(Neuf heures quarante-quatre minutes)
Le Président (M. Bachand): Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.
Je vous rappelle donc le mandat de la commission: l'objet en fait de cette commission est de poursuivre les consultations générales sur le document intitulé Le secteur énergétique au Québec ? Contexte, enjeux et questionnements.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.
Le Président (M. Bachand): Donc, je vais vous demander évidemment de bien vouloir fermer les cellulaires. Et, même si on le demande à toutes les fois, il y en a toujours qui oublient ça. Je vois déjà des gestes qui se posent, là, dans le concret. C'est excellent.
Donc, je vous donne rapidement l'ordre du jour. Il y aura 20 minutes de présentation de l'organisme, 20 minutes de discussion générale avec les députés du groupe ministériel et 20 minutes de discussion générale. Ça, c'est pour la façon dont on va procéder.
Pour ce qui est de l'ordre du jour, à 9 h 30, c'est le Regroupement des MRC Maria-Chapdelaine, Domaine-du-Roy et Sept-Rivières. À 10 h 30... Oh, là, je vais avoir besoin du député des Îles... pas des Îles-de-la-Madeleine, mais de René-Lévesque. Comment on prononce ça, M. le député de...
M. Dufour: Oh, oh, oh! J'ai un problème.
Le Président (M. Bachand): Vous avez aussi un problème?
M. Dufour: Oui.
Le Président (M. Bachand): Donc, en tout cas... On va recevoir un groupe, puis on s'informera à ce moment-là. Et, à 11 h 30, Dunsky Expertise en énergie viendra aussi nous rencontrer. Donc, sans plus tarder...
Mme Dionne-Marsolais: ...
Le Président (M. Bachand): Pardon?
Mme Dionne-Marsolais: ...
Le Président (M. Bachand): Allez-y donc fort, Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Je ne sais pas, mais je m'essaierais avec...
Le Président (M. Bachand): Oui, faites un essai.
Mme Dionne-Marsolais: Mi'gmawei Mawiomi.
Le Président (M. Bachand): Merci, nous vérifierons. Donc, vous vous êtes compromise, nous pourrons vérifier si... Je vous remercie infiniment.
Mme Dionne-Marsolais: ...
Le Président (M. Bachand): Oui, oui. C'est correct. C'est excellent.
Auditions (suite)
Donc, je vois déjà, messieurs, que vous êtes déjà installés. Donc, Regroupement des MRC Maria-Chapdelaine, Domaine-du-Roy et Sept-Rivières, bienvenue, messieurs du monde municipal. C'est toujours un plaisir d'accueillir les gens du monde municipal. Je vous dirais que c'est un peu comme une espèce d'endroit sécuritaire où on peut se reposer de temps en temps. Ce n'est pas le cas pour vous, mais c'est mon cas, pour mon esprit en tout cas, puisqu'il y a...
Une voix: ...
Le Président (M. Bachand): Oui. Parce qu'il y a toujours des bons souvenirs qui reviennent en mémoire quand je rencontre les gens du monde municipal. Donc, bienvenue à la commission. Vous connaissez maintenant les règles. Je vous demanderais, pour le bénéfice de l'ensemble des collègues, de vous présenter, s'il vous plaît. Allez-y, messieurs.
Regroupement des MRC de Maria-Chapdelaine,
du Domaine-du-Roy et de Sept-Rivières
M. Généreux (Bernard): D'accord. Donc, bonjour à tous. Mon nom est Bernard Généreux. Je suis préfet de la MRC du Domaine-du-Roy et maire de Saint-Prime. Je représente aujourd'hui principalement les maires et préfets de... Denis Trottier, de la MRC Maria-Chapdelaine, ainsi qu'Anthony Detroio, de Port-Cartier, qui malheureusement n'ont pu se présenter, étant retenus en région, là, pour des urgences forestières, pour la plupart d'entre eux, compte tenu, là, de l'importance du dossier et des mouvements que ça crée. Donc, je suis accompagné de professionnels et consultants, entre autres de mon directeur général, Denis Taillon, de Me Guy Bertrand et de M. Claude Beaulieu, du groupe Énergie nordique.
Donc, vous comprendrez que, dans le domaine du développement énergétique, les régions ressources comme celles qui sont devant vous, ce n'est pas d'aujourd'hui que la préoccupation d'une implication ou d'une participation en regard du dossier énergétique est présente, et l'opportunité que nous offre la Commission de l'économie et du travail pour repositionner un certain nombre de choses ou d'attentes en regard de l'énergie énergétique tombe à propos dans un contexte où les régions sont plus que jamais à la recherche de leviers de développement, d'opportunités de développement, également dans un contexte où on reçoit du gouvernement du Québec un message très clair nous invitant à la décentralisation et à la prise en charge du développement de nos communautés. Je rappelle également qu'à l'issue de la loi n° 34 on a confié aux MRC la responsabilité du développement économique, en intégrant les CLD notamment sous la responsabilité de la MRC.
Donc, les questions de développement, elles sont au coeur de nos préoccupations plus que jamais, et je pense qu'on n'en est plus, dans le monde municipal, à l'étape où les seules questions qui nous préoccupaient, c'étaient celles des poubelles et des trottoirs. Les enjeux de développement économique sont au coeur de nos préoccupations, et, connaissant... Et je suis conscient que l'ensemble des parlementaires sont aussi très sensibles aux réalités socioéconomiques qui assaillent les régions du Québec, notamment au plan de l'exode des populations, des crises liées à la mondialisation et aussi au repositionnement industriel, qui affectent nos territoires. Donc, quand on met dans ce contexte-là les questions énergétiques, on comprendra que ça vient rapidement au coeur de nos préoccupations.
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(9 h 50)
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Il y a également, je pense, dans l'historique de ce dossier-là, une relation amour-haine qui s'est développée avec le mouvement écologique, ce qu'on appelle les Verts d'une façon générale, et le monde municipal. Et, depuis quelques années, on sent bien que cette relation a interféré régulièrement. Puis je pense que, dans le dernier essai de développement au plan énergétique, c'est aussi... Souvenons-nous de la virée à bicyclette de notre ami Piché qui a symboliquement fait basculer la levée d'un moratoire qui résultait d'un autre exercice où on avait réouvert, je dirais, aux régions la possibilité du développement par l'énergie. Donc, cette relation, je pense qu'elle doit être revue et corrigée, remise dans un contexte où la responsabilisation des communautés est de plus en plus une affaire d'équilibre entre les différentes régions du Québec et d'une certaine manière du droit des régions du Québec à leur part de développement.
L'historique, ou les démarches qu'on a pu vivre dans notre relation avec le développement énergétique, a souvent été jusqu'à maintenant un développement où nous étions ou bien spectateurs du développement par les autres, puis j'inclus là-dedans Hydro-Québec, qui venaient dans nos régions installer de l'énergie et desquels on pouvait, si on était chanceux, dans la mesure où nos territoires étaient concomitants aux ouvrages, toucher quelques petites redevances et s'inscrire dans des programmes de retombées environnementales... Dans une autre étape où on s'est rapproché davantage du développement des petites installations, bien les lois municipales font en sorte qu'on est au mieux minoritaires dans la participation des projets.
Et tout ça nous amène à déposer devant vous aujourd'hui une approche où résolument on souhaite qu'on puisse d'ores et déjà s'inscrire dans des projets où le milieu est collectivement propriétaire de ces interventions-là, en s'appuyant sur une démarche où le milieu collectivement adhère au projet, y trouve son compte non seulement en termes de retombées économiques, mais au plan de la qualité des projets à tous égards, tant aux plans environnemental, social et communautaire. Et c'est pourquoi on vous propose une approche novatrice à cet égard-là, que l'on qualifie de «développement communautaire de l'énergie». Le développement communautaire de l'énergie s'inspire d'un partenariat où on va mettre à contribution l'ensemble des intervenants significatifs d'un milieu. Dans nos communautés respectives qui sont devant vous, les trois MRC, on sait que, dans chacune de ces communautés, nous sommes à proximité ou en cohabitation avec des communautés autochtones. Donc, il nous apparaît important, compte tenu des enjeux de territoire que cela soulève, que les communautés autochtones soient au premier chef associées à nos démarches, à nos projets comme non seulement partenaires, mais promoteurs aussi de ces projets-là.
Également, que les retombées communautaires de ces projets-là puissent aussi être au profit de besoins qui sont nombreux et immenses dans nos territoires et auxquels le financement traditionnel ne peut répondre, à l'évidence. Donc, que l'on pense au développement des réseaux communautaires, des groupes de lutte à la pauvreté, du réseau de la santé qui a d'immenses besoins. On sait que, dans nos régions, la problématique, je dirais, de l'accueil de nouveaux médecins est souvent le fait d'être capables de mobiliser des offres particulièrement alléchantes au plan de l'installation. Bien, je pense qu'on peut illustrer ces besoins-là de diverses manières. Comment on pourrait, par des projets à retombées sociocommunautaires qui visent à solutionner les problématiques propres à nos milieux... Donc, que ces projets-là puissent s'inscrire dans une dynamique sociale beaucoup plus large que simplement un projet qui est défini, comme on les a toujours définis, défini par un promoteur qui est souvent extérieur à nos territoires, des promoteurs qui sont souvent au centre-ville de Montréal, qui, par leur réseau de financement, d'expertise, viennent définir des projets pour nous.
Nous, on dit: On doit maintenant définir des projets qui sont le résultat de la compétence de nos territoires, qui sont le résultat d'un financement où les milieux, d'une façon majoritaire, profitent des dividendes découlant de la mise en valeur de ces projets, de ces aménagements hydroélectriques et qui sont aussi issus d'une démarche où les populations sont consultées, associées à la définition même des projets, de façon à ce que ce qu'on appelle la fameuse acceptabilité sociale soit au coeur des projets qui sont définis par les milieux.
Donc, vous comprendrez que ce qu'on souhaite mettre en place dans la prochaine génération des aménagements hydroélectriques, c'est qu'on puisse sortir de l'espèce de carcan où on a jusqu'à maintenant été comme les otages de la vision du développement des autres et que ce développement soit le résultat d'une réflexion des communautés où, en partenariat, on puisse définir des projets qui sont au profit et au service du développement des milieux.
On connaît, je dirais, pour avoir, je pense, tous accompagné ou visité ou examiné les projets de développement de petites centrales dans nos communautés, combien ça représente souvent ce qu'on appelle des machines à imprimer de l'argent. Et ça, c'est souvent... Historiquement, ça a été fait au profit d'individus ou de corporations qui empochent la totalité de ces bénéfices-là sans qu'aucun profit autre que celui du moment de la construction, qui est plus ou moins important dans le temps... Donc, en termes de retombées locales, c'est insignifiant, voire inexistant. Donc, la nouvelle génération qu'on veut mettre en place, de projets, c'est des projets qui s'inspirent d'une approche collective, d'une propriété collective, des dividendes qui sont majoritairement retournés dans les milieux pour supporter des initiatives de développement communautaire, économique ou culturel ou de toute nature qui correspondent aux aspirations puis aux besoins des milieux d'accueil.
Dans le concert de, je dirais... dans une approche de concertation avec ceux qui bien souvent ont une préoccupation de sauvegarde et de maintien de l'intégrité des paysages, des rivières, et ça, je pense qu'il y a moyen, nous en sommes convaincus, de faire des projets, de définir des projets qui font en sorte qu'on concilie ces intérêts-là dans une optique de développement communautaire, mais réfléchis par les milieux d'appartenance.
Moi, je pense que je suis un petit peu tanné, vous me permettrez l'expression, de me faire définir par le Plateau Mont-Royal, par ceux qui définissent pour nous ce qui est bien pour le Québec. L'énergie du Québec appartient aux Québécois, on en convient, mais elle appartient aussi à ceux qui vivent dans les régions. Et les premiers responsables de la définition de ça, bien c'est, je pense, les régionaux eux-mêmes. Et il va falloir qu'au Québec on se fasse confiance, entre ce qui est le bien commun pour l'ensemble des Québécois et ce qui est le bien commun pour l'ensemble des régions ou de ceux qui vivent dans les régions d'appartenance ou les régions respectives du Québec.
Je pense qu'il faut sortir de ce modèle où on nous considère souvent comme des incompétents capables de définir des projets qui sont, je dirais, au profit des communautés elles-mêmes et non pas au profit d'individus qui viennent s'enrichir dans nos régions. Et je dirais même que, par extension, Hydro-Québec s'inscrit largement ou d'une certaine manière dans ça. Parce qu'on peut bien dire que ça revient dans le fonds consolidé du Québec, puis tout le monde en profite collectivement, mais, localement, allez demander au citoyen de Port-Cartier ou de Roberval c'est quoi, son bénéfice de l'aménagement hydroélectrique, il n'a pas plus de bénéfices que le citoyen de Montréal.
Donc, on sait par ailleurs les difficultés économiques et de développement qui confrontent nos régions, et, nous, notre conviction, c'est qu'il y a là des opportunités qui nous échappent et qu'on laisse passer parce qu'on n'est pas capable, comme société, d'établir un consensus autour de ces questions-là. Et c'est souvent des consensus qui nous sont imposés par une faction de notre société, qui bien sûr a droit d'exprimer des préoccupations en matière d'environnement, mais qui ont souvent pour effet de nous piéger dans le sous-développement, de nous confiner dans le sous-développement et qui nous empêchent de mettre en développement nos communautés, nos territoires à partir des leviers et des ressources qui sont à notre disponibilité.
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(10 heures)
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C'est bien évident que ce n'est pas toutes les régions, puis ce n'est pas tous les territoires, puis ce n'est pas tous les milieux qui bénéficient de ce que la nature nous a apporté, mais on peut penser que dans d'autres régions il y a d'autres moyens de compenser ce que d'autres peuvent profiter au plan de ce que la nature nous apporte.
Donc, en quelques mots, notre recommandation ou notre suggestion, c'est d'y aller dans ce type d'approche où on implique les communautés, où on propose aussi, par le biais d'une méthode de financement qu'on appelle le financement par équité, une propriété qui revient pour l'essentiel au bénéfice des communautés, et aussi dans un souci de mise en valeur, de respect de l'environnement, de critères d'acceptabilité sociale très élevés, encadrés par une démarche qui est même à la limite extérieure au promoteur, de façon à ce qu'il n'y ait pas d'équivoque quant à l'acceptabilité, mais que ce soit une réflexion des milieux eux-mêmes tant dans la définition, l'ajustement et les retombées qu'on souhaite accorder aux projets qui éventuellement seront développés. Donc, tout ça appuyé sur un partenariat très étroit avec les premières nations de façon à ce qu'au plan des territoires il n'y ait pas d'équivoque quant à la revendication par propriété des aménagements.
Voilà pour, sommairement, le tableau. On pourra, à travers les questions, peut-être illustrer un peu plus les points de vue de l'approche que l'on vous propose. Donc, je ne sais pas si mes partenaires veulent compléter un petit peu la présentation.
Un dernier mot sur l'illustration qu'on compte faire dans le Domaine-du-Roy plus particulièrement. Nous sommes actuellement à réfléchir sur un projet d'aménagement d'une chute qui va peut-être vous faire sursauter: Val-Jalbert. Val-Jalbert, on le sait, est un lieu patrimonial reconnu par le ministère de la Culture, et, au coeur de ce village historique, il y a une chute qui fait l'objet de... ou qui a fait l'objet de plusieurs convoitises historiquement.
On se souviendra que, dans les années quatre-vingt-dix, un promoteur avait voulu aménager cette chute-là, 24 MW, et c'était dans l'approche traditionnelle où un promoteur extérieur disait: Bien, il y a là une belle chute, je mets un barrage là-dessus, puis je fais de l'argent, puis je m'en vais chez nous, puis j'empoche. Avec le résultat qu'il y a eu un tollé de protestations, ce projet-là a été rejeté par les audiences du BAPE, et le milieu a rejeté le projet carrément compte tenu de l'absence d'intégration et de concertation avec le milieu.
Ce que l'on propose maintenant: un projet concerté, diminué à 10 MW, qui vient s'inscrire dans la nécessité de renouveler le site. Actuellement, il y a un plan de développement, à Val-Jalbert, qui est en réflexion depuis au moins trois ans et qui met les besoins... qui fixe les besoins du site à 17 millions. On comprendra que, dans le contexte des finances publiques actuel, quand on va voir Mme la ministre de la Culture et on l'invite à participer à ça, elle se retourne vers son ministre des Finances qui dit: Bien, il y a peut-être d'autres priorités, là, que d'investir là-dedans pour le moment.
Donc, on s'est reviré de bord. On dit: Comment est-ce qu'on pourrait aménager une proposition qui s'inscrive dans le besoin de renouvellement de ce site-là? Et on est en train... on approche, là, du dépôt d'une proposition où l'aménagement hydroélectrique dans le respect du site... Puis on se souviendra qu'historiquement, là, Val-Jalbert opérait parce qu'il y avait un barrage. Donc, on recréerait le barrage comme il était à l'époque, dans le respect du village historique, et ça, on est capables de définir un projet de 10 MW avec des retombées économiques très substantielles qui non seulement permettraient de financer en tout ou en presque totalité le plan de développement, mais de supporter également, peut-être même par un fonds dédié au tourisme, tout le besoin du développement de l'industrie touristique du territoire.
Puis on sait qu'une fois que l'aménagement est réalisé, là, c'est à vie, hein, c'est à vie qu'il y aura des retombées dans ce fonds-là, qui permettront au territoire de se lever, des opportunités, puis de faire en sorte qu'on puisse faire du développement avec un aménagement qui est de propriété collective. On sait que le site de Val-Jalbert est déjà propriété collective: 50 % MRC du Domaine-du-Roy, 50 % SEPAQ. Donc, on s'inscrit là-dedans, on développe dans le respect du site, puis on ne fera pas exprès pour... ? permettez-moi l'expression latine, là ? de scraper la chute, parce que c'est le coeur même de l'attrait touristique. En faisant un aménagement, donc il faut que la chute de Val-Jalbert soit à tous égards préservée en dépit d'un aménagement.
Donc, vous voyez, c'est la manière dont on illustre comment on souhaite maintenant développer les projets dans nos territoires: une approche communautaire, propriété collective, retombées dans le milieu, levier de développement, concertation avec les communautés autochtones et définition d'un projet qui s'inscrive dans le respect de la protection de l'environnement, du développement durable. Donc, je pense que, avec ces espèces de précautions qu'on va mettre autour de la définition des projets, on a tout lieu de croire que la clé est là, et c'est comme ça qu'on souhaite que le gouvernement nous accompagne et ouvre la possibilité des futurs projets de petites centrales contrôlées et animées par les milieux.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Généreux. Donc, sans plus tarder, je vais laisser la parole au ministre des Ressources naturelles et de la Faune. M. le ministre.
M. Corbeil: Merci, M. le Président. M. Généreux, messieurs, c'est intéressant que votre présentation colle à la réalité et soit pratico-pratique, c'est-à-dire que c'est le fruit d'une réflexion des intervenants du milieu pour le développement du milieu, justement.
En rapport avec votre mémoire, vous proposez de désigner les municipalités régionales de comté et/ou les communautés autochtones d'une région donnée à titre de partenaires majoritaires des projets de production d'énergie et d'encourager Hydro-Québec à participer au partenariat de ces entreprises. Comment voyez-vous l'intégration du rôle de chacun des partenaires au projet?
M. Généreux (Bernard): Écoutez, moi...
Le Président (M. Bachand): M. Généreux.
M. Généreux (Bernard): Oui. Je pense que le partenariat, il se définit dans la mesure où, nous, on pense que le milieu ? et, quand j'entends «le milieu», là, c'est essentiellement la MRC comme représentant du territoire ? ...soit un partenaire majoritaire, c'est-à-dire que la responsabilité de la définition puis de la reddition de comptes, elle revienne au milieu, au territoire, donc à la MRC. Donc, dans le partenariat... Est-ce que vous parlez plus du partenariat financier ou...
M. Corbeil: Oui, financier puis aussi de la... pas nécessairement de la réalisation, mais de l'opération du projet, après, là.
M. Généreux (Bernard): O.K.
M. Corbeil: Comment vous voyez ça? Moi, je vois ça dans son ensemble.
M. Généreux (Bernard): Bon. Écoutez, sur les aspects financiers, je vais peut-être demander à M. Beaulieu ou à Me Bertrand de compléter, mais je pense que la maîtrise d'oeuvre et la direction du projet, si on veut qu'elles demeurent propriété collective, il faut qu'il y ait une espèce d'actionnariat majoritaire qui appartienne au milieu, de façon à ce que ce soit constamment le milieu qui soit, je dirais, aux commandes de ce projet-là, qui soit répondant du projet et qui soit capable de rendre des comptes à qui que ce soit, je dirais, du suivi et des impacts de ces projets-là.
Au plan du montage financier, je pourrais peut-être demander à Me Bertrand ou à M. Beaulieu... Me Bertrand.
Le Président (M. Bachand): Oui. M. Bertrand.
M. Bertrand (Guy): Bon. Le financement en équité est le seul qui permettrait, je pense, de laisser comme partenaire majoritaire le milieu. Les banques privées ? en anglais, on dit «private banking», les gens qui font du financement en équité ? ne sont jamais des partenaires majoritaires, parce que les fonds viennent... c'est des fonds européens ou des fonds à travers le monde, alors ils ne connaissent pas tous les projets, ils ne veulent jamais être partenaires majoritaires, sauf qu'ils ont des exigences: ça prend au moins deux personnes au conseil d'administration et avec un droit de veto sur la disposition des actifs éventuellement.
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(10 h 10)
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Donc, même l'Hydro pourrait faire ça aussi, laisser la majorité dans des petits projets, parce que les fonds privés pour le financement en équité, ça prend un projet d'au moins 50 millions au départ. Donc, des petits projets comme... des petits projets de 10 MW, il faudrait se tourner vers l'Hydro, qui pourrait concéder une participation moitié-moitié à la MRC. Alors, je ne veux pas entrer dans les détails, mais, uniquement à titre d'exemple, si, comme... Par exemple, le projet de Magpie, en financement en équité, générerait... c'est-à-dire 10 millions de profits par année, et les banques privées qu'on a approchées, ça varie selon le projet, parce qu'il y a différentes formules, entre 10 % de participation jusqu'à 45 %. Donc, ça veut dire qu'ils laisseraient 55 % à la MRC, et, dans le 55 %, le milieu, selon nous, comme on le conçoit dans le mémoire que M. Beaulieu et moi avons préparé qui, nous l'espérons, nous permettra de nous faire entendre un petit peu plus tard, on entre plus dans les détails... Mais, dans ce 55 % là, on propose qu'il y ait un 5 % à 10 % maximum au promoteur... c'est-à-dire pas au promoteur, à l'opérateur, et un 5 % à 10 % à des groupes communautaires, Fondation Jean Lapointe ou autrement, ou à des fondations universitaires, ou à la recherche sur l'environnement, et la différence, qui donne à peu près 35 % à 40 % au milieu, c'est-à-dire à la MRC, qui en disposerait, ou aux autochtones, qui en disposeraient selon leur volonté.
Alors, c'est la seule... sinon, le financement traditionnel, pour le même exemple, un projet de 60 millions qui générerait 10 millions de profits, financement traditionnel signifie 6,5 millions en intérêts pendant 20 ans aux banques, donc c'est les banques qui s'enrichissent; il reste 3,5 millions seulement à répartir entre le promoteur et tous les autres, donc ça devient beaucoup moins rentable. Et, selon la formule traditionnelle, le même projet laisserait à peu près 600 000 $ par année au milieu, comparativement à 3,5, 4 millions dans un financement en équité.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Corbeil: M. le Président, je comprends que là on est en train de faire des projections de se répartir les profits d'un projet type de production d'énergie, mais, moi, je suis au début de la démarche: Qui le finance, qui le supporte financièrement? Si on me dit qu'on va partager les bénéfices à 50 %, 55 %, MRC et conseil de bande ? je fais référence à la page 9 du mémoire ? est-ce que la structure... le montage financier à l'origine du projet est équivalent au partage des profits après? Parce que là il va falloir augmenter la participation, qui est limitée à 49 % ? M. Généreux, vous êtes au courant de ça ? ça, il va falloir réviser ça à la hausse, cette barrière-là, et aussi ça fait référence aux capacités financières des communautés, ou des MRC, ou des organismes concernés.
Moi, je voudrais avoir ça au début de la démarche et non quand ça va faire de l'argent, parce qu'on a une propension naturelle à dire... et vous l'avez utilisée, l'expression, c'est une machine à imprimer de l'argent. Mais c'est une machine à imprimer de l'argent quand c'est amorti, quand on a un prix de vente qui est intéressant, et ça coïncide souvent... parce que ça, c'est des investissements immédiats pour une rentabilité à long terme. Hydro-Québec, elle a un rendement intéressant, elle a des possibilités de revenus intéressantes parce qu'elle a fait des installations v'là 30, 40, 50 ans, et même plus dans certains cas. Donc, oui, le temps ayant fait son oeuvre, là il y a une rentabilité intéressante. Mais, moi, j'aimerais ça qu'on parte ça au début du processus, là: qui qui ramasse la facture, si on veut? Après ça, on verra pour les bénéfices.
Le Président (M. Bachand): M. Généreux.
M. Généreux (Bernard): Oui. Je pense que, si vous me permettez, sur la question de, je dirais, l'explication comme telle de toute cette approche-là du financement par équité, j'ai comme l'impression que ça pourrait prendre tout notre temps comme intervention dans cette commission parlementaire, et c'est pourquoi, moi, je vous inviterais à inviter les consultants actuellement à venir partager leur mémoire, qui aborde spécifiquement cette question-là et qui pourrait vous permettre de vous sensibiliser avec les avantages de cette approche-là du financement par équité qui... De la façon dont je peux la résumer à ce stade-ci, c'est que c'est un financement qui se fait au profit des communautés et qui fait en sorte que, plutôt que d'enrichir les banques, comme dit Me Bertrand, on fait en sorte que le financement de ces projets-là, qui bien sûr suppose une implication financière des communautés impliquées... Et ça, bien, ça probablement aura pour effet de nous amener à une modification législative qui permettrait aux municipalités, entre autres, d'aborder ce type de projet là dans des dimensions de financement plus importantes que ce que nous permet la loi actuellement. Donc...
Mais, pour ne pas se perdre dans ce dédale de technicalités là, moi, je vous inviterais à inviter les consultants, sur la base de leur mémoire, là, qui s'intitule Est-il si difficile d'intégrer l'environnement et l'énergie au Québec?, et vous pourriez aborder dans le fin détail ces dimensions-là du financement par équité, qui nous apparaît être une opportunité nouvelle qu'il faut examiner correctement. Mais notre intention, c'est à la fois, oui, de rechercher un mode de financement qui est à notre avantage et de faire en sorte que l'essentiel des dividendes découlant de ces aménagements-là soit au profit du développement des communautés et non pas au profit des institutions financières ou des promoteurs, qui historiquement étaient souvent extérieurs à nos territoires.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Corbeil: Merci, M. Généreux. M. le Président, j'aurais une autre question en rapport toujours avec le mémoire. À la page 7, vous suggérez que le prix de vente de l'énergie générée puisse varier entre 0,05 $ et 0,065 $ du kilowattheure, selon les paramètres d'acceptabilité environnementale et sociale. Alors, moi, j'aimerais ça savoir, selon votre modèle, comment serait fixé ce prix. Et aussi, en deuxième... en sous-question, comment Hydro-Québec serait-elle impliquée dans ce processus? Parce que ça va être votre client principal, en principe.
Le Président (M. Bachand): M. Généreux.
M. Généreux (Bernard): Théoriquement, c'est ce qu'on conçoit, que c'est notre principal client. Bien qu'une partie de l'énergie peut servir à des besoins locaux immédiats, là, comme dans le cas du site de Val-Jalbert. Pourquoi pas couvrir les besoins en électricité du site? Mais, au-delà de ça, on conçoit d'entrée de jeu qu'Hydro-Québec est notre principal acheteur.
Quant au prix lui-même, bien, ce qu'on essaie de définir là-dedans, c'est de se sortir d'une logique de définition de projet où, avec un prix trop plancher, si vous me permettez l'expression, on fait en sorte que ça nous amène à définir des projets qui font des compromis inacceptables et qui servent maintenant d'illustration à ceux qui définissent l'hydroélectricité comme des projets qui ont en quelque sorte scrapé l'environnement.
Donc, définir des projets avec un prix trop réduit oblige à des compromis qui souvent sont faits au détriment de l'environnement et de l'aménagement des projets pour atteindre des niveaux de rentabilité qui, oui, sont atteints mais au détriment d'autres aspects du projet. Et là je pense qu'on est à l'évidence en dehors d'un projet qui s'inscrit dans du développement durable et qui concilie les différents intérêts. Donc, pour concilier tout ça, on dit: Ça nous prend des prix qui sont dans un ordre qui permette de concilier ces intérêts. Et c'est pourquoi, là, on réfléchit autour de prix qui se rapprochent actuellement de la réflexion de ceux qu'on estime pour l'éolien, entre 0,065 $ et 0,084 $.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Corbeil: En fait, votre mémoire préconise un... Oups! Excusez.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Claude): Excusez-moi, juste en complément d'information, de signaler que, dans le dernier budget fédéral, il faut prendre en considération qu'il y a une subvention de 0,01 $ le kilowattheure qui est admise, autrement dit, pour l'énergie verte, là, en fonction du Protocole de Kyoto. Alors...
Mais les principes qui sont derrière ça sont campés en arrière de la mise en valeur du site ou de la rivière concernée, quand on parle d'hydroélectrique ou du site éolien, parce que cette proposition-là s'applique aussi à l'éolien. Alors, d'identifier le potentiel environnemental qu'il y a sur le site ou autour du site et de regarder combien ça coûte, le développer, combien ça coûte, le supporter, dans le passé, le gouvernement faisait ça de façon récurrente. On pense aux rivières à saumon, par exemple, ou à différents types de développement où le gouvernement a eu à investir de façon récurrente dans le domaine. Et on n'a pas les ressources financières aujourd'hui pour faire ça. Lorsqu'on identifie un potentiel environnemental sur un site, ce potentiel environnement là qui est non développé, alors il y a un coût pour le développer, et on l'intègre dans le projet hydroélectrique, et nos modèles nous montrent que ça rentre dans les cadres définis par le marché actuellement. Ce que vous retrouvez comme prix dans le mémoire.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
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(10 h 20)
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M. Corbeil: En fait, M. le président, vous voulez briser le modèle traditionnel de développement de petites centrales par des promoteurs privés avec des intérêts bien précis, faire évoluer ça vers un modèle plus local et régional où les gens se sont approprié la démarche de développement et en tirent des bénéfices.
Ça, ça soulève toute la question de l'acceptabilité sociale. On va laisser faire la faisabilité économique et l'acceptabilité environnementale, qui sont des incontournables, ça soulève la question de l'acceptabilité sociale. Et vous pensez que le fait qu'il y ait une adhésion de la communauté au développement de ce projet-là va faire augmenter l'acceptabilité. Là, ça vient mettre en espèce de porte-à-faux ou d'équilibre la question: Est-ce que ça devrait être les communautés qui décident du développement ou le Québec au complet? J'ai entendu M. Généreux tantôt exprimer son opinion bien précise là-dessus en opposition avec une autre partie du territoire du Québec. Est-ce que vous pensez véritablement que ça, c'est plus porteur en termes de développement des communautés et des régions du Québec? Ou si on va déplacer le débat sur la scène nationale?
Le Président (M. Bachand): M. Généreux.
M. Généreux (Bernard): Bien, écoutez, moi, je pense que, dans le contexte, je dirais, de l'enjeu du développement du Québec et de ses régions, il faut effectivement tenter de définir un modèle qui réconcilie les régions avec les régions centrales sur ces questions-là. Et, moi, je pense que la responsabilité de l'État est, encore là, de définir les grands paramètres, mais de se faire confiance, là, tu sais, à partir de la définition des grands... Il y a des choses, je pense, qui relèvent de la responsabilité de l'État, quant aux grandes règles du jeu dans lesquelles on doit s'inscrire, mais, ma foi, là, je pense qu'on a dans nos régions les compétences, l'expertise et le savoir-faire pour être capables de définir des projets aussi intelligents que ceux qui pourraient nous être proposés par les gens de Montréal, ou de Québec, ou d'ailleurs.
Donc, moi, je pense que... Et d'ailleurs, dans notre territoire, si on prend le Domaine-du-Roy, on a une expertise, là, qui s'est développée par la communauté autochtone justement sur l'aménagement hydroélectrique. Donc, nous, on dit: Pourquoi ne pas profiter de ces expertises-là qui sont à portée de main? Il y a des universitaires, puis des ingénieurs, puis des avocats, chez nous comme ailleurs, qui sont capables de nous accompagner dans toute la mise en place de ça. Même, je dirais, dans l'animation des projets, on peut bien... puis je pense que... Si l'État définissait que, pour atteindre le niveau d'acceptabilité sociale recherchée, on doive mettre en place... appelons ça un mini BAPE, là, ou une espèce d'instance qui se situe au-dessus du projet, mais qui est du milieu, puis qui accompagne les projets, puis qui travaille à atteindre l'acceptabilité sociale, moi, je pense que, quand le milieu sera capable de signer collectivement une adhésion à un projet, bien ça devrait nous autoriser à aller de l'avant, dans la mesure bien sûr où ces projets-là sont viables économiquement, là. Je pense que, là-dessus, on va s'entendre facilement qu'il n'y a pas de projets qui vont se définir si la viabilité n'est pas atteinte ou n'est pas à la base, là.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Bertrand (Guy): Vous me permettez d'ajouter quelque chose?
Le Président (M. Bachand): Oui, allez-y.
M. Bertrand (Guy): Lorsque, il y a deux ans, M. Beaulieu est venu me consulter ? M. Beaulieu, pour ceux qui ne le connaissent pas, c'est un des grands savants que nous avons au Québec, probablement un des plus savants concernant toute cette question de la protection de la faune aquatique, les minicentrales, etc. ? il s'agissait de trouver quelque chose qui permettrait d'être accepté ? comme la question que vous posez, M. le ministre ? par les environnementalistes en particulier. Et donc on a travaillé pendant deux ans pour développer ce concept, que la MRC a accepté puis qu'on va expliquer plus tard dans notre mémoire, qui permettrait justement aux gens du milieu de prendre en main leurs ressources, les développer en respect avec l'environnement, la promotion, la mise en valeur. Et, M. Beaulieu, une de ses missions était de rencontrer les gens, les artistes, particulièrement les porte-parole des groupes environnementalistes, ce qu'il a fait depuis deux ans. Et, sans entrer dans les détails, je pense que ce serait approprié, pour répondre à la question de M. le ministre, que M. Beaulieu explique... On ne voudrait pas l'annoncer trop tôt, là, mais je pense qu'ils comprennent de plus en plus que, dans la mesure où on respecte l'environnement, qu'on respecte la nature, qu'on la met même en valeur, ils ont avancé beaucoup. N'est-ce pas, M. Beaulieu?
Le Président (M. Bachand): M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Claude): Oui. Il y a une évolution dans ce sens-là. On ne peut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, mais ça fait 25 ans que je travaille avec les groupes environnementaux en région et j'ai eu beaucoup de discussions avec certains groupes environnementaux au central, et il y a une sensibilité, il y a des éléments d'unanimité qui sont reconnus par ces gens-là. Entre autres, ces gens-là reconnaissent que les régions ont besoin d'outils pour se développer. Ils reconnaissent qu'il faut être imaginatif, autrement dit, pour amener d'autres méthodes de développement régional. La mise en valeur des cours d'eau, ces gens-là vont prôner beaucoup là-dessus.
Nous, on fait une mise en garde dans ça, c'est qu'on veut éviter qu'il y ait une répétition des erreurs passées, mais dans le modèle éolien dans ce coup-là, alors qu'une grosse partie des sommes d'argent seraient sorties des régions et qu'il y aurait des impacts environnementaux qui pour le moment ne sont pas bien connus mais qui commencent à sortir. Alors, il y a de l'information qui commence à sortir à ce sujet-là.
Pour faire une histoire courte, c'est possible de faire de la mise en valeur en région, il y a des potentiels environnementaux, en région, énormes, qui sont non développés, et l'outil pour soutenir ce développement ou ce potentiel-là peut être la production d'énergie éolienne et hydroélectrique, mais dans un cadre très bien défini.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Beaulieu. Donc, ça complète la période de...
M. Corbeil: M. le président, je suis heureux de vous l'entendre dire, puis on va pouvoir le vérifier cet après-midi, les gens de Fondation Rivières vont être ici.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le ministre. Donc, Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue. Je dois dire que votre apport est très, très intéressant, et je trouve qu'il apporte une perspective différente. Évidemment, on a entendu ici des pour et des contre quant au développement des petites centrales.
Mais ce qui me frappe dans votre mémoire et ce que je retiens, c'est le volet communautaire. Je pense que là vous apportez une variable, une donnée en fait qui nous permet peut-être d'aborder cette question-là froidement, objectivement. Et, vous savez, en tout cas certains d'entre vous le savent, je ne suis pas... je n'ai jamais apprécié les comparaisons, Plateau Mont-Royal? régions, là, pour des raisons évidentes: je représente un comté urbain pas tellement loin du Plateau.
Une voix: ...
Mme Dionne-Marsolais: C'est ça. Mais néanmoins je pense qu'il y a effectivement une réflexion, pour ne pas dire une certaine éducation, une certaine sensibilisation à faire par rapport à la responsabilité régionale et par rapport à la compréhension régionale d'un milieu. Et ce que je trouve intéressant dans votre approche, c'est justement... vous dites que vous avez reçu un message clair du gouvernement quant à la décentralisation. Et là vous dites: Pour nous, le développement est au coeur en fait de notre occupation du territoire, en somme.
Évidemment, là, on est dans une dynamique où on a une politique de développement durable dans laquelle on englobe tout. Alors, moi, j'aimerais ça que vous me parliez un petit peu de votre approche par rapport au bien commun et au développement durable, comment on devrait aborder cette question-là, nous, comme élus qui avons la responsabilité globale, au niveau du Québec, de faire des choix et des politiques qui assurent la sécurité énergétique et l'approvisionnement énergétique dans un contexte de continuité et de pérennité de la société. Avez-vous des petits commentaires, des petits points à partager avec nous qui nous aideraient, en dehors de la méthodologie, là, et des principes que vous avancez, dont, moi, je prends note, qui sont extrêmement intéressants?
Le Président (M. Bachand): M. Généreux.
n
(10 h 30)
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M. Généreux (Bernard): Écoutez, Mme Maltais... Marsolais, d'ailleurs, d'entrée de jeu, je voudrais éviter toute équivoque avec le Plateau Mont-Royal et vous-même, connaissant votre ouverture à la réflexion qui vous est proposée et l'intérêt que vous avez toujours manifesté à l'égard du développement de ce type de projet là. Cependant, moi, je pense que, dans le contexte de la dynamique des régions, il m'apparaît que la meilleure police d'assurance pour faire en sorte que les ressources qui sont au coeur de nos préoccupations, notamment dans nos régions, dans la mesure où on est capables de les mettre en développement, les mettre en valeur par une approche qui... qui n'est pas la propriété, une...
Puis, moi, je pense qu'il y a un grand consensus au Québec, là, c'est que c'est celui de la propriété collective des ressources naturelles et que ces ressources-là doivent servir au développement du Québec et de ses communautés. Et, si on veut s'inscrire puis si on ne veut pas que la question de l'occupation des territoires, ce soit juste un slogan, ça doit pouvoir s'appuyer sur des réalités concrètes, et, pour moi, ça passe par la capacité des milieux de prendre en compte et de prendre en charge les questions de développement, entre autres des ressources naturelles. Et, moi, encore une fois, il me semble que la meilleure façon d'y arriver, c'est de passer par l'implication des territoires. Et l'instance politique qu'on s'est donnée, au Québec, c'est les MRC, qui généralement regroupent une communauté de communautés et qui font en sorte qu'on est capables de faire des consensus entre nous sur un territoire. La conciliation des intérêts des régions avec ceux de l'intérêt national, bien, moi, je pense que c'est une responsabilité gouvernementale où on doit reconnaître des capacités d'agir de l'un et de l'autre dans des champs qui sont assez bien définis.
Donc, moi, écoutez, là, je pense que l'illustration de ce qu'on tente de faire, c'est d'être capables de se doter de leviers qui vont être au service du développement de nos communautés. Et on veut sortir de la subvention renouvelable annuellement, négociée souvent très... bon, on connaît tous l'énergie que ça prend, là, de s'inscrire dans des programmes, de renouveler des subventions pour telle ou telle affaire. Mais qu'on soit responsables du développement de nos communautés à partir de certains leviers comme ceux-là qui nous appartiennent puis qui vont nous sortir de cette espèce de relation de quêteux, souvent, là, où on attend la subvention pour pouvoir passer à des... ou solutionner des problèmes qui sont particuliers à chacun de nos territoires et de nos régions.
Donc, il me semble que ça n'a que des qualités, une approche comme celle-là, puis elle a l'avantage d'être au-dessus de, je dirais... de ne pas être la propriété d'une corporation qui a des intérêts privés. C'est des intérêts collectifs qu'on défend, et les choix qu'on fera, ce sera les choix de nos milieux. Puis, si on se trompe, bien, coudon, on assumera nos responsabilités puis on s'ajustera, mais ce sera un choix collectif. Puis il me semble que c'est la meilleure garantie que ça, ça serve au développement communautaire et régional avant quelqu'intérêt privé que ce soit.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée.
Mme Dionne-Marsolais: Dans ce contexte-là, est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer que la politique énergétique d'un gouvernement devrait s'orienter plus sur l'établissement de principes que sur des stratégies plus détaillées de réalisation? Si je vous suis bien, là, est-ce que je...
M. Généreux (Bernard): Je crois, notamment sur ce niveau d'intervention, là... Bon. Je pense que, quand on parle des grands ouvrages, Hydro-Québec est là pour les assumer, puis on en convient tous. Mais, aussitôt qu'on est dans des niveaux d'intervention qui de toute manière n'intéressent pas Hydro-Québec, bien, nous, on est à proximité de ces sites-là et on voit couler les potentiels qui pourraient servir à notre mesure puis probablement dans des proportions beaucoup plus intéressantes que celles qui sont souvent gérées par les grands ensembles. Donc, ramenés dans des dimensions humaines, régionales ou collectives comme les nôtres, souvent les potentiels de développement, ils sont décuplés parce qu'on n'a pas à gérer autour de ça des infrastructures immenses et complexes. Mais on est essentiellement préoccupés à faire en sorte que ça, ça serve de levier au développement puis de réponse aux besoins communautaires, qui sont immenses et nombreux, là, puis qui nous confrontent puis qui nous sollicitent de toutes les manières.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée.
Mme Dionne-Marsolais: J'aime bien la... Je suis intéressée en fait par le projet Val-Jalbert pour des raisons historiques. C'est un projet que... ça, c'est un site que j'ai toujours trouvé très important dans l'histoire du Québec et qui a effectivement, dans le circuit touristique... dans les circuits touristiques du Québec, c'est un des endroits les plus intéressants pour l'histoire.
Alors, votre... Vous avez dit tout à l'heure, votre développement ne modifierait pas la chute, qui est finalement un attrait important de ce site-là. Mais alors, juste pour notre... ma curiosité, je devrais peut-être dire, ce développement-là se fera comment? Ce sera une centrale en amont, ou beaucoup plus haut, ou sur des terres qui sont publiques? Juste peut-être... Je ne sais pas si vous pouvez nous en parler, mais, moi, ça m'intéresse.
M. Généreux (Bernard): Il y a la chute puis il y a le vieux moulin au pied de la chute...
Mme Dionne-Marsolais: Oui.
M. Généreux (Bernard): ...et il y a encore en place l'ancien tuyau d'amenée qui reliait le barrage, qui était au sommet de la chute, vers le vieux moulin. On veut reconstituer à partir du vieux tuyau qui est là ? qui est peut-être encore réutilisable, là, il y a encore des vérifications ? mais de ramener l'eau dans le vieux moulin, de faire là un site d'interprétation du potentiel hydroélectrique qui était utilisé à l'époque, et, ce faisant, il y a, sous le vieux moulin, une centrale qui sera installée dans le respect de l'architecture qui est là. C'est un petit bâtiment, là, dans le fond; la turbine serait en dessous du vieux moulin, et l'eau serait amenée par la conduite d'amenée qui est encore dans la montagne, là, adjacente au site.
Mme Dionne-Marsolais: Oui. Donc, ce n'est pas une centrale à réserve pompée, c'est vraiment une centrale... c'est une centrale souterraine qui va tout simplement bénéficier de la diversion...
M. Généreux (Bernard): ...amener de l'eau qui est amenée par le tuyau, par le tuyau d'amenée qui est là.
Mme Dionne-Marsolais: Ah! c'est intéressant, ça.
M. Généreux (Bernard): Puis on reconstitue légèrement, là, ce qui était sur le sommet de la chute à l'époque. Mais il y a... Actuellement, dans les scénarios, c'est que possiblement que, pendant la saison touristique, pour éviter toute espèce d'équivoque, il n'y aurait pas de turbinage.
Mme Dionne-Marsolais: Ah!
M. Généreux (Bernard): Donc... Mais on sait que l'eau coule 24 heures par jour, 12 mois par année, donc on peut bien turbiner hors saison touristique; dans des périodes de crue, il n'y a aucun problème. Puis, quand on dit, là: On voit passer de la richesse, là, c'en est un, bel exemple, où... bon. Puis, c'est bien sûr qu'on fera ça en s'assurant que le site ne peut pas faire l'objet d'aucun compromis, c'est évident.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée.
Mme Dionne-Marsolais: Et l'ensemble de la... enfin des communautés locales sont partie prenante, sont intéressées, sont favorables au projet à ce jour?
M. Généreux (Bernard): Actuellement, on est en partenariat avec la communauté autochtone, pour un, là-dedans, et, dès que notre projet sera défini, on s'en va en consultation populaire, puis là on cherche l'adhésion et l'acceptabilité sociale, puis on va faire tous les ajustements requis pour que ce projet-là rencontre les objectifs qu'on poursuit, puis ce sera, je pense, une très belle illustration d'une propriété collective qui permettra de mettre en valeur puis de développer le site puis d'en assurer la pérennité.
Mme Dionne-Marsolais: Bon, l'autre question. Dans ce concept... ce concept de responsabilité... de propriété collective et de responsabilité locale, on a entendu ici beaucoup de gens qui ont demandé, d'une part, à la limite, de ne pas faire de développement sur des petites... sur des rivières à potentiel inférieur à 50 MW, puis on en a aussi, dans le milieu, je dirais, du spectre, qui disent: Oui, on devrait en faire. Il y a ceux qui disent, comme vous: Il y a des cas où on peut le faire puis rencontrer les intérêts et les préoccupations de la majorité des gens, de tout le monde en fait. Et, parmi ceux-là, on retrouve des gens qui nous demandent de réserver certaines rivières à volet patrimonial.
Est-ce que vous avez une opinion sur cette possibilité-là? L'idée de classer des rivières et de leur réserver un titre de «partie du patrimoine», là, est-ce que c'est quelque chose qui vous apparaît une avenue importante, ou si c'est quelque chose qui mérite d'être recherché davantage, ou ce n'est vraiment pas une bonne idée?
Le Président (M. Bachand): M. Généreux.
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(10 h 40)
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M. Généreux (Bernard): Un peu comme on le dit dans le mémoire, là, on ne pense pas que cette approche-là aura pour résultat de nous faire assister à une multiplication de projets. Il faut que... Des projets qui font l'objet de consensus, là, je pense qu'on va être capables de les compter sur les quelques doigts de nos mains, là. Donc, on ne veut pas, là, je dirais, une panoplie de projets puis s'engager dans une patente anarchique, là.
Et je donnerais comme exemple la démarche qui a été suivie à Maria-Chapdelaine ? qui est partenaire à ce mémoire-là ? où, pour arriver à un consensus sur un site, ils ont fait un exercice d'évaluation des sites potentiels, puis collectivement ils en sont venus à la conclusion que c'était ce site-là, puis que les autres, on n'y touchait pas, on les laissait comme ça, puis le consensus s'est établi puis on ne revient pas là-dessus, là.
Et puis je pense que la meilleure police d'assurance qu'on peut avoir comme société puis comme milieu, c'est justement d'éviter qu'il y ait un promoteur qui arrive puis qui dise: Moi, je l'ai, le projet, puis je vais faire la passe avec ça. On l'a vu, ça, dans le passé. On a vu les résultats que ça a donné, puis il faut sortir de ça.
Donc, quand je parle de maturité puis de responsabilité que... faites-nous confiance, là. Faites-nous confiance, on va la faire correctement, la job, puis collectivement on a, je pense, l'intelligence de dire: Ça, on ne touche pas à ça. Ça, il y a un consensus. On s'entend-tu? C'est-u viable? C'est-u rentable? Il y a-tu... il y a-tu des retombées non seulement, là, économiques, mais qui font qu'il y a une plus-value de donnée? Un peu comme Val-Jalbert, là. Bon. À partir de là, moi, je pense qu'on l'a, notre sécurité, puis on l'a justement, cette protection qu'on s'inscrive dans une démarche tous azimuts où tout ce qui coule doit être mis en valeur. Ce n'est pas vrai. Puis, même chez nous, ce n'est pas vrai; puis, même chez nous, on va dire: Ça, là, c'est sacré, on ne touche pas à ça.
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la députée. Donc, M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Oui. Merci, M. le Président. Alors, MM. Généreux, Taillon, M. Bertrand, M. Beaulieu, et, si vous me le permettez, M. le Président, je vais saluer M. Ghislain Maltais, qui est ici présent, qui a été député du comté de Saguenay de 1981 à 1994, qui fait partie des anciens parlementaires. Bienvenue, M. Maltais.
Le ministre vous a posé une question qui est extrêmement importante, parce qu'on reçoit plusieurs groupes ici qui sont pour ou qui sont contre le harnachement des petites rivières, par rapport à la décision de prendre... la décision de prendre ça localement et pas de prendre ça au niveau national. On reçoit des MRC, comme Trois-Pistoles, qui ont fait une présentation à peu près pareille comme vous venez de faire, là, parce qu'ils ont étudié leurs rivières, il y a des projets récréotouristiques là-dedans.
Et vous marquez... j'ai deux points, deux... une question à deux segments que... Vous parlez, en page 6, puis c'est la première fois qu'on l'entend, celle-là, là où «il sera possible de gérer les dossiers de manière intègre et d'utiliser des concepts comme "la garantie environnementale"». Et vous parlez aussi, un peu plus bas, de «dommages liquidés». J'aimerais avoir quelques précisions supplémentaires là-dessus.
Et sur, M. Généreux, ce que vous avez dit tout à l'heure par rapport à la modification législative pour les municipalités. À mon avis, la MRC de la Manicouagan est venue ici, et eux aussi nous ont parlé de ça. Est-ce que c'est dans les critères du au-delà de 50 % des mégawatts et d'être actionnaire à 49 %? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus aussi.
Le Président (M. Bachand): Monsieur...
M. Généreux (Bernard): Sur l'aspect législatif, c'est la capacité d'être pleinement propriétaire ou d'être propriétaire majoritaire. Notamment, là, on a beaucoup expérimenté l'approche par les sociétés en commandite, où on était... la loi nous limite à 49 %. Donc, le vrai pouvoir, il est de l'autre bord. Ça fait que c'est ça, là, un peu, cet esprit-là qu'on souhaiterait.
Quant à la question de la sécurité environnementale, comment on l'exprime?
Mme Dionne-Marsolais: La garantie environnementale.
M. Généreux (Bernard): Garantie environnementale.
M. Dufour: La garantie environnementale et les dommages liquidés. C'est la première fois qu'on l'entend, celle-là.
Une voix: M. Beaulieu va vous expliquer...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bachand): M. Beaulieu, informez-nous de ça.
M. Beaulieu (Claude): Bon. En complément d'information à tout ce qui a été dit, la première mesure qu'on a identifiée, de présenter des projets de petites centrales et des projets éoliens... et ça, je veux insister puis je veux insister tout le temps. Parce que, dans l'éolien, si on continue de la façon dont on s'en va là, on va frapper un mur vite, vous allez vous en apercevoir. Alors, il y a une question de méthode de travail.
Alors, le communautaire est une bonne assurance, mais la méthode de travail comme telle pour obtenir des consensus nationaux peut être bâtie. Cette méthode de travail là est bien encadrée et doit s'appuyer sur l'ensemble des erreurs puis des bons coups qu'on a faits dans le passé. C'est ce qu'on présente, nous autres, dans notre mémoire n° 2, si jamais ça vous met en appétit.
Mais, simplement, c'est que la garantie environnementale, c'est quelque chose qu'on a appliqué, et le dommage liquidé, c'est un concept qu'on a appliqué, qui est nouveau puis même qui a fait l'objet d'une première mondiale sur la rivière Jacques-Cartier. Le dossier de la rivière Jacques-Cartier, il a eu ses bons coups et ses mauvais coups. Et, par exemple, pour ce qui est de la migration du poisson ou du saumon, il y a des techniques, qui existent depuis 1990, qui nous permettent de garantir la montaison des poissons et qui peuvent nous permettre de garantir d'éviter le passage des poissons dans les turbines, et ça, avec 100 % de garantie.
Ça existe, ces techniques-là, depuis 1990. On a introduit ça sur la rivière Jacques-Cartier, on a fait introduire, dans les certificats d'autorisation ou dans les contrats ou dans les études d'impact, un phénomène, un processus de garantie environnementale, un processus technique pour obtenir des résultats. Et, par-dessus ça, pour protéger contre les erreurs, il y avait des dommages liquidés qui étaient identifiés, un genre de pénalité pour compenser, sur le plan environnemental, les dommages qui pouvaient être faits, un élément... C'est une valve de sûreté, autrement dit, une soupape de sûreté pour empêcher les excès venant des promoteurs. Et ça, ça a été appliqué.
Alors, il y a eu des choses qui ont fonctionné, dans ce processus-là, puis il y a eu des choses qui n'ont pas fonctionné, mais ce qui n'a pas fonctionné essentiellement, c'est dans l'application administrative. Alors, il y a... Ça, les exemples, dans ce sens-là, sont nombreux, et on en a fait... on en a pris un échantillon, dans notre deuxième mémoire, pour vous en faire la démonstration.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Beaulieu. Très rapidement, oui. Oui.
M. Dufour: Commentaire... O.K. Juste, M. le Président, une demande que je vous fais: M. Beaulieu parle qu'il y a un mémoire n° 2. Est-ce que ça va être possible de l'avoir entre nos mains, comme commission, même si on risque de ne pas les entendre, ou de les entendre?
Le Président (M. Bachand): Est-ce que c'est possible de le mettre à la disposition de la commission?
M. Bertrand (Guy): Il a été déposé il y a déjà une semaine.
M. Dufour: Ça va.
M. Bertrand (Guy): Nous avons parlé à l'adjointe du ministre, qui nous a dit que, dès qu'il y aurait un petit trou, si tout le monde est d'accord, nous serions invités.
Le Président (M. Bachand): Parfait. Donc, MM. Bertrand, Taillon, M. Généreux et M. Beaulieu, merci infiniment d'avoir informé la commission. Merci de vous être présentés, et un bon retour chez vous.
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(10 h 50)
n
Donc, je vais demander tout de suite à M. Martin et Mme Miller de se présenter, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Bachand): Alors donc, bienvenue à la commission, chef Martin et Mme Miller. J'utilise vos noms à bon escient, parce qu'on a un petit peu de difficulté à s'entendre sur la prononciation de votre... Donc, est-ce que c'est possible de nous indiquer, à la commission, comment on prononce ça exactement?
M. Martin (John): Mi'gmawei...
Le Président (M. Bachand): Pardon?
M. Martin (John): Mi'gmawei...
Le Président (M. Bachand): Oui.
M. Martin (John): ...Mawiomi.
Le Président (M. Bachand): Oh! ça ne va pas tellement mieux, mais, en tout cas.
M. Martin (John): C'est toutes des syllabes francophones. Si on prend ça tranquillement, ça se fait très bien.
Le Président (M. Bachand): En tout cas, il y a une chose qui est claire, c'est que vous êtes les bienvenus à la commission. Je vous rappelle rapidement les règles: donc, 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes, de part et d'autre, du côté de l'opposition et du côté aussi ministériel. Donc, pour le bénéfice des membres de la commission, si c'est possible de vous présenter.
Mi'gmawei Mawiomi
M. Martin (John): O.K. Chef John Martin. Je suis chef de la communauté mi'gmaq de Gesgapegiag et aussi président de l'Assemblée micmaque, ce qu'on appelle le Mi'gmawei Mawiomi.
Mme Miller (Brenda G.): Bonjour. Brenda Gideon Miller, executive director to the Mi'gmawei Mawiomi Secretariat, which is the administrative arm of the Assembly.
Le Président (M. Bachand): Oui. Allez-y, mademoiselle.
Mme Plourde (Mélissa): Bonjour. Mélissa Plourde, conseillère juridique.
Le Président (M. Bachand): Donc, bienvenue à la commission. Nous vous écoutons, monsieur, mesdames.
M. Martin (John): Merci beaucoup. Je vais débuter par... premièrement pour ? comme on dit en anglais ? le «record», d'aviser le monde que la présentation aujourd'hui, pour nous, n'est pas une consultation avec la nation mi'gmaq. Par contre, on va adresser, dans la présentation, la question de consultation. Il y avait eu une invitation envoyée, générale, à travers le Québec, et Mi'gmawei Mawiomi a été demandé par ses chefs de se faire entendre à cette commission ici.
Je vais faire de mon mieux de faire la présentation en français. Si j'ai trop de trouble, je vais en retourner en anglais.
Le Président (M. Bachand): Pas de problème.
M. Martin (John): Bon. La nation mi'gmaq est heureuse d'avoir l'opportunité de s'exprimer devant cette commission. Le gouvernement du Québec a entamé une démarche très pertinente dont le but est de sensibiliser la population de la province aux enjeux fondamentaux relatifs au secteur de l'énergie, répondant ainsi à l'urgence d'instaurer un vrai débat sur l'avenir de la sécurité énergétique.
Notre peuple souhaite faire entendre sa voix sur les objectifs à atteindre et leur mise en oeuvre et accroître son influence sur les orientations politiques du gouvernement provincial en termes de gestion des ressources naturelles et énergétiques afin de l'aider à prendre une décision claire respectant les droits et les intérêts de notre peuple et de son avenir.
La nation mi'gmaq souhaite donc, par le présent mémoire, communiquer ses opinions, ses préoccupations, ses intérêts ainsi que ses recommandations concernant l'avenir du secteur énergétique au Québec.
Avant d'aborder en détail les sujets mentionnés ci-dessous, nous souhaitons vous présenter le Mi'gmawei Mawiomi. En août 2000, les conseils élus des communautés de Gesgapegiag et Listuguj ont signé un accord politique menant à la fondation du Mi'gmawei Mawiomi, dont un de ses mandats est de défendre les intérêts du peuple mi'gmaq.
Né du renforcement des liens entre nos trois communautés, le Mi'gmawei Mawiomi a pour objectif de promouvoir le développement économique et social de Gesgapegiag et de permettre à ses communautés d'exprimer leurs revendications d'une voix commune.
Nous avons adopté le principe traditionnel de «un peuple, une vision». De ce fait, nous parlons d'une seule voix. Nous rappelons à la commission que la nation mi'gmaq n'a jamais cédé son titre ou ses droits sur le territoire traditionnel de Gesgapegiag, qui inclut toute la péninsule gaspésienne, ses terres, eaux et ressources, incluant l'air ainsi que l'eau des adjacentes... et îles. Le Gesgapegiag s'étend aussi sur une bonne partie du Nouveau-Brunswick. Mais ce qui nous concerne aujourd'hui est la partie du territoire située à l'intérieur des limites géographiques du Québec. Il est important d'informer la commission que les trois chefs du Mi'gmawei Mawiomi ont demandé une rencontre formelle avec le ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec afin de presser le gouvernement du Québec à adresser la revendication mi'gmaq sur la totalité du territoire du Gespe'gewa'gi se retrouvant à l'intérieur des limites géographiques du Québec.
Le gouvernement fédéral a déjà nommé son porte-parole pour cette revendication, et nous avons débuté un processus mi'gmaq: (s'exprime dans sa langue), la réflexion avant la décision, processus qui se fait en parallèle avec notre peuple et avec le gouvernement fédéral et portant sur notre revendication. Ultimement, la résolution de notre revendication pourra contenir plusieurs des recommandations incluses dans le présent mémoire.
Nos actions répondent aux voeux des membres des communautés de Gespe'gewa'gi afin que nos objectifs et nos actions servent au mieux les intérêts d'une nation mi'gmaq forte, unie et autosuffisante. Nous privilégions une communication de double sens avec tous les Mi'gmaqs de Gespe'gewa'gi. Les conseils élus de Gespeq, Gesgapegiag et Listuguj ont confié au Mi'gmawei Mawiomi le mandat de représenter et protéger la nation mi'gmaq de Gespe'gewa'gi sur la question des droits inhérents autochtones et issus des traités.
Dans cette optique, nous allons évoquer devant la commission parlementaire de l'énergie les aspects suivants: de un, le rôle et l'implication de la nation mi'gmaq dans le développement de l'exploitation des ressources naturelles de la province de Québec et en particulier sur le Gespe'gewa'gi; deux, le devoir du Québec de consulter et d'accommoder le Mi'gmawei Mawiomi; trois, la proposition d'une entente-cadre entre le Québec et le Mi'gmawei Mawiomi servant à gouverner le développement énergétique sur le Gespe'gewa'gi; et, quatre, autres recommandations du Mi'gmawei Mawiomi sur le développement de l'énergie et des ressources naturelles sur le Gespe'gewa'gi.
Ce mémoire, comme tout autre intérêt de la nation mi'gmaq, est dirigé par les membres des communautés du Gespe'gewa'gi. Nous comptons sur une bonne communication avec tous les Mi'gmaqs du Gespe'gewa'gi afin de s'assurer que nos objectifs et actions répondent aux intérêts d'une nation mi'gmaq forte, unie et autosuffisante.
Notre objectif est de faire respecter nos droits ancestraux inaliénables et notre droit à l'autonomie et à l'autodétermination sur le territoire Gespe'gewa'gi, par respect de notre statut de nation, pour le bien-être de nos familles, de notre jeunesse et de nos aînés pour les sept prochaines générations.
C'est dans cet esprit fidèle aux intentions de l'accord politique de 2000 consenti entre les conseils élus mi'gmaq de Listuguj, Gesgapegiag et Gespeg qu'a été créé le Mi'gmawei Mawiomi. La nation mi'gmaq, ayant occupé notre territoire ancestral depuis des temps immémoriaux, détient un droit de propriété inhérent et un titre aborigène sur tout le territoire, concernant les terres, les eaux et l'air, incluant les eaux et les îles environnantes. Notre mission est donc de réaffirmer et de faire respecter ces droits en accord avec les aspirations de notre peuple et de favoriser ainsi la reconstruction de la nation par la réappropriation de la terre et de ses ressources naturelles.
Afin de poursuivre nos efforts vers l'autodétermination, nous souhaitons forger de nation à nation les alliances solides et des partenariats stratégiques qui favorisent le développement économique, social, culturel responsable et toute initiative susceptible de jouer un rôle dans l'édification de la nation mi'gmaq.
Dans l'intention de réaffirmer nos droits autochtones inaliénables, nous commençons cette présentation par une description de la nature et de la spécificité de notre titre et de nos droits en tant que Mi'gmaqs, et nous définirons le rôle de l'implication que devrait avoir la nation mi'gmaq dans le développement des ressources naturelles situées sur le territoire ancestral Gespe'gewa'gi.
1. Le rôle et l'implication de la nation mi'gmaq dans le développement des ressources naturelles de la province de Québec, en particulier sur le territoire de Gespe'gewa'gi. Dans le cadre du précédent débat public sur l'énergie, les régions du Québec réclament les ressources financières additionnelles mais limitées à l'exploitation des ressources énergétiques présentes sur leur territoire.
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(11 heures)
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En réponse à cette requête spécifique, le gouvernement du Québec a répondu que les retours de taxes régionales résultant de l'exploitation des ressources naturelles présupposent l'existence d'un droit de propriété des régions sur ces ressources et maintient que seul le gouvernement du Québec possède ce titre. Dans le cas du Mi'gmawei Mawiomi, un titre autochtone nous donne un droit de propriété sur le territoire Gespe'gewa'gi. Ce droit de propriété prévaut sur la déclaration de souveraineté de la couronne britannique, et, notre nation n'ayant jamais renoncé à ce droit, il a encore valeur légale aujourd'hui et devrait être respecté par les différents gouvernements et les tierces parties lorsque l'on considère toute possibilité de violation ou d'empiètement sur le territoire du Gespe'gewa'gi.
Il nous paraît essentiel de rappeler que ce droit de propriété sur le territoire de Gespe'gewa'gi ne se limite pas à son usage traditionnel mais s'étend également à l'exploitation des mines, des eaux et des forêts situées sur notre territoire. Par conséquence, le titre de propriété autochtone ne peut être soumis au droit commun du Québec. Il s'agit donc d'une dérogation du principe de propriété publique des mines ou des forces hydrauliques.
Nous désirons vous notifier à l'effet que la nation mi'gmaq ne pourra tolérer davantage les empiètements commis sur son territoire, à moins que ces accords spécifiques préalables n'aient été conclus avec le gouvernement, ces accords qui doivent être équitables pour chaque partie en matière de développement conjoint des ressources et du partage des revenus qui en découlent. Ceci n'est pas une opinion mais une condition formelle à toute exploitation des ressources du territoire. Si cette condition spécifique n'est pas respectée, des procédures judiciaires ou autres pourraient être engagées, à la discrétion de notre nation.
La nation mi'gmaq s'attend à recevoir des gouvernements une partie des revenus générés par l'exploitation des ressources naturelles, dès lors que ces ressources sont situées sur notre territoire ancestral. En outre, considérant que notre nation détient un droit de propriété sur le territoire, sa participation à toute instance régionale de développement des ressources naturelles du territoire de Gespe'gewa'gi doit être garantie.
Nous abordons maintenant l'élément suivant: le devoir du Québec de consulter et accommoder le Mi'gmawei Mawiomi. Dans son rapport sur la politique énergétique intitulé L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable, le gouvernement du Québec déclare souhaiter l'établissement d'une coopération avec les peuples autochtones du Québec, faisant ainsi référence à la résolution sur la reconnaissance des droits autochtones votée par l'Assemblée nationale du Québec le 20 mars 1985 à l'initiative du premier ministre, M. René Lévesque. Le gouvernement du Québec déclare également, dans sa politique sur l'énergie, que cette collaboration avec les peuples autochtones passe par la participation complète et égale des premières nations aux démarches mises en oeuvre par le gouvernement et à ce partenariat établi sur la base de consultations spécifiques.
En tant que nation, nous croyons que le gouvernement du Québec se doit de favoriser un mode de développement énergétique respectueux des attentes, des droits et des priorités de chaque partie et de prendre en compte et encourager la consultation des peuples autochtones en ce qui a trait au développement des ressources naturelles sur notre territoire.
Pour définir les bases de cette consultation et illustrer notre position sur la situation actuelle du développement des ressources naturelles sur le territoire Gespe'gewa'gi, nous ferons référence aux décisions récentes de la Cour suprême du Canada.
Le 18 novembre 2004, deux jugements majeurs ont été rendus par la Cour suprême du Canada: la nation haïda contre le ministre des Ressources forestières et la Weyerhauser Company Ltd, et la Première nation Taku River Tlingit contre la Colombie-Britannique. Mme Beverly McLachlin, juge en chef, y déclare que le gouvernement se doit de consulter les premières nations avant de s'engager dans toute initiative de développement des terres et des ressources situées sur un territoire soumis au droit de propriété autochtone.
En outre, la Cour suprême du Canada exige maintenant la consultation et l'accommodation pour l'élaboration des lois qui pourraient affecter leurs droits ancestraux, les droits issus de traités.
De plus, au paragraphe 44, la juge en chef, dans son évaluation de l'envergure et du contenu de l'obligation de consulter, elle indique que, lorsque la revendication s'appuie sur une preuve prima facie convaincante, elle déclare que l'État, s'il empiète sur les droits ancestraux ou des droits issus de traités des autochtones, est tenu de se justifier. Le processus de justification peut varier du consentement à la simple consultation, selon le droit en jeu, afin de trouver une solution satisfaisante pour toutes les parties concernées.
Le juge McLachlin continue comme suit: «Par conséquent, la consultation en question peut nécessiter la présentation de déclarations écrites pour considération lors de la prise de décision afin de prouver que les préoccupations autochtones ont été considérées et révéler l'impact qu'elles ont eu sur ces décisions.»
Ces spécifications jurisprudentielles devraient rappeler au gouvernement du Québec l'importance d'apporter l'obligation de consulter et d'accommoder à un autre niveau et garantir une participation significative de la nation mi'gmaq à ce processus. Un protocole de consultation répondant à ces paramètres spécifiques devrait être adopté et respecté par toutes les parties concernées.
À la lumière de ces importantes décisions jurisprudentielles et de notre titre ancestral et dans le but de guider le processus de consultation et d'accommodation dans le respect du principe de la paix et de l'amitié des Mi'gmaq, la nation ni'gmaq considère qu'il est impératif pour notre nation d'élaborer son propre protocole de consultation et d'accommodation. Nous en sommes maintenant à actualiser notre protocole et nous continuerons à le raffiner au fil du temps. Suite à notre processus d'approbation interne, nous ferons parvenir au gouvernement du Québec une copie du protocole de consultation et d'accommodation du Mi'gmawei Mawiomi.
L'objectif visé est que l'on accorde un rôle significatif à la nation mi'gmaq pour des solutions satisfaisantes lorsque le Québec et autres parties envisagent le développement des ressources sur la Gesgapegiaq. La reconnaissance dudit protocole déboucherait sur sa mise en application et permettrait à la nation mi'gmaq de participer, dans un esprit de plein partenariat et en toute équité, au processus de consultation et accommodation.
Dans la décision haïda, la juge en chef de la Cour suprême du Canada, Beverly McLachlin, déclare que «les gouvernements ont toute la latitude pour élaborer leur plan de consultation [et d'accommodement et a insisté] sur le fait que les décisions relatives aux droits autochtones ne peuvent être laissées à la discrétion de bureaucrates. Les personnes en charge de traiter les décisions relatives aux intérêts autochtones devront être guidées par des dispositions législatives, des règlements codifiés ou des directives écrites».
La nation mi'gmaq s'appuie sur cette déclaration du juge en chef de la Cour suprême du Canada pour demander au gouvernement du Québec d'élaborer et d'adapter les dispositions législatives, les règlements ou les directives écrites relatives à la politique énergétique afin de permettre à notre assemblée de présenter son protocole distinct de consultation au gouvernement du Québec. Ces règlements guideront la planification et la mise en oeuvre d'un processus de consultation efficace et équitable sur le territoire Gespe'gewa'gi en répondant de la bonne foi de l'engagement du gouvernement du Québec et en créant un cadre formel pour l'élaboration d'un protocole de consultation du Mi'gmawei Mawiomi.
Afin de créer un environnement de stabilité et de bénéfice mutuel pour le développement des ressources naturelles dans le territoire mi'gmaq du Québec et de proposer des objectifs clés en regard de consultation et d'accommodation légitimes pour le développement énergétique sur le territoire Gespe'gewa'gi ainsi que pour confirmer le partage des revenus découlant du développement sur ces ressources, nous recommandons au gouvernement du Québec ce qui suit:
a) qu'il réponde à la spécificité mi'gmaq en ce qui concerne les façons de procéder à la collecte des informations nécessaires pour évaluer les propositions gouvernementales sur la politique de développement des ressources;
b) prendre connaissance de l'opinion et de l'accord de l'Assemblée du Mi'gmawei Mawiomi sur ces propositions de développement des ressources;
c) remettre à l'Assemblée du Mi'gmawei Mawiomi toute information sur laquelle s'appuient ces propositions;
d) écouter avec un esprit ouvert les propositions en provenance des Mi'gmaq;
e) obtenir de l'information suffisante au préalable afin de se préparer aux modifications éventuelles des propositions initiales et de traiter de façon adéquate les préoccupations des tierces parties;
f) maintenir nos communautés informées durant le processus des consultations et après le processus de prise de décision, tout comme le gouvernement du Québec le fait auprès de sa population;
g) assister le Mi'gmawei Mawiomi pour développer au sein de nos communautés la capacité de participation au processus de consultation en privilégiant l'expertise interne menée par des Mi'gmaq hautement qualifiés et en mettant à la disposition des communautés le soutien financier nécessaire pour procéder à une consultation adéquate;
h) développer des mécanismes de consultation qui respectent la culture et les façons de faire mi'gmaq;
i) s'assurer que nos communautés participent au processus de consultation dès ses premiers pas;
n(11 h 10)n j) définir avec précision et clarté le rôle et les responsabilités de toutes les parties engagées dans le processus de consultation;
k) insister sur la nécessité que toutes les parties impliquées dans le processus de consultation aient une connaissance et un respect de la culture, des traditions et des valeurs mi'gmaqs.
Donc, n° 3: la proposition d'une entente-cadre entre le Québec et la nation mi'gmaq servant à gouverner le développement énergétique sur la Gespe'gewa'gi, et aussi afin que la nation mi'gmaq puisse proposer au gouvernement du Québec son propre protocole de consultation, un protocole d'entente distinct définissant les orientations, les principes, les intérêts et les responsabilités et les processus à respecter par chaque partie, dont le processus des négociations devrait être signé le plus vite possible entre le Secrétariat aux affaires autochtones, le ministère des Ressources naturelles du Québec et les dirigeants mi'gmaqs.
Une telle entente permettrait d'établir une politique de communication pour soutenir le protocole de consultation et un environnement favorable aux négociations sur le développement des ressources naturelles sur le territoire mi'gmaq, et aussi pour l'engagement des Mi'gmaqs et du Québec à créer un environnement mutuellement bénéfique.
Nous proposons donc au gouvernement du Québec de rencontrer le Mi'gmawei Mawiomi le plus tôt possible afin de développer et signer cette importante entente. Nous suggérons des ententes distinctes pour le développement pétrolier et gazier et pour le développement éolien.
Autres recommandations du Mi'gmawei Mawiomi du développement de l'énergie et des ressources naturelles sur le Gespe'gewa'gi. Parallèlement aux requêtes exprimées précédemment, la nation mi'gmaq suggère, dans l'intention de favoriser l'initiative de développement socioéconomique au sein de notre nation et de s'assurer une plus grande participation de notre nation à la gestion des ressources naturelles de notre territoire...
Pour votre information, ces recommandations sont inspirées de la Commission royale sur les peuples autochtones:
1° que le gouvernement du Québec s'engage à travailler en coopération avec les gouvernements fédéral, régional et autochtone pour créer des modèles de cogestion des ressources sur les territoires ancestraux autochtones;
2° que ces modèles de cogestion soient utilisés provisoirement en attendant la conclusion des négociations sur les traités conventionnels avec les nations autochtones concernées;
3° que les organismes de cogestion respectent et intègrent le savoir traditionnel autochtone;
4° que le gouvernement du Québec assure à ces organismes un financement à long terme afin de renforcir leur stabilité et leur donner la possibilité d'accueillir et de développer les compétences et l'expertise nécessaires;
5° que le gouvernement du Québec et la nation mi'gmaq créent une table ronde permanente sur le développement énergétique et l'environnement; et
6° que le gouvernement du Québec travaille avec la nation mi'gmaq afin de développer un programme de formation professionnelle pour les membres des communautés mi'gmaq afin qu'ils développent une expertise technique et une capacité de gestion dans le domaine du développement des ressources naturelles.
Donc, concernant la conclusion, les opinions exprimées par le Mi'gmawei Mawiomi dans ce mémoire font essentiellement référence aux notions de titres de la nation mi'gmaq et l'obligation du gouvernement à la consulter et d'accommoder, car il est nécessaire que les questions de titres et de propriété soient résolues de manière urgente avant que le gouvernement s'engage dans un quelconque développement des ressources naturelles, selon les paramètres relatifs aux consultations et à l'accommodation définis par la Cour suprême du Canada.
En outre, même si l'on travaille ensemble au traitement adéquat de notre revendication territoriale, il y a une obligation morale et légale pour le gouvernement du Québec de consulter et d'accommoder la nation mi'gmaq du Gespe'gewa'gi en ce qui concerne la planification et le développement des ressources naturelles sur notre territoire. C'est uniquement dans ce cadre précis que la nation mi'gmaq pourrait retrouver son autosuffisance économique et sa souveraineté et travailler de façon responsable à l'amélioration des conditions socioéconomiques de ses membres et de contribuer à l'économie élargie du Québec et du Canada.
Comme Mi'gmaqs, nous respectons et considérons l'impact économique de l'exploitation des ressources naturelles. Cependant, ce développement ne peut se faire au détriment de toute considération environnementale, et la richesse et la beauté de notre terre doivent demeurer au centre des intérêts de toutes les parties.
Nos recommandations ont comme objectif fondamental de servir de base à l'accomplissement de ces objectifs élargis ensemble.
Dans la paix et l'amitié.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. Martin, pour la présentation de votre mémoire. Dites-moi donc, à titre d'information pour les collègues de la commission, les territoires ancestraux de la nation mi'gmaq, ça se situe à quel endroit exactement, de façon géographique?
M. Martin (John): Vous pouvez parler un peu plus fort, s'il vous plaît?
Le Président (M. Bachand): Oui, bien sûr. Les territoires ancestraux de la nation se situent à quel endroit exactement? Pouvez-vous nous situer ça sur la carte du Québec?
M. Martin (John): Sur la... Je pense que, dans la présentation, on parle du territoire: toute la Gaspésie dans son entier et les îles qui l'entourent. Le Gespe'gewa'gi, ce territoire-là, ça descend jusqu'à la rivière Miramichi. On fait partie d'une nation qui se compose de sept districts, dont le septième district est le Gespe'gewa'gi. Donc, il y a six autres districts en bas de la Miramichi, au Nouveau-Brunswick; ça descend jusqu'en Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard, une partie de Terre-Neuve. Donc, c'est un territoire... c'est un pays qui couvrait cinq provinces, qu'on appelle aujourd'hui.
Le Président (M. Bachand): O.K. Merci infiniment.
M. Martin (John): C'est toute la côte de l'Est, si on veut, là.
Le Président (M. Bachand): O.K. Merci infiniment de ces précisions-là. Donc, M. le député de Montmagny-L'Islet, qui est aussi adjoint parlementaire au ministre. Allez-y, M. le député.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. M. Martin, Mme Miller, Mme Plourde, bonjour. Vous excuserez le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, il est demandé à d'autres occupations; de ce temps-ci, on est sur le projet de loi n° 71.
M. Martin, l'objectif du regroupement de vos trois communautés, c'est de promouvoir le développement économique et social. Comme vous le savez, l'objet de la présente commission parlementaire concerne l'avenir et la sécurité énergétiques du Québec. À ce compte-là, quelles formes privilégiez-vous d'énergie ou de production énergétique? Avez-vous songé à...
M. Martin (John): Pouvez-vous répéter la dernière partie de...
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Oui. Est-ce que votre regroupement privilégie une forme ou une autre de production énergétique?
M. Martin (John): De production énergétique?
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Oui.
Le Président (M. Bachand): M. Martin.
M. Martin (John): Je pense que la réflexion là-dessus, pour nous, ce qui nous tient à coeur vraiment, c'est toujours une production énergétique qui a priorité et à coeur l'environnement, l'impact sur l'environnement en premier de tout. Donc, c'est certain que les formes d'énergie qu'on peut développer doivent prendre ces choses-là en considération, celles-là qui ont le moins d'impact.
Si on parle de... Il y a plusieurs technologies qui existent présentement qui ont des impacts quand même très bas. Si on parle des machines qui utilisent le charbon, c'est certain que ça ne rentre pas dans notre perspective d'un développement soutenu et sécuritaire à l'environnement.
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Oui. Est-ce que vous avez pensé au niveau du développement éolien? Je sais que vous en faites mention dans votre mémoire.
M. Martin (John): Oui, c'est certain qu'on s'est penchés sur cette question-là. Il y avait une de nos communautés qui avait pris le devant dans ça, la communauté de Listuguj, et on attend toujours le développement. On sait que, dans la première tournée avec Hydro-Québec, la proposition n'avait pas franchi la barrière, je pense; là, je pense que cette communauté-là a un deuxième essai pour essayer de présenter un projet.
Mais, par contre, cette question-là de pouvoir éolien se discute entre les trois communautés et les possibilités d'avoir un projet des trois communautés. D'ailleurs, on se rencontre prochainement pour discuter de cette possibilité-là. Parce qu'en ayant une communauté qui avait déjà pris l'initiative d'aller de l'avant, bien, évidemment, la plus grande des communautés, avec plus de ressources humaines, plus de capacité d'être capables de développer dans ce sens-là des projets, ils sont partis d'avant, on les a supportés dans leur initiative. Mais, par contre, on considère très sérieusement d'avoir un projet qui pourrait bénéficier aux trois communautés.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): On nous parle aussi beaucoup, à cette commission, de petites centrales électriques. Est-ce que vous avez regardé de ce côté-là?
M. Martin (John): Au niveau des rivières qui se trouvent dans la Gaspésie, on doit reconnaître qu'il y a beaucoup de rivières à saumon. Ma communauté se trouve sur une des meilleures, je pense, rivières dans l'Amérique du Nord, la Grande-Cascapédia, et c'est quelque chose qui serait mortel, je pense, à cette rivière-là de mettre un barrage comme ça sur la rivière.
n(11 h 20)n Donc, les barrages, ils ont quand même un impact très sévère. Je pense que, parmi les Cris de la Baie-James, les membres de la communauté, ils en font encore... faire savoir à leurs leaders que c'est quelque chose qui les préoccupe beaucoup.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): En passant, merci pour la version française, là, ce matin, ça m'a bien aidé.
Une voix: ...
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Dans votre mémoire, à la page 10, vous mentionnez: «Que le gouvernement du Québec [devrait développer] un programme de formation professionnelle pour les membres des communautés mi'gmaq afin qu'ils acquièrent une expertise technique dans le domaine du développement des ressources naturelles.» Pouvez-vous nous parler plus précisément des besoins de votre communauté en matière de formation relativement au secteur énergétique?
M. Martin (John): Je pense, dans ça, en étant informé des différents projets qui se font au niveau du développement énergétique et dans la Gaspésie, il y a des emplois qui s'attachent à ça, et ces emplois-là, c'est quand même des emplois de spécialités. Mais, en plus de ça, il y a des emplois aussi, je pense, de dégagement de terrains, de travail qui doit se faire. Tu sais, il y a beaucoup d'emplois.
Au niveau des spécialités, c'est certain qu'on apprécierait si on serait capables de travailler ensemble, collaborer pour faire en fait... pour qu'on puisse former du monde dans nos communautés qui puissent travailler dans cette industrie-là.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Il y avait aussi... Vous parlez, à la page 10, que... vous demandez au gouvernement du Québec de créer une table ronde permanente sur le développement énergétique et sur l'environnement. Pouvez-vous élaborer davantage?
M. Martin (John): Je pense que ça, c'est quelque chose... ça fait quand même quelques années qu'on parle d'établir une table sur les ressources naturelles au Québec. D'ailleurs, je pense que Mme Marsolais est au courant de ça, on l'avait déjà rencontrée concernant les ressources naturelles et le développement qui se faisait dans le temps, qui continue encore aujourd'hui et qui prend de l'ampleur, dans le domaine pétrolier.
Mais on ne regarde pas seulement le domaine pétrolier, mais je pense que qu'est-ce qu'on demande, c'est d'établir une table avec la nation mi'gmaq et le gouvernement du Québec qui aurait un regard sur le développement dans tous les domaines des ressources naturelles qui se passe. Il y a beaucoup de développement qui se fait, et on n'est pas informés, on n'est pas au courant, il y a beaucoup de choses dont on peut bénéficier, mais il y a aussi la question de respecter les droits qu'on possède dans ça. Mais je pense que c'est important d'avoir une table où on peut échanger là-dessus et travailler à apporter des solutions et aider dans le développement.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci. Est-ce que votre regroupement a déjà évalué la possibilité de s'inscrire dans le domaine de la production énergétique, et, le cas échéant, quelles seraient vos sources de financement et d'expertise nécessaires à la mise en oeuvre de projets destinés à accroître la production énergétique du Québec?
(Consultation)
M. Martin (John): Au niveau du Mi'gmawei Mawiomi, on a une table des ressources naturelles qui parle du développement qui se passe dans les différents niveaux. Je pense qu'au niveau du financement on envisage des partenariats avec, disons, des compagnies... les compagnies privées qui sont là. Il y a des compagnies privées majeures qui sont déjà impliquées au niveau de la Gaspésie, je pense, puis au niveau d'autres premières nations qui ont intérêt à collaborer à des projets, éoliens et d'autres, avec les premières nations.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci. Chez vous, est-ce qu'on traite d'efficacité énergétique? Est-ce que vous en parlez?
M. Martin (John): Oui, on en parle souvent, de l'efficacité énergétique, surtout les comptes d'électricité, et tout ça, dans la communauté. C'est quelque chose qui se parle beaucoup dans nos communautés. On a la corporation, là, l'Hydro-Québec qui, l'année passée, est venue dans la communauté, doit revenir encore cette année, une invitation qui est encore là. Ça, c'est quelque chose qu'on regarde aussi, là.
Et aussi au niveau... je pense, au niveau de la gestion des produits qui ont un impact négatif sur l'environnement, c'est une question aussi qui nous préoccupe, au niveau de la communauté.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Chez vous... On sait très bien que, dans d'autres nations, ils ont demandé de l'aide au niveau de divers programmes, rénovation de maisons... Est-ce que, chez vous, ça a été fait?
M. Martin (John): Pouvez-vous répéter?
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Il y a des programmes pour l'efficacité énergétique, améliorer la condition des maisons.
M. Martin (John): Oui. Puis, disons, ces programmes-là, c'est par la... ? comment qu'ils appellent ça? ? Central Mortgage and Housing Canada. Ils ont des critères... Parce que c'est tout de l'habitation sociale, surtout; je pense, à 90, 95 %, c'est de l'habitation sociale. Donc, les programmes d'habitation du gouvernement, ils ont un critère concernant l'énergie. Même, des fois, ces critères-là, c'est tellement... les maisons sont tellement isolées, à un moment donné, là, qu'on a un problème de circulation d'air, ça retient trop de chaleur, beaucoup d'humidité. Donc, ça a débordé sur d'autres problèmes, au niveau de la santé, au niveau de la maison, des... Ça a causé des questions de moisissures dans... C'est un très gros problème dans nos communautés. Mais c'est certain qu'au niveau des maisons il y a des critères qui sont suivis de très près.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Dans votre document, vous parlez beaucoup, abondamment de l'implication et de la consultation dans la mise en valeur des différentes ressources du territoire. Pouvez-vous nous expliquer quels seraient les avantages d'une perspective autochtone, dans vos réflexions, précédant la mise en valeur des ressources, quels avantages il y a?
M. Martin (John): Je pense que l'avantage dans ça pour nous, certainement, une consultation, et recommandation n° 1, c'est la question d'informer, d'être bien informés sur le développement qui se passe sur le territoire. Suite à cette information-là et d'accommodation, ça nous mène à établir et à négocier des ententes qui sont bénéfiques à la communauté, au niveau de l'emploi, de la participation au développement, et aussi d'influencer les politiques qui sont développées.
Je pense que le bénéfice dans ça, c'est l'harmonisation du travail qui se fait, l'harmonisation entre les communautés qui nous entourent, l'harmonisation avec le gouvernement du Québec aussi, là. Je pense, c'est... Alors, ce point-là, c'est quand même très bénéfique.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le député. M. le député de Groulx.
M. Descoteaux: Oui, M. le Président. M. le chef Martin, mesdames, merci de votre présence devant la commission. Bienvenue.
J'aurais une petite question pour vous, peut-être un éclaircissement, chef Martin, qui découle de votre territoire. Vous nous indiquez que Gespe'gewa'gi couvre une partie de... couvre la Gaspésie ou une partie de la Gaspésie mais aussi va couvrir une partie du territoire du Nouveau-Brunswick, et vous avez même élaboré un peu plus loin en disant que ça couvrait d'autres provinces aussi. Toutefois, vous limitez votre approche, au niveau de votre document, au niveau de votre mémoire, sur des négociations avec le Québec.
Maintenant, pouvez-vous élaborer sur la façon dont ces négociations-là pourraient intervenir, puisqu'avec le Québec évidemment, pour utiliser un terme anglais, ça va être «one-on-one», mais, de votre côté, du côté de votre communauté, nécessairement je présume que vous ne voudrez pas avoir des ententes à la pièce avec chacune des provinces. Donc, comment entrevoyez-vous ces négociations-là? Est-ce que le Québec va devoir suivre un agenda du Québec avec d'autres provinces ou est-ce qu'on peut le faire, là, distinctement?
M. Martin (John): Je pense que c'est une question donc... En ce qui nous concerne, nous, les Mi'gmaqs qui sont dans la Gaspésie, dans le nord du territoire de Gespe'gewa'gi, on est assis à la table avec le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral, en fin de compte, son négociateur a un mandat de négocier avec les Mi'gmaqs dans les sept districts. Mais, en ce qui nous concerne, nous, c'est le septième district, Gespe'gewa'gi, ce territoire-là qui se trouve dans la province de Québec.
n(11 h 30)n On sait qu'il n'y a aucune négociation qui puisse être réglée sans avoir les provinces à la table. Donc, en ce qui nous concerne, nous qui habitons dans la province ici, je pense que l'approche normale, c'est d'approcher le gouvernement du Québec sur cette question-là. Ça n'empêche pas qu'on a une obligation... et on a déjà rencontré d'ailleurs le gouvernement du Nouveau-Brunswick en ce qui concerne les droits, nos droits, qui tombent sur le côté de Gespe'gewa'gi, qui est couvert par le Nouveau-Brunswick. Donc, où est-ce que ça va aller, on ne sait pas.
On sait qu'il y a un processus important, par exemple, qui a été proposé au gouvernement du Québec. C'est le processus de... (S'exprime dans sa langue); on en fait mention ici. Et, ce processus-là, c'est un processus de la nation mi'gmaq qui amène les trois parties ? parce qu'on parle d'un territoire qui se trouve à l'intérieur de la province du Québec ? ça amène les trois parties, les Mi'gmaqs, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada, à s'asseoir et avoir un dialogue. C'est un dialogue avant d'arriver à des décisions. C'est ce processus-là qu'on regarde d'utiliser comme moyen de venir à une entente, en fin de compte, pour être capables de négocier.
Mais ce processus-là n'est pas préjudicié par d'autres processus antérieurs. C'est un processus qui reste ouvert, qui est très flexible, qui a beaucoup de respect au niveau de toutes les parties qui sont assises à la table. C'est quelque chose qui est intégré, c'est un processus qui est mi'gmaq, mais ça demande que les parties s'assoient alentour de la table, s'expriment honnêtement et de, tu sais, de ne pas se retenir, parce que c'est un dialogue, d'être honnêtes et francs dans le dialogue, de la façon... puis essayer de travailler ensemble pour développer... en venir à une entente, tantôt, qui va adresser les intérêts de chacun.
M. Descoteaux: Mais, dans ce cadre-là, chef Martin, de façon plus précise ? et vous allez me dire qu'avec des «si» on peut aller à Paris ? mais, si effectivement il y avait négociation avec la communauté et le Québec et qu'on approchait d'une entente de principe, ma préoccupation est de savoir: est-ce qu'à ce moment-là, dans le cadre de vos négociations avec le Nouveau-Brunswick, par exemple, on pourrait, face à une position différente, obtenir un... achopper sur nos négociations, sur notre résultat ici?
Le Président (M. Bachand): Rapidement, M. Martin.
M. Martin (John):«Achopper», qu'est-ce que ça veut dire?
M. Descoteaux: Voulez-vous que je répète en anglais? O.K. If... let's say that, for the sake of argument only, that we're close to an agreement between your nation, between your community and Quebec, but, because your territory goes to New Brunswick, is it possible that, with a rupture of the negotiations with New Brunswick, that we would be faced with a collapse of our own negotiations here? Or the fact that we wouldn't have a deal.
M. Martin (John): I think it's more a question of how Canada and the provinces approach it. Where we are concerned, the Province of Québec doesn't have jurisdiction over the province of New Brunswick and what happens there. So, I think Québec is entitled, within its mandate, to move forward in negotiating with any of the First Nations in the province that's within the jurisdiction of Québec.
When it comes to New Brunswick, I believe that New Brunswick exercises the same authority as the Québec Government does. So, when it comes to jurisdiction of Québec, the Mi'gmaq Nation has to negotiate with the Government of Québec where they have jurisdiction. When it goes into New Brunswick, it's a different issue.
M. Descoteaux: ...our own deal with...
M. Martin (John): Yes.
M. Descoteaux: Yes.
Le Président (M. Bachand): Merci, M. le député. Donc, Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Bonjour. Je voudrais d'abord vous remercier pour ce mémoire-là, qui est quand même très parlant, et j'ai quelques petites questions. Notamment, quand on s'était vus, dans les nombreuses années, on avait abordé toute la question du développement des ressources naturelles, et je me demande si... à ce moment-ci, dans le processus d'appel d'offres en matière d'énergie éolienne, est-ce qu'il y a eu des composantes ou des exigences vis-à-vis l'implication des communautés autochtones, à votre connaissance?
(Consultation)
M. Martin (John): Non, on n'a pas eu... ça n'a pas vraiment bougé beaucoup. Puis qu'est-ce qu'on a essayé de faire pour adresser ces... faire avancer ce dossier-là? C'était justement le... ce qu'on appelle en anglais le «political working group» qui devait être établi avec le ministre des Ressources naturelles. Et c'est quelque chose qui devait prendre un mois, un mois et demi à compléter. Quand on avait rencontré le ministre Sam Hamad, on a eu quand même une bonne discussion, et il y avait un grand potentiel de travailler ensemble pour adresser ces questions-là et d'avoir une table politique justement, un groupe de travail politique pour adresser ces choses-là.
Mais ça fait déjà au-dessus d'un an qu'on a rencontré M. Hamad, et, disons, le «draft» a été... le document d'entente, le protocole d'entente politique a été ramassé par les techniciens, puis ça fait un an. On est rendus au onzième brouillon. Je pense que c'est le brouillon final enfin, et on espère d'être capables de signer cet accord politique là pour le groupe de travail. Donc, à ce moment-là, on va pouvoir, je pense, avancer dans ces dossiers-là. Mais il n'y a pas de compagnie pétrolière, ni du gouvernement, qui... il n'y a absolument rien qui est revenu aux communautés micmaques, dans ces questions-là.
Mme Dionne-Marsolais: Moi, évidemment, je parle du potentiel éolien, là, parce qu'à très court terme on sait qu'il y aura des projets et que la région de la Gaspésie est quand même une région qui a été ciblée pour ce développement-là. Alors, est-ce que vous pensez que, dans le deuxième bloc de 1 000 MW que le gouvernement s'apprête à autoriser à Hydro-Québec, à ce qu'on comprend, est-ce que vous pensez qu'il devrait y avoir une précision d'une participation autochtone, à peut-être une certaine quantité?
M. Martin (John): On est très intéressés aux projets éoliens. C'est certain que... Je pense qu'on a besoin vraiment du support du gouvernement du Québec là-dessus pour avancer. On sait qu'il y a une des communautés qui a encore un projet sur la table, mais, comme j'ai mentionné tantôt, on a une rencontre qui s'en vient, dans le mois qui arrive, le mois d'avril, pour prendre une entente entre les trois communautés, d'aller de l'avant avec un projet commun. Donc, pour aller de l'avant avec un projet commun, je pense que ça demande quand même qu'on mette de côté quelque chose pour la nation mi'gmaq en Gaspésie.
On a un grand intérêt à ça, au développement éolien, et ça fait quand même un bout qu'on entend parler des projets. Il y a déjà une des communautés qui s'est essayée. Ils n'ont pas réussi à franchir la barrière, dans la première ronde, avec le «bid» d'Hydro. Mais là ça revient encore. Mais la discussion qu'on a eue... la dernière discussion qu'on a eue, les trois communautés ensemble, on se réunissait pour en venir à une décision de supporter un projet des trois communautés mi'gmaq en Gaspésie.
Mme Dionne-Marsolais: À votre avis, quel serait un intervalle de puissance qui pourrait être un projet pilote ou un projet à la mesure de la capacité de réalisation dans votre... dans vos communautés? Avez-vous regardé ça ou...
M. Martin (John): On n'a pas... Je pense qu'à ce moment-ci on n'a pas précisé, mais je pense qu'il faut prendre en considération que ce n'est pas un projet qui représente un individu ou un privé. Le projet qu'on mène de l'avant, c'est vraiment... qu'on veut amener de l'avant, c'était un projet de communautés. C'est un projet de nation. Donc, on parle des communautés entières, on parle de trois communautés entières qui doivent bénéficier de ça. Je pense que cet aspect-là doit être pris en considération quand on... Si on décide de faire un à-côté pour la nation mi'gmaq en Gaspésie, c'est très important de prendre cet aspect-là en considération.
n(11 h 40)nMme Dionne-Marsolais: Bon. Vous dites aussi... J'ai regardé les recommandations, là, que vous faites dans le mémoire par rapport à l'implication des Mi'gmaqs en amont, au niveau de la planification des projets, et tout ça. Et on a entendu ici d'autres communautés autochtones faire les mêmes recommandations puis exprimer le même intérêt à participer au début, au niveau de la planification des projets, et je pense que c'est tout à fait justifiable.
Maintenant, vous dites: «Maintenir nos communautés informées durant le processus des consultations et après le processus de prise de décision, tout comme le gouvernement du Québec le fait auprès de sa population.» Comment est-ce qu'on pourrait faire ça, comment on peut s'assurer de ça?
M. Martin (John): Je pense que l'implication de la nation mi'gmaq dans ça fait de cette chose-là un fait quasiment accompli. Si on regarde la façon dont le Mi'gmawei Mawiomi opère présentement, c'est de cette façon-là qu'on a peur. Il y a beaucoup de consultations et discussions, au niveau de la communauté, directement avec les membres de la communauté, et ils sont très bien informés sur les décisions. Je pense même... il y a beaucoup de monde à l'extérieur de nos communautés qui sont bien informés aussi, parce qu'il y a beaucoup de notre information qui se ramasse sur nos sites Web. Donc, c'est des décisions qui se prennent... les membres de la communauté sont informés soit par les journaux dans les communautés, les radios communautaires, le site Web, il y a plusieurs moyens de communication qui sont utilisés par notre assemblée pour informer la communauté des actions qui se passent et aussi de la suite des actions.
Mme Dionne-Marsolais: Mais, dans la manière de réaliser ça, est-ce que vous souhaitez qu'il y ait, par exemple, un représentant attitré soit, par exemple, dans le cas de l'énergie, au ministère des Ressources naturelles? Ça peut être un au niveau de l'énergie, un au niveau du bois ou des forêts.
Et, de votre côté, est-ce que vous avez, entre vous, discuté de la possibilité d'avoir un délégué, par exemple, qui parlerait au nom de votre communauté et qui régulièrement ferait le point avec le gouvernement? Est-ce que c'est ça que vous avez en tête?
M. Martin (John): C'est quelque chose qui est déjà établi par l'intermédiaire des tables qu'on a. On a des représentants de chaque communauté qui sont assis soit à la table des ressources naturelles, les différentes tables qu'on a, soit au niveau de la pêche, foresterie et au niveau de l'énergie ? on parle éoliennes. Il y a des membres représentants de chaque communauté qui participent aux différentes tables du Secrétariat, puis...
Mme Dionne-Marsolais: Vous dites aussi, à la page 11, que vous proposez que le gouvernement rencontre les Mi'gmawei Mawiomi le plus tôt possible pour développer et signer cette entente. Mais, si je vous comprends bien, vous avez déjà le 11e brouillon, et il est prêt... elle est prête à signer, cette entente-là, là.
M. Martin (John): Oui.
Mme Dionne-Marsolais: O.K. Donc, on peut s'attendre à ce que le gouvernement prochainement...
M. Martin (John): Prochainement, j'espère.
Mme Dionne-Marsolais: ...vous invite à le signer avec lui.
M. Martin (John): Oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Dionne-Marsolais: Moi aussi, je vous le souhaite.
Mais, ce que vous voulez en plus, vous voulez aussi des ententes complémentaires, distinctes, sur développement pétrolier, gazier, sur le développement éolien.
M. Martin (John): C'est justement de cette façon-là qu'on parle des... Si on peut établir le groupe de travail politique, «the political working group», ça va nous amener évidemment à signer des ententes sectorielles dans les différents secteurs qui se développent.
Mme Dionne-Marsolais: Et ce groupe de travail politique, il est dans vos... dans cette entente que vous voulez faire, là, il est dans cette... dans le 11e brouillon, là, le «political working group», il existe.
M. Martin (John): Oui. Oui. Nous autres, on a le PWG.
Mme Dionne-Marsolais: O.K. J'ai aussi... Je veux revenir, moi aussi, sur les propos du député de Groulx. À la page 12, vous dites: «Que le gouvernement du Québec s'engage à travailler en coopération avec les gouvernements fédéral, régional et autochtone pour créer des modèles de cogestion des ressources sur les territoires ancestraux autochtones.» Vous savez que c'est toujours bien complexe, les relations entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, et, quand, en plus, on aborde la question autochtone, c'est plus qu'à trois dimensions, là, ça commence à être très, très, très complexe.
Est-ce que vous avez déjà discuté ou fait des recommandations au gouvernement fédéral pour amener à la même table les régionaux du Québec, par exemple, avec les autochtones et un représentant fédéral? Parce qu'au fédéral l'organisation des affaires indiennes est très différente de la manière dont les affaires indiennes, entre guillemets, sont discutées et décidées au Québec. Est-ce que vous êtes avancés là-dedans ou... Parce que, moi, j'ai l'impression qu'au niveau du Québec les échanges sont ouverts; ça a commencé, les tables. Vous l'avez dit vous-même, les tables de concertation évoluent. Le fédéral a toujours vu sa prérogative sur les populations autochtones, surtout les affaires indiennes, comme étant exclusive. Alors, comment... je me demande dans le fond si ce message-là, ça ne doit pas être au fédéral qu'on le donne, plus qu'au Québec?
M. Martin (John): Oui. Je comprends votre préoccupation au niveau du gouvernement fédéral, parce qu'il y a des juridictions. Je pense qu'au niveau des ressources naturelles, d'après ce qu'on peut comprendre, la juridiction revient vraiment, tu sais, au niveau du gouvernement du Québec.
Donc, je pense que, lorsqu'on parle du gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec... de s'impliquer ensemble, je pense qu'on fait allusion à l'entente qu'on aimerait avancer de... le processus de réflexion avant la décision. Je pense qu'à travers ce processus-là il y a moyen d'amener les trois parties à la table: le gouvernement canadien, Québec et les Mi'gmaqs, et, je pense, de discuter de certaines de ces questions-là. Mais on reconnaît le fait que, selon la Constitution canadienne, les ressources naturelles, c'est tombé sous la juridiction des provinces. Donc, à ce moment-là, je comprends la difficulté: quand on parle du développement des ressources naturelles, ça peut devenir problématique au niveau du gouvernement fédéral.
Mais, par contre, ce qui... en ce qui concerne les Mi'gmaqs, nos droits sont aussi... c'est quelque chose qu'on ne peut pas oublier; ça, c'est inhérent. Donc, on vient à la table avec ces droits-là, qui sont aussi protégés par la Constitution canadienne. Donc, ça amène cette dynamique-là à la table.
Mme Dionne-Marsolais: Dans votre cas, c'est très complexe, parce que, si votre territoire va jusqu'à la rivière Miramichi, ça commence à être loin, là, pour le Québec, et donc on ajoute un autre joueur. Est-ce que ce à quoi vous faites référence ou ce à quoi vous pensez, c'est un concept semblable à celui de la «Paix des Braves» ou si c'est autre chose?
M. Martin (John): Je pense que c'est vraiment autre chose, c'est vraiment la question mi'gmaq. Lorsqu'on parle de la partie sud de notre territoire, qui se trouve... du côté sud, dans lequel se trouve aussi le Nouveau-Brunswick, à ce moment-là, je pense, pour nous, comme nation, on a une responsabilité de négocier avec le gouvernement provincial qui est là, le gouvernement du Nouveau-Brunswick.
Mais vous comprendrez que, la nation mi'gmaq, aussi, on a une relation d'établie avec toutes les communautés qui se trouvent de ce côté-là, du côté sud, dans le territoire du Gespe'gewa'gi. Donc, il y a un travail qui se fait aussi là-bas, de ce côté-là, avec les membres de notre nation, et ça, ce n'est pas... c'est une approche qui est, on peut dire, Mi'gmaq?Nouveau-Brunswick?Canada. Et, lorsqu'on parle des Mi'gmaqs, on dit qu'ils se trouvent dans la juridiction provinciale de Québec, c'est vraiment quelque chose qui est séparé du Nouveau-Brunswick.
Le Président (M. Bachand): Donc, rapidement, Mme la députée de...
Mme Dionne-Marsolais: D'accord. Donc, en fait, ce que vous nous dites, ce n'est pas... on peut très bien suivre votre approche, mais le faire strictement Québec, autochtones et fédéral, par la force des choses, j'imagine, sans impliquer un autre niveau de... un autre gouvernement, une autre juridiction. C'est ça?
M. Martin (John): Pour nous, oui.
Mme Dionne-Marsolais: O.K. Pour vous. O.K. C'est beau.
n(11 h 50)nLe Président (M. Bachand): Merci, Mme la députée de Rosemont. Mme Plourde, M. Martin et Mme Miller, merci beaucoup de vous être présentés à la commission, et bon retour chez vous. Vous êtes toujours les bienvenus à la Commission de l'économie et du travail.
M. Martin (John): (S'exprime dans sa langue). Merci beaucoup. On a apprécié beaucoup d'être entendus ici aujourd'hui.
Le Président (M. Bachand): Merci infiniment. Donc, je vais demander tout de suite au groupe Dunsky Expertise en énergie de venir prendre place, s'il vous plaît.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Bachand): Donc, messieurs de Dunsky Expertise en énergie, bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. Je vous rappelle rapidement les règles, que vous connaissez sûrement: 20 minutes pour votre présentation, 20 minutes, de part et d'autre de l'Assemblée, pour la période des questions.
Donc, sans plus tarder, je vais vous demander de vous présenter, pour le bénéfice des membres de la commission, et de commencer votre présentation. Merci, messieurs.
Dunsky Expertise en énergie
M. Dunsky (Philippe): Je vous remercie beaucoup, M. le Président. MM., Mmes les députés, je vais vous dire, tout d'abord, à ma droite, un invité, M. Chris Neme, qui est directeur de la planification et de l'évaluation au Vermont Energy Investment Corporation. J'ai demandé à M. Neme de se joindre à moi pour deux raisons: premièrement, parce qu'il est le co-auteur, avec moi-même et un autre collègue, d'une étude sur le potentiel d'efficacité énergétique ici, au Québec, le potentiel économique de l'efficacité énergétique au Québec, qu'on a réalisée au mois de mai dernier, ou enfin qui a été publiée au mois de mai dernier. Et, deuxièmement, aussi parce qu'entre-temps il y a eu, je sais, une série d'articles sur le modèle du Vermont, qui a paru dans les médias. Je sais qu'il y a beaucoup d'intérêt pour ce modèle-là, et donc j'ai voulu demander à M. Neme de m'accompagner aujourd'hui, ne serait-ce que pour répondre à des questions que vous pourriez avoir à ce sujet-là, au sujet donc du modèle du Vermont en matière d'efficacité énergétique, qui pourrait nous donner des pistes intéressantes de réflexion.
Pour ma part, je me nomme Philippe Dunsky. Je suis très heureux d'être ici, devant vous. La dernière fois que j'étais ici, j'étais en fait de votre côté, je conseillais les membres de la commission. C'était, mon Dieu! en 1997 ? déjà! ? et donc je suis habitué un peu à l'inverse. J'ai d'ailleurs conseillé la commission à de nombreuses reprises au cours des 10 dernières années, lors de ses propres mandats. C'est la première fois que je vois, je pense, la plupart d'entre vous.
D'ailleurs, je voulais vous dire que je sympathise un peu avec vous, je vais vous dire. Il y a 10 ans, j'ai été membre de la table de consultation du débat sur l'énergie. Donc, on a tenu des audiences, un peu comme vous faites aujourd'hui, on les a tenues dans des villes à travers le Québec, on a reçu 300 mémoires, et donc 300 présentations, et j'ai une idée de ce que c'est d'être à la fin de la course de ce grand nombre de présentations.
Alors, par sympathie, je m'engage à faire une couple de choses. Premièrement, je ne vais pas vous lire de texte, je vais vous présenter très rapidement, très succinctement, comme on dit en anglais, «straight and to the point», quelques éléments qui par ailleurs ne sont pas directement dans le mémoire que je vous ai envoyé, parce que vous l'avez déjà, vous avez déjà le résumé, et je ne veux pas vous ennuyer, donc.
Alors, je vous présenterai très rapidement quelques éléments au sujet d'un seul des enjeux qui sont traités dans ce très court... on peut l'appeler «mémoire» ou «communication», qui est le volet efficacité énergétique, qui est le volet que d'expérience... je dois dire, ça fait en fait 15 ans que je suis dans le domaine de l'énergie, ça fait 15 ans que je vois cette filière-là se perdre un peu dans l'ensemble. C'est normal, c'est moins concret, c'est moins tangible, ça se perd souvent. Et, pour cette raison, je me suis dit que j'allais concentrer mes propos là-dessus aujourd'hui. Évidemment, je vous invite à me poser des questions là-dessus ou sur d'autres sujets, comme vous le voudriez.
Donc, je vais référer aux écrans, parce que j'ai une petite présentation. Tout d'abord, juste pour dresser un historique, qui m'a frappé, qui m'a frappé pour le parallèle qu'on a aujourd'hui avec la situation, il y a exactement 10 ans, lorsque je tenais, avec des collègues, les consultations à travers le Québec, et on recevait tous les mémoires... le parallèle est très simple. Il y a à peu près 15 ans, on avait un grand débat sociétal sur un projet énergétique qui s'appelait Grande-Baleine, qui avait causé un énorme débat, on s'en souvient tous, des caribous, etc., et qui a conduit à une remise en question de la politique énergétique. Ce débat nous a amenés à mettre au rancart ce projet et à lancer un peu l'équivalent de ce qu'on a aujourd'hui avec vous.
À l'époque, on l'a appelée la commission du débat sur l'énergie, qui a par ailleurs produit un rapport, un rapport qui s'intitulait Pour un Québec efficace. Je vous rappelle, c'était après un an de consultations, de discussions. C'était un rapport unanime avec près de 200 recommandations. Mais l'accent de ce rapport-là, après toute la réflexion, était sur l'efficacité énergétique. Et c'était pour une raison: parce qu'on s'est rendu compte que l'efficacité énergétique offrait les meilleurs avantages de l'ensemble des filières, offrait un potentiel tout à fait inexploité et offrait finalement un moyen d'éviter des conflits sociaux, entre autres. On a mis l'accent sur l'efficacité énergétique et, par la suite, on a eu une politique énergétique qui a mis l'accent sur deux choses: la création d'une Régie de l'énergie et la création de l'Agence de l'efficacité énergétique.
Ce qui s'est passé par la suite, lors des huit prochaines années, sur le plan de l'efficacité énergétique était plutôt l'abandon. On le sait tous, Hydro-Québec, à l'époque, avait des grands plans en efficacité énergétique. À partir de 1995, ces plans ont été mis au rancart, et il ne s'en est pas fait, à toutes fins pratiques, durant les sept, huit prochaines années.
Évidemment, lorsqu'on ne fait pas d'efficacité énergétique, la demande augmente, et, en même temps, on avait rejeté le projet Grande-Baleine, on avait rejeté d'autres projets, alors on n'avait pas augmenté l'offre et on n'avait pas fait reculer la demande, et on s'est trouvés, l'an dernier, avec une petite crise. Et, dans cette crise appréhendée d'équilibre énergétique, on s'est dit: On allait se donner un projet d'exception, qui était le projet du Suroît, qui a ramené les conflits, qui a ramené les débats et qui nous ramène aujourd'hui, 10 ans plus tard presque jour pour jour, à un débat en commission sur une nouvelle politique énergétique.
Je fais le parallèle parce que je pense qu'il est important, premièrement, de se le rappeler, l'histoire porte des leçons importantes, je l'ai toujours cru, et parce que je pense que, lorsque vous allez développer votre politique énergétique, il sera extrêmement important de ne pas refaire la même erreur ou de na pas voir se reproduire la même situation, c'est-à-dire l'abandon, du côté de la demande... de l'équation équilibre offre-demande. Alors, c'est l'essentiel donc de mon propos d'aujourd'hui.
n(12 heures)n Très rapidement, pourquoi l'efficacité énergétique? Pourquoi on en parle? Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je vous suggère humblement de mettre la priorité à l'efficacité énergétique, comme on a voulu le faire il y a 10 ans.
La toute première raison est de nature économique. L'efficacité énergétique coûte, de loin, de loin moins cher que la nouvelle production. De loin. Une nouvelle centrale aujourd'hui, quelle qu'en soit la source de production, va nous coûter aux alentours de 0,07 $ à 0,10 $ du kilowattheure. Avec l'efficacité énergétique, on est capable d'aller chercher ce même kilowattheure là pour 0,02 $ à 0,04 $. Ça, on le sait, on le fait partout ailleurs. On le fait d'ailleurs ici, au Québec. Ce qu'on a fait jusqu'à date a toujours coûté dans ces environs-là. On a donc une rentabilité d'à peu près trois pour un, c'est-à-dire que, pour chaque dollar ou, disons-le autrement, pour chaque milliard de dollars qu'on investit en efficacité énergétique, on économise 3 milliards qu'il faudrait autrement investir dans de nouvelles centrales. Évidemment, c'est des gros sous. C'est des gros sous pour les consommateurs, qui en bénéficient par une réduction de leur facture. C'est également des gros sous pour l'ensemble de l'économie du Québec.
Ce qui m'amène d'ailleurs à mon deuxième point, c'est que non seulement l'efficacité énergétique est beaucoup moins chère que l'ensemble des filières de production, mais elle a d'autres bénéfices, dont une amélioration de la productivité, la productivité économique. Premièrement, une meilleure efficacité énergétique permet d'augmenter la productivité du capital dans nos industries; deuxièmement, permet d'améliorer la productivité de nos travailleurs.
Je fais un petit aparté pour expliquer un peu. Dans le milieu industriel, évidemment la consommation d'énergie n'est évidemment pas une fonction au coeur des industries. Les industries sont là pour produire de l'aluminium ou produire des tapis, ou n'importe quoi, elles ne sont pas là pour consommer de l'énergie. Or, ils ont évidemment une grande dépense qui est l'énergie. Plus on réduit cette dépense-là, plus on concentre le revenu sur leur activité principale qui est leur activité de fabrication ou de production. C'est un enjeu de compétitivité pour nos entreprises, en premier lieu.
D'ailleurs, c'est la même chose dans les bureaux. Lorsqu'on parle d'efficacité énergétique, on parle, par exemple, d'utilisation de l'éclairage naturel. Selon les études qui ont été faites là-dessus, on parle d'augmentation de la productivité des travailleurs de l'ordre de 5 % à 15 %. 5 % à 15 % éclipsent les coûts d'un programme d'efficacité énergétique. On n'est plus là-dedans, on n'est plus dans les considérations d'économie d'énergie, de la valeur de cette énergie-là, on est dans la considération de la productivité.
Donc, c'est pour le plan économique. Sur le plan social, il y a évidemment d'autres raisons pour investir en efficacité énergétique. Tout d'abord, les investissements en efficacité énergétique créent beaucoup plus d'emplois que les investissements dans des centrales. Je sais que c'est un peu... pas paradoxal, mais contre-intuitif pour nous. On est habitués à souvent voir des grandes annonces, une centrale qui va conduire à 3 000 nouvelles jobs en région, etc. Le problème de l'efficacité énergétique, c'est qu'on ne les voit pas, ces jobs-là. Mais ces jobs sont dans la fabrication, ils sont dans la vente, ils sont dans l'installation, dans la rénovation. Et toutes les études, qu'elles viennent d'ailleurs ou d'ici, au Québec, indiquent un coefficient d'emploi sensiblement plus élevé pour l'efficacité énergétique que pour toutes les autres filières, y compris d'ailleurs l'hydroélectricité, y compris les centrales thermiques, y compris l'éolien.
Deuxième bénéfice social: Les retombées économiques de cette filière sont beaucoup mieux réparties sur le territoire du Québec. Lorsqu'on construit une centrale, on le sait, l'essentiel des retombées sont concentrées là où est la centrale. On voit un effet de «boom and bust». Lorsqu'on parle d'efficacité énergétique, les retombées sont réparties là où est la demande, c'est-à-dire plus ou moins en proportion de la population à travers l'ensemble des régions du Québec.
Troisièmement, pour les ménages à faibles revenus, pour qui la facture énergétique peut représenter une part importante de leurs revenus, évidemment il va de soi qu'une meilleure efficacité énergétique contribue énormément à leur bien-être, à eux. Et, quatrièmement, une meilleure efficacité énergétique est, la plupart du temps, accompagnée d'un meilleur confort et d'une meilleure santé pour les habitants de logements autrement, par exemple, mal isolés.
J'ajoute évidemment l'autre bénéfice, qui est sur le plan environnemental. Mais je pense, bien honnêtement, que je n'ai pas besoin de prendre de votre temps là-dessus, ça va de soi, et sur le plan environnemental et sur le plan des conflits sociaux, par exemple ceux qu'on vient de voir.
Souvent, l'efficacité énergétique est peut-être mal perçue ou mal comprise en fait comme filière d'énergie, et il est important de comprendre son potentiel. Comme on parle, en hydro, de potentiel de rivières, comme on parle, en éolienne, de potentiel de production d'énergie, l'efficacité énergétique a un potentiel et un coût. J'ai, avec mon collègue M. Neme et deux autres collègues, réalisé probablement l'étude la plus importante, de ma mémoire, là-dessus au Québec, la plus détaillée, c'est-à-dire pour ce qui est du potentiel rentable et réalisable d'efficacité énergétique au Québec.
Je présente ici, sur le graphique, très rapidement la courbe de la croissance de la demande normale prévue pour les six prochaines années. Et nous avons évalué deux scénarios: un premier scénario qui nous permet d'économiser 7 TWh à 0,028 $ le kilowattheure; un deuxième scénario qui nous permet d'économiser 13 TWh par année à 0,04 $ du kilowattheure. Si on regarde le graphique, je pense, le plus important à voir là-dedans, c'est la part de la croissance de la demande qu'on fait disparaître ou qu'on comble avec cette filière. Nous avons à combler une croissance projetée de la demande et nous pouvons combler la grande partie, la majeure partie de cette croissance par une meilleure efficacité énergétique. Et il va de soi, on s'entend, qu'avec cette énergie libérée, si on veut, on peut soit réduire le besoin de construire de nouvelles centrales, soit augmenter nos ventes à l'exportation, soit offrir une énergie à bas prix à nos grandes industries. Un choix politique. Mais ça libère de l'énergie qui a une grande valeur et ça le fait à un très faible coût. C'est pour ce qui est du potentiel.
Je voulais dire par ailleurs que l'efficacité énergétique peut être mise en service très rapidement. Un des problèmes qu'on a avec les grandes centrales hydroélectriques, c'est qu'il faut prévoir la demande 10 années à l'avance. Avec l'efficacité énergétique, on peut obtenir des résultats à l'intérieur d'une année ou deux.
Pour ce qui est de la question névralgique du financement de l'efficacité énergétique: Combien? Je ne suis pas ici pour vous dire combien exactement. Par contre, je vais vous donner peut-être des indices. Nous avons réalisé un balisage de l'investissement qui se fait en efficacité énergétique chez, disons, des pairs, comparables à nous, en Amérique du Nord. Nous avons regardé 15 pairs, comparables soit parce qu'ils sont dans les régions immédiatement avoisinant le Québec, donc ils participent au même marché que nous et ils ont également un climat assez froid, soit parce qu'ils sont des régions hydroélectriques, donc ce qui veut dire aussi qu'ils ont de très bas tarifs d'électricité. Nous avons ajouté par ailleurs un cas qui est le leader traditionnel là-dedans, qui est la Californie, juste pour bien se comparer.
n(12 h 10)n Je vous présente sur le graphique et je vous invite d'ailleurs à ne pas regarder trop le mémoire, parce que nous avons mis à jour... Les données qui étaient dans le mémoire dataient déjà d'un peu plus d'une année, entre-temps les choses ont beaucoup changé. Nous présentons ici les plus récentes données et, vous verrez, nous avons présenté le Québec deux fois: premièrement, le plan initial d'Hydro-Québec de 2003, qui est complètement en haut du graphique, et ensuite le plan plus récent d'Hydro-Québec, où on a entendu tous parler, là, du milliard de dollars qui avait été investi en efficacité énergétique, qui est en bleu pâle, je crois, le sixième ou septième dans le rang. Ça vous donne donc une idée, d'une part, ce que d'autres investissent et, d'autre part, où, nous, nous nous situons actuellement par rapport à nos comparables. Évidemment, j'ai exclu, là, un ensemble d'autres régions d'Amérique du Nord qui ne sont pas, pour moi, des comparables immédiats, dont certains investissent moins, d'autres plus.
Ici, vous avez le graphique, sur une base de dollars investis en efficacité énergétique par ventes d'énergie, ventes étant mesurées en mégawattheures. J'ai également préparé... Et, bien honnêtement, je ne pense pas que ce soit la bonne mesure, mais peut-être pour voir au moins une autre mesure, mesure plus simple, qui est la part des revenus de ventes qui est consacrée à l'efficacité énergétique. Et, ici, il y a ce graphique, donc vous voyez les mêmes comparaisons, mais mesurées selon ce deuxième indicateur. Encore là, ce n'est pas pour dire qu'on est les meilleurs ou les pires ? à vrai dire, on se situe entre les deux ? mais pour donner une idée de ce qui se fait en efficacité énergétique chez les régions comparables. Comme on voit d'ailleurs dans ce graphique-ci, les régions qui sont communément connues comme étant les leaders en efficacité énergétique en Amérique du Nord ont tendance à investir de l'ordre de 2 % à 4 % de leurs revenus de ventes en efficacité énergétique. C'est pour ce qui est du financement.
Et ça m'amène à la question peut-être un peu plus fondamentale pour ce qui est d'une politique énergétique, qui est le comment. Comment, dans une politique énergétique, peut-on penser l'efficacité énergétique, organiser l'efficacité énergétique, livrer l'efficacité énergétique? Et je vous propose simplement quatre principes pour guider la réflexion.
Le premier principe, c'est l'indépendance. L'organisme qui va... Ha, ha, ha! Non, pas politique.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dunsky (Philippe): Je vais me tenir loin. L'organisme qui va livrer l'efficacité énergétique, l'organisme, par ailleurs, qui doit se charger de l'efficacité énergétique se doit d'être indépendant et financièrement et dans sa propre mission.
Le Président (M. Bachand): M. Dunsky, je vais vous arrêter, mais je vais demander le consentement parce que je trouve ça fort intéressant. Mais, de par l'attention de mes collègues, je pense qu'il y a aussi beaucoup d'intérêt à vos propos. Donc, est-ce qu'il y aurait consentement pour laisser la parole à M. Dunsky? Oui. Continuez donc.
M. Dunsky (Philippe): Merci. C'est le dernier acétate.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Dunsky, donc. Vous avez le consentement.
M. Dunsky (Philippe): Je vous remercie. Donc, d'abord, indépendance pour l'organisme. L'organisme qui livre les programmes, l'organisme qui coordonne l'ensemble de l'effort doit être indépendant du gouvernement, doit surtout être indépendant d'autres objectifs qui peuvent rentrer en conflit avec la mission fondamentale de livrer la marchandise sur le terrain.
Deuxième principe, le financement. L'efficacité énergétique a besoin... Et c'est, je dirais, le point probablement le plus important et la leçon la plus importante des dernières années, nous avons besoin d'un financement stable, prévisible et autonome pour transformer les marchés vers une plus grande efficacité. On ne peut pas réaliser des programmes, on ne peut pas transformer le marché avec des budgets qui varient d'année en année de on ne sait pas trop combien. Ça ne marche pas, ça ne peut pas fonctionner, ça ne peut pas atteindre les résultats escomptés.
Troisièmement, la concurrence. Je dis «concurrence» parce que c'est un modèle... C'est d'ailleurs le modèle qui est pratiqué au Vermont. C'est un modèle qui est pratiqué ailleurs de plus en plus aussi. L'efficacité énergétique est un business. On est en concurrence pour l'attention, l'argent, l'intérêt du consommateur, dans l'ensemble des marchés, l'ensemble des segments de marché, et, pour ça, ça prend une attitude et une approche business, je vous dirais. Et une des meilleures façons d'assurer que ceux qui vont livrer des programmes sur le terrain vont avoir cette approche-là, c'est premièrement de leur donner un contrat à la suite d'appels d'offres concurrentiels, donc ne pas désigner d'office celui qui va livrer les programmes, mais lancer un appel d'offres pour choisir le meilleur, d'une part, et, d'autre part, que ce meilleur-là soit lié par contrat de performance. C'est encore le cas du modèle au Vermont, le livreur du programme doit livrer la marchandise. Et, s'il ne livre pas la marchandise, il faut qu'il y ait des pénalités; s'il excède les objectifs, il faut qu'il y ait des «rewards», des incitatifs.
Quatrième et dernier principe, l'intégration. Un organisme intégrateur est requis pour coordonner les efforts de tous, pour veiller à la performance de ceux qui vont livrer la marchandise sur le terrain, pour offrir des services d'appoint, par exemple offrir des conseils au gouvernement en matière de réglementation, par exemple s'occuper de la question de la recherche-développement aussi en amont, et ce, pour toutes les formes d'énergie. Et c'est un point essentiel aussi: pour toutes les formes d'énergie. Actuellement, nous avons un plan pour l'électricité, nous en avons un autre pour le gaz, nous n'avons rien pour le mazout, et le consommateur est perdu là-dedans. Il n'y a aucune raison pour que le consommateur soit perdu là-dedans, il n'y a aucune raison pour que les consommateurs des différentes sources d'énergie reçoivent différents services. Il faut que ce soit mis en commun.
Ce sont les quatre principes essentiels auxquels je vous invite à réfléchir pour l'organisation de cette filière qui est l'efficacité énergétique. Je vais me couper là, je comprends que j'ai pris un peu trop de votre temps. Et évidemment ça nous fera plaisir de répondre à vos questions. Une petite note: Évidemment, M. Neme, qui lit surprenamment bien le français... mais va devoir prendre et répondre à des questions en anglais. Je pourrai traduire, si vous voulez.
Le Président (M. Bachand): Merci. Votre présentation a passé à la vitesse de la lumière, M. Dunsky. Merci infiniment de votre présentation. Donc, je vais donner la parole à... Je vais m'excuser donc, au nom de mon collègue et au nom de tous mes collègues, pour l'absence du ministre. Soyez assuré que vos propos vont lui être adressés. Et il a déjà une formidable équipe qui était très attentive à votre présentation; soyez assuré que le message va être fait. Donc, M. l'adjoint parlementaire au ministre des Ressources naturelles et de la Faune.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci, M. le Président. Bonjour. Merci de votre présentation. C'est très dynamique, très intéressant, et votre évaluation sur la présente commission vers la fin, votre vue était excellente.
Donc, ça fait deux fois que j'interviens à ce sujet-là: Hydro-Québec, au niveau de l'efficacité énergétique, nous propose 3 TWh sur un horizon de 2010. Vous, vous parlez de 13 TWh sur un horizon de 2012. J'aimerais avoir des précisions là-dessus. Puis, du côté du Vermont, est-ce que ça a été la même approche?
M. Dunsky (Philippe): O.K. Je vais commencer et je vais permettre à Chris de compléter. Premièrement, pour ce qui est du 3 TWh d'Hydro-Québec, j'ai témoigné, la semaine dernière, à la Régie de l'énergie là-dessus. J'ai été l'expert invité là-dessus par la presque totalité des intervenants devant la régie. C'est intéressant, c'était la première fois que ça se passe à la Régie de l'énergie. Mes clients étaient autant la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante que les groupes environnementaux, que l'Union des municipalités, etc. C'était fort intéressant, et ce qu'on a vu, et je présume qu'on va voir ça ? j'espère, au moins ? dans les décisions de la régie, c'est que le plan d'Hydro-Québec est très intéressant, est un bon premier pas, mais aurait besoin d'être modifié, d'être... je ne veux pas dire «fignolé», mais bonifié dans sa stratégie, dans ses approches ? et je ne parle pas de plus d'argent, je parle d'une meilleure stratégie, plus ciblée ? pour générer une plus grande quantité d'économie d'énergie. Évidemment, là-dedans, je ne parle pas de monter de 3 à 13, on va de soi.
Est-ce qu'on veut faire 13 TWh, ou 7, ou 5, ou 3 à l'horizon 2010-2012? C'est une question à voir. Je pense, c'est à nous de décider, dans le sens suivant: il n'y a pas de limite technique, il n'y a même pas de limite économique à ça, dans le sens où on peut faire le 13 TWh de façon économique. Par contre, évidemment il faut mettre des sous là-dedans. Pour atteindre le 13 TWh... On ne va pas l'atteindre avec 140 millions par année. Ça, c'est clair. Par contre, est-ce qu'on est capables, disons, de couvrir la majeure partie de la croissance de la demande au cours des 10 prochaines années avec un investissement qui se limite ou qui ressemble à celui qui est donné par les autres États, les autres provinces leaders en la matière? Oui, absolument. Oui, absolument.
n(12 h 20)n Je vais demander à Chris de répondre à votre deuxième partie de la question.
(Consultation)
M. Neme (Chris): Je regrette que je ne peux pas parler français très bien, mais il y a plus de 20 ans depuis je l'ai étudié.
Le Président (M. Bachand): It's not a problem, you can talk in English.
M. Neme (Chris): Thank you. It's always a good question as to how high one should aim with respect to energy efficiency targets. Generally, the guidance that I've given folks in a variety of different jurisdictions is as much is cost-effective to acquire, subject to some other constraints that are important to consider, including equity and legitimate concerns about not wanting costs to go... rates to go too high too fast, and so on... In Vermont, we are essentially today eliminating approximately two thirds of the load growth that would otherwise have occurred had we not been making the investments that we are currently making. But I don't... Is that the full extent of the question?
Le Président (M. Bachand): M. le député.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Oui. J'aimerais connaître... Tantôt, on a parlé du financement. Du côté indépendant, je vais laisser ça à madame ma collègue, mais, au niveau de l'importance du financement, de la stabilité, en parlant d'importance pour arriver au résultat, je ne sais pas, 3 à 13 TWh, il faut investir combien? Le montant approximatif, selon vous ou selon ce que le Vermont a fait?
M. Dunsky (Philippe): Je ne vais pas le lier spécifiquement au 13 TWh, mais je pense qu'il n'y a aucune raison pour laquelle le Québec ne devrait pas se situer parmi les leaders nord-américains en matière d'efficacité énergétique. Si je regarde ce que ça veut dire en termes d'investissement, on parle, comme j'ai dit tantôt, de l'ordre de 2 % à 4 % des revenus de ventes.
M. Morin (Montmagny-L'Islet): Merci. À la page 6 de votre mémoire, vous recommandez que le modèle adopté dans le cadre de la nouvelle stratégie énergétique... pour l'organisme responsable de la mise en oeuvre de cette efficacité... permette d'assurer son indépendance. Bien, je reviens. Pouvez-vous, pour le bénéfice des membres de cette commission, élaborer sur, d'une part, les avantages d'avoir un organisme indépendant et, d'autre part, sur les caractéristiques déterminantes de l'indépendance d'un tel organisme?
Le Président (M. Bachand): M. Dunsky.
M. Dunsky (Philippe): Peut-être, pour comprendre les avantages de l'indépendance en efficacité énergétique, il faut comprendre les désavantages de l'absence d'indépendance. Le plus grand désavantage, le plus grand problème que nous voyons systématiquement ? et ce n'est pas juste ici, au Québec ? ici, au Québec, comme ailleurs, le plus grand problème qu'on voit lorsqu'il n'y a pas d'indépendance financière et autre se situe vraiment à deux niveaux.
Premièrement, un conflit d'intérêts qui peut survenir. Par exemple, lorsqu'une entreprise qui vend de l'électricité est également responsable de faire réduire la demande, il peut avoir... je ne dirais pas un conflit d'intérêts, parce qu'en fait il y a un grand intérêt pour Hydro-Québec ou d'autres à en faire, mais une apparence de conflit qui vient diminuer la capacité de l'entreprise à aller à fond là-dedans. Je m'explique. C'est une question de culture, souvent, d'entreprise. C'est très difficile de demander à une entreprise qui a une culture de vente, qui a une culture également de construction de centrales, qui se voit un peu, là-dedans, aller réduire les ventes et essayer d'éviter des besoins de construction. Ce qui amène à une situation qu'on voit très régulièrement aussi et qu'on a vue au Québec dans le passé, dans les 10, 15 années que je mentionnais tantôt, l'entreprise qui n'a pas comme seule et unique mission de vendre la patente dans le marché parfois se décide, qu'elle veut le faire quand même, et, deux années plus tard, il y a un changement à la haute direction, il y a un changement stratégique, il y a un changement de perspective, et c'est l'efficacité énergétique qui écope en premier. C'est ce qui se passe systématiquement ailleurs et c'est ce qui s'est passé ici également, et c'est le plus grand danger que nous avons.
Aujourd'hui, je pense, je connais les gens d'Hydro-Québec qui font le plan, ce sont des gens, depuis un an, là, qui s'investissent là-dedans, là, ce sont des gens dévoués, ce sont des gens engagés. N'empêche que, dans deux ans, tout ça pourrait changer si la haute direction décide que l'efficacité énergétique n'est plus un... en anglais, on dit un «core business function». Et ça, je pense qu'on peut quasiment prévoir que ça va arriver, parce que ça arrive typiquement.
Le Président (M. Bachand): Malheureusement, M. le député de Groulx, je n'ai pas de temps à vous consacrer, malheureusement. Désolé. Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Et merci d'être là, parce que vous apportez un peu de fraîcheur à ces discussions, là, qui sont quand même complexes.
Donc, vous avez participé, vous avez tout entendu, il y a 10 ans à peu près... pas les mêmes choses, mais dans la même dynamique. Si vous aviez trois éléments à faire ressortir aux membres de la commission aujourd'hui par rapport aux priorités que nous devrions suivre aujourd'hui, compte tenu de tout ce que vous avez présenté, très efficacement d'ailleurs, et de ce que l'on a entendu ici par rapport à l'ensemble de la problématique énergétique du Québec, ce serait quoi?
M. Dunsky (Philippe): C'est une bonne question. Trois...
Mme Dionne-Marsolais: Bien, trois ou cinq, là, mais j'imagine que d'habitude on... Plus que trois, là, je pense qu'on va se creuser les méninges pas mal.
M. Dunsky (Philippe): C'est ça. Laissez-moi surtout pas aller au-delà de cinq, parce qu'on sera ici longtemps. Comme j'ai dit, je pense que ? et je le crois sincèrement ? d'un point de vue économique, ne serait-ce que d'un point de vue économique, et pour d'autres raisons aussi, il faut que le Québec donne la priorité à l'efficacité énergétique pour combler les besoins futurs en énergie, soit pour combler les besoins domestiques tout court ou pour libérer cette énergie-là pour d'autres usages plus intéressants, plus lucratifs, etc. C'est vraiment la première priorité.
Je vous dirais, si on veut penser de façon un peu plus imaginée, à quoi pourraient ressembler les 10 prochaines années, à quoi pourrait ressembler une politique, je vous dirais, une politique pourrait ressembler peut-être à la suivante. Je lance ça comme ça. J'avoue que je n'y ai pas pensé comme ça. Mais: Combler la plupart ou la totalité de la croissance de la demande par l'efficacité énergétique; ajouter ou compléter cette offre-là par des nouvelles formes d'énergie, dont évidemment en premier lieu l'éolien; et se doter d'un objectif très clair d'utilisation des surplus, si on veut, qui seront ainsi dégagés, comme je dis, soit pour l'exportation soit pour le développement industriel, je ne veux prendre de position là-dessus. Les grands, grands, grands, grands points, je dirais, sont là. Évidemment, il y a d'autres enjeux très importants, mais, en termes imagés, je vous le lance comme ça.
Mme Dionne-Marsolais: C'est très intéressant, puis je vous rejoins beaucoup à cet égard-là. Mis à part le volet... la politique quant à ce qu'on fait avec ce qu'on a de plus, c'est quelque chose sur lequel il faut se pencher.
Je comprends de votre mémoire qu'une agence d'efficacité énergétique doit être totalement indépendante et qu'elle doit avoir aussi, vous l'avez bien dit, là, un financement constant, une mission bien balisée. Je comprends aussi que... C'était intéressant quand vous avez fait le point sur les plus dynamiques en matière d'efficacité énergétique. Est-ce que j'ai bien compris? Ils consacrent de 2 % à 4 % de leurs revenus à des efforts d'efficacité énergétique. C'est juste, ça?
M. Dunsky (Philippe): C'est exact, oui.
n(12 h 30)nMme Dionne-Marsolais: Bon. Je voudrais peut-être vous demander votre avis sur... On a eu ici des intervenants qui nous ont suggéré une sorte de conseil de l'optimisation de la consommation d'énergie, l'idée étant d'avoir à une même table des intervenants de l'électricité, des hydrocarbures, enfin du gaz, du pétrole, pour qu'il puisse y avoir une réflexion, de façon à ce que le consommateur ait le choix de la meilleure forme d'énergie pour la bonne consommation. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Ce que je comprends, c'est que les pétrolières considèrent qu'ils peuvent contribuer au bilan énergétique du Québec et à l'équilibre énergétique et qu'un conseil comme ça pourrait permettre d'établir... Par exemple, je pense que ce qu'ils avaient en tête, c'était le seuil de température que la tarification d'Hydro-Québec permettrait pour déclencher la biénergie. Vous comprenez?
M. Dunsky (Philippe): Oui. Je vais vous répondre en deux temps. Premièrement, pour ce qui est de cette question spécifique de connaître le seuil de température qui déclenche le recours au mazout versus l'électricité, bien honnêtement, je peux fort bien imaginer quelque chose d'un peu plus simple qui est un mandat à la Régie de l'énergie pour étudier la question, pour cette question spécifique là.
Pour ce qui est du reste de la question, des formes d'énergie puis assurer que le consommateur choisit la meilleure forme, etc., peut-être là encore deux éléments de réponse. Premièrement, je suis un fervent croyant que ce n'est pas à nous de dire aux gens quelle forme d'énergie consommer. Mais évidemment, dans la mesure où nos tarifs sont tellement disproportionnés à nos coûts réels ? et c'est le cas actuellement ? il y a peut-être quelque chose à faire là. Je n'ai pas réfléchi à la forme, mais il y a peut-être quelque chose à faire. L'autre élément, par contre, si on revient à l'efficacité énergétique ? je ne sais pas si la question l'impliquait, mais au cas où ? je pense que ce qui est surtout important, c'est qu'il y ait une offre de service en efficacité énergétique, peu importe la nature de la source d'énergie que le consommateur utilise.
Mme Dionne-Marsolais: Est-ce que je comprends de vos propos que la responsabilité ou le champ d'action, d'intervention de la Régie de l'énergie à l'heure actuelle vous satisfait? C'est-à-dire que... est-ce que vous pensez qu'Hydro-Québec Production devrait être assujettie à la Régie de l'énergie? Parce que vous n'avez pas abordé la question, donc j'imagine, vous... parce que ça ne faisait partie de ça, mais c'est très important dans la discussion que nous avons.
M. Dunsky (Philippe): C'est extrêmement important. Je pense que, dans la situation actuelle, il y a un problème. Il y a un problème, où on a mis sur pied une situation qui présume une certaine concurrence dans le marché de la production, là où il n'y a pas vraiment de concurrence, en tout cas pas une concurrence à laquelle peuvent participer des producteurs hydrauliques, par exemple. C'est un problème fondamental. Est-ce que la réponse à ce problème-là est de revenir à l'avant-loi 167, où la production était tellement réglementée? Possiblement. Je pense que c'est définitivement une piste de solution, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de concurrence ou bien tant et aussi longtemps qu'Hydro-Québec demeurera un producteur qui doit compétitionner avec d'autres. Il y a sans doute d'autres pistes aussi qui vont dans l'autre sens, peut-être plus d'une plus grande ouverture, une meilleure planification. Mais, certainement, c'est un problème auquel il faut s'adresser. Je m'excuse de ne pas arriver avec une solution toute définie, mais c'est des questions complexes.
Mme Dionne-Marsolais: Oui. Je partage votre lecture. Ce que vous nous dites en fait, là, c'est que, en quelque sorte, le mandat d'Hydro, ce ne devrait plus être seulement de répondre à la demande, ce serait de gérer et de répondre à la demande d'énergie. Mais la gérer aussi, en quelque sorte. Parce qu'actuellement le mandat d'Hydro, c'est de répondre à la demande, donc on va toujours dans une roue de plus en plus grosse.
M. Dunsky (Philippe): C'est une bonne question. Il y a longtemps, quand j'ai commencé dans ce milieu-là, on faisait une distinction importante, on disait que l'entreprise n'est pas là pour répondre à la demande, elle est là pour équilibrer l'offre et la demande. Et c'est une distinction fondamentale, hein, je pense, qui va dans le sens... Ceci dit, dans l'optique d'un modèle un peu comme le Vermont ou comme d'autres songent à faire, le mandat de l'efficacité énergétique ne serait plus laissé à Hydro-Québec ou aux autres distributeurs. Et, dans ce contexte-là, je pense que le distributeur, ou Hydro-Québec, peut demeurer centré sur la... je dirais: quand même répondre aux besoins en services énergétiques et non pas aux besoins d'énergie. Ils peuvent toujours compléter l'offre d'efficacité énergétique d'ailleurs, mais ce ne serait pas leur rôle, on n'essaierait pas de greffer ce rôle-là sur eux.
Mme Dionne-Marsolais: Merci infiniment.
Le Président (M. Bachand): C'est moi qui vous remercie, Mme la députée. Merci infiniment, M. Dunsky. Mr. Neme, thanks for your helping. Merci infiniment de vous être présentés à la commission. Bon retour chez vous. Et je vais donc par le fait même suspendre les travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
(Reprise à 15 h 20)
Le Président (M. Jutras): Alors, étant donné que nous avons quorum, nous allons donc reprendre les travaux de la Commission de l'économie et du travail. Cet après-midi, nous entendons Mouvement Au Courant; par la suite, Fondation Rivières; et, par la suite, M. Mohamed Benhaddadi et M. Guy Olivier.
Alors, je demanderais au représentant de Mouvement Au Courant de bien vouloir prendre place. Alors, vous êtes M. John Burcombe, oui?
M. Burcombe (John): Bonjour, M. le Président. Oui, John Burcombe, du Mouvement Au Courant.
Le Président (M. Jutras): Alors, bienvenue à la Commission de l'économie et du travail. Alors, je vous rappelle les règles. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Par la suite, il y aura un échange avec le ministre et les députés ministériels pour une durée de 15 minutes et, par après, un échange avec les députés de l'opposition pour une période également de 15 minutes. Alors, vous pouvez... M. Burcombe, là, je vous invite à commencer dès maintenant.
Mouvement Au Courant
M. Burcombe (John): D'accord, M. le Président. Alors, le Mouvement Au Courant est un groupe de bénévoles, fondé en 1989, avec deux grands buts: premièrement, de veiller à l'utilisation rationnelle des ressources naturelles et, deuxièmement, de promouvoir la participation publique dans les processus décisionnels. Alors, la plupart de nos commentaires portent sur la loi n° 116 et aussi sur la cogénération, et je vais parcourir le document et commenter certaines sections.
Alors, premièrement, c'est la section 2.1, sur l'évolution récente du secteur de l'énergie au Québec et ses impacts. En parlant de la déréglementation de l'électricité aux États-Unis, le document indique bien ? et je cite: «Hydro-Québec a dû séparer le transport d'électricité de ses autres activités et donner libre accès à son réseau de transport sur une base de réciprocité.» Avant de poursuivre sur les avantages de cette ouverture du réseau de transport, une phrase sur la loi n° 116 est intercalée, comme s'il y a un lien direct entre cette loi et la création, en 1997, de TransÉnergie, la division de transport d'électricité d'Hydro-Québec. En fait, cette seule séparation satisfait la Federal Energy Regulatory Commission, la FERC, aux États-Unis, et cet organisme a conséquemment permis à Hydro-Québec Énergie, H.Q. Energy Services (US), de faire des transactions dès le 27 juillet 1997. Il n'y avait aucune autre condition imposée par la FERC sur le régime réglementaire d'électricité au Québec. J'avais souligné ce fait.
Il faut rappeler qu'à l'époque, en vertu de la loi constitutive de la régie, la loi n° 50, la Régie de l'énergie avait juridiction sur les trois fonctions d'Hydro-Québec, soit la production, le transport et la distribution d'électricité. Ce n'est qu'en 2000 que la loi n° 116 a retiré la production de la juridiction de la régie, ce qui a amené inévitablement à la formation des divisions Hydro-Québec Distribution et Hydro-Québec Production. Il est donc faux de prétendre que cette dernière démarche était nécessaire afin qu'Hydro-Québec puisse devenir un joueur dans le marché du gros des États-Unis. C'était un fait accompli bien avant l'adoption de la loi n° 116.
Maintenant, concernant la section 3.2.2, la diversification des moyens pour satisfaire les besoins en électricité, et spécifiquement sur l'efficacité énergétique. Le document, à la page 29, indique que ? et je cite: «La création de la régie et l'introduction, dans la loi n° 116 de juin 2000, d'une disposition concernant l'efficacité énergétique a favorisé la reprise des activités en cette matière de la part des distributeurs d'énergie réglementés.» Fin de citation. Alors, cette phrase donne la fausse impression que, sans la loi n° 116, il n'y aurait pas d'activité en efficacité énergétique. Or, à notre avis, la loi originale de la Régie de l'énergie était plus forte et plus exigeante à cet égard, puisque, à l'article 72 de la loi n° 50, on indique que ? et je cite encore: «Hydro-Québec ou un distributeur de gaz naturel doit soumettre à la régie pour approbation [...] un plan de ressources proposant des stratégies pour réaliser l'équilibre entre l'offre et la demande de l'énergie qu'il distribue par des moyens agissant tant sur l'offre que sur la demande, en tenant compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales...» Fin de citation. Alors, la loi n° 116 a modifié radicalement cet article avant que la régie ait eu la possibilité de l'appliquer.
Maintenant, section 3.2.4, le chauffage de l'espace: la bonne énergie au bon endroit. D'abord, on devrait remarquer que les normes d'isolation des bâtiments sont désuètes et doivent être révisées afin de réduire la quantité d'énergie nécessaire pour le chauffage. Il est en effet honteux, dans l'actuel boom de la construction, qu'on utilise toujours des normes d'isolation des années quatre-vingt.
Alors, pour le Mouvement Au Courant, le gaz naturel est le choix logique pour la chaleur industrielle à haute température. Par rapport au mazout, avec le gaz naturel, ses émissions polluantes sont minimales, et les émissions de gaz à effet de serre sont les deux tiers de celles du mazout.
Cependant, quant au chauffage de l'espace, on n'a pas besoin de très hautes températures, ce qui favorise la géothermie. La géothermie représente une utilisation plus intelligente de l'électricité pour le chauffage, puisqu'on peut obtenir en effet l'équivalent de 2 à 4 kWh de chauffage pour seulement 1 kWh d'électricité. Il est bien évident, si cette électricité est de source éolienne ou hydraulique, que les émissions de gaz à effet de serre sont minimales par rapport à celles du gaz naturel. Finalement, il faut dire que produire de l'électricité avec le gaz naturel pour ensuite utiliser cette électricité directement pour le chauffage de l'espace est un non-sens et doit être évité à tout prix.
n(15 h 30)n Maintenant, concernant la section 3.2.5, le cadre réglementaire et la concurrence à l'égard des approvisionnements, pour moi, c'est dans cette section que le document aurait dû faire référence au débat sur l'énergie de 1995 et au rapport qui a découlé de ce débat, qui est intitulé... C'est le rapport de la Table de consultation du débat public sur l'énergie intitulé Pour un Québec efficace. Alors, ce rapport de 1996 était le fruit d'un consensus entre tous les acteurs dans le domaine de l'énergie et ce rapport mettait l'emphase sur l'efficacité énergétique comme moyen de gérer d'une manière optimale nos ressources pour le mieux-être des citoyens d'aujourd'hui et de demain. Alors, la politique énergétique qui suivait, en 1996, L'énergie au service du Québec, a dilué le message concernant l'efficacité énergétique et, même, les mesures qu'elle visait n'ont jamais été réalisées. Donc, nous attendons mieux de la prochaine politique. Malheureusement, l'actuel document d'orientation n'est pas axé non plus sur l'efficacité énergétique, parce que ces sujets sont relégués à la fin du texte.
Maintenant, à la page 31 du document, on parle encore de la loi n° 116 pour dire, et je cite: «La loi n° 116 est donc venue harmoniser la réglementation des marchés québécois d'électricité avec les pratiques en vigueur en Amérique du Nord.» Alors, il faut demander pourquoi la situation au Québec, avec une société d'État qui produit et contrôle la totalité de l'électricité vendue aux consommateurs réguliers, ne se prête pas au modèle américain, avec une multitude de producteurs privés en concurrence. Donc, pourquoi poursuivre ce modèle, avec tous les problèmes qui se sont manifestés lors de l'application de ce modèle? La création de TransÉnergie était suffisante pour permettre à Hydro-Québec de participer pleinement et avantageusement dans le marché de gros des États-Unis. Donc, pourquoi aller plus loin?
Et, si on réfère encore à l'article 72 de la loi n° 50, pour nous, ça représentait la mise en oeuvre du consensus des parties suite au débat sur l'énergie de 1995. Et l'abandon de ces provisions a brisé le consensus et semé le mépris dans les groupes environnementaux. En effet, il n'est plus possible de choisir les sources d'énergie en termes de leurs impacts environnementaux, ce qui pour nous est primordial.
En outre, la séparation des fonctions production et distribution d'Hydro-Québec, suite à la loi n° 116, a des sérieuses conséquences sur la sécurité énergétique. Comme le président d'Hydro-Québec Production l'a bien indiqué, sa division n'a pas à s'occuper de l'accroissement de la demande au Québec. Ça, c'est la responsabilité d'Hydro-Québec Distribution. En effet, rien n'oblige Hydro-Québec Production à offrir sa production pour combler la demande future du Québec. Il est tout à fait possible qu'Hydro-Québec Production vende de l'hydroélectricité aux États-Unis au même temps qu'Hydro-Québec Distribution achète la production thermique des États-Unis; une situation absurde, à notre avis.
Maintenant, l'autre sujet principal, la cogénération. Les projets de cogénération sont un bon exemple d'autres problèmes causés par la loi n° 116. En vertu de cette loi, Hydro-Québec Distribution doit procéder par appel d'offres pour combler des augmentations de la demande au-delà du bloc d'énergie patrimoniale de 165 TWh. Et les conditions imposées par Hydro-Québec Distribution font en sorte que c'est seulement les projets thermiques qui peuvent être présentés par des compagnies privées, en effet.
Alors, un des projets soumis au premier appel d'offres était le projet de cogénération au gaz naturel de Bécancour, et le peu de chaleur utile produite avec ce projet fait en sorte que le projet n'est guère plus efficace que le projet du Suroît. Mais, vu qu'il n'y a pas de critère d'efficacité énergétique à atteindre, le projet est quand même confié l'appellation «cogénération», et conséquemment il bénéficie d'une meilleure perception aux yeux du grand public. Mais, en effet, le résultat, il est essentiellement un projet de production thermique déguisée.
Et, par la suite, comme si ce biais vers l'utilisation de sources d'énergie non renouvelable n'était pas suffisant, le gouvernement a ordonné l'achat par Hydro-Québec Distribution de 800 MW de plus de cogénération. Où est la prise en compte de l'environnement dans cette décision? Camoufler des projets thermiques de génération d'électricité sous l'appellation «cogénération» ne change pas le fait que ces projets émettront des gaz à effet de serre supplémentaires, en flagrante opposition aux objectifs de réduction du Protocole de Kyoto prônés unanimement par l'Assemblée nationale du Québec.
À notre avis, la cogénération au combustible fossile n'a pas de place au Québec, puisque nous avons des moyens alternatifs moins dommageables pour l'environnement pour combler la demande. En effet, nous avons du rattrapage à faire en termes d'efficacité énergétique et nous sommes chanceux d'avoir un potentiel éolien exceptionnel.
Maintenant, pour quelques autres sujets. Dans le document, on parle...
Le Président (M. Jutras): Est-ce que vous allez conclure, parce que le temps qui vous est alloué, là, arrive à expiration?
M. Burcombe (John): C'est que j'ai pensé, M. le Président, que j'aurais 20 minutes, mais vous me dites que c'est seulement 15. C'est ça? Alors, je vais peut-être... S'il ne me reste pas beaucoup de temps, je vais mentionner une liste d'actions à entreprendre, qui, nous pensons, devraient être mises en opération sans attendre une éventuelle stratégie énergétique.
Alors, nous demandons que le gouvernement agisse dès maintenant sur les points suivants: abrogation de la loi n° 116; arrêt du projet de cogénération de Bécancour; rétractation de l'appel d'offres pour 350 MW de cogénération; abandon du solde du programme de 800 MW de cogénération; planification intégrée des ressources; et promotion agressive de la géothermie; hausse des normes pour des résidences... suivant la norme Novoclimat; et, pour les bâtiments commerciaux, il faut exiger la norme de performance C-2000; et, pour nous, aussi il faut remplacer les grands projets hydroélectriques par des projets éoliens, mais des projets éoliens d'Hydro-Québec même.
Et un autre dossier: les transports. Le transport n'était pas touché, du tout, dans le document d'orientation, et ça, c'est une lacune majeure, parce que 40 % de l'énergie est prise par le transport. Et nous avons une liste d'actions à ce niveau-ci pour le secteur des transports: d'abord, création de zones vertes protégées pour empêcher l'étalement urbain; investissements en projets de transport en commun à la place d'autoroutes; financement garanti pour l'opération du transport en commun; imposition de taxes sur le stationnement; réduction de places de stationnement pour navetteurs; inspection obligatoire de véhicules; traitement fiscal favorable pour titres de transport mensuels; incitatif pour l'achat de véhicules économes; interdiction partout de laisser tourner un moteur au ralenti; réduction de taxe sur le biodiesel; promotion de l'éthanol de source cellulosique à la place du maïs.
Alors, en conclusion, M. le Président, en deux mots, la stratégie énergétique du Québec doit être fondée sur les principes d'impact minimal sur l'environnement et de réduction maximale des gaz à effet de serre. Merci.
Le Président (M. Jutras): Alors, merci. Je cède maintenant la parole au ministre des Ressources naturelles. M. le ministre.
M. Corbeil: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Burcombe. Au cours des deux derniers mois, certains groupes sont venus nous parler des vertus de l'énergie solaire pour le chauffage des locaux et de l'eau particulièrement. Quel est votre avis sur la question du chauffage notamment de l'eau par la source solaire?
n(15 h 40)nM. Burcombe (John): C'est sûr que le chauffage solaire passif, c'est quelque chose qui devrait toujours être pris en compte dans toute construction. Ce ne l'est pas en ce moment. Même l'orientation des rues, on ne prend jamais compte de la direction du soleil, malheureusement. Quand on a fait la planification, même dans des aires complètement nouvelles, les rues ne sont pas orientées de façon à bien orienter les maisons pour l'action du soleil.
Et, quant au chauffage de l'eau par le solaire, oui, je crois que c'est quelque chose faisable. C'était quelque chose qui était plus attendu il y a, quoi, 20, 30 ans qu'aujourd'hui même, je crois. C'était possible en ce temps-là, c'est toujours possible et ça devrait être plus répandu. Ça prend une incitation fiscale, peut-être.
M. Corbeil: O.K. M. le Président... M. Burcombe, dans votre mémoire, en matière d'efficacité énergétique, vous mentionnez que les mesures issues de la politique énergétique de 1996 n'ont pas été réalisées et vous souhaitez que la future stratégie énergétique mette l'efficacité énergétique à l'avant-plan. Vous proposez une série de mesures, notamment l'encouragement à la géothermie, l'adoption des normes Novoclimat et de la norme C-2000 pour les bâtiments commerciaux.
Au-delà du renforcement des normes de construction et de la promotion de la géothermie, quelles autres interventions jugez-vous nécessaires et utiles en matière d'efficacité énergétique? Et, après, on pourra regarder ce que vous pensez de l'option géothermie.
M. Burcombe (John): Oui, c'est que toujours pour... C'est Hydro-Québec qui contrôle le programme d'efficacité énergétique, et, pour moi, ils sont dans un conflit d'intérêts, parce que l'efficacité énergétique vise à réduire la consommation de l'électricité, tandis que l'intérêt d'un producteur d'électricité est de vendre plus. Alors, on a toujours pensé que ce serait mieux que l'efficacité énergétique soit donnée à une agence indépendante et que l'efficacité soit financée par une redevance sur les ventes d'énergie, l'électricité en particulier. Mais en théorie toutes les formes d'énergie devraient payer une redevance pour supporter une institution indépendante qui aurait le mandat d'effectuer l'efficacité énergétique. Et actuellement il y avait des intéressants articles récents, dans Le Devoir, concernant le modèle du Vermont, où c'est exactement ça, ce qu'ils ont fait. Et ça a l'air que ça marche très bien. Il faut peut-être regarder leur façon de faire et prendre des leçons de ça.
M. Corbeil: M. le président, dans votre réponse, vous me dites qu'Hydro-Québec est un peu en conflit d'intérêts. Si elle fait la promotion d'efficacité énergétique puis que ça évite la construction de centrales, où les coûts maintenant sont plus élevés que les coûts des centrales existantes, il y a un intérêt quand même. Je pense que ce n'est pas incompatible.
M. Burcombe (John): Oui, mais le problème est qu'Hydro-Québec, un jour, ils nous conseillent d'utiliser l'électricité pour toutes fins et, le lendemain, ils disent: Ah, il faut la conserver, là. On n'a pas eu une continuité dans le souci pour l'efficacité énergétique d'Hydro-Québec. C'est depuis 1996 en effet qu'on n'a pas eu un vrai intérêt dans l'efficacité énergétique et c'est seulement maintenant que ça revient parce qu'Hydro-Québec est obligée de le faire. Sans l'obligation, je crois qu'elle ne le ferait pas toujours.
M. Corbeil: Dans votre mémoire, vous abordez la question de l'énergie éolienne et vous semblez dire que ça pourrait être un substitut au développement de la cogénération et de l'utilisation de la biomasse. Dans les avis que nous avons reçus, que la commission a reçus, on parle d'une limitation, d'une limitation en fonction du réseau et de limite d'intégration de l'énergie éolienne au réseau électrique. On parle d'environ 10 % du système ou de la charge véhiculée sur le réseau de pointe. Pourriez-vous nous donner votre avis sur cette question bien précise de l'éolien et de sa limite d'utilisation?
M. Burcombe (John): C'est certain, pour moi, 10 % est un minimum; je crois qu'on pourrait probablement aller plus loin. Mais il faut faire des expériences avec les premiers contrats, les premiers 1 000 MW et le deuxième qui viendra prochainement. On devrait peut-être laisser le temps pour voir comment ces projets sont intégrés au système, pour voir s'il y a des problèmes ou non. Mais en théorie je ne vois pas de problème d'aller même au-delà de 10 %, pour 4 000, 5 000, 6 000 MW.
Et pour moi c'est le temps de penser vraiment: Est-ce qu'on a besoin d'harnacher les rivières? On a déjà fait assez d'hydroélectricité, à mon avis. On devrait être plutôt de l'opinion qu'il vaut mieux utiliser ce qu'on a déjà, plutôt que toujours chercher de la nouvelle production.
M. Corbeil: En fait, on est quand même en présence, que ce soit de l'éolien ou de l'hydroélectricité, de deux formes d'énergie renouvelable, deux formes d'énergie propre, deux formes... en fait, surtout l'hydroélectrique, dont on est assez pourvu ici, au Québec, qui contribue à notre bilan très positif au niveau des gaz à effet de serre. Est-ce que vous avez des informations, des données, une analyse qui démontrent qu'on peut aller au-delà de 10 % dans l'éolien?
M. Burcombe (John): En tout cas, je ne suis pas expert dans le domaine, mais je crois que vous avez déjà été présenté par d'autres expertises à ce niveau, peut-être en particulier de l'IREQ et de M. Reid, par exemple. Et il y avait tout un grand document, beaucoup d'informations soumises lors de l'avis de l'énergie, je crois qu'il y a déjà beaucoup d'informations auxquelles on peut référer.
Le Président (M. Jutras): M. le député d'Arthabaska.
M. Bachand: Oui. Merci, M. le Président. Bon, bienvenue à la commission, M. Burcombe. J'ai trouvé fort intéressante votre annexe en fin de parcours de votre document. Par contre, je l'ai lue avec attention, et ça demande des explications. Compte tenu que je n'ai pas beaucoup de temps, qu'est-ce que vous faites comme différence ? parce que c'est revenu à plusieurs reprises ? entre vraie cogénération et ce qui vous semble être une cogénération qui ne serait pas tout à fait dans les normes?
M. Burcombe (John): C'est que le règlement sur la cogénération qui a été passé par le gouvernement, pour moi, c'est une ruse, c'est une façon de tenter de passer des projets qui sont presque aussi inefficaces qu'une simple génération thermique d'électricité, c'est une tentative de camoufler ces projets comme s'ils étaient plus efficaces qu'ils ne le sont. Et je trouve ça trompeur, et c'est ce que j'ai tenté de souligner avec la lettre à la Régie de l'énergie. Et je n'ai eu aucune réponse jusqu'ici à ce propos et je me demande pourquoi. Qui n'a pas intérêt de voir la réalité des choses?
n(15 h 50)nM. Bachand: Mais très rapidement, M. le Président, merci de votre diligence. Oui, je comprends bien ça, là, ce que vous me dites là, que vous n'avez pas eu de réponse, mais qu'est-ce qui vous fait dire... J'ai regardé l'efficacité... électricité et vapeur. Par définition, la cogénération, c'est la production de vapeur à partir de l'électricité, production de vapeur à partir de l'électricité... d'électricité à partir de la vapeur, pardon, peu importe que ça vienne de la biomasse ou que ça vienne du gaz naturel. Qu'est-ce qui vous fait dire que c'est un projet qui cache une ruse?
M. Burcombe (John): Parce qu'on prétend que l'efficacité est plus haute qu'elle ne l'est en réalité. Avant, on a fait l'invention d'un indice d'efficacité énergétique qui n'a pas de relation avec l'actuelle efficacité énergétique, et ça, c'est la partie trompeuse de l'affaire, pour moi. On peut... C'est ça, le problème.
M. Bachand: Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Burcombe. Merci beaucoup.
Le Président (M. Jutras): Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Bonjour. Il y a beaucoup de choses dans votre mémoire, et j'aurais peut-être certaines questions à clarifier. D'abord, ce que je comprends, vous souhaitez le retour à la loi n° 50?
M. Burcombe (John): C'est ça.
Mme Dionne-Marsolais: C'est ça. Ensuite... Bon, je ne reviendrai pas sur la question de la cogénération. Vous soulignez aussi le fait que, dans le document de consultation ? et, je pense, c'est à juste titre, vous n'êtes pas le premier aussi qui a attiré notre attention là-dessus ? ...c'est qu'il n'y avait que... en fait que le sujet de l'efficacité énergétique n'était pas un sujet sur lequel on a élaboré beaucoup, et je pense que c'est tout à fait pertinent, d'autant que, dans le cadre du débat sur la politique énergétique, en 1995, cet enjeu-là était... toute la problématique de l'efficacité énergétique était un point important.
M. Burcombe (John): Oui.
Mme Dionne-Marsolais: D'ailleurs, ce matin, Philippe Dunsky nous a fait une très bonne présentation dans cet esprit-là.
Vous parlez aussi de production... bon, d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments et de promotion de la géothermie, et vous n'êtes pas le premier qui en a parlé ici. Mais, moi, j'aimerais ça que vous me donniez un peu plus d'informations là-dessus. Il y a deux choses dans ça: il y a la partie un peu autoproduction d'électricité ou de chauffage avec la géothermie, parce que ça devient une production individuelle, en somme; et puis il y a aussi le coût ou le mythe des coûts de la géothermie. Pourriez-vous nous en parler un petit peu, du coût, de l'état de la technologie, si vous la connaissez? On est rendu où dans ce domaine-là? Parce que c'est un mode de production qui suscite beaucoup d'intérêt.
M. Burcombe (John): Alors, je crois qu'il y a une certaine confusion quand on parle de géothermie. Moi, quand je parle de géothermie, je veux simplement dire qu'on peut utiliser la chaleur de la terre pour augmenter l'efficacité de production de chaleur. Le type de géothermie qu'on peut faire au Québec, je crois, ne vise pas de générer directement de l'électricité avec les gisements souterrains de chaleur. Ce n'est pas le but. C'est uniquement de prendre la chaleur près de la surface, assez près de la surface de la terre pour augmenter l'efficacité d'un système pour produire la chaleur. C'est un peu comme le réfrigérateur comme fonction. On prend la chaleur de la terre pour la convertir en chaleur utile.
Et c'est vrai que c'est plus dispendieux. Il y a des coûts d'isolation, des coûts capitaux pour l'équipement qui, c'est sûr, dépassent de beaucoup les plinthes électriques. Mais le fait qu'on aura deux ou trois fois la chaleur pour 1 kWh d'électricité fait en sorte qu'à long terme les économies peuvent payer pour les coûts supplémentaires au début.
Alors, c'est là la barrière à l'adoption de ça. Je crois qu'il faut un mécanisme par lequel les économies futures peuvent payer pour les coûts capitaux au début. C'est ça qui est quelque chose que le gouvernement ou Hydro-Québec même peut mettre de l'avant, et je crois qu'Hydro-Québec a déjà certains programmes dans cette direction, mais je crois que ça peut être bonifié.
Mme Dionne-Marsolais: Mais, si je vous comprends bien, pour retirer les bénéfices de la géothermie, pour que ce soit un peu concurrentiel aussi en termes de prix, là, c'est pour le chauffage des locaux. Bon. Alors, on sait aussi que le chauffage, c'est une grosse partie de notre consommation d'énergie. Toutefois, la géothermie entraînera un coût... Je vois bien l'option pour de nouvelles constructions, parce que là on part à zéro puis on installe un système neuf. Mais toute la partie de nos résidences, même de nos commerces qui chauffent à l'électricité par le biais de plinthes électriques, on ne peut pas remplacer ça par de la géothermie, par contre. Est-ce que je me trompe?
M. Burcombe (John): Non. Il sera très difficile de faire la conversion.
Mme Dionne-Marsolais: C'est ça. Donc, pour le parc actuel, là, il y a un jugement à faire au niveau d'alternatives.
M. Burcombe (John): N'importe quelle conversion, soit au gaz ou d'autres formes d'énergie, sera très difficile et dispendieuse. Parce que les plinthes électriques, c'est le plus simple et le moins coûteux. Et, si on n'a pas un système de circulation de l'eau ou quelque chose déjà installé, ça coûte très cher pour faire des rénovations, faire quelque chose d'autre.
Mme Dionne-Marsolais: Sur le plan de l'efficacité énergétique, est-ce que vous avez une opinion sur une agence d'efficacité énergétique ou la responsabilité de la promotion et de la gestion de l'amélioration de l'efficacité énergétique à travers tout le champ d'action de l'énergie au Québec?
M. Burcombe (John): Bien, comme j'ai mentionné, je crois que ça devrait être une institution indépendante qui fait la promotion de l'efficacité. Pas seulement la promotion, mais même la mise en oeuvre de l'efficacité énergétique. Et pour moi ce n'est pas à Hydro-Québec à faire ça, c'est à quelqu'un d'autre qui est vraiment en concurrence, même, avec Hydro-Québec, pour chercher l'efficacité au lieu de la nouvelle production. Ça devrait être payé par une redevance afin que cette institution ait une source sûre et constante, quelque chose qui n'a pas à être au gré du gouvernement, et ait une source de financement pour faire ces travaux en bonne et due forme. Parce que présentement, malheureusement, l'Agence de l'efficacité énergétique ne semble pas marcher comme elle devrait.
Mme Dionne-Marsolais: Alors, rapidement, à la fin, vous dites, dans votre section 5.2.2, là, vous citez M. Caillé, qui dit qu'il n'y aura plus de filière thermique pour ce qui est d'Hydro-Québec Production. Si je vous lis bien, là, vous nous laissez entendre qu'Hydro-Québec Distribution, elle, pourrait être intéressée par des achats en provenance de cette filière-là? Vous nous laissez entendre ça, vous, en fait?
M. Burcombe (John): Excusez. Je n'ai pas bien saisi la question, je m'excuse.
Mme Dionne-Marsolais: À la page 8 de votre mémoire, vous dites que M. Caillé a dit ici, en commission parlementaire, qu'Hydro-Québec Production n'avait pas de projet dans ses cartons. Mais vous attirez notre attention sur le fait qu'Hydro-Québec Distribution, elle... Il n'a jamais parlé d'Hydro-Québec Distribution.
M. Burcombe (John): Oui. Alors, oui, c'était l'annonce qui était faite par M. Caillé qu'on n'embarque pas dans la production thermique, mais lui a parlé uniquement pour Hydro-Québec Production. Hydro-Québec Distribution, elle, est déjà dans les projets thermiques avec Bécancour et les autres projets de cogénération que le gouvernement lui a ordonné de faire. Je trouve ça assez aberrant.
Et la façon qu'Hydro-Québec Distribution fait ses appels d'offres et la façon que... les exigences qu'ils mettent pour les appels d'offres font en sorte que c'est pratiquement impossible pour d'autres projets que des projets thermiques de satisfaire ces conditions. Et ça, c'est un autre problème de la loi n° 116 et une autre raison pour l'abroger.
Le Président (M. Jutras): M. le député de Lac-Saint-Jean.
n(16 heures)nM. Tremblay: Oui, merci, M. le Président. Tout à l'heure, vous avez parlé d'un accroissement des normes du Code du bâtiment, vous avez notamment parlé de Novoclimat pour les maisons. Vous avez parlé de C-2000 pour les plus gros bâtiments. Quelle est la différence entre C-2000, Energy Star ou LEED? Est-ce qu'il y a une différence, tout d'abord? Et quelle est-elle?
M. Burcombe (John): Energy Star, je ne suis pas familier avec ça. Mais C-2000, c'est une norme mise de l'avant au niveau fédéral. C'est comme l'équivalent de R-2000 pour les maisons, mais au niveau commercial. Et, pour ce qui est de LEED, ça, c'est plutôt une autre façon de voir les choses. LEED s'occupe de d'autres choses que de simple efficacité énergétique du bâtiment. Il y a des points comme l'utilisation du transport en commun, économie d'eau, tout autre problème que LEED tente d'attaquer en même temps. C'est un peu la différence. Mais, si vous voulez plus d'information, je peux vous faire venir par la suite.
M. Tremblay: Merci.
Le Président (M. Jutras): Alors, merci, M. Burcombe, pour votre présentation. Je demanderais maintenant aux représentants de Fondation Rivières de bien vouloir prendre place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Jutras): Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de Fondation Rivières. Alors, je vous rappelle les règles: vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire; par la suite, il y aura un échange de 20 minutes avec le ministre et les députés ministériels et, par après, un échange de 20 minutes avec les députés de l'opposition. Alors, M. Michel Gauthier, vous êtes le président de Fondation Rivières. Alors, bienvenue à vous et aux vôtres, là, à la commission. Et je vous demanderais de présenter les membres qui vous accompagnent et, par la suite, débuter la présentation de votre mémoire.
Fondation Rivières
M. Gauthier (Michel): Bonjour, M. le Président, M. le ministre et Mmes, MM. les députés. À ma gauche, j'ai Mme Karine Filiatrault, étudiante de maîtrise en environnement, bachelière en développement local et régional et coordonnatrice du présent mémoire; M. Alain Saladzius, ici, qui est cofondateur, codirecteur de la fondation et ingénieur; M. Paul Piché, qui est cycliste émérite, parrain de la rivière Rouge et auteur-compositeur-interprète; Jean-François Blain, ici, à ma droite, qui est analyste en énergie et conseiller auprès de la fondation; moi-même, Michel Gauthier, cofondateur, codirecteur de la fondation et réalisateur du documentaire Rivière d'argent.
La Fondation Rivières rassemble des gens de partout au Québec, de tous les âges et de toutes provenances. Elle collabore avec des comités de citoyens, des groupes environnementaux locaux et nationaux, des représentants des premières nations et la population en général. La fondation favorise le regroupement des citoyens et les soutient aux niveaux organisationnel, technique, juridique et financier. Plusieurs de ces comités se sont formés à la suite du programme de 36 petites centrales hydroélectriques privées sur 24 rivières, du 24 mai 2001. Ils ont tous un désir commun, celui de préserver leurs chutes ou leurs rivières pour aujourd'hui et les générations futures. Ce sont des gens qui croient au développement écotouristique de leurs chutes et qui aimeraient bien attirer dans leurs régions des touristes plutôt que des producteurs privés.
Nous avons aussi une très grande préoccupation à l'égard du développement des grandes centrales hydroélectriques, en particulier pour les premières nations. Nous avons trouvé très peu d'études indépendantes sur l'évolution sociale des communautés depuis l'apparition des grands barrages. Il faut que l'on arrête de fermer les yeux sur les conséquences de ces projets. On doit se poser la question, si on assiste à une amélioration des conditions de vie des peuples autochtones ou plutôt à une dégradation sociale et environnementale de ces communautés. Est-ce qu'on pourrait leur offrir d'autres façons de se développer économiquement, de créer des emplois pour les jeunes de leurs communautés, et cela, tout en respectant leur culture et leur environnement? Est-ce qu'un jour on pourra les connaître, échanger, apprendre et collaborer véritablement avec les premières nations, ensemble, de peuple à peuple, à un développement énergétique qui tient compte à la fois de leurs traditions dans un cadre social et environnemental? Comme la plupart des Québécois, les premières nations sont favorables à des mesures d'économie d'énergie nationales ou de la production d'éoliennes pour stimuler l'économie locale.
La fondation répond à un désir des citoyens d'avoir une vision claire du débat qui fait rage en ce moment sur le sort de nos rivières. On le constate depuis les débuts de cette commission parlementaire sur l'énergie, tout le monde veut son bout de rivière pour le harnacher à son propre profit. Il ne faut jamais oublier que c'est Hydro-Québec qui garantit l'achat de cette électricité sur le dos de la population.
Au sujet du principe de l'acceptabilité sociale, il est clair que les référendums locaux consultent une infime partie de la population... à décider du sort d'une rivière qui appartient à l'ensemble des Québécois et ont comme conséquence d'entre-déchirer les communautés. La fondation représente les citoyens qui désirent avoir une gestion publique de nos ressources naturelles ainsi qu'un usage collectif de nos rivières. Les citoyens souhaitent une planification intégrée des ressources après avoir eu un débat national dans l'intérêt de la collectivité et non en fonction des individus, des MRC et du secteur privé.
Pour terminer, n'oublions pas qu'il reste approximativement 97 chutes publiques qui sont accessibles pour tous au Québec. Si les 36 projets de petites centrales du 24 mai 2001 avaient été réalisés, il en resterait 61. À cette vitesse, on pourrait les harnacher toutes en l'espace de 10 ans. Je passe la parole à Karine Filiatrault.
Le Président (M. Jutras): Mme Filiatrault.
Mme Filiatrault (Karine): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Je suis très heureuse d'être présente aujourd'hui devant cette commission avec la Fondation Rivières. La question de la sécurité des approvisionnements et celle du développement économique et régional que le gouvernement a placées au centre de ce processus sont fort importantes à nos yeux. Les jeunes qui s'impliquent avec la Fondation Rivières ne sont pas des pelleteurs de nuages, des empêcheurs de développement. Les hommes avec moi aujourd'hui ne sont pas non plus des vieux hippies qui veulent retourner à la chandelle, comme on se plaît parfois à le dire afin de discréditer le discours des environnementalistes. Non, nous avons à coeur le devenir de nos régions. Nous avons aussi fait l'effort d'orienter rigoureusement nos recommandations dans le but de viser la meilleure fiabilité de nos approvisionnements.
Il est essentiel que des décisions relatives au secteur énergétique soient prises de façon transparente, éclairée et rigoureuse. Or, nous devons vous souligner, M. le Président, notre profonde insatisfaction quant à la logique de ressources et de croissance illimitées qui colore le document de consultation produit par le ministère des Ressources naturelles. Le ministère véhicule l'idée de base qu'il faut produire toujours plus d'énergie pour satisfaire des besoins sans cesse croissants. Or, nous croyons qu'un parti politique qui dit respecter le développement durable devrait avoir le courage de reconnaître que ce concept est loin d'être une façade pour justifier une simple croissance des exportations comme une fin en soi. Les impératifs environnementaux auxquels nous sommes confrontés rendent urgent notre virage vers un modèle de développement qui engloutit moins de ressources, moins de matières premières.
n(16 h 10)n Il faut réaliser que le progrès économique et social n'exige pas d'accentuer l'exploitation des ressources mais bien d'en utiliser moins pour en retirer le meilleur bénéfice. En réduisant notre consommation, nous nous enrichissons collectivement. La politique énergétique devrait donc avoir comme objectif premier la mise en place de mesures rigoureuses d'économie d'énergie et d'efficacité énergétique. Nous croyons qu'il faut aussi favoriser les filières qui comportent le moindre coût social et environnemental, tout en assurant la meilleure planification énergétique possible. C'est le cas des filières éolienne, géothermique et solaire, qui devraient être mises en place.
Le ministère, quant à lui, présente dans son document des orientations qu'il n'a même pas cherché à voiler quant à sa volonté de multiplier les projets hydroélectriques. Or, il n'a pas jugé pertinent d'en présenter les impacts réels. Quelles sont les conséquences de cette filière chez des autochtones, chez les populations locales? Quels en sont les impacts environnementaux? Les nouveaux projets sont-ils rentables économiquement? Plus encore, quelle sera l'incidence d'un tel choix sur la sécurité des approvisionnements? Rien, rien du tout dans le document n'aborde ces questions pourtant essentielles, et aucun expert n'a reçu le mandat d'éclairer le sujet non plus.
C'est pour cette raison que nous avons vu, dans notre mémoire, à dresser un portrait global de ces impacts. Notre analyse nous amène à reconnaître qu'il est possible et fortement recommandé de diversifier nos sources d'énergie. Du coup, nous nous assurons une meilleure planification énergétique et nous maintenons l'intégrité de nos rivières. Nous croyons que la politique devrait exclure les projets qui consistent à produire plus d'énergie avec plus d'eau, comme c'est le cas pour les détournements de rivières et le harnachement des rivières vierges.
Pour terminer, une attitude que nous valorisons, à la Fondation Rivières, est celle de ne pas se comparer à pire que nous. Une société qui évolue ne cherche pas à justifier ses choix en disant qu'on pourrait faire pire en développant des filières plus polluantes encore. Au contraire, une société tournée vers l'avenir a la responsabilité de choisir ce qu'il y a de mieux pour le bien-être de nos communautés, pour l'environnement et pour le patrimoine naturel que nous léguerons à ceux qui nous suivront. Je vais maintenant laisser la parole à M. Alain Saladzius.
Le Président (M. Jutras): Oui, M. Saladzius.
M. Saladzius (Alain): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Le dossier des petites centrales privées attise les passions les plus vives malgré leur contribution insignifiante au bilan énergétique. Les promoteurs privés qui en font la promotion en retirent la très grande part des bénéfices. Il s'agit d'investissements très payants, avec des marges de profit moyennes de plus de 20 %, voire 50 %. Cette lucrative machination est rendue possible avec la complicité de notre Hydro-Québec, qui signe avec les promoteurs des contrats secrets d'une durée de 25 ans. C'est comme si un hôtelier, avant même de commencer à construire son hôtel, était assuré de louer toutes ses chambres pendant 25 ans. Les études et ententes qui interviennent entre les municipalités et les promoteurs sont, elles aussi, tout aussi secrètes.
La contribution de ces petites centrales sur le plan énergétique est insignifiante, moins de 1/10 de 1 % de la puissance. Par contre, sur les plans sociaux, environnementaux et économiques, elles sont très dommageables. Au plan social, nous avons été témoins de l'expérience malheureuse des citoyens et groupes depuis 1993. Comme vous le savez peut-être, j'ai vécu à cette époque, avec ma famille de Saint-Raphaël de Bellechasse, les conséquences du saccage d'un site patrimonial qui nous était cher. Depuis, je n'ai cessé de revoir le même malheur chez les citoyens touchés par de tels projets. La commission d'enquête Doyon et la campagne Adoptez une rivière pour la protection de 36 chutes sur 24 rivières nous ont confirmé que partout les petites centrales touchent directement les citoyens attachés au patrimoine, où qu'ils soient. Vous avez rencontré quelques groupes qui appréhendent les événements. Ces gens ont raison de craindre le pire. Même pour les projets parfois situés en des sites isolés, loin des habitations, il s'agit de lieux auxquels les gens sont attachés, enracinés. Cela fait partie de notre culture que de fréquenter les chutes et les rivières. Nos chansons en témoignent.
C'est ainsi que les citoyens de Trois-Pistoles ? dont vous voyez une photo, à l'écran, de la rivière ? se sont mobilisés pour défendre l'intégrité d'une section de la rivière, l'endroit qu'ils fréquentent pour les pique-niques, la baignade, les randonnées pédestres et cyclistes. On y est au paradis, au bord de la rivière. Nous tenons à rectifier la perception qui s'est dégagée du témoignage de la MRC des Basques. Le promoteur dépeint la réalité lorsqu'il insiste pour qualifier le site de secteur industriel et souligner la présence d'un vestige de barrage pourtant à des kilomètres de distance. La consultation tenue par la MRC est sérieusement contestée auprès du Directeur général des élections.
Les rives de la Batiscan sont également le lieu de trois luttes citoyennes: à Notre-Dame-de-Montauban, où la population vit au rythme de la chute au coeur du village; dans les villages de Saint-Adelphe, Saint-Thècle et Lac-aux-Sables, unis par une rivière dont les rives sont intactes, site idéal pour une réserve aquatique; et à Saint-Narcisse et Saint-Stanislas, où la rivière traverse un parc régional devenu très populaire.
Au plan environnemental, les petites centrales détruisent les milieux de vie. Elles provoquent l'érosion des sols, comme sur la rivière du Lièvre, où les citoyens intentent un recours collectif, ou inondent des maisons, comme à Sainte-Brigitte-des-Saults, où le dossier est devant les tribunaux. Elles détruisent des paysages, comme dans le parc de la rivière Chaudière, dont nous avons une photo, ou à l'ex-chute à Magnan, à Saint-Paulin, devenue une chute à pitons.
Si la première vague de projets visait principalement la réfection de vieux ouvrages abandonnés, les nouveaux projets détruiraient des sites naturels. Sur la rivière du Sault aux Cochons ? dont nous avons aussi deux photos ? sur la Côte-Nord, les deux projets du conseil de bande de Betsiamites détruiraient des endroits magnifiques: un site à l'arrière du kiosque touristique sur la route 138, où il y a déjà un sentier pédestre ? dont vous voyez la photo actuellement ? et un autre à 4 km en amont, où la rivière comporte plusieurs chutes successives et où il est possible de créer un attrait touristique autochtone. Les autres ouvrages existants, à plusieurs kilomètres, n'enlèvent rien à l'attrait de ces deux sites inconnus. Heureusement, leur promotion et celle de 95 autres lieux sera faite dans Guide des chutes du Québec, qui sera mis en vente à la fin d'avril. La population découvrira enfin ces lieux exceptionnels et réclamera leur préservation.
Les promoteurs soulignent fièrement qu'ils aménagent des centrales au fil de l'eau bien intégrées au paysage. Fil de l'eau, voilà. Mais c'est une erreur, elles inondent ? je vais le mettre en gros plan, si vous permettez ? elles inondent toutes le bief amont, détournent l'eau de la rivière dans une conduite forcée et une turbine, assèchent le bief court-circuité. Il faut dynamiter, remblayer, bétonner, passer les câbles et tout clôturer. Ces centrales au fil de l'eau ne peuvent accumuler de l'eau. Elles ne peuvent donc pas produire d'énergie au moment où on en a le plus de besoin, en hiver.
Au plan économique, on sait maintenant qu'elles ne créent pas d'emplois durables. Même les grandes centrales d'Hydro-Québec occupent bien peu de monde, on l'a vu récemment. Les profits importants des promoteurs fuient à l'étranger. Dans le cas d'Angliers, où il y a eu absence de concurrence lors de l'appel d'offres, les millions iront à Toronto et les miettes à la région. C'est pourquoi nous demandons que soient nationalisées les 57 installations de petite production électrique privées lorsque les contrats et baux viendront à échéance. Ces ouvrages doivent être récupérés par Hydro-Québec ou, à défaut, par la communauté régionale. Les installations nuisibles devraient être cependant démantelées.
Certains projets menacent le tourisme, tel celui sur la rivière Magpie, de réputation internationale, où il y aurait ennoiement du rapide de classe 5, à la toute fin d'un parcours de 50 km. Pour revenir à l'écran... Excusez-moi. Je vais vous montrer deux photos de la Magpie tout à l'heure. Cette rivière peut générer des retombées de 3 millions de dollars par an, un potentiel ignoré jusqu'à maintenant. Nous faisons campagne pour faire connaître la Magpie au niveau international.
Enfin, nous avons demandé à la Commission de l'aménagement du territoire le retrait de l'article 124 du projet de loi n° 62, qui force les MRC à s'associer à des promoteurs privés. Étrangement, ce projet de loi ne contient aucune mesure favorisant l'économie d'énergie ou les énergies vertes.
Les petites centrales hydroélectriques privées sont donc aux antipodes d'un développement durable. Elles ne favorisent pas la conservation des milieux naturels, ni la réduction volontaire de la consommation, ni l'efficacité énergétique, ni le développement des ressources alternatives vertes: éolien, géothermie, solaire. Rappelons enfin que l'utilisation, la jouissance, les bénéfices provenant de nos rivières, patrimoine commun, devraient être partagés entre tous. Je vous remercie de votre attention. Voici des photos de la rivière Magpie.
Le Président (M. Jutras): Est-ce que ça termine votre présentation ou quelqu'un d'autre intervient?
Une voix: Non. Oui...
Le Président (M. Jutras): Oui. Alors, M. Blain.
n(16 h 20)nM. Blain (Jean-François): Voilà. Alors, bonjour à vous tous. J'aimerais d'abord prévenir toute confusion politique: Je porte très rarement du rouge, plus prévisiblement du bleu. Mais le bleu dont il s'agit, le sujet dans le cas présent, ce serait le bleu de l'eau, la pluie, l'eau qui ruisselle et s'écoule, et coule jusqu'à la mer, le bleu de nos ruisseaux, nos rivières, nos fleuves, veines et artères de la terre, chemins de l'eau et liens de la vie entre le ciel et l'océan, bleus.
Alors, le rouge, c'est celui du sang qui nous lie à nos ancêtres, nos descendants, qui nous lie tous en fait les uns aux autres. Rouge comme la vie, comme ce qu'on lègue à nos enfants, rouge comme le fait que la plus jeune d'entre nous soit assise au centre. Ce n'est pas un hasard. Le rouge dont il s'agit, c'est l'essence, dans le cas présent, pour ne pas dire notre combustible. Rouge comme ce qui inspire la Fondation Rivières ou bleu comme ce qui l'occupe. Aujourd'hui, pour moi, c'est rouge, rouge comme le plaisir et la fierté partagés, rouge comme un lien collectif.
Notre rôle à nous, les vieux, évolue. Hier encore, précédés par d'autres, nous voilà aujourd'hui suivis, poussés par les plus jeunes et inspirés par eux. Dans l'opinion publique québécoise, de vastes convois se sont mis en branle, tirés par diverses locomotives, dont la Fondation Rivières. Des convois si lourds et si puissants que, sur la voie des enjeux de société, les aiguillages de notre destin collectif ne relèvent plus désormais du seul pouvoir de quelques partis politiques. À cet égard, bleus et rouges sont dans un même bain, confrontés aux mêmes forces.
Mais revenons à nos moutons, ceux de nos rivières turbulentes, de nos chutes et de nos rapides qui ne sont pas, pas encore tous, harnachés. La fondation m'a demandé d'examiner deux questions majeures: le bilan actuel et prévisionnel de l'offre et de la demande d'électricité et la question de la sécurité des approvisionnements. Il s'agit dans les deux cas d'un exercice qui a nécessité l'examen détaillé des données historiques les plus récentes, leur modélisation et la simulation de divers scénarios.
En 2003-2004, le gouvernement actuel et divers lobbys financièrement intéressés ont prétendu que le Québec est devenu ou est menacé de devenir un importateur net d'électricité. Le spectre d'un déficit énergétique appréhendé a été fréquemment agité. Mensonge honteux. En réalité, le Québec n'a été importateur net d'électricité que pendant quelques mois à l'hiver 2003-2004 à cause de l'état catastrophique de ses réservoirs. La situation était si grave en fait qu'il a fallu importer sur une base préventive pour éviter la rupture des stocks à moyen terme. Bref, toute la puissance des turbines hydro-québécoises, qui excède encore largement la pointe hivernale de nos besoins, ne peut pas fournir l'énergie requise en absence de combustible.
En 2004 comme en 1999, des pluies abondantes nous ont sortis du pétrin in extremis, mais Hydro-Québec a failli nous lâcher à la manière d'un camion doté d'un puissant moteur qui serait tombé en panne sèche avant d'atteindre la prochaine station-service. D'ailleurs, la société d'État n'a toujours pas expliqué sa piètre gestion de nos réserves énergétiques, caractérisée par le secret, voire l'irresponsabilité. Il n'y a pourtant pas incendie en la demeure ni même le feu aux écuries. La marge excédentaire d'Hydro-Québec est moindre que ce qu'elle fut historiquement, mais elle se reconstituera avec l'entrée en service de nouvelles centrales déjà autorisées. Au-delà du bloc d'énergie patrimoniale, rien ne l'oblige en effet à participer aux appels d'offres. Le développement envisagé est donc commercial, et aucune urgence extrême ne saurait justifier des choix précipités.
Globalement, mon analyse de la sécurité énergétique m'amène à conclure que le parc de production d'Hydro-Québec est déjà dépendant de sources de production hydraulique dans de beaucoup trop grandes proportions. Pire, si nous continuons à rajouter des sources de production hydroélectrique, nous amplifierons le risque associé à l'imprévisibilité des apports hydrauliques. J'en conclus qu'il faut impérativement commencer à corriger simultanément la répartition annuelle de l'offre et celle de la demande. Cela exige le déploiement de deux objectifs complémentaires: du côté de la demande, réduire significativement la part de nos besoins de chauffage satisfaits par l'électricité en les déplaçant prioritairement vers la géothermie et le solaire passif; et, du côté de l'offre, introduire des sources de production dont les apports énergétiques sont apparentés au profil de la demande. Le Québec dispose de conditions extraordinairement favorables au jumelage éolien-hydraulique, et le développement de cette filière doit être confié au secteur public. Agir sur l'offre et la demande, c'est incontournable et urgent, sinon...
Le Président (M. Jutras): Je vous inviterais à conclure.
M. Blain (Jean-François): ... ? 20 secondes ? sinon les variations cycliques du niveau des réservoirs s'amplifieront et le risque associé à la gestion des approvisionnements en électricité s'aggravera.
Dans ce dossier extrêmement sensible, le gouvernement actuel doit entendre les tendances de fond qui grondent, apercevoir le convoi qui approche. S'il est le moindrement attentif, il remarquera, cette fois, les feux de signalisation qui sont au rouge. Impossible de rester immobile sur un passage à niveau ou d'emprunter la voie à contresens, parce que, dans l'éventualité d'un autre impact frontal, passé ce point de rupture, le contrôle des aiguillages risque d'échapper complètement à ceux qui sont censés gouverner, bleus ou rouges.
M. Gauthier (Michel): M. le Président, on peut-u avoir une seconde avec M. Paul Piché, parce qu'on a dépassé le temps, parce que j'ai présenté mes gens ici? On avait calculé notre temps assez près. J'aimerais ça laisser juste une minute à M. Paul Piché, si la commission est d'accord.
Le Président (M. Jutras): Oui, il y a consentement, j'imagine. C'est juste que ça laisse moins de temps pour les échanges. Mais allez-y, M. Piché, vous êtes le bienvenu.
M. Piché (Paul): De toute façon... Bonjour, tout le monde. Merci, M. le Président. Et puis, je participerai peut-être aux échanges, si ça m'est permis.
Moi, en fait, je voulais juste souligner ici que, s'il y a beaucoup d'artistes, comme vous avez vu à un moment donné, qui se sont présentés dans ce dossier-là avec les citoyens, il ne faudrait pas croire que c'est quelque chose qui était artificiel ou qui a été improvisé par les artistes ou par des groupes comme Fondation Rivières, mais que c'était vraiment une volonté des citoyens, que les projets de petites centrales dans les communautés, au mieux, ça divise les gens. Ça, je pense que personne ne peut le nier. Je veux dire, il y a peut-être des gens qui en voudraient, d'autres qui n'en voudraient pas, mais, chose certaine, c'est que ça divise les gens.
En ce qui me concerne personnellement, on a des choix de société à faire en énergie, tout ça. Et, peu importe le choix qu'on fait, on gagne certainement des choses, mais on en perd, on perd toujours quelque chose. Et je pense que, dans le cas des petites centrales privées, c'est le pire choix qu'on peut faire. C'est le pire choix, c'est la façon la pire qu'on peut produire de l'énergie, la plus destructrice en rapport avec ce que ça peut apporter en termes d'énergie, ou d'économie, ou de développement dans la région. C'est la pire façon.
Pourquoi? Peut-être parce que, pour vous, une chute, ce n'est peut-être si important que ça. Mais, pour moi et pour beaucoup de gens, en tout cas certainement beaucoup de gens qui sont proches de ces chutes-là, ça représente vraiment une qualité de vie, par la beauté, par aussi le rapprochement que ça nous fait avec la vie, avec, je dirais presque, Dieu, d'une certaine façon. C'est pour ça que j'appelle ça, moi, ces grandes puissances d'eau là, j'appelle ça des cathédrales d'eau, parce qu'il y a un lien... Quand on se rapproche d'une chute, tout le monde a tendance à devenir un peu philosophe, pour le moins, tout le monde a tendance à se laisser emporter un peu par le son, l'ambiance, et c'est un endroit où la vie se manifeste. Donc, il y a quelque chose de presque métaphysique là-dedans, et c'est pour ça que vous allez retrouver des gens extrêmement défenseurs de leurs chutes quand c'est dans leur région. Parce que c'est quelque chose de très important, de très grave, de très beau.
Et évidemment aussi on pense tous qu'il y aurait moyen de faire en sorte que ce soit même rentable financièrement, cette beauté-là, il y a moyen de la rendre accessible mieux, il y a moyen de créer de l'emploi encore plus que de juste mettre du ciment dans la rivière, il y a moyen de créer de l'emploi, il y a moyen de faire des choses, il y a moyen d'avoir des projets, que, si, nous, on va visiter des cathédrales en Europe, peut-être que les Européens pourraient venir visiter nos cathédrales d'eau. Il y a sur la Côte-Nord un bassin hydrique absolument unique au monde. On pourrait vraiment faire quelque chose avec ça qu'on ne soupçonne pas, qui pourrait à mon avis être l'équivalent des chutes Niagara, là, si on veut. Mais il y a quelque chose à faire avec ça, et c'est vraiment gaspiller ça que de tout simplement dire: Bien, on va donner ça en partie à un privé, en partie à une MRC qui va vouloir boucler son budget.
Et c'est de là qu'elle vient, la division, souvent, c'est que finalement il y a des gens qui ont des intérêts privés qui arrivent à convaincre des gens que ça peut être intéressant pour la municipalité. Mais, je veux dire, si c'était Hydro seulement, Hydro-Québec qui avait le contrôle de ces petits barrages là, à ce moment-là ils seraient forcés au débat public puis au choix de société, puis ils le feraient d'une façon à mon avis qui serait plus transparente que si le privé est impliqué là-dedans.
Le privé, on pourrait accepter si c'était, par exemple, pour l'éolien, parce qu'on dirait: Bien, Hydro-Québec n'a peut-être pas l'expertise. Mais qu'est-ce que le privé apporte en ce moment à Hydro-Québec? Est-ce qu'Hydro-Québec est incompétent au niveau de l'hydroélectricité? Je ne peux pas croire qu'on pense ça. Je pense qu'Hydro-Québec, même, est en train d'enseigner aux Américains, en Californie et à plusieurs endroits, comment faire de l'hydroélectricité; on a une compétence internationale. Et j'ai bien de la misère à comprendre, et je pense que le gouvernement n'a jamais fait la preuve que le privé peut nous aider ici de quelconque façon dans le développement énergétique de ces petites rivières là. Voilà. Merci.
n(16 h 30)nLe Président (M. Jutras): Merci. Alors, je cède maintenant la parole au ministre. M. le ministre.
M. Corbeil: Merci, M. le Président. Madame, messieurs. Sans présumer que le ministère, le gouvernement ou le ministre veut harnacher toutes les rivières et tous les courants d'eau qu'il y a au Québec, j'aimerais tout simplement, en guise de préambule, M. le Président, rappeler et remettre en perspective certains éléments. D'abord, il y a 4 500 rivières au Québec, 4 500. 65 d'entre elles ont été aménagées pour la production de l'hydroélectricité. 65, 1,4 %. On compte, sur ces 65 rivières là, 155 installations hydroélectriques. Donc, il y a plus d'une installation souvent ? on appelle ça un complexe ? où il y a deux, trois ou quatre centrales, et des fois peut-être plus, comme, je pense, c'est la... Saint-Maurice.
Et on a rencontré ici des gens d'un peu partout sur le territoire du Québec. Vous avez mentionné la MRC des Basques, avec un projet de petite centrale sur la rivière Trois-Pistoles. Magpie, vous avez une belle photo ici d'une chute qui est une des chutes sur une rivière qui a 284 km de long.
Ces gens-là, aussi, comme au Saguenay l'autre jour, sont venus nous demander la permission d'installer des turbines dans des barrages existants: Pont-Arnaud, Chute-Garneau. Même les représentants de la communauté de Wemontaci nous ont dit ? des Attikameks de la communauté de Wemontaci ? nous parlaient de leur permettre de harnacher la rivière Manouane, je pense, qui est sur un tributaire de la Saint-Maurice. Qu'est-ce qu'on répond à ces gens-là qui veulent utiliser la ressource qui est sur leur territoire, en ce qui concerne les communautés autochtones, pour des fins de développement, qui veulent utiliser les revenus de ces petites centrales pour maintenir la qualité des services à leurs citoyens?
M. Gauthier (Michel): ...M. le ministre, on a 4 200 rivières au Québec, mais on a à peu près...
M. Corbeil: 4 500.
M. Gauthier (Michel): Pardon, 4 500. On a à peu près 90 grands bassins versants. Les 4 500 ne sont pas utilisables à l'hydroélectricité. Puis il y a plusieurs de ces bassins versants là qui sont déjà utilisés, il reste très peu de rivières qui sont totalement vierges en ce moment au Québec. On n'a pas fait le décompte, mais il y en a très peu, à part les ruisseaux. Mais vous comprenez que le Saint-Maurice va faire à peu près une centaine de rivières autour du Saint-Maurice, mais c'est le Saint-Maurice qu'on peut harnacher, pas toutes les rivières autour. Vous comprenez, ce sont des ruisseaux, des cours d'eau, tout ça, qu'on nomme des rivières.
Par rapport à Wemontaci, les Attikameks de Wemontaci, les deux projets de barrage qui sont là-bas, de 134 MW, sont à 0,08 $ et 0,09 $ du kilowattheure, quand on peut produire de l'électricité au Québec, en efficacité énergétique, à 0,03 $ du kilowattheure, et qu'à Wemontaci il y a un projet, on est arrivé avec un projet chez les... à cette communauté-là... C'est Hydro-Québec qui est arrivée là il y a 10 ans, puis ils ont dit: On va ennoyer votre village. Puis, en fin de compte, ils ont dit: Non, on ne veut pas ennoyer, on aimerait ça avoir des compromis. Ils ont trouvé un compromis, puis là ils ont deux projets de centrales.
Mais, à Wemontaci, tout le monde n'est pas d'accord avec ces projets-là, et en ce moment il y a de la contestation qui se... C'est plus long, j'imagine, pour les premières nations de... mais, vu qu'ils ont juste un projet, c'est normal pour le chef d'accepter ce projet-là dans sa communauté, parce que c'est le seul projet qu'on lui met sur la table. Alors, s'il veut nourrir sa communauté, il va dire oui. Mais je pense que, si on leur avait proposé, à ces gens-là, de l'éolienne ou d'autres façons de développer leur communauté, je pense qu'ils l'auraient fait d'une autre façon. Parce que, quand je suis allé là-bas, cet automne, l'automne passé, la compagnie Kruger coupait les arbres en arrière; eux n'avaient aucune redevance de ça, et là ils perdaient leur rivière. Alors, qu'est-ce qu'il leur reste, après ça, à ces gens-là, pour se développer, à 100 km au nord-est de La Tuque? Pas grand-chose.
M. Corbeil: Juste pour dire qu'ici ce qu'il y avait... les représentants de la communauté, l'autre jour, c'était le grand chef de la communauté. Il n'est pas arrivé avec un seul projet pour et au nom d'un promoteur privé, il est arrivé pour quatre projets pour sa communauté, par sa communauté. C'est sûr qu'il y a des gens qui les conseillent et qui sont ? comment je pourrais dire ça? ? promoteurs ou, à tout le moins, associés à la démarche.
Mais, ce matin même, ce matin même, ici, il y avait quelqu'un de la MRC du Saguenay qui avait des projets ? MRC du Domaine-du-Roy, dans la région du Saguenay ? qui avait des projets, sur le territoire, à dimension humaine. On parlait même de réhabiliter des installations qui ont déjà existé dans le passé. Alors, qu'est-ce qu'on dit à ces gens-là, là? Je veux dire, moi, j'ai...
M. Piché (Paul): Qu'est-ce qu'on leur disait avant? Pourquoi, tout d'un coup, il faut que, partout, n'importe qui qui voit une chute, il puisse la développer? Qu'est-ce qui se passait avant? Moi, là, si je voulais développer une chute, avant, dans ma région, une municipalité, on ne pouvait pas le faire. Pourquoi tout d'un coup on pourrait le faire? Il me semble que c'est une responsabilité nationale, l'environnement, la protection, la... Ce n'est pas une responsabilité de chaque localité, de dire: Moi, je fais ce que je veux chez nous. C'est comme, par exemple, tout le monde a un arbre en avant de chez eux, en avant de son bungalow, un bel arbre, et, moi, je décide que je vais faire des deux-par-quatre avec ça. Bien, là, je ne peux pas, je n'ai pas le droit. Même s'il est à moi, il y a une loi, il y a quelque chose qui m'empêche de le faire, parce qu'il y a une considération de l'ensemble de la municipalité de l'intérêt, de la beauté pour... Pourquoi on ne pourrait pas continuer à avoir ce même esprit là vis-à-vis le développement énergétique, c'est-à-dire une préoccupation puis une responsabilité nationales?
Le Président (M. Jutras): Il y a Mme Filiatrault qui voulait intervenir.
Mme Filiatrault (Karine): O.K. Bien, moi, ce serait pour renchérir un peu sur ce qui vient d'être dit. Je dirais peut-être que l'environnement, effectivement c'est une responsabilité nationale, mais le développement régional en est une aussi. Et, moi, je m'intéresse beaucoup à ces questions-là. Je viens de l'Abitibi-Témiscamingue, donc je partage la même région que M. le ministre. Et, si on regarde actuellement le résultat de ce qui s'est passé dans les régions à travers le temps, qui ont été bâties sur l'exploitation des ressources naturelles, on se ramasse actuellement avec une situation où est-ce qu'il y a de l'exode des jeunes, l'épuisement des ressources, des divisions dans les communautés, un taux de chômage élevé. Je ne sais pas si ça va améliorer la situation, si on continue d'harnacher les rivières puis d'exploiter les ressources sans se poser plus de questions.
Nous, on pense que c'est plus la responsabilité du gouvernement d'assurer une juste répartition des bénéfices aux régions. Entre autres, nous, dans notre mémoire, on valorisait, c'est certain, les secteurs énergétiques qui créent beaucoup d'emplois, comme l'efficacité énergétique et l'éolien, des programmes forts à ce niveau-là, mais aussi on proposait de créer un fonds de valorisation à partir de 5 % des dividendes d'Hydro-Québec, qui pourrait servir pour des projets de valorisation des rivières ou de l'environnement ou des projets écotouristiques. Il y a bien des façons de faire le développement régional, puis ça ne devrait pas être livré au hasard, aux seules communautés qui ont une chute sur leur territoire. Qu'est-ce qui se passe avec les autres?
M. Corbeil: En fait, moi, je suis vraiment interpellé par les gens qui nous disent: Est-ce qu'on pourrait utiliser le potentiel hydroélectrique sur notre territoire à partir d'installations qui sont existantes? Tous les projets qu'ils sont venus nous présenter... Je reviens encore avec mon exemple du Saguenay, et le maire de Saguenay ? lui, il est à la tête de l'organisme Promotion Saguenay ? il demandait la permission d'installer des turbines dans deux barrages qui ont été ravagés lors du déluge, là, mais qui ont été réhabilités, mais qui n'ont pas de production d'énergie d'installée, Pont-Arnaud et chute Garneau. On parlait d'un 9, 8 MW. Les gens de la rivière Trois-Pistoles, c'est les sites d'un ancien barrage, des infrastructures qui avaient été mises à ce moment-là, à un moment donné, pas loin d'un territoire... Moi, je suis vraiment embêté. Et, quand on vient me parler: C'est impressionnant, là, ça fait beau, c'est extraordinaire, c'est magnifique... Je suis content que vous veniez du territoire que j'ai adopté voilà 28 ans, l'Abitibi-Témiscamingue. Je suis même allé dans le Nord-du-Québec, il y en a des très belles, rivières, aussi. Rivière à l'Eau claire, rivière Koroc, c'est extraordinaire.
Mais, dans un sondage Léger Marketing, on demandait aux gens: Savez-vous que les chutes Niagara, qui reçoivent 10 millions de touristes par année, sont aussi le site d'une production électrique de 4 400 MW, soit deux fois la capacité de la grande centrale Manic-5? Il n'y a pas grand monde qui savent ça, là, mais c'est l'énergie qui est installée du côté Ontario puis du côté américain. Y a-tu moyen de faire quelque chose puis de...
M. Piché (Paul): Oui, mais, s'il fallait faire disparaître les chutes Niagara...
M. Corbeil: Non, non, on n'est pas rendu là.
M. Piché (Paul): ...pour avoir cette électricité-là, on ne serait pas content. Évidemment...
M. Corbeil: On n'est pas rendu là, là. Mais 10 millions de visiteurs par année...
M. Piché (Paul): Non, c'est ça. Mais l'ampleur des chutes Niagara fait qu'on peut produire de l'électricité sans que ça dérange l'apparence des chutes Niagara. Mais, dans le cas d'une petite chute comme ça, ce n'est pas compliqué, c'est la disparition de la chute.
n(16 h 40)nM. Gauthier (Michel): Si on parle économique, M. Corbeil, il y a le canyon des chutes Sainte-Anne, juste ici, à Québec... Moi, je viens d'ici, de Québec, je suis né ici. On allait là avec mes parents quand on était jeunes. Dans les années soixante, il y avait 300 000 personnes qui allaient là. Aujourd'hui, il y a 100 000 personnes par année qui vont là. Ils paient 7 $ par individu, il y a des revenus de 700 000 $. Il n'y a pas de petite centrale, là, vous comprenez? C'est possible de regarder...
Et je veux revenir avec Wemontaci. Les Attikameks de Wemontaci, je pense que, si on leur avait proposé de l'éolienne, si on leur avait proposé une autre forme d'énergie, je pense qu'ils auraient pris autre chose que le barrage. Puis je pense qu'on a eu des téléphones la semaine passée par rapport à ça. Et ce n'est pas le chef qui nous a appelés, mais beaucoup de gens de communautés ne sont pas contents de perdre leurs rivières et leurs forêts à la fois.
M. Saladzius (Alain): Si vous permettez, il faut vraiment distinguer les endroits où les rivières sont déjà harnachées, où il y a déjà des infrastructures existantes qui sont désuètes, qui peuvent même être dangereuses. À ces endroits-là, bien sûr il est possible de réaménager ça et éventuellement, que ce soit par Hydro-Québec ou par les communautés locales, que l'on restaure ces sites-là et que... Mais il faut par contre que le milieu en paie le juste prix. Quand on entend que le milieu ne veut pas payer la valeur des actifs en place à Hydro-Québec, je veux dire, ce n'est pas équitable. O.K.? Ces infrastructures-là ont été mises en place par Hydro, Hydro les a payées. Donc, il y a moyen d'établir des façons de fonctionner et de s'entendre pour aménager ces endroits-là. Je veux dire, quand il y a un barrage existant puis que l'eau tombe sans qu'elle soit turbinée, c'est du gaspillage, là, il faut... Je veux dire, on est quand même ouverts à discuter de tout ça.
Dans le cas de Trois-Pistoles, je veux vraiment rectifier, la première photo que je vous ai montrée, c'est l'endroit où est prévue l'implantation de la petite centrale. Actuellement, il n'y a pas de barrage à cet endroit-là. O.K.?
Peut-être une autre précision, en ce qui concerne les 4 500 rivières. Ce qu'on a répertorié comme lieux accessibles à la population, que la population peut bénéficier, c'est 97 chutes qui vont être présentées dans le guide que nous allons produire. Donc, ce n'est pas la panacée. Au Québec, il n'y a pas tellement d'endroits où on peut aller sur le bord d'une rivière ou au bord d'une chute, là, il y en a très peu.
M. Corbeil: Bien, moi, je veux juste vous donner les informations suivantes: 130 000 cours d'eau au sud du 50e parallèle, selon le ministère de l'Environnement; 4 500 rivières, je l'ai dit tantôt, dans la politique de l'eau du ministère de l'Environnement. 3 965 rivières ont un nom, Commission de toponymie du Québec; 525 rivières à potentiel hydroélectrique répertoriées, selon la politique énergétique du ministère des Ressources naturelles de 1996, et, comme je l'ai dit tantôt, il y en a 65 d'aménagées, ils ont 155 installations hydroélectriques.
Pour en revenir à ce que M. Gauthier disait tantôt, les installations hydroélectriques, toujours selon un sondage Léger Marketing, sont aménagées près des rivières ? ça va de soi. De nombreuses installations ont permis d'aménager des sites récréotouristiques, dont plusieurs ont gagné des prix d'aménagement, ou quoi que ce soit, là, de... comme Les Sept Chutes, auxquelles vous faites référence tantôt, ou la rivière Chaudière, qui sont dans la région de Québec. Il y a du potentiel peut-être pour faire les deux, hein, en quelque part.
M. Saladzius (Alain): ...endroits où il y avait déjà des ouvrages aménagés, je veux dire. Ce n'est pas le même contexte que quand on veut harnacher une rivière qui est naturelle, vierge et qui plaît à la population autant locale que des urbains, là. Je veux dire, il faut comprendre que c'est un enjeu, les rivières appartiennent à tous, et tout le monde devrait avoir le droit de...
Le Président (M. Jutras): M. le député d'Arthabaska.
M. Bachand: Merci, M. le Président. Donc, c'est fort intéressant, ça, de voir autant de gens sur la même longueur d'onde, parce que c'est ce qu'on souhaiterait, à la commission, que tous les gens qui viennent nous visiter soient sur la même optique puis partagent les mêmes valeurs. Sauf qu'à bien y comprendre puis à bien être témoin de ce qui s'est passé à cette commission-là, ce n'est pas ça qu'on a vu. On voit aussi des gens comme vous qui sont aussi convaincus, mais pour des raisons fort différentes, et qui supportent les mêmes valeurs, des valeurs de protection de leur population, protection de leur environnement, protection du milieu, mais avec des arguments totalement différents d'engagement de population. Moi, je comprends bien ça.
Il y a un élément sur lequel je veux intervenir. Et vous avez parlé de responsabilité. C'est vrai, monsieur... Et là c'est M. Piché qui donnait cet exemple-là, c'est vrai qu'on a une responsabilité nationale. Mais, là où on est pris, c'est qu'il y a aussi une responsabilité municipale et une responsabilité de MRC, et qu'ils assument la responsabilité de façon très démocratique aussi. Et les gens du monde municipal viennent nous interpeller parce qu'ils ont à coeur leur population. Et il y a beaucoup de poésie aussi dans la possibilité de voir des enfants jouer auprès d'une rivière, mais il y en a aussi beaucoup de voir ces gens-là pouvoir rester et vivre dans leur communauté. Et c'est ça qui vient nous interpeller. Quand ils viennent nous interpeller, c'est à ce niveau-là. C'est à un niveau très émotif aussi, parce qu'ils tiennent à leurs régions, ils veulent rester chez eux. Et je vous avoue que la réponse n'est pas simple à donner à ces gens-là qui veulent développer, parce que, pour eux, là, c'est un grand moment de poésie, d'avoir la possibilité de rester chez eux et d'y vivre en famille. Qu'est-ce qu'on dit à ces gens-là? C'est ça qui est difficile à passer comme message.
Le Président (M. Jutras): M. Blain.
M. Blain (Jean-François): Oui. Vous prolongez la question, qui était fort pertinente, soulevée par M. Corbeil. En fait, c'est beaucoup plus qu'un enjeu environnemental, ce dont on parle là, là, c'est bien davantage encore un enjeu de société. M. Corbeil pose de très bonnes questions, puis vous l'avez vu par l'abondance et l'enthousiasme des réponses.
Que répondez-vous à ceux qui veulent développer la rivière à côté de chez eux? Je leur retournerais la question: Que répondez-vous à ceux qui n'ont pas de rivière? Que répondez-vous à ceux qui n'ont pas de gisement éolien dans leur région? Alors, si ce n'est pas l'État québécois qui planifie, sur le plan national, la priorisation du développement énergétique, la hiérarchisation des filières, c'est au hasard? J'ai de l'eau qui coule devant chez moi. Parfait, je mets des turbines. J'ai du vent qui passe au-dessus de ma tête, j'en profite. Je pousse le raisonnement plus loin, M. Bachand. J'ai des renards roux, moi, qui passent sur mon terrain. Ils appartiennent à tout le monde puis à personne, ces renards-là. Bon, bien, je pourrais les séquestrer temporairement puis produire des biogaz à partir des excréments, si je les fais... Bon.
Alors, quelque part, là, il faut se poser la question de ce point de vue là. Depuis 50 ans, le développement du secteur énergétique au Québec s'est fait en fonction d'une mise en commun des ressources, hein, des ressources financières, des ressources naturelles aussi, et d'une redistribution de la richesse en fonction des besoins de la collectivité par l'État québécois. C'est dans une tout autre avenue qu'on s'engage, là.
Parce qu'à la Fondation Rivières, comme dans bien d'autres groupes d'ailleurs, là, il n'y a pas une polarisation ou une opposition d'intérêts avec les besoins légitimes des gens en région, mais ces questions-là, c'est des questions d'arbitrage national, dans notre esprit. D'accord?
M. Bachand: Oui. Ça...
Le Président (M. Jutras): Je regrette. Mme la députée de Rosemont.
Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, madame, bonjour. Je suis les discussions et je trouve ça très intéressant. Par contre, j'ai une petite réserve quant au degré de confiance que vous avez vis-à-vis d'Hydro-Québec, par rapport au développement de projets, et par rapport à d'autres intervenants qui pourraient être des petites communautés. Parce que c'est quand même gros, là. Une société d'État comme Hydro-Québec ? il y a quelqu'un qui a mentionné ça, puis ça m'a préoccupée ? elle a quand même une marge de manoeuvre extrêmement grande, malgré l'autorité gouvernementale comme actionnaire, j'en conviens, mais ce n'est pas une garantie non plus de réussite. Je pense que c'est vraiment au gouvernement à statuer sur ? je pense que c'est M. Blain qui l'a dit, là ? sur la hiérarchisation justement des rivières.
Et, moi, je voudrais qu'on revienne à votre mémoire, parce qu'il y a des choses intéressantes là-dedans, là. Puis, sur le fond de la réflexion, c'est une question d'offre et de demande. Et, dans le mémoire, si je comprends bien, vous nous faites une recommandation de diversification dans notre portefeuille, de prudence par rapport aux ajouts de puissance ou d'énergie, on y reviendra. Vous dites aussi: Il faudrait gérer la demande, en particulier en baissant le chauffage électrique. Vous proposez une production d'énergie pour fins de chauffage plus décentralisée, géothermie, peut-être éolien, peut-être solaire, puis on convient que, les prix, plus la demande va être forte, les prix, à un moment donné, ça devrait baisser. Et vous dites aussi: Garder le secteur de l'électricité en tout cas public, ce à quoi je souscris.
Mais, dans le document que j'ai lu, il y a des choses qui m'ont préoccupée ici, parce que vous faites une analyse assez détaillée de la gestion des réservoirs de l'Hydro, puis vous semblez détruire un mythe qui est véhiculé depuis un certain temps à l'effet que la soi-disant crise énergétique que l'on vit aurait quasiment été créée de toutes pièces au niveau de l'Hydro-Québec. J'aimerais ça que vous m'expliquiez votre bilan offre-demande que vous présentez ici, dans lequel vous dites: Hydro a géré ses réservoirs de manière finalement à nous placer dans une situation où, avec une hydraulicité un peu courte une année, on se retrouve dans une situation de crise. Est-ce que j'ai bien compris le sens de vos analyses ou si...
n(16 h 50)nM. Blain (Jean-François): Oui, vous avez bien compris, Mme Marsolais. En fait, ce qui est arrivé en 1998-1999, comme en 2003-2004, quand on examine l'historique des niveaux mensuels et annuels... des variations du niveau des réservoirs, on se rend compte que, tant un an avant la crise d'hydraulicité de 1998-1999 qu'un an avant l'hiver catastrophique 2003-2004, Hydro-Québec respectait son propre critère de fiabilité énergétique, donc avait des réserves suffisantes théoriquement pour encaisser des précipitations inférieures aux moyennes historiques, de l'ordre de 64 TWh sur trois ans. Et je dirais même, si le critère de 83 TWh sur quatre ans avait encore prévalu, ça n'aurait fait aucune différence. Et là on constate qu'en dedans d'un an, deux cycles semestriels consécutifs, dans les deux cas, là, les deux dernières crises, 1998-1999, 2003-2004, il a suffi d'un cycle estival de faibles précipitations suivi d'un cycle hivernal de forte consommation pour que le bilan soit complètement chambardé. Et j'en conclus que l'existence des critères n'aurait rien changé à ça, là. Qu'on ait un critère de trois ans pour un déficit de 64 TWh...
D'ailleurs, quand on regarde l'historique même des variations hydrauliques qui ont frappé le parc d'Hydro-Québec, on se rend compte ? je vais vous donner deux, trois exemples ? que, pour les années 1961 à 1963, on a eu moins 99 TWh d'hydraulicité par rapport aux moyennes sur trois ans, moins 99. Pour les années, par exemple, 1988-1989...
Mme Dionne-Marsolais: C'est dans ce mémoire-là que vous nous donnez ça? Vous êtes à quelle page?
M. Blain (Jean-François): Non. Ça, je vous réfère à un document qu'Hydro-Québec elle-même, produit justement dans le cadre de l'avis demandé à la régie, Dossier R3526 HQP3, document 1, page 49.
Pour les années 1988-1989 seulement, moins 52 TWh en deux ans. Pour les années 1995 à 1998, c'est environ moins 72 TWh, mais sur quatre ans. Et, la seule année 1998, là, c'était seulement moins 17,2 TWh. Et, pour ce qui est des années qui ont précédé la dernière crise, celle de 2003-2004, bien en 2000, 2001, 2002, l'hydraulicité a été un peu faible, moindre que les moyennes, là, moins 3 TWh, moins 6, mais rien qui dépasse la marge de manoeuvre d'Hydro-Québec. Donc, cette faible hydraulicité là, Hydro-Québec aurait dû être capable de l'absorber avec sa marge excédentaire ou avec les réserves accumulées. Pourtant, en 2003, il a suffi d'une seule année de moins 23 TWh suivie d'un hiver très froid pour qu'on se retrouve dans une situation catastrophique.
Donc, la conclusion, c'est que les cycles hydrauliques varient dans des proportions de plus en plus grandes à court terme, et c'est la gestion de court terme qui est devenue très problématique, indépendamment du critère de sécurité énergétique qu'Hydro-Québec pourrait retenir.
Et la deuxième conclusion, c'est qu'il suffit de variations de court terme de moins en moins importantes et de plus en plus courtes pour qu'on se retrouve dans le pétrin. Donc, en fait, le critère de sécurité énergétique, il a été utilisé et respecté comme une ligne inférieure, là, ou un niveau limite inférieur en dessous duquel on ne se permettait plus d'exporter. Mais en réalité on a continuellement utilisé, année après année, toute l'eau qui était au-dessus de cette limite critique là, à la limite justement de la sécurité.
Mme Dionne-Marsolais: J'ai beaucoup d'autres questions, mais je vais passer la parole à mes collègues parce que je sais qu'ils en ont beaucoup, eux aussi.
Le Président (M. Bachand): Alors, merci de nous assister, Mme la députée de Rosemont. M. le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, madame, messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Alors, je vous dirais que j'ai bien lu votre mémoire. Et je regarde les résolutions en page 92, la résolution n° 6, «que toute décision relative à l'autorisation d'un projet hydroélectrique, petit ou grand, relève d'un processus démocratique national», alors votre position est bien campée. Parce que j'ai déjà posé des questions à plusieurs groupes qui sont venus ici, si la décision appartenait au local ou si ça appartenait au national. Même, je vous dirais que j'ai même sorti du national, il y a même du monde des États-Unis, exemple, la rivière Magpie, qu'ils ne veulent pas qu'elle soit harnachée. Vous voyez le genre de personnes qu'on reçoit? Je regardais M. Piché, tout à l'heure, qui parlait avec beaucoup d'émotion; il en vient ici qui ont des émotions, mais contraires, par rapport à la promotion de leurs projets.
Vous faites référence dans votre mémoire à plusieurs rivières sur la Côte-Nord, incluant Sault aux Cochons, où est-ce que la communauté autochtone de Betsiamites veut être, je dirais, même plus que partenaire. Ils ont même fait déjà une conférence de presse et ils veulent être le maître d'oeuvre pour ce projet-là. Bon, il y a la Magpie, je viens d'en parler. On a reçu ici aussi le maire de Chevery par rapport à Petit-Mécatina, qui est un petit peu plus loin dans le temps mais que vous devez connaître.
Alors, il y a des rivières, je peux comprendre que ça prend des gros débats, mais je vous dirais qu'il y a des localités que, comme Chevery, exemple, dans Mécatina, où est-ce qu'ils sont enclavés et qu'ils sont encore éclairés avec des groupes électrogènes. Alors, quand ces personnes-là viennent nous voir, puis que c'est le cri du coeur, avec émotion, qu'ils disent qu'avec un projet comme Mécatina on est désenclavés, on va avoir des lignes électriques, on fait quoi avec ça? Comprenez-vous? Alors, on va avoir un gros travail, ou le gouvernement aussi va avoir un très gros travail, par rapport qu'on rencontre 160 groupes de personnes. Mais, sur des projets comme je viens de vous dire, là, Petit-Mécatina, à Chevery, là, quelle est votre opinion là-dessus? Et, par surcroît... parce qu'on a rencontré des groupes autochtones, ici, de Uashat-Maliotenam et de Betsiamites où, eux aussi, ils ne veulent pas juste être des partenaires, mais qui sont en train d'être des maîtres d'oeuvre de projets de minicentrales. Votre opinion là-dessus?
M. Gauthier (Michel): Là, on le sait, que c'est possible de développer au Québec une énergie qui est différente de l'hydroélectricité, hein, par l'éolienne et compagnie. C'est qu'on a le syndrome du castor, hein? Ce n'est pas moi qui l'ai inventé, ça fait longtemps qu'on en parle, de ça. Dans le cas de Petit-Mécatina, dans le cas de la Côte-Nord, je déjeunais ce matin avec le chef, M. Jean-Charles Piétacho, et puis ils ne sont pas consultés, ils ont été écartés des consultations, au moment où on se parle, parce qu'on a divisé les communautés innues sur la Côte-Nord. Parce que tout le monde se chicane pour les territoires, hein, donc on a divisé les communautés. Et Hydro-Québec, qui fait office de deuxième gouvernement ou de premier gouvernement au sein des communautés des premières nations, a fait en sorte que ces communautés-là sont divisées en ce moment et elles n'arrivent pas à s'entendre. Parce que les Innus de Natashquan veulent le projet Romaine, Mingan ne le veut pas, et Hydro-Québec a décidé de négocier avec Natashquan en ce moment et non avec Mingan, et Betsiamites le veut...
Enfin, il y a un gros problème à ce niveau-là, et ce n'est pas réglé, ni Petit-Mécatina, ni Romaine, ni les ententes avec les Innus de la Côte-Nord, qui ne sont toujours pas là encore, parce que le gouvernement attend qu'ils soient réunis ensemble, mais, pendant ce temps-là, Hydro-Québec divise les communautés. On a un problème. On devrait peut-être penser à autre chose que l'hydroélectricité, on devrait aller dans... On a un potentiel, on le sait, vous avez eu des experts ici qui sont venus vous expliquer qu'on a 17 000 MW d'éolienne qu'on peut faire demain matin, qui se couplent avec l'hydroélectricité. On pourrait enrichir le Québec, pas par secteur, pas localement. Dans une communauté, avec les premières nations comme avec les blancs, peut-on enrichir le Québec avec l'éolienne et aider toutes les municipalités, les MRC et tout le monde qui en ont besoin en région de façon collective?
On n'arrive pas, au Québec, à réserver une rivière patrimoniale, hein? L'Ashuapmushuan, en ce moment, le dossier du Bureau d'audiences publiques, qui n'est pas public mais qui est sorti le 20 décembre, on n'arrive pas à en avoir une, patrimoniale, au Québec. On ne la laisse pas passer, celle-ci, une sur les 4 200 que vous avez nommées tout à l'heure. On a un problème, il n'y a pas de volonté à ce que... Tu sais, si on avait une planification intégrée de toutes ces ressources-là, on dirait peut-être: Oui, une petite centrale là... Mais là c'est tout le monde. Alors, il faut arrêter, il faut se sortir du syndrome du castor, il faut se sortir de l'hydroélectricité et faire autre chose. On nous le prouve ici, que ça devient un danger si on continue à faire de l'hydroélectricité, à cause des pluies. Donc, réveillons-nous puis faisons autre chose.
Et je reviens sur les premières nations, et je vous le jure que ce n'est pas réglé, ce dossier-là de La Romaine et de Petit-Mécatina, et que ça va aller en s'amplifiant, parce que ces gens-là aussi sont au courant qu'il y a d'autres façons de développer le Québec que par l'hydroélectricité.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée de Matapédia.
Mme Doyer: Alors, moi, j'ai un parrain de la rivière Matapédia dans mon comté, Patrice L'Écuyer. Une rivière patrimoniale au saumon, on l'a fait reconnaître du temps du ministre André Boisclair. Moi, j'étais très contente comme députée. Mais on a aussi un barrage sur la rivière Mitis qui est là, qu'on a fait rénover, dont on a fait un attrait touristique. Je peux vous dire qu'on n'avait pas le choix, il était déjà là, ce barrage-là.
n(17 heures)n Et vous nous amenez, je dirais, dans une réflexion où effectivement il y a des rivières, un peu comme des espèces au niveau de la flore et de la faune, qui sont à protéger à quelque part. Monsieur parlait des renards roux tantôt, on ne peut pas les mettre en cage, et tout, mais il y a des trappeurs qui ont des droits, d'aller trapper un certain nombre d'espèces, hein, on se comprend? Mais il y a l'ail des bois qu'il faut protéger, et tout. Alors, à quelque part, il y a des rivières qu'on sent que c'est comme ça. Les gens, les communautés ont un attachement viscéral à leurs rivières, à ce qu'elle est, là, intouchée, si je pourrais dire. Alors, il y a ça, moi, je pense, qu'il faut respecter.
Mais ma question, c'est: Comment vous considérez... Vous avez une recommandation, c'est la même, c'est la l4 et la 9, c'est la même, en tout cas, ça, ce n'est pas grave, là, mais vous parlez d'un débat public permanent qui sera chargé d'assurer le suivi et d'actualiser la politique énergétique du Québec. Mais, à quelque part, c'est comme si vous vous situez toujours à l'échelle nationale... Moi, je vous dirais que c'est par mesure de protection que vous faites ça. J'entendais M. Piché tantôt, et je peux le comprendre. Mais tous ces problèmes-là qu'on vit, de visons différentes, de... On harnache-tu ou on ne harnache pas? La MRC de Mékinac est une parmi les plus pauvres du Québec. Celle des Basques... dans ma propre région, sur huit MRC, Les Basques, c'est la plus pauvre des MRC. Le préfet n'aimera pas ça, lui, il est pour le barrage, mais il y en a beaucoup qui sont contre aussi. Et souvent on joue le développement économique, M. le Président, là-dessus, à quelque part, et c'est ça, là, qui est une problématique, à mon avis.
Comment on se sort de ça localement, parce que, «localement» étant le territoire de la MRC où se gèrent, là... De plus en plus, on va avoir à gérer... les comités de bassins versants sont là, les schémas d'aménagement sont là, puis il y a les régions aussi, vous comprenez, et ça, à l'échelle de la MRC, à l'échelle d'une région. C'est quoi, les meilleurs outils qu'on pourrait se donner pour faire en sorte qu'à quelque part les décisions se prennent de la meilleure façon possible et de concilier les intérêts environnementaux et les intérêts économiques aussi dans ce genre de décision?
Le Président (M. Bachand): Oui, M. Saladzius.
M. Saladzius (Alain): Juste une brève réponse. C'est que, nous, on est prêts à s'asseoir et discuter avec les localités, les MRC, faire peut-être quelques cas pilotes, quelques... des cas, mais en commençant peut-être par les endroits qui sont déjà aménagés, où il y a déjà des infrastructures, là. Donc, on peut commencer peut-être par des cas pilotes puis développer une façon de travailler, pas juste Fondation Rivières, mais avec les autres groupes environnementaux. Puis, pour une partie de la solution pour la pauvreté en région, il y a l'économie d'énergie. Moi, je suis un fervent... je pense qu'il faut installer systématiquement, dans toutes les maisons... faire le tour systématiquement des résidences, en commençant... comme les programmes Équiterre le font, là, aller dans les maisons, je veux dire, prendre peut-être 2 % des revenus d'Hydro-Québec puis investir ça systématiquement en région chez les gens les plus pauvres, au départ. Ça pourrait être géré par les MRC. Je veux dire, il y a beaucoup de choses à faire, mais ça prend... il faut oser aller de l'avant, il faut vraiment un électrochoc, je veux dire, concernant les valeurs qu'on a préconisées aujourd'hui, là, mais...
M. Gauthier (Michel): Si l'économie d'énergie crée 15 emplois par million de dollars investi et que l'hydroélectricité crée huit emplois par million de dollars investi, on se pose la question: Quel est le meilleur choix à faire? Si l'éolienne coûte 0,065 $ en Gaspésie en ce moment et que Wemontaci coûte 0,08 $ et 0,09 $ du kilowattheure, on doit se poser la question: Qu'est-ce qui est mieux pour aider la communauté de Wemontaci: leur donner 500 000 $ par année pour les 50 prochaines années à cause d'un projet de 134 MW, qui est 2 % du... Est-ce qu'on aurait pu faire... Les éoliennes, de 4 MW, bon, je n'ai pas... Si on fait 50 éoliennes, on les installe, peu importe où sur le territoire, où il y a du vent, hein, parce que... Et ces revenus-là, bien, on les partage avec la MRC des Basques, avec...
Vous savez que la MRC des Basque puis la rivière Trois-Pistoles, là, que le gouvernement a remboursé 3 millions de dollars, hein, pour racheter ces droits-là, puis là ils vont les redonner, c'est nous, là, qui avons payé pour ça, là, dans le cadre de... Le 26 novembre 2002, quand M. Landry avait annoncé la fin des petites centrales hydroélectriques, on avait remboursé, là. Alors, qu'est-ce qu'on fait avec ce 3 millions là, là? On fait quoi? On le redonne... On le reprend comment, là? Cette rivière-là, dans le fond, elle va commencer à coûter cher du kilowattheure, là, tu sais, alors qu'on pourrait faire autre chose avec cette rivière-là et faire de l'éolien et de l'économie... L'économie d'énergie, je vous l'ai dit tout à l'heure, à 0,03 $ du kilowattheure, si on revend ça, déjà, dans le Québec, c'est payant. Si on le vend sur les marchés ontarien et américain, on est mort de rire, mais, si on vend du Wemontaci à 0,08 $ et 0,09 $ du kilowattheure ? excusez, je m'exprime un petit peu vite ? ce n'est pas payant pour le Québec.
M. Piché (Paul): Moi, je rajouterais à ça tout simplement que ce n'est pas juste une question de pauvreté, parce que même les municipalités riches, ils vont vouloir avoir leurs barrages. Il n'y a pas une MRC puis il n'y a pas une municipalité... on sait comment ça marche, toutes les municipalités manquent d'argent, n'ont pas assez de budget, je veux dire, c'est... Il n'y a pas personne qui va résister à la possibilité de faire un barrage puis de retirer un revenu si c'est garanti par Hydro-Québec. Pourquoi en donner une partie au privé? Ça, je ne l'ai jamais compris. Mais, même dans le cas des municipalités, en réalité, je veux dire, ce qui nous inquiète, nous, c'est que... Même par rapport à ce que l'ancien gouvernement avait, c'est-à-dire un programme de 36 barrages sur 24 rivières, on savait qu'est-ce qu'on avait à contester. En ce moment, la situation est plus grave, parce que là tout est possible.
Donc, il n'y a pas une limite, là; toutes les rivières finalement, toutes les chutes, tous les endroits sont disponibles. Aussitôt qu'il y a quelqu'un qui a une vision sur quelque chose, il peut se présenter puis s'entendre avec une municipalité, et la chute est en danger dès cet instant-là. Il n'y a pas de limite au niveau de l'envergure des chutes, ou de leur beauté, ou de n'importe... Donc, tout est disponible, et c'est ça, nous, qui nous inquiète beaucoup aussi en ce moment, là, parce que ce n'est pas juste les municipalités pauvres qui vont vouloir développer, c'est des municipalités riches. Même les riches, ils n'ont pas de budget, hein, à la MRC ou à... ils vont tous en vouloir.
Le Président (M. Bachand): M. Piché, merci. M. Saladzius, M. Filiatrault, oui ? que dis-je! ? Mme Filiatrault, pardon, M. Gauthier et M. Blain, c'est toujours un plaisir de vous voir à la commission, vous êtes toujours les bienvenus à la Commission de l'économie et du travail. Bon retour chez vous.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Bachand): Nous allons commencer, même s'il nous manque quelques personnes à l'appel. Mais ils devraient dans l'immédiat donc nous rejoindre.
n(17 h 10)n Donc, M. Benhaddadi et M. Olivier, vous êtes les bienvenus à la commission. Je vous rappelle rapidement les règles, que vous connaissez peut-être: 20 minutes pour... en fait, 15 minutes pour votre présentation, 15 à 20 minutes ? et aussi on va donc serrer un peu le temps pour ne pas vous retarder trop ? et donc 15 à 20 minutes aussi, de part et d'autre du côté de l'Assemblée, pour la période des questions. Donc, pour le bénéfice des gens qui sont présents à la commission, si c'est possible de vous présenter.
MM. Mohamed Benhaddadi et Guy Olivier
M. Benhaddadi (Mohamed): Merci. Merci, M. le Président. Je me présente, Mohamed Benhaddadi, je suis professeur chargé de cours à l'École polytechnique. Je suis accompagné de M. Guy Olivier, professeur titulaire. Mais je dois tout de suite, d'emblée, vous dire que nous intervenons donc en qualité de citoyens québécois interpellés par la conjoncture de l'heure, et nous voudrions partager avec vous notre analyse concernant les questions énergétiques du Québec. Et, sans préambule, donc je vais aborder directement le volet gaz.
Il y a une ruée mondiale vers l'utilisation du gaz naturel. Cette ruée, elle dure depuis deux décennies, et cette ruée mondiale, elle s'explique essentiellement par le phénomène des TAG, les turbines à gaz. Pour produire de l'électricité, on a de nos jours recours massivement, en priorité, au gaz naturel. Et ce qui caractérise le gaz naturel, c'est que, ces dernières années, il y a eu une augmentation substantielle des prix. Donc, si vous regardez, le premier graphique qu'il y a ici vous explique la ruée mondiale que l'on vit ici, au Canada aussi, où sa part va être très importante à l'horizon à venir.
Donc, je disais: Ceci est à l'origine de l'augmentation substantielle du prix du gaz naturel. L'année passée, c'était 5,50 $ le millier de pieds cubes; dernière information, pour toute cette année 2005 et la deuxième partie de 2004, c'est 7 $ le millier de pieds cubes. Et, pour votre information, 7 $ le millier de pieds cubes de gaz, c'est l'équivalent de 40 $ le baril de pétrole. Or, vous le savez pertinemment, le baril de pétrole aujourd'hui, ce n'est pas 40 $, son prix, ça tourne davantage autour de 55 $.
Alors, l'information que nous voulons vous transmettre prioritairement, c'est que nous jugeons que l'augmentation des prix du gaz, elle n'est pas conjoncturelle. Elle n'est pas conjoncturelle, parce que, si on regarde les organismes qui sont spécialisés dans le domaine de l'énergie ? et là je fais référence essentiellement au Conseil mondial de l'énergie, l'Agence internationale de l'énergie, le Département de l'énergie des États-Unis ? il y a un consensus que, dans les deux décennies à venir, cette ruée vers le gaz va encore continuer. Et cette ruée vers le gaz va continuer, la demande étant ainsi. Le prix, à notre avis, il va rester à la hausse, et ferme à la hausse. Donc, c'est un changement non pas conjoncturel, mais plutôt structurel. Nous avons produit pour vous une simulation, donc vous pourrez regarder le résultat, qu'est-ce que ça donne, le millier de pieds cubes de gaz pour générer de l'électricité. Il faut savoir d'abord que le gaz, à peu près, quand on produit de l'électricité, il intervient pour 75 % du prix du kilowattheure de l'électricité. Et, un millier de pieds cubes de gaz à 7 $, ça donne une électricité produite de l'ordre de 0,075 $ le kilowattheure.
Plus près de chez nous maintenant, ce qui se dessine, c'est qu'il y a une chose: dans le contexte canadien, il y a en ce moment une diminution, depuis trois années, des exportations. Bien plus, les spécialistes prédisent une diminution substantielle de la production à l'horizon 2012, en Alberta. Et plus près de chez nous encore, ça, ça pourrait se répercuter du point de vue de nos approvisionnements. Donc, c'est sûr que c'est dès maintenant qu'il va falloir penser à aller chercher d'autres sources. Et d'autres sources, donc ça suppose, une partie peut-être, que ça va être l'Est canadien, mais l'installation éventuelle d'un terminal méthanier serait plus qu'appropriée. Et notre propos ici, c'est de dire que ce terminal méthanier, il va nous sécuriser. J'ai entendu beaucoup de propos, on nous disait que ça baisserait le prix du gaz naturel. À notre sens, ça ne baisserait pas le prix du gaz naturel, par contre ça sécuriserait nos approvisionnements. Ça ne baisserait pas le prix du gaz naturel, parce que le marché du Canada est fortement intégré avec les marchés des États-Unis, c'est un prix unique, la différence est inférieure à 0,20 $ le millier de pieds cubes.
Donc, le gaz qui coûte cher... Le gaz, on l'utilise pour produire de l'électricité, donc l'électricité va coûter plus cher, c'est indéniable. Les nouveaux coûts, vous les connaissez, on ne s'arrêtera pas là-dessus. Une chose est certaine, il y a un consensus de l'ensemble des experts québécois dans le sens où il y a un signal fort à envoyer concernant les prix qui doivent être répercutés. Les nouveaux coûts de production n'ont rien à voir avec nos anciens coûts, c'est une différence très importante, il va y avoir une certaine répercussion sur les prix.
Nous sommes très loin des années quatre-vingt où la politique énergétique consistait à écouler des surplus. Nous sommes dans une nouvelle époque, donc il va falloir remédier aux problèmes que ces surplus avaient créés. Je fais référence ici au gaz naturel, qui est absent dans le domaine du chauffage. On se chauffe, au Québec, à 70 % à l'électricité, il n'y a aucun autre cas pareil au monde, si ce n'est peut-être la Norvège ? j'y reviendrai ? où on utilise autant l'électricité pour le chauffage. Or, c'est prouvé par l'ensemble... les spécialistes en la matière que c'est beaucoup plus efficient de se chauffer au gaz. Donc, il va falloir lui rendre ses lettres de noblesse, et nous encourageons donc la pénétration à plus grande échelle dans les installations. Ici, c'est sûr qu'il va falloir penser prioritairement aux nouvelles installations résidentielles et institutionnelles.
Toujours dans le domaine de l'électricité, j'aimerais m'arrêter aussi sur l'électricité industrielle. On sait pertinemment que la grosse industrie au Québec, c'est à peu près le quart de notre production que ça consomme, essentiellement donc Alcan et Alcoa. Alcan, qui bénéficie d'un traitement plus que privilégié que lui donne l'entente connue sous le nom de «bail de Péribonka», nous retourne bien l'ascenseur en diminuant ses effectifs dans le Saguenay. Alcoa, c'est encore pire. Alcoa, j'ai eu l'occasion de regarder son mémoire, ce qu'ils demandent, c'est l'abrogation du monopole d'Hydro-Québec dans le développement des centrales de plus de 50 MW. C'est sûr, on comprend très bien que les contrats signés avec ces multinationales arrivent à échéance très bientôt, parce que 2012 est devant la porte, mais il va falloir peut-être maintenant faire un bilan de l'apport de ces multinationales. Et quand je dis: Il va falloir faire le bilan, je n'ai pas de préjugé. Si vous me posez la question concernant le présent et le passé, c'est indéniable, l'apport de ces multinationales est plus que positif. Et là c'est l'électricien qui vous parle. Parce que nous avons eu des surplus et, si nous ne les avions pas écoulés même au prix moins cher que produits, on les aurait perdus. Et par ailleurs, ce qui n'est pas rien, nous avons créé énormément d'emplois et de richesse en région.
Sauf qu'on est ici pour parler davantage du futur que du passé, et le futur, deux paramètres fondamentaux interviennent en considération. Le premier: On n'a plus de surplus énergétiques à écouler. Le deuxième: Il y a une augmentation substantielle et structurelle du prix de l'électricité. Et c'est sûr que ces nouveaux paramètres doivent entrer en considération quand on regarde l'apport qu'ont sur l'économie québécoise ces multinationales. En regardant les chiffres produits par ces deux multinationales, a priori nous évaluons à 0,06 $ leur contribution à l'économie; et, 0,06 $ pour Alcoa, on est loin du compte, peut-être 0,065 $ pour Alcan, on est loin du compte aussi. Donc, il va falloir plus de rigueur dans la gestion de ce dossier.
Et, nous, on ne vous cache pas qu'on a été un petit peu plus que surpris, je n'oserais pas utiliser un autre terme, quand on a regardé les résultats que produit Alcoa. Concernant leur affirmation, ils disent: 200 alumineries ont de l'électricité 30 % moins chère que le tarif L du Québec. On ne peut que s'inscrire en faux contre ces affirmations, parce que, pas plus tard que cette semaine, nous avons été consulter les prix de l'électricité industrielle, et c'est produit en dollars US ? et notre source est le Département américain de l'énergie ? où vous pouvez constater que ces pays-là, qui sont les six plus grandes puissances pour la production d'aluminium, il y en a un seul qui offre un tarif meilleur que le tarif L. Alors, je pense qu'on devrait peut-être nous respecter un petit peu plus. Quand on nous produit des chiffres, il va falloir peut-être une vérification préalable.
Deux phrases sur l'exportation d'électricité. J'attire votre attention tout de suite sur cet antagonisme. Quand on regarde les exportations du Québec de l'électricité, quand cette électricité coûtait 0,02 $, 0,03 $, on exportait 17, 18 TWh; présentement qu'elle coûte trois fois plus, on exporte trois fois moins. Et nous jugeons qu'il n'y a pas de raison à ce qu'Hydro-Québec n'ait pas une part plus importante, plus juste de ce juteux marché du Nord-Est américain. Au nom de quel principe allons-nous nous priver de la génération de cette richesse?
n(17 h 20)n Nous sommes très serrés dans le domaine de la production. Donc, il va falloir recourir à d'autres sources, et, quand on parle d'autres sources, c'est en premier lieu l'éolien. Le soutien que nous avons pour l'éolien n'est pas conjoncturel, il est basé sur le fait que c'est une filière de plus en plus mature. Nous jouissons d'un potentiel exceptionnel et nous avons la preuve maintenant que ce potentiel est exceptionnel: au-delà de 100 000 MW théoriques. Le dernier appel d'offres sur 1 000 MW de puissance éolienne, il y a eu de la soumission pour 4 000. Donc, ça veut dire que, concrètement, le potentiel économique est là, et nous encourageons vivement la commission, la présente commission de faire des suggestions dans le sens d'aller chercher ces 4 000 MW de puissance. Et il serait certainement approprié que l'on puisse utiliser les meilleurs sites et qu'Hydro-Québec intervienne. Il y a beaucoup de sites proches des régions de réservoirs. Donc, Hydro-Québec peut être chef de file, et le premier pas à faire peut-être, c'est qu'ils doivent adapter le coût de l'équilibrage à la réalité d'aujourd'hui, à défaut de celle de demain. Et on ne peut pas laisser cette question dépendre du bon vouloir d'Hydro-Québec. Il va falloir consulter une autorité de régulation pour la résoudre.
Le propre, M. le Président, d'un scientifique, c'est de ne jamais exclure aucune solution a priori. Et nous aimerions partager avec vous notre réflexion à ce propos quand on transpose ça aux autres filières susceptibles d'être développées au Québec. Si on regarde notre hydroélectricité, la spécificité première, c'est notre très grande dépendance de l'hydraulicité, donc c'est 20 TWh, le facteur est de 20 TWh. Et, si vous regardez les dernières années, c'est plus dans le rouge que dans le vert. Donc, c'est sûr que le facteur hydraulicité, il est là, il est présent, il est réel. Ce n'est pas une vue d'esprit. Et les questions énergétiques, on ne peut pas se permettre que d'avoir des à-peu-près, il faut des solutions fiables.
La deuxième spécificité de notre hydroélectricité ? elle est positive, celle-là ? c'est la malléabilité de nos barrages hydroélectriques. On ne rencontre ça dans aucune source, donc nous avons accès à un réglage quasi instantané, un réglage qu'Hydro-Québec en ce moment utilise parfaitement bien, dans le sens où on augmente le débit des vannes quand le prix est élevé et on ajoute de la plus-value à notre hydroélectricité. Il va falloir peut-être se ménager une marge de manoeuvre plus importante pour en tirer encore davantage de dividendes.
Dernière chose et non la moindre, c'est que très souvent, quand on rejette le thermique et gaz, la raison invoquée est la pollution. Or, les chiffres sont là. Si vous prenez la défunte centrale du Suroît, c'est 345 tonnes de GES par gigawattheure produit, contre une moyenne canadienne de 675, contre une moyenne américaine proche de 1 000. Donc, nous mesurons tout le sens de nos mots quand nous disons: Toute part gagnée par le gaz sur les autres filières thermiques est une contribution à l'amélioration de l'environnement. Je ne veux pas préjuger d'où vient l'inspiration de nos honorables députés, mais, nous, notre inspiration, très souvent nous l'avons auprès de nos étudiants qui nous interpellent.
Récemment ? on remonte peut-être à deux années en arrière ? je me suis fait poser la question: Monsieur, est-ce qu'il n'y a pas un pays au monde qui a un bilan énergétique qui approche, proche de nous autres, du Québec? J'ai commencé par répondre à mon étudiant: Bonne question. Parce que je n'avais pas de réponse, qu'il fallait chercher la réponse. Et j'ai longtemps cherché la réponse et je viens à vous aussi avec cette réponse, parce qu'il y a un pays qui, pour beaucoup de paramètres, a un bilan qui est très, très proche du nôtre, c'est la Norvège. Regardez le graphique que je vous ai transmis. Ils sont hydroélectriques. À 99 %, ils ont recours massivement à l'hydroélectricité. Ils se chauffent au gaz. Ils ont une pointe hivernale. Tout ça, c'est ce que nous avons de commun avec eux. Nous avons aussi beaucoup de points qui sont très différents. Le premier, et non le moindre, c'est que c'est un pays très riche en ressources pétrole et gaz. La mer du Nord est juste à côté. Sauf que, «avant-gardistes» qu'ils sont dans le domaine de l'environnement ? et ce n'est pas pour rien que j'ai mis des guillemets pour le mot «avant-gardistes» ? ils n'ont pas voulu développer le thermique. Et le luxe énergétique norvégien, MM. et Mmes les députés, est tel que les trottoirs d'Oslo sont chauffés en hiver. L'hiver chez eux, c'est comme chez nous, ça a cours de novembre à fin mars, si on est chanceux. Et ils ne sont plus autonomes. Ils importent de nos jours près de 10 % de leur électricité. Ils importent des pays limitrophes, essentiellement la Suède qui fait tourner à plein régime ses centrales, entre autres thermiques au gaz, gaz qui provient de la Norvège.
Et, autre paradoxe, donc ils ont maintenant changé de politique. Ils avaient une centrale thermique, donc le projet a germé en 1997. Après maintes tergiversations, cette centrale thermique de 400 MW a été autorisée l'année passée. Ils prévoient une deuxième centrale de 800 MW en 2009. Et surtout ils ont dessiné une politique énergétique claire où ils demandent aux promoteurs de futurs projets d'aller au préalable rechercher des crédits de droit d'émission pour avoir le droit de construire des centrales thermiques au gaz. Je pense que, en bout de ligne, c'est le pragmatisme, si vous voulez, qui a prévalu chez eux, et j'ose espérer qu'il va prévaloir chez nous aussi.
Nous avons aussi illustré un paradoxe dans le paradoxe. On refuse des centrales thermiques pour raison de pollution, mais on refuse de réglementer davantage la centrale, là, je dirais, la polluante centrale de Tracy. Regardez le graphique, Tracy est deux et demie fois polluant, et on nous dit que cette centrale ne fonctionne qu'en période de pointe, 300 heures par an, et faible hydraulicité. Faible hydraulicité, c'est laissé à la libre interprétation, c'est 11 mois sur 12 pour 2003. Elle a pollué autant que ne le ferait Suroît pour une énergie produite deux et demie fois inférieure. Alors, je pense qu'il y a, à ce niveau-là, de l'ordre à mettre.
Quelques phrases... Il ne me reste plus beaucoup de temps, M. le Président?
Le Président (M. Bachand): Il vous reste encore cinq minutes.
M. Benhaddadi (Mohamed): C'est correct, merci. Quelques phrases sur l'efficacité énergétique. Nous avons entendu beaucoup de propos dans lesquels nous nous reconnaissons, et en particulier le propos qui dit qu'il faut mettre la bonne énergie à la bonne place, à la bonne application. On ne peut pas dire que c'est le cas en ce moment du chauffage thermique, qui n'est pas là, on se chauffe à 70 % à l'électricité. Et nous encourageons vivement la commission parlementaire à faire preuve de leadership en initiant des initiatives pour corriger à terme la situation. On parle d'avenir, mais, si on parle d'avenir, c'est aujourd'hui qu'il va falloir jeter les jalons de cet avenir.
Et, deuxième point, qui n'est pas le moindre aussi, c'est quand on regarde la très forte mobilisation de la population pendant le Suroît. C'est un signe très positif parce que ça veut dire que la population est prête à l'adoption de mesures de réduction de gaz à effet de serre, qui vont nécessiter des changements dans le domaine du comportement de nos concitoyens. Et je fais référence au transport en premier lieu, parce que, si on veut être leader dans le domaine de la promotion de l'efficacité énergétique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, il faut aller chercher cette réduction là où elle se trouve. Et elle se trouve dans le domaine des transports, qui pollue pour 40 %. Le secteur de la production d'électricité ne représente que 0,5 % de l'ensemble de nos émissions. Donc, si réellement on veut être leader, il faut d'abord se donner les moyens pour aller chercher ces réductions là où elles se trouvent massivement.
Je terminerai, M. le Président, avec une conclusion. Vous l'avez donc dans la présentation que je vous ai distribuée. La nouvelle politique énergétique du Québec doit s'articuler autour de notre indépendance et sécurité énergétiques. Cette politique doit aussi tenir compte de la nouvelle situation. Chaque térawattheure compte. Notre prospérité dépendra pour beaucoup de notre aptitude à tirer le maximum de nos ressources énergétiques. Le développement de nouvelles sources d'énergie est indispensable et doit promouvoir la combinaison des filières. On doit impérativement sortir de cette logique d'opposition d'intérêts. Et nous sommes d'avis que de nouvelles solutions, novatrices, doivent être mises de l'avant. Je vous remercie.
Le Président (M. Bachand): C'est nous qui vous remercions, M. Benhaddadi. Donc, M. le ministre des Ressources naturelles et de la Faune.
M. Corbeil: Merci, M. le Président. Bienvenue, MM. Benhaddadi et Olivier, indépendamment de celui qui sera prêt à répondre aux questions, là.
Vous mentionnez, dans la conclusion de votre mémoire, que les activités de courtage d'Hydro-Québec Production sont devenues une source importante de revenus et que cette source peut être raffermie en offrant à Hydro-Québec Production une meilleure marge de manoeuvre. Vous évaluez cette marge de manoeuvre là... en fait, certains experts évaluent cette marge de manoeuvre là alentour de 15 TWh. J'aimerais avoir votre opinion sur la question et un peu de précisions sur cette...
Le Président (M. Bachand): Oui, M. Benhaddadi.
n(17 h 30)nM. Benhaddadi (Mohamed): Je vais commencer par vous donner une réponse mathématique. Mathématiquement, nous avons un facteur hydroélectricité de l'ordre de 20 TWh. Ce facteur de 20 TWh, il va falloir lui ajouter un deuxième facteur, c'est le facteur climat. C'est évalué à 2 TWh. Donc, mathématiquement, c'est 22 TWh, la marge. Mais, si je me réfère aux derniers travaux de la Régie de l'énergie, lors du débat sur le Suroît, Hydro-Québec elle-même demande aux alentours de 18 TWh. Donc, je pense qu'il faut d'abord qu'on s'entende sur le principe que cette marge est indispensable. Ensuite, est-ce que c'est 18, ou 15, ou 22? Je pense que la question se résoudra d'elle-même si on la soumet à une autorité de régulation, qui pourrait éventuellement donner un avis approprié en ayant au préalable consulté des personnes appropriées. Mais le principe, il est là, c'est 18, c'est 20, c'est 22. Ce n'est pas le chiffre absolu en tant que tel qui passe en premier lieu, c'est d'abord cette nécessité de reconnaître qu'il nous faut impérativement cette marge.
Rappelez-vous le 15 janvier 2004 ? là, ce n'est pas pour tirer la sonnette d'alarme; ce 20 TWh de marge de manoeuvre, ce n'est pas une vue d'esprit ? Hydro-Québec a fait appel à la population pour réduire sa consommation de deux degrés, pour pouvoir mieux gérer ses réserves, on était à la limite. Et la question qu'on se pose, ce n'est pas: Pourquoi on a été à la limite? Mais qu'est-ce qu'on doit faire tout de suite pour qu'on n'érige pas en système de gestion cette mesure exceptionnelle qui doit rester exceptionnelle?
Deuxième facteur et non des moindres. Je ne vous apprends rien en vous disant qu'on a été sauvés par dame Nature; je l'ai écrit, même, peut-être. Dieu tout court, il nous est venu en aide cet été. Je suis persuadé, nous sommes persuadés que, si on n'avait pas eu ces pluies diluviennes de cet été, qui ont injecté 24 TWh dans nos réservoirs, peut-être même le sens de nos échanges d'aujourd'hui n'aurait pas été le même, et on ne peut pas se permettre que pareille situation se renouvelle. Donc, pour répondre directement à votre question: Est-ce que c'est 18 ou 20? Je pense que c'est surtout le principe ferme qu'il faut une marge de manoeuvre qui nous permette d'aller chercher le maximum de plus-value.
J'ai entendu beaucoup de propos. On nous disait que, si on exporte plus, on se met au découvert, dans le sens où, si ça baisse, ça se répercute sur nous. Nous ne partageons pas du tout cette analyse. Nous avons produit, l'année passée, une analyse à la Régie de l'énergie où nous avons mis en exergue que le prix du gaz, il ne peut que se raffermir, et il était de 5,50 $ le millier de pieds cubes. Il est à 7 $ depuis une année. Regardez les courbes que je vous ai produites. Et le prix de l'électricité, c'est essentiellement le prix du gaz.
M. Corbeil: Merci beaucoup. Je conviens avec vous, là, que vous parlez que, cette marge, elle est indispensable et qu'elle est intimement liée au risque de l'hydraulicité.
Dans un autre sujet, vous proposez qu'Hydro-Québec finance partiellement ou totalement la conversion des systèmes de chauffage électrique vers les systèmes de chauffage au gaz naturel. Une des préoccupations des consommateurs est relative à la stabilité de leurs facture énergétique. L'électricité, particulièrement au Québec, grâce au développement de l'hydroélectricité, offre cette stabilité chère aux consommateurs. Dans un tel contexte, comment convaincre les consommateurs d'abandonner le chauffage à l'électricité en faveur d'un système de chauffage au gaz naturel ou au mazout?
Le Président (M. Bachand): M. Olivier.
M. Olivier (Guy): Bon. Je vais prendre la parole. Le problème, c'est que notre coût d'énergie aujourd'hui est trop faible pour inciter des mesures de conservation d'énergie. Une chose qui pourrait être faite ? puis là je ne serai pas populaire, si les gens de la construction m'entendent... Pourquoi, dans notre nouveau Code du bâtiment, on n'interdit pas, dans toutes les nouvelles maisons, les nouvelles constructions, complètement le chauffage par plinthes? Interdire carrément et s'assurer que, par exemple, on ait un système biénergie d'installé, de sorte que, dans 20 ans ou 25 ans, quand, là, probablement que l'électricité va peut-être avoir rattrapé les autres sources, les consommateurs aient un choix de changer d'une sorte à l'autre. Là, on est pris. Les plinthes électriques, c'est très beau, pas cher, facile à installer, mais ça barre les... on ne peut pas refaire une maison pour mettre du chauffage au gaz; ça, ce n'est pas réaliste.
M. Corbeil: Votre proposition fait à peu près automatiquement augmenter le coût de construction d'une résidence d'environ 5 000 $ à 8 000 $, là, à peu près.
M. Olivier (Guy): Oh, pas tant que ça.
M. Corbeil: Bon. Et je ne suis pas certain que c'est une situation qui va être très, très populaire, entre parenthèses.
M. Olivier (Guy): Et elle permettrait aussi de mettre de la climatisation, des pompes à chaleur, avec un rendement de deux, par exemple, de mettre du filtrage électronique, tout ça, qu'est-ce qu'on ne peut pas faire dans une maison chauffée par plinthes électriques.
M. Corbeil: Par plinthes électriques.
M. Olivier (Guy): Donc, oui, ça coûte un peu plus cher, mais, bon, on bâtit une maison pour 50, 100 ans, ce n'est pas...
M. Benhaddadi (Mohamed): Si vous permettez, j'ajouterais...
Le Président (M. Bachand): Allez-y, M. Benhaddadi.
M. Benhaddadi (Mohamed): Oui, merci, M. le Président. J'ajouterai une phrase, c'est que c'est sûr que prioritairement on ne devrait peut-être pas penser au changement. Il faut d'abord commencer par les nouvelles constructions, initier une politique d'encouragement. Et là l'État est interpellé. L'État a un rôle à jouer. Et quand nous disons: L'État a un rôle à jouer, ce n'est pas l'État acteur économique, mais l'État régulateur. Il va y avoir peut-être des mesures incitatives qui vont inciter les gens qui construisent de nouvelles institutions, de nouvelles maisons à aller vers le chauffage qui est le plus efficient, le chauffage au gaz. Mais c'est sûr que, si on laisse cette question dépendre juste du bon vouloir, sans l'accompagner de mesures parallèles qui vont aller dans cette direction, ça va être lettre morte, forcément.
La situation spécifique du Québec ne peut pas changer du jour au lendemain. Par contre, c'est des actions immédiates qui doivent être entreprises pour qu'on travaille le long terme. On ne parle pas ici du court terme, on parle du moyen et du long terme. Et c'est tout de suite qu'il faut agir. Tout le monde convient, c'est une anomalie, des mesures s'imposent. Et les mesures, elles s'imposent là, en ce moment. Il va falloir les initier.
Le Président (M. Bachand): M. le ministre.
M. Corbeil: Quand vous faites référence au principe de la bonne énergie à la bonne place ? parce que pour la chauffe, c'est établi, je pense, que le gaz naturel et le mazout sont plus efficaces ? qu'est-ce qu'on fait avec les territoires qui ne sont pas desservis? Qu'est-ce qu'on fait avec les sources d'approvisionnement qui sont limitées? Vous savez, vous connaissez la problématique du fait qu'on reçoit notre gaz naturel du bassin sédimentaire de l'Ouest canadien, et on parlera tantôt d'autres projets d'approvisionnement, là, mais qu'est-ce qu'on fait avec ça, et ce que j'appellerai ou qualifierai comme étant, au moment où on se parle, une limite à la possibilité de l'expansion?
Le Président (M. Bachand): M. Benhaddadi.
M. Benhaddadi (Mohamed): Merci. Commençons par le commencement. Commençons par desservir les régions qui sont reliées au réseau du gaz, là, qui traverse le Québec, commençons par Montréal et Québec. Puis le reste suivra si nécessaire. Peut-être qu'on n'a pas le privilège ou, je vous dirais, la possibilité de desservir l'ensemble du territoire québécois. Je vous le dis tout de suite: À mon sens... ce serait peut-être un non-sens d'aller desservir chaque village. Économiquement, ce ne serait pas viable. Mais commençons par desservir les régions à forte densité de population où ce gaz est présent. Et puis le reste, ça viendra.
Il y a une politique d'accompagnement aussi pour que la population prenne conscience. Et je le répète, je l'ai dit tout à l'heure, la population, si elle comprend, elle peut suivre. Mais faudrait-il qu'elle sache au préalable où c'est qu'on veut l'amener. Et, nous, dans notre esprit, c'est clair, notre démarche, c'est d'aller chercher le maximum de richesse avec nos ressources. C'est suffisamment clair. Et c'est des ressources qui vont servir au Québec, pour les Québécois, en bout de ligne.
Et je pense qu'il y a beaucoup de travail à faire à ce niveau-là, et on s'en rend compte nous-mêmes, à l'université. Écoutez, c'est ça aussi, le propre du scientifique, il n'y a rien d'acquis. On explique et on réexplique.
M. Corbeil: Mais, dans la filière gaz naturel, il y a des projets de port méthanier au Québec, indépendamment qu'il y en ait un ou deux ou les deux, ça soulève beaucoup la question de l'acceptabilité en rapport avec la réalisation de ces projets-là. Est-ce que vous auriez une opinion là-dessus pour nous assister dans les démarches d'acceptabilité?
Le Président (M. Bachand): M. Olivier.
M. Olivier (Guy): Oui. Merci. Je pense qu'on avait un graphique où... On a des données avec nous qui disent qu'aux États-Unis les ports méthaniers, c'est une technologie qu'ils utilisent depuis au moins 30 ans, sinon plus longtemps; qu'ils importent d'Algérie, entre autres, depuis ? mon collègue va vous dire l'année ? ...du gaz liquéfié d'Algérie depuis très, très longtemps. C'est une énergie qui est mature, mais, bon, oui, on peut comprendre que la population ait peur de ça, mais on a des raffineries dans l'est de la ville de Montréal, aussi. Ça peut faire boum demain matin, ça a déjà fait boum, donc...
n(17 h 40)n.
M. Benhaddadi (Mohamed): J'ajouterais peut-être une phrase. Tout à l'heure, j'ai dit et je le confirme: Il nous faut ce port méthanier, ça va sécuriser nos approvisionnements. J'ai dit: Ça ne baissera pas le prix. Et j'ajouterai: Ça ne baissera pas le prix pour l'industrie. Pour le consommateur, par contre, qui paie à peu près le double de ce que paie le secteur industriel, voire un petit peu plus, ça pourrait peut-être se répercuter positivement du point de vue prix.
Et par ailleurs c'est sûr que, là aussi, il faut qu'on explique à nos concitoyens que c'est l'équivalent d'installer une raffinerie, donc ça va créer plus de produits; peut-être que ça pourrait se répercuter positivement dans le sens des prix pour les petits consommateurs, pas pour l'industrie, ça va de soi.
Donc, ces ports méthaniers, là, donc j'ai ici des données du Département américain de l'énergie, la provenance de leur importation de gaz naturel. Ils importent de plusieurs pays, que je vous cite très brièvement ? ce n'est pas lui, donc, pardon, c'est le suivant ? oui: d'Algérie, d'Australie, du Nigéria, d'Oman, Qatar. Ils ont commencé à importer depuis 1971. C'est vrai que c'étaient des quantités négligeables en 1971, mais, si on regarde ces dernières années ? je suis moi-même d'origine algérienne ? c'est 50 milliards de pieds cubes qu'ils ont importés d'Algérie, c'est quand même une quantité assez appréciable.
Et les méthaniers fonctionnent très bien, dans le sens où ils approvisionnent régulièrement le marché ? entre autres, le marché du Nord-Est américain ? en gaz d'Afrique du Nord, Proche et Extrême-Orient. Ça tourne depuis 30 ans. Et les Américains, eux aussi, leur marché est intégré avec le nôtre, ça n'a pas baissé le prix chez eux. Par contre, ça a sécurisé leurs approvisionnements, c'est indéniable.
Le Président (M. Bachand): Merci. M. le ministre des Ressources naturelles... Mme la députée de Rosemont, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie.
Mme Dionne-Marsolais: Merci. Je voudrais... On va terminer sur cette histoire de terminal méthanier. Il y a deux projets au Québec, hein? Est-ce qu'à votre avis c'est beaucoup, deux projets, ou si... Vous dites: On a besoin d'un port, un terminal. On peut partager votre avis là-dessus, mais est-ce qu'on en a besoin de deux? On nous a bien démontré ici que la demande a été satisfaite par la présence d'un seul; peut-être, dans 10 ans, un autre, là. Mais quel est votre avis là-dessus?
M. Benhaddadi (Mohamed): Je pense qu'au premier chef ça va dépendre de la politique que l'on va se donner, la nouvelle politique énergétique. Si on va dans le sens de la promotion de l'efficacité énergétique, qui consiste à introduire davantage le gaz dans le secteur résidentiel et institutionnel, c'est sûr que la demande sera très élevée; aux experts concernés de déterminer est-ce que c'est un ou deux. Parce que la question, à mon sens, ne devrait pas se poser. Est-ce que c'est un ou deux? C'est: Est-ce qu'un va être suffisant? Ça va être fonction de l'importance de l'infrastructure, de l'importance de la rotation des méthaniers. Donc, je pense qu'au premier chef il faut définir la politique; ensuite, le nombre, il va se déduire en fonction de la politique qu'on aurait initiée dans cette direction.
Mme Dionne-Marsolais: Donc, parmi les recommandations que vous faites, et vous en faites plusieurs, elles sont toutes intéressantes les unes plus que les autres, vous dites aussi qu'au niveau du chauffage on... vous avez pris l'audace jusqu'à dire: Il faudrait carrément arrêter de faire la promotion ou de faciliter le chauffage électrique par plinthes. C'est une possibilité, et ce serait certainement, dans un cas de pénurie, une option de choix énergétique efficace, ce serait une option certainement à étudier. Et le coût marginal de financement, sur un amortissement de 25 ans, ce n'est quand même pas... En tout cas, je ne crois pas qu'il y ait une incidence, il s'agit de le décider.
Vous avez aussi dit... Vous avez mentionné... Vous suggérez de développer 4 000 MW de puissance avec l'éolien, avec l'exploitation des meilleurs sites, et vous allez jusqu'à demander que ce soit Hydro-Québec qui elle-même, si vous voulez, développe cette puissance. Pourquoi à votre avis ça devrait être Hydro-Québec?
M. Olivier (Guy): Je vais répondre à celle-là. Le 4 000... On nous parlait de 10 % tout à l'heure; il n'y a pas de limite théorique. Où on enseigne les réseaux électriques, il n'y a pas de raison théorique d'atteindre le 4 000, que ce soit... on en a 35 000 d'installés; un 4 000, là, on va atteindre de l'ordre de 10 %. Il y a des pays qui visent 25 %, 30 %, 40 % de production éolienne. Ce 10 % là est une limite de... qui va avoir... À partir de 10 %, il va y avoir des conséquences importantes sur la gestion du réseau. Là, Hydro-Québec, il va falloir apprendre à gérer plus que 10 %. Jusqu'à 10 %, ils vont probablement être capables de continuer les politiques de gestion qu'ils ont déjà. Ça va être marginal pour eux, et on va faire comme on est habitué de faire depuis 30 ans. Hydro-Québec, les gens qui gèrent des réseaux électriques, qui s'assurent qu'il y a assez de turbines en marche pour la fiabilité, c'est des gens très conservateurs de nature. J'enseigne ça depuis 20 ans, là, ce n'est pas... Donc, après ça, il va falloir qu'ils changent leurs habitudes, et ils ne changeront pas leurs habitudes, à Hydro-Québec, s'ils n'ont pas un groupe de production peut-être de 4 000 ou 5 000 MWh d'éolien qui leur appartient et qu'ils doivent intégrer à leur réseau, en plus d'un autre 4 000 à 5 000 qui venait, par exemple, du privé.
Quand ils vont avoir cette compréhension du réseau, cette compréhension technique, là, je ne parle pas des équations dans leurs modèles puis des... ces analyses techniques poussées qu'ils ont besoin de faire, quand ils vont avoir intégré ça à leur gestion du jour au jour, ça va être une deuxième révolution semblable à quand on a fait les lignes à 735 000 V, là, dans les années 1965. Donc, il va falloir que nos ingénieurs-techniciens, que les professeurs qui enseignent ça aussi apprennent tout ça et qu'on mette ça dans les façons de fonctionner d'Hydro-Québec. Le 10 %, c'est une limite. Ça ne dérangera pas trop. Donc, pour que ça dérange un peu Hydro, il va falloir qu'il y en ait qui leur appartiennent, qu'ils apprennent à savoir... Et ça nous donnerait aussi un truc de comparaison: Est-ce que les coûts de gestion du privé puis les coûts de gestion du public ou d'Hydro, est-ce que c'est comparable?
Le Président (M. Bachand): Oui, M. Benhaddadi.
M. Benhaddadi (Mohamed): Vous avez une réponse technique à laquelle j'ajouterai une réponse économique. Beaucoup d'entre vous ont été témoins de beaucoup de tracasseries que cette filière a soulevées pour un certain nombre, pour les détracteurs ? ce n'est pas notre cas ? qui ont carrément remis en cause le potentiel exceptionnel dont nous jouissons. Le potentiel exceptionnel, je vous le rappelle. À la Régie de l'énergie, donc c'étaient des chiffres de 100 000 qui ont été mis de l'avant, et on avait dit que ce qui est récupérable était dérisoire. Or, quelle ne fut la surprise de bon nombre quand il y a eu de la soumission pour 4 000!
Donc, c'est pour cela que, nous, nous avons pensé: Si on veut être leader, et on veut être leader, il va falloir aller chercher ce 4 000, mais il va falloir donner toute sa chance à l'éolien. Et donner toute sa chance à l'éolien, ça veut dire qu'il va falloir aller exploiter les meilleurs sites. On dépassera largement le 30 %, là, de facteur d'utilisation, largement. Les Européens travaillent avec des vitesses de vent de 5 à 7. Le potentiel de 100 000 MW, on vous l'a expliqué maintes et une fois, j'imagine, c'est juste pour les sites au-dessus de 7 m/s, vitesse du vent. Donc, le potentiel est là. Et là, maintenant, le potentiel économique est là. Il va falloir aller de l'avant. Et nous nous réjouissions quand nous avons appris qu'il va y avoir un nouveau 1 000 MW qui va être lancé. Nous nous réjouissons doublement, que ce soit dit en passant, parce que nous avons proposé à la régie, dans ses travaux, minimum 1 000 MW supplémentaires.
Mais, voyez-vous, M. le Président, l'éolien, ça se développe si rapidement, si intensément que le 1 000 MW qui, hier, était révolutionnaire aujourd'hui n'est pas obsolète, mais il est beaucoup moins, disons, important eu égard au potentiel que nous avons, au potentiel réel que nous avons. Maintenant, il va falloir aller de l'avant avec cet éolien. Et c'est prouvé par les gens qui travaillent en la matière que le prix va décroissant, il va être compétitif. Il l'est déjà avec le prix de 7 $US le millier de pieds cubes de gaz, et je vous fais grâce des dommages collatéraux, qui sont absents, dans le cas de l'éolien.
Le Président (M. Bachand): Mme la députée.
Mme Dionne-Marsolais: Merci. On va essayer de réduire la longueur des réponses parce que le temps file. Donc, je comprends deux choses: je comprends que les coûts baissent au niveau international et je comprends que ? ça, c'est un message... c'est la première fois qu'on entend ce message-là ? si Hydro-Québec ne devient pas l'exploitant et le producteur d'éolien, il ne portera pas suffisamment d'intérêt à l'exploitation d'un réseau qui optimise la contribution de l'énergie éolienne. J'ai bien compris?
M. Olivier (Guy): Oui, et la preuve de ça, c'est le coût assez substantiel pour le système d'équilibrage. Ils nous proposent 0,009 $...
Mme Dionne-Marsolais: C'est ma question, c'est ma question suivante.
M. Olivier (Guy): C'est une conséquence de ça.
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(17 h 50)
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Mme Dionne-Marsolais: Voilà. Parce que vous dites ici ? et c'est assez clair, hein ? vous dites: Ça n'a pas de sens, ce prix-là, en termes plus polis que moi, mais vous dites que 9/10 de sou, là ? c'est ça, 9/10 de sou? ? de coût d'équilibrage, ça n'a pas de bon sens, que c'est beaucoup plus élevé que le coût qui est... Et, on se rappelle ? puis ça, c'est important de le garder en mémoire ? le coût d'équilibrage, il est supporté entièrement par le consommateur ultime. C'est vous et moi, là, qui payons ce coût-là, ce n'est pas le producteur puis ce n'est pas... Hydro-Québec le transfère directement à la régie. Et, parce qu'Hydro-Québec Production n'est pas assujettie à la régie, on n'est pas capable de justifier ça, d'où votre recommandation, si je comprends bien, qu'Hydro-Québec Production soit aussi assujettie à la régie.
Mais, les coûts d'équilibrage, ils se situent entre quoi et quoi actuellement, là, en Europe, aux États-Unis? Avez-vous des informations sur ça?
M. Olivier (Guy): En Europe, à plusieurs endroits, il n'y en a pas.
Mme Dionne-Marsolais: Il n'y en a pas? Ah!
M. Olivier (Guy): Ou c'est absorbé dans le coût général, ils n'ont pas mis un coût particulièrement à ça.
Mme Dionne-Marsolais: O.K. Dans le cas où c'est l'exploitant lui-même qui produit l'éolien, le distribue, le transporte, c'est...
M. Olivier (Guy): C'est un système, là, j'ai de la misère à comprendre qu'une partie d'un système va chercher l'approche du voisin, là; ça devrait être géré en système intégré. Donc, ça fait un truc... L'idée, par exemple, si on a beaucoup d'éoliennes, beaucoup de vent, une journée, pourquoi on n'arrête pas une centrale hydroélectrique pour accumuler de l'eau dans le réservoir? C'est ça, l'équilibrage, là, effectivement. Mais, ici, on nous a présenté ça comme: On continue à faire marcher nos turbines à eau puis on met de l'éolien par-dessus. On ne veut pas jouer sur ces deux plans-là. C'est ces algorithmes de contrôle là qu'il faut qu'on apprenne.
M. Benhaddadi (Mohamed): Un chiffre, si vous voulez bien, s'il vous plaît, pour répondre à votre question. J'ai eu, deux, trois semaines en arrière, une discussion avec nos spécialistes dans le domaine de l'éolien, qui nous avancent un chiffre de 0,004 $US à 0,005 $US de moyenne.
Mme Dionne-Marsolais: 4/10 de sou?
M. Benhaddadi (Mohamed): 0,004 $US à 0,005 $US, c'est-à-dire la moitié de ce qu'Hydro-Québec...
Mme Dionne-Marsolais: 4 000 $?
M. Benhaddadi (Mohamed): Non, non. 0,004 $ par kilowattheure de prix d'équilibrage qui sont facturés, en Amérique du Nord.
Mme Dionne-Marsolais: O.K. 4/10 de sou?
M. Benhaddadi (Mohamed): 4/10, oui, j'ai un 0,004 $, là.
Mme Dionne-Marsolais: C'est ça. O.K.
M. Benhaddadi (Mohamed): Juste une dernière précision, si vous le voulez bien, Mme la députée de Rosemont ? je suis un électeur de la circonscription de Rosemont...
Mme Dionne-Marsolais: Ah! Nous vous écoutons. Nous sommes tout ouïe.
M. Benhaddadi (Mohamed): Alors, juste une dernière précision. Nous avons dit: Plus que souhaitable qu'Hydro-Québec développe une partie de la puissance. Nous n'avons pas dit qu'Hydro-Québec développe cette puissance, je pense que ça mérite d'être souligné.
Mme Dionne-Marsolais: Non. C'est une excellente remarque. Je vais juste voler une seconde au président, s'il me permet. Même s'il ne me le permet pas, je pousse l'audace à le faire.
Le Président (M. Bachand): Allez-y, poussez.
Mme Dionne-Marsolais: Vous avez parlé, dans le résumé, là, que vous êtes d'avis qu'un bilan global et impartial des apports des multinationales doit être fait avant toute éventuelle reconduction des contrats à terme. Devant cette commission, on a eu un certain nombre de groupes qui sont venus nous dire que le revenu par kilowattheure des exportations du secteur manufacturier était de l'ordre de 0,69 $ du kilowattheure, sur le plan macro. Le revenu d'exportation des producteurs d'aluminium est de l'ordre de 0,143 $ du kilowattheure. Récemment, le Conseil de l'industrie forestière m'a donné un chiffre de l'ordre de 0,40 $ du kilowattheure, revenu d'exportation de son industrie par kilowattheure consommé. Et on sait que, vous l'avez même dans votre tableau, le plus haut revenu qu'Hydro-Québec a retiré de ses exportations d'électricité, c'est 0,088 $ du kilowattheure. Vous êtes un spécialiste de l'économie, je vous dirais: Qu'est-ce que vous choisiriez?
Le Président (M. Bachand): Rapidement, M. Benhaddadi.
M. Benhaddadi (Mohamed): Je ne suis pas spécialiste de l'économie, je suis ingénieur, même si j'ai, heureusement ou malheureusement, c'est selon, à regarder ces chiffres, et les chiffres, ils sont là, ils sont parlants. J'ai regardé en tout et pour tout deux mémoires, celui d'Alcan et celui d'Alcoa. Alcan... Commençons par Alcoa, si vous voulez. Il se targue de générer près de 1 milliard de retombées dans l'économie québécoise pour 17 TWh; ça me donne un peu moins de 0,06 $ en économie. Pour Alcan, c'est un petit peu mieux, mais pas beaucoup, là, c'est 1,3 milliard dans l'économie pour à peu près 19,2 TWh consommées, ça donne 0,066 $, 0,067 $. Et, à notre humble avis, on n'est pas dans nos comptes, au Québec, eu égard aux nouvelles données, c'est ce que nous disons.
Maintenant, s'il y a de nouvelles données qui ne sont pas portées à notre connaissance, c'est sûr qu'il va falloir les prendre en considération. Ici, je fais référence à ce qui marche en parallèle, les activités connexes à ces activités de fonte et d'affinage, mais, si c'est 100 ou 200 millions de retombées en direct, ça n'a pas d'incidence majeure. Si c'est un nouveau milliard, c'est autre chose. C'est des données auxquelles on n'a pas accès.
Le Président (M. Bachand): Merci, Mme la députée de Rosemont. Merci, M. Benhaddadi, M. Olivier, et bon retour dans le comté de Rosemont, messieurs.
M. Benhaddadi (Mohamed): Merci.
Le Président (M. Bachand): Donc, les travaux sont ajournés à mardi le 5 avril, à 9 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, car nous aurons une vidéoconférence.
La Secrétaire: ...
Le Président (M. Bachand): Louis-Joseph-Papineau, que dis-je. Merci, Mme la secrétaire.
(Fin de la séance à 17 h 55)