(Onze heures vingt-huit minutes)
Le Président (M. Rioux): Alors, je déclare donc la séance ouverte. Je rappelle le mandat de la commission, c'est de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques à l'égard du projet de loi n° 143, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, Mme Caron (Terrebonne) remplace M. Kieffer (Groulx) et Mme Gauthier (Jonquière) remplace M. Sirros (Laurier-Dorion).
Le Président (M. Rioux): Mme Caron, Mme la députée de Terrebonne, remplace monsieur... Elle fait oeuvre utile. Remplacer le député de Groulx, c'est un périlleux honneur.
Alors, nous allons maintenant demander à l'Association des aides familiales du Québec de bien prendre place.
Document déposé
Et, en attendant, j'aimerais déposer une lettre qui est signée par le groupe des 13 et adressée à la commission et au ministre du Travail.
Une voix: Le groupe des 13?
Le Président (M. Rioux): Le groupe des 13. Ce n'est pas un groupe rock, hein. C'est une multitude d'associations, de regroupement d'organismes. Bien. Alors, voilà.
Auditions (suite)
Alors, Mme Raphaëlle de Groot, bonjour.
n
(11 h 30)
n
Mme de Groot (Raphaëlle): Bonjour.
Le Président (M. Rioux): Vous allez nous présenter vos collègues, madame.
Association des aides familiales
du Québec (AAFQ)
Mme de Groot (Raphaëlle): Oui, c'est ça. Donc, je suis aujourd'hui accompagnée de Louise Dionne, qui est directrice de l'Association des aides familiales du Québec, de Samia Ouar, qui est conseillère en défense de droits pour l'Association, et de Nancy Célestin, qui est stagiaire en droit présentement à l'Association.
Le Président (M. Rioux): Alors, bienvenue parmi nous.
Mme de Groot (Raphaëlle): Merci.
Le Président (M. Rioux): Vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire. On vous écoute.
Mme de Groot (Raphaëlle): D'accord. Alors, je vais commencer en présentant l'Association et, ensuite, je passerai la parole à Mme Dionne qui va vous présenter nos commentaires concernant le projet de loi.
Donc, l'Association des aides familiales du Québec intervient pour la reconnaissance, le respect et la valorisation de la profession d'aide familiale depuis 1975. Au Québec, il s'agit du seul organisme sans but lucratif qui a pour mandat de représenter les employés en maison privé.
La tâche de l'Association des aides familiales du Québec est multiple. Elle poursuit un travail de conscientisation auprès de la population afin de faire reconnaître le travail des aides familiales comme un métier qui doit être encadré et inscrit dans la loi tout en exerçant une représentation auprès des instances politiques afin de faire changer les lois. Elle intervient aussi auprès des aides familiales elles-mêmes, dans une perspective d'éducation populaire, et leur offre un service d'accompagnement, d'information, de formation et de soutien.
L'expertise de l'Association des aides familiales du Québec touche l'employée qui est engagée par des familles pour fournir une variété de services souvent liés à la garde des personnes, tels la préparation des repas, l'entretien ménager, le développement d'activités éducatives pour enfants, la supervision des personnes dépendantes, etc. L'Association des aides familiales du Québec définit l'aide familiale comme une professionnelle qui exécute diverses fonctions dans une maison privée. À ce titre, l'aide familiale occupe clairement un rôle d'employée car elle est subordonnée aux instructions de son employeur et elle nécessite des outils fournis par l'employeur pour accomplir ses tâches. La catégorie d'aide familiale ne fait pas de distinction entre les tâches ménagères et la garde des personnes, des fonctions qui, dans une profession de services auprès des familles, sont demandées simultanément par l'employeur.
L'Association des aides familiales du Québec est membre du Front de défense des non-syndiqué-e-s et appuie les commentaires et les propositions qui sont énoncés dans son mémoire, de même que nous sommes en accord avec le contenu du mémoire de l'organisme Au Bas de l'échelle, nos partenaires depuis de nombreuses années en matière de défense des droits des travailleurs et travailleuses non syndiqués.
Je passe maintenant la parole à Louise Dionne.
Le Président (M. Rioux): Merci. Mme Dionne.
Mme Dionne (Louise): Bonjour. Depuis plus de 25 ans, l'Association fait de nombreuses représentations auprès des ministres du Travail et du ministère, publiant mémoires et rapports de recherche. C'est donc avec beaucoup d'attentes que nous avons examiné le projet de loi n° 143, espérant y trouver des éléments répondant à nos demandes visant à rendre justice aux milliers de travailleuses exclues ou partiellement protégées par la Loi sur les normes du travail. Nos propos porteront donc principalement sur les enjeux du travail en maison privée et les éléments issus de notre analyse et de notre travail auprès des aides familiales depuis plus de 25 ans.
Nous avions de grandes attentes dans le cadre de la réforme de la Loi sur les normes du travail et nous sommes heureuses de constater que le projet permettra à toutes les aides familiales d'être reconnues dans la loi. Nos commentaires et propositions visent à soutenir les démarches du législateur afin d'offrir une protection universelle à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs. Toutefois, nous limiterons nos propos aux aspects du projet de loi touchant directement les domestiques et les gardiennes, c'est-à-dire les salariées dont le travail consiste à garder ou prendre soin de personnes et d'effectuer des tâches ménagères reliées à la garde ou aux soins de ces personnes.
D'emblée, nous sommes ravies de voir que le projet de loi répare une injustice concernant les aides familiales résidentes en leur octroyant le même statut salarial que leurs collègues non résidentes. La discrimination salariale entre les aides familiales résidentes et les non-résidentes était inéquitable, sachant que ce sont surtout les familles les plus privilégiées qui bénéficient des services des aides familiales résidentes. Cette modification allégera la situation difficile des aides familiales recrutées dans le cadre du programme des aides familiaux résidants, programme qui maintient souvent les travailleuses en situation de quasi-esclavage.
Nous saluons aussi la modification proposée par le projet de loi visant à diminuer à deux ans plutôt que trois le service continu nécessaire pour avoir droit à la protection contre les congédiements injustes. Toutefois, nous croyons qu'une année de service continu serait plus représentatif de la situation des aides familiales et de l'ensemble des travailleuses et travailleurs non syndiqués. Nous demandons de diminuer à 12 mois la période de service continu nécessaire pour avoir droit à la protection contre un congédiement fait sans cause juste et suffisante.
Malheureusement, il n'y a pas eu de changement concernant les indemnités équivalant à trois mois de salaire que peuvent recevoir les aides familiales en cas de pratique interdite ou de congédiement sans cause juste et suffisante. Pourtant, lors des consultations du printemps dernier, nous avions mis de l'avant l'injustice créée par les dispositions des articles 123 et 128 de la loi. Les aides familiales travaillent dans la sphère privée de la résidence de leur employeur, les relations de travail sont marquées par un rapport de force très défavorable à l'aide familiale et leur situation demande une attention spécifique de la part des autorités à cause des risques d'abus, d'exploitation et de violence. Nous avions demandé que ces dispositions discriminatoires qui nient aux aides familiales une réparation juste soient améliorées dans la Loi sur les normes du travail en vue d'assurer une égalité de traitement pour les aides familiales. Dans les circonstances, nous demandons que le commissaire permette à ces travailleuses de bénéficier d'indemnités qui tiennent compte de la situation particulière dans l'exercice de ce métier et aux circonstances du congédiement.
Par ailleurs, les articles 63 et 68 du projet de loi, qui modifient les articles 123 et 128 par l'ajout de «de ou d'une personne dont la fonction exclusive est d'assumer la garde ou de prendre soin d'un enfant, d'un malade, d'une personne handicapée ou d'une personne âgée», devraient être amendés afin d'éviter toute confusion envers d'autres catégories de travailleuses. Le libellé devrait être comme suit: «Un commissaire du travail ne peut ordonner la réintégration d'un domestique ou d'une personne dont la fonction exclusive est d'assurer la garde ou de prendre soin d'un enfant, d'un malade, d'une personne handicapée ou d'une personne âgée, dans le logement de cette personne, lorsque l'employeur n'est pas une personne morale.» Concernant l'inclusion des gardiennes. Nous saluons aussi l'inclusion de toutes les aides familiales dans le projet de loi. Toutefois, certaines mesures transitoires nous paraissent problématiques tant d'un point de vue de l'équité envers ces travailleuses que pour des motifs d'ordre pratique dans l'application de certaines mesures transitoires. Notre demande était la suivante: que la distinction entre «domestique» et «salariée» dont la fonction exclusive est d'assumer la garde ou de prendre soin, dans un logement, d'une personne, qui existe dans la Loi sur les normes du travail depuis 1980, soit abolie et que l'ensemble des aides familiales soient entièrement protégées par cette loi.
L'article 2 du projet de loi, qui remplace le libellé du deuxième paragraphe de l'article 3 de la loi, rejoint cette demande, mais certaines ambiguïtés dans le libellé risquent de créer un effet opposé aux intentions du législateur qui voudrait éviter que des familles deviennent des employeurs malgré elles par l'utilisation de ce type de service de manière ponctuelle ou dans un contexte d'entraide. Toutefois, le libellé compromet la protection de certaines travailleuses du milieu communautaire et d'entreprise offrant ce type de service. Nous proposons que le libellé soit précisé tel que le proposent le Fonds de défense des non-syndiqué-e-s et l'organisme Au Bas de l'échelle. Nous demandons que l'alinéa 2 de l'article 2 du projet de loi qui modifie l'article 3 de la loi soit libellé comme suit:
1° par le remplacement du paragraphe 2° par le suivant:
«2° sauf si l'employeur poursuit au moyen de ce travail des fins lucratives, ou s'il est une personne morale, au salarié dont la fonction exclusive est d'assumer la garde ou de prendre soin d'un enfant, d'un malade, d'une personne handicapée ou d'une personne âgée, dans le logement de cette personne, y compris, le cas échéant, d'effectuer des travaux ménagers qui sont directement reliés aux besoins immédiats de cette personne, lorsque cette fonction est exercée de manière ponctuelle ou est fondée uniquement dans une relation d'entraide familiale ou provenant de la communauté.» L'article 14 du projet de loi aura pour effet d'exclure les gardiennes de la durée normale de la semaine de travail. Cette exclusion nous paraît injuste envers ces aides familiales qui attendent depuis longtemps une reconnaissance entière de leur statut de travailleuses. D'autant plus que leurs employeurs imposent déjà de nombreuses heures et ne se soucient pas toujours des heures accumulées surtout par les aides familiales dont la fonction est de prendre soin de personnes. Nous craignons que certains employeurs soient tentés de ne pas rémunérer toutes les heures de ces salariées sous prétexte que la loi les exclut de la semaine normale de travail. Nous demandons donc l'application de la semaine normale de travail pour ces salariées.
n(11 h 40)n L'article 71 du projet de loi propose, par l'ajout de l'article 158.3, un délai d'un an avant l'entrée en vigueur de la protection par la loi des salariées dont le travail consiste à garder ou prendre soin de personnes et d'effectuer des tâches ménagères reliées à la garde ou aux soins de ces personnes. Nous croyons que cette mesure n'est pas utile et va à l'encontre du caractère universel de la loi. Elle retarde injustement l'entrée en vigueur de la protection de la loi. Nous croyons qu'elles ont suffisamment attendu. Nous demandons l'entrée en vigueur immédiate de la protection de la loi pour les salariées dont le travail consiste à garder ou prendre soin des personnes et d'effectuer des tâches ménagères reliées à la garde ou aux soins de ces personnes.
Le libellé de cet article qui exclut ces salariées de la Loi sur le salaire minimum pour une période de cinq ans et propose l'adoption d'un règlement fixant le salaire minimum de ces travailleuses nous inquiète à plusieurs points. Le libellé nous informe que le gouvernement «peut» ? rien n'indique qu'il s'agit d'une obligation ? dans un délai d'un an après l'entrée en vigueur de la loi, établir le salaire minimum de ce salarié. Nous avons des craintes concernant le salaire de ces travailleuses. Celui-ci sera-t-il suffisant pour assurer un niveau de vie décent à ces travailleuses?
Un autre aspect de cet article soulève aussi de grandes interrogations. Il s'agit des trois critères proposés pour établir le salaire minimum: la situation de l'employée, l'employeur et le type de garde. Nous comprenons que le législateur veut se garder une marge de manoeuvre afin de tenir compte de la diversité des situations de ces salariées et d'assurer qu'aucun employeur ne sera pénalisé. Cependant, nous croyons que cela posera des problèmes d'ordre pratique à cause du nombre de critères. Actuellement, les aides familiales doivent démontrer qu'elles sont des domestiques et couvertes par la loi lorsqu'elles déposent une plainte auprès de la Commission des normes du travail. Nous ne pouvons qu'imaginer la situation lorsqu'il faudra tenir compte d'un plus grand nombre de critères pour établir les modalités s'appliquant au salaire à être versé à ces travailleuses. Cela ne simplifie en rien la tâche pour les travailleuses et les employeurs, tout en risquant d'encombrer inutilement la Commission des normes du travail.
En ce qui concerne les critères proposés par le projet de loi, notre pratique nous a permis d'identifier les principales catégories d'employées dont la fonction est de prendre soin des personnes. Il s'agit de celles qui prennent soin d'enfants, de personnes âgées ou de handicapés. Elles le font de façon professionnelle et ont l'expérience ou la formation pour exercer ce métier. Nous croyons qu'elles devraient bénéficier au moins du salaire minimum.
Dans notre mémoire présenté lors de la consultation publique du printemps dernier, nous avons émis les commentaires suivants concernant l'exclusion de ces travailleuses: «L'argument voulant que les familles-employeurs ne soient pas capables de payer le salaire minimum ne tient plus. Depuis la création des garderies à 5 $ et l'amélioration des conditions de travail des éducateurs et des éducatrices en garderie, le gouvernement lance un message clair et reconnaît que la conciliation famille-travail est une responsabilité sociale et non individuelle. Le cas spécifique des familles à faibles revenus avec des besoins de soutien à domicile devrait être traité dans le cadre de la politique familiale. Le recours individuel aux services d'une employée qui travaille hors de la protection de la loi porte non seulement atteinte aux droits fondamentaux de la travailleuse, mais entraîne aussi une précarité dans la continuité et la qualité de service qui pourrait avoir un impact négatif sur la personne bénéficiaire.» Nous croyons que ces commentaires valent toujours. C'est pourquoi nous demandons que, dans le cas de pénurie de services: garderie, maintien à domicile ou autres, le gouvernement prévoie une forme de soutien financier à ces familles-employeurs. De plus, nous croyons que la période de cinq ans n'est pas justifiable. Nous croyons qu'une période de deux ans est suffisante, le cas échéant, pour que le législateur et les employeurs puissent s'ajuster aux différentes situations.
Le Président (M. Rioux): Voulez-vous aller à la conclusion rapidement, parce qu'on a déjà dépassé le temps?
Mme Dionne (Louise): D'accord. Il me reste trois paragraphes.
Le Président (M. Rioux): O.K.
Mme Dionne (Louise): Nous demandons l'application du taux régulier du salaire minimum aux gardiens et gardiennes de personnes au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, et ce, quelle que soit la situation de la salariée ou de l'employeur et quelle que soit la nature de la garde.
Finalement, nous demandons ? je vais aller à nos demandes ? nous demandons que ce dernier paragraphe concernant les congés... le pouvoir du gouvernement de... concernant les indemnités de congé, que le dernier paragraphe soit enlevé et que les salariées dont le travail consiste à garder ou prendre soin des personnes et d'effectuer des tâches ménagères bénéficient des mêmes dispositions que l'ensemble des travailleurs et travailleuses couverts par la loi.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci. M. le ministre.
M. Rochon: Oui, merci, M. le Président. D'abord, merci beaucoup de votre contribution et de votre collaboration tout le long du processus. Je pense que vous nous avez aidés beaucoup à bien comprendre, à bien saisir la situation des aides familiales, c'est tout un... les aides familiales, les gardiennes, les domestiques. Pour la Loi des normes du travail, c'était tout un univers un peu nouveau, et on a beaucoup apprécié votre collaboration qui nous a aidés à comprendre ce milieu-là.
J'aurais deux commentaires: un premier en ce qui regarde les gardiennes et un deuxième qui est un peu aussi une question sur votre premier point dans votre mémoire quant à la réintégration ou l'indemnité.
Alors, pour ce qui est des gardiennes, on comprend bien ce que vous nous dites. Vous trouvez que les délais sont un peu longs. Vous avez glissé par contre que, quand on lit l'article, il ne s'agit pas d'une obligation que le gouvernement fait parce que l'article emploie l'expression «peut» au lieu de «doit». Je veux vous dire que l'intention de l'article, c'est que c'est une obligation, et là il y a toute une discussion à chaque fois, à laquelle on revient à chaque projet de loi, et c'est technique. Moi, on me réassure à chaque fois, de la part des légistes, que le «peut» dans ce contexte-là veut dire «doit». Ça veut dire que, si le législateur peut, il va le faire. Alors, ça, je vous le souligne. Au besoin, on va revérifier. Mais ce qui est clair, c'est que l'intention, c'est que ce n'est pas un voeu pieux qui est dans le projet de loi. C'est une prescription d'agir.
Quant au délai, on n'a pas d'objection de principe, nous, puis on souhaite même que ce soit le plus court possible, l'application des normes minimales du travail aux gardiennes de personnes. D'ailleurs, on a bien mis dans l'article que cinq ans, c'est... au plus tard cinq ans. Et la seule raison en est une de se donner une marge de temps suffisante, pas trop longue mais suffisante, pour bien connaître les caractéristiques des gens qui vont devoir assumer l'obligation.
On n'a pas affaire à des employeurs, on a affaire à des familles, dans ce cas-là, qui paient la gardienne. Et vous dites d'ailleurs dans vos commentaires: Dans certains cas, il y aurait peut-être besoin de la préparation d'autres programmes gouvernementaux. Là, on a le chèque emploi-services. Il faudra peut-être des ajustements des programmes qui existent déjà. Est-ce qu'il y aura besoin d'autres soutiens aux familles? Donc, pour que ça fonctionne bien, l'inclusion complète des gardiennes à l'ensemble des normes du travail, surtout en ce qui regarde le salaire minimum, il faut qu'on soit sûr que ça fonctionne et qu'on ne crée pas un problème pour des familles en leur imposant un fardeau financier trop lourd trop vite sans avoir les ajustements qu'il faut en voulant aider les gardiennes. Alors, je vous le mentionne parce que c'est la seule raison ou les seules raisons qui nous amènent à identifier un espace de temps, une période de temps plutôt que de dire que ça s'applique tout de suite. Alors, d'ici la fin des travaux de la commission, on va... on vous entend bien, on va réexaminer, on va revoir le plus possible comment on peut serrer le délai. Mais soyez assurées que ce qu'on peut mettre... un, l'intention est claire, puis, deux, on va s'assurer de mettre ça dans des temps qui semblent être raisonnables; les plus courts possible mais raisonnables.
Mon deuxième commentaire. Là, je vais vous demander d'expliciter un peu. Je ne suis pas sûr d'avoir très bien saisi ce que vous souhaitez en ce qui regarde des indemnités spécifiques dont vous parlez dans votre mémoire à la page 4. Je pense que la loi actuellement dit bien que le domestique... les décisions qui sont prises dans le cas d'une... aux articles 123 et 128, qu'on comprend très bien, la loi tient compte de ça, que le domestique ne peut à toutes fins pratiques, ne peut pas réintégrer le milieu avec un problème qu'il peut y avoir eu et qu'il aura plutôt une indemnité. Est-ce que ce que vous souhaitez, c'est qu'on fasse une exception, comme vous dites, si le patron n'est pas une famille mais qui est une personne morale, c'est-à-dire une entreprise... Quel genre de situation où il pourrait y avoir réintégration dans la décision du commissaire, si c'est ce que vous demandez? Ou, par ailleurs, est-ce que c'est sur l'indemnité que vous faites une recommandation que vous trouvez, que vous pensez qui devrait être différente? En fait, reprécisez bien ça.
Le Président (M. Rioux): Mme Dionne.
Mme Dionne (Louise): Nous, notre position, c'est qu'on trouve que trois mois, ce n'est pas suffisant puis c'est injuste pour ces travailleuses-là parce que, souvent, elles se font congédier lorsqu'elles ont revendiqué des droits, elles se font congédier suite à des abus, des cas d'agression... Puis on trouve que de ne recevoir que trois mois, puis qu'il n'y ait pas de possibilité de recevoir une compensation ou des dommages exemplaires dans ces circonstances-là, puis que la loi ne prévoit rien pour ces cas-là, c'est ouvrir la porte aux abus pour les employeurs. Ça fait qu'on trouve que trois mois, c'est comme permettre aux employeurs...
M. Rochon: Qu'est-ce qui vous semblerait la période ou l'indemnité équitable? Avez-vous une opinion là-dessus à ce moment-là?
n(11 h 50)nMme Dionne (Louise): Bien, à ce niveau-là, on se dit... bien, il y a des cas qui sont plus particuliers, mais je pense qu'on serait un peu plus à l'aise avec la position d'au moins six mois, parce qu'on se dit: Au moins, c'est déjà un peu plus près d'une moyenne qui arrive déjà dans la réalité, là, pour les autres travailleurs et travailleuses. On serait à l'aise avec six mois.
M. Rochon: O.K. Maintenant, quant à...
Mme Dionne (Louise): On trouve que trois mois, c'est...
M. Rochon: ...la non-réintégration, vous êtes d'accord qu'on maintienne la loi comme ça, que...
Mme Dionne (Louise): Oui, on comprend que même l'employée ne voudrait pas retourner dans une famille où elle a été congédiée, là, suite à de l'exploitation ou de l'abus.
M. Rochon: Dans votre document à la page 5, vous dites, votre proposition semble être qu'«un commissaire du travail ne peut ordonner la réintégration [...] ? là, je saute un peu, vous décrivez la situation ? lorsque l'employeur n'est pas une personne morale». Est-ce qu'il y a des situations où la réintégration serait possible et serait la bonne solution?
Le Président (M. Rioux): Mme Dionne.
Mme Dionne (Louise): Oui, dans le cas des entreprises d'économie sociale. Je pense, dans le cas où les chèques emploi-services, l'employeur, les CLSC... les abus ne viendront pas... ils viennent du CLSC. Il y a déjà des politiques dans ce cas-là, là. Ça fait que, je pense, dans ces cas-là, ça pourrait...
M. Rochon: Les deux éléments là, dans votre recommandation.
Mme Dionne (Louise): Oui.
Le Président (M. Rioux): Ça va?
M. Rochon: Merci.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci.
Mme Dionne (Louise): ...
Le Président (M. Rioux): Ah! excusez, Mme Dionne, vous vouliez ajouter quelque chose? Allez.
Mme Dionne (Louise): Oui, concernant le premier commentaire de M. le ministre, ce serait de... concernant la période de cinq ans. Comment allez-vous vous y prendre pour déterminer... À quel moment vous allez être prêt pour savoir quel est l'ensemble des situations?
M. Rochon: Bon, une bonne question. Notre intention là, au moment où on prépare l'article, c'est qu'on se donne une première année qui va être un peu la chance pour tout le monde de se préparer, y compris pour le gouvernement, de déterminer à ce moment-là la période qui serait proposée dans un règlement qui serait adopté dans un an, un an après l'adoption de la loi c'est-à-dire, et que là il y ait un règlement qui pourrait préciser que l'atteinte du salaire minimum va se faire sur une période maximale de cinq ans. Mais, si les travaux qu'on fait dans l'année permettent de faire une échelle qui serait réalisable sur trois ans, le règlement le précisera. Mais là on dit déjà: Ce ne sera pas plus que cinq, maximum. Si, dans la prochaine année, on peut trouver le moyen de s'assurer qu'on peut y aller plus vite, dans un an, dans deux ans, dans trois ans, le règlement va le dire dans un an. Ce n'est pas quelque chose qui, à un moment donné, va venir quand on va y repenser. Alors, vous voyez, il y a donc une échéance d'un an pour proposer l'échéancier qui sera au maximum de cinq ans.
Mme Dionne (Louise): Mais le gouvernement, il possède déjà des outils pour avoir un aperçu de ce qui se passe par rapport... Il y a déjà le chèque emploi-services que c'est clair; les entreprises d'économie sociale, c'est clair; les aides familiales, celles qui sont dans la garde des personnes, il y a plusieurs... il y a déjà, au niveau de la fiscalité, des déclarations. Il y a déjà une bonne catégorie de gardiennes que les données sont là et les informations sont déjà là.
M. Rochon: Vous avez raison.
Mme Dionne (Louise): Pourquoi pénaliser ces travailleuses-là?
M. Rochon: Non, très bon point, ça aussi, que vous soulignez. Vous avez raison. Je vous disais que c'est l'ensemble de l'univers qu'on ne connaît pas bien. Le règlement pourrait moduler. On pourrait très bien dire que, pour les gardiennes en situation qu'on connaît bien maintenant, qu'on sait quel va être l'effet du règlement, chèque emploi-services ou autre, ajustement du programme, ça, c'est des choses qui pourraient être faites de façon complète plus rapidement, et y aller graduellement pour couvrir l'ensemble de l'univers sur une période maximale de cinq ans. Le seul critère là, c'est de connaître, savoir qu'est-ce qu'on fait puis les effets de ce qu'on fait, et, effectivement, ça peut être différent selon des sous-groupes de gardiennes parce que, pour certaines, on en sait pas mal plus, on a pas mal plus d'informations.
Mme Dionne (Louise): Quelle garantie qu'on a que ça ne se fera pas dans cinq ans mais vraiment, aussitôt qu'on a l'information, qu'on va le mettre en oeuvre?
M. Rochon: Bien là, la seule garantie que je peux vous donner, c'est qu'on se donne un délai d'un an pour annoncer nos intentions, c'est-à-dire quel sera le règlement, puis là, bien, de justifier pourquoi on met un an pour un groupe, trois ans pour l'autre et cinq ans pour l'autre, c'est au moment de la réglementation. Et un règlement, quand c'est fait, ce n'est pas fait en catimini, ça, sur un coin de table. Il y a une publication du règlement dans la Gazette officielle. Les gens peuvent le voir. Il y a 45 jours pour réagir et faire des commentaires. Souvent, ça, ça apporte d'autres informations qui nous permettent d'aller plus loin. Alors, il y a donc un processus très bien établi là et très ouvert là pour faire ça.
Alors, encore là, on va regarder si on peut se donner des échéances plus exigeantes, on n'est pas contre ça, mais on veut être réaliste aussi, là, puis être sûr que ce à quoi on s'engage, on est capable de le réaliser.
Le Président (M. Rioux): Alors, on va donner la parole au député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Oui, merci. Mesdames, bienvenue à la commission parlementaire. Merci pour votre mémoire. J'ai une question, dans le fond, qui me surprend dans votre commentaire, puis je vais y venir immédiatement. Vous dites ravies de voir que le projet répare une injustice concernant les aides familiales résidentes, c'est-à-dire les domestiques, en leur octroyant le même statut salarial que leurs collègues qui sont non résidents et, après ça, vous le justifiez par le revenu ou l'argent que l'employeur a. Je suis surpris de voir que vous ne considérez pas qu'il y a une inéquité entre les deux personnes, entre la domestique et l'autre, la gardienne ou gardien, alors que l'une est logée et nourrie et l'autre ne l'est pas, et que les deux feraient le même revenu. Je ne comprends pas. J'ai de la misère à suivre votre argument.
Le Président (M. Rioux): Mme Dionne.
Mme Dionne (Louise): Bien, nous, on considère que déjà les aides familiales résidentes, c'est un besoin d'employeur. Ça fait que la loi du marché fait en sorte que, s'il y a une pénurie d'employés, l'employeur devrait être prêt à payer. Ça fait que ce n'est pas leur choix d'être résidentes, c'est l'employeur qui a ce besoin-là. Ça fait qu'il doit couvrir les frais concernant ce besoin-là.
L'autre argument qu'on a aussi, c'est celui que, pour d'autres catégories de travailleurs, la Loi des normes prévoit déjà un maximum concernant les sommes pouvant être retirées du salaire, demandées à un employé pour l'hébergement et la nourriture, pour la pension. Dans le cas des travailleurs forestiers, par exemple, c'est un maximum de 40 $ qui peut être perçu. Actuellement, la Loi des normes, les aides familiales résidentes, c'est neuf heures de salaire... neuf heures de plus qui leur est demandé à un salaire minimum de 7,20 $, ça fait déjà 56 $, puis on parle de travailleuses qui gagnent 288 $ semaine. Un travailleur forestier, là, il a pas mal plus... un plus gros salaire. Ça fait qu'il y a déjà une très grosse injustice là socialement pour des travailleuses qui font un travail avec une exigence qui est un besoin d'employeur et une pénurie dans le marché de l'emploi, là. Parce que c'est pour ça qu'il y a un programme d'immigration fédéral parce qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre dans cette catégorie-là. Ça fait que le marché de l'emploi, habituellement, il assume les frais. Quand il y a une pénurie de main-d'oeuvre, il est supposé avoir de meilleures conditions de travail, là. Dans ce cas-là, la loi permet que les employeurs n'ont pas à couvrir cette loi du marché dans la plupart des autres cas, là.
M. Tranchemontagne: Je ne suis pas sûr que je vous suis dans la comparaison avec les travailleurs forestiers, là. Je fais juste la comparaison entre deux travails qui sont similaires jusqu'à un certain point, c'est-à-dire la domestique et aussi la gardienne. Les deux sont au service. Je ne suis pas sûr que je comprends votre point de vue quand vous parlez, par exemple, du besoin de l'employeur. Si vous avez une gardienne, c'est parce que vous avez un besoin aussi... c'est l'employeur qui a un besoin aussi, la personne a des besoins à combler et elle engage une gardienne par rapport à l'autre qui engage un domestique. Je ne comprends pas la nuance que vous semblez faire entre les besoins de l'employeur pour un domestique versus les besoins ? moi, je pense qu'ils sont là aussi ? de l'employeur pour la gardienne ou le gardien.
Le Président (M. Rioux): Alors, c'est Mme Ouar...
Mme Ouar (Samia): Oui, c'est ça.
Le Président (M. Rioux): Allez, madame.
Mme Ouar (Samia): Je pense que vous ne faites pas vraiment beaucoup la différence entre l'obligation de résider chez l'employeur, parce que ce n'est pas l'aide familiale qui décide de résider chez l'employeur parce qu'elle va avoir un luxe d'avoir une chambre dans un sous-sol où elle n'a vraiment pas toutes les commodités de la vie. Travailler à partir de 7 heures du matin ou bien avant jusqu'à 10 heures du soir, un temps de flexibilité, là où il y a beaucoup d'abus, ce n'est pas vraiment un avantage. Je veux dire, moi, je parle avec beaucoup d'aides familiales résidentes qui sont dans le cadre du programme fédéral. Elles ne sont pas très contentes d'être résidentes, pas du tout, parce qu'elles sont vraiment exploitées. Et ce n'est pas un avantage de dire: Tu manges chez l'employeur. Elle ne mange pas chez l'employeur. Elle a 10 minutes pour manger, et encore. Donc, le fait de loger... j'ai déjà visité des chambres où elles logent; croyez-moi, ce n'est pas si avantageux que ça que d'avoir son propre appartement. Donc, il y a cette différence qui est vraiment une injustice et non pas un avantage. C'est ça qu'on veut dire.
Le Président (M. Rioux): M. le député.
M. Tranchemontagne: O.K. J'apprécie votre commentaire. La deuxième chose ou la chose sur laquelle je voulais revenir. Tantôt, vous m'avez dit dans le début de votre réponse qu'un aide domestique répondait à un besoin de l'employeur. J'avais l'impression aussi qu'une gardienne répondait à un besoin de l'employeur. C'est ça que je ne comprends pas, cette nuance-là, à moins que j'aie mal compris.
Le Président (M. Rioux): Mme Dionne.
Mme Dionne (Louise): Je ne suis pas sûre de comprendre votre question. C'est concernant quel point?
M. Tranchemontagne: Dans votre réponse...
Le Président (M. Rioux): Reformulez, M. le député.
M. Tranchemontagne: Dans votre réponse, vous m'avez dit qu'une des raisons pour lesquelles vous étiez favorables à ce que l'aide domestique soit payée ou rémunérée au même niveau, vous avez dit: parce que ça répondait à un besoin de l'employeur. J'ai présumé, peut-être à tort, que...
Une voix: ...par rapport...
M. Tranchemontagne: ...par rapport à la gardienne où il n'y avait pas besoin de l'employeur. Je ne comprends pas. C'est ça que je n'ai pas compris.
n(12 heures)nMme Dionne (Louise): Je pense qu'il y a un malentendu. Je pensais que je répondais à la 1100distinction entre l'aide familiale résidente et non résidente.
M. Tranchemontagne: Oui.
Mme Dionne (Louise): La résidente, ça répond à un besoin de l'employeur. La non-résidente aussi, ça répond à un besoin d'employeur, mais l'exigence de résidence... Il y a une pénurie dans le marché de l'emploi pour des aides familiales qui acceptent de résider. Dans ce cas-là, ça devrait être assumé par l'employeur, parce qu'il y a plusieurs autres services offerts de gardiennage dans la société auxquels l'employeur peut recourir, là.
M. Tranchemontagne: Je vous remercie pour la clarification.
Le Président (M. Rioux): Vous aviez quelque chose à ajouter, Mme Ouar.
Mme Ouar (Samia): Oui. C'est parce qu'il y a le programme fédéral des aides familiaux résidents qui est géré par Citoyenneté et Immigration Canada qui impose justement aux aides familiales de résider chez l'employeur. C'est une obligation. Ce n'est pas du tout... C'est l'employeur qui recherche l'aide familiale qui est là le soir parce que, souvent, ils sont en voyage ou parce que leur horaire de travail est très, très flexible, donc ils ont besoin de cette flexibilité-là. Donc, c'est ça, ce que demande l'employeur, qui est beaucoup plus... il demande beaucoup plus de flexibilité dans le temps par rapport à celle qui réside. C'est ça, le besoin.
Le Président (M. Rioux): Ça va, M. le député de Mont-Royal?
M. Tranchemontagne: Oui. Ça va.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Jonquière, j'avais demandé à mes collègues s'ils vous donnent la permission de parler.
Mme Gauthier: ...
Le Président (M. Rioux): Ah! vous remplacez... Excusez-moi.
Mme Gauthier: Je n'ai pas besoin de la permission de mes collègues.
Le Président (M. Rioux): Vous avez changé de statut.
Mme Gauthier: C'est ça.
Le Président (M. Rioux): Bien, oui, allez. On vous écoute. Ça semble vrai.
Mme Gauthier: Bonjour, mesdames. J'ai mal compris votre réponse à la question du ministre tantôt. Quand vous parlez, à votre mémoire à la page 4, dernier paragraphe: «Dans les circonstances, nous demandons que le ministre permette à ces travailleuses de bénéficier d'indemnités qui tiennent compte de la situation particulière liée à l'exercice de ce métier et aux circonstances du congédiement.» J'ai compris de votre propos que trois mois, pour vous, ce n'était pas suffisant, mais j'aimerais vous entendre davantage. Est-ce que vous pensez qu'on devrait voir dans la loi que l'indemnité soit comparable à n'importe quel autre travailleur? Exemple: si ça fait cinq ans, c'est une semaine par mois par année de service?
Le Président (M. Rioux): Mme Dionne.
Mme Dionne (Louise): Nous, on considère que ça devrait se rapprocher le plus possible... Les aides familiales devraient être traitées comme des travailleuses à part entière comme les autres travailleurs. Ça fait qu'on se dit: Bien, pourquoi, dans leur cas, parce qu'il y a un problème de réintégration, parce que c'est dans les familles, le commissaire ne pourrait pas tenir compte du contexte dans lequel elles ont travaillé? Comme j'expliquais au ministre, travailler pour une entreprise d'économie sociale comme gardienne, ce n'est pas la même chose que de travailler dans une maison d'un particulier. Mais, dans ce cas-là, le commissaire devrait avoir la possibilité de tenir compte des circonstances. Dans le cas d'abus, il devrait aussi pouvoir donner des dommages, compenser la travailleuse qui a subi des agressions sexuelles ou qui a subi de l'exploitation... du harcèlement sexuel ou psychologique dans le cadre de son travail pour que ce soit, au moins, le plus possible se rapprocher des mêmes indemnités dont bénéficient les autres travailleurs. C'est pour ça qu'on se ralliait aux six mois que le ministre proposait dans certains cas.
Le Président (M. Rioux): Bien.
Mme Gauthier: Faites-vous une distinction entre l'indemnité pour fin d'emploi et une indemnité, là, qui pourrait être en vertu de 128.3, une indemnité compensatoire pour abus, troubles et inconvénients subis?
Mme Dionne (Louise): Oui. Notre recommandation vise les congédiements pour pratique interdite et sans cause juste et suffisante, là.
Mme Gauthier: O.K. Ma question est de savoir: Est-ce que vous faites la distinction entre l'indemnité de licenciement ? de congédiement ? et l'indemnité pour congédiement abusif?
Mme Dionne (Louise): Bien, dans la loi, il y en a une.
Mme Gauthier: Bien, vous, la faites-vous, quand vous parlez qu'on doit les traiter sur le même pied? Je comprends que le trois mois, c'est l'indemnité de licenciement. Ça ne couvre pas évidemment le droit de percevoir des dommages pour les troubles et inconvénients, dommages moraux, mettons, dans le cas de harcèlement, par exemple.
Mme Dionne (Louise): Oui. C'est ce qu'on voudrait, c'est que le commissaire puisse en rajouter, rajouter ce volet-là de dommages moraux.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Ça va, Mme Dionne?
Mme Dionne (Louise): Oui.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée.
Mme Gauthier: Ça va, monsieur.
Le Président (M. Rioux): Ça va. M. le député de Vimont.
M. Gaudreau: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Quand on est résident chez un employeur, est-ce qu'on parle d'un travail de 40 heures-semaine ou on parle d'un travail de 80 heures-semaine? Et généralement, à qui ça s'adresse, ce genre d'employés résidents? Qui est-ce qui en bénéficie généralement? Quel genre de marché que vous touchez, là, quand on parle de domestiques résidents ou d'aides familiales résidentes ou...
(Consultation)
Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'on a bien compris la question du député de Vimont? Qui va lui répondre? Mme Ouar?
Mme Ouar (Samia): Oui. Quand on parle de temps de travail, c'est dire... 40 heures pour une résidente, c'est comme presque jamais parce que sinon elle serait non résidente. Mais souvent, c'est 50 heures et plus.
Les employeurs sont souvent des gens qui gagnent plus de 200 000 par année et plus. Rien que ce samedi, j'ai une aide familiale qui a travaillé pour un employeur qui a plus de 300 000 $ de salaire par année, dans une maison qui vaut 1 million de dollars en valeur mobilière, et qui était payée 225 $ semaine. Et elle faisait un horaire de travail pas mal long.
Donc, celles qui résident souvent font de très longues heures de travail qui dépassent 50 heures par semaine. Parce qu'on ne peut plus parler de 40 heures. Ce n'est jamais les résidentes qui font 40 heures ou 42 heures, 43 heures. Mais sinon, les résidentes, elles font beaucoup plus que ça, parce que le fait qu'elles habitent chez l'employeur, c'est comme si, ah, c'est un membre de la famille: viens manger avec nous. Tu t'occupes des enfants en même temps, tu vas faire un petit tour dehors, tu t'occupes des enfants, tu regardes la télé, mais tu n'es pas censée travailler. Or, ce n'est pas vrai. C'est toute une responsabilité de s'occuper de deux, trois enfants. S'il leur arrivait de quoi, une allergie ou un incendie ou un voleur, x raison, elle est là pour travailler et non pas pour regarder la télé avec eux. Ce n'est pas vrai. Donc, la flexibilité, vous voyez, elle s'étend jusqu'à tard la nuit et tôt le matin.
M. Gaudreau: Vous me permettez de continuer, M. le Président?
Le Président (M. Rioux): Oui. Allez, M. le député.
M. Gaudreau: Alors, la nuit, ces gens-là peuvent être réveillés pour n'importe quoi? C'est-à-dire pour prendre soin de quelqu'un ou de quelque chose. C'est ça?
Mme Ouar (Samia): Si les employeurs ne sont pas là, oui.
M. Gaudreau: O.K. Alors, quand vous dites que vous voudriez que ces gens-là soient mis sous la Loi des normes du travail pour la semaine de 40 heures, ce serait sûrement très, très, très onéreux. Je m'excuse de vous le dire comme ça. Mais ce serait difficile de juger combien d'heures qu'un employé pourrait faire.
Le Président (M. Rioux): Mme Dionne.
Mme Dionne (Louise): Nous, on pense que ça obligerait l'employeur à tenir compte des heures faites par ces travailleuses-là. Parce que le fait de résider chez l'employeur, elles ont une mise en disponibilité 24 heures sur 24, sept jours semaine.
Ça fait que souvent les employeurs oublient que ce n'est pas parce que la personne réside qu'elle doit être en disponibilité 24 heures sur 24. Ça fait qu'ils seraient obligés de tenir compte du fait que, bien, là je l'ai fait travailler ce matin trois heures. Peut-être que, si je voulais avoir une semaine de 40 heures puis ne pas être pris à payer du temps supplémentaire, il faudrait peut-être que je commence à tenir compte des heures où je la fais travailler puis qu'est-ce que je lui demande comme travail.
Il y a des employeurs qui sont à la maison puis le bébé se réveille en pleine nuit et ils vont le porter à l'aide familiale puis ils retournent se coucher. Ou c'est l'aide familiale qui se lève la nuit. Eux, ils ne font pas ça. Ça fait qu'elle est en disponibilité 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
Le Président (M. Rioux): Alors, merci, Mme Dionne. Merci beaucoup. Alors, je vais remercier Mmes Ouar, Dionne, de Groot et Célestin. Merci de votre présence. On a été ravis de vous rencontrer. Et surtout, votre son de cloche est très important. Merci.
n(12 h 10)n Alors, on va demander maintenant à Mmes Bernstein et Lippel de s'avancer.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Lippel, vous avez... Il y a Mme Bernstein qui est avec vous. Alors, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre document et ensuite... Sans doute qu'on va déborder un peu midi trente. À ce moment-là, on se posera la question si on déborde ou pas. Alors, on vous écoute.
Mmes Stéphanie Bernstein et Katherine Lippel
Mme Lippel (Katherine): Merci, M. le Président. M. le ministre. Et je vous remercie de la possibilité de venir commenter le projet de loi. La manière qu'on va procéder: je ne lirai pas mon mémoire, vous avez un mémoire ici, je vais essayer, en sept minutes, de résumer tout ce qu'il y a à dire sur le harcèlement psychologique. Alors, ça va être impossible, alors j'espère que vous allez me poser des questions. Et ma collègue, par la suite, commentera les autres dispositions de la loi.
J'ai déjà eu le plaisir de comparaître devant le comité interministériel et aussi de faire un mémoire suite au rapport du comité. Alors, la première chose que je veux dire, c'est que je suis ravie de savoir que le gouvernement a choisi de légiférer sur le harcèlement psychologique, et je pense que c'est vraiment un pas en avant très important.
J'ai quelques commentaires. La manière que mon mémoire est préparé, j'ai des commentaires sur des articles précis du projet de loi et je vais vous entretenir un peu là-dessus. La suite, c'est la justification, quant à moi, de la nécessité d'agir, et l'effet sur les autres lois... sur les travailleurs de la réalité actuelle. Je ne reviendrai pas là-dessus dans ma présentation orale mais, si jamais vous avez... Je suis sûre que vous devez avoir des questions sur l'arrimage avec les autres lois.
Alors, premier commentaire: l'article 81.18, la définition. Je trouve que la définition est un peu trop restrictive par rapport à la définition qui avait été convenue dans le rapport interministériel du comité. La raison pour laquelle je la trouve trop restrictive, c'est que je crains qu'on va remédicaliser un phénomène, alors que la nécessité d'agir en matière de harcèlement psychologique, c'est justement d'éviter de médicaliser un phénomène. Et à mon sens, en tant que spécialiste en santé au travail, l'objectif, c'est vraiment de faire en sorte qu'on peut agir avant que les gens commencent à avoir des atteintes à leur santé. Et puis pensez juste à vos cours de formation aux entreprises, de dire: Si les gens sont malades, voilà, c'est du harcèlement. On commence à avoir un phénomène qui fait en sorte que personne ici n'est malade, donc on n'a pas vraiment de problème.
Je vous fais une recommandation grammaticale. L'énumération qui est faite, on parle de dignité: «qui porte atteinte à la dignité, à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne des conséquences préjudiciables pour celui-ci». Tout au moins, je pense que c'est important de dire «atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne des conséquences préjudiciables pour celui-ci». En Belgique, il y a une définition très similaire ? parce qu'il y a de la législation en Belgique et en France sur ces questions-là ? et le «ou» est là, et je pense que c'est très important parce que, si on peut agir dès qu'on commence à constater une atteinte à la dignité, ça va aider pour la prévention. S'il faut avoir un psychiatre pour démontrer qu'il y a une atteinte psychique avant d'agir, ça va augmenter les coûts de la Commission des normes, d'une part, ça va priver le Québec de psychiatres qui ont d'autres choses à faire et ça va passer à côté de l'objectif principal.
Deuxième paragraphe, aussi. L'exigence, lorsque c'est un événement seulement, non seulement de prouver les conséquences préjudiciables auxquelles on renvoie dans le premier paragraphe, mais en plus, de démontrer qu'il produit un effet nocif continu pour le salarié, à toutes fins pratiques, c'est impossible de prouver ça, parce qu'un effet nocif continu, pour moi, ça implique une atteinte permanente à la santé. Et encore une fois, vous allez passer à côté de votre objectif. Ça, c'est, rapidement dit, mon commentaire sur la définition.
Sur l'article 81.19, j'ai peu à dire, à part du fait de dire que c'est une excellente proposition et que ce sera une proposition efficace dans la mesure où il y a une campagne de formation et de prévention qui s'y attache. Alors, je ne l'ai pas vu dans la législation, je pense que c'est normal, mais je pense que ce qui va être utile, dans les amendements proposés, c'est qu'on va nommer un phénomène, et le simple fait de le nommer, souvent, commence à agir sur la prévention, et ça ne coûte rien. Lorsque les gens commencent à lire les brochures puis ils disent: C'est vrai, c'est ça qui arrive chez nous, votre processus de prévention a commencé. Alors, je ne m'attarderai pas là-dessus, mais je pense que c'est important quand même.
81.20. C'est antipédagogique. Mon chapeau de professeur d'université, je vous dis que je vous garroche ça, mais, disons, je vais faire mon possible d'être claire. Vous avez donc la disposition qui renvoie dans les conventions collectives, et la définition du harcèlement psychologique, et les recours. Encore une fois, c'est une excellente initiative. Je pense que c'est très important de procéder ainsi, d'une part, pour réduire les coûts pour l'État, parce que, en pouvant procéder par grief et en pouvant régir ça, gérer ça à l'intérieur des entreprises, ça va aider, et, d'autre part, parce que ça évite de négocier à la pièce des définitions qui changent d'une entreprise à une autre.
J'ai trois questions, et je dis des questions parce que je ne voulais pas proposer des solutions de rechange, mais j'ai trois préoccupations avec l'application éventuelle de ces dispositions, et il faudrait que les spécialistes regardent de plus près les réponses à ces questions-là comme telles. On parle toujours donc des travailleurs syndiqués ? et je suis en haut de la page 5 de mon mémoire. Est-ce que, compte tenu du libellé de 81.20, la protection contre les représailles existe? Je m'explique. Une des choses qu'on anticipe lorsque quelqu'un porte plainte pour harcèlement psychologique, c'est que des gens de son entourage ne seront pas contents. Ça peut être l'employeur, ça peut être ses collègues parce que, dans la réalité, des fois, c'est les collègues qui sont les auteurs d'un harcèlement. Vous avez la protection de 122 pour les non-syndiqués, mais la manière légale de procéder par renvoi et de dire que les recours sont intégrés dorénavant dans les conventions collectives, il faudrait trouver une manière d'intégrer une protection du salarié qui exerce son droit de grief parce que, à mon sens, à la première lecture, je ne la trouve pas, d'autant plus que les articles 15 à 17... 15 à 19, je pense, du Code du travail ne sont pas intégrés. Ce qui arrive, ma crainte, et c'est un peu ironique, c'est que le salarié non syndiqué aura une protection s'il y a des représailles, parce qu'il a porté plainte à la Commission des normes, alors que le salarié qui loge un grief pour harcèlement psychologique, il n'y a pas de telle protection. S'il y en a une, tant mieux, mais j'aimerais qu'un spécialiste vérifie.
Deuxième préoccupation, la question des mesures plus favorables. On prévoit, dans la Loi sur les normes, qu'on peut toujours, dans une convention collective, avoir des mesures plus favorables. Je pense que c'est important d'avoir une souplesse qui permettrait la mise sur pied de comités d'entreprises, par exemple. Je ne suis pas spécialiste en lois et normes. Je suis une spécialiste en santé au travail comme telle. Mais la question: Comment vont être interprétées les alternatives dans les conventions collectives? À quel moment va-t-on conclure que c'est une disposition plus favorable? Il faudrait réfléchir un peu à ce que devrait être le minimum qui devrait se retrouver dans les conventions collectives, d'autant plus que le délai qui est prévu dans votre projet de loi est très court. Le 90 jours du dernier acte de harcèlement, c'est très court. Alors, si, dans une entreprise syndiquée, il y a une période de déjudiciarisation où on essaie d'arriver à une entente et que ça a pour effet de brûler les délais du salariés, il y a un problème.
Et la troisième préoccupation que j'ai, c'est au niveau de l'arrimage entre le grief du travailleur... Si le travailler loge un grief et que son syndicat refuse d'aller en arbitrage, par exemple, parce que l'auteur du harcèlement, c'est le président du syndicat, est-ce que le salarié peut toujours retourner exercer son recours auprès de la Commission des normes du travail? J'aimerais que ce soit plus clair parce que c'est vraiment un cas. Et je donne cet exemple, il peut y en avoir d'autres. Même si l'arbitrage échoue, il peut y avoir des cas où ce soit opportun de maintenir le recours du salarié.
Et le dernier commentaire ? et là je cède la place à ma collègue ? c'est important de réaliser... Vous avez, à votre article 123.16 ? je ne l'ai pas écrit dans mon mémoire ? l'article qui prévoit que ça s'applique nonobstant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Je suis tout à fait en faveur de cette approche pour vérifier que, si jamais il y a quelque chose qui change après et qu'on décide de laisser aux syndicats et aux employeurs le plaisir de s'entendre ensemble hors normes, ils n'ont pas le pouvoir de négocier une clause comme ça. C'est une question de loi. C'est au législateur de donner ce pouvoir-là aux syndicats et aux employeurs.
Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Bernstein et puis Mme Lippel.
Mme Lippel (Katherine): Moi, je suis Lippel.
Le Président (M. Rioux): Ah! C'est l'inverse. Excusez-moi.
Mme Bernstein (Stéphanie): Merci, M. le Président. Bon, je vais aborder certains points brièvement. Je ne sais pas combien de temps il me reste. Sept minutes à peu près? Bon. Tout d'abord, je voulais dire que, à plusieurs égards, les propositions qui se trouvent dans le projet de loi constituent d'importantes améliorations à la Loi sur les normes du travail. Je ne pourrai pas aborder tous les points, mais je voulais quand même attirer votre attention sur certains points, certaines questions plus de fond et d'autres questions techniques si j'en ai le temps. Cinq minutes. O.K.
n(12 h 20)n La première question de fond, c'est concernant le faux travailleur autonome. À mon avis, le projet de loi n'offre pas une solution adéquate aux problèmes reliés au travail autonome. Je crois ? et ça a déjà été discuté dans d'autres forums ? que ce serait une bonne chose que le législateur inclue dans la loi une présomption voulant qu'à défaut d'une preuve contraire de la part de l'employeur tout travailleur soit un salarié assujetti à la loi. Cela est d'autant plus important que la jurisprudence sur la question du fardeau de la preuve du statut de travailleur, pour les fins de l'application de la loi, est partagée.
Une autre question, et je tiens compte aussi du fait qu'on a inclus dans le projet de loi un article qui donne droit au maintien du statut de salarié au travailleur, mais j'ai des interrogations par rapport à l'existence ou non d'un recours contre l'employeur qui essaie de transformer le statut du salarié en celui d'entrepreneur indépendant en cours d'emploi. Je pense que l'initiative à l'article 53 n'offre qu'une protection partielle et, à certains égards, problématique contre le phénomène. Je crois qu'il faudrait adopter un libellé autre qui soit plus simple, disons, et qui tienne mieux compte de l'évolution des pratiques en matière d'organisation du travail et des entreprises. Le libellé devrait plutôt renvoyer à la notion de lien de subordination au lieu de référer explicitement au mode d'exploitation de l'entreprise de l'employeur. Ainsi, l'emphase n'est plus sur la structure de l'entreprise mais sur la véritable nature du lien de la relation entre le salarié et l'employeur.
Deuxièmement, il n'est pas clair pour moi si le 122, soit le recours contre une pratique interdite, s'applique si facilement lorsqu'une personne demande que son statut demeure celui de salarié, notamment dans le cas où quelqu'un accepterait la transformation de son statut mais voudrait par ailleurs contester cette transformation parce qu'il veut garder son emploi. Alors, je pense que, pour éviter toute ambiguïté quant au recours entrepris, il s'agirait peut-être de regarder la possibilité de faire un recours à part, plus explicite par rapport au changement de statut en cours d'emploi.
Quant aux personnes qui assument la garde et les soins aux personnes, je n'aurai pas le temps d'aborder toutes les questions, mais juste un petit mot un peu pour répondre à la question de Mme la députée en ce qui a trait à la réparation. Par rapport à la réparation dans le cas d'un recours à l'encontre d'un congédiement sans cause juste et suffisante ? c'est l'article 128 de l'actuelle loi ? il me semble que le travailleur ou la travailleuse plutôt devrait pouvoir recevoir des dommages moraux et/ou punitifs lorsqu'elle a été la victime d'un congédiement abusif. De tels abus... il y a beaucoup d'abus, ils sont fréquents, bien documentés et finalement découlent de la situation vulnérable et de l'isolement que vit la travailleuse; pensons harcèlement, atteinte à la dignité, conditions de travail et de vie, lorsque la travailleuse habite chez l'employeur, assez difficiles. Alors, il ne devrait pas y avoir d'empêchement à l'octroi au moins de dommages moraux et punitifs sous l'article 128.
Une autre question que je voulais soulever très brièvement, c'est l'inclusion d'un nouvel article sur l'interdiction pour l'employeur d'obliger un salarié qui est payé au salaire minimum à débourser des sommes pour le matériel, l'équipement, les matières premières ou la marchandise pour l'exécution d'un contrat. Je m'interroge sur les raisons de restreindre cette interdiction à la garantie du paiement du salaire minimum. Il me semble que l'inclusion d'un tel article pourrait avoir pour effet de légitimer en quelque sorte le transfert des coûts de l'entreprise au salarié qui gagne plus que le salaire minimum.
Finalement, un salarié ne devrait pas avoir à débourser des sommes d'argent ou voir de telles sommes déduites de son salaire pour faire son travail au profit de l'employeur. Alors, cette disposition pourrait également avoir pour effet de brouiller encore plus la frontière entre le statut de salarié et d'entrepreneur indépendant. Alors, c'est une interrogation par rapport à ce nouvel article. J'ai d'autres commentaires sur des questions plutôt techniques et ça me fera plaisir de répondre à ces questions s'il y en a.
Le Président (M. Rioux): Je vous souhaite d'avoir la chance de revenir sur tout ça pendant la période d'échange avec les députés.
Mme Bernstein (Stéphanie): Oui. Merci beaucoup.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. le ministre.
M. Rochon: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Je vous remercie énormément, mesdames. On ne pourra pas évidemment, comme vous l'avez dit vous-mêmes, traiter complètement de ce que vous soulevez, mais il y a là des avis d'experts qui vont nous permettre d'approfondir beaucoup plus. Et je me permets de vous demander, au besoin, qu'on puisse, dans les travaux au cours de la prochaine semaine, recommuniquer avec vous pour préciser des points selon l'évolution de nos discussions.
Quelques commentaires sur la présentation de Mme Lippel. Moi, je reçois très bien les suggestions que vous nous faites, qu'on devra examiner très attentivement quant à la définition, parce que, effectivement, l'intention est d'avoir là un recours qui ajoute par rapport aux autres lois, que ce soit le Code civil, la loi sur la CSST, c'est-à-dire des lésions professionnelles, un recours qui se situe le plus en amont possible. Alors, on va... Et d'autres groupes nous ont fait des commentaires qui, à certains égards, rejoignent les points que vous soulevez.
Deuxièmement, toujours s'agissant du harcèlement psychologique, vous avez absolument raison de dire que les changements à la loi seulement ne feront pas par magie des changements sur ce qui se passe dans la réalité. Et le groupe, les gens que vous avez déjà rencontrés, du groupe interministériel, avec qui vous avez déjà travaillé, vous le savez peut-être, sont demeurés au travail depuis qu'ils ont terminé la partie législation pour qu'on prépare des bases d'information, des outils, des instruments pour les entrepreneurs. Et l'intention, et on verra comment on traite ça dans les derniers libellés de mise en application des articles sur le harcèlement psychologique, est sûrement de s'assurer qu'on ait une intervention globale et qu'il y ait des programmes ? si je peux prendre l'expression générique ? qui sont en place pour informer, éduquer et donner des moyens aux gens pour appliquer la loi. Autrement, on risquerait de produire plus de confusion que d'autre chose.
J'ai été amené à comparer ça, comme genre d'intervention dans d'autres discussions, à ce qu'on a fait il y a quelques années sur le tabac, où c'était vraiment le genre de situation. On aura beau mettre une loi, là, s'il n'y a pas des programmes puis des interventions importantes sur le terrain, ça ne marchera pas. Si oui, ça va marcher. Par contre, n'avoir que des interventions et des programmes sans un appui législatif, ça non plus, ça ne va pas marcher. Alors, ça, on vous suit très, très bien là-dessus. Et là, si je peux me... Oui, puis l'autre commentaire en fait, c'est un peu pour vous dire que, sur l article 81.20, je pense que vous nous soulignez des bons points. C'est très technique. Il va falloir qu'on regarde ça plus en détail. Je n'ai pas eu le temps de voir l'autre partie de votre mémoire. D'ici la fin de notre échange, j'aurai peut-être le temps de regarder rapidement puis de revenir sur certains points. Mais voilà les commentaires que je souhaitais faire, dans un premier temps, sur ce que vous nous avez présenté.
Mme Bernstein, bien, d'abord, un commentaire. Quand vous nous dites que l'importance... Vous nous parlez de l'importance d'agir pour d'autres aspects du travail atypique et, entre autres, vous signalez la situation des agences. Ça, on est très d'accord là-dessus. Idéalement, si on avait tout pris en même temps pour que nos transformations de la loi soient incluses, certains aspects... Là-dessus, on l'a fait. On a fait un choix un peu stratégique de faire sortir le train de la gare, même s'il nous manquait un wagon, pour ne pas risquer finalement que tout le train reste en gare.
Mais le comité, le groupe, ce qu'on appelle le comité Bernier est à peu près à terminer ses travaux. Comme vous le savez peut-être, il rencontre les échéances du mois de décembre. Et on a bien l'intention, dès le mois de... dès le début de l'année prochaine, 2003, d'ouvrir le débat là-dessus et de voir comment on peut agir, peut-être par d'autres véhicules aussi que la Loi des normes du travail. C'est un peu pour ça qu'on a souhaité le traiter à part, parce que c'est tellement vaste comme nouvelle réalité qu'on ne peut pas penser, à prime abord, que ce n'est que la Loi des normes du travail qui va être le véhicule nécessaire. Par contre, il ne faut pas exclure non plus qu'il y a certains éléments qui seraient dans la loi.
n(12 h 30)n Une question, puis je m'arrêterai là-dessus, pour le moment, pour donner une chance à mes collègues. Mme Bernstein, votre commentaire sur l'article 53 qui, actuellement, dans sa formulation, dit: «Un salarié a droit au maintien de son statut de salarié...» Vous dites: On devrait avoir une présomption. Est-ce que je dois comprendre que vous nous dites en fait que la rédaction actuelle laisse le fardeau de la preuve au travailleur et que, s'il était rédigé pour que ce soit clairement une présomption, qu'on bascule le fardeau de la preuve sur l'employeur, et c'est ça qui est l'élément essentiel ou important, là, de votre commentaire?
Le Président (M. Rioux): Mme Bernstein.
Mme Bernstein (Stéphanie): Oui. On pourrait croire que, puisque la Loi sur les normes du travail est une loi d'ordre public, etc., que, finalement, ce serait à l'employeur de démontrer que le travailleur n'est pas un salarié. Mais, dans la jurisprudence, ce que j'ai pu constater, c'est que la jurisprudence est divisée. Alors, ce n'est pas si clair que ça. Alors, certains juges vont dire que c'est au salarié de démontrer qu'il est un salarié et d'autres décisions vont dire que c'est à l'employeur de le démontrer. Alors, ça cause un problème. Et je crois que ce serait plus facile s'il y avait déjà dans la loi une présomption en faveur du salarié, pour alléger le fardeau de la preuve. C'est une question de fardeau de la preuve. Ceci n'empêche pas que c'est bien d'énoncer le principe dans la loi que le salarié a le droit du maintien de son statut. Ma question, mon interrogation, c'est aussi par rapport au recours. Je ne suis pas certaine que le lien entre le 122 et l'article 143 se fait si facilement que ça.
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, je vais demander à vos collègues... si vous êtes d'accord, messieurs, madame, pour qu'on prolonge de quelques minutes afin de terminer avec le groupe qui est devant nous. Ça va?
Alors, je vais donner maintenant la parole au député de Maskinongé.
M. Désilets: Merci, M. le Président. J'aimerais de votre part, Mme Lippel, savoir ce que vous pensez dans le sens que... on dit souvent que c'est la répétition qui fait du harcèlement psychologique la base. Mais est-ce qu'une fois peut faire aussi un harcèlement? Entre autres, ce que j'ai en tête, lorsqu'un employeur, un directeur d'école, parce que, hier, on a eu des représentants des commissions scolaires, un directeur d'école ou une directrice de polyvalente, en grand groupe, lors d'une intervention, lorsqu'elle intervient, puis elle va nominer, nommer directement une personne comme quoi qui... peu importe, mais elle vient de le briser finalement, là, psychologiquement. Est-ce qu'une fois ça peut être perçu aussi comme du harcèlement psychologique? Ça, c'est ma question.
Puis la deuxième, vite là, c'est: Dans quels pays... Est-ce que vous avez eu des... Parce que vous avez mentionné au début que, dans d'autres pays, on fait du... ont légiféré, puis quel genre de mesures est-ce qu'ils ont pris pour légiférer?
Le Président (M. Rioux): Puis c'est Mme Lippel ou Mme Bernstein?
M. Désilets: Lippel.
Mme Lippel (Katherine): Lippel.
Le Président (M. Rioux): Très bien, allez.
Mme Lippel (Katherine): Bon, à votre première question, je peux répondre rapidement; à la deuxième, moins rapidement. À la première question, c'est certain qu'il peut y avoir des circonstances où un seul événement est suffisamment grave pour constituer du harcèlement psychologique.
M. Désilets: Est-ce qu'on couvre? Est-ce qu'on est couvert par ça?
Mme Lippel (Katherine): À partir du moment où votre deuxième paragraphe de 81.18 biffe la question «et qui produit un effet nocif continu pour le salarié», je pense qu'on peut dire que ça peut être couvert.
M. Désilets: Mais il faut le biffer.
Mme Lippel (Katherine): Il faut le biffer parce que, sinon ? c'est mon expérience de praticienne, parce que je suis professeure de droit mais j'ai déjà pratiqué dans la vie ? ça va être impossible de démontrer une atteinte continue à la santé ou à la personne. Et, déjà, vous avez une protection pour celui qui s'oppose à la réclamation parce que la salariée doit démontrer quand même qu'il y a une atteinte... des conséquences préjudiciables pour elle, ou pour lui. Donc, je pense qu'il faut le biffer, «et qui produit un effet nocif continu», parce que c'est comme si on abrogeait l'article tout court en mettant ces mots-là.
Je peux aussi vous donner d'autres exemples qui viennent de la jurisprudence ou qui viennent de conférences. J'ai vu une inspectrice ? c'était à la fois du harcèlement sexuel et du harcèlement psychologique ? dans un monde d'inspecteurs, une inspectrice qui s'est fait garrocher dans l'eau. Elle était inspectrice au port, c'est une travailleuse au fédéral, et c'était 20 pieds, hein. Alors, c'est créer des conditions dangereuses de travail pour permettre à la personne de comprendre que, si elle veut persévérer dans ce travail-là, sa vie est en danger. Tu n'as pas besoin de faire ça souvent pour que la personne soit complètement intimidée. Et cette femme-là, elle a conté ça dans une conférence six ans après et elle pleurait encore. Alors, il y a des circonstances où ça constitue du harcèlement, et un seul geste peut le constituer.
Deuxième réponse. La législation qui, actuellement, ressemble le plus et qui va beaucoup plus loin que ce qu'on fait, c'est la législation en France et la législation aux Pays-Bas... pas aux Pays-Bas, en Belgique, excusez-moi. Et je n'ai pas fait le tour de toutes les juridictions, mais c'est les deux que je suis de près. En francophonie, on est très à l'avant-garde là-dessus. L'Autriche parle aussi de faire quelque chose. En France, c'est dans le Code du travail, et il y a des plaintes pénales qui sont possibles aussi. Il y a des dents beaucoup plus pointues, si vous voulez. Disons qu'on va chercher beaucoup plus large; la définition est beaucoup plus large. On n'exige pas une preuve des faits, le terme qui est là, et on est beaucoup plus proche dans la définition qui est dans le rapport du comité ministériel que dans la définition ici qui, quant à moi, même avec les amendements que je vous propose, demeure assez sobre.
La Belgique, j'ai tout un dépliant de la Belgique. Ils ont mis en vigueur tout un programme de prévention et d'indemnisation du harcèlement psychologique cette année. Ils font un travail extraordinaire. C'est d'une complexité pour... Moi, je ne connais pas très bien le droit belge, mais c'est toute une prise en charge par un responsable de chantier, et tout ça. Il y a des structures assez importantes qui sont là. Et ce qu'ils font, ils légifèrent les structures, ils légifèrent les prises en charge et les comités d'entreprise, et tout ça, en plus de créer des dispositions analogues à celles-ci. Mais, encore une fois, les dispositions belges sont beaucoup plus larges. J'ai les textes. Si vous êtes intéressés à les avoir, je les ai avec moi. Le texte français, il y a huit articles. Le texte belge, il y a 40 pages de documentation. Alors, je ne le lirai pas certainement, mais, en tout cas, je le mets à votre disposition.
Le Président (M. Rioux): Mme Lippel, est-ce que vous auriez objection à nous faire parvenir ces textes à la commission?
Mme Lippel (Katherine): Si vous acceptez des photocopies, pas du tout. Ça me fera plaisir.
Le Président (M. Rioux): Je vous le demande. Bien. Alors, merci beaucoup, M. le député. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Mesdames, merci d'être ici aujourd'hui. Félicitations aussi pour l'excellence de votre contribution et de votre présentation. Je ne parlerai pas de vos mémoires parce qu'on n'a pas eu le temps de les lire, évidemment.
Je voudrais revenir sur la même piste que le député qui m'a précédé. Vous nous suggérez, vous dites que la définition de «harcèlement psychologique» est trop large et vous suggérez de la mettre plus restrictive, et une de vos suggestions, c'est de remplacer la virgule après «dignité» par «ou». Ma question est: Comment... J'ai un petit peu de difficultés à vous suivre parce que... Comment vous arrivez à démontrer que ça porte atteinte à la dignité, cela? Si vous mettez «ou», ça peut être soit la dignité ou soit l'intégrité. Bon, je ne répéterai pas tout le paragraphe, là. Comment vous arrivez à démontrer «atteinte à la dignité»?
Le Président (M. Rioux): À qui adressez-vous votre question? À Mme Lippel?
M. Tranchemontagne: À Mme Lippel. Excusez-moi.
Le Président (M. Rioux): Oui, très bien.
M. Tranchemontagne: Elle le savait.
Mme Lippel (Katherine): Oui, je le savais. Premièrement, une précision. J'ai peut-être dû mal m'exprimer. Je trouve que votre définition est trop restrictive et j'aimerais qu'elle soit plus large. J'espère que ça a été clair.
M. Tranchemontagne: C'est l'inverse, excusez-moi. C'est sûrement moi qui ai mal compris.
Mme Lippel (Katherine): Je veux l'élargir. Mais il se peut que je me suis mal exprimée aussi. Évidemment, c'est une question de... Le contexte dans lequel on se pose la question est important. Et, lorsqu'on arrive pour revendiquer des dommages et lorsque le juge, il est saisi de la question en dommages, si on ne parle que de la dignité, on peut présumer que les dommages vont être moins grands que si la personne est hospitalisée depuis trois ans. Le terme «violation de la dignité», c'est déjà dans la Charte des droits et libertés de la personne et les tribunaux de droit commun réussissent quand même à interpréter la question.
Il y a des cas où l'humiliation de la personne devant une foule... vous pouvez prendre le sens du dictionnaire, il suffit pour que tout le monde a compris qu'un tel a été humilié. Et mon propos, c'est que... et ce n'est pas vraiment au niveau de l'adjudication des dommages, la détermination des dommages, parce que je pense qu'on peut très bien se débrouiller une fois que les dommages sont là. On a, depuis le Code civil du Bas-Canada, des dommages à la réputation, et les tribunaux réussissent très bien à interpréter ce qui mérite des dommages, et quel quantum, et dans quelles circonstances.
n(12 h 40)n Disons que, lorsque c'est uniquement la dignité qui est en cause, le grand fardeau de preuve, c'est de démontrer le harcèlement. Et, en Belgique, ils n'exigent pas... je ne veux pas me tromper non plus, vous allez avoir le texte, mais, en Belgique, ils arrêtent au niveau de la définition du harcèlement comme tel. Ils ne vont pas jusqu'à dire «et atteindre la dignité». Moi, je serais très heureuse si vous n'avez pas besoin d'avoir dans votre définition l'exigence, une démonstration qu'on a porté atteinte à la dignité, ce qui avait été dans notre comité ministériel, si je me rappelle bien... on disait: «qui sont de nature à porter atteinte à la dignité», et c'était une rédaction effectivement beaucoup plus heureuse, parce que, là, on qualifie les propos ou les causes et on ne cherche pas à essayer de mesurer les conséquences sur l'individu. Parce que vous savez ce que c'est, des enfants teflon, qui sont battus toute leur enfance et qui grandissent et qui sont en très bonne santé, mais la même chose au niveau de la dignité, il y a des gens qui se font humilier toute leur vie puis ça ne les dérange moins, alors qu'il y a des gens qui se font humilier peu et que ça a une atteinte très sérieuse.
Alors, c'est vraiment les propos qui devraient être interdits. Le harcèlement comme tel, ça devrait être de nature à porter atteinte à la dignité. Le fardeau devrait dire ça, si vous le soulignez au niveau de cette difficulté-là. Et là, au niveau de l'évaluation des dommages, bien là, si la dignité a été effectivement atteinte, bien, ça va jouer dans le quantum, dans le montant des dommages aussi. Mais vous soulignez un bon point. Peut-être qu'on préférerait un libellé qui dit: «qui sont de nature à porter atteinte à la dignité», et ça évite ce problème-là.
Le Président (M. Rioux): Bien.
M. Tranchemontagne: Votre dernière partie de la réponse m'amène à une autre question. Est-ce que vous croyez réellement qu'il est possible, comme le deuxième paragraphe du 81.18 auquel on réfère... est-ce que vous croyez que c'est possible qu'un seul geste puisse atteindre ou... comment on dit, «produit un effet nocif» à long terme pour le salarié? N'est-il pas vrai que, quand un seul geste atteint une personne en permanence ou pour une longue période et a un effet très nocif, ce n'est pas nécessairement celui-là qui est le responsable, c'est un ensemble des fois, c'est une personne qui est au départ peut-être plus vulnérable? Vous avez dit vous-même: Ce n'est pas tout le monde qui accepte ou qui reçoit les humiliations, entre guillemets, là, de la même façon. Alors, n'est-il pas possible qu'un seul geste, s'il porte atteinte d'une façon majeure à une personne... s'il y a eu un seul geste, n'est-il pas possible que cette personne-là ait été dans une position de faiblesse, mettons, de telle sorte que c'est la goutte qui fait renverser le vase, ce geste?
Mme Lippel (Katherine): Ce n'est pas une question de quantité, c'est une question de la nature du geste. Si l'employeur dit une fois: Vous êtes arrivé en retard, ce ne serait pas un cas du deuxième paragraphe. Mais, si un collègue de travail dit à la seule femme du chantier: Regarde tes arrières parce qu'on t'attend, et que c'est accompagné d'une manoeuvre dangereuse comme l'exemple que je vous ai donné tantôt où la personne qui se fait garrocher à l'eau... c'est un seul geste, mais c'est assez pour dire à la personne que, peut-être pour protéger sa santé mentale, elle va devoir démissionner de cet emploi. Et je donne un exemple d'une femme dans un milieu d'hommes. Ça peut être une personne qui diffère de la culture de l'entreprise et qui fait l'objet d'intimidation. Ce n'est pas forcément un motif de charte au sens de la Charte des droits et libertés de la personne. Mais oui, tout à fait. Mais l'effet nocif, ça ne veut pas nécessairement dire qu'elle va avoir un effet nocif psychiatrique profond. Ce qui est important à retenir, c'est que si la personne, après un seul geste grave de harcèlement ? puis c'est l'exception, hein, dans ces circonstances-là ? la personne ne se sent pas en sécurité pour travailler et se sent obligée de quitter, pour moi c'est suffisant, et c'est un effet nocif de perdre l'emploi qu'on convoitait du fait qu'il y a des menaces que votre vie ne sera pas endurable si vous restez.
Le Président (M. Rioux): Oui, allez, monsieur.
M. Tranchemontagne: Mais admettez-vous que ce n'est pas tout le monde qui... une autre personne pourrait recevoir la même menace, mettons, et le prendrait très différemment. Il y a deux choses: il y a le donneur et il y a le receveur aussi qui fait que, des fois, une personne peut être plus sensible, plus vulnérable à une agression, mettons.
Mme Lippel (Katherine): C'est parce que... disons, que ce soit un geste ou plusieurs gestes, votre question est pertinente, mais la réponse, c'est que, si je regarde, et, dans le mémoire, je fais état de... on a étudié 77 décisions de la Commission des lésions professionnelles où les personnes allèguent avoir réclamé pour harcèlement psychologique, dont 36 % sont acceptées. Ce ne sont pas forcément des personnes fragiles, et ce sont des situations extrêmement graves dans certains cas, plus banales dans d'autres cas. Ce qui est clair, que ce soit un geste ou plusieurs, si c'est une tentative de viol, il y a des femmes qui vont continuer à travailler comme si de rien n'était, mais pas tout le monde. Et il y a des susceptibilités particulières, mais il y a aussi les refus de réagir ou des capacités de ne pas réagir qui sont exceptionnelles aussi. Mais ce n'est certainement pas le nombre qui va déterminer s'il s'agit de quelque chose qui devrait être illégal ou devrait être encadré au niveau juridique.
M. Tranchemontagne: Hier, les gens qu'on a reçus, qui venaient du domaine scolaire, nous disaient qu'ils trouvaient que la définition proposée était trop inspirée du domaine sexuel, de harcèlement sexuel, où une fois est une fois de trop, là ? c'est vraiment du harcèlement même si ce n'est qu'une seule fois ? alors que, quand on parle de harcèlement psychologique, ce qu'on nous disait, c'est que le mot «harcèlement psychologique» entend, sous-entend une répétition plutôt qu'un seul geste par rapport à harcèlement sexuel, d'où la définition semblait provenir, selon eux.
Le Président (M. Rioux): Mme Lippel, allez.
Mme Lippel (Katherine): Si on a une approche, mais on veut prévenir les problèmes au niveau de la... en amont d'un problème de santé au travail comme tel, que grammaticalement c'est un geste ou plusieurs dans le dictionnaire, le législateur étant souverain, il peut le définir pour atteindre l'objectif qu'il veut, comme tel. Le fait que ce soit un seul geste grave existe dans d'autres législations. Dans d'autres juridictions en Europe, par exemple, ils parlent d'intimidation, puis intimidation ne fait pas du tout appel à cette question de fréquence, mais on parle du même phénomène. Alors, ça ne préoccupe pas. Et ce n'est pas spécifique au harcèlement sexuel non plus. Dans le sens que le cas d'intimidation... la personne qui arrive de l'Ontario pour travailler sur un chantier québécois et on ne veut pas de travailleurs ontariens dans un chantier québécois de construction, si on l'intimide une seule fois et que c'est une menace de tomber en bas, c'est assez. Et qu'on l'appelle harcèlement ou un comportement qu'on veut viser par la législation, c'est clair que c'est pertinent de viser ce comportement par la législation. Et le législateur, souvent, il peut appeler harcèlement, pour les fins de cette législation, un seul événement. Et ça a l'heureuse conséquence d'éviter des arguments grammaticaux devant les tribunaux. C'est juste une fois qu'on a menacé de tuer quelqu'un...
Le Président (M. Rioux): Très bien, madame. Il nous reste peu de temps pour la députée de Jonquière. Vous avez une question rapide et une réponse rapide.
Mme Gauthier: Oui, merci, M. le Président. Mme Lippel, je m'excuse, c'est à vous que j'adresse la question. Vous avez parlé de vos préoccupations de la reconnaissance de recours pour harcèlement qu'on retrouvait dans la loi... qu'on va retrouver dans la Loi sur les normes par opposition à un employé ou une employée syndiquée. D'entrée de jeu, je vous dirais que, dans les conventions collectives, effectivement, dans les premiers articles, on voit toujours un article qui dit que l'employeur s'engage à faire en sorte que l'employé travaille dans des conditions, etc.
Mon problème, le propos que je veux vous souligner, et vous l'avez apporté tantôt, c'est que, des fois, il arrive, malheureusement, que le syndicat ne veut pas porter le grief jusqu'à l'arbitrage et plaider le grief à l'arbitrage, pour toutes sortes de raisons. Des fois, c'est simplement une question de coûts. Et la salariée ou le salarié victime de harcèlement n'a pas d'autres recours, Puis, vous le savez, depuis les arrêts de la Cour suprême, on a consacré le champ exclusif aux tribunaux d'arbitrage et aux tribunaux administratifs. Souhaiteriez-vous à ce moment-là une modification à l'article 47 du Code du travail pour pouvoir avoir un recours, que le salarié puisse avoir un recours direct contre... Parce que le 47 qui prévoit une plainte, en cas de renvoi, une mesure disciplinaire...Et donc, on devrait y ajouter: en cas de harcèlement aussi, de refus de porter une plainte pour harcèlement.
Mme Lippel (Katherine): Je pense que ce serait... Oh! excusez.
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui, allez.
Mme Lippel (Katherine): Disons qu'il y a différents éléments dans votre question. Premièrement, je ne veux pas me prononcer sur 47 parce que c'est en dehors de mon champ d'expertise. Mais je pense que, dans ce projet ici, il y a une manière de dire que le salarié, une fois qu'il a exercé les recours disponibles, peut toujours s'adresser à la Commission des normes pour évaluer, et la Commission des normes agit comme filtre aussi, alors elle peut évaluer, et, si c'est frivole, c'est déjà prévu. Ce que je souhaiterais éviter... Parce que, 47, je le connais un peu ? et Mme L'Heureux-Dubé, dans sa dissidence dans Béliveau St-Jacques, l'avait soulevé ? le problème, c'est que ça exige du salarié encore une fois de poursuivre encore une autre personne, et, si on veut guérir ces personnes-là, de multiplier l'obligation de poursuivre et d'épuiser les recours, ça va créer plus de problèmes, tandis que, si ça se fait via la Commission des normes et que la salariée syndiquée peut toujours exercer le recours ici une fois qu'elle a tenté d'exercer le recours, je pense que ce serait mieux. Mais je vous invite à poser la question aux syndicats.
n(12 h 50)nMme Gauthier: Mais, par rapport au devoir de représentation, quand... L'épée de Damoclès de l'article 47, j'ai constaté que les syndicats vont davantage aller porter le grief à l'arbitrage quand il y a la possibilité d'un recours en vertu de 47. Quand il n'y a pas cette possibilité de recours là, le devoir de représentation, des fois, c'est «so-so».
Le Président (M. Rioux): Oui, allez.
Mme Lippel (Katherine): Dernier mot. C'est que, si on force quelqu'un qui ne croit pas à la cause de plaider la cause de quelqu'un, on ne la forcerait pas de faire payer les expertises médicales, on ne la forcerait pas... Même si les syndicats le font de bonne foi, parce que 47.2 existe, je ne serais pas soulagée de croire qu'un arbitre payé par l'employeur et le syndicat, sachant en plus que le syndicat fait ça parce qu'il est bien obligé, que ce soit aussi transparent que le processus qui est proposé. Mais, encore une fois, je pense que les syndicats sont beaucoup mieux dans une position pour répondre à ça parce qu'ils pratiquent là-dedans, et je n'ai pas cette pratique-là.
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, Mme Lippel, Mme Bernstein, merci infiniment. Je pense que vous nous avez déposé un document qui va nous faire réfléchir. Et j'ajourne les travaux à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 51)
(Reprise à 15 h 12)
Le Président (M. Rioux): Je déclare donc la séance ouverte. Nous allons poursuivre nos auditions publiques sur le projet de loi n° 143 modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives. Et nous avons le plaisir d'accueillir la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. M. Massé, bienvenue, et présentez-nous votre collègue qui vous accompagne.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)
M. Massé (Henri): Je suis avec Mme Monique Audet, du service de la recherche de la FTQ.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Massé, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire, et ensuite on pourra discuter avec vous.
M. Massé (Henri): M. le Président, membres de la commission parlementaire, d'abord je voudrais vous remercier de l'opportunité de nous permettre de nous faire entendre sur un projet de loi aussi important. Nous accueillons favorablement le projet de loi et, d'entrée de jeu, nous voulons vous indiquer que pour nous ce n'est pas une loi marginale, il y a près de 1,5 million de Québécois et de Québécoises qui sont directement touchés par cette loi-là.
Ce n'est pas une loi marginale aussi dans un contexte de lutte à la pauvreté. Moi, je pense que la loi des normes minimales doit être une des pièces maîtresses pour contrer la pauvreté et contre aussi l'exclusion. Des milliers de personnes qui ont le choix entre être pauvres en travaillant parfois de 50 heures à 60 heures par semaine, dans des conditions de travail souvent très difficiles, ou être pauvres sous la couverture de l'aide sociale, moi, je pense qu'il faut que les normes minimales de travail soient assez intéressantes pour ne pas être placées devant un choix aussi serré. Et ce n'est surtout pas le temps de niveler par le bas. Nous, on ne croit pas que les normes minimales soient, à elles seules, la clé pour contrer toute la question de la pauvreté, mais c'est une des pièces importantes. Ça fait qu'on l'accueille favorablement.
On salue plusieurs mesures qu'il y a dans la loi à l'heure actuelle. D'abord, toutes les mesures qui concernent la conciliation travail-famille, ça fait des années qu'on en parle. On avait eu un grand débat public, l'ensemble des organisations au Québec lors de l'Année de la famille, mais on sait que, sur le terrain, ça avance très, très, très lentement, et les normes minimales de travail peuvent être une des... les changements proposés aux normes vont dans le bon sens.
Toute la question du harcèlement psychologique, on salue aussi cette partie-là de la loi. Bon, on sait que c'est nouveau. Il y en a plusieurs, à ce que j'ai lu dans les journaux un peu partout, qui en ont une peur bleue. Bon, on parle même de nouveaux pouvoirs aux syndicats. Moi, je pourrais vous dire que, dans nos conventions collectives, il y a plusieurs conventions collectives que c'est déjà dit que les milieux de travail doivent être exempts de harcèlement de toutes sortes. Ça comprend aussi le harcèlement psychologique. On a défendu des cas devant la Commission de santé et sécurité au travail où on a eu parfois gain de cause, parfois non, mais il y a de la jurisprudence déjà de rendue dans ces cas-là. Et je ne dis pas que ce n'est pas du tout inquiétant. Quand on arrive dans quelque chose qui est nouveau, qu'on introduit dans une loi quelque chose qui est complètement nouveau, bon, si on n'était pas du tout inquiet, je pense qu'on n'est peut-être pas à notre place, mais les inquiétudes, ça s'encadre, ça.
Moi, je ferais un parallèle. Je me souviens, il y a une vingtaine d'années, quand on avait fait tout le débat sur le droit, pour un travailleur ou une travailleuse, de refuser un travail dangereux, c'était une montée de boucliers, c'était épouvantable, on paralyserait l'économie du Québec, les cours seraient engorgées, les enquêteurs seraient pris continuellement dans ces situations-là. Bon, il y a eu un petit peu, je dirais, de tâtonnement au début, mais ça n'a pas été long. Je regardais les statistiques dernièrement, là, les inspecteurs de la CSST ne passent même pas 5 % de leur temps sur les questions du droit de refus d'un travailleur ou d'une travailleuse d'arrêter... Puis, c'est assez large, ça, là, un travailleur ou une travailleuse qui décide d'arrêter parce que c'est dangereux pour lui ou pour elle, et c'est une partie infime du travail. Puis la jurisprudence s'est développée, puis ces affaires-là... Ça fait que je pense que ça va être la même chose autour du harcèlement psychologique, c'est des questions qui devraient être vite cernées.
Maintenant, la mise en garde qu'on voudrait vous faire à cette commission parlementaire, on pense que ça prend au niveau de la Commission des normes minimales, ça prend, au niveau de la Commission des relations de travail, des ressources spécialisées là-dedans qui sont capables de nous donner une bonne orientation en partant, puis bien encadrer ça, et faire en sorte que ça suive l'évolution des relations de travail. Puis on a l'impression que ce ne sera pas si compliqué que ça. Puis, encore une fois, je ne dis pas qu'il n'y a pas un peu de monde inquiet chez nous, mais on est convaincu que, comme les autres défis, on est capable de les relever.
On veut saluer aussi l'inclusion des salariés agricoles, des gardiennes. On veut saluer plus particulièrement la garantie du paiement du salaire minimum pour les salariés, entre autres, qui sont payés sous toutes sortes de formes qui ne sont pas nécessairement du salaire direct. On dit: Il faut au moins qu'ils aient l'équivalent du salaire minimum. Mais, à ce niveau-là, on trouve que la loi ne va pas assez loin. On veut soulever le fait, par exemple, pour les gardiennes et aussi pour les travailleurs et les travailleuses à domicile.
Puis là je vais vous parler plus particulièrement du secteur du vêtement. Ça, c'est un secret de Polichinelle, là, qu'on a plusieurs femmes, dans la région de Montréal plus particulièrement, qui travaillent à 2, 3 $ de l'heure. Elles n'ont même pas le salaire minimum, c'est à la pièce. Vous avez juste à aller sur la rue Chabanel, là, ou Saint-Laurent, dans ce coin-là, vous allez voir, elles arrivent avec leur petite auto ou avec leur carrosse, puis elles te chargent ça bien net, puis elles repartent avec leurs pièces, puis elles s'en vont chez elles, font le petit train pour aller faire... Et nous, ce qu'on demande puis on demandait, puis on ne le voit pas dans le projet de loi, c'est qu'il y ait une espèce de registre, c'est que les donneurs d'ouvrage qui utilisent des travailleurs, des travailleuses à domicile soient obligés d'enregistrer ce monde-là dans un registre au niveau soit du ministère ou soit de la Commission. On n'est pas embarqué dans les détails, mais on pense qu'il faut qu'ils soient enregistrés. Si on ne le fait pas, on est convaincu que ces belles dispositions là de la loi qui donnent un caractère un peu plus universel à la loi ne seront pas appliquées en grande partie pour ce monde-là.
Et je vous le rappelle encore que, dans la région de Montréal, c'est principalement des immigrantes qui viennent souvent de pays où les lois du travail étaient très faibles, qui arrivent ici, qui ne connaissent pas le contenu des lois du travail. Ça fait que, si on avait un registre, ça pourrait permettre au moins à la Commission d'informer ces travailleurs, ces travailleuses-là ? principalement des travailleuses ? que la loi des normes minimales, ça existe, puis le contenu. Et je pense aussi que ça amènerait à une plus grande prudence de la part de ces donneurs d'ouvrage là qui savent qu'à ce moment-là ce serait rendu public. Puis, on ne demande pas de réinventer la roue, là, ça existe déjà en Colombie-Britannique, par exemple, ce genre de registre là où ces travailleurs, ces travailleuses-là sont enregistrés.
n(15 h 20)n Il y a d'autres améliorations qu'on va proposer, Monique Audet va faire le tour de notre document. Mais, avant de lui passer la parole, je voudrais juste terminer avec la fête nationale. C'est un dossier où on a fait plusieurs démarches gouvernementales dans le passé, puis on n'a pas été compris. En tout cas, si on a été compris, on n'a pas été satisfait. Quand la fête nationale tombe un samedi, c'est le samedi qu'on prend le congé de la fête nationale. Quand ça tombe un dimanche, là elle est remise au lundi. Et ça arrive une fois par six ans ou sept ans, ça, je pense. Et, quand on l'explique comme ça, ça a de l'air bien niaiseux, mais notre monde, puis surtout les jeunes, par exemple, qui travaillent uniquement les fins de semaine, parce qu'il y en a qui travaillent uniquement les fins de semaine, eux autres, quand ça arrive le temps de la fête nationale puis quand ça tombe un dimanche, bien ils n'ont pas leur fête nationale. Il me semble que, si la fête nationale est assez importante pour être fêtée le samedi ? puis c'est important, notre fête nationale ? elle devrait être assez importante pour être fêtée le dimanche. Et là je ne vous parle pas des travailleurs d'hôpitaux, les travailleurs essentiels qui sont obligés de rentrer, mais les autres catégories, là, où on pourrait fermer. Ça fait qu'on ferme le samedi, on donne le congé, mais on ne le fait pas le dimanche. Ça fait que...
Mme Audet (Monique): Bonjour.
Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Audet.
Mme Audet (Monique): Oui. M. le Président, et membres de la commission, alors, pour ce qui est de nos autres demandes, au niveau de la couverture des gardiens et des gardiennes, le projet de loi propose leur assujettissement un an après l'entrée en vigueur de la loi et une hausse graduelle du salaire minimum pendant cinq ans. Alors, nous, on dit: Peut-être que, effectivement, il y a besoin d'un délai d'un an pour mettre en place des mesures, sans doute, fiscales, etc., mais on pense que, au bout d'un an, les gardiens et les gardiennes devraient être assujettis à l'ensemble des normes, particulièrement la semaine normale de travail et le salaire minimum. On pense aussi qu'à terme toutes les catégories de domestiques, aides familiales, gardiennes d'enfants... C'est des catégories qui, vraiment, se ressemblent beaucoup. On a juste à lire l'étude qui a été faite par deux professeures de l'UQAM, Ruth Rose et Élizabeth Ouellet, pour s'en rendre compte. Alors, ça, c'est une de nos demandes.
Une autre de nos demandes, concernant la conciliation travail-famille, c'est que dans le document de consultation qui avait été publié en juin, à chaque fois qu'on parlait des congés parentaux, on parlait du congé de maternité, du congé de paternité et du congé parental, et, à l'article 74 du projet de loi, on reste avec les deux seules notions de congé de maternité et de congé de paternité et on échappe le congé parental. Alors, nous, on suggère de mettre, à l'article 74, le congé parental.
On sait aussi que le projet de loi propose que... bien, enfin, explique les avantages... Le gouvernement déterminera les avantages auxquels auront droit les personnes en absence de congés parentaux par voie de réglementation. Nous, on pense que le maintien de l'ensemble des avantages devrait être inscrit dans la loi. Et ça, ça comprend, bon, par exemple, l'accumulation de l'ancienneté, l'accumulation de l'expérience, l'accumulation du service aux fins de la sécurité d'emploi, le droit de poser sa candidature à un poste affiché et de l'obtenir, etc.
Une autre de nos demandes concerne le temps supplémentaire ? je pense qu'à chaque fois que la FTQ a eu à se prononcer sur les normes on l'a demandé ? c'est-à-dire la majoration de 50 % des heures travaillées en temps supplémentaire après chaque quart régulier de travail plutôt qu'après le maximum de la semaine normale. Le document propose un droit de refus après 12 ou 14 heures selon le cas. Nous, on pense qu'avec l'existence de plus en plus répandue du travail précaire il y a des employeurs qui vont être capables de faire en sorte de faire travailler des gens 12, 14 heures par jour, et ce, sans jamais avoir à payer de temps supplémentaire ? il suffit de prendre des temporaires, des occasionnels, etc. ? et, donc, on pense aussi que de faire 12 ou 14 heures par jour, ça va un petit peu en contradiction avec toutes les mesures qui ont été annoncées concernant la conciliation travail-famille. Alors, le fait d'obliger des employeurs à payer les heures au-delà des quarts réguliers de travail à taux et demi, on pense que ça peut être une mesure dissuasive et qui fait en sorte de stopper, de freiner l'utilisation, le recours au travail précaire.
Quant au statut de travail autonome, le document parle, bon, qu'un employeur n'aurait pas le droit de modifier le statut d'un salarié si ces modifications-là avaient pour effet de le transformer en entrepreneur ou en prestataire de services. Nous, on pense que les termes de «prestataire de services», «entrepreneur», c'est très restrictif, et on préférerait une autre formulation qui serait de dire ? et là c'est notre document à la page 10: «Un salarié a droit au maintien de son statut de salarié lorsque les changements que l'employeur apporte au mode d'exploitation de son entreprise n'ont pas pour effet de rompre le lien de subordination qui le lie à cet employeur.» On demande aussi l'égalité de traitement. Comme je viens de le dire, à l'heure où le travail précaire consiste en une véritable onde de choc, on pense qu'il faut d'essayer d'empêcher au maximum les employeurs d'encourager cette vague-là. Et, à l'heure aussi où le mot «équité» est sur toutes les lèvres, on pense qu'il faut s'assurer de rendre les droits et les avantages disponibles sur une base proportionnelle ou, sur demande du salarié, selon une compensation monétaire équivalente. Il y a des mesures ici et là, dans le projet de loi, là, comme les congés fériés qui s'appliquent, etc., mais on pense qu'un article qui stipulerait cette chose-là de façon générale réglerait bien des problèmes.
J'achève avec la garantie du salaire minimum, notamment, bon, les vêtements particuliers, là, et le paiement d'outils, de frais de voyage et de formation. Sans vous répéter les libellés, il y a trois paragraphes à chacune de ces choses-là. Dans les premiers paragraphes, on parle toujours du salarié payé au salaire minimum. Et, dans les deuxièmes paragraphes, on parle du salarié. Et on voudrait s'assurer que... Je ne sais pas si vous me suivez, là.
Une voix: On essaie.
Mme Audet (Monique): Par exemple, je prends l'uniforme, là, on dit: «Lorsqu'un employeur rend obligatoire le port d'un vêtement particulier, il doit le fournir gratuitement au salarié payé au salaire minimum.» Bon, là on sait à qui il s'adresse.
Dans le deuxième paragraphe, on dit que l'employeur ne peut exiger une somme d'argent du salarié qui aurait pour effet que le salarié reçoive moins que le salaire minimum.
Et enfin, au troisième alinéa, que l'employeur ne peut exiger du salarié qu'il paie pour un vêtement particulier et qu'il ne peut exiger l'achat des vêtements.
Alors, dans les deux derniers alinéas, quand on parle du salarié, on voudrait bien que ce soit clair et que ce soit pour tout salarié. Vous me suivez?
Une voix: Oui.
Mme Audet (Monique): Et, finalement, la dernière chose, en ce qui a trait aux pouvoirs du Commissaire ? et là c'est une question de libellé ? à l'article 123, on indiquerait que le Commissaire n'a pas le pouvoir d'ordonner la réintégration d'une personne dont la fonction exclusive est d'assumer la garde ou de prendre soin d'un enfant, d'un malade, d'une personne handicapée ou d'une personne âgée. Ça, pour nous, pour quelqu'un qui est dans la maison, dans un logement ou dans... chez un employeur particulier, il n'y a pas de problème, sauf que dans un centre d'accueil privé, par exemple, ça pourrait vouloir dire que le Commissaire ne peut pas réintégrer quelqu'un qui donne des soins à un malade de la manière que l'article est écrit.
Alors, nous, ce qu'on voudrait, c'est conserver l'article tel qu'il est, mais en ajoutant «lorsque l'employeur n'est pas une personne morale». Alors, dans ce cas-là, ça couvrirait tout. Merci.
Le Président (M. Rioux): Merci. Merci, madame. Merci beaucoup. Alors, voilà. M. le ministre.
M. Rochon: Alors, merci. Merci beaucoup pour votre présentation et votre collaboration, là, dans le long cheminement qui nous a amenés à ce projet de loi. Je peux vous assurer, là, qu'on va prendre le temps de regarder et de discuter avec l'ensemble des collègues chacune des recommandations que vous nous faites.
n(15 h 30)n Pour le moment, je voudrais faire quelques commentaires seulement. D'abord, sur la question du harcèlement psychologique, deux choses. D'abord, oui, ce que vous dites est tout à fait correct, là, il faudra s'assurer ? et c'est bien notre intention ? que les ressources sont en place pour qu'on puisse vraiment appliquer les mesures qui seront dans la loi. Et je dirais même qu'on ne pense pas seulement aux ressources de la Commission des normes du travail ou de la Commission des relations de travail pour intervenir s'il y a plainte ou s'il y a recours devant la Commission des relations de travail, mais l'approche est ? ça, c'est depuis les... il y a deux, trois ans, là, que le travail a été élaboré sur le harcèlement psychologique ? l'approche est globale et prévoit une partie législative qui est ici, mais elle prévoit aussi, appelons ça des programmes pour prendre un terme de jargon, mais des interventions d'information, d'outils, d'instruments à la disposition des entrepreneurs, des capacités de ressources cliniques. Et on est bien conscients que, pour que ça fonctionne, il faudra vraiment qu'il y ait une approche qui est globale, qui est équilibrée, la mesure législative étant un élément de ça.
Maintenant, on est convaincus que, s'il n'y a pas de mesure législative, les autres mesures ont pas mal moins d'efficacité. Mais c'est vrai de dire que, s'il n'y a que la mesure législative, il va manquer d'autre chose aussi. Alors ça, je voulais vous confirmer qu'on est d'accord de bien s'assurer que, surtout dans un domaine de droit nouveau, on va prendre les précautions pour choisir la façon d'atterrir, de commencer et d'être capables de gérer les difficultés, comme vous dites, qui se présentent toujours au début d'une nouvelle piste qu'on explore, de les régler à mesure que l'expérience va nous apprendre à identifier les problèmes qui pourront se présenter.
Je voudrais vous poser une question sur le commentaire que vous nous faites sur les gardiennes. Bien, une question... Là aussi, je vous fais un commentaire pour voir votre réaction. Vous nous dites que les délais sont un peu longs, parce qu'on prévoit que, un an après l'adoption de la loi, l'ensemble des normes qui sont appliquées sauf le salaire minimum qui, après un an, ferait plus l'objet d'un calendrier de mise en oeuvre qui est déposé, allant jusqu'à un maximum de cinq ans...
Ce qui nous a amenés à faire ça, c'est la difficulté qu'on a eue et qu'on a encore de bien connaître l'univers où travaillent les gardiennes. On sait que, dans bien des cas, là, on n'a pas affaire à des entreprises. Les entreprises, on les connaît; on a des banques de données, on peut analyser par catégorie pour s'assurer de quel est l'impact de mesures législatives qu'on prend.
Dans le cas des familles qui engagent des gardiennes, là, c'est une autre famille qui... souvent, ce ne sont pas nécessairement des gens qui ont un revenu très important. Il y en a qu'on connaît mieux là-dedans, des sous-ensembles de cet univers, des gens qui sont rétribués par... rémunérés par le chèque emploi-services, par exemple. Donc, sans que ce soit un registre, on connaît un peu mieux.
Alors, ce qui nous a amenés à prendre une mesure progressive mais quitte à mettre une échéance maximale avec l'intention d'y aller le plus vite possible, c'est de s'assurer qu'on va être capables d'avoir l'information, que, l'intention législative étant déclarée, ça va peut-être nous aider aussi à avoir l'information, et qu'on sache, quand on met en application un salaire minimum et qu'on le fait monter, que les gens sont capables de l'absorber ou que, s'il y a d'autres mesures gouvernementales qui sont nécessaires pour venir appuyer, on a pu les préparer et qu'on peut les financer aussi.
Alors, je ne sais pas si ça vous suscite un autre commentaire, là, mais je vais vous dire que ce n'est pas une mesure dilatoire. C'est vraiment, là aussi comme pour le harcèlement, de vouloir être réalistes aussi et de s'assurer qu'on ne manque pas notre coup en fonçant trop vite.
Je vous fais un autre commentaire sur la question du congé parental. On s'est fait faire pas mal de suggestions aussi, là-dessus. Le congé parental est prévu, mais, à la différence du congé paternité ou congé maternité, c'est un congé sans solde. Est-ce que le sens de votre recommandation, c'est qu'on devrait en faire comme pour le congé de maternité, qu'il y ait une indemnité de prévue? Là, évidemment, ça a un impact financier, à ce moment-là. Sinon, on le prévoit différemment que le congé paternité ou maternité, mais c'est pour cette raison-là qu'il y a une différence de faite. Alors là, j'aimerais connaître vraiment ce qui est l'intention de votre commentaire.
Finalement, une dernière question vraiment sur le faux... les gens en situation de statut qu'on appelle de faux autonomes. Vous nous suggérez de faire référence directement au lien de subordination dans la définition. Est-ce qu'on ne risque pas d'être plutôt restrictifs, à ce moment-là? Parce que j'avais cru comprendre que, ce qui est un salarié, c'est une notion qui est à la fois définie clairement dans la loi mais aussi par la jurisprudence, et qu'il y a six ou sept critères auxquels se réfère un commissaire du travail pour apprécier l'ensemble d'une situation de personnes, d'une personne qui est un salarié ou pas.
Si, dans la loi, on venait réduire strictement au lien de subordination... Je reconnais que c'est, parmi les sept critères, un des plus importants, peut-être le plus important pour faire la différence. Est-ce qu'on ne risquerait pas d'être plutôt restrictifs à ce moment-là qu'inclusifs pour faire la différence entre un véritable salarié, un véritable autonome puis des gens qui sont dans une situation un peu factice entre les deux? Moi, je m'arrête là-dessus pour avoir vos commentaires.
Le Président (M. Rioux): Alors, vous avez des réactions sans doute, M. Massé et Mme Audet?
M. Massé (Henri): Oui. Sur la question de salarié, bien, c'est nous qui trouvons que vous, vous êtes restrictifs parce que vous arrivez avec deux cas d'exception; il pourrait y en avoir d'autres.
Alors, quand on parle du lien de subordination, il me semble que c'est plus clair. Si ça n'a pas pour effet de changer le lien de subordination, qu'on fasse quoi que ce soit, bien, ça demeure un salarié, au sens des normes.
Sur la question du cinq ans pour les gardiennes, on avait compris un peu vos arguments. Mais cinq ans, là, on trouve que ce n'est plus de la prudence, tu sais, c'est vraiment trop long. Nous, on pense que dans l'espace d'une année ? on ne vise quand même pas des centaines de milliers de personnes ? ce serait assez réaliste comme échéancier. Mais, si jamais vous décidez de l'étirer un peu, ça ne devrait pas se trouver dans un horizon de cinq ans, parce que, encore une fois, c'est parmi le monde qui sont le plus mal pris. Et là, on dit, on va prendre cinq ans pour y arriver. Votre première question, c'était sur?
M. Rochon: Le congé parental.
Mme Audet (Monique): Le congé parental, je n'ai malheureusement pas compris la fin de votre intervention. Ça veut dire ou bien vous voulez avoir une indemnité?
M. Rochon: C'est-à-dire... Oui. Présentement, la seule différence qui est faite, je pense, dans la façon dont l'avant-projet de loi est bâti, c'est que le congé parental fait partie des congés sans solde par rapport au congé de maternité où il y a une indemnisation qui est prévue. Alors, c'est pour ça qu'on le traite différemment dans le projet de loi. C'est un point bien précis, là: pour un congé de paternité ou de maternité, il y a une indemnité qui est donnée sur le calcul des vacances que la personne aurait eu droit. On n'est pas allé jusque là pour le congé parental. On dit que ça fait partie plutôt des congés, comme les autres congés, qui peuvent être pris sans aucune pénalisation possible pour le travailleur, mais il prend son compte par exemple, surtout que ça peut être pas mal plus long, le congé parental.
Alors, je voulais juste vous souligner, à moins qu'il y ait quelque chose qu'on a mal saisi, qu'on ne voulait pas risquer de l'échapper, mais qu'on avait fait une différence avec le congé paternité et maternité pour cette raison-là.
Mme Audet (Monique): Bien là, moi, ça m'éclaire, là, ce que vous me dites.
Le Président (M. Rioux): Oui? Ça va? Très bien. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie de votre présence, de votre mémoire. Vous rappelez à juste titre que c'est une pièce importante pour lutter contre la pauvreté. Je vous remercie aussi de nous présenter une problématique particulière: tout le travail à domicile qui touche effectivement principalement les femmes et surtout les femmes immigrantes, c'est une réalité.
Dans la plupart de vos propositions, vous demandez de réduire les délais ou vous apportez des précisons ? au niveau de l'uniforme, au niveau des outils ? qui ressemblent en tous points, je dirais, aux autres centrales syndicales et aux autres revendications aussi des regroupements qui représentent principalement des non-syndiqués. Je pense, par exemple, Au Bas de l'échelle ou le Regroupement des non-syndiqués.
Mais il y a une proposition que je ne retrouve pas dans votre mémoire puis qui a été demandée par tous les autres syndicats et les autres organismes. C'est la question de réduire le délai pour un congédiement sans cause juste et suffisante. C'est le seul élément dans votre mémoire que je ne retrouve pas, comparativement aux autres mémoires. Est-ce parce que vous considérez que le délai de passer de trois ans à deux ans est suffisant ou... C'est parce que je m'étonne de ne pas le retrouver dans votre mémoire.
M. Massé (Henri): C'est une question de pragmatisme. On aurait bien voulu supporter cette recommandation-là. Ce n'est pas une recommandation pour laquelle naturellement on serait contre. Mais, si on regarde la situation bien en face ? et c'est pour ça qu'on ne l'a pas mise comme une de nos priorités ? la dernière année... là, je vous donne les chiffres, je ne les ai pas exacts, exacts, mais c'est à peu près de cet ordre de grandeur là: il y a eu 3 000 plaintes pour congédiement, devant la Commission des normes. Il y a eu beaucoup de conciliation, médiation, puis tout ça, mais il y a 97 salariés seulement qui ont été réintégrés.
n(15 h 40)n Moi, je siège au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et, souvent, les employeurs arrivent au Conseil consultatif, ils se plaignent que, bon, les congédiements prennent trop de temps à se défendre et à procéder dans ces cas-là. Et, quand on met plus l'accent sur les congédiements, on se vire de bord, et là, c'est les dossiers de requêtes en accréditation qui attendent. C'est les dossiers de l'article 45, les transferts de propriété. C'est les dossiers de toutes sortes, au niveau du Code du travail.
Et, à l'heure actuelle, en intégrant toute la question du harcèlement psychologique, on sait que ça va prendre des ressources supplémentaires. Mais, en même temps, on pense que les ressources ne sont pas illimitées. Et c'est là qu'on est un peu mal à l'aise vis-à-vis de ramener les congédiements à une année alors que ça demanderait beaucoup de ressources supplémentaires ? qu'on est pas mal convaincus qu'on n'aura pas ? qu'on va retarder les autres dossiers qui sont en plan. Peut-être qu'on ne sera pas capables non plus de répondre à ce moment-là de façon intéressante à toute la question du harcèlement psychologique, parce que ça va en prendre, des ressources, dans ces cas-là. Si on n'en met pas... Moi, je pense qu'on est en train de décider quelque chose qui ne veut rien dire si on ne met pas des ressources importantes.
Et, bon, tout le débat qu'on a fait à la FTQ, ça repose uniquement là-dessus. On pense qu'à ce moment-ci de façon pragmatique... penser... Puis là, on vient de faire des démarches pour la Commission des relations de travail au Québec. Je ne sais pas combien de pèlerinages qu'on a faits auprès du ministre pour demander des ressources supplémentaires puis on est toujours juste à la limite, là. On est toujours juste, juste à la limite. Et c'est dans ce sens-là qu'on n'a pas mis cette revendication-là de l'avant.
Le Président (M. Rioux): M. Massé, vous avez parlé ? vous avez salué, en tout cas ? la définition du harcèlement psychologique comme étant bienvenue et que vous souhaitiez depuis un petit moment. Mais, cependant, vous avez dit tout à l'heure: Outre les ressources qu'on doit mettre à la disposition pour en arriver à travailler là-dessus convenablement, vous avez dit: «Tout est dans l'encadrement, comment ça va s'encadrer cette disposition qui arrive, cette disposition tout à fait nouvelle qui arrive dans la loi.» Pourriez-vous essayer d'expliquer davantage ce que vous voulez dire, étant donné qu'on est dans des choses tout à fait nouvelles? Est-ce que c'est la définition qui vous fatigue ou si c'est tout simplement qu'il y a un risque énorme de cafouiller là-dedans. étant donné que c'est tout neuf?
M. Massé (Henri): Bien, vous savez, les définitions, c'est toujours... Quelle que soit la définition nouvelle qu'on met dans une loi, il y a toujours du monde qui s'essaie. Ça fait qu'il y a toujours une période de flottement, je l'ai dit tantôt. Mais, quand on parle d'encadrement, nous, on parle d'abord de formation des commissaires, formation des médiateurs, regarder un peu d'abord ce qui s'est déjà passé au niveau de la jurisprudence. Il y en a déjà eu, des cas de harcèlement. C'est quoi du harcèlement? Bon. Tu sais, un employeur qui fait une crise à un moment donné puis qui est très dur vis-à-vis d'un employé, on peut bien dire que c'est du harcèlement. Mais, d'habitude, c'est un peu plus prolongé dans le temps. Bon. Il y a toutes sortes de notions autour de ça. Et je pense, quand on parle d'encadrement, nous, c'est plus dans ce sens-là: qu'on ait des ressources, qu'on prenne le temps de mener des études. Il va y avoir des premières décisions qui vont être rendues. Que ces premières décisions là soient le plus éclairées possible puis, après ça, ça va faire son petit bonhomme de chemin.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Monsieur et madame, bienvenue. Merci pour votre mémoire. Il a l'avantage d'être clair et précis. J'ai quand même quelques questions ou commentaires.
D'abord, vous avez manifesté, à deux reprises en tout cas, votre inquiétude au niveau des ressources au niveau soit directement de la Commission des normes ou encore de la CRT aussi. Parce que ce projet de loi là fait aussi ou peut faire appel à la CRT. Alors, je comprends ça; je n'ai pas de problème avec ça.
Par contre, quand je regarde une de vos recommandations ? que je ne connais pas du tout, là, c'est hors de mes connaissances à moi ? vous proposez la mise en place d'un registre des employeurs, quand on parle de domestiques, là, et de gardiens et gardiennes. Ça m'apparaît très bureaucratique, moi, d'une part.
Deuxièmement, je ne sais pas comment ça fonctionne en Colombie-Britannique, puis peut-être que vous pouvez m'éclairer là-dessus. Puis, troisièmement, si jamais je suis un employeur qui n'est peut-être pas parfaitement correct, il n'y a personne qui va m'obliger à l'enregistrer, l'employé que j'ai. Si je ne le fais pas, je ne le fais pas puis il n'y a personne qui va le savoir, à moins que...
Et, tout ça, ce domaine-là, moi, ma lecture, ça m'apparaît aussi mettre des pressions additionnelles sur les ressources des deux Commissions mais particulièrement de la Commission des normes du travail, ressources qui vous inquiètent d'ailleurs, en tout cas, en quantité, puis qui m'inquiètent, moi aussi. Est-ce qu'on aura les personnes qu'il nous faut pour...
Alors, je regarde ça, le registre, puis, un, je trouve ça bureaucratique; deux, je ne suis même pas sûr que ça donnerait le résultat escompté, parce qu'il faudrait avoir confiance en la bonne foi de la personne qui enregistre le domestique ou la gardienne ou le gardien qu'ils ont. Je ne sais pas. Comment vous réagissez? Puis...
Le Président (M. Rioux): M. Massé.
M. Massé (Henri): Bien, en tout cas, je ne trouve pas que c'est tellement bureaucratique. C'est le donneur d'ouvrage qui doit indiquer à la Commission qu'il a des travailleurs ou des travailleuses à domicile à son emploi, et juste déclarer le nom, l'adresse. Ce n'est pas tellement compliqué. Et là, la Commission peut donner de l'information à ce monde-là.
Mais on vous l'indique, on vous le redit: C'est une réalité, il y a eu beaucoup d'enquêtes de menées à ce niveau-là puis ça a toujours donné à peu près les mêmes résultats. Si on prend par exemple dans la grande industrie du vêtement... puis il y en a d'autres, là, mais principalement l'industrie du vêtement, dans le Grand Montréal, les travailleuses à domicile dans le vêtement, dans bien des cas, sont loin de recevoir les normes minimales.
Ça fait que, là, on peut bien se cacher la tête dans le sable puis dire: Bien, ça prend un petit peu plus de bureaucratie pour corriger ça. Mais, si on ne le fait pas, si on ne le fait pas, ils vont continuer à recevoir à peu près les mêmes conditions.
Et, moi, je pourrais vous donner un exemple. Le Fonds de solidarité, à un moment donné, on avait investi dans une entreprise dans le vêtement. Et les protocoles qu'on signe avec ces entreprises-là, c'est que, dans les entreprises de sous-traitance qu'elles ont ou si elles ont des travailleurs ou des travailleuses à domicile, elles doivent les déclarer et il doit y avoir des conditions de travail qui sont pertinentes. Et on s'est rendu compte, quand on met ces clauses-là, habituellement on voit sortir toutes sortes de situations puis on a corrigé toutes sortes de situations. Alors, si ces situations-là demeurent cachées, moi, je pense qu'on n'ira pas très loin là-dedans.
M. Tranchemontagne: Je comprends. Mais là, vous, vous êtes en position de pouvoir dans le sens que vous pouvez investir puis, donc, vous faites vos propres exigences. Mais là, ce que vous proposez ici m'apparaît être un geste de bonne foi, que la personne inscrit ou n'inscrit pas... ou s'inscrit ou ne s'inscrit pas comme donneur d'ouvrage pour un travailleur à domicile, là, tu sais?
M. Massé (Henri): S'ils n'inscrivent pas, ils devraient avoir une pénalité, à un moment donné. Ils faut qu'ils inscrivent. Ce n'est pas si compliqué que ça.
M. Tranchemontagne: Oui. Mais comment on trouve ça, après, si ce n'est pas inscrit? Si la personne ne s'est pas inscrite, comment est-ce qu'on la trouve, tu sais ce que je veux dire? Je ne suis pas sûr que je vous suis, tu sais? Je ne sais pas comment ça marche, en Colombie-Britannique; peut-être que vous pouvez m'aider.
Le Président (M. Rioux): Un peu d'explication là-dessus, Mme Audet?
Mme Audet (Monique): Oui. Bien, enfin, on le mentionne un petit peu dans notre mémoire, là. En Colombie-Britannique, c'est le Centre des ressources humaines du Canada qui informe les employeurs de la province de leur obligation d'inscrire ces personnes-là dans un registre. Et, lorsque des employeurs, par exemple des employeurs individuels, pour des domestiques ou des aides familiales, passent par des agences de placement de ces personnes-là, l'agence elle-même a l'obligation d'inscrire les employeurs au registre. Et, si on s'en tient à une étude qui a été faite par deux avocates de l'Université Laval, et selon l'Association de domestiques de la Côte-Ouest, le registre qui a été mis en place en 1995, depuis 1995, un nombre significatifs d'employeurs se sont inscrits au registre. Alors, en tout cas, si on se fie sur cette expérience-là, on pense que c'est donc dans le domaine du faisable. Et c'est sûr qu'il y aura... On sait très bien qu'il y aura toujours des employeurs qui essaieront de glisser à travers les mailles du filet, mais ce serait mieux ça que rien.
M. Tranchemontagne: O.K. Deuxième question et dernière, parce que je veux laisser du temps à ma collègue, ici. Dans la définition que le ministère nous propose sur le harcèlement psychologique, il y a un deuxième paragraphe qui dit: «Est aussi du harcèlement psychologique une seule conduite grave qui porte une telle atteinte et qui produit un effet nocif continu pour le salarié.»
Comment vous réagissez à ce paragraphe-là? Moi, je vais vous dire d'avance, là, au cas où vous n'auriez pas entendu les autres, je réagis drôlement, parce que, selon moi, le mot «harcèlement», au niveau psychologique en tout cas, implique qu'il y a une permanence, il y a une récurrence: on attaque la personne plus d'une fois, alors que, ici, on dit que, même si une seule fois... Et la question que je me pose, c'est: Si quelqu'un est attaqué juste une fois puis atteint le niveau qu'on parle ici, là, d'un effet nocif et continu, bien, il me semble que ce n'est pas nécessairement juste cette fois-là, juste cette occasion-là qui a créé ça, c'est peut-être une foule d'autres choses dans la vie de cette personne-là, qui est complètement à l'extérieur de son travail, finalement, puis ça, c'est la goutte qui fait renverser le vase. Comment vous réagissez à tout ça?
Le Président (M. Rioux): M. Massé.
n(15 h 50)nM. Massé (Henri): J'ai beaucoup de difficulté, à ce niveau-là. C'est ça que je disais tantôt. C'est probablement la jurisprudence qui va s'établir, l'interprétation de ces questions-là.
C'est vrai que le harcèlement, si on le regarde généralement, on peut dire c'est continu, c'est dans le temps mais ça pourrait être aussi une seule fois, je pense bien. Il y a certainement des cas où, une seule fois, ça pourrait vraiment être du harcèlement. Ce n'est peut-être pas la situation générale, mais...
Moi, c'est pour ça que je dis: Je pense que c'est surtout le... le monde qui va avoir à interpréter ces données-là, c'est quand même du monde qui sont spécialisés en relations de travail. C'est là, je pense, qu'il faut être très, très judicieux. Quand je parlais tantôt d'encadrement puis de quelle façon on va partir ça, qu'on parte sur une jurisprudence qui a du bon sens.
C'est comme la nouvelle Commission des relations de travail, au Québec. Bon. Il y a des choses nouvelles, là-dedans. On va aller voir ce qui s'est passé avec la Commission canadienne des relations de travail, la Commission ontarienne des relations de travail, puis, à un moment donné, bien, on réussit à mettre de l'ordre dans notre jurisprudence puis dans l'application de ces questions-là.
Le Président (M. Rioux): Je cède la parole à la députée de Jonquière, mais je vous fais remarquer tout de suite que je garde du temps pour le député de Vimont. Vous avez la parole, madame.
Mme Gauthier: Merci, M. le Président. En parlant de harcèlement psychologique, ce matin on a entendu deux professeurs de l'UQAM qui s'inquiétaient de voir que le harcèlement psychologique, il avait un recours prévu à la Loi sur les normes. Mais, malheureusement, ce recours-là ne serait peut-être pas prévu dans toutes les conventions collectives ou encore serait tributaire du bon vouloir de la partie syndicale de porter le grief à l'arbitrage.
Ma question, c'est: Est-ce qu'on devrait effectivement faire en sorte que les plaintes de harcèlement deviennent un recours minimal auquel les syndicats seraient assujettis?
Le Président (M. Rioux): M. Massé.
M. Massé (Henri): Je ne comprends pas votre question.
Mme Gauthier: Écoutez, un recours... Mettons, par exemple, dans vos conventions collectives, vous l'avez souligné, il y a toujours des articles dans le début des conventions collectives où l'employeur s'engage effectivement à faire en sorte que les employés travaillent dans des conditions sans harcèlement, etc.
Sauf que l'obligation de... Mettons un employé qui est victime de harcèlement et son syndicat ne voudrait pas porter son grief à l'arbitrage, pour toutes sortes de raisons. Et, M. Massé, ça existe. Ça arrive que des fois les syndicats ne veulent pas porter le grief à l'arbitrage. Cependant, votre pouvoir de représentation... votre devoir de représentation et le recours en vertu de l'article 47 du Code ne couvrent pas cette condition.
Est-ce qu'à ce moment-là on devrait faire en sorte que, nonobstant le fait qu'il y ait un syndiqué, une convention collective, la personne victime de harcèlement pourrait toujours avoir recours, en vertu de la Loi sur les normes, nonobstant le fait qu'il y ait une convention collective?
M. Massé (Henri): Les nouvelles données sont changées, au niveau de la Commission des relations de travail. Aujourd'hui, le pouvoir... un membre d'un syndicat peut se plaindre... Auparavant, c'était uniquement si son syndicat... il pensait que son syndicat l'avait mal représenté dans le cas de mesures disciplinaires, et, avec les nouvelles dispositions du Code du travail, c'est dans tous les cas de représentation. Ça fait que...
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député...
Mme Gauthier: Une dernière question.
Le Président (M. Rioux): Rapidement.
Mme Gauthier: La notion de salarié, on devrait établir la notion de présomption. Il y a une présomption qu'une personne est salariée à l'emploi dans les définitions de la Loi sur les normes du travail?
M. Massé (Henri): Pardon?
Mme Gauthier: Est-ce qu'on devrait avoir recours à la notion de présomption? Il y a une présomption qu'un salarié est à l'emploi et c'est à l'employeur de prouver que ce n'est pas un salarié mais c'est un sous-traitant ou encore un...
M. Massé (Henri): Ah! il y a des groupes qui défendent ça. On ne sera pas mal à l'aise avec ça.
Mme Gauthier: Vous, est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
M. Massé (Henri): On sera d'accord avec ça.
Mme Gauthier: O.K.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Vimont.
M. Gaudreau: Merci, M. le Président. Deux points. Le premier, je ne vois pas dans votre mémoire ce qui touche l'augmentation des congés parentaux, pour obligations parentales. On nous propose de passer de cinq jours à 10 jours, sans congé payé. On a eu beaucoup de représentations comme quoi, en plus de passer de cinq à 10, on devait possiblement offrir une ou deux ou trois journées payées, rémunérées. Ça, c'était un des petits points que j'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez. Et la période de repos, la durée minimale passant de 24 à 32, puis il y a beaucoup d'organismes qui nous parlent de 36. Je ne vois pas encore la problématique d'arrêter à 32 au lieu de se rendre à 36. Peut-être que vous pourriez m'éclaircir ça.
Et le dernier petit point. Je n'ai pas tout à fait compris l'explication pourquoi on ne pourrait pas changer le trois ans à deux ans, comme le gouvernement le propose, et un an, comme la plupart des organismes nous demandent pour le congédiement fait sans cause juste. Je ne comprends pas ce que vous nous avez apporté tantôt qui était que l'État n'aurait possiblement pas assez d'employés pour défendre les causes ou... Je n'ai pas tout à fait compris ce point-là.
Le Président (M. Rioux): On va vous le réexpliquer.
M. Gaudreau: Merci.
M. Massé (Henri): Nous, c'est une approche pragmatique. On pense que... À l'heure actuelle, là, on vient de mettre une nouvelle Commission des relations de travail sur pied, et on pense qu'on devrait avoir beaucoup plus de ressources que ça encore pour être capables de vraiment bien démarrer la Commission des relations de travail.
On arrache ça au compte-gouttes, et là, on s'en vient en commission parlementaire et on a toute la question du harcèlement psychologique qui va demander aussi beaucoup de ressources, puis je suis convaincu qu'on va les avoir au compte-gouttes. Et là, sur la question du congédiement, moi aussi, je serais bien content de ramener le congédiement de trois ans à un an, mais je vous ai dit tantôt que, sur les 3 000 plaintes qu'il y a eu l'an passé, il y a 97 personnes seulement qui ont été réintégrées. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu des règlements hors cour à cause de la médiation, mais 97 personnes seulement qui ont été réintégrées.
Et là, si on vient nous surcharger... puis ça demanderait des ressources, puis, encore une fois, on sait qu'on va les compter au compte-gouttes, les ressources. Bon, on va mettre des nouvelles dispositions qui vont demander beaucoup de ressources, qu'on n'aura pas ou qu'on aura juste un peu en partie, et des dispositions qui, finalement, ne seront pas appliquées de façon vraiment pratique. Et là, on trouve qu'on en a pas mal sur le dos, là. La nouvelle Commission des relations de travail, on veut qu'elle marche. Le harcèlement psychologique, on veut que ça marche, et c'est dans ce cadre-là.
Moi, je ne blâme pas ceux et celles qui demandent de diminuer en bas de ça; on n'a pas fait de reproches à personne. Mais, sur le plan purement pragmatique, on pense que ce n'est pas vrai qu'on va être capables de tout livrer cette marchandise-là. Ça fait qu'il y a des fois qu'on est peut-être mieux de voir les affaires telles qu'elles se présentent puis d'avoir des vraies solutions qui vont s'appliquer plutôt que de se faire des accroires.
Le Président (M. Rioux): Merci.
M. Gaudreau: O.K. Mais il n'y a pas eu de réponses aux premiers éléments.
Le Président (M. Rioux): Oui. M. le député.
M. Gaudreau: Les premiers éléments que je vous ai demandés tantôt qui étaient le repos hebdomadaire, là. C'est parce que je ne vois rien dans votre mémoire qui touche ça.
M. Massé (Henri): Sur les autres périodes, on n'avait pas de revendications.
M. Gaudreau: O.K. Puis le 24... O.K.
Mme Audet (Monique): ...aurait pu demander 36 même, mais, quand on a rediscuté de nos priorités, ça a été échappé.
M. Gaudreau: Ça a été... O.K. Merci.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci. Merci, M. Massé, merci, Mme Audet, de votre présence.
J'invite maintenant la Fédération... l'Association, dis-je, des travailleurs et des travailleuses de la restauration et de l'hôtellerie du Québec.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, on vous souhaite la bienvenue, MM. Dufour et Morin. Et je voudrais, avant la présentation de l'Association, dire à M. Prud'homme qui était ici présent, dans cette salle, que sa lettre a été distribuée aux membres de la commission. Elle a été lue en tout cas par le président, et on est très... on est ravis des recommandations et des remarques que vous faites dans votre lettre. Merci beaucoup.
n(16 heures)n Alors, M. le président Dufour, on vous écoute. Vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire.
Association des travailleurs et
travailleuses de la restauration et
de l'hôtellerie du Québec (ATTRHQ)
M. Dufour (Claude): Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, nous vous remercions de l'invitation faite à notre organisme et de nous permettre de commenter aujourd'hui le projet de loi n° 143 modifiant la Loi sur les normes du travail.
Ce projet de loi nous tient à coeur parce qu'il touche directement environ 90 % des travailleurs et travailleuses des secteurs de l'hôtellerie, de la restauration et des bars du Québec. Les trois secteurs confondus représentent à eux seuls environ 200 000 travailleurs et travailleuses qui n'ont comme seul rempart dans leurs relations de travail que la Loi sur les normes du travail.
Plusieurs modifications prévues dans votre projet de loi auront, à notre avis, beaucoup d'impacts positifs pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses que nous représentons. Particulièrement, nous sommes satisfaits des modifications proposées concernant les nouvelles règles de calcul de l'indemnité pour les jours fériés, chômés et payés sans égard à une exigence de service continu et au fait qu'il s'agisse d'un jour ouvrable pour le salarié. Compte tenu du roulement relativement important de personnel dans nos secteurs d'activité et des périodes d'embauche saisonnière, ces modifications permettront à plusieurs employés de bénéficier désormais d'avantages qui leur étaient jusque-là souvent inaccessibles.
Nous sommes aussi heureux de trouver dans ce projet de loi l'introduction de dispositions en matière de harcèlement psychologique. C'est une innovation qui donne des protections supplémentaires pour les employés aux prises avec de tels problèmes. Nous pouvons témoigner de la pertinence de ces mesures, puisque, en cette matière, nous recevons régulièrement des plaintes dont la nature est de cet ordre.
L'introduction du droit de refus de travailler au-delà d'un certain nombre d'heures quotidiennes et hebdomadaires est un autre aspect du projet de loi qui nous rejoint et nous réjouit. Compte tenu des horaires variables et des périodes de pointe en saison, cette mesure aura un impact favorable sur le bien-être des travailleurs et des travailleuses du secteur que nous représentons.
La modification relative à la diminution de la période de trois à deux années de service continu pour soumettre une plainte à l'encontre d'un congédiement fait sans une cause juste et suffisante est un gain appréciable pour l'ensemble de notre industrie. Toutefois, compte tenu de la précarité d'emploi dans nos secteurs, nous jugeons qu'une seule année de service continu devrait suffire pour être en droit de porter plainte en vertu d'une telle disposition.
De plus, l'ensemble des modifications qui introduisent ou qui bonifient les articles se rapportant aux absences pour cause de maladie et/ou d'accident ainsi que celles relatives au congé de maternité et parental sont toutes, à notre avis, des mesures qui répondent aux nouvelles réalités de la vie quotidienne des travailleurs et travailleuses de notre industrie.
Lors de la consultation publique en mai 2000, nous vous avons tout particulièrement sensibilisés aux problèmes des travailleurs et travailleuses au pourboire. Alors, afin que nos commentaires concernant les articles contenus dans votre projet de loi et qui traitent plus spécifiquement du pourboire soient plus compréhensibles, nous croyons nécessaire d'évoquer brièvement le contexte général qui a provoqué des changements majeurs pour les travailleurs et travailleuses au pourboire ces cinq dernières années et qui motivent par le fait même nos demandes.
Dans un premier temps, il est important de faire une distinction entre les us et coutumes de notre industrie avant l'année 1998, période où votre gouvernement a instauré une législation concernant la taxation du pourboire, et les années suivant la réforme. Les objectifs de cette réforme étaient à l'origine: un, de régulariser la déclaration fiscale des travailleurs et travailleuses au pourboire; deux, de procurer à ces derniers des programmes et des avantages sociaux augmentés des pourboires déclarés ou attribués. En contrepartie, les entreprises devaient également répondre à de nouvelles obligations, puisqu'elles se devaient de contribuer aux différents programmes sociaux selon les pourboires déclarés ou attribués.
Dès l'annonce des nouvelles mesures, en 1997, plusieurs entreprises se sentirent menacées et décidèrent de récupérer les coûts que leur occasionnerait leur participation aux différents programmes et avantages sociaux augmentés des pourboires, et ce, malgré l'aménagement par le gouvernement actuel de mesures transitoires destinées aux entreprises par le biais d'un crédit d'impôt remboursable initialement prévu pour les années 1998, 1999 et 2000.
Durant ces trois années, nous avons connu, particulièrement dans le milieu de la restauration, une prolifération de pratiques qui permettent aux entreprises de contrôler la totalité ou une partie du pourboire que la clientèle remet directement ou indirectement à la personne qui a effectué le service. Permettez-moi d'énumérer brièvement ces pratiques.
Alors, les entreprises exigent des travailleurs et des travailleuses au pourboire un montant d'argent déterminé à partir d'un pourcentage des ventes. Ce pourcentage varie entre 1 % et 6 % des ventes. Alors, d'une moyenne de 1 % il y a quatre ans, nous sommes passés à une moyenne de 4 %. Alors, l'entreprise décide unilatéralement du pourcentage. Ici, il est bien important de comprendre que, il y a quatre ans à peine, il y avait une norme, une coutume où majoritairement, dans les entreprises en restauration, l'employé pouvait remettre une partie de ses pourboires à un autre employé directement, mais on laissait sous-entendre souvent que c'était 1 % des ventes. C'est de là que ça vient. Les quatre dernières années, ce qu'ont fait les entreprises, elles ont pris le 1 %, elles ont dit: C'est maintenant 2 %, 3 %, 4 % des ventes, alors qu'en réalité c'est un pourboire que l'employé doit remettre à un autre sur une base discrétionnaire.
Deuxième pratique. L'autorisation d'un prélèvement automatique à partir du chiffre de vente de l'employé qui perçoit du pourboire est devenue une condition d'embauche. Alors, c'est ce que ça a créé.
Il existe des entreprises qui exigent la totalité des pourboires perçus de leurs travailleurs et travailleuses et qui le partagent sans qu'il ne soit possible pour ces employés de s'assurer que le pourboire a bel et bien été entièrement partagé. Alors, la façon que ça se passe, c'est très simple, à la fin de la journée, le travailleur doit remettre la totalité de ses pourboires. Normalement, c'est au gérant ou directement au patron, et lui remet, après un certain calcul où l'employé a rarement le contrôle... remet une somme diminuée. Alors, il est impossible de savoir qui a reçu et combien.
Autre pratique, les entreprises abaissent le taux du salaire minimum décrété pour les travailleurs et travailleuses actuellement a 7,20 $ de l'heure en transférant à des employés le statut de travailleur ou travailleuse au pourboire à un taux spécifique de 6,45 $ l'heure. Alors, exemple, prenons le cas d'un commis débarrasseur, un «busboy». On augmente la ponction du chiffre de vente de l'employé qui perçoit du pourboire. Alors, de 1 %, exemple, on lui dit: Maintenant, tu remets à l'entreprise 3 % de tes ventes. Et on augmente ensuite la proportion du pourboire qui retourne au commis débarrasseur et on justifie ainsi son nouveau statut d'employé avec un salaire de base à taux spécifique d'un employé à pourboire.
Malgré l'annonce, en août 2000, par le gouvernement actuel, de prolonger indéfiniment le crédit d'impôt remboursable initialement prévu pour trois ans, ces pratiques n'ont jamais cessé et ont, au contraire, continué à s'étendre.
Dans l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration au Québec, trois coutumes caractérisent le non-partage et le partage du pourboire. Le travailleur ou la travailleuse rend le service et garde la totalité du pourboire. Dans ce type d'établissement, seul le salarié qui touche le pourboire reçoit au moins le salaire minimum spécifique du travailleur au pourboire.
Deuxième coutume, le travailleur ou la travailleuse rend le service et verse un pourcentage de son pourboire à d'autres employés. Seul l'employé qui remet du pourboire reçoit au moins le taux minimum spécifique du travailleur au pourboire.
Ces deux coutumes à elles seules, là, ça correspond à peu près à environ 80 % des établissements en restauration au Québec. C'est comme ça que ça fonctionne dans 80 %.
n(16 h 10)n Il reste la troisième coutume dans la restauration, généralement, de plus haute gamme. Le service aux tables est effectué par plusieurs employés, les pourboires sont donc mis en commun, et les personnes attitrées au service le partagent selon un pointage prédéterminé et comptabilisé à partir des ventes ou des pourboires. Alors, encore là, souvent c'est seulement que le chiffre de vente de l'entreprise qui va déterminer combien le travailleur reçoit. Dans plusieurs cas, les travailleurs ne connaissent pas le pourboire qui a circulé durant la journée dans l'entreprise ? durant le quart de travail de l'employé ? parce que c'est uniquement basé sur le chiffre de vente.
Alors, suite à ce tour d'horizon, nous aimerions maintenant examiner le nouveau libellé de l'article 50, lequel, nous le reconnaissons d'emblée, précise la notion de propriété exclusive du pourboire en ajoutant, après le mot «salarié», la distinction «qui a rendu le service».
Concernant la distinction apportée aux frais de service et aux frais d'administration ajoutés à la note, nous croyons nécessaire qu'ils soient obligatoirement inscrits distinctement l'un de l'autre afin d'éviter toute confusion et d'informer correctement la clientèle.
Nous reconnaissons la pertinence du nouveau libellé de l'article 50 qui assure au travailleur ou travailleuse au pourboire son salaire de base indistinctement du pourboire perçu. Nous devrons toutefois préciser qu'un employé qui reçoit directement un pourboire d'un autre employé ne peut recevoir le salaire minimum distinct d'un travailleur ou d'une travailleuse au pourboire, à moins qu'il ne perçoive lui-même du pourboire de la clientèle pour un service rendu. Alors, exemple, moi, j'ai terminé ma journée de travail, j'ai à remettre un pourcentage de mes pourboires, la norme étant environ... Normalement, on dit 10 % des pourboires perçus. Si je remets au «busboy» 5 % de mes pourboires, celui-ci ne peut pas gagner actuellement 6,45 $ de l'heure. Par contre, si je remets 5 % au barman, lui, puisqu'il touche directement du pourboire de la clientèle, peut recevoir, à ce moment-là, le taux spécifique d'un employé à pourboire.
En ce qui a trait à la convention de partage des pourboires autorisée dans le même article, nous croyons qu'il n'est pas nécessaire de l'appliquer lorsque le travailleur ou la travailleuse qui perçoit le pourboire en remet directement un pourcentage à un ou plusieurs employés. Il suffit d'interdire aux entreprises d'exiger des travailleurs et des travailleuses qui perçoivent le pourboire de partager plus de 10 % des pourboires perçus, comme la coutume le veut et comme ça existait avant 1998.
Dans le cas contraire, si nous autorisons une convention de partage dans chaque établissement, nous ouvrons grande la porte aux pratiques et aux abus que nous avons énoncés précédemment. Cette convention deviendra rapidement une condition d'embauche au gré des besoins des entreprises, et ainsi la notion de propriété exclusive évoquée à l'article 50 n'aura plus aucun sens. Nous croyons que seules les entreprises qui préconisent la mise en commun des pourboires à partager devraient être assujetties à une convention de partage. Ces entreprises, ça représente environ 20 % des établissements.
J'aimerais aussi ajouter que, lorsque le pourboire à partager est remis d'un employé à un autre, ce type de partage est normalement exclu des conventions de travail. La coutume a été préservée et les montants sont demeurés inchangés, soit au plus 10 % des pourboires perçus. Alors, la discrétion du partage est, en quelque sorte, réservée à la personne qui reçoit le pourboire.
En résumé, nous souhaitons que le projet de loi préserve les principales coutumes concernant le non-partage et le partage du pourboire dans notre industrie. Nous voulons aussi que les travailleurs et les travailleuses conservent leurs pourboires dans la même proportion qu'avant la réforme de 1998 et, enfin, que le salaire de base spécifique d'un travailleur ou travailleuse au pourboire s'applique uniquement aux employés qui perçoivent du pourboire pour un service rendu.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Dufour, le temps est terminé. Mais vous avez quand même fait le tour raisonnablement.
M. Dufour (Claude): Bien, il en manque.
Le Président (M. Rioux): Vous aurez l'occasion peut-être, dans les échanges avec les parlementaires, de poursuivre... en tout cas, compléter votre pensée. M. le ministre.
M. Rochon: Oui. Merci, M. le Président. Bien, merci beaucoup pour votre accompagnement en mai et juin, et encore aujourd'hui, pour être sûr qu'on se rend jusqu'au bout en faisant le plus correctement les choses, ce qui va me permettre, là, d'essayer d'apporter une précision sur les points que vous soulevez.
Je comprends que, dans l'ensemble, on se rejoint assez, là, ou on a assez bien compris, reçu ou intégré les commentaires que vous nous avez faits, sauf peut-être sur deux... Je ne dis pas sauf, mais il y a peut-être deux questions à préciser, là.
La dernière que vous avez mentionnée, la question de mieux définir les employés à pourboire, ce n'est pas dans la loi, mais c'est prévu pour être une disposition réglementaire. Et le contenu de cette disposition est déjà fait, et on l'a produit sur... Vous pourrez y avoir accès sur le site du ministère, un document...
Une voix: ...un tableau comparatif.
M. Rochon: ... ? c'est ça ? qui a comme titre Tableau comparatif. Il y a la loi actuelle, les modifications qu'on fait, le projet de loi et des commentaires explicatifs. Et, là-dedans, vous allez retrouver, quand on regarde le salarié habituellement à pourboire, la définition dans les commentaires qui viendra vraiment préciser... Et là je n'irai pas en détail parce qu'elle est assez détaillée, mais qui veut vraiment cerner la réalité de la personne qui reçoit des pourboires, comme on dit, de façon significative. Ce n'est pas qu'à l'occasion qu'il y a un peu d'argent qui est laissé, ça ne fait pas d'un employé un salarié à pourboire. Alors, ça, je vous inviterais à prendre connaissance de cette définition. Et, au besoin, s'il y avait une faille là-dedans, on a le temps, là, de la préciser, parce que c'est le règlement qui sera fait après la loi. On a voulu annoncer nos couleurs tout de suite pour que ça soit bien clair qu'est-ce qu'on a l'intention de mettre dans le règlement, mais on a du temps devant nous, là, pour faire des ajustements là-dessus. Et, comme vous le savez, de toute façon, quand un règlement est préparé, il y a ce qu'on appelle une prépublication dans la Gazette officielle, 45 jours de consultation, et tout ça. Alors, cette partie-là de la réalité, là, on a pensé l'approcher comme ça. Il faut s'assurer qu'on a une approche aussi plus flexible. Si la réalité change et amène des ajustements, c'est plus facile d'ajuster un règlement que de revenir à une loi si on a mis une définition de cette nature-là dans la loi.
L'autre point, qui est peut-être plus important, que vous soulevez, je pense, c'est à la page 5, la question du partage des pourboires. Là, je vais vous dire ce qui est vraiment notre intention dans le projet de loi, et on verra comment l'article la rend bien. Ce qu'on a voulu faire essentiellement, ce qu'on veut faire essentiellement, c'est effectivement de protéger les salariés et de s'assurer qu'il ne peut pas y avoir quoi que ce soit de partage de pourboires... fait en matière de partage de pourboires si ce n'est pas eux qui le décident, et eux qui le veulent, et eux qui contrôlent le processus. C'est plutôt ça qu'on veut dire et non pas d'ouvrir la porte pour dire: On encourage ce partage de pourboires. À moins que les employés le veulent. Bon.
Alors, ce qu'il faudra voir, c'est est-ce que le libellé du troisième paragraphe de l'article 50 qu'on propose reflète bien ce qui est l'intention. Et on a déjà commencé à l'examiner, là, pour être sûr que ça ne risque pas d'être interprété pour dire que ce qu'on dit dans le projet de loi, en fait, c'est d'inviter les employeurs à instaurer un régime de partage. Vous l'avez lu comme ça, c'est peut-être comme ça qu'il risque d'être interprété. On va l'analyser. Et, s'il faut que ça soit précisé ou réécrit, on va le réécrire pour refléter l'intention que je vous disais. C'est que les pourboires, effectivement, comme on dit dans l'article, appartiennent aux salariés, c'est à eux d'en faire ce qu'ils veulent. S'ils veulent le partager entre eux pour différentes raisons, ils peuvent le faire, mais c'est à eux de décider ça et c'est à eux de faire ça comme ils conviennent de le faire.
Alors, ça, je voulais vous rassurer là-dessus, là. Mais, si même ça, ça ne vous rassure pas complètement, bien dites-nous-le, là, pour qu'on s'entende très bien sur l'intention, est-ce qu'on est d'accord ou pas, et après ça la façon de l'exprimer, au besoin, on l'ajustera. C'est les seuls commentaires que j'aurais pour le moment, M. le Président.
Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président...
Une voix: ...
Mme Caron: Oui, bien sûr. Oui, oui.
M. Dufour (Claude): Est-ce que je peux répondre à M. Rochon?
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui, allez, monsieur.
n(16 h 20)nM. Dufour (Claude): Oui? Bon. O.K. Ce qu'on précise dans notre mémoire, c'est que dans environ... dans 80 % des établissements, on n'a pas besoin de convention. À partir du moment où un employé remet une partie de ses pourboires à un autre directement, on n'a pas à justifier une convention, on n'a pas à autoriser une convention, et l'entreprise n'a pas non plus à imposer une convention de partage même si c'est entendu entre les employés. On demande juste que la coutume soit respectée, c'est-à-dire que l'entreprise suggère au plus une redistribution à la hauteur de 10 % des pourboires perçus, simplement.
Pour les autres où il y a une mise en commun des pourboires, là on croit que ça prend un contrat-type. Il va falloir déterminer de façon précise, avec des règles, comment que le pourboire est partagé entre les employés et s'assurer, encore une fois, que c'est les employés qui contrôlent le pourboire et que l'entreprise en est exclue.
Le Président (M. Rioux): Très bien.
M. Rochon: Je pense, c'est vraiment l'intention qu'on pensait avoir comprise, là, que le pourboire appartient aux employés, c'est à eux de décider ce qu'ils font avec ça et de la façon qu'ils veulent bien le faire, de façon tacite, de façon verbale, de façon... avec une convention si c'est leur pratique, et que l'employeur n'a pas à s'impliquer là-dedans. Alors, on s'entend que c'est ça qui est la situation qu'on voudrait normaliser par rapport à la réalité. Alors, on va s'assurer que notre libellé, là, tel qu'il est proposé au troisième alinéa de l'article 50, ne risque pas d'être interprété autrement puis, au besoin, on va voir comment on peut l'ajuster et le préciser.
Le Président (M. Rioux): C'est beau. Madame.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup de venir nous faire vos représentations sur un sujet que nous avions conclu au printemps dernier et qui, effectivement, avait des particularités tout à fait à votre milieu. Et je pense qu'on s'entend au niveau du principe de ce qu'on veut faire, mais, au niveau de l'écriture, il faut aussi que ce soit très clair.
Moi, je voudrais vous permettre de nous présenter deux modifications que vous souhaitez, qui étaient un peu plus loin dans votre texte, c'est-à-dire concernant l'article 50.1 où vous nous demandez la suppression des mots «au-delà de la proportion des frais attribuables aux pourboires» en nous disant que ça pourrait éliminer beaucoup de confusion. Et, en dernière page de votre mémoire, à l'article 85.1, deuxième paragraphe, où vous souhaitez, là aussi, une modification.
M. Dufour (Claude): Vous l'avez fait à ma place.
Mme Caron: Mais donnez-nous les raisons. Moi, je vous cite seulement l'article.
M. Dufour (Claude): Bon, concernant l'article 50.1, on est heureux que cette disposition-là soit modifiée parce que c'était une ouverture pour plusieurs entreprises de créer de la confusion et d'exiger des montants d'argent à partir des pourboires alors que ça représente, somme toute, des montants assez minimes pour l'entreprise.
Et puis, à l'article 85.1, deuxième paragraphe, nous considérons primordial que le pourboire soit identifié au même titre que le salaire minimum et qu'ainsi il soit exclu de toute réclamation de l'employeur pour les motifs évoqués audit article. Alors, les précisions notées au troisième paragraphe concernant les frais reliés aux opérations et aux charges sociales de l'entreprise sont des protections importantes dans notre industrie, puisqu'elles ont été souvent à l'origine d'abus des entreprises.
Mme Caron: Donc, en fait, si je vous résume bien, vous souhaitez que les modifications qui viendraient clarifier, ça se fasse autour de l'article 50. Le reste, ça va?
M. Dufour (Claude): Oui, tout à fait.
Mme Caron: Parfait. Merci beaucoup.
M. Dufour (Claude): On est heureux avec le reste.
Mme Caron: Merci.
M. Dufour (Claude): Et puis on est content aussi de l'article 59.1 qui vient régler beaucoup de problèmes pour les gens qui sont syndiqués, parce qu'on a aussi des membres qui le sont et qui ont vécu beaucoup de problèmes avec cet article-là. Ça a pris du temps, et encore on connaît des établissements où ce n'est pas encore réglé.
Mme Caron: Merci infiniment.
Le Président (M. Rioux): Merci.
M. Dufour (Claude): Merci beaucoup.
Le Président (M. Rioux): M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Oui. Bonjour, messieurs. Merci d'être ici. Merci aussi pour votre mémoire. J'ai fondamentalement juste une question. J'ai un petit peu de misère avec toute la notion du partage, parce que vous semblez vouloir dire... Puis je pense que le texte de loi est clair, que le pourboire appartient à celui qui le reçoit, etc. Par contre, supposons l'exemple suivant. Je suis propriétaire d'un restaurant et puis je voudrais que mes «busboys» aient un salaire décent. Et puis le salaire, ça comprend le salaire minimum, là, que je dois leur payer puis aussi une portion des... Si je vous comprends bien, là, vous, vous voudriez m'empêcher de dire: Écoutez, moi, si vous voulez travailler ici comme garçon de table, là il va falloir que vous donniez cinq, 10, 15 ? peu importe le pourcentage, là ? pour cent de vos pourboires au «busboy». Je vous ai-tu mal compris ou vous êtes contre ça? C'est quasiment une condition d'emploi, là, je dis: Bon, si vous voulez travailler ici, moi...
M. Dufour (Claude): Non, on n'est pas... Au contraire...
M. Tranchemontagne: ...mes «busboys», je veux en prendre soin puis je pense qu'ils méritent un certain pourcentage des pourboires qui sont donnés.
M. Dufour (Claude): Non, on est loin...
M. Tranchemontagne: Ça ne m'apparaît pas...
M. Dufour (Claude): Non, on est loin d'être contre cette pratique. Au contraire, on veut favoriser l'échange entre les travailleurs, on veut préserver cet aspect, là, cette coutume dans l'industrie. Ce qu'on veut absolument éviter, c'est que c'est l'entreprise qui vienne dire quoi faire. Quand on dit: Autoriser maximum 10 % des pourboires, c'est parce que c'est déjà inclus dans les mentalités, ça existe partout. Même dans les grands hôtels, actuellement, si vous travaillez au restaurant vous remettez, à la fin de votre «shift», une partie de vos pourboires au «busboy». Ça existe, ça, et ce n'est même pas conventionné parce que l'entreprise ne s'ingère pas dans ce partage-là. C'est ce qu'on demande de préserver absolument. Ça se fait.
Et, quand on dit un maximum, on suggère un maximum de 10 %, obliger un maximum de 10 %, ça n'empêche pas que le travailleur qui a perçu le pourboire, à la fin de son «shift», en donne 15 s'il a été satisfait du travail que le «busboy» a fait et qu'il lui a donné un coup de main, qu'il a débordé de sa tâche. C'est possible, tout ça. On n'est pas contre ces pratiques-là, c'est vraiment dans le but d'éviter que l'entreprise s'accapare le contrôle du pourboire, le répartit, comme on l'a vu, jusqu'aux cuisiniers, l'hôtesse. Tout le monde finit par... Le gérant, tout le monde finit par en avoir, et là la personne qui reçoit le pourboire, qui a un statut d'employé à pourboire reconnu par la loi fiscale, où il y a une obligation d'attribution, au moins, de 8 % de pourboire perçu selon le chiffre de vente, se retrouve devant une situation où elle donne de l'argent à tout le monde, mais elle seule a une obligation envers l'impôt à une hauteur de 8 %.
M. Morin (André): Puis aussi, ce qu'on veut éviter, c'est que... Actuellement, ce qui se produit, dans l'industrie... Là, Claude parle de coutumes qui existaient, on parle de 10 % du pourboire. Puis, tout à l'heure, vous nous avez posé une question, vous nous parlez de pourboire. Actuellement, ce qui se produit dans l'industrie, là, on ne parle même plus de pourboire, là. Là, on réclame des pourcentages sur les montants totaux de vente des travailleurs. Alors, c'est ça qu'il faut arrêter.
M. Tranchemontagne: Expliquez-moi ça.
Le Président (M. Rioux): Pourriez-vous expliquer davantage?
M. Morin (André): Bon, vous expliquer, là, c'est que vous allez dans un établissement de restauration, vous avez une facture de 100 $, vous laissez, un exemple, 10 $ de pourboire. Si je vous demande 3 %, moi, de la facture, ça fait 3 $. Si je vous demande 3 % de vos pourboires, ça fait 0,30 $.
Le Président (M. Rioux): C'est assez clair.
M. Dufour (Claude): Et là aussi où il y a un danger, c'est que lorsqu'on établit ces pratiques de partage là à même le chiffre de vente, c'est qu'on ne s'assure pas que le pourboire a été perçu. Ça peut arriver qu'à la fin du «shift» je n'aie pas cumulé cet argent-là. Ça se produit. J'ai fait une erreur de caisse, je me suis trompé à remettre mon argent, je suis en dessous et je suis obligé de remettre une partie de mon argent ? je ne dis pas une partie de mon pourboire, une partie de mon argent ? déterminée à partir d'un chiffre de vente qu'on m'impose avant même que j'aie commencé à percevoir du pourboire. C'est là qu'il y a une problématique, et c'est là que ça s'est emballé dans notre industrie. On est passé de 1 %, qui était une reconnaissance, c'était simple, puis là on a dit: C'est 2 %, c'est 3 %, c'est 4 %. Je vous dis, on a vu des cas jusqu'à 5 et 6 %. Et il n'est pas rare actuellement que le travailleur qui est sur un plancher, là, ce soir, là, remette, à la fin de son «shift», 4 % de son chiffre de vente. Pas de pourboire, là, de son chiffre de vente.
n(16 h 30)nM. Morin (André): On parle de sommes très importantes, là, M. Tranchemontagne. On parle de sommes, là, qui peuvent varier, si on prend un petit restaurant, là, bien commun... On parle de sommes qui peuvent varier, là, de 25 à 40 $. Écoutez, c'est beaucoup d'argent, ça. Puis ça, c'est de l'argent qui part d'une poche, qui s'en va dans une autre poche, on ne sait même pas où il va, l'employé n'a aucun contrôle là-dessus, O.K.? Qu'est-ce que le patron fait avec, on ne le sait pas. L'employé ne le sait pas. Puis le ministère du Revenu non plus.
Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'un serveur, un travailleur de restaurant qui, par exemple, a servi des clients, puis il a eu des revenus de 700 $, 700 $... vous parliez de 10 % tout à l'heure; aujourd'hui, les gens donnent 15, bon, etc. Mais, à 10 %, ça lui fait 70 $ seulement pour sa soirée.
M. Morin (André): Non, je pense que vous avez... Il y a une petite... Non, regardez, là, l'employé qui vend, un exemple, 2 000 $. Prenons ? on ne nommera pas l'établissement, là ? mais un établissement de sports bien connu qui vend 2 000 $, O.K.? L'employé à pourboire fait, je ne sais pas, moi, ce soir-là, 150 $ de pourboires. Bien, disons, pour l'exemple, prenons 100 $. Il fait 100 $ de pourboires pour 2000 $ de ventes. Alors, si on lui demande de remettre à d'autres employés 10 % de son pourboire, alors on parle de 10 $. Mais là, si on lui demande de remettre à son patron 2 % ? prenons-le à 2 % pour l'exemple ? 2 % de 2 000 $, bien là, on parle de 40 $. Voyez-vous la différence?
Le Président (M. Rioux): C'est ce que j'essayais d'expliquer aussi. C'est un revenu quand même qui n'est pas extraordinaire, mais s'il faut qu'il le partage en plus...
Une voix: Oui.
M. Morin (André): C'est ça.
Le Président (M. Rioux): Mais là, c'est de l'appauvrissement.
M. Morin (André): Oui.
Le Président (M. Rioux): Oui, oui.
M. Tranchemontagne: Je voudrais poursuivre. Juste une question d'éclaircissement aussi. Le texte de loi prévoit que, lors d'une journée fériée, bon, l'employé est rémunéré à son salaire plus les pourboires estimés...
M. Morin (André): La moyenne des pourboires.
M. Tranchemontagne: ...la moyenne des pourboires des quatre semaines, si ma mémoire est bonne, là j'y vais de mémoire. Ça, il faut se fier aux revenus estimés par le propriétaire du restaurant, mettons, qui, lui, détermine que, moi, comme garçon de table... Comment ça va fonctionner?
M. Morin (André): ...des ventes.
M. Tranchemontagne: Hein?
M. Morin (André): Chaque employé a ce qu'on appelle sa feuille de route. Chaque employé sait ce qu'il a vendu à la fin de la journée.
M. Tranchemontagne: Oui.
M. Morin (André): Alors, le patron s'inspire de ça pour...
M. Tranchemontagne: Mais est-ce que le patron...
M. Morin (André): Regardez, là, moi, j'ai vendu...
M. Tranchemontagne: O.K. La question vraiment que je vous pose, c'est: Est-ce que le patron a des statistiques qui vont lui permettre de donner cette moyenne des quatre dernières semaines?
M. Dufour (Claude): Je vais répondre à ça.
Le Président (M. Rioux): Votre nom, monsieur?
M. Dufour (Claude): Dufour.
Le Président (M. Rioux): Allez.
M. Dufour (Claude): Merci. Depuis 1998, l'employé est tenu de déclarer ses pourboires. Si ce n'est pas le cas, l'entreprise lui attribue au moins 8 %. Alors, c'est soit basé sur les pourboires déclarés des quatre dernières semaines ou des pourboires attribués tout simplement. S'il n'a pas déclaré ses pourboires, c'est 8 % des ventes.
M. Morin (André): Puis ça, c'est nonobstant qu'il l'ait fait ou pas, le 8 %.
M. Tranchemontagne: Mais, en général donc, dans les restaurants, que ce soit un petit ou un grand restaurant, donc il y a une compilation qui est faite, par serveur, des pourboires qu'il a eus, qu'il a faits dans les quatre dernières semaines.
Une voix: Des ventes.
M. Tranchemontagne: Oui, des ventes.
M. Morin (André): Des ventes.
M. Tranchemontagne: O.K. Donc, pas des pourboires. Donc, ça revient à ma question, c'est ça. Donc, ils vont se baser... le propriétaire, pour donner le pourcentage de pourboires, va se baser sur les ventes des quatre dernières semaines multipliées par...
M. Morin (André): Par le 8 %...
M. Tranchemontagne: ...le 8 %.
M. Morin (André): ...d'attributions.
M. Tranchemontagne: O.K. Là, on se comprend. C'est comme ça que ça va se faire. C'est correct. Merci.
Le Président (M. Rioux): C'est clair. Bien.
M. Rochon: Là-dessus, M. le Président... La référence aux quatre dernières semaines, là...
M. Morin (André): Les deux dernières semaines, à moins que je sois dans l'erreur, mais c'est les deux dernières semaines.
Le Président (M. Rioux): Non, non.
M. Rochon: ...référence à des semaines?
M. Morin (André): C'est les deux dernières semaines précédant la fête.
Le Président (M. Rioux): Ah oui, oui! Les deux dernières semaines précédant...
M. Morin (André): Précédant la fête.
Le Président (M. Rioux): C'est ça. O.K. Alors, M. le député de Vimont, ça va? M. le député de Mont-Royal?
M. Tranchemontagne: Oui, on veut savoir combien il y a de semaines.
Le Président (M. Rioux): Vous aimeriez avoir une clarification?
M. Tranchemontagne: C'est parce que monsieur semble le savoir plus que nous autres.
Le Président (M. Rioux): Bon.
(Consultation)
M. Rochon: Les quatre dernières semaines. C'est ça.
Des voix: C'est ça.
M. Rochon: Présentement, c'est deux...
M. Tranchemontagne: Non, non, je parle du projet.
M. Rochon: Bien, le projet...
M. Tranchemontagne: On est-u ici pour parler du projet?
M. Rochon: Vous êtes correct alors. Parfait. C'est correct.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Ça va. M. Morin, on s'est retrouvés là. Ça va. Merci. Alors, merci beaucoup, merci beaucoup, puis on vous souhaite bonne chance, hein. Puis on vous souhaite que l'industrie évolue un peu aussi. Il me semble que c'est lent. On parlait de ça il y a 20 ans, vous souvenez? Alors, merci infiniment.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Alors, nous poursuivons nos travaux. Alors, je souhaite la bienvenue à la Direction de la santé publique de Montréal. Dr Richard Lessard, si vous voulez bien vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne, et vous avez 15 minutes pour faire votre présentation.
Direction de la santé publique de Montréal-Centre
M. Lessard (Richard): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. et Mme les commissaires, on vous remercie d'abord de nous avoir permis de venir s'exprimer en particulier sur la portion du harcèlement psychologique du projet de loi. Je suis accompagné de Mme Nathalie Jauvin, qui est chercheure au CLSC Haute-Ville?Des Rivières, à Québec, et elle est spécialisée dans le domaine de la santé mentale au travail.
Alors, dans un premier temps, je vous parlerai de pourquoi la Direction de santé publique s'intéresse au problème du harcèlement psychologique. Mme Jauvin vous fera particulièrement le lien entre harcèlement psychologique et santé mentale. Et nous reviendrons par la suite sur la question de pourquoi légiférer dans ce domaine-là.
n(16 h 40)n Alors, la Santé publique a pour mission d'améliorer l'état de santé de toute la population, mais, évidemment, en particulier celui des travailleurs et des travailleuses. Elle voit, entre autres, à la promotion de la santé et au développement d'interventions efficaces en vue d'améliorer la santé au travail, en milieu de travail, santé des travailleurs. Elle intervient également pour des fins de prévention ou pour protéger la population contre des risques éventuels, entre autres dans le contexte de travail, mais c'est sûr qu'on a un biais particulier pour la prévention parce qu'on trouve que, quand il y a moyen de s'éviter un problème, on doit tout faire pour le faire.
Mais la Direction de santé publique de Montréal s'est d'ailleurs récemment penchée plus en profondeur sur les problèmes de santé mentale des adultes montréalais, puisque, l'année dernière, en 2001, nous avons produit un rapport qui s'intitule Garder notre monde en santé, un nouvel éclairage sur la santé mentale des adultes montréalais. Les faits saillants de cette étude ? allons-y avec trois rapidement ? c'est 20 % de la population qui dit souffrir de problèmes de santé mentale chaque année. On s'entend ici, les problèmes de santé mentale sont les problèmes de nature anxiété, des problèmes de dépression, et ces problèmes sont plus présents chez les jeunes adultes, c'est-à-dire les 18 à 24 ans, et également chez ceux dont la situation financière est perçue par les gens comme pauvre davantage que ceux qui considèrent leur situation financière comme suffisante ou étant à l'aise. Donc, on voit ici que ce sont deux clientèles, deux groupes de personnes qui sont particulièrement visés par les normes minimales de travail.
Donc, le phénomène du harcèlement psychologique au travail devient avec le temps une question de plus en plus importante. Du point de vue de Montréal, des groupes de travailleurs semblent particulièrement vulnérables. Qu'on pense en particulier aux travailleurs immigrants, aux travailleurs à statut précaire, aux femmes et aux jeunes et à tous les employés non syndiqués qui n'ont souvent aucun recours en matière de harcèlement psychologique. J'aimerais vous rappeler qu'à Montréal, dans certains quartiers, on retrouve jusqu'à 30 % de la population qui vit de l'aide sociale. J'aimerais vous parler qu'il y a des familles monoparentales, dans certains quartiers, où de 30 à 36 % de la population sont des familles monoparentales avec des enfants de moins de 18 ans, et que, dans ces mêmes quartiers, la proportion de la population... donc les 0-5 ans, les jeunes enfants qui vivent dans des familles sous le faible taux de revenu, c'est 50 % des enfants qui vivent dans ces quartiers dans des conditions donc où le seuil de revenu des parents est inférieur au seuil de revenu de pauvreté.
Donc, vous voyez qu'ici, à Montréal en particulier, on a une situation où l'on souhaite faire le lien avec la loi sur la pauvreté... pour contrer la pauvreté et l'exclusion sociale, et évidemment, si la stratégie du travail est une stratégie importante pour le développement de ces personnes, il faut que les conditions qu'on offre à ces personnes qu'on veut voir retourner dans le milieu du travail soient des conditions qui excluent des choses, comme le harcèlement psychologique qui va davantage détériorer leur situation, pour lesquelles on voudrait qu'elles s'en sortent. Alors, ces groupes donc sont davantage concernés par le travail atypique et la dégradation des conditions de travail et ont plus de risques de subir du harcèlement psychologique. Le harcèlement psychologique a été identifié, aux yeux de la Santé publique, comme un des problèmes qui a pris et qui prendra probablement encore de plus en plus d'importance au sein de notre collectivité. Voilà pourquoi nous avons jugé bon, comme organisation vouée à la santé, de l'inscrire parmi les problèmes en émergence sur lesquels nous devons nous pencher attentivement au cours de la prochaine décennie. En fait, c'est que, comme ministère de la Santé ou Santé publique, souvent on se retrouve à être le ministère des conséquences, c'est-à-dire qu'on a à recevoir dans le système de santé des gens qui vivent des conséquences de traumatismes vécus à l'extérieur du système de santé, mais, par la suite, on se plaint que le système de santé coûte cher. Alors, je pense que notre perspective qu'on vient présenter aujourd'hui, c'est une perspective où on voudrait prévenir les gestes, prévenir les causes de problèmes qui éventuellement se retrouvent dans le système de santé.
Alors, le phénomène du harcèlement psychologique n'est pas nouveau. Ce qui caractérise l'époque actuelle cependant, c'est l'ampleur que ce harcèlement semble prendre et l'émergence de la parole chez certains salariés qui, aujourd'hui, ont commencé à dénoncer les actes commis au sein de leurs organisations. Le harcèlement touche un nombre grandissant de salariés dont les non-syndiqués qui ne possèdent aucun soutien formel et qui n'ont aucun recours.
En 1998, une enquête de Santé Québec démontrait que 3 % des répondants en emploi ont déclaré avoir subi de la violence physique de temps en temps, souvent ou très souvent au cours des 12 mois qui précèdent l'enquête. Donc, violence physique, 3 %. Mais la même enquête révèle que 18 % de ces mêmes travailleurs ont rapporté avoir fait l'objet d'intimidation au travail au cours de la même période, intimidation qui touche davantage les femmes que les hommes, légèrement, ainsi que les plus jeunes travailleurs, les 15 à 24 ans, 22 %, et les 50 ans et plus, 13 %.
Alors, les données actuellement disponibles démontrent bien d'ailleurs jusqu'à quel point le phénomène est présent à des niveaux divers au sein des organisations de travail. Elles n'illustrent cependant probablement que la pointe de l'iceberg. En effet, on peut supposer que, derrière un travailleur qui ose déclarer un processus de victimisation, il y en a d'autres qui souffrent en silence et qu'au-delà de la personne qui commet du harcèlement dans son milieu de travail on risque fort de trouver un univers professionnel fragilisé où d'autres risques de faire éventuellement la même chose sont présents.
Les conditions d'exercice de l'emploi sont sans contredit propices à l'émergence de rapports sociaux perturbés, les nouvelles conditions de travail, souvent encouragées par les pratiques managériales qui sont de l'ordre de l'individualisation de la performance, c'est-à-dire que l'on mesure de plus en plus la performance des individus et on les met en compétition les uns avec les autres pour des degrés de performance à atteindre. Alors, évidemment, ce ne sont pas des conditions idéales, on comprend, et c'est dans ces conditions-là que le harcèlement psychologique a davantage... c'est un milieu qui crée davantage de risques que le harcèlement psychologique se manifeste.
Alors, c'est sûr que le domaine du travail a subi de nombreuses mutations au cours de la dernière décennie, mutations qui touchent tant le contenu, l'organisation que les conditions d'exercice de l'emploi. Il y a des restructurations majeures, fusions, compressions, coupures de postes, et ça été le lot des nombreuses organisations publiques, parapubliques ou privées. De ces transformations ont émergé de multiples tensions et, à l'occasion, des souffrances lourdement ancrées dans ces milieux. On n'a qu'à regarder dans le milieu de la santé; le pourcentage de journées d'absentéisme en milieu de travail causé par la santé mentale et, dans certains milieux, hospitaliers en particulier, on trouve de 30 à 50 % des journées d'absentéisme en milieu de travail causé par des problèmes de santé mentale. Alors, il aurait a priori été possible de croire que ces mutations dans l'organisation du travail étaient temporaires. Or, on constate de plus en plus qu'elles sont au contraire bien ancrées dans l'univers contemporain du travail. Dans ces circonstances, on ne peut pas s'attendre à une diminution naturelle du phénomène, d'où l'importance d'intervenir et de légiférer.
Un milieu de travail pathogène peut aussi conduire, entre autres, à des problèmes de santé mentale chez les travailleurs, mais peut favoriser l'émergence de violence ou de harcèlement. C'est dans ces nouvelles circonstances de travail caractérisées par l'individualisme que s'inscrit fondamentalement donc, comme je le disais, le phénomène de harcèlement psychologique. Des caractéristiques liées à l'organisation du travail permettent également de départager des groupes davantage soumis à l'intimidation. Ainsi, les personnes exposées à un niveau élevé de demande psychologique dans leur travail sont plus nombreuses à subir de l'intimidation que celles soumises à un niveau plus faible de demande psychologique. La surcharge de travail est fréquemment observée au moment où il y a des réductions d'effectifs consécutives, par exemple, à la restructuration ou la fusion d'entreprises, et le faible niveau d'autonomie décisionnelle crée aussi des conditions qui sont favorables à l'émergence du harcèlement psychologique. Je vais maintenant passer la parole à Mme Jauvin qui va parler plus précisément du lien entre harcèlement et santé mentale.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Alors, Mme Jauvin, vous avez la parole.
Mme Jauvin (Nathalie): Merci. Alors, effectivement, je vais parler plus des conséquences qu'a le harcèlement au travail et les conséquences entre autres et surtout liées à la santé mentale qui affectent les travailleurs.
Alors, effectivement, le harcèlement, ça constitue une entrave au travail et à la santé des travailleurs également. Les personnes qui sont victimes de harcèlement psychologique sont souvent marquées à moyen et même à long terme des souffrances qui laissent des traces profondes chez plusieurs. Les phénomènes de violence ou de harcèlement ont des effets directs et indirects qui sont parfois très nocifs sur la santé tant physique que mentale de plusieurs de ces travailleurs-là qui sont pris dans des situations de harcèlement. Alors, ça peut provoquer des problèmes physiques et des problèmes psychiques.
Au niveau des atteintes psychiques, on parle, par exemple, d'un taux ? et c'est prouvé, ça, c'est des conséquences qui sont de plus en plus documentées dans la littérature scientifique ? donc des taux d'épuisement professionnel accrus, un niveau de dépression, d'anxiété plus élevé, un niveau même d'agression provoquée par cette souffrance-là accentué, un sentiment de colère, un sentiment d'insécurité, d'angoisse, de culpabilité et une chute de la satisfaction au travail également. Parfois, comme l'a démontré Leymann, Heinz Leymann, qui est un des précurseurs en la matière, en matière de harcèlement, parfois ça peut aller très loin, ça peut aller au suicide. Lui avait fait une étude et il a trouvé... il a fait une étude sur les cas de suicide et il a démontré qu'un suicide sur sept avait été provoqué par du harcèlement ou des situations vécues au travail. Alors, si on parle de circonstances désastreuses ici, il y a aussi des atteintes physiques qui sont démontrées comme l'hypertension, des tremblements, des troubles digestifs, pour ne nommer que ceux-là. Il y en a quand même plusieurs qui ont été identifiés.
n(16 h 50)n Il y a une étude européenne, une enquête européenne qui a été faite il y a quelques années qui a donné des résultats assez intéressants et qui a montré des liens avec l'état de santé des travailleurs. On note, par exemple, une association claire entre la détresse psychologique et l'intimidation subie au travail. On note aussi une même association entre l'intimidation et des périodes de grande nervosité ou d'irritabilité. Alors, ça, c'est des études scientifiques qui permettent de démontrer très clairement ces associations-là.
De plus, cette même enquête a montré que des symptômes de douleurs à l'estomac, d'insomnie, d'irritabilité ou d'anxiété étaient quatre fois plus élevés chez les personnes qui étaient victimes d'intimidation, l'intimidation étant une des composantes, ou souvent un concept qui est utilisé pour parler aussi de harcèlement. Alors, ces gens-là qui sont soumis à du harcèlement sont beaucoup plus fragilisés, ils sont également... ils ont des atteintes psychiques et des atteintes physiques importantes dans certains cas. Les gens qui sont soumis à l'intimidation aussi auraient des risques quatre fois plus élevés de souffrir d'anxiété que ceux qui ne sont pas soumis à l'intimidation, toujours selon cette étude.
Au Québec, on a des données de Santé Québec de 1998 qui indiquent que la proportion des individus incapables de travailler en raison d'un problème de santé mentale était doublée chez ceux qui étaient victimes d'intimidation au travail. Alors, c'est des données récentes québécoises qui nous démontrent ça. La fréquence d'incapacité de travail passait donc de 9,9 % à 21 % chez ceux qui étaient victimes d'intimidation.
C'est sûr que le degré d'atteinte chez les individus soumis au harcèlement peut varier. Ça peut être des symptômes de stress, de nervosité, d'irritabilité, d'anxiété. Au moment où une situation perdure ou qu'elle est trop intense, ça peut se transformer en des troubles psychiques vraiment plus importants; on parle de fatigue chronique, de dépression, de décompensation, d'alcoolisme. Encore là, la liste peut être assez longue.
Alors, comme il s'agit d'un phénomène dynamique, il faut aussi faire attention. C'est un phénomène qui n'est pas statique. Alors, les personnes qui peuvent avoir été soumises à de l'intimidation ou à du harcèlement peuvent aussi parfois se retourner... sentant avoir été traitées injustement, se retourner et être à leur tour des agresseurs ou des harceleurs dans leur milieu de travail. Alors, il y a ce danger-là aussi que la victime se retourne et devienne à son tour agresseur. C'est ce que je voulais dire en parlant de phénomène dynamique.
Les conséquences de la violence au travail n'affectent pas seulement les victimes, affectent aussi les témoins, affectent aussi l'organisation. Il y a des coûts très importants pour l'organisation et des coûts sociaux aussi pour les institutions. On pense, par exemple, à des recours plus grands, suite à des problèmes de santé mentale, aux institutions. Alors, c'est des coûts sociaux importants.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Merci, Mme Jauvin. Alors, maintenant, nous allons procéder aux échanges. M. le ministre.
M. Lessard (Richard): Vous me permettez de conclure, M. le Président?
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Votre temps est terminé. Vous allez peut-être avoir le temps en cours d'échange de préciser davantage vos commentaires. M. le ministre.
M. Rochon: Disons que vous pourrez, peu importe ma question, intégrer votre conclusion dans la réponse.
Écoutez, je veux vous remercier beaucoup et je suis, évidemment avec un certain biais que je dois avouer, très heureux de voir qu'il y a des gens qui ont une approche et un travail au niveau de santé publique et de population... s'intéresser aussi de ce point de vue à une question comme celle du harcèlement. Ça vient nous rejoindre parce que l'intention réelle de ce qui est proposé dans le projet de loi, c'est vraiment, tenant compte de ce qui existe déjà comme autres recours dans d'autres législations, c'est d'avoir une intervention beaucoup plus en amont dans ce processus, alors qu'actuellement il y a des recours qui existent, mais il faut avouer qu'ils sont très en aval et qu'ils sont possibles quand un dommage est vraiment intervenu, s'est vraiment mis en place.
On est bien conscient aussi que la loi, c'est un élément important qui vient appuyer et donner de la force à différentes mesures, mais qu'il faut d'autres choses en plus de la loi. Que de créer, de préciser le concept dans la loi, de créer un droit et un recours, c'est important. Sans ça, je pense que beaucoup d'autres mesures, d'autres interventions n'ont pas la force nécessaire, n'ont pas la... ça ne donne pas la sensibilisation à l'ensemble des parties qui est à un niveau nécessaire pour une intervention efficace. Mais la loi seule, par contre, ne va pas... on n'a pas le sentiment, l'illusion que ça va changer la situation, il faut d'autres choses.
Il y a un travail qui se fait déjà depuis... qui a continué la préparation du projet de loi par un groupe interministériel, où différents ministères et organismes sont impliqués, pour s'assurer que l'information, des outils, des instruments aux employeurs, des interventions et recours cliniques seront aussi disponibles.
Et, en écoutant votre présentation et l'intérêt que vous y portez sur la base de votre connaissance du terrain, ma question est la suivante dans ce contexte-là: Est-ce qu'il y a présentement... ou est-ce qu'on peut penser que peuvent se développer des interventions carrément plus de santé publique sur des populations ou carrément plus systémiques sur des secteurs d'entreprise qui pourraient s'ajouter aux interventions plus ciblées sur des individus, entrepreneurs ou travailleurs et venir donner vraiment là une approche globale qui permettrait, en pensant au moyen et long terme, de changer de façon importante l'ordre de valeurs qu'on peut connaître aujourd'hui?
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Dr Lessard.
M. Lessard (Richard): Oui. Eh bien, c'est sûr que le rôle de la Santé publique, c'est souvent d'informer, la Santé a un rôle pédagogique pour mettre... pour bien faire ressortir l'ampleur des problèmes pour que les gens réalisent d'abord l'ampleur du problème, ensuite ce qui peut être fait par rapport au problème. Et la loi, de ce point de vue là, c'est un remède, si j'ose dire, pour essayer de diminuer un problème de santé qui touche beaucoup de monde. Alors, la loi va être extrêmement importante dans ce contexte-là. Et je pense que, parmi les mesures qu'on pourrait mettre de l'avant, c'est certainement de mieux expliquer le phénomène, de mieux expliquer aussi que le phénomène n'a plus besoin d'être toléré, d'expliquer que le phénomène existe, mais qu'il a un impact très important sur la santé de la population et en particulier sur la santé mentale.
Et je pense que l'entreprise privée, qui est un peu réticente à des approches comme celle-ci, doit réaliser que, de toute façon, elle paye. Qu'elle paye maintenant ou qu'elle paye après, elle paye. Et, moi, je suis souvent déçu de voir des commentaires à l'effet que ça va coûter plus cher. Mais c'est comme si on niait qu'actuellement ça coûte déjà un bras. Et il me semble qu'une entreprise qui réussit, c'est une entreprise qui prévient les problèmes dans son entreprise plutôt que d'attendre que la facture augmente.
Alors, moi, j'ai beaucoup de... je pense qu'il faut bien faire ressortir ce point de vue là, c'est qu'on n'essaie pas ici de mettre le Québec en faillite. Dans ma conclusion, j'allais conclure que le harcèlement psychologique, c'est mauvais pour tout le monde, c'est mauvais pour les personnes qui le subissent, c'est mauvais pour les organisations dans lesquelles ça se subit. L'organisation doit payer des coûts pour ça. Ce n'est pas bon pour notre productivité puis ce n'est pas bon pour notre santé. Je ne vois pas pourquoi on voudrait attendre et puis payer encore puis de faire monter la facture, puis, après ça, décider que la facture est maintenant assez haute qu'il faudrait commencer à prévenir. J'ai beaucoup de difficultés avec ce genre de raisonnement là.
Alors, moi, je pense que, du point de vue de santé publique, une des mesures qui a été prise par les entreprises, qui se développe beaucoup, c'est les programmes d'aide aux employés. Mais je pense que le critère le plus important qui va convaincre des gens, c'est de réaliser la perte de productivité en milieu de travail assumée par les entreprises pour des problèmes comme ceux-là. Et de savoir que ça se prévient, de savoir que ça n'a pas besoin d'être toléré dans l'entreprise et que ça peut très bien améliorer le climat de l'entreprise, je pense que c'est une information extrêmement importante qui peut changer nos attitudes par rapport à un projet de loi comme celui-là. C'est là-dessus, à mon sens, qu'il faut miser.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): M. le ministre.
M. Rochon: Merci, pour le moment. Je vais laisser une chance à mes collègues...
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Est-ce qu'il y a d'autres... Mme la députée de Terrebonne, s'il vous plaît.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Lessard, Mme Jauvin, j'avoue que j'apprécie énormément votre mémoire parce que vous avez parfaitement raison de le présenter comme une mesure importante de prévention puis de rappeler à quel point les coûts sont là. Et ils sont là. Et de faire comme s'ils n'existaient pas, je pense que c'est effectivement nier un phénomène et la facture ne fait qu'augmenter. Alors, j'apprécie énormément votre mémoire à ce niveau-là, vous nous rappelez aussi l'urgence d'intervenir.
n(17 heures)n Et dans vos propositions ? peut-être vous donner peut-être le temps de vos dernières recommandations... Vous nous parlez, dans les recommandations, évidemment de l'ajout des mesures que nous avons dans la loi. Vous nous rappelez l'importance des outils appropriés pour sensibiliser, informer, soutenir la démarche. Peut-être nous dire un petit peu comment vous voyez... comment on pourrait soutenir leur démarche, concrètement? Puis vous nous recommandez également que les enquêteurs ? et ça, je pense que c'est important aussi ? qui sont susceptibles de recevoir les plaintes soient suffisamment formés et outillés pour effectuer leurs tâches convenablement. Alors, très concrètement, vos deux dernières recommandations, comment vous voyez ça?
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Alors, Dr Lessard.
M. Lessard (Richard): Si vous me permettez, je vais demander l'opinion de Mme Jauvin.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Mme Jauvin.
Mme Jauvin (Nathalie): Bon. Je vais commencer peut-être par répondre à votre dernière question, puis vous demander une précision sur le premier volet.
Je pense que, ici, la formation est importante d'emblée pour tous les travailleurs. Mais pour les gens qui seront ceux chez qui on logera les plaintes, je pense qu'ils ont besoin d'une formation très intéressante, très importante, sur l'ensemble des enjeux, des dimensions. Je pense qu'il ne faut pas prendre ça à la légère. Donc, c'est important de prendre, de choisir des individus chez qui on pourra... à qui on pourra vraiment faire un bilan de ce qui est connu dans la littérature mais de ce qui est connu aussi dans d'autres types de pratiques.
Parce que les démarches que le Québec entreprend ici sont aussi des démarches qui ont été faites dans d'autres pays, par exemple. Alors, pourquoi ne pas se servir, un petit peu aller voir ce qui s'est fait ailleurs? Pourquoi ne pas... Pas besoin de réinventer la roue, selon moi, au complet. Mais pourquoi ne pas aller voir ce qui s'est fait ailleurs et peut-être aller voir ce qui a fonctionné, aller voir ce qui a moins bien fonctionné aussi pour essayer d'ajuster nos démarches?
Mais je pense que c'est clair que ça prend des gens très, très bien formés qui vont très, très bien connaître la problématique et les enjeux et les fragilités aussi des individus qui sont impliqués dans cette démarche-là. Parce qu'il faut penser que c'est des individus fragiles, des individus qui sont parfois dans des contextes de travail... Je pense aux travailleurs non syndiqués, à statut précaire, et tout ça, alors, ça va chercher chez eux des dimensions particulièrement sensibles. Alors, il faut que ce soient des gens sensibles et bien informés qui vont... Alors, moi, je pense que ce serait important d'aller voir un peu ce qui s'est fait ailleurs aussi, dans ce sens-là.
Pour votre question précédente, bien, les outils, je vous dirais, si j'ai bien compris votre question, les outils appropriés, bien, là encore, je vous dirais, il y a toutes sortes d'outils qui existent dans les milieux. Il y a des programmes particuliers, il y a des programmes d'aide aux employés, il y a des politiques aussi. Les syndicats en ont aussi. Il y a déjà des outils qui existent. Pourquoi pas, encore une fois, aller voir ce qui se fait, ce qui s'est développé comme outils ailleurs? Encore là, qu'est-ce qui a fonctionné, qu'est-ce qui n'a pas fonctionné, puis de quoi on pourrait s'inspirer, puis qu'est-ce qu'on pourrait mettre, nous, de particulier, parce que nos modes de fonctionnement ne sont pas les mêmes non plus. Je pense aux distinctions aussi entre les entreprises qui sont ou non syndiquées. Alors, je pense que ce serait important aussi d'aller voir. Moi, je pense qu'il y a déjà un bon bout de chemin de fait. Puis je pense qu'on peut aller chercher des modèles sur ceux qui ont bien fonctionnés, entre autres.
Mme Caron: Merci beaucoup.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Ça va, Mme la députée de Terrebonne? Très bien. Alors, M. le porte-parole de l'opposition officielle... Non. Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Merci, M. le Président. Bonjour, docteur. Bonjour, madame. Ma question s'adresse à un de vous deux. C'est à la page 13 de votre mémoire, dernier paragraphe. Vous dites: «À notre avis, il est donc essentiel de nommer et de définir, dans un texte de loi spécifique, les comportements proscrits. Il est aussi essentiel d'identifier clairement les responsabilités en la matière et les sanctions possibles en cas de faute.» J'ai écouté attentivement vos propos et il y a beaucoup de connotations... Dans la problématique dont vous avez parlé, il y a beaucoup de cas où on fait référence à des actes criminels. Quand on parle de menaces, quand on parle d'intimidation, ça a une connotation, en tout cas, dans ma tête à moi, criminelle. Alors que, dans ma tête à moi, le harcèlement, c'est une série de gestes non désirés, non tolérés par une personne mais, pris individuellement, qui n'a pas nécessairement de connotation criminelle. Je veux dire, quelqu'un qui vous dirait, à tous les jours... une tape sur l'épaule puis que ça me tanne, je veux dire, mais, à force de se la faire donner, c'est ça, dans ma compréhension à moi, du harcèlement. Et j'aimerais ça que vous me disiez comment vous vivez avec la définition de harcèlement qu'on trouve au projet de loi.
Mme Jauvin (Nathalie): Je n'ai juste pas compris... Pouvez-vous juste répéter la...
Mme Gauthier: Comment vous vivez... Comment vous trouvez la définition de harcèlement telle qu'on la trouve au projet de loi, à l'article 81.18?
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Alors, Mme Jauvin.
Mme Jauvin (Nathalie): La notion d'intimidation est une des... Quand on pense à la définition du harcèlement, il y a différentes études, mais je repense encore à Leymann, qui était, comme je disais, un auteur phare, qui nous en a appris beaucoup, c'était un des comportements qui font partie du harcèlement, c'est d'intimider les autres, c'est de les exclure, c'est de les mettre de côté, c'est de les isoler, c'est aussi de faire de l'intimidation. Alors, je le prenais plus dans ce sens-là. Ce n'était pas nécessairement dans le sens d'intimidation au sens physique ou au sens que la loi l'entendrait, dans le sens où vous le dites. Je ne le voyais pas, je ne l'entendais pas de cette façon-là.
Vous vouliez que je commente un petit peu sur la...
Mme Gauthier: Sur la définition, oui.
Mme Jauvin (Nathalie): ...sur la définition?
Mme Gauthier: Oui.
Mme Jauvin (Nathalie): Moi, je n'avais pas de... Pour avoir travaillé quand même assez sur cette problématique-là de la violence, je trouvais que la définition était en soi excellente, je n'avais pas de difficulté avec elle. Je sais que les composantes qui y sont, à mon avis, satisfaisantes. Je sais qu'il y avait une question sur le fait d'avoir un geste qui répète... vous parliez de répétition. En effet, souvent on entend, par harcèlement, répétition. Mais, comme dans le cas de harcèlement sexuel, un seul acte commis de façon intense, un acte fort, je ne parle pas d'un seul acte... mais ça peut être un acte ponctuel qui est très fort, très...
Pour en avoir entendu des cas, je pense par exemple à une réunion de travail, dans un contexte de réunion de travail, où, là, dans ce cas-là c'est un supérieur... Une journée, un supérieur, dans le cadre d'une réunion où tous les collègues sont présents et les autorités supérieures aussi décide d'humilier ou commence à humilier un de ses employés mais de façon très vindicative, très forte, en revenant sur des comportements passés, en disant: Il n'y a plus personne qui a confiance en toi. Puis, en tout cas, c'est vraiment très, très intense, la personne est sortie de là, puis c'est difficile de s'en remettre, après. Alors, c'est un acte qui arrive une seule fois mais dont la gravité et l'intensité, pour l'individu qui le reçoit, devant... en plus dans un contexte devant l'ensemble de ses collègues, devant les supérieurs... Il n'y avait pas besoin, dans ce cas-là, d'avoir répétition et durée.
Alors, en général, quand on parle de harcèlement, on parle plutôt, comme vous disiez, de répétition d'actes qui, comme Leymann a dit, pris isolément, ont l'air anodins, mais, quand on les ajoute les uns par-dessus les autres puis sur une durée plus étendue, deviennent du harcèlement. Mais je pense aussi qu'il faut considérer... c'est important de considérer l'acte une fois qu'il arrive, mais qui est très, très fort et qui provoque des fois des conséquences très intenses et très fortes chez l'individu qui les reçoit.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Oui. Merci. Je voudrais... Dans le quotidien, dans une petite entreprise ou une moyenne entreprise par exemple, pour donner véritablement du poids à la loi, comment on peut aider les travailleurs ou les travailleuses victimes de harcèlement dans un contexte non syndiqué? On a entendu des gens qui sont venus témoigner avant vous, et, dans un contexte où on a recours à la Loi sur les normes du travail, c'est évident, si on fait une plainte de harcèlement contre un collègue de travail, c'est difficile d'avoir évidemment des témoins pour soutenir, pour corroborer nos propos, d'une part. Et j'ai vécu aussi des cas où la personne qui se plaignait vivait de l'exclusion. Alors, comment on pourrait faire en sorte d'adoucir les coins pour la personne qui vit une situation de harcèlement?
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Dr Lessard, oui.
M. Lessard (Richard): C'est là, je pense, qu'il faut voir l'importance de la loi mais aussi le fait que la loi ne réglera pas tout. Je pense que la loi, elle fixe des balises. Elle dit aux personnes qui ont tendance à être plus harceleuses que d'autres: Ce n'est pas permis, et ça dit aux personnes qui pourraient être harcelées qu'il y a des recours et que la chose n'est pas tolérée. Donc, elle établit, si vous voulez, un système de clôture simple et que tout le monde comprend. Donc, ceci étant devenu une loi, je pense que ça décrit des nouvelles normes pour la société, pour l'entreprise et pour les individus.
Le temps d'adhérer à ces nouvelles normes là va prendre un certain temps. Le temps que les gens apprennent quel recours ils ont et surtout qu'ils vont être protégés par un organisme lorsqu'ils vont exercer ce recours-là, ça va prendre un certain temps. Mais je pense qu'il n'y a personne qui va se plaindre de harcèlement tant qu'elle est physiquement menacée ou qu'elle est menacée de perdre son emploi. Mais la journée où, par la loi et par l'information qui va venir et par le fait de diffuser tous ensemble que la norme a changé, l'idée d'un recours va faire son chemin et les gens vont avoir de moins en moins peur d'exercer ce recours-là. Mais ça ne changera pas, là, immédiatement.
n(17 h 10)n Donc, c'est une mentalité, c'est notre mentalité, comme société, qu'on a à changer, et je pense que la loi arrive à un moment intéressant parce que cette mentalité-là a déjà commencé à changer. La loi ne forcera pas à partir de zéro changement mais la loi va nous amener à l'utiliser, la loi, pour mettre nos normes sur la table, mettre nos valeurs sur la table et gérer en fonction de ces nouvelles normes.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Mme la députée de Jonquière.
Mme Gauthier: Oui. Merci, docteur. Mme Jauvin, tantôt, vous avez dit qu'il faudrait peut-être s'instruire de ce qui se passe ailleurs ou on n'a pas à refaire la roue. Vous en avez parlé dans ce sens-là, tantôt.
Il existe la Loi sur les lésions professionnelles, au Québec. Vous savez que, pour un travailleur ou une travailleuse, faire reconnaître une situation de harcèlement au travail par les agents de CSST, c'est toute une côte à remonter. Croyez-vous effectivement qu'on devrait davantage former les intervenants en CSST pour reconnaître effectivement la problématique qu'on a en milieu de travail et voir même davantage à amender la Loi sur la santé et la sécurité du travail pour y inclure, dans les maladies professionnelles, le cas de problèmes de santé dus au harcèlement au travail?
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Oui. Dr Lessard?
M. Lessard (Richard): La réponse, c'est oui. Actuellement, c'est extrêmement difficile de faire reconnaître même des lésions d'ordre physique. On comprend la dynamique de la CSST, on la comprend. Et, déjà, de faire reconnaître des problèmes de santé mentale liés au milieu de travail, c'est extrêmement difficile même si on a vu les statistiques là-dessus qui ont passé d'un nombre... Déjà, pour anxiété et stress, c'est passé de 87 cas, en 1990, à 421 cas, en 1997. Mais de faire accepter ça dans ce contexte de cette loi-là, c'est quelque chose d'extrêmement ardu, et c'est pour ça, je pense, que la modalité qui est sur la table actuellement de passer par une autre loi va nous permettre de faire le chemin qu'il faut avant d'arriver à modifier la Loi sur la CSST.
Mme Gauthier: Je vous remercie.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): O.K. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci. À mon tour de vous remercier d'être ici et de vous remercier aussi pour votre mémoire. J'ai une question fondamentale, c'est... Je suis perplexe, quand je regarde certaines parties, en tout cas la page 8 de votre rapport, où vous parlez d'une enquête de Santé Québec, en 1998. Et, dans ce paragraphe-là, vous nous parlez que, dans l'enquête, il y avait 3 % des répondants qui déclaraient avoir subi violence physique, à l'occasion, là, au cours des 12 mois précédents. Et vous allez plus loin, vous parlez de 18 % qui ont rapporté avoir fait l'objet d'intimidation au travail.
C'est des marges importantes. Le ministre parle ou le ministère, devrais-je dire, dans l'étude d'impact, on parle d'environ... bien, pas d'environ, on parle de 3 %. On estime... parce que c'est vraiment un estimé, là... à 3 %. Alors, ça fait toute une différence si c'est 3 % ou 18 %, là. J'ai de la misère à essayer de saisir l'ampleur du problème quand je regarde des chiffres aussi variés que 3 ou 18, là, puis je...
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Dr Lessard.
M. Tranchemontagne: Est-ce que vous pourriez...
M. Lessard (Richard): Oui. Oui. Si je me rappelle bien, pour avoir vu les chiffres, le 3 %, c'est les gens qui... Le total, c'est 15 %. Même dans cette étude-là où il y a 3 % qui ressort, il y a 15 % de personnes qui ont été victimes de harcèlement mais il y en a 3 qui l'ont été de façon très fréquente, au cours de la dernière année.
M. Tranchemontagne: Qui vivent du harcèlement. C'est ça que vous voulez dire?
M. Lessard (Richard): Oui. Il y a 3 %...
M. Tranchemontagne: L'autre 15, ce n'est pas du harcèlement.
M. Lessard (Richard): Il y en a 15 % qui ont vécu du harcèlement mais 3 %, c'est de façon très fréquente, et, sans aucun doute, c'était du harcèlement.
Et dans l'autre étude de Santé Québec, c'est un peu les mêmes proportions, c'est 3 %... c'est de l'intimidation qui va jusqu'à la violence physique alors que le 18 %, c'est, si vous voulez, de la violence psychologique. Donc, je pense que les taux vont plutôt ensemble que... disent plutôt la même chose que disent des choses séparées.
C'est deux études différentes. On n'a pas posé la même question, mais, quand on regarde ce qu'elles veulent dire, elles veulent dire en gros les mêmes affaires et que les taux sont à peu près les mêmes.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Alors, M. le député de Vimont, est-ce que vous voulez utiliser votre droit de parole?
M. Gaudreau: Juste une constatation: avec des mémoires comme ça, je pense qu'on peut faire du chemin. C'est très intéressant pour nous qui sommes un peu hors contexte, là. Ça apporte beaucoup et ça prouve encore une fois que M. le ministre a pris une bonne décision d'insérer ça dans la nouvelle Loi des normes du travail.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Alors, Dr Lessard, je vous avais privé de votre conclusion, au début. Alors, je vais vous permettre de nous en faire une toute petite à la fin.
M. Lessard (Richard): Il va falloir que j'en fasse une autre parce que j'avais déjà eu l'occasion de la passer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lessard (Richard): Ce que je voulais dire, c'est que les gens de gestion, les spécialistes en gestion, ils disent que la haute direction de l'entreprise, il faut qu'elle mette ses valeurs sur la table pour avoir un climat de travail sain. Et, au Québec, l'État, c'est l'employeur principal puis c'est le législateur.
Je pense que l'État, il faut qu'il mette ses valeurs sur la table et qu'il dise que le harcèlement psychologique, ce n'est pas toléré dans notre société. Et, une fois qu'il l'a dit, je pense que l'ensemble de la société va s'enligner derrière cette orientation-là.
Le Président (M. Côté, La Peltrie): Alors, merci, Dr Lessard, merci, Mme Jauvin.
Alors, je suspens les travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 16)
(Reprise à 20 h 2)
Le Président (M. Rioux): Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons poursuivre nos auditions sur le projet de loi n° 143, la loi qui modifie la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives.
Nos prochains intervenants, c'est le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants. Alors, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît. Le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants. Alors, Mme Tesalona, vous allez nous présenter vos collègues.
Centre des travailleurs et
travailleuses immigrants
Mme Tesalona (Tess): Oui, bonsoir.
Le Président (M. Rioux): Bonsoir. Ça nous fait plaisir de vous accueillir.
Mme Tesalona (Tess): I'm sorry, Your Honor, I can only speak in English.
Le Président (M. Rioux): There's no problem at all.
Mme Tesalona (Tess): This is Dahlian Namian. She's our community outreach organizer.
Le Président (M. Rioux): Yes.
Mme Tesalona (Tess): Jill Hanley is a member of the Board. And Evelyn Calugay is with the Philippine women's organization Pinay.
Le Président (M. Rioux): Thank you. Alors, qui présente le mémoire? Who's the speaker?
Mme Namian (Dahlian): On va tous présenter le mémoire.
Le Président (M. Rioux): Oui.
Mme Namian (Dahlian): Donc, premièrement, on voudrait vous remercier de nous accueillir, pour une deuxième fois, ce soir. Pour ceux qui n'étaient pas là la dernière fois, juste une brève présentation de l'organisme. Le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants est situé dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal, et notre organisme vise à améliorer les conditions de travail pour les travailleurs et travailleuses immigrants. Donc, on a comme but l'action collective pour la défense des droits relatifs au travail, puis on donne un appui aussi à la syndicalisation.
Donc, on est dans la campagne pour la réforme sur les normes du travail depuis presque un an, maintenant, et puis, si on est ici, ce soir, c'est premièrement pour vous remercier du projet de loi. Et puis aussi, on vous a présenté des revendications, en juin dernier, on maintient ces revendications-là, mais les membres ici, ce soir, sont là pour soutenir les revendications et parler plus spécifiquement de quelques revendications. Merci.
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, est-ce qu'on doit comprendre que le document sera présenté par vous, madame, ou par une autre personne?
Mme Namian (Dahlian): Par chacun des membres. Chacun des membres va présenter plus spécifiquement une revendication.
Le Président (M. Rioux): Alors, qui est la première à intervenir?
Mme Hanley (Jill): Moi, je peux commencer.
Le Président (M. Rioux): Très bien.
Mme Hanley (Jill): Mon nom est Jill Hanley, et puis je suis une des membres du conseil d'administration, et je m'implique plusieurs fois par semaine dans les activités directement.
Et puis, moi, j'aimerais parler de notre revendication qui concerne la question d'accès à l'information. Et puis quelque chose qu'on a beaucoup insisté là-dessus la dernière fois, c'est que ce qu'on voit au CTI, c'est que souvent les gens qui viennent nous voir, ils ne connaissent pas leurs droits. Ce n'est pas quelque chose de nouveau d'apprendre ça mais, pour nous, la question d'éducation sur les droits tels qu'ils sont ou bien des droits qui vont être changés avec ce projet de loi, nous, nous croyons que c'est vraiment nécessaire de mettre des ressources et même de la législation qui encourage plus d'accès à l'information sur les droits.
Et puis on a vu dans le projet de loi qu'il y a eu des mouvements sur ça, qu'il y a des provisions qui parlent de la possibilité d'obliger un employeur d'afficher les droits. Mais, nous, ce qu'on aimerait voir, c'est encore plus que ça. C'est d'obliger que les normes de travail de base et puis les numéros de la Commission des normes du travail soient obligatoirement affichés dans les aires de travail. Ça, c'est mentionné dans notre revendication n° 4 et puis, dans le document, il y a plus d'informations sur ça. Mais c'est quelque chose qu'on aimerait voir et puis, en plus de ça, des campagnes de sensibilisation publique. Nous avons déjà vu que le ministère du Travail a fait des campagnes de publicité autour des droits de jeunes travailleurs qui suivent des formations, des choses comme ça, puis on considère qu'elles sont des campagnes qui ont un impact et on aimerait voir ça pour les normes du travail de base et puis dans les langues différentes et dans les médias ethniques, parce qu'on considère que les gens qui pourraient vraiment bénéficier de ça pourront aller voir à travers ces moyens-là.
Mme Calugay (Evelyn): Bonjour.
Le Président (M. Rioux): Bonjour.
Mme Calugay (Evelyn): Mon nom, c'est Evelyn Calugay. Je suis membre de Pinay. C'est une organisation de femmes philippines. On donne du support aux travailleurs domestiques en résidence et on est heureuses de savoir que les travailleurs en résidence domestiques sont déjà dans ce projet de loi... va être à portée, d'intérêt général aux travailleurs.
Mais nous voulons assurer que l'éducation puis l'information... disséminer l'information à les employeurs et les employés... doit disséminer, bien effectuer effectivement. Parce que, présentement, même, les employeurs ne savent pas les lois ou les règlements des normes du travail à propos des travailleurs domestiques en résidence.
On note aussi des problèmes avec heures à propos des domestiques en résidence. Leur statut ici au Canada, parce qu'ils sont seulement ici avec des prestations de travail temporaires, c'est aussi un problème parce qu'ils ont peur de se plaindre aux normes du travail si leurs droits sont violés, sont abusés. C'est sûrement là une demande d'assurer les travailleurs puis les employeurs pour avoir plus de... d'atmosphère de travail, de relations des employeurs puis des employés plus élevées. C'est tout. Merci.
n(20 h 10)nLe Président (M. Rioux): Merci. Muchas gracias!
Mme Tesalona (Tess): Tess Tesalona. J'ai quelque chose à ajouter.
Le Président (M. Rioux): Mme Tesalona.
Mme Tesalona (Tess): Yes. One other thing that we would like to... for you to look at is the legal representation. What we found out in our work with the immigrant workers is that it's difficult to access the «normes du travail». When they go to present their cases, legal representation only comes usually after mediation, and even... What we are asking is to have legal representation, starting from the point of complaint. What we observed was... even during the process of mediation, it is assumed that there is a balance of power where the employer and the worker are there to talk about their cases on an equal footing. But what usually happens is they come there and the employer, of course... legal defense, whereas the workers come on their own, and usually it's to their detriment. So, it's just sad to look at this concern.
Le Président (M. Rioux): Thank you. Alors, Mme Hanley.
Mme Hanley (Jill): Oui. Moi, je pourrais conclure. Un autre membre de notre C.A. était supposé d'être ici puis probablement qu'il va entrer dans les prochaines minutes mais, moi, je vais couvrir les points qu'il allait discuter. C'est juste le point n° 1 qui parle de congédiement avant trois ans. On était très contents de voir que vous proposez de changer ça à deux ans. Mais nous, on avait demandé un an. Et puis même un an, nous voyons ça comme un minimum, parce que c'est difficile d'expliquer à quelqu'un qui vient... honnêtement, des cas de congédiement sans juste cause. C'est une des choses qu'on voit le plus souvent au CTI. Et puis essayer d'expliquer à quelqu'un qu'il y a des situations où quelqu'un a le droit de congédier, même si c'est injuste, c'est un peu difficile de le faire comprendre aux gens. Et on demande encore que ce soit baissé jusqu'à un an, même si on pense qu'on ne devrait pas avoir le droit d'être congédié sans juste cause.
Le troisième point, ça, c'était assez clair. Vous avez décidé de ne pas traiter la question du salaire minimum dans ce projet de loi. Mais on voulait juste souligner que, pour nous, c'est vraiment... c'est clair que c'est une question de base pour la qualité de vie, pour les travailleurs et pour les travailleurs immigrants qui travaillent plus souvent à ce niveau-là que d'autres travailleurs au Québec. Et ce qu'on aimerait voir, c'est que le salaire minimum soit fixé à un niveau qui assure qu'une famille puisse sortir de la pauvreté en travaillant à temps plein. Il nous semble évident que quelqu'un qui travaille à temps plein devrait être capable d'assumer les coûts de vie de sa famille. Alors, après, c'est Dahlian.
Mme Namian (Dahlian): Donc, on voudrait mentionner qu'on vous a amené ce soir une pétition. Cette pétition inclut environ 700 signatures. C'est peut-être un chiffre qui paraît petit, mais, pour nous, qui est extrêmement significatif parce que c'est le reflet d'un travail d'éducation populaire dans notre communauté. Donc, on a offert des kiosques d'information, des formations sur les normes du travail dans les divers organismes du quartier et pour les individus. Puis on a aussi fait un long travail de porte à porte en discutant avec les travailleurs. Donc, c'est des signatures de travailleurs immigrants dans le quartier et leurs amis. Donc, on va vous présenter ça ce soir.
Le Président (M. Rioux): Vous déposez la pétition?
Mme Namian (Dahlian): Oui.
Document déposé
Le Président (M. Rioux): Très bien. Mme Hanley, est-ce que ça termine en gros vos interventions?
Mme Hanley (Jill): Oui.
Le Président (M. Rioux): Alors, on va donner la parole au ministre.
M. Rochon: Merci. Merci beaucoup de venir nous rencontrer de nouveau et de nous suivre jusqu'à la fin de ce processus. On va sûrement le considérer de façon très en détail, ce que vous nous présentez. J'ai le sentiment que, de façon générale, on vous rejoint sur la plupart des points.
Maintenant, ce que je comprends, pour la question... Vous avez deux éléments, dans vos recommandations, 4 et 6, qui touchent l'information. Vous avez vu que l'article 6 du projet de loi, qui amende l'article 39 de la loi, qui modifie l'article 39 de la loi, traite du même sujet. Est-ce que je comprends que vous souhaitez qu'on renforcisse un peu cet article ou qu'on ait une action encore plus proactive de la part de la Commission des normes du travail?
Parce qu'on est très conscient, puis on est d'accord avec vous, que, pour être efficace, toute loi, et spécialement une loi comme la Loi des normes du travail, doit être connue et que, présentement, dans la réalité de ce qu'est le marché du travail, et sûrement encore plus, peut-être, pour des travailleurs et des travailleuses immigrants qui ne sont pas encore insérés nécessairement dans des réseaux sociaux, l'information est plus difficile à rendre.
Est-ce que vous trouvez que l'article qu'on propose ne va pas assez loin ou si votre commentaire est plus pour confirmer que ça répond à ce que vous souhaitez? Ce serait ma première question.
Mme Hanley (Jill): Ce que je voulais souligner ici, et puis je n'ai pas devant moi les nouvelles propositions, mais la façon que nous avons compris la question d'affichage, c'était que la Commission des normes du travail avait le choix d'obliger un employeur d'afficher. Alors, nous, on a vu ça comme... si quelqu'un soulève des problèmes dans un milieu de travail, la Commission pourrait prendre ces mesures d'obliger l'affichage. Nous croyons que c'est bien mais, en même temps, on aimerait que ce soit là déjà, que ça ne prenne pas déjà un problème. Parce qu'on sait déjà que ça peut prendre vraiment beaucoup avant que les gens sentent le besoin d'aller faire... pas le besoin, mais la confiance ou l'urgence de faire une plainte. Ils ont peur des conséquences. Alors, je pense que j'ai dit qu'on apprécie qu'il y a du mouvement, mais on aimerait que ce soit obligé, de l'afficher et même de l'avoir dans d'autres langues.
M. Rochon: Alors, on va revoir ce qu'on a formulé. Je pense que fondamentalement, dans l'intention, là, on est très près l'un de l'autre, là. Alors, on va bien s'assurer que ce qu'on fait, comme changement... Si je vous entends bien, c'est qu'on n'a pas des interventions seulement après qu'il y ait eu des problèmes constatés, mais qu'on agit de façon plutôt préventive, dans un sens, pour que les gens soient plus et mieux informés à l'avance.
Peut-être un autre commentaire ou question. Sur la question du salaire minimum, là, vous savez que, présentement, le salaire minimum a été augmenté cette année. Je comprends très bien que votre recommandation, votre demande est à l'effet qu'on s'assure que le salaire minimum corresponde... soit supérieur... au moins au niveau ou supérieur à ce qu'on admet comme taux de... niveau de pauvreté quant à la rémunération. Là, évidemment, comme vous le savez sûrement, il y a une discussion et différentes propositions à savoir quel est le barème qui est utilisé, les seuils de revenu pour ça. Et je pense bien que, là aussi, l'intention qu'on a, c'est de s'assurer que le salaire minimum donne à des travailleuses et des travailleurs le revenu qui leur permet de vivre de façon décente.
n(20 h 20)n Maintenant, votre commentaire parle aussi d'une augmentation régulière du salaire minimum. Vous avez raison de dire que, dans le projet de révision, on n'en parle pas. Je veux être sûr que vous faites le lien avec la décision qui avait été prise antérieurement, où on a traité de la question du salaire minimum d'abord pour l'augmenter mais aussi pour ajouter ce qui n'existait pas auparavant: un mécanisme. Le gouvernement a décidé d'avoir un mécanisme qui est connu, que vous pouvez voir sur le site du ministère, où on s'engage à en faire une révision annuelle et où on annonce à l'avance les critères, les paramètres qui vont être utilisés pour faire cette révision de sorte qu'on s'assure que, comme objectif d'équité, on fasse régulièrement suivre le salaire minimum de façon qu'il corresponde assez bien à l'enrichissement collectif et au partage qu'on veut faire de notre richesse.
Le Président (M. Rioux): Mme Hanley.
Mme Hanley (Jill): Nous avons quand même inclus cette revendication parce que nous avons fait un petit calcul. On se dit: Même si on dit que le salaire minimum devrait couvrir un parent avec un enfant... Et on sait bien qu'il y a beaucoup de familles qui ont plus d'enfants que ça. Mais, juste pour ça, si on prend les statistiques de Statistique Canada pour Montréal, le salaire minimum qui serait nécessaire juste pour atteindre le niveau de pauvreté, c'était environ 8,50 $. Alors, le salaire minimum est toujours loin de ce qui serait nécessaire pour une femme monoparentale, par exemple. Alors, on considérait que c'était important quand même de le soulever encore, même si c'est bien s'il y a un mécanisme maintenant, mais...
M. Rochon: Vous souhaitez qu'on accélère l'amélioration du salaire minimum. Merci. Je vais arrêter ici pour le moment.
Le Président (M. Rioux): Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présence, merci de votre mémoire. Je pense que vous avez raison d'insister beaucoup sur l'importance de l'information, tant par les employeurs, une obligation d'informer les travailleuses et les travailleurs, mais aussi une campagne plus large d'information.
J'aimerais vous questionner sur deux propositions qu'on nous a faites aujourd'hui, qui touchaient directement, principalement, les travailleuses domestiques résidentes. Et on nous a parlé aussi des travailleuses à domicile qui font de la couture.
Dans les différentes propositions, on nous parlait de l'importance d'instaurer un registre pour que l'employeur puisse enregistrer les travailleuses. On nous parlait de la couture à domicile et du côté des domestiques résidentes aussi. Bien, on va commencer par cette question-là. L'autre, j'y reviendrai, pour ne pas mélanger les deux questions.
Le Président (M. Rioux): Mme Hanley, vous avez un nouveau joueur qui s'est ajouté.
Mme Hanley (Jill): Oui, pardon, c'est...
Le Président (M. Rioux): Pourriez-vous nous le présenter, s'il vous plaît.
M. Rashi (Roger): Oui. Alors, je m'appelle Roger Rashi, je suis membre du conseil d'administration du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants.
Le Président (M. Rioux): Il me fait plaisir de vous accueillir.
M. Rashi (Roger): Un peu tard, mais...
Le Président (M. Rioux): Il n'est jamais trop tard.
M. Rashi (Roger): Merci.
Mme Caron: Alors, est-ce que vous croyez qu'un registre pourrait être utile? Est-ce que ça faciliterait l'application des normes du travail? Est-ce que c'est réalisable? Est-ce que c'est réaliste?
Le Président (M. Rioux): Alors, c'est Mme Calugay?
Mme Calugay (Evelyn): Oui.
Le Président (M. Rioux): S'il vous plaît.
Mme Calugay (Evelyn): Merci. Je pense que ce n'est pas réaliste parce qu'ils sont déjà enregistrés au bureau des ressources humaines du Canada, parce qu'ils ont fait des demandes pour avoir un travailleur ou une travailleuse en résidence, mais il ne sait pas leur responsabilité à l'employé puis l'employé ne sait pas son droit puis la responsabilité à l'employeur. Je ne sais pas pourquoi, probablement il y a quelque chose qui n'est pas effectivement...
Mme Caron: ...propose le registre, c'est justement pour ça, parce qu'ils nous disent: En fait, on ne sait pas... le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration sait où sont rendues les personnes immigrantes, sauf qu'au niveau des normes du travail on ne sait pas où sont les employeurs des résidentes domestiques et on ne sait pas où sont les employés des employeurs qui décident de faire du travail à la maison par des personnes immigrantes.
Alors, dans les propositions qui sont faites souvent en votre nom par différents groupes, on présente la possibilité d'un registre qui serait en lien avec le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, qui permettrait de faire le lien et pour permettre justement de donner l'information aux employés et aux employeurs. Vu que ce n'est pas une entreprise, une usine, on ne peut pas afficher, c'est des individus, donc, dans des résidences. Donc, pour informer, il faut un mécanisme moyen, et il suggère le registre.
Mme Calugay (Evelyn): ...que c'est une bonne idée, mais je ne sais pas pourquoi, aux ressources humaines, il n'y a pas de lien ensemble ou communication ou coordination entre les trois agences de gouvernement à propos de ces travailleurs. Je ne sais pas pourquoi.
Mme Caron: ...un lien, il faut qu'on trouve un moyen pour faire le lien.
L'autre proposition qu'on nous a faite, c'est que, lorsqu'il y a un congédiement sans cause juste et suffisante, il y ait une compensation de trois mois. Certains groupes nous disaient que c'était insuffisant et nous parlaient davantage d'une compensation de six mois. Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Rioux): M. Rashi.
M. Rashi (Roger): Oui. Vous parlez de congédiement injustifié ou de...
Mme Caron: Oui, sans cause juste et suffisante, oui.
M. Rashi (Roger): Oui. Alors, disons que, selon nous, le premier problème dans le cas de congédiement injustifié, c'est la difficulté de faire reconnaître le manque de justice, si vous voulez, auprès de la Commission des normes du travail. En d'autres termes, le parcours entre le plaignant et éventuellement la résolution du problème est très long, semé d'embûches, compliqué et souvent ne se rend même pas à terme.
Alors, si on prend certains éléments de statistiques, par exemple, vous verrez qu'entre juin 2000 et juin 2001 près de 5 000 travailleurs, 5 130 plaintes exactement ont été présentées à la Commission. Sur ce nombre-là, seulement deux tiers ont été traitées. Donc, il y a un tiers des plaintes, grosso modo 1 700 personnes, dont le cas n'a pas été traité. Sur l'ensemble des traités, il n'y a que 97 personnes qui ont été réintégrées. Donc, moi, ça me donne à peu près un pourcentage de, quoi, 1 %, 1,5 % de personnes qui ont été réintégrées; 996 ont reçu une certaine forme de compensation, c'est-à-dire qu'à peu près 80 % des plaignants, des gens qui se sont rendus devant la Commission des normes du travail, se retrouvent en fait bredouilles après ce processus-là, et je pense que le problème est là.
Bien sûr, il faut améliorer la compensation mais, pour être compensée, il faut au moins que la plainte soit traitée et qu'éventuellement la plainte non seulement soit traitée, mais que la personne soit reconnue comme étant... Bon. Alors, le problème, c'est que le processus est tellement long, tellement compliqué, tellement difficile et tellement bureaucratique qu'on ne se rend même pas à la fin du processus.
n(20 h 30)n Alors, une des choses que nous voulons proposer, c'est que... et cette recommandation-là suit aussi la recommandation qu'a faite M. Henri Massé, le président de la FTQ, c'est que plus de ressources, plus d'argent, plus de fonds soient alloués à la Commission des normes du travail et donc qu'il y ait plus de moyens accordés et mis en plan pour pouvoir traiter les plaintes qui se rendent devant la Commission et surtout qu'une forme d'aide juridique soit donnée au plaignant.
Le Président (M. Rioux): Merci.
Mme Caron: Merci beaucoup.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Merci d'être ici, ce soir. Thank you very much for being here tonight, et, aussi, merci pour votre mémoire.
Moi, ce qui m'intéresse, c'est peut-être d'essayer de comprendre le point 4 en particulier. You seem to be focusing on the lack of information to the persons when they come in. So, what is your solution exactly? What would you expect of the Government to help you in terms of information to the immigrants that are coming in?
Mme Tesalona (Tess): We were hoping that...
Le Président (M. Rioux): Mrs. Tesalona.
Mme Tesalona (Tess): Yes. Thank you. We were hoping that, when the worker comes into work, then there should be already information given about «normes de travail» and with the public information campaigns that can go from time to time.
We think that with public information campaigns many people will be able to hear about it, about the law and its application. But, surely, from the point of entry into the work place, there has to be really information given.
M. Tranchemontagne: Are you sure that the best place would be the work place? Because the work place sometimes... If I understand you well, a lot of the immigrants are working in families, and so on. So, therefore, it's very hard to follow where they are going. Are you convinced that this is the best place?
Mme Hanley (Jill): Il y a quand même beaucoup d'immigrants qui travaillent dans les grands milieux de travail comme des usines, des grands magasins, des places comme ça. Et puis là, dans ces milieux-là, nous considérons que ça peut avoir un effet.
En même temps, nous voulons que le gouvernement prenne les mesures qu'il peut pour assurer la diffusion de l'information, et on croit que l'idée de donner des normes à l'embauche, c'est bien. Nous avons vu ça dans la proposition; nous considérons ça une bonne chose à faire.
Avec l'affichage, ça peut aller loin, parce que quelqu'un qui travaille dans une place deux ans ou trois ans n'a peut-être plus le papier et puis, juste de voir qu'il y a une place à téléphoner pour avoir de l'information, ça peut aider.
Mais, en même temps, nous voyons aussi comme un acteur social qui joue un rôle important. Nous sommes à l'extérieur du milieu de travail et puis les travailleurs peuvent venir chez nous demander de l'aide et de l'information. Donc, nous croyons aussi que le gouvernement peut contribuer à l'accès à l'information par donner les ressources aux groupes comme les nôtres qui travaillent directement avec les immigrants et qui font des campagnes d'information qui sont basées dans la communauté.
M. Tranchemontagne: Au cours des deux jours qu'on a passés ici ensemble, on a entendu beaucoup parler que souvent les travailleurs domestiques étaient des gens qui sont des immigrants qui viennent et qui sont... Et on nous a parlé par exemple que souvent la situation pour ces gens-là était un peu stressante dans le sens qu'ils arrivent ici, au pays, et ils sont obligés de vivre dans une famille puis ce n'est pas leur choix, c'est par obligation.
Est-ce que vous pourriez nous relater des expériences dont vous avez entendu parler, par exemple, pour voir comment ces gens-là arrivent à vivre quand ils ou elles arrivent ici?
Le Président (M. Rioux): Alors... Oui, Mme Calugay.
Mme Calugay (Evelyn): Excusez-moi. Merci. Oui, c'est une personne qui vient des Philippines, qui veut travailler au Canada. Puis elle a... une agence de placement trouve une famille qui veut lui donner un travail dans sa famille, puis elle fait des papiers pour venir ici. L'Immigration du Québec donne les choses qu'elle doit montrer si elle a accompli des... si elle est qualifiée pour travailler ici. Mais il n'y a pas d'information à propos de son droit ici, au Canada. Il y a seulement des informations qu'elle est ici pour travailler 24 mois dans trois années dans une famille. Si elle ne peut pas finir le 24 mois dans trois années, elle n'a pas de droit... elle n'a pas qualité de faire une demande pour avoir le statut de résidence. Puis, quand elle arrive ici, au Canada, elle doit commencer tout de suite son travail. Si elle ne peut pas commencer son travail, elle va perdre donc quelques mois des 24 sur 36 mois.
Mais elle ne sait pas son droit. Elle est seule, elle est isolée. Mais nous autres aussi, notre organisme, on veut aussi trouver ces travailleurs mais on ne sait pas comment. Parce que, même si l'Immigration ici... on n'a pas d'information combien de travailleurs domestiques en résidence sont juste arrivés pour donner de l'information. Il arrive qu'ils vont nous trouver s'il y a déjà des crises, mais c'est trop tard pour...
M. Tranchemontagne: Est-ce que... Oui, allez-y.
Mme Calugay (Evelyn): J'espère qu'il y a déjà des informations ou orientations avant qu'il arrive ici ? aux Philippines ou à Hong Kong, par ailleurs ?avant qu'il arrive ici. S'il a déjà accepté de travailler ici, j'espère qu'il y a des informations qui sont données ou orientations comment il peut fonctionner au Québec.
Le Président (M. Rioux): Mme Hanley?
Mme Hanley (Jill): Hanley. Oui. J'aimerais juste ajouter quelque chose vite. Dans la voiture, en venant ici, nous avons discuté beaucoup de la situation des travailleuses domestiques en résidence, parce qu'on était contentes mais aussi surprises de voir que c'était inclus complètement dans les normes du travail, et puis on voit ça vraiment comme un grand gain.
Mais on se disait qu'il y a vraiment une grande différence entre la situation des travailleuses domestiques en résidence qui ont la citoyenneté et celles qui sont toujours sous le programme d'Immigration, aides familiales.
Et puis je pense que c'est ça qu'Evelyn soulève un peu. Si ces femmes-là ont vraiment accès aux droits qui sont dans les normes du travail régulières, c'est excellent. Mais, maintenant, ça serait bien peut-être pour le ministère du Travail de parler avec les ministères de l'Immigration provincial et fédéral pour changer un peu le programme d'aides familiales, parce que, pour ces femmes-là, elles sont vraiment dans une position difficile pour défendre leurs droits. Mais c'est quand même un grand gain qu'il les amène en loi ou on espère qu'ils vont les avoir en loi.
Le Président (M. Rioux): M. le député.
M. Tranchemontagne: Oui, merci. Si je vous ai bien compris, donc, selon vous, il y a un rôle au ministère de l'Immigration pour justement informer ces personnes-là, qui sont nouvellement arrivées, de leurs droits et aussi pour les guider à travers les dédales de la législation du Québec et en particulier sur les normes du travail.
n(20 h 40)n Et, ce que vous me dites, si je vous comprend bien, c'est que ces gens-là sont un peu démunis. Ils n'ont pas d'informations et ils arrivent ? ils ou elles, habituellement, c'est des elles, des femmes habituellement ? qui arrivent ici et qui vont aller travailler dans des familles un peu partout.
Et le point important, je pense, à retenir pour le gouvernement, c'est que le point d'entrée ici, c'est un point important, parce que là, vous, vous n'avez pas de contrôle sur qui vient ou qui ne vient pas ici, tandis que le gouvernement, par l'immigration, a un point de contrôle, et ce serait le bon moment d'informer les gens sur l'ensemble de la législation, mais, entre autres, sur les normes du travail. Parce que ces gens-là s'en viennent ici; habituellement, ils ont déjà une entente avec une famille, si je comprends bien, pour aller travailler. Alors donc, c'est important de connaître leurs droits et la responsabilité qu'on s'attend d'eux mais aussi de la famille qui les reçoit. Est-ce que je vous comprends bien quand je dis ça? Is that clear?
Le Président (M. Rioux): Oui. Do you agree? Do you agree with him?
Mme Calugay (Evelyn): Oui. C'est clair.
Le Président (M. Rioux): Yes? All right. Alors, M. le député de Mont-Royal, vous êtes d'une limpidité incroyable!
M. Tranchemontagne: C'est juste oui? C'est ça?
Le Président (M. Rioux): Yes. All right?
M. Tranchemontagne: Parfait.
Le Président (M. Rioux): Yes. M. le député de Vimont.
M. Tranchemontagne: Attendez qu'on soit au gouvernement. Ça va être extraordinaire! Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Ha, ha, ha! Là, ça va devenir clair-obscur. Alors, M. le député de Vimont.
M. Tranchemontagne: Oh! Le président est supposé être neutre.
Le Président (M. Rioux): Non, non, mais je parle de vous, M. le député de Mont-Royal. Vous êtes clair, limpide. M. le député de Vimont, faites-en autant.
M. Gaudreau: Oui, merci. Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, une petite question. Des chiffres: domestiques en résidence, est-ce qu'il y a des chiffres? Est-ce que vous avez quelque chose de vraiment relié à ça? Et quelle est la composition des femmes immigrantes de ce nombre-là? Je serais intéressé de savoir si c'est composé uniquement ou presque exclusivement de dames immigrantes, et je crois comprendre aussi qu'il y a une crainte de peut-être faire respecter les droits des travailleurs immigrants. Est-ce que vous sentez ça?
Première question: Est-ce que vous avez des chiffres? Do you have any numbers regarding how many people are working in this area? Comme domestiques ou... C'était nettement moins clair que la question du député de Mont-Royal, je crois.
Le Président (M. Rioux): Vous adressiez à Mme Calugay ou à Mme...
M. Tranchemontagne: C'est parce que vous...
M. Gaudreau: Bien, la personne qui pourra me répondre.
Le Président (M. Rioux): Ou Mme Hanley, peut-être?
Mme Hanley (Jill): Actuellement, le nombre de femmes qui viennent chaque année sur ce programme, elles ne sont pas beaucoup, beaucoup. Je pense qu'au Canada il y a ? mais je dis ça de mémoire, je ne suis pas certaine ? je crois qu'il y a seulement à peu près 3 000 femmes qui entrent par année sous ce programme mais que ça fait plusieurs années. Et puis... Oui, je pense que c'est...
M. Gaudreau: ...pas beaucoup... Non, mais...
Mme Hanley (Jill): O.K. Mais c'était très petit comparé au nombre total d'immigrants. Mais ça ne veut pas dire qu'il y a seulement 3 000 femmes qui font ce travail, parce que, chaque année, il y en a d'autres qui viennent et puis il y en a plusieurs qui continuent à faire ça pendant des années même après que ce n'est plus obligé, mais c'est parce qu'elles ont perdu leurs qualifications à faire d'autres choses. Mais, en termes de la composition des femmes qui viennent, ça, je suis plus certaine, c'est 80 % de ces femmes qui viennent direct des Philippines. Ce qui est intéressant, ce n'est pas vraiment... Je ne comprends pas pourquoi mais... Il y a des politiques du gouvernement aussi mais...
M. Gaudreau: Ce serait 3 000 par année qui viendraient s'installer au Canada pour être domestiques en résidence.
Mme Hanley (Jill): Oui.
M. Gaudreau: Vous n'avez pas un chiffre total sur 20 000, 30 000, 40 000 postes déjà occupés, là. Vous n'avez pas...
Mme Hanley (Jill): Non. C'est ça qui est difficile. Moi, je fais aussi de la recherche sur ce programme d'immigration et c'est très difficile d'avoir les chiffres, parce que les femmes qui arrivent ne sont pas suivies, comme... On peut dire qu'elles sont arrivées, et puis on sait que, à Ressources humaines Canada, eux, ils ont un registre des employeurs mais on ne peut pas avoir accès à cette information. Et, puis, une fois que les trois ans sont finis, c'est très difficile de savoir combien de ces femmes sont renvoyées chez elles, combien restent, qu'est-ce qui se passe avec elles après parce que les données ne sont pas cueillies.
M. Gaudreau: ...disponibles ou tenues à jour.
Mme Hanley (Jill): Oui. Et puis, l'autre chose, c'est que, probablement, c'est une des formes de travail qui est plus facilement faite sans documentation. Alors, les gens qui perdent leur documentation... Comme je pense qu'il y a beaucoup de gens qui travaillent dans ce domaine sans aucune protection.
M. Gaudreau: Alors, vous me dites qu'on pourrait perdre peut-être la trace de quelques-unes de ces travailleuses-là?
Mme Hanley (Jill): Oui.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Mont-Royal, une petite rapide question.
M. Tranchemontagne: Merci. J'aimerais revenir à votre recommandation 5, à la page principale, où vous parlez d'une aide juridique gratuite. Vous comprendrez que c'est probablement très difficile à offrir, une aide juridique gratuite.
J'aimerais savoir de vous, si l'aide juridique gratuite n'est pas possible, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aider les immigrants qui sont ici parmi nous pour les aider à cheminer et pour les aider à justement, s'il y a des recours à prendre, pour essayer de se rendre et de les aider à cheminer vers un recours possible contre leur employeur mais pas nécessairement financier. Parce que financier, si on l'accepte pour les immigrants, bien, qu'est-ce qu'on fait avec les démunis de la société québécoise d'ici, là? Je parle des gens qui sont d'ici originalement.
Le Président (M. Rioux): Oui, M. Rashi.
M. Rashi (Roger): Le point 5 de notre mémoire?
Le Président (M. Rioux): Oui.
M. Rashi (Roger): Pardon. Le point 5 de notre mémoire se veut un point général, c'est-à-dire l'aide juridique gratuite serait donnée à tout plaignant, à toute personne, immigrante ou non, qui se présente devant la Commission des normes du travail.
C'est-à-dire, ce qui arrive devant cette commission-là, c'est qu'on présente son cas. Les fonctionnaires, après, rappellent la personne ou bien la contactent par courrier. S'il y a une audience, l'employeur en question est souvent représenté par quelqu'un des ressources humaines ou par un avocat. Alors, automatiquement, le plaignant, généralement une personne non syndiquée, pas au courant de la législation, se retrouve dans un état d'infériorité, de fait. Je ne dis pas que c'est un état d'infériorité prescrit par la loi mais de fait devant quelqu'un qui est plus muni d'un conseiller légal.
Alors, ce que nous suggérons, c'est que, au moment où le plaignant ou la plaignante sent le besoin d'une forme d'aide juridique, il y ait un mécanisme pour elle auprès de la Commission pour avoir... Ça peut être des conseillers, ça peut être des aviseurs comme ça peut être des avocats.
Je sais que la Commission peut le faire, mais ce n'est pas toujours facile de savoir comment faire en sorte que la Commission donne cette aide-là. S'il y avait un bureau attaché à la Commission ou une personne ressource qui pourrait être contactée au moment où la plainte commence à cheminer à travers le système et elle semble durer ou perdurer, c'est à ce moment-là que l'aide juridique pourrait intervenir.
Le Président (M. Rioux): Merci. Je m'étais gardé une minute pour parler du harcèlement psychologique, mais je vais laisser au ministre ma minute pour vous donner une information peut-être sur l'aide juridique.
M. Rochon: Bon. Oui. Deux points dont celui-là, très rapidement. Je suis conscient du temps. J'apprécie que vous me passiez votre temps, M. le Président.
Vous insistez beaucoup sur l'information qu'on doit faire en plus. Je pense que la discussion nous amène peut-être à commencer dès ce soir. Sur ce point, qu'on discute, d'aide qui doit être donnée pour que quelqu'un soit accompagné ? d'aide d'un avocat au besoin ? pendant notre discussion, j'ai vérifié, là, y compris avec le président de la Commission. Ce n'est peut-être pas assez connu, c'est peut-être un exemple d'information qu'il faut améliorer, mais la Commission des normes du travail, me dit-on, fait cela. C'est un service qui est assuré; il y a même 35 avocats qui ne font que ça à plein temps. Et une personne qui se présente devant la Commission peut être accompagnée et assistée dès le début du processus, et, si on en arrive à une étape surtout où l'employeur se fait représenter par un avocat, à plus forte raison la Commission fournit le même service.
n(20 h 50)n Bon. Il y a peut-être à améliorer le processus pour s'assurer que les gens connaissent, demandent cette aide, et qu'elle soit là. Mais je prends bonne note que, sûrement, dans la connaissance et la compréhension que vous en avez, il y a des choses à améliorer. Mais c'est plutôt un point positif. C'est sûrement plus facile d'améliorer ça, vu que ça existe et que ça fonctionne, qu'il y a peut-être des arrimages à faire, que si on commençait complètement à zéro.
Vous me permettrez une petite précision aussi sur l'autre élément, parce que c'est revenu à quelques reprises. Quand on parle que, sur à peu près 5 000, 4 à 5 000 cas dans une année qui viennent à la Commission, il n'y en a que 87 qui sont réintégrés, c'est vrai, mais c'est une partie très minime de la réalité. Si vous regardez le dernier rapport annuel de la Commission des normes du travail, il y a eu, sur l'ensemble des cas qui s'y prêtaient, plus de 4 000 offres de médiation. Et, sur les offres de médiation, il y en a les deux tiers qui sont acceptés. Et, sur celles qui sont acceptées, il y en a aussi les deux tiers qui ont mené à un règlement à la satisfaction des parties. Et ça, c'est sans compter qu'en cours de processus d'autres ententes entre les parties surviennent.
Le 87, son vrai dénominateur, c'est le nombre de cas des plus compliqués qui se sont rendus jusqu'à la Commission des relations de travail, et ça, c'est 215, je pense, actuellement.
Le Président (M. Rioux): Merci. Merci, merci, merci, M. le ministre. On n'est pas sur la voie de l'exagération. On est sur la... Moi, j'ai cédé ma minute, mais il en a abusé, c'est sûr. Mais je...
M. Tranchemontagne: Alors, vous me cédez votre autre minute, que vous n'aviez pas. O.K.
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui. C'est ça. C'est ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tranchemontagne: Je veux juste bien m'assurer qu'on comprenne bien. C'est qu'on vient d'apprendre quelque chose ce soir que ces gens-là ne savaient pas. C'est donc signe qu'il y a un manque, au niveau de l'information. Et je voudrais qu'on réfléchisse, à un moment donné en tout cas, sur à quel moment c'est important que la personne qui décide d'aller en appel ou de poursuivre son employeur, qu'elle sache que c'est disponible ? il y a 35 avocats vous avez dit? ? 35 avocats qui sont à la disposition des gens qui se plaignent. C'est important que, vous, vous nous informiez de qu'est-ce que c'est le processus, à quel moment ce serait important que ces gens-là le sachent. C'est juste ça que je voulais bâtir sur le point.
Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. le député. Alors, je voudrais remercier les représentants du Centre des travailleurs et des travailleuses immigrés. Ça a été ravissant de vous entendre, et, surtout, vous nous avez appris des choses intéressantes. Merci mille fois.
Alors, le Conseil permanent de la jeunesse.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): Alors, le Conseil permanent de la jeunesse. S'il vous plaît! M. Lebel, bonsoir.
Conseil permanent de la jeunesse (CPJ)
M. Lebel (Patrick): Bonsoir.
Le Président (M. Rioux): Vous êtes accompagné de?
M. Lebel (Patrick): Mme Geneviève Baril, qui est vice-présidente du Conseil.
Le Président (M. Rioux): Alors, M. Lebel, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre document. On vous écoute.
M. Lebel (Patrick): Oui, on va essayer de faire ça rapidement. Merci, M. le Président. D'abord, merci beaucoup de l'invitation. On est honorés de pouvoir venir vous présenter un peu l'état de nos réflexions en ce qui concerne la révision de la Loi sur les normes du travail, le projet de loi n° 143.
Vous avez reçu un document dont vous nous excuserez la facture encore un peu rudimentaire, un commentaire, disons, sur le projet de loi; on a essayé de faire ça rapidement. On vous a quand même déposé, pour information également, le mémoire qu'on avait transmis lors de la consultation du ministre Rochon, M. le Président, mémoire qu'on avait déposé sur la réforme de façon plus large. Donc, pour information, vous l'avez.
D'abord, le CPJ est soulagé du dépôt du projet de loi n° 143. On est bien contents de voir qu'il a été déposé à temps pour une adoption rapide et qu'on puisse aller de l'avant avec plusieurs des recommandations, en fait, plusieurs des articles qui se trouvent dans ce projet de loi là.
Il y a plusieurs des irritants qui avaient été soulevés par le Conseil permanent de la jeunesse au cours des dernières années qui trouvent réponse dans le projet de loi n° 143 et on en est bien contents. On est également heureux de voir que plusieurs des éléments qui avaient été amenés dans le document de consultation rendu public par le ministère, Revoir les normes du travail, un défi collectif, donc plusieurs des éléments qui étaient dans ce document-là se retrouvent aujourd'hui sous forme de projet de loi, donc qu'à cet égard il y a eu quand même un cap qui a été maintenu. Ça aussi, on en est bien contents. Et on est également contents de voir que les parlementaires, malgré sans doute certaines recommandations, certaines invitations de certains groupes de pression ? je ne nommerai pas de noms ? que les parlementaires vont maintenir le cap sur la révision de la Loi sur les normes du travail qui, vous le savez, constitue, comme on dit souvent, la convention collective des non-syndiqués, un projet de loi qui est quasiment plus social qu'économique au niveau du travail, et on en est bien contents.
Ceci étant dit, il y a quand même deux points généraux, deux points majeurs, en fait, plus larges qui n'ont pas encore trouvé réponse, selon nous, dans le projet de loi qui est déposé à l'Assemblée nationale. D'abord, de façon assez précise, Mme Baril vous exposera plus précisément les points. Mais il y a certaines mesures qui, selon nous, pourraient aller plus loin, un peu plus loin, ou bien qu'il y ait déjà des premiers pas qui sont faits.
Et, de façon plus large, une chose nous inquiète, une chose qui a souvent été notre leitmotiv, c'est qu'on a esquivé un peu ou en fait il y a certaines questions concernant les travailleurs atypiques, les nouveaux statuts d'emploi, questions qui avaient été mise de l'avant à plusieurs reprises par le Conseil, qui n'ont pas encore trouvé réponses dans le projet de loi qui est déposé aujourd'hui et dont on veut également encore vous faire la présentation pour être bien sûrs que tout est bien clair à cet égard.
Notamment, une des choses qu'on a remarquées, c'est le fait que, bon, le ministre Rochon annonçait, M. le Président, le 1er mai dernier, la constitution d'un groupe d'experts qui étaient censé travailler justement sur cette situation du travail atypique et des emplois aux normes. Ce groupe... en fait, ce qui était annoncé à ce moment-là, c'est que ce groupe devait soumettre des recommandations qui allaient être intégrées dans la pièce législative à déposer éventuellement; c'est ce qui était annoncé dans le communiqué du 1er mai. Puis ça nous intéresserait notamment de savoir ce qui en est de ce groupe d'experts là, de ses recommandations qu'on n'a pas vues publiquement. Peut-être existent-elles; on serait intéressés à le savoir, parce que, nous, ce qu'on voit dans le projet de loi, il y a peut-être une situation concernant les travailleurs atypiques, là, la situation des faux autonomes, là, le droit de recours pour les faux travailleurs autonomes qui effectivement étaient intégrés au projet de loi. Par ailleurs, il y a beaucoup d'autres points qui nous inquiétaient qu'on ne retrouve pas dans le projet.
On vous rappelle... On en parle beaucoup, du travail atypique, évidemment, comme Conseil permanent de la jeunesse. Parce que chez les 15, 29 ans, qui est le groupe cible dont on traite les problématiques, 46,7 % des travailleurs... Et c'est utile de le rappeler, là: presque un travailleur sur deux de 15 à 29 ans occupe un emploi atypique, donc à temps partiel, temporaire ou comme travailleur autonome, ce qui est quand même non négligeable.
Donc, les jeunes travailleurs d'aujourd'hui vivent une situation de travail atypique, et, évidemment, se retrouvent souvent avec comme seul filet de protection la Loi sur les normes du travail. Donc, elle est d'autant plus importante pour nous qu'elle constitue souvent le dernier rempart pour ces jeunes-là.
Un autre chiffre. En 1998, rappelons, par exemple chez les 15, 24 ans, 81,4 des travailleurs de 15 à 24 ans n'étaient pas syndiqués. Donc, encore là, eux aussi dépendaient de l'application de la Loi sur les normes du travail, et ce sont ces chiffres-là, ces données-là qui ont fait en sorte que le CPJ a toujours clamé haut et fort que la Loi sur les normes du travail était le principal outil, l'outil le plus important pour essayer de régler les problèmes de précarité que vivent les jeunes travailleurs.
n(21 heures)n Sur le projet de loi particulièrement, on a identifié sept points majeurs que je vais laisser, si vous le permettez, M. le Président, que je vais laisser Mme Baril vous présenter, là, plus précis, là, vraiment relatifs au projet de loi où on avait des interventions à vous présenter.
Le Président (M. Rioux): Mme Baril, allez.
Mme Baril (Geneviève): Merci. Bonjour, tout le monde. Heureuse d'être ici également. Donc, le premier point concerne le renforcement du caractère universel de la loi. Au chapitre du champ d'application de la loi, on est heureux de constater que les travailleurs agricoles, mais aussi les travailleurs, là... qu'on pense aux domestiques ainsi qu'aux gardiennes de personnes, sont maintenant, là, inclus dans la présente loi. Le CPJ désire préciser, par contre, qu'il faut inclure tous les travailleurs de ces corps d'emplois, peu importe leur âge. On fait cette précision-là suite à la proposition de l'UPA. Et, tout comme Au Bas de l'échelle, ce qu'on dit, c'est que nous, on est contre, par exemple, d'exclure les jeunes de moins de 18 ans, là, au salaire minimum. Pour nous, c'est clair, ces jeunes-là ont droit... Comme les adultes, ils ont droit au salaire minimum. Donc, premier élément.
Deuxième élément concernant le renforcement du caractère universel de la loi, l'accès aux indemnités relatives aux jours fériés. On accueille de façon très favorable cet recommandation-là. Nous osons espérer qu'elle fera l'unanimité, étant dictée par l'équité et la justice la plus élémentaire. C'est ce genre de principe là qu'on aimerait voir appliquer pour les travailleurs dits atypiques, c'est-à-dire l'accès à une indemnité, là, calculée au prorata des heures travaillées. On aimerait ça, voir ce principe-là... qu'il soit appliqué également concernant les avantages sociaux auxquels les travailleurs, là, dits atypiques ont peu accès et, pratiquement, là, dans plusieurs des cas, qu'ils n'y ont pas du tout accès.
Deuxième point au niveau de nos commentaires, conciliation du travail avec les responsabilités familiales et la vie personnelle. Le premier élément, c'est, bon, au niveau des absences pour raison familiale et pour cause de maladie. Évidemment, on accueille encore une fois de façon très favorable, là, ces deux initiatives-là. Par contre, on doit quand même noter les limites évidentes de la loi. Une personne qui n'a pas les moyens financiers de prendre ces congés-là parce qu'ils sont sans solde, c'est sûr qu'elle va avoir un choix à faire, donc subvenir à ses besoins ou d'aller aider un proche. Donc, c'est ça qu'on interroge quand même. Au Bas de l'échelle propose de rémunérer, au niveau des congés, là, pour les absences, là, pour raisons familiales... propose que soit rémunérée une des journées parmi les 10 qui pourraient être... Et nous, on appuie ça.
Autre chose, au niveau des congés parentaux, on est heureux de voir qu'il y a une harmonisation qui sera effectuée avec les différentes lois qui concernent ces congés-là.
Puis, on en profite également pour faire notre «pitch», là, sur les caisses d'assurance parentale, on incite évidemment le gouvernement du Québec de négocier avec le gouvernement fédéral là-dessus. Et, au cas que ça ne marche pas, bien on dit au gouvernement du Québec d'y aller de façon unilatérale et le plus rapidement possible.
Troisième point de commentaire, la protection des salariés: des propositions qui s'arrêtent à mi-chemin. Bon, premier point, au niveau de harcèlement psychologique, on est très heureux, là, que ce soit maintenant inclus. On croit que c'est une avancée majeure.
Concernant le temps de travail, pour ce qui est, bon, du droit de refus, du temps supplémentaire sur une base hebdomadaire, on trouve que, encore là, il y a eu des avancées intéressantes. Dans le document de consultation, on parlait de 60 heures et, dans le projet de loi, on parle de 50 heures, donc on... Nous, on proposait 44, mais, quand même, on va se rallier, on trouve que c'est une bonne avancée.
Par contre, au niveau du droit de refus sur une base quotidienne, là on a un plus gros bémol là-dessus. Ce qu'on dit, c'est que les propositions sont encore timides et loin du minimum acceptable pour protéger réellement le droit d'un travailleur de concilier, là, le travail et d'autres activités sans risquer un congédiement. C'est pourquoi, nous, on demande, là, on propose le droit de refus après 10 heures par jour de travail.
Puis, dans un autre ordre d'idées, pour lutter contre l'utilisation abusive du temps supplémentaire, le CPJ propose d'instaurer une journée normale de huit heures par jour, donc comme il est actuellement dans la loi, là, pour la semaine qui est basée sur 40 heures.
Troisième point, toujours dans la protection des salariés, le recours contre un congédiement sans cause juste et suffisante. Encore une fois ? on en avait parlé la dernière fois, on en parle encore aujourd'hui ? on demande, nous, que ce soit ramené à non pas à deux ans, mais à un an. On se dit bien qu'après un an, il me semble, l'employeur est capable de savoir si la personne fait l'affaire ou non, donc... Puis, il y a des petites statistiques assez intéressantes, là, le marché du travail actuel est caractérisé par une instabilité croissante. À cet égard, Statistique Canada a quand même des statistiques assez intéressantes là-dessus: 50 % des non-syndiqués n'ont pas trois ans de service continu, 41 % n'ont pas deux ans et 25 % n'ont pas un an, ce qui est quand même assez éloquent. Donc, dans ce contexte, nous, on croit que le gouvernement, là, doit ramener le congédiement sans cause juste et suffisante à un an.
Au niveau du salaire minimum, rapidement, le mécanisme d'indexation, on est tout à fait d'accord. On pense, par exemple, par contre, que ça devrait peut-être être inclus dans la Loi sur les normes du travail, que le mécanisme soit enchâssé.
Au niveau des nouveaux statuts d'emploi, ce qu'on dit, c'est que, bon, on appuie le projet de loi dans son ensemble, mais, d'un autre côté, si on veut, procéder à une révision qui se limiterait aux éléments avancés dans le cadre du projet de loi actuel représente un risque majeur, celui de repousser aux calendes grecques, comme le disait mon collègue tout à l'heure, une réforme globale sur les lois du travail qui a pourtant été promise de nombreuses fois par le gouvernement. Donc, à ce chapitre-là, bon, on interroge les faux travailleurs autonomes. Le recours qui a été institué est intéressant, mais, encore une fois, c'est défensif. Nous, ce qu'on veut, c'est une définition claire des faux travailleurs... de «salarié», finalement, puis des faux travailleurs autonomes.
Au niveau des agences de placement, ce qu'on demande, c'est une clarification des relations triangulaires entre l'agence, l'employeur et le salarié. Donc, à cet égard-là, on demande une définition claire au niveau de l'employeur.
Concernant l'égalité de traitement pour tous les travailleurs, ce qu'on demande, c'est que, au niveau de l'article 41.1, afin d'éviter, là, une disparité de traitement fondée uniquement sur le statut d'emploi... On demande donc d'élargir la définition de «salarié».
Garantir l'équité pour les avantages sociaux, bien, comme on vous le disait tout à l'heure, on voudrait que ce soit calculé au prorata des nombres d'heures travaillées.
Clauses orphelin, vous savez ce qu'on a à dire là-dessus.
Finalement, au niveau de la loi, bien, évidemment, si on a une loi, bien c'est important de la faire connaître puis c'est important aussi de lui donner les moyens. Donc, voilà.
Le Président (M. Rioux): Mme Baril, merci. Ça été fait avec efficacité, et...
M. Lebel (Patrick): On vous «pitche» ça en rafale, mais...
Le Président (M. Rioux): ...c'est admirable. M. le ministre.
M. Rochon: Merci, M. le Président. Je vais continuer sur la même lancée.
Le Président (M. Rioux): ...la minute que vous m'avez volée tout à l'heure?
M. Rochon: Trois points. Ha, ha, ha! Je vais essayer de vous la redonner, là. Non, vous me l'avez donnée, et je l'ai prise. Mais je vais essayer de vous rendre ça, là.
Bon, trois réactions. Je pense que, comme vous le dites, là, on se rejoint sur plus de points qu'on se sépare. Il y a plus de points où on se rejoint que des points où on n'est vraiment pas d'accord.
Bon, premièrement, la question des statuts d'emploi, je veux vous rassurer, on est allé le plus loin qu'on a pu, comme je l'avais annoncé lors de la consultation au printemps dernier. Et je pense que j'avais déjà dit à ce moment-là: On voudrait au moins se rendre au point d'être capable de ce que j'appelais stopper l'hémorragie, s'assurer qu'on met dans la loi, comme on avait fait dans le Code du travail, un moyen qui fait qu'on ne peut pas rendre autonomes des gens qui seraient des salariés, dans le fond, et qu'on ne continue pas à créer ce genre de problème.
Je peux vous confirmer que le groupe de travail a progressé selon son échéancier. Ils m'ont fait une présentation de leur rapport il y a une semaine ou 10 jours, ils sont après terminer les recommandations, qui vont être disponibles avant la fin... qui vont m'être remises avant la fin de l'année. Et, dès le début de l'an prochain, le rapport sera connu. On va le rendre public tout de suite de sorte que tout le monde puisse le voir, le lire, réagir. Et on verra même si on peut organiser, là, des rencontres, je ne sais pas, forums, séminaires ou quoi que ce soit, mais vraiment pour que la discussion autour de ces recommandations-là permette de cerner le plus vite possible une piste, parce que, comme vous le savez, ce n'est pas simple comme situation et c'est en pleine évolution encore. Mais je pense que, quand vous allez voir le rapport, là, vous allez partager l'impression que j'en ai eu, il y a un grand bout de chemin de fait par le travail qu'ont fait ces experts-là.
Et ça rejoint en plus la question de qu'est-ce qu'on fait vraiment pour les vrais autonomes ? c'est ça qui est la question ? en termes de protection sociale et de représentation. Ça rejoint aussi des questions incidentes comme les agences de placement. Alors là je pense qu'on va avoir le traitement complet. Et, déjà là, on peut voir que les actions qu'on voudra prendre, certaines pourront peut-être nous ramener à la Loi des normes du travail, mais d'autres, ça va peut-être être d'autres pistes qui vont être plus appropriées pour ça. Donc, on pourra vraiment avoir un traitement global là-dessus. Et, dans quelques mois, on va se revoir sûrement là-dessus.
Mon deuxième point, on prend bonne note, là, puis on écoute tout le monde pendant cette semaine. On va discuter la semaine prochaine avec tous les collègues de la commission pour voir jusqu'où on peut améliorer et peaufiner ce projet de loi là jusqu'à la fin, mais vous allez comprendre qu'on est obligé de garder... Il faut qu'on garde un équilibre. Vous savez qu'il y a différents points de vue. Il y en a qui vont très loin d'un côté, très loin de l'autre. Alors, sans nécessairement, là, être complètement des Salomon, il y a un équilibre qu'il faut garder. Il faut qu'on tienne compte des impacts financiers aussi, là, on en parle beaucoup. Il y a donc une progression, mais on va s'assurer... Moi, en tout cas, je vais tout faire pour que l'avancée qu'on fait soit significative et nous lance pour que ça continue, même si on ne peut pas faire tout le chemin qu'on voudrait dès maintenant.
n(21 h 10)n Finalement, quand vous nous parlez de trouver le moyen d'en finir avec l'harmonisation des différentes lois et que, si on ne s'entend pas avec Ottawa, qu'on le prenne à notre compte, ça, on est prêt à faire ça n'importe quand. Tout ce qu'il faut, c'est le moyen pour avoir notre argent pour être capable de le faire, et ça, on a une couple d'idées comment faire ça. Alors, si tout le monde s'entend là-dessus à un moment donné, dès qu'on peut récupérer notre argent, nous, on est prêt à agir, la loi est là. Il s'agit qu'on ait l'argent qui nous revient pour le faire. Merci.
Le Président (M. Rioux): Merci. Avez-vous des réactions suite aux commentaires du ministre?
M. Lebel (Patrick): En fait, peut-être rapidement, si vous me permettez, M. le Président, ça nous rassure peut-être un peu de savoir que, de ce que je comprends, dans le fond, les recommandations du groupe d'experts, il est encore possible ? qui ne sont peut-être pas peaufinées, là, à l'extrême limite ? il est possible qu'elles soient intégrées dans d'autres versions de la... bien, en fait, du projet de loi qui est...
M. Rochon: Pas dans le projet de loi actuel.
M. Lebel (Patrick): O.K. Ce sera d'autres véhicules, donc, ce que comprends.
M. Rochon: C'est ça. Parce que, pour faire ça, là, ça pourrait être possible, mais il faudrait retarder le projet de loi actuel d'une session. Et là, là, il faut vraiment se demander qu'est-ce qu'on est mieux, là... S'il manque un wagon au train, est-ce qu'on fait partir tout le train, puis l'autre, on le fera suivre après pour qu'il le rejoigne ou si on risque de tout attendre? Moi, j'ai carrément préconisé qu'il y en a assez là pour bouger tout de suite avec ça et quitte à revenir le plus rapidement possible pour compléter avec les autres, pas risquer de tout perdre.
Le Président (M. Rioux): C'est beau. Mme Baril.
Mme Baril (Geneviève): Si je peux me permettre, on comprend aussi que ça prendrait une réflexion, là, ça prendrait à la fois les normes du travail qui soient sur la table puis le Code. Ça, on le sait qu'actuellement, si on le fait de façon séparée, on ne pourrait pas régler ces questions de fond là. Par contre, le temps presse, puis on aimerait voir dès la session prochaine, là, peut-être des avancées, du moins, du gouvernement en cette matière.
M. Lebel (Patrick): Si vous me permettez, M. le Président, parce que la mutation du marché du travail dont on parle, là, cette accélération de la précarisation, elle va juste en croissant, là, il n'y a pas de... Effectivement, c'est en modification, mais c'est en modification vers de plus en plus de précarité et pas de ralentissement. Donc, ça commande une certaine urgence.
M. Rochon: On est d'accord là-dessus.
Le Président (M. Rioux): Bien. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci. D'abord, bienvenue à vous deux. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire. La première chose que je voudrais parler, c'est le travail atypique. Vous dites qu'un jeune sur deux occupe un emploi qui est atypique. J'aimerais savoir de votre part, si vous avez l'information, si vous enlevez les étudiants là-dessus, parce que les étudiants, souvent, travaillent à temps partiel à travers leurs études, etc., si on parle des jeunes qui sont sur le marché du travail en permanence, là. Parce que vous faites des comparaisons, je pense que vous dites à la page 2 que c'est un sur deux par rapport à un sur trois, je pense, sur l'ensemble des travailleurs. C'est-u ça? C'est ça, dans le reste de la population, cette proportion est à un sur trois. Ce serait quoi pour les jeunes qui sont vraiment des... qu'on peut appeler des travailleurs, là?
M. Lebel (Patrick): En fait, M. le Président, on n'a pas de chiffres exacts sur le nombre de travailleurs atypiques qui ne sont pas des étudiants, la question du député de Mont-Royal. Cependant, ce qu'on peut vous dire pour avoir des données par région où dans certaines régions il n'y a presque pas de centres éducatifs, c'est-à-dire que pour les jeunes qui ont plus de 16 ans, il n'y a pas d'institution d'enseignement, ces taux d'emplois atypiques là demeurent quand même très élevés. On n'a pas vu une région où le taux d'emplois atypiques pour les jeunes est moins de 40 %, et ça, même s'il n'y a pas d'établissement d'enseignement pour les plus de 16 ans dans cette région-là. Donc, ce n'est pas directement répondre à la question du député, mais ça donne une bonne idée que la précarisation du marché du travail, même pour les jeunes qui ne sont pas des étudiants, est très réelle, parce qu'il n'y pas de régions au Québec, même si elles n'ont pas d'établissement d'enseignement, qui sont en bas de 40 %, chez les 15-29 ans, de précarité en emploi, donc travailleurs atypiques, là, que ce soit, je le répète, temporaires, autonomes ou à temps partiel.
Le Président (M. Rioux): M. le député.
M. Tranchemontagne: En dépit du fait que vous nous dites que les jeunes sont dans le travail atypique et, donc, sont rémunérés à des taux ou des niveaux très bas, par contre, quand on regarde l'ensemble des statistiques au Québec, le taux de chômage chez les jeunes est d'une façon anormalement élevé. Comment vous expliquez ça? Est-ce que vous expliquez que les politiques du gouvernement ne sont pas bonnes? Comment... Tu sais, je veux dire, ils ont-u fait quelque chose au cours des huit dernières années pour vous autres, là? Tu sais, je veux dire...
Le Président (M. Rioux): M. Lebel.
M. Lebel (Patrick): Écoutez, effectivement, il y a un taux de chômage qui est élevé chez les jeunes. On parle, si je ne me trompe pas, là...
M. Tranchemontagne: Puis on ne vous paie pas cher.
M. Lebel (Patrick): En fait, paie pas cher, ça dépend beaucoup des régions, je vous dirais en soi, parce qu'il y a certaines... Pas payer cher, il faut le relier au coût de la vie. Et, dans certaines régions, les jeunes s'en tirent quand même très bien si on compare au coût de la vie. Ce que j'allais dire, c'est qu'en ce qui concerne le taux de chômage, qui est de 11,6 ou de 11,3, je ne m'en souviens pas exactement, là, pour les 15-29, dans ces eaux-là, effectivement, il est élevé. Nous, ce qu'on pense... En fait, une des craintes qu'on a ? et ça fait partie de toute la mutation du marché du travail dont on parlait ? c'est qu'il y ait une espèce de trop grande accélération de la spécialisation demandée dans certains emplois par rapport à l'adéquation qu'on peut avoir avec l'éducation qui est donnée, avec les formations qui sont disponibles. Ça touche notamment toute la question des formations techniques et professionnelles. Ça fait plusieurs années qu'on en parle qu'il faudrait que, bien, les jeunes ? en fait, les travailleurs en entier, là, mais, pour nous, c'est évidemment les jeunes qui nous concernent ? s'intéressent et soient formés dans ces métiers-là, parce qu'il y a beaucoup d'emplois disponibles, mais malheureusement il n'y a pas d'offre de main-d'oeuvre. Et ça, ça fait partie de la grande crainte qu'on a parce que c'est un élément de la mutation du marché du travail que vivent clairement les jeunes.
Vous savez, il y aura de plus en plus... En fait, il y aura de moins en moins de jeunes travailleurs pour de plus en plus de gens qui seront à la retraite. Et, ceci étant dit, on ne pense pas qu'il y aura une baisse significative du nombre d'emplois disponibles. Donc, logiquement, il y a plus d'offres d'emploi, moins de travailleurs, il devrait y avoir un taux de chômage moins élevé, sauf que ce que nous, on constate, ce qu'on craint, en fait, c'est qu'il y ait une espèce ? et je vais prendre un terme d'urbanisme, là ? de gentrification du marché du travail, en fait qu'il y ait une espèce de... C'est-à-dire qu'il y ait des emplois très spécialisés, qui demandent une grande qualification, qui ne sont pas faciles à obtenir parce qu'il n'y a quand même pas beaucoup de jeunes qui auront ces qualifications-là ou beaucoup d'emplois qui seront disponibles, là... parmi ceux qui sont disponibles qui seront des emplois techniques, professionnels, etc., où les jeunes seront peut-être trop qualifiés pour ces emplois-là ou, en tout cas, n'auront pas les qualifications pour ces emplois-là.
Ça fait qu'une espèce de... Pas de transformation, mais, disons, de modulation du marché du travail qui ferait en sorte qu'on va se ramasser avec des emplois disponibles, mais dans les extrémités, que ce soit très spécialisé ou technique et professionnel et non pas dans les emplois plus... Je ne sais pas comment le dire, mais réguliers peut-être. Puis ça, ça fait partie... En fait, selon nous, une des hypothèses pour expliquer un taux de chômage qui est grandissant chez les... bien, grandissant, qui est, à tout le moins, plus élevé que dans la population en général chez les jeunes travailleurs, ce problème d'adéquation entre l'enseignement, les formations offertes et les emplois disponibles, et ça n'ira qu'en accélérant selon nous.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député.
M. Tranchemontagne: Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire pour justement essayer d'équilibrer cette adéquation dont vous parlez entre l'offre et la demande, dans le fond, au niveau... Est-ce que, par exemple, au niveau universitaire, on devrait réadapter les cours en fonction des besoins dans l'entreprise ou, je ne sais pas... Qu'est-ce que vous suggérez?
M. Lebel (Patrick): Oui. Bien, c'est assez difficile à faire. Premièrement, c'est un exercice qui est difficile à faire s'il n'y a pas conscription, là. Je veux dire, de simplement... de savoir quels seront les emplois disponibles, c'est déjà une tâche ardue. De s'assurer qu'il y ait des gens dans ces formations-là pour combler les emplois, c'est encore plus compliqué. Et ce qu'on ne peut pas contrôler, à moins que ? c'est ça que je veux dire ? qu'il y ait conscription, c'est le fait que peut-être qu'il y a des jeunes qui vont changer d'idée dans le cours des choses, là, c'est-à-dire qu'ils ne souhaiteront pas occuper un emploi de ceux qui sont disponibles, là, dans les métiers disponibles. C'est sûr que toute la valorisation, en fait, la campagne... Ce n'est peut-être pas le bon terme, là, mais le vent de valorisation des métiers professionnels et techniques qui souffle actuellement, c'est fondamental selon nous. Ça, ça fait partie de la solution, parce que beaucoup des emplois qui seront disponibles, ce seront des emplois de ce niveau-là. Donc, ça, c'est clair qu'il faut continuer, il faut assurer l'accessibilité à ces formations-là. L'accessibilité, c'est, oui, financier ? en soi, ça ne va quand même pas si pire ? mais c'est aussi géographique, parce que ce sont souvent des emplois qui sont disponibles en région... Bien, souvent, c'est-à-dire qu'une une bonne partie de ces emplois-là sont disponibles en région, mais les centres de formation, malheureusement, parfois, se retrouvent ailleurs. Donc, je vais arrêter là.
Le Président (M. Rioux): Merci, M. Lebel. M. le député de Vimont.
M. Gaudreau: Bonsoir. Écoutez, on a eu plusieurs mémoires depuis hier. Certains ne parlaient que de harcèlement psychologique, et je vois que dans le vôtre il y a deux phrases qui disent: Bon, une avancée majeure. Il semblerait que ça touche beaucoup les femmes et beaucoup les immigrants. J'aimerais savoir, auprès des jeunes, si c'est une problématique.
Le Président (M. Rioux): Mme Baril.
Mme Baril (Geneviève): Je vais être franche avec nous...
M. Gaudreau: ...avec nous?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gaudreau: Bien, vous ne l'étiez pas tantôt?
Mme Baril (Geneviève): Je vais être franche avec vous, en fait, ce n'est pas notre créneau, le harcèlement. On appuie ça, mais on n'a pas d'expertise en tant que telle au Conseil là-dessus. Nous, c'est vraiment toute la question du travail atypique qu'on a voulu davantage miser, et là-dessus on savait que c'était une recommandation, depuis longtemps, qu'Au bas de l'échelle portait. On travaille souvent avec eux au niveau de ce dossier-là, puis on a jugé que le travail qui avait été fait par le groupe de travail, cet automne, avec Au bas de l'échelle puis le ministère avait donné des trucs qui étaient concluants.
Le Président (M. Rioux): M. Lebel.
n(21 h 20)nM. Lebel (Patrick): Oui, M. le Président. Cependant, ce qu'on sait ? mais on n'est pas en mesure d'établir de causalité, là, ça, on n'a pas fait l'étude ? c'est qu'il y a beaucoup de détresse psychologique chez les jeunes. Ça existe, beaucoup de problèmes de détresse psychologique élevée. Si je me souviens bien, pour les 15-29, le taux québécois moyen est de 28 % des jeunes qui, à un moment donné dans leur vie, lors de leur passage entre 15 et 29 ans, vont souffrir de détresse psychologique élevée. Évidemment, ce n'est pas direct comme causalité, là, mais il y a quand même beaucoup de jeunes qui souffrent de problèmes de nature psychologique.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci. M. le député de Vimont, ça va?
M. Gaudreau: Oui, oui, tout à fait.
Le Président (M. Rioux): Ah, très bien. Alors, M. Lebel et Mme Baril, merci beaucoup.
M. Lebel (Patrick): Merci beaucoup. Bonne fin de soirée.
Le Président (M. Rioux): On a fait le tour de la question quand même efficacement et rapidement, et je...
M. Lebel (Patrick): Ça nous fait plaisir. Et bonne fin de soirée, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Rioux): On est tout à fait heureux de tout ça. Merci beaucoup. Au revoir.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Rioux): M. Lévesque, bonsoir. Alors, on accueille l'Association québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées. Alors, M. Lévesque, vous êtes accompagné de deux autres personnes, vous allez nous les présenter.
Alliance québécoise des regroupements
régionaux pour l'intégration des personnes
handicapées (AQRIPH)
M. Lévesque (Pierre-Yves): Bonjour, tout le monde. Bonjour, M. le Président. On va essayer de respecter le 15 minutes. À cause de mon élocution, peut-être que ça va être un petit peu plus long. Avez-vous compris?
Le Président (M. Rioux): Oui.
M. Lévesque (Pierre-Yves): Qu'est-ce que j'ai dit?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Rioux): Vous trouvez que le 15 minutes est trop court.
Mme Gagnon (Francine): Non, il disait que, à cause de son élocution, peut-être que...
Le Président (M. Rioux): Oui, oui, oui, on a bien compris. Alors, M. Lévesque, allez.
M. Lévesque (Pierre-Yves): Madame...
Mme Gagnon (Francine): Oui, Francine Gagnon.
Le Président (M. Rioux): Alors, vous êtes Mme Gagnon, c'est ça?
Mme Gagnon (Francine): Oui.
Le Président (M. Rioux): Puis Mme Morin.
Mme Morin (Hélène): Hélène Morin, oui.
Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, qui présente le mémoire?
M. Lévesque (Pierre-Yves): Je vais commencer. ...une consultation. On est content d'être ici, ce soir, sauf que ça n'a pas été facile pour être ici, ce soir, parce que ça fait trois jours qu'on s'est fait inviter à la commission. ...on nous a demandé pourquoi... ...de se faire accepter à la commission...
Mme Gagnon (Francine): Oui, bien, Pierre-Yves dit qu'on avait produit un avis au mois de juin, on a été surpris de ne pas avoir été invité à la commission parlementaire, puis ça a été assez compliqué ces derniers jours pour être admis, mais que, dans le fond, il est bien content d'être ici, ce soir.
M. Lévesque (Pierre-Yves): ...on va parler du maintien à domicile...
Mme Gagnon (Francine): On va parler du maintien à domicile plus précisément et du travail des personnes handicapées, et d'autres dispositions.
M. Lévesque (Pierre-Yves): ...le projet de loi, on est content de voir... Puis on pense que nos recommandations... Sauf que quand... M. Rochon va nous donner des bonnes nouvelles puis il va nous dire que les personnes handicapées sont...
Mme Gagnon (Francine): Oui, c'est ça. C'est que Pierre-Yves dit que, quand il a lu le document du projet de loi, il était très heureux parce qu'on y parle des personnes handicapées. Sauf que, quand on lit l'article 3 ? puis on va y revenir tout à l'heure ? ce n'est pas clair pour nous autres que la personne handicapée, comme employeur, est assujettie aux normes du travail. Et on va y revenir tantôt.
M. Lévesque (Pierre-Yves): ...la parole à Francine qui va aller plus loin... Je vais revenir plus tard.
Mme Gagnon (Francine): Si ça ne vous dérange pas, je vais vous lire la partie qui concerne la personne handicapée comme employeur dans le court avis qu'on vous a présenté pour situer comme il faut pour tout le monde c'est quoi, un auxiliaire du chèque emploi-services, parce que ce n'est peut-être pas tout le monde qui est familier avec ce type d'employé.
O.K. À la page 3. Pour se maintenir à domicile, la personne handicapée a besoin de services d'aide physique, d'aide domestique et de soutien civique. Au Québec, selon les régions, ces services sont parfois rendus par les CLSC, mais le plus souvent ce sont les personnes handicapées elles-mêmes qui embauchent leur auxiliaire à l'aide de la formule chèque emploi-services. Le CLSC évalue d'abord les besoins de la personne et lui alloue un certain nombre d'heures de services. Afin que la personne handicapée puisse embaucher le personnel nécessaire pour lui rendre des services évalués comme requis par le CLSC, celui-ci dépose au Centre de traitement Desjardins le montant qu'il alloue pour le maintien à domicile de la personne évaluée. Celle-ci embauche son personnel, remplit régulièrement ce qui s'appelle le volet social, c'est-à-dire une fiche indiquant le nombre d'heures travaillées par son personnel pour une période donnée. Finalement, le tout est retourné au Centre de traitement Desjardins qui, lui, voit alors à rémunérer le personnel.
Lorsqu'on parle de maintien à domicile de personnes handicapées, on note des problèmes au niveau du recrutement des auxiliaires. En effet, selon les régions, ces personnes sont souvent rémunérées au salaire minimum et ont peu de protection sociale. Entre autres, ces personnes ne sont pas protégées par la Loi sur les normes du travail. Précisons cependant que, depuis janvier 2001, ces auxiliaires sont couverts par la CSST dans le volet maladies professionnelles.
Comme la Loi sur les normes du travail ne protège pas ces auxiliaires, ils n'ont donc pas droit aux jours fériés, aux congés sociaux et au temps supplémentaire. Si l'auxiliaire travaille un jour férié, il ne recevra pas de prime. De plus, ces auxiliaires n'ont pas de titre d'emploi officiel. Nous savons pertinemment que la non-reconnaissance de ces auxiliaires par la Loi sur les normes du travail est un frein au recrutement de ce type de personnel. En plus de se déplacer plusieurs fois par jour à petit salaire et avec peu de protection sociale, ils n'ont aucun recours en cas de congédiement.
n(21 h 30)n Dans nos revendications initiales, on dit que la Loi sur les normes du travail garantit des conditions de travail minimales à l'ensemble des travailleurs québécois. La loi s'applique à tout type d'employeur dont l'entreprise est de compétence provinciale, y compris au gouvernement, à ses ministères et à ses organismes.
En juin dernier, lors d'une préconsultation menée par le ministre Rochon, nous avons produit un avis dans lequel nous rappelions en détail les dispositions de différentes lois auxquelles sont assujettis les salariés du chèque emploi-services, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu, la CSST, l'assurance emploi et la Régie des rentes. Nous voulions alors attirer l'attention du ministre sur l'incongruité d'être assujettis à toutes les lois en même temps qu'exclus de celle sur les normes du travail. Nous demandions alors, avec tous les arguments pertinents, que les auxiliaires qui travaillent dans le cadre du chèque emploi-services soient reconnus par la loi en profitant des mêmes avantages que les autres travailleurs et que le titre d'emploi actuellement nommé «domestique» soit modifié par «auxiliaire» du chèque emploi-services.
Je passe à notre compréhension du projet de loi, puis vous allez voir où on a des craintes. Bon. Le 7 novembre est arrivé le projet de loi. Dans les notes explicatives émises lors de la présentation du projet de loi, on lit: «En ce qui concerne le champ d'application de la loi, il prévoit notamment que les normes du travail s'appliquent aux domestiques, sans égard au fait qu'ils résident ou non chez leur employeur. Il prévoit aussi leur application, sous réserve de la durée du travail, à tous les travailleurs agricoles de même qu'aux personnes qui assument la garde ou prennent soin d'un enfant, d'un malade, d'une personne handicapée ou d'une personne âgée, sauf si cette fonction est exercée de manière ponctuelle ou fondée uniquement sur une relation d'entraide familiale ou communautaire.» L'ancien texte de loi disait à leur égard: «La présente loi ne s'applique pas au salarié dont la fonction exclusive est d'assumer la garde ou de prendre soin...» Autrement dit, dans l'ancienne loi, ils étaient exclus. Par contre, dans la nouvelle loi, ce qu'on dit, on dit: «La présente loi ne s'applique pas, sauf si l'employeur poursuit au moyen de ce travail des fins lucratives, au salarié dont la fonction exclusive est d'assumer la garde ou de prendre soin d'un enfant, d'un malade, d'une personne handicapée ou d'une personne âgée...» Nous comprenons donc que le travail d'auxiliaires du chèque emploi-services consiste à assumer la garde ou prendre soin et qu'en ce sens la loi s'appliquerait dans leur cas.
Où il y a un problème, c'est dans la catégorie d'employeur. Les personnes handicapées entrent-elles dans la catégorie d'employeurs qui poursuivent au moyen de ce travail des fins lucratives? Il s'agit d'une condition pour l'assujettissement à laquelle elles ne semblent pas répondre. Devons-nous donc en conclure que les auxiliaires du chèque emploi-services ne seraient pas couverts par la nouvelle loi?
Ce que nous demandons ? on a un paquet de considérants ? nous demandons au ministre du Travail, M. Rochon, d'amender la loi de manière à ce que les auxiliaires du chèque emploi-services soient reconnus et couverts par la Loi sur les normes du travail. Nous lui demandons aussi d'éliminer la condition selon laquelle l'employeur doit poursuivre des fins lucratives, ce qui exclut les personnes handicapées comme employeurs reconnus par les CLSC en ce qui a trait à la formule du chèque emploi-services.
Mme Morin (Hélène): Et je vais poursuivre sur les personnes handicapées en emploi et les parents de... les familles de personnes handicapées par rapport aux responsabilités familiales. Je vais passer vite sur la question des responsabilités familiales parce que c'est plus le point sur la protection des salariés sur lequel on aimerait attirer votre attention.
Sur la question des absences pour raisons familiales, dans le texte, on parle de différentes personnes dont les familles peuvent avoir à s'occuper. On voudrait être sûr que, quand on parle de l'enfant, on parle aussi de l'enfant majeur parce que, dans le cas de familles de personnes handicapées, ça peut être un enfant majeur dont les personnes ont la charge.
On voudrait aussi que les 12 semaines au cours desquelles le salarié peut s'absenter pour des raisons familiales ne soient pas obligatoirement consécutives parce que, dans le cas des parents qui ont charge de personnes handicapées, l'obligation peut se présenter à différents moments durant une année.
Pour les absences pour cause de maladie ou d'accident, on aimerait qu'on inclue aussi là-dedans... peut-être que c'est nommé, que c'est inclus, mais on voudrait que ce soit nommé, qu'on parle des personnes qui ont droit à des absences de 26 semaines pour des contraintes qui sont liées à leurs limitations fonctionnelles. Je pense à la question des congés parentaux parce que c'est plus un souhait.
Je voudrais attirer votre attention sur la question des personnes qui sont en stage. Ces personnes-là sont en stage, sont souvent... ont une protection des centres de réadaptation dont elles dépendent. Les assurances des centres de réadaptation. Par contre, leurs conditions sont précaires, les travaux qu'elles exécutent font souvent partie de catégories d'emplois les moins payés et, de par leur situation de personnes handicapées, elles sont plus vulnérables et encore plus susceptibles d'être exploitées. On peut même parler qu'il y a une grande injustice dans le fait que des personnes sont en stage pendant plusieurs années, en fin de compte elles exécutent un travail, elles font une production et elles ne reçoivent pas de salaire pour le travail accompli.
Je voudrais attirer votre attention sur le rapport Pelletier qui a été produit en 1998, le rapport Pelletier sur l'intégration au travail des personnes handicapées soutenues par les établissements sociosanitaires, c'est-à-dire les centres de réadaptation. Ce rapport disait: «Le travail est encore essentiellement une forme de thérapie, un moyen de réadaptation et d'intégration, une forme de valorisation ou une occupation» pour ces stagiaires desservis par les centres de réadaptation. «Jamais, ou très rarement, le travail est-il un gagne-pain véritable. Jamais, ou très rarement, ces personnes reçoivent une rémunération qui leur permet de se sortir de l'assistance sociale. Jamais, ou très rarement, reçoivent-elles une rémunération équitable quant aux prestations fournies. Jamais, ou très rarement, ont-elles le statut de travailleur.» Et ça, ça concerne près de 10 000 personnes au Québec, du moins c'étaient les chiffres en 1998.
Il existe des programmes pour compenser le manque de productivité de ces personnes. Il existe, entre autres, le contrat d'intégration au travail, qu'on appelle communément le CIT, qui permet à plusieurs personnes handicapées d'avoir un statut de travailleur et à l'employeur d'être compensé pour le manque de productivité. Il serait souhaitable d'évaluer l'employabilité des personnes qui sont en stage dans la perspective de leur admissibilité à un contrat d'intégration au travail, comme cela a été fait dans la région de Montréal où 893 personnes qui présentent une déficience intellectuelle ont été évaluées pour leur admissibilité à un CIT. Ça, ça a été fait en 1999, il y a des rapports qui ont été déposés. Malheureusement, la suite de tout ça tarde, là, on a toujours un peu peur que les études, les rapports qui sont faits restent sur les tablettes.
Donc, notre souhait par rapport à ça, c'est qu'on reprenne la question du rapport Pelletier, qu'on le prenne vraiment en compte, et que la question des stages permanents, les gens qui sont en stages 10, 12 ans, qui n'ont pas de salaire, qui font pourtant une production, qui souvent sont exploités, que cette question-là soit prise en compte par le gouvernement, qu'on l'approfondisse puis qu'on trouve une solution à des situations qui, souvent, frisent l'exploitation.
Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Morin. M. Lévesque.
M. Lévesque (Pierre-Yves): En dernière page du mémoire... nos recommandations.
Mme Morin (Hélène): En dernière page du mémoire, il y a des recommandations.
Le Président (M. Rioux): Oui, il y a des recommandations.
M. Lévesque (Pierre-Yves): On va...
Mme Morin (Hélène): Vous voulez que je lise les recommandations?
M. Lévesque (Pierre-Yves): ...
Mme Morin (Hélène): Celle qui n'est pas inscrite à la dernière page, celle que je viens de soulever par rapport à la question des stages. Mais elle n'est pas écrite...
Le Président (M. Rioux): Oui, oui. O.K.
Mme Gagnon (Francine): Que le rapport Pelletier mériterait d'être pris en compte et la question des stages permanents devrait être approfondie pour trouver une solution valable à ces situations qui frisent l'exploitation.
Le Président (M. Rioux): Merci. Alors, M. le ministre.
M. Rochon: Bon. Bien, oui, M. le Président, merci beaucoup, on est content de vous retrouver. Et, à votre demande, M. Lévesque, je pense qu'on peut se partager des bonnes nouvelles, là, si je comprends bien vos questions. Et le projet de loi qu'on propose, on va essayer de clarifier un certain nombre de choses, là. Globalement, les recommandations que vous résumez, effectivement, dans la dernière page, je pense que le projet de loi donne ça, présentement, l'ensemble de vos recommandations. Bon.
Celle qui est la plus cruciale, là, la plus difficile à comprendre, qui est la question de la couverture des gens qui sont rémunérés par le chèque emploi-services et le statut conséquent de la personne handicapée comme employeur, la réponse, c'est oui, le projet de loi couvre ça.
C'est un peu difficile à comprendre, je vous le concède, là, parce que de la façon dont la loi est faite, à l'article 2, c'est que ça procède par exclusion, ça dit ce que ça exclut, ça ne dit pas ce que ça inclut. Et ce qui est exclu là, tout simplement, c'est, d'une part, quelqu'un qui serait vraiment... une entreprise à but lucratif, ça, c'est un autre monde, et l'article voulait surtout exclure des gens qui le font de façon qu'on a appelée ponctuelle et sur une base d'entraide familiale ou communautaire. Et ça, ça a voulu être une réponse à ceux qui nous disaient: Il y a quand même des réseaux d'entraide, là, qui sont souvent des gens de la famille proche ou éloignée, qui aident quelqu'un sans compensation ou selon une entente que les gens se font, qu'il y a quand même des limites d'aller intervenir jusque-là pour forcer, exemple typique, une grand-mère qui garde l'enfant de sa petite-fille... de la payer au salaire minimum. Bon.
n(21 h 40)n Alors, c'est ça qu'on avait voulu protéger: ce que les gens font entre eux, qui n'est pas vraiment un emploi mais qui est de l'entraide, on ne touche pas à ça. Quelqu'un qui est complètement à but lucratif, c'est une autre chose.
Mais votre situation à vous, n'étant ni l'une des deux, est incluse complètement. Donc, l'employeur et la personne handicapée et la personne avec le chèque emploi-services qui avait déjà certaines normes mais pas toutes les normes minimales, on va les avoir au complet présentement. Ça, là, vous allez trouver que c'est une bonne nouvelle.
Et l'ensemble de vos recommandations, je les regarde rapidement, je vérifie avec nos gens ici, et je pense que ce qu'on a mis rejoint ce que vous dites. Exemple, la question des 12 semaines de congé de maladie ou des 26 semaines pour cause de maladie ou d'accident, ça n'a pas besoin d'être consécutif. Quelqu'un peut, selon le besoin, en prendre deux, trois, et il retourne au travail. S'il y a un autre problème qui se présente, il peut en prendre d'autres; le maximum étant 12, pendant l'année, ou 26.
Alors, je pense que vous pouvez être rassuré. Je vous concède que ce n'est pas toujours évident quand on lit. Puis, d'ailleurs, si ce n'est pas facile à comprendre pour vous, là, on va s'assurer de voir si on ne peut pas améliorer la rédaction aussi pour qu'il n'y ait pas de risque de difficulté d'interprétation une fois qu'on aura adopté le projet de loi.
Alors, j'apprécie beaucoup que vous nous ayez suivis et je sais que M. Lévesque ne fait jamais rien à moitié, qu'il nous suit toujours pour bien s'assurer que les choses ont été faites et correctement. Je pense, dans ce cas-ci, qu'on se rejoint complètement.
Le Président (M. Rioux): M. Lévesque.
M. Lévesque (Pierre-Yves): J'ai quelques questions, M. le ministre, quelques questions faciles. Quelques petites questions faciles. J'ai quelques petites questions.
Mme Gagnon (Francine): J'ai quelques petites questions faciles.
M. Lévesque (Pierre-Yves): Pourquoi vous ne dites pas clairement que, si les personnes...
Mme Gagnon (Francine): Pourquoi ne pas dire clairement dans la loi que les auxiliaires du chèque emploi-services sont couverts?
M. Lévesque (Pierre-Yves): Ça va être plus facile pour tout le monde. Plus personne ne peut se poser ces questions. Ma deuxième question... Je vais toutes poser mes questions. Peut-être que ce sera plus facile. Qui va payer les cotisations?
Mme Gagnon (Francine): Qui va payer les cotisations? Parce que, quand un employeur est soumis aux normes du travail, il doit payer une cotisation annuelle.
M. Lévesque (Pierre-Yves): Ma deuxième question... J'avais deux autres questions, M. le ministre. J'avais deux autres questions... aux normes du travail, ça va coûter des sous. Est-ce qu'on va prendre ça dans le budget du maintien à domicile? Mais, si on prend ça dans le budget du maintien à domicile, on va couper... de services.
Mme Gagnon (Francine): C'est ça, parce que, si, effectivement, la personne handicapée est assujettie comme employeur, ça va coûter de l'argent supplémentaire. Pierre-Yves se demande si cet argent-là va être pris dans les budgets de maintien à domicile qui sont déjà insuffisants ou si ça va être pris ailleurs.
M. Lévesque (Pierre-Yves): On va avoir des problèmes. Ma dernière question: Si le projet de loi est adopté au mois de décembre ? ça va être accepté ? c'est quand que ça va être en vigueur? C'est-u le 1er janvier 2003 ou c'est plus tard?
Mme Gagnon (Francine): La dernière question, c'est une question d'impatience, c'est: Quand le projet de loi va être mis en application?
Le Président (M. Rioux): Bien. Alors, M. le ministre.
M. Rochon: Là, il y avait quatre questions, puis j'en ai peut-être manqué une, là. Bon, il y a peut-être... vous allez m'aider, peut-être, pour identifier une question, je pense que j'en ai échappé une.
Mais la première question que vous posez, là: Pourquoi on ne peut pas écrire de façon plus claire, en fait, plus directe? Ça, comme je vous dis, on va y travailler. Ça sert à ça, la commission parlementaire, quand on a fait le projet de loi, de s'assurer, selon les réactions et les commentaires qui nous sont faits, de voir comment on peut clarifier le langage pour s'assurer qu'il n'y ait pas de problème d'interprétation. Maintenant, il faut comprendre que l'approche, aussi, de préparation d'un projet de loi, éventuellement d'une loi, on veut essayer d'avoir des formulations qui sont le plus englobantes possible pour l'ensemble d'une réalité. Et, si on couvre, par exemple, l'ensemble de la situation des gardiens et gardiennes de personnes et qu'on ne fait pas d'exclusion, ça veut dire que ça va couvrir aussi des situations particulières, comme des personnes handicapées, sans qu'on ait besoin de le dire. Mais on prend bonne note de cette question et on va relire avec un oeil très critique sur la base des commentaires qui nous sont faits par vous et par d'autres groupes aussi sur différents articles et tenter d'améliorer, quand ce sera possible, la rédaction pour que ce soit bien compréhensible.
La question de l'assujettissement à la cotisation, il est prévu clairement que, dans ce cas, les personnes ne sont pas assujetties à la cotisation. Donc, il n'y a personne qui va avoir à la payer à nulle part. Ce n'est pas...
M. Lévesque (Pierre-Yves): Comme la CSST.
Mme Gagnon (Francine): Comme la CSST?
M. Rochon: Oui, c'est ça. La troisième question, je pense, je l'ai échappée, celle-là. C'était... Seriez-vous gentil de la répéter?
M. Lévesque (Pierre-Yves): ...
Mme Gagnon (Francine): Veux-tu que je la répète, Pierre-Yves?
M. Lévesque (Pierre-Yves): Envoye donc!
Mme Gagnon (Francine): C'est parce qu'il y avait des coûts supplémentaires qui sont reliés au fait que des employés du chèque emploi-services seraient protégés par les normes du travail, exemple, bon, le temps supplémentaire, les congés fériés, tout ça. Puis Pierre-Yves se demandait si des coûts supplémentaires seraient pris dans les budgets de maintien à domicile ou ailleurs, parce que les budgets de maintien à domicile présentement sont insuffisants. Donc, ce que Pierre-Yves disait, c'est qu'il risque de se couper des heures, là, si l'argent est pris dans les budgets de maintien à domicile.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le ministre.
M. Rochon: Bon. La réponse à ça, c'est que c'est un ajustement qu'on doit faire avec le programme du chèque emploi-services. L'impact a été évalué. On me rappelle que c'est de l'ordre d'à peu près un million qui doit être un réajustement à faire. Alors, dans l'ensemble du budget de ce secteur, ça ne devrait pas être impossible de trouver un million, et on travaille là-dessus. On est conscient que ça ne devrait pas être imposé ou vouloir dire qu'il y a une perte de disponibilité financière pour les gens. Il faut que ce soit rajouté au programme, et on travaille là-dessus présentement.
Dernière question: Quand le projet de loi va être adopté? Nous, on souhaite le plus tôt possible et, si nos amis de la commission sont d'accord, ça peut se faire avant les Fêtes.
M. Lévesque (Pierre-Yves): J'ai dit...
M. Rochon: Ah bon! Quand il va être en vigueur? Pour la plupart des articles, là, sauf celui de la question, comme vous avez vu, des gardiennes, là, où on se donne un peu de temps pour faire l'ajustement, je pense qu'à peu près tous les articles de ce projet de loi là seraient en vigueur au moment de leur adoption.
M. Lévesque (Pierre-Yves): ...
Mme Gagnon (Francine): Même celle concernant les auxiliaires du chèque emploi-services? C'est ça, sa question, si ce sera en vigueur immédiatement aussi.
M. Rochon: Même celle-là, oui, oui, oui. Absolument.
Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: M. le Président, deux questions. La première, puis on va faire une à la fois, la première est: J'aimerais qu'on parle quelques instants de la personne handicapée mais comme donneur d'ouvrage, comme employeur. Est-ce que le fait que, par exemple, le salaire minimum soit haussé à 7,20 $ et, prochainement, à 7,30 $, si ma mémoire me sert bien, est-ce que ça crée un problème pour certaines personnes handicapées et est-ce que vous avez des recours ou des aides financières pour vous aider à compenser les travailleurs qui travaillent pour vous, enfin, dont vous dépendez si vous êtes une personne handicapée?
n(21 h 50)nMme Gagnon (Francine): Je vous rappellerais, M. le député, que l'allocation est donnée par le CLSC. Et d'un CLSC à l'autre, d'un bout à l'autre de la province, l'allocation n'est pas la même. Le salaire minimum, c'est vraiment ce que peut gagner minimalement l'auxiliaire du chèque emploi-services.
Mais, dans certaines régions, il y a certains CLSC où le salaire est un peu plus élevé, et c'est à la discrétion des régies régionales de fixer dans sa région le taux qui va être consenti pour les auxiliaires du chèque emploi-services. Donc, ça peut être variable d'une région à l'autre et l'argent est donné par le CLSC en conséquence de l'enveloppe de maintien à domicile qu'elle reçoit pour les personnes handicapées, au taux fixé par la régie de son territoire.
M. Tranchemontagne: Alors, le taux est fixé... Vous nous dites que la compensation est fixée par le CLSC, dépendant de...
Mme Gagnon (Francine): C'est-à-dire que le CLSC évalue les besoins de la personne. Exemple: elle va évaluer que monsieur X a besoin de 30 heures par semaine. Si, dans son territoire, le salaire est à 8,50, ça va être 30 fois 8,50 par semaine. Ce 8,50 là est déterminé par les régies régionales selon les priorités qu'elles se font régionalement puis selon les besoins dont elles disposent.
M. Tranchemontagne: O.K.
M. Lévesque (Pierre-Yves): Pour compléter, on demande surtout à ce niveau-là... 12,67 pour tout le monde...
Mme Gagnon (Francine): Pierre-Yves me rappelle que les revendications du milieu associatif, c'est que le taux horaire soit de 12,67, incluant la part de l'employeur pour tout le monde partout au Québec. Mais ça, c'est un autre combat. Ha, ha, ha! C'est un autre combat.
M. Tranchemontagne: C'est un autre sujet.
M. Lévesque (Pierre-Yves): Je le disais pour compléter.
M. Tranchemontagne: O.K. Ma deuxième question est au niveau de l'intégration au travail de la personne handicapée. Vous dites: Jamais, ou très rarement, le travail est-il un gagne-pain véritable. Pourriez-vous m'expliquer, pour que je comprenne clairement, pourquoi ce n'est jamais un gagne-pain véritable?
Mme Morin (Hélène): Ça, c'est dans le cas des stages en particulier. Les stages, c'est les gens qui sont, mettons... c'est des prestataires de la sécurité du revenu qui sont placés dans des stages par les centres de réadaptation. C'est en particulier, ça, en déficience intellectuelle, c'est les services qu'ils donnent, bon... Les centres de réadaptation donnent des services à ces personnes-là, ils les placent dans des lieux. Ces gens-là ont une allocation de fréquentation pour venir compenser, mettons, pour le travail qu'elles font. Cette allocation-là, elle est de l'ordre d'à peu près... un maximum de 95 $ par mois.
Alors, si on regarde, c'est des prestataires de la sécurité du revenu, souvent, ce qu'on appelle des gens avec des contraintes sévères, donc des gens qui peuvent recevoir à peu près 770, 777... 776, je crois, par mois, plus leur allocation de fréquentation. Mais ces gens-là, ils font une production, mais ce n'est pas un salaire qu'ils reçoivent, ils demeurent prestataires de la sécurité du revenu. Et il y a des gens qui sont dans cette situation-là, qu'on appelle des stagiaires, qui sont là-dedans depuis huit, neuf ans. Il y a quelque chose, il y a une aberration.
D'ailleurs, quand le rapport Pelletier a été fait, en 1998, c'était pour étudier cette situation-là parce qu'il y avait même un risque de recours collectif. Et puis, bon, je pense que ça a été un peu arrêté, toute cette démarche-là, mais il y a vraiment des gens qui, dans cette situation-là, se considèrent exploités parce qu'ils fournissent une production.
Donc, nous, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait une étude de faite, c'est qu'on se penche sur la situation des personnes en stage. Peut-être qu'il y a des gens à qui ça convient de rester en stage, mais il y en a qui sont peut-être capables de travailler et que ça demanderait peut-être un effort supplémentaire pour les intégrer en emploi avec la subvention qu'on appelle le contrat d'intégration au travail, qui était auparavant géré par l'OPHQ et qui est maintenant géré par Emploi-Québec.
Alors, dans le fond, ce qu'on demande, c'est de porter une attention à cette situation-là parce qu'il y a quelque chose qui n'a pas de bon sens, que des gens soient en stage permanent. Il y a quelque chose qui est contradictoire avec l'idée même de stage, alors que les stages, c'est des moments, mettons, pour permettre à une personne de s'améliorer et éventuellement, si possible, de passer à un emploi, ou peut-être même à un CTA, un centre de travail adapté. Mais, bon, ce n'est pas tout à fait ça qui se produit en ce moment, ce qui fait que, dans l'analyse qui a été faite en 1998, ça soulevait le cas de 10 000 personnes au Québec qui étaient dans des stages à très long terme.
C'est pour ça que je vous dis, là, que ça ne concerne pas... Il y a des gens handicapés qui se retrouvent dans des emplois réguliers avec un contrat d'intégration au travail. Mais il y a un nombre de personnes pour qui c'est comme le stage à perpétuité. Il n'y a comme pas d'autres perspectives. Et, nous, ce qu'on dit, c'est que, vu que ces personnes-là, elles produisent, elles produisent peut-être moins que d'autres personnes, mais vu qu'elles produisent, elles méritent d'être salariées puis elles méritent d'avoir une protection aussi; pas juste la question des assurances d'un centre de réadaptation. Mais, dans les conditions actuelles, c'est ça qui se passe.
M. Tranchemontagne: Merci.
Mme Morin (Hélène): C'est une situation complexe effectivement. D'ailleurs, quand le rapport Pelletier est sorti, ça a fait sauter un peu tout le monde de la réadaptation. Ça a fait sauter même le ministère, je crois. Pourtant, c'était une commande qui venait de l'Office, ce rapport-là. Mais il a été comme un peu éteint, ce rapport-là. Puis, nous, on aimerait ça que, dans la perspective de changer la situation de ces personnes-là, on réactive un peu les conclusions qu'il y avait dans le rapport Pelletier qui était... qui dénonçait vraiment la situation d'exploitation qui était faite à l'endroit de ces gens-là, je le répète encore, des gens qui travaillent, qui font une production mais qui n'ont pas de salaire, qui demeurent, pour le restant de leurs jours, des prestataires de la sécurité du revenu. Ce n'est pas des prestataires comme les autres, hein. C'est des gens pour qui... c'est comme si la possibilité de s'en sortir n'existait pas. Et on pense qu'il devrait y avoir des efforts de faits pour cette clientèle-là.
M. Tranchemontagne: Merci pour votre réponse. Deux questions que votre réponse suscite. Vous avez parlé d'environ 10 000 personnes, possiblement, qui sont de cette catégorie de stagiaires, entre guillemets, là. Sur les 10 000, en proportion ou en pourcentage, auriez-vous à peu près un estimé à me dire? Combien pourraient sortir du stage, de l'état de stagiaire? Premièrement.
Et deuxièmement, ce serait quoi, votre recommandation au niveau de sortir cette personne-là, au niveau de ses besoins? Comment on devrait la rémunérer, cette personne-là? Parce que vous avez parlé aussi que sa productivité, c'est une productivité qui n'est quand même pas au niveau de quelqu'un qui n'est pas handicapé, là. Mais comment on pourrait faire pour justement reconnaître que ces gens-là en sont sortis puis veulent travailler, veulent être rémunérés, veulent avoir la dignité d'avoir un emploi et un salaire, aussi, décent?
Mme Morin (Hélène): Bien, d'ailleurs, ce que vous dites, M. le député, la question de la volonté d'être reconnu comme un travailleur, c'était soulevé dans le rapport que plusieurs de ces personnes-là qui avaient été rencontrées disaient que leur grand rêve, c'était d'être un vrai travailleur...
M. Tranchemontagne: De s'en sortir.
Mme Morin (Hélène): ...d'être sur une liste de paie au même titre que n'importe quel individu dans la société.
Rapidement, les chiffres que je peux vous donner... Dans l'étude qui a été faite à Montréal, on s'était rendu compte qu'il y avait près de 10 % de ces gens-là, ils étaient à peu près 900, qui pouvaient avoir accès à un travail à court terme. À moyen terme, c'est sûr que ça augmentait ? là, je n'ai pas ces chiffres-là avec moi ? mais c'était quand même facilement 10 % à court terme.
Et c'est vrai, ce que vous dites, ces gens-là ont une production moindre, mais il existe un programme, qui s'appelle le contrat d'intégration au travail, qui vient compenser pour le manque de productivité, donc le manque à gagner de l'employeur. Mais c'est certain que, je pense, ce dont on s'est rendu compte, c'est que le fait de transformer les prestations de la sécurité du revenu, de les transformer en contrats d'intégration au travail, ça implique des coûts peut-être un petit peu supplémentaires. Mais, par contre, ça donne à cette personne-là un statut de travailleur, ça lui donne une dignité. Ça le rend aussi quelqu'un qui fonctionne dans la société. Moi, je pense que ces gens-là ont droit au moins à tenter l'expérience.
Ce qu'on demandait aussi, c'est que, si l'expérience s'avère négative, ils puissent retourner facilement à la sécurité du revenu sans tout un processus à n'en plus finir, là. Mais il y a des possibilités, puis je pense que c'est de retourner sur l'étude du rapport Pelletier puis de voir le travail qui a été fait, dans la région de Montréal, autour de 900 personnes, de voir les conclusions qui ont été faites. Et il y a des exemples concrets qui ont été donnés comment on peut aider ces gens-là, des nouvelles façons de travailler, entre autres, comment on peut aider ces gens-là à intégrer le marché du travail avec, naturellement, un soutien. Mais il me semble que c'est de leur donner quelque chose qu'ils souhaiteraient avoir, c'est de leur donner une dignité.
M. Tranchemontagne: Merci beaucoup, madame.
n(22 heures)nLe Président (M. Rioux): Le rapport Pelletier avait été commandé par l'Office?
Mme Morin (Hélène): Oui. Il avait été commandé par M. Lazure à ce moment-là, oui.
Le Président (M. Rioux): Et l'Office n'en a pas fait la promotion?
Mme Morin (Hélène): Comment je vous dirais? Oui, l'Office en a fait la promotion à un certain moment donné, mais je crois qu'il a été étouffé à quelque part. Où? Je ne le sais pas, mais c'est clair que ce rapport-là... Il y a eu un comité interministériel qui a été mis sur pied pour toute la question des suivis des transferts des programmes. Ce comité-là existe encore, c'est Emploi et Solidarité, Santé et Services sociaux et l'OPHQ. Il était supposé d'avoir là-dedans aussi, dans les objectifs, la question du suivi du rapport Pelletier, mais il y a quelque chose qui bloque à quelque part. On pense qu'il y a une question de coûts là-dedans.
Le Président (M. Rioux): Il nous reste une couple de minutes du côté ministériel. Alors, M. le ministre, vous aviez des informations à communiquer au groupe avec qu'on se quitte.
M. Rochon: Je veux préciser ma réponse parce que j'ai répondu de façon très globale sur la question d'entrée en vigueur, puis je ne veux pas vous laisser sur une information incomplète.
Il y a trois éléments dans l'entrée en vigueur. De façon générale, les articles qui sont là vont être en vigueur, j'ai dit, dès l'adoption de la loi, ça veut dire qu'il faut se donner un délai de deux, trois mois parce qu'il y a un certain nombre de procédures administratives à faire pour être sûr que ça fonctionne, donc c'est virtuellement au moment de l'approbation. Vous voyez, le dernier article dit: «La présente loi entre en vigueur à la date ou aux dates fixées par le gouvernement.» On précisera peut-être plus cet article-là pour être sûr que l'intention est claire. L'intention, c'est que l'ensemble des articles soit en vigueur dès qu'on a fait les préparations ou qu'on a terminé. Dans certains cas, c'est peut-être même déjà commencé, les préparations administratives, ce qui veut dire un délai d'à peu près trois mois.
Il y a la question du harcèlement psychologique, qui va demander un délai un peu plus long, qu'on essaie de préciser présentement, et pour la question de préparation aussi. On ne peut pas commencer à appliquer ça avant d'être sûr que les programmes de soutien, les programmes d'information, que les gens aient eu la formation, que les deux commissions, la Commission des normes et la Commission des relations de travail, aient leur personnel en place, formé, et le reste. Autrement, si on part ça puis que tout n'est pas préparé, ça va accrocher. Donc, ça, on parle de quelque chose ? il faut être réaliste ? de l'ordre d'à peu près un an, et on veut s'assurer d'être capable de le baliser correctement pour partir.
Et finalement, vous avez vu que, dans la loi, il y a déjà de précisé que, pour les gardiens et les gardiennes de personnes, la couverture complète pour les gens va être dans un an. Ça, c'est en vigueur tout de suite, mais la loi prévoit un délai d'un an. Ce qui veut dire que, pour les gens du chèque emploi-services, eux, ils ont déjà à peu près l'ensemble des normes. Ils ont déjà le salaire minimum, il leur reste les congés fériés, et c'est ça qu'ils vont avoir de plus, qui va être rajouté dans un an. Mais ça, c'est déjà prévu dans la loi. La date va déjà être là, et ça va devenir effectif dans un an.
Alors là je vous donne la réponse complète. L'ensemble, c'est trois mois; le harcèlement, ça va être quelque chose de l'ordre d'à peu près un an; et la loi prévoit déjà, tel que c'est rédigé, qu'un an après l'adoption commence la couverture pour l'ensemble des normes du travail, sauf le salaire minimum pour les gardiens et les gardiennes. Mais, dans votre cas, ils l'ont déjà, le salaire minimum, les gens, avec le chèque emploi-services. Donc, en pratique, ils vont avoir une couverture complète dans un an. Là, je vous donne vraiment l'histoire au complet.
Le Président (M. Rioux): M. Lévesque, vous avez le dernier mot.
M. Lévesque (Pierre-Yves): Oui?
Le Président (M. Rioux): Yes.
M. Lévesque (Pierre-Yves): ...le dernier mot. Je vous remercie de nous avoir... Je vous remercie de nous avoir invités. Bonjour.
Le Président (M. Rioux): Merci. Merci beaucoup, M. Lévesque. Merci, Mme Gagnon et Mme Morin. Merci. Alors, moi, j'ajourne les travaux de la commission à demain, après la période des questions.
(Fin de la séance à 22 h 5)