tenu de la conjoncture, compte tenu de l'effet de la rareté de la main-d'oeuvre, de pénurie de main-d'oeuvre dans certains domaines, compte tenu également du fait qu'une entreprise ayant fait l'équité normalement s'est dotée de systèmes qui font en sorte que les évaluations de ses employés se font de façon continuelle dans un processus normal. Quelle est votre réaction à entendre de telles déclarations?
Mme Chicha (Marie-Thérèse): Bien, le fait que le maintien ne soit pas nécessaire à cause du jeu du marché, je dois dire que c'est un argument dont je ne saisis pas très bien la cohérence ni la rationalité. En fait, il faut voir que, comme je l'ai dit et comme mes collègues également l'ont dit, comme plusieurs sont d'accord également là-dessus... Et nous avons des milieux de travail une connaissance très concrète. Nous sommes professeures, mais nous connaissons également la pratique très, très bien. Et nous constatons que, dans la pratique, les préjugés, les stéréotypes à l'égard des emplois féminins sont très durables, ne disparaissent pas vite. Ils disparaissent parfois aussi puis ils reviennent. Donc si ces stéréotypes, ces préjugés se maintiennent ou s'ils reviennent à l'occasion, par exemple, de l'introduction de nouvelles technologies, de création de nouveaux emplois et d'enrichissement des tâches, on constate que de nouveau les emplois féminins risquent d'être sous-estimés et les emplois masculins surestimés. Alors, le jeu du marché à notre avis n'est pas quelque chose qui va justifier de ne pas avoir des dispositions sur le maintien de l'équité salariale.
Et, si on regarde comment fonctionnent les entreprises... Quand une entreprise se dote d'un programme de qualité, ou d'amélioration de la qualité, ou d'autres facteurs, à chaque année elle continue à vérifier que ce programme se maintient et que ça progresse. Elle ne l'abandonne pas sous prétexte que, maintenant que c'est implanté, bien ça va continuer à fonctionner. Le personnel change, le responsable de l'équité change, et le maintien est quelque chose qui doit être assuré de façon continue et structurée.
M. Whissell: Est-ce que l'inéquité peut être vraiment fonction du type d'emploi, de la scolarisation, du type d'entreprise? Par exemple, les secteurs où il peut y avoir plus de femmes immigrantes, est-ce que c'est des endroits où on va trouver plus d'inéquité en termes salariaux?
Mme Chicha (Marie-Thérèse): En fait, là où se trouvent les femmes immigrantes... On peut dire que les femmes immigrantes elles-mêmes connaissent moins leurs droits, d'où, comme l'a souligné Mme Lee-Gosselin, la nécessité d'une plus grande sensibilisation et information de la part de la commission, et d'information qui est bien ciblée envers les différents publics, et notamment les publics qui sont moins touchés par ça. Elles vivent également une grand précarité qui les amène à ne pas revendiquer leurs droits et à préférer avoir un travail que de revendiquer davantage. Donc, on peut supposer que l'inéquité salariale les affecte particulièrement.
M. Whissell: O.K. Oui.
Mme Lee-Gosselin (Hélène): J'aimerais ajouter que la rareté de main-d'oeuvre ne s'exerce pas de façon uniforme pour tous les emplois d'une organisation. Et il y a, en matière de gestion des ressources humaines, des pratiques ancestrales à l'effet que, lorsqu'il y a rareté, on peut créer des postes, «the red circle rate», pour ces emplois pour lesquels il y a une rareté et on reconnaît donc concrètement que, sur le marché, il faut payer ceux-là davantage. Mais ce que l'équité veut assurer, c'est que les composantes du travail sont évaluées correctement pour les uns ou pour les autres. Donc, si oui, il y a des facteurs de marché ? par définition, des facteurs de marché, c'est temporaire ? qui viennent transformer pour une période limitée la valeur au marché d'un emploi, ça ne change pas la situation de l'équité pour l'ensemble des autres emplois. Il y a une raison pour ça, et tout le monde le reconnaît.
M. Whissell: Est-ce que l'effet de rareté peut, dans une certaine mesure, devenir permanent? Tu sais, dans le contexte de 2008 où il va y avoir des pénuries de main-d'oeuvre dans plusieurs secteurs, et on sait que ces pénuries vont perdurer plusieurs années, est-ce que la rareté ne peut pas devenir la règle?
Mme Lee-Gosselin (Hélène): Je pense que la rareté peut être importante, oui, mais je pense que la rareté elle-même peut engendrer une augmentation des biais liés à la discrimination systémique, notamment parce que, lorsqu'il y a rareté, les individus négocient de gré à gré. Alors, la capacité des uns à négocier, à faire valoir leur position pour obtenir cet emploi x, c'est de négocier avec un employé à la fois. Et par conséquent la capacité de l'un à se mettre en valeur et la reconnaissance par l'autre de son caractère inestimable peut faire en sorte que, oui, ça va engendrer des asymétries. Dans un contexte comme celui-là, le maintien forçant l'exercice périodique de qu'est-ce qu'on a évalué comme ayant plus de valeur bien va permettre de débusquer des biais sexistes qui auraient pu se glisser malencontreusement parce que le marché... on parle de la vérité des prix ou de la vérité du marché, c'est une construction sociale, ça.
M. Whissell: Vous avez fait référence dans votre présentation tantôt au règlement où il n'y a pas de comparateur, règlement qui est arrivé en 2005, mais vous ne l'avez pas qualifié. Est-ce que c'est un règlement qui fonctionne bien, selon vous? Est-ce que, tel qu'il a été adopté, le règlement permet d'atteindre les objectifs?
Mme Déom (Esther): Bien, si vous me permettez, étant donné que c'est moi qui l'ai souligné, écoutez, ce règlement-là est très original dans sa facture. Il prévoit donc qu'on crée, à toutes fins pratiques, deux emplois de référence masculins dans les organisations où il n'y en avait pas, alors que, dans la législation à laquelle on se comparaît à l'époque, là, de l'élaboration de la loi, la façon de le faire, c'est qu'il fallait attendre que l'équité soit réalisée pour pouvoir choisir des emplois. Donc, c'est très, très original, c'est un peu ça, là, c'est un peu ironique, cette originalité-là, parce que ça témoigne du fait donc qu'il n'était pas nécessaire d'attendre si longtemps, il n'était pas nécessaire d'attendre qu'on fasse l'équité. On a trouvé une solution pour trouver des comparateurs masculins à l'intérieur des entreprises sans qu'on réalise l'exercice. Donc, peut-être qu'on peut extensionner, là, cette créativité à d'autres aspects de l'équité.
n(16 h 30)n Juste sur le maintien, moi, j'aimerais souligner qu'on entend beaucoup parler depuis tout à l'heure de logiciels, de progiciels, on a les outils, ça va continuer. Il n'y a rien de plus faux que ça. Il ne faut pas penser que, quand on a les outils... Les outils, c'est des gens qui les appliquent. On aimerait bien ça, tout le monde, je pense, puis moi la première, qu'un logiciel efface toutes nos responsabilités en matière d'équité salariale puis on se dit: On prend tel logiciel ou tel progiciel, là, et on met nos chiffres, puis on atteint l'équité salariale. Les inéquités viennent des préjugés, des stéréotypes, et ça, on n'effacera pas ça dans la machine. Donc, moi, je pense que la phase du maintien, elle est très importante, puis peu importe qu'on ait des instruments, qu'on se soit doté des instruments ou pas.
M. Whissell: J'ai le goût d'une dernière question, si vous permettez. Vous l'avez admis, il y a beaucoup d'expertise qui s'est développée depuis l'entrée en vigueur de la loi. Il y a des consultants, il y a des outils et il y a un changement de culture qui s'est installé pour plusieurs dans la société. Vous venez de le dire, il y en a qui n'ont pas franchi cette étape encore. Mais, en 2008, alors que justement il y a une expertise, il y a une conscientisation, le gouvernement a donné l'exemple lui-même en réalisant l'équité salariale, je pense que c'est important de le rappeler, est-ce qu'on ne peut pas, aujourd'hui, donner un coup de barre puis penser peut-être aller plus vite pour compléter le 40 % restant?
Mme Déom (Esther): Aller plus vite? Bien, c'est sûr, si on pouvait aller plus vite... Comment?
M. Whissell: Au début, on s'est donné du temps. Tous en conviendront, que le législateur, l'Assemblée nationale ont mis une méthode qui était étapiste, qui permettait d'aller dans le temps et qui permettait même de répartir les charges salariales dans le temps, s'ils le souhaitaient. Mais, en 2008, est-ce qu'on peut aller plus vite? C'est philosophique, ma question.
Mme Déom (Esther): Bien non. Je pense qu'on peut aller plus vite dans la mesure où il y a la volonté politique de le faire. C'est aussi simple que ça. Si on donne des ressources à la commission, elle va pouvoir en faire plus, elle va pouvoir faire de la sensibilisation, de l'information, ce qu'elle n'a pas pu faire. Il y a des choix déchirants qui ont dû être faits certainement dans les premières années de la commission, parce que le budget était insuffisant. Il faut qu'il y ait la volonté politique, là, on revient toujours à ça, puis probablement que vous entendez ça souvent ici, en commission parlementaire, mais je pense que c'est toujours le même problème.
M. Whissell: O.K. Bien, merci.
La Présidente (Mme Morissette): Oui, alors, M. le député de Viau.
M. Dubourg: Merci, Mme la Présidente. Mme Chicha, vous n'avez pas complété. Est-ce que vous... Je peux vous permettre de compléter, vous devez parler des avantages, je pense, et ensuite je poserai ma question. Allez-y.
Mme Chicha (Marie-Thérèse): D'accord, je vous remercie beaucoup, M. Dubourg.
M. Dubourg: Je vous en prie.
Mme Chicha (Marie-Thérèse): Alors, effectivement, la question, on a beaucoup entendu parler des coûts, des coûts administratifs notamment, de la mise en oeuvre de l'équité salariale. Alors, les études qui ont été faites sur les coûts et les bénéfices de l'équité salariale, et non seulement au Québec, mais également ailleurs dans d'autres pays, ont montré qu'effectivement les coûts administratifs existent, comme on l'a dit, mais que ces coûts administratifs peuvent être considérablement réduits par les bonnes pratiques et notamment par le fait que la commission produise des guides qui sont utiles pour les employeurs, qu'elle donne de la formation, de la sensibilisation. Et, si ces guides sont bien répandus, si la formation et la sensibilisation sont bien faites, que la commission continue à donner des sessions de formation, eh bien, les entreprises auront beaucoup moins besoin de consultants. Et ce sont des consultants effectivement qui coûtent cher, et ce ne serait pas nécessaire d'y avoir accès. Donc, les coûts administratifs pourraient être considérablement réduits. Ils le sont certainement par la présence de la commission, mais ils pourraient l'être davantage.
Quant aux bénéfices qui résultent de l'équité salariale, il ne faut pas les négliger. On a tendance à ne pas en parler, bien que certains des intervenants qui sont passés avant ont souligné quand même leur présence. Et, parmi les bénéfices dont peuvent profiter les entreprises, il y a d'abord une plus grande efficacité dans le système de gestion des ressources humaines. On peut mentionner d'abord les pratiques de dotation, c'est-à-dire de recrutement. Quand on fait l'équité salariale, on a une vue très claire et très précise des exigences des emplois. En même temps, on les actualise. Les entreprises qui sont venues suivre des sessions de formation sont arrivées à des descriptions de tâches qui parfois ne correspondaient plus du tout à la réalité des emplois qu'elles avaient. Et, en faisant l'équité salariale, en allant examiner qu'est-ce que les différents emplois exigent, elles se sont rendu compte que ces descriptions de tâches devaient être considérablement modifiées, que l'évaluation des emplois les amenait vraiment à prendre conscience de ce que ces emplois exigeaient aujourd'hui et non pas il y a 15 ans.
Par conséquent, cette actualisation a eu des retombées positives très importantes, notamment, par exemple, un meilleur recrutement d'employés. Au lieu de recruter des employés qui peut-être n'ont pas les caractéristiques qui correspondent aux exigences actuelles, on recrute des employés qui sont vraiment bien adaptés aux postes pour lesquels on les embauche, et ce qui entraîne une meilleure performance, donc moins d'erreurs également, moins de séparations, moins de licenciements. Donc ça, ce sont des coûts importants que l'entreprise peut éviter.
Également, ce qu'on a constaté, c'était une plus grande satisfaction, un plus grand attachement à l'organisation à cause d'une meilleure perception d'équité parmi les employés. Donc, un plus grand attachement, une meilleure satisfaction, ça baisse le taux de roulement et ça peut résoudre aussi les problèmes de pénurie.
Également, on a constaté une plus grande flexibilité interne. Le fait que les femmes prennent conscience et que les employeurs prennent conscience des exigences réelles du travail des femmes, notamment des exigences techniques qu'on avait l'habitude de ne pas voir, et ça, ça a été constaté dans certains milieux de travail, a permis à certaines travailleuses de passer à d'autres postes, des postes qui étaient à prédominance masculine, des postes traditionnellement masculins, où des secrétaires, où des employées d'usine, des femmes avaient ces compétences. Et donc, ça, ça a permis de répondre à certaines pénuries de main-d'oeuvre dans l'entreprise, c'est-à-dire en faisant appel au...
Également, un autre bénéfice important, c'est le fait qu'il y a eu une harmonisation de la structure salariale. La structure de rémunération est devenue adaptée à l'évaluation des emplois et a cessé d'être incohérente parce que, et ça, c'est... Des gestionnaires de ressources humaines qui ont suivi des sessions de formation nous ont dit à quel point elles appréciaient d'avoir implanté l'équité salariale, parce que ça leur permettait d'avoir une structure de rémunération harmonieuse. Quand on a une structure de rémunération harmonieuse, on retient beaucoup plus les employés, on les retient également parce que chaque employé sait pourquoi il est payé comme ça. Il n'a plus ce sentiment de: Pourquoi je suis payé comme ça?, je voudrais plus, je voudrais moins. Donc, ça, c'est... Enfin, je résume un petit peu les principaux avantages, il y en a également d'autres. Voilà.
M. Dubourg: Merci, merci. J'ai encore...
La Présidente (Mme Morissette): Il vous reste une minute, question et réponse.
M. Dubourg: Une minute. Bon. O.K. Très rapidement, c'est que vous avez parlé de difficultés que rencontrent les femmes immigrantes. Donc, je ne sais pas, est-ce que vous pouvez nous dire comment est-ce que la commission pourrait aider encore ces travailleuses-là par rapport à cette loi-là?
Mme Chicha (Marie-Thérèse): Bien, je pense que la commission pourrait avoir... d'abord les atteindre et savoir un petit peu pourquoi elles ne peuvent pas profiter de ces bénéfices et également avoir des sessions de sensibilisation et d'information par le biais d'associations, par exemple le Collectif des femmes immigrantes ou d'autres, qui sont directement en contact avec ces femmes et vraiment bien orientées vers leurs besoins, et leur compréhension, et leur connaissance.
M. Dubourg: Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Merci. Wow! Merveilleux. Alors, on irait tout de suite du côté de l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.
M. Therrien: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Dans votre mémoire, vous spécifiez que certaines améliorations peuvent être apportées à la loi actuelle afin de garantir que l'équité soit atteinte. Croyez-vous que c'est possible, dans une réalité des entreprises, dans le secteur économique qu'on vit présentement, dans la réalité économique, de garantir vraiment l'équité?
Mme Chicha (Marie-Thérèse): Si c'est possible de garantir l'équité? Bien sûr, c'est possible de garantir l'équité. Il faut que les entreprises comprennent bien d'abord de quoi il s'agit, parce qu'on peut constater que certaines entreprises, jusqu'à maintenant, pensent que l'équité salariale, c'est encore: travail égal, salaire égal. Donc, il faut d'abord qu'elles comprennent bien le principe et qu'elles utilisent les outils qui sont mis à leur disposition par la commission et les outils qui sont disponibles aujourd'hui pour réaliser l'équité. Je ne sais pas si je réponds à votre question.
M. Therrien: Oui, en partie. Mais, vous, votre perception de la mesure, comment on va mesurer cette équité-là dans un résultat qui serait idéal?
Mme Chicha (Marie-Thérèse): Comment on le mesurerait? L'atteinte de l'équité ou...
M. Therrien: Pardon? L'instauration du programme. Parce que vous le voyez comment, l'instauration du programme pour arriver à une équité qui serait parfaite, là, avec la loi, présentement, là?
Mme Déom (Esther): Bien, écoutez, je pense que le programme, comme il se déroule à l'heure actuelle, les étapes qui sont prévues sont des étapes tout à fait logiques, qu'on avait nous-mêmes recommandées. L'idée, c'est de peut-être s'organiser pour que les entreprises comprennent l'objectif, comme le disait Mme Chicha, parce que c'est encore très mal compris. Il ne s'agit pas d'aller très loin pour demander à des organisations ou des patrons, des employeurs: Avez-vous fait l'équité salariale? Est-ce que vous êtes touchés? Ah! bien oui, chez nous, les hommes et les femmes gagnent la même chose. Ce n'est pas ça, l'équité salariale. Donc, il faut vraiment y aller au niveau des objectifs.
En ce qui concerne la démarche, elle est, je pense, tout à fait adéquate. Il y a des instruments qui existent, mais encore faut-il s'assurer qu'ils soient utilisés et appliqués. Et on en revient toujours à la notion de surveillance et d'application. Il serait peut-être intéressant que les entreprises aient à fournir à la Commission de l'équité salariale copie de leur affichage. J'entends déjà, là: C'est encore de la paperasserie. Non, ce n'est pas vrai parce que normalement c'est fait, l'affichage, elles devaient le faire. Donc, tout simplement envoyer à la commission, déjà il y aurait une mesure de contrôle, là, qui peut-être ferait qu'on prendrait au sérieux un peu plus, là, l'exercice de l'équité salariale dans les organisations.
n(16 h 40)n Il y a différentes façons de le faire, mais je pense qu'au moment où on se parle, présentement, on pourrait vous citer, on pourrait vous donner beaucoup d'éléments à améliorer. Mais je pense que ce qu'on réalise, c'est qu'on a fait un peu un bout de chemin, il en reste encore un très gros bout de chemin à faire et peut-être que ce serait le temps qu'on regarde ça attentivement, au lieu d'y aller, là, sur lancer des pistes comme ça, sur des données qui sont différentes d'un individu à l'autre ou d'une organisation à l'autre.
M. Therrien: Dans le rapport, on dénote un certain pourcentage d'entreprises qui ont terminé leur exercice. Selon vous, est-ce qu'un employeur qui est de bonne foi, qui fait l'exercice d'équité salariale complète et qui arrive à la conclusion qu'il n'y a pas d'écart au sein de son entreprise, selon vous, est-ce qu'il est réputé avoir terminé son exercice ou est-ce qu'il est réputé ne pas en avoir fait?
Mme Déom (Esther): Je ne comprends pas votre question, vraiment. Je suis désolée, là, mais je ne comprends pas la nuance que vous apportez.
M. Therrien: C'est parce que, dans le rapport, on dénote qu'une entreprise qui a fait son exercice et qui n'a pas découvert d'écart salarial, donc il n'y a pas eu de discrimination systémique à l'intérieur de son entreprise...
Mme Déom (Esther): Vous voulez dire en fait qu'elle n'en a pas trouvé?
M. Therrien: ...on comptabilise cet entrepreneur-là comme ayant... être réputé ne pas avoir fait son exercice. Donc, est-ce que vous êtes d'accord avec cette prémisse-là ou si, vous, un employeur... Est-ce que, de un, c'est possible qu'il arrive qu'il n'y ait pas d'écart de discrimination systémique et, de deux, est-ce que, vous, vous assimilez ça à quelqu'un qui n'a pas fait son exercice ou qui l'a fait?
Mme Déom (Esther): Il l'a fait s'il a répondu aux exigences de la loi. Qu'il en ait trouvé ou pas, ça, c'est autre chose. Parce que, vous le savez comme moi, ça demande un peu d'élaboration quand même, cette réponse-là, pour ne pas que ce soit mal compris, là. L'équité salariale puis les écarts salariaux, on a des données au niveau général, macroéconomique, mais, dans l'entreprise, l'inéquité ou les écarts, on les découvre quand on fait l'exercice. On ne peut pas dire a priori que, dans une entreprise, le salaire des hommes et des femmes est de... le salaire des femmes est de 70 % de celui des hommes. On ne peut pas le dire, on va le découvrir en faisant l'exercice qu'est l'inéquité. Et, à ce moment-là, ce qu'on va découvrir, ça va être proportionnel à l'effort qu'on a mis pour le découvrir.
M. Therrien: Merci. Dans un autre ordre d'idées, au niveau des programmes distincts, est-ce que vous jugez que l'Ontario fait fausse route complètement en créant une obligation, aussitôt qu'il y a une instance syndicale, de créer un programme? Ou si vous préférez la loi du Québec qui dit que l'instance syndicale peut accéder à un programme distinct?
Mme Chicha (Marie-Thérèse): Il faut comprendre que les instances syndicales, historiquement, ont des contours qui reflètent la ségrégation professionnelle entre les hommes et les femmes, entre emploi féminin et emploi masculin. Et ce que nous avons recommandé dans notre rapport, en 1995, à la ministre, c'était qu'il y ait un programme pour l'ensemble de l'entreprise. Parce que, si on maintient des programmes distincts selon les unités syndicales ou selon d'autres critères, on compare les emplois à l'intérieur des mêmes programmes, et donc, dans une même entreprise, on continue à maintenir un écart salarial discriminatoire entre les employés qui sont dans un programme et ceux qui sont dans l'autre programme. Alors, le fait d'appartenir à des unités syndicales distinctes était une source aussi de discrimination salariale, et qu'il ne faut pas maintenir et qu'il ne faut pas reproduire.
M. Therrien: Merci.
La Présidente (Mme Morissette): M. le député de Johnson.
M. Charbonneau: Bonjour, mesdames. En parcourant le document, le rapport, je regardais un peu la moyenne des salaires qui étaient montrés, notamment les hommes, les femmes, les écarts qui étaient évalués. Je me suis rendu compte que c'est pas mal la même moyenne qu'on retrouve un peu partout, d'un tableau à l'autre, tout dépendant des postes ou de la taille de l'établissement, par rapport aux diplômes. On prend l'exemple des diplômes: ceux qui sont sans diplôme, pour les femmes, en 1997, avaient 9,77 $; les diplômes secondaires, 12,26 $; postsecondaires, 13,45 $; universitaires, 19,92 $. On arrive avec une moyenne de 13,85 $.
Moi, qu'est-ce que je trouve un peu dommage dans ce rapport-là, c'est qu'on ne voit pas la pondération correctement, un peu. On a de la misère à suivre un peu vraiment la pondération d'une place à l'autre. Par exemple, ici, pour les femmes de 1997, selon les diplômes, on arrive avec une moyenne de 13,85 $. On dirait qu'on n'a pas fait de moyenne pondérée selon la quantité de personnes. On dirait que tu as: 25 % des femmes qui sont sans diplôme ont 9,77 $, 25 % des femmes qui ont un diplôme du secondaire, 12,26 $, puis on fait une moyenne. Ça, j'ai de la misère un petit peu. Je ne sais pas si vous avez remarqué ça dans le rapport.
Mme Chicha (Marie-Thérèse): Mais, comme nous n'avons pas fait le calcul du rapport, c'est un peu difficile de dire. Par contre, ce qu'on constate, c'est que c'est très clair que les salaires augmentent très nettement avec le niveau d'éducation. Mais ce qui préoccupe, c'est de voir que l'écart salarial se maintient même à des niveaux d'éducation élevés. Parce qu'on dit souvent: Lorsque la scolarité des femmes va augmenter, l'écart salarial va diminuer ou va disparaître. Or, ce n'est pas vrai, parce que, même à des niveaux universitaires, on constate qu'il y a un écart salarial de 25 %, à peu près. Donc, je pense qu'il faut retenir ça comme étant un facteur important qui nous amène à vouloir lutter, continuer à lutter contre la discrimination salariale.
M. Charbonneau: Donc, vous n'avez pas analysé nécessairement tous les chiffres du rapport. Je reviens un peu à qu'est-ce que le ministre tantôt disait un peu au niveau de la pénurie de main-d'oeuvre, parce que c'est certain qu'on va s'en aller un peu vers là. Tout à l'heure... Excusez-moi, j'ai oublié votre nom.
Mme Lee-Gosselin (Hélène): Hélène Lee-Gosselin.
M. Charbonneau: Bonjour. Vous disiez que les entreprises, un coup qu'ils ont fait l'analyse de l'équité salariale, qu'ils ont pondéré chaque... une structure salariale pour les entreprises... On peut avoir deux entreprises, une entreprise qui peut s'avoir un peu «upgradé», dans le sens de... au niveau du matériel, qui peut avoir un robot soudeur, par exemple, tandis que l'autre entreprise n'a pas de robot soudeur pour faire à peu près le même ouvrage, mais il faut qu'ils recherchent un soudeur ou une soudeuse, peu importe. C'est certain qu'on va avoir un accord de gré à gré pour essayer de trouver un soudeur pour venir... Il n'y a pas une entreprise qui va dire à son client: Bien là, je ne peux pas parce que je n'ai pas de soudeur, je ne peux pas le payer plus. Ça, ça ne se fait pas dans le marché, ça. C'est sûr et certain qu'à long terme, si on fait une autre étude d'équité salariale pour ces deux entreprises-là, la première, qui a un robot, va rester sensiblement pareille, mais, la deuxième, c'est certain qu'il va y avoir un ajustement. Je ne sais pas si je me trompe, là, mais c'est un peu de même que je le perçois.
Mme Lee-Gosselin (Hélène): Bien, si vous permettez, j'aimerais ça prendre un pas de recul par rapport à votre question puis rappeler qu'une façon de vérifier l'équité, c'est de se demander: Les produits ou les bénéfices que redistribue l'entreprise, ils sont redistribués comment? Et est-ce que c'est équitable? Et le salaire ou la rémunération, c'est notamment une partie de la plus-value de l'entreprise qui est redistribuée parmi les employés.
Alors, il est clair que ce qu'on essaie de faire par la Loi sur l'équité salariale, c'est de rétablir l'inéquité historique entre les groupes qui sont le plus à risque, emplois à prédominance féminine par rapport à emplois à prédominance masculine. Et la raison pour laquelle on avait besoin d'une loi comme celle-là, c'est qu'en l'absence d'une loi comme celle-là ces groupes, et notamment les femmes dans les postes à prédominance féminine, étaient celles qui historiquement avaient le plus été pénalisées. Donc, la Loi sur l'équité salariale essaie de donner un coup de barre pour corriger cette situation-là.
Les entreprises sages, une fois que ça, c'est fait, vont faire la relativité salariale à l'intérieur de l'entreprise et vont corriger les autres inéquités. Mais il y a un certain nombre d'entreprises qui ne le font pas parce qu'elles ne sont pas tenues pour le faire. C'est donc dire à quel point ce souci de la redistribution des bénéfices liés au travail, de sa redistribution équitable n'est pas partagé par tout le monde.
Mme Chicha (Marie-Thérèse): J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet, au sujet de la pénurie. La Loi sur l'équité salariale comporte plusieurs exceptions, dont une des exceptions est relative à la pénurie. Donc, par conséquent, si une entreprise constate qu'elle ne peut pas embaucher de soudeurs parce qu'il n'y en a pas beaucoup et qu'elle veut augmenter le salaire justement pour les attirer pour des raisons de pénurie, c'est une exception admise par la loi, c'est-à-dire que la loi considère que cette prime supplémentaire n'est pas discriminatoire, et donc l'entreprise peut le faire. Donc, la loi tient compte des forces du marché.
La Présidente (Mme Morissette): Merci. Il reste un petit peu moins qu'une minute.
M. Therrien: Dernière question.
La Présidente (Mme Morissette): ...ce soit rapide.
M. Therrien: Oui. Dernière question. À la lecture de votre mémoire, que j'ai trouvé intéressant pour l'historique du dossier, etc., et le suivi, par contre, vous suggérez de demeurer avec la loi, mais on ne trouve pas de piste de solution. Est-ce que vous en auriez à nous soumettre aujourd'hui, des améliorations que vous suggérez à la commission pour qu'on améliore cette loi-là?
n(16 h 50)nMme Chicha (Marie-Thérèse): Effectivement, nous avons mis l'accent beaucoup sur quelque chose qui nous paraît essentiel, c'est le maintien de la commission. Mais nous pensons que, certainement, comme Mme Déom vient de le souligner, le fait d'envoyer des rapports, d'envoyer les affichages à la commission donc serait un moyen de vérifier et de contrôler l'application de la loi, parce que, jusqu'à maintenant, il n'y a pas de moyen systématique de contrôler l'application de la loi. Donc ça, c'est déjà quelque chose d'important. Également, la question du maintien devrait être incluse dans la Loi sur l'équité salariale. Donc, si jamais on pense à la modifier, ça, ce sont deux choses qui sont importantes à notre avis d'inclure.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au temps, malheureusement. Alors, on serait rendus... Peut-être que, du côté de la deuxième opposition, ils voudront continuer sur le sujet, je ne le sais pas. Donc, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, à vous la parole.
Mme Harel: Merci. Alors, il me fait plaisir, là, de vous accueillir au nom de ma formation politique, de ma collègue la députée de Taschereau, en mon nom. Alors, vous nous rappelez quelques souvenirs, n'est-ce pas, mesdames? Dans le mémoire que vous nous présentez, là, vous rappelez qu'il s'agit d'un droit, que c'est un droit qui est aussi inclus dans la déclaration sur les principes et les droits fondamentaux du travail. C'est donc ce caractère de droit qui distingue l'équité salariale des autres conditions de travail, qui elles-mêmes sont balisées dans d'autres conventions internationales ou d'autres législations nationales.
En vous écoutant, je me suis posé la question, puisque certains recommandent... et je ne sais pas jusqu'à quel point le ministre a une décision, disons, très claire sur cette question, à savoir: Est-ce que l'équité salariale est plus identifiée à une norme du travail, donc pourrait être en fait dévolue à la Commission des relations de travail ou à la Commission des normes ? ce serait plus à la Commission des normes ? ou bien doit rester en tant que droit? Et, à ce moment-là, est-ce que ça l'aurait protégée si la commission relevait, disons, du ministre de la Justice, qui lui-même a la responsabilité de la commission des droits et libertés de la personne? Est-ce que vous pensez que la Commission sur l'équité salariale est suffisamment à l'abri en étant sous la responsabilité du ministre du Travail? Parce que, personnellement, j'ai beaucoup réfléchi à cette question-là, étant entendu qu'une fois adoptée la loi n'a plus été sous la responsabilité de la ministre de la Condition féminine mais du ministre du Travail.
Mme Chicha (Marie-Thérèse): Moi, mon opinion ? je laisserai mes collègues poursuivre certainement ? c'est qu'en tant que droit fondamental je pense que c'est ça qui assure la protection du principe de l'équité salariale: c'est parce que c'est un droit fondamental. Que ça relève d'un ministère ou d'un autre, c'est quelque chose qui touche aussi bien le travail que les questions de justice et d'égalité. Ça, c'est ma réponse, mais je n'ai pas réfléchi plus sur cette question. Je ne sais pas si mes collègues voudraient se prononcer.
Mme Déom (Esther): Je vais dire essentiellement la même chose, on en a discuté souvent, ce n'est vraiment pas assimilable à une norme du travail, ça, clairement. C'est un droit fondamental qui a été maintes fois renouvelé, là, comme engagement. Par ailleurs, le fait de rattacher l'application de la loi à un ministère ou à un autre, honnêtement on ne s'est pas posé la question. Alors, je ne peux pas vous dire: Ça va-tu être mieux? En autant que la reconnaissance du droit soit là, il me semble que c'est déjà...
Mme Chicha (Marie-Thérèse): En Ontario, ça relève du ministère du Travail.
Mme Déom (Esther): Oui, en Ontario.
Mme Harel: La question se pose parce que ça revient de manière lancinante, là, à savoir: retirer de la compétence de la Commission sur l'équité salariale ce qui devrait être attribué, par exemple, à la Loi sur les normes, en fait, c'est récurrent, tout ça. La question, je pense... La question que je me suis posée depuis le début de nos travaux, c'est: Est-ce qu'il pourrait y avoir contestation judiciaire si tant est que, disons, la question d'équité salariale était dévolue à une institution qui a la responsabilité des normes du travail et non plus à une commission qui aurait clairement la responsabilité d'un droit fondamental?
Mme Déom (Esther): Vas-y, Hélène, tu n'as pas parlé.
Mme Lee-Gosselin (Hélène): Écoutez, je ne suis pas juriste, alors je me sentirais bien maladroite et surtout non avisée de poser un jugement là-dessus. Par contre, ce qui était très important pour nous, c'est de rappeler que, puisque ça exige une expertise, et une expertise qui s'est longuement construite, pour apprécier l'équité salariale, il nous apparaissait clairement non indiqué de faire intervenir d'autres instances qui ne présentent pas des garanties d'avoir développé cette expertise dans soit l'appui ou, encore pire, statuer lorsqu'il y a contestation.
Mme Harel: Mes chères dames, vous savez bien, le passé vous l'a appris, que ce n'est pas parce que vous le recommandez que c'est retenu, n'est-ce pas? Alors, d'où mes questions pour comprendre quels seraient les recours si tant est que ce que vous recommandez n'est pas retenu. Alors, je vois que les réponses seront peut-être ultérieures.
Mme Déom (Esther): Bien, écoutez, nous, comme on disait tout à l'heure, on a continué à cheminer dans le dossier, mais on considère qu'après 10 ans il y a plus d'application de la loi. Je pense que ça mériterait plus qu'une commission parlementaire pour répondre à cette question-là. Je pense qu'il y a des études à faire qui n'ont pas été faites, malheureusement. Pour l'instant, à part de dire que c'est un droit fondamental puis qu'il faut que ce soit dans un organisme spécialisé, je pense qu'on ne peut pas aller beaucoup plus loin que ça. En tout cas, moi, je ne me sens pas à l'aise d'aller plus loin que ça.
Mme Harel: Vous êtes conscientes que, si c'était reconnu comme l'étant, il n'y aurait pas cette remise en question.
Mme Déom (Esther): Oui, on est conscientes.
Mme Harel: Donc, c'est comme une sorte de confusion entretenue sur le fait que ça l'est ou que ça ne l'est pas pour certains. Enfin. Bon. Concernant la... oui, vous vouliez ajouter quelque chose?
Mme Déom (Esther): Si c'était assimilable à une norme, ça ferait probablement l'affaire de bien des gens, là, parce qu'on la traiterait comme telle. Et ça l'affaiblirait, d'après nous.
Mme Harel: Alors, concernant la conciliation cette fois, dans votre mémoire, vous saluez la procédure de conciliation qui a été mise en place sur une base volontaire, qui, dites-vous, a été couronnée de succès, et vous nous mentionnez 270 procédures de conciliation mises en oeuvre avec un taux de succès de 85 %. Est-ce qu'on doit comprendre... Je pense que vous recommandez qu'il y ait un statut juridique qui soit introduit dans la législation, à l'égard de la conciliation.
Mme Chicha (Marie-Thérèse): Je pense que ce serait une bonne chose de l'introduire dans la législation, effectivement, ça va le consacrer et...
Mme Harel: Alors, Mme Chicha, vous avez fait des études assez intéressantes, on les décrit à la page 29, vous en avez fait plusieurs, mais notamment cette Analyse comparative de la mise en oeuvre du droit à l'égalité de rémunération: modèles et impacts, pour le Bureau international du travail à Genève. Et, dans cette étude, vous démontrez que les bénéfices de l'équité salariale sont nombreux et donc que la loi n'entrave pas le marché, n'accule pas les entreprises à la faillite. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur ça.
Mme Chicha (Marie-Thérèse): Bien, en fait, je pourrai reprendre certains des bénéfices, mais c'est que la raison pour laquelle souvent on ignore les bénéfices, c'est que les coûts sont immédiats et à court terme et sont faciles à évaluer monétairement, les bénéfices sont à moyen et long terme. Les coûts sont ponctuels, les coûts administratifs, c'est une fois pour toutes. Les bénéfices sont durables, mais on les constate après, à moyen terme, à long terme, et ils sont plus difficiles évidemment à évaluer de façon monétaire. Par contre, il y a une unanimité, je dois dire, parmi les gestionnaires que j'ai entendus et que j'ai rencontrés: une fois qu'ils comprennent bien ça, qu'ils ont les outils, ils apprécient énormément de mettre en oeuvre l'équité salariale parce que ça rationalise, ça simplifie leur gestion, même si au départ on dit que c'est complexe, mais à terme ça simplifie les choses.
Mme Maltais: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Morissette): Oui, il reste trois minutes. Donc, allez-y, Mme la députée de Taschereau.
Mme Maltais: Merci, mesdames, d'avoir pris le temps de venir porter votre éclairage, qui est fort documenté, fort docte aussi, je vous remercie beaucoup. Vous posez bien, je pense... vous faites un bel état de situation de ce qu'a apporté la Commission de l'équité salariale, et la Loi de l'équité salariale, au Québec. Vous parlez bien de l'avenir aussi. Vous avez une phrase forte en page 10, vous dites: «Remettre en question la commission, c'est du même coup remettre en question la loi elle-même.» Je pense qu'on le comprend au niveau de l'application de la loi, mais on le comprend aussi au niveau de la possibilité d'expansion encore du pouvoir de la loi vis-à-vis, par exemple, les petites entreprises, les femmes immigrantes, tout ça.
À ce sujet, vous dites: «L'expertise, les compétences développées et le leadership qu'assumera la Commission de l'équité salariale s'avéreront [...] déterminantes...» Il vous reste peut-être une ou deux minutes, qu'est-ce que vous voyez comme leadership à exercer pour la Commission de l'équité salariale? Quel domaine devrait être l'avenir de la commission?
n(17 heures)nMme Chicha (Marie-Thérèse): Je pense que, comme nous avons dit, la Commission de l'équité salariale devrait poursuivre son travail, devrait également prendre avantage des pouvoirs que lui donne la loi. Elle devrait augmenter la vérification qu'elle fait, l'étendre, la vérification, parce que, sans vérification, il n'y a pas moyen vraiment de savoir qu'est-ce qui a été fait. Et les entreprises qui voient qu'il n'y a pas de vérification, bien, justement, celles qui sont de mauvaise foi ou celles qui ne comprennent pas très bien, bien elles ne sont pas incitées à le faire.
D'autre part, les sanctions également. Il n'y a pas eu de sanctions qui ont été prises jusqu'à maintenant. Et le fait de ne pas prendre de sanctions envoie un signal que ce n'est pas important. Donc, que vous le fassiez ou que vous ne le fassiez pas, ce n'est pas grave. Et je pense que ça, c'est quelque chose également que la commission devrait étendre, entre autres. Je vais laisser mes collègues poursuivre.
Mme Lee-Gosselin (Hélène): En fait, ce n'est pas tout, l'exercice. Ce n'est pas tout de s'assurer que les organisations le fassent, mais il faut s'assurer qu'elles le fassent bien. Et je pense qu'un des éléments de notre propos, c'est qu'au-delà de la partie technique de l'équité salariale il y a l'esprit dans lequel c'est fait. Il est important que la commission s'assure que non seulement les exercices sont faits, mais sont bien faits, pour que le résultat, qui est l'équité, soit rencontré.
Mme Déom (Esther): Peut-être un dernier petit commentaire pour dire également que, oui, c'est important que la commission fasse tout ça, mais c'est également important que tout le monde réalise que les entreprises doivent faire l'équité. Ce ne sont pas nécessairement des clientes. Elles doivent le faire, c'est une obligation. Ce sont les femmes dans les emplois féminins qui doivent bénéficier de la loi.
Mme Maltais: Ce sont les femmes, les clientes.
Mme Déom (Esther): Oui, exactement.
Mme Maltais: Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au temps qui vous regardait. Alors, on va suspendre quelques instants pour vous saluer et accueillir le groupe suivant.
(Suspension de la séance à 17 h 1)
(Reprise à 17 h 6)
La Présidente (Mme Morissette): Alors, bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux... que, comme à l'habitude des commissions depuis la nouvelle formulation, vous allez disposer de 15 minutes pour nous présenter votre mémoire. Ensuite, les différents groupes parlementaires disposeront chacun d'un temps en fonction du nombre de sièges à l'Assemblée nationale pour vous adresser leurs questions. Alors, 15 minutes devant vous pour présenter votre mémoire.
Confédération des syndicats
nationaux (CSN)
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, merci. Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mme la présidente de la Commission de l'équité salariale, les députés.
Alors, elles sont rares, les occasions où on est amené à s'exprimer sur les effets concrets d'une législation, et c'est un plaisir, aujourd'hui, de le faire. Je vous dirais qu'on essaie de centrer notre mémoire, nos représentations sur un seul objectif: le respect d'un droit fondamental inscrit dans la Charte des droits et libertés. Je pense que, dans les prochains mois, dans les prochaines années, c'est vraiment dans cette direction-là qu'il faut travailler, et c'est pourquoi on a fait le choix de ne pas soumettre un ensemble de doléances, mais vraiment de mettre le focus sur ce qui nous apparaissait le plus important.
Écoutez, la CSN, c'est 300 000 personnes dans tous les secteurs d'activité économique, dans toutes les régions du Québec. On est une organisation qui, avec d'autres, a lutté de haute lutte pour obtenir cette loi. On a été membre de la commission, de la coalition pour l'équité salariale. On s'est impliqué dans des négos. On a pris la rue, on a manifesté. Bref, on a fait beaucoup de choses.
On est content d'avoir une loi. On croit qu'elle doit être maintenue. Et on était profondément déçu de l'inefficacité du système de plainte qui était prévu à la charte. Alors, pour nous, c'est vraiment une évidence, la nécessité de garder la loi, de garder une commission. C'est un constat qu'on est obligé de faire par ailleurs: les résultats après 10 ans sont malheureusement un peu trop mitigés à notre goût, et c'est ce résultat-là qu'il faut travailler à améliorer.
À cet égard-là, je fais tout de suite une première mise en garde: pas de prime à la délinquance. Le plus ou moins 50 % d'entreprises qui n'ont pas fait encore leurs travaux, là, ils doivent être rigoureusement soumis aux mêmes dispositions, aux mêmes obligations que celles qui existaient dans la loi au moment de son adoption. Autrement, ce serait le pire des signaux, ce serait perçu comme étant une prime à la délinquance.
Je me ramène sur un certain nombre de recommandations qui sont contenues au document de consultation. Alors, un premier ordre de préoccupations: Que fait-on quand les entreprises changent? Bien sûr, on est favorable à l'idée que la Loi sur l'équité devrait tenir compte des changements qui peuvent survenir, notamment à l'égard de la taille des entreprises. C'est vrai pour les entreprises de 10 salariés et plus, mais c'est vrai aussi dans d'autres occasions. Nous devons revoir, pensons-nous, les obligations des employeurs et ne pas le faire de façon rétroactive, mais le faire pour l'avenir, le faire pour le mécanisme de maintien de l'équité salariale ou encore pour les nouvelles entreprises qui vont être créées.
Alors, écoutez, dans la petite entreprise, là, moins de 50 salariés, un taux de réussite par enquête de 34 %; 44 %, 50-99. Ça nous amène vraiment à penser: Il faut être plus clair sur les obligations. Et je veux être claire, là, il ne s'agit pas d'être paradoxal en disant: Si ça ne s'est pas fait, on va imposer 132 conditions de plus. Je considère qu'en mettant des conditions de plus on gagne en clarté par rapport aux entreprises. C'est un peu désastreux d'entendre des entreprises nous dire: Je l'ai fait, je l'ai fait, je l'ai fait, mais ? c'est inquiétant, là, sur ce qu'ils ont compris ? je n'ai pas identifié les catégories féminines, masculines, je n'ai pas pris un processus pour évaluer les affaires. On ne dit pas lequel, on ne dit pas le volume le plus compliqué, là, mais c'est assez de base, O.K.?
n(17 h 10)n Si tu comprends c'est quoi, le principe d'équité salariale, tu sais qu'à l'intérieur d'une entreprise tu dois comparer des femmes, des hommes. Il faut savoir où ils sont, et tu vas les évaluer. Tu vas les évaluer avec quoi? Il faut avoir une opinion là-dessus, il faut savoir comment on mesure les écarts pour pouvoir corriger des choses. Or, en ce sens-là, l'intention initiale de la loi, c'était de dire: Selon la taille des entreprises, imposons le moins d'obligations aux plus petites, obligations de résultat. Dix ans après, je pense que même les plus petites seraient beaucoup mieux servies avec un encadrement plus clair. Il y a différentes méthodes d'évaluation, mais des choses «basic», là, comme identifier où sont les femmes, identifier où sont les hommes, avoir une grille d'évaluation des affaires, savoir comment on évalue les correctifs, c'est assez minimum.
Autre élément qui m'apparaît majeur: la participation des travailleuses et des travailleurs. Je pense que c'est absolument nécessaire. Et ça pourrait être variable bien sûr, quant à la forme, selon la taille des entreprises. Vous posiez la question, dans votre document de consultation, sur les données pertinentes: Quand on ne les a plus, qu'est-ce qu'on fait? Nous, on pense qu'il y a deux situations qui doivent être distinguées. Toute absence d'informations relatives à la taille de l'entreprise, bien là on se dit: Il faut appliquer la règle de la présomption la plus sévère. Tu as perdu tes documents, tu es incapable de faire une preuve? Bien, on va te considérer comme étant l'entreprise qui a le plus d'obligations. Autrement, c'est trop facile. Là aussi, c'est une forme de prime à la délinquance.
Par ailleurs, il peut manquer un certain nombre d'informations qui permettent de bien réaliser la démarche. Alors, à ce moment-là, oui, on va être d'accord avec la recommandation qui est faite: il faut se rabattre sur les informations les plus récentes qui soient disponibles. Et en même temps je souligne que la commission a des pouvoirs d'enquête et je pense qu'elle doit aussi en user pour tenter de retrouver ces informations. Pour l'avenir, je pense qu'on doit obliger les employeurs à conserver les informations pertinentes. Il ne faudrait pas se retrouver dans quelques années avec le même problème qu'on a maintenant. Alors, on vous fait très sérieusement cette suggestion-là.
Les recommandations qui sont faites concernant l'affichage, délai minimum de 30 jours, oui, on est d'accord, mais on pense qu'il faut des balises d'ordre qualitatif. On n'affiche pas n'importe quoi. Il faut afficher des données comme: catégorie d'emploi, prédominance sexuelle, méthode et outil d'évaluation, façon de calculer les écarts. Indiquer aussi aux salariés quels sont les recours possibles. Alors ça, je pense que c'est assez majeur. Ça ne peut pas être juste un chiffre, ça ne peut pas être juste un délai, il faut une intervention qualitative sur la question de l'affichage.
Maintien de l'équité salariale, je pense que c'est la principale tâche dans laquelle il faut s'investir. Et, à notre point de vue, les éléments les plus importants sont les suivants.
Alors, le faible nombre d'exercices réalisés et de correctifs salariaux qui ont pu être identifiés à ce jour nous fait craindre qu'une caution soit accordée aux entreprises qui n'ont pas véritablement corrigé les situations discriminatoires. Ce que je veux dire par là, je pense qu'il faut se référer à l'esprit de la loi. L'esprit de la loi, là, c'est avoir des structures salariales qui sont exemptes de discrimination. Ce n'est pas, quatre ans, six ans après, reprendre exactement le même outil d'évaluation, s'il était plein de trous, s'il y avait plein de difficultés. Il faut avoir un espace où on peut revoir les méthodes, la mécanique, le coffre à outils pour pouvoir y arriver. Et ce qui est essentiel, c'est de rester centré sur l'objectif des structures salariales qui soient exemptes de discrimination.
Je répète à cet égard-là qu'il faut aborder la question du maintien de l'équité salariale comme on a traité celle des obligations des employeurs. Alors, il faut qu'il y ait des obligations. C'est un leurre de penser que tu peux avoir des résultats si tu n'as pas d'obligations, si tu ne sais pas ce qui est attendu de toi, ce que tu as à remplir. Ce n'est pas aidant dans les circonstances.
Et on dit oui à un processus de la révision de la loi aux quatre ans. Bien sûr, on est conscients que... Arrive, par exemple, la création d'un nouveau titre d'emploi, oui, il faudra s'empresser de l'évaluer, de le faire entrer dans la mécanique. Mais, au moins une fois par quatre ans, est-ce qu'on peut se poser des questions plus fondamentales ? On en est où, dans l'assurance qu'on n'a pas de biais discriminatoire dans notre structure salariale? ? et revisiter les instruments, la démarche qu'on a faite, au besoin la corriger pour rester très, très, très centré sur l'objectif?
À cet égard-là, je vous indique que, quant à nous, une des clés du succès, c'est la participation conjointe, y compris dans le mécanisme de maintien, des travailleuses et des travailleurs. Et là, de ce côté-là, on s'écarte du document de consultation, qui semble vouloir laisser croire que l'employeur peut faire la job. C'est affiché, et on peut réagir. Nous, on dit: Non, c'est très important, cet exercice-là, il faut avoir une obligation d'impliquer les travailleuses et les travailleurs. Et faisons les choses en quelque sorte toujours en les impliquant. Autrement, je vais vous dire, ça devient impraticable. Vous savez la recommandation qu'on va dire aux salariés? On va dire: Contestez, contestez les affichages. Parce que, le temps que dure l'affichage, tu n'as pas le temps de faire toutes les vérifications. Il n'y a rien de mieux que d'être transparent puis de mettre tout le monde dans le coup. Or, pour nous, là, le succès de l'opération, c'est vraiment le succès de la participation.
Les conditions essentielles. Alors, les démarches d'équité doivent être complétées. Elles doivent être conformes aux exigences de la loi. La participation des travailleurs, j'insiste, c'est une clé importante. C'est important que les employeurs transmettent toutes les informations pertinentes à la révision de l'exercice d'équité salariale. Et c'est important aussi que la commission qui rend... que les employeurs aient l'obligation de rendre compte de ce qu'ils ont fait à la commission. Alors, j'espère qu'au terme des exercices de maintien on ne se retrouvera pas, comme ici, avec bien sûr juste des instruments d'enquête plutôt que des données réelles qui ont été transmises à la commission à cet égard-là.
L'encadrement législatif de la conciliation, je vais vous dire, on est plutôt d'accord avec la recommandation du document de consultation, à une condition: c'est que ça demeure une démarche volontaire.
Le rôle de la commission devant la CRT. On va être d'accord, nous, pour que la commission puisse intervenir à part entière devant la Commission des relations du travail lorsqu'une de ses décisions est contestée. Mais on va vous demander la règle de réciprocité. Quand la commission rend une décision, elle devrait reconnaître les organisations syndicales comme une partie intéressée. Elle devrait les aviser qu'elle est saisie d'une plainte. Et elle devrait, exactement comme ce qu'elle exige de la CRT, nous reconnaître comme une partie intéressée. Ça, je vais vous dire, ça a été très, très, très déficient dans les dernières années.
La nécessaire participation. Alors, participation, information, formation, c'est des clés essentielles. Il y a obligation d'établir conjointement avec l'association la démarche, le maintien de l'équité salariale, le processus de révision de l'équité salariale. La participation, c'est aussi un autre élément. C'est d'amener la commission à se doter d'un comité de consultation, se rapprocher du terrain, chercher ensemble les façons de faire qui peuvent nous permettre d'atteindre l'objectif fondamental de la loi.
Savoir apprendre du passé. Je pense qu'il faut prévoir à nouveau un processus de révision de la loi dans un délai de huit ans. Les mécanismes pour maintenir l'équité salariale doivent être renforcés. On appelle à des mécanismes qui soient plus solides. Alors, je pense qu'il est utile de se donner une autre plage de révision de la loi dans un délai de huit ans.
Les milieux exclusivement féminins. Alors là, écoutez, s'il y a des milieux qui ont été frappés par la discrimination, c'est bien les milieux où il y avait juste des femmes. Personne n'aurait pu soupçonner, au moment où la loi a été adoptée, que ça prendrait une affaire comme sept ans à la commission pour établir son règlement et que les femmes les plus discriminées ne toucheraient pas les correctifs au 21 novembre 2001, comme toutes les femmes du Québec. Or, on est en cour devant ça. S'il vous plaît, n'attendez donc pas les tribunaux, hein? Je pense qu'il y a là, là, à l'égard de monde bien poigné dans la vie, un beau geste à poser.
Et, quand la plainte est le seul recours, je vous invite à considérer une proposition à l'effet qu'on inverse au moins le fardeau de la preuve. Il n'y a pas de femmes, dans les entreprises de moins de 10 salariés, qui ont déposé des plaintes. C'est déjà lourd. On peut-u, s'il vous plaît, demander aux employeurs de démontrer qu'il n'y a pas de discrimination, plutôt que laisser tout ce poids-là sur les femmes et les femmes seules? Je pense que ce serait bienvenu.
n(17 h 20)n Puis évidemment, quand la loi ne suffit pas, j'insiste sur le rôle de surveillance de la commission. La loi doit être respectée, et la commission doit prendre le parti des femmes. Je pense qu'il faut intensifier les programmes de vérification, il faut intensifier les efforts auprès des femmes non syndiquées, produire un plan d'action pour les rejoindre, obtenir le financement nécessaire pour les soutenir adéquatement.
Alors, en conclusion, bien sûr la loi est importante. C'est important de la faire respecter. C'est important aussi de garder un certain nombre de champs d'intervention pour qu'une société soit plus juste et plus équitable pour les femmes. Alors, des mesures pour faciliter l'accès à la syndicalisation, le rehaussement du salaire minimum, le Programme d'égalité en emploi et l'égalité de traitement indépendamment du statut d'emploi sont des moyens à la disposition non pas de la commission, mais des gouvernements, pour faire un pas de plus sur le chemin d'une meilleure égalité pour les femmes dans les milieux de travail. Je m'arrête là.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup, Mme Carbonneau. Donc, on entamerait immédiatement le bloc de temps du côté ministériel. Donc, M. le ministre, à vous.
M. Whissell: Bonjour, Mme Carbonneau, Mme Carroll. Merci de votre présence. Peut-être juste pour revenir un peu sur mes remarques préliminaires de ce matin. Vous n'étiez pas ici. Sûrement, vous aviez un autre dossier à suivre de très près. J'espère que ça a été comme vous le vouliez. J'ai commencé, ce matin, en rappelant que mon prédécesseur, dans le rapport, avait bien spécifié que la loi était pour bien rester au Québec, et, je tiens à vous le dire de vive voix, la loi restera, la commission restera. Et on entreprend justement ces audiences avec beaucoup d'ouverture. Et l'objectif qui est visé par le gouvernement, c'est de s'assurer que l'équité puisse s'étendre à des endroits où elle n'a pas encore justement trouvé preneur.
Vous avez commencé, Mme Carbonneau, en disant que vous représentiez des centaines de milliers de travailleurs, et à chaque jour vous avez des négociateurs qui négocient dans les entreprises des renouvellements de convention collective, des nouvelles conventions collectives. Vous n'avez pas d'obligation d'implanter des processus d'équité salariale, le fardeau revenant à l'employeur pour une première. Lorsqu'il y a un renouvellement, lorsqu'on veut maintenir l'équité salariale, vous avez dans la loi une obligation. Lorsque vous renouvelez les conventions collectives, lorsqu'il y a des ajustements salariaux qui peuvent être apportés en cours de convention collective, lorsqu'il y a création de nouvelles fonctions, vous avez une obligation de justement vous assurer de respecter la loi. Pouvez-vous nous dire, parmi les employés que vous représentez comme centrale syndicale, combien aujourd'hui ont vécu un premier processus d'équité salariale?
Mme Carbonneau (Claudette): Ouf! Écoutez, là, la réalité de la CSN, c'est une réalité assez complexe, hein? C'est 2 100 syndicats, c'est beaucoup de membres, c'est des choix qui sont faits localement. Alors, tu sais, de ce côté-là, là, ce n'est pas de mon bureau que je téléguide ça, d'aucune façon. Je suis absolument certaine... ce qui est plus visible, ce qui est plus facile, les grands groupes chez nous, à peu près partout les exercices d'équité ont été complétés. Et, quand ils n'ont pas été complétés... Je vous entendais dire: Ce n'est pas l'obligation du syndicat. Je le sais que ce n'est pas notre obligation, mais ça ne nous a pas empêchés de pousser fort, des fois.
Alors, je vais vous donner des grands groupes qui échappent encore à la loi, et c'est triste. Le Mouvement Desjardins n'a pas terminé son exercice d'équité salariale. Il y a des travaux qui sont en cours. Alors ça, c'est un exemple. Évidemment, eux, ils s'étaient engouffrés dans le chapitre IX, tout ça, là. Le détour a été long. Alors ça, c'est un des grands groupes. Dans des institutions financières, c'est le plus grand employeur de main-d'oeuvre féminine, là, et ce n'est pas faute d'avoir poussé là-dedans.
Je vous dirais que des secteurs comme l'hôtellerie, tout ça, ça a été très largement couvert. Dans les grands groupes, les CPE, c'est derrière nous, c'est fait, le secteur public, c'est fait. Mais il reste des endroits où on rencontre encore des difficultés à convaincre qu'il faut aller dans cette direction-là. Et, je vais vous dire, de ce côté-là, là, je comprends qu'on n'a pas l'obligation, mais il y a bien des fois où on pousse, on pousse fortement.
M. Whissell: Vous connaissant, j'imagine. Mais vous n'avez pas de donnée, vous n'êtes pas capable de nous dire si 50 % des entreprises...
Mme Carbonneau (Claudette): ...convaincue que c'est plus. C'est plus que ce qu'on observe dans la moyenne générale. Écoutez, là, juste à l'oeil, là... Je n'ai malheureusement pas cette donnée-là. Il faudrait que je retourne dans les services. Je ne suis pas sûre qu'on ait une compilation extrêmement précise de ça. Juste à l'oeil, 50 % du membership de la CSN est dans le secteur public. Mission accomplie. Alors, déjà là, là, on dépasse le 50 %. Alors, ajoutez à ça, tu sais, l'hôtellerie, ajoutez à ça les CPE, ajoutez à ça des tonnes et des tonnes de groupes. Les marchés d'alimentation Provigo, on l'a fait, il y a plein de groupes où on l'a fait. Alors, on est très largement au-dessus de la moyenne observée par la commission dans la société tout entière. Et ça, je pense que c'est la différence entre les milieux syndiqués et non syndiqués, là.
M. Whissell: Et, une fois que l'équité a été réalisée il y a un an, deux ans ou cinq ans, dépendamment des cas, faites-vous un suivi systématique à savoir si, lorsqu'il y a renouvellement de la convention collective, justement vous vous assurez au cours justement de la négociation que vous allez respecter les principes d'équité?
Mme Carbonneau (Claudette): Ça, tout à fait. On est structurés, à la CSN, avec des services-conseils de deuxième ligne. Il y a toutes sortes d'outils, hein, qui sont fournis, à cet égard-là, aux fédérations qui ont la responsabilité de conduire la négociation. Il y a de la formation qui est faite à cet égard-là, à l'égard des salariés qui sont en charge de la négociation. C'est quelque chose qu'on prend très au sérieux.
Mais je vous dirais qu'au-delà de ne pas dégrader le terrain à l'occasion d'une négociation je pense qu'il faut plus que ça. Les exercices qu'on a faits, y compris chez nous, sont de qualité variable. Ce n'est pas dans tous les milieux que ça s'est fait avec la même rigueur. Il y avait du monde qui avait à apprendre aussi, à tirer des leçons d'un certain nombre d'apprentissages. Et c'est une des raisons pour lesquelles j'appelle au fait d'un renforcement des mécanismes pour soutenir l'exercice de maintien de l'équité salariale.
Ça ne peut pas être fait au lendemain de la loi, avec les connaissances que tu avais, avec une conjoncture qui pouvait être plus ou moins facile, un exercice qui a donné la moitié des compensations que les femmes auraient dû toucher... que tu vas t'en tenir à défendre les instruments que tu as pris et qui te donnaient une demi-mesure jusqu'à la fin de tes jours. Ce serait contraire à l'esprit de la loi. Ce serait condamner du monde à vivre de la discrimination jusqu'à la fin de leurs jours parce qu'un jour il y a eu un exercice d'équité salariale.
Alors, c'est ça, le sens de notre grande recommandation. C'est: On peut-u, par exemple aux quatre ans, se reposer la question et dire: On en est où sur le caractère non discriminatoire de notre structure? On a des doutes? O.K. Alors, revisitons le processus qu'on a fait. On l'a-tu fait comme il faut? On peut-u spécialiser les choses? On peut-u, tu sais, avec l'ajout des connaissances, avec le partage des expériences... Alors, c'est à ça qu'on appelle, là.
M. Whissell: Entre les négociations de convention collective, est-ce que les paramètres peuvent évoluer tellement qu'on se doit, en cours de route, de faire des ajustements?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien oui. Oui. Judith.
Mme Carroll (Judith): Bien, peut-être indiquer, là...
M. Whissell: ...exemples d'entreprises.
Mme Carroll (Judith): Bien, il y a plusieurs éléments qui peuvent influencer le maintien ou non de l'équité salariale en cours de convention comme au moment du renouvellement de la convention. Tous les éléments qui vont être déterminants quant au contenu d'emploi, aux différentes catégories d'emploi, ce qui va être déterminant par rapport au nombre de catégories d'emploi, les fonctions, les tâches qui sont exercées, les éléments de rémunération qui sont donnés, les augmentations de salaire, mais autres éléments, là, on le sait, la loi prévoit que la rémunération englobe l'ensemble des avantages financiers ou non qui ont une valeur pécuniaire, donc ces éléments-là vont influencer le maintien ou non de l'équité salariale. Et, en cours de convention, la façon dont la loi est prévue, c'est à l'employeur que revient l'obligation d'assurer le maintien de l'équité sans autres informations.
J'ajouterais, par rapport à la réalisation de l'équité salariale et le fait qu'on a complété ou non, il y a une différence entre le fait que des organisations et des syndicats puissent avoir complété les programmes d'équité salariale au sein des entreprises et considérer que toutes les entreprises desquelles on parle quand il y a présence d'un syndicat ont, elles, réalisé l'ensemble de l'équité salariale pour l'ensemble des travailleuses et des travailleurs qui y sont présents, puisque la loi permet de faire des programmes distincts selon les associations accréditées.
Alors, ce qu'on constate, c'est que, oui, dans certaines entreprises, pour ce qui est du syndicat, le programme d'équité salariale est réalisé, mais, quand on s'intéresse en périphérie des associations accréditées, les femmes, notamment non syndiquées, vont se retrouver le bec à l'eau. C'est-à-dire, il n'y a pas eu de démarche d'équité salariale. Il y a eu quelque part un affichage fait, un peu nébuleux, qui n'a pas donné lieu à aucun recours, et on considère que l'équité est complétée.
n(17 h 30)n Donc, dans ce cadre-là, c'est dans ce sens-là qu'on indiquait qu'il faut s'assurer que, oui, les programmes sont complétés, qu'ils soient faits rigoureusement et que, dans le cadre du maintien, on s'assure qu'on maintient quelque chose qui effectivement rend justice aux femmes et non pas qui perpétue une discrimination parce que les programmes n'auraient pas été faits selon les règles de l'art.
M. Whissell: O.K. Peut-être laisser la parole à mes collègues.
La Présidente (Mme Morissette): Oui, à M. le député de Viau. Allez-y, oui.
M. Dubourg: Merci, Mme la Présidente. Bon après-midi, Mme Carbonneau, Mme Carroll. Mme Carbonneau, dans votre présentation, vous avez parlé du succès de l'opération. Vous avez dit que le succès de l'opération repose sur la participation, sur... Vous avez mentionné le comité de consultation, impliquer encore plus les travailleuses et les travailleurs, mais en même temps vous dites: Il ne faut pas qu'il y ait une prime à la délinquance, donc qu'il faudrait, comment dirais-je, augmenter les obligations pour les petites entreprises, augmenter les programmes de vérification aussi. Donc, qu'est-ce que vous privilégiez dans ces deux... enfin, de ces deux positions-là?
Mme Carbonneau (Claudette): Vous posez là une question qui m'amène à préciser très clairement ce qu'on recommande et ce qu'on ne recommande pas. Ce n'est pas vrai qu'on va recommander... On veut des améliorations à certains éléments de la loi, mais on ne sera pas antidémocrates et on ne demandera pas que ça ait un effet rétroactif. Et on n'aura pas l'air de compliquer le portrait pour faire en sorte que des employeurs nous disent: C'est encore plus compliqué, puis ça va me prendre encore plus de temps. O.K.? Ça, je pense que c'est une règle de justice naturelle.
Par ailleurs ? ça aussi, hein, l'inverse de la médaille ? s'il advenait, et je ne le souhaite pas, qu'on assouplisse un certain nombre de mécanismes, il serait tout aussi injuste que des employeurs qui n'ont pas réalisé le programme veuillent se prévaloir des nouvelles souplesses sans avoir fait leur première job. Alors, de ce côté-là, là... c'est les deux côtés du miroir.
Dans les deux cas, je disais: Il y a des entreprises qui, en raison de leur taille, avec la loi telle qu'elle a été votée en 1996, devaient recourir à la participation des travailleurs. Je préconise pour l'avenir qu'on élargisse ces mécanismes-là. Je pense que c'est une clé du succès. Mais une entreprise qui ne l'a pas fait, elle vivra avec le même régime légal qu'avant. Alors, ça n'enlève rien à l'importance d'impliquer les travailleurs.
Quand je soulevais le mécanisme de consultation, c'est un comité consultatif auprès de la commission. Je pense que, de ce côté-là, les groupes de femmes, les associations d'employeurs, les grandes organisations syndicales, on peut avoir des échanges avec la commission sur l'état du terrain, comme la commission peut effectivement, elle aussi, avoir un input très intéressant sur sa vision de l'état du terrain. Alors, c'est un autre niveau de participation, mais c'est deux éléments qui sont complémentaires et sur lesquels j'insiste pour dire que je pense que c'est des clés importantes pour le succès.
M. Dubourg: Non, je comprends. Merci pour cette précision-là. Parce qu'un comité de consultation, bien, effectivement, vous êtes... enfin, ces groupes-là sont sur le terrain, donc il est important, là, de faire équipe avec la commission pour rapporter qu'est-ce qui se passe aussi.
Mais, sachant que vous représentez effectivement la Confédération des syndicats nationaux mais en même temps vous avez une recommandation à l'effet, vous l'avez dit, que, de renverser la vapeur, c'est-à-dire le fardeau de la preuve, là, de mettre ça plutôt sur l'employeur, qui, pour... enfin, dans les situations où est-ce qu'il y a moins de 10 employés, je comprends tout de suite que ces entreprises-là, moins de 10 employés, ne sont pas syndiquées, mais je suis content de voir que vous dites qu'on devrait... Mais comment est-ce qu'on devrait... C'est quoi, les conséquences de renverser le fardeau de la preuve dans cette situation-là?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, je comprends que ce sont des entreprises plus petites, mais les travailleuses à l'intérieur de ces entreprises-là sont probablement encore plus démunies au plan légal que ne l'est elle-même l'entreprise. Et, d'autre part, c'est tout à fait conforme à l'esprit de la loi, hein? C'est une loi qui s'attaque à une forme de discrimination qui est systémique, donc non volontaire, O.K.?
Or, en ce sens-là, la loi, elle présume que la discrimination était assez répandue à l'intérieur du Québec. Elle avait entachée profondément les systèmes de rémunération. Donc, il ne s'agissait pas, là, de faire une preuve criminelle à l'effet qu'il y avait là quelqu'un d'absolument odieux, puis on n'avait pas à démontrer. Là, on pouvait présumer, d'entrée de jeu: Bien oui, ça se peut, là, de façon séculaire, la société, elle a généré des structures salariales qui étaient discriminatoires à l'égard des femmes. Et je pense que malgré tout les entreprises ont un petit peu plus de moyens au moins de tenter de nous démontrer: Écoutez, là, je sais que ça existe, de la discrimination, dans la société. Moi, ça me préoccupe, et puis j'ai tenté de faire ça, ça, ça pour éviter que ça se passe à l'intérieur de mon entreprise. Il me semble que ce n'est pas trop leur demander. On impose à toutes les autres entreprises de travailler avec une présomption qu'il peut y avoir de la discrimination systémique.
M. Dubourg: Une...
La Présidente (Mme Morissette): Il reste moins de une minute.
M. Dubourg: Moins de une minute. Bien, très rapidement. C'est que le groupe précédent nous a parlé de situations discriminatoires que les femmes immigrantes, là, pouvaient rencontrer. Est-ce que vous en êtes témoins? Et qu'est-ce que la commission pourrait apporter comme solutions dans ces situations-là?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, oui, je pense qu'il y a des discriminations qui malheureusement se multiplient, et la double condition de femme, de femme immigrante n'est certainement pas un facteur qui facilite. Moi, je pense que, dans les recommandations qu'on met de l'avant, hein, il y a celle de dire: Allez chercher des budgets, mettez un effort particulier pour les milieux non syndiqués. Il y a des femmes immigrantes fort heureusement qui sont syndiquées, mais il y en a beaucoup dans les milieux non syndiqués. Alors, c'est une façon de leur tendre la main. Et je pense que c'est une exigence de société de se comporter de cette façon-là.
En même temps, je terminais en disant que tout n'est pas dans la Loi de l'équité salariale, et il y a plein de mesures qui peuvent être prises et dont les femmes et les femmes immigrantes bénéficieraient. Je vais vous en souligner une sur laquelle je suis souvent revenue...
La Présidente (Mme Morissette): Très, très rapidement, s'il vous plaît.
Mme Carbonneau (Claudette): ...revenue publiquement, cette mesure dramatique où on a désassujetti de l'obligation de faire de la formation professionnelle toutes les petites entreprises avec une masse salariale de moins de 1 million, là: beaucoup de femmes là-dedans, beaucoup de femmes immigrantes. Alors, si on veut des terrains concrets, là, pour faire avancer les choses, en voici un.
M. Dubourg: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au bloc du côté ministériel. Donc, du côté de l'opposition officielle, M. le député de Terrebonne.
M. Therrien: Oui. Bonjour, Mme Carbonneau, Mme Carroll. Vous parliez, dans votre allocution de départ, qu'il y a beaucoup de... il semble y avoir beaucoup de délinquance au niveau des employeurs. Est-ce qu'on ne pourrait pas aussi... J'aimerais avoir votre opinion. Est-ce qu'on ne pourrait pas déceler un manque d'information de la part des employeurs? Est-ce que les critères ne sont peut-être pas assez clairs? Est-ce que la loi n'a pas été assez diffusée ou expliquée ou... Bon. Est-ce qu'il a manqué peut-être d'information? Parce qu'on a eu beaucoup d'intervenants qui nous ont parlé de ça. Donc, j'aimerais avoir votre avis là-dessus.
Mme Carbonneau (Claudette): Alors, je vous dirais, là, d'entrée de jeu: Toutes ces réponses sont bonnes. Et je vais être très claire. Quand je parle de délinquance, il faut écarter toute connotation, je dirais, de jugement moral là-dessus. C'est le constat que, dans probablement la moitié des entreprises, on n'y est pas arrivé, O.K.? Et tout ce que je dis, c'est qu'il faut corriger, avec beaucoup d'intensité, avec beaucoup de ténacité, la situation. Et, dans la façon de la corriger, on ne peut pas se comporter n'importe comment. Il ne faut quand même pas qu'une entreprise, qu'elle l'ait voulu ou non, que ce soit intentionnel ou non, elle n'y est pas arrivée, il ne faut quand même pas qu'elle tire plus d'avantages du fait de ne pas y être arrivée, d'où cette expression un petit peu raccourcie, un petit peu imagée de «prime à la délinquance».
Écoutez, que la commission intensifie sa mission d'information, de promotion de la loi, qu'elle ait les budgets nécessaires, mon Dieu, on a répété ça maintes et maintes fois. Quand on arrive avec des recommandations, comme comité consultatif on est conscient qu'il faut épauler tout le monde, y compris les entreprises, hein, dans leur façon de faire. Alors, on n'est pas contre ça. Ça va dans cette direction-là.
Quand j'amène des recommandations en disant: À l'avenir, on doit avoir des obligations plus claires pour les entreprises, quelle que soit leur taille, c'est parce que je présume que ce n'est pas juste en disant à une entreprise, là: Obligation de résultat, puis débrouille-toi, puis trouve la bonne méthode, qu'on s'aide dans la vie.
M. Therrien: Merci. À la page 7 de votre mémoire, dernier paragraphe, vous parlez: «La consultation en cours est importante et repose sur la mesure que l'on prend du chemin parcouru.» Dans l'autre phrase: «Or, il faut reconnaître que nous avons peu d'informations pour faire cette évaluation.» Est-ce qu'on pourrait avoir plus de précisions à ce niveau-là?
n(17 h 40)nMme Carbonneau (Claudette): Oui. Alors, écoutez, la loi est ainsi faite. Il n'y avait pas obligation pour quelque entreprise que ce soit, au terme de son exercice, d'envoyer des données à la commission: J'ai fait mon exercice, il y a eu telle hauteur de correctifs. Il y a eu plein d'informations, là, qui auraient pu être colligées comme ça et pour lesquelles on suggère qu'à l'avenir ces informations-là soient ramassées par la commission, qu'il y ait obligation de la part des employeurs de les fournir. On est dans une tout autre situation. Or, la commission a dû procéder par échantillonnage et par enquête, faute d'avoir directement ces rapports-là. Or, c'est le genre de situation, là, qu'on décrit, ce n'est pas plus malicieux que ça.
M. Therrien: Donc, si je suis votre raisonnement, si on est obligés, par manque d'information, de procéder par échantillonnage, on peut présumer qu'il peut y avoir une marge d'erreur dans les résultats qu'on a obtenus.
Mme Carbonneau (Claudette): Ah oui! Oui. Oui.
M. Therrien: Merci. Selon vous, est-ce que c'est possible pour une entreprise qui fait un exercice complet de bonne foi d'arriver au bout de l'exercice et qu'il n'y ait aucun écart de discrimination systémique?
Mme Carbonneau (Claudette): Je vais vous dire, ça me rend sceptique puis, en même temps, si ça existe, ça mérite une médaille. Moi, je vais vous dire: De ce côté-là, on a vu des situations... Je vais vous donner des exemples très, très concrets, O.K., de ce qu'on a pu observer, par exemple, en milieu syndiqué.
Il est clair qu'avant l'adoption de la loi les syndicats faisaient la promotion de l'équité salariale. Il est arrivé très souvent, dans des exercices de négociation, parce qu'un groupe de femmes était particulièrement visible, qu'on a eu des revendications particulières, qu'on a imposé des exercices particuliers pour tenter de corriger des discriminations et souvent avec un certain succès.
Je me souviens, entre autres, d'avoir assisté à une réunion, on avait tous nos syndicats de l'hôtellerie. Les femmes de chambre sont, à des variantes près, là... il peut y avoir des différences d'un hôtel à l'autre, mais les femmes de chambre, ce ne sont pas elles qui ont touché les correctifs les plus substantiels. Pourquoi? C'est un groupe très visible dans le syndicat. À travers les négociations, on avait, tranquillement pas vite, contribué à corriger la situation. La job isolée, peu visible, faite par une femme dans le même hôtel, qui n'avait pas été l'objet d'un traitement particulier à l'occasion d'une négociation, s'est souvent retrouvée avec des correctifs plus élevés.
Alors, je vous dirais, pas de correctif pantoute, médaille, tant mieux, chapeau. Sceptique... Et, de ce côté-là, je vous dirais que la loi a été construite en constatant que, bon, c'était généralisé. Que voulez-vous, là, on ne peut pas réécrire des siècles et des siècles d'histoire sans qu'il reste des traces de ça dans les systèmes de rémunération. Alors, de ce côté-là, je pense que, de façon générale, si on a bien fait l'exercice selon les règles de l'art, normalement il devrait y avoir plus de correctifs que moins de correctifs, c'est le moins qu'on puisse dire.
M. Therrien: Merci. Dernière question pour moi. Vous parlez de structure salariale, plus tôt, il y a eu d'autres intervenants aujourd'hui qui nous parlaient de structure salariale versus le maintien. Donc, j'aimerais avoir votre avis: Si, exemple, on prend une entreprise qui fait un excellent exercice de structure salariale, avec des échelons et échelonné dans le temps, le rôle que la commission pourrait jouer, en tant que maintien, si vraiment l'entreprise fait vraiment un exercice rigoureux d'une structure salariale très rigoureuse...
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, soyons clairs, là: Ni à l'occasion du premier exercice ni dans le maintien la commission n'est le maître d'oeuvre des exercices d'équité salariale. Elle ne peut pas se substituer aux employeurs puis aux travailleurs du milieu. Ce n'est pas à elle de faire cette job-là. Elle peut soutenir, faire la promotion de l'information, de la formation, offrir des mécanismes de médiation, de conciliation, elle peut faire tout ça. Elle peut faire des enquêtes de son propre chef, elle peut faire des vérifications, mais elle ne le fera pas à la place des parties. Or, en ce sens-là ? ça me ramène encore aux recommandations qu'on vous faisait par rapport au maintien ? je pense que l'heure est venue d'ajouter aux obligations des employeurs, d'être plus explicite à cet égard-là. Judith.
Mme Carroll (Judith): Mais peut-être indiquer aussi, dans le cadre des recommandations, que ce qu'on considère devoir être maintenu dans le cadre de l'équité salariale, c'est des structures salariales qui sont exemptes de discrimination. On ne dit pas que les moyens qui ont été mis en place, les outils ou les façons de faire doivent nécessairement rester les mêmes dans le temps. Je pense que les entreprises évoluent, les conditions de travail changent, et donc il faut s'assurer cependant qu'on maintient l'équité salariale.
Donc, nous, on fait la promotion, dans nos syndicats, suite aux démarches d'équité salariale, de la mise en place de structures salariales qui rendent justice à tout le monde et qui assurent l'équité. Donc, on va passer à une phase suivante d'une structure qui est cohérente et significative, où les gens vont se retrouver, puis après ça on va tenter de maintenir cette structure-là. Ce qu'on dit, dans le cadre du maintien avec l'examen périodique, c'est qu'on doit s'assurer que ce qui s'est passé dans le temps, après vérification, même si on a une belle structure: qu'il n'y a pas eu de mise en place de politiques quelconques qui auraient pour effet d'avoir régénéré des discriminations salariales à l'intérieur de l'entreprise.
Donc, ce n'est pas de dire que tout doit rester tout à fait identique comme il l'était au 21 novembre 2001, date à laquelle les programmes doivent être complétés. Il y a des éléments... il y a une évolution dans l'entreprise, on doit en tenir compte, mais en tout temps on doit s'assurer que la structure salariale, si cohérente soit-elle, assure le droit fondamental des femmes à un juste travail... à un juste salaire.
M. Therrien: Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Donc, Mme la députée de Groulx, à votre tour.
Mme Lapointe (Groulx): Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames, bienvenue. Je reviens à votre rapport. À la page 13, vous parlez: «Une loi comme celle [de] l'équité salariale ne peut avoir pour effet de réguler et d'organiser les relations de travail au sein d'une entreprise.» Je pars de là et je parle des programmes distincts. On sait que, dans des entreprises, il peut y avoir plus qu'une accréditation. Est-ce que, pour vous, d'avoir les programmes distincts, est-ce que vous être pour ou contre? Parce qu'on peut comprendre. On a rencontré d'autres personnes aujourd'hui. Certaines fois, ça apportait des problèmes de relations de travail entre différents syndicats. C'est sûr que, s'ils sont tous avec la CSN, j'imagine que le problème est moindre, mais, pour vous, comment vous voyez ça?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, vous me ramenez, là, dans une autre commission parlementaire. Or, je me souviens très bien du type de représentation qu'on a fait au moment de l'adoption de la loi. La CSN était en faveur des programmes les plus larges possible et ne préconisait pas la segmentation, parce que nous pensions et nous pensons toujours théoriquement... Puis je ne dis pas qu'il ne peut pas y avoir des problèmes de tension, qu'il ne peut pas y avoir des problèmes d'approche ou de méthode, hein? On a composé avec l'existence de cette loi-là, on a composé avec des programmes distincts, mais nous pensons que de façon générale l'intérêt des femmes est normalement mieux servi par un champ de comparaisons qui est le plus large possible.
Mme Lapointe (Groulx): O.K., merci. Donc, je comprends, vous, vous préféreriez voir une entreprise au complet pour qu'on puisse comparer autant les postes à prédominance masculine, à prédominance féminine?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, c'était notre point de vue au moment de l'adoption de la loi. Ça, on avait été très, très clairs à cet égard-là.
Mme Lapointe (Groulx): Merci, et je vais changer un petit peu. Quand on parle de discrimination systémique, bon, on sait qu'il y en a puis on ne l'a pas fait exprès puis c'est probablement assez répandu. Est-ce que le fait de segmenter les professions selon la prédominance féminine ou masculine, ça ne renforce pas justement ces stéréotypes présents?
Mme Carbonneau (Claudette): Pas du tout. Pas du tout, c'est prendre le portrait de la réalité, c'est avoir le courage de nommer les choses. Ça ne donne pas des postes à quelqu'un, là. Si, moi, je suis dans un emploi féminin, si on veut changer le cours des choses, il faut me donner un autre poste, il faut réviser les exigences d'emploi, il faut poser la question dans les programmes d'accès à l'égalité, il faut ouvrir d'autres fonctions pour moi. Mais, à partir du moment où on veut juger est-ce que, dans le poste que j'occupe actuellement, est-ce que ma rémunération est empreinte ou non de discrimination, on est obligés de faire la photo de la réalité. Ça ne me condamne pas, demain matin, à ne pas aller vers une profession occupée traditionnellement par des hommes, et c'est même souhaitable qu'on le fasse, et la CSN déploie autant d'efforts dans les mécanismes d'équité salariale que dans les programmes d'accès à l'égalité. C'est deux mesures complémentaires.
Mme Lapointe (Groulx): Est-ce qu'il me reste encore du temps?
La Présidente (Mme Morissette): Oui. Il reste une minute, plus ou moins.
Mme Lapointe (Groulx): O.K. Quand vous avez commencé tantôt... Je reviens plus au niveau des petites entreprises, parce que les lacunes sont souvent attribuées, en tout cas ce qui ressort depuis le début que c'est ceux-là que la... en tout cas, les programmes d'équité n'ont pas été faits ou semblent ne pas avoir été faits. Vous dites que les plus petites entreprises, ce seraient des encadrements plus clairs que vous souhaitiez. Qu'est-ce que vous voulez dire?
n(17 h 50)nMme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, actuellement, là, la loi fait en sorte que, situer une entreprise entre 10 et 50 salariés, 49 très exactement, il y a une obligation de résultat au bout du processus. Ça ne donne pas beaucoup d'indications même à un employeur tout à fait de bonne foi: Comment je fais ça, comment je remplis mon obligation de résultat? Alors que, derrière le concept d'équité, il y a: On traite-tu sur un même pied des emplois occupés majoritairement par des femmes que par des hommes? Or, ça suppose d'abord de savoir de qui on parle dans l'entreprise; c'est quoi, ces emplois-là; de quoi ils sont faits; quel genre de qualifications on demande; tu sais, c'est quoi, les conditions de travail qui sont inhérentes. Bref, savoir... Un, il faut identifier les catégories. Deux, il faut se donner un outil d'évaluation, il faut rentrer dans le coeur de l'emploi, il faut pouvoir le décrire, il faut se donner quelques grilles ou quelques balises sur comment on va évaluer les choses. Or, de ce côté-là, je ne cherche pas à compliquer la vie de qui que ce soit, je pense qu'au contraire ça peut être aidant, quand tu as une obligation de résultat, de savoir un peu ce qui est attendu de toi. Et, de ce côté-là, je pense que le concept même «d'équité salariale» est relativement éclairant. C'est un exercice de comparaison qui amène à se pencher sur les composantes d'un emploi, sa valeur relative par rapport à d'autres emplois occupés par des hommes. Or, de ce côté-là, ça suppose des outils, des façons de le mesurer, et je dis: Soyons clairs.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup. Ça met fin au temps. On a même dépassé un tout petit peu. Oui, là, on est du côté de la deuxième opposition. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, il me fait plaisir, au nom de ma formation politique, mes collègues, la députée de Taschereau, le député de Jonquière, moi-même, de vous souhaiter également la bienvenue à cette commission.
Dans votre mémoire, dès le départ, vous dites, Mme Carbonneau, vous réjouir qu'il y ait un bilan de l'application de la Loi sur l'équité. Et vous dites: C'est encore plus rarement que nous avons l'opportunité de modifier une loi à la lumière de nos différentes expériences. Et j'ai pensé que cela peut-être était une façon de procéder qu'on pourrait souhaiter voir plus régulièrement appliquée. J'aimerais juste vous entendre rapidement.
Mme Carbonneau (Claudette): Oui, certainement plus régulièrement appliquée. Rappelons-nous que c'était une disposition de la loi que cette clause crépusculaire. Et je pense que ça nous amène ici, aujourd'hui, puis c'est très utile de pouvoir faire ça. Et je vous dirais que ça nous inspire tellement qu'on pense qu'il ne doit pas y avoir un crépuscule, mais qu'il doit y avoir quelques rendez-vous crépusculaires, au moins autour de cette...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Carbonneau (Claudette): ...de cette loi-là. Alors, on suggère, après l'exercice de maintien de l'équité, ce sera une première de faire ça aussi systématiquement, on souhaite que ce soit fait avec un encadrement plus rigoureux. Alors, donnons-nous rendez-vous.
Mme Harel: D'autant que, quand il s'agit de lois proactives, il est bien évident qu'on fait du droit nouveau, souvent. D'ailleurs, on a fait oeuvre de pionniers, au Québec. On le sait, très souvent la loi adoptée en 1996 a été utilisée y compris dans les comités des Nations unies sur l'égalité des droits des hommes et des femmes.
Dans les propositions que vous nous faites, je voudrais peut-être revenir sur un aspect qui a moins été abordé durant la commission, à savoir, à la page 16 de votre mémoire, la question du rôle de la commission ? du rôle de la commission.
Vous dites: «La Commission de l'équité salariale doit intensifier son programme de vérification»; ensuite, «utiliser ses pouvoirs d'enquête allant même jusqu'à ordonner des correctifs salariaux»; et puis, troisièmement, «doit mettre à l'amende les employeurs qui refusent de se conformer».
En fait, il y a vraiment un renforcement, là, une intensification. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce qu'à mon point de vue c'est... puisque dans le fond on n'est pas à Parler pour parler, là, mais qu'il va y avoir une suite législative, dans la mesure où on veut qu'il y ait un, un... comment dire, un second début? Non, on ne dit pas ça comme ça.
Mme Carbonneau (Claudette): Mais...
Mme Harel: Non, une suite...
Mme Carbonneau (Claudette): C'est ça.
Mme Harel: ...une suite qui s'intensifie, vous, vous proposez ces mesures-là, j'aimerais qu'on puisse vous entendre.
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, écoutez, tout simplement et de façon très pragmatique, on n'est pas au jour 1 de la loi, hein, il y a 10 ans qui s'est passé. 10 ans, c'est quand même une longue période de vie dans la carrière d'une femme, hein, ça peut être le tiers de sa carrière. Alors, on ne peut pas se permettre d'additionner les décennies en regardant passer le train. Et, de ce côté-là, je pense qu'autant il pouvait être normal qu'en début de processus on dise: Formation, information, etc., promotion de la loi, ça reste toujours des missions importantes, autant je pense que l'heure est venue de se donner un petit peu plus de poigne par rapport à ça, là.
Mme Harel: C'est plus dans l'application? Parce que la loi avait déjà le pouvoir...
Mme Carbonneau (Claudette): Tout à fait. Tout à fait.
Mme Harel: ...de prononcer des sanctions.
Mme Carbonneau (Claudette): Tout à fait, oui.
Mme Harel: C'est plus dans l'application.
Mme Carbonneau (Claudette): Tout à fait. Alors, oui, oui, on va souhaiter que la vertu se pratique davantage.
Mme Harel: Bon. J'aimerais revenir à la question de la participation. On retrouve, aux propositions à la page 14 et suivantes, ce que vous souhaitez, c'est que la Commission de l'équité salariale considère les organisations syndicales comme une partie prenante. Vous dites d'ailleurs que des liens privilégiés devraient aussi s'intensifier avec les groupes de femmes et les employeurs. Sous quelle modalité voyez-vous que cela puisse se réaliser?
Mme Carbonneau (Claudette): Bien, notamment le groupe de consultation auquel on fait référence, un groupe aviseur auprès de la commission. Écoutez, sur le statut des organisations syndicales, on l'a évoqué mais sur un autre biais qui était celui, quand il y a dépôt de plaintes, d'en être informé et d'être traité non pas comme une partie prenante, on ne veut pas amoindrir ou atténuer les droits de la plaignante, mais comme une partie, une partie intéressée. Mais ce à quoi, là, il y avait davantage d'appel à la collaboration, c'est autour de mécanismes comme un comité aviseur consultatif auprès de la commission qui réunirait d'ailleurs tout ce monde-là, là.
Mme Harel: Je comprends qu'autant l'application de la loi suppose et exige en fait la collaboration des employeurs mais aussi des organisations syndicales. Parce que cette, disons, pratique de stéréotype qui était, disons, introduite dans la rémunération souvent pouvait être codifiée même dans les conventions collectives.
Mme Carbonneau (Claudette): Tout à fait. Tout à fait. Puis, je vais vous dire, le rôle d'une organisation syndicale comme des associations de femmes peut être éminemment précieux, hein? Ça soulève d'énormes problèmes... enfin, de perception, cette réalité-là. La hiérarchie salariale, là, quand tu touches à ça, là, hum que tu touches à quelque chose de sensible, O.K.? Et, de ce côté-là, être capable d'expliquer les choses, le fondement des choses, la nécessité d'évoluer, je pense qu'on ne peut pas se priver de toutes les aides nécessaires pour opérer cet important changement de mentalité, là.
Mme Harel: On peut comprendre que ce n'est pas une prescience infuse ni chez les employeurs mais ni chez les travailleurs masculins eux-mêmes.
Mme Carbonneau (Claudette): Absolument pas. Absolument pas. Absolument pas.
Mme Harel: La Commission de l'équité salariale avait rendu une décision assez ferme à l'effet d'écarter les programmes... des «programmes distincts»; c'est l'expression que l'on utilise, là. Puis la Commission des relations du travail a entériné la décision de la Commission de l'équité salariale, mais je crois comprendre que tout ça est porté en appel actuellement devant la Cour supérieure, qui conteste ? ou je ne sais qui conteste, là ? la capacité juridique. Mais ce qui était très clair, c'est qu'une association accréditée qui ne comprenait pas de catégorie à prédominance féminine ne pouvait pas obtenir un programme distinct, non plus qu'une association de cadres qui n'était pas une association accréditée et qui n'avait donc pas droit non plus à un programme distinct. En fait, c'était pour éviter une sorte de dérapage où, n'ayant pas de comparateur, finalement, on laissait tomber l'exercice et la nécessité, au sein de l'entreprise, de corriger. Oui, alors j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Carroll (Judith): Peut-être en termes de décisions, ce qu'on comprend de la commission puis de la Commission des relations du travail aussi, c'est de dire qu'un groupe de salariés, une association accréditive ne devrait pas avoir le droit de demander un programme distinct si elle ne représente que des catégories d'emploi exclusivement masculines. En même temps, ce qu'il faut voir, c'est que, pour déterminer qu'elle ne comporte que des catégories d'emploi exclusivement masculines, elle doit avoir amorcé le programme d'équité salariale.
Donc, les tribunaux sont saisis de cette question-là, ils auront à rendre une décision. Mais, comme on le disait précédemment, pour notre part, on a toujours été bien davantage favorables à la mise en place d'un programme par entreprise, de façon à avoir les comparaisons les plus larges possible avec l'ensemble des comparateurs masculins qui sont disponibles dans l'entreprise et duquel relève la rémunération que l'employeur verse.
n(18 heures)nMme Harel: Est-ce qu'il y a apparence, si vous voulez, de, j'allais dire... en fait, d'un autre type de discrimination systémique, en fait, dans le marché du travail féminin présentement avec la précarisation des emplois. Parce que je constatais, à la lecture de tous les mémoires qui sont présentés, qu'il y a 20 % des travailleuses qui sont syndiquées, donc 80 % qui ne sont pas syndiquées... c'est-à-dire dans le privé, il y a 20 % qui sont syndiquées dans le privé et 80 % qui ne le sont pas. Et ça m'apparaissait un portrait désespérant de constater que, sur le 80 % des travailleuses syndiquées qui... excusez-moi, des travailleuses, dans le secteur privé, qui ne sont pas syndiquées, la moitié gagnait, en 2001, un salaire inférieur à 10 $, la moitié, une sur deux, un salaire inférieur à 10 $, puis, une sur trois, inférieur à 8 $. Ça, ce sont les chiffres du mémoire du CIAFT qui était devant la commission ce matin. Et s'ajoutent à ça des emplois avec les agences de placement, avec les horaires atypiques, avec le...
Alors là, je me suis dit: Est-ce qu'on est en train, disons, d'avoir, comment vous dire, deux univers du travail surtout féminin? Parce que finalement je constatais qu'il y a deux fois moins d'hommes qui étaient dans la situation que je viens de décrire concernant le salaire horaire de moins de 10 $ et de moins de 8 $. Alors, est-ce que finalement on est en train d'avoir un bassin d'emplois féminins mais complètement discriminés en fait, en quelque sorte?
La Présidente (Mme Morissette): Vous avez une minute pour répondre.
Mme Carbonneau (Claudette): Ça ramène, ça ramène aux dernières recommandations qu'on faisait. Je pense que tout n'est pas compris dans la Loi de l'équité salariale, qu'il est absolument essentiel que le gouvernement soit proactif à l'égard de d'autres législations. Or, la précarité, elle a un sexe, elle a un âge: c'est les jeunes, c'est les femmes. De ce côté-là, mettez en place le rapport Bernier, la recommandation qui dit, hein: Pas de discrimination en fonction des statuts d'emploi, déjà c'est un grand plus, là; avoir droit à des assurances, que tu sois à temps partiel ou à temps complet, mettons que ça aide dans la vie, etc. Alors ça, c'est une piste très, très, très concrète d'action. N'attendez pas les tribunaux, retirez la loi n° 7 et n° 8. 25 000 femmes ont été soustraites à la syndicalisation. Alors, ce n'est pas très compliqué, là, les terrains sur lesquels on peut faire beaucoup mieux.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup.
Mme Harel: Malheureusement, il ne reste plus de temps.
La Présidente (Mme Morissette): Ça met fin au temps, exactement. Alors, merci beaucoup. On va suspendre quelques minutes pour pouvoir vous saluer puis accueillir le groupe suivant.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
(Reprise à 18 h 5)
La Présidente (Mme Morissette): Alors, bonsoir. Notre dernier groupe de la journée. Alors, la façon de fonctionner est que vous allez disposer de 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Suite à cela, les différents groupes parlementaires auront chacun un bloc de temps pour vous adresser leurs questions. Et puis, moi, je joue le rôle de la police qui doit interrompre les gens, malheureusement, quand le temps est dépassé. Alors, si vous voulez... Ça va être M. Roy, j'imagine, qui va débuter.
Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)
M. Roy (René): C'est ça.
La Présidente (Mme Morissette): Si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. Pour vos 15 minutes.
M. Roy (René): Merci, Mme la Présidente, et bonsoir. Là, on est rendu au soir.
La Présidente (Mme Morissette): Oui.
M. Roy (René): Alors, m'accompagnant, à ma gauche, c'est Louise Mercier, qui est vice-présidente de la FTQ et vice-présidente du Syndicat québécois des employés de service, et, à ma droite, Carole Gingras, qui est conseillère à la FTQ en équité salariale, en condition féminine.
Alors, tout d'abord, merci de nous permettre de participer à cette importante consultation. La FTQ regroupe plus de 550 000 membres, répartis dans tous les secteurs d'activité: public, parapublic et privé, et plus du tiers d'entre eux et d'entre elles sont des femmes. Une grande partie et la plus grande partie des membres de la FTQ, soit dit en passant, sont des membres du secteur privé de la petite, de la moyenne et de la grande entreprise. Alors, la Loi de l'équité salariale, pour nous, c'est énormément de travail, et nous connaissons bien son application.
Nous oeuvrons depuis longtemps pour assurer l'équité salariale aux travailleuses. Une part de plus en plus importante de notre travail quotidien est dévolue à ce dossier: sensibilisation, information, formation, développement d'outils de mesure, application de la loi, élimination des biais discriminatoires, contestations juridiques, maintien, etc. Nous avons également été de toutes les luttes pour obtenir la Loi sur l'équité salariale, participant à toutes les coalitions et consultations, formelles et informelles. Toujours, nous avons offert notre collaboration et proposé des solutions concrètes et réalistes aux problèmes qui surgissaient. Et, parce qu'on a obtenu cette loi, un nombre fort appréciable de travailleuses, et aussi de travailleurs, au Québec reçoivent maintenant une juste rémunération pour leur travail.
Aujourd'hui, si le Québec fait l'envie de nombreux pays au chapitre de l'équité salariale, nous pouvons dire avec fierté que c'est beaucoup grâce à nous, les organisations syndicales, de concert avec les groupes autonomes de femmes. Mais le travail est loin d'être terminé, la réalisation de l'équité demeure encore un objectif à atteindre pour de trop nombreuses travailleuses de la grande comme de la petite entreprise, sans compter le maintien de cette égalité lorsqu'atteinte.
Alors, où en sommes-nous aujourd'hui sur le bilan de la loi et de son application? Alors, des résultats. Jusqu'à tout récemment, le droit fondamental des travailleuses à l'équité salariale continuait d'être peu appliqué dans les entreprises, les employeurs n'y étant pas contraints. Malgré qu'il s'agisse d'une composante du droit à l'égalité des femmes, il nous a fallu plus de 20 ans après l'adoption de la charte au Québec pour obtenir un outil plus apte à faire respecter ce droit, soit une loi proactive sur l'équité salariale, adoptée à l'unanimité en 1996.
L'un des objectifs de la loi était d'éliminer l'écart salarial dû à la discrimination fondée sur le sexe. Alors, cet écart entre les hommes et les femmes a connu une diminution, passant de 16,1, en 1997, à 13,9, en 2004. Comme la loi est entrée en vigueur justement en 1997, elle a pu jouer un rôle positif à cet égard.
Un nombre important d'employeurs se sont conformés à la loi selon l'échéancier donné. Selon le rapport ministériel, 47 % des entreprises assujetties auraient terminé leurs travaux. À la FTQ aussi, les résultats sont positifs et parfois même quelque peu supérieurs à ceux du rapport. Selon un minisondage effectué auprès de nos syndiqués affiliés, 67 % des 10 à 49 auraient terminé leurs travaux contre 79 % chez les 50 à 99 et 65 % chez les employeurs de 100 et plus. La présence de syndicats semble avoir eu un effet positif sur l'état d'avancement des travaux.
Beaucoup de travailleuses occupant un emploi dit féminin dans ces entreprises ont pu bénéficier de rajustements notables en raison de l'équité salariale. Selon le rapport, près d'un demi-million de travailleuses ont vu leur salaire rajusté. En incluant les employés gouvernementaux, plus de 800 000 travailleuses ont bénéficié d'un exercice d'équité salariale. Selon notre évaluation maison, environ 13 % des entreprises de 10 à 49 ayant terminé leurs travaux ont dû corriger des salaires. La proportion grimpe à plus de 38 % chez les 50 à 99 puis à plus de 45 % chez les 100 et plus.
n(18 h 10)n Les correctifs salariaux peuvent varier de quelques sous à quelques dollars l'heure pour certaines catégories d'emploi à prédominance féminine. Et, pour nous aussi, c'est le personnel de bureau qui a été le plus favorisé par les rajustements. D'autres catégories d'emploi à prédominance féminine ont aussi été rectifiées: caissier, caissière, cuisine, buanderie, restauration, bibliothèque, hôtellerie, entretien ménager, vêtement et textile, préposé au service à la clientèle, opérateur, opératrice de machinerie, brigadière, etc.
Pour les travailleuses concernées, outre la reconnaissance de la valeur véritable du travail qu'elles effectuent, ces rectifications salariales peuvent faire une différence appréciable dans leur quotidien sur les diverses prestations qu'elles peuvent recevoir: assurance parentale, assurance-emploi, CSST, etc., sur leurs revenus actuels et futurs.
Contrairement à ce qu'ont pu laisser entendre bien des employeurs avant l'adoption de la loi et tout le long de son application, la Loi sur l'équité salariale n'est pas qu'une loi à valeur négative pour l'économie du Québec. L'État et les entreprises aussi y trouvent leur compte.
Aussi, sur le règlement rétroactif dans le secteur public, une fois les impôts et les cotisations spéciales sociales prélevées, c'est la moitié du règlement, soit environ 1 milliard de dollars, que recevront véritablement les bénéficiaires en 2007. Environ 650 millions seront dépensés, tandis que les 350 millions restants devraient se retrouver sous forme d'épargne. Le règlement rétroactif aurait provoqué un bond de 4,9 % des ventes au détail. Selon le président du Conseil québécois du commerce de détail, l'impact a été fort important. Et, comme ceci ne constitue que la portion rétroactive du règlement, l'impact de l'équité salariale continuera de se faire sentir sur l'économie québécoise au cours des prochaines années.
Quant au secteur privé, les règlements en équité salariale ne se produisent pas tous en même temps et ne paraissent pas tous aussi spectaculaires que le règlement du secteur public, mais on peut penser qu'ils ont eu ou auront un impact similaire.
Les employeurs eux-mêmes indiquent plusieurs retombées positives dans leur entreprise: clarification des définitions de tâches, revalorisation des emplois de service, amélioration du climat, des relations de travail et de la productivité, plus grande équité dans l'entreprise, mise à jour ou mise en place d'une politique salariale, etc. Alors, selon le rapport, seulement 6 % des entreprises privées ont dit percevoir des effets négatifs.
Par ailleurs, seulement 49 370 des 228 360 entreprises québécoises étaient assujetties à la loi en 1997, plus ou moins une entreprise sur cinq. De ce nombre, 47 % ont terminé leurs travaux, environ 23 200 entreprises, ou une sur 10, et, de ce nombre, un tiers seulement ont constaté des écarts salariaux. Ces données doivent être révisées à la hausse, ne serait-ce qu'en raison du règlement dans le secteur public. Néanmoins, encore trop d'entreprises n'ont pas terminé et un certain nombre n'ont même pas débuté. Que l'on pense aux universités, aux municipalités, aux entreprises dépourvues de comparatifs masculins, à celles visées par les contestations du chapitre IX, dont le Mouvement Desjardins qui regroupe quelque 150 entreprises différentes selon la loi, et à bien d'autres. Ça laisse encore trop de travailleuses en plan. Et, après l'étape d'implantation de l'équité salariale, il faut maintenir cette équité. À notre connaissance, encore bien peu d'entreprises assujetties se conforment actuellement à cette obligation. C'est un tout nouveau champ de travail, et la loi n'offre que très peu d'orientations pratiques à cet égard. Il faut y remédier.
D'aucuns réclament la fin des obligations en équité salariale pour les employeurs, préférant des mesures incitatives. Pendant plus de 20 ans, les employeurs ont bénéficié de mesures incitatives et n'ont pas réussi à éliminer la discrimination salariale fondée sur le sexe, d'où l'adoption de la loi en 1996. La loi fait déjà preuve d'une grande souplesse pour les entreprises: obligations modulées selon leur taille, délais prévus pour réaliser l'équité salariale et pour régler les correctifs salariaux. Pour nous, les mesures incitatives ne peuvent être sérieusement considérées comme une alternative valable.
La FTQ est persuadée de l'importance de maintenir la loi proactive et de la bonifier. Son caractère obligatoire doit aussi être maintenu, car, même si la loi a été adoptée à l'unanimité et que tous adhèrent volontiers au principe de l'équité salariale, 82 % des entreprises ayant commencé un exercice d'équité salariale ont justifié cette action par le fait que la loi l'exige. Alors, la FTQ recommande donc de maintenir en vigueur la loi proactive sur l'équité salariale. Et je vais demander à Louise de lire les autres recommandations de la FTQ.
Mme Mercier (Louise): Sur l'assujettissement à la loi des entreprises atteignant 10 personnes salariées. Un nombre important d'entreprises ont grossi depuis leur période de référence, passant de la catégorie comptant de zéro à neuf salariés à celle de 10 à 49 salariés. Ces entreprises ne sont pas assujetties à la loi, mais un nombre non négligeable de femmes y travaillent.
La FTQ appuie la proposition du rapport ministériel et recommande de modifier la Loi sur l'équité salariale pour assujettir les entreprises comptant moins de 10 personnes salariées au cours de leur période de référence et qui atteindraient et maintiendraient par la suite une moyenne de 10 personnes salariées ou plus sur la base d'une période de 12 mois consécutifs.
Sur l'utilisation des données pertinentes à l'application de la loi. Pour la FTQ, cette proposition est pertinente et nécessaire tant pour la réalisation même de l'équité salariale, notamment dans les petites entreprises, 10 à 49 salariés, que pour la phase tout aussi cruciale de son maintien. Comme l'employeur, le syndicat a l'obligation de maintenir l'équité salariale lors de la négociation ou du renouvellement de la convention collective. Il doit donc pouvoir se référer à l'information initiale ayant servi à évaluer les emplois afin de tenir compte de tout changement qui aurait pu entre-temps modifier ces emplois, et donc leur valeur eu égard à l'équité salariale.
La FTQ recommande que la Loi sur l'équité salariale soit modifiée pour obliger les employeurs à conserver pendant au moins cinq ans toutes les données nécessaires à la réalisation et au maintien de l'équité salariale et à les rendre disponibles aux associations accréditées, sur demande, dans le cadre du maintien de l'équité salariale et que, tant dans le cadre de la réalisation de l'équité que dans celui de son maintien, l'employeur prenne les mesures raisonnables pour rejoindre les personnes qui ne sont plus à l'emploi de l'entreprise et auxquelles il aurait à verser des rajustements salariaux.
Sur l'affichage et sur les résultats des exercices d'équité salariale. Pour la FTQ, une participation active et éclairée à la démarche d'équité salariale est gage de succès et d'adhésion aux résultats. Or, cette participation n'a pas toujours été favorisée, les employeurs préférant souvent agir seuls ou avec un consultant. C'est particulièrement vrai dans les entreprises de 10-49 salariés qui n'ont pas d'obligation formelle de faire un programme ni un comité. Évincées de la démarche, les salariées et les associations accréditées ne peuvent compter que sur l'affichage des résultats pour s'assurer que l'équité salariale est faite. Ceci suppose qu'elles connaissent toutes l'existence de la loi et possèdent toutes les connaissances quant à ses objectifs et aux obligations des employeurs, ce qui est loin d'être le cas.
Pour toutes ces raisons, la FTQ recommande de modifier la Loi sur l'équité salariale afin de prévoir, pour les entreprises de 10-49 personnes salariées, soit un contenu d'affichage beaucoup plus détaillé afin que ces dernières puissent connaître la teneur et les résultats de l'exercice d'équité salariale, notamment le type de démarche suivie et les moyens utilisés pour s'assurer qu'elle soit exempte de discrimination fondée sur le sexe, soit prévoir expressément l'obligation pour l'employeur de fournir, sur demande, tous les renseignements nécessaires à la compréhension des résultats affichés, et de modifier la loi pour que la durée de l'affichage soit la même que celle prévue ailleurs dans la loi, soit 60 jours, peu importe la taille de l'entreprise. Enfin, la FTQ recommande à la Commission de l'équité salariale de rappeler régulièrement aux employeurs, peu importe la taille de leur entreprise, l'obligation de procéder à des affichages visibles, à des endroits facilement accessibles à toutes les personnes salariées.
Le maintien de l'équité salariale se situe en directe continuité avec l'établissement de cette équité et vise les mêmes objectifs. Le législateur a voulu mettre en place un régime proactif. Or, actuellement, la loi n'est pas proactive en ce qui concerne le maintien, mais repose plutôt sur un système de plaintes. Contrairement à ce qui est prévu pour la première phase, rien dans la loi ne vient encadrer l'opération du maintien, sinon qu'il doit être assuré lors de changements dans l'entreprise, lors de la négociation d'une convention collective ou de son renouvellement. Il faut que la loi réponde à cette réalité et demeure proactive. Nous exhortons le gouvernement à ne pas emprunter la voie évoquant le caractère... en évoquant le caractère fondamental du droit à l'équité... Là, je vais vite parce que j'entends monsieur qui me dit qu'il faut aller plus vite.
Une voix: Deux minutes.
Mme Mercier (Louise): Alors, la FTQ recommande de modifier la Loi sur l'équité salariale afin de permettre des examens périodiques aux quatre ans pour toutes les entreprises assujetties afin de ne pas recréer d'écarts salariaux. Je vais laisser tomber ce point-là.
Pour faciliter le travail d'encadrement de la commission, la FTQ avait déjà recommandé dans le passé la création d'un comité de travail spécifique sur la question du maintien. Ce comité serait représentatif de l'ensemble des partenaires et se réunirait régulièrement pour approfondir la réflexion, débattre des enjeux et proposer des pistes d'action viables. Cette recommandation est toujours pertinente.
Ces recommandations contribueraient grandement à augmenter le taux de conformité à la loi, y compris dans les petites entreprises.
n(18 h 20)n Par ailleurs, nous ne pouvons endosser complètement la dernière piste de réflexion proposée au rapport, à savoir: prévoir qu'à l'expiration de ce délai de 120 jours il ne serait plus possible de remettre en question les résultats du maintien. Nous sommes d'accord que la loi prévoit la possibilité pour les personnes salariées et les associations accréditées de contester auprès de la commission les résultats fournis par l'affichage, surtout si elles n'y ont pas pris part. Mais qu'il ne soit plus possible de remettre en question les résultats du maintien de l'équité est inconcevable. Il faudrait, à tout le moins, prévoir un délai beaucoup plus long. C'est ce que nous recommandons.
J'ai-tu encore quelques minutes? Non?
La Présidente (Mme Morissette): 30 secondes.
Mme Mercier (Louise): 30 secondes! 30 secondes! Merci.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Morissette): Vous aurez totalement l'occasion de revenir sur les autres sujets à travers les questions qui vous seront posées. Alors, je cède la parole tout de suite à M. le ministre, qui débutera son bloc de questions.
M. Whissell: M. Roy, bonjour, mesdames. Je vais aller rapidement. Sur les programmes distincts, vous n'avez pas abordé la question. Êtes-vous favorables au maintien des programmes distincts?
Je vais vous poser peut-être mes questions en bloc. Sur les délais pour l'affichage, vous disiez que ce n'était pas suffisamment long. Alors, qu'est-ce que vous avez en tête?
Également, je voudrais vous entendre sur la question de la compétitivité, hein, ça a été beaucoup discuté à la fois au CCTM, également sur d'autres forums. On sait que M. Arsenault, et son prédécesseur, M. Massé, a abordé la question dans un cadre de mondialisation, globalisation. Est-ce que d'aller plus loin dans l'équité salariale peut remettre en cause justement la survie de certains secteurs d'activité au Québec? Alors, je veux vous entendre là-dessus.
Et, sur les minisondages dont vous faites mention, qui viennent corroborer dans le fond les chiffres qui ont été mis dans le rapport de 2006, qui dans le fond dit, grosso modo: À 65 %, l'équité salariale est faite chez vos membres... Comment a été constitué le sondage?
M. Roy (René): Vous avez des bonnes questions. Pour ce qui est des programmes distincts, c'est un point délicat, parce qu'en 1996 la FTQ s'est toujours prononcée en faveur des programmes distincts. Elle a demandé d'ailleurs, dans la loi, que les programmes soient distincts. On a un peu copié ça sur nos amis syndiqués à l'extérieur du Québec, l'Ontario, entre autres, mais aussi au Manitoba et d'autres provinces qui ont... puis le Canada, qui n'ont pas les mêmes lois proactives, mais ils ont certains programmes. Pour nous, ça devait être calqué sur la structure, la structure des accréditations syndicales, sur la structure des négociations. Et on a toujours favorisé le programme distinct, tout en formant nos travailleuses et travailleurs pour que les comparaisons soient le plus large possible, qu'elles soient le plus large possible.
Alors, actuellement, on est encore en faveur de ces programmes distincts là. Parce qu'on a beaucoup de programmes distincts. La commission, en 2004, a fait volte-face sur les programmes distincts dans une décision, dans une décision qu'on connaît très bien. D'ailleurs, il y a des gens qui ont quitté la FTQ pour ça. Et cette décision-là est d'ailleurs devant les tribunaux actuellement. Alors, on a beaucoup de programmes distincts, et, si on revenait sur l'ensemble des programmes distincts, ce serait presque un... ce seraient énormément de complications pour nous.
Sur la question des délais, la question des délais, si vous faites référence aux délais de l'affichage, là: remettre en question les résultats du maintien est inconcevable, il faudrait au moins des délais plus longs... On figure que ça devrait être au minimum un an, dans ces délais-là.
Pour la question de la compétitivité, pour nous, ça n'a rien à voir avec l'équité salariale. L'équité salariale est une injustice. Une inéquité, ça n'a rien à voir avec... Une injustice quelconque n'a rien à voir dans la compétition des entreprises. Alors, l'inéquité, l'inéquité dans une entreprise ne remet pas en cause son rendement, de l'entreprise. D'ailleurs, on l'a vu dans tout notre exercice. Dans tout notre exercice, les corrections salariales, il y a des endroits qui ont été assez intéressants pour les femmes. On a été cherché, des endroits, jusqu'à 5 $ de l'heure, près de 5 $ de l'heure, ce qui est toute une correction. Ça veut dire que l'inéquité était grande. Mais à nulle part, en tout cas dans le secteur privé, on n'a constaté que ça mettait en danger d'aucune façon la rentabilité des entreprises. Alors, ça ne se pose pas comme question, selon nous, au niveau de la compétition ou la compétitivité des entreprises.
Pour la question du sondage, je vais laisser Carole répondre comment est la méthode de sondage qu'on a faite, la manière qu'on a fait notre sondage, parce que c'est elle qui a travaillé là-dessus.
Mme Gingras (Carole): Alors, on avait un mandat de congrès en 2004, parce qu'à la FTQ, comme on le soulignait, c'est une priorité, la question de l'équité salariale, et particulièrement chez nos militantes. Elles ont beaucoup revendiqué qu'il y ait des énergies considérables pour qu'on puisse faire les programmes d'équité, bien les faire, alors avoir des outils pour être formées, etc. Et donc, au congrès de 2004, on nous a mandatés de faire une espèce de portrait sur l'état actuel de l'application de la loi, puisqu'on savait qu'il y avait ce bilan qu'on est en train de faire, et on a donc décidé de formuler des questions par voie de questionnaire qui a été envoyé à tous nos affiliés. On a, à la FTQ, un groupe de travail, qui s'appelle le Groupe sur l'équité salariale, qui fait en sorte qu'on réunit des praticiens, des praticiennes en équité salariale de nos différents syndicats. Et, avec elles et avec eux, on a décidé des questions qu'on était pour poser par rapport à l'application de la loi, mais pas juste en termes de résultats au niveau: Est-ce qu'on a fait ou non l'équité?, mais en termes aussi de rajustements salariaux. Avec qui on a fait l'équité? Est-ce que c'est avec comité, pas de comité? Les grands problèmes qui ont été rencontrés... Alors, on a beaucoup de données là-dessus.
Mais ce que l'on voit, et c'est ce qu'on dit dans le mémoire, c'est qu'en milieu syndiqué en tout cas on voit des données supérieures au rapport ministériel, là, et ce qu'on entend beaucoup: c'est dans la petite entreprise où il faut faire l'équité. Mais il n'y a pas rien que dans la petite entreprise. On a vu que, dans la grande entreprise, il y a encore un travail à faire, mais aussi dans la moyenne. Alors, ne prenons pas pour acquis qu'il n'y a que dans la PME, mais... C'est vrai qu'il y a un travail à faire, mais il y a aussi les autres, et, par rapport à ça, le sondage est intéressant, là.
Je ne sais pas si vous avez des questions sur d'autres données, mais, chose certaine, on voit qu'il y a un travail... On a aussi été regarder au niveau du maintien ? en tout cas, on pourra s'en reparler ? la difficulté de négocier des clauses pour faire le maintien de l'équité. Alors, on a vu qu'il y avait tout un problème de ce côté-là. Très, très peu de clauses ont pu être négociées, pour toutes sortes de raisons. En tout cas, on pourra se... si vous voulez en savoir plus. Mais, chose certaine, c'est un sondage maison, bien sûr, ce n'est pas un grand sondage scientifique. Mais je vous dirais que le retour des questionnaires est quand même assez significatif au niveau du nombre de syndicats qui ont rempli les questionnaires.
M. Roy (René): Bien, il est quand même assez scientifique, parce que c'est nous qui sommes sur les tables de négociation, c'est nos travailleuses qui sont directement là qui le font avec les entreprises. Alors, on sait qu'est-ce qui se passe, puis on sait comment ça marche, puis on sait quel correctif qui a été apporté dans les salaires.
M. Whissell: Je vais laisser le temps restant.
La Présidente (Mme Morissette): Oui. M. le député de LaFontaine.
M. Tomassi: Oui, merci beaucoup. Merci, M. Roy, Mme Mercier et Mme Gingras. Bienvenue. Ça me fait plaisir toujours de vous accueillir dans des commissions parlementaires, dont celle-ci qui est importante, vous l'avez dit tantôt.
Précédemment, la CSN était parmi nous, et je lisais... Je n'ai pas eu le temps, parce que le fait de questions alternées et le délai de temps est très court, comme vous avez pu le remarquer, et on a une présidente qui vérifie l'horloge d'une main de maître... Ils faisaient mention qu'ils étaient d'accord avec les trois P. Et là je vous mets en contexte, là, ce n'est pas les partenariats public-privé, mais c'est surtout... eux ont appelé les trois piliers, soit la participation, l'information et la formation, qui est à la base même de la Commission de l'équité salariale. Eux, dans leur mémoire, vont jusqu'à proposer une façon plus coercitive d'application de la loi. C'est inclus probablement dans la loi, mais ils vont loin en disant qu'il faudrait mettre à l'amende les employeurs qui refusent de se conformer à la loi, de faire en sorte d'avoir des enquêtes beaucoup plus poussées et d'ordonner aussi des correctifs salariaux.
Il y a des groupes qui sont venus nous parler, deux groupes aujourd'hui, et nécessairement d'autres groupes vont venir nous voir dans les jours qui vont suivre, qui remettent en question cette mission de la commission en prétendant qu'elle est juge et partie. Alors, dans un sens, ils disent: Bon, bien, on vous rouvre la porte, vous êtes ici pour nous accompagner dans notre mise en place de cette équité salariale et, de l'autre côté, si on doit leur donner tous ces pouvoirs-là, bien ça vient remettre un peu en question cet équilibre que, même aujourd'hui, là, ces gens-là remettent en question. Vous le voyez comment, vous, ce processus?
n(18 h 30)nM. Roy (René): Bien, je vais vous répondre, parce qu'on a d'autres organismes... À la CSST, hein, est-ce que la CSST est juge et partie? Est-ce que l'Office québécois de la langue française est juge et partie? Ils administrent des droits. Emploi-Québec, la Commission des partenaires, c'est la même chose. L'équité salariale, la Loi de l'équité salariale, la Commission de l'équité salariale, soit dit en passant, ils ne coûtent pas grand-chose au gouvernement. Il pourrait doubler le budget, là, puis ça leur donnerait un peu de capacité de mieux faire le travail. Mais elle administre l'inéquité salariale, on l'a créée spécifiquement pour ça.
La Commission des relations de travail, M. le ministre du Travail, vous êtes au courant, ça ne fait pas longtemps que la Commission des... On s'est battus pendant 40 ans pour avoir une commission des relations de travail. Tout le monde veut renvoyer à... les plaintes de la francisation, il faut que ça aille à la Commission de l'équité salariale, on a les normes, c'est déjà... C'est déjà une commission qui est très chargée, la Commission des relations de travail. On ne veut pas que la question de l'équité salariale s'en aille strictement à la Commission des relations de travail.
Alors, je pense que la commission comme telle est bien bâtie pour faire son travail, elle n'est pas dispendieuse pour le gouvernement du Québec, et son expertise est là pour faire les enquêtes. Ça fait 10 ans qu'on l'a. Alors, moi, je trouve que ça va très bien là-dedans. Nous autres, on est en faveur qu'on lui donne plus de budget, plus de... Je pense qu'ils fonctionnent à peu près avec une quarantaine ou 50 employés, ils ont 12 postes vacants. Mme la présidente pourrait engager peut-être du monde, elle a les budgets pour le faire, puis le gouvernement du Québec pourrait augmenter les budgets de la commission. Parce que toute la question du maintien, puis je vais laisser Louise en parler un peu, mais toute la question du maintien est une tâche qui reste à faire, qui reste à être définie. Alors, on n'a pas de misère, nous, en tout cas, que ce soit la Commission de l'équité salariale qui fasse ce travail-là et non la Commission des relations de travail. On ne veut pas aller embourber la Commission des relations de travail qui a déjà son travail à faire sur les normes, etc.
Mme Mercier (Louise): Sur le maintien? Sur le maintien. Moi, j'ai travaillé à peu près dans toutes les sortes d'entreprises, grandes, moyennes et petites, dans le comité d'équité salariale, et ce qui est important par rapport au maintien, c'est que, de penser que la loi... Elle est là. La loi, la logique dit qu'il faudrait accorder un suivi à tout ce qui a été fait sans être obligé de recommencer, ou de revoir, ou... de se servir de ce qui a été fait pour s'assurer que la loi est maintenue. On l'a entendu à plusieurs reprises aujourd'hui, de l'importance du maintien. Et, dans certaines entreprises, la préoccupation des employeurs, elle est plus sur comment on va y arriver, au maintien, plutôt que de vouloir le maintenir, ce fameux maintien. Donc, je pense que c'est presque inconcevable qu'il n'y ait pas un maintien pour accorder un suivi à la Loi sur l'équité salariale.
D'ailleurs, le maintien fait partie de la Loi sur l'équité salariale. Présentement, ce qui manque pour faire un bon maintien, ce sont des outils, et je pense que la commission là-dessus a un travail effectivement à faire, et je pense que les meilleurs partenaires que la commission peut avoir dans ce genre de travail là, ce sont les gens qui font le terrain, les gens qui ont participé. C'est une loi proactive. Il serait important que les salariés qui ont été sur les comités pour faire l'équité salariale soient toujours là pour s'assurer du maintien. Donc, un comité en entreprise sur le maintien serait ce qui serait le plus souhaitable et qui pourrait aussi faire en sorte que l'expertise qu'on y apporte pourrait être redonnée à la Commission de l'équité salariale, parce que: Qui est sur le terrain pour travailler avec les employeurs? C'est les salariés.
M. Tomassi: Mais est-ce que je comprends bien? Parce que, M. Roy, vous nous disiez: Oui, la mission, il faut que ça demeure à la commission, il ne faut pas que ce soit envoyé au comité des relations de travail pour ne pas mettre plus de dossiers sur leur charge de travail. Madame, vous faites mention où est-ce que... vous dites qu'il manque des outils. Puis là vous me corrigerez si j'ai tort, la CSN préconise une vision un peu plus coercitive, plus agressive de la commission vis-à-vis des employeurs qui n'ont pas atteint ou n'ont pas remis les documents qu'ils devaient remettre. Vous, de la compréhension que j'en ai, vous dites: Non, non, oui, oui, il leur faut plus de budget, il leur faut plus de monde, il faut plus d'outils, mais il ne faut pas aller jusqu'à avoir des mesures plus coercitives que celles qui existent déjà, là. Est-ce que je comprends bien?
Mme Mercier (Louise): Vous ne comprenez pas très bien.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tomassi: Vous allez m'expliquer, on est ici pour ça.
M. Roy (René): Non, mais c'est vrai que vous avez posé cette question-là, on l'avait... Bien, il y a déjà des possibilités par la commission pour soumettre des amendes, là, pour déposer des amendes aux entreprises. Mais elle ne l'a pas exercé à date, puis ça fait 10 ans que la loi existe. Alors, on est évidemment d'accord avec nos collègues de la CSN pour que la commission soit plus proactive dans ce sens-là, qu'elle enquête davantage et puis qu'elle pousse les entreprises. Parce qu'il y a des grandes entreprises, c'est un non-sens... Quand même que c'est une grande entreprise, des grandes entreprises de 100 travailleurs... Je peux comprendre une petite entreprise, tu sais, ça a 49 employés, là, de peut-être tirer le diable par la queue et peut-être avoir de la misère à se trouver un consultant ou un comptable pour travailler avec eux autres, mais une grande entreprise de 100 et plus... Puis je regardais ça, ils ont dépensé 10 000 $ pour faire l'équité salariale, en coûts, la majorité d'entre eux. C'est ridicule comme coûts. Et puis, qu'il y en ait combien, sur 30, 35 % qui n'aient pas fait l'équité salariale? Elles sont illégales, elles sont illégales depuis 10 ans, elles devraient avoir corrigé... elles devraient avoir des correctifs salariaux depuis 2001. Alors, c'est évident que la commission doit...
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup, M. Roy.
M. Roy (René): ...les poigner par la gorge puis serrer la cravate un peu, hein?
La Présidente (Mme Morissette): Ça met fin au bloc... J'ai essayé d'attirer votre attention avant. Ça met fin au bloc du côté ministériel. Donc, c'est rendu du côté de l'opposition officielle. M. le député de Terrebonne.
M. Therrien: Sujet intéressant. Bonjour, mesdames, monsieur. Sujet intéressant. Si on continue dans la même ligne, est-ce que vous êtes en train de dire à la commission aussi qu'on fait deux poids, deux mesures, donc, les 100 et plus, on devrait être coercitifs puis donner les amendes; les 100 et moins, avoir une tolérance, puis on peut présumer d'autres raisons?
M. Roy (René): Ils disent non, mais, moi, je vous dis oui quasiment.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy (René): Parce que les grandes entreprises... Non, mais sérieusement, sérieusement, c'est vrai que tout le monde va traiter de la même façon, mais, une grande entreprise, c'est inacceptable qu'une grande entreprise au Québec de 100 employés et plus... elle a les moyens de... avec ou sans son syndicat... Où est-ce qu'il y a un syndicat, il y a plusieurs entreprises qui l'ont fait avec les syndicats, ça n'a rien coûté aux entreprises. D'ailleurs, les pourcentages sont là, dans le rapport, pour le montrer. Et les grandes entreprises, c'est inacceptable qu'elles n'aient pas fait l'équité salariale. Mais ça ne justifie pas, puis je te laisse parler parce que tu voulais le dire, vas-y.
Mme Mercier (Louise): Bien, ce que je voulais dire, c'est qu'il n'y a rien qui justifie le fait qu'un employeur n'ait pas encore fait l'équité salariale. À mon avis, il n'y a rien qui justifie ça. Moi, je représente des salariés qui gagnent 8 $ et quelques de l'heure dans des entreprises syndiquées et, quand j'entends l'employeur essayer de trouver tous les moyens possibles pour ne pas faire l'équité salariale sous prétexte qu'il a peur que ça lui coûte cher, ça me fait un petit peu frémir parce que...
M. Therrien: Mais, quand vous parlez de coûts associés à ça, et on en a parlé ce matin, quand vous dites qu'il n'y a rien qui justifie l'inapplication de la loi, si vous prenez les entreprises manufacturières présentement, je ne suis pas sûr qu'elles seraient contentes de vous entendre.
Mme Mercier (Louise): Mais ça change quoi, monsieur, à la compagnie manufacturière dont vous parlez? Ce n'est pas parce qu'est arrivée l'équité salariale qu'il y a des fermetures dans le manufacturier, là. C'est pour toutes sortes d'autres raisons, là.
M. Therrien: Je ne fais pas le lien entre la fermeture ou quoi que ce soit, mais il faut avoir quand même une santé économique qui est viable pour être capable de se permettre... 100 employés et plus, on a eu des consultants aujourd'hui qui nous ont dit que c'était pas loin de 100 000 $ pour appliquer la loi d'une façon complète, là, du programme, là. Donc, à ce moment-là, si on n'a pas une santé économique, j'ai de la misère à concevoir avec vous que vous ne laissez même pas la place à s'expliquer ou à avoir une marge de manoeuvre, là.
Mme Mercier (Louise): Carole veut tellement parler que je vais la laisser aller, là, mais je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites.
n(18 h 40)nMme Gingras (Carole): Écoutez, ces arguments-là ont été évoqués avant l'adoption de la Loi sur l'équité salariale. À l'époque, on disait la même chose: L'économie du Québec va-t-elle être en mesure de supporter les coûts pour l'application de cette loi? Comment on va y arriver? Ça va être complexe, etc. Ce sont les mêmes arguments. Et pourtant ce n'est pas 10 ans plus tard, c'est 11 ans et demi plus tard. On se retrouve avec un constat où il y a énormément d'entreprises qui n'ont pas fait leurs devoirs, n'ont pas assumé leurs responsabilités. Alors, question: Est-ce que ces entreprises-là étaient dans le pétrin en 1996? Est-ce qu'elles... Tu sais, il y a toujours des raisons qu'on peut évoquer, à savoir: Ce n'est pas le temps, c'est-u pas le temps, etc. À partir du moment où c'est un principe, c'est un droit fondamental, c'est dans la Charte des droits... On a la Loi sur l'équité, c'est une loi, elle doit être respectée.
Et, moi, je pense que 11 ans et demi plus tard, la question ne se pose même pas. C'est-à-dire, on aurait dû peut-être punir ou en tout cas on aurait dû donner en tout cas des amendes possiblement et on aurait dû dire: Écoutez, vous n'avez pas fait vos devoirs. Les femmes qui n'ont pas eu cette équité salariale là, qui attendent depuis des années, il faut aussi regarder... Ce n'est pas juste les entreprises, c'est les travailleuses. À tous les jours, elles vont gagner leur vie, ces femmes-là. Et la Loi sur l'équité salariale, c'est à elles qu'elle s'adresse, les femmes qui sont dans les entreprises, qui ont revendiqué cette loi-là pour qu'on reconnaisse la valeur de leurs emplois. Il faut revenir à ce principe-là et essayer de se dire: Est-ce qu'en 2008 on doit encore évoquer ce genre d'argument, alors que les rajustements salariaux ou en tout cas les programmes d'équité salariale n'ont jamais fait fermer aucune entreprise au Québec?
M. Therrien: Pourtant, dans le rapport, on dénote, puis on ne présume absolument de rien, mais, dans le rapport, on souligne une statistique qui dit que 47 % des employeurs... de compagnies qui n'existent... qui n'existent plus... Excusez-moi, c'est l'heure peut-être qui fait qu'on est fatigué un peu plus. Il y a 47 % des entreprises qui n'existent plus depuis l'instauration de la loi.
M. Roy (René): 47 %, nous, ce qu'on voit: c'est 47 % qui ont fait l'équité salariale. Je ne sais pas où est-ce que vous prenez votre chiffre, mais...
M. Therrien: Je vais vous l'amener.
M. Roy (René): Il y a 250 000 employeurs au Québec. En haut de 10 %, il y en a à peu près combien, là, 60 000, 50 000, 40 000? Il y a bien des entreprises là-dedans qui existent juste sur papier, quand même, là.
Mme Gingras (Carole): Et est-ce qu'on dit qu'elles n'existent plus parce qu'elles ont fait l'équité? C'est ça, la question.
M. Therrien: C'est exactement ça. J'ai dit: On ne présume de rien. Par contre, ces gens-là ne sont plus à l'IGIF, là.
M. Roy (René): Mais, quand même, pour la... pour votre... 100 000 $, c'est une masse salariale... 100 employés et plus, vous parlez des masses salariales en haut de 10 millions de masse salariale, vous savez, vous n'êtes pas dans des coûts catastrophiques quand vous parlez de masse salariale, là, de 10 millions et plus.
M. Therrien: Donc, pour votre référence, le chiffre, c'est à la page 33 du rapport ministériel.
Le deuxième point que je voulais parler avec M. Roy. Vous spécifiiez tout à l'heure, au niveau du rôle de la commission, la CSST. Mais, la CSST, on a un conseil d'administration et on est paritaires. Est-ce que ce ne serait pas viable au niveau de la Commission de l'équité salariale?
M. Roy (René): Non, je ne pense pas qu'on ait besoin d'un conseil d'administration si grand que ça pour la Commission de l'équité salariale. Je pense qu'on a... On propose justement là-dedans de remettre en place des comités de consultation tripartites avec employeurs, travailleurs, etc. Ça, ça pourrait être plus fait. Mais on ne pense pas, non, qu'il y aurait besoin d'un conseil d'administration comme la CSST.
M. Therrien: Donc, vous n'êtes pas fermés à une représentation paritaire.
M. Roy (René): Parce qu'à la CSST il faut administrer, là, un régime d'assurance, hein? Il y a une cotisation qui est payée, là, à ce moment-là.
M. Therrien: Qu'est-ce qui vous a amené à faire un sondage maison? Est-ce que vous... Et pourquoi pas ne vous être basé que sur le rapport ministériel?
M. Roy (René): Bien, on voulait savoir ? puis je peux laisser parler Carole ? la FTQ voulait savoir l'avancement de l'équité salariale dans ses groupes. Parce que la FTQ étant dans le secteur privé, petites, grandes et moyennes entreprises, c'était toute une tâche, là, la tâche de faire l'équité salariale. Et on a dû former des conseillères à la grandeur de nos syndicats pour faire cette tâche-là, on a engagé du monde à la FTQ. Alors, c'est un grand investissement, c'est un gros investissement de la part de la FTQ et de ses syndicats affiliés. Alors, on voulait absolument savoir où est-ce qu'on était rendus. Et d'ailleurs le premier rapport nous avait laissés sur notre appétit. Le premier rapport de la commission, concernant le taux de compagnies qui avaient réussi à faire l'équité salariale, nous avait laissé sur notre appétit. C'est pour ça qu'on a décidé de procéder à notre propre évaluation.
M. Therrien: Est-ce qu'à la lumière du nouveau rapport, aujourd'hui, vous voyez des grandes améliorations?
M. Roy (René): Ce qui nous surprend, c'est que c'est seulement 47 % des entreprises qui font l'équité salariale après 10 ans. C'est surprenant. À la FTQ, avec les travailleurs, avec les syndicats en place, on s'aperçoit qu'on est plus hauts que ça, on est à 65 %, puis on continue. À 65 %, mais il faut rajouter à ça à peu près... je pense que c'est 20 % ou 25 % qui est en marche.
Une voix: Ça n'inclut pas le secteur public.
M. Roy (René): Ça n'inclut pas évidemment le secteur public qui, lui...
Une voix: Qui n'est pas dans nos données.
M. Roy (René): On refuse de négocier avec nous autres, comme vous savez, on nous passe des lois... Ha, ha, ha!
M. Therrien: Madame, à votre gauche, tout à l'heure, vous parliez d'outils, vous...
Mme Mercier (Louise): Mme Mercier.
M. Therrien: Madame?
Mme Mercier (Louise): Mercier.
M. Therrien: Mercier? Je m'excuse. Vous précisément, à la FTQ, est-ce que vous auriez des solutions à apporter, des outils à nous apporter aussi à la commission, ici, pour qu'on puisse... Je pense qu'on est là pour ça, non? Est-ce qu'il y a des outils...
Mme Mercier (Louise): Par rapport au maintien?
M. Therrien: ...que vous aviez pensé pour justement... Quand vous parliez de proposition des outils, de renforcir, est-ce qu'il y a des outils qui pourraient être... demain matin, là, vous auriez ce mandat-là, là.
Mme Mercier (Louise): Demain matin? Non.
M. Therrien: À moyen terme.
Mme Mercier (Louise): Bien, c'est certain que les outils qui vont être sur le maintien vont sensiblement être d'abord des comités en place pour continuer l'évaluation des emplois et pour ne pas perdre de vue ce qui a été commencé dans les programmes d'équité salariale. La FTQ présentement a un groupe de travail qui est en train de regarder tout ce qui pourrait être fait pour améliorer. Parce que le maintien, là, il ne faut pas se le cacher, là, il ne se fait pas partout, et on n'a pas une expertise exceptionnelle du maintien. Sauf qu'on se rend compte très bien, dans les endroits où on a une possibilité de discuter avec l'employeur du maintien, on se rend compte que l'employeur, il ne sait pas comment le faire, il ne sait pas comment l'appliquer. Et il y a souvent des malentendus entre les organisations syndicales et l'employeur sur simplement des interprétations parce qu'il n'y a pas, dans la loi, de précisions qui sont très exhaustives sur le maintien de l'équité salariale. On ne parle pas de délais, on ne parle pas de choses de ce genre-là. Donc, les employeurs pensent, eux, qu'à l'instant où ils ont fait l'équité, le maintien, pour eux, ça va de soi, mais ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, là.
M. Therrien: Dernière question pour ma part: Puisque la loi contredit le principe inscrit dans le Code du travail selon lequel les négociations collectives doivent se faire à l'intérieur de l'unité de négociation, est-ce que vous ne penseriez pas qu'il serait plus nécessaire que ce soit temporaire?
M. Roy (René): Quoi? Temporaire?
M. Therrien: Oui, caractère temporaire.
M. Roy (René): Bien, dans le maintien de l'équité salariale, ce qu'on dit, par exemple, c'est qu'on doit revoir à tous les quatre ans l'équité salariale, mais ça...
M. Therrien: C'est ce qu'on propose.
M. Roy (René): Oui, c'est ce qu'on propose. Mais, nous, on dit que, si elle est... La FTQ recommande que, si elle est proche d'une table de négociation, surtout dans le secteur privé, on dit qu'elle doit être... on doit donner la flexibilité pour que les deux parties puissent la mettre en fait sur la table de négociation puis la faire en même temps que la table de négociation. Mais elle ne va pas contre le... Elle n'empêche pas par contre, dans votre question, là, qui est un peu tendancieuse, elle n'empêche pas la négociation des salaires, d'aucune façon. Elle vient corriger une inéquité. Mais, une fois que l'inéquité est corrigée, on peut négocier. Si on recrée l'inéquité par la négociation collective, bien il faut la recorriger.
M. Therrien: Merci.
Mme Lapointe (Groulx): Il reste du temps?
La Présidente (Mme Morissette): Oui, il reste un petit peu plus de deux minutes. Alors, une question courte, une réponse courte, puis on va être correct. Mme la députée de Groulx.
Mme Lapointe (Groulx): Merci. Bonjour et bienvenue. Tantôt, M. le ministre a parlé un petit peu des programmes distincts, alors je vais revenir un petit peu là-dessus. À la FTQ, bon, les programmes distincts sans... Bon. Qu'est-ce que vous pensez? Êtes-vous pour les programmes distincts, un petit peu comme en Ontario? Est-ce que c'est quelque chose que vous favorisez? Parce que, dans les relations de travail, on sait qu'à certains égards ça peut apporter des problèmes, s'il y a différentes accréditations puis différents programmes distincts. Vous, vous vous situez où?
M. Roy (René): Les programmes distincts, pour nous, on est dans le secteur privé. Alors, on a des accréditations syndicales. Ils peuvent appartenir à un syndicat. À côté, ça peut être un syndicat indépendant; à côté, ça peut être un groupe de travailleurs qui n'a pas de syndicat. Alors, la manière, le modus operandi avec lequel on est habitués de vivre est par les accréditations syndicales, est par la négociation dans ces accréditations-là, est par le vote à la fin. Alors, c'est la structure qu'il y a. Les gens se réunissent par les accréditations syndicales. Maintenant, on a toujours favorisé, dans notre formation, à ce que les gens se comparent le plus large possible, mais... Puis on l'a interprété avec la commission jusqu'en 2004 dans ce sens-là. Alors, on a des programmes distincts. Évidemment que ça cause conflit actuellement.
Mme Lapointe (Groulx): Merci.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Morissette): Oui, à peine. On n'aura même pas le temps de faire la question complète.
Une voix: Quand elle est courte, elle est courte.
La Présidente (Mme Morissette): Parfait, mais je vous coupe quand vous allez arriver...
M. Charbonneau: Vous êtes actionnaires dans plusieurs entreprises. Vous investissez...
M. Roy (René): ...
La Présidente (Mme Morissette): Non...
M. Charbonneau: Vous êtes actionnaires dans certaines entreprises...
M. Roy (René): Oui.
La Présidente (Mme Morissette): Excusez, je me suis mêlée. Non. Je me suis trompée avec la ligne du gouvernement. Alors, non, je suis vraiment désolée, M. le député de Johnson, il n'y a plus de temps.
Mme Harel: D'accord. Ah! c'est intéressant. Bien, je vais reprendre sa question.
Des voix: Ha, ha, ha!
n(18 h 50)nLa Présidente (Mme Morissette): Ah! bien, merveilleux. Alors, allez-y, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Bonjour, M. Roy, Mme Mercier. Bonjour, Mme Gingras. Alors, je sais que mes collègues la députée de Taschereau et le député de Jonquière veulent également échanger avec vous. Alors, le Fonds de solidarité de la FTQ étant actionnaire dans plusieurs entreprises, est-ce que l'exercice d'équité salariale est terminé?
M. Roy (René): Au Fonds de solidarité, il est fait, puis c'est Mme Mercier, la petite-fille d'Honoré Mercier, en passant, qui l'a fait.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy (René): Alors, c'est elle qui représente les travailleurs du Fonds de solidarité, c'est fait. La FTQ l'a fait aussi, et on fait le maintien aussi.
Mme Harel: Ah! vous l'avez fait vous-même, le Fonds de solidarité l'a fait. Mais les entreprises où le fonds est actionnaire, est-ce qu'ils procèdent à l'exercice?
M. Roy (René): Le Fonds de solidarité n'a absolument rien à faire...
Mme Harel: Avec la gestion.
M. Roy (René): ...dans aucune relation de travail...
Mme Harel: C'est ça.
M. Roy (René): ...mais on leur défend complètement tout... Ils n'ont rien à faire là-dedans, ils ne vont pas sur les tables de négociation.
Mme Harel: Alors, je pense que la réponse est transmise. Écoutez, tantôt, vous avez abordé une question qui ne l'a pas été du tout, qui est intéressante, à savoir que, compte tenu du sondage que vous avez réalisé, vous vous êtes rendu compte qu'il y aurait des revenus actuels et futurs qui seraient améliorés et auquel cas cela permettrait de revaloriser la Régie des rentes, la CSST, les cotisations peut-être dans des régimes de retraite de l'employeur. Ça, c'est un aspect qui a peu été regardé. J'aimerais ça, si c'est possible, là, que vous nous en disiez un mot, parce que c'est un effet bénéfique de la Loi sur l'équité qui va avoir des répercussions à plus long terme.
M. Roy (René): Bien, pour nous, l'augmentation des salaires, c'est un investissement extraordinaire dans l'économie du Québec. Puis on l'a vu, juste avec le règlement de l'équité salariale du secteur public, la fédération... pas des manufacturiers, mais des marchands...
Une voix: L'Association des...
M. Roy (René): Merci. 4,9 %, ce n'est pas rien, hein? Puis l'économie roule autour des consommatrices puis des consommateurs. Alors, n'importe quel effet dans les salaires fait en sorte que c'est un gain pour l'économie du Québec. Et, Mme la députée, vous le savez très bien, aujourd'hui, si le Québec résiste à l'économie des États-Unis qui est en régression, c'est parce qu'au Québec il y a beaucoup de régimes de retraite qui sont en force actuellement et il y a beaucoup de femmes qui sont dans le marché du travail. Alors, les salaires permettent, là, de maintenir l'économie, puis n'importe quel mouvement vers l'économie puis vers surtout, d'après nous, l'augmentation des salaires des femmes qui sont des mères de famille, qui consomment directement dans le marché, alors ça ne peut pas faire autrement qu'aider l'économie du Québec.
Mme Harel: Avant que mes collègues vous interrogent, je voudrais juste bien vérifier si, à l'égard de ce qu'on appelle les programmes distincts, il faille faire la distinction entre programmes distincts et programmes distincts qui s'adressent à une association accréditée ne comprenant pas de catégorie à prédominance féminine. Parce que des programmes distincts, c'est une chose, mais est-ce que vous considérez que, lorsqu'il n'y a aucun comparateur, qu'il n'y a pas de catégorie à prédominance féminine, il est toujours justifié de maintenir un programme distinct?
M. Roy (René): Vas-y donc, Louise.
Mme Mercier (Louise): Il pourrait peut-être... Je pense que ce serait important pour la compréhension de tout le monde d'expliquer que... d'apporter certaines nuances en tout cas sur les programmes distincts parce qu'on mélange un peu les programmes distincts quand il n'y a pas de comparateur féminin et les programmes distincts qui peuvent être demandés par les associations accréditées pour toutes sortes de raisons, celles dont René parlait tout à l'heure, et aussi les employeurs qui demandent des programmes distincts pour des causes régionales, pour des disparités régionales. Donc ça, je pense que c'est important de faire cette distinction-là.
Là où les programmes distincts font un petit peu... je dirais, le fait qu'on ne s'entende pas nécessairement sur ce qui a été fait par la commission depuis 2000, c'est surtout sur le fait des programmes distincts où il n'y avait pas de comparateur féminin, donc qui apportaient une distorsion un petit peu dans le système, là, et que... il suffit d'afficher les résultats pour... on a pensé, à ce moment-là, que... au moment où on constatait qu'il n'y avait pas de comparateur féminin, l'équité s'arrêtait là, il n'y avait pas besoin de faire de programme à ce niveau-là. Donc, la commission a véhiculé aussi, pendant un bon moment, cet aspect-là, ce qui a fait en sorte qu'il y a eu beaucoup d'endroits où les programmes... il n'y en a pas eu, de programmes, finalement, là. Dans beaucoup d'usines et dans beaucoup d'entreprises où ça s'est produit, il n'y a donc pas eu de programme qui a été fait. Et on dit que, dans ce cas-là, la FTQ ne peut pas être en accord avec ce qui se passe, et on sait que c'est cette facette-là qui est présentement à la cour, qui est présentement en juridiction.
Mme Harel: ...pas d'accord, mais est-ce que ça signifie pour autant que vous avalisez ce qui ne s'est pas fait?
Mme Mercier (Louise): Bien, il faut dire que, dans ces entreprises-là... Il ne faut pas se le cacher, là, 10 ans plus tard, que, dans plusieurs de ces genres d'entreprises là, il y a souvent eu une espèce de pression qui s'est jouée sur les associations accréditées pour dire: Bien, écoutez, si vous ne faites pas ce genre de chose là, si vous ne signez pas une entente à l'effet que vous acceptez ce programme distinct là, il n'y aura pas de convention collective, là. Il ne faut pas se le cacher, ça non plus, là. Donc, ça a changé l'aspect de beaucoup de choses et de beaucoup... Ça a changé l'aspect de beaucoup d'entreprises au niveau de l'équité salariale, là. Donc, sur ça, on prétend qu'il y a bien des places où il n'y a pas eu d'équité de faite et qu'il faudrait peut-être... Est-ce que, si on allait... Est-ce que ça voudrait dire qu'il faudrait recommencer l'équité, les programmes d'équité dans tous ces endroits-là? C'est un travail de 10 ans de plus, là, ou quoi? Tu sais, c'est...
Une voix: ...
Mme Harel: ...
Mme Mercier (Louise): Pardon? Bien, c'est l'effet de rétro, la rétro qui pourrait être...
La Présidente (Mme Morissette): M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault: Oui. Bonsoir, M. Roy, Mme Mercier, Mme Gingras. On s'est fait dire par d'autres intervenants avant vous que la situation au fédéral pour les travailleurs... qui dépendent, si on veut, du gouvernement fédéral ou qui travaillent dans des entreprises de compétence fédérale ne vivaient pas la même situation parce que la Loi sur l'équité salariale s'applique pour les entreprises qui relèvent d'une compétence québécoise. Alors, on se l'est fait dire notamment par la firme Drakkar, mais aussi par le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Et la Fédération canadienne des entreprises indépendantes a soulevé la question à l'effet que le droit à l'équité pourrait être, notamment via le projet de loi n° 63, peut-être, présentement à l'étude ici... donc le droit à l'équité pourrait être appliqué en vertu de la charte québécoise des droits et libertés de la personne. On sait que présentement la situation au fédéral, c'est en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.
Considérant que vous êtes un syndicat qui avez de nombreux membres qui oeuvrent dans des entreprises de compétence fédérale, pouvez-vous nous faire part de votre analyse de cette comparaison-là, si on veut?
Une voix: Ah, mon Dieu!
M. Roy (René): Je vais commencer et je vais laisser Carole, parce que c'est une bataille qui a été terrible pour nous autres avec la commission des droits de la personne canadienne dans certains dossiers, puis ils sont faciles à connaître: Bell Canada, je pense qu'on a été devant les tribunaux pendant, je pense que c'est 10 ans, 10, 12 ans, 10, 12 ans devant les tribunaux.
Une voix: Postes Canada, 25 ans.
M. Roy (René): Postes Canada, 25 ans. La fonction publique canadienne, ça a été 15, 20... 15, 18 ans. En tout cas. En tout cas, on a toujours proposé, nous autres, que ce soit une loi proactive, que ce ne soit pas devant la Commission des droits de la personne. Mais je vais laisser Carole, parce qu'elle se bagarre là-dedans à tous les jours...
Mme Gingras (Carole): On a participé, pour votre information, à à peu près à tous les groupes de travail qui ont eu lieu et qui ont donné lieu au rapport du fédéral en 2004 qui propose justement l'adoption d'une loi proactive sur la scène fédérale parce que, dans les débats qui ont eu lieu... C'est clair qu'à partir du moment où c'est enchâssé dans la Loi canadienne des droits de la personne c'est l'équivalent de ce qu'on avait avant la Loi sur l'équité salariale au Québec. Vous avez un droit qui est reconnu, mais c'est le système de plaintes qui s'applique. Alors, la travailleuse, c'est elle qui a le fardeau de la preuve, de dire: Moi, je pense que je suis discriminée au niveau de mon salaire, et elle doit faire la preuve. Donc, il y a la connaissance du dossier, il faut être bien équipé, et en quelque part il y a aussi des délais considérables. Il y a des cas et des causes d'ailleurs qui sont encore devant le Tribunal des droits de la personne du Québec puis sur la scène fédérale. Je n'entrerai pas là-dedans, mais c'est des coûts énormes. On voit des milliards et des milliards de dollars, mais on dit: Ça coûte plus cher de contester devant un tribunal que de payer la reconnaissance de la valeur des emplois des femmes. Trouvez l'erreur.
M. Gaudreault: Exact. C'est beau. Merci.
La Présidente (Mme Morissette): Il reste une minute, si vous voulez.
M. Gaudreault: En fait, c'est ça, je voulais savoir si, en termes de coûts, parce qu'il y en a plusieurs qui sont préoccupés par les coûts, là, sur l'impact à l'égard des entreprises, si c'était supérieur, avec l'expérience que vous avez vécue au fédéral, et je comprends que vous répondez oui à cette question.
M. Roy (René): Si vous regardez le rapport, par exemple les coûts aux entreprises, pas la correction salariale, mais juste les coûts aux entreprises, là, ça n'a vraiment pas été dispendieux, puis, s'ils le font avec leurs syndicats, ça ne leur coûte rien.
Des voix: Ha, ha, ha!
n(19 heures)nUne voix: C'est le cas à la FTQ.
La Présidente (Mme Morissette): Merci beaucoup à vous trois.
Donc, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, à 9 h 30, et nous nous réunirons ici même, à la salle La Fontaine, pour poursuivre le mandat.
(Fin de la séance à 19 h 1)